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Full text of "Actes et délibérations du premier Congrès catholique canadien français tenu à Québec les 25, 26, et 27 juin 1880 [microforme] : annuaire no 3 du Cercle catholique de Québec, 1879-80"

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ACTES  ET 'DELIBER/TIOHS 


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TENU  A  QUÉBEC 


LES  25,  26  ET  27  JUIN  1880 


ANÎ(UA11[E  NO  3  DU  CEljCLE  CATHOLIQUE  DE  QUEBEC 


1879-80 


MONTREAL 

EUSÈBE  SÉNÉGAL,  IMPRIMEUR  -  ÉDITEUR 

Rue  Sl-Vincenl,  Nos  6,  S  et  10 

1880 


Imprimatur 

•^  E.  A.  Archpus  Quebecen- 


Le  Comité  de  direction  du  Cercle  catholique  de 
Québec  a  entrepris  la  tâche  de  faire  publier  les  dis- 
cours prononcés  en  séance  solennelle,  et  les  rapports 
présentés  aux  divers  bureaux  ou  commissions  du 
Congrès.  Cette  succession  que  le  Comité  a  re- 
cueillie si  volontiers  de  messieurs  les  organisateurs 
du  Congrès,  tous  membres  du  Cercle,  ne  laissait  pas 
que  de  renfermer  bien  des  difficultés  ;  néanmoins,  le 
Comité  a  pu,  à  force  de  persévérance,  se  procurer  tous 
les  documents  relatifs  au  premier  Congrès  catholique 
franco-canadien,  et  les  mettre  en  bon  ordre  avant  de 
les  livrer  à  l'impression. 

Cet  ouvrage  comprend  donc  les  discours  remar- 
quables prononcés  dans  les  deux  séances  solennelles 
du  Congrès,  et  les  nombreux  rapports  soumis  à  la 
considération  des  bureaux.  A  part  les  discours  de 
M.  le  comte  de  Foucault,  et  de  M.  le  juge  Routhier, 
qui  ont  déjà  eu  l'honneur  de  la  publication,  tous  les 
autres  travaux  ci-inclus  sont  inédits. 

Les  bureaux  ont  fait  une  œuvre  plus  humble,  mais 
il  est  loisible  de  croire  qu'elle  sera  profitable  à  tous 
ceux  qui  feront  la  lecture  des  rapports,  tant  à  cause  de 
la  variété  des  sujets  qu'ils  traitent,  que  de  leur  im- 
portance. 

Cet  ouvrage  contient  encore  toutes  les  lettres 
d'adhésion  au  Congrès  :  de  la  France,  de  l'Italie,  de 


l'Espagne,  du  Portugal,  de  la  Hollande,  de  la  Prusse, 
de  l'Ile  Maurice,  des  Etats-Unis,  et  du  Canada.  Ces 
lettres  résument  bien  le  caractère  de  fraternité  qui 
doit  unir  toutes  les  associations  catholiques  entre 
elles,  et  on  se  rappelle  encore  les  applaudissements 
qu'a  soulevés  la  lecture  d'un  certain  nombre  de  ces 
écrits,  chefs-d'œuvre  de  délicatesse  de  sentiments,  de 
pensées  et  de  style. 

Quelques  journaux  de  France,  des  Etats-Unis  et 
du  Canada  ayant  manifesté  ouvertement  leur  sympa- 
thie au  Congrès  catholique,  il  n'était  que  juste  de 
reproduire  dans  cet  ouvrage  les  correspondances  et 
autres  écrits  publiés  dans  leurs  colonnes. 

L'ouvrage  se  termine  enfin  par  le  compte  rendu 
des  opérations  du  Cercle  catholique  de  Québec  pour 
l'année  expirée  le  26  juin  1880.  On  y  trouvera  la 
liste  de  ses  membres,  les  rapports  du  Comité  de 
direction  et  des  sous-œuvres,  etc. 

Puisse  ce  livre  faire  tout  le  bien  attendu  par  ceux 
qui  ont  organisé  ce  Congrès  au  prix  de  tant  de 
labeurs  et  de  sacrifices  de  tous  genres,  et  par  le 
Comité  de  direction  du  Cercle  catholique  de  Québec, 
qui  a  eu  l'heureux  inspiration  de  montrer  son  dévoue- 
ment à  la  cause  nationale  en  prenant  l'initiative  de 
cette  grande  fête  de  la  religion  ! 


LE  COMITÉ  D'ORGANISATION 

DU  COpÈS  CATHOLIQUE  DE  QUEBEC. 


I.— OFFICIERS  : 

PRÉSIDENT  HONORAIRE  : 
Sa  Grandeur  Mgr  E.  A.  Tasghereau,  archevêque  de  Québec. 
VICE-PRÉSIDENTS  HONORAIRES  : 

Mgr  g.  F.  Gazeau,  prélat  domestique  de  Sa  Sainteté  ;  vicaire- 
général  ;  chanoine  honoraire  d'Aquin. 

M.  l'abbé  F.  X.  GossELiN,  curé  de  St-Roch  de  Québec  ;  visi- 
teur du  Cercle  catholique  de  Québec. 

PRÉSIDENT  ACTIF  : 

L'honorable  M.  A.  B.  Routhier,  Commandeur  de  l'ordre  de 
St.  Grégoire-le-Grand  ;  juge  de  la  cour  supérieure  ;  docteur  es 
lettres  de  rUniversité-Laval.  . 

VICE-PRÉSIDENTS  ACTIFS  :  ^  - 

L'honorable  M.  GédéOxN  Ouimet,  surintendant  de  l'Instruc- 
tion publique  ;  Officier  de  l'Instruction  publique  de  France. 

M.  Clément  Vincelette,  Chevalier  de  l'ordre  de  St-Sylvestre; 
président  du  Cercle  catholique  de  Québec. 

SECRÉTAIRES  CORRESPONDANTS  : 

M.  Ernest  Gagnon,  secrétaire  du  département  de  l'Agricul- 
ture et  des  Travaux  publics. 

M.  C.  L  Samson,  médecin  ;  membre  du  Conseil  municipal  de 
Québec. 

SECRÉTAIRE  ARCHIVISTE  : 

M.  N.  E.  Dionne,  docteur  en  médecine  de  l'Université-Laval, 
rédacteur  en  chef  du  Courrier  du  Canada. 

TRÉSORIER: 
M.  J.  A.  Langlais,  libraire-éditeur. 


6        PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

ASSISTANT  TRÉSORIER  : 

M.  C.  A.  Vallée,  Chevalier  de  Tordre  de  Sl-Grégoire-le- 
Grand  ;  président  de  l'Uiiion-AUet  des  ex-Zouaves  pontificaux 

IL— MEMBRES: 

M.  G.  M.  MuiR,  Commandeur  de  l'ordre  de  St-Grégoire-le- 
Grand  et  Chevalier  de  l'ordre  de  Pie  IX  ;  président  général  de 
la  société  St-Vincent-de-Paul  du  Canada. 

M.  J.  E.  Landry,  médecin  ;  professeur  à  l'Université-Laval. 

M.  E.  A.  Déry,  juge  de  la  cour  du  Recorder. 

M.  J,  B.  Renaud,  négociant. 

M.  A.  Hamel,  rentier. 

M.  F.  Kérouac,  maire  de  St-Sauveur. 

M.  A.  LeMoine,  notaire. 

M.  J.  G.  Bossé,  avocat. 

M.  F.  E.  Hamel,  négociant. 

M.  Cyrille  Tessier,  notaire. 

M.  Pierre  MacKay,  avocat. 

M.  R.  P.  Vallée,  député  à  la  Chambre  des  Communes. 

M.  J.  B.  Cloutier,  professeur  à  l'Ecole  normale-Laval. 

M.  J.  P.  Tardivel,  rédacteur  du  Canadien. 

M.  Alfred  Cloutier,  avocat. 

M.  Victor  Livernois,  avocat. 

M.  A.  R  heaume,  négociant. 

M.  P.  Brunet,  négociant.  • 


/DRESSE  DU  CONGI[ÈS  CATHOLIQUE 


SA  SAINTETÉ  LÉON  XIII. 


Très-Saint  Père, 

La  célébration  solennelle  de  la  fête  nationale  des  Canadiens- 
français  à  Québec,  a  fourni  au  Cercle  catholique  de  cette  ville 
l'heureuse  opportunité  de  réunir  en  un  Congrès  les  sociétés- 
sœurs  et  les  cercles  alTiliés  de  la  Confédération  du  Canada  et 
des  Etats-Unis  d'Amérique. 

Réunis  autour  du  vénérable  archevêque  de  Québec,  leur 
président  d'honneur,  et  des  autres  évoques  de  la  province,  ces 
associations  ont  voulu,  en  ce  jour  mémorable  où  toute  la 
nation  canadienne-française  chôme  sa  fête  nationale,  offrir 
aux  œuvres  catholiques  une  occasion  de  s'afTirmer,  de  faire 
connaître  leur  situation  et  les  moyens  d'étendre  leur  action 
bienfaisante.  Elles  espèrent  par  là  nouer  tiitre  elles  des  rap- 
ports d'amitié  plus  suivis. 

Des  adhésions  nombreuses  sont  venues  réchauffer  notre  zèle 
à  jeter  les  bases  de  ce  Congrès  catholique.  Nos  frères  d'Italie, 
de  France,  de  Belgique  et  même  de  l'île  Maurice,  nous  ont 
envoyé  des  témoignages  de  la  plus  pure  fraternité.  Deux 
illustres  fils  de  la  France  catholique,  la  belle  patrie  de  nos 
père.s,  ont  traversé  l'Atlantique  pour  venir  serrer  la  main  de 
leurs  frères  du  Canada,  et  apporter  à  ce  Congrès  les  lumières 
de  leur  vaste  science  et  l'exemple  de  leur  dévouement  à  la 
grande  cause  catholique. 

Français  et  Canadiens,  tous  fils  dévoués  de  la  Sainte-Eglise, 
ont  voulu,  avant  de  procéder  à  leurs  délibérations,  déposer  aux 
pieds  du  Père  commun  des  fidèles,  l'hommage  de  leur  filiale 
soumission  à  la  Chaire  de  Pierre  ;  tous  ensemble  déclarent 
solennellement  qu'ils  ne  connaissent  d'autre  flambeau  pour 
les  guider  que  le  soleil  qui  brille  au  Vatican. 


8  premier  congrès  catholique  tenu  a  québec. 

Très-Saint  Père. 

Encouragés  par  ces  adhésions  nombreuses  de  notre  clergé 
et  des  catholiques  de  l'univers  entier,  les  membres  du  premier 
Congrès  catholir[ue  de  Québec  se  sentent  plus  que  jamais 
disposés  à  travailler  au  maintien  des  droits  sacrés  de  la  Sainte- 
Eglise  afin  qu'ils  conservent  toute  leur  liberté. 

Nous  voulons  donner  aux  œuvres  catholiques  une  extension 
plus  considérable,  travailler  à  la  diffusion  des  livres  approuvés 
par  l'autorité  ecclésiastique,  soutenir  notre  clergé  dans  les  luttes 
qu'il  peut  avoir  à  soutenir  pour  conserver  toutes  ses  prérogati- 
ves. Votre  bénédiction,  T.S.P.,  nous  aidera  à  accomplir  la  tâche 
que  nous  nous  sommes  imposée,  et,  p''osternés  à  vos  pieds,  les 
membres  du  Congrès  catholique  osent  la  solliciter  de  votre 
paternelle  bonté. 

De  Votre  Sainteté  les  fils  dévoués.  -      ' 

[Suivent  les  signatures.) 


REPONSE  A  CETTE  ADRESSE. 

ItLUSTRISSIMO    SiGNORE, 

La  Santita  di  N.  S.  Leone  PP.  XIII,  dolente  che  le  sue  mol- 
teplici  occupazioni  nel  governo  di  tutta  la  Chiesa  non  Le  per- 
mettano  ora  di  rispondere  direttamente.  corne  pur  avrebbe 
bramato  il  paterno  suo  cuore,  alF  Indirizzo  che  la  V.  S.  e  gli 
altri  membri  del  primo  Congresso  cattolico  di  Québec  han  fatto 
teste  pervenire  alla  stessa  Santita  Sua,  ha  incaricato  me  corne 
Prefetto  délia  S.  Congregazione  di  Propaganda  di  respondervi 
in  suo  nome  e  di  far  conoscere  alla  S.  V.  e  a  tutti  i  suddetti  i 
sentimenti  del  suo  sovrano  gradimento  e  délia  paterna  sua 
benevoleiiz-a.  Ed  io  lietissimo  di  eseguire  l'onorevole  incarico, 
mi  di  premura  di  significare  anzi  tutto  alla  stessa  S.  V.  che  il 
S.  Padre  ha  veduto  cou  vera  consolazione  corne  il  Circolo  cat- 
tolico di  cotesta  citta  abbia  saputo  trarre  argomento  da  una 
récente  festa  nazionale  per  riunire  in  Congresso  attorno  ail' 
illustre  Metropolitano  di  cotesta  ecclesiastica  provincia  e  ad 


RÉPONSE    DE   SA    SAINTETÉ    LÉON   XIII   A   L'aDRESSE.  9 

altri  dislinti  Prelati  le  societa  e  i  circoli  délia  cattolica  Fede- 
razione  si  di  cotesto  Dominio  corne  délia  vicina  Republica 
Americana.  Per  tal  modo  si  e  lodevolmeiite  cercato  di  far 
tornare  una  tal  circostaiiza  assai  vantaggiosa  alla  caltolica 
religione  legando  con  pin  stretto  vincolo  di  cari  ta  le  diverse 
associazioni,  e  stimolandone  l'operosita  e  lo  zelo  nelle  opère  a 
oui  si  son  dedicate.  E  riiiscito  altresi  di  particolar  gradimento 
al  S.  Padre  il  vedere  corne  anche  da  lontane  regioni  altri  cat- 
tolici  hanno  attestato  in  taie  circostanza  la  loro  unione  di 
spirito  e  di  cuore  a  coteste  Societa,  mostrando  cosi  corne  dei 
veri  credenti  sio  anche  adesso  cor  unum  et  anima  una  e  corne 
la  carita  che  li  tiene  insieme  congiunti  non  trovi  ostacolo 
nella  lontananza  dei  loro  jjaesi  e  nell'  ampiezza  dei  mari  da 
oui  sono  essi  materialmente  divisi.  Per  ultimo  Sua  Santita, 
accogliendo  con  gratissimo  animo  l'attestado  dei  sentimenti 
di  devozione  verso  la  S.  Sede  e  l'augusta  sua  persona  nutriti 
da  cotesto  Gongresso,  ha  moyamente  invocato  di  gran  cuore 
le  celesti  benedizioni  dei  Supremo  Dator  d'ogni  beno  sulla 
S.  V.,  su  tutti  i  membri  dei  Gongresso  medesimo  e  sulle  buone 
opère  in  esso  deliberate. 

Ed  io  nel  dare  partecipazione  di  tutto  cio  alla  S.  V.  prego  il 
Signore  a  conservarla  lungamente  e  a  ricolmarla  d'ogni  bene, 
mentre  ho  il  piacere  di  dichiararmi. 

Rom'a  dalla  Propaganda  3  Agosto  1880. 

Di  V.  S., 

Affectissimo, 

Giovanni  Gard.  Simeoni,  Prefetto. 
J.  Magotti,  Segri. 


Au  Très-Illustre  Monsieur  A.  B.  Routhier, 
Président  du  Gongrès  catholique, 

Gommandeur  de  St-Grégoire-le-Grand, 

et  Juge  de  la  Gour  supérieure,  à  Québec. 

Très-Illustre  Monsieur^ 

Notre  Saint  Père  le  Pape  Léon  XIII,  regrettant  que  les  nom- 
breuses occupations  que  lui  impose  le  gouvernement  de  toute 


10       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

l'Eglise  ne  lui  permettent  pas  —  comme  l'aurait  désiré  son 
cœur  paternel — de  répondre,  directement  à  l'adresse  que  vous 
et  les  autres  membres  du  premier  Congrès  catholique  de 
Québec  viennent  de  lui  envoyer,  m'a  chargé,  en  ma  qualité  de 
Préfet  de  la  Sacrée  Congrégation  de  la  Propagande,  de  répon- 
dre en  son  nom  et  de  vous  faire  connaître  ainsi  qu'à  tous  les 
membres  susmentionnés  les  sentiments  de  sa  souveraine  sa- 
tisfaction et  de  sa  paternelle  bienveillance. 

Extrêmement  heureux  d'avoir  à  m'acquitter  d'une  tâche  si 
honorable  je  m'empresse  de  vous  informer  que  le  Saint  Père  a 
vu  avec  une  véritable  consolation  comment  le  Cercle  catho- 
lique de  votre  ville  a  su  profiter  de  la  fête  nationale,  célébrée 
récemment,  pour  réunir  en  Congrès  auprès  de  l'illustre  métro- 
politain de  la  Province  ecclésiastique  de  Québec  et  d'autres 
prélats  distingués,  les  sociétés  et  les  cercles  catholiques  tant 
du  Dominion  que  de  la  république  américaine. 

Sa  Sainteté  ne  peut  que  lou(  le  but  que  vous  avez  pour- 
suivi en  tirant  parti  des  circonstances  pour  le  plus  grand 
avantage  de  la  religion  catholique,  en  reliant  ensemble  di- 
verses associations  par  les  liens  étroits  de  la  charité,  et  en 
stimulant  leur  activité  et  leur  zèle  pour  les  œuvres  aux- 
quelles elles  se  dévouent. 

Le  Saint  Père  a  éprouvé  un  plaisir  tout  particulier  en 
voyant  que  de  régions  éloignées  d'autres  catholiques  sont 
venus  attester  dans  cette  circonstance  leur  union  d'esprit  et  de 
cœur  avec  ces  sociétés,  faisant  ainsi  comprendre  que  la  devise 
des  vrais  croyants  est  encore  aujourd'hui  cor  unum  et  anima  . 
una^  et  que  la  charité  qui  les  unit  ne  trouve  d'obstacles  ni 
dans  l'éloignement  de  leurs  pa"*-  ,  ni  dans  l'étendue  des  mers- 
qui  les  séparent  matériellement. 

Enfin,  Sa  Sainteté,  accueillant  avec  une  vive  reconnaissance 
ce  témoignage  de  dévouement  envers  le  Saint-Siège  et  son 
auguste  personne  de  la  part  du  Congrès  catholique  de  Québec, 
a  imploré  de  grand  cœur  les  célestes  bénédictions  de  l'Auteur 
de  tout  bien  sur  vous-même,  sur  tous  les  membres  du  Congrès, 
et  sur  les  bonnes  œuvres  qui  ont  fait  le  sujet  de  ses  délibé- 
rations. 


MEMBRES  DU   CONGRES. 


11 


Pour  moi,  en  vous  donnant  communication  de  tout  ce  qui 
précède,  je  prie  le  Seigneur  de  vous  conserver  longtemps  et 
de  vous  combler  de  tout  bien. 

J'ai  le  plaisir  de  me  souscrire  en  même  temps, 

votre  très  affectionné  serviteur, 

Jean  Gard.  Simeoni, 

Préfet. 

J.  Magotti, 

Rome,  Palais  de  la  Propagande,  ")        '  Secrétaire. 

3  août  1880. 


1 


MEMBRES  DU  CONGRÈS. 


Aubry,  A.  E.  (Angers.) 
Barnard,  E.  A.  (Varennes.) 
Belleau,  I.  N.  (Lévis.) 
Bellemare,  R.  (Montréal.) 
Bellefeuille,  E.  Lef.  de,  cheva- 
lier, (Montréal.) 
Bélanger,  L.  G.  (Sherbrooke.) 
Bernier,    Dr    F.    (Biddeford, 

Maine.) 
Bernier,  T.  A.  (Manitoba.) 
Bonpart,  A.  de  (Montréal.) 
Bossé,  J.  G.  (Québec.) 
Boulet,  Dr  J.  P.  (Québec.) 
Bruère,  Hon.  Boucher  de   la 

(Montréal.) 
Brun,  Lucien  (Pa-is.) 
Brunet,  Philémou. 
Gabana,  H.  (Sherbrooke.) 
Gasgrain,  T.  G.  (Québec.) 
Gazeau,  Mgr  G.  F. 
Ghapais,  Thomas  (Québec.) 


Gharmoy,   Oscar  d'Emmeriez 

de  (Port-Louis.) 
Gloutier,  Alfred  (Québec.) 
Gloutier,  J.  B,  (Québec.) 
Déry,  E.  A.  (Québec.) 
Désilets,  Alf.  (Trois-Rivières.) 
Désilets,  G.  (Trois-Rivières.) 
Desjardins,  A.  M.  P.  (Montréal.) 
Desrosiers,  Dr  H.  E.  (Montréal.) 
Desrosiers,  Joseph  (Montréal.) 
Dion,  L.  L.  (Québec.) 
Dionne,  Dr  N.  E.  (Québec.) 
Drolet,  G.  chevalier  (Montréal.) 
Dubord,  A.  (Trois-Rivières.) 
Duguay,  l'abbé  N.  (St-Gélestin.) 
Dupont,   l'abbé   P.   E.  (Bidde- 
ford.) 
Foley,  Ed.  (Québec.) 
Fontaine,  J.  0,  (Québec.) 
Foucault,  comte  J.  de  (Paris.) 
Gagnon,  Ernest  (Québec.) 


12       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

Gagnon,  F.  (Worcester,  Mass.)  Mun,  comte  A.  de  (Paris.) 

Gosseliii,  l'abbé  F.  X.  ^Québec.)  Myrand,  E.  (Québec.) 
Gravel,  i'abbéE.(St-Hyacinthe.)  Morin,  A.  A.  (Biddeford.) 

Giiilbault,  A.  G.  (Québec.)  Muir.  chevalier,  G.M.  (Québec.) 

Hamel,  A.  (Québec.)  Moreau,  l'abbé  E.   (St-Barthé- 

Hamel,  F.  E.  (Québec.)  lemi.) 

Hamel,  F.  N.  (Québec.)  O'Leary,  M.  (Québec.) 

Houde,  F.  (Montréal.)  Ouimet,  Gharlec  (St-Jean  d'I- 

Hudon,  F.  E.  (Québec.)  berville.) 

Jannet,  Claudio  (Paris.)  Ouimet,  l'hon.  Géd.  (Québec.) 

Kerouac,  F.  (Québec.)  Paré,  Alphonse  (Biddeford.) 

Labonté,    P.    V.    (Biddeford,  Prendergast,  Alfred  (Montréal.) 

Maine.)  Quinn,  F.  A.  (Montréal.) 

Laçasse,  N.  (Québec.)  Réaume,  Al.  (Québec.) 

Lachance,  l'abbé  F.  X.  (Sorel.)  Renaud,  J.  B.  (Québec.) 

Laflèche,  l'abbé  T.(T.-Riviores.)  Renault,  Eug.  (Montmagny.) 

Landry,  Dr  J.  E.  (Québec.)  Rivard.  L.  L,  (Québec.) 

Langlais,  J.  A.  (Québec.)  Robitaille,  A.  (Québec.) 

Laroche,  L.  S.  (Rimouski.)  Robitaille,    Dr    0.   chevalier, 

Larocque,  A.  B.  chevalier  (Wa-  (Québec.) 

terville.)  Roltot,  Dr  J.  P.  (Montréal.) 

Leclaire,  A.  (Montréal.)  Rouillard,  E.  (Québec.) 

Ledroit,  Th.  (Québec.)  Routhier,  A.  B.  (Malbaie.) 

Lemoine,  Al.  (Québec.)  Samson,  Dr  G.  L  (Québec.) 

Lindsay,  C.  P.  (Québec.)  Taché,  Dr  J.  G.  (Ottawa.) 

Livernois,  Victor  (Québec.)  Taillefer,  A.  (Manitoba.) 

Lyonnais,  L.(Glen's  Falls,N.Y.)  Tardivel,  J.  P.  (Québec.) 

MacKay,  Pierre  (Québec.)  Tarte,  J.  L  (Québec.) 

Mallet,  Edmond  (Washington.)  Tassé,  E.  (Ottawa.) 

Malouin,  Philippe  (Québec.)  Tassé,  Jos.  (Ottawa.) 

Martial,  l'abbé  (Grosvenordale,  Tessier,  Gyr.  (Québec.) 

Conn.)  Têtu,  l'abbé  H.  (Québec.) 

Martin,  A.  (Montréal.)  Thibault,  Gharles  (Montréal.) 

Méthot,  (Trois-Rivières.)  Tremblay,  Rémi  (Montréal.) 

Montigny,B.A.T.  de  (Montréal.)  Trudel,  l'abbé  F.X.(Biddeford.) 

Montmarquet,  J.  D.  (Lewiston,  Trudel,  l'honorable    F.  X.  A. 

Maine.)  (Montréal.) 


OFFICIERS   ET    MEMBRES    DES   BUREAUX. 


13 


Turcotte,  H.  A.  (Québec.)  Vincelette,  Dr  A.  (Glen's  Falls, 

Vallée,  chevalier  G.A.  (Québec.)       N.  Y.) 
Vallée,  R.  P.  (Québec.)  Vincelette,  chevalier  C.  (Qué- 

Verge,  Dr  C.  A.  (Québec.)  bec.) 


OFFICIEIjS  ET  MEMBÎjES  DES  BUI|EÂUX. 


T.— BUREAU  DES  CERCLES  CATHOLIQUES. 

Chs  G.  deLorimier,  président. 

Emm.  Tassé,  vice-président. 

Dr  H.  E.  Desi osiers,  secrétaire.  . 

Dr  J.  P.  Boulet,  assistant-secrétaire. 

Jos.  Desrosiers,  président  de  l'Union  catholique  de  Montréal. 

C.  Vincelette,  président  du  Cercle  catholique  de  Québec. 

B.  A.  Testard  de  Montigny,  président  de  l'Union  Allet. 

P.  V.  Labonté,  président  du  Cercle  catholique  de  Biddeford, 
Maine. 

0.  D'Emmeriez  de  Charmoy,  président  de  l'Union  catho- 
lique de  l'Ile  Maurice. 


V.  Livernois. 

A.  Prendergast. 

A.  Cloutier. 

R.  P.  Vallée. 

P.  Mackay. 

T.  A.  Quinn. 

N.  Laçasse. 

L'abbé  F.  X.  Lachance. 

A.  de  Bonpart. 

A.  Paré. 

G.  Drolet. 

Dr  G.  I.  Samson. 

E.  A.  Déry. 

G.  A.  Vallée. 


J.  B.  Cloutier. 
A.  Robitaille. 
P.  Malouin. 
L'abbé  T.  Laflèche. 
L'abbé  N.  Duguay. 
L'abbé  P.  E.  Dupont. 
A.  G.  Guilbault. 
A.  Martin. 
M.  Méthot. 
L'abbé  E.  Moreau. 
A.  Morin. 
A.  Taillefer. 
T.  G.  Gasgrain. 
Dr  Dernier. 


14 


PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 


A.  Larocque. 
H.  A.  Turcotte. 
Dr  N.  E.  Dionne. 

IL— BUREAU  DE  LA 

A.  de  Bonpart,  président. 
J.  P.  Tardivel,  secrétaire. 

Dr  J.  C.  Taché. 
J.  P.  Tardivel. 
F.  Hoiide. 
L  N.  Belleau. 
Eug.  Rouillard. 
J.  L  Tarte. 
R.  P.  Vallée. 
Thomas  Ghapais. 
E.  A.  Barnard. 
Charles  Ouimet. 
Dr  N.  E.  Dionne, 
Boucher  de  la  Bruère. 
Ernest  Gagnon. 
Ferdinand  Gagnon. 
Alph.  Desjardins. 
Alph.  Leclaire. 


L'abbé  F.  X.  TrudeL 
G.  Thibault. 
E.  Mail  t. 

PRESSE  CATHOLIQUE. 


E.  Lef.  de  Bellefeuille. 
Joseph  Tassé, 

Alf,  Désilets. 
Géd,  Désilets, 
L,  L,  Dion. 
J.  0.  Fontaine. 
H.  Gabana, 
Eug.  Renault, 
L.  S.  Laroche, 
Ghs  Thibault, 

F,  X,  A.  Trudel, 
li.  G,  Bélanger. 
L.  Lyonnais, 

J,  D.  Montmarquet, 
R.  Tremblay. 
Jos.  Desrosiers. 


IlL— BUREAU  DES  INTÉRÊTS  CATHOLIQUES. 

Dr  J.  P.  Rottot,  président. 

L'abbé  E.  A.  Gravel,  vice-président. 

Ernest  Gagnon,  secrétaire. 


G.  Vincelette. 

L'abbé  Martial. 

L'abbé  H.  Têtu. 

Claudio  Jannet. 

Le  comte  J.  de  Foucault. 

L.  L.  Rivard, 

A.  Robitaille. 

V,  Livernois. 

A.  Dernier, 


F.  X.  A.  TrudeL 
A.  B.  Routhier. 
E,  A,  Barnard. 
R.  Bellemare. 
T,  C.  Gasgrain. 
Dr  H.  E.  Desrosiers. 
Dr  N.  E.  Dionne, 
E.  Foley, 
A.  Du  bord. 


PREMIERE   SEANCE  SOLENNELLE. 


15 


Thos.  Chapais. 

F.  E.  Hudon. 
N.  Hamel. 

G.  P.  Lindsay. 
A.  GloLitier. 
Th.  Ledroit. 
A,  Lemoine. 
P.  Brunet. 

J.  G.  Bossé. 
Dr  G.  A.  Verge. 
J.  B.  Gloutier. 
F.  Gagnon. 
Abr.  Hamel. 
F.  E.  Hamel. 
Dr  J.  E.  Landry. 
J.  A.  Langlais. 


F.  Kerouac. 
A.  Réaume. 
J.  P.  Tardivel. 
E.  Mallet. 

Dr  A.  Vincelette. 

G.  M.  Muir. 
E.  Myrand. 
M.  O'Leary. 
J.  B.  Renaud. 
Dr  0.  Robitaille. 
P.  Malouin. 

S.  Pagnelo. 
Dr  J.  G.  Taché. 
G.  Tessier. 
R.  P.  Vallée. 


PREMIÈRE  SÉANCE  SOLENNELLE 


DU 


CONGRÈS  CATHOLIQUE 


VENDREDI,  2B  JUIN. 


Le  25  juin  au  matin  s'ouvrait  la  première  séance  du  Gongrès 
catholique. 

A  huit  heures,  la  chapelle  du  séminaire  de  Québec  se  rem- 
plissait d'une  foule  recueillie  qui  venait  entendre  la  sainte 
messe,  dite  par  M.  l'abbé  Gosselin,  curé  de  l'église  paroissiale 
de  St-Roch  et  Visiteur  du  Gercle  catholique.  La  messe  fut 
précédée  du  Veni  Creator  et  suivie  du  Salve  Regina^  chantés  par 
des  centaines  de  voix.  Immédiatement  après  la  messe,  les  as- 
sistants se  sont  rendus  à  la  salle  de  l'Université-Laval,  dite 
salle  des  promotions,  laquelle  avait  été  gracieusement  mise  à 


16       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉDEC. 

la  disposition  du  Congrès,  et  à  neuf  heures  on  voyait  plus  de 
1,500  personnes  réunies  dans  cette  enceinte. 

Sur  l'estrade  se  trouvaient  Mgr  Tarchevôque  de  Québec, 
président  d'honneur  du  Congre',,  ayant  à  sa  droite  M.  Claudio 
Janiiet  et  à  sa  gauche  M.  1.""  juge  Routhier,  président  actif  du 
Congrès,  et  Mgr  Laflèche.  Il  y  avait  aussi  sur  l'estrade  les 
membres  des  différentes  commissions  et  les  délégués  au 
Congrès. 

Dans  l'auditoire  on  remarquait  Son  Honneur  le  lieutenant- 
gouverneur,  A"gr  A.  Racine,  évoque  de  Sherbrooke,  Mgr  C. 
Guay,  protonotaire  apostolique,  M.  le  grand- vicaire  E.  Lan- 
gevin,  prévôt  du  chapitre  de  Rimouski,  Mgr  Déziel,  M.  l'abbé 
E.  Gravel,  représentant  de  Mgr  l'évéque  de  St-Hyacinthe,  l'ho- 
norable J.  G.  Blanchet,  président  de  la  Chambre  des  Com- 
munes, l'honorable  J.  J.  Ross,  président  du  Conseil  Législatif, 
quatre  à  cinq  cents  prêtres  séculiers  du  Canada  et  des  Etats- 
Unis,  des  représentants  des  Jésuites,  des  Oblats,  des  Domi- 
nicains, des  Frères  de  la  doctrine  chrétienne,  de  la  magis- 
trature et  de  l'administration,  ainsi  que  l'élite  des  autres 
classes  de  la  société. 

On  déploya  avant  l'ouverture  du  Congrès  le  magnifique 
drapeau  du  Cercle  catholique,  lequel  fut  salué  par  des  ap- 
plaudissements répétés. 

M.  Routhier,  se  faisant  l'interprète  de  la  vaste  assemblée, 
dit  que  l'auditoire  voyait  avec  joie  représentées  au  Congrès  les 
deux  glorieuses  mères  du  Canada  français  :  l'Eglise  et  la  France 
catholique.  La  France,  après  un  siècle  d'oubli,  se  souvient 
qu'il  y  a  un  petit  peuple  sur  les  bords  du  Saint-Laurent  qui  a 
gardé  sa  langue,  ses  institutions  et  surtout  sa  foi.  Il  est  en- 
core temps  de  renouer  des  relations  avec  l'ancienne  mère- 
patrie  et  il  faut  espérer  que  le  Canada  et  la  France  bénéficie- 
ront tous  deux  de  ces  relations. 

Sa  Grandeur  Mgr  l'Archevêque  ouvre  ensuite  le  Congrès 
par  une  touchante  allocution. 


idisootj:r.g 

DE 

SA  GRANDEUR  MGR  L'ARCHEVEQUE  DE  QUEBEC. 


Excellence,  Mesdames,  Messieurs, 

C'est  avec  un  vif  bonheur  que  je  vois  s'ouvrir  le  premier 
Congrès  catholique  dans  notre  ville  de  Québec,  et,  en  formant 
des  vœux  pour  le  succès  de  ses  travaux,  j'offre  à  tous  ses  orga- 
nisateurs mes  félicitations  les  plus  sincères.  Hier  nous  célé- 
brions notre  fête  nationale,  aujourd'hui  commencent  aussi 
d'autres  fêtes  patriotiques  propres  à  raviver  la  foi  et  à  consoler 
le  cœur  affligé  de  l'Eglise.  Pour  en  rehausser  l'éclat,  deux 
nobles  fils  de  la  France  ont  bien  voulu  se  joindre  à  nous  et 
dans  ce  moment  solennel  je  suis  heureux  de  leur  souhaiter  la 
bienvenue  au  nom  de  toute  l'Eglise  du  Canada. 

Quel  sera,  messieurs,  le  premier  acte  du  Congrès  ?  Un  acte 
de  foi  à  l'Eglise  catholique.  Il  exprimera  au  successeur  de 
Pierre  son  dévouement,  son  amour  et  sa  soumission  filiale. 
Malgré  la  distance  qui  nous  sépare  de  Rome,  nous  serons 
donc  tous  ici  réunis  sous  le  regard  et  aux  pieds  du  Souverain 
Pontife.  C'est  ainsi  que  doivent  agir  des  cœurs  catholiques,  et 
Dieu,  messieurs,  ne  saurait  manquer  de  vous  bénir. 

Les  auteurs  de  ce  beau  programme  ont  voulu  sagement  ap- 
puyer tout  l'édifice  sur  le  fondement  inébranlable  posé  par 
Notre-Seigneur  lui-même  quand  il  a  dit  :  Tu  es  Pierre  et  sur 
cette  pierre  je  bâtirai  mon  Eglise  et  les  portes  de  Venfer  ne  pré- 
vaudront pas  contre  elle.  Notre  premier  regard  sera  donc  dirigé 
vers  ce  rocher  inébranlable  contre  lequel  toutes  les  erreurs 
viennent  se  briser  :  nous  y  trouverons  pleine  assurance  de  ne 
point  défaillir  dans  notre  tâche. 

Hier  matin  nous  avons  chanté  le  symbole  que  nos  pères  ont 
apporté  de  l'ancienne  France,  qui,  elle-même,  l'avait  toujours 
conservé  avec  foi  comme  son  plus  précieux  héritage.  Combien 
de  peuples  le  répètent  chaque  jour?  Combien  de  nations  au- 
jourd'hui disparues  de  la  face  de  la  terre  l'ont  récité  en  leur 
temps  ?  Il  en  sera  ainsi  jusqu'à  la  fin  des  siècles.  Admirable 


18       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

économie  de  la  Providence  divine  qui  dispose  toutes  clioses 
avec  nombre,  poids  et  mesure  !  Tout  change  sur  la  terre  ex- 
cepté cette  voix  de  Pierre  qui  redit  toujours  les  mômes  accents 
à  toutes  les  nations  qu'elle  a  reçu  mission  d'évangéliser  jus- 
qu'à la  consommation  des  siècles.  Pierre  est  mort  mais  il  vit 
toujours  et  parle  dans  celui  qui  occupe  cette  chaire  aposto- 
lique que  nous  révérons  et  aimons  de  tout  cœur.  On  ne  peut 
s'égarer  quand  on  marche  à  la  lueur  de  ce  phare. 

Ce  Congrès  est  catholique  avant  tout,  mais  il  n'en  est  que 
plus  patriotique.  Les  anciens  Romains  excitaient  leur  courage 
au  cri  de  pro  aris  et  focis  :  combattons  vaillamment  pour  nos 
autels  et  nos  foyers  !  Tout  le  secret  de  leur  grandeur  et  de 
leur  puissance  est  là. 

Un  jour,  le  célèbre  docteur  Brownson  visitait  le  petit  séminai- 
re de  Québec,  et  ayant  été  prié  d'adresser  un  mot  aux  élèves,  il 
leur  dit  :  "  Je  vois  sur  vos  murailles  cette  belle  inscription  :  pro 
*■*  Deo  et  patria  :  pour  Dieu  et  la  patrie  :  admirable  devise  qui 
"  doit  être  gravée  dans  tous  les  cœurs  ;  mais  permettez-moi 
"  d'y  faire  quelques  petits  changements  qui  en  feront  mieux 
*'  ressortir  les  conséquences.  Je  dirai  d'abord  :  pro  patria  quia 
"  pro  Deo;  tout  ce  qui  tend  à  honorer  Dieu  et  à  lui  rendre  les 
"  hommages  de  respect  et  d'obéissance  qui  lui  sont  dus  est 
*'  par  là  môme  un  acte  de  patriotisme.  Pro  Deo  quia  pro  patria; 
"  mais  aussi  tout  sacrifice,  tout  acte  de  dévouement  offert  sur 
"  l'autel  de  la  patrie  remonte  à  Dieu  comme  à  l'auteur  de  tout 
"  ce  qui  peut  contribuer  au  bonheur  des  hommes.  " 

Tel  sera,  messieurs,  non-seulement  le  but  mais  aussi  le 
moyen  de  ce  Congrès  tenu  dans  la  vieille  cité  de  Champlain, 
sous  le  toit  hospitalier  de  cette  Université  catholique  décorée 
du  nom  d'un  illustre  évoque  pour  qui  Dieu  et  la  patrie  ont 
marché  de  concert  avec  ses  aspirations  et  ses  sacrifices. 


Ces  paroles  furent  couvertes  d'applaudissements. 

M.  le  juge  Routhier  annonça  ensuite  à  l'assemblée  que  le 
Congrès,  avant  de  procéder,  allait  soumettre  à  l'approbation 
de  l'auditoire  une  adresse  au  Très-Saint  Père,  et  il  espère 
qu'elle  sera  adoptée  par  acclamation. 


DISCOURS  DE   M.  A.   B.    ROUTHIER.  19 

M.  le  docteur  Dionne,  secrétaire  du  Congrès,  fit  ensuite  la 
lecture  de  cette  adresse,  (Voir  page  7). 

La  lecture  de  l'adresse  du  Congrès  à  S.  S.  Léon  Xlli  fut 
accueillie  avec  un  enthousiasme  indescriptible.  Quand  le  pré- 
sident demanda  si  l'assemblée  approuvait  cette  adresse,  tous 
les  spectateurs  se  levèrent  d'un  mouvement  spontané  pour  lui 
donner  leur  adhésion  en  acclamant  le  Souverain  Pontife. 

M.  le  secrétaire  donna  lecture  de  lettres  d'adhésion  prove- 
nant de  France,  d'Italie,  de  Hollande,  d'Espagne,  du  Portugal, 
des  Etats-Unis  et  de  l'Ile  Maurice. 

De  ces  lettres,  qui  étaient  au  nombre  de  cent,  M.  le  secré- 
taire lut  entre  autres  les  suivantes  :  celles  de  Mgr  Tripepi, 
camérier  secret  de  Sa  Sainteté  et  directeur  du  journal //  Papato^ 
de  M.  le  comte  A.  de  Mun,  de  M.  Lucien  Brun,  sénateur,  de 
M.  A.  E.  Aubry,  professeur  à  l'université  d'Angers,  etc.  Chacun 
de  ces  noms  fut  salué  par  de  chaleureux  applaudissements. 

M.  le  juge  Routhier  annonça  ensuite  que  le  Congrès  venait 
d'adresser  à  S.  S.  Léon  XIII  le  télégramme  suivant  et  que  la 
réponse  serait  lue  à  la  deuxième  séance. 

Cardinal  Simeoni, 

Rome. 

Les  Canadiens-français,  réunis  en  un  Congrès  catholique, 
avant  de  commencer  leurs  délibérations,  sollicitent  la  béné- 
diction du  Souverain-Fontife. 

Routhier, 

Président. 


M.  Routhier  prit  ensuite  la  parole  sur  le  sujet  suivant  :  La 
nationalité  canadienne-française  et  la  religion  catholique. 


DISCOURS  DE  M.  A.  B.  ROUTHIER. 


Messeigneurs,  Excellence,  Mesdames,  Messieurs, 

Pour  m'élever  à  la  hauteur  du  sujet  qui  m'est  indiqué  et 
pour  le  traiter  d'une  manière  digne  de  l'auditoire  qui  m'é- 


20       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUEBEC 

conte,  je  voudrais  avoir  réloquence  d'un  homme  dont  on  a 
peu  parlé  comme  orateur,  et  qui,  cependant,  avait  reçu  de 
Dieu,  plus  qu'aucun  autre  peut-être,  le  don  puissant  de  l'élo- 
quence. 

Je  voudrais  avoir  la  parole  de  cet  éloquent  merveilleux  que 
Jésus-Christ  lui-même  a  proclamé  le  plus  grand  des  enfants 
des  hommes,  et  qui  a  été  donné  pour  patron  au  dernier-né  des 
peuples. 

Saint  Jean-Baptiste,  en  effet,  a  dû  être  un  très  grand  orateur, 
puisque  sa  parole  austère  et  inspirée  attirait  autour  de  lui  des 
foules  immenses. 

C'était  un  homme  étrange  qui  sortait  du  désert,  qui  vivait 
comme  un  sauvage,  qui  ne  cherchait  à  plaire  à  personne,  qui 
ne  craignait  pas  de  dénoncer  à  la  réprobation  publique  le  roi 
Hérode  et  les  puissants  de  Jérusalem,  qui  prêchait  la  pénitence 
et  poursuivait  le  crime  de  ses  anathèmes.  •        : 

Et  cependant,  lorsque  cet  homme  étrange  s'arretant  au  bord 
du  Jourdain,  à  l'ombre  d'un  palmier  ou  d'un  sycomore,  mon- 
tait sur  une  pierre  pour  annoncer  au  monde  la  venue  du 
Christ,  sa  parole  avait  un  tel  retentissement  que,  dans  toutes 
les  villes  de  la  Judée,  de  la  Samarie,  et  du  fond  même  de 
l'Arabie,  les  multitudes  accouraient  l'entendre  !  [Applaudisse- 
ments.)   .  1 

Grâce  à  Dieu,  je  m'adresse  à  des  Canadiens-français,  c'est-à- 
dire  à  des  catholiques,  car  il  n'y  en  a  pas  d'autres — au  moins 
dans  cette  enceinte — et  je  n'ai  pas  besoin  d'avoir  l'éloquence 
de  leur  admirable  patron  pour  les  convaincre  de  cette  vérité  : 
que  la  nationalité  canadienne-française  et  la  religion  catho- 
lique doivent  rester  inséparablement  unies. 

Cette  affirmation  ine  parait  tellement  évidente  que  je  suis 
tenté  de  la  considérer  comme  un  lieu  commun  ;  et  pourtant, 
c'est  une  vérité  dont  on  n'est  pas  encore  assez  convaincu  ;  car 
tout  en  l'admettant  comme  prémisses,  il  arrive  souvent  qu'on 
en  rejette  les  conséquences  logiques. 

II  n'est  donc  pas  inutile  en  cette  grande  fête  de  la  patrie,  et 
dès  le  début  de  ce  Congrès,  d'insister  sur  ces  importantes  vé- 
rités :  la  première,  que  la  religion  est  le  fondement  de  toute 


DISCOURS   DE   M.   A.    H.    ROUTHIER.  21 

patrie  ;  et  la  seconde,  que  le  catholicisme  est  spécialement  la 
sauvegarde  de  la  nationalité  canadienne- française. 

I 

Un  peuple  no  peut  exister  sans  une  constitution  qui  le  ré- 
gisse. Or  l'expérience  des  siècles  démontre  que  l'homme  est 
absolument  impuissant  à  faire  une  constitution  digne  de  ce 
nom  s'il  ne  l'appuie  sur  Dieu. 

Le  plus  grand  génie  de  l'antiquité,  Platon,  a  écrit  à  ce  sujet 
ces  paroles  remarquables  : 

"  C'est  la  vérité  môme  que  si  Dieu  n'a  pas  présidé  à  l'éta- 
blissement d'une  cité  et  qu'elle  n'ait  eu  qu'un  commencement 
humain,  elle  ne  peut  échapper  aux  plus  grands  maux.'  11  faut 
donc  tacher  par  tous  les  moyens  imaginablto  d'imiter  le  ré- 
gime primitif,  et  nous  confiant  en  ce  qu'il  y  a  d'immortel  dans 
l'homme,  nous  devons  fonder  les  maisons  ainsi  que  les  états, 
en  consacrant  comme  lois  les  volontés  de  l'Intelligence  Su- 
prême." 

Cette  doctrine  toute  chrétienne  a  lieu  d'étonner  sous  la 
plume  d'un  païen.  Mais  ce  qui  n'est  pas  moins  remarquable, 
c'est  que  toute  l'histoire  ancienne  et  la  fable  elle-même  ne 
racontent  pas  autrement  la  fondation  des  cités  et  des  empires. 
Les  légendes  populaires  et  les  épopées  qui  chantent  l'origine 
d'une  nation  appuient  toujours  sur  un  oracle,  sur  une  révéla- 
tion particulière  des  dieux,  sur  une  protection  miraculeuse 
du  Ciel,  les  succès  des  fondateurs  de  villes  et  des  chefs  de  races. 
L'Iliade  et  l'Enéide  en  contiennent  trop  d'exemples  connus 
pour  qu'il  soit  nécessaire  d'insister. 

A  l'origine  de  tout  peuple,  à  la  première  page  de  toute  cons- 
titution, à  la  base  de  toute  société  politique,  il  faut  donc  de 
toute  nécessité  la  foi  en  la  divinité,  et  un  culte  religieux.  La 
religion  est  la  pierre  angulaire  de  tout  édifice  social. 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  Cet  édifice  construit  il  faut  le  conser- 
ver. Ce  peuple  né,  il  faut  le  gouverner,  FinsLruire,  le  dévelop- 
per. Or,  tout  cela  est  impossible  sans  la  religion,  parce  que 
sans  elle  il  ne  peut  y  avoir  ni  morale  publique,  ni  autorité,  ni 

paix  sociale. 

2 


22       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

Que  deviendrait  en  effet  la  morale,  s'il  fallait  en  confier  la 
garde  aux  seuls  parlements  ?  Et  qu'est-ce  que  cette  morale 
indépendante  que  nous  prêchent  les  philosophes  modernes,  si 
ce  n'est  l'immoralité  libre  et  qu'on  voudrait  rendre  légale  ? 

Et  si  nous  rejetons  tout  principe  religieux,  où  trouverons- 
nous  le  fondement  de  l'autorité  ?  Sera-co  dans  le  Contrat 
social  ?  »  , 

Mais  il  y  a  longtemps  que  les  esprits  éclairés — à  quelque 
religion  qu'ils  appartiennent,  et  môme  sans  religion — ont  fait 
justice  de  cette  utopie  du  rêveur  excentrique  de  Genève.  Et 
d'ailleurs  ce  contrat  social — comme  tout  autre  contrat — ne 
peut  subsister  qu'autant  que  subsiste  le  consentement  des 
parties  contractantes,  et  si  l'une  d'elles  refuse  ce  consentement, 
que  devient  alors  le  principe  d'autorité  ? 

Et  la  paix  sociale,  si  nécessaire  au  développement  de  toute 
race,  qui  la  sauvegardera  si  ce  n'est  la  religion  ?  Problème 
redoutable  dans  les  conditions  présentes  des  sociétés  mo- 
dernes ! 

De  nos  jours,  en  efiet,  presque  toutes  les  nations  semblent 
accepter  comme  principe  de  gouvernement  la  souveraineté  du 
peuple  ;  dans  la  forme  du  gouvernement  qui  nous  régit  nous- 
mêmes  elle  exerce  un  pouvoir  presque  illimité,  et  conséquem- 
ment  il  y  a  ici — comme  dans  la  plupart  des  pays  européens — 
deux  souverains  en  face  l'un  de  l'autre  et  tout  naturellement 
en  antagonisme  :  le  roi  et  le  peuple. 

Gomment  le  gouvernant  et  le  gouverné  peuvent-ils  se 
trouver  ainsi  également  souverains  ?  G'est  un  problème  que 
je  n'ai  pas  à  résoudre  en  ce  moment.  Je  constate  seulement 
le  fait,  et  je  vous  demande  :  comment  ces  deux  puissances 
rivales  pourront-elles  gouverner  sans  conflit,  et  vivre  côte  à 
côte  dans  l'harmonie  ?  Quel  pouvoir  servira  de  contrepoids  ? 
Quelle  influence  supérieure  saura  maintenir  un  juste  équi- 
libre entre  les  droits  des  peuples  et  les  droits  des  rois  ? 

Ge  problème  que  les  politiciens  libres-penseurs  cherchent 
en  vain  à  résoudre  n'a  jamais  eu  et  n'aura  jamais  de  solution 
en  dehors  de  la  religion.  Les  droits  des  peuples  et  ceux  des 
rois  ne  sont  vraiment  conciliables  que  lorsqu'ils  se  confondent 


DISCOURS    DE    M.   A.    B.   ROUTHIER.  23 

dans  la  commune  reconnaissance  des  droits  de  Dieu.  Pour- 
quoi ?  Parce  que  le  roi  qui  commande  au  nom  de  Dieu  est  un 
homme  qui  obéit,  et  parce  que  le  peuple  obéit  alors,  non  pas 
à  un  homme,  mais  à  Dieu.  (Applaudissements.) 

Lorsque  les  rois  de  France,  commençaient  leurs  ordonnan 
ces  par  ces  mots  :  "  Louis  par  la  grâce  de  Dieu  "  et  non  par  la 

volonté  du  suffrage  universel,  '"roi  des  Français "et 

continuaient  en  ces  termes  :  "  Souhaitant  avec  ardeur  servii' 
Celui  de  qui  nous  tenons  et  le  royaume  et  l'existence,  nous 
désirons  pour  l'honneur  de  Celui  qui  nous  a  donné  le  comble 

de  l'honneur,  etc.,  etc.,  etc," ils  n'invoquaient  ni  leur 

souveraineté  propre  ni  leurs  propres  intérêts,  mais  la  souve- 
raineté et  les  intérêts  de  Dieu.  Avant  de  commander  ils  pro- 
testaient de  leur  désir  de  servir,  et  c'est  pourquoi  quelques- 
uns  d'eux  s'appelaient  les  lieutenants  de  Jésus-Christ. 

Rois  et  peuples  se  confondaient  ainsi  dans  la  sujétion  com- 
mune à  un  pouvoir  supérieur.  Devant  la  suprême  royauté  de 
Jésus-Christ,  ils  étaient  également  sujets  avec  cette  seule  diffé- 
rence que  les  rois  avaient  plus  de  -devoirs  et  une  responsabi- 
lité infiniment  plus  grande.  [Appl.) 

Et  si  nous  appliquons  cette  théorie  de  l'autorité  royale  à 
toutes  les  autres  autorités,  la  paix  et  l'harmonie  régneront  à 
tous  les  degrés  de  l'échelle  sociale.  Si  Dieu  couronne  toutes 
les  hiérarchies  qui  composent  la  société,  si  l'organisation  so- 
ciale est  telle  que  la  religion  soit  la  base  de  tous  les  pouvoirs, 
et  si  les  ordres  du  roi  au  sujet,  du  père  à  l'enfant,  du  maître 
au  serviteur,  du  patron  à  l'ouvrier,  sont  revêtus  du  prestige 
divin,  l'obéissance  sera  facile,  et  l'antagonisme  social  dis- 
paraîtra. 

Il  deviendrait  fastidieux  de  d-^velopper  longuement  cette  dé- 
monstration qui  n'est  pas  seulement  évidente  aux  jyeux  de 
la  raison,  mais  qui  est  enseignée  par  l'Eglise  et  confirmée  par 
les  enseignements  de  l'histoire  universelle. 

On  ne  pourrait  peut-être  pas  citer  un  seul  peuple  qui  ne  se 
soit  pas,  au  moins  dans  la  plus  grande  partie  de  son  existence, 
placé  sous  la  protection  de  la  divinité,  et  qui  ne  se  soit  pas 
]-éfugié  dans  les  bras  de  la  religion  au  jour  des  grands  j^érils. 


24       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

Toujours  les  temples  ont  été  les  vraies  forteresses  de  l'Etat, 
et  les  pontifes,  les  sentinelles  avancées  de  la  nation.  Le  foyer 
sans  autel,  la  cité  sans  Eglise,  l'Etat  sans  Dieu  ne  sauraient 
constituer  une  patrie,  pas  plus  que  le  corps  sans  âme  ne  peut 
être  un  homme  !  Aussi,  les  plus  glorieuses  nations  de  l'anti- 
quité païenne,  n'ont-elles  jamais  séparé  ces  deux  grandes 
choses  :  religion  et  patrie.  Ce  double  amour  seul  pouvait 
nourrir  leur  patriotisme,  et  les  faire  parvenir  à  leurs  hautes 
destinées.  Et  quand  on  demandait  aux  citoyens  romains  pour- 
quoi ils  se  sacrifiaient  sur  le  champ  de  bataille,  ils  répon- 
daient pro  aris  et  focis,  pour  l'autel  et  le  foyer.  Le  foyer  et 
l'autel,  telle  était  la  formule  de  leur  patriotisme,  et  les  rois  et 
les  consuls  de  Rome  auraient  cédé  une  partie  de  leur  ville 
plutôt  qu'un  temple  de  Jupiter.  {Appl.) 

Dans  celte  conduite  des  païens,  quelle  leçon  n'y  a-t-il  pas 
pour  les  nations  chrétiennes  qui  ont  reçu  le  dépôt  sacré  de  la 
vérité,  auxquels  Jésus-Christ  prêche  sans  cesse  l'union  indis- 
soluble du  spirituel  et  du  temporel,  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  et  qui 
cependant  s'efforcent  constamment  d'effectuer  entre  les  deux 
pouvoirs,  une  séparation  qui  serait  fatale  à  l'un  et  à  l'autre  ! 

Messieurs,  c'est  la  grande  erreur  des  temps  modernes  de 
vouloir  séparer  l'humanité  de  Dieu.  Il  se  fait  aujourd'hui 
dans  le  monde  une  lutte  à  mort  entre  le  verbe  humain  et  le 
verbe  divin,  et  si  l'impiété  moderne  pouvait  soudainement  par 
un  violent  coup  d'état  supprimer  l'élément  divin,  elle  le  ferait. 
Ne  le  pouvant  pas,  elle  morcelle  pour  ainsi  dire  l'existence 
humaine  et  travaille  à  la  soustraire  en  détail  au  joug  de  Dieu. 
Elle  fait  à  l'individu  une  vie  privée  et  une  vie  publique,  et  elle 
lui  dit  :  ta  vie  privée  peut  être  soumise  à  certaines  croyances 
religieuses,  mais  ta  vie  publique  ne  l'est  pas.  Or,  comme  les 
sociétés  n'ont  pas  de  vie  privée,  elle  les  déclare  par  là  môme 
absolument  indépendantes  de  Dieu.  Et  par  une  suite  de  rai- 
sonnements de  ce  genre  elle  affranchit  de  toute  sujétion  reli- 
gieuse la  politique,  la  morale  publique,  la  loi,  la  science 
et  l'art. 

En' un  mot,  les  peuples  modernes  n'ont  pas  l'ambition  de 
construire  une  tour  de  Babel  pour  escalader  le  ciel  comme 


DISCOURS  DE   M.   A.   B.   ROUTHIER.  25 

les  descendants  de  Gain  ;  non,  ils  n'ont  pas  ces  aspirations  éle- 
vées. Ce  qu'ils  veulent  c'est  de  fixer  au-dessus  de  leurs  têtes 
une  voûte  de  séparation  entre  le  ciel  et  la  terre,  et  ils  sem- 
blent dire  à  Dieu  :  "  le  ciel  est  à  vous,  mais  la  terre  est  à 
nous."  Eh  bien,  non,  messieurs,  la  terre  n' ,  '  pas  à  nous,  et  le 
gouvernement  de  ce  monde  comme  celui  de  l'autre  appartient 
à  Dieu.  {Applaudissements  prolongés.) 

II 

La  royauté  sociale  de  Jésus-Christ  est  à  la  fois  une  doctrine 
et  un  fait  historique  ;  une  doctrine  qui  est  l'élément  vital  par 
excellence  de  tout  corps  social,  aussi  nécessaire  à  sa  vie  que 
l'air  est  indispensable  à  la  vie  de  l'individu  ;  un  fait  histo- 
rique sans  lequel  le  monde  n'aurait  pas  connu  la  civilisation 
chrétienne. 

Il  faut  que  le  Christ  ait  sa  place  en  ce  monde,  et  quand  les 
hommes  la  lui  ont  refusée,  il  a  bien  su  la  prendre  quand  il  a 
voulu.  Il  est  entré  dans  le  monde  malgré  eux  ;  il  y  a  établi 
son  règne  malgré  eux,  et  il  l'y  maintiendra  en  dépit  de  toutes 
les  trahisons,  de  toutes  les  haines,  de  tous  les  intérêts,  de 
toutes  les  lâchetés  ! 

Lorsqu'il  n'y  a  plus  de  place  pour  lui  dans  un  pays,  il  n'y  a 
plus  de  place  pour  d'autres  royautés.  (Appl.)  Souvent  chassé,  il 
revient  avec  une  persévérance  qui  ressemble  à  de  l'entêtement  ; 
mais  il  arrive  un  jour  funeste  où  il  s'éloigne  pour  ne  plus 
revenir,  et  alors,  malheur  aux  nations  qui  le  laissent  partir  ! 

Avez-vous  jamais  réfléchi,  messieurs,  aux  mystérieuses  cir- 
constances qui  firent  naître  le  Christ  dans  une  é  table  ?  Le 
récit  biblique  dont  la  sublime  sobriété  étonne  toujours,  dit 
simplement  qu'il  n'y  avait  pas  de  place  dans  l'hôtellerie.  Mé- 
ditons un  instant  sur  ce  fait  étrange. 

Reportons-nous  à  cette  heure  solennelle  et  unique  que 
l'humanité  attend  depuis  4,000  ans,  et  qui  va  lui  donner  un 
Rédempteur. 

La  Vierge  incomparable  que  la  race  humaine  déchue  n'a  pu 
engendrer  qu'après  40  siècles  de  purification  est  sur  le  point 
de  devenir  mère,  et  l'enfant  qu'elle  va  mettre  au  monde  n'est 


26  PRE-MIEIl    CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU   A    QUÉfiEC. 

pas  seulement  un  homme,  c'est  un  Dieu,  un  Dieu  dont  le  nom 
va  remplir  l'univers  et  à  qui  la  terre  entière  appartient.  Où 
donc  est  le  palais  préparé  pour  le  recevoir  ?  Où  donc  sont  les 
somptueux  appartements  que  le  roi  du  ciel  et  de  la  terre  ho- 
norera de  sa  présence  ? 

Non,  Dieu  n'a  pas  ces  prétentions  de  l'ostentation  haimaine.' 
Tout  ce  qu'il  va  demander  à  Bethléem  qui  en  ce  moment  re- 
présente la  Judée,  c'est  une  pauvre  chambre  d'auberge — et 
Bethléem  va  refuser  :  il  n'y  a  pas  de  place  dans  l'hôtellerie. 
[Sensation.) 

Ah  !  messieurs,  que  de  peuples  depuis  lors  ont  fait  comme 
Bethléem,  et  dit  au  Christ  :  il  n'y  a  plus  de  place  pour  vous 
dans  cette  hôtellerie  î 

Mais  si  vous  étudiez  attentivement  l'histoire,  vous  serez 
étonnés  de  voir  avec  quelle  rigoureuse  ponctualité  cet  ostra- 
cisme du  Christ  a  toujours  été  puni. 

Voyez,  par  exemple,  la  suite  du  récit  biblique.  Bethléem 
n'a  pas  eu  de  place  pour  l'enfant  divin  !  Eh  bien  !  il  n'y  a  plus 
de  place  dans  toute  la  Judée  pour  les  enfants  des  hommes,  et 
le  glaive  du  cruel  Hérode  va  les  égorger  pendant  que  le  divin 
proscrit  s'en  va  dans  la  terre  d'Egypte  !  C'est  alors  que  l'on 
entendit  dans  Rama  tant  de  pleurs  et  de  gémissements,  et  que 
Rachel,  pleurant  ses  enfants  ne  voulut  pas  être  consolée  ! 
Mouvements.)  -' 

Trente-trois  ans  après  les  Juifs  ameutés,  pris  de  cette  haine 
du  Divin  qui  possède  tant  d'hommes  de  nos  jours,  osent  dire 
au  Christ  qu'il  n'y  a  plus  de  place  pour  lui  dans  la  Judée^ 
Otez-le,  crient-ils  à  Pilate,  et  le  conduisant  hors  de  leur  ville, 
ils  le  crucifient,  afin  que  la  Judée  et  toute  la  terre  en  soient 
débarrassées. 

Or,  à  dater  de  ce  jour,  il  n'y  a  plus  de  place  sur  terre  pour 
le  peuple  juif.  Jérusalem  est  détruite  et  ses  enfants  s'en  vont 
errant  de  rivages  en  rivages,  sans  chef,  sans  drapeau,  sans  pa- 
trie, attendant  toujours  un  messie  auquel  ils  ne  pourront  plus 
môme  offrir  la  pauvre  hôtellerie  de  Bethléem  !  {Appl.) 

Messieurs,  si  nous  avions  le  temps  de  feuilleter  un  peu  l'his- 
toire de  l'Europe,  depuis   l'établissement  du   christianisme, 


DISCOURS   DE    M.   A.   B.   ROUTHIER.  27 

VOUS  y  verriez  resplendir  cette  vérité  :  que  les  gouvernements 
sans  foi  et  les  peuples  sans  Dieu  sont  voués  à  la  mort. 

Jetons  seulement  un  coùp-d'œil  sur  notre  ancienne  mère- 
patrie,  dont  les  malheurs  sont  autant  de  leçons  que  la  Provi- 
dence veut  donner  à  sa  fille. 

A  la  fin  du  siècle  dernier,  la  France  a  repoussé  la  royauté 
sociale  de  Jésus-Christ.  Elle  a  dit  comme  le  peuple  juif  :  nous 
ne  voulons  pa's  que  celui-là  règne  sur  nous. 

Or,  depuis  cette  époque  il  n'y  a  plus  de  gouvernement  stable 
en  France.  Où  Jésus-Christ  n'avait  plus  de  place,  ni  le  Tiers- 
Etat,  ni  la  Constituante,  ni  la  Convention,  ni  les  Clubs,  ni  le 
Directoire,  ni  le  Consulat,  ni  l'Empire,  ni  la  Royauté,  ni  la 
République  n'ont  pu  se  maintenir,  et  ceux  qui  avaient  banni 
le  Christ  de  la  France  n'y  trouvèrent  plus  pour  reposer  leurs 
têtes  que  ce  monstrueux  oreiller  nommé  la  guillotine  !  [Appl.] 

Après  ces  prescripteurs,  un  homme  plus  fort  qu'eux,  doué 
d'un  génie  étonnant  se  leva,  et  sa  voix  retentissante  dit  :  Place 
à  Dieu  !  Place  à  la  religion  catholique,  apostolique  et  romaine  î 

Et  lui-même  alors  trouva  place  sur  le  premier  trône  de 
l'univers.  Malheureusement  quelques  années  après,  la  place 
que  Dieu  lui  laissait  parut  trop  étroite  à  son  ambition.  Il 
voulut  l'agrandir  aux  dépens  du  Christ  et  de  son  Vicaire  qui 
le  gênaient.  Mais  tout-à-coup  cet  homme  prodigieux  qui  avait 
tenu  l'Europe  dans  sa  main,  s'y  trouva  de  trop,  et  les  rois 
furent  unanimes  à  proclamer  qu'il  n'y  avait  plus  de  place  pour 
lui  dans  aucun  pays  de  l'Europe,  et  qu'il  devait  être  relégué 
dans  une  île  perdue  de  l'Atlantique.  [Appl.) 

D'autres  souverains  lui  succédèrent,  et  se  montrèrent  mieux 
disposés  à  accepter  la  royauté  sociale  du  Christ  ;  mais  la  na- 
tion elle-même  n'en  voulait  pas,  et  elle  n'en  veut  pas  encore. 
Dans  cette  belle  et  grande  hôtellerie  de  France,  il  n'y  a  pas 
de  place  pour  le  divin  proscrit,  et  l'amnistie  qui  protège  au- 
jourd'hui tant  de  criminels  n'a  pas  été  étendue  jusqu'à  Lui  ! 
[Sensation  profonde.) 

C'est  pourquoi  les  trônes  ont  croulé  les  uns  après  les  au- 
tres ;  et — soyez-en  convaincus— la  France  n'aura  pas  un  gou- 
vernement stable  tant  qu'elle  n'aura  pas  rappelé  de  l'exil  le 


28  PREMIER   CONGRÈS  CATHOLIQUE   TENU   A   QUÉBEC. 

divin  condamné  qui  est  la  pierre  angulaire  des  trônes.  [Vifs 
apvlaudissements.) 

Je  demande  pardon  à  nos  hôtes  éminents  d'insister  sur  la 
situation  malheureuse  de  leur  patrie.  Si  je  les  afflige,  qu'ils 
veuillent  bien  croire  que  nous  en  souffrons  nous-mêmes,  que 
la  France  a  été  notre  mère,  que  nous  l'aimons  toujours,  et 
que  c'est  naturellement  dans  son  histoire  que  nous  cherchons 
des  enseignements,  suivant  la  grande  parole  que  nous  rappe- 
lait hier  un  prince  de  l'Eglise  :  interroga  majores  tuos  cl  di- 
cent  tibi. 

Permettez-moi  donc  encore  quelques  mots  sur  Fétat  social 
de  notre  première  mère-patrie. 

Pendant  mon  séjour  à  Paris,  un  soir  du  mois  de  mars  1876, 
je  m'arrêtai  sur  le  pont  de  la  Concorde,  et  voici  le  spectacle 
que  je  contemplai. 

En  face  de  moi,  dans  un  lointain  sombre,  j'apercevais  au 
fond  de  la  rue  Royale  la  belle  et  grande  église  de  la  Made- 
leine. Derrière  moi,  tout  près  de  la  Seine,  le  Corps  législatif 
dressait  ses  lourdes  colonnes.  A  droite,  au-dessus  des  grands 
arbres,  surgissaient  les  Tuileries  abandonnées  et  partiellement 
démolies  ;  à  gauche,  le  Palais  de  l'Industrie  où  se  faisait  une 
exposition  industrielle. 

Ce  qui  animait  ce  tableau,  c'était  la  multitude  de  lumières 
qui  scintillaient  partout.  Les  unes  s'allongeaient  en  lignes 
symétriques  à  perte  de  vue  de  l'ile  de  la  Cité  jusque  sur  les 
hauteurs  dePassy  ;  d'autres  s'étendaient  en  groupes  épars  sur 
la  Place  de  la  Concorde  et  dans  les  Champs  Elysées.  Les  unes 
étaient  immobiles  comme  les  étoiles  fixes  du  firmament,  les 
autres  marchaient,  couraient,  se  croisaient  dans  toutes  les  di- 
rections et  sillonnaient  l'obscurité  de  leurs  rayons  rouges, 
bleus,  verts  ou  blancs. 

Il  me  sembla  que  ce  tableau  était  une  image  parfaite  de  la 
position  du  peuple  français  et  de  presque  toutes  les  nations 
modernes. 

La  Madeleine,  c'était  l'Eglise  catholique  ;  le  Corps  législatif, 
c'était  l'Etat.  Les  deux  pouvoirs  étaient  en  face  l'un  de  l'autre, 
mais  au  lieu  d'être  unis  comme  ils  devraient  l'être  dans ^  une 


DISCOURS   DE   M.   A.   B.   ROUTHIER.  29 

société  bien  organisée,  je  les  voyais  séparés  par  un  fleuve,  que 
les  préjugés,  les  passions  et  les  vices  avaient  creusé.  La  sépa- 
ration pourtant  n'était  pas  complète,  et  le  pont  jeté  sur  le 
fleuve  pour  les  réunir  me  rappela  le  concordat  :  "  Il  en  por- 
tait presque  le  nom."   (Applaudissements.) 

Les  réverbères  immobiles  symbolisaient  les  vérités  de  la 
foi,  les  dogmes  catholiques,  qui,  sans  varier,  éclairent  toujours 
ceux  qui  ne  ferment  pas  obstinément  les  yeux. 

Les  fanaux  ambulants  et  de  couleurs  diverses,  c'étaient  les 
opinions  des  hommes,  leurs  systèmes,  leurs  utopies,  leurs 
programmes.  C'étaient  les  politiques  arborant  pour  parvenir 
à  leur  but,  tantôt  une  couleur,  tantôt  une  autre,  et  tantôt 
plusieurs  couleurs  à  la  fois.  (Rires.) 

La  Place  de  la  Concorde,  c'était  bien  l'endroit  où  ils  de- 
vaient se  rencontrer.  Mais  qu'ils  étaient  loin  de  s'entendre,  et 
que  leurs  langage^  étaient  différents  !  La  Concorde  !  J'en 
voyais  bien  la  place,  mais  je  cherchais  vainement  la  cliose. 

Je  ne  la  trouvais  ni  entre  l'Eglise  et  l'Etat,  ni  entre  les  gou- 
vernants et  les  gouvernés,  les  classes  dirigeantes  et  les  classes 
ouvrières,  que  les  Tuileries  et  le  Palais  de  l'Industrie  me  sem- 
blaient représenter  ! 

Puis  au  milieu  de  cette  grande  place  vide de  concorde, 

j'apercevais  à  l'endroit  même  où  s'éleva  la  guillotine  en  93, 
l'obélisque  de  Louqsor,  placé  là  on  ne  sait  pourquoi,  peut-être 
pour  cacher  l'ineffaçable  tache  de  sang  du  régicide,  ou  pour 
représenter  le  doigt  vengeur  des  victimes,  dressé  vers  le  ciel 
pour  en  faire  descendre  la  foudre  !  (Appl.) 

Messieurs,  ce  tableau  peu  flatteur,  mais  sincère,  doit  nous 
apprendre  que  pour  avoir  la  paix  sociale  et  la  stabilité  des 
pouvoirs,  il  faut  faire  à  Dieu  une  place  proportionnée  à  sa 
grandeur,  et  non  pas  le  reléguer  dans  un  petit  coin  de  la 
patrie. 

Donc,  Messieurs,  place  à  Dieu  dans  nos  institutions  et  dans 
nos  lois  !  Place  à  Dieu  dans  nos  codes,  dans  nos  mœurs  et 
dans  nos  sphères  politiques,  et  notre  pays  sera  paisible  et 
grandira  dans  l'harmonie. 


30  PREMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU   A   QUÉBEC. 

III 

Tout  ce  que  je  viens  de  vous  dire,  messieurs,  est  vrai  pour 
toutes  les  nations  et  appliquable  à  chacune  d'elles.  Mais  il  y  a 
des  peuples  auxquels  Dieu  impose  une  obligation  plus  rigou- 
reuse de  rester  étroitement  attachés  à  la  foi.  Il  y  a  des  peuples 
qu'il  se  choisit  lui-môme,  qu'il  forme  pour  ainsi  dire  avec 
plus  de  soin,  sur  lesquels  il  veille  avec  une  sollicitude  plus 
paternelle  et  auxquels  il  assigne  une  mission  spéciale.  Tel  a 
été  le  peuple  juif,  telle  fut  la  nation  française  et  tel  est  le 
peuple  canadien-français. 

Il  est  le  Benjamin  de  la  grande  famille  humaine,  et  si  vous 
étudiez  attentivement  son  origine  et  son  histoire,  vous  y 
verrez  qu'il  a  été  l'objet  des  prédilections  de  Dieu.  Je  n'hésite 
pas  à  dire  qu'il  n'y  a  pas  une  nation  qui  puisse  montrer  à  son 
origine  des  gloires  aussi  pures  que  celles  qui  entourent  notre 
berceau.  > 

Pourrait-on  nommer  un  marin  d'une  foi  plus  vivace,  d'un 
caractère  plus  élevé,  d'un  génie  plus  pénétré  de  sa  mission 
que  l'admirable  Jacques-Cartier  ?  Pourrait-on  citer  un  décou- 
vreur qui  ait  pris  possession  d'une  terre  nouvelle  d'une  ma- 
nière plus  chrétienne  et  qui  ait  plus  clairement  manifesté  sa 
volonté  de  la  donner  à  son  roi  et  au  Christ  ? 

Y  a-t-il  un  fondateur  de  ville  dont  la  vie  soit  plus  irrépro- 
chable, dont  l'âme  soit  plus  noble  et  plus  éclairée  que  le  fon- 
dateur de  Québec,  qui  avait  l'énergie  d'un  marin,  le  courage 
d'un  soldat,  le  génie  d'un  chef  de  peuples  et  avec  cela  la  chas- 
teté d'une  vierge  ? 

Quel  chevalier  fut  jamais  choisi  d'une  manière  plus  provi- 
dentielle et  se  montra  plus  digne  de  sa  mission  que  le  chevalier 
de  Dieu  qui  fonda  Ville-Marie  ? 

Où  trouverons-nous  un  évoque  plus  illustre  par  sa  nais- 
sance et  sa  distinction,  par  ses  talents  et  ses  vertus,  par  son 
zèle  apostolique  et  ses  bienfaits,  que  Mgr  de  Momorency- 
Laval,  dont  l'esprit  et  le  génie  survivent  dans  les  continuateurs 
de  sa  mission,  et  dont  l'œuvre  monumentale  se  déploie  sous 
vos  yeux  et  promet  d'être  immortelle  ?  {AppL) 


DISCOURS    DE    M.    A.    B.   ROUTHIER.  31 

Et  si  à  côté  des  fondateurs  de  villes  et  de  séminaires  je  vou- 
lais ranger  les  fondatrices  de  monastères  et  de  couvents, 
quelles  vertus  célestes  n'aurais-je  pas  à  vous  faire  admirer 
dans  ces  femmes  courageuses  qui  venaient  réclamer  leur  part 
de  la  moisson  des  âmes  dans  cette  vigne  nouvelle  que  la 
France  et  l'Eglise  avaient  plantée  aux  bords  du  St-Laurent  ! 

Mais  toutes  ces  origines  de  notre  pays  vous  sont  connues,  et 
personne  n'oserait  maintenant  révoquer  en  doute  leur  carac- 
tère profondement  religieux.  C'est  au  soleil  de  la  foi  que  le 
Lys  a  fleuri  sur  les  bords  du  St-Laurent  et  c'est  à  l'ombre  des 
autels  que  notre  nationalité  s'est  formée.   {Appl.) 

Les  rois  très-chrétiens  et  leurs  envoyés,  Jacques-Cartier, 
Samuel  de  Champlain,  M.  de  Maisonneuve,  Mgr  de  Laval,  les 
fils  de  Loyola  et  les  saintes  femmes  auxiliatrices  de  ces  grands 
hommes,  tous  n'avaient  qu'un  but  éminemment  religieux 
dans  l'établissement  de  la  Nouvelle-France  :  ils  voulaient 
convertir  et  civiliser  les  tribus  sauvages  et  former  sur  les 
bords  du  St-Laurent  une  nation  catholique. 

Non-seulement  la  Providence  a  présidé  à  notre  naissance, 
et  nous  a  montré  dès  lors  le  chemin  que  nous  devions  suivre  ; 
mais  elle  nous  a  protégés  contre  les  ennemis  à  l'extérieur  et  à 
l'intérieur,  et  quand  elle  a  prévu  que  notre  m^re  elle-même 
allait  devenir  la  cause  de  notre  perte,  elle  nous  a  violemment 
arrachés  de  ses  bras,  et  c'est  quand  nous  pleurions  d'être  or- 
phelins qu'elle  assurait  notre  salut  ! 

Etrange  dérision  des  événements  de  ce  monde  !  La  France 
riait  alors  pendant  que  nos  aïeux  versaient  des  larmes  amères 
mêlées  avec  leur  sang,  et  cependant  c'est  la  France  qui  eut  dû 
pleurer  parce  qu'elle  perdait  la  fille  la  plus  dévouée,  la  plus 
noble  et  la  plus  attachée  à  son  prince  et  à  son  Dieu  —  tandis 
que  cette  fille,  en  étant  séparée  de  sa  mère,  avait  le  rare  bon- 
heur d'échapper  à  la  révolution. 

'  Mais  laissez-moi  vous  raconter  plus  longuement  cette 
époque  lugubre  de  notre  vie,  et  vous  montrer  ce  que  la  Pro- 
vidence des  nations  sait  accomplir  par  la  seule  voix  de  ses 
prêtres  et  de  ses  pontifes. 

Laissez-moi  vous  démontrer,  en  mettant  en   regard  cette 


32       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

page  douloureuse  de  notre  histoire,  et  un  chapitre  de  celle  du 
peuple  Jnif,  que  les  prêtres  du  vrai  Dieu  ne  sont  pas  seule- 
ment les  protecteurs  et  les  défenseurs  de  la  nationalité,  mais 
qu'ils  la  sauvent  encore  lorsque  les  autres  hommes  sont  im- 
puissants et  la  voient  s'éteindre  dans  une  suprême  agonie  ! 

IV 

Il  n'y  a  probablement  pas  un  peuple  qui  ait  été  plus  cou- 
pable que  le  peuple  juif  ;  mais  il  n'y  en  a  pas  non  plus  qui  ait 
été  plus  châtié  ! 

Aussi,  son  histoire  est-elle  la  plus  terrible  "et  la  plus  drama- 
tique qui  existe.  L'on  frémit  et  l'on  s'indigne  en  parcourant 
cette  longue  série  de  crimes  et  de  châtiments  dont  la  mono- 
ton>3  devient  irritante. 

Lh  page  qui  raconte  l'offense  est  immédiatement  suivie  de 
celle  qui  raconte  la  punition,  et  les  deux  acteurs  de  ce  drame 
palpitant,  Israël  et  Dieu,  ne  se  lassent  pas,  le  premier  de 
pécher  et  de  se  repentir,  le  second  de  punir  et  de  pardonner. 

Un  jour  vient,  cependant,  où  la  miséricorde  divine  paraît 
être  lasse,  où  la  justice  semble  frapper  ses  derniers  coups. 
[Sensation.) 

Achab  et  Jézabel  régnent  dans  Israël.  Achab,  plus  méchant 
que  tous  ceux  qui  furent  avant  lui,  et  Jézabel  plus  méchante 
qu'Achab  ! 

Ils  ont  abandonné  les  commandements  du  Seigneur  et  ils 
servent  Baal.  Ils  tuent  les  prophètes  du  vrai  Dieu,  et  bientôt 
il  ne  reste  plus  en  face  d'Achab  et  de  ses  450  prophètes  de  Baal, 
en  face  de  l'infâme  Jézabel  et  de  ses  400  prophètes  des  bois 
sacrés,  il  ne  reste  plus  qu'un  seul  homme,  Elle  ! 

Et  ce  seul  prêtre  du  vrai  Dieu  est  plus  puissant  qu'eux  tous! 

Mais,  ô  mystère  de  la  faiblesse  humaine,  voilà  que  tout-à- 
coup  le  grand  prophète  lui-même  paraît  faiblir  devant  Jézabel 
Cet  homme  qui  ressemble  à  un  dieu,  qui  vient  de  ressusciter 
un  mort,  qui  a  fait  descendre  du  ciel  le  feu  et  la  pluie,  qui 
n'a  pas  craint  la  colère  d'Achab  et  qui  a  tué  ses  prophètes  de 
Baal,  cet  homme  tremble  et  fuit  devant  une  femme  ! 

Il  s'en  va  dans  le  désert.    Il  marche   pendant  40  jours 


DISCOURS  DE   M.   A.   B.   KOUTHIER.  #  33 

et  40  nuits,  jusqu'à  Horeb,  la  montagne  de  Dieu,  et  il  veut 
mourir. 

Alors  la  terre  tremble,  un  vent  impétueux  renverse  les 
montagnes  et  brise  les  rochers,  un  feu  dévorant  court  sur  la 
terre,  et  soudain,  dans  le  souffle  d'une  brise  légère,  la  voix  du 
Seigneur  se  fait  entendre  : 

"  Que  fais-tu  ici  Elie  ?  Retourne  à  Damas,  va  sacrer  Hazaël, 
roi  de  Syrie,  et  Jébu,  roi  d'Israël,  va  sacrer  Elisée,  prophète 
en  ta  place  !  " 

Elie  se  ranime  à  cette  parole.  Il  reprend  sa  mission,  et  le 
peuple  d'Israël,  dont  il  n'y  avait  plus  qu'à  régler  les  funérailles, 
est  encore  une  fois  sauvé,  parce  qu'il  lui  reste  un  prêtre  pour 
lui  sacrer  un  roi  et  un  prophète  !  [Salves  iV applaudissements.) 

Ouvrons  maintenant  noire  propre  histoire,  et  retournons  un 
peu  plus  d'un  siècle  en  arrière. 

Quel  spectacle  de  désolation  et  de  deuil  s'offre  à  nos  regards! 

Cette  belle  colonie  française  fondée  par  une  population 
d'élite  CGt  passée  sous  le  joug  de  l'étranger.  Son  fier  Montcalm 
est  mort.  Son  illustre  général  de  Lévis  qui  ne  fut  jamais 
vaincu  est  parti  pour  la  France  avec  ses  braves  officiers  et  ses 
troupes  valeureuses.  Son  gouverneur,  ses  administrateurs,  sa 
noblesse,  tous  ses  citoyens  les  plus  marquants  l'ont  abandon- 
née. Ses  villes  sont  désertes.  Les  rues  de  Québec  pleurent — 
comme  celles  de  Sion — parce  qu'elle  n'est  plus  qu'un  amas  de 
ruines  et  de  cendres,  et  les  campagnes  environnantes  sont  hor- 
riblement dévastées.  Les  emplois  publics  sont  distribués  à  une 
nuée  d'aventuriers  incapables  et  de  spoliateurs  tyranniques. 
La  persécution  est  commencée  ;  les  familles  ruinées  et  déci- 
mées par  la  guerre  gémissent  sous  le  joug  de  leurs  nouveaux 
maîtres.  Il  ne  reste  plus  avec  le  clergé,  ferme  à  son  poste, 
que  quelques  milliers  d'agriculteurs  disséminés  dans  les  cam- 
pagnes où  régnent  la  misère  et  la  consternation. 

Sans  doute,  on  avait  eu  déjà  des  jours  mauvais;  mais  au- 
dessus  des  nuages  brillait  toujours  l'astre  de  l'espérance,  et 
l'aurore  se  levait  pleine  de  promesses.  Sa  gloire  militaire  illu- 
minait l'horizon,  les  lauriers  remplaçaient  les  moissons  dé- 
vastées sur  les  champs  de  bataille,  et  lorsque  l'on  voyait  aux 


34       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUEBEC. 

créneaux  de  la  citadelle  flotter  le  vieux  drapeau  blanc,  revenu 
de  Carillon  criblé  de  balles,  on  se  disait  qu'un  jour  ce  glorieux 
étendard  se  promènerait  vainqueur  de  l'Atlantique  au  Pa- 
cifique. {Vifs  applaudissements.)   ■ 

Hélas  î  ces  espoirs  chimériques  sont  désormais  évanouis. 
La  France  a  abandonné  le  chamj  e  bataille  ;  les  chefs  sont 
partis  pour  ne  plus  revenir,  et  la  victoire  elle-même,  au  mo- 
ment décisif  a  trahi  le  vieux  drapeau.  La  gloire  est  défaillante 
et  l'espérance  est  morte  ! 

O  ma  patrie  !  Est-ce  bien  toi  que  je  vois  ainsi  réduite  ?  N'y 
a-t-il  plus  vraiment  aucun  espoir,  et  le  tombeau  est-il  à  jamais 
scellé  sur  ton  existence  ?  (Sensation  profonde.) 

Non  ;  car  au  fond  du  sépulcre  où  tu  pleures  tes  chefs  ab- 
sents et  tes  enfants  massacrés,  la  voix  du  prêtre  s'est  fait  en- 
tendre, et  elle  t'a  dit,  comme  le  Christ  à  Béthanie  :  "  Lazare, 
lève-toi  et  marche.  " 

Et  tu  t'es  levée,  et  tu  as  regardé  l'horizon  ;  et  la  voix  consola- 
trice a  continué  : 

''  Si  tu  ne  vis  plus  pour  la  France,  tu  vivras  pour  Dieu  !  Tu 
ne  verras  plus  sur  tes  murs  le  drapeau  fleurdelisé,  mais  tu 
gardes  tes  autels  :  j'y  baptiserai  tes  enfants,  j'y  marierai  tes 
fils  et  tes  filles  et  le  Ciel  bénira  et  multipliera  ta  postérité.  " 

Voilà,  messieurs,  ce  que  la  religion  peut  faire  jt  ce  qu'elle  a 
fait. 

Elle  ressuscite  les  peuples  morts  !  Elle  transforme  les  vain- 
cus en  vainqueurs  î  A  l'heure  où  tout  semble  perdu,  elle  met 
sur  leurs  lèvres  un  hymne  d'espérance  et  ils  reprennent  leur 
marche  vers  le  but  divin.  [Applaudissements  prolongés.) 

Il  n'y  a  que  Satan  et  ceux  qui  le  suivent  qui  soient  d'éter- 
nels vaincus  !  Le  Christ  et  ses  frères  sont  vainqueurs  pour 
l'éternité  !  Ils  montent  au  Calvaire,  on  les  croit  morts  et  ils 
vivent  !  [Salve  d'Appl.) 


Quelle  conclusion  tirerons-nous  maintenant  de  tout  ce  que 
je  viens  de  dire  ? 

Je  vous  ai  montré  l'action  de  Dieu  à  notre  berceau,  la  Pro- 


DISCOURS   DE    M.    A.    H.    ROUTHIER.  35 

vidence  choisissant  au  milieu  d'un  peuple  choisi,  des  âmes 
d'élite  et  leur  inspirant  la  vocation  ih)  fonder  ici  une  France 
nouvelle  entièrement  et  uniquement  dévouée  à  la  foi  catho 
lique. 

Je  vous  ai  dit  comment  l'église  avait  veillé  sur  ce  peuple 
naissant  et  l'avait  préservé  do  mille  da^igers,  et  comment  enfin 
son  clergé  toujours  vigilant  et  dévoué,  était  resté  seul  à  son 
chevet  de  mourant,  dans  les  grands  jours  d'épreuve,  et  l'avait 
arraché  à  la  mort. 

De  ces  prémisses  qui  sont  inébranlables  au  point  de  vue 
historique,  je  conclus  que  Dieu  a  vraiment  fait  alliance  avec 
nous  en  Amérique,  comme  il  l'a  faite  en  Europe  avec  la 
Franc  3  et  comme  il  la  fit  avec  le  peuple  juif  avant  l'ère  chré- 
tienne. 

De  ce  pacte  mystérieux  mais  réel  découlent  des  obligations 
pour  les  deux  parties  contractantes.  De  la  part  de  Dieu,  c'est 
l'assistance,  la  protection  et  toutes  les  garanties  de  stabilité, 
de  bien-être  social  et  de  gloire.  De  notre  part,  c'est  l'atta- 
chement inébranlable  à  notre  foi,  la  docilité  aux  enseigne- 
ments de  l'Eglise,  l'union  et  l'harmonie  entre  les  pouvoirs 
ecclésiastique  et  civil. 

La  France  avait  un  autre  devoir  découlant  de  son  alliance  : 
c'était  de  défendre  l'Eglise  dans  le  danger  ;  et  vous  savez  que 
lorsqu'elle  y  a  manqué,  elle  a  toujours  senti  le  contrecoup 
des  malheurs  de  l'Eglise.  Il  est  possible  que  Dieu  nous  des- 
tine à  ce  rôle  dans  l'avenir  comme  notre  ancienne  mère-patrie, 
et  c'est  un  des  événements  les  plus  glorieux  de  notre  histoire 
d'avoir  pu  déjà  figurer  à  côté  de  la  France  dans  les  armées  de 
l'Eglise. 

Il  y  a  dix  ans  que  le  pontife  de  Rome  a  vu  ce  spectacle  ma- 
gnifique :  la  mère  et  la  fille  unies  dans  le  même  amour  et  le 
môme  dévouement,  traversant  les  mers  pour  la  défense  de  la 
même  cause  et  devenant  toutes  deux  sentinelles  du  Vatican  ! 
La  mère  enseignant  à  sa  fille  le  dur  métier  des  armes  qu'elle 
a  pratiqué  pendant  tant  de  siècles,  et  la  fille  rappelant  à  sa 
mère  la  foi  ardente  de  ses  jeunes  années  !  {AppL) 

Ce  souvenir  vous  fait  tressaillir  et  produit  sans  doute  un 


36       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

gonflement  d'orgueil  dans  vos  poitrines.  C'est  un  bonheur 
pour  moi  de  vous  le  rappeler  en  ce  moment  où  j'aperçois 
réunis  nos  excellents  zouaves.  Honneur  à  eux  puisqu'en  of- 
frant généreusement  leur  vie  à  l'Eglise  de  Dieu,  ils  ont  ratifié 
et  sanctionné  de  nouveau  le  pacte  sacré  qui  nous  unit  à  elle. 

Fils  d'un  peuple  qui,  plus  qu'aucun  autre,  a  gardé  le  senti- 
ment de  l'honneur,  respectons  toujours  les  engagements  pris 
par  nos  pères  ! 

Ne  commettons  jamais  la  faute  de  décliner  ce  pacte  divin 
qu'ils  ont  signé  de  leur  sang,  et  soyons  assurés  qu'il  entre- 
tiendra toujours  au  fond  de  nos  cœurs  cette  pure  flamme  du 
patriotisme  qui,  comme  le  feu  sacré  des  vestales  antiques,  pré- 
sage, quand  elle  ne  s'éteint  pas,  le  bonheur  et  la  gloire  des 
nations!  [Triple  salve  cVa^rplaudissemcnts  et  bravos  prolongés.) 


M.  Claudio  Jannet,  professeur  à  l'Université  catholique  de 
Paris,  termina  la  séance  par  un  discours  remarquable  sur  le 
sujet  suivant  :  du  rôle  des  classes  riches  dans  les  sociétés  moder- 
nes. Nous  regrettons  de  n'en  pouvoir  donner  qu'un  simple 
rapport  sténographique. 


DISCOURS  DE  M.  CLAUDIO  JANNET. 


MesseigneurSy  Excellence^  Mesdames^  Messieurs., 

A  l'ouverture  de  ce  Congrès,  votre  éminent  président  vous 
disait,  dans  un  excès  de  courtoisie  pour  ses  hôtes,  que  la  supé- 
riorité dans  la  littérature  et  l'éloquence  resterait  toujours  à  la 
vieille  patrie.  Qu'il  me  permette  de  ne  pas  accepter  cette  pa- 
role et  de  lui  dire  qu'il  s'est  en  quelque  façon  donné  un  dé- 
menti à  lui-même.  Ne  vient-il  pas  de  vous  prouver,  et  d'autres 
orateurs  avec  lui  ne  vous  ont-ils  pas  prouvé,  que  le  Canada  n'a 
rien  à  envier  à  la  France  sous  le  rapport  de  l'éloquence  ?  Ah  î 
sans  doute,  vous  regrettez  tous  justement  que  M.  de  Mun  et  M. 


DISCOURS    DE   M.    CLAUDIO    JANNET.  37 

Lucien  Brun  n'aient  pu  se  rendre  à  votre  invitation,  mais  il  y 
a  sur  votre  sol  béni  des  voix  qui  se  font  les  nobles  interprètes 
de  votre  foi,  des  v«ix  qui  célèbrent  dignement  vos  magnifiques 
institutions,  qui  affirment  la  langue  de  la  mère-patrie,  et  par- 
dessus tout  redisent  ce  langage  admirable  de  la  religion  que 
l'on  ne  saurait  oublier  lorsqu'on  l'a  une  fois  entendu  dans  la 
touche  de  M,  Routhier.  [Applaudissements.) 


J'ai  à  vous  parler  du  rôle  que  doivent  jouer  les  classes 
riches  dans  la  société.  Grave  question,  messieurs.  Question 
de  l'intérêt  le  plus  pratique,  et  dont  la  solution,  vraie  ou 
fausse,  doit  influer  nécessairement  sur  la  paix  intérieure 
d'une  nation  et  sur  son  avenir.  Mais  ici  déjà  je  ne  puis  oublier 
qu'un  de  vos  meilleurs  écrivains,  M.  Etienne  Parent,  a  traité 
ces  questions,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  avec  toute  la  pré- 
cision que  comportait  l'état  actuel  de  la  science,  et  aussi  avec 
une  élévation  de  pensées  et  une  générosité  de  sentiments  qui 
assureront  toujours  à  ses  écrits  une  haute  valeur.  Vous  n'en 
devez  pas  moins  être  félicités,  messieurs,  pour  avoir  repris 
cette  question  sur  le  programme  de  votre  Congrès  catholique. 
Où  pourrait-elle  en  effet  être  mieux  traitée  que  dans  cette  réu- 
nion où  l'Episcopat  dans  ses  plus  éminents  représentants  et  la 
société  civile  dans  ses  membres  les  plus  généreux  s'entendent 
pour  examiner  le  présent,  préparer  l'avenir  et  traiter  les 
grands  intérêts  de  la  patrie  et  de  la  religion  t  Je  vous  félicite 
donc,  messieurs,  et  je  souhaite  que  les  congrès  catholiques 
qui  suivront  certainement  celui  qui  réussit  si  bien  aujour- 
d'hui, continuent  les  études  que  nous  inaugurons  en  ce 
moment. 

La  question  que  j'ai  à  traiter  est  éminemment  du  ressort 

de  l'enseignement  catholique.  Notre  religion,  dans  sa  man- 

fuétude  toute  divine,  cette  religion  qui  s'appelle  si  bien  la 

loi  de  charité,  a  toujours  porté  sa  sollicitude  maternelle  sur 

les  pauvres,  sur  ceux  qui  souffrent  et  ont  faim.    Bien  loin 

d'être  éliminée  de  ce  champ  d'action  par  les  progrès  sociaux 

3 


38       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

la  marche  des  sociétés  modernes,  les  périls  qu'elles  rencontrent 
dans  leur  route,  les  souffrances  nouvelles  qui  viennent  dans 
le  sein  des  nations  les  plus  prospères  faire  un  si  douloureux 
contraste  avec  l'accroissement  de  la  richesse,  tout  cela  fait  de 
l'intervention  de  l'Eglise  dans  les  rapports  économiques  une 
nécessité  plus  grande  que  jamais,  une  question  de  vie  ou  de 
mort  pour  les  nations. 

Les  revendications  socialistes  qui  viennent  périodiquement 
troubler  la  paix  des  nations  les  plus  riches  du  vieux  monde, 
et  qui,  il  y  a  trois  ans,  avaient  un  si  douloureux  écho  dans  la 
sanglante  guerre  des  chemins  de  fer  aux  Etats-Unis,  témoi- 
gnent assez  des  dangers  que  courent  les  peuples  qui  ne  font 
plus  à  Dieu  et  à  son  Eglise,  dans  leurs  institutions  et  dans 
leurs  mœurs,  la  place  qui  leur  est  due. 

L'inégalité  des  richesses  et  la  profonde  différence  des  condi- 
tions sociales  qui  en  est  la  conséquence  sont  un  fait  sur  lequel 
les  théoriciens  peuvent  discuter,  mais  qui, comme  fait,  s'impose 
depuis  le  commencement  du  monde.  On  doit  même  constater 
que  cette  inégalité  va  en  s'accentuant  à  mesure  que  les  sociétés 
deviennent  plus  riches.  L'égalité  existe  beaucoup  plus  dans 
l'état  sauvage  que  dans  l'état  civilisé,  mais  cette  égalité  est 
une  égalité  de  niisère  et  de  dénuement.  Les  progrès  des  arts 
entraînent  au  contraire  par  le  jeu  de  la  liberté  humaine  une  ' 
inégalité  croissante  de  richesses.  La  condition  des  hommes  qui 
restent  au  dernier  rang  n'est  pas  empirée  en  elle-même  ;  ils 
ont  plus  de  facilité  pour  gagner  leur  vie  en  étant  entourés  de 
gens  riches  :  c'est  là  un  fait  d'expérience  journalière  et  qui 
justifie,  au  point  de  vue  de  la  raison,  l'ordre  naturel  des  socié- 
tés. Mais  la  froide  raison  n'est  pas  seule  à  agir  dans  l'homme  ; 
avant  tout  il  sent,  et  le  contraste  entre  la  condition  de  ceux 
qui  vivent  du  produit  de  la  richesse  héréditaire  ou  des  pro- 
fessions libérales  et  le  sort  de  ceux,  bien  plus  nombreux,  qui 
gagnent  leur  vie  littéralement  à  la  sueur  de  leur  front,  au  jour 
le  jour,  par  un  travail  manuel,  ce  contraste  soulèvera  toujours 
un  problème  douloureux,  impossible  à  résoudre  pacifiquement 
si  l'on  ne  remonte  aux  principes  généraux  de  tout  l'ordre  des 
choses. 


DISCOURS  DE   M.   CLAUDIO   JANNET.  39 

Or,  ici,  deux  doctrines  sont  en  présence  :  la  doctrine  du  ra- 
tionalisme et  celle  du  christianisme. 

Je  voudrais  dans  cet  entretien  vous  montrer  la  différence  de 
ces  ucux  doctrines,  t  ensuite  indiquer  la  nature  et  la  mesure 
du  bonheur  tempo:  ci  que  la  pratique  des  enseignem  its  du 
christianisme  peut  assurer  aux  sociétés. 

II 

La  doctrine  rationaliste  ou  libérale,  comme  elle  s'appelle 
quelquefois  elle-même  par  une  étrange  usurpation,  part  du 
principe  que  l'homme  est  en  lui-môme  la  source  de  tous  les 
droits,  et  que  la  liberté,  c'est-à-dire  la  faculté  assurée  à  chacun 
de  chercher  son  propre  avantage,  de  faire  valoir  ses  aptitudes, 
suffit  complètement  aux  sociétés.  Une  fois  la  richesse  consti 
tuée,  c'est  à  chaque  homme,  dit-elle,  à  en  jouir  comme  il  l'en- 
tend. Lui  seul  en  est  la  source,  lui  seul  doit  en  bénéficier. 
Un  économiste  de  grande  valeur,  J.  B.  Say,  a  exprimé  cette 
doctrine  en  termes  très  précis  :  "  Nos  satisfactions,  dit-il,  nais- 
sent de  nos  besoins  ;  plus  l'homme  multiplie  ses  besoins  et  les 
occasions  de  les  satisfaire,  plus  il  multiplie  ses  jouissances,  plus 
il  devient  homme...  La  modération  dans  les  désirs  ne  peut 
être  que  la  vertu  des  moutons.  "  [Rires.) 

Assurément,  messieurs,  je  ne  veux  pas  méconnaître  ce  qu'il 
y  a  de  vrai  dans  cette  affirmation  du  droit  de  chacun  de  re- 
chercher son  avantage  propre  ;  c'est  là  le  grand  ressort  du 
monde  économique,et  ce  sentiment  aussi  vif  qu'il  est  indestruc- 
tible, sauf  chez  quelques  nations  d'élite  que  séduit  le  divin 
attrait  des  conseils  évangéliques,  ce  sentiment  dis-je,  a  été 
mis  par  Dieu  dans  le  cœur  de  chaque  être  pour  que  la  créa- 
tion fut  conservée.  Je  ne  veux  pas  non  plus  méconnaître  la 
légitimité  de  la  hiérarchie  sociale  qui  en  découle  ;  ma' s  com- 
bien cette  vue  de  l'ordre  des  sociétés  est  incomplète,  combien 
elle  est  insuffisante  !  Voye  '^n  effet  comment,  dans  la  doctrine 
rationaliste  ou  libérale,  à  mesure  que  le  développement  de  la 
richesse  matérielle  est  assurée  au  profit  de  quelques  individus, 
les  sentiments  de  bienveillance  entre  les  hommes  et  l'har- 
monie sociale  sont  sacrifiés  ! 


'  40       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

f 

Qu'importent  les  libertés  politiques  et  l'égalité  civile  devant 
ce  grand  fait  de  l'inégalité  économique,  si  l'autonomie  seule 
de  l'individu  doit  présider  à  l'usage  de  la  richesse  ?  L'abolition 
des  privilèges  de  droit  n'est  qu'une  illusion  devant  l'accroisse- 
ment des  privilèges  de  fait,  et  la  richesse  accumulée  est,  vous 
le  savez,  une  immense  source  de  pouvoir  dans  les  sociétés  les 
plus  démocratiques  en  apparence.  {Très-bien  !) 

Le  peuple  est  la  première  dupe  de  cette  formule  si  pleine  de 
prestiges  de  liberté^  égalité  et  fraternité,  là  où  elle  ne  reçoit  pas 
une  interprétation  chrétienne. 

La  liberté  n'est  en  effet  que  le  droit  pour  le  riche  nourri 
dans  les  doctrines  du  rationalisme  de  tirer  tous  les  avantages 
possibles  de  sa  situation  ;  l'égalité  est  une  dérision  qu'il  jette 
au  pauvre  en  l'engageant  à  devenir  riche  lui  aussi  s'il  le  peut. 
La  vraie  fraternité  est  ainsi  radicalement  détruite,  et  il  y  a 
telle  de  nos  sociétés  démocratiques  modernes  qui  en  est  en 
réalité  beaucoup  plus  loin  que  les  sociétés  anciennes  que 
l'ignorance  confond  sous  le  terme  général  de  temps  féodaux  ou 
d'ancien  régime. 

La  liberté  ne  se  suffît  donc  pas  à  elle-même,  suivant  une 
parole  célèbre.  La  liberté  est  un  mode  d'action  nécessaire  à 
l'homme  pour  qu'il  puisse  remplir  ses  devoirs,  accomplir 
l'œuvre  du  bien  à  laquelle  Dieu  le  convie  ;  mais  elle  n'est  en 
somme  qu'une  négation  de  l'obstacle  ou  de  la  contrainte  ;  elle 
n'est  pas  un  principe  de  vie,  et  une  société  qui  ne  demanderait 
pas  l'impulsion  à  une  force  supérieure,  aboutirait  fatalement, 
au  bout  d'un  certain  temps,  au  despotisme  ou  à  l'anarchie  qui 
n'est  qu'une  forme  du  despotisme,  car  elle  est  toujours  l'op- 
pression du  faible. 

Ne  l'oublions  pas,  l'idée  de  rhomme  constitué  comme  son 
propre  maître  et  son  propre  auteur  ne  nous  ferait  voir  que 
des  droits.  Or,  les  rapports  des  hommes  en  société  doivent 
nécessairement  avoir  pour  base  le  devoir.  C'est  donc  encore  à 
Dieu  que  nous  devons  remonter,  à  ces  grandes  lois  des  rap- 
ports entre  le  Créateur  et  la  créature,  aux  relations  du  ciel  et 
de  la  terre.  Mais,  ces  devoirs,  qui  les  précisera  ?  Ces  obliga- 
tions corrélatives  de  la  richesse  qu'affirme  instinctivement 


DISCOURS  DE   M.   CLAUDIO   JANNET.  "       41 

la  conscience  des  peuples,  qui  les  précisera  ?  Sera-ce  l'Eglise 
ou  le  socialisme  ?  voilà  la  question. 

Faire  passer  la  richesse  dans  toutes  les  classes  de  la  société, 
rendre  égal  le  bien-être  des  uns  et  des  autres,  voilà  les  préten- 
tions du  socialisme.  Or,  ce  ne  sont  que  de  stériles  et  vains 
rêves.  Car  il  veut  obtenir  avec  les  jjassions  humaines  et  en 
lâchant  la  bride  à  toutes  les  convoitises  les  prodiges  de  vertu 
que  le  Christianisme  obtient  seulement  de  quelques  âmes 
d'élite.  Les  moyens  pratiques  que  proposent  les  systèmes 
socialistes  pour  donner  le  bonheur  à  tous  et  réaliser  l'égalité 
sont  absolument  irréalisables.  Pût-on  même  y  parvenir,  ce  ne 
serait  encore  qu'un  fantôme  de  l'égalité  :  le  Christianisme  est 
le  seul  qui  a  donné  la  vraie  égalité.  L'égalité  du  socialisme 
ne  peut  être  que  l'égalité  dans  l'oppression  et  la  destruction. 
Il  veut  supprimer  ce  qu'il  y  a  de  vrai  et  de  légitime  dans  le 
sentiment  personnel  qu'affirme  justement  l'école  économique 
libérale,  mais  qu'elle  a  le  tort  d'isoler  et  de  ne  pas  compléter 
par  une  notion  supérieure. 

Ouvrons,  messieurs,  ce  livre  admirable  que  nous  pouvons 
bien  appeler  divin,  la  Somme  de  St-Thomasd'Aquin,  et  voyons 
au  début  !  Comment  l'homme  est-il  dans  ce  monde  ?  A-t-il  pu  y 
être  par  lui-môme  ?  Non.  Mais  s'il  a  un  Créateur,  il  a  une 
fin  en  dehors  de  lui.  Sont-ce  les  richesses,  la  gloire,  les 
jouissances?  Toujours  le  témoignage  de  la  raison  et  l'expé- 
rience du  genre  humain  répondent  que  ces  choses,  quoique 
désirables,  ne  peuvent  être  que  des  fins  subordonnées  à  une 
autre  fm  supérieure.  Quelle  est  cette  fin?  C'est  Dieu!  Dieu 
est  cette  fin  sublime  !  Toutes  les  forces  de  l'homme,  toutes  ses 
aspirations,  toute  son  activité  en  un  mot,  doivent  donc  tendre 
vers  cette  fin.  Ce  que  saint  Thomas  dit,  dans  ce  sublime  langage 
qui  s'imposera  toujours  à  l'admiration  des  philosophes,  l'Eglise 
le  répète  sous  une  autre  forme  aux  plus  humbles  intelligences 
dans  ce  livre  qui  a  nom  le  Catéchisme  et  qui  réalise  la  morale 
du  prophète,  en  donnant  la  sagesse  aux  petits,  en  illuminant 
toutes  les  intelligences.  La  première  réponse  du  catéchisme  : 
Nous  sommes  dans  ce  monde  pour  connaître  Dieu,  l'aimer,  le 
servir,  et  par  ce  moyen  mériter  la  vie  éternelle,  cette  réponse, 


42       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

dis-je,  contient  en  principe  la  solution  de  ce  grand  problème 
de  la  richesse  et  de  l'inégalité  des  conditions  sociales. 

La  doctrine  chrétienne  a  toujours  affirmé,  dans  les  premiers 
Pères  de  l'Eglise,  que  la  richesse  était  légitime,  parce  que  son 
acquisition  est  la  suite  du  travail  soit  personnel  soit  des  géné- 
rations précédentes  qui  ont  eu  le  droit  incontestable  de  trans- 
mettre les  fruits  d'un  travail  qu'aucune  force  au  monde 
n'aurait  pu  les  empêcher  de  consommer  elles-mêmes. 

Dès  le  deuxième  siècle,  saint  Clément  d'Alexandrie  proclame 
la  légitimité  de  la  richesse  contre  des  hérétiques  qui  préten- 
daient trouver  le  communisme  dans  l'Evangile  ;  mais  en 
même  temps  il  fait  connaître  aux  heureux  de  la  terre  leurs 
devoirs  envers  les  pauvres,  "  les  richesses,  dit-il,  doivent  être 
comme  des  instruments  pour  le  bien." 

Ecoutez  encore  cette  grande  parole  de  saint  Basile,  cité  par 
saint  Thomas  :  "  0  riche,  pourquoi  es  tu  dans  l'abondance  et 
ton  frère  dans  la  détresse,  si  ce  n'est  pour  que  le  pauvre  soit 
secouru,  et  que  toi-même,  par  cette  sage  dispensation,  tu  ac- 
quières le  Ciel." 

Voilà  le  principe  posé  :  la  richesse  n'est  pas  un  instrument 
de  jouissance  personnelle.  Elle  doit  être  aux  mains  du  riche 
un  instrument  pour  le  bien.  Sa  mission  est  une  mission  de 
dispensation.  De  là  découle  une  certaine  prééminence  sociale 
qui  est  conforme  à  la  nature  et  qu'on  retrouvera  toujours  sous 
les  régimes  politiques  les  plus  divers. 

Voyez  en  effet  ce  que  dit  saint  Jean-Chrysostôme  :  "  De  même 
que  chaque  artiste  a  son  art,  de  même  le  riche  doit  s'élever 
au-dessus  de  sa  richesse,  et  faire  ses  égaux  participants  de 
son  bonheur  terrestre  ;  il  doit  apprendre  à  faire  l'aumône 
aux  pauvres,  ce  qui  est  le  premier  des  métiers."  [Applaudis- 
sements.) 

Admirez,  messieurs,  comment  tout  ce  qu'il  y  a  de  vrai  dans 
la  doctrine  économique  libérale,  tout  ce  qu'il  y  a  de  louable 
dans  les  projets  de  rénovation  sociale  se  trouvent  conciliés 
dans  cette  magnifique  synthèse  formulée  dès  les  premiers 
siècles  de  l'Eglise.  Forts  de  ces  autorités,  nous  enlevons  au 
socialisme  le  prestige  de  sa  formule,  et  je  ne  crains  pas  de  dire 


DISCOURS    DE   M.    CLAUDIO    JANNET.  43 

que  la  richesse  est  pour  le  bien  commun.  Mais  il  faut  entendre 
cette  parole  dans  son  vrai  sens  catholique  et  social. 

Ne  Toubliez  pas,  le  Christianisme  n'a  pas  été  un  système 
philosophique  :  il  est  une  organisation  vivante,  car  il  a  en  lui 
les  principes  supérieurs  de  vie  ;  toujours  une  féconde  pratique 
a  suivi  ses  enseignements.  v   - 

Vous  n'avez  qu'à  jeter  les  yeux,  messieurs,  sur  les  vieux 
pays  catholiques  des  siècles  passés,  et  vous  verrez  les  devoirs 
imposés  aux  classes  qui  possédaient  la  richesse  héréditaire. 
Elles  étaient,  par  exemple,  tenues  au  service  militaire  ;  chacun 
contribuait  dans  la  mesure  de  ses  forces  à  la  sécurité  com- 
mune ;  et  de  là  est  née  cette  institution  magnifique  qu'on 
appelle  la  chevalerie,  qu'on  peut  bien  railler  aujourd'hui,  mais 
qui  n'en  demeurera  pas  moins  admirable  aux  yeux  de  tous  les 
siècles  par  son  héroïsme,  sa  foi  ardente,  et  son  vaste  esprit  de 
charité.  Jusqu'en  1789,  cette  grande  institution  du  service 
presque  gratuit  par  la  noblesse  est  restée  le  fondement  de 
notre  organisation  militaire.  De  nos  jours  encore,  en  Angle- 
terre, le  vieux  principe  chrétien  que  richesse  comme  noblesse 
oblige,  se  retrouve  dans  ce  service  gratuit  de  l'administration 
de  la  justice  et  du  gouvernement  local  que  remplissent  si 
dignement  les  familles  de  la  noblesse  et  de  la  gentry.  Nos 
pays  catholiques  quoique  bouleversés  par  la  révolution  offrent 
encore  de  magnifiques  restes  de  la  pratique  commune  de  la 
république  chrétienne. 

Il  y  a  eu  de  grandes  choses  dans  le  monde,  messieurs  !  Je 
n'en  connais  pas  de  plus  grandes  que  le  service  des  pauvres, 
l'enseignement,  l'instruction  des  classes  ouvrières  par  les 
riches. 

Je  pourrais  jeter  ici  un  coup  d'œil  sur  tout  ce  que  les  hautes 
classes  ont  fait  en  Europe  pour  le  bien  public  et  spécialement 
pour  l'instruction  nationale,je  pourrais  vous  redire  la  fondation 
de  nos  grandes  universités,  de  nos  collèges,  de  nos  écoles 
populaires,  les  opulentes  dotations  de  nos  Hôtels-Dieu  ;  mais 
j'aime  mieux  vous  rappeler  la  plus  belle  page  de  notre  histoire, 
la  fondation  de  la  colonie  du  Canada.  Elle  n'a  pas  été  seule- 
ment l'œuvre  de  la  royauté,  elle  a  été  aussi  celle  de  la  noblesse 


44  PREMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE    TENU    A   QUÉBEC. 

française,  des  hauts  dignitaires  du  clergé  qui  avaient  les  plus 
grandes  vues  d'avenir  e*  ne  craignaient  pas  de  s'imposer  des 
sacrifices  pour  les  réaliser.  On  vous  redisait  hier  comment  les 
grands  seigneurs  du  temps  de  Louis  XIII  et  de  Louis  XIV 
tenaient  à  honneur  de  contribuer  par  des  sacrifices  de  toute 
sorte  à  la  création  de  cette  nouvelle  France,  qui  devait  con- 
courir si  puissamment  au  règne  de  Dieu  dans  le  nouveau- 
monde. 

Et  depuis  que  L  Canada"  a  été  séparé  de  la  mère-patrie, 
cette  tradition  n'a  pas  été  perdue.  Vos  grands  seigneurs  ecclé- 
siastiques, vos  évoques,  votre  illustre  séminaire  de  Québec, 
vos  Sulpiciens  de  Montréal  ont  dignement  continué  Tceuvre  de 
vos  anciens  seigneurs  temporels,  et  c'est  à  leur  générosité  que 
vous  devez  toutes  les  grandes  œuvres  d'utilité  publique  qui  sont 
l'honneur  de  la  province  de  Québec.  [Ajjpl.)  Les  murs  mômes 
ici,  messieurs,  leur  rendraient  hommage,  si  notre  reconnais- 
sance venait  à  défaillir.^i/?/).)  Ces  grands  exemples  sont  toujours 
suivis,  et,  dans  une  autre  réunion,  je  recueillais  avec  bonheur 
les  beaux  exemples  donnés  par  les  professeurs  de  droit  et  de 
médecine  des  facultés  de  l'Université-Laval  à  Montréal.  Qu'il 
me  sera  doux  de  redire  en  Europe  leur  dévouement  et  leur 
desintéressement.  Ce  ne  sont  pas  les  âges  catholiques  qui  ont 
eu  besoin  d'enlever  par  l'impôt  des  sommes  énormes  au  peuple 
pour  élever  un  système  coûteux  d'instruction  publique  ;  ce 
n'est  pas  le  Canada  qui,  pour  assurer  à  chacun  de  ses  habitants 
une  éducation  à  laquelle  tous  rendent  hommage,  a  eu  besoin 
d'établir  le  principe  vexatoire  de  l'éducation  obligatoire. 

On  prétend,  messieurs,  aujourd'hui  que  la  religion  n'a  pas 
su  faire  assez  pour  les  misères  humaines,  et  l'on  veut  faire 
reposer  l'assistance  des  pauvres  sur  l'impôt.  Or,  c'est  un  fait 
absolument  acquis  pour  toutes  les  personnes  versées  dans  la 
science  des  finances  qu'il  n'y  a  pas  de  bon  impôt  s'il  n'est  pas 
assis  sur  les  larges  masses.  Tout  impôt  en  dernière  analyse 
retombe  sur  le  peuple.  Et  l'on  prétend  faire  guérir  le  paupé- 
risme en  multipliant  des  impôts  dont  le  dernier  résultat  est  de 
rendre  les  conditions  générales  de  la  vie  plus  difficiles  pour 
les  classes  laborieuses  ! 


DISCOURS   DE   M.   CLAUDIO   JANNET.  45 

Voyez.  En  Angleterre,  au  milieu  de  toutes  les  grandes 
choses  que  ce  pays  a  su  faire,  il  y  a  une  plaie  douloureuse  : 
c'est  la  taxe  sur  les  pauvres,  c'est  toute  cette  organisation 
légale  de  l'assistance  publique  qui  repose  sur  l'impôt,  sur  le 
droit  du  pauvre  à  l'assistance  et  qui  aboutit  au  régime  du 
workhouse.  Tous  les  économistes  dénoncent  ce  système  ;  mais, 
depuis  que  le  protestantisme  a  détruit  les  fondations  de  la 
charité  catholique,  il  est  devenu  une  nécessité.  Pour  nous, 
messieurs,  nous  soutenons  nos  pauvres.  Nous  n'avons  jamais 
connu  la  taxe  des  pauvres,  à  Dieu  merci,  et  nous  ne  la  connaî- 
trons jamais,  car  tant  que  nos  pays  seront  catholiques,  la  cha- 
rité y  débordera  et  y  secourera  toutes  les  misères.  [Appl.) 

Ce  que  je  dis  de  la  France,  je  le  dis  aussi  de  l'Espagne,  du 
Portugal  et  de  l'Italie.  C'est  l'honneur  de  tous  les  pays  catho- 
liques que  la  charité  volontaire  y  suffise  largement  à  entrete- 
nir les  pauvres.  Je  pourrai  dire  la  môme  chose  de  l'instruction 
publique  ;  car  ce  que  nous  voulons,  ce  à  quoi  nous  travail 
Ions,  c'est  la  fondation  de  la  grande  famille  chrétienne,  c'est 
le  rapprochement  du  riche  et  du  pauvre  dans  la  charité,  dans 
l'œuvre  aussi  belle  de  l'instruction  populaire. 

Le  christianisme  a  toujours  su,  selon  les  temps,  mettre  en 
lumière  les  principes  nécessaires  à  la  conservation  de  l'ordre 
social.  Il  n'a  jamais  confondu,  comme  le  socialisme,  dans  une 
vague  phraséologie  tous  les  intérêts  et  tous  les  droits.  Saint 
Paul  nous  a  appris  l'ordre  qu'il  faut  garder  dans  l'exercice  de 
la  charité  :  "  Ayez  soin  d'abord,  dit-il,  de  ceux  qui  vous  sont 
1er  plus  proches,  maxime  domesticorum  suorum  curam  ha- 
beaty 

Dans  votre  Canada,  messieurs,  vous  pouvez  vous  dire  que 
l'Eglise  a  conservé  son  action  sociale.  Dans  nos  pays  d'Eu- 
rope cette  action  divine  est  entravée  aujourd'hui.  Mais  nous 
n'avons  qu'à  ouvrir  nos  vieilles  annales,  nous  y  voyons  avec 
quelle  précision  l'Eglise  y  enseignait  tous  les  devoirs  sociaux. 
Un  ami  dont  je  m'honore  et  dont  le  nom  ne  vous  est  pas  in- 
connu, M.  de  Ribbe,  a  montré  comment  tous  nos  anciens  caté- 
chismes rattachaient  au  IVe  commandement  de  Dieu  tous  les 
devoirs  relatifs  à  l'ordre  politique  et  économique,  et  en  dédui- 


46       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

saient  les  principes  de  dévouement  paternel  qui  doivent  exis- 
ter dans  les  maîtres  pour,  les  serviteurs  et  leurs  ouvriers, 
comme  les  devoirs  de  fidélité  et  d'exactitude  de  la  part  de 
ceux-ci.  Après  un  siècle  de  révolution,  la  science  sociale,  par 
ses  représentants  les  plus  éminents,  en  revient  aux  enseigne- 
ments du  catéchisme. 

Un  homme  illustre,  M.  Le  Play,  qui  n'a  pas  porté  au  début 
de  ses  études  cette  lumière  de  vérité  qui  l'a  distingué  depuis, 
après  avoir  observé  dans  de  longs  voyages  tous  les  pays  de 
l'Europe,  en  est  arrivé  à  conclure  que  les  dogmes  de  1789,  qui 
posent  en  principe  la  bonté  originelle  de  l'homme  et  l'égalité 
absolue,  sont  des  chimères  dangereuses.  Il  ne  peut  pas  y  avoir, 
dit-il,  d'égalité  absolue  ;  la  société  éprouvera  d'effroyables  ca- 
taclysmes si  les  classes  riches  ne, prennent  pas  en  mains  le 
patronage  des  classes  pauvres.  Il  ajoutait  de  plus  qu'il  ne  sau- 
rait y  avoir  de  dévouement  et  de  bienfaisance  si  la  religion 
n'est  pas  la  base  de  la  société.  C'est  ainsi  qu'un  homme  de 
bonne  foi  par  le  témoignage  des  faits  observés  impartialement 
a  reconstruit  de  toutes  pièces  l'édifice  de  la  science  sociale  ! 

Les  enfants  de  l'Eglise  ont  agi  pendant  que  les  maîtres  de 
la  science  reconnaissaient  et  signalaient  l'erreur  du  rationa- 
lisme économique,  et  dans  toute  l'Europe  ils  travaillent  au- 
jourd'hui résolument  à  ce  que  l'on  pourrait  appeler  la  chris- 
tianisation  des  rapports  sociaux. 

Je  pourrais  vous  parler  de  ce  qui  s'est  fait  en  Allemagne, 
dans  l'Allemagne  catholique  si  providentiellement  réveillée 
sous  la  persécution  de  M.  de  Bismarck  ;  mais  je  laisse  aux 
futurs  congrès  catholiques  du  Canada  le  soin  d'étudier  les 
belles  œuvres  de  solidarité  sociale  sur  le  terrain  des  intérêts 
catholiques  entreprises  par  nos  frères  d'outre  Rhin,  et  dont  le 
Westphalisches  Bauern  Verein.,  fondé  par  le  comte  de  Schorrer 
Almost,  est  avec  ses  14,000  membres  le  plus  beau  modèle. 

J'aime  mieux,  vous  le  comprenez,  vous  parler  de  la  France, 
vous  parler  de  M.  de  Mun  et  de  son  œuvre  admirable  des 
cercles  catholiques  d'ouvriers.  (Appl.) 

Vous  connaissez  sa  magnifique  devise  :  dévouement  des  clas- 
ses supérieures  aux  classes  laborieuses.    Sur  ce  principe  fécond 


t 
DISCOURS   DE   M.   CLAUDIO  JANNET.  47 

se  sont  déjà  élevés  de  nombreux  cercles  catholiques,  des  asso- 
ciations professiouxi elles,  qui,  au  sein  d'une  société  fondée  sur 
la  libei'té  du  travail,  font  revivre  l'antique  esprit  des  corpora- 
tions d'arts  et  métiers  toujours  si  chères  à  l'ouvrier.  Ce  sont 
des  associations  d'agriculteurs,  des  banques  populaires,  etc. 

Notre  jeune  noblesse  française  a  répondu  avec  empresse- 
ment à-l'appel  chevaleresque  de  M.  de  Mun.  Les  sentiments 
chrétiens  n'ont  jamais  été  éteints  chez  elle.  Que  mon  ami 
M.  le  juge  Routhier  me  permette  de  le  lui  dire  :  il  y  avait  de 
grandes  vertus  en  France  dans  toutes  les  classes  de  la  société 
môme  au  XVIIIe  siècle.  Oui,  môme  en  1760,  il  y  avait  de 
nombreux  châteaux  qui  pleuraient,  (mouvement  dans  Vaudi- 
toire),  oui  qui  pleuraient,  et  de  ces  nobles  maisons  sont  sortis, 
en  1793,  les  Lescure,  les  LaRochejacquelin,  les  Bonschamp, 
qui,  en  s'unissant  aux  laboureurs  chrétiens,  aux  Gathelineau 
et  aux  Stofflet,  ont  formé  ces  armées  héroïques  des  Vendéens, 
les  premiers  qui  aient  élevé  au  milieu  des  combats  le  drapeau 
du  Sacré-Cœur,  les  Vendéens,  les  premiers  ancêtres  de  nos 
zouaves  et  des  vôtres,  messieurs  !  [Explosion  d'enthousiasme  ; 
applaudissem,ents.  Une  partie  de  Vauditoire  se  lève  ;  on  agite  des 
mouchoirs  en  l'air  ;  cris  répétés  de  Vive  la  France  !  ) 

Eh  bien  !  comme  au  temps  des  croisades,  comme  au  temps 
de  la  Vendée,  notre  jeune  noblesse  se  rend  à  l'appel  de  M.  de 
Mun  sur  le  champ  du  travail  ;  avec  lui  elle  étudie,  elle  agit  ; 
elle  cherche  à  refaire  par  un  travail  pacifique  et  persévérant 
la  paix  sociale  détruite  par  la  Révolution. 

A  côté  de  lui  et  avec  lui,  M.  Harmel,  le  célèbre  industriel  du 
Val-des-Bois,  a  groupé  près  de  lui  neuf  cents  ouvriers  ;  il  leur 
enseigne  les  grands  devoirs  de  la  religion  et  les  initie  aux  pre- 
miers éléments  de  la  science,  tout  en  leur  assurant  par  des 
prodiges  de  vraie  science  économique  un  bien-être  et  un  sa- 
laire supérieurs  à  ceux  des  usines  voisines,  au  milieu  des  po- 
pulations industrielles  de  la  Champagne  ;  il  crée  de  nouveau 
pour  la  patrie  une  race  de  Chrétiens  et  de  Français.  Il  ne  cesse 
de  le  redire  dans  son  beau  livre  de  la  Corporation  chrétienne  : 
l'ouvrier  n'est  pas  une  force  qu'on  emploie  et  qu'on  peut  en- 
suite rejeter  ;  c'est  un  frère  en  Jésus-Christ  ;  et  par  là-même  il 


48  PREMIER   CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

VOUS  livre  le  secret  des  merveilleux  succès  de  son  apostolat 
social.  {Appl.) 

Go  que  M.  Harmel  fait,  M.  de  Pavin  de  Laforge  le  fait  pour 
ses  mille  ouvriers  du  Theil  ;  des  centaines  d'autres,  Le  font  dans 
de  moindres  proportions  et  avec  moins  d'éclat,  nuis  travail- 
lent avec  le  môme  esprit  et  aussi  sûrement  pour  la  rénovation 
de  nos  populations  manufacturières. 

Dernièrement  tous  les  grands  industriels  du  département 
du  Nord  se  sont  réunis  à  Lille,  et  ont  affirmé  dans  une  décla- 
ration solennelle  que  les  souffrances  dont  se  plaint  actuelle- 
ment l'industrie  ne  tenaient  pas  exclusivement  à  des  ques- 
tions de  libre-échange  ou  de  protection  douanière,  mais  que 
la  source  du  mal  était  dans  l'abandon  de  l'esprit  chrétien  par 
les  patrons  et  les  ouvriers,  et  ils  ont  esquissé  tout  un  pro- 
gramme d'œuvres  de  bien  moral  et  de  progrès  économique 
pour  leurs  ouvriers. 

Sans  doute  les  questions  sociales  ne  se  posent  pas  au  Canada 
comme  dans  le  vieux  monde  :  Vous  naissez  à  peine  à  la  vie 
industrielle  ;  mais  le  développement  rapide  de  vos  manufac- 
tures ne  peut  manquer  de  poser  un  jour  ou  l'autre  ces  pro- 
blèmes, et  il  est  bon  que  vous  soyez  préparés  à  les  résoudre  dans 
la  forme  et  selon  les  procédés  convenables  à  votre  pays,  mais 
aussi  selon  les  principes  éternels  de  la  doctrine  chrétienne  sur 
les  devoirs  de  la  richesse. 

En  pratiquant  ces  principes,  quelle  somme  de  bonheur  pou- 
vons-nous promettre  au  peuple,  voilà  la  question  qu'il  me 
reste  à  étudier  rapidement. 

ni 

Le  Christianisme  n'a  jamais  dit  au  peuple  qu'il  trouverait 
le  bonheur  terrestre  complet  dans  l'accomplissement  des  prin- 
cipes qu'il  proclame.  Ce  bonheur,  il  ne  le  lui  promet  que 
dans  la  vie  future,  et  cela  ne  peut  s'obtenir  qu'à  la  condition 
de  la  souffrance  dans  la  situation  que  le  péché  originel  a  faite 
à  l'humanité.  Nous  aimons  le  peuple  ;  nos  efforts,  nos  luttes, 
notre  travail,  nos  projets,  nos  lois  n'amèneront  pas  la  richesse 


■    DISCOURS  DE   M.   CLAUDIO   JANNET.  49 

à  tous,  pas  plus  qu'aucun  système  socialiste  ne  pourrait  jamais 
supprimer  la  mort  et  la  maladie,  mais  ils  ont  ce  mérite  de 
pouvoir  le  consoler  de  toutes  les  souffrances.  Quelque  sage 
que  soit  l'économie  d'un  pays,  nous  ne  pourrons  pas  arriver  à 
rendre  tout  le  monde  riche,  mais  nous  pourrons  faire  que 
tout  le  monde  accepte  son  sort  et  sa  position.  L'attente  calme 
et  résignée  d'une  vie  future,  avec  la  suffisance  des  biens  tem- 
porels, voilà  le  bonheur  que  nous  pouvons  offrir. 

Nous  avons  en  France,  messieurs,  un  vieux  mot  d'une  vé- 
rité profonde,  et  je  suis  certain  de  le  retrouver  parmi  vous 
qui  avez  su  si  bien  conserver  tout  ce  qui  est  français  :  •  con- 
tentement passe  richesse." 

Nous  avons  dans  ce  beau  mot  la  solution  de  la  question 
fondamentale  de  l'économie  politique.  Comme  ce  mot  est  pro- 
fond et  comme  un  des  révolutionnaires  contemporains,  le  fa- 
meux Lasalle,  en  comprenait  la  portée  quand  il  écrivait  à  un 
de  ses  complices  avec  un  véritable  esprit  satanique  :  "  La  pre- 
mière chose  que  nous  ayons  à  faire,  c'est  de  faire  compren- 
dre au  peuple  qu'il  est  malheureux  !  " 

Ne  pas  savoir  qu'on  est  malheureux,  n'est-ce  pas  presque 
être  heureux  ? 

Quels  sont  donc  les  biens  promis  dès  ici-bas  aux  peuples  qui 
acceptent  la  condition  naturelle  des  choses,  tempérée  par  la 
charité  chrétienne  et  avec  les  espérances  de  la  vie  future  ?  Il 
en  est  un  très-grand,  c'est  ie  sens  du  repos. 

J'ai  entendu  dire  par  un  grand  esprit,  le  Père  Gratry,  qu'il 
y  a  une  chose  que  les  hommes  de  notre  temps  ont  encore  plus 
oublié  que  de  travailler  :  c'est  de  savoir  se  reposer.  Oh  !  c'est 
que  le  repos  est  une  grande  chose,  messieurs  !  Le  repos  n'est 
pas  l'ignorance,  ni  la  paresse,  ni  l'inaction.  Se  reposer  c'est» 
faire  comme  cet  homme  qui  après  une  semaine  de  travail 
élève  son  âme  à  Dieu,  qui  entre  dans  une  église,  s'associe  aux 
cérémonies  du  culte,  jette  un  regard  sur  le  passé  et  l'avenir^ 
et  qui  oubliant  les  peines  d'hier  ne  songe  plus  pour  demain 
qu'à  l'espérance  d'un  bonheur  infini.  Voilà  le  vrai  repos, 
messieurs.  {Appl.) 

