?\m\î\ CONGI[ÈS CATHOLIQUE
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ACTES ET 'DELIBER/TIOHS
DU
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CA]S"ADIE]^ FEAÎÎ'CAIS
TENU A QUÉBEC
LES 25, 26 ET 27 JUIN 1880
ANÎ(UA11[E NO 3 DU CEljCLE CATHOLIQUE DE QUEBEC
1879-80
MONTREAL
EUSÈBE SÉNÉGAL, IMPRIMEUR - ÉDITEUR
Rue Sl-Vincenl, Nos 6, S et 10
1880
Imprimatur
•^ E. A. Archpus Quebecen-
Le Comité de direction du Cercle catholique de
Québec a entrepris la tâche de faire publier les dis-
cours prononcés en séance solennelle, et les rapports
présentés aux divers bureaux ou commissions du
Congrès. Cette succession que le Comité a re-
cueillie si volontiers de messieurs les organisateurs
du Congrès, tous membres du Cercle, ne laissait pas
que de renfermer bien des difficultés ; néanmoins, le
Comité a pu, à force de persévérance, se procurer tous
les documents relatifs au premier Congrès catholique
franco-canadien, et les mettre en bon ordre avant de
les livrer à l'impression.
Cet ouvrage comprend donc les discours remar-
quables prononcés dans les deux séances solennelles
du Congrès, et les nombreux rapports soumis à la
considération des bureaux. A part les discours de
M. le comte de Foucault, et de M. le juge Routhier,
qui ont déjà eu l'honneur de la publication, tous les
autres travaux ci-inclus sont inédits.
Les bureaux ont fait une œuvre plus humble, mais
il est loisible de croire qu'elle sera profitable à tous
ceux qui feront la lecture des rapports, tant à cause de
la variété des sujets qu'ils traitent, que de leur im-
portance.
Cet ouvrage contient encore toutes les lettres
d'adhésion au Congrès : de la France, de l'Italie, de
l'Espagne, du Portugal, de la Hollande, de la Prusse,
de l'Ile Maurice, des Etats-Unis, et du Canada. Ces
lettres résument bien le caractère de fraternité qui
doit unir toutes les associations catholiques entre
elles, et on se rappelle encore les applaudissements
qu'a soulevés la lecture d'un certain nombre de ces
écrits, chefs-d'œuvre de délicatesse de sentiments, de
pensées et de style.
Quelques journaux de France, des Etats-Unis et
du Canada ayant manifesté ouvertement leur sympa-
thie au Congrès catholique, il n'était que juste de
reproduire dans cet ouvrage les correspondances et
autres écrits publiés dans leurs colonnes.
L'ouvrage se termine enfin par le compte rendu
des opérations du Cercle catholique de Québec pour
l'année expirée le 26 juin 1880. On y trouvera la
liste de ses membres, les rapports du Comité de
direction et des sous-œuvres, etc.
Puisse ce livre faire tout le bien attendu par ceux
qui ont organisé ce Congrès au prix de tant de
labeurs et de sacrifices de tous genres, et par le
Comité de direction du Cercle catholique de Québec,
qui a eu l'heureux inspiration de montrer son dévoue-
ment à la cause nationale en prenant l'initiative de
cette grande fête de la religion !
LE COMITÉ D'ORGANISATION
DU COpÈS CATHOLIQUE DE QUEBEC.
I.— OFFICIERS :
PRÉSIDENT HONORAIRE :
Sa Grandeur Mgr E. A. Tasghereau, archevêque de Québec.
VICE-PRÉSIDENTS HONORAIRES :
Mgr g. F. Gazeau, prélat domestique de Sa Sainteté ; vicaire-
général ; chanoine honoraire d'Aquin.
M. l'abbé F. X. GossELiN, curé de St-Roch de Québec ; visi-
teur du Cercle catholique de Québec.
PRÉSIDENT ACTIF :
L'honorable M. A. B. Routhier, Commandeur de l'ordre de
St. Grégoire-le-Grand ; juge de la cour supérieure ; docteur es
lettres de rUniversité-Laval. .
VICE-PRÉSIDENTS ACTIFS : ^ -
L'honorable M. GédéOxN Ouimet, surintendant de l'Instruc-
tion publique ; Officier de l'Instruction publique de France.
M. Clément Vincelette, Chevalier de l'ordre de St-Sylvestre;
président du Cercle catholique de Québec.
SECRÉTAIRES CORRESPONDANTS :
M. Ernest Gagnon, secrétaire du département de l'Agricul-
ture et des Travaux publics.
M. C. L Samson, médecin ; membre du Conseil municipal de
Québec.
SECRÉTAIRE ARCHIVISTE :
M. N. E. Dionne, docteur en médecine de l'Université-Laval,
rédacteur en chef du Courrier du Canada.
TRÉSORIER:
M. J. A. Langlais, libraire-éditeur.
6 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
ASSISTANT TRÉSORIER :
M. C. A. Vallée, Chevalier de Tordre de Sl-Grégoire-le-
Grand ; président de l'Uiiion-AUet des ex-Zouaves pontificaux
IL— MEMBRES:
M. G. M. MuiR, Commandeur de l'ordre de St-Grégoire-le-
Grand et Chevalier de l'ordre de Pie IX ; président général de
la société St-Vincent-de-Paul du Canada.
M. J. E. Landry, médecin ; professeur à l'Université-Laval.
M. E. A. Déry, juge de la cour du Recorder.
M. J, B. Renaud, négociant.
M. A. Hamel, rentier.
M. F. Kérouac, maire de St-Sauveur.
M. A. LeMoine, notaire.
M. J. G. Bossé, avocat.
M. F. E. Hamel, négociant.
M. Cyrille Tessier, notaire.
M. Pierre MacKay, avocat.
M. R. P. Vallée, député à la Chambre des Communes.
M. J. B. Cloutier, professeur à l'Ecole normale-Laval.
M. J. P. Tardivel, rédacteur du Canadien.
M. Alfred Cloutier, avocat.
M. Victor Livernois, avocat.
M. A. R heaume, négociant.
M. P. Brunet, négociant. •
/DRESSE DU CONGI[ÈS CATHOLIQUE
SA SAINTETÉ LÉON XIII.
Très-Saint Père,
La célébration solennelle de la fête nationale des Canadiens-
français à Québec, a fourni au Cercle catholique de cette ville
l'heureuse opportunité de réunir en un Congrès les sociétés-
sœurs et les cercles alTiliés de la Confédération du Canada et
des Etats-Unis d'Amérique.
Réunis autour du vénérable archevêque de Québec, leur
président d'honneur, et des autres évoques de la province, ces
associations ont voulu, en ce jour mémorable où toute la
nation canadienne-française chôme sa fête nationale, offrir
aux œuvres catholiques une occasion de s'afTirmer, de faire
connaître leur situation et les moyens d'étendre leur action
bienfaisante. Elles espèrent par là nouer tiitre elles des rap-
ports d'amitié plus suivis.
Des adhésions nombreuses sont venues réchauffer notre zèle
à jeter les bases de ce Congrès catholique. Nos frères d'Italie,
de France, de Belgique et même de l'île Maurice, nous ont
envoyé des témoignages de la plus pure fraternité. Deux
illustres fils de la France catholique, la belle patrie de nos
père.s, ont traversé l'Atlantique pour venir serrer la main de
leurs frères du Canada, et apporter à ce Congrès les lumières
de leur vaste science et l'exemple de leur dévouement à la
grande cause catholique.
Français et Canadiens, tous fils dévoués de la Sainte-Eglise,
ont voulu, avant de procéder à leurs délibérations, déposer aux
pieds du Père commun des fidèles, l'hommage de leur filiale
soumission à la Chaire de Pierre ; tous ensemble déclarent
solennellement qu'ils ne connaissent d'autre flambeau pour
les guider que le soleil qui brille au Vatican.
8 premier congrès catholique tenu a québec.
Très-Saint Père.
Encouragés par ces adhésions nombreuses de notre clergé
et des catholiques de l'univers entier, les membres du premier
Congrès catholir[ue de Québec se sentent plus que jamais
disposés à travailler au maintien des droits sacrés de la Sainte-
Eglise afin qu'ils conservent toute leur liberté.
Nous voulons donner aux œuvres catholiques une extension
plus considérable, travailler à la diffusion des livres approuvés
par l'autorité ecclésiastique, soutenir notre clergé dans les luttes
qu'il peut avoir à soutenir pour conserver toutes ses prérogati-
ves. Votre bénédiction, T.S.P., nous aidera à accomplir la tâche
que nous nous sommes imposée, et, p''osternés à vos pieds, les
membres du Congrès catholique osent la solliciter de votre
paternelle bonté.
De Votre Sainteté les fils dévoués. - '
[Suivent les signatures.)
REPONSE A CETTE ADRESSE.
ItLUSTRISSIMO SiGNORE,
La Santita di N. S. Leone PP. XIII, dolente che le sue mol-
teplici occupazioni nel governo di tutta la Chiesa non Le per-
mettano ora di rispondere direttamente. corne pur avrebbe
bramato il paterno suo cuore, alF Indirizzo che la V. S. e gli
altri membri del primo Congresso cattolico di Québec han fatto
teste pervenire alla stessa Santita Sua, ha incaricato me corne
Prefetto délia S. Congregazione di Propaganda di respondervi
in suo nome e di far conoscere alla S. V. e a tutti i suddetti i
sentimenti del suo sovrano gradimento e délia paterna sua
benevoleiiz-a. Ed io lietissimo di eseguire l'onorevole incarico,
mi di premura di significare anzi tutto alla stessa S. V. che il
S. Padre ha veduto cou vera consolazione corne il Circolo cat-
tolico di cotesta citta abbia saputo trarre argomento da una
récente festa nazionale per riunire in Congresso attorno ail'
illustre Metropolitano di cotesta ecclesiastica provincia e ad
RÉPONSE DE SA SAINTETÉ LÉON XIII A L'aDRESSE. 9
altri dislinti Prelati le societa e i circoli délia cattolica Fede-
razione si di cotesto Dominio corne délia vicina Republica
Americana. Per tal modo si e lodevolmeiite cercato di far
tornare una tal circostaiiza assai vantaggiosa alla caltolica
religione legando con pin stretto vincolo di cari ta le diverse
associazioni, e stimolandone l'operosita e lo zelo nelle opère a
oui si son dedicate. E riiiscito altresi di particolar gradimento
al S. Padre il vedere corne anche da lontane regioni altri cat-
tolici hanno attestato in taie circostanza la loro unione di
spirito e di cuore a coteste Societa, mostrando cosi corne dei
veri credenti sio anche adesso cor unum et anima una e corne
la carita che li tiene insieme congiunti non trovi ostacolo
nella lontananza dei loro jjaesi e nell' ampiezza dei mari da
oui sono essi materialmente divisi. Per ultimo Sua Santita,
accogliendo con gratissimo animo l'attestado dei sentimenti
di devozione verso la S. Sede e l'augusta sua persona nutriti
da cotesto Gongresso, ha moyamente invocato di gran cuore
le celesti benedizioni dei Supremo Dator d'ogni beno sulla
S. V., su tutti i membri dei Gongresso medesimo e sulle buone
opère in esso deliberate.
Ed io nel dare partecipazione di tutto cio alla S. V. prego il
Signore a conservarla lungamente e a ricolmarla d'ogni bene,
mentre ho il piacere di dichiararmi.
Rom'a dalla Propaganda 3 Agosto 1880.
Di V. S.,
Affectissimo,
Giovanni Gard. Simeoni, Prefetto.
J. Magotti, Segri.
Au Très-Illustre Monsieur A. B. Routhier,
Président du Gongrès catholique,
Gommandeur de St-Grégoire-le-Grand,
et Juge de la Gour supérieure, à Québec.
Très-Illustre Monsieur^
Notre Saint Père le Pape Léon XIII, regrettant que les nom-
breuses occupations que lui impose le gouvernement de toute
10 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
l'Eglise ne lui permettent pas — comme l'aurait désiré son
cœur paternel — de répondre, directement à l'adresse que vous
et les autres membres du premier Congrès catholique de
Québec viennent de lui envoyer, m'a chargé, en ma qualité de
Préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande, de répon-
dre en son nom et de vous faire connaître ainsi qu'à tous les
membres susmentionnés les sentiments de sa souveraine sa-
tisfaction et de sa paternelle bienveillance.
Extrêmement heureux d'avoir à m'acquitter d'une tâche si
honorable je m'empresse de vous informer que le Saint Père a
vu avec une véritable consolation comment le Cercle catho-
lique de votre ville a su profiter de la fête nationale, célébrée
récemment, pour réunir en Congrès auprès de l'illustre métro-
politain de la Province ecclésiastique de Québec et d'autres
prélats distingués, les sociétés et les cercles catholiques tant
du Dominion que de la république américaine.
Sa Sainteté ne peut que lou( le but que vous avez pour-
suivi en tirant parti des circonstances pour le plus grand
avantage de la religion catholique, en reliant ensemble di-
verses associations par les liens étroits de la charité, et en
stimulant leur activité et leur zèle pour les œuvres aux-
quelles elles se dévouent.
Le Saint Père a éprouvé un plaisir tout particulier en
voyant que de régions éloignées d'autres catholiques sont
venus attester dans cette circonstance leur union d'esprit et de
cœur avec ces sociétés, faisant ainsi comprendre que la devise
des vrais croyants est encore aujourd'hui cor unum et anima .
una^ et que la charité qui les unit ne trouve d'obstacles ni
dans l'éloignement de leurs pa"*- , ni dans l'étendue des mers-
qui les séparent matériellement.
Enfin, Sa Sainteté, accueillant avec une vive reconnaissance
ce témoignage de dévouement envers le Saint-Siège et son
auguste personne de la part du Congrès catholique de Québec,
a imploré de grand cœur les célestes bénédictions de l'Auteur
de tout bien sur vous-même, sur tous les membres du Congrès,
et sur les bonnes œuvres qui ont fait le sujet de ses délibé-
rations.
MEMBRES DU CONGRES.
11
Pour moi, en vous donnant communication de tout ce qui
précède, je prie le Seigneur de vous conserver longtemps et
de vous combler de tout bien.
J'ai le plaisir de me souscrire en même temps,
votre très affectionné serviteur,
Jean Gard. Simeoni,
Préfet.
J. Magotti,
Rome, Palais de la Propagande, ") ' Secrétaire.
3 août 1880.
1
MEMBRES DU CONGRÈS.
Aubry, A. E. (Angers.)
Barnard, E. A. (Varennes.)
Belleau, I. N. (Lévis.)
Bellemare, R. (Montréal.)
Bellefeuille, E. Lef. de, cheva-
lier, (Montréal.)
Bélanger, L. G. (Sherbrooke.)
Bernier, Dr F. (Biddeford,
Maine.)
Bernier, T. A. (Manitoba.)
Bonpart, A. de (Montréal.)
Bossé, J. G. (Québec.)
Boulet, Dr J. P. (Québec.)
Bruère, Hon. Boucher de la
(Montréal.)
Brun, Lucien (Pa-is.)
Brunet, Philémou.
Gabana, H. (Sherbrooke.)
Gasgrain, T. G. (Québec.)
Gazeau, Mgr G. F.
Ghapais, Thomas (Québec.)
Gharmoy, Oscar d'Emmeriez
de (Port-Louis.)
Gloutier, Alfred (Québec.)
Gloutier, J. B, (Québec.)
Déry, E. A. (Québec.)
Désilets, Alf. (Trois-Rivières.)
Désilets, G. (Trois-Rivières.)
Desjardins, A. M. P. (Montréal.)
Desrosiers, Dr H. E. (Montréal.)
Desrosiers, Joseph (Montréal.)
Dion, L. L. (Québec.)
Dionne, Dr N. E. (Québec.)
Drolet, G. chevalier (Montréal.)
Dubord, A. (Trois-Rivières.)
Duguay, l'abbé N. (St-Gélestin.)
Dupont, l'abbé P. E. (Bidde-
ford.)
Foley, Ed. (Québec.)
Fontaine, J. 0, (Québec.)
Foucault, comte J. de (Paris.)
Gagnon, Ernest (Québec.)
12 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
Gagnon, F. (Worcester, Mass.) Mun, comte A. de (Paris.)
Gosseliii, l'abbé F. X. ^Québec.) Myrand, E. (Québec.)
Gravel, i'abbéE.(St-Hyacinthe.) Morin, A. A. (Biddeford.)
Giiilbault, A. G. (Québec.) Muir. chevalier, G.M. (Québec.)
Hamel, A. (Québec.) Moreau, l'abbé E. (St-Barthé-
Hamel, F. E. (Québec.) lemi.)
Hamel, F. N. (Québec.) O'Leary, M. (Québec.)
Houde, F. (Montréal.) Ouimet, Gharlec (St-Jean d'I-
Hudon, F. E. (Québec.) berville.)
Jannet, Claudio (Paris.) Ouimet, l'hon. Géd. (Québec.)
Kerouac, F. (Québec.) Paré, Alphonse (Biddeford.)
Labonté, P. V. (Biddeford, Prendergast, Alfred (Montréal.)
Maine.) Quinn, F. A. (Montréal.)
Laçasse, N. (Québec.) Réaume, Al. (Québec.)
Lachance, l'abbé F. X. (Sorel.) Renaud, J. B. (Québec.)
Laflèche, l'abbé T.(T.-Riviores.) Renault, Eug. (Montmagny.)
Landry, Dr J. E. (Québec.) Rivard. L. L, (Québec.)
Langlais, J. A. (Québec.) Robitaille, A. (Québec.)
Laroche, L. S. (Rimouski.) Robitaille, Dr 0. chevalier,
Larocque, A. B. chevalier (Wa- (Québec.)
terville.) Roltot, Dr J. P. (Montréal.)
Leclaire, A. (Montréal.) Rouillard, E. (Québec.)
Ledroit, Th. (Québec.) Routhier, A. B. (Malbaie.)
Lemoine, Al. (Québec.) Samson, Dr G. L (Québec.)
Lindsay, C. P. (Québec.) Taché, Dr J. G. (Ottawa.)
Livernois, Victor (Québec.) Taillefer, A. (Manitoba.)
Lyonnais, L.(Glen's Falls,N.Y.) Tardivel, J. P. (Québec.)
MacKay, Pierre (Québec.) Tarte, J. L (Québec.)
Mallet, Edmond (Washington.) Tassé, E. (Ottawa.)
Malouin, Philippe (Québec.) Tassé, Jos. (Ottawa.)
Martial, l'abbé (Grosvenordale, Tessier, Gyr. (Québec.)
Conn.) Têtu, l'abbé H. (Québec.)
Martin, A. (Montréal.) Thibault, Gharles (Montréal.)
Méthot, (Trois-Rivières.) Tremblay, Rémi (Montréal.)
Montigny,B.A.T. de (Montréal.) Trudel, l'abbé F.X.(Biddeford.)
Montmarquet, J. D. (Lewiston, Trudel, l'honorable F. X. A.
Maine.) (Montréal.)
OFFICIERS ET MEMBRES DES BUREAUX.
13
Turcotte, H. A. (Québec.) Vincelette, Dr A. (Glen's Falls,
Vallée, chevalier G.A. (Québec.) N. Y.)
Vallée, R. P. (Québec.) Vincelette, chevalier C. (Qué-
Verge, Dr C. A. (Québec.) bec.)
OFFICIEIjS ET MEMBÎjES DES BUI|EÂUX.
T.— BUREAU DES CERCLES CATHOLIQUES.
Chs G. deLorimier, président.
Emm. Tassé, vice-président.
Dr H. E. Desi osiers, secrétaire. .
Dr J. P. Boulet, assistant-secrétaire.
Jos. Desrosiers, président de l'Union catholique de Montréal.
C. Vincelette, président du Cercle catholique de Québec.
B. A. Testard de Montigny, président de l'Union Allet.
P. V. Labonté, président du Cercle catholique de Biddeford,
Maine.
0. D'Emmeriez de Charmoy, président de l'Union catho-
lique de l'Ile Maurice.
V. Livernois.
A. Prendergast.
A. Cloutier.
R. P. Vallée.
P. Mackay.
T. A. Quinn.
N. Laçasse.
L'abbé F. X. Lachance.
A. de Bonpart.
A. Paré.
G. Drolet.
Dr G. I. Samson.
E. A. Déry.
G. A. Vallée.
J. B. Cloutier.
A. Robitaille.
P. Malouin.
L'abbé T. Laflèche.
L'abbé N. Duguay.
L'abbé P. E. Dupont.
A. G. Guilbault.
A. Martin.
M. Méthot.
L'abbé E. Moreau.
A. Morin.
A. Taillefer.
T. G. Gasgrain.
Dr Dernier.
14
PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
A. Larocque.
H. A. Turcotte.
Dr N. E. Dionne.
IL— BUREAU DE LA
A. de Bonpart, président.
J. P. Tardivel, secrétaire.
Dr J. C. Taché.
J. P. Tardivel.
F. Hoiide.
L N. Belleau.
Eug. Rouillard.
J. L Tarte.
R. P. Vallée.
Thomas Ghapais.
E. A. Barnard.
Charles Ouimet.
Dr N. E. Dionne,
Boucher de la Bruère.
Ernest Gagnon.
Ferdinand Gagnon.
Alph. Desjardins.
Alph. Leclaire.
L'abbé F. X. TrudeL
G. Thibault.
E. Mail t.
PRESSE CATHOLIQUE.
E. Lef. de Bellefeuille.
Joseph Tassé,
Alf, Désilets.
Géd, Désilets,
L, L, Dion.
J. 0. Fontaine.
H. Gabana,
Eug. Renault,
L. S. Laroche,
Ghs Thibault,
F, X, A. Trudel,
li. G, Bélanger.
L. Lyonnais,
J, D. Montmarquet,
R. Tremblay.
Jos. Desrosiers.
IlL— BUREAU DES INTÉRÊTS CATHOLIQUES.
Dr J. P. Rottot, président.
L'abbé E. A. Gravel, vice-président.
Ernest Gagnon, secrétaire.
G. Vincelette.
L'abbé Martial.
L'abbé H. Têtu.
Claudio Jannet.
Le comte J. de Foucault.
L. L. Rivard,
A. Robitaille.
V, Livernois.
A. Dernier,
F. X. A. TrudeL
A. B. Routhier.
E, A, Barnard.
R. Bellemare.
T, C. Gasgrain.
Dr H. E. Desrosiers.
Dr N. E. Dionne,
E. Foley,
A. Du bord.
PREMIERE SEANCE SOLENNELLE.
15
Thos. Chapais.
F. E. Hudon.
N. Hamel.
G. P. Lindsay.
A. GloLitier.
Th. Ledroit.
A, Lemoine.
P. Brunet.
J. G. Bossé.
Dr G. A. Verge.
J. B. Gloutier.
F. Gagnon.
Abr. Hamel.
F. E. Hamel.
Dr J. E. Landry.
J. A. Langlais.
F. Kerouac.
A. Réaume.
J. P. Tardivel.
E. Mallet.
Dr A. Vincelette.
G. M. Muir.
E. Myrand.
M. O'Leary.
J. B. Renaud.
Dr 0. Robitaille.
P. Malouin.
S. Pagnelo.
Dr J. G. Taché.
G. Tessier.
R. P. Vallée.
PREMIÈRE SÉANCE SOLENNELLE
DU
CONGRÈS CATHOLIQUE
VENDREDI, 2B JUIN.
Le 25 juin au matin s'ouvrait la première séance du Gongrès
catholique.
A huit heures, la chapelle du séminaire de Québec se rem-
plissait d'une foule recueillie qui venait entendre la sainte
messe, dite par M. l'abbé Gosselin, curé de l'église paroissiale
de St-Roch et Visiteur du Gercle catholique. La messe fut
précédée du Veni Creator et suivie du Salve Regina^ chantés par
des centaines de voix. Immédiatement après la messe, les as-
sistants se sont rendus à la salle de l'Université-Laval, dite
salle des promotions, laquelle avait été gracieusement mise à
16 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉDEC.
la disposition du Congrès, et à neuf heures on voyait plus de
1,500 personnes réunies dans cette enceinte.
Sur l'estrade se trouvaient Mgr Tarchevôque de Québec,
président d'honneur du Congre',, ayant à sa droite M. Claudio
Janiiet et à sa gauche M. 1."" juge Routhier, président actif du
Congrès, et Mgr Laflèche. Il y avait aussi sur l'estrade les
membres des différentes commissions et les délégués au
Congrès.
Dans l'auditoire on remarquait Son Honneur le lieutenant-
gouverneur, A"gr A. Racine, évoque de Sherbrooke, Mgr C.
Guay, protonotaire apostolique, M. le grand- vicaire E. Lan-
gevin, prévôt du chapitre de Rimouski, Mgr Déziel, M. l'abbé
E. Gravel, représentant de Mgr l'évéque de St-Hyacinthe, l'ho-
norable J. G. Blanchet, président de la Chambre des Com-
munes, l'honorable J. J. Ross, président du Conseil Législatif,
quatre à cinq cents prêtres séculiers du Canada et des Etats-
Unis, des représentants des Jésuites, des Oblats, des Domi-
nicains, des Frères de la doctrine chrétienne, de la magis-
trature et de l'administration, ainsi que l'élite des autres
classes de la société.
On déploya avant l'ouverture du Congrès le magnifique
drapeau du Cercle catholique, lequel fut salué par des ap-
plaudissements répétés.
M. Routhier, se faisant l'interprète de la vaste assemblée,
dit que l'auditoire voyait avec joie représentées au Congrès les
deux glorieuses mères du Canada français : l'Eglise et la France
catholique. La France, après un siècle d'oubli, se souvient
qu'il y a un petit peuple sur les bords du Saint-Laurent qui a
gardé sa langue, ses institutions et surtout sa foi. Il est en-
core temps de renouer des relations avec l'ancienne mère-
patrie et il faut espérer que le Canada et la France bénéficie-
ront tous deux de ces relations.
Sa Grandeur Mgr l'Archevêque ouvre ensuite le Congrès
par une touchante allocution.
idisootj:r.g
DE
SA GRANDEUR MGR L'ARCHEVEQUE DE QUEBEC.
Excellence, Mesdames, Messieurs,
C'est avec un vif bonheur que je vois s'ouvrir le premier
Congrès catholique dans notre ville de Québec, et, en formant
des vœux pour le succès de ses travaux, j'offre à tous ses orga-
nisateurs mes félicitations les plus sincères. Hier nous célé-
brions notre fête nationale, aujourd'hui commencent aussi
d'autres fêtes patriotiques propres à raviver la foi et à consoler
le cœur affligé de l'Eglise. Pour en rehausser l'éclat, deux
nobles fils de la France ont bien voulu se joindre à nous et
dans ce moment solennel je suis heureux de leur souhaiter la
bienvenue au nom de toute l'Eglise du Canada.
Quel sera, messieurs, le premier acte du Congrès ? Un acte
de foi à l'Eglise catholique. Il exprimera au successeur de
Pierre son dévouement, son amour et sa soumission filiale.
Malgré la distance qui nous sépare de Rome, nous serons
donc tous ici réunis sous le regard et aux pieds du Souverain
Pontife. C'est ainsi que doivent agir des cœurs catholiques, et
Dieu, messieurs, ne saurait manquer de vous bénir.
Les auteurs de ce beau programme ont voulu sagement ap-
puyer tout l'édifice sur le fondement inébranlable posé par
Notre-Seigneur lui-même quand il a dit : Tu es Pierre et sur
cette pierre je bâtirai mon Eglise et les portes de Venfer ne pré-
vaudront pas contre elle. Notre premier regard sera donc dirigé
vers ce rocher inébranlable contre lequel toutes les erreurs
viennent se briser : nous y trouverons pleine assurance de ne
point défaillir dans notre tâche.
Hier matin nous avons chanté le symbole que nos pères ont
apporté de l'ancienne France, qui, elle-même, l'avait toujours
conservé avec foi comme son plus précieux héritage. Combien
de peuples le répètent chaque jour? Combien de nations au-
jourd'hui disparues de la face de la terre l'ont récité en leur
temps ? Il en sera ainsi jusqu'à la fin des siècles. Admirable
18 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
économie de la Providence divine qui dispose toutes clioses
avec nombre, poids et mesure ! Tout change sur la terre ex-
cepté cette voix de Pierre qui redit toujours les mômes accents
à toutes les nations qu'elle a reçu mission d'évangéliser jus-
qu'à la consommation des siècles. Pierre est mort mais il vit
toujours et parle dans celui qui occupe cette chaire aposto-
lique que nous révérons et aimons de tout cœur. On ne peut
s'égarer quand on marche à la lueur de ce phare.
Ce Congrès est catholique avant tout, mais il n'en est que
plus patriotique. Les anciens Romains excitaient leur courage
au cri de pro aris et focis : combattons vaillamment pour nos
autels et nos foyers ! Tout le secret de leur grandeur et de
leur puissance est là.
Un jour, le célèbre docteur Brownson visitait le petit séminai-
re de Québec, et ayant été prié d'adresser un mot aux élèves, il
leur dit : " Je vois sur vos murailles cette belle inscription : pro
*■* Deo et patria : pour Dieu et la patrie : admirable devise qui
" doit être gravée dans tous les cœurs ; mais permettez-moi
" d'y faire quelques petits changements qui en feront mieux
*' ressortir les conséquences. Je dirai d'abord : pro patria quia
" pro Deo; tout ce qui tend à honorer Dieu et à lui rendre les
" hommages de respect et d'obéissance qui lui sont dus est
*' par là môme un acte de patriotisme. Pro Deo quia pro patria;
" mais aussi tout sacrifice, tout acte de dévouement offert sur
" l'autel de la patrie remonte à Dieu comme à l'auteur de tout
" ce qui peut contribuer au bonheur des hommes. "
Tel sera, messieurs, non-seulement le but mais aussi le
moyen de ce Congrès tenu dans la vieille cité de Champlain,
sous le toit hospitalier de cette Université catholique décorée
du nom d'un illustre évoque pour qui Dieu et la patrie ont
marché de concert avec ses aspirations et ses sacrifices.
Ces paroles furent couvertes d'applaudissements.
M. le juge Routhier annonça ensuite à l'assemblée que le
Congrès, avant de procéder, allait soumettre à l'approbation
de l'auditoire une adresse au Très-Saint Père, et il espère
qu'elle sera adoptée par acclamation.
DISCOURS DE M. A. B. ROUTHIER. 19
M. le docteur Dionne, secrétaire du Congrès, fit ensuite la
lecture de cette adresse, (Voir page 7).
La lecture de l'adresse du Congrès à S. S. Léon Xlli fut
accueillie avec un enthousiasme indescriptible. Quand le pré-
sident demanda si l'assemblée approuvait cette adresse, tous
les spectateurs se levèrent d'un mouvement spontané pour lui
donner leur adhésion en acclamant le Souverain Pontife.
M. le secrétaire donna lecture de lettres d'adhésion prove-
nant de France, d'Italie, de Hollande, d'Espagne, du Portugal,
des Etats-Unis et de l'Ile Maurice.
De ces lettres, qui étaient au nombre de cent, M. le secré-
taire lut entre autres les suivantes : celles de Mgr Tripepi,
camérier secret de Sa Sainteté et directeur du journal // Papato^
de M. le comte A. de Mun, de M. Lucien Brun, sénateur, de
M. A. E. Aubry, professeur à l'université d'Angers, etc. Chacun
de ces noms fut salué par de chaleureux applaudissements.
M. le juge Routhier annonça ensuite que le Congrès venait
d'adresser à S. S. Léon XIII le télégramme suivant et que la
réponse serait lue à la deuxième séance.
Cardinal Simeoni,
Rome.
Les Canadiens-français, réunis en un Congrès catholique,
avant de commencer leurs délibérations, sollicitent la béné-
diction du Souverain-Fontife.
Routhier,
Président.
M. Routhier prit ensuite la parole sur le sujet suivant : La
nationalité canadienne-française et la religion catholique.
DISCOURS DE M. A. B. ROUTHIER.
Messeigneurs, Excellence, Mesdames, Messieurs,
Pour m'élever à la hauteur du sujet qui m'est indiqué et
pour le traiter d'une manière digne de l'auditoire qui m'é-
20 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUEBEC
conte, je voudrais avoir réloquence d'un homme dont on a
peu parlé comme orateur, et qui, cependant, avait reçu de
Dieu, plus qu'aucun autre peut-être, le don puissant de l'élo-
quence.
Je voudrais avoir la parole de cet éloquent merveilleux que
Jésus-Christ lui-même a proclamé le plus grand des enfants
des hommes, et qui a été donné pour patron au dernier-né des
peuples.
Saint Jean-Baptiste, en effet, a dû être un très grand orateur,
puisque sa parole austère et inspirée attirait autour de lui des
foules immenses.
C'était un homme étrange qui sortait du désert, qui vivait
comme un sauvage, qui ne cherchait à plaire à personne, qui
ne craignait pas de dénoncer à la réprobation publique le roi
Hérode et les puissants de Jérusalem, qui prêchait la pénitence
et poursuivait le crime de ses anathèmes. • :
Et cependant, lorsque cet homme étrange s'arretant au bord
du Jourdain, à l'ombre d'un palmier ou d'un sycomore, mon-
tait sur une pierre pour annoncer au monde la venue du
Christ, sa parole avait un tel retentissement que, dans toutes
les villes de la Judée, de la Samarie, et du fond même de
l'Arabie, les multitudes accouraient l'entendre ! [Applaudisse-
ments.) . 1
Grâce à Dieu, je m'adresse à des Canadiens-français, c'est-à-
dire à des catholiques, car il n'y en a pas d'autres — au moins
dans cette enceinte — et je n'ai pas besoin d'avoir l'éloquence
de leur admirable patron pour les convaincre de cette vérité :
que la nationalité canadienne-française et la religion catho-
lique doivent rester inséparablement unies.
Cette affirmation ine parait tellement évidente que je suis
tenté de la considérer comme un lieu commun ; et pourtant,
c'est une vérité dont on n'est pas encore assez convaincu ; car
tout en l'admettant comme prémisses, il arrive souvent qu'on
en rejette les conséquences logiques.
II n'est donc pas inutile en cette grande fête de la patrie, et
dès le début de ce Congrès, d'insister sur ces importantes vé-
rités : la première, que la religion est le fondement de toute
DISCOURS DE M. A. H. ROUTHIER. 21
patrie ; et la seconde, que le catholicisme est spécialement la
sauvegarde de la nationalité canadienne- française.
I
Un peuple no peut exister sans une constitution qui le ré-
gisse. Or l'expérience des siècles démontre que l'homme est
absolument impuissant à faire une constitution digne de ce
nom s'il ne l'appuie sur Dieu.
Le plus grand génie de l'antiquité, Platon, a écrit à ce sujet
ces paroles remarquables :
" C'est la vérité môme que si Dieu n'a pas présidé à l'éta-
blissement d'une cité et qu'elle n'ait eu qu'un commencement
humain, elle ne peut échapper aux plus grands maux.' 11 faut
donc tacher par tous les moyens imaginablto d'imiter le ré-
gime primitif, et nous confiant en ce qu'il y a d'immortel dans
l'homme, nous devons fonder les maisons ainsi que les états,
en consacrant comme lois les volontés de l'Intelligence Su-
prême."
Cette doctrine toute chrétienne a lieu d'étonner sous la
plume d'un païen. Mais ce qui n'est pas moins remarquable,
c'est que toute l'histoire ancienne et la fable elle-même ne
racontent pas autrement la fondation des cités et des empires.
Les légendes populaires et les épopées qui chantent l'origine
d'une nation appuient toujours sur un oracle, sur une révéla-
tion particulière des dieux, sur une protection miraculeuse
du Ciel, les succès des fondateurs de villes et des chefs de races.
L'Iliade et l'Enéide en contiennent trop d'exemples connus
pour qu'il soit nécessaire d'insister.
A l'origine de tout peuple, à la première page de toute cons-
titution, à la base de toute société politique, il faut donc de
toute nécessité la foi en la divinité, et un culte religieux. La
religion est la pierre angulaire de tout édifice social.
Mais ce n'est pas tout. Cet édifice construit il faut le conser-
ver. Ce peuple né, il faut le gouverner, FinsLruire, le dévelop-
per. Or, tout cela est impossible sans la religion, parce que
sans elle il ne peut y avoir ni morale publique, ni autorité, ni
paix sociale.
2
22 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
Que deviendrait en effet la morale, s'il fallait en confier la
garde aux seuls parlements ? Et qu'est-ce que cette morale
indépendante que nous prêchent les philosophes modernes, si
ce n'est l'immoralité libre et qu'on voudrait rendre légale ?
Et si nous rejetons tout principe religieux, où trouverons-
nous le fondement de l'autorité ? Sera-co dans le Contrat
social ? » ,
Mais il y a longtemps que les esprits éclairés — à quelque
religion qu'ils appartiennent, et môme sans religion — ont fait
justice de cette utopie du rêveur excentrique de Genève. Et
d'ailleurs ce contrat social — comme tout autre contrat — ne
peut subsister qu'autant que subsiste le consentement des
parties contractantes, et si l'une d'elles refuse ce consentement,
que devient alors le principe d'autorité ?
Et la paix sociale, si nécessaire au développement de toute
race, qui la sauvegardera si ce n'est la religion ? Problème
redoutable dans les conditions présentes des sociétés mo-
dernes !
De nos jours, en efiet, presque toutes les nations semblent
accepter comme principe de gouvernement la souveraineté du
peuple ; dans la forme du gouvernement qui nous régit nous-
mêmes elle exerce un pouvoir presque illimité, et conséquem-
ment il y a ici — comme dans la plupart des pays européens —
deux souverains en face l'un de l'autre et tout naturellement
en antagonisme : le roi et le peuple.
Gomment le gouvernant et le gouverné peuvent-ils se
trouver ainsi également souverains ? G'est un problème que
je n'ai pas à résoudre en ce moment. Je constate seulement
le fait, et je vous demande : comment ces deux puissances
rivales pourront-elles gouverner sans conflit, et vivre côte à
côte dans l'harmonie ? Quel pouvoir servira de contrepoids ?
Quelle influence supérieure saura maintenir un juste équi-
libre entre les droits des peuples et les droits des rois ?
Ge problème que les politiciens libres-penseurs cherchent
en vain à résoudre n'a jamais eu et n'aura jamais de solution
en dehors de la religion. Les droits des peuples et ceux des
rois ne sont vraiment conciliables que lorsqu'ils se confondent
DISCOURS DE M. A. B. ROUTHIER. 23
dans la commune reconnaissance des droits de Dieu. Pour-
quoi ? Parce que le roi qui commande au nom de Dieu est un
homme qui obéit, et parce que le peuple obéit alors, non pas
à un homme, mais à Dieu. (Applaudissements.)
Lorsque les rois de France, commençaient leurs ordonnan
ces par ces mots : " Louis par la grâce de Dieu " et non par la
volonté du suffrage universel, '"roi des Français "et
continuaient en ces termes : " Souhaitant avec ardeur servii'
Celui de qui nous tenons et le royaume et l'existence, nous
désirons pour l'honneur de Celui qui nous a donné le comble
de l'honneur, etc., etc., etc," ils n'invoquaient ni leur
souveraineté propre ni leurs propres intérêts, mais la souve-
raineté et les intérêts de Dieu. Avant de commander ils pro-
testaient de leur désir de servir, et c'est pourquoi quelques-
uns d'eux s'appelaient les lieutenants de Jésus-Christ.
Rois et peuples se confondaient ainsi dans la sujétion com-
mune à un pouvoir supérieur. Devant la suprême royauté de
Jésus-Christ, ils étaient également sujets avec cette seule diffé-
rence que les rois avaient plus de -devoirs et une responsabi-
lité infiniment plus grande. [Appl.)
Et si nous appliquons cette théorie de l'autorité royale à
toutes les autres autorités, la paix et l'harmonie régneront à
tous les degrés de l'échelle sociale. Si Dieu couronne toutes
les hiérarchies qui composent la société, si l'organisation so-
ciale est telle que la religion soit la base de tous les pouvoirs,
et si les ordres du roi au sujet, du père à l'enfant, du maître
au serviteur, du patron à l'ouvrier, sont revêtus du prestige
divin, l'obéissance sera facile, et l'antagonisme social dis-
paraîtra.
Il deviendrait fastidieux de d-^velopper longuement cette dé-
monstration qui n'est pas seulement évidente aux jyeux de
la raison, mais qui est enseignée par l'Eglise et confirmée par
les enseignements de l'histoire universelle.
On ne pourrait peut-être pas citer un seul peuple qui ne se
soit pas, au moins dans la plus grande partie de son existence,
placé sous la protection de la divinité, et qui ne se soit pas
]-éfugié dans les bras de la religion au jour des grands j^érils.
24 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
Toujours les temples ont été les vraies forteresses de l'Etat,
et les pontifes, les sentinelles avancées de la nation. Le foyer
sans autel, la cité sans Eglise, l'Etat sans Dieu ne sauraient
constituer une patrie, pas plus que le corps sans âme ne peut
être un homme ! Aussi, les plus glorieuses nations de l'anti-
quité païenne, n'ont-elles jamais séparé ces deux grandes
choses : religion et patrie. Ce double amour seul pouvait
nourrir leur patriotisme, et les faire parvenir à leurs hautes
destinées. Et quand on demandait aux citoyens romains pour-
quoi ils se sacrifiaient sur le champ de bataille, ils répon-
daient pro aris et focis, pour l'autel et le foyer. Le foyer et
l'autel, telle était la formule de leur patriotisme, et les rois et
les consuls de Rome auraient cédé une partie de leur ville
plutôt qu'un temple de Jupiter. {Appl.)
Dans celte conduite des païens, quelle leçon n'y a-t-il pas
pour les nations chrétiennes qui ont reçu le dépôt sacré de la
vérité, auxquels Jésus-Christ prêche sans cesse l'union indis-
soluble du spirituel et du temporel, de l'Eglise et de l'Etat, et qui
cependant s'efforcent constamment d'effectuer entre les deux
pouvoirs, une séparation qui serait fatale à l'un et à l'autre !
Messieurs, c'est la grande erreur des temps modernes de
vouloir séparer l'humanité de Dieu. Il se fait aujourd'hui
dans le monde une lutte à mort entre le verbe humain et le
verbe divin, et si l'impiété moderne pouvait soudainement par
un violent coup d'état supprimer l'élément divin, elle le ferait.
Ne le pouvant pas, elle morcelle pour ainsi dire l'existence
humaine et travaille à la soustraire en détail au joug de Dieu.
Elle fait à l'individu une vie privée et une vie publique, et elle
lui dit : ta vie privée peut être soumise à certaines croyances
religieuses, mais ta vie publique ne l'est pas. Or, comme les
sociétés n'ont pas de vie privée, elle les déclare par là môme
absolument indépendantes de Dieu. Et par une suite de rai-
sonnements de ce genre elle affranchit de toute sujétion reli-
gieuse la politique, la morale publique, la loi, la science
et l'art.
En' un mot, les peuples modernes n'ont pas l'ambition de
construire une tour de Babel pour escalader le ciel comme
DISCOURS DE M. A. B. ROUTHIER. 25
les descendants de Gain ; non, ils n'ont pas ces aspirations éle-
vées. Ce qu'ils veulent c'est de fixer au-dessus de leurs têtes
une voûte de séparation entre le ciel et la terre, et ils sem-
blent dire à Dieu : " le ciel est à vous, mais la terre est à
nous." Eh bien, non, messieurs, la terre n' , ' pas à nous, et le
gouvernement de ce monde comme celui de l'autre appartient
à Dieu. {Applaudissements prolongés.)
II
La royauté sociale de Jésus-Christ est à la fois une doctrine
et un fait historique ; une doctrine qui est l'élément vital par
excellence de tout corps social, aussi nécessaire à sa vie que
l'air est indispensable à la vie de l'individu ; un fait histo-
rique sans lequel le monde n'aurait pas connu la civilisation
chrétienne.
Il faut que le Christ ait sa place en ce monde, et quand les
hommes la lui ont refusée, il a bien su la prendre quand il a
voulu. Il est entré dans le monde malgré eux ; il y a établi
son règne malgré eux, et il l'y maintiendra en dépit de toutes
les trahisons, de toutes les haines, de tous les intérêts, de
toutes les lâchetés !
Lorsqu'il n'y a plus de place pour lui dans un pays, il n'y a
plus de place pour d'autres royautés. (Appl.) Souvent chassé, il
revient avec une persévérance qui ressemble à de l'entêtement ;
mais il arrive un jour funeste où il s'éloigne pour ne plus
revenir, et alors, malheur aux nations qui le laissent partir !
Avez-vous jamais réfléchi, messieurs, aux mystérieuses cir-
constances qui firent naître le Christ dans une é table ? Le
récit biblique dont la sublime sobriété étonne toujours, dit
simplement qu'il n'y avait pas de place dans l'hôtellerie. Mé-
ditons un instant sur ce fait étrange.
Reportons-nous à cette heure solennelle et unique que
l'humanité attend depuis 4,000 ans, et qui va lui donner un
Rédempteur.
La Vierge incomparable que la race humaine déchue n'a pu
engendrer qu'après 40 siècles de purification est sur le point
de devenir mère, et l'enfant qu'elle va mettre au monde n'est
26 PRE-MIEIl CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉfiEC.
pas seulement un homme, c'est un Dieu, un Dieu dont le nom
va remplir l'univers et à qui la terre entière appartient. Où
donc est le palais préparé pour le recevoir ? Où donc sont les
somptueux appartements que le roi du ciel et de la terre ho-
norera de sa présence ?
Non, Dieu n'a pas ces prétentions de l'ostentation haimaine.'
Tout ce qu'il va demander à Bethléem qui en ce moment re-
présente la Judée, c'est une pauvre chambre d'auberge — et
Bethléem va refuser : il n'y a pas de place dans l'hôtellerie.
[Sensation.)
Ah ! messieurs, que de peuples depuis lors ont fait comme
Bethléem, et dit au Christ : il n'y a plus de place pour vous
dans cette hôtellerie î
Mais si vous étudiez attentivement l'histoire, vous serez
étonnés de voir avec quelle rigoureuse ponctualité cet ostra-
cisme du Christ a toujours été puni.
Voyez, par exemple, la suite du récit biblique. Bethléem
n'a pas eu de place pour l'enfant divin ! Eh bien ! il n'y a plus
de place dans toute la Judée pour les enfants des hommes, et
le glaive du cruel Hérode va les égorger pendant que le divin
proscrit s'en va dans la terre d'Egypte ! C'est alors que l'on
entendit dans Rama tant de pleurs et de gémissements, et que
Rachel, pleurant ses enfants ne voulut pas être consolée !
Mouvements.) -'
Trente-trois ans après les Juifs ameutés, pris de cette haine
du Divin qui possède tant d'hommes de nos jours, osent dire
au Christ qu'il n'y a plus de place pour lui dans la Judée^
Otez-le, crient-ils à Pilate, et le conduisant hors de leur ville,
ils le crucifient, afin que la Judée et toute la terre en soient
débarrassées.
Or, à dater de ce jour, il n'y a plus de place sur terre pour
le peuple juif. Jérusalem est détruite et ses enfants s'en vont
errant de rivages en rivages, sans chef, sans drapeau, sans pa-
trie, attendant toujours un messie auquel ils ne pourront plus
môme offrir la pauvre hôtellerie de Bethléem ! {Appl.)
Messieurs, si nous avions le temps de feuilleter un peu l'his-
toire de l'Europe, depuis l'établissement du christianisme,
DISCOURS DE M. A. B. ROUTHIER. 27
VOUS y verriez resplendir cette vérité : que les gouvernements
sans foi et les peuples sans Dieu sont voués à la mort.
Jetons seulement un coùp-d'œil sur notre ancienne mère-
patrie, dont les malheurs sont autant de leçons que la Provi-
dence veut donner à sa fille.
A la fin du siècle dernier, la France a repoussé la royauté
sociale de Jésus-Christ. Elle a dit comme le peuple juif : nous
ne voulons pa's que celui-là règne sur nous.
Or, depuis cette époque il n'y a plus de gouvernement stable
en France. Où Jésus-Christ n'avait plus de place, ni le Tiers-
Etat, ni la Constituante, ni la Convention, ni les Clubs, ni le
Directoire, ni le Consulat, ni l'Empire, ni la Royauté, ni la
République n'ont pu se maintenir, et ceux qui avaient banni
le Christ de la France n'y trouvèrent plus pour reposer leurs
têtes que ce monstrueux oreiller nommé la guillotine ! [Appl.]
Après ces prescripteurs, un homme plus fort qu'eux, doué
d'un génie étonnant se leva, et sa voix retentissante dit : Place
à Dieu ! Place à la religion catholique, apostolique et romaine î
Et lui-même alors trouva place sur le premier trône de
l'univers. Malheureusement quelques années après, la place
que Dieu lui laissait parut trop étroite à son ambition. Il
voulut l'agrandir aux dépens du Christ et de son Vicaire qui
le gênaient. Mais tout-à-coup cet homme prodigieux qui avait
tenu l'Europe dans sa main, s'y trouva de trop, et les rois
furent unanimes à proclamer qu'il n'y avait plus de place pour
lui dans aucun pays de l'Europe, et qu'il devait être relégué
dans une île perdue de l'Atlantique. [Appl.)
D'autres souverains lui succédèrent, et se montrèrent mieux
disposés à accepter la royauté sociale du Christ ; mais la na-
tion elle-même n'en voulait pas, et elle n'en veut pas encore.
Dans cette belle et grande hôtellerie de France, il n'y a pas
de place pour le divin proscrit, et l'amnistie qui protège au-
jourd'hui tant de criminels n'a pas été étendue jusqu'à Lui !
[Sensation profonde.)
C'est pourquoi les trônes ont croulé les uns après les au-
tres ; et — soyez-en convaincus— la France n'aura pas un gou-
vernement stable tant qu'elle n'aura pas rappelé de l'exil le
28 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
divin condamné qui est la pierre angulaire des trônes. [Vifs
apvlaudissements.)
Je demande pardon à nos hôtes éminents d'insister sur la
situation malheureuse de leur patrie. Si je les afflige, qu'ils
veuillent bien croire que nous en souffrons nous-mêmes, que
la France a été notre mère, que nous l'aimons toujours, et
que c'est naturellement dans son histoire que nous cherchons
des enseignements, suivant la grande parole que nous rappe-
lait hier un prince de l'Eglise : interroga majores tuos cl di-
cent tibi.
Permettez-moi donc encore quelques mots sur Fétat social
de notre première mère-patrie.
Pendant mon séjour à Paris, un soir du mois de mars 1876,
je m'arrêtai sur le pont de la Concorde, et voici le spectacle
que je contemplai.
En face de moi, dans un lointain sombre, j'apercevais au
fond de la rue Royale la belle et grande église de la Made-
leine. Derrière moi, tout près de la Seine, le Corps législatif
dressait ses lourdes colonnes. A droite, au-dessus des grands
arbres, surgissaient les Tuileries abandonnées et partiellement
démolies ; à gauche, le Palais de l'Industrie où se faisait une
exposition industrielle.
Ce qui animait ce tableau, c'était la multitude de lumières
qui scintillaient partout. Les unes s'allongeaient en lignes
symétriques à perte de vue de l'ile de la Cité jusque sur les
hauteurs dePassy ; d'autres s'étendaient en groupes épars sur
la Place de la Concorde et dans les Champs Elysées. Les unes
étaient immobiles comme les étoiles fixes du firmament, les
autres marchaient, couraient, se croisaient dans toutes les di-
rections et sillonnaient l'obscurité de leurs rayons rouges,
bleus, verts ou blancs.
Il me sembla que ce tableau était une image parfaite de la
position du peuple français et de presque toutes les nations
modernes.
La Madeleine, c'était l'Eglise catholique ; le Corps législatif,
c'était l'Etat. Les deux pouvoirs étaient en face l'un de l'autre,
mais au lieu d'être unis comme ils devraient l'être dans ^ une
DISCOURS DE M. A. B. ROUTHIER. 29
société bien organisée, je les voyais séparés par un fleuve, que
les préjugés, les passions et les vices avaient creusé. La sépa-
ration pourtant n'était pas complète, et le pont jeté sur le
fleuve pour les réunir me rappela le concordat : " Il en por-
tait presque le nom." (Applaudissements.)
Les réverbères immobiles symbolisaient les vérités de la
foi, les dogmes catholiques, qui, sans varier, éclairent toujours
ceux qui ne ferment pas obstinément les yeux.
Les fanaux ambulants et de couleurs diverses, c'étaient les
opinions des hommes, leurs systèmes, leurs utopies, leurs
programmes. C'étaient les politiques arborant pour parvenir
à leur but, tantôt une couleur, tantôt une autre, et tantôt
plusieurs couleurs à la fois. (Rires.)
La Place de la Concorde, c'était bien l'endroit où ils de-
vaient se rencontrer. Mais qu'ils étaient loin de s'entendre, et
que leurs langage^ étaient différents ! La Concorde ! J'en
voyais bien la place, mais je cherchais vainement la cliose.
Je ne la trouvais ni entre l'Eglise et l'Etat, ni entre les gou-
vernants et les gouvernés, les classes dirigeantes et les classes
ouvrières, que les Tuileries et le Palais de l'Industrie me sem-
blaient représenter !
Puis au milieu de cette grande place vide de concorde,
j'apercevais à l'endroit même où s'éleva la guillotine en 93,
l'obélisque de Louqsor, placé là on ne sait pourquoi, peut-être
pour cacher l'ineffaçable tache de sang du régicide, ou pour
représenter le doigt vengeur des victimes, dressé vers le ciel
pour en faire descendre la foudre ! (Appl.)
Messieurs, ce tableau peu flatteur, mais sincère, doit nous
apprendre que pour avoir la paix sociale et la stabilité des
pouvoirs, il faut faire à Dieu une place proportionnée à sa
grandeur, et non pas le reléguer dans un petit coin de la
patrie.
Donc, Messieurs, place à Dieu dans nos institutions et dans
nos lois ! Place à Dieu dans nos codes, dans nos mœurs et
dans nos sphères politiques, et notre pays sera paisible et
grandira dans l'harmonie.
30 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
III
Tout ce que je viens de vous dire, messieurs, est vrai pour
toutes les nations et appliquable à chacune d'elles. Mais il y a
des peuples auxquels Dieu impose une obligation plus rigou-
reuse de rester étroitement attachés à la foi. Il y a des peuples
qu'il se choisit lui-môme, qu'il forme pour ainsi dire avec
plus de soin, sur lesquels il veille avec une sollicitude plus
paternelle et auxquels il assigne une mission spéciale. Tel a
été le peuple juif, telle fut la nation française et tel est le
peuple canadien-français.
Il est le Benjamin de la grande famille humaine, et si vous
étudiez attentivement son origine et son histoire, vous y
verrez qu'il a été l'objet des prédilections de Dieu. Je n'hésite
pas à dire qu'il n'y a pas une nation qui puisse montrer à son
origine des gloires aussi pures que celles qui entourent notre
berceau. >
Pourrait-on nommer un marin d'une foi plus vivace, d'un
caractère plus élevé, d'un génie plus pénétré de sa mission
que l'admirable Jacques-Cartier ? Pourrait-on citer un décou-
vreur qui ait pris possession d'une terre nouvelle d'une ma-
nière plus chrétienne et qui ait plus clairement manifesté sa
volonté de la donner à son roi et au Christ ?
Y a-t-il un fondateur de ville dont la vie soit plus irrépro-
chable, dont l'âme soit plus noble et plus éclairée que le fon-
dateur de Québec, qui avait l'énergie d'un marin, le courage
d'un soldat, le génie d'un chef de peuples et avec cela la chas-
teté d'une vierge ?
Quel chevalier fut jamais choisi d'une manière plus provi-
dentielle et se montra plus digne de sa mission que le chevalier
de Dieu qui fonda Ville-Marie ?
Où trouverons-nous un évoque plus illustre par sa nais-
sance et sa distinction, par ses talents et ses vertus, par son
zèle apostolique et ses bienfaits, que Mgr de Momorency-
Laval, dont l'esprit et le génie survivent dans les continuateurs
de sa mission, et dont l'œuvre monumentale se déploie sous
vos yeux et promet d'être immortelle ? {AppL)
DISCOURS DE M. A. B. ROUTHIER. 31
Et si à côté des fondateurs de villes et de séminaires je vou-
lais ranger les fondatrices de monastères et de couvents,
quelles vertus célestes n'aurais-je pas à vous faire admirer
dans ces femmes courageuses qui venaient réclamer leur part
de la moisson des âmes dans cette vigne nouvelle que la
France et l'Eglise avaient plantée aux bords du St-Laurent !
Mais toutes ces origines de notre pays vous sont connues, et
personne n'oserait maintenant révoquer en doute leur carac-
tère profondement religieux. C'est au soleil de la foi que le
Lys a fleuri sur les bords du St-Laurent et c'est à l'ombre des
autels que notre nationalité s'est formée. {Appl.)
Les rois très-chrétiens et leurs envoyés, Jacques-Cartier,
Samuel de Champlain, M. de Maisonneuve, Mgr de Laval, les
fils de Loyola et les saintes femmes auxiliatrices de ces grands
hommes, tous n'avaient qu'un but éminemment religieux
dans l'établissement de la Nouvelle-France : ils voulaient
convertir et civiliser les tribus sauvages et former sur les
bords du St-Laurent une nation catholique.
Non-seulement la Providence a présidé à notre naissance,
et nous a montré dès lors le chemin que nous devions suivre ;
mais elle nous a protégés contre les ennemis à l'extérieur et à
l'intérieur, et quand elle a prévu que notre m^re elle-même
allait devenir la cause de notre perte, elle nous a violemment
arrachés de ses bras, et c'est quand nous pleurions d'être or-
phelins qu'elle assurait notre salut !
Etrange dérision des événements de ce monde ! La France
riait alors pendant que nos aïeux versaient des larmes amères
mêlées avec leur sang, et cependant c'est la France qui eut dû
pleurer parce qu'elle perdait la fille la plus dévouée, la plus
noble et la plus attachée à son prince et à son Dieu — tandis
que cette fille, en étant séparée de sa mère, avait le rare bon-
heur d'échapper à la révolution.
' Mais laissez-moi vous raconter plus longuement cette
époque lugubre de notre vie, et vous montrer ce que la Pro-
vidence des nations sait accomplir par la seule voix de ses
prêtres et de ses pontifes.
Laissez-moi vous démontrer, en mettant en regard cette
32 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
page douloureuse de notre histoire, et un chapitre de celle du
peuple Jnif, que les prêtres du vrai Dieu ne sont pas seule-
ment les protecteurs et les défenseurs de la nationalité, mais
qu'ils la sauvent encore lorsque les autres hommes sont im-
puissants et la voient s'éteindre dans une suprême agonie !
IV
Il n'y a probablement pas un peuple qui ait été plus cou-
pable que le peuple juif ; mais il n'y en a pas non plus qui ait
été plus châtié !
Aussi, son histoire est-elle la plus terrible "et la plus drama-
tique qui existe. L'on frémit et l'on s'indigne en parcourant
cette longue série de crimes et de châtiments dont la mono-
ton>3 devient irritante.
Lh page qui raconte l'offense est immédiatement suivie de
celle qui raconte la punition, et les deux acteurs de ce drame
palpitant, Israël et Dieu, ne se lassent pas, le premier de
pécher et de se repentir, le second de punir et de pardonner.
Un jour vient, cependant, où la miséricorde divine paraît
être lasse, où la justice semble frapper ses derniers coups.
[Sensation.)
Achab et Jézabel régnent dans Israël. Achab, plus méchant
que tous ceux qui furent avant lui, et Jézabel plus méchante
qu'Achab !
Ils ont abandonné les commandements du Seigneur et ils
servent Baal. Ils tuent les prophètes du vrai Dieu, et bientôt
il ne reste plus en face d'Achab et de ses 450 prophètes de Baal,
en face de l'infâme Jézabel et de ses 400 prophètes des bois
sacrés, il ne reste plus qu'un seul homme, Elle !
Et ce seul prêtre du vrai Dieu est plus puissant qu'eux tous!
Mais, ô mystère de la faiblesse humaine, voilà que tout-à-
coup le grand prophète lui-même paraît faiblir devant Jézabel
Cet homme qui ressemble à un dieu, qui vient de ressusciter
un mort, qui a fait descendre du ciel le feu et la pluie, qui
n'a pas craint la colère d'Achab et qui a tué ses prophètes de
Baal, cet homme tremble et fuit devant une femme !
Il s'en va dans le désert. Il marche pendant 40 jours
DISCOURS DE M. A. B. KOUTHIER. # 33
et 40 nuits, jusqu'à Horeb, la montagne de Dieu, et il veut
mourir.
Alors la terre tremble, un vent impétueux renverse les
montagnes et brise les rochers, un feu dévorant court sur la
terre, et soudain, dans le souffle d'une brise légère, la voix du
Seigneur se fait entendre :
" Que fais-tu ici Elie ? Retourne à Damas, va sacrer Hazaël,
roi de Syrie, et Jébu, roi d'Israël, va sacrer Elisée, prophète
en ta place ! "
Elie se ranime à cette parole. Il reprend sa mission, et le
peuple d'Israël, dont il n'y avait plus qu'à régler les funérailles,
est encore une fois sauvé, parce qu'il lui reste un prêtre pour
lui sacrer un roi et un prophète ! [Salves iV applaudissements.)
Ouvrons maintenant noire propre histoire, et retournons un
peu plus d'un siècle en arrière.
Quel spectacle de désolation et de deuil s'offre à nos regards!
Cette belle colonie française fondée par une population
d'élite CGt passée sous le joug de l'étranger. Son fier Montcalm
est mort. Son illustre général de Lévis qui ne fut jamais
vaincu est parti pour la France avec ses braves officiers et ses
troupes valeureuses. Son gouverneur, ses administrateurs, sa
noblesse, tous ses citoyens les plus marquants l'ont abandon-
née. Ses villes sont désertes. Les rues de Québec pleurent —
comme celles de Sion — parce qu'elle n'est plus qu'un amas de
ruines et de cendres, et les campagnes environnantes sont hor-
riblement dévastées. Les emplois publics sont distribués à une
nuée d'aventuriers incapables et de spoliateurs tyranniques.
La persécution est commencée ; les familles ruinées et déci-
mées par la guerre gémissent sous le joug de leurs nouveaux
maîtres. Il ne reste plus avec le clergé, ferme à son poste,
que quelques milliers d'agriculteurs disséminés dans les cam-
pagnes où régnent la misère et la consternation.
Sans doute, on avait eu déjà des jours mauvais; mais au-
dessus des nuages brillait toujours l'astre de l'espérance, et
l'aurore se levait pleine de promesses. Sa gloire militaire illu-
minait l'horizon, les lauriers remplaçaient les moissons dé-
vastées sur les champs de bataille, et lorsque l'on voyait aux
34 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUEBEC.
créneaux de la citadelle flotter le vieux drapeau blanc, revenu
de Carillon criblé de balles, on se disait qu'un jour ce glorieux
étendard se promènerait vainqueur de l'Atlantique au Pa-
cifique. {Vifs applaudissements.) ■
Hélas î ces espoirs chimériques sont désormais évanouis.
La France a abandonné le chamj e bataille ; les chefs sont
partis pour ne plus revenir, et la victoire elle-même, au mo-
ment décisif a trahi le vieux drapeau. La gloire est défaillante
et l'espérance est morte !
O ma patrie ! Est-ce bien toi que je vois ainsi réduite ? N'y
a-t-il plus vraiment aucun espoir, et le tombeau est-il à jamais
scellé sur ton existence ? (Sensation profonde.)
Non ; car au fond du sépulcre où tu pleures tes chefs ab-
sents et tes enfants massacrés, la voix du prêtre s'est fait en-
tendre, et elle t'a dit, comme le Christ à Béthanie : " Lazare,
lève-toi et marche. "
Et tu t'es levée, et tu as regardé l'horizon ; et la voix consola-
trice a continué :
'' Si tu ne vis plus pour la France, tu vivras pour Dieu ! Tu
ne verras plus sur tes murs le drapeau fleurdelisé, mais tu
gardes tes autels : j'y baptiserai tes enfants, j'y marierai tes
fils et tes filles et le Ciel bénira et multipliera ta postérité. "
Voilà, messieurs, ce que la religion peut faire jt ce qu'elle a
fait.
Elle ressuscite les peuples morts ! Elle transforme les vain-
cus en vainqueurs î A l'heure où tout semble perdu, elle met
sur leurs lèvres un hymne d'espérance et ils reprennent leur
marche vers le but divin. [Applaudissements prolongés.)
Il n'y a que Satan et ceux qui le suivent qui soient d'éter-
nels vaincus ! Le Christ et ses frères sont vainqueurs pour
l'éternité ! Ils montent au Calvaire, on les croit morts et ils
vivent ! [Salve d'Appl.)
Quelle conclusion tirerons-nous maintenant de tout ce que
je viens de dire ?
Je vous ai montré l'action de Dieu à notre berceau, la Pro-
DISCOURS DE M. A. H. ROUTHIER. 35
vidence choisissant au milieu d'un peuple choisi, des âmes
d'élite et leur inspirant la vocation ih) fonder ici une France
nouvelle entièrement et uniquement dévouée à la foi catho
lique.
Je vous ai dit comment l'église avait veillé sur ce peuple
naissant et l'avait préservé do mille da^igers, et comment enfin
son clergé toujours vigilant et dévoué, était resté seul à son
chevet de mourant, dans les grands jours d'épreuve, et l'avait
arraché à la mort.
De ces prémisses qui sont inébranlables au point de vue
historique, je conclus que Dieu a vraiment fait alliance avec
nous en Amérique, comme il l'a faite en Europe avec la
Franc 3 et comme il la fit avec le peuple juif avant l'ère chré-
tienne.
De ce pacte mystérieux mais réel découlent des obligations
pour les deux parties contractantes. De la part de Dieu, c'est
l'assistance, la protection et toutes les garanties de stabilité,
de bien-être social et de gloire. De notre part, c'est l'atta-
chement inébranlable à notre foi, la docilité aux enseigne-
ments de l'Eglise, l'union et l'harmonie entre les pouvoirs
ecclésiastique et civil.
La France avait un autre devoir découlant de son alliance :
c'était de défendre l'Eglise dans le danger ; et vous savez que
lorsqu'elle y a manqué, elle a toujours senti le contrecoup
des malheurs de l'Eglise. Il est possible que Dieu nous des-
tine à ce rôle dans l'avenir comme notre ancienne mère-patrie,
et c'est un des événements les plus glorieux de notre histoire
d'avoir pu déjà figurer à côté de la France dans les armées de
l'Eglise.
Il y a dix ans que le pontife de Rome a vu ce spectacle ma-
gnifique : la mère et la fille unies dans le même amour et le
môme dévouement, traversant les mers pour la défense de la
même cause et devenant toutes deux sentinelles du Vatican !
La mère enseignant à sa fille le dur métier des armes qu'elle
a pratiqué pendant tant de siècles, et la fille rappelant à sa
mère la foi ardente de ses jeunes années ! {AppL)
Ce souvenir vous fait tressaillir et produit sans doute un
36 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
gonflement d'orgueil dans vos poitrines. C'est un bonheur
pour moi de vous le rappeler en ce moment où j'aperçois
réunis nos excellents zouaves. Honneur à eux puisqu'en of-
frant généreusement leur vie à l'Eglise de Dieu, ils ont ratifié
et sanctionné de nouveau le pacte sacré qui nous unit à elle.
Fils d'un peuple qui, plus qu'aucun autre, a gardé le senti-
ment de l'honneur, respectons toujours les engagements pris
par nos pères !
Ne commettons jamais la faute de décliner ce pacte divin
qu'ils ont signé de leur sang, et soyons assurés qu'il entre-
tiendra toujours au fond de nos cœurs cette pure flamme du
patriotisme qui, comme le feu sacré des vestales antiques, pré-
sage, quand elle ne s'éteint pas, le bonheur et la gloire des
nations! [Triple salve cVa^rplaudissemcnts et bravos prolongés.)
M. Claudio Jannet, professeur à l'Université catholique de
Paris, termina la séance par un discours remarquable sur le
sujet suivant : du rôle des classes riches dans les sociétés moder-
nes. Nous regrettons de n'en pouvoir donner qu'un simple
rapport sténographique.
DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET.
MesseigneurSy Excellence^ Mesdames^ Messieurs.,
A l'ouverture de ce Congrès, votre éminent président vous
disait, dans un excès de courtoisie pour ses hôtes, que la supé-
riorité dans la littérature et l'éloquence resterait toujours à la
vieille patrie. Qu'il me permette de ne pas accepter cette pa-
role et de lui dire qu'il s'est en quelque façon donné un dé-
menti à lui-même. Ne vient-il pas de vous prouver, et d'autres
orateurs avec lui ne vous ont-ils pas prouvé, que le Canada n'a
rien à envier à la France sous le rapport de l'éloquence ? Ah î
sans doute, vous regrettez tous justement que M. de Mun et M.
DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET. 37
Lucien Brun n'aient pu se rendre à votre invitation, mais il y
a sur votre sol béni des voix qui se font les nobles interprètes
de votre foi, des v«ix qui célèbrent dignement vos magnifiques
institutions, qui affirment la langue de la mère-patrie, et par-
dessus tout redisent ce langage admirable de la religion que
l'on ne saurait oublier lorsqu'on l'a une fois entendu dans la
touche de M, Routhier. [Applaudissements.)
J'ai à vous parler du rôle que doivent jouer les classes
riches dans la société. Grave question, messieurs. Question
de l'intérêt le plus pratique, et dont la solution, vraie ou
fausse, doit influer nécessairement sur la paix intérieure
d'une nation et sur son avenir. Mais ici déjà je ne puis oublier
qu'un de vos meilleurs écrivains, M. Etienne Parent, a traité
ces questions, il y a une vingtaine d'années, avec toute la pré-
cision que comportait l'état actuel de la science, et aussi avec
une élévation de pensées et une générosité de sentiments qui
assureront toujours à ses écrits une haute valeur. Vous n'en
devez pas moins être félicités, messieurs, pour avoir repris
cette question sur le programme de votre Congrès catholique.
Où pourrait-elle en effet être mieux traitée que dans cette réu-
nion où l'Episcopat dans ses plus éminents représentants et la
société civile dans ses membres les plus généreux s'entendent
pour examiner le présent, préparer l'avenir et traiter les
grands intérêts de la patrie et de la religion t Je vous félicite
donc, messieurs, et je souhaite que les congrès catholiques
qui suivront certainement celui qui réussit si bien aujour-
d'hui, continuent les études que nous inaugurons en ce
moment.
La question que j'ai à traiter est éminemment du ressort
de l'enseignement catholique. Notre religion, dans sa man-
fuétude toute divine, cette religion qui s'appelle si bien la
loi de charité, a toujours porté sa sollicitude maternelle sur
les pauvres, sur ceux qui souffrent et ont faim. Bien loin
d'être éliminée de ce champ d'action par les progrès sociaux
3
38 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
la marche des sociétés modernes, les périls qu'elles rencontrent
dans leur route, les souffrances nouvelles qui viennent dans
le sein des nations les plus prospères faire un si douloureux
contraste avec l'accroissement de la richesse, tout cela fait de
l'intervention de l'Eglise dans les rapports économiques une
nécessité plus grande que jamais, une question de vie ou de
mort pour les nations.
Les revendications socialistes qui viennent périodiquement
troubler la paix des nations les plus riches du vieux monde,
et qui, il y a trois ans, avaient un si douloureux écho dans la
sanglante guerre des chemins de fer aux Etats-Unis, témoi-
gnent assez des dangers que courent les peuples qui ne font
plus à Dieu et à son Eglise, dans leurs institutions et dans
leurs mœurs, la place qui leur est due.
L'inégalité des richesses et la profonde différence des condi-
tions sociales qui en est la conséquence sont un fait sur lequel
les théoriciens peuvent discuter, mais qui, comme fait, s'impose
depuis le commencement du monde. On doit même constater
que cette inégalité va en s'accentuant à mesure que les sociétés
deviennent plus riches. L'égalité existe beaucoup plus dans
l'état sauvage que dans l'état civilisé, mais cette égalité est
une égalité de niisère et de dénuement. Les progrès des arts
entraînent au contraire par le jeu de la liberté humaine une '
inégalité croissante de richesses. La condition des hommes qui
restent au dernier rang n'est pas empirée en elle-même ; ils
ont plus de facilité pour gagner leur vie en étant entourés de
gens riches : c'est là un fait d'expérience journalière et qui
justifie, au point de vue de la raison, l'ordre naturel des socié-
tés. Mais la froide raison n'est pas seule à agir dans l'homme ;
avant tout il sent, et le contraste entre la condition de ceux
qui vivent du produit de la richesse héréditaire ou des pro-
fessions libérales et le sort de ceux, bien plus nombreux, qui
gagnent leur vie littéralement à la sueur de leur front, au jour
le jour, par un travail manuel, ce contraste soulèvera toujours
un problème douloureux, impossible à résoudre pacifiquement
si l'on ne remonte aux principes généraux de tout l'ordre des
choses.
DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET. 39
Or, ici, deux doctrines sont en présence : la doctrine du ra-
tionalisme et celle du christianisme.
Je voudrais dans cet entretien vous montrer la différence de
ces ucux doctrines, t ensuite indiquer la nature et la mesure
du bonheur tempo: ci que la pratique des enseignem its du
christianisme peut assurer aux sociétés.
II
La doctrine rationaliste ou libérale, comme elle s'appelle
quelquefois elle-même par une étrange usurpation, part du
principe que l'homme est en lui-môme la source de tous les
droits, et que la liberté, c'est-à-dire la faculté assurée à chacun
de chercher son propre avantage, de faire valoir ses aptitudes,
suffit complètement aux sociétés. Une fois la richesse consti
tuée, c'est à chaque homme, dit-elle, à en jouir comme il l'en-
tend. Lui seul en est la source, lui seul doit en bénéficier.
Un économiste de grande valeur, J. B. Say, a exprimé cette
doctrine en termes très précis : " Nos satisfactions, dit-il, nais-
sent de nos besoins ; plus l'homme multiplie ses besoins et les
occasions de les satisfaire, plus il multiplie ses jouissances, plus
il devient homme... La modération dans les désirs ne peut
être que la vertu des moutons. " [Rires.)
Assurément, messieurs, je ne veux pas méconnaître ce qu'il
y a de vrai dans cette affirmation du droit de chacun de re-
chercher son avantage propre ; c'est là le grand ressort du
monde économique,et ce sentiment aussi vif qu'il est indestruc-
tible, sauf chez quelques nations d'élite que séduit le divin
attrait des conseils évangéliques, ce sentiment dis-je, a été
mis par Dieu dans le cœur de chaque être pour que la créa-
tion fut conservée. Je ne veux pas non plus méconnaître la
légitimité de la hiérarchie sociale qui en découle ; ma' s com-
bien cette vue de l'ordre des sociétés est incomplète, combien
elle est insuffisante ! Voye '^n effet comment, dans la doctrine
rationaliste ou libérale, à mesure que le développement de la
richesse matérielle est assurée au profit de quelques individus,
les sentiments de bienveillance entre les hommes et l'har-
monie sociale sont sacrifiés !
' 40 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
f
Qu'importent les libertés politiques et l'égalité civile devant
ce grand fait de l'inégalité économique, si l'autonomie seule
de l'individu doit présider à l'usage de la richesse ? L'abolition
des privilèges de droit n'est qu'une illusion devant l'accroisse-
ment des privilèges de fait, et la richesse accumulée est, vous
le savez, une immense source de pouvoir dans les sociétés les
plus démocratiques en apparence. {Très-bien !)
Le peuple est la première dupe de cette formule si pleine de
prestiges de liberté^ égalité et fraternité, là où elle ne reçoit pas
une interprétation chrétienne.
La liberté n'est en effet que le droit pour le riche nourri
dans les doctrines du rationalisme de tirer tous les avantages
possibles de sa situation ; l'égalité est une dérision qu'il jette
au pauvre en l'engageant à devenir riche lui aussi s'il le peut.
La vraie fraternité est ainsi radicalement détruite, et il y a
telle de nos sociétés démocratiques modernes qui en est en
réalité beaucoup plus loin que les sociétés anciennes que
l'ignorance confond sous le terme général de temps féodaux ou
d'ancien régime.
La liberté ne se suffît donc pas à elle-même, suivant une
parole célèbre. La liberté est un mode d'action nécessaire à
l'homme pour qu'il puisse remplir ses devoirs, accomplir
l'œuvre du bien à laquelle Dieu le convie ; mais elle n'est en
somme qu'une négation de l'obstacle ou de la contrainte ; elle
n'est pas un principe de vie, et une société qui ne demanderait
pas l'impulsion à une force supérieure, aboutirait fatalement,
au bout d'un certain temps, au despotisme ou à l'anarchie qui
n'est qu'une forme du despotisme, car elle est toujours l'op-
pression du faible.
Ne l'oublions pas, l'idée de rhomme constitué comme son
propre maître et son propre auteur ne nous ferait voir que
des droits. Or, les rapports des hommes en société doivent
nécessairement avoir pour base le devoir. C'est donc encore à
Dieu que nous devons remonter, à ces grandes lois des rap-
ports entre le Créateur et la créature, aux relations du ciel et
de la terre. Mais, ces devoirs, qui les précisera ? Ces obliga-
tions corrélatives de la richesse qu'affirme instinctivement
DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET. " 41
la conscience des peuples, qui les précisera ? Sera-ce l'Eglise
ou le socialisme ? voilà la question.
Faire passer la richesse dans toutes les classes de la société,
rendre égal le bien-être des uns et des autres, voilà les préten-
tions du socialisme. Or, ce ne sont que de stériles et vains
rêves. Car il veut obtenir avec les jjassions humaines et en
lâchant la bride à toutes les convoitises les prodiges de vertu
que le Christianisme obtient seulement de quelques âmes
d'élite. Les moyens pratiques que proposent les systèmes
socialistes pour donner le bonheur à tous et réaliser l'égalité
sont absolument irréalisables. Pût-on même y parvenir, ce ne
serait encore qu'un fantôme de l'égalité : le Christianisme est
le seul qui a donné la vraie égalité. L'égalité du socialisme
ne peut être que l'égalité dans l'oppression et la destruction.
Il veut supprimer ce qu'il y a de vrai et de légitime dans le
sentiment personnel qu'affirme justement l'école économique
libérale, mais qu'elle a le tort d'isoler et de ne pas compléter
par une notion supérieure.
Ouvrons, messieurs, ce livre admirable que nous pouvons
bien appeler divin, la Somme de St-Thomasd'Aquin, et voyons
au début ! Comment l'homme est-il dans ce monde ? A-t-il pu y
être par lui-môme ? Non. Mais s'il a un Créateur, il a une
fin en dehors de lui. Sont-ce les richesses, la gloire, les
jouissances? Toujours le témoignage de la raison et l'expé-
rience du genre humain répondent que ces choses, quoique
désirables, ne peuvent être que des fins subordonnées à une
autre fm supérieure. Quelle est cette fin? C'est Dieu! Dieu
est cette fin sublime ! Toutes les forces de l'homme, toutes ses
aspirations, toute son activité en un mot, doivent donc tendre
vers cette fin. Ce que saint Thomas dit, dans ce sublime langage
qui s'imposera toujours à l'admiration des philosophes, l'Eglise
le répète sous une autre forme aux plus humbles intelligences
dans ce livre qui a nom le Catéchisme et qui réalise la morale
du prophète, en donnant la sagesse aux petits, en illuminant
toutes les intelligences. La première réponse du catéchisme :
Nous sommes dans ce monde pour connaître Dieu, l'aimer, le
servir, et par ce moyen mériter la vie éternelle, cette réponse,
42 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
dis-je, contient en principe la solution de ce grand problème
de la richesse et de l'inégalité des conditions sociales.
La doctrine chrétienne a toujours affirmé, dans les premiers
Pères de l'Eglise, que la richesse était légitime, parce que son
acquisition est la suite du travail soit personnel soit des géné-
rations précédentes qui ont eu le droit incontestable de trans-
mettre les fruits d'un travail qu'aucune force au monde
n'aurait pu les empêcher de consommer elles-mêmes.
Dès le deuxième siècle, saint Clément d'Alexandrie proclame
la légitimité de la richesse contre des hérétiques qui préten-
daient trouver le communisme dans l'Evangile ; mais en
même temps il fait connaître aux heureux de la terre leurs
devoirs envers les pauvres, " les richesses, dit-il, doivent être
comme des instruments pour le bien."
Ecoutez encore cette grande parole de saint Basile, cité par
saint Thomas : " 0 riche, pourquoi es tu dans l'abondance et
ton frère dans la détresse, si ce n'est pour que le pauvre soit
secouru, et que toi-même, par cette sage dispensation, tu ac-
quières le Ciel."
Voilà le principe posé : la richesse n'est pas un instrument
de jouissance personnelle. Elle doit être aux mains du riche
un instrument pour le bien. Sa mission est une mission de
dispensation. De là découle une certaine prééminence sociale
qui est conforme à la nature et qu'on retrouvera toujours sous
les régimes politiques les plus divers.
Voyez en effet ce que dit saint Jean-Chrysostôme : " De même
que chaque artiste a son art, de même le riche doit s'élever
au-dessus de sa richesse, et faire ses égaux participants de
son bonheur terrestre ; il doit apprendre à faire l'aumône
aux pauvres, ce qui est le premier des métiers." [Applaudis-
sements.)
Admirez, messieurs, comment tout ce qu'il y a de vrai dans
la doctrine économique libérale, tout ce qu'il y a de louable
dans les projets de rénovation sociale se trouvent conciliés
dans cette magnifique synthèse formulée dès les premiers
siècles de l'Eglise. Forts de ces autorités, nous enlevons au
socialisme le prestige de sa formule, et je ne crains pas de dire
DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET. 43
que la richesse est pour le bien commun. Mais il faut entendre
cette parole dans son vrai sens catholique et social.
Ne Toubliez pas, le Christianisme n'a pas été un système
philosophique : il est une organisation vivante, car il a en lui
les principes supérieurs de vie ; toujours une féconde pratique
a suivi ses enseignements. v -
Vous n'avez qu'à jeter les yeux, messieurs, sur les vieux
pays catholiques des siècles passés, et vous verrez les devoirs
imposés aux classes qui possédaient la richesse héréditaire.
Elles étaient, par exemple, tenues au service militaire ; chacun
contribuait dans la mesure de ses forces à la sécurité com-
mune ; et de là est née cette institution magnifique qu'on
appelle la chevalerie, qu'on peut bien railler aujourd'hui, mais
qui n'en demeurera pas moins admirable aux yeux de tous les
siècles par son héroïsme, sa foi ardente, et son vaste esprit de
charité. Jusqu'en 1789, cette grande institution du service
presque gratuit par la noblesse est restée le fondement de
notre organisation militaire. De nos jours encore, en Angle-
terre, le vieux principe chrétien que richesse comme noblesse
oblige, se retrouve dans ce service gratuit de l'administration
de la justice et du gouvernement local que remplissent si
dignement les familles de la noblesse et de la gentry. Nos
pays catholiques quoique bouleversés par la révolution offrent
encore de magnifiques restes de la pratique commune de la
république chrétienne.
Il y a eu de grandes choses dans le monde, messieurs ! Je
n'en connais pas de plus grandes que le service des pauvres,
l'enseignement, l'instruction des classes ouvrières par les
riches.
Je pourrais jeter ici un coup d'œil sur tout ce que les hautes
classes ont fait en Europe pour le bien public et spécialement
pour l'instruction nationale,je pourrais vous redire la fondation
de nos grandes universités, de nos collèges, de nos écoles
populaires, les opulentes dotations de nos Hôtels-Dieu ; mais
j'aime mieux vous rappeler la plus belle page de notre histoire,
la fondation de la colonie du Canada. Elle n'a pas été seule-
ment l'œuvre de la royauté, elle a été aussi celle de la noblesse
44 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
française, des hauts dignitaires du clergé qui avaient les plus
grandes vues d'avenir e* ne craignaient pas de s'imposer des
sacrifices pour les réaliser. On vous redisait hier comment les
grands seigneurs du temps de Louis XIII et de Louis XIV
tenaient à honneur de contribuer par des sacrifices de toute
sorte à la création de cette nouvelle France, qui devait con-
courir si puissamment au règne de Dieu dans le nouveau-
monde.
Et depuis que L Canada" a été séparé de la mère-patrie,
cette tradition n'a pas été perdue. Vos grands seigneurs ecclé-
siastiques, vos évoques, votre illustre séminaire de Québec,
vos Sulpiciens de Montréal ont dignement continué Tceuvre de
vos anciens seigneurs temporels, et c'est à leur générosité que
vous devez toutes les grandes œuvres d'utilité publique qui sont
l'honneur de la province de Québec. [Ajjpl.) Les murs mômes
ici, messieurs, leur rendraient hommage, si notre reconnais-
sance venait à défaillir.^i/?/).) Ces grands exemples sont toujours
suivis, et, dans une autre réunion, je recueillais avec bonheur
les beaux exemples donnés par les professeurs de droit et de
médecine des facultés de l'Université-Laval à Montréal. Qu'il
me sera doux de redire en Europe leur dévouement et leur
desintéressement. Ce ne sont pas les âges catholiques qui ont
eu besoin d'enlever par l'impôt des sommes énormes au peuple
pour élever un système coûteux d'instruction publique ; ce
n'est pas le Canada qui, pour assurer à chacun de ses habitants
une éducation à laquelle tous rendent hommage, a eu besoin
d'établir le principe vexatoire de l'éducation obligatoire.
On prétend, messieurs, aujourd'hui que la religion n'a pas
su faire assez pour les misères humaines, et l'on veut faire
reposer l'assistance des pauvres sur l'impôt. Or, c'est un fait
absolument acquis pour toutes les personnes versées dans la
science des finances qu'il n'y a pas de bon impôt s'il n'est pas
assis sur les larges masses. Tout impôt en dernière analyse
retombe sur le peuple. Et l'on prétend faire guérir le paupé-
risme en multipliant des impôts dont le dernier résultat est de
rendre les conditions générales de la vie plus difficiles pour
les classes laborieuses !
DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET. 45
Voyez. En Angleterre, au milieu de toutes les grandes
choses que ce pays a su faire, il y a une plaie douloureuse :
c'est la taxe sur les pauvres, c'est toute cette organisation
légale de l'assistance publique qui repose sur l'impôt, sur le
droit du pauvre à l'assistance et qui aboutit au régime du
workhouse. Tous les économistes dénoncent ce système ; mais,
depuis que le protestantisme a détruit les fondations de la
charité catholique, il est devenu une nécessité. Pour nous,
messieurs, nous soutenons nos pauvres. Nous n'avons jamais
connu la taxe des pauvres, à Dieu merci, et nous ne la connaî-
trons jamais, car tant que nos pays seront catholiques, la cha-
rité y débordera et y secourera toutes les misères. [Appl.)
Ce que je dis de la France, je le dis aussi de l'Espagne, du
Portugal et de l'Italie. C'est l'honneur de tous les pays catho-
liques que la charité volontaire y suffise largement à entrete-
nir les pauvres. Je pourrai dire la môme chose de l'instruction
publique ; car ce que nous voulons, ce à quoi nous travail
Ions, c'est la fondation de la grande famille chrétienne, c'est
le rapprochement du riche et du pauvre dans la charité, dans
l'œuvre aussi belle de l'instruction populaire.
Le christianisme a toujours su, selon les temps, mettre en
lumière les principes nécessaires à la conservation de l'ordre
social. Il n'a jamais confondu, comme le socialisme, dans une
vague phraséologie tous les intérêts et tous les droits. Saint
Paul nous a appris l'ordre qu'il faut garder dans l'exercice de
la charité : " Ayez soin d'abord, dit-il, de ceux qui vous sont
1er plus proches, maxime domesticorum suorum curam ha-
beaty
Dans votre Canada, messieurs, vous pouvez vous dire que
l'Eglise a conservé son action sociale. Dans nos pays d'Eu-
rope cette action divine est entravée aujourd'hui. Mais nous
n'avons qu'à ouvrir nos vieilles annales, nous y voyons avec
quelle précision l'Eglise y enseignait tous les devoirs sociaux.
Un ami dont je m'honore et dont le nom ne vous est pas in-
connu, M. de Ribbe, a montré comment tous nos anciens caté-
chismes rattachaient au IVe commandement de Dieu tous les
devoirs relatifs à l'ordre politique et économique, et en dédui-
46 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
saient les principes de dévouement paternel qui doivent exis-
ter dans les maîtres pour, les serviteurs et leurs ouvriers,
comme les devoirs de fidélité et d'exactitude de la part de
ceux-ci. Après un siècle de révolution, la science sociale, par
ses représentants les plus éminents, en revient aux enseigne-
ments du catéchisme.
Un homme illustre, M. Le Play, qui n'a pas porté au début
de ses études cette lumière de vérité qui l'a distingué depuis,
après avoir observé dans de longs voyages tous les pays de
l'Europe, en est arrivé à conclure que les dogmes de 1789, qui
posent en principe la bonté originelle de l'homme et l'égalité
absolue, sont des chimères dangereuses. Il ne peut pas y avoir,
dit-il, d'égalité absolue ; la société éprouvera d'effroyables ca-
taclysmes si les classes riches ne, prennent pas en mains le
patronage des classes pauvres. Il ajoutait de plus qu'il ne sau-
rait y avoir de dévouement et de bienfaisance si la religion
n'est pas la base de la société. C'est ainsi qu'un homme de
bonne foi par le témoignage des faits observés impartialement
a reconstruit de toutes pièces l'édifice de la science sociale !
Les enfants de l'Eglise ont agi pendant que les maîtres de
la science reconnaissaient et signalaient l'erreur du rationa-
lisme économique, et dans toute l'Europe ils travaillent au-
jourd'hui résolument à ce que l'on pourrait appeler la chris-
tianisation des rapports sociaux.
Je pourrais vous parler de ce qui s'est fait en Allemagne,
dans l'Allemagne catholique si providentiellement réveillée
sous la persécution de M. de Bismarck ; mais je laisse aux
futurs congrès catholiques du Canada le soin d'étudier les
belles œuvres de solidarité sociale sur le terrain des intérêts
catholiques entreprises par nos frères d'outre Rhin, et dont le
Westphalisches Bauern Verein., fondé par le comte de Schorrer
Almost, est avec ses 14,000 membres le plus beau modèle.
J'aime mieux, vous le comprenez, vous parler de la France,
vous parler de M. de Mun et de son œuvre admirable des
cercles catholiques d'ouvriers. (Appl.)
Vous connaissez sa magnifique devise : dévouement des clas-
ses supérieures aux classes laborieuses. Sur ce principe fécond
t
DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET. 47
se sont déjà élevés de nombreux cercles catholiques, des asso-
ciations professiouxi elles, qui, au sein d'une société fondée sur
la libei'té du travail, font revivre l'antique esprit des corpora-
tions d'arts et métiers toujours si chères à l'ouvrier. Ce sont
des associations d'agriculteurs, des banques populaires, etc.
Notre jeune noblesse française a répondu avec empresse-
ment à-l'appel chevaleresque de M. de Mun. Les sentiments
chrétiens n'ont jamais été éteints chez elle. Que mon ami
M. le juge Routhier me permette de le lui dire : il y avait de
grandes vertus en France dans toutes les classes de la société
môme au XVIIIe siècle. Oui, môme en 1760, il y avait de
nombreux châteaux qui pleuraient, (mouvement dans Vaudi-
toire), oui qui pleuraient, et de ces nobles maisons sont sortis,
en 1793, les Lescure, les LaRochejacquelin, les Bonschamp,
qui, en s'unissant aux laboureurs chrétiens, aux Gathelineau
et aux Stofflet, ont formé ces armées héroïques des Vendéens,
les premiers qui aient élevé au milieu des combats le drapeau
du Sacré-Cœur, les Vendéens, les premiers ancêtres de nos
zouaves et des vôtres, messieurs ! [Explosion d'enthousiasme ;
applaudissem,ents. Une partie de Vauditoire se lève ; on agite des
mouchoirs en l'air ; cris répétés de Vive la France ! )
Eh bien ! comme au temps des croisades, comme au temps
de la Vendée, notre jeune noblesse se rend à l'appel de M. de
Mun sur le champ du travail ; avec lui elle étudie, elle agit ;
elle cherche à refaire par un travail pacifique et persévérant
la paix sociale détruite par la Révolution.
A côté de lui et avec lui, M. Harmel, le célèbre industriel du
Val-des-Bois, a groupé près de lui neuf cents ouvriers ; il leur
enseigne les grands devoirs de la religion et les initie aux pre-
miers éléments de la science, tout en leur assurant par des
prodiges de vraie science économique un bien-être et un sa-
laire supérieurs à ceux des usines voisines, au milieu des po-
pulations industrielles de la Champagne ; il crée de nouveau
pour la patrie une race de Chrétiens et de Français. Il ne cesse
de le redire dans son beau livre de la Corporation chrétienne :
l'ouvrier n'est pas une force qu'on emploie et qu'on peut en-
suite rejeter ; c'est un frère en Jésus-Christ ; et par là-même il
48 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
VOUS livre le secret des merveilleux succès de son apostolat
social. {Appl.)
Go que M. Harmel fait, M. de Pavin de Laforge le fait pour
ses mille ouvriers du Theil ; des centaines d'autres, Le font dans
de moindres proportions et avec moins d'éclat, nuis travail-
lent avec le môme esprit et aussi sûrement pour la rénovation
de nos populations manufacturières.
Dernièrement tous les grands industriels du département
du Nord se sont réunis à Lille, et ont affirmé dans une décla-
ration solennelle que les souffrances dont se plaint actuelle-
ment l'industrie ne tenaient pas exclusivement à des ques-
tions de libre-échange ou de protection douanière, mais que
la source du mal était dans l'abandon de l'esprit chrétien par
les patrons et les ouvriers, et ils ont esquissé tout un pro-
gramme d'œuvres de bien moral et de progrès économique
pour leurs ouvriers.
Sans doute les questions sociales ne se posent pas au Canada
comme dans le vieux monde : Vous naissez à peine à la vie
industrielle ; mais le développement rapide de vos manufac-
tures ne peut manquer de poser un jour ou l'autre ces pro-
blèmes, et il est bon que vous soyez préparés à les résoudre dans
la forme et selon les procédés convenables à votre pays, mais
aussi selon les principes éternels de la doctrine chrétienne sur
les devoirs de la richesse.
En pratiquant ces principes, quelle somme de bonheur pou-
vons-nous promettre au peuple, voilà la question qu'il me
reste à étudier rapidement.
ni
Le Christianisme n'a jamais dit au peuple qu'il trouverait
le bonheur terrestre complet dans l'accomplissement des prin-
cipes qu'il proclame. Ce bonheur, il ne le lui promet que
dans la vie future, et cela ne peut s'obtenir qu'à la condition
de la souffrance dans la situation que le péché originel a faite
à l'humanité. Nous aimons le peuple ; nos efforts, nos luttes,
notre travail, nos projets, nos lois n'amèneront pas la richesse
■ DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET. 49
à tous, pas plus qu'aucun système socialiste ne pourrait jamais
supprimer la mort et la maladie, mais ils ont ce mérite de
pouvoir le consoler de toutes les souffrances. Quelque sage
que soit l'économie d'un pays, nous ne pourrons pas arriver à
rendre tout le monde riche, mais nous pourrons faire que
tout le monde accepte son sort et sa position. L'attente calme
et résignée d'une vie future, avec la suffisance des biens tem-
porels, voilà le bonheur que nous pouvons offrir.
Nous avons en France, messieurs, un vieux mot d'une vé-
rité profonde, et je suis certain de le retrouver parmi vous
qui avez su si bien conserver tout ce qui est français : • con-
tentement passe richesse."
Nous avons dans ce beau mot la solution de la question
fondamentale de l'économie politique. Comme ce mot est pro-
fond et comme un des révolutionnaires contemporains, le fa-
meux Lasalle, en comprenait la portée quand il écrivait à un
de ses complices avec un véritable esprit satanique : " La pre-
mière chose que nous ayons à faire, c'est de faire compren-
dre au peuple qu'il est malheureux ! "
Ne pas savoir qu'on est malheureux, n'est-ce pas presque
être heureux ?
Quels sont donc les biens promis dès ici-bas aux peuples qui
acceptent la condition naturelle des choses, tempérée par la
charité chrétienne et avec les espérances de la vie future ? Il
en est un très-grand, c'est ie sens du repos.
