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Full text of "Monographies et esquisses [microforme]"

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IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


1.0 


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IIM    112.5 


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2.0 


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Photographie 

Sciences 
Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.  Y.  14580 

(716)  872-4503 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICIVIH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadien  institute  for  Historical  Microreproductions 


Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


1980 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
original  copy  available  for  filming.  Features  of  this 
copy  which  may  be  bibliographically  unique, 
which  may  alter  any  of  the  images  in  the 
reproduction,  or  which  may  significantly  change 
the  usual  method  of  filming,  are  checked  below. 


ri 


Coloured  covers/ 
Couverture  de  couleur 


n    Covers  damaged/ 
Couverture  endommagée 


□    Covers  restored  and/or  laminated/ 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 

□    Cover  title  missing/ 
Le  titre  de  couverture  manque 


L'Institut  a  microfilmé  le  mjilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
point  de  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifier 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
modification  dans  la  méthode  normale  de  filmage 
sont  indiqués  ci-dessous. 

□    Coloured  pages/ 
Pages  de  couleur 

□    Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

□    Pages  restored  and/or  laminated/ 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 


\i 


Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 


D 
D 

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D 
D 


□ 


Coloured  maps/ 

Cartes  géographiques  en  couleur 

Coloured  ink  (i.e.  other  than  blue  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 

Coloured  plates  and/or  illustrations/ 
Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 

Bound  with  other  matériel/ 
Relié  avec  d'autres  documents 

Tight  binding  may  cause  shadows  or  distortion 
along  interior  margin/ 

La  reliure  serrée  peut  causer  de  l'ombre  ou  de  la 
distortion  le  long  de  la  marge  intérieure 

Blank  leaves  added  during  restoration  may 
appear  within  the  text.  Whenever  possible,  thèse 
hâve  been  omitted  from  filming/ 
Il  se  peut  que  certaines  pages  blanches  ajoutées 
lors  d'une  restauration  apparaissent  dans  le  texte, 
mais,  lorsque  cela  était  possible,  ces  pages  n'ont 
pas  été  filmées. 


□Pages  detached/ 
Pages  détachées 

J 

C~i    Showthrough/ 
iJ    Transparence 

j — I    Quality  of  print  varies/ 
I I    Qualité  inégale  de  l'imr 


D 


pression 


négale 

supple 
Comprend  du  matériel  supplémentaire 


I — I    Includes  supplementary  matériel/ 


□    Only  édition  available/ 
Seule  édition  disponible 


Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  image  possible. 


D 


Additionai  comments:/ 
Commentaires  supplémentaires: 


rV 


10X 


This  item  is  filmed  at  the  réduction  ratio  checked  below/ 

Ce  document  est  filmé  au  taux  de  réduction  indiqué  ci-dessous. 

14X  18X  22X 


26X 


30X 


12X 


16X 


20X 


24X 


28X 


n 


32X 


tails 
du 

idifier 
une 
nage 


The  copy  filmed  hère  has  been  reproduced  thanks 
to  the  generosity  of: 

National  Library  of  Canada 


The  images  appearing  hère  are  the  best  quality 
possible  considering  the  condition  and  legibility 
of  the  original  copy  and  in  keeping  with  the 
filming  contract  spécifications. 


Original  copies  in  printed  paper  covers  are  filmed 
beginning  with  the  front  cover  and  ending  on 
the  last  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, or  the  back  cover  when  appropriate.  AH 
other  original  copies  are  filmed  beginning  on  the 
first  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, and  ending  on  the  last  page  with  a  printed 
or  illustrated  impression. 


The  last  recorded  frame  on  each  microfiche 
shall  contain  the  symbol  — i»-  (meaning  "COIVI- 
TINUED"),  or  the  symbol  V  (meaning  "END"), 
whichever  applies. 

Maps,  plates,  charts,  etc.,  may  be  filmed  at 
différent  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  included  in  one  exposure  are  filmed 
beginni.  c  ^^  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  ai.d  to.s  '••  bottom,  as  many  f rames  as 
required.  Tr.    '  -llowing  diagrams  illustrate  the 
method: 


L'exemplaire  filmé  fut  reproduit  grâce  à  la 
générosité  de: 

Bibliothèque  nationale  du  Canada 


Les  images  suivantes  ont  été  reproduites  avec  le 
plus  grand  soin,  compte  tenu  de  la  condition  et 
de  la  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  de 
filmage. 

Les  exemplaires  originaux  dont  la  couverture  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commençant 
par  le  premier  plat  et  en  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration,  soit  par  le  second 
plat,  selon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 

Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  — ♦-  signifie  "A  SUIVRE  ",  le 
symbole  V  signifie  "FIN". 

Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
filmés  à  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  à  paitir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


errata 
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I  pelure, 
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MONOGRAPHIES 


ET 


ESQUISSES 


J    IM    LeA4oine 


QVA'MEC: 

IMPRIMEIUK    DK   JOS.-G.    GlXGRAS   &    ClE. 

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MONOGRAPHIES 


ET 


ESQUISSES 


PAR 


J.  M.  LeMOINE 

"'tTaf^'oV''  ?r^'  "-.""'"'"  ^'  """rive  de 
^rru,  etc.,  a  membre  de  plusieurs  Sociétés  Historiques. 


^°. 


(?^ 


'''Zfoa:'dn'^::^X^'o\^ÏÙ^':^''  Par.omo„t,  par  Théophile  LoV«.«,„r,  d.n,  U 


A  MONSIBUR 


Auteur  d'"En  Amérique  et  eu  Europe,  etc.,  etc. 


ET 


CORDIAL   SOUVENIR. 


"'^^ijisaaw 


TA.BLE   ZDHe  n^^^TIER.ES. 


