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Full text of "En quoi la langue esquimaude diffère-t-elle grammaticalement des autres langues de l'Amérique du Nord? [microforme]"

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En  quoi  la  langue  esquimaude  diifère-t-elle 

grammaticalement  des  autres  langues      ^s^.^_^ 
de  l'Amérique  du  Nord? 


Par 


Lucien  Adam. 


Extrait  du  Compte-rendu  du  Congrès  international  des  Américanistes 
Copenhague  1883. 


Copenhague. 

Imprimerie    de    T  h  i  e  1  e . 
1884. 


338 


Cette  question  de  grammaire  comparée  se  rattache  visible- 
ment à  la  question  ethnographique  qui  a  été  dél)attue  à  Nancy 
et  ù  Luxembourg:  Les  Esquimaux  sont-ils  originaires  de  TOcéanie, 
de  l'Asie  ou  de  l'Amérique? 

Je    ne    m'arrêterai    pas  à  démontrer  qu'entre  les  langues 
maléo-polynésiennes  et  l'esquimau,   il  y  a  un  abîme  absoknnent 
infranchissable.     Les  rapprochements  tentés  par  le  R.  P.  Petitot') 
ont  exactement   la   même  valeur  que  ceux  au  moyen  desquels  le 
Rev.  John  Campbell  a  essayé  de  rattacher  l'algonquin  au  malais  2). 
Je  ne   sache  i)as    qu'on    ait  jamais    cherché  à    rattacher 
l'esquimau    à    la  famille  ouralo-alta'ique.     M.  F.  Millier    le    met 
au   nombre    des    langues    hyperboréennes,    lesquelles    constituent 
un    groupe    exclusivement    géographique.      M.    M.    SIeinthal    et 
^Miitney  n'hésitent  pas  à  le  comprendre  parmi  les  langues  améri- 
caines; le  premier  va  même  jusqu'à  déclarer  que  le  type  linguistique 
américain  (?)  se  manifeste  peut-être  avec  plus  de  vigueur  et  de 
netteté  dans  le  groenlandais  que  dans  le  nahuatl(!).      Enfin,  à 
Luxembourg,  par  l'organe  de  IVI.  Valdemar  Schmidt,  le  très-savant 
M.Rink  s'est  exprimé  en  ces  termes:  „Dans  mes  études  compara- 
tives sur  les  mœurs,    la   langue,    la  religion  et  les  traditions  des 
difitérentes  tribus  esquimaudes,  j'ai   déjà   trouvé  bien  des  choses 
qi.i  confirment  la   thèse  de  l'origine  américaine  des  Es(]uimaux, 
tandis  qu'au  contraire  je  n'ai  trouvé  que  peu  de  faits  favorables' 
à  la  th{'se  de  leur  origine  asiatique.     Voici  à  cet  égard  le  fait  le 
plus  remarquable:    dans  les  langues   esquimaudes,  comme  dans 
les  langues  ouralo-alta'iques,   l'indice  du  duel  est  ./■,  et  celui  du 
pluriel  -/;    en  outre,  dans  ces  deux  groupes,  le.,  mots  se  forment 
par  suffixation  et  jamais   par  préfixation.     Ce  sont  là  incontes- 
tablement (les  analogies,  mais  ces  analogies  sont  des  faits  isolés, 
car  à  tous  autres  égar.ls  il  n'y  a  pas  de  rapprochement  à  tenter 
entn'   les   langues   es,,uimandes    et    les    langues    ouralo-alta'iques, 
tandis  que  la  comparaison  (h^  premières  avec  les  diverses  langues 
du  continent  américain  me!  en  lumière  hini  (h's  traits  de  ressem- 
hhnre.     Je   me    bornerai    pour   le   moment   à    celui-ci:    la  lan.-u,> 


'r' 


')   Conipte-reii'fii  de  la  session  (te  Naiici/.  toiiio  F.  p.  ;i;};!  ot  suiv. 
'J   The  affiliation  of  flie  ahjompiii,  Iaiir/iu,(/es. 


839 


des  Esquiiiuiux  partage  avec  les  langues  américaines  le  caractère 
polysynthéti(|iie." 

La  comparaison  grammaticale  du  groenlandais,  le  mieux 
connu  des  dialectes  de  la  famille,  avec  les  langues  de  rAméricpie 
du  Nord,  m'a  convaincu  cpie  l'esquimau  ne  peut  être  rattaché 
aux  langues  américaines  non  plus  qu'aux  langues  ouralo-altaïques. 

Catégorie  du  grnre. 

Etrangère  aux  langues  ouralo-altaïques  ainsi  qu'aux  langues 
hyperboréennes,  le  kotte  excepté,  la  ciifc'gorie  du  genre  se  mani- 
feste grammaticalement,  sous  des  asjjects  divers,  dans  la  plupart 
des  langues  de  l'Amérique  septentrionale  (déné,  iroquois,  algon- 
quin, chéroki,  dakota,  nahuatl,  ^:c.). 

L'esquimau  est  au  nombre  des  langues  dans  lesquelles 
toute  classification  générique  fait  défaut. 

Catégorie  du  nombrk. 

Double  pluriel  de  la  première  personne.  —  La  distinction 
entre  le  ])luriel  inclusif  et  le  pluriel  exclusif  est  étrangère  à 
l'esquimau  comme  aux  langues  de  l'Asie,  hu;dis  qu'elle  est  d'un 
usage  constant  dans  un  assez,  grand  nombre  de  langues  de 
rAinéri([ue  du  Nord  (algonquin,  iroquois,  dakota,  chéroki,  chacta, 
chinouk,  chiapanèc{ue,  taenza). 

Duel.  —  Le  groenlandais  exprime  régulièrement  le  nombre 
duel  par  la  suffixation  de  l'indice  -k.  Ex.:  nmia,  terre,  nuna-k; 
iijdhj,  maison,  igcUu-k;  qaqaq,  montagne,  qaqa-k;  ike,  blessure,  iki-Jc; 
a(jijerp-o-q,  il  vient,  a(j(jerp-u-k\  aggerjmtit,  tu  viens,  cuj(jerpvti-k; 
ayyerpnnga,  je  viens,  agyerpuyn-k. 

L'aléoute  forme  le  duel  à  l'aide  du  même  indice,  précédé 
le  plus  souvent  de  la  syllabe  épenthétique  -ki.  Ex.:  tayagii-q, 
honune,  tai/agii-k;  ûda-q,  père,  àda-ki-k;  sjukucqing,  je  prends 
sjxkuki-k. 

Lo  duel  n'est  expriiiu'  synthétiquement  que  dans  un  petit 
nombre  de  langues  de  l'Amérique  septentrionale  (déné,  iroquois, 
chéroki,  chinouk,  matlatzinca). 