J'ai entendu dire par un grand esprit, le Père Gratry, qu'il
y a une chose que les hommes de notre temps ont encore plus
oublié que de travailler : c'est de savoir se reposer. Oh ! c'est
que le repos est une grande chose, messieurs ! Le repos n'est
pas l'ignorance, ni la paresse, ni l'inaction. Se reposer c'est»
faire comme cet homme qui après une semaine de travail
élève son âme à Dieu, qui entre dans une église, s'associe aux
cérémonies du culte, jette un regard sur le passé et l'avenir^
et qui oubliant les peines d'hier ne songe plus pour demain
qu'à l'espérance d'un bonheur infini. Voilà le vrai repos,
messieurs. {Appl.)
Relisez, si vous voulez savoir ce qu'est . * perte du sens du
50 PREiMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
repos dans nos sociétés, les pages mélancoliques écrites par
Stuart Mill, dans ses principes d'économie politique^ sur tout ce
qu'a de désespérant cette recherche de la richesse qui n'aboutit,
malgré tout le progrès des arts, qu'à rendre une somme plus
grande de travail nécessaire, et vous jugerez combien le car-
dinal Pecci, aujourd'hui N. S. Père le Pape Léon XIII, glo-
rieusement régnant, avait raison dans ses lettres sur la civili-
sation de s'élever contre le travail forcé de la femme et de
l'enfant auquel aboutit le régime manufacturier des peuples
modernes.
On nous objecte quelquefois l'inégalité de richesse des peu-
ples catholiques, en comparaison des peuples protestants. C'est
un vaste sujet sur lequel je ne puis faire que peu de remar-
ques à cette heure avancée. ..:
Le fait actuel dont on part, et qui repose sur la comparaison
des progrès manufacturiers et commerciaux de l'Angleterre,
est un fait spécial à ce siècle, et des questions de cette ampleur
ne peuvent pas être jugées d'après un fait qui n'a peut-être
qu'un caractère transitoire.
Au moyen-âge, sous la pleine influence de l'Eglise, les répu-
bliques italiennes, la Hanse germanique, les Flandres, ont été
les principaux foyers du développement économique. Jusqu'au
milieu du XVIIIe siècle la France dépassait de beaucoup
l'Angleterre comme puissance commerciale, et c'est elle qui,
en 1786, allait au-devant de la liberté des échanges comme la
nation la plus avancée.
Aujourd'hui, messieurs, on vous cite constamment l'exem-
ple des Etats-Unis : on l'oppose au Canada et aux pays espa-
gnols. Ah ! j'admire ce grand développement de la puissance
matérielle des Etats-Unis, mais je vous dirai : attendez la fin.
Qu'est-ce que deux générations dans la vie d'un peuple ? Il est
des peuples qui conservent longtemps en réserve leurs forces
vitales, d'autres qui les dépensent rapidement ; eh bien ! ce
sont les premiers qui finissent par l'emporter, car ce sont ceux
qui durent, et ils survivent souvent aux civilisations plus bril-
lantes. [Appl.) Je suis pour ma part, comme économiste, effrayé
du mouvement accéléré qui semble emporter les peuples mo
DISCOURS DE M. CLAUDIO JANNET. 51
dernes vers la création de la richesse ou plutôt vers Foccupa-
tlon des ricliesses naturelles que Dieu a ménagées aux
hommes mais qui ne sont pas inépuisables ; je suis surtout
effrayé d'un développement de la consommation de la richesse
qui va plus vite que la production. Je ne me rassure qu'en
voyant chez des peuples plus pauvres en apparence, des tré-
sors de fécondité, de frugalité, de vertus chrétiennes et en
môme temps des forces économiques. Le Canada est un de
ces pays que la Providence semble ménager pour l'avenir. Ne
vous en plaignez pas, messieurs ; ne vous laissez pas séduire
par les mirages d'une civilisation étrangère ; n'abandonnez
pas vos foyers. Ne faites pas comme ces Israélites infidèles
qui murmuraient contre Moïse en regrettant les commodités
de la vie en Egypte. ^
L'Egypte avec ses splendeurs matérielles avait subi bien des
conquêtes étrangères et elle s'était couchée dans une mort
dont elle ne s'est jamais relevée, tandis qu'Israël peuple de
pasteurs et d'agriculteurs, restait toujours maître de lui-môme,
et se préparait aux grandes choses auxquelles Dieu l'appelait.
Involontairement on pense au peuple de Dieu en voyant
par quelles merveilles la Providence a conservé la nationalité
canadienne. Ce ne peut ôtre sans un secret dessein ; ne lui
soyez pas infidèles en doutant de vous-mêmes. Restez, comme
jusqu'à présent, fidèles aux enseignements de l'Eglise ; vous y
trouverez, avec les espérances immortelles, ce bonheur paisible,
le seul compatible avec la condition humaine, qu'aucun pro-
grès économique ne pourrait à lui seul vous donner ; votre
race — la race qui survit aux générations — restera toujours
grande, toujours prête à servir la cause de Dieu dans ce mys-
térieux avenir pour lequel le Nouveau-Monde semble avoir
été appelé à la civilisation, et votre pays n'aura rien à envier
aux Egyptes modernes. {Applaudissements prolongés.)
Les applaudissements, les hourrahs les plus enthousiastes
ont maintes fois couvert la voix de l'orateur français, et, à la
suite de son discours, on lui fit une véritable ovation qui dura
52 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
plusieurs minutes. Lorsque le silence se fut rétabli, le prési-
dent donna le programme du Congrès et assigna sa place à
chaque commission. Ceci mit fin à la première séance du
Congrès catholique de Québec, et à l'une des plus belles
démonstrations qu'il soit donné de voir. Après la séance,
M. Jannet et M. Routhier reçurent les félicitations des évoques
présents et d'un grand nombre de personnes éminentes.
PREMIÈRE RÉUNION
DBS
BUREAUX DU CONGRES
A deux heures de l'après-midi, les trois bureaux du Congrès
se réunirent dans les salles que les directeurs du séminaire de
Québec avaient généreusement mis à la disposition des mem-
bres du Congrès. *
I— BUREAU DES CERCLES CATHOLIQUES.
PROCÈS-VERBAL DE LA 1ÈRE SÉANCE.
Assistaient à cette séance : MM. A. de Bonpart, Dr A. Der-
nier, Dr J. P. Boulet, J. B. Cloutier, Alfred Cloutier, Dr H,
E. Desrosiers, Jos. Desrosiers, Dr N. E. Dionne, P. V. Labonté,
N. Laçasse, l'abbé F. X. L^chance, C. C. de Lorimier, E. L. de
Bellefeuille, V. Livernois, P. Mackay, B. A. T. de Montigny,
A. Prendergast, T. A. Quinn, C. Thibault, C. Vincelette, E.
Tassé, R. P. Vallée.
M. G. C. de Lorimier est appelé à la présidence du Bureau.
Le Dr H. E. Desrosiers est nommée secrétaire.
Le secrétaire donne ensuite lecture de lettres d'adhésion
de la part de MM. E. Tassé, E. Mallet et de l'abbé J. N. Duguay.
M. Joseph Desrosiers, président de l'Union catholique de
Montréal et rapporteur pour cette société, donne lecture de
son rapport.
RAPPORT SUR L'ÉTAT ACTUEL DE L'UNION
CATHOLIQUE DE MONTRÉAL.
Lu par le président de cette association^ à la première séance du
bureau des cercles catholiques.
Messieurs,
Invité à vous faire connaître l'état actuel de l'Union catho-
lique de Montréal, je crois utile d'exposer d'abord en peu de
mots l'origine, la nature et la fin de notre société.
54 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
L'Union catholique de Montréal fut fondée en 1858 par les
révérends Pères Jésuites du collège Ste-Marie, sous les aus-
pices de Mgr Bourget, alors évoque de Montréal.
Il était alors devenu d'une extrême importance de remédier
aux maux que l'indifférence et les doctrines irréligieuses cau-
saient dans la classe instruite et surtout parmi les jeunes gens.
On comprenait la nécessité d'une œuvre qui, en premier lieu,
amenât les jeunes gens à la pratique des devoirs religieux, et
qui, en second lieu, leur inspirât un amour sincère pour
l'Eglise, et une adhésion ferme et entière aux principes qu'elle
proclame.
Dans ce but les Pères Jésuites invitèrent d'abord les
membres des professions libérales et du commerce à suivre les
exercices d'une retraite qui fut donnée spécialement pour eux
dans la chapelle du Collège, pendant la semaine sainte. Mgr
Bourget vint en personne clore les exercices de cette retraite
en donnant la communion pascale aux retraitants. Puis, à
la suite de ces pieux exercices eut lieu une première réunion
où le Père Vignon, alors supérieur du collège Ste-Marie,
esquissa le plan de la société que l'on voulait établir. Ce pro-
jet ayant rencontré l'approbation de tous, on procéda immédia-
tement à l'élection des officiers et à la rédaction de la consti-
tution. Cette constitution, quoique ayant subi depuis lors
plusieurs modifications, est cependant restée la même en ce
qui regarde le but de la société et les moyens qu'elle emploie
pour parvenir à sa fin.
L'Union catholique est une société religieuse et littéraire.
Elle est surtout et avant tout, une société religieuse.
Son but principal fut, dès le commencement, et a toujours
été de faire connaître et pratiquer la religion catholique.
Comme nous venons de le voir, les fondateurs de la société
voulaient assurer parmi les jeunes gens de la classe instruite
l'accomplissement exact et fidèle des devoirs du christianisme,
et faire de ces jeunes gens des fils dévoués de l'Eglise.
. L'Union catholique devait lutter contre un ennemi terrible
que le jeune homme rencontre dès son entrée dans le monde.
Cet ennemi c'est le respect humain.
• RAPPORT DE l'union CATHOLIQUE DE MONTRÉAL. 55
L'Union catholique triomphe du respect humain en donnant
à ses membres l'occasion de faire profession ouverte de leur
foi, et en leur rendant plus facile l'accomplissement de leurs
devoirs religieux. Pour obvier aux difficultés que les étu-
diants éprouvaient à remplir le précepte de l'audition de la
messe, le dimanche, à cause de l'encombrement des églises.
l'Union catholique a mis longtemps la messe au nombre de
ses exercices. La retraite de Pâques, qui a vu naître notre
société, continue à être donnée tous les ans. A part cette
retraite, il y a encore, chaque armée, un triduum préparatoire
à la fête de l'Immaculée Conception (fête patronale de la
société). Il y a communion générale ce jour-là, ainsi qu'au
jour du pèlerinage annuel qui se fait, pendant le mois de mai.
à l'un des sanctuaires de la Sainte-Vierge.
Comme société religieuse, l'Union catholique est une véri-
table congrégation, agrégée à la congrégation prima primaria
de Piome. Ses membres jouissent de tous les privilèges
accordés par l'Eglise aux congrégations. Deux fois par année
ils renouvellent solennellement leur acte de consécration à
l'Immaculée Vierge Marie.
C'est ainsi que l'Union catholique met ceux qui en font
partie en état de combattre le respect humain, et de conserver
dans leur cœur les germes de piété qui y ont été déposés par
l'éducation de famille et l'éducation de collège. Le courage
et la force que le jeune homme, seul et isolé, n'aurait pas, il
les trouve en s'unissant à des amis, à des frères, pour marcher
avec eux le front levé au devant da l'ennemi. La bravoure,
comme la peur, est contagieuse.
L'Union catholique est destinée à combattre encore un autre
ennemi. C'est l'erreur, qui s'efforce aujourd'hui par mille
moyens différents, par toute espèce de distinctions spécieuses,
d'isoler Dieu de la création, et de déchristianiser les sociétés ;
l'erreur qui prépare les voies à la révolution dans les esprits
et dans les cœurs, chez les individus et les nations, en bannis-
sant Dieu de partout : de la philosophie, des arts, de la littéra-
ture, des sciences, de la politique, etc.
L'Union catholique combat l'erreur par l'étude de la vérité,
56 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
c'est-à-dire par l'étude de la doctrine enseignée par l'Eglise,
seule dépositaire de la vérité. C'est pour cela que, société
religieuse, elle est en même temps société littéraire.
Les lettres ne viennent donc qu'en second lieu. La pratique
de la religion^ la diffusion des principes catholiques^ voilà la fin :
les lettres^ voilà le moyen. C'est ainsi que l'Union catholique
se distingue à la fois des sociétés dont l'objet est avant tout
littéraire ou scientifique, et des congrégations, qui ont pour
objets des exercices purement religieux.
L'Union catholique consacre la littérature, l'éloquence, les
arts et les sciences à la cause de la religion et de l'Eglise.
Organisation de la Société.
L'Union catholique de Montréal est sous la direction des
Pères Jésuites, du collège Ste-Marie. Cette direction a été
déclarée condition essentielle de l'existence de la société. Les
événements ont démontré la sagesse de cette mesure. Appuyée
sur une institution forte et durable, l'Union catholique a pu
résister à des épreuves qui auraient causé sa perte si elle n'eût
eu à compter que sur ses propres forces. Les Pères Jésuites en
ont fait leur œuvre de prédilection, et n'ont épargné, ni efforts,
ni sacrifices pour la faire réussir.
La société, dit l'art. 4 de la constitution, a pour directeur un
des Pères de la Compagnie de Jésus, lequel veillera à l'accom-
plissement des devoirs religieux, et prendra à cet effet les
mesures qu'il jugera les plus commodes. Il est de droit mem-
bre de tous le3 comités, et est l'intermédiaire entre la société
et les Pères Jésuites,
L'Union catholique se compose de membres actifs, corres-
pondants et honoraires (art. 13). Elle se recrute parmi les
membres des professions libérales et du commerce. Pour être
admis il faut présenter une demande par écrit, appuyée par
deux membres Si la demande est agréée, le pétitionnaire
peut être admis après un mois de candidature (art. 15, 16, 17).
La société agit et s'administre par un bureau de direc-
tion composé des officiers qui sont : le Père Directeur, un
président, deux vice présidents, un secrétaire, un assistant-
RAPPORT DE l'union CATHOLIQUE DE MONTRÉAL. S7
secrétaire, un bibliothécaire, un trésorier et six conseillers.
L'élection des officiers se fait tous les ans dans une assemblée
générale, à la majorité absolue des voix, et au scrutin secret,
s'il y a plusieurs candidats. La candidature est permise (art.
11). Les officiers peuvent être conservés dans les mêmes
fonctions, mais une fois seulement (art. 12).
Il est déclaré par la constitution, que la société étant une
-œuvre toute de dévouement, nul membre n'y est censé pro-
priétaire d'une part dans l'avoir commun ; ainsi il n'a droit de
rien réclamer, ni lui, ni ses ayant cause, lorsqu'il cesse d'être
membre (art. 49).
Les séances de l'Union catholique ont lieu tous les diman-
ches, à 2 heures de l'après-midi, excepté pendant les mois de
juin, juillet et août. Ces séances sont consacrées à la lecture
des travaux et à la discussion des sujets à l'ordre du jour.
Elles se terminent par le salut et la bénédiction du St-Sacre-
ment. ^
Etat actuel de la Société.
L'Union catholique de Montréal est parvenue à sa vingt-
deuxième année d'existence.
Gomme toutes les sociétés humaines, elle a eu ses jours de
gloire et ses jours d'épreuve, des alternatives de prospérité et
de malheur, de paix et de combat. Mais, grâce à Dieu, elle a
surmonté tous les obstacles, et elle poursuit son œuvre avec
courage et persévérance.
Elle compte aujourd'hui 126 membres actifs.
Elle possède une bibliothèque qui renferme au-delà de cinq
mille volumes.
Trente travaux environ sont présentés chaque année aux
séances de la société.
Ces travaux traitent en général des sujets sérieux et très
utiles. Ainsi, pendant le dernier exercice, nous avons entendu
neuf conférences sur des sujets d'économia sociale et politique,
trois dissertations philosophiques, six études historiques, cinq
conférences sur des sujets de science naturelle, une traitant
de la jurisprudence, et quatre de la littérature.
Je crois n'avoir pas besoin de rappeler le concours que
58 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
l'Union catholique a ouvert il y a deux ans, aux littérateurs
du Canada. L'année dernière elle a inauguré des soirées litté-
raires^ où le public est admis, et dont le but est de mieux faire
connaître notre société, et d'étendre ainsi son influence. Enfin
au commencement de l'année 1880, les membres les plus zélés
de l'Union ont fondé le Cer-cle d'études^ destiné à fournir les
travaux qui doivent être lus aux séances.
Tout cela prouve, je crois, que l'Union catholique est encore
pleine de vie et d'activité. Si ceux qui en font partie ne sont
pas aussi nombreux qu'on pourrait le désirer, ils sont animés
du meilleur esprit, et par leur conduite exemplaire, leur zèle
et l'union qui règne entre 'eux, ils se montrent dignes de la
cause qu'ils servent. Mais, ainsi que je l'ai déjà dit, et tout
en faisant la part qui revient de droit au zèle et à la bonne
volonté des unionistes, il convient de dire que le succès de
l'Union catholique est dû principalement aux Pères Jésuites
du collège Ste-Marie. Sans vouloir énumérer tous les ser-
vices qu'ils nous rendent, je rappellerai seulement qu'ils
mettent gratis à notre disposition leur maison et leur magni-
fique salle académique, et pourvoient aux frais de chauffage
et d'éclairage : qu'ils nous procurent chaque année Tinestima-
ble avantage de la retraite pascale et du triduum, et qu'enfin
un des Pères a pour mission spéciale, et pour occupation à
peu près unique la direction de l'Union catholique. Je puis
affirmer que ce n'est pas une sinécure.
L'Union catholique comprend parfaitement de quel avan-
tage est pour elle le patronage du collège Ste-Marie. Elle
accepte avec reconnaissance la tutelle de la Compagnie de
Jésus. Et quels guides plus sûrs pourrait-elle trouver ? Notre
société, ayant pour objet Vapologie de la religion^ et la diffusion
des principes catholiques^ ne saurait mieux faire que de s'ins-
pirer des leçons et des exemples de ceux qui, aujourd'hui, sont
les plus vaillants et les plus fermes défenseurs de l'Eglise, et
qui ont l'unique honneur d'être frappés les premiers par ceux
qui ont juré la ruine des institutions catholiques.
L'Union catholique croit avoir le droit d'affirmer qu'elle a
accompli sa mission, et qu'elle a atteint son but.
RAPPORT DE l'union CATHOLIQUE DE MONTRÉAL. 59
Elle a rendu service à la religion, à la famille, à la société,
à la patrie.
L'influence religieuse qu'elle exerce est incontestable. Nous
en avons la preuve dans le nombre de ceux qui viennent
chaque année suivre les exercices de la retraite pascale. A
plusieurs reprises les membres de l'Union catholique ont
témoigné solennellement de leur dévouement au chef de
l'Eglise. L'Evêque du diocèse sait qu'il peut compter d'une
manière absolue sur leur soumission et leur attachement.
Comme je l'ai dit, les séances constituent une suite non inter-
rompue d'instructions religieuses : chaque conférence tendant
à une môme démonstration, l'excellence du catholicisme.
L'influence de l'Union catholique sur la famille, pour être
moins apparente, n'en est pas moins réelle. En développant
la vie chrétienne, l'Union catholique développe et affermit la
vie de famille. Car rien n'est plus conforme à l'esprit de
l'Eglise que ces mœurs patriarcales qui malheureusement
menacent aujourd'hui de disparaître. L'Union catholique
détourne ses membres des amusements et des passe-temps qui
les attireraient en dehors de la famille, les dégoûteraient des
douceurs du foyer domestique, et leur feraient prendre des
habitudes de dissipation et de désordre.
L'Union catholique en faisant de ses membres de bons et
sincères chrétiens en fait nécessairement de bons citoyens.
Elle a pour but la diffusion des principes catholiques. Or,
le catholicisme seul a le secret du bonheur des sociétés et des
gouvernements. Seule l'Eglise infaillible donne la solution
de tous les problèmes qui agitent aujourd'hui les esprits.
La politique de parti est strictement bannie de cette
association, mais on étudie tous les jours l'économie sociale,
telle que traitée et enseignée par les meilleurs écrivains catho-
liques. Il est impossible que ces études et ces enseignements
n'aient pas une grande et heureuse influence. Que celui qui
en est une fois pénétré ait à remplir des fonctions publi-
ques, à jouer un rôle dans la politique, ou simplement à
exercer ses droits d'électeur, nous avons une garantie" qu'il
agira suivant les règles de la vérité et de la justice. De fait
60 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
«
plusieurs membres de notre société ont embrassé la carrière
politique, plusieurs sont journalistes, plusieurs occupent une
place distinguée dans nos parlements. Leurs paroles, leurs
écrits et leurs actes prouvent qu'ils s'inspirent de la doctrine
catholique, et qu'ils veulent appuyer il'édifice social sur les
principes fondamentaux définis et proclamés par l'Eglise.
Ce que l'Union catholique fait pour répandre les bons prin-
cipes, pour conserver la vie de famille, pour assurer l'empire
de la religion dans la vie publique aussi bien que dans la vie
privée, tout cela doit, en définitive, tourner au bien de la
patrie.
L'Union catholique le comprend, et dans sa pensée et son
intention elle réunit ces deux causes, l'Eglise et la Patrie.
Elle entend bien être une société nationale. Elle encourage
particulièrement parmi les travaux qu'on lui présente, ceux
qui se rapportent au Canada, à son histoire, à sa situation
actuelle, au rôle que la Providence lui réserve dans l'avenir.
L'Union catholique s'est fait un devoir de promouvoir de
toutes ses forces l'œuvre de la colonisation. Elle a été la pre-
mière à aider le Père Lacombe dans les efforts qu'il fait
pour établir au Nord-Ouest une population canadienne-
française.
La société de colonisation qui vient d'être établie dans le
diocèse de Montréal, n'a pas de membres plus zélés que les
membres de l'Union catholique. Ils ont répondu avec empres-
sement à l'appel de leur évoque, et ils sont fiers de trava'Uer
avec lui {au succès d'une entreprise qu'ils considèrent avec
raison comme étant d'une importance vitale pour notre pays.
Enfin je crois pouvoir dire que l'Union catholique rend
service aux lettres canadiennes. La littérature, il est vrai,
n'est pour cette société qu'un moyen d'arriver à une fin plus
élevée. Mais nous comprenons que la puissance de ce moyen
sera proportionnée au degré de perfection qu'il aura atteint.
De plus nous désirons naturellement assurer au Canada la
supériorité intellectuelle, et la gloire littéraire qui ont été le
glorieux apanage de notre mère-patrie, la France. L'Union
catholique veut donc être une école où l'on apprenne d'abord
RAPPORT DE l'union CATHOLIQUE DE MONTRÉAL. 61
à bien penser^ puis à bien dire^ afin de pouvoir bien faire. Le
public a pu apprécier le mérite des travaux lus dans nos
séances, et dont un grand nombre ont été reproduits dans les
journaux et les revues. Notre société s'est estimée heureuse
de prendre part à la convention littéraire qui s'est tenue à
Ottawa, il y a trois ans. Elle a aussi prouvé l'intérêt qu'elle
porte au progrés de notre littérature nationale par le concours
qu'elle a ouvert et dont il a déjà été fait mention dans ce
rapport.
L'Union catholique de Montréal n'a pas d'œuvre annexe.
Elle croit prudent de ménager ses forces, et de les concentrer
sur un unique objet.
Mais elle est loin de pratiquer l'exclusivisme, et elle voit
avec plaisir ses membres faire partie d'autres sociétés ayant
un objet différent du sien, mais agissant dans le môme esprit
qu'elle. Et je me fais un devoir de mentionner spécialement
les relations intimes qui existent entre l'Union catholique et
l'Union Allet. Un grand nombre des membres de cette der-
nière société font partie de la nôtre. Marchant sous le même
drapeau, travaillant, luttant, priant pour la même cause, il est
naturel que nos regards se cherchent, que nos mains se ren-
contrent dans une cordiale étreinte, et que nous nous prêtions
une mutuelle assistance. L'Union Allet se joint tous les ans
à l'Union catholique pour suivre les exercices de la retraite
pascale. A l'occasion de la mort du grand et saint pape Pie
IX, l'Union catholique et l'Union Allet ont agit de concert
pour faire célébrer dans l'église du Gésu un service funèbre
pour l'âme du vénéré pontife.
Et maintenant les deux sociétés sont encore heureuses de
se rencontrer dans cette assemblée, pour protester ensemble
de leur foi, de leur dévouement à l'Eglise, de leur soumission
au Vicaire de Jésus-Christ, et pour témoigner du désir ardent
qu'elles ont d'assurer le bonheur de notre patrie en y affer-
missant l'empire de la religion catholique.
J. Desrosiers,
Président de V Union catholique de Montréal.
62 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
M. P. V. Labonté, rapporteur pour le Cercle catholique de
Biddeford, Maine. E. U., donne verbalement le rapport de cette
jeune association dont il fait en même temps l'histoire.
RAPPORT DE M. P. V. LABONTÉ,
PRÉSIDENT DU CERCLE CATHOLIQUE DE BIDDEFORD
(MAINE, E. U.)
Monsieur le Président, Messieurs,
Les Canadiens-français de Biddeford, pénétrés de la nécessité
urgente qu'il y avait pour eux de s'unir plus étroitement dans
le but de sauvegarder les intérêts de la jeunesse canadienne-
française et catholique exposée à perdre sa foi au milieu
d'une population étrangère, résolurent, dans ce but, de fonder
une école essentiellement canadienne. Aidés du puissant con-
cours de Sa Grandeur Mgr l'évêque de Portland, ils réussirent
à atteindre leur but le 20 septembre 1878 ; et depuis leur école
a prospéré de plus en plus, sous la direction habile et constante
de leur digne curé, M. l'abbé Dupont.
Vers la même époque, les Canadiens de Biddeford enten-
dirent parler avec avantage du Cercle catholique de Québec,
du bien qu'il avait déjà opéré, des œuvres qu'il avait fondées.
Immédiatement ils se mirent en relation avec le président du
Cercle, i^. Vincelette, et fondèrent eux aussi un cercle catho-
lique doi *; la constitution est basée sur celle du Cercle de
Québec.
Le but principal que s'est proposé le Cercle de Biddeford a
été de favoriser l'éducation. Ce qui manque surtout aux
Canadiens des Etats-Unis, ce sont les écoles catholiques, et le
grand danger qui menace sans cesse la population canadienne
de cette partie de l'Amérique, c'est l'apostasie amenée par le
manque d'éducation. Au Canada on ignore généralement
dans quelle condition pénible la population canadienne-fran-
çaise des Etats-Unis se trouve placée sous le rapport de l'édu-
RAPPORT DU CERCLE CATHOLIQUE DE BIDDEFORD. 63
cation. Ceux d'entre les Canadiens du Canada qui vont don-
ner des lectures ou conférences à leurs frères des Etats-Unis,
ne se dirigent ordinairement que dans les grandes villes ; ils
ne voient les choses que superficiellement, car ils ne font que
.passer. Eh bien ! il est pénible de l'avouer : un bon nombre
de Canadiens-français fréquentent les écoles protestantes, et
dès ce moment on peut dire que leur foi et leur langue sont
en danger. Après quelques années, ces enfants devenus
hommes, fondent des familles qui ne diffèrent en rien des
familles américaines : elles professeront le protestantisme et
ne parleront que la langue anglaise. Ces faits ne sont mal-
heureusement pas rares aux Etats-Unis.
La jeunesse a besoin d'être éclairée, et c'est là le but des
efforts faits jusqu'à présent par le Cercle catholique de
Biddeford.
Aux Etats-Unis la population canadienne manque de prê-
tres, et cette disette de missionnaires est bien aussi une cause
puissante de la démoralisation qui tend à envahir cette popu-
lation. Ce malheur n'est pas moins déplorable que le pre-
mier ; faites cesser ce dernier, l'autre aura vite disparu.
On parle beaucoup d'émigration, surtout à l'heure présente.
La classe qui émigré aux Etats-Unis est pauvre. Mais tous
entretiennent l'espoir de retourner au Canada. Ce retour ne
peut pas se faire brusquement ; il sera l'œuvre du temps,
quelque mesure que l'on prenne pour rapatrier nos compa-
triotes canadiens-français. Il n'y a qu'une chose à faire,
c'est d'empêcher l'émigration actuelle comme l'émigration
future.
On a accusé les Canadiens des Etats-Unis de manquer de
patriotisme. Cette insinuation fait peine au cœur de ceux
qui travaillent de toutes leurs forces au bien de la nationalité
canadienne, et qui désirent l'union de cœur et d'esprit de tous
ceux qui portent un nom canadien-français. Ceux chez qui
aux Etats-Unis ne vibrent plus la fibre patriotique, ont perdu
là leur langue et leur foi.
Que le Cercle catholique de Québec continue de tendre une
main secourable au Cercle de Biddeford, et, forts de cet appui
64 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
et de cette union, les Canadiens-français de Biddeford se senti-
ront encouragés et persévéreront dans la tâche à laquelle ils
se sont voués.
P. V. Labonté,
Président du Cercle catholique de Biddeford»
Mr B. A. Testard de Montigny, président et rapporteur de
l'Union Allet, lit ensuite son rapport.
RAPPORT DE Mr B. A. T. DeMONTIGNY,
président général de V Union- Allet.
Messieurs^
En 1861, alors que Gastelfidardo venait d'ensevelir, dans
une immortelle gloire, les plus vaillants des Zouaves de
Lamoricière, Pie IX, le grand et l'immortel Pape alors ré-
gnant, accueillit avec bonheur la pensée de s'entourer d'une
garde dont pourraient faire partie tous les peuples catholiques
de l'univers. Il ne fit point d'appel, mais il accepta l'offre qu'on
lui fit de résister par la force armée aux empiétements du sol
qui appartient à la catholicité. Il ne se croyait pas libre de
refuser; c'était une idée qui répondait à la grandeur du
pouvoir temporel. Et n'était-ce pas là la répétition des mou-
vements de l'Occident s'agitant, au moyen-âge, pour débar-
rasser des étreintes des Musulmans le tombeau de Celui dont
le Pape est le représentant. De môme que dans ces moments
solennels du concile du Vatican, les Evoques du monde entier
étaient accourus à Rome pour acclamer l'autorité spirituelle
infaillible du Pape, de môme des soldats de tous les pays
devaient l'entourer pour affirmer, par le don de leur vie et
l'effusion de leur sang, la nécessité de son pouvoir temporel.
La France y envoya les plus distingués de ses enfants, un
grand nombre descendant des Croisés et tous Croisés eux-
mêmes ; la Belgique y dirigea les plus dévoués de ses fils ; la
Hollande s'y fit noblement représenter; l'Irlande, la catholi-
que Irlande, qui avait recueilli sa large part de gloire à Cas-
RAPPORT DE MR B. A. T. DE MONTIGNY. 65
telfidardo, y organisa un bataillon ; les Etats-Unis y dirigèrent
des leurs ; et l'Océanie môme y avait sa place.
Un enfant du Canada, canadien-français d'origine, crut
devoir y porter les armes pour son pays. Plus tard, Hugh
Murray, depuis chevalier et martyr d'une belle cause, y repré-
senta dignement l'élément canadien-irlandais. Quelques an-
nées ensuite, Alfred LaRocque y reçut d'honorables blessures,
et fut suivi de Prendergast, Désilets, Drolet, Hénault, Têtu et
Gourteau, qui, comme tous ceux qui marchèrent sur leurs
traces, se distinguèrent i l'armée.
Ils furent une avant-garde.
Un immense enthousiasme s'empara du pays et, à la voix de
son saint évoque, Montréal voulut réaliser le vœu de la jeu-
nesse canadienne, qui de tous les points du Canada offrait son
concours à la défense du Saint-Siège. Un comité exécutif fut
chargé par les citoyens de cette ville, le 26 décembre 1867, de
diriger efficacement ce généreux mouvement et d'organiser
un détachement de volontaires. MM. 0. Berthelet, Ls Baudrv,
Alfred Larocque, G. A. Leblanc, R. Bellemare, F. X. A. Trudel,
S. Rivard, E. L. de Bellefeuille, Ed. Barnard et Jos. Royal,
furent les membres de ce comité, qui commença de suite son
œuvre et déploya pendant trois ans un zèle vraiment ad-
mirable.
En 1868, le 11 février, le pays s'en rappelle, un premier
détachement quittait, le Palais épiscopal de Montréal, foyer
de ce mouvement, pour se diriger vers la gare Bonaventure,
en route pour l'Italie, au milieu des flots populaires qui, pres-
sés sur leur passage, murmuraient des vœux pour ces jeunes
et braves soldats.
Trois mois après, un autre détachement prit le chemin de
la Ville-Eternelle. Cinq autres obtinrent l'honneur de s'y
diriger.
La vieille foi de nos pères s'est alors manifestée grande, belle
et forte ; les campagnes ont répondu aux villes ; et le senti-
ment national s'est mis en route pour Rome, où le phare de la
vérité indique aux nations le chemin de leur destinée.
^Jos bataillons traversèrent les Etats-Unis, l'Angleterre et
66 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
la France, déployant leur drapeau, que les mains de la religion
avaient tissé, et dans les ondulations duquel se répète comme
l'écho de " Dieu le veut " la devise : " Aime Dieu et va ton
chemin," qui caractérise éloquemment l'idée de cet élan
national.
Mentana, qui procura à l'Eglise une paix pendant laquelle
furent convoquées les grandes assises du Vatican, où fut pro-
clamé le dogme de l'infaillibilité, Mentana avait eu lieu ; et les
nouvelles recrues durent attendre, l'arme au bras, l'occasion
de sceller, de leur sang, la foi qu'ils allaient défendre.
Le signal fut donné par le baiser hypocrite du 8 septembre
1870. Alors eurent lieu Bagnorea, MonlefiascOne, la retraite
de Viterbe, Givita-Gastellana, et le siège de Rome.
Nos soldats revinrent au pays désarmés.
Quelles angoisses n'eurent-ils pas à souffrir, eux qui, dans
toutes les rencontres, avaient vaincu un contre dix, et n'avaient
succombé que un contre cent ! A la voix du représentant du
Dieu de la paix, ils ont remis, un jour de bataille, l'épée dans
le fourreau. Mourir, c'est peu de chose pour le défenseur
d'une cause; mais il faut que ce soit une cause sainte pour
obéir au devoir qui commande de se taire en présence de l'en-
nemi.
Les camarades de France ont pu, eux, sous la mitraille,
expirer au champ d'honneur ; mais les zouaves canadiens sont
revenus au pays le cœur broyé et l'âme inondée d'une amer-
tume profonde.
Il ne fallut rien moins pour les consoler que l'accueil sym-
pathique de leurs compatriotes, canadiens, fils de soldats, qui
comprennent le courage et qui ont pesé la graihdeur du sacri-
fice et la sublimité de l'obéissance.
Ils revenaient au pays couverts de cet uniforme de zouaves
devenu la livrée du courage et de l'honneur militaire ; de cet
uniforme qui a porté avec lui en Afrique, en Asie, en Europe,
en Amérique, une tradition de gloire non interrompue ; de
cet uniforme intimement associé à la glorieuse défaite de Gas-
telfidardo, à la victoire de Mentana, à l'histoire du combat
héroïque de Patay-Loigny, et de la retraite du Mans.
RAPPORT DE MR B. A. T. DE MONTIGNY. 67
Aussi les populations des cités et des champs se pressèrent-
elles sur leur passage ; les cloches bénies annoncèrent à toute
volée l'arrivée de ces preux, et la grande basilique de Montréal
ouvrit ses portes pour recevoir ces soldats auxquels la voix la
plus éloquente souhaita la bienvenue.
L'œuvre des zouaves pontificaux, au milieu de l'apathie de
notre siècle, qui ne semble n'avoir d'énergie que pour les ma-
chines et la vapeur, n'a-t-elle pas pris des proportions gigan-
tesques, et par l'idée qui l'inspira, et par les difficultés qu'elle
surmonta ?
Aussi s'est-on demandé là-bas : Quel est donc ce pays qui,
de l'extrême Occident, envoie ses fils à la défense d'un principe ?
La France a ressenti dans ses entrailles se réveiller d'affec-
tueux sentiments. Elle a reconnu ses enfants dans ces Croisés
canadiens ; elle a compris, elle, si avide de gloire, et qui
apprécie si bien le prix de l'honneur, elle a compris la subli-
mité de cette mission ; elle a réclamé son droit de maternité,
et nous l'avons entendue, orgueilleuse et fière, répéter : " Ce
sont mes fils." Oui, France î ce sont tes fils et qui t'aiment
encore ; ce sont tes fils, nés du seizième siècle et exempts
encore de tes orages, de ton philosophisme et de tes révolu-
tions ! et tu as proclamé combien, avec l'antique foi de saint
Louis, on pouvait accomplir de grandes choses !
Et la France s'est rappelé son passé. Le souvenir. Messieurs^
pour la France surtout, c'est beaucoup. Son passé est si beau,
son berceau si sublime, son âge mûr si glorieux !
L'Angleterre qui, pour remonter à son origine, a besoin de
traverser des âges de foi, a dû se demander aussi : D'où vien-
nent donc ces jeunes gens ? Elle a dû se souvenir aussi, inter-
roger son histoire et se dire : Où en sommes-nous avec notre
force physique, avec notre formidable marine, avec notre
commerce universel qui cloue aux intérêts matériels nos
intelligences el nos cœurs ?
Aux Etats-Unis, où l'on affecte de nous mépriser, on s'est
arrêté sur le passage des zouaves, et on les a salués comme les
représentants d'une idée.
Ainsi donc, l'œuvre des Zouaves canadiens a dû exercer une
68 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
influence réelle sur les pays qu'ils ont traversés ; et c'est ce
qui explique pourquoi partout on les a accueillis, et partout,
sans égard aux formalités d'usage, on leur a dit : Passez !
Allez votre chemin !
Les 500 zouaves et plus qui avaient pris part à l'expédition
d'outre-mer, ne pouvaient rester indifférents aux événements
qui se précipitaient en Europe. L'idée qui les avait conduits
dans les plaines d'Italie les animait trop vivement pour qu'ils
ne travaillassent pas ici au triomphe de la cause qu'ils avaient
entrepris de défendre. Leur mouvement avait été inspiré par
le désir de servir la cause de Dieu, de son Eglise et de son
Vicaire; ils voulurent le continuer en Canada. D'ailleurs, ils
aimaient leur patrie. Or, comme le disait un jour Mgr de
Birtlia, selon le plan divin, la cause de l'Eglise et du Pape est
la cause de toute société chrétienne ; sans parler des enseigne-
ments de l'histoire, les événements contemporains suffisent
pour le prouver avec une effrayante évidence.
La question religieuse étant manifestement une question
sociale, notre avenir national se trouve inséparablement uni
à la cause sacrée de l'Eglise et de son chef, et nos intérêts
nationaux sont intimement liés aux intérêts catholiques. C'est
donc imbus de cette double et inséparable idée que les zouaves
du Canada se constituèrent en Union qu'ils nommèrent
" AUet," du nom de leur bien-aimé Colonel, qui avait consa-
cré sa vie au service du Saint Père, et qui aima jusqu'à la
tombe les zouaves comme ses enfants. Ils convièrent les
citoyens, amis de leur principe, à faire partie de leur Union
comme membres honoraires.
Le mot " Union " répondait au sentiment qui débordait du
cœur de chacun, la Charité, dont une des œuvres les plus
excellentes est l'union. " Qu'ils soient unis," a dit le divin
Crucifié, en annonçant que son œuvre était consommée.
I\"était-ce pas d'ailleurs répondre au désir de servir une
cause pour laquelle ils avaient offert leur vie ?
En nous unissant, nous devenions forts ; Punion fait la force ^
c'est la devise que l'on voit flotter aujourd'hui dans les plis de
nos étendards nationaux. En ne faisant qu'un, nous n'avions
RAPPORT DE MR B. A. T. DE MONTIGNY. 69
«
qu'un désir, celui de faire tendre à un même but la variété
des membres et le concours des mouvements et des fonctions.
Les zouaves du Canada, en formant l'Union AUet, avaient
donc pour but de servir Dieu et la Patrie.
Notre drapeau, l'écusson qui orne le fronton de notre jour-
nal, nos constitutions en font foi et nos actes le prouvent.
^'- Aime Dieu et va ton chemin.'''' Ah! que cette devise com-
prend de patriotisme et surtout de patriotisme canadien ! Peut-
on aimer Dieu sans aimer cette patrie qu'il nous a confiée
pour la transmettre à nos enfants comme un dépôt sacré, et
pour laquelle il a gravé en traits de feu dans Tâme humaine
un amour irrésistible? Y a-t-il quelqu'un qui aime Dieu et
qui n'aime pas son pays ?
Et pour nous, Canadiens, dont la patrie est imprégnée des
douces émanations des bienfaits de la Providence ; patrie que
les rois très chrétiens et fils aînés de l'Eglise désignèrent aux
navigateurs comme pays à convertir au christianisme ; dont
Jacques-Cartier s'emparait en y plantanli la croix ; dont les
missionnaires ont arrosé le sol de leur sang ; dont chaque
hameau, chaque ville porte le cachet de la foi et de l'honneur,
comment pourrions-nous aimer Dieu sans aimer la patrie ?
Et que signifient ces deux ailes qui servent de cimier au
casque de l'écu du Bulletin de V Union Allet^ sinon la Religion
et la Patrie ; la Foi et l'Honneur ?
C'est ce qu'exprimait Sa Grandeur Mgr Bourget, le créateur
de notre œuvre, à' qui nos constitutions ont accordé le haut
patronage de notre Union, quand au jour mémorable de notre
première levée, son âme de pontife laissait échapper le trop
plein d'émotion qui l'inondait à flots, par cette première excla-
mation de sa sainte iUlocution : '' Braves et dévoués enfants de
la Religion et de la Patrie ! "
Nos constitutions respirent la religion et le patriotisme.
E!t n'avons-nous pas souvent offert nos bras à la patrie, lors
des invasions étrangères? Cinq fois depuis nous avons sollicité
d'être enrôlés sous les drapeaux britanniques. Nous aurions
été heureux de prouver notre loyauté «nvers notre Souveraine,
notre respect pour l'autorité, en quelques mains qu'elle soit.
5
70 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
Pour être fidèles à notre drapeau, il ne suffît pas d'avoir la
foi, il faut les œuvres ; il faut la charité qui marche, qui va
son chemin. C'est pour'répondre à cette ordonnance que nous
avons inscrit au 2nie article de nos constitutions que l'Union
AUet a pour but : lo. La perpétuité de la mission que se pro-
posaient les volontaires pontificaux canadiens en allant à
Rome, savoir : la défense de l'Eglise et de ses droits ; 2o. Le
maintien chez ses membres de l'esprit et des traditions du
régiment des zouaves pontificaux ; 3o. Le secours mutuel entre
les anciens zouaves pontificaux canadiens.
C'est encore le régiment, divisé en sections diocésaines qui
sont les bataillons, ayant le même drapeau et la môme devise^
poursuivant le même but, non plus avec des armes matérielles,
non plus sur un champ de bataille, non plus exposés aux
balles ennemies, non plus en présence des mêmes chefs ; mais
ayant pour arme la parole, la plume, les œuvres, le bon
exemple; pour champ de bataille, le sacerdoce, les professions,
le commerce, l'industrie, où nous nous efforçons d'accomplir
en chrétiens et en citoyens nos devoirs d'état. Les balles ont
été remplacées par le peisifïlage de ceux qui ne sont pas Caiia-
l'ù, pas de haut faits qui font couronner au champ d'hon-
neur. Ici, nous n'avons plus Lamoricière, Kanzler, Bec-de-
Liève, Allet, Charrette, qui, par leur exemple, surexcitaient
les sentiments les plus élevés du cœur. Nous combattons
paisiblement sous les yeux du divin Capitaine et avec l'appui
des gens de bien.
Aussi le Bienheureux Pie IX nous écrivait-il le 25 janvier
1873 : " Nous vous félicitons avec effusion, chers fils, de ce
que, après avoir déposé l'épée, dont vous vous étiez armés pour
le Christ, vous concentriez tous vos efforts à vous maintenir
vaillamment sous les drapeaux d'une milice toute spirituelle,
et à vous revêtir des armes de la lumière et de la justice."
Un des premiers actes de l'Union Aliet a été de fonder un
journal où sont consignés les événements importants qui con-
cernent son existence, et qui transmet aux Camarades et à ceux
qui s'intéressent à notre cause les joyeuses et les tristes nou-
RAPPORT DE MR B. A. T. DE MONTIGNY. 71
Yellos, persuadés que nous étions que les unes se supportent
plus aisément et les autres se goûtent mieux quand elles le
sont par plusieurs amis. C'est ainsi que ce messager fidèle
nous a transmis tous les mois les principaux traits du mouve-
ment catholique en Europe et en Amérique ; qu'il s'est em-
pressé de publier les lettres et les encycliques de l'autorité
infaillible ; c'est ainsi qu'il a fait parvenir à tous les zouaves,
dont nous recueillons précieusement les adresses, les craintes
et les espérances du monde catholique. Il a ouvert ses colonnes
pour reproduire les vues et les sentiments de ceux qui nous
favorisent de leurs écrits ; et nous avons la prétention de croire
qu'il renferme dans ses feuillets des pages vraiment remarqua-
bles. Il contient des détails intimes de notre vie d'union.
Nous avons ouvert des pages aux joies de cette famille ponti-
ficale et coiisacré un coin mortuaire où est précieusement
conservé le souvenir de nos morts, en faveur desquels nous
avons créé une caisse, nous rappelant ce que Bec-de-Liève
nous disait un jour sur la tombe entr'ouverte d'un des nôtres •.
"Le derjiier adieu d'un soldat chrétien à son confrèrej c'est
une prière." -
Que de consolations ce Bulletin n'a t-il pas apporté aux
Zouaves ! Que de souvenirs n'a-t-il pas évoqués ! Que de
larmes n'a-t-il pas fait couler ! Que de battements de cœur
n'a4-il pas produits !
C'est lui qui sonnera l'heure de la réunion autour du siège
de Pierre et qui annoncera, nous l'espérons, le triomphe de
l'autorité temporelle.
Mais, messieurs, ce bulletin ne suffisait pas, nous avions
trop à dire ; il fallait se voir, se rencontrer, se consoler aussi.
Et puis nos amis avaient besoin de distraction, d'amusements
môme ; et nous avons pensé qu'on ne pouvait mieux conserver
les traditions du régiment et nos rapports de bonne camara-
derie qu'en créant un cercle à finstar de celui de Rome, qui
a tant contribué à donner un cachet particulier aux Zouaves
canadiens, dont la bonne tenue et l'esprit militaire ont attiré
l'admiration de l'armée et les louanges des chefs.
Empressons-nous de dire que les bases de ce cercle ont été
72 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉREG.
jetées par le regretté M. Olivier Berthelet, à qui ses bienfaits
ont valu la Croix de Commandeur de l'ordre de Pie IX.
Dans ce Casino de Montréal on y faisait de la musique ; on
y chantait les chansons du régiment, que nos officiers aimaient
tant à entendre ; on y causait de tout un peu, et même d'af-
faires ; il y avait salles de billard, d'escrime, d 3 boxe et de
bâtons ; champ de tir ; chambre de nouvelles, salons de jeux,
de conversation et de musique.
C'était le pied à terre des Zouaves de la campagne. On y
conviait les amis, jeunes et vieux, afin qu'ils nous vissent,
qu'ils nous connussent, qu'ils nous aimassent et par là notre
cause qui était notre dernier mot.
Il n'existe plus, pour nous ; ce n'est pas nous qui l'avons
afTaibli. C'est la division, non pas des cœurs, non pas des
sentiments, mais des moyens et des forces auxquelles contri-
buaient des membres non militaires, qui fondèrent d'autres
cercles et dispersèrent nos éléments vitaux. Nous devons nous
consoler de sa disparution comme de celle d'un enfant de
quatre ans qui nous a procuré beaucoup de jouissance, et
donné beaucoup d'espérance, et que nous aurions mis dans un
établissement où il se prépare à une autre mission. Mgr
Bourget, avec le concours généreux de M. Alfred Larocque,
père, trouva le moyen de faire passer sans secousse le Casino
à l'œuvre du patronage des ouvriers, sous la direction des
Frères de la Doctrine Chrétienne, qui sont iv :- amis. .
Il est une œuvre à laquelle nous noi. intéressons parce
qu'elle est une œuvre nationale et zounvitique : la colonisation.
Quoi de plus patriotique que cette œuvre qui ouvre à nos
populations les portes de l'agriculture ? Elle est nationale
parcequ'elle contribue à ouvrir à notre vigoureuse population
ces vastes et fertiles cantons, qui n'attendent que l'intelligente
main du colon, pour déverser sur notre province d'abondantes
richesses agricoles, manufacturières et minières, et à enraci-
ner dans notre sol la plus généreuse des nations, qui sans cette
œuvre irait faire bénéficier les pays étrangers de la vigueur de
ses éléments.
Nous ne craignons pas de proclamer cette cause : nationale,
RAPPOIIT DE MR B. A. T. DE MONTIf.XY. 73
quand on voit nos Evoques, toujours prêts à faire entendre
leur voix au jour des calamités publiques, la recommander à
la sollicitude du patriotique clergé canadien, comme étant le
moyen le plus efficace d'arrêter ce fléau qui dissémine nos
forces à l'étranger.
C'est aussi une œuvre zouavitiquc^ puisqu'elle ouvre à nos
camarades la carrière la plus en harmonie avec leurs habi-
tudes militaires et où, piano ma sano^ il s'achemineront vers
un port de prospérité qu'ils légueront à leurs enfants, qui
seront zouaves de cœur.
La vie du colon, c'est la vie du soldat, combattant sur un
autre champ contre les ronces et les épines que Dieu a dési-
gnées comme devant être arrachées à la sueur de notre front.
Cette victoire gagnée à la pointe du soc est digne de l'ambition
d'un zouave du Pape ; car c'est la conquête, par le travail, du
sol encore inhabité et sa mise en valeur. " Le courageux
pionnier de la colonisation a certainement autant de droit à la
reconnaissance de son pays que le plus vaillant soldat. Si
celui-ci fait respecter son territoire, l'autre l'en met en posses-
sion, après l'avoir fertilisé de ses sueurs et quelque fois arrosé
de ses larmes." (Mgr Laflèche.)
Voilà pourquoi l'Union Allet regarde comme une de ses
grandes étapes d'avoir fait camper plusieurs des siens dans une
colonie que notre digne aumônier choya comme œuvre de pré-
dilection et à laquelle il donna le nom chéri de Piopolis. Tout
ne fut pas rose dans ce paradis terrestre ; et le diable et les
hommes s'en mêlèrent pour éprouver nos amis. Et le diable et
les hommes n'ayant pas réussi à les décourager, le bon Dieu a
voulu imprimer à cette œuvre un cachet plus profond d'épreu-
ves, afin de la faire reconnaître pour sienne. La colonie était
encore à son berceau ; les pluies torrentielles du printemps de
1873, ayant retardé considérablement l'action du feu dans les
abattis, les semailles n'avaient pu arriver à maturité ; et la ge-
lée a privé, en deux nuits, nos colons des fruits de longues et
pénibles journées de travail. No? camarades de Piopolis sont
alors venus, comme jadis sur les bords des grandes routes
romaines, partager avec nous la miche du pain de munition.
74 PHEMIEIl CONC.RÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
Aujourd'hui cette colonie est florissante, et, assise sur un
des immenses plateaux qui disputent à la plaine la possession
du terrain, elle baigne mollement ses pieds dans le grand lac
Mégantic. La ligne ferrée qui emprisonne sa taille gonfle son
sein de richesses, que la main de ses enfants distribue aux
villes environnantes. Et la tôte couronnée du triple diadème
de la foi, de l'espérance et de la charité, elle aime Dieu et
regarde avec sérénité le chemin qu'elle va parcourir.
En procurant ainsi à plusieurs de nos camarades un avenir
enviable, nous n'avons pas négligé de favoriser ceux' d'entre
nous qui avaient besoin de secours en argent, ou de protection
pour arriver à des postes honorables. Nous sommes recon-
naissants à nos compatriotes de leur concours. Pour eux la
qualité de zouave du Pape est une recommandation. Aussi
l'Union Allet, dans sa sollicitude à procurer des positions à ses
membres, s'est-elle fait un devoir de les conseiller de s'en rendre
dignes. Grâce à Dieu, nous comptons aujourd'hui des zouaves
sur les degrés des autels, dans les sphères politiques, dans les
bureaux publics, dans les professions, dans le commerce, dans
les arts et l'industrie ; et partout ils nous semblent aimer Dieu
et aller leur chemin. L'un d'eux avait même monté sur le
banc de la magistrature ; mais une bourrasque politique ayant
emporté le banc lui-même, le zouave a perdu son siège, tenant
haut son drapeau et gardant l'honneur.
Un de nos anciens présidents, Ghs Paquet, est à Rome, où,
dans la gendarmerie pontificale, il monte la garde pour cha-
cun de nous ; c'est la sentinelle avancée qui nous crie à tous ;
'' Prenez garde à vous."
• Nous avons cru devoir, pour servii* notre cause, organiser des
démonstrations où le peuple des campagnes s'unit à celui des
villes pour exalter les grands hommes et les grandes choses.
Nous aimons ces élans du peuple, dont le cœur se dilate en
un jour de fête, pour rendre hommage à la vertu dont les
accents se répètent sur les rives étrangères. Nous aimons le
peuple agenouillé au pied des autels. Il encourage les grandes
œuvres, il édifie les étrangers et se relève meilleur.
C'est ainsi que le 14 mars 1871, nous avons élevé, dans la
RAPPORT DE MR B. A. T. DE MO.VTIGNY. iÙ
basilique de Montréal drapée de deuil, un catafalque funèbre
aux frères d'armes tombés au champ d'honneur, à l'endroit
illustré par Jeanne d'Arc.
C'est ainsi qu'à Québec, aux Trois-Rivières et à Montréal nous
avons fait chanter des libcra solennels à notre vaillant cama-
rade Murray, mort les armes à la main, en défendant une
grande cause.
C'est ainsi que nous avons fait offrir, d'une manière solen-
nelle, le saint sacrifice de la messe à l'âme de notre bien aimé
colonel Allet.
C'eit ainsi que lorsque Pie IX a quitté cette terre nous nous
sommes associés à tout le Canada, ou plutôt à tout l'univers
en deuil, et que nous avons fait chanter, en l'église du Gesu,
un service des plus grandioses à sa mémoire.
En ces jours de deuil les zouaves, l'arme renversée, faisaient
haie autour des mausolés en flamme.
Et qui n'a pas entendu parler de cette grande démonstration,
au retour des zouaves d'Italie, où 50,000 personnes acclamèrent
nos soldats défilant à l'ombre de leur drapeau, le képi en tête
et la guêtre au pied ?
Le cri de vive Pie IX qui retentissait de 50,000 poitrines
vibrantes d'enthousiasme, valait bien tous les sacrifices que le
pays s'était imposé pour envoyer cette phalange au secours
du Saint-Siège.
En toute occasion qui s'est présentée, nous avons voulu
manifester la grandeur de notre cause et la faire aimer en la
faisant voir, telle qu'elle est, et en nous y montrant religieuse-
ment fidèles.
Nous n'avons pas craint de nous montrer hautement atta-
chés à nos vieilles et saintes traditions. Et, en cela, nous avons
cru faire honneur au nom canadien-français, dont la natio-
nalité est inséparable de l'attachement à la religion catholique
à laquelle nos pieux ancêtres étaient si sincèrement dévoués-
Nous avons fait ensemble des pèlerinages, et en cela nous
avons évoqué des souvenirs dont notre histoire est fertile. La
prière d'ailleurs n'est-elle pas un des devoirs de la charité ?
En inscrivant sur notre drapeau : ''■ Aime Dieu" nous annon-
7G PIIEMIEII CoNGItKS CATHOLIQUE TENU A QUÉHEC.
cions que nous formions partie des régiments de ceux qui
prient. Et comme au régiment pontifical, nous avons voulu
unir les différents corps de la grande armée catholique.
Les diverses associations religieuses de Montréal se sont
jointes à nous dans ces pèlerinages pieux. LTJnion catholique
de Montréal, avec laquelle nous nous unissons tous les ans
pour faire la retraite, est notre compagne favorite dans l'ac-
complissement du bien.
Nous prions ensemble pour le Pape, pour sa cause sainte,
pour notre pays, pour tous ; car nous n'avons pas oublié que
le grand précepte de s'aimer les uns les autres est le ciment
qui joint ensemble les pierres vivantes du temple de Dieu, le
signe propre des disciples du Christ. Aussi avons-nous orga-
nisé des soirées, des représentations en faveur de la Saint-
Vincent de Paul et des sœurs de la Providence, dont l'institu-
tion fait l'orgueil de notre pays, et dont la présence nous rap-
pelle les filles de Vincent de Paul qui pansaient nos plaies dans
les ambulances d'Italie. Nos aumônes, nous le savions, deve-
naient plus méritoires en passant par les mains de ces filles
chéries du ciei et de l'humanité.
Dans la lutte que ous avons entreprise contre le mal, nous
nous sommes ménagé des alliances précieuses, et nous nous
sommes tenus en correspondance perpétuelle avec les sociétés
de zouaves des pays étrangers ; la ligue Saint-Sébastien, en
Angleterre ; la ligue Saint Boniface, en Hollande ; les Vétérans
Irlandais de l'armée pontificale, à New-York ; la "Catholic
Union" de New-Jersey; les Jeunes Catholiques italiens du
comte Acquadcrni. Nous n'avons eu à vrai dire de relation
de société à société avec aucune organisation de zouaves en
France ; mais la nécessité de ces relations est moins grande,
car nous nous trouvons presque chez nous dans notre ancienne
mère-patrie. D'ailleurs notre Lient. Col. M. le général de
Charette, a voulu plus d'une fois faciliter ces relations, en
écrivant à nos camarades, et les mettre ainsi parfaitement au
courant de ce qui pouvait intéresser ses anciens Castors.
Naguère encore, il nous faisait parvenir, avec le regret
qu'il ressent de ne pouvoir assister à ce Congrès catholique,
RAPPORT DE MK b. A. T. DE MONTIllNY. / /
un souvenir des campagnes de Rome et de France, où les
zonaves ont tenu si haut l'étendard de l'honneur militaire.
Ce souvenir consiste en un zouave d'argent oxydé, armé de
pieds en cap, sur un socle en granit, arborant fièrement le
fanion du Sacré-CoHir de Jésus. Il y a peu de temps, il nous
faisait parvenir Le livre cVor des Zouaves Pontificaux, compi'e-
nant l'histoire du régiment de Castelfidardo à Patay, ouvrage
album que le dernier d'entre nous peut montrer comme son
livre de noblesse.
Nous nous sommes fait un devoir d'applaudir à la mission
sublime qu'a remplie le Cercle catholique de Québec, qui nous
honore aujourd'hui d'une manière si distinguée. C'est à l'ins-
tigation d'un de ses membres que nous avons donné notre
coopération à l'œuvre ingénieuse des vieux papiers. Nous
nous sommes fait un plaisir de nous rendre à l'invitation de
la Société St- Jean-Baptiste de Québec, qui a bien voulu au-
jourd'hui nous confier la garde du glorieux drapeau de Caril-
lon, drapeau blanc lleurrlelisé, drapeau de la vieille France,
le seul qui a flotté sur l'Amérique du Nord soumise à la
domination française, et le seul qui réveille le souvenir de nos
gloires durant cette époque ; drapeau qui représente le respect
à la religion et à l'autorité et que nous devons être surpris de
voir remplacé, même sur les autels, par un autre qui n'a pas
les mêmes titres à notre vénération.
Nous avons échangé nos idées et nos sentiments avec les
publications où nos anciens camarades ont une grande part
de rédaction : la Vraie France, de France ; le Crusader, d'An-
gleterre ; la CathoUc Union, de New-Jersey ; la Fedelta, d'Italie ;
le Kuissvaan, de Hollande, et la Croix, de Belgique, qui a cessé
de paraître, plutôt que de publier la prose blasphématoire d'un
impie niant la divinité de N. S. J. C. - ^ ^ ^
Notre rôle a été jugé digne de l'approbation des personnages
les plus distingués d'Europe, qui nous ont honorés de corres-
pondance» assidues ; et nous ne pouvons taire ici les illustres
noms de Pie IX, du général Kanzler, du colonel Allet, lu
lieut.-col. de Charette.
Pour tant de faveurs signalées, nous n'avons pas laissé
78 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
échapper roccasion d'ouvrir nos cœurs à la reconnaissance.
Pour Dieu nous avons voulu, lors de notre première assemblée
générale à Québec, consacrer notre association au Sacré-Cœur
de Jésus, à l'exemple de nos frères de France. A Notre-Dame
de Bonsecours, nous avons offert un ex voto qui, sous forme
de nacelle, est suspendue aux voûtes de sa chapelle, dans la-
quelle l'Union AUet entretient le feu béni d'une lampe.
A Pie IX, qui nous a tant aimés, et qui conservait parmi
ses tableaux un groupe de zouaves canadiens, nous avons
envoyé, lors de ses noces d'or, un calice en vermeil aux armes
des Mastaï, que Mgr Racine lui a remis pour nous. En l'hon-
neur de ce grand Pontife, nous étions au premier rang à la
réception dos nonces qu'il envoyait au Canada. Les pèlerins
canadiens, se rendant au- jubilé épiscopal de Pie IX, lui ont
transmis Texpression de notre fidélité constante. Nous n'avons
jamais manqué de lui transmettre, par la voie du télégraphe,
l'expression de nos sentiments de joie ou de douleur aux évé-
nements qui le concernaient. A Sa Sainteté Léon XIII, nous
avons adressé l'expression de notre attachement à la Barque
qu'il conduira comme son illustre Prédécesseur.
A nos camarades tombés au champ d'honneur de Loigny,
nous avons apporté notre modeste pierre à la chapelle funé-
raire érigée ca leur honneur. Cette obole est la feuille d'érable
déposée sur un tombeau où dorment tant de pre.ux.
A nos chefs bien-aimés, à nos officiers, à nos camarades,
nous avons plus d'une fois fait parvenir nos applaudissements
à leurs succès par des adresses qui leur étaient agréables.
A notre digne et dévoué évoque Bourget, nous avons offert
le denier pour une de ses œuvres de prédilection, la cathédrale,
et nous n'avons trouvé rien de plus suave à lui présenter qu'un
écrin contenant les délicieux écrits de son épiscopat, condensés
dans les FioretU. A son successeur nous avons présenté nos
souhaits de joyeux avènement au siège épiscopal auquel nous
nous tenons attachés par l'amour le plus filial.
Pour accomplir ces "œuvres, messieurs, nous avons été en-
couragés de la plus grande sympathie. Nos Seigneurs les
évoques les ont bénies ; le clergé nous a entourés de sollicitude ;
RAPPORT DE MR B. A. T. DE MONTIGNY. 79
plusieurs citoyens distingués ont fait leurs efforts p3ur se-
conder nos mouvements. .
Nous avons été reçus avec enthousiasme à Montréal, à
Ottawa, aux Trois-Rivières, à Sorel ; et Québec renouvelle
aujourd'hui la réception splendide qu'il nous a faite lors de
notre première assemblée générale, dans ses murs.
Je viens, messieurs, d'esquisser à grands traits les caractères
de cette œuvre dont vous m'avez demandé l'appréciation. Il
existe bien des petits détails, qui ne sont pas secrets, mais
intimes, et qui ont servi à lier si étroitement les membres de
notre famille ; de ces détails, il n'y a que ceux qui ont mené
la vie de soldat, couché sur le hamac, mangé à la gamelle,
porté le sac au dos, qui puissent les apprécier; et il en est
parmi qui vous feraient bien rire.
Je n'ai pu vous parler que des rapports caractérisés de
l'Union avec les intérêts de la Religion et de la Patrie, qui
trouvent chez vous des échos si puissants.
Les moyens dont nous nous sommes servis, je les ai en par-
tie fait entrevoir à votre perspicacité ; mais j'aime à signaler
la générosité de plusieurs de nos camarades que la fortune
n'a pas gâtés, et que le bataillon, morbleu, aidera bien un jour
à passer par le chat d'une aiguille.
Plusieurs des membres honoraires ont voulu prouver qu'ils
appréciaiexit comme un honneur d'être des nôtres', en nous
aidant efficacement, et entre autres M. le chevalier de Belle-
feuille qui, dans un volume marqué au cachet d'un grand pa-
triotisme, s'est efforcé de faire apprécier notre œuvre.
Nous avons formé dans notre sein une troupe d'amateurs
qui, par une exécution '".^enue réputée, ont contribué plus
d'une fois à empêcher la caisse de chavirer faute de leste.
Je ne puis, moi, m'empêcher de mentionner le nom d'un
ancien camarade de la popote d'Anagni, dont les premières
pages du Bulletin sont imprégnées de l'esprit religieux et gau-
3is, qui donne à sa publication un cachet dont nous sommes
fiers ; je veux parler de notre digne ami, M. Paul de Malijay,
ancien officier d'ordonnance du général Kanzler, qui a se
journé quelques années parmi nous, et qui continue dans sa
80 PREMIER CONGRÈS CATHOIJOL'E TENU A QUÉREC.
patrie, la France, à travailler aux œuvres régénératrices de
son pays.
Mais l'âme de notre corps, celui qui a le plus contribué à
maintenir cet esprit militaire et ces vieilles traditions que nous
avions au bataillon, c'est bien celui qui a assisté à la forma-
tion des détachements, les a conduits à Rome comme par la
main, s'est identifié avec les zouaves dont il a écrit l'histoire,
et qu'il n'a cessé d'attirer à lui par ses vertus qui font de
l'amitié une religion pour le soldat.
M. le chanoine Moreau, aujourd'hui curé de St-Barthélemi,
n'a pas été pour nous seulement un père, mais un frère, un
ami, dont les désirs sont pour nous des ordres ; car ses désirs
ont toujours été que l'honneur de ses zouaves fût à la hauteur
de la cause qu'ils défendent.
Je termine, messieurs, en avouant que notre société subit
une crise due naturellement à la dispersion d'un grand nombre
d'entre nous ; mais notre but est le même qu'autrefois et nos
sentiments sont restés aussi profonds. Gomme autrefois notre
milice spirituelle a son organisation par régiments et bataillons
qui regardent de loin notre drapeau arboré pour l'heure du
combat. Chaque événement qui intéresse la catholicité nous
fait tressaillir comme la voix de la sentinelle perdue la veille
d'un jour de bataille. Tous les ans encore, les enfants du papa
Allet, les Castors de Gharette s'unissent en assises solennelles ;
et en présence de notre drapeau, du pays et de l'univers catho-
lique, nous protestons, comme nous le faisons aujourd'hui,
contre les empiétements de la révolution et le vol du patri-
moine de Pierre, ainsi que de l'inébranlable attachement des
zouaves pontificaux au siège du Pape, et de leurs espérances
du rétablissement du pouvoir temporel dans un futur rap-
proché.
Le rappel trouvera toujours haut le guidon qui ralliera, au
jour de la délivrance et du salut, les volontaires de l'extrême
Occident au Fanion du sacré cœur des Volontaires de l'Ouest,
déployé au vent de l'hc meur par le fils de la Vendée, et au-
tour duquel les zouaves du bon Dieu se donneront rendez-
vous au cri de : Aime Dieu et va ton Chemin.
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 81
M. le chevalier de BollefeiiLUe dit qu'il croit de son devoir
de signaler que, dans son rapport, M. de Montigny fait allusion-
au premier zouave canadien, sans le désigner sufTisamment.
Ce serait une injustice que de ne pas dire immédiatement que
c'est M. de Montigny lui-même auquel il est fait allusion
d'une manière si délicate. Il ne fait pas cette remarque pour
'r Canadiens qui liront ce rapport, car tous savent que M. de
Montigny est le premier canadien qui a eu Thonneur de re-
présenter son pays dans l'armée du Pape, mais pour que le
lecteur étranger lui attribuât le mérite de cette initiative.
Puis, après qucilques remarques de M. G. Vincelette, M. le
Dr N. E. Dionne propose que le Bureau s'ajourne au lendemain
à une heure de l'après-midi.
Et la séance est terminée.
IL— BUREAU DE LA PRESSE CATHOLIQUE
Vendredi^ 25 Juin s
PROCÈS-VERBAL DE LA 1ÈRE SÉANCE
Ce bureau choisit pour son président M, A. de Bonpart, de
Montréal, et M. J. P. Tardivel, pour secrétaire.
Etaient présents : MM. le sénateur F. X. A. Trudel, E. A.
Barnard, J. I. Tarte, I. N. Belleau, Eug. Rouillard, Thomas
Ghapais, Gharles Ouimet, Dr N. E. Dionne, R. P. Vallée.
L'honorable M. F. X. A. Trudel, rapporteur du bureau,
donna lecture de son rapport sur la presse catholique, de sa
condition actuelle au Ganada, des obstacles qui s'opposent à
ses progrès, et des moyens d'accroître sa prospérité et son
influence, etc.
RAPPORT DE L'HONORABLE F. X. A. TRUDEL
LA PRESSE CATHOLIQUE
I
Le Ganada français est né d'une idée catholique; son éta-
blissement est la réalisation du projet de conquérir le nouveau
monde au royaume de Jésus-Ghrist : généreux dessein inspiré
82 . PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
par ]a foi à François I, Jacques-Cartier, Champlain, Maison-
neuve et leurs digues auxiliaires. Ce fut Théroïsme chrétien
qui, plus de dix fois, sauva notre patrie naissante du joug de
Fétranger. Et, lorsqu'après la conquête, elle perdit ce qui lui
restait de son organisation civile et politique, ce fut le clergé
catholique qui rallia le peuple canadien autour de ses autels,
le dirigea dans ses nouvelles voies, et lui rendit, par l'ensei-
gnement et Torganisation, tous les éléments d'un peuple fort.
Nos luttes nationales ont été. avant tout, des luttes reli-
gieuses, puisque, de l'héritage national, la portion la plus
précieuse que nous eussions à défendre, c'était notre foi
catholique, et les droits du catholicisme au Canada. Le livre
et le journal ont joué, dans ces luttes, le rôle important que
leur assigne partout l'influence formidable de la presse. Le
livre et le journal catholiques surtout furent l'un de nos prin-
âpaux engins de combat. L'on peut donc dire de la presse
catholique canadienne-française qu'elle est née du glorieux
enfantement de nos libertés religieuses et civiles et qu'elle est
sœur d'armes de la chaire catholique et de la tribune nationale.
Non pas cependant que cette presse ait, dès son enfance,
réuni toutes les Conditions d'une presse catholique dans toute
la force du mot ; alors Pie IX, cette grande lumière des
sociétés contemporaines, n'avait pas encore fait \o. jour sur la
plupart des questions sociales qui sont aujourd'hui le princi-
pal sujet des travaux de la presse catholique, et l'apostolat
laïque, bien qu'il se fût jadis révélé dans les augustes persoanes
de Gharlemagne, de saint Louis et d'Alfred-le-Grand, n'avait
pas revêtu le caractère d'universalité qui* le distingue aujour-
d'hui, ni reçu sa consécration ofTicielle de la bouche même du
vicaire de Jésus-Christ.
Toutefois, la presse catholique canadienne avait plus d'une
fois fait grand honneur à sa mission de défendre l'ordre
social et de combattre l'impiété. En vain, un petit groupe de
voltairiens tentèrent-ils, il y a 30 ans, d'inoculer à tout notre
corps social le poison distillé à flots, dans le siècle dernier,
par Voltaire et les encyclopédiste s ; plusieurs hommes émi-
nents dont s'honorent aujourd'hui les lettres canadiennes pro-
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 83
clamèrent les vrais principes et combattirent, dans la presse,
les vaillants combats de la vérité.
II
Quelles sont aujourd'hui les conditions de la presse catho-
lique au Canada ? Quels sont les obstacles qui s'opposent à
ses progrès? Quels sont les moyens d'accroitre sa prospcité
et son influence? Ce sont les trois premières questions aux-
quelles on me demande de répondre. J'avoue que ces ques-
tions me mettent dans le plus grand embarras. Non pas qu'il
soit, le moins du monde, dilTicile de constater les faits sur
lesquels elles s'enquièrent. Non pas qu'elles présentent à
mon esprit un problème insoluble. Bien au contraire ! Il est
relativement très aisé de constater l'état actuel de la presse
catholique en ce pays ; encore plus aisé peut-être de toucher
du doigt les obstacles multiples qui s'opposent à ses progrès !
Tout cela est parfaitement connu. Cent fois il m'est arrivé
d'entendre de cent personnes différentes une réponse identiqne
à ces questions. Cette réponse, la plupart d'entre vous l'ont
sans doute sur les lèvres. La difficulté pour moi, et je con-
fesse qu'elle est très grande, c'est de décider de l'a propos de
dire ou de ne pas dire tout haut ce que tout le monde pense,
ce que chacun de vous se dit tout bas. Sous le coup de cette
difficulté, je l'avoue, je me sens presque devenir opportuniste !
L'on m'a chargé du soin, j'oserais m.eme dire, on m'a imposé
le devoir, je ne sais trop à quel titre, vu surtout que je n'ap-
partiens pas à la presse, de répondre à ces questions. Dieu
m'est témoin que je n'ai pas sollicité ce dangereux honneur !
Les organisateurs du Congrès savent combien de fois je l'ai
refusé. Je laisse à ceux qui l'ont fait à justifier ou môme à
excuser leur choix.
Pour moi, avec l'aide de Dieu, je ne faiblirai pas devant le
devoir d'accomplir cette lourde tâche. Je sais qu'il me faut
marcher sur un terrain brûlant. Je sens que je risque de
froisser quelques susceptibilités très légitimes. Je vais côtoyer
deux écueils également dangereux : Celui de ne pas démon-
trer la position telle qu'elle est, de ne pas indiquer le mal tel
84 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
que je le vois, par conséquent de ne pas faire tout ce qu'il
faut pour indiquer le remède ; ou celui de dépasser la limite
que me trace la discrétion, et de manquer ou paraître manquer
à la déférence- et au profond respect que je dois aux arbitres
naturels des intérêts auxquels je touche en ce moment.
Or, s'il m'arrive de dévier plus ou moins de la ligne à suivre,
on voudra bien n'accuser que mon défaut d'habileté, croire
que je procède avec la meilleure volonté du monde et mû par
le seul désir de servir la grande cause catholique.
III
Quelle est la condition actuelle de la presse catholique au
Canada ?
Si je me laissais aller au pessimisme qu'inspirent naturelle-
ment d'amères et incessantes déceptions, je serais porté à me
dire d'abord : avant de parler des conditions de la presse catho-
lique, n'est-il pas à propos de se demander s'il existe bien actuel-
lement, dans les conditions où nous sommes, une presse catho-
lique proprement dite ? Je serais peut-être justifiable, aux yeux
d'un grand nombre, de couper court à toute discussion sur ce
point, en donnant une réponse négative, du moins pour cer-
taines parties du pays ; car, en d'autres lieux, le drapeau catho-
lique, sans souillure, sans morcellement, est assez fièrement
arboré ! Je ferais pour ces endroits, ce que l'on appelle, en
langage du palais, un retour de nullâ honâ^ ou, en d'autres
termes, un procès-verbal de carence.
Je m'empresse cependant de déclarer, en justice pour les
vaillants champions de la presse catholique qui m'écoutent,
que je repousse commue une mauvaise tentation ces idées
noires.
Malgré les revers et les humiliations qu'elle a subis ; malgré
les jours d'épreuve qui ont pesé bien lourdement sur tous
les écrivains catholiques, que plus d'un désastre financier
amené par la persécution, la défaveur, le discrédit ont jeté
les uns hors de la presse, découragé les autres et obligé le plus
grand nombre à modifier leur attitude de manière à donner
moins de prise aux attaques multiples dont on se plaisait à
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL, ^
accabler de tous côtés la presse catholique, grâce à Dieu ! elle
existe encore et renferme des éléments de force et de vitalité
qui lui permettent d'espérer des jours meilleurs.
IV
Pour bien se rendre compte des conditions dans lesquelles
se trouve actuellement la presse catholique, il est nécessaire
de se rappeler son origine et son caractère, à quels besoins
elle répond, les questions qui ont fait le sujet de ses travaux,
quels ont été, de notre temps, ses luttes, son influence, ses
moyens d'existence, ses succès et ses revers.
La presse canadienne-française, née de nos nécessités poli-
tiques, est d'abord surgie du développement des institutions
constitutionnelles au Canada ; mais bientôt elle s'est modelée
sur la presse française. Les événements politiques et le sort
des armes qui nous avaient séparés violemment de la France,
ne nous ont pas soustraits absolument à l'influence morale de
notre ancienne mère-patrie ; ou dans tous les cas, des rela-
tions plus suivies, renouées peu de temps après la conquête,
nous ont replacés sous cette influence. Notre système d'édu-
cation est resté français : nous avons continuellement recruté
en France une portion notable de nos professeurs et de notre
clergé; nos librairies se sont toujours approvisionnées des pro-
duits de la littérature française ; c'est en France que nous
avons pris les principaux éléments de nos études ; nombre de
journalistes français ont tenu, durant de longues années, le
fauteuil éditorial de plusieurs de nos journaux et de nos pu-
blications périodiques les plus importantes ; c'est sur le jour-
nal "français que s'est surtout modelé le journal canadien, et
c'est à lui qu'il a surtout emprunté le fonds de ses enseigne-
ments religieux et politiques.
Un fait digne de remarque, et que, surtout depuis trente
ans, tout esprit observateur a pu constater chez nous, c'est
que l'on retrouve au Canada, beaucoup moins accentuées il
est vrai et considérablement modifiées par les différences es-
6
86 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TLXU A QUÉBEC.
sontielles de nos conditions politiques et sociale", les mêmes
nuances d'opinions et de principes religieux et sociaux qu'en
France. Or, c'est surtout dans la presse qu'il est facile d'ob-
server cette frappante similitude. Comme en France, nous
avons, bien que poussant moins loin les conséquences des
mêmes principes": 1o. Nos radicaux en religion et en poli-
tique ; 2o. Nos républicains avancés, farouches intransigeants
qui chantent la Marseillaise et marchent à la conquête du pro-
grès, ayant constamment à la bouche les mots : Emancipation!
République ! Liberté ! Egalité ! Fraternité ! et lançant cons-
tamment à leurs adversaires les épithètes d'hijpocntes, de ré-
îrogrades^ d'éteignoirs^ de réactionnaires^ de saint homme^ de
marchands de religion^ etc., que l'on ne peut contredire ni com-
battre sans qu'ils crient à l'inquisition, à l'excommunication,
à la damnation, etc.
Nous avons notre école Hugo— Le fétichisme Hugo: Im-
mense!— Avec son Grand Prêtre: Homme Soleil! — Drapé
majestueusement dans sa chlamyde : Vêtement des dieux !
Nous avons nos payensde la renaissance, nos féroces ennemis
des cléricaux et des jésuites, nos figarotiers, aimables persif-
fleurs à la fois de la vérité et de l'erreur, qui semblent avoir
trouvé le secret d'accommoder l'adoration de Dieu avec celle
de Bélia>, et qui, au bénéfice de leur pot-au-feu, brûlent
constamment et simultanément un double cierge ; l'un, de
beaucoup le plus gros, à Satan, l'autre à saint Michel, pe-
tite industrie qui réussit à merveille, par le temps où nous
vivons.
Nous avons nos opportunistes, nos prudents, nos circons-
pects, nos partisans du fait accompli et du dieu Etat qui con-
fondent le droit avec la force et qui font toujours céder la
force du droit devant le droit de la force.
Nous avons nos catholiques libéraux qui, tout en croyant au
catholicisme et le pratiquant quelquefois avec ferveur et dé-
vouement, soumettent en certaines matières l'Eglise à l'Etat
et tâchent de concilier la doctrine de Jésus-Christ avec les
principes de 89 et les idées modernes. Ces hommes vivent
dans une peur terrible que Dieu et son Eglise n'empiètent sur
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 87
les droits de l'Etat ; et pour éviter un si grand mal, préfèrent,
dans le doute, sacrifier les droits de l'Eglise aux prétentions
du pouvoir civil.
Enfin, Dieu merci ! nous avons les catholiques purs et sim-
ples, formés aux enseignements du St-Siège, qui se glorifient
du titre d'ultramontains, titre dérisoire d'abord, mais qui,
comme les titres de nazaréens et de chrétiens, est devenu un
titre de gloire. Les vrais ultramontains sont les enfants du
Pape. Ils admettent l'action directe de Jésus-Christ et de son
Eglise dans l'ordre social chrétien, et ne conçoivent de société
régulière, parfaitement organisée et parfaitement prospère,
qi e celle qui sert Dieu et observe le décalogue.
De même que ia presse libérale canadienne s'est formée à la
lecture de Voltaire, Rousseau, Sue, Hugo, Sand, le Siècle^ le
Courrier des Etats-Unis et toute la petite presse libérale de
France, qu'elle sympathise avec les libres penseurs, même les
chefs de la radicaille de Belleville, tels que Blanqui, Félix
Pyat, Clemenceau et Rochefort, qu'elle déclare bien haut pré-
férer Hugo, Jules Ferry et Gambetta à de Mun, Veuillot, Lu-
cien Brun et Chesnelong, de môme, la presse catholique s'est
formée à l'étude des de Maistre, Nicholas, Balmès, Veuillot, et
à la lecture des grands journaux catholiques tels que V Univers^
VUnion^ le Monde et les revues catholiques. Elle sympathise
avec cette admirable phalange du parti catholique dont nous
venons de nommer quelques uns des chefs, et dont nous avons
l'honneur de posséder en ce moment au milieu de nous deux
de ses plus illustres membres ; elle tâche d'imiter, aussi fidè-
lement que possible, leurs héroïques vertus, leur enseigne-
"Tient magistral et ces chefs-d'œuvres de la plume et de la pen-
sée, qui sont l'honneur des lettres françaises et la gloire du ca-
tholicisme.
Tout le monde se rappelle combien fidèlement se sont re-
produites au Canada les écoles ultramontaine et catholique-
libérale. On suivait ÏUrdvers^ V Union et le Monde avec l'évé-
que de Poitiers, l'archevêque de Matines, l'abbé Morel, Veuil-
lot et Laurentie ; ou bien, l'on avait pour chefs Mgr Dupan-
loup, avec messieurs de Montalembert, de Falloux, Cochin etc.
88 PREMIER CONr.RÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
On était, tout comme en France, infaillibilistes ou anti-iufail-
libilistes, opportunistes ou anti opportunistes.
Enfin, il n'y avait pas juscfu'à cette presse sceptique, égril-
larde et railleuse qui ne fût allé chercher, elle aussi, son pro-
totype à Paris, dans le F'garOj la vie parisienne et le style tin-
tamaresque des feuilles de choux parisiennes. Ses adeptes ont
intronisé, au cœur de notre pays, le genre boulevardier pari-
sien, et ce scepticisme moqueur et cynique, si contagieux qu'il
a gagné quelques-uns des meilleurs esprits, détloré bien des
cœurs, fait prévaloir, en certains quartiers, la mode de ridi-
culiser, souvent sans malice, les choses et les institutions les
plus vénérables, de parler avec légèreté ou môme irrévérence
des choses les plus saintes, surtout d'afFtîCter des sentiments,
afficher des doctrines et pratiquer une morale qui conviennent
beaucoup mieux à la canaille libre penseuse de Paris qu'à
des Canadiens-français catholiques.
< ■ ■ VI
Il ne serait pas exact cependant de dire que les écoles so-
ciales françaises se sont reproduites chez nous avec des carac-
tères absolument identiques. Les relations journalières de
notre population avec les nationalités étrangères qui nous en-
tourent, ont modifié considérablement les idées et les opinions
reçues de France. Il est vrai que ce frottement continuel d'une
partie de notre population avec l'élément protestant, l'a tout
spécialement préparée à accueillir facilement et môme à s'ap-
proprier à son insu les milliers d'erreurs et d'idées de révolte
contre l'autorité de l'Eglise catholique, qui nous viennent de
France par l'entremise de la presse libérale et anti-religieuse ;
de môme que le virus libéral, inoculé depuis longtemps chez
un grand nombre des nôtres, les a préparés à accepter plu-
sieurs des erreurs professées par les protestants avec qui ils
sont en relations continuelles.
C'est pourquoi, les erreurs qui ont cours dans l'esprit d'un
grand nombre de nos compatriotes, tout en dénotant une res-
semblance suffisante avec le libéralisme français pour attester
leur origine, révèlent en môme temps une nuance suffîsam-
RAPPORT DE l'hONOKABLE F. X. A. TUUOEL. 89
ment accentuée flans le sens protestant, pour en modifier les
tendances et le caractère.
Vil
Constater le fait que toutes les nuances de la presse fran-
çaise, depuis le journal libre penseur jusqu'au journal ultra-
montain le plus accentué, se sont manifestées au Canada,
c'est dire que les mêmes sujets do luttes y ont existé et, par
une conséquence toute naturelle, que les mômes débats de
presse s'y sont produits. De fait, et la chose est facile à éta-
blir jusqu'à la dernière évidence : nos luttes de la presse
canadienne-française ont eu, depuis 20 ou 30 ans, les mômes
caractères que celles de la presse française. De plus, dire que
toutes ces questions se compliquent ici de la question protes-
■ tante, c'est donner une idée des difficultés énormes avec les-
quelles la presse catholique doit conipter dans ce pays.
Car, lorsque l'erreur se sent serrée de trop près et que la
vérHé catholique, proclamée hautement et i-ayonnant d'un
vif éclat, est sur le point de recevoir l'adhésion universelle de
la population, le libre penseur, le gallican ou même le libéral-
catholique et quelquefois le conservateur prudent, circonspect
ou opportuniste, c'est-à-dire celui dont les intérêts matériels,
les -haines, les ambitions ou les préjugés sont menacés par la
vérité, jette tout-à-coup le cri d'alarme : " Vous allez efifrayer
^' les protestants î Vous allez soulever le préjugé protestant !
'^ Vous allez réveiller le fanatisme protestant ! Bien peu
" résistent à cette menace et ne retraitent pas devant cet
" épouvantail."
On va déplaire aux protestants ! Vite ! on reploie le drapeau,
on cache ses couleurs, on brise les rangs, on se disperse. Et
l'erreur triomphante reste, une fois de plus, maîtresse du
champ de bataille. Quels nombreux et importants succès n'a-
t-e,lle pas remportés sous ce faux mais spécieux prétexte !
Souvent ces braves protestants ne songent nullement à s'ef-
frayer de la proclamation d'une vérité qui leur est tout-à-fait
étrangère, qui ne menr.ce nullement V^' ' jgmes et à laquelle
ils sont plus qu'indifférents. Quelquefois même, ils sont à
90 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
cent lieues de savoir ce dont il s'agit ; en tout cas, ils ne s'ef-
fraient nullement : leur bon sens et leur esprit de justice leur
suggèrent qu'il n'y a, pour eux, aucun sujto d'alarme, ni aucun
prétexte à une levée de boucliers. Mais très souvent un libéral
ou un opportuniste est là pour réveiller chez eux des terreurs
imaginaires, des appréhensions gratuites touchant les actes de
ces afTreux ultramontains !
Il n'y a pas un siècle, l'un de nos grands journaux protes-
tants intimait à ses coreligionnaires, et cela dans un style très
énergique et au cours d'un article à grand effet, la nécessité pour
les protestants de soutenir le gouvernement du jour, sans quoi,
leur disait-il, tel ou tel ultramontain que vous connaissez
arrive au pouvoir; et vous savez ce qui vous attend î vous
savez quels ténébreux complots ces odieux ultramontains
trament contre vous !
Or, je tiens de source à peu près certaine, que l'inipirateur
de cet article, écrit dans un temps de grand calme et où au-
cune difficulté religieuse ne se manifestait, où il n'y avait pas
le moindre aliment aux préjugés, pas le moindre prétexte de
malentendu entre les différentes croyances, était un ministre
canadien-français catholique !
Plus de dix fois, des coteries politiques ont travaillé à ser-
vir des intérêts de parti en soulevant ainsi des préjugés
contre les catholiques ultramontains ou certains organes de la
presse catholique, se gardant bien de reconnaître que, depuis
la proclamation du dogme de l'Infaillibilité pontificale, il ne
peut plus y avoir de différence entre un ultramontain et un
catholique orthodoxe conséquent avec ses principes.
Que l'on juge par là des difficultés auxquelles la presse
catholique est en butte !
VIII
Il y a plus: en France, on f- franchement cathohque
romain ultramontain, ou bien l'on est libre penseur, libéral,
gallican, catholique-libéral : dans tous les cas, l'on arbore
carrément son drapeau et l'on combat pour le faire triompher.
Au Canada, vous verrez des francs-maçons libre penseurs se
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 91
donner pour plus catholiques que nos évoques, afin de ne pas
perdre leur popularité. Et tout en affirmant leur catholicisme,
ils font une guerre de sauvages à tous les principes religieux et
sociaux, soulevant les préjugés, excitant les passions et pro-
fitant de l'ignorance de leurs lecteurs pour inculquer dans
leurs esprits des erreurs fimestes sous les couleurs d'un catho-
licisme de faux aloi. Inutile de dire que la déloyauté, le
mensonge, et le parti pris d'ignorer toute notion d'honneur et
de bienséance dans la discussion, sont pour ces gens là des
vertus civiques qu'ils pratiquent avec une scrupuleuse régula-
rité. Tandis qu'ils se couvrent de l'inviolabilité due à la vie
privée, pour afficher impunément sur le théâtre, la place
publique ou dans le journal des principes de morale du plus
pernicieux effet sur notre population, ils ne se gênent jamais
d'onvahir le sanctuaire domestique pour décrier et môme
calomnier tout gratuitement, ceux qui ont le tort de ne pas
penser comme eux. C'est donc une tâche excessivement
pénible que celle de lutter avec de tels adversaires.
IX
D'ailleurs, c'est toujours un métier ingrat que celui de com-
battre les erreurs, de dénoncer les abus, de lutter contre le
torrent d'injustices, d'exactions, de dilapidations des deniers
publics, de calomnies, de mensonges que développe le fonc-
tionnement des institutions constitutionnelles. Aussi, humaine-
ment parlant, l'œuvre de la presse catholique est une bien
pénible corvée. Bien peu ont le courage de la fournir jus-
qu'au bout. Les gouvernements ne vivant qu'au moyen de la
politique de parti, il est presque passé en principe qu'il faille
approuver et louer très haut toutes les mesures du parti quelles
qu'elles soient, et proclamer comme essentiellement mauvais,
abominable ce qui vient des adversaires. Il n'existe guère de
plus grande cause de perversion. Rien ne fausse plus le juge-
ment et le sens moral. Or, que fera la presse catholique, dans
de telles circonstances? transigera-t-elle av^j l'erreur? défen-
dra-t-elle les faux principes pour combattre les bons ? sacrifie-
92 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
ra-t-elle la vérité, l'honneur, la justice aux exigences du parti ?
Evidemment non !
Il lui faut donc se conserver assez indépendante des liens
de parti pour ne jamais approuver ce qu'elle sait être mauvais ;
ne jamais condamner ce qu'elle sait être bon. Elle devra
user de la plus grande réserve et ne jamais pactiser avec l'er-
reur ni l'injustice.
Mais alors, elle deviendra suspecte à son parti. L'on par-
donnera une défection, même une trahison dictée par l'intérêt
le plus sordide, plutôt que le non possumus d'une conscience
honnête.
En doutons-nous ? des centaines d'exemples pullulent sous
nos yeux. En général, parmi les heureux de la politique et
ceux que le patronage favorise de ses dons, plus de la moitié
sont des transfuges, ou du moins des gens toujours prêts à
ménager l'erreur ou pactiser avec l'ennemi. Pendant ce temps
là, le journaliste de principe lui, n'aura qu'à recueillir la haine
de ses adversaires et le mauvais vouloir de ses amis. On le
maltraitera d'autant plus que l'on saura ses convictions plus
inébranlables et que l'on considérera comme impossible qu'il
passe à l'ennemi. Combien n'est-il pas cent fois plus commode
de flatter les mauvais penchants, de nourrir les préjugés à la
mode, de ménager l'erreur, de suivre le courant ! Peu importe
qu'une loi soit mauvaise, si la majorité du peuple la veut !
que telle institution soit l'une des colonnes de l'ordre social,
si le peuple veut la renverser !
L'on en est arrivé à ce point que dernièrement, un journal
félicitait des députés de ce qu'ils avaient traité une question
en hommes d'affaires " ayant soigneusement ignoré la ques-
tion de principes."
X
J'ai fait ressortir, il y a un instant, les points de similitude
qui existent entre la presse française et celle de notre pro-
vince. Or, l'on a vu se soulever ici, autour de la presse catho-
lique, les mômes passions, les mômes haines, que celles qui
ont assailli la presse ultramontaine de France. Des accusa-
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 93
tions analogues ont été portées contre elle : les reproches
d'exagération, d'intolérance, de rigorisme, d'hypocrisie, etc.,
ne lui ont pas été ménagés, mémo par des catholiques sincères
et dévoués.
Aux ultramon tains français l'on disait aussi : Vous voulez
être plus catholiques que le Pape, vous êtes des brandons de
discorde, vous troublez la paix !
Mais d'illustres témoignages d'approbation et de précieux
encouragements sont venus doubler leur courage Non seule-
ment des prélats distingués sont venus témoigner de l'oppor-
tunité de leurs travaux et de la sûreté de leur doctrine, notre
St-Père le pape, l'immortel Pie IX lui-même, n'a pas dédai-
gné de rendre hommage à la presse catholique. Il a même
fait un commandement à l'épiscopat de l'encourager.
Or, on se le rappelle, dans toutes les grandes luttes avec les
autres écoles, que nous avons signalées, la presse catholique
française a triomphé. Il y a aujourd'hui ce que l'on peut ap-
peler chose jugée en sa faveur.
Or, dans notre humble opinion, les hautes approbations
dont la presse catholique française a été honorée, son triom-
phe sur ses contradicteurs, justifiaient, au point de vue des
principes, la j)osition prise par la presse catholique cana-
dienne, puis(jue cette dernière n'avait fait que suivre les en-
seignements et reproduire la doctrine de la première.
Elle avait aiboré le même drapeau, professé les mêmes
principes, combattu les mêmes erreurs. Comme la presse
française, elle avait reçu, elle aussi, de précieux encourage-
ments de l'épiscopat. A elle comme à la presse française, s'ap-
pliquaient les paroles de Pie IX.
Mais là s'arrête l'analogie. La presse catholique française
avait triomphé, la presse catholique canadienne a éprouvé
de douloureux mécomptes.
Non pas qu'elle ait, du moins que je sache, subi de condam-
nation ; mais elle n'a pas su se concilier les sympathies de plu-
sieurs des hautes autorités religieuses dont les suffrages
étaient cependant essentiels à ses succès.
94 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
XI
Je veux être bien compris : Je n'entends aucunement com-
menter l'action de ces liautes autorités, encore moins la juger.
Ces actes ne se discutent peint devant une commission sécu-
lière. Si la presse catholique n'a pas su se gagner l'adhésion
d'une partie de l'épiscopat canadien, il faut supposer que c'est
la faute de la presse catholique. Si, aux yeux de l'autorité,
dans certains diocèses, elle n'a pas été trouvée digne des suf-
frages de l'Eglise, tandis que la presse ultramontaine fran-
çaise, dont elle a suivi les enseignements, triomphait à Rome
et dans toute la France, c'est sans doute, parce qu'elle n'en
était pas digne. Hélas ! nous sommes trop portés à rapetisser
toutes les grandes questions, les intérêts majeurs de l'Eglise à
la courte mesure de nos vues humaines. Quelquefois, sinon
très souvent, nous ci"oyons travailler pour Dieu et son Eglise ;
et nous ne recherchons que succès d'amour-propre, que satis-
faction de nos vues personnelles, que triomphe de nos inté-
rêts. Nous croyons rendre quelques services à l'Eglise, tandis
que nous ne sommes que des serviteurs inutiles. De fait,
Dieu n'a nul besoin de nous. Et quand il daigne nous asso-
cier, de près ou de loin, à quelques-unes des œuvres de misé-
ricorde, de justice ou de vérité, que sa Providence accomplit
pour le bien de son Eglise, c'est une grande faveur, un hon-
neur tout gratuit qu'il nous fait.
Que, par l'entremise de quelques-uns de ses représentants
les plus autorisés. Dieu ait fait sentir à la presse catholique
du Canada qu'il n'avait pas besoin d'elle, qu'elle n'avait pas
droit de s'enorgueillir de ce qui, après tout, n'était que l'œuvre
de Dieu, qu'elle avait déjà reçu sa récompense pour ses la-
beurs et ses bonnes intentions, dans l'insigne honneur d'avoir
été admise à combattre les combats de l'Eglise, elle ne peut
nullement trouver à redire.