Relisez,  si  vous  voulez  savoir  ce  qu'est .  *  perte  du  sens  du 


50  PREiMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU   A   QUÉBEC. 

repos  dans  nos  sociétés,  les  pages  mélancoliques  écrites  par 
Stuart  Mill,  dans  ses  principes  d'économie  politique^  sur  tout  ce 
qu'a  de  désespérant  cette  recherche  de  la  richesse  qui  n'aboutit, 
malgré  tout  le  progrès  des  arts,  qu'à  rendre  une  somme  plus 
grande  de  travail  nécessaire,  et  vous  jugerez  combien  le  car- 
dinal Pecci,  aujourd'hui  N.  S.  Père  le  Pape  Léon  XIII,  glo- 
rieusement régnant,  avait  raison  dans  ses  lettres  sur  la  civili- 
sation de  s'élever  contre  le  travail  forcé  de  la  femme  et  de 
l'enfant  auquel  aboutit  le  régime  manufacturier  des  peuples 
modernes. 

On  nous  objecte  quelquefois  l'inégalité  de  richesse  des  peu- 
ples catholiques,  en  comparaison  des  peuples  protestants.  C'est 
un  vaste  sujet  sur  lequel  je  ne  puis  faire  que  peu  de  remar- 
ques à  cette  heure  avancée.  ..: 

Le  fait  actuel  dont  on  part,  et  qui  repose  sur  la  comparaison 
des  progrès  manufacturiers  et  commerciaux  de  l'Angleterre, 
est  un  fait  spécial  à  ce  siècle,  et  des  questions  de  cette  ampleur 
ne  peuvent  pas  être  jugées  d'après  un  fait  qui  n'a  peut-être 
qu'un  caractère  transitoire. 

Au  moyen-âge,  sous  la  pleine  influence  de  l'Eglise,  les  répu- 
bliques italiennes,  la  Hanse  germanique,  les  Flandres,  ont  été 
les  principaux  foyers  du  développement  économique.  Jusqu'au 
milieu  du  XVIIIe  siècle  la  France  dépassait  de  beaucoup 
l'Angleterre  comme  puissance  commerciale,  et  c'est  elle  qui, 
en  1786,  allait  au-devant  de  la  liberté  des  échanges  comme  la 
nation  la  plus  avancée. 

Aujourd'hui,  messieurs,  on  vous  cite  constamment  l'exem- 
ple des  Etats-Unis  :  on  l'oppose  au  Canada  et  aux  pays  espa- 
gnols. Ah  !  j'admire  ce  grand  développement  de  la  puissance 
matérielle  des  Etats-Unis,  mais  je  vous  dirai  :  attendez  la  fin. 
Qu'est-ce  que  deux  générations  dans  la  vie  d'un  peuple  ?  Il  est 
des  peuples  qui  conservent  longtemps  en  réserve  leurs  forces 
vitales,  d'autres  qui  les  dépensent  rapidement  ;  eh  bien  !  ce 
sont  les  premiers  qui  finissent  par  l'emporter,  car  ce  sont  ceux 
qui  durent,  et  ils  survivent  souvent  aux  civilisations  plus  bril- 
lantes. [Appl.)  Je  suis  pour  ma  part,  comme  économiste,  effrayé 
du  mouvement  accéléré  qui  semble  emporter  les  peuples  mo 


DISCOURS    DE   M.    CLAUDIO    JANNET.  51 

dernes  vers  la  création  de  la  richesse  ou  plutôt  vers  Foccupa- 
tlon  des  ricliesses  naturelles  que  Dieu  a  ménagées  aux 
hommes  mais  qui  ne  sont  pas  inépuisables  ;  je  suis  surtout 
effrayé  d'un  développement  de  la  consommation  de  la  richesse 
qui  va  plus  vite  que  la  production.  Je  ne  me  rassure  qu'en 
voyant  chez  des  peuples  plus  pauvres  en  apparence,  des  tré- 
sors de  fécondité,  de  frugalité,  de  vertus  chrétiennes  et  en 
môme  temps  des  forces  économiques.  Le  Canada  est  un  de 
ces  pays  que  la  Providence  semble  ménager  pour  l'avenir.  Ne 
vous  en  plaignez  pas,  messieurs  ;  ne  vous  laissez  pas  séduire 
par  les  mirages  d'une  civilisation  étrangère  ;  n'abandonnez 
pas  vos  foyers.  Ne  faites  pas  comme  ces  Israélites  infidèles 
qui  murmuraient  contre  Moïse  en  regrettant  les  commodités 
de  la  vie  en  Egypte.  ^ 

L'Egypte  avec  ses  splendeurs  matérielles  avait  subi  bien  des 
conquêtes  étrangères  et  elle  s'était  couchée  dans  une  mort 
dont  elle  ne  s'est  jamais  relevée,  tandis  qu'Israël  peuple  de 
pasteurs  et  d'agriculteurs,  restait  toujours  maître  de  lui-môme, 
et  se  préparait  aux  grandes  choses  auxquelles  Dieu  l'appelait. 
Involontairement  on  pense  au  peuple  de  Dieu  en  voyant 
par  quelles  merveilles  la  Providence  a  conservé  la  nationalité 
canadienne.    Ce  ne  peut  ôtre  sans  un  secret  dessein  ;  ne  lui 
soyez  pas  infidèles  en  doutant  de  vous-mêmes.  Restez,  comme 
jusqu'à  présent,  fidèles  aux  enseignements  de  l'Eglise  ;  vous  y 
trouverez,  avec  les  espérances  immortelles,  ce  bonheur  paisible, 
le  seul  compatible  avec  la  condition  humaine,  qu'aucun  pro- 
grès économique  ne  pourrait  à  lui  seul  vous  donner  ;   votre 
race — la  race  qui  survit  aux  générations — restera  toujours 
grande,  toujours  prête  à  servir  la  cause  de  Dieu  dans  ce  mys- 
térieux avenir  pour  lequel  le  Nouveau-Monde  semble  avoir 
été  appelé  à  la  civilisation,  et  votre  pays  n'aura  rien  à  envier 
aux  Egyptes  modernes.  {Applaudissements  prolongés.) 


Les  applaudissements,  les  hourrahs  les  plus  enthousiastes 
ont  maintes  fois  couvert  la  voix  de  l'orateur  français,  et,  à  la 
suite  de  son  discours,  on  lui  fit  une  véritable  ovation  qui  dura 


52  PREMIER   CONGRÈS   CATHOLIQUE  TENU   A   QUÉBEC. 

plusieurs  minutes.  Lorsque  le  silence  se  fut  rétabli,  le  prési- 
dent donna  le  programme  du  Congrès  et  assigna  sa  place  à 
chaque  commission.  Ceci  mit  fin  à  la  première  séance  du 
Congrès  catholique  de  Québec,  et  à  l'une  des  plus  belles 
démonstrations  qu'il  soit  donné  de  voir.  Après  la  séance, 
M.  Jannet  et  M.  Routhier  reçurent  les  félicitations  des  évoques 
présents  et  d'un  grand  nombre  de  personnes  éminentes. 


PREMIÈRE  RÉUNION 

DBS 

BUREAUX  DU  CONGRES 


A  deux  heures  de  l'après-midi,  les  trois  bureaux  du  Congrès 
se  réunirent  dans  les  salles  que  les  directeurs  du  séminaire  de 
Québec  avaient  généreusement  mis  à  la  disposition  des  mem- 
bres du  Congrès.  * 

I— BUREAU  DES  CERCLES  CATHOLIQUES. 

PROCÈS-VERBAL  DE  LA  1ÈRE  SÉANCE. 

Assistaient  à  cette  séance  :  MM.  A.  de  Bonpart,  Dr  A.  Der- 
nier, Dr  J.  P.  Boulet,  J.  B.  Cloutier,  Alfred  Cloutier,  Dr  H, 
E.  Desrosiers,  Jos.  Desrosiers,  Dr  N.  E.  Dionne,  P.  V.  Labonté, 
N.  Laçasse,  l'abbé  F.  X.  L^chance,  C.  C.  de  Lorimier,  E.  L.  de 
Bellefeuille,  V.  Livernois,  P.  Mackay,  B.  A.  T.  de  Montigny, 
A.  Prendergast,  T.  A.  Quinn,  C.  Thibault,  C.  Vincelette,  E. 
Tassé,  R.  P.  Vallée. 

M.  G.  C.  de  Lorimier  est  appelé  à  la  présidence  du  Bureau. 

Le  Dr  H.  E.  Desrosiers  est  nommée  secrétaire. 

Le  secrétaire  donne  ensuite  lecture  de  lettres  d'adhésion 
de  la  part  de  MM.  E.  Tassé,  E.  Mallet  et  de  l'abbé  J.  N.  Duguay. 

M.  Joseph  Desrosiers,  président  de  l'Union  catholique  de 
Montréal  et  rapporteur  pour  cette  société,  donne  lecture  de 
son  rapport. 

RAPPORT  SUR  L'ÉTAT  ACTUEL  DE  L'UNION 
CATHOLIQUE  DE  MONTRÉAL. 

Lu  par  le  président  de  cette  association^  à  la  première  séance  du 

bureau  des  cercles  catholiques. 
Messieurs, 

Invité  à  vous  faire  connaître  l'état  actuel  de  l'Union  catho- 
lique de  Montréal,  je  crois  utile  d'exposer  d'abord  en  peu  de 
mots  l'origine,  la  nature  et  la  fin  de  notre  société. 


54       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

L'Union  catholique  de  Montréal  fut  fondée  en  1858  par  les 
révérends  Pères  Jésuites  du  collège  Ste-Marie,  sous  les  aus- 
pices de  Mgr  Bourget,  alors  évoque  de  Montréal. 

Il  était  alors  devenu  d'une  extrême  importance  de  remédier 
aux  maux  que  l'indifférence  et  les  doctrines  irréligieuses  cau- 
saient dans  la  classe  instruite  et  surtout  parmi  les  jeunes  gens. 
On  comprenait  la  nécessité  d'une  œuvre  qui,  en  premier  lieu, 
amenât  les  jeunes  gens  à  la  pratique  des  devoirs  religieux,  et 
qui,  en  second  lieu,  leur  inspirât  un  amour  sincère  pour 
l'Eglise,  et  une  adhésion  ferme  et  entière  aux  principes  qu'elle 
proclame. 

Dans  ce  but  les  Pères  Jésuites  invitèrent  d'abord  les 
membres  des  professions  libérales  et  du  commerce  à  suivre  les 
exercices  d'une  retraite  qui  fut  donnée  spécialement  pour  eux 
dans  la  chapelle  du  Collège,  pendant  la  semaine  sainte.  Mgr 
Bourget  vint  en  personne  clore  les  exercices  de  cette  retraite 
en  donnant  la  communion  pascale  aux  retraitants.  Puis,  à 
la  suite  de  ces  pieux  exercices  eut  lieu  une  première  réunion 
où  le  Père  Vignon,  alors  supérieur  du  collège  Ste-Marie, 
esquissa  le  plan  de  la  société  que  l'on  voulait  établir.  Ce  pro- 
jet ayant  rencontré  l'approbation  de  tous,  on  procéda  immédia- 
tement à  l'élection  des  officiers  et  à  la  rédaction  de  la  consti- 
tution. Cette  constitution,  quoique  ayant  subi  depuis  lors 
plusieurs  modifications,  est  cependant  restée  la  même  en  ce 
qui  regarde  le  but  de  la  société  et  les  moyens  qu'elle  emploie 
pour  parvenir  à  sa  fin. 

L'Union  catholique  est  une  société  religieuse  et  littéraire. 

Elle  est  surtout  et  avant  tout,  une  société  religieuse. 

Son  but  principal  fut,  dès  le  commencement,  et  a  toujours 
été  de  faire  connaître  et  pratiquer  la  religion  catholique. 

Comme  nous  venons  de  le  voir,  les  fondateurs  de  la  société 
voulaient  assurer  parmi  les  jeunes  gens  de  la  classe  instruite 
l'accomplissement  exact  et  fidèle  des  devoirs  du  christianisme, 
et  faire  de  ces  jeunes  gens  des  fils  dévoués  de  l'Eglise. 
.  L'Union  catholique  devait  lutter  contre  un  ennemi  terrible 
que  le  jeune  homme  rencontre  dès  son  entrée  dans  le  monde. 
Cet  ennemi  c'est  le  respect  humain. 


•  RAPPORT   DE   l'union   CATHOLIQUE   DE   MONTRÉAL.  55 

L'Union  catholique  triomphe  du  respect  humain  en  donnant 
à  ses  membres  l'occasion  de  faire  profession  ouverte  de  leur 
foi,  et  en  leur  rendant  plus  facile  l'accomplissement  de  leurs 
devoirs  religieux.  Pour  obvier  aux  difficultés  que  les  étu- 
diants éprouvaient  à  remplir  le  précepte  de  l'audition  de  la 
messe,  le  dimanche,  à  cause  de  l'encombrement  des  églises. 
l'Union  catholique  a  mis  longtemps  la  messe  au  nombre  de 
ses  exercices.  La  retraite  de  Pâques,  qui  a  vu  naître  notre 
société,  continue  à  être  donnée  tous  les  ans.  A  part  cette 
retraite,  il  y  a  encore,  chaque  armée,  un  triduum  préparatoire 
à  la  fête  de  l'Immaculée  Conception  (fête  patronale  de  la 
société).  Il  y  a  communion  générale  ce  jour-là,  ainsi  qu'au 
jour  du  pèlerinage  annuel  qui  se  fait,  pendant  le  mois  de  mai. 
à  l'un  des  sanctuaires  de  la  Sainte-Vierge. 

Comme  société  religieuse,  l'Union  catholique  est  une  véri- 
table congrégation,  agrégée  à  la  congrégation  prima  primaria 
de  Piome.  Ses  membres  jouissent  de  tous  les  privilèges 
accordés  par  l'Eglise  aux  congrégations.  Deux  fois  par  année 
ils  renouvellent  solennellement  leur  acte  de  consécration  à 
l'Immaculée  Vierge  Marie. 

C'est  ainsi  que  l'Union  catholique  met  ceux  qui  en  font 
partie  en  état  de  combattre  le  respect  humain,  et  de  conserver 
dans  leur  cœur  les  germes  de  piété  qui  y  ont  été  déposés  par 
l'éducation  de  famille  et  l'éducation  de  collège.  Le  courage 
et  la  force  que  le  jeune  homme,  seul  et  isolé,  n'aurait  pas,  il 
les  trouve  en  s'unissant  à  des  amis,  à  des  frères,  pour  marcher 
avec  eux  le  front  levé  au  devant  da  l'ennemi.  La  bravoure, 
comme  la  peur,  est  contagieuse. 

L'Union  catholique  est  destinée  à  combattre  encore  un  autre 
ennemi.  C'est  l'erreur,  qui  s'efforce  aujourd'hui  par  mille 
moyens  différents,  par  toute  espèce  de  distinctions  spécieuses, 
d'isoler  Dieu  de  la  création,  et  de  déchristianiser  les  sociétés  ; 
l'erreur  qui  prépare  les  voies  à  la  révolution  dans  les  esprits 
et  dans  les  cœurs,  chez  les  individus  et  les  nations,  en  bannis- 
sant Dieu  de  partout  :  de  la  philosophie,  des  arts,  de  la  littéra- 
ture, des  sciences,  de  la  politique,  etc. 

L'Union  catholique  combat  l'erreur  par  l'étude  de  la  vérité, 


56       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

c'est-à-dire  par  l'étude  de  la  doctrine  enseignée  par  l'Eglise, 
seule  dépositaire  de  la  vérité.  C'est  pour  cela  que,  société 
religieuse,  elle  est  en  même  temps  société  littéraire. 

Les  lettres  ne  viennent  donc  qu'en  second  lieu.  La  pratique 
de  la  religion^  la  diffusion  des  principes  catholiques^  voilà  la  fin  : 
les  lettres^  voilà  le  moyen.  C'est  ainsi  que  l'Union  catholique 
se  distingue  à  la  fois  des  sociétés  dont  l'objet  est  avant  tout 
littéraire  ou  scientifique,  et  des  congrégations,  qui  ont  pour 
objets  des  exercices  purement  religieux. 

L'Union  catholique  consacre  la  littérature,  l'éloquence,  les 
arts  et  les  sciences  à  la  cause  de  la  religion  et  de  l'Eglise. 

Organisation  de  la  Société. 

L'Union  catholique  de  Montréal  est  sous  la  direction  des 
Pères  Jésuites,  du  collège  Ste-Marie.  Cette  direction  a  été 
déclarée  condition  essentielle  de  l'existence  de  la  société.  Les 
événements  ont  démontré  la  sagesse  de  cette  mesure.  Appuyée 
sur  une  institution  forte  et  durable,  l'Union  catholique  a  pu 
résister  à  des  épreuves  qui  auraient  causé  sa  perte  si  elle  n'eût 
eu  à  compter  que  sur  ses  propres  forces.  Les  Pères  Jésuites  en 
ont  fait  leur  œuvre  de  prédilection,  et  n'ont  épargné,  ni  efforts, 
ni  sacrifices  pour  la  faire  réussir. 

La  société,  dit  l'art.  4  de  la  constitution,  a  pour  directeur  un 
des  Pères  de  la  Compagnie  de  Jésus,  lequel  veillera  à  l'accom- 
plissement des  devoirs  religieux,  et  prendra  à  cet  effet  les 
mesures  qu'il  jugera  les  plus  commodes.  Il  est  de  droit  mem- 
bre de  tous  le3  comités,  et  est  l'intermédiaire  entre  la  société 
et  les  Pères  Jésuites, 

L'Union  catholique  se  compose  de  membres  actifs,  corres- 
pondants et  honoraires  (art.  13).  Elle  se  recrute  parmi  les 
membres  des  professions  libérales  et  du  commerce.  Pour  être 
admis  il  faut  présenter  une  demande  par  écrit,  appuyée  par 
deux  membres  Si  la  demande  est  agréée,  le  pétitionnaire 
peut  être  admis  après  un  mois  de  candidature  (art.  15,  16,  17). 

La  société  agit  et  s'administre  par  un  bureau  de  direc- 
tion composé  des  officiers  qui  sont  :  le  Père  Directeur,  un 
président,   deux  vice  présidents,  un  secrétaire,  un  assistant- 


RAPPORT   DE   l'union   CATHOLIQUE  DE   MONTRÉAL.  S7 

secrétaire,  un  bibliothécaire,  un  trésorier  et  six  conseillers. 
L'élection  des  officiers  se  fait  tous  les  ans  dans  une  assemblée 
générale,  à  la  majorité  absolue  des  voix,  et  au  scrutin  secret, 
s'il  y  a  plusieurs  candidats.  La  candidature  est  permise  (art. 
11).  Les  officiers  peuvent  être  conservés  dans  les  mêmes 
fonctions,  mais  une  fois  seulement  (art.  12). 

Il  est  déclaré  par  la  constitution,  que  la  société  étant  une 
-œuvre  toute  de  dévouement,  nul  membre  n'y  est  censé  pro- 
priétaire d'une  part  dans  l'avoir  commun  ;  ainsi  il  n'a  droit  de 
rien  réclamer,  ni  lui,  ni  ses  ayant  cause,  lorsqu'il  cesse  d'être 
membre  (art.  49). 

Les  séances  de  l'Union  catholique  ont  lieu  tous  les  diman- 
ches, à  2  heures  de  l'après-midi,  excepté  pendant  les  mois  de 
juin,  juillet  et  août.  Ces  séances  sont  consacrées  à  la  lecture 
des  travaux  et  à  la  discussion  des  sujets  à  l'ordre  du  jour. 
Elles  se  terminent  par  le  salut  et  la  bénédiction  du  St-Sacre- 

ment.  ^ 

Etat  actuel  de  la  Société. 

L'Union  catholique  de  Montréal  est  parvenue  à  sa  vingt- 
deuxième  année  d'existence. 

Gomme  toutes  les  sociétés  humaines,  elle  a  eu  ses  jours  de 
gloire  et  ses  jours  d'épreuve,  des  alternatives  de  prospérité  et 
de  malheur,  de  paix  et  de  combat.  Mais,  grâce  à  Dieu,  elle  a 
surmonté  tous  les  obstacles,  et  elle  poursuit  son  œuvre  avec 
courage  et  persévérance. 

Elle  compte  aujourd'hui  126  membres  actifs. 

Elle  possède  une  bibliothèque  qui  renferme  au-delà  de  cinq 
mille  volumes. 

Trente  travaux  environ  sont  présentés  chaque  année  aux 
séances  de  la  société. 

Ces  travaux  traitent  en  général  des  sujets  sérieux  et  très 
utiles.  Ainsi,  pendant  le  dernier  exercice,  nous  avons  entendu 
neuf  conférences  sur  des  sujets  d'économia  sociale  et  politique, 
trois  dissertations  philosophiques,  six  études  historiques,  cinq 
conférences  sur  des  sujets  de  science  naturelle,  une  traitant 
de  la  jurisprudence,  et  quatre  de  la  littérature. 

Je  crois  n'avoir  pas  besoin  de  rappeler  le  concours  que 


58  PREMIER   CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU  A   QUÉBEC. 

l'Union  catholique  a  ouvert  il  y  a  deux  ans,  aux  littérateurs 
du  Canada.  L'année  dernière  elle  a  inauguré  des  soirées  litté- 
raires^ où  le  public  est  admis,  et  dont  le  but  est  de  mieux  faire 
connaître  notre  société,  et  d'étendre  ainsi  son  influence.  Enfin 
au  commencement  de  l'année  1880,  les  membres  les  plus  zélés 
de  l'Union  ont  fondé  le  Cer-cle  d'études^  destiné  à  fournir  les 
travaux  qui  doivent  être  lus  aux  séances. 

Tout  cela  prouve,  je  crois,  que  l'Union  catholique  est  encore 
pleine  de  vie  et  d'activité.    Si  ceux  qui  en  font  partie  ne  sont 
pas  aussi  nombreux  qu'on  pourrait  le  désirer,  ils  sont  animés 
du  meilleur  esprit,  et  par  leur  conduite  exemplaire,  leur  zèle 
et  l'union  qui  règne  entre  'eux,  ils  se  montrent  dignes  de  la 
cause  qu'ils  servent.    Mais,  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit,  et  tout 
en  faisant  la  part  qui  revient  de  droit  au  zèle  et  à  la  bonne 
volonté  des  unionistes,  il  convient  de  dire  que  le  succès  de 
l'Union  catholique  est  dû  principalement  aux  Pères  Jésuites 
du  collège  Ste-Marie.    Sans  vouloir  énumérer  tous  les  ser- 
vices qu'ils  nous   rendent,  je   rappellerai    seulement   qu'ils 
mettent  gratis  à  notre  disposition  leur  maison  et  leur  magni- 
fique salle  académique,  et  pourvoient  aux  frais  de  chauffage 
et  d'éclairage  :  qu'ils  nous  procurent  chaque  année  Tinestima- 
ble  avantage  de  la  retraite  pascale  et  du  triduum,  et  qu'enfin 
un  des  Pères  a  pour  mission  spéciale,  et  pour  occupation  à 
peu  près  unique  la  direction  de  l'Union  catholique.    Je  puis 
affirmer  que  ce  n'est  pas  une  sinécure. 

L'Union  catholique  comprend  parfaitement  de  quel  avan- 
tage est  pour  elle  le  patronage  du  collège  Ste-Marie.  Elle 
accepte  avec  reconnaissance  la  tutelle  de  la  Compagnie  de 
Jésus.  Et  quels  guides  plus  sûrs  pourrait-elle  trouver  ?  Notre 
société,  ayant  pour  objet  Vapologie  de  la  religion^  et  la  diffusion 
des  principes  catholiques^  ne  saurait  mieux  faire  que  de  s'ins- 
pirer des  leçons  et  des  exemples  de  ceux  qui,  aujourd'hui,  sont 
les  plus  vaillants  et  les  plus  fermes  défenseurs  de  l'Eglise,  et 
qui  ont  l'unique  honneur  d'être  frappés  les  premiers  par  ceux 
qui  ont  juré  la  ruine  des  institutions  catholiques. 

L'Union  catholique  croit  avoir  le  droit  d'affirmer  qu'elle  a 
accompli  sa  mission,  et  qu'elle  a  atteint  son  but. 


RAPPORT   DE   l'union   CATHOLIQUE   DE   MONTRÉAL.  59 

Elle  a  rendu  service  à  la  religion,  à  la  famille,  à  la  société, 
à  la  patrie. 

L'influence  religieuse  qu'elle  exerce  est  incontestable.  Nous 
en  avons  la  preuve  dans  le  nombre  de  ceux  qui  viennent 
chaque  année  suivre  les  exercices  de  la  retraite  pascale.  A 
plusieurs  reprises  les  membres  de  l'Union  catholique  ont 
témoigné  solennellement  de  leur  dévouement  au  chef  de 
l'Eglise.  L'Evêque  du  diocèse  sait  qu'il  peut  compter  d'une 
manière  absolue  sur  leur  soumission  et  leur  attachement. 
Comme  je  l'ai  dit,  les  séances  constituent  une  suite  non  inter- 
rompue d'instructions  religieuses  :  chaque  conférence  tendant 
à  une  môme  démonstration,  l'excellence  du  catholicisme. 

L'influence  de  l'Union  catholique  sur  la  famille,  pour  être 
moins  apparente,  n'en  est  pas  moins  réelle.  En  développant 
la  vie  chrétienne,  l'Union  catholique  développe  et  affermit  la 
vie  de  famille.  Car  rien  n'est  plus  conforme  à  l'esprit  de 
l'Eglise  que  ces  mœurs  patriarcales  qui  malheureusement 
menacent  aujourd'hui  de  disparaître.  L'Union  catholique 
détourne  ses  membres  des  amusements  et  des  passe-temps  qui 
les  attireraient  en  dehors  de  la  famille,  les  dégoûteraient  des 
douceurs  du  foyer  domestique,  et  leur  feraient  prendre  des 
habitudes  de  dissipation  et  de  désordre. 

L'Union  catholique  en  faisant  de  ses  membres  de  bons  et 
sincères  chrétiens  en  fait  nécessairement  de  bons  citoyens. 

Elle  a  pour  but  la  diffusion  des  principes  catholiques.  Or, 
le  catholicisme  seul  a  le  secret  du  bonheur  des  sociétés  et  des 
gouvernements.  Seule  l'Eglise  infaillible  donne  la  solution 
de  tous  les  problèmes  qui  agitent  aujourd'hui  les  esprits. 

La  politique  de  parti  est  strictement  bannie  de  cette 
association,  mais  on  étudie  tous  les  jours  l'économie  sociale, 
telle  que  traitée  et  enseignée  par  les  meilleurs  écrivains  catho- 
liques. Il  est  impossible  que  ces  études  et  ces  enseignements 
n'aient  pas  une  grande  et  heureuse  influence.  Que  celui  qui 
en  est  une  fois  pénétré  ait  à  remplir  des  fonctions  publi- 
ques, à  jouer  un  rôle  dans  la  politique,  ou  simplement  à 
exercer  ses  droits  d'électeur,  nous  avons  une  garantie"  qu'il 
agira  suivant  les  règles  de  la  vérité  et  de  la  justice.    De  fait 


60  PREMIER    CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU   A   QUÉBEC. 

« 

plusieurs  membres  de  notre  société  ont  embrassé  la  carrière 
politique,  plusieurs  sont  journalistes,  plusieurs  occupent  une 
place  distinguée  dans  nos  parlements.  Leurs  paroles,  leurs 
écrits  et  leurs  actes  prouvent  qu'ils  s'inspirent  de  la  doctrine 
catholique,  et  qu'ils  veulent  appuyer  il'édifice  social  sur  les 
principes  fondamentaux  définis  et  proclamés  par  l'Eglise. 

Ce  que  l'Union  catholique  fait  pour  répandre  les  bons  prin- 
cipes, pour  conserver  la  vie  de  famille,  pour  assurer  l'empire 
de  la  religion  dans  la  vie  publique  aussi  bien  que  dans  la  vie 
privée,  tout  cela  doit,  en  définitive,  tourner  au  bien  de  la 
patrie. 

L'Union  catholique  le  comprend,  et  dans  sa  pensée  et  son 
intention  elle  réunit  ces  deux  causes,  l'Eglise  et  la  Patrie. 
Elle  entend  bien  être  une  société  nationale.  Elle  encourage 
particulièrement  parmi  les  travaux  qu'on  lui  présente,  ceux 
qui  se  rapportent  au  Canada,  à  son  histoire,  à  sa  situation 
actuelle,  au  rôle  que  la  Providence  lui  réserve  dans  l'avenir. 

L'Union  catholique  s'est  fait  un  devoir  de  promouvoir  de 
toutes  ses  forces  l'œuvre  de  la  colonisation.  Elle  a  été  la  pre- 
mière à  aider  le  Père  Lacombe  dans  les  efforts  qu'il  fait 
pour  établir  au  Nord-Ouest  une  population  canadienne- 
française. 

La  société  de  colonisation  qui  vient  d'être  établie  dans  le 
diocèse  de  Montréal,  n'a  pas  de  membres  plus  zélés  que  les 
membres  de  l'Union  catholique.  Ils  ont  répondu  avec  empres- 
sement à  l'appel  de  leur  évoque,  et  ils  sont  fiers  de  trava'Uer 
avec  lui  {au  succès  d'une  entreprise  qu'ils  considèrent  avec 
raison  comme  étant  d'une  importance  vitale  pour  notre  pays. 

Enfin  je  crois  pouvoir  dire  que  l'Union  catholique  rend 
service  aux  lettres  canadiennes.  La  littérature,  il  est  vrai, 
n'est  pour  cette  société  qu'un  moyen  d'arriver  à  une  fin  plus 
élevée.  Mais  nous  comprenons  que  la  puissance  de  ce  moyen 
sera  proportionnée  au  degré  de  perfection  qu'il  aura  atteint. 
De  plus  nous  désirons  naturellement  assurer  au  Canada  la 
supériorité  intellectuelle,  et  la  gloire  littéraire  qui  ont  été  le 
glorieux  apanage  de  notre  mère-patrie,  la  France.  L'Union 
catholique  veut  donc  être  une  école  où  l'on  apprenne  d'abord 


RAPPORT   DE   l'union   CATHOLIQUE   DE   MONTRÉAL.  61 

à  bien  penser^  puis  à  bien  dire^  afin  de  pouvoir  bien  faire.  Le 
public  a  pu  apprécier  le  mérite  des  travaux  lus  dans  nos 
séances,  et  dont  un  grand  nombre  ont  été  reproduits  dans  les 
journaux  et  les  revues.  Notre  société  s'est  estimée  heureuse 
de  prendre  part  à  la  convention  littéraire  qui  s'est  tenue  à 
Ottawa,  il  y  a  trois  ans.  Elle  a  aussi  prouvé  l'intérêt  qu'elle 
porte  au  progrés  de  notre  littérature  nationale  par  le  concours 
qu'elle  a  ouvert  et  dont  il  a  déjà  été  fait  mention  dans  ce 
rapport. 

L'Union  catholique  de  Montréal  n'a  pas  d'œuvre  annexe. 
Elle  croit  prudent  de  ménager  ses  forces,  et  de  les  concentrer 
sur  un  unique  objet. 

Mais  elle  est  loin  de  pratiquer  l'exclusivisme,  et  elle  voit 
avec  plaisir  ses  membres  faire  partie  d'autres  sociétés  ayant 
un  objet  différent  du  sien,  mais  agissant  dans  le  môme  esprit 
qu'elle.  Et  je  me  fais  un  devoir  de  mentionner  spécialement 
les  relations  intimes  qui  existent  entre  l'Union  catholique  et 
l'Union  Allet.  Un  grand  nombre  des  membres  de  cette  der- 
nière société  font  partie  de  la  nôtre.  Marchant  sous  le  même 
drapeau,  travaillant,  luttant,  priant  pour  la  même  cause,  il  est 
naturel  que  nos  regards  se  cherchent,  que  nos  mains  se  ren- 
contrent dans  une  cordiale  étreinte,  et  que  nous  nous  prêtions 
une  mutuelle  assistance.  L'Union  Allet  se  joint  tous  les  ans 
à  l'Union  catholique  pour  suivre  les  exercices  de  la  retraite 
pascale.  A  l'occasion  de  la  mort  du  grand  et  saint  pape  Pie 
IX,  l'Union  catholique  et  l'Union  Allet  ont  agit  de  concert 
pour  faire  célébrer  dans  l'église  du  Gésu  un  service  funèbre 
pour  l'âme  du  vénéré  pontife. 

Et  maintenant  les  deux  sociétés  sont  encore  heureuses  de 
se  rencontrer  dans  cette  assemblée,  pour  protester  ensemble 
de  leur  foi,  de  leur  dévouement  à  l'Eglise,  de  leur  soumission 
au  Vicaire  de  Jésus-Christ,  et  pour  témoigner  du  désir  ardent 
qu'elles  ont  d'assurer  le  bonheur  de  notre  patrie  en  y  affer- 
missant l'empire  de  la  religion  catholique. 

J.  Desrosiers, 
Président  de  V  Union  catholique  de  Montréal. 


62       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

M.  P.  V.  Labonté,  rapporteur  pour  le  Cercle  catholique  de 
Biddeford,  Maine.  E.  U.,  donne  verbalement  le  rapport  de  cette 
jeune  association  dont  il  fait  en  même  temps  l'histoire. 


RAPPORT  DE  M.  P.  V.  LABONTÉ, 
PRÉSIDENT  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  BIDDEFORD 

(MAINE,  E.  U.) 


Monsieur  le  Président,  Messieurs, 

Les  Canadiens-français  de  Biddeford,  pénétrés  de  la  nécessité 
urgente  qu'il  y  avait  pour  eux  de  s'unir  plus  étroitement  dans 
le  but  de  sauvegarder  les  intérêts  de  la  jeunesse  canadienne- 
française  et  catholique  exposée  à  perdre  sa  foi  au  milieu 
d'une  population  étrangère,  résolurent,  dans  ce  but,  de  fonder 
une  école  essentiellement  canadienne.  Aidés  du  puissant  con- 
cours de  Sa  Grandeur  Mgr  l'évêque  de  Portland,  ils  réussirent 
à  atteindre  leur  but  le  20  septembre  1878  ;  et  depuis  leur  école 
a  prospéré  de  plus  en  plus,  sous  la  direction  habile  et  constante 
de  leur  digne  curé,  M.  l'abbé  Dupont. 

Vers  la  même  époque,  les  Canadiens  de  Biddeford  enten- 
dirent parler  avec  avantage  du  Cercle  catholique  de  Québec, 
du  bien  qu'il  avait  déjà  opéré,  des  œuvres  qu'il  avait  fondées. 
Immédiatement  ils  se  mirent  en  relation  avec  le  président  du 
Cercle,  i^.  Vincelette,  et  fondèrent  eux  aussi  un  cercle  catho- 
lique doi  *;  la  constitution  est  basée  sur  celle  du  Cercle  de 
Québec. 

Le  but  principal  que  s'est  proposé  le  Cercle  de  Biddeford  a 
été  de  favoriser  l'éducation.  Ce  qui  manque  surtout  aux 
Canadiens  des  Etats-Unis,  ce  sont  les  écoles  catholiques,  et  le 
grand  danger  qui  menace  sans  cesse  la  population  canadienne 
de  cette  partie  de  l'Amérique,  c'est  l'apostasie  amenée  par  le 
manque  d'éducation.  Au  Canada  on  ignore  généralement 
dans  quelle  condition  pénible  la  population  canadienne-fran- 
çaise des  Etats-Unis  se  trouve  placée  sous  le  rapport  de  l'édu- 


RAPPORT   DU   CERCLE   CATHOLIQUE   DE    BIDDEFORD.  63 

cation.  Ceux  d'entre  les  Canadiens  du  Canada  qui  vont  don- 
ner des  lectures  ou  conférences  à  leurs  frères  des  Etats-Unis, 
ne  se  dirigent  ordinairement  que  dans  les  grandes  villes  ;  ils 
ne  voient  les  choses  que  superficiellement,  car  ils  ne  font  que 
.passer.  Eh  bien  !  il  est  pénible  de  l'avouer  :  un  bon  nombre 
de  Canadiens-français  fréquentent  les  écoles  protestantes,  et 
dès  ce  moment  on  peut  dire  que  leur  foi  et  leur  langue  sont 
en  danger.  Après  quelques  années,  ces  enfants  devenus 
hommes,  fondent  des  familles  qui  ne  diffèrent  en  rien  des 
familles  américaines  :  elles  professeront  le  protestantisme  et 
ne  parleront  que  la  langue  anglaise.  Ces  faits  ne  sont  mal- 
heureusement pas  rares  aux  Etats-Unis. 

La  jeunesse  a  besoin  d'être  éclairée,  et  c'est  là  le  but  des 
efforts  faits  jusqu'à  présent  par  le  Cercle  catholique  de 
Biddeford. 

Aux  Etats-Unis  la  population  canadienne  manque  de  prê- 
tres, et  cette  disette  de  missionnaires  est  bien  aussi  une  cause 
puissante  de  la  démoralisation  qui  tend  à  envahir  cette  popu- 
lation. Ce  malheur  n'est  pas  moins  déplorable  que  le  pre- 
mier ;  faites  cesser  ce  dernier,  l'autre  aura  vite  disparu. 

On  parle  beaucoup  d'émigration,  surtout  à  l'heure  présente. 
La  classe  qui  émigré  aux  Etats-Unis  est  pauvre.  Mais  tous 
entretiennent  l'espoir  de  retourner  au  Canada.  Ce  retour  ne 
peut  pas  se  faire  brusquement  ;  il  sera  l'œuvre  du  temps, 
quelque  mesure  que  l'on  prenne  pour  rapatrier  nos  compa- 
triotes canadiens-français.  Il  n'y  a  qu'une  chose  à  faire, 
c'est  d'empêcher  l'émigration  actuelle  comme  l'émigration 
future. 

On  a  accusé  les  Canadiens  des  Etats-Unis  de  manquer  de 
patriotisme.  Cette  insinuation  fait  peine  au  cœur  de  ceux 
qui  travaillent  de  toutes  leurs  forces  au  bien  de  la  nationalité 
canadienne,  et  qui  désirent  l'union  de  cœur  et  d'esprit  de  tous 
ceux  qui  portent  un  nom  canadien-français.  Ceux  chez  qui 
aux  Etats-Unis  ne  vibrent  plus  la  fibre  patriotique,  ont  perdu 
là  leur  langue  et  leur  foi. 

Que  le  Cercle  catholique  de  Québec  continue  de  tendre  une 
main  secourable  au  Cercle  de  Biddeford,  et,  forts  de  cet  appui 


64       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

et  de  cette  union,  les  Canadiens-français  de  Biddeford  se  senti- 
ront encouragés  et  persévéreront  dans  la  tâche  à  laquelle  ils 
se  sont  voués. 

P.  V.  Labonté, 
Président  du  Cercle  catholique  de  Biddeford» 


Mr  B.  A.  Testard  de  Montigny,  président  et  rapporteur  de 
l'Union  Allet,  lit  ensuite  son  rapport. 

RAPPORT  DE  Mr  B.  A.  T.  DeMONTIGNY, 

président  général  de  V  Union- Allet. 


Messieurs^ 

En  1861,  alors  que  Gastelfidardo  venait  d'ensevelir,  dans 
une  immortelle  gloire,  les  plus  vaillants  des  Zouaves  de 
Lamoricière,  Pie  IX,  le  grand  et  l'immortel  Pape  alors  ré- 
gnant, accueillit  avec  bonheur  la  pensée  de  s'entourer  d'une 
garde  dont  pourraient  faire  partie  tous  les  peuples  catholiques 
de  l'univers.  Il  ne  fit  point  d'appel,  mais  il  accepta  l'offre  qu'on 
lui  fit  de  résister  par  la  force  armée  aux  empiétements  du  sol 
qui  appartient  à  la  catholicité.  Il  ne  se  croyait  pas  libre  de 
refuser;  c'était  une  idée  qui  répondait  à  la  grandeur  du 
pouvoir  temporel.  Et  n'était-ce  pas  là  la  répétition  des  mou- 
vements de  l'Occident  s'agitant,  au  moyen-âge,  pour  débar- 
rasser des  étreintes  des  Musulmans  le  tombeau  de  Celui  dont 
le  Pape  est  le  représentant.  De  môme  que  dans  ces  moments 
solennels  du  concile  du  Vatican,  les  Evoques  du  monde  entier 
étaient  accourus  à  Rome  pour  acclamer  l'autorité  spirituelle 
infaillible  du  Pape,  de  môme  des  soldats  de  tous  les  pays 
devaient  l'entourer  pour  affirmer,  par  le  don  de  leur  vie  et 
l'effusion  de  leur  sang,  la  nécessité  de  son  pouvoir  temporel. 

La  France  y  envoya  les  plus  distingués  de  ses  enfants,  un 
grand  nombre  descendant  des  Croisés  et  tous  Croisés  eux- 
mêmes  ;  la  Belgique  y  dirigea  les  plus  dévoués  de  ses  fils  ;  la 
Hollande  s'y  fit  noblement  représenter;  l'Irlande,  la  catholi- 
que Irlande,  qui  avait  recueilli  sa  large  part  de  gloire  à  Cas- 


RAPPORT   DE   MR   B.   A.   T.    DE   MONTIGNY.  65 

telfidardo,  y  organisa  un  bataillon  ;  les  Etats-Unis  y  dirigèrent 
des  leurs  ;  et  l'Océanie  môme  y  avait  sa  place. 

Un  enfant  du  Canada,  canadien-français  d'origine,  crut 
devoir  y  porter  les  armes  pour  son  pays.  Plus  tard,  Hugh 
Murray,  depuis  chevalier  et  martyr  d'une  belle  cause,  y  repré- 
senta dignement  l'élément  canadien-irlandais.  Quelques  an- 
nées ensuite,  Alfred  LaRocque  y  reçut  d'honorables  blessures, 
et  fut  suivi  de  Prendergast,  Désilets,  Drolet,  Hénault,  Têtu  et 
Gourteau,  qui,  comme  tous  ceux  qui  marchèrent  sur  leurs 
traces,  se  distinguèrent  i  l'armée. 

Ils  furent  une  avant-garde. 

Un  immense  enthousiasme  s'empara  du  pays  et,  à  la  voix  de 
son  saint  évoque,  Montréal  voulut  réaliser  le  vœu  de  la  jeu- 
nesse canadienne,  qui  de  tous  les  points  du  Canada  offrait  son 
concours  à  la  défense  du  Saint-Siège.  Un  comité  exécutif  fut 
chargé  par  les  citoyens  de  cette  ville,  le  26  décembre  1867,  de 
diriger  efficacement  ce  généreux  mouvement  et  d'organiser 
un  détachement  de  volontaires.  MM.  0.  Berthelet,  Ls  Baudrv, 
Alfred  Larocque,  G.  A.  Leblanc,  R.  Bellemare,  F.  X.  A.  Trudel, 
S.  Rivard,  E.  L.  de  Bellefeuille,  Ed.  Barnard  et  Jos.  Royal, 
furent  les  membres  de  ce  comité,  qui  commença  de  suite  son 
œuvre  et  déploya  pendant  trois  ans  un  zèle  vraiment  ad- 
mirable. 

En  1868,  le  11  février,  le  pays  s'en  rappelle,  un  premier 
détachement  quittait,  le  Palais  épiscopal  de  Montréal,  foyer 
de  ce  mouvement,  pour  se  diriger  vers  la  gare  Bonaventure, 
en  route  pour  l'Italie,  au  milieu  des  flots  populaires  qui,  pres- 
sés sur  leur  passage,  murmuraient  des  vœux  pour  ces  jeunes 
et  braves  soldats. 

Trois  mois  après,  un  autre  détachement  prit  le  chemin  de 
la  Ville-Eternelle.  Cinq  autres  obtinrent  l'honneur  de  s'y 
diriger. 

La  vieille  foi  de  nos  pères  s'est  alors  manifestée  grande,  belle 
et  forte  ;  les  campagnes  ont  répondu  aux  villes  ;  et  le  senti- 
ment national  s'est  mis  en  route  pour  Rome,  où  le  phare  de  la 
vérité  indique  aux  nations  le  chemin  de  leur  destinée. 

^Jos  bataillons  traversèrent  les  Etats-Unis,  l'Angleterre  et 


66  PREMIER   CONGRÈS   CATHOLIQUE  TENU   A   QUÉBEC. 

la  France,  déployant  leur  drapeau,  que  les  mains  de  la  religion 
avaient  tissé,  et  dans  les  ondulations  duquel  se  répète  comme 
l'écho  de  "  Dieu  le  veut  "  la  devise  :  "  Aime  Dieu  et  va  ton 
chemin,"  qui  caractérise  éloquemment  l'idée  de  cet  élan 
national. 

Mentana,  qui  procura  à  l'Eglise  une  paix  pendant  laquelle 
furent  convoquées  les  grandes  assises  du  Vatican,  où  fut  pro- 
clamé le  dogme  de  l'infaillibilité,  Mentana  avait  eu  lieu  ;  et  les 
nouvelles  recrues  durent  attendre,  l'arme  au  bras,  l'occasion 
de  sceller,  de  leur  sang,  la  foi  qu'ils  allaient  défendre. 

Le  signal  fut  donné  par  le  baiser  hypocrite  du  8  septembre 
1870.  Alors  eurent  lieu  Bagnorea,  MonlefiascOne,  la  retraite 
de  Viterbe,  Givita-Gastellana,  et  le  siège  de  Rome. 

Nos  soldats  revinrent  au  pays  désarmés. 

Quelles  angoisses  n'eurent-ils  pas  à  souffrir,  eux  qui,  dans 
toutes  les  rencontres,  avaient  vaincu  un  contre  dix,  et  n'avaient 
succombé  que  un  contre  cent  !  A  la  voix  du  représentant  du 
Dieu  de  la  paix,  ils  ont  remis,  un  jour  de  bataille,  l'épée  dans 
le  fourreau.  Mourir,  c'est  peu  de  chose  pour  le  défenseur 
d'une  cause;  mais  il  faut  que  ce  soit  une  cause  sainte  pour 
obéir  au  devoir  qui  commande  de  se  taire  en  présence  de  l'en- 
nemi. 

Les  camarades  de  France  ont  pu,  eux,  sous  la  mitraille, 
expirer  au  champ  d'honneur  ;  mais  les  zouaves  canadiens  sont 
revenus  au  pays  le  cœur  broyé  et  l'âme  inondée  d'une  amer- 
tume profonde. 

Il  ne  fallut  rien  moins  pour  les  consoler  que  l'accueil  sym- 
pathique de  leurs  compatriotes,  canadiens,  fils  de  soldats,  qui 
comprennent  le  courage  et  qui  ont  pesé  la  graihdeur  du  sacri- 
fice et  la  sublimité  de  l'obéissance. 

Ils  revenaient  au  pays  couverts  de  cet  uniforme  de  zouaves 
devenu  la  livrée  du  courage  et  de  l'honneur  militaire  ;  de  cet 
uniforme  qui  a  porté  avec  lui  en  Afrique,  en  Asie,  en  Europe, 
en  Amérique,  une  tradition  de  gloire  non  interrompue  ;  de 
cet  uniforme  intimement  associé  à  la  glorieuse  défaite  de  Gas- 
telfidardo,  à  la  victoire  de  Mentana,  à  l'histoire  du  combat 
héroïque  de  Patay-Loigny,  et  de  la  retraite  du  Mans. 


RAPPORT   DE   MR   B.  A.   T.   DE  MONTIGNY.  67 

Aussi  les  populations  des  cités  et  des  champs  se  pressèrent- 
elles  sur  leur  passage  ;  les  cloches  bénies  annoncèrent  à  toute 
volée  l'arrivée  de  ces  preux,  et  la  grande  basilique  de  Montréal 
ouvrit  ses  portes  pour  recevoir  ces  soldats  auxquels  la  voix  la 
plus  éloquente  souhaita  la  bienvenue. 

L'œuvre  des  zouaves  pontificaux,  au  milieu  de  l'apathie  de 
notre  siècle,  qui  ne  semble  n'avoir  d'énergie  que  pour  les  ma- 
chines et  la  vapeur,  n'a-t-elle  pas  pris  des  proportions  gigan- 
tesques, et  par  l'idée  qui  l'inspira,  et  par  les  difficultés  qu'elle 
surmonta  ? 

Aussi  s'est-on  demandé  là-bas  :  Quel  est  donc  ce  pays  qui, 
de  l'extrême  Occident,  envoie  ses  fils  à  la  défense  d'un  principe  ? 
La  France  a  ressenti  dans  ses  entrailles  se  réveiller  d'affec- 
tueux sentiments.  Elle  a  reconnu  ses  enfants  dans  ces  Croisés 
canadiens  ;  elle  a  compris,  elle,  si  avide  de  gloire,  et  qui 
apprécie  si  bien  le  prix  de  l'honneur,  elle  a  compris  la  subli- 
mité de  cette  mission  ;  elle  a  réclamé  son  droit  de  maternité, 
et  nous  l'avons  entendue,  orgueilleuse  et  fière,  répéter  :  "  Ce 
sont  mes  fils."  Oui,  France  î  ce  sont  tes  fils  et  qui  t'aiment 
encore  ;  ce  sont  tes  fils,  nés  du  seizième  siècle  et  exempts 
encore  de  tes  orages,  de  ton  philosophisme  et  de  tes  révolu- 
tions !  et  tu  as  proclamé  combien,  avec  l'antique  foi  de  saint 
Louis,  on  pouvait  accomplir  de  grandes  choses  ! 

Et  la  France  s'est  rappelé  son  passé.  Le  souvenir.  Messieurs^ 
pour  la  France  surtout,  c'est  beaucoup.  Son  passé  est  si  beau, 
son  berceau  si  sublime,  son  âge  mûr  si  glorieux  ! 

L'Angleterre  qui,  pour  remonter  à  son  origine,  a  besoin  de 
traverser  des  âges  de  foi,  a  dû  se  demander  aussi  :  D'où  vien- 
nent donc  ces  jeunes  gens  ?  Elle  a  dû  se  souvenir  aussi,  inter- 
roger son  histoire  et  se  dire  :  Où  en  sommes-nous  avec  notre 
force  physique,  avec  notre  formidable  marine,  avec  notre 
commerce  universel  qui  cloue  aux  intérêts  matériels  nos 
intelligences  el  nos  cœurs  ? 

Aux  Etats-Unis,  où  l'on  affecte  de  nous  mépriser,  on  s'est 
arrêté  sur  le  passage  des  zouaves,  et  on  les  a  salués  comme  les 
représentants  d'une  idée. 

Ainsi  donc,  l'œuvre  des  Zouaves  canadiens  a  dû  exercer  une 


68       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

influence  réelle  sur  les  pays  qu'ils  ont  traversés  ;  et  c'est  ce 
qui  explique  pourquoi  partout  on  les  a  accueillis,  et  partout, 
sans  égard  aux  formalités  d'usage,  on  leur  a  dit  :  Passez  ! 
Allez  votre  chemin  ! 

Les  500  zouaves  et  plus  qui  avaient  pris  part  à  l'expédition 
d'outre-mer,  ne  pouvaient  rester  indifférents  aux  événements 
qui  se  précipitaient  en  Europe.  L'idée  qui  les  avait  conduits 
dans  les  plaines  d'Italie  les  animait  trop  vivement  pour  qu'ils 
ne  travaillassent  pas  ici  au  triomphe  de  la  cause  qu'ils  avaient 
entrepris  de  défendre.  Leur  mouvement  avait  été  inspiré  par 
le  désir  de  servir  la  cause  de  Dieu,  de  son  Eglise  et  de  son 
Vicaire;  ils  voulurent  le  continuer  en  Canada.  D'ailleurs,  ils 
aimaient  leur  patrie.  Or,  comme  le  disait  un  jour  Mgr  de 
Birtlia,  selon  le  plan  divin,  la  cause  de  l'Eglise  et  du  Pape  est 
la  cause  de  toute  société  chrétienne  ;  sans  parler  des  enseigne- 
ments de  l'histoire,  les  événements  contemporains  suffisent 
pour  le  prouver  avec  une  effrayante  évidence. 

La  question  religieuse  étant  manifestement  une  question 
sociale,  notre  avenir  national  se  trouve  inséparablement  uni 
à  la  cause  sacrée  de  l'Eglise  et  de  son  chef,  et  nos  intérêts 
nationaux  sont  intimement  liés  aux  intérêts  catholiques.  C'est 
donc  imbus  de  cette  double  et  inséparable  idée  que  les  zouaves 
du  Canada  se  constituèrent  en  Union  qu'ils  nommèrent 
"  AUet,"  du  nom  de  leur  bien-aimé  Colonel,  qui  avait  consa- 
cré sa  vie  au  service  du  Saint  Père,  et  qui  aima  jusqu'à  la 
tombe  les  zouaves  comme  ses  enfants.  Ils  convièrent  les 
citoyens,  amis  de  leur  principe,  à  faire  partie  de  leur  Union 
comme  membres  honoraires. 

Le  mot  "  Union  "  répondait  au  sentiment  qui  débordait  du 
cœur  de  chacun,  la  Charité,  dont  une  des  œuvres  les  plus 
excellentes  est  l'union.  "  Qu'ils  soient  unis,"  a  dit  le  divin 
Crucifié,  en  annonçant  que  son  œuvre  était  consommée. 

I\"était-ce  pas  d'ailleurs  répondre  au  désir  de  servir  une 
cause  pour  laquelle  ils  avaient  offert  leur  vie  ? 

En  nous  unissant,  nous  devenions  forts  ;  Punion  fait  la  force ^ 
c'est  la  devise  que  l'on  voit  flotter  aujourd'hui  dans  les  plis  de 
nos  étendards  nationaux.    En  ne  faisant  qu'un,  nous  n'avions 


RAPPORT    DE    MR    B.    A.   T.    DE    MONTIGNY.  69 

« 

qu'un  désir,  celui  de  faire  tendre  à  un  même  but  la  variété 
des  membres  et  le  concours  des  mouvements  et  des  fonctions. 

Les  zouaves  du  Canada,  en  formant  l'Union  AUet,  avaient 
donc  pour  but  de  servir  Dieu  et  la  Patrie. 

Notre  drapeau,  l'écusson  qui  orne  le  fronton  de  notre  jour- 
nal, nos  constitutions  en  font  foi  et  nos  actes  le  prouvent. 

^'- Aime  Dieu  et  va  ton  chemin.''''  Ah!  que  cette  devise  com- 
prend de  patriotisme  et  surtout  de  patriotisme  canadien  !  Peut- 
on  aimer  Dieu  sans  aimer  cette  patrie  qu'il  nous  a  confiée 
pour  la  transmettre  à  nos  enfants  comme  un  dépôt  sacré,  et 
pour  laquelle  il  a  gravé  en  traits  de  feu  dans  Tâme  humaine 
un  amour  irrésistible?  Y  a-t-il  quelqu'un  qui  aime  Dieu  et 
qui  n'aime  pas  son  pays  ? 

Et  pour  nous,  Canadiens,  dont  la  patrie  est  imprégnée  des 
douces  émanations  des  bienfaits  de  la  Providence  ;  patrie  que 
les  rois  très  chrétiens  et  fils  aînés  de  l'Eglise  désignèrent  aux 
navigateurs  comme  pays  à  convertir  au  christianisme  ;  dont 
Jacques-Cartier  s'emparait  en  y  plantanli  la  croix  ;  dont  les 
missionnaires  ont  arrosé  le  sol  de  leur  sang  ;  dont  chaque 
hameau,  chaque  ville  porte  le  cachet  de  la  foi  et  de  l'honneur, 
comment  pourrions-nous  aimer  Dieu  sans  aimer  la  patrie  ? 

Et  que  signifient  ces  deux  ailes  qui  servent  de  cimier  au 
casque  de  l'écu  du  Bulletin  de  V Union  Allet^  sinon  la  Religion 
et  la  Patrie  ;  la  Foi  et  l'Honneur  ? 

C'est  ce  qu'exprimait  Sa  Grandeur  Mgr  Bourget,  le  créateur 
de  notre  œuvre,  à' qui  nos  constitutions  ont  accordé  le  haut 
patronage  de  notre  Union,  quand  au  jour  mémorable  de  notre 
première  levée,  son  âme  de  pontife  laissait  échapper  le  trop 
plein  d'émotion  qui  l'inondait  à  flots,  par  cette  première  excla- 
mation de  sa  sainte  iUlocution  :  ''  Braves  et  dévoués  enfants  de 
la  Religion  et  de  la  Patrie  !  " 

Nos  constitutions  respirent  la  religion  et  le  patriotisme. 

E!t  n'avons-nous  pas  souvent  offert  nos  bras  à  la  patrie,  lors 

des  invasions  étrangères?  Cinq  fois  depuis  nous  avons  sollicité 

d'être  enrôlés  sous  les  drapeaux  britanniques.     Nous  aurions 

été  heureux  de  prouver  notre  loyauté  «nvers  notre  Souveraine, 

notre  respect  pour  l'autorité,  en  quelques  mains  qu'elle  soit. 

5 


70       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

Pour  être  fidèles  à  notre  drapeau,  il  ne  suffît  pas  d'avoir  la 
foi,  il  faut  les  œuvres  ;  il  faut  la  charité  qui  marche,  qui  va 
son  chemin.  C'est  pour'répondre  à  cette  ordonnance  que  nous 
avons  inscrit  au  2nie  article  de  nos  constitutions  que  l'Union 
AUet  a  pour  but  :  lo.  La  perpétuité  de  la  mission  que  se  pro- 
posaient les  volontaires  pontificaux  canadiens  en  allant  à 
Rome,  savoir  :  la  défense  de  l'Eglise  et  de  ses  droits  ;  2o.  Le 
maintien  chez  ses  membres  de  l'esprit  et  des  traditions  du 
régiment  des  zouaves  pontificaux  ;  3o.  Le  secours  mutuel  entre 
les  anciens  zouaves  pontificaux  canadiens. 

C'est  encore  le  régiment,  divisé  en  sections  diocésaines  qui 
sont  les  bataillons,  ayant  le  même  drapeau  et  la  môme  devise^ 
poursuivant  le  même  but,  non  plus  avec  des  armes  matérielles, 
non  plus  sur  un  champ  de  bataille,  non  plus  exposés  aux 
balles  ennemies,  non  plus  en  présence  des  mêmes  chefs  ;  mais 
ayant  pour  arme  la  parole,  la  plume,  les  œuvres,  le  bon 
exemple;  pour  champ  de  bataille,  le  sacerdoce,  les  professions, 
le  commerce,  l'industrie,  où  nous  nous  efforçons  d'accomplir 
en  chrétiens  et  en  citoyens  nos  devoirs  d'état.  Les  balles  ont 
été  remplacées  par  le  peisifïlage  de  ceux  qui  ne  sont  pas  Caiia- 

l'ù,  pas  de  haut  faits  qui  font  couronner  au  champ  d'hon- 
neur. Ici,  nous  n'avons  plus  Lamoricière,  Kanzler,  Bec-de- 
Liève,  Allet,  Charrette,  qui,  par  leur  exemple,  surexcitaient 
les  sentiments  les  plus  élevés  du  cœur.  Nous  combattons 
paisiblement  sous  les  yeux  du  divin  Capitaine  et  avec  l'appui 
des  gens  de  bien. 

Aussi  le  Bienheureux  Pie  IX  nous  écrivait-il  le  25  janvier 
1873  :  "  Nous  vous  félicitons  avec  effusion,  chers  fils,  de  ce 
que,  après  avoir  déposé  l'épée,  dont  vous  vous  étiez  armés  pour 
le  Christ,  vous  concentriez  tous  vos  efforts  à  vous  maintenir 
vaillamment  sous  les  drapeaux  d'une  milice  toute  spirituelle, 
et  à  vous  revêtir  des  armes  de  la  lumière  et  de  la  justice." 

Un  des  premiers  actes  de  l'Union  Aliet  a  été  de  fonder  un 
journal  où  sont  consignés  les  événements  importants  qui  con- 
cernent son  existence,  et  qui  transmet  aux  Camarades  et  à  ceux 
qui  s'intéressent  à  notre  cause  les  joyeuses  et  les  tristes  nou- 


RAPPORT   DE    MR    B.    A.   T.    DE    MONTIGNY.  71 

Yellos,  persuadés  que  nous  étions  que  les  unes  se  supportent 
plus  aisément  et  les  autres  se  goûtent  mieux  quand  elles  le 
sont  par  plusieurs  amis.  C'est  ainsi  que  ce  messager  fidèle 
nous  a  transmis  tous  les  mois  les  principaux  traits  du  mouve- 
ment catholique  en  Europe  et  en  Amérique  ;  qu'il  s'est  em- 
pressé de  publier  les  lettres  et  les  encycliques  de  l'autorité 
infaillible  ;  c'est  ainsi  qu'il  a  fait  parvenir  à  tous  les  zouaves, 
dont  nous  recueillons  précieusement  les  adresses,  les  craintes 
et  les  espérances  du  monde  catholique.  Il  a  ouvert  ses  colonnes 
pour  reproduire  les  vues  et  les  sentiments  de  ceux  qui  nous 
favorisent  de  leurs  écrits  ;  et  nous  avons  la  prétention  de  croire 
qu'il  renferme  dans  ses  feuillets  des  pages  vraiment  remarqua- 
bles. Il  contient  des  détails  intimes  de  notre  vie  d'union. 
Nous  avons  ouvert  des  pages  aux  joies  de  cette  famille  ponti- 
ficale et  coiisacré  un  coin  mortuaire  où  est  précieusement 
conservé  le  souvenir  de  nos  morts,  en  faveur  desquels  nous 
avons  créé  une  caisse,  nous  rappelant  ce  que  Bec-de-Liève 
nous  disait  un  jour  sur  la  tombe  entr'ouverte  d'un  des  nôtres  •. 
"Le  derjiier  adieu  d'un  soldat  chrétien  à  son  confrèrej  c'est 
une  prière."  - 

Que  de  consolations  ce  Bulletin  n'a  t-il  pas  apporté  aux 
Zouaves  !  Que  de  souvenirs  n'a-t-il  pas  évoqués  !  Que  de 
larmes  n'a-t-il  pas  fait  couler  !  Que  de  battements  de  cœur 
n'a4-il  pas  produits  ! 

C'est  lui  qui  sonnera  l'heure  de  la  réunion  autour  du  siège 
de  Pierre  et  qui  annoncera,  nous  l'espérons,  le  triomphe  de 
l'autorité  temporelle. 

Mais,  messieurs,  ce  bulletin  ne  suffisait  pas,  nous  avions 
trop  à  dire  ;  il  fallait  se  voir,  se  rencontrer,  se  consoler  aussi. 
Et  puis  nos  amis  avaient  besoin  de  distraction,  d'amusements 
môme  ;  et  nous  avons  pensé  qu'on  ne  pouvait  mieux  conserver 
les  traditions  du  régiment  et  nos  rapports  de  bonne  camara- 
derie qu'en  créant  un  cercle  à  finstar  de  celui  de  Rome,  qui 
a  tant  contribué  à  donner  un  cachet  particulier  aux  Zouaves 
canadiens,  dont  la  bonne  tenue  et  l'esprit  militaire  ont  attiré 
l'admiration  de  l'armée  et  les  louanges  des  chefs. 

Empressons-nous  de  dire  que  les  bases  de  ce  cercle  ont  été 


72  PREMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE    TENU    A    QUÉREG. 

jetées  par  le  regretté  M.  Olivier  Berthelet,  à  qui  ses  bienfaits 
ont  valu  la  Croix  de  Commandeur  de  l'ordre  de  Pie  IX. 

Dans  ce  Casino  de  Montréal  on  y  faisait  de  la  musique  ;  on 
y  chantait  les  chansons  du  régiment,  que  nos  officiers  aimaient 
tant  à  entendre  ;  on  y  causait  de  tout  un  peu,  et  même  d'af- 
faires ;  il  y  avait  salles  de  billard,  d'escrime,  d  3  boxe  et  de 
bâtons  ;  champ  de  tir  ;  chambre  de  nouvelles,  salons  de  jeux, 
de  conversation  et  de  musique. 

C'était  le  pied  à  terre  des  Zouaves  de  la  campagne.  On  y 
conviait  les  amis,  jeunes  et  vieux,  afin  qu'ils  nous  vissent, 
qu'ils  nous  connussent,  qu'ils  nous  aimassent  et  par  là  notre 
cause  qui  était  notre  dernier  mot. 

Il  n'existe  plus,  pour  nous  ;  ce  n'est  pas  nous  qui  l'avons 
afTaibli.  C'est  la  division,  non  pas  des  cœurs,  non  pas  des 
sentiments,  mais  des  moyens  et  des  forces  auxquelles  contri- 
buaient des  membres  non  militaires,  qui  fondèrent  d'autres 
cercles  et  dispersèrent  nos  éléments  vitaux.  Nous  devons  nous 
consoler  de  sa  disparution  comme  de  celle  d'un  enfant  de 
quatre  ans  qui  nous  a  procuré  beaucoup  de  jouissance,  et 
donné  beaucoup  d'espérance,  et  que  nous  aurions  mis  dans  un 
établissement  où  il  se  prépare  à  une  autre  mission.  Mgr 
Bourget,  avec  le  concours  généreux  de  M.  Alfred  Larocque, 
père,  trouva  le  moyen  de  faire  passer  sans  secousse  le  Casino 
à  l'œuvre  du  patronage  des  ouvriers,  sous  la  direction  des 
Frères  de  la  Doctrine  Chrétienne,  qui  sont  iv  :-  amis.  . 

Il  est  une  œuvre  à  laquelle  nous  noi.  intéressons  parce 
qu'elle  est  une  œuvre  nationale  et  zounvitique  :  la  colonisation. 
Quoi  de  plus  patriotique  que  cette  œuvre  qui  ouvre  à  nos 
populations  les  portes  de  l'agriculture  ?  Elle  est  nationale 
parcequ'elle  contribue  à  ouvrir  à  notre  vigoureuse  population 
ces  vastes  et  fertiles  cantons,  qui  n'attendent  que  l'intelligente 
main  du  colon,  pour  déverser  sur  notre  province  d'abondantes 
richesses  agricoles,  manufacturières  et  minières,  et  à  enraci- 
ner dans  notre  sol  la  plus  généreuse  des  nations,  qui  sans  cette 
œuvre  irait  faire  bénéficier  les  pays  étrangers  de  la  vigueur  de 
ses  éléments. 

Nous  ne  craignons  pas  de  proclamer  cette  cause  :  nationale, 


RAPPOIIT    DE    MR    B.    A.    T.    DE   MONTIf.XY.  73 

quand  on  voit  nos  Evoques,  toujours  prêts  à  faire  entendre 
leur  voix  au  jour  des  calamités  publiques,  la  recommander  à 
la  sollicitude  du  patriotique  clergé  canadien,  comme  étant  le 
moyen  le  plus  efficace  d'arrêter  ce  fléau  qui  dissémine  nos 
forces  à  l'étranger. 

C'est  aussi  une  œuvre  zouavitiquc^  puisqu'elle  ouvre  à  nos 
camarades  la  carrière  la  plus  en  harmonie  avec  leurs  habi- 
tudes militaires  et  où,  piano  ma  sano^  il  s'achemineront  vers 
un  port  de  prospérité  qu'ils  légueront  à  leurs  enfants,  qui 
seront  zouaves  de  cœur. 

La  vie  du  colon,  c'est  la  vie  du  soldat,  combattant  sur  un 
autre  champ  contre  les  ronces  et  les  épines  que  Dieu  a  dési- 
gnées comme  devant  être  arrachées  à  la  sueur  de  notre  front. 
Cette  victoire  gagnée  à  la  pointe  du  soc  est  digne  de  l'ambition 
d'un  zouave  du  Pape  ;  car  c'est  la  conquête,  par  le  travail,  du 
sol  encore  inhabité  et  sa  mise  en  valeur.  "  Le  courageux 
pionnier  de  la  colonisation  a  certainement  autant  de  droit  à  la 
reconnaissance  de  son  pays  que  le  plus  vaillant  soldat.  Si 
celui-ci  fait  respecter  son  territoire,  l'autre  l'en  met  en  posses- 
sion, après  l'avoir  fertilisé  de  ses  sueurs  et  quelque  fois  arrosé 
de  ses  larmes."  (Mgr  Laflèche.) 

Voilà  pourquoi  l'Union  Allet  regarde  comme  une  de  ses 
grandes  étapes  d'avoir  fait  camper  plusieurs  des  siens  dans  une 
colonie  que  notre  digne  aumônier  choya  comme  œuvre  de  pré- 
dilection et  à  laquelle  il  donna  le  nom  chéri  de  Piopolis.  Tout 
ne  fut  pas  rose  dans  ce  paradis  terrestre  ;  et  le  diable  et  les 
hommes  s'en  mêlèrent  pour  éprouver  nos  amis.  Et  le  diable  et 
les  hommes  n'ayant  pas  réussi  à  les  décourager,  le  bon  Dieu  a 
voulu  imprimer  à  cette  œuvre  un  cachet  plus  profond  d'épreu- 
ves, afin  de  la  faire  reconnaître  pour  sienne.  La  colonie  était 
encore  à  son  berceau  ;  les  pluies  torrentielles  du  printemps  de 
1873,  ayant  retardé  considérablement  l'action  du  feu  dans  les 
abattis,  les  semailles  n'avaient  pu  arriver  à  maturité  ;  et  la  ge- 
lée a  privé,  en  deux  nuits,  nos  colons  des  fruits  de  longues  et 
pénibles  journées  de  travail.  No?  camarades  de  Piopolis  sont 
alors  venus,  comme  jadis  sur  les  bords  des  grandes  routes 
romaines,  partager  avec  nous  la  miche  du  pain  de  munition. 


74  PHEMIEIl    CONC.RÈS   CATHOLIQUE   TENU   A   QUÉBEC. 

Aujourd'hui  cette  colonie  est  florissante,  et,  assise  sur  un 
des  immenses  plateaux  qui  disputent  à  la  plaine  la  possession 
du  terrain,  elle  baigne  mollement  ses  pieds  dans  le  grand  lac 
Mégantic.  La  ligne  ferrée  qui  emprisonne  sa  taille  gonfle  son 
sein  de  richesses,  que  la  main  de  ses  enfants  distribue  aux 
villes  environnantes.  Et  la  tôte  couronnée  du  triple  diadème 
de  la  foi,  de  l'espérance  et  de  la  charité,  elle  aime  Dieu  et 
regarde  avec  sérénité  le  chemin  qu'elle  va  parcourir. 

En  procurant  ainsi  à  plusieurs  de  nos  camarades  un  avenir 
enviable,  nous  n'avons  pas  négligé  de  favoriser  ceux'  d'entre 
nous  qui  avaient  besoin  de  secours  en  argent,  ou  de  protection 
pour  arriver  à  des  postes  honorables.  Nous  sommes  recon- 
naissants à  nos  compatriotes  de  leur  concours.  Pour  eux  la 
qualité  de  zouave  du  Pape  est  une  recommandation.  Aussi 
l'Union  Allet,  dans  sa  sollicitude  à  procurer  des  positions  à  ses 
membres,  s'est-elle  fait  un  devoir  de  les  conseiller  de  s'en  rendre 
dignes.  Grâce  à  Dieu,  nous  comptons  aujourd'hui  des  zouaves 
sur  les  degrés  des  autels,  dans  les  sphères  politiques,  dans  les 
bureaux  publics,  dans  les  professions,  dans  le  commerce,  dans 
les  arts  et  l'industrie  ;  et  partout  ils  nous  semblent  aimer  Dieu 
et  aller  leur  chemin.  L'un  d'eux  avait  même  monté  sur  le 
banc  de  la  magistrature  ;  mais  une  bourrasque  politique  ayant 
emporté  le  banc  lui-même,  le  zouave  a  perdu  son  siège,  tenant 
haut  son  drapeau  et  gardant  l'honneur. 

Un  de  nos  anciens  présidents,  Ghs  Paquet,  est  à  Rome,  où, 
dans  la  gendarmerie  pontificale,  il  monte  la  garde  pour  cha- 
cun de  nous  ;  c'est  la  sentinelle  avancée  qui  nous  crie  à  tous  ; 
''  Prenez  garde  à  vous." 

•  Nous  avons  cru  devoir,  pour  servii*  notre  cause,  organiser  des 
démonstrations  où  le  peuple  des  campagnes  s'unit  à  celui  des 
villes  pour  exalter  les  grands  hommes  et  les  grandes  choses. 
Nous  aimons  ces  élans  du  peuple,  dont  le  cœur  se  dilate  en 
un  jour  de  fête,  pour  rendre  hommage  à  la  vertu  dont  les 
accents  se  répètent  sur  les  rives  étrangères.  Nous  aimons  le 
peuple  agenouillé  au  pied  des  autels.  Il  encourage  les  grandes 
œuvres,  il  édifie  les  étrangers  et  se  relève  meilleur. 

C'est  ainsi  que  le  14  mars  1871,  nous  avons  élevé,  dans  la 


RAPPORT    DE    MR    B.   A.    T.    DE    MO.VTIGNY.  iÙ 

basilique  de  Montréal  drapée  de  deuil,  un  catafalque  funèbre 
aux  frères  d'armes  tombés  au  champ  d'honneur,  à  l'endroit 
illustré  par  Jeanne  d'Arc. 

C'est  ainsi  qu'à  Québec,  aux  Trois-Rivières  et  à  Montréal  nous 
avons  fait  chanter  des  libcra  solennels  à  notre  vaillant  cama- 
rade Murray,  mort  les  armes  à  la  main,  en  défendant  une 
grande  cause. 

C'est  ainsi  que  nous  avons  fait  offrir,  d'une  manière  solen- 
nelle, le  saint  sacrifice  de  la  messe  à  l'âme  de  notre  bien  aimé 
colonel  Allet. 

C'eit  ainsi  que  lorsque  Pie  IX  a  quitté  cette  terre  nous  nous 
sommes  associés  à  tout  le  Canada,  ou  plutôt  à  tout  l'univers 
en  deuil,  et  que  nous  avons  fait  chanter,  en  l'église  du  Gesu, 
un  service  des  plus  grandioses  à  sa  mémoire. 

En  ces  jours  de  deuil  les  zouaves,  l'arme  renversée,  faisaient 
haie  autour  des  mausolés  en  flamme. 

Et  qui  n'a  pas  entendu  parler  de  cette  grande  démonstration, 
au  retour  des  zouaves  d'Italie,  où  50,000  personnes  acclamèrent 
nos  soldats  défilant  à  l'ombre  de  leur  drapeau,  le  képi  en  tête 
et  la  guêtre  au  pied  ? 

Le  cri  de  vive  Pie  IX  qui  retentissait  de  50,000  poitrines 
vibrantes  d'enthousiasme,  valait  bien  tous  les  sacrifices  que  le 
pays  s'était  imposé  pour  envoyer  cette  phalange  au  secours 
du  Saint-Siège. 

En  toute  occasion  qui  s'est  présentée,  nous  avons  voulu 
manifester  la  grandeur  de  notre  cause  et  la  faire  aimer  en  la 
faisant  voir,  telle  qu'elle  est,  et  en  nous  y  montrant  religieuse- 
ment fidèles. 

Nous  n'avons  pas  craint  de  nous  montrer  hautement  atta- 
chés à  nos  vieilles  et  saintes  traditions.  Et,  en  cela,  nous  avons 
cru  faire  honneur  au  nom  canadien-français,  dont  la  natio- 
nalité est  inséparable  de  l'attachement  à  la  religion  catholique 
à  laquelle  nos  pieux  ancêtres  étaient  si  sincèrement  dévoués- 
Nous  avons  fait  ensemble  des  pèlerinages,  et  en  cela  nous 
avons  évoqué  des  souvenirs  dont  notre  histoire  est  fertile.  La 
prière  d'ailleurs  n'est-elle  pas  un  des  devoirs  de  la  charité  ? 
En  inscrivant  sur  notre  drapeau  :  ''■  Aime  Dieu"  nous  annon- 


7G  PIIEMIEII    CoNGItKS    CATHOLIQUE    TENU    A    QUÉHEC. 

cions  que  nous  formions  partie  des  régiments  de  ceux  qui 
prient.  Et  comme  au  régiment  pontifical,  nous  avons  voulu 
unir  les  différents  corps  de  la  grande  armée  catholique. 

Les  diverses  associations  religieuses  de  Montréal  se  sont 
jointes  à  nous  dans  ces  pèlerinages  pieux.  LTJnion  catholique 
de  Montréal,  avec  laquelle  nous  nous  unissons  tous  les  ans 
pour  faire  la  retraite,  est  notre  compagne  favorite  dans  l'ac- 
complissement du  bien. 

Nous  prions  ensemble  pour  le  Pape,  pour  sa  cause  sainte, 
pour  notre  pays,  pour  tous  ;  car  nous  n'avons  pas  oublié  que 
le  grand  précepte  de  s'aimer  les  uns  les  autres  est  le  ciment 
qui  joint  ensemble  les  pierres  vivantes  du  temple  de  Dieu,  le 
signe  propre  des  disciples  du  Christ.  Aussi  avons-nous  orga- 
nisé des  soirées,  des  représentations  en  faveur  de  la  Saint- 
Vincent  de  Paul  et  des  sœurs  de  la  Providence,  dont  l'institu- 
tion fait  l'orgueil  de  notre  pays,  et  dont  la  présence  nous  rap- 
pelle les  filles  de  Vincent  de  Paul  qui  pansaient  nos  plaies  dans 
les  ambulances  d'Italie.  Nos  aumônes,  nous  le  savions,  deve- 
naient plus  méritoires  en  passant  par  les  mains  de  ces  filles 
chéries  du  ciei  et  de  l'humanité. 

Dans  la  lutte  que  ous  avons  entreprise  contre  le  mal,  nous 
nous  sommes  ménagé  des  alliances  précieuses,  et  nous  nous 
sommes  tenus  en  correspondance  perpétuelle  avec  les  sociétés 
de  zouaves  des  pays  étrangers  ;  la  ligue  Saint-Sébastien,  en 
Angleterre  ;  la  ligue  Saint  Boniface,  en  Hollande  ;  les  Vétérans 
Irlandais  de  l'armée  pontificale,  à  New-York  ;  la  "Catholic 
Union"  de  New-Jersey;  les  Jeunes  Catholiques  italiens  du 
comte  Acquadcrni.  Nous  n'avons  eu  à  vrai  dire  de  relation 
de  société  à  société  avec  aucune  organisation  de  zouaves  en 
France  ;  mais  la  nécessité  de  ces  relations  est  moins  grande, 
car  nous  nous  trouvons  presque  chez  nous  dans  notre  ancienne 
mère-patrie.  D'ailleurs  notre  Lient.  Col.  M.  le  général  de 
Charette,  a  voulu  plus  d'une  fois  faciliter  ces  relations,  en 
écrivant  à  nos  camarades,  et  les  mettre  ainsi  parfaitement  au 
courant  de  ce  qui  pouvait  intéresser  ses  anciens  Castors. 
Naguère  encore,  il  nous  faisait  parvenir,  avec  le  regret 
qu'il  ressent  de  ne  pouvoir  assister  à  ce  Congrès  catholique, 


RAPPORT    DE    MK    b.   A.    T.   DE    MONTIllNY.  /  / 

un  souvenir  des  campagnes  de  Rome  et  de  France,  où  les 
zonaves  ont  tenu  si  haut  l'étendard  de  l'honneur  militaire. 

Ce  souvenir  consiste  en  un  zouave  d'argent  oxydé,  armé  de 
pieds  en  cap,  sur  un  socle  en  granit,  arborant  fièrement  le 
fanion  du  Sacré-CoHir  de  Jésus.  Il  y  a  peu  de  temps,  il  nous 
faisait  parvenir  Le  livre  cVor  des  Zouaves  Pontificaux,  compi'e- 
nant  l'histoire  du  régiment  de  Castelfidardo  à  Patay,  ouvrage 
album  que  le  dernier  d'entre  nous  peut  montrer  comme  son 
livre  de  noblesse. 

Nous  nous  sommes  fait  un  devoir  d'applaudir  à  la  mission 
sublime  qu'a  remplie  le  Cercle  catholique  de  Québec,  qui  nous 
honore  aujourd'hui  d'une  manière  si  distinguée.  C'est  à  l'ins- 
tigation d'un  de  ses  membres  que  nous  avons  donné  notre 
coopération  à  l'œuvre  ingénieuse  des  vieux  papiers.  Nous 
nous  sommes  fait  un  plaisir  de  nous  rendre  à  l'invitation  de 
la  Société  St- Jean-Baptiste  de  Québec,  qui  a  bien  voulu  au- 
jourd'hui nous  confier  la  garde  du  glorieux  drapeau  de  Caril- 
lon, drapeau  blanc  lleurrlelisé,  drapeau  de  la  vieille  France, 
le  seul  qui  a  flotté  sur  l'Amérique  du  Nord  soumise  à  la 
domination  française,  et  le  seul  qui  réveille  le  souvenir  de  nos 
gloires  durant  cette  époque  ;  drapeau  qui  représente  le  respect 
à  la  religion  et  à  l'autorité  et  que  nous  devons  être  surpris  de 
voir  remplacé,  même  sur  les  autels,  par  un  autre  qui  n'a  pas 
les  mêmes  titres  à  notre  vénération. 

Nous  avons  échangé  nos  idées  et  nos  sentiments  avec  les 
publications  où  nos  anciens  camarades  ont  une  grande  part 
de  rédaction  :  la  Vraie  France,  de  France  ;  le  Crusader,  d'An- 
gleterre ;  la  CathoUc  Union,  de  New-Jersey  ;  la  Fedelta,  d'Italie  ; 
le  Kuissvaan,  de  Hollande,  et  la  Croix,  de  Belgique,  qui  a  cessé 
de  paraître,  plutôt  que  de  publier  la  prose  blasphématoire  d'un 
impie  niant  la  divinité  de  N.  S.  J.  C.  -  ^  ^  ^ 

Notre  rôle  a  été  jugé  digne  de  l'approbation  des  personnages 
les  plus  distingués  d'Europe,  qui  nous  ont  honorés  de  corres- 
pondance» assidues  ;  et  nous  ne  pouvons  taire  ici  les  illustres 
noms  de  Pie  IX,  du  général  Kanzler,  du  colonel  Allet,  lu 
lieut.-col.  de  Charette. 

Pour  tant  de   faveurs  signalées,  nous  n'avons  pas  laissé 


78  PREMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU    A   QUÉBEC. 

échapper  roccasion  d'ouvrir  nos  cœurs  à  la  reconnaissance. 
Pour  Dieu  nous  avons  voulu,  lors  de  notre  première  assemblée 
générale  à  Québec,  consacrer  notre  association  au  Sacré-Cœur 
de  Jésus,  à  l'exemple  de  nos  frères  de  France.  A  Notre-Dame 
de  Bonsecours,  nous  avons  offert  un  ex  voto  qui,  sous  forme 
de  nacelle,  est  suspendue  aux  voûtes  de  sa  chapelle,  dans  la- 
quelle l'Union  AUet  entretient  le  feu  béni  d'une  lampe. 

A  Pie  IX,  qui  nous  a  tant  aimés,  et  qui  conservait  parmi 
ses  tableaux  un  groupe  de  zouaves  canadiens,  nous  avons 
envoyé,  lors  de  ses  noces  d'or,  un  calice  en  vermeil  aux  armes 
des  Mastaï,  que  Mgr  Racine  lui  a  remis  pour  nous.  En  l'hon- 
neur de  ce  grand  Pontife,  nous  étions  au  premier  rang  à  la 
réception  dos  nonces  qu'il  envoyait  au  Canada.  Les  pèlerins 
canadiens,  se  rendant  au-  jubilé  épiscopal  de  Pie  IX,  lui  ont 
transmis  Texpression  de  notre  fidélité  constante.  Nous  n'avons 
jamais  manqué  de  lui  transmettre,  par  la  voie  du  télégraphe, 
l'expression  de  nos  sentiments  de  joie  ou  de  douleur  aux  évé- 
nements qui  le  concernaient.  A  Sa  Sainteté  Léon  XIII,  nous 
avons  adressé  l'expression  de  notre  attachement  à  la  Barque 
qu'il  conduira  comme  son  illustre  Prédécesseur. 

A  nos  camarades  tombés  au  champ  d'honneur  de  Loigny, 
nous  avons  apporté  notre  modeste  pierre  à  la  chapelle  funé- 
raire érigée  ca  leur  honneur.  Cette  obole  est  la  feuille  d'érable 
déposée  sur  un  tombeau  où  dorment  tant  de  pre.ux. 

A  nos  chefs  bien-aimés,  à  nos  officiers,  à  nos  camarades, 
nous  avons  plus  d'une  fois  fait  parvenir  nos  applaudissements 
à  leurs  succès  par  des  adresses  qui  leur  étaient  agréables. 

A  notre  digne  et  dévoué  évoque  Bourget,  nous  avons  offert 
le  denier  pour  une  de  ses  œuvres  de  prédilection,  la  cathédrale, 
et  nous  n'avons  trouvé  rien  de  plus  suave  à  lui  présenter  qu'un 
écrin  contenant  les  délicieux  écrits  de  son  épiscopat,  condensés 
dans  les  FioretU.  A  son  successeur  nous  avons  présenté  nos 
souhaits  de  joyeux  avènement  au  siège  épiscopal  auquel  nous 
nous  tenons  attachés  par  l'amour  le  plus  filial. 

Pour  accomplir  ces  "œuvres,  messieurs,  nous  avons  été  en- 
couragés de  la  plus  grande  sympathie.  Nos  Seigneurs  les 
évoques  les  ont  bénies  ;  le  clergé  nous  a  entourés  de  sollicitude  ; 


RAPPORT    DE    MR    B.    A.    T.    DE    MONTIGNY.  79 

plusieurs  citoyens  distingués  ont  fait  leurs  efforts  p3ur  se- 
conder nos  mouvements.  . 

Nous  avons  été  reçus  avec  enthousiasme  à  Montréal,  à 
Ottawa,  aux  Trois-Rivières,  à  Sorel  ;  et  Québec  renouvelle 
aujourd'hui  la  réception  splendide  qu'il  nous  a  faite  lors  de 
notre  première  assemblée  générale,  dans  ses  murs. 

Je  viens,  messieurs,  d'esquisser  à  grands  traits  les  caractères 
de  cette  œuvre  dont  vous  m'avez  demandé  l'appréciation.  Il 
existe  bien  des  petits  détails,  qui  ne  sont  pas  secrets,  mais 
intimes,  et  qui  ont  servi  à  lier  si  étroitement  les  membres  de 
notre  famille  ;  de  ces  détails,  il  n'y  a  que  ceux  qui  ont  mené 
la  vie  de  soldat,  couché  sur  le  hamac,  mangé  à  la  gamelle, 
porté  le  sac  au  dos,  qui  puissent  les  apprécier;  et  il  en  est 
parmi  qui  vous  feraient  bien  rire. 

Je  n'ai  pu  vous  parler  que  des  rapports  caractérisés  de 
l'Union  avec  les  intérêts  de  la  Religion  et  de  la  Patrie,  qui 
trouvent  chez  vous  des  échos  si  puissants. 

Les  moyens  dont  nous  nous  sommes  servis,  je  les  ai  en  par- 
tie fait  entrevoir  à  votre  perspicacité  ;  mais  j'aime  à  signaler 
la  générosité  de  plusieurs  de  nos  camarades  que  la  fortune 
n'a  pas  gâtés,  et  que  le  bataillon,  morbleu,  aidera  bien  un  jour 
à  passer  par  le  chat  d'une  aiguille. 

Plusieurs  des  membres  honoraires  ont  voulu  prouver  qu'ils 
appréciaiexit  comme  un  honneur  d'être  des  nôtres',  en  nous 
aidant  efficacement,  et  entre  autres  M.  le  chevalier  de  Belle- 
feuille  qui,  dans  un  volume  marqué  au  cachet  d'un  grand  pa- 
triotisme, s'est  efforcé  de  faire  apprécier  notre  œuvre. 

Nous  avons  formé  dans  notre  sein  une  troupe  d'amateurs 
qui,  par  une  exécution  '".^enue  réputée,  ont  contribué  plus 
d'une  fois  à  empêcher  la  caisse  de  chavirer  faute  de  leste. 

Je  ne  puis,  moi,  m'empêcher  de  mentionner  le  nom  d'un 
ancien  camarade  de  la  popote  d'Anagni,  dont  les  premières 
pages  du  Bulletin  sont  imprégnées  de  l'esprit  religieux  et  gau- 
3is,  qui  donne  à  sa  publication  un  cachet  dont  nous  sommes 
fiers  ;  je  veux  parler  de  notre  digne  ami,  M.  Paul  de  Malijay, 
ancien  officier  d'ordonnance  du  général  Kanzler,  qui  a  se 
journé  quelques  années  parmi  nous,  et  qui  continue  dans  sa 


80       PREMIER  CONGRÈS  CATHOIJOL'E  TENU  A  QUÉREC. 

patrie,  la  France,  à  travailler  aux  œuvres  régénératrices  de 
son  pays. 

Mais  l'âme  de  notre  corps,  celui  qui  a  le  plus  contribué  à 
maintenir  cet  esprit  militaire  et  ces  vieilles  traditions  que  nous 
avions  au  bataillon,  c'est  bien  celui  qui  a  assisté  à  la  forma- 
tion des  détachements,  les  a  conduits  à  Rome  comme  par  la 
main,  s'est  identifié  avec  les  zouaves  dont  il  a  écrit  l'histoire, 
et  qu'il  n'a  cessé  d'attirer  à  lui  par  ses  vertus  qui  font  de 
l'amitié  une  religion  pour  le  soldat. 

M.  le  chanoine  Moreau,  aujourd'hui  curé  de  St-Barthélemi, 
n'a  pas  été  pour  nous  seulement  un  père,  mais  un  frère,  un 
ami,  dont  les  désirs  sont  pour  nous  des  ordres  ;  car  ses  désirs 
ont  toujours  été  que  l'honneur  de  ses  zouaves  fût  à  la  hauteur 
de  la  cause  qu'ils  défendent. 

Je  termine,  messieurs,  en  avouant  que  notre  société  subit 
une  crise  due  naturellement  à  la  dispersion  d'un  grand  nombre 
d'entre  nous  ;  mais  notre  but  est  le  même  qu'autrefois  et  nos 
sentiments  sont  restés  aussi  profonds.  Gomme  autrefois  notre 
milice  spirituelle  a  son  organisation  par  régiments  et  bataillons 
qui  regardent  de  loin  notre  drapeau  arboré  pour  l'heure  du 
combat.  Chaque  événement  qui  intéresse  la  catholicité  nous 
fait  tressaillir  comme  la  voix  de  la  sentinelle  perdue  la  veille 
d'un  jour  de  bataille.  Tous  les  ans  encore,  les  enfants  du  papa 
Allet,  les  Castors  de  Gharette  s'unissent  en  assises  solennelles  ; 
et  en  présence  de  notre  drapeau,  du  pays  et  de  l'univers  catho- 
lique, nous  protestons,  comme  nous  le  faisons  aujourd'hui, 
contre  les  empiétements  de  la  révolution  et  le  vol  du  patri- 
moine de  Pierre,  ainsi  que  de  l'inébranlable  attachement  des 
zouaves  pontificaux  au  siège  du  Pape,  et  de  leurs  espérances 
du  rétablissement  du  pouvoir  temporel  dans  un  futur  rap- 
proché. 

Le  rappel  trouvera  toujours  haut  le  guidon  qui  ralliera,  au 
jour  de  la  délivrance  et  du  salut,  les  volontaires  de  l'extrême 
Occident  au  Fanion  du  sacré  cœur  des  Volontaires  de  l'Ouest, 
déployé  au  vent  de  l'hc  meur  par  le  fils  de  la  Vendée,  et  au- 
tour duquel  les  zouaves  du  bon  Dieu  se  donneront  rendez- 
vous  au  cri  de  :  Aime  Dieu  et  va  ton  Chemin. 


RAPPORT    DE   l'honorable    F.    X.    A.    TRUDEL.  81 

M.  le  chevalier  de  BollefeiiLUe  dit  qu'il  croit  de  son  devoir 
de  signaler  que,  dans  son  rapport,  M.  de  Montigny  fait  allusion- 
au  premier  zouave  canadien,  sans  le  désigner  sufTisamment. 
Ce  serait  une  injustice  que  de  ne  pas  dire  immédiatement  que 
c'est  M.  de  Montigny  lui-même  auquel  il  est  fait  allusion 
d'une  manière  si  délicate.  Il  ne  fait  pas  cette  remarque  pour 
'r  Canadiens  qui  liront  ce  rapport,  car  tous  savent  que  M.  de 
Montigny  est  le  premier  canadien  qui  a  eu  Thonneur  de  re- 
présenter son  pays  dans  l'armée  du  Pape,  mais  pour  que  le 
lecteur  étranger  lui  attribuât  le  mérite  de  cette  initiative. 

Puis,  après  qucilques  remarques  de  M.  G.  Vincelette,  M.  le 
Dr  N.  E.  Dionne  propose  que  le  Bureau  s'ajourne  au  lendemain 
à  une  heure  de  l'après-midi. 

Et  la  séance  est  terminée. 


IL— BUREAU  DE  LA  PRESSE  CATHOLIQUE 

Vendredi^  25  Juin  s 

PROCÈS-VERBAL  DE  LA   1ÈRE  SÉANCE 

Ce  bureau  choisit  pour  son  président  M,  A.  de  Bonpart,  de 
Montréal,  et  M.  J.  P.  Tardivel,  pour  secrétaire. 

Etaient  présents  :  MM.  le  sénateur  F.  X.  A.  Trudel,  E.  A. 
Barnard,  J.  I.  Tarte,  I.  N.  Belleau,  Eug.  Rouillard,  Thomas 
Ghapais,  Gharles  Ouimet,  Dr  N.  E.  Dionne,  R.  P.  Vallée. 

L'honorable  M.  F.  X.  A.  Trudel,  rapporteur  du  bureau, 
donna  lecture  de  son  rapport  sur  la  presse  catholique,  de  sa 
condition  actuelle  au  Ganada,  des  obstacles  qui  s'opposent  à 
ses  progrès,  et  des  moyens  d'accroître  sa  prospérité  et  son 
influence,  etc. 

RAPPORT  DE  L'HONORABLE  F.  X.  A.  TRUDEL 


LA  PRESSE  CATHOLIQUE 
I 

Le  Ganada  français  est  né  d'une  idée  catholique;  son  éta- 
blissement est  la  réalisation  du  projet  de  conquérir  le  nouveau 
monde  au  royaume  de  Jésus-Ghrist  :  généreux  dessein  inspiré 


82  .     PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

par  ]a  foi  à  François  I,  Jacques-Cartier,  Champlain,  Maison- 
neuve  et  leurs  digues  auxiliaires.  Ce  fut  Théroïsme  chrétien 
qui,  plus  de  dix  fois,  sauva  notre  patrie  naissante  du  joug  de 
Fétranger.  Et,  lorsqu'après  la  conquête,  elle  perdit  ce  qui  lui 
restait  de  son  organisation  civile  et  politique,  ce  fut  le  clergé 
catholique  qui  rallia  le  peuple  canadien  autour  de  ses  autels, 
le  dirigea  dans  ses  nouvelles  voies,  et  lui  rendit,  par  l'ensei- 
gnement et  Torganisation,  tous  les  éléments  d'un  peuple  fort. 

Nos  luttes  nationales  ont  été.  avant  tout,  des  luttes  reli- 
gieuses, puisque,  de  l'héritage  national,  la  portion  la  plus 
précieuse  que  nous  eussions  à  défendre,  c'était  notre  foi 
catholique,  et  les  droits  du  catholicisme  au  Canada.  Le  livre 
et  le  journal  ont  joué,  dans  ces  luttes,  le  rôle  important  que 
leur  assigne  partout  l'influence  formidable  de  la  presse.  Le 
livre  et  le  journal  catholiques  surtout  furent  l'un  de  nos  prin- 
âpaux  engins  de  combat.  L'on  peut  donc  dire  de  la  presse 
catholique  canadienne-française  qu'elle  est  née  du  glorieux 
enfantement  de  nos  libertés  religieuses  et  civiles  et  qu'elle  est 
sœur  d'armes  de  la  chaire  catholique  et  de  la  tribune  nationale. 

Non  pas  cependant  que  cette  presse  ait,  dès  son  enfance, 
réuni  toutes  les  Conditions  d'une  presse  catholique  dans  toute 
la  force  du  mot  ;  alors  Pie  IX,  cette  grande  lumière  des 
sociétés  contemporaines,  n'avait  pas  encore  fait  \o.  jour  sur  la 
plupart  des  questions  sociales  qui  sont  aujourd'hui  le  princi- 
pal sujet  des  travaux  de  la  presse  catholique,  et  l'apostolat 
laïque,  bien  qu'il  se  fût  jadis  révélé  dans  les  augustes  persoanes 
de  Gharlemagne,  de  saint  Louis  et  d'Alfred-le-Grand,  n'avait 
pas  revêtu  le  caractère  d'universalité  qui*  le  distingue  aujour- 
d'hui, ni  reçu  sa  consécration  ofTicielle  de  la  bouche  même  du 
vicaire  de  Jésus-Christ. 

Toutefois,  la  presse  catholique  canadienne  avait  plus  d'une 
fois  fait  grand  honneur  à  sa  mission  de  défendre  l'ordre 
social  et  de  combattre  l'impiété.  En  vain,  un  petit  groupe  de 
voltairiens  tentèrent-ils,  il  y  a  30  ans,  d'inoculer  à  tout  notre 
corps  social  le  poison  distillé  à  flots,  dans  le  siècle  dernier, 
par  Voltaire  et  les  encyclopédiste  s  ;  plusieurs  hommes  émi- 
nents  dont  s'honorent  aujourd'hui  les  lettres  canadiennes  pro- 


RAPPORT    DE    l'honorable    F.    X.    A.    TRUDEL.  83 

clamèrent  les  vrais  principes  et  combattirent,  dans  la  presse, 
les  vaillants  combats  de  la  vérité. 

II 

Quelles  sont  aujourd'hui  les  conditions  de  la  presse  catho- 
lique au  Canada  ?  Quels  sont  les  obstacles  qui  s'opposent  à 
ses  progrès?  Quels  sont  les  moyens  d'accroitre  sa  prospcité 
et  son  influence?  Ce  sont  les  trois  premières  questions  aux- 
quelles on  me  demande  de  répondre.  J'avoue  que  ces  ques- 
tions me  mettent  dans  le  plus  grand  embarras.  Non  pas  qu'il 
soit,  le  moins  du  monde,  dilTicile  de  constater  les  faits  sur 
lesquels  elles  s'enquièrent.  Non  pas  qu'elles  présentent  à 
mon  esprit  un  problème  insoluble.  Bien  au  contraire  !  Il  est 
relativement  très  aisé  de  constater  l'état  actuel  de  la  presse 
catholique  en  ce  pays  ;  encore  plus  aisé  peut-être  de  toucher 
du  doigt  les  obstacles  multiples  qui  s'opposent  à  ses  progrès  ! 
Tout  cela  est  parfaitement  connu.  Cent  fois  il  m'est  arrivé 
d'entendre  de  cent  personnes  différentes  une  réponse  identiqne 
à  ces  questions.  Cette  réponse,  la  plupart  d'entre  vous  l'ont 
sans  doute  sur  les  lèvres.  La  difficulté  pour  moi,  et  je  con- 
fesse qu'elle  est  très  grande,  c'est  de  décider  de  l'a  propos  de 
dire  ou  de  ne  pas  dire  tout  haut  ce  que  tout  le  monde  pense, 
ce  que  chacun  de  vous  se  dit  tout  bas.  Sous  le  coup  de  cette 
difficulté,  je  l'avoue,  je  me  sens  presque  devenir  opportuniste  ! 

L'on  m'a  chargé  du  soin,  j'oserais  m.eme  dire,  on  m'a  imposé 
le  devoir,  je  ne  sais  trop  à  quel  titre,  vu  surtout  que  je  n'ap- 
partiens pas  à  la  presse,  de  répondre  à  ces  questions.  Dieu 
m'est  témoin  que  je  n'ai  pas  sollicité  ce  dangereux  honneur  ! 
Les  organisateurs  du  Congrès  savent  combien  de  fois  je  l'ai 
refusé.  Je  laisse  à  ceux  qui  l'ont  fait  à  justifier  ou  môme  à 
excuser  leur  choix. 

Pour  moi,  avec  l'aide  de  Dieu,  je  ne  faiblirai  pas  devant  le 
devoir  d'accomplir  cette  lourde  tâche.  Je  sais  qu'il  me  faut 
marcher  sur  un  terrain  brûlant.  Je  sens  que  je  risque  de 
froisser  quelques  susceptibilités  très  légitimes.  Je  vais  côtoyer 
deux  écueils  également  dangereux  :  Celui  de  ne  pas  démon- 
trer la  position  telle  qu'elle  est,  de  ne  pas  indiquer  le  mal  tel 


84       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

que  je  le  vois,  par  conséquent  de  ne  pas  faire  tout  ce  qu'il 
faut  pour  indiquer  le  remède  ;  ou  celui  de  dépasser  la  limite 
que  me  trace  la  discrétion,  et  de  manquer  ou  paraître  manquer 
à  la  déférence-  et  au  profond  respect  que  je  dois  aux  arbitres 
naturels  des  intérêts  auxquels  je  touche  en  ce  moment. 

Or,  s'il  m'arrive  de  dévier  plus  ou  moins  de  la  ligne  à  suivre, 
on  voudra  bien  n'accuser  que  mon  défaut  d'habileté,  croire 
que  je  procède  avec  la  meilleure  volonté  du  monde  et  mû  par 
le  seul  désir  de  servir  la  grande  cause  catholique. 

III 

Quelle  est  la  condition  actuelle  de  la  presse  catholique  au 
Canada  ? 

Si  je  me  laissais  aller  au  pessimisme  qu'inspirent  naturelle- 
ment d'amères  et  incessantes  déceptions,  je  serais  porté  à  me 
dire  d'abord  :  avant  de  parler  des  conditions  de  la  presse  catho- 
lique, n'est-il  pas  à  propos  de  se  demander  s'il  existe  bien  actuel- 
lement, dans  les  conditions  où  nous  sommes,  une  presse  catho- 
lique proprement  dite  ?  Je  serais  peut-être  justifiable,  aux  yeux 
d'un  grand  nombre,  de  couper  court  à  toute  discussion  sur  ce 
point,  en  donnant  une  réponse  négative,  du  moins  pour  cer- 
taines parties  du  pays  ;  car,  en  d'autres  lieux,  le  drapeau  catho- 
lique, sans  souillure,  sans  morcellement,  est  assez  fièrement 
arboré  !  Je  ferais  pour  ces  endroits,  ce  que  l'on  appelle,  en 
langage  du  palais,  un  retour  de  nullâ  honâ^  ou,  en  d'autres 
termes,  un  procès-verbal  de  carence. 

Je  m'empresse  cependant  de  déclarer,  en  justice  pour  les 
vaillants  champions  de  la  presse  catholique  qui  m'écoutent, 
que  je  repousse  commue  une  mauvaise  tentation  ces  idées 
noires. 

Malgré  les  revers  et  les  humiliations  qu'elle  a  subis  ;  malgré 
les  jours  d'épreuve  qui  ont  pesé  bien  lourdement  sur  tous 
les  écrivains  catholiques,  que  plus  d'un  désastre  financier 
amené  par  la  persécution,  la  défaveur,  le  discrédit  ont  jeté 
les  uns  hors  de  la  presse,  découragé  les  autres  et  obligé  le  plus 
grand  nombre  à  modifier  leur  attitude  de  manière  à  donner 
moins  de  prise  aux  attaques  multiples  dont  on  se  plaisait  à 


RAPPORT    DE    l'honorable    F.    X.   A.    TRUDEL,  ^ 

accabler  de  tous  côtés  la  presse  catholique,  grâce  à  Dieu  !  elle 
existe  encore  et  renferme  des  éléments  de  force  et  de  vitalité 
qui  lui  permettent  d'espérer  des  jours  meilleurs. 

IV 

Pour  bien  se  rendre  compte  des  conditions  dans  lesquelles 
se  trouve  actuellement  la  presse  catholique,  il  est  nécessaire 
de  se  rappeler  son  origine  et  son  caractère,  à  quels  besoins 
elle  répond,  les  questions  qui  ont  fait  le  sujet  de  ses  travaux, 
quels  ont  été,  de  notre  temps,  ses  luttes,  son  influence,  ses 
moyens  d'existence,  ses  succès  et  ses  revers. 

La  presse  canadienne-française,  née  de  nos  nécessités  poli- 
tiques, est  d'abord  surgie  du  développement  des  institutions 
constitutionnelles  au  Canada  ;  mais  bientôt  elle  s'est  modelée 
sur  la  presse  française.  Les  événements  politiques  et  le  sort 
des  armes  qui  nous  avaient  séparés  violemment  de  la  France, 
ne  nous  ont  pas  soustraits  absolument  à  l'influence  morale  de 
notre  ancienne  mère-patrie  ;  ou  dans  tous  les  cas,  des  rela- 
tions plus  suivies,  renouées  peu  de  temps  après  la  conquête, 
nous  ont  replacés  sous  cette  influence.  Notre  système  d'édu- 
cation est  resté  français  :  nous  avons  continuellement  recruté 
en  France  une  portion  notable  de  nos  professeurs  et  de  notre 
clergé;  nos  librairies  se  sont  toujours  approvisionnées  des  pro- 
duits de  la  littérature  française  ;  c'est  en  France  que  nous 
avons  pris  les  principaux  éléments  de  nos  études  ;  nombre  de 
journalistes  français  ont  tenu,  durant  de  longues  années,  le 
fauteuil  éditorial  de  plusieurs  de  nos  journaux  et  de  nos  pu- 
blications périodiques  les  plus  importantes  ;  c'est  sur  le  jour- 
nal "français  que  s'est  surtout  modelé  le  journal  canadien,  et 
c'est  à  lui  qu'il  a  surtout  emprunté  le  fonds  de  ses  enseigne- 
ments religieux  et  politiques. 


Un  fait  digne  de  remarque,  et  que,  surtout  depuis  trente 

ans,  tout  esprit  observateur  a  pu  constater  chez  nous,  c'est 

que  l'on  retrouve  au  Canada,  beaucoup  moins  accentuées  il 

est  vrai  et  considérablement  modifiées  par  les  différences  es- 

6 


86       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TLXU  A  QUÉBEC. 

sontielles  de  nos  conditions  politiques  et  sociale",  les  mêmes 
nuances  d'opinions  et  de  principes  religieux  et  sociaux  qu'en 
France.  Or,  c'est  surtout  dans  la  presse  qu'il  est  facile  d'ob- 
server cette  frappante  similitude.  Comme  en  France,  nous 
avons,  bien  que  poussant  moins  loin  les  conséquences  des 
mêmes  principes":  1o.  Nos  radicaux  en  religion  et  en  poli- 
tique ;  2o.  Nos  républicains  avancés,  farouches  intransigeants 
qui  chantent  la  Marseillaise  et  marchent  à  la  conquête  du  pro- 
grès, ayant  constamment  à  la  bouche  les  mots  :  Emancipation! 
République  !  Liberté  !  Egalité  !  Fraternité  !  et  lançant  cons- 
tamment à  leurs  adversaires  les  épithètes  d'hijpocntes,  de  ré- 
îrogrades^  d'éteignoirs^  de  réactionnaires^  de  saint  homme^  de 
marchands  de  religion^  etc.,  que  l'on  ne  peut  contredire  ni  com- 
battre sans  qu'ils  crient  à  l'inquisition,  à  l'excommunication, 
à  la  damnation,  etc. 

Nous  avons  notre  école  Hugo— Le  fétichisme  Hugo:  Im- 
mense!—  Avec  son  Grand  Prêtre:  Homme  Soleil! — Drapé 
majestueusement  dans  sa  chlamyde  :  Vêtement  des  dieux  ! 
Nous  avons  nos  payensde  la  renaissance,  nos  féroces  ennemis 
des  cléricaux  et  des  jésuites,  nos  figarotiers,  aimables  persif- 
fleurs  à  la  fois  de  la  vérité  et  de  l'erreur,  qui  semblent  avoir 
trouvé  le  secret  d'accommoder  l'adoration  de  Dieu  avec  celle 
de  Bélia>,  et  qui,  au  bénéfice  de  leur  pot-au-feu,  brûlent 
constamment  et  simultanément  un  double  cierge  ;  l'un,  de 
beaucoup  le  plus  gros,  à  Satan,  l'autre  à  saint  Michel,  pe- 
tite industrie  qui  réussit  à  merveille,  par  le  temps  où  nous 
vivons. 

Nous  avons  nos  opportunistes,  nos  prudents,  nos  circons- 
pects, nos  partisans  du  fait  accompli  et  du  dieu  Etat  qui  con- 
fondent le  droit  avec  la  force  et  qui  font  toujours  céder  la 
force  du  droit  devant  le  droit  de  la  force. 

Nous  avons  nos  catholiques  libéraux  qui,  tout  en  croyant  au 
catholicisme  et  le  pratiquant  quelquefois  avec  ferveur  et  dé- 
vouement, soumettent  en  certaines  matières  l'Eglise  à  l'Etat 
et  tâchent  de  concilier  la  doctrine  de  Jésus-Christ  avec  les 
principes  de  89  et  les  idées  modernes.  Ces  hommes  vivent 
dans  une  peur  terrible  que  Dieu  et  son  Eglise  n'empiètent  sur 


RAPPORT    DE    l'honorable   F.    X.   A.   TRUDEL.  87 

les  droits  de  l'Etat  ;  et  pour  éviter  un  si  grand  mal,  préfèrent, 
dans  le  doute,  sacrifier  les  droits  de  l'Eglise  aux  prétentions 
du  pouvoir  civil. 

Enfin,  Dieu  merci  !  nous  avons  les  catholiques  purs  et  sim- 
ples, formés  aux  enseignements  du  St-Siège,  qui  se  glorifient 
du  titre  d'ultramontains,  titre  dérisoire  d'abord,  mais  qui, 
comme  les  titres  de  nazaréens  et  de  chrétiens,  est  devenu  un 
titre  de  gloire.  Les  vrais  ultramontains  sont  les  enfants  du 
Pape.  Ils  admettent  l'action  directe  de  Jésus-Christ  et  de  son 
Eglise  dans  l'ordre  social  chrétien,  et  ne  conçoivent  de  société 
régulière,  parfaitement  organisée  et  parfaitement  prospère, 
qi  e  celle  qui  sert  Dieu  et  observe  le  décalogue. 

De  même  que  ia  presse  libérale  canadienne  s'est  formée  à  la 
lecture  de  Voltaire,  Rousseau,  Sue,  Hugo,  Sand,  le  Siècle^  le 
Courrier  des  Etats-Unis  et  toute  la  petite  presse  libérale  de 
France,  qu'elle  sympathise  avec  les  libres  penseurs,  même  les 
chefs  de  la  radicaille  de  Belleville,  tels  que  Blanqui,  Félix 
Pyat,  Clemenceau  et  Rochefort,  qu'elle  déclare  bien  haut  pré- 
férer Hugo,  Jules  Ferry  et  Gambetta  à  de  Mun,  Veuillot,  Lu- 
cien Brun  et  Chesnelong,  de  môme,  la  presse  catholique  s'est 
formée  à  l'étude  des  de  Maistre,  Nicholas,  Balmès,  Veuillot,  et 
à  la  lecture  des  grands  journaux  catholiques  tels  que  V Univers^ 
VUnion^  le  Monde  et  les  revues  catholiques.  Elle  sympathise 
avec  cette  admirable  phalange  du  parti  catholique  dont  nous 
venons  de  nommer  quelques  uns  des  chefs,  et  dont  nous  avons 
l'honneur  de  posséder  en  ce  moment  au  milieu  de  nous  deux 
de  ses  plus  illustres  membres  ;  elle  tâche  d'imiter,  aussi  fidè- 
lement que  possible,  leurs  héroïques  vertus,  leur  enseigne- 
"Tient  magistral  et  ces  chefs-d'œuvres  de  la  plume  et  de  la  pen- 
sée, qui  sont  l'honneur  des  lettres  françaises  et  la  gloire  du  ca- 
tholicisme. 

Tout  le  monde  se  rappelle  combien  fidèlement  se  sont  re- 
produites au  Canada  les  écoles  ultramontaine  et  catholique- 
libérale.  On  suivait  ÏUrdvers^  V Union  et  le  Monde  avec  l'évé- 
que  de  Poitiers,  l'archevêque  de  Matines,  l'abbé  Morel,  Veuil- 
lot et  Laurentie  ;  ou  bien,  l'on  avait  pour  chefs  Mgr  Dupan- 
loup,  avec  messieurs  de  Montalembert,  de  Falloux,  Cochin  etc. 


88       PREMIER  CONr.RÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

On  était,  tout  comme  en  France,  infaillibilistes  ou  anti-iufail- 
libilistes,  opportunistes  ou  anti  opportunistes. 

Enfin,  il  n'y  avait  pas  juscfu'à  cette  presse  sceptique,  égril- 
larde et  railleuse  qui  ne  fût  allé  chercher,  elle  aussi,  son  pro- 
totype à  Paris,  dans  le  F'garOj  la  vie  parisienne  et  le  style  tin- 
tamaresque  des  feuilles  de  choux  parisiennes.  Ses  adeptes  ont 
intronisé,  au  cœur  de  notre  pays,  le  genre  boulevardier  pari- 
sien, et  ce  scepticisme  moqueur  et  cynique,  si  contagieux  qu'il 
a  gagné  quelques-uns  des  meilleurs  esprits,  détloré  bien  des 
cœurs,  fait  prévaloir,  en  certains  quartiers,  la  mode  de  ridi- 
culiser, souvent  sans  malice,  les  choses  et  les  institutions  les 
plus  vénérables,  de  parler  avec  légèreté  ou  môme  irrévérence 
des  choses  les  plus  saintes,  surtout  d'afFtîCter  des  sentiments, 
afficher  des  doctrines  et  pratiquer  une  morale  qui  conviennent 
beaucoup  mieux  à  la  canaille  libre  penseuse  de  Paris  qu'à 
des  Canadiens-français  catholiques. 

<  ■  ■  VI 

Il  ne  serait  pas  exact  cependant  de  dire  que  les  écoles  so- 
ciales françaises  se  sont  reproduites  chez  nous  avec  des  carac- 
tères absolument  identiques.  Les  relations  journalières  de 
notre  population  avec  les  nationalités  étrangères  qui  nous  en- 
tourent, ont  modifié  considérablement  les  idées  et  les  opinions 
reçues  de  France.  Il  est  vrai  que  ce  frottement  continuel  d'une 
partie  de  notre  population  avec  l'élément  protestant,  l'a  tout 
spécialement  préparée  à  accueillir  facilement  et  môme  à  s'ap- 
proprier à  son  insu  les  milliers  d'erreurs  et  d'idées  de  révolte 
contre  l'autorité  de  l'Eglise  catholique,  qui  nous  viennent  de 
France  par  l'entremise  de  la  presse  libérale  et  anti-religieuse  ; 
de  môme  que  le  virus  libéral,  inoculé  depuis  longtemps  chez 
un  grand  nombre  des  nôtres,  les  a  préparés  à  accepter  plu- 
sieurs des  erreurs  professées  par  les  protestants  avec  qui  ils 
sont  en  relations  continuelles. 

C'est  pourquoi,  les  erreurs  qui  ont  cours  dans  l'esprit  d'un 
grand  nombre  de  nos  compatriotes,  tout  en  dénotant  une  res- 
semblance suffisante  avec  le  libéralisme  français  pour  attester 
leur  origine,  révèlent  en  môme  temps  une  nuance  suffîsam- 


RAPPORT    DE    l'hONOKABLE    F.    X.   A.    TUUOEL.  89 

ment  accentuée  flans  le  sens  protestant,  pour  en  modifier  les 
tendances  et  le  caractère. 

Vil 

Constater  le  fait  que  toutes  les  nuances  de  la  presse  fran- 
çaise, depuis  le  journal  libre  penseur  jusqu'au  journal  ultra- 
montain  le  plus  accentué,  se  sont  manifestées  au  Canada, 
c'est  dire  que  les  mêmes  sujets  do  luttes  y  ont  existé  et,  par 
une  conséquence  toute  naturelle,  que  les  mômes  débats  de 
presse  s'y  sont  produits.  De  fait,  et  la  chose  est  facile  à  éta- 
blir jusqu'à  la  dernière  évidence  :  nos  luttes  de  la  presse 
canadienne-française  ont  eu,  depuis  20  ou  30  ans,  les  mômes 
caractères  que  celles  de  la  presse  française.  De  plus,  dire  que 
toutes  ces  questions  se  compliquent  ici  de  la  question  protes- 
■  tante,  c'est  donner  une  idée  des  difficultés  énormes  avec  les- 
quelles la  presse  catholique  doit  conipter  dans  ce  pays. 

Car,  lorsque  l'erreur  se  sent  serrée  de  trop  près  et  que  la 
vérHé  catholique,  proclamée  hautement  et  i-ayonnant  d'un 
vif  éclat,  est  sur  le  point  de  recevoir  l'adhésion  universelle  de 
la  population,  le  libre  penseur,  le  gallican  ou  même  le  libéral- 
catholique  et  quelquefois  le  conservateur  prudent,  circonspect 
ou  opportuniste,  c'est-à-dire  celui  dont  les  intérêts  matériels, 
les -haines,  les  ambitions  ou  les  préjugés  sont  menacés  par  la 
vérité,  jette  tout-à-coup  le  cri  d'alarme  :  "  Vous  allez  efifrayer 
^' les  protestants  î  Vous  allez  soulever  le  préjugé  protestant  ! 
'^  Vous  allez  réveiller  le  fanatisme  protestant  !  Bien  peu 
"  résistent  à  cette  menace  et  ne  retraitent  pas  devant  cet 
"  épouvantail." 

On  va  déplaire  aux  protestants  !  Vite  !  on  reploie  le  drapeau, 
on  cache  ses  couleurs,  on  brise  les  rangs,  on  se  disperse.  Et 
l'erreur  triomphante  reste,  une  fois  de  plus,  maîtresse  du 
champ  de  bataille.  Quels  nombreux  et  importants  succès  n'a- 
t-e,lle  pas  remportés  sous  ce  faux  mais  spécieux  prétexte  ! 

Souvent  ces  braves  protestants  ne  songent  nullement  à  s'ef- 
frayer de  la  proclamation  d'une  vérité  qui  leur  est  tout-à-fait 
étrangère,  qui  ne  menr.ce  nullement  V^'  '  jgmes  et  à  laquelle 
ils  sont  plus  qu'indifférents.    Quelquefois  même,  ils  sont  à 


90  PREMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU   A   QUÉBEC. 

cent  lieues  de  savoir  ce  dont  il  s'agit  ;  en  tout  cas,  ils  ne  s'ef- 
fraient nullement  :  leur  bon  sens  et  leur  esprit  de  justice  leur 
suggèrent  qu'il  n'y  a,  pour  eux,  aucun  sujto  d'alarme,  ni  aucun 
prétexte  à  une  levée  de  boucliers.  Mais  très  souvent  un  libéral 
ou  un  opportuniste  est  là  pour  réveiller  chez  eux  des  terreurs 
imaginaires,  des  appréhensions  gratuites  touchant  les  actes  de 
ces  afTreux  ultramontains  ! 

Il  n'y  a  pas  un  siècle,  l'un  de  nos  grands  journaux  protes- 
tants intimait  à  ses  coreligionnaires,  et  cela  dans  un  style  très 
énergique  et  au  cours  d'un  article  à  grand  effet, la  nécessité  pour 
les  protestants  de  soutenir  le  gouvernement  du  jour,  sans  quoi, 
leur  disait-il,  tel  ou  tel  ultramontain  que  vous  connaissez 
arrive  au  pouvoir;  et  vous  savez  ce  qui  vous  attend  î  vous 
savez  quels  ténébreux  complots  ces  odieux  ultramontains 
trament  contre  vous  ! 

Or,  je  tiens  de  source  à  peu  près  certaine,  que  l'inipirateur 
de  cet  article,  écrit  dans  un  temps  de  grand  calme  et  où  au- 
cune difficulté  religieuse  ne  se  manifestait,  où  il  n'y  avait  pas 
le  moindre  aliment  aux  préjugés,  pas  le  moindre  prétexte  de 
malentendu  entre  les  différentes  croyances,  était  un  ministre 
canadien-français  catholique  ! 

Plus  de  dix  fois,  des  coteries  politiques  ont  travaillé  à  ser- 
vir des  intérêts  de  parti  en  soulevant  ainsi  des  préjugés 
contre  les  catholiques  ultramontains  ou  certains  organes  de  la 
presse  catholique,  se  gardant  bien  de  reconnaître  que,  depuis 
la  proclamation  du  dogme  de  l'Infaillibilité  pontificale,  il  ne 
peut  plus  y  avoir  de  différence  entre  un  ultramontain  et  un 
catholique  orthodoxe  conséquent  avec  ses  principes. 

Que  l'on  juge  par  là  des  difficultés  auxquelles  la  presse 
catholique  est  en  butte  ! 

VIII 

Il  y  a  plus:  en  France,  on  f-  franchement  cathohque 
romain  ultramontain,  ou  bien  l'on  est  libre  penseur,  libéral, 
gallican,  catholique-libéral  :  dans  tous  les  cas,  l'on  arbore 
carrément  son  drapeau  et  l'on  combat  pour  le  faire  triompher. 
Au  Canada,  vous  verrez  des  francs-maçons  libre  penseurs  se 


RAPPORT   DE    l'honorable   F.   X.   A.   TRUDEL.  91 

donner  pour  plus  catholiques  que  nos  évoques,  afin  de  ne  pas 
perdre  leur  popularité.  Et  tout  en  affirmant  leur  catholicisme, 
ils  font  une  guerre  de  sauvages  à  tous  les  principes  religieux  et 
sociaux,  soulevant  les  préjugés,  excitant  les  passions  et  pro- 
fitant de  l'ignorance  de  leurs  lecteurs  pour  inculquer  dans 
leurs  esprits  des  erreurs  fimestes  sous  les  couleurs  d'un  catho- 
licisme de  faux  aloi.  Inutile  de  dire  que  la  déloyauté,  le 
mensonge,  et  le  parti  pris  d'ignorer  toute  notion  d'honneur  et 
de  bienséance  dans  la  discussion,  sont  pour  ces  gens  là  des 
vertus  civiques  qu'ils  pratiquent  avec  une  scrupuleuse  régula- 
rité. Tandis  qu'ils  se  couvrent  de  l'inviolabilité  due  à  la  vie 
privée,  pour  afficher  impunément  sur  le  théâtre,  la  place 
publique  ou  dans  le  journal  des  principes  de  morale  du  plus 
pernicieux  effet  sur  notre  population,  ils  ne  se  gênent  jamais 
d'onvahir  le  sanctuaire  domestique  pour  décrier  et  môme 
calomnier  tout  gratuitement,  ceux  qui  ont  le  tort  de  ne  pas 
penser  comme  eux.  C'est  donc  une  tâche  excessivement 
pénible  que  celle  de  lutter  avec  de  tels  adversaires. 

IX 

D'ailleurs,  c'est  toujours  un  métier  ingrat  que  celui  de  com- 
battre les  erreurs,  de  dénoncer  les  abus,  de  lutter  contre  le 
torrent  d'injustices,  d'exactions,  de  dilapidations  des  deniers 
publics,  de  calomnies,  de  mensonges  que  développe  le  fonc- 
tionnement des  institutions  constitutionnelles.  Aussi,  humaine- 
ment parlant,  l'œuvre  de  la  presse  catholique  est  une  bien 
pénible  corvée.  Bien  peu  ont  le  courage  de  la  fournir  jus- 
qu'au bout.  Les  gouvernements  ne  vivant  qu'au  moyen  de  la 
politique  de  parti,  il  est  presque  passé  en  principe  qu'il  faille 
approuver  et  louer  très  haut  toutes  les  mesures  du  parti  quelles 
qu'elles  soient,  et  proclamer  comme  essentiellement  mauvais, 
abominable  ce  qui  vient  des  adversaires.  Il  n'existe  guère  de 
plus  grande  cause  de  perversion.  Rien  ne  fausse  plus  le  juge- 
ment et  le  sens  moral.  Or,  que  fera  la  presse  catholique,  dans 
de  telles  circonstances?  transigera-t-elle  av^j  l'erreur?  défen- 
dra-t-elle  les  faux  principes  pour  combattre  les  bons  ?  sacrifie- 


92       PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

ra-t-elle  la  vérité,  l'honneur,  la  justice  aux  exigences  du  parti  ? 
Evidemment  non  ! 

Il  lui  faut  donc  se  conserver  assez  indépendante  des  liens 
de  parti  pour  ne  jamais  approuver  ce  qu'elle  sait  être  mauvais  ; 
ne  jamais  condamner  ce  qu'elle  sait  être  bon.  Elle  devra 
user  de  la  plus  grande  réserve  et  ne  jamais  pactiser  avec  l'er- 
reur ni  l'injustice. 

Mais  alors,  elle  deviendra  suspecte  à  son  parti.  L'on  par- 
donnera une  défection,  même  une  trahison  dictée  par  l'intérêt 
le  plus  sordide,  plutôt  que  le  non  possumus  d'une  conscience 
honnête. 

En  doutons-nous  ?  des  centaines  d'exemples  pullulent  sous 
nos  yeux.  En  général,  parmi  les  heureux  de  la  politique  et 
ceux  que  le  patronage  favorise  de  ses  dons,  plus  de  la  moitié 
sont  des  transfuges,  ou  du  moins  des  gens  toujours  prêts  à 
ménager  l'erreur  ou  pactiser  avec  l'ennemi.  Pendant  ce  temps 
là,  le  journaliste  de  principe  lui,  n'aura  qu'à  recueillir  la  haine 
de  ses  adversaires  et  le  mauvais  vouloir  de  ses  amis.  On  le 
maltraitera  d'autant  plus  que  l'on  saura  ses  convictions  plus 
inébranlables  et  que  l'on  considérera  comme  impossible  qu'il 
passe  à  l'ennemi.  Combien  n'est-il  pas  cent  fois  plus  commode 
de  flatter  les  mauvais  penchants,  de  nourrir  les  préjugés  à  la 
mode,  de  ménager  l'erreur,  de  suivre  le  courant  !  Peu  importe 
qu'une  loi  soit  mauvaise,  si  la  majorité  du  peuple  la  veut  ! 
que  telle  institution  soit  l'une  des  colonnes  de  l'ordre  social, 
si  le  peuple  veut  la  renverser  ! 

L'on  en  est  arrivé  à  ce  point  que  dernièrement,  un  journal 
félicitait  des  députés  de  ce  qu'ils  avaient  traité  une  question 
en  hommes  d'affaires  "  ayant  soigneusement  ignoré  la  ques- 
tion de  principes." 

X 

J'ai  fait  ressortir,  il  y  a  un  instant,  les  points  de  similitude 
qui  existent  entre  la  presse  française  et  celle  de  notre  pro- 
vince. Or,  l'on  a  vu  se  soulever  ici,  autour  de  la  presse  catho- 
lique, les  mômes  passions,  les  mômes  haines,  que  celles  qui 
ont  assailli  la  presse  ultramontaine  de  France.    Des  accusa- 


RAPPORT   DE   l'honorable   F.   X.   A.   TRUDEL.  93 

tions  analogues  ont  été  portées  contre  elle  :  les  reproches 
d'exagération,  d'intolérance,  de  rigorisme,  d'hypocrisie,  etc., 
ne  lui  ont  pas  été  ménagés,  mémo  par  des  catholiques  sincères 
et  dévoués. 

Aux  ultramon tains  français  l'on  disait  aussi  :  Vous  voulez 
être  plus  catholiques  que  le  Pape,  vous  êtes  des  brandons  de 
discorde,  vous  troublez  la  paix  ! 

Mais  d'illustres  témoignages  d'approbation  et  de  précieux 
encouragements  sont  venus  doubler  leur  courage  Non  seule- 
ment des  prélats  distingués  sont  venus  témoigner  de  l'oppor- 
tunité de  leurs  travaux  et  de  la  sûreté  de  leur  doctrine,  notre 
St-Père  le  pape,  l'immortel  Pie  IX  lui-même,  n'a  pas  dédai- 
gné de  rendre  hommage  à  la  presse  catholique.  Il  a  même 
fait  un  commandement  à  l'épiscopat  de  l'encourager. 

Or,  on  se  le  rappelle,  dans  toutes  les  grandes  luttes  avec  les 
autres  écoles,  que  nous  avons  signalées,  la  presse  catholique 
française  a  triomphé.  Il  y  a  aujourd'hui  ce  que  l'on  peut  ap- 
peler chose  jugée  en  sa  faveur. 

Or,  dans  notre  humble  opinion,  les  hautes  approbations 
dont  la  presse  catholique  française  a  été  honorée,  son  triom- 
phe sur  ses  contradicteurs,  justifiaient,  au  point  de  vue  des 
principes,  la  j)osition  prise  par  la  presse  catholique  cana- 
dienne, puis(jue  cette  dernière  n'avait  fait  que  suivre  les  en- 
seignements et  reproduire  la  doctrine  de  la  première. 

Elle  avait  aiboré  le  même  drapeau,  professé  les  mêmes 
principes,  combattu  les  mêmes  erreurs.  Comme  la  presse 
française,  elle  avait  reçu,  elle  aussi,  de  précieux  encourage- 
ments de  l'épiscopat.  A  elle  comme  à  la  presse  française,  s'ap- 
pliquaient les  paroles  de  Pie  IX. 

Mais  là  s'arrête  l'analogie.  La  presse  catholique  française 
avait  triomphé,  la  presse  catholique  canadienne  a  éprouvé 
de  douloureux  mécomptes. 

Non  pas  qu'elle  ait,  du  moins  que  je  sache,  subi  de  condam- 
nation ;  mais  elle  n'a  pas  su  se  concilier  les  sympathies  de  plu- 
sieurs des  hautes  autorités  religieuses  dont  les  suffrages 
étaient  cependant  essentiels  à  ses  succès. 


94        PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

XI 

Je  veux  être  bien  compris  :  Je  n'entends  aucunement  com- 
menter l'action  de  ces  liautes  autorités,  encore  moins  la  juger. 
Ces  actes  ne  se  discutent  peint  devant  une  commission  sécu- 
lière. Si  la  presse  catholique  n'a  pas  su  se  gagner  l'adhésion 
d'une  partie  de  l'épiscopat  canadien,  il  faut  supposer  que  c'est 
la  faute  de  la  presse  catholique.  Si,  aux  yeux  de  l'autorité, 
dans  certains  diocèses,  elle  n'a  pas  été  trouvée  digne  des  suf- 
frages de  l'Eglise,  tandis  que  la  presse  ultramontaine  fran- 
çaise, dont  elle  a  suivi  les  enseignements,  triomphait  à  Rome 
et  dans  toute  la  France,  c'est  sans  doute,  parce  qu'elle  n'en 
était  pas  digne.  Hélas  !  nous  sommes  trop  portés  à  rapetisser 
toutes  les  grandes  questions,  les  intérêts  majeurs  de  l'Eglise  à 
la  courte  mesure  de  nos  vues  humaines.  Quelquefois,  sinon 
très  souvent,  nous  ci"oyons  travailler  pour  Dieu  et  son  Eglise  ; 
et  nous  ne  recherchons  que  succès  d'amour-propre,  que  satis- 
faction de  nos  vues  personnelles,  que  triomphe  de  nos  inté- 
rêts. Nous  croyons  rendre  quelques  services  à  l'Eglise,  tandis 
que  nous  ne  sommes  que  des  serviteurs  inutiles.  De  fait, 
Dieu  n'a  nul  besoin  de  nous.  Et  quand  il  daigne  nous  asso- 
cier, de  près  ou  de  loin,  à  quelques-unes  des  œuvres  de  misé- 
ricorde, de  justice  ou  de  vérité,  que  sa  Providence  accomplit 
pour  le  bien  de  son  Eglise,  c'est  une  grande  faveur,  un  hon- 
neur tout  gratuit  qu'il  nous  fait. 