I  PARTIE 

MoNiKJHAPIiriCS  Dlù  NOS  III.STOUIENS  MUDKKXES  :  dôdi.'s 

Il  Xavier  Mtirmit'i' I 

Noti't'  hintoiic  :    deux   Ecoles ,") 

Ef'ol-E  ANOI.AISE 

L(i  iîiiioii  MiisiTcs 7 

Williiiiii  Sinitli 1,') 

lîolxTt  Cliristio ;;.{ 

SiimiK'l  .).  Wiitsdii 40 

•  lolin  Chiultis    Dont.; 44 

Hoiirv  II.  Milos 4.S 

W.  li.  Witliiwv 51 

John  MoMiilIrn 5;; 

1'" rancis  Paikuuin T)"! 

'u'orgf  Stowint.  ,\v 4r);j 

Ef'i'LE  l-1JANQAl.SE. 

Bibaïuf «7 

(îaineau 70 

Fcrland lO 

Kaillon SO 

.hic(iites    Viger  84 

<i.  n.  Fiuil.ault 85 

Henjaniin   Suite 89 

L'Alihé  Laverdicre <i;i 

l/AI)l)é  Voiioaii '.)() 

L'.\l)l)é    Tangiiay î).s 

L'.VIjbé  Louis  Bois 407 

LES  AUUIIIVES  DU  CANADA. 

.MTENDlt'E l(»l 

N''otes  et  Edaiicissemenls  : — Madame  do  St-J^um'ent...   107 
Le   Clievalier  .Idlm.stone I0*,> 

ETUDES  ETIlNO(iUAl'lllQi:ES  :  dédiées  à,  M.  U-on  de  l{o.sny.  115 
Les    Races    Aborigènes   île   r.\méi'i<iue — Les  Ecossais 
dans  la  Noiivolle-Erance Ils 

L'As.sociatiou  .Américaine  i>our  le  ^n'ogrès  des  scienc(.'s 
etc.,   à  (iuéboc 120 

L'.Vssociation  Rritanni(iue  pour  le  progrès  d^ix  scion- 
ces  etc.,  à  (Québec \2'.i 

Hites  Mortuaires  des  Aborigènes  d"Améri(jue — ''onl'é- 

leuce 12") 

J'ei'.sonnel  de  l'Associatio:»  Kiitanniiiue,  à  Montréal..,    145 


II 


II  PARTIE 

VILLAS  A('T()ITI{  DK  (irftHKC  ;  EsquinsoM,  aMiôo»  ù  M.  Boi\j. 

Suite I.jl 

llotol  <lu  <ioiiv«'cnomont — Miuioir  Sowoll 157 

liundoti    IjOctgo 103 

L'Asile   ClminiH'lro KV.» 

Battlofieia  Cottage 174 

Murclimont 17â 

Elm  «îrovo 170 

Wolii-lield 177 

Thoniliill IWd 

S|)onc('r  Wood 1H2 

SjxiiKHT  (lianm' 1H7 

Sauios lyO 

Montiijiiu'  ('oltagf 191 

Kirk  Elle ", 1% 

Sr  )ii.s-l('s-Hois 1  '.'7 

Ik'iuuore PJH 

liaidliold 2(»l 

C'ataracou v '203 

('lonuoiit' 204 

Tlie  Ilighlamls 20« 

Beauvoir 212 

Uaveiisuoo(  1 21') 

Meadowhaiik 220 

Dornal 226 

Loiigvvood  , 22S 

Uedclyrte 232 

Boisl;iillaiit 23H 

Boimont 240 

llolland   Fana  245 

Bollevuo 251 

Jlamwood 253 

Vltamont 255 

Bui»nockI)iuii 257 

Hingfiold 25.S 

Auvergne 270 

t'oucy-le-Castel 273 

Villa  Mastaï 275 

Le  Manoir  Seigneurial,  Beauport 279 

Haldimand  llouse » , 28J' 

Montmorency   Cottage 295 

Lit  résidence  d'été  dit  liord  Dutl'erin 303 

LES  JARDINS   ANCIENS  E'I'  MODERNES.—Esquisse  dediéo 

à  rilon.  IL  (i.  ,loly 320 

ETl^DE  SUR  SIR  WALTKW  SCOTT:  dédiée  à  M.  L.  II.  Fréchetto  351 

VVai.tkk  Scott,  i»oèto 371 

Bord  r  Minstreisy 372 

Liiij  of  thc  Lad  Mindrel 373 

Marmion 379 

Lady  of  the  Lokc 3H1 

hokehy 3S4 

The  Lord  of  thc  Iski^ 389 

Waltkk  Scott,  ron  ancier 393 


nr 

fl^uverUy 

..M,...  Ivanhoe ; 3'.n» 

Hoiithicr "iut«    h  i  non.  .Juge 

Les  Lacs  du  r'iiVnhoriiim'i ■*•*•♦ 

LçsKuinoHdcMolroseAMH.y 

APi'ENDK^'  '°*'^'^''''-^"  '''"^t«'^"  'lesir  \v;ii;;;;-^;;otv;:::::;;:;v  m 

•leorge  Stewait,  jr  . 

Les  destinées  de'lr.  race  ■miVrio-saxonnô""p"n"V;""- ^'^^ 

d'après  rrevost-Pamdol  '='"'*'''''""''  ^»  -\Jnen(,ue, 
Notice  sur  M.  L'Abbô  ]}oi« "*♦'"'' 


AVIS  AU  LECTEUR, 


Ces    md-langes    d'histoire,    de   biographie,  d'archéologie,   de 
critique,   etc.,  sont  destinés  à  servir  de  complément  et  de  con- 

œuvre   de 


publié  en   1S72 

les  descriptions  se 


tinuation  à  I'Album  du  Touriste, 
fantaisie,  comme  l'on  sait. 

Quant  aux  villas  des  environs  de  Québec, 
suivent  en  ordre  régulier. 