XII
Quel a été le jugement porté à Rome, touchant le rôle de la
presse catholique canadienne, ses principes, sa doctrine, ses
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 9 S
polémiques ? Je crois qu'elle n'en a jamais été informée, du
moins d'une manière officielle. Cependant, il me parait évi-
dent que ses principes ont été trouvés sains, sa doctrine irré-
prochable ; autrement, ses erreurs de principe ou de doctrine
eussent été signalés..
Il y a d'ailleurs une autre raison encore plus forte : c'est
que deux brefs de Pie IX sont venus honorer deux de ses or-
ganes les plus profondément engagés dans ces polémiques.
L'on a dit, dans certains quartiers, que la presse catholique
du Canada avait été vue, à Rome, avec défaveur, et que ce
qui avait déplu, c'était le to7i de ses polémiques et surtout leur
opportunité.
D'abord, pour le ton ; L'on aurait manqué de charité, de
modération vis-à-vis les libéraux, ces tendres agneaux qui n'a-
vaient jamais songé à donner à leur libéralisme aucune portée
religieuse ni sociale, mais qui n'étaient libéraux qu'en écono-
mie politique ! Et encore, soumis, (ces bons moutons ! ) de
cœur et d'âme à l'Eglise, à ses chefs, à tous ses enseignements !
Ensuite, pour l'opportunité : Pourquoi, aurait-on dit, occire
sans miséricorde ces doux ascètes, coupables tout au plus d'a-
voir, dans leur ferveur et leur dévouement catholique, frisé
un peu, à la façon de Lacordaire et de Dupanloup, le libéra-
lisme européen, et côtoyé, mais de loin, de bien loin ! le do-
maine de l'erreur où Montalembert et de Falloux, eux, avaient
bien campé une partie notable de leur existence.
Et puis, il y a les protestants. Les protestants ! Ces ultra-
montains, en affirmant sans cesse leurs doctrines, exaspéraient
les protestants, nos vainqueurs, nos maîtres qui, ainsi provo-
qués, allaient sans doute faire table rase de tous nos droits et
peut-être renouveler ici les persécutions d'Elizabeth ou le
massacre de la Boyne !
Est-il vrai que l'on soit venu à bout de faire accepter ces
contes bleus, comme un tableau fidèle de notre position vis-à-
vis nos concitoyens d'origine étrangère à la nôtre ? D'un autre
côté, les vues et les intentions de Rome,. de môme que celles de
notre épiscopat, ont-elles été correctement interprétées ? Je
n'en sais rien ; mais ce qui est bien certain, c'est qu'à un mo-
96 " PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
ment donné, la presse catholique canadienne s'est crue bâil-
lonnée par l'antorité supérieure ecclésiastique, tandis que la
presse libérale se livrait aux plus graves intempérances de
langage à l'adresse des ultramontains et chantait victoire sur
toute la ligne.
De certaines réprimandes administrées à des journaux ca-
tholiques, tandis que les feuilles libérales avec lesquelles elles
discutaient, restaient exemptes de toute censure, l'on a conclu
que la polémique, sur les questions religieuses, était interdite
aux journaux ultramontains. On a, je le crois bien, mal com-
pris ou exagéré la portée de ces réprimandes ; mais il n'est
pas moins vrai qu'elles ont eu l'effet de rendre, pendant un
temps, la presse catholique à peu près muette. Il est également
incontestable que l'on a attribué à l'autorité l'intention d'in-
terdire aux laïques de traiter toute question de droit cano-
nique et de science ecclésiastique, qui touchaient aux rapports
de l'Eglise et de l'Etat, ou aux questions sociales. Encore une
fois, ce doit être une fausse interprétation de la pensée épis-
copale.
Défendre aux laïques, comme un empiétement sur un do-
maine réservé au clergé, de traiter les qifestions de théologie
se rapportant aux questions sociales, ou affectant les rapports
de l'Eglise et de l'Etat, c'eût été, évidemment, interdire l'étude
de toutes les questions sociales, vu que ces questions ne peu-
vent trouver leur solution que dans l'étude de la doctrine ca-
tholique et de la théologie.
De là le malaise des écrivains catholiques. Pour ne pas en-
courir de censure, ils prirent le parti d'éviter toute discussion
sur les questions de l'ordre religieux et social. La presse libé-
rale, au contraire, bien qu'elle ne se fût jamais guère aupara-
vant souciée des opinions des évêques, s'imagina qu'elle avait
ses coudées franches, et tous les avantages avec des adversaires
qui d'avance se croyaient réduits au silence ; elle ne se gêna
pas de soulever nombre de qnestioiis religieuses et sociales et
de les résoudre à sa manière, accomplissant ainsi un travail
des plus délétères. Tous les jours, le silence des catholiques
l'a enhardie de plus en plus. Elle en est venue à tourner en
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 97
ridicule des lettres épiscopales et à amoindrir la portée des
actes pontificaux. Elle a, tout à son aise, et continuellement
bafoué, insulté, vilipendé les ultramontains, livrant à la risée
publique, après les avoir dénaturés, leurs principes et leurs
doctrines, qu'ils croyaient leur être interdit de défendre. Bien-
tôt, elle ne s'est plus gônéa d'atïicher plus ouvertement ses
sympathies pour les partis les plus avancés parmi les radicaux
français. Tous les jours, elle a exalté la sagesse, le patriotisme,
la libéralité, le civisme des plus mortels ennemis de l'Eglise
et approuvé avec éloge une politique tyranuique que tout
l'épiscopat de l'univers et la catholicité toute entière s'accor-
daient à considérer comme une odieuse persécution religieuse.
Enfin, elle a travaillé à acclimater, en les reproduisant jour-
nellement du Siècle^ de la République française et au très feuilles
impies et socialistes, les doctrines les plus anti-catholiques et
les plus subversives de l'ordre social.
La presse libérale et les autres organes de l'erreur ont su
exploiter, d'une autre manière, l'état de gène morale où se
trouvait la presse catholique : ça été en dénonçant la presse
catholique chaque fois qu'elle a manifesté quelque disposition
à combattre l'erreur, en criant bien fort à l'intolérance, à l'hy-
pocrisie ; en disant que la presse catholique semait la discorde,
troublait la paix, compromettait la religion, désobéissait aux
ordres de ne plus raviver les polémiques religieuses.
L'on conçoit aisément quelle position un tel état de chose a
faite aux journalistes catholiques.
xiir
Il y a plus : le journaliste catholique dans toute la force du
mot, je veux dire, celui qui, malgré ses sympathies, au mépris
de ses intérêts et faisant violence à ses préférences politiques,
dénonce le mal môme chez ses amis politiques, qui refuse
par exemple, les annonces payantes du théâtre, les actions
gratuites dans les grandes entreprises industrielles, qui com-
bat les factions puissantes môme au risque de se faire écraser
par elles, découvre les jobs faits aux dépens du trésor public,
qui condamne les erreurs, mômes lorsqu'elles favorisent ses
98 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
plus chers intérêts, lutte contre les préjugés, surtout se fait le
défenseur des droits de Dieu et de son Eglise, lorsqu'il est
devenu de mode de sacrifier ces droits, etc., etc. :
Ce journaliste catholique, quelle est sa position dans la
société ? En toute circonstance, il est sûr de compter contre
lui, unissant leurs efforts pour le ruiner, sinon pour le
perdre :
1 0. Tous les libéraux par principe.
2o. Tous les membres des sociétés secrètes, soit qu'ils
agissent d'après un mot d'ordre, soit qu'ils obéissent à un ins-
tinct leur indiquant le journaliste catholique comme l'ennemi
de leurs principes.
3o. Tous les gens sans principes arrêtés, naturellement hos-
tiles au journaliste catholique, qu'ils considèrent comme
exagéré dans ses opinions.
4o. Tous les protestants fanatiques et étroits, vu que chaque
fois qu'ils veulent assaillir le catholicisme, c'est toujours lui
qu'ils trouvent au poste avancé de l'armée catholique et qui
déjoue tous leurs plans de prosélytisme.
5o. Tous les jobbers.
6o. Toute cette tourbe d'intrigants toiijcurs à l'affût du
patronage et de la distribution des faveurs, parce que, par mille
moyens que le journaliste catholique répudie au nom de
l'honneur et de la conscience, ils veulent se faire une plantu-
reuse existence aux dépens du trésor public.
7o. Tous les amis de la paix à tout prix, parce qu'ils voient
en lui un homme prêt à sacrifier la paix pour le triomphe de
la justice et de la vérité.
8o. Tous les libertins et les débauchés qui voient dans la
conduite du journaliste catholique une protestation contre
leurs excès, dans la doctrine qu'il proclame une condamna-
tion de leurs vices, et dans la loi morale qu'il défend un obs-
tacle à leur vie licencieuse.
9o. Tous les propriétaires de théâtres, directeurs de troupes
dramatiques, auteurs de mauvaises pièces, ou de mauvais
romans, parce que le journaliste catholique les condamne et
les dénonce comme une peste sociale.
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 99
10. Les propriétaires de buvettes, tripots, et autres boutiques
d'immoralité, que Dieu merci ! le journaliste catholique ne fré-
quente pas et dont il condamne l'existence.
Ho. Toute la canaille.
12o. Les pvéconisateurs du confort, les gastronomes, les
viveurs de la vie de clubs et de boulevards, parceque la
morale austère du journaliste catholique les effraie.
13o. Tous les muscadins, freluquets, petits crevés, gandins
de toutes sortes, tous ennemis de l'étude et du travail, esclaves
de la mode et qui ne s'effraient guère de conduire leurs
familles et leur pays à la ruine, pourvu qu'ils y aillent en habits
fins et en gants musqués, parceque le journaliste catholique
ne suit pas la mode, combat le luxe et montre à ses conci-
toyens, dans une vie de rudes labeurs et d'économie, le bonheur
de leurs familles et la grandeur de leur patrie.
14o. Tous les agioteurs, les intriguants, les chercheurs de
grasses sinécures ou d'offices qu'ils n'ont pas mérités, parceque
le journaliste catholique leur rappelle sans cesse cette sentence
tombée de la bouche de Dieu môme : "Tu mangeras ton pain
à la sueur de ton front'', et qu'eux ils entendent faire bonne
chère et joyeuse vie aux dépens du public.
i5o. Tous les littérateurs qui poussent jusqu'à l'exagération
le culte de la forme, sans se soucier de l'idée, ces admirateurs
de la littérature sensuelle et payenne, parceque le journaliste
catholique croit et professe que l'idée chrétienne est lasouTce
des plus beaux sentiments comme des plus nobles pensées.
16o. Tous les politiqueurs à courte vue, aussi pauvres de
principes que de patriotisme, qui ne savent que faire de la
politique d'expédient, exploiter le trésor public à leur profit,
et pour conduire le peuple, substituent, aux leviers puissants
de l'honneur et du désintéressement, la corruption et l'achat
des consciences ; parceque le journaliste catholique peut être
quelquefois leur dupe, mais ne sera jamais leur complice.
17o. Tous ces hommes d'affaires qui ont pour principe de
faire de l'argent avant tout : les usuriers, parceque le journa-
liste catholique condamne l'usure ; le banqueroutier fraudu-
leux parcequ'il préconise la justice et une vie d'économie et
100 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
de sacrifice ; certains grands négociants et grands manufactu-
riers parcequ'il proclame la supériorité des questions reli-
gieuses et des principes sociaux sur les intérêts du commerce
et de l'industrie ; certains capitalistes et grands propriétaires,
parcequll protège contre eux le travail honnête ; le gréviste,
parcequ'il défend contre lui les droits sacrés du capital et de
la propriété ; certains économistes utilitaires et matérialistes,
parceque, en toute matière, il oppose toujours la question
sociale à l'intérêt matériel du moment.
18o. Grand nombre d'amis politiques, parcequ'il aura mis
des réserves à son allégeance de parti ; la plupart de ses adver-
saires, parcequ'il est irréconsiliable à leurs utopies et leurs
faux principes.
19o. Les partisans du libéralisme catholique, cette pire de
toutes les pestes, cette '•'• pcssissima pesta'"' au témoignage de
Pie IX.
Inutile d'ajouter qu'il aura surtout pour ennemis acharnés
les journalistes sans principes dont il a pour mission de com-
battre l'action funeste dans la société, ainsi que toute cette
masse de gens qui, d'instinct, haïssent tout ce qui, sous une
forme ou une autre, représente l'idée catholique. Ces gens
là, sans savoir pourquoi, haïssent le prêtre, surtout le jésuite ;
ils haïssent toute congrégation, toute confrérie religieuse.
Ils sont d'inslinct hostiles à tout cloître, à t'.ute institution de
charité, à toute pratique de dévotion, à tout objet de piété, à
tout ce qui est chrétien. Par une conséquence naturelle, ils
sont d'autant plus hostiles au journaliste catholique que la
presse ultramontaine est, par excellence, l'épée de combat des
soldats du Christ. Ils la haïssent donc de cette haine dont,
depuis dix-huit cents ans, Satan poursuit les disciples de Jésus-
Christ ; de cette haine qui s'est incarnée dans Voltaire et qui,
dans ses millions d'adeptes, continue à haïr tout ce qui repré-
sente la vérité catholique.
Oui ! le journaliste catholique aura tous ceux-là contre lui I
Et bien d'autres encore !
RAPPORT DE l'honorable F, X. A. TRUDEL. 101
XIV
Mais qui aura-t-il donc en sa faveur?
Bien peu de monde en définitive ; car dans les rangs des
meilleurs catholiques, dans le clergé môme, dans l'assemblée
des plus hauts dignitaires de l'église, on se divisera sur le
mérite de sa ligne de conduite, sur la sûreté de sa doctrine,
sur la pureté de ses intentions.
N'est-ce pas là, du reste, un peu l'histoire de ce qui est
arrivé ?
Il ne faut donc pas s'étonner si, ployant déj<à sous le poids
de ce toile général que toutes les passions humaines hurlaient
contre elle, la presse catholique canadienne à semblé s'affais-
ser, dès que l'autorité ecclésiastique a paru lui retirer sa con-
fiance et lui marchander son appui.
De ce moment, il y a eu, dans ses rangs, désarroi, désorga-
nisation, débandade. Plusieurs écrivains marquants ont brisé
leur plume pour se consacrer exclusivement à une autre car
rière. D'autres, comme nous l'avons dit, se sont fait une règle
d'éviter à l'avenir toute polémique religieuse, et dans ce but
se sont abstenus d'attaquer les œuvres de la presse libérale.
Les propriétaires des journaux ultramontains se sont, pour la
plupart, appliqués à faire perdre à lears feuilles ce caractère
qui les avait renaus si odieux à une portion du public et avait
soulevé de si fortes réprobations ; on en a fait des journaux
d'affaires,s'appliquant à recueillir les bruits de la rue, à faire des
chroniques de théâtres, à encenser les gros bonnets de la poli-
tique, flatter les puissants du commerce et de la finance et à
emboîter le pas derrière les journaux qui, eux, avaient obtenu
des brevets de sagesse en n'exaspérant pas trop le libéralisme et
môme en défendant quelques points de sa doctrine. On a ainsi
obtenu la paix ; mais en se suicidant, car ces journaux peuvent
être de bons journaux politiques, de commerce et d'annonces,
mais il ne constituent plus, à proprement parler, une portion
de la presse catholique.
Ceux qui ont continué à tenir haut et ferme le drapeau ont
continué à être haïs. Que dis-je, il y a eu contre eux recru-
•102 l'HEMIKIt CONflRES CATHOLigUE TENU A (JLÉMEC.
descence de mépris, d'injure et de venin. D'antres enfin se
trainent languissamment, accomplissant un œuvre encore
précieuse, celle de continuer à répandre les bonnes doctrines,
mais avec des résultats relativement peu considérables, vu
qu'autour d'eux l'erreur lève insolemment la tête et ne ren-
contre pas de contradicteur. Quelques propriétaires de jour-
naux ou de revues ont laissé mourir leurs publications plutôt
que de s'exposer à encourir le reproche d'empiéter sur le ter-
rain réservé aux ministres de l'église, ou de troubler la paix.
XV
Voilà quelles sont les conditions actuelles de la presse
catholique au Canada. Voilà, dans mon humble opinion, les
principaux obstacles qui s'opposent à ses progrès.
Il y a bien notre pauvreté, le fait que le public ne lit pas.
Il y a bien aussi le fait que les questions religieuses et sociales
sont si peu connues au Canada que le nombre de ceux qui sont
en état de les traiter convenablement est bien petit.
Le premier de ces obstacles, notre pauvreté, n'est pas sérieux,
ou du moins n'est pas invincible. Quand notre population
sera fermement convaincue de la nécessité d'une presse catho-
lique forte, et que notre épiscopat sera unanime à la demander,
j'ose dire que la partie matérielle ne fera pas défaut. Nous
sommes pauvres ; mais combien de millions depuis 30 ans,
n'ont-ils pas été consacrés à construire des maisons de charité
ou d'éducation ! Que l'on se persuade bien de iimportance et
de la nécessité d'une bonne presse catholique ; que l'on réus-
sisse à se convaincre que, dans notre siècle où la presse exerce
une influence déterminante, le fauteuil de l'éditeur est aussi im-
portant que la chaire du professeur, le dispensaire des remèdes
sociaux aussi essentiel que l'hôpital, la guérison de la cécité
intellectuelle et de la déraison libérale plus importante que
celle des maladies des yeux et du cerveau, et alors, nous fon-
derons une presse catholique ne le cédant à la presse d'aucun
pays, de môme que nous avons fait des collèges, des hôpitaux,
des couvents, des asiles, qui font l'admiration du monde entier.
Notre public ne lit pas, surtort les journaux catholiques.
RAPPOHT DE l'hONOKAULE F. X. A. TRUDEL. 103
Pourquoi ? Parceque, jusqu'à aujourd'hui, bien peu a été fait
pour relever la presse catholique de l'état d'humiliation où
on l'a tenue, et pour lui donner l'influence et l'autorité qu'elle
devrait avoir.
Que nous ayons une presse se tenant à la hauteur du mou-
vement catholique dans tout le monde entier, comprenant bien
et traitant convenablement toutes les questions sociales, repro-
duisant les admirables discours des champions de la cause
catholique en Europe, faisant connaître les meilleures produc-
tions de la littérature chrétienne du monde entier, nous faisant
chaque semaine une peinture fidèle de l'état de la société ca-
tholique en Italie, en Angleterre, en France, en Allemagne et
aux Etats-Unis, nous initiant aux combats journaliers que nos
frères de ces pays livrent avec tant d'héroïsme, nous faisant
toucher comme du doigt toutes les matières qui peuvent inté-
resser les cœurs catholiques, et l'on verra que cette presse ne
manquera pas de lecteurs.
Enfin, qu'un peu d'encouragement soit donné, par qui de
droit, à ceux qui se livrent au travail ingrat d'étudier les
questions religieuses et sociales. Que dorénavant ces études
ne soient pas une cause d'ostracisme contre ceux qui les ont
faites ; que la défaveur et le discrédit qui s'attachent à ceux
qui ont tenté ces études disparaissent dans l'esprit des bons
catholiques ; qu'on cesse de considérer ces hommes commo
des êtres dangereux ; que les catholiques et leurs chefs natu-
rels prennent les moyens d'empêcher que la carrière de jour-
naliste catholique soit une cause d'exclusion des avantages
naturels auxquels auraient droit ceux qui s'y sont dévoués. Et
l'on verra bientôt les études sociales et religieuses redevenir
en honneur et fleurir au milieu de nous.
XVI
Il est une vérité que l'on a proclamé bien souvent et bien
haut : ce sont les Evêques qui ont fait la. France. L'on peut
dire avec autant de vérité : ce sont les Evêques qui ont fait le
Canada. Il en sera de la presse catholique comme de toutes
nos grandes institutions nationales. Que Nos Seigneurs les
104 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
Evoques daignent la prendre spécialement sous leur protec-
tion, et veuillent bien entreprendre de lui donner tout le
secours dont elle a besoin et qu'il est au pouvoir de Leurs
Grandeurs de lui donner, et bientôt la presse catholique
deviendra ce qu'elle doit être.
Ce précieux encouragement, nous prenons la respectueuse
liberté de le réclamer comme un droit, de Nos Seigneurs les
Evoques.
Le grand Pape Pie IX, dans son admirable sollicitude pour
tous les intérêts de l'Eglise, a toujours couvert la presse
catholique de sa bienveillante protection. Bien plus, il l'a si
constamment encouragée de toutes ses forces et a tant fait
pour que partout il fût créée et maintenue une presse catho-
lique dans toute la force du mot, que nous osons le prot »mer
le Père de la presse catholique. Eh bien ! du haut du ciel . où
elle rayonne encore sur toute l'Eglise, cette Grande et Sai^ite
figure nous couvre enco aujourd'hui de sa protection. Père
de la presse catholique, l'on peut dire qu'il lui a légué, avant
de mourir, le cœur de l'Episcopat. Ecoutons ce que Sa Sainteté
disait dans sa célèbre Encyclique '•'■ Inter multiplices : "
" C'est pourqui, en vous efforçant d'éloigner des fidèles con-
" fiés à votre sollicitude le poison mortel des mauvais livres
" et des mauvais journaux, veuillez aussi, nous vous le cleman-
" do9is avec instance^ témoigner toute votre bienveillance et
" toute votre protection aux hommes qui, animés de l'esprit
" catholique et versés dans les lettres et dans les sciences,
" consacrent leurs veilles à écrire et à publier des livres et des
" journaux, pour que la doctrine catholique soit propagée et
" défendue, pour que ' s droits dignes de toute vénération de
" ce Saint-Siège et ses actes aient toute leur force, pour que
" les opinions et les sentiments contraires à ce Saint-Siège et
" à son autorité disparaissent, pour que l'obscurité des erreurs
'"' soit chassée, et que les intelligences soient inondées de la
" douce lumière de la vérité.
" Votre charité et votre sollicitude épiscopales devra donc
" exciter l'ardeur de ces écrivains catholiques, animés d'un
'■' bon esprit, afin qu'ils continuent à défendre la cause de la
RAPPORT DE l'hONORAHLE F. X. A. TRUDEL, 105
" vérité catholique, avec un ^ lin attentif et avec savoir. Que
" si, dans leurs écrits, il leur arrive de manquer en quelque
" chose, vous devez les avertir avec des paroles paternelles et
" avec prudence."
Voilà le testament de Pie IX, ce que l'on peut appeler, :uns
crainte de se tromper, ses constantes et dernières volontés. C'est
le testament de notre père. Armés de ce document, allons
sans crainte revendiquer le précieux legs qu'il a fait à ses
chers enfants de la presse catholique ! Ecoutez le bien ; il
parle aux Evoques : " Veuillez aussi, nous vous le demandons
'^ avec instance, témoigner toute votre bienveillance et toute
" votre protection, aux hommes qui, animés de l'esprit catho-
" lique et versés dans les lettres et les sciences, consacrent leurs
" veilles à écrire et à publier des livres et des journaux, pour
" que la doctrine catholique soit propagée et défendue, etc."
A l'instante prière, succède le commandement : " Votre cha-
" rite et votre sollicitude épiscopale devra donc exciter l'ar-
" deur de ces écrivains catholiques, etc."
Enfin, le cœur de ce père affectueux qui connaît les fai-
blesses de ses enfants, ce cœur de Pie IX, qui, à l'exemple de
celui du divin Crucifié, brûle de charité et est une fontaine
de pardon, n'oublie pas la provision de miséricorde. L'indul-
gence ! elle n'est pas seulement conseillée, elle est comman-
dée ; " que s'il leur arrive de manquer en quelque chose, vous
" devrez les avertir avec des paroles paternelles, et avec pru-
" dence."
Relisons souvent ce document émané du cœur du plus
tendre des pères. C'est un titre de famille.
Je disais, il y a un instant, combien nombreuses étaient les
haines amoncelées contre le journaliste catholique ; je démon-
trais quel isolement les passions humaines fesaient autour de
lui. Tout e contre lui ! vous disais-je. Eh bien non ! tout
n'est pas contre lui ! Immense est le secours sur lequel il peut
s'appuyer, puisqu'il a pour lui le cœur de Pie IX ; puisqu'il a
un titre indéniable, à la bienveillance, à l'appui, à la protec-
tion de l'Episcopat ! puisque le testament du père commun est
là pour lui assurer ce qu'il lui faut pour combattre et vaincre
106 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
Pie IX est mort, dira-t-on ; oui... Sed Pctrus non moritur !
Léon XIII avait à peine ceint son auguste front de la tiare
pontificale, que déjà il prenait la presse catholique sous sa
protection spéciale et continuait, vis-à-vis les écrivains catho-
liques, les traditions de son immortel prédécesseur. En effet,
Sa Sainteté, en déposant sur le front de l'Ange de l'Ecole une
nouvelle couronne, a d'ahord montré qu'il voulait faire
revivre l'ancien éclat de la philosophie chrétienne ; puis, en
entourant de Sa Paternelle sollicitude la fondation d'un nouvel
organe du St-Siège, Elle a voulu montrer que, pour tirer l'uni-
vers de l'abîme d'erreur où il agonise, il fallait ces deux
puissants leviers capables de soulever un monde : la philoso-
phie chrétienne et la presse catholique.
XVII
De ce qui précède," il résulte clairement, ce me semble, que
la première condition nécessaire pour faire disparaître les
obstacles qui s'opposent aux progrès de la presse catholique et
pour accroitre sa prospérité et son influence, c'est que l'épis-
copat tout entier daigne la prendre tout spécialement sous sa
protection, et l'entourer de cette sollicitude que la grande
voix de Pie IX a réclamée pour elle ; c'est que la fondation et le
maintien d'une presse catholique réellement efficace soient mis
au rang des œuvres les plus importantes dont leurs Seigneuries
aient à s'occuper ; c'est que nos Evoques daignent exposer à
leurs ouailles et leur faire comprendre que, vu le caractère des
temps où nous vivons, l'influence et le travail immense que la
presse impie ou libérale opère dans le monde ; travailler à
agrandir l'influence de la presse catholique et rendre son
action universelle, c'est travailler à l'œuvre de Dieu, c'est
accomplir un apostolat.
XVIII
Telle est la première condition requise pour assurer la pros-
périté de la presse catholiqiie. Je dis la première ; mais ce
n'est pas la plus difficile à réaliser.
Demander à nos évêques de s'unir dans une même pensée,
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 107
une même action, un même but, celui d'accomplir l'une des
plus belles prescriptions de charité et de zèle apostolique
sortie du cœur de Pie IX, c'est, j'en ai la conviction, courir
au-devant des plus ardents désirs de ces vénérables pasteurs
de nos âmes.
La seconde condition, c'est que les écrivains catholiques sa-
chent se mettre à la hauteur ùi lole sublime que le Souve-
rain Pontife a daigné leur assigner dans l'immortelle ency-
clique dont je viens de lire un extrait. Or, ce rôle, ce n'est
que par la pratique de l'abnégation la plus complète qu'ils le
rempliront dignement.
Et voici pourquoi : L'affirmation, dans ce pays, des vérités
sociales proclamées par Pie IX, a d'abord réveillé une ex-
plosion de préjugés et de hair.es. L'école ultramontaine, cou-
pable de cette affirmation de principes a été, de suite, honnie,
méprisée, ridiculisée. Une portion notable de notre popula-
tion a bien vite conçu pour cette école une haine intense qui,
encore aujourd'hui est très-vivace. Je ne nie pas qu'en cer-
taines circonstances le ton acrimonieux avec lequel des écri-
vains catholiques ont repoussé les premières attaques dont on
a assailli leurs convictions, certaines polémiques, toutes de
personnalités, qui s'en sont suivies, ont contribué beaucoup à
envenimer ces haines. Depuis, cependant, la grande voix de
Rome a parlé ! Nos conciles provinciaux ont proclamé avec
insistance les vérités du Syllabus. Ce travail évangélique a,
heureusement, produit ses résultats. La vérité a insensible-
ment gagné du terrain ; et aujourd'hui, tel qui frémissait
d'indignation à la seule mention du Syllabus^ est le premier à
l'acclamer avec enthousiasme. Qui, à cette heure, à part les
libéraux avancés, n'admet pas toutes ces grandes vérités, tant
niées il y a dix ans ? Qui n'est pas obligé d'admettre, s'il tient
à être catholique, que rien ne le sépare plus des doctrines
aitramontaines ?
Mais si la doctrine a triomphé, la haine contre les ultra-
montains est restée. On ne peut pardonner à certains hommes
d'avoir, quelques années avant d'autres, ouvert les yeux à la
vérité. L'attitude d'un grand nombre peut se résumer dans
108 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
les mots suivants : Vive la doctrine catholique ! Mort aux
ultraniontains ! Depuis que nos illustres hôtes ont proclamé
le Syllabus, la plupart vont dire maintenant : Vive le Syllabus !
Vive l'ultramontanisme ! Mais te ijours : mort aux ultramon-
tains !
L'art suprême des habiles se révèle ici. Au lieu de dire
tout simplement : Nous étions dans l'erreur ; nous connais-
sons aujourd'hui la vérité ; donnons loyalement crédit, pour
les services rendus, à ceux qui deux, cinq, dix ans avant nous
ont connu la vérité, l'ont servie et défendue contre nos pro-
pres erreurs ; ou du moins, de ne rien dire : ils travaillent,
souvent avec grand succès, il faut l'avouer, à donner le
change, à faire parade de leur orthodoxie, et à maintenir l'ana-
thème et la réprobation qu'ils ont autrefois prononcés contre
les ultramontains.
Voilà, pour les écrivains catholiques, la pierre de scandale.
Eux ont semé dans les labeurs et la peine ; et maintenant que
leiu's principes triomphent, ce sont d'autres qui moissonnent.
Le suprême effort du journaliste catholique, c'est de sup-
porter cela sans aigreur. N'a-t-il pas, après tout, atteint son
but, le triomphe de la vérité ! Il y a, dans ces déceptions dont
la vie est semée à chaque pas, une grande loi de miséricorde.
Jésus-Christ aime le journaliste catholique à la façon dont
son père l'a aimé : Sicut dilexit me pater et ego diligo vos^ en lui
préparant le triomphe par le renoncement et le sacrifice. Après
tout, le serviteur ne doit pas être mieux traité que le maître.
Quel serait son mérite s'il recevait, en applaudissements, en
récompense des hommes, le prix de ses labeurs et de ses sacri-
fices ! Et d'ailleurs, conviendrait-il que le journaliste catho-
lique reçût sa récompense avant le triomphe de l'Eglise ?
Il y a plus : malgré leur grande foi et leur dévouement bien
connu à la cause de l'Eglise, les écrivains catholiques de ce
pays se sont-ils mis à la hauteur du rôle important que parait
leur assigner la Providence ? Ont-ils réellement mérité l'hon-
neur de triompher avec leurs frères de la France catholique ?
Je ne me place pas ici, bien entendu, au point de vue du mé-
rite littéraire et philosophique. Les écrivains catholiques du
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 109
Canada n'ont jamais eu, je le pense bien, la présomption de
marcher do pair avec les célébrités littéraires et scientifiques
de l'ancienne mère-patrie. Je parle du dévouement à la cause
de l'Eglise, de la profession haute et ferme de sa foi et de ses
dogmes, d'une allégeance sans alliage et sans réserve au St-
Siège, de la soumission pratique et de l'obéissance raisonnée
à tous les enseignements du Docteur infaillible de' l'Eglise
universelle.
Autre chose est de proclamer bien haut, dans un moment
de ferveur, et sous le coup de l'enthousiasme, les principes
catholiques, et autre chose est d'en faire en tout, partout et
toujours la base de ses actions ; de les pratiquer à temps et à
contretemps, seul sous le regard de Dieu, sans autre mobile
que l'intérêt de la vérité. Etre solide au poste de l'honneur
où Dieu nous a placés ; tenir haut et ferme le drapeau, dans
les temps de ferveur, voilà qui est relativement facile. Ce qui
l'est moirs, c'est de ne pas faiblir aux heures de l'épreuve, du
relâchement, de la persécution ; c'est d'être inébranlable
malgré le découragement, malgré l'agonie mentale où nous
plongent souvent les revers de la fortune, l'ingratitude des
hommes, l'inconstance des amis, surtout le scandale du
triomphe insolent que l'intrigue, l'abandon des principes, les
compromis de la conscience, l'exploitation même des vices et
des plus mauvais instincts de la nature, procurent aux enne •
mis de la cause du bien.
XIX
On est volontiers de la presse catholique, mais s'est-on
sérieusement soucié de se rendre parfaitement maître de
toutes les questions sociales dont elle doit s'occuper ? A-t-on
pris, devant Dieu et devant les hommes, l'engagement solennel
de tout sacrifier à la cause de la vérité, et de ne jamais pac-
tiser avec l'erreur ?
Vous faites profession d'éclairer le peuple et de lui enseigner
les vérités sociales au moyen de la presse catholique : voulez-
vous savoir de quelle manière se préparent à enseigner les pro-
fesseurs laïcs des nouvelles universités catholiques de France ?
i
110 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
C'est Monseigneur Freppel, Evoque d'Angers, qui va vous le
dire : " A genoux en face de l'Evêque qui tient le livre des
" saints Evangiles, les voici qui, d'une voix unanime, récitent
" la profession de foi de Pie IV. Puis chacun ù leur tour, en
" commençant par Mgr le recteur, ils posent la main sur les
" saints Evangiles, et, après avoir baisé l'anneau épiscopal,
" ils répètent le serment, ajoutant : " Sic me Deiis adjuvet et
" hœc sancta Evangeliar (Univers du 7 décembre 1876.)
S'est-on appliqué de tout cœur à bien étudier et bien appro-
fondir les enseignements de notre divin Maître sur toutes les
questions se ratta'^.h.ant à la vie sociale ?
Il est un ensemble de doctrines contenues dans les encycli-
ques, le syllabus et les décrets des conciles qui forme comme
le code de la presse catholique. Ce code, en avons-nous fait une
étude suffisamment approfondie, pour être parfaitement maî-
tres de l'enseignement qu'il contient ? Et cependant, ce sont là
des armes essentielles à l'écrivain catholique, non-seulement
pour combattre les enseignements de l'erreur, mais encore pour
rester fidèle à la cause de Dieu et savoir régler ses propres
a'itiois.
Le journaliste catholique doit voir, dans chaque enseigne-
ment du St-Siège, non uas une matière livrée à la dispute des
hommes et sur laquelle, dans notre orgueil, nous délibérons
pour savoir si nous l'accepterons ou Id rejetterons, mais un
enseignement sacré, la parole de F Esprit-Saint lui-même. Il ne
faut donc pas s'attribuer un grand mérite lorsque nous accep-
tons cet enseignement. C'est le mérite de celui qui reçoit la lu-
mière du soleil et qui est pénétré de la chaleur de ses rayons.
XX
Dans une lettre écrite à l'Union de Paris, le 10 mars 1876,
Mgr l'évêque de Nevers nous apprend comment un journa-
liste catholique, dont la tombe venait alors de se fermer,
comment l'illustre Mr Laurentie et toute la rédaction de
" l'Union," acceptèrent le Syllabus.
Vous me pardonnerez, je n'en ai aucun doute, cette longue
citation, en considération du sublime enseignement qu'elle
^ RAi»PORT DE l'honorable T. X. A. TRUDEL. Ht
contient: vous y apprendrez l'att^'iil'^ que doit prendre tout
journaliste catholique, en face des enseigu?ments dnSt-Siège :
" Afin, dit-il, de donner à l'un des traits de cette belle figure
" (du plus grand polémiste monarchiste de ce temps-ci) un
" relief qui la fasse mieux ressortir, je vous prie de me per-
•' mettre de rapporter à vos lecteurs une conversation que j'eus
" dans le temps, avec le célèbre publicisle, à l'occasion de la
" Bulle Quanta cura et du Syllabus qui en est comme le résumé
'•' pratique."
" Personne n'ignore l'impression de stupeur et d'irritation
" que la publication de cet acte pontifical produisit dans le
" monde politique et môme parmi certains catholiques. Le
" gouvernement impérial qui venait de manifester ses sympa-
" thies pour le catholicisme, en favorisant la destruction du
" pouvoir temporel, sauvegarde et garantie nécessaire de l'in-
" dépendance du pouvoir spirituel — les faits actuels ne leprou-
" vent que trop — s'émut des premiers, et ne négligea rien
" pour empêcher la divulgation de la parole Pontificale. Les
" membres des assemblées politiques môme les mieux disposés,
" virent, dans cet acte, comme un défi audacieux jeté à toutes
" les idées modernes, à nos institutions.
" La presse toute entière déraisonna à plaisir.
" Du haut en bas de l'échelle intellectuelle, en France et
'' en Europe, on déclara que le Souverain Pontife avait porté
" un coup mortel à la religion. Bien rares furent les hommes
'•■ sages qui eurent le courage d'examiner froidement et de se
" soumettre humblement. Monsieur Laurentie fut du nombre
" de ces sages. Quoique mêlé activement aux bruits discor-
" dants de la polémique quotidienne ; quoique assourdi, on
" peut le dire, par les réclamations qui s'élevaient de tous
" côtés, même au sein de son parti, il sut rester calme et agir
" avec la prudence et la maturité d'un chrétien et d'un philo-
" sophe.
" Voici ce qu'il m'a raconté lui-môme :
"Dès que j'eus entre les mains, me dit-il, cette célèbre
" encyclique où ma foi mp montrait la parole inspirée du
" Vicaire de Jésus-Christ, je me mis à genoux pour la lire avec
112 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUEBEC.
" le respect que mérite ce qui vient directement de Dieu.
" Cette lecture produisit chez moi comme l'effet d'un éclair qui
" illumine le ciel d'un éclat subit ; il me sembla que tout
" l'horizon intellectuel se déroulait devant mes yeux, illu-
" miné d'une clarté éblouissante. Quelle admirable synthèse
" philosophique ! m'écriai-je ; c'est une réponse à tous les pro-
" blêmes philosophiques et sociaux. Après cette explosion
" spontanée d'admiration, je n:e mis de nouveau à genoux, et
" fis mon acte de foi avec une consolation des plus vives."
" Ma situation particulière comme rédacteur de r Union ne
" me permettait pas de m'en tenir à un acte de foi personnel
" et privé. Je réunis donc mes collaborateurs et je leur dis :
" Messieurs, voici un acte des plus graves qui nous impose,
" comme journalistes, un devoir bien doux, mais bien impor-
" tant. Nous devons faire un acte public d'adhésion. Gomme
" le plus ancien, je demande à parler le premier et c'est ce que
" je fis. Riancey vint après, et s'exprima avec un élan de foi,
" fidèle traduction de sa belle âme. Potijoulat nous suivit.
" Maintenant, ajoutai-je, nous avons un autre devoir à rem-
" plir : la parole pontificale est comme la loi de Dieu, elle se
"justifie par elle-même^ justificata in semetipsa; par consé-
" quent, nous devons nous garder, avec le plus grand soin, de
" justifier l'Encyclique, en l'excusant, en l'amoindrissant, en
" la commentant.
" Sans doute, si on l'attaque, nous la défendrons en mon-
" trant l'inanité de ces attaques, mais gardons-nous, même
" dans cette circonstance, de voiler le sens obvie et naturel.
" Si la raison moderne trouve la décision pontificale absurde,
" inadmissible, disons que la raison moderne est dans le faux,
" mais ne pactisons pas avec elle. Pour mon compte, j'ai
" passé une grande partie de ma longue carrière à étudier la
" philosophie, j'ai sondé un peu tous les systèmes, j'ai étudié
" toutes les solutions données par les sages et je dois vous
*' déclarer que je n'ai trouvé nulle part un système de philoso-
" phie aussi complet, aussi satisfaisant pour la raison, que le
" système contenu dans l'Encyclique."
" Quant au Syllabus qui n'en est que le résumé, je ne puis
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 113
" me lasser d'admirer combien il est sage et utile ! Au milieu
" de toutes les erreurs qui ont, pour ainsi dire, de nos jours,
" submergé la raison humaine, quel immense service d'avoir
" allumé, devant les yeux de la génération contemporaine,
" un phare lumineux qui montre la route de la vérité, et qui
" empêche de courir aux abimes ! "
" Cette déclaration de l'illustre publiciste, ajoute l'Evéque
" de Nevers, laissa dans mon âme une impression profonde,
•■' inîpression qui est devenue plus vive encore lorsque j'ai pu
" l'analyser, en quelque sorte, par l'étude sérieuse des docu-
" ments pontificaux. J'ai lu, j'ai relu la magnifique Ency-
" clique Quanta cura ; j'ai étudié, avec une attention soutenue
" l'ensemble et les détails du Syllabus^ et je suis arrivé à la
••' môme conclusion raisonnée, que Mr Laurentie : c'est le
" plus bel ensemble philosophique que je connaisse. Si quel-
" que catholique sincère gémissait encore sous le poids des
" préjugés accumulés dans beaucoup d'esprit, par l'ignorance
" et la passion, je ne saurais, pour le délivrer de son obsession,
" lui donner d'autre conseil que celui donné à saint Augustin:
" Toile et léger (l'Union du 15 mars 1876.)
Voilà ce qui, dans mon humble opinion, devrait être le mot
d'ordre des journalistes canadiens catholiques. Les enseigne-
ments du St-Siège sont là. Les encycliques, les décrets des
conciles, le syllabus, etc., forment un code admirable des lois
de la presse catholique. Donc: Toile et lege! mais lisez à
genoux, comme Mr Laurentie ! parceque la parole de Dieu
doit être reçue à genoux, c'est-à-dire avec humilité, amour,
obéissance absolue. Lisons à genoux ! car il ne s'agit pas d'un
enseignement qu'il convienne de commenter et de juger, il
s'agit d'entendre le commandement de Dieu, comme jadis
Moïse le reçut sur le Sinaï. C'est le même Dieu qui com-
mande, et c'est une créature infiniment plus faible, infiniment
plus bornée qui reçoit le commandement. Oui ! à genoux !
respect souverain à la souveraine Royauté du Christ ! Car
Jésus est notre Roi lorsqu'il enseigne et commande par la
bouche de Pierre en matières sociales, aussi bien que lorsqu'il
ordonne en matières théologiques. Pas de ces compromis hon-
114 PKEMIER CONT.RÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
teux avec les honteuses erreurs et les grossiers intérêts du
siècle. Moïse brisa les tables de la loi pour marquer son indi-
gnation de Tadoration du veau d'or. Ne souffrons pas que le
paganisme, qui relève la tête, et qui se persor.nifie dans certains
intérêts matériels mal compris, pèse d'un poids quelconque
en face de l'enseignement de Jésus-Christ et de son Eglise.
xxr
A ce sujet, il me semble que la presse catholique, si elle
comprenait bien son rôle, devrait incessamment travailler à
la réalisation immédiate, en ce pays, de l'un des desseins les
plus admirables de la miséricorde divine.
Il résulte des révélations faites par Notre Seigneur à la
Bienheureuse Marguerite-Marie, que, dans les desseins de
Dieu, les sociétés civiles ne peuvent être saUvées que par la
dévotion au Sacré-Cœur de Jésus. Cette dévotion a donc évi-
demment un côté politique et social bien prononcé. Voici ce
que Notre Seigneur ordonnait à sa servante le 17 juin 1689 :
" Fais savoir au fils aîné de mon sacré-cœur — parlant de
*' notre Roi, — que, comme sa naissance temporelle a été obte-
" nue par la dévotion aux mérites de ma sainte enfance, de
" môme, il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éter-
" nelle, par la consécration qu'il fera de lui-même à mon cœur
" adorable qui veut triompher du sien, et, par son entremise,
'• de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son pa-
" lais^ être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes^
" pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis^
Or, comme dit l'abbé Bougaud qui rapporte cette révéla-
tion : " La bienheureuse ne parle que du roi, parce que, dans
" les idées du temps, le roi et la France ne faisaient qu'un. Le
'' m, c'étaient toutes les âmes de la France réunies en une seule
*• âme et vibrant à la fois'' Notre Seigneur l'appelle " le fils
" aîné de mon Sacré-Cœur : titre auguste qui rappelle ces noms
"glorieux que la papauté reconnaissante avait déjà décernés
" à la France et à ses rois, de " nation très chrétienne et de fils
*' aînés de l'Eglise."
Eh bien ! l'on peut dire, en se plaçant au même point de vue
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRLDEL. 115
que l'auteur : à cette date du 17 juin 1689, le Canada ne
faisait qu'un avec la France et avec le roi de France, et
cette divine prescription s'appliquait également à notre chère
patrie. L'on peut donc dire que, le 17 juin 1689, le Dieu de
l'univers, le Roi des nations a intimé au Canada : " Qu'il vou-
lait que son Sacré-Cœur régnai dans son palais, fût peint dans ses
étendards et gravé dans ses armes^ pour les rendre victorieuses
de tous ses ennemis^
Or, c'est sans doute pour n'avoir pas accompli ces divines
prescriptions que la France et sa royauté dix fois séculaire
ont subi les maux effroyables dont elle souffre depuis un
siècle.
Allons-nous laisser notre patrie exposée à un sort sembla-
ble ?
Il n'y a pas à s'y tromper : Toutes les erreurs sociales
qai ont fait la révolution et ruiné la France chrétienne, sont
aujourd'hui en germe au sein de notre peuple, de même qu'ejL
1689 elles étaient toutes en germe au sein de la nation fran-
çaise. Les optimistes ont beau rire et nier chez nous la pré-
sence du virus libéral anti-chrétien : il y est ! C'est le temps de
le détruire ! Refuser de le voir chez nous aujourd'hui comme
on a refusé de le voir en France en 1689, c'est nous pré-
parer les maux de 1789 et de 1870 !
Vivant sous un régime politique différent de celui de 1689,
nous, citoyens du Canada, nous sommes devenus tous partie
constitutive du pouvoir souverain. D'une manière ou d'une
autre, nous sommes tous appelés à mettre la main au gouver-
nail de l'Etat.
En cela, nous avons, dans une très grande mesure du moins,
succédé au roi de France " fils aîné du Sacré-Cœur de Jésus."
En nous est passée l'obligation d'accomplir ce que notre Dieu
prescrivait à Louis XIV il y a deux siècles. Ne devons-nous
pas nous empresser de l'accomplir !
Il y a plus : La presse prend, bien qu'indirectement, une
large part au gouvernement de l'Etat. Elle en est considérée,
et avec justice, comme la troisième puissance. Que la presse
catholique saisisse donc avec empressement cette occasion où
116 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
elle est réunie à l'ombre du drapeau da Sacré-Cœur, drapeau
fièrement arboré et noblement porté par le Cercle catholique
sous les auspices duquel nous travaillons, pour arborer, elle
aussi, le drapeau du Sacré-Cœur. Oui ! que la presse catho-
lique du Canada adopte officiellement comme sien ce uoble
étendard et réalise ainsi, dans la mesure de son pouvoir, la
prescription divine. De plus, qu'elle se dévoue énergiquement
et sans réserve à la tâche " de faire régner le Sacré-Cœur de
Jésus sur le Canada, d'en faire adopter l'effigie sacrée comme
partie de l'étendard national, de la faire briller dans les âmes
canadiennes, afin d'obtenir par là, pour notre patrie bien-
aimée, qu'elle soit à jamais victorieuse de ses ennemis," se rap-
pelant que c'est à l'ombre du drapeau du Sacré-Cœur que les
héroïques volontaires de l'Ouest se sont immortalisés à Patay
et à Loigny.
Le drapeau arboré, que la vie soit laborieuse et le métier
de soldat du Christ appris parfaitement. Que toutes les armes
susceptibles d'être employées à la défense de la vérité soient
connues. Oui ! que chacun connaisse parfaitement tous les
secrets de l'arsenal et sache parfaitement où prendre, à un mo-
ment donné, l'arme nécessaire à la destruction de l'erreur du
moment. Que la consigne soit observée parfaitement par Lout
le pays. A une grande modération dans la forme, à une cha-
rité évangélique envers tout ce qui constitue la personne, ses
biens, son honneur, qu'elle joigne une perspicacité et une vi-
gilance jamais défaillantes, jamais en défaut. Que toujours, en
tout et partout l'erreur et le mensonge, sous quelque forme
qu'ils se produisent, soient impitoyablement signalés, dénon-
cés, attaqués, exterminés si possible !
Hélas î l'abaissement des caractères est tel, depuis quelque
temps ! les droits de la vérité sont si méconnus ! la prudence
et l'opportunisme dont nous nous empressons de reconnaître
la nécessité, lorsqu'elles ne dégénèrent pas en excès ridicules
et en une pusillanimité funeste à la vérité, enrayent tellement
tout mouvement vers le bien, qu'il est à peine admis aujour-
d'hui que, sur certaines questions d'un intérêt palpitant, il
soit permis de proclamer les principes.
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 117
Hélas ! Tout se mesure aujourd'hui à l'intérêt immédiat de
certains hommes et de certaines coteries. Tout se réduit à
l'expédient, tout se ramène à l'intérêt du moment ! Silence au
principe ! Silence à la vérité ! Gela pourrait déranger les
petits calculs de monsieur celui-ci ou de monsieur celui-là.
Y a-t-il un grand intérêt public, social et politique à sauve-
garder ? Que ce grand intérêt, que ce principe primordial
des sociétés périssent s'il le faut ! Car il faut bien que les
hommes du moment, que tous nos tireurs de ficelles sauve-
gardent les besoins de leur pot-au-feu ou les exigences de leur
gloire politique !
Eh bien ! Que du moins la presse catholique ne serve pas
d'instrument à ces menées, au détriment de la justice et de la
vérité !
Votre rapporteur croit devoir, pour terminer, suggérer
l'idée que les efforts de toute la presse catholique s'unissent
pour travailler le plus efficacement possible à élever au Canada,
à l'instar du monument de Montmartre, une église de pèleri-
nage national au Sacré-Cœur de Jésus.
XXII
Enfin, il suggère respectueusement les résolutions suivantes
à être soumises au Congrès, comme résultat pratique des déli-
bérations de ce bureau :
Le bureau de la presse catholique a l'honneur de proposer
à votre congrès l'adoption des résolutions suivantes :
Résolu lo. Que, attendu que la presse catholique du Canada
ne saurait triompher des nombreux obstacles qui paralysent
son action, ni accroître sa prospérité ni son influence qu'en
recevant de l'épi scopat ca.adien une protection spéciale, cons-
tante, efficace et telle que Sa Sainteté Pie IX, de glorieuse mé-
moire, a daigné la recommander avec instance et une pater-
nelle sollicitude, en plusieurs circonstances, et notammont
dans son immortelle encyclique Inter multipliées : il soit pré-
senté à Nos Seigneurs les évêques du Canada une humble
supplique priant respectueusement Leurs Grandeurs de vouloir
bien prendre sous leur protection spéciale la presse catholique
8
118 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
du Canada, la diriger et lui donner tout secours que leur
haute sagesse leur inspirera et que leur autorité et leur in-
fluence leur permettent de lui procurer.
Résolu 2o. Que tous les écrivains catholiques doivent se
pénétrer, de plus en plus, des précieux enseignements du St-
Siège en matières sociales ; et que pour cela, ils doivent étu-
dier avec soin les encycliques, les décrets des conciles géné-
raux et provinciaux qui définissent parfaitement leurs devoirs
vis-à-vis la société civile ;
Résolu 3o. Qu'il soit fait, par un bureau composé d'écri-
vains catholiques nommé par le Congrès à cet effet, une espèce
de résumé ou codification de la partie de ces documents qui
ont rapport aux matières sociales et dont la connaissance est
surtout nécessaire aux écrivains catholiques ;
Résolu 4o. Qu'il soit établi entre la presse catholique du
Canada et celle de France, d'Angleterre, des Etats-Unis,
d'Italie et auti-es pays, une alliance plus intime et des commu-
nications constantes d'idées et de sentiments ; que dans ce but,
il soit organisé, par ce Congrès, un bureau d'écrivains catho-
liques chargé de correspondre régulièrement avec nos frères
des autres pays et môme de fournir aux revues et journaux
catholiques étrangers des informations ou travaux réguliers
touchant le mouvement catholique au Canada ;
Résolu 5o. Qu'un comité permanent des intérêts de la
presse catholique soit créé, pour être un syndicat chargé d'in-
tervenir amicalement dans les conflits sérieux de la presse
catholique et d'en conférer, quand il y aura lieu, avec Nos
Seigneurs les Evêques, afin d'amener une solution conforme
à la doctrine catholique, d'assurer aux parties intéressées une
protection à laquelle ils ont droit et de conserver ainsi la paix
et l'harmonie entre tous les écrivains catholiques ;
Résolu 60. Que le même bureau soit chargé de voir à
ce que les écrivains catholiques et surtout les journalistes
soient pourvus, aussitôt que possible, de chacun une collection
des principaux livres et documents nécessaires au journalisme
religieux, de manière que chacun ait sous la main un petit
arsenal ou il puisse trouver les armes nécessaires à la défense
RAPPORT DE l'honorable F. X. A. TRUDEL. 119
des intérêts catholiques, et que, pour arriver à la réalisation
de ce projet, un aide généreux soit respectueusement sollicité
de la bienveillance des catholiques du Canada ;
Résolu 7o. Que tout le clergé catholigue du Canada soit
respectueusement prié de vouloir bien v. ^ourager et protéger,
dans tout le pays, l'apostolat laïque, et aider la propagation de
ses travaux, surtout de ses publications, revues et journaux,
qui auront mérité l'approbation et l'encouragement de l'Epis-
copat ;
Résolu 80. Qu'une revue soit spécialement choisie comme
organe des cercles et associations catholiques ; ou qu'au besoin
il en soit fondé une à cet effet ; et que Nos Seigneurs les
évêques ainsi que tous les membres du clergé et tous les ca-
tholiques les plus zélés du Canada soient priés de vouloir bien,
si cette revue est faite de manière à mériter leur approbation,
encourager spécialement cette dite revue ;
Résolu 9o. Que la presse catholique de tout le Canada doit
se consacrer spécialement au Sacré-Cœur de Jésus, travailler
de toutes ses forces à en propager la dévotion et à populariser
autant que possible les drapeaux du Sacré-Cœur.
Le tout néanmoins, respectueusement soumis.
Québec, 25 juin 1880.
F. X. A. Trudel.
III. BUREAU DES INTÉRÊTS CATHOLIQUES
Vendredi^ 25 Juin
PROCÈS- VERBAL DE LA 1ÈRE SÉANCE
M. le Dr J. P. Rottot, professeur à l'Uni versité-La val, suc-
cursale de Montréal, et doyen de la Faculté de médecine, est
élu président, et M. Ernest Gagnon, secrétaire.
Etaient présents : MM. l'abbé E. A. Gravel, curé de St-Hya-
cinthe, H. Martial, curé de Grosvenordale, Connecticut, E. U.,
H. Têtu, aumônier de l'archevêché, F. Gagnon, rédacteur du
Travailleur^ de Worcester, Mass., E. U., F. E. Hudon, C. P.
120 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
Lindsav, E. Mvrand, V. Livernois, A. Cloutier, N. HameL
L. L. Rivard, Dr N. E. Dionne.
M. Ferdinand Gagnon, un des rapporteurs du bureau, lit un
rapport sur la situation actuelle des Canadiens-français aux
Etats-Unis.
M. Ernest Myrand donne ensuite communication d'un rap-
port sur la société de St-Vincent-de-Paul.
RAPPORT FAIT AU CONGRÈS CATHOLIQUE DE
QUÉBEC, LE 25 JUIN 1880
PAR M. FERDINAND GAGNON, DE WORCESTER, E.-U.
Messieurs^
Invité par les officiers de ce Congrès à préparer un travail
sur la presse catholique aux Etats-Unis, et représentant à cette
assemblée une population française et catholique, j'ai cru de-
voir outrepasser la teneur de Finvitation, et j'ai écrit les notes
suivantes sur la situation religieuse des Canadiens émigrés.
Quand on constate l'état religieux de l'Europe, l'Eglise par-
tout aux prises avec les doctrines perverses de la révolution
et du philosophisme matérialiste ; quand on voit les empe-
reurs, les rois et le parlementarisme faire la guerre à Dieu,
opprimer la conscience au nom de la liberté, et lorsque, en-
suite, on jette un regard sur ce qui se passe sur notre conti-
nent, nous devons nous réjouir et remercier le Père des
peuples de nous avoir fait naître sur cette terre d'Amérique.
La bénédiction de Dieu est féconde, et lorsque le grand
homme martyr, Christophe Colomb, prenait possession de cet
hémisphère, au nom de la religion, quand il plantait la croix
sur les rivages de San-Salvador, il devait sans doute deman-
der à Dieu un gage pour l'avenir, un gage que cette terré
serait un jour le port libre de sa croyance religieuse.
Quand l'intrépide Jacques-Cartier baptisait du nom d'un
saint notre fleuve majestueux, quand de Maîsonneuve élevait
sur le Mont Royal, le signe de la rédemption, quand Cham-
RAPPORT DE M. FERDINAND GAGNON. 121
plain, le père véritable de la patrie, bâtissait la preraière
église de Québec, n'était-ce pas là des gages que le Canada
serait, par sa foi, ses apôtres, ses martyrs, comme le Jean-Bap-
tiste de l'Amérique.
Il a depuis parcouru les déserts, les Montagnes Rocheuses,
les prairies que baignent les eaux de l'Arkansas et du Missis-
sipi, et des immenses solitudes du Nord-Ouest, du golfe Saint-
Laurent à Vancouver, du golfe du Mexique à l'Artabaska et
au Mackenzie, le Canada a prêché le Dieu de Cartier, de
de Maisonneuve et de Champlain.
Et quand il eut parcouru tout le continent, répandant par-
tout la semence de vie, laissant partout l'empreinte du génie
et du dévouement de la France, préparant ses colons épars et
les sauvages évangélisés à l'envahissement du protestantisme
des colonies anglaises, il concentra ses forces pour combattre
le combat suprême contre l'Angleterre. Oui, pendant que la
France se laissait gangrener par des erreurs de tous genres et
abandonnait ses colonies d'Amérique, nos pères, ralliés autour
du drapeau blanc, soutenaient dans une lutte héroïque
l'honneur de la France, qui possédait, autour de Québec, ses
derniers chevaliers.
Et malgré cet abandon, malgré cent quinze ans de sépara-
tion, malgré l'oubli cruel de la France, nous sentons que nous
l'aimons comme l'ont aimée nos pères. Plus encore, car nos
pères comptaient sur elle, ils attendaient d'elle le salut Et
nous, nous l'aimons dans sa douleur, cherchant à la consoler
par le spectacle que nous lui offrons : celui d'une colonie
perdue pour elle et dont les habitants sont demeurés français
par le cœur, les traditions, la foi, et le langage.
En présence des visiteurs distingués qu'elle nous envoie à
ce congrès, laissez-moi vous dire que le culte de la France est
vivace dans le cœur des quatre cent mille canadiens des Etats-
Unis, comme dans celui des habitants de cette province. Nous
marchons là-bas à l'ombre de son drapeau, et si cet étendard
n'est pas le drapeau royal, c'est que nous voulons faire recon-
naître par le tricolore, le plus connu des Américains, que nous
appartenons à la France.
122 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUEBEC.
La conquête était devenu un fait accompli ; loyaux à l'An-
gleterre, fidèles à la France, nos pères, pendant cinquante ans,
se mêlèrent peu à leurs vainqueurs. Ils pratiquaient, dans le
travail des champs, les vertus domestiques et ils ouvraient à
la colonisation toutes nos paroisses du Saint-Laurent, du Ri-
chelieu et de l'Yamachiche.
Et les Etats-Unis, ayant secoué le joug de l'Angleterre,
étendaient leur puissance et leur domaine ; ils occupaient nos
vieilles places françaises, notre pays des Illinois, le Michigan,
et ils achetaient la Louisiane, Le protestantisme régnait en
maître, les blue laws du Gonnecticut trouvaient des adeptes et
des défenseurs, le puritanisme des habitants du Massachusetts
était à son apogée. Mais l'erreur qui avait fait de la catholique
Irlande une terre de martyrs, devait en recevoir une leçon.
Le sang des justes avait produit une semence féconde, et
l'émigration irlandaise, se dirigeant vers le nouveau monde,
venait aider les Canadiens-français à faire briller la foi au sein
môme de l'erreur. Le premier évêque qui organisa cette pro-
pagande dans la Nouvelle-Angleterre, fut un évêque français,
monseigneur Cheverus. Le tableau suivant fera connaître les
progrès de l'apostolat catholique aux Etats-Unis, depuis le
commencement du siècle :
Il y a actuellement dans la république américaine, onze ar-
chidiocèses, quarante-cinq diocèses et plusieurs vicariats apos-
toliques. L'Eglise des Etats-Unis est sous la direction d'un
cardinal, de treize archevêques et de soixante-deux évêques.
Rien de plus admirable que cette expansion si rapide de
notre foi religieuse dans un pays relativement nouveau. Les
fidèles ont non-seulement élevé des temples à Dieu, mais (les
lois imbues des préjugés religieux et l'intolérance protestante
ne reconnaissant que des écoles sans Dieu) ils ont fait des
efforts, eux les plus pauvres, pour donner une éducation chré-
tienne à leurs enfants en établissant des écoles catholiques.
2177 écoles paroissiales subsistent, comme une protestation
éloquente contre le pernicieux système des écoles libres-
Ajoutez à cela 481 couvents où les jeunes filles puisent une
instruction morale et religieuse capable, plus tard, de sauve-
RAPPORT DE M. FERDINAND GAGNON. 123
garder leur foi contre tontes les atteintes pernicieuses dont
le inonde est malheureusement trop rempli, et 70 col-
lèges, préparant les jeunes gens au sacerdoce et aux pro-
fessions libérales, et vous aurez alors une idée des progrès
accomplis.
Le catholicisme qui, de tout temps a répandu partout la
civilisation et l'instruction, quoi qu'en disent nos frères bcpa-
rés, ne croit pas confiner son œuvre de bienfaisance à ces deux
moyens seulement. Après avoir couvert l'Europe d'institutions
de charité, après avoir suivi ses enfants pas à pas dans tous
les pays du monde, renouvelant sans cesse pour eux les trésors
de sa bonté inépuisable et de son inextinguible dévouement,
la religion a opéré les mêmes merveilles dans le nouveau
monde. On sait ce qu'elle a accompli dans notre chère patrie.
Au berceau même de notre nationalité, au sein de la plus
ancienne métropole catholique de l'Amérique du Nord, au
foyer même d'où le rayonnement de la foi s'est répandu par
tout le continent, éclairant ceux qui étaient assis à l'ombre de
la mort, régénérant les pauvres enfants du désert et portant
l'espérance aux cœurs des missionnaires, nous devons admirer
la féconde charité de notre religion.
Les institutions bienfaisantes de Québec ont eu des émules.
Les généreuses femmes qui ont fondé nos hospices et nos
asiles, qui ont établi nos orphelinats et nos couvents, n'ont
pas travaillé en ^»ain. De toutes parts nous arrive la nouvelle
que des maisons généreusement dotées s'ouvrent devant la
croix blanche de nos sœurs canadiennes.
Aux Etats-Unis 357 hospices, asiles et orphelinats, sont sous
les tendres soins de plus de 2000 religieuses.
6000 églises et chapelles sont consacrées au culte et desser-
vies par 5628 prêtres. Sans compter des centaines de religieux
de différents ordres.
La population catholique des Etats-Unis est de près de
6,000,000 d'âmes.
La presse catholique a été d'un grand secours à l'accomplis-
sement de ces œuvres religieuses.
Vous le dirai-je, Messieurs ? Aux Etats-Unis, plus que par-
124 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
tout ailleurs peut-être, nos journaux catholiques sont catho-
liques sans réserve.
En fait de style, de polémiques de haute portée, de dévoue-
ment, au milieu des plus grands obstacles, notre presse catho-
lique doit aller chercher des modèles dans la grande et noble
presse de France, dont nos hôtes illustres, MM. Claudio Janet
et le comte de Foucault sont ici les représentants honorés.
Tous les journaux catholiques, irlandais, allemands et polo-
nais sont prospères ; c'est par dix, vingt, quarante et cinquante
mille qu'ils comptent leurs lecteurs.
La presse française aux Etats-Unis n'a qu'un seul journal
catholique proprement dit, mais c'est une publication des
mieux rédigées, des plus utiles, et faisant beaucoup de bien en
Louisiane et dans les états limitrophes ; j'ai nommé l'organe
du vieil et vénérable archevêque Perché, Le Propagateur
Catholique^ de la Nouvelle-Orléans.
La presse catholique française et canadienne est peu pros-
père au point de vue financier. C'est avec difficulté, à force
de sacrifices que nos journaux se publient. Il y a chez notre
race une espèce de faux respect humain, une tendance à la
critique des choses religieuses, qui font que la presse catho-
lique ne peut prospérer.
Nul doute que ce Congrès trouvera à remédier à cet état
de choses.
Permettez-moi, Messieurs, comme membre de cette presse
catholique, de continuer à vous redire les œuvres de foi
accomplies par nos frères des Etats-Unis.
Les Allemands, les Polonais et les Irlandais forment aujour-
d'hui le plus fort noyau des populations catholiques de
l'Ouest ; et notre race a été le premier flambeau de la foi en
ces contrées. Longtemps avant les Allemands, les compatriotes
des Langlade, des DuBuque, des Levasseur, des Menard et
des Faribault avaient pris possession de l'Ouest des Etats-
Unis, fondant des villes, des paroisses et les premiers établisse-
ments religieux. Les premiers évêques ont reçu d'eux des
dons considérables et plusieurs de ces prélats se plaisent à
louer la foi vive des enfants du Canada. Partout ils ont été
RAPPORT DE M. FERDINAND GAGNOT^. 125
les bras droits du missionnaire, et les premiers sacrifices offerts
à l'Eternel, dans les grands territoires américains, l'ont été
sous des toits canadiens.
Pour des causes multiples, l'émigration canadienne prit,
vers 1840, des proportions alarmantes. Nos familles passeront
par centaines aux Etats-Unis, se dirigeant vers la Nouvelle-
Angleterre. Les Irlandais, peu nombreux alors, voyaient
arriver d'un mauvais œil ces ouvriers qui venaient leur faire
concurrence, et les églises étaient échelonnées de loin en loin.
Le Canada devait déplorer l'état religieux de ses premiers
émigrés laissés à eux-mêmes. Loin des prêtres de leur origine,
les missionnaires irlandais ne parlant pas notre langue, ces
pauvres enfants devinrent indifférents. La Providence veillait
cependant sur eux. Cette émigration se portait presque exclu-
sivement vers l'état du Vermont et l'état de New-York, qui
sont les plus rapprochés de la frontière ; dès dix-sept cent cin-
quante, une douzaine de familles canadiennes habitaient
FocauWspoint^ à l'endroit où est maintenant Alburgh, Vermont.
En 1753, les Laframboise composant de nombreuses familles,
s'établissaient à Chuzy, état de New-York. Champlain fut
fondé en 1788. De 1784 à 1 793, les capitaines Jacques Rousse,
L. Olivier et autres, se fixèrent à Rouss'' pointe. Sur la rivière
Chazy, à deux milles environ de son embouchure, s'établirent
Prixe Asselin, le capitaine A. Paulin, Amable Paulin et autres.
Le lieutenant Pierre Boileau et son frère Amable Boileau se
fixèrent sur les bords du lac. Tous ces Canadiens avaient fait la
guerre pour la France ; ils avaient perdu tout et étaient deve-
nus très pauvres. Ils s'étaient établis bien avant que les An-
glais s'y aventurassent. Ils y avaient apporté leur religion et
un grand nombre étaient pieux et d'un esprit éclairé. On
raconte que les Boileau et les Asselin se réunissaient en
assemblée dès le commencement de ce siècle et chantaient,
publiquement avec leurs enfants des hymnes et des prières à la
gloire de Dieu. Avant la guerre de 1812, des prêtres du Canada
venaient à de longs intervalles prêcher aux habitants de Cham-
plain. Et enfin, en 1818, l'apôtre de la rivière Richelieu, M.
Pierre Mignault, de Chambly, dit la première messe dans des
126 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
résidences à Champlain, à Corbeau, maintenant Goupersville,
et à Rousse pointe. Dans ce village, la première messe fut dite
dans la demeure de Louis Marnay. Mr Tabbé Mignault invita
alors la population à bâtir une petite église en bois, sur la rive
gauche de la rivière à Corbeau. Le zélé missionnaire desservit
ces missions pendant dix ans, et en 1828, Mr l'abbé Victor
Dugas, vint résider à Corbeau. En 1857 une nouvelle congré-
gation fut organisée à Rousse pointe. En 1860, les catholiques
de Champlain bâtissaient une église magnifique.
Les émigrés au Vermont furent moins favorisés ; mais ce-
pendant, dès 1850, les RR. MM. Drolet et Quevillon évangéli-
saient cette partie des Etats-Unis, et aujourd'hui, grâce au
zèle du vénérable évêque de Goesbriand, la foi catholique
s'est emparée de nouveau de tous ces groupes épars de nos
nationaux.
Je viens de prononcer le nom d'un prélat français que la
patrie reconnaissante devrait inscrire parmi les bienfaiteurs
de notre jeune nationalité. Ce pieux évoque du Vermont a été
un des premiers à comprendre la nécessité d'établir aux Etats-
Unis des missions exclusivement canadiennes avec des prêtres
canadiens pour en faire la desserte.
C'est à propos du premier montant d'argent, collecté parmi
les canadiens de Winooski que Monseigneur étonné de leur
générosité g'écria : " Vraiment, c'est prodigieux, voilà le se-
cret : donnez aux Canadiens des missionnaires canadiens et
vous en ferez des catholiques aussi dévoués que ceux de n'im-
porte quelle autre nation. Il faut faire quelque chose pour
eux" Quelques jours après il priait M. l'abbé Z.Druon,
son grand vicaire, de fonder un journal dans les intérêts des
Canadiens émigrés, et il allait lui-même à Québec, à Montréal
et à St-Hyacinthe solliciter auprès des évêquesde ces diocèses,
des prêtres pour les Canadiens des Etats-Unis. L'année sui-
vante des paroisses canadiennes commençaient à se former
dans presque tous les centres de la Nouvelle- Angle terre. Dès
1846, un prêtre canadien, M. l'abbé Z. Levêque, évangélisait
nos compatriotes du Massachusetts.
En 1852, M. l'abbé M. Mignault lui succédait et quarante
RAPPORT DE M. FERDINAND GAGNON. , 127
familles de Worcester entreprenaient de bâtir une église ca-
nadienne. On commença les fondations du nouvel édifice,
dédié, par avance, à sainte Anne, la patronne chérie du Ca-
nada. Mais faute de moyens, après deux années d'efforts, on
décida de transmettre à M. l'abbé Gibson, curé de l'église
irlandaise, sans aucune condition ni réserve, le terrain, les
travaux et une somme de cent dollars. Cet acte de piété et de
générosité a porté ses fruits. Aujourd'hui, Sainte-Anne est
une paroisse irlandaise trèsflorissante parmi les six paroisses
catholiques de Worcester.
De 1865, époque où les Canadiens de Pittsfleld furent visités
par M. l'aDbé * * *, chaque année vit surgir quelques paroisses
canadiennes.
Rendons hommage aux prêtres et aux missionnaires qui ont
opéré les prodiges que nous voyons aujourd'hui. L'historien
des grandes et touchantes choses accomplies par ces diffé-
rents groupes canadiens, n'est peut-être pas encore né ; mais
quel beau travail il y aurait à faire.
Un de nos missionnaires s'est fait l'historien d'une de nos
paroisses les mieux favorisées, celle de Notre-Dame de Wor-
cester, établie et dirigée avec tant d'éclat par un patriote
apôtre, M. l'abbé J. B. Primeau. Dans des pages toutes palpi-
tantes d'intérêt et de sentiment, il redit les travaux de ce
prêtre remarquable et il ajoute avec raison ces quelques lignes
que tous nos hommes publics ou journalistes et notre clergé
de la province de Québec devraient méditer :
" Soit en deçà, soit au delà des lignes qui séparent le Canada
des Etats-Unis, au milieu d'idées justes qu'il faut garder, il y
a aussi, on ne peut le nier malheureusement, et en grand
nombre, des préjugés qu'il faut se hâter de faire disparaître.
Us sont faux, injustes envers l'immense majorité de nos com-
patriotes émigrés, fatals à tous au cœur même de la patrie
attristée. S'il y a une croisade à faire, une grande cause à
promouvoir, un effort suprême à faire triompher, écartez ces
fantômes, aplanissez les collines, comblez les vallées. Nous
voudrions, dans la mesure de nos forces, contribuer à cette
œuvre de réparation et d'honneur. A ce point de vue, essayer
128 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
de faire ipiioiix coniiaîtro à tous, sous leurs vraies couleurs,
les colonies émigrées du Canada, nous paraît un but— et c'est
le nôtre — qui no manque ni d'à-propos, ni de justice, ni d'hon-
neur ni de patriotisme "
Messieurs, ce jour n'est pas aux récriminations et aux re-
proches, mais comme je de d'un tiers au moins de notre
élément national, et comme je désire voir les deux groupes de
nos compatriotes être plus rapprochés, moins séparés, je dois
vous dire que les opinions des Canadiens de la province sur le
compte de leurs frères émigrés sont souvent très blessantes.
Depuis dix ans, depuis que le clergé canadien, que le patrio-
tisme et l'apostolat se sont emparé de nos nationaux, quel
changement dans leur condition religieuse ! Changement si
marqué que je vous étonnerai peut-être en vous disant que
parmi les Canadiens les moins religieux, les plus insubordon-
nés, on compte une large part de nouveaux arrivés de la pro-
vince de Québec.
Ce travail religieux des émigrés, leur attachement sincère
À nos traditions, le désir de servir la patrie, pour y vivre et y
mourir, toat cela. Messieurs, n'est pas un gage que ces enfants
du Canada ne sont pas perdus pour nous. Il y a parmi nos
populations comme une lassitude, un sentiment d'inquiétude
et de malaise. On se dit là-bas : " pourquoi tant de sacrifices,
tant de patriotisme, lorsque du Canada môme, nous arrivent
des appréciations fausses et blessantes sur notre conduite ?
Notre clergé n'est pas apprécié suivant son mérite ; nos sociétés
sont ignorées, nos œuvres sont inconnues, et quand on parle
de nous, c'est généralement pour en faire un épouvanlail aux
cultivateurs de la province..."
Laissez-moi vous dire qu'on n'a pas tort de trouver à réclamer.
Trop souvent nous avons été le point de mire de faux préjugés,
et trop rarement nous a-ton rendu justice. Je vous prie de
croire, je vous conjure de croire que la province perd chaque
année des centaines de familles qu'elle ne reverra plus, à cause
de cette indifférence, de ce fatal oubli si manifeste à leur égard.
Je l'ai dit ailleurs : le patriotisme de nos populations émigrées
ne consiste plus dans l'attachement au sol natal Pourquoi ?
RAPPORT DE M. FERDINAND GAGNON. 129
Parceqii'aux Etats-Unis, elles retrouvent l'église canadienne,
le prôtre canadien, des cérémonies plus solennelles, un culte
plus sentimental que dans nos campagnes canadiennes, uno
fête religieuse perpétuelle. L'égalité des conditions favorise
l'émulation, et la morgue parfois tranchante de l'homme ins-
truit du Canada, n'écrase pas là-bas l'iiumble travailleur.
De plus, disons toute la vérité, afin de remédier au mal, si
l'émigré canadien ne fait pas d'épargnes, s'il vit au jour le
jour, si son travail est pénible, long, s'il est exposé aux ca-
prices de ses maîtres, la vie est plus facile, le salaire plus
élevé, l'ouvrage plus abondant qu'au pays ; il y a là-bas du
travail pour tous les membres de la famille. La facilité de con-
tracter des dettes, de se nourrir avec prodigalité, de satisfaire
l'amour du luxe, voilà autant de motifs qui retiennent les Ca-
nadiens de l'autre côté des lignes.
La coquette apparence des villes américaines, les merveilles
d'une civilisation avancée, la science de la vie confortable,
luxueuse et bourgeoise toute ensemble, si bien comprise par
les Américains et dont les émigrés peuvent constater les résul-
tats prodigieux, cela est bien propre à leur faire oublier les
campagnes canadiennes si stationnaires sous ce rapport.
Qu'on me comprenne bien, messieurs. Je ne désire pas faire
un tableau séduisant du progrès matériel américain, mais je
constate ces faits afin que vous ne soyez pas surpris si le grand
nombre des émigrés canadiens ne revient pas au pays. Offrez-
leur des avantages analogues à ceux qu'ils trouvent là-bas,
faites des réformes, créez des industries, progressez au point
de vue commercial et agricole, et alors vous verrez vos cam-
pagnes se repeupler et l'émigration prendre fin. Je l'ai dit : la
position des émigrés est loin d'être enviable. Il n'y a pas
d'avenir pour la grande majorité d'entre eux, car la plupart
ne sont pas taillés pour les Etats-Unis, et nos hommes publics
comme notre clergé doivent faire tout en leur pouvoir afin de
faire cesser cette émigration. Et si vous voulez revoir une
partie de ceux qui ont abandonné notre sol, ouvrez des rela-
tions plus intimes et plus fraternelles avec eux. Nul doute
que des rapprochements plus sympathiques seraient un pallia-
130 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
tif il bien des décisions irrévocables. Que ces jours de fêtes ne
soient pas vains en résultats pratiques. Canadiens des deux
pays, formons une alliance patriotique, durable, invincible^
Forts des bénédictions du vicaire de Jésus-Christ, forts de la
foi qui sauve, de l'espérance qui fortifie, de la charité qui
unit, rallions-nous ; sachons nous apprécier, nous entr'aider,
nous protéger.
Qu'on me pardonne cette longue digression, mais désirant
être le médiateur entre mes compatriotes des Etats-Unis et du
Canada, j'ai cru devoir exposer la situation sous son vrai jour,
sans arrière-pensée comme sans parti pris.
Messieurs, j'ai vu à l'œuvre mes compatriotes, j'ai été témoin
de leur généreux dévouement ; chroniqueur ému de leurs tra-
vaux religieux et patriotiques, j'ai été vivement impressionné
de leur énergie et du zèle constant de leurs missionnaires.
J'ai vu l'artisan chargé de famille déposer des sommes de 200
à 300 dollars dans le trésor de la paroisse ; j'ai vu l'enfant se
priver des petits riens chers à l'enfance, pour remettre son
obole au bon pasteur; j'ai vu toute une population travailler
le jour de la fête nationale, et offrir le salaire de la journée à
l'érection d'un temple à Dieu. Et cela, parmi une population
d'artisans, de journaliers, vivant au jour le jour, et cela, spon-
tanément, volontairement
Ce tableau n'est pas chargé de coloris, c'est la fidèle relation
de l'enthousiasme religipux de nos frères émigrés.
Mais, à ce tableau, il y a des ombres. A la veille de me
présenter devant vous, j'ai demandé à nos prêtres mission-
naires ce qu'ils pensaient de l'avenir de la foi et de la moralité
des émigrés canadiens, cela sous la forme de deux questions.
La première est celle-ci : Etes-vous d'opinion que la foi des
Canadiens est exposée à se perdre aux Etats-Unis, là où il n'y
a point de prêtres parlant leur langue ? Presque tous ont
répondu dans l'affirmative. Afin de mieux faire connaître ces
opinions je cite quelques unes des lettres reçues :
Un de ces missionnaires nous écrit : " Il faudrait être
dépourvu d'expérience et tout à fait aveugle pour croire que
les Canadiens ne sont pas exposés à se perdre, s'ils n'ont pour
RAPPORT DE M. FERDINAND GAGNON. 131
les servir un prêtre de leur nation ou au moins de leur
langue.
Le même prêtre nous écrit : " Mes jeunes gens ne font rien
pour l'église, mais il y a un remède à cela, c'est d'avoir tou-
jours une école bien soutenue où l'on pourrait formel- les
enfants, les attacher à leur église, leur faire aimer leur langue
et leur religion. Plus je réfléchis, plus il me semble que les
Canadiens aux Etats-Unis ont une belle mission à remplir.
Mais ce qui paralyse leur œuvre, c'est le fameux système des
écoles publiques. Dans ces écoles, nos enfants n'apprennent
rien qui puisse élever leur cœur vers le bon Dieu, ils ne
reçoivent qu'une instruction matérielle, ils deviennent bientôt
indifférents au sentiment religieux ; le cœur du prêtre ne peut
que gémir en songeant au sombre avenir..."
Un autre missionnaire nous écrit : " Tenons à la langue
française, si l'on veut garder la moralité et la foi des Cana-
diens aux Etats-Unis. Tl faut des prêtres canadiens pour des-
servir les Canadiens..."
Un prêtre de l'état de New- York nous répond : " Je serais
très heureux si le Canada gardait nos gens chez eux, en leur
donnant le moyen de vivre, car les jeunes gens viennent se
perdre ici. C'est pénible et j'oserais dire honteux, pour notre
Canada, de tolérer une pareille indifférence de la part du gou-
vernement, qui devrait établir des manufactures, afin de garder
nos gens au Canada..."
Un missionnaire du Massachuset's dit: "Les Canadiens
paraissent plus généreux et plus disposés à pratiquer leur reli-
gion, lorsqu'ils sont desservis par des prêtres de leur nationa-
lité..."
Un prêtre belge, ami sincère des Canadiens, parlant sur cette
question, écrit : " Sans écoles, la génération future sera per-
due. Le travail des manufactures, trop long, trop pénible et
trop monotone, afTaiblit les forces physiques et intellectuelles
de l'enfant. Il ne reste ni temps, ni force pour un enseigne-
ment. La seule ressource c'est la fréquentation d'une bonne
école pendant les semaines requises ou autorisées par la loi
des différents Etats. Partout où il y a des églises avec des
132 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
écoles et un prêtre ferme et imposant du respect, le prêtre
sera respecté et le mal considérablement atténué par tous et
neutralisé pour beaucoup. Il y a chez nos Canadiens des Etats-
Unis une infinité de bonnes qualités et de vertus comme une
infinité de bonnes œuvres et de grandes œuvres: Je déteste
ceux qui crient aux Canadiens des Etats-Unis comme on crie
aux loups. La critique est aisée mais l'art est difiicile ; et
somme toute, les Canadiens émigrés méritent de leur pays.
La seconde question est la suivante : " Etes-vous d'opinion
que la moralité des Canadiens est exposée aux Etats-Unis, plus
qu'au Canada, surtout celle des jeunes gens ? "
Nos missionnaires répondent :
" Pas plus que dans les villes du Canada, pourvu qu'ils aient
des prêtres parlant leur langue, mais beaucoup plus que dans
les campagnes du Canada. Les jeunes gens sont plus exposés
qu'au pays et l'esprit de famille n'a pas la force de cohésion
qu'elle a au Canada. 11 faudrait pour remédier à cet état de
choses, des récréations saines, il faut un dérivatif au pouvoir
mauvais et d'honnêtes sujets de conversation.
L'institution de bonnes récréations est une œuvre m^orale et
religieuse. Le mouvement perpétuel est fatal, un quart des
Canadiens sont nomades et aucune action bienfaisante quel-
conque n'est possible sur cette classe. C'est la bohème errante
du Canada..."
Il y a aussi dans les statistiques fournies par ces MM., un
palliatif contre cette manie d'émigration qui fait tant de
ravage dans notre province. Presque tous s'accordent à dire
que les Canadiens sont à la gêne, qu'ils ne font pas d'économie.
Je voudrais être entendu en ce moment de toutes nos popula-
tions agricoles, pour dire à nos bons habitants : Braves gens !
de grâce, restez au pay»s ! vous êtes vos maîtres ; élevez vos
enfants dans la liberté du travail, et tout en faisant votre
devoir de citoyens, de bons pères de familles, vous aurez servi
Dieu et la patrie I
Je viens de vous exposer. Messieurs, d'une manière bien
imparfaite, la situation de nos frères expatriés ; leurs œuvres
sont immenses, admirables. Sans système de répartition
RAPPORT DE M. FERDINAND GAGNON 133
légale, volontairement, ces gens, pauvres pour la plupart, se
sont fait une seconde patrie religieuse en exil. Ils méritent
être glorifiés ; mais l'avenir est incertain ; presque tous nos
missionnaire!" • 'accordent à dire : " Sans les écoles françaises,
sans les prêtres parlant leur langue, les groi. s canadiens
sont exposés à la perte de leur foi." Gomme ce Congrès est
appelé à répandre son influence bienfaisante sur nos nationaux,
je me demande si cette assemblée ne devrait pas adopter une
résolution remerciant l'épiscopat américain des généreux
efforts qu'il a faits en faveur de nos compatriotes et lui deman-
dant respectueusement de les continuer avec vigueur, car la
moisson est grande et les ouvriers sont disséminés.
Messieurs, je ne saurais terminer ces remarques sans rendre
un juste tribut d'hommage et de reconnaissance au nom de
mes compatriotes émigrés, à nos missionnaires, à ces généreux
prêtres qui ont suivi les Canadiens sur une terre étrangère,
qui les ont groupés, qui les ont conservés à la foi, au sein
d'un pays habité par quatre millions d'hérétiques. Ils n'ont
pas pris de repos avant que Dieu eût ses tabernacles parmi
nous. Gloire et honneur à ces enfants de notre pays qui, sur
la terre étrangère, sont nos pères, nos frères et nos meilleurs
amis. Des remerciements sincères sont dus aux vénérables
prélats de la province de Québec, qui nous ont envoyé leurs
prêtres, alorsque souvent les ouvriers évangéliques n'étaient
pas nombreux dans leurs diocèses. C'est pour ce zèle, cet
esprit de foi et d'apostolat que le clergé français est renommé
par tout le monde. On sait la large part que ce clergé a prise
dans l'établissement de la Nouvelle-France. Aux Etats-Unis,
il y a actuellement plusieurs évêques et plus de quatre cents
prêtres d'origine française.
Partout, du pôle nord à la Terre de feu, de la Perse aux
Indes, le prêtre de France répand la foi et la civilisation chré-
tienne. Et le prêt canadien, pour n'être pas aussi cosmo-
polite, n'en est pas moins le digne émule de son frère aîné.
Les marais de la Floride, les champs glacés du Nord-Ouest,
les bords de l'Atlantique et du Pacifique ont été témoins de la
charité des apôtres canadiens.
9
134 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Messieurs, je termine. Nous sommes quatre cent mille-
compatriotes disséminés par tous les Etats-Unis ; il faut faire-
cesser cette émigration. Que notre patriotique clergé descende
dans l'arène, qu'il combatte les embaucheurs et les fausses
idées des cultivateurs, à propos de la prospérité fictive qu'ils
croient atteindre en émigrant aux Etats-Unis. Que nos hommes-
d'état donnent la main au clergé dans cette œuvre. Par tous
les moyens que l'on mette une digue à ce torrent, et que l'on
cherche à faire revenir au pays tous ceux des émigrés qui
désirent y revenir, et ils sont nombreux. Puissions-nous
entendre bientôt, par toute cette terre de la Nouvelle-France
chanter avec joie : In convertendo Domine^ captivitatem Sion,
facti sumus sicut consolati.
Je ne saurais finir sans citer ici la page suivante empruntée
à rOpinion Publique^ par un enfant et un député du peuple,
M. J. A. Mousseau, page qui résume mes humbles remarques :
" Dans cette grande patrie américaine qui ne peut se soudre
ni se fondre, tant est grande la diversité des intérêts des sectes
et des nationalités, nos compatriotes se sont taillé une patrie
à eux, qui est la patrie canadienne française. Ils adorent notre
Dieu, vénèrent le même clergé, parlent la même langue, cul-
tivent la même littérature et honorent la même tradition et
les mêmes muses. Ils n'ont de commun avec les américains
que les intérêts matériels ; ils restent eux^ au milieu d'un
monde étranger ; ils nous blâment et nous maudissent peut-
être, dans leurs heures d'ennui et de désappointement, et ils
ont un peu raison. Pourquoi la mère a-t-elle laissé partir des
enfants si dévoués ? Mais ces colères ne sont que passagères,
et cette révolte filiale ne dure pas. Ils ne demandent qu'une
chose : que le Bas-Canada fasse pour ses enfants, ce que les
Etats-Unis font pour les étrangers,et ils accoureront s'asseoir au
banquet national, emportant avec eux les os de ceux qui leur
furent chers, pour les ensevelir à l'ombre de l'humble croix
de bois qui marque la place du dernier sommeil des ancêtres.
Ces nobles sentiments animent maintenant tous les groupes»
Les sociétés nationales, en se réunissant par délégations, ont
communiqué l'impulsion à tous ; elles frappent, comme le
RAPPORT DE M. FERDINAND GAGNON 135
courant magnétique, tons les cœurs en môme temps ! Il y a
maintenant solidarité entre tous, ïùentité d'opinion et de sen-
timent surtout, et ce que l'on veut là est précisément ce que
l'on veut au Canada : maintien absolu de la nationalité cana-
dienne française avec toutes ses attributions, sas droits, ses
immunités et ses privilèges.
Ce fait, ce sentiment, que partagent les Canadiens d'ici
comme ceux des Etats-Unis est bien beau, et prouve surabon-
damment la vitalité de la race française.
Mais il s'en détache une conséquence qui est un devoir
impérieux pour les Canadiens français du Bas-Canada, pour
nos hommes publics, pour nos chefs politiques de toute
couleur.
Nous sommes le groupe le plus fort ; nous avons la fortune,
le pouvoir et l'autonomie. Nous devons être le point d'appui,
le centre de ralliement, la base de l'opération. Il nous faut
encourager, aider et diriger même un peu, par une politique
judicieuse, large et généreuse, ce mouvement de ralliement
et de concentration qui s'opère parmi les Canadiens français
des Etats-Unis. Nous y sommes obligés par la conscience,
par le sentiment, par l'intérêt.
Nous ne rougissons pas, nous sommes au contraire, très fiers
d'avouer que nous sommes de ceux qui croient au rôle, à
l'avenir providentiel de notre race en Amérique. Nous ne
sommes pas destinés à périr, à moins que nous le veuillons.
Foncièrement catholiques, imbus des idées de respect et de
tradition, les Canadiens français ofi'riront, à temps donné, les
meilleurs appoints pour la formation d'un état solide et dura-
ble. A tout événement, ils constitueront toujours une natio-
nalité considérable à part, parfaitement distincte des autres
groupes, et représentant fidèlement la civilisation française et
catholique. Nous sommes déjà beaucoup cela. Pour conser-
ver cet état de possession, garder ce que nous avons ; pour
remplir cette mission, il ne faut négliger aucun moyen,
mépriser aucune force. Tenons-nous en communication cons-
tante d'idées et de sentiments avec nos frères des Etats-Unis.
Partageons nos joies, nos alarmes, nos luttes et notre superflu.
136 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Si nous allons les voir, faisons en sorte de nous trouver chez
nous ; s'ils reviennent, qu'ils soient chez eux. La presse et le
livre feront les premières démarches, noueront les preitiiers
liens, cimenteront les amitiés. Envoyons-leur des prêtres,
des amis, des représentants de nos idées, de nos sentiments et
de nos intérêts ; qu'on les conseille au lieu de leur reprochei
leur départ, qu'on leur prête assistance au lieu de les injurier,
Le résultat de cette ligne de conduite sera aussi avantageux
qu'assuré. Quand le gouvernement aura fait pour eux ce
qu'il tente pour les européens qui ne veulent pas venir, ou qui
ne peuvent pas rester ; quand les grandes entreprises de tous
genres seront commencées et que l'industrie qui en sera la
conséquence aura pris racine et corps dans le pays, tous ceux
qui le pourront s'empresseront de revenir joyeusement grossir
les forces nationales ; ceux que des liens de famille ou autres
retiendront forcément resteront nos amis et seront toujours
nos alliés dévoués..."
Après quelques observations pleines de prudence et de
mesure de M. l'abbé Martial, curé de Grosvenordale (Etats
Unis), M. Ernest Gagnon dit quelques mots des événements
qui se préparent en France et dépose le mémoire suivant :
L'EMIGRATION, LES CANADIENS-AMÉRICAINS
ET LES DÉCRETS DU 29 MARS
Bien des explications ont été données sur les causes d(
l'émigration des Canadiens aux Etats-Unis ; la plus ingénieus(
peut-être est une prétendue loi générale qui porte les peuples
du nord à émigrer vers les pays chauds. On cite à l'appui d(
cette théorie l'exemple des irruptions si fréquentes des peuples
du nord de l'Europe sur l'Italie et Rome aux quatrième, cin
quième et sixième siècles, et l'on nous engage à ne pas noui
désespérer.
Cette explication laisse beaucoup à désirer.
D'abord, l'histoire constate autant sinon plus de migration
du sud au nord de l'ancien monde que du nord au sud
MÉMOIRE DE M. ERNEST GAGNON 137
Ainsi, une partie du peuple irlandais est originaire d'une
contrée méridionale, la Pliénicie ; elle vint se fixer en Espagne,
pour première étape, puis elle monta jusqu'en Irlande. Les
Cimbres ou Kimris, originaires de la Grimée, s'établirent en
France, s'emparèrent de l'Angleterre et refoulèrent les Gaels
jusqu'en Ecosse. Enfiu, à des époques fort reculées, on voit
de nombreuses populations de l'Inde venir s'établir dans
l'Europe centrale. Je me borne à ces trois exemples.
Puis il n'est pas exact de dire qu'une loi générale pousse
ainsi les peuples hors de leurs pays. " Un instinct affecté à
l'homme, le plus beau, le plus moral des instincts, dit Chateau-
briand, c'est l'amour de la patrie. Si cette loi n'était soutenue
par un miracle toujours subsistant, et auquel, comme à tant
d'autres, nous ne faisons aucune attention, les hommes se
précipiteraient dans les zones tempérées en laissant le reste du
globe désert. On peut se figurer quelles calamités résulte-
raient de cette réunion du genre humain sur un seul point
de la terre. Afin d'éviter ces malheurs, la Providence a, pour
ainsi dire, attaché les pieds de chaque homme à son sol natal
par un aimant invincible."
Lorsqu'un grand nombre d'hommes abandonnent leur
patrie, on peut dire qu'il y a commandement supérieur de la
part de Dieu ou désordre chez ces hommes ; ce qui est certain,
c'est que l'ordre ordinaire des choses n'a plus son cours.
Le peuple canadien émigré partiellement aux Etats-Unis :
Celui qui sait tirer le bien du mal, qui peut, à sa volonté,
faire servir les fautes comme les habiletés des hommes à l'ac-
complissement de ses desseins, l'a permis ainsi.
Est-ce une permission de sa justice ou de sa miséricorde ?
Peut-être de l'une et de l'autre. Dans tous les cas, Dieu nous
laisse un libre-arbitre que n'entrave pas son adorable pres-
cience, et il veut que nous cherchions à faire tourner les
événements à sa plus grande gloire.
Il importe donc que nous prenions toute l'initiative qu'il
nous est permis de prendre pour mettre la foi de nos compa-
triotes émigrés à l'abri du péril. Or, il n'est rien de plus
propre à aider nos compatriotes des Etats-Unis à conserver
138 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
leur foi que de leur donner des prêtres parlant le français.
Profitons donc de toutes les occasions qui nous seront offertes
de leur procurer cet avantage.
La France, notre mère commune, ou plutôt le gouverne-
ment français est à la veille, hélas ! de proscrire plusieurs
ordres religieux, et il devra s'en suivre un déplacement de la
grâce, si je puis ainsi parler, dont nos compatriotes des Etats-
Unis pourraient tirer bénéfice. Il nous siérait mal de prendre
en cette » rconstance éventuelle une initiative qui n'appartient
qu'aux seuls évêques, et je ne veux proposer aucune " résolu-
tion " à ce sujet ; laissez-moi seulement vous dire que, s'il
nous est donné de pouvoir contribuer de quelque manière à
augmenter le nombre des prêtres parlant le français aux Etats-
Unis, nous ne devons pas manquer de le faire, et cela dans
l'intérêt de la conservation de la foi parmi nos congénères
américains.
Ernest Gagnon
RAPPORT DE LA COMMISSION NOMMÉE POUR REPRÉ-
SENTER LA SOCIÉTÉ DE ST-VINCENT DE PAUL
AU CONGRÈS CATHOLIQUE CONVOQUÉ A QUÉBEC
POUR LE 25 JUIN 1880
La commission a l'honneur de soumettre à la bienveillante
considération du Congrès catholique un résumé de l'histoire
de la société de St- Vincent de Paul, de son organisation, de
ses œuvres au Canada et plus particulièrement dans la ville
de Québec. ■ •
La société de St- Vincent de Paul est une œuvre contem-
poraine ; elle fut fondée à Paris en 1833 par quelques jeunes
chrétiens qui se réunissaient habituellement dans les bureaux
d'un journal religieux Non contents d'y écrire, ils discutaient
et cherchaient les moyens de remédier aux maux sans nombre
dont ils étaient environnés. Un soir, l'un d'eux, l'immortel
Ozanam, arrive avec un papier sur lequel il a tracé quelques
notes et fait connaître à ses compagnons le dessein grandiose
qu'il a formé ou plutôt que le ciel lui a inspiré, de travailler
RAPPORT DE LA SOCIÉTÉ ST- VINCENT DE PAUL 1^
à la régénération de sa patrie par le moyen de la charité.