Pluriel.  —  Le  groenlandais  forme  régulièrement  le  nombre 
pluriel  par  la  suffixation  de  l'indice  -t.  Ex.:  nuna-t,  igdlu-t, 
qaqi(-(,  iki-l',    a(j(jerpn-t.,  aggerpu-se,  aggerpngu-t. 

22* 


340 

Dans  deux  dos  Innjrnos  liyporboivennes,  le  ])liiri(^l  se  forme 
légiilièreiiu'iit  par  siit'fîxatioii. 

Tchoukldie.  —  Ex.:  /v7/,  dont,  rifi-i  ;  «mj,  vôtoment,  Irm-i-f; 
poic/in,  épiou,  poigin-a-t. 

Alôoiite.  —  Ex.:  âda-q,  père,  ada-n;  ejiJtamana-n^  bons; 
s/i(kufjni/l-n,  nous  venons. 

En  00  qui  concerne  Texpression  du  nombre  des  noms,  le 
groenlandais  se  rapproche  des  idiomes  hyporborocns  et  des  langues 
ouralo-altaï(iuos  bien  plutôt  que  dos  langues  de  l'Américjue  du 
Nord;  en  effet,  dans  celles-ci  l'expression  du  nonjl)ro  est  générale- 
ment irréguliére,  facultative  et  variable.  11  n'y  a  pas  dans 
l'Amérique  septrionalo  une  seule  langue  qui  forme  le  pluriel  et 
le  duel  dos  noms  aussi  uniformément  et  aussi  régulièrement  que  le 
groenlandais. 

Singulier.  —  L'aléoute  exi)rimo  le  nombio  singulier  en 
suffixant  aux  noms  l'indice  -kh  {-q,  -/ ,  -y,  -ng)  Ex.:  agifm/a-q, 
frère,  Ua-x,  main,  n-ng,  pénis. 

Selon  M.  F.  Miillor,  le  groenlandais  oxi)rimerait  lui  aussi 
le  singulier,  en  suffixant  l'indice  p.  Mais  cet  indice  a  pour 
fonction  principale  d'indiquer  que  le  nom  singulier  est  possesseur 
ou  acteur  et  non  pas  possédé  ou  n'-gi.  Ex.:  fen'ania-p,  ors.m-a, 
renne  son  lard,  le  lard  du  romio:  tn-iania-p,  takiirâ,  renard  il 
vit  lui,  le  renard  le  vit:  fcriania-q,  iahicâ,  renard  il  vit  lui.  il 
vit  le  renard.  Le  nom  du  renard  ('tant  au  singulier  dans  ces 
trois  exemples,  l'indice  -p  n'ost  point  un  indice  do  nombre,  encore 
bien  que  sa  présence  implique  l'uiiit('.  Quoiqu'il  on  soit,  par  cela 
seul  que  l'indice  -p  atfocte  exclusivement  les  noms  qui  ne  sont 
ni  au  duel  ni  au  pluriel,  le  groenlandais  se  rai)i»ro(lio  de  l'aléoute. 
Il  s'en  rapproche  encore  davantage  par  cet  autr(>  fait  (|uo  la 
désinence  -q  peut,  dans  certains  cas,  être  siiliixéo  aux  noms  à 
désinence  vocaliquo,  on  i)ronant  la  valeur  de  l'article  ind('fnii 
„un,  une",  Ex.:  fugfo-q,  un  renie,  nima-q,  une  terre,  putn-q,  un 
trou,  au  lieu  de  higfo,  )uim,  ptdo.  Vraisemblablement  -p  aura 
été,  à  l'origine,  l'hidice  objectif  (]v^  noms  sing. 

Le  chacta  est  la  seule  langue  do  l'AnK^riiiuo  du  Nord  dans 
laquelle  le  nondjro  sing.  des  noms  soit  indicpK'  inq)licitement  par 
l'emploi  d'une  sorte  d'article  revotant  des  formes  diverses,  suivant 


341 


que  les  iiuiiis  sonl  sujet  ou  objet.  Ex.:  vak  nt,  la  vache  (sujet), 
vakâ,  la  vache  (objet);  rak  ot,  une  vache  (sujet),  mA;  ô,  une  vache 
(objet);   mk,  vache,  vaches. 

Suffixes  pronominaux. 

Dans  la  grande  majorité  des  laii^^ues  de  l'Aniérique  du 
Nord,  les  particules  pronominales  se  pri'tixent  (déné,  algonipiin, 
irocpiois,  chéroki,  koloche,  sélis,  chinouk,  nahuatl,  tepewana, 
pima,  cora,  cahita,  tartihumara,  otomi,  totonaque,   niallat/inca). 

Le  cliacta,  le  c{uich('',  le  maya,  le  taenza  procèdent  piu' 
préfixation  et  par  suffixation. 

Le  dakola  prélixe,  infixe  et  suffixe. 

Enfin,  comme  l'esquimau,  le  tarasque,  le  mixtéque,  le 
zapotè(|ue  et  le  chiapanèque  procèdent  exclusivement  par  suffixa- 
tion. Mais,  la  suffixation  est  également  la  règle  en  aléoute  et 
dans  les  langues  ouralo-altaïques. 

11  y  a  en  groenlandais  trois  séries  de  suffixes  pro- 
nominaux. 

Première  série.  —  Ces  pronoms  se  suflixent  :  1",  aux  thèmes 
adverbiaux  iiva  „ici",  ilir  „là",  pour  former  les  pronoms  personnels 
qui  s'emploient  isolc-ment;  :2",  aux  thèmes  verbaux  intransitifs, 
dans  les  modes  indicatif  et  interrogatif. 


Sinji'. 

Duel. 

Plur. 

L 

-n<fa 

-f/u-k 

-gu-t 

IL 

-ti-t,  -t 

-ti-k 

-se 

Pronoms  i)ersonne]s  isolés:  I,  uva-nga ,  ura-gttk,  uva-guf ; 
11,  ivdJi-t  pour  iliv-t,  iUv-tik,  ilir-se.  Verbe  tikit  «arriver".  Indicatif, 
sing.  tikipti-nga,  ^ikipu-tit,  tikijio-q;  duel  tikipu-gnk ,  tikipu-tik, 
tikipn-k;  plur.  tikijui-gut ,  tikipu-se ,  tikipii-t,  Interrogatif,  sing. 
tikipi-t,  arrives-tu  y  tikipa,  arrive-t-ilV  Duel  tikipi-tik,  tikipa-k? 
Plur.  tikipi-se,  tikipa-t':' 

Je  ne  connais  pas  de  langue  américaine  dans  laquelle  les 
pronoms  personnels  isolés  soient  formés  par  la  suffixation  de 
particules  pronominales  à  des  thèmes  adverbiaux. 

Deuxième  série.  —  Ces  pronoms  se  suffixent:  1",  aux  noms 
sujets  possédéo;    :2",    aux    thèmes    verbaux    intransitifs    dans   les 


342 


modes    corijonctit'   et    siihionclir;     3".    iiiix    pronoms    porsoimcls 
improprement  dits. 