Que,  par  l'entremise  de  quelques-uns  de  ses  représentants 
les  plus  autorisés.  Dieu  ait  fait  sentir  à  la  presse  catholique 
du  Canada  qu'il  n'avait  pas  besoin  d'elle,  qu'elle  n'avait  pas 
droit  de  s'enorgueillir  de  ce  qui,  après  tout,  n'était  que  l'œuvre 
de  Dieu,  qu'elle  avait  déjà  reçu  sa  récompense  pour  ses  la- 
beurs et  ses  bonnes  intentions,  dans  l'insigne  honneur  d'avoir 
été  admise  à  combattre  les  combats  de  l'Eglise,  elle  ne  peut 
nullement  trouver  à  redire. 

XII 

Quel  a  été  le  jugement  porté  à  Rome,  touchant  le  rôle  de  la 
presse  catholique  canadienne,  ses  principes,  sa  doctrine,  ses 


RAPPORT    DE   l'honorable    F.   X.   A.   TRUDEL.  9  S 

polémiques  ?  Je  crois  qu'elle  n'en  a  jamais  été  informée,  du 
moins  d'une  manière  officielle.  Cependant,  il  me  parait  évi- 
dent que  ses  principes  ont  été  trouvés  sains,  sa  doctrine  irré- 
prochable ;  autrement,  ses  erreurs  de  principe  ou  de  doctrine 
eussent  été  signalés.. 

Il  y  a  d'ailleurs  une  autre  raison  encore  plus  forte  :  c'est 
que  deux  brefs  de  Pie  IX  sont  venus  honorer  deux  de  ses  or- 
ganes les  plus  profondément  engagés  dans  ces  polémiques. 

L'on  a  dit,  dans  certains  quartiers,  que  la  presse  catholique 
du  Canada  avait  été  vue,  à  Rome,  avec  défaveur,  et  que  ce 
qui  avait  déplu,  c'était  le  to7i  de  ses  polémiques  et  surtout  leur 
opportunité. 

D'abord,  pour  le  ton  ;  L'on  aurait  manqué  de  charité,  de 
modération  vis-à-vis  les  libéraux,  ces  tendres  agneaux  qui  n'a- 
vaient jamais  songé  à  donner  à  leur  libéralisme  aucune  portée 
religieuse  ni  sociale,  mais  qui  n'étaient  libéraux  qu'en  écono- 
mie politique  !  Et  encore,  soumis,  (ces  bons  moutons  !  )  de 
cœur  et  d'âme  à  l'Eglise,  à  ses  chefs,  à  tous  ses  enseignements  ! 

Ensuite,  pour  l'opportunité  :  Pourquoi,  aurait-on  dit,  occire 
sans  miséricorde  ces  doux  ascètes,  coupables  tout  au  plus  d'a- 
voir, dans  leur  ferveur  et  leur  dévouement  catholique,  frisé 
un  peu,  à  la  façon  de  Lacordaire  et  de  Dupanloup,  le  libéra- 
lisme européen,  et  côtoyé,  mais  de  loin,  de  bien  loin  !  le  do- 
maine de  l'erreur  où  Montalembert  et  de  Falloux,  eux,  avaient 
bien  campé  une  partie  notable  de  leur  existence. 

Et  puis,  il  y  a  les  protestants.  Les  protestants  !  Ces  ultra- 
montains,  en  affirmant  sans  cesse  leurs  doctrines,  exaspéraient 
les  protestants,  nos  vainqueurs,  nos  maîtres  qui,  ainsi  provo- 
qués, allaient  sans  doute  faire  table  rase  de  tous  nos  droits  et 
peut-être  renouveler  ici  les  persécutions  d'Elizabeth  ou  le 
massacre  de  la  Boyne  ! 

Est-il  vrai  que  l'on  soit  venu  à  bout  de  faire  accepter  ces 
contes  bleus,  comme  un  tableau  fidèle  de  notre  position  vis-à- 
vis  nos  concitoyens  d'origine  étrangère  à  la  nôtre  ?  D'un  autre 
côté,  les  vues  et  les  intentions  de  Rome,. de  môme  que  celles  de 
notre  épiscopat,  ont-elles  été  correctement  interprétées  ?  Je 
n'en  sais  rien  ;  mais  ce  qui  est  bien  certain,  c'est  qu'à  un  mo- 


96   "    PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

ment  donné,  la  presse  catholique  canadienne  s'est  crue  bâil- 
lonnée par  l'antorité  supérieure  ecclésiastique,  tandis  que  la 
presse  libérale  se  livrait  aux  plus  graves  intempérances  de 
langage  à  l'adresse  des  ultramontains  et  chantait  victoire  sur 
toute  la  ligne. 

De  certaines  réprimandes  administrées  à  des  journaux  ca- 
tholiques, tandis  que  les  feuilles  libérales  avec  lesquelles  elles 
discutaient,  restaient  exemptes  de  toute  censure,  l'on  a  conclu 
que  la  polémique,  sur  les  questions  religieuses,  était  interdite 
aux  journaux  ultramontains.  On  a,  je  le  crois  bien,  mal  com- 
pris ou  exagéré  la  portée  de  ces  réprimandes  ;  mais  il  n'est 
pas  moins  vrai  qu'elles  ont  eu  l'effet  de  rendre,  pendant  un 
temps,  la  presse  catholique  à  peu  près  muette.  Il  est  également 
incontestable  que  l'on  a  attribué  à  l'autorité  l'intention  d'in- 
terdire aux  laïques  de  traiter  toute  question  de  droit  cano- 
nique et  de  science  ecclésiastique,  qui  touchaient  aux  rapports 
de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  ou  aux  questions  sociales.  Encore  une 
fois,  ce  doit  être  une  fausse  interprétation  de  la  pensée  épis- 
copale. 

Défendre  aux  laïques,  comme  un  empiétement  sur  un  do- 
maine réservé  au  clergé,  de  traiter  les  qifestions  de  théologie 
se  rapportant  aux  questions  sociales,  ou  affectant  les  rapports 
de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  c'eût  été,  évidemment,  interdire  l'étude 
de  toutes  les  questions  sociales,  vu  que  ces  questions  ne  peu- 
vent trouver  leur  solution  que  dans  l'étude  de  la  doctrine  ca- 
tholique et  de  la  théologie. 

De  là  le  malaise  des  écrivains  catholiques.  Pour  ne  pas  en- 
courir de  censure,  ils  prirent  le  parti  d'éviter  toute  discussion 
sur  les  questions  de  l'ordre  religieux  et  social.  La  presse  libé- 
rale, au  contraire,  bien  qu'elle  ne  se  fût  jamais  guère  aupara- 
vant souciée  des  opinions  des  évêques,  s'imagina  qu'elle  avait 
ses  coudées  franches,  et  tous  les  avantages  avec  des  adversaires 
qui  d'avance  se  croyaient  réduits  au  silence  ;  elle  ne  se  gêna 
pas  de  soulever  nombre  de  qnestioiis  religieuses  et  sociales  et 
de  les  résoudre  à  sa  manière,  accomplissant  ainsi  un  travail 
des  plus  délétères.  Tous  les  jours,  le  silence  des  catholiques 
l'a  enhardie  de  plus  en  plus.    Elle  en  est  venue  à  tourner  en 


RAPPORT    DE    l'honorable    F.    X.   A.    TRUDEL.  97 

ridicule  des  lettres  épiscopales  et  à  amoindrir  la  portée  des 
actes  pontificaux.  Elle  a,  tout  à  son  aise,  et  continuellement 
bafoué,  insulté,  vilipendé  les  ultramontains,  livrant  à  la  risée 
publique,  après  les  avoir  dénaturés,  leurs  principes  et  leurs 
doctrines,  qu'ils  croyaient  leur  être  interdit  de  défendre.  Bien- 
tôt, elle  ne  s'est  plus  gônéa  d'atïicher  plus  ouvertement  ses 
sympathies  pour  les  partis  les  plus  avancés  parmi  les  radicaux 
français.  Tous  les  jours,  elle  a  exalté  la  sagesse,  le  patriotisme, 
la  libéralité,  le  civisme  des  plus  mortels  ennemis  de  l'Eglise 
et  approuvé  avec  éloge  une  politique  tyranuique  que  tout 
l'épiscopat  de  l'univers  et  la  catholicité  toute  entière  s'accor- 
daient à  considérer  comme  une  odieuse  persécution  religieuse. 
Enfin,  elle  a  travaillé  à  acclimater,  en  les  reproduisant  jour- 
nellement du  Siècle^  de  la  République  française  et  au  très  feuilles 
impies  et  socialistes,  les  doctrines  les  plus  anti-catholiques  et 
les  plus  subversives  de  l'ordre  social. 

La  presse  libérale  et  les  autres  organes  de  l'erreur  ont  su 
exploiter,  d'une  autre  manière,  l'état  de  gène  morale  où  se 
trouvait  la  presse  catholique  :  ça  été  en  dénonçant  la  presse 
catholique  chaque  fois  qu'elle  a  manifesté  quelque  disposition 
à  combattre  l'erreur,  en  criant  bien  fort  à  l'intolérance,  à  l'hy- 
pocrisie ;  en  disant  que  la  presse  catholique  semait  la  discorde, 
troublait  la  paix,  compromettait  la  religion,  désobéissait  aux 
ordres  de  ne  plus  raviver  les  polémiques  religieuses. 

L'on  conçoit  aisément  quelle  position  un  tel  état  de  chose  a 
faite  aux  journalistes  catholiques. 

xiir 

Il  y  a  plus  :  le  journaliste  catholique  dans  toute  la  force  du 
mot,  je  veux  dire,  celui  qui,  malgré  ses  sympathies,  au  mépris 
de  ses  intérêts  et  faisant  violence  à  ses  préférences  politiques, 
dénonce  le  mal  môme  chez  ses  amis  politiques,  qui  refuse 
par  exemple,  les  annonces  payantes  du  théâtre,  les  actions 
gratuites  dans  les  grandes  entreprises  industrielles,  qui  com- 
bat les  factions  puissantes  môme  au  risque  de  se  faire  écraser 
par  elles,  découvre  les  jobs  faits  aux  dépens  du  trésor  public, 
qui  condamne  les  erreurs,  mômes  lorsqu'elles  favorisent  ses 


98  PREMIER   CONGRÈS   CATHOLIQUE  TENU   A   QUÉBEC. 

plus  chers  intérêts,  lutte  contre  les  préjugés,  surtout  se  fait  le 
défenseur  des  droits  de  Dieu  et  de  son  Eglise,  lorsqu'il  est 
devenu  de  mode  de  sacrifier  ces  droits,  etc.,  etc.  : 

Ce  journaliste  catholique,  quelle  est  sa  position  dans  la 
société  ?  En  toute  circonstance,  il  est  sûr  de  compter  contre 
lui,  unissant  leurs  efforts  pour  le  ruiner,  sinon  pour  le 
perdre  : 

1 0.  Tous  les  libéraux  par  principe. 

2o.  Tous  les  membres  des  sociétés  secrètes,  soit  qu'ils 
agissent  d'après  un  mot  d'ordre,  soit  qu'ils  obéissent  à  un  ins- 
tinct leur  indiquant  le  journaliste  catholique  comme  l'ennemi 
de  leurs  principes. 

3o.  Tous  les  gens  sans  principes  arrêtés,  naturellement  hos- 
tiles au  journaliste  catholique,  qu'ils  considèrent  comme 
exagéré  dans  ses  opinions. 

4o.  Tous  les  protestants  fanatiques  et  étroits,  vu  que  chaque 
fois  qu'ils  veulent  assaillir  le  catholicisme,  c'est  toujours  lui 
qu'ils  trouvent  au  poste  avancé  de  l'armée  catholique  et  qui 
déjoue  tous  leurs  plans  de  prosélytisme. 

5o.  Tous  les  jobbers. 

6o.  Toute  cette  tourbe  d'intrigants  toiijcurs  à  l'affût  du 
patronage  et  de  la  distribution  des  faveurs,  parce  que,  par  mille 
moyens  que  le  journaliste  catholique  répudie  au  nom  de 
l'honneur  et  de  la  conscience,  ils  veulent  se  faire  une  plantu- 
reuse existence  aux  dépens  du  trésor  public. 

7o.  Tous  les  amis  de  la  paix  à  tout  prix,  parce  qu'ils  voient 
en  lui  un  homme  prêt  à  sacrifier  la  paix  pour  le  triomphe  de 
la  justice  et  de  la  vérité. 

8o.  Tous  les  libertins  et  les  débauchés  qui  voient  dans  la 
conduite  du  journaliste  catholique  une  protestation  contre 
leurs  excès,  dans  la  doctrine  qu'il  proclame  une  condamna- 
tion de  leurs  vices,  et  dans  la  loi  morale  qu'il  défend  un  obs- 
tacle à  leur  vie  licencieuse. 

9o.  Tous  les  propriétaires  de  théâtres,  directeurs  de  troupes 
dramatiques,  auteurs  de  mauvaises  pièces,  ou  de  mauvais 
romans,  parce  que  le  journaliste  catholique  les  condamne  et 
les  dénonce  comme  une  peste  sociale. 


RAPPORT    DE    l'honorable   F.    X.   A.   TRUDEL.  99 

10.  Les  propriétaires  de  buvettes,  tripots,  et  autres  boutiques 
d'immoralité,  que  Dieu  merci  !  le  journaliste  catholique  ne  fré- 
quente pas  et  dont  il  condamne  l'existence. 

Ho.  Toute  la  canaille. 

12o.  Les  pvéconisateurs  du  confort,  les  gastronomes,  les 
viveurs  de  la  vie  de  clubs  et  de  boulevards,  parceque  la 
morale  austère  du  journaliste  catholique  les  effraie. 

13o.  Tous  les  muscadins,  freluquets,  petits  crevés,  gandins 
de  toutes  sortes,  tous  ennemis  de  l'étude  et  du  travail,  esclaves 
de  la  mode  et  qui  ne  s'effraient  guère  de  conduire  leurs 
familles  et  leur  pays  à  la  ruine,  pourvu  qu'ils  y  aillent  en  habits 
fins  et  en  gants  musqués,  parceque  le  journaliste  catholique 
ne  suit  pas  la  mode,  combat  le  luxe  et  montre  à  ses  conci- 
toyens, dans  une  vie  de  rudes  labeurs  et  d'économie,  le  bonheur 
de  leurs  familles  et  la  grandeur  de  leur  patrie. 

14o.  Tous  les  agioteurs,  les  intriguants,  les  chercheurs  de 
grasses  sinécures  ou  d'offices  qu'ils  n'ont  pas  mérités,  parceque 
le  journaliste  catholique  leur  rappelle  sans  cesse  cette  sentence 
tombée  de  la  bouche  de  Dieu  môme  :  "Tu  mangeras  ton  pain 
à  la  sueur  de  ton  front'',  et  qu'eux  ils  entendent  faire  bonne 
chère  et  joyeuse  vie  aux  dépens  du  public. 

i5o.  Tous  les  littérateurs  qui  poussent  jusqu'à  l'exagération 
le  culte  de  la  forme,  sans  se  soucier  de  l'idée,  ces  admirateurs 
de  la  littérature  sensuelle  et  payenne,  parceque  le  journaliste 
catholique  croit  et  professe  que  l'idée  chrétienne  est  lasouTce 
des  plus  beaux  sentiments  comme  des  plus  nobles  pensées. 

16o.  Tous  les  politiqueurs  à  courte  vue,  aussi  pauvres  de 
principes  que  de  patriotisme,  qui  ne  savent  que  faire  de  la 
politique  d'expédient,  exploiter  le  trésor  public  à  leur  profit, 
et  pour  conduire  le  peuple,  substituent,  aux  leviers  puissants 
de  l'honneur  et  du  désintéressement,  la  corruption  et  l'achat 
des  consciences  ;  parceque  le  journaliste  catholique  peut  être 
quelquefois  leur  dupe,  mais  ne  sera  jamais  leur  complice. 

17o.  Tous  ces  hommes  d'affaires  qui  ont  pour  principe  de 
faire  de  l'argent  avant  tout  :  les  usuriers,  parceque  le  journa- 
liste catholique  condamne  l'usure  ;  le  banqueroutier  fraudu- 
leux parcequ'il  préconise  la  justice  et  une  vie  d'économie  et 


100      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

de  sacrifice  ;  certains  grands  négociants  et  grands  manufactu- 
riers parcequ'il  proclame  la  supériorité  des  questions  reli- 
gieuses et  des  principes  sociaux  sur  les  intérêts  du  commerce 
et  de  l'industrie  ;  certains  capitalistes  et  grands  propriétaires, 
parcequll  protège  contre  eux  le  travail  honnête  ;  le  gréviste, 
parcequ'il  défend  contre  lui  les  droits  sacrés  du  capital  et  de 
la  propriété  ;  certains  économistes  utilitaires  et  matérialistes, 
parceque,  en  toute  matière,  il  oppose  toujours  la  question 
sociale  à  l'intérêt  matériel  du  moment. 

18o.  Grand  nombre  d'amis  politiques,  parcequ'il  aura  mis 
des  réserves  à  son  allégeance  de  parti  ;  la  plupart  de  ses  adver- 
saires, parcequ'il  est  irréconsiliable  à  leurs  utopies  et  leurs 
faux  principes. 

19o.  Les  partisans  du  libéralisme  catholique,  cette  pire  de 
toutes  les  pestes,  cette  '•'•  pcssissima pesta'"'  au  témoignage  de 
Pie  IX. 

Inutile  d'ajouter  qu'il  aura  surtout  pour  ennemis  acharnés 
les  journalistes  sans  principes  dont  il  a  pour  mission  de  com- 
battre l'action  funeste  dans  la  société,  ainsi  que  toute  cette 
masse  de  gens  qui,  d'instinct,  haïssent  tout  ce  qui,  sous  une 
forme  ou  une  autre,  représente  l'idée  catholique.  Ces  gens 
là,  sans  savoir  pourquoi,  haïssent  le  prêtre,  surtout  le  jésuite  ; 
ils  haïssent  toute  congrégation,  toute  confrérie  religieuse. 
Ils  sont  d'inslinct  hostiles  à  tout  cloître,  à  t'.ute  institution  de 
charité,  à  toute  pratique  de  dévotion,  à  tout  objet  de  piété,  à 
tout  ce  qui  est  chrétien.  Par  une  conséquence  naturelle,  ils 
sont  d'autant  plus  hostiles  au  journaliste  catholique  que  la 
presse  ultramontaine  est,  par  excellence,  l'épée  de  combat  des 
soldats  du  Christ.  Ils  la  haïssent  donc  de  cette  haine  dont, 
depuis  dix-huit  cents  ans,  Satan  poursuit  les  disciples  de  Jésus- 
Christ  ;  de  cette  haine  qui  s'est  incarnée  dans  Voltaire  et  qui, 
dans  ses  millions  d'adeptes,  continue  à  haïr  tout  ce  qui  repré- 
sente la  vérité  catholique. 

Oui  !  le  journaliste  catholique  aura  tous  ceux-là  contre  lui  I 

Et  bien  d'autres  encore  ! 


RAPPORT    DE    l'honorable    F,    X.   A.    TRUDEL.  101 

XIV 

Mais  qui  aura-t-il  donc  en  sa  faveur? 

Bien  peu  de  monde  en  définitive  ;  car  dans  les  rangs  des 
meilleurs  catholiques,  dans  le  clergé  môme,  dans  l'assemblée 
des  plus  hauts  dignitaires  de  l'église,  on  se  divisera  sur  le 
mérite  de  sa  ligne  de  conduite,  sur  la  sûreté  de  sa  doctrine, 
sur  la  pureté  de  ses  intentions. 

N'est-ce  pas  là,  du  reste,  un  peu  l'histoire  de  ce  qui  est 
arrivé  ? 

Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  si,  ployant  déj<à  sous  le  poids 
de  ce  toile  général  que  toutes  les  passions  humaines  hurlaient 
contre  elle,  la  presse  catholique  canadienne  à  semblé  s'affais- 
ser, dès  que  l'autorité  ecclésiastique  a  paru  lui  retirer  sa  con- 
fiance et  lui  marchander  son  appui. 

De  ce  moment,  il  y  a  eu,  dans  ses  rangs,  désarroi,  désorga- 
nisation, débandade.  Plusieurs  écrivains  marquants  ont  brisé 
leur  plume  pour  se  consacrer  exclusivement  à  une  autre  car 
rière.  D'autres,  comme  nous  l'avons  dit,  se  sont  fait  une  règle 
d'éviter  à  l'avenir  toute  polémique  religieuse,  et  dans  ce  but 
se  sont  abstenus  d'attaquer  les  œuvres  de  la  presse  libérale. 
Les  propriétaires  des  journaux  ultramontains  se  sont,  pour  la 
plupart,  appliqués  à  faire  perdre  à  lears  feuilles  ce  caractère 
qui  les  avait  renaus  si  odieux  à  une  portion  du  public  et  avait 
soulevé  de  si  fortes  réprobations  ;  on  en  a  fait  des  journaux 
d'affaires,s'appliquant  à  recueillir  les  bruits  de  la  rue, à  faire  des 
chroniques  de  théâtres,  à  encenser  les  gros  bonnets  de  la  poli- 
tique, flatter  les  puissants  du  commerce  et  de  la  finance  et  à 
emboîter  le  pas  derrière  les  journaux  qui,  eux,  avaient  obtenu 
des  brevets  de  sagesse  en  n'exaspérant  pas  trop  le  libéralisme  et 
môme  en  défendant  quelques  points  de  sa  doctrine.  On  a  ainsi 
obtenu  la  paix  ;  mais  en  se  suicidant,  car  ces  journaux  peuvent 
être  de  bons  journaux  politiques,  de  commerce  et  d'annonces, 
mais  il  ne  constituent  plus,  à  proprement  parler,  une  portion 
de  la  presse  catholique. 

Ceux  qui  ont  continué  à  tenir  haut  et  ferme  le  drapeau  ont 
continué  à  être  haïs.    Que  dis-je,  il  y  a  eu  contre  eux  recru- 


•102  l'HEMIKIt    CONflRES   CATHOLigUE    TENU    A    (JLÉMEC. 

descence  de  mépris,  d'injure  et  de  venin.  D'antres  enfin  se 
trainent  languissamment,  accomplissant  un  œuvre  encore 
précieuse,  celle  de  continuer  à  répandre  les  bonnes  doctrines, 
mais  avec  des  résultats  relativement  peu  considérables,  vu 
qu'autour  d'eux  l'erreur  lève  insolemment  la  tête  et  ne  ren- 
contre pas  de  contradicteur.  Quelques  propriétaires  de  jour- 
naux ou  de  revues  ont  laissé  mourir  leurs  publications  plutôt 
que  de  s'exposer  à  encourir  le  reproche  d'empiéter  sur  le  ter- 
rain réservé  aux  ministres  de  l'église,  ou  de  troubler  la  paix. 

XV 

Voilà  quelles  sont  les  conditions  actuelles  de  la  presse 
catholique  au  Canada.  Voilà,  dans  mon  humble  opinion,  les 
principaux  obstacles  qui  s'opposent  à  ses  progrès. 

Il  y  a  bien  notre  pauvreté,  le  fait  que  le  public  ne  lit  pas. 
Il  y  a  bien  aussi  le  fait  que  les  questions  religieuses  et  sociales 
sont  si  peu  connues  au  Canada  que  le  nombre  de  ceux  qui  sont 
en  état  de  les  traiter  convenablement  est  bien  petit. 

Le  premier  de  ces  obstacles,  notre  pauvreté,  n'est  pas  sérieux, 
ou  du  moins  n'est  pas  invincible.  Quand  notre  population 
sera  fermement  convaincue  de  la  nécessité  d'une  presse  catho- 
lique forte,  et  que  notre  épiscopat  sera  unanime  à  la  demander, 
j'ose  dire  que  la  partie  matérielle  ne  fera  pas  défaut.  Nous 
sommes  pauvres  ;  mais  combien  de  millions  depuis  30  ans, 
n'ont-ils  pas  été  consacrés  à  construire  des  maisons  de  charité 
ou  d'éducation  !  Que  l'on  se  persuade  bien  de  iimportance  et 
de  la  nécessité  d'une  bonne  presse  catholique  ;  que  l'on  réus- 
sisse à  se  convaincre  que,  dans  notre  siècle  où  la  presse  exerce 
une  influence  déterminante,  le  fauteuil  de  l'éditeur  est  aussi  im- 
portant que  la  chaire  du  professeur,  le  dispensaire  des  remèdes 
sociaux  aussi  essentiel  que  l'hôpital,  la  guérison  de  la  cécité 
intellectuelle  et  de  la  déraison  libérale  plus  importante  que 
celle  des  maladies  des  yeux  et  du  cerveau,  et  alors,  nous  fon- 
derons une  presse  catholique  ne  le  cédant  à  la  presse  d'aucun 
pays,  de  môme  que  nous  avons  fait  des  collèges,  des  hôpitaux, 
des  couvents,  des  asiles,  qui  font  l'admiration  du  monde  entier. 

Notre  public  ne  lit  pas,  surtort  les  journaux  catholiques. 


RAPPOHT    DE   l'hONOKAULE    F.   X.    A.    TRUDEL.  103 

Pourquoi  ?  Parceque,  jusqu'à  aujourd'hui,  bien  peu  a  été  fait 
pour  relever  la  presse  catholique  de  l'état  d'humiliation  où 
on  l'a  tenue,  et  pour  lui  donner  l'influence  et  l'autorité  qu'elle 
devrait  avoir. 

Que  nous  ayons  une  presse  se  tenant  à  la  hauteur  du  mou- 
vement catholique  dans  tout  le  monde  entier,  comprenant  bien 
et  traitant  convenablement  toutes  les  questions  sociales,  repro- 
duisant les  admirables  discours  des  champions  de  la  cause 
catholique  en  Europe,  faisant  connaître  les  meilleures  produc- 
tions de  la  littérature  chrétienne  du  monde  entier,  nous  faisant 
chaque  semaine  une  peinture  fidèle  de  l'état  de  la  société  ca- 
tholique en  Italie,  en  Angleterre,  en  France,  en  Allemagne  et 
aux  Etats-Unis,  nous  initiant  aux  combats  journaliers  que  nos 
frères  de  ces  pays  livrent  avec  tant  d'héroïsme,  nous  faisant 
toucher  comme  du  doigt  toutes  les  matières  qui  peuvent  inté- 
resser les  cœurs  catholiques,  et  l'on  verra  que  cette  presse  ne 
manquera  pas  de  lecteurs. 

Enfin,  qu'un  peu  d'encouragement  soit  donné,  par  qui  de 
droit,  à  ceux  qui  se  livrent  au  travail  ingrat  d'étudier  les 
questions  religieuses  et  sociales.  Que  dorénavant  ces  études 
ne  soient  pas  une  cause  d'ostracisme  contre  ceux  qui  les  ont 
faites  ;  que  la  défaveur  et  le  discrédit  qui  s'attachent  à  ceux 
qui  ont  tenté  ces  études  disparaissent  dans  l'esprit  des  bons 
catholiques  ;  qu'on  cesse  de  considérer  ces  hommes  commo 
des  êtres  dangereux  ;  que  les  catholiques  et  leurs  chefs  natu- 
rels prennent  les  moyens  d'empêcher  que  la  carrière  de  jour- 
naliste catholique  soit  une  cause  d'exclusion  des  avantages 
naturels  auxquels  auraient  droit  ceux  qui  s'y  sont  dévoués.  Et 
l'on  verra  bientôt  les  études  sociales  et  religieuses  redevenir 
en  honneur  et  fleurir  au  milieu  de  nous. 

XVI 

Il  est  une  vérité  que  l'on  a  proclamé  bien  souvent  et  bien 
haut  :  ce  sont  les  Evêques  qui  ont  fait  la. France.  L'on  peut 
dire  avec  autant  de  vérité  :  ce  sont  les  Evêques  qui  ont  fait  le 
Canada.  Il  en  sera  de  la  presse  catholique  comme  de  toutes 
nos  grandes  institutions  nationales.    Que  Nos  Seigneurs  les 


104      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

Evoques  daignent  la  prendre  spécialement  sous  leur  protec- 
tion, et  veuillent  bien  entreprendre  de  lui  donner  tout  le 
secours  dont  elle  a  besoin  et  qu'il  est  au  pouvoir  de  Leurs 
Grandeurs  de  lui  donner,  et  bientôt  la  presse  catholique 
deviendra  ce  qu'elle  doit  être. 

Ce  précieux  encouragement,  nous  prenons  la  respectueuse 
liberté  de  le  réclamer  comme  un  droit,  de  Nos  Seigneurs  les 
Evoques. 

Le  grand  Pape  Pie  IX,  dans  son  admirable  sollicitude  pour 
tous  les  intérêts  de  l'Eglise,  a  toujours  couvert  la  presse 
catholique  de  sa  bienveillante  protection.  Bien  plus,  il  l'a  si 
constamment  encouragée  de  toutes  ses  forces  et  a  tant  fait 
pour  que  partout  il  fût  créée  et  maintenue  une  presse  catho- 
lique dans  toute  la  force  du  mot,  que  nous  osons  le  prot  »mer 
le  Père  de  la  presse  catholique.  Eh  bien  !  du  haut  du  ciel  .  où 
elle  rayonne  encore  sur  toute  l'Eglise,  cette  Grande  et  Sai^ite 
figure  nous  couvre  enco  aujourd'hui  de  sa  protection.  Père 
de  la  presse  catholique,  l'on  peut  dire  qu'il  lui  a  légué,  avant 
de  mourir,  le  cœur  de  l'Episcopat.  Ecoutons  ce  que  Sa  Sainteté 
disait  dans  sa  célèbre  Encyclique  '•'■  Inter  multiplices  :  " 

"  C'est  pourqui,  en  vous  efforçant  d'éloigner  des  fidèles  con- 
"  fiés  à  votre  sollicitude  le  poison  mortel  des  mauvais  livres 
"  et  des  mauvais  journaux,  veuillez  aussi,  nous  vous  le  cleman- 
"  do9is  avec  instance^  témoigner  toute  votre  bienveillance  et 
"  toute  votre  protection  aux  hommes  qui,  animés  de  l'esprit 
"  catholique  et  versés  dans  les  lettres  et  dans  les  sciences, 
"  consacrent  leurs  veilles  à  écrire  et  à  publier  des  livres  et  des 
"  journaux,  pour  que  la  doctrine  catholique  soit  propagée  et 
"  défendue,  pour  que  '  s  droits  dignes  de  toute  vénération  de 
"  ce  Saint-Siège  et  ses  actes  aient  toute  leur  force,  pour  que 
"  les  opinions  et  les  sentiments  contraires  à  ce  Saint-Siège  et 
"  à  son  autorité  disparaissent,  pour  que  l'obscurité  des  erreurs 
'"'  soit  chassée,  et  que  les  intelligences  soient  inondées  de  la 
"  douce  lumière  de  la  vérité. 

"  Votre  charité  et  votre  sollicitude  épiscopales  devra  donc 
"  exciter  l'ardeur  de  ces  écrivains  catholiques,  animés  d'un 
'■'  bon  esprit,  afin  qu'ils  continuent  à  défendre  la  cause  de  la 


RAPPORT   DE    l'hONORAHLE   F.    X.   A.   TRUDEL,  105 

"  vérité  catholique,  avec  un  ^  lin  attentif  et  avec  savoir.  Que 
"  si,  dans  leurs  écrits,  il  leur  arrive  de  manquer  en  quelque 
"  chose,  vous  devez  les  avertir  avec  des  paroles  paternelles  et 
"  avec  prudence." 

Voilà  le  testament  de  Pie  IX,  ce  que  l'on  peut  appeler,  :uns 
crainte  de  se  tromper,  ses  constantes  et  dernières  volontés.  C'est 
le  testament  de  notre  père.  Armés  de  ce  document,  allons 
sans  crainte  revendiquer  le  précieux  legs  qu'il  a  fait  à  ses 
chers  enfants  de  la  presse  catholique  !  Ecoutez  le  bien  ;  il 
parle  aux  Evoques  :  "  Veuillez  aussi,  nous  vous  le  demandons 
'^  avec  instance,  témoigner  toute  votre  bienveillance  et  toute 
"  votre  protection,  aux  hommes  qui,  animés  de  l'esprit  catho- 
"  lique  et  versés  dans  les  lettres  et  les  sciences,  consacrent  leurs 
"  veilles  à  écrire  et  à  publier  des  livres  et  des  journaux,  pour 
"  que  la  doctrine  catholique  soit  propagée  et  défendue,  etc." 

A  l'instante  prière,  succède  le  commandement  :  "  Votre  cha- 
"  rite  et  votre  sollicitude  épiscopale  devra  donc  exciter  l'ar- 
"  deur  de  ces  écrivains  catholiques,  etc." 

Enfin,  le  cœur  de  ce  père  affectueux  qui  connaît  les  fai- 
blesses de  ses  enfants,  ce  cœur  de  Pie  IX,  qui,  à  l'exemple  de 
celui  du  divin  Crucifié,  brûle  de  charité  et  est  une  fontaine 
de  pardon,  n'oublie  pas  la  provision  de  miséricorde.  L'indul- 
gence !  elle  n'est  pas  seulement  conseillée,  elle  est  comman- 
dée ;  "  que  s'il  leur  arrive  de  manquer  en  quelque  chose,  vous 
"  devrez  les  avertir  avec  des  paroles  paternelles,  et  avec  pru- 
"  dence." 

Relisons  souvent  ce  document  émané  du  cœur  du  plus 
tendre  des  pères.    C'est  un  titre  de  famille. 

Je  disais,  il  y  a  un  instant,  combien  nombreuses  étaient  les 
haines  amoncelées  contre  le  journaliste  catholique  ;  je  démon- 
trais quel  isolement  les  passions  humaines  fesaient  autour  de 
lui.  Tout  e  contre  lui  !  vous  disais-je.  Eh  bien  non  !  tout 
n'est  pas  contre  lui  !  Immense  est  le  secours  sur  lequel  il  peut 
s'appuyer,  puisqu'il  a  pour  lui  le  cœur  de  Pie  IX  ;  puisqu'il  a 
un  titre  indéniable,  à  la  bienveillance,  à  l'appui,  à  la  protec- 
tion de  l'Episcopat  !  puisque  le  testament  du  père  commun  est 
là  pour  lui  assurer  ce  qu'il  lui  faut  pour  combattre  et  vaincre 


106      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

Pie  IX  est  mort,  dira-t-on  ;  oui...  Sed  Pctrus  non  moritur  ! 
Léon  XIII  avait  à  peine  ceint  son  auguste  front  de  la  tiare 
pontificale,  que  déjà  il  prenait  la  presse  catholique  sous  sa 
protection  spéciale  et  continuait,  vis-à-vis  les  écrivains  catho- 
liques, les  traditions  de  son  immortel  prédécesseur.  En  effet, 
Sa  Sainteté,  en  déposant  sur  le  front  de  l'Ange  de  l'Ecole  une 
nouvelle  couronne,  a  d'ahord  montré  qu'il  voulait  faire 
revivre  l'ancien  éclat  de  la  philosophie  chrétienne  ;  puis,  en 
entourant  de  Sa  Paternelle  sollicitude  la  fondation  d'un  nouvel 
organe  du  St-Siège,  Elle  a  voulu  montrer  que,  pour  tirer  l'uni- 
vers de  l'abîme  d'erreur  où  il  agonise,  il  fallait  ces  deux 
puissants  leviers  capables  de  soulever  un  monde  :  la  philoso- 
phie chrétienne  et  la  presse  catholique. 

XVII 

De  ce  qui  précède,"  il  résulte  clairement,  ce  me  semble,  que 
la  première  condition  nécessaire  pour  faire  disparaître  les 
obstacles  qui  s'opposent  aux  progrès  de  la  presse  catholique  et 
pour  accroitre  sa  prospérité  et  son  influence,  c'est  que  l'épis- 
copat  tout  entier  daigne  la  prendre  tout  spécialement  sous  sa 
protection,  et  l'entourer  de  cette  sollicitude  que  la  grande 
voix  de  Pie  IX  a  réclamée  pour  elle  ;  c'est  que  la  fondation  et  le 
maintien  d'une  presse  catholique  réellement  efficace  soient  mis 
au  rang  des  œuvres  les  plus  importantes  dont  leurs  Seigneuries 
aient  à  s'occuper  ;  c'est  que  nos  Evoques  daignent  exposer  à 
leurs  ouailles  et  leur  faire  comprendre  que,  vu  le  caractère  des 
temps  où  nous  vivons,  l'influence  et  le  travail  immense  que  la 
presse  impie  ou  libérale  opère  dans  le  monde  ;  travailler  à 
agrandir  l'influence  de  la  presse  catholique  et  rendre  son 
action  universelle,  c'est  travailler  à  l'œuvre  de  Dieu,  c'est 
accomplir  un  apostolat. 

XVIII 

Telle  est  la  première  condition  requise  pour  assurer  la  pros- 
périté de  la  presse  catholiqiie.  Je  dis  la  première  ;  mais  ce 
n'est  pas  la  plus  difficile  à  réaliser. 

Demander  à  nos  évêques  de  s'unir  dans  une  même  pensée, 


RAPPORT    DE    l'honorable   F.   X.    A.   TRUDEL.  107 

une  même  action,  un  même  but,  celui  d'accomplir  l'une  des 
plus  belles  prescriptions  de  charité  et  de  zèle  apostolique 
sortie  du  cœur  de  Pie  IX,  c'est,  j'en  ai  la  conviction,  courir 
au-devant  des  plus  ardents  désirs  de  ces  vénérables  pasteurs 
de  nos  âmes. 

La  seconde  condition,  c'est  que  les  écrivains  catholiques  sa- 
chent se  mettre  à  la  hauteur  ùi  lole  sublime  que  le  Souve- 
rain Pontife  a  daigné  leur  assigner  dans  l'immortelle  ency- 
clique dont  je  viens  de  lire  un  extrait.  Or,  ce  rôle,  ce  n'est 
que  par  la  pratique  de  l'abnégation  la  plus  complète  qu'ils  le 
rempliront  dignement. 

Et  voici  pourquoi  :  L'affirmation,  dans  ce  pays,  des  vérités 
sociales  proclamées  par  Pie  IX,  a  d'abord  réveillé  une  ex- 
plosion de  préjugés  et  de  hair.es.  L'école  ultramontaine,  cou- 
pable de  cette  affirmation  de  principes  a  été,  de  suite,  honnie, 
méprisée,  ridiculisée.  Une  portion  notable  de  notre  popula- 
tion a  bien  vite  conçu  pour  cette  école  une  haine  intense  qui, 
encore  aujourd'hui  est  très-vivace.  Je  ne  nie  pas  qu'en  cer- 
taines circonstances  le  ton  acrimonieux  avec  lequel  des  écri- 
vains catholiques  ont  repoussé  les  premières  attaques  dont  on 
a  assailli  leurs  convictions,  certaines  polémiques,  toutes  de 
personnalités,  qui  s'en  sont  suivies,  ont  contribué  beaucoup  à 
envenimer  ces  haines.  Depuis,  cependant,  la  grande  voix  de 
Rome  a  parlé  !  Nos  conciles  provinciaux  ont  proclamé  avec 
insistance  les  vérités  du  Syllabus.  Ce  travail  évangélique  a, 
heureusement,  produit  ses  résultats.  La  vérité  a  insensible- 
ment gagné  du  terrain  ;  et  aujourd'hui,  tel  qui  frémissait 
d'indignation  à  la  seule  mention  du  Syllabus^  est  le  premier  à 
l'acclamer  avec  enthousiasme.  Qui,  à  cette  heure,  à  part  les 
libéraux  avancés,  n'admet  pas  toutes  ces  grandes  vérités,  tant 
niées  il  y  a  dix  ans  ?  Qui  n'est  pas  obligé  d'admettre,  s'il  tient 
à  être  catholique,  que  rien  ne  le  sépare  plus  des  doctrines 
aitramontaines  ? 

Mais  si  la  doctrine  a  triomphé,  la  haine  contre  les  ultra- 
montains  est  restée.  On  ne  peut  pardonner  à  certains  hommes 
d'avoir,  quelques  années  avant  d'autres,  ouvert  les  yeux  à  la 
vérité.    L'attitude  d'un  grand  nombre  peut  se  résumer  dans 


108      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

les  mots  suivants  :  Vive  la  doctrine  catholique  !  Mort  aux 
ultraniontains  !  Depuis  que  nos  illustres  hôtes  ont  proclamé 
le  Syllabus,  la  plupart  vont  dire  maintenant  :  Vive  le  Syllabus  ! 
Vive  l'ultramontanisme  !  Mais  te  ijours  :  mort  aux  ultramon- 
tains  ! 

L'art  suprême  des  habiles  se  révèle  ici.  Au  lieu  de  dire 
tout  simplement  :  Nous  étions  dans  l'erreur  ;  nous  connais- 
sons aujourd'hui  la  vérité  ;  donnons  loyalement  crédit,  pour 
les  services  rendus,  à  ceux  qui  deux,  cinq,  dix  ans  avant  nous 
ont  connu  la  vérité,  l'ont  servie  et  défendue  contre  nos  pro- 
pres erreurs  ;  ou  du  moins,  de  ne  rien  dire  :  ils  travaillent, 
souvent  avec  grand  succès,  il  faut  l'avouer,  à  donner  le 
change,  à  faire  parade  de  leur  orthodoxie,  et  à  maintenir  l'ana- 
thème  et  la  réprobation  qu'ils  ont  autrefois  prononcés  contre 
les  ultramontains. 

Voilà,  pour  les  écrivains  catholiques,  la  pierre  de  scandale. 
Eux  ont  semé  dans  les  labeurs  et  la  peine  ;  et  maintenant  que 
leiu's  principes  triomphent,  ce  sont  d'autres  qui  moissonnent. 

Le  suprême  effort  du  journaliste  catholique,  c'est  de  sup- 
porter cela  sans  aigreur.  N'a-t-il  pas,  après  tout,  atteint  son 
but,  le  triomphe  de  la  vérité  !  Il  y  a,  dans  ces  déceptions  dont 
la  vie  est  semée  à  chaque  pas,  une  grande  loi  de  miséricorde. 
Jésus-Christ  aime  le  journaliste  catholique  à  la  façon  dont 
son  père  l'a  aimé  :  Sicut  dilexit  me  pater  et  ego  diligo  vos^  en  lui 
préparant  le  triomphe  par  le  renoncement  et  le  sacrifice.  Après 
tout,  le  serviteur  ne  doit  pas  être  mieux  traité  que  le  maître. 
Quel  serait  son  mérite  s'il  recevait,  en  applaudissements,  en 
récompense  des  hommes,  le  prix  de  ses  labeurs  et  de  ses  sacri- 
fices !  Et  d'ailleurs,  conviendrait-il  que  le  journaliste  catho- 
lique reçût  sa  récompense  avant  le  triomphe  de  l'Eglise  ? 

Il  y  a  plus  :  malgré  leur  grande  foi  et  leur  dévouement  bien 
connu  à  la  cause  de  l'Eglise,  les  écrivains  catholiques  de  ce 
pays  se  sont-ils  mis  à  la  hauteur  du  rôle  important  que  parait 
leur  assigner  la  Providence  ?  Ont-ils  réellement  mérité  l'hon- 
neur de  triompher  avec  leurs  frères  de  la  France  catholique  ? 
Je  ne  me  place  pas  ici,  bien  entendu,  au  point  de  vue  du  mé- 
rite littéraire  et  philosophique.    Les  écrivains  catholiques  du 


RAPPORT    DE   l'honorable    F.   X.   A.   TRUDEL.  109 

Canada  n'ont  jamais  eu,  je  le  pense  bien,  la  présomption  de 
marcher  do  pair  avec  les  célébrités  littéraires  et  scientifiques 
de  l'ancienne  mère-patrie.  Je  parle  du  dévouement  à  la  cause 
de  l'Eglise,  de  la  profession  haute  et  ferme  de  sa  foi  et  de  ses 
dogmes,  d'une  allégeance  sans  alliage  et  sans  réserve  au  St- 
Siège,  de  la  soumission  pratique  et  de  l'obéissance  raisonnée 
à  tous  les  enseignements  du  Docteur  infaillible  de'  l'Eglise 
universelle. 

Autre  chose  est  de  proclamer  bien  haut,  dans  un  moment 
de  ferveur,  et  sous  le  coup  de  l'enthousiasme,  les  principes 
catholiques,  et  autre  chose  est  d'en  faire  en  tout,  partout  et 
toujours  la  base  de  ses  actions  ;  de  les  pratiquer  à  temps  et  à 
contretemps,  seul  sous  le  regard  de  Dieu,  sans  autre  mobile 
que  l'intérêt  de  la  vérité.  Etre  solide  au  poste  de  l'honneur 
où  Dieu  nous  a  placés  ;  tenir  haut  et  ferme  le  drapeau,  dans 
les  temps  de  ferveur,  voilà  qui  est  relativement  facile.  Ce  qui 
l'est  moirs,  c'est  de  ne  pas  faiblir  aux  heures  de  l'épreuve,  du 
relâchement,  de  la  persécution  ;  c'est  d'être  inébranlable 
malgré  le  découragement,  malgré  l'agonie  mentale  où  nous 
plongent  souvent  les  revers  de  la  fortune,  l'ingratitude  des 
hommes,  l'inconstance  des  amis,  surtout  le  scandale  du 
triomphe  insolent  que  l'intrigue,  l'abandon  des  principes,  les 
compromis  de  la  conscience,  l'exploitation  même  des  vices  et 
des  plus  mauvais  instincts  de  la  nature,  procurent  aux  enne  • 
mis  de  la  cause  du  bien. 

XIX 

On  est  volontiers  de  la  presse  catholique,  mais  s'est-on 
sérieusement  soucié  de  se  rendre  parfaitement  maître  de 
toutes  les  questions  sociales  dont  elle  doit  s'occuper  ?  A-t-on 
pris,  devant  Dieu  et  devant  les  hommes,  l'engagement  solennel 
de  tout  sacrifier  à  la  cause  de  la  vérité,  et  de  ne  jamais  pac- 
tiser avec  l'erreur  ? 

Vous  faites  profession  d'éclairer  le  peuple  et  de  lui  enseigner 
les  vérités  sociales  au  moyen  de  la  presse  catholique  :  voulez- 
vous  savoir  de  quelle  manière  se  préparent  à  enseigner  les  pro- 
fesseurs laïcs  des  nouvelles  universités  catholiques  de  France  ? 

i 


110  PREMIER    CONGRÈS    CATHOLIQUE   TENU    A    QUÉBEC. 

C'est  Monseigneur  Freppel,  Evoque  d'Angers,  qui  va  vous  le 
dire  :  "  A  genoux  en  face  de  l'Evêque  qui  tient  le  livre  des 
"  saints  Evangiles,  les  voici  qui,  d'une  voix  unanime,  récitent 
"  la  profession  de  foi  de  Pie  IV.  Puis  chacun  ù  leur  tour,  en 
"  commençant  par  Mgr  le  recteur,  ils  posent  la  main  sur  les 
"  saints  Evangiles,  et,  après  avoir  baisé  l'anneau  épiscopal, 
"  ils  répètent  le  serment,  ajoutant  :  "  Sic  me  Deiis  adjuvet  et 
"  hœc  sancta  Evangeliar     (Univers  du  7  décembre  1876.) 

S'est-on  appliqué  de  tout  cœur  à  bien  étudier  et  bien  appro- 
fondir les  enseignements  de  notre  divin  Maître  sur  toutes  les 
questions  se  ratta'^.h.ant  à  la  vie  sociale  ? 

Il  est  un  ensemble  de  doctrines  contenues  dans  les  encycli- 
ques, le  syllabus  et  les  décrets  des  conciles  qui  forme  comme 
le  code  de  la  presse  catholique.  Ce  code,  en  avons-nous  fait  une 
étude  suffisamment  approfondie,  pour  être  parfaitement  maî- 
tres de  l'enseignement  qu'il  contient  ?  Et  cependant,  ce  sont  là 
des  armes  essentielles  à  l'écrivain  catholique,  non-seulement 
pour  combattre  les  enseignements  de  l'erreur,  mais  encore  pour 
rester  fidèle  à  la  cause  de  Dieu  et  savoir  régler  ses  propres 
a'itiois. 

Le  journaliste  catholique  doit  voir,  dans  chaque  enseigne- 
ment du  St-Siège,  non  uas  une  matière  livrée  à  la  dispute  des 
hommes  et  sur  laquelle,  dans  notre  orgueil,  nous  délibérons 
pour  savoir  si  nous  l'accepterons  ou  Id  rejetterons,  mais  un 
enseignement  sacré,  la  parole  de  F  Esprit-Saint  lui-même.  Il  ne 
faut  donc  pas  s'attribuer  un  grand  mérite  lorsque  nous  accep- 
tons cet  enseignement.  C'est  le  mérite  de  celui  qui  reçoit  la  lu- 
mière du  soleil  et  qui  est  pénétré  de  la  chaleur  de  ses  rayons. 

XX 

Dans  une  lettre  écrite  à  l'Union  de  Paris,  le  10  mars  1876, 
Mgr  l'évêque  de  Nevers  nous  apprend  comment  un  journa- 
liste catholique,  dont  la  tombe  venait  alors  de  se  fermer, 
comment  l'illustre  Mr  Laurentie  et  toute  la  rédaction  de 
"  l'Union,"  acceptèrent  le  Syllabus. 

Vous  me  pardonnerez,  je  n'en  ai  aucun  doute,  cette  longue 
citation,  en  considération  du  sublime  enseignement  qu'elle 


^  RAi»PORT   DE   l'honorable   T.   X.   A.   TRUDEL.  Ht 

contient:  vous  y  apprendrez  l'att^'iil'^  que  doit  prendre  tout 
journaliste  catholique,  en  face  des  enseigu?ments  dnSt-Siège  : 

"  Afin,  dit-il,  de  donner  à  l'un  des  traits  de  cette  belle  figure 
"  (du  plus  grand  polémiste  monarchiste  de  ce  temps-ci)  un 
"  relief  qui  la  fasse  mieux  ressortir,  je  vous  prie  de  me  per- 
•'  mettre  de  rapporter  à  vos  lecteurs  une  conversation  que  j'eus 
"  dans  le  temps,  avec  le  célèbre  publicisle,  à  l'occasion  de  la 
"  Bulle  Quanta  cura  et  du  Syllabus  qui  en  est  comme  le  résumé 
'•'  pratique." 

"  Personne  n'ignore  l'impression  de  stupeur  et  d'irritation 
"  que  la  publication  de  cet  acte  pontifical  produisit  dans  le 
"  monde  politique  et  môme  parmi  certains  catholiques.  Le 
"  gouvernement  impérial  qui  venait  de  manifester  ses  sympa- 
"  thies  pour  le  catholicisme,  en  favorisant  la  destruction  du 
"  pouvoir  temporel,  sauvegarde  et  garantie  nécessaire  de  l'in- 
"  dépendance  du  pouvoir  spirituel — les  faits  actuels  ne  leprou- 
"  vent  que  trop  —  s'émut  des  premiers,  et  ne  négligea  rien 
"  pour  empêcher  la  divulgation  de  la  parole  Pontificale.  Les 
"  membres  des  assemblées  politiques  môme  les  mieux  disposés, 
"  virent,  dans  cet  acte,  comme  un  défi  audacieux  jeté  à  toutes 
"  les  idées  modernes,  à  nos  institutions. 

"  La  presse  toute  entière  déraisonna  à  plaisir. 

"  Du  haut  en  bas  de  l'échelle  intellectuelle,  en  France  et 
''  en  Europe,  on  déclara  que  le  Souverain  Pontife  avait  porté 
"  un  coup  mortel  à  la  religion.  Bien  rares  furent  les  hommes 
'•■  sages  qui  eurent  le  courage  d'examiner  froidement  et  de  se 
"  soumettre  humblement.  Monsieur  Laurentie  fut  du  nombre 
"  de  ces  sages.  Quoique  mêlé  activement  aux  bruits  discor- 
"  dants  de  la  polémique  quotidienne  ;  quoique  assourdi,  on 
"  peut  le  dire,  par  les  réclamations  qui  s'élevaient  de  tous 
"  côtés,  même  au  sein  de  son  parti,  il  sut  rester  calme  et  agir 
"  avec  la  prudence  et  la  maturité  d'un  chrétien  et  d'un  philo- 
"  sophe. 

"  Voici  ce  qu'il  m'a  raconté  lui-môme  : 

"Dès  que  j'eus  entre  les  mains,  me  dit-il,  cette  célèbre 
"  encyclique  où  ma  foi  mp  montrait  la  parole  inspirée  du 
"  Vicaire  de  Jésus-Christ,  je  me  mis  à  genoux  pour  la  lire  avec 


112      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUEBEC. 

"  le  respect  que  mérite  ce  qui  vient  directement  de  Dieu. 
"  Cette  lecture  produisit  chez  moi  comme  l'effet  d'un  éclair  qui 
"  illumine  le  ciel  d'un  éclat  subit  ;  il  me  sembla  que  tout 
"  l'horizon  intellectuel  se  déroulait  devant  mes  yeux,  illu- 
"  miné  d'une  clarté  éblouissante.  Quelle  admirable  synthèse 
"  philosophique  !  m'écriai-je  ;  c'est  une  réponse  à  tous  les  pro- 
"  blêmes  philosophiques  et  sociaux.  Après  cette  explosion 
"  spontanée  d'admiration,  je  n:e  mis  de  nouveau  à  genoux,  et 
"  fis  mon  acte  de  foi  avec  une  consolation  des  plus  vives." 

"  Ma  situation  particulière  comme  rédacteur  de  r Union  ne 
"  me  permettait  pas  de  m'en  tenir  à  un  acte  de  foi  personnel 
"  et  privé.  Je  réunis  donc  mes  collaborateurs  et  je  leur  dis  : 
"  Messieurs,  voici  un  acte  des  plus  graves  qui  nous  impose, 
"  comme  journalistes,  un  devoir  bien  doux,  mais  bien  impor- 
"  tant.  Nous  devons  faire  un  acte  public  d'adhésion.  Gomme 
"  le  plus  ancien,  je  demande  à  parler  le  premier  et  c'est  ce  que 
"  je  fis.  Riancey  vint  après,  et  s'exprima  avec  un  élan  de  foi, 
"  fidèle  traduction  de  sa  belle  âme.  Potijoulat  nous  suivit. 
"  Maintenant,  ajoutai-je,  nous  avons  un  autre  devoir  à  rem- 
"  plir  :  la  parole  pontificale  est  comme  la  loi  de  Dieu,  elle  se 
"justifie  par  elle-même^  justificata  in  semetipsa;  par  consé- 
"  quent,  nous  devons  nous  garder,  avec  le  plus  grand  soin,  de 
"  justifier  l'Encyclique,  en  l'excusant,  en  l'amoindrissant,  en 
"  la  commentant. 

"  Sans  doute,  si  on  l'attaque,  nous  la  défendrons  en  mon- 
"  trant  l'inanité  de  ces  attaques,  mais  gardons-nous,  même 
"  dans  cette  circonstance,  de  voiler  le  sens  obvie  et  naturel. 
"  Si  la  raison  moderne  trouve  la  décision  pontificale  absurde, 
"  inadmissible,  disons  que  la  raison  moderne  est  dans  le  faux, 
"  mais  ne  pactisons  pas  avec  elle.  Pour  mon  compte,  j'ai 
"  passé  une  grande  partie  de  ma  longue  carrière  à  étudier  la 
"  philosophie,  j'ai  sondé  un  peu  tous  les  systèmes,  j'ai  étudié 
"  toutes  les  solutions  données  par  les  sages  et  je  dois  vous 
*'  déclarer  que  je  n'ai  trouvé  nulle  part  un  système  de  philoso- 
"  phie  aussi  complet,  aussi  satisfaisant  pour  la  raison,  que  le 
"  système  contenu  dans  l'Encyclique." 

"  Quant  au  Syllabus  qui  n'en  est  que  le  résumé,  je  ne  puis 


RAPPORT   DE   l'honorable   F.    X.   A.    TRUDEL.  113 

"  me  lasser  d'admirer  combien  il  est  sage  et  utile  !  Au  milieu 
"  de  toutes  les  erreurs  qui  ont,  pour  ainsi  dire,  de  nos  jours, 
"  submergé  la  raison  humaine,  quel  immense  service  d'avoir 
"  allumé,  devant  les  yeux  de  la  génération  contemporaine, 
"  un  phare  lumineux  qui  montre  la  route  de  la  vérité,  et  qui 
"  empêche  de  courir  aux  abimes  !  " 

"  Cette  déclaration  de  l'illustre  publiciste,  ajoute  l'Evéque 
"  de  Nevers,  laissa  dans  mon  âme  une  impression  profonde, 
•■'  inîpression  qui  est  devenue  plus  vive  encore  lorsque  j'ai  pu 
"  l'analyser,  en  quelque  sorte,  par  l'étude  sérieuse  des  docu- 
"  ments  pontificaux.  J'ai  lu,  j'ai  relu  la  magnifique  Ency- 
"  clique  Quanta  cura  ;  j'ai  étudié,  avec  une  attention  soutenue 
"  l'ensemble  et  les  détails  du  Syllabus^  et  je  suis  arrivé  à  la 
••'  môme  conclusion  raisonnée,  que  Mr  Laurentie  :  c'est  le 
"  plus  bel  ensemble  philosophique  que  je  connaisse.  Si  quel- 
"  que  catholique  sincère  gémissait  encore  sous  le  poids  des 
"  préjugés  accumulés  dans  beaucoup  d'esprit,  par  l'ignorance 
"  et  la  passion,  je  ne  saurais,  pour  le  délivrer  de  son  obsession, 
"  lui  donner  d'autre  conseil  que  celui  donné  à  saint  Augustin: 
"  Toile  et  léger    (l'Union  du  15  mars  1876.) 

Voilà  ce  qui,  dans  mon  humble  opinion,  devrait  être  le  mot 
d'ordre  des  journalistes  canadiens  catholiques.  Les  enseigne- 
ments du  St-Siège  sont  là.  Les  encycliques,  les  décrets  des 
conciles,  le  syllabus,  etc.,  forment  un  code  admirable  des  lois 
de  la  presse  catholique.  Donc:  Toile  et  lege!  mais  lisez  à 
genoux,  comme  Mr  Laurentie  !  parceque  la  parole  de  Dieu 
doit  être  reçue  à  genoux,  c'est-à-dire  avec  humilité,  amour, 
obéissance  absolue.  Lisons  à  genoux  !  car  il  ne  s'agit  pas  d'un 
enseignement  qu'il  convienne  de  commenter  et  de  juger,  il 
s'agit  d'entendre  le  commandement  de  Dieu,  comme  jadis 
Moïse  le  reçut  sur  le  Sinaï.  C'est  le  même  Dieu  qui  com- 
mande, et  c'est  une  créature  infiniment  plus  faible,  infiniment 
plus  bornée  qui  reçoit  le  commandement.  Oui  !  à  genoux  ! 
respect  souverain  à  la  souveraine  Royauté  du  Christ  !  Car 
Jésus  est  notre  Roi  lorsqu'il  enseigne  et  commande  par  la 
bouche  de  Pierre  en  matières  sociales,  aussi  bien  que  lorsqu'il 
ordonne  en  matières  théologiques.  Pas  de  ces  compromis  hon- 


114  PKEMIER    CONT.RÈS    CATHOLIQUE   TENU    A   QUÉBEC. 

teux  avec  les  honteuses  erreurs  et  les  grossiers  intérêts  du 
siècle.  Moïse  brisa  les  tables  de  la  loi  pour  marquer  son  indi- 
gnation de  Tadoration  du  veau  d'or.  Ne  souffrons  pas  que  le 
paganisme,  qui  relève  la  tête,  et  qui  se  persor.nifie  dans  certains 
intérêts  matériels  mal  compris,  pèse  d'un  poids  quelconque 
en  face  de  l'enseignement  de  Jésus-Christ  et  de  son  Eglise. 

xxr 

A  ce  sujet,  il  me  semble  que  la  presse  catholique,  si  elle 
comprenait  bien  son  rôle,  devrait  incessamment  travailler  à 
la  réalisation  immédiate,  en  ce  pays,  de  l'un  des  desseins  les 
plus  admirables  de  la  miséricorde  divine. 

Il  résulte  des  révélations  faites  par  Notre  Seigneur  à  la 
Bienheureuse  Marguerite-Marie,  que,  dans  les  desseins  de 
Dieu,  les  sociétés  civiles  ne  peuvent  être  saUvées  que  par  la 
dévotion  au  Sacré-Cœur  de  Jésus.  Cette  dévotion  a  donc  évi- 
demment un  côté  politique  et  social  bien  prononcé.  Voici  ce 
que  Notre  Seigneur  ordonnait  à  sa  servante  le  17  juin  1689  : 

"  Fais  savoir  au  fils  aîné  de  mon  sacré-cœur — parlant  de 
*'  notre  Roi, — que,  comme  sa  naissance  temporelle  a  été  obte- 
"  nue  par  la  dévotion  aux  mérites  de  ma  sainte  enfance,  de 
"  môme,  il  obtiendra  sa  naissance  de  grâce  et  de  gloire  éter- 
"  nelle,  par  la  consécration  qu'il  fera  de  lui-même  à  mon  cœur 
"  adorable  qui  veut  triompher  du  sien,  et,  par  son  entremise, 
'•  de  celui  des  grands  de  la  terre.  Il  veut  régner  dans  son  pa- 
"  lais^  être  peint  dans  ses  étendards  et  gravé  dans  ses  armes^ 
"  pour  les  rendre  victorieuses  de  tous  ses  ennemis^ 

Or,  comme  dit  l'abbé  Bougaud  qui  rapporte  cette  révéla- 
tion :  "  La  bienheureuse  ne  parle  que  du  roi,  parce  que,  dans 
"  les  idées  du  temps,  le  roi  et  la  France  ne  faisaient  qu'un.  Le 
''  m,  c'étaient  toutes  les  âmes  de  la  France  réunies  en  une  seule 
*•  âme  et  vibrant  à  la  fois''  Notre  Seigneur  l'appelle  "  le  fils 
"  aîné  de  mon  Sacré-Cœur  :  titre  auguste  qui  rappelle  ces  noms 
"glorieux  que  la  papauté  reconnaissante  avait  déjà  décernés 
"  à  la  France  et  à  ses  rois,  de  "  nation  très  chrétienne  et  de  fils 
*'  aînés  de  l'Eglise." 

Eh  bien  !  l'on  peut  dire,  en  se  plaçant  au  même  point  de  vue 


RAPPORT    DE    l'honorable    F.    X.    A.   TRLDEL.  115 

que  l'auteur  :  à  cette  date  du  17  juin  1689,  le  Canada  ne 
faisait  qu'un  avec  la  France  et  avec  le  roi  de  France,  et 
cette  divine  prescription  s'appliquait  également  à  notre  chère 
patrie.  L'on  peut  donc  dire  que,  le  17  juin  1689,  le  Dieu  de 
l'univers,  le  Roi  des  nations  a  intimé  au  Canada  :  "  Qu'il  vou- 
lait que  son  Sacré-Cœur  régnai  dans  son  palais,  fût  peint  dans  ses 
étendards  et  gravé  dans  ses  armes^  pour  les  rendre  victorieuses 
de  tous  ses  ennemis^ 

Or,  c'est  sans  doute  pour  n'avoir  pas  accompli  ces  divines 
prescriptions  que  la  France  et  sa  royauté  dix  fois  séculaire 
ont  subi  les  maux  effroyables  dont  elle  souffre  depuis  un 
siècle. 

Allons-nous  laisser  notre  patrie  exposée  à  un  sort  sembla- 
ble ? 

Il  n'y  a  pas  à  s'y  tromper  :  Toutes  les  erreurs  sociales 
qai  ont  fait  la  révolution  et  ruiné  la  France  chrétienne,  sont 
aujourd'hui  en  germe  au  sein  de  notre  peuple,  de  même  qu'ejL 
1689  elles  étaient  toutes  en  germe  au  sein  de  la  nation  fran- 
çaise. Les  optimistes  ont  beau  rire  et  nier  chez  nous  la  pré- 
sence du  virus  libéral  anti-chrétien  :  il  y  est  !  C'est  le  temps  de 
le  détruire  !  Refuser  de  le  voir  chez  nous  aujourd'hui  comme 
on  a  refusé  de  le  voir  en  France  en  1689,  c'est  nous  pré- 
parer les  maux  de  1789  et  de  1870  ! 

Vivant  sous  un  régime  politique  différent  de  celui  de  1689, 
nous,  citoyens  du  Canada,  nous  sommes  devenus  tous  partie 
constitutive  du  pouvoir  souverain.  D'une  manière  ou  d'une 
autre,  nous  sommes  tous  appelés  à  mettre  la  main  au  gouver- 
nail de  l'Etat. 

En  cela,  nous  avons,  dans  une  très  grande  mesure  du  moins, 
succédé  au  roi  de  France  "  fils  aîné  du  Sacré-Cœur  de  Jésus." 
En  nous  est  passée  l'obligation  d'accomplir  ce  que  notre  Dieu 
prescrivait  à  Louis  XIV  il  y  a  deux  siècles.  Ne  devons-nous 
pas  nous  empresser  de  l'accomplir  ! 

Il  y  a  plus  :  La  presse  prend,  bien  qu'indirectement,  une 
large  part  au  gouvernement  de  l'Etat.  Elle  en  est  considérée, 
et  avec  justice,  comme  la  troisième  puissance.  Que  la  presse 
catholique  saisisse  donc  avec  empressement  cette  occasion  où 


116      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

elle  est  réunie  à  l'ombre  du  drapeau  da  Sacré-Cœur,  drapeau 
fièrement  arboré  et  noblement  porté  par  le  Cercle  catholique 
sous  les  auspices  duquel  nous  travaillons,  pour  arborer,  elle 
aussi,  le  drapeau  du  Sacré-Cœur.  Oui  !  que  la  presse  catho- 
lique du  Canada  adopte  officiellement  comme  sien  ce  uoble 
étendard  et  réalise  ainsi,  dans  la  mesure  de  son  pouvoir,  la 
prescription  divine.  De  plus,  qu'elle  se  dévoue  énergiquement 
et  sans  réserve  à  la  tâche  "  de  faire  régner  le  Sacré-Cœur  de 
Jésus  sur  le  Canada,  d'en  faire  adopter  l'effigie  sacrée  comme 
partie  de  l'étendard  national,  de  la  faire  briller  dans  les  âmes 
canadiennes,  afin  d'obtenir  par  là,  pour  notre  patrie  bien- 
aimée,  qu'elle  soit  à  jamais  victorieuse  de  ses  ennemis,"  se  rap- 
pelant que  c'est  à  l'ombre  du  drapeau  du  Sacré-Cœur  que  les 
héroïques  volontaires  de  l'Ouest  se  sont  immortalisés  à  Patay 
et  à  Loigny. 

Le  drapeau  arboré,  que  la  vie  soit  laborieuse  et  le  métier 
de  soldat  du  Christ  appris  parfaitement.  Que  toutes  les  armes 
susceptibles  d'être  employées  à  la  défense  de  la  vérité  soient 
connues.  Oui  !  que  chacun  connaisse  parfaitement  tous  les 
secrets  de  l'arsenal  et  sache  parfaitement  où  prendre,  à  un  mo- 
ment donné,  l'arme  nécessaire  à  la  destruction  de  l'erreur  du 
moment.  Que  la  consigne  soit  observée  parfaitement  par  Lout 
le  pays.  A  une  grande  modération  dans  la  forme,  à  une  cha- 
rité évangélique  envers  tout  ce  qui  constitue  la  personne,  ses 
biens,  son  honneur,  qu'elle  joigne  une  perspicacité  et  une  vi- 
gilance jamais  défaillantes,  jamais  en  défaut.  Que  toujours,  en 
tout  et  partout  l'erreur  et  le  mensonge,  sous  quelque  forme 
qu'ils  se  produisent,  soient  impitoyablement  signalés,  dénon- 
cés, attaqués,  exterminés  si  possible  ! 

Hélas  î  l'abaissement  des  caractères  est  tel,  depuis  quelque 
temps  !  les  droits  de  la  vérité  sont  si  méconnus  !  la  prudence 
et  l'opportunisme  dont  nous  nous  empressons  de  reconnaître 
la  nécessité,  lorsqu'elles  ne  dégénèrent  pas  en  excès  ridicules 
et  en  une  pusillanimité  funeste  à  la  vérité,  enrayent  tellement 
tout  mouvement  vers  le  bien,  qu'il  est  à  peine  admis  aujour- 
d'hui que,  sur  certaines  questions  d'un  intérêt  palpitant,  il 
soit  permis  de  proclamer  les  principes. 


RAPPORT    DE    l'honorable   F.   X.  A.   TRUDEL.  117 

Hélas  !  Tout  se  mesure  aujourd'hui  à  l'intérêt  immédiat  de 
certains  hommes  et  de  certaines  coteries.  Tout  se  réduit  à 
l'expédient,  tout  se  ramène  à  l'intérêt  du  moment  !  Silence  au 
principe  !  Silence  à  la  vérité  !  Gela  pourrait  déranger  les 
petits  calculs  de  monsieur  celui-ci  ou  de  monsieur  celui-là. 
Y  a-t-il  un  grand  intérêt  public,  social  et  politique  à  sauve- 
garder ?  Que  ce  grand  intérêt,  que  ce  principe  primordial 
des  sociétés  périssent  s'il  le  faut  !  Car  il  faut  bien  que  les 
hommes  du  moment,  que  tous  nos  tireurs  de  ficelles  sauve- 
gardent les  besoins  de  leur  pot-au-feu  ou  les  exigences  de  leur 
gloire  politique  ! 

Eh  bien  !  Que  du  moins  la  presse  catholique  ne  serve  pas 
d'instrument  à  ces  menées,  au  détriment  de  la  justice  et  de  la 
vérité  ! 

Votre  rapporteur  croit  devoir,  pour  terminer,  suggérer 
l'idée  que  les  efforts  de  toute  la  presse  catholique  s'unissent 
pour  travailler  le  plus  efficacement  possible  à  élever  au  Canada, 
à  l'instar  du  monument  de  Montmartre,  une  église  de  pèleri- 
nage national  au  Sacré-Cœur  de  Jésus. 

XXII 

Enfin,  il  suggère  respectueusement  les  résolutions  suivantes 
à  être  soumises  au  Congrès,  comme  résultat  pratique  des  déli- 
bérations de  ce  bureau  : 

Le  bureau  de  la  presse  catholique  a  l'honneur  de  proposer 
à  votre  congrès  l'adoption  des  résolutions  suivantes  : 

Résolu  lo.  Que,  attendu  que  la  presse  catholique  du  Canada 
ne  saurait  triompher  des  nombreux  obstacles  qui  paralysent 
son  action,  ni  accroître  sa  prospérité  ni  son  influence  qu'en 
recevant  de  l'épi  scopat  ca.adien  une  protection  spéciale,  cons- 
tante, efficace  et  telle  que  Sa  Sainteté  Pie  IX,  de  glorieuse  mé- 
moire, a  daigné  la  recommander  avec  instance  et  une  pater- 
nelle sollicitude,  en  plusieurs  circonstances,  et  notammont 
dans  son  immortelle  encyclique  Inter  multipliées  :  il  soit  pré- 
senté à  Nos  Seigneurs  les  évêques  du  Canada  une  humble 
supplique  priant  respectueusement  Leurs  Grandeurs  de  vouloir 

bien  prendre  sous  leur  protection  spéciale  la  presse  catholique 

8 


118  PREMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE  TENU  A   QUÉBEC. 

du  Canada,  la  diriger  et  lui  donner  tout  secours  que  leur 
haute  sagesse  leur  inspirera  et  que  leur  autorité  et  leur  in- 
fluence leur  permettent  de  lui  procurer. 

Résolu  2o.  Que  tous  les  écrivains  catholiques  doivent  se 
pénétrer,  de  plus  en  plus,  des  précieux  enseignements  du  St- 
Siège  en  matières  sociales  ;  et  que  pour  cela,  ils  doivent  étu- 
dier avec  soin  les  encycliques,  les  décrets  des  conciles  géné- 
raux et  provinciaux  qui  définissent  parfaitement  leurs  devoirs 
vis-à-vis  la  société  civile  ; 

Résolu  3o.  Qu'il  soit  fait,  par  un  bureau  composé  d'écri- 
vains catholiques  nommé  par  le  Congrès  à  cet  effet,  une  espèce 
de  résumé  ou  codification  de  la  partie  de  ces  documents  qui 
ont  rapport  aux  matières  sociales  et  dont  la  connaissance  est 
surtout  nécessaire  aux  écrivains  catholiques  ; 

Résolu  4o.  Qu'il  soit  établi  entre  la  presse  catholique  du 
Canada  et  celle  de  France,  d'Angleterre,  des  Etats-Unis, 
d'Italie  et  auti-es  pays,  une  alliance  plus  intime  et  des  commu- 
nications constantes  d'idées  et  de  sentiments  ;  que  dans  ce  but, 
il  soit  organisé,  par  ce  Congrès,  un  bureau  d'écrivains  catho- 
liques chargé  de  correspondre  régulièrement  avec  nos  frères 
des  autres  pays  et  môme  de  fournir  aux  revues  et  journaux 
catholiques  étrangers  des  informations  ou  travaux  réguliers 
touchant  le  mouvement  catholique  au  Canada  ; 

Résolu  5o.  Qu'un  comité  permanent  des  intérêts  de  la 
presse  catholique  soit  créé,  pour  être  un  syndicat  chargé  d'in- 
tervenir amicalement  dans  les  conflits  sérieux  de  la  presse 
catholique  et  d'en  conférer,  quand  il  y  aura  lieu,  avec  Nos 
Seigneurs  les  Evêques,  afin  d'amener  une  solution  conforme 
à  la  doctrine  catholique,  d'assurer  aux  parties  intéressées  une 
protection  à  laquelle  ils  ont  droit  et  de  conserver  ainsi  la  paix 
et  l'harmonie  entre  tous  les  écrivains  catholiques  ; 

Résolu  60.  Que  le  même  bureau  soit  chargé  de  voir  à 
ce  que  les  écrivains  catholiques  et  surtout  les  journalistes 
soient  pourvus,  aussitôt  que  possible,  de  chacun  une  collection 
des  principaux  livres  et  documents  nécessaires  au  journalisme 
religieux,  de  manière  que  chacun  ait  sous  la  main  un  petit 
arsenal  ou  il  puisse  trouver  les  armes  nécessaires  à  la  défense 


RAPPORT   DE    l'honorable   F.    X.   A.   TRUDEL.  119 

des  intérêts  catholiques,  et  que,  pour  arriver  à  la  réalisation 
de  ce  projet,  un  aide  généreux  soit  respectueusement  sollicité 
de  la  bienveillance  des  catholiques  du  Canada  ; 

Résolu  7o.  Que  tout  le  clergé  catholigue  du  Canada  soit 
respectueusement  prié  de  vouloir  bien  v.  ^ourager  et  protéger, 
dans  tout  le  pays,  l'apostolat  laïque,  et  aider  la  propagation  de 
ses  travaux,  surtout  de  ses  publications,  revues  et  journaux, 
qui  auront  mérité  l'approbation  et  l'encouragement  de  l'Epis- 
copat ; 

Résolu  80.  Qu'une  revue  soit  spécialement  choisie  comme 
organe  des  cercles  et  associations  catholiques  ;  ou  qu'au  besoin 
il  en  soit  fondé  une  à  cet  effet  ;  et  que  Nos  Seigneurs  les 
évêques  ainsi  que  tous  les  membres  du  clergé  et  tous  les  ca- 
tholiques les  plus  zélés  du  Canada  soient  priés  de  vouloir  bien, 
si  cette  revue  est  faite  de  manière  à  mériter  leur  approbation, 
encourager  spécialement  cette  dite  revue  ; 

Résolu  9o.  Que  la  presse  catholique  de  tout  le  Canada  doit 
se  consacrer  spécialement  au  Sacré-Cœur  de  Jésus,  travailler 
de  toutes  ses  forces  à  en  propager  la  dévotion  et  à  populariser 
autant  que  possible  les  drapeaux  du  Sacré-Cœur. 

Le  tout  néanmoins,  respectueusement  soumis. 

Québec,  25  juin  1880. 

F.  X.  A.  Trudel. 


III.  BUREAU  DES  INTÉRÊTS  CATHOLIQUES 

Vendredi^  25  Juin 

PROCÈS- VERBAL  DE  LA  1ÈRE  SÉANCE 

M.  le  Dr  J.  P.  Rottot,  professeur  à  l'Uni versité-La val,  suc- 
cursale de  Montréal,  et  doyen  de  la  Faculté  de  médecine,  est 
élu  président,  et  M.  Ernest  Gagnon,  secrétaire. 

Etaient  présents  :  MM.  l'abbé  E.  A.  Gravel,  curé  de  St-Hya- 
cinthe,  H.  Martial,  curé  de  Grosvenordale,  Connecticut,  E.  U., 
H.  Têtu,  aumônier  de  l'archevêché,  F.  Gagnon,  rédacteur  du 
Travailleur^  de  Worcester,  Mass.,  E.  U.,  F.  E.  Hudon,  C.  P. 


120      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

Lindsav,  E.  Mvrand,  V.  Livernois,  A.  Cloutier,  N.  HameL 
L.  L.  Rivard,  Dr  N.  E.  Dionne. 

M.  Ferdinand  Gagnon,  un  des  rapporteurs  du  bureau,  lit  un 
rapport  sur  la  situation  actuelle  des  Canadiens-français  aux 
Etats-Unis. 

M.  Ernest  Myrand  donne  ensuite  communication  d'un  rap- 
port sur  la  société  de  St-Vincent-de-Paul. 


RAPPORT  FAIT  AU  CONGRÈS  CATHOLIQUE  DE 
QUÉBEC,  LE  25  JUIN  1880 

PAR  M.  FERDINAND  GAGNON,  DE  WORCESTER,  E.-U. 

Messieurs^ 

Invité  par  les  officiers  de  ce  Congrès  à  préparer  un  travail 
sur  la  presse  catholique  aux  Etats-Unis,  et  représentant  à  cette 
assemblée  une  population  française  et  catholique,  j'ai  cru  de- 
voir outrepasser  la  teneur  de  Finvitation,  et  j'ai  écrit  les  notes 
suivantes  sur  la  situation  religieuse  des  Canadiens  émigrés. 

Quand  on  constate  l'état  religieux  de  l'Europe,  l'Eglise  par- 
tout aux  prises  avec  les  doctrines  perverses  de  la  révolution 
et  du  philosophisme  matérialiste  ;  quand  on  voit  les  empe- 
reurs, les  rois  et  le  parlementarisme  faire  la  guerre  à  Dieu, 
opprimer  la  conscience  au  nom  de  la  liberté,  et  lorsque,  en- 
suite, on  jette  un  regard  sur  ce  qui  se  passe  sur  notre  conti- 
nent, nous  devons  nous  réjouir  et  remercier  le  Père  des 
peuples  de  nous  avoir  fait  naître  sur  cette  terre  d'Amérique. 

La  bénédiction  de  Dieu  est  féconde,  et  lorsque  le  grand 
homme  martyr,  Christophe  Colomb,  prenait  possession  de  cet 
hémisphère,  au  nom  de  la  religion,  quand  il  plantait  la  croix 
sur  les  rivages  de  San-Salvador,  il  devait  sans  doute  deman- 
der à  Dieu  un  gage  pour  l'avenir,  un  gage  que  cette  terré 
serait  un  jour  le  port  libre  de  sa  croyance  religieuse. 

Quand  l'intrépide  Jacques-Cartier  baptisait  du  nom  d'un 
saint  notre  fleuve  majestueux,  quand  de  Maîsonneuve  élevait 
sur  le  Mont  Royal,  le  signe  de  la  rédemption,  quand  Cham- 


RAPPORT  DE  M.  FERDINAND  GAGNON.  121 

plain,  le  père  véritable  de  la  patrie,  bâtissait  la  preraière 
église  de  Québec,  n'était-ce  pas  là  des  gages  que  le  Canada 
serait,  par  sa  foi,  ses  apôtres,  ses  martyrs,  comme  le  Jean-Bap- 
tiste de  l'Amérique. 

Il  a  depuis  parcouru  les  déserts,  les  Montagnes  Rocheuses, 
les  prairies  que  baignent  les  eaux  de  l'Arkansas  et  du  Missis- 
sipi,  et  des  immenses  solitudes  du  Nord-Ouest,  du  golfe  Saint- 
Laurent  à  Vancouver,  du  golfe  du  Mexique  à  l'Artabaska  et 
au  Mackenzie,  le  Canada  a  prêché  le  Dieu  de  Cartier,  de 
de  Maisonneuve  et  de  Champlain. 

Et  quand  il  eut  parcouru  tout  le  continent,  répandant  par- 
tout la  semence  de  vie,  laissant  partout  l'empreinte  du  génie 
et  du  dévouement  de  la  France,  préparant  ses  colons  épars  et 
les  sauvages  évangélisés  à  l'envahissement  du  protestantisme 
des  colonies  anglaises,  il  concentra  ses  forces  pour  combattre 
le  combat  suprême  contre  l'Angleterre.  Oui,  pendant  que  la 
France  se  laissait  gangrener  par  des  erreurs  de  tous  genres  et 
abandonnait  ses  colonies  d'Amérique,  nos  pères,  ralliés  autour 
du  drapeau  blanc,  soutenaient  dans  une  lutte  héroïque 
l'honneur  de  la  France,  qui  possédait,  autour  de  Québec,  ses 
derniers  chevaliers. 

Et  malgré  cet  abandon,  malgré  cent  quinze  ans  de  sépara- 
tion, malgré  l'oubli  cruel  de  la  France,  nous  sentons  que  nous 
l'aimons  comme  l'ont  aimée  nos  pères.  Plus  encore,  car  nos 
pères  comptaient  sur  elle,  ils  attendaient  d'elle  le  salut  Et 
nous,  nous  l'aimons  dans  sa  douleur,  cherchant  à  la  consoler 
par  le  spectacle  que  nous  lui  offrons  :  celui  d'une  colonie 
perdue  pour  elle  et  dont  les  habitants  sont  demeurés  français 
par  le  cœur,  les  traditions,  la  foi,  et  le  langage. 

En  présence  des  visiteurs  distingués  qu'elle  nous  envoie  à 
ce  congrès,  laissez-moi  vous  dire  que  le  culte  de  la  France  est 
vivace  dans  le  cœur  des  quatre  cent  mille  canadiens  des  Etats- 
Unis,  comme  dans  celui  des  habitants  de  cette  province.  Nous 
marchons  là-bas  à  l'ombre  de  son  drapeau,  et  si  cet  étendard 
n'est  pas  le  drapeau  royal,  c'est  que  nous  voulons  faire  recon- 
naître par  le  tricolore,  le  plus  connu  des  Américains,  que  nous 
appartenons  à  la  France. 


122      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUEBEC. 

La  conquête  était  devenu  un  fait  accompli  ;  loyaux  à  l'An- 
gleterre, fidèles  à  la  France,  nos  pères,  pendant  cinquante  ans, 
se  mêlèrent  peu  à  leurs  vainqueurs.  Ils  pratiquaient,  dans  le 
travail  des  champs,  les  vertus  domestiques  et  ils  ouvraient  à 
la  colonisation  toutes  nos  paroisses  du  Saint-Laurent,  du  Ri- 
chelieu et  de  l'Yamachiche. 

Et  les  Etats-Unis,  ayant  secoué  le  joug  de  l'Angleterre, 
étendaient  leur  puissance  et  leur  domaine  ;  ils  occupaient  nos 
vieilles  places  françaises,  notre  pays  des  Illinois,  le  Michigan, 
et  ils  achetaient  la  Louisiane,  Le  protestantisme  régnait  en 
maître,  les  blue  laws  du  Gonnecticut  trouvaient  des  adeptes  et 
des  défenseurs,  le  puritanisme  des  habitants  du  Massachusetts 
était  à  son  apogée.  Mais  l'erreur  qui  avait  fait  de  la  catholique 
Irlande  une  terre  de  martyrs,  devait  en  recevoir  une  leçon. 

Le  sang  des  justes  avait  produit  une  semence  féconde,  et 
l'émigration  irlandaise,  se  dirigeant  vers  le  nouveau  monde, 
venait  aider  les  Canadiens-français  à  faire  briller  la  foi  au  sein 
môme  de  l'erreur.  Le  premier  évêque  qui  organisa  cette  pro- 
pagande dans  la  Nouvelle-Angleterre,  fut  un  évêque  français, 
monseigneur  Cheverus.  Le  tableau  suivant  fera  connaître  les 
progrès  de  l'apostolat  catholique  aux  Etats-Unis,  depuis  le 
commencement  du  siècle  : 

Il  y  a  actuellement  dans  la  république  américaine,  onze  ar- 
chidiocèses,  quarante-cinq  diocèses  et  plusieurs  vicariats  apos- 
toliques. L'Eglise  des  Etats-Unis  est  sous  la  direction  d'un 
cardinal,  de  treize  archevêques  et  de  soixante-deux  évêques. 

Rien  de  plus  admirable  que  cette  expansion  si  rapide  de 
notre  foi  religieuse  dans  un  pays  relativement  nouveau.  Les 
fidèles  ont  non-seulement  élevé  des  temples  à  Dieu,  mais  (les 
lois  imbues  des  préjugés  religieux  et  l'intolérance  protestante 
ne  reconnaissant  que  des  écoles  sans  Dieu)  ils  ont  fait  des 
efforts,  eux  les  plus  pauvres,  pour  donner  une  éducation  chré- 
tienne à  leurs  enfants  en  établissant  des  écoles  catholiques. 
2177  écoles  paroissiales  subsistent,  comme  une  protestation 
éloquente  contre  le  pernicieux  système  des  écoles  libres- 
Ajoutez  à  cela  481  couvents  où  les  jeunes  filles  puisent  une 
instruction  morale  et  religieuse  capable,  plus  tard,  de  sauve- 


RAPPORT    DE    M.   FERDINAND    GAGNON.  123 

garder  leur  foi  contre  tontes  les  atteintes  pernicieuses  dont 
le  inonde  est  malheureusement  trop  rempli,  et  70  col- 
lèges, préparant  les  jeunes  gens  au  sacerdoce  et  aux  pro- 
fessions libérales,  et  vous  aurez  alors  une  idée  des  progrès 
accomplis. 

Le  catholicisme  qui,  de  tout  temps  a  répandu  partout  la 
civilisation  et  l'instruction,  quoi  qu'en  disent  nos  frères  bcpa- 
rés,  ne  croit  pas  confiner  son  œuvre  de  bienfaisance  à  ces  deux 
moyens  seulement.  Après  avoir  couvert  l'Europe  d'institutions 
de  charité,  après  avoir  suivi  ses  enfants  pas  à  pas  dans  tous 
les  pays  du  monde,  renouvelant  sans  cesse  pour  eux  les  trésors 
de  sa  bonté  inépuisable  et  de  son  inextinguible  dévouement, 
la  religion  a  opéré  les  mêmes  merveilles  dans  le  nouveau 
monde.  On  sait  ce  qu'elle  a  accompli  dans  notre  chère  patrie. 
Au  berceau  même  de  notre  nationalité,  au  sein  de  la  plus 
ancienne  métropole  catholique  de  l'Amérique  du  Nord,  au 
foyer  même  d'où  le  rayonnement  de  la  foi  s'est  répandu  par 
tout  le  continent,  éclairant  ceux  qui  étaient  assis  à  l'ombre  de 
la  mort,  régénérant  les  pauvres  enfants  du  désert  et  portant 
l'espérance  aux  cœurs  des  missionnaires,  nous  devons  admirer 
la  féconde  charité  de  notre  religion. 

Les  institutions  bienfaisantes  de  Québec  ont  eu  des  émules. 
Les  généreuses  femmes  qui  ont  fondé  nos  hospices  et  nos 
asiles,  qui  ont  établi  nos  orphelinats  et  nos  couvents,  n'ont 
pas  travaillé  en  ^»ain.  De  toutes  parts  nous  arrive  la  nouvelle 
que  des  maisons  généreusement  dotées  s'ouvrent  devant  la 
croix  blanche  de  nos  sœurs  canadiennes. 

Aux  Etats-Unis  357  hospices,  asiles  et  orphelinats,  sont  sous 
les  tendres  soins  de  plus  de  2000  religieuses. 

6000  églises  et  chapelles  sont  consacrées  au  culte  et  desser- 
vies par  5628  prêtres.  Sans  compter  des  centaines  de  religieux 
de  différents  ordres. 

La  population  catholique  des  Etats-Unis  est  de  près  de 
6,000,000  d'âmes. 

La  presse  catholique  a  été  d'un  grand  secours  à  l'accomplis- 
sement de  ces  œuvres  religieuses. 

Vous  le  dirai-je,  Messieurs  ?  Aux  Etats-Unis,  plus  que  par- 


124      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

tout  ailleurs  peut-être,  nos  journaux  catholiques  sont  catho- 
liques sans  réserve. 

En  fait  de  style,  de  polémiques  de  haute  portée,  de  dévoue- 
ment, au  milieu  des  plus  grands  obstacles,  notre  presse  catho- 
lique doit  aller  chercher  des  modèles  dans  la  grande  et  noble 
presse  de  France,  dont  nos  hôtes  illustres,  MM.  Claudio  Janet 
et  le  comte  de  Foucault  sont  ici  les  représentants  honorés. 

Tous  les  journaux  catholiques,  irlandais,  allemands  et  polo- 
nais sont  prospères  ;  c'est  par  dix,  vingt,  quarante  et  cinquante 
mille  qu'ils  comptent  leurs  lecteurs. 

La  presse  française  aux  Etats-Unis  n'a  qu'un  seul  journal 
catholique  proprement  dit,  mais  c'est  une  publication  des 
mieux  rédigées,  des  plus  utiles,  et  faisant  beaucoup  de  bien  en 
Louisiane  et  dans  les  états  limitrophes  ;  j'ai  nommé  l'organe 
du  vieil  et  vénérable  archevêque  Perché,  Le  Propagateur 
Catholique^  de  la  Nouvelle-Orléans. 

La  presse  catholique  française  et  canadienne  est  peu  pros- 
père au  point  de  vue  financier.  C'est  avec  difficulté,  à  force 
de  sacrifices  que  nos  journaux  se  publient.  Il  y  a  chez  notre 
race  une  espèce  de  faux  respect  humain,  une  tendance  à  la 
critique  des  choses  religieuses,  qui  font  que  la  presse  catho- 
lique ne  peut  prospérer. 

Nul  doute  que  ce  Congrès  trouvera  à  remédier  à  cet  état 
de  choses. 

Permettez-moi,  Messieurs,  comme  membre  de  cette  presse 
catholique,  de  continuer  à  vous  redire  les  œuvres  de  foi 
accomplies  par  nos  frères  des  Etats-Unis. 

Les  Allemands,  les  Polonais  et  les  Irlandais  forment  aujour- 
d'hui le  plus  fort  noyau  des  populations  catholiques  de 
l'Ouest  ;  et  notre  race  a  été  le  premier  flambeau  de  la  foi  en 
ces  contrées.  Longtemps  avant  les  Allemands,  les  compatriotes 
des  Langlade,  des  DuBuque,  des  Levasseur,  des  Menard  et 
des  Faribault  avaient  pris  possession  de  l'Ouest  des  Etats- 
Unis,  fondant  des  villes,  des  paroisses  et  les  premiers  établisse- 
ments religieux.  Les  premiers  évêques  ont  reçu  d'eux  des 
dons  considérables  et  plusieurs  de  ces  prélats  se  plaisent  à 
louer  la  foi  vive  des  enfants  du  Canada.    Partout  ils  ont  été 


RAPPORT    DE    M.    FERDINAND    GAGNOT^.  125 

les  bras  droits  du  missionnaire,  et  les  premiers  sacrifices  offerts 
à  l'Eternel,  dans  les  grands  territoires  américains,  l'ont  été 
sous  des  toits  canadiens. 

Pour  des  causes  multiples,  l'émigration  canadienne  prit, 
vers  1840,  des  proportions  alarmantes.  Nos  familles  passeront 
par  centaines  aux  Etats-Unis,  se  dirigeant  vers  la  Nouvelle- 
Angleterre.  Les  Irlandais,  peu  nombreux  alors,  voyaient 
arriver  d'un  mauvais  œil  ces  ouvriers  qui  venaient  leur  faire 
concurrence,  et  les  églises  étaient  échelonnées  de  loin  en  loin. 

Le  Canada  devait  déplorer  l'état  religieux  de  ses  premiers 
émigrés  laissés  à  eux-mêmes.  Loin  des  prêtres  de  leur  origine, 
les  missionnaires  irlandais  ne  parlant  pas  notre  langue,  ces 
pauvres  enfants  devinrent  indifférents.  La  Providence  veillait 
cependant  sur  eux.  Cette  émigration  se  portait  presque  exclu- 
sivement vers  l'état  du  Vermont  et  l'état  de  New-York,  qui 
sont  les  plus  rapprochés  de  la  frontière  ;  dès  dix-sept  cent  cin- 
quante, une  douzaine  de  familles  canadiennes  habitaient 
FocauWspoint^  à  l'endroit  où  est  maintenant  Alburgh,  Vermont. 
En  1753,  les  Laframboise  composant  de  nombreuses  familles, 
s'établissaient  à  Chuzy,  état  de  New-York.  Champlain  fut 
fondé  en  1788.  De  1784  à  1 793,  les  capitaines  Jacques  Rousse, 
L.  Olivier  et  autres,  se  fixèrent  à  Rouss''  pointe.  Sur  la  rivière 
Chazy,  à  deux  milles  environ  de  son  embouchure,  s'établirent 
Prixe  Asselin,  le  capitaine  A.  Paulin,  Amable  Paulin  et  autres. 
Le  lieutenant  Pierre  Boileau  et  son  frère  Amable  Boileau  se 
fixèrent  sur  les  bords  du  lac.  Tous  ces  Canadiens  avaient  fait  la 
guerre  pour  la  France  ;  ils  avaient  perdu  tout  et  étaient  deve- 
nus très  pauvres.  Ils  s'étaient  établis  bien  avant  que  les  An- 
glais s'y  aventurassent.  Ils  y  avaient  apporté  leur  religion  et 
un  grand  nombre  étaient  pieux  et  d'un  esprit  éclairé.  On 
raconte  que  les  Boileau  et  les  Asselin  se  réunissaient  en 
assemblée  dès  le  commencement  de  ce  siècle  et  chantaient, 
publiquement  avec  leurs  enfants  des  hymnes  et  des  prières  à  la 
gloire  de  Dieu.  Avant  la  guerre  de  1812,  des  prêtres  du  Canada 
venaient  à  de  longs  intervalles  prêcher  aux  habitants  de  Cham- 
plain. Et  enfin,  en  1818,  l'apôtre  de  la  rivière  Richelieu,  M. 
Pierre  Mignault,  de  Chambly,  dit  la  première  messe  dans  des 


126      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

résidences  à  Champlain,  à  Corbeau,  maintenant  Goupersville, 
et  à  Rousse  pointe.  Dans  ce  village,  la  première  messe  fut  dite 
dans  la  demeure  de  Louis  Marnay.  Mr  Tabbé  Mignault  invita 
alors  la  population  à  bâtir  une  petite  église  en  bois,  sur  la  rive 
gauche  de  la  rivière  à  Corbeau.  Le  zélé  missionnaire  desservit 
ces  missions  pendant  dix  ans,  et  en  1828,  Mr  l'abbé  Victor 
Dugas,  vint  résider  à  Corbeau.  En  1857  une  nouvelle  congré- 
gation fut  organisée  à  Rousse  pointe.  En  1860,  les  catholiques 
de  Champlain  bâtissaient  une  église  magnifique. 

Les  émigrés  au  Vermont  furent  moins  favorisés  ;  mais  ce- 
pendant, dès  1850,  les  RR.  MM.  Drolet  et  Quevillon  évangéli- 
saient  cette  partie  des  Etats-Unis,  et  aujourd'hui,  grâce  au 
zèle  du  vénérable  évêque  de  Goesbriand,  la  foi  catholique 
s'est  emparée  de  nouveau  de  tous  ces  groupes  épars  de  nos 
nationaux. 

Je  viens  de  prononcer  le  nom  d'un  prélat  français  que  la 
patrie  reconnaissante  devrait  inscrire  parmi  les  bienfaiteurs 
de  notre  jeune  nationalité.  Ce  pieux  évoque  du  Vermont  a  été 
un  des  premiers  à  comprendre  la  nécessité  d'établir  aux  Etats- 
Unis  des  missions  exclusivement  canadiennes  avec  des  prêtres 
canadiens  pour  en  faire  la  desserte. 

C'est  à  propos  du  premier  montant  d'argent,  collecté  parmi 
les  canadiens  de  Winooski  que  Monseigneur  étonné  de  leur 
générosité  g'écria  :  "  Vraiment,  c'est  prodigieux,  voilà  le  se- 
cret :  donnez  aux  Canadiens  des  missionnaires  canadiens  et 
vous  en  ferez  des  catholiques  aussi  dévoués  que  ceux  de  n'im- 
porte quelle  autre  nation.    Il  faut  faire  quelque  chose  pour 

eux" Quelques  jours  après  il  priait  M.  l'abbé  Z.Druon, 

son  grand  vicaire,  de  fonder  un  journal  dans  les  intérêts  des 
Canadiens  émigrés,  et  il  allait  lui-même  à  Québec,  à  Montréal 
et  à  St-Hyacinthe  solliciter  auprès  des  évêquesde  ces  diocèses, 
des  prêtres  pour  les  Canadiens  des  Etats-Unis.  L'année  sui- 
vante des  paroisses  canadiennes  commençaient  à  se  former 
dans  presque  tous  les  centres  de  la  Nouvelle- Angle  terre.  Dès 
1846,  un  prêtre  canadien,  M.  l'abbé  Z.  Levêque,  évangélisait 
nos  compatriotes  du  Massachusetts. 

En  1852,  M.  l'abbé  M.  Mignault  lui  succédait  et  quarante 


RAPPORT    DE    M.    FERDINAND   GAGNON.  ,  127 

familles  de  Worcester  entreprenaient  de  bâtir  une  église  ca- 
nadienne. On  commença  les  fondations  du  nouvel  édifice, 
dédié,  par  avance,  à  sainte  Anne,  la  patronne  chérie  du  Ca- 
nada. Mais  faute  de  moyens,  après  deux  années  d'efforts,  on 
décida  de  transmettre  à  M.  l'abbé  Gibson,  curé  de  l'église 
irlandaise,  sans  aucune  condition  ni  réserve,  le  terrain,  les 
travaux  et  une  somme  de  cent  dollars.  Cet  acte  de  piété  et  de 
générosité  a  porté  ses  fruits.  Aujourd'hui,  Sainte-Anne  est 
une  paroisse  irlandaise  trèsflorissante  parmi  les  six  paroisses 
catholiques  de  Worcester. 

De  1865,  époque  où  les  Canadiens  de  Pittsfleld  furent  visités 
par  M.  l'aDbé  *  *  *,  chaque  année  vit  surgir  quelques  paroisses 
canadiennes. 

Rendons  hommage  aux  prêtres  et  aux  missionnaires  qui  ont 
opéré  les  prodiges  que  nous  voyons  aujourd'hui.  L'historien 
des  grandes  et  touchantes  choses  accomplies  par  ces  diffé- 
rents groupes  canadiens,  n'est  peut-être  pas  encore  né  ;  mais 
quel  beau  travail  il  y  aurait  à  faire. 

Un  de  nos  missionnaires  s'est  fait  l'historien  d'une  de  nos 
paroisses  les  mieux  favorisées,  celle  de  Notre-Dame  de  Wor- 
cester, établie  et  dirigée  avec  tant  d'éclat  par  un  patriote 
apôtre,  M.  l'abbé  J.  B.  Primeau.  Dans  des  pages  toutes  palpi- 
tantes d'intérêt  et  de  sentiment,  il  redit  les  travaux  de  ce 
prêtre  remarquable  et  il  ajoute  avec  raison  ces  quelques  lignes 
que  tous  nos  hommes  publics  ou  journalistes  et  notre  clergé 
de  la  province  de  Québec  devraient  méditer  : 

"  Soit  en  deçà,  soit  au  delà  des  lignes  qui  séparent  le  Canada 
des  Etats-Unis,  au  milieu  d'idées  justes  qu'il  faut  garder,  il  y 
a  aussi,  on  ne  peut  le  nier  malheureusement,  et  en  grand 
nombre,  des  préjugés  qu'il  faut  se  hâter  de  faire  disparaître. 
Us  sont  faux,  injustes  envers  l'immense  majorité  de  nos  com- 
patriotes émigrés,  fatals  à  tous  au  cœur  même  de  la  patrie 
attristée.  S'il  y  a  une  croisade  à  faire,  une  grande  cause  à 
promouvoir,  un  effort  suprême  à  faire  triompher,  écartez  ces 
fantômes,  aplanissez  les  collines,  comblez  les  vallées.  Nous 
voudrions,  dans  la  mesure  de  nos  forces,  contribuer  à  cette 
œuvre  de  réparation  et  d'honneur.  A  ce  point  de  vue,  essayer 


128      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

de  faire  ipiioiix  coniiaîtro  à  tous,  sous  leurs  vraies  couleurs, 
les  colonies  émigrées  du  Canada,  nous  paraît  un  but— et  c'est 
le  nôtre — qui  no  manque  ni  d'à-propos,  ni  de  justice,  ni  d'hon- 
neur ni  de  patriotisme  " 

Messieurs,  ce  jour  n'est  pas  aux  récriminations  et  aux  re- 
proches, mais  comme  je  de  d'un  tiers  au  moins  de  notre 
élément  national,  et  comme  je  désire  voir  les  deux  groupes  de 
nos  compatriotes  être  plus  rapprochés,  moins  séparés,  je  dois 
vous  dire  que  les  opinions  des  Canadiens  de  la  province  sur  le 
compte  de  leurs  frères  émigrés  sont  souvent  très  blessantes. 
Depuis  dix  ans,  depuis  que  le  clergé  canadien,  que  le  patrio- 
tisme et  l'apostolat  se  sont  emparé  de  nos  nationaux,  quel 
changement  dans  leur  condition  religieuse  !  Changement  si 
marqué  que  je  vous  étonnerai  peut-être  en  vous  disant  que 
parmi  les  Canadiens  les  moins  religieux,  les  plus  insubordon- 
nés, on  compte  une  large  part  de  nouveaux  arrivés  de  la  pro- 
vince de  Québec. 

Ce  travail  religieux  des  émigrés,  leur  attachement  sincère 
À  nos  traditions,  le  désir  de  servir  la  patrie,  pour  y  vivre  et  y 
mourir,  toat  cela.  Messieurs,  n'est  pas  un  gage  que  ces  enfants 
du  Canada  ne  sont  pas  perdus  pour  nous.  Il  y  a  parmi  nos 
populations  comme  une  lassitude,  un  sentiment  d'inquiétude 
et  de  malaise.  On  se  dit  là-bas  :  "  pourquoi  tant  de  sacrifices, 
tant  de  patriotisme,  lorsque  du  Canada  môme,  nous  arrivent 
des  appréciations  fausses  et  blessantes  sur  notre  conduite  ? 
Notre  clergé  n'est  pas  apprécié  suivant  son  mérite  ;  nos  sociétés 
sont  ignorées,  nos  œuvres  sont  inconnues,  et  quand  on  parle 
de  nous,  c'est  généralement  pour  en  faire  un  épouvanlail  aux 
cultivateurs  de  la  province..." 

Laissez-moi  vous  dire  qu'on  n'a  pas  tort  de  trouver  à  réclamer. 
Trop  souvent  nous  avons  été  le  point  de  mire  de  faux  préjugés, 
et  trop  rarement  nous  a-ton  rendu  justice.  Je  vous  prie  de 
croire,  je  vous  conjure  de  croire  que  la  province  perd  chaque 
année  des  centaines  de  familles  qu'elle  ne  reverra  plus,  à  cause 
de  cette  indifférence,  de  ce  fatal  oubli  si  manifeste  à  leur  égard. 
Je  l'ai  dit  ailleurs  :  le  patriotisme  de  nos  populations  émigrées 
ne  consiste  plus  dans  l'attachement  au  sol  natal    Pourquoi  ? 


RAPPORT   DE    M.   FERDINAND   GAGNON.  129 

Parceqii'aux Etats-Unis,  elles  retrouvent  l'église  canadienne, 
le  prôtre  canadien,  des  cérémonies  plus  solennelles,  un  culte 
plus  sentimental  que  dans  nos  campagnes  canadiennes,  uno 
fête  religieuse  perpétuelle.  L'égalité  des  conditions  favorise 
l'émulation,  et  la  morgue  parfois  tranchante  de  l'homme  ins- 
truit du  Canada,  n'écrase  pas  là-bas  l'iiumble  travailleur. 

De  plus,  disons  toute  la  vérité,  afin  de  remédier  au  mal,  si 
l'émigré  canadien  ne  fait  pas  d'épargnes,  s'il  vit  au  jour  le 
jour,  si  son  travail  est  pénible,  long,  s'il  est  exposé  aux  ca- 
prices de  ses  maîtres,  la  vie  est  plus  facile,  le  salaire  plus 
élevé,  l'ouvrage  plus  abondant  qu'au  pays  ;  il  y  a  là-bas  du 
travail  pour  tous  les  membres  de  la  famille.  La  facilité  de  con- 
tracter des  dettes,  de  se  nourrir  avec  prodigalité,  de  satisfaire 
l'amour  du  luxe,  voilà  autant  de  motifs  qui  retiennent  les  Ca- 
nadiens de  l'autre  côté  des  lignes. 

La  coquette  apparence  des  villes  américaines,  les  merveilles 
d'une  civilisation  avancée,  la  science  de  la  vie  confortable, 
luxueuse  et  bourgeoise  toute  ensemble,  si  bien  comprise  par 
les  Américains  et  dont  les  émigrés  peuvent  constater  les  résul- 
tats prodigieux,  cela  est  bien  propre  à  leur  faire  oublier  les 
campagnes  canadiennes  si  stationnaires  sous  ce  rapport. 

Qu'on  me  comprenne  bien,  messieurs.  Je  ne  désire  pas  faire 
un  tableau  séduisant  du  progrès  matériel  américain,  mais  je 
constate  ces  faits  afin  que  vous  ne  soyez  pas  surpris  si  le  grand 
nombre  des  émigrés  canadiens  ne  revient  pas  au  pays.  Offrez- 
leur  des  avantages  analogues  à  ceux  qu'ils  trouvent  là-bas, 
faites  des  réformes,  créez  des  industries,  progressez  au  point 
de  vue  commercial  et  agricole,  et  alors  vous  verrez  vos  cam- 
pagnes se  repeupler  et  l'émigration  prendre  fin.  Je  l'ai  dit  :  la 
position  des  émigrés  est  loin  d'être  enviable.  Il  n'y  a  pas 
d'avenir  pour  la  grande  majorité  d'entre  eux,  car  la  plupart 
ne  sont  pas  taillés  pour  les  Etats-Unis,  et  nos  hommes  publics 
comme  notre  clergé  doivent  faire  tout  en  leur  pouvoir  afin  de 
faire  cesser  cette  émigration.  Et  si  vous  voulez  revoir  une 
partie  de  ceux  qui  ont  abandonné  notre  sol,  ouvrez  des  rela- 
tions plus  intimes  et  plus  fraternelles  avec  eux.  Nul  doute 
que  des  rapprochements  plus  sympathiques  seraient  un  pallia- 


130      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

tif  il  bien  des  décisions  irrévocables.  Que  ces  jours  de  fêtes  ne 
soient  pas  vains  en  résultats  pratiques.  Canadiens  des  deux 
pays,  formons  une  alliance  patriotique,  durable,  invincible^ 
Forts  des  bénédictions  du  vicaire  de  Jésus-Christ,  forts  de  la 
foi  qui  sauve,  de  l'espérance  qui  fortifie,  de  la  charité  qui 
unit,  rallions-nous  ;  sachons  nous  apprécier,  nous  entr'aider, 
nous  protéger. 

Qu'on  me  pardonne  cette  longue  digression,  mais  désirant 
être  le  médiateur  entre  mes  compatriotes  des  Etats-Unis  et  du 
Canada,  j'ai  cru  devoir  exposer  la  situation  sous  son  vrai  jour, 
sans  arrière-pensée  comme  sans  parti  pris. 

Messieurs,  j'ai  vu  à  l'œuvre  mes  compatriotes,  j'ai  été  témoin 
de  leur  généreux  dévouement  ;  chroniqueur  ému  de  leurs  tra- 
vaux religieux  et  patriotiques,  j'ai  été  vivement  impressionné 
de  leur  énergie  et  du  zèle  constant  de  leurs  missionnaires. 
J'ai  vu  l'artisan  chargé  de  famille  déposer  des  sommes  de  200 
à  300  dollars  dans  le  trésor  de  la  paroisse  ;  j'ai  vu  l'enfant  se 
priver  des  petits  riens  chers  à  l'enfance,  pour  remettre  son 
obole  au  bon  pasteur;  j'ai  vu  toute  une  population  travailler 
le  jour  de  la  fête  nationale,  et  offrir  le  salaire  de  la  journée  à 
l'érection  d'un  temple  à  Dieu.  Et  cela,  parmi  une  population 
d'artisans,  de  journaliers,  vivant  au  jour  le  jour,  et  cela,  spon- 
tanément, volontairement 

Ce  tableau  n'est  pas  chargé  de  coloris,  c'est  la  fidèle  relation 
de  l'enthousiasme  religipux  de  nos  frères  émigrés. 

Mais,  à  ce  tableau,  il  y  a  des  ombres.  A  la  veille  de  me 
présenter  devant  vous,  j'ai  demandé  à  nos  prêtres  mission- 
naires ce  qu'ils  pensaient  de  l'avenir  de  la  foi  et  de  la  moralité 
des  émigrés  canadiens,  cela  sous  la  forme  de  deux  questions. 
La  première  est  celle-ci  :  Etes-vous  d'opinion  que  la  foi  des 
Canadiens  est  exposée  à  se  perdre  aux  Etats-Unis,  là  où  il  n'y 
a  point  de  prêtres  parlant  leur  langue  ?  Presque  tous  ont 
répondu  dans  l'affirmative.  Afin  de  mieux  faire  connaître  ces 
opinions  je  cite  quelques  unes  des  lettres  reçues  : 

Un  de  ces  missionnaires  nous  écrit  :  "  Il  faudrait  être 
dépourvu  d'expérience  et  tout  à  fait  aveugle  pour  croire  que 
les  Canadiens  ne  sont  pas  exposés  à  se  perdre,  s'ils  n'ont  pour 


RAPPORT    DE    M.    FERDINAND    GAGNON.  131 

les  servir  un   prêtre  de   leur  nation   ou  au  moins  de  leur 
langue. 

Le  même  prêtre  nous  écrit  :  "  Mes  jeunes  gens  ne  font  rien 
pour  l'église,  mais  il  y  a  un  remède  à  cela,  c'est  d'avoir  tou- 
jours une  école  bien  soutenue  où  l'on  pourrait  formel-  les 
enfants,  les  attacher  à  leur  église,  leur  faire  aimer  leur  langue 
et  leur  religion.  Plus  je  réfléchis,  plus  il  me  semble  que  les 
Canadiens  aux  Etats-Unis  ont  une  belle  mission  à  remplir. 
Mais  ce  qui  paralyse  leur  œuvre,  c'est  le  fameux  système  des 
écoles  publiques.  Dans  ces  écoles,  nos  enfants  n'apprennent 
rien  qui  puisse  élever  leur  cœur  vers  le  bon  Dieu,  ils  ne 
reçoivent  qu'une  instruction  matérielle,  ils  deviennent  bientôt 
indifférents  au  sentiment  religieux  ;  le  cœur  du  prêtre  ne  peut 
que  gémir  en  songeant  au  sombre  avenir..." 

Un  autre  missionnaire  nous  écrit  :  "  Tenons  à  la  langue 
française,  si  l'on  veut  garder  la  moralité  et  la  foi  des  Cana- 
diens aux  Etats-Unis.  Tl  faut  des  prêtres  canadiens  pour  des- 
servir les  Canadiens..." 

Un  prêtre  de  l'état  de  New- York  nous  répond  :  "  Je  serais 
très  heureux  si  le  Canada  gardait  nos  gens  chez  eux,  en  leur 
donnant  le  moyen  de  vivre,  car  les  jeunes  gens  viennent  se 
perdre  ici.  C'est  pénible  et  j'oserais  dire  honteux,  pour  notre 
Canada,  de  tolérer  une  pareille  indifférence  de  la  part  du  gou- 
vernement, qui  devrait  établir  des  manufactures,  afin  de  garder 
nos  gens  au  Canada..." 

Un  missionnaire  du  Massachuset's  dit:  "Les  Canadiens 
paraissent  plus  généreux  et  plus  disposés  à  pratiquer  leur  reli- 
gion, lorsqu'ils  sont  desservis  par  des  prêtres  de  leur  nationa- 
lité..." 

Un  prêtre  belge,  ami  sincère  des  Canadiens,  parlant  sur  cette 
question,  écrit  :  "  Sans  écoles,  la  génération  future  sera  per- 
due. Le  travail  des  manufactures,  trop  long,  trop  pénible  et 
trop  monotone,  afTaiblit  les  forces  physiques  et  intellectuelles 
de  l'enfant.  Il  ne  reste  ni  temps,  ni  force  pour  un  enseigne- 
ment. La  seule  ressource  c'est  la  fréquentation  d'une  bonne 
école  pendant  les  semaines  requises  ou  autorisées  par  la  loi 
des  différents  Etats.    Partout  où  il  y  a  des  églises  avec  des 


132      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC. 

écoles  et  un  prêtre  ferme  et  imposant  du  respect,  le  prêtre 
sera  respecté  et  le  mal  considérablement  atténué  par  tous  et 
neutralisé  pour  beaucoup.  Il  y  a  chez  nos  Canadiens  des  Etats- 
Unis  une  infinité  de  bonnes  qualités  et  de  vertus  comme  une 
infinité  de  bonnes  œuvres  et  de  grandes  œuvres:  Je  déteste 
ceux  qui  crient  aux  Canadiens  des  Etats-Unis  comme  on  crie 
aux  loups.  La  critique  est  aisée  mais  l'art  est  difiicile  ;  et 
somme  toute,  les  Canadiens  émigrés  méritent  de  leur  pays. 

La  seconde  question  est  la  suivante  :  "  Etes-vous  d'opinion 
que  la  moralité  des  Canadiens  est  exposée  aux  Etats-Unis,  plus 
qu'au  Canada,  surtout  celle  des  jeunes  gens  ?  " 

Nos  missionnaires  répondent  : 

"  Pas  plus  que  dans  les  villes  du  Canada,  pourvu  qu'ils  aient 
des  prêtres  parlant  leur  langue,  mais  beaucoup  plus  que  dans 
les  campagnes  du  Canada.  Les  jeunes  gens  sont  plus  exposés 
qu'au  pays  et  l'esprit  de  famille  n'a  pas  la  force  de  cohésion 
qu'elle  a  au  Canada.  11  faudrait  pour  remédier  à  cet  état  de 
choses,  des  récréations  saines,  il  faut  un  dérivatif  au  pouvoir 
mauvais  et  d'honnêtes  sujets  de  conversation. 

L'institution  de  bonnes  récréations  est  une  œuvre  m^orale  et 
religieuse.  Le  mouvement  perpétuel  est  fatal,  un  quart  des 
Canadiens  sont  nomades  et  aucune  action  bienfaisante  quel- 
conque n'est  possible  sur  cette  classe.  C'est  la  bohème  errante 
du  Canada..." 

Il  y  a  aussi  dans  les  statistiques  fournies  par  ces  MM.,  un 
palliatif  contre  cette  manie  d'émigration  qui  fait  tant  de 
ravage  dans  notre  province.  Presque  tous  s'accordent  à  dire 
que  les  Canadiens  sont  à  la  gêne,  qu'ils  ne  font  pas  d'économie. 
Je  voudrais  être  entendu  en  ce  moment  de  toutes  nos  popula- 
tions agricoles,  pour  dire  à  nos  bons  habitants  :  Braves  gens  ! 
de  grâce,  restez  au  pay»s  !  vous  êtes  vos  maîtres  ;  élevez  vos 
enfants  dans  la  liberté  du  travail,  et  tout  en  faisant  votre 
devoir  de  citoyens,  de  bons  pères  de  familles,  vous  aurez  servi 
Dieu  et  la  patrie  I 

Je  viens  de  vous  exposer.  Messieurs,  d'une  manière  bien 
imparfaite,  la  situation  de  nos  frères  expatriés  ;  leurs  œuvres 
sont  immenses,  admirables.    Sans    système    de   répartition 


RAPPORT   DE  M.   FERDINAND   GAGNON  133 

légale,  volontairement,  ces  gens,  pauvres  pour  la  plupart,  se 
sont  fait  une  seconde  patrie  religieuse  en  exil.    Ils  méritent 

être  glorifiés  ;  mais  l'avenir  est  incertain  ;  presque  tous  nos 
missionnaire!"  •  'accordent  à  dire  :  "  Sans  les  écoles  françaises, 
sans  les  prêtres  parlant  leur  langue,  les  groi.  s  canadiens 
sont  exposés  à  la  perte  de  leur  foi."  Gomme  ce  Congrès  est 
appelé  à  répandre  son  influence  bienfaisante  sur  nos  nationaux, 
je  me  demande  si  cette  assemblée  ne  devrait  pas  adopter  une 
résolution  remerciant  l'épiscopat  américain  des  généreux 
efforts  qu'il  a  faits  en  faveur  de  nos  compatriotes  et  lui  deman- 
dant respectueusement  de  les  continuer  avec  vigueur,  car  la 
moisson  est  grande  et  les  ouvriers  sont  disséminés. 

Messieurs,  je  ne  saurais  terminer  ces  remarques  sans  rendre 
un  juste  tribut  d'hommage  et  de  reconnaissance  au  nom  de 
mes  compatriotes  émigrés,  à  nos  missionnaires,  à  ces  généreux 
prêtres  qui  ont  suivi  les  Canadiens  sur  une  terre  étrangère, 
qui  les  ont  groupés,  qui  les  ont  conservés  à  la  foi,  au  sein 
d'un  pays  habité  par  quatre  millions  d'hérétiques.  Ils  n'ont 
pas  pris  de  repos  avant  que  Dieu  eût  ses  tabernacles  parmi 
nous.  Gloire  et  honneur  à  ces  enfants  de  notre  pays  qui,  sur 
la  terre  étrangère,  sont  nos  pères,  nos  frères  et  nos  meilleurs 
amis.  Des  remerciements  sincères  sont  dus  aux  vénérables 
prélats  de  la  province  de  Québec,  qui  nous  ont  envoyé  leurs 
prêtres,  alorsque  souvent  les  ouvriers  évangéliques  n'étaient 
pas  nombreux  dans  leurs  diocèses.  C'est  pour  ce  zèle,  cet 
esprit  de  foi  et  d'apostolat  que  le  clergé  français  est  renommé 
par  tout  le  monde.  On  sait  la  large  part  que  ce  clergé  a  prise 
dans  l'établissement  de  la  Nouvelle-France.  Aux  Etats-Unis, 
il  y  a  actuellement  plusieurs  évêques  et  plus  de  quatre  cents 
prêtres  d'origine  française. 

Partout,  du  pôle  nord  à  la  Terre  de  feu,  de  la  Perse  aux 
Indes,  le  prêtre  de  France  répand  la  foi  et  la  civilisation  chré- 
tienne. Et  le  prêt  canadien,  pour  n'être  pas  aussi  cosmo- 
polite, n'en  est  pas  moins  le  digne  émule  de  son  frère  aîné. 
Les  marais  de  la  Floride,  les  champs  glacés  du  Nord-Ouest, 
les  bords  de  l'Atlantique  et  du  Pacifique  ont  été  témoins  de  la 

charité  des  apôtres  canadiens. 

9 


134      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Messieurs,  je  termine.  Nous  sommes  quatre  cent  mille- 
compatriotes  disséminés  par  tous  les  Etats-Unis  ;  il  faut  faire- 
cesser  cette  émigration.  Que  notre  patriotique  clergé  descende 
dans  l'arène,  qu'il  combatte  les  embaucheurs  et  les  fausses 
idées  des  cultivateurs,  à  propos  de  la  prospérité  fictive  qu'ils 
croient  atteindre  en  émigrant  aux  Etats-Unis.  Que  nos  hommes- 
d'état  donnent  la  main  au  clergé  dans  cette  œuvre.  Par  tous 
les  moyens  que  l'on  mette  une  digue  à  ce  torrent,  et  que  l'on 
cherche  à  faire  revenir  au  pays  tous  ceux  des  émigrés  qui 
désirent  y  revenir,  et  ils  sont  nombreux.  Puissions-nous 
entendre  bientôt,  par  toute  cette  terre  de  la  Nouvelle-France 
chanter  avec  joie  :  In  convertendo  Domine^  captivitatem  Sion, 
facti  sumus  sicut  consolati. 

Je  ne  saurais  finir  sans  citer  ici  la  page  suivante  empruntée 
à  rOpinion  Publique^  par  un  enfant  et  un  député  du  peuple, 
M.  J.  A.  Mousseau,  page  qui  résume  mes  humbles  remarques  : 

"  Dans  cette  grande  patrie  américaine  qui  ne  peut  se  soudre 
ni  se  fondre,  tant  est  grande  la  diversité  des  intérêts  des  sectes 
et  des  nationalités,  nos  compatriotes  se  sont  taillé  une  patrie 
à  eux,  qui  est  la  patrie  canadienne  française.  Ils  adorent  notre 
Dieu,  vénèrent  le  même  clergé,  parlent  la  même  langue,  cul- 
tivent la  même  littérature  et  honorent  la  même  tradition  et 
les  mêmes  muses.  Ils  n'ont  de  commun  avec  les  américains 
que  les  intérêts  matériels  ;  ils  restent  eux^  au  milieu  d'un 
monde  étranger  ;  ils  nous  blâment  et  nous  maudissent  peut- 
être,  dans  leurs  heures  d'ennui  et  de  désappointement,  et  ils 
ont  un  peu  raison.  Pourquoi  la  mère  a-t-elle  laissé  partir  des 
enfants  si  dévoués  ?  Mais  ces  colères  ne  sont  que  passagères, 
et  cette  révolte  filiale  ne  dure  pas.  Ils  ne  demandent  qu'une 
chose  :  que  le  Bas-Canada  fasse  pour  ses  enfants,  ce  que  les 
Etats-Unis  font  pour  les  étrangers,et  ils  accoureront  s'asseoir  au 
banquet  national,  emportant  avec  eux  les  os  de  ceux  qui  leur 
furent  chers,  pour  les  ensevelir  à  l'ombre  de  l'humble  croix 
de  bois  qui  marque  la  place  du  dernier  sommeil  des  ancêtres. 

Ces  nobles  sentiments  animent  maintenant  tous  les  groupes» 
Les  sociétés  nationales,  en  se  réunissant  par  délégations,  ont 
communiqué  l'impulsion  à  tous  ;   elles  frappent,  comme  le 


RAPPORT   DE   M.   FERDINAND   GAGNON  135 

courant  magnétique,  tons  les  cœurs  en  môme  temps  !  Il  y  a 
maintenant  solidarité  entre  tous,  ïùentité  d'opinion  et  de  sen- 
timent surtout,  et  ce  que  l'on  veut  là  est  précisément  ce  que 
l'on  veut  au  Canada  :  maintien  absolu  de  la  nationalité  cana- 
dienne française  avec  toutes  ses  attributions,  sas  droits,  ses 
immunités  et  ses  privilèges. 

Ce  fait,  ce  sentiment,  que  partagent  les  Canadiens  d'ici 
comme  ceux  des  Etats-Unis  est  bien  beau,  et  prouve  surabon- 
damment la  vitalité  de  la  race  française. 

Mais  il  s'en  détache  une  conséquence  qui  est  un  devoir 
impérieux  pour  les  Canadiens  français  du  Bas-Canada,  pour 
nos  hommes  publics,  pour  nos  chefs  politiques  de  toute 
couleur. 

Nous  sommes  le  groupe  le  plus  fort  ;  nous  avons  la  fortune, 
le  pouvoir  et  l'autonomie.  Nous  devons  être  le  point  d'appui, 
le  centre  de  ralliement,  la  base  de  l'opération.  Il  nous  faut 
encourager,  aider  et  diriger  même  un  peu,  par  une  politique 
judicieuse,  large  et  généreuse,  ce  mouvement  de  ralliement 
et  de  concentration  qui  s'opère  parmi  les  Canadiens  français 
des  Etats-Unis.  Nous  y  sommes  obligés  par  la  conscience, 
par  le  sentiment,  par  l'intérêt. 

Nous  ne  rougissons  pas,  nous  sommes  au  contraire,  très  fiers 
d'avouer  que  nous  sommes  de  ceux  qui  croient  au  rôle,  à 
l'avenir  providentiel  de  notre  race  en  Amérique.  Nous  ne 
sommes  pas  destinés  à  périr,  à  moins  que  nous  le  veuillons. 
Foncièrement  catholiques,  imbus  des  idées  de  respect  et  de 
tradition,  les  Canadiens  français  ofi'riront,  à  temps  donné,  les 
meilleurs  appoints  pour  la  formation  d'un  état  solide  et  dura- 
ble. A  tout  événement,  ils  constitueront  toujours  une  natio- 
nalité considérable  à  part,  parfaitement  distincte  des  autres 
groupes,  et  représentant  fidèlement  la  civilisation  française  et 
catholique.  Nous  sommes  déjà  beaucoup  cela.  Pour  conser- 
ver cet  état  de  possession,  garder  ce  que  nous  avons  ;  pour 
remplir  cette  mission,  il  ne  faut  négliger  aucun  moyen, 
mépriser  aucune  force.  Tenons-nous  en  communication  cons- 
tante d'idées  et  de  sentiments  avec  nos  frères  des  Etats-Unis. 
Partageons  nos  joies,  nos  alarmes,  nos  luttes  et  notre  superflu. 


136      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Si  nous  allons  les  voir,  faisons  en  sorte  de  nous  trouver  chez 
nous  ;  s'ils  reviennent,  qu'ils  soient  chez  eux.  La  presse  et  le 
livre  feront  les  premières  démarches,  noueront  les  preitiiers 
liens,  cimenteront  les  amitiés.  Envoyons-leur  des  prêtres, 
des  amis,  des  représentants  de  nos  idées,  de  nos  sentiments  et 
de  nos  intérêts  ;  qu'on  les  conseille  au  lieu  de  leur  reprochei 
leur  départ,  qu'on  leur  prête  assistance  au  lieu  de  les  injurier, 
Le  résultat  de  cette  ligne  de  conduite  sera  aussi  avantageux 
qu'assuré.  Quand  le  gouvernement  aura  fait  pour  eux  ce 
qu'il  tente  pour  les  européens  qui  ne  veulent  pas  venir,  ou  qui 
ne  peuvent  pas  rester  ;  quand  les  grandes  entreprises  de  tous 
genres  seront  commencées  et  que  l'industrie  qui  en  sera  la 
conséquence  aura  pris  racine  et  corps  dans  le  pays,  tous  ceux 
qui  le  pourront  s'empresseront  de  revenir  joyeusement  grossir 
les  forces  nationales  ;  ceux  que  des  liens  de  famille  ou  autres 
retiendront  forcément  resteront  nos  amis  et  seront  toujours 
nos  alliés  dévoués..." 


Après  quelques  observations  pleines  de  prudence  et  de 
mesure  de  M.  l'abbé  Martial,  curé  de  Grosvenordale  (Etats 
Unis),  M.  Ernest  Gagnon  dit  quelques  mots  des  événements 
qui  se  préparent  en  France  et  dépose  le  mémoire  suivant  : 

L'EMIGRATION,  LES  CANADIENS-AMÉRICAINS 
ET  LES  DÉCRETS  DU  29  MARS 

Bien  des  explications  ont  été  données  sur  les  causes  d( 
l'émigration  des  Canadiens  aux  Etats-Unis  ;  la  plus  ingénieus( 
peut-être  est  une  prétendue  loi  générale  qui  porte  les  peuples 
du  nord  à  émigrer  vers  les  pays  chauds.  On  cite  à  l'appui  d( 
cette  théorie  l'exemple  des  irruptions  si  fréquentes  des  peuples 
du  nord  de  l'Europe  sur  l'Italie  et  Rome  aux  quatrième,  cin 
quième  et  sixième  siècles,  et  l'on  nous  engage  à  ne  pas  noui 
désespérer. 

Cette  explication  laisse  beaucoup  à  désirer. 

D'abord,  l'histoire  constate  autant  sinon  plus  de  migration 
du  sud  au  nord  de  l'ancien  monde  que  du  nord  au  sud 


MÉMOIRE   DE  M.   ERNEST    GAGNON  137 

Ainsi,  une  partie  du  peuple  irlandais  est  originaire  d'une 
contrée  méridionale,  la  Pliénicie  ;  elle  vint  se  fixer  en  Espagne, 
pour  première  étape,  puis  elle  monta  jusqu'en  Irlande.  Les 
Cimbres  ou  Kimris,  originaires  de  la  Grimée,  s'établirent  en 
France,  s'emparèrent  de  l'Angleterre  et  refoulèrent  les  Gaels 
jusqu'en  Ecosse.  Enfiu,  à  des  époques  fort  reculées,  on  voit 
de  nombreuses  populations  de  l'Inde  venir  s'établir  dans 
l'Europe  centrale.    Je  me  borne  à  ces  trois  exemples. 

Puis  il  n'est  pas  exact  de  dire  qu'une  loi  générale  pousse 
ainsi  les  peuples  hors  de  leurs  pays.  "  Un  instinct  affecté  à 
l'homme,  le  plus  beau,  le  plus  moral  des  instincts,  dit  Chateau- 
briand, c'est  l'amour  de  la  patrie.  Si  cette  loi  n'était  soutenue 
par  un  miracle  toujours  subsistant,  et  auquel,  comme  à  tant 
d'autres,  nous  ne  faisons  aucune  attention,  les  hommes  se 
précipiteraient  dans  les  zones  tempérées  en  laissant  le  reste  du 
globe  désert.  On  peut  se  figurer  quelles  calamités  résulte- 
raient de  cette  réunion  du  genre  humain  sur  un  seul  point 
de  la  terre.  Afin  d'éviter  ces  malheurs,  la  Providence  a,  pour 
ainsi  dire,  attaché  les  pieds  de  chaque  homme  à  son  sol  natal 
par  un  aimant  invincible." 

Lorsqu'un  grand  nombre  d'hommes  abandonnent  leur 
patrie,  on  peut  dire  qu'il  y  a  commandement  supérieur  de  la 
part  de  Dieu  ou  désordre  chez  ces  hommes  ;  ce  qui  est  certain, 
c'est  que  l'ordre  ordinaire  des  choses  n'a  plus  son  cours. 

Le  peuple  canadien  émigré  partiellement  aux  Etats-Unis  : 
Celui  qui  sait  tirer  le  bien  du  mal,  qui  peut,  à  sa  volonté, 
faire  servir  les  fautes  comme  les  habiletés  des  hommes  à  l'ac- 
complissement de  ses  desseins,  l'a  permis  ainsi. 

Est-ce  une  permission  de  sa  justice  ou  de  sa  miséricorde  ? 
Peut-être  de  l'une  et  de  l'autre.  Dans  tous  les  cas,  Dieu  nous 
laisse  un  libre-arbitre  que  n'entrave  pas  son  adorable  pres- 
cience, et  il  veut  que  nous  cherchions  à  faire  tourner  les 
événements  à  sa  plus  grande  gloire. 

Il  importe  donc  que  nous  prenions  toute  l'initiative  qu'il 
nous  est  permis  de  prendre  pour  mettre  la  foi  de  nos  compa- 
triotes émigrés  à  l'abri  du  péril.  Or,  il  n'est  rien  de  plus 
propre  à  aider  nos  compatriotes  des  Etats-Unis  à  conserver 


138      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

leur  foi  que  de  leur  donner  des  prêtres  parlant  le  français. 
Profitons  donc  de  toutes  les  occasions  qui  nous  seront  offertes 
de  leur  procurer  cet  avantage. 

La  France,  notre  mère  commune,  ou  plutôt  le  gouverne- 
ment français  est  à  la  veille,  hélas  !  de  proscrire  plusieurs 
ordres  religieux,  et  il  devra  s'en  suivre  un  déplacement  de  la 
grâce,  si  je  puis  ainsi  parler,  dont  nos  compatriotes  des  Etats- 
Unis  pourraient  tirer  bénéfice.  Il  nous  siérait  mal  de  prendre 
en  cette  »  rconstance  éventuelle  une  initiative  qui  n'appartient 
qu'aux  seuls  évêques,  et  je  ne  veux  proposer  aucune  "  résolu- 
tion "  à  ce  sujet  ;  laissez-moi  seulement  vous  dire  que,  s'il 
nous  est  donné  de  pouvoir  contribuer  de  quelque  manière  à 
augmenter  le  nombre  des  prêtres  parlant  le  français  aux  Etats- 
Unis,  nous  ne  devons  pas  manquer  de  le  faire,  et  cela  dans 
l'intérêt  de  la  conservation  de  la  foi  parmi  nos  congénères 
américains. 