" Nous sommes envahis, leur dit-il, par un déluge de doc-
*' trines philosophiques hétérodoxes qui s'agitent autour de
" nous, et nous éprouvons le désir et le besoin de fortifier
" notre foi au milieu des assauts que lui livrent les systèmes
" divers de la fausse science. Quelques-uns de nos jeunes
" compagnons d'études sont matérialistes, quelques-uns saint-
" simoniens, d'autres fouriéristes, d'autres encore déistes. Lors-
" que nous catholiques nous nous efforçons de rappeler à ces
" frères égarés les merveilles du christianisme, ils nous disent
" tous : Vous avez raison si vous parlez du passé, le christia-
" nisme a fait autrefois des prodiges, mais aujourd'hui le
" christianisme est mort, et en effet, vous qui vous vantez
" d'être catholiques, que faites-vous ? où sont les œuvres qui
" démontrent votre foi, et qui peuvent nous la faire respecter
" et admettre ? lis ont raison ; ce reproche n'est que trop
" mérité. Eh ! bien, à l'œuvre ! et que nos actes soient d'ac-
" cord avec notre foi. Mais que faire ? Que faire pour être
" vraiment catholiques, sinon ce qui plait le plus à Dieu ?
" Secourons donc notre prochain, comme le faisait Jésus-
^' Christ et mettons notre foi sous la protection de la charité."
Conserver et propager la foi par le moyen de la charité, voilà
le programme de la société St- Vincent de Paul.
La discussion, alors comme aujourd'hui était utile ; elle
n'était pas suffisante ; il fallait des actes encore plus que des
paroles, encore plus que des écrits, et ces héroïques jeunes
gens, qui étaient au nombre de sept, entreprirent ce soir-là de
les produire ces actes et de montrer au dix-neuvième siècle
malade la divine fécondité du christianisme. Ils étaient sept,
mais deux mois après ils étaient quinze ; deux ans après ils
étaient cent ; vingt ans après, à Paris seulement, ils étaient
deux mille, visitaient cinq mille familles, c'est-à-dire, environ
vingt mille individus, c'est-à-dire le quart des pauvres que ren-
fermait cette immense cité. La visite des pauvres fut donc
l'œuvre par excellence qu'entreprirent les fondateurs de la
société St-Vincent de Paul et c'est aussi l'œuvre par excellence
de leurs successeurs.
140 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Ces réunions de jeunes gens conservèrent le nom de confè-
re nce s ^Tf\oi qui était alors employé pour désigner toute assem-
blée studieuse de jeunes gens. Mais ce serait mal interpréter
cette dénomination que d'en conclure que les conférences de
St- Vincent de Paul furent à l'origine des séances où l'on fai-
sait des discours, où l'on entretenait des discussions sur des
sujets de charité. En se plaçant dès le commencement sous
l'invocation de St-Vincent de Paul, afin d'obtenir par ce grand
serviteur de Dieu quelques rayons de l'esprit de charité et de
foi dont il était enflammé, la première conférence indiqua
assez nettement que ce n'était pas par des études théoriques
mais par des œuvres qu'elle se proposait de suivre les exemples
de son bienheureux patron. Dès sa fondation elle eut deux
buts distincts, mais parfaitement unis et ces deux buts sont
encore ceux que poursuit la société de St-Vincent de Paul
aujourd'hui : faire beaucoup de bien spirituel à ses membres par
r exercice de la charité^ et tâcher de faire un peu de bien spirituel
et temporel à quelques pauvres visités au nom de Jésus-Christ.
Graduellement, et par rumeurs, les familles chrétiennes
apprirent qu'à Paris, au milieu des dangers de toutes sortes
pour la foi et les mœurs, il y avait pour les hommes (spéciale-
ment les jeunes gens) un centre de réunions cordiales, affec-
tueuses, où l'on s'excitait à servir Dieu, où l'on ne craignait
pas de commencer la séance de la semaine par une prière, où
l'on s'occupait enfin de secourir les pauvres d'une manière
efficace et conforme aux exemples de Jésus-Christ.
Tels sont les deux buts que la société de St-Vincent de Paul
s'est proposés et qu'elle s'efforce de ne pas oublier et d'atteindre.
Ce qui la distingue de toutes les associations philanthropiques,
ce qui la recommande à toutes les personnes chrétiennes,
c'est, qu'en soulageant les pauvres matériellement, elle aspire
à les rendre meilleurs et à faire pénétrer leurs visiteurs tou-
jours plus avant dans les sentiers de la vie divinement austère
de l'abnégation catholique. Lorsqu'on eut compris, ce qui
arriva bientôt, qu'il ne fallait pas borner l'institution nouvelle
à la seule ville de Paris, mais qu'au contraire il était d'urgence
de l'étendre par toute l'Europe, le premier acte des apôtres qui.
RAPPORT DE LA SOCIÉTÉ ST-VINCENT DE PAUL 141
se vouèrent à cette pieuse propagande fut de tomber à genoux
pour demander ensemble à Dieu, la charité par essence, de
bénir leurs pensées, leurs travaux, leurs espérances. Ils solli-
citèrent ensuite, de l'autorité ecclésiastique, l'appui dont ils
avaient besoin. Les développements des conférences se mul-
tiplièrent d'une manière frappante, surtout lorsque le Souve-
rain Pontife Grégoire XVI crut devoir donner à la société
une formelle consécration dans un bref solennel en date du
dix janvier 1845. Une fois répandue par toutes les parties de
la France, la société de St- Vincent de Paul poussée par le
souflle de la charité, passa en Allemagne, puis en Belgique et
en Danemark, franchit les Pyrénées et les Alpes, visita la
Grèce, traversa la Manche, organisa ses conférences dans les
Pays-Bas, la Suisse et la Turquie d'Europe, foula la terre
sacrée de l'Asie, brava le soleil d'Afrique, explora l'Océanie et
atteignit l'Amérique. L'on peut dire de cette association cha-
ritable ce qu'avait inspiré à l'orgueil espagnol les vastes
domaines de Charles-Quint. " Le soleil ne se couche pas sur cet
empire ! "
L'année 1846 a vu naître la société St-Vincent de Paul au
Canada. Notre pays n'a perdu de la France que le nom, mais
il en a gardé l'amour, la religion et les anciennes familles.
C'est un membre d'une des conférences de Paris, un Canadien
français, feu M. le docteur Joseph Painchaud, jr., dont le zèle
valut à la société de St-Vincent de Paul cette précieuse con-
quête. Entre les mains de la Providence tout homme est un
instrument de bien et toute bonne pensée devient la première
pierre d'une fondation. Il suffit souvent d'une de ces graines
légères et ailées qu'emporte et pousse le vent du ciel pour
ensemencer un champ lointain ou faire épanouir dans un
autre monde une fleur qui rappelle la patrie à ceux qui l'ont
quittée.
Treize personnes des diverses parties delà ville de Québec se
réunirent, le 12 novembre 1846, dans une des sacristies de la
Cathédrale (aujourd'hui Basilique) et furent les fondateurs de
la conférence Notre-Dame. Plus tard, l'archevêque de Québec,
feu Mgr Baillargeon, lors de son voyage en Europe, présidait
142 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
une assemblée générale des conférences de Paris, à laquelle
étaient présents le révérend Père Lacordaire, le fameux
orateur dominicain, et un très grand nombre d'ecclésiastiques.
Après la lecture du rapport, le célèbre frère prêcheur, tnr l'in-
vitation de Mgr l'évêque de Tloa, prit la parole et prononça un
discours sur le luxe. Après lui Monseigneur Baillargeon vint
remercier Dieu des grâces qu'il avait répandues sur la société
de St-Vincenl de Paul, puis il continua son allocution en ces
termes :
" Cette société est née de la charité et selon le cœur de Dieu
" puisqu'elle a reçu la mission d'accomplir les œuvres de
" miséricorde. Ce qu'elle a fait pour la France, elle l'a fait
" aussi pour le Canada. Un jeune homme qui avait étudié à
'' Paris, revint au Canada avec vos règlements. Il consulta
" l'un des curés de Québec. Ce curé c'est moi qui vous parle
" en ce moment. Il l'entretint de son projet de fonder la
" société de St-Vincent de Paul ; le curé le seconda, il dit un
" mot, convoqua une assemblée, et cela suffit dans ce pays si
" catholique pour qu'il se formât aussitôt plusieurs confé-
" rences. Quelle Providence ! cela avait lieu en 1846, au
" lendemain de deux formidables incendies qui venaient de
" détruire les deux tiers de la ville. Vous connaissez la
'^rigueur de nos hivers; les dépenses du chauffage y sont
" plus onéreuses que celles encourues pour la nourriture même*
" Les aumônes des conférences qui, en un an, s'élevèrent à
" vingt-cinq mille francs suffirent à toutes les nécessités et
" toutes les misères véritables trouvèrent des consolateurs.
" Quel encouragement pour vous. Messieurs, de penser que
" vous êtes appelés à tant de bonnes œuvres qui se pratiquent
" non seulement en France, en Europe, mais jusqu'en Amé-
" rique ; de penser que vous consolez l'Eglise de Jésus-Christ
" et que vous ramenez tant d'âmes à des pensées de religion !
" Persévérez donc, Messieurs, continuez cette œuvre sainte
" avec un 'zèle toujours nouveau, et les bénédictions du ciel
" ne vous manqueront pas."
Pour qu'une société soit forte, pour qu'elle puisse se con-
server dans l'unité et braver les orages, il lui faut une auto-
RAPPORT DE LA SOCIÉTÉ ST-VLNCENT DE PAUL 143
rite, une hiérarchie. De cette autorité, de cette hiérarchie la
société de St- Vincent de Paul est admirablement pourvue. Les
conférences sont composées d'un président, d'un vice-prési-
dent, d'un secrétaire, d'un trésorier et d'un certain nombre de
membres.
Lorsqu'il y a plusieurs conférences dans une ville, elles
sont dirigées par un conseil particulier, et ce conseil se com-
pose d'un président et de tous les présidents et vice-présidents
des diverses conférences. Il y a aussi un secrétaire et un tré-
sorier. Au dessus du conseil particulier est le conseil supé-
rieur, qui dirige les affaires de toute une prov' ice et qui a
sous ses ordres plusieurs conseils particuliers. En.n, au-
dessus du conseil supérieur est le conseil général, qui siège à
Paris et qui constitue, pour ainsi parler, la tête de la société, le
disque d'où partent les rayons, le quartier général d'où les
ordres émanent.
"• Cette organisation est vraiment admirable, elle est d'une
"puissance extrême, d'autant plus que par ses bienfaits mêmes
'■^ la société exerce son influence partout, sur toutes les classes :
" sur les classes élevées par ses prières, par les secours qu'elle
" obtient ; sur les classes inférieures par ses conseils^ par la
" pratique de ses œuvres charitables qui se multiplient sous
" toutes les formes et mettent dans sa main les apprentis, les
" ouvriers, les militaires." Nous n'avons fait dans cette cita-
tion que reproduire les paroles même de M. Billault, au sénat
de l'empire français.
Les conférences ont lieu une fois la semaine, les conseils
particuliers une fois par mois, et le conseil supérieur, quand il
le juge à propos. Une conférence est une réunion de plu-
sieurs membres qui s'assemblent une fois la semaine pour
gérer les affaires de la société. Voici ce qui se passe dans une
conférence : le président ouvre la séance par une courte
prière, puis l'un des membres fait une lecture de piété. Alors
le secrétaire lit le procès-verbal de l'assemblée précédente, le
trésorier donne un état des comptes, et l'on s'occupe des pau-
vres. Un certain nombre de fami ^ sont recommandées, les
membres font leurs rapports sur les .ndigents qu'ils ont visités,
144 PRExMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
des visites d'enquête sont ordonnées chez d'autres, des secoiirs
sont votés, les visiteurs, sont nommés, et le tout se termine
par la quête, suivie d'une petite prière.
Dans l'intervalle des conférences les membres désignés par
le président vont, deux par deux, visiter les familles commises
à leur garde, leur porter les secours que la conférence leur
envoie, leur donner de bons conseils, en un mot les aider de
tout leur pouvoir. Voilà comment la société de St-Vincent
de Paul atteint le double but proposé à son zèle : sanctification
de ses membres, et soulagement des pauvres.
Pour connaître ce que la société de St-Vincent de Paul a
fait et ce qu'elle fait encore de bien au Canada (tout particu-
lièrement à Québec) il sufTit d'avoir sous les yeux quelques
statistiques qui peuvent être regardées comme très exactes.
Absolument étrangère à Québec au mois de juillet 1846, la
société de St-Vincent de Paul comptait au mois de décembre
1816, neuf conférences organisées. Aujourd'hui (1880) dans
cette même ville, il y a 21 conférences, 16 canadiennes fran-
çaises et 5 irlandaises, agrégées, plus deux conférences, une
française et l'autre irlandaise, non agrégées. Total pour la
ville de Québec : 23. Dans la province de Québec, 4 conseils
particuliers ont sous leur direction 46 conférences agrégées.
A Ontario il y a également 4 conseils particuliers et 21 confé-
rences, ce qui forme pour ces deux provinces, 8 conseils parti-
culiers et 67 conférences. Des 4 conseils particuliers de la
province de Québec, 2 ont leur siège en cette ville, 1 à Trois-
Rivières et 1 à Montréal. A Ontario ils sont répartis comme
suit : 2 à Ottawa, 1 à Toronto et 1 à London. En dehors de
ces deux mêmes provinces, il y a un conseil particulier et un
grand nombre de conférences qui toutes, comme d'ailleurs
celles de Québec et d'Ontario relèvent du conseil supérieur
de Québec, lequel est chargé de diriger tous les conseils par-
ticuliers.
En 1847, le nombre des membres de la société de St-Vincent
de Paul, à Québec seulement, s'élevait à 458 ; au mois de
janvier 1880, il atteignait le chiffre de M 05. En décembre
1879, dans les deux provinces de Québec et d'Ontario, (le Nou-
RAPPORT DE LA SOCIÉTÉ ST-VINCENT DE PAUL 145
veaii-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et l'Ile du Prince Edouard
non compris) dans ces deux seules provinces nous comptions
3,691 membres : 681 à Ontario et 3,010 à Québec.
Pendant les 33 années de son existence dans cette ville, la
société de St-Vincent de Paul n'est pas restée oisive ; la statis-
tique qu'elle peut aujourd'hui donner de ses travaux, constitue
pour elle une surabondante récompense. Ses membres ont
préparé à une mort chrétienne 674 de leurs pauvres. Ils ont
visité, consolé et soulagé 3,308 malades, secouru 3,208 veuves
et 6,213 orphelins. Ces deux derniers chiffres additionnés don-
nent un effectif de 9,421 malheureux délaissés que nous avons
réussi, grâce à la divine Providence, à arracher aux angoisses
du désespoir et de la faim.
Sur une recette de $137,069,68 la société de St-Vincent de
Paul a dépensé $129,327.06 à secourir, dans la, seule vilie de
Québec, 18,616 familles, composées de 72,010 personnes, dont
29,020 adultes et 42,990 enfants.
Il est facile de remarquer que le nombre des pauvres ainsi
secourus par la société de St-Vincent de Paul, (72,010) dépasse
d'une dizaine de mille la population entière de la ville de
Québec. Et, en rapprochant du total des personnes assistées
celui de la dépense encourue pour leur soulagement, l'on se
convaincra qne chacun de ces pauvres n'a coûté à la confé-
rence qui la secourait (un secours immédiat bien entendu)
qu'une bagatelle pécuniaire estimée à un peu moins de $2.00.
72,010 personnes et $129,327.06 de dépenses : que l'on compare !
Quant aux recettes et aux dépenses de la société de St-Vin-
cent de Paul, au Canada, depuis sa fondation elles s'élèvent :
recettes, à 2,373,490.54 francs, soit $474,698.54 ; dépenses, à
2,148,378.00 francs, soit $429,675.60. Et avec cela nous avons
secouru, depuis 33 années, par toute la Puissance, 214,837
pauvres ! Ici encore la moyenne de $2.00 par tête est frappante
d'exactitude, $429,675.60 donnant du pain à 214,837 pauvres!
En présence d'une aussi réjouissante statistique, devant sem-
blable résultat, il n'y aura pas seulement que la voix des indi-
gents qui s'élèvera pour chanter, avec la reconnaissance des
successeurs d'Ozanam, le Te Deum d'actions de grâces.
146 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Le dernier rapport général de Paris, publié en décembre
1879 nous apprend que. le total ,des recettes de la société d^
St-Vincent de Paul, dans l'univers entier s'est élevé en 1878,
à 8,241,302 francs ; celui des dépenses de la même année, était
de 6,894,020 francs, soit $1,648,260 de recettes et $1,378,804 de
dépenses encourues.
Aucune œuvre de charité ne doit être regardée comme
étrangère à la société de St-Vincent de Paul : aussi les mem-
bres saisissent-ils toutes les occasions de porter des consola-
tions aux malades et aux prisonniers, de procurer l'instruction
aux enfants pauvres, abandonnés ou détenus, et des secours
religieux à ceux qui en manquent à l'heure de la mort.
Fidèles à leur règlement, les conférences de Quéuec ont tou-
jours regardé la visite des pauvres à domicile comme l'œuvre
principale de la société de St-Vincent de Paul, mais elles n'ont
pas négligé pour cela les œuvres secondaires. Ainsi, VŒuvre
du Patronage a procuré à 2,632 enfants le bienfait d'une ins-
truction chrétienne. Depuis 1861, date de sa fondation, à
1879 inclusivement, les recettes de cette institution se sont
élevées à $24,921.89 et les dépenses générales à $25,859.31.
Nous ferons remarquer que le coût de la bâtisse de cette ins-
titution, située rue St-Georges, faubourg St- Jean- Baptiste, n'est
compris dans aucune de ces deux sommes ; elle représente
une valeur de $12,000. Au Patronage des écoliers se rattache
VŒuvre du Réfectoire fondée en 1875. Ses recettes se sont éle-
vées pour les quatre dernières années écoulées à $912.69 et
ses dépenses à $865.26. Avec cet humble budget la société de
St-Vincent de Paul a eu la joie profonde d'avoir pu, annuelle-
ment, donner à dîner à 360 petits malheureux fréquentant
régulièrement l'école du Patronage. Il faut mentionner de
plus VŒuvre du Vestiaire des pauvres qui a préservé du froid
et de la maladie une foule d'infortunés que la société de St-
Vincent de Paul s'est empressée de vêtir, sachant qu'elle
donnait ces vêtements à Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même.
Enfin, c'est avec un sentiment d'indicible émotion que la
société de St-Vincent de Paul se rappelle avoir acheté en 1850
la petite maison (située rue Lâche vrotière, et à cette époque
RAPPORT DE LA SOCIÉTÉ ST- VINCENT DE PAUL 147
faubourg St-Jean-Baptiste, aujourd'hui quartier Montcalm)
qui ait servi de refuge aux premières repentantes de Ste-
Madeleine. C'était alors le vocable de V Asile du Bon Pasteur.
Aussi notre bonheur est-il grand d'avoir à notre mérite la
gloire d'avoir fondé à Québec cette institution inestimable
par son influence morale et son action réparatrice. Quel
admirable développement cette fondation de la société de St-
Vincent de Paul n'a-t-elle pas pris après trente ans de durée l
En 1850 l'établissement dirigé par Madame Roy et desservie
par huit assistantes, avait reçu 22 pénitentes ; au mois de mai
1880, la même institution comptait 117 religieuses professes,
8 postulantes et 18 novices ; le nombre des filles repenties
s'élevait à 107. Les dépenses générales pour l'année 1 878-79
furent de $22,300 00. Cinq cents élèves externes recevaient
dans le couvent une éducation secondaire excellente. Ce
même petit '' asile de Ste-Madeleine'^ du mois de janvier 1850
était devenu au mois de janvier 1880 une maison-mère ayant,
dans notre province de Québec, onze succursales sous son
contrôle immédiat et 1350 écolières. Telles sont, en résumé,
les œuvres principales que Dieu, dans sa bonté, a peniiis à la
société de St- Vincent de Paul d'accomplir au Canada et en
particulier dans notre ville de Québec.
Voici comment le dernier rapport officiel publié à Paris,
par le conseil général de la société de St- Vincent de Paul
s'exprime au sujet de l'état des conférences du Canada :
" Nos œuvres, dans cette contrée, se partagent entre les
"deux provinces de Québec et d' Ontario ; au 1er janvier de
" cette année (1878) on comptait 42 conférences dans la pre-
" mière et 22 dans la seconde, placées toutes sous la direction
" d'un conseil supérieur dont le siège est à Québec. Six con-
" férences nouvelles agrégées en 1878, et un conseil particu-
" lier institué à Ottawa pour relier entre elles les conférences
" françaises de cette ville, indiquent le progrès d'expansion
" de nos œuvres dans ces deux provinces. Seules, les res-
" sources paraissent avoir diminué, par suite de la crise
" industrielle et commerciale qui pesait déjà sur ce pays
" avant même de s'être fait sentir en Europe, et qui pour lui
148 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
" dure encore ; pour tout le reste, nous retrouvons la même
" activité et la même vje féconde, principalement dans la pro-
" vince et dans la ville de Québec. Là, en effet, à la suite
" d'un triduum prêché à la cathédrale comme préparation à
'' la fête de la Conception, et qui fut suivi par près de deux
" mille hommes, deux cents membres nouveaux vinrent pren-
'^ dre rang dans les conférences et beaucoup de membres
^' refroidis et à peu près disparus y rentrèrent avec les plus
" sérieuses résolutions de fidélité. Aussi 700 familles furent
" visitées, l'année dernière à Québec, au lieu de 500, l'OEuvre
" du Patronage s'est développée, la maison qui l'abrite fut
" achevée, un réfectoire y fut installé pour les apprentis les
" plus pauvres, dans lequel un repas leur est servi chaque
" jour, enfin le vestiaire, tenu par les dames charitables, a
" augmenté ses distributions."
" Des progrès, moins importants, mais malgré cela très
" marqués, se sont également produits aux Trois-Rivières ;
'•'• c'est dans la circonscription du conseil particulier de cette
" ville, dont la direction s'étend à un certain nombre de con-
" férences circonvoisines, que s'est fondée la conférence d'Ar-
" thabaskaville, qui figure dans les agrégations de 1878 et
" mérite déjà qu'on nous écrive d'elle " qu'elle fait un bien
" incalculable à la population de cette localité."
" Deux des conférences nouvelles appartiennent à Montréal ;
" l'une d'elles est exclusivement composée de membres irlan-
" dais ; il en existe 16 aujourd'hui, dans cette ville où fonc-
" tionnent une foule d'institutions charitables qui posent
" forcément une limite au zèle de nos confrères dont les efforts
" se bornent souvent, en fait d'œuvres spéciales, à coopérer à
" celles que dirigent d'autres mains que les leurs.
" Dans la province d'Ontario^ le centre principal d'activité
*' est à Toronto où il existe 5 conférences en voie de progrès.
" Un fait suffira à montrer comment on sait s'y dévouer aux
" pauvres : Un protestant venait de mourir, laissant cinq en-
'* fants en bas âge et dans la misère la plus complète à une
" mère malade, qui ne tarda pas elle-même à mourir ; non
" seulement nos confrères se chargèrent de cette famille, mais
RAPPORT DE LA SOCIÉTÉ ST-VINCENT DE PAUL 149
" ils firent baptiser les cinq enfants et en placèrent trois tan-
" dis que les deux autres furent adoptés par eux."
" L'activité charitable est grande également à Ottawa où
" les conférences ont fondé puis remis entre les mains des
" sœurs de la charité, une institution excellente qu'elles con-
" tinuent à soutenir et qu'elles ont appelée : La Cuisine des
" pauvres ; c'est un fourneau^ avec cette différence que les
" distributions s'y font à un choix de familles déterminé par
" leur état de misère, et que leur durée se règle précisément
" sur celui de leurs besoins; elle n'excède jamais les mois
" d'hiver."
"■ Parmi les conférences nouvellement agrégées dans cette
" province, celle de London mérite une mention spéciale à
" cause du zèle et de l'intelligence charitable qu'elle montre
" dès ses premiers pas ; nous la voyons entreprendre et con-
" duire à bonne fin, chose difficile, la correction d'un ivrogne
" invétéré, et sauver ainsi de la honte et de la misère sa
" femme et ses enfants.
" Pour toutes nos œuvres du Canada on peut donc dire que
" la vie y circule abondante et féconde autant que par le
" passé, et que, si certains fruits de charité y semblent réduits
" ou retardés, on ne doit l'attribuer qu'à l'influence des cir-
'^ constances passagères plus fortes que tout le dévouement et
" toute la bonne volonté de nos confrères."
Ce bon témoignage rendu aux conférences du Canada par
le conseil général de la société de St- Vincent de Paul, à
Paris, est pour elles le plus légitime sujet d'encouragement.
Ce qui est aussi de nature à stimuler le zèle des membres
de la société de St-Vincent de Paul et à leur faire estimer
leur œuvre, ce sont les paroles suivantes de M. Eugène de
Margerie :
" La société de St^ Vincent de Paul n'est pas seulement une
" œuvre, c'est l'œuvre, l'œuvre providentielle, l'œuvre par
" excellence, l'œuvre facile et en même temps opportune, la
" marque, pour ainsi dire, des chrétiens zélés et pieux, l'œuvre
" une et pourtant diverse, l'œuvre qui peut suffire à occuper
" et à remplir toute une vie, qui, en même temps offre aux
10
150 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
" existences les plus absorbées, une participation facile et
" pourtant féconde.
Ernest Myrand,
Secrétaire de la Commission.
DEUXIÈME RÉUNION
DES
BUREAUX DU CONGRES
A une heure p. m., les trois bureaux du Congrès se réu-
nissaient dans les mêmes salles que le jour précédent, et
terminaient leurs travaux et délibérations par l'adoption de
certaines résolutions pratiques basées sur les rapports com-
muniqués à chacun d'eux.
1. BUREAU DES CERCLES CATHOLIQUES
Samedi^ 26 juin
procès-verbal de la 2ÈME SÉANCE
Le bureau des Cercles choisit pour son président M. E. Tassé
en l'absence de M. G. G. de Lorimier, et M. le Dr J. P. Boulet
à la place de M. le Dr H. E. Desrosiers.
Etaient présents : MM. A. de Bonpart, Dr J. P. Boulet, J. B.
Cloutier, A. Cloutier, E. A. Déry, Dr N. E. Dionne, N. La-
casse, V. Livernois, P. Mackay, E. Tassé, A. Robitaille, G^
Vincelette.
M. Livernois fait lecture du rapport du Cercle catholique
de Québec.
M. le docteur Dionne donne lecture du rapport de M. le
chevalier Vincelette, rapporteur du bureau.
M. N. Laçasse, président de TOEuvre des bons livres (annexe
RAPPORT DE l'union CATHOLIQUE DE l'iLE MAURICE 151
du Cercle catholique de Québec), donne lecture du rapport
sur cette œuvre.
M. le Dr Boulet donne lecture de son rapport sur l'CEuvre
pontificale des vieux papiers, œuvre également annexe du
Cercle catholique de Québec.
RAPPORT DE " L'UNION CATHOLIQUE DE L'ILE
MAURICE"
" L'Union Catholique de l'Ile Maurice" a été fondée le 16
août 1877, " afin, dit l'article 1er de ses statuts, de servir,
selon les intentions du saint Père, dans l'esprit de l'Eglise
universelle et en harmonie avec l'autorité ecclésiastique, les
intérêts religieux du diocèse. "
Elle doit s'efforcer d'atteindre ce but, d'après l'article II, par
les moyens suivants :
" lo En rapprochant les catholiques par des réunions gé-
nérales ou partielles.
" 2o En confiant à des comités particuliers l'étude des
questions d'intérêt spécial ou local,
" 3o En faisant toutes démarches auprès du gouvernement,
et en appuyant celles qui seraient faites par l'autorité ecclé-
siastique.
" 4o Par la fondation ou la diffusion de publications utiles.
" 5o En se mettant en rapport avec les sociétés analogues
des autres pays.
"60 En soutenant les œuvres de charité et de foi qui exis-
tent déjà dans le pays, et, s'il est possible, en en suscitant de
nouvelles.
" 7o Et par tous autres moyens qui pourraient être sug-
gérés par l'association ou par son conseil d'administration. '
" L'Union catholique " se compose :
lo De membres actifs, catholiques faisant leurs preuves,
152 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC ■
ayant seuls le droit de voter et de faire partie du Conseil de
direction.
2o De membres associés, qui soutiennent l'œuvre par un
appui moral et matériel.
3o De dames patronesses, qui l'assistent par des dons an-
nuels qu'elles recueillent ou font elles-mêmes.
4o De membres correspondants, dont les témoignages de
sympathie, les avis et les renseignements nous sont toujours
précieux. Nous sommes heureux d'en compter déjà plusieurs
au Canada, et nous espérons, Monsieur le président, que vous
voudrez bien nous permettre de vous inscrire aussi à ce titre.
L Union est représentée et administrée par un conseil de
vingt membres, élu tous les ans à une assemblée générale.
Le Conseil a le pouvoir de faire des règlements pour l'ad-
ministration de r Union et l'organisation de ses œuvres, et
nommer des comités.
n
Le premier acte de r Union a été de déposer aux pieds du
saint Père l'hommage de sa vénération et de sa fidélité, de
lui soumettre ses statuts et de lui demander la bénédiction
apostolique.
Par une coïncidence providentielle, notre évêque, Mgr
Scarisbrick, accomplissait son voyage ad limina apostolorum
au moment même où V Union se fondait. Il en avait approuvé
le projet et bienveillamment encouragé les initiateurs. Il
voulut bien se charger de faire parvenir notre adresse au
Souverain Pontife, aussi reçûmes-nous promptement une ré-
ponse des plus encourageantes, écrite au nom de Sa Sainteté,
par Son Eminence le Cardinal Préfet de la Propagande.
La modeste phalange qui venait de se former ne devait pas
tarder à mettre son dévouement au service de l'Eglise. Mgr
Scarisbrick qui, de Rome, s'était rendu en Angleterre, s'effor-
çait d'obtenir, du ministre des colonies, une augmentation,
dont le besoin se faisait très vivement sentir, dans le nombre
des prêtres payés par l'Etat. Sa Grandeur, pensant que ses
démarches seraient mieux assurées du succès si elles étaient
RAPPORT DE l'union CATHOLIQUE DE l'ILE MAURICE 153
sontennes par une manifestation de l'opinion publique, écrivit
à son Vicaire-Général d'inviter Z'^/iio;i à faire une demande
dans le même sens. Ce désir nous ayant été transmis, nous
nous empressâmes d'y déférer. Un mémoire, longuement
motivé, était immédiatement envoyé au Ministre, et nous de-
mandions en même temps à une association avec laquelle
nous nous étions mis en rapport, la •' Gatholic Union of
Great Britain, " de vouloir bien nous aider de sa puissante
influence.
Peu de temps après, la question était référée au gouverne-
ment de la colonie ; le Ministre laissait à peu près à son option
de décider s'il y avait lieu de faire droit à la demande d'aug-
mentation, en lui recommandant toutefois de s'assurer si les
sentiments de la Communauté étaient favorables à cette
mesure.
Une manifestation plus complète de l'opinion publique de-
venait donc nécessaire. De l'avis de notre évoque, de retour
parmi nous, nous prîmes l'initiative d'une pétition, et bientôt,
grâce au concours actif du clergé, elle était déposée devant le
Conseil législatif, suivie de signatures représentant plus de
40,000 catholiques. Jamais un chiffre pareil n'avait été ob-
tenu pour une démonstration de ce genre. Aussi, malgré
l'opposition d'une minorité protestante, la Législature ajouta
au budget de l'Eglise catholique une somme de $6,000, et ce
vote fut sanctionné par le Ministre.
m
Une autre question était depuis longtemps l'objet d'une vive
sollicitude de la part de l'autorité diocésaine : celle des écoles
primaires. L'éducation est partout le terrain choisi de préfé-
rence par les ennemis de la religion, et il n'était pas possible
que nous n'y fussions pas appelés pour la défendre.
Il existe, à Maurice, deux systèmes d'écoles primaires : les
unes, dites écoles du gouvernement, sont purement séculiè-
res ; les autres, appelées écoles subventionnées, se sont établies
spontanément et reçoivent de l'Etat des allocations propor-
tionnées aux résultats dont elles peuvent justifier.
i54 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUEBEC
Le premier système est hautement soutenu par les protes-
tants qui réclament en sa faveur les préférences de l'adminis-
tration. Le second, ouvert à tous, et dont les protestants
profitent également, est cependant l'objet d'une malveillance
évidente. Les catholiques le préfèrent, y trouvant l'avantage
de faire élever leurs enfants conformément aux principes de
leur religion. Le curé de chaque paroisse est le manager d'une
ou de plusieurs écoles subventionnées, ou qui, ayant droit à
une subvention, n'ont pu l'obtenir, le maximum de la somme
allouée par la loi étant atteint depuis longtemps déjà. Quoique
ce second système soit le plus conforme au principe de la
liberté de conscience, et bien qu'il donne d'aussi bons résul-
tats au point de vue de l'enseignement, tout en assurant à
l'Etat le concours du clergé pour la moralisation des masses
et un moyen beaucoup plus économique pour répandre l'ins-
truction, il reste enfermé dans des limites étroites, son déve-
loppement naturel est entravé.
En présence de cette situation, un double devoir s'imposait
aux catholiques : demander que ce développement fût au
contraire facilité et mis en rapport avec les aspirations et les
besoins de la population. En attendant, soutenir les écoles
auxquelles l'administration refuse une modique assistance.
U Union essaie de remplir ce dernier devoir dans la mesure
de ses ressources : elle subventionne un certain nombre
d'écoles situées, pour la plupart, dans des localités pauvres et
retirées.
Nos démarches auprès du gouvernement sont toujours
faites en harmonie avec l'autorité ecclésiastique, et, pour les
rendre plus efficaces, un Comité diocésain d'éducation a été
fondé. Il a pour président d'honneur. Monseigneur l'évêque
de Port Louis, et pour président ordinaire, le président de
r Union. Le Comité est formé de six membres ecclésiastiques,
nommés par Sa Grandeur, et de six membres laïques, élus
par notre Conseil.
Dès sa formation, ce Comité a soumis au gouverneur un
mémoire, et à la Législature une pétition où sont exposés les
vœux des catholiques. Ils demandent, entre autres choses,
RAPPORT DE l'union CATHOLIQUE DE L'ILE MAURICE 155
qu'à l'exemple de ce qui est pratiqué au Canada ils soient re-
présentés d'une manière plus équitable et mieux propor-
tionnée à leur nombre, dans les conseils qui s'occupent de
l'éducation. Aucune réponse n'a encore été faite, mais notre
demande est trop légitime pour que notre attente soit vaine.
IV
Indépendamment des écoles, d'autres œuvres encore ou-
vrent un vaste champ à notre activité.
En ce qui concerne l'éducation môme, il ne suffit pas de
s'occuper de l'instruction primaire. Pour l'enseignement se-
condaire, la colonie possède un collège officiel, — où fleurit
naturellement le sécularisme qui est ici en vigueur, — et un
Collège diocésain, fondé par les Pères du St-Esprit, et du St-
Cœur de Marie, et qui est soutenu uniquement par les catho-
liques. Tout ce que nous avons pu faire, jusqu'ici, a été de
créer, dans ce dernier établissement, quelques bourses pour
les enfants des familles pauvres.
Autant que cela nous a été possible, nous avons aussi sou-
tenu des orphelinats et des associations de charité. Malheu-
reusement, nous n'avons pas tardé à reconnaître que ces
œuvres de bienfaisance étaient hors de proportion avec nos
ressources.
Nous ne pouvions, non plus, rester indifférents envers les
missions destinées aux populations asiatiques dont l'immigra-
tion, à Maurice, a triplé le chiffre des habitants. Nous avons
aidé à l'établissement d'une chapelle et d'un catéchuménat
pour les Chinois.
Nous avons dû également nous occuper d'œuvres de propa-
gande ; faciliter la diffusion de bons ouvrages propres à dissiper
les erreurs et les préjugés qui éloignent si souvent de la religion
tant d'esprits faits pour la connaître et l'admirer. Notre bi-
bliothèque et notre cabinet de lecture sont encore à l'état
d'enfance, et, sous ce rapport, nous sommes loin d'être aussi
avancés que nos confrères du Cercle catholique de Québec.
Sans renoncer à l'espoir de marcher sur leurs traces, nous
nous contentons, pour le moment, de faire venir, par l'entre-
156 PREMIER CONr.RÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
mise obligeante de la Société bibliographique^ de Paris, des
livres moraux et instructifs, que nous répandons en les cédant
au prix de revient. Notre essai a été très bien accueilli du
public, et nous allons donner à cette œuvre un développement
proportionné aux besoins qui se sont fait sentir.
En définitive, ce que nous avons fait est peu de chose. Mais
le Tout Puissant a si visiblement protégé notre association et
béni nos efforts, qu'il nous sera peut-être donné de rendre, à
la religion et à notre pays, des services plus importants.
La Législature est au moment de conférer à VUnion la per-
sonnalité civile. L'ordonnance a été votée en seconde lecture
et tout nous fait espérer qu'elle traversera sans obstacle sa
dernière phase parlementaire.
On croira difficilement, au Canada, où toutes les associa-
tions qui n'offrent rien de contraire aux lois et aux mœurs
sont incorporées dès qu'elles demandent à l'être, qu'une me-
sure aussi simple ait soulevé, dès l'abord, une opposition. X,
sa première présentation, le projet d'ordonnance pour incor-
porer VUnion^ combattu avec passion, avait été ajourné à six
mois, ce qui équivalait à son rejet. Sans se laisser décou-
rager, les honorables Conseillers qui avaient pris notre cause
en mains ont présenté de nouveau le projet, et l'opposition, —
formée en majeure partie de protestants, — après avoir vaine-
ment tenté de le faire écarter de nouveau, a dû céder devant
les raisons dictées par la justice et le bon sens.
Nous ne jouissons pas, dans cette colonie de la Couronne,
des institutions que nos frères du Canada ont su obtenir. Mais-
nous nous intéressons vivement aux efforts généreux qu'ils ne
cessent de faire pour défendre leur religion, maintenir leurs-
traditions et leurs mœurs, et faire progresser la race à laquelle
ils se font honneur d'appartenir.
Les Français d'Amérique, centre principal de l'influence
française dans le Nouveau Monde, viennent de manifester
encore leur puissante vitalité et leur attachement à l'Eglise-
dans les fêtes nationales du 24 juin. U Union catholique n'a
RAPPORT DE l'union CATHOLIQUE DE l'iLE MAURICE 157
pas pu y prendre part ; mais, de loin, elle s'y est associée de
tout cœur. Le jour môme de la St-Jean-Baptiste, elle se réu-
nissait en assemblée générale, et son Conseil de direction se
faisait ainsi l'interprète de ses sentiments :
" Aujourd'hui, jour de la St-Jean-Baptiste, il se célèbre à
Québec, centre catholique du Canada, |une grande fête reli-
gieuse et nationale. Notre président y avait été convié, et
V Union était également invitée à s'y faire représenter et à
prendre part, par des délégués, à un Congrès catholique. C'est
avec regret que nous nous sommes vus empêchés, par la dis-
tance et les difficultés matérielles qui en résultent, de nous
rendre à cette cordiale invitation et de profiter de l'hospitalité
qui nous était offerte.
" Mais, s'il ne nous a pas été permis d'assister à la manifesta-
tion solennelle d'un grand peuple, qui, à travers les vicissi-
tudes de ses destinées politiques, a conservé son unité et sa
foi, s'est développé avec une puissante vitalité et a su, non
seulement conquérir toutes les libertés, mai"^ en faire le plus
noble usage ; s'il ne nous est pas donné de contempler de près
l'alliance qu'il a si heureusement réalisée entre le culte de
ses souvenirs, la fidélité à ses traditions, et le dévouement le
plus loyal envers le drapeau qui protège son indépendance ;
nous pouvons du moins, spectateurs lointains, nous rappro-
cher, en ce jour, du peuple canadien par la pensée, nous unir
à lui par la sympathie.
" Puissions-nous rester attentifs aux exemples que nous
donnent nos frères du Canada, et, comme eux dévoués à notre
Souveraine, trouver, nous aussi, dans notre attachement à
l'Eglise catholique, l'union qui fera notre force et nous per-
mettra de travailler efficacement au bonheur de notre pays ! "
Oscar d'E. de Charmoy,
Président de l'Union catholique de l'Ile Maurice
158 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
RAPPORT DU BUREAU DES CERCLES CATHOLIQUES
PAR M. C. VINCELETTE
PRÉSIDENT DU CERCLE CATH04IQUE DE QUÉBEC
Monsieur le président^ Messieurs^
La tâche qui m'in combe de faire un rapport qui, pour être
complet, demanderait des données que les circonstances ont
rendu difficiles, pour ne pas dire impossibles à obtenir, est
tellement importante, que je crains, malgré ma bonne volonté,
de ne l'accomplir qu'imparfaitement.
Comptant toutefois sur votre indulgence, je vous soumettrai
humblement ce travail, quelque peu élaboré qu'il soit.
L'association a toujours été l'instrument des grandes œu-
vres. L'Eglise, qui est la première et la plus forte de toutes
les sociétés, travaille sans relâche à inspirer à ses enfants le
goût de l'association. L'Ecriture a dit : " Malheur à l'homme
qui vit seul ! " Vœ soli ! Cette parole peut également s'ap-
pliquer aux différentes classes de la société qui vivent seules,
isolées. Elles ne connaissent de la vie qu'une partie, elles
sont privées du lien indissoluble qu'on appelle la charité.
C'est la charité qui rapproche tous les rangs, met dans la so-
ciété la force, en y mettant l'unité, cette unité variée, vivante
et féconde qui résulte de l'harmonie entre les divers éléments
du monde social.
L'OEuvre des cercles catholiques a puisé sa raison d'être
dans ce besoin que l'homme de bien éprouve de s'unir à son
semblable pour augmenter ses forces au service d'une idée, au
soutien d'une cause ; de là. ces réunions d'hommes bien dis-
posés qui mettent en commun leur énergie, leur action.
Forts de cette unité qui centuple leurs courages, ils acquiè-
rent bientôt aux yeux de leurs semblables un prestige nou-
veau, et leurs opinions, basées sur la vérité qui leur sert de
guide, s'imposent d'elles-mêmes et presque sans travail. Ils
n'imposent pas leurs croyances par la force,mais ne peut-on pas,
par la force, imposer le respect de ce qui est sacré. Or, parmi les
RAPPORT DE xM. C. VINGELETTE 159
choses que nous devons considérer comme sacrées, il y a
d'abord l'Eglise catholique, notre mère, puis en seconde ligne
viennent les enseignements de cette mère commune à tous
les fidèles, qui peuvent se résumer dans la parole infaillible
du Souverain Pontife.
Partant de là, aucune association catholique ne saurait être
fidèle à sa mission, si elle ne prend son mot d'ordre de l'Eglise
et de la charité dont elle est la source. Les cercles catho-
liques sont des ass( iations religieuses qui ont leur aumônier
ou visiteur, leurs pratiques de piété spéciales. Aucun citoyen
ne peut se prévaloir de son admission s'il n'a d'abord con-
senti à adhérer à toutes les définitions de l'Eglise sur les rap-
ports du pouvoir spirituel avec la société civile.
Dans sa séance du 28 août 1873, le Congrès de Nantes ac-
clamait la résolution suivante : " Le Congrès exprime le vœu
que les directeurs des associations s'attachent à développer en
elles l'esprit cr.tholique militant, parallèlement et au même
degré que l'esprit de piété, le premier étant le préservatif né-
cessaire du second." Imbu de cette idée qui veut que le
catholique soit militant et apôtre en vertu de ces paroles de
l'Ecriture: Uniquique Deus mandavit de proximo suo^ le Cercle
de Québec disait dans son rapport de 1879 :
"• Le Cercle est une œuvre religieuse." Nous revenons sur
ce mot, parce que nous prétendons être plus qu'une des so-
ciétés littéraires, qui de tout temps ont existé. Le cercle
catholique est une institution à laquelle l'esprit de l'Eglise a
donné naissance pour répondre à un besoin spécial, comme
jadis naquirent les ordres militaires pour faire face à d'autres
dangers. C'est une de ces semi confréries laïques, comme la
St -Vincent de Paul, que le caractère de notre époque a néces-
sité pour continuer l'action du prêtre dans cette société civile
que l'on a imaginée en dehors de la société religieuse. C'est
une phalange nouvelle que la foi organise en face de l'armée
du mal. "
L'OEuvre des cercles, telle que nous la comprenons,
est donc essentiellement active ; c'est une milice composée de
soldats braves au moment du combat, toujours prêts à la
160 PREMIER CONGRÈS Cai'HOLIQUE TENU A QUÉBEC
lutte ; et elle est commandée par un chef qui a inscrit sur
son drapeau : Instaurare omnia in Christo. Œuvre de restau-
ration par excellence ; elle veut remettre en place ce que
Satan, par ses suppôts nombreux, a pu bouleverser ; restaurer
Dieu dans la vie sociale ; restaurer la société par l'affirmation
pleine et entière de la doctrine catholique ; et, comme le di-
sait Mgr Freppel, l'illustre évêque d'Angers, que les catho-
liques de Brest viennent de choisir comme leur député à la
Chambre des députés de France, dans un discours prononcé
dans l'Eglise de Sainte-Madeleine, à Paris, le 30 avril 1876 :
" Le salut est dans la restauration de la société chrétienne.
Le salut, c'est le Christ replacé au sommet des intelligences et
au plus profond des cœurs ; le Christ pénétrant de sa doctrine
l'enseignement, la législation, l'autorité ; le Christ en haut,
en bas, au milieu, partout. "
Nous ne devons pas nous attendre, Messieurs, d'arriver à
ce résultat du premier coup et sans avoir à faire des sacrifices.
Non, il faut multiplier les efforts comme il faut stimuler les
courages. Dans notre pays catholique, on semble croire que
la victoire est de tous les jours et qu'il sufîit de suivr'^ le cou-
rant pour remplir le devoir qui incombe à chacun. Erreur
étrange ! qui est d'autant plus facile à reconnaître que nous
voyons tous les jours surgir à côté de nous des associations
de protestants qui se jettent dans l'arène avec une ardeur que.
nous sommes parfois portés à leur envier. Protestants ils
sont, et protestants ils veulent paraître. On dirait qu'ils met-
tent un certain orgueil dans le déploiement de leur fanatisme
religieux. Et nous, catholiques, nous nous cantonnerions
dans un coin obscur, préférant les ténèbres au grand jour, la
défaite certaine à lîi victoire qui nous tend les bras !
Le Cercle catholique de Québec a eu, Messieurs, sa part
d'épreuves, et il est fier de le dire et de le proclamer bien
haut. S'il eût capitulé sur la doctrine, il aurait bien vite dé-
sarmé l'ennemi, mais en revanche, il eût donné raison à ceux
qui contestaient son utilité. Arrière ceux qui ont peur, disait
l'éloquent Albert de Mun à l'assemblée de Paris ! Arrière
ceux qui ont peur de la vérité, ont dit les membres du Cercle
RAPPORT DE M. C. VINCELETTE 161
catholique, et qui, tout en la confessant, la réduisent aux pro-
portions de leurs pusillanimité !
Voilà, Messieurs, les raisons qui expliquent un peu pourquoi
les efforts qui ont été faits jusqu'à ce jour pour établir des cer-
cles catholiques ont été à peu près sans résultat. A la Baie
St-Paul, dans le comté de Gharlevoix, nous avons pu établir
un cercle qui s'est maintenu pendant quelques mois, mais qui
s'est bientôt éteint, précisément parce que les directeurs n'a-
vaient pas saisi l'idée qui avait présidé à la création de cette
association. Et puis on comprend combien est peu vaste le
terrain d'action, et combien la classe dirigeante, peu' nom-
breuse en général à la campagne, se laisse désunir par ces
mille et une chicanes mesquines qui sont un ferment actif de
discorde.
Cependant un Cercle catholique afïilié à celui de Québec
s'est établi en 1878 parmi les Canadiens français de Biddeford,
dans l'Etat du Maine, aux Etats-Unis. C'est avec un sentiment
de la plus grande satisfaction, en môme temps avec orgueil,
que nous constatons que cette association, qui a eu l'obli-
geance de se faire représenter par six délégués dont le prési-
dent est ici présent, marche de progrès en progrès, que les
œuvres qu'elle a prises sous sa protection ont vu déjà s'ouvrir
l'ère d'une prospérité nouvelle, qu'enfin cette société sœur
attire déjà l'attention des catholiques du Canada. Les mar-
ques de sympathie et d'estime ne lui ont pas du reste fait
défaut. Mgr l'évêque de l'endroit a manifesté, à plusieurs re-
prises, tout l'intérêt qu'il porte à cette jeune société qui n'est
que d'hier et qui est plus connue peut-être que la plupart des
associations américaines dont le but diffère ; et c'est proba-
blement à cause de cela même, de cet abîme qui sépare l'asso-
ciation véritablement catholique de la société indifférente,
qu'elle s'appelle club, cercle ou institut, que le Cercle catho-
lique de Biddeford jouit déjà d'une réputation fort enviable et
surtout bien méritée.
L'Union catholique de Montréal est une de ces associations
qui, dans ses attributs particuliers, a fait un bien considé-
rable. Son caractère est militant et ne diffère pas en cela du
162 PRExMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
cercle catholique. Travaillant surtout à la sanctification et à
l'union des sociétaires, l'Union catholique a, sous la direction
des RR. Pères Jésuites, rempli son but avec un zèle digne
d'éloges. L'homme, il est vrai, a été mis sur cette terre pour
acquérir la vie éternelle, se sanctifier ; mais il y a encore l'a-
postolat qui ne doit pas être mis de côté, l'exemple qui est
contagieux, paraît-il, suivant cette parole de Notre-Seigneur :
" Quemadmodum ego feci, ita et vos faciatis. " Ces associa-
tions du genre de l'Union catholique sont nécessaires ; mais
qu'on nous permette de regretter qu'il n'y eut pas dans cette
grande ville de Montréal, la ville religieuse par excellence, que
Marie a pris sous sa protection dès son berceau, un cercle ca-
tholique, ayant un caractère plus analogue à celui du Cercle
tel que nous nous sommes efforcés d'en jeter les bases. Un
peu de bonne volonté, de travail : c'est pourtant le fonds qui
manque le moins.
Le Cercle catholique de Québec est en grande intimité avec
les sociétés suivantes : l'Union catholique de l'Ile Maurice,
l'Association de la jeunesse catholique de Bologne, la Société
Mère des intérêts catholiques de Rome. Ces relations lui ont
valu des témoignages de sympathie de la plus haute valeur,
il n'est que juste que nous profilions de cette circonstance so-
lennelle pour offrir à ces différentes sociétés nos remercie-
ments les plus sincères pour la part qu'elles ont prise au
Congrès, part dont la portée est immense et qui, nous n'en
doutons pas, aura un retentissement universel.
Les catholiques dltalie, de Belgique, de Hollande, de l'Es-
pagne, du Portugal sont venus, par des lettres magnifiques,
exprimer leurs adhésions aux résultats de nos délibérations,
se faisant par là l'écho de notre Mère la sainte Eglise, qui se
réjouit du succès de ses enfants qui luttent pour la cause de
sa liberté et le maintien de ses droits.
Dans toutes les sociétés, Messieurs, les œuvres sont l'expres-
sion la plus caractéristique du bien qu'elles opèrent. C'est
ainsi que le Cercle catholique a compris qu'il n'aurait d'utilité
réelle qu'en établissant des œuvres annexes qui, dans leur
sphère propre, pourraient contribuer à l'œuvre commune,
RAPPORT DE M. G. VINCELETTE 163
celle du bien. Le Cercle catholique a, jusqu'à ce jour, établi
dans son sein les œuvres suivantes: lo. L'œuvre des bons
livres ; 2o. L'œuvre des vieux papiers ; 3o. L'œuvre de la Colo-
nisation; 4d. L'œuvre de la St -Vincent de Paul; 5o. L'œuvre
des bibliothèques.
Vous verrez, Messieurs, par les rapports particuliers, que
toutes ont eu un succès relatif marqué, et qu'avec le temps,
elles donneront des résultats splendides. Nous ne voulons pas
diriger votre attention d'une manière spéciale sur ces faits
qui peuvent vous sembler puériles au premier abord, mais
nous laissons aux rapporteurs des sous-œuvres le soin de vous
convaincre de leur utilité, dans l'espérance qu'ils réussiront
entièrement dans leur tâche.
Il va s'agir maintenant de l'union des sociétés catholiques,
du meilleur mode à suivre, des moyens de créer cette union,
et de la perpétuer. Messieurs, c'est le point difficile du sujet
que je dois traiter, et j'invoque toute votre indulgence.
Je crois que le meilleur mode de créer cette union si dési-
rable est de former un comité permanent des intérêts catho-
liques, que nous pourrions appelé Conseil supérieur ou encore
Comité général des intérêts catholiques du Canada. Ce co-
mité pourrait être composé de huit personnes : chaque diocèse
de la province ecclésiastique serait représenté par un délégué
choisi par l'évêque de l'endroit. Un comité provisoire com-
posé de trois citoyens que le bureau pourra nommer immé-
diatement, aura pleine et entière liberté de choisir son terrain
d'action, et d'aviser aux meilleurs moyens à prendre pour
jeter les bases de cette organisation supérieure.
Ce Comité des intérêts catholiques devra conserver son indé-
pendance vis-à-vis des cercles ou sociétés catholiques, tout en
relevant de l'autorité ecclésiastique. Il aurait le privilège de
convoquer ad nutum des Congrès généraux, toujours avec
l'assentiment de l'épiscopat. Travailler à relier entre elles les
diverses associations catholiques de l'Amérique et celles-ci
avec les cercles catholiques du vieux monde, serait une œuvre
éminemment religieuse que ce comité pourrait mettre dans
son programme. Ce serait le meilleur mode de créer et de
164 PREMIER CONGRES CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
perpétuer cette union si désirable entre les associations qui
ont les mêmes aspirations, les mêmes besoins.
Gréer et perpétuer cette union entre les sociétés sœurs du
Canada et des Etats-Unis d'Amérique, voilà un des principaux
buts de ce premier Congrès catholique. Le Cercle catholique,
plus jeune que bien d'autres sociétés qui ont eu la bienveil-
lance de se faire représenter à ce Congrès, ne peut pas et ne
prétend pas non plus imposer ses conditions ; au-dessus de lui,
il est dans cette province ecclésiastique un clergé à la tête du-
quel brillent au premier rang les archevêque et évêques. En
leur qualité de gardiens naturels de la foi, ces hommes ont la
haute main sur la destinée de nos œuvres catholiques. A eux
incombe donc la tâche de venir à notre rescousse dans la créa-
tion d'une amitié durable entre ces sociétés canadiennes et
religieuses qui sont nées de l'idée catholique, et qui se doivent
par conséquent une grande charité et fraternité.
En terminant ce rapport, que je considère bien imparfait,
je dois, au nom du Cercle catholique de Québec et en ma
qualité de président de cette association, remercier tous les
Messieurs de Montréal et des Etats-Unis de leur bienveillance
à notre égard, et du grand intérêt qu'ils portent à notre œuvre.
C. VINCELETTE,
Président du Cercle catholique de Québec
RAPPORT DE M. N. LAÇASSE FAIT AU CONGRES
CATHOLIQUE DE QUÉBEC,
Le 26 juin \ 880
RAPPORT DE l'oeuvre DE LA PROPAGATION DES BONS LIVRES
L'Œuvre de la Propagation des bons livres^ qui forme l'une
des sous-œuvres du Cercle catholique de Québec, a été établie
dans cette ville au commencement de l'année 1878, et a reçu,
dès le mois de mai de la môme année, les encouragements de
l'épiscopat canadien.
En Europe, cette même œuvre existe comme l'un des buts
RAPPORT DE M. N. LAÇASSE 165
que se propose d'atteindre VAssociatioîi de Saint- François de
Sales ^ qu'on a justement surnommée une association pour la
propagation de la foi à rintérieur.
Bénie et encouragée par l'auguste pontife Pie IX, d'heu-
reuse et sainte mémoire, l'Association de Saint-François de
Sales fait appel à la piété, à la générosité et à l'activité des
catholiques, pour développer, soutenir ou fonder des écoles,
des patronages, des ouvroirs, des asiles ; pour répandre gra-
tuitement des bons livres ; pour procurer aux paroisses des
retraites et des prédications extraordinaires ; enfin, pour en-
tretenir, soutenir ou fonder des chapelles, dans les pays où la
foi est menacée, et où la pauvreté des églises ferait craindre
la cessation du culte divin.
Est-il besoin d'insister ici sur l'influence que la presse
exerce, par ses livres, dans la société moderne ? Pourrions-
nous empêcher la génération contemporaine de s'agiter, de
voyager, de lire journaux et livres, de penser et de juger les
hommes et les événements, et de vouloir plus ou moins parti-
ciper à ce qu'on appelle les affaires du pays ? Non, sans doute.
Mais que voyons-nous autour de nous, dans ce que nous
pouvons bien appeler le camp ennemi ? TjC parti du mal ex-
ploite de toutes manières les immenses moyens de diffusion
qu'offrent les inventions moderr.as, et il s'en sert contre la
paix sociale, contre nous, contre l'Eglise, contre Dieu.' Reste-
rons-nous spectateurs indifférents de ce mouvement irrésis-
tible ? Donnerons-nous aux méchants un prétexte quelconque
de nous accuser d'obscurantisme et d'inertie ?
Qu'il me soit permis de le dire, ce serait faillir au devoir
qui nous incombe comme soldats du Christ et de son Egliee,
ce serait forfaire aux traditions de nos pères, ce serait déchoir
de la position éminente que la phalange catholique a toujours
occupée dans la science, dans les arts, dans l'industrie. N'est-
ce pas l'Eglise qui, au déclin de l'Empire romain, conserve
encore, par ses Pères, quelque lustre aux deux langues grecque
11
166 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
et latine ? N'est-ce pas l'Eglise qui, au moyen-âge, a sauvé l&
trésor des lettres, des sciences et des arts ?
Dites-moi, ennemis de l'Eglise, révolutionnaires de toutes
sortes, francs-maçons, socialistes, positivistes, nihilistes :
étaient-ils des vôtres ces hommes de foi que l'histoire nomme
Christophe Colomb, Vasco de Gama, Jacques-Cartier, Cham-
plain, qui n'entreprenaient leurs périlleuses expéditions qu'en
vue d'agrandir le royaume du Christ?
Etaient-ils des vôtres ces étonnants penseurs, saint Augus-
tin, saint Thomas, Suarez, dont les travaux immenses sont à "
la fois pour nous un objet d'admiration et une mine inépui-
sable?
Etaient-ils des vôtres et le cardinal Cuza, et le chanoine
Copernic, et Galilée lui-même, qui ont fondé le système as-
tronomic[ue moderne ? et les abbé Picard, La Caille, et bien
d'autres, jusqu'à Le verrier, qui ont tant fait pour les progrès
de l'astronomie ?
Etaient-ils des vôtres, Pascal, Descartes, Cuvier, Ampère,
Cauchy, si célèbres dans les sciences ?
Etaient ils des vôtres, Bossuet, Fénélon, Bourdaloue, Mas-
sillon, Corneille, Racine, Chateaubriand, De Donald, Ozanam,
la gloire des lettres françaises ?
Ah ! messieurs, lorsqu'on prend la peine de jeter un coup
d'œil rétrospectif sur les gloires d i catholicisme, on se relève
plein d'une légitime et noble f rue, et l'on se dit : Comment
pourrait-elle être l'erreur, " cette Eglise qui se présente aux
siècles à venir avec un cortège si imposant d'inimitables
génies ? "
n
C'est donc, nous pouvons le proclamer, c'est un devoir glo-
rieux, que celui que nous nous sommes imposé en établissant
l'œuvre de la propagation des bons livres. Sans bruit, sans
éclat, sans grandes dépenses, nous pouvons faire beaucoup
pour attacher à l'Eglise, par une conviction sérieuse, un grand
nombre de ses enfants ; nous pouvons faire connaître plus
exactement la vie des saints et les grands faits de l'histoire des
RAPPORT DE M. N. LAÇASSE i67
peuples et de l'Eglise universelle, faire aimer la famille et le
foyer, et détourner le peuple des réunions dangereuses.
Ils sont puissants les effets que peut produire la lecture en
commun, au foyer domestique. Un heureux mélange de ré-
flexions et de traits choisis est éminemment propre à inspirer
ja haine du mal, l'amour du bien, la patience, la charité, la
confiance en la divine Providence.
Comment ne serait-on pas touché, par exemple, en lisant,
dans les Paillettes d'or^ l'acte de courage de cette bonne sœur
de charité, qui, par son insistance auprès d'un avare, finit par
recevoir, de la main de cet homme, un soufflet :
" Merci, monsieur, dit-elle fort tranquillement ; ce soufflet est
" pour moi ; maintenant pour mes pauvres, s'il vous plaît ! ''
L'avare fut ému, et se montra généreux.
Comment ne serait-on pas attendri en lisant, sous le titre :
la Première paye^ le récit de ce jeune homme plein de cœur,
qui, au terme de son apprentissage, et venant d'être reçu ou-
vrier, revient chez ses parents, demande qu'on rétablisse son
lit à la maison paternelle, et va ensuite faire ses premières
journées de travail, jusqu'à la paye de la quinzaine. " Lors-
" qu'on me remit, dit-il, trois écus de six livres, trois grosses
" pièces blanches toutes neuves, quand je les vis reluire dans
" ma main, lorsque je les sentis en ma possession, comme
" mon bien, ma propriété, mieux encore, le fruit de mon tra-
" vail, le prix de quatre années de douleurs, de fatigues et de
" courage, l'étonnement. le bonheur, brisaient ma poitrine :
" j'étais fou de joie... Sans hésitation, je fis mon devoir : je
" courus bien vite donner tout mon argent à ma mère, et me
" jeter dans les bras de mon père, qui me serra dans les siens
" en pleurant." " Dieu te bénira, cher enfant ! Oh ! nous
" sommes bien heureux : nous avons un fils, nous avons élevé
" un honnête homme ! "
Les gens de plaisir, les riches, les puissants de la terre ne
connaissent pas ces bonheurs-là ; c^est la part du pauvre, de
l'ouvrier : Dieu a réservé à chaque condition son lot de
bonheur.
Comment, enfin, — permettez-moi encore cette citation, — car
168 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
je désire faire connaître les fruits des bonnes et saines lec-
tures, comment le pas se rendre à l'évidence de cette magni-
fique preuve intrinsèque de la divinité de la religion, que
donne Monseigneur de Ségur au début de ses Réponses aux
objections, etc. Il s'agit d'un condamné à mort, le sergent Her-
buel, qui avait tué son lieutenant, et qui a été assisté, pen-
dant deux mois entiers, par Mgr de Ségur lui-même, alors
aumônier de la prison militaire. Dès le troisième jour après
la terrible sentence, Herbuel reçut les sacrements, et parut
tout changé. " Maintenant, répétait-il, maintenant je suis
" heureux ; je suis prêt : que le bon Dieu fasse de moi ce
" qu'il voudra. Je suis dans une paix profonde ; je ne regrette
" la vie que pour pouvoir faire pénitence."
Herbuel se confessait et communiait tous les huit jours.
C'i st le 1er novembre 1848 qu'on lui notifie pour le lendemain
l'exécution de sa sentence ; à ce moment redoutable, son corps
était ébranlé par une sorte de tremblement convulsif, mais
l'âme dominait cette émotion violente : '■'• La volonté de Dieu
soit faite ", dit-il au commandant.
Il reçut encore les sacrements, pria beaucoup pendant la
nuit, et causa tranquillement avec les deux gendarmes qui le
gardaient. A 6 heures du matin, après avoir embrassé le con-
cierge de la prison et le commandant, qui ne pouvaient rete-
nir leurs larmes, il partait pour la mort Mais il était
paisible, gai môme pendant le trajet. " Vous ne sauriez croire,
" monsieur l'Aumônier, disait-il, quelle excellente journée
" j'ai passée hier ! comme j'étais heureux ! c'était un pressen-
^' timent permis par la Providence. Je savais que c'était la
" Toussaint ; j'ai prié tout le temps... Le soir, j'étais tout con-
" tent... et maintenant, je le suis bien encore. Rien ne peut
'■'■ exprimer quelle paix j'ai goûtée cette nuit... La mort n'est
" plus rien pour moi... Je sais où je vais : je vais là-haut, chez
" mon Père, je vais chez nous... Dans quelques moments, j'y
" serai... Je suis un grand pécheur, mais Dieu est bon, et j'ai
" une immense confiance en lui.. Quel beau jour ! je vais
" bientôt être avec Dieu 1..."
Cependant la voiture était arrivée dans les plaines de Vin-
RAPPORT DE AI. N. LAÇASSE 169
cennes. Tout était prêt. Herbuel demanda qu'on lui laissât
commander son feu. Il adressa quelques mots aux soldats,
reçut une dernière bénédiction, et mourut, on peut le dire,
d'une manière héroïque.
Que faut-il penser d'une religion qui fait mourir ainsi un
grand coupable ?
Il est évident que la lecture de pareils traits, en captivant
l'attention, est éminemment propre à faire aimer les bonnes
lectures, à détourner des plaisirs dangereux qui pourraient
éloigner du foyer, et à contrebalancer l'influence de la mau-
vaise presse, dont les effets pernicieux se font sentir partout,
principalement parmi les jeunes gens.
Je dois ici faire une mention spéciale de deux opuscules
que l'on trouve en dépôt aux bureaux de VŒuvre des bons
livres. Comme vous le savez, messieurs, il est deux grands
maux qui affligent aujourd'hui notre pays, ce f mt les sociétés
secrètes et l'émigration des Canadiens français aux Etats-
Unis ; mais à ces deux grands maux il existe deux grands
remèdes : nous trouvons le premier dans un petit ouvrage
intitulé : Les sociétés secrètes, par M. Claudio Jannet, profes-
seur à l'Université catholique de Paris, et le second, dans la
Mine d'or du. Rév.Père Laçasse, de la Congrégation des Oblats.
Inutile de vous exposer le mérite du premier opuscule : son
auteur, dont vous connaissiez déjà la renommée, vous a
prouvé hier sa haute intelligence dans les questions qui con-
cernent nos intérêts religieux. Et le Rèv. Père Laçasse, excel-
lent patriote et connaissant parfaitement le grand mal de
notre pays, expose dans sa Mine d'or le seul plan national pour
le guérir, en traitant de la colonisation. Son livre est un chef-
d'œuvre du genre, aussi a-t-11 reçu l'approbation de tout l'épis-
copat canadien, et tous les Canadiens doivent avoir à cœur de
se le procurer afin de devenir ou colons ou apôtres de la co-
lonisation.
III
L'CEuvre de Saint-François de Sales, qui a été surnommée,
comme nous l'avons déjà dit, une association pour la propa^
galion de la foi à Vintérieur^ a reçu les encouragements de plu-
170 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
sieurs évêques ; sous leur patronage, elle est même introduite
dans plusieurs diocèses de la province de Québec, et nous for-
mons des vœux pour qu'elle le soit bientôt dans les autres
diocèses.
En cette ville, le Cercle catholique a nommé pour TŒluvre
des bons livres, un Comité spécial qui a le plus vif désir de
répondre aux espérances conçues dès le début par son digne
et infatigable président, M. le chevalier Vincelette. Les mem-
bres de ce Comité sont : MM. Clément Vincelette, Arthur Tur-
cotte, Adjutor Turcotte, David Bitner, Joseph Dabé, Louis
T. Dussault, Dr Samson, Dr Tourangeau, N. Laçasse, Ths
Chapais, Cléophas Leclerc, Télesphore Drolet. M. l'abbé E. £•
Hudon, prêtre, appartient aussi à ce Comité, en qualité de
censeur, étant préposé à l'examen des livres de l'Œîuvre. Il
peut aussi prendre part aux délibérations et voter comme les
autres membres.
Pendant sa première année, l'Œuvre avait importé près de
9,000 livres ou brochures, et 8,000 petites feuilles ou tracts ;
de plus elle avait acheté 2,500 brochures canadiennes, et en
avait fait imprimer 10.000 sous les auspices du Cercle. Pen-
dant ce menu: temps, l'CEuvre avait distribué ou vendu 2,000
tracts^ et 23,000 brochures. Les ventes avaient rapporté 172
piastres.
Les premiers frais de cette CEuvre ont été couverts par une
souscription généreuse, dont les auteurs ne sauraient être
trop souvent signalés à la reconnaissance des hommes de
bien ; ce sont MM. L. G. Baillargé, E. 0. Boulet, Dr J. E-
Landry, Théophile Le Droit, Jean-Louis Renaud, Frs Vézina,
Alexandre Lemoine, Félix Portier, Prudent Vallée, B. Houde,
J. G. Bossé, J. A. Langlais, J. Shehyn, J. B. Renaud, Jos. Ha-
mel, Abr. Hamel, Théop. Hudon, S. X. Cimon, Dr 0. Robi-
taille et G. Baby.
Les opérations de l'OEuvre pour l'année terminée le 31 mai
dernier, pour ce qui concerne les statistiques ou la partie ma-
térielle, bien qu'elles n'aient pas donné le résultat le plus sa-
tisfaisant, nous font cependant augurer avantageusement de
son avenir. Et comme le Comité actuel n'est formé que depuis
RAPPORT DE M. N. LAÇASSE 171
quelques mois, nous n'avons pu encore nous procurer tous les
détails que nécessite l'exposé d'un état financier complet, et
nous nous trouvons, en conséquence, dans l'impossibilité de
vous le présenter maintenant.
Les ouvrages que l'Œuvre cherche à propager sont surtout
les opuscules de Mgr de Ségur et autres analogues, dont la
diffusion dans les familles paraît capable de produire les plus
heureux effets. Ces petits livres conviennent particulièrement
dans les bibliothèques des paroisses, et peuvent être donnés
en prix dans les écoles, aux examens de fin d'année.
Les petites feuilles ou tracts de l'Œuvre, contenant chacune,
dans 4 ou 8 pages d'imprimé, un récit moral, anecdotique ou
historique, remplaceraient très avantageusement les images
que l'on distribue pendant l'année dans les écoles communes.
MM. les curés et autres visiteurs d'écoles iront plus volontiers
dans les classes lorsqu'ils auront quelque chose de ce genre à
offrir comme encouragement aux élèves studieux.
Le Comité a des dépôts dans toutes les parties du Canada,
et môme au Manitoba. Les dépositaires ont une remise de 10
pour 100 sur les prix marqués, qui sont, pour les feuillets ou
tracts^ de 25 cts le cent, et, pour les brochures, de 5 à 10, 15,
20, 25 cents.
Pour faciliter le choix et les demandes des dépositaires, le
Comité publiera un catalogue des ouvrages qu'il cherche
à répandre, en faisant appel à tout le clergé et à toutes
les municipalités scolaires pour les prier de l'aider à éten-
dre l'Œuvre de la propagation des bons livres au moyen
de la distribution de ses livres dans les catéchismes et les
écoles.
Nous sommes pleins de confiance qu'avec la bénédiction de
Nos Seigneurs les Evoques et le concours de MM. les curés,
nous verrons nos efforts couronnés de succès, et les familles
canadiennes heureuses de pouvoir alimenter ainsi d'une ma-
nière profitable, à tous les points de vue, les veillées d'hiver
et les réunions paisibles des dimanches.
Puissions-nous, de la sorte, répondre dignement au but que
se sont proposé les fondateurs de cette Œuvre, et contribuer
172 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
largement, pour notre part, à la conservation, à l'améliora-
tion, au bonheurdu peuple canadien !
Au nom du Comité dé l'Œuvre de la propagation des bons
livres.
N. Laçasse,
Président.
RAPPORT DE M. J. P. BOULET, M. D. L., DE " L'ŒUVRE
PONTIFICALE DES VIEUX PAPIERS"
(Annexe du " Cercle catholique de Québec")
AU bureau des cercles ou associations catholiques du premier
CONGRÈS catholique DE QUÉBEC, LE 26 JUIN 1880
Colligile fragmenta ne pereant !
Recueillez les débris pour ne rien
laisser perdre ! Joan, VI, 12.
Messieurs^
Au premier abord, il semble bien téméraire à nous, simples
chiffonniers, de vouloir occuper le temps si précieux de ce
bureau à entendre l'exposé de nos petites affaires, et peut-être
devrions-nous laisser à d'autres le soin de vous entretenir de
choses plus importantes, et en a^iparence du moins, plus en
rapport avec le but de ce Congrès. Mais nous sommes les
chiffonniers du Pape, et dès lors, sachant que toutes les œuvres
catholiques sont sœurs et que Dieu affectionne plus particu-
lièrement les petits et les humbles, nous prenons de l'assu-
rance, car nous nous sentons des droits à votre bienveillante
attention. C'est pourquoi après vous avoir demandé l'indul-
gence pour le rapporteur, qui manque d'expérience en ces
sortes de choses, nous allons entreprendre de vous faire con-
naître, en aussi peu de mots que possible, ce qu'a été jusqu'ici
l'Œuvre Pontificale des vieux papiers à Québec, et ce que
nous pensons qu'elle devrait être à l'avenir.
RAPPORT DE M. J. P. BOULET, M. D. L. 173
Plusieurs d'entre vous, Messieurs, connaissent peut-être
déjà l'origine de l'Œuvre des vieux papiers. La petite ville de
Langres la vit naître en 1869, Monsieur Charles Menue en fut
le fondateur. Depuis longtemps déjà, cet homme de bien était
touché de la pauvreté de l'illustre prisonnier du Vatican, et
brûlait du plus vif désir de lui venir en aide. Depuis long-
temps aussi, il méditait cette parole de l'évangile : Colligite
fragmenta ne pereant^ recueillez les débris pour qu'ils ne se
perdent pas, cherchant le moyen de la mettre en pratique. Or,
un jour, l'idée lui vint qu'il y a de par le monde beaucoup
de vieux papiers qui se perdent tous les jours et qui pourraient
servir à soulager l'indigence du Souverain Pontife. Sa réso-
lution fut bientôt prise, aussitôt ?1 se mit à recueillir tous les
vieux livres, les vieux journaux rît tous les chiffons de papier
ou de carton si petits qu'ils fussent, il engagea ses amis à en
faire autant, et l'CEuvre des vieux papiers, annexe du denier
de Saint-Pierre, était fondée. A première vue, les difncultés
de l'entreprise ne semblaient pas petites, et plusieurs, des
mieux disposés, haussèrent les épaules en apprenant la nais-
sance de la nouvelle œuvre catholique ; un plus grand nombre
encore riait bien haut, tandis que l'impiété, se mettant de la
partie, répandait plus d'une insinuation malveillante et perfide.
Mais rien ne rebuta le pieux fondateur de l'œuvre. Confiant
dans l'avenir, et puisant du courage dans son indomptable
énergie et sa foi robuste, il en appela à tous les catholiques
de l'univers. Son dévouement à la sainte Eglise sembla être
agréable à Dieu, car bientôt, le succès dépassant de beaucoup
ses plus belles eiipérances, cinquante diocèses de France
secouèrent leurs vieux papiers, tandis que partout en Europe
et sur tous les points du" globe, des œuvres semblables se for-
mèrent à sa voix Aussi, quel ne fut pas le concert de recon-
naissance qui s'éleva vers le trône du Pontife infaillible, lors-
que l'illustre et regretté Pie IX créa Monsieur Menne, cheva-
lier de l'ordre de Saint-Sylvestre, en reconnaissance de son
amour filial et de son inépuisable charité.
174 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Mais le Canada ne pouvait pas rester simple spectateur de
ce beau mouvement du monde catholique, et à Québec devait
revenir l'honneur de fonder la première œuvre des vieux
papiers sur le continent américain. En effet, en môme temps
que cette belle institution prenait naissance à Langres, Mon-
sieur Clément Vincelette, que l'immortel Pie IX gratifia plus
tard du même titre que Monsieur Menue, s'ingéniait, lui aussi,
à trouver des moyens d'augmenter les ressources du Souve-
rain Pontife. D'abord il se mit à organiser des loteries et des
ventes à l'enchère, alors que les années étaient plus prospères
qu'aujourd'hui, rapportant d'assez jolis bénéfices; si bien, que
dès 1869, il avait pu adresser au Saint-Père une somme d'au-
delà de cent huit piastres ($108.60). Mais à la fin de l'année
1871, ayant appris ce qui se passait à Langres, il s'empressa
de suivre un si bel exemple. Aussitôt, il fit part de son projet
à ses amis, quelques dépôts furent établis cà et là, dans la
ville, chez des personnes charitables, des sacs marqués aux
initiales de l'CSEuvre furent déposés dans quelques familles,
et, de temps en temps, une voiture allait en faire la recherche.
Toutefois, il ne renonça pas, tout de suite, à ses autres sources
de revenu, car on comprend facilement que les commence-
ment de l'CEuvre furent bien humbles, et, s'il en eût agi ainsi,
il eut été loin de réaliser les sommes qu'il a expédiées chaque
année (Voir appendice). Pourtant, depuis quelques années,
il a bien fallu s'en tenir presque exclusivement aux vieux
papiers, à cause de la crise financière qui a sévi sur notre
pays. Cependant, Monsieur Vincelette ne se découragea pas,
au contraire ; il tenta même, en 1874, de fonder l'Œuvre à
Montréal, où, grâce au généreux concours de Monsieur le
chanoine P. C. Dufresne, elle s'implanta aussitôt, et elle y
fonctionne encore, quoique d'une manière indépendante.
En 1876, le Cercle catholique de Québec ayant été fondé,
i'CEuvre des vieux papiers lui fut annexée. Monseigneur l'Ar-
chevêque lui donna son approbation, le clergé de la ville lui
prêta son concoure et elle sembla prendre une nouvelle vie.
Mais la besogne n'en restait pas moins presque toute à la
charge de Monsieur Vincelette, et tous les jours il devenait
RAPPORT DE M. J. P. BOULET, M. D. L. 175
de plus en plus évident que cet état de choses ne pouvait pas
durer longtemps sans exposer l'CEuvre à dépérir petit à petit ;
car, malgré toute l'énergie et l'activité que cet homme à
bonnes œuvres sait déployer en toutes circonstances en faveur
de la sainte Eglise, ses occupations sont maintenant devenues
tellement multiples, que, bon gré mal gré, il lui faut bien en
négliger un peu quelques-unes pour donner son attention aux
plus importantes. C'est pourquoi, on tenta d'établir une orga-
nisation moins provisoire en formant le comité actuel, et en
lui donnant la mission de veiller au maintien et aux progrès
de l'Œuvre. Ceci se passait à la fin de janvier de l'année 1879.
Maintenant, notre comité se compose de neuf membres
(Voir appendice) et tient une séance chaque mois. Or, voici
ce que nous avons cru devoir entreprendre pour promouvoir
les intérêts de l'CEuvre. Une des principales raisons qui
l'avait empêchée de progresser autant qu'elle aurait dû, était
que trop peu de personnes en connaissaient le but et les résul-
tats ; nous avons donc cherché à lui donner autant de publicité
qu'il nous a été possible, au moyen d'annonces au prône des
diverses églises de cette ville, d'articles publiés dans les jour-
naux, de circulaires adressées aux communautés religieuses
et de conférences données aux zélateurs. De plus au com-
merce des vieux papiers nous avons ajouté celui dc3 vieux
timbres-poste et autres ; et pour rencontrer l'accroissement de
recettes que nous attendions de ces démarches, le nombre des
dépôts a été doublé et porté à 'z2 (Voir appendice^ Gomme
nous l'espérions, nos recettes ont quelque peu augmenté
depuis ce temps. Mais nos aspirations allaient encore plus
loin. Notre désir était de voir notre œuvre prendre racine,
dans tout le pays. Cependant, comme il ne fallait pas trop
entreprendre à la fois, nous nous sommes contentés, pour le
moment, de nous adresser à Messieurs les curés du diocèse
de Québec, mais avec l'intention bien arrêtée de continuer,
plus tard, notre propagande dans le reste de la province.
Le succès n'a pas encore répondu à nos désirs ; néanmoins,
le fait que certaines paroisses ont entendu notre appel, joint
à celui que nous recevons tous les ans des papiers d'une
176 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
paroisse aussi éloignée que la Baie Saint-Paal, suffit, il nous
semble, pour nous confirmer dans l'opinion que nous nous
étions formée de la possibilité d'établir notre œuvre à la cam-
pagne comme à la ville. Nous nous croyons donc en droit
d'espérer que dans un avenir assez rapproché, l'CEuvre aura
pris, dans notre diocèse, un accroissement suffisant, pour nous
permettre de diriger nos efforts d'un autre côté.
Deux faits, surtout, ont rendu pour nous, l'année 1879
remarquable entre toutes. Le premier, en date, fut l'affilia-
tion de notre petite œuvre à l'OEuvre mère de Langres, dont
le directeur-fondateur. Monsieur Menne, a eu l'extrême com-
plaisance d'adresser, à cet effet, un magnifique diplôme d'hon-
neur à Monsieur Vincelette, notre bien-aimé directeur. Le
second fut l'envoi d'une adresse à Sa Sainteté liéon XIII, à
l'occasion du Jubilé de l'Immaculée Conception. Tous les
zélateurs furent invités à la signer, et, dans ce but, nous les
avons convoqués en une assemblée spéciale, à laquelle plusieurs
membres du clergé et d'autres personnes haut placées, nous
firent l'honneur d'assister. Uiie lettre de change de trente-
cinq livres sterling ($170.39) accompagnait cette adresse. Notre
Saint-Père daigna recevoir le tout avec bienveillanc d, et nous
accorder la Bénédiction Apostolique (Voir appendice).
Mais, peut-être, avez-vous hâte de savoir quels ont été les
résultats de l'CEuvre depuis sa fondation. Eh bien ! les voici
en deux mots : d'abord un nombre considérable de mauvais
livres ont été déchirés en pièces et mis ainsi dans l'impuis-
sance d'accomplir leur œuvre diabolique ; beaucoup de bons
livres qui dormaient dans la poussière depuis longtemps, sont
revenus à la lumière, pour continuer à faire du bien. Ainsi,
par exemple, nous en avons vendu des centaines de volumes
à des bibliothèques religieuses, au prix du papier, afin d'en
faciliter la diffusion ; voila pour le moral. Pour ce qiii est du
côté matériel, près de quinze cents piastres, produit de la
vente des vieux papiers et des loteries de Monsieur Vincelette,
sont allées secourir l'indigence de notre père à tous, du
Vicaire de Jésus-Christ. De plus, il nous reste encore en mains
pour une valeur d'environ cinq cents piastres de papiers et de
RAPPORT DE M. J. P. BOULET, M. D. L. 177
vieux timbres qui n'attendent qu'un acheteur pour aller
rejoindre leurs devanciers (Voir appendice).
Nous ne croyons pas qu'il soit utile de vous en dire davan-
tage, pour vous faire comprendre l'excellence de notre œuvre
et ses bons résultats. Ces résultats, messieurs, nous les devons
à la charité des catholiques qui nous ont donné de;; papiers
en abondance, aux membres du clergé qui ont recommandé
notre œuvre à leurs paroissiens et partout, à la presse catho-
lique qui nous a aussi aidés de tout son pouvoir. Nous en de-
vons même une partie à une couple de journaux hostiles qui,
voulant nous nuire, nous ort rappelé au souvenir de leurs
lecteurs, lesquels ignoraient peut-être même notre existence.
Merci à tous pour leur charité et leur générosité. Dieu qui
connaît le fonds des cœurs saura bien rendre au centuple ce
que chacun aura fait en faveur de sa cause. Ce n'est pas à
dire pourtant, qu'il ne serait pas possible de faire plus ; bien
au contraire, et si seulement la moitié des catholiques de
bonne volonté voulaient nous aider un peu, nous pourrions
faire des merveilles.
n
Nous espérons vous avoir fait connaître suJSisamment ce
qu'a été notre œuvre jusqu'ici ; il ne nous reste donc plus
qu'à vous dire ce que nous pensons qu'elle devrait être à
l'avenir, et à vous suggérer les moyens qui nous semblent
propres à nous faire atteindre le but que nous avons en vue.
Or, notre désir, nous l'avons déjà dit, est de voir notre œuvre
devenir ce qu'elle est en France, c'est-à-dire une vaste confré-
rie dont les ramifications innombrables s'étendraient dans
toutes les parties du pays. Mais pour cela il faudrait d'abord
que les grands centres de population donnassent l'exemple en
organisant tout de suite l'œuvre sur un bon pied. Ensuite,
avec le concours du clergé, (et ce concours est presque indis-
pens- ble), chacune de ces petites œuvres pourrait étendre ses
opérations dans la partie du pays qui lui serait limitrophe, et
de cette sorte tout le pays finirait par prendre la fièvre des
vieux papiers. La chose n'est pas si difficile qu'elle en a l'air ;
178 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
seulement, pour réussir, il faut un peu de zèle chez quelques-
uns, et ensuite il faudrait donner de la publicité à l'œuvre,
beaucoup de publicité, et, surtout créer de l'émulation parmi
les zélateurs. Gomment donc obtenir ce double résultat ? Le
moyen le plus simple, suivant nous, serait qae chaque comité
particulier transmit tous les ans un rapport détaillé de ses
opérations à un comité central, (celui de Québec étant le plus
ancien accepterait peut-être la charge), lequel comité publie-
rait ensuite un rapport général des progrès de l'CEuvre dans
tout le pays. De cette manière, chacun sachant ce qui a été
fait ailleurs, peut-être celui qui aurait fait moins s'efforcerait-
il de faire plus, tandis que celui qui aurait fait plus travaille-
rait à maintenir sa supériorité ; certaines localités, qui n'au-
raient pas encore pris part au mouvement seraient, sans
doute, engagées à le faire par l'exemple des autres, et ainsi
rCEuvre ne pourrait manquer de faire des progrès très ra-
pides. Personne ne s'en porterait plus mal, mais le Pape s'en
trouverait mieux. •
Une grande raison milite en faveur de ce projet, c'est ce
devoir impérieux de la charité dont Jésus-Christ a fait l'objet
de son deuxième commandement, lequel est semblable au
premier. Il n'y a pas à se le dissimuler, pour être sauvé il
faut faire la charité. Or, quel objet plus digne de notre amour
et de notre charité que le Souverain Pontife dont tous les ins-
tants sont consacrés à travailler à notre bonheur éternel et
temporel, et quel moyen plus facile de remplir ce devoir que
de coopérer à cette œuvre ingénieuse qui n'exige pas d'autre
sacrifice qu'un peu de bonne volonté et d'activité. Depuis
quelques années, bien que les besoins du Saint-Père ne
font que s'augmenter, à cause de l'acharnement de ses enne-
mis à le dépouiller de tout, les recettes du denier de Saint-
Pierre s'en vont décroissant parmi nous. La crise financière
par laquelle nous passons en est peut-être la cause, nous
l'ignorons. Mais si tel est le cas, tâchons donc de nous rache-
ter en nous attachant fermement à cette planche de salut qui
nous est offerte. On ne se fait pas d'idée de la quantité prodi-
gieuse de chiffons de papier qui se perdent tous les jours, et
RAPPORT DE M. J. P. BOULET, M. D. L. 179
qui réunis en masses considérables pourraient se vendre un
bon prix ; mais on peut s'en convaincre facilement en se met-
tant résolument à l'œuvre. Il en résulte même un avantage
immédiat et réel pour le zélateur ; c'est celui de lui faire con-
tracter des habitudes d'ordre et d'économie dont il se trouvera
bien plus tard.
On objectera peut-être que nous avons déjà dans le pays
beaucoup d'œuvres qui languissent et qu'en ajouter d'autres,
c'est exposer les premières à dépérir tout-à-fait. Nous compre-
nons que dans un jeune pays comme le nôtre, où la classe
dirigeante n'est peut-être pas assez nombreuse, les bonnes
œuvres doivent nécessairement languir un peu ; mais faut-il
en conclure que le trop grand nombre en est la cause, nous ne
le croyons pas ; nous serions môme inclinés à penser que la
proposition contraire serait plus raisonnable. Regardez la
France, messieurs, et dites-nous s'il est au monde un autre
pays où les bonnes œuvres de toutes sortes sont en plus grand
nombre et plus prospères. Ayons donc des œuvres pour tous
les goûts et toutes les aptitudes, que ceux qui ont du zèle le
communiquent aux autres, et dans bien peu d'années, loin de
voir périr nos œuvres déjà existantes, nous les verrons, au
contraire, revenir à une vie nouvelle et plus active.
Une seconde objection, qui découle en quelque sorte de la
première, c'est que nous devons tâcher de maintenir les
œuvres du pays plutôt que d'envoyer notre argent à l'étranger.
Cette objection pourrait peut-être avoir sa raison d'être en
certains cas ; mais ici, il nous semble que ce serait faire
preuve de sentiments bien peu élevés que de s'en prévaloir.
En effet le Souverain Pontife est le Père commun de tous
les catholiques, et pour nous catholiques du Canada, le Pape
n'est-il pas aussi notre père aux mêmes titres et au même
degré que pour ceux des autres pays ? Or, nous vous le de-
mandons, est-il un fils bien né, qui, sachant que son père est
dans le besoin, voulut se servir de ce. futile prétexte pour
s'exempter de lui porter secours ? Non, messieurs, vous n'en
trouveriez point ; et le Canada qui naguère envoyait le plus
pur de son sang au secours du Trône de Pierre, refuserait de
180 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
donner un peu d'argent ! Loin de nous cette mesquine
pensée !
Nous attendons donc beaucoup de bien de la part qu'il nous
est donné de prendre à ce Congrès. Nous sommes convaincus
que vous garderez un bon souvenir de notre petite œuvre, et,
qu'une fois retournés dans vos foyers, chacun de vous, mes-
sieurs, trouvera dans son cœur, une bonne parole en notre
faveur. Plus tard, ceux qui liront ces pages, bien qu'elles
n'aient pas toute l'éloquence que nous aurions désiré y
mettre, voudront aussi, sans doute, mettre la main à l'œuvre,
et ainsi, avec l'aide de Dieu, nous osons compter sur un ac-
croissement de recettes pour l'avenir. Le clergé, l'épiscopat
surtout, peut faire beaucoup pour nous. Un mot de sa part
vaudrait beaucoup mieux que plusieurs des plus beaux dis
cours que nous pourrions faire pour enflammer le zèle de
tous les vrais catholiques. Avec ce puissant concours, qui,
nous l'espérons, ne nous sera pas refusé, nous sommes cer-
tains que la bénédiction apostolique, dont on a bien voulu
nous honorer, portera ses fruits, et que si nos recettes person-
nelles ne s'augmentent pas beaucoup, du moins des œuvres
nombreuses se formeront partout dans notre beau pays, et en
verront chacune leur obole à notre saint et vénéré Père
Léon XIII. Puisse ce vœu, le plus ardent de notre cœur, se
réaliser, et nous serons trop payés des quelques démarches
que nous avons pu entreprendre, en faveur de la cause de
l'Eglise.
Avec cet espoir, nous allons vous laisser, messieurs ; mais
avant permettez-nous de vous offrir l'expression de notre plus
vive gratitude pour votre bienveillante attention.
J. P. Boulet, M. D. L.
Rapporteur
APPENDICE
§ 1. — NOMS DES MEMBRES DU COMITÉ DE L'OEUVRE PONTIFICALE
DES VIEUX PAPIERS
Rév. M. J. P. Sexton, Ptre, visiteur.
M. Le Chevalier Vincelette, directeur.
MM. J. P. Boulet, M. D. L., secrétaire.
Joseph Diibé, inspecteur.
' Auguste Laberge, sur.
Philémon Brunet.
Louis Drouin.
Arthur Gigon.
Eugène Blondeau, N. P.
§ 2. — NOMS DES PERSONNES QUI REÇOIVENT LES PAPIERS EN DÉPÔT
MM. Joseph Hamel & frères, 58 rue sous le Fort, Basse Ville
u
a
Ls Abdon Côté, 35 rue St. Pierre,
Joseph Donati, 158 rue St-Jean,
Louis Marcotte, 235
B. Koude & Cie., 322
E. O. Boulet, 136 rue d'Aiguillon,
Joseph Bussière, 238 "
Octave Plante, 61 rue St-George,
Michel Boulet, 2 rue Prévost,
Jean Moisan, 112 rue Artillerie,
Ls Drouin & Frère, 96 rue St-Joseph,
J. A. Langlais, 175 "
P. O. Pouliot, A9 rue Grant,
Cyrille Dion, gardien du pont Dorchester,
Auguste Laberge, 69 rue de la Reine,
P. E. Biais, 123 rue de la Couronne,
Pierre Bidégaré, 282- rue St-Valier,
(.(.
Faubourg St-Jean
Faubourg St-Louis
St-Roch.
<c
((
ti
a
12
!82
PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Le Cercle catholique de Québec, 'Jl rue St-François, St-Roch
Dame Vve Ls Sansfaçon, 1 rue St-Domiuique, "^
MM. L. Collin & frères, 68 rue St-Valier, St-Sauveur
Nazaire Lachance, 2 rue Ste-Gertrude, '^
Elzéar Fiset, 16 rue Massue, "
LES ZÉLATEURS
L. Sache, S. J.
A. Larcher, S. J.
F. X. Plamondon, Ptre.
Ed. Hamon, S. J.
C. F. Gazeau, Prélat
Dom. de S. S. Vie. Gén.
P. Lagacé, Ptre.
Le Chevalier Baillargé.
Ls Abdon Coté.
Elzéar Fiset.
Nazaire Lachance.
Pierre Bidégaré.
Jos. Bussière.
Jos. Donati.
P. 0. Pouliot.
Th. G. Rouleau, Ptre.
J.Auclair,Ptre,curé de Québec. Octave Plante.
E. Bonneau, Ptre. Pierre Dassylva
F. X. Gosselin, Ptre, Cyrille Dion,
curé de St-Roch de Québec. Achille Jobin.
Dr C. I. Samson.
Edouard Odilon Boulet.
Jean Moisan.
Louis Marcotte.
J. A. Langlais.
Jos. Hamel & frères.
Louis Paradis.
L. T. Beruier.
Michel Boulet.
Edmond Samson.
Pierre Pelletier.
Pierre Eugène Biais.
D. C. Emile Roy.
Félix Eugène Gauvreau.
Simon Roy.
William White.
Godefroy Collin.
Ls Collin.
Barthélémy Houde.
§ 3. — ADRESSE ENVOYÉE A SA SAINTETÉ LÉON XIII A l'oCCASION DU
JUBILÉ DE l'immaculée CONCEPTION, LE ^ DÉCEMBRE 1879
Ti èsSaint Père^
Les membres du comité et les zélateurs de l'Œuvre ponti-
ficale des vieux papiers, annexe -du. Cercle catholique de
APPENDICE 183
Québec, sont heureux de déposer leur obole aux pieds de
Votre Sainteté.
Leur offrande est bien insignifiante, comparée aux immen-
ses besoins du Pontife de l'Eglise universelle, mais ils savent
que vous porterez plus d'attention aux sentiments qui l'ac-
compagnent qu'à la somme elle-même.
Notre œuvre, la première en ce genre, dans notre pays et
peut-être en Amérique, ne compte que huit années d'exis-
tence. Fondée par son directeur actuel, et mise en opération
par lui seul, pendant des années, elle s'établissait en 1874, par
les soins du même homme, dans la ville plus importante de
Montréal, où elle continue à fonctionner, quoique d'une ma-
nière indépendante. Afîiliés à l'CEuvre-Mère de Langres, qui,
tant de fois déjà, a reçu, de la part de votre illustre prédéces-
seur comme de la vôtre, des preuves non équivoques d'une
tendre sollicitude, nous nous efforçons de suivre ses traces,
persuadés que nous mériterons ainsi et de l'Eglise et de son
chef infaillible.
Une organisation désormais plus solide, de nouveaux zéla-
teurs, des tentatives faites pour généraliser l'Œuvre à tout le
pays, nous permettent d'espérer que chaque année verra
grossir le tribut que le Canada catholique doit au Vicaire de
Jésus-Christ. Mais pour que Dieu soutienne notre zèle, bé-
nisse nos efforts, daignez, Très-Saint Père, en ce glorieux an-
niversaire, jeter un regard de paternelle bienveillance sur
notre petite œuvre, et nous accorder une de ces bénédictions
précieuses qui sanctionnent et font fructifier les œuvres de
la foi.