Le  Touriste,  aux  mois  des  feuilles,  pourra  débuter  par  V An- 
cien Manoir  Sewell  [l'Hôtel  du  Gouvernement]  avoisinant  la 
porte  St-Louis,  côtoyer,  livre  en  main,  la  Grande  Allé:,  à  Spen- 
cer-Wood  ;  continuer  jusqu'au  Cap  Rouge  ;  puis,  retracer  ses  pas, 
en  longeant  le  chemin  Ste-Foye,  au  Montplaisant,  franchir  le 
Pont  Dorchester  ;  se  rendre  au  Gros  Pin  ;  de  là,  au  Château 
Bigot,  à  Charlesbourg  ;  redescendre  des  hauteurs  à  la  voie  publi- 
que de  Beauport,  filer  jusqu'à  la  chute  Montmorency,  faire  étape, 
pour  le  goûter,  en  ce  pittoresque  endroit  ;  revenir  en  ville  et  termi- 
ner sa  course  en  dedans  des  murs  par  la  visite  à  la  Citadelle,  sur  le 
Gap-aux  Diamants,  où  Lord  Dufferm  en  1872  faisait  préparer  la 
résidence  d'été  de  nos  Vice-Rois.  Durée  de  cette  promenade 
d'antiquaire  :  au  moins  deux  jours. 

Nos  villas  sont  dans  leur  plus  beau,  à  la  saison  des  feuilles  et 
des  fleurs, — depuis  Juin  à  la  mie- Septembre. 

Une  simple  course  sur  le  grand  chemin,  sans  pénétrer  à  l'inté- 
rieur des  domaines  et  sous  le  toit  même  de  ces  fraîches  retraites, 
perdues  la  plupart  sous  l'ombrelle  des  bois,  invisibles  de  la  voie 
publique,  ne  saurait  donner  qu'une  idée  incomplète  du  charme 
des  paysages. 

Inutile  de  rappeler  au  lecteur  que  la  plupart  des  études  histo 
riques  recueillies  dans  ce  volume  ont  été   préparées   à  diverses 
époques,  quelques-unes  bien  antérieurement  à  la   recrudescence 
récente  des  regrettables  animosités  civiles  qui  menacent  de  com- 
pliquer, ou  de  retarder  la  solution  des  problèmes  de  l'avenir. 

Des  absences  forcées,  d'auttes  causes  également  incontrô- 
lables ont  privé  l'auteur  de  la  faculté  de  revoir  les  épreuves  du 
livre,  lequel  aurait  dû  ûtrc  livré  à  la  publicité  au  commencement 
de  Juillet  dernier. 

1er  Décembre  1885. 


d   ?irc>iK>icnr  fVciLMc:   £^lla:niic:^ 


D<^  !' Acadciiiic  Française 


Cher  Moxsikuk. 


Je  n'ai  pas  oublie  tna  promesse,  non  plus  que  les  paroles 
affectueuses  que  vous  m'adressiez,  le  9  août  i8.Si,au  No  i, 
rue  Saint  Thomas  d'Aquin.  Du  reste,  je  connaissais  déjà 
depuis  Ionf;temps  l'intérêt  que  vous  portez  atout  ce  qui  se 
rattache  à  ce  Canada,  où  vous  ave/  passé  de  si  agréables 
moments. 

Quand  vous  m'accueilliez  sous  votre  toit  hospitalier, 
j'arrivais,  si  vous  vous  en  rappelez,  d'un  pèlerinai;e  au 
berceau  de  mes  ancêtres  français,  à  Pitres,  près  de  Pont-de- 
r  Arche.eri  Normandie — "station  militaire  sous  les  Romains," 
a  écrit  l'annaliste  de  Pitres,  "aussi  bien  que  résidence  ro\'aIe 
mérovingienne,  palais  et  chàteau-fort  pour  les  princes  de 
la  deuxième  race,  néanmoins  ravagé  au  neuvième  siècle 
par  les  féroces  corsaires  du  Nord  dont  les  caravelles  remon- 
taient la  Seine,  au  point  que  l'effroi  public  se  traduisait 
par  cette  prière  suprême',  ce  cri  du  jK'uple  :  "  A  f/iroi\' 
Xoniiaiifioni'in.  libira  lu-s,  Pomiiu." — X'oilàce  que  m'en  dit 
r  histoire. 

Quelques  mois  plus  tard,  je  vous  expédiai  ma  conférence 
sur  Rouen,  Pitres,  (i)  etc.,  comme  pièce  ])robante  de  mon 
passage  en  ces  endroits.  Il  m'awiit  été  d'ailleurs  facile  de 
me  renseigner.  J'étais  po'teur  de  kltres  de  recommanda- 
tions auprès  du  savant  abbé  \'aurabourg,  curé  et  historien 
de  Pitres.  (2).  L'excellent  abbé  ht  plus  que  de  m'accueillir 
gracieusement  ;  en  peu  de  temps  il  m'avait  déroulé  les 
annales  de  cet  antique  village,  populeux  jailis,   chox'é  des 


(I  \  "Kiliinbiircli — Itnuon — York — (iliiiip-i's — Iiii]irivi-ioii- — Cniitras't-'."I'.(r.  Ile  Mil  v 
Villilislicr.  '  IJuùboo,  lf<>l. 

CJ)  Xutico   sur  l'itro.-.    p.ir   .V.    Vavirafiouiv.    l'ui-ô   do    Titres,    Du'musoii  x    i"u;. 
Impriinciir.^.  l'an».  lî^Tii. 


h 


rois  et  des  évêqiics,  faiiieux,   même    Jiu   neiwièmc  siècle, 

et  maintenant  simple  paroisse  avec    une    population    d'à 

peine  mille  âmes,  et  dont  la  de'cadence  a  fait  dire  à  un 

vieux  chroniciueur  :  ''ILvasit  in  cxcj^ni  i/omiiiis  l'ica/iiin." 

*  * 
* 

Ma  dciulîle  ori;j,"ine  m'imposait  un  second  pèlerinage 

Je  tenais  a  voir  la  patrie  cie  mes  autres  ancêtres  non 
moins  vénérés — !es  aïeux  de  ma  mère —sur  les  rives  classi- 
ques de  la  Tv/eed,  en  Ecosse. 