Siii-'.  Duel.  Plur. 

I.         -nid  -rnvk  -vta 

II.  -rit  -vtik  -Vfie 

III.      -afd,  -at  -afd,  -anih  -ofn 

Nom  possédi":  A;/r/'(/-f/  ..serviteur".  Siii^-.  kicfa-ma,  kirfa-vit, 
kivfd-ta,  pour  kirf'a-ata;  duel.,  kli^fa-vnuk,  kirfa-iiik,  kivfû-ta; 
plur.  kirfa-rfa  kivfd-vse,  k/rfû-fd. 

Verbe  tikH  ..arriver-.  C.oiijodctit',  sin;^'.  fikika-ma,  fikika-vît, 
tiklk-m-at;  duel  tikika-muk,  tjkika-vtik,  tikik-m-anik;  plui'.  tikika-vta, 
tikika-rse,  fikik-m-afa.  Subjonctif,  sing-.  iikikn-ma ,  tik'tku-vif, 
tikik-p-af ;  duel  fikikii-i-nuk,  f/kiku-iiik,  tikik-p-anik  ;  plur.  fiklkn-iid, 
tikikn-rsc,  fikik-p-ata. 

Pronoms  personnels  improprement  dits:  kise  ..alleinheit", 
tamaq  ..«re.'iammtlieit'-,  Ihh'iujaq  ..^'anzlieit".  Sin|j;-.  km-tna  ieli  od. 
mich  allein,  kisi-iit  du  od.  dieb  allein,  kisi-ine  er  allein,  ki.si-dt 
ihnallein;  famar-ma,  tamar-pU,  famar-me,  tanidt;  ilû'ni(jar-ma,  kc. 
Plur.  kisi-vta,  kisi-rse,  kisi-mik,  kif<i-sa;   tnma-rtd,  tama-vsc,  ^.-c. 

Troisihne  srric.  —  Les  pronoms  de  cette  série  se  suffixeiit: 
P,  aux  noms  ol)jets  possédés;  2",  aux  thèmes  verbaux  transitifs. 

Sinji'.  Duol.  Plur. 

I.       -;/a,  -fd  -piik,  -rp/ik         -pi<f,  -r/)tit 

II.  -t  -tik,  -liik  -se,  -r.sv 

ni.  -a  -dk  -al 

Nom  pos.sédé:  kivfafj  ^serviteur",  ^hv^.  kirfd-m,  kirfa-f, 
kivfd  pour  kicfa-a;  duel  kivfa-rpuk,  kirfa-rtik,  kivfùk;  plur. 
ku-fa-rpui,  khifa-rse,  kivfât. 

Verbe  transitif:  forjn  ..tuer".  Sing.  frxpipa-m,  ioi[apa-t 
toqupd  pour  to(]upa-d;  duel  ioqupa-rpuk ,  toqiijxi-rfik ,  tofjiipdk; 
plur.  toqupd-vput^  toqiipa-i'se,  foqiipât. 

Il  n'y  a  i)oint  de  lanjrue  ann-ricaiiie  dans  laquelle  les 
pronoms  suffixc's  aux  noms  possèdes  varieid  suivant  que  ceux-ci 
.sont  sujet  ou  objet.      11  e.st  vrai  que  le  déné  distiii<i-ue,  à  la  3^'""^ 


343 

porsomi.'.  le  pii.nuiii  sujet  h,'-  du  pronoui  ohjcl  yé- ,  niais  cotto 
distinction  ne  répond  poict  à  colle  (|.ii  constitue  l'un  des  traits 
particuliers  du  ^roenlaiidais. 

l'roHoms  rrfiïritis.  —  Lo  grocnlandais  possî-de  des  pronoms 
réfhrhis  ohjeclils  et  des  ])ronoius  n'-flc-cliis  subjectifs,  l(«s,juels  se 
sutïlxerd:  1",  aux  no/ns  posséd.'.s;  ^o,  aux  thèmes  verbaux  dans 
les  modes  conjonctif  et  subjonctif,  ainsi  ((u'au  participe  verl)al. 

1°.  Kufa-ne  ou  kivf-e,  le  serviteur  de  soi,  kivfa-tik,  le 
serviteur  (reux-nièmes;  arq-e  taivâ,  il  nomma  le  nom  de  soi, 
arqa  taivâ ,  il  nomma  le  nom  de  lui;  asayu-niuk,  s'il  aime  soi,' 
asagu-p-açio,  s'il  aime  lui:  amguniko,  s'ils  aiment  eux-mêmes, 
asa()H-nik,  s'ils  aiment  eux. 

'1\  Kirfa-me,  le  serviteur  de  soi,  kivfa-mik,  le  serviteur 
d'eux-mêmes;  ly  (ht-me  qarmû  upllipû,  il  a  démoli  le  mur  de  sa 
propre  maison,  iydlu-afa  quarniâ  npifipâ,  il  a  démoli  le  mur  de 
la  maison  de  lui. 

DÉCLINAISON'    DES    NOMS    ET    DkS    l'HONOMS    PEHSONNELS    ISOLÉS. 

Nominatif,  accusatif,  génitif  -  L'indice  -p  affectant  les 
noms  possesseurs  comme  les  noms  acteurs,  n'exprime  point  la 
relation  dite  du  nominatif.  Ainsi,  dans  cette  proposition  teriania-p 
orssu-a  ajorp-oq,  renne  lard  de  lui  il  est  mauvais,  lo  lard  du 
renne  est  mauvais,  l'indice  est  suffixe  à  teriania,  qui  n'est  point 
le  sujet  logique,  parcequ'ici  sa  fonction  consiste  à  indiquer  cpie 
teriania  est  le  nom  du  possesseur.  Dans  cette  autre  proposition 
arfem-p  sarpi-ata  umia-p  siiJh-u  agforpâ,  baleine  sa  queue  canot 
son  avant  il  a  touché  lui,  la  ipieue  de  la  baleine  a  touché  l'avant 
du  canot,  l'indice  affecte  arferu  et  umia,  parce  que  tous  deux  sont 
des  noms  possesseurs  à  l'égard  de  .^arpi  et  de  suju;  or,  sarpi 
est  le  sujet  logique.  Enfin,  dans  la  proposition  teriania-p  tahiva, 
le  renard  le  vit,  l'indice  a  pour  fonction,  non  d'exprimer  la 
relation  du  nominatif,  mais  IMon  d'indiquer  qu'à  l'égard  du  pronom 
ojjjet  contenu  dans  le  verbe  transitif  tukuvâ,  il  a  vu  lui,  teriania 
joue  un  rôle  analogue  à  celui  que  joue  le  nom  possesseur  vis-à- 
vis  le  nom  possédé,  c'est  à  dire,  si  l'on  peut  parler  ainsi,  qu'il 
est  le  sujet  de  ce  pronom,  qu'il  le  régit. 