§4.--RÉr0NSE DU CARDINAL SIMEONI
Illustrissime Domine^
Epistolam tuam unà cum synagrapha pro obolo S. Pétri ac-
cepi ; et hanc quidem summo Pontifici absque mora tradendam
curavi. Sanctitas vero Sua oblatam necuniam beliigne exci-
piens tibi omnibusque oblatoribc^u Apostolicam Benedictio-
nem libenti anime impertita est.
184 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Qua de re dum certiorem te facio precor Deum ut tibi bona
quîEque largiatur.
Romee ex sed. : S. Congrégations de Propaganda Fide,
•Die, 2 Jan. 1880.
D. J.
Addictus,
JoANNEs Gard. Simeoni, Praefectus
lUustrissimo Domino Clément Vincelette,
Directori Catholicse Sociètatis, etc., Québec.
J. Magotti, Sectarius
{Traduction)
Monsieur^
J'ai reçu votre adresse ainsi que la lettre de change pour le
denier de St-Pierre qui l'accompagnait, et je me suis empressé
de la remettre au Souverain Pontife. Sa Sainteté a daigné re-
cevoir avec bienveillance le montant offert, et vous transmet
de tout cœur, à vous et à tous les donateurs, la Bénédiction
Apostolique.
Tout en vous faisant parvenir cette information je prie Dieu
qu'il vous comble de ses dons.
Rome, près la Propagande,
le 2 Janvier 1880.
D. E.
Votre dévoué,
Jean Card. Simeoni, Préfet
M, Clément Vincelette,
Président du Cercle catholique de Québec.
J. Magotti, secrétaire
APPENDICE
185
§ 5. — BILAN GÉNÉRAL DE l'ŒUVRE, DE!»UIS 1869 JUSQU'AU
30 AVRIL 1880
RECETTES
Produit net des loteries 1869
«' 1870
« 1871
«* 1872
« 1873
" 1874
' " 1875
« 1876
" 1877
Produit net des ventes d'objets 1869
" 1872
« 1873
«' 1874
«' 1875
" 1876
1877
" 1878
«' 1879
Produit net des vieux papiers 1871
1872
1873
" 1874
« 1875
" 1876
« 1877
1879
« 1880 (4 mois)
Produit net des vieux timbres 1879
« 1880 (4 mois)
Divers
DÉPENSES
Envois au Souverain Pontife 1869
1872
*' 1873
« 1874
« 1875
1876
$
106
9
19
32
91
65
91
50
10
11
106
151
80
103
112
57
33
15
l
16
47
26
4
25
62
106
47
7
1
108
188
170
267
198
195
Cts
67
S7
80
30
35
62
35
00
00
93
78
80
43
53
43
14
62
81
50
05
68
85
30
49
54
96
13
74
94
60
07
00
72
(15
61
477
673
Cts
06
47
338
9
13
1512
50
68
41
12
186 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
DÉPENSES
$.
Cts
$
Cts
Envois au Souverain Pontife. 1877
1878
1879
117
78
170
53
61
39
1494
17
58
Balance en caisse le 30 avril 1880
475
50
17
00
00
54
54
54
1512
12
VALEUR DE L'ŒUVRE au 30 AVRIL 1880
Vieux papiers en dépôt
Vieux timbres "
Balance en caisse»
542
RAPPORT DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
1876-1880
Le Cercle catholique de Québec a été fondé le 26 mai 1876,
par plusieurs citoyens de cette ville. Depuis plusieurs années
déjà, le besoin se faisait sentir de grouper ensemble les jeunes
gens dans des réunions où ils auraient à s'occuper de l'étude
des questions sociales, et d'en faire l'application dans les
diverses carrières qu'ils avaient embrassées. Le Cercle est donc
une association purement catholique, uniquement occupée de
faire prévaloir dans la société les principes et les doctrines qui
peuvent seuls donner à une nation les bienfaits de la paix
sociale. Aussi la base de l'organisation est l'obéissance à
l'Eglise, à son chef, la reconnaissance de ses droits, la soumis-
sion à l'archevêque et au clergé en général. Les membres
sont tenus en s'y agrégeant de faire une profession de foi, par
laquelle ils déclarent obéissance aux enseignements dogma-
tiques, au Syllabus, aux décisions conciliaires, et à tous les
actes émanant de Rome et de l'autorité épiscopale. De plus
ils s'engagent à travailler à l'œuvre commune de la société :
la manifestation de la vérité.
RAPPORT DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 187
Le but du Cercle catholique de Québec est la manifestation
de la vérité chrétienne et la diffusion des principes catholiques,
au moyen :
1o De la discussion de différentes questions choisies et pro-
posées par un comité nommé à cet effet par le comité de direc-
tion;
2o De la formation d'une ou de plusieurs bibliothèques
composées d'ouvrages approuvés par l'Ordinaire ;
3o De l'ouverture d'une ou de plusieurs salles de lecture,
dont les journaux, revues et feuilletons sont aussi approuvés
p-^.r la même autorité ;
4o De toute action, démarche ou sous-œuvre que le comité
de direction jugera nécessaire à cette fin ; pourvu toujours
que, comme corps, le Cercle catholique ne s'occupe pas de
politique active.
Tout membre, à quelque classe qu'il appartienne, doit adhé-
rer sans restriction aux doctrines catholiques romaines, et
jouir d'une bonne réputation.
Tout membre actif doit, en outre, accepter et signer la
constitution, et s'engager formellement à travailler, dans la
mesure de ses forces, à la manifestation de la vérité.
La direction du Cercle catholique de Québec est confiée à
un comité composé de douze membres actifs, auxquels sont
transmis tous les pouvoirs législatifs et administratifs, avec le
droit d'admettre des membres et aussi de les exclui-e, s'il y a
lieu.
Voilà en peu de mots les principaux articles de la constitu-
tion du Cercle.
Le Cercle catholique ne néglige pas l'étude de l'histoire, de
la littérature, des sciences et des arts ; il est dans le programme
de l'association d'aider à créer des bibliothèques de paroisse
de travailler à faire établir des cercles catholiques dans les
principaux centres, de répandre le goût des bonnes lectures,
de propager les œuvres pontificales et autres bonnes œuvres?
enfin de travailler au bien-être physique et moral des catho
liques canadiens.
Le Cercle a eu l'honneur d'envoyer plusieurs adresses à
188 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Pie IX et à Léon XIII, et plusieurs fois il a reçu de Leurs
Saintetés des paroles d'encouragement, en même temps que la
Bénédiction Apostolique pour ses membres, pour leurs travaux
et pour leurs familles. Ces encouragements de la plus haute
autorité sur la terre et la bienveillante sollicitude du vénéra-
ble Archevêque de Québec, sont pour les membres des motifs
plus que suffisants pour les engager à suivre la voie qu'ils se
sont tracée, et à travailler d'un commun accord à la manifes-
tation de la vérité.
Le Cercle a déjà publié en 1878 et en 1879 deux annuaires,
qui sont le précis de ses travaux. Le premier constate que le
Cercle a fait réimprimer un opuscule de Mgr de Ségur inti-
tulé : Hommage aux jeunes Catholiques libéraux^ avec l'appro-
bation de l'épiscopat de la province, et que 10,000 exemplaires
en ont été vendus en très peu de temps.
Plusieurs travaux ont été lus devant les membres durant
cette période de 1876 à la fin de l'année 1879 ; les sujets traités
ont été aussi sérieux que variés.
Nos rapports extérieurs, malgré bien des tentatives, ne sont
pas encore ce que nous les voudrions voir. Notons seulement
qu'un Cercle catholique affilié au nôtre s'est établi parmi les
Canadiens français de Biddeford, Etat du Maine, et que des
rapports très amicaux ont été établis avec l'Association de la
jeunesse catholique de Bologne, dont le très distingué prési-
dent est le Dr G. Aquaderni, ainsi qu'avec l'Union catholique
de Pile Maurice par l'entremise de son digne secrétaire, M.
Anatole de Boucherville. Le fait de notre affiliation à la So-
ciété-mère des intérêts catholiques, érigée canoniquement à
Rome par S. S. Pie IX, d'illustre et sainte mémoire, fera épo-
que dans les annales du Cercle.
L'année 1878 s'ouvrit pour le Cercle catholique de Québec
par son acte d'incorporation présenté en janvier et adopté le
mois suivant.
Au mois de février. Pie IX descendait dans la tombe, et le
Cardinal Joachira Pecci était proclamé sous le nom de Léon
XIIL Le Cercle catholique crut de son devoir de déposer aux
pieds du nouveau Pontife l'hommage de son respect, et joindre
RAPPORT DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC. 189
à son adresse, comme don de joyeux avènement, i'humble
obole produit de l'œuvre annexe des vieux papiers.
Aussi ce fut avec une très grande joie et une reconnais-
sance bien vive que nous accueillîmes, quelques mois plus
tard, un Bref de S. S. Léon XIII, qui a daigné par là ouvrir à
notre association le trésor des indulgences de l'Eglise, et affi-
lier le Cercle à la première société catholique du monde
entier.
Au printemps de 1878, nous laissions l'humble local qui fut
le berceau de notre société. Mais à peine réinstallés, il devint
de plus en plus évident qu'un édifice à nous pourrait seul sa-
tisfaire aux exigences de notre rapide accroissement. Le
nombre des membres actifs était déjà de 80, et un public
chaque jour plus nombreux manifestait le désir d'assister à
nos réunions. Aussi, sur l'invitation de MM. les Directeurs
de l'Université-Laval, npus crûmes devoir, pour la première
fois, figurer en procession publique, lors de ^a translation des
restes de Mgr Laval.
Le 24 mai. Son Excellence Mgr Gonroy, ablégat du St-Siège,
et tous les vénérables archevêques et évêques de la Province
de Québec, réunis à l'occasion du Concile Provincial, firent à
notre jeune association l'honneur d'une visite. — Plusieurs
membres des plus distingués du clergé les accompagnaient,
notamment Monsignor le Grand- Vicaire Gazeau qui depuis
n'a cessé de nous témoigner sa bienveillance. Pour recevoir
convenablement ces hôtes illustres, le Gercle catholique n'é-
pargna rien. Une adresse fut présentée, à laquelle Son Excel-
lence le Délégué Apostolique répondit en termes bienveillants.
Les rues voisines, pavoisées, une joyeuse fanfare attirèrent
aux abords de notre salle une foule considérable, et le renom
du Gercle catholique s'étendit de plus en plus. L'honneur de
cette visite fut une réponse à ceux qui interprétaient l'unani-
mité des membres sur- certaines questions sociales comme
une preuve d'immixtion dans la politique.
L'OEuvre des bons livres, fondée depuis quelque temps,
fut soumise à l'approbation de nos Seigneurs les Evoques.
S. G. Mgr l'Archevêque daigna encourager cette œuvre et des
190 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
mesures furent prises pour rendre la propagande aussi active
que possible. Le rapport spécial vous montrera que cette
œuvre a grandi, et qu'elle promet de devenir peut-être la plus
importante.
Le seul moyen de fonder une œuvre viable est d'acquérir
une propriété. Le 20 mars, dans l'octave de la fête de St-
Joseph, une messe était dite à cette intention dans l'église de
St-Roch ; les membres s'approchaient de la Sainte-Table, et,
le soir, ils avisaient aux préliminaires à adopter pour arriver
à leur fin. Un comité de construction était créé ; et, pour
attirer sur leur entreprise les bénédictions d'en-Haut en même
temps que l'attention des âmes pieuses, ils résolurent : 1. Que la
statue de Saint Joseph serait placée dans la salle des réunions ;
2. Que la statue du Sacré-Cœur de Jésus couronnerait la par-
tie la plus apparente du bâtiment projeté ; 3. Que deux messes
annuelles seraient fondées, dont l'une à l'intention des bien-
faiteurs vivants, et l'autre des bienfaiteurs et membres dé-
funts.
Une salle de lecture a été fondée au Cercle dans le but de
mettre les éléments d'instruction et d'étude à la portée des
membres, et, en général, de tous les hommes dévoués aux
intérêts catholiques, de leur procurer un centre où ils pour-
ront se rencontrer et se rapprocher, et aussi d'établir entre
eux, pour l'avantage de tous et de chacun des rapports fré-
quents et suivis.
Des conférences ou des discussions sur des sujets de religion,
d'économie sociale, d'histoire ou de littérature y sont faites,
des. lectures, conférences, causeries, essais, etc., y ont été
donnés dans le cours de l'année dernière : les journaux de
cette ville en ont reproduit quelques-uns, et d'autres ont été
l'objet d'appréciations très flatteuses.
Le Cercle est donc une œuvre nationale en même temps
que religieuse, puisqu'il embrasse tous les sujets qui sont de
nature à promouvoir les intérêts religieux et sociaux des Ca-
nadiens français. Mais quelle marche suivre pour atteindre
le but que se sont proposé ses fondateurs ?
Notre première tentative s'adresse à la classe dirigeante.
RAPPORT DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 191
C'est elle qu'il faut recruter et saisir de notre intention avant
d'aller plus loin. C'est elle qui nous fournira les éléments
propres à arriver par un apostolat efficace au sein de la mul-
titude.
Si Dieu bénit nos efforts, si notre appel à la générosité de
nos membres, de nos compatriotes est entendu, si enfin notre
projet de construction devient un fait accompli, notre premier
pas sera d'attirer la jeunesse, même par une salle de jeu, sous
un contrôle attentif, s'il y a nécessité. Notre œuvre continuant
à prospérer, nous descendrons chez l'ouvrier pour lui procurer
des conférences ayant l'instruction et la moralisation pour
but.
Notre Cercle, tel qu'actuellement constitué, ne suffisant pas
à la besogne, il entre dans nos prévisions de fournir à des
associations, à des corporations s'occupant du bien-être maté-
riel de l'ouvrier, les moyens de s'établir et de fonctionner.
Les terribles questions sociales qui agitent aujourd'hui l'an-
cien monde ne sont pas encore posées parmi nous, mais celui
qui a pénétré dans le cœur de l'ouvrier sent qu'elles y fer-
mentent déjà. Le jour n'est peut-être pas éloigné où les pro-
blèmes du salaire et du capital, de la grève, du droit au
travail auront à être discutés sur ce sol, d'autant moins que
tout nous pousse vers la vie manufacturière. Si alors les
associations secrètes ont seules droit au conseil, malheur à
notre société î
Aujourd'hui, au seuil de nos séances nous pourrions insérer
la devise de Clément d'Alexandrie : Fides quœrens intellectum ;
au frontispice de notre maison future nous voulons pouvoir
placer cette autre : Instaurare omnia in Christo.
Quand, à l'exemple du nôtre, d'autres Cercles se seront
créés, surgira la question des les unir en faisceau. Sur ce
sujet la France et peut-être mieux la Prusse catholique four-
niront les données de leur expérience, mais nous empiétons
trop sur l'avenir.
Le secrétaire du Cercle catholique de Québec.
\
/
192 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Après la lecture de ces différents rapports, les résolutions
suivantes sont adoptées :
Les membres du Congrès catholique, désireux d'établir
entre les différentes associations ou cercles catholiques du
Canada et des Etats-Unis une union plus intime et des rap-
ports durables, recommandent l'établissement d'un comité
supérieur et permanent des intérêts catholiques sous la sur-
veillance de NN. SS. les évoques de la province de Québec.
Les membres du Congrès catholique recommandent que ce
Comité des intérêts catholiques soit établi et composé provi-
soirement de l'honorable M. Trudel, sénateur, de M. Clément
Yincelette, président du Cercle catholique de Québec et che-
valier de l'ordre de Saint-Sylvestre, de M. Em. Tassé, ancien
président général de l'Union AUet, et de cinq citoyens appar-
tenant aux autres diocèses : Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe,
Saint-Germain de Rimouski, Sherbrooke et Chicoutimi.
III
Les membres du Congrès catholique forment les vœux les
plus ardents pour la création de cercles catholiques dans les
autres villes de la province de Québec et dans les principaux
centres canadiens français du Canada et des Etats-Unis où il
n'en existe pas encore.
IV
Les membres du Congrès désirent attirer l'attention des
catholiques sur le bien incalculable que pourrait opérer la
fondation dans les endroits propices de l'œuvre pontificale des
vieux papiers, annexe du denier de Saint-Pierre.
Les membres du Congrès émettent unanimement le vœu de
voir favoriser par les catholiques l'œuvre de l'association de
PROCÈS-VERBAL DE LA 2e SÉANCE DU 2e BUREAU 193
Saint-François de Sales et de la Société bibliographique dont
le but est de propager les bons livres à des prix réduits.
VI
Attendu que les cercles catholiques se proposent, comme
fin principale la manifestation de la vérité par la diffusion
des principes catholiques ; qu'ils ne sauraient parvenir à ce
but qu'après s'être mis, par des études sérieuses, en état de
réfuter l'erreur et de faire pénétrer la lumière dans les esprits :
Le bureau des cercles catholiques recommande spéciale-
ment l'étude de l'histoire des peuples modernes comparée à
l'histoire du peuple de Dieu, afin d'éviter les fautes qui ont
condu> les peuples de l'antiquité et les peuples modernes à
leur ruine, après que ces peuples eurent atteint l'apogée de la
gloire dans les arts, les sciences et l'industrie.
n.— BUREAU DE LA PRESSE CATHOLIQUE
Samedi^ 'iÇ» juin
PROCÈS-VERBAL DE LA 2e SÉANCE
Ce bureau s'est réuni sous la présidence de M. A. de Bon-
part, M. J. P. Tardivel, secrétaire.
Etaient présents : MM. le sénateur Trudel, I. N. Belleau,
Eug. Rouillard, Charles Ouimet, Dr N. E. Dionne.
Après délibération le bureau s'est borné à proposer l'adop-
tion des vœux suivants :
I
Le Congrès émet le vœu qu'il soit fondé au Canada ime
publication spécialement consacrée à traiter les questions
sociales et politiques au point de vue des principes catholiques.
II
Considérant que, sans l'appui de l'épiscopat, la presse ne
saurait accomplir fructueusement la tâche importante qui lui
incombe :
194 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Le Congrès émet le vœu que NN. SS. les évoques daignent,
selon la lecommandation du pape Pie IX dans l'encyclique
Intei^ multipliccs, et selon la recommandation récente de S. S.
Léon XIII, prendre sous leur protection la presse et les écri-
vains catholiques.
Et pour la réalisation de ces vœux le Congrès fait appel à la
bienveillance de NN. SS. les évoques et à la sympathie du
clergé et des catholiques.
III— BUREAU DES INTÉRÊTS CATHOLIQU.'"^^
Samedi^ Wjuin
PROCÈS-VERBAL DE LA 2e SÉANCE
En l'absence de M. le docteur Rottot, M. l'abbé Gravel, curé
de St-Hyacinthe est appelé à la présidence, M. E. Gagnon con-
tinuant à remplir les fonctions de secrétaire.
Etaient présents : MM. les abbés Martial et Têtu, M. le comte
Jules de Foucault, MM. L. L. Rivard, A. Robitaille, V. Liver-
nois, A. Dernier, Thomas Chapais.
M. Livernois fait connaître l'œuvre de M. Charles de Ribbe
sur les archives de la famille.
M. Chapais donne lecture de son rapport sur " les avantages
qu'offrent à la jeunesse, au point de vue du dogme et de la
morale les études dans une université catholique."
RAPPORT DE M. THOMAS CHAPAIS
SUR LES AVANTAGES QU'OFFRENT A LA JEUNESSE LES ÉTUDES DANS
UNE UNIVERSITÉ CATHOLIQUE
Monsieur le président,
Messieurs,
Après la chute de l'empire romain, les études, comme les
institutions politiques, firent un naufrage presque complet.
Durant toute l'époque des invasions barbares et de la forma-
RAPPORT DE M. THOMAS CHAPAIS 195
tien des nationalités nouvelles, les arts, les sciences et les
lettres subirent une éclipse totale, f^t Ion put croire que jamais
plus ne luirait sur le monde le soleil de la vérité. Cependant
le feu sacré n'était pas éteint. L'Eglise s'était chargée de sa
garde, et avait confié à ses moines, à ses évêques et à ses
clercs, la magnifique mission de conserver vivante et pure la
flamme d'où la lumière devait jaillir un jour sur toute l'Eu-
rope. Lorsque les grands bouleversements, les grandes con-
quêtes, le pêle-mêle et le chaos des premiers siècles du
moyen-âge eurent pris fin, et que les lignes de l'état politique
européen eurent commencé à se dessiner, on vit l'épiscopat,
le clergé, les ordres religieux, créer des écoles, foyers de
science et d'érudition. Les rois, les chefs d'empire bien inspi-
rés entrèrent dans le mouvement intellectuel, et se firent très
souvent les protecteurs et les fondateurs de grandes institu-
tions consacrées à la diffusion des bonnes études. Mais l'in-
fluence de l'Eglise était toujours présente et marquait de son
empreinte tout ce qui se faisait de grand à cette époque.
" Dans chacune des institutions nouvelles qui apparaissaient,
dit M. Laurentie, l'Eglise intervenait toujours par ses dota-
tions ou par la munificence de ses privilèges ; mais le nom
d'Université ne se montra qu'au XlIIème siècle." Les limites
de ce travail ne permettent pas d'entre^ dans le récit de la
création et des progrès de toutes les universités qui prirent
naissance à cette époque. Qu'il me suffise de dire qu'on y
retrouve partout l'esprit catholique, et que, pour me servir
des expressions de l'écrivain éminent que je citais tout à
l'heure, malgré des abus, les universités servirent d'instru-
ments à l'action souveraine qui changeait le monde par les
études et préparait cette civilisation dont nous avons vu la
gloire, et dont aussi nous avons vu la décadence.
Les universités de Paris, de Heidelberg, de Leipzick, de
Bâle, de Tolède, de Salamanque, d'Oxford, de Cambridge, et
une foule d'autres furent fondées ou dotées par des papes, des
pieux monarques ou de hauts personnages sincèrement dé-
voués à l'Eglise, et eurent une grande influence sur la civili-
sation et le progrès des nations de l'Europe.
196 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉREC
Gomme on le voit, les universités furent, à cette époque,
essentiellement catholiques, et, en dépii d'erreurs et de désor-
dres trop souvent répétés, aidèrent l'Eglise dans son œuvre de
régénération. 11 était réservé à notre époque de voir des uni-
versités athées, des universités où l'on ignore la Providence
et où l'on peut discuter et mettre en doute la divinité de Jésus-
Christ, des universités qui, au nom de la liberté, demandent
à confisquer la liberté d'autrui, qui, au nom de la science, de-
mandent qu'on éteigne les foyers puissants de la science ca-
tholique, qui, au nom de la tolérance, demandent qu'on
proscrive ceux qui n'enseignent pas comme elles.
Nous avons jeté un coup-d'œil rapide sur ce que furent les
universités dans le passé, afin de faire voir quel a été leur
esprit général, leur but et leur résultat. Maintenant nous
devons nous demander quels sont les avantages réels qu'of-
frent pour la jeunesse les études dans une université catho-
lique. Ces avantages sont immenses, et il n'est pas besoin de
réiléchir longuement ni d'argumenter à perte de vue pour le
prouver. Il suffit de considérer les principes qui doivent pré-
sider à l'éducation des jeunes générations. Il y a dans ce que
j'appellerai la première époque de la vie d'un homme, trois
degrés : l'enfance, l'adolescence et la jeunesse proprement
dite. L'école de la paroisse, l'école primaire, donne à l'enfant
les premiers rudiments de la science, lui fait connaître le lan-
gage des livres et le mécanisme de la langue. Le séminaire
donne à l'adolescent un aliment intellectuel plus élevé, le
goût des beautés littéraires, et l'admiration des œuvres de la
grande littérature, il fait pénétrer dans les intelligences quel-
ques rayons (quelques rayons seulement) de la philosophie
chrétienne. Mais l'adolescent grandit, il se fait jeune homme ;
le voilà sur le seuil de la vie du monde ; il veut se lancer dans
une carrière. Son intelligence est encore indécise ; elle man-
que de trempe. Les connaissances sont peu profondes ; le
jeune homme n'a que les éléments de ce qu'il doit savoir pour
faire un citoyen utile. Que va-t-il devenir s'il n'a pour le
guider les grands principes sans lesquels tant d'esprits ont fait
naufrage. Et ces principes où les prendra-t-il, s'il n'a pas le
RAPPORT DE M. THOMAS CHAPAIS 197
bonheur de recevoir le haut enseignement professionnel d'une
institution catholique ? Il traverse une époque de crise intel-
lectuelle, où ses généreuses ardeurs peuvent l'entraîner vers
l'erreur revêtue de séduisants dehors. Qui lui fera traverser
heureusement cette crise ? Ce sera l'esprit, l'inspiration, la
direction de l'université catholique. Dans ce milieu évidem-
ment favorable, il verra les principes du droit positif mis en
regard avec les principes de la morale et de la religion, il
verra la médecine spirituelle, si je puis m'exprimer ainsi, op-
poser ses arguments aux doctrines abjectes du matérialisme
scientifique ; il verra la science chrétienne glorifiée et exaltée ;
il entendra, dans des cours publics, l'histoire enseignée au
point de vue catholique et redressée parfois dans ses erreurs
et ses injustices ; la littérature i\ianifestée dans toute la beauté
de son œuvre civilisatrice. Un jour ce sera l'art chrétien qui
apparaîtra à ses yeux éblouis, tout rayonnant des clartés de
son sublime idéal ; un autre jour ce sera l'action et le rôle des
ordres religieux qu'une voix éloquente lui fera comprendre et
admirer. En un mot tout concourra à élever et à fortifier son
intelligence, et à lui donner ce sens catholique qui lui sera si
nécessaire, je dirai même indispensable, pour se diriger à tra-
vers les écueils du siècle. C'est donc un grand bonheur et un
grand avantage que de recevoir le haut enseignement d'une
université catholique, et nous comprenons que nos frères de
France aient livré tant de combats et fait tant de sacrifices
pour procurer à leurs enfants ce bonheur et cet avantage.
Il y aurait des volumes à écrire sur les origines, les déve-
loppements et les immenses services des universités catho-
liques. Je n'ai pu qu'effleurer ce vaste sujet. J'espère néan-
moins en avoir dit suffisamment pour avoir le droit de sou-
mettre au bureau quelques résolutions.
13
198 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
RAPPORT DE M. LIVERNOIS
SUR LES MEILLEURS MOYENS DE PRÉSERVER LE FOYER DOMESTIQUE,
DE CRÉER ET DE PROPAGER LES LIVRES OU ARCHIVES DE FAMILLE
Le comité d'organisation du premier Congrès catholique de
Québec, a cru devoir mettre dans son programme la pré-
servation du foyer domestique, montrant par là l'importance
qu'il attache et avec raison, à cette question fondamentale.
Tout en remerciant Dieu de ce qu'au Canada l'esprit de
famille soit en grand honneur, si nous comparons notre état
avec celui de la plupart des pays d'Europe, nous de^ ns
cependant prendre en sérieuse considération les assauts livres
au Foyer, à la vie domestique par divers ennemis et des plus
puissants. Ne voyons nou pas en effet l'intempérance, le
défaut d'épargnes et le luxe avec la tendance de repousser le
prêtre de la direction des familles, mettre en danger la base
essentielle de la société, et par là enlever à la patrie des forces
vives? Ne sommes- nous pas depuis plusieurs années en face
d'un fait regrettable et anormal : celui de l'émigration d'une
partie notable de notre petit peuple vers les Etats-Unis, de
l'abandon du foyer à l'ombre du clocher et de terres fertiles
auxquelles il n'a manqué qu'une culture patiente et intelli-
gente pour donner les plus beaux rendements ? Pourquoi tel
abandon ? Pour gagner bien souvent des rives qui ne con-
naissent pas la langue et la religion de nos pères, et se livrer
là en trop grand nombre ^ la vie étiolante de l'usine ou de la
manufacture et y perdre avec leur langue et leur religion,
toute vie de famille.
Je ne suis pas chargé de traiter des remèdes en général à
apporter à ces maux. L'intention du Comité a été simplement
de signaler cet important sujet à votre attention, se proposant
de le livrer à des travaux subséquents au prochain Congrès
catholique. Ces moyens en général pour préserver le Foyer
domestique, l'Eglise nous les enseigne, et nos vigilants
RAPPORT DE M. LIVERNOIS 199
Pasteurs dans leurs décisions conciliaires et leurs mandements
nous indiquent le chemin à suivre dans ces études. Il s'agit
pour nous de ne pas laisser dormir dans l'ou^ li ces précieux
documents épiscopaux, de nous pénétrer de leur esprit et de
travailler.
Mon devoir est de vous proposer au nom de votre 3me
bureau, quelques considérations sur un excellent moyen de
préserver le Foyer domestique : les livres ou archives de
famille et certaines résolutions à prendre pour créer et pro-
pager ces livres de famille.
On appelle ainsi Livres de Raison ou de Famille, ou plutôt on
appelait ainsi, car ils sont à peu près disparus dans notre pays,
m'assure-t-on : " Des registres sur les feuillets desquels les
chefs de maison avaient coutume d'inscrire leur généalogie,
la biographie des parents, leur mariage, les naissances et les
baptêmes de leurs enfants, les principaux événements et
Vhistoire du foyer, l'état de l'épargne et du patrimoine, le
compte rendu de ce patrimoine et enfin les derniers conseils
laissés par eux à leurs successeurs. Le tout était placé sous
l'invocation de Dieu. Dans le préambule des maximes em-
pruntées aux Livres Saints, se traduisaient des préceptes sur
lesquels les parents croyaient devoir insister d'une manière
particulière." C'est l'histoire, la tradition des ancêtres confiée
aux archives du Foyer, qui vient fournir à la nouvelle généra-
tion les touchants exemples des parents et du passé, pour lui
apprendre à bien vivre et à aimer le champ cultivé par ses
pères et le foyer qu'ils ont édifié'. Puissants aiguillons pour
le bien, ces documents de famille sont une source de régé-
nération, de prospérité morale et matérielle, une force pour la
Religion et la Patrie.
Un illustre auteur, monsieur Charles de Ribbe, catholique
de la Provence, c^ puis dix ans rappelle à la France le souvenir
de ses anciens livres de famille ou de raison dont la source
fut presque tarie depuis les bouleversements de la révolution
du siècle dernier. De vieux manuscrits sortis de la poussière,
archives privées des familles, sont venus faire connaître une
mine des plus riches. Monsieur de Ribbe dans des ouvrages
200 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
extrêmement remarquables sur la Famille et sur ces Livres, a
fait ressortir tous les avantages de cette excellente coutume,
tant au point de vue privé que public. M. de Ribbe a demandé
à sa patrie d'imiter le passé, de reprendre la coutume inter-
rompue, de reprendre les Livres de Famille. La France n'est
pas restée sourde à ses chaleureux appels, et des centaines de
familles françaises ont maintenant de nouveau leurs archives.
Ses ouvrages, quoique citant seulement l'exemple de notre
ancienne mère-patrie, s'appuient en môme temps sur ce qui
s'est fait dans les autres pays du monde et ont une portée
universelle. Dans une lettre que nous adressait M. de Ribbe
le 26 mars dernier, l'éminent écrivain, en nous assurant qu'il
serait d'esprit et de cœur à ce Congrès catholique de Québec,
nous faisait savoir que l'Allemagne allait traduire ses ouvrages.
L'Italie a ses ricordi ou ricordanze di ^amiglia que les Peruzzi
et les Ganestrini ont aussi livrés à la publicité pour amener
leurs compatriotes à en reprendre la coutume. Tous les pays
de l'Europe nous fournissent des exemples de ces registres de
famille, entre autres l'Angleterre, la Belgique, la Hollande,
l'Allemagne, la Pologne. Dans ce dernier pays, ils sont
appelés sylva rerum {forêt de choses). Ne voyons-nous pas les
familles anglaises avoir leurs notes du Foyer sur des feuillets
blancs attachés à leurs bibles. A la demande des Comités
catholiques, M. de Ribbe a donné le plan de ces Livres de
famille, et MM. Mame de Tours en ont édités. C'est un solide
et fort cahier avec explications. Le Canada a eu des Livres de
Famille ou de Raison. Une de nos familles canadiennes dont
un des descendants est membre du Congrès, a l'honneur d'être
cité par M. de Ribbe pour prouver que le Canada français
n'était pas resté étranger à cette coutume. Sans aucun doute,
nos anciennes luttes et notre long manque d'écoles régulières,
ont empêché plusieurs familles de continuer ces registres.
A nous de les reprendre et de lés reprendre d'une manière
complète : familles de la ville comme celles des campagnes,
sans distinction de classe ni de fortune. Chez nous qui avons
plus à conserver qu'à restaui;er la vie de famille, la chose sera
plus facile qu'en France, et les ouvrages de M. de Ribbe
RAPPORT DE M. LIVERNOIS 201
peuvent facilement s'adapter à notre position et à notre
caractère. Pour les Canadiens qui voudraient consigner au
commencement de ces Livres de famille quelques notes sur
les origines de leur souche au Canada, un excellent ouvrage
s'offre à eux, celui de M. l'abbé Tanguay : " Dictionnaire
généalogique des familles ".
Pour ces causes, le Bureau des Intérêts catholiques a
l'honneur de vous soumettre :
Vu qu'il est essentiel de préserver l'esprit de famille à cause
de tous les biens qui en découlent pour la famille elle-même,
la Patrie et la Religion ;
Vu qu'il est déplorable de voir le manque de stabilité et
d'attachement chez les membres d'un grand nombre des
familles pour la maison qui les a vus naître, et les champs
arrosés des mains de leurs ancêtres ;
Vu que ce relâchement des liens de famille et cette indiffé-
rence pour le foyer domestique sont des causes de l'émigration
des Canadiens aux Etats-Unis, pendant que notre vaste pays
pourrait leur offrir les moyens de vivre et a besoin de leur
travail ; • '
Vu que la coutume des Livres ou Registres de famille
contribuerait beaucoup à changer cet état de choses ;
Le Congrès catholique émet le vœu :
Que tous les catholiques soient invités à se procurer et à
tenir des livres de famille ;
Que les associations qui ont pris part au Congrès soient
chargées de propager l'idée des Livres ou Registres de famille
par des conférences et par la voie des journaux ;
Que les membres du Congrès catholique donnent les
premiers l'exemple, se procurent ou se fassent faire de ces
registres de famille et les tiennent régulièrement ;
Que le clergé en général soit prié de faire connaître et
de répandre l'excellente coutume de nos ancêtres d'avoir des
registres du Foyer ;
Que le Congrès catholique de Québec recommande tout
spécialement les ouvrages de M. Charles de Ribbe sur la
Famille, le Foyer domestique et les registres privés, et souhaite
202 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC.
que nos libraires se hâtent de s'en approvisionner pour la
demande de nos familles canadiennes.
Québec, 26 juin 1880. Victor Livernois
M. le comte J. de Foucault, présente au bureau plusieurs ou-
vrages, don de la Société bibliographique de France. Il
recommande les ouvrages publiés sous les auspices de cette
société. (35, rue de Grenelle^ Paris.)
Le bureau adopte ensuite les résolutions suivantes :
Le Congrès catholique de Québec, s'occupant des intérêts
religieux de tous les Canadiens et constatant les résultats con-
solants accomplis par les missionnaires de la province de
Québec au milieu des Canadiens émigrés, et considérant que
ces missionnaires ont été établis par la bienveillante autorité
de l'épiscopat américain et le patriotisme et le dévouement
religieux de l'épiscopat de la province de Québec, présente, au
nom de la nationalité canadienne française ses respectueux
remerciements aux évoques des Etats-Unis et du Canada pour
avoir établi ces missions si prospères.
II
Le Congrès catholique, considérant que la société St- Vincent
de Paul est, comme l'a dit M. Eugène de Margerie, " l'œuvre
providentielle, l'œuvre par excellence, l'œuvre facile en même
temps opportune, la marque pour ainsi dire, des chrétiens
zélés et pieux, émet le vœu :
lo Que l'on maintienne dans toutes les villes où elles sont
déjà établies les conférences existantes, et que l'on s'efforce
d'en créer de nouvelles si le besoin s'en fait sentir ;
2o Que l'on s'efforce d'en fonder aussi dans les paroisses de
la campagne où la population est assez considérable ;
3o Que les jeunes gens instruits, pour qui la société a été
surtout établie, se fassent un devoir d'en devenir les membres.
RÉSOLUTIONS ADOPTÉES PAR LE BUREAU 203
m
Le Congrès catholique de Québec, se souvenant que le
Canada français est redevable du don précieux de la vraie foi,
après Dieu, à la France catholique, aux prêtres réguliers et
séculiers et aux évêques français qui ont planté l'arbre du
christianisme sur les bords du Saint-Laurent et l'ont arrosé
de leurs sueurs et de leur sang ;
Saisi d'une juste indignation à la vue des cruelles persécu-
tions auxquelles nos frères de France sont actuellement en
butte ;
S'unit à l'épiscopat, au clergé et aux catholiques laïques de
la France pour protester, au nom de la liberté, au nom des
droits sacrés des pères de famille et de la sainte Eglise, contre
la tyrannie des hommes qui veulent expulser Dieu de l'ensei-
gnement et de la société, et plus particulièrement contre les
décrets du 29 mars dernier, et offre ses plus profondes sympa-
thies à tous ceux qui sont atteints par ces décrets.
IV
Le Congrès catholique du Québec, convaincu que la charité
chrétienne seule peut unir les hommes entre eux sur la terre
et maintenir l'harmonie et le bon ordre dans la société ;
Convaincu, de plus, que c'est par la charité seule que l'on
peut faire disparaître l'antagonisme et les haines qui séparent
trop souvent les classes pauvres des classes riches ;
Exprime le vœu que les classes dirigeantes de notre société
veuillent bien se souvenir que la charité chrétienne leur fait
une obligation de donner aux classes ouvrières le pain intel-
lectuel, de même qu'elle commande aux riches de faire l'au-
mône aux pauvres.
V
Considérant l'union intime qui doit exister entre l'enseigne-
ment religieux et l'enseignement scientifique ;
Considérant l'importance pour la jeunesse, au point de vue
-de la morale et de la foi, de/ecevoir l'enseignement, à tous les
204 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
degrés, sous la tutelle de l'Eglise et d3s institutions reli-
gieuses ;
Considérant que nos universités catholiques ont besoin,
pour se soutenir, de la coopération active et de la sympathie
de tous les catholiques ;
Le Congrès émet le vœu que toutes les familles canadiennes
se fassent un devoir et un honneur de confier leurs jeunes
gens aux universités catholiques, tant de ce pays que de l'étran-
ger, pour qu'ils y puisent la vraie science et qu'ils soient pré-
servés de l'erreur et des dangers d'une éducation sans Dieu.
DEUXIÈME SÉANCE SOLENNELLE
DD
CONGRÈS CATHOLIQUE
SAMEDI, 26 JUIN
Samedi soir à 8 heures avait lieu la deuxième et dernière
séance solennelle du Congrès. Sur l'estrade on remarquait
Mgr C. F. Cazeau, prélat domestique de Sa Sainteté, vice-
président d'honneur du Congrès, ayant à sa droite Mgr
Laflèche, évêque des Trois-Kivières, M. Claudio Jannefc, l'ho-
norable P. J. O. Chauveau, shérif de Montréal, à sa gauche
M. le juge Routhier, président actif du Congrès, M. le comte
de Foucault, l'honorable M. G. Ouimet, M. C. Vincelette, vice-
président actif du Congrès, et président du Cercle catholique
de Québec. Il y avait encore sur l'estrade les membres des
difi'érentes commissions et les délégués parmi lesquels étaient
M. Jos. Desrosiers, président de l'Union catholique de Mont-
réal, M, A. de Bonpart, M. Em. Tassé, etc. Une foule consi-
dérable s'était rendue dans les salles du vaste édifice pour
entendre les paroles éloquentes des différents orateurs appelés
à faire les frais de la réunion. Dans le parterre on remarquait
L.ISCOURS DE M. LE COMTE DE FOUCAULT 205
Mgr Déziel, Mgr Giiay, un très grf m nombre de membres
du clergé et l'élite de la société canadienne Ti-anraise réunie à
Québec.
M. le président annonce qu'il vient de recevoir une lettre du
général baron de Charette et de plusieurs autres personnages
distingués d'Europe. Un tonnerre d'applaudissements accueillit
cette nouvelle.
M. le comte Jules de Foucault parut ensuite sur le théâtre
au milieu des applaudissements réitérés de l'auditoire. Le
sujet qu'il avait à traiter était : " l'action des ordres religieux
dans les sociétés modernes."
DISCOURS DE MONSIEUR LE COMTE DE FOUCAULT
Messeigneurs^ Mesdames., Messieurs^
Je suis tlatté plus que je ne le saurais dire du grand hon-
neur qui m'est fait aujourd'hui. Je sais les difficultés qui
m'attendent. Je serais effrayé de la tâche qui m'incombe de
parler après tant d'orateurs distingués, après Sa Grandeur
Monseigneur l'Archevêque de Québec, après votre éminent
président qui, dans une langue élevée, a exprimé des senti-
ments si nobles et si généreilx, et, je puis bien le dire aussi,
car vos applaudissements m'en ont donné le droit, après mon
savant ami, Monsieur Claudio Jannet. Je serais effrayé si je
ne consultais que mes propres forces ; mais je me sens soutenu
par cette grande sympathie qui m'entoure, par ces applaudis-
sements qui viennent de m'être donnés, et par tous ces cœurs
qui en ce moment battent à l'unisson du mien. {Appl.\
Je n'en ai pas moins besoin de toute votre indulgence ; mon
inexpérience vous la demande instamment, et j'y compte.
Avant de commencer à traiter le sujet que je dois exposer
devant vous, je dois d'abord saluer ces éminents évêques, ces
saints prélats de l'épiscopat canadien dont le concours est tou-
jours acquis à toutes les grandes œuvres catholiques ; je dois
206 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
aussi m'incliner devant cette majestueuse assemblée qui à elle
seule témoigne, plus que tous les discours, des sentiments qui
ont présidé à l'organisation de cette réunion.
En répondant avec un admirable empressement à l'appel
des hommes de bien qui ont pris l'initiative de cette grande
démonstration, vous n'êtes pas venus seulement pour entendre
des conférences ; vous êtes venus surtout pour protester de
votre attachement à cette religion catholique dont je suis fier
de pouvoir me dire un soldat obscur sans doute, mais dévoué
de toutes les forces de mon âme. {Appl.)
Je rends donc grâce à ceux qui, en m'appelant à l'honneur
de porter ici la parole, m'ont permis de m'associer pour ma
part et de toute mon énergie à cette éclatante manifestation.
Le sujet que j'ai à traiter devant vous est celui des ordres
religieux. C'est un sujet bien vaste et que je ne puis appro-
fondir. Mon intention est simplement d'indiquer à grands
traits quelle a été Faction des ordres religieux dans les so-
ciétés modernes, dans leur formation, quelle a été leur in-
fluence, et le rôle civilisateur qu'ils ont joué, et démontrer,
les liens indissolubles qui les ont toujours unis à l'Eglise elle-
même.
Je crois qu'il est bon de dire hautement, en face des calom-
nies qui les assaillent de toutes parts : les services rendus, les
malades, les vieillards, les pauvres secourus ; les preuves de
patriotisme constamment données par les ordres religieux. Je
ne pourrai jamais dire tous ces cœurs guéris, ces âmes con-
verties, ces actes de dévouement accomplis, toutes les vertus
enfantées.
Dans un éminent ouvrage qui vient de paraître tout récem-
ment, un député catholique dont vous connaissez bien le
nom, ajoutant un titre de plus à ceux que tant d'actes dévoués
et courageux, tant de discours éloquents, tant d'écrits remar-
quables, lui assuraient déjà à la reconnaissance des catho-
liques. Monsieur Keller vient d'élever un vrai monument
dans lequel il a groupé, diocèse par diocèse, tous les rensei-
gnements relatifs aux ordres religieux qui y sont établis. Son
livre est un vaste arsenal où tous les défenseurs de l'Eglise
DISCOURS DE M. LE COMTE DE FOUCAULT 207
peuvent trouver des armes pour confondre leurs adversaires
et défendre ces belles œuvres dont l'humanité toute entière et
la France surtout devraient se montrer aussi reconnaissantes
que fières, et qui n'honorent pas moins le patriotisme que la
foi. J'aurai souvent besoin de recourir à Monsieur Keller
ainsi qu'à un autre auteur, Monsieur l'abbé Martin, qui a écrit
un ouvrage remarquable sur les moines, leur rôle dans le
passé et l'avenir.
L'institution monastique, non, ne date pas de notre temps.
Elle remonte aux origines mômes du christianisme. Il s'est
trouvé de tons temps des âmes d'élite qui, poussées par une
inspiration d'en haut, se retiraient du monde pour aller dans
la solitude, et qui s'enfonçaient dans les déserts pour s'y livrer
à la méditation, l'étude et la prière.
La persécution ne leur a jamais manqué ; Dieu a voulu,
pour éprouver leur constance, faire passer leur ferveur au
creuset de l'adversité. Toujours ces pieux solitaires ont été en
proie aux railleries, aux insultes, aux haines d'hommes achar-
nés à les faire disparaître.
Dans l'origine, les ordres monastiques ont eu un double
but : d'abord la sanctification personnelle des saints religieux,
et ensuite l'affermissement de la religion au milieu de la so-
ciété encore toute imbue de préjugés barbares et de traditions
païennes.
Ce double but ils l'ont admirablement rempli. Ils sont en-
trés avec une merveilleuse activité dans le grand mouvement
civilisateur qui s'est produit dans le moyen-âge et s'est conti-
nué jusque dans les temps modernes. Ils ont été associés à-
tous les grands événements de l'Eglise. Toujours les moines
ont été d'accord avec l'Eglise ; toujours cette double action a
tendu au même but ; et jamais l'Eglise n'a été plus florissante,
et je puis l'ajouter, la patrie plus prospère que quand les mo-
nastères ont été le mieux remplis.
C'est en Orient que commence la vie monastique, dans les
solitudes de la Thébaïde. Les saints religieux qui s'y retiraient
n'avaient d'abord pour but que de se sanctifier. Mais peu à
peu leur influence se répandit et beaucoup de ceux qui étaient
208 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
allés les visiter par simple curiosité revinrent convertis. Au
milieu de cette dépravation et de cette corruption morale qui
signale la fin de l'empire d'Orient, la vie seule de ces généreux
anachorètes, de ces courageux cénobites, était par elle-même
un langage assez éloquent; ce sont eux enfin qui fournissent
ces grands évoques, qui jettent un dernier éclat sur ce colosse
expirant.
En Occident leur action est différente, car toujours elle
s'approprie aux circonstances et répond aux besoins des temps
et des lieux. Les moines se mêlent davantage à la société
civile. La règle de saint Benoit faisait aux moines une obliga-
tion du travail manuel, et exigeait d'eux la culture de la terre;
par là ils prenaient place sur le sol, exerçaient dans le pays
une grande influence capable de contrebalancer celle des
grands seigneurs. Ils devenaient de grands seigneurs terriers,
et assuraient leur admirable action en répandant autour d'eux
les aumônes et les bienfait^ matériels. Avant saint Bernard,
l'action des moines consiste surtout à arrêter la corruption
chez les nations .vaincues, à fournir, comme en Orient, de
grands évêques, et convertir les nations barbares. Fidèlement
attachés à l'empire romain, si. peu qu'ils eussent à se louer
de la société et de l'autorité romaines, ils montrent dès lors
qu'ils tiennent et tiendront toujours à la patrie par le fond
même de leurs entrailles. Et en effet, depuis le moine-évêque
saint Loup qui arrêta Attila aux portes de Troyes, jusqu'à ces
moines d'Espagne qui luttèrent avec tant de valeur et de cou-
rage pour leur patrie contre Napoléon 1er, jusqu'à nos reli-
gieux, pendant la guerre de 1870, je ne sache pas une seule
guerre patriotique où les moines n'aient joué un rôle digne
de leur admirable passé. {Appl. prolongés.)
Ils étaient fidèlement attachés à la nation romaine et tâ-
chaient de la préserver de la corruption. Ils s'attiraient par là
même la haine des barbares, et peu à peu, cependant, ils sont
arrivés à les convertir et à les faire entrer dans la grande fa-
mille chrétienne. Insensiblement, car l'œuvre de la conversion
est de longue durée, ils fondent l'unité chrétienne de l'Oc-
cident.
DISCOURS DE M. LE COMTE DE FOUCAULT 209
Il faudrait pouvoir lire tous les détails de cette œuvre ad-
mirable dans l'ouvrage si éloquent, si remarquable de notre
grand écrivain catholique, Monsieur de Montalembert. Un
savant ecclésiastique, statisticien éminent, le Père Longueval,
a estimé au tiers du territoire de la France, la portion de
terre mise en culture par les soins des moines, et a calculé
que les trois-huitièmes de ses villes et villages leur doivent
leur existence. A partir de l'époque de Charlemagne, les
moines, restant fidèles i la mission qui leur avait été donnée
de convertir les peuples et de les civiliser, continuent leur ad-
mirable action chez les nations slaves, Scandinaves, dans les
Iles Britanniques, font entrer ces peuples sauvages dans le
concert de la grande famille européenne, et doublent ainsi
l'empire et l'étendue do la civilisation. On voit alors s'élever
la j. Tande figure de saint Grégoire-le-Grand, pape et moine à la
fois, personnifiant ainsi les deux forces vives de son temps ;
c'est lui qui est le principal régulateur de la conquête chré-
tienne, l'initiateur véritable de la société nouvelle ; ses succes-
seurs entrent dans ses vues de la façon la plus admirable et
poursuivent l'accomplissement de ses desseins avec une cons-
tance, une sagesse qui ne se démentent jamais.
C'est à cette époque qu'on peut commencer à rattacher
les grands services rendus par les moines à la cause de la
civilisation, en préservant les lettres, les sciences et les arts
du naufrage de la barbarie. Sans doute le but principal
des moines n'était pas de poursuivre la culture des lettres,
sciences et arts, pour la gloire qu'ils auraient pu en retirer ;
ils avaient un but plus haut : ils se livraient à cette étude pour
arriver à la connaissance de la vérité. Chez eux, aucun souci
de toute préoccupation d'artistes ou d'auteurs ; de là cet obscur
et infatigable dévouement à ces grandes œuvres collectives
qui sont restées comme les grands monuments de l'art et de
la science ; de là cette candeur dans leur métier d'écrivain,
qu'ils regardaient comme un devoir imposé par la Provi-
dence ; de là cette vaste érudition ; de là cette grande renom-
mée qui alla toujours croissant et qu'ils ne recherchaient pas
avec une vaine satisfaction d'amour propre. Sans ces moines
210 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉbEC
nous ne saurions rien des premiers siècles de la chrétienté.
Et pendant que les uns retracent sous une forme un peu naïve
parfois les chroniques et légendes des temps passés, d'autres, à
la suite du moine Gerbert, depuis pape sous le nom de Syl-
vestre, méritent, dans l'ordre scientifique, d'être appelés les
précurseurs d'Albert-le-Grand, de Bacon, de Copernic, comme
ceux-ci le sont de Galilée, de Newton et de Descartes.
C'est dans ces siècles taxés d'ignorantismes, par les pré-
tendus savants, que se donne la véritable instruction gratuite
dans les écoles primaires. De nombreuses écoles profession-
nelles s'ouvrent pour les jeunes gtns ; l'enseignement secon-
daire est prodigué dans les couvents où l'on professe la litté-
rature ancienne et moderne, l'histoire et la philosophie. Enfin
de nombreuses universités ouvrent leurs portes et initient
leurs élèves à tous les secrets des sciences divines et humai-
nes. [Appl.)
En somme, la constitution de la propriété sur des bases
chrétiennes, l'instruction donnée à tous les degrés de l'échelle,
les pauvres secourus dans les hospices élevés partout, l'appui
donné aux gouvernements chrétiens, telles sont. Messieurs,
les grandes œuvres des moines au moyen-âge. Qu'on cite une
institution qui ait mieux mérité de l'humanité toute entière ?
(Appl. prol.)
Avec saint Bernard, l'institution monastique arrive à l'apo-
gée de son histoire. Je ne dirai pas l'action des moines dans
tout son cours; elle se modifie suivant les différents milieux
où elle s'exerce, et cependant elle reste toujours constamment
identique à elle-même.
Je n'insisterai pas sur cette époque, je ne m'arrêterai même
pas aux croisades, à cet événement religieux, social et politi-
que le plus considérable du moyen-âge. Vous savez, Messieurs,
quel noble rôle les moines ont alors joué. Mieux que moi
vous connaissez les exploits remarquables de ces chevaliers de
St-Jean de Jérusalem et du Temple d'Alcantara, et autres que
l'on retrouvait sous les étendards des croisés accomplissant
les prodiges de leur héroïque valeur. Sous la cuirasse et le
haubert du soldat, ce sont encore des moines. A côté s'avan-
DISCOURS DE M. LE COMTE DE FOUCAULT 211
cent, plus modestes, les frères de la Rédemption de N. D. de
Merci, du rachat des captifs. Et plus tard, quand le grand
soufQe religieux des croisades s'est éteint, qui est-ce qui veille
à la garde du tombeau du Christ, et le préserve de la profana-
tion des disciples de Mahomet ? Les moines.
Mais pendant le cours du XIITe siècle une modification
s'introduit dans les ordres monastiques. On s'éloigne de la
règle tracée primitivement par saint Benoit et modifiée par
saint Bernard pour se rapprocher de plus en plus de la société
civile. La nature des combats est changée ; c'est le moment
des luttes de îa parole ; et Dieu, qui sait toujours faire naître
des dévouements analogues aux nécessités des temps, inspire
deux grands génies, saint Dominique et saint François d'As-
sise, fondateurs de ces deux ordres approuvés par Innocent
III, lequel avait vu en songe l'Eglise de Saint-Jean de Latran
penchant vers sa ruine, relevée et soutenue par deux moines,
l'un italien, l'autre espagnol, Dominique de Guzman et Fran
çois d'Assise. L'action passe alors de leur côté et s'y main-
tient jusqu'à ce qu'une nouvelle hérésie plus menaçante donne
lieu à la fondation d'une nouvelle milice plus alerte, plus
énergique encore, à cette compagnie de Jésus, qui a fourni
tant de valeureux champions à la sainte cause de l'Eglise.
C'est ainsi, Messieurs, que se poursuit d'âge en âge avec les
modifications amenées par les circonstances, cette merveilleuse
action des moines que nous allons voir se continuer jusqu'à
nos jours. Messieurs, je viens de nommer les Jésuites. On
les a bien attaqués au delà des mers, on les calomnie, on les
raille, on les poursuit, ne devons-nous pas les entourer d'au-
tant plus de respect qu'ils sont plus persécutés ? {Appl. prol.)
Je suis d'autant phi- heureu." que vous rendiez un si public
hommage aux Jésuites, Messieurs, que je leur dois pour ma part
ime reconnaissance toute spéciale, ce sont eux qui m'ont en-
seigné à croire, qui m'ont appris que pour bien servir la patrie
il faut aimer et servir Dieu : " Pro patria quia pro Deo'' {Appl.)
Messieurs, les Jésuites ont été persécutés presque dès leur
naissance. A peine fondé leur ordre est forcé de quitter la
France, frappé par le Parlement de Paris, mais le grand
212 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Henri IV, comprenant qu'il y allait de l'intérêt de la société, se
hâta de les rappeler tous, pensant qu'eux seuls pouvaient former
une jeunesse digne des grandes choses qu'il méditait. Alors on
les vit fonder de nombreuses écoles en France ; pendant que
leurs missionnaires à la suite de François-Xavier, vont porter
les lumières de l'Evangile jusque dans l'extrême Orient, et
évangéliser la Chine et le Japon, d'autres viennent à travers
des mers inexplorées, jusque sur ces rives môme du Canada.
Il faudrait un Canadien pour pouvoir dire tous les services
rendus ici môme par les Jésuites et les Sulpiciens. Je voudrais
pouvoir donner une idée de tout ce qu'ils ont fait pour la
colonisation du Canada ; mais, Messieurs, vous connaissez
votre histoire mieux que moi, et je n'ai pas la prétention de
vouloir, en retraçant le rôle des Jésuites et des Sulpiciens dans
votre pays, vous faire ici un cours d'histoire du Canada.
A côté des Jésuites s'élèvent les Oratoriens, qui s'occupent
aussi de l'éducation de la jeunesse, et ces admirables frères de
St-Jean de Dieu que poursuit aussi cette haine féroce et aveugle
de ceux qui ne veulent plus de prôtre à leur chevet de mort.
En môme temps s'élève cette figure si douce, si française,
qu'on veut aussi barmir ! et cependant que peut-on lui repro-
cher à ce bienfaiteur de l'humanité qui a nom Vincent de
Paul, lui qui a passé sa vie à recueillir les enfants abandon-
nés, à élever les orphelins, à en faire de bons citoyens et de
bons chrétiens ! Quelle ne doit pas ôtre notre admiration pour
cet ordre des Lazaristes fondé par lui, auxiliaires dévoués de
sa belle œuvre, on les voit avec le courage qui cherche tou-
jours le danger, aller jusque dans ces provinces ravagées par
la peste et par la guerre, en Irlande, dans les Hébrides, en
Pologne, à Tunis et à Madagascar, y porter les secours de leur
saint ministère? Non content de cette fondation Vincent do
Paul institue encore ces filles de charité, toujours grandes
dans leur humble dévouement, et auxquelles, suivant une
expression bien connue, leur vertu doit servir de voile ; saintes
et nobles femmes dont les cœurs se trouvent com-posés d'élé-
ments qui peut-être ne s'étaient jamais trouvés réunis : le cou-
rage du soldat, la chasteté de la vierge, la tendresse de la
DISCOURS DE M. LE COMTE DE FOUCAULT 213
mère et le mâle énergie de la vertu. Enfin s'élève un ordre
que je puis nommer, sûr d'être couvert de vos applaudisse-
ments, l'admirable ordre des Ursulines, de ces Ursulines qui
ont tant fait pour le Canada, en se dévon':'^-t avec une égale
abnégation aux soins des pauvres malades et à l'éducation des
petites filles indigentes, ae.ces Ursulines qui gardent dans
leur chapelle la tombe de notre grand héros canadien et fran- .
çais, Montcalm ! [App.)
Il serait monotone d'énumérer ici tous les ordres qui s'élè-
vent alors ; et cependant vous m'en voudriez de ne pas saluer
au passage cette autre admirable figure, cet apôtre des enfants
pauvres, le bienheureux Jean de Lasalle, le fondateur de cet
ordre des Frères de la doctrine chrétienne, institué, suivant
l'expression d'un pape, pour combattre l'ignorance qui est la
mère de tous les maux.
Je n'ai pas à faire ici leur panégyrique; un grand chrétien
le fera pour moi. Un de ceux que vous avez invités ici. Mon-
sieur de Mun, disait dans un admirable plaidoyer en faveur
des frères de la doctrine chrétienne, il y a quelque temps :
"■ Depuis deux cents ans ce grand homme de bien (le bienheu-
reux de Lasalle) se survit à lui-même. Quand vous rencon-
trerez ces hommes noirs vêtus d'une soutane attachée avec
des agraffes grossières, chaussés de gros souliers, saluez-les
bien bas : ce sont ces ignorantins qui faisaient trembler Vol-
taire." {AppL prolongés.)
Ce sont les paroles de Monsieur le comte de Mun que vous
applaudissez. Qu'eût-il été, Messieurs, si vous l'aviez entendu
lui-même. {Appl. prol.)
Ils sont partout. Messieurs, et partout les mêmes, ces bons
et pieux frères de la doctrine chrétienne. En France ils
continuent dans leurs innombrables écoles à recevoir des mil-
liers d'élèves à qui ils enseignent les grandes vérités de la foi
et la science du dévouement que pratiquait si bien l'illustre de
Lasalle.
Sur cette terre même du Canada, où, je ne le sais pas, mais
j'en suis certain, ils sont aussi les infatigables pionniers de la
civilisation, où ils travaillent à faire conserver les souvenirs
14
214 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
et à faire apprendre la langue qui fut celle de la mère patrie.
Aux Etats-Unis où on. les appelle à l'aide d'une civilisation
naissante. En Amérique, en Afrique, en Australie, partout on
les trouve ; ils sont partout à faire chérir le nom de Dieu et
le nom de la France leur patrie. Ils sont tout à la peine pour
eux-mêmes, à l'honneur pour leurs élèves, et à l'heure sombre
où la patrie en deuil leur demande un sacrifice suprême, on
les voit mériter les honneurs de ce magnifique prix que les
généreux habitants de Boston avaient demandé à l'académie
française de donner au plus noble acte de dévouement accom-
pli pendant la guerre. {AppL)
Je voudrais vous faire connaître le rapport fait à cette occa-
sion sur la conduite généreuse de ces hommes qui se sont fait
une vraie gloire par leur dévouement, et auxquels le procu-
reur-général de la Ghalotais approuvé par Voltaire ne trou-
rait d'autre reproche à faire que celui-ci : (Appk)
" Ils sont venus pour tout perdre ; ils viennent apprendre à
lire et à écrire à des gens qui ne devraient savoir manier que
le rabot et la truelle." Je ne reprocherai pas pour ma part au
peuple. Messieurs, de savoir lire dans le cathéchisme et l'his-
toire de France, dans cette histoire qui condamne les déplo-
rables tendances actuelles. (Appl.)
Je m'étends beaucoup sur la France, Messieurs, je vous
demande la permission de continuer de le faire. Il m'est im-
possible de vous parler du Canada que je ne connais pas. |
J'aime la France, et si je n'en parle pas avec toute l'éloquence
de ceux qui m'ont précédé, j'en parle du moins avec mon
cœur. (Appl.)
Nous voici arrivés. Messieurs, au 18ème siècle, à une terri-
ble époque pour la France, et à une bien grande épreuve qui
a retrempé les ordres religieux. Chez eux s'étaient- glissés
quelques abus et peut-être avaient-ils montré un peu moins
de zèle pendant la dernière partie du siècle. Ils avaient en
tous cas conservé moins d'influence sur la société française.
Après le coupable Louis XV qui eut le triste courage d'ap.
poser sa signature au bas du traité qui nous enleva nos chères
colonies françaises ; après l'expulsion des Jésuites, la persécu-
DISCOURS DE M. LE COMTE- DE FOUCAULT 215
tion religieuse, voici la Révolution. Ce que fut cette révolution
commencée au nom de la liberté, je n'ai pas à le dire. Elle
met la main sur les biens destinés aux pauvres et à l'enseigne-
ment et sous prétexte, sans doute, de combattre l'ignorantisme
et de faire le bonheur du peuple, elle chasse les ordres religieux.
Je n'insiste pas. Messieurs. La guillotine fait son œuvre ; ceux,
là qui ont été martyrs ne sont pas à plaindre ; non, sans doute :
ce sont les bourreaux ! {Appl.)
Pendant la Révolution, les ordres religieux s'associent à
l'action du clergé ; ils secondent l'œuvre des prêtres et con-
tinuent l'accomplissement de leur saint ministère au milieu
des malheurs et de la persécution.
Mais la tourmente est enfin apaisée. Le ciel s'éclaircit ; une
ère nouvelle commence. Les ordres religieux se sentent re-
vivre. Cette foi que l'on croyait morte, ensevelie sous les
ruines, jette de nouveau de profondes racines, et nous la
voyons s'épanouir dans une floraison d'œuvres plus fécondes
encore et plus belles que celles qui ont signalé la renaissance
religieuse du dix-septième siècle. Monsieur Keller nous le dit
dans son langage poétique : " C'est l'arbre que le vent d'orage
et les froids de l'hiver ont dépouillé de ses fleurs, de ses fruits
et de ses branches mortes, et qui reverdit plus fort au soleil
du printemps."' {Appl.)
Napoléon I" sent bientôt lui-même le besoin de rappeler les
Frères de la doctrine chrétienne, car, voulant accomplir de
grandes choses, il veut voir près de lui une jeunesse forte et
chrétienne ; mais il n'eut pas le courage de rappeler les Jé-
suites. Ils ne reviennent en France que sous la Restauration,
pour être poursuivis et bannis encore jusque sous le règne du
pieux Charles X.
Malheureusement, Messieurs, je ne puis pas m'arrêter à tous
ces chefs-d'œuvres de charité et d'abnégation ; je ne puis que
nommer les Oblats, les Maristes, les Sœurs de charité, ces
petites Sœurs des pauvres, comme nous les appelons, si bonnes,
si courageuses et si humbles, et tant d'autres ordres dont
l'histoire est une suite continuelle de dévouements.
Je ne parlerai seulement que de ce que j'ai vu, il y a dix
216 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEl:
huit mois, en Algérie. J'ai eu l'honneur d'admirer ces saints
missionnaires qui pénètrent jusqu'au cœur du Sahara, souvent
pour y trouver le martyre, et toujours pour ramener quelques
âmes à Dieu. Je les ai vus soigner les enfants des Arabes et
des Kabyles, et faire respecter leur robes des Musulmans de
Tunis et d'ailleurs ; je les ai vus faire à la France un renom
de grandeur qui survit à toutes les défaites. Je les ai vus en
cet endroit môme où nous avons remporté en 1830 notre pre-
mière victoire, à Staouëli, je les ai vus cultiver des milliers
d'arpents de terre, et se faire jusque dans les plus humbles
emplois les agents de la civilisation, les plus grands éléments
de notre colonisation algérienne.
Pendant ce temps, en France, d'autres ordres se livrent à la
prédication, à l'étude et à l'enseignement. Quelle gloire que
cette grande chaire de Notre-Dame qui, il y quelques années,
retentissait de la voix si éloquente du Père Lacordaire, ce
grand prédicateur qui faisait saluer par toute la jeunesse
chrétienne avec enthousiasme, et par le peuple avec respect, la
robe blanche de Saint-Dominique. {Appl.) Puis c'est le Père
de Ravignan, le Père Félix, le Père Montsabré ! Oh !
Messieurs, grands souvenirs que ceux-là ! pourquoi faut-il que
ce ne soit bientôt plus que des souvenirs !...
A côté des illustres prédicateurs, les Bénédictins, plus
humbles, continuant l'œuvre de leur fondateur, élèvent à la
religion des monuments impérissables de science et de litté-
rature ; d'autres se livrent avec ardeur à l'enseignement. Ce
sont ceux-là. Messieurs, que l'on veut frapper avant tous les
autres. Cet enseignement que l'on veut faire disparaître, quel
est-il donc ? Je puis vous en parler. Messieurs, puisque je l'ai
reçu. Il a pour base le sentiment du devoir développé par
l'idée de Dieu qui élève l'âme et qui doit être l'objet constant
de son occupation et de son amour. Si je parlais sur la ques-
tion de l'enseignement, je pourrais vous parler longuement,
Messieurs ; le temps ne me le permet pas. Que de choses j'au-
rais à dire de cet esprit religieux qui doit dominer et pénétrer
tout, de cette étude de Dieu dont l'intelligence doit conduire
à l'intelligence de l'homme lui-même. Si l'homme ne connaît
DISCOURS DE M. LE COMTE DE FOUCAULT 217
pas Dieu, il ne se connait pas lui-même. L'original seul peut
donner raison de la copie. Ce n'est que la bonté, l'intelligence
et la puissance absolues de Dieu qui peuvent faire comprendre
à l'homme la bonté, l'intelligence et la puissance relatives qui,
empruntées, le constituent.
Je ne peux m'é tendre davantage sur ce sujet ; cependant,
Messieurs, laissez-moi vous dire un mot d'une vertu bien nt
cessaire dans l'éducation, aujourd'hui surtout, à cette époque
d'émancipation dans laquelle nous avons le malheur de vivre,
je veux parler de la vertu du respect.
Un éminent professeur d'une des universités catholiques de
France, M. de Margerie, disait dans un cours fait à Nancy, en
1871, que pour obtenir le respect il faut d'abord savoir l'ins-
pirer soi-même. Le maître, sans grandeur d'âme, ne saurait
jamais inspirer, disait-il, le respect à l'élève. Les hommes sans
tenue, sans dignité, sans moralité, sans justice, ne peuvent
faire que de mauvais élèves. Mais si le maître est la droiture
même, la règle vivante et le plus fidèle observateur du devoir,
si l'on voit qu'il s'occupe de ses élèves avec l'idée d'élever
leur âme, alors naît le respect. Si, allant plus loin, le maître
se revêt, suivant l'expression antique, du sentiment paternel,
envers ceux que l'autorité paternelle lui a confiés, alors on re-
connaît plus tard les citoyens qui auront été ses élèves ; on les
reconnaît parcequ'ils sont de bons citoyens, étant de bons
chrétiens ; or, je vous le demande, qui peut inspirer plus de
respect à la jeunesse que les prêtres, les religieux dévoués à
l'éducation. {Appl)
J'en ai fini. Messieurs, avec ce sujet. Vous attendez des dis-
cours éminents comme ceux que j'ai déjà entendus. Je ne
veux pas vous retenir plus longtemps. Il faut cependant penser
à conclure ; je vous demande la permission, pour le faire, de
rester encore un moment sur le terrain que j'ai choisi, et de
me demander avec vous, comment, après tant de services
rendus à la France, on a menacé nos ordres religieux du ban-
nissement. Ah ! c'est qu'il y a une France que vous voyez qui
n'est pas la vraie France et d'après laquelle vous nous jugez
presque tous (je ne veux pas dire tous) ; une France qui veut
218 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
bannir les Jésuites, proscrire la religion, une France qui est
l'œuvre des sociétés secrètes. De cttle France, nous n'en som-
mes pas ! Nous sommes de la France catholique qui est la
vraie France, croyez-le bien. Messieurs ! (Appl.) De cette
France qui combat si bien l'indifférence et qui ne veut pas
que ses enfants soient élevés dans l'athéisme ; l'athéisme qui
prétend s'appuyer sur les faits de la nature quand les faits se
révoltent contre lui, qui se van le de n'écouter que la nature,
et contre lequel s'élève la nature entière, de n'être dupe d'au-
cune illusion et qui en est le perpétuel jouet; l'athéisme qui
n'est que contradiction, méprisés et obscurité ; l'athéisme qui
impute la servitude des peuples au sentiment religieux et qui
est convaincu de préparer lui-même l'esclavage, de façonner
les nations au joug en tarissant dans les âmes les sources de
la grandeur, de la dignité, du désintéressement, de la vertu,
de la probité même. Non, Messieurs, nous ne voulons pas que
nos enfants soient élevés par des athées. {Appl. prol.)
C'est parceque nous ne voulons pas cela, que nous voulons
conserver nos chers religieux que l'on va proscrire. {Appl.)
Ceux qui vont le faire. Messieurs, oublient sans doute un
événement encore récent, et qui s'est passé dans un pays sur
lequel cependant ils devraient avoir les yeux ouverts.
C'était en 1873. Le gouvernement allemand, voulant porter
la main sur les libertés religieuses et déterminer l'influence
des ordres religieux, proposa au Parlement ces trois lois con-
nues sous le nom de Lois de Mai. Ces lois draconiennes furent
publiées et les évoques ayant protesté, furent emprisonnés et
punis, au nombre de dix-sept, de peines plus ou moins sévères.
Les relations diplomatiques furent interrompues entre Rome
et Berlin. Et qu'en est-il advenu. Messieurs ? Vous savez
qu'au lieu d'être un appui pour le gouvernement, le Kultur-
kamp lui a suscité des difficultés sans nombre ; aujourd'hui il
est obligé d'avouer qu'il avait forcé la note. Lui-même a été
forcé de donner une première satisfaction à l'opinion publique
en consentant à la retraite du ministre Fulk. Il a consenti
ensuite à renouer des négociations avec Rome. Qui peut dire
où cela aboutira ? En tous cas l'on peut voir, dès aujourd'hui,
DISCOURS Da M. LE COMTE DE FOUCAULT 219
les tristes fruits que la politique de persécution a portés en
Prusse. Un immense mal moral règne dans le pays ; il a eu pour
cause la persécution religieuse. On a chassé les prêtres, em-
prisonné les évoques, froissé les cœurs ; a-ton atteint le but
qu'on se proposait ? à aucun degré, Messieurs ! Ceux qui
poursuivent la même œuvre seront-ils plus heureux dans
notre chère France ? Il est permis d'espérer que non ; il est
permis même de l'affirmer : cette lutte aboutira à un piteux
échec, mais ce ne sera malheureusement pas avant d'avoir
couvert notre chère patrie de ruines, sans avoir accru nos
maux et nos discordes.
Je vais terminer, Messieurs. J'ai bien mal répondu, je le
crains, à votre attente, et je vous en demande pardon. Je vou-
drais toutefois conclure par un mot d'espoir: c'est le souvenir
que je viens d'évoquer devant vous qui me le fournira. Cet
axiome bien allemand, Messieurs, " la force prime le droit " ;
il n'est pas chrétien, de plus, il n'est pas vrai ; le bon droit
doit toujours finir par avoir raison de la force brutale. Nos
religieux qui ont le bon droit, le droit de faire du bien, ne
périront donc pas. Le christianisme n'a pas achevé sa grande
mission ; non, non cela ne se peut pas ! Il est trop imparfaite-
ment vainqueur des ténèbres, de l'idolâtrie et de l'erreur. Sans
doute son existence est indépendante de celle des ordres reli-
gieux, mais Dieu ne privera pas son Eglise d'un si grand
auxiliaire. L'arbre, dit Balmès, peut exister sans fleurs et
sans fruits, fleurs et fruits peuvent tomber, sans que le tronc
robuste perde sa vie, mais tant que l'arbre subsistera qui peut
dire qu'il cessera de produire des fleurs et des fruits ? les
ordres religieux sont les fleurs et les fruits du christianisme,
Messieurs, ils sont la partie la plus divine de l'œuvre de son
divin fondateur. {Appl. prol.) Qui peut dire que jamais Dieu
l'en privera.
Le passé nous permet de prévoir ce que sera l'avenir pour
les ordres religieux. Ils ont échappé à bien des persécutions,
ils ont survécu à tout, ils survivront encore à ceux qui les
menacent. On veut les proscrire ; mais ceux qui poursuivent
ce but insensé sont obligés d'avoir recours à des passions révo-
220 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
liitionnaires, qui une fois déchaînées ne s'arrêtent plus, et
finissent toujours par engloutir ceux qui ont eu l'imprudence
de les susciter, ou la faiblesse de les subir. (Appl.)
Je crois fermement avec vous, Messieurs, qu'un jour le
monde reconnaîtra que ces hommes austères et dévoués,
prêtres et religieux, sont les auxiliaires les plus fermes, les
plus indispensables de toute œuvre civilisatrice bien entendue.
J'envie beaucoup pour mon pays le bonheur des nations qui
dès aujourd'hui le comprennent. {Appl.)
Sainte- Vierge dont l'étendard flotte dans cette magnifique
enceinte. Sainte- Vierge, patronne du Canada et de la France,
protégez nos chers religieux! Et si le malheur veut qu'ils
soient bannis de notre malheureuse patrie, ouvrez-leur vos
bras maternels pour les recevoir sur cette terre admirable et
bénie du Canada. [Triple salve d' applaudissements.)
L'honorable M. G. Ouimet, Surintendant de l'instruction
^ublique et offîcier de l'instruction publique de France, déve-
loppa à son tour le sujet suivanî, : "L'Eglise et l'Etat dans
l'enseignement."
X ^
DISCOURS DE L'HONORABLE GEDEON OUIMET, C. R.
prononcé a québec, le 26 juin 1880
l'Église et l'état dans l'enseignement
Messeigneurs et Messieurs.,
Dès que l'opinion unanime eut consacré cette belle idée de
réunir dans la cité de Champlain, à l'occasion ^e notre fête
nationale, tous nos compatriotes épars sur la terre d'Amé-
rique, les membres du Cercle catholique de Québec voulurent
faire participer leurs frères des autres pays à cette grande
manifestation patriotique.
DISCOURS DE l'honorable gédé^ ouimet, c. r. 221
En agissant ainsi, le Cercle catholique de Québec n'a jamais
eu d'autre intention que celle de faire voir à quelques-uns de
ses membres étrangers, dont la plupart n'ont jamais visité le
Canada, combien sont restés vivaces chez nous les sentiments
de foi et de patriotisme qui nous ont été légués par nos pères
de la vieille France. Quelques-uns ont répondu à notre appel ;
d'autres, tout en exprimant leurs regrets, n'ont pu se rendre
à notre invitation.
Si aujourd'hui nous devons nous réjouir de posséder au mi-
lieu de nous des hommes dont les noms sont souvent cités dans
les annales catholiques, nous n'en avons pas moins à regretter
l'absence de quelques-uns des plus vaillants champions de
notre cause. Parmi ceux-ci, qu'il me soit permis de citer M.
Lucien Brun, l'énergique défenseur des droits du catholi-
cisme dans les chambres françaises, et M. le comte Albert
de Mun, l'ardent apôtre des cercles d'ouvriers en France, dont
la parole éloquente et convaincue sait faire vibrer avec tant
de force les fibres religieuses et patriotiques .{App.)
Aux regrets bien naturels que j'éprouve comme vous tous,
de l'absence de ceux de ces messieurs qui devaient donner un
relief inaccoutumé à notre fêle de Saint-Jean-Baptiste, se joint
un sentiment d'une autre nature et qui m'est tout personnel.
Si M. le comte de Mun était venu au milieu de nous, il vous
aurait entretenu de l'importante question de l'enseignement ;
lui manquant, j'ai été prié de le faire à sa place. (App.)
En acceptant, je ne me suis point dissimulé, Messeigneurs
et Messieurs, combien était lourde la succession qui m'était
imposée ; aussi, veuillez bien ne point prendre pour de la
présomption ce qui n'est de ma part que de l'obéissance aux
désirs des organisateurs de cette séance.
Je me bornerai à remplacer l'éloquente improvisation que
M. le comte de Mun n'aurait pas manqué de vous faire par
quelques aperçus du système d'éducation en vigueur dans
notre province.
Dans un jeune pays comme le nôtre, si l'on tient compte
surtout des difficultés que les promoteurs de l'instruction pu-
blique ont eu à surmonter, nous avons bien quelques droits
222 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
d'Aire fiers, je no crains pas de le dire, du développement qu'a
atteint l'enseignement. • ^
Il est vrai que dès les premiers temps de notre histoire, en
1616, nous voyons les Récollets, amenés par Ghamplain, s'ef-
forcer d'inculquer quelque? notions d'éducation aux popula-
tions indigènes et aux enfau.. des rares colons français établis
au Canada à cette époque.
Nous ne devons pas oublier non plus que quelques années
plus tard, en 1637, un collège se construisait à Québec et que
deux ans après, Mde de la Peltrie et la Mère de l'Incarnation
ouvraient les portes du couvent des Ursulines, qui fut la pre-
mière école de filles établie en la Nouvelle-France, et qu'en
1663, Mgr de Montmorency-Laval, premier évoque de Québec
et du Canada, fondait dans la ville métropolitaine un grand
séminaire auquel il adjoignait cinq ans après le petit sémi-
naire si prospère, qui existe encore aujourd'hui. (App.)
Mais malgré les efforts du clergé catholique, qui avait pris
en mains les intérêts de l'éducation, les progrès de l'instruc-
tion en général et ceux de l'enseignement élémentaire en par-
ticulier ne se développèrent que péniblement ci, lentement
pendant un grand nombre d'années.
A une époque qui n'est pas bien éloignée de nous, en 1 836,
époque vers laquelle on s'occupa de régulariser le système de
l'instruction très incomplète encore, les statistiques établissent
qu'il n'y avait guère que 1,300 (1,321) écoles fréquentées par
36,000 élèves des deux sexes, environ. Aujourd'hui, bien que
nous n'en soyons pas encore arrivés au résultat que nous
avons le droit d'espérer, nous comptons près de 4,300 (4,282)
écoles fréquentées par 240,000 (239,808) élèves. La moyenne
comme il est facile de le constater à première vue, est consi-
dérable, eu égard au chiffre de la population.
Il est vrai de dire que ce résultat, tel qu'il est, n'a pas été
obtenu sans peine. Les travaux de mes deux prédécesseurs, le
regretté Dr Meilleur et l'hcn. M. Ghauveau, et mes faibles
efforts depuis que j'ai l'honneur d'occuper la charge de Surin-
tendant de l'instruction publique de cette province, sont là
pour l'attester.
DISCOURS DE l'honoradle gédéon ouimet, c. r. 223
Mais il ne faut pas oublier que c'est à notre clergé surtout
que nous devons en grande partie le développement de notre
instruction publique. Il en a toujours été le préconiseur le
plus fervent, et de tout temps l'a encouragée de sa parole et
soutenue de sa bourse. C'est à luiqur nous le devons si aujour-
d'hui nous sommes en état de rivaliser, sous le rapport de
l'enseignement, même de l'enseignement supérieur, avec tous
les pays du monde. (App.)
A ceux qui trouveraient prétentieux l'assertion que je viens
de faire, je dirais qu'elle est confirmée de la manière la plus
complète par les statistiques scolaires. En effet, si nous les
consultons, nous trouvons que 16 pour cent environ de notre
population fréquentent les écoles. On comprend combien
cette moyenne est comparativement forte, si l'on considère
qu'elle n'est que de 15 pour cent en Prusse et en Suisse, et de
13 seulement pour cent en France, et chacun sait que ce sont
les trois pays d'Europe où l'instruction est considérée comme
la plus répandue.
Vous voyez donc, Messeigneurs et Messieurs, que notre loi
n'est pas tant à dédaigner et qu'avant longtemps, je l'espère,
nous pourrons constater lesbons effets de cette semence que
nous répandons aujourd'hui au milieu de notre jeune po-
pulation.
Quoique dans l'enseignement notre clergé prenne une part
active, je devrais dire prééminente, nous comptons aussi, à
côté d'institutions de plus ou moins grande importance ré-
gies par des prêtres et par des religieuses, des établissements
du môme genre dirigés par des laïques qui assez souvent ap-
partiennent à la religion protestante. Jamais le contact fré-
quent provenant de cet état de choses n'amène de froissements
religieux ; il n'a produit jusqu'ici qu'une noble émulation de
nature à contribuer considérablement au progrès général.
Notre enseignement se divise en trois classes :
10 L'enseignement supérieur.
2o L'enseignement secondaire.
3o Renseignement élémentaire.
11 est admis que nous avons un nombre relativement consi-
224 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
dérable de maisons affectées à réducation supérieure, et j'ai
le plaisir de leur rendre- ici cette justice, que toutes ont su les
rendre recommandables et dignes d'être encouragées. (App.)
Nous possédons trois universités qui ont le pouvoir par les
chartes royales de conférer des degrés dans les sciences et
les lettres.
En premier lieu je citerai l'Université-Laval qui, comme
chacun s'accorde à le reconnaître est une des maisons de
haute éducation des plus complètes qu'il y ait sur le continent
américain ; puis, les excellentes universités protestantes an-
glaises, McGill à Montréal, et Bishop's Collège à Lennoxville.
Viennent ensuite un assez grand nombre de collèges dont
les cours classiques sont aussi complets qu'en aucun pays du
monde.
Dans la seconde catégorie nous trouvons l'école polytech-
nique de Montréal où l'on enseigne les différentes branches
des arts et des sciences et qui a donné jusqu'ici des résultats
exceptionnellement satisfaisants et a fourni un certain nombre
de sujets remarquables. Plusieurs jeunes gens sortis de cette
école occupent d'excellentes positions comme architectes ou
ingénieurs dans les différentes provinces du " Dominion " et
ailleurs ; les écoles normales Laval à Québec, Jacques-Cartier
et McGill à Montréal d'où sont sortis la plupart des institu-
teurs distingués qui constituent le noyau principal de notre
corps enseignant ; les HighSchools de Québec et de Montréal ;
un grand nombre d'académies catholiques et protestantes et
les excellentes maisons dirigées par les Frères des écoles chré-
tiennes.
Toutes ces institutions, à l'exception de l'Université-Laval
et des séminaires de Québec et de Montréal, reçoivent une
subvention de l'Etat sur les sommes accordées, comme aide, à
l'instruction publique.
Mais pour nous tous, Messeigneurs et Messieurs, ce qui doit
présenter le plus d'intérêt, c'est le développement qu'a acquis,
comme je le faisais remarquer il y a un instant, notre ins-
truction élémentaire, c'est-à-dire, la seule qui, le plus souvent,
soit à la portée des classes peu aisées de nos campagnes, et
DISCOURS DE l'honorable gédéon oulmet, c. r. 225
qui, dans tous les rangs de la société, sert de base à une ins-
truction plus complète et dont dépend souvent l'avenir des
enfants qui la reçoivent.
Je vous dirai en peu de mots sur quoi repose notre système
scolaire élémentaire qui a été considéré comme un des plus
parfaits qui existent, par les hommes spéciaux chargés pen-
dant la grande exposition de Paris, d'examiner les résultats
obtenus par les systèmes scolaires en vigueur chez les diffé-
rents peuples du monde, et qui a valu à la province de Québec
4 diplômes, 4 médailles de bronze et 4 distinctions honorifi-
ques de première ordre.
Pour l'application de ce système d'éducation, la province
est divisée en municipalités scolaires, régies par 5 commis-
saires d'écoles. Mais quand, dans une localité il existe un cer-
tain nombre de familles qui ne partagent pas les croyances
religieuses de la majorité des habitants, celles-ci ont le droit
d'avoir pour leurs enfants des écoles séparées qui sont con-
trôlées alors par trois syndics. Chacune de ces écoles reçoit
alors du gouvernement une subvention proportionnée au
nombre d'enfants en âge de fréquenter les écoles. Le montant
que le gouvernement débourse ainsi chaque année, s'élève au
chiffre assez rond de $163,000.
Je viens de dire, Commissaires et Svndics d'écoles :
lo Ce dualisme est le corollaire du dualisme des religions
et des nationalités qui se partagent le pays. L'Etat protège
également le Français et l'Anglais et partant les deux croyan-
ces religieuses. De fait l'Etat s'unit aux deux cultes, et en ma-
tière d'éducation, il n'autorise pas une école à être athée ;
mais s'il lui demanda d'être chrétienne pour lui accorder ses
secours, il n'exige pas qu'elle appartienne à une église plutôt
qu'à une autre. Liberté pleine et entière sous ce rapport ; et
de là, harmonie parfaite dans la population.
2o Ces deux corps de commissaires et de syndics représen-
tent le peuple. Ils engagent qui ils veulent, administrent suivant
la loi, etc. Donc, pas de conflit de religion, ni de nationalité.
3o. Nous n'avons pas de conseils, encore moins de leçons à
donner à l'étranger ; mais il nous est permis de nous féliciter
226
PREMIER CONGRÈS CATHOLIQITE TENU A' QUÉBEC
d'avoir su appliquer si avantageusement pour nous le grand
principe de la liberté d'enseignement.
Des inspecteurs d'écoles, au nombre de 39, sont tenus de
faire, deux fois par année, la visite de chaque école et de
fournir au département de l'instruction publique un état dé-
taillé de leurs opérations.
Enfin, pour aider le Surintendant dans ses travaux d'admi-
nistration, on lui donne un Conseil composé d'hommes hau-
tement recommandables et offrant, par leur honorabilité et
leurs capacités reconnues, toutes les garanties désirables,
nommés par le gouvernement et choisis dans les différentes
parties de la province. Qu'il me suffise de dire que dans ce
conseil formé de 17 catholiques et de 8 protestants entrent de
droit les 8 évoques de la province, chacun d'eux représentant
son diocèse qui se trouve être pour lui une division scolaire
dont il surveille la direction morale et intellectuelle. Ce con-
seil général se divise en comités catholique et protestant, le
premier composé de 17 membres, et le second de 8, ces der-
niers étant autorisés par la loi à s'adjoindre 5 membres sup-
plémentaires.
Le Conseil général de l'instruction publique est présidé par
le Surintendant dont la mission est de faire fonctionner tous
les rouages de notre système scolaire.
Je pense, Messeigneurs et Messieurs, que je ne pourrais ter-
miner le court résumé que je viens de vous faire de notre
système scolaire sans appeler votre attention sur celui qui en
est la cheville ouvrière, l'instituteur dont le rôle efTacé n'est
pas toujours, tant s'en faut, apprécié à sa juste valeur. On
tiejit généralement peu de compte de la somme considérable
de dévouement que doivent posséder les instituteurs et les
institutrices qui se consacrent à l'instruction de nos enfants.
On oublie trop souvent que les personnes qui se livrent à l'en-
seignement exercent une sorte de sacerdoce et ne font pas un
métier. On ne se rappelle pas assez que leurs fonctions sont
toutes intellectuelles et morales, et qu'elles sont responsables
vis-à-vis de la société tout entière des enfants qui leur sont
confiés et dont elles peuvent si facilement fausser le cœur et
DISCOURS DE l'honorable gédéon ouimet, c. r. 227
le caractère, si elles ne possèdent pas la vocation de l'apostolat
auquel elles se sont vouées. Car, si l'instruction fait des sa-^
vaT^ts, l'éducation morale et chrétienne seule fait de bons
citoyens. Et que donne-t-on à l'instituteur en échange de tant
de dévouement, au sacrifice des plus belles années 'e sa jeu-
nesse, et souvent de sa vie tout entière ? Rien ou à peu près
rien. Le plus souvent une vieillesse nécessiteuse attend ceux
qui se sont ainsi dévoués à l'accomplissement de leurs devoirs
difficiles.
Dans notre province, nous devons le reconnaître, Messei-
gneurs et Messieurs, l'Eglise et l'Etat se sont toujours donné
fraternellement la main pour toutes les questions importantes
en rapport avec l'éducation ; tons les deux ont une mission à
laquelle ils ne peuvent faillir sans qu'il en résulte aussitôt de
profondes perturbations dans l'ordre social.
De tous temps l'Eglise a été la grande éducatrice du genre
humain. Dans les âges les plus reculés nous voyons le sacer-
doce investi de la glorieuse prérogative de conserver le dépôt
précieux des traditions et des connaissances, et de répandre
autour de lui la lumière de la sagesse dont il était le gardien
vénéré. C'est ce que l'on constate chez le peuple juif et chez
les nations mêmes qui ne possédaient qu'une vague idée de
la révélation primitive. Plus tard, lorsque l'Eglise vint don-
ner au monde des doctrines civilisatrices, son œuvre de régé-
nération ne fut rien autre chose qu'une œuvre d'éducation.
Il lui fallut frapper les intelligences et agir sur les cœurs. Elle
frappa les intelligences, en établissant la supériorité des dog-
mes de la vérité sur les superstitions païennes et les fictions
mythologiques. Elle agit sur les cœurs, en y introduisant la
morale évangélique qu'elle fit triompher des passions hon-
teuses auxquelles l'abjection humaine avait élevé des temples.
Et quand les races barbares, poussées par le souffle de Dieu,
firent crouler l'empire omain sous leurs impétueux élans,
l'Eglise, au nom du Christ, les instruisit et les civilisa. Ce fut
elle qui, pendant les premiers siècles, conserva au fond de ses
monastères et de ses abbayes ces précieux documents aux-
quels vinrent puiser plus tard ceux qui s'étaient donné la
228 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
mission d'enseigner ou de combattre par la parole et par la
plume.
La plus grande et la première institutrice des hommes, dès
l'âge où l'intelligence de l'enfant commence à se développer,
l'Eglise, s'approche de lui et lui parle le seul langage qu'il
puisse encore comprendre. Par des images qui n'appartien-
nent qu'à elle, elle provoque chez lui l'admiration de ce qui
est beau et lui inspire l'horreur de ce qui est mal. Elle en
fait des hommes à l'âme vigoureusement trempée, prêts à
affronter sans fléchir les tourmentes sociales.
Faire des citoyens utiles à la société et à leur pays, telle a
toujours été l'oeuvre de l'Eglise.
Le rôle de l'état dans l'éducation du peuple est aussi d'une
grande importance, car de la culture intellectuelle des indi-
vidus dépendent le bonheur et la prospérité des nations.
L'état est donc grandement intéressé à encourager une édu-
cation saine et morale, car il est le premier à bénéficier des
lumières et des vertus qu'elle aura développées.
Un peuple qui appliquerait rigoureusement les principes
Lien entendus du vrai, du bien et du beau, serait le premier
peuple du monde. Il offrirait le spectacle d'une civilisation
incomparable où tout fleurirait à la fois, les lettres, les scien-
ces, les arts, les industries, réglés par l'alliance harmonieuse
de la religion et du patriotisme.
Ainsi, Messeigneurs et Messieurs, deux grands intérêts se
rencontrent sur ce même terrain : l'intérêt religieux et l'inté-
rêt social ; mais entre les deux il ne doit pas y amr conflit, il
doit y avoir concours. A l'Eglise il faut des chrétiens; à
l'Etat il faut des citoyens. Or, comme entre ces deux qualités
il y a des relations intimes et profondes, comme le chrétien
sincère est toujours un bon citoyen, l'Eglise et l'Etat doivent
combiner leurs efforts pour en arriver à la réalisation de cette
œuvre sublime : l'élévation de l'homme.
Voilà l'idéal d'un vrai système d'éducation nationale ; l'E-
glise exerçant librement son influence civilisatrice et son ac-
tion souveraine sur le cœur, le caractère et l'intelligence :
l'état travaillant de son côté à multiplier les centres d'activité
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 229
intellectuelle par la généreuse et équitable distribution de ses
deniers, par des récompenses accordées au vrai mérite, par le
soin qu'il apporte au choix de ceux à qui il confie la direction
de sa jeunesse, par sa tendance constante à élever le niveau
intellectuel et moral des générations qui grandissent. C'est
cette union féconde de l'Eglise et de l'Etat, dans ce travail
éducateur qui donne à un peuple les plus sûres garanties de
prospérité pour le présent et de sécurité pour l'avenir.
Messeigneurs et Messieurs, cet idéal théorique d'une éduca-
tion parfaite auquel je songe parfois, quand j'approfondis
toutes les responsabilités des devoirs de la charge que je tiens
de Dieu et de mon pays, nous ne l'avons pas encore atteint
dans la pratique. Mais, espérons-le, grâce aux éléments que
nous possédons, la Providence aidant, notre système produira,
sinon des hommes parfaits, car il n'en existe pas sur la terre,
au moins d'excellents chrétiens et des citoyens irréprochables.
[Applaudissements prolongés.)
Sa Grandeur Mgr Laflèche, évoque des Trois-Rivières, prit
ensuite la parole sur le sujet suivant : " L'Eglise et la liberté."
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE
l'église et la liberté
Monseigneur., Mesdames et Messieurs.,
I
En me rendant aujourd'hui à l'invitation qui m'a été faite
de prendre la parole en cette circonstance solennelle, j'éprouve
une émotion inaccoutumée, je me sens un peu comme le pois-
son hors de son élément. Habitué à l'autorité de la parole
qui tombe du haut de la chaire chrétienne, je ne me sens
point appuyé ici de la force de Celui qui a dit à ses envoyés :
" Allez, enseignez toutes les nations... Qui vous écoute, m'é-
coute." Ce n'est point comme évoque, ni en qualité de pasteur
15
230 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
de l'Eglise, que je parle en ce moment ; voilà pourquoi
le sentiment de ma faiblesse m'intimide plus qu'à l'ordi-
naire.
Cependant, en jetant un coup d'œil sur l'enceinte qui nous
réunit, sur l'auditoire sympathique qui m'écoute, je m'aper-
çois que je ne suis point en pays tout à fait étranger à mes
habitudes, je me retrouve un peu dans mon élément. En effet,
si ma parole ne tombe point du haut de la chaire où s'enseigne
la science divine, elle se fait entendre au moins dans le sanc-
tuaire où s'enseigne la science humaine en harmonie avec la
science divine : car tel est bien le caractère fondamental de
toute université catholique, en particulier de l'Université-
Laval, née sous l'inspiration de l'Eglise, confiée à la direction
de ses prêtres, et protégée par la haute surveillance de ses
évêques. C'est dans cette enceinte bénie que viennent se former
les jeunes générations qui auront bientôt à prendre part aux
luttes de la vie dans les diverses professions auxquelles les
appelle la divine Providence. C'est ici qu'elles viennent ap-
prendre à se servir des armes puissantes de la science et de la
vertu pour s'enrôler dans la grande armée qui a pour mission
de défendre la vérité contre l'erreur, le bien contre le mal, la
liberté contre l'esclavage, en un mot de faire prévaloir ici-bas
le règne de Dieu contre la tyrannie de satan.
Tous les enfants de l'Eglise sont soldats de cette grande
armée, et doivent nécessairement prendre part à la lutte, cha-
cun au poste où l'a placé la Providence. Plus heureux que le
soldat ordinaire, la victoire lui est assurée, s'il fait son devoir,
la couronne étant promise à celui qui aura combattu légiti-
mement. {App.)