Je  réalisais  là  un  des  rêves  dont  s'était  bercé  ma  jeu- 
nesse :  contempler  Abbotsford,  le  pittoresque  château  du 
plus  beau  génie  de  l'Ecosse,  Sir  Walter  Scott. 

Vous  m'aviez  recommandé  de  visiter  Melro-^o  .\bbey, 
où  Randolph  avait  déposé  le  cœur  de  l'héroïque  siniverain 
de  ee  pays,  Robert  liruce  ;  vous  aviez,  été  as-ez  bon  de 
m'offrir  l'excellente  biographie  (3)que  !e  sort  lie  l'illustre  et 
infortuné  prince  vous  avait  inspirée,  car  v(jus  connaissiez 
mon  admiration  pour  les  martiales  figures  de  la  Calédonie, 
ses  lacs  mignons,  ses  bruyères  odorantes  et  empourprées, 
ses  pics  coiffés  de  brouillards,  ses  crans  escarpés  et 
sublimes,  chantés  par  Ossian,  iîurns,  Scott,  Allan  Cun- 
ningham,  Christopher  North. 

Vous  vf)us  rappelez,  sans  doute,  V(jus  être  informé,  en 
même  temps,  du  progrès  des  lettres  canadiennes,  depuis 
votre  passage  parmi  nous,  en  1850.  Cette  courte  étape  dans 
vos  nombreux  et  lointains  voyages  nous  a  valu  c[uelques 
pages  sympathiques  dans  votre  volume  "/:/«-  Amîriqiic  et 
eu  liitropc.  Il  fut  également  question  entre  nous  d',"s 
travaux  de  maints  hommes  de  lettres  canadiens  dispaïus 
depuis  1850,  mais  non  oubliés,  écrivains  identifiés  pour 
ainsi  dire  aux  recherches  historiques  et  aux  antiquités 
canadiennes — nos  illustres  morts —  :  Garnea' ,  I'>rland, 
Kibaud,  Faillon,  Laverdière,  Faribault,  Viger. 


Ci)  Biiliert  Hriite  :  coiiDiiviit  un  ri'coïK/iiic?  un  roynumo,  par  Xavier  Marinier,  de 
'Académie  Kran<,ai»c  ;  dernière  fditioii.  (rari*.  Hachette  it  Cie,  1,'Sl.) 


Il    m'est   vciiu     l'iJee   d,.      •     ■  ^ 

'listoriqucs  des  différentes  eVnl'"T  '^"'"'^"°'  silhouettes 
dy  .-ntercaler  des  d"  ^T  ''"  ™''-»'"-  <f.verses  ; 
'-  hc,.,„es  éntinent  ;  r.  ;^;^°?'f-  --"'■fiqucs  „; 
position  officielle  au  noLZ  ^  ''  P"^"^'  ''"  1"- 
»'e.^t  faît  dans  le  pavs  2-  '"°"^'^""^''"  littéraire  <„,; 
de  nos  archives  n';lna'!r'  ""^  ""'-■«■■""  ^t  conserva.iln 

't:it':r::f^"--^-n~d:~"-- 

'•avantage  d'.  Z  Z:::^^''  '^■'"'"'"''  ^^  '^'  ™ 

t-ve places:::;  :  rttir^-  ■^■■-  '--" 

"e.  bien  voulu  .nadn^ettr;   da       c^  """'"'"'   °"    ^«"^ 
vos    travaux,  de  vos  veill,     d.      '";'"'"-•""«  «n>oin  ,lc 

-^'3-ie.vousaure.rait„„,.;j:.,r;zrr;p:::^^ 


spencer  Gran 


se. près  Québec,  rerjufn  iSSs. 


L'AUTKlR. 


NOS    HISTORIENS 


Le  caractère  complexe  de  notre  population,  la  diversité 
de  l'idiome,  des  us  et  coutumes,  des  traditions,  du  culte  en 
Canada,  les  changements  de  régime,  les  luttes  (i)  achar- 
nées entre  les  races  ont  dû  nécessairement  donner  naissance 
à  de:ri  appréciations  et  des  comptes-reccms  divers  des 
événements,  et  partager  nos  historiens  en  deux  groupes, 
deux  écoles.  L'imagination  de  l'annaliste  se  niodifiait  à 
son  insu,  selon  sa  nationalité  :  selon  la  voix  du  sang,  au 
dire  de  quelques-uns. 

Ce  serait  donc  chimérique  que  de  chercher  chez,  nos 
historiens,  unité  de  sentiments,  impartialité  absolue,  mal- 
gré la  droiture,  l'indépendance  d'opinions  qui  caractérisent 
un  bon  nombre  d'entre  eux. 

Le  temps  doit  être  venu  où  l'on  puisse  jeter  un  cou{)- 
d'œil  calme,  même  sur  les  questions  brûlantes  de  notre 
passé,  juger  à  tête  reposée  des  hommes  et  des  événements. 

L^n  nouveau  pacte  constitutionnel,  convoite,  :iccepté  de 
tous  les  partis — notre  petit  peuple  devenu  grand. — de  nou- 
veaux besoins  éclos  de  circonstances  nouvelles — des  intérêts 
beaucoup  plus  vastes — des  torts  réparcs — les  exigences  du 
commerce  :  ne  voilà-L-il  pas  autant  de  motifs,  pour  inau- 
gurer une  ère  d'apaiscmert,d'oubli  d'un  passé  lointain,  non 
regretté  ? 