3U 


Que  si  Ton  sul)stitiie  teriania-q  à  teriania-p,  la  relation  de 
Taccusatif  se  trouvera  exprimée:  terianiaq  takuvâ,  il  vit  le  renard. 
Mais  cette  même  relation  est  exprimée  sans  le  secours  de  l'indice 
-q  dans  la  proposition  mnia-p  suju-a  agtorpû,  il  a  touché  Tavant 
du  canot;  en  etï'et,  la  l'onction  du  pronom  objectif  suffixe  au 
thème  sujo  „avant%  consiste  exclusivement  à  indiquer  que  par 
rapport  à  itmia-p,  „canot",  m i jo  tsi  le  nom  du  possédé.  Dans  ces 
deux  propositions,  la  relation  de  l'accusatif  est  virtuellement 
exprimée  par  le  pronom  objet  contenu  dans  les  verbes  transitifs 
takuvâ,  ac/torpâ;  c'est  qu'en  groenlandais,  le  nom  préposé  à  un 
verbe  transitif,  sans  être  affixé  de  l'indice  -p,  n'est  autre  cho?'^ 
que  le  complément  du  pronom  objet  contenu  dans  ce  verbe: 
terianiaq  takuvâ,  il  a  vu  lui-renard. 

Dans  aucune  des  langues  de  l'Amérique  septentrionale  le 
nom  préposé  à  un  verbe  transitif  ne  devient  nom  sujet  p;u' 
l'affixation  d'un  indice. 

On  l'xprime  la  relation  dite  du  génitif  en  postposant  le 
nom  possédé  suffixe  d'un  pronom  objectif  de  la  3^"'^  personne 
au  nom  possesseur  affecté  de  l'indice  -p,  quand  il  est  du  nombre 
singulier.  Ex.:  teriania-p  orssn-a,  renne  son  lard,  le  lard  du  renne; 
um-iapsHJu-a,  l'avant  du  canot,  inuitkatif/ni-af,  les  bottes  des  hommes. 
Mais  il  peut  se  faire  que  le  nom  possédé  soit  en  même  temi)S  posses- 
seur ou  acteur,  dans  ce  cas  on  substitue  les  pronoms  subjectifs  aux 
pronoms  objectifs.  Ex.:  teriania-jt  orssn-ata  tivk-a  ajorpoq^vomn-d 
son  lard  son  odeur  il  est  mauvais,  l'odeur  du  lard  de  renard  est 
nmm'ime;  seqenw-p  kissaruar-ata  tasinf/uaq  /jaqerpâ,  soleil  sa  chaleur 
puits  il  a  desséché  lui,  la  chaleur  du  soleil  a  desséché  le  puits; 
karâfdlit  nunâ-ta  funn-ata  aki-a,  (jiroenlandais  leur  pays  son  orient 
son  opposé,  l'opposé  de  l'orient  du  pays  des  Groenlandais. 

Dans  un  grand  nombre  de  langues  américaines,  la  relation 
du  génitif  s'exprime  par  l'affixation  d'un  pronom  de  la  o  "^'^^  per- 
sonne au  nom  possédé.  Mais,  dans  aucune  d'elles,  le  nom 
possesseur  n'est  en  même  temps  afl'ect('  d'un  indice;  daiis  aucune 
d'elles  non  plus,  le  pronom  suffixe  au  nom  possédi'  ne  varie 
quanti  ce  nom  est  en  même  temps  ])ossesseur  ou  acteur. 

CuH  obliques.  —  Le  groenlandais  exprime  les  relations 
casuelles  obli(iues  au   moyeu  de  suffixes  qui  se  soudent  soit  aux 


345 


thèmes  nus,  soit  aux  tlièiues  affectés  de  suttixes  prunoiniiuuix, 
de  manière  à  former  de  véritables  cas.  J'enteiuls  par  là  tiiTau 
lieu  d'être  simplement  accolés  aux  thèmes  nominaux,  les  suftixes 
casuels  déterminent  dans  la  plupart  de  ceux-ci  des  modifications 
parfois  très  sensibles,  qu'eux-mèmse  varient  en  passant  du  singulier 
aux  deux  autres  nond)res.  et  qu'h  leur  contact  les  sultixes  pronomi- 
naux possessifs  subissent  di's  di'formations  notables. 

Locatif  —  Indice  -iiir. 

Ex.:  (jôroq,  vallée,  f/ônjH-me,  dans  la  vallée.  ([(HiiH-mi-nc,  datis 
les  deux  vallées,  qôrfjii-tic,  dans  k>s  vallées;  nf(,ssai/,  ('té,  at(ss((-tHe, 
en  été;  nâhtiaq,  maître,  nahu/a-r-Hc,  chez  ton  maître;  ij/dU'rfik, 
boîte,  ir/f/Jerp-)if/-n(',  dans  ta  boîte;  lutna-v-uc,  sur  ma  terre,  nuna- 
rsi-ne,  sur  votre  terre;    tira  r-ne,   chez  moi,  nni-rti-m\  chez  nous. 

Ablatif  —  hidice  -mit. 

Ex.:  qaqaq,  montagne,  qaqa-wit,  de  la  motdaù-ne  qaqa-nit, 
des  montagnes;  nûk,  coni,  nâny-mit ;  kiak,  chaleur,  kiamj-mit; 
mina-v-nit,  de  mon  pays,  qorqv-nçi-nit,  de  ta  vallée,  iVc. 

Prosécutif  —  Indice  -ktif. 

Ex.:  qoiqu-knt,  le  long  de  la  vallée,  qorqii(/-ti-kiif,  par  les 
deux  vallées;  iippriiâq,  })riidemps,  ujjeniû-liit,  durant  le  printemps; 
arnaq,  mère,  arna-c-ktit,  par  ma  mère,  (O^m-i-ZZ-r/?//,  par  notre  mère, 
arnarsi-giit,  par  votre  mèie;  ura-c-kut,  au  travers  de  moi,  uni- 
vti-(jHt^  par  nous,  A:c. 

lllatif  —  Indice  -Dnit. 

Ex.:  qaqa-iiiut,  à  la  montagne,  qaqa-nnt,  aux  montagnes; 
kjalùq,  fenêtre,  igahissa-mvt,  à  la  fenêtre:  înnk,  homme,  inuny-nut, 
aux  hommes;  arna-v-mit,  à  ma  mère,  arna-rti-nut,  à  notre  mère; 
uva-v-rmt,  à  moi,  ili-vsi-niit,  à  vous,  iVc. 

Modal    -     Indice  -mik. 