Dans l'auditoire sympathique qui m'écoute, je vois d'abord
les nobles représentants de la vieille France, telle qu'elle était
au temps où elle envoyait ses hardis explorateurs à la décou-
verte de nouveaux royaumes, pour y étendre le règne de
Jésus-Christ, et où quelques-uns de ses plus courageux enfants
vinrent arborer l'étendard de la croix et de la véritable civili-
sation dans la vallée du grand fleuve qu'ils ont si heureuse-
ment baptisé du beau nom de St-Laurent : nom prophétique
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 231
de la victoire que la civilisation chrétienne devait y remporter
sur la barbarie sauvage qui l'habitait alors. {App.)
Soyez les bienvenus, Messieurs, vous êtes nos frères, nous
parlons encore la belle langue de vos mères, et dans la grande
épreuve que traverse l'Eglise dans votre illusti'e patrie, vou's
avez conservé la foi vive de nos pères. Visitez nos familles
canadiennes, et vous y retrouverez, j'en ai la conviction, ces
mœurs douces et polies que nous a léguées la France chré-
tienne du siècle de Louis XIV. La franche et cordiale hospi-
talité que vous recevrez dans ces familles patriarchales du
Canada, vous fera connaître la religieuse fidélité avec laquelle
notre petit peuple a conservé les saintes et chrétiennes tradi-
tions que lui avait léguées la fille aînée de l'Eglise. (App.)
Je vois également ici les membres du Cercle catholique de
Québec, formé sous les auspices de l'autorité religieuse, et qui
a déjà reçu avec la bénédiction du Vicaire de Jésus-Christ
plusieurs faveurs insignes comme récompense de son zèle à
propager et à défendre la vérité catholique. {App.)
Merci, Messieurs, de la bonne pensée que vous avez eue de
donner à notre fête nationale son véritable caractère, par la
convocation de ce Congrès catholique. Tout le monde sait
que la foi catholique est l'un des éléments constitutifs de la
nationalité des Canadiens français. Il était très important de
l'affirmer dans cette grande manifestation de notre vie natio-
nale. Sans aucun doute, tous les citoyens distingués que
vous avez invités à prendre part à cette réunion fraternelle,
partagent vos sentiments d'amour pour la vérité, de dévoue-
ment à la cause sacrée de l'Eglise notre mère commune et
d'attachement inébranlable à notre chère patrie.
Je puis donc dire avec vérité en m'identifiant avec cet audi-
toire distingué que nous n'avons tous qu'un cœur et qu'une
âme : " Cor unum et anima una.'' [App. prol.)
n
La bienveillance et la sympathie de tous m'est assurée,
quand je viens leur parler de ce qui a fait l'honneur de l'Eglise
dans sa longue marche à travers les siècles, de ce qui a pro-
223 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUEBEC
curé la paix et la prospérité aux peuples dociles à ses ensei.
gnements ; je veux dire la liberté.
Oui, Messieurs, c'est de la liberté dans ses rapports avec
l'Eglise que je viens vous entretenir quelques instants ce soir :
de ce don par excellence que le Créateur a fait à ses ang^is
dans le ciel,, et à l'homme sur la terre. Ce privilège essentiel
aux créatures douées d'intelligence et de volonté, leur donne
le moyen d'atteindre leur fin et d'arriver au véritable bonheur,
si elles en fout un légitime usage, mais aussi leur laisse la
terrible alternative de la souffrance et du malheur si elles en
abusent.
Ce n'est pas seulement l'homme isolé et pris individuelle-
ment que Dieu a élevé à la dignité d'être libre ; c'est aussi
l'homme pris collectivement et formant la personne morale
que l'on appelle la société., qu'il a doué de ce noble privilège.
La liberté est la pierre fondamentale sur laquelle repose
nécessairement le bonheur de la famille, de l'état et de l'Eglise.
En dehors de la liberté, je ne vois que l'esclavage, et avec
l'esclavage, la dégradation et l'abrutissement. " Dépouillez
" l'homme de sa liberté, a dit le grand philosophe San-Seve-
" rino, c'est lui ravir sa famille, sa patrie, sa religion, c'est
'' l'égaler en tout à la brute."
Il n'est donc pas étonnant que ce mot fasse vibrer dans
toute leur force les ressorts les plus puissants et les fibres les
plus intimes du cœur humain, puisque la liberté tient à la
nature même de son être. Le. Docteur angélique dit en effet
que " tout être doué d'intelligence et de volonté est nécessaire-
'' ment libre." Dieu a créé l'homme ici-bas pour être heu-
reux, mais il a voulu qu'il le fût librement, la première loi de
sa nature est le désir du bonheur.
Mais le Créateur a voulu que l'homme marchât librement
vers la réalisation de ce désir, et qu'il arrivât à ce bonheur
par le bon usage de sa liberté.
Il est donc bien important, en parlant de liberté, de donner
avant tout, une notion exacte de cette puissance merveilleuse
dont le seul nom soulève les masses populaires, comme le
vent soulève les flots de la mer. Il est facile de comprendre
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 233
quels désastres pourrait entraîner la moindre erreur sur ce
point capital, puisque de cette connaissance exacte de la liberté,
dépend la direction qu'il faut donner à cette puissance irrésis-
tible pour conduire l'homme et la société au bonheur ou à
l'abîme. Cette connaissance est d'autant plus nécessaire dans
les jours mauvais que nous traversons, que des hommes
égarés ou pervers font plus d'efforts pour l'obscurcir et la
fausser dans l'esprit des populations.
Qui peut dire aujourd'hui le nombre de ceux qui confondent
la liberté avec la licence, et qui proclament bien haut que la
liberté implique le droit de faire le mal, comme le droit de faire
le bien, qui mettent sur un pied d'égalité la vérité et l'erreur ?
Hélas ! ces hommes aveugles confondent ainsi la lumière
avec les ténèbres ; l'usage légitime d'une chose excellente,
avec l'abus de cette môme chose. La liberté véritable et bien
comprise, c'est le vent favorable qui pousse sûrement le vais-
seau vers le port sous la direction de la boussole. La licence,
au contraire, c'est la tempête qui l'emporte sans boussole sur
les récifs où un naufrage certain l'attend. La liberté et la
licence sont les pôles opposés du monde moral, le premier con-
duit l'homme au Ciel, le second l'achemine vers l'enfer.
L'Eglise en nous donnant avec une certitude infaillible la
véritable notion de la liberté, et en nous traçant de môme la
limite où s'arrôte son domaine, et où commence le domaine
de la licence, a rendu et rend encore tous les jours un insigne
service à l'homme et à la société. {App.)
Voici comment elle expose cette doctrine par l'un de ses
plus grands docteurs. " C'est la fin dernière d'un être raison-
nable, individuel ou collectif, dit saint Thomas, qui détermine
en fait de liberté, et l'usage légitime, et l'abus qui est toujours
coupable.
Ainsi la fm de l'homme, de la famille, de la société étant le
bonheur auquel le créateur veut les conduire librement, il
s'en suit que tout ce qui tend à cette fin et les en approche?
est du domaine de la liberté : et que tout ce qui s'y oppose ou
en détourne, est du domaine de la licence, et constitue l'abus
de la liberté.
234 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
La liberté, la seule vraie liberté, est donc le pouvoir que
possède un être raisonnable de marcher vers sa fin, de l'at-
teindre, et d'user sans obstacles de tous les moyens qui peuvent
l'aider à y parvenir.
S. Anselme la définit encore plus clairement en deux mots :
" La liberté, dit ce grand docieur de l'Eglise, la liberté, c'est
••' le pouvoir de faire le bien."
Le pieux et savant Mgr de Ségur enseigne la môme doctrine
en disant que : " La liberté est la puissance que possède un
" être d'accomplir pleinement et en toutes choses la très sainte
" volonté de Dieu."
Cette notion de la liberté, si claire et si précise, donnée par
les plus grands docteurs et les plus beaux génies dont s'honore
l'humanité, nous montre clairement que le pouvoir de faire
le mal n'appartient nullement à l'essence de la liberté, ce n'est
au contraire qu'un défaut de liberté.
" Xe pouvoir de faire le mal, dit S. Anselme, n'est ni la
" liberté, ni une partie de la liberté."
" Il faut, dit S. Thomas, raisonner du libre arbitre comme
'■'■ de l'entendement: le libre arbitre ou la liberté, choisit parmi
" les actes qui se rapportent à la fin ; l'entendement tire les
" conclusions des principes. Que si en tirant une conclusion,
" l'entendement se trompe, c'est une imperfection, une fai-
" blesse de sa part. De môme, si le libre arbitre se trompe en
" faisant un choix contraire à la fin dernière de l'homme, ce
'•'■ n'est pas une perfection mais une faiblesse et un défaut. De
'* là il résulte que la liberté est plus grande dans les anges qui
" ne peuvent pas pécher, qu'en nous qui pouvons pécher."
L'ange de l'école enseigne donc que la liberté est le pouvoir
de faire le bien, comme l'entendement est la faculté de con-
naître le vrai.
La possibilité de faire le mal n'est donc pas plus de l'essence
de la liberté, que la possibilité de se tromper, n'est de l'essence
de l'entendement, que la possibilité d'être malade, n'est de
l'essence de la santé. Etre peccable est donc un défaut dans
la liberté, comme être faillible est un défaut dans l'entende-
ment, et être maladif un défaut dans la santé.
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 235
Non, Messieurs, personne n'a le droit d'entrer dans les voies
de l'erreur, et de faire le mal ; pas plus la société que l'indi
vidu. Celui qui le fait, entre dans le chemin qui conduit à
l'esclavage. I^a liberté, c'est la vérité, le bien, l'ordre, la paix,
le bonheur. La licence, ou l'abus de la liberté, c'est l'erreur,
le mal, le désordre, la ruine, l'esclavage et la mort. [App.)
III
La première condition nécessaire à l'exercice de la liberté,
est la connaissance de la vérité. La liberté de l'homme est
d'autant plus parfaite qu'il voit plus clairement la vérité :
comme aussi elle diminue en proportion des ténèbres que
l'erreur répand dans son intelligence. " Vous connaîtrez la
vérité, dit le Libérateur du genre humain, et la vérité vous
donnera la liberté." " L'essence de la liberté, dit le prince des
philosophes, S. Thomas, dépend entièrement de la mesure de
notre connaissance." Il s'en suit donc que les peuples qui au-
ront le mieux connu et accepté la vérité, seront ceux qui au-
ront joui de la plus grande et de la plus véritable liberté ; et
par contre, que ceux où l'erreur aura été la plus profonde,
auront aussi été les peuples que l'esclavage aura le plus
dégradés et abrutis.
En conséquence. Dieu qui veut conduire l'homme et la
société au bonheur par la liberté, leur a donné un moyen
facile et infaillible de reconnaître la vérité. Le Sauveur venu
pour éclairer les hommes plongés dans les ténèbres et assis à
l'ombre de la mort, et les délivrer du terrible esclavage dans
lequel les avaient réduits les monstrueuses erreurs du paga-
nisme, a institué son Eglise en la fondant sur le roc inébran-
lable de l'éternelle vérité et l'a chargée d'enseigner la science
du salut social aussi bien que celle du salut individuel, à
toutes les nations, jusqu'aux extrémités de la terre, et jusqu'à
la fin des temps. Pour cela, il l'a revêtue d'une autorité
hiconnue jusque-là dans le monde. La puissance qui lui avait
été donnée dans le ciel et sur la terre, il l'a déléguée à son
Eglise, et il a enjoint à tous les hommes sans exception de se
soumettre à cette autorité dans tout ce qui touche à l'ensei-
236 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
gnement de la vérité et à la direction des consciences. Rois
et peuples sont obligés comme le plus humble des enfants
d'Adam, d'accepter cet enseignement et de se soumettre à cette
autorité.
Mais, dira t-on, que devient la liberté des sociétés humaines
en présence de cette autorité ?
Ce que devient la liberté des sociétés humaines, messieurs,
en présence de cette autorité divine incarnée dans l'Eglise ?
Elle devient ce qu elle doit être ; elle devient la véritable
liberté; la liberté des enfants de Dieu qui les composent.
Elles obéissent librement et avec bonheur au meilleur de tous
|es pères qui ne leur défend que ce qui peut les conduire à
l'esclavage et les rendre malheureuses ; et qui ne leur prescrit
que ce qui doit les conduire au bonheur dans la plénitude de
la liberté, leur laissant le choix des moyens à prendre pour y
parvenir.
Non, la société des enfants de Dieu obéissant fidèlement à
cette suprême et paternelle autorité n'aura plus à subir le
despotisme des Césars et la tyrannie des Brutus, ou ce qui est
pis, le despotisme de l'état athée, c'est-à-dire, sans Dieu, et la
tyrannie de la démagogie révolutionnaire. Les Césars eux-
mêmes et tous les potentats monarchiques ou républicains
apprendront d'elle que l'autorité dont ils sont revêtus vient de
Dieu et qu'ils n'auraient aucun pouvoir, s'il ne leur eût été
donné d'en haut. L'Eglise leur enseignera que le glaive dont
ils sont armés ne leur a été donné que pour la défense du
bien, et la répression du mal, pour la protection des bons
contre les méchants ; mais jamais pour opprimer ceux que la
Providence a soumis à leur autorité. *
Non, le Créateur n'a point établi l'autorité dans le monde
pour gêner la liberté, encore moins pour l'opprimer, mais bien
pour la diriger sûrement et la protéger contre les mille dan-
gers qui l'environnent de toutes parts et la menacent sans
cesse.
Non, Messieurs, l'autorité du Pontife dans l'Eglise et celle
du Souverain dans l'état, ne gêne nullement la liberté de
l'homme et de la société ; pas plus que l'autorité de la bous-
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 237
sole et celle du pilote ne gène la liberté du navire qu'ils con-
duisent sûrement au port! L'enseignement du Pontife romain
dans le monde est la boussole des sociétés humaines : les chefs
des nations, empereurs, rois, ou présidents en sont les pilotes.
C'est en consultant au besoin cette boussole encore plus mys-
térieuse que celles qui dirigent les vaisseaux sur l'immensité
des mers, et en suivant fidèlement sa directi »n, qu'ils réussi-
ront à conduire les peuples qui leur sont confiés à la paix, à
la prospérité et au bonheur. (App.) C'est à cette condition qu'ils
pourront éviter les écueils formidables sur lesquels les pousse
la tempête révolutionnaire qui souffle partout en ce niumert,
et qui a déjà renversé tant de trônes, englouti tant de dynas-
ties, répandu tant de sang.
IV
Mais j'entends ici de nombreuses voix s'élever de toutes
parts et îa\ve de bruyantes réclamations en faveur de la liberté
et de l'indépendance absolue de l'état et de son chef ! On va
peut-être m'accuser de vouloir le rétablissement de la théo-
cratie du moyen-âge, voire même le rétablissement du pouvoir
papal, de déposer les rois et les empereurs ! Rassurez -vous,
Messieurs, la liberté de l'état et de son chef, n'a rien à craindre
de celui qui a pour mission de faire connaître et respecter la
loi de Dieu, et par conséquent de sauvegarder la liberté des
peuples et de leurs souverains.
L'histoire est là pour nous dire que la véritable liberté a
toujours disparu du monde à l'avènement de l'omnipotence
humaine, qui dans les temps anciens a trouvé se réalisation la
plus complète dans le despotisme brutal et sanguinaire de
l'empire romain. Il y a eu dans ces temps comme aujour-
d'hui, des peuples arrivés à un haut degré de civilisation.
Les arts, les lettres, les sciences étaient arrivés à leur apogée.
La Grèce et Rome avaient des législateurs, des capitaines, des
conquérants illustres ; des artistes, des poètes, des orateurs,
des philosophes devant lesquels de noir>^reux collégiens se
pâment encore aujourd'hui d'admiration, x côté de ces bril-
lantes civilisations, il y avait ce que l'on appelait les barbares
238 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉREC
qui avaient aussi leur organisation sociale plus ou moins
avancée et qui n'avaient guère d'autre code de législation que
celui du glaive ! Le despotisme monarchique de ces antiques
civilisations avait son contre-poids dans le despotisme anar-
chique qui assassinait régulièrement les princes dont la tyran-
nie était devenue intolérable.
Dans ces heureux temps du règne de la force brutale, les
neuf dixièmes des populations étaient détenues dans le plus
cruel et le plus dégradant esclavage : il n'y avait pas de place
au soleil pour les adorateurs du vrai Dieu, lequel était incon-
nu de ces sociétés despotiques. La liberté, la vraie liberté
était descendue dans les catacombes avec les chrétiens.
La môme histoire nous apprend qu'après une lutte trois fois
séculaire, et des torrents de sang chrétien versé, l'Eglise
réussit enfin à briser ce joug de fer qui opprimait les nations,
et sortit triomphante des catacombes avec la véritable liberté.
{App.) Sous la paternelle direction des Papes, l'esclavage s'est
adouci peu-à-peu ainsi que la barbarie des peuples du Nord.
Après avoir exécuté les jugements de Dieu sur l'empire
romain et vengé le sang des martyrs, ces peuples ont été don-
nés en héritage à l'Eglise qui les a accueillis avec une ten-
dresse véritablement maternelle. La Papauté avec ses évêques
et ses moines les a civilisés graduellement et dotés de la
liberté sociale en leur apprenant à respecter dans leurs souve-
rains les représentants de Dieu et les dépositaires de son auto-
rité. Ces souverains apprenaient en même temps que le
pouvoir dont ils étaient investis leur était donné pour le bien
de leurs peuples, et qu'ils devaient les gouverner conformé-
ment à la loi de Dieu. C'est ainsi que les Papes ont fait l'édu-
cation sociale de ces peuples barbares qui sont devenus les
nations modernes de l'Europe si supérieures à tous les peuples
qui n'ont pas encore ressenti le souffle vivifiant de l'Eglise, et
qui sont demeurés dans les ténèbres et assis à l'ombre de la
mort. {App.)
V
Voilà, Messieurs, ce qu'a produit la théocratie du moyen-
âge, que les ennemis de l'Eglise et du Pape ont si injustement
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 239
calomnié, ot que tant de catholiques, fort instruits d'ailleurs,
connaissent si mal.
Je le répète sans crainte ; la liberté de l'état et de son chef
n'a rien à craindre de la bienfaisante influence du Pontife
romain sur la société civile. Là n'est point le danger. Tout
homme sincère qui étudiera de bonne foi cette grave question
s'en convaincra facilement.
Le pouvoir de déposer les souverains prévaricateurs, ou
tyrans, ou oppresseurs de leurs peuples, a toujours existé et il
existera toujours. Les despotes monarchiques ou républicains
peuvent en prendre leur parti, il faudra bon gré malgré en
subir les sentences, car ils seront toujours justiciables du tri-
bunal où s'exercera ce pouvoir contre lequel il n'y a pas de
résistance possible. Ce pouvoir a sa source en Dieu lui-même
qui juge les rois et les peuples, les élève ou les abaisse selon
qu'ils le méritent.
Dans sa miséricorde, il a confié l'exercice de '"e pouvoir re-
doutable au tribunal paternel et miséricordieux de la Papauté ;
c'est là que les peuples chrétiens maltraités, quelquefois
tyrannisés par des despotes qui avaient perdu toute crainte
du Seigneur et de sa justice, allaient porter leur plainte. Tou-
jours le respect dû à l'autorité et les droits de la souveraineté
y étaient fermement maintenus. Mais les actes tyranniques,
la spoliation et l'oppression des faibles et des petits par les
potentats sans foi ni loi, y étaient appréciés et jugés impartia-
lement, et la foi vive de ces peuples leur faisait exécuter la
sentence dans laquelle la justice était presque toujours tem-
pérée par une grande miséricorde. Dans les cas extrêmes, et
quand le mal ne comportait plus d'autre remède, la sentence
de déposition était prononcée contre le souverain prévarica-
teur et incorrigible, au nom de Dieu, juge suprême des rois et
des peuples, et en vertu du pouvoir régulièrement délégué au
Père commun des chrétiens.
Voilà ce qu'était ce pouvoir papal de la déposition des rois
et des empereurs, contre lequel l'ignorance, la mauvaise foi,
et surtout la haine du Seigneur et de son Christ ont déversé
tant de mensonges et amoncelé tant de calomnies. Les peuples
240 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉpEG
trompés par ces oppresseurs de l'humanité ont cessé de recourir
à cet auguste tribunal, et les souverains eux-mêmes, séduits par
l'espoir d'une indépendance absolue, et sans contrôle aucun,
s'en sont applaudis comme d'une précieuse victoire ! Mais celui
qui habite dans les cieux a ri de leur folie et s'est moqué de
leurs projets insensés. Au tribunal paternel de la pajjauté, il
a substitué le tribunal sans entrailles de la révolution, qui,
depuis plus d'un siècle, siège en permanence dans les ténèbres
des loges maçonniques. C'est là que les souverains à tous les
degrés et les hommes d'ordre de tous les pays qui ne gouver-
nent pas au gré de ces maçons démolisseurs et surtout qui ne
travaillent pas avec assez d'ardeur au renversement de l'Eglise
et de l'ordre social chrétien, sont accusés, jugés, condamnés
sans être entendus et sans appel. La sentence portée par ce
tribunal infernal doit être exécutée sans miséricorde, et sous
peine de mort par quelques séides de ces sociétés ténébreuses
qui aujourd'hui font trembler l'Europe, et ont mis l'assassinat
des souverains à l'ordre du jour.
Et maintenant, peuples et rois, comprenez, et voyez de quel
côté se trouve la liberté, le pouvoir de faire le bien sans obs-
tacles et de conduire la société à la paix et au bonheur ? Si
c'est du côté de l'Eglise ou du côté de la révolution ! {App. prol.)
VI
Quant à l'indépendance absolue de l'Etat et de son souve-
rain, elle n'a jamais existé et elle n'existera jamais, c'est un
leurre dont se servent les démagogues et les despotes pour
tromper les peuples qu'ils veulent opprimer en substituant
leurs caprices et leur tyrannie aux éternelles lois de la justice
et de l'équité. Seules ces lois peuvent donner la paix et la
prospérité aux nations en leur assurant la liberté. C'est ce
que proclamait le Roi-Prophète, il y a trois mille ans : " La
"justice et la paix se sont embrassées. c'est la justice
" qui élève les nations et c'est le péché qui rend les peuples
" misérables " ! ! Non, jamais les nations, ni leur chef ne
pourront se soustraire au souverain domaine du Dieu qui les
a créées, et sortir de sa dépendance. C'est par lui que les rois
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 241
régnent et que les législateurs font des lois justes. C'est par
lui que les princes commandent et que ceux qui ont la puis-
sance en main rendent la justice. C'est lui qui juge les souve-
rains prévaricateurs et condamne les peuples coupables ! Que
sont devenus les immondes Ghananéens et les Juifs déicides
qui leur avaient été substitués dans la Terre Promise ? Que
sont devenus les Grecs orgueilleux pour qui les autres nations
n'étaient que des barbares ? Et les fiers Romains qui avaient
étendu leur joug de fer sur le monde d'alors ? Demandez-le à
l'histoire et elle vous dira comment le Seigneur les a jugées,
punies et dispersées aux quatre vents du ciel.
C'est aussi le Seigneur qui écrit la sentence de l'impie
Balthazar à Babylone, et rejette le prévaricateur Saûl, en
Judée. L'apostat Julien tombé sous la flèche d'un soldat persan
confesse en blasphémant cette puissance suprême du Christ
sur les rois : " Tu as vaincu, Galiléen " ! Le plus puissant
monarque des temps modernes, Napoléon 1er, n'est-il pas aussi
lui un exemple frappant de la puissance que Dieu exerce
sur ces souverains prévaricateurs condamnés et rejetés de
Dieu ? Il en était venu à croire qu'un potentat qui avait à
son service une armée de cinq cent mille hommes com-
mardés par un génie comme le sien, pouvait impunément
faire la guerre à l'Eglise, et se moquer de l'excommunication
du Souverain Pontife. Il avait dit dans son orgueil en appre-
nant l'excommunication dont il était frappé : " Que prétend
le pape avec son excommunication ? pense-t-il faire tomber les
armes des mains de mes soldats " ? Le Dieu qui juge les po-
tentats se chargea lui-même de la réponse à ce blasphème et
la lui donna dans la désastreuse campagne de Russie. La
voici, telle que l'ont rapporté des témoins oculaires : '' Ces
vaillants soldats de la grande armée ne jetèrent point leurs
armes, mais le froid et la faim les leur arrachèrent des
mains ! " Le grand capitaine de son côté avait été véritable-
ment frappé d'un esprit de vertige.
C'est donc en vain que les nations frémissent et que les
peuples forment des projets insensés ; c'est en vain que les
rois forment des complots, et les princes des alliances contre
242 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
le Seigneur et contre son Christ ; c'est en vain qu'ils veulent
briser les liens qui les rattachent à Dieu et secouer le joug de
sa loi sainte, c'est en vain qu'ils veulent chasser Dieu de la
société, constituer des états sans Dieu, ou ce qui est la même
chose, séparer l'Eglise de l'Etat ! Celui qui habite dans les
cieux se rira et se moquera d'eux ; il leur parlera dans sa co-
lère, et les confondra dans sa fureur, en renversant tous leurs
projets impies et en les faisant disparaître du milieu des na-
tions. Telle est l'enseignement des Livres saints, de la véri-
dique histoire et de la saine raison. {App.)
Les partisans de l'Etat sans Dieu, ou ce qui est tout un, de
la séparation de l'Eglise et de l'Etat, peuvent en prendre leur
parti. C'est le Seigneur qui est le maître des peuples et des
rois, et il continuera de l'être malgré leurs révoltes insensées.
Vil
Il est un fait universel et constant, que l'on retrouve chez
tous les peuples et dans tous les temps, c'est que les sociétés
naissent, vivent et meurent sous l'action de trois forces. La
force morale, la force physique et la force révolutionnaire.
Ces trois forces s'incarnent dans trois hommes, le prêtre, le
soldat et le communard, et ces trois hommes reçoivent l'inves-
titure, l'exercice et la direction de ces forces de trois souve-
rains : le Pape, le Roi et le Chef occulte de quelque société
secrète. Ce fait universel et constant ne dépend pas de la vo-
lonté de l'homme, mais il tient à la nature même de la société
humaine et par conséquent il faut en chercher la cause et
l'explication dans l'auteur même de la société, dans la volonté
du Créateur qui a voulu que l'homme créé à son image et
à sa ressemblance vécut en société pour atteindre plus facile-
ment sa fin.
Or, si l'on remonte à l'origine, et si l'on recherche le fonde-
ment de toute société, on y trouvera toujours un acte reli-
gieux, sans lequel la société ne peut exister. Les païens eux-
mêmes reconnaissaient cette vérité et l'un de leurs philoso-
phes disait que fonder un Etat sans rintervention de la religion^
c^était bâtir une ville dans les airs.
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 243
Quel est donc cet acte religieux que l'on retrouve à la base
de toute société ? Cet acte religieux, messieurs, c'est le ser-
• MENT ! Sans le serment, il n'y a pas plus de société parmi les
hommes que parmi les loups. Les révolutionnaires eux-mêmes
sont forcés de rendre hommage à cette vérité. Pourquoi les
serments horribles qu'ils imposent à leurs sectaires ? Tout
pacte social, toute constitution préparée pour régler les rap-
ports d'hommes voulant vivre en société n'est et ne sera qu'une
lettre morte, tant que le Nom de Dieu ne sera pas intervenu
pour lui communiquer ce souflQ.e de vie, cette force mysté-
rieuse qui liera ces hommes entre eux jusque dans le plus
intime de leur être et dans les plus secrets replis de leur
conscience.
Gomme on le voit, c'est la force morale qui crée la société,
qui lui donne un point d'appui et une base inébranlable
dans la conscience humaine, c'est aussi cette force qui sera
toujours son plus solide appui ; et c'est l'Eglise qui la lui
fournit ! [App.)
Mais la société ainsi créée et organisée a besoin d'une direc-
tion qui la conduise sûrement vers la fin qu'elle doit atteindre.
Qui va la lui donner ? C'est encore l'Eglise. Elle a reçu de
Dieu mission de la conduire infailliblement en tout ce qui
touche à l'ordre religieux et moral auquel tout le reste est
subordonné.
La force physique vient alors en aide à l'Eglise pour main-
tenir la société sur cette base et la faire progresser dans cette
direction, elle écarte les obstacles qui s'opposent à sa marche
et combat les ennemis qu'elle rencontre et l'aide ainsi à at-
teindre sa fin, et Dieu a remis cette force aux mains de l'Etat.
De là l'union intime et nécessaire de l'Eglise et de l'Etat.
Du fonctionnement régulier et harmonieux de cette union
résulte nécessairement la liberté et la marche progressive de
la société, la paix, la prospérité et le bonheur de tous les
citoyens. D'un autre côté cette union ne gêne en rien la liberté
de l'Eglise, ni celle de l'Etat, mais au contraire, en assure à
l'une et à l'autre la pleine jouissance et le libre exercice. En
effet l'Eglise protégée par la puissance séculière peut se livrer
"244 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
sans obstacle, au ministère sublime qui lui est confié d'ensei-
gner les peujjles et de leur apprendre leurs devoirs envers
Dieu, envers leurs souverains et envers eux-mêmes. 11 est
facile de comprendre quel bien en résulte pour le respect et
la soumission dus à l'autorité, et combien devient honorable et
facile l'obéissance chez les populations qui savent que ceux
qui les commandent sont les ministres de Dieu pour leur bien,
et que le pouvoir dont ils sont revêtus vient de Dieu lui-
même.
L'Etat, en même temps, connaît avec certitude l'usage qu'il
doit faire de la puissance qui lui est confiée et comment il doit
se servir du glaive pour faire respecter l'Eglise et la Loi de
Dieu qu'Elle enseigne, protéger les bons et réprimer les mé-
chants, et assurer ainsi l'ordre et la paix dans la société. Une
des plus merveilleuses inventions des temps modernes, et qui
est en voie de changer la face du monde, nous présente une
image sensible de la nécessité et des avantages qui résultent
de l'union de l'Église et de l'Etat. C'est l'invention des che-
mins de fer. Voyez cette lourde locomotive ; avec quelle faci-
lité elle se meut sur les rails qui la soutiennent, et la dirigent ;
avec quelle rapidité elle emporte dans son long cortège de
chars les richesses du monde entier et les voyageurs qui lui
ont confié leurs personnes ! Voyez avec quelle sûreté elle tra-
verse les torrents, franchit les abîmes, contourne ou perce les
montagnes ! Dites-moi, messieurs, qui donne à cette merveil-
leuse et puissante machine le moyen de dévorer ainsi l'espace
et de faire disparaître ainsi les distances ? Qui assure la par-
faite liberté de tous ses mouvements ? Qui lui permet d'utiliser
ainsi au bénéfice de l'homme la force irrésistible de la vapeur
qui se forme dans son sein ? Ne sont-ce pas les rails qui la
soutiennent dans tout son parcours et la dirigent infaillible-
ment vers le terme de sa course ? Que pourrait-elle faire sans
l'appui de ces rails ? Se plaindra-t-elle de leur immobilité qui
assure la rapidité de sa marche, ou dira-t-elle que leur rigi-
dité qui l'empêche d'aller s'etfrondrer dans la profondeur des
abîmes, gêne sa liberté ? Ces rails eux-mêmes ont la solidité
€t l'immobilité du roc, la rectitude qui conduit infailliblement
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LAFLÈCHE 245
au terme du voyage par la voie la plus sûre et la plus courte.
Sans jamais fléchir sous le poids de la lourde locomotive, sans
jamais céder aux violentes secousses qui la poussent à côté de
la voie, ils la soutiennent et la dirigent infailliblement depuis
le commencement jusqu'à la fin de sa course. [App.)
Cette locomotive armée de l'énergie de la vapeur, c'est
l'Etat armé de la puissance du glaive, ces rails solides comme
le roc, droit comme la justice, c'est l'Eglise appuyée sur son
fondement divin et douée du privilège de Tinfaillibilité. Or
n'est-il pas évident pour tout le monde que la locomotive ne
peut se mouvoir sans s'appuyer sur les rails et qu'elle ne peut
s'en écarter dans sa marche sans tomber dans le précipice et
rouler en éclats, jusqu'au fond de l'abîme ? Tel a été et tel sera
toujours le sort de l'Etat qui ne s'appuiera point sur le fonde-
ment divin que lui présente l'Eglise ou qui dans un fol
orgueil voudra s'en séparer, il tombera inévitablement de
précipice en précipice et se brisera dans l'abîme des révo-
lutions. {App.)
Oui, messieurs, l'union de l'Eglise et de l'Etat est aussi né-
cessaire à la marche progressive et au salut des sociétés, que
l'union de la locomotive aux rails, l'est à la sûreté et au pro-
grès des convois. Les hommes d'Etat qui prêchent aujourd'hui
avec tant de zèle la séparation de l'Eglise et de l'Etat, agissent
aussi sagement que feraient des ingénieurs qui prétendraient
que désormais les locomotives n'ont plus besoin de rails et
qu'abandonnées à elles-mêmes elles fonctionneront avec plus
de liberté. Quant au rapport de subordination qui résulte né-
cessairement de l'union de l'Eglise et d( l'Etat il découle clai-
rement de la nature môme de ces deux pouvoirs. En tout ce
qui touche à l'ordre religieux et moral l'Etat est soumis à
l'Eglise comme les individus qui le composent ; il doit obéir à
ses décisions et suivre ses directions. La puissance spirituelle
dirige les esprits vers la fin pour laquelle Dieu a créé tout
iiomme. La puissance temporelle veille sur les corps pour en
conserver la santé et la sécurité afin que l'homme puisse plus
librement poursuivre sa fin dernière. Gomme la fin pour la-
quelle est fait le corps est subordonnée à celle pour laquelle
16
246 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
pst fait Tesprit, les puissances qui dirigent- vers l'une et l'autre
fm sont naturellement subordonnées Tune à l'autre dans la
même proportion. {App.)
VIII
Telle est la doctrine chrétienne sur la subordination entre
les deux puissances, entre le sacerdoce et l'empire, l'Eglise et
l'Etat. Ce que l'âme est au corps, l'Eglise l'est à la société.
Sans la justice, la morale, la religion et la vérité, la société
temporelle ne serait qu'un cadavre.
Aussi lorsque Dieu établit le peuple juif dans la terre pro-
mise et le constitue comme peuple, voyons-nous que Moïse,
son fidèle serviteur et par son ordre, institue les deux pouvoirs
dans la personne d'Aaron et de Josué. En même temps, il
règle les rapports de subordination entre ces deux puissances,
en ordonnant à Josué, le chef temporel de gouverner le peuple
selon la loi de Dieu, et pour cela d'étudier tous les jours cette
loi dont il recevra un exemplaire de la main du Grand Prêtre.
Dans les cas difficiles et douteux, Josué consultera le Grand
Prêtre, qui lui-même consultera le Seigneur. Et selon que le
Seigneur aura répondu au Grand-Prêtre, Josué agira et con-
duira le peuple.
N'est-il pas évident, Messieurs, que cet enseignement de la
religion, si clair, et si conforme aux lumières de la raison et
du bon sens, est en même temps pour tous les peuples la plus
forte et la plus sûre garantie de la véritable liberté. Non, le
peuple qui obéit fidèlement à la loi de Dieu, n'aura point à
subir le joug humiliant et cruel du despotisme et de la tyran-
nie monarchique ou démagogique. Voilà pourquoi le prophète
proclame heureux le peuple qui a Dieu pour maître. {App.)
Mais il y a une troisième force qui agit sur la société et
dont l'action incessante est de la dissoudre et de la détruire
complètement, en la soustrayant à l'action des forces qui l'ont
fait naître et progresser. Cette force, c'est la révolution. Elle
n'a jamais été aussi savamment et aussi puissamment organi-
sée qu'à notre époque. Jamais elle n'a exercé une séduction
aussi générale et aussi irrésistible. Gomme l'esprit qui Fins-
DISCOURS DE MONSEIfiNEUR LAFLÈCHE 247
pire, elle aime les ténèbres ; elle a son siège dans la profon-
deur des loges maçonniques et des sociétés secrètes. Elle hait
souverainement la lumière, parce que ses œuvres sont essen-
tiellement mauvaises. Le but suprême de ses aspirations est
le renversement de l'autel et du trône, l'asservissement, la
dégradation et l'abrutissement des populations. Ramener
l'homme à l'état d'une sauvage indépendance et l'envoyer
manger le gland des forets avec le singe qu'elle aime à lui
donner pour ancêtre, ou lui imposer le joug d'une autorité
brutale comme au bœuf stupide afin de le mieux exploiter,
voilà pour la révolution, l'idéal de la perfection humaine. Le
bonheur suprême qu'elle rêve pour l'homme est celui du che-
val et du mulet ! Sicut cquus et mulus quitus non est intellectus.
Comme le cheval et le mulet qui n'ont point d'intelligence.
Tel est l'homme que rêve la révolution. Le nombre de ses
dupes est incalculable, et leur aveuglement est incroyable.
Elle se recrute partout. Elle pénètre dans les conseils des
souverains, et elle trouve des dupes et môme des complices
jusqu'au pied des trônes qu'elle veut renverser ! Et faut-il le
dire, elle pénètre quelquefois dans les rangs du sanctuaire et
y réalise la prophétie de Daniel, en faisant entrer l'abomina-
tion de la désolation dans le lieu saint !
Oui, Messieurs, il est inutile de se le dissimuler, les sociétés
secrètes et maçonniques à notre époque, toutes reliées entre
elles par une organisation ténébreuse et infernale, forment
une véritable église satanique répandue dans tous les pays.
Elles ont l'unité dans la haine du Seigneur et de son Christ et
elles lui ont juré une guerre à mort dans la personne de ses
deux représentants sur la terre, le souverain spirituel et le
souverain temporel. Elles ont réussi à organiser la terreur
par le poignard, et à imposer à leurs infortunées dupes, le joug
le plus despotique qui ait jamais dégradé l'homme ! Liés par
les serments les plus terribles, les adeptes sont obligés d'obéir
sous peine de mort, à des chefs absolument inconnus, et d'exé.
cuter sans examen ni discussion les ordres qui leur sont don-
nés, fallût-il pour cela commettre les crimes les plus atroces,
l'incendiât, l'assassinat, le régicide.
248 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Cependant cette force révolutionnaire et destructive de tout
ordre social, est en la puissance du Seigneur et de son Christ.
Elle lui sert à châtier et punir les rois et les peuples coupables.
Quand l'autorité légitime n'a plus de prise sur eux et est im-
puissante à leo ramener dans le chemin du devoir et de l'obéis-
sance, le Seigneur les abandonne au pouvoir de la révolution
pour les briser comme un vase d'argile : C'est ainsi que celui
qui habite dans les cieux se rit et se moque des projets insen-
sés et des complots que forment les peuples et les princes
rebelles à sa loi sainte pour secouer le joug si suave de son
Eglise, joug qu'il leur a imposé pour les conduire sûrement
dans le chemin de la véritable liberté et les faire arriver heu-
reusement au bonheur. {App.)
Voilà ce que nous enseigne l'histoire parfaitement d'accord
avec la révélation sur ce sujet important.
En effet, voici l'enseignement des livres saints sur la royauté
du Christ ; nous le trouvons résumé dans le second psaume
de David :
" Le Seigneur m'a dit : tu es mon fils, je t'ai engendré au-
" jourd'hui... je te donnerai les nations en héritage et les
" limites de ton empire s'étendront jusqu'aux extrémités de la
" terre." " Ainsi j'ai été établi roi sur la montagne sainte de
" Sion, et je dois gouverner les peuples par les préceptes du
" Seigneur."
Voilà qui est clair! Dieu le père a donné la roynuté de ce
monde à son fils unique Notre-Seigneur Jésus-Christ, parce
que ce fils l'a racheté au prix de son sang et le père l'a ainsi
établi roi de ce monde pour y faire régner la loi suprême de
la vérité, de la justice et de la paix. Or le pouvoir de faire
connaître et observer la loi du Seigneur ; Jésus-Christ l'a
délégué à son Eglise. Ce pouvoir respecté et obéi, assure le
règne de la véritable liberté !
Mais le Père ajoute : "Tu les gouverneras avec un sceptre
de fer." C'est-à-dire quand les hommes résisteront à la force
morale, et qu'ils refuseront d'entendre la vérité, et de se sou-
mettre à ma loi sainte, alors tu les soumettras à un régime
plus sévère, tu les gouverneras avec une verge de fer, afin
DISCOURS DE MONSEIGNEUR LaFLÈCHE 249
de les ramener à l'obéissance et à l'observation de ma loi
sainte.
Cette puissance du glaive que Jésus-Christ a reçue de son
père, il l'a déléguée au prince temporel qu'il a élevé à la
dignité de son ministre, en lui enjoignant de s'en servir pour
la protection du bien et la répression des méchants.
" Et tu les briseras comme un vase d'argile," continue le
Seigneur parlant toujours à son fils. C'est-à-dire, quand les
hommes en viendront à ce degré de perversité, qu'ils ne vou-
dront plus se soumettre ni au Pontife de l'Eglise que tu as
établi ton vicaire et ton représentant, ni au souverain temporel
que tu as constitué ton ministre avec le pouvoir du glaive ; tu
les livreras au bras destructeur de la révolution, et tu les bri-
seras comme l'on brise un vase d'argile." Voilà exprimée ici
bien clairement la puissance révolutionnaire comme relevant
de l'autorité de Jésus-Christ, et faisant les fonctions de bour-
reau à l'égard des peuples et des souverains criminels et in-
corrigibles, voués à la destruction et à une ruine complète.
Le prophète en terminant donne cet avertissement solennel
aux rois et aux puissants qui règlent le sort des nations : "■ Et
" maintenant, ô rois, soyez assez intelligents pour comprendre
" ces choses ; et vous qui jugez la terre, instruisez-vous. Ser-
" vez le Seigneur dans la crainte... et soumettez-vous à sa loi
" sainte, de peur que vous ne trouviez votre ruine en vous
" écartant du sentier de la justice."
Concluons donc. Messieurs, et reconnaissons que l'Eglise
est la véritable sauvegarde de la liberté de l'homme et de la
société ; que les peuples voient infailliblement diminuer leur
liberté à mesure qu'ils se soustraient à sa douce influence et
à son paternel contrôle ; enfin qu'il n'y a plus de liberté
pour les nations qui tombent sous le joug de fer de la révolu-
tion et que tôt ou tard, elles doivent disparaître comme société,
si elles ne peuvent réussir à briser et à secouer ce joug de
mort pour revenir à la liberté des enfants de Dieu. {Salve d'ap-
plaudissements.)
250 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
M. le président soumit ensuite les résolutions des divers
bureaux, (voir p. 192.) Ces résolutions ou vœux rerurent l'ap-
probation unanime du Congrès.
Puis M. le juge Routier, président actif du Congrès, adressa
quelques mots de remerciements à tous ceux qui avaient prêté
leur concours au Congrès catholique, et spécialement à l'Uni-
versité-Laval pour avoir si généreusement ouvert ses salles
aux réunions publiques et aux divers bureaux, qui avaient
délibéré pendant les deux derniers jours.
RÉPONSE DU SOUVERAIN-PONTIFE AU TÉLÉGRAMME
Voici le texte du télégramme adressé au président du Con-
grès catholique par le cardinal Simeoni :
" Summus Pontifex catholicis canadiènsibus Quebeci coa-
" dunatis apostolicam benedictionem peramanter impertitur.
En voici la traduction :
" Le Souverain Pontife accorde de grand cœur sa bénédic-
" tion apostolique aux catholiques canadiens réunis en Con-
" grès à Québec.
CLOTURE DU CONGRES.
DIMANCHE, 27 JUIN.
La clôture définitive du Congrès catholique avait lieu
dimanche matin, à la chapelle de la congrégation de la Haute-
Ville, par une messe basse, à laquelle assistaient un grand
nombre de membres du clergé, tant de la ville que d'ailleurs,
les membres du Cercle catholique et plusieurs délégués.
Cette cérémonie, rehaussée par la musique, à été très solen-
nelle. La messe a été dite par le Révd Père Hamon, et M.
SERMON DE M. P. N. BRUCHÉSI 251
l'abbé Bruchési, Docteur en théologie, et professeur de théo-
logie à rUniversité-Laval, a fait un sermon remarquable sur
l'Eglise, le rôle bienfaisant qu'elle a joué dans le monde et le
respect et l'amour profond que nous lui devons.
La cérémonie s'est terminée par le chant du Te Deum, suivi
ûe la bénédiction du St-Sacrement.
SERMON SUR L'AMOUR DE L'EGLISE.
PAR M. l'abbé p. N. bruchési.
Si oblilus fuero lui Jérusalem, oblivioni detur
dextera mea.
Si Jamais je l'oublie, ô Jérusalem, que ma main ,
droite soit vouée à l'oubli. (Ps. cxxxvii, v. 5).
Mes Frères^
Nos grandes fêtes s'achèvent, et en venant les clore avec
vous au pied des saints autels, je ne puis m'empôcher d'adres-
ser à l'Eglise notre Mère ces paroles du Roi-Prophète, qui
sont à la fois l'expression de l'action de grâces et un serment
de fidélité. C'est l'Eglise en effet qui a fait l'objet de vos tra-
vaux et de vos discours, c'est pour elle que vous avez organisé
votre Congrès ; l'Episcopat de notre pays, et de nobles frères
en qui la science salue ses maîtres et que la France regarde
comme ses Apôtres, ont uni leurs voix aux vôtres pour célé-
brer ses gloires, et pour montrer- que dans la fidélité à ses lois
est le secret du bonheur et de la prospérité des peuples. Elle
a reçu les premiers hommages de nos cœurs, c'est à elle aussi
que sera consacré ce dernier discours : "■ Si ohlitus fuero tui
Jérusalem^ ohllmoni detur dextera mea ! "
Sans doute, une différence immense existe entre notre mo-
deste Congrès de Québec et les solennelles assises auxquelles
l'Europe entière a pris part dans ces dernières années. Nous
n'avons pas à souffrir ici des luttes cruelles qui déchirent le
vieux monde ; nous n'en sommes pas réduits à revendiquer
le droit de servir Dieu avec liberté et de donner aux enfants
252 PREMIER CONGRES CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
(le notre sol, rinstriiction chrétienne qui seule fait les vrais
savants et les parfaits citoyens.
Les ordres religieux qui ont consacré notre pa -s par leurs
travaux, leurs vertus héroïques, et l'effusion de leur sang
n'ont pas trouvé ici des ingrats qui les poursuivent de leurs
injures et de leur haine. Jésus-Christ est le Roi de nos âmes,
et nous ne discutons pas pour savoir s'il doit être banni du mi-
lieu de nous. Nous sommes un peuple libre, et l'Eglise trouve
ici une famille dévouée, soumise et ne formant qu'un cœur.
Aussi, n'est-ce pas une manifestation contre des ennemis
que vous avez provoquée ; vous ne vous êtes pas réunis pour
ouvrir une lutte ni pour conquérir des droits. Mais vous avez
tenu à témoigner à des frères persécutés, et à l'Eglise en
deuil, combien nous sympathisons à leur tristesse. Vous avez
voulu jproclamer que dans la conservation de sa foi pleine et
entière, le Canada trouverait le gage de son progrès et de sa
force ; et de plus, suivant les inspirations du zèle, vous vous
êtes demandé comment vous pourriez donner aux œuvres de
charité un plus vigoureux essor. Honneur à vous. Messieurs !
Les jours qui viennent de s'écouler nous laissent dé grands et
chers souvenirs. Ces discussions amicales, ces protestations
solennelles, ces affirmations franchement catholiques et ro-
maines font du bien au cœur, et ravivent la foi ; et personne,
j'en suis sûr, n'est sorti de vos séances sans se sentir animé
d'un amour plus ardent pour l'Eglise de Jésus-Christ.
L'amour de l'Eglise ! Voilà, Messieurs, le sujet que je veux
traiter devant vous ; il m'a été inspiré par vos discours, et c'est
aussi celui que mon cœur de prêtre me dicte avant tous les
autres. Avec ie secours de la Vierge Marie, je vous ferai voir
que nous devons à l'Eglise un triple amour : lo un amour
de complaisance pour sa beauté ; 2o un amour de reconnais-
sance pour ses bienfaits ; 3o un amour de compassion pour
ses douleurs.
I
Dieu, mes frères, est la beauté infinie, et chacune de ses
œuvres exprimant une de ses pensées porte l'empreinte de sa
souveraine perfection. Quand il eut fait le monde, il jeta sur
SERMON DE M. P. N. BRUCHÉSI 253
lui un regard de complaisance : " vidit Deus cuncta quœfecerat
et erant valdè bona (1). L'homme réjouit encore plus son
amour, parcequ'il voyait en lui sa ressemblance et so7i image (2).
Mais son œuvre par excellence, l'œuvre qui devait réaliser
dans le temps tous les merveilleux desseins de sa miséricorde,
réunir toutes les beautés et toutes les grandeurs, était son
Eglise. Lui seul la voit telle qu'elle est, et lui seul peut di-
gnement en célébrer les gloires. Pour la créer, il a épuisé
tout l'amour de son Cf^'ur ; c'est au milieu d'elle surtout qu'il
fait sentir sa présence ; sa Providence qui la protège lui ré-
serve sa .plus vive tendresse; il en est le principe, il en est
aussi la vie et la fin suprême ; il lui a prodigué ses grâces et
a voulu faire resplendir en elle de la manière la plus écla-
tante ses attributs infinis. Immense comme Dieu même,
l'Eglise dans son état triomphant est le ciel, la patrie du bon-
heur et le royaume des élus. En dehors de ce monde, elle
est aussi ce lieu de souffrances où les âmes s'épurent, ache-
vant de se rendre dignes de l'éternelle vision qui les attend,
mais où retentissent encore les chants de l'espérance et de
l'amour. Ici-bas les hommes l'appelle leur libératrice et leur
mère. Elle est le Verbe de vie, continuant au milieu des
siècles sa mission de régénération des âmes, ses œuvres de
dévouement et ses enseignements infaillibles. Elle est la bé-
nédiction céleste toujours répandue sur nos têtes, un refuge
dans notre détresse, la lumière dans nos doutes, la consola-
tion dans nos malheurs. L'Eglise, c'est la mansuétude dans
la force, l'autorité dans l'amour ; en un mot, c'est la divinité
et l'humanité unies ensemble, comprenant tous nos besoins
d'hommes et pouvant les satisfaire en Dieu.
O grande et chère Eglise ! peut-on vous contempler un seul
instant et n'être pas épris de votre incomparable beauté ?
Vous avez la noblesse de la naissance, car vous êtes de sang
royal et divin ; le Christ est votre époux, votre cœur est
amour, et à la gloire d'une virginité sans tache, vous unissez
(1). Gén. 1,31.
(2). Gén. I, 26.
254 PREMIER CONGRÈS CATHOLIgUE TENU A QUÉBEC
les honneurs de la maternité. Vous savez, mes frères, de quelle
immense tendresse l'Eglise est le fruit. Pour donner au peu-
ple hébreu la constitution qui devait le régir. Dieu avait parlé
à Moïse au milieu des éclairs et des tonnerres du Sinaï ; mais
pour fonder l'Eglise dont la synagogue n'était que la figure,
le Verbe éternel lui-même descendit parmi nous. Il se fit petit
et pauvre, passa de longues années dans la retraite et le si-
lence ; puis, lorsqu'il se révéla au monde, lorsqu'il laissa
tomber de ses lèvres la doctrine sublime qu'il avait puisée
dans le sein de son Père, et qui devait, en transformant les
âmes, assurer le bonheur des peuples, il parla dé cette société
qui allait être ici-bas une continuation de lui-môme, et au
milieu de laquelle se conserverait toujours pur le dépôt sacré
qu'il apportait du ciel. Dans un discours que dix-neuf siècles
n'ont cessé de répéter, comme un chant d'allégresse aux jours
de triomphe, et comme un hymne d'espérance aux jours de
malheur, il promit qu'il fonderait son Eglise et que les portes
de l'enfer ne prévaudraient jamais contre elle : " œdificaho
Ecclesiam meam^ et portœ inferi non prœvalehunt advcrsus
eam" (l). Mais cette Eglise devait être un peuple d'âmes ca-
chetées, et c'est pour cela que suivant l'énergique expression
de saint Paul, Jésus-Christ l'a acquise au prix de son sang :
" quam acquisivit sanguine suo " (2).
Un jour donc, après avoir été trahi par les siens, et avoir
enduré les tourments de l'agonie et de la flagellation, il prit
sa croix sur ses épaules, la porta au Calvaire et s'y laissa
clouer ; et c'est à cet instant suprême, lorsqu'il se vit élevé
entre le ciel et la terre qu'il donna à l'Eglise sa consécration,
son baptême, et qu'il en fit son épouse pour l'éternité. Au
commencement du monde, c'est du côté d'Adam endormi que
le Créateur avait tiré la matière dont il fit la compagne de
l'homme : sur la croix, le nouvel Adam dort aussi son divin
sommeil, sommeil de la mort et de l'amour. Un Juif déicide
Ta percer d'une lance son côté sacré, et c'est alors, nous disent
(l) Math. XVI, 18.
^2) Act. XX, 28.
SERMON DE M. P. N. BRIJCHÉSI 255
les saints Pères, que du Cœur de Jésus-Christ l'Eglise sort ra-
dieuse avec les dernières gouttes du sang qui a régénéré la
terre (1). Ah ! pendant que les cieux contemplaient cette mer-
veille, il y avait -auprès de la croix des hommes qui blasphé-
maient et des aveugles qui ne voulaient point voir ; c'est qu'il
fallait que dès sa naissance l'Eglise participât aux opprobres
de Jésus-Christ. Mais les opprobres du Juste sont le gage de
la gloire. Le moment où le Christ est cloué sur le gibet des
esclaves est aussi celui où sa royauté est proclamée à la face
de l'univers. Or, l'épouse participe aux triomphes de l'époux ;
la gloire du souverain Roi rejaillit donc sur le front de
rp]glise ; et pendant qu'elles rendent hommage au divin Cru-
cifié vainqueur de la mort, la langue hébraïque, la langue de
la Grèce et la langue de Rome exaltent aussi cette Reine in-
comparable sortie du Cœur aimant de Jésus-Christ.
Cette première beauté qui est celle de sa naissance, l'Eglise,
mes frères, la gardera toujours. On pourra bien la trahir et la
flageller, la couvrir d'un manteau d'ignominie et lui cracher
au visage, lui ravir son diadème et enfoncer dans son chef
une couronne d'épines, mais on ne détruira pas sa ressem-
blance avec son divin Auteur, et à chaque instant des siècles
elle entendra de la bouche même de Jésus-Christ ces paroles
du Cantique des cantiques : " Vous êtes toute belle, ô ma bien
aimée, et il n'y a point de tache en vous, tota pulchra es, arnica
mea^ et macula non est in te.'"' (2)
Oui, elle est belle, et sans examiner sa constitution entière,
considérez seulement deux traits de sa beauté qui font l'admi-
ration de la terre et du ciel : son unité et sa sainteté.
L'unité de l'Eglise ! Jamais, mes frères, je n'ai pu la contem-
pler sans me sentir ému jusqu'au fond de Pâme. Elle est en
effet un miracle permanent et la réalisation d'une dès plus
sublimes prières de notre adoré Sauveur. Jésus était à la
Cène, sur le point de consommer son sacrifice suprême. Alors,
(1) Ex latere suo Ghrislus œdificavit Ecclesiam, sicut de latere Adam.
ejus conjux Heva prolata est. (S. Jean Chrys. Honi. 84 in Joan.)
(2) Gant. IV. 7.
256 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
levant les yeux vers son Père, il lui parla de ceux qu'il avait
aimés jusqu'à la fin : " Je ne prie pas pour eux seulement, dit-
" il, mais encore pour ceux qui par leur parole croiront en
" moi, afin qu'ils soient tous une seule chose comme vous
" mon Père êtes en moi et moi en vous." (1) Personne avant
lui, n'avait osé exprimer un vœu semblable. Des philosophes
avaient bien pu réunir autour d'eux des disciples, mais leur
école avait existé sur un point du globe et n'avait duré qu'un
jour ; Jésus-Christ demande et obtient que son Eglise soit de
tous les temps et de tous les lieux : partout et toujours, ses fils
adoreront le même Seigneur, recevront le môme baptême et
vivront de la môme foi. Or, c'est là un spectacle qui ravit nos
cœurs ! Transportez-vous au Cénacle, et interrogez les Apôtres,
partant pour la conquête du monde ; écoutez les chrétiens
priant dans les catacombes, ou chantant sous le dôme de St-
Pierre ; prêtez l'oreille aux supplications qui s'élèvent de
l'humble chapelle de bois et des grandes basiliques de Rome ;
interrogez l'enfant et le vieillard, les docteurs dans leur chai-
res, les évoques dans leurs conciles, les martyrs devant leurs
bourreaux ; vous trouverez la môme profession de foi dans
toutes les bouches, le même cri s'échappe de tous les cœurs :
" Credo in unum Deum ! Je crois en un seul Dieu, je crois en
" Jésus-Christ, je crois en la sainte Eglise." Les voix de l'exil
chantent avec les voix de la patrie. Après dix neuf siècles,
notre symbole est le symbole des Apôtres ; nous croyons ce
qu'ont cru nos pères, et si comme eux nous devions un jour
choisir entre l'abjuration de nos croyances et la mort, comme
eux nous proclamerions notre foi avec courage, et avec le se-
cours divin nous saurions verser comme eux jusqu'à la der-
nière goutte de notre sang.
A côté des âmes qui sont enseignées, il y a partout le sacer-
doce, répandant la même lumière et exerçant les mêmes pou-
voirs, partout et à chaque instant de sa durée l'Eglise députe
un de ses ministres qui tient élevé au-dessus du monde la
divine Victime qui prie et qui adore ; partout il y a l'homme
(1) Joan. XVII. 20, 23.
SERMON DE M. P. N. BRUCHÉSI 257
pécheur qui s'accuse et l'homme consacré qui pardonne. Ad-
mirable unité de l'Eglise, ô beauté immortelle, au-dessus de
vous, je ne vois que l'essence infinie de notre Dieu !
Mais comment divine épouse du Christ, ne pas rendre aussi
hommage à la sainteté qui brille en vous, avec tant d'éclat ?
Vous êtes sainte dans votre principe, sainte dans votre fin,
sainte dans votre dogme et dans vos lois, sainte dans ces in-
nombrables fils que vous avez donnés au ciel. Votre fécondité,
ô Vierge-Mère, a toujours été la même en dépit des siècles qui
s'accumulent sur votre tête ; vous pouvez vous glorifier de
vos douze millions de martyrs, et toutes les classes de la so-
ciété ont à vous bénir des exemples de magnanimes vertus
que vous leur avez offerts. Vous avez sanctifié des enfants
comme saint Cyrille, des jeunes filles comme sainte Agnès, dos
hommes dans la force de l'âge, comme saint Laurent, des vieil-
lards comme saint Polycarpe, des bergères comme sainte Gene-
viève, des servantes comme sainte Zite, des mendiants comme
le bienheureux Labre, des pontifes et des prêtres, des rois et
des reines sur leurs Irônes, des mères dans leurs familles, des
ermites dans leurs déserts, des vierges dans leurs cloîtres, des
hommes libres et des esclaves 0 Eglise ! recevez donc
les hommages de vos enfants. Fille du ciel, épouse d'un Dieu,
nous vous aimons et nous admirons votre impérissable beauté !
Vous êtes belle sous votre robe blanche de vierge et sous la
robe empourprée du sang de vos martyrs ; vous êtes belle en-
tourée de vos enfants, vous êtes belle dans l'unité de votre foi
et la sainteté de votre vie, vous êtes belle résumant toutes les
gloires, toutes les beautés créées, et manifestant à nos regards
la beauté infinie, Tota pulchra es et macula non est in te !
II
'J'ai dit en second lieu que nous devons à l'Eglise un amour
de reconnaissance, et ici, il suffit de laisser parler le cœur.
C'est à elle en effet que nous sommes redevables de tout ce
que nous sommes, et pour racontei ses bienfaits, il faudrait
écrire l'histoire de tout ce que le genre humuiii a contemplé
de pur, de grand et de beau. Si elle ressemble à son Auteur par
258 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
son unité et sa sainteté constantes, elle nous le représente aussi
par cette providence maternelle qu'elle étend jusqu'au plus
humble de ses enfants. Nous aimons nos mères suivant la na-
ture, et c'est un devoir de la justice la plus sacrée ; pourtant
nos mères ne nous ont donné que la vie, l'Eglise notre mère
selon la grâce nous a ouvert le ciel. Elle nous a régénérés
dans les eaux de son baptême, et nous a appris à prier. En-
fants, nous avons reçu d'elle le plus pur lait de sa doctrine, et
plus tard, nous conviant à la table de son festin, elle a nourri
nos âmes du froment des élus et du vin qui fait germer les
vierges. Elle a entouré notre jeunesse de sa plus tendre solli-
citude, nous a fortifiés dans nos luttes, consolés dans nos tris-
tesses, relevés dans nos abattements, éclairés dans nos incerti-
tudes ; et toujours elle a donné à nos esprits la vérité, et à nos
cœurs la grâce dont ils avaient besoin. Oh ! mes frères, comme
il est doux de parler d'une mère si bonne ! Gomme j'ai tres-
sailli de bonheur en vous entendant durant ces jours célébrer
ses louanges et lui dire votre dévouement filial ; et avec quelle
joie sainte je m'unis maintenant à vous pour affirmer devant
Dieu et au pied de son tabernacle que l'amour de l'Eglise
romaine est mon plus fort et mon plus tendre amour !
Salut donc, ô chère Eglise ! Salve magna parens ! Vous êtes
notre mère à chacun de nous, mais vous êtes aussi la mère
des peuples, et il est facile de le montrer.
L'Eglise, mes frères, semblait bien faible, lorsque docile à
Tordre que le Christ lui avait donné, elle entreprit la transfor-
mation du monde. Elle savait^de plus qu'elle rencontrerait
des obstacles, qu'elle aurait à lutter et à souffrir ; mais souf-
frir ne lui faisait point peur, pourvu qu'elle conquit des âmes,
et elle s'avança vers les nations païennes, ayant pour seuls
moyens de victoire : la croix de son Dieu, l'autorité de sa pa-
role et l'amour de son cœur. A-t-elle réussi ?... Messieurs, il
suffit d'ouvrir l'histoire.
Le monde était pour ainsi dire un grand athée ; le Créateur
ne recevait pas les hommages qui lui sont dus, et en dehors
d'un petit peuple qu'il avait lui-même instruit, quelques âmes
à peine savaient s'élever jusqu'à lui par l'amour. Les philo-
SERMON DE M. P. N, BRUCHÉSI 259
sophes avaient écrit, il est vrai, sur la Divinité des choses
admirables ; aucun pourtant n'avait encore dit qu'elle devait
être aimée.
L'Eglise établit sur la terre l'amour de Dieu, elle prêcha
aux petits et aux grands, dans les humbles bourgades comme
devant l'Aréopage d'Athènes, et sa parole lut triomphante. Les
idoles tombèrent en poussière, les sacrifices humains cessè-
rent, une Hostie sans tache remplaça sur les autels des vic-
times impures, Dieu eut ici-bas des millions d'adorateurs ; les
âmes vécurent de lui et pour lui, et l'aimèrent jusqu'à l'abné-
gation, jusqu'à la souffrance, jusqu'à l'effusion du sang.
L'homme n'aimait point l'homme. Egoïste dans ses affec-
tions il ne recherchait que son bien propre ; le prochain lui
était inconmt, et l'Apôtre pouvait un jour sans crainte d'être
démenti jeter à la face de la fière cité des Césars cette flétris-
sante parole : Vous êtes sans entrailles, sans affection et sans
amour, sine affectione... absque fœdere... odientes invicem... sine
misericordia (1). Le plus grand des orateurs païens enseignait
que l'étranger est un ennemi l2) ; le sort du vaincu à la guerre
était l'esclavage ou la mort, et pour l'esclave lui-môme, rebut
de la société, il n'y avait de bon que le supplice de la croix (3).
L'Eglise a prêché une autre morale ; elle a enseigné aux
hommes qu'ils étaient tous des frères, que l'amour du prochain
ne pouvait pas se séparer de l'amour de Dieu, qr.3 les malheu-
reux surtout étaient dignes de compassion, et que l'esclave lui
aussi avait au ciel un Père et un Sauveur qui était mort pour
le racheter. Et partout où cette voix de l'Eglise fut entendue,
la douceur et la pitié succédèrent à la barbarie, l'égoïsme fit
place à la charité fraternelle, et les esclaves virent les chaînes
tomber de leurs mains. La famille avait perdu toute dignité
et tout honneur, la femme était méprisée ; dans le coeur pa-
ternel, l'amour était sacrifié aux plus brutales passions, et une
loi romaine allait jusqu'à ordonner au père de famille de tuer
(1) Ep. aux Rom. c. 1. v. 29, 30, 31, à Tite c. IIl. v. 3.
(2) Gicéron de Offic. 1. XII.
(3) Juv. VI, 219-223.
260 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
son enfant infirme ou contrefait : " Puerum pater cito ne-
cato !""... (1) A ces sentiments indignes, l'Eglise opposa la su-
blime doctrine du mariage chrétien, elle fit voir en lui un
divin sacrement qui produit la grâce dans les âmes ; et comme
idéal de l'amour chaste qu'elle commandait elle offrit son in-
dissoluble union avec Jésus-Christ, " Viri diligite uxores ves-
tras sicut et Christus dilexit Ecclesiam " (2). Elle a fait respecter
l'enfant d'un jour, et aux malheureux abandonnés elle a tendu
les bras et ouvert son cœur.
Jamais le paganisme n'avait secouru l'indigence, jamais il
n'avait songé à construire un hospice pour la vieillesse sans
secours, et pour la douleur ; l'Eglise recueillit les malades et
les délaissés, leur prodigua ses soins de mère, et les plaça dans
ces admirables palais que notre langue française a appelés
des hôtels-Dieu !...
Les peuples courbés devant le pouvoir ne se soumettaient
qu'à un homme, l'Eglise leur apprit leur dignité ; elle leur
enseigna que l'autorité vient du ciel, et en leur disant d'incli-
ner leurs fronts, elle les fit obéir à Dieu.
Les sciences avaient besoin de lumière, l'Eglise les leur
donna avec largesse. Il fallait aux arts un soufîle plus pur,
l'Eglise leur fit trouver des inspirations nouvelles dans la doc-
trine que son Dieu lui avait révélée. C'est elle qui créa l'Eu-
rope et civilisa les Barbares. Elle Ld- *isa notre mère-patrie, ,
en fit sa fille aînée, ceignit son froiJ H une couronne et sacra
ses rois. Aux siècles appelés, bien à tort, des siècles de ténè-
bres, elle conservait dans ses bibliothèques les trésors de l'es-
prit humain, elle couvrait le sol de ses monastères et élevait ,
ces temples gigantesques que les âges admireront toujours. Et
nous. Messieurs, petit peuple privilégié entre tant d'autres, ne
pouvons-nous pas dire que c'est en l'Eglise comme en Dieu,
que nous avons l'être, le mouvement et la vie ?
Mais le bienfait particulier de l'Eglise sur lequel je veux
attirer votre attention, c'est la conservation de la vérité ici-bas.
(1) Loi des XII Tables.
(2) Ep. aux Ephés. v, 25.
SERMON DE M. P. N, BRUCHÉSI 261
La vérité ! messieurs, c'est le besoin de notre intelligence ;
nous la poursuivons sans cesse, elle fait notre bonheur et
aussi notre tourment ; car notre vie est courte, nous sommes
bornés et sujets à l'erreur, nos découvertes sont lentes, nos
recherches souvent sans résultat ; et le doute, vous le savez, le
doute cruel a donné la mort à bien des âmes qui voulaient
n'interroger qu'elles-mêmes. O mon Dieu ! grâces vous soient
éternellement rendues de nous avoir donné l'Eglise. En elle
nous avons la boussole qui nous guide et le flambeau qui
nous éclaire ; avec elle nous sommes forts et certains ; sa voix
est mfaillible, et en l'écoutant, nous savons que nous possé-
dons la vérité et que nous marchons vers vous. En dehors
d'elle, il n'y a que tâtonnement et qu'erreur ; avec elle nous
sommes dans la lumière, et toute incertitude est bannie de
notre intelligence.
Soyons donc reconnaissants, mes frères, envers l'Infinie
bonté qui a daigné venir ainsi au secours de notre faiblesse.
Qu'on ne nous d^ je pas que l'Eglise nous humilie parce qu'elle
nous éclaire, et qu'elle nous rend esclaves parce qu'elle nous
enseigne la vérité que nous cherchons. La vérité est la grande
libératrice des âmes, et voilà pourquoi, infaillible Eglise ! c'est
pénétrés de la plus vive reconnaissance, et à genoux devant
vous, que nous recevons les décisions et les conseils tombés de
vos lèvres sacrées !
Tourmenté pendant longtemps par un système philosophi-
que dont il ne pouvait pas découvrir le sophisme, un illustre
religieux de notre siècle était allé consulter ce Siège de Pierre,
auquel tous les esprits s'adressent et par qui toutes les lu-
mières sont si sûrement et si généreusement données. Une
seule parole de Rome suffît pour dissiper ses doutes et faire
briller à ses yeux la vérité ; et de retour dans sa patrie, il en-
tonna, en l'honneur de l'Eglise, cet hymne de sa reconnais-
sance : " 0 Rome, Dieu le sait, je ne t'ai point méconnue
" pour n'avoir pas rencontré de rois prosternés à tes portes.
" J'ai baisé ta poussière avec un respect indicible ; tu m'es
" apparue ce que tu es véritablement : la bienfaitrice du genre
" humain dans le passé, l'espérance de son avenir, la seule
"262 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
" grande chose aujourd'hui vivante en Europe, la captive
•' d'une jalousie universelle, la reine du monde ! Voyageur
•' suppliant, j'ai rapporté de toi, non de l'or, ou des parfums,
•' ou des pierres précieuses, mais un bien plus rare, plus in-
•'■ connu, la vérité. Une parole prophétique est sortie de ton
" sein, et lorsque le temps aura fait un pas, lorsque sera ac-
■' compli ce qui doit s'accomplir, cette, parole méconnue du
•' monde présent qui ne sait rien, éveillera dans son tombeau
'' le Pontife qui en a été l'organe pour qu'il puisse entendre
•' les acclamations de la postérité" ! (1)
Voilà, mes frères, les sentiments qui doivent nous animer
ous ; et en songeant à toutes ces paroles prophétiques tombées
de la bouche des souverains Pontifes, en songeant surtout à
ceSyllabus destiné à être le code fondamental de toute société
chréti..nne, vouons à l'Eglise le plus grand amour de nos
oœurs. Oui, à l'Eglise notre reconnaissance, car on ne saurait
trop le proclamer : elle est la bienfaitrice de nos esprits, la
gardienne de nos âmes, la mère des individus, la mère et la
libératrice des peuples.
m
Mais, mes frères, malgré l'immortelle beauté dont elle brille,
et les bienfaits qu'elle n'a cessé de répandre à pleines mains,
l'Eglise a eu et aura toujours sur la terre d'amères douleurs,
et c'est à ce titre qu'elle a droit à notre amour de compassion.
Son divin Epoux a été l'homme de douleur, elle ne pouvait pas
avoir un autre sort que le sien. Il est impossible d'aimer, il est
impossible d'être mère sans beaucoup souffrir. Or, qui jamais
pourra dire tout l'amour de l'Eglise ? Ayant pour mission
ici-bas de sauver les âmes, elle voudrait les sauver toutes, et
la seule pensée de leur perte crée à son cœur la première et
la plus continuelle de ses angoisses. Le sublime dialogue
entre Jésus-Christ et son Apôtre se fait encore entendre au
milieu des siècles : " Eglise catholique, dit Jésus, m'aimes-
tu ? " — " Seigneur, répond l'Eglise, vous savez que je vous
aime. " — " Pais donc mes agneaux et mes brebis. " Mais l'E-
(1) Lacordaire. Considérations sur le système de Lamennais, fin.
SERMON DE M. P. N. BRUCHÉSI 263
glise, qui dans l'ardeur de son zèle, voudrait exécuter dans
l'univers entier l'ordre de son maître, songe à ces millions
d'infidèles qui gémissent encore dans l'erreur et loin de Dieu.
Comme elle serait heureuse de les attirer tous à elle, et de
leur apprendre le nom de leur Sauveur ! Mais elle se sent
impuissante à réaliser ce désir, et la vue de ces infortunés
qui l'ignorent et qui devraient être au nombre de ses fils lui
déchirent le cœur.
" Eglise catholique, m'aimes-tu ? " Et l'Eglise, pressant sur
son sein ses vierges et ses martyrs, s'écrie en les présentant à
Jésus : " Seigneur, voyez ceux et celles que je vous ai en-
gendrés, vous savez que je vous aime. " — " Pais donc mes
agneaux et mes brebis. " Mais à ses côtés, voici des pécheurs
qui crucifient de nouveau le Sauveur du monde. Vainement
elle leur tend une main secourable, vainement elle ^eur offre
un pardon qu'ils méprig?nt; et elle pleure. ..en pensant que,
pour un grand nombre, le sang de Jésus-Christ aura été inu-
tilement versé.
Outre ces souffrances maternelles et ces sollicitudes du zèle,
il y a dans le cœur de l'Eglise les plaies saignantes qu'y fait
l'ingratitude des hommes.
Un grand orateur a dit : " Ne fait pas des ingrats qui veut ;
pour faire des ingrats, il faut avoir fait du bien à ses sem-
blables, il faut avoir tenté de grandes choses pour l'huma-
nité" (1).
Cette parole est profondément vraie ; mais d'un autre côté,
mes frères, se sentir méprisé dans sa tendresse, être renié par
ceux-là môme auxquels on a donné la vie, se voir blasphémé
par ceux que l'on bénit et que l'o i aime, être dépouillé par
ceux dont on a fait la richesse et le bonheur... quelle douleur
immense ! et pourtant, tel a été le sort de l'Eglise. Elle, si
bienfaisante et si bonne, a rencontré parmi ses fils des persé-
cuteurs et des bourreaux. Le temps ne me permet pas d'énu-
mérer toutes ses angoisses. Des hérétiques l'ont trahie ; des
hommes, dont elle avait fait ses prêtres, ont donné contre elle
(l) Montalembert. — Discours sur le retour de Pie IX à Rome.
264 PREMIER GONGEÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉHEG
le signal de la révolte et lui ont ravi des enfants qui lui
étaient bien chers. Dès son berceau, elle a connu les prisons
et les fouets, et quand les bourreaux ont été las de frapper,
d'autres traîtres se sont levés avec des armes non moins ter-
ribles que le glaive : le sarcasme, le sophisme et la corruption.
Oh ! sans doute, l'Eglise a su lutter avec vaillance, sûre qu'elle
était toujours, de la victoire définitive. Mais ceux qu'elle com-
bat sont les fruits chéris de ses entrailles, ces méchants qu'elle
punit, elle les aime toujours ; et comment pourrait-elle ne pas
souffrir de leur malheur? Sachons-le, l'Eglise n'a jamais lancé
un anathème sans verser des torrents de larmes.
C'est là son histoire dans tous les siècles. Et aujourd'hui,
mes frères, à cette heure, de quelles tristesses n'est-elle pas
abreuvée ? Pas de désespoir, pas de vaines alarmes ; mais je
vous le demande, peut-on se dissimuler que l'Eglise est en
deuil, et s'il est vrai, qu'il y a de la gloire à faire des ingrats,
ne peut-on pas dire que notre temps est l'un de ses temps les
plus glorieux?...
Reine au monde, elle portait sur sa tête une couronne que
la Providence et les siècles lui avaient donnée. Elle avait
entre les mains un pouvoir qui garantissait son indépendance
et sa liberté, lui permettait d'exercer sans crainte dans l'uni-
vers entier sa salutaire influence, et lui assurait le respect et
la soumission des peuples.
On lui a ravi sa couronne, son Chef auguste a vu un usur-
pateur s'asseoir sur son trône, et lui-même a dû se réduire à
l'exil pour ne pas laisser fouler aux pieds un droit sacré. Le
peuple spoliateur était le peuple qui, peut-être, avait été le plus
aimé, et le roi qui s'était mis à sa tête sortait d'une famille
dont l'Eglise avait placé plus d'un membre sur les autels.
L'Eglise instruisait la jeunesse et l'enfance, on a voulu les
lui ravir, substituer à l'enseignement chrétien un enseigne-
ment voisin de l'athéisme, et les sectes n'ont pas craint d'affi-
cher publiquement que le triomphe de la Révolution ne s'ob-
tiendrait qu'en séduisant l'enfance et la jeunesse.
L'Eglise avait ses religieux qui priaient et travaillaient dans
leurs monastères ; les monastères ont été envahis, les ordres
SERMON DE M. P. N. BRUCHÉSI 265
religieux supprimés, et bientôt elle verra sur le chemin de
l'exil ces généreux fils de saint Ignace qui ont tant fait pour
la France... et que la France bannit.
L'Eglise avait ses lévites et ses prêtres ; elle les a vus avec
larmes obligés, dans Rome, même de quitter le sanctuaire pour
aller servir sous le drapeau de son persécuteur. Elle avait ses
lois éternelles et divines, les gouvernements les ont mécon-
nues ; c'est elle qui avait fait les nations ce qu'elles étaient, et
les nations ont renié leur mère !...
C'en est assez ; cette énumération des douleurs de l'Eglise
me déchire le cœur. Devant un pareil spectacle, mes frères,
ne restons pas insensibles, mais que nos entrailles s'émeuvent,
et nous, les enfants fidèles, consolons notre mère par notre dé-
vouement, nos prières et notre amour. " Notre cœur, a dit im
" saint évéque de notre temps, peut se verser jusqu'au fond et
" se verser sans cesse ; il ne fera jamais qu'accomplir la jus-
" tice. Fût-il vaste et comblé comme celui de Marie, ce ne
" serait point un excès que de le verser tout entier à l'E-
" glise." (1) Oui, vouons notre cœur à l'Eglise, que ses joies
soient nos joies et que ses douleurs soient nos douleurs. Prions
pour elle et travaillons pour sa gloire ; marchons avec elle et
ne l'abandonnons jamais. Que votre sacerdoce dans le monde,
mes frères, ne soit pas séparé du nôtre, car nous avons une
cause commune, le môme devoir nous incombe, et nous
sommes ralliés sous le môme drapeau.
Soyons apôtres, mais les apôtres qui ne fuient pas et qui
savent veiller avec Jésus souffrant. A l'heure de ses agonies
que l'Eglise nous trouve toujours à ses côtés, et s'il arrive
qu'elle doive prendre le chemin du Calvaire, soyons, chacun
de nous, le bon Gyrénéen qui l'aide à porter sa croix.
IV
En terminant, mes frères, laissez-moi jeter un regard snr
notre patrie. Bien des peuples avaient été l'objet des pré-
dilections divines et des préférences de l'Eglise ; cherchez-les
(i) Mgr Gh. Gay. — De la vie et des vertus chrétiennes. Tom. III, p. 419.
266 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
cependant aujourd'hui sur la surface du globe. Plusieurs ont
disparu ; d'autres traînent une existence sans gloire. Pourquoi
cela ? C'est qu'ils ont méconnu la bontér de Dieu, ils ont ré-
pondu par l'ingratitude à son amour, Dieu s'est retiré d'eux,
et là où Dieu n'est i^lus, c'est la mort.
O Canada, pays jeune encore, puisses-tu prospérer et gran-
dir ! que les sciences et les arts se développent dans ton sein,
que tes enfants se multiplient, que ton nom soit partout chéri
et respecté ; mais avant tout, reste toujours fidèle à ton Dieu
et à l'Eglise.
Pardonne, ô ma patrie !,.. mais s'il devait aussi venir pour
toi un jour où tu renierais ta foi, où tu abandonnerais ta
mère, où tu méconnaîtrais ses droits pour la persécuter et
l'outrager... puisses-tu disparaître de la scène du monde !
Plutôt que de te voir plongée dans un tel abîme et chargée
des anathèmes du ciel, encore une fois, pardonne, ô ma pa-
trie !... j'aimerais mieux te voir mourir.
Mais non, ô Canada ! enfant de l'Eglise, tu iras toujours en
dépit de tous les obstacles vers le chemin de la vérité et de
l'honneur, et rien jamais ne pourra arracher de ton cœur la
foi ardente qui fait aujourd'hui ta vie. Oh ! durant ces fêtes
que tu es apparu grand et beau aux regards des cieux et de la
terre ! Il y a deux jours, nous te voyions ému et recueilli
prosterné devant un autel... Dans ces plaines d'Abraham, si
remplies de souvenirs, le Pontife célébrait les saints mystères,
et tes enfants priaient dans l'adoration et dans l'amour. Et
quand l'hostie sainte parut dans les airs, pendant que les
fronts s'inclinaient avec respect, tu proclamais par la voix de
tes artistes le nom seul grand et seul puissant de Jésus-Christ ;
" Tu solus altissimus Jesu Christel Ton Dieu t'a béni, et tu
t'inciinas une seconde fois pour recevoir la bénédiction de
l'Eglise. Continue donc, ô mon pays, à suivre ce noble chemin
de la foi, et puissent tes fils se réunir souvent pour dire à
l'Eglise leur dévouement et leur tendresse. Pour nous, ô
sainte Eglise catholique, nous te consacrons notre être et notre
vie, nos études et nos travaux. Nous t'aimerons, nous procl a
merons tes droits, nous célébrerons ta gloire, nous te farons
LETTRES d'adhésion AU CONGRES 267
aimer. Divine Jérusalem, si jamais nous t'oublions, que notre
droite soit vouée à l'oubli, si oblitus fuero lui Jérusalem ohli-
vioni detur dextera mea. Amen.
LETTRES D'ADHÉSION AU CONGRÈS
LETTRES D'ITALIE
Lettre de Mgr V. Vanutelli, archevêque de Sardes, etc.
Rome, le 19 mars 1880.
Monsieur le président^
Par votre honorée lettre du 24 févri ?r dernier, j'ai reçu avec
un plaisir indicible, les félicitations, et les vœux que vous
avez bien voulu m'exprimer, au nom du Cercle catholique de
Québec, dont vous êtes le digne président ; m'intéressant tou-
jours à cette vaillante association, dont je suis avec joie les
succès, ses vœux et ses félicitations m'ont été très agréables.
J'en remercie de tout mon cœur l'excellent président et je le
prie d'être l'interprète de ma vive reconnaissance auprès du
Cercle tout entier. Je compte sur la prière des membres pour
appeler sur moi les grâces dont j'ai besoin dans l'accomplisse-
ment des devoirs de la nouvelle et difficile mission qu'il a plu
au St-Père de me confier. Je fais, de mon côté, les meilleurs
vœux pour la prospérité di; Cercle. Et à ce propos j'ai appris
avec un vif plaisir, que uft l'initiative du Cercle, un congrès
va être réuni en juin prochain, à Québec, sous les auspices de
Sa Grandeur Mgr l'Archevêque. Je ne doute point que cette
réunion ne donne le., plus avantageux résultats, et j'espère
que vos invités français pourront en faire partie.
Veuillez agréer, monsieur le président, avec l'expression de
ma gratitude, celle de mon entier et affectueux dévouement.
-J- Vincent, archevêque de Sardes,
Délégué et Vicaire apostolique à Constantinople.
268 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Lettre de Mgr Tripepi, camérier secret de S. S. etc.
Rome, le 24 mai 1880.
Monsieur,
Le dernier des écrivains catholiques, je m'unis d'esprit à nos
frères distingués, de l'Amérique du Nord. Je fais des vœux
ardents pour que le succès couronne leurs travaux, et j'applau-
dis au zèle qu'ils déploient dans la défense de la religion et
du Souverain Pontife Léon XIII.
Monseigneur Luigi Tripepi,
Camérier secret de Sa Sainteté ; Chanoine de l'Archibasi-
lique de St-Jean de Latran, directeur du journal // Papato.
Association Catholique de Padoue
Padoue, 30mai 1880.
Monsieur et frère^
L'association catholique de Padoue (Vénétie) envoie au Con-
grès du Canada ses vœux et félicitations les plus sympathiques.
Le président,
François Cardinal Fontana.
•• Le secrétaire,
Giovanni Battista Dottor Bapi.
Comité permanent de l'Oeuvre des Congrès catholiques
en Italie
Bologne, le 5 avril 1880.
Illustrissime monsieur et frère bien aimé en Jésus-Christ,
Le Comité permanent de l'œuvre des Congrès catholiques
en Italie vous remercie vivement, par mon entremise, de la
gracieuse et fraternelle Invitation que vous nous faites d'assis-
ter au premier Congrès .atholique des délégués des associa-
tions laïques du Canada, qui aura lieu à Québec le 24 juin
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 269
prochain, jour consacré à honorer le saint Précurseur Jean-
Baptiste.
Le comité permanent serait on ne peut plus heureux s'il
pouvait envoyer un représentant à ce Congrès ; mais la dis-
tance qui sépare lo vieux monde du nouveau est trop grande
pour que nous puissions jouir de cet honneur et de cette con-
gélation.
Nous devons donc nous borner à vous faire connaître par
écrit les sentiments dont nous sommes remplis à l'égard de
votre œuvre, et à participer par nos prières et nos voeux, au
Congrès catholique de Québec.
Nous serons d'esprit et de cœur au milieu de nos frères
catholiques du Canada réunis en assemblée générale, applau-
dissant à leurs travaux et à leurs délibérations, bien persuadés ,
que tout se passera pour la plus grande gloire de Dieu, et m
vue du bien de la sainte Eglise, du Saint-Père, et de la société
elle-même.
L'océan, par son immense étendue, pourra bien séparer nos
corps, mais non nos esprits, nos cœurs, nos affections. Tous
enfants de la môme mère, la sainte Eglise catholique, aposto-
lique et romaine, nous sommes tous également soldats, mar-
chant et combattant sous la même bannière, pour propager et
défendre, au prix de notre sang et de notre vie, ses drr lis
sacrés et son immortelle doctrine.
Vive la sainte Eglise catholique !
Vive le Saint-Père Léon XIII !
Vive le catholique Canada !
C'est le cœur rempli de ces sentiments que je me fais un
honneur de vous donner l'assurance de mon estime et de mon
respect.
Jean-Baptiste Acquaderni, vice-président.
Jean-Baptiste Casoni, secrétaire.
Post-Scriptum. — Vous recevrez par la poste les actes des
congrès catholiques qui se sont tenus en Italie.
270 premier congrès catholique tenu a québec
Cercle St-Joseph de Vicenze
Vicenza, april 8th 1880
■Most honorable président^
This Gircle of the catholic youth at Vicenza, having heard
from their superior council that on the twenty-fourth day of
june, sacred to the memory of the Precursor StJohn the Bap-
tist, the first catholic Gongre^s of the delegates of the Lay-
Association of Canada, will take place at Québec, the under-
signed hasten to send from the bottcm of their heart, and with
ail the effusion of their spirit, their best congratulations for
the good undertaking, and their most ardent wishes for the
happiest resuit of ail the works which will be proposed and
treated to the greatest glory of God, and to the good of our
holy religion.
Although we ignore the subjects on which the attention,
study and the discussion of the delegates assembled in the
Gongress will be called, yet knowing as we do, the end for
which the assembly is convened, we are sure that this first
Gongress of Canada will be truly catholic, and, as sucV, will
in their discussions and délibérations be entirely inspired, and
guided by the vivifying dictâtes of the catholic wisdom,
Which W'ithout fail issues from the see of St-Peter, who by
God's admirable Providence founded in Rome, italian land,
his universal kingdom, the kingdom of God on earth.
The enemies of God, the greatest enemies of society, bave
always vainly rage, and uselessly directed their most furious
assaults agairist this unshaken rock, against this unmoved
column of truth ; scorned and confounded, they hâve been
always compelled to see their rage broken and crushed at its
feet. The Suprême Pontifs repeatedly expelled from Rome,
always by allmighty God's will came back to Rome trium-
phantly, and even Léo XIII, our présent, dear Holy Father
though " suh hostili dominatione constitutus " by his most un-
grateful children, has triumphed, triumphs, and will triumph
over his enemies.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 271
With thèse really catholic and Italian sentiments, we send
our warmest wishes, and hearty greetings to our distant
brothers in Jesus-Christ of this région of the new world.
Long live Léo XIII !
Long live the catholic Canada !
With the sensés of great esteem and respect, we si^n our-
selves.
The président,
DoTTOR Gaetano Bottazu.
The vice-secretary,
GiusEPPE Bortolan.
The ecclesiastical assistent,
P. G. Angelo Savignago.
Cercle Ste-Rosalie
Palerme, 2 juin 1880.
A l'agréable occasion du premier Congrès catholique de
Québec, je me fais une gloire de vous manifester les senti-
ments du Cercle Ste-Rosalie de la jeunesse catholique, qui,
par la présente et par mon entremise, adhère aux travaux et
aux délibérations que vous allez faire dans cette grande
assemblée où nous nous joindrons à vous par une prière fra-
ternelle, afin d'obtenir de Dieu des grâces et des faveurs et le
meilleur résultat possible, et aussi pour unir nos esprits aux
vôtres dans le but de travailler avec un nouvel essor à la
diffusion des principes si hautement recommandés aujour-
d'hui par N. S. P. le pape Léon XIII.
Dans l'espoir que de tels sentiments seront bien reçus par
vous et par vos frères catholiques, j'ai l'honneur de vous en-
voyer mes salutations empressées.
Le président,
Avo. Giovanni Librino.
272 premier congrès catholique tenu a guébec
Cercle St-Louis de Bergame
Bergame, 30 mai 1880.
Aux Catholiques réunis à Québec.
Quoique votre langue soit différente de la nôtre, la foi nous
rend cependant vos frères. Acceptez les vœux et les plus
vives sympathies du Cercle de la jeunesse catholique de Ber-
game, (Italie). Que les résolutions que vous prendrez soient
aussi fécondes que le mystique grain de sénevé de la parabole,
qu'elles dilatent les esprits, et qu'elles infusent le courage
dans le combat pour la gloire de Dieu et pour la conservation
de la société.
Le président du Cercle catholique de la
jeunesse catholique,
Salvi Luigi.
Société des Dames de Padoue
Padoue, 27mai1880.
.1 Monsieur le président du premier Congrès catholique
de Québec.
Les dames de Padoue associées pour les intérêts catholiques
yeulent elles aussi, envoyer au premier Congrès catholique
du Canada leurs félicitations, leurs salutations, et leurs vœux.
Que le bon Dieu bénisse vos travaux, frères en Jésus-Christ,
et que les avantages en soient tels que votre piété et vos géné-
reux désirs le méritent ! Voilà notre prière au Tout-Puissant.
Et vous, nos sœurs bien-aimées qui assistez au Congrès, nous
nous réjouissons de votre zèle pour la sainte cause de Dieu,
de son Eglise chérie, de son auguste Vicaire. Veuillez donc
nous aider afin que nous aussi nous accomplissions parfaite-
ment les grands et nobles devoirs que Dieu nous demande :
notre sanctification et celle de la famille d'où vient tout le
bonheur de la société civile et de la patrie.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 273
Vive le Congrès catholique du nouveau monde !
Vivent les femmes catholiques du Canada !
Vive Québec !
La présidente générale,
FousiE Rebu.tello, née Marquise Paolucci.
Marie Tivaroni,
Sec.-gén,
Vu par l'ass. ecc.
D. Antoine Stiévano.
Lettre de M. l'abbé Antoine M. Bonito
Naples, 27 mai 1880.
Si je ne puis, mes frères, être présent en personne à votre
Congrès, à vos œuvres, je le serai du moins en Dieu, pour qui,
comme le disait Massilloii " toute distance est nulle ! ! "
Je vous envoie donc un salut fraternel et la plus sincère et
la plus ferme adhésion à votre Congrès, avec l'espérance des
plus heureux résultats.
L'abbé Antoine Marie Bonito,
de Naples, docteur en théologie, professeur de droit canonique
et président du Cercle Scholastique Philosophique dans le
grand séminaire, membre de l'académie pontificale d'Arca
die, membre honoraire des avocats de St-Pierre, correspon-
dant de l'académie pontificale Tibérine ; membre de l'œuvre
des Congrès catholiques d'Italie, etc., etc.
Cercle St-Antoine de Padoue
Padoue, 24mai 1880.
Au premier Congrès catholique d'Amérique à Québec.
Le Cercle St-Antoine de Padoue de la Société de la jeunesse
catholique italienne se joint au premier Congrès catholique
d'Amérique, lequel s'assemble à Québec, dans la môme joie,
274 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
dans la même espérance et dans la même charité, pour défen-
dre la cause que défendent les catholiques du monde, c'est-à-
dire celle de Jésus-Christ, de son Eglise, et de son vicaire
contre satan, la révolution et ses fauteurs.
Vive le premier Congrès catholique du Canada !
Le président,
Antoine Baschirotto, avocat.
Société catholique de Florence
Florence, Italie, 23 mai 1880.
Loué soit Notre-Seigneur Jésus-Christ !
Au premier Congrès catholique du Canada.
La Société catholique de Florence envoie de grand cœur un
salut fraternel au Congrès catholique du Canada, qui va se
tenir à Québec le 24 du mois de juin prochain ; si l'immensité
d'un océan nous sépare, la môme foi, la même religion nous
unissent. Nous suivrons d'esprit et de cœur, et avec le plus
grand intérêt les discussions de votre assemblée, tout en lui
souhaitant d'atteindre son but, qui n'est autre que celui de
toute réunion catholique, c'est-à-dire, proclamer hautement
et défendre les droits sacrés de la religion et du Saint-Siège.
Nous souhaitons aussi aux catholiques du Canada que leur
exemple soit suivi par leurs frères des autres contrées de
l'Amérique, et que le bon Dieu et la Vierge Immaculée bénis-
sent le Congrès et^toutes les résolutions qu'il prendra.
Le président,
Raphaël Cocchi.
Chev. Gérard Gherardi del Turga,
Vice-président
Avv. Solaini, secrétaire.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 275
Comité diocésain des Congrès catholiques et de la
Ligue d'O'Connell
Côme, 26 mai 1880.
Très illustres Messieurs et bien aimés frères en Jésus-Christ^
Le Comité diocésain pour FOEuvre des Congrès catholiques
de la ville et diocèse de Côme, dans sa séance ordinaire du 23
du mois courant chargeait dun vœu unanime son président,
d'adresser une lettre de congratulation et d'adhésion aux ca-
tholiques du Canada qui vont s'assembler pour la première
fois en Congrès catholique à Québec, le 25 du mois prochain.
Heureux d'accomplir une si douce et si honorable tâche, le
président, interprète fidèle des sentiments du Comité qu'il
représente, et aussi de tous les catholiques du vaste et illustre
diocèse de Côme, félicite ses bien aimés fn res, les catholiques
du Canada, applaudit avec bonheur à la réunion du Congrès
de Québec, et, à eux réunis envoie ses affectueuses saluta-
tions, et un chaleureux vivat.
En élevant à Dieu les vœux les plus fervents pour l'heureux
succès du Congrès de Québec, il s'unit en esprit aux catho-
liques qui s'y rassemblent, pour les engager de plus* en plus à
travailler à la cause de Dieu et de son Eglise, avec cette cons-
tance, cette efficacité d'action qui forment l'honneur du peuple
canadien.
En louant beaucoup leurs généreux travaux il adhère de
toute son âme aux sages et utiles délibérations qu'on y pren-
dra pour la plus grande gloire, et au meilleur profit de la
s, Inte Eglise, notre Mère commune, et de la société civile,
aujourd'hui si agitée par des doctrines et des actions perverses ;
le tout dans le but de donner la paix et la prospérité aux peu-
ples, et de les voir un jour tous réunis dans un seul bercail,
sous un même pasteur, le Pontife romain.
Le président ayant ainsi accompli cette tâche honorifique,
s'écrie avec un saint enthousiasme :
Vive notre Mère la sainte Eglise !
Vive notre Père Léon XIU !
Vivent nos Frères assemblés en Congrès à Québec !
276 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Et je me souscris avec un profond respect et une haute
estime,
Pour le Comité diocésain, le président,
Charles Laffrani,
Archi-prétre de la cathédrale.
Le secrétaire,
Pr. Calixte Grandi.
Comité diocésain de Parme
Rome, 20 mai 1880.