Si  le  démagogue  trouve  encore  pâture  et  lorce  en  ré- 
suscitant de  vieilles  rancunes  de  races  ou  de  partis,  le  vr;ii 
patriote,  chaque  matin,  salue  l'étendard  du  Canada  con- 
fédéré, où  est  inscrite  la  devise  "  L'UxiON'  I'ait  la  F-HU'i:  " 


(1)  X.  M. — Dopiii"  iiut!  (•l'^  liiiiica  iiiit  éti' ti-iici'es,  h' Vi"'»'"^*'  ''iiivniit,  (Hipriiiilc  A  iimi 
iiiti'rossant,'  (■tuile  r>'COiiiiiu'iit  lue  ili'viint  la  .S'iin'i'fi'  l-tuyah'  ihi  Ciuniln.  \kiv  M.  (iiurLii' 
lliyc'  t,.  li.  I).,  Profsf.sciir  cU"  littiTature  au  ionrk.'o  Jlaiiitolia,  ù  WiiniiiHL'.  ('«t  vriiii 
ccirrolioror  ce  (lurj'avMiiL'o  :  "Owiiigto  tlio  rocoiit  iicrioil  ot  iiiany  oCtlio  iv.-iit*.  it  is 
"  lUIHeult  to  Kivf  tliciii  ;i  faitliful  trcatiiiont.  NvitUout  croatim;  .iniiiiOfity  on  tlic  iiaii  "(' 
'■  frieiids  of  thi>  Htill  livini{.  Jforoovcr  tlio  ptro:i,«  political  war,  :i;iii.-irrntly  iinlitionnus 
'■  tu  iiur  f'anaciiaii  soil.  ri'iiili'rs  it  iiiiist  (litTicult  toi  tli'j  liistoiian.  to  li-mt  liis  siihjcit 
"  ili^iiassiouately." 


Bercé  de  ces  idées,  je  vais  tenter  de  présenter  en  ce 
petit  travail  un  aperçu  successif  de  nos  historiens  mo- 
dernes les  plus  marquants,  signalant  leurs  écrits,  leurs 
états  de  service,  le  milieu  où  ils  ont  vécu,  sans  me  pro- 
noncer  sur  le  mérite  des  diverses  c(;ples  ;  ce  soin,  je  le 
laisserai  au  lecteur. 


CHAPlTr.E  I. 


Le  Barcii  Maseres,  Publiciste  (i 

1 73 1-- 1824. 

La  période  de  1774  à  1791,  c'est-à-dire,  les  dix-sept 
années  de  notre  existence  coloniale  rét^ics  par  la  constitu- 
tion octroyée  en  1774,  et  connue  sous  le  nom  d'"  .-Icd'  de 
Québec  ",  sans  être  la  plus  brillante,  mérite  assurément 
l'attention  sérieuse  de  tous  ceux  qui  désirent  étudier  notre 
passé.  l'>re  toutefois  difficile  à  débrouiller  :  heureusement, 
les  pièces  pour  la  décrire,  dans  le  principe  assez  rares  et 
d'accès  difficile,  se  multiplient  rapidement,  grâce  à  l'ouver- 
ture à  Ottawa  d'un  Ikireau  des  Archives,  (Record  Office), 
sous  les  auspices  du  Département  de  IMgriculture. 

L'annaliste  moderne  trouvera  la  tâche    beaucoup  moins 

ardue  qu'elle  ne  l'était  au  temps  où   nos   historiens,     Gar- 

neau,    Hibaud,  h'erland,    etc.,  élaboraient    si  péniblement, 

faute  de  matériaux  suffisants,  leurs  excellents  écrits. 

Sachons  i;ré  à  nos  hommes  d'I'Ltat  d'avoir  fondé  dans  la 

Capitale  un  dépôt,  pour  la  collection,  la  chissification  et  la 
conservation  de  nos  archives,  pour  sauvegarder  en  quel- 
que sorte  ces  lambeaux  dispersés  de  notre  histoire. 


/ 


Il  I  .M.  Ijimau  Oiuiiiirn  coiiniu'  «lùt  losi'i  rit:'  ilu  li.irim  MiisCrrs.si-  riittiicliiiiit  iiii  CtiiKiila  : 

1(1.  Mi'iiKiirf  l'i  lu  ili/i'Ust"  tVini  l'Ian  (J'aile  itn  iiarli-mciif  l'nut-  l'i'tiihlin!<i'ni''iil  ili:s 
lin  (/(•  ^1  lir<i}'iii(f  lie  (Jiirhi'<'  liiiilrc  li-,i  (/hjii-tiini.i  ilc  if-  ('iii/in  i,    Jioiiili'ii,  177ii  ; 

•J(i.  .1  lui  I  lit  ion  iif  si'vurul  ciiiiiiiiissiiiiis  nnil  ntlii'r  lnihlii-  iiinlriiiiioils.  i>rnriril  iiii/ 
'rviii  Ilin  M'iji'sty'K  Jiiijiiil  iiillii"ritii,ii>i,l  fllirr  inijirr.i.  nhiliru;  fn  \<irtli  Aiiiarim  , 
.viHcc  tlii'  i;,t,iiuest  n/tlie  Itrititili  uniin  in  17il".   Im.  177'.'. /). /i.  :ill  .■ 

:in.    I^infhi'c  ('iiniiiiis!iiii)is.    On,  1771  ; 

■t.  Al)  aiciiii  ,}t  ('/ lin  l'i-d'iiiliinix  II/ thc  lii-ilisli  iniil  l'ti^er  l'mtfslnt.t  itilutl'ilnnl  i 
l'f  flic  l>nifincv  o/  (Jmln'r  in  Sui-fli  Ainuriin,  in  nnUr  !"  nlitnin  n  Hmim  .\f  Astumhlij 
m  tluit  priirinci'.  Ilo,  )'.  II.  2iM  ; 

'<i>.  A  Vicie  iif  f lie  Ciril  <!nr,'rnnii  lit  'nul  iiil>nini«hiition  nf  Justin  in  tlic  liriiviiin: 
II/  l'a  ini lin.  n-!iilr  il  irns  s-njijrrl  ^l  tin   Crnwn  »/' /'n/ii.'c"  <i-r.   (.1/  .S'i 

(lu.  .A  il  il  il  in  nul  /m  /Il  rs  iimiiininij  Un  iirnvince  nf  <,'i((7i('i',ili'Ktiius;'isi.'rvir  (l'^piiriniui.' 
[\\\  vciliiiiu'  piVfLdcnt.    Do,  177ii.  \i.  \i.  Mu. 