Ex.:  ///V//v>/,',  pierre,  njarka-mik,  avec  une  pierre;  sûvaffi-imq, 
pointe  de  flèche,  sirrar/nMa-nit,  avec  des  pointes  de  flèche;  neqe, 
viande,  neki-mit,  avec  de  la  viande;  nmiaq,  canot,  umta-v-nik,  dvvc 
mon  canot;    ili-iif/-nik,  avec  toi,  tli-i'^i-nik,  avec  vous,  ttc. 

Comparatif        Indice  -tut. 

K\.:  qaqa-tiit,  comme  une  inontagm',  klrfa-tiif,  comme  un 
serviteur,  iica-rti-tni,  comme  nous,  ili-(j-fiit,  comme  toi,  v!c'c. 


340 


Les  noms  affectés  d'un  pronom  possessif  prennent  les  indices 
des  cas  obliques  dans  un  ^'rand  nombre  de  langues  américaines, 
mais  il  en  est  de  n^ème  dans  plusieurs  langues  ouralo-altaïques, 
notannnent  en  turk.  Ex.:  fpfier,  cahier,  tefter-iin,  mon  cahier, 
teffer-it)i-de:    dans  mon  cahier. 

Déclinaison  des  adverbes  de  lieu  et  des  proxoms 
démonstkatifs. 

Les  adverbes  de  lieu  forment  les  cas  locatif,  ablatif,  prost'»- 
cutif  et  illatif  à  Taide  des  suffixes  -ane,  -ânga,  -ûna.  -unga.  Ex.: 
mâ-ne,  ]iO\x\\  ma-ane,  ici,  tâss-ane,\ï\.^  ik-ane,  là  bas;  nia-ïiga,  tâss- 
âmja,  ik-ânga;  mà-una,  tass-ûna,  îk-ûna;  ma-unria ,  tâsA-unga, 
ik-unga. 

La  déclinaison  des  pronoms  démonstratifs  comprend  deux 
cas  directs  et  cin((  cas  obliques.  Sing.  ol)jectif:  /l'-tia,  celui-là; 
sulijectif:  {v-ssif))ia,  celui-là;  locatif:  ir-ssum-ane',  al)latif:  iv-smmi- 
ànga;  prosecutif:  iD-sswn-ihia;  illatif:  h>smm-Hnga\  modal:  ir- 
smiH-'inga.  Pluriel,  accusatif:  iv-ko ,  ceux-là;  nominatif:  Ir-kiia; 
locatif:    iv-kn-nane,  ablatif:    iv-ku-nanga  itc. 

Tl  n"y  a  pas,  je  crois,  de  langue  de  rAmr'ri(|ue  septen- 
trionale dans  laquelle  les  adverbes  de  lieu  et  les  })ronoms 
démonstratifs  se  déclinent  à  l'aide  d'autres  suffixes  que  ceux  de 
la  déclinaison  nominale. 

POSTPOSITIONS. 

Le  groenlandais  emploie,  au  lieu  de  jjostpositions  propre- 
ment dites,  un  cei'tain  nombre  de  noms  de  lieu  conjugués  posses- 
sivement  et  déclinés. 

Ex.:  At^  iit-â,  l'espace  au-dess(jus  de  lui.  nf-â-ne,  sons  lui, 
at-i-dl-iic,  sous  nous,  at-â-nit,  de  dessous  lui.  'l'iino,  tiinu-a, 
l'espace  derrière  lui,  tunn-ng-ne,  derrière  toi,  tunu-v-nut,  dei'i'iére  moi. 

IU(k^  ihi-n,  rint(''rieur  de  lui,  ilu-a-nc,  en  lui,  ilirvsi-ne,  en 
vous,  ilu-K-nit,  du  dedans  de  lui.  7'/o«r/r,  direction,  côté;  tinigi-vt/- 
?nd,  vers  nous:   /fn(/a-/),  tmtgù-nt'^  vers  la  montagne.  tSjc. 

iiC  (|ui(lii'  cl  le  maya  font  usage  de  c(jinposi's  pronominaux 
dans  les(|uels  figurent  des  noms  conjiigU(''S  possessivement.     Ex.: 


( 


347 

Wach,  visage,  u-ivnch,  son  visage;  ch-iMcach,  dans  son  visage, 
devant  lui;  ch-n-iraeh  lo-ahauaJ,  devant  mon  roi.  Chi,  bouche, 
u-cM,  sa  bouche;  ch-ii-chi,  dans  sa  bouclie,  lelongdekii;  ch-u-chi, 
palo,  le  long  de  la  nier.  Nalah,  proximité,  chi-nv-nal-ah,  dans 
ma  proximité,  près  de  moi;  ch-a-nahah,  près  de  toi,  ch-u-nakah 
anvig,  ])rès  du  village.  Mais,  outre  ces  composés,  les  deux 
langues  emploient  des  prépositions.     Ex.  :  r/«-î^^)rtm,  dans  LM'entre 

le  lui,  dans;  ch-u-pani  nu  nim-al  qoxfun,  dans  mon  grand  château; 
chi  o(joh-al,  dans  les  coupes.  Or,  il  n'y  a  en  groenl'uidais  ni 
prépositions,  ni  postpositions,  et  les  relations  autres  (lue  celles  qui 
sont  exprimées  par  Ico  suffixes  casuels  n"y  peuvent  être  indiipiées 
qu'au  moyen  des  noms  de  lieu  conjugués  et  décUnés. 

Du    VERBE. 

Tandis  que  les  thèmes  nominaux  reçoivent  directement  les 
indices  des  différentes  relations  grammaticales,  les  thèmes  verbaux 
ne  remplissent  la  fonction  do  verbes  ((u'après  avoir  été  affectés 
d'un  crément:  -p  (-r),  -a;  -g  (-r,  -k ,  -ig).  Ex.:  fikit,  arriver 
tiki-p-unga,  je  suis  arrivé,  fiki-k-avta,  ({uand  nous  arrivâmes;  asa, 
aimer,  asa-r-oq,  il  aime,  asa-g-ama,  parce  que  j'aime;  pigé,  posséder, 
pig-â-m,  je  le  i)ossède,  pig->g-arko,  parce  ((ue  je  le  possède. 

Les  mêmes  créments  transforment  en  verbes  les  adjectifs 
et  les  noms.  Ex.:  mike,  ptAït  mikc-r-oq,  il  est  petit;  a/o</,  mauvais, 
ajor-p-oq,  il  est  mauvais;  unuk,  soir,  unug-p-oq,  il  se  fait  tard; 
nuliaq,  épouse,  nnliar-p-oq,  il  se  marie;  kainik,  hoiie  kainlg-p-oq,  il 
met  des  bottes,  A.'c. 

Ainsi,  en  groenlandais  le  verbe  se  différencie  du  nom  par 
la  suffixation  d'nn  indice. 