Ernest  Gagnon 


RAPPORT  DE  LA  COMMISSION  NOMMÉE  POUR  REPRÉ- 
SENTER LA  SOCIÉTÉ  DE  ST-VINCENT  DE  PAUL 

AU  CONGRÈS  CATHOLIQUE  CONVOQUÉ  A  QUÉBEC 
POUR  LE  25  JUIN  1880 

La  commission  a  l'honneur  de  soumettre  à  la  bienveillante 
considération  du  Congrès  catholique  un  résumé  de  l'histoire 
de  la  société  de  St- Vincent  de  Paul,  de  son  organisation,  de 
ses  œuvres  au  Canada  et  plus  particulièrement  dans  la  ville 
de  Québec.  ■  • 

La  société  de  St- Vincent  de  Paul  est  une  œuvre  contem- 
poraine ;  elle  fut  fondée  à  Paris  en  1833  par  quelques  jeunes 
chrétiens  qui  se  réunissaient  habituellement  dans  les  bureaux 
d'un  journal  religieux  Non  contents  d'y  écrire,  ils  discutaient 
et  cherchaient  les  moyens  de  remédier  aux  maux  sans  nombre 
dont  ils  étaient  environnés.  Un  soir,  l'un  d'eux,  l'immortel 
Ozanam,  arrive  avec  un  papier  sur  lequel  il  a  tracé  quelques 
notes  et  fait  connaître  à  ses  compagnons  le  dessein  grandiose 
qu'il  a  formé  ou  plutôt  que  le  ciel  lui  a  inspiré,  de  travailler 


RAPPORT   DE   LA   SOCIÉTÉ   ST- VINCENT   DE   PAUL  1^ 

à  la  régénération  de  sa  patrie  par  le  moyen  de  la  charité. 
"  Nous  sommes  envahis,  leur  dit-il,  par  un  déluge  de  doc- 
*'  trines  philosophiques  hétérodoxes  qui  s'agitent  autour  de 
"  nous,  et  nous  éprouvons  le  désir  et  le  besoin  de  fortifier 
"  notre  foi  au  milieu  des  assauts  que  lui  livrent  les  systèmes 
"  divers  de  la  fausse  science.  Quelques-uns  de  nos  jeunes 
"  compagnons  d'études  sont  matérialistes,  quelques-uns  saint- 
"  simoniens,  d'autres  fouriéristes,  d'autres  encore  déistes.  Lors- 
"  que  nous  catholiques  nous  nous  efforçons  de  rappeler  à  ces 
"  frères  égarés  les  merveilles  du  christianisme,  ils  nous  disent 
"  tous  :  Vous  avez  raison  si  vous  parlez  du  passé,  le  christia- 
"  nisme  a  fait  autrefois  des  prodiges,  mais  aujourd'hui  le 
"  christianisme  est  mort,  et  en  effet,  vous  qui  vous  vantez 
"  d'être  catholiques,  que  faites-vous  ?  où  sont  les  œuvres  qui 
"  démontrent  votre  foi,  et  qui  peuvent  nous  la  faire  respecter 
"  et  admettre  ?  lis  ont  raison  ;  ce  reproche  n'est  que  trop 
"  mérité.  Eh  !  bien,  à  l'œuvre  !  et  que  nos  actes  soient  d'ac- 
"  cord  avec  notre  foi.  Mais  que  faire  ?  Que  faire  pour  être 
"  vraiment  catholiques,  sinon  ce  qui  plait  le  plus  à  Dieu  ? 
"  Secourons  donc  notre  prochain,  comme  le  faisait  Jésus- 
^'  Christ  et  mettons  notre  foi  sous  la  protection  de  la  charité." 
Conserver  et  propager  la  foi  par  le  moyen  de  la  charité,  voilà 
le  programme  de  la  société  St- Vincent  de  Paul. 

La  discussion,  alors  comme  aujourd'hui  était  utile  ;  elle 
n'était  pas  suffisante  ;  il  fallait  des  actes  encore  plus  que  des 
paroles,  encore  plus  que  des  écrits,  et  ces  héroïques  jeunes 
gens,  qui  étaient  au  nombre  de  sept,  entreprirent  ce  soir-là  de 
les  produire  ces  actes  et  de  montrer  au  dix-neuvième  siècle 
malade  la  divine  fécondité  du  christianisme.  Ils  étaient  sept, 
mais  deux  mois  après  ils  étaient  quinze  ;  deux  ans  après  ils 
étaient  cent  ;  vingt  ans  après,  à  Paris  seulement,  ils  étaient 
deux  mille,  visitaient  cinq  mille  familles,  c'est-à-dire,  environ 
vingt  mille  individus,  c'est-à-dire  le  quart  des  pauvres  que  ren- 
fermait cette  immense  cité.  La  visite  des  pauvres  fut  donc 
l'œuvre  par  excellence  qu'entreprirent  les  fondateurs  de  la 
société  St-Vincent  de  Paul  et  c'est  aussi  l'œuvre  par  excellence 
de  leurs  successeurs. 


140      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Ces  réunions  de  jeunes  gens  conservèrent  le  nom  de  confè- 
re nce  s  ^Tf\oi  qui  était  alors  employé  pour  désigner  toute  assem- 
blée studieuse  de  jeunes  gens.  Mais  ce  serait  mal  interpréter 
cette  dénomination  que  d'en  conclure  que  les  conférences  de 
St- Vincent  de  Paul  furent  à  l'origine  des  séances  où  l'on  fai- 
sait des  discours,  où  l'on  entretenait  des  discussions  sur  des 
sujets  de  charité.  En  se  plaçant  dès  le  commencement  sous 
l'invocation  de  St-Vincent  de  Paul,  afin  d'obtenir  par  ce  grand 
serviteur  de  Dieu  quelques  rayons  de  l'esprit  de  charité  et  de 
foi  dont  il  était  enflammé,  la  première  conférence  indiqua 
assez  nettement  que  ce  n'était  pas  par  des  études  théoriques 
mais  par  des  œuvres  qu'elle  se  proposait  de  suivre  les  exemples 
de  son  bienheureux  patron.  Dès  sa  fondation  elle  eut  deux 
buts  distincts,  mais  parfaitement  unis  et  ces  deux  buts  sont 
encore  ceux  que  poursuit  la  société  de  St-Vincent  de  Paul 
aujourd'hui  :  faire  beaucoup  de  bien  spirituel  à  ses  membres  par 
r exercice  de  la  charité^  et  tâcher  de  faire  un  peu  de  bien  spirituel 
et  temporel  à  quelques  pauvres  visités  au  nom  de  Jésus-Christ. 

Graduellement,  et  par  rumeurs,  les  familles  chrétiennes 
apprirent  qu'à  Paris,  au  milieu  des  dangers  de  toutes  sortes 
pour  la  foi  et  les  mœurs,  il  y  avait  pour  les  hommes  (spéciale- 
ment les  jeunes  gens)  un  centre  de  réunions  cordiales,  affec- 
tueuses, où  l'on  s'excitait  à  servir  Dieu,  où  l'on  ne  craignait 
pas  de  commencer  la  séance  de  la  semaine  par  une  prière,  où 
l'on  s'occupait  enfin  de  secourir  les  pauvres  d'une  manière 
efficace  et  conforme  aux  exemples  de  Jésus-Christ. 

Tels  sont  les  deux  buts  que  la  société  de  St-Vincent  de  Paul 
s'est  proposés  et  qu'elle  s'efforce  de  ne  pas  oublier  et  d'atteindre. 
Ce  qui  la  distingue  de  toutes  les  associations  philanthropiques, 
ce  qui  la  recommande  à  toutes  les  personnes  chrétiennes, 
c'est,  qu'en  soulageant  les  pauvres  matériellement,  elle  aspire 
à  les  rendre  meilleurs  et  à  faire  pénétrer  leurs  visiteurs  tou- 
jours plus  avant  dans  les  sentiers  de  la  vie  divinement  austère 
de  l'abnégation  catholique.  Lorsqu'on  eut  compris,  ce  qui 
arriva  bientôt,  qu'il  ne  fallait  pas  borner  l'institution  nouvelle 
à  la  seule  ville  de  Paris,  mais  qu'au  contraire  il  était  d'urgence 
de  l'étendre  par  toute  l'Europe,  le  premier  acte  des  apôtres  qui. 


RAPPORT   DE    LA   SOCIÉTÉ   ST-VINCENT   DE   PAUL  141 

se  vouèrent  à  cette  pieuse  propagande  fut  de  tomber  à  genoux 
pour  demander  ensemble  à  Dieu,  la  charité  par  essence,  de 
bénir  leurs  pensées,  leurs  travaux,  leurs  espérances.  Ils  solli- 
citèrent ensuite,  de  l'autorité  ecclésiastique,  l'appui  dont  ils 
avaient  besoin.  Les  développements  des  conférences  se  mul- 
tiplièrent d'une  manière  frappante,  surtout  lorsque  le  Souve- 
rain Pontife  Grégoire  XVI  crut  devoir  donner  à  la  société 
une  formelle  consécration  dans  un  bref  solennel  en  date  du 
dix  janvier  1845.  Une  fois  répandue  par  toutes  les  parties  de 
la  France,  la  société  de  St- Vincent  de  Paul  poussée  par  le 
souflle  de  la  charité,  passa  en  Allemagne,  puis  en  Belgique  et 
en  Danemark,  franchit  les  Pyrénées  et  les  Alpes,  visita  la 
Grèce,  traversa  la  Manche,  organisa  ses  conférences  dans  les 
Pays-Bas,  la  Suisse  et  la  Turquie  d'Europe,  foula  la  terre 
sacrée  de  l'Asie,  brava  le  soleil  d'Afrique,  explora  l'Océanie  et 
atteignit  l'Amérique.  L'on  peut  dire  de  cette  association  cha- 
ritable ce  qu'avait  inspiré  à  l'orgueil  espagnol  les  vastes 
domaines  de  Charles-Quint.  "  Le  soleil  ne  se  couche  pas  sur  cet 
empire  !  " 

L'année  1846  a  vu  naître  la  société  St-Vincent  de  Paul  au 
Canada.  Notre  pays  n'a  perdu  de  la  France  que  le  nom,  mais 
il  en  a  gardé  l'amour,  la  religion  et  les  anciennes  familles. 
C'est  un  membre  d'une  des  conférences  de  Paris,  un  Canadien 
français,  feu  M.  le  docteur  Joseph  Painchaud,  jr.,  dont  le  zèle 
valut  à  la  société  de  St-Vincent  de  Paul  cette  précieuse  con- 
quête. Entre  les  mains  de  la  Providence  tout  homme  est  un 
instrument  de  bien  et  toute  bonne  pensée  devient  la  première 
pierre  d'une  fondation.  Il  suffit  souvent  d'une  de  ces  graines 
légères  et  ailées  qu'emporte  et  pousse  le  vent  du  ciel  pour 
ensemencer  un  champ  lointain  ou  faire  épanouir  dans  un 
autre  monde  une  fleur  qui  rappelle  la  patrie  à  ceux  qui  l'ont 
quittée. 

Treize  personnes  des  diverses  parties  delà  ville  de  Québec  se 
réunirent,  le  12  novembre  1846,  dans  une  des  sacristies  de  la 
Cathédrale  (aujourd'hui  Basilique)  et  furent  les  fondateurs  de 
la  conférence  Notre-Dame.  Plus  tard,  l'archevêque  de  Québec, 
feu  Mgr  Baillargeon,  lors  de  son  voyage  en  Europe,  présidait 


142      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

une  assemblée  générale  des  conférences  de  Paris,  à  laquelle 
étaient  présents  le  révérend  Père  Lacordaire,  le  fameux 
orateur  dominicain,  et  un  très  grand  nombre  d'ecclésiastiques. 
Après  la  lecture  du  rapport,  le  célèbre  frère  prêcheur,  tnr  l'in- 
vitation de  Mgr  l'évêque  de  Tloa,  prit  la  parole  et  prononça  un 
discours  sur  le  luxe.  Après  lui  Monseigneur  Baillargeon  vint 
remercier  Dieu  des  grâces  qu'il  avait  répandues  sur  la  société 
de  St-Vincenl  de  Paul,  puis  il  continua  son  allocution  en  ces 
termes  : 

"  Cette  société  est  née  de  la  charité  et  selon  le  cœur  de  Dieu 
"  puisqu'elle  a  reçu  la  mission  d'accomplir  les  œuvres  de 
"  miséricorde.  Ce  qu'elle  a  fait  pour  la  France,  elle  l'a  fait 
"  aussi  pour  le  Canada.  Un  jeune  homme  qui  avait  étudié  à 
''  Paris,  revint  au  Canada  avec  vos  règlements.  Il  consulta 
"  l'un  des  curés  de  Québec.  Ce  curé  c'est  moi  qui  vous  parle 
"  en  ce  moment.  Il  l'entretint  de  son  projet  de  fonder  la 
"  société  de  St-Vincent  de  Paul  ;  le  curé  le  seconda,  il  dit  un 
"  mot,  convoqua  une  assemblée,  et  cela  suffit  dans  ce  pays  si 
"  catholique  pour  qu'il  se  formât  aussitôt  plusieurs  confé- 
"  rences.  Quelle  Providence  !  cela  avait  lieu  en  1846,  au 
"  lendemain  de  deux  formidables  incendies  qui  venaient  de 
"  détruire  les  deux  tiers  de  la  ville.  Vous  connaissez  la 
'^rigueur  de  nos  hivers;  les  dépenses  du  chauffage  y  sont 
"  plus  onéreuses  que  celles  encourues  pour  la  nourriture  même* 
"  Les  aumônes  des  conférences  qui,  en  un  an,  s'élevèrent  à 
"  vingt-cinq  mille  francs  suffirent  à  toutes  les  nécessités  et 
"  toutes  les  misères  véritables  trouvèrent  des  consolateurs. 
"  Quel  encouragement  pour  vous.  Messieurs,  de  penser  que 
"  vous  êtes  appelés  à  tant  de  bonnes  œuvres  qui  se  pratiquent 
"  non  seulement  en  France,  en  Europe,  mais  jusqu'en  Amé- 
"  rique  ;  de  penser  que  vous  consolez  l'Eglise  de  Jésus-Christ 
"  et  que  vous  ramenez  tant  d'âmes  à  des  pensées  de  religion  ! 
"  Persévérez  donc,  Messieurs,  continuez  cette  œuvre  sainte 
"  avec  un  'zèle  toujours  nouveau,  et  les  bénédictions  du  ciel 
"  ne  vous  manqueront  pas." 

Pour  qu'une  société  soit  forte,  pour  qu'elle  puisse  se  con- 
server dans  l'unité  et  braver  les  orages,  il  lui  faut  une  auto- 


RAPPORT   DE   LA   SOCIÉTÉ    ST-VLNCENT   DE   PAUL  143 

rite,  une  hiérarchie.  De  cette  autorité,  de  cette  hiérarchie  la 
société  de  St- Vincent  de  Paul  est  admirablement  pourvue.  Les 
conférences  sont  composées  d'un  président,  d'un  vice-prési- 
dent, d'un  secrétaire,  d'un  trésorier  et  d'un  certain  nombre  de 
membres. 

Lorsqu'il  y  a  plusieurs  conférences  dans  une  ville,  elles 
sont  dirigées  par  un  conseil  particulier,  et  ce  conseil  se  com- 
pose d'un  président  et  de  tous  les  présidents  et  vice-présidents 
des  diverses  conférences.  Il  y  a  aussi  un  secrétaire  et  un  tré- 
sorier. Au  dessus  du  conseil  particulier  est  le  conseil  supé- 
rieur, qui  dirige  les  affaires  de  toute  une  prov'  ice  et  qui  a 
sous  ses  ordres  plusieurs  conseils  particuliers.  En.n,  au- 
dessus  du  conseil  supérieur  est  le  conseil  général,  qui  siège  à 
Paris  et  qui  constitue,  pour  ainsi  parler,  la  tête  de  la  société,  le 
disque  d'où  partent  les  rayons,  le  quartier  général  d'où  les 
ordres  émanent. 

"•  Cette  organisation  est  vraiment  admirable,  elle  est  d'une 
"puissance  extrême,  d'autant  plus  que  par  ses  bienfaits  mêmes 
'■^  la  société  exerce  son  influence  partout,  sur  toutes  les  classes  : 
"  sur  les  classes  élevées  par  ses  prières,  par  les  secours  qu'elle 
"  obtient  ;  sur  les  classes  inférieures  par  ses  conseils^  par  la 
"  pratique  de  ses  œuvres  charitables  qui  se  multiplient  sous 
"  toutes  les  formes  et  mettent  dans  sa  main  les  apprentis,  les 
"  ouvriers,  les  militaires."  Nous  n'avons  fait  dans  cette  cita- 
tion que  reproduire  les  paroles  même  de  M.  Billault,  au  sénat 
de  l'empire  français. 

Les  conférences  ont  lieu  une  fois  la  semaine,  les  conseils 
particuliers  une  fois  par  mois,  et  le  conseil  supérieur,  quand  il 
le  juge  à  propos.  Une  conférence  est  une  réunion  de  plu- 
sieurs membres  qui  s'assemblent  une  fois  la  semaine  pour 
gérer  les  affaires  de  la  société.  Voici  ce  qui  se  passe  dans  une 
conférence  :  le  président  ouvre  la  séance  par  une  courte 
prière,  puis  l'un  des  membres  fait  une  lecture  de  piété.  Alors 
le  secrétaire  lit  le  procès-verbal  de  l'assemblée  précédente,  le 
trésorier  donne  un  état  des  comptes,  et  l'on  s'occupe  des  pau- 
vres. Un  certain  nombre  de  fami  ^  sont  recommandées,  les 
membres  font  leurs  rapports  sur  les  .ndigents  qu'ils  ont  visités, 


144  PRExMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE    TENU   A    QUÉBEC 

des  visites  d'enquête  sont  ordonnées  chez  d'autres,  des  secoiirs 
sont  votés,  les  visiteurs,  sont  nommés,  et  le  tout  se  termine 
par  la  quête,  suivie  d'une  petite  prière. 

Dans  l'intervalle  des  conférences  les  membres  désignés  par 
le  président  vont,  deux  par  deux,  visiter  les  familles  commises 
à  leur  garde,  leur  porter  les  secours  que  la  conférence  leur 
envoie,  leur  donner  de  bons  conseils,  en  un  mot  les  aider  de 
tout  leur  pouvoir.  Voilà  comment  la  société  de  St-Vincent 
de  Paul  atteint  le  double  but  proposé  à  son  zèle  :  sanctification 
de  ses  membres,  et  soulagement  des  pauvres. 

Pour  connaître  ce  que  la  société  de  St-Vincent  de  Paul  a 
fait  et  ce  qu'elle  fait  encore  de  bien  au  Canada  (tout  particu- 
lièrement à  Québec)  il  sufTit  d'avoir  sous  les  yeux  quelques 
statistiques  qui  peuvent  être  regardées  comme  très  exactes. 
Absolument  étrangère  à  Québec  au  mois  de  juillet  1846,  la 
société  de  St-Vincent  de  Paul  comptait  au  mois  de  décembre 
1816,  neuf  conférences  organisées.  Aujourd'hui  (1880)  dans 
cette  même  ville,  il  y  a  21  conférences,  16  canadiennes  fran- 
çaises et  5  irlandaises,  agrégées,  plus  deux  conférences,  une 
française  et  l'autre  irlandaise,  non  agrégées.  Total  pour  la 
ville  de  Québec  :  23.  Dans  la  province  de  Québec,  4  conseils 
particuliers  ont  sous  leur  direction  46  conférences  agrégées. 
A  Ontario  il  y  a  également  4  conseils  particuliers  et  21  confé- 
rences, ce  qui  forme  pour  ces  deux  provinces,  8  conseils  parti- 
culiers et  67  conférences.  Des  4  conseils  particuliers  de  la 
province  de  Québec,  2  ont  leur  siège  en  cette  ville,  1  à  Trois- 
Rivières  et  1  à  Montréal.  A  Ontario  ils  sont  répartis  comme 
suit  :  2  à  Ottawa,  1  à  Toronto  et  1  à  London.  En  dehors  de 
ces  deux  mêmes  provinces,  il  y  a  un  conseil  particulier  et  un 
grand  nombre  de  conférences  qui  toutes,  comme  d'ailleurs 
celles  de  Québec  et  d'Ontario  relèvent  du  conseil  supérieur 
de  Québec,  lequel  est  chargé  de  diriger  tous  les  conseils  par- 
ticuliers. 

En  1847,  le  nombre  des  membres  de  la  société  de  St-Vincent 
de  Paul,  à  Québec  seulement,  s'élevait  à  458  ;  au  mois  de 
janvier  1880,  il  atteignait  le  chiffre  de  M  05.  En  décembre 
1879,  dans  les  deux  provinces  de  Québec  et  d'Ontario,  (le  Nou- 


RAPPORT    DE   LA    SOCIÉTÉ   ST-VINCENT   DE   PAUL  145 

veaii-Brunswick,  la  Nouvelle-Ecosse  et  l'Ile  du  Prince  Edouard 
non  compris)  dans  ces  deux  seules  provinces  nous  comptions 
3,691  membres  :  681  à  Ontario  et  3,010  à  Québec. 

Pendant  les  33  années  de  son  existence  dans  cette  ville,  la 
société  de  St-Vincent  de  Paul  n'est  pas  restée  oisive  ;  la  statis- 
tique qu'elle  peut  aujourd'hui  donner  de  ses  travaux,  constitue 
pour  elle  une  surabondante  récompense.  Ses  membres  ont 
préparé  à  une  mort  chrétienne  674  de  leurs  pauvres.  Ils  ont 
visité,  consolé  et  soulagé  3,308  malades,  secouru  3,208  veuves 
et  6,213  orphelins.  Ces  deux  derniers  chiffres  additionnés  don- 
nent un  effectif  de  9,421  malheureux  délaissés  que  nous  avons 
réussi,  grâce  à  la  divine  Providence,  à  arracher  aux  angoisses 
du  désespoir  et  de  la  faim. 

Sur  une  recette  de  $137,069,68  la  société  de  St-Vincent  de 
Paul  a  dépensé  $129,327.06  à  secourir,  dans  la,  seule  vilie  de 
Québec,  18,616  familles,  composées  de  72,010  personnes,  dont 
29,020  adultes  et  42,990  enfants. 

Il  est  facile  de  remarquer  que  le  nombre  des  pauvres  ainsi 
secourus  par  la  société  de  St-Vincent  de  Paul,  (72,010)  dépasse 
d'une  dizaine  de  mille  la  population  entière  de  la  ville  de 
Québec.  Et,  en  rapprochant  du  total  des  personnes  assistées 
celui  de  la  dépense  encourue  pour  leur  soulagement,  l'on  se 
convaincra  qne  chacun  de  ces  pauvres  n'a  coûté  à  la  confé- 
rence qui  la  secourait  (un  secours  immédiat  bien  entendu) 
qu'une  bagatelle  pécuniaire  estimée  à  un  peu  moins  de  $2.00. 
72,010  personnes  et  $129,327.06  de  dépenses  :  que  l'on  compare  ! 

Quant  aux  recettes  et  aux  dépenses  de  la  société  de  St-Vin- 
cent de  Paul,  au  Canada,  depuis  sa  fondation  elles  s'élèvent  : 
recettes,  à  2,373,490.54  francs,  soit  $474,698.54  ;  dépenses,  à 
2,148,378.00  francs,  soit  $429,675.60.  Et  avec  cela  nous  avons 
secouru,  depuis  33  années,  par  toute  la  Puissance,  214,837 
pauvres  !  Ici  encore  la  moyenne  de  $2.00  par  tête  est  frappante 
d'exactitude,  $429,675.60  donnant  du  pain  à  214,837  pauvres! 
En  présence  d'une  aussi  réjouissante  statistique,  devant  sem- 
blable résultat,  il  n'y  aura  pas  seulement  que  la  voix  des  indi- 
gents qui  s'élèvera  pour  chanter,  avec  la  reconnaissance  des 
successeurs  d'Ozanam,  le  Te  Deum  d'actions  de  grâces. 


146      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Le  dernier  rapport  général  de  Paris,  publié  en  décembre 
1879  nous  apprend  que.  le  total  ,des  recettes  de  la  société  d^ 
St-Vincent  de  Paul,  dans  l'univers  entier  s'est  élevé  en  1878, 
à  8,241,302  francs  ;  celui  des  dépenses  de  la  même  année,  était 
de  6,894,020  francs,  soit  $1,648,260  de  recettes  et  $1,378,804  de 
dépenses  encourues. 

Aucune  œuvre  de  charité  ne  doit  être  regardée   comme 
étrangère  à  la  société  de  St-Vincent  de  Paul  :  aussi  les  mem- 
bres saisissent-ils  toutes  les  occasions  de  porter  des  consola- 
tions aux  malades  et  aux  prisonniers,  de  procurer  l'instruction 
aux  enfants  pauvres,  abandonnés  ou  détenus,  et  des  secours 
religieux  à  ceux  qui  en  manquent  à  l'heure  de   la  mort. 
Fidèles  à  leur  règlement,  les  conférences  de  Quéuec  ont  tou- 
jours regardé  la  visite  des  pauvres  à  domicile  comme  l'œuvre 
principale  de  la  société  de  St-Vincent  de  Paul,  mais  elles  n'ont 
pas  négligé  pour  cela  les  œuvres  secondaires.    Ainsi,  VŒuvre 
du  Patronage  a  procuré  à  2,632  enfants  le  bienfait  d'une  ins- 
truction chrétienne.    Depuis   1861,  date  de  sa  fondation,  à 
1879  inclusivement,  les  recettes  de  cette  institution  se  sont 
élevées  à  $24,921.89  et  les  dépenses  générales  à  $25,859.31. 
Nous  ferons  remarquer  que  le  coût  de  la  bâtisse  de  cette  ins- 
titution, située  rue  St-Georges,  faubourg  St- Jean- Baptiste,  n'est 
compris  dans  aucune  de  ces  deux  sommes  ;   elle  représente 
une  valeur  de  $12,000.    Au  Patronage  des  écoliers  se  rattache 
VŒuvre  du  Réfectoire  fondée  en  1875.    Ses  recettes  se  sont  éle- 
vées pour  les  quatre  dernières  années  écoulées  à  $912.69  et 
ses  dépenses  à  $865.26.    Avec  cet  humble  budget  la  société  de 
St-Vincent  de  Paul  a  eu  la  joie  profonde  d'avoir  pu,  annuelle- 
ment, donner  à  dîner  à  360  petits  malheureux   fréquentant 
régulièrement  l'école  du  Patronage.    Il  faut  mentionner  de 
plus  VŒuvre  du  Vestiaire  des  pauvres  qui  a  préservé  du  froid 
et  de  la  maladie  une  foule  d'infortunés  que  la  société  de  St- 
Vincent  de   Paul  s'est  empressée  de  vêtir,   sachant  qu'elle 
donnait  ces  vêtements  à  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  lui-même. 
Enfin,  c'est  avec  un  sentiment  d'indicible  émotion  que  la 
société  de  St-Vincent  de  Paul  se  rappelle  avoir  acheté  en  1850 
la  petite  maison  (située  rue  Lâche vrotière,  et  à  cette  époque 


RAPPORT  DE   LA   SOCIÉTÉ   ST- VINCENT   DE  PAUL  147 

faubourg  St-Jean-Baptiste,  aujourd'hui  quartier  Montcalm) 
qui  ait  servi  de  refuge  aux  premières  repentantes  de  Ste- 
Madeleine.  C'était  alors  le  vocable  de  V Asile  du  Bon  Pasteur. 
Aussi  notre  bonheur  est-il  grand  d'avoir  à  notre  mérite  la 
gloire  d'avoir  fondé  à  Québec  cette  institution  inestimable 
par  son  influence  morale  et  son  action  réparatrice.  Quel 
admirable  développement  cette  fondation  de  la  société  de  St- 
Vincent  de  Paul  n'a-t-elle  pas  pris  après  trente  ans  de  durée  l 
En  1850  l'établissement  dirigé  par  Madame  Roy  et  desservie 
par  huit  assistantes,  avait  reçu  22  pénitentes  ;  au  mois  de  mai 
1880,  la  même  institution  comptait  117  religieuses  professes, 
8  postulantes  et  18  novices  ;  le  nombre  des  filles  repenties 
s'élevait  à  107.  Les  dépenses  générales  pour  l'année  1 878-79 
furent  de  $22,300  00.  Cinq  cents  élèves  externes  recevaient 
dans  le  couvent  une  éducation  secondaire  excellente.  Ce 
même  petit  ''  asile  de  Ste-Madeleine'^  du  mois  de  janvier  1850 
était  devenu  au  mois  de  janvier  1880  une  maison-mère  ayant, 
dans  notre  province  de  Québec,  onze  succursales  sous  son 
contrôle  immédiat  et  1350  écolières.  Telles  sont,  en  résumé, 
les  œuvres  principales  que  Dieu,  dans  sa  bonté,  a  peniiis  à  la 
société  de  St- Vincent  de  Paul  d'accomplir  au  Canada  et  en 
particulier  dans  notre  ville  de  Québec. 

Voici  comment  le  dernier  rapport  officiel  publié  à  Paris, 
par  le  conseil  général  de  la  société  de  St- Vincent  de  Paul 
s'exprime  au  sujet  de  l'état  des  conférences  du  Canada  : 

"  Nos  œuvres,  dans  cette  contrée,  se  partagent  entre  les 
"deux  provinces  de  Québec  et  d' Ontario  ;  au  1er  janvier  de 
"  cette  année  (1878)  on  comptait  42  conférences  dans  la  pre- 
"  mière  et  22  dans  la  seconde,  placées  toutes  sous  la  direction 
"  d'un  conseil  supérieur  dont  le  siège  est  à  Québec.  Six  con- 
"  férences  nouvelles  agrégées  en  1878,  et  un  conseil  particu- 
"  lier  institué  à  Ottawa  pour  relier  entre  elles  les  conférences 
"  françaises  de  cette  ville,  indiquent  le  progrès  d'expansion 
"  de  nos  œuvres  dans  ces  deux  provinces.  Seules,  les  res- 
"  sources  paraissent  avoir  diminué,  par  suite  de  la  crise 
"  industrielle  et  commerciale  qui  pesait  déjà  sur  ce  pays 
"  avant  même  de  s'être  fait  sentir  en  Europe,  et  qui  pour  lui 


148      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

"  dure  encore  ;  pour  tout  le  reste,  nous  retrouvons  la  même 
"  activité  et  la  même  vje  féconde,  principalement  dans  la  pro- 
"  vince  et  dans  la  ville  de  Québec.  Là,  en  effet,  à  la  suite 
"  d'un  triduum  prêché  à  la  cathédrale  comme  préparation  à 
''  la  fête  de  la  Conception,  et  qui  fut  suivi  par  près  de  deux 
"  mille  hommes,  deux  cents  membres  nouveaux  vinrent  pren- 
'^  dre  rang  dans  les  conférences  et  beaucoup  de  membres 
^'  refroidis  et  à  peu  près  disparus  y  rentrèrent  avec  les  plus 
"  sérieuses  résolutions  de  fidélité.  Aussi  700  familles  furent 
"  visitées,  l'année  dernière  à  Québec,  au  lieu  de  500,  l'OEuvre 
"  du  Patronage  s'est  développée,  la  maison  qui  l'abrite  fut 
"  achevée,  un  réfectoire  y  fut  installé  pour  les  apprentis  les 
"  plus  pauvres,  dans  lequel  un  repas  leur  est  servi  chaque 
"  jour,  enfin  le  vestiaire,  tenu  par  les  dames  charitables,  a 
"  augmenté  ses  distributions." 

"  Des  progrès,  moins  importants,  mais  malgré  cela  très 
"  marqués,  se  sont  également  produits  aux  Trois-Rivières  ; 
'•'•  c'est  dans  la  circonscription  du  conseil  particulier  de  cette 
"  ville,  dont  la  direction  s'étend  à  un  certain  nombre  de  con- 
"  férences  circonvoisines,  que  s'est  fondée  la  conférence  d'Ar- 
"  thabaskaville,  qui  figure  dans  les  agrégations  de  1878  et 
"  mérite  déjà  qu'on  nous  écrive  d'elle  "  qu'elle  fait  un  bien 
"  incalculable  à  la  population  de  cette  localité." 

"  Deux  des  conférences  nouvelles  appartiennent  à  Montréal  ; 
"  l'une  d'elles  est  exclusivement  composée  de  membres  irlan- 
"  dais  ;  il  en  existe  16  aujourd'hui,  dans  cette  ville  où  fonc- 
"  tionnent  une  foule  d'institutions  charitables  qui  posent 
"  forcément  une  limite  au  zèle  de  nos  confrères  dont  les  efforts 
"  se  bornent  souvent,  en  fait  d'œuvres  spéciales,  à  coopérer  à 
"  celles  que  dirigent  d'autres  mains  que  les  leurs. 

"  Dans  la  province  d'Ontario^  le  centre  principal  d'activité 
*'  est  à  Toronto  où  il  existe  5  conférences  en  voie  de  progrès. 
"  Un  fait  suffira  à  montrer  comment  on  sait  s'y  dévouer  aux 
"  pauvres  :  Un  protestant  venait  de  mourir,  laissant  cinq  en- 
'*  fants  en  bas  âge  et  dans  la  misère  la  plus  complète  à  une 
"  mère  malade,  qui  ne  tarda  pas  elle-même  à  mourir  ;  non 
"  seulement  nos  confrères  se  chargèrent  de  cette  famille,  mais 


RAPPORT   DE   LA   SOCIÉTÉ   ST-VINCENT   DE  PAUL  149 

"  ils  firent  baptiser  les  cinq  enfants  et  en  placèrent  trois  tan- 
"  dis  que  les  deux  autres  furent  adoptés  par  eux." 

"  L'activité  charitable  est  grande  également  à  Ottawa  où 
"  les  conférences  ont  fondé  puis  remis  entre  les  mains  des 
"  sœurs  de  la  charité,  une  institution  excellente  qu'elles  con- 
"  tinuent  à  soutenir  et  qu'elles  ont  appelée  :  La  Cuisine  des 
"  pauvres  ;  c'est  un  fourneau^  avec  cette  différence  que  les 
"  distributions  s'y  font  à  un  choix  de  familles  déterminé  par 
"  leur  état  de  misère,  et  que  leur  durée  se  règle  précisément 
"  sur  celui  de  leurs  besoins;  elle  n'excède  jamais  les  mois 
"  d'hiver." 

"■  Parmi  les  conférences  nouvellement  agrégées  dans  cette 
"  province,  celle  de  London  mérite  une  mention  spéciale  à 
"  cause  du  zèle  et  de  l'intelligence  charitable  qu'elle  montre 
"  dès  ses  premiers  pas  ;  nous  la  voyons  entreprendre  et  con- 
"  duire  à  bonne  fin,  chose  difficile,  la  correction  d'un  ivrogne 
"  invétéré,  et  sauver  ainsi  de  la  honte  et  de  la  misère  sa 
"  femme  et  ses  enfants. 

"  Pour  toutes  nos  œuvres  du  Canada  on  peut  donc  dire  que 
"  la  vie  y  circule  abondante  et  féconde  autant  que  par  le 
"  passé,  et  que,  si  certains  fruits  de  charité  y  semblent  réduits 
"  ou  retardés,  on  ne  doit  l'attribuer  qu'à  l'influence  des  cir- 
'^  constances  passagères  plus  fortes  que  tout  le  dévouement  et 
"  toute  la  bonne  volonté  de  nos  confrères." 

Ce  bon  témoignage  rendu  aux  conférences  du  Canada  par 
le  conseil  général  de  la  société  de  St- Vincent  de  Paul,  à 
Paris,  est  pour  elles  le  plus  légitime  sujet  d'encouragement. 
Ce  qui  est  aussi  de  nature  à  stimuler  le  zèle  des  membres 
de  la  société  de  St-Vincent  de  Paul  et  à  leur  faire  estimer 
leur  œuvre,  ce  sont  les  paroles  suivantes  de  M.  Eugène  de 
Margerie  : 

"  La  société  de  St^ Vincent  de  Paul  n'est  pas  seulement  une 

"  œuvre,  c'est  l'œuvre,  l'œuvre  providentielle,   l'œuvre  par 

"  excellence,  l'œuvre  facile  et  en  même  temps  opportune,  la 

"  marque,  pour  ainsi  dire,  des  chrétiens  zélés  et  pieux,  l'œuvre 

"  une  et  pourtant  diverse,  l'œuvre  qui  peut  suffire  à  occuper 

"  et  à  remplir  toute  une  vie,  qui,  en  même  temps  offre  aux 

10 


150      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

"  existences  les  plus  absorbées,   une  participation  facile  et 

"  pourtant  féconde. 

Ernest  Myrand, 

Secrétaire  de  la  Commission. 


DEUXIÈME  RÉUNION 

DES 

BUREAUX  DU  CONGRES 


A  une  heure  p.  m.,  les  trois  bureaux  du  Congrès  se  réu- 
nissaient dans  les  mêmes  salles  que  le  jour  précédent,  et 
terminaient  leurs  travaux  et  délibérations  par  l'adoption  de 
certaines  résolutions  pratiques  basées  sur  les  rapports  com- 
muniqués à  chacun  d'eux. 


1.  BUREAU  DES  CERCLES  CATHOLIQUES 

Samedi^  26  juin 

procès-verbal   de   la  2ÈME   SÉANCE 

Le  bureau  des  Cercles  choisit  pour  son  président  M.  E.  Tassé 
en  l'absence  de  M.  G.  G.  de  Lorimier,  et  M.  le  Dr  J.  P.  Boulet 
à  la  place  de  M.  le  Dr  H.  E.  Desrosiers. 

Etaient  présents  :  MM.  A.  de  Bonpart,  Dr  J.  P.  Boulet,  J.  B. 
Cloutier,  A.  Cloutier,  E.  A.  Déry,  Dr  N.  E.  Dionne,  N.  La- 
casse,  V.  Livernois,  P.  Mackay,  E.  Tassé,  A.  Robitaille,  G^ 
Vincelette. 

M.  Livernois  fait  lecture  du  rapport  du  Cercle  catholique 
de  Québec. 

M.  le  docteur  Dionne  donne  lecture  du  rapport  de  M.  le 
chevalier  Vincelette,  rapporteur  du  bureau. 

M.  N.  Laçasse,  président  de  TOEuvre  des  bons  livres  (annexe 


RAPPORT   DE   l'union   CATHOLIQUE   DE  l'iLE  MAURICE  151 

du  Cercle  catholique  de  Québec),  donne  lecture  du  rapport 
sur  cette  œuvre. 

M.  le  Dr  Boulet  donne  lecture  de  son  rapport  sur  l'CEuvre 
pontificale  des  vieux  papiers,  œuvre  également  annexe  du 
Cercle  catholique  de  Québec. 


RAPPORT  DE  "  L'UNION  CATHOLIQUE  DE  L'ILE 

MAURICE" 


"  L'Union  Catholique  de  l'Ile  Maurice"  a  été  fondée  le  16 
août  1877,  "  afin,  dit  l'article  1er  de  ses  statuts,  de  servir, 
selon  les  intentions  du  saint  Père,  dans  l'esprit  de  l'Eglise 
universelle  et  en  harmonie  avec  l'autorité  ecclésiastique,  les 
intérêts  religieux  du  diocèse.  " 

Elle  doit  s'efforcer  d'atteindre  ce  but,  d'après  l'article  II,  par 
les  moyens  suivants  : 

"  lo  En  rapprochant  les  catholiques  par  des  réunions  gé- 
nérales ou  partielles. 

"  2o  En  confiant  à  des  comités  particuliers  l'étude  des 
questions  d'intérêt  spécial  ou  local, 

"  3o  En  faisant  toutes  démarches  auprès  du  gouvernement, 
et  en  appuyant  celles  qui  seraient  faites  par  l'autorité  ecclé- 
siastique. 

"  4o  Par  la  fondation  ou  la  diffusion  de  publications  utiles. 

"  5o  En  se  mettant  en  rapport  avec  les  sociétés  analogues 
des  autres  pays. 

"60  En  soutenant  les  œuvres  de  charité  et  de  foi  qui  exis- 
tent déjà  dans  le  pays,  et,  s'il  est  possible,  en  en  suscitant  de 
nouvelles. 

"  7o  Et  par  tous  autres  moyens  qui  pourraient  être  sug- 
gérés par  l'association  ou  par  son  conseil  d'administration.  ' 

"  L'Union  catholique  "  se  compose  : 

lo  De  membres  actifs,  catholiques  faisant  leurs  preuves, 


152      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC  ■ 

ayant  seuls  le  droit  de  voter  et  de  faire  partie  du  Conseil  de 
direction. 

2o  De  membres  associés,  qui  soutiennent  l'œuvre  par  un 
appui  moral  et  matériel. 

3o  De  dames  patronesses,  qui  l'assistent  par  des  dons  an- 
nuels qu'elles  recueillent  ou  font  elles-mêmes. 

4o  De  membres  correspondants,  dont  les  témoignages  de 
sympathie,  les  avis  et  les  renseignements  nous  sont  toujours 
précieux.  Nous  sommes  heureux  d'en  compter  déjà  plusieurs 
au  Canada,  et  nous  espérons,  Monsieur  le  président,  que  vous 
voudrez  bien  nous  permettre  de  vous  inscrire  aussi  à  ce  titre. 

L Union  est  représentée  et  administrée  par  un  conseil  de 
vingt  membres,  élu  tous  les  ans  à  une  assemblée  générale. 

Le  Conseil  a  le  pouvoir  de  faire  des  règlements  pour  l'ad- 
ministration de  r Union  et  l'organisation  de  ses  œuvres,  et 
nommer  des  comités. 

n 

Le  premier  acte  de  r  Union  a  été  de  déposer  aux  pieds  du 
saint  Père  l'hommage  de  sa  vénération  et  de  sa  fidélité,  de 
lui  soumettre  ses  statuts  et  de  lui  demander  la  bénédiction 
apostolique. 

Par  une  coïncidence  providentielle,  notre  évêque,  Mgr 
Scarisbrick,  accomplissait  son  voyage  ad  limina  apostolorum 
au  moment  même  où  V  Union  se  fondait.  Il  en  avait  approuvé 
le  projet  et  bienveillamment  encouragé  les  initiateurs.  Il 
voulut  bien  se  charger  de  faire  parvenir  notre  adresse  au 
Souverain  Pontife,  aussi  reçûmes-nous  promptement  une  ré- 
ponse des  plus  encourageantes,  écrite  au  nom  de  Sa  Sainteté, 
par  Son  Eminence  le  Cardinal  Préfet  de  la  Propagande. 

La  modeste  phalange  qui  venait  de  se  former  ne  devait  pas 
tarder  à  mettre  son  dévouement  au  service  de  l'Eglise.  Mgr 
Scarisbrick  qui,  de  Rome,  s'était  rendu  en  Angleterre,  s'effor- 
çait d'obtenir,  du  ministre  des  colonies,  une  augmentation, 
dont  le  besoin  se  faisait  très  vivement  sentir,  dans  le  nombre 
des  prêtres  payés  par  l'Etat.  Sa  Grandeur,  pensant  que  ses 
démarches  seraient  mieux  assurées  du  succès  si  elles  étaient 


RAPPORT   DE   l'union   CATHOLIQUE   DE   l'ILE   MAURICE  153 

sontennes  par  une  manifestation  de  l'opinion  publique,  écrivit 
à  son  Vicaire-Général  d'inviter  Z'^/iio;i  à  faire  une  demande 
dans  le  même  sens.  Ce  désir  nous  ayant  été  transmis,  nous 
nous  empressâmes  d'y  déférer.  Un  mémoire,  longuement 
motivé,  était  immédiatement  envoyé  au  Ministre,  et  nous  de- 
mandions en  même  temps  à  une  association  avec  laquelle 
nous  nous  étions  mis  en  rapport,  la  •'  Gatholic  Union  of 
Great  Britain,  "  de  vouloir  bien  nous  aider  de  sa  puissante 
influence. 

Peu  de  temps  après,  la  question  était  référée  au  gouverne- 
ment de  la  colonie  ;  le  Ministre  laissait  à  peu  près  à  son  option 
de  décider  s'il  y  avait  lieu  de  faire  droit  à  la  demande  d'aug- 
mentation, en  lui  recommandant  toutefois  de  s'assurer  si  les 
sentiments  de  la  Communauté  étaient  favorables  à  cette 
mesure. 

Une  manifestation  plus  complète  de  l'opinion  publique  de- 
venait donc  nécessaire.  De  l'avis  de  notre  évoque,  de  retour 
parmi  nous,  nous  prîmes  l'initiative  d'une  pétition,  et  bientôt, 
grâce  au  concours  actif  du  clergé,  elle  était  déposée  devant  le 
Conseil  législatif,  suivie  de  signatures  représentant  plus  de 
40,000  catholiques.  Jamais  un  chiffre  pareil  n'avait  été  ob- 
tenu pour  une  démonstration  de  ce  genre.  Aussi,  malgré 
l'opposition  d'une  minorité  protestante,  la  Législature  ajouta 
au  budget  de  l'Eglise  catholique  une  somme  de  $6,000,  et  ce 
vote  fut  sanctionné  par  le  Ministre. 

m 

Une  autre  question  était  depuis  longtemps  l'objet  d'une  vive 
sollicitude  de  la  part  de  l'autorité  diocésaine  :  celle  des  écoles 
primaires.  L'éducation  est  partout  le  terrain  choisi  de  préfé- 
rence par  les  ennemis  de  la  religion,  et  il  n'était  pas  possible 
que  nous  n'y  fussions  pas  appelés  pour  la  défendre. 

Il  existe,  à  Maurice,  deux  systèmes  d'écoles  primaires  :  les 
unes,  dites  écoles  du  gouvernement,  sont  purement  séculiè- 
res ;  les  autres,  appelées  écoles  subventionnées,  se  sont  établies 
spontanément  et  reçoivent  de  l'Etat  des  allocations  propor- 
tionnées aux  résultats  dont  elles  peuvent  justifier. 


i54      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUEBEC 

Le  premier  système  est  hautement  soutenu  par  les  protes- 
tants qui  réclament  en  sa  faveur  les  préférences  de  l'adminis- 
tration. Le  second,  ouvert  à  tous,  et  dont  les  protestants 
profitent  également,  est  cependant  l'objet  d'une  malveillance 
évidente.  Les  catholiques  le  préfèrent,  y  trouvant  l'avantage 
de  faire  élever  leurs  enfants  conformément  aux  principes  de 
leur  religion.  Le  curé  de  chaque  paroisse  est  le  manager  d'une 
ou  de  plusieurs  écoles  subventionnées,  ou  qui,  ayant  droit  à 
une  subvention,  n'ont  pu  l'obtenir,  le  maximum  de  la  somme 
allouée  par  la  loi  étant  atteint  depuis  longtemps  déjà.  Quoique 
ce  second  système  soit  le  plus  conforme  au  principe  de  la 
liberté  de  conscience,  et  bien  qu'il  donne  d'aussi  bons  résul- 
tats au  point  de  vue  de  l'enseignement,  tout  en  assurant  à 
l'Etat  le  concours  du  clergé  pour  la  moralisation  des  masses 
et  un  moyen  beaucoup  plus  économique  pour  répandre  l'ins- 
truction, il  reste  enfermé  dans  des  limites  étroites,  son  déve- 
loppement naturel  est  entravé. 

En  présence  de  cette  situation,  un  double  devoir  s'imposait 
aux  catholiques  :  demander  que  ce  développement  fût  au 
contraire  facilité  et  mis  en  rapport  avec  les  aspirations  et  les 
besoins  de  la  population.  En  attendant,  soutenir  les  écoles 
auxquelles  l'administration  refuse  une  modique  assistance. 

U Union  essaie  de  remplir  ce  dernier  devoir  dans  la  mesure 
de  ses  ressources  :  elle  subventionne  un  certain  nombre 
d'écoles  situées,  pour  la  plupart,  dans  des  localités  pauvres  et 
retirées. 

Nos  démarches  auprès  du  gouvernement  sont  toujours 
faites  en  harmonie  avec  l'autorité  ecclésiastique,  et,  pour  les 
rendre  plus  efficaces,  un  Comité  diocésain  d'éducation  a  été 
fondé.  Il  a  pour  président  d'honneur.  Monseigneur  l'évêque 
de  Port  Louis,  et  pour  président  ordinaire,  le  président  de 
r  Union.  Le  Comité  est  formé  de  six  membres  ecclésiastiques, 
nommés  par  Sa  Grandeur,  et  de  six  membres  laïques,  élus 
par  notre  Conseil. 

Dès  sa  formation,  ce  Comité  a  soumis  au  gouverneur  un 
mémoire,  et  à  la  Législature  une  pétition  où  sont  exposés  les 
vœux  des  catholiques.    Ils  demandent,  entre  autres  choses, 


RAPPORT   DE   l'union   CATHOLIQUE   DE   L'ILE   MAURICE  155 

qu'à  l'exemple  de  ce  qui  est  pratiqué  au  Canada  ils  soient  re- 
présentés d'une  manière  plus  équitable  et  mieux  propor- 
tionnée à  leur  nombre,  dans  les  conseils  qui  s'occupent  de 
l'éducation.  Aucune  réponse  n'a  encore  été  faite,  mais  notre 
demande  est  trop  légitime  pour  que  notre  attente  soit  vaine. 

IV 

Indépendamment  des  écoles,  d'autres  œuvres  encore  ou- 
vrent un  vaste  champ  à  notre  activité. 

En  ce  qui  concerne  l'éducation  môme,  il  ne  suffit  pas  de 
s'occuper  de  l'instruction  primaire.  Pour  l'enseignement  se- 
condaire, la  colonie  possède  un  collège  officiel,  — où  fleurit 
naturellement  le  sécularisme  qui  est  ici  en  vigueur,  —  et  un 
Collège  diocésain,  fondé  par  les  Pères  du  St-Esprit,  et  du  St- 
Cœur  de  Marie,  et  qui  est  soutenu  uniquement  par  les  catho- 
liques. Tout  ce  que  nous  avons  pu  faire,  jusqu'ici,  a  été  de 
créer,  dans  ce  dernier  établissement,  quelques  bourses  pour 
les  enfants  des  familles  pauvres. 

Autant  que  cela  nous  a  été  possible,  nous  avons  aussi  sou- 
tenu des  orphelinats  et  des  associations  de  charité.  Malheu- 
reusement, nous  n'avons  pas  tardé  à  reconnaître  que  ces 
œuvres  de  bienfaisance  étaient  hors  de  proportion  avec  nos 
ressources. 

Nous  ne  pouvions,  non  plus,  rester  indifférents  envers  les 
missions  destinées  aux  populations  asiatiques  dont  l'immigra- 
tion, à  Maurice,  a  triplé  le  chiffre  des  habitants.  Nous  avons 
aidé  à  l'établissement  d'une  chapelle  et  d'un  catéchuménat 
pour  les  Chinois. 

Nous  avons  dû  également  nous  occuper  d'œuvres  de  propa- 
gande ;  faciliter  la  diffusion  de  bons  ouvrages  propres  à  dissiper 
les  erreurs  et  les  préjugés  qui  éloignent  si  souvent  de  la  religion 
tant  d'esprits  faits  pour  la  connaître  et  l'admirer.  Notre  bi- 
bliothèque et  notre  cabinet  de  lecture  sont  encore  à  l'état 
d'enfance,  et,  sous  ce  rapport,  nous  sommes  loin  d'être  aussi 
avancés  que  nos  confrères  du  Cercle  catholique  de  Québec. 
Sans  renoncer  à  l'espoir  de  marcher  sur  leurs  traces,  nous 
nous  contentons,  pour  le  moment,  de  faire  venir,  par  l'entre- 


156      PREMIER  CONr.RÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

mise  obligeante  de  la  Société  bibliographique^  de  Paris,  des 
livres  moraux  et  instructifs,  que  nous  répandons  en  les  cédant 
au  prix  de  revient.  Notre  essai  a  été  très  bien  accueilli  du 
public,  et  nous  allons  donner  à  cette  œuvre  un  développement 
proportionné  aux  besoins  qui  se  sont  fait  sentir. 


En  définitive,  ce  que  nous  avons  fait  est  peu  de  chose.  Mais 
le  Tout  Puissant  a  si  visiblement  protégé  notre  association  et 
béni  nos  efforts,  qu'il  nous  sera  peut-être  donné  de  rendre,  à 
la  religion  et  à  notre  pays,  des  services  plus  importants. 

La  Législature  est  au  moment  de  conférer  à  VUnion  la  per- 
sonnalité civile.  L'ordonnance  a  été  votée  en  seconde  lecture 
et  tout  nous  fait  espérer  qu'elle  traversera  sans  obstacle  sa 
dernière  phase  parlementaire. 

On  croira  difficilement,  au  Canada,  où  toutes  les  associa- 
tions qui  n'offrent  rien  de  contraire  aux  lois  et  aux  mœurs 
sont  incorporées  dès  qu'elles  demandent  à  l'être,  qu'une  me- 
sure aussi  simple  ait  soulevé,  dès  l'abord,  une  opposition.  X, 
sa  première  présentation,  le  projet  d'ordonnance  pour  incor- 
porer VUnion^  combattu  avec  passion,  avait  été  ajourné  à  six 
mois,  ce  qui  équivalait  à  son  rejet.  Sans  se  laisser  décou- 
rager, les  honorables  Conseillers  qui  avaient  pris  notre  cause 
en  mains  ont  présenté  de  nouveau  le  projet,  et  l'opposition, — 
formée  en  majeure  partie  de  protestants,  —  après  avoir  vaine- 
ment tenté  de  le  faire  écarter  de  nouveau,  a  dû  céder  devant 
les  raisons  dictées  par  la  justice  et  le  bon  sens. 

Nous  ne  jouissons  pas,  dans  cette  colonie  de  la  Couronne, 
des  institutions  que  nos  frères  du  Canada  ont  su  obtenir.  Mais- 
nous  nous  intéressons  vivement  aux  efforts  généreux  qu'ils  ne 
cessent  de  faire  pour  défendre  leur  religion,  maintenir  leurs- 
traditions  et  leurs  mœurs,  et  faire  progresser  la  race  à  laquelle 
ils  se  font  honneur  d'appartenir. 

Les  Français  d'Amérique,  centre  principal  de  l'influence 
française  dans  le  Nouveau  Monde,  viennent  de  manifester 
encore  leur  puissante  vitalité  et  leur  attachement  à  l'Eglise- 
dans  les  fêtes  nationales  du  24  juin.    U Union  catholique  n'a 


RAPPORT    DE   l'union    CATHOLIQUE    DE    l'iLE    MAURICE  157 

pas  pu  y  prendre  part  ;  mais,  de  loin,  elle  s'y  est  associée  de 
tout  cœur.  Le  jour  môme  de  la  St-Jean-Baptiste,  elle  se  réu- 
nissait en  assemblée  générale,  et  son  Conseil  de  direction  se 
faisait  ainsi  l'interprète  de  ses  sentiments  : 

"  Aujourd'hui,  jour  de  la  St-Jean-Baptiste,  il  se  célèbre  à 
Québec,  centre  catholique  du  Canada,  |une  grande  fête  reli- 
gieuse et  nationale.  Notre  président  y  avait  été  convié,  et 
V Union  était  également  invitée  à  s'y  faire  représenter  et  à 
prendre  part,  par  des  délégués,  à  un  Congrès  catholique.  C'est 
avec  regret  que  nous  nous  sommes  vus  empêchés,  par  la  dis- 
tance et  les  difficultés  matérielles  qui  en  résultent,  de  nous 
rendre  à  cette  cordiale  invitation  et  de  profiter  de  l'hospitalité 
qui  nous  était  offerte. 

"  Mais,  s'il  ne  nous  a  pas  été  permis  d'assister  à  la  manifesta- 
tion solennelle  d'un  grand  peuple,  qui,  à  travers  les  vicissi- 
tudes de  ses  destinées  politiques,  a  conservé  son  unité  et  sa 
foi,  s'est  développé  avec  une  puissante  vitalité  et  a  su,  non 
seulement  conquérir  toutes  les  libertés,  mai"^  en  faire  le  plus 
noble  usage  ;  s'il  ne  nous  est  pas  donné  de  contempler  de  près 
l'alliance  qu'il  a  si  heureusement  réalisée  entre  le  culte  de 
ses  souvenirs,  la  fidélité  à  ses  traditions,  et  le  dévouement  le 
plus  loyal  envers  le  drapeau  qui  protège  son  indépendance  ; 
nous  pouvons  du  moins,  spectateurs  lointains,  nous  rappro- 
cher, en  ce  jour,  du  peuple  canadien  par  la  pensée,  nous  unir 
à  lui  par  la  sympathie. 

"  Puissions-nous  rester  attentifs  aux  exemples  que  nous 
donnent  nos  frères  du  Canada,  et,  comme  eux  dévoués  à  notre 
Souveraine,  trouver,  nous  aussi,  dans  notre  attachement  à 
l'Eglise  catholique,  l'union  qui  fera  notre  force  et  nous  per- 
mettra de  travailler  efficacement  au  bonheur  de  notre  pays  !  " 

Oscar  d'E.  de  Charmoy, 
Président  de  l'Union  catholique  de  l'Ile  Maurice 


158      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

RAPPORT  DU  BUREAU  DES  CERCLES  CATHOLIQUES 

PAR  M.  C.  VINCELETTE 

PRÉSIDENT   DU   CERCLE   CATH04IQUE   DE   QUÉBEC 


Monsieur  le  président^  Messieurs^ 

La  tâche  qui  m'in combe  de  faire  un  rapport  qui,  pour  être 
complet,  demanderait  des  données  que  les  circonstances  ont 
rendu  difficiles,  pour  ne  pas  dire  impossibles  à  obtenir,  est 
tellement  importante,  que  je  crains,  malgré  ma  bonne  volonté, 
de  ne  l'accomplir  qu'imparfaitement. 

Comptant  toutefois  sur  votre  indulgence,  je  vous  soumettrai 
humblement  ce  travail,  quelque  peu  élaboré  qu'il  soit. 

L'association  a  toujours  été  l'instrument  des  grandes  œu- 
vres. L'Eglise,  qui  est  la  première  et  la  plus  forte  de  toutes 
les  sociétés,  travaille  sans  relâche  à  inspirer  à  ses  enfants  le 
goût  de  l'association.  L'Ecriture  a  dit  :  "  Malheur  à  l'homme 
qui  vit  seul  !  "  Vœ  soli  !  Cette  parole  peut  également  s'ap- 
pliquer aux  différentes  classes  de  la  société  qui  vivent  seules, 
isolées.  Elles  ne  connaissent  de  la  vie  qu'une  partie,  elles 
sont  privées  du  lien  indissoluble  qu'on  appelle  la  charité. 
C'est  la  charité  qui  rapproche  tous  les  rangs,  met  dans  la  so- 
ciété la  force,  en  y  mettant  l'unité,  cette  unité  variée,  vivante 
et  féconde  qui  résulte  de  l'harmonie  entre  les  divers  éléments 
du  monde  social. 

L'OEuvre  des  cercles  catholiques  a  puisé  sa  raison  d'être 
dans  ce  besoin  que  l'homme  de  bien  éprouve  de  s'unir  à  son 
semblable  pour  augmenter  ses  forces  au  service  d'une  idée,  au 
soutien  d'une  cause  ;  de  là.  ces  réunions  d'hommes  bien  dis- 
posés qui  mettent  en  commun  leur  énergie,  leur  action. 
Forts  de  cette  unité  qui  centuple  leurs  courages,  ils  acquiè- 
rent bientôt  aux  yeux  de  leurs  semblables  un  prestige  nou- 
veau, et  leurs  opinions,  basées  sur  la  vérité  qui  leur  sert  de 
guide,  s'imposent  d'elles-mêmes  et  presque  sans  travail.  Ils 
n'imposent  pas  leurs  croyances  par  la  force,mais  ne  peut-on  pas, 
par  la  force,  imposer  le  respect  de  ce  qui  est  sacré.  Or,  parmi  les 


RAPPORT    DE    xM.    C.    VINGELETTE  159 

choses  que  nous  devons  considérer  comme  sacrées,  il  y  a 
d'abord  l'Eglise  catholique,  notre  mère,  puis  en  seconde  ligne 
viennent  les  enseignements  de  cette  mère  commune  à  tous 
les  fidèles,  qui  peuvent  se  résumer  dans  la  parole  infaillible 
du  Souverain  Pontife. 

Partant  de  là,  aucune  association  catholique  ne  saurait  être 
fidèle  à  sa  mission,  si  elle  ne  prend  son  mot  d'ordre  de  l'Eglise 
et  de  la  charité  dont  elle  est  la  source.  Les  cercles  catho- 
liques sont  des  ass(  iations  religieuses  qui  ont  leur  aumônier 
ou  visiteur,  leurs  pratiques  de  piété  spéciales.  Aucun  citoyen 
ne  peut  se  prévaloir  de  son  admission  s'il  n'a  d'abord  con- 
senti à  adhérer  à  toutes  les  définitions  de  l'Eglise  sur  les  rap- 
ports du  pouvoir  spirituel  avec  la  société  civile. 

Dans  sa  séance  du  28  août  1873,  le  Congrès  de  Nantes  ac- 
clamait la  résolution  suivante  :  "  Le  Congrès  exprime  le  vœu 
que  les  directeurs  des  associations  s'attachent  à  développer  en 
elles  l'esprit  cr.tholique  militant,  parallèlement  et  au  même 
degré  que  l'esprit  de  piété,  le  premier  étant  le  préservatif  né- 
cessaire du  second."  Imbu  de  cette  idée  qui  veut  que  le 
catholique  soit  militant  et  apôtre  en  vertu  de  ces  paroles  de 
l'Ecriture:  Uniquique  Deus  mandavit  de proximo  suo^  le  Cercle 
de  Québec  disait  dans  son  rapport  de  1879  : 

"•  Le  Cercle  est  une  œuvre  religieuse."  Nous  revenons  sur 
ce  mot,  parce  que  nous  prétendons  être  plus  qu'une  des  so- 
ciétés littéraires,  qui  de  tout  temps  ont  existé.  Le  cercle 
catholique  est  une  institution  à  laquelle  l'esprit  de  l'Eglise  a 
donné  naissance  pour  répondre  à  un  besoin  spécial,  comme 
jadis  naquirent  les  ordres  militaires  pour  faire  face  à  d'autres 
dangers.  C'est  une  de  ces  semi  confréries  laïques,  comme  la 
St  -Vincent  de  Paul,  que  le  caractère  de  notre  époque  a  néces- 
sité pour  continuer  l'action  du  prêtre  dans  cette  société  civile 
que  l'on  a  imaginée  en  dehors  de  la  société  religieuse.  C'est 
une  phalange  nouvelle  que  la  foi  organise  en  face  de  l'armée 
du  mal.  " 

L'OEuvre  des  cercles,  telle  que  nous  la  comprenons, 
est  donc  essentiellement  active  ;  c'est  une  milice  composée  de 
soldats  braves  au  moment  du  combat,  toujours  prêts  à  la 


160      PREMIER  CONGRÈS  Cai'HOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

lutte  ;  et  elle  est  commandée  par  un  chef  qui  a  inscrit  sur 
son  drapeau  :  Instaurare  omnia  in  Christo.  Œuvre  de  restau- 
ration par  excellence  ;  elle  veut  remettre  en  place  ce  que 
Satan,  par  ses  suppôts  nombreux,  a  pu  bouleverser  ;  restaurer 
Dieu  dans  la  vie  sociale  ;  restaurer  la  société  par  l'affirmation 
pleine  et  entière  de  la  doctrine  catholique  ;  et,  comme  le  di- 
sait Mgr  Freppel,  l'illustre  évêque  d'Angers,  que  les  catho- 
liques de  Brest  viennent  de  choisir  comme  leur  député  à  la 
Chambre  des  députés  de  France,  dans  un  discours  prononcé 
dans  l'Eglise  de  Sainte-Madeleine,  à  Paris,  le  30  avril  1876  : 
"  Le  salut  est  dans  la  restauration  de  la  société  chrétienne. 
Le  salut,  c'est  le  Christ  replacé  au  sommet  des  intelligences  et 
au  plus  profond  des  cœurs  ;  le  Christ  pénétrant  de  sa  doctrine 
l'enseignement,  la  législation,  l'autorité  ;  le  Christ  en  haut, 
en  bas,  au  milieu,  partout.  " 

Nous  ne  devons  pas  nous  attendre,  Messieurs,  d'arriver  à 
ce  résultat  du  premier  coup  et  sans  avoir  à  faire  des  sacrifices. 
Non,  il  faut  multiplier  les  efforts  comme  il  faut  stimuler  les 
courages.  Dans  notre  pays  catholique,  on  semble  croire  que 
la  victoire  est  de  tous  les  jours  et  qu'il  sufîit  de  suivr'^  le  cou- 
rant pour  remplir  le  devoir  qui  incombe  à  chacun.  Erreur 
étrange  !  qui  est  d'autant  plus  facile  à  reconnaître  que  nous 
voyons  tous  les  jours  surgir  à  côté  de  nous  des  associations 
de  protestants  qui  se  jettent  dans  l'arène  avec  une  ardeur  que. 
nous  sommes  parfois  portés  à  leur  envier.  Protestants  ils 
sont,  et  protestants  ils  veulent  paraître.  On  dirait  qu'ils  met- 
tent un  certain  orgueil  dans  le  déploiement  de  leur  fanatisme 
religieux.  Et  nous,  catholiques,  nous  nous  cantonnerions 
dans  un  coin  obscur,  préférant  les  ténèbres  au  grand  jour,  la 
défaite  certaine  à  lîi  victoire  qui  nous  tend  les  bras  ! 

Le  Cercle  catholique  de  Québec  a  eu,  Messieurs,  sa  part 
d'épreuves,  et  il  est  fier  de  le  dire  et  de  le  proclamer  bien 
haut.  S'il  eût  capitulé  sur  la  doctrine,  il  aurait  bien  vite  dé- 
sarmé l'ennemi,  mais  en  revanche,  il  eût  donné  raison  à  ceux 
qui  contestaient  son  utilité.  Arrière  ceux  qui  ont  peur,  disait 
l'éloquent  Albert  de  Mun  à  l'assemblée  de  Paris  !  Arrière 
ceux  qui  ont  peur  de  la  vérité,  ont  dit  les  membres  du  Cercle 


RAPPORT   DE   M.    C.   VINCELETTE  161 

catholique,  et  qui,  tout  en  la  confessant,  la  réduisent  aux  pro- 
portions de  leurs  pusillanimité  ! 

Voilà,  Messieurs,  les  raisons  qui  expliquent  un  peu  pourquoi 
les  efforts  qui  ont  été  faits  jusqu'à  ce  jour  pour  établir  des  cer- 
cles catholiques  ont  été  à  peu  près  sans  résultat.  A  la  Baie 
St-Paul,  dans  le  comté  de  Gharlevoix,  nous  avons  pu  établir 
un  cercle  qui  s'est  maintenu  pendant  quelques  mois,  mais  qui 
s'est  bientôt  éteint,  précisément  parce  que  les  directeurs  n'a- 
vaient pas  saisi  l'idée  qui  avait  présidé  à  la  création  de  cette 
association.  Et  puis  on  comprend  combien  est  peu  vaste  le 
terrain  d'action,  et  combien  la  classe  dirigeante,  peu' nom- 
breuse en  général  à  la  campagne,  se  laisse  désunir  par  ces 
mille  et  une  chicanes  mesquines  qui  sont  un  ferment  actif  de 
discorde. 

Cependant  un  Cercle  catholique  afïilié  à  celui  de  Québec 
s'est  établi  en  1878  parmi  les  Canadiens  français  de  Biddeford, 
dans  l'Etat  du  Maine,  aux  Etats-Unis.  C'est  avec  un  sentiment 
de  la  plus  grande  satisfaction,  en  môme  temps  avec  orgueil, 
que  nous  constatons  que  cette  association,  qui  a  eu  l'obli- 
geance de  se  faire  représenter  par  six  délégués  dont  le  prési- 
dent est  ici  présent,  marche  de  progrès  en  progrès,  que  les 
œuvres  qu'elle  a  prises  sous  sa  protection  ont  vu  déjà  s'ouvrir 
l'ère  d'une  prospérité  nouvelle,  qu'enfin  cette  société  sœur 
attire  déjà  l'attention  des  catholiques  du  Canada.  Les  mar- 
ques de  sympathie  et  d'estime  ne  lui  ont  pas  du  reste  fait 
défaut.  Mgr  l'évêque  de  l'endroit  a  manifesté,  à  plusieurs  re- 
prises, tout  l'intérêt  qu'il  porte  à  cette  jeune  société  qui  n'est 
que  d'hier  et  qui  est  plus  connue  peut-être  que  la  plupart  des 
associations  américaines  dont  le  but  diffère  ;  et  c'est  proba- 
blement à  cause  de  cela  même,  de  cet  abîme  qui  sépare  l'asso- 
ciation véritablement  catholique  de  la  société  indifférente, 
qu'elle  s'appelle  club,  cercle  ou  institut,  que  le  Cercle  catho- 
lique de  Biddeford  jouit  déjà  d'une  réputation  fort  enviable  et 
surtout  bien  méritée. 

L'Union  catholique  de  Montréal  est  une  de  ces  associations 
qui,  dans  ses  attributs  particuliers,  a  fait  un  bien  considé- 
rable. Son  caractère  est  militant  et  ne  diffère  pas  en  cela  du 


162  PRExMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU  A   QUÉBEC 

cercle  catholique.  Travaillant  surtout  à  la  sanctification  et  à 
l'union  des  sociétaires,  l'Union  catholique  a,  sous  la  direction 
des  RR.  Pères  Jésuites,  rempli  son  but  avec  un  zèle  digne 
d'éloges.  L'homme,  il  est  vrai,  a  été  mis  sur  cette  terre  pour 
acquérir  la  vie  éternelle,  se  sanctifier  ;  mais  il  y  a  encore  l'a- 
postolat qui  ne  doit  pas  être  mis  de  côté,  l'exemple  qui  est 
contagieux,  paraît-il,  suivant  cette  parole  de  Notre-Seigneur  : 
"  Quemadmodum  ego  feci,  ita  et  vos  faciatis.  "  Ces  associa- 
tions du  genre  de  l'Union  catholique  sont  nécessaires  ;  mais 
qu'on  nous  permette  de  regretter  qu'il  n'y  eut  pas  dans  cette 
grande  ville  de  Montréal,  la  ville  religieuse  par  excellence,  que 
Marie  a  pris  sous  sa  protection  dès  son  berceau,  un  cercle  ca- 
tholique, ayant  un  caractère  plus  analogue  à  celui  du  Cercle 
tel  que  nous  nous  sommes  efforcés  d'en  jeter  les  bases.  Un 
peu  de  bonne  volonté,  de  travail  :  c'est  pourtant  le  fonds  qui 
manque  le  moins. 

Le  Cercle  catholique  de  Québec  est  en  grande  intimité  avec 
les  sociétés  suivantes  :  l'Union  catholique  de  l'Ile  Maurice, 
l'Association  de  la  jeunesse  catholique  de  Bologne,  la  Société 
Mère  des  intérêts  catholiques  de  Rome.  Ces  relations  lui  ont 
valu  des  témoignages  de  sympathie  de  la  plus  haute  valeur, 
il  n'est  que  juste  que  nous  profilions  de  cette  circonstance  so- 
lennelle pour  offrir  à  ces  différentes  sociétés  nos  remercie- 
ments les  plus  sincères  pour  la  part  qu'elles  ont  prise  au 
Congrès,  part  dont  la  portée  est  immense  et  qui,  nous  n'en 
doutons  pas,  aura  un  retentissement  universel. 

Les  catholiques  dltalie,  de  Belgique,  de  Hollande,  de  l'Es- 
pagne, du  Portugal  sont  venus,  par  des  lettres  magnifiques, 
exprimer  leurs  adhésions  aux  résultats  de  nos  délibérations, 
se  faisant  par  là  l'écho  de  notre  Mère  la  sainte  Eglise,  qui  se 
réjouit  du  succès  de  ses  enfants  qui  luttent  pour  la  cause  de 
sa  liberté  et  le  maintien  de  ses  droits. 

Dans  toutes  les  sociétés,  Messieurs,  les  œuvres  sont  l'expres- 
sion la  plus  caractéristique  du  bien  qu'elles  opèrent.  C'est 
ainsi  que  le  Cercle  catholique  a  compris  qu'il  n'aurait  d'utilité 
réelle  qu'en  établissant  des  œuvres  annexes  qui,  dans  leur 
sphère  propre,  pourraient  contribuer  à  l'œuvre  commune, 


RAPPORT   DE  M.   G.   VINCELETTE  163 

celle  du  bien.  Le  Cercle  catholique  a,  jusqu'à  ce  jour,  établi 
dans  son  sein  les  œuvres  suivantes:  lo.  L'œuvre  des  bons 
livres  ;  2o.  L'œuvre  des  vieux  papiers  ;  3o.  L'œuvre  de  la  Colo- 
nisation; 4d.  L'œuvre  de  la  St -Vincent  de  Paul;  5o.  L'œuvre 
des  bibliothèques. 

Vous  verrez,  Messieurs,  par  les  rapports  particuliers,  que 
toutes  ont  eu  un  succès  relatif  marqué,  et  qu'avec  le  temps, 
elles  donneront  des  résultats  splendides.  Nous  ne  voulons  pas 
diriger  votre  attention  d'une  manière  spéciale  sur  ces  faits 
qui  peuvent  vous  sembler  puériles  au  premier  abord,  mais 
nous  laissons  aux  rapporteurs  des  sous-œuvres  le  soin  de  vous 
convaincre  de  leur  utilité,  dans  l'espérance  qu'ils  réussiront 
entièrement  dans  leur  tâche. 

Il  va  s'agir  maintenant  de  l'union  des  sociétés  catholiques, 
du  meilleur  mode  à  suivre,  des  moyens  de  créer  cette  union, 
et  de  la  perpétuer.  Messieurs,  c'est  le  point  difficile  du  sujet 
que  je  dois  traiter,  et  j'invoque  toute  votre  indulgence. 

Je  crois  que  le  meilleur  mode  de  créer  cette  union  si  dési- 
rable est  de  former  un  comité  permanent  des  intérêts  catho- 
liques, que  nous  pourrions  appelé  Conseil  supérieur  ou  encore 
Comité  général  des  intérêts  catholiques  du  Canada.  Ce  co- 
mité pourrait  être  composé  de  huit  personnes  :  chaque  diocèse 
de  la  province  ecclésiastique  serait  représenté  par  un  délégué 
choisi  par  l'évêque  de  l'endroit.  Un  comité  provisoire  com- 
posé de  trois  citoyens  que  le  bureau  pourra  nommer  immé- 
diatement, aura  pleine  et  entière  liberté  de  choisir  son  terrain 
d'action,  et  d'aviser  aux  meilleurs  moyens  à  prendre  pour 
jeter  les  bases  de  cette  organisation  supérieure. 

Ce  Comité  des  intérêts  catholiques  devra  conserver  son  indé- 
pendance vis-à-vis  des  cercles  ou  sociétés  catholiques,  tout  en 
relevant  de  l'autorité  ecclésiastique.  Il  aurait  le  privilège  de 
convoquer  ad  nutum  des  Congrès  généraux,  toujours  avec 
l'assentiment  de  l'épiscopat.  Travailler  à  relier  entre  elles  les 
diverses  associations  catholiques  de  l'Amérique  et  celles-ci 
avec  les  cercles  catholiques  du  vieux  monde,  serait  une  œuvre 
éminemment  religieuse  que  ce  comité  pourrait  mettre  dans 
son  programme.    Ce  serait  le  meilleur  mode  de  créer  et  de 


164      PREMIER  CONGRES  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

perpétuer  cette  union  si  désirable  entre  les  associations  qui 
ont  les  mêmes  aspirations,  les  mêmes  besoins. 

Gréer  et  perpétuer  cette  union  entre  les  sociétés  sœurs  du 
Canada  et  des  Etats-Unis  d'Amérique,  voilà  un  des  principaux 
buts  de  ce  premier  Congrès  catholique.  Le  Cercle  catholique, 
plus  jeune  que  bien  d'autres  sociétés  qui  ont  eu  la  bienveil- 
lance de  se  faire  représenter  à  ce  Congrès,  ne  peut  pas  et  ne 
prétend  pas  non  plus  imposer  ses  conditions  ;  au-dessus  de  lui, 
il  est  dans  cette  province  ecclésiastique  un  clergé  à  la  tête  du- 
quel brillent  au  premier  rang  les  archevêque  et  évêques.  En 
leur  qualité  de  gardiens  naturels  de  la  foi,  ces  hommes  ont  la 
haute  main  sur  la  destinée  de  nos  œuvres  catholiques.  A  eux 
incombe  donc  la  tâche  de  venir  à  notre  rescousse  dans  la  créa- 
tion d'une  amitié  durable  entre  ces  sociétés  canadiennes  et 
religieuses  qui  sont  nées  de  l'idée  catholique,  et  qui  se  doivent 
par  conséquent  une  grande  charité  et  fraternité. 

En  terminant  ce  rapport,  que  je  considère  bien  imparfait, 
je  dois,  au  nom  du  Cercle  catholique  de  Québec  et  en  ma 
qualité  de  président  de  cette  association,  remercier  tous  les 
Messieurs  de  Montréal  et  des  Etats-Unis  de  leur  bienveillance 
à  notre  égard,  et  du  grand  intérêt  qu'ils  portent  à  notre  œuvre. 

C.  VINCELETTE, 

Président  du  Cercle  catholique  de  Québec 


RAPPORT  DE  M.  N.  LAÇASSE  FAIT  AU  CONGRES 
CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC, 

Le  26  juin  \  880 

RAPPORT  DE  l'oeuvre  DE  LA  PROPAGATION  DES  BONS  LIVRES 

L'Œuvre  de  la  Propagation  des  bons  livres^  qui  forme  l'une 
des  sous-œuvres  du  Cercle  catholique  de  Québec,  a  été  établie 
dans  cette  ville  au  commencement  de  l'année  1878,  et  a  reçu, 
dès  le  mois  de  mai  de  la  môme  année,  les  encouragements  de 
l'épiscopat  canadien. 

En  Europe,  cette  même  œuvre  existe  comme  l'un  des  buts 


RAPPORT   DE   M.   N.    LAÇASSE  165 

que  se  propose  d'atteindre  VAssociatioîi  de  Saint- François  de 
Sales ^  qu'on  a  justement  surnommée  une  association  pour  la 
propagation  de  la  foi  à  rintérieur. 

Bénie  et  encouragée  par  l'auguste  pontife  Pie  IX,  d'heu- 
reuse et  sainte  mémoire,  l'Association  de  Saint-François  de 
Sales  fait  appel  à  la  piété,  à  la  générosité  et  à  l'activité  des 
catholiques,  pour  développer,  soutenir  ou  fonder  des  écoles, 
des  patronages,  des  ouvroirs,  des  asiles  ;  pour  répandre  gra- 
tuitement des  bons  livres  ;  pour  procurer  aux  paroisses  des 
retraites  et  des  prédications  extraordinaires  ;  enfin,  pour  en- 
tretenir, soutenir  ou  fonder  des  chapelles,  dans  les  pays  où  la 
foi  est  menacée,  et  où  la  pauvreté  des  églises  ferait  craindre 
la  cessation  du  culte  divin. 


Est-il  besoin  d'insister  ici  sur  l'influence  que  la  presse 
exerce,  par  ses  livres,  dans  la  société  moderne  ?  Pourrions- 
nous  empêcher  la  génération  contemporaine  de  s'agiter,  de 
voyager,  de  lire  journaux  et  livres,  de  penser  et  de  juger  les 
hommes  et  les  événements,  et  de  vouloir  plus  ou  moins  parti- 
ciper à  ce  qu'on  appelle  les  affaires  du  pays  ?  Non,  sans  doute. 

Mais  que  voyons-nous  autour  de  nous,  dans  ce  que  nous 
pouvons  bien  appeler  le  camp  ennemi  ?  TjC  parti  du  mal  ex- 
ploite de  toutes  manières  les  immenses  moyens  de  diffusion 
qu'offrent  les  inventions  moderr.as,  et  il  s'en  sert  contre  la 
paix  sociale,  contre  nous,  contre  l'Eglise,  contre  Dieu.'  Reste- 
rons-nous spectateurs  indifférents  de  ce  mouvement  irrésis- 
tible ?  Donnerons-nous  aux  méchants  un  prétexte  quelconque 
de  nous  accuser  d'obscurantisme  et  d'inertie  ? 

Qu'il  me  soit  permis  de  le  dire,  ce  serait  faillir  au  devoir 
qui  nous  incombe  comme  soldats  du  Christ  et  de  son  Egliee, 
ce  serait  forfaire  aux  traditions  de  nos  pères,  ce  serait  déchoir 
de  la  position  éminente  que  la  phalange  catholique  a  toujours 
occupée  dans  la  science,  dans  les  arts,  dans  l'industrie.  N'est- 
ce  pas  l'Eglise  qui,  au  déclin  de  l'Empire  romain,  conserve 

encore,  par  ses  Pères,  quelque  lustre  aux  deux  langues  grecque 

11 


166      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

et  latine  ?  N'est-ce  pas  l'Eglise  qui,  au  moyen-âge,  a  sauvé  l& 
trésor  des  lettres,  des  sciences  et  des  arts  ? 

Dites-moi,  ennemis  de  l'Eglise,  révolutionnaires  de  toutes 
sortes,  francs-maçons,  socialistes,  positivistes,  nihilistes  : 
étaient-ils  des  vôtres  ces  hommes  de  foi  que  l'histoire  nomme 
Christophe  Colomb,  Vasco  de  Gama,  Jacques-Cartier,  Cham- 
plain,  qui  n'entreprenaient  leurs  périlleuses  expéditions  qu'en 
vue  d'agrandir  le  royaume  du  Christ? 

Etaient-ils  des  vôtres  ces  étonnants  penseurs,  saint  Augus- 
tin, saint  Thomas,  Suarez,  dont  les  travaux  immenses  sont  à  " 
la  fois  pour  nous  un  objet  d'admiration  et  une  mine  inépui- 
sable? 

Etaient-ils  des  vôtres  et  le  cardinal  Cuza,  et  le  chanoine 
Copernic,  et  Galilée  lui-même,  qui  ont  fondé  le  système  as- 
tronomic[ue  moderne  ?  et  les  abbé  Picard,  La  Caille,  et  bien 
d'autres,  jusqu'à  Le  verrier,  qui  ont  tant  fait  pour  les  progrès 
de  l'astronomie  ? 

Etaient-ils  des  vôtres,  Pascal,  Descartes,  Cuvier,  Ampère, 
Cauchy,  si  célèbres  dans  les  sciences  ? 

Etaient  ils  des  vôtres,  Bossuet,  Fénélon,  Bourdaloue,  Mas- 
sillon,  Corneille,  Racine,  Chateaubriand,  De  Donald,  Ozanam, 
la  gloire  des  lettres  françaises  ? 

Ah  !  messieurs,  lorsqu'on  prend  la  peine  de  jeter  un  coup 
d'œil  rétrospectif  sur  les  gloires  d  i  catholicisme,  on  se  relève 
plein  d'une  légitime  et  noble  f  rue,  et  l'on  se  dit  :  Comment 
pourrait-elle  être  l'erreur,  "  cette  Eglise  qui  se  présente  aux 
siècles  à  venir  avec  un  cortège  si  imposant  d'inimitables 
génies  ?  " 

n 

C'est  donc,  nous  pouvons  le  proclamer,  c'est  un  devoir  glo- 
rieux, que  celui  que  nous  nous  sommes  imposé  en  établissant 
l'œuvre  de  la  propagation  des  bons  livres.  Sans  bruit,  sans 
éclat,  sans  grandes  dépenses,  nous  pouvons  faire  beaucoup 
pour  attacher  à  l'Eglise,  par  une  conviction  sérieuse,  un  grand 
nombre  de  ses  enfants  ;  nous  pouvons  faire  connaître  plus 
exactement  la  vie  des  saints  et  les  grands  faits  de  l'histoire  des 


RAPPORT    DE  M.   N.   LAÇASSE  i67 

peuples  et  de  l'Eglise  universelle,  faire  aimer  la  famille  et  le 
foyer,  et  détourner  le  peuple  des  réunions  dangereuses. 

Ils  sont  puissants  les  effets  que  peut  produire  la  lecture  en 
commun,  au  foyer  domestique.  Un  heureux  mélange  de  ré- 
flexions et  de  traits  choisis  est  éminemment  propre  à  inspirer 
ja  haine  du  mal,  l'amour  du  bien,  la  patience,  la  charité,  la 
confiance  en  la  divine  Providence. 

Comment  ne  serait-on  pas  touché,  par  exemple,  en  lisant, 
dans  les  Paillettes  d'or^  l'acte  de  courage  de  cette  bonne  sœur 
de  charité,  qui,  par  son  insistance  auprès  d'un  avare,  finit  par 

recevoir,  de  la  main  de  cet  homme, un  soufflet  : 

"  Merci,  monsieur,  dit-elle  fort  tranquillement  ;  ce  soufflet  est 
"  pour  moi  ;  maintenant  pour  mes  pauvres,  s'il  vous  plaît  !  '' 
L'avare  fut  ému,  et  se  montra  généreux. 

Comment  ne  serait-on  pas  attendri  en  lisant,  sous  le  titre  : 
la  Première  paye^  le  récit  de  ce  jeune  homme  plein  de  cœur, 
qui,  au  terme  de  son  apprentissage,  et  venant  d'être  reçu  ou- 
vrier, revient  chez  ses  parents,  demande  qu'on  rétablisse  son 
lit  à  la  maison  paternelle,  et  va  ensuite  faire  ses  premières 
journées  de  travail,  jusqu'à  la  paye  de  la  quinzaine.  "  Lors- 
"  qu'on  me  remit,  dit-il,  trois  écus  de  six  livres,  trois  grosses 
"  pièces  blanches  toutes  neuves,  quand  je  les  vis  reluire  dans 
"  ma  main,  lorsque  je  les  sentis  en  ma  possession,  comme 
"  mon  bien,  ma  propriété,  mieux  encore,  le  fruit  de  mon  tra- 
"  vail,  le  prix  de  quatre  années  de  douleurs,  de  fatigues  et  de 
"  courage,  l'étonnement.  le  bonheur,  brisaient  ma  poitrine  : 
"  j'étais  fou  de  joie...  Sans  hésitation,  je  fis  mon  devoir  :  je 
"  courus  bien  vite  donner  tout  mon  argent  à  ma  mère,  et  me 
"  jeter  dans  les  bras  de  mon  père,  qui  me  serra  dans  les  siens 

"  en  pleurant." "  Dieu  te  bénira,  cher  enfant  !   Oh  !  nous 

"  sommes  bien  heureux  :  nous  avons  un  fils,  nous  avons  élevé 
"  un  honnête  homme  !  " 

Les  gens  de  plaisir,  les  riches,  les  puissants  de  la  terre  ne 
connaissent  pas  ces  bonheurs-là  ;  c^est  la  part  du  pauvre,  de 
l'ouvrier  :  Dieu  a  réservé  à  chaque  condition  son  lot  de 
bonheur. 

Comment,  enfin, — permettez-moi  encore  cette  citation, — car 


168      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

je  désire  faire  connaître  les  fruits  des  bonnes  et  saines  lec- 
tures, comment  le  pas  se  rendre  à  l'évidence  de  cette  magni- 
fique preuve  intrinsèque  de  la  divinité  de  la  religion,  que 
donne  Monseigneur  de  Ségur  au  début  de  ses  Réponses  aux 
objections,  etc.  Il  s'agit  d'un  condamné  à  mort,  le  sergent  Her- 
buel,  qui  avait  tué  son  lieutenant,  et  qui  a  été  assisté,  pen- 
dant deux  mois  entiers,  par  Mgr  de  Ségur  lui-même,  alors 
aumônier  de  la  prison  militaire.  Dès  le  troisième  jour  après 
la  terrible  sentence,  Herbuel  reçut  les  sacrements,  et  parut 
tout  changé.  "  Maintenant,  répétait-il,  maintenant  je  suis 
"  heureux  ;  je  suis  prêt  :  que  le  bon  Dieu  fasse  de  moi  ce 
"  qu'il  voudra.  Je  suis  dans  une  paix  profonde  ;  je  ne  regrette 
"  la  vie  que  pour  pouvoir  faire  pénitence." 

Herbuel  se  confessait  et  communiait  tous  les  huit  jours. 
C'i  st  le  1er  novembre  1848  qu'on  lui  notifie  pour  le  lendemain 
l'exécution  de  sa  sentence  ;  à  ce  moment  redoutable,  son  corps 
était  ébranlé  par  une  sorte  de  tremblement  convulsif,  mais 
l'âme  dominait  cette  émotion  violente  :  '■'•  La  volonté  de  Dieu 
soit  faite  ",  dit-il  au  commandant. 

Il  reçut  encore  les  sacrements,  pria  beaucoup  pendant  la 
nuit,  et  causa  tranquillement  avec  les  deux  gendarmes  qui  le 
gardaient.  A  6  heures  du  matin,  après  avoir  embrassé  le  con- 
cierge de  la  prison  et  le  commandant,  qui  ne  pouvaient  rete- 
nir leurs  larmes,  il  partait  pour  la  mort Mais  il  était 

paisible,  gai  môme  pendant  le  trajet.  "  Vous  ne  sauriez  croire, 
"  monsieur  l'Aumônier,  disait-il,  quelle  excellente  journée 
"  j'ai  passée  hier  !  comme  j'étais  heureux  !  c'était  un  pressen- 
^'  timent  permis  par  la  Providence.  Je  savais  que  c'était  la 
"  Toussaint  ;  j'ai  prié  tout  le  temps...  Le  soir,  j'étais  tout  con- 
"  tent...  et  maintenant,  je  le  suis  bien  encore.  Rien  ne  peut 
'■'■  exprimer  quelle  paix  j'ai  goûtée  cette  nuit...  La  mort  n'est 
"  plus  rien  pour  moi...  Je  sais  où  je  vais  :  je  vais  là-haut,  chez 
"  mon  Père,  je  vais  chez  nous...  Dans  quelques  moments,  j'y 
"  serai...  Je  suis  un  grand  pécheur,  mais  Dieu  est  bon,  et  j'ai 
"  une  immense  confiance  en  lui..  Quel  beau  jour  !  je  vais 
"  bientôt  être  avec  Dieu  1..." 

Cependant  la  voiture  était  arrivée  dans  les  plaines  de  Vin- 


RAPPORT   DE   AI.   N.    LAÇASSE  169 

cennes.  Tout  était  prêt.  Herbuel  demanda  qu'on  lui  laissât 
commander  son  feu.  Il  adressa  quelques  mots  aux  soldats, 
reçut  une  dernière  bénédiction,  et  mourut,  on  peut  le  dire, 
d'une  manière  héroïque. 

Que  faut-il  penser  d'une  religion  qui  fait  mourir  ainsi  un 
grand  coupable  ? 

Il  est  évident  que  la  lecture  de  pareils  traits,  en  captivant 
l'attention,  est  éminemment  propre  à  faire  aimer  les  bonnes 
lectures,  à  détourner  des  plaisirs  dangereux  qui  pourraient 
éloigner  du  foyer,  et  à  contrebalancer  l'influence  de  la  mau- 
vaise presse,  dont  les  effets  pernicieux  se  font  sentir  partout, 
principalement  parmi  les  jeunes  gens. 

Je  dois  ici  faire  une  mention  spéciale  de  deux  opuscules 
que  l'on  trouve  en  dépôt  aux  bureaux  de  VŒuvre  des  bons 
livres.    Comme  vous  le  savez,  messieurs,  il  est  deux  grands 
maux  qui  affligent  aujourd'hui  notre  pays,  ce  f  mt  les  sociétés 
secrètes  et  l'émigration  des  Canadiens  français   aux   Etats- 
Unis  ;  mais  à  ces  deux  grands  maux  il  existe  deux  grands 
remèdes  :   nous  trouvons  le  premier  dans  un  petit  ouvrage 
intitulé  :  Les  sociétés  secrètes,  par  M.  Claudio  Jannet,  profes- 
seur à  l'Université  catholique  de  Paris,  et  le  second,  dans  la 
Mine  d'or  du.  Rév.Père  Laçasse,  de  la  Congrégation  des  Oblats. 
Inutile  de  vous  exposer  le  mérite  du  premier  opuscule  :  son 
auteur,  dont  vous  connaissiez  déjà  la  renommée,  vous  a 
prouvé  hier  sa  haute  intelligence  dans  les  questions  qui  con- 
cernent nos  intérêts  religieux.   Et  le  Rèv.  Père  Laçasse,  excel- 
lent patriote  et  connaissant  parfaitement  le  grand  mal  de 
notre  pays,  expose  dans  sa  Mine  d'or  le  seul  plan  national  pour 
le  guérir,  en  traitant  de  la  colonisation.  Son  livre  est  un  chef- 
d'œuvre  du  genre,  aussi  a-t-11  reçu  l'approbation  de  tout  l'épis- 
copat  canadien,  et  tous  les  Canadiens  doivent  avoir  à  cœur  de 
se  le  procurer  afin  de  devenir  ou  colons  ou  apôtres  de  la  co- 
lonisation. 

III 

L'CEuvre  de  Saint-François  de  Sales,  qui  a  été  surnommée, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  une  association  pour  la  propa^ 
galion  de  la  foi  à  Vintérieur^  a  reçu  les  encouragements  de  plu- 


170      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

sieurs  évêques  ;  sous  leur  patronage,  elle  est  même  introduite 
dans  plusieurs  diocèses  de  la  province  de  Québec,  et  nous  for- 
mons des  vœux  pour  qu'elle  le  soit  bientôt  dans  les  autres 
diocèses. 

En  cette  ville,  le  Cercle  catholique  a  nommé  pour  TŒluvre 
des  bons  livres,  un  Comité  spécial  qui  a  le  plus  vif  désir  de 
répondre  aux  espérances  conçues  dès  le  début  par  son  digne 
et  infatigable  président,  M.  le  chevalier  Vincelette.  Les  mem- 
bres de  ce  Comité  sont  :  MM.  Clément  Vincelette,  Arthur  Tur- 
cotte, Adjutor  Turcotte,  David  Bitner,  Joseph  Dabé,  Louis 
T.  Dussault,  Dr  Samson,  Dr  Tourangeau,  N.  Laçasse,  Ths 
Chapais,  Cléophas  Leclerc,  Télesphore  Drolet.  M.  l'abbé  E.  £• 
Hudon,  prêtre,  appartient  aussi  à  ce  Comité,  en  qualité  de 
censeur,  étant  préposé  à  l'examen  des  livres  de  l'Œîuvre.  Il 
peut  aussi  prendre  part  aux  délibérations  et  voter  comme  les 
autres  membres. 

Pendant  sa  première  année,  l'Œuvre  avait  importé  près  de 
9,000  livres  ou  brochures,  et  8,000  petites  feuilles  ou  tracts  ; 
de  plus  elle  avait  acheté  2,500  brochures  canadiennes,  et  en 
avait  fait  imprimer  10.000  sous  les  auspices  du  Cercle.  Pen- 
dant ce  menu:  temps,  l'CEuvre  avait  distribué  ou  vendu  2,000 
tracts^  et  23,000  brochures.  Les  ventes  avaient  rapporté  172 
piastres. 

Les  premiers  frais  de  cette  CEuvre  ont  été  couverts  par  une 
souscription  généreuse,  dont  les  auteurs  ne  sauraient  être 
trop  souvent  signalés  à  la  reconnaissance  des  hommes  de 
bien  ;  ce  sont  MM.  L.  G.  Baillargé,  E.  0.  Boulet,  Dr  J.  E- 
Landry,  Théophile  Le  Droit,  Jean-Louis  Renaud,  Frs  Vézina, 
Alexandre  Lemoine,  Félix  Portier,  Prudent  Vallée,  B.  Houde, 
J.  G.  Bossé,  J.  A.  Langlais,  J.  Shehyn,  J.  B.  Renaud,  Jos.  Ha- 
mel,  Abr.  Hamel,  Théop.  Hudon,  S.  X.  Cimon,  Dr  0.  Robi- 
taille  et  G.  Baby. 

Les  opérations  de  l'OEuvre  pour  l'année  terminée  le  31  mai 
dernier,  pour  ce  qui  concerne  les  statistiques  ou  la  partie  ma- 
térielle, bien  qu'elles  n'aient  pas  donné  le  résultat  le  plus  sa- 
tisfaisant, nous  font  cependant  augurer  avantageusement  de 
son  avenir.  Et  comme  le  Comité  actuel  n'est  formé  que  depuis 


RAPPORT   DE   M.  N.   LAÇASSE  171 

quelques  mois,  nous  n'avons  pu  encore  nous  procurer  tous  les 
détails  que  nécessite  l'exposé  d'un  état  financier  complet,  et 
nous  nous  trouvons,  en  conséquence,  dans  l'impossibilité  de 
vous  le  présenter  maintenant. 

Les  ouvrages  que  l'Œuvre  cherche  à  propager  sont  surtout 
les  opuscules  de  Mgr  de  Ségur  et  autres  analogues,  dont  la 
diffusion  dans  les  familles  paraît  capable  de  produire  les  plus 
heureux  effets.  Ces  petits  livres  conviennent  particulièrement 
dans  les  bibliothèques  des  paroisses,  et  peuvent  être  donnés 
en  prix  dans  les  écoles,  aux  examens  de  fin  d'année. 

Les  petites  feuilles  ou  tracts  de  l'Œuvre,  contenant  chacune, 
dans  4  ou  8  pages  d'imprimé,  un  récit  moral,  anecdotique  ou 
historique,  remplaceraient  très  avantageusement  les  images 
que  l'on  distribue  pendant  l'année  dans  les  écoles  communes. 
MM.  les  curés  et  autres  visiteurs  d'écoles  iront  plus  volontiers 
dans  les  classes  lorsqu'ils  auront  quelque  chose  de  ce  genre  à 
offrir  comme  encouragement  aux  élèves  studieux. 

Le  Comité  a  des  dépôts  dans  toutes  les  parties  du  Canada, 
et  môme  au  Manitoba.  Les  dépositaires  ont  une  remise  de  10 
pour  100  sur  les  prix  marqués,  qui  sont,  pour  les  feuillets  ou 
tracts^  de  25  cts  le  cent,  et,  pour  les  brochures,  de  5  à  10,  15, 
20,  25  cents. 

Pour  faciliter  le  choix  et  les  demandes  des  dépositaires,  le 
Comité  publiera  un  catalogue  des  ouvrages  qu'il  cherche 
à  répandre,  en  faisant  appel  à  tout  le  clergé  et  à  toutes 
les  municipalités  scolaires  pour  les  prier  de  l'aider  à  éten- 
dre l'Œuvre  de  la  propagation  des  bons  livres  au  moyen 
de  la  distribution  de  ses  livres  dans  les  catéchismes  et  les 
écoles. 

Nous  sommes  pleins  de  confiance  qu'avec  la  bénédiction  de 
Nos  Seigneurs  les  Evoques  et  le  concours  de  MM.  les  curés, 
nous  verrons  nos  efforts  couronnés  de  succès,  et  les  familles 
canadiennes  heureuses  de  pouvoir  alimenter  ainsi  d'une  ma- 
nière profitable,  à  tous  les  points  de  vue,  les  veillées  d'hiver 
et  les  réunions  paisibles  des  dimanches. 

Puissions-nous,  de  la  sorte,  répondre  dignement  au  but  que 
se  sont  proposé  les  fondateurs  de  cette  Œuvre,  et  contribuer 


172      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

largement,  pour  notre  part,  à  la  conservation,  à  l'améliora- 
tion, au  bonheurdu  peuple  canadien  ! 
Au  nom  du  Comité  dé  l'Œuvre  de  la  propagation  des  bons 

livres. 

N.  Laçasse, 

Président. 


RAPPORT  DE  M.  J.  P.  BOULET,  M.  D.  L.,  DE  "  L'ŒUVRE 
PONTIFICALE  DES  VIEUX  PAPIERS" 

(Annexe  du  "  Cercle  catholique  de  Québec") 

AU  bureau  des  cercles  ou  associations  catholiques  du  premier 

CONGRÈS  catholique  DE  QUÉBEC,  LE  26  JUIN  1880 


Colligile  fragmenta  ne  pereant  ! 

Recueillez  les  débris  pour  ne  rien 
laisser  perdre  !  Joan,  VI,  12. 

Messieurs^ 

Au  premier  abord,  il  semble  bien  téméraire  à  nous,  simples 
chiffonniers,  de  vouloir  occuper  le  temps  si  précieux  de  ce 
bureau  à  entendre  l'exposé  de  nos  petites  affaires,  et  peut-être 
devrions-nous  laisser  à  d'autres  le  soin  de  vous  entretenir  de 
choses  plus  importantes,  et  en  a^iparence  du  moins,  plus  en 
rapport  avec  le  but  de  ce  Congrès.  Mais  nous  sommes  les 
chiffonniers  du  Pape,  et  dès  lors,  sachant  que  toutes  les  œuvres 
catholiques  sont  sœurs  et  que  Dieu  affectionne  plus  particu- 
lièrement les  petits  et  les  humbles,  nous  prenons  de  l'assu- 
rance, car  nous  nous  sentons  des  droits  à  votre  bienveillante 
attention.  C'est  pourquoi  après  vous  avoir  demandé  l'indul- 
gence pour  le  rapporteur,  qui  manque  d'expérience  en  ces 
sortes  de  choses,  nous  allons  entreprendre  de  vous  faire  con- 
naître, en  aussi  peu  de  mots  que  possible,  ce  qu'a  été  jusqu'ici 
l'Œuvre  Pontificale  des  vieux  papiers  à  Québec,  et  ce  que 
nous  pensons  qu'elle  devrait  être  à  l'avenir. 


RAPPORT  DE   M.  J.  P.   BOULET,   M.   D.   L.  173 


Plusieurs  d'entre  vous,  Messieurs,  connaissent  peut-être 
déjà  l'origine  de  l'Œuvre  des  vieux  papiers.  La  petite  ville  de 
Langres  la  vit  naître  en  1869,  Monsieur  Charles  Menue  en  fut 
le  fondateur.  Depuis  longtemps  déjà,  cet  homme  de  bien  était 
touché  de  la  pauvreté  de  l'illustre  prisonnier  du  Vatican,  et 
brûlait  du  plus  vif  désir  de  lui  venir  en  aide.  Depuis  long- 
temps aussi,  il  méditait  cette  parole  de  l'évangile  :  Colligite 
fragmenta  ne  pereant^  recueillez  les  débris  pour  qu'ils  ne  se 
perdent  pas,  cherchant  le  moyen  de  la  mettre  en  pratique.  Or, 
un  jour,  l'idée  lui  vint  qu'il  y  a  de  par  le  monde  beaucoup 
de  vieux  papiers  qui  se  perdent  tous  les  jours  et  qui  pourraient 
servir  à  soulager  l'indigence  du  Souverain  Pontife.  Sa  réso- 
lution fut  bientôt  prise,  aussitôt  ?1  se  mit  à  recueillir  tous  les 
vieux  livres,  les  vieux  journaux  rît  tous  les  chiffons  de  papier 
ou  de  carton  si  petits  qu'ils  fussent,  il  engagea  ses  amis  à  en 
faire  autant,  et  l'CEuvre  des  vieux  papiers,  annexe  du  denier 
de  Saint-Pierre,  était  fondée.  A  première  vue,  les  difncultés 
de  l'entreprise  ne  semblaient  pas  petites,  et  plusieurs,  des 
mieux  disposés,  haussèrent  les  épaules  en  apprenant  la  nais- 
sance de  la  nouvelle  œuvre  catholique  ;  un  plus  grand  nombre 
encore  riait  bien  haut,  tandis  que  l'impiété,  se  mettant  de  la 
partie,  répandait  plus  d'une  insinuation  malveillante  et  perfide. 
Mais  rien  ne  rebuta  le  pieux  fondateur  de  l'œuvre.  Confiant 
dans  l'avenir,  et  puisant  du  courage  dans  son  indomptable 
énergie  et  sa  foi  robuste,  il  en  appela  à  tous  les  catholiques 
de  l'univers.  Son  dévouement  à  la  sainte  Eglise  sembla  être 
agréable  à  Dieu,  car  bientôt,  le  succès  dépassant  de  beaucoup 
ses  plus  belles  eiipérances,  cinquante  diocèses  de  France 
secouèrent  leurs  vieux  papiers,  tandis  que  partout  en  Europe 
et  sur  tous  les  points  du"  globe,  des  œuvres  semblables  se  for- 
mèrent à  sa  voix  Aussi,  quel  ne  fut  pas  le  concert  de  recon- 
naissance qui  s'éleva  vers  le  trône  du  Pontife  infaillible,  lors- 
que l'illustre  et  regretté  Pie  IX  créa  Monsieur  Menne,  cheva- 
lier de  l'ordre  de  Saint-Sylvestre,  en  reconnaissance  de  son 
amour  filial  et  de  son  inépuisable  charité. 


174      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Mais  le  Canada  ne  pouvait  pas  rester  simple  spectateur  de 
ce  beau  mouvement  du  monde  catholique,  et  à  Québec  devait 
revenir  l'honneur  de  fonder  la  première  œuvre  des  vieux 
papiers  sur  le  continent  américain.  En  effet,  en  môme  temps 
que  cette  belle  institution  prenait  naissance  à  Langres,  Mon- 
sieur Clément  Vincelette,  que  l'immortel  Pie  IX  gratifia  plus 
tard  du  même  titre  que  Monsieur  Menue,  s'ingéniait,  lui  aussi, 
à  trouver  des  moyens  d'augmenter  les  ressources  du  Souve- 
rain Pontife.  D'abord  il  se  mit  à  organiser  des  loteries  et  des 
ventes  à  l'enchère,  alors  que  les  années  étaient  plus  prospères 
qu'aujourd'hui,  rapportant  d'assez  jolis  bénéfices;  si  bien,  que 
dès  1869,  il  avait  pu  adresser  au  Saint-Père  une  somme  d'au- 
delà  de  cent  huit  piastres  ($108.60).  Mais  à  la  fin  de  l'année 
1871,  ayant  appris  ce  qui  se  passait  à  Langres,  il  s'empressa 
de  suivre  un  si  bel  exemple.  Aussitôt,  il  fit  part  de  son  projet 
à  ses  amis,  quelques  dépôts  furent  établis  cà  et  là,  dans  la 
ville,  chez  des  personnes  charitables,  des  sacs  marqués  aux 
initiales  de  l'CSEuvre  furent  déposés  dans  quelques  familles, 
et,  de  temps  en  temps,  une  voiture  allait  en  faire  la  recherche. 
Toutefois,  il  ne  renonça  pas,  tout  de  suite,  à  ses  autres  sources 
de  revenu,  car  on  comprend  facilement  que  les  commence- 
ment de  l'CEuvre  furent  bien  humbles,  et,  s'il  en  eût  agi  ainsi, 
il  eut  été  loin  de  réaliser  les  sommes  qu'il  a  expédiées  chaque 
année  (Voir  appendice).  Pourtant,  depuis  quelques  années, 
il  a  bien  fallu  s'en  tenir  presque  exclusivement  aux  vieux 
papiers,  à  cause  de  la  crise  financière  qui  a  sévi  sur  notre 
pays.  Cependant,  Monsieur  Vincelette  ne  se  découragea  pas, 
au  contraire  ;  il  tenta  même,  en  1874,  de  fonder  l'Œuvre  à 
Montréal,  où,  grâce  au  généreux  concours  de  Monsieur  le 
chanoine  P.  C.  Dufresne,  elle  s'implanta  aussitôt,  et  elle  y 
fonctionne  encore,  quoique  d'une  manière  indépendante. 

En  1876,  le  Cercle  catholique  de  Québec  ayant  été  fondé, 
i'CEuvre  des  vieux  papiers  lui  fut  annexée.  Monseigneur  l'Ar- 
chevêque lui  donna  son  approbation,  le  clergé  de  la  ville  lui 
prêta  son  concoure  et  elle  sembla  prendre  une  nouvelle  vie. 
Mais  la  besogne  n'en  restait  pas  moins  presque  toute  à  la 
charge  de  Monsieur  Vincelette,  et  tous  les  jours  il  devenait 


RAPPORT    DE    M.    J.    P.    BOULET,    M.    D.    L.  175 

de  plus  en  plus  évident  que  cet  état  de  choses  ne  pouvait  pas 
durer  longtemps  sans  exposer  l'CEuvre  à  dépérir  petit  à  petit  ; 
car,  malgré  toute  l'énergie  et  l'activité  que  cet  homme  à 
bonnes  œuvres  sait  déployer  en  toutes  circonstances  en  faveur 
de  la  sainte  Eglise,  ses  occupations  sont  maintenant  devenues 
tellement  multiples,  que,  bon  gré  mal  gré,  il  lui  faut  bien  en 
négliger  un  peu  quelques-unes  pour  donner  son  attention  aux 
plus  importantes.  C'est  pourquoi,  on  tenta  d'établir  une  orga- 
nisation moins  provisoire  en  formant  le  comité  actuel,  et  en 
lui  donnant  la  mission  de  veiller  au  maintien  et  aux  progrès 
de  l'Œuvre.  Ceci  se  passait  à  la  fin  de  janvier  de  l'année  1879. 

Maintenant,  notre  comité  se  compose  de  neuf  membres 
(Voir  appendice)  et  tient  une  séance  chaque  mois.  Or,  voici 
ce  que  nous  avons  cru  devoir  entreprendre  pour  promouvoir 
les  intérêts  de  l'CEuvre.  Une  des  principales  raisons  qui 
l'avait  empêchée  de  progresser  autant  qu'elle  aurait  dû,  était 
que  trop  peu  de  personnes  en  connaissaient  le  but  et  les  résul- 
tats ;  nous  avons  donc  cherché  à  lui  donner  autant  de  publicité 
qu'il  nous  a  été  possible,  au  moyen  d'annonces  au  prône  des 
diverses  églises  de  cette  ville,  d'articles  publiés  dans  les  jour- 
naux, de  circulaires  adressées  aux  communautés  religieuses 
et  de  conférences  données  aux  zélateurs.  De  plus  au  com- 
merce des  vieux  papiers  nous  avons  ajouté  celui  dc3  vieux 
timbres-poste  et  autres  ;  et  pour  rencontrer  l'accroissement  de 
recettes  que  nous  attendions  de  ces  démarches,  le  nombre  des 
dépôts  a  été  doublé  et  porté  à  'z2  (Voir  appendice^  Gomme 
nous  l'espérions,  nos  recettes  ont  quelque  peu  augmenté 
depuis  ce  temps.  Mais  nos  aspirations  allaient  encore  plus 
loin.  Notre  désir  était  de  voir  notre  œuvre  prendre  racine, 
dans  tout  le  pays.  Cependant,  comme  il  ne  fallait  pas  trop 
entreprendre  à  la  fois,  nous  nous  sommes  contentés,  pour  le 
moment,  de  nous  adresser  à  Messieurs  les  curés  du  diocèse 
de  Québec,  mais  avec  l'intention  bien  arrêtée  de  continuer, 
plus  tard,  notre  propagande  dans  le  reste  de  la  province. 

Le  succès  n'a  pas  encore  répondu  à  nos  désirs  ;  néanmoins, 
le  fait  que  certaines  paroisses  ont  entendu  notre  appel,  joint 
à  celui  que  nous  recevons  tous  les  ans  des  papiers  d'une 


176      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

paroisse  aussi  éloignée  que  la  Baie  Saint-Paal,  suffit,  il  nous 
semble,  pour  nous  confirmer  dans  l'opinion  que  nous  nous 
étions  formée  de  la  possibilité  d'établir  notre  œuvre  à  la  cam- 
pagne comme  à  la  ville.  Nous  nous  croyons  donc  en  droit 
d'espérer  que  dans  un  avenir  assez  rapproché,  l'CEuvre  aura 
pris,  dans  notre  diocèse,  un  accroissement  suffisant,  pour  nous 
permettre  de  diriger  nos  efforts  d'un  autre  côté. 

Deux  faits,  surtout,  ont  rendu  pour  nous,  l'année  1879 
remarquable  entre  toutes.  Le  premier,  en  date,  fut  l'affilia- 
tion de  notre  petite  œuvre  à  l'OEuvre  mère  de  Langres,  dont 
le  directeur-fondateur.  Monsieur  Menne,  a  eu  l'extrême  com- 
plaisance d'adresser,  à  cet  effet,  un  magnifique  diplôme  d'hon- 
neur à  Monsieur  Vincelette,  notre  bien-aimé  directeur.  Le 
second  fut  l'envoi  d'une  adresse  à  Sa  Sainteté  liéon  XIII,  à 
l'occasion  du  Jubilé  de  l'Immaculée  Conception.  Tous  les 
zélateurs  furent  invités  à  la  signer,  et,  dans  ce  but,  nous  les 
avons  convoqués  en  une  assemblée  spéciale,  à  laquelle  plusieurs 
membres  du  clergé  et  d'autres  personnes  haut  placées,  nous 
firent  l'honneur  d'assister.  Uiie  lettre  de  change  de  trente- 
cinq  livres  sterling  ($170.39)  accompagnait  cette  adresse.  Notre 
Saint-Père  daigna  recevoir  le  tout  avec  bienveillanc  d,  et  nous 
accorder  la  Bénédiction  Apostolique  (Voir  appendice). 

Mais,  peut-être,  avez-vous  hâte  de  savoir  quels  ont  été  les 
résultats  de  l'CEuvre  depuis  sa  fondation.  Eh  bien  !  les  voici 
en  deux  mots  :  d'abord  un  nombre  considérable  de  mauvais 
livres  ont  été  déchirés  en  pièces  et  mis  ainsi  dans  l'impuis- 
sance d'accomplir  leur  œuvre  diabolique  ;  beaucoup  de  bons 
livres  qui  dormaient  dans  la  poussière  depuis  longtemps,  sont 
revenus  à  la  lumière,  pour  continuer  à  faire  du  bien.  Ainsi, 
par  exemple,  nous  en  avons  vendu  des  centaines  de  volumes 
à  des  bibliothèques  religieuses,  au  prix  du  papier,  afin  d'en 
faciliter  la  diffusion  ;  voila  pour  le  moral.  Pour  ce  qiii  est  du 
côté  matériel,  près  de  quinze  cents  piastres,  produit  de  la 
vente  des  vieux  papiers  et  des  loteries  de  Monsieur  Vincelette, 
sont  allées  secourir  l'indigence  de  notre  père  à  tous,  du 
Vicaire  de  Jésus-Christ.  De  plus,  il  nous  reste  encore  en  mains 
pour  une  valeur  d'environ  cinq  cents  piastres  de  papiers  et  de 


RAPPORT    DE    M.    J.   P.    BOULET,    M.    D.    L.  177 

vieux  timbres  qui  n'attendent    qu'un    acheteur  pour  aller 
rejoindre  leurs  devanciers  (Voir  appendice). 

Nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  utile  de  vous  en  dire  davan- 
tage, pour  vous  faire  comprendre  l'excellence  de  notre  œuvre 
et  ses  bons  résultats.  Ces  résultats,  messieurs,  nous  les  devons 
à  la  charité  des  catholiques  qui  nous  ont  donné  de;;  papiers 
en  abondance,  aux  membres  du  clergé  qui  ont  recommandé 
notre  œuvre  à  leurs  paroissiens  et  partout,  à  la  presse  catho- 
lique qui  nous  a  aussi  aidés  de  tout  son  pouvoir.  Nous  en  de- 
vons même  une  partie  à  une  couple  de  journaux  hostiles  qui, 
voulant  nous  nuire,  nous  ort  rappelé  au  souvenir  de  leurs 
lecteurs,  lesquels  ignoraient  peut-être  même  notre  existence. 
Merci  à  tous  pour  leur  charité  et  leur  générosité.  Dieu  qui 
connaît  le  fonds  des  cœurs  saura  bien  rendre  au  centuple  ce 
que  chacun  aura  fait  en  faveur  de  sa  cause.  Ce  n'est  pas  à 
dire  pourtant,  qu'il  ne  serait  pas  possible  de  faire  plus  ;  bien 
au  contraire,  et  si  seulement  la  moitié  des  catholiques  de 
bonne  volonté  voulaient  nous  aider  un  peu,  nous  pourrions 
faire  des  merveilles. 

n 

Nous  espérons  vous  avoir  fait  connaître  suJSisamment  ce 
qu'a  été  notre  œuvre  jusqu'ici  ;  il  ne  nous  reste  donc  plus 
qu'à  vous  dire  ce  que  nous  pensons  qu'elle  devrait  être  à 
l'avenir,  et  à  vous  suggérer  les  moyens  qui  nous  semblent 
propres  à  nous  faire  atteindre  le  but  que  nous  avons  en  vue. 
Or,  notre  désir,  nous  l'avons  déjà  dit,  est  de  voir  notre  œuvre 
devenir  ce  qu'elle  est  en  France,  c'est-à-dire  une  vaste  confré- 
rie dont  les  ramifications  innombrables  s'étendraient  dans 
toutes  les  parties  du  pays.  Mais  pour  cela  il  faudrait  d'abord 
que  les  grands  centres  de  population  donnassent  l'exemple  en 
organisant  tout  de  suite  l'œuvre  sur  un  bon  pied.  Ensuite, 
avec  le  concours  du  clergé,  (et  ce  concours  est  presque  indis- 
pens-  ble),  chacune  de  ces  petites  œuvres  pourrait  étendre  ses 
opérations  dans  la  partie  du  pays  qui  lui  serait  limitrophe,  et 
de  cette  sorte  tout  le  pays  finirait  par  prendre  la  fièvre  des 
vieux  papiers.  La  chose  n'est  pas  si  difficile  qu'elle  en  a  l'air  ; 


178      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

seulement,  pour  réussir,  il  faut  un  peu  de  zèle  chez  quelques- 
uns,  et  ensuite  il  faudrait  donner  de  la  publicité  à  l'œuvre, 
beaucoup  de  publicité,  et,  surtout  créer  de  l'émulation  parmi 
les  zélateurs.    Gomment  donc  obtenir  ce  double  résultat  ?  Le 
moyen  le  plus  simple,  suivant  nous,  serait  qae  chaque  comité 
particulier  transmit  tous  les  ans  un  rapport  détaillé  de  ses 
opérations  à  un  comité  central,  (celui  de  Québec  étant  le  plus 
ancien  accepterait  peut-être  la  charge),  lequel  comité  publie- 
rait ensuite  un  rapport  général  des  progrès  de  l'CEuvre  dans 
tout  le  pays.    De  cette  manière,  chacun  sachant  ce  qui  a  été 
fait  ailleurs,  peut-être  celui  qui  aurait  fait  moins  s'efforcerait- 
il  de  faire  plus,  tandis  que  celui  qui  aurait  fait  plus  travaille- 
rait à  maintenir  sa  supériorité  ;  certaines  localités,  qui  n'au- 
raient pas  encore  pris  part  au  mouvement  seraient,  sans 
doute,  engagées  à  le  faire  par  l'exemple  des  autres,  et  ainsi 
rCEuvre  ne  pourrait  manquer  de  faire  des  progrès  très  ra- 
pides.   Personne  ne  s'en  porterait  plus  mal,  mais  le  Pape  s'en 
trouverait  mieux.  • 

Une  grande  raison  milite  en  faveur  de  ce  projet,  c'est  ce 
devoir  impérieux  de  la  charité  dont  Jésus-Christ  a  fait  l'objet 
de  son  deuxième  commandement,  lequel  est  semblable  au 
premier.  Il  n'y  a  pas  à  se  le  dissimuler,  pour  être  sauvé  il 
faut  faire  la  charité.  Or,  quel  objet  plus  digne  de  notre  amour 
et  de  notre  charité  que  le  Souverain  Pontife  dont  tous  les  ins- 
tants sont  consacrés  à  travailler  à  notre  bonheur  éternel  et 
temporel,  et  quel  moyen  plus  facile  de  remplir  ce  devoir  que 
de  coopérer  à  cette  œuvre  ingénieuse  qui  n'exige  pas  d'autre 
sacrifice  qu'un  peu  de  bonne  volonté  et  d'activité.  Depuis 
quelques  années,  bien  que  les  besoins  du  Saint-Père  ne 
font  que  s'augmenter,  à  cause  de  l'acharnement  de  ses  enne- 
mis à  le  dépouiller  de  tout,  les  recettes  du  denier  de  Saint- 
Pierre  s'en  vont  décroissant  parmi  nous.  La  crise  financière 
par  laquelle  nous  passons  en  est  peut-être  la  cause,  nous 
l'ignorons.  Mais  si  tel  est  le  cas,  tâchons  donc  de  nous  rache- 
ter en  nous  attachant  fermement  à  cette  planche  de  salut  qui 
nous  est  offerte.  On  ne  se  fait  pas  d'idée  de  la  quantité  prodi- 
gieuse de  chiffons  de  papier  qui  se  perdent  tous  les  jours,  et 


RAPPORT   DE    M.   J.   P.    BOULET,    M.    D.    L.  179 

qui  réunis  en  masses  considérables  pourraient  se  vendre  un 
bon  prix  ;  mais  on  peut  s'en  convaincre  facilement  en  se  met- 
tant résolument  à  l'œuvre.  Il  en  résulte  même  un  avantage 
immédiat  et  réel  pour  le  zélateur  ;  c'est  celui  de  lui  faire  con- 
tracter des  habitudes  d'ordre  et  d'économie  dont  il  se  trouvera 
bien  plus  tard. 

On  objectera  peut-être  que  nous  avons  déjà  dans  le  pays 
beaucoup  d'œuvres  qui  languissent  et  qu'en  ajouter  d'autres, 
c'est  exposer  les  premières  à  dépérir  tout-à-fait.  Nous  compre- 
nons que  dans  un  jeune  pays  comme  le  nôtre,  où  la  classe 
dirigeante  n'est  peut-être  pas  assez  nombreuse,  les  bonnes 
œuvres  doivent  nécessairement  languir  un  peu  ;  mais  faut-il 
en  conclure  que  le  trop  grand  nombre  en  est  la  cause,  nous  ne 
le  croyons  pas  ;  nous  serions  môme  inclinés  à  penser  que  la 
proposition  contraire  serait  plus  raisonnable.  Regardez  la 
France,  messieurs,  et  dites-nous  s'il  est  au  monde  un  autre 
pays  où  les  bonnes  œuvres  de  toutes  sortes  sont  en  plus  grand 
nombre  et  plus  prospères.  Ayons  donc  des  œuvres  pour  tous 
les  goûts  et  toutes  les  aptitudes,  que  ceux  qui  ont  du  zèle  le 
communiquent  aux  autres,  et  dans  bien  peu  d'années,  loin  de 
voir  périr  nos  œuvres  déjà  existantes,  nous  les  verrons,  au 
contraire,  revenir  à  une  vie  nouvelle  et  plus  active. 

Une  seconde  objection,  qui  découle  en  quelque  sorte  de  la 
première,  c'est  que  nous  devons  tâcher  de  maintenir  les 
œuvres  du  pays  plutôt  que  d'envoyer  notre  argent  à  l'étranger. 
Cette  objection  pourrait  peut-être  avoir  sa  raison  d'être  en 
certains  cas  ;  mais  ici,  il  nous  semble  que  ce  serait  faire 
preuve  de  sentiments  bien  peu  élevés  que  de  s'en  prévaloir. 
En  effet  le  Souverain  Pontife  est  le  Père  commun  de  tous 
les  catholiques,  et  pour  nous  catholiques  du  Canada,  le  Pape 
n'est-il  pas  aussi  notre  père  aux  mêmes  titres  et  au  même 
degré  que  pour  ceux  des  autres  pays  ?  Or,  nous  vous  le  de- 
mandons, est-il  un  fils  bien  né,  qui,  sachant  que  son  père  est 
dans  le  besoin,  voulut  se  servir  de  ce.  futile  prétexte  pour 
s'exempter  de  lui  porter  secours  ?  Non,  messieurs,  vous  n'en 
trouveriez  point  ;  et  le  Canada  qui  naguère  envoyait  le  plus 
pur  de  son  sang  au  secours  du  Trône  de  Pierre,  refuserait  de 


180      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

donner    un    peu  d'argent  !    Loin  de   nous   cette   mesquine 
pensée  ! 

Nous  attendons  donc  beaucoup  de  bien  de  la  part  qu'il  nous 
est  donné  de  prendre  à  ce  Congrès.  Nous  sommes  convaincus 
que  vous  garderez  un  bon  souvenir  de  notre  petite  œuvre,  et, 
qu'une  fois  retournés  dans  vos  foyers,  chacun  de  vous,  mes- 
sieurs, trouvera  dans  son  cœur,  une  bonne  parole  en  notre 
faveur.  Plus  tard,  ceux  qui  liront  ces  pages,  bien  qu'elles 
n'aient  pas  toute  l'éloquence  que  nous  aurions  désiré  y 
mettre,  voudront  aussi,  sans  doute,  mettre  la  main  à  l'œuvre, 
et  ainsi,  avec  l'aide  de  Dieu,  nous  osons  compter  sur  un  ac- 
croissement de  recettes  pour  l'avenir.  Le  clergé,  l'épiscopat 
surtout,  peut  faire  beaucoup  pour  nous.  Un  mot  de  sa  part 
vaudrait  beaucoup  mieux  que  plusieurs  des  plus  beaux  dis 
cours  que  nous  pourrions  faire  pour  enflammer  le  zèle  de 
tous  les  vrais  catholiques.  Avec  ce  puissant  concours,  qui, 
nous  l'espérons,  ne  nous  sera  pas  refusé,  nous  sommes  cer- 
tains que  la  bénédiction  apostolique,  dont  on  a  bien  voulu 
nous  honorer,  portera  ses  fruits,  et  que  si  nos  recettes  person- 
nelles ne  s'augmentent  pas  beaucoup,  du  moins  des  œuvres 
nombreuses  se  formeront  partout  dans  notre  beau  pays,  et  en 
verront  chacune  leur  obole  à  notre  saint  et  vénéré  Père 
Léon  XIII.  Puisse  ce  vœu,  le  plus  ardent  de  notre  cœur,  se 
réaliser,  et  nous  serons  trop  payés  des  quelques  démarches 
que  nous  avons  pu  entreprendre,  en  faveur  de  la  cause  de 
l'Eglise. 

Avec  cet  espoir,  nous  allons  vous  laisser,  messieurs  ;  mais 
avant  permettez-nous  de  vous  offrir  l'expression  de  notre  plus 
vive  gratitude  pour  votre  bienveillante  attention. 

J.  P.  Boulet,  M.  D.  L. 

Rapporteur 


APPENDICE 


§  1. — NOMS   DES  MEMBRES   DU  COMITÉ  DE  L'OEUVRE  PONTIFICALE 

DES   VIEUX   PAPIERS 

Rév.  M.  J.  P.  Sexton,  Ptre,  visiteur. 
M.  Le  Chevalier  Vincelette,  directeur. 
MM.  J.  P.  Boulet,  M.  D.  L.,  secrétaire. 

Joseph  Diibé,  inspecteur. 
'       Auguste  Laberge,  sur. 

Philémon  Brunet. 

Louis  Drouin. 

Arthur  Gigon. 

Eugène  Blondeau,  N.  P. 


§  2. — NOMS  DES  PERSONNES  QUI  REÇOIVENT  LES  PAPIERS  EN  DÉPÔT 

MM.  Joseph  Hamel  &  frères,  58  rue  sous  le  Fort,  Basse  Ville 


u 


a 


Ls  Abdon  Côté,  35  rue  St.  Pierre, 

Joseph  Donati,  158  rue  St-Jean, 

Louis  Marcotte,  235 

B.  Koude  &  Cie.,  322 

E.  O.  Boulet,  136  rue  d'Aiguillon, 

Joseph  Bussière,  238  " 

Octave  Plante,  61  rue  St-George, 

Michel  Boulet,  2  rue  Prévost, 

Jean  Moisan,  112  rue  Artillerie, 

Ls  Drouin  &  Frère,  96  rue  St-Joseph, 

J.  A.  Langlais,  175  " 

P.  O.  Pouliot,  A9  rue  Grant, 

Cyrille  Dion,  gardien  du  pont  Dorchester, 

Auguste  Laberge,  69  rue  de  la  Reine, 

P.  E.  Biais,  123  rue  de  la  Couronne, 

Pierre  Bidégaré,  282- rue  St-Valier, 


(.(. 


Faubourg  St-Jean 


Faubourg  St-Louis 
St-Roch. 


<c 


(( 


ti 


a 


12 


!82 


PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 


Le  Cercle  catholique  de  Québec,  'Jl  rue  St-François,  St-Roch 

Dame  Vve  Ls  Sansfaçon,  1  rue  St-Domiuique,  "^ 

MM.  L.  Collin  &  frères,  68  rue  St-Valier,  St-Sauveur 

Nazaire  Lachance,  2  rue  Ste-Gertrude,  '^ 

Elzéar  Fiset,  16  rue  Massue,  " 


LES   ZÉLATEURS 


L.  Sache,  S.  J. 

A.  Larcher,  S.  J. 

F.  X.  Plamondon,  Ptre. 

Ed.  Hamon,  S.  J. 

C.  F.  Gazeau,  Prélat 

Dom.  de  S.  S.  Vie.  Gén. 
P.  Lagacé,  Ptre. 


Le  Chevalier  Baillargé. 
Ls  Abdon  Coté. 
Elzéar  Fiset. 
Nazaire  Lachance. 
Pierre  Bidégaré. 
Jos.  Bussière. 
Jos.  Donati. 
P.  0.  Pouliot. 


Th.  G.  Rouleau,  Ptre. 

J.Auclair,Ptre,curé  de  Québec.  Octave  Plante. 

E.  Bonneau,  Ptre.  Pierre  Dassylva 

F.  X.  Gosselin,  Ptre,  Cyrille  Dion, 
curé  de  St-Roch  de  Québec.  Achille  Jobin. 


Dr  C.  I.  Samson. 
Edouard  Odilon  Boulet. 
Jean  Moisan. 
Louis  Marcotte. 
J.  A.  Langlais. 
Jos.  Hamel  &  frères. 
Louis  Paradis. 
L.  T.  Beruier. 
Michel  Boulet. 


Edmond  Samson. 
Pierre  Pelletier. 
Pierre  Eugène  Biais. 
D.  C.  Emile  Roy. 
Félix  Eugène  Gauvreau. 
Simon  Roy. 
William  White. 
Godefroy  Collin. 
Ls  Collin. 


Barthélémy  Houde. 

§  3. — ADRESSE   ENVOYÉE  A   SA  SAINTETÉ   LÉON  XIII  A  l'oCCASION  DU 
JUBILÉ  DE   l'immaculée  CONCEPTION,  LE  ^  DÉCEMBRE  1879 

Ti  èsSaint  Père^ 

Les  membres  du  comité  et  les  zélateurs  de  l'Œuvre  ponti- 
ficale des  vieux  papiers,  annexe  -du.  Cercle  catholique  de 


APPENDICE  183 

Québec,  sont  heureux  de  déposer  leur  obole  aux  pieds  de 
Votre  Sainteté. 

Leur  offrande  est  bien  insignifiante,  comparée  aux  immen- 
ses besoins  du  Pontife  de  l'Eglise  universelle,  mais  ils  savent 
que  vous  porterez  plus  d'attention  aux  sentiments  qui  l'ac- 
compagnent qu'à  la  somme  elle-même. 

Notre  œuvre,  la  première  en  ce  genre,  dans  notre  pays  et 
peut-être  en  Amérique,  ne  compte  que  huit  années  d'exis- 
tence.  Fondée  par  son  directeur  actuel,  et  mise  en  opération 
par  lui  seul,  pendant  des  années,  elle  s'établissait  en  1874,  par 
les  soins  du  même  homme,  dans  la  ville  plus  importante  de 
Montréal,  où  elle  continue  à  fonctionner,  quoique  d'une  ma- 
nière indépendante.  Afîiliés  à  l'CEuvre-Mère  de  Langres,  qui, 
tant  de  fois  déjà,  a  reçu,  de  la  part  de  votre  illustre  prédéces- 
seur comme  de  la  vôtre,  des  preuves  non  équivoques  d'une 
tendre  sollicitude,  nous  nous  efforçons  de  suivre  ses  traces, 
persuadés  que  nous  mériterons  ainsi  et  de  l'Eglise  et  de  son 
chef  infaillible. 