7n.  Thi('n)UiilinnFrtilr'liIvr,in  firn  il inhnines,  IntiiX'vn  fin  Knql isinnn n  iinil  n 
h'ii  nihninn  sittliil  in  (.'nnnilii.  ilnnrini/  llm  sentiment  nf  tlie  hnll;  uf  fhe  freelmlilei-s 
nf  Ciniiida  ronce rninij  thc  Inle  (,Unl,ev  Ait  :  nifli  snnie  fensnns  ns  un  tliv  Hnstnn 
l'Inirter  Aet  :  inul  in>  nttcnijit  tn  shun-  fhe  r/rent  e.riiedienry  nf  inimeiU'ilelii  rejienlinii 
liiitli  tliese  lets  nf  }'iirlin)netif  nml  if  makinçi  snine  ntlier  nsefnl  reiinlnfiniis  nml 
enneessinyis  In  ll's  ilnjeslifs  snlijerts.  ns  n  iirminil  fur  n  iienneilintinn  vitli  tlie 
l'niteil  Cnliiniefi  in  Anierien'.    Dn.  Vnl.  1,  177ii.    Vol  JI  d'  Vnl  111.  177!i. 

^.  < nensionnl  Ei.sinis  :  ehiellii  imlit irnl  nml  histiirieal,  Dn.  'l"'.t.  On  trouvi'  dans  (•■■ 
voluiiu'  ili'a  (ioc'uiiioiits  relatifs  à  rAiiii'ri(|iii',  et  "  An  nemnnf  nj  thc  noblesse  or  ijentnj 
in  l'n  ninlii  ,  " 


8 


LE    IJARON   MASERES 


m 


On  a  pu  effectuer  depuis  la  confédération  ce  qui  était 
impossible  ou  presqu'impossible,  avant  1S67  :  avoir  accès 
aux  archives  publiques  de  la  Métropole,  puiser  lar^oni^nt  le 
précieux  minerai  dans  ces  mines  littéraires  si  riches  que 
renferment  le  Ih-itish  Mnscuiii,  le  War  office,  la  Tour  de 
Londres  et  les  divers  ministères. 

L'on  sait  que  les  autorités  métropolitaine-,  pour  des 
raisons  qu'il  serait  trop  Ions;  d'énumérer  ici,  avaient 
apposé  les  scellés  de  l'Etat  à  une  foule  de  docuinents, 
indispensables  comme  matériaux  pour  l'histoire,  mis  à 
notre  disposition  depuis  que  le  Canada  s'est  développé 
en  une  vaste  et  puissante  Confédération  Plusieurs 
éminents  léf^istes  anglais,  san.s  visiter  le  pays,  l'avocat- 
Géneral  Sir  James  Marriott,  les  Procureurs  et  Solli- 
citeurs Généraux,  \'orke,  de  Grey,  Thurlow,  Wedder 
burne,  au  moyen  des  rapports  officiels.  Réquisitoires  et 
Mémoires  qu'ils  ont  été  appelés  à  présenter  au  roi  George 
III,  sur  les  affaires  coloniales,  se  trouvent  identifies  avec 
cette  époque,  ou  font  partie  de  son  histoire.  D'autres, 
comme  le  juge  Mabane,  et  le  baron  Masères  ont  joui  de 
l'avantage  de  se  renseigner  sur  les  lieux  mêmes,  par  suite 
de  leur  séjour  et  de  leur  position  officielle  parmi  nous. 
Ils  sont  devenue,  par  la  nature  des  choses  témoins  oculai- 
res de  nos  luttes  ;  ils  ont  pu  étudier,  voir  de  leurs  yeux 
les  phases  émouvantes  de  cette  ère  de  transition.  \j\\ 
anticjuaire  distingué,  M.  l'abbé  Bois,  a  fait  la  biographie 
du  premier,  le  consciencieux  juge  Mabane,  mort,  près  de 
cette  ville,  à  Woodfield.en  1792  ;  je  vais  tâcher  d'esquisser 
rapidemei't  la  carrière  du  second,  le  baron  Masères,  de 
1766-69  Procureur-Général  du  Roi  d'Angleterre  en 
Canada,  et  pendant  plusieurs  années  résidant  à  Québec. 


*  * 
* 


Le  19  mai  1S24,  l'Angleterre  prenait  le  deuil  pour  la 
perte  d'un  de  ses  plus  éminents  enfants,  Francis  Masères, 
Baron  de  l'Echiquier,  légiste,  mathématicien,  linguiste,  his- 
torien, publiciste  ;  la  voix  populaire  le  nommait  le  "Vétéran. 


MONOGRAriIIE 


de  la  science",  la  littérature  le  proclamait  la  Mécène  des 
hommes  de  lettres  de  la  Grande-Bretagne. 

Cette  année  là,  la  mort  avait  mis  un  terme  à  ses  travaux 
littéraires,  si  vastes,  si  variés  :  Masères,  chrétien  fervent 
avait  dit  adieu  au  monde,  à  ses  pompes,  à  ses  vanités,  à 
l'âge  avancé  de  93  ans,  retiré  à  sa  belle  villa  de  Reigate, 
dans  le  comté  de  Surrey  ;  l'amitié  inscrivait  pour  devise 
sur  le  marbre  de  sa  tombe  :  "  Quaiido  u/liiin  iiivoi'uiin 
IHxnm'.  Quand  verra-t-on  son  pareil  ? 