Au  thème  affech'  de  l'un  des  créments,  on  sufiixe  l'indice 
modal,  cl  à  cclni-ci  le  pronom  personnel  de  telle  sorh'  ([ue  le 
verbe  groenlandais  est  formé  de  quatre  éléments:  thème,  crément, 
indice  modal,  suffixe  pronominal.  Quant  à  l'indication  du  temps, 
voici  textuellement  ce  qu'en  dit  M.  Kleinschmidt  ,.Le  temps  des 
verbes  n'est  point  exprimé  —  comme  il  l'est  en  alleniiuid  par  les 
deux  formes  „ich  sehe,  ich  sah"  —  mais  il  est  néanmoins  facile- 
ment saisissable.  en  effet  quiuid  l'action  ne  s'accomplit  [las  sous 
les  yeux  de  l'interlocuteur,  celui-ci  doit  nécessairement  comprendre 


34S 


qu'elle  est  ch'jà  accoinplie,  cur  du  moment  où  il  .s'agit  d'une 
action  qui  n'est  point  du  tout  accomplie,  on  ne  peut  s'exprimer 
qu'à  l'optatif.  Au  contraire,  l'état  de  l'action  —  chez  nous: 
ich  selie  (action  inachevée  et  qui  dure),  ich  habe  gesehen 
(action  accomplie),  ich  Averde  selien  (action  à  accomplir)  —  est 
exprimé  dans  les  cas  où  cela  est  nécessaire,  non  par  une  flexion, 
mais  au  moyen  de  dillerents  tlièmes-alfixes.  Ex.:  fakara,  il  voit 
lui,  il  vit  lui;  taku-lcr-p-â,  il  commence  à  le  voir,  taku-sa-r-â  ou 
iahu-jimar-p-â,  il  le  verra,  tahi-shiia-r-â,  il  l'a  vu.  Cela  revient 
à  dire  qu'en  gioenlandais,  la  distincti(jn  temporale  se  l'ait  par 
le  procédé  tle  la  dérivation. 

Les  modes,  non  conqjris  les  deux  partii'ipes,  sont  au 
noml)re  de  six. 

indicatif,  liki-p-ti-iit,  tu  arrives  (indice  modal:  u). 

Interrogatif,  tiki-jj-i  t,  arrives-tu  V  (indice  modal:  /). 

Clonjonctif,  tiki-k-a-vit,  parce  (jue  tu  arrives  (indice  modal:  a). 

Sul)jonctif,  iiki-k-n-vH,  si  tu  arrives  (indice  modal:  u). 

Optatif,  tikid-la-n(ju,  que  j'arrive  (indice  modal:  la). 

Infinitif,  tikid-hi-nçia,  moi  arrivant,  moi  airiver  (indice 
modal  ///. 

Verbes  intmnsitifs  et  lerbes  transit  ifs.  —  La  conjugaison 
du  verbe  transitif  ne  diffère  de  celle  du  verbe  iiitransitif  cpie  par 
la  substitution  des  suftixes  pronominaux  de  la  8'^""^'  série  à  ceux 
de  la  1"^  et  de  la  i>^'""-\ 

La  plupart  d(^>^  verbes  naturellement  transitifs  peuvent  se 
conjuguer  intransitivement,  auquel  cas  ils  prennent  la  signiticatlon 
réfléchie.  Ex.:  toiiiipa,  il  le  tue;  tcx/iijHxj,  il  se  tue;  avi(/pâ,  il  le 
brise,  avi(/po(j,  il  se  brise.  D'un  autre  ciMé,  les  verbes  naturelkv 
nient  intransitifs  peuvent  être  conjugués  transitivement,  par 
exemple  s'il  s'agit  d'indiquer  le  lieu  où  faction  s'accomplit.  Ex.: 
pisin/poi/,  il  va,  pisiigpû,  il  va  sur  lui. 

En  sonuiie,  le  groenlandais  conjugue  —  les  verbes  intransitifs 
et  les  verl)es  réflécliis  en  suffixant  des  pronoms  subjectils  —  les 
verbes  transitifs  et  les  verbes  intransitifs  à  régime  indirect  en 
sufllxant  des  pronoms  objectifs  dont  l'emploi  in(li(|ue  suftisamment 
que  l'action  a  pour  objet  direct  ou  indirect  nn  pj-onom  de  la 
30.nL.    personne    virtuellement    contenu    dans    le    verbe:    ferianiar/ 


349 


toqupa-ra,  renaid  jo  tiK,'  (lui),  jo  luo  le  iciiaid.  En  nahuatl,  ce 
l.ronom  objet  de  la  8^"^  persoiini»  fin-iii-e  réellement  dans  le  verbe  : 
ni-k-ahiUa  yn  mWi,  je-liii-arrose  le  cbamp,  j'arrose  le  champ.  Il 
en  est  de  même  en  alo-onqnin:  ni-saki-a  je  l'aime  —  en  déné: 
h-e-H-hi,  Ini-je-imite  — .  Dans  d'antres  langues  do  l'Amérique  du 
Nord,  le  verbe  objectil*  de  la  :^-'"'=  j)ersonne  est  formé  connue  en 
groenlandais.  Chacta:  pesa-U-x,  je  vois  (lui)  —  Dakota  :  ini-kaska, 
je  (le)  lie. 

Verbes  objectifs.  —  Le  groenlandais  conjugue  objectivement 
les  verbes  transitifs  dont  l'action  s'exerce  sur  la  1"«  ou  sur  la 
Ç26mc  personne.  Ex.:  toqujm-rti-nfja,  vous  deux  tue/,  moi,  foqnpa- 
rsi-nga,  vous  tuez  moi,  toqiipa-r-ma,  tu  tues  moi,  foqu/xi-rfl-i/Hk, 
vous  deux  tuez  nous  deux,  for/iipa-nr/û,  pour  toqiipa-a-ucja,  il  tue 
moi,  foqii/i<1-tif,  il  tue  toi,  toqupa-r-se,  je  tue  vous. 

Les  verbes  se  conjuguent  objectivement  dans  la  majorité  des 
langues  américaines  et  dans  la  minorité  des  langues  ouralo-alta'iques. 

Li'  rerbe  né</aff'f.  —  Le  vei'be  négatif  se  forme  en  dérivant 
le  thème  verlial  par  le  thème  atfixe  adverbial  -my/-/-.  Ex.: 
iiûla-tn/i-i-a-rif/a ,  je  n'obéis  pas,  vâUi-)i(ii-l-((-tit,  lu  n'obéis  pas, 
nâJa-ngi-l-aq,  il  n'obéit  pas.  }uVa-iif/i-k-u-tu/-ma,  si  tu  ne  lu'obéis 
pas,  mVa-ngi-nfi-mat,  parce  qu'il  n'olx'it  pas. 

En  aléoute,  le  thème  verbal  est  (h'rivé  par  la  particule  la. 
Ex.:  sJH-kuq-ing,  je  prends,  sjn-Ia-kaq-i7ig,  je  ne  prends  pas. 

Aucune  langue  de  fx^mérique  du  Xord  ne  possède  une 
véritable  conjugaison  négative. 