Une  organisation  désormais  plus  solide,  de  nouveaux  zéla- 
teurs, des  tentatives  faites  pour  généraliser  l'Œuvre  à  tout  le 
pays,  nous  permettent  d'espérer  que  chaque  année  verra 
grossir  le  tribut  que  le  Canada  catholique  doit  au  Vicaire  de 
Jésus-Christ.  Mais  pour  que  Dieu  soutienne  notre  zèle,  bé- 
nisse nos  efforts,  daignez,  Très-Saint  Père,  en  ce  glorieux  an- 
niversaire, jeter  un  regard  de  paternelle  bienveillance  sur 
notre  petite  œuvre,  et  nous  accorder  une  de  ces  bénédictions 
précieuses  qui  sanctionnent  et  font  fructifier  les  œuvres  de 
la  foi. 

§4.--RÉr0NSE   DU   CARDINAL   SIMEONI 

Illustrissime  Domine^ 

Epistolam  tuam  unà  cum  synagrapha  pro  obolo  S.  Pétri  ac- 
cepi  ;  et  hanc  quidem  summo  Pontifici  absque  mora  tradendam 
curavi.  Sanctitas  vero  Sua  oblatam  necuniam  beliigne  exci- 
piens  tibi  omnibusque  oblatoribc^u  Apostolicam  Benedictio- 
nem  libenti  anime  impertita  est. 


184      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Qua  de  re  dum  certiorem  te  facio  precor  Deum  ut  tibi  bona 
quîEque  largiatur. 
Romee  ex  sed.  :  S.  Congrégations  de  Propaganda  Fide, 

•Die,  2  Jan.  1880. 
D.  J. 

Addictus, 

JoANNEs  Gard.  Simeoni,  Praefectus 

lUustrissimo  Domino  Clément  Vincelette, 
Directori  Catholicse  Sociètatis,  etc.,  Québec. 

J.  Magotti,  Sectarius 

{Traduction) 

Monsieur^ 

J'ai  reçu  votre  adresse  ainsi  que  la  lettre  de  change  pour  le 
denier  de  St-Pierre  qui  l'accompagnait,  et  je  me  suis  empressé 
de  la  remettre  au  Souverain  Pontife.  Sa  Sainteté  a  daigné  re- 
cevoir avec  bienveillance  le  montant  offert,  et  vous  transmet 
de  tout  cœur,  à  vous  et  à  tous  les  donateurs,  la  Bénédiction 
Apostolique. 

Tout  en  vous  faisant  parvenir  cette  information  je  prie  Dieu 
qu'il  vous  comble  de  ses  dons. 
Rome,  près  la  Propagande, 
le  2  Janvier  1880. 
D.  E. 

Votre  dévoué, 

Jean  Card.  Simeoni,  Préfet 

M,  Clément  Vincelette, 
Président  du  Cercle  catholique  de  Québec. 

J.  Magotti,  secrétaire 


APPENDICE 


185 


§   5. — BILAN  GÉNÉRAL  DE  l'ŒUVRE,   DE!»UIS  1869  JUSQU'AU 

30  AVRIL  1880 


RECETTES 


Produit  net  des  loteries 1869 

«'  1870 

«  1871 

«*  1872 

«  1873 

"  1874 

'  "  1875 

«  1876 

" 1877 

Produit  net  des  ventes  d'objets 1869 

"         1872 

« 1873 

«' 1874 

«'  1875 

" 1876 

1877 

"  1878 

«'  1879 

Produit  net  des  vieux  papiers 1871 

1872 

1873 

"  1874 

«  1875 

"  1876 

«  1877 

1879 

«  1880  (4  mois) 

Produit  net  des  vieux  timbres 1879 

«  1880  (4  mois) 

Divers 


DÉPENSES 

Envois  au  Souverain  Pontife 1869 

1872 

*'  1873 

«  1874 

«  1875 

1876 


$ 


106 
9 
19 
32 
91 
65 
91 
50 
10 


11 

106 

151 

80 

103 

112 

57 

33 

15 


l 
16 
47 
26 

4 

25 

62 

106 

47 

7 
1 


108 
188 
170 
267 
198 
195 


Cts 


67 
S7 
80 
30 
35 
62 
35 
00 
00 


93 
78 
80 
43 
53 
43 
14 
62 
81 


50 
05 
68 
85 
30 
49 
54 
96 
13 


74 
94 


60 
07 
00 
72 
(15 
61 


477 


673 


Cts 


06 


47 


338 


9 
13 


1512 


50 


68 
41 

12 


186      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 


DÉPENSES 

$. 

Cts 

$ 

Cts 

Envois  au  Souverain  Pontife. 1877 

1878 

1879 

117 

78 
170 

53 
61 
39 

1494 
17 

58 

Balance  en  caisse  le  30  avril  1880 

475 
50 
17 

00 
00 
54 

54 

54 

1512 

12 

VALEUR  DE  L'ŒUVRE  au  30  AVRIL  1880 

Vieux  papiers  en  dépôt 

Vieux  timbres        "        

Balance  en  caisse» 

542 

RAPPORT  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

1876-1880 

Le  Cercle  catholique  de  Québec  a  été  fondé  le  26  mai  1876, 
par  plusieurs  citoyens  de  cette  ville.  Depuis  plusieurs  années 
déjà,  le  besoin  se  faisait  sentir  de  grouper  ensemble  les  jeunes 
gens  dans  des  réunions  où  ils  auraient  à  s'occuper  de  l'étude 
des  questions  sociales,  et  d'en  faire  l'application  dans  les 
diverses  carrières  qu'ils  avaient  embrassées.  Le  Cercle  est  donc 
une  association  purement  catholique,  uniquement  occupée  de 
faire  prévaloir  dans  la  société  les  principes  et  les  doctrines  qui 
peuvent  seuls  donner  à  une  nation  les  bienfaits  de  la  paix 
sociale.  Aussi  la  base  de  l'organisation  est  l'obéissance  à 
l'Eglise,  à  son  chef,  la  reconnaissance  de  ses  droits,  la  soumis- 
sion à  l'archevêque  et  au  clergé  en  général.  Les  membres 
sont  tenus  en  s'y  agrégeant  de  faire  une  profession  de  foi,  par 
laquelle  ils  déclarent  obéissance  aux  enseignements  dogma- 
tiques, au  Syllabus,  aux  décisions  conciliaires,  et  à  tous  les 
actes  émanant  de  Rome  et  de  l'autorité  épiscopale.  De  plus 
ils  s'engagent  à  travailler  à  l'œuvre  commune  de  la  société  : 
la  manifestation  de  la  vérité. 


RAPPORT  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC        187 

Le  but  du  Cercle  catholique  de  Québec  est  la  manifestation 
de  la  vérité  chrétienne  et  la  diffusion  des  principes  catholiques, 
au  moyen  : 

1o  De  la  discussion  de  différentes  questions  choisies  et  pro- 
posées par  un  comité  nommé  à  cet  effet  par  le  comité  de  direc- 
tion; 

2o  De  la  formation  d'une  ou  de  plusieurs  bibliothèques 
composées  d'ouvrages  approuvés  par  l'Ordinaire  ; 

3o  De  l'ouverture  d'une  ou  de  plusieurs  salles  de  lecture, 
dont  les  journaux,  revues  et  feuilletons  sont  aussi  approuvés 
p-^.r  la  même  autorité  ; 

4o  De  toute  action,  démarche  ou  sous-œuvre  que  le  comité 
de  direction  jugera  nécessaire  à  cette  fin  ;  pourvu  toujours 
que,  comme  corps,  le  Cercle  catholique  ne  s'occupe  pas  de 
politique  active. 

Tout  membre,  à  quelque  classe  qu'il  appartienne,  doit  adhé- 
rer sans  restriction  aux  doctrines  catholiques  romaines,  et 
jouir  d'une  bonne  réputation. 

Tout  membre  actif  doit,  en  outre,  accepter  et  signer  la 
constitution,  et  s'engager  formellement  à  travailler,  dans  la 
mesure  de  ses  forces,  à  la  manifestation  de  la  vérité. 

La  direction  du  Cercle  catholique  de  Québec  est  confiée  à 
un  comité  composé  de  douze  membres  actifs,  auxquels  sont 
transmis  tous  les  pouvoirs  législatifs  et  administratifs,  avec  le 
droit  d'admettre  des  membres  et  aussi  de  les  exclui-e,  s'il  y  a 
lieu. 

Voilà  en  peu  de  mots  les  principaux  articles  de  la  constitu- 
tion du  Cercle. 

Le  Cercle  catholique  ne  néglige  pas  l'étude  de  l'histoire,  de 
la  littérature,  des  sciences  et  des  arts  ;  il  est  dans  le  programme 
de  l'association  d'aider  à  créer  des  bibliothèques  de  paroisse 
de  travailler  à  faire  établir  des  cercles  catholiques  dans  les 
principaux  centres,  de  répandre  le  goût  des  bonnes  lectures, 
de  propager  les  œuvres  pontificales  et  autres  bonnes  œuvres? 
enfin  de  travailler  au  bien-être  physique  et  moral  des  catho 
liques  canadiens. 

Le  Cercle  a  eu  l'honneur  d'envoyer  plusieurs  adresses  à 


188      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Pie  IX  et  à  Léon  XIII,  et  plusieurs  fois  il  a  reçu  de  Leurs 
Saintetés  des  paroles  d'encouragement,  en  même  temps  que  la 
Bénédiction  Apostolique  pour  ses  membres,  pour  leurs  travaux 
et  pour  leurs  familles.  Ces  encouragements  de  la  plus  haute 
autorité  sur  la  terre  et  la  bienveillante  sollicitude  du  vénéra- 
ble Archevêque  de  Québec,  sont  pour  les  membres  des  motifs 
plus  que  suffisants  pour  les  engager  à  suivre  la  voie  qu'ils  se 
sont  tracée,  et  à  travailler  d'un  commun  accord  à  la  manifes- 
tation de  la  vérité. 

Le  Cercle  a  déjà  publié  en  1878  et  en  1879  deux  annuaires, 
qui  sont  le  précis  de  ses  travaux.  Le  premier  constate  que  le 
Cercle  a  fait  réimprimer  un  opuscule  de  Mgr  de  Ségur  inti- 
tulé :  Hommage  aux  jeunes  Catholiques  libéraux^  avec  l'appro- 
bation de  l'épiscopat  de  la  province,  et  que  10,000  exemplaires 
en  ont  été  vendus  en  très  peu  de  temps. 

Plusieurs  travaux  ont  été  lus  devant  les  membres  durant 
cette  période  de  1876  à  la  fin  de  l'année  1879  ;  les  sujets  traités 
ont  été  aussi  sérieux  que  variés. 

Nos  rapports  extérieurs,  malgré  bien  des  tentatives,  ne  sont 
pas  encore  ce  que  nous  les  voudrions  voir.  Notons  seulement 
qu'un  Cercle  catholique  affilié  au  nôtre  s'est  établi  parmi  les 
Canadiens  français  de  Biddeford,  Etat  du  Maine,  et  que  des 
rapports  très  amicaux  ont  été  établis  avec  l'Association  de  la 
jeunesse  catholique  de  Bologne,  dont  le  très  distingué  prési- 
dent est  le  Dr  G.  Aquaderni,  ainsi  qu'avec  l'Union  catholique 
de  Pile  Maurice  par  l'entremise  de  son  digne  secrétaire,  M. 
Anatole  de  Boucherville.  Le  fait  de  notre  affiliation  à  la  So- 
ciété-mère des  intérêts  catholiques,  érigée  canoniquement  à 
Rome  par  S.  S.  Pie  IX,  d'illustre  et  sainte  mémoire,  fera  épo- 
que dans  les  annales  du  Cercle. 

L'année  1878  s'ouvrit  pour  le  Cercle  catholique  de  Québec 
par  son  acte  d'incorporation  présenté  en  janvier  et  adopté  le 
mois  suivant. 

Au  mois  de  février.  Pie  IX  descendait  dans  la  tombe,  et  le 
Cardinal  Joachira  Pecci  était  proclamé  sous  le  nom  de  Léon 
XIIL  Le  Cercle  catholique  crut  de  son  devoir  de  déposer  aux 
pieds  du  nouveau  Pontife  l'hommage  de  son  respect,  et  joindre 


RAPPORT  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC.        189 

à  son  adresse,  comme  don  de  joyeux  avènement,  i'humble 
obole  produit  de  l'œuvre  annexe  des  vieux  papiers. 

Aussi  ce  fut  avec  une  très  grande  joie  et  une  reconnais- 
sance bien  vive  que  nous  accueillîmes,  quelques  mois  plus 
tard,  un  Bref  de  S.  S.  Léon  XIII,  qui  a  daigné  par  là  ouvrir  à 
notre  association  le  trésor  des  indulgences  de  l'Eglise,  et  affi- 
lier le  Cercle  à  la  première  société  catholique  du  monde 
entier. 

Au  printemps  de  1878,  nous  laissions  l'humble  local  qui  fut 
le  berceau  de  notre  société.  Mais  à  peine  réinstallés,  il  devint 
de  plus  en  plus  évident  qu'un  édifice  à  nous  pourrait  seul  sa- 
tisfaire aux  exigences  de  notre  rapide  accroissement.  Le 
nombre  des  membres  actifs  était  déjà  de  80,  et  un  public 
chaque  jour  plus  nombreux  manifestait  le  désir  d'assister  à 
nos  réunions.  Aussi,  sur  l'invitation  de  MM.  les  Directeurs 
de  l'Université-Laval,  npus  crûmes  devoir,  pour  la  première 
fois,  figurer  en  procession  publique,  lors  de  ^a  translation  des 
restes  de  Mgr  Laval. 

Le  24  mai.  Son  Excellence  Mgr  Gonroy,  ablégat  du  St-Siège, 
et  tous  les  vénérables  archevêques  et  évêques  de  la  Province 
de  Québec,  réunis  à  l'occasion  du  Concile  Provincial,  firent  à 
notre  jeune  association  l'honneur  d'une  visite.  —  Plusieurs 
membres  des  plus  distingués  du  clergé  les  accompagnaient, 
notamment  Monsignor  le  Grand- Vicaire  Gazeau  qui  depuis 
n'a  cessé  de  nous  témoigner  sa  bienveillance.  Pour  recevoir 
convenablement  ces  hôtes  illustres,  le  Gercle  catholique  n'é- 
pargna rien.  Une  adresse  fut  présentée,  à  laquelle  Son  Excel- 
lence le  Délégué  Apostolique  répondit  en  termes  bienveillants. 
Les  rues  voisines,  pavoisées,  une  joyeuse  fanfare  attirèrent 
aux  abords  de  notre  salle  une  foule  considérable,  et  le  renom 
du  Gercle  catholique  s'étendit  de  plus  en  plus.  L'honneur  de 
cette  visite  fut  une  réponse  à  ceux  qui  interprétaient  l'unani- 
mité des  membres  sur-  certaines  questions  sociales  comme 
une  preuve  d'immixtion  dans  la  politique. 

L'OEuvre  des  bons  livres,  fondée  depuis  quelque  temps, 
fut  soumise  à  l'approbation  de  nos  Seigneurs  les  Evoques. 
S.  G.  Mgr  l'Archevêque  daigna  encourager  cette  œuvre  et  des 


190      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

mesures  furent  prises  pour  rendre  la  propagande  aussi  active 
que  possible.  Le  rapport  spécial  vous  montrera  que  cette 
œuvre  a  grandi,  et  qu'elle  promet  de  devenir  peut-être  la  plus 
importante. 

Le  seul  moyen  de  fonder  une  œuvre  viable  est  d'acquérir 
une  propriété.  Le  20  mars,  dans  l'octave  de  la  fête  de  St- 
Joseph,  une  messe  était  dite  à  cette  intention  dans  l'église  de 
St-Roch  ;  les  membres  s'approchaient  de  la  Sainte-Table,  et, 
le  soir,  ils  avisaient  aux  préliminaires  à  adopter  pour  arriver 
à  leur  fin.  Un  comité  de  construction  était  créé  ;  et,  pour 
attirer  sur  leur  entreprise  les  bénédictions  d'en-Haut  en  même 
temps  que  l'attention  des  âmes  pieuses,  ils  résolurent  :  1.  Que  la 
statue  de  Saint  Joseph  serait  placée  dans  la  salle  des  réunions  ; 
2.  Que  la  statue  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  couronnerait  la  par- 
tie la  plus  apparente  du  bâtiment  projeté  ;  3.  Que  deux  messes 
annuelles  seraient  fondées,  dont  l'une  à  l'intention  des  bien- 
faiteurs vivants,  et  l'autre  des  bienfaiteurs  et  membres  dé- 
funts. 

Une  salle  de  lecture  a  été  fondée  au  Cercle  dans  le  but  de 
mettre  les  éléments  d'instruction  et  d'étude  à  la  portée  des 
membres,  et,  en  général,  de  tous  les  hommes  dévoués  aux 
intérêts  catholiques,  de  leur  procurer  un  centre  où  ils  pour- 
ront se  rencontrer  et  se  rapprocher,  et  aussi  d'établir  entre 
eux,  pour  l'avantage  de  tous  et  de  chacun  des  rapports  fré- 
quents et  suivis. 

Des  conférences  ou  des  discussions  sur  des  sujets  de  religion, 
d'économie  sociale,  d'histoire  ou  de  littérature  y  sont  faites, 
des.  lectures,  conférences,  causeries,  essais,  etc.,  y  ont  été 
donnés  dans  le  cours  de  l'année  dernière  :  les  journaux  de 
cette  ville  en  ont  reproduit  quelques-uns,  et  d'autres  ont  été 
l'objet  d'appréciations  très  flatteuses. 

Le  Cercle  est  donc  une  œuvre  nationale  en  même  temps 
que  religieuse,  puisqu'il  embrasse  tous  les  sujets  qui  sont  de 
nature  à  promouvoir  les  intérêts  religieux  et  sociaux  des  Ca- 
nadiens français.  Mais  quelle  marche  suivre  pour  atteindre 
le  but  que  se  sont  proposé  ses  fondateurs  ? 

Notre  première  tentative  s'adresse  à  la  classe  dirigeante. 


RAPPORT  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC        191 

C'est  elle  qu'il  faut  recruter  et  saisir  de  notre  intention  avant 
d'aller  plus  loin.  C'est  elle  qui  nous  fournira  les  éléments 
propres  à  arriver  par  un  apostolat  efficace  au  sein  de  la  mul- 
titude. 

Si  Dieu  bénit  nos  efforts,  si  notre  appel  à  la  générosité  de 
nos  membres,  de  nos  compatriotes  est  entendu,  si  enfin  notre 
projet  de  construction  devient  un  fait  accompli,  notre  premier 
pas  sera  d'attirer  la  jeunesse,  même  par  une  salle  de  jeu,  sous 
un  contrôle  attentif,  s'il  y  a  nécessité.  Notre  œuvre  continuant 
à  prospérer,  nous  descendrons  chez  l'ouvrier  pour  lui  procurer 
des  conférences  ayant  l'instruction  et  la  moralisation  pour 
but. 

Notre  Cercle,  tel  qu'actuellement  constitué,  ne  suffisant  pas 
à  la  besogne,  il  entre  dans  nos  prévisions  de  fournir  à  des 
associations,  à  des  corporations  s'occupant  du  bien-être  maté- 
riel de  l'ouvrier,  les  moyens  de  s'établir  et  de  fonctionner. 

Les  terribles  questions  sociales  qui  agitent  aujourd'hui  l'an- 
cien monde  ne  sont  pas  encore  posées  parmi  nous,  mais  celui 
qui  a  pénétré  dans  le  cœur  de  l'ouvrier  sent  qu'elles  y  fer- 
mentent déjà.  Le  jour  n'est  peut-être  pas  éloigné  où  les  pro- 
blèmes du  salaire  et  du  capital,  de  la  grève,  du  droit  au 
travail  auront  à  être  discutés  sur  ce  sol,  d'autant  moins  que 
tout  nous  pousse  vers  la  vie  manufacturière.  Si  alors  les 
associations  secrètes  ont  seules  droit  au  conseil,  malheur  à 
notre  société  î 

Aujourd'hui,  au  seuil  de  nos  séances  nous  pourrions  insérer 
la  devise  de  Clément  d'Alexandrie  :  Fides  quœrens  intellectum  ; 
au  frontispice  de  notre  maison  future  nous  voulons  pouvoir 
placer  cette  autre  :  Instaurare  omnia  in  Christo. 

Quand,  à  l'exemple  du  nôtre,  d'autres  Cercles  se  seront 
créés,  surgira  la  question  des  les  unir  en  faisceau.  Sur  ce 
sujet  la  France  et  peut-être  mieux  la  Prusse  catholique  four- 
niront les  données  de  leur  expérience,  mais  nous  empiétons 
trop  sur  l'avenir. 

Le  secrétaire  du  Cercle  catholique  de  Québec. 


\ 


/ 

192      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Après  la  lecture  de  ces  différents  rapports,  les  résolutions 
suivantes  sont  adoptées  : 


Les  membres  du  Congrès  catholique,  désireux  d'établir 
entre  les  différentes  associations  ou  cercles  catholiques  du 
Canada  et  des  Etats-Unis  une  union  plus  intime  et  des  rap- 
ports durables,  recommandent  l'établissement  d'un  comité 
supérieur  et  permanent  des  intérêts  catholiques  sous  la  sur- 
veillance de  NN.  SS.  les  évoques  de  la  province  de  Québec. 

Les  membres  du  Congrès  catholique  recommandent  que  ce 
Comité  des  intérêts  catholiques  soit  établi  et  composé  provi- 
soirement de  l'honorable  M.  Trudel,  sénateur,  de  M.  Clément 
Yincelette,  président  du  Cercle  catholique  de  Québec  et  che- 
valier de  l'ordre  de  Saint-Sylvestre,  de  M.  Em.  Tassé,  ancien 
président  général  de  l'Union  AUet,  et  de  cinq  citoyens  appar- 
tenant aux  autres  diocèses  :  Trois-Rivières,  Saint-Hyacinthe, 
Saint-Germain  de  Rimouski,  Sherbrooke  et  Chicoutimi. 

III 

Les  membres  du  Congrès  catholique  forment  les  vœux  les 
plus  ardents  pour  la  création  de  cercles  catholiques  dans  les 
autres  villes  de  la  province  de  Québec  et  dans  les  principaux 
centres  canadiens  français  du  Canada  et  des  Etats-Unis  où  il 
n'en  existe  pas  encore. 

IV 

Les  membres  du  Congrès  désirent  attirer  l'attention  des 
catholiques  sur  le  bien  incalculable  que  pourrait  opérer  la 
fondation  dans  les  endroits  propices  de  l'œuvre  pontificale  des 
vieux  papiers,  annexe  du  denier  de  Saint-Pierre. 


Les  membres  du  Congrès  émettent  unanimement  le  vœu  de 
voir  favoriser  par  les  catholiques  l'œuvre  de  l'association  de 


PROCÈS-VERBAL   DE   LA   2e   SÉANCE   DU   2e   BUREAU  193 

Saint-François  de  Sales  et  de  la  Société  bibliographique  dont 
le  but  est  de  propager  les  bons  livres  à  des  prix  réduits. 

VI 

Attendu  que  les  cercles  catholiques  se  proposent,  comme 
fin  principale  la  manifestation  de  la  vérité  par  la  diffusion 
des  principes  catholiques  ;  qu'ils  ne  sauraient  parvenir  à  ce 
but  qu'après  s'être  mis,  par  des  études  sérieuses,  en  état  de 
réfuter  l'erreur  et  de  faire  pénétrer  la  lumière  dans  les  esprits  : 

Le  bureau  des  cercles  catholiques  recommande  spéciale- 
ment l'étude  de  l'histoire  des  peuples  modernes  comparée  à 
l'histoire  du  peuple  de  Dieu,  afin  d'éviter  les  fautes  qui  ont 
condu>  les  peuples  de  l'antiquité  et  les  peuples  modernes  à 
leur  ruine,  après  que  ces  peuples  eurent  atteint  l'apogée  de  la 
gloire  dans  les  arts,  les  sciences  et  l'industrie. 


n.— BUREAU  DE  LA  PRESSE  CATHOLIQUE 

Samedi^  'iÇ»  juin 

PROCÈS-VERBAL  DE  LA  2e  SÉANCE 

Ce  bureau  s'est  réuni  sous  la  présidence  de  M.  A.  de  Bon- 
part,  M.  J.  P.  Tardivel,  secrétaire. 

Etaient  présents  :  MM.  le  sénateur  Trudel,  I.  N.  Belleau, 
Eug.  Rouillard,  Charles  Ouimet,  Dr  N.  E.  Dionne. 

Après  délibération  le  bureau  s'est  borné  à  proposer  l'adop- 
tion des  vœux  suivants  : 

I 

Le  Congrès  émet  le  vœu  qu'il  soit  fondé  au  Canada  ime 
publication  spécialement  consacrée  à  traiter  les  questions 
sociales  et  politiques  au  point  de  vue  des  principes  catholiques. 

II 

Considérant  que,  sans  l'appui  de  l'épiscopat,  la  presse  ne 
saurait  accomplir  fructueusement  la  tâche  importante  qui  lui 
incombe  : 


194      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Le  Congrès  émet  le  vœu  que  NN.  SS.  les  évoques  daignent, 
selon  la  lecommandation  du  pape  Pie  IX  dans  l'encyclique 
Intei^  multipliccs,  et  selon  la  recommandation  récente  de  S.  S. 
Léon  XIII,  prendre  sous  leur  protection  la  presse  et  les  écri- 
vains catholiques. 

Et  pour  la  réalisation  de  ces  vœux  le  Congrès  fait  appel  à  la 
bienveillance  de  NN.  SS.  les  évoques  et  à  la  sympathie  du 
clergé  et  des  catholiques. 


III— BUREAU  DES  INTÉRÊTS  CATHOLIQU.'"^^ 

Samedi^  Wjuin 

PROCÈS-VERBAL  DE  LA  2e  SÉANCE 

En  l'absence  de  M.  le  docteur  Rottot,  M.  l'abbé  Gravel,  curé 
de  St-Hyacinthe  est  appelé  à  la  présidence,  M.  E.  Gagnon  con- 
tinuant à  remplir  les  fonctions  de  secrétaire. 

Etaient  présents  :  MM.  les  abbés  Martial  et  Têtu,  M.  le  comte 
Jules  de  Foucault,  MM.  L.  L.  Rivard,  A.  Robitaille,  V.  Liver- 
nois,  A.  Dernier,  Thomas  Chapais. 

M.  Livernois  fait  connaître  l'œuvre  de  M.  Charles  de  Ribbe 
sur  les  archives  de  la  famille. 

M.  Chapais  donne  lecture  de  son  rapport  sur  "  les  avantages 
qu'offrent  à  la  jeunesse,  au  point  de  vue  du  dogme  et  de  la 
morale  les  études  dans  une  université  catholique." 


RAPPORT  DE  M.  THOMAS  CHAPAIS 

SUR  LES  AVANTAGES  QU'OFFRENT  A  LA  JEUNESSE  LES  ÉTUDES  DANS 
UNE  UNIVERSITÉ  CATHOLIQUE 

Monsieur  le  président, 
Messieurs, 

Après  la  chute  de  l'empire  romain,  les  études,  comme  les 
institutions  politiques,  firent  un  naufrage  presque  complet. 
Durant  toute  l'époque  des  invasions  barbares  et  de  la  forma- 


RAPPORT   DE   M.   THOMAS   CHAPAIS  195 

tien  des  nationalités  nouvelles,  les  arts,  les  sciences  et  les 
lettres  subirent  une  éclipse  totale,  f^t  Ion  put  croire  que  jamais 
plus  ne  luirait  sur  le  monde  le  soleil  de  la  vérité.  Cependant 
le  feu  sacré  n'était  pas  éteint.  L'Eglise  s'était  chargée  de  sa 
garde,  et  avait  confié  à  ses  moines,  à  ses  évêques  et  à  ses 
clercs,  la  magnifique  mission  de  conserver  vivante  et  pure  la 
flamme  d'où  la  lumière  devait  jaillir  un  jour  sur  toute  l'Eu- 
rope. Lorsque  les  grands  bouleversements,  les  grandes  con- 
quêtes, le  pêle-mêle  et  le  chaos  des  premiers  siècles  du 
moyen-âge  eurent  pris  fin,  et  que  les  lignes  de  l'état  politique 
européen  eurent  commencé  à  se  dessiner,  on  vit  l'épiscopat, 
le  clergé,  les  ordres  religieux,  créer  des  écoles,  foyers  de 
science  et  d'érudition.  Les  rois,  les  chefs  d'empire  bien  inspi- 
rés entrèrent  dans  le  mouvement  intellectuel,  et  se  firent  très 
souvent  les  protecteurs  et  les  fondateurs  de  grandes  institu- 
tions consacrées  à  la  diffusion  des  bonnes  études.  Mais  l'in- 
fluence de  l'Eglise  était  toujours  présente  et  marquait  de  son 
empreinte  tout  ce  qui  se  faisait  de  grand  à  cette  époque. 
"  Dans  chacune  des  institutions  nouvelles  qui  apparaissaient, 
dit  M.  Laurentie,  l'Eglise  intervenait  toujours  par  ses  dota- 
tions ou  par  la  munificence  de  ses  privilèges  ;  mais  le  nom 
d'Université  ne  se  montra  qu'au  XlIIème  siècle."  Les  limites 
de  ce  travail  ne  permettent  pas  d'entre^  dans  le  récit  de  la 
création  et  des  progrès  de  toutes  les  universités  qui  prirent 
naissance  à  cette  époque.  Qu'il  me  suffise  de  dire  qu'on  y 
retrouve  partout  l'esprit  catholique,  et  que,  pour  me  servir 
des  expressions  de  l'écrivain  éminent  que  je  citais  tout  à 
l'heure,  malgré  des  abus,  les  universités  servirent  d'instru- 
ments à  l'action  souveraine  qui  changeait  le  monde  par  les 
études  et  préparait  cette  civilisation  dont  nous  avons  vu  la 
gloire,  et  dont  aussi  nous  avons  vu  la  décadence. 

Les  universités  de  Paris,  de  Heidelberg,  de  Leipzick,  de 
Bâle,  de  Tolède,  de  Salamanque,  d'Oxford,  de  Cambridge,  et 
une  foule  d'autres  furent  fondées  ou  dotées  par  des  papes,  des 
pieux  monarques  ou  de  hauts  personnages  sincèrement  dé- 
voués à  l'Eglise,  et  eurent  une  grande  influence  sur  la  civili- 
sation et  le  progrès  des  nations  de  l'Europe. 


196      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉREC 

Gomme  on  le  voit,  les  universités  furent,  à  cette  époque, 
essentiellement  catholiques,  et,  en  dépii  d'erreurs  et  de  désor- 
dres trop  souvent  répétés,  aidèrent  l'Eglise  dans  son  œuvre  de 
régénération.  11  était  réservé  à  notre  époque  de  voir  des  uni- 
versités athées,  des  universités  où  l'on  ignore  la  Providence 
et  où  l'on  peut  discuter  et  mettre  en  doute  la  divinité  de  Jésus- 
Christ,  des  universités  qui,  au  nom  de  la  liberté,  demandent 
à  confisquer  la  liberté  d'autrui,  qui,  au  nom  de  la  science,  de- 
mandent qu'on  éteigne  les  foyers  puissants  de  la  science  ca- 
tholique, qui,  au  nom  de  la  tolérance,  demandent  qu'on 
proscrive  ceux  qui  n'enseignent  pas  comme  elles. 

Nous  avons  jeté  un  coup-d'œil  rapide  sur  ce  que  furent  les 
universités  dans  le  passé,  afin  de  faire  voir  quel  a  été  leur 
esprit  général,  leur  but  et  leur  résultat.  Maintenant  nous 
devons  nous  demander  quels  sont  les  avantages  réels  qu'of- 
frent pour  la  jeunesse  les  études  dans  une  université  catho- 
lique. Ces  avantages  sont  immenses,  et  il  n'est  pas  besoin  de 
réiléchir  longuement  ni  d'argumenter  à  perte  de  vue  pour  le 
prouver.  Il  suffit  de  considérer  les  principes  qui  doivent  pré- 
sider à  l'éducation  des  jeunes  générations.  Il  y  a  dans  ce  que 
j'appellerai  la  première  époque  de  la  vie  d'un  homme,  trois 
degrés  :  l'enfance,  l'adolescence  et  la  jeunesse  proprement 
dite.  L'école  de  la  paroisse,  l'école  primaire,  donne  à  l'enfant 
les  premiers  rudiments  de  la  science,  lui  fait  connaître  le  lan- 
gage des  livres  et  le  mécanisme  de  la  langue.  Le  séminaire 
donne  à  l'adolescent  un  aliment  intellectuel  plus  élevé,  le 
goût  des  beautés  littéraires,  et  l'admiration  des  œuvres  de  la 
grande  littérature,  il  fait  pénétrer  dans  les  intelligences  quel- 
ques rayons  (quelques  rayons  seulement)  de  la  philosophie 
chrétienne.  Mais  l'adolescent  grandit,  il  se  fait  jeune  homme  ; 
le  voilà  sur  le  seuil  de  la  vie  du  monde  ;  il  veut  se  lancer  dans 
une  carrière.  Son  intelligence  est  encore  indécise  ;  elle  man- 
que de  trempe.  Les  connaissances  sont  peu  profondes  ;  le 
jeune  homme  n'a  que  les  éléments  de  ce  qu'il  doit  savoir  pour 
faire  un  citoyen  utile.  Que  va-t-il  devenir  s'il  n'a  pour  le 
guider  les  grands  principes  sans  lesquels  tant  d'esprits  ont  fait 
naufrage.    Et  ces  principes  où  les  prendra-t-il,  s'il  n'a  pas  le 


RAPPORT    DE   M.    THOMAS    CHAPAIS  197 

bonheur  de  recevoir  le  haut  enseignement  professionnel  d'une 
institution  catholique  ?  Il  traverse  une  époque  de  crise  intel- 
lectuelle, où  ses  généreuses  ardeurs  peuvent  l'entraîner  vers 
l'erreur  revêtue  de  séduisants  dehors.  Qui  lui  fera  traverser 
heureusement  cette  crise  ?  Ce  sera  l'esprit,  l'inspiration,  la 
direction  de  l'université  catholique.  Dans  ce  milieu  évidem- 
ment favorable,  il  verra  les  principes  du  droit  positif  mis  en 
regard  avec  les  principes  de  la  morale  et  de  la  religion,  il 
verra  la  médecine  spirituelle,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  op- 
poser ses  arguments  aux  doctrines  abjectes  du  matérialisme 
scientifique  ;  il  verra  la  science  chrétienne  glorifiée  et  exaltée  ; 
il  entendra,  dans  des  cours  publics,  l'histoire  enseignée  au 
point  de  vue  catholique  et  redressée  parfois  dans  ses  erreurs 
et  ses  injustices  ;  la  littérature  i\ianifestée  dans  toute  la  beauté 
de  son  œuvre  civilisatrice.  Un  jour  ce  sera  l'art  chrétien  qui 
apparaîtra  à  ses  yeux  éblouis,  tout  rayonnant  des  clartés  de 
son  sublime  idéal  ;  un  autre  jour  ce  sera  l'action  et  le  rôle  des 
ordres  religieux  qu'une  voix  éloquente  lui  fera  comprendre  et 
admirer.  En  un  mot  tout  concourra  à  élever  et  à  fortifier  son 
intelligence,  et  à  lui  donner  ce  sens  catholique  qui  lui  sera  si 
nécessaire,  je  dirai  même  indispensable,  pour  se  diriger  à  tra- 
vers les  écueils  du  siècle.  C'est  donc  un  grand  bonheur  et  un 
grand  avantage  que  de  recevoir  le  haut  enseignement  d'une 
université  catholique,  et  nous  comprenons  que  nos  frères  de 
France  aient  livré  tant  de  combats  et  fait  tant  de  sacrifices 
pour  procurer  à  leurs  enfants  ce  bonheur  et  cet  avantage. 

Il  y  aurait  des  volumes  à  écrire  sur  les  origines,  les  déve- 
loppements et  les  immenses  services  des  universités  catho- 
liques. Je  n'ai  pu  qu'effleurer  ce  vaste  sujet.  J'espère  néan- 
moins en  avoir  dit  suffisamment  pour  avoir  le  droit  de  sou- 
mettre au  bureau  quelques  résolutions. 


13 


198      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

RAPPORT  DE    M.  LIVERNOIS 

SUR  LES   MEILLEURS   MOYENS   DE  PRÉSERVER   LE   FOYER  DOMESTIQUE, 
DE   CRÉER  ET  DE  PROPAGER  LES  LIVRES   OU  ARCHIVES  DE  FAMILLE 


Le  comité  d'organisation  du  premier  Congrès  catholique  de 
Québec,  a  cru  devoir  mettre  dans  son  programme  la  pré- 
servation du  foyer  domestique,  montrant  par  là  l'importance 
qu'il  attache  et  avec  raison,  à  cette  question  fondamentale. 
Tout  en  remerciant  Dieu  de  ce  qu'au  Canada  l'esprit  de 
famille  soit  en  grand  honneur,  si  nous  comparons  notre  état 
avec  celui  de  la  plupart  des  pays  d'Europe,  nous  de^  ns 
cependant  prendre  en  sérieuse  considération  les  assauts  livres 
au  Foyer,  à  la  vie  domestique  par  divers  ennemis  et  des  plus 
puissants.  Ne  voyons  nou  pas  en  effet  l'intempérance,  le 
défaut  d'épargnes  et  le  luxe  avec  la  tendance  de  repousser  le 
prêtre  de  la  direction  des  familles,  mettre  en  danger  la  base 
essentielle  de  la  société,  et  par  là  enlever  à  la  patrie  des  forces 
vives?  Ne  sommes- nous  pas  depuis  plusieurs  années  en  face 
d'un  fait  regrettable  et  anormal  :  celui  de  l'émigration  d'une 
partie  notable  de  notre  petit  peuple  vers  les  Etats-Unis,  de 
l'abandon  du  foyer  à  l'ombre  du  clocher  et  de  terres  fertiles 
auxquelles  il  n'a  manqué  qu'une  culture  patiente  et  intelli- 
gente pour  donner  les  plus  beaux  rendements  ?  Pourquoi  tel 
abandon  ?  Pour  gagner  bien  souvent  des  rives  qui  ne  con- 
naissent pas  la  langue  et  la  religion  de  nos  pères,  et  se  livrer 
là  en  trop  grand  nombre  ^  la  vie  étiolante  de  l'usine  ou  de  la 
manufacture  et  y  perdre  avec  leur  langue  et  leur  religion, 
toute  vie  de  famille. 

Je  ne  suis  pas  chargé  de  traiter  des  remèdes  en  général  à 
apporter  à  ces  maux.  L'intention  du  Comité  a  été  simplement 
de  signaler  cet  important  sujet  à  votre  attention,  se  proposant 
de  le  livrer  à  des  travaux  subséquents  au  prochain  Congrès 
catholique.  Ces  moyens  en  général  pour  préserver  le  Foyer 
domestique,  l'Eglise   nous   les    enseigne,    et   nos   vigilants 


RAPPORT    DE    M.    LIVERNOIS  199 

Pasteurs  dans  leurs  décisions  conciliaires  et  leurs  mandements 
nous  indiquent  le  chemin  à  suivre  dans  ces  études.  Il  s'agit 
pour  nous  de  ne  pas  laisser  dormir  dans  l'ou^  li  ces  précieux 
documents  épiscopaux,  de  nous  pénétrer  de  leur  esprit  et  de 
travailler. 

Mon  devoir  est  de  vous  proposer  au  nom  de  votre  3me 
bureau,  quelques  considérations  sur  un  excellent  moyen  de 
préserver  le  Foyer  domestique  :  les  livres  ou  archives  de 
famille  et  certaines  résolutions  à  prendre  pour  créer  et  pro- 
pager ces  livres  de  famille. 

On  appelle  ainsi  Livres  de  Raison  ou  de  Famille,  ou  plutôt  on 
appelait  ainsi,  car  ils  sont  à  peu  près  disparus  dans  notre  pays, 
m'assure-t-on  :  "  Des  registres  sur  les  feuillets  desquels  les 
chefs  de  maison  avaient  coutume  d'inscrire  leur  généalogie, 
la  biographie  des  parents,  leur  mariage,  les  naissances  et  les 
baptêmes  de  leurs  enfants,  les  principaux  événements  et 
Vhistoire  du  foyer,  l'état  de  l'épargne  et  du  patrimoine,  le 
compte  rendu  de  ce  patrimoine  et  enfin  les  derniers  conseils 
laissés  par  eux  à  leurs  successeurs.  Le  tout  était  placé  sous 
l'invocation  de  Dieu.  Dans  le  préambule  des  maximes  em- 
pruntées aux  Livres  Saints,  se  traduisaient  des  préceptes  sur 
lesquels  les  parents  croyaient  devoir  insister  d'une  manière 
particulière."  C'est  l'histoire,  la  tradition  des  ancêtres  confiée 
aux  archives  du  Foyer,  qui  vient  fournir  à  la  nouvelle  généra- 
tion les  touchants  exemples  des  parents  et  du  passé,  pour  lui 
apprendre  à  bien  vivre  et  à  aimer  le  champ  cultivé  par  ses 
pères  et  le  foyer  qu'ils  ont  édifié'.  Puissants  aiguillons  pour 
le  bien,  ces  documents  de  famille  sont  une  source  de  régé- 
nération, de  prospérité  morale  et  matérielle,  une  force  pour  la 
Religion  et  la  Patrie. 

Un  illustre  auteur,  monsieur  Charles  de  Ribbe,  catholique 
de  la  Provence,  c^  puis  dix  ans  rappelle  à  la  France  le  souvenir 
de  ses  anciens  livres  de  famille  ou  de  raison  dont  la  source 
fut  presque  tarie  depuis  les  bouleversements  de  la  révolution 
du  siècle  dernier.  De  vieux  manuscrits  sortis  de  la  poussière, 
archives  privées  des  familles,  sont  venus  faire  connaître  une 
mine  des  plus  riches.    Monsieur  de  Ribbe  dans  des  ouvrages 


200      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

extrêmement  remarquables  sur  la  Famille  et  sur  ces  Livres,  a 
fait  ressortir  tous  les  avantages  de  cette  excellente  coutume, 
tant  au  point  de  vue  privé  que  public.  M.  de  Ribbe  a  demandé 
à  sa  patrie  d'imiter  le  passé,  de  reprendre  la  coutume  inter- 
rompue, de  reprendre  les  Livres  de  Famille.  La  France  n'est 
pas  restée  sourde  à  ses  chaleureux  appels,  et  des  centaines  de 
familles  françaises  ont  maintenant  de  nouveau  leurs  archives. 
Ses  ouvrages,  quoique  citant  seulement  l'exemple  de  notre 
ancienne  mère-patrie,  s'appuient  en  môme  temps  sur  ce  qui 
s'est  fait  dans  les  autres  pays  du  monde  et  ont  une  portée 
universelle.  Dans  une  lettre  que  nous  adressait  M.  de  Ribbe 
le  26  mars  dernier,  l'éminent  écrivain,  en  nous  assurant  qu'il 
serait  d'esprit  et  de  cœur  à  ce  Congrès  catholique  de  Québec, 
nous  faisait  savoir  que  l'Allemagne  allait  traduire  ses  ouvrages. 
L'Italie  a  ses  ricordi  ou  ricordanze  di  ^amiglia  que  les  Peruzzi 
et  les  Ganestrini  ont  aussi  livrés  à  la  publicité  pour  amener 
leurs  compatriotes  à  en  reprendre  la  coutume.  Tous  les  pays 
de  l'Europe  nous  fournissent  des  exemples  de  ces  registres  de 
famille,  entre  autres  l'Angleterre,  la  Belgique,  la  Hollande, 
l'Allemagne,  la  Pologne.  Dans  ce  dernier  pays,  ils  sont 
appelés  sylva  rerum  {forêt  de  choses).  Ne  voyons-nous  pas  les 
familles  anglaises  avoir  leurs  notes  du  Foyer  sur  des  feuillets 
blancs  attachés  à  leurs  bibles.  A  la  demande  des  Comités 
catholiques,  M.  de  Ribbe  a  donné  le  plan  de  ces  Livres  de 
famille,  et  MM.  Mame  de  Tours  en  ont  édités.  C'est  un  solide 
et  fort  cahier  avec  explications.  Le  Canada  a  eu  des  Livres  de 
Famille  ou  de  Raison.  Une  de  nos  familles  canadiennes  dont 
un  des  descendants  est  membre  du  Congrès,  a  l'honneur  d'être 
cité  par  M.  de  Ribbe  pour  prouver  que  le  Canada  français 
n'était  pas  resté  étranger  à  cette  coutume.  Sans  aucun  doute, 
nos  anciennes  luttes  et  notre  long  manque  d'écoles  régulières, 
ont  empêché  plusieurs  familles  de  continuer  ces  registres. 
A  nous  de  les  reprendre  et  de  lés  reprendre  d'une  manière 
complète  :  familles  de  la  ville  comme  celles  des  campagnes, 
sans  distinction  de  classe  ni  de  fortune.  Chez  nous  qui  avons 
plus  à  conserver  qu'à  restaui;er  la  vie  de  famille,  la  chose  sera 
plus  facile  qu'en  France,  et  les  ouvrages  de  M.  de  Ribbe 


RAPPORT    DE    M.    LIVERNOIS  201 

peuvent  facilement  s'adapter  à  notre  position  et  à  notre 
caractère.  Pour  les  Canadiens  qui  voudraient  consigner  au 
commencement  de  ces  Livres  de  famille  quelques  notes  sur 
les  origines  de  leur  souche  au  Canada,  un  excellent  ouvrage 
s'offre  à  eux,  celui  de  M.  l'abbé  Tanguay  :  "  Dictionnaire 
généalogique  des  familles  ". 

Pour  ces  causes,  le  Bureau  des  Intérêts  catholiques  a 
l'honneur  de  vous  soumettre  : 

Vu  qu'il  est  essentiel  de  préserver  l'esprit  de  famille  à  cause 
de  tous  les  biens  qui  en  découlent  pour  la  famille  elle-même, 
la  Patrie  et  la  Religion  ; 

Vu  qu'il  est  déplorable  de  voir  le  manque  de  stabilité  et 
d'attachement  chez  les  membres  d'un  grand  nombre  des 
familles  pour  la  maison  qui  les  a  vus  naître,  et  les  champs 
arrosés  des  mains  de  leurs  ancêtres  ; 

Vu  que  ce  relâchement  des  liens  de  famille  et  cette  indiffé- 
rence pour  le  foyer  domestique  sont  des  causes  de  l'émigration 
des  Canadiens  aux  Etats-Unis,  pendant  que  notre  vaste  pays 
pourrait  leur  offrir  les  moyens  de  vivre  et  a  besoin  de  leur 
travail  ;       •       ' 

Vu  que  la  coutume  des  Livres  ou  Registres  de  famille 
contribuerait  beaucoup  à  changer  cet  état  de  choses  ; 

Le  Congrès  catholique  émet  le  vœu  : 

Que  tous  les  catholiques  soient  invités  à  se  procurer  et  à 
tenir  des  livres  de  famille  ; 

Que  les  associations  qui  ont  pris  part  au  Congrès  soient 
chargées  de  propager  l'idée  des  Livres  ou  Registres  de  famille 
par  des  conférences  et  par  la  voie  des  journaux  ; 

Que  les  membres  du  Congrès  catholique  donnent  les 
premiers  l'exemple,  se  procurent  ou  se  fassent  faire  de  ces 
registres  de  famille  et  les  tiennent  régulièrement  ; 

Que  le  clergé  en  général  soit  prié  de  faire  connaître  et 
de  répandre  l'excellente  coutume  de  nos  ancêtres  d'avoir  des 
registres  du  Foyer  ; 

Que  le  Congrès  catholique  de  Québec  recommande  tout 
spécialement  les  ouvrages  de  M.  Charles  de  Ribbe  sur  la 
Famille,  le  Foyer  domestique  et  les  registres  privés,  et  souhaite 


202  PREMIER    CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU   A    QUÉBEC. 

que  nos  libraires  se  hâtent  de  s'en  approvisionner  pour  la 
demande  de  nos  familles  canadiennes. 

Québec,  26  juin  1880.  Victor  Livernois 


M.  le  comte  J.  de  Foucault,  présente  au  bureau  plusieurs  ou- 
vrages, don  de  la  Société  bibliographique  de  France.  Il 
recommande  les  ouvrages  publiés  sous  les  auspices  de  cette 
société.  (35,  rue  de  Grenelle^  Paris.) 

Le  bureau  adopte  ensuite  les  résolutions  suivantes  : 


Le  Congrès  catholique  de  Québec,  s'occupant  des  intérêts 
religieux  de  tous  les  Canadiens  et  constatant  les  résultats  con- 
solants accomplis  par  les  missionnaires  de  la  province  de 
Québec  au  milieu  des  Canadiens  émigrés,  et  considérant  que 
ces  missionnaires  ont  été  établis  par  la  bienveillante  autorité 
de  l'épiscopat  américain  et  le  patriotisme  et  le  dévouement 
religieux  de  l'épiscopat  de  la  province  de  Québec,  présente,  au 
nom  de  la  nationalité  canadienne  française  ses  respectueux 
remerciements  aux  évoques  des  Etats-Unis  et  du  Canada  pour 
avoir  établi  ces  missions  si  prospères. 

II 

Le  Congrès  catholique,  considérant  que  la  société  St- Vincent 
de  Paul  est,  comme  l'a  dit  M.  Eugène  de  Margerie,  "  l'œuvre 
providentielle,  l'œuvre  par  excellence,  l'œuvre  facile  en  même 
temps  opportune,  la  marque  pour  ainsi  dire,  des  chrétiens 
zélés  et  pieux,  émet  le  vœu  : 

lo  Que  l'on  maintienne  dans  toutes  les  villes  où  elles  sont 
déjà  établies  les  conférences  existantes,  et  que  l'on  s'efforce 
d'en  créer  de  nouvelles  si  le  besoin  s'en  fait  sentir  ; 

2o  Que  l'on  s'efforce  d'en  fonder  aussi  dans  les  paroisses  de 
la  campagne  où  la  population  est  assez  considérable  ; 

3o  Que  les  jeunes  gens  instruits,  pour  qui  la  société  a  été 
surtout  établie,  se  fassent  un  devoir  d'en  devenir  les  membres. 


RÉSOLUTIONS  ADOPTÉES  PAR  LE  BUREAU         203 

m 

Le  Congrès  catholique  de  Québec,  se  souvenant  que  le 
Canada  français  est  redevable  du  don  précieux  de  la  vraie  foi, 
après  Dieu,  à  la  France  catholique,  aux  prêtres  réguliers  et 
séculiers  et  aux  évêques  français  qui  ont  planté  l'arbre  du 
christianisme  sur  les  bords  du  Saint-Laurent  et  l'ont  arrosé 
de  leurs  sueurs  et  de  leur  sang  ; 

Saisi  d'une  juste  indignation  à  la  vue  des  cruelles  persécu- 
tions auxquelles  nos  frères  de  France  sont  actuellement  en 
butte  ; 

S'unit  à  l'épiscopat,  au  clergé  et  aux  catholiques  laïques  de 
la  France  pour  protester,  au  nom  de  la  liberté,  au  nom  des 
droits  sacrés  des  pères  de  famille  et  de  la  sainte  Eglise,  contre 
la  tyrannie  des  hommes  qui  veulent  expulser  Dieu  de  l'ensei- 
gnement et  de  la  société,  et  plus  particulièrement  contre  les 
décrets  du  29  mars  dernier,  et  offre  ses  plus  profondes  sympa- 
thies à  tous  ceux  qui  sont  atteints  par  ces  décrets. 

IV 

Le  Congrès  catholique  du  Québec,  convaincu  que  la  charité 
chrétienne  seule  peut  unir  les  hommes  entre  eux  sur  la  terre 
et  maintenir  l'harmonie  et  le  bon  ordre  dans  la  société  ; 

Convaincu,  de  plus,  que  c'est  par  la  charité  seule  que  l'on 
peut  faire  disparaître  l'antagonisme  et  les  haines  qui  séparent 
trop  souvent  les  classes  pauvres  des  classes  riches  ; 

Exprime  le  vœu  que  les  classes  dirigeantes  de  notre  société 
veuillent  bien  se  souvenir  que  la  charité  chrétienne  leur  fait 
une  obligation  de  donner  aux  classes  ouvrières  le  pain  intel- 
lectuel, de  même  qu'elle  commande  aux  riches  de  faire  l'au- 
mône aux  pauvres. 

V 

Considérant  l'union  intime  qui  doit  exister  entre  l'enseigne- 
ment religieux  et  l'enseignement  scientifique  ; 

Considérant  l'importance  pour  la  jeunesse,  au  point  de  vue 
-de  la  morale  et  de  la  foi,  de/ecevoir  l'enseignement,  à  tous  les 


204      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

degrés,  sous  la  tutelle  de  l'Eglise  et  d3s  institutions  reli- 
gieuses ; 

Considérant  que  nos  universités  catholiques  ont  besoin, 
pour  se  soutenir,  de  la  coopération  active  et  de  la  sympathie 
de  tous  les  catholiques  ; 

Le  Congrès  émet  le  vœu  que  toutes  les  familles  canadiennes 
se  fassent  un  devoir  et  un  honneur  de  confier  leurs  jeunes 
gens  aux  universités  catholiques,  tant  de  ce  pays  que  de  l'étran- 
ger, pour  qu'ils  y  puisent  la  vraie  science  et  qu'ils  soient  pré- 
servés de  l'erreur  et  des  dangers  d'une  éducation  sans  Dieu. 


DEUXIÈME  SÉANCE  SOLENNELLE 

DD 

CONGRÈS  CATHOLIQUE 


SAMEDI,  26  JUIN 


Samedi  soir  à  8  heures  avait  lieu  la  deuxième  et  dernière 
séance  solennelle  du  Congrès.  Sur  l'estrade  on  remarquait 
Mgr  C.  F.  Cazeau,  prélat  domestique  de  Sa  Sainteté,  vice- 
président  d'honneur  du  Congrès,  ayant  à  sa  droite  Mgr 
Laflèche,  évêque  des  Trois-Kivières,  M.  Claudio  Jannefc,  l'ho- 
norable P.  J.  O.  Chauveau,  shérif  de  Montréal,  à  sa  gauche 
M.  le  juge  Routhier,  président  actif  du  Congrès,  M.  le  comte 
de  Foucault,  l'honorable  M.  G.  Ouimet,  M.  C.  Vincelette,  vice- 
président  actif  du  Congrès,  et  président  du  Cercle  catholique 
de  Québec.  Il  y  avait  encore  sur  l'estrade  les  membres  des 
difi'érentes  commissions  et  les  délégués  parmi  lesquels  étaient 
M.  Jos.  Desrosiers,  président  de  l'Union  catholique  de  Mont- 
réal, M,  A.  de  Bonpart,  M.  Em.  Tassé,  etc.  Une  foule  consi- 
dérable s'était  rendue  dans  les  salles  du  vaste  édifice  pour 
entendre  les  paroles  éloquentes  des  différents  orateurs  appelés 
à  faire  les  frais  de  la  réunion.  Dans  le  parterre  on  remarquait 


L.ISCOURS    DE    M.    LE    COMTE    DE    FOUCAULT  205 

Mgr  Déziel,  Mgr  Giiay,  un  très  grf  m  nombre  de  membres 
du  clergé  et  l'élite  de  la  société  canadienne  Ti-anraise  réunie  à 
Québec. 

M.  le  président  annonce  qu'il  vient  de  recevoir  une  lettre  du 
général  baron  de  Charette  et  de  plusieurs  autres  personnages 
distingués  d'Europe.  Un  tonnerre  d'applaudissements  accueillit 
cette  nouvelle. 

M.  le  comte  Jules  de  Foucault  parut  ensuite  sur  le  théâtre 
au  milieu  des  applaudissements  réitérés  de  l'auditoire.  Le 
sujet  qu'il  avait  à  traiter  était  :  "  l'action  des  ordres  religieux 
dans  les  sociétés  modernes." 


DISCOURS  DE   MONSIEUR  LE   COMTE  DE  FOUCAULT 


Messeigneurs^  Mesdames.,  Messieurs^ 

Je  suis  tlatté  plus  que  je  ne  le  saurais  dire  du  grand  hon- 
neur qui  m'est  fait  aujourd'hui.  Je  sais  les  difficultés  qui 
m'attendent.  Je  serais  effrayé  de  la  tâche  qui  m'incombe  de 
parler  après  tant  d'orateurs  distingués,  après  Sa  Grandeur 
Monseigneur  l'Archevêque  de  Québec,  après  votre  éminent 
président  qui,  dans  une  langue  élevée,  a  exprimé  des  senti- 
ments si  nobles  et  si  généreilx,  et,  je  puis  bien  le  dire  aussi, 
car  vos  applaudissements  m'en  ont  donné  le  droit,  après  mon 
savant  ami,  Monsieur  Claudio  Jannet.  Je  serais  effrayé  si  je 
ne  consultais  que  mes  propres  forces  ;  mais  je  me  sens  soutenu 
par  cette  grande  sympathie  qui  m'entoure,  par  ces  applaudis- 
sements qui  viennent  de  m'être  donnés,  et  par  tous  ces  cœurs 
qui  en  ce  moment  battent  à  l'unisson  du  mien.  {Appl.\ 

Je  n'en  ai  pas  moins  besoin  de  toute  votre  indulgence  ;  mon 
inexpérience  vous  la  demande  instamment,  et  j'y  compte. 

Avant  de  commencer  à  traiter  le  sujet  que  je  dois  exposer 
devant  vous,  je  dois  d'abord  saluer  ces  éminents  évêques,  ces 
saints  prélats  de  l'épiscopat  canadien  dont  le  concours  est  tou- 
jours acquis  à  toutes  les  grandes  œuvres  catholiques  ;  je  dois 


206      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

aussi  m'incliner  devant  cette  majestueuse  assemblée  qui  à  elle 
seule  témoigne,  plus  que  tous  les  discours,  des  sentiments  qui 
ont  présidé  à  l'organisation  de  cette  réunion. 

En  répondant  avec  un  admirable  empressement  à  l'appel 
des  hommes  de  bien  qui  ont  pris  l'initiative  de  cette  grande 
démonstration,  vous  n'êtes  pas  venus  seulement  pour  entendre 
des  conférences  ;  vous  êtes  venus  surtout  pour  protester  de 
votre  attachement  à  cette  religion  catholique  dont  je  suis  fier 
de  pouvoir  me  dire  un  soldat  obscur  sans  doute,  mais  dévoué 
de  toutes  les  forces  de  mon  âme.  {Appl.) 

Je  rends  donc  grâce  à  ceux  qui,  en  m'appelant  à  l'honneur 
de  porter  ici  la  parole,  m'ont  permis  de  m'associer  pour  ma 
part  et  de  toute  mon  énergie  à  cette  éclatante  manifestation. 

Le  sujet  que  j'ai  à  traiter  devant  vous  est  celui  des  ordres 
religieux.  C'est  un  sujet  bien  vaste  et  que  je  ne  puis  appro- 
fondir. Mon  intention  est  simplement  d'indiquer  à  grands 
traits  quelle  a  été  Faction  des  ordres  religieux  dans  les  so- 
ciétés modernes,  dans  leur  formation,  quelle  a  été  leur  in- 
fluence, et  le  rôle  civilisateur  qu'ils  ont  joué,  et  démontrer, 
les  liens  indissolubles  qui  les  ont  toujours  unis  à  l'Eglise  elle- 
même. 

Je  crois  qu'il  est  bon  de  dire  hautement,  en  face  des  calom- 
nies qui  les  assaillent  de  toutes  parts  :  les  services  rendus,  les 
malades,  les  vieillards,  les  pauvres  secourus  ;  les  preuves  de 
patriotisme  constamment  données  par  les  ordres  religieux.  Je 
ne  pourrai  jamais  dire  tous  ces  cœurs  guéris,  ces  âmes  con- 
verties, ces  actes  de  dévouement  accomplis,  toutes  les  vertus 
enfantées. 

Dans  un  éminent  ouvrage  qui  vient  de  paraître  tout  récem- 
ment, un  député  catholique  dont  vous  connaissez  bien  le 
nom,  ajoutant  un  titre  de  plus  à  ceux  que  tant  d'actes  dévoués 
et  courageux,  tant  de  discours  éloquents,  tant  d'écrits  remar- 
quables, lui  assuraient  déjà  à  la  reconnaissance  des  catho- 
liques. Monsieur  Keller  vient  d'élever  un  vrai  monument 
dans  lequel  il  a  groupé,  diocèse  par  diocèse,  tous  les  rensei- 
gnements relatifs  aux  ordres  religieux  qui  y  sont  établis.  Son 
livre  est  un  vaste  arsenal  où  tous  les  défenseurs  de  l'Eglise 


DISCOURS   DE    M.    LE   COMTE   DE    FOUCAULT  207 

peuvent  trouver  des  armes  pour  confondre  leurs  adversaires 
et  défendre  ces  belles  œuvres  dont  l'humanité  toute  entière  et 
la  France  surtout  devraient  se  montrer  aussi  reconnaissantes 
que  fières,  et  qui  n'honorent  pas  moins  le  patriotisme  que  la 
foi.  J'aurai  souvent  besoin  de  recourir  à  Monsieur  Keller 
ainsi  qu'à  un  autre  auteur,  Monsieur  l'abbé  Martin,  qui  a  écrit 
un  ouvrage  remarquable  sur  les  moines,  leur  rôle  dans  le 
passé  et  l'avenir. 

L'institution  monastique,  non,  ne  date  pas  de  notre  temps. 
Elle  remonte  aux  origines  mômes  du  christianisme.  Il  s'est 
trouvé  de  tons  temps  des  âmes  d'élite  qui,  poussées  par  une 
inspiration  d'en  haut,  se  retiraient  du  monde  pour  aller  dans 
la  solitude,  et  qui  s'enfonçaient  dans  les  déserts  pour  s'y  livrer 
à  la  méditation,  l'étude  et  la  prière. 

La  persécution  ne  leur  a  jamais  manqué  ;  Dieu  a  voulu, 
pour  éprouver  leur  constance,  faire  passer  leur  ferveur  au 
creuset  de  l'adversité.  Toujours  ces  pieux  solitaires  ont  été  en 
proie  aux  railleries,  aux  insultes,  aux  haines  d'hommes  achar- 
nés à  les  faire  disparaître. 

Dans  l'origine,  les  ordres  monastiques  ont  eu  un  double 
but  :  d'abord  la  sanctification  personnelle  des  saints  religieux, 
et  ensuite  l'affermissement  de  la  religion  au  milieu  de  la  so- 
ciété encore  toute  imbue  de  préjugés  barbares  et  de  traditions 
païennes. 

Ce  double  but  ils  l'ont  admirablement  rempli.  Ils  sont  en- 
trés avec  une  merveilleuse  activité  dans  le  grand  mouvement 
civilisateur  qui  s'est  produit  dans  le  moyen-âge  et  s'est  conti- 
nué jusque  dans  les  temps  modernes.  Ils  ont  été  associés  à- 
tous  les  grands  événements  de  l'Eglise.  Toujours  les  moines 
ont  été  d'accord  avec  l'Eglise  ;  toujours  cette  double  action  a 
tendu  au  même  but  ;  et  jamais  l'Eglise  n'a  été  plus  florissante, 
et  je  puis  l'ajouter,  la  patrie  plus  prospère  que  quand  les  mo- 
nastères ont  été  le  mieux  remplis. 

C'est  en  Orient  que  commence  la  vie  monastique,  dans  les 
solitudes  de  la  Thébaïde.  Les  saints  religieux  qui  s'y  retiraient 
n'avaient  d'abord  pour  but  que  de  se  sanctifier.  Mais  peu  à 
peu  leur  influence  se  répandit  et  beaucoup  de  ceux  qui  étaient 


208      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

allés  les  visiter  par  simple  curiosité  revinrent  convertis.  Au 
milieu  de  cette  dépravation  et  de  cette  corruption  morale  qui 
signale  la  fin  de  l'empire  d'Orient,  la  vie  seule  de  ces  généreux 
anachorètes,  de  ces  courageux  cénobites,  était  par  elle-même 
un  langage  assez  éloquent;  ce  sont  eux  enfin  qui  fournissent 
ces  grands  évoques,  qui  jettent  un  dernier  éclat  sur  ce  colosse 
expirant. 

En  Occident  leur  action  est  différente,  car  toujours  elle 
s'approprie  aux  circonstances  et  répond  aux  besoins  des  temps 
et  des  lieux.  Les  moines  se  mêlent  davantage  à  la  société 
civile.  La  règle  de  saint  Benoit  faisait  aux  moines  une  obliga- 
tion du  travail  manuel,  et  exigeait  d'eux  la  culture  de  la  terre; 
par  là  ils  prenaient  place  sur  le  sol,  exerçaient  dans  le  pays 
une  grande  influence  capable  de  contrebalancer  celle  des 
grands  seigneurs.  Ils  devenaient  de  grands  seigneurs  terriers, 
et  assuraient  leur  admirable  action  en  répandant  autour  d'eux 
les  aumônes  et  les  bienfait^  matériels.  Avant  saint  Bernard, 
l'action  des  moines  consiste  surtout  à  arrêter  la  corruption 
chez  les  nations  .vaincues,  à  fournir,  comme  en  Orient,  de 
grands  évêques,  et  convertir  les  nations  barbares.  Fidèlement 
attachés  à  l'empire  romain,  si.  peu  qu'ils  eussent  à  se  louer 
de  la  société  et  de  l'autorité  romaines,  ils  montrent  dès  lors 
qu'ils  tiennent  et  tiendront  toujours  à  la  patrie  par  le  fond 
même  de  leurs  entrailles.  Et  en  effet,  depuis  le  moine-évêque 
saint  Loup  qui  arrêta  Attila  aux  portes  de  Troyes,  jusqu'à  ces 
moines  d'Espagne  qui  luttèrent  avec  tant  de  valeur  et  de  cou- 
rage pour  leur  patrie  contre  Napoléon  1er,  jusqu'à  nos  reli- 
gieux, pendant  la  guerre  de  1870,  je  ne  sache  pas  une  seule 
guerre  patriotique  où  les  moines  n'aient  joué  un  rôle  digne 
de  leur  admirable  passé.  {Appl.  prolongés.) 

Ils  étaient  fidèlement  attachés  à  la  nation  romaine  et  tâ- 
chaient de  la  préserver  de  la  corruption.  Ils  s'attiraient  par  là 
même  la  haine  des  barbares,  et  peu  à  peu,  cependant,  ils  sont 
arrivés  à  les  convertir  et  à  les  faire  entrer  dans  la  grande  fa- 
mille chrétienne.  Insensiblement,  car  l'œuvre  de  la  conversion 
est  de  longue  durée,  ils  fondent  l'unité  chrétienne  de  l'Oc- 
cident. 


DISCOURS   DE    M.    LE   COMTE    DE   FOUCAULT  209 

Il  faudrait  pouvoir  lire  tous  les  détails  de  cette  œuvre  ad- 
mirable dans  l'ouvrage  si  éloquent,  si  remarquable  de  notre 
grand  écrivain  catholique,  Monsieur  de  Montalembert.  Un 
savant  ecclésiastique,  statisticien  éminent,  le  Père  Longueval, 
a  estimé  au  tiers  du  territoire  de  la  France,  la  portion  de 
terre  mise  en  culture  par  les  soins  des  moines,  et  a  calculé 
que  les  trois-huitièmes  de  ses  villes  et  villages  leur  doivent 
leur  existence.  A  partir  de  l'époque  de  Charlemagne,  les 
moines,  restant  fidèles  i  la  mission  qui  leur  avait  été  donnée 
de  convertir  les  peuples  et  de  les  civiliser,  continuent  leur  ad- 
mirable action  chez  les  nations  slaves,  Scandinaves,  dans  les 
Iles  Britanniques,  font  entrer  ces  peuples  sauvages  dans  le 
concert  de  la  grande  famille  européenne,  et  doublent  ainsi 
l'empire  et  l'étendue  do  la  civilisation.  On  voit  alors  s'élever 
la  j. Tande  figure  de  saint  Grégoire-le-Grand,  pape  et  moine  à  la 
fois,  personnifiant  ainsi  les  deux  forces  vives  de  son  temps  ; 
c'est  lui  qui  est  le  principal  régulateur  de  la  conquête  chré- 
tienne, l'initiateur  véritable  de  la  société  nouvelle  ;  ses  succes- 
seurs entrent  dans  ses  vues  de  la  façon  la  plus  admirable  et 
poursuivent  l'accomplissement  de  ses  desseins  avec  une  cons- 
tance,  une  sagesse  qui  ne  se  démentent  jamais. 

C'est  à  cette  époque  qu'on  peut  commencer  à  rattacher 
les  grands  services  rendus  par  les  moines  à  la  cause  de  la 
civilisation,  en  préservant  les  lettres,  les  sciences  et  les  arts 
du  naufrage  de  la  barbarie.  Sans  doute  le  but  principal 
des  moines  n'était  pas  de  poursuivre  la  culture  des  lettres, 
sciences  et  arts,  pour  la  gloire  qu'ils  auraient  pu  en  retirer  ; 
ils  avaient  un  but  plus  haut  :  ils  se  livraient  à  cette  étude  pour 
arriver  à  la  connaissance  de  la  vérité.  Chez  eux,  aucun  souci 
de  toute  préoccupation  d'artistes  ou  d'auteurs  ;  de  là  cet  obscur 
et  infatigable  dévouement  à  ces  grandes  œuvres  collectives 
qui  sont  restées  comme  les  grands  monuments  de  l'art  et  de 
la  science  ;  de  là  cette  candeur  dans  leur  métier  d'écrivain, 
qu'ils  regardaient  comme  un  devoir  imposé  par  la  Provi- 
dence ;  de  là  cette  vaste  érudition  ;  de  là  cette  grande  renom- 
mée qui  alla  toujours  croissant  et  qu'ils  ne  recherchaient  pas 
avec  une  vaine  satisfaction  d'amour  propre.    Sans  ces  moines 


210      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉbEC 

nous  ne  saurions  rien  des  premiers  siècles  de  la  chrétienté. 
Et  pendant  que  les  uns  retracent  sous  une  forme  un  peu  naïve 
parfois  les  chroniques  et  légendes  des  temps  passés,  d'autres,  à 
la  suite  du  moine  Gerbert,  depuis  pape  sous  le  nom  de  Syl- 
vestre, méritent,  dans  l'ordre  scientifique,  d'être  appelés  les 
précurseurs  d'Albert-le-Grand,  de  Bacon,  de  Copernic,  comme 
ceux-ci  le  sont  de  Galilée,  de  Newton  et  de  Descartes. 

C'est  dans  ces  siècles  taxés  d'ignorantismes,  par  les  pré- 
tendus savants,  que  se  donne  la  véritable  instruction  gratuite 
dans  les  écoles  primaires.  De  nombreuses  écoles  profession- 
nelles s'ouvrent  pour  les  jeunes  gtns  ;  l'enseignement  secon- 
daire est  prodigué  dans  les  couvents  où  l'on  professe  la  litté- 
rature ancienne  et  moderne,  l'histoire  et  la  philosophie.  Enfin 
de  nombreuses  universités  ouvrent  leurs  portes  et  initient 
leurs  élèves  à  tous  les  secrets  des  sciences  divines  et  humai- 
nes. [Appl.) 

En  somme,  la  constitution  de  la  propriété  sur  des  bases 
chrétiennes,  l'instruction  donnée  à  tous  les  degrés  de  l'échelle, 
les  pauvres  secourus  dans  les  hospices  élevés  partout,  l'appui 
donné  aux  gouvernements  chrétiens,  telles  sont.  Messieurs, 
les  grandes  œuvres  des  moines  au  moyen-âge.  Qu'on  cite  une 
institution  qui  ait  mieux  mérité  de  l'humanité  toute  entière  ? 
(Appl.  prol.) 

Avec  saint  Bernard,  l'institution  monastique  arrive  à  l'apo- 
gée de  son  histoire.  Je  ne  dirai  pas  l'action  des  moines  dans 
tout  son  cours;  elle  se  modifie  suivant  les  différents  milieux 
où  elle  s'exerce,  et  cependant  elle  reste  toujours  constamment 
identique  à  elle-même. 

Je  n'insisterai  pas  sur  cette  époque,  je  ne  m'arrêterai  même 
pas  aux  croisades,  à  cet  événement  religieux,  social  et  politi- 
que le  plus  considérable  du  moyen-âge.  Vous  savez,  Messieurs, 
quel  noble  rôle  les  moines  ont  alors  joué.  Mieux  que  moi 
vous  connaissez  les  exploits  remarquables  de  ces  chevaliers  de 
St-Jean  de  Jérusalem  et  du  Temple  d'Alcantara,  et  autres  que 
l'on  retrouvait  sous  les  étendards  des  croisés  accomplissant 
les  prodiges  de  leur  héroïque  valeur.  Sous  la  cuirasse  et  le 
haubert  du  soldat,  ce  sont  encore  des  moines.    A  côté  s'avan- 


DISCOURS  DE   M.   LE   COMTE   DE   FOUCAULT  211 

cent,  plus  modestes,  les  frères  de  la  Rédemption  de  N.  D.  de 
Merci,  du  rachat  des  captifs.  Et  plus  tard,  quand  le  grand 
soufQe  religieux  des  croisades  s'est  éteint,  qui  est-ce  qui  veille 
à  la  garde  du  tombeau  du  Christ,  et  le  préserve  de  la  profana- 
tion des  disciples  de  Mahomet  ?  Les  moines. 

Mais  pendant  le  cours  du  XIITe  siècle  une  modification 
s'introduit  dans  les  ordres  monastiques.  On  s'éloigne  de  la 
règle  tracée  primitivement  par  saint  Benoit  et  modifiée  par 
saint  Bernard  pour  se  rapprocher  de  plus  en  plus  de  la  société 
civile.  La  nature  des  combats  est  changée  ;  c'est  le  moment 
des  luttes  de  îa  parole  ;  et  Dieu,  qui  sait  toujours  faire  naître 
des  dévouements  analogues  aux  nécessités  des  temps,  inspire 
deux  grands  génies,  saint  Dominique  et  saint  François  d'As- 
sise, fondateurs  de  ces  deux  ordres  approuvés  par  Innocent 
III,  lequel  avait  vu  en  songe  l'Eglise  de  Saint-Jean  de  Latran 
penchant  vers  sa  ruine,  relevée  et  soutenue  par  deux  moines, 
l'un  italien,  l'autre  espagnol,  Dominique  de  Guzman  et  Fran 
çois  d'Assise.  L'action  passe  alors  de  leur  côté  et  s'y  main- 
tient jusqu'à  ce  qu'une  nouvelle  hérésie  plus  menaçante  donne 
lieu  à  la  fondation  d'une  nouvelle  milice  plus  alerte,  plus 
énergique  encore,  à  cette  compagnie  de  Jésus,  qui  a  fourni 
tant  de  valeureux  champions  à  la  sainte  cause  de  l'Eglise. 

C'est  ainsi,  Messieurs,  que  se  poursuit  d'âge  en  âge  avec  les 
modifications  amenées  par  les  circonstances,  cette  merveilleuse 
action  des  moines  que  nous  allons  voir  se  continuer  jusqu'à 
nos  jours.  Messieurs,  je  viens  de  nommer  les  Jésuites.  On 
les  a  bien  attaqués  au  delà  des  mers,  on  les  calomnie,  on  les 
raille,  on  les  poursuit,  ne  devons-nous  pas  les  entourer  d'au- 
tant plus  de  respect  qu'ils  sont  plus  persécutés  ?  {Appl.  prol.) 

Je  suis  d'autant  phi-  heureu."  que  vous  rendiez  un  si  public 
hommage  aux  Jésuites,  Messieurs,  que  je  leur  dois  pour  ma  part 
ime  reconnaissance  toute  spéciale,  ce  sont  eux  qui  m'ont  en- 
seigné à  croire,  qui  m'ont  appris  que  pour  bien  servir  la  patrie 
il  faut  aimer  et  servir  Dieu  :  "  Pro  patria  quia  pro  Deo''  {Appl.) 

Messieurs,  les  Jésuites  ont  été  persécutés  presque  dès  leur 
naissance.  A  peine  fondé  leur  ordre  est  forcé  de  quitter  la 
France,  frappé  par  le  Parlement  de  Paris,  mais  le  grand 


212      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Henri  IV,  comprenant  qu'il  y  allait  de  l'intérêt  de  la  société,  se 
hâta  de  les  rappeler  tous,  pensant  qu'eux  seuls  pouvaient  former 
une  jeunesse  digne  des  grandes  choses  qu'il  méditait.  Alors  on 
les  vit  fonder  de  nombreuses  écoles  en  France  ;  pendant  que 
leurs  missionnaires  à  la  suite  de  François-Xavier,  vont  porter 
les  lumières  de  l'Evangile  jusque  dans  l'extrême  Orient,  et 
évangéliser  la  Chine  et  le  Japon,  d'autres  viennent  à  travers 
des  mers  inexplorées,  jusque  sur  ces  rives  môme  du  Canada. 
Il  faudrait  un  Canadien  pour  pouvoir  dire  tous  les  services 
rendus  ici  môme  par  les  Jésuites  et  les  Sulpiciens.  Je  voudrais 
pouvoir  donner  une  idée  de  tout  ce  qu'ils  ont  fait  pour  la 
colonisation  du  Canada  ;  mais,  Messieurs,  vous  connaissez 
votre  histoire  mieux  que  moi,  et  je  n'ai  pas  la  prétention  de 
vouloir,  en  retraçant  le  rôle  des  Jésuites  et  des  Sulpiciens  dans 
votre  pays,  vous  faire  ici  un  cours  d'histoire  du  Canada. 

A  côté  des  Jésuites  s'élèvent  les  Oratoriens,  qui  s'occupent 
aussi  de  l'éducation  de  la  jeunesse,  et  ces  admirables  frères  de 
St-Jean  de  Dieu  que  poursuit  aussi  cette  haine  féroce  et  aveugle 
de  ceux  qui  ne  veulent  plus  de  prôtre  à  leur  chevet  de  mort. 

En  môme  temps  s'élève  cette  figure  si  douce,  si  française, 
qu'on  veut  aussi  barmir  !  et  cependant  que  peut-on  lui  repro- 
cher à  ce  bienfaiteur  de  l'humanité  qui  a  nom  Vincent  de 
Paul,  lui  qui  a  passé  sa  vie  à  recueillir  les  enfants  abandon- 
nés, à  élever  les  orphelins,  à  en  faire  de  bons  citoyens  et  de 
bons  chrétiens  !  Quelle  ne  doit  pas  ôtre  notre  admiration  pour 
cet  ordre  des  Lazaristes  fondé  par  lui,  auxiliaires  dévoués  de 
sa  belle  œuvre,  on  les  voit  avec  le  courage  qui  cherche  tou- 
jours le  danger,  aller  jusque  dans  ces  provinces  ravagées  par 
la  peste  et  par  la  guerre,  en  Irlande,  dans  les  Hébrides,  en 
Pologne,  à  Tunis  et  à  Madagascar,  y  porter  les  secours  de  leur 
saint  ministère?  Non  content  de  cette  fondation  Vincent  do 
Paul  institue  encore  ces  filles  de  charité,  toujours  grandes 
dans  leur  humble  dévouement,  et  auxquelles,  suivant  une 
expression  bien  connue,  leur  vertu  doit  servir  de  voile  ;  saintes 
et  nobles  femmes  dont  les  cœurs  se  trouvent  com-posés  d'élé- 
ments qui  peut-être  ne  s'étaient  jamais  trouvés  réunis  :  le  cou- 
rage du  soldat,  la  chasteté  de  la  vierge,  la  tendresse  de  la 


DISCOURS   DE   M.   LE  COMTE   DE   FOUCAULT  213 

mère  et  le  mâle  énergie  de  la  vertu.  Enfin  s'élève  un  ordre 
que  je  puis  nommer,  sûr  d'être  couvert  de  vos  applaudisse- 
ments, l'admirable  ordre  des  Ursulines,  de  ces  Ursulines  qui 
ont  tant  fait  pour  le  Canada,  en  se  dévon':'^-t  avec  une  égale 
abnégation  aux  soins  des  pauvres  malades  et  à  l'éducation  des 
petites  filles  indigentes,  ae.ces  Ursulines  qui  gardent  dans 
leur  chapelle  la  tombe  de  notre  grand  héros  canadien  et  fran-  . 
çais,  Montcalm  !  [App.) 

Il  serait  monotone  d'énumérer  ici  tous  les  ordres  qui  s'élè- 
vent alors  ;  et  cependant  vous  m'en  voudriez  de  ne  pas  saluer 
au  passage  cette  autre  admirable  figure,  cet  apôtre  des  enfants 
pauvres,  le  bienheureux  Jean  de  Lasalle,  le  fondateur  de  cet 
ordre  des  Frères  de  la  doctrine  chrétienne,  institué,  suivant 
l'expression  d'un  pape,  pour  combattre  l'ignorance  qui  est  la 
mère  de  tous  les  maux. 

Je  n'ai  pas  à  faire  ici  leur  panégyrique;  un  grand  chrétien 
le  fera  pour  moi.  Un  de  ceux  que  vous  avez  invités  ici.  Mon- 
sieur de  Mun,  disait  dans  un  admirable  plaidoyer  en  faveur 
des  frères  de  la  doctrine  chrétienne,  il  y  a  quelque  temps  : 
"■  Depuis  deux  cents  ans  ce  grand  homme  de  bien  (le  bienheu- 
reux de  Lasalle)  se  survit  à  lui-même.  Quand  vous  rencon- 
trerez ces  hommes  noirs  vêtus  d'une  soutane  attachée  avec 
des  agraffes  grossières,  chaussés  de  gros  souliers,  saluez-les 
bien  bas  :  ce  sont  ces  ignorantins  qui  faisaient  trembler  Vol- 
taire." {AppL  prolongés.) 

Ce  sont  les  paroles  de  Monsieur  le  comte  de  Mun  que  vous 
applaudissez.  Qu'eût-il  été,  Messieurs,  si  vous  l'aviez  entendu 
lui-même.  {Appl.  prol.) 

Ils  sont  partout.  Messieurs,  et  partout  les  mêmes,  ces  bons 
et  pieux  frères  de  la  doctrine  chrétienne.  En  France  ils 
continuent  dans  leurs  innombrables  écoles  à  recevoir  des  mil- 
liers d'élèves  à  qui  ils  enseignent  les  grandes  vérités  de  la  foi 
et  la  science  du  dévouement  que  pratiquait  si  bien  l'illustre  de 
Lasalle. 

Sur  cette  terre  même  du  Canada,  où,  je  ne  le  sais  pas,  mais 

j'en  suis  certain,  ils  sont  aussi  les  infatigables  pionniers  de  la 

civilisation,  où  ils  travaillent  à  faire  conserver  les  souvenirs 

14 


214      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

et  à  faire  apprendre  la  langue  qui  fut  celle  de  la  mère  patrie. 
Aux  Etats-Unis  où  on.  les  appelle  à  l'aide  d'une  civilisation 
naissante.  En  Amérique,  en  Afrique,  en  Australie,  partout  on 
les  trouve  ;  ils  sont  partout  à  faire  chérir  le  nom  de  Dieu  et 
le  nom  de  la  France  leur  patrie.  Ils  sont  tout  à  la  peine  pour 
eux-mêmes,  à  l'honneur  pour  leurs  élèves,  et  à  l'heure  sombre 
où  la  patrie  en  deuil  leur  demande  un  sacrifice  suprême,  on 
les  voit  mériter  les  honneurs  de  ce  magnifique  prix  que  les 
généreux  habitants  de  Boston  avaient  demandé  à  l'académie 
française  de  donner  au  plus  noble  acte  de  dévouement  accom- 
pli pendant  la  guerre.  {AppL) 

Je  voudrais  vous  faire  connaître  le  rapport  fait  à  cette  occa- 
sion sur  la  conduite  généreuse  de  ces  hommes  qui  se  sont  fait 
une  vraie  gloire  par  leur  dévouement,  et  auxquels  le  procu- 
reur-général de  la  Ghalotais  approuvé  par  Voltaire  ne  trou- 
rait  d'autre  reproche  à  faire  que  celui-ci  :  (Appk) 

"  Ils  sont  venus  pour  tout  perdre  ;  ils  viennent  apprendre  à 
lire  et  à  écrire  à  des  gens  qui  ne  devraient  savoir  manier  que 
le  rabot  et  la  truelle."  Je  ne  reprocherai  pas  pour  ma  part  au 
peuple.  Messieurs,  de  savoir  lire  dans  le  cathéchisme  et  l'his- 
toire de  France,  dans  cette  histoire  qui  condamne  les  déplo- 
rables tendances  actuelles.  (Appl.) 

Je  m'étends  beaucoup  sur  la  France,  Messieurs,  je  vous 
demande  la  permission  de  continuer  de  le  faire.  Il  m'est  im- 
possible de  vous  parler  du  Canada  que  je  ne  connais  pas.  | 
J'aime  la  France,  et  si  je  n'en  parle  pas  avec  toute  l'éloquence 
de  ceux  qui  m'ont  précédé,  j'en  parle  du  moins  avec  mon 
cœur.  (Appl.) 

Nous  voici  arrivés.  Messieurs,  au  18ème  siècle,  à  une  terri- 
ble époque  pour  la  France,  et  à  une  bien  grande  épreuve  qui 
a  retrempé  les  ordres  religieux.  Chez  eux  s'étaient-  glissés 
quelques  abus  et  peut-être  avaient-ils  montré  un  peu  moins 
de  zèle  pendant  la  dernière  partie  du  siècle.  Ils  avaient  en 
tous  cas  conservé  moins  d'influence  sur  la  société  française. 

Après  le  coupable  Louis  XV  qui  eut  le  triste  courage  d'ap. 
poser  sa  signature  au  bas  du  traité  qui  nous  enleva  nos  chères 
colonies  françaises  ;  après  l'expulsion  des  Jésuites,  la  persécu- 


DISCOURS   DE   M.   LE   COMTE- DE    FOUCAULT  215 

tion  religieuse,  voici  la  Révolution.  Ce  que  fut  cette  révolution 
commencée  au  nom  de  la  liberté,  je  n'ai  pas  à  le  dire.  Elle 
met  la  main  sur  les  biens  destinés  aux  pauvres  et  à  l'enseigne- 
ment et  sous  prétexte,  sans  doute,  de  combattre  l'ignorantisme 
et  de  faire  le  bonheur  du  peuple,  elle  chasse  les  ordres  religieux. 
Je  n'insiste  pas.  Messieurs.  La  guillotine  fait  son  œuvre  ;  ceux, 
là  qui  ont  été  martyrs  ne  sont  pas  à  plaindre  ;  non,  sans  doute  : 
ce  sont  les  bourreaux  !  {Appl.) 

Pendant  la  Révolution,  les  ordres  religieux  s'associent  à 
l'action  du  clergé  ;  ils  secondent  l'œuvre  des  prêtres  et  con- 
tinuent l'accomplissement  de  leur  saint  ministère  au  milieu 
des  malheurs  et  de  la  persécution. 

Mais  la  tourmente  est  enfin  apaisée.  Le  ciel  s'éclaircit  ;  une 
ère  nouvelle  commence.  Les  ordres  religieux  se  sentent  re- 
vivre. Cette  foi  que  l'on  croyait  morte,  ensevelie  sous  les 
ruines,  jette  de  nouveau  de  profondes  racines,  et  nous  la 
voyons  s'épanouir  dans  une  floraison  d'œuvres  plus  fécondes 
encore  et  plus  belles  que  celles  qui  ont  signalé  la  renaissance 
religieuse  du  dix-septième  siècle.  Monsieur  Keller  nous  le  dit 
dans  son  langage  poétique  :  "  C'est  l'arbre  que  le  vent  d'orage 
et  les  froids  de  l'hiver  ont  dépouillé  de  ses  fleurs,  de  ses  fruits 
et  de  ses  branches  mortes,  et  qui  reverdit  plus  fort  au  soleil 
du  printemps."'   {Appl.) 

Napoléon  I"  sent  bientôt  lui-même  le  besoin  de  rappeler  les 
Frères  de  la  doctrine  chrétienne,  car,  voulant  accomplir  de 
grandes  choses,  il  veut  voir  près  de  lui  une  jeunesse  forte  et 
chrétienne  ;  mais  il  n'eut  pas  le  courage  de  rappeler  les  Jé- 
suites. Ils  ne  reviennent  en  France  que  sous  la  Restauration, 
pour  être  poursuivis  et  bannis  encore  jusque  sous  le  règne  du 
pieux  Charles  X. 

Malheureusement,  Messieurs,  je  ne  puis  pas  m'arrêter  à  tous 
ces  chefs-d'œuvres  de  charité  et  d'abnégation  ;  je  ne  puis  que 
nommer  les  Oblats,  les  Maristes,  les  Sœurs  de  charité,  ces 
petites  Sœurs  des  pauvres,  comme  nous  les  appelons,  si  bonnes, 
si  courageuses  et  si  humbles,  et  tant  d'autres  ordres  dont 
l'histoire  est  une  suite  continuelle  de  dévouements. 
Je  ne  parlerai  seulement  que  de  ce  que  j'ai  vu,  il  y  a  dix 


216      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEl: 

huit  mois,  en  Algérie.  J'ai  eu  l'honneur  d'admirer  ces  saints 
missionnaires  qui  pénètrent  jusqu'au  cœur  du  Sahara,  souvent 
pour  y  trouver  le  martyre,  et  toujours  pour  ramener  quelques 
âmes  à  Dieu.  Je  les  ai  vus  soigner  les  enfants  des  Arabes  et 
des  Kabyles,  et  faire  respecter  leur  robes  des  Musulmans  de 
Tunis  et  d'ailleurs  ;  je  les  ai  vus  faire  à  la  France  un  renom 
de  grandeur  qui  survit  à  toutes  les  défaites.  Je  les  ai  vus  en 
cet  endroit  môme  où  nous  avons  remporté  en  1830  notre  pre- 
mière victoire,  à  Staouëli,  je  les  ai  vus  cultiver  des  milliers 
d'arpents  de  terre,  et  se  faire  jusque  dans  les  plus  humbles 
emplois  les  agents  de  la  civilisation,  les  plus  grands  éléments 
de  notre  colonisation  algérienne. 

Pendant  ce  temps,  en  France,  d'autres  ordres  se  livrent  à  la 
prédication,  à  l'étude  et  à  l'enseignement.  Quelle  gloire  que 
cette  grande  chaire  de  Notre-Dame  qui,  il  y  quelques  années, 
retentissait  de  la  voix  si  éloquente  du  Père  Lacordaire,  ce 
grand  prédicateur  qui  faisait  saluer  par  toute  la  jeunesse 
chrétienne  avec  enthousiasme,  et  par  le  peuple  avec  respect,  la 
robe  blanche  de  Saint-Dominique.  {Appl.)  Puis  c'est  le  Père 
de  Ravignan,  le  Père  Félix,  le  Père  Montsabré  !  Oh  ! 
Messieurs,  grands  souvenirs  que  ceux-là  !  pourquoi  faut-il  que 
ce  ne  soit  bientôt  plus  que  des  souvenirs  !... 

A  côté  des  illustres  prédicateurs,  les  Bénédictins,  plus 
humbles,  continuant  l'œuvre  de  leur  fondateur,  élèvent  à  la 
religion  des  monuments  impérissables  de  science  et  de  litté- 
rature ;  d'autres  se  livrent  avec  ardeur  à  l'enseignement.  Ce 
sont  ceux-là.  Messieurs,  que  l'on  veut  frapper  avant  tous  les 
autres.  Cet  enseignement  que  l'on  veut  faire  disparaître,  quel 
est-il  donc  ?  Je  puis  vous  en  parler.  Messieurs,  puisque  je  l'ai 
reçu.  Il  a  pour  base  le  sentiment  du  devoir  développé  par 
l'idée  de  Dieu  qui  élève  l'âme  et  qui  doit  être  l'objet  constant 
de  son  occupation  et  de  son  amour.  Si  je  parlais  sur  la  ques- 
tion de  l'enseignement,  je  pourrais  vous  parler  longuement, 
Messieurs  ;  le  temps  ne  me  le  permet  pas.  Que  de  choses  j'au- 
rais à  dire  de  cet  esprit  religieux  qui  doit  dominer  et  pénétrer 
tout,  de  cette  étude  de  Dieu  dont  l'intelligence  doit  conduire 
à  l'intelligence  de  l'homme  lui-même.   Si  l'homme  ne  connaît 


DISCOURS  DE   M.   LE  COMTE   DE   FOUCAULT  217 

pas  Dieu,  il  ne  se  connait  pas  lui-même.  L'original  seul  peut 
donner  raison  de  la  copie.  Ce  n'est  que  la  bonté,  l'intelligence 
et  la  puissance  absolues  de  Dieu  qui  peuvent  faire  comprendre 
à  l'homme  la  bonté,  l'intelligence  et  la  puissance  relatives  qui, 
empruntées,  le  constituent. 

Je  ne  peux  m'é tendre  davantage  sur  ce  sujet  ;  cependant, 
Messieurs,  laissez-moi  vous  dire  un  mot  d'une  vertu  bien  nt 
cessaire  dans  l'éducation,  aujourd'hui  surtout,  à  cette  époque 
d'émancipation  dans  laquelle  nous  avons  le  malheur  de  vivre, 
je  veux  parler  de  la  vertu  du  respect. 

Un  éminent  professeur  d'une  des  universités  catholiques  de 
France,  M.  de  Margerie,  disait  dans  un  cours  fait  à  Nancy,  en 
1871,  que  pour  obtenir  le  respect  il  faut  d'abord  savoir  l'ins- 
pirer soi-même.  Le  maître,  sans  grandeur  d'âme,  ne  saurait 
jamais  inspirer,  disait-il,  le  respect  à  l'élève.  Les  hommes  sans 
tenue,  sans  dignité,  sans  moralité,  sans  justice,  ne  peuvent 
faire  que  de  mauvais  élèves.  Mais  si  le  maître  est  la  droiture 
même,  la  règle  vivante  et  le  plus  fidèle  observateur  du  devoir, 
si  l'on  voit  qu'il  s'occupe  de  ses  élèves  avec  l'idée  d'élever 
leur  âme,  alors  naît  le  respect.  Si,  allant  plus  loin,  le  maître 
se  revêt,  suivant  l'expression  antique,  du  sentiment  paternel, 
envers  ceux  que  l'autorité  paternelle  lui  a  confiés,  alors  on  re- 
connaît plus  tard  les  citoyens  qui  auront  été  ses  élèves  ;  on  les 
reconnaît  parcequ'ils  sont  de  bons  citoyens,  étant  de  bons 
chrétiens  ;  or,  je  vous  le  demande,  qui  peut  inspirer  plus  de 
respect  à  la  jeunesse  que  les  prêtres,  les  religieux  dévoués  à 
l'éducation.  {Appl) 

J'en  ai  fini.  Messieurs,  avec  ce  sujet.  Vous  attendez  des  dis- 
cours éminents  comme  ceux  que  j'ai  déjà  entendus.  Je  ne 
veux  pas  vous  retenir  plus  longtemps.  Il  faut  cependant  penser 
à  conclure  ;  je  vous  demande  la  permission,  pour  le  faire,  de 
rester  encore  un  moment  sur  le  terrain  que  j'ai  choisi,  et  de 
me  demander  avec  vous,  comment,  après  tant  de  services 
rendus  à  la  France,  on  a  menacé  nos  ordres  religieux  du  ban- 
nissement. Ah  !  c'est  qu'il  y  a  une  France  que  vous  voyez  qui 
n'est  pas  la  vraie  France  et  d'après  laquelle  vous  nous  jugez 
presque  tous  (je  ne  veux  pas  dire  tous)  ;  une  France  qui  veut 


218      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

bannir  les  Jésuites,  proscrire  la  religion,  une  France  qui  est 
l'œuvre  des  sociétés  secrètes.  De  cttle  France,  nous  n'en  som- 
mes pas  !  Nous  sommes  de  la  France  catholique  qui  est  la 
vraie  France,  croyez-le  bien.  Messieurs  !  (Appl.)  De  cette 
France  qui  combat  si  bien  l'indifférence  et  qui  ne  veut  pas 
que  ses  enfants  soient  élevés  dans  l'athéisme  ;  l'athéisme  qui 
prétend  s'appuyer  sur  les  faits  de  la  nature  quand  les  faits  se 
révoltent  contre  lui,  qui  se  van  le  de  n'écouter  que  la  nature, 
et  contre  lequel  s'élève  la  nature  entière,  de  n'être  dupe  d'au- 
cune illusion  et  qui  en  est  le  perpétuel  jouet;  l'athéisme  qui 
n'est  que  contradiction,  méprisés  et  obscurité  ;  l'athéisme  qui 
impute  la  servitude  des  peuples  au  sentiment  religieux  et  qui 
est  convaincu  de  préparer  lui-même  l'esclavage,  de  façonner 
les  nations  au  joug  en  tarissant  dans  les  âmes  les  sources  de 
la  grandeur,  de  la  dignité,  du  désintéressement,  de  la  vertu, 
de  la  probité  même.  Non,  Messieurs,  nous  ne  voulons  pas  que 
nos  enfants  soient  élevés  par  des  athées.   {Appl.  prol.) 

C'est  parceque  nous  ne  voulons  pas  cela,  que  nous  voulons 
conserver  nos  chers  religieux  que  l'on  va  proscrire.  {Appl.) 

Ceux  qui  vont  le  faire.  Messieurs,  oublient  sans  doute  un 
événement  encore  récent,  et  qui  s'est  passé  dans  un  pays  sur 
lequel  cependant  ils  devraient  avoir  les  yeux  ouverts. 

C'était  en  1873.  Le  gouvernement  allemand,  voulant  porter 
la  main  sur  les  libertés  religieuses  et  déterminer  l'influence 
des  ordres  religieux,  proposa  au  Parlement  ces  trois  lois  con- 
nues sous  le  nom  de  Lois  de  Mai.  Ces  lois  draconiennes  furent 
publiées  et  les  évoques  ayant  protesté,  furent  emprisonnés  et 
punis,  au  nombre  de  dix-sept,  de  peines  plus  ou  moins  sévères. 
Les  relations  diplomatiques  furent  interrompues  entre  Rome 
et  Berlin.  Et  qu'en  est-il  advenu.  Messieurs  ?  Vous  savez 
qu'au  lieu  d'être  un  appui  pour  le  gouvernement,  le  Kultur- 
kamp  lui  a  suscité  des  difficultés  sans  nombre  ;  aujourd'hui  il 
est  obligé  d'avouer  qu'il  avait  forcé  la  note.  Lui-même  a  été 
forcé  de  donner  une  première  satisfaction  à  l'opinion  publique 
en  consentant  à  la  retraite  du  ministre  Fulk.  Il  a  consenti 
ensuite  à  renouer  des  négociations  avec  Rome.  Qui  peut  dire 
où  cela  aboutira  ?  En  tous  cas  l'on  peut  voir,  dès  aujourd'hui, 


DISCOURS   Da    M.   LE   COMTE   DE   FOUCAULT  219 

les  tristes  fruits  que  la  politique  de  persécution  a  portés  en 
Prusse.  Un  immense  mal  moral  règne  dans  le  pays  ;  il  a  eu  pour 
cause  la  persécution  religieuse.  On  a  chassé  les  prêtres,  em- 
prisonné les  évoques,  froissé  les  cœurs  ;  a-ton  atteint  le  but 
qu'on  se  proposait  ?  à  aucun  degré,  Messieurs  !  Ceux  qui 
poursuivent  la  même  œuvre  seront-ils  plus  heureux  dans 
notre  chère  France  ?  Il  est  permis  d'espérer  que  non  ;  il  est 
permis  même  de  l'affirmer  :  cette  lutte  aboutira  à  un  piteux 
échec,  mais  ce  ne  sera  malheureusement  pas  avant  d'avoir 
couvert  notre  chère  patrie  de  ruines,  sans  avoir  accru  nos 
maux  et  nos  discordes. 

Je  vais  terminer,  Messieurs.  J'ai  bien  mal  répondu,  je  le 
crains,  à  votre  attente,  et  je  vous  en  demande  pardon.  Je  vou- 
drais toutefois  conclure  par  un  mot  d'espoir:  c'est  le  souvenir 
que  je  viens  d'évoquer  devant  vous  qui  me  le  fournira.  Cet 
axiome  bien  allemand,  Messieurs,  "  la  force  prime  le  droit  "  ; 
il  n'est  pas  chrétien,  de  plus,  il  n'est  pas  vrai  ;  le  bon  droit 
doit  toujours  finir  par  avoir  raison  de  la  force  brutale.  Nos 
religieux  qui  ont  le  bon  droit,  le  droit  de  faire  du  bien,  ne 
périront  donc  pas.  Le  christianisme  n'a  pas  achevé  sa  grande 
mission  ;  non,  non  cela  ne  se  peut  pas  !  Il  est  trop  imparfaite- 
ment vainqueur  des  ténèbres,  de  l'idolâtrie  et  de  l'erreur.  Sans 
doute  son  existence  est  indépendante  de  celle  des  ordres  reli- 
gieux, mais  Dieu  ne  privera  pas  son  Eglise  d'un  si  grand 
auxiliaire.  L'arbre,  dit  Balmès,  peut  exister  sans  fleurs  et 
sans  fruits,  fleurs  et  fruits  peuvent  tomber,  sans  que  le  tronc 
robuste  perde  sa  vie,  mais  tant  que  l'arbre  subsistera  qui  peut 
dire  qu'il  cessera  de  produire  des  fleurs  et  des  fruits  ?  les 
ordres  religieux  sont  les  fleurs  et  les  fruits  du  christianisme, 
Messieurs,  ils  sont  la  partie  la  plus  divine  de  l'œuvre  de  son 
divin  fondateur.  {Appl.  prol.)  Qui  peut  dire  que  jamais  Dieu 
l'en  privera. 

Le  passé  nous  permet  de  prévoir  ce  que  sera  l'avenir  pour 
les  ordres  religieux.  Ils  ont  échappé  à  bien  des  persécutions, 
ils  ont  survécu  à  tout,  ils  survivront  encore  à  ceux  qui  les 
menacent.  On  veut  les  proscrire  ;  mais  ceux  qui  poursuivent 
ce  but  insensé  sont  obligés  d'avoir  recours  à  des  passions  révo- 


220      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

liitionnaires,  qui  une  fois  déchaînées  ne  s'arrêtent  plus,  et 
finissent  toujours  par  engloutir  ceux  qui  ont  eu  l'imprudence 
de  les  susciter,  ou  la  faiblesse  de  les  subir.  (Appl.) 

Je  crois  fermement  avec  vous,  Messieurs,  qu'un  jour  le 
monde  reconnaîtra  que  ces  hommes  austères  et  dévoués, 
prêtres  et  religieux,  sont  les  auxiliaires  les  plus  fermes,  les 
plus  indispensables  de  toute  œuvre  civilisatrice  bien  entendue. 
J'envie  beaucoup  pour  mon  pays  le  bonheur  des  nations  qui 
dès  aujourd'hui  le  comprennent.  {Appl.) 

Sainte- Vierge  dont  l'étendard  flotte  dans  cette  magnifique 
enceinte.  Sainte- Vierge,  patronne  du  Canada  et  de  la  France, 
protégez  nos  chers  religieux!  Et  si  le  malheur  veut  qu'ils 
soient  bannis  de  notre  malheureuse  patrie,  ouvrez-leur  vos 
bras  maternels  pour  les  recevoir  sur  cette  terre  admirable  et 
bénie  du  Canada.  [Triple  salve  d' applaudissements.) 


L'honorable  M.  G.  Ouimet,  Surintendant  de  l'instruction 
^ublique  et  offîcier  de  l'instruction  publique  de  France,  déve- 
loppa à  son  tour  le  sujet  suivanî,  :  "L'Eglise  et  l'Etat  dans 
l'enseignement." 


X  ^ 


DISCOURS  DE  L'HONORABLE  GEDEON  OUIMET,  C.  R. 

prononcé  a  québec,  le  26  juin  1880 

l'Église  et  l'état  dans  l'enseignement 


Messeigneurs  et  Messieurs., 

Dès  que  l'opinion  unanime  eut  consacré  cette  belle  idée  de 
réunir  dans  la  cité  de  Champlain,  à  l'occasion  ^e  notre  fête 
nationale,  tous  nos  compatriotes  épars  sur  la  terre  d'Amé- 
rique, les  membres  du  Cercle  catholique  de  Québec  voulurent 
faire  participer  leurs  frères  des  autres  pays  à  cette  grande 
manifestation  patriotique. 


DISCOURS  DE  l'honorable  gédé^  ouimet,  c.  r.  221 

En  agissant  ainsi,  le  Cercle  catholique  de  Québec  n'a  jamais 
eu  d'autre  intention  que  celle  de  faire  voir  à  quelques-uns  de 
ses  membres  étrangers,  dont  la  plupart  n'ont  jamais  visité  le 
Canada,  combien  sont  restés  vivaces  chez  nous  les  sentiments 
de  foi  et  de  patriotisme  qui  nous  ont  été  légués  par  nos  pères 
de  la  vieille  France.  Quelques-uns  ont  répondu  à  notre  appel  ; 
d'autres,  tout  en  exprimant  leurs  regrets,  n'ont  pu  se  rendre 
à  notre  invitation. 

Si  aujourd'hui  nous  devons  nous  réjouir  de  posséder  au  mi- 
lieu de  nous  des  hommes  dont  les  noms  sont  souvent  cités  dans 
les  annales  catholiques,  nous  n'en  avons  pas  moins  à  regretter 
l'absence  de  quelques-uns  des  plus  vaillants  champions  de 
notre  cause.  Parmi  ceux-ci,  qu'il  me  soit  permis  de  citer  M. 
Lucien  Brun,  l'énergique  défenseur  des  droits  du  catholi- 
cisme dans  les  chambres  françaises,  et  M.  le  comte  Albert 
de  Mun,  l'ardent  apôtre  des  cercles  d'ouvriers  en  France,  dont 
la  parole  éloquente  et  convaincue  sait  faire  vibrer  avec  tant 
de  force  les  fibres  religieuses  et  patriotiques  .{App.) 

Aux  regrets  bien  naturels  que  j'éprouve  comme  vous  tous, 
de  l'absence  de  ceux  de  ces  messieurs  qui  devaient  donner  un 
relief  inaccoutumé  à  notre  fêle  de  Saint-Jean-Baptiste,  se  joint 
un  sentiment  d'une  autre  nature  et  qui  m'est  tout  personnel. 
Si  M.  le  comte  de  Mun  était  venu  au  milieu  de  nous,  il  vous 
aurait  entretenu  de  l'importante  question  de  l'enseignement  ; 
lui  manquant,  j'ai  été  prié  de  le  faire  à  sa  place.  (App.) 

En  acceptant,  je  ne  me  suis  point  dissimulé,  Messeigneurs 
et  Messieurs,  combien  était  lourde  la  succession  qui  m'était 
imposée  ;  aussi,  veuillez  bien  ne  point  prendre  pour  de  la 
présomption  ce  qui  n'est  de  ma  part  que  de  l'obéissance  aux 
désirs  des  organisateurs  de  cette  séance. 

Je  me  bornerai  à  remplacer  l'éloquente  improvisation  que 
M.  le  comte  de  Mun  n'aurait  pas  manqué  de  vous  faire  par 
quelques  aperçus  du  système  d'éducation  en  vigueur  dans 
notre  province. 

Dans  un  jeune  pays  comme  le  nôtre,  si  l'on  tient  compte 
surtout  des  difficultés  que  les  promoteurs  de  l'instruction  pu- 
blique ont  eu  à  surmonter,  nous  avons  bien  quelques  droits 


222      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

d'Aire  fiers,  je  no  crains  pas  de  le  dire,  du  développement  qu'a 
atteint  l'enseignement.   •  ^ 

Il  est  vrai  que  dès  les  premiers  temps  de  notre  histoire,  en 
1616,  nous  voyons  les  Récollets,  amenés  par  Ghamplain,  s'ef- 
forcer d'inculquer  quelque?  notions  d'éducation  aux  popula- 
tions indigènes  et  aux  enfau..  des  rares  colons  français  établis 
au  Canada  à  cette  époque. 

Nous  ne  devons  pas  oublier  non  plus  que  quelques  années 
plus  tard,  en  1637,  un  collège  se  construisait  à  Québec  et  que 
deux  ans  après,  Mde  de  la  Peltrie  et  la  Mère  de  l'Incarnation 
ouvraient  les  portes  du  couvent  des  Ursulines,  qui  fut  la  pre- 
mière école  de  filles  établie  en  la  Nouvelle-France,  et  qu'en 
1663,  Mgr  de  Montmorency-Laval,  premier  évoque  de  Québec 
et  du  Canada,  fondait  dans  la  ville  métropolitaine  un  grand 
séminaire  auquel  il  adjoignait  cinq  ans  après  le  petit  sémi- 
naire si  prospère,  qui  existe  encore  aujourd'hui.  (App.) 

Mais  malgré  les  efforts  du  clergé  catholique,  qui  avait  pris 
en  mains  les  intérêts  de  l'éducation,  les  progrès  de  l'instruc- 
tion en  général  et  ceux  de  l'enseignement  élémentaire  en  par- 
ticulier ne  se  développèrent  que  péniblement  ci,  lentement 
pendant  un  grand  nombre  d'années. 

A  une  époque  qui  n'est  pas  bien  éloignée  de  nous,  en  1 836, 
époque  vers  laquelle  on  s'occupa  de  régulariser  le  système  de 
l'instruction  très  incomplète  encore,  les  statistiques  établissent 
qu'il  n'y  avait  guère  que  1,300  (1,321)  écoles  fréquentées  par 
36,000  élèves  des  deux  sexes,  environ.  Aujourd'hui,  bien  que 
nous  n'en  soyons  pas  encore  arrivés  au  résultat  que  nous 
avons  le  droit  d'espérer,  nous  comptons  près  de  4,300  (4,282) 
écoles  fréquentées  par  240,000  (239,808)  élèves.  La  moyenne 
comme  il  est  facile  de  le  constater  à  première  vue,  est  consi- 
dérable, eu  égard  au  chiffre  de  la  population. 

Il  est  vrai  de  dire  que  ce  résultat,  tel  qu'il  est,  n'a  pas  été 
obtenu  sans  peine.  Les  travaux  de  mes  deux  prédécesseurs,  le 
regretté  Dr  Meilleur  et  l'hcn.  M.  Ghauveau,  et  mes  faibles 
efforts  depuis  que  j'ai  l'honneur  d'occuper  la  charge  de  Surin- 
tendant de  l'instruction  publique  de  cette  province,  sont  là 
pour  l'attester. 


DISCOURS  DE  l'honoradle  gédéon  ouimet,  c.  r.  223 

Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  c'est  à  notre  clergé  surtout 
que  nous  devons  en  grande  partie  le  développement  de  notre 
instruction  publique.  Il  en  a  toujours  été  le  préconiseur  le 
plus  fervent,  et  de  tout  temps  l'a  encouragée  de  sa  parole  et 
soutenue  de  sa  bourse.  C'est  à  luiqur  nous  le  devons  si  aujour- 
d'hui nous  sommes  en  état  de  rivaliser,  sous  le  rapport  de 
l'enseignement,  même  de  l'enseignement  supérieur,  avec  tous 
les  pays  du  monde.  (App.) 

A  ceux  qui  trouveraient  prétentieux  l'assertion  que  je  viens 
de  faire,  je  dirais  qu'elle  est  confirmée  de  la  manière  la  plus 
complète  par  les  statistiques  scolaires.  En  effet,  si  nous  les 
consultons,  nous  trouvons  que  16  pour  cent  environ  de  notre 
population  fréquentent  les  écoles.  On  comprend  combien 
cette  moyenne  est  comparativement  forte,  si  l'on  considère 
qu'elle  n'est  que  de  15  pour  cent  en  Prusse  et  en  Suisse,  et  de 
13  seulement  pour  cent  en  France,  et  chacun  sait  que  ce  sont 
les  trois  pays  d'Europe  où  l'instruction  est  considérée  comme 
la  plus  répandue. 

Vous  voyez  donc,  Messeigneurs  et  Messieurs,  que  notre  loi 
n'est  pas  tant  à  dédaigner  et  qu'avant  longtemps,  je  l'espère, 
nous  pourrons  constater  lesbons  effets  de  cette  semence  que 
nous  répandons  aujourd'hui  au  milieu  de  notre  jeune  po- 
pulation. 

Quoique  dans  l'enseignement  notre  clergé  prenne  une  part 
active,  je  devrais  dire  prééminente,  nous  comptons  aussi,  à 
côté  d'institutions  de  plus  ou  moins  grande  importance  ré- 
gies par  des  prêtres  et  par  des  religieuses,  des  établissements 
du  môme  genre  dirigés  par  des  laïques  qui  assez  souvent  ap- 
partiennent à  la  religion  protestante.  Jamais  le  contact  fré- 
quent provenant  de  cet  état  de  choses  n'amène  de  froissements 
religieux  ;  il  n'a  produit  jusqu'ici  qu'une  noble  émulation  de 
nature  à  contribuer  considérablement  au  progrès  général. 

Notre  enseignement  se  divise  en  trois  classes  : 

10  L'enseignement  supérieur. 
2o  L'enseignement  secondaire. 
3o  Renseignement  élémentaire. 

11  est  admis  que  nous  avons  un  nombre  relativement  consi- 


224      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

dérable  de  maisons  affectées  à  réducation  supérieure,  et  j'ai 
le  plaisir  de  leur  rendre-  ici  cette  justice,  que  toutes  ont  su  les 
rendre  recommandables  et  dignes  d'être  encouragées.  (App.) 

Nous  possédons  trois  universités  qui  ont  le  pouvoir  par  les 
chartes  royales  de  conférer  des  degrés  dans  les  sciences  et 
les  lettres. 

En  premier  lieu  je  citerai  l'Université-Laval  qui,  comme 
chacun  s'accorde  à  le  reconnaître  est  une  des  maisons  de 
haute  éducation  des  plus  complètes  qu'il  y  ait  sur  le  continent 
américain  ;  puis,  les  excellentes  universités  protestantes  an- 
glaises, McGill  à  Montréal,  et  Bishop's  Collège  à  Lennoxville. 

Viennent  ensuite  un  assez  grand  nombre  de  collèges  dont 
les  cours  classiques  sont  aussi  complets  qu'en  aucun  pays  du 
monde. 

Dans  la  seconde  catégorie  nous  trouvons  l'école  polytech- 
nique de  Montréal  où  l'on  enseigne  les  différentes  branches 
des  arts  et  des  sciences  et  qui  a  donné  jusqu'ici  des  résultats 
exceptionnellement  satisfaisants  et  a  fourni  un  certain  nombre 
de  sujets  remarquables.  Plusieurs  jeunes  gens  sortis  de  cette 
école  occupent  d'excellentes  positions  comme  architectes  ou 
ingénieurs  dans  les  différentes  provinces  du  "  Dominion  "  et 
ailleurs  ;  les  écoles  normales  Laval  à  Québec,  Jacques-Cartier 
et  McGill  à  Montréal  d'où  sont  sortis  la  plupart  des  institu- 
teurs distingués  qui  constituent  le  noyau  principal  de  notre 
corps  enseignant  ;  les  HighSchools  de  Québec  et  de  Montréal  ; 
un  grand  nombre  d'académies  catholiques  et  protestantes  et 
les  excellentes  maisons  dirigées  par  les  Frères  des  écoles  chré- 
tiennes. 

Toutes  ces  institutions,  à  l'exception  de  l'Université-Laval 
et  des  séminaires  de  Québec  et  de  Montréal,  reçoivent  une 
subvention  de  l'Etat  sur  les  sommes  accordées,  comme  aide,  à 
l'instruction  publique. 

Mais  pour  nous  tous,  Messeigneurs  et  Messieurs,  ce  qui  doit 
présenter  le  plus  d'intérêt,  c'est  le  développement  qu'a  acquis, 
comme  je  le  faisais  remarquer  il  y  a  un  instant,  notre  ins- 
truction élémentaire,  c'est-à-dire,  la  seule  qui,  le  plus  souvent, 
soit  à  la  portée  des  classes  peu  aisées  de  nos  campagnes,  et 


DISCOURS  DE  l'honorable  gédéon  oulmet,  c.  r.  225 

qui,  dans  tous  les  rangs  de  la  société,  sert  de  base  à  une  ins- 
truction plus  complète  et  dont  dépend  souvent  l'avenir  des 
enfants  qui  la  reçoivent. 

Je  vous  dirai  en  peu  de  mots  sur  quoi  repose  notre  système 
scolaire  élémentaire  qui  a  été  considéré  comme  un  des  plus 
parfaits  qui  existent,  par  les  hommes  spéciaux  chargés  pen- 
dant la  grande  exposition  de  Paris,  d'examiner  les  résultats 
obtenus  par  les  systèmes  scolaires  en  vigueur  chez  les  diffé- 
rents peuples  du  monde,  et  qui  a  valu  à  la  province  de  Québec 
4  diplômes,  4  médailles  de  bronze  et  4  distinctions  honorifi- 
ques de  première  ordre. 

Pour  l'application  de  ce  système  d'éducation,  la  province 
est  divisée  en  municipalités  scolaires,  régies  par  5  commis- 
saires d'écoles.  Mais  quand,  dans  une  localité  il  existe  un  cer- 
tain nombre  de  familles  qui  ne  partagent  pas  les  croyances 
religieuses  de  la  majorité  des  habitants,  celles-ci  ont  le  droit 
d'avoir  pour  leurs  enfants  des  écoles  séparées  qui  sont  con- 
trôlées alors  par  trois  syndics.  Chacune  de  ces  écoles  reçoit 
alors  du  gouvernement  une  subvention  proportionnée  au 
nombre  d'enfants  en  âge  de  fréquenter  les  écoles.  Le  montant 
que  le  gouvernement  débourse  ainsi  chaque  année,  s'élève  au 
chiffre  assez  rond  de  $163,000. 

Je  viens  de  dire,  Commissaires  et  Svndics  d'écoles  : 

lo  Ce  dualisme  est  le  corollaire  du  dualisme  des  religions 
et  des  nationalités  qui  se  partagent  le  pays.  L'Etat  protège 
également  le  Français  et  l'Anglais  et  partant  les  deux  croyan- 
ces religieuses.  De  fait  l'Etat  s'unit  aux  deux  cultes,  et  en  ma- 
tière d'éducation,  il  n'autorise  pas  une  école  à  être  athée  ; 
mais  s'il  lui  demanda  d'être  chrétienne  pour  lui  accorder  ses 
secours,  il  n'exige  pas  qu'elle  appartienne  à  une  église  plutôt 
qu'à  une  autre.  Liberté  pleine  et  entière  sous  ce  rapport  ;  et 
de  là,  harmonie  parfaite  dans  la  population. 

2o  Ces  deux  corps  de  commissaires  et  de  syndics  représen- 
tent le  peuple.  Ils  engagent  qui  ils  veulent,  administrent  suivant 
la  loi,  etc.  Donc,  pas  de  conflit  de  religion,  ni  de  nationalité. 

3o.  Nous  n'avons  pas  de  conseils,  encore  moins  de  leçons  à 
donner  à  l'étranger  ;  mais  il  nous  est  permis  de  nous  féliciter 


226 


PREMIER   CONGRÈS   CATHOLIQITE  TENU   A'  QUÉBEC 


d'avoir  su  appliquer  si  avantageusement  pour  nous  le  grand 
principe  de  la  liberté  d'enseignement. 

Des  inspecteurs  d'écoles,  au  nombre  de  39,  sont  tenus  de 
faire,  deux  fois  par  année,  la  visite  de  chaque  école  et  de 
fournir  au  département  de  l'instruction  publique  un  état  dé- 
taillé de  leurs  opérations. 

Enfin,  pour  aider  le  Surintendant  dans  ses  travaux  d'admi- 
nistration, on  lui  donne  un  Conseil  composé  d'hommes  hau- 
tement recommandables  et  offrant,  par  leur  honorabilité  et 
leurs  capacités  reconnues,  toutes  les  garanties  désirables, 
nommés  par  le  gouvernement  et  choisis  dans  les  différentes 
parties  de  la  province.  Qu'il  me  suffise  de  dire  que  dans  ce 
conseil  formé  de  17  catholiques  et  de  8  protestants  entrent  de 
droit  les  8  évoques  de  la  province,  chacun  d'eux  représentant 
son  diocèse  qui  se  trouve  être  pour  lui  une  division  scolaire 
dont  il  surveille  la  direction  morale  et  intellectuelle.  Ce  con- 
seil général  se  divise  en  comités  catholique  et  protestant,  le 
premier  composé  de  17  membres,  et  le  second  de  8,  ces  der- 
niers étant  autorisés  par  la  loi  à  s'adjoindre  5  membres  sup- 
plémentaires. 

Le  Conseil  général  de  l'instruction  publique  est  présidé  par 
le  Surintendant  dont  la  mission  est  de  faire  fonctionner  tous 
les  rouages  de  notre  système  scolaire. 

Je  pense,  Messeigneurs  et  Messieurs,  que  je  ne  pourrais  ter- 
miner le  court  résumé  que  je  viens  de  vous  faire  de  notre 
système  scolaire  sans  appeler  votre  attention  sur  celui  qui  en 
est  la  cheville  ouvrière,  l'instituteur  dont  le  rôle  efTacé  n'est 
pas  toujours,  tant  s'en  faut,  apprécié  à  sa  juste  valeur.  On 
tiejit  généralement  peu  de  compte  de  la  somme  considérable 
de  dévouement  que  doivent  posséder  les  instituteurs  et  les 
institutrices  qui  se  consacrent  à  l'instruction  de  nos  enfants. 
On  oublie  trop  souvent  que  les  personnes  qui  se  livrent  à  l'en- 
seignement exercent  une  sorte  de  sacerdoce  et  ne  font  pas  un 
métier.  On  ne  se  rappelle  pas  assez  que  leurs  fonctions  sont 
toutes  intellectuelles  et  morales,  et  qu'elles  sont  responsables 
vis-à-vis  de  la  société  tout  entière  des  enfants  qui  leur  sont 
confiés  et  dont  elles  peuvent  si  facilement  fausser  le  cœur  et 


DISCOURS  DE  l'honorable  gédéon  ouimet,  c.  r.  227 

le  caractère,  si  elles  ne  possèdent  pas  la  vocation  de  l'apostolat 
auquel  elles  se  sont  vouées.  Car,  si  l'instruction  fait  des  sa-^ 
vaT^ts,  l'éducation  morale  et  chrétienne  seule  fait  de  bons 
citoyens.  Et  que  donne-t-on  à  l'instituteur  en  échange  de  tant 
de  dévouement,  au  sacrifice  des  plus  belles  années  'e  sa  jeu- 
nesse, et  souvent  de  sa  vie  tout  entière  ?  Rien  ou  à  peu  près 
rien.  Le  plus  souvent  une  vieillesse  nécessiteuse  attend  ceux 
qui  se  sont  ainsi  dévoués  à  l'accomplissement  de  leurs  devoirs 
difficiles. 

Dans  notre  province,  nous  devons  le  reconnaître,  Messei- 
gneurs  et  Messieurs,  l'Eglise  et  l'Etat  se  sont  toujours  donné 
fraternellement  la  main  pour  toutes  les  questions  importantes 
en  rapport  avec  l'éducation  ;  tons  les  deux  ont  une  mission  à 
laquelle  ils  ne  peuvent  faillir  sans  qu'il  en  résulte  aussitôt  de 
profondes  perturbations  dans  l'ordre  social. 

De  tous  temps  l'Eglise  a  été  la  grande  éducatrice  du  genre 
humain.  Dans  les  âges  les  plus  reculés  nous  voyons  le  sacer- 
doce investi  de  la  glorieuse  prérogative  de  conserver  le  dépôt 
précieux  des  traditions  et  des  connaissances,  et  de  répandre 
autour  de  lui  la  lumière  de  la  sagesse  dont  il  était  le  gardien 
vénéré.  C'est  ce  que  l'on  constate  chez  le  peuple  juif  et  chez 
les  nations  mêmes  qui  ne  possédaient  qu'une  vague  idée  de 
la  révélation  primitive.  Plus  tard,  lorsque  l'Eglise  vint  don- 
ner au  monde  des  doctrines  civilisatrices,  son  œuvre  de  régé- 
nération ne  fut  rien  autre  chose  qu'une  œuvre  d'éducation. 
Il  lui  fallut  frapper  les  intelligences  et  agir  sur  les  cœurs.  Elle 
frappa  les  intelligences,  en  établissant  la  supériorité  des  dog- 
mes de  la  vérité  sur  les  superstitions  païennes  et  les  fictions 
mythologiques.  Elle  agit  sur  les  cœurs,  en  y  introduisant  la 
morale  évangélique  qu'elle  fit  triompher  des  passions  hon- 
teuses auxquelles  l'abjection  humaine  avait  élevé  des  temples. 

Et  quand  les  races  barbares,  poussées  par  le  souffle  de  Dieu, 
firent  crouler  l'empire  omain  sous  leurs  impétueux  élans, 
l'Eglise,  au  nom  du  Christ,  les  instruisit  et  les  civilisa.  Ce  fut 
elle  qui,  pendant  les  premiers  siècles,  conserva  au  fond  de  ses 
monastères  et  de  ses  abbayes  ces  précieux  documents  aux- 
quels vinrent  puiser  plus  tard  ceux  qui  s'étaient  donné  la 


228      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

mission  d'enseigner  ou  de  combattre  par  la  parole  et  par  la 
plume. 

La  plus  grande  et  la  première  institutrice  des  hommes,  dès 
l'âge  où  l'intelligence  de  l'enfant  commence  à  se  développer, 
l'Eglise,  s'approche  de  lui  et  lui  parle  le  seul  langage  qu'il 
puisse  encore  comprendre.  Par  des  images  qui  n'appartien- 
nent qu'à  elle,  elle  provoque  chez  lui  l'admiration  de  ce  qui 
est  beau  et  lui  inspire  l'horreur  de  ce  qui  est  mal.  Elle  en 
fait  des  hommes  à  l'âme  vigoureusement  trempée,  prêts  à 
affronter  sans  fléchir  les  tourmentes  sociales. 

Faire  des  citoyens  utiles  à  la  société  et  à  leur  pays,  telle  a 
toujours  été  l'oeuvre  de  l'Eglise. 

Le  rôle  de  l'état  dans  l'éducation  du  peuple  est  aussi  d'une 
grande  importance,  car  de  la  culture  intellectuelle  des  indi- 
vidus dépendent  le  bonheur  et  la  prospérité  des  nations. 

L'état  est  donc  grandement  intéressé  à  encourager  une  édu- 
cation saine  et  morale,  car  il  est  le  premier  à  bénéficier  des 
lumières  et  des  vertus  qu'elle  aura  développées. 

Un  peuple  qui  appliquerait  rigoureusement  les  principes 
Lien  entendus  du  vrai,  du  bien  et  du  beau,  serait  le  premier 
peuple  du  monde.  Il  offrirait  le  spectacle  d'une  civilisation 
incomparable  où  tout  fleurirait  à  la  fois,  les  lettres,  les  scien- 
ces, les  arts,  les  industries,  réglés  par  l'alliance  harmonieuse 
de  la  religion  et  du  patriotisme. 

Ainsi,  Messeigneurs  et  Messieurs,  deux  grands  intérêts  se 
rencontrent  sur  ce  même  terrain  :  l'intérêt  religieux  et  l'inté- 
rêt social  ;  mais  entre  les  deux  il  ne  doit  pas  y  amr  conflit,  il 
doit  y  avoir  concours.  A  l'Eglise  il  faut  des  chrétiens;  à 
l'Etat  il  faut  des  citoyens.  Or,  comme  entre  ces  deux  qualités 
il  y  a  des  relations  intimes  et  profondes,  comme  le  chrétien 
sincère  est  toujours  un  bon  citoyen,  l'Eglise  et  l'Etat  doivent 
combiner  leurs  efforts  pour  en  arriver  à  la  réalisation  de  cette 
œuvre  sublime  :  l'élévation  de  l'homme. 

Voilà  l'idéal  d'un  vrai  système  d'éducation  nationale  ;  l'E- 
glise exerçant  librement  son  influence  civilisatrice  et  son  ac- 
tion souveraine  sur  le  cœur,  le  caractère  et  l'intelligence  : 
l'état  travaillant  de  son  côté  à  multiplier  les  centres  d'activité 


DISCOURS   DE    MONSEIGNEUR    LAFLÈCHE  229 

intellectuelle  par  la  généreuse  et  équitable  distribution  de  ses 
deniers,  par  des  récompenses  accordées  au  vrai  mérite,  par  le 
soin  qu'il  apporte  au  choix  de  ceux  à  qui  il  confie  la  direction 
de  sa  jeunesse,  par  sa  tendance  constante  à  élever  le  niveau 
intellectuel  et  moral  des  générations  qui  grandissent.  C'est 
cette  union  féconde  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  dans  ce  travail 
éducateur  qui  donne  à  un  peuple  les  plus  sûres  garanties  de 
prospérité  pour  le  présent  et  de  sécurité  pour  l'avenir. 

Messeigneurs  et  Messieurs,  cet  idéal  théorique  d'une  éduca- 
tion parfaite  auquel  je  songe  parfois,  quand  j'approfondis 
toutes  les  responsabilités  des  devoirs  de  la  charge  que  je  tiens 
de  Dieu  et  de  mon  pays,  nous  ne  l'avons  pas  encore  atteint 
dans  la  pratique.  Mais,  espérons-le,  grâce  aux  éléments  que 
nous  possédons,  la  Providence  aidant,  notre  système  produira, 
sinon  des  hommes  parfaits,  car  il  n'en  existe  pas  sur  la  terre, 
au  moins  d'excellents  chrétiens  et  des  citoyens  irréprochables. 
[Applaudissements  prolongés.) 


Sa  Grandeur  Mgr  Laflèche,  évoque  des  Trois-Rivières,  prit 
ensuite  la  parole  sur  le  sujet  suivant  :  "  L'Eglise  et  la  liberté." 


DISCOURS  DE  MONSEIGNEUR  LAFLÈCHE 


l'église  et  la  liberté 


Monseigneur.,  Mesdames  et  Messieurs., 

I 

En  me  rendant  aujourd'hui  à  l'invitation  qui  m'a  été  faite 
de  prendre  la  parole  en  cette  circonstance  solennelle,  j'éprouve 
une  émotion  inaccoutumée,  je  me  sens  un  peu  comme  le  pois- 
son hors  de  son  élément.  Habitué  à  l'autorité  de  la  parole 
qui  tombe  du  haut  de  la  chaire  chrétienne,  je  ne  me  sens 
point  appuyé  ici  de  la  force  de  Celui  qui  a  dit  à  ses  envoyés  : 
"  Allez,  enseignez  toutes  les  nations...  Qui  vous  écoute,  m'é- 
coute." Ce  n'est  point  comme  évoque,  ni  en  qualité  de  pasteur 

15 


230      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

de  l'Eglise,  que  je  parle  en  ce  moment  ;  voilà  pourquoi 
le  sentiment  de  ma  faiblesse  m'intimide  plus  qu'à  l'ordi- 
naire. 

Cependant,  en  jetant  un  coup  d'œil  sur  l'enceinte  qui  nous 
réunit,  sur  l'auditoire  sympathique  qui  m'écoute,  je  m'aper- 
çois que  je  ne  suis  point  en  pays  tout  à  fait  étranger  à  mes 
habitudes,  je  me  retrouve  un  peu  dans  mon  élément.  En  effet, 
si  ma  parole  ne  tombe  point  du  haut  de  la  chaire  où  s'enseigne 
la  science  divine,  elle  se  fait  entendre  au  moins  dans  le  sanc- 
tuaire où  s'enseigne  la  science  humaine  en  harmonie  avec  la 
science  divine  :  car  tel  est  bien  le  caractère  fondamental  de 
toute  université  catholique,  en  particulier  de  l'Université- 
Laval,  née  sous  l'inspiration  de  l'Eglise,  confiée  à  la  direction 
de  ses  prêtres,  et  protégée  par  la  haute  surveillance  de  ses 
évêques.  C'est  dans  cette  enceinte  bénie  que  viennent  se  former 
les  jeunes  générations  qui  auront  bientôt  à  prendre  part  aux 
luttes  de  la  vie  dans  les  diverses  professions  auxquelles  les 
appelle  la  divine  Providence.  C'est  ici  qu'elles  viennent  ap- 
prendre à  se  servir  des  armes  puissantes  de  la  science  et  de  la 
vertu  pour  s'enrôler  dans  la  grande  armée  qui  a  pour  mission 
de  défendre  la  vérité  contre  l'erreur,  le  bien  contre  le  mal,  la 
liberté  contre  l'esclavage,  en  un  mot  de  faire  prévaloir  ici-bas 
le  règne  de  Dieu  contre  la  tyrannie  de  satan. 