Monsieur le président^
Vive Léon XIII ! Voici le fraternel salut qu'au nom du
Comité diocésain de Parme son président adresse à ses illus-
tres frères du Canada, qui après avoir ofTert leur vie pour la
défense des droits du Siège Apostolique, s'unissent maintenant
en Congrès général afin d'étudier les moyens pratiques pour
étendre sur toutes les classes de la société la bienfaisante lu-
mière de la charité chrétienne.
La croix de Notre Seigneur, voilà le drapeau auquel se
rallie tout cœur catholique. Il n'y a plus de frontières, ni
d'idiomes différents, ni de distances quand la foi nous réunit,
et nous formons une seule famille au cri de : Vive Léon XIII !
Veuillez agréer, monsieur le président, l'expression de ma
plus haute considération, et en invoquant les bénédictions du
ciel pour l'heureux résultat de ce Congrès, j'ai l'honneur
d'être
Monsieur le président.
Votre très humble serviteur,
Comte Che. César Podici-Schizze,
Camérier secret de Sa Sainteté.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 277
Cercle de la Madone
Messine, 20 mai 1880.
A monsieur le vice-président du Comité du Congrès catholique
à Québec.
Cher monsieur,
A l'heureuse occasion du premier Congrès catholique de
Québec, un cri de joie et d'admiration s'élève de nos cœurs
pour s'ajouter à celui qui vous parvient de tous les coins de
l'Italie.
La catholique Messine, la ville de la sainte Vierge, ne peut
que voir avec la plus intime satisfaction une impulsion aussi
éclatante du vrai progrès religieux et moral dans le Canada,
et c'est en son nom que V Assemblée des jeunes catholiques Mes-
sinois^ envoie un salut fraternel et respectueux à tous ceux qui
composent cet honorable Congrès. Voilà comment la voix du
Pontife, dont la portée est si considérable, a dévoilé le dégoû-
tant tableau de la société moderne, tout en faisant appel aux
hommes de bojme volonté pour la sauver, autant qu'ils peu-
vent des maux qui l'afBligent, et le peuple du Canada, aussi
attaché à la vérité et au bien-être social que tout autre peuple
civilisé, va y répondre tout-à-l'heure.
Permettez-nous, monsieur, de nous associer aux nobles
intentions de nos confrères canadiens, et de prier avec eux,
pour l'issue la plus favorable de leurs louables efforts.
Agréez, monsieur le vice-président, l'assurance de notre
considération la plus distinguée,
Le secrétaire. Le président,
FlORENTINO DeTREO. FiLIPPO RuSSO.
Comité régional de la Toscane
Lucca, 20 mai 1880.
Mons. le vice-président.,
Un Congrès catholique au Canada, c'est. ■ nouvelle preuve
de la foi et du zèle i|Ui animent nos amis de cette généreuse
nation.
18
278 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
La Toscane, le monde catholique tout entier, n'a pas oublié
que le Canada a envoyé en 1868 et 1869 quatre cents de ses
enfants à la défense de la sainte Eglise, et de notre regretté
Saint-Père, l'aimable Pie IX.
Et moi qui ai été le témoin de la piété tout-à-fait singulière,
et du courage héroïque de ces braves zouaves, je m'unis de
tout mon cœur aux catholiques canadiens rassemblés. J'ap-
prouve dès ce moment toutes leurs résolutions, et je prie le
bon Dieu de vouloir bien répandre ses lumières et ses béné-
dictions sur leurs réunions.
Oh ! que je serais heureux de pouvoir assister à votre Con-
grès, pour m'instruire dans vos discours, pour m'édifier dans
vos exemples ! Mais, étant empêché de m'y rendre, je vous
envoie du fond de mon cœur, un salut fraternel, et je désire
d'être rappelé au bon souvenir de tous mes anciens camarades,
les zouaves pontificaux canadiens, que j'espère de retrouver
encore sous les murs de Rome, le jour où la miséricorde de
Dieu voudra bien daigner nous accorder la victoire, et le
triomphe de notre mère bien aimée, la sainte Eglise ca-
tholique.
Daignez, monsieur le vice-président, agréer les sentiments
du profond respect avec lesquels je suis.
Votre tout dévoué serviteur,
Michel Barsotti,
Zouave pontifical, secrétaire du Comité supérieur des Con-
grès en Toscane, rédacteur en chef du journal II Fidèle^ che-
valier de l'ordre de St-Grégoire le Grand.
Comité paroissial de Pompiano, Brescia
Monsieur^
Au nom du Comité paroissial ae ce village, dont l'origiiie
remonte à un général de Rome, appelé Pompeius Magnus,
nous, habitants de Pompiano, avons l'honneur de vous trans-
mettre les vœux sincères p/Dur la meilleure réussite du pre-
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 279
mier Congrès catholique américain, dont vous, monsieur, êtes
le digne vice-président.
Que le bon Dieu vous bénisse, très chers frères en J. G., et
que la religion catholique puisse triompher partout : Que
sous le pontificat de Lumen de cœlo^ de Léon XIII, fort en
môme temps que prudent, fiat unum ovile^ et unus pastor.
Oui, monsieur !... les protestants, les mauvais chrétiens,
les infidèles devraient être surpris de cette unité admirable
de l'Eglise au milieu des persécutions et des combats que les
disciples de la croix aiment pourtant, car notre Maître aussi
porte la sienne et, saint André, notre patron, n'en voulut pas
être détaché, car par elle, il était sûr d'arriver au ciel.
Dans les jours de votre Congrès, priez pour nous, qui prie-
rons toujours pour vous, et pour tous les bons catholiques.
Nous vous saluons avec empressement, et avec tout notre
bon cœur.
A Pompiano, Brescia — Alta Italia, ce 19 mai 1880.
«
Le président du Comité,
Villa Franc esco.
Le secrétaire,
MONTINI LuiGL
Examinée pour le Curé,
BOLLI D. GlOV ViCARIUS FORANEUS.
Cercle St-Defendente
Romano di Lombardia, 15 mai 1880.
Très illustres messieurs et frères en Jésus-Christ ^
Si ce n'était l'immense océan qui nous sépare, nous vou-
drions nous-mêmes assister à cet illustre Congrès catholique
de nos frères du Canada. Dans l'impossibilité d'y être person-
nellement, nous joignons nos voix à celles des diverses sociétés
catholiques d'Italie approuvant toutes vos délibérations,
applaudissant à tous vos travaux. En même temps nous élevons
280 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
vers le Seigneur nos humbles prières, afin qu'il bénisse vos
assemblées et leur accorde une issue heureuse et salutaire.
Sur les ailes de la pensée, à travers l'océan, nous pressons
affectueusement vos mains, en vous disant : " Courage, frères,
combattez fortement, la cause de Dieu est aussi la nôtre : nous
vaincrons."
Avec toute la considération, et le plus profond respect, nous
avons l'honneur de nous souscrire, vos très humbles serviteurs
et frères en Jésus-Christ.
Le président,
Joseph Cavagnari.
Le secrétaire,
Annibal Cotti.
* Monterotondo, le 14 mai 1880.
Monsieur le président^ .
La jeunesse catholique de Monterotondo en Sabine, affiliée
à la Société de la jeunesse catholique italienne, apprend avec
bonheur la réunion d'un Congrès catholique canadien et elle
s'empresse, à cette occasion, de vous adresser quelques paroles
de chrétienne confraternité et de sincère sympathie.
Les périls de l'Eglise catholique sont partout immenses.
Aussi il importe que partout les catholiques s'unissent entre
eux, et profitent des droits qui leur restent pour défendre ceux
qu'on leur conteste, ou reconquérir ceux qu'on leur a enlevés-
Il importe que partout ils réclament leur adhésion inébran-
lable aux principes de leur religion, et qu'ils rappellent à ceux
qui l'ont oublié que les défenseurs de la foi peuvent périr,
mais que la foi elle-même est immortelle. Il importe qu'ils
protestent que rien ne les détachera de la Chaire de Pierre,
qu'ils ne négligeront rien pour soutenir la liberté et les droits
de cette chaire qui est le centre et la base fondamentale de
l'Eglise.
C'est dans ces pensées, Monsieur le président, que nous
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 281
saluons les membres de votre Congrès et que nous formons
pour son succès les vœux les plus sincères et les plus ardents.
Agréez, je vous prie, Monsieur le président, et veuillez faire
agréer à vos ctiers confrères, avec notre vraie sympathie, l'as-
surance de notre considération la plus distinguée, et celle de
notre affectueux dévouement en Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Le président,
T. RoMi.
Le secrétaire,
R. Manzi.
Le trésorier,
T. Del Moro.
Pudiano, Brescia, 14 mai 1880
Monsieur, .
Dans cette petite paroisse, nous avons pensé à vous, le jour
du martyr de saint Boniface, dont on vénère ici le corps, et
vous avons été chargés par le comité qui a tenu sa séance en
ce jour môme, de vous féliciter.
Un congrès catholique américain, c'est bien un sujet de joie
pour nous qui nous considérons comme des frères en Jésus-
Christ, d'autant plus que vous êtes très attachés à Rome, et
que vous avez déjà montré un courage qui nous fait envie,
lorsque vos zouaves défendaient le ^t-Siège.
Veuillez, Monsieur, vous faire l'interprète de ces sentiments,
à l'assemblée pour laquelle nous prions les Sacrés Cœurs de
Jésus et de Marie, et nos saints protecteurs.
Curé et ass. eccl.,
BoNALDA Vigile.
Le président,
Lanzani Tosquet.
Le secrétaire,
Lanzani Dominique.
282 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Gerolannova (Brescia), le 8 mai 1880.
Monsieur,
Il est presque impossible que vous ayez jamais entendu r -rbr
de ce petit village, qui jouit de la protection de saint Raphaël
Archange, et cependant il y a chez nous bien des cœurs qui
vous aiment, et qui prient pour une parfaite réussite de votre
premier Congrès américain.
Chaque fois que l'Italie s'est réunie à Venise, à Florence, à
Bergame, à Modène, etc., de grands avantages en ont découlé
pour nos catholiques : vous sortirez de votre assemblée encore
plus attachés au St-Père, que nous avons le privilège de pos-
séder au milieu de nous, et qui nous assure, en l'écoutant, la
vie éternelle, •
Agréez, Monsieur, nos vœux et nos félicitations.
Curé et ass. eccl.,
Jean Alberti.
Président,
Lanzani Joseph.
Vice-secrétaire,
D. Berna.
Cercle St-Martin de Paravanico
Monsieur le président,
Nous avons appris avec une véritable allégresse qu'au 24
juin prochain aura lieu à Québec le premier Congrès catho-
lique du Canada. En en lisant l'avis à une de nos réunions
ordinaires, nous nous sommes écriés : loué soit Jésus-Christ,
loué soit Dieu qui, en ces temps néfastes d'incrédulité qui
porte sans cesse à nous relâcher de plus en plus dans nos ef-
forts pour arrêter le progrès du mal, a daigné raviver la foi
dans le cœur de ses véritables enfants pour l'opposer aux des-
seins pervers des incrédules. Quant à nous, si loin de nos
frères et séparés d'eux par une étendue immense de terres et
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 283
de mers, nous n'en serons pas moins ensemble avec vous?
présents par l'esprit, et nous ferons des vœux et des prières
pour l'heureuse réussite de ce Congrès général ; et espérons,
très chers frères, que le même succès qu'ont obtenu les Con-
grès catholiques réunis en notre Italie, en France, en Alle-
magne et ailleurs, résultera du vôtre, lequel étant le premier,
ouvrira la voie à beaucoup d'autres qui seront tenus dans la
suite.
Le soussigné, tant en son propre nom qu'au nom du Cercle,
vous adresse un salut fraternel, à vous, Monsieur, et à toute
l'assemblée quand elle sera réunie.
Croyez-moi, Monsieur le président.
Votre très-affectionné, etc.,
Joseph Foggiano,
Curé et assistant ecclésiastique.
Cercle de N.-D. de la Guadeloupe
Arsoli, 23 mai 1880.
Monsieur et cher frère en Jésus-Christ^
Le Cercle catholique de Notre-Dame de la Guadeloupe, à
Arsoli, (Province de Rome), est heureux de ppuvoir envoyer
un salut fraternel aux Catholiques du Canada, qui, avec l'aide
de Dieu, se réuniront en Congrès pour la première fois à
Québec, le 24 juin prochain. Nous nous unissons en esprit' à
nos frères de l'Amérique du Nord, nous prions pour le succès
de leurs travaux et nous les encourageons de tout notre cœur
En cette occasion. Monsieur, je suis extrêmement flatté et
heureux de me souscrire
Votre dévoué serviteur et frère en J. C.
Gregorto Nardoni, président.
284 premier congrès catholique tenu a québec
Comité Provincial Piémontais
Turin, le 26 mai 1880.
Nous envoyons un salut afFectueux à nos frères du Canada
qui ont déjà donné des preuves si éclatantes de leur amour
pour la religion et pour le St-Siège, et qui maintenant se réu-
nissent en Congrès catholique afin de promouvoir les intérêts
de la foi. En même temps nous prions Dieu de daigner bénir
toutes leurs entreprises.
Pour le Comité provincial piémontais.
Le président,
Comte Frangesco di Viancino.
Comité Diocésain de Sorrente
Sorrente, 14 mai 1880.
A Monsieur le vice-président du Cercle catholique du
Canada^ Québec.
Nous avons reçu l'heureuse nouvelle qu'en juin prochain, à
Québec, aura lieu le premier Congrès catholique du Canada.
Le comité diocésain de Sorrente, animé de ces mêmes
principes chrétiens, transporté de joie à cette occasion, s'em-
presse de s'unir d'esprit et de cœur à ses frères éloignés de
l'Amérique du Nord, de leur adresser un salut cordial, un
baiser fraternel, une parole émue afin de les engager à pren-
dre de pli lù en plus vigueur et courage ; faisant des vœux
pour que Dieu bénisse leurs travaux ainsi qu'il le fit pour ces
quelques pains et poissons de l'Evangile avec lesquels il
nourrit une grande multitude.
Le député ecclésiastique. Le président,
Giuseppe Marino. Dr F. Cutarita.
Le Conseil.
Joseph Grandville,
Joseph Colmo.
Carlo Melano, secrétaire.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 28&
Comité paroissial de Capriolo
Italie— Capriolo, 24 mai 1880.
Les membres du Comité paroissial de Capriolo envoient à
leurs frères du Canada leurs souhaits, leurs félicitations et
leurs encouragements a a sujet de l'œuvre des congrès catho-
liques, lesquels semblables à l'Esprit de Dieu font des âmes
une seule âme, rapprochent les nations que les océans sépa-
rent, et unissent les peuples dans un seul désir et dans un
seul sentiment : la gloire de Dieu, le triomphe de la foi, le
sacrifice et l'action.
Le président,
Minelli Luigi.
Le secrétaire,
Ferrari Angelo.
Union des ouvriers de St-Damase
Turin, le 26 mai 1880.
Au président du Congrès catholique de Québec,
L'Union des ouvriers catholiques de la section et paroisse
Saint-Damase applaudit unanimement à votre premier Con-
grès catholique, et envoie à tous les membres réunis, un salut
d'amitié fraternelle. Elle forme en môme temps des vœux
auprès du Seigneur et de la Vierge Immaculée pour le pro-
grès et la prospérité de toute association religieuse.
Puisse votre exemple, chers frères, avoir de nombreux imi-
tateurs.
Agréez ces souhaits et ces félicitations que nos cœurs vous
offrent et veuillez nous regarder comme présents à votre
Congrès.
Le président.
Comité paroissial de St-Blaise
Monza (Lombardie, Italie), 23 mai 1880.
Le Comité paroissial de Saint-Biaise de l'œuvre des Congrès
catholiques italiens envoie au pr'êmier Congrès des Canadiens
286 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
catholiques l'oxpression de sa vive et sincère afFection dans le
Christ, et supplie Dieu de daigner couronner ses travaux du
plus heureux succès.
Président,
VoLONTERi Carlo.
VOLONTERI AnGELO,
Vice-secrétaire.
P. GiusEPPE Gerli,
Assistant ecclésiastique.
Société du laïcat catholique italien
Consacrée au S. Cœur de Jésus pour r encouragement et la défense
de la presse catholique. Coï.ùté promoteur central.
Naples, 24 mai 1880.
Le Comité promoteur central de la Société du laïcat catho-
lique Italien, qui a son siège à Naples, félicite les catholiques
du Canada au sujet du Congrès des délégués des associations
laïques de ce pays, qui aura lieu à Québec le 24 juin prochain,
en la fête de St-Jean-Baptiste, et tout en s'unissant en esprit
aux travaux de cette assemblée catholique, demande au ciel
de lui accorder le plus heureux succès, en applaudissant dès
maintenant à tout ce qu'il y sera décidé pour la défense des
droits sacrés de l'Eglise et du St-Siège.
Pour le Comité central
le président.
Comte di Acciano.
Associations catholiques de Venise
Monsieur.,
Le Comité provincial et diocésain, l'Association catholique
et le Cercle de la jeunesse catholique, s'unissant en esprit aux
bons catholiques qui célébreront leur • lier Congrès catho-
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 287
liqiie en Canada dans l'illustre ville de Québec, leur envoient
un salut fraternel et demandent au Seigneur de combler de
ses bénédictions les travaux du Congrès.
Agréez, monsieur, les sentiments de notre estime et de
notre considération distinguée.
Venise, 31 mai 1880.
Vos dévoués serviteurs.
Pour le Comité provincial et pour l'Association catholique,
Alessandro.
Pour le Cercle de la jeunesse catholique,
Avocat Giovanni Draghi.
Comité provincial Lombard pour l'ceuvre des congrès catho-
liques et pour la ligue O'Connell
Milan, dernier jour du mois consacré à la très Sainte-
Vierge.— 31 mai 1880.
Messieurs et Frères en Jésus-Christ^ catholiques du Canada^ célé-
brant leur premier Congrès catholique à Québec,
Les catholiques de la Lombardie, unis entre eux pour se
dévouer à la sainte cause de l'Eglise de Dieu et de son Vicaire
l'infaillible Pontife Léon XIÏl, saluent leurs frères du Canada
se réunissant à Québec pour célébrer leur premier Congrès
catholique.
Fide et operibus — voilà ce que porte notre bannière chré-
tienne, et cette devise vénérée et sacrée est pour vous aussi la
source de votre courage, votre guide dans vos actes, votre
force dans vos entreprises et votre constance dans les ad-
versités.
La Croix de Jésus-Christ est notre unique espérance, comme
elle l'est pour vous. La Vierge Immaculée est notre mère,
parce qu'elle est l'aide des chrétiens dans toutes les parties du
monde.
Le rocher inexpugnable du Vatican à Rome est le centre, le
288 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
phare, le guide sûr de tous les enfants de l'Eglise ; c'est notre
appui et notre confort à nous, qui sommes les victimes de la
révolution et du libéralisme.
Catholiques canadiens, les habitants de la Lombardie vous
sont connus par leur foi antique et par leur courage chrétien
traditionnel ; en grande majorité, ils maintiennent encore
dans son intégrité la pieuse et religieuse tradition de leurs
pères, ils demeurent fidèles, ils s'organisent dans le mouve-
ment catholique ; ils ne craignent pas la lutte ; accueillez
donc avec bienveillance leur salut, assurés que leurs coeurs
font des vœux ardents pour vous et pour votre premier Con-
grès catholique de Québec, auquel ils s'unissent en s'écriant :
Vive l'Eglise de Jésus-Christ !
Vive l'Immaculée-Conception de la Très Sainte-Vierge !
Vive Léon XIII, Pontife et Roi !
Pour le Comité provincial lombard de l'œuvre des Congrès
catholiques,
Le président,
C. GiusEPPE Barbiano di Religiosi.
Le secrétaire,
Rag. Guiseppe Benincori.
Cercle St-Jean-Baptiste
Province de Vérone— S. Gio. Lup., 26 mai 1880.
Monsieur le président et frère en Jésus-Christ^
Gomme soldats qui nous faisons gloire de combattre sous la
même bannière, nous applaudissons de grand cœur à votre
valeureux Congrès. Rassemblez-vous, organisez-vous, faites-
vous forts ; c'est bien. Lorsque nous serons devenus une
seule et même chose non seulement par la foi, mais aussi par
notre action extérieure, nos ennemis jurés auront à frapper de
leur front coupable contre un mur de bronze qui arrêtera leur
marche furibonde. Votre Congrès poussera le mouvement
catholique à pas de géant. Car c'est ainsi que nous apprenons
LETTRES n'ADHÉSION AU CONGRÈS 289
à nous connaître, que nous nous communiquons nos lumières,
nos forces, notre esprit. On sort d'un Congrès mille fois plus
ardent dans la foi, plus enflammé dans les œuvres, plus cou-
rageux dans la lutte. La religion catholique en retire en con-
séquence des avantages considérables, et la société civile, avec
elle. O courageux fils du Canada, de cette terre forfrimée qui
a engendré tant d'héroïques défenseurs du trône pontifical,
vous avez pour vous sur ce point la sympathie du monde en-
tier. Des contrées les plus lointaines une fervente prière
s'élève pour vous vers le trône de Celui qui donne tout bien,
de Celui de qui vient tout don parfait, afin qu'il fasse pleu-
voir ses plus abondantes bénédictions sur vous tous réunis en
Congrès, sur vos travaux, sur vos délibérations. Et nous qui
ne voulons point être les derniers dans le mouvement catho-
lique ; nous aussi, séparés du continent américain par la vaste
étendue de l'océan, nous nous unissons en esprit à votre
Congrès.
Votre bienveiUance vous fera accueillir avec une afiection
particulière cette adhésion qui part de coeurs auxquels Dieu a
accordé la suprême faveur de combattre aussi près du Trône
pontifical ; voilà pourquoi nous vous étreignons tous dans un
fraternel embrassement, vous envoyant dans un transport de
saint enthousiasme, qui inonde nos cœurs, ce triple cri :
Vive Léon XIII ! Vive la Religion ! Vive le Canada !
Le président,
LuiGi Baschera.
L'assistant ecclésiastique, (
Pietro Zampieri, prêtre.
Le secrétaire,
LuiGi Maggiotti.
Association Catholique de Lecce
Lecce, le 24 mai 1880.
Monsieur le vice-président^
C'est avec un véritable bonheur que je salue le Congrès
catholique des Canadiens, lequel béni par notre auguste et
290 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
vénéré Pontife Léon XIII se distinguera dans la lutte achar-
née qui se livre en plein dix-neuvième siècle entre le chris-
tianisme et le naturalisme et ne saurait manquer d'avoir les
plus heureux résultats pour le bien de la société malade.
Combattons donc avec courage, en avant, bien aimés frères
dans le Christ ; de la lutte, j'en ai la ferme confiance, sortira
la victoire qui sera d'autant plus brillante que le combat aura
été plus acharné.
Puissent les sympathies et les hommages que vous offre
mon cœur étroitement uni au vôtre, augmenter encore votre
ardeur. Vos travaux bénis par Léon XIII seront aussi bénis de
Dieu.
Avec la plus grande estime et la plus grande afiection, j'ai
l'honneur d'être, cher frère dans l'Eglise romaine,
Votre tout dévoué serviteur,
Baron Martucgi.
Cercle St-Jean-Baptiste de Monza
Monza, 7 mai 1880.
Messieurs et frères chéris dans le Christ^
Le Cercle St-Jean-Baptiste, à Monza, de la Société de la
jeunesse catholique italienne, s'unit de cœur à ses véritables
frères du Canada, réunis en Congrès à Québec, et leur pré-
sente ses vœux, ses souhaits et ses saints.
La croix de Notre Seigneur Jéous-Christ est la seule et uni-
que bannière de tous les Catholiques ; et bien que, habitants
d'un autre continent et séparés par un océan, nous sommes
fils de la même mère, l'Eglise catholique, §t ne formons-nous
pas qu'un seul troupeau sous la direction d'un seul pasteur,
unum oviky unus Pastor. Soyons donc unis entre nous par la
prière et les aspirations.
C'est avec ces sentiments que je me souscris
Pour le Cercle de Monza,
Gasparo Predari, président.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 291
Section St-Joseph du Cercle St-Ambroise de Milan
Haute Lombardie, le 21 mai 1880.
Messieurs et chers confrères en J.-C.
La section St-Joseph du Cercle St-Ambroise. à Milan, de la
Société de la jeunesse catholique italienne, aurait été heu-
reuse de pouvoir envoyer un représentant à votre premier
Congrès catholique, mais l'immense distance qui sépare les
deux continents lui rend cette consolation impossible.
Néanmoins il y a un autre moyen de la représenter ; c'est
de vous dire les sentiments qui nous animent pour votre œu-
vre ; et autant qu'il sera en notre pouvoir nous prendrons part
à cette belle réunion en adressant au Seigneur des prières
ardentes pour le succès du Congrès catholique du Canada.
0 Canadiens ! ayez courage. Notre siècle est le siècle de
l'héroïsme et de la générosité pour tous ceux qui, au milieu
des persécutions, sont résolus de suivre la voie de la justice et
de défendre notre foi. Soyons en toutes choses fermement
attachés au Siège infaillible de Pierre, et pendant que bien
des chefs d'Etat étalent avec orgueil leurs bannières sur les-
quelles sont écrits les mots de Révolution et d'Anarchie^ nous,
pleins de foi dans le Christ et dans notre auguste chef Léon
XIII, tenons aussi élevé notre humble mais plus glorieux
drapeau dont la devise invariable est : Religion et Union ! !
Vive le Christ et son Eglise !
Vive le Pape Léon XIII !
Vive le Congrès catholique de Québec !
En vous offrant ces sentiments du coeur, j'ai l'honneur de
me souscrire, avec un profond respect,
Votre, etc..
Pour la section St-Joseph de la Haute Lombardie,
CkRLo Besnati, président.
292 premier congrès catholique tenu a québec
Cercle St-Zénon de Vérone
Vérone, 23 mai (fête de la Ste-Trinité) 1880.
Cher Monsieur^
Au nom de tout le Cercle St-Zénon de la jeunesse catho-
lique italienne dont je suis président, j'applaudis de grand
cœur au premier Congrès catholique du Canada.
Veuillez, Monsieur, transmettre, à tous les Catholiques qui
se réunissent à Québec, les sentiments de joie profonde que le
mouvement religieux du Nouveau Monde fait naître dans nos
âmes et l'espoir que nous nourrissons pour les bienfaisantes
lumières qui jailliront de vos discussions sages, calmes et
pratiques.
Héritiers des pieux desseins et des nobles ambitions de n^'tre
compatriote Colomb, les Américains catholiques verront to i-
jours dans la foi qui fait d'eux une seule famille, le phare qui
les guidera pour remporti des triomphes qui seront à la
gloire de Dieu et de son auguste Représentant sur la terre.
Je suis en même temps heureux, cher Monsieur, de vous
offrir l'hommage de mon estime et de mon profond respect.
Votre serviteur et frère en J.-C,
GiusEPPE Zaglio, avocat, président.
Albano Albasini Ragioniere, secrétaire.
Société des Dames Véronaises
Vérone, le 24 mai 1880.
Très honoré Monsieur^
La Société des dames véronaises pour les intérêts catho-
liques, envoie aux catholiques du Canada réunis à Québec
pour leur premier Congrès un salut fraternel.
Vous voudrez bien, très honoré Monsieur, vous faire l'inter-
prète des sentiments de sympathie des dames véronaises à
l'ép^ard de ces vaillants catholiques,qui dans le nouveau monde,
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 293
savent tenir bien haut la bannière de la religion et de la civili-
sation. Daigne Dieu bénir les travaux de ce premier Congrès
pour le succès duquel notre Société vous promet le secours
de ses plus ferventes prières.
Agréez, honoré Monsieur, les sentiments de la profonde
estime avec laquelle nous nous souscrivons
Vos dévouées servantes,
Laura Bottagisie, présidente.
Comtesse Laura Ravignani, secrétaire.
Francesco Sogaro, archiprètre, aumônier.
Cercle St-Prodosclmo
A M. le vice-président du premier Congrès catholique de Québec.
Si l'immensité des mers nous sépare de vous quant à la
partie matérielle de notre être, cette môme immensité ne sau-
rait nous séparer quant aux sentiments et aux affections ; sen.
timents et affections qui lient en un seul cœur et en une seule
âme tous les fils de la même mère, notre Eglise catholique. '
C'est par cette union intime que nous éprouvons une sainte
joie de voir que, dans le nouveau monde aussi, elle enflamme
les cœurs de cette vie religieuse qui anime nos contrées d'Eu-
rope. Qu'ils vivent donc les valeureux Canadiens ! Au nom de ce ,
Cercle de St-Prodoscimo de la jeunesse catholique italienne,
de ce sous-comité diocésain nous applaudissons de tout notre
cœur au premier Congrès catholique de Québec, nous adhé-
rons à tout ce qui y sera décidé et nous prions le Seigneur de
le rendre magnifique et fécond en bons résultats.
Très chers frères en Jésus-Christ ! attachés toujours à l'in-
faillible chaire de St-Pierre et sous le bouclier de la puissante
protection de Marie Immaculée combattons avec courage les
batailles du Seigneur et ne reculons ni devant les travaux ni
devant les sacrifices pour le bien de la société. Acharnée est
la lutte, mais grâce à la direction du divin Général, certaine
est aussi la victoire : victoire que nous hâtons de nos désirs
19
294 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
afin qu'elle brille encore sur la terre cette arc-en-ciel, gage de
paix après laquelle soupirent toutes les âmes honnêtes.
Dans toute l'expansion du cœur nous serrons la main aux
excellents catholiques qui composent le Congrès et en même
temps nous vous adressons l'expression de notre estime la plus
distinguée.
Vos très humbles et très affectionnés frères en Jésus-Christ-
Maximilien Nazoni, président.
Zambotti Rigcardo, secrétaire.
Ce 12 mai 1880.
Cercle St-Antoine, abbé
Sorrente, le 22 mai 1880.
M. le président et chers frères en Jésus-Christ^
Les membres de la Société de la jeunesse catholique itaUenne
à Sorrente saluent avec un extrême bonheur leurs frères
d'Amérique réunis en congrès catholique pour la première
fois. Ils envoient à tous et à chacun leurs félicitations sincères
et forment des vœux ardents, afin que semblable à la semence
de l'Evangile, leur œuvre bénie par Dieu produise une abon-
dante et immortelle moisson.
La prière fervente qu'en union de charité et de but nous
adressons aux SS. Cœurs de Jésus et de Marie sera le gage du
succès que notre Cercle vous souhaite à tous de tout cœur.
L'aumônier, Giuseppe Marino, chanoine.
Le président, Luigi Gasgil'lo.
Le vice-président, Antonino Grandailli.
Le trésorier, Francesgo Bonona.
Le secrétaire, Pasquale di Lera.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 295
Comité diocésain de Brescia
Brescia, le 11 mai 1880.
Bien chers frères en Jésus-Christ^
Dans une circulaire du 6 avril dernier, le conseil supérieur
de la Société de la jeunesse catholique italienne nous a appris
que le 24 juin prochain doit se tenir à Québec le premier Con-
grès catholique du Canada.
A cette occasion, les membres du Comité de Brescia dont la
formation a suivi l'œuvre des Congrès catholiques envoient
leurs félicitations à leurs frères du Canada, dans cette Amé-
rique, qui découverte il y a quatre cents ans par un Italien, lui
doit la connaissance de cette vérité par laquelle seule on peut
obtenir le salut éternel.
La nouvelle de la réunion de votre Congrès fait naître en
nos cœurs. Messieurs, des sentiments de vive sympathie ; et
les nombreux témoignages qui vous arriveront de tous les
pays catholiques vous montreront combien nous vous sommes
attachés dans cette union des esprits et cette conformité de vues
si recommandées par le Vicaire de Jésus-Christ, Léon XIII,
glorieusement régnant.
Que Marie, la Vierge Immaculée et Saint Joseph patron de
l'Eglise universelle bénissent votre premier Congrès, afin que
vos travaux produisent parmi vos frères des résultats salu-
taires, afin que les bons se donnent tous la main pour défendre
la cause de la religion, et afin que stimulés par leurs exemples
ceux qui maintenant hélas ! sont en dehors de l'Eglise revien.
nent à Celui qui est la voie^ la vérité et la vie.
Pour le comité diocésain de Brescia, le président,
Le vice-secrétaire, V. Matiotti.
Cercle Ste-Catherine de Ricci, a Prato (Toscane)
Prato, 26 mai 1880.
Messieurs et frères chéris en Jésus-Christ^
Le Cercle Ste-Catherine de Ricci, de la jeunesse catholique
italienne, ne peut manquer de vous féliciter, généreux catho-
296 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
liques du Canada, qui sous l'égide d'une vraie liberté vous
préparez à célébrer à Québec votre premier Congrès catho-
lique. Nous souhaitons que vos âmes s'y retrempent et y
prennent une force nouvelle poui combattre en faveur de
l'Eglise et du souverain Pontife.
Mais en adressant à votre illustre assemblée, au nom de
notre humble Cercle, cette lettre de félicitations et de joyeux
augure, nous ne présumons pas vous encourager et vous exci-
ter à armer vos âmes de force et de courage pour vous sou-
tenir dans la grande lutte, dans laquelle se trouve nécessai-
rement engagé tout vrai serviteur de Jésus-Christ et tout
enfant soumis de l'Eglise notre sainte Mère ; loin de là, nous
qui sommes les derniers dans la famille catholique, nous
avons tout à apprendre de la grandeur de votre foi et de la
fermeté de vos cœurs à combattre les combats du Seigneur.
Beaucoup de catholiques canadiens furent de dignes sol-
dats du glorieux Pie IX ; vous êtes de dignes soldats de
l'Eglise et de Léon XIII, vous, messieurs, qui pour le bien de
l'Eglise catholique, notre Mère à tous, vous réunissez pour la
première fois en assemblée générale.
Frères catholiques, l'immense surface de l'océan et une
grande étendue de terre tient nos personnes éloignées de vous,
mais nos esprits et nos cœurs sont au milieu de vous pour
vous applaudir, pour adhérer à vos délibérations, pour s'unir
avec vous dans* la prière, dans l'action et le sacrifice. Tous
enfants de Léon XIII, chaque langue répète, avec jubilation,
son nom vénéré et que notre cri de : Vivent les catholiques du
Canada ! résonne au sein de votre illustre assemblée.
Nous avons l'honneur de vous saluer et de nous souscrire,
Vos très dévoués et affectionnés en Jésus-Christ,
Tebaldo Fabroni, président.
RoccHi ViNCENzo, Secrétaire.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 297
Société ouvrière catholique de secours mutuel,
Terranova (Sicile)
M. le vice-président du Comité du Congrès catholique de Québec^
C'est avec une profonde et joyeuse satisfaction que j'ai appris
par le journal La Sicilia Cattolica que le 24 juin prochain devra
se tenir le premier Congrès catholique du Canada. C'est pour
quoi, M. le vice-président, conjointement avec l'Union catho-
lique dont je suis le président, je ne puis manquer d'adresser
de ferventes prières à Dieu, afin qu'il daigne vous faire obte-
nir, à vous et à vos autres généreux et invincibles compagnons,
un heureux succès et des fruits nombreux comme couronne-
ment de vos zélés travaux.
Grands et infinis seront les mérites que de tels apôtres
acquerront auprès de Dieu ; parce que le bien qu'ils font à
l'humanité est grand et inestimable, puisqu'ils coopéreront
dans une si large part à la propagation de la religion chré-
tienne. Je salue du fond du cœur une entreprise aussi bien-
faisante et aussi sainte et je prie le Seigneur de lui donner de
l'accroissement.
Que Dieu daigne par sa protection bienfaisante et en jetant
sur elle un regard de bienveillance la bénir et la soutenir, en
accordant prospérité et accroissement au zèle qui l'anime.
Agréez, monsieur, l'expression de ma profonde estime et du
respect avec lequel j'ai l'honneur de me souscrire,
Votre tout dévoué,
RosARio Ciaramella,
Président de l'Union catholique du travail à Terranova.
Terranova (Sicile), 26 mai 1880.
Société St-Vincent de Paul
Conférence de Prato.
3 mai 1880.
Monsieur le vice-président^
A peine ai-je reçu l'avis du premier Congrès catholique du
Canada qui se réunira dans votre cité le 24 juin prochain,
298 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
que je m'empresse de vous faire savoir, au nom de tous les
associés de cette conlereiice de Prato, en Toscane, que bien
volontiers nous nous associons en esprit à nos frères de l'Amé-
rique du Nord pour prier Dieu, dispensateur de tous biens, de
faire réussir leurs travaux incessants, pour ramener dans le
droit sentier du chemin du Paradis toute cette famille égarée
et inconsciente du vrai salut éternel de l'âme. Si vous avez le
courage d'entreprendre ainsi avec vigueur ce que peut vous
présenter le cours de la vie, ne doutez pas que le Seigneur
n'accepte avec complaisance vos travaux et ne se charge de les
récompenser avec libéralité.
Tout en vous adressant, illustrissime Monsieur, à vous et à
tous nos frères en Jésus-Christ, un salut cordial et affectueux,
j'ai l'honneur de me déclarer, avec des sentiments d'estime et
de respect.
Votre très affectionné frère en J.-C,
Attiliana Pancani, président.
Cercle St-Flavius, 1 Grotte di Castro
Monsieur le président^
La Société des intérêts catholiques de Grotte di Castro, pro-
vince de Rome, Italie, vous prie de présenter aux membres
du premier Congrès catholique du Canada son entière adhé-
sion et ses félicitations les plus vives, et adresse des vœux
ardents à Notre Seigneur pour que les travaux de nos frères
de l'Amérique du Nord aient un bon succès.
Grotte di Castro, du Cercle de St-Flavius, 20 mai 1880.
Le président. Le secrétaire,
Flavius Orzi. Nazareno Cristofori.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 299
Association Gatholiou . de Vicenza
Italie, Vicenza, 24 mai 1880.
A nos frères catholiques de l'Amérique du Nord réunis
en Congrès à Québec.
Le 24 juin sera pour vous un jour mémorable. Il est facile
de penser combien de consolations vous éprouverez en ce
jour ; mais tous les catholiques du monde vont s'en réjouir
avec vous ; ils vous regardent, vous applaudissent et joignent
leurs prières aux vôtres.
L'Association catholique de Vicenza s'unit à vous en esprit,
vous encourage à soutenir cette lutte que tous les bons catho-
liques sont appelés à soutenir pour le triomphe de l'Eglise ;
elle prie et elle priera pour le succès de vos travaux, que Dieu
daignera certainement bénir, et elle vous envoie, avec toute
l'effusion du cœur, un salut fraternel.
Carlo Perecini,
Président de 1 Association catholique de Vicenza, Italie.
Comité diocésain de Vérone
Vérone, 20 mai 18B0.
Monsieur le président.,
Le Comité diocésain de Vérone, en son nom et au nom des
comités paroissiaux de la ville et de ce diocèse, ne peut s'em
pêcher d'adresser un mot d'éloge et d'encouragement aux
catholiques canadiens qui se réunissent en Congrès pour la
première fois, le 24 juin prochain.
Bien que l'immense océan sépare les nations auxquelles
nous appartenons, cependant nous pouvons dire que nous
sommes toujours unis en esprit comme enfants d'un même
Père, puisque nous avons les mêmes croyances et les mêmes
aspirations.
Le Comité diocésain souhaite de tout cœur au premier Con-
grès catholique du Canada succès dans ses travaux pour le
300 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
triomphe de la Ste-Eglise et pour le salut des âmes, et il de-
mandera à Dieu de le lui accorder.
Agréez, M. le président, l'expression de la considération,
avec laquelle nous avons le plaisir de nous souscrire,
Vos affectionnés frères en Jésus-Christ,
Bartolomeo Cesare Goris,
Chanoine théologal de la cathédrale, président.
Francesco Vaccari,
secrétaire.
Cercle de St-Thomas d'Aquin, k Ancône
Ancône, 24 mai 1880.
Monsieur et frère en Jésus-Christ.
La religion catholique, apostolique et romaine, qui, par une
admirable unité de doctrine nous unit tous par un môme lien
plein de suavité, nous rend membres d'une môme famille et
même enfants d'un môme père ; et comme dans une petite fa-
mille, tous participent au bien de l'un de ses membres et s'en
réjouissent, ainsi doit-il en être dans la grande famille catho-
lique. C'est pour cette raison que, sachant que le 24 juin
prochain vous. Catholiques du Canada, vous vous réunirez au
nom de Jésus-Christ pour traiter et discuter vos intérêts reli-
gieux et sociaux afin de les défendre ensuite contre les assauts
des fils de Baal qui sont répandus et se rencontrent dans
toutes les parties du monde, nous, soussignés, en notre nom
et au nom de tous les Catholiques de notre ville, nous vous
adressons un salut fraternel, et, bien que séparés de vous par
une immense distance, nous nous unissons à vous en esprit,
et nous prenons le plus grand intérêt à votre réunion. Cette
réunion, ne pouvant manquer d'avoir l'approbation et la béné-
diction du Souverain Pontife, produira, comme nous vous le
souhaitons de tout cœur, les fruits les plus abondants. Et
comme les assemblées ténébreuses des ennemis de la religion
catholique répandent partout l'impiété, le sensualisme, le
LETTRES d'adhésion AU CONGRES 301
blasphème et la haine des prêtres du Dieu vivant, de notre
côté, nous, enfants respectueux de cette sainte religion, réunis
pacifiquement au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, faisons
tout ce qui est en notre pouvoir pour propager et raffermir la
foi, pour prêcher Tesprit de pénitence et de sacrifice, pour re-
commander la prière et faire chanter les louanges de Dieu et
de Marie sa très sainte Mère, pour répandre et accroître le res-
pect et la vénération envers les simples prêtres, envers les
vénérables membres de l'Episcopat et surtout envers l'auguste
vicaire de Jésus-Christ. Donnant notre adhésion dès mainte-
nant à toutes les décisions que vous prendrez, conduits par
l'esprit de l'Evangile, nous félicitons, avec une sainte satisfac-
tion, les promoteurs, le comité surtout, de ce Congrès catho-
lique et tous ceux qui y prendront part ; nous unissant à eux
de tout cœur pour crier : Vive la religion catholique ! Vive le
premier Congrès catholique du Canada ! Vive le Souverain
Pontife Léon XIII !
Et c'est dans ces sentiments que nous avons l'honneur de
nous dire, au nom de notre Seigneur Jésus-Christ, Monsieur
le vice-président.
Vos très dévoués serviteurs et confrères,
Emmanuele Federici, président.
GiusEPPE Baroncini, vice-président.
Ulderico Giampaoli, trésorier.
Raimondo Bosdari, secrétaire.
ViNCENzo Gasparoni, curé, assistant
ecclésiastique.
Société de la jeunesse catholique Romaine,
Cercle de St-Pierre
Rome, 19 mai 1880.
Monsieur^
C'est avec le plus grand intérêt que les membres de ce Cercle,
que je préside, ont appris la nouvelle que les catholiques du
303 PUEMIEIl CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Canada ont l'intention de se réunir et de célébrer leur premier
Congrès catholique. Nous sommes séparés de vous par une
immense étendue de terre et de mer ; mais malgré cela, notre
cœur palpite pour vous, bien que nous ne vous ayons jamais
connus ; et nous sentons que nous sommes vos frères.
Une seule et même foi en notre Seigneur, nous unit tous
par le lien le plus étroit, la môme affection nous lie à son
Vicaire, notre Père commun.
Nous qui avons le grand avantage de le posséder au milieu
de nous, nous faisons tout en notre pouvoir pour le consoler
au sein des douleurs que d'autres de ses enfants ingrats et in-
dignes de ce nom lui causent chaque jour.
Et vous, bien que séparés de lui par une si grande distance,
vous lui avez envoyé généreusement, il y a quelques années,
vos enfants pour défendre ses droits sacrés par les armes et
en versant leur sang ; vous n'avez pas cessé ensuite de sub-
venir à son auguste indigence par vos offrandes en argent ; et
maintenant en vous réunissant en Congrès et en vous décla-
rant de nouveau ses fils respectueux, vous préparez une nou-
velle consolation à son cœur affligé. Nous vous envoyons donc du
cœur un salut fraternel, et dès maintenant nous donnons notre
adhésion à toutes les résolutions que vous prendrez dans
votre Congrès. Car ce que vous croyez, nous le croyons ; ce
que vous aimez, nous l'aimons ; ce que vous repoussez, nous
le repoussons nous aussi, en Notre Seigneur et en son infail-
lible vicaire Léon XIII.
Nous vous prions, Monsieur, de vous faire l'interprète au-
près des catholiques du Canada réunis en Congrès, de ces
sentiments du Cercle de St-Pierre de Rome, et d'agréer l'ex-
pression du profond respect, avec lequel j'ai l'honneur de me
souscrire
Votre tout dévoué serviteur,
FiLiPPO Talli, président.
Le secrétaire,
G. MONETI.
LETTIIES d'adhésion AU CONGIIKS 303
Cercle de St-Ghristophe, X Gallarate
Gallarato, lo 19 mai 1880.
Monsieur le président^
C'est avec une immense joie que notre cœur salue votre
premier Congrès catholique. Ce Conf,'rès, nous l'espérons,
contribuera puissamment à confirmer dans le peuple la foi et
les sentiments religieux et sera en même temps une protesta-
tion m.aijrnifique contre les œuvres de l'impiété et de l'incré-
dulité. Unis à vous par les liens de la chanlé chrétienne^
nous adhérons de grand cœur à tout ce que vous déciderez
pour le bien de la société et de la religion, et nous vous pro-
mettons que nous ne manquerons pas d'adresser au Seigneur
de ferventes prières afin que durant ces jours il vous accorde
ses lumières et ses plus abondantes bénédictions.
Avec la plus grande effusion du cœur, nous nous souscri-
vons dans la charité de N. S. J.-C,
Votre, etc.,
Ubaldo Ferrario, président.
Société des bonnes oeuvres et de bienfaisance
Casai Monferrant, 20 mai, 18o0.
Monsieur le président^
C'est avec bonheur que les sociétés catholiques de ce con-
tinent ont appris que des sociétés semblables se sont aussi
formées de l'autre côté de l'Atlantique et que les catholiques
de votre pays ont résolu de se réunir en congrès pour s'en-
tendre sur la lutte qu'ils ont résolu de livrer aux ennemis de
la foi, de l'Eglise et du Père commun des fidèles.
Aussi, nous empressons-nous d'envoyer à ces sociétés notre
adhésion entière, et de présenter nos souhaits et nos félicita-
tions à tous les membres de votre Congrès catholique. Si la
Société des bonnes œuvres et de bienfaisance de Casai Mon.
304 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
ferrant, en Italie, ne peut se joindre à vous à cause de la dis-
tance, elle vous est du moins unie en esprit et par la prière,
ainsi que dans la ferme espérance d'obtenir bientôt de Dieu
le triomphe de l'Eglise, et de voir la fin de ces persécutions
lamentables dont le but est de substituer l'athéisme à In foi,
les sectes à l'Eglise, Satan à Dieu.
Veuillez, M. le président, transmettre à toutes les sociétés
catholiques de l'Amérique l'expression de notre affection
cordiale et présenter, au nom de notre société de bienfaisance,
au Congrès réuni à Québec, le salut catholique : Loué soit
Jésus-Ghrist.
J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec un profond respect,
votre, etc.,
Negri Federico, secrétaire.
Pour la Société des bonnes œuvres et de bienfaisance.
Lettre collective des Catholiques de Modéne, Parmes, etc.
Modene, Ie22mai1880.
Messieurs et chers frères en J.-C.
Les Catholiques italiens de Modêne st Nonantola, Reggio,
Parmes, Plaisance, Borgo San Domino, Carpi et Guastalla,
qui forment notre Région de VEmilie^ au nom de Dieu et du
Pape, envoient, par notre entremise, leurs félicitations sincè-
res, un salut fraternel et leurs meilleurs souhaits, à vous tous,
messieurs et chers frères qui, au nom de Dieu et du Pape,
vous êtes réunis en Congrès sur les rives du St-Laurent. Un
océan immense nous sépare ; nous parlons des langues diifé-
rentes, mais nous nous sentons unis à vous par un lien indis-
soluble, puisque nous vivons de la même foi, et que nous
professons le même amour pour le vicaire de Jésus-Ghrist.
Aussi nous est-il doux de nous transporter par la pensée jus-
que sur ce sol fécond de l'Amérique, pour assister d'esprit et
de cœur à vos réuii ons, pour applaudir à vos délibérations et
adopter toutes les résolutions que vous prendrez pour la dé-
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 305
iense de notre Mère l'Eglise catholique et de son auguste chef
le Pontife romain.
Vous savez, Messieurs, d'où vous viennent ces adhésions
sincères. Elles vous viennent de cette terre qui a été ^violem-
ment arrachée au St-Siège et dont la Révolution a fait le
centre des plus iniques attentats contre le Pontife romain. Mais
la vraie Italie, l'Italie catholique sait que la papauté est sa
gloire la plus brillante, et dans la triste condition nni lui est
faite elle voit le plus grand des malheurs. Elle souffre et eîle
pleure, victine infortunée d'une persécution cruelle, tramée
contre son Roi vénéré ; mais aussi tenant élevé lo drapeau du
Vatican, elie résiste, elle lutte, pleine de confiance et d'ardeur
pour rendre au Souverain Pontife ses droits et sa liberté, seuls
gages certains de paix et de prospérité véritable pour l'Italie.
O Canadiens ! avec quelle joie et quelle reconnaissance nous
nous rappelons vos dignes représentants qui, au^^jours de nos
plus grands désastres, étaient accourus à Rome pour y dé-
fendre, avec intrépidité et au prix même de leur vie, ces droits
imprescriptibles et cette liberté sainte. Outre les liens de la
Foi et de l'amitié qui nous unissent à vous, il y a donc encore
les liens d'une lutte commune, et nous sommes heureux de
les resserrer aujourd'hui, que vous êtes réunis pour votre
premier Congrès catholique dans votre noble pays.
A l'œuvre donc, chers frères, pour le bien de l'Eglise et de
la papauté ; l'assistance divine ne manquera pas à vos travaux
qui, nous l'espérons, produiront des fruits abondants.
Tel est le vœu que nous formons en ce moment pour vous,
pendant que du fond de nos cœurs s'échappe un cri unanime
et spontané : Vive le Canada catholique ! Vive Léon XIII!
Comte Cl\udio Bc^hetti, président.
Av. BlAGIO Caroli.
Rabascini Antonio.
Comte Gaetano Tarabini.
Av. Leopoldo Arnorth, secrétaire.
GiusEPPE Bayard, secrétaire.
Enrico Sicgardi, de l'ordre des Frères Prêcheurs.
LuiGi Giovanni Vandelli, dottor.
306 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
LETTRES DE FRANCE
, Lettre de M. L. Brun, sénateur
Paris, 9 mai 1880
Monsieur le président^
Vous savez où nous en sommes en France. La liberté reli-
gieuse est menacée de périls prochains et je suis obligé de me
rendre à l'évidence du devoir qui me retient ici. Je serais
coupable, si je m'éloignais du sénat pendant les mois de juin
et de juillet. Les catholiques doivent à l'heure critique oii
nous sommes, tout sacrifier pour rester au poste où Dieu les a
placés.
Ce n'est pas sans un grand déchirement de cœur que je
renonce à mon projet qui me charmait par tous les côtés à la
fois. C'est vraiment les larmes aux yeux que je vous écris et
je ne sais comment vous dire combien eût été vive la joie que
je me promettais, combien est amer le chagrin que j'éprouve.
Soyez, je vous prie, l'interprète de mes sentiments auprès
de nos amis. Vous et eux me permettrez, je l'espère, de les
nommer ainsi. Mon cœur de catholique et de français sera
le 2i juin avec mes frères du Canada. Je demanderai à Dieu
que l'écho de cette grande manifestation religieuse et politique
vienne à travers l'Océan, rappeler à notre pauvre France le
souvenir de ses enfants fidèles aux traditions de la fille ainée
de l'Eglise, les devoirs des nations chrétiennes et les condi-
tions nécessaires de la paix sociale et de la prospérité des
peuples.
Je garde avec une profonde reconnaissance le souvenir de
l'honneur que les catholiques de Québec ont daigné me fairo.
Je charge mon ami Monsieur Claudio Jannet qui, plus heu-
reux que moi, aura l'honneur de vous voir, de vous dire tout
ce que cette lettre ne peut exprimer.
Daigne Dieu permettre qu'un jour je puisse aller dire de
vive voix aux Canadiens français combien je les admire;
puisse-t-il surtout me donner l'occasion de leur prouver par
LETTRES "d'adhésion AU CONGRÈS 307
des actes ma cordiale sympathie et mon affectueux dévoue-
ment.
Veuillez agréer, très honoré et cher président, l'expression
respectueuse des sentiments avec lesquels j'ose me dire,
Votre très humble serviteur et votre ami,
Ll'cien Brun.
Lettre de M. le Comte A. de Mun
Paris, 12 février 1880
Messieurs et bien chers confrères^
J'ai reçu l'invitation que vous m'avez fait l'honneur de
m'adresser pour le Congrès catholique qui se prépare à Québec
à l'occasion de la fête nationale du 24 juin : si je n'y ai pas
répondu plus tôt, c'est que, profondement touché de votre
pensée, des termes de votre invitation si généreuse et si large,
de l'intérêt considérable des réunions auxquelles vous me
conviez à prendre part, j'ai voulu chercher tous les moyens
de répondre à votre appel. Je n'ai malheureusement pas pu
les trouver, et c'est avec un vif sentiment de tristesse que je
suis réduit à venir aujourd'hui vous prier d'agréer mes excuses
avec mes remerciements. La raison qui m'arrête est d'une
nature toute personnelle et intime : c'est un de ces devoirs de
famille qui obligent en conscience, et devant lesquels tout
le reste doit céder.
Vous ne douterez pas, j'en ai la confiance, de mes regrets
profondément sincères. Je comprends trop toute l'importance
de votre congrès, et le bien qui peut s'y faire, je sais trop celui
que j'y aurais trouvé moi-même dans vos exemples et dans les
marques de votre chrétienne et affectueuse bienveillance, je
connais trop bien enfin les liens puissants que forment entre
nous la tradition nationale et l'ardeur de notre foi commune,
pour ne pas sentir très vivement tout ce que je perds, et tout
le prix de ce que vous vouliez bien m'offrir.
Quoique la volonté de Dieu, en opposant à mon désir une
308 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
invincible barrière, m'oblige à rester loin de vous, cette lettre,
du moins, vous portera avec l'expression de ma reconnaissance,
le témoignage de ma cordiale sympathie : veuillez être mon
interprète près de tous ceux que vous me permettez, n'est-ce
pas, d'appeler nos amis, et leur dire qu'en dépit des distances
et des obstacles, je m'unirai de toute mon âme à leurs émo-
tions, à leurs vœux et à leurs prières.
En me conférant la qualité de membre de votre Cercle
catholique, vous m'avez fait un lionneur dont plus que jamais
aujourd'hui j'aime à me souvenir, et c'est à ce titre que je
vous prie, Messieurs et chers confrères, d'agréer avec mes
remerciements et mes regrets, l'hommage de mon affectueux
et entier dévouement.
A. DE MuN.
Lettre de M. le général baron de Gharette
Monsieur j
C'est un grand honneur pour moi d'être mis au nombre des
défenseurs de l'Eglise en ce beau pays du Canada si cher à
tout cœur français.
Vous ne sauriez croire combien je serais heureux de me
trouver au milieu de vous, qui portez si fièrement le beau
drapeau de vos ancêtres... et des nôtres : " Aime Dieu et va
ton chemin ; " c'est votre devise, c'est aussi la nôtre. La révo-
lution veut rayer Dieu de la société, mais tant qu'il y aura
un Zouave pontifical il sera toujours au premier rang pour
mourir, s'il le faut, en afiirmant sa foi.
Merci, Monsieur, et soyez mon interprète auprès de tous les
membres du Cercle catholique de Québec, et veuillez les as-
surer de ma reconnaissance et de mon dévouement aux
grands principes qu'ils défendent.
Votre bien dévoué.
Baron de Charette.
Paris, ce 24 mai 1880.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 309
Lettre de M. G. Jannet
Monsieur le Chevalier^
Je suis profondément touché de l'invitation si flatteuse que
vous voulez bien m'adresser au nom du Cercle catholique de
Québec.
Ce sera pour moi un véritable bonheur que de me rendre à
votre appel et de prendre part, dans la limite de mes forces et
conformément à votre programme, à cette grande solennité
du 24 juin, où vous voulez unir fraternellement tous les ra-
meaux de la race française dans l'affirmation de la foi ca-
tholique.
Le service de l'Eglise a été dans l'histoire la raison d'être
de la France et le principe constitutif de la nationalité. Le
noble rejeton, qu'en des temps meilleurs elle abaissé sur le sol
américain, s'est montré noblement fidèle à cette mission, et
aujourd'hui plus que jamais il est un légitime sujet de fierté.
Je serai particulièrement heureux, comme représentant de
l'Université catholique de Paris, de saluer cette grande Uni-
versité-Laval, qui, sous la haute direction de votre émment
archevêque, continue si dignement les traditions de science
des puissantes institutions d'enseignement que l'Eglise a
créées dès le commencement des sociétés modernes.
Veuillez agréer, Monsieur le Chevalier, et offrir à tous les
membres du Cercle d'agréer l'expression de ma gratitude et
l'hommage fraternel de mon dévouement.
Claudio Jannet,
Professeur d'économie politique à l'Université
catholique de Paris.
Paris, ce 9 février 1880.
Monsieur le Chevalier C. Vincelette,
président du Cercle catholique de Québec.
20
s 10 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Lettre de M. Eugène Veuillot
Paris, le 8 juin 1880.
Monsieur le président^
La santé de M. Veuillot ne lui permettant pas de se rendre
à votre fraternelle invitation, nous espérions que l'un de ses
collaborateurs pourrait, non pas le remplacer, mais repré-
senter au moins l' iAmvers à la solennité canadienne française
et religieuse dont le Cercle catholique de Québec a eu la
bonne et grande pensée de prendre l'initiative.
Les graves circonstances où nous sommes nous privent de
cette joie et de cet honneur. Tandis que vous affirmez libre-
ment, sans crainte du lendemain, en pleine fête, votre patrio-
tisme et votre foi, nous devons garder ici nos postes de combat
pour défendre nos écoles, nos religieux, la conscience de nos
enfants.
\j Univers ne pourra donc, à son grand regret, être présent
aux belles fêtes où vous allez affirmer de nouveau votre
attachement à la mère-patrie et votre dévouement à l'Eglise ;
mais croyez que d'esprit et de cœur, nous serons tous avec vous.
Veuillez agréer, Monsieur le président, avec les remercie-
ments de la rédaction de V Univers^ l'assurance de mes meilleurs
sentiments.
Eugène Veuillot.
Monsieur C. Vincelette,
Président du Cercle catholique de Québec.
Lettre de M. F. Levé
Paris, le 8 juin 1880.
A Messieurs C. Vincelette et N. E. Dionne^ vice-président et
secrétaire du Congrès catholique de Québec.
Messieurs,
Je vous demande pardon de répondre aussi tardivement à la
cordiale invitation que vous nous avez fait l'honneur de nous
LETTRES d'adhésion AU COr^GRÈS 311
adresser pour la solennité du 24 juin.— Des préoccupations de
toute sorte m'ont fait ajourner ce devoir, je vous en exprime
tous mes regrets : aujourd'hui, en réparant cette omission, je
suis heureux de vous dire que nous ne serons pas absents de
votre grande fête religieuse et nationale.
Monsieur le comte de Foucault, qui est de nos meilleurs
amis, a bien voulu accepter de représenter le journal Le Monde
parmi vous ; en vous annonçant sa visite, à ce titre, nous
savons d'avance l'accueil bienveillant que vous lui réservez.
Soyez persuadés. Messieurs, que toute la Rédaction du
Monde s'associera à vos sentiments dans cette mémorable
manifestation ; il n'est point en France de cœurs plus dévoués
que les nôtres à la prospérité du Canada, ni plus attentifs aux
progrès de sa grandeur. Par leur fidélité à 1% foi catholique
et aux meilleures traditions de notre race, par leurs vertus
sociales et politiques, les Canadiens français sont l'honneur
de leur ancienne patrie. L'histoire de vos luttes et de vos
travaux est pleine d'enseignements pour nous ; c'est un
exemple fortifiant qui excite notre espérance en un meilleur
avenir.
Veuillez agréer. Messieurs, «^ec l'expression de notre gra-
titude, l'hommage de mes sentiments de cordial respect et
d'afPectueux dévouement.
F. Levé.
Rédacteur en chefs
Lettre de M. E. Beluze
Paris, le 8 juin 1880.
A Messieurs les président et membres du Cercle catholique
à Québec.
Messieurs,
Nous nous reprocherions vivement de ne pas profiter de
l'occasion qui nous est offerte de vous faire parvenir l'ex-
pression de nos sentiments de profonde sympathie. Plus
d'une fois nous avons entendu parler de tout le bien dont
312 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
votre Cercle est l'inspirateur, et aujourd'hui même, c'est du
fond du cœur que nous applaudissons à l'organisation de ce
magnifique Congrès catholique qui est vraiment votre œuvre.
Nous sommes donc bien heureux, chers et bien bons confrères,
de resserrer plus étroitement encore les liens qui nous unissent
En vous remettant cette lettre^ M. Claudio Jannet vous
exprimera tous les vœux que nous formons pour la prospérité
de^ votre Cercle. Veuillez en retour prier un peu et même
beaucoup pour celui du Luxembourg. De très mauvais jours
se préparent, hélas ! en ce moment dans notre pauvre France
pour toute association qui veut inébranlablement rester
attachée à l'Eglise et vivre de son esprit. Demandez donc à
Dieu pour chacun de nous, d'affermir notre courage et notre
foi, afin de mériter toujours qu'on dise de nous ce que
l'histoire a dit en parlant de nos pères : Vivat Christus qui
diligit Francos ! Ajoutons de tout cœur : Et regnet super eos !
Tout à vous en Notre-Seigneur,
E. Beluze, président.
Christian de Coulonge, secrétaire.
Lettre de M. Léon Pages
Pans, le 8 juin 1880.
Monsieur le président^
Je prends la respectueuse liberté, au nom de l'Œuvre du
Denier de Saint-Pierre, d'adresser au Congrès des catholiques
canadiens quelques-uns des documents de notre œuvre, les
derniers bulletins et les images qui nous servent de semence
pour faire mieux connaître et plus aimer le Pape et attirer au
Siège Apostolique, quelques aumônes plus que jamais néces-
saires. Nous glanons après nos évêques, et nous essayons
d'atteindre les catholiques les plus pauvres et les plus éloignés.
Je me permets de joindre à cet envoi différents documents
que les journaux vous ont fait connaître, les feuilles de propa-
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 313
gande émanées de Lille : la petite feuille du Centenaire de
Voltaire a été tirée à un million.
La Consultation sur les Congrégations religieuses,à 1 ,260,000.
Celle sur les visites domiciliaires à 10,000 seulement, n'étant
destinée qu'aux maisons religieuses.
L'CEuvre de St-Michel et de St-Rémi a pour but de réunir
les chefs de famille autour de leur curé pour le devoir *
chrétien.
La feuille de consécration au Sacré-Cœur a été tirée à
600,000.
Le mémoire sur Méry- a eu, grâce à Dieu, d'heureux
résultats, et a fait abandonner le projet néfaste d'une nécropole
à longue distance pour la ville de Paris.
Enfin je joins à l'envoi les spécimens des d<)cuments ponti-
ficaux.
Nous avons en vue de publier, en quelques petits volumes
les enseignements de la Chaire de Pierre contre la Révolution.
Nous publions en détail les Encycliques de S. S. Léon XIII.
Mais nous allons bientôt donner le Syllabus en un petit volume,
et remonter à l'origine en publiant comme 1er volume de la
collection les documents du Pontificat de Pie VI.
Monsieur Claudio Jannet, notre digne an voudra bien être
notre interprète auprès de votre grande assemblée.
Je suis, avec respect, Monsieur le président, votre très
dévoué serviteur en N. S. J. C.
Léon Pages,
Vice-président de l'CEuvre du
Denier de St-Pierre.
Lettre de M. A. E. Aubry
Angers, le 9 juin, 1880.
A monsieur le secrétaire du Congrès catholique et français qui
doit se tenir à Québec^ le 2Ajuin^ 1880.
Dans quinze jours, la fête de St-Jean-Baptiste, patron du
Canada î Dans quinze jours, la réunion à Québec de divers
314 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
représentants de la race française du continent américain et
môme de la vieille France ! Combien j'aurais été heureux de
me trouver dans ce Québec que j'aime tant, au milieu de tant
d'hommes éminents, parmi lesquels j'eusse rencontré nombre
d'amis et plusieurs de mes anciens élèves de l'université-Laval,
notamment l'honorable président, monsieur le juge Routhier,
dont certain jugement a été si fort admiré par nos juriscon-
sultes d'Europe ! mais, à mon grand regret, il m'est impossible
de songer à m'y rendre. Pour arriver à temps, il faudrait
partir cette semaine môme, et nos vacances, à la faculté de
droit d'Angers, n'ouvrent que le 22 de juillet I Je vous prie
donc, monsieur le secrétaire, de vouloir bien faire agréer au
Congrès mes excuses et mes regrets.
Et puisque je n'aurai pas la bonne fortune d'être au milieu
de vous,je suivrai du moins vos travaux avec le plus vif intérêt,
et permettez-moi d'ajouter que j'adhère à l'avance aux décisions^
aux résolutions qui seront prises par cette grande assemblée,
car j'ai la confiance qu'il n'en sortira rien que de grand, de
noble, rien qui ne soit parfaitement conforme au rôle provi
dentiel qui me semble réservé au Canada, dans l'Amérique
du Nord. Je dis rôle providentiel, car ce n'est pas sans dessein
particulier que Dieu a si visiblement béni les glorieux vaincus
du siècle dernier. Ils ne restaient, tout bien compté, il y a
cent et quelques années, après le traité de Paris, sur cette
terre arrosée du sang de nos soldats et de nos missionnaires,
que soixante-trois mille Français, mais aujourd'hui, grâce à
une fécondité unique dans l'histoire, ils sont déjà plus d'un
million ! ! Et cette fécondité, cette source vive ne tarira pas,
car elle jaillit vivante des entrailles de la famille canadienne,
dont les mœurs intègres et pures peuvent être comparées à la
solidité du rocher ; oui, ce petit peuple est visiblement destiné
à de grandes choses, et le Congrès, en brisant certains obstacles,
ne fera que l'acheminer dans la voie : et c'est parcequ'il sera
resté profondément catholique et profondément français qu'il
lui sera donné de continuer, dans le Nouveau-Monde, les gestes
de Dieu per Francos ; et il vivra dans la mémoire des peuples,
béni par l'Eglise, et pour la gloire de la vieille France, sa mère I
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 315
Agréez, monsieur le secrétaire, l'assurance de mes sentiments
distingués.
E, A. AUBRY
Avocat, professeur à la faculté de droit d'Angers»
Chevalier de St-Grégoire-le-Grand.
Lettre de M. A. de Benque
Paris, le 6 juin, 1880.
Mon bien cher confrère,
La réunion du Congrès des catholiques du Canada me paraît
une occasion providentielle de faire connaître dans le pays si
étroitement uni au nôtre par les souvenirs de son origine, une
œuvre essentiellement pieuse, qui depuis plus de trente ans
s'est beaucoup accrue en France où elle fait un bien consi-
dérable, je veux parler de l'œuvre de V Adoration Nocturne du
très saint Sacrement exposé. Née à Paris en 1848, elle répond
merveilleusement aux besoins d'une époque aussi troublée
que la nôtre, par son double caractère d'œuvre de prière et
d'œuvre de réparation et d'expiation. Elle se pratique soit
isolément, dans un sanctuaire déterminé, une ou plusieurs fois
par mois, soit comme institution complétant V Adoration per-
pétuelle du très saint Sacrement exposé, établie dans la ma-
jeure partie des diocèses de France d'un bout de l'année à
l'autre.
Le conseil de cette œuvre a publié un volume qui, en en
faisant l'histoire, indique les moyens pratiques de la fonder,
de la faire fonctionner.
Je joins un exemplaire de cet ouvrage à cette lettre qui vous
sera remise par notre éminent publiciste et économiste, M.
Claudio Jannet, dont les travaux sur l'Amérique sont connus
du monde entier. Permettez-moî de vous prier de saisir la
commission des œuvres de prières, qui sans doute se formera
au sein de votre Congrès, de l'examen de ce volume et de la
proposition que j'ai Thonneur de faire, d'établir dans le Canada
316 PREMIER CON(iRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
l'œuvre de l'Adoration Nocturne du Trës-Saint Sacremonl,
dont le règlement se trouve à la fin du dit volume. L'envoi
que j'en ai fait, il y à 6 mois, à MM. les supérieurs des grande
séminaires de Montréal et de Baltimore, aura peut-être préparé
un bon accueil à ma proposition. Dans tous les cas, je compte
sur vous, mon cher confrère, ju vous offrant mes distingués
hommages.
A. DE Benque
président de VAdoration Nocturne.
LETTRES D'ESPAGNE ET DU PORTUGAL
Voltrega, 31 mai 1880.
La jeunesse catholique de St-Hippolyte de Voltrega, comté
de Vich, province de Barcelone, s'unit d'affection et d'esprit
au Congrès catholique du Canada.
Que le Seigneur répande avec abondance ses bénédictions
sur toutes les personnes qui tn font partie ; que chacun d'eux
soit soldat fidèle de Jésus-Christ dans les luttes qu'il faut sou-
tenir pour la cause de Dieu.
Recevez les salutations que vos serviteurs Jt amis vous
présentent avec amitié et humilité.
Pedro Buxaderos, secr.
Cajetano Picart, présid.
Comité des Congrès catholiques du Portugal
Terre da Marco, 31 mai 1880.
Monsieur,
Au nom du comité permanent des Congrès catholiques en
Portugal, j'ai l'honneur d'envoyer au Congrès catholique qui
devra se réunir à Québec mes salutations et mes vœux.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 317
Que la sagesse divine descende sur votre Congrès catholi-
(jue dans cette région où les traditions catholiques et où le
catholicisme sont si vivaces! C'est dans les sentiments de
vrais chrétiens que nous vous embrassons et que nous vous
félicitons 1
Acceptez, Monsieur le vice-président du Congrès, mon
amitié en Notre Seigneur Jûsus-Christ et l'hommage de mon
profond respect.
J'ai l'honneur de me dire
Votre serviteur,
DOM AnTOBUO de ÀLMEmA.
LETTRE DE PRUSSE
Hensden, en Prusse.
L'administration de la Confrérie de N.-D. pour l'organisa-
tion de la procession de Hensden, à Kevelaar, en Prusse,
é .blie dans l'église paroissiale de Ste-Catherine de Hensden,
réunie en conseil et représentant plus de 3300 membres, ex-
prime, par la présente adresse, sa sympathique approbation
pour le premier Congrès catholique qui va être tenu par les
catholiques du Canada. Elle s'unit d'esprit et de cœur aux
catholiques qui assisteront à ce Congrès, et promet le con-
cours d'ardentes prières adressées à la B. V. M. pour le succès
et la réussite de ce Congrès.
Rév. Th. Ariens, miss.
LETTRE DES PAYS-BAS'
, Messieurs les membres du Congrès catholique d'Amérique^
Sur l'initiative de la Société de la jeunesse italienne^ l'asso-
ciation dite Pius-Verceniging d'Amsterdam, capital du Royaume
318 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
des Pays-Bas, vient saluer de toute son afFection les membres
du Congrès qui va s'ouvrir : elle est heureuse de ce remar-
quable événement et en rend gloire à Dieu.
Est-ce l'aube de la nouvelle ère qui va s'ouvrir pour le
monde catholique? Le champ des esprits, des hommes de
bonne volonté, est préparé depuis longtemps. Que de toutes
les contrées du monde, tant ancien que nouveau, on apporte
donc des semences pour le faire fleurir à l'honneur et au pro-
fit de notre bonne cause ; et que les frères en se séparant
emportent tous un nouveau germe de fécondité que chacun
replantera dans son sol national. Mais si l'homme est semeur,
Dieu seul donne l'accroissement. Ce Dieu tout-puissant ne
refuse rien à la prière répétée des justes, à la prière de ses
fidèles assemblés en son nom.
Messieurs, membres de ce Congrès, en vous saluant et vous
félicitant, l'association catholique d'Amsterdam priera avec
vous. Nous ne vous connaissons pas personnellement, mais
nous sommes tous catholiques, membres du corps mystique
de Jésus-Christ, l'Eglise catholique romaine, c'est le même
esprit qui nous unit, qui prie en nous, pour que Dieu bénisse
vos travaux, et qu'ainsi, vous aidant de sa grâce, il fasse se
lever sur le monde son soleil de justice dans toute sa splen-
deur.
Le comité directeur de la Pius-Verceniging.
H. G. Weiker, président.
H. H. CUYPEIS.
J. B. J. JONHEIMER.
G. F. VON Decne.
p. J. F. DE RUYTER.
G. DE Lange.
T. von Svvieters.
C. A. Geers, secrétaire.
Amsterdam, 8 juin 1880.
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 319
LETTRE DE BEI GIQUE
Bruxelles, le 9 mars 1880.
Très honoré Monsieur^
Au nom du comte de Villermont, notre directeur, au nom
de la rédaction du Courrier de Bruxelles tout entière, je viens
vous remercier ds l'honneur que vous avez bien voulu nous
faire en nous invitant, comme représentants de la presse ca
tholique belge, à votre grande fête nationale du 24 juin. Si
honorable que soit pour nous cette invitation, nous ne pou-
vons guère espérer de l'accepter. La distance qui nous sépare
est immense et les nécessités de notre vie militante ne nous
permettent pas d'entreprendre des voyages aussi longs, c'est
vous dire que nous touchons ici l'impossible. Cependant je
veux vous dire, — et c'est un besoin de mon cœur, — que la
visite, à laquelle vous nous conviez, réaliserait un des rêves
les plus chers de ma vie. Depuis ma première jeunesse, j'ai
désiré connaître votre pays neuf et charmant ; depuis que j'ai
lu vos journaux ; depuis que je me suis initié à vos aspira-
tions, à vos affections, à vos généreuses pensées, ce désir est
devenu bien plus vif, j'allais dire plus passionné.
C'est pourquoi je suis heureux, très honoré Monsieur, d'être
ici l'interprète du Courrier de Bruxelles^ non seulement pour
vous remercier, mais pour vous adresser l'expression de mes
plus ferventes sympathies.
Nous saluons avec joie et respect le mouvement canadien
auquel la fête de St-Jean-Baptiste doit donner une consécra-
tion solennelle ; nous y applaudissons, nous nous y associons
de tout cœur.
Et puissiez-vous triompher ! Puisse votre noble et vaillant
pays rester fidèle au souvenir de la grande nation dont vous
parlez la langue, dont vous comprenez la gloire et dont au-
jourd'hui, hélas ! vous ressentez si profondément les humilia-
tions et les malheurs !
Vous êtes Français de cœur et d'âme, c'est-à-dire Catholiques
320 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
fermes et fiers. Nous vous en félicitons et nous vous prions
de compter sur notre entier dévouement. Soldats de la même
cause, enfants de la même Mère, nous, sommes frères selon la
signification la plus sacrée de ce mot. Veuillez bien disposer
de nous et de notre journal en tout ce qui pourra vous être
agréable. Nous désirons entretenir avec les Catholiques du
Canada et particulièrement avec nos excellents frères du Ca-
nadien^ les relations les plus cordiales ; il vous suffira de nous
exprimer nos désirs pour que nous y déférions immédiate-
ment
C'est dans ces sentiments que nous vous*>prions d'agréer,
très honoré Monsieur,
l'assurance de notre haute considération.
Pour la rédaction du Courrier de Bruxelles^
Fred. Dardenne,
réd. de la polit, ext.
LETTRE DE L'ILE MAURICE
Union Catholique de l'Ile Maurice
Avec Dieu — Pour Dieu.
Port-Louis, le 21 avril 1880.
Messieurs, /
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le manifeste de la Société
St-Jean-B iptiste de Québec, et je l'ai communiqué au conseil
de directioii de l'Union catholique à notre dernière réunion,
en môme temps que votre lettre du 26 janvier dernier, nous
invitant à assister au Congrès de Québec, le 24 juin prochain-
Nous sommes profondément sensiljles à cette marque de
sympathie que vous nous donnez, mais nous regrettons que
la question de distance et de dépenses, sans parler, pour
plusieurs de nous, de nos fonctions officielles, nous privent du
LETTRES d'adhésion AU CONGRES 321
plaisir d'user de l'iiospitalité que vous nous offrez si cordiale-
ment, et que nous eussions été heureux d'accepter.
f^' pourtant, nous ne pouvons être de corps parmi vous,
nous y serons du noins et de cœur et d'esprit, et nos prières
ne vous feront pas défaut.
J'ai l'honneur d'être Messieurs,
Votre bien dévoué,
Oscar D. de Charmoy.
président de l'Union catholique de l'Ile Maurice.
LETTRES DES ETATS-UNIS
Washington, D. G., june ]3th 1880.
My dear sir,
Your valued letter of 8th inst. inviting me, in the name of
your committee on arrangements of the catholic Gongress, to
act on the board of catholic societies, is received ; and I
greatefully accept the distinguished honor you confer upon
and I shall with pleasure serve in the capacity named.
I am of the gênerai officers of the catholic young men's
national Union of the United States, and of the Carroll Ins-
titute, of Washington, and my colleagues of those societies
will, no doubt, recognize the compliment you do me as a
compliment also extended to them and to their organizations,
whose objects are identical with those of the Unions and •
Cercles catholiques of Ganada.
I shall leave hère immediately after the adjournment of the
Gongress, and after spending a day or two with my parents
in Oswego, New York, will proceed to Québec, arriving there
on the 22nd inst. or there about.
Thanking you and your colleagues, I beg to suscribe-
myself, my dear sir,
Your very respectful servant,
N. E. DiONNE, M. D., Edmond Mallet.
Secretary of the catholic Gongress,
>- Québec, Ganada.
322 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Lewiston, M. 2 juin 1880.
Monsieur,
J'ai l'honneur d'accuser réception de votre circulaire du 31
mai. Je remercie le Cercle catholique de Québec de ce qu'il
a bien voulu penser à moi dans l'organisation du Congrès
catholique qui doit se tenir à Québec à l'occasion de la fête
du 24 juin, et j'accepte avec reconnaissance l'offre qui m'est
faite d'en être un des membres. Je ne sais si je pourrai être
de quelque utilité, mais s'il me vient quelques idées que je
croirai être de proût pour le Congrès, je me ferai un devoir
de les communiquer.
Veuillez, Monsieur, me croire votre très humble serviteur,
J. D. Montmarquet.
Biddeford, M. 17 mai 1880.
Monsieur,
Le Cercle Catholique a nommé les messieurs dont les noms
suivent, délégués au Congrès catholique, les 25 et 26 juin
prochain :
Rev. P. E. Dupont, Rev. F. X. Trudel, Paul V. Labonté, Prést.
C. C, Dr F. Dernier, sec. arch., A. Paré, sec. cor., A. Morin.
J'ai l'honneur d'être. Monsieur, votre obt serviteur,
A. Paré,
Sec. cor. C. C.
LETTRES DU CANADA
' Ste-Anne de Ristigoughe, en visite pastorale.
Ce 21 juin, 1880.
A monsieur Vincelette^ vice-président du Congrès catholique
de Québec.
Monsieur,
Je n'ai reçu qu'hier votre lettre du 14. Je regrette d'avoir
à vous répondre que l'itinéraire fixé pour ma visite pastorale
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 323
me met dans l'impossibilité d'assister au Congrès catholique
qui doit se tenir à Québec le 25 et le 26 de ce mois. D'ailleurs
vous y aurez plusieurs des évoques de la Province, qui ont
été invités d'y adresser la parole.
Gomme vous paraissez cependant désirer que j'y aie un re-
présentant officiel, je me fais un plaisir de nommer mon
vicaire-général, prévôt du chapitre de ma cathédrale, pour
m'y remplacer.
Souhaitant un complet succès à ce Congrès, je demeure,
Monsieur,
Votre très dévoué serviteur,
-J- Jean, Ev. de St-Germain de Rimouski
St-Ephrem d'Upton, 19 juin 1 880.
Mon cher Monsieur,
Votre lettre du 14 courant m'est parvenue ici hier. Les
instances que vous m'avez adressées pour reauérir ma présence
au Gongrès catholique de Québec, comme les considérations
dont vous les appuyez, sont parfaitement justes. Aussi n'était-
ce la visite pastorale annoncée et à laquelle on est tout à fait
préparé dans une huitaine de paroisses, je me serais empressé,
et j'aurais été extrêmement heureux de prendre part à ce
Gongrès, le premier qui se tient dans notre religieux pays, et
qui sera suivi, espérons-le, de bien d'autres, dont les fruits
seront sans aucun doute constants comme ceux opérés en
Europe. Je m'unirai de cœur et d'âme, monsieur le vice-pré-
sident, à toutes les opérations de votre Gongrès, et je ne man-
querai pas de demander au Giel de le bénir abondamment.
Gonformément au désir que vous exprimez, je me ferai
remplacer auprès du Gongrès. Gelui que je charge de cette
belle mission, est le très révérend Elphège Gravel, chanoine
et curé de ma cathédrale. Gomme vous connaissez personnel-
lement ce monsieur, je pourrai me dispenser de le munir
324 PREiMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
d'une lettre d'introduction auprès du Congrès, la présente
devant suffire à cet effet;
Je demeure bien sincèrement, Monsieur le Chevalier, votre
tout dévoué en N. S.
f L. Z., Ev. de St-Hyacinthe.
Ottawa, 12 mai, 1880.
A monsieur le juge Routhier^ président du Congres catholique
de Québec.
Mon cher monsieur.
J'accepte avec reconnaissance ma nomination de membre
du " Bureau de la Presse " au Congrès catholique de Québec.
Mes ocupations et l'état do ma santé ne me permettent pas
-de prendre une part active à vos travaux, il est môme probable
que je ne pourrai pas être présent à vos séances, mais je serai
toujours de cœur et d'âme avec vous.
Que Dieu bénisse votre œuvre et daigne avoir pitié du
monde.
Tout à vous,
J. C. Taché.
Montréal, 24 juin 1880.
A Monsieur le secrétaire du Congrès catholique de Québec.
Monsieur.,
J'ai reçu un billet d'admission aux séances du Congrès ca-
tholique qui se tiendra à Québec le 25 et 26 courant, avec le
programme de ces séances. J'ai reçu dans la même enveloppe
la feuille imprimée qui fait connaître l'organisation des bu-
reaux de ce Congrès.
Je suis très honoré de voir mon nom sur la liste des mem-
bres du " Bureau des intérêts catholiques en général. " Je ne
puis qu'offrir mes remerciements à qui de droit et vous assu-
rer que je m'associerai de tout cœur aux travaux utiles qui
LETTRES d'adhésion AU CONGRÈS 325
sont annoncés. Toutes les questions qui seront traitées dans
ces séances sont assurément très importantes, et il me serait
très agréable d'entendre l'expression des sentiments qu'elles
feront naturellement naître dans les cœurs des hommes dis-
tingués appelés à prendre part à l'examen des rapports qui
seront soumis sur chacun des articles du programme.
Je regrette donc infi aiment qu'une maladie dans ma fa-
mille me prive du plaisir d'assister d'abord à la grande et
patriotique démonstration de ce jour, et ensuite aux intéres-
santes séances de vendredi et de samedi. Je vous prie de
croire que je voterai avec enthousiasme et conviction, une
énergique protestation contre l'acte de proscription du gou-
vernement qui parle et décrète aujourd'hui au nom de la
France, et qui, cependant, ne représente plus les nobles tradi-
tions, de la nation française au point de vue de l'enseignement
et de la religion.
Par quelle étrange confusion d'idées a-t-il pu décréter l'ex-
pulsion des ordres religieux les plus illustres du territoire
français, en môme temps qu'il accordait l'amnistie aux com-
munards, qui en avaient été expulsés pour leurs crimes ? Je
ne vois rien de plus semblable à ce fait dans l'histoire du
passé que la préférence exprimée par les Juifs devant le tri-
bunal de Pilate, et le décret de ce dernier concédant leur
injuste demande.
Pour nous, qui aimons si sincèrement la France comme
notre ancienne mère-patrie, nous pouvons affirmer hautement
que, sans le concours des ordres religieux qu'elle nous a don-
nés, les tentatives de colonisation dans ce pays auraient
échoué dès le début. C'était sur eux que l'intrépide Gliam-
plain fondait tout espoir de succès, quand il se plaignait
amèrement des entraves que les trafiquants et les compagnies
de commerce opposaient sans cesse à ses projets ; et c'est par
eux qu'il a triomphé.
Je vois que tous les autres articles du programme sont dans
le sens des idées traditionnelles qui ont présidé à la fondation
de la colonie française au Canada et à son développement
progressif.
21
326 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Je voudrais pouvoir concourir avec vous à les affirmer de
nouveau dans ce siècle dé progrès.
J'ai l'honneur d'être
Votre très humble serviteur,
R. Bellemare.
JPINION DE LA PRESSE
SUR LE
CONGRÈS CATHOLIQUE DE QUÉBEC
LES FETES CATHOLIQUES DU CANADA
{Extrait d'une correspondance de Québec au Monde, de Paris.)
Québec, 27 juin 1880.
Quant au Congrès, je vous ai dit que, dans la séance du 24
juin l'honorable juge Routhier et M.Claudio Jannet y avaient
tous deux parlé avec un très grand éclat. M. le comte de Fou-
cault a pris à son tour la parole dans la séance du 26 ; de vifs
applaudissements ont couvert son discours. Après lui, trait de
mœurs digne de mention, M. Ouimet, surintendant de l'édu-
cation, en d'autres termes, ministre de l'instruction publique
pour la province de Québec, a lu sur les rapports de l'Eglise
et de l'Etat dans l'enseignement, un très intéressant et excellent
travail. Puis enfin Mgr Laflèche, évêque des Trois-Rivières,
a bien voulu clore à la fois la séance du jour et la session
du Congrès par un magnifique discours sur l'Eglise et la
liberté.
Ne trouvez-vous pas remarquable ce rôle actif joué au sein
du Congrès catholique par un personnage officiel aussi haut
placé que le surintendant de l'éducation ? Vous représentez-
OPINION DE LA PRISSE 327
VOUS M. Jules Ferry, parlant après M. le comte de Mun, dans
la salle de la rue de Grenelle ?
M. Ouimet, d'ailleurs, n'a pas été le seul ministre qui se soit
ainsi compromis^ comme vous diriez en France. Le premier
ministre, M. Ghapleau (orateur renommé, véritable homme de
gouvernement, destiné très certainement à faire partie du mi-
nistère fédéral), le Procureur-général (ministre de la justice), et
le président du Conseil législatif, ont suivi très assidûment les
exercices du Congrès. Qui s'en étonnerait ici quand on voit
tous les jours s'ouvrir publiquement par la prière les séances
du Parlement ,.
LES FETES DE QUEBEC
{Correspondance de Québec à TUnion de Paris.)
Québec, 25 juin 1880.
Vos lecteurs savent déjà qu'une réunion de délégués de tous
les groupes importants de la famille française dans l'Amérique
du Nord devait avoir lieu à Québec, à l'occasion de la fête
nationale des Canadiens français, la Saint-Jean-Baptiste. Nos
nationaux sont arrivés en grand nombre de diverses parties du
Canada et des Etats-Unis. Tous parlent le français, l'Acadien
avec sa prononciation particulière, et le Canadien des Etats-
Unis (car on ne cesse pas d'être Canadien pour habiter la terre
étrangère) avec la sienne. Tous sont animés d'un même désir :
s'aËBrmer comme catholiques et comme Français. D'im-
portantes manifestations ont commencé hier pour ne finir que
dimanche prochain, et je ne saurais vous décrire l'enthousiasme
religieux et national de cette multitude aux seuls noms de
l'Eglise et de la France.
Nous autres, Canadiens, nous sommes en quelque sorte,
nés et élevés dans l'exil. Notre patrie véritable c'est la France,
et un de nos poètes a résumé parfaitement, dans un seul vers,
328 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
notre position vis-à-vis de notre ancienne et de notre nouvelle-
patrie :
Albion notre foi, la France notre cœur !
Dès la veille de la grande fête nationale, une véritable
ovation a été faite à la France, à l'occasion de la collation des
diplômes de l'Université-Laval, pendant laquelle le grade de
docteur es lettres fut conféré à vos éminents compatriotes, M.
Lucien Brun et M. Claudio Jannet. Je vous enverrai le texte
des paroles toutes sympathiques prononcées par M. le recteur de
l'Université à l'adresse de la France catholique, — notre France
catholique à nous, — et de MM. Brun et Jannet.
M. Claudio Jannet et M. le comte Jules de Foucault, arrivés
la veille à Québec et qui étaient présents à la cérémonie, vous
diront combien est vivace ici le sentiment français. On leur
a fait un accueil dont je ne saurais vous donner une idée ;
c'est les larmes dans les yeux que chacun venait serrer la main
à ces Français de France, venus à l'appel du comité d'organi-
sation du Congrès catholique, et chez qui l'on était certain de
trouver la grandeur d'âme, la noblesse de sentiments qui dis-
tinguent les fils de la première nation du monde.
Ne vous récriez pas : l'enthousiasme règne ici en souverain
depuis trois jours ; le plus sceptique de vos boule vardiers se
sentirait entraîné, tant l'élan est général. L'écrivain du journal
le plus juif, le plus radical de Paris, qui se serait trouvé à
l'ouverture du Congrès catholique ce matin et qui aurait en-
tendu M. le juge Routhier parler de la nationalité canadienne
française et de la religion catholique^ aurait en peine à ne pas
applaudir. Jamais M. Routhier, — le premier de nos orateurs
canadiens, — ne s'était élevé à cette hauteur.
" M. Claudio Jannet, qui l'a suivi, a su trouver, malgré la fai-
blesse ordinaire de sa voix, des accents si émus, si vrais, il
nous a dévoilé des horizons si variés et si magnifiques, enfin
il nous a montré la France encore si belle dans ses œuvres et
dans ses enfants, que des acclamations extraordinaires accueil-
lirent ses paroles. ''
A un moment de son discours, il fut interrompu par les cris
répétés de : Vive [a France! L'immense auditoire réuni dans
OPINION DE LA PRESSE 329
la grande salle des promotions de l'Université-Laval pleurait,
battait des mains ; les mouchoirs s'agitaient dans l'air. M. Jaimet
ne pouvant contenir lui-même son émotion devant cette ex-
pression de sympathie pour sa personne et d'amour pour la
France, se retourna alors vers l'orateur qui l'avait précédé, M.
le juge Routhier, et l'étreignit dans ses bras. C'était la France
qui embrassait le Canada !... et de nouveaux applaudissements
éclatèrent de toutes parts.
Je vous écris très à la hâte, ayant beaucoup à faire dans
les bureaux du "Congrès" et dans ceux delà "Convention
nationale " (ce dernier nom doit sonner mal chez vous !) où
sont débattus les questions d'intérêts à la fois politiques et re-
ligieux de nos nationaux. — Je dis politiques et religieux, car
ici peu de gens ont le courage d'affirmer que l'homme privé
et l'homme politique sont comme deux êtres différents dont
l'un doit avoir une conscience et dont l'autre peut s'en passer.
Laissez-moi seulement vous dire que la messe célébrée hier
par Mgr l'archevêque de Québec sur les "plaines d'Abraham, "
au milieu d'une foule immense venue de toutes les parties de
l'Amérique du Nord, au chant de centaines de voix et au son
des instruments de musiques militaires, fut un spectacle des
plus émouvants, et que la grande procession nationale, avec
se nombreuses bannières et ses quarante chars allégoriques,
fut réellement magnifique.
Mgr Racine, évêque de Sherbrooke, prononça, à la suite du
saint Sacrifice et avant la procession, un discours qui rappelle
la grande manière du dix-septième siècle. Il signala, en ter-
minant, un défaut du peuple canadien français, qui a été la
plus grande cause de l'émigration canadienne aux Etats-Unis :
le luxe. Ce défaut date de longtemps parmi nous ; Charlevoix
le signalait, en 1720, dans des termes qui pourraient parfaite-
ment convenir aujourd'hui.
Je n'ai pu assister au grand banquet national qui a eu lieu
dans la soirée d'hier. L'hon. M. Chauveau, l'hon. M. Ghapleau
et un grand nonabre d'autres y ont pris la parole. M. le comte
de Foucault y a répondu au toast porté à la France, et dans des
termes qui ont provoqué les plus vifs applaudissements.
330 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
M. Claudio Jannet a adressé, cette après-midi, la parole aux
zouaves pontificaux canadiens, réunis au nombre de cent
cinquante, au Vieux-Château. Nos vaillants " soldats du Pape "
ont revêtu leur costume et sont acclamés partout où ils se pré-
sentent.
Un jeune orateur acadien, M. Poirier, s'est fait avantageuse-
ment connaître dans un discours prononcé, ce soir, en un
français très pur, à la " Convention. "
L'honorable M. Ouimet, surintendant de l'instruction pu-
blique, M. le comte Jules de Foucault et Mgr Laflèche, évêque
des Trois-Rivières. doivent prendre la parole, demain soir, dans
la dernière séance du Congrès catholique.
Les deux organisations, — le Congrès catholique et la •' Con-
vention nationale, "—ont toutes deux commencé leurs travaux
par l'adoption d'une '' Adresse " au Souverain-Pontife Léon
xm.
Je vous envoie des journaux qui contiennent des détails sur
les fêtes extérieures, (danse des gue7Tiers /lierons, illuminations,
feux d'artifice, etc.,) auxquelles je n'ai guère eu le temps de
faire attention. Je vous envoie aussi un exemplaire du Vingt-
quatre Juin, journal au numéro unique, comme votre Paris
Murcie. Je ferme ma lettre en toute hâte pour ne pas manquer
le courrier.
Lettre d'un correspondant à /'Union de Paris.
Québec, 1880.
Vous avez dû recevoir un certain nombre de journaux con-
tenant des détails sur les travaux du Congrès catholique et
de la Convention nationale de Québec. Les deux organisations
ont fonctionné harmonieusement ; les séances publiques
avaient lieu dans la même salle (la grande salle des promotions
del'Université-Laval), et un grand nombre de ceux qui faisaient
aussi partie des bureaux du Congrès faisaient aussi partie des
" commissions " de la Convention.
OPINION DE LA PRESSE 331
La question agricole, la colonisation, les arts et les sciences,
l'émigration, les intérêts acadiens, etc., tels ont été les princi-
paux sujets dont se sont occupées les " commissions."
Les "bureaux" du Congrès ont adopté plusieurs résolu-
tions d'un intérêt vital pour nous. Ces résolutions ont été
publiées dans le Canadien et dans le Courrier du Canada^ en
attendant qu'elles soient publiées en brochures avec les autres
délibérations du Congrès. Une de ces résolutions exprime
aussi la sympathie des catholiques du Canada pour les catho-
liques de France et les ordres religieux atteints par les décrets
du 29 mars. Le Canada français devait cette n irque de
sympathie et de reconnaissance envers l'ordre des Jésuites
surtout, auquel appartenaient les glorieux martyrs du Canada,
Jogues, Lalemant et Brébeuf, torturés et mis à mort par les
Iroquois.
Les discours de Mgr Laflèche, de l'honorable M. Chauveau.
de l'honorable M. Routhier et de M. S. Lesage, à la Convention,
ont été fort remarqués. M. le comte de Foucault a aussi pro-
noncé un discours qui a été fréquemment interrompu par les
applaudissements.
Je vous ai dit quelques mots, l'autre jour, de la cérémonie
universitaire qui a clos l'année académique, le 23 juin. La
vaste salle des promotions était littéralement pleine. Au pre-
mier rang des auditeurs on remarquait Son Excellence le
marquis de Lorne, gendre de sa majesté la reine d'Angleterre
et gouverneur général du Canada ; son honneur M. Robitaille,
lieutenant gouverneur de la province de Québec ; sa grandeur
Mgr Taschereau, archevêque de Québec, et plusieurs autres
prélats.
Les professeurs en costume, sont venus dans l'ordre suivant,
prendre place sur une spacieuse estrade placée en face du
public :
Les appariteurs avec leurs sceptres, le massier avec sa masse,
le recteur, les doyens, le secrétaire, les professeurs et docteurs
des facultés de théologie, de droit, de riédecine, des arts.
Les étudiants, aussi en costume, occ tient une place à part.
M. le grand-vicaire Hamel, recteur de l'Université, a donné
332 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
un compte rendu des travaux et des succès de l'année, tant à
Québec qu'à Montréal. Après un discours de M. Jannet, des
grades honorifiques ont été conférés à M. l'abbé Provancher,
le savant rédacteur du Naturaliste^ àMM. RouthieretLefaivre,
de Québec, et à MM. Lucien Brun et Claudio Jannet, de France.