Si  Francis  Masères,  en  dépit  de  son  nom,  fut  par  ses 
goûts,  ses  aspirations,  ses  convictions,  sa  loyauté,  un  vrai  ^\\'?, 
d'Albion — un  anglais  type,  l'on  pourrait  dire  ;  — il  n'oublia 
jamais,  et  il  en  donna  d'abondantes  preuves,  que  pour  ses 
pères,  il  fut  une  autre  patrie  que  l'Angleterre  et  que  la 
vieille  France  pour  laquelle  ils  avaient  été  prêts  à  prodi- 
guer leur  sang,  possédait  le  ilépôt  sacré  de  leurs  cendres. 

L"n  écrivain  Anglais  a  dit  "  Qu'il  faut  trois  générations 
pour  faire  "  un  Knglish  gentleman,  "  un  vrai  gentilhomme." 
Trois  gérérations  avaient  suffi  pour  faire  de  Masères  un 
véritable  Anglais. 

l-'rancis  Masères  naquit  à  Londres,  le  15  décembre 
1731.  Son  père  y  pratiquait  la  médecine,  dans  Rroad-street, 
Soho.  Son  aïeul,  né  en  France,  professait  la  religion  dans 
laquelle  étaient  nés  Henri  IV,  Catherine  de  Rohan,  Condé, 
Coligny. 

Trois  de  ses  frèios  servaient  comme  officiers  tlans 
l'armée  française. 

La  révocation  de  l'hMit  de  Nantes,  en  16S5,  pour  la 
famille  Masères,  comme  pour  nombres  d'autres  familles 
distinguées,  fut  le  signal  du  départ.  Préférant  l'exil  au 
sacrifice  de  ses  convictions  religieuses,  M.  Masères,  l'aïeu! 
du  Baron,  fit  voile  pour  l'Angleterre. 

Le  roi  Guillaume  III,  discernant  son  mérite,  lui  donna, 
du  service  militaire  en  Irlande  et  plus  tard  en  Portugal, 
d'où  il  revint  avec  le  grade  de  colonel. 

Son  fils,  devenu  médecin,  ayant  plus  tard  quitté  Broad- 


10 


I,H    IIARON    MASKKKS 


strcet,  acquit  une  demeure  dans  Rathbonc  Place  :  cette 
résidence  passa  à  son  petit-fils  John,  le  frère  de  1"' rancis  ; 
plus  tard,  elle  échut  au  Baron  lui-même  qui  y  passa  bien 
des  moments  açjrcables  sans  toutefois  l'occuper  permanem- 
nient. 

l*>ancis  Mascres  fjradua  à  l'Université  de  Cambridge,  en 
1752-1755.  Le  jeune  maître-cs-arts  "  montrade  bonne 
heure  de  rares  aptitudes  pour  les  sciences  et  les  lettres.  Il 
les  cultivait  avec  un  entrain  extraordinaire  et  avec  un 
succès  marqué,  sans  beaucoup  se  soucier  d'amasser  de 
fjrands  biens  ;  cependant  cette  déesse  capricieuse,  que 
l'on  nomme  la  l*"ortune,  fut  loin  de  lui  être  ingrate. 

Pendant  son  séjour  à  Cambridge,  il  publia  une  étude 
sous  le  titre  *'  A  Dissertation  on  the  nci^^ative  sii^n  in  Alj^'-i- 
l'ra,  containing  a  dcinoustration  of  thc  rnle  concfrningtt  : 
le  but  de  cet  écrit  était  d'applanir  la  voie  aux  élèves  cjui 
abordent  pour  la  première  fois  cette  science. 

M.  Masères  quitta  l'Université  pour  se  livrer  à  l'étude 
du  droit.  Admis  au  barreau,  il  suivit  les  cours  de  circuit, 
sans  toutefois  s'y  distinguer  ;  et  cependant  plus  tard,  sa 
connaissance  de  la  jurisprudence  anglaise,  comme  science, 
était  telle  que  les  membres  des  deux  chambres  tenaient  à 
honneur  de  le  consulter.  Puis  vint  sa  mission  au  Canada, 
comme  Procureur-Général.  Kn  1765,  la  promulgation  de 
l'acte  des  Timbres  avait  mis  en  feu  toute  la  Nouvelle  An- 
gleterre ;  pendant  la  période  qui  s'écoula  depuis  cette 
date  jusqu'à  son  retour  en  Angleterre,  en  1773,  le  savant 
jurisconsulte  rendit  des  services  signalés  à  la  couronne  :  le 
roî  le  nomma  Cnrsitor  Baron  of  iJic  Exdicqncr,  charge  qu'il 
remplit  jusqu'à  sa  mort.  Après  avoir  cessé  d'être  Procureur- 
Général,  il  occupa  comniH  procureur  ou  iigent  pour  la 
minorité  protestante  de  Québec,  auprès  de  la  Métropole,  et 
revendiqua  ses  droits  civils  et  religieux.  Il  fut  un  des  pre- 
miers de  ce  groupe  d'hommes  instruits  :  Etienne  Charest, 
Adam  Lymburner,  L.  J.  Papiueau,  D.  B.  Viger,  John  Neil- 
son,  James  Stuart,  Arthur  Roebuck,  auxquels   la  minorité 


Mi»N()(iR.\l'IIII 


I  I 


anglaise  ou  la  majorité  française  en  ce  pays  confia  des 
mandats  publics  auprès  des  autorités  impériales.  Imi  1779, 
le  Ri'corthr  de  Londres  constitua  le  baron  Masères  son 
député  ;  en  17S0,  la  Cour  du  Conseil  Commun  l'honora 
de  la  présidence  de  la  Cour  du  Shérif  pour  la  ville  de  L(M1- 
dres,  emploi  qu'il  tésit,Mia  en  1822,  deux  ans  avant  sa 
mort. 

L'année  17S4  le  trouvait  activement  immiscé  dans  un 
démêlé  cpii  agitait  la  Boiiiti  Royale  de  Lontlres,  à  propos 
de  la  démission  ilu  mathématicien  Ilutton. 