Tous  les  enfants  de  l'Eglise  sont  soldats  de  cette  grande 
armée,  et  doivent  nécessairement  prendre  part  à  la  lutte,  cha- 
cun au  poste  où  l'a  placé  la  Providence.  Plus  heureux  que  le 
soldat  ordinaire,  la  victoire  lui  est  assurée,  s'il  fait  son  devoir, 
la  couronne  étant  promise  à  celui  qui  aura  combattu  légiti- 
mement. {App.) 

Dans  l'auditoire  sympathique  qui  m'écoute,  je  vois  d'abord 
les  nobles  représentants  de  la  vieille  France,  telle  qu'elle  était 
au  temps  où  elle  envoyait  ses  hardis  explorateurs  à  la  décou- 
verte de  nouveaux  royaumes,  pour  y  étendre  le  règne  de 
Jésus-Christ,  et  où  quelques-uns  de  ses  plus  courageux  enfants 
vinrent  arborer  l'étendard  de  la  croix  et  de  la  véritable  civili- 
sation dans  la  vallée  du  grand  fleuve  qu'ils  ont  si  heureuse- 
ment baptisé  du  beau  nom  de  St-Laurent  :  nom  prophétique 


DISCOURS    DE    MONSEIGNEUR    LAFLÈCHE  231 

de  la  victoire  que  la  civilisation  chrétienne  devait  y  remporter 
sur  la  barbarie  sauvage  qui  l'habitait  alors.  {App.) 

Soyez  les  bienvenus,  Messieurs,  vous  êtes  nos  frères,  nous 
parlons  encore  la  belle  langue  de  vos  mères,  et  dans  la  grande 
épreuve  que  traverse  l'Eglise  dans  votre  illusti'e  patrie,  vou's 
avez  conservé  la  foi  vive  de  nos  pères.  Visitez  nos  familles 
canadiennes,  et  vous  y  retrouverez,  j'en  ai  la  conviction,  ces 
mœurs  douces  et  polies  que  nous  a  léguées  la  France  chré- 
tienne du  siècle  de  Louis  XIV.  La  franche  et  cordiale  hospi- 
talité que  vous  recevrez  dans  ces  familles  patriarchales  du 
Canada,  vous  fera  connaître  la  religieuse  fidélité  avec  laquelle 
notre  petit  peuple  a  conservé  les  saintes  et  chrétiennes  tradi- 
tions que  lui  avait  léguées  la  fille  aînée  de  l'Eglise.  (App.) 

Je  vois  également  ici  les  membres  du  Cercle  catholique  de 
Québec,  formé  sous  les  auspices  de  l'autorité  religieuse,  et  qui 
a  déjà  reçu  avec  la  bénédiction  du  Vicaire  de  Jésus-Christ 
plusieurs  faveurs  insignes  comme  récompense  de  son  zèle  à 
propager  et  à  défendre  la  vérité  catholique.  {App.) 

Merci,  Messieurs,  de  la  bonne  pensée  que  vous  avez  eue  de 
donner  à  notre  fête  nationale  son  véritable  caractère,  par  la 
convocation  de  ce  Congrès  catholique.  Tout  le  monde  sait 
que  la  foi  catholique  est  l'un  des  éléments  constitutifs  de  la 
nationalité  des  Canadiens  français.  Il  était  très  important  de 
l'affirmer  dans  cette  grande  manifestation  de  notre  vie  natio- 
nale. Sans  aucun  doute,  tous  les  citoyens  distingués  que 
vous  avez  invités  à  prendre  part  à  cette  réunion  fraternelle, 
partagent  vos  sentiments  d'amour  pour  la  vérité,  de  dévoue- 
ment à  la  cause  sacrée  de  l'Eglise  notre  mère  commune  et 
d'attachement  inébranlable  à  notre  chère  patrie. 

Je  puis  donc  dire  avec  vérité  en  m'identifiant  avec  cet  audi- 
toire distingué  que  nous  n'avons  tous  qu'un  cœur  et  qu'une 
âme  :  "  Cor  unum  et  anima  una.''  [App.  prol.) 

n 

La  bienveillance  et  la  sympathie  de  tous  m'est  assurée, 
quand  je  viens  leur  parler  de  ce  qui  a  fait  l'honneur  de  l'Eglise 
dans  sa  longue  marche  à  travers  les  siècles,  de  ce  qui  a  pro- 


223      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUEBEC 

curé  la  paix  et  la  prospérité  aux  peuples  dociles  à  ses  ensei. 
gnements  ;  je  veux  dire  la  liberté. 

Oui,  Messieurs,  c'est  de  la  liberté  dans  ses  rapports  avec 
l'Eglise  que  je  viens  vous  entretenir  quelques  instants  ce  soir  : 
de  ce  don  par  excellence  que  le  Créateur  a  fait  à  ses  ang^is 
dans  le  ciel,,  et  à  l'homme  sur  la  terre.  Ce  privilège  essentiel 
aux  créatures  douées  d'intelligence  et  de  volonté,  leur  donne 
le  moyen  d'atteindre  leur  fin  et  d'arriver  au  véritable  bonheur, 
si  elles  en  fout  un  légitime  usage,  mais  aussi  leur  laisse  la 
terrible  alternative  de  la  souffrance  et  du  malheur  si  elles  en 
abusent. 

Ce  n'est  pas  seulement  l'homme  isolé  et  pris  individuelle- 
ment que  Dieu  a  élevé  à  la  dignité  d'être  libre  ;  c'est  aussi 
l'homme  pris  collectivement  et  formant  la  personne  morale 
que  l'on  appelle  la  société.,  qu'il  a  doué  de  ce  noble  privilège. 
La  liberté  est  la  pierre  fondamentale  sur  laquelle  repose 
nécessairement  le  bonheur  de  la  famille,  de  l'état  et  de  l'Eglise. 

En  dehors  de  la  liberté,  je  ne  vois  que  l'esclavage,  et  avec 
l'esclavage,  la  dégradation  et  l'abrutissement.  "  Dépouillez 
"  l'homme  de  sa  liberté,  a  dit  le  grand  philosophe  San-Seve- 
"  rino,  c'est  lui  ravir  sa  famille,  sa  patrie,  sa  religion,  c'est 
''  l'égaler  en  tout  à  la  brute." 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  ce  mot  fasse  vibrer  dans 
toute  leur  force  les  ressorts  les  plus  puissants  et  les  fibres  les 
plus  intimes  du  cœur  humain,  puisque  la  liberté  tient  à  la 
nature  même  de  son  être.  Le.  Docteur  angélique  dit  en  effet 
que  "  tout  être  doué  d'intelligence  et  de  volonté  est  nécessaire- 
''  ment  libre."  Dieu  a  créé  l'homme  ici-bas  pour  être  heu- 
reux, mais  il  a  voulu  qu'il  le  fût  librement,  la  première  loi  de 
sa  nature  est  le  désir  du  bonheur. 

Mais  le  Créateur  a  voulu  que  l'homme  marchât  librement 
vers  la  réalisation  de  ce  désir,  et  qu'il  arrivât  à  ce  bonheur 
par  le  bon  usage  de  sa  liberté. 

Il  est  donc  bien  important,  en  parlant  de  liberté,  de  donner 
avant  tout,  une  notion  exacte  de  cette  puissance  merveilleuse 
dont  le  seul  nom  soulève  les  masses  populaires,  comme  le 
vent  soulève  les  flots  de  la  mer.    Il  est  facile  de  comprendre 


DISCOURS   DE    MONSEIGNEUR    LAFLÈCHE  233 

quels  désastres  pourrait  entraîner  la  moindre  erreur  sur  ce 
point  capital,  puisque  de  cette  connaissance  exacte  de  la  liberté, 
dépend  la  direction  qu'il  faut  donner  à  cette  puissance  irrésis- 
tible pour  conduire  l'homme  et  la  société  au  bonheur  ou  à 
l'abîme.  Cette  connaissance  est  d'autant  plus  nécessaire  dans 
les  jours  mauvais  que  nous  traversons,  que  des  hommes 
égarés  ou  pervers  font  plus  d'efforts  pour  l'obscurcir  et  la 
fausser  dans  l'esprit  des  populations. 

Qui  peut  dire  aujourd'hui  le  nombre  de  ceux  qui  confondent 
la  liberté  avec  la  licence,  et  qui  proclament  bien  haut  que  la 
liberté  implique  le  droit  de  faire  le  mal,  comme  le  droit  de  faire 
le  bien,  qui  mettent  sur  un  pied  d'égalité  la  vérité  et  l'erreur  ? 

Hélas  !  ces  hommes  aveugles  confondent  ainsi  la  lumière 
avec  les  ténèbres  ;  l'usage  légitime  d'une  chose  excellente, 
avec  l'abus  de  cette  môme  chose.  La  liberté  véritable  et  bien 
comprise,  c'est  le  vent  favorable  qui  pousse  sûrement  le  vais- 
seau vers  le  port  sous  la  direction  de  la  boussole.  La  licence, 
au  contraire,  c'est  la  tempête  qui  l'emporte  sans  boussole  sur 
les  récifs  où  un  naufrage  certain  l'attend.  La  liberté  et  la 
licence  sont  les  pôles  opposés  du  monde  moral,  le  premier  con- 
duit l'homme  au  Ciel,  le  second  l'achemine  vers  l'enfer. 
L'Eglise  en  nous  donnant  avec  une  certitude  infaillible  la 
véritable  notion  de  la  liberté,  et  en  nous  traçant  de  môme  la 
limite  où  s'arrôte  son  domaine,  et  où  commence  le  domaine 
de  la  licence,  a  rendu  et  rend  encore  tous  les  jours  un  insigne 
service  à  l'homme  et  à  la  société.  {App.) 

Voici  comment  elle  expose  cette  doctrine  par  l'un  de  ses 
plus  grands  docteurs.  "  C'est  la  fin  dernière  d'un  être  raison- 
nable, individuel  ou  collectif,  dit  saint  Thomas,  qui  détermine 
en  fait  de  liberté,  et  l'usage  légitime,  et  l'abus  qui  est  toujours 
coupable. 

Ainsi  la  fm  de  l'homme,  de  la  famille,  de  la  société  étant  le 
bonheur  auquel  le  créateur  veut  les  conduire  librement,  il 
s'en  suit  que  tout  ce  qui  tend  à  cette  fin  et  les  en  approche? 
est  du  domaine  de  la  liberté  :  et  que  tout  ce  qui  s'y  oppose  ou 
en  détourne,  est  du  domaine  de  la  licence,  et  constitue  l'abus 
de  la  liberté. 


234      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

La  liberté,  la  seule  vraie  liberté,  est  donc  le  pouvoir  que 
possède  un  être  raisonnable  de  marcher  vers  sa  fin,  de  l'at- 
teindre, et  d'user  sans  obstacles  de  tous  les  moyens  qui  peuvent 
l'aider  à  y  parvenir. 

S.  Anselme  la  définit  encore  plus  clairement  en  deux  mots  : 
"  La  liberté,  dit  ce  grand  docieur  de  l'Eglise,  la  liberté,  c'est 
••'  le  pouvoir  de  faire  le  bien." 

Le  pieux  et  savant  Mgr  de  Ségur  enseigne  la  môme  doctrine 
en  disant  que  :  "  La  liberté  est  la  puissance  que  possède  un 
"  être  d'accomplir  pleinement  et  en  toutes  choses  la  très  sainte 
"  volonté  de  Dieu." 

Cette  notion  de  la  liberté,  si  claire  et  si  précise,  donnée  par 
les  plus  grands  docteurs  et  les  plus  beaux  génies  dont  s'honore 
l'humanité,  nous  montre  clairement  que  le  pouvoir  de  faire 
le  mal  n'appartient  nullement  à  l'essence  de  la  liberté,  ce  n'est 
au  contraire  qu'un  défaut  de  liberté. 

"  Xe  pouvoir  de  faire  le  mal,  dit  S.  Anselme,  n'est  ni  la 
"  liberté,  ni  une  partie  de  la  liberté." 

"  Il  faut,  dit  S.  Thomas,  raisonner  du  libre  arbitre  comme 
'■'■  de  l'entendement:  le  libre  arbitre  ou  la  liberté,  choisit  parmi 
"  les  actes  qui  se  rapportent  à  la  fin  ;  l'entendement  tire  les 
"  conclusions  des  principes.  Que  si  en  tirant  une  conclusion, 
"  l'entendement  se  trompe,  c'est  une  imperfection,  une  fai- 
"  blesse  de  sa  part.  De  môme,  si  le  libre  arbitre  se  trompe  en 
"  faisant  un  choix  contraire  à  la  fin  dernière  de  l'homme,  ce 
'•'■  n'est  pas  une  perfection  mais  une  faiblesse  et  un  défaut.  De 
'*  là  il  résulte  que  la  liberté  est  plus  grande  dans  les  anges  qui 
"  ne  peuvent  pas  pécher,  qu'en  nous  qui  pouvons  pécher." 

L'ange  de  l'école  enseigne  donc  que  la  liberté  est  le  pouvoir 
de  faire  le  bien,  comme  l'entendement  est  la  faculté  de  con- 
naître le  vrai. 

La  possibilité  de  faire  le  mal  n'est  donc  pas  plus  de  l'essence 
de  la  liberté,  que  la  possibilité  de  se  tromper,  n'est  de  l'essence 
de  l'entendement,  que  la  possibilité  d'être  malade,  n'est  de 
l'essence  de  la  santé.  Etre  peccable  est  donc  un  défaut  dans 
la  liberté,  comme  être  faillible  est  un  défaut  dans  l'entende- 
ment, et  être  maladif  un  défaut  dans  la  santé. 


DISCOURS   DE    MONSEIGNEUR    LAFLÈCHE  235 

Non,  Messieurs,  personne  n'a  le  droit  d'entrer  dans  les  voies 
de  l'erreur,  et  de  faire  le  mal  ;  pas  plus  la  société  que  l'indi 
vidu.  Celui  qui  le  fait,  entre  dans  le  chemin  qui  conduit  à 
l'esclavage.  I^a  liberté,  c'est  la  vérité,  le  bien,  l'ordre,  la  paix, 
le  bonheur.  La  licence,  ou  l'abus  de  la  liberté,  c'est  l'erreur, 
le  mal,  le  désordre,  la  ruine,  l'esclavage  et  la  mort.  [App.) 

III 

La  première  condition  nécessaire  à  l'exercice  de  la  liberté, 
est  la  connaissance  de  la  vérité.  La  liberté  de  l'homme  est 
d'autant  plus  parfaite  qu'il  voit  plus  clairement  la  vérité  : 
comme  aussi  elle  diminue  en  proportion  des  ténèbres  que 
l'erreur  répand  dans  son  intelligence.  "  Vous  connaîtrez  la 
vérité,  dit  le  Libérateur  du  genre  humain,  et  la  vérité  vous 
donnera  la  liberté."  "  L'essence  de  la  liberté,  dit  le  prince  des 
philosophes,  S.  Thomas,  dépend  entièrement  de  la  mesure  de 
notre  connaissance."  Il  s'en  suit  donc  que  les  peuples  qui  au- 
ront le  mieux  connu  et  accepté  la  vérité,  seront  ceux  qui  au- 
ront joui  de  la  plus  grande  et  de  la  plus  véritable  liberté  ;  et 
par  contre,  que  ceux  où  l'erreur  aura  été  la  plus  profonde, 
auront  aussi  été  les  peuples  que  l'esclavage  aura  le  plus 
dégradés  et  abrutis. 

En  conséquence.  Dieu  qui  veut  conduire  l'homme  et  la 
société  au  bonheur  par  la  liberté,  leur  a  donné  un  moyen 
facile  et  infaillible  de  reconnaître  la  vérité.  Le  Sauveur  venu 
pour  éclairer  les  hommes  plongés  dans  les  ténèbres  et  assis  à 
l'ombre  de  la  mort,  et  les  délivrer  du  terrible  esclavage  dans 
lequel  les  avaient  réduits  les  monstrueuses  erreurs  du  paga- 
nisme,  a  institué  son  Eglise  en  la  fondant  sur  le  roc  inébran- 
lable de  l'éternelle  vérité  et  l'a  chargée  d'enseigner  la  science 
du  salut  social  aussi  bien  que  celle  du  salut  individuel,  à 
toutes  les  nations,  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre,  et  jusqu'à 
la  fin  des  temps.  Pour  cela,  il  l'a  revêtue  d'une  autorité 
hiconnue  jusque-là  dans  le  monde.  La  puissance  qui  lui  avait 
été  donnée  dans  le  ciel  et  sur  la  terre,  il  l'a  déléguée  à  son 
Eglise,  et  il  a  enjoint  à  tous  les  hommes  sans  exception  de  se 
soumettre  à  cette  autorité  dans  tout  ce  qui  touche  à  l'ensei- 


236      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

gnement  de  la  vérité  et  à  la  direction  des  consciences.  Rois 
et  peuples  sont  obligés  comme  le  plus  humble  des  enfants 
d'Adam,  d'accepter  cet  enseignement  et  de  se  soumettre  à  cette 
autorité. 

Mais,  dira  t-on,  que  devient  la  liberté  des  sociétés  humaines 
en  présence  de  cette  autorité  ? 

Ce  que  devient  la  liberté  des  sociétés  humaines,  messieurs, 
en  présence  de  cette  autorité  divine  incarnée  dans  l'Eglise  ? 

Elle  devient  ce  qu  elle  doit  être  ;  elle  devient  la  véritable 
liberté;  la  liberté  des  enfants  de  Dieu  qui  les  composent. 
Elles  obéissent  librement  et  avec  bonheur  au  meilleur  de  tous 
|es  pères  qui  ne  leur  défend  que  ce  qui  peut  les  conduire  à 
l'esclavage  et  les  rendre  malheureuses  ;  et  qui  ne  leur  prescrit 
que  ce  qui  doit  les  conduire  au  bonheur  dans  la  plénitude  de 
la  liberté,  leur  laissant  le  choix  des  moyens  à  prendre  pour  y 
parvenir. 

Non,  la  société  des  enfants  de  Dieu  obéissant  fidèlement  à 
cette  suprême  et  paternelle  autorité  n'aura  plus  à  subir  le 
despotisme  des  Césars  et  la  tyrannie  des  Brutus,  ou  ce  qui  est 
pis,  le  despotisme  de  l'état  athée,  c'est-à-dire,  sans  Dieu,  et  la 
tyrannie  de  la  démagogie  révolutionnaire.  Les  Césars  eux- 
mêmes  et  tous  les  potentats  monarchiques  ou  républicains 
apprendront  d'elle  que  l'autorité  dont  ils  sont  revêtus  vient  de 
Dieu  et  qu'ils  n'auraient  aucun  pouvoir,  s'il  ne  leur  eût  été 
donné  d'en  haut.  L'Eglise  leur  enseignera  que  le  glaive  dont 
ils  sont  armés  ne  leur  a  été  donné  que  pour  la  défense  du 
bien,  et  la  répression  du  mal,  pour  la  protection  des  bons 
contre  les  méchants  ;  mais  jamais  pour  opprimer  ceux  que  la 
Providence  a  soumis  à  leur  autorité.  * 

Non,  le  Créateur  n'a  point  établi  l'autorité  dans  le  monde 
pour  gêner  la  liberté,  encore  moins  pour  l'opprimer,  mais  bien 
pour  la  diriger  sûrement  et  la  protéger  contre  les  mille  dan- 
gers qui  l'environnent  de  toutes  parts  et  la  menacent  sans 
cesse. 

Non,  Messieurs,  l'autorité  du  Pontife  dans  l'Eglise  et  celle 
du  Souverain  dans  l'état,  ne  gêne  nullement  la  liberté  de 
l'homme  et  de  la  société  ;  pas  plus  que  l'autorité  de  la  bous- 


DISCOURS    DE    MONSEIGNEUR    LAFLÈCHE  237 

sole  et  celle  du  pilote  ne  gène  la  liberté  du  navire  qu'ils  con- 
duisent sûrement  au  port!  L'enseignement  du  Pontife  romain 
dans  le  monde  est  la  boussole  des  sociétés  humaines  :  les  chefs 
des  nations,  empereurs,  rois,  ou  présidents  en  sont  les  pilotes. 
C'est  en  consultant  au  besoin  cette  boussole  encore  plus  mys- 
térieuse que  celles  qui  dirigent  les  vaisseaux  sur  l'immensité 
des  mers,  et  en  suivant  fidèlement  sa  directi  »n,  qu'ils  réussi- 
ront à  conduire  les  peuples  qui  leur  sont  confiés  à  la  paix,  à 
la  prospérité  et  au  bonheur.  (App.)  C'est  à  cette  condition  qu'ils 
pourront  éviter  les  écueils  formidables  sur  lesquels  les  pousse 
la  tempête  révolutionnaire  qui  souffle  partout  en  ce  niumert, 
et  qui  a  déjà  renversé  tant  de  trônes,  englouti  tant  de  dynas- 
ties, répandu  tant  de  sang. 

IV 

Mais  j'entends  ici  de  nombreuses  voix  s'élever  de  toutes 
parts  et  îa\ve  de  bruyantes  réclamations  en  faveur  de  la  liberté 
et  de  l'indépendance  absolue  de  l'état  et  de  son  chef  !  On  va 
peut-être  m'accuser  de  vouloir  le  rétablissement  de  la  théo- 
cratie du  moyen-âge,  voire  même  le  rétablissement  du  pouvoir 
papal,  de  déposer  les  rois  et  les  empereurs  !  Rassurez -vous, 
Messieurs,  la  liberté  de  l'état  et  de  son  chef,  n'a  rien  à  craindre 
de  celui  qui  a  pour  mission  de  faire  connaître  et  respecter  la 
loi  de  Dieu,  et  par  conséquent  de  sauvegarder  la  liberté  des 
peuples  et  de  leurs  souverains. 

L'histoire  est  là  pour  nous  dire  que  la  véritable  liberté  a 
toujours  disparu  du  monde  à  l'avènement  de  l'omnipotence 
humaine,  qui  dans  les  temps  anciens  a  trouvé  se  réalisation  la 
plus  complète  dans  le  despotisme  brutal  et  sanguinaire  de 
l'empire  romain.  Il  y  a  eu  dans  ces  temps  comme  aujour- 
d'hui, des  peuples  arrivés  à  un  haut  degré  de  civilisation. 
Les  arts,  les  lettres,  les  sciences  étaient  arrivés  à  leur  apogée. 
La  Grèce  et  Rome  avaient  des  législateurs,  des  capitaines,  des 
conquérants  illustres  ;  des  artistes,  des  poètes,  des  orateurs, 
des  philosophes  devant  lesquels  de  noir>^reux  collégiens  se 
pâment  encore  aujourd'hui  d'admiration,  x  côté  de  ces  bril- 
lantes civilisations,  il  y  avait  ce  que  l'on  appelait  les  barbares 


238      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉREC 

qui  avaient  aussi  leur  organisation  sociale  plus  ou  moins 
avancée  et  qui  n'avaient  guère  d'autre  code  de  législation  que 
celui  du  glaive  !  Le  despotisme  monarchique  de  ces  antiques 
civilisations  avait  son  contre-poids  dans  le  despotisme  anar- 
chique  qui  assassinait  régulièrement  les  princes  dont  la  tyran- 
nie était  devenue  intolérable. 

Dans  ces  heureux  temps  du  règne  de  la  force  brutale,  les 
neuf  dixièmes  des  populations  étaient  détenues  dans  le  plus 
cruel  et  le  plus  dégradant  esclavage  :  il  n'y  avait  pas  de  place 
au  soleil  pour  les  adorateurs  du  vrai  Dieu,  lequel  était  incon- 
nu de  ces  sociétés  despotiques.  La  liberté,  la  vraie  liberté 
était  descendue  dans  les  catacombes  avec  les  chrétiens. 

La  môme  histoire  nous  apprend  qu'après  une  lutte  trois  fois 
séculaire,  et  des  torrents  de  sang  chrétien  versé,  l'Eglise 
réussit  enfin  à  briser  ce  joug  de  fer  qui  opprimait  les  nations, 
et  sortit  triomphante  des  catacombes  avec  la  véritable  liberté. 
{App.)  Sous  la  paternelle  direction  des  Papes,  l'esclavage  s'est 
adouci  peu-à-peu  ainsi  que  la  barbarie  des  peuples  du  Nord. 

Après  avoir  exécuté  les  jugements  de  Dieu  sur  l'empire 
romain  et  vengé  le  sang  des  martyrs,  ces  peuples  ont  été  don- 
nés en  héritage  à  l'Eglise  qui  les  a  accueillis  avec  une  ten- 
dresse véritablement  maternelle.  La  Papauté  avec  ses  évêques 
et  ses  moines  les  a  civilisés  graduellement  et  dotés  de  la 
liberté  sociale  en  leur  apprenant  à  respecter  dans  leurs  souve- 
rains les  représentants  de  Dieu  et  les  dépositaires  de  son  auto- 
rité. Ces  souverains  apprenaient  en  même  temps  que  le 
pouvoir  dont  ils  étaient  investis  leur  était  donné  pour  le  bien 
de  leurs  peuples,  et  qu'ils  devaient  les  gouverner  conformé- 
ment à  la  loi  de  Dieu.  C'est  ainsi  que  les  Papes  ont  fait  l'édu- 
cation sociale  de  ces  peuples  barbares  qui  sont  devenus  les 
nations  modernes  de  l'Europe  si  supérieures  à  tous  les  peuples 
qui  n'ont  pas  encore  ressenti  le  souffle  vivifiant  de  l'Eglise,  et 
qui  sont  demeurés  dans  les  ténèbres  et  assis  à  l'ombre  de  la 
mort.  {App.) 

V 

Voilà,  Messieurs,  ce  qu'a  produit  la  théocratie  du  moyen- 
âge,  que  les  ennemis  de  l'Eglise  et  du  Pape  ont  si  injustement 


DISCOURS   DE   MONSEIGNEUR    LAFLÈCHE  239 

calomnié,  ot  que  tant  de  catholiques,  fort  instruits  d'ailleurs, 
connaissent  si  mal. 

Je  le  répète  sans  crainte  ;  la  liberté  de  l'état  et  de  son  chef 
n'a  rien  à  craindre  de  la  bienfaisante  influence  du  Pontife 
romain  sur  la  société  civile.  Là  n'est  point  le  danger.  Tout 
homme  sincère  qui  étudiera  de  bonne  foi  cette  grave  question 
s'en  convaincra  facilement. 

Le  pouvoir  de  déposer  les  souverains  prévaricateurs,  ou 
tyrans,  ou  oppresseurs  de  leurs  peuples,  a  toujours  existé  et  il 
existera  toujours.  Les  despotes  monarchiques  ou  républicains 
peuvent  en  prendre  leur  parti,  il  faudra  bon  gré  malgré  en 
subir  les  sentences,  car  ils  seront  toujours  justiciables  du  tri- 
bunal où  s'exercera  ce  pouvoir  contre  lequel  il  n'y  a  pas  de 
résistance  possible.  Ce  pouvoir  a  sa  source  en  Dieu  lui-même 
qui  juge  les  rois  et  les  peuples,  les  élève  ou  les  abaisse  selon 
qu'ils  le  méritent. 

Dans  sa  miséricorde,  il  a  confié  l'exercice  de  '"e  pouvoir  re- 
doutable au  tribunal  paternel  et  miséricordieux  de  la  Papauté  ; 
c'est  là  que  les  peuples  chrétiens  maltraités,  quelquefois 
tyrannisés  par  des  despotes  qui  avaient  perdu  toute  crainte 
du  Seigneur  et  de  sa  justice,  allaient  porter  leur  plainte.  Tou- 
jours le  respect  dû  à  l'autorité  et  les  droits  de  la  souveraineté 
y  étaient  fermement  maintenus.  Mais  les  actes  tyranniques, 
la  spoliation  et  l'oppression  des  faibles  et  des  petits  par  les 
potentats  sans  foi  ni  loi,  y  étaient  appréciés  et  jugés  impartia- 
lement, et  la  foi  vive  de  ces  peuples  leur  faisait  exécuter  la 
sentence  dans  laquelle  la  justice  était  presque  toujours  tem- 
pérée par  une  grande  miséricorde.  Dans  les  cas  extrêmes,  et 
quand  le  mal  ne  comportait  plus  d'autre  remède,  la  sentence 
de  déposition  était  prononcée  contre  le  souverain  prévarica- 
teur et  incorrigible,  au  nom  de  Dieu,  juge  suprême  des  rois  et 
des  peuples,  et  en  vertu  du  pouvoir  régulièrement  délégué  au 
Père  commun  des  chrétiens. 

Voilà  ce  qu'était  ce  pouvoir  papal  de  la  déposition  des  rois 
et  des  empereurs,  contre  lequel  l'ignorance,  la  mauvaise  foi, 
et  surtout  la  haine  du  Seigneur  et  de  son  Christ  ont  déversé 
tant  de  mensonges  et  amoncelé  tant  de  calomnies.  Les  peuples 


240      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉpEG 

trompés  par  ces  oppresseurs  de  l'humanité  ont  cessé  de  recourir 
à  cet  auguste  tribunal,  et  les  souverains  eux-mêmes,  séduits  par 
l'espoir  d'une  indépendance  absolue,  et  sans  contrôle  aucun, 
s'en  sont  applaudis  comme  d'une  précieuse  victoire  !  Mais  celui 
qui  habite  dans  les  cieux  a  ri  de  leur  folie  et  s'est  moqué  de 
leurs  projets  insensés.  Au  tribunal  paternel  de  la  pajjauté,  il 
a  substitué  le  tribunal  sans  entrailles  de  la  révolution,  qui, 
depuis  plus  d'un  siècle,  siège  en  permanence  dans  les  ténèbres 
des  loges  maçonniques.  C'est  là  que  les  souverains  à  tous  les 
degrés  et  les  hommes  d'ordre  de  tous  les  pays  qui  ne  gouver- 
nent pas  au  gré  de  ces  maçons  démolisseurs  et  surtout  qui  ne 
travaillent  pas  avec  assez  d'ardeur  au  renversement  de  l'Eglise 
et  de  l'ordre  social  chrétien,  sont  accusés,  jugés,  condamnés 
sans  être  entendus  et  sans  appel.  La  sentence  portée  par  ce 
tribunal  infernal  doit  être  exécutée  sans  miséricorde,  et  sous 
peine  de  mort  par  quelques  séides  de  ces  sociétés  ténébreuses 
qui  aujourd'hui  font  trembler  l'Europe,  et  ont  mis  l'assassinat 
des  souverains  à  l'ordre  du  jour. 

Et  maintenant,  peuples  et  rois,  comprenez,  et  voyez  de  quel 
côté  se  trouve  la  liberté,  le  pouvoir  de  faire  le  bien  sans  obs- 
tacles et  de  conduire  la  société  à  la  paix  et  au  bonheur  ?  Si 
c'est  du  côté  de  l'Eglise  ou  du  côté  de  la  révolution  !  {App.  prol.) 

VI 

Quant  à  l'indépendance  absolue  de  l'Etat  et  de  son  souve- 
rain, elle  n'a  jamais  existé  et  elle  n'existera  jamais,  c'est  un 
leurre  dont  se  servent  les  démagogues  et  les  despotes  pour 
tromper  les  peuples  qu'ils  veulent  opprimer  en  substituant 
leurs  caprices  et  leur  tyrannie  aux  éternelles  lois  de  la  justice 
et  de  l'équité.  Seules  ces  lois  peuvent  donner  la  paix  et  la 
prospérité  aux  nations  en  leur  assurant  la  liberté.  C'est  ce 
que  proclamait  le  Roi-Prophète,  il  y  a  trois  mille  ans  :  "  La 

"justice  et  la  paix  se  sont  embrassées. c'est  la  justice 

"  qui  élève  les  nations  et  c'est  le  péché  qui  rend  les  peuples 
"  misérables  "  !  !  Non,  jamais  les  nations,  ni  leur  chef  ne 
pourront  se  soustraire  au  souverain  domaine  du  Dieu  qui  les 
a  créées,  et  sortir  de  sa  dépendance.    C'est  par  lui  que  les  rois 


DISCOURS   DE    MONSEIGNEUR    LAFLÈCHE  241 

régnent  et  que  les  législateurs  font  des  lois  justes.  C'est  par 
lui  que  les  princes  commandent  et  que  ceux  qui  ont  la  puis- 
sance en  main  rendent  la  justice.  C'est  lui  qui  juge  les  souve- 
rains prévaricateurs  et  condamne  les  peuples  coupables  !  Que 
sont  devenus  les  immondes  Ghananéens  et  les  Juifs  déicides 
qui  leur  avaient  été  substitués  dans  la  Terre  Promise  ?  Que 
sont  devenus  les  Grecs  orgueilleux  pour  qui  les  autres  nations 
n'étaient  que  des  barbares  ?  Et  les  fiers  Romains  qui  avaient 
étendu  leur  joug  de  fer  sur  le  monde  d'alors  ?  Demandez-le  à 
l'histoire  et  elle  vous  dira  comment  le  Seigneur  les  a  jugées, 
punies  et  dispersées  aux  quatre  vents  du  ciel. 

C'est  aussi  le  Seigneur  qui  écrit  la  sentence  de  l'impie 
Balthazar  à  Babylone,  et  rejette  le  prévaricateur  Saûl,  en 
Judée.  L'apostat  Julien  tombé  sous  la  flèche  d'un  soldat  persan 
confesse  en  blasphémant  cette  puissance  suprême  du  Christ 
sur  les  rois  :  "  Tu  as  vaincu,  Galiléen  "  !  Le  plus  puissant 
monarque  des  temps  modernes,  Napoléon  1er,  n'est-il  pas  aussi 
lui  un  exemple  frappant  de  la  puissance  que  Dieu  exerce 
sur  ces  souverains  prévaricateurs  condamnés  et  rejetés  de 
Dieu  ?  Il  en  était  venu  à  croire  qu'un  potentat  qui  avait  à 
son  service  une  armée  de  cinq  cent  mille  hommes  com- 
mardés  par  un  génie  comme  le  sien,  pouvait  impunément 
faire  la  guerre  à  l'Eglise,  et  se  moquer  de  l'excommunication 
du  Souverain  Pontife.  Il  avait  dit  dans  son  orgueil  en  appre- 
nant l'excommunication  dont  il  était  frappé  :  "  Que  prétend 
le  pape  avec  son  excommunication  ?  pense-t-il  faire  tomber  les 
armes  des  mains  de  mes  soldats  "  ?  Le  Dieu  qui  juge  les  po- 
tentats se  chargea  lui-même  de  la  réponse  à  ce  blasphème  et 
la  lui  donna  dans  la  désastreuse  campagne  de  Russie.  La 
voici,  telle  que  l'ont  rapporté  des  témoins  oculaires  :  ''  Ces 
vaillants  soldats  de  la  grande  armée  ne  jetèrent  point  leurs 
armes,  mais  le  froid  et  la  faim  les  leur  arrachèrent  des 
mains  !  "  Le  grand  capitaine  de  son  côté  avait  été  véritable- 
ment frappé  d'un  esprit  de  vertige. 

C'est  donc  en  vain  que  les  nations  frémissent  et  que  les 
peuples  forment  des  projets  insensés  ;  c'est  en  vain  que  les 
rois  forment  des  complots,  et  les  princes  des  alliances  contre 


242      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

le  Seigneur  et  contre  son  Christ  ;  c'est  en  vain  qu'ils  veulent 
briser  les  liens  qui  les  rattachent  à  Dieu  et  secouer  le  joug  de 
sa  loi  sainte,  c'est  en  vain  qu'ils  veulent  chasser  Dieu  de  la 
société,  constituer  des  états  sans  Dieu,  ou  ce  qui  est  la  même 
chose,  séparer  l'Eglise  de  l'Etat  !  Celui  qui  habite  dans  les 
cieux  se  rira  et  se  moquera  d'eux  ;  il  leur  parlera  dans  sa  co- 
lère, et  les  confondra  dans  sa  fureur,  en  renversant  tous  leurs 
projets  impies  et  en  les  faisant  disparaître  du  milieu  des  na- 
tions. Telle  est  l'enseignement  des  Livres  saints,  de  la  véri- 
dique  histoire  et  de  la  saine  raison.  {App.) 

Les  partisans  de  l'Etat  sans  Dieu,  ou  ce  qui  est  tout  un,  de 
la  séparation  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  peuvent  en  prendre  leur 
parti.  C'est  le  Seigneur  qui  est  le  maître  des  peuples  et  des 
rois,  et  il  continuera  de  l'être  malgré  leurs  révoltes  insensées. 

Vil 

Il  est  un  fait  universel  et  constant,  que  l'on  retrouve  chez 
tous  les  peuples  et  dans  tous  les  temps,  c'est  que  les  sociétés 
naissent,  vivent  et  meurent  sous  l'action  de  trois  forces.  La 
force  morale,  la  force  physique  et  la  force  révolutionnaire. 
Ces  trois  forces  s'incarnent  dans  trois  hommes,  le  prêtre,  le 
soldat  et  le  communard,  et  ces  trois  hommes  reçoivent  l'inves- 
titure, l'exercice  et  la  direction  de  ces  forces  de  trois  souve- 
rains :  le  Pape,  le  Roi  et  le  Chef  occulte  de  quelque  société 
secrète.  Ce  fait  universel  et  constant  ne  dépend  pas  de  la  vo- 
lonté de  l'homme,  mais  il  tient  à  la  nature  même  de  la  société 
humaine  et  par  conséquent  il  faut  en  chercher  la  cause  et 
l'explication  dans  l'auteur  même  de  la  société,  dans  la  volonté 
du  Créateur  qui  a  voulu  que  l'homme  créé  à  son  image  et 
à  sa  ressemblance  vécut  en  société  pour  atteindre  plus  facile- 
ment sa  fin. 

Or,  si  l'on  remonte  à  l'origine,  et  si  l'on  recherche  le  fonde- 
ment de  toute  société,  on  y  trouvera  toujours  un  acte  reli- 
gieux, sans  lequel  la  société  ne  peut  exister.  Les  païens  eux- 
mêmes  reconnaissaient  cette  vérité  et  l'un  de  leurs  philoso- 
phes disait  que  fonder  un  Etat  sans  rintervention  de  la  religion^ 
c^était  bâtir  une  ville  dans  les  airs. 


DISCOURS   DE    MONSEIGNEUR    LAFLÈCHE  243 

Quel  est  donc  cet  acte  religieux  que  l'on  retrouve  à  la  base 
de  toute  société  ?  Cet  acte  religieux,  messieurs,  c'est  le  ser- 
•  MENT  !  Sans  le  serment,  il  n'y  a  pas  plus  de  société  parmi  les 
hommes  que  parmi  les  loups.  Les  révolutionnaires  eux-mêmes 
sont  forcés  de  rendre  hommage  à  cette  vérité.  Pourquoi  les 
serments  horribles  qu'ils  imposent  à  leurs  sectaires  ?  Tout 
pacte  social,  toute  constitution  préparée  pour  régler  les  rap- 
ports d'hommes  voulant  vivre  en  société  n'est  et  ne  sera  qu'une 
lettre  morte,  tant  que  le  Nom  de  Dieu  ne  sera  pas  intervenu 
pour  lui  communiquer  ce  souflQ.e  de  vie,  cette  force  mysté- 
rieuse qui  liera  ces  hommes  entre  eux  jusque  dans  le  plus 
intime  de  leur  être  et  dans  les  plus  secrets  replis  de  leur 
conscience. 

Gomme  on  le  voit,  c'est  la  force  morale  qui  crée  la  société, 
qui  lui  donne  un  point  d'appui  et  une  base  inébranlable 
dans  la  conscience  humaine,  c'est  aussi  cette  force  qui  sera 
toujours  son  plus  solide  appui  ;  et  c'est  l'Eglise  qui  la  lui 
fournit  !  [App.) 

Mais  la  société  ainsi  créée  et  organisée  a  besoin  d'une  direc- 
tion qui  la  conduise  sûrement  vers  la  fin  qu'elle  doit  atteindre. 
Qui  va  la  lui  donner  ?  C'est  encore  l'Eglise.  Elle  a  reçu  de 
Dieu  mission  de  la  conduire  infailliblement  en  tout  ce  qui 
touche  à  l'ordre  religieux  et  moral  auquel  tout  le  reste  est 
subordonné. 

La  force  physique  vient  alors  en  aide  à  l'Eglise  pour  main- 
tenir la  société  sur  cette  base  et  la  faire  progresser  dans  cette 
direction,  elle  écarte  les  obstacles  qui  s'opposent  à  sa  marche 
et  combat  les  ennemis  qu'elle  rencontre  et  l'aide  ainsi  à  at- 
teindre sa  fin,  et  Dieu  a  remis  cette  force  aux  mains  de  l'Etat. 

De  là  l'union  intime  et  nécessaire  de  l'Eglise  et  de  l'Etat. 
Du  fonctionnement  régulier  et  harmonieux  de  cette  union 
résulte  nécessairement  la  liberté  et  la  marche  progressive  de 
la  société,  la  paix,  la  prospérité  et  le  bonheur  de  tous  les 
citoyens.  D'un  autre  côté  cette  union  ne  gêne  en  rien  la  liberté 
de  l'Eglise,  ni  celle  de  l'Etat,  mais  au  contraire,  en  assure  à 
l'une  et  à  l'autre  la  pleine  jouissance  et  le  libre  exercice.  En 
effet  l'Eglise  protégée  par  la  puissance  séculière  peut  se  livrer 


"244      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

sans  obstacle,  au  ministère  sublime  qui  lui  est  confié  d'ensei- 
gner les  peujjles  et  de  leur  apprendre  leurs  devoirs  envers 
Dieu,  envers  leurs  souverains  et  envers  eux-mêmes.  11  est 
facile  de  comprendre  quel  bien  en  résulte  pour  le  respect  et 
la  soumission  dus  à  l'autorité,  et  combien  devient  honorable  et 
facile  l'obéissance  chez  les  populations  qui  savent  que  ceux 
qui  les  commandent  sont  les  ministres  de  Dieu  pour  leur  bien, 
et  que  le  pouvoir  dont  ils  sont  revêtus  vient  de  Dieu  lui- 
même. 

L'Etat,  en  même  temps,  connaît  avec  certitude  l'usage  qu'il 
doit  faire  de  la  puissance  qui  lui  est  confiée  et  comment  il  doit 
se  servir  du  glaive  pour  faire  respecter  l'Eglise  et  la  Loi  de 
Dieu  qu'Elle  enseigne,  protéger  les  bons  et  réprimer  les  mé- 
chants, et  assurer  ainsi  l'ordre  et  la  paix  dans  la  société.  Une 
des  plus  merveilleuses  inventions  des  temps  modernes,  et  qui 
est  en  voie  de  changer  la  face  du  monde,  nous  présente  une 
image  sensible  de  la  nécessité  et  des  avantages  qui  résultent 
de  l'union  de  l'Église  et  de  l'Etat.  C'est  l'invention  des  che- 
mins de  fer.  Voyez  cette  lourde  locomotive  ;  avec  quelle  faci- 
lité elle  se  meut  sur  les  rails  qui  la  soutiennent,  et  la  dirigent  ; 
avec  quelle  rapidité  elle  emporte  dans  son  long  cortège  de 
chars  les  richesses  du  monde  entier  et  les  voyageurs  qui  lui 
ont  confié  leurs  personnes  !  Voyez  avec  quelle  sûreté  elle  tra- 
verse les  torrents,  franchit  les  abîmes,  contourne  ou  perce  les 
montagnes  !  Dites-moi,  messieurs,  qui  donne  à  cette  merveil- 
leuse et  puissante  machine  le  moyen  de  dévorer  ainsi  l'espace 
et  de  faire  disparaître  ainsi  les  distances  ?  Qui  assure  la  par- 
faite liberté  de  tous  ses  mouvements  ?  Qui  lui  permet  d'utiliser 
ainsi  au  bénéfice  de  l'homme  la  force  irrésistible  de  la  vapeur 
qui  se  forme  dans  son  sein  ?   Ne  sont-ce  pas  les  rails  qui  la 
soutiennent  dans  tout  son  parcours  et  la  dirigent  infaillible- 
ment vers  le  terme  de  sa  course  ?  Que  pourrait-elle  faire  sans 
l'appui  de  ces  rails  ?  Se  plaindra-t-elle  de  leur  immobilité  qui 
assure  la  rapidité  de  sa  marche,  ou  dira-t-elle  que  leur  rigi- 
dité qui  l'empêche  d'aller  s'etfrondrer  dans  la  profondeur  des 
abîmes,  gêne  sa  liberté  ?  Ces  rails  eux-mêmes  ont  la  solidité 
€t  l'immobilité  du  roc,  la  rectitude  qui  conduit  infailliblement 


DISCOURS   DE    MONSEIGNEUR   LAFLÈCHE  245 

au  terme  du  voyage  par  la  voie  la  plus  sûre  et  la  plus  courte. 
Sans  jamais  fléchir  sous  le  poids  de  la  lourde  locomotive,  sans 
jamais  céder  aux  violentes  secousses  qui  la  poussent  à  côté  de 
la  voie,  ils  la  soutiennent  et  la  dirigent  infailliblement  depuis 
le  commencement  jusqu'à  la  fin  de  sa  course.  [App.) 

Cette  locomotive  armée  de  l'énergie  de  la  vapeur,  c'est 
l'Etat  armé  de  la  puissance  du  glaive,  ces  rails  solides  comme 
le  roc,  droit  comme  la  justice,  c'est  l'Eglise  appuyée  sur  son 
fondement  divin  et  douée  du  privilège  de  Tinfaillibilité.  Or 
n'est-il  pas  évident  pour  tout  le  monde  que  la  locomotive  ne 
peut  se  mouvoir  sans  s'appuyer  sur  les  rails  et  qu'elle  ne  peut 
s'en  écarter  dans  sa  marche  sans  tomber  dans  le  précipice  et 
rouler  en  éclats,  jusqu'au  fond  de  l'abîme  ?  Tel  a  été  et  tel  sera 
toujours  le  sort  de  l'Etat  qui  ne  s'appuiera  point  sur  le  fonde- 
ment divin  que  lui  présente  l'Eglise  ou  qui  dans  un  fol 
orgueil  voudra  s'en  séparer,  il  tombera  inévitablement  de 
précipice  en  précipice  et  se  brisera  dans  l'abîme  des  révo- 
lutions. {App.) 

Oui,  messieurs,  l'union  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  est  aussi  né- 
cessaire à  la  marche  progressive  et  au  salut  des  sociétés,  que 
l'union  de  la  locomotive  aux  rails,  l'est  à  la  sûreté  et  au  pro- 
grès des  convois.  Les  hommes  d'Etat  qui  prêchent  aujourd'hui 
avec  tant  de  zèle  la  séparation  de  l'Eglise  et  de  l'Etat,  agissent 
aussi  sagement  que  feraient  des  ingénieurs  qui  prétendraient 
que  désormais  les  locomotives  n'ont  plus  besoin  de  rails  et 
qu'abandonnées  à  elles-mêmes  elles  fonctionneront  avec  plus 
de  liberté.  Quant  au  rapport  de  subordination  qui  résulte  né- 
cessairement de  l'union  de  l'Eglise  et  d(  l'Etat  il  découle  clai- 
rement de  la  nature  môme  de  ces  deux  pouvoirs.  En  tout  ce 
qui  touche  à  l'ordre  religieux  et  moral  l'Etat  est  soumis  à 
l'Eglise  comme  les  individus  qui  le  composent  ;  il  doit  obéir  à 
ses  décisions  et  suivre  ses  directions.  La  puissance  spirituelle 
dirige  les  esprits  vers  la  fin  pour  laquelle  Dieu  a  créé  tout 
iiomme.  La  puissance  temporelle  veille  sur  les  corps  pour  en 
conserver  la  santé  et  la  sécurité  afin  que  l'homme  puisse  plus 
librement  poursuivre  sa  fin  dernière.  Gomme  la  fin  pour  la- 
quelle est  fait  le  corps  est  subordonnée  à  celle  pour  laquelle 

16 


246      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

pst  fait  Tesprit,  les  puissances  qui  dirigent- vers  l'une  et  l'autre 
fm  sont  naturellement  subordonnées  Tune  à  l'autre  dans  la 
même  proportion.  {App.) 

VIII 

Telle  est  la  doctrine  chrétienne  sur  la  subordination  entre 
les  deux  puissances,  entre  le  sacerdoce  et  l'empire,  l'Eglise  et 
l'Etat.  Ce  que  l'âme  est  au  corps,  l'Eglise  l'est  à  la  société. 
Sans  la  justice,  la  morale,  la  religion  et  la  vérité,  la  société 
temporelle  ne  serait  qu'un  cadavre. 

Aussi  lorsque  Dieu  établit  le  peuple  juif  dans  la  terre  pro- 
mise et  le  constitue  comme  peuple,  voyons-nous  que  Moïse, 
son  fidèle  serviteur  et  par  son  ordre,  institue  les  deux  pouvoirs 
dans  la  personne  d'Aaron  et  de  Josué.  En  même  temps,  il 
règle  les  rapports  de  subordination  entre  ces  deux  puissances, 
en  ordonnant  à  Josué,  le  chef  temporel  de  gouverner  le  peuple 
selon  la  loi  de  Dieu,  et  pour  cela  d'étudier  tous  les  jours  cette 
loi  dont  il  recevra  un  exemplaire  de  la  main  du  Grand  Prêtre. 
Dans  les  cas  difficiles  et  douteux,  Josué  consultera  le  Grand 
Prêtre,  qui  lui-même  consultera  le  Seigneur.  Et  selon  que  le 
Seigneur  aura  répondu  au  Grand-Prêtre,  Josué  agira  et  con- 
duira le  peuple. 

N'est-il  pas  évident,  Messieurs,  que  cet  enseignement  de  la 
religion,  si  clair,  et  si  conforme  aux  lumières  de  la  raison  et 
du  bon  sens,  est  en  même  temps  pour  tous  les  peuples  la  plus 
forte  et  la  plus  sûre  garantie  de  la  véritable  liberté.  Non,  le 
peuple  qui  obéit  fidèlement  à  la  loi  de  Dieu,  n'aura  point  à 
subir  le  joug  humiliant  et  cruel  du  despotisme  et  de  la  tyran- 
nie monarchique  ou  démagogique.  Voilà  pourquoi  le  prophète 
proclame  heureux  le  peuple  qui  a  Dieu  pour  maître.  {App.) 

Mais  il  y  a  une  troisième  force  qui  agit  sur  la  société  et 
dont  l'action  incessante  est  de  la  dissoudre  et  de  la  détruire 
complètement,  en  la  soustrayant  à  l'action  des  forces  qui  l'ont 
fait  naître  et  progresser.  Cette  force,  c'est  la  révolution.  Elle 
n'a  jamais  été  aussi  savamment  et  aussi  puissamment  organi- 
sée qu'à  notre  époque.  Jamais  elle  n'a  exercé  une  séduction 
aussi  générale  et  aussi  irrésistible.    Gomme  l'esprit  qui  Fins- 


DISCOURS    DE    MONSEIfiNEUR    LAFLÈCHE  247 

pire,  elle  aime  les  ténèbres  ;  elle  a  son  siège  dans  la  profon- 
deur des  loges  maçonniques  et  des  sociétés  secrètes.  Elle  hait 
souverainement  la  lumière,  parce  que  ses  œuvres  sont  essen- 
tiellement mauvaises.  Le  but  suprême  de  ses  aspirations  est 
le  renversement  de  l'autel  et  du  trône,  l'asservissement,  la 
dégradation  et  l'abrutissement  des  populations.  Ramener 
l'homme  à  l'état  d'une  sauvage  indépendance  et  l'envoyer 
manger  le  gland  des  forets  avec  le  singe  qu'elle  aime  à  lui 
donner  pour  ancêtre,  ou  lui  imposer  le  joug  d'une  autorité 
brutale  comme  au  bœuf  stupide  afin  de  le  mieux  exploiter, 
voilà  pour  la  révolution,  l'idéal  de  la  perfection  humaine.  Le 
bonheur  suprême  qu'elle  rêve  pour  l'homme  est  celui  du  che- 
val et  du  mulet  !  Sicut  cquus  et  mulus  quitus  non  est  intellectus. 
Comme  le  cheval  et  le  mulet  qui  n'ont  point  d'intelligence. 
Tel  est  l'homme  que  rêve  la  révolution.  Le  nombre  de  ses 
dupes  est  incalculable,  et  leur  aveuglement  est  incroyable. 
Elle  se  recrute  partout.  Elle  pénètre  dans  les  conseils  des 
souverains,  et  elle  trouve  des  dupes  et  môme  des  complices 
jusqu'au  pied  des  trônes  qu'elle  veut  renverser  !  Et  faut-il  le 
dire,  elle  pénètre  quelquefois  dans  les  rangs  du  sanctuaire  et 
y  réalise  la  prophétie  de  Daniel,  en  faisant  entrer  l'abomina- 
tion de  la  désolation  dans  le  lieu  saint  ! 

Oui,  Messieurs,  il  est  inutile  de  se  le  dissimuler,  les  sociétés 
secrètes  et  maçonniques  à  notre  époque,  toutes  reliées  entre 
elles  par  une  organisation  ténébreuse  et  infernale,  forment 
une  véritable  église  satanique  répandue  dans  tous  les  pays. 
Elles  ont  l'unité  dans  la  haine  du  Seigneur  et  de  son  Christ  et 
elles  lui  ont  juré  une  guerre  à  mort  dans  la  personne  de  ses 
deux  représentants  sur  la  terre,  le  souverain  spirituel  et  le 
souverain  temporel.  Elles  ont  réussi  à  organiser  la  terreur 
par  le  poignard,  et  à  imposer  à  leurs  infortunées  dupes,  le  joug 
le  plus  despotique  qui  ait  jamais  dégradé  l'homme  !  Liés  par 
les  serments  les  plus  terribles,  les  adeptes  sont  obligés  d'obéir 
sous  peine  de  mort,  à  des  chefs  absolument  inconnus,  et  d'exé. 
cuter  sans  examen  ni  discussion  les  ordres  qui  leur  sont  don- 
nés, fallût-il  pour  cela  commettre  les  crimes  les  plus  atroces, 
l'incendiât,  l'assassinat,  le  régicide. 


248      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Cependant  cette  force  révolutionnaire  et  destructive  de  tout 
ordre  social,  est  en  la  puissance  du  Seigneur  et  de  son  Christ. 
Elle  lui  sert  à  châtier  et  punir  les  rois  et  les  peuples  coupables. 
Quand  l'autorité  légitime  n'a  plus  de  prise  sur  eux  et  est  im- 
puissante à  leo  ramener  dans  le  chemin  du  devoir  et  de  l'obéis- 
sance, le  Seigneur  les  abandonne  au  pouvoir  de  la  révolution 
pour  les  briser  comme  un  vase  d'argile  :  C'est  ainsi  que  celui 
qui  habite  dans  les  cieux  se  rit  et  se  moque  des  projets  insen- 
sés et  des  complots  que  forment  les  peuples  et  les  princes 
rebelles  à  sa  loi  sainte  pour  secouer  le  joug  si  suave  de  son 
Eglise,  joug  qu'il  leur  a  imposé  pour  les  conduire  sûrement 
dans  le  chemin  de  la  véritable  liberté  et  les  faire  arriver  heu- 
reusement au  bonheur.  {App.) 

Voilà  ce  que  nous  enseigne  l'histoire  parfaitement  d'accord 
avec  la  révélation  sur  ce  sujet  important. 

En  effet,  voici  l'enseignement  des  livres  saints  sur  la  royauté 
du  Christ  ;  nous  le  trouvons  résumé  dans  le  second  psaume 
de  David  : 

"  Le  Seigneur  m'a  dit  :  tu  es  mon  fils,  je  t'ai  engendré  au- 
"  jourd'hui...  je  te  donnerai  les  nations  en  héritage  et  les 
"  limites  de  ton  empire  s'étendront  jusqu'aux  extrémités  de  la 
"  terre."  "  Ainsi  j'ai  été  établi  roi  sur  la  montagne  sainte  de 
"  Sion,  et  je  dois  gouverner  les  peuples  par  les  préceptes  du 
"  Seigneur." 

Voilà  qui  est  clair!  Dieu  le  père  a  donné  la  roynuté  de  ce 
monde  à  son  fils  unique  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  parce 
que  ce  fils  l'a  racheté  au  prix  de  son  sang  et  le  père  l'a  ainsi 
établi  roi  de  ce  monde  pour  y  faire  régner  la  loi  suprême  de 
la  vérité,  de  la  justice  et  de  la  paix.  Or  le  pouvoir  de  faire 
connaître  et  observer  la  loi  du  Seigneur  ;  Jésus-Christ  l'a 
délégué  à  son  Eglise.  Ce  pouvoir  respecté  et  obéi,  assure  le 
règne  de  la  véritable  liberté  ! 

Mais  le  Père  ajoute  :  "Tu  les  gouverneras  avec  un  sceptre 
de  fer."  C'est-à-dire  quand  les  hommes  résisteront  à  la  force 
morale,  et  qu'ils  refuseront  d'entendre  la  vérité,  et  de  se  sou- 
mettre à  ma  loi  sainte,  alors  tu  les  soumettras  à  un  régime 
plus  sévère,  tu  les  gouverneras  avec  une  verge  de  fer,  afin 


DISCOURS   DE   MONSEIGNEUR    LaFLÈCHE  249 

de  les  ramener  à  l'obéissance  et  à  l'observation  de  ma  loi 
sainte. 

Cette  puissance  du  glaive  que  Jésus-Christ  a  reçue  de  son 
père,  il  l'a  déléguée  au  prince  temporel  qu'il  a  élevé  à  la 
dignité  de  son  ministre,  en  lui  enjoignant  de  s'en  servir  pour 
la  protection  du  bien  et  la  répression  des  méchants. 

"  Et  tu  les  briseras  comme  un  vase  d'argile,"  continue  le 
Seigneur  parlant  toujours  à  son  fils.  C'est-à-dire,  quand  les 
hommes  en  viendront  à  ce  degré  de  perversité,  qu'ils  ne  vou- 
dront plus  se  soumettre  ni  au  Pontife  de  l'Eglise  que  tu  as 
établi  ton  vicaire  et  ton  représentant,  ni  au  souverain  temporel 
que  tu  as  constitué  ton  ministre  avec  le  pouvoir  du  glaive  ;  tu 
les  livreras  au  bras  destructeur  de  la  révolution,  et  tu  les  bri- 
seras comme  l'on  brise  un  vase  d'argile."  Voilà  exprimée  ici 
bien  clairement  la  puissance  révolutionnaire  comme  relevant 
de  l'autorité  de  Jésus-Christ,  et  faisant  les  fonctions  de  bour- 
reau à  l'égard  des  peuples  et  des  souverains  criminels  et  in- 
corrigibles, voués  à  la  destruction  et  à  une  ruine  complète. 

Le  prophète  en  terminant  donne  cet  avertissement  solennel 
aux  rois  et  aux  puissants  qui  règlent  le  sort  des  nations  :  "■  Et 
"  maintenant,  ô  rois,  soyez  assez  intelligents  pour  comprendre 
"  ces  choses  ;  et  vous  qui  jugez  la  terre,  instruisez-vous.  Ser- 
"  vez  le  Seigneur  dans  la  crainte...  et  soumettez-vous  à  sa  loi 
"  sainte,  de  peur  que  vous  ne  trouviez  votre  ruine  en  vous 
"  écartant  du  sentier  de  la  justice." 

Concluons  donc.  Messieurs,  et  reconnaissons  que  l'Eglise 
est  la  véritable  sauvegarde  de  la  liberté  de  l'homme  et  de  la 
société  ;  que  les  peuples  voient  infailliblement  diminuer  leur 
liberté  à  mesure  qu'ils  se  soustraient  à  sa  douce  influence  et 
à  son  paternel  contrôle  ;  enfin  qu'il  n'y  a  plus  de  liberté 
pour  les  nations  qui  tombent  sous  le  joug  de  fer  de  la  révolu- 
tion et  que  tôt  ou  tard,  elles  doivent  disparaître  comme  société, 
si  elles  ne  peuvent  réussir  à  briser  et  à  secouer  ce  joug  de 
mort  pour  revenir  à  la  liberté  des  enfants  de  Dieu.  {Salve  d'ap- 
plaudissements.) 


250      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

M.  le  président  soumit  ensuite  les  résolutions  des  divers 
bureaux,  (voir  p.  192.)  Ces  résolutions  ou  vœux  rerurent  l'ap- 
probation unanime  du  Congrès. 

Puis  M.  le  juge  Routier,  président  actif  du  Congrès,  adressa 
quelques  mots  de  remerciements  à  tous  ceux  qui  avaient  prêté 
leur  concours  au  Congrès  catholique,  et  spécialement  à  l'Uni- 
versité-Laval  pour  avoir  si  généreusement  ouvert  ses  salles 
aux  réunions  publiques  et  aux  divers  bureaux,  qui  avaient 
délibéré  pendant  les  deux  derniers  jours. 


RÉPONSE  DU  SOUVERAIN-PONTIFE  AU  TÉLÉGRAMME 


Voici  le  texte  du  télégramme  adressé  au  président  du  Con- 
grès catholique  par  le  cardinal  Simeoni  : 

"  Summus  Pontifex  catholicis  canadiènsibus  Quebeci  coa- 
"  dunatis  apostolicam  benedictionem  peramanter  impertitur. 

En  voici  la  traduction  : 

"  Le  Souverain  Pontife  accorde  de  grand  cœur  sa  bénédic- 
"  tion  apostolique  aux  catholiques  canadiens  réunis  en  Con- 
"  grès  à  Québec. 


CLOTURE  DU  CONGRES. 


DIMANCHE,  27  JUIN. 


La  clôture  définitive  du  Congrès  catholique  avait  lieu 
dimanche  matin,  à  la  chapelle  de  la  congrégation  de  la  Haute- 
Ville,  par  une  messe  basse,  à  laquelle  assistaient  un  grand 
nombre  de  membres  du  clergé,  tant  de  la  ville  que  d'ailleurs, 
les  membres  du  Cercle  catholique  et  plusieurs  délégués. 
Cette  cérémonie,  rehaussée  par  la  musique,  à  été  très  solen- 
nelle.   La  messe  a  été  dite  par  le  Révd  Père  Hamon,  et  M. 


SERMON   DE   M.   P.   N.    BRUCHÉSI  251 

l'abbé  Bruchési,  Docteur  en  théologie,  et  professeur  de  théo- 
logie à  rUniversité-Laval,  a  fait  un  sermon  remarquable  sur 
l'Eglise,  le  rôle  bienfaisant  qu'elle  a  joué  dans  le  monde  et  le 
respect  et  l'amour  profond  que  nous  lui  devons. 

La  cérémonie  s'est  terminée  par  le  chant  du  Te  Deum,  suivi 
ûe  la  bénédiction  du  St-Sacrement. 


SERMON  SUR  L'AMOUR  DE  L'EGLISE. 

PAR    M.    l'abbé   p.    N.    bruchési. 


Si  oblilus  fuero  lui  Jérusalem,  oblivioni  detur 
dextera  mea. 

Si  Jamais  je  l'oublie,  ô  Jérusalem,  que  ma  main , 
droite  soit  vouée  à  l'oubli.  (Ps.  cxxxvii,  v.  5). 

Mes  Frères^ 

Nos  grandes  fêtes  s'achèvent,  et  en  venant  les  clore  avec 
vous  au  pied  des  saints  autels,  je  ne  puis  m'empôcher  d'adres- 
ser à  l'Eglise  notre  Mère  ces  paroles  du  Roi-Prophète,  qui 
sont  à  la  fois  l'expression  de  l'action  de  grâces  et  un  serment 
de  fidélité.  C'est  l'Eglise  en  effet  qui  a  fait  l'objet  de  vos  tra- 
vaux et  de  vos  discours,  c'est  pour  elle  que  vous  avez  organisé 
votre  Congrès  ;  l'Episcopat  de  notre  pays,  et  de  nobles  frères 
en  qui  la  science  salue  ses  maîtres  et  que  la  France  regarde 
comme  ses  Apôtres,  ont  uni  leurs  voix  aux  vôtres  pour  célé- 
brer ses  gloires,  et  pour  montrer- que  dans  la  fidélité  à  ses  lois 
est  le  secret  du  bonheur  et  de  la  prospérité  des  peuples.  Elle 
a  reçu  les  premiers  hommages  de  nos  cœurs,  c'est  à  elle  aussi 
que  sera  consacré  ce  dernier  discours  :  "■  Si  ohlitus  fuero  tui 
Jérusalem^  ohllmoni  detur  dextera  mea  !  " 

Sans  doute,  une  différence  immense  existe  entre  notre  mo- 
deste Congrès  de  Québec  et  les  solennelles  assises  auxquelles 
l'Europe  entière  a  pris  part  dans  ces  dernières  années.  Nous 
n'avons  pas  à  souffrir  ici  des  luttes  cruelles  qui  déchirent  le 
vieux  monde  ;  nous  n'en  sommes  pas  réduits  à  revendiquer 
le  droit  de  servir  Dieu  avec  liberté  et  de  donner  aux  enfants 


252      PREMIER  CONGRES  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

(le  notre  sol,  rinstriiction  chrétienne  qui  seule  fait  les  vrais 
savants  et  les  parfaits  citoyens. 

Les  ordres  religieux  qui  ont  consacré  notre  pa -s  par  leurs 
travaux,  leurs  vertus  héroïques,  et  l'effusion  de  leur  sang 
n'ont  pas  trouvé  ici  des  ingrats  qui  les  poursuivent  de  leurs 
injures  et  de  leur  haine.  Jésus-Christ  est  le  Roi  de  nos  âmes, 
et  nous  ne  discutons  pas  pour  savoir  s'il  doit  être  banni  du  mi- 
lieu de  nous.  Nous  sommes  un  peuple  libre,  et  l'Eglise  trouve 
ici  une  famille  dévouée,  soumise  et  ne  formant  qu'un  cœur. 

Aussi,  n'est-ce  pas  une  manifestation  contre  des  ennemis 
que  vous  avez  provoquée  ;  vous  ne  vous  êtes  pas  réunis  pour 
ouvrir  une  lutte  ni  pour  conquérir  des  droits.  Mais  vous  avez 
tenu  à  témoigner  à  des  frères  persécutés,  et  à  l'Eglise  en 
deuil,  combien  nous  sympathisons  à  leur  tristesse.  Vous  avez 
voulu  jproclamer  que  dans  la  conservation  de  sa  foi  pleine  et 
entière,  le  Canada  trouverait  le  gage  de  son  progrès  et  de  sa 
force  ;  et  de  plus,  suivant  les  inspirations  du  zèle,  vous  vous 
êtes  demandé  comment  vous  pourriez  donner  aux  œuvres  de 
charité  un  plus  vigoureux  essor.  Honneur  à  vous.  Messieurs  ! 
Les  jours  qui  viennent  de  s'écouler  nous  laissent  dé  grands  et 
chers  souvenirs.  Ces  discussions  amicales,  ces  protestations 
solennelles,  ces  affirmations  franchement  catholiques  et  ro- 
maines font  du  bien  au  cœur,  et  ravivent  la  foi  ;  et  personne, 
j'en  suis  sûr,  n'est  sorti  de  vos  séances  sans  se  sentir  animé 
d'un  amour  plus  ardent  pour  l'Eglise  de  Jésus-Christ. 

L'amour  de  l'Eglise  !  Voilà,  Messieurs,  le  sujet  que  je  veux 
traiter  devant  vous  ;  il  m'a  été  inspiré  par  vos  discours,  et  c'est 
aussi  celui  que  mon  cœur  de  prêtre  me  dicte  avant  tous  les 
autres.  Avec  ie  secours  de  la  Vierge  Marie,  je  vous  ferai  voir 
que  nous  devons  à  l'Eglise  un  triple  amour  :  lo  un  amour 
de  complaisance  pour  sa  beauté  ;  2o  un  amour  de  reconnais- 
sance pour  ses  bienfaits  ;  3o  un  amour  de  compassion  pour 
ses  douleurs. 

I 

Dieu,  mes  frères,  est  la  beauté  infinie,  et  chacune  de  ses 
œuvres  exprimant  une  de  ses  pensées  porte  l'empreinte  de  sa 
souveraine  perfection.    Quand  il  eut  fait  le  monde,  il  jeta  sur 


SERMON    DE    M.    P.    N.    BRUCHÉSI  253 

lui  un  regard  de  complaisance  :  "  vidit  Deus  cuncta  quœfecerat 
et  erant  valdè  bona  (1).  L'homme  réjouit  encore  plus  son 
amour,  parcequ'il  voyait  en  lui  sa  ressemblance  et  so7i  image  (2). 
Mais  son  œuvre  par  excellence,  l'œuvre  qui  devait  réaliser 
dans  le  temps  tous  les  merveilleux  desseins  de  sa  miséricorde, 
réunir  toutes  les  beautés  et  toutes  les  grandeurs,  était  son 
Eglise.  Lui  seul  la  voit  telle  qu'elle  est,  et  lui  seul  peut  di- 
gnement en  célébrer  les  gloires.  Pour  la  créer,  il  a  épuisé 
tout  l'amour  de  son  Cf^'ur  ;  c'est  au  milieu  d'elle  surtout  qu'il 
fait  sentir  sa  présence  ;  sa  Providence  qui  la  protège  lui  ré- 
serve sa  .plus  vive  tendresse;  il  en  est  le  principe,  il  en  est 
aussi  la  vie  et  la  fin  suprême  ;  il  lui  a  prodigué  ses  grâces  et 
a  voulu  faire  resplendir  en  elle  de  la  manière  la  plus  écla- 
tante ses  attributs  infinis.  Immense  comme  Dieu  même, 
l'Eglise  dans  son  état  triomphant  est  le  ciel,  la  patrie  du  bon- 
heur et  le  royaume  des  élus.  En  dehors  de  ce  monde,  elle 
est  aussi  ce  lieu  de  souffrances  où  les  âmes  s'épurent,  ache- 
vant de  se  rendre  dignes  de  l'éternelle  vision  qui  les  attend, 
mais  où  retentissent  encore  les  chants  de  l'espérance  et  de 
l'amour.  Ici-bas  les  hommes  l'appelle  leur  libératrice  et  leur 
mère.  Elle  est  le  Verbe  de  vie,  continuant  au  milieu  des 
siècles  sa  mission  de  régénération  des  âmes,  ses  œuvres  de 
dévouement  et  ses  enseignements  infaillibles.  Elle  est  la  bé- 
nédiction céleste  toujours  répandue  sur  nos  têtes,  un  refuge 
dans  notre  détresse,  la  lumière  dans  nos  doutes,  la  consola- 
tion dans  nos  malheurs.  L'Eglise,  c'est  la  mansuétude  dans 
la  force,  l'autorité  dans  l'amour  ;  en  un  mot,  c'est  la  divinité 
et  l'humanité  unies  ensemble,  comprenant  tous  nos  besoins 
d'hommes  et  pouvant  les  satisfaire  en  Dieu. 

O  grande  et  chère  Eglise  !  peut-on  vous  contempler  un  seul 
instant  et  n'être  pas  épris  de  votre  incomparable  beauté  ? 
Vous  avez  la  noblesse  de  la  naissance,  car  vous  êtes  de  sang 
royal  et  divin  ;  le  Christ  est  votre  époux,  votre  cœur  est 
amour,  et  à  la  gloire  d'une  virginité  sans  tache,  vous  unissez 

(1).  Gén.  1,31. 
(2).  Gén.  I,  26. 


254      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIgUE  TENU  A  QUÉBEC 

les  honneurs  de  la  maternité.  Vous  savez,  mes  frères,  de  quelle 
immense  tendresse  l'Eglise  est  le  fruit.  Pour  donner  au  peu- 
ple hébreu  la  constitution  qui  devait  le  régir.  Dieu  avait  parlé 
à  Moïse  au  milieu  des  éclairs  et  des  tonnerres  du  Sinaï  ;  mais 
pour  fonder  l'Eglise  dont  la  synagogue  n'était  que  la  figure, 
le  Verbe  éternel  lui-même  descendit  parmi  nous.  Il  se  fit  petit 
et  pauvre,  passa  de  longues  années  dans  la  retraite  et  le  si- 
lence ;  puis,  lorsqu'il  se  révéla  au  monde,  lorsqu'il  laissa 
tomber  de  ses  lèvres  la  doctrine  sublime  qu'il  avait  puisée 
dans  le  sein  de  son  Père,  et  qui  devait,  en  transformant  les 
âmes,  assurer  le  bonheur  des  peuples,  il  parla  dé  cette  société 
qui  allait  être  ici-bas  une  continuation  de  lui-môme,  et  au 
milieu  de  laquelle  se  conserverait  toujours  pur  le  dépôt  sacré 
qu'il  apportait  du  ciel.  Dans  un  discours  que  dix-neuf  siècles 
n'ont  cessé  de  répéter,  comme  un  chant  d'allégresse  aux  jours 
de  triomphe,  et  comme  un  hymne  d'espérance  aux  jours  de 
malheur,  il  promit  qu'il  fonderait  son  Eglise  et  que  les  portes 
de  l'enfer  ne  prévaudraient  jamais  contre  elle  :  "  œdificaho 
Ecclesiam  meam^  et  portœ  inferi  non  prœvalehunt  advcrsus 
eam"  (l).  Mais  cette  Eglise  devait  être  un  peuple  d'âmes  ca- 
chetées, et  c'est  pour  cela  que  suivant  l'énergique  expression 
de  saint  Paul,  Jésus-Christ  l'a  acquise  au  prix  de  son  sang  : 
"  quam  acquisivit  sanguine  suo  "  (2). 

Un  jour  donc,  après  avoir  été  trahi  par  les  siens,  et  avoir 
enduré  les  tourments  de  l'agonie  et  de  la  flagellation,  il  prit 
sa  croix  sur  ses  épaules,  la  porta  au  Calvaire  et  s'y  laissa 
clouer  ;  et  c'est  à  cet  instant  suprême,  lorsqu'il  se  vit  élevé 
entre  le  ciel  et  la  terre  qu'il  donna  à  l'Eglise  sa  consécration, 
son  baptême,  et  qu'il  en  fit  son  épouse  pour  l'éternité.  Au 
commencement  du  monde,  c'est  du  côté  d'Adam  endormi  que 
le  Créateur  avait  tiré  la  matière  dont  il  fit  la  compagne  de 
l'homme  :  sur  la  croix,  le  nouvel  Adam  dort  aussi  son  divin 
sommeil,  sommeil  de  la  mort  et  de  l'amour.  Un  Juif  déicide 
Ta  percer  d'une  lance  son  côté  sacré,  et  c'est  alors,  nous  disent 

(l)  Math.  XVI,  18. 
^2)  Act.  XX,  28. 


SERMON   DE    M.   P.    N.    BRIJCHÉSI  255 

les  saints  Pères,  que  du  Cœur  de  Jésus-Christ  l'Eglise  sort  ra- 
dieuse avec  les  dernières  gouttes  du  sang  qui  a  régénéré  la 
terre  (1).  Ah  !  pendant  que  les  cieux  contemplaient  cette  mer- 
veille, il  y  avait  -auprès  de  la  croix  des  hommes  qui  blasphé- 
maient et  des  aveugles  qui  ne  voulaient  point  voir  ;  c'est  qu'il 
fallait  que  dès  sa  naissance  l'Eglise  participât  aux  opprobres 
de  Jésus-Christ.  Mais  les  opprobres  du  Juste  sont  le  gage  de 
la  gloire.  Le  moment  où  le  Christ  est  cloué  sur  le  gibet  des 
esclaves  est  aussi  celui  où  sa  royauté  est  proclamée  à  la  face 
de  l'univers.  Or,  l'épouse  participe  aux  triomphes  de  l'époux  ; 
la  gloire  du  souverain  Roi  rejaillit  donc  sur  le  front  de 
rp]glise  ;  et  pendant  qu'elles  rendent  hommage  au  divin  Cru- 
cifié vainqueur  de  la  mort,  la  langue  hébraïque,  la  langue  de 
la  Grèce  et  la  langue  de  Rome  exaltent  aussi  cette  Reine  in- 
comparable sortie  du  Cœur  aimant  de  Jésus-Christ. 

Cette  première  beauté  qui  est  celle  de  sa  naissance,  l'Eglise, 
mes  frères,  la  gardera  toujours.  On  pourra  bien  la  trahir  et  la 
flageller,  la  couvrir  d'un  manteau  d'ignominie  et  lui  cracher 
au  visage,  lui  ravir  son  diadème  et  enfoncer  dans  son  chef 
une  couronne  d'épines,  mais  on  ne  détruira  pas  sa  ressem- 
blance avec  son  divin  Auteur,  et  à  chaque  instant  des  siècles 
elle  entendra  de  la  bouche  même  de  Jésus-Christ  ces  paroles 
du  Cantique  des  cantiques  :  "  Vous  êtes  toute  belle,  ô  ma  bien 
aimée,  et  il  n'y  a  point  de  tache  en  vous,  tota  pulchra  es,  arnica 
mea^  et  macula  non  est  in  te.'"'  (2) 

Oui,  elle  est  belle,  et  sans  examiner  sa  constitution  entière, 
considérez  seulement  deux  traits  de  sa  beauté  qui  font  l'admi- 
ration de  la  terre  et  du  ciel  :  son  unité  et  sa  sainteté. 

L'unité  de  l'Eglise  !  Jamais,  mes  frères,  je  n'ai  pu  la  contem- 
pler sans  me  sentir  ému  jusqu'au  fond  de  Pâme.  Elle  est  en 
effet  un  miracle  permanent  et  la  réalisation  d'une  dès  plus 
sublimes  prières  de  notre  adoré  Sauveur.  Jésus  était  à  la 
Cène,  sur  le  point  de  consommer  son  sacrifice  suprême.  Alors, 

(1)  Ex  latere  suo  Ghrislus  œdificavit  Ecclesiam,  sicut  de  latere  Adam. 
ejus  conjux  Heva  prolata  est.  (S.  Jean  Chrys.  Honi.  84  in  Joan.) 

(2)  Gant.  IV.  7. 


256      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

levant  les  yeux  vers  son  Père,  il  lui  parla  de  ceux  qu'il  avait 
aimés  jusqu'à  la  fin  :  "  Je  ne  prie  pas  pour  eux  seulement,  dit- 
"  il,  mais  encore  pour  ceux  qui  par  leur  parole  croiront  en 
"  moi,  afin  qu'ils  soient  tous  une  seule  chose  comme  vous 
"  mon  Père  êtes  en  moi  et  moi  en  vous."  (1)  Personne  avant 
lui,  n'avait  osé  exprimer  un  vœu  semblable.  Des  philosophes 
avaient  bien  pu  réunir  autour  d'eux  des  disciples,  mais  leur 
école  avait  existé  sur  un  point  du  globe  et  n'avait  duré  qu'un 
jour  ;  Jésus-Christ  demande  et  obtient  que  son  Eglise  soit  de 
tous  les  temps  et  de  tous  les  lieux  :  partout  et  toujours,  ses  fils 
adoreront  le  même  Seigneur,  recevront  le  môme  baptême  et 
vivront  de  la  môme  foi.  Or,  c'est  là  un  spectacle  qui  ravit  nos 
cœurs  !  Transportez-vous  au  Cénacle,  et  interrogez  les  Apôtres, 
partant  pour  la  conquête  du  monde  ;  écoutez  les  chrétiens 
priant  dans  les  catacombes,  ou  chantant  sous  le  dôme  de  St- 
Pierre  ;  prêtez  l'oreille  aux  supplications  qui  s'élèvent  de 
l'humble  chapelle  de  bois  et  des  grandes  basiliques  de  Rome  ; 
interrogez  l'enfant  et  le  vieillard,  les  docteurs  dans  leur  chai- 
res, les  évoques  dans  leurs  conciles,  les  martyrs  devant  leurs 
bourreaux  ;  vous  trouverez  la  môme  profession  de  foi  dans 
toutes  les  bouches,  le  même  cri  s'échappe  de  tous  les  cœurs  : 
"  Credo  in  unum  Deum  !  Je  crois  en  un  seul  Dieu,  je  crois  en 
"  Jésus-Christ,  je  crois  en  la  sainte  Eglise."  Les  voix  de  l'exil 
chantent  avec  les  voix  de  la  patrie.  Après  dix  neuf  siècles, 
notre  symbole  est  le  symbole  des  Apôtres  ;  nous  croyons  ce 
qu'ont  cru  nos  pères,  et  si  comme  eux  nous  devions  un  jour 
choisir  entre  l'abjuration  de  nos  croyances  et  la  mort,  comme 
eux  nous  proclamerions  notre  foi  avec  courage,  et  avec  le  se- 
cours divin  nous  saurions  verser  comme  eux  jusqu'à  la  der- 
nière goutte  de  notre  sang. 

A  côté  des  âmes  qui  sont  enseignées,  il  y  a  partout  le  sacer- 
doce, répandant  la  même  lumière  et  exerçant  les  mêmes  pou- 
voirs, partout  et  à  chaque  instant  de  sa  durée  l'Eglise  députe 
un  de  ses  ministres  qui  tient  élevé  au-dessus  du  monde  la 
divine  Victime  qui  prie  et  qui  adore  ;  partout  il  y  a  l'homme 

(1)  Joan.  XVII.  20,  23. 


SERMON    DE    M.   P.    N.    BRUCHÉSI  257 

pécheur  qui  s'accuse  et  l'homme  consacré  qui  pardonne.  Ad- 
mirable unité  de  l'Eglise,  ô  beauté  immortelle,  au-dessus  de 
vous,  je  ne  vois  que  l'essence  infinie  de  notre  Dieu  ! 

Mais  comment  divine  épouse  du  Christ,  ne  pas  rendre  aussi 
hommage  à  la  sainteté  qui  brille  en  vous,  avec  tant  d'éclat  ? 
Vous  êtes  sainte  dans  votre  principe,  sainte  dans  votre  fin, 
sainte  dans  votre  dogme  et  dans  vos  lois,  sainte  dans  ces  in- 
nombrables fils  que  vous  avez  donnés  au  ciel.  Votre  fécondité, 
ô  Vierge-Mère,  a  toujours  été  la  même  en  dépit  des  siècles  qui 
s'accumulent  sur  votre  tête  ;  vous  pouvez  vous  glorifier  de 
vos  douze  millions  de  martyrs,  et  toutes  les  classes  de  la  so- 
ciété ont  à  vous  bénir  des  exemples  de  magnanimes  vertus 
que  vous  leur  avez  offerts.  Vous  avez  sanctifié  des  enfants 
comme  saint  Cyrille,  des  jeunes  filles  comme  sainte  Agnès,  dos 
hommes  dans  la  force  de  l'âge,  comme  saint  Laurent,  des  vieil- 
lards comme  saint  Polycarpe,  des  bergères  comme  sainte  Gene- 
viève, des  servantes  comme  sainte  Zite,  des  mendiants  comme 
le  bienheureux  Labre,  des  pontifes  et  des  prêtres,  des  rois  et 
des  reines  sur  leurs  Irônes,  des  mères  dans  leurs  familles,  des 
ermites  dans  leurs  déserts,  des  vierges  dans  leurs  cloîtres,  des 

hommes  libres  et  des  esclaves 0  Eglise  !  recevez  donc 

les  hommages  de  vos  enfants.  Fille  du  ciel,  épouse  d'un  Dieu, 
nous  vous  aimons  et  nous  admirons  votre  impérissable  beauté  ! 
Vous  êtes  belle  sous  votre  robe  blanche  de  vierge  et  sous  la 
robe  empourprée  du  sang  de  vos  martyrs  ;  vous  êtes  belle  en- 
tourée de  vos  enfants,  vous  êtes  belle  dans  l'unité  de  votre  foi 
et  la  sainteté  de  votre  vie,  vous  êtes  belle  résumant  toutes  les 
gloires,  toutes  les  beautés  créées,  et  manifestant  à  nos  regards 
la  beauté  infinie,  Tota  pulchra  es  et  macula  non  est  in  te  ! 

II 

'J'ai  dit  en  second  lieu  que  nous  devons  à  l'Eglise  un  amour 
de  reconnaissance,  et  ici,  il  suffit  de  laisser  parler  le  cœur. 
C'est  à  elle  en  effet  que  nous  sommes  redevables  de  tout  ce 
que  nous  sommes,  et  pour  racontei  ses  bienfaits,  il  faudrait 
écrire  l'histoire  de  tout  ce  que  le  genre  humuiii  a  contemplé 
de  pur,  de  grand  et  de  beau.  Si  elle  ressemble  à  son  Auteur  par 


258      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

son  unité  et  sa  sainteté  constantes,  elle  nous  le  représente  aussi 
par  cette  providence  maternelle  qu'elle  étend  jusqu'au  plus 
humble  de  ses  enfants.  Nous  aimons  nos  mères  suivant  la  na- 
ture, et  c'est  un  devoir  de  la  justice  la  plus  sacrée  ;  pourtant 
nos  mères  ne  nous  ont  donné  que  la  vie,  l'Eglise  notre  mère 
selon  la  grâce  nous  a  ouvert  le  ciel.  Elle  nous  a  régénérés 
dans  les  eaux  de  son  baptême,  et  nous  a  appris  à  prier.  En- 
fants, nous  avons  reçu  d'elle  le  plus  pur  lait  de  sa  doctrine,  et 
plus  tard,  nous  conviant  à  la  table  de  son  festin,  elle  a  nourri 
nos  âmes  du  froment  des  élus  et  du  vin  qui  fait  germer  les 
vierges.  Elle  a  entouré  notre  jeunesse  de  sa  plus  tendre  solli- 
citude, nous  a  fortifiés  dans  nos  luttes,  consolés  dans  nos  tris- 
tesses, relevés  dans  nos  abattements,  éclairés  dans  nos  incerti- 
tudes ;  et  toujours  elle  a  donné  à  nos  esprits  la  vérité,  et  à  nos 
cœurs  la  grâce  dont  ils  avaient  besoin.  Oh  !  mes  frères,  comme 
il  est  doux  de  parler  d'une  mère  si  bonne  !  Gomme  j'ai  tres- 
sailli de  bonheur  en  vous  entendant  durant  ces  jours  célébrer 
ses  louanges  et  lui  dire  votre  dévouement  filial  ;  et  avec  quelle 
joie  sainte  je  m'unis  maintenant  à  vous  pour  affirmer  devant 
Dieu  et  au  pied  de  son  tabernacle  que  l'amour  de  l'Eglise 
romaine  est  mon  plus  fort  et  mon  plus  tendre  amour  ! 

Salut  donc,  ô  chère  Eglise  !  Salve  magna  parens  !  Vous  êtes 
notre  mère  à  chacun  de  nous,  mais  vous  êtes  aussi  la  mère 
des  peuples,  et  il  est  facile  de  le  montrer. 

L'Eglise,  mes  frères,  semblait  bien  faible,  lorsque  docile  à 
Tordre  que  le  Christ  lui  avait  donné,  elle  entreprit  la  transfor- 
mation du  monde.  Elle  savait^de  plus  qu'elle  rencontrerait 
des  obstacles,  qu'elle  aurait  à  lutter  et  à  souffrir  ;  mais  souf- 
frir ne  lui  faisait  point  peur,  pourvu  qu'elle  conquit  des  âmes, 
et  elle  s'avança  vers  les  nations  païennes,  ayant  pour  seuls 
moyens  de  victoire  :  la  croix  de  son  Dieu,  l'autorité  de  sa  pa- 
role et  l'amour  de  son  cœur.  A-t-elle  réussi  ?...  Messieurs,  il 
suffit  d'ouvrir  l'histoire. 

Le  monde  était  pour  ainsi  dire  un  grand  athée  ;  le  Créateur 
ne  recevait  pas  les  hommages  qui  lui  sont  dus,  et  en  dehors 
d'un  petit  peuple  qu'il  avait  lui-même  instruit,  quelques  âmes 
à  peine  savaient  s'élever  jusqu'à  lui  par  l'amour.    Les  philo- 


SERMON    DE    M.   P.    N,    BRUCHÉSI  259 

sophes  avaient  écrit,  il  est  vrai,  sur  la  Divinité  des  choses 
admirables  ;  aucun  pourtant  n'avait  encore  dit  qu'elle  devait 
être  aimée. 

L'Eglise  établit  sur  la  terre  l'amour  de  Dieu,  elle  prêcha 
aux  petits  et  aux  grands,  dans  les  humbles  bourgades  comme 
devant  l'Aréopage  d'Athènes,  et  sa  parole  lut  triomphante.  Les 
idoles  tombèrent  en  poussière,  les  sacrifices  humains  cessè- 
rent, une  Hostie  sans  tache  remplaça  sur  les  autels  des  vic- 
times impures,  Dieu  eut  ici-bas  des  millions  d'adorateurs  ;  les 
âmes  vécurent  de  lui  et  pour  lui,  et  l'aimèrent  jusqu'à  l'abné- 
gation, jusqu'à  la  souffrance,  jusqu'à  l'effusion  du  sang. 

L'homme  n'aimait  point  l'homme.    Egoïste  dans  ses  affec- 
tions il  ne  recherchait  que  son  bien  propre  ;  le  prochain  lui 
était  inconmt,  et  l'Apôtre  pouvait  un  jour  sans  crainte  d'être 
démenti  jeter  à  la  face  de  la  fière  cité  des  Césars  cette  flétris- 
sante parole  :  Vous  êtes  sans  entrailles,  sans  affection  et  sans 
amour,  sine  affectione...  absque  fœdere...  odientes  invicem...  sine 
misericordia  (1).    Le  plus  grand  des  orateurs  païens  enseignait 
que  l'étranger  est  un  ennemi  l2)  ;  le  sort  du  vaincu  à  la  guerre 
était  l'esclavage  ou  la  mort,  et  pour  l'esclave  lui-môme,  rebut 
de  la  société,  il  n'y  avait  de  bon  que  le  supplice  de  la  croix  (3). 
L'Eglise  a  prêché  une  autre  morale  ;  elle  a  enseigné  aux 
hommes  qu'ils  étaient  tous  des  frères,  que  l'amour  du  prochain 
ne  pouvait  pas  se  séparer  de  l'amour  de  Dieu,  qr.3  les  malheu- 
reux surtout  étaient  dignes  de  compassion,  et  que  l'esclave  lui 
aussi  avait  au  ciel  un  Père  et  un  Sauveur  qui  était  mort  pour 
le  racheter.   Et  partout  où  cette  voix  de  l'Eglise  fut  entendue, 
la  douceur  et  la  pitié  succédèrent  à  la  barbarie,  l'égoïsme  fit 
place  à  la  charité  fraternelle,  et  les  esclaves  virent  les  chaînes 
tomber  de  leurs  mains.     La  famille  avait  perdu  toute  dignité 
et  tout  honneur,  la  femme  était  méprisée  ;  dans  le  coeur  pa- 
ternel, l'amour  était  sacrifié  aux  plus  brutales  passions,  et  une 
loi  romaine  allait  jusqu'à  ordonner  au  père  de  famille  de  tuer 

(1)  Ep.  aux  Rom.  c.  1.  v.  29,  30,  31,  à  Tite  c.  IIl.  v.  3. 

(2)  Gicéron  de  Offic.  1.  XII. 

(3)  Juv.  VI,  219-223. 


260      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

son  enfant  infirme  ou  contrefait  :  "  Puerum  pater  cito  ne- 
cato !""...  (1)  A  ces  sentiments  indignes,  l'Eglise  opposa  la  su- 
blime doctrine  du  mariage  chrétien,  elle  fit  voir  en  lui  un 
divin  sacrement  qui  produit  la  grâce  dans  les  âmes  ;  et  comme 
idéal  de  l'amour  chaste  qu'elle  commandait  elle  offrit  son  in- 
dissoluble union  avec  Jésus-Christ,  "  Viri  diligite  uxores  ves- 
tras  sicut  et  Christus  dilexit  Ecclesiam  "  (2).  Elle  a  fait  respecter 
l'enfant  d'un  jour,  et  aux  malheureux  abandonnés  elle  a  tendu 
les  bras  et  ouvert  son  cœur. 

Jamais  le  paganisme  n'avait  secouru  l'indigence,  jamais  il 
n'avait  songé  à  construire  un  hospice  pour  la  vieillesse  sans 
secours,  et  pour  la  douleur  ;  l'Eglise  recueillit  les  malades  et 
les  délaissés,  leur  prodigua  ses  soins  de  mère,  et  les  plaça  dans 
ces  admirables  palais  que  notre  langue  française  a  appelés 
des  hôtels-Dieu  !... 

Les  peuples  courbés  devant  le  pouvoir  ne  se  soumettaient 
qu'à  un  homme,  l'Eglise  leur  apprit  leur  dignité  ;  elle  leur 
enseigna  que  l'autorité  vient  du  ciel,  et  en  leur  disant  d'incli- 
ner leurs  fronts,  elle  les  fit  obéir  à  Dieu. 

Les  sciences  avaient  besoin  de  lumière,  l'Eglise  les  leur 
donna  avec  largesse.  Il  fallait  aux  arts  un  soufîle  plus  pur, 
l'Eglise  leur  fit  trouver  des  inspirations  nouvelles  dans  la  doc- 
trine que  son  Dieu  lui  avait  révélée.  C'est  elle  qui  créa  l'Eu- 
rope et  civilisa  les  Barbares.  Elle  Ld- *isa  notre  mère-patrie, , 
en  fit  sa  fille  aînée,  ceignit  son  froiJ  H  une  couronne  et  sacra 
ses  rois.  Aux  siècles  appelés,  bien  à  tort,  des  siècles  de  ténè- 
bres, elle  conservait  dans  ses  bibliothèques  les  trésors  de  l'es- 
prit humain,  elle  couvrait  le  sol  de  ses  monastères  et  élevait , 
ces  temples  gigantesques  que  les  âges  admireront  toujours.  Et 
nous.  Messieurs,  petit  peuple  privilégié  entre  tant  d'autres,  ne 
pouvons-nous  pas  dire  que  c'est  en  l'Eglise  comme  en  Dieu, 
que  nous  avons  l'être,  le  mouvement  et  la  vie  ? 

Mais  le  bienfait  particulier  de  l'Eglise  sur  lequel  je  veux 
attirer  votre  attention,  c'est  la  conservation  de  la  vérité  ici-bas. 

(1)  Loi  des  XII  Tables. 

(2)  Ep.  aux  Ephés.  v,  25. 


SERMON    DE    M.    P.    N,    BRUCHÉSI  261 

La  vérité  !  messieurs,  c'est  le  besoin  de  notre  intelligence  ; 
nous  la  poursuivons  sans  cesse,  elle  fait  notre  bonheur  et 
aussi  notre  tourment  ;  car  notre  vie  est  courte,  nous  sommes 
bornés  et  sujets  à  l'erreur,  nos  découvertes  sont  lentes,  nos 
recherches  souvent  sans  résultat  ;  et  le  doute,  vous  le  savez,  le 
doute  cruel  a  donné  la  mort  à  bien  des  âmes  qui  voulaient 
n'interroger  qu'elles-mêmes.  O  mon  Dieu  !  grâces  vous  soient 
éternellement  rendues  de  nous  avoir  donné  l'Eglise.  En  elle 
nous  avons  la  boussole  qui  nous  guide  et  le  flambeau  qui 
nous  éclaire  ;  avec  elle  nous  sommes  forts  et  certains  ;  sa  voix 
est  mfaillible,  et  en  l'écoutant,  nous  savons  que  nous  possé- 
dons la  vérité  et  que  nous  marchons  vers  vous.  En  dehors 
d'elle,  il  n'y  a  que  tâtonnement  et  qu'erreur  ;  avec  elle  nous 
sommes  dans  la  lumière,  et  toute  incertitude  est  bannie  de 
notre  intelligence. 

Soyons  donc  reconnaissants,  mes  frères,  envers  l'Infinie 
bonté  qui  a  daigné  venir  ainsi  au  secours  de  notre  faiblesse. 
Qu'on  ne  nous  d^  je  pas  que  l'Eglise  nous  humilie  parce  qu'elle 
nous  éclaire,  et  qu'elle  nous  rend  esclaves  parce  qu'elle  nous 
enseigne  la  vérité  que  nous  cherchons.  La  vérité  est  la  grande 
libératrice  des  âmes,  et  voilà  pourquoi,  infaillible  Eglise  !  c'est 
pénétrés  de  la  plus  vive  reconnaissance,  et  à  genoux  devant 
vous,  que  nous  recevons  les  décisions  et  les  conseils  tombés  de 
vos  lèvres  sacrées  ! 

Tourmenté  pendant  longtemps  par  un  système  philosophi- 
que dont  il  ne  pouvait  pas  découvrir  le  sophisme,  un  illustre 
religieux  de  notre  siècle  était  allé  consulter  ce  Siège  de  Pierre, 
auquel  tous  les  esprits  s'adressent  et  par  qui  toutes  les  lu- 
mières sont  si  sûrement  et  si  généreusement  données.  Une 
seule  parole  de  Rome  suffît  pour  dissiper  ses  doutes  et  faire 
briller  à  ses  yeux  la  vérité  ;  et  de  retour  dans  sa  patrie,  il  en- 
tonna, en  l'honneur  de  l'Eglise,  cet  hymne  de  sa  reconnais- 
sance :  "  0  Rome,  Dieu  le  sait,  je  ne  t'ai  point  méconnue 
"  pour  n'avoir  pas  rencontré  de  rois  prosternés  à  tes  portes. 
"  J'ai  baisé  ta  poussière  avec  un  respect  indicible  ;  tu  m'es 
"  apparue  ce  que  tu  es  véritablement  :  la  bienfaitrice  du  genre 
"  humain  dans  le  passé,  l'espérance  de  son  avenir,  la  seule 


"262      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

"  grande  chose  aujourd'hui  vivante  en  Europe,  la  captive 
•'  d'une  jalousie  universelle,  la  reine  du  monde  !  Voyageur 
•'  suppliant,  j'ai  rapporté  de  toi,  non  de  l'or,  ou  des  parfums, 
•'  ou  des  pierres  précieuses,  mais  un  bien  plus  rare,  plus  in- 
•'■  connu,  la  vérité.  Une  parole  prophétique  est  sortie  de  ton 
"  sein,  et  lorsque  le  temps  aura  fait  un  pas,  lorsque  sera  ac- 
■'  compli  ce  qui  doit  s'accomplir,  cette,  parole  méconnue  du 
•'  monde  présent  qui  ne  sait  rien,  éveillera  dans  son  tombeau 
''  le  Pontife  qui  en  a  été  l'organe  pour  qu'il  puisse  entendre 

•'  les  acclamations  de  la  postérité"  ! (1) 

Voilà,  mes  frères,  les  sentiments  qui  doivent  nous  animer 
ous  ;  et  en  songeant  à  toutes  ces  paroles  prophétiques  tombées 
de  la  bouche  des  souverains  Pontifes,  en  songeant  surtout  à 
ceSyllabus  destiné  à  être  le  code  fondamental  de  toute  société 
chréti..nne,  vouons  à  l'Eglise  le  plus  grand  amour  de  nos 
oœurs.  Oui,  à  l'Eglise  notre  reconnaissance,  car  on  ne  saurait 
trop  le  proclamer  :  elle  est  la  bienfaitrice  de  nos  esprits,  la 
gardienne  de  nos  âmes,  la  mère  des  individus,  la  mère  et  la 
libératrice  des  peuples. 

m 

Mais,  mes  frères,  malgré  l'immortelle  beauté  dont  elle  brille, 
et  les  bienfaits  qu'elle  n'a  cessé  de  répandre  à  pleines  mains, 
l'Eglise  a  eu  et  aura  toujours  sur  la  terre  d'amères  douleurs, 
et  c'est  à  ce  titre  qu'elle  a  droit  à  notre  amour  de  compassion. 
Son  divin  Epoux  a  été  l'homme  de  douleur,  elle  ne  pouvait  pas 
avoir  un  autre  sort  que  le  sien.  Il  est  impossible  d'aimer,  il  est 
impossible  d'être  mère  sans  beaucoup  souffrir.  Or,  qui  jamais 
pourra  dire  tout  l'amour  de  l'Eglise  ?  Ayant  pour  mission 
ici-bas  de  sauver  les  âmes,  elle  voudrait  les  sauver  toutes,  et 
la  seule  pensée  de  leur  perte  crée  à  son  cœur  la  première  et 
la  plus  continuelle  de  ses  angoisses.  Le  sublime  dialogue 
entre  Jésus-Christ  et  son  Apôtre  se  fait  encore  entendre  au 
milieu  des  siècles  :  "  Eglise  catholique,  dit  Jésus,  m'aimes- 
tu  ?  " — "  Seigneur,  répond  l'Eglise,  vous  savez  que  je  vous 
aime.  " — "  Pais  donc  mes  agneaux  et  mes  brebis.  "    Mais  l'E- 

(1)  Lacordaire.  Considérations  sur  le  système  de  Lamennais,  fin. 


SERMON    DE    M.    P.    N.    BRUCHÉSI  263 

glise,  qui  dans  l'ardeur  de  son  zèle,  voudrait  exécuter  dans 
l'univers  entier  l'ordre  de  son  maître,  songe  à  ces  millions 
d'infidèles  qui  gémissent  encore  dans  l'erreur  et  loin  de  Dieu. 
Comme  elle  serait  heureuse  de  les  attirer  tous  à  elle,  et  de 
leur  apprendre  le  nom  de  leur  Sauveur  !  Mais  elle  se  sent 
impuissante  à  réaliser  ce  désir,  et  la  vue  de  ces  infortunés 
qui  l'ignorent  et  qui  devraient  être  au  nombre  de  ses  fils  lui 
déchirent  le  cœur. 

"  Eglise  catholique,  m'aimes-tu  ?  "  Et  l'Eglise,  pressant  sur 
son  sein  ses  vierges  et  ses  martyrs,  s'écrie  en  les  présentant  à 
Jésus  :  "  Seigneur,  voyez  ceux  et  celles  que  je  vous  ai  en- 
gendrés, vous  savez  que  je  vous  aime.  " — "  Pais  donc  mes 
agneaux  et  mes  brebis.  "  Mais  à  ses  côtés,  voici  des  pécheurs 
qui  crucifient  de  nouveau  le  Sauveur  du  monde.  Vainement 
elle  leur  tend  une  main  secourable,  vainement  elle  ^eur  offre 
un  pardon  qu'ils  méprig?nt;  et  elle  pleure. ..en  pensant  que, 
pour  un  grand  nombre,  le  sang  de  Jésus-Christ  aura  été  inu- 
tilement versé. 

Outre  ces  souffrances  maternelles  et  ces  sollicitudes  du  zèle, 
il  y  a  dans  le  cœur  de  l'Eglise  les  plaies  saignantes  qu'y  fait 
l'ingratitude  des  hommes. 

Un  grand  orateur  a  dit  :  "  Ne  fait  pas  des  ingrats  qui  veut  ; 
pour  faire  des  ingrats,  il  faut  avoir  fait  du  bien  à  ses  sem- 
blables, il  faut  avoir  tenté  de  grandes  choses  pour  l'huma- 
nité" (1). 

Cette  parole  est  profondément  vraie  ;  mais  d'un  autre  côté, 
mes  frères,  se  sentir  méprisé  dans  sa  tendresse,  être  renié  par 
ceux-là  môme  auxquels  on  a  donné  la  vie,  se  voir  blasphémé 
par  ceux  que  l'on  bénit  et  que  l'o i  aime,  être  dépouillé  par 
ceux  dont  on  a  fait  la  richesse  et  le  bonheur...  quelle  douleur 
immense  !  et  pourtant,  tel  a  été  le  sort  de  l'Eglise.  Elle,  si 
bienfaisante  et  si  bonne,  a  rencontré  parmi  ses  fils  des  persé- 
cuteurs et  des  bourreaux.  Le  temps  ne  me  permet  pas  d'énu- 
mérer  toutes  ses  angoisses.  Des  hérétiques  l'ont  trahie  ;  des 
hommes,  dont  elle  avait  fait  ses  prêtres,  ont  donné  contre  elle 

(l)  Montalembert. — Discours  sur  le  retour  de  Pie  IX  à  Rome. 


264      PREMIER  GONGEÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉHEG 

le  signal  de  la  révolte  et  lui  ont  ravi  des  enfants  qui  lui 
étaient  bien  chers.  Dès  son  berceau,  elle  a  connu  les  prisons 
et  les  fouets,  et  quand  les  bourreaux  ont  été  las  de  frapper, 
d'autres  traîtres  se  sont  levés  avec  des  armes  non  moins  ter- 
ribles que  le  glaive  :  le  sarcasme,  le  sophisme  et  la  corruption. 
Oh  !  sans  doute,  l'Eglise  a  su  lutter  avec  vaillance,  sûre  qu'elle 
était  toujours,  de  la  victoire  définitive.  Mais  ceux  qu'elle  com- 
bat sont  les  fruits  chéris  de  ses  entrailles,  ces  méchants  qu'elle 
punit,  elle  les  aime  toujours  ;  et  comment  pourrait-elle  ne  pas 
souffrir  de  leur  malheur?  Sachons-le,  l'Eglise  n'a  jamais  lancé 
un  anathème  sans  verser  des  torrents  de  larmes. 

C'est  là  son  histoire  dans  tous  les  siècles.  Et  aujourd'hui, 
mes  frères,  à  cette  heure,  de  quelles  tristesses  n'est-elle  pas 
abreuvée  ?  Pas  de  désespoir,  pas  de  vaines  alarmes  ;  mais  je 
vous  le  demande,  peut-on  se  dissimuler  que  l'Eglise  est  en 
deuil,  et  s'il  est  vrai,  qu'il  y  a  de  la  gloire  à  faire  des  ingrats, 
ne  peut-on  pas  dire  que  notre  temps  est  l'un  de  ses  temps  les 
plus  glorieux?... 

Reine  au  monde,  elle  portait  sur  sa  tête  une  couronne  que 
la  Providence  et  les  siècles  lui  avaient  donnée.  Elle  avait 
entre  les  mains  un  pouvoir  qui  garantissait  son  indépendance 
et  sa  liberté,  lui  permettait  d'exercer  sans  crainte  dans  l'uni- 
vers entier  sa  salutaire  influence,  et  lui  assurait  le  respect  et 
la  soumission  des  peuples. 

On  lui  a  ravi  sa  couronne,  son  Chef  auguste  a  vu  un  usur- 
pateur s'asseoir  sur  son  trône,  et  lui-même  a  dû  se  réduire  à 
l'exil  pour  ne  pas  laisser  fouler  aux  pieds  un  droit  sacré.  Le 
peuple  spoliateur  était  le  peuple  qui,  peut-être,  avait  été  le  plus 
aimé,  et  le  roi  qui  s'était  mis  à  sa  tête  sortait  d'une  famille 
dont  l'Eglise  avait  placé  plus  d'un  membre  sur  les  autels. 

L'Eglise  instruisait  la  jeunesse  et  l'enfance,  on  a  voulu  les 
lui  ravir,  substituer  à  l'enseignement  chrétien  un  enseigne- 
ment voisin  de  l'athéisme,  et  les  sectes  n'ont  pas  craint  d'affi- 
cher publiquement  que  le  triomphe  de  la  Révolution  ne  s'ob- 
tiendrait qu'en  séduisant  l'enfance  et  la  jeunesse. 

L'Eglise  avait  ses  religieux  qui  priaient  et  travaillaient  dans 
leurs  monastères  ;  les  monastères  ont  été  envahis,  les  ordres 


SERMON   DE   M.   P.   N.    BRUCHÉSI  265 

religieux  supprimés,  et  bientôt  elle  verra  sur  le  chemin  de 
l'exil  ces  généreux  fils  de  saint  Ignace  qui  ont  tant  fait  pour 
la  France...  et  que  la  France  bannit. 

L'Eglise  avait  ses  lévites  et  ses  prêtres  ;  elle  les  a  vus  avec 
larmes  obligés,  dans  Rome,  même  de  quitter  le  sanctuaire  pour 
aller  servir  sous  le  drapeau  de  son  persécuteur.  Elle  avait  ses 
lois  éternelles  et  divines,  les  gouvernements  les  ont  mécon- 
nues ;  c'est  elle  qui  avait  fait  les  nations  ce  qu'elles  étaient,  et 
les  nations  ont  renié  leur  mère  !... 

C'en  est  assez  ;  cette  énumération  des  douleurs  de  l'Eglise 
me  déchire  le  cœur.  Devant  un  pareil  spectacle,  mes  frères, 
ne  restons  pas  insensibles,  mais  que  nos  entrailles  s'émeuvent, 
et  nous,  les  enfants  fidèles,  consolons  notre  mère  par  notre  dé- 
vouement, nos  prières  et  notre  amour.  "  Notre  cœur,  a  dit  im 
"  saint  évéque  de  notre  temps,  peut  se  verser  jusqu'au  fond  et 
"  se  verser  sans  cesse  ;  il  ne  fera  jamais  qu'accomplir  la  jus- 
"  tice.  Fût-il  vaste  et  comblé  comme  celui  de  Marie,  ce  ne 
"  serait  point  un  excès  que  de  le  verser  tout  entier  à  l'E- 
"  glise."  (1)  Oui,  vouons  notre  cœur  à  l'Eglise,  que  ses  joies 
soient  nos  joies  et  que  ses  douleurs  soient  nos  douleurs.  Prions 
pour  elle  et  travaillons  pour  sa  gloire  ;  marchons  avec  elle  et 
ne  l'abandonnons  jamais.  Que  votre  sacerdoce  dans  le  monde, 
mes  frères,  ne  soit  pas  séparé  du  nôtre,  car  nous  avons  une 
cause  commune,  le  môme  devoir  nous  incombe,  et  nous 
sommes  ralliés  sous  le  môme  drapeau. 

Soyons  apôtres,  mais  les  apôtres  qui  ne  fuient  pas  et  qui 
savent  veiller  avec  Jésus  souffrant.  A  l'heure  de  ses  agonies 
que  l'Eglise  nous  trouve  toujours  à  ses  côtés,  et  s'il  arrive 
qu'elle  doive  prendre  le  chemin  du  Calvaire,  soyons,  chacun 
de  nous,  le  bon  Gyrénéen  qui  l'aide  à  porter  sa  croix. 

IV 

En  terminant,  mes  frères,  laissez-moi  jeter  un  regard  snr 
notre  patrie.  Bien  des  peuples  avaient  été  l'objet  des  pré- 
dilections divines  et  des  préférences  de  l'Eglise  ;  cherchez-les 

(i)  Mgr  Gh.  Gay. —  De  la  vie  et  des  vertus  chrétiennes.  Tom.  III,  p.  419. 


266      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

cependant  aujourd'hui  sur  la  surface  du  globe.  Plusieurs  ont 
disparu  ;  d'autres  traînent  une  existence  sans  gloire.  Pourquoi 
cela  ?  C'est  qu'ils  ont  méconnu  la  bontér  de  Dieu,  ils  ont  ré- 
pondu par  l'ingratitude  à  son  amour,  Dieu  s'est  retiré  d'eux, 
et  là  où  Dieu  n'est  i^lus,  c'est  la  mort. 

O  Canada,  pays  jeune  encore,  puisses-tu  prospérer  et  gran- 
dir !  que  les  sciences  et  les  arts  se  développent  dans  ton  sein, 
que  tes  enfants  se  multiplient,  que  ton  nom  soit  partout  chéri 
et  respecté  ;  mais  avant  tout,  reste  toujours  fidèle  à  ton  Dieu 
et  à  l'Eglise. 

Pardonne,  ô  ma  patrie  !,..  mais  s'il  devait  aussi  venir  pour 
toi  un  jour  où  tu  renierais  ta  foi,  où  tu  abandonnerais  ta 
mère,  où  tu  méconnaîtrais  ses  droits  pour  la  persécuter  et 
l'outrager...  puisses-tu  disparaître  de  la  scène  du  monde  ! 
Plutôt  que  de  te  voir  plongée  dans  un  tel  abîme  et  chargée 
des  anathèmes  du  ciel,  encore  une  fois,  pardonne,  ô  ma  pa- 
trie !...  j'aimerais  mieux  te  voir  mourir. 

Mais  non,  ô  Canada  !  enfant  de  l'Eglise,  tu  iras  toujours  en 
dépit  de  tous  les  obstacles  vers  le  chemin  de  la  vérité  et  de 
l'honneur,  et  rien  jamais  ne  pourra  arracher  de  ton  cœur  la 
foi  ardente  qui  fait  aujourd'hui  ta  vie.  Oh  !  durant  ces  fêtes 
que  tu  es  apparu  grand  et  beau  aux  regards  des  cieux  et  de  la 
terre  !  Il  y  a  deux  jours,  nous  te  voyions  ému  et  recueilli 
prosterné  devant  un  autel...  Dans  ces  plaines  d'Abraham,  si 
remplies  de  souvenirs,  le  Pontife  célébrait  les  saints  mystères, 
et  tes  enfants  priaient  dans  l'adoration  et  dans  l'amour.  Et 
quand  l'hostie  sainte  parut  dans  les  airs,  pendant  que  les 
fronts  s'inclinaient  avec  respect,  tu  proclamais  par  la  voix  de 
tes  artistes  le  nom  seul  grand  et  seul  puissant  de  Jésus-Christ  ; 
"  Tu  solus  altissimus  Jesu  Christel  Ton  Dieu  t'a  béni,  et  tu 
t'inciinas  une  seconde  fois  pour  recevoir  la  bénédiction  de 
l'Eglise.  Continue  donc,  ô  mon  pays,  à  suivre  ce  noble  chemin 
de  la  foi,  et  puissent  tes  fils  se  réunir  souvent  pour  dire  à 
l'Eglise  leur  dévouement  et  leur  tendresse.  Pour  nous,  ô 
sainte  Eglise  catholique,  nous  te  consacrons  notre  être  et  notre 
vie,  nos  études  et  nos  travaux.  Nous  t'aimerons,  nous  procl  a 
merons  tes  droits,  nous  célébrerons  ta  gloire,  nous  te  farons 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRES  267 

aimer.  Divine  Jérusalem,  si  jamais  nous  t'oublions,  que  notre 
droite  soit  vouée  à  l'oubli,  si  oblitus  fuero  lui  Jérusalem  ohli- 
vioni  detur  dextera  mea.    Amen. 


LETTRES  D'ADHÉSION  AU  CONGRÈS 


LETTRES  D'ITALIE 


Lettre  de  Mgr  V.  Vanutelli,  archevêque  de  Sardes,  etc. 

Rome,  le  19  mars  1880. 
Monsieur  le  président^ 

Par  votre  honorée  lettre  du  24  févri  ?r  dernier,  j'ai  reçu  avec 
un  plaisir  indicible,  les  félicitations,  et  les  vœux  que  vous 
avez  bien  voulu  m'exprimer,  au  nom  du  Cercle  catholique  de 
Québec,  dont  vous  êtes  le  digne  président  ;  m'intéressant  tou- 
jours à  cette  vaillante  association,  dont  je  suis  avec  joie  les 
succès,  ses  vœux  et  ses  félicitations  m'ont  été  très  agréables. 
J'en  remercie  de  tout  mon  cœur  l'excellent  président  et  je  le 
prie  d'être  l'interprète  de  ma  vive  reconnaissance  auprès  du 
Cercle  tout  entier.  Je  compte  sur  la  prière  des  membres  pour 
appeler  sur  moi  les  grâces  dont  j'ai  besoin  dans  l'accomplisse- 
ment des  devoirs  de  la  nouvelle  et  difficile  mission  qu'il  a  plu 
au  St-Père  de  me  confier.  Je  fais,  de  mon  côté,  les  meilleurs 
vœux  pour  la  prospérité  di;  Cercle.  Et  à  ce  propos  j'ai  appris 
avec  un  vif  plaisir,  que  uft  l'initiative  du  Cercle,  un  congrès 
va  être  réuni  en  juin  prochain,  à  Québec,  sous  les  auspices  de 
Sa  Grandeur  Mgr  l'Archevêque.  Je  ne  doute  point  que  cette 
réunion  ne  donne  le.,  plus  avantageux  résultats,  et  j'espère 
que  vos  invités  français  pourront  en  faire  partie. 

Veuillez  agréer,  monsieur  le  président,  avec  l'expression  de 
ma  gratitude,  celle  de  mon  entier  et  affectueux  dévouement. 

-J-  Vincent,  archevêque  de  Sardes, 
Délégué  et  Vicaire  apostolique  à  Constantinople. 


268      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Lettre  de  Mgr  Tripepi,  camérier  secret  de  S.  S.  etc. 

Rome,  le  24  mai  1880. 
Monsieur, 

Le  dernier  des  écrivains  catholiques,  je  m'unis  d'esprit  à  nos 
frères  distingués,  de  l'Amérique  du  Nord.  Je  fais  des  vœux 
ardents  pour  que  le  succès  couronne  leurs  travaux,  et  j'applau- 
dis au  zèle  qu'ils  déploient  dans  la  défense  de  la  religion  et 
du  Souverain  Pontife  Léon  XIII. 

Monseigneur  Luigi  Tripepi, 

Camérier  secret  de  Sa  Sainteté  ;  Chanoine  de  l'Archibasi- 
lique  de  St-Jean  de  Latran,  directeur  du  journal  //  Papato. 


Association  Catholique  de  Padoue 

Padoue,  30mai  1880. 
Monsieur  et  frère^ 

L'association  catholique  de  Padoue  (Vénétie)  envoie  au  Con- 
grès du  Canada  ses  vœux  et  félicitations  les  plus  sympathiques. 

Le  président, 

François  Cardinal  Fontana. 

••  Le  secrétaire, 

Giovanni  Battista  Dottor  Bapi. 


Comité  permanent  de  l'Oeuvre  des  Congrès  catholiques 

en  Italie 

Bologne,  le  5  avril  1880. 

Illustrissime  monsieur  et  frère  bien  aimé  en  Jésus-Christ, 

Le  Comité  permanent  de  l'œuvre  des  Congrès  catholiques 
en  Italie  vous  remercie  vivement,  par  mon  entremise,  de  la 
gracieuse  et  fraternelle  Invitation  que  vous  nous  faites  d'assis- 
ter au  premier  Congrès  .atholique  des  délégués  des  associa- 
tions laïques  du  Canada,  qui  aura  lieu  à  Québec  le  24  juin 


LETTRES   d'adhésion    AU   CONGRÈS  269 

prochain,  jour  consacré  à  honorer  le  saint  Précurseur  Jean- 
Baptiste. 

Le  comité  permanent  serait  on  ne  peut  plus  heureux  s'il 
pouvait  envoyer  un  représentant  à  ce  Congrès  ;  mais  la  dis- 
tance qui  sépare  lo  vieux  monde  du  nouveau  est  trop  grande 
pour  que  nous  puissions  jouir  de  cet  honneur  et  de  cette  con- 
gélation. 

Nous  devons  donc  nous  borner  à  vous  faire  connaître  par 
écrit  les  sentiments  dont  nous  sommes  remplis  à  l'égard  de 
votre  œuvre,  et  à  participer  par  nos  prières  et  nos  voeux,  au 
Congrès  catholique  de  Québec. 

Nous  serons  d'esprit  et  de  cœur  au  milieu  de  nos  frères 
catholiques  du  Canada  réunis  en  assemblée  générale,  applau- 
dissant à  leurs  travaux  et  à  leurs  délibérations,  bien  persuadés  , 
que  tout  se  passera  pour  la  plus  grande  gloire  de  Dieu,  et  m 
vue  du  bien  de  la  sainte  Eglise,  du  Saint-Père,  et  de  la  société 
elle-même. 

L'océan,  par  son  immense  étendue,  pourra  bien  séparer  nos 
corps,  mais  non  nos  esprits,  nos  cœurs,  nos  affections.  Tous 
enfants  de  la  môme  mère,  la  sainte  Eglise  catholique,  aposto- 
lique et  romaine,  nous  sommes  tous  également  soldats,  mar- 
chant et  combattant  sous  la  même  bannière,  pour  propager  et 
défendre,  au  prix  de  notre  sang  et  de  notre  vie,  ses  drr  lis 
sacrés  et  son  immortelle  doctrine. 

Vive  la  sainte  Eglise  catholique  ! 

Vive  le  Saint-Père  Léon  XIII  ! 

Vive  le  catholique  Canada  ! 

C'est  le  cœur  rempli  de  ces  sentiments  que  je  me  fais  un 
honneur  de  vous  donner  l'assurance  de  mon  estime  et  de  mon 
respect. 

Jean-Baptiste  Acquaderni,  vice-président. 

Jean-Baptiste  Casoni,  secrétaire. 

Post-Scriptum. — Vous  recevrez  par  la  poste  les  actes  des 
congrès  catholiques  qui  se  sont  tenus  en  Italie. 


270  premier  congrès  catholique  tenu  a  québec 

Cercle  St-Joseph  de  Vicenze 

Vicenza,  april  8th  1880 
■Most  honorable  président^ 

This  Gircle  of  the  catholic  youth  at  Vicenza,  having  heard 
from  their  superior  council  that  on  the  twenty-fourth  day  of 
june,  sacred  to  the  memory  of  the  Precursor  StJohn  the  Bap- 
tist,  the  first  catholic  Gongre^s  of  the  delegates  of  the  Lay- 
Association  of  Canada,  will  take  place  at  Québec,  the  under- 
signed  hasten  to  send  from  the  bottcm  of  their  heart,  and  with 
ail  the  effusion  of  their  spirit,  their  best  congratulations  for 
the  good  undertaking,  and  their  most  ardent  wishes  for  the 
happiest  resuit  of  ail  the  works  which  will  be  proposed  and 
treated  to  the  greatest  glory  of  God,  and  to  the  good  of  our 
holy  religion. 

Although  we  ignore  the  subjects  on  which  the  attention, 
study  and  the  discussion  of  the  delegates  assembled  in  the 
Gongress  will  be  called,  yet  knowing  as  we  do,  the  end  for 
which  the  assembly  is  convened,  we  are  sure  that  this  first 
Gongress  of  Canada  will  be  truly  catholic,  and,  as  sucV,  will 
in  their  discussions  and  délibérations  be  entirely  inspired,  and 
guided  by  the  vivifying  dictâtes  of  the  catholic  wisdom, 
Which  W'ithout  fail  issues  from  the  see  of  St-Peter,  who  by 
God's  admirable  Providence  founded  in  Rome,  italian  land, 
his  universal  kingdom,  the  kingdom  of  God  on  earth. 

The  enemies  of  God,  the  greatest  enemies  of  society,  bave 
always  vainly  rage,  and  uselessly  directed  their  most  furious 
assaults  agairist  this  unshaken  rock,  against  this  unmoved 
column  of  truth  ;  scorned  and  confounded,  they  hâve  been 
always  compelled  to  see  their  rage  broken  and  crushed  at  its 
feet.  The  Suprême  Pontifs  repeatedly  expelled  from  Rome, 
always  by  allmighty  God's  will  came  back  to  Rome  trium- 
phantly,  and  even  Léo  XIII,  our  présent,  dear  Holy  Father 
though  "  suh  hostili  dominatione  constitutus  "  by  his  most  un- 
grateful  children,  has  triumphed,  triumphs,  and  will  triumph 
over  his  enemies. 


LETTRES   d'adhésion   AU    CONGRÈS  271 

With  thèse  really  catholic  and  Italian  sentiments,  we  send 
our  warmest  wishes,  and  hearty  greetings  to  our  distant 
brothers  in  Jesus-Christ  of  this  région  of  the  new  world. 

Long  live  Léo  XIII  ! 

Long  live  the  catholic  Canada  ! 

With  the  sensés  of  great  esteem  and  respect,  we  si^n  our- 

selves. 

The  président, 

DoTTOR  Gaetano  Bottazu. 

The  vice-secretary, 

GiusEPPE  Bortolan. 
The  ecclesiastical  assistent, 

P.  G.  Angelo  Savignago. 


Cercle  Ste-Rosalie 

Palerme,  2  juin  1880. 

A  l'agréable  occasion  du  premier  Congrès  catholique  de 
Québec,  je  me  fais  une  gloire  de  vous  manifester  les  senti- 
ments du  Cercle  Ste-Rosalie  de  la  jeunesse  catholique,  qui, 
par  la  présente  et  par  mon  entremise,  adhère  aux  travaux  et 
aux  délibérations  que  vous  allez  faire  dans  cette  grande 
assemblée  où  nous  nous  joindrons  à  vous  par  une  prière  fra- 
ternelle, afin  d'obtenir  de  Dieu  des  grâces  et  des  faveurs  et  le 
meilleur  résultat  possible,  et  aussi  pour  unir  nos  esprits  aux 
vôtres  dans  le  but  de  travailler  avec  un  nouvel  essor  à  la 
diffusion  des  principes  si  hautement  recommandés  aujour- 
d'hui par  N.  S.  P.  le  pape  Léon  XIII. 

Dans  l'espoir  que  de  tels  sentiments  seront  bien  reçus  par 
vous  et  par  vos  frères  catholiques,  j'ai  l'honneur  de  vous  en- 
voyer mes  salutations  empressées. 

Le  président, 

Avo.  Giovanni  Librino. 


272  premier  congrès  catholique  tenu  a  guébec 

Cercle  St-Louis  de  Bergame 

Bergame,  30  mai  1880. 

Aux  Catholiques  réunis  à  Québec. 

Quoique  votre  langue  soit  différente  de  la  nôtre,  la  foi  nous 
rend  cependant  vos  frères.  Acceptez  les  vœux  et  les  plus 
vives  sympathies  du  Cercle  de  la  jeunesse  catholique  de  Ber- 
game, (Italie).  Que  les  résolutions  que  vous  prendrez  soient 
aussi  fécondes  que  le  mystique  grain  de  sénevé  de  la  parabole, 
qu'elles  dilatent  les  esprits,  et  qu'elles  infusent  le  courage 
dans  le  combat  pour  la  gloire  de  Dieu  et  pour  la  conservation 
de  la  société. 

Le  président  du  Cercle  catholique  de  la 
jeunesse  catholique, 

Salvi  Luigi. 


Société  des  Dames  de  Padoue 

Padoue,  27mai1880. 

.1  Monsieur  le  président  du  premier  Congrès  catholique 
de  Québec. 

Les  dames  de  Padoue  associées  pour  les  intérêts  catholiques 
yeulent  elles  aussi,  envoyer  au  premier  Congrès  catholique 
du  Canada  leurs  félicitations,  leurs  salutations,  et  leurs  vœux. 
Que  le  bon  Dieu  bénisse  vos  travaux,  frères  en  Jésus-Christ, 
et  que  les  avantages  en  soient  tels  que  votre  piété  et  vos  géné- 
reux désirs  le  méritent  !  Voilà  notre  prière  au  Tout-Puissant. 
Et  vous,  nos  sœurs  bien-aimées  qui  assistez  au  Congrès,  nous 
nous  réjouissons  de  votre  zèle  pour  la  sainte  cause  de  Dieu, 
de  son  Eglise  chérie,  de  son  auguste  Vicaire.  Veuillez  donc 
nous  aider  afin  que  nous  aussi  nous  accomplissions  parfaite- 
ment les  grands  et  nobles  devoirs  que  Dieu  nous  demande  : 
notre  sanctification  et  celle  de  la  famille  d'où  vient  tout  le 
bonheur  de  la  société  civile  et  de  la  patrie. 


LETTRES  d'adhésion  AU   CONGRÈS  273 

Vive  le  Congrès  catholique  du  nouveau  monde  ! 
Vivent  les  femmes  catholiques  du  Canada  ! 
Vive  Québec  ! 

La  présidente  générale, 

FousiE  Rebu.tello,  née  Marquise  Paolucci. 

Marie  Tivaroni, 

Sec.-gén, 
Vu  par  l'ass.  ecc. 

D.  Antoine  Stiévano. 


Lettre  de  M.  l'abbé  Antoine  M.  Bonito 

Naples,  27  mai  1880. 

Si  je  ne  puis,  mes  frères,  être  présent  en  personne  à  votre 
Congrès,  à  vos  œuvres,  je  le  serai  du  moins  en  Dieu,  pour  qui, 
comme  le  disait  Massilloii  "  toute  distance  est  nulle  !  !  " 

Je  vous  envoie  donc  un  salut  fraternel  et  la  plus  sincère  et 
la  plus  ferme  adhésion  à  votre  Congrès,  avec  l'espérance  des 
plus  heureux  résultats. 

L'abbé  Antoine  Marie  Bonito, 

de  Naples,  docteur  en  théologie,  professeur  de  droit  canonique 
et  président  du  Cercle  Scholastique  Philosophique  dans  le 
grand  séminaire,  membre  de  l'académie  pontificale  d'Arca 
die,  membre  honoraire  des  avocats  de  St-Pierre,  correspon- 
dant de  l'académie  pontificale  Tibérine  ;  membre  de  l'œuvre 
des  Congrès  catholiques  d'Italie,  etc.,  etc. 


Cercle  St-Antoine  de  Padoue 

Padoue,  24mai  1880. 

Au  premier  Congrès  catholique  d'Amérique  à  Québec. 

Le  Cercle  St-Antoine  de  Padoue  de  la  Société  de  la  jeunesse 
catholique  italienne  se  joint  au  premier  Congrès  catholique 
d'Amérique,  lequel  s'assemble  à  Québec,  dans  la  môme  joie, 


274      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

dans  la  même  espérance  et  dans  la  même  charité,  pour  défen- 
dre la  cause  que  défendent  les  catholiques  du  monde,  c'est-à- 
dire  celle  de  Jésus-Christ,  de  son  Eglise,  et  de  son  vicaire 
contre  satan,  la  révolution  et  ses  fauteurs. 
Vive  le  premier  Congrès  catholique  du  Canada  ! 

Le  président, 

Antoine  Baschirotto,  avocat. 


Société  catholique  de  Florence 

Florence,  Italie,  23  mai  1880. 
Loué  soit  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  ! 
Au  premier  Congrès  catholique  du  Canada. 

La  Société  catholique  de  Florence  envoie  de  grand  cœur  un 
salut  fraternel  au  Congrès  catholique  du  Canada,  qui  va  se 
tenir  à  Québec  le  24  du  mois  de  juin  prochain  ;  si  l'immensité 
d'un  océan  nous  sépare,  la  môme  foi,  la  même  religion  nous 
unissent.  Nous  suivrons  d'esprit  et  de  cœur,  et  avec  le  plus 
grand  intérêt  les  discussions  de  votre  assemblée,  tout  en  lui 
souhaitant  d'atteindre  son  but,  qui  n'est  autre  que  celui  de 
toute  réunion  catholique,  c'est-à-dire,  proclamer  hautement 
et  défendre  les  droits  sacrés  de  la  religion  et  du  Saint-Siège. 

Nous  souhaitons  aussi  aux  catholiques  du  Canada  que  leur 
exemple  soit  suivi  par  leurs  frères  des  autres  contrées  de 
l'Amérique,  et  que  le  bon  Dieu  et  la  Vierge  Immaculée  bénis- 
sent le  Congrès  et^toutes  les  résolutions  qu'il  prendra. 

Le  président, 

Raphaël  Cocchi. 

Chev.  Gérard  Gherardi  del  Turga, 

Vice-président 

Avv.  Solaini,  secrétaire. 


LETTRES    d'adhésion   AU    CONGRÈS  275 

Comité  diocésain  des  Congrès  catholiques  et  de  la 
Ligue  d'O'Connell 

Côme,  26  mai  1880. 
Très  illustres  Messieurs  et  bien  aimés  frères  en  Jésus-Christ^ 

Le  Comité  diocésain  pour  FOEuvre  des  Congrès  catholiques 
de  la  ville  et  diocèse  de  Côme,  dans  sa  séance  ordinaire  du  23 
du  mois  courant  chargeait  dun  vœu  unanime  son  président, 
d'adresser  une  lettre  de  congratulation  et  d'adhésion  aux  ca- 
tholiques du  Canada  qui  vont  s'assembler  pour  la  première 
fois  en  Congrès  catholique  à  Québec,  le  25  du  mois  prochain. 