Puis est venue la proclamation des bacheliers et licenciés des
diverses facultés, et la distribution de divers prix et médailles,
entre autres la " médaille du marquis de Lorne " donnée par
Son Excellence en personne.
Voici les termes dont s'est servi M. le recteur en conférant
le titre de docteur es lettres à MM. Lucien Brun et Claudio
Jannet :
" Deux autres noms que vous connaissez tous, messieurs,
et que vous serez heureux d'acclamer avec nous, sont venus
couronner la liste déjà si longue et si belle des gradués de
l'Université pendant cette année académique. Ce sont : MM,
Lucien Brun, professeur à l'université catholique de Lyon, et
Claudio Jannet, professeur à l'université catholique de Paris-
Lorsque nous avons appris que le Congrès catholique, par une
heureuse initiative, avait convié à ses séances ces deux cou-
rageux et admirables défenseurs de la cause catholique et de
la liberté de l'éducation en France, nous avons de suite caressé
l'espoir de les voir prendre part à cette séance de clôture, con-
vaincus que leur présence ici contribuerait à cimenter l'union
et la confraternité entre la seule université catholique du
Nouveau-Monde et ces nobles universités catholiques de la
vieille France, si admirables dans la lutte suprême qu'elles
soutiennent pour le salut de la haute éducation chrétienne.
Les exigences de cette lutte n'ont pas permis à M.' Lucien
Brun de s'éloigner du théâtre témoin, tant de fois déjà, de
succès oratoires admirés du monde entier. Il nous a exprimé
tout son regret ; mais il est aujourd'ui avec nous d'esprit et
de cœur, et nous espérons qu'il fera à l'Université-Laval, qui
aurait été si flère de le posséder quelques instants, l'honneur
d'accepter le titre de docteur es lettres qu'elle ose lui offrir-
Aucun de vous n'ignore, messieurs, que M. Claudio Jannet,
arrivé depuis quelques jours à Québec, a bien voulu consentir à
OPINION DE LA PRESSE 333
accepter, lui aussi, le titre de docteur es lettres de l'Université-
Laval, et à prendre la parole dans cette enceinte. Je me fais,
messieurs, votre interprète, pour le remercier publiquement
de cette insigne faveur, et pour l'assurer en môme temps que
l'université catholique de Québec lui conservera la recon-
naissance la plus vive et la plus durable."
{Extrait cVune correspondance adressée de Québec à
TUnivers de Paris.
Nos grandes fêtes nationales et religieuses se sont terminées
comme elles avaient commencé, au milieu de l'enthousiasme
le plus ardent et des émotions les plus douces. Jamais le cœur
du Canada français n'avait battu plus fort. Jamais le peuple
canadien n'avait donné des preuves plus éclatantes des deux
nobles amours qui le possèdent: l'amour de la patrie et
l'amour de l'Eglise. Oui, nous sommes Catholiques, oui nous
sommes Français, et nous l'avons proclamé bien haut en face
de l'Amérique, qui avait les yeux fixés sur nous. Qu'il fait
bon de se sentir citoyen d'un pays où la liberté chrétienne
nous permet d'assister à de tels spectacles.
Le Congrès catholique s'est ouvert le 25 juin, dans la salle
des promotions, à l'Université-Laval, sous la présidence S. H.
le juge Routhier, qui, je le sais, est connu des lecteurs de
V Univers. S. G. Mgr l'archevêque de Québec avrit accepté la
présidence d'honneur. Un auditoire d'élite, parmi lequel le
clergé de la province était représenté par une foule de ses
membres les plus distingués, se pressait dans la vaste enceinte,
ardent, enthousiaste, avide d'entendre et d'applaudir la parole
des orateurs qui allaient parler de la religion et de la patrie.
On y voyait figurer au premier rang Mgr l'évêque des Trois-
Rivières et Mgr l'évoque de Sherbrooke.
La première séance du Congrès commença par .une adresse
au Saint-Père qui fut adoptée au cri de : Vive Léon XIII I
Mgr l'archevêque de Québec fit ensuite entendre la voix de
334 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
raiitorité épiscopale expliquant la portée du Congrès, et appe-
lant sur ses travaux la bénédiction divine. Puis M. Routhier
prononça un magnifique discours sur ce sujet : la nationalité
franco-canadienne et la religion catholique. De l'aveu de tous
ceux qui l'ont entendu, jamais l'illustre orateur ne s'est élevé
aussi haut et n'a produit un aussi saisissant effet.
Dans un langage admirable, il nous fit comprendre l'action
de cette grande loi de l'histoire, en vertu de laquelle les na-
tions où il n'y a pas de place pour le Christ s'aperçoivent, un
peu plus tôt, un peu plus tard, qu'il n'y a pas de place pour
elles dans le monde. Ce chef-d'œuvre oratoire, car c'en est
un, sera imprimé, et vous aurez probablement ainsi l'occasion
de constater que nous n'exagérons rien. M. Routhiei a mis ce
jour-là le sceau à la grande réputation qu'il possédait déjà, et
il est désormais reconnu comme le plus brillant de nos ora-
teurs et le plus profond de nos penseurs. Nous renonçons à
peindre l'attitude de l'auditoire. Applaudissements, bravos,
vivats, larmes, rien ne manqua à ce triomphe de l'éloquence.
Après M. Routhier, venait sur le programme M. Claudio
Jannet. Notre hôte distingué avait à traiter de la richesse
dans les sociétés modernes. C'était de l'économie politique ;
et l'économie politique tout le monde n'y mord pas. Cepen-
dant, malgré l'aridité du sujet, malgré l'impression causée
par le discours précédent, M. Jannet a remporté devant le
Congrès un de ces immenses succès qui comptent dans la vie
d'un homme, un succès dont nous osons croire qu'il conser-
vera le souvenir. Le nouveau docteur es lettres de l'Université
saura nous prouver que le riche ne possède pas pour lui uni-
quement, mais aussi pour les autres. Faisant allusion à une
parole de M. Routhier, dans une heureuse digression, il nous
fit voir, comme contre-partie du rire de Voltaire et de sa cour,
de vieux châteaux où l'on pleurait en 1763, à l'époque où le
Canada était cédé à l'Angleterre. Il eut un mouvement su-
blime lorsque, se tournant vers le Sacré-Cœur représenté sur
le drapeau du Cercle catholique de Québec, il nous le montra
-cousu sur la poitrine des héros vendéens qui l'ont baigné de
leur sang, et s'écria : Voilà le guidon qui doit conduire les
OPINION DE LA PRESSE 335
chrétiens à la victoire. Ah ! comhisn nous étions fiers en en-
tendant cette parole française célébrer la royauté sociale du
Christ et nous exposer les vrais principes sur lesquels reposent
les sociétés chrétiennes! La péroraison de ce discours fut
achevée au milieu de transports d'enthousiasme tels, que M.
Jannet, tout ému de cette ardente sympathie, voulut y ré-
pondre en donnant l'accolade fraternelle au président du
Congrès, son ami M. Routhier. C'était l'ancienne France et la
nouvelle unies dans la même foi religieuse et protestant l'une
et l'autre de leur dévouement à la religion de Charlemagne, de
saint Louis et de Samuel de Champlain.
A sa seconde séance, le congrès entendit M. le comte de
Foucault, qui nous parla des ordres religieux. Il sut captiver
son auditoire par un langage facile, correct et brillant, et par
l'élévation de sa pensée. Sa péroraison fut particulièrement
goûtée. Mgr Laflèche, évoque des Trois-Rivières, nous fit mon-
ter avec lui vers ces hautes sphères intellectuelles où son
grand esprit retrouve à l'aise l'Eglise et la liberté, sujet im-
mense que Mgr de Trois-Rivières a su traiter en maître. Le
plus magnifique éloge que nous puissions faire de lui, c'est
qu'il s'est montré égal à lui-même. Enfin M. Ouimet, surin-
tenc nt de l'instruction publique, fit un excellent discours sur
l'action et le concours de l'Eglise et de l'Etat dans l'enseigne-
ment.
En outre de ces grandes séances publiques, le Congrès, au
moyen de ses bureaux qui ont siégé pendant deux jours, a
élaboré une foule de projets utiles, et préparé pour l'étude un
bon nombre de résolutions au sujet des intérêts religieux du
Canada ; nous en verrons certainement mettre plusieurs en
pratique. Le Congrès s'est terminé par une messe de clôture,
puis M. l'abbé Bruchesi a fait un admirable sermon sur l'a-
mour de l'Eglise.
336 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUEBEC
[Extrait du Travailleur de Worcestei^^ Mass.)
Le Congrès catholique a été le grand succès des trois jours...
Le Cercle catholique de Québec avait organisé le Congrès et
invité MM. Claudio Jannet et le Comte de Foucault à venir
prendre part aux travaux des catholiques réunis. L'hon. juge
Routhier avait préparé un travail du plus haut intérêt qui a
été le grand succès de la fête. Les commissions étaient bien
organisées, on y a taillé de l'ouvrage et nul doute que des
fruits abondants sortiront de ce Congrès.
Les Canadiens des Etats-Unis étaient représentés par: l'abbé
H. Martial, de Grosvenordale, Dr Bernier, P. V. Labonté de
Biddeford, Major Malle t de Washington, Ferd. Gagnon de
Worcester
Les travaux du Congrès seront la partie intéressante de la
fête comme œuvre littéraire et patriotique.
[Extrait du Canadien.)
Tout a été grand, magnifique, dans la célébration de notre
St-Jean-Baptiste. La messe sur les plaines d'Abraham, le
sermon, la bénédiction donnée à la foule par trois évêques,
la procession, le banquet, les décorations de nos rues et de
nos places publiques : nous le répétons, tout celA a été grand,
tout cela a été magnifique. Mais l'événement par excellence,
qui portera des fruits abondants et durables, c'est le Congrès
catholique. La réunion du clergé de la province, de nos prin-
cipaux citoyens sous la présidence et direction de l'épiscopat,
dans le but de proclamer hautement notre foi à l'Eglise catho-
lique, au jour de la fête nationale : voilà une aJBîrmalion
capable de donner espérance pour l'avenir, de ranimer les
courages, de fortifier les cœurs. A la convention, au congrès,
il n'y a eu qu'un concert, qu'une voix : soyons catholiques !
OPINION DE LA PRESSE 337
Si le peuple canadien français tout entier eût donc pu entendre
les vérités qui ont été affirmées, acclamées ! Le cœur de la
nation est chrétien, catholique : malheureusement, le libéra-
lisme a fait ici son œuvre propre : il a obscurci les intelli-
gences d'un certain nombre, et au moyen de cet obscurcisse-
ment il cherche à remplacer l'amour de l'Eglise par l'amour
de la fausse liberté.
L'imposante démonstration à laquelle nous avons assisté
portera un grand coup au libéralisme : la province, la natio-
nalité canadienne se sont proclamées catholiques ! Nous
avons déclaré que le clergé est la clef de voûte de notre édi-
fice, nous l'avons reconnu comme la base de notre existence,
la force de notre avenir.
Le Congrès catholique a ouvert ses séances par la présenta-
tion d'une adresse au Vicaire de Jésus-Christ.
La convention nationale a fait le même acte de foi publique
et de soumission à l'Eglise.
Et quelle riche semence abondamment jetée dans les dis-
cours si chétiens de Mgr Laflèche, de M. Jannet, de M. Rou-
thier, de M. Foucault. Qu'il faisait bon, en entendant leurs
chaudes paroles, d'être catholique, de partager les croyances
qui seules peuvent donner ces sublimes mouvements d'élo-
quence auxquels ils se sont élevés !
{Extrait du Courrier du Canada.)
A ceux qui au début se demandaient quelle serait l'utilité
pratique d'un congrès, à ceux-là qui allaient jusqu'à nier l'op-
portunité d'un tel acte, nous pouvons apporter ajourd'hui une
solennelle réponse, et ce n'est pas nous qui la faisons, c'est un
évoque qui de sa voix aussi autorisée qu'éloquente disait à la
deuxième et dernière assemblée : " Honneur à vous, les orga-
nisateurs de ce congrès catholique, en prenant l'initiative de
cette grande œuvre vous avez fait preuve du plus pur patrio-
tisme." Affirmer ses principes nettement catholiques, les doc-
trines du Syllabus en tout ce qui touche les questions sociales,
338 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
c'est en effet agir en bons patriotes ; avoir des convictions iné-
branlables, et les faire partager à des milliers d'individus,
c'est encore du patriotisme du meilleur aloi. Le temps des
concessions, des demi-mesures est passé ; le libéralisme dispa-
raît de jour en jour ; il ne reviendra plus, espérons-le ; la fête
nationale lui a donné son coup de grâce.
Nous avons vu le spectacle consolant de tout un peuple
gravitant autour de son clergé, marchant avec lui dans les
rangs de la procession, la main dans la main ; nous avons vu
des orateurs et des plus célèbres, chanter l'héroïsme de nos
gloires nationales, faisant reposer leur valeur sur leurs
croyances religieuses et leur attachement à la foi catho-
lique. L'avenir appartient à la vérité, a-t-on dit dans toutes
les réunions, et la vérité c'est la religion, c'est le prêtre.
Les principes sont la force d'une nationalité; et ces prin-
cipes sont tout entiers dans une absolue soumission aux ensei-
gnements, aux doctrines de la sainte Eglise catholique,
apostolique et romaine. C'est là ce qui fera la force du Canada
français, ce qui lui donnera la véritable liberté. La liberté
ce n'est pas le droit au mal, c'est le mouvement dans le bien.
Que de beaux résultats devront suivre de ce congrès qui a
eu toutes les sympathies de l'épiscopat et du clergé. Inutile
de vouloir le nier, ou d'essayer à en atténuer toute la portée :
ce congrès, s'inspirant de la doctrine môme de l'évangile, de
la maternelle action de l'Eglise va guérir bien des plaies, en
versant l'huile de la charité dans les rouages sociaux, il fera
comprendre aux Canadiens français qu'ils n'ont qu'un terrain
où ils peuvent et doivent s'entendre et se comprendre : c'est
le terrain religieux. Eh ! bien, puisque nous y sommes au-
jourd'hui, serrons nos rangs et restons fidèles aux traditions
qui ont fait la gloire de nos aïeux.
{Extraits du Journal de Québec.)
La première séance publique du Congrès catholique a eu
lieu ce matin, à 8 heures et demie, à l'Université, en présence
OPINION DE LA PRESSE 339'
d'une afiluence nombreuse et brillante. Sa Grandeur Mgr
l'Archevêque de Québec a ouvert le Congrès catholique par
une allocution qui a provoqué de fréquents applaudissements.
L'hon. juge Routhier, commandeur de l'ordre de saint Gré-
goire-le-Grand, a prononcé un magnifique discours sur la na-
tionalité canadienne française et la religion catholique. Les
applaudissements qui ont fréquemment couvert sa parole
ardente et convaincue, disent assez l'effet qu'il a produit sur
l'assemblée.
M. Claudio Jannet a terminé la séance par un discours très
remarquable.
A la séance de samedi soir, du Congrès catholique, a la-
quelle assistait aussi un auditoire nombreux, composé de
l'élite de notre société et un grand nombre de délégués étran-
gers, M. le comte de Foucault a fait une brillante causerie
sur «l'action des ordres religieux dans les sociétés modernes.»
La parole chaude et convaincue du jeune orateur a fait sur
l'auditoire une impression qui s'est traduite par de fréquentes
acclamations.
Il a fait à grands traits l'histoire de tous les ordres religieux
qui ont pris naissance dans le monde depuis l'origine du
Christianisme et^ui ont rendu de si éminents services à l'E-
glise et à l'humanité toute entière ; et après avoir parlé des
persécutions dont le gouvernement français menaçait les as-
sociations religieuses en ce moment, il a terminé par une
invocation à la Vierge représentée sur le drapeau du Cercle
catholique qui était suspendu au-dessus de sa tête, en la
priant d'inspirer au Canada la pensée de recueillir les reli-
gieux si jamais le gouvernement de son pays commettait
l'insigne folie de les chasser de la France. L'auditoire lui a
répondu par des marques non équivoques de sympathie et
d'admiration pour les différents ordres religieux dont la
France catholique s'enorgueillit à si juste titre.
Après lui, l'hon. M. Ouimet, officier et surintendant de
l'instruction publique, a fait part à l'auditoire d'un travail
340 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
qu'il avait préparé sur « l'Eglise et l'Etat, dans renseigne-
ment.»
Ce sujet a été traité par M. Ouimet d'une manière complète,
malgré le cadre restreint qu'il avait dû nécessairement se
tracer.
Sa Grandeur Mgr Laflèche a ensuite prononcé un magni-
fique discours sur « l'Eglise et la liberté. » Nous n'essaierons
pas d'en faire une analyse qui ne saurait donner une juste
idée de la manière lucide et savante avec laquelle Mgr l'évê-
que des Trois-Rivières a défini la liberté telle qu'elle doit être
comprise.
{Extrait de la Minerve.)
La tenue d'un Congrès catholique à Québec, est un événe-
ment important pour notre Province, car c'est le premier du
genre dans l'Amérique du Nord.
Il appartenait au Canada français de se mettre à la tête d'un
tel mouvement et de prendre l'initiative d'une semblable réu-
nion. Berceau de la foi sur ce continent, fondée par des
hommes animés du sentiment religieux le plus pur, cette co-
lonie, au milieu des vicissitudes et des épreuves, a grandi
sous l'égide de la religion, et protégée de Di^, elle est deve-
nue le boulevard des principes catholiques, le phare lumineux
du nouveau monde. L'esprit de ses fondateurs s'est perpétué
dans leurs descendants qui se sont propagés avec une rapidité
étonnante ; l'héroïsme dont ont fait preuve nos pères sur les
champs de bataille de Carillon et de Ste-Foye, a passé du do-
maine de la guerre dans celui des combats politiques, qui
illustrèrent le commencement de ce siècle, et, d'étape en étape,
d'épreuves en épreuves, de luttes en luttes, le peuple canadien
français a maintenu haut et ferme l'étendard de son patrio-
tisme.
Le pays s'est couvert de magnifiques institutions d'éduca-
tion et de bienfaisance ; à l'ombre du clocher du village, sous
la protection intelligente du prêtre, notre race a pris racine
OPINION DE LA PRESSE 341
dans le sol qu'on voulait lui ravir, et ni la persécution, ni
l'antagonisme auxquels elle a été en butte, n'ont pu retarder
son développement. Aujourd'hui notre nationalité est ferme-
ment assise sur sa base ; la religion fleurit dans nos campa-
gnes ; le sentiment national est fortement imprégné dans le
cœur de la nation, et rien n'est plus cher au Canadien français
que ses institutions, sa langue, ses lois et ses mœurs.
Ce fut donc une inspiration magnifique que celle de réunir
dans la vieille cité de Champlain, sous l'égide de cette église
de Québec, mère de toutes les autres en notre pays, un con-
grès catholique à l'instar de ceux des pays européens.
Ce fut également une inspiration magnifique que celle de
profiter du moment où tous les représentants de la race cana-
dienne française étaient réunis pour tenir les séances de ce
Congrès destiné à faire luire davantage aux yeux de l'étranger
la force du sentiment religieux en notre pays.
Lorsque l'on voit l'Europe en proie aux factions politiques
les plus exaltées ; lorsque la libre-pensée a partout ses coudées
franches, lorsque le matérialisme le plus abject remplace le
sentiment religieux dans le cœur des peuples, lorsque les so-
ciétés minent le principe d'autorité, lorsque le socialisme veut
remplacer le christianisme, il incombe à ceux qui croient à la
divinité et aux doctrines immuables de l'Eglise d'opposer une
digue à ce torrent dévastateur. Les esprits réfléchis et droits,
les hommes à fortes convictions, doivent se lever pour enre-
gistrer leurs protestations contre tant d'iniquités et de crimes.
Leur foi leur impose la tâche, difficile il est vrai, mais glo-
rieuse, de combattre pour la vérité ; et quelque périlleuse que
soit la situation. Dieu sait donner la victoire aux cœurs cou-
rageux.
De ce Congrès de Québec, sortira une protestation qui sera
entendue de l'Europe. Au-delà des mers on apprendra que,
dans cette ancienne colonie française, il y a des poitrines qui
battent à l'unisson des catholiques de l'univers, et que la
Hbre pensée n'a pu atteindre le peuple canadien. On appren-
dra que nos regards se tournent, non vers la Commune impie
et barbare, mais vers Rome, siège du Vicaire de Jésus-Christ.
22
342 PREMIER CONT.RÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Les échos des voix suaves et éloquentes qui se sont fait enten-
dre au Congrès traverseront l'Europe pour se répercuter
jusque sous les voûtes du Vatican, aux pieds du Pontife su-
prême, et Léon XIII, en recevant nos hommages, bénira de
sa main puissante nos familles, nos moissons, nos entreprises,
notre patrie.
Réjouissons-nous d'une démonstration religieuse aussi im-
portante dans son principe et dans ses résultats, et que nos
convictions et nos sentiments catholiques en reçoivent une
forte et durable impulsion.
[Extrait de TUnion des Gantons de I'Est.)
Le Congrès catholique est bien, certes, la partie la plus
digne et la plus importante de la fête !
Aussi est-ce là que le patriotisme et l'enthousiasme ont eu
leurs plus beaux élans.
La première séance fut ouverte par Sa Grandeur l'Arche-
vêque, et après une adresse au St-Père, l'hon. M. Routhier
et M. Claudio Jannet prirent la parole.
Ces deux messieurs électrisèrent leurs auditeurs par leur
éloquence et les idées sublimés qui faisaient le fond de leur
discours. Aussi vit-on un enthousiasme sans pareil s'emparer
de l'assistance. A un moment, on vit M. Jannet, ému s'avan-
cer au devant du juge Routhier, et ces deux hommea person-
nifiant la vieille et la nouvelle France, s'embrasser solen-
nellement.
Samedi la séance ne fut pas moins intéressante.
{Extrait du Courrier de Montréal.)
OUVERTURE DU CONGRÈS CATHOLIQUE
Vendredi, 25 juin.
A 8 heures a. m., la chapelle du séminaire se remplissait
d'une foule recueillie pour entendre la sainte messe. M. le
OPINION DE LA PRESSE 343
curé de St-Roch ofTiciait. Lca messe fut précédée du Veni Creator
et suivie du Salve Rcgina^ chantés par des centaines de voix.
Sur les 9 heures, la salle de l'Université, dite des promo-
tions, voyait dans son enceinte, près de 1500 personnes, au
nombre desquelles nous avons remarqué Sa Grandeur l'Ar-
chevêque Taschereaii, Mgr Racine, Mgr Laflèche, Mgr Guay,
Mgr Déziel, et un nombreux clergé ; ainsi que M. Rhéaume,
président de la société St-Jean-Baptiste de Québec, le comte de
Foucault, M. Claudio Jannet, etc.
Sa Grandeur l'Archevêque présidait, ayant à sa droite M.
Jannet et à sa gauche l'hon. juge Routhier. Ils étaient sur une
estrade où plusieurs personnages marquants avait pris place.
Son Honneur le lieutenant- gouverneur était auprès de
Mgr Racine, dans la nef en avant de l'estrade.
Le juge Routhier ouvrit la séance. Il dit qu'à la vue d'une
aussi belle représentation de l'Eglise catholique et de la
France catholique, il trouve que la tâche qui lui incombe
comme président actif de ce Congrès n'est pas très facile. Il
exprime sa joie de voir aussi bien représentées l'Eglise et la
France catholique. Il est heureux de pouvoir constater qu'a-
près un siècle, la France se ressouvient qu'il y a sur les rives
du St-Laurent, un petit peuple qui a gardé intactes sa religion,
sa langue et ses institutions. Il ajoute que, lorsque la France
oubliera sa mission de fille aînée de l'Eglise, le Canada s'effor-
cera de lui donner l'exemple de sa foi.
Plusieurs fois il est interrompu par des applaudissements
prolongés. Il finit en disant qu'à la vue du nombreux clergé
présent et surtout de Sa Grandeur Mgr Taschereau, il com-
prend qu'il ne peut dignement présider le Congrès catholique,
et que son rôle se borne tout simplement à celui d'appariteur.
Il présente alors à l'assemblée, le digne archevêque. Sa Gran-
deur se lève au milieu de chaleureux applaudissements. Dans
un langage clair, calme et mesuré, Mgr dit qu'au nom de l'E-
glise du Canada il a été prié de présider ce Congrès, tâche bien
délicate à la vérité ; mais il se rassure quand il songe que les
organisateurs ont fait leur possible pour mener ce Congrès à
bonne fin. Il montre l'importance du Congrès, et il en attend
344 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
un bon résultat, car il s'ouvre sous de bons auspices. On va
présenter une adresse au Souverain Pontife, au représentant
du Christ sur la terre ; c'est commencer par le commencement
c'est asseoir le Congrès sur des bases solides : " Tu es Pierre
et sur cette pierre je bâtirai mon église."
Il rappelle que rien n'est stable qui n'ait la religion, la foi,
la vérité. Dieu, pour base. Il parle de la patrie et de la reli-
gion. L'amour de la patrie a été mis par Dieu dans le cœur
de l'homme. Dieu et la patrie, voilà le culte par excellence.
Ce que l'on fait pour Dieu, on le fait pour la patrie ; ce que
l'on fait pour la patrie, on le fait pour Dieu. C'est ainsi que
les anciens comprenaient le vrai patriotisme. Pro patria quia
pro Deo^ et pro Deo quia pro pati ia. Sa Grandeur reprend son
siège au milieu des applaudissements de l'auditoire.
En ce moment, le Secrétaire du Congrès lit l'adresse au
Souverain Pontife. La lecture de cette adresse est reçue par
des applaudissements frénétiques. Toute l'assemblée se lève,
et vote l'adresse à l'unanimité, et des hourrahs éclatent en
l'honneur de l'Union Allet.
Le secrétaire donne la liste des personnes qui ont dû décli-
ner, pour des raisons majeures, l'invitation du Congrès. Cha-
cun de ces noms est reçu par des chaleureux applaudissements.
Mais l'enthousiasme devint à son comble à la lecture des
lettres du comte Albert de Mun, du sénateur Lucien Brun,
et de M. A. E. Aubry, professeur de la faculté de droit à An-
gers, et qui eût pour élève l'hon. juge Routhier.
L'hcii. M. Routhier se lève. Il voudrait avoir les pa-
roles de ce grand homme dont on a naguère parlé ; de
cet homme qui a dû être un grand orateur, de S. Jean-
Baptiste, enfin, à la voix duquel accouraient en foule dans
le désert et sur les bords du Jourdain les peuples de l'uni-
vers : il voudrait avoir cette éloquence en cette circonstance
solennelle.
L'honorable juge parle de l'union inséparable de l'Eglise et
de l'Etat, et de la religion comme étant la base de toute patrie.
Il dit qu'elle est la base de la nationalité canadienne fran-
çaise, comme elle est aussi la base de tout l'édifice social. Les
OPINION DE LA PRESSE 345
païens eux-mêmes prenaient la religion pour base de tout édi-
fice dont ils voulaient assurer la stabilité.
Platon reconnaissait que c'est la vérité même que si Dieu
n'a pas présidé à l'origine d'une cité, elle ne saurait subsister,
et que sans elle, ni les cités, ni les peuples ne pouvaient non
plus durer. L'histoire nous le témoigne d'une manière écla-
tante. Tous les peuples ont eu la croyance à un Dieu et à un
culte, tous ils ont compris que la religion est la fondation de
tout édifice social.
Les libres penseurs sont les prédicateurs de l'immoralité; le
contrat social est une utopie, la paix sociale, la paix univer-
selle ne peut subsister qu'au moyen de la religion. Comment
le roi et le peuple vont-ils vivre en harmonie ? C'est au moyen
de la religion.
Le contrat social ne pourra jamais résoudre autrement cette
question. Elle ne le sera qu'en reconnaissant d'abord les droits
de Dieu. Les peuples sans religion ne peuvent constituer une
patrie. Prq aris et patria^ écrivaient les Romains quand ils
fondaient une ville, joro aris et patria^ disaient-ils, quand ils
ouvraient un nouveau pays. C'est qu'ils reconnaissaient que
la religion est le fondement et la base de toute chose. Les libres
penseurs, eux, ont et prêchent une autre doctrine. Le Ciel est
à Dieu, la terre est à nous, disent-ils dans leur folie ; nous,
nous disons au contraire, le ciel est à Dieu ; la terre est à
Dieu et nous devons jouir de l'un et de l'autre. Ici l'orateur
est chaleureusement applaudi. En lisant l'Ecriture Sainte,
lin fait l'a frappé. C'est ce passage où il est dit que la vierge
et S. Joseph se rendant à Bethléem, et voulant loger dans une
hôtellerie, reçurent pour réponse ces paroles : " Il n'y a pas
de place," et durent aller ailleurs.
Depuis qu'avons-nous vu ? Les juifs cherchent sans cesse
un lieu où se fixer et partout on leur répond : " il n'y a pas de
place," et ils errent par le monde. Les peuples du moment
qu'ils ont oublié leur Dieu, se sont aperçus qu'ils n'y avait
plus de place pour eux. En France, depuis la révolution jus-
qu'à l'empire, les formes de gouvernement se sont succédé,
et chaque fois que l'on a vu méconnaître la religion, vite, il
346 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
n'y avait plus de place pour ce gouvernement. Tl y a un siè-
cle, la France a dit qu'il n'y avait pas de place pour Dieu, et
depuis nulle forme de gouvernement n'a pu s'y mrintenir.
Les proscripteurs n'ont pu eux-mêmes, trouver pour toute
place que l'affreux oreiller de la guillotine. Ce grand général,
ce grand conquérant qui durant un moment tint les destinées
de l'univers dans sa main, lui-môme, du moment où il a
voulu méconnaître les droits les plus sacrés, s'est vu conspué
par toute l'Europe, et n'a eu pour toute place que le rocher
de Ste-Hélèno où il finit péniblement ses jours. Jamais le
peuple français ne jouira d'un gouvernement stable, à moins
qu'il ne se rappelle le culte du divin Sauveur des hommes.
Ici l'orateur lit une page inédite de l'histoire de son séjour en
France, et il passe ensuite en revue nos gloires nationales : il
rappelle que c'est au soleil de la foi que le lys a fleuri sur les
bords de notre majestueux Saint-Laurent ; que c'est à l'ombre
des autels que notre nationalité s'est formée.
Il jette un coup d'œil sur l'histoire du peuple juif, montrant
qu'il était malheureux du moment qu'il oubliait son Dieu, et
prospère aussitôt qu'il l'adorait, il rappelle que de môme que
ce peuple était sauvé dès qu'il lui restait un prêtre pour lui
sacrer des rois et des prophètes, ainsi la patrie sera prospère,
ainsi la nation canadienne française sera grande et forte, tant
qu'elle sera chrétienne, qu'elle conservera intact l'amour de
sa patrie et de son Dieu. Puis, après une apostrophe à la
patrie des plus pathétiques, l'hon. juge termine son magnifique
discours en répétant que le Christ et ses suivants seront éter-
nellement vainqueurs. Les hourras et les applaudissements
éclatent de toutes parts, et semblent redoubler lorsque M.
Claudio Jannet se lève pour adresser la parole.
Malgré notre désir de plaire à nos lecteurs, de leur donner
aussi fidèlement que possible les détails de cette démonstra-
tion et de tous les discours, ou plutôt, à cause de ce désir,
nous ne voulons pas, qu'on nous le pardonne, analyser ici, le
magnifique discours du grand économiste français.
Qu'il nous sufiise de dire qu'il n'a pas trompé l'attente géné-
rale, qu'il a été à la hauteur de la circonstance, et que lors-
OPINION DE LA PRESSE 347
qu'il reprit son siège, il reçut une véritable ovation ; les
applaudissements éclatèrent rapides et frénétiques, les mou-
choirs ondulèrent au-dessus de l'assemblée et les hourrahs
enthousiastes firent en quelque sorte frémir l'immense édifice.
Nous allions oublier un incident des plus émouvants, qui
eut. lieu immédiatement après que M. Jannet eut cessé de
parler. Ce dernier, partageant l'émotion générale, s'avança
au-devant du juge Routhier, et ces deux hommes, qui venaient
de témoigner d'une manière si éloquente de leur attachement
à la foi catholique, 'embrassèrent. On eût dit la France et
le Canada s'étreignant dans une même et sincère amitié, et
scellant le pacte d'un attachement et d'une union inséparables.
Deuxième séance.
La foule encombrait, samedi soir, la salle des promotions
de rUniversité-Laval de Québec, où devait avoir lieu la
deuxième séance du Congrès catholique.
Mgr Cazeau présidait, ayant à sa droite Mgr Laflèche, M.
Jannet, etc., et à sa gauche l'hon. juge Routhier, M. le comte
de Foucault, l'hon. Gédéon Ouimet et plusieurs autres per-
sonnages distingués.
Dans le parterre, on remaquait Mgr Guay, Mgr Déziel, Mme
juge Routhier, un très grand nombre de membres du clergé
et l'élite de la société canadienne française réunie à Québec.
On lut des lettres d'adhésion du Baron Général de Charette
et de plusieurs autres personnages distingués d'Europe.
Une de ces lettres venait de Hollande, et l'hon. juge Routhier
dut se contenter d'en accuser réception, parce qu"il ne s'était
trouvé personne qui pût la traduire.
M. le comte de Foucault fut alors présenté à l'assemblée,
qui l'accueillit par de chaleureux applaudissements.
M. de Foucault est un grand jeune homme blond, de vingt-
cinq ans environ ; c'est un catholique fervent, qui ne rougit
pas de la religion de ses aïeux, dans un temps où un si grand
nombre de ses compatriotes essaient de couvrir de ridicule
tout ce qui est saint, et se font une gloriole de leur impiété.
Nous regrettons de ne pouvoir donner une analyse de l'éloquent
348 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
discours prononcé par M. de Foucault, et dont nous n'avons
entendu que la première partie ; nous sommes forcé de ne
citer que quelques traits du commencement de ce discours
sur l'action des ordres religieux dans les sociétés modernes-
L'orateur commença par dire qu'il avait d'abord été effrayé
de prendre la parole, après les éloquents discours qu'il avait
entendus, mais qu'il se sentait maintenant rassuré par la sym-
pathie que lui avait manifesté l'auditoire. Il adresse des
remerciements aux Evoques et au public. Il fait l'historique
de l'institution monastique qui a, de temps immémorial, puis-
samment contribué à l'affermissement de la religion. L'Eglise
est prospère, dit-il, quand les monastères sont remplis.
Il énumère ce qu'ont fait, en Occident, ces moines dont M.
de Montalembert a fait de si grand éloges. Il parle ensuite
de la Compagnie de Jésus, et des persécutions dont elle a été
l'objet, persécutions qui viennent de se réveiller en France.
Nous devons, dit-il, le respect à ces hommes zélés qui se
dévouent à l'instruction de la jeunesse.
Ici des tonnerres d'applaudissements et de bravos couvrirent
la voix de l'orateur et firent longtemps retentir la saMe de
leurs échos.
Il est lui-môme un ancien élève des Jésuites, et il est heu-
reux de voir l'intérêt que nous portons à ces dignes religieux.
Il parle ensuite des Oratoriens, des Liguoriens, de la Con-
grégation de St- Vincent de Paul qui fait un si grand bien, des
Sœurs de la Charité, du célèbre champion de la foi catholique
en Europe, le comte de Mun, et des Frères ignorantins, qui
ont fait trembler Voltaire. On les trouve partout, dit-il, ces-
Frères dévoués de la doctrine chrétienne ou ignorantins.
. La voix de l'orateur fut souvent couverte par les applaudis-
sements, et il était facile de voir l'impression profonde que
produisaient sur l'auditoire ses paroles si sincèrement catho-
liques.
M. de Foucault est un orateur agréable. Il parle avec une
abondance et une chaleur qui révèlent chez lui une profonde
(^onviction ; son geste est des plus énergiques et sa voix ample
et sonore.
OPINION DE LA PB ESSE 349
L'hon. Gédéon Ouimet parla ensuite, et Mgr Laflèche cou-
ronna cette belle séance par un de Ces excellents discours
qu'on ne se lasse jamais d'admirer.
{Extraits du Quotidien, 26 juin.)
Hier le Cercle catholique a tenu sa première séance solen-
nelle et il a inauguré la série de commissions qui doit s'occu-
per activement de la cause catholique au Canada. Mgr l'Ar-
chevêque a ouvert l'assemblée par une heureuse improvisation ;
puis, tous nous avons protesté de notre attachement au Saint
Siège en votant avec enthousiasme une éloquente adresse
à Léon XIII.
La séance a été continuée et terminée par les deux plus
éloquents discours qui aient jamais été prononcés en langue
française au Canada. M. le juge Routhier a démontré d'une
manière admirable les nécessités des relations fraternelles
étroites, entre l'Eglise et la nationalité. Doué d'une heureuse
imagination et d'un style vraiment français, M. Routhier
s'est surpassé quand il a parlé de nos malheurs passés, et qu'il
a contemplé le souriant avenir qui nous attend.
Il a reçu le meilleur éloge possible lorsque M. Claudio
Jannet lui a dit que les Canadiens ne devaient pas regretter
l'absence de de Mun ou de Lucien Brun, parcequ'ils avaient
M. le juge Routhier qui les représentait royalement.
A son tour, M. Jannet a fasciné ses auditeurs et peu s'en
fallut qu'il ne renouvelât dans les salles de l'Université-Laval
les scènes antiques de la Grèce et de Rome. Il développa
tellement bien son sujet qu'il fut plus goûté que s'il avait pris
une matière plus facile et pendant une heure, il développa le
magnifique sujet du « rôle des riches dans les sociétés mo-
dernes. » Lorsqu'il voulut nous parler de la dévotion au
Sacré-Cœur il eut un mouvement tellement sublime, que l'au-
ditoire électrisé par un si grand succès se leva debout et ac-
clama avec enthousiasme et longtemps les paroles de l'ora-
teur. Nous sommes heureux d'avoir entendu ces deux
350 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
grands hommes, parce que nous savons qu'ils agissent comme
ils prêchent et que leurs principes vont plus loin qu'un simple
discours ; espérons que les résultats du Congrès seront les
plus grands possibles et les plus en harmonie avec notre
situation.
Dernière séance publique du Congrès catholique.
Samedi soir, à l'Uni versi té-La val, se donnait la dernière
béance publique du Congrès catholique, qui avait voulu ter-
miner ses travaux par une démonstration solennelle.
Une foule considérable s'était rendue dans les salles du
vaste édifice pour entendre une dernière fois les paroles élo-
quentes des différents orateurs qui devaient faire les frais de
la soirée.
L'attente publique n'a pas été trompée, et tous s'en sont re-
tournés en regrettant la rapidité du temps passé sous le
charme des considérations les plus élevées comme les plus
pratiques.
Après l'ouverture de la séance par le président, monsieur
le juge Routhier, monsieur le comte Jules de Foucault parut
sur le théâtre au milieu des applaudissements de l'auditoire.
Le sujet qu'il traita fut : « De l'action des ordres religieux
dans les sociétés modernes. » 11 fit l'histoire de tous les ordres
religieux, en démontrant succinctement le résultat de leurs
travaux et les traces encore lumineuses de leurs passages à tra-
vers les siècles. Les Moines furent de tous temps, c'est-à-dire
depuis l'établissement du christianisme, les plus fermes appuis
de la religion, de la civilisation, des sciences, et des progrès
matériels et intellectuels de tous genres. Chaque siècle fut
témoin des plus grands prodiges opérés par les soins assidus
et par l'érudition profonde de moines ou de religieux qui se
donnaient en sacrifice pour rendre les hommes meilleurs.
Chaque époque mémorable de l'histoire des peuples doit une
partie de son éclat à la charité ou au génie des moines ou des
religieux. Dans les premiers siècles de l'Église, des saints
religieux préparaient les voies pour la propagation de l'évan.
gile. Au temps des croisades, ce fut de saints religieux qui
OPINION DE LA PRESSE 351
conçurent l'idée sublime d'arracher à l'idolâtrie et au paga-
nisme le berceau de la vraie foi.
Au moyen âge, lorsque le monde civilisé était menacé par
les lois des barbares, ce furent des moines et des religieux qui
sauvèrent du naufrage les chefs-d'œuvres de l'antiquité et qui
élevèrent ces monuments de la science qui servent encore
de guides et de modèles.
Ayant reçu son éducation chez les Jésuites, le savant orateur
voulut s'acquitter à leur égard d'une dette de reconnaissance
en appuyant sur leur histoire depuis son origine jusqu'à nos
jours et il se montra le digne élève de ses nobles et saints
professeurs. Les Jésuites ont toujours été persécutés et le
seront toujours. Leur force s'en accroît d'autant, et le respect
et la vénération des peuples n'en seront que plus durables, de
même que les châtiments de leurs persécuteurs n'en ont été et
n'en seront jamais que plus profonds.
La persécution actuelle en atteignant le but qu'elle se pro-
pose, ne laisse pas cependant que d'accuser sa faiblesse, son
indécision et son origine criminelle ; Dieu retient son bras
pour ne pas écraser les bons avec les coupables.
Après monsieur le comte Jules de Foucault, l'honorable
Gédéon Ouimet soumit à l'auditoire un travail vraiment digne
de la circonstance, qu'il intitula " l'Église et l'État dans l'en-
seignement."
M. le surintendant de l'éducation pouvait seul entrer dans
les détails si intéressants d'un sujet aussi vaste et aussi im-
portant.
Il expliqua notre système d'éducation, en mentionnant les
éloges et les marques non équivoques de son excellence dont
il avait été l'objet dernièrement à Paris.
Tl fit voir aussi que nous ne le cédons à aucun pays du
mondé sous le rapport du nombre des élèves de nos différentes
maisons d'éducation, eu égard à la population. L'Eglise, en
prêtant son concours à l'Etat dans l'enseignement de la jeu-
nesse, forme les véritables bons citoyens, qui font les appuis,
les soutiens et la véritable force de l'État, et l'homme vrai-
ment chrétien est incontestablement bon citoyen.
352 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
Le dernier discours fut prononcé par un orateur sacré dont
la réputation est bien connue, le vénérable évoque des Trois-
Rivières, monseigneur Laflèche.
Il choisit pour sujet : " l'Église et la liberté."
Pendant près d'une heure l'éloquent orateur put tenir son
auditoire enchaîné à sa parole. Ses considérations si élevées,
bien loin de fatiguer l'attention, ne faisaient que transporter
ses auditeurs à la hauteur du sujet, d'où ils n'apercevaient que
plus clairement les vérités qu'il s'était proposé de faire con-
naître.
Il est difficile d'avoir un plus beau succès, et il est difficile
après cela de ne pas apercevoir dans l'Eglise, la seule la véri-
table liberté.
Enfin la séance se termina par la lecture de certaines réso-
lutions passées par les différents comités renfermant la base
des opérations à venir pour affirmer et répandre l'idée reli-
gieuse au milieu des générations présentes et futures.
Le Congrès catholique de Québec, à l'occasion de la célébra-
tion nationale, portera de dignes fruits, et sera le glorieux
complément de la démonstration la plus grandiose qui pût se
faire sur le sol canadien.
Le Congrès catholique, tout en captivant l'attention par le
charme d'une haute éloquence, no us a fait entrevoir un avenir
tout à fait rassurant pour les idées qui sont si chères au peuple
canadien, et sans lesquelles il ne saurait exister aucune force
de cohésion parmi les membres. Tout à donc conspiré pour
le succès du grandiose projet qui avait été conçu.
Il est à peine nécessaire de dire quels magnifiques résultats
doivent découler de tout ce qui s'est passé.
Notre existence comme peuple s'est affirmée d'une manière
non équivoque aux yeux du peuple canadien lui-même et aux
yeux des races étrangères. Le nombre, les arts, les sciences,
l'industrie, le talent, l'aptitude, la volonté et l'énergie, tout est
connu, tout est mesuré, tout est compté. Nous avons conquis
le respect des origines étrangères ; désormais il leur faudra
compter avec nous. Nous serons redoutable par le nombre,
mais nous le serons bien plus par les qualités. Nous le serons
OPINION DE LA PRESSE 353
surtout par notre attachement à tout ce qui se rapporte à notre
foi et au culte de la patrie. Le fait de notre dissémination sur
une vaste étendue du continent américain ne prouvera rien
contre le lien puissant et secret qui nous unit dans les jours
de joies et de danger.
Mais que dira-t-on de nous à l'étranger, où jusqu'ici l'on a
paru même ignorer notre existence ? Comment retentiront en
France ces belles paroles de M. Claudio Jannet lorsque, répon-
dant à M. le président du Congrès, le juge Routhier, il affir-
mait que l'on pouvait se consoler de l'absence du comte de
Mun, vu que M. le président l'avait royalement remplacé ?
N'a-t-on pas entendu M. le comte de Foucault dire qu'il
n'était pas nécessaire pour nous d'aller chercher en France
de véritables penseurs et de véritables orateurs chrétiens ? Le
Canada avait les siens et ne le cédait à aucun autre pays.
Ces paroles sorties de la bouche de deux célébrités euro-
péennes ne resteront pas stériles ; elles seront entendues et
comprises de l'autre côté de la mer, et l'on nous rendra là-bas
la justice que l'on nous a rendue ici.
Sous tous les rapports donc nous devons nous attendre aux
conséquences les plus avantageuses dans l'ordre moral comme
dans l'ordre physique, car nous avons grandi à nos propres
yeux et aux yeux des pays étrangers dont nous avons été si
longtemps méconnus.
Extrait du Nouvelliste de Rimouski.)
Quant au Congrès catholique il a pleinement réussi par la
hauteur de ses vues, la portée sérieuse de ses actes, l'habileté
de ses combinaisons et l'éloquence de ses orateurs. Jamais on
ne vit un dévouement plus réel ni une chaleur d'âme plus
vive se manifester pour la promulgation des vérités fonda-
mentales de la religion, de l'ordre et de la société. Cédant
aux impressions de son esprit et de son cœur, M. le juge Rou-
thier a su émouvoir par sa parole entraînante l'auditoire en-
354 PREMIER CONGRÈS CATHOLIQUE TENU A QUÉBEC
thousiaste qui récoatait. Ce Canadien, pour le dire en passant,
est un exemple de l'élévation à laquelle parviennent toujours
les qualités morales et le talent, quand le courant des faveurs
officielles les y porte et vient pour ainsi dire au-devant d'eux.
Inde favor ingens herœm producit. M. Claudio Jannet, de Paris,
a voulu rendre hommage à la distinction oratoire du jeune
magistrat canadien français, et il l'a fait en termes remarqua-
blement flatteurs. Le discours de cet homme distingué de la
métropole française a paru être un modèle de l'art oratoire
qu'il préconisait à l'honneur de M. Routhier.
{Extrait de ^Evénement.)
Le Congrès catholique a tenu sa première séance hier matin
à huit heures et demie. Les membres qui avaient assisté à
une messe dite dans la chapelle du Séminaire, se sont réunis
ensuite à l'Université. La séance a été ouverte par une courte
allocution de Mgr l'Archevêque ; puis, le Congrès a voté une
adresse au Saint-Père.
Deux grands discours ont été prononcés, l'un par le juge
Routhier, l'autre par M. Claudio Jannet. M. Routhier avait
pris pour sUjet : la nationalité canadienne française et la religion
catholique. ïl a traité ce sujet avec un ;lévation de vues et
un éclat de langage auxquels tout le r.jonde rend hommage.
Il n'y a qu'une voix pour dire que l'éminent orateur a fait
preuve d'un talent vraiment supérieur.
M. Claudio Jannet a pris la parole après M. Routhier. Il a
traité le sujet suivant : de faction des ordres religieux dans les
sociétés modernes. Durant plus d'une heure, M. Jannet a tenu
son auditoire sous le charme des considérations les plus éle-
vées. Il a été tour à tour persuasif, éloquent, entraînant.
AJÎITÉÎE 1879-80
ANNUAIRE
DU
MltlJI
No. 3,
CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
In manifestatione veritatis.
Patron :
Sa Grandeur Mgr E. A. Taschereau, archevêque de Québec.
Président d'honneur :
Mgr de Ségur, chanoine-évêque de Tinsigne chapelle de Saint-
Denys.
Visiteur :
M. l'abbé F. X. Gosselin, curé de St-Roch de Québec.
T. Membres honoraires :
Aquaderni, Giovanni, médecin, président de l'Association de
la jeunesse catholique d'Italie, Bologne.
Aubry, Auguste-Eugène, professeur de Droit romain à l'Uni-
versité catholique d'Angers, professeur honoraire de TUni-
versité-Laval, Angers.
Beluze, E., président du Cercle catholique du Luxembourg,
Paris.
Benque, A. de, président de l'Adoration nocturne, Paris.
Boucherville, Charles B. de, médecin, sénateur et conseiller
législatif, ex-premier ministre de la province de Québec,
Boucherville.
Brun, Lucien, sénateur, professeur de droit à l'Université ca-
tholique de Lyon, docteur es lettres de TUniversité-Laval,
Lyon.
Gazeau, Mgr C. F., vicaire-général de l'archidiocèse de Québec,
camérier secret de Sa Sainteté, chanoine honoraire d'Aquin.
Gharette, Général Baron de, Paris.
Chesnelong, M., sénateur, Paris.
Desautels, Mgr J,, curé de Varennes.
23
358 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
Foucault, comte Jules de, ancien sous-préfet du département
de l'Orne, France.
Gosselin, M. Tabbé F. X., curé de St Roch de Québec, visiteur
du Cercle.
Harmel. Léon, propriétaire de l'usine du Val-des-bois, archi-
diocèse de Reims.
.Tannet, Claudio, professeur à l'Université catholique de Paris,
docteur es lettres de l'Université-Laval, Paris.
Laliberté, M. l'abbé N., curé de St-Michel de Bellechasse, pre-
mier visiteur du Cercle.
Langevin, très-révérend E., vicaire-général et prévôt du Cha-
pitre du diocèse de Rimouski.
Lemoine, M. l'abbé G. L., chapelain des Ursulines de Québec.
Menne, Charles, directeur de l'tEuvre pontificale des vieux
papiers, Langres.
Michel, Jules, président du Tribunal de St Malo.
Muir, G. M., commandeur de l'Ordre de St-Grégoire-le-Grand,
président général de la Société de St-Vincent de Paul du
Canada, Québec.
Mun, le comte Albert de, ex-député de Pontivy (Morbihan),
secrétaire général des cercles catholiques d'ouvriers de
France, Paris.
Pages, Léon, vice-président de l'OEuvre du denier de saint
Pierre, 10, rue du Bac, Paris.
Perin, Charles, professeur de l'Université de Louvain.
Ribbe, Charles de, publiciste, Aix en Provence.
Rondelet, Antonin, professeur de philosophie à l'Université
catholique de Paris, président du Salon des CEuvres, Paris.
Routhier, A. B., juge de la Cour supérieure, commandeur de
St-Grégoire-le-Grand, docteur en droit de l'Université-Laval,
Québec.
Taché, J. C, 'docteur en médecine, chevalier de la Légion
d'honneur, professeur à l'Université-Laval, sous-chef du
ministère de l'agriculture et des statistiques, Ottawa.
Trudel, F. X. A., avocat, sénateur, Montréal.
Veuillot, Eugène, rédacteur de V Univers^ Paris.
Veuillot, Louis, rédacteur de V Univers^ Paris.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 859
IL Membres auxiliaires : .
Cimon, P., shérif, Malbaie.
Gosselin, M. l'abbé D., vicaire à l'église de St-Roch de Québec.
Hudon, M. l'abbé E. E., vicaire à l'église de St-Roch de
Québec.
Landry, J. E., médecin, docteur en médecine, professeur à
rUniversité-Laval, membre correspondant de la Société
d'Anthropologie de Paris, membre honoraire de la Société
d'Emulation de Louvain, Québec.
La Monneraye, L. de, Redon en Bretagne.
Lemoine, Alexandre, N. P., Québec.
Renaud, J. B., négociant, Québec.
Rivard, L. L., employé du Gouvernement, secrétaire général
de la St-Vincent de Paul du Canada, Québec.
Rouleau, M. l'abbé T. G., assistant principal de l'Ecole nor-
male-Laval, Québec.
Sexton, M. l'abbé J. P., vicaire à l'église de St-Roch de Québec.
St-Onge, M. l'abbé L. N., curé de Glen's Falls, Etat de N. Y.
IIL Membres correspondants :
Aubry, Pierre, avocat, Angers.
Beaiicharap, .loseph, avocat, Montréal.
Bègasse, Joseph, trésorier de la Commission centrale des
écoles caiholiques de Liège, Liège.
Belloaii, L iS', avocat, Lévis.
Belleieuillej E. Lefebvre de, avocat, chevalier de St-Sylvestre,
Montréal,
Bonpart, A. de, journaliste, MontréaL
Boucherville, Anatole de, employé de l'Enregistrement, vice-
président de la Société d'Emulation intellectuelle, secrétaire
de l'Union catholique de l'Ile Maurice, Port-Louis (Ile Mau-
rice).
Bussière, A. G., notaire, collecteur des douanes, St-Ge». rges
de Beauce.
Carrier, L. N., notaire, Lévis.
360 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
Charmoy, Oscar d'Emmerez de, avocat et propriétaire, greffier
de la Cour suprême, membre du Conseil d'éducation, prési-
dent de l'Union catholique de l'Ile Maurice.
Côté, J. B. S., agriculteur, diplômé de l'école d'agriculture de
Ste-Anne la Pocatière, Manitoba.
Delâge, Chs A., médecin, St-Basile.
Desaulniers, F. L., avocat, député à la Législature de Québec,
Yamachiche.
Deschamps, Emile, avocat. Sens.
Désilets, Alfred, avocat, ex-zouave pontifical, Trois-Rivières.
Désilets, Gédéon, avocat, ex-zouave pontifical, rédacteur du
Journal des Trois-Rivières^ Trois-Rivières.
Desnoyers, M. l'abbé G. A., curé de St-Pie, diocèse de St-Hya-
cinthe.
Desrosiers, H. E., médecin, professeur à la succursale de
rUniversi té-Laval de Montréal, secrétaire de l'Union catho-
lique, Montréal.
Desrosiers, Joseph, avocat, président de l'Union catholique,
Montréal.
Diringer, M. l'abbé * , secrétaire de Mgr de Ségur, Paris,
39, rue du Bac.
Dumésnil, M. l'abbé A., professeur au Séminaire de St-Hyacinthe
Giiigras, M. l'abbé A., curé de St-Edouard de Lotbinière.
Gonthier, le R. Père Th., dominicain, St-Hyacinthe.
Gravel, M. l'abbé E. A., curé d'office, évêché de St-Hyacinthe.
Guestiers, Raoul de, vice-président de la conférence Olivaint
de la réunion des jeunes gens de la rue de Sèvres, Paris.
Huart, M. l'abbé V. A., professeur au Séminaire de Chicoutimi.
Lame, P., médecin, St-Augustin.
Lavoie, J. X., protonotaire. Percé.
Leclerc, GustLve, élève du grand Séminaire, Montréal.
Lorimier, Charles C. de, avocat, professeur à l'Université-
Laval, succursale de Montréal.
Mallet, Edmond, employé au département du Trésor, Wash-
ington, D. C.
Malo, révérend F., ancien missionnaire aux Montagnes Ro-
cheuses, Washington.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 361
Michel, Ernest, avocat, Nice.
Montigny, B. A. Testard de, recorder de la ville de Montréal,
avocat, ex-zouave pontifical. Montréal.
Montminy, Octave, bourgeois, préfet du comté de Lévis, St-
Agapit.
Moreau, M. l'abbé E., curé de St-Barthélemy.
Ouellet, M. l'abbé J. R., professeur au Sém. de St-Hyacinthe.
Pilote, M. l'abbé F., curé de St- Augustin, membre du Conseil
d'agriculture.
Plamondon, M. l'abbe J. B., curé de l'Ile aux Grues.
Poisnel, M. l'abbé Victor, institution de St-Joseph, Villedieu-
les-Poëles (Normandie).
Prendergast, Alfred, avocat, ex-zouave pontifical, Montréal.
Proulx, F. H., directeur de la Gazette des Campagnes^ Ste-Anne
la Pocatière.
Proulx, M. l'abbé N-, procureur au (^loUège de Ste-Anne.
Rogers, Maurice, avocat, vice-président de la Conférence Oli-
vaint, commune de Josne (Loire et Cher).
Rottot, J. P., médecin, doyen de la faculté de médecine de
l'Université-Laval, à Montréal, Montréal.
Smith, James, membre du Cercle catholique de Biddeford,
Maine, Etats-Unis.
Smith, P. E., avocat, novice chez les RR. PP. Jésuites, à
Montréal.
Stafford, L., avocat, Québec. .
St Cyr, D. N., député à la Législature provinciale, Champlain.
Sylvain, L. P., employé du gouvernement, Ottawa.
f Thibault, M. l'abbé A., curé de Chambly.
Tremblay, M. l'abbé G., curé de Beauport.
Veuillot, Pierre, attaché à la rédaction de V Univers^ Paris.
Vincelctte, Arthur, médecin, Glen's Falls (N.Y.)
ÎV. Membres actifs :
Barnard, E. A., directeur d'agriculture, rédacteur du Journal
d'agriculture.
Beaubien, 0., junior, commis.
t Décédé.
362 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUEBEC
Berrouard, F., marchand.
Bidégaré, Pierre, marchand.
Bittner, David, employé du gouvernement.
Biais, L. E., marchand.
Biais, P. E., marchand.
Blondeau, F. E., notaire, employé du gouvernement.
Blouin, Louis, négociant.
Bossé, J. G., avocat.
Boulet, J. P., docteur en médecine de l'Université-Laval.
Boulet, 0. A., négociant.
Brousseau, Léger, propriétaire-éditeur du Courrier du Canada.
Bruneau, F. X., négociant.
Brunet, Philémon, négociant.
Bureau, Théophile, bourgeois.
Casgrain, Ths G., avocat, licencié en droit, professeur à l'Uni-
versité-Laval.
Cazeau, Vincent, employé de la douane.
Chapais, Thomas, avocat, licencié en droit, secrétaire privé
de S. H. le lieutenant-gouverneur de Québec.
Charest, Joseph, marchand.
Gloutier, Alfred, L. L. L., avocat.
Cloutier, J. B., professeur à l'école normale-Laval.
Gloutier, Joseph, commis.
Gloutier, Odinat, médecin, professeur à l'école normale-Laval.
GoUin, Godfroy, négociant.
Gollin, Louis, négociant.
Gôté, Abdon, inspecteur officiel des poids et mesures.
Gouture, J. A., médecin-vétérinaire, professeur au Collège vé-
térinaire de Montréal.
D'Auteuil, Louis, commis.
Demers, L. J., propriétaire-éditeur du Canadien.
Déry, E. A., avocat, juge de la Cour du Recorder de la ville de
Québec.
Déry, P. L, libraire-éditeur.
Dionne, Didier, négoc'ant.
Dionne, N. E., médecin, docteur en médecine de l'Univer-
sité-Laval, rédacteur en chef du Courrier du Canada.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 363
Drolet, Arthur, négociant.
Drolet, Gaspard, employé du Gouvernement.
Drolet, Télesphore, orfèvre.
Drouin, F. X., avocat.
Drouin, Louis, libraire-éditeur.
Dubé, Joseph, commis.
Ducharme, Candide, tailleur.
Dugal, Léandre, employé de la douane.
Dussault., L. T., négociant, ex-zouave pontifical.
Fiset, Elzéar, cordonnier.
Fiset, Michel, médecin, docteur en médecine de l'Université-
Laval.
Fontaine, Adalbert, étudiant en droit.
Fontaine, J. 0., directeur de Colonisation.
Fortier, Félix, greffier du Conseil exécutif.
Fournier, D. E., commis.
Fournier, F. X., commis.
Gagnon, Ernest, secrétaire du département des travaux-
publics.
-Garneau, J. A. M. D., médecin.
Germain, Norbert, marchand.
Gigon, Arthur, employé de l'asile de Beauport.
Gosselin, Jean, avocat.
Gourdeau, Félix, négociant.
Guay, Désiré, négociant.
Hamel, Abraham, bourgeois.
Hamel, J. A., commis.
Hamel, Joseph, négociant.
Hamel, Ferd. E., négociant.
Huot, E., employé de la banque nationale.
Huot, L. J., pharmacien.
Juneau, F. E., inspecteur des écoles catholiques du district de
Québec.
Jobin, Achille, sculpteur.
Kérouack, F., maire de St-Sauveur, préfet du comté de Québec,
président de l'Union St-Joseph, négociant.
Laberge, Auguste, sr., menuisier-entrepreneur.
364 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
Laberge, Auguste, jr., menuisier-entrepreneur.
Laberge, Jos. O., employé du greffe.
Laberge, Maxime, menuisier-entrepreneur.
Laçasse, N., professeur à l'école normale-Laval.
Lachaine, F. M., employé du gouvernement.
Laflamme, F., boulanger.
Lamontagne, George, orfèvre.
Landry, A.C.P.R., agriculteur, membre du Parlement fédéral.
Langlais, J. A., libraire-éditeur.
Laroche, Robert, secrétaire de la société de prêts et place-
ments de Québec.
Leclerc, Cléophas, cordonnier.
Lefebvre, Louis, ex-zouave pontifical, employé du gouverne-
ment.
Lessard, Urbain.
Livernois, Victor, A. B. L. L. L., avocat. ^
Mackay, Pierre, avocat.
Malouin, Philippe, L. L., L., avocat.
Martineau, J. E., marchand.
Massé, P. N. A., marchand.
Mathieu, Jos., jr., menuisier-entrepreneur.
Matte, Damase, boucher.
Michaud, J. B., boulanger.
Moffet, F. T., assistant-rédacteur du Courrier du Canada.
Monier, Arthur, commis.
Morhi, Charles, commis.
Morin, Louis, négociant.
Ouimet, l'honorable G., Surintendant de l'instruction publi-
que, officier de l'instruction publique de France, anciea
premier-ministre de la province de Québec, etc.
Pageau, Pierre, ébéniste.
Paradis, Etienne, négociant.
Pelletier, Pierre, négociant.
Philbert, Edouard, avocat.
Poliquin, J. O., commis.
Rhéaume, A., négociant.
Rhéaume, P. F., négociant.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 365
Robitaille, A., L. L., L., avocat.
Rosa, Joseph, bourgeois.
Roiiillard, E., notaire, rédacteur du Nouvelliste.
Rousseau, P. O.
Ruelland, G., commis.
Samson, G. I., médecin.
Samson, E., commis.
Samson, Honoré, corroyeur.
•f- Séguin, F. F., boucher.
Simard, Godias, ferblantier.
Simard, Hidalla, étudiant en droit.
Simard, Onésime, ferblantier.
St-Jean, Théophile, bourgeois.
Tardivel, J. P., rédacteur du Canadien.
Tarte, J. I., membre de la Législature provinciale, rédacteur
en chef du Canadien.
Tessier, Cyrille, notaire.
Tourangeau, P. G., médecin.
Toussaint, F. X., professeur à l'école normale-Laval.
Turcotte, Adjuior, avocat, licencié en droit.
Turcotte, J. A., épicier.
Valin, P. V., constructeur de navires, président de la commis-
sion du havre de Québec, membre du Parlement fédéral.
Vallée, G. A., ex-zouave pontifical, chevalier de St-Grégoire-le-
Grand, employé de la banque nationale, et président de
rUnion-AUet.
Vallée, L. P., photographe.
Vallée, Prudent, directeur de la banque nationale.
Vallée, R. P., avocat, membre du Parlement fédéral.
Verge, G. A., M. D., professeur de matière médicale à l'Uni-
versité-Laval.
Villeneuve, Aldéric, commis.
Vincelette, Charles, étudiant en médecine.
Vince'"!tte,' Clément, notaire, chevalier de St-Sylvestre, Surin-
tendant de l'Asile de Beauport.
Vincelette, Edouard, étudiant,
t Décédé.
366 annuaire du cercle catholique de québec
Comité de direction — 1879-80.
P. Briinet.
A. Gloutier.
J. B. Gloutier.
E. A. Déry.
J. A. Langlais.
P. Mackay.
A. Réaiime.
C. I. Samson.
J. P. Tardivel.
C. A. Vallée.
R. P. Vallée.
C. Vincelette.
Officiers :
G. Vincelette, président.
E. A. Déry, vice-président.
G. I. Samson, secrétaire-correspondant.
A. Réaume, assistant-secrétaire-correspondant.
J. P. Tardivel, secrétaire-archiviste.
A. Gloutier, assistant-secrétaire-archiviste.
G. A. Vallée trésorier.
J. A. Langlais, assistant-trésorier.
R. P. Vallée, bibliothécaire.
P. Brunet, assistant-bibliothécaire.
P. Brunet.
J. B. Gloutier.
E. A. Déry.
N. E. Dionne.
F. E. Hamel.
J. A. Langlais.
Comité de direction— 1880-81.
V. Livernois.
A. Réaume^ .
C. 1. Samson.
C. A. Vallée.
R. P. Vallée.
C. Vincelette.
Officiers :
G. Vincelette, président.
E. A. Déry, vice-président.
G. L Samson, secrétaire-correspondant.
A. Réaume, asssistant-secré taire-correspondant.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 367
V. Livernois, secrétaire-archiviste.
F. E. Hamel, assistant-secrétaire-archiviste.
C. A. Vallée, trésorier.
J. A. Lariglais, assistant-trésorier.
N. E. Dionne, bibliothécaire.
P. Brunet, assistai t-bibliothécaire.
1879-80
4e rapport du comité DE DIRECTION
POUR l'année EXPIRÉE LE 26 MAI 1880
Messieurs^
Nous avons l'honneur de vous soumettre le précis des opéra-
tions du Cercle catholique pour l'année 1879-80, précis dont
les rapports particuliers seront les pièces justificatives.
Suivant la coutume, l'année s'ouvre par le pèlerinage
annuel à Ste-Anne, auquel prirent part trente membres et
quelques étrangers. Le Rev. P. Dazé, 0. M. I., accompagnait
les pèlerins.
Dans les deux mois qui suivirent les travaux du Cercle se
ralentirent à cause des vacances. Cependant c'est à cette
époque que nous avons eu le plus de visites de nos membres
correspondants et d'illustres étrangers de passage à Québec.
M. le sénateur F X. A. Trudel assista à une couple de nos
séances, et M. Gravel, curé de Bedford et membre corres-
pondant du Cercle, nous donna un entretien. A cette époque
également le R. P. Grassi, S. J., missionnaire aux Montagnes
Rocheuses nous honora d'une conférence sur ses missions.
Grâce au zèle des membres et aux bénédictions du St-Père,
la renommée du Cercle s'étendait. En septembre, un per-
sonnage illustre d'outre-mer, M. Lucien Brun, sénateur, pro-
fesseur à l'Université de Lyon, nous en donnait une preuve
éclatante en nous adressant son dernier ouvrage, et en mani-
festant pal* la même occasion le désir d'être reçu membre de
notre œuvre.
368 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
Au mois d'octobre, M. René Mauzaize, lauréat de l'école
libre des sciences poliiiques et morales de Paris, visitùxt notre
Cercle et resserrait nos relations av€c la France catholique.
Sur l'avis du Comité de l'Association de la jeunesse catho-
lique italienne de Bologne, notre Cercle envoyait une adresse
à Sa Sainteté Léon XIII, à l'occasion du jubilé de l'immaculée
Conception. L'OEuvre annexe des vieux papiers y joignait
pour la première fois une adresse distincte avec le montant de
$170.00, fruit des six derniers mois d'opération.
Lors de la messe de Requiem dans l'octave de la fête des
morts, nous avions le bonheur de ne compter aucun décès
parmi nos membres.
En décembre, sur l'invitation de prendre part à la mani-
festation nationale de la St-Jean-Baptiste, le Cercle catholique
décidait de convoquer lui-même ses membres et des délégués
des associations catholiques de l'Amérique du Nord à un
premier Congrès, devant être tenu en cette ville lors de la
manifestation nationale. Le projet ayant été approuvé par
Mgr l'Archevêque, un comité travaille depuis à l'organisation.
La veille du premier janvier 1880, nous fîmes suivant
l'usage, notre visite du nouvel an au patron du Cercle, Sa
Grandeur notre archevêque. Les paroles d'une extrême bien-
veillance que voulut bien nous adresser le digne prélat furent
pour nos membres une approbation éclatante de la voie par
eux adoptée, une récompense pour la bonne volonté dont ils
avaient pu faire preuve, et un encouragement à continuer
leurs efforts.
A la séance du sept janvier 1880, nous voyions réunis dans
nos salles presque tous les présidents de la St-Vincent de Paul
de Québec. C'est que le Cercle avait résolu de donner à cette
vaillante association un coup de main pour lui aider à tra-
verser les embarras d'un hiver exceptionnellement rigoureux.
Une collecte par les membres du Cercle fut résolue. Nous
eûmes le plaisir de voir le zèle de nos membres égal à la tâche.
L'un d'entre eux surtout courbé sous le poids des infirmités
de l'âge passa lui-même de porte en porte, stimulant la géné-
rosité par le poids d'un nom bien connu, et donnant l'exemple
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 369
aux membres moins aguerris. La collecte produisit un peu
plus de mille piastres. '
En février, une question des plus importantes au point de
vue patriotique et religieux fut mise à Tétude : nous voulons
parler d'un comité de colonisation annexe du Cercle catho-
lique. Le comité après longue délibération, crut devoir
inviter le Rev. M. Labelle, homme de tant d'expérience, à venir
conférer sur le sujet avec le Cercle. Tout est encore à l'état
de projet, mais le Cercle peut se flatter que si la grande cause
semble à la veille d'entrer dans une ère nouvelle d'activité et
de progrès, il est loin d'être resté étranger au mouvement.
Au mois d'avril, nous eûmes une nouvelle preuve de la
renommée grandissante de notre Cercle. M. Léon de Gozlin,
nous adressait une lettre au nom des Cercles catholiques
français, demandant les prières du Cercle catholique de
Québec pour attirer les bénédictions du ciel sur leur prochain
congrès. Enfin au même mois une conférence de St-Vincent
de Paul fut organisée dans le Cercle sous le vocable de N. D.
de Stadacona.
Dans le cours de l'année la liste de nos membres s'est accrue
de quarante nouveaux noms. Sur ce nombre, nous avons le
bonheur de compter plusieurs adhésions illustres.
Citons Mgr de Ségur l'éminent publiciste, fondateur lui-
même de plusieurs œuvres, et président honoraire des cercles
catholiques français, le général baron de Charette, M. Lucien
Brun, une des illustrations du sénat français, M. Claudio
Jannet, professeur à l'Université catholique de Paris, écono-
miste distingué, M. Léon Gautier que les abonnés de notre
bibliothèque connaissent, M. A. E. Aubry, professeur à l'Uni-
versité catholique d'Angers, M. Oscard'Emmerez de Charmoy,
président de l'Union catholique de l'Ile Maurice, et au pays
Mgr Desautels et l'honorable M. C. B. de Boucherville, etc.
Notre bibliothèque s'est accrue de nombreux volumes grâce
à la générosité des citoyens parmi lesquels nous devons, à
cause du nombre de leurs cadeaux, des remerciements parti-
culiers, à M. le notaire Bussière de la Beauce, M. le Chevalier
C. Baillargé, M. P. V. Valin. Cependant, malgré les efforts
370 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
du bibliothécaire actuel, il est évident que de nouveaux
sacrifices sont devenus nécessaires pour donner à cette branche
ainsi qu'à la salle de lecture toute l'efficacité désirable.
Plusieurs confèrent s remarquables ont été données dans le
cours de l'année. Ces travaux ont eu surtout en vue le
développement de la colonisation, l'amour des études histo-
riques sérieuses, et la connaissance des principes qui régissent
le corps social chrétien.
Nous remercions bien cordialement MM. les propriétaires
de journaux qui nous ont gracieusement adressé leurs feuilles.
En voici la liste : le Canadien^ le Nouvelliste de Québec^ le
Nouvelliste de Rimouski^ le Journal d'Agriculture^ la Gazette' des
Campagnes^ V Ecole Primaire.
Nous renouvelons spécialement nos remerciements les plus
sincères au Canadien^ au Courrier du Canada et au Nouvelliste
pour leur générosité de publier gratis les annonces du Cercle
catholique.
Les œuvres annexes de notre Cercle ont continué à se
développer. De grands efforts ont été faits pour introduire
l'Œuvre pontificale des vieux papiers dans les campagnes et
quelques succès sont venus couronner le zèle du secrétaire.
Nous ne doutons guère que le Congrès ne donne un nouvel
essor à cette pieuse industrie.
Après bien des efforts l'OEuvre des bons livres peut enfin
être considérée comme organisée et pourra vous soumettre
son premier rapport. C'est ici surtout que l'on constate
combien vaste est la vigne que nous avons à exploiter et
combien rares sont les ouvriers.
Cependant, somme toute, nous croyons avoir lieu de nous
applaudir des succès de la présente année. De ces succès
nous nous en orgueillissons d'autant plus pour notre ville que
nous constatons la stérilité de nos efforts pour faire naître des
œuvres analogues dans les autres cités du Canada. A la veille
de no.re pèlerinage annuel, demandons au ciel qu'il fasse
réussir notre prochain Congrès et que nous puissions faire du
Cercle non une œuvre de Québec, mais une œuvre nationale.
Le Comité de direction.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 371
RAPPORT DU BIBLIOTHÉCAIRE
POUR l'année 1879-80
Le mouvement progressif qui s'était opéré dans l'accroisse-
ment de la bibliothèque du Cercle s'est un peu ralenti durant
l'année expirée.
Le département des ouvrages canadiens est le seul qui ait
reçu de l'encouragement soit par dons de particuliers, soit par
des échanges. C'est ainsi que nous avons pu l'enrichir de 300
volumes et sans aucun déboursé.
Plusieurs donateurs, la plupart membres du Cercle, ont
généreusement contribué à augmenter le chiffre des volumes
de notre bibliothèque ; nous leur offrons nos plus sincères
remerciements, entre autres à M. le chevalier Baillargé, A.
Réaume, P. V. Valin, E. Beluze, Claudio Jannet, Léon Pages,
etc
R. P. Vallée, M. P.
bibliothécaire.
CONFÉRENCES LTITÉRAIRES, RELIGIEUSES ET
SCIENTIFIQUES
FAITES AU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC EN 1879-80.
1879.
23 juillet. — Le Canada avant V arrivée de Jacques-Cartier^ par M.
N. E. Dionne, médecin, rédacteur en chef 'du Courrier du
Canada.
6 août. — Les missions du Montana., de Vldaho et du territoire de
Washington., par le père Grassi, jésuite, missionnaire.
17 septembre.— Les chapelains du monastère des Ursulines de
Québec, par M. N. E. Dionne, médecin.
24 septembre. — L'enseignement au Canada. La liberté et ses
résultats., par M. Victor Livernois, avocat.
8 octobre. — Un mot sur le théâtre. Nos contemporains. Chants
et chansons. Curiosités du langr-" -populaire. La langue
française en Amérique., par M. lirnest Gagnon, secrétaire
du département des travaux publics. \
372 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC '
20 octobre. — Uécole libre, des sciences politiques^ par M. René
Mauzaize, de Paris.
17 décembre. — U anglicisme ^ voilà C ennemi! par M. J. P. Tar-
divel, rédacteur du Canadien.
1880.
14 janvier. — Les fondateurs de la colonie française dans la Nou-
velle-France^ par M. N. E. Dionne, médecin.
11 février. — Vinstruçtion obligatoire^ par le Père J. 0. Pâquin,
0. M. I.
18 février, — Les cercles catholiques français^ par M. Victor Li-
vernois, avocat.
25 février. — Quelques notes de voyages., par M. Ernest Gagnon.
3 mars. — Vinstruçtion obligatoire., par le Père J. 0. Pâquin,
0. M. I.
17 mars. — Vinstruçtion obligatoire^ par le Père J. 0. Pâquin,
0. M. I.
31 mars. — La nationalité canadienne française., par M. Thomas
Chapais, avocat.
14 avril. — V église catholique bienfaitrice de la société., par M.
l'abbé J. P. Sexton, vicaire à l'église de St-Roch.
28 avril. — La charité^ par M. le juge E. A. Déry, recorder de
Québec.
4 Mai. — La colonisation et le meilleur mode à suivre pour la fa-
voriser^ par M. l'abbé Labelle, curé de St-Jérôme.
16 juin. — La colonisation en général^ par le père Z. Laçasse,
0. M. I.
21 juillet. — St-Pierre et Mîquelon., par le Père Hamon, jésuite.
28 juillet. — V histoire religieuse de la Nouvelle France^ rfe 1615 à
à 1659, par M. le docteur N. E. Dionne.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 373
LISTE DES REVUES ET JOURNAUX
REÇUS AU CERCLE
ITALIE.
1. L'Unione, (Bologne).
FRANCE.
2. Les Annales catholiques, (Paris).
3. Les Annales de philosophie chrétienne, (Paris).
4. Les Annales du monde religieux, (Paris).
5. L'Association catholique, (Paris).
6. Le Bulletin de la Société bibliographique, (Paris),
7. Le Bulletin de l'Association catholique de Saint-François
de Sales, (Paris).
8. Le catalogue mensuel de l'œuvre des vieux papiers,
(Langres).
9. Le Courrier des Universités catholiques, (Paris).
10. Les Etudes religieuses, philosophiques, historiques et
littéraires, (Paris).
11. L'ami des campagnes, (Paris.)
12. Le messager du Cœur de Jésus, (Toulouse).
13. Le Polybiblion, (Paris).
14. La Revue du Monde Catholique, (Paris).
15. La Revue des Institutions et du Droit, (Grenoble).
16. La Revue littéraire de F " Univers," (Paris).
17. L'Univers, (Paris).
ANGLETERRE.
18. Le London Tabiet.
19. Le Crusader.
CANADA.
2û. Le Bulletin de l'Union-Allet, (Montréal).
21. La Minerve, (Montréal).
22. Le Nouveau-Monde, (Montréal).
23. Le Journal d'Agriculture, (Montréal).
24. La Revue de Montréal.
24
374 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
25. La Gazette des Campagnes, (Ste-Aiine la Pocatière).
26. Le Nouvelliste de Rimouski.
27. Le Journal des Trois-Rivières.
28. L'Album des Familles, (Ottawa).
29. L'Abeille, (Québec).
30. Le Canadien, (Québec).
31 . Le Courrier du Canada, (Québec).
32. L'Ecole primaire, (Québec).
33. Le Journal de Québec.
34. Le Naturaliste canadien, (Québec).
35. Le Nouvelliste, (Québec).
ÉTATS-UNIS.
36. Le Drapeau national, (Glen's Falls).
37. Le Messager, (Lewiston).
RAPPORTS DES SOUS-OEUVRES OU OEUVRES
ANNEXES
I. DEUXIÈME RAPPORT DU COMITÉ DE l'OEUVRE PONTIFICALE DES
VIEUX PAPIERS, DE QUÉBEC-
A Monsieur le président du Cercle catholique de Québec.
Le comité de l'CEuvre des vieux papiers, a l'honneur de
vous présenter son deuxième rapport annuel.
Durant l'année expirée le 30 avril dernier, le nombre de nos
membres a été porté à neuf, par suite de l'admission de M,
Louis Drouin, libraire, lequel a aussi bien voulu se constituer
dépositaire de nos papiers. En général tous les membres ont
montré beaucoup de zèle à s'acquitter de leurs devoirs, et se
sont fait remarquer par leur assiduité aux séances mensuelle
Deux fois seulement, la séance a dû être ajournée faute de
quorum ; mais, en revanche, nous avons tenu deux séances
extraordinaires, dont l'une était une réunion de tous les zéla-
teurs.
Au mois de mai, nous avons eu l'honneur d'être affiliés à
rCEuvre mère de Langres, dont le directeur, fondateur, M.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 375
Charles Menne, Chevalier de l'ordre de St-Sylvestre a eu l'ex-
trême complaisance d'envoyer, à cet effet, un magnifique
diplôme d'honneur à M. le Chevalier Vincelette, notre direc-
teur. Nous lui en exprimons de nouveau toute notre recon-
naissance ; et nous sommes bien persuadés que cette marque de
haute estime de sa part rehaussera beaucoup l'éclat de notre
petite œuvre, et lui fera porter des fruits plus abondants dans
l'avenir.
Durant le même mois nous avons continué un travail déjà
commencé à la fin de l'année précédente, c'est-à-dire, l'envoi
d'une circulaire aux communautés religieuses de cette ville,
pour les prier de mettre à notre disposition les vieux papiers
de leurs établissements. Quelques-unes ont accédé à notre
demande, et, à cette occasion, les révérendes sœurs Ste-Moni-
que, supérieure de l'Hôtel-Dieu, Ste-Catherine, supérieure des
Ursulines, St-Olivier, supérieure de l'Hôpital-Général, ei St-
Louis, supérieure des sœurs de Charité, nous ont adressé des
lettres très flatteuses et remplies de paroles d'encouragement.
Mais là ne se bornèrent pas nos aspirations. Sans parler de
quelques tentatives isolées d'établir l'œuvre dans certains
centres, dès le mois de juillet, nous nous étions décidés à es-
sayer d'implanter notre Œuvre dans chacune des paroisses du
diocèse de Québec. Pour avoir quelque chance de succès, il
fallait nécessairement la faire connaître autant que possible,
c'est pourquoi nous avons ordonné de suite l'impression de
deux cents exemplaires de notre dernier rapport, afin de l'a-
dresser à messieurs les curés. Malheureusement, des circons-
tances qu'il nous a été impossible de prévoir ni de contrôler,
ont fait que ce n'est qu'en janvier dernier que cette distribution
a pu se faire. Au rapport nous avions ajouté une circulaire
expliquant le but de l'envoi, et demandant le concours de
messieurs les curés. Le succès n'a pas encore répondu à noc
désirs ; cependant, les révérends messieurs Bourret, curé de
St-Isidore, Montminy, curé de St-Agapit, Dubé, curé de Ste-
Julie de Somerset, et Pilote, curé de St-Augustin, nous ont
informé que, répondant à notre appel, ils allaient de suite éta-
blir l'œuvre dans leurs paroisses respectives ; et de fait, nous
376 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
avons déjà reçu plusieurs sacs de papiers de cette dernière
paroisse. Les autres ne nous en ont pas encore adressé, à cause
de la difficulté des transports en hiver.
Nous savons aussi que d'autres paroisses suivront If même
exemple dans un avenir assez rapproché. Ces faits, joints à
celui des envois annuels de M. 0. A. Clément, malgré la dis-
tance qui nous sépare de la Baie St-Paul, sont bien suffisants,
il nous semble, pour nous confirmer dans l'opinion que nous
nous étions formée de la possibilité d'établir cette belle œuvre
à la campagne comme à la ville. Augsi, nous ne doutons pas
que ce résultat ne se fera pas trop longtemps attendre, main-
tenant que l'œuvre est plus connue.
Le 8 décembre dernier, étant le vingt-cinquième anniversaire
de la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception,
toutes les sociétés catholiques furent invitées à envoyer des
adresses et des offrandes à N. T. S. Père le Pape. Nous n'avons
pas cru devoir rester simples spectateurs de ce beau mouve-
ment du monde catholique ; au contraire, au mois de novem-
bre dernier, nous avons convoqué une assemblée spéciale des
zélateurs de cette ville, à laquelle plusieurs membres du
clergé et d'autres personnages haut placés, nous firent l'hon-
neur d'assister ; et, après leur avoir fait l'exposé des résultats
obtenus jusqu'alors, nous les avons priés de signer une adresse
au T. S. Père (voir page 182).
Une traite de trente-cinq livres sterling, ($170.39) accom-
pagnait cette adresse. Notre Saint Père le Pape Léon XIII
voulut bien recevoir avec bienveillance l'adresse et l'offrande ;
et, en janvier dernier nous avions le bonheur de recevoir une
lettre du Cardinal Simeoni, Préfet de la Propagande : (voir
page 183).
Quant aux opérations de l'année, les voici en résumé. Nous
avons reçu environ 7000 livres de papier dont 4000 livres ont
été vendues pour la somme de 382.87. Nous laissons en dépôt
2000 livres en sus de ce que nous avions l'année dernière.
Comme on le voit, la recette a quelque peu augmenté, et surtout
le montant réalisé en argent, est plus fort que les années pré-
cédentes, par suite de la vente d'un certain nombre de livres
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 377
à de meilleures conditions. Cependant nous croyons que l'année
prochaine nos recettes devront être encore meilleures, si
l'oeuvre prend racine dans un certain nombre de paroisses,
comme nous osons l'espérer. Par rapport aux vieux timbres,
nous nous sommes mis en relation avec quelques maisons de
commerce des Etats-Unis, de France et même de Turquie, afin
d'échanger nos timbres du Canada contre d'autres étrangers,
les seuls qui puissent se vendre ici. De cette manière près de
50,000 timbres et cartes postales ont été expédiés à Paris, où
nous avons trouvé le plus d'avantages jusqu'à présent ; 5 ou 6
mille ont été vendus à Québec pour la somme de $13.44 et il
nous en reste encore environ 40.000 en dépôt. D'ici à quelque
temps, c'est-à-dire, jusqu'à ce que nous ayons accumulé un
fonds suffisamment assorti, nous ne pouvons guère compter
sur de plus fortes recettes par cette voie ; mais plus tard, nous
pourrons peut être réaliser d'assez jolis bénéfices.
Les recettes de l'année précédente, nous ont permis d'envoyer
$170.39 à N. T. S.P. le Pape, et de payer $7.60 pour impression,
frais de correspondance, etc., nous laissant un surplus de $17.54.
Il nous reste de plus en dépôt des papiers pour une valeur
d'environ $475, et des vieux timbres pour environ $50.
Au reste, voici le bilan détaillé :
DOIT.
A argent en banque le 1er mai 1879 $ 21.78
A argent en main le 1er mai 1879 1.23 $ 23.01
A argent dû pour vieux papiers 1er mai 1879... 76.21
A vieux papiers vendus 82.87
A vieux timbres 13.44 172.52
$195.53
AVOIR.
Par argent envoyé au Saint-Père $170.39
Par dépenses pour impression 2.00
Par papeterie, frais de correspondance, etc 5.60 $177.99
378 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
Par argent en banque le 30 avril 1880 13.86
Par argent en main le 30 avril 1880 3.68 17.54
$195.53
VALEUR ACTUELLE DE l'œUVRE.
Vieux papiers en dépôt $475.00
Vieux timbres " 50.00 525.00
Balance en caisse 17.54
$542.54
Il ne nous reste plus maintenant qu'à offrir nos remercie-
ments les plus sincères à toutes les personnes qui ont con-
tribué de quelque manière que ce soit au progrès de notre
œuvre : aux membres du clergé, pour leur bienveillante
sympathie, et leur aide efficace ; aux personnes qui nous ont
donné des papiers, ou des timbres, ou qui les ont reçus en
dépôt chez eux, pour leur générosité ; aux journaux catho-
liques de cette ville, " le Courrier du Canada " "le Canadien "
" le Nouvelliste, " pour avoir publié gratuitement nos an-
nonces. Nous ne devons pas même oublier un journal dont
nous tairons le nom, qui en voulant jeter un peu de ridicule
sur nous, a fait connaître notre œuvre à ses lecteurs dont une
bonne partie peut-être ignorait l'existence. Faut-il prier de
nouveau les amis de notre œuvre de ne pas laisser refroidir
leur zèle ? Nous aimons à croire que non ; seulement nous
demandons instamment à ceux qui n'ont pas encore pris part
au mouvement général, de ne pas tarder davantage à se
joindre à, nous.
Pour le comité,
J. P. Boulet, M. D. L.
secrétaire.
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 379
APPENDICE
Circulaire du Comité de Construction du Cercle catholique
DE Québec
Pour répondre aux besoins de l'œuvre du Cercle catholique
de Québec et des œuvres annexes placées sous la direction de
cette institution, il a été résolu d'entreprendre la construction
d'un édifice simple mais spacieux, dans la paroisse de Saint-
Roch de Québec, aussitôt que nos moyens nous le permettront.
Notre vénéré patron, S. G. Mgr l'archevêque de Québec, a
bien voulu approuver ce projet, et a même autorisé la fon-
dation de deux messes annuelles, qui devront être dites à per-
pétuité, l'une en faveur des bienfaiteurs ou fondateurs vivants,
l'autre en faveur des bienfaiteurs ou fondateurs décédés du
Cercle catholique.
Voici quelques résolutions adoptées par les membres actifs
de notre association à ce sujet :
Résolu — Que le titre de Bienfaiteur soit accordé à toute per-
sonne, corporation ou société qui fera au Cercle catholique de
Québec un don de cinquante à cinq cents piastres pour aider
à la construction d'un édifice pour l'usage de cette association ;
Que le titre de Bienfaiteur insigne soit accordé à toute per-
sonne, corporation ou société qui fera un don de cinq cents à
mille piastres ou plus aussi pour le même objet ;
Que le titre de Fondateur soit accordé à toute personne, cor-
poration ou société qui fera un don de mille piastres ou plus
aussi pour le même objet ;
Résolu— Qu'un tableau contenant les noms des ^' bienfaiteurs "
des " bienfaiteurs insignes, " et des " fondateurs, " du Cercle
catholique de Québec, avec leurs titres respectifs, soit préparé
et placé dans la salle principale de l'institution.
Résolu— Que chaque année, et à perpétuité, le Cercle catho-
lique de Québec fasse dire une messe, dans l'octave de la fête
de saint Joseph, pour tous les bienfaiteurs et fondateurs dt
l'institution, et une autre messe, dans le courant du mois de
novembre, pour le repos des âmes des membres et des bien-
faiteurs et fondateurs défunts.
380 ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC
Il a aussi été réglé par S. G. Mgr rarchevêque que toute
personne qui enverra une offrande, même minime, en faveur
de l'œuvre qui fait l'objet de cette circulaire, aura droit à ces
mêmes avantages spirituels.
Ainsi qu'il est dit dans l'article 4 de la Constitution du Cercle
catholique de Québec, le but de cette association est " la ma-
nifestation de la vérité chrétienne et la diffusion des principes
catholiques au moyen :
" lo De la discussion de différentes questions choisies et
proposées par un comité nommé à cet effet par le comité de
direction ;
'" 2o De la formation d'une ou de plusieurs bibliothèques
composées d'ouvrages approuvés par l'Ordinaire ;
" 3o De l'ouverture d'une ou de plusieurs salles de lecture,
dont les journaux, revues et feuilletons sont aussi approuvés
par la même autorité ;
" 4o De toute action, démarche ou sous-œuvre que le comité
de direction jugera nécessaire à cette fln ; pourvu toujours que,
comme corps, le Cercle catholique ne s'occupe pas de politique
active."
Parmi les œuvres annexes dont le Cercle catholique s'est
occupé jusqu'à ce jour, il y a l'œuvre dite des " vieux papiers,"
celle des Cercles catholiques, celle des bibliothèques et celle
de la propagation des bons livres. Mais le temps est arrivé
d'agrandir encore le cadre de nos opérations, et parmi les
œuvres nouvelles qui s'imposent en quelque sorte à l'attention
du Cercle catholique, est celle de créer un centre de réunion
au milieu de la nombreuse population de Saint-Roch et de
Saint-Sauveur, où les jeunes gens puissent passer agréablement
et utilement leurs moments de loisir sans être exposés au
contact des compagnies dangereuses.
Cette dernière œuvre, que nous considérons comme très
importante, ne pourra recevoir d'extension tant soit peu con-
sidérable avant que l'édifice à la construction duquel nous
invitons le public à coopérer ait été érigé.
Pour rendre plus facile le paiement des souscriptions que
Ton voudra bien faire en faveur de la construction projetée, il
ANNUAIRE DU CERCLE CATHOLIQUE DE QUÉBEC 381
a été décidé que ces souscriptions seraient payées en dix ver-
sements semi-annuels ou en cinq versements annuels, c'est-à-
dire que l'on aura cinq années entières pour payer le montant
total de chaque souscription.
Les personnes qui voudront s'unir aux membres actifs du
Cercle catholique dans l'œuvre qu'ils ont entreprise, pourront
adresser leurs souscriptions à Mgr le grand vicaire Gazeau,
membre honoraire de notre association, à notre Visiteur, M. le
curé de Saint-Roch de Québec, ou à l'un des membres, du co-
mité de construction du Cercle, dont voici les noms :
L'honorable M. G. Ouimet, surintendant de l'Instruction
publique, MM. Abraham Hamel, négociant, E. A. Déry, recor-
der de la cité de Québec, P. V. Valin, M. P., F. Kérouack, maire
de St-Sauveur, Prudent Vallée, directeur de la banque nati-
onale, F. E. Hamel, négociant, P. Mackay, avocat, J. A. Lan-
glais, libraire, P. Tourangeau, médecin, C. L Samson, médecin,
N. E. Dionne, médecin. Cl. Vincelette, directeur de l'Asile de
Beauport, Ernest Gagnon, secrétaire du département de l'agri-
culture et des travaux publics.
On recevra aussi des effets, vieux ou neufs. Adresser à M.
J. A. Langlais, libraire, Saint-Roch de Québec.
Pour le comité,
Cl. Vincelette, président,
E. A. Déry, trésorier,
Ernest Gagnon, secrétaire.
Vu et approuvé, et que la bénédiction de Notre-Seigneur soit
sur cette œuvre et sur tous ceux qui y prendront part.
Archevêché d. Québec, 16 novembre 1878.
f E. A. Arch. de Québec.
TABLE DES MATIERES
Le Comité d'Organisation du Congrès catholique de Québec 5
Adresse du Congrès à Sa Sainteté Léon XIII 7
Réponse à cette adresse « 8
Membres du Congrès ..-. 11
Officiers et membres des bureaux ~ 13
Première séance solennelle du Congrès catholique 15
Discours de Sa Grandeur Mgr l'Archevêque de Québec 17
Discours de M. A. B. Routhier 19
Discours de M. Claudio Jannet 36
Première réunion des bureaux du Congrès 53
Bureau des Cercles catholiques .' 53
Rapport de l'Union catholique de Montréal 53
Rapport de M. P. V, Labonté, président du Cercle catholique de Bid-
deford, Maine, E.U 62
Rapport de M. B. A. T. DeMontigny, président général de l'Union-
Allet 64
Bureau de la Presse catholique Si
Rapport de l'Honorable F. X. A. Trudeî 81
Bureau des Intérêts catholiques 119
Rapport de M. Ferdinand Gagnon, de Worcester, E.-U 120
Mémoire de M. Ernest Gagnon 136
Rapport de la Société St- Vincent de Paul 138
Deuxième réunion des bureaux du Congrès 150
Bureau des Cercles catholiques 150
Rapport de l'Union catholique de l'Ile Maurice 151
Rapport de M, C. Vincelette, prés, du Cercle catholique de Québec... 158
Rapport de M. N. Laçasse 164
Rapport de M. J. P. Boulet, M. D. L « 172
Appendice — Noms des membres du comité de l'Œuvre pon-
tificale des vieux papiers 181
'Noms des personnes qui reçoivent les papiers en dépôt 181
Les zélateurs 182
Adressée Sa Sainteté Léon XIII 182
Réponse du cardinal Simeoni t83
Bilan général de l'Œuvre, depuis 1869 jusqu'au 30avril 1880. 185
Rapport du Cercle catholique de Québec 186
Bureau de la Presse catholique 193
384 TABLE DES MATIÈRES
Bureau des Intérêts catholiques , 194
Rapport de M. Thomas Ghapais 194
Rapport de M. Livernois 198
Deuxième séance solennelle du Congrès catholique 204
Discours de M. le comte de Foucault 205
Discours de l'honorable Gédéon Ouimet, C. R 220
Discours de Mgr Laflèche 229
Réponse du Souverain-Pontife au télégramme 250
Clôture du Congrès 250
Sermon de M. l'abbé P. N. Bruchési 251
Lettres d'adhésion au Congrès — Lettres d'Italie 267
— Lettres de France 306
— Lettres d'Espagne et du Portuga' 316
— ^Lettre de Prusse 317
— Lettre des Pays-Bas ^ 317
— Lettre de Belgique âl9
— Lettre de l'Tle Maurice 320
— Lettres des Etats-Unis 321
— Lettres du Canada 322
Opinion de la presse sur le Congrès catholique de Québec 326
Annuaire du Cercle catholique de Québec— 1879-80 355
\
V-,
MONTREAL :
EUSÈBE SENEGAL, IMPRIMEUR-ÉDITEUR.
6, 8 ET lO, RUE ST-VINCENT.
30
p'