Le  verbe  j)aHsîf.  —  Le  groenlandais  forme  le  verbe  passif 
de  deux  manières:  1",  en  dérivant  le  thème  verbal  par  le  tlième- 
affixe  composé  -neqar;  i>",  en  sulïîxaiit  au  participe  le  tlième- 
atfixe  -H-r.  Ex.:  agiorpâ,  il  le  remue,  agator-neqar-p-dq,  il  est 
remué;    toqvpâ,  il  le  tue,  toqii-ta-u-r-oq,  il  est  tué. 

Le  vei'be  passif  est  formé  par  dérivation  dans  trois  huigues 
de  l'Amériiiue  centrale:    nahuatl,  (|uiché,  maya. 


Il  me  reste  à  exann'ner,  si  rt'ellemeiit  ..la  langue  des 
Esquimaux  partage  avec  les  langues  américaines  le  caractère 
polysynthéticjueV* 


350 


Afin  qu'il  n'y  ait  pas  de  malentendu  sur  la  portée  du  mot 
^polysynthétisme" ,  j"adf;>terai  la  terminologie  de  M.  Sayco  qui 
parait  appelée  à  prévaloir.  J'entends  donc  ,1"  par  incorporation, 
Ja  conjugaison  nominale  possessive  et  la  réunion  au  verbe  des 
pronoms  ou  même  des  noms  régimes" ,  2"  par  polysynthétisme, 
„la  composition  indéfinie  des  mots  par  syncope  et  par  ellipse"  *). 

Incorporation. 

Conjugaison  nominale  possefsivc.  —  Connne  les  langues 
américaines  en  grande  majorité,  le  groenlandais  conjugue  les 
noms  possessivement;  mais,  ^ce  procédé  est  familier  aux  langues 
sémitiques  et  à  bien  des  idiomes  agglutinants  de  l'ancien  monde". 

Groenlandais  -  /;/(Jlo,  maison,  ir/dlii-ga,  ma  i^ison,  if/dlu-t, 
ta  maison,  igrllu-a,  sa  maison. 

Kri~  ni -7}wktimân,  mon  couteau,  ki-mohimân,  \on  couteau. 
o-nwJiinnân,  son  couteau. 

31agyar  —  nwnlvâ-ni,  mon  ouvrage,  mfinWi-d,  ton  ouvrage, 
nnmkâ-ja,  son  ouvrage.    ^ 

xVrnbe  —  kitah-i,  mon  livre,  kitah-o,  son  livre. 

L'cunion  au  rerbe  (ks  pronoms  ou  même  des  noms  rér/imes. 
—  Le  groenlandais  n'incorpore  point  au  verbe  les  noms  régimes 
ainsi  que  peuvent  le  l'aire  un  petit  nond)re  de  hingues  améri- 
caines ^nahuatl.  algonquin,  iroquois,  guarani,  tsonèque).  Par 
contre,  il  incorpore  viituellement  ou  mait'riellenient  les  pronoms 
régimes,  ce  qui  est  le  cas  avec  la  plupart  des  langues  des  deux 
Amériques.  Mais,  la  conjugaison  objective  n'es!  puint  un  })i()c(Hle 
particulier  aux  idiomes  du  nouveau-monde;  les  langues  séniiti(|ues, 
le  basque  et  plusieurs  langues  ouralo-altaïques  conjuguent 
ob.jectivement. 

Polysynthétisme. 

Selo)i  Diq)onceau.  le  groenlandais  aulisariarforasuarpoq 
serait  formé  iU'>^  trois  mot,<:  auJisarjiorj,  il  pèche.  peartorjKxj,  il  est 
à  faire  (|uel(|ue  chose,  pinnesuarpm/,  il  se  hâte.  En  it'alilt',  ce 
preteiidn  composé  par  syncope  et  ])ar  ellijjse  est  la  8"""  jjers. 
sing.    indic.    d'un   verbe   intratisitif   l'orme   des  ('h'ments  suivants: 

M  /.'(   Litiijiiisti'pd'  [liir  A.   Ilo\i'|,ic(iiU'.  -Jl'hi.'  (.(lilidii   |).  |i.   171.  d  suiv. 


351 

1"  aiilisaq  ^pécher",  thî-me  verbal  primitif  pouvant  être  employé 
isnl(''iiieiit  en  qualité  do  verbe,  aiilisar-p-oq,  il  pèche:  -2'^  -iartor, 
„allera",  thème  verbal  affixe  de  dérivation;  H^ -asmir,  „sehater% 
thème  verbal  de  la  même  nature  que  le  précédent;  4°  -/;,  crément 
du  thème  dérivé  (wlisar-imior-cmmr;  ô° -o-q,  indice  modal  tenant 
lieu  ffindice  personnel. 

Voici  comment  M.  Kleinschmidt  explique  la  t'ormntion  des 
motsen  groenlandais:  .Les  thèmes  de  signification  (ausgebildeten 
Begriffswur/.eln)  se  divisent  en  deux  classes  essentiellement  distinctes 
P  les  thèmes  rei)résentant  des  idées  ((ui  subsistent  pai-  elles- 
mêmes  sans  qu'il  soit  nécessaire  d"y  rien  ajouter.  Ex.;  if/dio, 
maison,  ajoq,  mauvais,  wike,  petit,  axk,  sang;  r^",  les  thèmes  re- 
pri'sentant  des  idées  qui  ne  subsistent  point  par  elles-mêmes  et 
auxquels    il    faut    donner    un   autre   Ihème  pour  appui   ou   pour 

complément.     Ex.:  -sa^iaq,  un  grand ,  -ngOq,  très  .  .  .  .,  -ssusfieq 

=  allem.  -Jicif ,  -lik  —  allem.  -i(/.  Les  thèmes  de  cette  seconde 
"c'iasse  ne  sont  janiiiis  employés  cpie  suffixes  à  un  thème  qui  les 
complète,  c'est  pour(|uoi_on  les  a  nonm'iés  thèmes-affixes  (anhang- 
slaninie)  par  opposition  à  ceux  de  la  première  classe  qui  ont 
reçu  la  dénomination  de  thèmes  primitifs  (urstimmie).  De  l'union 
de  thèmes  des  deux  classes  proviennent  les  thèmes  composés  ou 
dérivés  (zusanmiengeset/.te  oder  ;d)geleilt'te).  Ex.;  iydlnr-Hsaaq, 
une  grande  maison,  aju-tif/aq,  très  mauvais,  nn'Jn-ssuseq,  petitesse, 
a?/-////,  sanglant.  11  iu-rive  très  souvent  que  le  nombre  des  thi'Uies- 
affixes  s'élève  à  2,  H  et  plus,  ^x.:  icjdJor-HHna-lil:,  en  allem. 
..grosshausig" ,  mik/'-nf/âr-ssu.^eq,  en  allem.  ,.selirldeinheit".  Dans 
les  mots  de  cette  sorte,  le  dernier  afiixe  est  complété  par  le 
pénultième  et  ainsi  de  suite,  mais  l'ensemble  des  thèmes  suffixes 
ne  peut  être  coni[»lété  que  par  un  thème  primitif,  ce  qui  revient 
à  dire  (|ue  tout  thème  ainsi  formé  conmience  ni'cessairement  par 
un  thème  primitif. 