Heureux  d'accomplir  une  si  douce  et  si  honorable  tâche,  le 
président,  interprète  fidèle  des  sentiments  du  Comité  qu'il 
représente,  et  aussi  de  tous  les  catholiques  du  vaste  et  illustre 
diocèse  de  Côme,  félicite  ses  bien  aimés  fn  res,  les  catholiques 
du  Canada,  applaudit  avec  bonheur  à  la  réunion  du  Congrès 
de  Québec,  et,  à  eux  réunis  envoie  ses  affectueuses  saluta- 
tions, et  un  chaleureux  vivat. 

En  élevant  à  Dieu  les  vœux  les  plus  fervents  pour  l'heureux 
succès  du  Congrès  de  Québec,  il  s'unit  en  esprit  aux  catho- 
liques qui  s'y  rassemblent,  pour  les  engager  de  plus* en  plus  à 
travailler  à  la  cause  de  Dieu  et  de  son  Eglise,  avec  cette  cons- 
tance, cette  efficacité  d'action  qui  forment  l'honneur  du  peuple 
canadien. 

En  louant  beaucoup  leurs  généreux  travaux  il  adhère  de 
toute  son  âme  aux  sages  et  utiles  délibérations  qu'on  y  pren- 
dra pour  la  plus  grande  gloire,  et  au  meilleur  profit  de  la 
s,  Inte  Eglise,  notre  Mère  commune,  et  de  la  société  civile, 
aujourd'hui  si  agitée  par  des  doctrines  et  des  actions  perverses  ; 
le  tout  dans  le  but  de  donner  la  paix  et  la  prospérité  aux  peu- 
ples, et  de  les  voir  un  jour  tous  réunis  dans  un  seul  bercail, 
sous  un  même  pasteur,  le  Pontife  romain. 

Le  président  ayant  ainsi  accompli  cette  tâche  honorifique, 
s'écrie  avec  un  saint  enthousiasme  : 

Vive  notre  Mère  la  sainte  Eglise  ! 

Vive  notre  Père  Léon  XIU  ! 

Vivent  nos  Frères  assemblés  en  Congrès  à  Québec  ! 


276      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Et  je  me  souscris  avec  un  profond  respect  et  une  haute 
estime, 

Pour  le  Comité  diocésain,  le  président, 

Charles  Laffrani, 
Archi-prétre  de  la  cathédrale. 

Le  secrétaire, 

Pr.  Calixte  Grandi. 


Comité  diocésain  de  Parme 

Rome,  20  mai  1880. 
Monsieur  le  président^ 

Vive  Léon  XIII  !  Voici  le  fraternel  salut  qu'au  nom  du 
Comité  diocésain  de  Parme  son  président  adresse  à  ses  illus- 
tres frères  du  Canada,  qui  après  avoir  ofTert  leur  vie  pour  la 
défense  des  droits  du  Siège  Apostolique,  s'unissent  maintenant 
en  Congrès  général  afin  d'étudier  les  moyens  pratiques  pour 
étendre  sur  toutes  les  classes  de  la  société  la  bienfaisante  lu- 
mière de  la  charité  chrétienne. 

La  croix  de  Notre  Seigneur,  voilà  le  drapeau  auquel  se 
rallie  tout  cœur  catholique.  Il  n'y  a  plus  de  frontières,  ni 
d'idiomes  différents,  ni  de  distances  quand  la  foi  nous  réunit, 
et  nous  formons  une  seule  famille  au  cri  de  :  Vive  Léon  XIII  ! 

Veuillez  agréer,  monsieur  le  président,  l'expression  de  ma 
plus  haute  considération,  et  en  invoquant  les  bénédictions  du 
ciel  pour  l'heureux  résultat  de  ce  Congrès,  j'ai  l'honneur 
d'être 

Monsieur  le  président. 

Votre  très  humble  serviteur, 

Comte  Che.  César  Podici-Schizze, 

Camérier  secret  de  Sa  Sainteté. 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRÈS  277 

Cercle  de  la  Madone 

Messine,  20  mai  1880. 

A  monsieur  le  vice-président  du  Comité  du  Congrès  catholique 

à  Québec. 
Cher  monsieur, 

A  l'heureuse  occasion  du  premier  Congrès  catholique  de 
Québec,  un  cri  de  joie  et  d'admiration  s'élève  de  nos  cœurs 
pour  s'ajouter  à  celui  qui  vous  parvient  de  tous  les  coins  de 
l'Italie. 

La  catholique  Messine,  la  ville  de  la  sainte  Vierge,  ne  peut 
que  voir  avec  la  plus  intime  satisfaction  une  impulsion  aussi 
éclatante  du  vrai  progrès  religieux  et  moral  dans  le  Canada, 
et  c'est  en  son  nom  que  V Assemblée  des  jeunes  catholiques  Mes- 
sinois^  envoie  un  salut  fraternel  et  respectueux  à  tous  ceux  qui 
composent  cet  honorable  Congrès.  Voilà  comment  la  voix  du 
Pontife,  dont  la  portée  est  si  considérable,  a  dévoilé  le  dégoû- 
tant tableau  de  la  société  moderne,  tout  en  faisant  appel  aux 
hommes  de  bojme  volonté  pour  la  sauver,  autant  qu'ils  peu- 
vent des  maux  qui  l'afBligent,  et  le  peuple  du  Canada,  aussi 
attaché  à  la  vérité  et  au  bien-être  social  que  tout  autre  peuple 
civilisé,  va  y  répondre  tout-à-l'heure. 

Permettez-nous,  monsieur,  de  nous  associer  aux  nobles 
intentions  de  nos  confrères  canadiens,  et  de  prier  avec  eux, 
pour  l'issue  la  plus  favorable  de  leurs  louables  efforts. 

Agréez,  monsieur  le  vice-président,  l'assurance  de  notre 
considération  la  plus  distinguée, 

Le  secrétaire.  Le  président, 

FlORENTINO   DeTREO.  FiLIPPO   RuSSO. 


Comité  régional  de  la  Toscane 

Lucca,  20  mai  1880. 
Mons.  le  vice-président., 

Un  Congrès  catholique  au  Canada,  c'est.  ■       nouvelle  preuve 

de  la  foi  et  du  zèle  i|Ui  animent  nos  amis  de  cette  généreuse 

nation. 

18 


278      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

La  Toscane,  le  monde  catholique  tout  entier,  n'a  pas  oublié 
que  le  Canada  a  envoyé  en  1868  et  1869  quatre  cents  de  ses 
enfants  à  la  défense  de  la  sainte  Eglise,  et  de  notre  regretté 
Saint-Père,  l'aimable  Pie  IX. 

Et  moi  qui  ai  été  le  témoin  de  la  piété  tout-à-fait  singulière, 
et  du  courage  héroïque  de  ces  braves  zouaves,  je  m'unis  de 
tout  mon  cœur  aux  catholiques  canadiens  rassemblés.  J'ap- 
prouve dès  ce  moment  toutes  leurs  résolutions,  et  je  prie  le 
bon  Dieu  de  vouloir  bien  répandre  ses  lumières  et  ses  béné- 
dictions sur  leurs  réunions. 

Oh  !  que  je  serais  heureux  de  pouvoir  assister  à  votre  Con- 
grès, pour  m'instruire  dans  vos  discours,  pour  m'édifier  dans 
vos  exemples  !  Mais,  étant  empêché  de  m'y  rendre,  je  vous 
envoie  du  fond  de  mon  cœur,  un  salut  fraternel,  et  je  désire 
d'être  rappelé  au  bon  souvenir  de  tous  mes  anciens  camarades, 
les  zouaves  pontificaux  canadiens,  que  j'espère  de  retrouver 
encore  sous  les  murs  de  Rome,  le  jour  où  la  miséricorde  de 
Dieu  voudra  bien  daigner  nous  accorder  la  victoire,  et  le 
triomphe  de  notre  mère  bien  aimée,  la  sainte  Eglise  ca- 
tholique. 

Daignez,  monsieur  le  vice-président,  agréer  les  sentiments 
du  profond  respect  avec  lesquels  je  suis. 

Votre  tout  dévoué  serviteur, 

Michel  Barsotti, 

Zouave  pontifical,  secrétaire  du  Comité  supérieur  des  Con- 
grès en  Toscane,  rédacteur  en  chef  du  journal  II  Fidèle^  che- 
valier de  l'ordre  de  St-Grégoire  le  Grand. 


Comité  paroissial  de  Pompiano,  Brescia 

Monsieur^ 

Au  nom  du  Comité  paroissial  ae  ce  village,  dont  l'origiiie 
remonte  à  un  général  de  Rome,  appelé  Pompeius  Magnus, 
nous,  habitants  de  Pompiano,  avons  l'honneur  de  vous  trans- 
mettre les  vœux  sincères  p/Dur  la  meilleure  réussite  du  pre- 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRÈS  279 

mier  Congrès  catholique  américain,  dont  vous,  monsieur,  êtes 
le  digne  vice-président. 

Que  le  bon  Dieu  vous  bénisse,  très  chers  frères  en  J.  G.,  et 
que  la  religion  catholique  puisse  triompher  partout  :  Que 
sous  le  pontificat  de  Lumen  de  cœlo^  de  Léon  XIII,  fort  en 
môme  temps  que  prudent,  fiat  unum  ovile^  et  unus  pastor. 

Oui,  monsieur  !...  les  protestants,  les  mauvais  chrétiens, 
les  infidèles  devraient  être  surpris  de  cette  unité  admirable 
de  l'Eglise  au  milieu  des  persécutions  et  des  combats  que  les 
disciples  de  la  croix  aiment  pourtant,  car  notre  Maître  aussi 
porte  la  sienne  et,  saint  André,  notre  patron,  n'en  voulut  pas 
être  détaché,  car  par  elle,  il  était  sûr  d'arriver  au  ciel. 

Dans  les  jours  de  votre  Congrès,  priez  pour  nous,  qui  prie- 
rons toujours  pour  vous,  et  pour  tous  les  bons  catholiques. 

Nous  vous  saluons  avec  empressement,  et  avec  tout  notre 
bon  cœur. 

A  Pompiano,  Brescia — Alta  Italia,  ce  19  mai  1880. 

« 

Le  président  du  Comité, 

Villa  Franc esco. 

Le  secrétaire, 

MONTINI  LuiGL 
Examinée  pour  le  Curé, 

BOLLI  D.  GlOV    ViCARIUS  FORANEUS. 


Cercle  St-Defendente 

Romano  di  Lombardia,  15  mai  1880. 

Très  illustres  messieurs  et  frères  en  Jésus-Christ ^ 

Si  ce  n'était  l'immense  océan  qui  nous  sépare,  nous  vou- 
drions nous-mêmes  assister  à  cet  illustre  Congrès  catholique 
de  nos  frères  du  Canada.  Dans  l'impossibilité  d'y  être  person- 
nellement, nous  joignons  nos  voix  à  celles  des  diverses  sociétés 
catholiques  d'Italie  approuvant  toutes  vos  délibérations, 
applaudissant  à  tous  vos  travaux.  En  même  temps  nous  élevons 


280      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

vers  le  Seigneur  nos  humbles  prières,  afin  qu'il  bénisse  vos 
assemblées  et  leur  accorde  une  issue  heureuse  et  salutaire. 

Sur  les  ailes  de  la  pensée,  à  travers  l'océan,  nous  pressons 
affectueusement  vos  mains,  en  vous  disant  :  "  Courage,  frères, 
combattez  fortement,  la  cause  de  Dieu  est  aussi  la  nôtre  :  nous 
vaincrons." 

Avec  toute  la  considération,  et  le  plus  profond  respect,  nous 
avons  l'honneur  de  nous  souscrire,  vos  très  humbles  serviteurs 
et  frères  en  Jésus-Christ. 

Le  président, 

Joseph  Cavagnari. 

Le  secrétaire, 

Annibal  Cotti. 


*  Monterotondo,  le  14  mai  1880. 

Monsieur  le  président^         . 

La  jeunesse  catholique  de  Monterotondo  en  Sabine,  affiliée 
à  la  Société  de  la  jeunesse  catholique  italienne,  apprend  avec 
bonheur  la  réunion  d'un  Congrès  catholique  canadien  et  elle 
s'empresse,  à  cette  occasion,  de  vous  adresser  quelques  paroles 
de  chrétienne  confraternité  et  de  sincère  sympathie. 

Les  périls  de  l'Eglise  catholique  sont  partout  immenses. 
Aussi  il  importe  que  partout  les  catholiques  s'unissent  entre 
eux,  et  profitent  des  droits  qui  leur  restent  pour  défendre  ceux 
qu'on  leur  conteste,  ou  reconquérir  ceux  qu'on  leur  a  enlevés- 
Il  importe  que  partout  ils  réclament  leur  adhésion  inébran- 
lable aux  principes  de  leur  religion,  et  qu'ils  rappellent  à  ceux 
qui  l'ont  oublié  que  les  défenseurs  de  la  foi  peuvent  périr, 
mais  que  la  foi  elle-même  est  immortelle.  Il  importe  qu'ils 
protestent  que  rien  ne  les  détachera  de  la  Chaire  de  Pierre, 
qu'ils  ne  négligeront  rien  pour  soutenir  la  liberté  et  les  droits 
de  cette  chaire  qui  est  le  centre  et  la  base  fondamentale  de 
l'Eglise. 

C'est  dans  ces  pensées,  Monsieur  le  président,  que  nous 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRÈS  281 

saluons  les  membres  de  votre  Congrès  et  que  nous  formons 
pour  son  succès  les  vœux  les  plus  sincères  et  les  plus  ardents. 
Agréez,  je  vous  prie,  Monsieur  le  président,  et  veuillez  faire 
agréer  à  vos  ctiers  confrères,  avec  notre  vraie  sympathie,  l'as- 
surance de  notre  considération  la  plus  distinguée,  et  celle  de 
notre  affectueux  dévouement  en  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 

Le  président, 

T.  RoMi. 

Le  secrétaire, 

R.  Manzi. 

Le  trésorier, 

T.  Del  Moro. 


Pudiano,  Brescia,  14  mai  1880 

Monsieur,  . 

Dans  cette  petite  paroisse,  nous  avons  pensé  à  vous,  le  jour 
du  martyr  de  saint  Boniface,  dont  on  vénère  ici  le  corps,  et 
vous  avons  été  chargés  par  le  comité  qui  a  tenu  sa  séance  en 
ce  jour  môme,  de  vous  féliciter. 

Un  congrès  catholique  américain,  c'est  bien  un  sujet  de  joie 
pour  nous  qui  nous  considérons  comme  des  frères  en  Jésus- 
Christ,  d'autant  plus  que  vous  êtes  très  attachés  à  Rome,  et 
que  vous  avez  déjà  montré  un  courage  qui  nous  fait  envie, 
lorsque  vos  zouaves  défendaient  le  ^t-Siège. 

Veuillez,  Monsieur,  vous  faire  l'interprète  de  ces  sentiments, 
à  l'assemblée  pour  laquelle  nous  prions  les  Sacrés  Cœurs  de 
Jésus  et  de  Marie,  et  nos  saints  protecteurs. 

Curé  et  ass.  eccl., 

BoNALDA  Vigile. 
Le  président, 

Lanzani  Tosquet. 

Le  secrétaire, 

Lanzani  Dominique. 


282      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Gerolannova  (Brescia),  le  8  mai  1880. 
Monsieur, 

Il  est  presque  impossible  que  vous  ayez  jamais  entendu  r  -rbr 
de  ce  petit  village,  qui  jouit  de  la  protection  de  saint  Raphaël 
Archange,  et  cependant  il  y  a  chez  nous  bien  des  cœurs  qui 
vous  aiment,  et  qui  prient  pour  une  parfaite  réussite  de  votre 
premier  Congrès  américain. 

Chaque  fois  que  l'Italie  s'est  réunie  à  Venise,  à  Florence,  à 
Bergame,  à  Modène,  etc.,  de  grands  avantages  en  ont  découlé 
pour  nos  catholiques  :  vous  sortirez  de  votre  assemblée  encore 
plus  attachés  au  St-Père,  que  nous  avons  le  privilège  de  pos- 
séder au  milieu  de  nous,  et  qui  nous  assure,  en  l'écoutant,  la 
vie  éternelle,    • 

Agréez,  Monsieur,  nos  vœux  et  nos  félicitations. 

Curé  et  ass.  eccl., 

Jean  Alberti. 

Président, 
Lanzani  Joseph. 

Vice-secrétaire, 

D.  Berna. 


Cercle  St-Martin  de  Paravanico 

Monsieur  le  président, 

Nous  avons  appris  avec  une  véritable  allégresse  qu'au  24 
juin  prochain  aura  lieu  à  Québec  le  premier  Congrès  catho- 
lique du  Canada.  En  en  lisant  l'avis  à  une  de  nos  réunions 
ordinaires,  nous  nous  sommes  écriés  :  loué  soit  Jésus-Christ, 
loué  soit  Dieu  qui,  en  ces  temps  néfastes  d'incrédulité  qui 
porte  sans  cesse  à  nous  relâcher  de  plus  en  plus  dans  nos  ef- 
forts pour  arrêter  le  progrès  du  mal,  a  daigné  raviver  la  foi 
dans  le  cœur  de  ses  véritables  enfants  pour  l'opposer  aux  des- 
seins pervers  des  incrédules.  Quant  à  nous,  si  loin  de  nos 
frères  et  séparés  d'eux  par  une  étendue  immense  de  terres  et 


LETTRES   d'adhésion   AU    CONGRÈS  283 

de  mers,  nous  n'en  serons  pas  moins  ensemble  avec  vous? 
présents  par  l'esprit,  et  nous  ferons  des  vœux  et  des  prières 
pour  l'heureuse  réussite  de  ce  Congrès  général  ;  et  espérons, 
très  chers  frères,  que  le  même  succès  qu'ont  obtenu  les  Con- 
grès catholiques  réunis  en  notre  Italie,  en  France,  en  Alle- 
magne et  ailleurs,  résultera  du  vôtre,  lequel  étant  le  premier, 
ouvrira  la  voie  à  beaucoup  d'autres  qui  seront  tenus  dans  la 
suite. 

Le  soussigné,  tant  en  son  propre  nom  qu'au  nom  du  Cercle, 
vous  adresse  un  salut  fraternel,  à  vous,  Monsieur,  et  à  toute 
l'assemblée  quand  elle  sera  réunie. 

Croyez-moi,  Monsieur  le  président. 

Votre  très-affectionné,  etc., 

Joseph  Foggiano, 
Curé  et  assistant  ecclésiastique. 


Cercle  de  N.-D.  de  la  Guadeloupe 

Arsoli,  23  mai  1880. 
Monsieur  et  cher  frère  en  Jésus-Christ^ 

Le  Cercle  catholique  de  Notre-Dame  de  la  Guadeloupe,  à 
Arsoli,  (Province  de  Rome),  est  heureux  de  ppuvoir  envoyer 
un  salut  fraternel  aux  Catholiques  du  Canada,  qui,  avec  l'aide 
de  Dieu,  se  réuniront  en  Congrès  pour  la  première  fois  à 
Québec,  le  24  juin  prochain.  Nous  nous  unissons  en  esprit'  à 
nos  frères  de  l'Amérique  du  Nord,  nous  prions  pour  le  succès 
de  leurs  travaux  et  nous  les  encourageons  de  tout  notre  cœur 

En  cette  occasion.  Monsieur,  je  suis  extrêmement  flatté  et 
heureux  de  me  souscrire 

Votre  dévoué  serviteur  et  frère  en  J.  C. 

Gregorto  Nardoni,  président. 


284  premier  congrès  catholique  tenu  a  québec 

Comité  Provincial  Piémontais 

Turin,  le  26  mai  1880. 

Nous  envoyons  un  salut  afFectueux  à  nos  frères  du  Canada 
qui  ont  déjà  donné  des  preuves  si  éclatantes  de  leur  amour 
pour  la  religion  et  pour  le  St-Siège,  et  qui  maintenant  se  réu- 
nissent en  Congrès  catholique  afin  de  promouvoir  les  intérêts 
de  la  foi.  En  même  temps  nous  prions  Dieu  de  daigner  bénir 
toutes  leurs  entreprises. 

Pour  le  Comité  provincial  piémontais. 

Le  président, 

Comte   Frangesco  di  Viancino. 


Comité  Diocésain  de  Sorrente 

Sorrente,  14  mai  1880. 

A  Monsieur  le  vice-président  du  Cercle  catholique  du 

Canada^  Québec. 

Nous  avons  reçu  l'heureuse  nouvelle  qu'en  juin  prochain,  à 
Québec,  aura  lieu  le  premier  Congrès  catholique  du  Canada. 

Le  comité  diocésain  de  Sorrente,  animé  de  ces  mêmes 
principes  chrétiens,  transporté  de  joie  à  cette  occasion,  s'em- 
presse de  s'unir  d'esprit  et  de  cœur  à  ses  frères  éloignés  de 
l'Amérique  du  Nord,  de  leur  adresser  un  salut  cordial,  un 
baiser  fraternel,  une  parole  émue  afin  de  les  engager  à  pren- 
dre de  pli  lù  en  plus  vigueur  et  courage  ;  faisant  des  vœux 
pour  que  Dieu  bénisse  leurs  travaux  ainsi  qu'il  le  fit  pour  ces 
quelques  pains  et  poissons  de  l'Evangile  avec  lesquels  il 
nourrit  une  grande  multitude. 

Le  député  ecclésiastique.  Le  président, 

Giuseppe  Marino.  Dr  F.  Cutarita. 

Le  Conseil. 
Joseph  Grandville, 
Joseph  Colmo. 

Carlo  Melano,  secrétaire. 


LETTRES   d'adhésion  AU   CONGRÈS  28& 

Comité  paroissial  de  Capriolo 

Italie— Capriolo,  24  mai  1880. 

Les  membres  du  Comité  paroissial  de  Capriolo  envoient  à 
leurs  frères  du  Canada  leurs  souhaits,  leurs  félicitations  et 
leurs  encouragements  a  a  sujet  de  l'œuvre  des  congrès  catho- 
liques, lesquels  semblables  à  l'Esprit  de  Dieu  font  des  âmes 
une  seule  âme,  rapprochent  les  nations  que  les  océans  sépa- 
rent, et  unissent  les  peuples  dans  un  seul  désir  et  dans  un 
seul  sentiment  :  la  gloire  de  Dieu,  le  triomphe  de  la  foi,  le 
sacrifice  et  l'action. 

Le  président, 

Minelli  Luigi. 

Le  secrétaire, 

Ferrari  Angelo. 


Union  des  ouvriers  de  St-Damase 

Turin,  le  26  mai  1880. 

Au  président  du  Congrès  catholique  de  Québec, 

L'Union  des  ouvriers  catholiques  de  la  section  et  paroisse 
Saint-Damase  applaudit  unanimement  à  votre  premier  Con- 
grès catholique,  et  envoie  à  tous  les  membres  réunis,  un  salut 
d'amitié  fraternelle.  Elle  forme  en  môme  temps  des  vœux 
auprès  du  Seigneur  et  de  la  Vierge  Immaculée  pour  le  pro- 
grès et  la  prospérité  de  toute  association  religieuse. 

Puisse  votre  exemple,  chers  frères,  avoir  de  nombreux  imi- 
tateurs. 

Agréez  ces  souhaits  et  ces  félicitations  que  nos  cœurs  vous 

offrent  et  veuillez  nous  regarder  comme  présents  à  votre 

Congrès. 

Le  président. 


Comité  paroissial  de  St-Blaise 

Monza  (Lombardie,  Italie),  23  mai  1880. 

Le  Comité  paroissial  de  Saint-Biaise  de  l'œuvre  des  Congrès 
catholiques  italiens  envoie  au  pr'êmier  Congrès  des  Canadiens 


286      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

catholiques  l'oxpression  de  sa  vive  et  sincère  afFection  dans  le 
Christ,  et  supplie  Dieu  de  daigner  couronner  ses  travaux  du 
plus  heureux  succès. 

Président, 

VoLONTERi  Carlo. 


VOLONTERI   AnGELO, 

Vice-secrétaire. 


P.  GiusEPPE  Gerli, 

Assistant  ecclésiastique. 


Société  du  laïcat  catholique  italien 

Consacrée  au  S.  Cœur  de  Jésus  pour  r encouragement  et  la  défense 
de  la  presse  catholique.    Coï.ùté  promoteur  central. 

Naples,  24  mai  1880. 

Le  Comité  promoteur  central  de  la  Société  du  laïcat  catho- 
lique Italien,  qui  a  son  siège  à  Naples,  félicite  les  catholiques 
du  Canada  au  sujet  du  Congrès  des  délégués  des  associations 
laïques  de  ce  pays,  qui  aura  lieu  à  Québec  le  24  juin  prochain, 
en  la  fête  de  St-Jean-Baptiste,  et  tout  en  s'unissant  en  esprit 
aux  travaux  de  cette  assemblée  catholique,  demande  au  ciel 
de  lui  accorder  le  plus  heureux  succès,  en  applaudissant  dès 
maintenant  à  tout  ce  qu'il  y  sera  décidé  pour  la  défense  des 
droits  sacrés  de  l'Eglise  et  du  St-Siège. 

Pour  le  Comité  central 
le  président. 

Comte  di  Acciano. 


Associations  catholiques  de  Venise 

Monsieur., 

Le  Comité  provincial  et  diocésain,  l'Association  catholique 
et  le  Cercle  de  la  jeunesse  catholique,  s'unissant  en  esprit  aux 
bons  catholiques  qui  célébreront  leur       •  lier  Congrès  catho- 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRÈS  287 

liqiie  en  Canada  dans  l'illustre  ville  de  Québec,  leur  envoient 
un  salut  fraternel  et  demandent  au  Seigneur  de  combler  de 
ses  bénédictions  les  travaux  du  Congrès. 

Agréez,  monsieur,  les  sentiments  de  notre  estime  et  de 
notre  considération  distinguée. 

Venise,  31  mai  1880. 

Vos  dévoués  serviteurs. 
Pour  le  Comité  provincial  et  pour  l'Association  catholique, 

Alessandro. 
Pour  le  Cercle  de  la  jeunesse  catholique, 

Avocat  Giovanni  Draghi. 


Comité  provincial  Lombard  pour  l'ceuvre  des  congrès  catho- 
liques et  pour  la  ligue  O'Connell 

Milan,  dernier  jour  du  mois  consacré  à  la  très  Sainte- 
Vierge.— 31  mai  1880. 

Messieurs  et  Frères  en  Jésus-Christ^  catholiques  du  Canada^  célé- 
brant leur  premier  Congrès  catholique  à  Québec, 

Les  catholiques  de  la  Lombardie,  unis  entre  eux  pour  se 
dévouer  à  la  sainte  cause  de  l'Eglise  de  Dieu  et  de  son  Vicaire 
l'infaillible  Pontife  Léon  XIÏl,  saluent  leurs  frères  du  Canada 
se  réunissant  à  Québec  pour  célébrer  leur  premier  Congrès 
catholique. 

Fide  et  operibus — voilà  ce  que  porte  notre  bannière  chré- 
tienne, et  cette  devise  vénérée  et  sacrée  est  pour  vous  aussi  la 
source  de  votre  courage,  votre  guide  dans  vos  actes,  votre 
force  dans  vos  entreprises  et  votre  constance  dans  les  ad- 
versités. 

La  Croix  de  Jésus-Christ  est  notre  unique  espérance,  comme 
elle  l'est  pour  vous.  La  Vierge  Immaculée  est  notre  mère, 
parce  qu'elle  est  l'aide  des  chrétiens  dans  toutes  les  parties  du 
monde. 

Le  rocher  inexpugnable  du  Vatican  à  Rome  est  le  centre,  le 


288      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

phare,  le  guide  sûr  de  tous  les  enfants  de  l'Eglise  ;  c'est  notre 
appui  et  notre  confort  à  nous,  qui  sommes  les  victimes  de  la 
révolution  et  du  libéralisme. 

Catholiques  canadiens,  les  habitants  de  la  Lombardie  vous 
sont  connus  par  leur  foi  antique  et  par  leur  courage  chrétien 
traditionnel  ;  en  grande  majorité,  ils  maintiennent  encore 
dans  son  intégrité  la  pieuse  et  religieuse  tradition  de  leurs 
pères,  ils  demeurent  fidèles,  ils  s'organisent  dans  le  mouve- 
ment catholique  ;  ils  ne  craignent  pas  la  lutte  ;  accueillez 
donc  avec  bienveillance  leur  salut,  assurés  que  leurs  coeurs 
font  des  vœux  ardents  pour  vous  et  pour  votre  premier  Con- 
grès catholique  de  Québec,  auquel  ils  s'unissent  en  s'écriant  : 

Vive  l'Eglise  de  Jésus-Christ  ! 

Vive  l'Immaculée-Conception  de  la  Très  Sainte-Vierge  ! 

Vive  Léon  XIII,  Pontife  et  Roi  ! 

Pour  le  Comité  provincial  lombard  de  l'œuvre  des  Congrès 
catholiques, 

Le  président, 

C.  GiusEPPE  Barbiano  di  Religiosi. 

Le  secrétaire, 

Rag.  Guiseppe  Benincori. 


Cercle  St-Jean-Baptiste 

Province  de  Vérone— S.  Gio.  Lup.,  26  mai  1880. 

Monsieur  le  président  et  frère  en  Jésus-Christ^ 

Gomme  soldats  qui  nous  faisons  gloire  de  combattre  sous  la 
même  bannière,  nous  applaudissons  de  grand  cœur  à  votre 
valeureux  Congrès.  Rassemblez-vous,  organisez-vous,  faites- 
vous  forts  ;  c'est  bien.  Lorsque  nous  serons  devenus  une 
seule  et  même  chose  non  seulement  par  la  foi,  mais  aussi  par 
notre  action  extérieure,  nos  ennemis  jurés  auront  à  frapper  de 
leur  front  coupable  contre  un  mur  de  bronze  qui  arrêtera  leur 
marche  furibonde.  Votre  Congrès  poussera  le  mouvement 
catholique  à  pas  de  géant.  Car  c'est  ainsi  que  nous  apprenons 


LETTRES    n'ADHÉSION   AU   CONGRÈS  289 

à  nous  connaître,  que  nous  nous  communiquons  nos  lumières, 
nos  forces,  notre  esprit.  On  sort  d'un  Congrès  mille  fois  plus 
ardent  dans  la  foi,  plus  enflammé  dans  les  œuvres,  plus  cou- 
rageux dans  la  lutte.  La  religion  catholique  en  retire  en  con- 
séquence des  avantages  considérables,  et  la  société  civile,  avec 
elle.  O  courageux  fils  du  Canada,  de  cette  terre  forfrimée  qui 
a  engendré  tant  d'héroïques  défenseurs  du  trône  pontifical, 
vous  avez  pour  vous  sur  ce  point  la  sympathie  du  monde  en- 
tier. Des  contrées  les  plus  lointaines  une  fervente  prière 
s'élève  pour  vous  vers  le  trône  de  Celui  qui  donne  tout  bien, 
de  Celui  de  qui  vient  tout  don  parfait,  afin  qu'il  fasse  pleu- 
voir ses  plus  abondantes  bénédictions  sur  vous  tous  réunis  en 
Congrès,  sur  vos  travaux,  sur  vos  délibérations.  Et  nous  qui 
ne  voulons  point  être  les  derniers  dans  le  mouvement  catho- 
lique ;  nous  aussi,  séparés  du  continent  américain  par  la  vaste 
étendue  de  l'océan,  nous  nous  unissons  en  esprit  à  votre 
Congrès. 

Votre  bienveiUance  vous  fera  accueillir  avec  une  afiection 
particulière  cette  adhésion  qui  part  de  coeurs  auxquels  Dieu  a 
accordé  la  suprême  faveur  de  combattre  aussi  près  du  Trône 
pontifical  ;  voilà  pourquoi  nous  vous  étreignons  tous  dans  un 
fraternel  embrassement,  vous  envoyant  dans  un  transport  de 
saint  enthousiasme,  qui  inonde  nos  cœurs,  ce  triple  cri  : 

Vive  Léon  XIII  !  Vive  la  Religion  !  Vive  le  Canada  ! 

Le  président, 

LuiGi  Baschera. 

L'assistant  ecclésiastique,  ( 

Pietro  Zampieri,  prêtre. 

Le  secrétaire, 

LuiGi  Maggiotti. 


Association  Catholique  de  Lecce 

Lecce,  le  24  mai  1880. 
Monsieur  le  vice-président^ 

C'est  avec  un  véritable  bonheur  que  je  salue  le  Congrès 
catholique  des  Canadiens,  lequel  béni  par  notre  auguste  et 


290      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

vénéré  Pontife  Léon  XIII  se  distinguera  dans  la  lutte  achar- 
née qui  se  livre  en  plein  dix-neuvième  siècle  entre  le  chris- 
tianisme et  le  naturalisme  et  ne  saurait  manquer  d'avoir  les 
plus  heureux  résultats  pour  le  bien  de  la  société  malade. 

Combattons  donc  avec  courage,  en  avant,  bien  aimés  frères 
dans  le  Christ  ;  de  la  lutte,  j'en  ai  la  ferme  confiance,  sortira 
la  victoire  qui  sera  d'autant  plus  brillante  que  le  combat  aura 
été  plus  acharné. 

Puissent  les  sympathies  et  les  hommages  que  vous  offre 
mon  cœur  étroitement  uni  au  vôtre,  augmenter  encore  votre 
ardeur.  Vos  travaux  bénis  par  Léon  XIII  seront  aussi  bénis  de 
Dieu. 

Avec  la  plus  grande  estime  et  la  plus  grande  afiection,  j'ai 
l'honneur  d'être,  cher  frère  dans  l'Eglise  romaine, 

Votre  tout  dévoué  serviteur, 

Baron  Martucgi. 


Cercle  St-Jean-Baptiste  de  Monza 

Monza,  7  mai  1880. 
Messieurs  et  frères  chéris  dans  le  Christ^ 

Le  Cercle  St-Jean-Baptiste,  à  Monza,  de  la  Société  de  la 
jeunesse  catholique  italienne,  s'unit  de  cœur  à  ses  véritables 
frères  du  Canada,  réunis  en  Congrès  à  Québec,  et  leur  pré- 
sente ses  vœux,  ses  souhaits  et  ses  saints. 

La  croix  de  Notre  Seigneur  Jéous-Christ  est  la  seule  et  uni- 
que bannière  de  tous  les  Catholiques  ;  et  bien  que,  habitants 
d'un  autre  continent  et  séparés  par  un  océan,  nous  sommes 
fils  de  la  même  mère,  l'Eglise  catholique,  §t  ne  formons-nous 
pas  qu'un  seul  troupeau  sous  la  direction  d'un  seul  pasteur, 
unum  oviky  unus  Pastor.  Soyons  donc  unis  entre  nous  par  la 
prière  et  les  aspirations. 

C'est  avec  ces  sentiments  que  je  me  souscris 

Pour  le  Cercle  de  Monza, 

Gasparo  Predari,  président. 


LETTRES   d'adhésion  AU   CONGRÈS  291 

Section  St-Joseph  du  Cercle  St-Ambroise  de  Milan 

Haute  Lombardie,  le  21  mai  1880. 
Messieurs  et  chers  confrères  en  J.-C. 

La  section  St-Joseph  du  Cercle  St-Ambroise.  à  Milan,  de  la 
Société  de  la  jeunesse  catholique  italienne,  aurait  été  heu- 
reuse de  pouvoir  envoyer  un  représentant  à  votre  premier 
Congrès  catholique,  mais  l'immense  distance  qui  sépare  les 
deux  continents  lui  rend  cette  consolation  impossible. 

Néanmoins  il  y  a  un  autre  moyen  de  la  représenter  ;  c'est 
de  vous  dire  les  sentiments  qui  nous  animent  pour  votre  œu- 
vre ;  et  autant  qu'il  sera  en  notre  pouvoir  nous  prendrons  part 
à  cette  belle  réunion  en  adressant  au  Seigneur  des  prières 
ardentes  pour  le  succès  du  Congrès  catholique  du  Canada. 

0  Canadiens  !  ayez  courage.  Notre  siècle  est  le  siècle  de 
l'héroïsme  et  de  la  générosité  pour  tous  ceux  qui,  au  milieu 
des  persécutions,  sont  résolus  de  suivre  la  voie  de  la  justice  et 
de  défendre  notre  foi.  Soyons  en  toutes  choses  fermement 
attachés  au  Siège  infaillible  de  Pierre,  et  pendant  que  bien 
des  chefs  d'Etat  étalent  avec  orgueil  leurs  bannières  sur  les- 
quelles sont  écrits  les  mots  de  Révolution  et  d'Anarchie^  nous, 
pleins  de  foi  dans  le  Christ  et  dans  notre  auguste  chef  Léon 
XIII,  tenons  aussi  élevé  notre  humble  mais  plus  glorieux 
drapeau  dont  la  devise  invariable  est  :  Religion  et  Union  !  ! 

Vive  le  Christ  et  son  Eglise  ! 

Vive  le  Pape  Léon  XIII  ! 

Vive  le  Congrès  catholique  de  Québec  ! 

En  vous  offrant  ces  sentiments  du  coeur,  j'ai  l'honneur  de 
me  souscrire,  avec  un  profond  respect, 

Votre,  etc.. 

Pour  la  section  St-Joseph  de  la  Haute  Lombardie, 

CkRLo  Besnati,  président. 


292  premier  congrès  catholique  tenu  a  québec 

Cercle  St-Zénon  de  Vérone 

Vérone,  23  mai  (fête  de  la  Ste-Trinité)  1880. 
Cher  Monsieur^ 

Au  nom  de  tout  le  Cercle  St-Zénon  de  la  jeunesse  catho- 
lique italienne  dont  je  suis  président,  j'applaudis  de  grand 
cœur  au  premier  Congrès  catholique  du  Canada. 

Veuillez,  Monsieur,  transmettre,  à  tous  les  Catholiques  qui 
se  réunissent  à  Québec,  les  sentiments  de  joie  profonde  que  le 
mouvement  religieux  du  Nouveau  Monde  fait  naître  dans  nos 
âmes  et  l'espoir  que  nous  nourrissons  pour  les  bienfaisantes 
lumières  qui  jailliront  de  vos  discussions  sages,  calmes  et 
pratiques. 

Héritiers  des  pieux  desseins  et  des  nobles  ambitions  de  n^'tre 
compatriote  Colomb,  les  Américains  catholiques  verront  to  i- 
jours  dans  la  foi  qui  fait  d'eux  une  seule  famille,  le  phare  qui 
les  guidera  pour  remporti  des  triomphes  qui  seront  à  la 
gloire  de  Dieu  et  de  son  auguste  Représentant  sur  la  terre. 

Je  suis  en  même  temps  heureux,  cher  Monsieur,  de  vous 
offrir  l'hommage  de  mon  estime  et  de  mon  profond  respect. 

Votre  serviteur  et  frère  en  J.-C, 

GiusEPPE  Zaglio,  avocat,  président. 

Albano  Albasini  Ragioniere,  secrétaire. 


Société  des  Dames  Véronaises 

Vérone,  le  24  mai  1880. 
Très  honoré  Monsieur^ 

La  Société  des  dames  véronaises  pour  les  intérêts  catho- 
liques, envoie  aux  catholiques  du  Canada  réunis  à  Québec 
pour  leur  premier  Congrès  un  salut  fraternel. 

Vous  voudrez  bien,  très  honoré  Monsieur,  vous  faire  l'inter- 
prète des  sentiments  de  sympathie  des  dames  véronaises  à 
l'ép^ard  de  ces  vaillants  catholiques,qui  dans  le  nouveau  monde, 


LETTRES    d'adhésion   AU    CONGRÈS  293 

savent  tenir  bien  haut  la  bannière  de  la  religion  et  de  la  civili- 
sation. Daigne  Dieu  bénir  les  travaux  de  ce  premier  Congrès 
pour  le  succès  duquel  notre  Société  vous  promet  le  secours 
de  ses  plus  ferventes  prières. 

Agréez,  honoré  Monsieur,  les  sentiments  de   la  profonde 
estime  avec  laquelle  nous  nous  souscrivons 

Vos  dévouées  servantes, 

Laura  Bottagisie,  présidente. 
Comtesse  Laura  Ravignani,  secrétaire. 
Francesco  Sogaro,  archiprètre,  aumônier. 


Cercle  St-Prodosclmo 
A  M.  le  vice-président  du  premier  Congrès  catholique  de  Québec. 

Si  l'immensité  des  mers  nous  sépare  de  vous  quant  à  la 
partie  matérielle  de  notre  être,  cette  môme  immensité  ne  sau- 
rait nous  séparer  quant  aux  sentiments  et  aux  affections  ;  sen. 
timents  et  affections  qui  lient  en  un  seul  cœur  et  en  une  seule 
âme  tous  les  fils  de  la  même  mère,  notre  Eglise  catholique.  ' 
C'est  par  cette  union  intime  que  nous  éprouvons  une  sainte 
joie  de  voir  que,  dans  le  nouveau  monde  aussi,  elle  enflamme 
les  cœurs  de  cette  vie  religieuse  qui  anime  nos  contrées  d'Eu- 
rope. Qu'ils  vivent  donc  les  valeureux  Canadiens  !  Au  nom  de  ce  , 
Cercle  de  St-Prodoscimo  de  la  jeunesse  catholique  italienne, 
de  ce  sous-comité  diocésain  nous  applaudissons  de  tout  notre 
cœur  au  premier  Congrès  catholique  de  Québec,  nous  adhé- 
rons à  tout  ce  qui  y  sera  décidé  et  nous  prions  le  Seigneur  de 
le  rendre  magnifique  et  fécond  en  bons  résultats. 

Très  chers  frères  en  Jésus-Christ  !  attachés  toujours  à  l'in- 
faillible chaire  de  St-Pierre  et  sous  le  bouclier  de  la  puissante 
protection  de  Marie  Immaculée  combattons  avec  courage  les 
batailles  du  Seigneur  et  ne  reculons  ni  devant  les  travaux  ni 
devant  les  sacrifices  pour  le  bien  de  la  société.  Acharnée  est 
la  lutte,  mais  grâce  à  la  direction  du  divin  Général,  certaine 

est  aussi  la  victoire  :  victoire  que  nous  hâtons  de  nos  désirs 

19 


294      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

afin  qu'elle  brille  encore  sur  la  terre  cette  arc-en-ciel,  gage  de 
paix  après  laquelle  soupirent  toutes  les  âmes  honnêtes. 

Dans  toute  l'expansion  du  cœur  nous  serrons  la  main  aux 
excellents  catholiques  qui  composent  le  Congrès  et  en  même 
temps  nous  vous  adressons  l'expression  de  notre  estime  la  plus 
distinguée. 

Vos  très  humbles  et  très  affectionnés  frères  en  Jésus-Christ- 

Maximilien  Nazoni,  président. 
Zambotti  Rigcardo,  secrétaire. 
Ce  12  mai  1880. 


Cercle  St-Antoine,  abbé 

Sorrente,  le  22  mai  1880. 
M.  le  président  et  chers  frères  en  Jésus-Christ^ 

Les  membres  de  la  Société  de  la  jeunesse  catholique  itaUenne 
à  Sorrente  saluent  avec  un  extrême  bonheur  leurs  frères 
d'Amérique  réunis  en  congrès  catholique  pour  la  première 
fois.  Ils  envoient  à  tous  et  à  chacun  leurs  félicitations  sincères 
et  forment  des  vœux  ardents,  afin  que  semblable  à  la  semence 
de  l'Evangile,  leur  œuvre  bénie  par  Dieu  produise  une  abon- 
dante et  immortelle  moisson. 

La  prière  fervente  qu'en  union  de  charité  et  de  but  nous 
adressons  aux  SS.  Cœurs  de  Jésus  et  de  Marie  sera  le  gage  du 
succès  que  notre  Cercle  vous  souhaite  à  tous  de  tout  cœur. 

L'aumônier,  Giuseppe  Marino,  chanoine. 

Le  président,  Luigi  Gasgil'lo. 

Le  vice-président,  Antonino  Grandailli. 

Le  trésorier,  Francesgo  Bonona. 

Le  secrétaire,  Pasquale  di  Lera. 


LETTRES   d'adhésion   AU    CONGRÈS  295 

Comité  diocésain  de  Brescia 

Brescia,  le  11  mai  1880. 
Bien  chers  frères  en  Jésus-Christ^ 

Dans  une  circulaire  du  6  avril  dernier,  le  conseil  supérieur 
de  la  Société  de  la  jeunesse  catholique  italienne  nous  a  appris 
que  le  24  juin  prochain  doit  se  tenir  à  Québec  le  premier  Con- 
grès catholique  du  Canada. 

A  cette  occasion,  les  membres  du  Comité  de  Brescia  dont  la 
formation  a  suivi  l'œuvre  des  Congrès  catholiques  envoient 
leurs  félicitations  à  leurs  frères  du  Canada,  dans  cette  Amé- 
rique, qui  découverte  il  y  a  quatre  cents  ans  par  un  Italien,  lui 
doit  la  connaissance  de  cette  vérité  par  laquelle  seule  on  peut 
obtenir  le  salut  éternel. 

La  nouvelle  de  la  réunion  de  votre  Congrès  fait  naître  en 
nos  cœurs.  Messieurs,  des  sentiments  de  vive  sympathie  ;  et 
les  nombreux  témoignages  qui  vous  arriveront  de  tous  les 
pays  catholiques  vous  montreront  combien  nous  vous  sommes 
attachés  dans  cette  union  des  esprits  et  cette  conformité  de  vues 
si  recommandées  par  le  Vicaire  de  Jésus-Christ,  Léon  XIII, 
glorieusement  régnant. 

Que  Marie,  la  Vierge  Immaculée  et  Saint  Joseph  patron  de 
l'Eglise  universelle  bénissent  votre  premier  Congrès,  afin  que 
vos  travaux  produisent  parmi  vos  frères  des  résultats  salu- 
taires, afin  que  les  bons  se  donnent  tous  la  main  pour  défendre 
la  cause  de  la  religion,  et  afin  que  stimulés  par  leurs  exemples 
ceux  qui  maintenant  hélas  !  sont  en  dehors  de  l'Eglise  revien. 
nent  à  Celui  qui  est  la  voie^  la  vérité  et  la  vie. 

Pour  le  comité  diocésain  de  Brescia,  le  président, 

Le  vice-secrétaire,  V.  Matiotti. 


Cercle  Ste-Catherine  de  Ricci,  a  Prato  (Toscane) 

Prato,  26  mai  1880. 

Messieurs  et  frères  chéris  en  Jésus-Christ^ 

Le  Cercle  Ste-Catherine  de  Ricci,  de  la  jeunesse  catholique 
italienne,  ne  peut  manquer  de  vous  féliciter,  généreux  catho- 


296      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

liques  du  Canada,  qui  sous  l'égide  d'une  vraie  liberté  vous 
préparez  à  célébrer  à  Québec  votre  premier  Congrès  catho- 
lique. Nous  souhaitons  que  vos  âmes  s'y  retrempent  et  y 
prennent  une  force  nouvelle  poui  combattre  en  faveur  de 
l'Eglise  et  du  souverain  Pontife. 

Mais  en  adressant  à  votre  illustre  assemblée,  au  nom  de 
notre  humble  Cercle,  cette  lettre  de  félicitations  et  de  joyeux 
augure,  nous  ne  présumons  pas  vous  encourager  et  vous  exci- 
ter à  armer  vos  âmes  de  force  et  de  courage  pour  vous  sou- 
tenir dans  la  grande  lutte,  dans  laquelle  se  trouve  nécessai- 
rement engagé  tout  vrai  serviteur  de  Jésus-Christ  et  tout 
enfant  soumis  de  l'Eglise  notre  sainte  Mère  ;  loin  de  là,  nous 
qui  sommes  les  derniers  dans  la  famille  catholique,  nous 
avons  tout  à  apprendre  de  la  grandeur  de  votre  foi  et  de  la 
fermeté  de  vos  cœurs  à  combattre  les  combats  du  Seigneur. 

Beaucoup  de  catholiques  canadiens  furent  de  dignes  sol- 
dats du  glorieux  Pie  IX  ;  vous  êtes  de  dignes  soldats  de 
l'Eglise  et  de  Léon  XIII,  vous,  messieurs,  qui  pour  le  bien  de 
l'Eglise  catholique,  notre  Mère  à  tous,  vous  réunissez  pour  la 
première  fois  en  assemblée  générale. 

Frères  catholiques,  l'immense  surface  de  l'océan  et  une 
grande  étendue  de  terre  tient  nos  personnes  éloignées  de  vous, 
mais  nos  esprits  et  nos  cœurs  sont  au  milieu  de  vous  pour 
vous  applaudir,  pour  adhérer  à  vos  délibérations,  pour  s'unir 
avec  vous  dans*  la  prière,  dans  l'action  et  le  sacrifice.  Tous 
enfants  de  Léon  XIII,  chaque  langue  répète,  avec  jubilation, 
son  nom  vénéré  et  que  notre  cri  de  :  Vivent  les  catholiques  du 
Canada  !  résonne  au  sein  de  votre  illustre  assemblée. 

Nous  avons  l'honneur  de  vous  saluer  et  de  nous  souscrire, 
Vos  très  dévoués  et  affectionnés  en  Jésus-Christ, 

Tebaldo  Fabroni,  président. 
RoccHi  ViNCENzo,  Secrétaire. 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRÈS  297 

Société  ouvrière  catholique  de  secours  mutuel, 
Terranova  (Sicile) 

M.  le  vice-président  du  Comité  du  Congrès  catholique  de  Québec^ 

C'est  avec  une  profonde  et  joyeuse  satisfaction  que  j'ai  appris 
par  le  journal  La  Sicilia  Cattolica  que  le  24  juin  prochain  devra 
se  tenir  le  premier  Congrès  catholique  du  Canada.  C'est  pour 
quoi,  M.  le  vice-président,  conjointement  avec  l'Union  catho- 
lique dont  je  suis  le  président,  je  ne  puis  manquer  d'adresser 
de  ferventes  prières  à  Dieu,  afin  qu'il  daigne  vous  faire  obte- 
nir, à  vous  et  à  vos  autres  généreux  et  invincibles  compagnons, 
un  heureux  succès  et  des  fruits  nombreux  comme  couronne- 
ment de  vos  zélés  travaux. 

Grands  et  infinis  seront  les  mérites  que  de  tels  apôtres 
acquerront  auprès  de  Dieu  ;  parce  que  le  bien  qu'ils  font  à 
l'humanité  est  grand  et  inestimable,  puisqu'ils  coopéreront 
dans  une  si  large  part  à  la  propagation  de  la  religion  chré- 
tienne. Je  salue  du  fond  du  cœur  une  entreprise  aussi  bien- 
faisante et  aussi  sainte  et  je  prie  le  Seigneur  de  lui  donner  de 
l'accroissement. 

Que  Dieu  daigne  par  sa  protection  bienfaisante  et  en  jetant 
sur  elle  un  regard  de  bienveillance  la  bénir  et  la  soutenir,  en 
accordant  prospérité  et  accroissement  au  zèle  qui  l'anime. 

Agréez,  monsieur,  l'expression  de  ma  profonde  estime  et  du 
respect  avec  lequel  j'ai  l'honneur  de  me  souscrire, 

Votre  tout  dévoué, 

RosARio  Ciaramella, 
Président  de  l'Union  catholique  du  travail  à  Terranova. 
Terranova  (Sicile),  26  mai  1880. 


Société  St-Vincent  de  Paul 

Conférence  de  Prato. 

3  mai  1880. 
Monsieur  le  vice-président^ 

A  peine  ai-je  reçu  l'avis  du  premier  Congrès  catholique  du 
Canada  qui  se  réunira  dans  votre  cité  le  24  juin  prochain, 


298      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

que  je  m'empresse  de  vous  faire  savoir,  au  nom  de  tous  les 
associés  de  cette  conlereiice  de  Prato,  en  Toscane,  que  bien 
volontiers  nous  nous  associons  en  esprit  à  nos  frères  de  l'Amé- 
rique du  Nord  pour  prier  Dieu,  dispensateur  de  tous  biens,  de 
faire  réussir  leurs  travaux  incessants,  pour  ramener  dans  le 
droit  sentier  du  chemin  du  Paradis  toute  cette  famille  égarée 
et  inconsciente  du  vrai  salut  éternel  de  l'âme.  Si  vous  avez  le 
courage  d'entreprendre  ainsi  avec  vigueur  ce  que  peut  vous 
présenter  le  cours  de  la  vie,  ne  doutez  pas  que  le  Seigneur 
n'accepte  avec  complaisance  vos  travaux  et  ne  se  charge  de  les 
récompenser  avec  libéralité. 

Tout  en  vous  adressant,  illustrissime  Monsieur,  à  vous  et  à 
tous  nos  frères  en  Jésus-Christ,  un  salut  cordial  et  affectueux, 
j'ai  l'honneur  de  me  déclarer,  avec  des  sentiments  d'estime  et 
de  respect. 

Votre  très  affectionné  frère  en  J.-C, 

Attiliana  Pancani,  président. 


Cercle  St-Flavius,  1  Grotte  di  Castro 

Monsieur  le  président^ 

La  Société  des  intérêts  catholiques  de  Grotte  di  Castro,  pro- 
vince de  Rome,  Italie,  vous  prie  de  présenter  aux  membres 
du  premier  Congrès  catholique  du  Canada  son  entière  adhé- 
sion et  ses  félicitations  les  plus  vives,  et  adresse  des  vœux 
ardents  à  Notre  Seigneur  pour  que  les  travaux  de  nos  frères 
de  l'Amérique  du  Nord  aient  un  bon  succès. 

Grotte  di  Castro,  du  Cercle  de  St-Flavius,  20  mai  1880. 

Le  président.  Le  secrétaire, 

Flavius  Orzi.  Nazareno  Cristofori. 


LETTRES  d'adhésion  AU   CONGRÈS  299 

Association  Gatholiou  .  de  Vicenza 

Italie,  Vicenza,  24  mai  1880. 

A  nos  frères  catholiques  de  l'Amérique  du  Nord  réunis 
en  Congrès  à  Québec. 

Le  24  juin  sera  pour  vous  un  jour  mémorable.  Il  est  facile 
de  penser  combien  de  consolations  vous  éprouverez  en  ce 
jour  ;  mais  tous  les  catholiques  du  monde  vont  s'en  réjouir 
avec  vous  ;  ils  vous  regardent,  vous  applaudissent  et  joignent 
leurs  prières  aux  vôtres. 

L'Association  catholique  de  Vicenza  s'unit  à  vous  en  esprit, 
vous  encourage  à  soutenir  cette  lutte  que  tous  les  bons  catho- 
liques sont  appelés  à  soutenir  pour  le  triomphe  de  l'Eglise  ; 
elle  prie  et  elle  priera  pour  le  succès  de  vos  travaux,  que  Dieu 
daignera  certainement  bénir,  et  elle  vous  envoie,  avec  toute 
l'effusion  du  cœur,  un  salut  fraternel. 

Carlo  Perecini, 

Président  de  1  Association  catholique  de  Vicenza,  Italie. 


Comité  diocésain  de  Vérone 

Vérone,  20  mai  18B0. 
Monsieur  le  président., 

Le  Comité  diocésain  de  Vérone,  en  son  nom  et  au  nom  des 
comités  paroissiaux  de  la  ville  et  de  ce  diocèse,  ne  peut  s'em 
pêcher  d'adresser  un  mot  d'éloge  et  d'encouragement  aux 
catholiques  canadiens  qui  se  réunissent  en  Congrès  pour  la 
première  fois,  le  24  juin  prochain. 

Bien  que  l'immense  océan  sépare  les  nations  auxquelles 
nous  appartenons,  cependant  nous  pouvons  dire  que  nous 
sommes  toujours  unis  en  esprit  comme  enfants  d'un  même 
Père,  puisque  nous  avons  les  mêmes  croyances  et  les  mêmes 
aspirations. 

Le  Comité  diocésain  souhaite  de  tout  cœur  au  premier  Con- 
grès catholique  du  Canada  succès  dans  ses  travaux  pour  le 


300      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

triomphe  de  la  Ste-Eglise  et  pour  le  salut  des  âmes,  et  il  de- 
mandera à  Dieu  de  le  lui  accorder. 

Agréez,  M.  le  président,  l'expression  de  la  considération, 
avec  laquelle  nous  avons  le  plaisir  de  nous  souscrire, 

Vos  affectionnés  frères  en  Jésus-Christ, 

Bartolomeo  Cesare  Goris, 
Chanoine  théologal  de  la  cathédrale,  président. 

Francesco  Vaccari, 

secrétaire. 


Cercle  de  St-Thomas  d'Aquin,  k  Ancône 

Ancône,  24  mai  1880. 

Monsieur  et  frère  en  Jésus-Christ. 

La  religion  catholique,  apostolique  et  romaine,  qui,  par  une 
admirable  unité  de  doctrine  nous  unit  tous  par  un  môme  lien 
plein  de  suavité,  nous  rend  membres  d'une  môme  famille  et 
même  enfants  d'un  môme  père  ;  et  comme  dans  une  petite  fa- 
mille, tous  participent  au  bien  de  l'un  de  ses  membres  et  s'en 
réjouissent,  ainsi  doit-il  en  être  dans  la  grande  famille  catho- 
lique. C'est  pour  cette  raison  que,  sachant  que  le  24  juin 
prochain  vous.  Catholiques  du  Canada,  vous  vous  réunirez  au 
nom  de  Jésus-Christ  pour  traiter  et  discuter  vos  intérêts  reli- 
gieux et  sociaux  afin  de  les  défendre  ensuite  contre  les  assauts 
des  fils  de  Baal  qui  sont  répandus  et  se  rencontrent  dans 
toutes  les  parties  du  monde,  nous,  soussignés,  en  notre  nom 
et  au  nom  de  tous  les  Catholiques  de  notre  ville,  nous  vous 
adressons  un  salut  fraternel,  et,  bien  que  séparés  de  vous  par 
une  immense  distance,  nous  nous  unissons  à  vous  en  esprit, 
et  nous  prenons  le  plus  grand  intérêt  à  votre  réunion.  Cette 
réunion,  ne  pouvant  manquer  d'avoir  l'approbation  et  la  béné- 
diction du  Souverain  Pontife,  produira,  comme  nous  vous  le 
souhaitons  de  tout  cœur,  les  fruits  les  plus  abondants.  Et 
comme  les  assemblées  ténébreuses  des  ennemis  de  la  religion 
catholique  répandent  partout  l'impiété,  le   sensualisme,   le 


LETTRES    d'adhésion   AU    CONGRES  301 

blasphème  et  la  haine  des  prêtres  du  Dieu  vivant,  de  notre 
côté,  nous,  enfants  respectueux  de  cette  sainte  religion,  réunis 
pacifiquement  au  nom  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  faisons 
tout  ce  qui  est  en  notre  pouvoir  pour  propager  et  raffermir  la 
foi,  pour  prêcher  Tesprit  de  pénitence  et  de  sacrifice,  pour  re- 
commander la  prière  et  faire  chanter  les  louanges  de  Dieu  et 
de  Marie  sa  très  sainte  Mère,  pour  répandre  et  accroître  le  res- 
pect et  la  vénération  envers  les  simples  prêtres,  envers  les 
vénérables  membres  de  l'Episcopat  et  surtout  envers  l'auguste 
vicaire  de  Jésus-Christ.  Donnant  notre  adhésion  dès  mainte- 
nant à  toutes  les  décisions  que  vous  prendrez,  conduits  par 
l'esprit  de  l'Evangile,  nous  félicitons,  avec  une  sainte  satisfac- 
tion, les  promoteurs,  le  comité  surtout,  de  ce  Congrès  catho- 
lique et  tous  ceux  qui  y  prendront  part  ;  nous  unissant  à  eux 
de  tout  cœur  pour  crier  :  Vive  la  religion  catholique  !  Vive  le 
premier  Congrès  catholique  du  Canada  !  Vive  le  Souverain 
Pontife  Léon  XIII  ! 

Et  c'est  dans  ces  sentiments  que  nous  avons  l'honneur  de 
nous  dire,  au  nom  de  notre  Seigneur  Jésus-Christ,  Monsieur 
le  vice-président. 

Vos  très  dévoués  serviteurs  et  confrères, 

Emmanuele  Federici,  président. 

GiusEPPE  Baroncini,  vice-président. 

Ulderico  Giampaoli,  trésorier. 

Raimondo  Bosdari,  secrétaire. 

ViNCENzo  Gasparoni,  curé,  assistant 

ecclésiastique. 

Société  de  la  jeunesse  catholique  Romaine, 
Cercle  de  St-Pierre 

Rome,  19  mai  1880. 
Monsieur^ 

C'est  avec  le  plus  grand  intérêt  que  les  membres  de  ce  Cercle, 
que  je  préside,  ont  appris  la  nouvelle  que  les  catholiques  du 


303  PUEMIEIl    CONGRÈS   CATHOLIQUE  TENU   A   QUÉBEC 

Canada  ont  l'intention  de  se  réunir  et  de  célébrer  leur  premier 
Congrès  catholique.  Nous  sommes  séparés  de  vous  par  une 
immense  étendue  de  terre  et  de  mer  ;  mais  malgré  cela,  notre 
cœur  palpite  pour  vous,  bien  que  nous  ne  vous  ayons  jamais 
connus  ;  et  nous  sentons  que  nous  sommes  vos  frères. 

Une  seule  et  même  foi  en  notre  Seigneur,  nous  unit  tous 
par  le  lien  le  plus  étroit,  la  môme  affection  nous  lie  à  son 
Vicaire,  notre  Père  commun. 

Nous  qui  avons  le  grand  avantage  de  le  posséder  au  milieu 
de  nous,  nous  faisons  tout  en  notre  pouvoir  pour  le  consoler 
au  sein  des  douleurs  que  d'autres  de  ses  enfants  ingrats  et  in- 
dignes de  ce  nom  lui  causent  chaque  jour. 

Et  vous,  bien  que  séparés  de  lui  par  une  si  grande  distance, 
vous  lui  avez  envoyé  généreusement,  il  y  a  quelques  années, 
vos  enfants  pour  défendre  ses  droits  sacrés  par  les  armes  et 
en  versant  leur  sang  ;  vous  n'avez  pas  cessé  ensuite  de  sub- 
venir à  son  auguste  indigence  par  vos  offrandes  en  argent  ;  et 
maintenant  en  vous  réunissant  en  Congrès  et  en  vous  décla- 
rant de  nouveau  ses  fils  respectueux,  vous  préparez  une  nou- 
velle consolation  à  son  cœur  affligé.  Nous  vous  envoyons  donc  du 
cœur  un  salut  fraternel,  et  dès  maintenant  nous  donnons  notre 
adhésion  à  toutes  les  résolutions  que  vous  prendrez  dans 
votre  Congrès.  Car  ce  que  vous  croyez,  nous  le  croyons  ;  ce 
que  vous  aimez,  nous  l'aimons  ;  ce  que  vous  repoussez,  nous 
le  repoussons  nous  aussi,  en  Notre  Seigneur  et  en  son  infail- 
lible vicaire  Léon  XIII. 

Nous  vous  prions,  Monsieur,  de  vous  faire  l'interprète  au- 
près des  catholiques  du  Canada  réunis  en  Congrès,  de  ces 
sentiments  du  Cercle  de  St-Pierre  de  Rome,  et  d'agréer  l'ex- 
pression du  profond  respect,  avec  lequel  j'ai  l'honneur  de  me 
souscrire 

Votre  tout  dévoué  serviteur, 

FiLiPPO  Talli,  président. 

Le  secrétaire, 

G.  MONETI. 


LETTIIES    d'adhésion    AU    CONGIIKS  303 

Cercle  de  St-Ghristophe,  X  Gallarate 

Gallarato,  lo  19  mai  1880. 

Monsieur  le  président^ 

C'est  avec  une  immense  joie  que  notre  cœur  salue  votre 
premier  Congrès  catholique.  Ce  Conf,'rès,  nous  l'espérons, 
contribuera  puissamment  à  confirmer  dans  le  peuple  la  foi  et 
les  sentiments  religieux  et  sera  en  même  temps  une  protesta- 
tion m.aijrnifique  contre  les  œuvres  de  l'impiété  et  de  l'incré- 
dulité. Unis  à  vous  par  les  liens  de  la  chanlé  chrétienne^ 
nous  adhérons  de  grand  cœur  à  tout  ce  que  vous  déciderez 
pour  le  bien  de  la  société  et  de  la  religion,  et  nous  vous  pro- 
mettons que  nous  ne  manquerons  pas  d'adresser  au  Seigneur 
de  ferventes  prières  afin  que  durant  ces  jours  il  vous  accorde 
ses  lumières  et  ses  plus  abondantes  bénédictions. 

Avec  la  plus  grande  effusion  du  cœur,  nous  nous  souscri- 
vons dans  la  charité  de  N.  S.  J.-C, 

Votre,  etc., 

Ubaldo  Ferrario,  président. 


Société  des  bonnes  oeuvres  et  de  bienfaisance 

Casai  Monferrant,  20  mai,  18o0. 
Monsieur  le  président^ 

C'est  avec  bonheur  que  les  sociétés  catholiques  de  ce  con- 
tinent ont  appris  que  des  sociétés  semblables  se  sont  aussi 
formées  de  l'autre  côté  de  l'Atlantique  et  que  les  catholiques 
de  votre  pays  ont  résolu  de  se  réunir  en  congrès  pour  s'en- 
tendre sur  la  lutte  qu'ils  ont  résolu  de  livrer  aux  ennemis  de 
la  foi,  de  l'Eglise  et  du  Père  commun  des  fidèles. 

Aussi,  nous  empressons-nous  d'envoyer  à  ces  sociétés  notre 
adhésion  entière,  et  de  présenter  nos  souhaits  et  nos  félicita- 
tions à  tous  les  membres  de  votre  Congrès  catholique.  Si  la 
Société  des  bonnes  œuvres  et  de  bienfaisance  de  Casai  Mon. 


304      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

ferrant,  en  Italie,  ne  peut  se  joindre  à  vous  à  cause  de  la  dis- 
tance, elle  vous  est  du  moins  unie  en  esprit  et  par  la  prière, 
ainsi  que  dans  la  ferme  espérance  d'obtenir  bientôt  de  Dieu 
le  triomphe  de  l'Eglise,  et  de  voir  la  fin  de  ces  persécutions 
lamentables  dont  le  but  est  de  substituer  l'athéisme  à  In  foi, 
les  sectes  à  l'Eglise,  Satan  à  Dieu. 

Veuillez,  M.  le  président,  transmettre  à  toutes  les  sociétés 
catholiques  de  l'Amérique  l'expression  de  notre  affection 
cordiale  et  présenter,  au  nom  de  notre  société  de  bienfaisance, 
au  Congrès  réuni  à  Québec,  le  salut  catholique  :  Loué  soit 
Jésus-Ghrist. 

J'ai  l'honneur  d'être,  monsieur,  avec  un  profond  respect, 
votre,  etc., 

Negri  Federico,  secrétaire. 

Pour  la  Société  des  bonnes  œuvres  et  de  bienfaisance. 


Lettre  collective  des  Catholiques  de  Modéne,  Parmes,  etc. 

Modene,  Ie22mai1880. 

Messieurs  et  chers  frères  en  J.-C. 

Les  Catholiques  italiens  de  Modêne  st  Nonantola,  Reggio, 
Parmes,  Plaisance,  Borgo  San  Domino,  Carpi  et  Guastalla, 
qui  forment  notre  Région  de  VEmilie^  au  nom  de  Dieu  et  du 
Pape,  envoient,  par  notre  entremise,  leurs  félicitations  sincè- 
res, un  salut  fraternel  et  leurs  meilleurs  souhaits,  à  vous  tous, 
messieurs  et  chers  frères  qui,  au  nom  de  Dieu  et  du  Pape, 
vous  êtes  réunis  en  Congrès  sur  les  rives  du  St-Laurent.  Un 
océan  immense  nous  sépare  ;  nous  parlons  des  langues  diifé- 
rentes,  mais  nous  nous  sentons  unis  à  vous  par  un  lien  indis- 
soluble, puisque  nous  vivons  de  la  même  foi,  et  que  nous 
professons  le  même  amour  pour  le  vicaire  de  Jésus-Ghrist. 
Aussi  nous  est-il  doux  de  nous  transporter  par  la  pensée  jus- 
que sur  ce  sol  fécond  de  l'Amérique,  pour  assister  d'esprit  et 
de  cœur  à  vos  réuii  ons,  pour  applaudir  à  vos  délibérations  et 
adopter  toutes  les  résolutions  que  vous  prendrez  pour  la  dé- 


LETTRES  d'adhésion  AU  CONGRÈS  305 

iense  de  notre  Mère  l'Eglise  catholique  et  de  son  auguste  chef 
le  Pontife  romain. 

Vous  savez,  Messieurs,  d'où  vous  viennent  ces  adhésions 
sincères.  Elles  vous  viennent  de  cette  terre  qui  a  été  ^violem- 
ment arrachée  au  St-Siège  et  dont  la  Révolution  a  fait  le 
centre  des  plus  iniques  attentats  contre  le  Pontife  romain.  Mais 
la  vraie  Italie,  l'Italie  catholique  sait  que  la  papauté  est  sa 
gloire  la  plus  brillante,  et  dans  la  triste  condition  nni  lui  est 
faite  elle  voit  le  plus  grand  des  malheurs.  Elle  souffre  et  eîle 
pleure,  victine  infortunée  d'une  persécution  cruelle,  tramée 
contre  son  Roi  vénéré  ;  mais  aussi  tenant  élevé  lo  drapeau  du 
Vatican,  elie  résiste,  elle  lutte,  pleine  de  confiance  et  d'ardeur 
pour  rendre  au  Souverain  Pontife  ses  droits  et  sa  liberté,  seuls 
gages  certains  de  paix  et  de  prospérité  véritable  pour  l'Italie. 

O  Canadiens  !  avec  quelle  joie  et  quelle  reconnaissance  nous 
nous  rappelons  vos  dignes  représentants  qui,  au^^jours  de  nos 
plus  grands  désastres,  étaient  accourus  à  Rome  pour  y  dé- 
fendre, avec  intrépidité  et  au  prix  même  de  leur  vie,  ces  droits 
imprescriptibles  et  cette  liberté  sainte.  Outre  les  liens  de  la 
Foi  et  de  l'amitié  qui  nous  unissent  à  vous,  il  y  a  donc  encore 
les  liens  d'une  lutte  commune,  et  nous  sommes  heureux  de 
les  resserrer  aujourd'hui,  que  vous  êtes  réunis  pour  votre 
premier  Congrès  catholique  dans  votre  noble  pays. 

A  l'œuvre  donc,  chers  frères,  pour  le  bien  de  l'Eglise  et  de 
la  papauté  ;  l'assistance  divine  ne  manquera  pas  à  vos  travaux 
qui,  nous  l'espérons,  produiront  des  fruits  abondants. 

Tel  est  le  vœu  que  nous  formons  en  ce  moment  pour  vous, 
pendant  que  du  fond  de  nos  cœurs  s'échappe  un  cri  unanime 
et  spontané  :  Vive  le  Canada  catholique  !  Vive  Léon  XIII! 

Comte  Cl\udio  Bc^hetti,  président. 

Av.  BlAGIO  Caroli. 

Rabascini  Antonio. 

Comte  Gaetano  Tarabini. 

Av.  Leopoldo  Arnorth,  secrétaire. 

GiusEPPE  Bayard,  secrétaire. 

Enrico  Sicgardi,  de  l'ordre  des  Frères  Prêcheurs. 

LuiGi  Giovanni  Vandelli,  dottor. 


306      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

LETTRES  DE  FRANCE 


,    Lettre  de  M.  L.  Brun,  sénateur 

Paris,  9  mai  1880 
Monsieur  le  président^ 

Vous  savez  où  nous  en  sommes  en  France.  La  liberté  reli- 
gieuse est  menacée  de  périls  prochains  et  je  suis  obligé  de  me 
rendre  à  l'évidence  du  devoir  qui  me  retient  ici.  Je  serais 
coupable,  si  je  m'éloignais  du  sénat  pendant  les  mois  de  juin 
et  de  juillet.  Les  catholiques  doivent  à  l'heure  critique  oii 
nous  sommes,  tout  sacrifier  pour  rester  au  poste  où  Dieu  les  a 
placés. 

Ce  n'est  pas  sans  un  grand  déchirement  de  cœur  que  je 
renonce  à  mon  projet  qui  me  charmait  par  tous  les  côtés  à  la 
fois.  C'est  vraiment  les  larmes  aux  yeux  que  je  vous  écris  et 
je  ne  sais  comment  vous  dire  combien  eût  été  vive  la  joie  que 
je  me  promettais,  combien  est  amer  le  chagrin  que  j'éprouve. 

Soyez,  je  vous  prie,  l'interprète  de  mes  sentiments  auprès 
de  nos  amis.  Vous  et  eux  me  permettrez,  je  l'espère,  de  les 
nommer  ainsi.  Mon  cœur  de  catholique  et  de  français  sera 
le  2i  juin  avec  mes  frères  du  Canada.  Je  demanderai  à  Dieu 
que  l'écho  de  cette  grande  manifestation  religieuse  et  politique 
vienne  à  travers  l'Océan,  rappeler  à  notre  pauvre  France  le 
souvenir  de  ses  enfants  fidèles  aux  traditions  de  la  fille  ainée 
de  l'Eglise,  les  devoirs  des  nations  chrétiennes  et  les  condi- 
tions nécessaires  de  la  paix  sociale  et  de  la  prospérité  des 
peuples. 

Je  garde  avec  une  profonde  reconnaissance  le  souvenir  de 
l'honneur  que  les  catholiques  de  Québec  ont  daigné  me  fairo. 
Je  charge  mon  ami  Monsieur  Claudio  Jannet  qui,  plus  heu- 
reux que  moi,  aura  l'honneur  de  vous  voir,  de  vous  dire  tout 
ce  que  cette  lettre  ne  peut  exprimer. 

Daigne  Dieu  permettre  qu'un  jour  je  puisse  aller  dire  de 
vive  voix  aux  Canadiens  français  combien  je  les  admire; 
puisse-t-il  surtout  me  donner  l'occasion  de  leur  prouver  par 


LETTRES  "d'adhésion  AU  CONGRÈS  307 

des  actes  ma  cordiale  sympathie  et  mon  affectueux  dévoue- 
ment. 

Veuillez  agréer,  très  honoré  et  cher  président,  l'expression 
respectueuse  des  sentiments  avec  lesquels  j'ose  me  dire, 

Votre  très  humble  serviteur  et  votre  ami, 

Ll'cien  Brun. 


Lettre  de  M.  le  Comte  A.  de  Mun 

Paris,  12  février  1880 

Messieurs  et  bien  chers  confrères^ 

J'ai  reçu  l'invitation  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'adresser  pour  le  Congrès  catholique  qui  se  prépare  à  Québec 
à  l'occasion  de  la  fête  nationale  du  24  juin  :  si  je  n'y  ai  pas 
répondu  plus  tôt,  c'est  que,  profondement  touché  de  votre 
pensée,  des  termes  de  votre  invitation  si  généreuse  et  si  large, 
de  l'intérêt  considérable  des  réunions  auxquelles  vous  me 
conviez  à  prendre  part,  j'ai  voulu  chercher  tous  les  moyens 
de  répondre  à  votre  appel.  Je  n'ai  malheureusement  pas  pu 
les  trouver,  et  c'est  avec  un  vif  sentiment  de  tristesse  que  je 
suis  réduit  à  venir  aujourd'hui  vous  prier  d'agréer  mes  excuses 
avec  mes  remerciements.  La  raison  qui  m'arrête  est  d'une 
nature  toute  personnelle  et  intime  :  c'est  un  de  ces  devoirs  de 
famille  qui  obligent  en  conscience,  et  devant  lesquels  tout 
le  reste  doit  céder. 

Vous  ne  douterez  pas,  j'en  ai  la  confiance,  de  mes  regrets 
profondément  sincères.  Je  comprends  trop  toute  l'importance 
de  votre  congrès,  et  le  bien  qui  peut  s'y  faire,  je  sais  trop  celui 
que  j'y  aurais  trouvé  moi-même  dans  vos  exemples  et  dans  les 
marques  de  votre  chrétienne  et  affectueuse  bienveillance,  je 
connais  trop  bien  enfin  les  liens  puissants  que  forment  entre 
nous  la  tradition  nationale  et  l'ardeur  de  notre  foi  commune, 
pour  ne  pas  sentir  très  vivement  tout  ce  que  je  perds,  et  tout 
le  prix  de  ce  que  vous  vouliez  bien  m'offrir. 

Quoique  la  volonté  de  Dieu,  en  opposant  à  mon  désir  une 


308      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

invincible  barrière,  m'oblige  à  rester  loin  de  vous,  cette  lettre, 
du  moins,  vous  portera  avec  l'expression  de  ma  reconnaissance, 
le  témoignage  de  ma  cordiale  sympathie  :  veuillez  être  mon 
interprète  près  de  tous  ceux  que  vous  me  permettez,  n'est-ce 
pas,  d'appeler  nos  amis,  et  leur  dire  qu'en  dépit  des  distances 
et  des  obstacles,  je  m'unirai  de  toute  mon  âme  à  leurs  émo- 
tions, à  leurs  vœux  et  à  leurs  prières. 

En  me  conférant  la  qualité  de  membre  de  votre  Cercle 
catholique,  vous  m'avez  fait  un  lionneur  dont  plus  que  jamais 
aujourd'hui  j'aime  à  me  souvenir,  et  c'est  à  ce  titre  que  je 
vous  prie,  Messieurs  et  chers  confrères,  d'agréer  avec  mes 
remerciements  et  mes  regrets,  l'hommage  de  mon  affectueux 

et  entier  dévouement. 

A.  DE  MuN. 


Lettre  de  M.  le  général  baron  de  Gharette 

Monsieur  j 

C'est  un  grand  honneur  pour  moi  d'être  mis  au  nombre  des 
défenseurs  de  l'Eglise  en  ce  beau  pays  du  Canada  si  cher  à 
tout  cœur  français. 

Vous  ne  sauriez  croire  combien  je  serais  heureux  de  me 
trouver  au  milieu  de  vous,  qui  portez  si  fièrement  le  beau 
drapeau  de  vos  ancêtres...  et  des  nôtres  :  "  Aime  Dieu  et  va 
ton  chemin  ;  "  c'est  votre  devise,  c'est  aussi  la  nôtre.  La  révo- 
lution veut  rayer  Dieu  de  la  société,  mais  tant  qu'il  y  aura 
un  Zouave  pontifical  il  sera  toujours  au  premier  rang  pour 
mourir,  s'il  le  faut,  en  afiirmant  sa  foi. 

Merci,  Monsieur,  et  soyez  mon  interprète  auprès  de  tous  les 
membres  du  Cercle  catholique  de  Québec,  et  veuillez  les  as- 
surer de  ma  reconnaissance  et  de  mon  dévouement  aux 
grands  principes  qu'ils  défendent. 

Votre  bien  dévoué. 


Baron  de  Charette. 


Paris,  ce  24  mai  1880. 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRÈS  309 

Lettre  de  M.  G.  Jannet 

Monsieur  le  Chevalier^ 

Je  suis  profondément  touché  de  l'invitation  si  flatteuse  que 
vous  voulez  bien  m'adresser  au  nom  du  Cercle  catholique  de 
Québec. 

Ce  sera  pour  moi  un  véritable  bonheur  que  de  me  rendre  à 
votre  appel  et  de  prendre  part,  dans  la  limite  de  mes  forces  et 
conformément  à  votre  programme,  à  cette  grande  solennité 
du  24  juin,  où  vous  voulez  unir  fraternellement  tous  les  ra- 
meaux de  la  race  française  dans  l'affirmation  de  la  foi  ca- 
tholique. 

Le  service  de  l'Eglise  a  été  dans  l'histoire  la  raison  d'être 
de  la  France  et  le  principe  constitutif  de  la  nationalité.  Le 
noble  rejeton,  qu'en  des  temps  meilleurs  elle  abaissé  sur  le  sol 
américain,  s'est  montré  noblement  fidèle  à  cette  mission,  et 
aujourd'hui  plus  que  jamais  il  est  un  légitime  sujet  de  fierté. 

Je  serai  particulièrement  heureux,  comme  représentant  de 
l'Université  catholique  de  Paris,  de  saluer  cette  grande  Uni- 
versité-Laval, qui,  sous  la  haute  direction  de  votre  émment 
archevêque,  continue  si  dignement  les  traditions  de  science 
des  puissantes  institutions  d'enseignement  que  l'Eglise  a 
créées  dès  le  commencement  des  sociétés  modernes. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  Chevalier,  et  offrir  à  tous  les 
membres  du  Cercle  d'agréer  l'expression  de  ma  gratitude  et 
l'hommage  fraternel  de  mon  dévouement. 

Claudio  Jannet, 

Professeur  d'économie  politique  à  l'Université 
catholique  de  Paris. 

Paris,  ce  9  février  1880. 
Monsieur  le  Chevalier  C.  Vincelette, 
président  du  Cercle  catholique  de  Québec. 


20 


s  10      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Lettre  de  M.  Eugène  Veuillot 

Paris,  le  8  juin  1880. 
Monsieur  le  président^ 

La  santé  de  M.  Veuillot  ne  lui  permettant  pas  de  se  rendre 
à  votre  fraternelle  invitation,  nous  espérions  que  l'un  de  ses 
collaborateurs  pourrait,  non  pas  le  remplacer,  mais  repré- 
senter au  moins  l' iAmvers  à  la  solennité  canadienne  française 
et  religieuse  dont  le  Cercle  catholique  de  Québec  a  eu  la 
bonne  et  grande  pensée  de  prendre  l'initiative. 

Les  graves  circonstances  où  nous  sommes  nous  privent  de 
cette  joie  et  de  cet  honneur.  Tandis  que  vous  affirmez  libre- 
ment, sans  crainte  du  lendemain,  en  pleine  fête,  votre  patrio- 
tisme et  votre  foi,  nous  devons  garder  ici  nos  postes  de  combat 
pour  défendre  nos  écoles,  nos  religieux,  la  conscience  de  nos 
enfants. 

\j  Univers  ne  pourra  donc,  à  son  grand  regret,  être  présent 
aux  belles  fêtes  où  vous  allez  affirmer  de  nouveau  votre 
attachement  à  la  mère-patrie  et  votre  dévouement  à  l'Eglise  ; 
mais  croyez  que  d'esprit  et  de  cœur,  nous  serons  tous  avec  vous. 

Veuillez  agréer,  Monsieur  le  président,  avec  les  remercie- 
ments de  la  rédaction  de  V Univers^  l'assurance  de  mes  meilleurs 

sentiments. 

Eugène  Veuillot. 

Monsieur  C.  Vincelette, 

Président  du  Cercle  catholique  de  Québec. 


Lettre  de  M.  F.  Levé 

Paris,  le  8  juin  1880. 

A  Messieurs  C.  Vincelette  et  N.  E.  Dionne^  vice-président  et 
secrétaire  du  Congrès  catholique  de  Québec. 

Messieurs, 

Je  vous  demande  pardon  de  répondre  aussi  tardivement  à  la 
cordiale  invitation  que  vous  nous  avez  fait  l'honneur  de  nous 


LETTRES   d'adhésion   AU    COr^GRÈS  311 

adresser  pour  la  solennité  du  24  juin.— Des  préoccupations  de 
toute  sorte  m'ont  fait  ajourner  ce  devoir,  je  vous  en  exprime 
tous  mes  regrets  :  aujourd'hui,  en  réparant  cette  omission,  je 
suis  heureux  de  vous  dire  que  nous  ne  serons  pas  absents  de 
votre  grande  fête  religieuse  et  nationale. 

Monsieur  le  comte  de  Foucault,  qui  est  de  nos  meilleurs 
amis,  a  bien  voulu  accepter  de  représenter  le  journal  Le  Monde 
parmi  vous  ;  en  vous  annonçant  sa  visite,  à  ce  titre,  nous 
savons  d'avance  l'accueil  bienveillant  que  vous  lui  réservez. 

Soyez  persuadés.  Messieurs,  que  toute  la  Rédaction  du 
Monde  s'associera  à  vos  sentiments  dans  cette  mémorable 
manifestation  ;  il  n'est  point  en  France  de  cœurs  plus  dévoués 
que  les  nôtres  à  la  prospérité  du  Canada,  ni  plus  attentifs  aux 
progrès  de  sa  grandeur.  Par  leur  fidélité  à  1%  foi  catholique 
et  aux  meilleures  traditions  de  notre  race,  par  leurs  vertus 
sociales  et  politiques,  les  Canadiens  français  sont  l'honneur 
de  leur  ancienne  patrie.  L'histoire  de  vos  luttes  et  de  vos 
travaux  est  pleine  d'enseignements  pour  nous  ;  c'est  un 
exemple  fortifiant  qui  excite  notre  espérance  en  un  meilleur 
avenir. 

Veuillez  agréer.  Messieurs,  «^ec  l'expression  de  notre  gra- 
titude, l'hommage  de  mes  sentiments  de  cordial  respect  et 
d'afPectueux  dévouement. 

F.  Levé. 
Rédacteur  en  chefs 


Lettre  de  M.  E.  Beluze 

Paris,  le  8  juin  1880. 

A  Messieurs  les  président  et  membres  du  Cercle  catholique 

à  Québec. 

Messieurs, 

Nous  nous  reprocherions  vivement  de  ne  pas  profiter  de 
l'occasion  qui  nous  est  offerte  de  vous  faire  parvenir  l'ex- 
pression de  nos  sentiments  de  profonde  sympathie.  Plus 
d'une  fois  nous  avons  entendu  parler  de  tout  le  bien  dont 


312      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

votre  Cercle  est  l'inspirateur,  et  aujourd'hui  même,  c'est  du 
fond  du  cœur  que  nous  applaudissons  à  l'organisation  de  ce 
magnifique  Congrès  catholique  qui  est  vraiment  votre  œuvre. 
Nous  sommes  donc  bien  heureux,  chers  et  bien  bons  confrères, 
de  resserrer  plus  étroitement  encore  les  liens  qui  nous  unissent 
En  vous  remettant  cette  lettre^  M.  Claudio  Jannet  vous 
exprimera  tous  les  vœux  que  nous  formons  pour  la  prospérité 
de^ votre  Cercle.  Veuillez  en  retour  prier  un  peu  et  même 
beaucoup  pour  celui  du  Luxembourg.  De  très  mauvais  jours 
se  préparent,  hélas  !  en  ce  moment  dans  notre  pauvre  France 
pour  toute  association  qui  veut  inébranlablement  rester 
attachée  à  l'Eglise  et  vivre  de  son  esprit.  Demandez  donc  à 
Dieu  pour  chacun  de  nous,  d'affermir  notre  courage  et  notre 
foi,  afin  de  mériter  toujours  qu'on  dise  de  nous  ce  que 
l'histoire  a  dit  en  parlant  de  nos  pères  :  Vivat  Christus  qui 
diligit  Francos  !  Ajoutons  de  tout  cœur  :  Et  regnet  super  eos  ! 

Tout  à  vous  en  Notre-Seigneur, 

E.  Beluze,  président. 

Christian  de  Coulonge,  secrétaire. 


Lettre  de  M.  Léon  Pages 

Pans,  le  8  juin  1880. 

Monsieur  le  président^ 

Je  prends  la  respectueuse  liberté,  au  nom  de  l'Œuvre  du 
Denier  de  Saint-Pierre,  d'adresser  au  Congrès  des  catholiques 
canadiens  quelques-uns  des  documents  de  notre  œuvre,  les 
derniers  bulletins  et  les  images  qui  nous  servent  de  semence 
pour  faire  mieux  connaître  et  plus  aimer  le  Pape  et  attirer  au 
Siège  Apostolique,  quelques  aumônes  plus  que  jamais  néces- 
saires. Nous  glanons  après  nos  évêques,  et  nous  essayons 
d'atteindre  les  catholiques  les  plus  pauvres  et  les  plus  éloignés. 

Je  me  permets  de  joindre  à  cet  envoi  différents  documents 
que  les  journaux  vous  ont  fait  connaître,  les  feuilles  de  propa- 


LETTRES    d'adhésion   AU    CONGRÈS  313 

gande  émanées  de  Lille  :  la  petite  feuille  du  Centenaire  de 
Voltaire  a  été  tirée  à  un  million. 

La  Consultation  sur  les  Congrégations  religieuses,à  1 ,260,000. 

Celle  sur  les  visites  domiciliaires  à  10,000  seulement,  n'étant 
destinée  qu'aux  maisons  religieuses. 

L'CEuvre  de  St-Michel  et  de  St-Rémi  a  pour  but  de  réunir 
les  chefs  de   famille   autour  de  leur  curé   pour  le   devoir  * 
chrétien. 

La  feuille  de  consécration  au  Sacré-Cœur  a  été  tirée  à 
600,000. 

Le  mémoire  sur  Méry-  a  eu,  grâce  à  Dieu,  d'heureux 
résultats,  et  a  fait  abandonner  le  projet  néfaste  d'une  nécropole 
à  longue  distance  pour  la  ville  de  Paris. 

Enfin  je  joins  à  l'envoi  les  spécimens  des  d<)cuments  ponti- 
ficaux. 

Nous  avons  en  vue  de  publier,  en  quelques  petits  volumes 
les  enseignements  de  la  Chaire  de  Pierre  contre  la  Révolution. 
Nous  publions  en  détail  les  Encycliques  de  S.  S.  Léon  XIII. 
Mais  nous  allons  bientôt  donner  le  Syllabus  en  un  petit  volume, 
et  remonter  à  l'origine  en  publiant  comme  1er  volume  de  la 
collection  les  documents  du  Pontificat  de  Pie  VI. 

Monsieur  Claudio  Jannet,  notre  digne  an  voudra  bien  être 
notre  interprète  auprès  de  votre  grande  assemblée. 

Je  suis,  avec  respect,  Monsieur  le  président,  votre  très 
dévoué  serviteur  en  N.  S.  J.  C. 

Léon  Pages, 

Vice-président  de  l'CEuvre  du 
Denier  de  St-Pierre. 


Lettre  de  M.  A.  E.  Aubry 

Angers,  le  9  juin,  1880. 

A  monsieur  le  secrétaire  du  Congrès  catholique  et  français  qui 
doit  se  tenir  à  Québec^  le  2Ajuin^  1880. 

Dans  quinze  jours,  la  fête  de  St-Jean-Baptiste,  patron  du 
Canada  î  Dans  quinze  jours,  la  réunion  à  Québec  de  divers 


314      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

représentants  de  la  race  française  du  continent  américain  et 
môme  de  la  vieille  France  !  Combien  j'aurais  été  heureux  de 
me  trouver  dans  ce  Québec  que  j'aime  tant,  au  milieu  de  tant 
d'hommes  éminents,  parmi  lesquels  j'eusse  rencontré  nombre 
d'amis  et  plusieurs  de  mes  anciens  élèves  de  l'université-Laval, 
notamment  l'honorable  président,  monsieur  le  juge  Routhier, 
dont  certain  jugement  a  été  si  fort  admiré  par  nos  juriscon- 
sultes d'Europe  !  mais,  à  mon  grand  regret,  il  m'est  impossible 
de  songer  à  m'y  rendre.  Pour  arriver  à  temps,  il  faudrait 
partir  cette  semaine  môme,  et  nos  vacances,  à  la  faculté  de 
droit  d'Angers,  n'ouvrent  que  le  22  de  juillet  I  Je  vous  prie 
donc,  monsieur  le  secrétaire,  de  vouloir  bien  faire  agréer  au 
Congrès  mes  excuses  et  mes  regrets. 

Et  puisque  je  n'aurai  pas  la  bonne  fortune  d'être  au  milieu 
de  vous,je  suivrai  du  moins  vos  travaux  avec  le  plus  vif  intérêt, 
et  permettez-moi  d'ajouter  que  j'adhère  à  l'avance  aux  décisions^ 
aux  résolutions  qui  seront  prises  par  cette  grande  assemblée, 
car  j'ai  la  confiance  qu'il  n'en  sortira  rien  que  de  grand,  de 
noble,  rien  qui  ne  soit  parfaitement  conforme  au  rôle  provi 
dentiel  qui  me  semble  réservé  au  Canada,  dans  l'Amérique 
du  Nord.  Je  dis  rôle  providentiel,  car  ce  n'est  pas  sans  dessein 
particulier  que  Dieu  a  si  visiblement  béni  les  glorieux  vaincus 
du  siècle  dernier.  Ils  ne  restaient,  tout  bien  compté,  il  y  a 
cent  et  quelques  années,  après  le  traité  de  Paris,  sur  cette 
terre  arrosée  du  sang  de  nos  soldats  et  de  nos  missionnaires, 
que  soixante-trois  mille  Français,  mais  aujourd'hui,  grâce  à 
une  fécondité  unique  dans  l'histoire,  ils  sont  déjà  plus  d'un 
million  !  !  Et  cette  fécondité,  cette  source  vive  ne  tarira  pas, 
car  elle  jaillit  vivante  des  entrailles  de  la  famille  canadienne, 
dont  les  mœurs  intègres  et  pures  peuvent  être  comparées  à  la 
solidité  du  rocher  ;  oui,  ce  petit  peuple  est  visiblement  destiné 
à  de  grandes  choses,  et  le  Congrès,  en  brisant  certains  obstacles, 
ne  fera  que  l'acheminer  dans  la  voie  :  et  c'est  parcequ'il  sera 
resté  profondément  catholique  et  profondément  français  qu'il 
lui  sera  donné  de  continuer,  dans  le  Nouveau-Monde,  les  gestes 
de  Dieu  per  Francos  ;  et  il  vivra  dans  la  mémoire  des  peuples, 
béni  par  l'Eglise,  et  pour  la  gloire  de  la  vieille  France,  sa  mère  I 


LETTRES    d'adhésion   AU    CONGRÈS  315 

Agréez,  monsieur  le  secrétaire,  l'assurance  de  mes  sentiments 
distingués. 

E,   A.   AUBRY 

Avocat,  professeur  à  la  faculté  de  droit  d'Angers» 
Chevalier  de  St-Grégoire-le-Grand. 


Lettre  de  M.  A.  de  Benque 

Paris,  le  6  juin,  1880. 
Mon  bien  cher  confrère, 

La  réunion  du  Congrès  des  catholiques  du  Canada  me  paraît 
une  occasion  providentielle  de  faire  connaître  dans  le  pays  si 
étroitement  uni  au  nôtre  par  les  souvenirs  de  son  origine,  une 
œuvre  essentiellement  pieuse,  qui  depuis  plus  de  trente  ans 
s'est  beaucoup  accrue  en  France  où  elle  fait  un  bien  consi- 
dérable, je  veux  parler  de  l'œuvre  de  V Adoration  Nocturne  du 
très  saint  Sacrement  exposé.  Née  à  Paris  en  1848,  elle  répond 
merveilleusement  aux  besoins  d'une  époque  aussi  troublée 
que  la  nôtre,  par  son  double  caractère  d'œuvre  de  prière  et 
d'œuvre  de  réparation  et  d'expiation.  Elle  se  pratique  soit 
isolément,  dans  un  sanctuaire  déterminé,  une  ou  plusieurs  fois 
par  mois,  soit  comme  institution  complétant  V Adoration  per- 
pétuelle du  très  saint  Sacrement  exposé,  établie  dans  la  ma- 
jeure partie  des  diocèses  de  France  d'un  bout  de  l'année  à 
l'autre. 

Le  conseil  de  cette  œuvre  a  publié  un  volume  qui,  en  en 
faisant  l'histoire,  indique  les  moyens  pratiques  de  la  fonder, 
de  la  faire  fonctionner. 

Je  joins  un  exemplaire  de  cet  ouvrage  à  cette  lettre  qui  vous 
sera  remise  par  notre  éminent  publiciste  et  économiste,  M. 
Claudio  Jannet,  dont  les  travaux  sur  l'Amérique  sont  connus 
du  monde  entier.  Permettez-moî  de  vous  prier  de  saisir  la 
commission  des  œuvres  de  prières,  qui  sans  doute  se  formera 
au  sein  de  votre  Congrès,  de  l'examen  de  ce  volume  et  de  la 
proposition  que  j'ai  Thonneur  de  faire,  d'établir  dans  le  Canada 


316  PREMIER    CON(iRÈS   CATHOLIQUE   TENU   A   QUÉBEC 

l'œuvre  de  l'Adoration  Nocturne  du  Trës-Saint  Sacremonl, 
dont  le  règlement  se  trouve  à  la  fin  du  dit  volume.  L'envoi 
que  j'en  ai  fait,  il  y  à  6  mois,  à  MM.  les  supérieurs  des  grande 
séminaires  de  Montréal  et  de  Baltimore,  aura  peut-être  préparé 
un  bon  accueil  à  ma  proposition.  Dans  tous  les  cas,  je  compte 
sur  vous,  mon  cher  confrère,  ju  vous  offrant  mes  distingués 
hommages. 

A.  DE  Benque 

président  de  VAdoration  Nocturne. 


LETTRES  D'ESPAGNE  ET  DU  PORTUGAL 


Voltrega,  31  mai  1880. 

La  jeunesse  catholique  de  St-Hippolyte  de  Voltrega,  comté 
de  Vich,  province  de  Barcelone,  s'unit  d'affection  et  d'esprit 
au  Congrès  catholique  du  Canada. 

Que  le  Seigneur  répande  avec  abondance  ses  bénédictions 
sur  toutes  les  personnes  qui  tn  font  partie  ;  que  chacun  d'eux 
soit  soldat  fidèle  de  Jésus-Christ  dans  les  luttes  qu'il  faut  sou- 
tenir pour  la  cause  de  Dieu. 

Recevez  les  salutations  que  vos  serviteurs  Jt  amis  vous 
présentent  avec  amitié  et  humilité. 

Pedro  Buxaderos,  secr. 
Cajetano  Picart,  présid. 


Comité  des  Congrès  catholiques  du  Portugal 

Terre  da  Marco,  31  mai  1880. 

Monsieur, 

Au  nom  du  comité  permanent  des  Congrès  catholiques  en 
Portugal,  j'ai  l'honneur  d'envoyer  au  Congrès  catholique  qui 
devra  se  réunir  à  Québec  mes  salutations  et  mes  vœux. 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRÈS  317 

Que  la  sagesse  divine  descende  sur  votre  Congrès  catholi- 
(jue  dans  cette  région  où  les  traditions  catholiques  et  où  le 
catholicisme  sont  si  vivaces!  C'est  dans  les  sentiments  de 
vrais  chrétiens  que  nous  vous  embrassons  et  que  nous  vous 
félicitons  1 

Acceptez,  Monsieur  le  vice-président  du  Congrès,  mon 
amitié  en  Notre  Seigneur  Jûsus-Christ  et  l'hommage  de  mon 
profond  respect. 

J'ai  l'honneur  de  me  dire 

Votre  serviteur, 

DOM   AnTOBUO    de   ÀLMEmA. 


LETTRE  DE  PRUSSE 


Hensden,  en  Prusse. 

L'administration  de  la  Confrérie  de  N.-D.  pour  l'organisa- 
tion de  la  procession  de  Hensden,  à  Kevelaar,  en  Prusse, 
é  .blie  dans  l'église  paroissiale  de  Ste-Catherine  de  Hensden, 
réunie  en  conseil  et  représentant  plus  de  3300  membres,  ex- 
prime, par  la  présente  adresse,  sa  sympathique  approbation 
pour  le  premier  Congrès  catholique  qui  va  être  tenu  par  les 
catholiques  du  Canada.  Elle  s'unit  d'esprit  et  de  cœur  aux 
catholiques  qui  assisteront  à  ce  Congrès,  et  promet  le  con- 
cours d'ardentes  prières  adressées  à  la  B.  V.  M.  pour  le  succès 
et  la  réussite  de  ce  Congrès. 

Rév.  Th.  Ariens,  miss. 


LETTRE  DES  PAYS-BAS' 


,  Messieurs  les  membres  du  Congrès  catholique  d'Amérique^ 

Sur  l'initiative  de  la  Société  de  la  jeunesse  italienne^  l'asso- 
ciation dite  Pius-Verceniging  d'Amsterdam,  capital  du  Royaume 


318      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

des  Pays-Bas,  vient  saluer  de  toute  son  afFection  les  membres 
du  Congrès  qui  va  s'ouvrir  :  elle  est  heureuse  de  ce  remar- 
quable événement  et  en  rend  gloire  à  Dieu. 

Est-ce  l'aube  de  la  nouvelle  ère  qui  va  s'ouvrir  pour  le 
monde  catholique?  Le  champ  des  esprits,  des  hommes  de 
bonne  volonté,  est  préparé  depuis  longtemps.  Que  de  toutes 
les  contrées  du  monde,  tant  ancien  que  nouveau,  on  apporte 
donc  des  semences  pour  le  faire  fleurir  à  l'honneur  et  au  pro- 
fit de  notre  bonne  cause  ;  et  que  les  frères  en  se  séparant 
emportent  tous  un  nouveau  germe  de  fécondité  que  chacun 
replantera  dans  son  sol  national.  Mais  si  l'homme  est  semeur, 
Dieu  seul  donne  l'accroissement.  Ce  Dieu  tout-puissant  ne 
refuse  rien  à  la  prière  répétée  des  justes,  à  la  prière  de  ses 
fidèles  assemblés  en  son  nom. 

Messieurs,  membres  de  ce  Congrès,  en  vous  saluant  et  vous 
félicitant,  l'association  catholique  d'Amsterdam  priera  avec 
vous.  Nous  ne  vous  connaissons  pas  personnellement,  mais 
nous  sommes  tous  catholiques,  membres  du  corps  mystique 
de  Jésus-Christ,  l'Eglise  catholique  romaine,  c'est  le  même 
esprit  qui  nous  unit,  qui  prie  en  nous,  pour  que  Dieu  bénisse 
vos  travaux,  et  qu'ainsi,  vous  aidant  de  sa  grâce,  il  fasse  se 
lever  sur  le  monde  son  soleil  de  justice  dans  toute  sa  splen- 
deur. 

Le  comité  directeur  de  la  Pius-Verceniging. 

H.  G.  Weiker,  président. 

H.  H.  CUYPEIS. 

J.  B.  J.  JONHEIMER. 

G.  F.  VON  Decne. 

p.  J.  F.  DE  RUYTER. 

G.  DE  Lange. 

T.  von  Svvieters. 

C.  A.  Geers,  secrétaire. 
Amsterdam,  8  juin  1880. 


LETTRES    d'adhésion    AU   CONGRÈS  319 

LETTRE  DE  BEI  GIQUE 


Bruxelles,  le  9  mars  1880. 


Très  honoré  Monsieur^ 


Au  nom  du  comte  de  Villermont,  notre  directeur,  au  nom 
de  la  rédaction  du  Courrier  de  Bruxelles  tout  entière,  je  viens 
vous  remercier  ds  l'honneur  que  vous  avez  bien  voulu  nous 
faire  en  nous  invitant,  comme  représentants  de  la  presse  ca 
tholique  belge,  à  votre  grande  fête  nationale  du  24  juin.  Si 
honorable  que  soit  pour  nous  cette  invitation,  nous  ne  pou- 
vons guère  espérer  de  l'accepter.  La  distance  qui  nous  sépare 
est  immense  et  les  nécessités  de  notre  vie  militante  ne  nous 
permettent  pas  d'entreprendre  des  voyages  aussi  longs,  c'est 
vous  dire  que  nous  touchons  ici  l'impossible.  Cependant  je 
veux  vous  dire,  —  et  c'est  un  besoin  de  mon  cœur,  —  que  la 
visite,  à  laquelle  vous  nous  conviez,  réaliserait  un  des  rêves 
les  plus  chers  de  ma  vie.  Depuis  ma  première  jeunesse,  j'ai 
désiré  connaître  votre  pays  neuf  et  charmant  ;  depuis  que  j'ai 
lu  vos  journaux  ;  depuis  que  je  me  suis  initié  à  vos  aspira- 
tions, à  vos  affections,  à  vos  généreuses  pensées,  ce  désir  est 
devenu  bien  plus  vif,  j'allais  dire  plus  passionné. 

C'est  pourquoi  je  suis  heureux,  très  honoré  Monsieur,  d'être 
ici  l'interprète  du  Courrier  de  Bruxelles^  non  seulement  pour 
vous  remercier,  mais  pour  vous  adresser  l'expression  de  mes 
plus  ferventes  sympathies. 

Nous  saluons  avec  joie  et  respect  le  mouvement  canadien 
auquel  la  fête  de  St-Jean-Baptiste  doit  donner  une  consécra- 
tion solennelle  ;  nous  y  applaudissons,  nous  nous  y  associons 
de  tout  cœur. 

Et  puissiez-vous  triompher  !  Puisse  votre  noble  et  vaillant 
pays  rester  fidèle  au  souvenir  de  la  grande  nation  dont  vous 
parlez  la  langue,  dont  vous  comprenez  la  gloire  et  dont  au- 
jourd'hui, hélas  !  vous  ressentez  si  profondément  les  humilia- 
tions et  les  malheurs  ! 

Vous  êtes  Français  de  cœur  et  d'âme,  c'est-à-dire  Catholiques 


320      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

fermes  et  fiers.  Nous  vous  en  félicitons  et  nous  vous  prions 
de  compter  sur  notre  entier  dévouement.  Soldats  de  la  même 
cause,  enfants  de  la  même  Mère,  nous,  sommes  frères  selon  la 
signification  la  plus  sacrée  de  ce  mot.  Veuillez  bien  disposer 
de  nous  et  de  notre  journal  en  tout  ce  qui  pourra  vous  être 
agréable.  Nous  désirons  entretenir  avec  les  Catholiques  du 
Canada  et  particulièrement  avec  nos  excellents  frères  du  Ca- 
nadien^ les  relations  les  plus  cordiales  ;  il  vous  suffira  de  nous 
exprimer  nos  désirs  pour  que  nous  y  déférions  immédiate- 
ment 

C'est  dans  ces  sentiments  que  nous  vous*>prions  d'agréer, 

très  honoré  Monsieur, 

l'assurance  de  notre  haute  considération. 

Pour  la  rédaction  du  Courrier  de  Bruxelles^ 

Fred.  Dardenne, 

réd.  de  la  polit,  ext. 


LETTRE  DE  L'ILE  MAURICE 


Union  Catholique  de  l'Ile  Maurice 
Avec  Dieu — Pour  Dieu. 

Port-Louis,  le  21  avril  1880. 
Messieurs,  / 

J'ai  lu  avec  beaucoup  d'intérêt  le  manifeste  de  la  Société 
St-Jean-B  iptiste  de  Québec,  et  je  l'ai  communiqué  au  conseil 
de  directioii  de  l'Union  catholique  à  notre  dernière  réunion, 
en  môme  temps  que  votre  lettre  du  26  janvier  dernier,  nous 
invitant  à  assister  au  Congrès  de  Québec,  le  24  juin  prochain- 

Nous  sommes  profondément  sensiljles  à  cette  marque  de 
sympathie  que  vous  nous  donnez,  mais  nous  regrettons  que 
la  question  de  distance  et  de  dépenses,  sans  parler,  pour 
plusieurs  de  nous,  de  nos  fonctions  officielles,  nous  privent  du 


LETTRES   d'adhésion   AU   CONGRES  321 

plaisir  d'user  de  l'iiospitalité  que  vous  nous  offrez  si  cordiale- 
ment, et  que  nous  eussions  été  heureux  d'accepter. 

f^'  pourtant,  nous  ne  pouvons  être  de  corps  parmi  vous, 
nous  y  serons  du  noins  et  de  cœur  et  d'esprit,  et  nos  prières 
ne  vous  feront  pas  défaut. 

J'ai  l'honneur  d'être  Messieurs, 

Votre  bien  dévoué, 

Oscar  D.  de  Charmoy. 
président  de  l'Union  catholique  de  l'Ile  Maurice. 


LETTRES  DES  ETATS-UNIS 


Washington,  D.  G.,  june  ]3th  1880. 
My  dear  sir, 

Your  valued  letter  of  8th  inst.  inviting  me,  in  the  name  of 
your  committee  on  arrangements  of  the  catholic  Gongress,  to 
act  on  the  board  of  catholic  societies,  is  received  ;  and  I 
greatefully  accept  the  distinguished  honor  you  confer  upon 
and  I  shall  with  pleasure  serve  in  the  capacity  named. 

I  am  of  the  gênerai  officers  of  the  catholic  young  men's 
national  Union  of  the  United  States,  and  of  the  Carroll  Ins- 
titute,  of  Washington,  and  my  colleagues  of  those  societies 
will,  no  doubt,  recognize  the  compliment  you  do  me  as  a 
compliment  also  extended  to  them  and  to  their  organizations, 
whose  objects  are  identical  with  those  of  the  Unions  and  • 
Cercles  catholiques  of  Ganada. 

I  shall  leave  hère  immediately  after  the  adjournment  of  the 
Gongress,  and  after  spending  a  day  or  two  with  my  parents 
in  Oswego,  New  York,  will  proceed  to  Québec,  arriving  there 
on  the  22nd  inst.  or  there  about. 

Thanking  you  and  your  colleagues,  I  beg  to  suscribe- 
myself,  my  dear  sir, 

Your  very  respectful  servant, 

N.  E.  DiONNE,  M.  D.,  Edmond  Mallet. 

Secretary  of  the  catholic  Gongress, 
>-  Québec,  Ganada. 


322      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Lewiston,  M.  2  juin  1880. 
Monsieur, 

J'ai  l'honneur  d'accuser  réception  de  votre  circulaire  du  31 
mai.  Je  remercie  le  Cercle  catholique  de  Québec  de  ce  qu'il 
a  bien  voulu  penser  à  moi  dans  l'organisation  du  Congrès 
catholique  qui  doit  se  tenir  à  Québec  à  l'occasion  de  la  fête 
du  24  juin,  et  j'accepte  avec  reconnaissance  l'offre  qui  m'est 
faite  d'en  être  un  des  membres.  Je  ne  sais  si  je  pourrai  être 
de  quelque  utilité,  mais  s'il  me  vient  quelques  idées  que  je 
croirai  être  de  proût  pour  le  Congrès,  je  me  ferai  un  devoir 
de  les  communiquer. 

Veuillez,  Monsieur,  me  croire  votre  très  humble  serviteur, 

J.  D.  Montmarquet. 


Biddeford,  M.  17  mai  1880. 
Monsieur, 

Le  Cercle  Catholique  a  nommé  les  messieurs  dont  les  noms 
suivent,  délégués  au  Congrès  catholique,  les  25  et  26  juin 
prochain  : 

Rev.  P.  E.  Dupont,  Rev.  F.  X.  Trudel,  Paul  V.  Labonté,  Prést. 
C.  C,  Dr  F.  Dernier,  sec.  arch.,  A.  Paré,  sec.  cor.,  A.  Morin. 

J'ai  l'honneur  d'être.  Monsieur,  votre  obt  serviteur, 

A.  Paré, 
Sec.  cor.  C.  C. 


LETTRES  DU  CANADA 

'         Ste-Anne  de  Ristigoughe,  en  visite  pastorale. 

Ce  21  juin,  1880. 

A  monsieur  Vincelette^  vice-président  du  Congrès  catholique 

de  Québec. 
Monsieur, 

Je  n'ai  reçu  qu'hier  votre  lettre  du  14.    Je  regrette  d'avoir 
à  vous  répondre  que  l'itinéraire  fixé  pour  ma  visite  pastorale 


LETTRES    d'adhésion   AU   CONGRÈS  323 

me  met  dans  l'impossibilité  d'assister  au  Congrès  catholique 
qui  doit  se  tenir  à  Québec  le  25  et  le  26  de  ce  mois.  D'ailleurs 
vous  y  aurez  plusieurs  des  évoques  de  la  Province,  qui  ont 
été  invités  d'y  adresser  la  parole. 

Gomme  vous  paraissez  cependant  désirer  que  j'y  aie  un  re- 
présentant officiel,  je  me  fais  un  plaisir  de  nommer  mon 
vicaire-général,  prévôt  du  chapitre  de  ma  cathédrale,  pour 
m'y  remplacer. 

Souhaitant  un  complet  succès  à  ce  Congrès,  je  demeure, 

Monsieur, 
Votre  très  dévoué  serviteur, 

-J-  Jean,  Ev.  de  St-Germain  de  Rimouski 


St-Ephrem  d'Upton,  19  juin  1 880. 
Mon  cher  Monsieur, 

Votre  lettre  du  14  courant  m'est  parvenue  ici  hier.  Les 
instances  que  vous  m'avez  adressées  pour  reauérir  ma  présence 
au  Gongrès  catholique  de  Québec,  comme  les  considérations 
dont  vous  les  appuyez,  sont  parfaitement  justes.  Aussi  n'était- 
ce  la  visite  pastorale  annoncée  et  à  laquelle  on  est  tout  à  fait 
préparé  dans  une  huitaine  de  paroisses,  je  me  serais  empressé, 
et  j'aurais  été  extrêmement  heureux  de  prendre  part  à  ce 
Gongrès,  le  premier  qui  se  tient  dans  notre  religieux  pays,  et 
qui  sera  suivi,  espérons-le,  de  bien  d'autres,  dont  les  fruits 
seront  sans  aucun  doute  constants  comme  ceux  opérés  en 
Europe.  Je  m'unirai  de  cœur  et  d'âme,  monsieur  le  vice-pré- 
sident, à  toutes  les  opérations  de  votre  Gongrès,  et  je  ne  man- 
querai pas  de  demander  au  Giel  de  le  bénir  abondamment. 

Gonformément  au  désir  que  vous  exprimez,  je  me  ferai 
remplacer  auprès  du  Gongrès.  Gelui  que  je  charge  de  cette 
belle  mission,  est  le  très  révérend  Elphège  Gravel,  chanoine 
et  curé  de  ma  cathédrale.  Gomme  vous  connaissez  personnel- 
lement ce  monsieur,  je  pourrai  me  dispenser  de  le  munir 


324  PREiMIER   CONGRÈS   CATHOLIQUE   TENU  A   QUÉBEC 

d'une  lettre  d'introduction  auprès  du  Congrès,  la  présente 
devant  suffire  à  cet  effet; 

Je  demeure  bien  sincèrement,  Monsieur  le  Chevalier,  votre 
tout  dévoué  en  N.  S. 

f  L.  Z.,  Ev.  de  St-Hyacinthe. 


Ottawa,  12  mai,  1880. 

A  monsieur  le  juge  Routhier^  président  du  Congres  catholique 

de  Québec. 

Mon  cher  monsieur. 

J'accepte  avec  reconnaissance  ma  nomination  de  membre 
du  "  Bureau  de  la  Presse  "  au  Congrès  catholique  de  Québec. 

Mes  ocupations  et  l'état  do  ma  santé  ne  me  permettent  pas 
-de  prendre  une  part  active  à  vos  travaux,  il  est  môme  probable 
que  je  ne  pourrai  pas  être  présent  à  vos  séances,  mais  je  serai 
toujours  de  cœur  et  d'âme  avec  vous. 

Que  Dieu  bénisse  votre  œuvre  et  daigne  avoir  pitié  du 

monde. 

Tout  à  vous, 

J.  C.  Taché. 


Montréal,  24  juin  1880. 
A  Monsieur  le  secrétaire  du  Congrès  catholique  de  Québec. 

Monsieur., 

J'ai  reçu  un  billet  d'admission  aux  séances  du  Congrès  ca- 
tholique qui  se  tiendra  à  Québec  le  25  et  26  courant,  avec  le 
programme  de  ces  séances.  J'ai  reçu  dans  la  même  enveloppe 
la  feuille  imprimée  qui  fait  connaître  l'organisation  des  bu- 
reaux de  ce  Congrès. 

Je  suis  très  honoré  de  voir  mon  nom  sur  la  liste  des  mem- 
bres du  "  Bureau  des  intérêts  catholiques  en  général.  "  Je  ne 
puis  qu'offrir  mes  remerciements  à  qui  de  droit  et  vous  assu- 
rer que  je  m'associerai  de  tout  cœur  aux  travaux  utiles  qui 


LETTRES   d'adhésion   AU    CONGRÈS  325 

sont  annoncés.  Toutes  les  questions  qui  seront  traitées  dans 
ces  séances  sont  assurément  très  importantes,  et  il  me  serait 
très  agréable  d'entendre  l'expression  des  sentiments  qu'elles 
feront  naturellement  naître  dans  les  cœurs  des  hommes  dis- 
tingués appelés  à  prendre  part  à  l'examen  des  rapports  qui 
seront  soumis  sur  chacun  des  articles  du  programme. 

Je  regrette  donc  infi  aiment  qu'une  maladie  dans  ma  fa- 
mille me  prive  du  plaisir  d'assister  d'abord  à  la  grande  et 
patriotique  démonstration  de  ce  jour,  et  ensuite  aux  intéres- 
santes séances  de  vendredi  et  de  samedi.  Je  vous  prie  de 
croire  que  je  voterai  avec  enthousiasme  et  conviction,  une 
énergique  protestation  contre  l'acte  de  proscription  du  gou- 
vernement qui  parle  et  décrète  aujourd'hui  au  nom  de  la 
France,  et  qui,  cependant,  ne  représente  plus  les  nobles  tradi- 
tions, de  la  nation  française  au  point  de  vue  de  l'enseignement 
et  de  la  religion. 

Par  quelle  étrange  confusion  d'idées  a-t-il  pu  décréter  l'ex- 
pulsion des  ordres  religieux  les  plus  illustres  du  territoire 
français,  en  môme  temps  qu'il  accordait  l'amnistie  aux  com- 
munards, qui  en  avaient  été  expulsés  pour  leurs  crimes  ?  Je 
ne  vois  rien  de  plus  semblable  à  ce  fait  dans  l'histoire  du 
passé  que  la  préférence  exprimée  par  les  Juifs  devant  le  tri- 
bunal de  Pilate,  et  le  décret  de  ce  dernier  concédant  leur 
injuste  demande. 

Pour  nous,  qui  aimons  si  sincèrement  la  France  comme 
notre  ancienne  mère-patrie,  nous  pouvons  affirmer  hautement 
que,  sans  le  concours  des  ordres  religieux  qu'elle  nous  a  don- 
nés, les  tentatives  de  colonisation  dans  ce  pays  auraient 
échoué  dès  le  début.  C'était  sur  eux  que  l'intrépide  Gliam- 
plain  fondait  tout  espoir  de  succès,  quand  il  se  plaignait 
amèrement  des  entraves  que  les  trafiquants  et  les  compagnies 
de  commerce  opposaient  sans  cesse  à  ses  projets  ;  et  c'est  par 
eux  qu'il  a  triomphé. 

Je  vois  que  tous  les  autres  articles  du  programme  sont  dans 

le  sens  des  idées  traditionnelles  qui  ont  présidé  à  la  fondation 

de  la  colonie  française  au  Canada  et  à  son  développement 

progressif. 

21 


326      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Je  voudrais  pouvoir  concourir  avec  vous  à  les  affirmer  de 
nouveau  dans  ce  siècle  dé  progrès. 

J'ai  l'honneur  d'être 

Votre  très  humble  serviteur, 

R.  Bellemare. 


JPINION  DE  LA  PRESSE 

SUR   LE 

CONGRÈS  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 


LES  FETES  CATHOLIQUES  DU  CANADA 


{Extrait  d'une  correspondance  de  Québec  au  Monde,  de  Paris.) 

Québec,  27  juin  1880. 

Quant  au  Congrès,  je  vous  ai  dit  que,  dans  la  séance  du  24 
juin  l'honorable  juge  Routhier  et  M.Claudio  Jannet  y  avaient 
tous  deux  parlé  avec  un  très  grand  éclat.  M.  le  comte  de  Fou- 
cault a  pris  à  son  tour  la  parole  dans  la  séance  du  26  ;  de  vifs 
applaudissements  ont  couvert  son  discours.  Après  lui,  trait  de 
mœurs  digne  de  mention,  M.  Ouimet,  surintendant  de  l'édu- 
cation, en  d'autres  termes,  ministre  de  l'instruction  publique 
pour  la  province  de  Québec,  a  lu  sur  les  rapports  de  l'Eglise 
et  de  l'Etat  dans  l'enseignement,  un  très  intéressant  et  excellent 
travail.  Puis  enfin  Mgr  Laflèche,  évêque  des  Trois-Rivières, 
a  bien  voulu  clore  à  la  fois  la  séance  du  jour  et  la  session 
du  Congrès  par  un  magnifique  discours  sur  l'Eglise  et  la 
liberté. 

Ne  trouvez-vous  pas  remarquable  ce  rôle  actif  joué  au  sein 
du  Congrès  catholique  par  un  personnage  officiel  aussi  haut 
placé  que  le  surintendant  de  l'éducation  ?  Vous  représentez- 


OPINION    DE    LA    PRISSE  327 

VOUS  M.  Jules  Ferry,  parlant  après  M.  le  comte  de  Mun,  dans 
la  salle  de  la  rue  de  Grenelle  ? 

M.  Ouimet,  d'ailleurs,  n'a  pas  été  le  seul  ministre  qui  se  soit 
ainsi  compromis^  comme  vous  diriez  en  France.  Le  premier 
ministre,  M.  Ghapleau  (orateur  renommé,  véritable  homme  de 
gouvernement,  destiné  très  certainement  à  faire  partie  du  mi- 
nistère fédéral),  le  Procureur-général  (ministre  de  la  justice),  et 
le  président  du  Conseil  législatif,  ont  suivi  très  assidûment  les 
exercices  du  Congrès.  Qui  s'en  étonnerait  ici  quand  on  voit 
tous  les  jours  s'ouvrir  publiquement  par  la  prière  les  séances 
du  Parlement ,. 


LES  FETES  DE  QUEBEC 

{Correspondance  de  Québec  à  TUnion  de  Paris.) 

Québec,  25  juin  1880. 

Vos  lecteurs  savent  déjà  qu'une  réunion  de  délégués  de  tous 
les  groupes  importants  de  la  famille  française  dans  l'Amérique 
du  Nord  devait  avoir  lieu  à  Québec,  à  l'occasion  de  la  fête 
nationale  des  Canadiens  français,  la  Saint-Jean-Baptiste.  Nos 
nationaux  sont  arrivés  en  grand  nombre  de  diverses  parties  du 
Canada  et  des  Etats-Unis.  Tous  parlent  le  français,  l'Acadien 
avec  sa  prononciation  particulière,  et  le  Canadien  des  Etats- 
Unis  (car  on  ne  cesse  pas  d'être  Canadien  pour  habiter  la  terre 
étrangère)  avec  la  sienne.  Tous  sont  animés  d'un  même  désir  : 
s'aËBrmer  comme  catholiques  et  comme  Français.  D'im- 
portantes manifestations  ont  commencé  hier  pour  ne  finir  que 
dimanche  prochain,  et  je  ne  saurais  vous  décrire  l'enthousiasme 
religieux  et  national  de  cette  multitude  aux  seuls  noms  de 
l'Eglise  et  de  la  France. 

Nous  autres,  Canadiens,  nous  sommes  en  quelque  sorte, 
nés  et  élevés  dans  l'exil.  Notre  patrie  véritable  c'est  la  France, 
et  un  de  nos  poètes  a  résumé  parfaitement,  dans  un  seul  vers, 


328      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

notre  position  vis-à-vis  de  notre  ancienne  et  de  notre  nouvelle- 
patrie  : 

Albion  notre  foi,  la  France  notre  cœur  ! 

Dès  la  veille  de  la  grande  fête  nationale,  une  véritable 
ovation  a  été  faite  à  la  France,  à  l'occasion  de  la  collation  des 
diplômes  de  l'Université-Laval,  pendant  laquelle  le  grade  de 
docteur  es  lettres  fut  conféré  à  vos  éminents  compatriotes,  M. 
Lucien  Brun  et  M.  Claudio  Jannet.  Je  vous  enverrai  le  texte 
des  paroles  toutes  sympathiques  prononcées  par  M.  le  recteur  de 
l'Université  à  l'adresse  de  la  France  catholique, — notre  France 
catholique  à  nous, — et  de  MM.  Brun  et  Jannet. 

M.  Claudio  Jannet  et  M.  le  comte  Jules  de  Foucault,  arrivés 
la  veille  à  Québec  et  qui  étaient  présents  à  la  cérémonie,  vous 
diront  combien  est  vivace  ici  le  sentiment  français.  On  leur 
a  fait  un  accueil  dont  je  ne  saurais  vous  donner  une  idée  ; 
c'est  les  larmes  dans  les  yeux  que  chacun  venait  serrer  la  main 
à  ces  Français  de  France,  venus  à  l'appel  du  comité  d'organi- 
sation du  Congrès  catholique,  et  chez  qui  l'on  était  certain  de 
trouver  la  grandeur  d'âme,  la  noblesse  de  sentiments  qui  dis- 
tinguent les  fils  de  la  première  nation  du  monde. 

Ne  vous  récriez  pas  :  l'enthousiasme  règne  ici  en  souverain 
depuis  trois  jours  ;  le  plus  sceptique  de  vos  boule vardiers  se 
sentirait  entraîné,  tant  l'élan  est  général.  L'écrivain  du  journal 
le  plus  juif,  le  plus  radical  de  Paris,  qui  se  serait  trouvé  à 
l'ouverture  du  Congrès  catholique  ce  matin  et  qui  aurait  en- 
tendu M.  le  juge  Routhier  parler  de  la  nationalité  canadienne 
française  et  de  la  religion  catholique^  aurait  en  peine  à  ne  pas 
applaudir.  Jamais  M.  Routhier, — le  premier  de  nos  orateurs 
canadiens, — ne  s'était  élevé  à  cette  hauteur. 

"  M.  Claudio  Jannet,  qui  l'a  suivi,  a  su  trouver,  malgré  la  fai- 
blesse ordinaire  de  sa  voix,  des  accents  si  émus,  si  vrais,  il 
nous  a  dévoilé  des  horizons  si  variés  et  si  magnifiques,  enfin 
il  nous  a  montré  la  France  encore  si  belle  dans  ses  œuvres  et 
dans  ses  enfants,  que  des  acclamations  extraordinaires  accueil- 
lirent ses  paroles.  '' 

A  un  moment  de  son  discours,  il  fut  interrompu  par  les  cris 
répétés  de  :  Vive  [a  France!   L'immense  auditoire  réuni  dans 


OPINION    DE    LA    PRESSE  329 

la  grande  salle  des  promotions  de  l'Université-Laval  pleurait, 
battait  des  mains  ;  les  mouchoirs  s'agitaient  dans  l'air.  M.  Jaimet 
ne  pouvant  contenir  lui-même  son  émotion  devant  cette  ex- 
pression de  sympathie  pour  sa  personne  et  d'amour  pour  la 
France,  se  retourna  alors  vers  l'orateur  qui  l'avait  précédé,  M. 
le  juge  Routhier,  et  l'étreignit  dans  ses  bras.  C'était  la  France 
qui  embrassait  le  Canada  !...  et  de  nouveaux  applaudissements 
éclatèrent  de  toutes  parts. 

Je  vous  écris  très  à  la  hâte,  ayant  beaucoup  à  faire  dans 
les  bureaux  du  "Congrès"  et  dans  ceux  delà  "Convention 
nationale  "  (ce  dernier  nom  doit  sonner  mal  chez  vous  !)  où 
sont  débattus  les  questions  d'intérêts  à  la  fois  politiques  et  re- 
ligieux de  nos  nationaux. — Je  dis  politiques  et  religieux,  car 
ici  peu  de  gens  ont  le  courage  d'affirmer  que  l'homme  privé 
et  l'homme  politique  sont  comme  deux  êtres  différents  dont 
l'un  doit  avoir  une  conscience  et  dont  l'autre  peut  s'en  passer. 
Laissez-moi  seulement  vous  dire  que  la  messe  célébrée  hier 
par  Mgr  l'archevêque  de  Québec  sur  les  "plaines  d'Abraham,  " 
au  milieu  d'une  foule  immense  venue  de  toutes  les  parties  de 
l'Amérique  du  Nord,  au  chant  de  centaines  de  voix  et  au  son 
des  instruments  de  musiques  militaires,  fut  un  spectacle  des 
plus  émouvants,  et  que  la  grande  procession  nationale,  avec 
se  nombreuses  bannières  et  ses  quarante  chars  allégoriques, 
fut  réellement  magnifique. 

Mgr  Racine,  évêque  de  Sherbrooke,  prononça,  à  la  suite  du 
saint  Sacrifice  et  avant  la  procession,  un  discours  qui  rappelle 
la  grande  manière  du  dix-septième  siècle.  Il  signala,  en  ter- 
minant, un  défaut  du  peuple  canadien  français,  qui  a  été  la 
plus  grande  cause  de  l'émigration  canadienne  aux  Etats-Unis  : 
le  luxe.  Ce  défaut  date  de  longtemps  parmi  nous  ;  Charlevoix 
le  signalait,  en  1720,  dans  des  termes  qui  pourraient  parfaite- 
ment convenir  aujourd'hui. 

Je  n'ai  pu  assister  au  grand  banquet  national  qui  a  eu  lieu 
dans  la  soirée  d'hier.  L'hon.  M.  Chauveau,  l'hon.  M.  Ghapleau 
et  un  grand  nonabre  d'autres  y  ont  pris  la  parole.  M.  le  comte 
de  Foucault  y  a  répondu  au  toast  porté  à  la  France,  et  dans  des 
termes  qui  ont  provoqué  les  plus  vifs  applaudissements. 


330      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

M.  Claudio  Jannet  a  adressé,  cette  après-midi,  la  parole  aux 
zouaves  pontificaux  canadiens,  réunis  au  nombre  de  cent 
cinquante,  au  Vieux-Château.  Nos  vaillants  "  soldats  du  Pape  " 
ont  revêtu  leur  costume  et  sont  acclamés  partout  où  ils  se  pré- 
sentent. 

Un  jeune  orateur  acadien,  M.  Poirier,  s'est  fait  avantageuse- 
ment connaître  dans  un  discours  prononcé,  ce  soir,  en  un 
français  très  pur,  à  la  "  Convention.  " 

L'honorable  M.  Ouimet,  surintendant  de  l'instruction  pu- 
blique, M.  le  comte  Jules  de  Foucault  et  Mgr  Laflèche,  évêque 
des  Trois-Rivières.  doivent  prendre  la  parole,  demain  soir,  dans 
la  dernière  séance  du  Congrès  catholique. 

Les  deux  organisations, — le  Congrès  catholique  et  la  •'  Con- 
vention nationale,  "—ont  toutes  deux  commencé  leurs  travaux 
par  l'adoption  d'une  ''  Adresse  "  au  Souverain-Pontife  Léon 

xm. 

Je  vous  envoie  des  journaux  qui  contiennent  des  détails  sur 
les  fêtes  extérieures,  (danse  des  gue7Tiers  /lierons,  illuminations, 
feux  d'artifice,  etc.,)  auxquelles  je  n'ai  guère  eu  le  temps  de 
faire  attention.  Je  vous  envoie  aussi  un  exemplaire  du  Vingt- 
quatre  Juin,  journal  au  numéro  unique,  comme  votre  Paris 
Murcie.  Je  ferme  ma  lettre  en  toute  hâte  pour  ne  pas  manquer 
le  courrier. 


Lettre  d'un  correspondant  à  /'Union  de  Paris. 


Québec, 1880. 

Vous  avez  dû  recevoir  un  certain  nombre  de  journaux  con- 
tenant des  détails  sur  les  travaux  du  Congrès  catholique  et 
de  la  Convention  nationale  de  Québec.  Les  deux  organisations 
ont  fonctionné  harmonieusement  ;  les  séances  publiques 
avaient  lieu  dans  la  même  salle  (la  grande  salle  des  promotions 
del'Université-Laval),  et  un  grand  nombre  de  ceux  qui  faisaient 
aussi  partie  des  bureaux  du  Congrès  faisaient  aussi  partie  des 
"  commissions  "  de  la  Convention. 


OPINION   DE    LA   PRESSE  331 

La  question  agricole,  la  colonisation,  les  arts  et  les  sciences, 
l'émigration,  les  intérêts  acadiens,  etc.,  tels  ont  été  les  princi- 
paux sujets  dont  se  sont  occupées  les  "  commissions." 

Les  "bureaux"  du  Congrès  ont  adopté  plusieurs  résolu- 
tions d'un  intérêt  vital  pour  nous.  Ces  résolutions  ont  été 
publiées  dans  le  Canadien  et  dans  le  Courrier  du  Canada^  en 
attendant  qu'elles  soient  publiées  en  brochures  avec  les  autres 
délibérations  du  Congrès.  Une  de  ces  résolutions  exprime 
aussi  la  sympathie  des  catholiques  du  Canada  pour  les  catho- 
liques de  France  et  les  ordres  religieux  atteints  par  les  décrets 
du  29  mars.  Le  Canada  français  devait  cette  n  irque  de 
sympathie  et  de  reconnaissance  envers  l'ordre  des  Jésuites 
surtout,  auquel  appartenaient  les  glorieux  martyrs  du  Canada, 
Jogues,  Lalemant  et  Brébeuf,  torturés  et  mis  à  mort  par  les 
Iroquois. 

Les  discours  de  Mgr  Laflèche,  de  l'honorable  M.  Chauveau. 
de  l'honorable  M.  Routhier  et  de  M.  S.  Lesage,  à  la  Convention, 
ont  été  fort  remarqués.  M.  le  comte  de  Foucault  a  aussi  pro- 
noncé un  discours  qui  a  été  fréquemment  interrompu  par  les 
applaudissements. 

Je  vous  ai  dit  quelques  mots,  l'autre  jour,  de  la  cérémonie 
universitaire  qui  a  clos  l'année  académique,  le  23  juin.  La 
vaste  salle  des  promotions  était  littéralement  pleine.  Au  pre- 
mier rang  des  auditeurs  on  remarquait  Son  Excellence  le 
marquis  de  Lorne,  gendre  de  sa  majesté  la  reine  d'Angleterre 
et  gouverneur  général  du  Canada  ;  son  honneur  M.  Robitaille, 
lieutenant  gouverneur  de  la  province  de  Québec  ;  sa  grandeur 
Mgr  Taschereau,  archevêque  de  Québec,  et  plusieurs  autres 
prélats. 

Les  professeurs  en  costume,  sont  venus  dans  l'ordre  suivant, 
prendre  place  sur  une  spacieuse  estrade  placée  en  face  du 
public  : 

Les  appariteurs  avec  leurs  sceptres,  le  massier  avec  sa  masse, 
le  recteur,  les  doyens,  le  secrétaire,  les  professeurs  et  docteurs 
des  facultés  de  théologie,  de  droit,  de  riédecine,  des  arts. 

Les  étudiants,  aussi  en  costume,  occ      tient  une  place  à  part. 

M.  le  grand-vicaire  Hamel,  recteur  de  l'Université,  a  donné 


332      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

un  compte  rendu  des  travaux  et  des  succès  de  l'année,  tant  à 
Québec  qu'à  Montréal.  Après  un  discours  de  M.  Jannet,  des 
grades  honorifiques  ont  été  conférés  à  M.  l'abbé  Provancher, 
le  savant  rédacteur  du  Naturaliste^  àMM.  RouthieretLefaivre, 
de  Québec,  et  à  MM.  Lucien  Brun  et  Claudio  Jannet,  de  France. 
Puis  est  venue  la  proclamation  des  bacheliers  et  licenciés  des 
diverses  facultés,  et  la  distribution  de  divers  prix  et  médailles, 
entre  autres  la  "  médaille  du  marquis  de  Lorne  "  donnée  par 
Son  Excellence  en  personne. 

Voici  les  termes  dont  s'est  servi  M.  le  recteur  en  conférant 
le  titre  de  docteur  es  lettres  à  MM.  Lucien  Brun  et  Claudio 
Jannet : 

"  Deux  autres  noms  que  vous  connaissez  tous,  messieurs, 
et  que  vous  serez  heureux  d'acclamer  avec  nous,  sont  venus 
couronner  la  liste  déjà  si  longue  et  si  belle  des  gradués  de 
l'Université  pendant  cette  année  académique.  Ce  sont  :  MM, 
Lucien  Brun,  professeur  à  l'université  catholique  de  Lyon,  et 
Claudio  Jannet,  professeur  à  l'université  catholique  de  Paris- 
Lorsque  nous  avons  appris  que  le  Congrès  catholique,  par  une 
heureuse  initiative,  avait  convié  à  ses  séances  ces  deux  cou- 
rageux et  admirables  défenseurs  de  la  cause  catholique  et  de 
la  liberté  de  l'éducation  en  France,  nous  avons  de  suite  caressé 
l'espoir  de  les  voir  prendre  part  à  cette  séance  de  clôture,  con- 
vaincus que  leur  présence  ici  contribuerait  à  cimenter  l'union 
et  la  confraternité  entre  la  seule  université  catholique  du 
Nouveau-Monde  et  ces  nobles  universités  catholiques  de  la 
vieille  France,  si  admirables  dans  la  lutte  suprême  qu'elles 
soutiennent  pour  le  salut  de  la  haute  éducation  chrétienne. 
Les  exigences  de  cette  lutte  n'ont  pas  permis  à  M.' Lucien 
Brun  de  s'éloigner  du  théâtre  témoin,  tant  de  fois  déjà,  de 
succès  oratoires  admirés  du  monde  entier.  Il  nous  a  exprimé 
tout  son  regret  ;  mais  il  est  aujourd'ui  avec  nous  d'esprit  et 
de  cœur,  et  nous  espérons  qu'il  fera  à  l'Université-Laval,  qui 
aurait  été  si  flère  de  le  posséder  quelques  instants,  l'honneur 
d'accepter  le  titre  de  docteur  es  lettres  qu'elle  ose  lui  offrir- 
Aucun  de  vous  n'ignore,  messieurs,  que  M.  Claudio  Jannet, 
arrivé  depuis  quelques  jours  à  Québec,  a  bien  voulu  consentir  à 


OPINION   DE   LA   PRESSE  333 

accepter,  lui  aussi,  le  titre  de  docteur  es  lettres  de  l'Université- 
Laval,  et  à  prendre  la  parole  dans  cette  enceinte.  Je  me  fais, 
messieurs,  votre  interprète,  pour  le  remercier  publiquement 
de  cette  insigne  faveur,  et  pour  l'assurer  en  môme  temps  que 
l'université  catholique  de  Québec  lui  conservera  la  recon- 
naissance la  plus  vive  et  la  plus  durable." 


{Extrait  cVune  correspondance  adressée  de  Québec  à 
TUnivers  de  Paris. 


Nos  grandes  fêtes  nationales  et  religieuses  se  sont  terminées 
comme  elles  avaient  commencé,  au  milieu  de  l'enthousiasme 
le  plus  ardent  et  des  émotions  les  plus  douces.  Jamais  le  cœur 
du  Canada  français  n'avait  battu  plus  fort.  Jamais  le  peuple 
canadien  n'avait  donné  des  preuves  plus  éclatantes  des  deux 
nobles  amours  qui  le  possèdent:  l'amour  de  la  patrie  et 
l'amour  de  l'Eglise.  Oui,  nous  sommes  Catholiques,  oui  nous 
sommes  Français,  et  nous  l'avons  proclamé  bien  haut  en  face 
de  l'Amérique,  qui  avait  les  yeux  fixés  sur  nous.  Qu'il  fait 
bon  de  se  sentir  citoyen  d'un  pays  où  la  liberté  chrétienne 
nous  permet  d'assister  à  de  tels  spectacles. 

Le  Congrès  catholique  s'est  ouvert  le  25  juin,  dans  la  salle 
des  promotions,  à  l'Université-Laval,  sous  la  présidence  S.  H. 
le  juge  Routhier,  qui,  je  le  sais,  est  connu  des  lecteurs  de 
V Univers.  S.  G.  Mgr  l'archevêque  de  Québec  avrit  accepté  la 
présidence  d'honneur.  Un  auditoire  d'élite,  parmi  lequel  le 
clergé  de  la  province  était  représenté  par  une  foule  de  ses 
membres  les  plus  distingués,  se  pressait  dans  la  vaste  enceinte, 
ardent,  enthousiaste,  avide  d'entendre  et  d'applaudir  la  parole 
des  orateurs  qui  allaient  parler  de  la  religion  et  de  la  patrie. 
On  y  voyait  figurer  au  premier  rang  Mgr  l'évêque  des  Trois- 
Rivières  et  Mgr  l'évoque  de  Sherbrooke. 

La  première  séance  du  Congrès  commença  par  .une  adresse 
au  Saint-Père  qui  fut  adoptée  au  cri  de  :  Vive  Léon  XIII I 
Mgr  l'archevêque  de  Québec  fit  ensuite  entendre  la  voix  de 


334      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

raiitorité  épiscopale  expliquant  la  portée  du  Congrès,  et  appe- 
lant sur  ses  travaux  la  bénédiction  divine.  Puis  M.  Routhier 
prononça  un  magnifique  discours  sur  ce  sujet  :  la  nationalité 
franco-canadienne  et  la  religion  catholique.  De  l'aveu  de  tous 
ceux  qui  l'ont  entendu,  jamais  l'illustre  orateur  ne  s'est  élevé 
aussi  haut  et  n'a  produit  un  aussi  saisissant  effet. 

Dans  un  langage  admirable,  il  nous  fit  comprendre  l'action 
de  cette  grande  loi  de  l'histoire,  en  vertu  de  laquelle  les  na- 
tions où  il  n'y  a  pas  de  place  pour  le  Christ  s'aperçoivent,  un 
peu  plus  tôt,  un  peu  plus  tard,  qu'il  n'y  a  pas  de  place  pour 
elles  dans  le  monde.  Ce  chef-d'œuvre  oratoire,  car  c'en  est 
un,  sera  imprimé,  et  vous  aurez  probablement  ainsi  l'occasion 
de  constater  que  nous  n'exagérons  rien.  M.  Routhiei  a  mis  ce 
jour-là  le  sceau  à  la  grande  réputation  qu'il  possédait  déjà,  et 
il  est  désormais  reconnu  comme  le  plus  brillant  de  nos  ora- 
teurs et  le  plus  profond  de  nos  penseurs.  Nous  renonçons  à 
peindre  l'attitude  de  l'auditoire.  Applaudissements,  bravos, 
vivats,  larmes,  rien  ne  manqua  à  ce  triomphe  de  l'éloquence. 

Après  M.  Routhier,  venait  sur  le  programme  M.  Claudio 
Jannet.  Notre  hôte  distingué  avait  à  traiter  de  la  richesse 
dans  les  sociétés  modernes.  C'était  de  l'économie  politique  ; 
et  l'économie  politique  tout  le  monde  n'y  mord  pas.  Cepen- 
dant, malgré  l'aridité  du  sujet,  malgré  l'impression  causée 
par  le  discours  précédent,  M.  Jannet  a  remporté  devant  le 
Congrès  un  de  ces  immenses  succès  qui  comptent  dans  la  vie 
d'un  homme,  un  succès  dont  nous  osons  croire  qu'il  conser- 
vera le  souvenir.  Le  nouveau  docteur  es  lettres  de  l'Université 
saura  nous  prouver  que  le  riche  ne  possède  pas  pour  lui  uni- 
quement, mais  aussi  pour  les  autres.  Faisant  allusion  à  une 
parole  de  M.  Routhier,  dans  une  heureuse  digression,  il  nous 
fit  voir,  comme  contre-partie  du  rire  de  Voltaire  et  de  sa  cour, 
de  vieux  châteaux  où  l'on  pleurait  en  1763,  à  l'époque  où  le 
Canada  était  cédé  à  l'Angleterre.  Il  eut  un  mouvement  su- 
blime lorsque,  se  tournant  vers  le  Sacré-Cœur  représenté  sur 
le  drapeau  du  Cercle  catholique  de  Québec,  il  nous  le  montra 
-cousu  sur  la  poitrine  des  héros  vendéens  qui  l'ont  baigné  de 
leur  sang,  et  s'écria  :  Voilà  le  guidon  qui  doit  conduire  les 


OPINION   DE   LA   PRESSE  335 

chrétiens  à  la  victoire.  Ah  !  comhisn  nous  étions  fiers  en  en- 
tendant cette  parole  française  célébrer  la  royauté  sociale  du 
Christ  et  nous  exposer  les  vrais  principes  sur  lesquels  reposent 
les  sociétés  chrétiennes!  La  péroraison  de  ce  discours  fut 
achevée  au  milieu  de  transports  d'enthousiasme  tels,  que  M. 
Jannet,  tout  ému  de  cette  ardente  sympathie,  voulut  y  ré- 
pondre en  donnant  l'accolade  fraternelle  au  président  du 
Congrès,  son  ami  M.  Routhier.  C'était  l'ancienne  France  et  la 
nouvelle  unies  dans  la  même  foi  religieuse  et  protestant  l'une 
et  l'autre  de  leur  dévouement  à  la  religion  de  Charlemagne,  de 
saint  Louis  et  de  Samuel  de  Champlain. 

A  sa  seconde  séance,  le  congrès  entendit  M.  le  comte  de 
Foucault,  qui  nous  parla  des  ordres  religieux.  Il  sut  captiver 
son  auditoire  par  un  langage  facile,  correct  et  brillant,  et  par 
l'élévation  de  sa  pensée.  Sa  péroraison  fut  particulièrement 
goûtée.  Mgr  Laflèche,  évoque  des  Trois-Rivières,  nous  fit  mon- 
ter avec  lui  vers  ces  hautes  sphères  intellectuelles  où  son 
grand  esprit  retrouve  à  l'aise  l'Eglise  et  la  liberté,  sujet  im- 
mense que  Mgr  de  Trois-Rivières  a  su  traiter  en  maître.  Le 
plus  magnifique  éloge  que  nous  puissions  faire  de  lui,  c'est 
qu'il  s'est  montré  égal  à  lui-même.  Enfin  M.  Ouimet,  surin- 
tenc  nt  de  l'instruction  publique,  fit  un  excellent  discours  sur 
l'action  et  le  concours  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  dans  l'enseigne- 
ment. 

En  outre  de  ces  grandes  séances  publiques,  le  Congrès,  au 
moyen  de  ses  bureaux  qui  ont  siégé  pendant  deux  jours,  a 
élaboré  une  foule  de  projets  utiles,  et  préparé  pour  l'étude  un 
bon  nombre  de  résolutions  au  sujet  des  intérêts  religieux  du 
Canada  ;  nous  en  verrons  certainement  mettre  plusieurs  en 
pratique.  Le  Congrès  s'est  terminé  par  une  messe  de  clôture, 
puis  M.  l'abbé  Bruchesi  a  fait  un  admirable  sermon  sur  l'a- 
mour de  l'Eglise. 


336      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUEBEC 

[Extrait  du  Travailleur  de  Worcestei^^  Mass.) 


Le  Congrès  catholique  a  été  le  grand  succès  des  trois  jours... 
Le  Cercle  catholique  de  Québec  avait  organisé  le  Congrès  et 
invité  MM.  Claudio  Jannet  et  le  Comte  de  Foucault  à  venir 
prendre  part  aux  travaux  des  catholiques  réunis.  L'hon.  juge 
Routhier  avait  préparé  un  travail  du  plus  haut  intérêt  qui  a 
été  le  grand  succès  de  la  fête.  Les  commissions  étaient  bien 
organisées,  on  y  a  taillé  de  l'ouvrage  et  nul  doute  que  des 
fruits  abondants  sortiront  de  ce  Congrès. 

Les  Canadiens  des  Etats-Unis  étaient  représentés  par:  l'abbé 
H.  Martial,  de  Grosvenordale,  Dr  Bernier,  P.  V.  Labonté  de 
Biddeford,  Major  Malle t  de  Washington,  Ferd.  Gagnon  de 
Worcester 

Les  travaux  du  Congrès  seront  la  partie  intéressante  de  la 
fête  comme  œuvre  littéraire  et  patriotique. 


[Extrait  du  Canadien.) 


Tout  a  été  grand,  magnifique,  dans  la  célébration  de  notre 
St-Jean-Baptiste.  La  messe  sur  les  plaines  d'Abraham,  le 
sermon,  la  bénédiction  donnée  à  la  foule  par  trois  évêques, 
la  procession,  le  banquet,  les  décorations  de  nos  rues  et  de 
nos  places  publiques  :  nous  le  répétons,  tout  celA  a  été  grand, 
tout  cela  a  été  magnifique.  Mais  l'événement  par  excellence, 
qui  portera  des  fruits  abondants  et  durables,  c'est  le  Congrès 
catholique.  La  réunion  du  clergé  de  la  province,  de  nos  prin- 
cipaux citoyens  sous  la  présidence  et  direction  de  l'épiscopat, 
dans  le  but  de  proclamer  hautement  notre  foi  à  l'Eglise  catho- 
lique, au  jour  de  la  fête  nationale  :  voilà  une  aJBîrmalion 
capable  de  donner  espérance  pour  l'avenir,  de  ranimer  les 
courages,  de  fortifier  les  cœurs.  A  la  convention,  au  congrès, 
il  n'y  a  eu  qu'un  concert,  qu'une  voix  :  soyons  catholiques  ! 


OPINION   DE   LA   PRESSE  337 

Si  le  peuple  canadien  français  tout  entier  eût  donc  pu  entendre 
les  vérités  qui  ont  été  affirmées,  acclamées  !  Le  cœur  de  la 
nation  est  chrétien,  catholique  :  malheureusement,  le  libéra- 
lisme a  fait  ici  son  œuvre  propre  :  il  a  obscurci  les  intelli- 
gences d'un  certain  nombre,  et  au  moyen  de  cet  obscurcisse- 
ment il  cherche  à  remplacer  l'amour  de  l'Eglise  par  l'amour 
de  la  fausse  liberté. 

L'imposante  démonstration  à  laquelle  nous  avons  assisté 
portera  un  grand  coup  au  libéralisme  :  la  province,  la  natio- 
nalité canadienne  se  sont  proclamées  catholiques  !  Nous 
avons  déclaré  que  le  clergé  est  la  clef  de  voûte  de  notre  édi- 
fice, nous  l'avons  reconnu  comme  la  base  de  notre  existence, 
la  force  de  notre  avenir. 

Le  Congrès  catholique  a  ouvert  ses  séances  par  la  présenta- 
tion d'une  adresse  au  Vicaire  de  Jésus-Christ. 

La  convention  nationale  a  fait  le  même  acte  de  foi  publique 
et  de  soumission  à  l'Eglise. 

Et  quelle  riche  semence  abondamment  jetée  dans  les  dis- 
cours si  chétiens  de  Mgr  Laflèche,  de  M.  Jannet,  de  M.  Rou- 
thier,  de  M.  Foucault.  Qu'il  faisait  bon,  en  entendant  leurs 
chaudes  paroles,  d'être  catholique,  de  partager  les  croyances 
qui  seules  peuvent  donner  ces  sublimes  mouvements  d'élo- 
quence auxquels  ils  se  sont  élevés  ! 


{Extrait  du  Courrier  du  Canada.) 


A  ceux  qui  au  début  se  demandaient  quelle  serait  l'utilité 
pratique  d'un  congrès,  à  ceux-là  qui  allaient  jusqu'à  nier  l'op- 
portunité d'un  tel  acte,  nous  pouvons  apporter  ajourd'hui  une 
solennelle  réponse,  et  ce  n'est  pas  nous  qui  la  faisons,  c'est  un 
évoque  qui  de  sa  voix  aussi  autorisée  qu'éloquente  disait  à  la 
deuxième  et  dernière  assemblée  :  "  Honneur  à  vous,  les  orga- 
nisateurs de  ce  congrès  catholique,  en  prenant  l'initiative  de 
cette  grande  œuvre  vous  avez  fait  preuve  du  plus  pur  patrio- 
tisme." Affirmer  ses  principes  nettement  catholiques,  les  doc- 
trines du  Syllabus  en  tout  ce  qui  touche  les  questions  sociales, 


338      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

c'est  en  effet  agir  en  bons  patriotes  ;  avoir  des  convictions  iné- 
branlables, et  les  faire  partager  à  des  milliers  d'individus, 
c'est  encore  du  patriotisme  du  meilleur  aloi.  Le  temps  des 
concessions,  des  demi-mesures  est  passé  ;  le  libéralisme  dispa- 
raît de  jour  en  jour  ;  il  ne  reviendra  plus,  espérons-le  ;  la  fête 
nationale  lui  a  donné  son  coup  de  grâce. 

Nous  avons  vu  le  spectacle  consolant  de  tout  un  peuple 
gravitant  autour  de  son  clergé,  marchant  avec  lui  dans  les 
rangs  de  la  procession,  la  main  dans  la  main  ;  nous  avons  vu 
des  orateurs  et  des  plus  célèbres,  chanter  l'héroïsme  de  nos 
gloires  nationales,  faisant  reposer  leur  valeur  sur  leurs 
croyances  religieuses  et  leur  attachement  à  la  foi  catho- 
lique. L'avenir  appartient  à  la  vérité,  a-t-on  dit  dans  toutes 
les  réunions,  et  la  vérité  c'est  la  religion,  c'est  le  prêtre. 

Les  principes  sont  la  force  d'une  nationalité;  et  ces  prin- 
cipes sont  tout  entiers  dans  une  absolue  soumission  aux  ensei- 
gnements, aux  doctrines  de  la  sainte  Eglise  catholique, 
apostolique  et  romaine.  C'est  là  ce  qui  fera  la  force  du  Canada 
français,  ce  qui  lui  donnera  la  véritable  liberté.  La  liberté 
ce  n'est  pas  le  droit  au  mal,  c'est  le  mouvement  dans  le  bien. 

Que  de  beaux  résultats  devront  suivre  de  ce  congrès  qui  a 
eu  toutes  les  sympathies  de  l'épiscopat  et  du  clergé.  Inutile 
de  vouloir  le  nier,  ou  d'essayer  à  en  atténuer  toute  la  portée  : 
ce  congrès,  s'inspirant  de  la  doctrine  môme  de  l'évangile,  de 
la  maternelle  action  de  l'Eglise  va  guérir  bien  des  plaies,  en 
versant  l'huile  de  la  charité  dans  les  rouages  sociaux,  il  fera 
comprendre  aux  Canadiens  français  qu'ils  n'ont  qu'un  terrain 
où  ils  peuvent  et  doivent  s'entendre  et  se  comprendre  :  c'est 
le  terrain  religieux.  Eh  !  bien,  puisque  nous  y  sommes  au- 
jourd'hui, serrons  nos  rangs  et  restons  fidèles  aux  traditions 
qui  ont  fait  la  gloire  de  nos  aïeux. 


{Extraits  du  Journal  de  Québec.) 

La  première  séance  publique  du  Congrès  catholique  a  eu 
lieu  ce  matin,  à  8  heures  et  demie,  à  l'Université,  en  présence 


OPINION   DE   LA   PRESSE  339' 

d'une  afiluence  nombreuse  et  brillante.  Sa  Grandeur  Mgr 
l'Archevêque  de  Québec  a  ouvert  le  Congrès  catholique  par 
une  allocution  qui  a  provoqué  de  fréquents  applaudissements. 

L'hon.  juge  Routhier,  commandeur  de  l'ordre  de  saint  Gré- 
goire-le-Grand,  a  prononcé  un  magnifique  discours  sur  la  na- 
tionalité canadienne  française  et  la  religion  catholique.  Les 
applaudissements  qui  ont  fréquemment  couvert  sa  parole 
ardente  et  convaincue,  disent  assez  l'effet  qu'il  a  produit  sur 
l'assemblée. 

M.  Claudio  Jannet  a  terminé  la  séance  par  un  discours  très 
remarquable. 

A  la  séance  de  samedi  soir,  du  Congrès  catholique,  a  la- 
quelle assistait  aussi  un  auditoire  nombreux,  composé  de 
l'élite  de  notre  société  et  un  grand  nombre  de  délégués  étran- 
gers, M.  le  comte  de  Foucault  a  fait  une  brillante  causerie 
sur  «l'action  des  ordres  religieux  dans  les  sociétés  modernes.» 
La  parole  chaude  et  convaincue  du  jeune  orateur  a  fait  sur 
l'auditoire  une  impression  qui  s'est  traduite  par  de  fréquentes 
acclamations. 

Il  a  fait  à  grands  traits  l'histoire  de  tous  les  ordres  religieux 
qui  ont  pris  naissance  dans  le  monde  depuis  l'origine  du 
Christianisme  et^ui  ont  rendu  de  si  éminents  services  à  l'E- 
glise et  à  l'humanité  toute  entière  ;  et  après  avoir  parlé  des 
persécutions  dont  le  gouvernement  français  menaçait  les  as- 
sociations religieuses  en  ce  moment,  il  a  terminé  par  une 
invocation  à  la  Vierge  représentée  sur  le  drapeau  du  Cercle 
catholique  qui  était  suspendu  au-dessus  de  sa  tête,  en  la 
priant  d'inspirer  au  Canada  la  pensée  de  recueillir  les  reli- 
gieux si  jamais  le  gouvernement  de  son  pays  commettait 
l'insigne  folie  de  les  chasser  de  la  France.  L'auditoire  lui  a 
répondu  par  des  marques  non  équivoques  de  sympathie  et 
d'admiration  pour  les  différents  ordres  religieux  dont  la 
France  catholique  s'enorgueillit  à  si  juste  titre. 

Après  lui,  l'hon.  M.  Ouimet,  officier  et  surintendant  de 
l'instruction  publique,  a  fait  part  à  l'auditoire  d'un  travail 


340      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

qu'il  avait  préparé  sur  «  l'Eglise  et  l'Etat,  dans  renseigne- 
ment.» 

Ce  sujet  a  été  traité  par  M.  Ouimet  d'une  manière  complète, 
malgré  le  cadre  restreint  qu'il  avait  dû  nécessairement  se 
tracer. 

Sa  Grandeur  Mgr  Laflèche  a  ensuite  prononcé  un  magni- 
fique discours  sur  «  l'Eglise  et  la  liberté.  »  Nous  n'essaierons 
pas  d'en  faire  une  analyse  qui  ne  saurait  donner  une  juste 
idée  de  la  manière  lucide  et  savante  avec  laquelle  Mgr  l'évê- 
que  des  Trois-Rivières  a  défini  la  liberté  telle  qu'elle  doit  être 
comprise. 


{Extrait  de  la  Minerve.) 


La  tenue  d'un  Congrès  catholique  à  Québec,  est  un  événe- 
ment important  pour  notre  Province,  car  c'est  le  premier  du 
genre  dans  l'Amérique  du  Nord. 

Il  appartenait  au  Canada  français  de  se  mettre  à  la  tête  d'un 
tel  mouvement  et  de  prendre  l'initiative  d'une  semblable  réu- 
nion. Berceau  de  la  foi  sur  ce  continent,  fondée  par  des 
hommes  animés  du  sentiment  religieux  le  plus  pur,  cette  co- 
lonie, au  milieu  des  vicissitudes  et  des  épreuves,  a  grandi 
sous  l'égide  de  la  religion,  et  protégée  de  Di^,  elle  est  deve- 
nue le  boulevard  des  principes  catholiques,  le  phare  lumineux 
du  nouveau  monde.  L'esprit  de  ses  fondateurs  s'est  perpétué 
dans  leurs  descendants  qui  se  sont  propagés  avec  une  rapidité 
étonnante  ;  l'héroïsme  dont  ont  fait  preuve  nos  pères  sur  les 
champs  de  bataille  de  Carillon  et  de  Ste-Foye,  a  passé  du  do- 
maine de  la  guerre  dans  celui  des  combats  politiques,  qui 
illustrèrent  le  commencement  de  ce  siècle,  et,  d'étape  en  étape, 
d'épreuves  en  épreuves,  de  luttes  en  luttes,  le  peuple  canadien 
français  a  maintenu  haut  et  ferme  l'étendard  de  son  patrio- 
tisme. 

Le  pays  s'est  couvert  de  magnifiques  institutions  d'éduca- 
tion et  de  bienfaisance  ;  à  l'ombre  du  clocher  du  village,  sous 
la  protection  intelligente  du  prêtre,  notre  race  a  pris  racine 


OPINION   DE    LA  PRESSE  341 

dans  le  sol  qu'on  voulait  lui  ravir,  et  ni  la  persécution,  ni 
l'antagonisme  auxquels  elle  a  été  en  butte,  n'ont  pu  retarder 
son  développement.  Aujourd'hui  notre  nationalité  est  ferme- 
ment assise  sur  sa  base  ;  la  religion  fleurit  dans  nos  campa- 
gnes ;  le  sentiment  national  est  fortement  imprégné  dans  le 
cœur  de  la  nation,  et  rien  n'est  plus  cher  au  Canadien  français 
que  ses  institutions,  sa  langue,  ses  lois  et  ses  mœurs. 

Ce  fut  donc  une  inspiration  magnifique  que  celle  de  réunir 
dans  la  vieille  cité  de  Champlain,  sous  l'égide  de  cette  église 
de  Québec,  mère  de  toutes  les  autres  en  notre  pays,  un  con- 
grès catholique  à  l'instar  de  ceux  des  pays  européens. 

Ce  fut  également  une  inspiration  magnifique  que  celle  de 
profiter  du  moment  où  tous  les  représentants  de  la  race  cana- 
dienne française  étaient  réunis  pour  tenir  les  séances  de  ce 
Congrès  destiné  à  faire  luire  davantage  aux  yeux  de  l'étranger 
la  force  du  sentiment  religieux  en  notre  pays. 

Lorsque  l'on  voit  l'Europe  en  proie  aux  factions  politiques 
les  plus  exaltées  ;  lorsque  la  libre-pensée  a  partout  ses  coudées 
franches,  lorsque  le  matérialisme  le  plus  abject  remplace  le 
sentiment  religieux  dans  le  cœur  des  peuples,  lorsque  les  so- 
ciétés minent  le  principe  d'autorité,  lorsque  le  socialisme  veut 
remplacer  le  christianisme,  il  incombe  à  ceux  qui  croient  à  la 
divinité  et  aux  doctrines  immuables  de  l'Eglise  d'opposer  une 
digue  à  ce  torrent  dévastateur.  Les  esprits  réfléchis  et  droits, 
les  hommes  à  fortes  convictions,  doivent  se  lever  pour  enre- 
gistrer leurs  protestations  contre  tant  d'iniquités  et  de  crimes. 
Leur  foi  leur  impose  la  tâche,  difficile  il  est  vrai,  mais  glo- 
rieuse, de  combattre  pour  la  vérité  ;  et  quelque  périlleuse  que 
soit  la  situation.  Dieu  sait  donner  la  victoire  aux  cœurs  cou- 
rageux. 

De  ce  Congrès  de  Québec,  sortira  une  protestation  qui  sera 
entendue  de  l'Europe.  Au-delà  des  mers  on  apprendra  que, 
dans  cette  ancienne  colonie  française,  il  y  a  des  poitrines  qui 
battent  à  l'unisson  des  catholiques  de  l'univers,  et  que  la 
Hbre  pensée  n'a  pu  atteindre  le  peuple  canadien.  On  appren- 
dra que  nos  regards  se  tournent,  non  vers  la  Commune  impie 

et  barbare,  mais  vers  Rome,  siège  du  Vicaire  de  Jésus-Christ. 

22 


342  PREMIER    CONT.RÈS   CATHOLIQUE   TENU   A   QUÉBEC 

Les  échos  des  voix  suaves  et  éloquentes  qui  se  sont  fait  enten- 
dre au  Congrès  traverseront  l'Europe  pour  se  répercuter 
jusque  sous  les  voûtes  du  Vatican,  aux  pieds  du  Pontife  su- 
prême, et  Léon  XIII,  en  recevant  nos  hommages,  bénira  de 
sa  main  puissante  nos  familles,  nos  moissons,  nos  entreprises, 
notre  patrie. 

Réjouissons-nous  d'une  démonstration  religieuse  aussi  im- 
portante dans  son  principe  et  dans  ses  résultats,  et  que  nos 
convictions  et  nos  sentiments  catholiques  en  reçoivent  une 
forte  et  durable  impulsion. 


[Extrait  de  TUnion  des  Gantons  de  I'Est.) 


Le  Congrès  catholique  est  bien,  certes,  la  partie  la  plus 
digne  et  la  plus  importante  de  la  fête  ! 

Aussi  est-ce  là  que  le  patriotisme  et  l'enthousiasme  ont  eu 
leurs  plus  beaux  élans. 

La  première  séance  fut  ouverte  par  Sa  Grandeur  l'Arche- 
vêque, et  après  une  adresse  au  St-Père,  l'hon.  M.  Routhier 
et  M.  Claudio  Jannet  prirent  la  parole. 

Ces  deux  messieurs  électrisèrent  leurs  auditeurs  par  leur 
éloquence  et  les  idées  sublimés  qui  faisaient  le  fond  de  leur 
discours.  Aussi  vit-on  un  enthousiasme  sans  pareil  s'emparer 
de  l'assistance.  A  un  moment,  on  vit  M.  Jannet,  ému  s'avan- 
cer au  devant  du  juge  Routhier,  et  ces  deux  hommea  person- 
nifiant la  vieille  et  la  nouvelle  France,  s'embrasser  solen- 
nellement. 

Samedi  la  séance  ne  fut  pas  moins  intéressante. 


{Extrait  du  Courrier  de  Montréal.) 


OUVERTURE  DU  CONGRÈS  CATHOLIQUE 

Vendredi,  25  juin. 

A  8  heures  a.  m.,  la  chapelle  du  séminaire  se  remplissait 
d'une  foule  recueillie  pour  entendre  la  sainte  messe.    M.  le 


OPINION   DE    LA   PRESSE  343 

curé  de  St-Roch  ofTiciait.  Lca  messe  fut  précédée  du  Veni  Creator 
et  suivie  du  Salve  Rcgina^  chantés  par  des  centaines  de  voix. 

Sur  les  9  heures,  la  salle  de  l'Université,  dite  des  promo- 
tions, voyait  dans  son  enceinte,  près  de  1500  personnes,  au 
nombre  desquelles  nous  avons  remarqué  Sa  Grandeur  l'Ar- 
chevêque Taschereaii,  Mgr  Racine,  Mgr  Laflèche,  Mgr  Guay, 
Mgr  Déziel,  et  un  nombreux  clergé  ;  ainsi  que  M.  Rhéaume, 
président  de  la  société  St-Jean-Baptiste  de  Québec,  le  comte  de 
Foucault,  M.  Claudio  Jannet,  etc. 

Sa  Grandeur  l'Archevêque  présidait,  ayant  à  sa  droite  M. 
Jannet  et  à  sa  gauche  l'hon.  juge  Routhier.  Ils  étaient  sur  une 
estrade  où  plusieurs  personnages  marquants  avait  pris  place. 

Son  Honneur  le  lieutenant- gouverneur  était  auprès  de 
Mgr  Racine,  dans  la  nef  en  avant  de  l'estrade. 

Le  juge  Routhier  ouvrit  la  séance.  Il  dit  qu'à  la  vue  d'une 
aussi  belle  représentation  de  l'Eglise  catholique  et  de  la 
France  catholique,  il  trouve  que  la  tâche  qui  lui  incombe 
comme  président  actif  de  ce  Congrès  n'est  pas  très  facile.  Il 
exprime  sa  joie  de  voir  aussi  bien  représentées  l'Eglise  et  la 
France  catholique.  Il  est  heureux  de  pouvoir  constater  qu'a- 
près un  siècle,  la  France  se  ressouvient  qu'il  y  a  sur  les  rives 
du  St-Laurent,  un  petit  peuple  qui  a  gardé  intactes  sa  religion, 
sa  langue  et  ses  institutions.  Il  ajoute  que,  lorsque  la  France 
oubliera  sa  mission  de  fille  aînée  de  l'Eglise,  le  Canada  s'effor- 
cera de  lui  donner  l'exemple  de  sa  foi. 

Plusieurs  fois  il  est  interrompu  par  des  applaudissements 
prolongés.  Il  finit  en  disant  qu'à  la  vue  du  nombreux  clergé 
présent  et  surtout  de  Sa  Grandeur  Mgr  Taschereau,  il  com- 
prend qu'il  ne  peut  dignement  présider  le  Congrès  catholique, 
et  que  son  rôle  se  borne  tout  simplement  à  celui  d'appariteur. 
Il  présente  alors  à  l'assemblée,  le  digne  archevêque.  Sa  Gran- 
deur se  lève  au  milieu  de  chaleureux  applaudissements.  Dans 
un  langage  clair,  calme  et  mesuré,  Mgr  dit  qu'au  nom  de  l'E- 
glise du  Canada  il  a  été  prié  de  présider  ce  Congrès,  tâche  bien 
délicate  à  la  vérité  ;  mais  il  se  rassure  quand  il  songe  que  les 
organisateurs  ont  fait  leur  possible  pour  mener  ce  Congrès  à 
bonne  fin.    Il  montre  l'importance  du  Congrès,  et  il  en  attend 


344      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

un  bon  résultat,  car  il  s'ouvre  sous  de  bons  auspices.  On  va 
présenter  une  adresse  au  Souverain  Pontife,  au  représentant 
du  Christ  sur  la  terre  ;  c'est  commencer  par  le  commencement 
c'est  asseoir  le  Congrès  sur  des  bases  solides  :  "  Tu  es  Pierre 
et  sur  cette  pierre  je  bâtirai  mon  église." 

Il  rappelle  que  rien  n'est  stable  qui  n'ait  la  religion,  la  foi, 
la  vérité.  Dieu,  pour  base.  Il  parle  de  la  patrie  et  de  la  reli- 
gion. L'amour  de  la  patrie  a  été  mis  par  Dieu  dans  le  cœur 
de  l'homme.  Dieu  et  la  patrie,  voilà  le  culte  par  excellence. 
Ce  que  l'on  fait  pour  Dieu,  on  le  fait  pour  la  patrie  ;  ce  que 
l'on  fait  pour  la  patrie,  on  le  fait  pour  Dieu.  C'est  ainsi  que 
les  anciens  comprenaient  le  vrai  patriotisme.  Pro  patria  quia 
pro  Deo^  et  pro  Deo  quia  pro  pati  ia.  Sa  Grandeur  reprend  son 
siège  au  milieu  des  applaudissements  de  l'auditoire. 

En  ce  moment,  le  Secrétaire  du  Congrès  lit  l'adresse  au 
Souverain  Pontife.  La  lecture  de  cette  adresse  est  reçue  par 
des  applaudissements  frénétiques.  Toute  l'assemblée  se  lève, 
et  vote  l'adresse  à  l'unanimité,  et  des  hourrahs  éclatent  en 
l'honneur  de  l'Union  Allet. 

Le  secrétaire  donne  la  liste  des  personnes  qui  ont  dû  décli- 
ner, pour  des  raisons  majeures,  l'invitation  du  Congrès.  Cha- 
cun de  ces  noms  est  reçu  par  des  chaleureux  applaudissements. 
Mais  l'enthousiasme  devint  à  son  comble  à  la  lecture  des 
lettres  du  comte  Albert  de  Mun,  du  sénateur  Lucien  Brun, 
et  de  M.  A.  E.  Aubry,  professeur  de  la  faculté  de  droit  à  An- 
gers, et  qui  eût  pour  élève  l'hon.  juge  Routhier. 

L'hcii.  M.  Routhier  se  lève.  Il  voudrait  avoir  les  pa- 
roles de  ce  grand  homme  dont  on  a  naguère  parlé  ;  de 
cet  homme  qui  a  dû  être  un  grand  orateur,  de  S.  Jean- 
Baptiste,  enfin,  à  la  voix  duquel  accouraient  en  foule  dans 
le  désert  et  sur  les  bords  du  Jourdain  les  peuples  de  l'uni- 
vers :  il  voudrait  avoir  cette  éloquence  en  cette  circonstance 
solennelle. 

L'honorable  juge  parle  de  l'union  inséparable  de  l'Eglise  et 
de  l'Etat,  et  de  la  religion  comme  étant  la  base  de  toute  patrie. 
Il  dit  qu'elle  est  la  base  de  la  nationalité  canadienne  fran- 
çaise, comme  elle  est  aussi  la  base  de  tout  l'édifice  social.  Les 


OPINION    DE  LA   PRESSE  345 

païens  eux-mêmes  prenaient  la  religion  pour  base  de  tout  édi- 
fice dont  ils  voulaient  assurer  la  stabilité. 

Platon  reconnaissait  que  c'est  la  vérité  même  que  si  Dieu 
n'a  pas  présidé  à  l'origine  d'une  cité,  elle  ne  saurait  subsister, 
et  que  sans  elle,  ni  les  cités,  ni  les  peuples  ne  pouvaient  non 
plus  durer.  L'histoire  nous  le  témoigne  d'une  manière  écla- 
tante. Tous  les  peuples  ont  eu  la  croyance  à  un  Dieu  et  à  un 
culte,  tous  ils  ont  compris  que  la  religion  est  la  fondation  de 
tout  édifice  social. 

Les  libres  penseurs  sont  les  prédicateurs  de  l'immoralité;  le 
contrat  social  est  une  utopie,  la  paix  sociale,  la  paix  univer- 
selle ne  peut  subsister  qu'au  moyen  de  la  religion.  Comment 
le  roi  et  le  peuple  vont-ils  vivre  en  harmonie  ?  C'est  au  moyen 
de  la  religion. 

Le  contrat  social  ne  pourra  jamais  résoudre  autrement  cette 
question.  Elle  ne  le  sera  qu'en  reconnaissant  d'abord  les  droits 
de  Dieu.  Les  peuples  sans  religion  ne  peuvent  constituer  une 
patrie.  Prq  aris  et  patria^  écrivaient  les  Romains  quand  ils 
fondaient  une  ville,  joro  aris  et  patria^  disaient-ils,  quand  ils 
ouvraient  un  nouveau  pays.  C'est  qu'ils  reconnaissaient  que 
la  religion  est  le  fondement  et  la  base  de  toute  chose.  Les  libres 
penseurs,  eux,  ont  et  prêchent  une  autre  doctrine.  Le  Ciel  est 
à  Dieu,  la  terre  est  à  nous,  disent-ils  dans  leur  folie  ;  nous, 
nous  disons  au  contraire,  le  ciel  est  à  Dieu  ;  la  terre  est  à 
Dieu  et  nous  devons  jouir  de  l'un  et  de  l'autre.  Ici  l'orateur 
est  chaleureusement  applaudi.  En  lisant  l'Ecriture  Sainte, 
lin  fait  l'a  frappé.  C'est  ce  passage  où  il  est  dit  que  la  vierge 
et  S.  Joseph  se  rendant  à  Bethléem,  et  voulant  loger  dans  une 
hôtellerie,  reçurent  pour  réponse  ces  paroles  :  "  Il  n'y  a  pas 
de  place,"  et  durent  aller  ailleurs. 

Depuis  qu'avons-nous  vu  ?  Les  juifs  cherchent  sans  cesse 
un  lieu  où  se  fixer  et  partout  on  leur  répond  :  "  il  n'y  a  pas  de 
place,"  et  ils  errent  par  le  monde.  Les  peuples  du  moment 
qu'ils  ont  oublié  leur  Dieu,  se  sont  aperçus  qu'ils  n'y  avait 
plus  de  place  pour  eux.  En  France,  depuis  la  révolution  jus- 
qu'à l'empire,  les  formes  de  gouvernement  se  sont  succédé, 
et  chaque  fois  que  l'on  a  vu  méconnaître  la  religion,  vite,  il 


346      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

n'y  avait  plus  de  place  pour  ce  gouvernement.  Tl  y  a  un  siè- 
cle, la  France  a  dit  qu'il  n'y  avait  pas  de  place  pour  Dieu,  et 
depuis  nulle  forme  de  gouvernement  n'a  pu  s'y  mrintenir. 

Les  proscripteurs  n'ont  pu  eux-mêmes,  trouver  pour  toute 
place  que  l'affreux  oreiller  de  la  guillotine.  Ce  grand  général, 
ce  grand  conquérant  qui  durant  un  moment  tint  les  destinées 
de  l'univers  dans  sa  main,  lui-môme,  du  moment  où  il  a 
voulu  méconnaître  les  droits  les  plus  sacrés,  s'est  vu  conspué 
par  toute  l'Europe,  et  n'a  eu  pour  toute  place  que  le  rocher 
de  Ste-Hélèno  où  il  finit  péniblement  ses  jours.  Jamais  le 
peuple  français  ne  jouira  d'un  gouvernement  stable,  à  moins 
qu'il  ne  se  rappelle  le  culte  du  divin  Sauveur  des  hommes. 
Ici  l'orateur  lit  une  page  inédite  de  l'histoire  de  son  séjour  en 
France,  et  il  passe  ensuite  en  revue  nos  gloires  nationales  :  il 
rappelle  que  c'est  au  soleil  de  la  foi  que  le  lys  a  fleuri  sur  les 
bords  de  notre  majestueux  Saint-Laurent  ;  que  c'est  à  l'ombre 
des  autels  que  notre  nationalité  s'est  formée. 

Il  jette  un  coup  d'œil  sur  l'histoire  du  peuple  juif,  montrant 
qu'il  était  malheureux  du  moment  qu'il  oubliait  son  Dieu,  et 
prospère  aussitôt  qu'il  l'adorait,  il  rappelle  que  de  môme  que 
ce  peuple  était  sauvé  dès  qu'il  lui  restait  un  prêtre  pour  lui 
sacrer  des  rois  et  des  prophètes,  ainsi  la  patrie  sera  prospère, 
ainsi  la  nation  canadienne  française  sera  grande  et  forte,  tant 
qu'elle  sera  chrétienne,  qu'elle  conservera  intact  l'amour  de 
sa  patrie  et  de  son  Dieu.  Puis,  après  une  apostrophe  à  la 
patrie  des  plus  pathétiques,  l'hon.  juge  termine  son  magnifique 
discours  en  répétant  que  le  Christ  et  ses  suivants  seront  éter- 
nellement vainqueurs.  Les  hourras  et  les  applaudissements 
éclatent  de  toutes  parts,  et  semblent  redoubler  lorsque  M. 
Claudio  Jannet  se  lève  pour  adresser  la  parole. 

Malgré  notre  désir  de  plaire  à  nos  lecteurs,  de  leur  donner 
aussi  fidèlement  que  possible  les  détails  de  cette  démonstra- 
tion et  de  tous  les  discours,  ou  plutôt,  à  cause  de  ce  désir, 
nous  ne  voulons  pas,  qu'on  nous  le  pardonne,  analyser  ici,  le 
magnifique  discours  du  grand  économiste  français. 

Qu'il  nous  sufiise  de  dire  qu'il  n'a  pas  trompé  l'attente  géné- 
rale, qu'il  a  été  à  la  hauteur  de  la  circonstance,  et  que  lors- 


OPINION    DE   LA    PRESSE  347 

qu'il  reprit  son  siège,  il  reçut  une  véritable  ovation  ;  les 
applaudissements  éclatèrent  rapides  et  frénétiques,  les  mou- 
choirs ondulèrent  au-dessus  de  l'assemblée  et  les  hourrahs 
enthousiastes  firent  en  quelque  sorte  frémir  l'immense  édifice. 
Nous  allions  oublier  un  incident  des  plus  émouvants,  qui 
eut. lieu  immédiatement  après  que  M.  Jannet  eut  cessé  de 
parler.  Ce  dernier,  partageant  l'émotion  générale,  s'avança 
au-devant  du  juge  Routhier,  et  ces  deux  hommes,  qui  venaient 
de  témoigner  d'une  manière  si  éloquente  de  leur  attachement 
à  la  foi  catholique,  'embrassèrent.  On  eût  dit  la  France  et 
le  Canada  s'étreignant  dans  une  même  et  sincère  amitié,  et 
scellant  le  pacte  d'un  attachement  et  d'une  union  inséparables. 

Deuxième  séance. 

La  foule  encombrait,  samedi  soir,  la  salle  des  promotions 
de  rUniversité-Laval  de  Québec,  où  devait  avoir  lieu  la 
deuxième  séance  du  Congrès  catholique. 

Mgr  Cazeau  présidait,  ayant  à  sa  droite  Mgr  Laflèche,  M. 
Jannet,  etc.,  et  à  sa  gauche  l'hon.  juge  Routhier,  M.  le  comte 
de  Foucault,  l'hon.  Gédéon  Ouimet  et  plusieurs  autres  per- 
sonnages distingués. 

Dans  le  parterre,  on  remaquait  Mgr  Guay,  Mgr  Déziel,  Mme 
juge  Routhier,  un  très  grand  nombre  de  membres  du  clergé 
et  l'élite  de  la  société  canadienne  française  réunie  à  Québec. 

On  lut  des  lettres  d'adhésion  du  Baron  Général  de  Charette 
et  de  plusieurs  autres  personnages  distingués  d'Europe. 

Une  de  ces  lettres  venait  de  Hollande,  et  l'hon.  juge  Routhier 
dut  se  contenter  d'en  accuser  réception,  parce  qu"il  ne  s'était 
trouvé  personne  qui  pût  la  traduire. 

M.  le  comte  de  Foucault  fut  alors  présenté  à  l'assemblée, 
qui  l'accueillit  par  de  chaleureux  applaudissements. 

M.  de  Foucault  est  un  grand  jeune  homme  blond,  de  vingt- 
cinq  ans  environ  ;  c'est  un  catholique  fervent,  qui  ne  rougit 
pas  de  la  religion  de  ses  aïeux,  dans  un  temps  où  un  si  grand 
nombre  de  ses  compatriotes  essaient  de  couvrir  de  ridicule 
tout  ce  qui  est  saint,  et  se  font  une  gloriole  de  leur  impiété. 
Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  donner  une  analyse  de  l'éloquent 


348      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

discours  prononcé  par  M.  de  Foucault,  et  dont  nous  n'avons 
entendu  que  la  première  partie  ;  nous  sommes  forcé  de  ne 
citer  que  quelques  traits  du  commencement  de  ce  discours 
sur  l'action  des  ordres  religieux  dans  les  sociétés  modernes- 

L'orateur  commença  par  dire  qu'il  avait  d'abord  été  effrayé 
de  prendre  la  parole,  après  les  éloquents  discours  qu'il  avait 
entendus,  mais  qu'il  se  sentait  maintenant  rassuré  par  la  sym- 
pathie que  lui  avait  manifesté  l'auditoire.  Il  adresse  des 
remerciements  aux  Evoques  et  au  public.  Il  fait  l'historique 
de  l'institution  monastique  qui  a,  de  temps  immémorial,  puis- 
samment contribué  à  l'affermissement  de  la  religion.  L'Eglise 
est  prospère,  dit-il,  quand  les  monastères  sont  remplis. 

Il  énumère  ce  qu'ont  fait,  en  Occident,  ces  moines  dont  M. 
de  Montalembert  a  fait  de  si  grand  éloges.  Il  parle  ensuite 
de  la  Compagnie  de  Jésus,  et  des  persécutions  dont  elle  a  été 
l'objet,  persécutions  qui  viennent  de  se  réveiller  en  France. 
Nous  devons,  dit-il,  le  respect  à  ces  hommes  zélés  qui  se 
dévouent  à  l'instruction  de  la  jeunesse. 

Ici  des  tonnerres  d'applaudissements  et  de  bravos  couvrirent 
la  voix  de  l'orateur  et  firent  longtemps  retentir  la  saMe  de 
leurs  échos. 

Il  est  lui-môme  un  ancien  élève  des  Jésuites,  et  il  est  heu- 
reux de  voir  l'intérêt  que  nous  portons  à  ces  dignes  religieux. 

Il  parle  ensuite  des  Oratoriens,  des  Liguoriens,  de  la  Con- 
grégation de  St- Vincent  de  Paul  qui  fait  un  si  grand  bien,  des 
Sœurs  de  la  Charité,  du  célèbre  champion  de  la  foi  catholique 
en  Europe,  le  comte  de  Mun,  et  des  Frères  ignorantins,  qui 
ont  fait  trembler  Voltaire.  On  les  trouve  partout,  dit-il,  ces- 
Frères  dévoués  de  la  doctrine  chrétienne  ou  ignorantins. 
.  La  voix  de  l'orateur  fut  souvent  couverte  par  les  applaudis- 
sements, et  il  était  facile  de  voir  l'impression  profonde  que 
produisaient  sur  l'auditoire  ses  paroles  si  sincèrement  catho- 
liques. 

M.  de  Foucault  est  un  orateur  agréable.  Il  parle  avec  une 
abondance  et  une  chaleur  qui  révèlent  chez  lui  une  profonde 
(^onviction  ;  son  geste  est  des  plus  énergiques  et  sa  voix  ample 
et  sonore. 


OPINION  DE  LA  PB  ESSE  349 

L'hon.  Gédéon  Ouimet  parla  ensuite,  et  Mgr  Laflèche  cou- 
ronna cette  belle  séance  par  un  de  Ces  excellents  discours 
qu'on  ne  se  lasse  jamais  d'admirer. 


{Extraits  du  Quotidien,  26  juin.) 

Hier  le  Cercle  catholique  a  tenu  sa  première  séance  solen- 
nelle et  il  a  inauguré  la  série  de  commissions  qui  doit  s'occu- 
per activement  de  la  cause  catholique  au  Canada.  Mgr  l'Ar- 
chevêque a  ouvert  l'assemblée  par  une  heureuse  improvisation  ; 
puis,  tous  nous  avons  protesté  de  notre  attachement  au  Saint 
Siège  en  votant  avec  enthousiasme  une  éloquente  adresse 
à  Léon  XIII. 

La  séance  a  été  continuée  et  terminée  par  les  deux  plus 
éloquents  discours  qui  aient  jamais  été  prononcés  en  langue 
française  au  Canada.  M.  le  juge  Routhier  a  démontré  d'une 
manière  admirable  les  nécessités  des  relations  fraternelles 
étroites,  entre  l'Eglise  et  la  nationalité.  Doué  d'une  heureuse 
imagination  et  d'un  style  vraiment  français,  M.  Routhier 
s'est  surpassé  quand  il  a  parlé  de  nos  malheurs  passés,  et  qu'il 
a  contemplé  le  souriant  avenir  qui  nous  attend. 

Il  a  reçu  le  meilleur  éloge  possible  lorsque  M.  Claudio 
Jannet  lui  a  dit  que  les  Canadiens  ne  devaient  pas  regretter 
l'absence  de  de  Mun  ou  de  Lucien  Brun,  parcequ'ils  avaient 
M.  le  juge  Routhier  qui  les  représentait  royalement. 

A  son  tour,  M.  Jannet  a  fasciné  ses  auditeurs  et  peu  s'en 
fallut  qu'il  ne  renouvelât  dans  les  salles  de  l'Université-Laval 
les  scènes  antiques  de  la  Grèce  et  de  Rome.  Il  développa 
tellement  bien  son  sujet  qu'il  fut  plus  goûté  que  s'il  avait  pris 
une  matière  plus  facile  et  pendant  une  heure,  il  développa  le 
magnifique  sujet  du  «  rôle  des  riches  dans  les  sociétés  mo- 
dernes. »  Lorsqu'il  voulut  nous  parler  de  la  dévotion  au 
Sacré-Cœur  il  eut  un  mouvement  tellement  sublime,  que  l'au- 
ditoire électrisé  par  un  si  grand  succès  se  leva  debout  et  ac- 
clama avec  enthousiasme  et  longtemps  les  paroles  de  l'ora- 
teur.   Nous    sommes    heureux   d'avoir   entendu    ces    deux 


350      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

grands  hommes,  parce  que  nous  savons  qu'ils  agissent  comme 
ils  prêchent  et  que  leurs  principes  vont  plus  loin  qu'un  simple 
discours  ;  espérons  que  les  résultats  du  Congrès  seront  les 
plus  grands  possibles  et  les  plus  en  harmonie  avec  notre 
situation. 

Dernière  séance  publique  du  Congrès  catholique. 

Samedi  soir,  à  l'Uni  versi  té-La  val,  se  donnait  la  dernière 
béance  publique  du  Congrès  catholique,  qui  avait  voulu  ter- 
miner ses  travaux  par  une  démonstration  solennelle. 

Une  foule  considérable  s'était  rendue  dans  les  salles  du 
vaste  édifice  pour  entendre  une  dernière  fois  les  paroles  élo- 
quentes des  différents  orateurs  qui  devaient  faire  les  frais  de 
la  soirée. 

L'attente  publique  n'a  pas  été  trompée,  et  tous  s'en  sont  re- 
tournés en  regrettant  la  rapidité  du  temps  passé  sous  le 
charme  des  considérations  les  plus  élevées  comme  les  plus 
pratiques. 

Après  l'ouverture  de  la  séance  par  le  président,  monsieur 
le  juge  Routhier,  monsieur  le  comte  Jules  de  Foucault  parut 
sur  le  théâtre  au  milieu  des  applaudissements  de  l'auditoire. 

Le  sujet  qu'il  traita  fut  :  «  De  l'action  des  ordres  religieux 
dans  les  sociétés  modernes.  »  11  fit  l'histoire  de  tous  les  ordres 
religieux,  en  démontrant  succinctement  le  résultat  de  leurs 
travaux  et  les  traces  encore  lumineuses  de  leurs  passages  à  tra- 
vers les  siècles.  Les  Moines  furent  de  tous  temps,  c'est-à-dire 
depuis  l'établissement  du  christianisme,  les  plus  fermes  appuis 
de  la  religion,  de  la  civilisation,  des  sciences,  et  des  progrès 
matériels  et  intellectuels  de  tous  genres.  Chaque  siècle  fut 
témoin  des  plus  grands  prodiges  opérés  par  les  soins  assidus 
et  par  l'érudition  profonde  de  moines  ou  de  religieux  qui  se 
donnaient  en  sacrifice  pour  rendre  les  hommes  meilleurs. 
Chaque  époque  mémorable  de  l'histoire  des  peuples  doit  une 
partie  de  son  éclat  à  la  charité  ou  au  génie  des  moines  ou  des 
religieux.  Dans  les  premiers  siècles  de  l'Église,  des  saints 
religieux  préparaient  les  voies  pour  la  propagation  de  l'évan. 
gile.    Au  temps  des  croisades,  ce  fut  de  saints  religieux  qui 


OPINION   DE   LA  PRESSE  351 

conçurent  l'idée  sublime  d'arracher  à  l'idolâtrie  et  au  paga- 
nisme le  berceau  de  la  vraie  foi. 

Au  moyen  âge,  lorsque  le  monde  civilisé  était  menacé  par 
les  lois  des  barbares,  ce  furent  des  moines  et  des  religieux  qui 
sauvèrent  du  naufrage  les  chefs-d'œuvres  de  l'antiquité  et  qui 
élevèrent  ces  monuments  de  la  science  qui  servent  encore 
de  guides  et  de  modèles. 

Ayant  reçu  son  éducation  chez  les  Jésuites,  le  savant  orateur 
voulut  s'acquitter  à  leur  égard  d'une  dette  de  reconnaissance 
en  appuyant  sur  leur  histoire  depuis  son  origine  jusqu'à  nos 
jours  et  il  se  montra  le  digne  élève  de  ses  nobles  et  saints 
professeurs.  Les  Jésuites  ont  toujours  été  persécutés  et  le 
seront  toujours.  Leur  force  s'en  accroît  d'autant,  et  le  respect 
et  la  vénération  des  peuples  n'en  seront  que  plus  durables,  de 
même  que  les  châtiments  de  leurs  persécuteurs  n'en  ont  été  et 
n'en  seront  jamais  que  plus  profonds. 

La  persécution  actuelle  en  atteignant  le  but  qu'elle  se  pro- 
pose, ne  laisse  pas  cependant  que  d'accuser  sa  faiblesse,  son 
indécision  et  son  origine  criminelle  ;  Dieu  retient  son  bras 
pour  ne  pas  écraser  les  bons  avec  les  coupables. 

Après  monsieur  le  comte  Jules  de  Foucault,  l'honorable 
Gédéon  Ouimet  soumit  à  l'auditoire  un  travail  vraiment  digne 
de  la  circonstance,  qu'il  intitula  "  l'Église  et  l'État  dans  l'en- 
seignement." 

M.  le  surintendant  de  l'éducation  pouvait  seul  entrer  dans 
les  détails  si  intéressants  d'un  sujet  aussi  vaste  et  aussi  im- 
portant. 

Il  expliqua  notre  système  d'éducation,  en  mentionnant  les 
éloges  et  les  marques  non  équivoques  de  son  excellence  dont 
il  avait  été  l'objet  dernièrement  à  Paris. 

Tl  fit  voir  aussi  que  nous  ne  le  cédons  à  aucun  pays  du 
mondé  sous  le  rapport  du  nombre  des  élèves  de  nos  différentes 
maisons  d'éducation,  eu  égard  à  la  population.  L'Eglise,  en 
prêtant  son  concours  à  l'Etat  dans  l'enseignement  de  la  jeu- 
nesse, forme  les  véritables  bons  citoyens,  qui  font  les  appuis, 
les  soutiens  et  la  véritable  force  de  l'État,  et  l'homme  vrai- 
ment chrétien  est  incontestablement  bon  citoyen. 


352      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

Le  dernier  discours  fut  prononcé  par  un  orateur  sacré  dont 
la  réputation  est  bien  connue,  le  vénérable  évoque  des  Trois- 
Rivières,  monseigneur  Laflèche. 

Il  choisit  pour  sujet  :  "  l'Église  et  la  liberté." 

Pendant  près  d'une  heure  l'éloquent  orateur  put  tenir  son 
auditoire  enchaîné  à  sa  parole.  Ses  considérations  si  élevées, 
bien  loin  de  fatiguer  l'attention,  ne  faisaient  que  transporter 
ses  auditeurs  à  la  hauteur  du  sujet,  d'où  ils  n'apercevaient  que 
plus  clairement  les  vérités  qu'il  s'était  proposé  de  faire  con- 
naître. 

Il  est  difficile  d'avoir  un  plus  beau  succès,  et  il  est  difficile 
après  cela  de  ne  pas  apercevoir  dans  l'Eglise,  la  seule  la  véri- 
table liberté. 

Enfin  la  séance  se  termina  par  la  lecture  de  certaines  réso- 
lutions passées  par  les  différents  comités  renfermant  la  base 
des  opérations  à  venir  pour  affirmer  et  répandre  l'idée  reli- 
gieuse au  milieu  des  générations  présentes  et  futures. 

Le  Congrès  catholique  de  Québec,  à  l'occasion  de  la  célébra- 
tion nationale,  portera  de  dignes  fruits,  et  sera  le  glorieux 
complément  de  la  démonstration  la  plus  grandiose  qui  pût  se 
faire  sur  le  sol  canadien. 

Le  Congrès  catholique,  tout  en  captivant  l'attention  par  le 
charme  d'une  haute  éloquence,  no  us  a  fait  entrevoir  un  avenir 
tout  à  fait  rassurant  pour  les  idées  qui  sont  si  chères  au  peuple 
canadien,  et  sans  lesquelles  il  ne  saurait  exister  aucune  force 
de  cohésion  parmi  les  membres.  Tout  à  donc  conspiré  pour 
le  succès  du  grandiose  projet  qui  avait  été  conçu. 

Il  est  à  peine  nécessaire  de  dire  quels  magnifiques  résultats 
doivent  découler  de  tout  ce  qui  s'est  passé. 

Notre  existence  comme  peuple  s'est  affirmée  d'une  manière 
non  équivoque  aux  yeux  du  peuple  canadien  lui-même  et  aux 
yeux  des  races  étrangères.  Le  nombre,  les  arts,  les  sciences, 
l'industrie,  le  talent,  l'aptitude,  la  volonté  et  l'énergie,  tout  est 
connu,  tout  est  mesuré,  tout  est  compté.  Nous  avons  conquis 
le  respect  des  origines  étrangères  ;  désormais  il  leur  faudra 
compter  avec  nous.  Nous  serons  redoutable  par  le  nombre, 
mais  nous  le  serons  bien  plus  par  les  qualités.  Nous  le  serons 


OPINION   DE   LA   PRESSE  353 

surtout  par  notre  attachement  à  tout  ce  qui  se  rapporte  à  notre 
foi  et  au  culte  de  la  patrie.  Le  fait  de  notre  dissémination  sur 
une  vaste  étendue  du  continent  américain  ne  prouvera  rien 
contre  le  lien  puissant  et  secret  qui  nous  unit  dans  les  jours 
de  joies  et  de  danger. 

Mais  que  dira-t-on  de  nous  à  l'étranger,  où  jusqu'ici  l'on  a 
paru  même  ignorer  notre  existence  ?  Comment  retentiront  en 
France  ces  belles  paroles  de  M.  Claudio  Jannet  lorsque,  répon- 
dant à  M.  le  président  du  Congrès,  le  juge  Routhier,  il  affir- 
mait que  l'on  pouvait  se  consoler  de  l'absence  du  comte  de 
Mun,  vu  que  M.  le  président  l'avait  royalement  remplacé  ? 

N'a-t-on  pas  entendu  M.  le  comte  de  Foucault  dire  qu'il 
n'était  pas  nécessaire  pour  nous  d'aller  chercher  en  France 
de  véritables  penseurs  et  de  véritables  orateurs  chrétiens  ?  Le 
Canada  avait  les  siens  et  ne  le  cédait  à  aucun  autre  pays. 

Ces  paroles  sorties  de  la  bouche  de  deux  célébrités  euro- 
péennes ne  resteront  pas  stériles  ;  elles  seront  entendues  et 
comprises  de  l'autre  côté  de  la  mer,  et  l'on  nous  rendra  là-bas 
la  justice  que  l'on  nous  a  rendue  ici. 

Sous  tous  les  rapports  donc  nous  devons  nous  attendre  aux 
conséquences  les  plus  avantageuses  dans  l'ordre  moral  comme 
dans  l'ordre  physique,  car  nous  avons  grandi  à  nos  propres 
yeux  et  aux  yeux  des  pays  étrangers  dont  nous  avons  été  si 
longtemps  méconnus. 


Extrait  du  Nouvelliste  de  Rimouski.) 


Quant  au  Congrès  catholique  il  a  pleinement  réussi  par  la 
hauteur  de  ses  vues,  la  portée  sérieuse  de  ses  actes,  l'habileté 
de  ses  combinaisons  et  l'éloquence  de  ses  orateurs.  Jamais  on 
ne  vit  un  dévouement  plus  réel  ni  une  chaleur  d'âme  plus 
vive  se  manifester  pour  la  promulgation  des  vérités  fonda- 
mentales de  la  religion,  de  l'ordre  et  de  la  société.  Cédant 
aux  impressions  de  son  esprit  et  de  son  cœur,  M.  le  juge  Rou- 
thier a  su  émouvoir  par  sa  parole  entraînante  l'auditoire  en- 


354      PREMIER  CONGRÈS  CATHOLIQUE  TENU  A  QUÉBEC 

thousiaste  qui  récoatait.  Ce  Canadien,  pour  le  dire  en  passant, 
est  un  exemple  de  l'élévation  à  laquelle  parviennent  toujours 
les  qualités  morales  et  le  talent,  quand  le  courant  des  faveurs 
officielles  les  y  porte  et  vient  pour  ainsi  dire  au-devant  d'eux. 
Inde  favor  ingens  herœm  producit.  M.  Claudio  Jannet,  de  Paris, 
a  voulu  rendre  hommage  à  la  distinction  oratoire  du  jeune 
magistrat  canadien  français,  et  il  l'a  fait  en  termes  remarqua- 
blement flatteurs.  Le  discours  de  cet  homme  distingué  de  la 
métropole  française  a  paru  être  un  modèle  de  l'art  oratoire 
qu'il  préconisait  à  l'honneur  de  M.  Routhier. 


{Extrait  de  ^Evénement.) 


Le  Congrès  catholique  a  tenu  sa  première  séance  hier  matin 
à  huit  heures  et  demie.  Les  membres  qui  avaient  assisté  à 
une  messe  dite  dans  la  chapelle  du  Séminaire,  se  sont  réunis 
ensuite  à  l'Université.  La  séance  a  été  ouverte  par  une  courte 
allocution  de  Mgr  l'Archevêque  ;  puis,  le  Congrès  a  voté  une 
adresse  au  Saint-Père. 

Deux  grands  discours  ont  été  prononcés,  l'un  par  le  juge 
Routhier,  l'autre  par  M.  Claudio  Jannet.  M.  Routhier  avait 
pris  pour  sUjet  :  la  nationalité  canadienne  française  et  la  religion 
catholique.  ïl  a  traité  ce  sujet  avec  un  ;lévation  de  vues  et 
un  éclat  de  langage  auxquels  tout  le  r.jonde  rend  hommage. 
Il  n'y  a  qu'une  voix  pour  dire  que  l'éminent  orateur  a  fait 
preuve  d'un  talent  vraiment  supérieur. 

M.  Claudio  Jannet  a  pris  la  parole  après  M.  Routhier.  Il  a 
traité  le  sujet  suivant  :  de  faction  des  ordres  religieux  dans  les 
sociétés  modernes.  Durant  plus  d'une  heure,  M.  Jannet  a  tenu 
son  auditoire  sous  le  charme  des  considérations  les  plus  éle- 
vées. Il  a  été  tour  à  tour  persuasif,  éloquent,  entraînant. 


AJÎITÉÎE   1879-80 


ANNUAIRE 


DU 


MltlJI 


No.  3, 


CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 


In  manifestatione  veritatis. 
Patron  : 
Sa  Grandeur  Mgr  E.  A.  Taschereau,  archevêque  de  Québec. 

Président  d'honneur  : 

Mgr  de  Ségur,  chanoine-évêque  de  Tinsigne  chapelle  de  Saint- 

Denys. 

Visiteur  : 

M.  l'abbé  F.  X.  Gosselin,  curé  de  St-Roch  de  Québec. 


T.  Membres  honoraires  : 

Aquaderni,  Giovanni,  médecin,  président  de  l'Association  de 
la  jeunesse  catholique  d'Italie,  Bologne. 

Aubry,  Auguste-Eugène,  professeur  de  Droit  romain  à  l'Uni- 
versité catholique  d'Angers,  professeur  honoraire  de  TUni- 
versité-Laval,  Angers. 

Beluze,  E.,  président  du  Cercle  catholique  du  Luxembourg, 
Paris. 

Benque,  A.  de,  président  de  l'Adoration  nocturne,  Paris. 

Boucherville,  Charles  B.  de,  médecin,  sénateur  et  conseiller 
législatif,  ex-premier  ministre  de  la  province  de  Québec, 
Boucherville. 

Brun,  Lucien,  sénateur,  professeur  de  droit  à  l'Université  ca- 
tholique de  Lyon,  docteur  es  lettres  de  TUniversité-Laval, 
Lyon. 

Gazeau,  Mgr  C.  F.,  vicaire-général  de  l'archidiocèse  de  Québec, 
camérier  secret  de  Sa  Sainteté,  chanoine  honoraire  d'Aquin. 

Gharette,  Général  Baron  de,  Paris. 

Chesnelong,  M.,  sénateur,  Paris. 

Desautels,  Mgr  J,,  curé  de  Varennes. 

23 


358       ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

Foucault,  comte  Jules  de,  ancien  sous-préfet  du  département 

de  l'Orne,  France. 
Gosselin,  M.  Tabbé  F.  X.,  curé  de  St  Roch  de  Québec,  visiteur 

du  Cercle. 
Harmel.  Léon,  propriétaire  de  l'usine  du  Val-des-bois,  archi- 

diocèse  de  Reims. 
.Tannet,  Claudio,  professeur  à  l'Université  catholique  de  Paris, 

docteur  es  lettres  de  l'Université-Laval,  Paris. 
Laliberté,  M.  l'abbé  N.,  curé  de  St-Michel  de  Bellechasse,  pre- 
mier visiteur  du  Cercle. 
Langevin,  très-révérend  E.,  vicaire-général  et  prévôt  du  Cha- 
pitre du  diocèse  de  Rimouski. 
Lemoine,  M.  l'abbé  G.  L.,  chapelain  des  Ursulines  de  Québec. 
Menne,  Charles,  directeur  de  l'tEuvre  pontificale  des  vieux 

papiers,  Langres. 
Michel,  Jules,  président  du  Tribunal  de  St  Malo. 
Muir,  G.  M.,  commandeur  de  l'Ordre  de  St-Grégoire-le-Grand, 

président  général  de  la  Société  de  St-Vincent  de  Paul  du 

Canada,  Québec. 
Mun,  le  comte  Albert  de,  ex-député  de  Pontivy  (Morbihan), 

secrétaire  général    des  cercles  catholiques  d'ouvriers   de 

France,  Paris. 
Pages,  Léon,  vice-président  de  l'OEuvre  du  denier  de  saint 

Pierre,  10,  rue  du  Bac,  Paris. 
Perin,  Charles,  professeur  de  l'Université  de  Louvain. 
Ribbe,  Charles  de,  publiciste,  Aix  en  Provence. 
Rondelet,  Antonin,  professeur  de  philosophie  à  l'Université 

catholique  de  Paris,  président  du  Salon  des  CEuvres,  Paris. 
Routhier,  A.  B.,  juge  de  la  Cour  supérieure,  commandeur  de 

St-Grégoire-le-Grand,  docteur  en  droit  de  l'Université-Laval, 

Québec. 
Taché,  J.  C,  'docteur  en  médecine,  chevalier  de  la  Légion 

d'honneur,  professeur  à  l'Université-Laval,   sous-chef  du 

ministère  de  l'agriculture  et  des  statistiques,  Ottawa. 
Trudel,  F.  X.  A.,  avocat,  sénateur,  Montréal. 
Veuillot,  Eugène,  rédacteur  de  V Univers^  Paris. 
Veuillot,  Louis,  rédacteur  de  V  Univers^  Paris. 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC      859 

IL  Membres  auxiliaires  : . 

Cimon,  P.,  shérif,  Malbaie. 

Gosselin,  M.  l'abbé  D.,  vicaire  à  l'église  de  St-Roch  de  Québec. 

Hudon,  M.  l'abbé  E.  E.,  vicaire  à  l'église  de  St-Roch  de 
Québec. 

Landry,  J.  E.,  médecin,  docteur  en  médecine,  professeur  à 
rUniversité-Laval,  membre  correspondant  de  la  Société 
d'Anthropologie  de  Paris,  membre  honoraire  de  la  Société 
d'Emulation  de  Louvain,  Québec. 

La  Monneraye,  L.  de,  Redon  en  Bretagne. 

Lemoine,  Alexandre,  N.  P.,  Québec. 

Renaud,  J.  B.,  négociant,  Québec. 

Rivard,  L.  L.,  employé  du  Gouvernement,  secrétaire  général 
de  la  St-Vincent  de  Paul  du  Canada,  Québec. 

Rouleau,  M.  l'abbé  T.  G.,  assistant  principal  de  l'Ecole  nor- 
male-Laval, Québec. 

Sexton,  M.  l'abbé  J.  P.,  vicaire  à  l'église  de  St-Roch  de  Québec. 

St-Onge,  M.  l'abbé  L.  N.,  curé  de  Glen's  Falls,  Etat  de  N.  Y. 

IIL  Membres  correspondants  : 

Aubry,  Pierre,  avocat,  Angers. 

Beaiicharap,  .loseph,  avocat,  Montréal. 

Bègasse,  Joseph,  trésorier  de  la  Commission  centrale  des 
écoles  caiholiques  de  Liège,  Liège. 

Belloaii,  L  iS',  avocat,  Lévis. 

Belleieuillej  E.  Lefebvre  de,  avocat,  chevalier  de  St-Sylvestre, 
Montréal, 

Bonpart,  A.  de,  journaliste,  MontréaL 

Boucherville,  Anatole  de,  employé  de  l'Enregistrement,  vice- 
président  de  la  Société  d'Emulation  intellectuelle,  secrétaire 
de  l'Union  catholique  de  l'Ile  Maurice,  Port-Louis  (Ile  Mau- 
rice). 

Bussière,  A.  G.,  notaire,  collecteur  des  douanes,  St-Ge».  rges 
de  Beauce. 

Carrier,  L.  N.,  notaire,  Lévis. 


360       ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

Charmoy,  Oscar  d'Emmerez  de,  avocat  et  propriétaire,  greffier 
de  la  Cour  suprême,  membre  du  Conseil  d'éducation,  prési- 
dent de  l'Union  catholique  de  l'Ile  Maurice. 

Côté,  J.  B.  S.,  agriculteur,  diplômé  de  l'école  d'agriculture  de 
Ste-Anne  la  Pocatière,  Manitoba. 

Delâge,  Chs  A.,  médecin,  St-Basile. 

Desaulniers,  F.  L.,  avocat,  député  à  la  Législature  de  Québec, 
Yamachiche. 

Deschamps,  Emile,  avocat.  Sens. 

Désilets,  Alfred,  avocat,  ex-zouave  pontifical,  Trois-Rivières. 

Désilets,  Gédéon,  avocat,  ex-zouave  pontifical,  rédacteur  du 
Journal  des  Trois-Rivières^  Trois-Rivières. 

Desnoyers,  M.  l'abbé  G.  A.,  curé  de  St-Pie,  diocèse  de  St-Hya- 
cinthe. 

Desrosiers,  H.  E.,  médecin,  professeur  à  la  succursale  de 
rUniversi té-Laval  de  Montréal,  secrétaire  de  l'Union  catho- 
lique, Montréal. 

Desrosiers,  Joseph,  avocat,  président  de  l'Union  catholique, 
Montréal. 

Diringer,  M.  l'abbé  *  ,  secrétaire  de  Mgr  de  Ségur,  Paris, 
39,  rue  du  Bac. 

Dumésnil,  M.  l'abbé  A.,  professeur  au  Séminaire  de  St-Hyacinthe 

Giiigras,  M.  l'abbé  A.,  curé  de  St-Edouard  de  Lotbinière. 

Gonthier,  le  R.  Père  Th.,  dominicain,  St-Hyacinthe. 

Gravel,  M.  l'abbé  E.  A.,  curé  d'office,  évêché  de  St-Hyacinthe. 

Guestiers,  Raoul  de,  vice-président  de  la  conférence  Olivaint 
de  la  réunion  des  jeunes  gens  de  la  rue  de  Sèvres,  Paris. 

Huart,  M.  l'abbé  V.  A.,  professeur  au  Séminaire  de  Chicoutimi. 

Lame,  P.,  médecin,  St-Augustin. 

Lavoie,  J.  X.,  protonotaire.  Percé. 

Leclerc,  GustLve,  élève  du  grand  Séminaire,  Montréal. 

Lorimier,  Charles  C.  de,  avocat,  professeur  à  l'Université- 
Laval,  succursale  de  Montréal. 

Mallet,  Edmond,  employé  au  département  du  Trésor,  Wash- 
ington, D.  C. 

Malo,  révérend  F.,  ancien  missionnaire  aux  Montagnes  Ro- 
cheuses, Washington. 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC      361 

Michel,  Ernest,  avocat,  Nice. 

Montigny,  B.  A.  Testard  de,  recorder  de  la  ville  de  Montréal, 

avocat,  ex-zouave  pontifical.  Montréal. 
Montminy,  Octave,  bourgeois,  préfet  du  comté  de  Lévis,  St- 

Agapit. 
Moreau,  M.  l'abbé  E.,  curé  de  St-Barthélemy. 
Ouellet,  M.  l'abbé  J.  R.,  professeur  au  Sém.  de  St-Hyacinthe. 
Pilote,  M.  l'abbé  F.,  curé  de  St- Augustin,  membre  du  Conseil 

d'agriculture. 
Plamondon,  M.  l'abbe  J.  B.,  curé  de  l'Ile  aux  Grues. 
Poisnel,  M.  l'abbé  Victor,  institution  de  St-Joseph,  Villedieu- 

les-Poëles  (Normandie). 
Prendergast,  Alfred,  avocat,  ex-zouave  pontifical,  Montréal. 
Proulx,  F.  H.,  directeur  de  la  Gazette  des  Campagnes^  Ste-Anne 

la  Pocatière. 
Proulx,  M.  l'abbé  N-,  procureur  au  (^loUège  de  Ste-Anne. 
Rogers,  Maurice,  avocat,  vice-président  de  la  Conférence  Oli- 

vaint,  commune  de  Josne  (Loire  et  Cher). 
Rottot,  J.  P.,  médecin,  doyen  de  la  faculté  de  médecine  de 

l'Université-Laval,  à  Montréal,  Montréal. 
Smith,  James,  membre  du  Cercle  catholique  de  Biddeford, 

Maine,  Etats-Unis. 
Smith,  P.  E.,  avocat,    novice  chez  les  RR.  PP.  Jésuites,  à 

Montréal. 
Stafford,  L.,  avocat,  Québec.   . 

St  Cyr,  D.  N.,  député  à  la  Législature  provinciale,  Champlain. 
Sylvain,  L.  P.,  employé  du  gouvernement,  Ottawa. 
f  Thibault,  M.  l'abbé  A.,  curé  de  Chambly. 
Tremblay,  M.  l'abbé  G.,  curé  de  Beauport. 
Veuillot,  Pierre,  attaché  à  la  rédaction  de  V  Univers^  Paris. 
Vincelctte,  Arthur,  médecin,  Glen's  Falls  (N.Y.) 

ÎV.  Membres  actifs  : 

Barnard,  E.  A.,  directeur  d'agriculture,  rédacteur  du  Journal 

d'agriculture. 
Beaubien,  0.,  junior,  commis. 

t  Décédé. 


362      ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUEBEC 

Berrouard,  F.,  marchand. 

Bidégaré,  Pierre,  marchand. 

Bittner,  David,  employé  du  gouvernement. 

Biais,  L.  E.,  marchand. 

Biais,  P.  E.,  marchand. 

Blondeau,  F.  E.,  notaire,  employé  du  gouvernement. 

Blouin,  Louis,  négociant. 

Bossé,  J.  G.,  avocat. 

Boulet,  J.  P.,  docteur  en  médecine  de  l'Université-Laval. 

Boulet,  0.  A.,  négociant. 

Brousseau,  Léger,  propriétaire-éditeur  du  Courrier  du  Canada. 

Bruneau,  F.  X.,  négociant. 

Brunet,  Philémon,  négociant. 

Bureau,  Théophile,  bourgeois. 

Casgrain,  Ths  G.,  avocat,  licencié  en  droit,  professeur  à  l'Uni- 
versité-Laval. 

Cazeau,  Vincent,  employé  de  la  douane. 

Chapais,  Thomas,  avocat,  licencié  en  droit,  secrétaire  privé 
de  S.  H.  le  lieutenant-gouverneur  de  Québec. 

Charest,  Joseph,  marchand. 

Gloutier,  Alfred,  L.  L.  L.,  avocat. 

Cloutier,  J.  B.,  professeur  à  l'école  normale-Laval. 

Gloutier,  Joseph,  commis. 

Gloutier,  Odinat,  médecin,  professeur  à  l'école  normale-Laval. 

GoUin,  Godfroy,  négociant. 

Gollin,  Louis,  négociant. 

Gôté,  Abdon,  inspecteur  officiel  des  poids  et  mesures. 

Gouture,  J.  A.,  médecin-vétérinaire,  professeur  au  Collège  vé- 
térinaire de  Montréal. 

D'Auteuil,  Louis,  commis. 

Demers,  L.  J.,  propriétaire-éditeur  du  Canadien. 

Déry,  E.  A.,  avocat,  juge  de  la  Cour  du  Recorder  de  la  ville  de 
Québec. 

Déry,  P.  L,  libraire-éditeur. 

Dionne,  Didier,  négoc'ant. 

Dionne,  N.  E.,  médecin,  docteur  en  médecine   de  l'Univer- 
sité-Laval, rédacteur  en  chef  du  Courrier  du  Canada. 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC       363 

Drolet,  Arthur,  négociant. 

Drolet,  Gaspard,  employé  du  Gouvernement. 

Drolet,  Télesphore,  orfèvre. 

Drouin,  F.  X.,  avocat. 

Drouin,  Louis,  libraire-éditeur. 

Dubé,  Joseph,  commis. 

Ducharme,  Candide,  tailleur. 

Dugal,  Léandre,  employé  de  la  douane. 

Dussault.,  L.  T.,  négociant,  ex-zouave  pontifical. 

Fiset,  Elzéar,  cordonnier. 

Fiset,  Michel,  médecin,  docteur  en  médecine  de  l'Université- 
Laval. 

Fontaine,  Adalbert,  étudiant  en  droit. 

Fontaine,  J.  0.,  directeur  de  Colonisation. 

Fortier,  Félix,  greffier  du  Conseil  exécutif. 

Fournier,  D.  E.,  commis. 

Fournier,  F.  X.,  commis. 

Gagnon,    Ernest,    secrétaire    du    département   des    travaux- 
publics. 

-Garneau,  J.  A.  M.  D.,  médecin. 

Germain,  Norbert,  marchand. 

Gigon,  Arthur,  employé  de  l'asile  de  Beauport. 

Gosselin,  Jean,  avocat. 

Gourdeau,  Félix,  négociant. 

Guay,  Désiré,  négociant. 

Hamel,  Abraham,  bourgeois. 

Hamel,  J.  A.,  commis. 

Hamel,  Joseph,  négociant. 

Hamel,  Ferd.  E.,  négociant. 

Huot,  E.,  employé  de  la  banque  nationale. 

Huot,  L.  J.,  pharmacien. 

Juneau,  F.  E.,  inspecteur  des  écoles  catholiques  du  district  de 
Québec. 

Jobin,  Achille,  sculpteur. 

Kérouack,  F.,  maire  de  St-Sauveur,  préfet  du  comté  de  Québec, 
président  de  l'Union  St-Joseph,  négociant. 

Laberge,  Auguste,  sr.,  menuisier-entrepreneur. 


364       ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

Laberge,  Auguste,  jr.,  menuisier-entrepreneur. 

Laberge,  Jos.  O.,  employé  du  greffe. 

Laberge,  Maxime,  menuisier-entrepreneur. 

Laçasse,  N.,  professeur  à  l'école  normale-Laval. 

Lachaine,  F.  M.,  employé  du  gouvernement. 

Laflamme,  F.,  boulanger. 

Lamontagne,  George,  orfèvre. 

Landry,  A.C.P.R.,  agriculteur,  membre  du  Parlement  fédéral. 

Langlais,  J.  A.,  libraire-éditeur. 

Laroche,  Robert,  secrétaire  de  la  société  de  prêts  et  place- 
ments de  Québec. 

Leclerc,  Cléophas,  cordonnier. 

Lefebvre,  Louis,  ex-zouave  pontifical,  employé  du  gouverne- 
ment. 

Lessard,  Urbain. 

Livernois,  Victor,  A.  B.  L.  L.  L.,  avocat.  ^ 

Mackay,  Pierre,  avocat. 

Malouin,  Philippe,  L.  L.,  L.,  avocat. 

Martineau,  J.  E.,  marchand. 

Massé,  P.  N.  A.,  marchand. 

Mathieu,  Jos.,  jr.,  menuisier-entrepreneur. 

Matte,  Damase,  boucher. 

Michaud,  J.  B.,  boulanger. 

Moffet,  F.  T.,  assistant-rédacteur  du  Courrier  du  Canada. 

Monier,  Arthur,  commis. 

Morhi,  Charles,  commis. 

Morin,  Louis,  négociant. 

Ouimet,  l'honorable  G.,  Surintendant  de  l'instruction  publi- 
que, officier  de  l'instruction  publique  de  France,  anciea 
premier-ministre  de  la  province  de  Québec,  etc. 

Pageau,  Pierre,  ébéniste. 

Paradis,  Etienne,  négociant. 

Pelletier,  Pierre,  négociant. 

Philbert,  Edouard,  avocat. 

Poliquin,  J.  O.,  commis. 

Rhéaume,  A.,  négociant. 

Rhéaume,  P.  F.,  négociant. 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC      365 

Robitaille,  A.,  L.  L.,  L.,  avocat. 

Rosa,  Joseph,  bourgeois. 

Roiiillard,  E.,  notaire,  rédacteur  du  Nouvelliste. 

Rousseau,  P.  O. 

Ruelland,  G.,  commis. 

Samson,  G.  I.,  médecin. 

Samson,  E.,  commis. 

Samson,  Honoré,  corroyeur. 

•f-  Séguin,  F.  F.,  boucher. 

Simard,  Godias,  ferblantier. 

Simard,  Hidalla,  étudiant  en  droit. 

Simard,  Onésime,  ferblantier. 

St-Jean,  Théophile,  bourgeois. 

Tardivel,  J.  P.,  rédacteur  du  Canadien. 

Tarte,  J.  I.,  membre  de  la  Législature  provinciale,  rédacteur 
en  chef  du  Canadien. 

Tessier,  Cyrille,  notaire. 

Tourangeau,  P.  G.,  médecin. 

Toussaint,  F.  X.,  professeur  à  l'école  normale-Laval. 

Turcotte,  Adjuior,  avocat,  licencié  en  droit. 

Turcotte,  J.  A.,  épicier. 

Valin,  P.  V.,  constructeur  de  navires,  président  de  la  commis- 
sion du  havre  de  Québec,  membre  du  Parlement  fédéral. 

Vallée,  G.  A.,  ex-zouave  pontifical,  chevalier  de  St-Grégoire-le- 
Grand,  employé  de  la  banque  nationale,  et  président  de 
rUnion-AUet. 

Vallée,  L.  P.,  photographe. 

Vallée,  Prudent,  directeur  de  la  banque  nationale. 

Vallée,  R.  P.,  avocat,  membre  du  Parlement  fédéral. 

Verge,  G.  A.,  M.  D.,  professeur  de  matière  médicale  à  l'Uni- 
versité-Laval. 

Villeneuve,  Aldéric,  commis. 

Vincelette,  Charles,  étudiant  en  médecine. 

Vince'"!tte,' Clément,  notaire,  chevalier  de  St-Sylvestre,  Surin- 
tendant de  l'Asile  de  Beauport. 

Vincelette,  Edouard,  étudiant, 
t  Décédé. 


366  annuaire  du  cercle  catholique  de  québec 

Comité  de  direction — 1879-80. 


P.  Briinet. 
A.  Gloutier. 
J.  B.  Gloutier. 
E.  A.  Déry. 
J.  A.  Langlais. 
P.  Mackay. 


A.  Réaiime. 
C.  I.  Samson. 
J.  P.  Tardivel. 
C.  A.  Vallée. 
R.  P.  Vallée. 
C.  Vincelette. 


Officiers  : 

G.  Vincelette,  président. 

E.  A.  Déry,  vice-président. 

G.  I.  Samson,  secrétaire-correspondant. 

A.  Réaume,  assistant-secrétaire-correspondant. 

J.  P.  Tardivel,  secrétaire-archiviste. 

A.  Gloutier,  assistant-secrétaire-archiviste. 

G.  A.  Vallée  trésorier. 

J.  A.  Langlais,  assistant-trésorier. 

R.  P.  Vallée,  bibliothécaire. 

P.  Brunet,  assistant-bibliothécaire. 


P.  Brunet. 
J.  B.  Gloutier. 

E.  A.  Déry. 
N.  E.  Dionne. 

F.  E.  Hamel. 
J.  A.  Langlais. 


Comité  de  direction— 1880-81. 

V.  Livernois. 
A.  Réaume^  . 
C.  1.  Samson. 
C.  A.  Vallée. 
R.  P.  Vallée. 
C.  Vincelette. 


Officiers  : 

G.  Vincelette,  président. 

E.  A.  Déry,  vice-président. 

G.  L  Samson,  secrétaire-correspondant. 

A.  Réaume,  asssistant-secré taire-correspondant. 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC      367 

V.  Livernois,  secrétaire-archiviste. 

F.  E.  Hamel,  assistant-secrétaire-archiviste. 

C.  A.  Vallée,  trésorier. 

J.  A.  Lariglais,  assistant-trésorier. 

N.  E.  Dionne,  bibliothécaire. 

P.  Brunet,  assistai  t-bibliothécaire. 


1879-80 

4e  rapport  du  comité  DE  DIRECTION 

POUR  l'année  EXPIRÉE  LE  26  MAI  1880 

Messieurs^ 

Nous  avons  l'honneur  de  vous  soumettre  le  précis  des  opéra- 
tions du  Cercle  catholique  pour  l'année  1879-80,  précis  dont 
les  rapports  particuliers  seront  les  pièces  justificatives. 

Suivant  la  coutume,  l'année  s'ouvre  par  le  pèlerinage 
annuel  à  Ste-Anne,  auquel  prirent  part  trente  membres  et 
quelques  étrangers.  Le  Rev.  P.  Dazé,  0.  M.  I.,  accompagnait 
les  pèlerins. 

Dans  les  deux  mois  qui  suivirent  les  travaux  du  Cercle  se 
ralentirent  à  cause  des  vacances.  Cependant  c'est  à  cette 
époque  que  nous  avons  eu  le  plus  de  visites  de  nos  membres 
correspondants  et  d'illustres  étrangers  de  passage  à  Québec. 
M.  le  sénateur  F  X.  A.  Trudel  assista  à  une  couple  de  nos 
séances,  et  M.  Gravel,  curé  de  Bedford  et  membre  corres- 
pondant du  Cercle,  nous  donna  un  entretien.  A  cette  époque 
également  le  R.  P.  Grassi,  S.  J.,  missionnaire  aux  Montagnes 
Rocheuses  nous  honora  d'une  conférence  sur  ses  missions. 

Grâce  au  zèle  des  membres  et  aux  bénédictions  du  St-Père, 
la  renommée  du  Cercle  s'étendait.  En  septembre,  un  per- 
sonnage illustre  d'outre-mer,  M.  Lucien  Brun,  sénateur,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Lyon,  nous  en  donnait  une  preuve 
éclatante  en  nous  adressant  son  dernier  ouvrage,  et  en  mani- 
festant pal*  la  même  occasion  le  désir  d'être  reçu  membre  de 
notre  œuvre. 


368       ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

Au  mois  d'octobre,  M.  René  Mauzaize,  lauréat  de  l'école 
libre  des  sciences  poliiiques  et  morales  de  Paris,  visitùxt  notre 
Cercle  et  resserrait  nos  relations  av€c  la  France  catholique. 

Sur  l'avis  du  Comité  de  l'Association  de  la  jeunesse  catho- 
lique italienne  de  Bologne,  notre  Cercle  envoyait  une  adresse 
à  Sa  Sainteté  Léon  XIII,  à  l'occasion  du  jubilé  de  l'immaculée 
Conception.  L'OEuvre  annexe  des  vieux  papiers  y  joignait 
pour  la  première  fois  une  adresse  distincte  avec  le  montant  de 
$170.00,  fruit  des  six  derniers  mois  d'opération. 

Lors  de  la  messe  de  Requiem  dans  l'octave  de  la  fête  des 
morts,  nous  avions  le  bonheur  de  ne  compter  aucun  décès 
parmi  nos  membres. 

En  décembre,  sur  l'invitation  de  prendre  part  à  la  mani- 
festation nationale  de  la  St-Jean-Baptiste,  le  Cercle  catholique 
décidait  de  convoquer  lui-même  ses  membres  et  des  délégués 
des  associations  catholiques  de  l'Amérique  du  Nord  à  un 
premier  Congrès,  devant  être  tenu  en  cette  ville  lors  de  la 
manifestation  nationale.  Le  projet  ayant  été  approuvé  par 
Mgr  l'Archevêque,  un  comité  travaille  depuis  à  l'organisation. 

La  veille  du  premier  janvier  1880,  nous  fîmes  suivant 
l'usage,  notre  visite  du  nouvel  an  au  patron  du  Cercle,  Sa 
Grandeur  notre  archevêque.  Les  paroles  d'une  extrême  bien- 
veillance que  voulut  bien  nous  adresser  le  digne  prélat  furent 
pour  nos  membres  une  approbation  éclatante  de  la  voie  par 
eux  adoptée,  une  récompense  pour  la  bonne  volonté  dont  ils 
avaient  pu  faire  preuve,  et  un  encouragement  à  continuer 
leurs  efforts. 

A  la  séance  du  sept  janvier  1880,  nous  voyions  réunis  dans 
nos  salles  presque  tous  les  présidents  de  la  St-Vincent  de  Paul 
de  Québec.  C'est  que  le  Cercle  avait  résolu  de  donner  à  cette 
vaillante  association  un  coup  de  main  pour  lui  aider  à  tra- 
verser les  embarras  d'un  hiver  exceptionnellement  rigoureux. 
Une  collecte  par  les  membres  du  Cercle  fut  résolue.  Nous 
eûmes  le  plaisir  de  voir  le  zèle  de  nos  membres  égal  à  la  tâche. 
L'un  d'entre  eux  surtout  courbé  sous  le  poids  des  infirmités 
de  l'âge  passa  lui-même  de  porte  en  porte,  stimulant  la  géné- 
rosité par  le  poids  d'un  nom  bien  connu,  et  donnant  l'exemple 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC       369 

aux  membres  moins  aguerris.  La  collecte  produisit  un  peu 
plus  de  mille  piastres.  ' 

En  février,  une  question  des  plus  importantes  au  point  de 
vue  patriotique  et  religieux  fut  mise  à  Tétude  :  nous  voulons 
parler  d'un  comité  de  colonisation  annexe  du  Cercle  catho- 
lique. Le  comité  après  longue  délibération,  crut  devoir 
inviter  le  Rev.  M.  Labelle,  homme  de  tant  d'expérience,  à  venir 
conférer  sur  le  sujet  avec  le  Cercle.  Tout  est  encore  à  l'état 
de  projet,  mais  le  Cercle  peut  se  flatter  que  si  la  grande  cause 
semble  à  la  veille  d'entrer  dans  une  ère  nouvelle  d'activité  et 
de  progrès,  il  est  loin  d'être  resté  étranger  au  mouvement. 

Au  mois  d'avril,  nous  eûmes  une  nouvelle  preuve  de  la 
renommée  grandissante  de  notre  Cercle.  M.  Léon  de  Gozlin, 
nous  adressait  une  lettre  au  nom  des  Cercles  catholiques 
français,  demandant  les  prières  du  Cercle  catholique  de 
Québec  pour  attirer  les  bénédictions  du  ciel  sur  leur  prochain 
congrès.  Enfin  au  même  mois  une  conférence  de  St-Vincent 
de  Paul  fut  organisée  dans  le  Cercle  sous  le  vocable  de  N.  D. 
de  Stadacona. 

Dans  le  cours  de  l'année  la  liste  de  nos  membres  s'est  accrue 
de  quarante  nouveaux  noms.  Sur  ce  nombre,  nous  avons  le 
bonheur  de  compter  plusieurs  adhésions  illustres. 

Citons  Mgr  de  Ségur  l'éminent  publiciste,  fondateur  lui- 
même  de  plusieurs  œuvres,  et  président  honoraire  des  cercles 
catholiques  français,  le  général  baron  de  Charette,  M.  Lucien 
Brun,  une  des  illustrations  du  sénat  français,  M.  Claudio 
Jannet,  professeur  à  l'Université  catholique  de  Paris,  écono- 
miste distingué,  M.  Léon  Gautier  que  les  abonnés  de  notre 
bibliothèque  connaissent,  M.  A.  E.  Aubry,  professeur  à  l'Uni- 
versité catholique  d'Angers,  M.  Oscard'Emmerez  de  Charmoy, 
président  de  l'Union  catholique  de  l'Ile  Maurice,  et  au  pays 
Mgr  Desautels  et  l'honorable  M.  C.  B.  de  Boucherville,  etc. 

Notre  bibliothèque  s'est  accrue  de  nombreux  volumes  grâce 
à  la  générosité  des  citoyens  parmi  lesquels  nous  devons,  à 
cause  du  nombre  de  leurs  cadeaux,  des  remerciements  parti- 
culiers, à  M.  le  notaire  Bussière  de  la  Beauce,  M.  le  Chevalier 
C.  Baillargé,  M.  P.  V.  Valin.    Cependant,  malgré  les  efforts 


370      ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

du  bibliothécaire  actuel,  il  est  évident  que  de  nouveaux 
sacrifices  sont  devenus  nécessaires  pour  donner  à  cette  branche 
ainsi  qu'à  la  salle  de  lecture  toute  l'efficacité  désirable. 

Plusieurs  confèrent  s  remarquables  ont  été  données  dans  le 
cours  de  l'année.  Ces  travaux  ont  eu  surtout  en  vue  le 
développement  de  la  colonisation,  l'amour  des  études  histo- 
riques sérieuses,  et  la  connaissance  des  principes  qui  régissent 
le  corps  social  chrétien. 

Nous  remercions  bien  cordialement  MM.  les  propriétaires 
de  journaux  qui  nous  ont  gracieusement  adressé  leurs  feuilles. 
En  voici  la  liste  :  le  Canadien^  le  Nouvelliste  de  Québec^  le 
Nouvelliste  de  Rimouski^  le  Journal  d'Agriculture^  la  Gazette' des 
Campagnes^  V Ecole  Primaire. 

Nous  renouvelons  spécialement  nos  remerciements  les  plus 
sincères  au  Canadien^  au  Courrier  du  Canada  et  au  Nouvelliste 
pour  leur  générosité  de  publier  gratis  les  annonces  du  Cercle 
catholique. 

Les  œuvres  annexes  de  notre  Cercle  ont  continué  à  se 
développer.  De  grands  efforts  ont  été  faits  pour  introduire 
l'Œuvre  pontificale  des  vieux  papiers  dans  les  campagnes  et 
quelques  succès  sont  venus  couronner  le  zèle  du  secrétaire. 
Nous  ne  doutons  guère  que  le  Congrès  ne  donne  un  nouvel 
essor  à  cette  pieuse  industrie. 

Après  bien  des  efforts  l'OEuvre  des  bons  livres  peut  enfin 
être  considérée  comme  organisée  et  pourra  vous  soumettre 
son  premier  rapport.  C'est  ici  surtout  que  l'on  constate 
combien  vaste  est  la  vigne  que  nous  avons  à  exploiter  et 
combien  rares  sont  les  ouvriers. 

Cependant,  somme  toute,  nous  croyons  avoir  lieu  de  nous 
applaudir  des  succès  de  la  présente  année.  De  ces  succès 
nous  nous  en  orgueillissons  d'autant  plus  pour  notre  ville  que 
nous  constatons  la  stérilité  de  nos  efforts  pour  faire  naître  des 
œuvres  analogues  dans  les  autres  cités  du  Canada.  A  la  veille 
de  no.re  pèlerinage  annuel,  demandons  au  ciel  qu'il  fasse 
réussir  notre  prochain  Congrès  et  que  nous  puissions  faire  du 
Cercle  non  une  œuvre  de  Québec,  mais  une  œuvre  nationale. 

Le  Comité  de  direction. 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC      371 

RAPPORT  DU  BIBLIOTHÉCAIRE 

POUR  l'année  1879-80 

Le  mouvement  progressif  qui  s'était  opéré  dans  l'accroisse- 
ment de  la  bibliothèque  du  Cercle  s'est  un  peu  ralenti  durant 
l'année  expirée. 

Le  département  des  ouvrages  canadiens  est  le  seul  qui  ait 
reçu  de  l'encouragement  soit  par  dons  de  particuliers,  soit  par 
des  échanges.  C'est  ainsi  que  nous  avons  pu  l'enrichir  de  300 
volumes  et  sans  aucun  déboursé. 

Plusieurs  donateurs,  la  plupart  membres  du  Cercle,  ont 

généreusement  contribué  à  augmenter  le  chiffre  des  volumes 

de  notre  bibliothèque  ;  nous   leur  offrons  nos  plus  sincères 

remerciements,  entre  autres  à  M.  le  chevalier  Baillargé,  A. 

Réaume,  P.  V.  Valin,  E.  Beluze,  Claudio  Jannet,  Léon  Pages, 

etc 

R.  P.  Vallée,  M.  P. 
bibliothécaire. 


CONFÉRENCES  LTITÉRAIRES,   RELIGIEUSES   ET 

SCIENTIFIQUES 

FAITES  AU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC  EN  1879-80. 

1879. 

23  juillet. — Le  Canada  avant  V arrivée  de  Jacques-Cartier^  par  M. 

N.  E.  Dionne,  médecin,  rédacteur  en  chef 'du  Courrier  du 

Canada. 
6  août. — Les  missions  du  Montana.,  de  Vldaho  et  du  territoire  de 

Washington.,  par  le  père  Grassi,  jésuite,  missionnaire. 
17  septembre.— Les  chapelains  du  monastère  des  Ursulines  de 

Québec,  par  M.  N.  E.  Dionne,  médecin. 

24  septembre. —  L'enseignement   au  Canada.    La  liberté  et  ses 

résultats.,  par  M.  Victor  Livernois,  avocat. 
8  octobre. — Un  mot  sur  le  théâtre.    Nos  contemporains.    Chants 
et  chansons.    Curiosités  du  langr-"  -populaire.    La  langue 
française  en  Amérique.,  par  M.  lirnest  Gagnon,  secrétaire 
du  département  des  travaux  publics.  \ 


372      ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC  ' 

20  octobre. — Uécole  libre,  des  sciences  politiques^  par  M.  René 

Mauzaize,  de  Paris. 

17  décembre. — U anglicisme ^  voilà  C ennemi!  par  M.  J.  P.  Tar- 

divel,  rédacteur  du  Canadien. 

1880. 

14  janvier. — Les  fondateurs  de  la  colonie  française  dans  la  Nou- 
velle-France^ par  M.  N.  E.  Dionne,  médecin. 

11  février. — Vinstruçtion  obligatoire^  par  le  Père  J.  0.  Pâquin, 
0.  M.  I. 

18  février, — Les  cercles  catholiques  français^  par  M.  Victor  Li- 
vernois,  avocat. 

25  février. — Quelques  notes  de  voyages.,  par  M.  Ernest  Gagnon. 

3  mars. — Vinstruçtion  obligatoire.,  par  le  Père  J.  0.  Pâquin, 

0.  M.  I. 
17  mars. — Vinstruçtion  obligatoire^  par  le  Père  J.  0.  Pâquin, 

0.  M.  I. 
31  mars. — La  nationalité  canadienne  française.,  par  M.  Thomas 

Chapais,  avocat. 
14  avril. — V église  catholique  bienfaitrice  de  la  société.,  par  M. 

l'abbé  J.  P.  Sexton,  vicaire  à  l'église  de  St-Roch. 
28  avril. — La  charité^  par  M.  le  juge  E.  A.  Déry,  recorder  de 

Québec. 

4  Mai. — La  colonisation  et  le  meilleur  mode  à  suivre  pour  la  fa- 

voriser^ par  M.  l'abbé  Labelle,  curé  de  St-Jérôme. 
16  juin. — La  colonisation  en  général^  par  le  père  Z.  Laçasse, 
0.  M.  I. 

21  juillet. — St-Pierre  et  Mîquelon.,  par  le  Père  Hamon,  jésuite. 
28  juillet. — V  histoire  religieuse  de  la  Nouvelle  France^  rfe  1615  à 

à  1659,  par  M.  le  docteur  N.  E.  Dionne. 


ANNUAIRE   DU   CERCLE   CATHOLIQUE   DE   QUÉBEC  373 

LISTE  DES  REVUES  ET  JOURNAUX 

REÇUS  AU   CERCLE 


ITALIE. 

1.  L'Unione,  (Bologne). 

FRANCE. 

2.  Les  Annales  catholiques,  (Paris). 

3.  Les  Annales  de  philosophie  chrétienne,  (Paris). 

4.  Les  Annales  du  monde  religieux,  (Paris). 

5.  L'Association  catholique,  (Paris). 

6.  Le  Bulletin  de  la  Société  bibliographique,  (Paris), 

7.  Le  Bulletin  de  l'Association  catholique  de  Saint-François 

de  Sales,  (Paris). 

8.  Le  catalogue  mensuel   de  l'œuvre    des   vieux  papiers, 

(Langres). 

9.  Le  Courrier  des  Universités  catholiques,  (Paris). 

10.  Les   Etudes  religieuses,    philosophiques,    historiques  et 

littéraires,  (Paris). 

11.  L'ami  des  campagnes,  (Paris.) 

12.  Le  messager  du  Cœur  de  Jésus,  (Toulouse). 

13.  Le  Polybiblion,  (Paris). 

14.  La  Revue  du  Monde  Catholique,  (Paris). 

15.  La  Revue  des  Institutions  et  du  Droit,  (Grenoble). 

16.  La  Revue  littéraire  de  F  "  Univers,"  (Paris). 

17.  L'Univers,  (Paris). 

ANGLETERRE. 

18.  Le  London  Tabiet. 

19.  Le  Crusader. 

CANADA. 

2û.  Le  Bulletin  de  l'Union-Allet,  (Montréal). 

21.  La  Minerve,  (Montréal). 

22.  Le  Nouveau-Monde,  (Montréal). 

23.  Le  Journal  d'Agriculture,  (Montréal). 

24.  La  Revue  de  Montréal. 

24 


374      ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

25.  La  Gazette  des  Campagnes,  (Ste-Aiine  la  Pocatière). 

26.  Le  Nouvelliste  de  Rimouski. 

27.  Le  Journal  des  Trois-Rivières. 

28.  L'Album  des  Familles,  (Ottawa). 

29.  L'Abeille,  (Québec). 

30.  Le  Canadien,  (Québec). 

31 .  Le  Courrier  du  Canada,  (Québec). 

32.  L'Ecole  primaire,  (Québec). 

33.  Le  Journal  de  Québec. 

34.  Le  Naturaliste  canadien,  (Québec). 

35.  Le  Nouvelliste,  (Québec). 

ÉTATS-UNIS. 

36.  Le  Drapeau  national,  (Glen's  Falls). 

37.  Le  Messager,  (Lewiston). 


RAPPORTS  DES  SOUS-OEUVRES  OU  OEUVRES 

ANNEXES 

I.    DEUXIÈME    RAPPORT    DU    COMITÉ    DE    l'OEUVRE    PONTIFICALE    DES 

VIEUX  PAPIERS,  DE  QUÉBEC- 

A  Monsieur  le  président  du  Cercle  catholique  de  Québec. 

Le  comité  de  l'CEuvre  des  vieux  papiers,  a  l'honneur  de 
vous  présenter  son  deuxième  rapport  annuel. 

Durant  l'année  expirée  le  30  avril  dernier,  le  nombre  de  nos 
membres  a  été  porté  à  neuf,  par  suite  de  l'admission  de  M, 
Louis  Drouin,  libraire,  lequel  a  aussi  bien  voulu  se  constituer 
dépositaire  de  nos  papiers.  En  général  tous  les  membres  ont 
montré  beaucoup  de  zèle  à  s'acquitter  de  leurs  devoirs,  et  se 
sont  fait  remarquer  par  leur  assiduité  aux  séances  mensuelle 
Deux  fois  seulement,  la  séance  a  dû  être  ajournée  faute  de 
quorum  ;  mais,  en  revanche,  nous  avons  tenu  deux  séances 
extraordinaires,  dont  l'une  était  une  réunion  de  tous  les  zéla- 
teurs. 

Au  mois  de  mai,  nous  avons  eu  l'honneur  d'être  affiliés  à 
rCEuvre  mère  de  Langres,  dont  le  directeur,  fondateur,  M. 


ANNUAIRE    DU    CERCLE   CATHOLIQUE    DE   QUÉBEC  375 

Charles  Menne,  Chevalier  de  l'ordre  de  St-Sylvestre  a  eu  l'ex- 
trême complaisance  d'envoyer,  à  cet  effet,  un  magnifique 
diplôme  d'honneur  à  M.  le  Chevalier  Vincelette,  notre  direc- 
teur. Nous  lui  en  exprimons  de  nouveau  toute  notre  recon- 
naissance ;  et  nous  sommes  bien  persuadés  que  cette  marque  de 
haute  estime  de  sa  part  rehaussera  beaucoup  l'éclat  de  notre 
petite  œuvre,  et  lui  fera  porter  des  fruits  plus  abondants  dans 
l'avenir. 

Durant  le  même  mois  nous  avons  continué  un  travail  déjà 
commencé  à  la  fin  de  l'année  précédente,  c'est-à-dire,  l'envoi 
d'une  circulaire  aux  communautés  religieuses  de  cette  ville, 
pour  les  prier  de  mettre  à  notre  disposition  les  vieux  papiers 
de  leurs  établissements.  Quelques-unes  ont  accédé  à  notre 
demande,  et,  à  cette  occasion,  les  révérendes  sœurs  Ste-Moni- 
que,  supérieure  de  l'Hôtel-Dieu,  Ste-Catherine,  supérieure  des 
Ursulines,  St-Olivier,  supérieure  de  l'Hôpital-Général,  ei  St- 
Louis,  supérieure  des  sœurs  de  Charité,  nous  ont  adressé  des 
lettres  très  flatteuses  et  remplies  de  paroles  d'encouragement. 

Mais  là  ne  se  bornèrent  pas  nos  aspirations.  Sans  parler  de 
quelques  tentatives  isolées  d'établir  l'œuvre  dans  certains 
centres,  dès  le  mois  de  juillet,  nous  nous  étions  décidés  à  es- 
sayer d'implanter  notre  Œuvre  dans  chacune  des  paroisses  du 
diocèse  de  Québec.  Pour  avoir  quelque  chance  de  succès,  il 
fallait  nécessairement  la  faire  connaître  autant  que  possible, 
c'est  pourquoi  nous  avons  ordonné  de  suite  l'impression  de 
deux  cents  exemplaires  de  notre  dernier  rapport,  afin  de  l'a- 
dresser à  messieurs  les  curés.  Malheureusement,  des  circons- 
tances qu'il  nous  a  été  impossible  de  prévoir  ni  de  contrôler, 
ont  fait  que  ce  n'est  qu'en  janvier  dernier  que  cette  distribution 
a  pu  se  faire.  Au  rapport  nous  avions  ajouté  une  circulaire 
expliquant  le  but  de  l'envoi,  et  demandant  le  concours  de 
messieurs  les  curés.  Le  succès  n'a  pas  encore  répondu  à  noc 
désirs  ;  cependant,  les  révérends  messieurs  Bourret,  curé  de 
St-Isidore,  Montminy,  curé  de  St-Agapit,  Dubé,  curé  de  Ste- 
Julie  de  Somerset,  et  Pilote,  curé  de  St-Augustin,  nous  ont 
informé  que,  répondant  à  notre  appel,  ils  allaient  de  suite  éta- 
blir l'œuvre  dans  leurs  paroisses  respectives  ;  et  de  fait,  nous 


376      ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

avons  déjà  reçu  plusieurs  sacs  de  papiers  de  cette  dernière 
paroisse.  Les  autres  ne  nous  en  ont  pas  encore  adressé,  à  cause 
de  la  difficulté  des  transports  en  hiver. 

Nous  savons  aussi  que  d'autres  paroisses  suivront  If  même 
exemple  dans  un  avenir  assez  rapproché.  Ces  faits,  joints  à 
celui  des  envois  annuels  de  M.  0.  A.  Clément,  malgré  la  dis- 
tance qui  nous  sépare  de  la  Baie  St-Paul,  sont  bien  suffisants, 
il  nous  semble,  pour  nous  confirmer  dans  l'opinion  que  nous 
nous  étions  formée  de  la  possibilité  d'établir  cette  belle  œuvre 
à  la  campagne  comme  à  la  ville.  Augsi,  nous  ne  doutons  pas 
que  ce  résultat  ne  se  fera  pas  trop  longtemps  attendre,  main- 
tenant que  l'œuvre  est  plus  connue. 

Le  8  décembre  dernier,  étant  le  vingt-cinquième  anniversaire 
de  la  proclamation  du  dogme  de  l'Immaculée  Conception, 
toutes  les  sociétés  catholiques  furent  invitées  à  envoyer  des 
adresses  et  des  offrandes  à  N.  T.  S.  Père  le  Pape.  Nous  n'avons 
pas  cru  devoir  rester  simples  spectateurs  de  ce  beau  mouve- 
ment du  monde  catholique  ;  au  contraire,  au  mois  de  novem- 
bre dernier,  nous  avons  convoqué  une  assemblée  spéciale  des 
zélateurs  de  cette  ville,  à  laquelle  plusieurs  membres  du 
clergé  et  d'autres  personnages  haut  placés,  nous  firent  l'hon- 
neur d'assister  ;  et,  après  leur  avoir  fait  l'exposé  des  résultats 
obtenus  jusqu'alors,  nous  les  avons  priés  de  signer  une  adresse 
au  T.  S.  Père  (voir  page  182). 

Une  traite  de  trente-cinq  livres  sterling,  ($170.39)  accom- 
pagnait cette  adresse.  Notre  Saint  Père  le  Pape  Léon  XIII 
voulut  bien  recevoir  avec  bienveillance  l'adresse  et  l'offrande  ; 
et,  en  janvier  dernier  nous  avions  le  bonheur  de  recevoir  une 
lettre  du  Cardinal  Simeoni,  Préfet  de  la  Propagande  :  (voir 
page  183). 

Quant  aux  opérations  de  l'année,  les  voici  en  résumé.  Nous 
avons  reçu  environ  7000  livres  de  papier  dont  4000  livres  ont 
été  vendues  pour  la  somme  de  382.87.  Nous  laissons  en  dépôt 
2000  livres  en  sus  de  ce  que  nous  avions  l'année  dernière. 
Comme  on  le  voit,  la  recette  a  quelque  peu  augmenté,  et  surtout 
le  montant  réalisé  en  argent,  est  plus  fort  que  les  années  pré- 
cédentes, par  suite  de  la  vente  d'un  certain  nombre  de  livres 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC      377 

à  de  meilleures  conditions.  Cependant  nous  croyons  que  l'année 
prochaine  nos  recettes  devront  être  encore  meilleures,  si 
l'oeuvre  prend  racine  dans  un  certain  nombre  de  paroisses, 
comme  nous  osons  l'espérer.  Par  rapport  aux  vieux  timbres, 
nous  nous  sommes  mis  en  relation  avec  quelques  maisons  de 
commerce  des  Etats-Unis,  de  France  et  même  de  Turquie,  afin 
d'échanger  nos  timbres  du  Canada  contre  d'autres  étrangers, 
les  seuls  qui  puissent  se  vendre  ici.  De  cette  manière  près  de 
50,000  timbres  et  cartes  postales  ont  été  expédiés  à  Paris,  où 
nous  avons  trouvé  le  plus  d'avantages  jusqu'à  présent  ;  5  ou  6 
mille  ont  été  vendus  à  Québec  pour  la  somme  de  $13.44  et  il 
nous  en  reste  encore  environ  40.000  en  dépôt.  D'ici  à  quelque 
temps,  c'est-à-dire,  jusqu'à  ce  que  nous  ayons  accumulé  un 
fonds  suffisamment  assorti,  nous  ne  pouvons  guère  compter 
sur  de  plus  fortes  recettes  par  cette  voie  ;  mais  plus  tard,  nous 
pourrons  peut  être  réaliser  d'assez  jolis  bénéfices. 

Les  recettes  de  l'année  précédente,  nous  ont  permis  d'envoyer 
$170.39  à  N.  T.  S.P.  le  Pape,  et  de  payer  $7.60  pour  impression, 
frais  de  correspondance,  etc.,  nous  laissant  un  surplus  de  $17.54. 
Il  nous  reste  de  plus  en  dépôt  des  papiers  pour  une  valeur 
d'environ  $475,  et  des  vieux  timbres  pour  environ  $50. 

Au  reste,  voici  le  bilan  détaillé  : 

DOIT. 

A  argent  en  banque  le  1er  mai  1879 $  21.78 

A  argent  en  main  le  1er  mai  1879 1.23  $  23.01 

A  argent  dû  pour  vieux  papiers  1er  mai  1879...    76.21 

A  vieux  papiers  vendus 82.87 

A  vieux  timbres 13.44    172.52 

$195.53 

AVOIR. 

Par  argent  envoyé  au  Saint-Père $170.39 

Par  dépenses  pour  impression 2.00 

Par  papeterie,  frais  de  correspondance,  etc 5.60  $177.99 


378      ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

Par  argent  en  banque  le  30  avril  1880 13.86 

Par  argent  en  main  le  30  avril  1880 3.68      17.54 


$195.53 

VALEUR  ACTUELLE  DE  l'œUVRE. 

Vieux  papiers  en  dépôt $475.00 

Vieux  timbres       "        50.00    525.00 

Balance  en  caisse 17.54 


$542.54 


Il  ne  nous  reste  plus  maintenant  qu'à  offrir  nos  remercie- 
ments les  plus  sincères  à  toutes  les  personnes  qui  ont  con- 
tribué de  quelque  manière  que  ce  soit  au  progrès  de  notre 
œuvre  :  aux  membres  du  clergé,  pour  leur  bienveillante 
sympathie,  et  leur  aide  efficace  ;  aux  personnes  qui  nous  ont 
donné  des  papiers,  ou  des  timbres,  ou  qui  les  ont  reçus  en 
dépôt  chez  eux,  pour  leur  générosité  ;  aux  journaux  catho- 
liques de  cette  ville,  "  le  Courrier  du  Canada  "  "le  Canadien  " 
"  le  Nouvelliste,  "  pour  avoir  publié  gratuitement  nos  an- 
nonces. Nous  ne  devons  pas  même  oublier  un  journal  dont 
nous  tairons  le  nom,  qui  en  voulant  jeter  un  peu  de  ridicule 
sur  nous,  a  fait  connaître  notre  œuvre  à  ses  lecteurs  dont  une 
bonne  partie  peut-être  ignorait  l'existence.  Faut-il  prier  de 
nouveau  les  amis  de  notre  œuvre  de  ne  pas  laisser  refroidir 
leur  zèle  ?  Nous  aimons  à  croire  que  non  ;  seulement  nous 
demandons  instamment  à  ceux  qui  n'ont  pas  encore  pris  part 
au  mouvement  général,  de  ne  pas  tarder  davantage  à  se 
joindre  à,  nous. 

Pour  le  comité, 

J.  P.  Boulet,  M.  D.  L. 

secrétaire. 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC      379 

APPENDICE 

Circulaire  du  Comité  de  Construction  du  Cercle  catholique 

DE  Québec 

Pour  répondre  aux  besoins  de  l'œuvre  du  Cercle  catholique 
de  Québec  et  des  œuvres  annexes  placées  sous  la  direction  de 
cette  institution,  il  a  été  résolu  d'entreprendre  la  construction 
d'un  édifice  simple  mais  spacieux,  dans  la  paroisse  de  Saint- 
Roch  de  Québec,  aussitôt  que  nos  moyens  nous  le  permettront. 

Notre  vénéré  patron,  S.  G.  Mgr  l'archevêque  de  Québec,  a 
bien  voulu  approuver  ce  projet,  et  a  même  autorisé  la  fon- 
dation de  deux  messes  annuelles,  qui  devront  être  dites  à  per- 
pétuité, l'une  en  faveur  des  bienfaiteurs  ou  fondateurs  vivants, 
l'autre  en  faveur  des  bienfaiteurs  ou  fondateurs  décédés  du 
Cercle  catholique. 

Voici  quelques  résolutions  adoptées  par  les  membres  actifs 
de  notre  association  à  ce  sujet  : 

Résolu — Que  le  titre  de  Bienfaiteur  soit  accordé  à  toute  per- 
sonne, corporation  ou  société  qui  fera  au  Cercle  catholique  de 
Québec  un  don  de  cinquante  à  cinq  cents  piastres  pour  aider 
à  la  construction  d'un  édifice  pour  l'usage  de  cette  association  ; 

Que  le  titre  de  Bienfaiteur  insigne  soit  accordé  à  toute  per- 
sonne, corporation  ou  société  qui  fera  un  don  de  cinq  cents  à 
mille  piastres  ou  plus  aussi  pour  le  même  objet  ; 

Que  le  titre  de  Fondateur  soit  accordé  à  toute  personne,  cor- 
poration ou  société  qui  fera  un  don  de  mille  piastres  ou  plus 
aussi  pour  le  même  objet  ; 

Résolu— Qu'un  tableau  contenant  les  noms  des  ^'  bienfaiteurs  " 
des  "  bienfaiteurs  insignes,  "  et  des  "  fondateurs,  "  du  Cercle 
catholique  de  Québec,  avec  leurs  titres  respectifs,  soit  préparé 
et  placé  dans  la  salle  principale  de  l'institution. 

Résolu— Que  chaque  année,  et  à  perpétuité,  le  Cercle  catho- 
lique de  Québec  fasse  dire  une  messe,  dans  l'octave  de  la  fête 
de  saint  Joseph,  pour  tous  les  bienfaiteurs  et  fondateurs  dt 
l'institution,  et  une  autre  messe,  dans  le  courant  du  mois  de 
novembre,  pour  le  repos  des  âmes  des  membres  et  des  bien- 
faiteurs et  fondateurs  défunts. 


380      ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC 

Il  a  aussi  été  réglé  par  S.  G.  Mgr  rarchevêque  que  toute 
personne  qui  enverra  une  offrande,  même  minime,  en  faveur 
de  l'œuvre  qui  fait  l'objet  de  cette  circulaire,  aura  droit  à  ces 
mêmes  avantages  spirituels. 

Ainsi  qu'il  est  dit  dans  l'article  4  de  la  Constitution  du  Cercle 
catholique  de  Québec,  le  but  de  cette  association  est  "  la  ma- 
nifestation de  la  vérité  chrétienne  et  la  diffusion  des  principes 
catholiques  au  moyen  : 

"  lo  De  la  discussion  de  différentes  questions  choisies  et 
proposées  par  un  comité  nommé  à  cet  effet  par  le  comité  de 
direction  ; 

'"  2o  De  la  formation  d'une  ou  de  plusieurs  bibliothèques 
composées  d'ouvrages  approuvés  par  l'Ordinaire  ; 

"  3o  De  l'ouverture  d'une  ou  de  plusieurs  salles  de  lecture, 
dont  les  journaux,  revues  et  feuilletons  sont  aussi  approuvés 
par  la  même  autorité  ; 

"  4o  De  toute  action,  démarche  ou  sous-œuvre  que  le  comité 
de  direction  jugera  nécessaire  à  cette  fln  ;  pourvu  toujours  que, 
comme  corps,  le  Cercle  catholique  ne  s'occupe  pas  de  politique 
active." 

Parmi  les  œuvres  annexes  dont  le  Cercle  catholique  s'est 
occupé  jusqu'à  ce  jour,  il  y  a  l'œuvre  dite  des  "  vieux  papiers," 
celle  des  Cercles  catholiques,  celle  des  bibliothèques  et  celle 
de  la  propagation  des  bons  livres.  Mais  le  temps  est  arrivé 
d'agrandir  encore  le  cadre  de  nos  opérations,  et  parmi  les 
œuvres  nouvelles  qui  s'imposent  en  quelque  sorte  à  l'attention 
du  Cercle  catholique,  est  celle  de  créer  un  centre  de  réunion 
au  milieu  de  la  nombreuse  population  de  Saint-Roch  et  de 
Saint-Sauveur,  où  les  jeunes  gens  puissent  passer  agréablement 
et  utilement  leurs  moments  de  loisir  sans  être  exposés  au 
contact  des  compagnies  dangereuses. 

Cette  dernière  œuvre,  que  nous  considérons  comme  très 
importante,  ne  pourra  recevoir  d'extension  tant  soit  peu  con- 
sidérable avant  que  l'édifice  à  la  construction  duquel  nous 
invitons  le  public  à  coopérer  ait  été  érigé. 

Pour  rendre  plus  facile  le  paiement  des  souscriptions  que 
Ton  voudra  bien  faire  en  faveur  de  la  construction  projetée,  il 


ANNUAIRE  DU  CERCLE  CATHOLIQUE  DE  QUÉBEC      381 

a  été  décidé  que  ces  souscriptions  seraient  payées  en  dix  ver- 
sements semi-annuels  ou  en  cinq  versements  annuels,  c'est-à- 
dire  que  l'on  aura  cinq  années  entières  pour  payer  le  montant 
total  de  chaque  souscription. 

Les  personnes  qui  voudront  s'unir  aux  membres  actifs  du 
Cercle  catholique  dans  l'œuvre  qu'ils  ont  entreprise,  pourront 
adresser  leurs  souscriptions  à  Mgr  le  grand  vicaire  Gazeau, 
membre  honoraire  de  notre  association,  à  notre  Visiteur,  M.  le 
curé  de  Saint-Roch  de  Québec,  ou  à  l'un  des  membres,  du  co- 
mité de  construction  du  Cercle,  dont  voici  les  noms  : 

L'honorable  M.  G.  Ouimet,  surintendant  de  l'Instruction 
publique,  MM.  Abraham  Hamel,  négociant,  E.  A.  Déry,  recor- 
der de  la  cité  de  Québec,  P.  V.  Valin,  M.  P.,  F.  Kérouack,  maire 
de  St-Sauveur,  Prudent  Vallée,  directeur  de  la  banque  nati- 
onale, F.  E.  Hamel,  négociant,  P.  Mackay,  avocat,  J.  A.  Lan- 
glais,  libraire,  P.  Tourangeau,  médecin,  C.  L  Samson,  médecin, 
N.  E.  Dionne,  médecin.  Cl.  Vincelette,  directeur  de  l'Asile  de 
Beauport,  Ernest  Gagnon,  secrétaire  du  département  de  l'agri- 
culture et  des  travaux  publics. 

On  recevra  aussi  des  effets,  vieux  ou  neufs.  Adresser  à  M. 
J.  A.  Langlais,  libraire,  Saint-Roch  de  Québec. 

Pour  le  comité, 

Cl.  Vincelette,  président, 
E.  A.  Déry,  trésorier, 
Ernest  Gagnon,  secrétaire. 

Vu  et  approuvé,  et  que  la  bénédiction  de  Notre-Seigneur  soit 
sur  cette  œuvre  et  sur  tous  ceux  qui  y  prendront  part. 

Archevêché  d.  Québec,  16  novembre  1878. 

f  E.  A.  Arch.  de  Québec. 


TABLE  DES  MATIERES 


Le  Comité  d'Organisation  du  Congrès  catholique  de  Québec 5 

Adresse  du  Congrès  à  Sa  Sainteté  Léon  XIII 7 

Réponse  à  cette  adresse « 8 

Membres  du  Congrès ..-.     11 

Officiers  et  membres  des  bureaux ~ 13 

Première  séance  solennelle  du  Congrès  catholique 15 

Discours  de  Sa  Grandeur  Mgr  l'Archevêque  de  Québec 17 

Discours  de  M.  A.  B.  Routhier 19 

Discours  de  M.  Claudio  Jannet 36 

Première  réunion  des  bureaux  du  Congrès 53 

Bureau  des  Cercles  catholiques .' 53 

Rapport  de  l'Union  catholique  de  Montréal 53 

Rapport  de  M.  P.  V,  Labonté,  président  du  Cercle  catholique  de  Bid- 

deford,  Maine,  E.U 62 

Rapport  de  M.  B.  A.  T.  DeMontigny,  président  général  de  l'Union- 

Allet  64 

Bureau  de  la  Presse  catholique Si 

Rapport  de  l'Honorable  F.  X.  A.  Trudeî 81 

Bureau  des  Intérêts  catholiques 119 

Rapport  de  M.  Ferdinand  Gagnon,  de  Worcester,  E.-U 120 

Mémoire  de  M.  Ernest  Gagnon 136 

Rapport  de  la  Société  St- Vincent  de  Paul 138 

Deuxième  réunion  des  bureaux  du  Congrès 150 

Bureau  des  Cercles  catholiques 150 

Rapport  de  l'Union  catholique  de  l'Ile  Maurice 151 

Rapport  de  M,  C.  Vincelette,  prés,  du  Cercle  catholique  de  Québec...  158 

Rapport  de  M.  N.  Laçasse 164 

Rapport  de  M.  J.  P.  Boulet,  M.  D.  L « 172 

Appendice — Noms  des  membres  du  comité  de  l'Œuvre  pon- 
tificale des  vieux  papiers 181 

'Noms  des  personnes  qui  reçoivent  les  papiers  en  dépôt 181 

Les  zélateurs  182 

Adressée  Sa  Sainteté  Léon  XIII 182 

Réponse  du  cardinal  Simeoni t83 

Bilan  général  de  l'Œuvre,  depuis  1869  jusqu'au  30avril  1880.  185 

Rapport  du  Cercle  catholique  de  Québec 186 

Bureau  de  la  Presse  catholique 193 


384  TABLE   DES  MATIÈRES 

Bureau  des  Intérêts  catholiques , 194 

Rapport  de  M.  Thomas  Ghapais 194 

Rapport  de  M.  Livernois 198 

Deuxième  séance  solennelle  du  Congrès  catholique 204 

Discours  de  M.  le  comte  de  Foucault 205 

Discours  de  l'honorable  Gédéon  Ouimet,  C.  R 220 

Discours  de  Mgr  Laflèche 229 

Réponse  du  Souverain-Pontife  au  télégramme 250 

Clôture  du  Congrès 250 

Sermon  de  M.  l'abbé  P.  N.  Bruchési 251 

Lettres  d'adhésion  au  Congrès — Lettres  d'Italie 267 

— Lettres  de  France 306 

— Lettres  d'Espagne  et  du  Portuga' 316 

— ^Lettre  de  Prusse 317 

— Lettre  des  Pays-Bas ^ 317 

— Lettre  de  Belgique âl9 

— Lettre  de  l'Tle  Maurice 320 

— Lettres  des  Etats-Unis 321 

— Lettres  du  Canada 322 

Opinion  de  la  presse  sur  le  Congrès  catholique  de  Québec 326 

Annuaire  du  Cercle  catholique  de  Québec— 1879-80 355 


\ 


V-, 


MONTREAL  : 
EUSÈBE    SENEGAL,     IMPRIMEUR-ÉDITEUR. 

6,  8  ET  lO,  RUE  ST-VINCENT. 


30 


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