Les  thèmes- aftixes  différent  essentiellement  des  affixes 
allemands  -sam ,  -hcit ,  -licJi ,  -nit<s  &c^  1"  en  ce  que,  selon  toute 
apparence,  ils  n'ont  point  ét(''  piimitivemeiit,  connue  ceux-ci.  des 
nidls  enq)loy('s  isoler.ient;  d^  par  leur  nond)re  Ijeaucoup  plus 
cousidéraltle;  car  pres(]ue  toutes  les  idées  qui  ne  subsistent  point 
par  elles-mêmes   —  et  aussi  tous  nos  verbes  auxiliaires:  werden. 


352 


konnon,  sollcn,  <kc,  plusiours  do  nos  adjectifs  et  plusieurs  de  nos 
adverbes  —  sont  exprimés  par  ces  affixes;  8»  par  leur  mobilité 
en  effet,  au  lieu  que  les  affixes  allemands,  d'ailleurs  peu  nombreux, 
sont  rivés  à  certains  mots  seulement,  les  affixes  ^roenlandais 
peuvent  à  volouté  être  adaptés  ou  mis  de  côté  suivant  qu'ils 
sont  nécessaires  ou  inutiles  à  l'expression  de  la  pensée". 

Que  les  tliémes  de  la  seconde  classe  aient  été  primitive- 
ment des  suffixes  ou  des  mots  indépendants,  toujours  est-il  que 
le  groenlandais  forme  ses  mots  complexes  en  agglutinant  des 
suffixes  à  un  thème  indi-pendant,  ce  ([ui  constitue  le  procédé  de 
la  dérivation  en  usage  dans  toutes  les  langues  polysyllabiques  — 
et  non  pas  (-n  agglutinant  ensend)le  des  thèmes  indépendants 
avec  apocope  et  ellipse,  ce  qui  constitue  le  })rocédé  de  la  com- 
position emboîtante  ou  polysynthétisme. 

Soit  par  exemple  le  mot  qa,v<ersarfi:jmirsin(/ii(Hiiinamar 
poq,  qui  est  formé  d'un  thème  indejxMidant  et  de  huit  thèmes- 
affixes.  Thème  indépendant:  qasu-v-oq,  il  est  fatigué.  Tlièmes- 
affîxes  : 

1"  -er,  «enlever,  priver  de".  Ex.:   ameq,  peau,  ame-er-p-a, 

il  lui  enlève  la  })eau.  qasu-er-p-a,  il  lui  enlève  la  fatigue. 

ri"  -sar  ou  -m  ..faii'e".  Ex.:  ihiar-p-oq,  il  est  droit,  ilimr- 
sar-p-â,  il  le  fait  droit. 

(Jnasii-er-sar-p-(1,  il  fait  que  la  fatigue  lui  est  enlevée. 
H»  -pkon-fi,  Je  lieu  où«.     Ex.:  inar-p-oq,  il  doit,  inar-fi-a, 
son  lit. 

Qasu-er-sar-fik,  le  lieu  oîi  il  fait  que  la  fatigue  lui  est 
enlevée,  qam-er-sar-fi-a^  le  lieu  où  il  fait  que  sa  fatigue  lui 
est  enlevée. 

4"  -f/ssaq  ou  -f/ssnr,  ,.de  ({uoi  ([uelquc  chose  doit  être  fait. 
Ex.:   nmlaq  canot,  innia-r/ssaq,  de  quoi  un  canot  doit  être  fait. 

Qaxu-er-sar-p-rismq,  de  quoi  faire  un  lieu  où  la  fatigue  doit 
lui  être  enlevée. 

ô"  -,s7",  ^atteindre,  obtenir".  Ex.:  nuna,  terre,  nuna-si-v-oq, 
il  atteint  la  terre. 

(Jasii-('r-sar-fi-(/f<ftar-si-r-aq,  il  a  atteint  de  quoi  faire  un  lieu 
011  la  fatigue  doit  être  enlev(i(\ 


G"  -ngif,  thème  adverbial  nc'gatif. 


353 

Qasu-er-sar-fi-gsmr-si'nyî-l-aq,  il  n'a  pas  atteint  Ac. 

7°  -dluinar  «totalement",  tliùnie  adverbial. 

8°  -nar,  thème  servant  à  former  les  verbes  impersonnels, 
lesquels  se  conjuguent  intransitivement  :  fjasu-er-sar-fî-r/ssar-si-ngit- 
dhmmr-nar-p-oq,  on  n'a  pas  du  tout  trouvé  de  quoi  faire  un  lieu 
où  la  ftitigue  soit  enlevée,  on  n'a  pas  du  tout  trouvé  un  lieu  de 
repos,  on  n'a  pu  d'aucune  manière  se  reposer.  Ce  long  mot 
n'est  autre  chose  qu'un  verbe  impersonnel  négatif. 

Par  ce  procédé  de  dérirafioN  à  Vlnpii,  le  groenlandais 
forme  des  mots  aussi  complexes  et  aussi  longs  qu'aucun  de  ceux 
que  les  langues  algonquines  peuvent  former  par  le  procédé  de 
la  composition  emboîtante.  Mais,  la  dc^rivation  à  l'infini  n'est 
que  l'exagération  d'un  jH'océdé  commun  à  toutes  les  langues 
polysyllabiques.  Ma  conclusion  sera  donc  que  l'esquimau  n'est 
point  un  idiome  polysynthétique,  et  ([u'il  se  différencie  des  langues 
américaines  comme  aussi  des  langues  ouralo-altaïques,  précisément 
par  l'exagération  du  procédé  dérivatif. 

En  somme,  l'esquimau  ne  peut  être  rattaché  grannnaticale- 
ment  à  ce  que  l'on  appelle  le  système  américain,  non  seulement 
parce  qu'il  n'y  a  pas  en  réalité  de  système  granniiatical  commun 
aux  langues  du  nouveau  monde,  mais  encore  parce  que,  pris  dans 
son  ensemble,  il  paraît  constituer,  comme  le  basque,  un  système 
particulier  et  original,  autrement  dit  une  famille  irréductible. 

Après  avoir  présenté  l'analyse  et  la  conclusion  de  ce 
travail,  M.  Adam  déclare  qu'il  n'entend  tirer  aucune  conclusion 
anthropologique  de  l'isolement  de  la  langue  es(juimaude,  et  à  ce 
sujet  il  insiste  sur  l'indépendance  de  la  science  du  langage.