V.x\  iSoo,  il  publia  une  dissertation  ''On  t/ie  Risoliition 
of  affectai  Algchraic  Equations''  enrichie  des  notes  et  des 
méthodes  île  divers  savants. 

Bien  (jue  notre  ancien  Procureur-Général  nous  soit 
connu  surtout  par  ses  volumineux  écrits,!  \)  Mémoires,R-:p- 
ports  sur  les  affaires  nubH([ues  du  Canada,  de  1766  à  1791, 
ce  furent  les  sciences  exactes,  le  droit  public,  la  philoso- 
phie, l'histoire  parlementaire  de  l'Angleterre  qui  fourni- 
rent un  aliment  à  sa  soif  de  tout  connaître,  et  le  champ  où 
il  cueillit  les  plus  beaux  fleurons  de  sa  Cf)nronne.  Il.'-em- 
ble  presqu'impossible  que  toas  les  travaux  littéraires  et 
scientifiques  auxquels  son  nom  se  trouve  associé.soient  éclos 
du  cerveau  d'i'.n  seul  hunitne.   Plus  d'une  fois,  il  aida  de  sa 


(Il  Li-  110111  cir  iMiiMirs.  ((iiiiiiir  aiitiiir  nu  c  ilitmi.M  r:i(t.iclic>  ;iii.\  rcril  h  suivants  .pii  li:ii 
ti'tit  (II'  iiiatln''iiiiitii'ii(w.  il'lii-it'ilii',  (11'  ilinit  imlilic,  irironinnii'  luilitiiiiic,  de  piiU  Miii|iir 
ri'liv'ii'iisi'  ; 

I.  'l'iii'  HliiiiriitH  ri(  ri.iiii' 'rritroïKiirnl  i>  ,  nilh  a  ilr'sii'tictidii  dii  ttic  liât  lUc ,  iind  ii-'.c 
(if  liiitTHiitliiiis,  ••  ITlIii.  .'■vn, 

'.'.    "  Mipiiti'si|iiii'ii.  Virwh  cif  tlii'  l'iiii^lisl)  Cciiisliliitidii  ti'aiifhitccl  \\  illi  iinti  s.  '    ITM.'-mi 

:'..   "  Tlu'  riiiuiiilis  ol'tlii'  Dociviiio  (pf  lati'  aiiiuiitii's  "■  17^:i,  1  viil  ^ — Jii. 

4.  'l'iii'  Mddi'iati'  lirtdiiiicr  ;  cr  a  iiripj.osal  In  l'niriit  sciiiic  al>iiMs  in  tlic  pi'i-fiil  csla- 
lilisliiiiciit  of'tlir  Ctiiiiili  ni  l>;ni;l  nul.  IT'M.Nvn. 

â.   Kni|iiiry  iiitn  tlic  '■xtciit  ni'  l'nv.cr  ni'  iurii's  nii  triait*  for  ('riiiiiiial  \Vnliii}it<,  I7'iJ,.''V(> 

li.   Scriiitorcs  l.niiari'liiiiici  17'iI-Imi7.  t;  vnis,  lin. 

7.  lirriiniiilli's  llDcIniii' id  ririauiatinii-  uiid  ('niriliiiiatioii-^  uitli  ;  nnii  l'riiici|il('s  ol' 
alL'clira.  17!l!i,  i^vip. 

s,  •■  IVIay's  IliHtiH'y  ot' tlic  rarliaiiitlil  nf  Kiiulaml,  svliicli  I'ilmii  W  Xnv.  lilln  ,  a  lU'Wi'di- 
tinii  witli  :i  inifai'i-  '"  l.'-'l::,   I  tn. 

il.  ■' 'l'iirci' Traits  ]>iiblislM'il  in  Anistcnlaiii  in  li!'.i|.  .iiid  twn  iiiidir  tlu'  niiin'  nf  l.i't- 
tcrs  ot' (ii'nt'ral  liUdlnw  in  l'àlinnnd  Scvninnr  aiidnllicr  |  iT^ons  :  .a  niw  rdiiimi  «iih  a 
prrfai'O  "  IHi:^,  4t(i. 

10.  •' Tlio  Irisli  Holii-llidii  ;  or  .a  Uislnrv  ni' tlic  atlcinjits  ni' ilii' Jrisli  l'aiiists  In  i  xlfr- 
imto  tlip  Proti'stants  :  tiy  Sir  .Inliii  Tciuplir;  ii  luw  édition  witli  a  prrl'acc.U  Ki,  •lin. 

II.  The  Cbvso  of  l'opcry  and  l'npifli  l'aiiis  tn  thi' Civil  (inviriimrnt  and  l'iciti  staiit 
Cliuioh  of  Kniîlanil  "  riiirintcd  in  ^  vols,  isn;. 

12.  '•  JMt'inoirs  of  tlie  iiiost  niatfiial  'rr.insacliniis  in  Kn;;laiiil,  fnr  ion  yo.irs.  iin-i'cdinu 
tlic  Ki'volutinn  in  Hit-8  "'  liy, laines  Welwnnd,  Ih^iii,  >-\t\\. 

i;i.  "  Selpct  Tracts  relatinu  tn  tlio  Civil  Wars  in  linuhuid,  teniji.  Chas.  I.  and  Croin- 
ivoll  rsurpation  "  It^l.'i,  •!  vols  '-vn.  , 

14.   "  View  of  the  aneient  l'onstitutinn  nf  tlie  i^injlisli  l'ailiaim  lit  "". 


\a:  harox  m.^skrks 


fortune,  à  la  publication  de  recherches  scientifiques  faites 
p;ir  d'autres,  et  plus  d'un  écrivain  désireux  de  f.ivoriser  la 
science  de  ses  conquêtes,  sans  en  avoir  les  moyens, 
s'adressa  au  Mécène  Anglais,  rarement  en  vain.  Ainsi, 
en  1S02,  il  fournit  à  M.  John  Ilellins  les  fonds  p»)ur  éditer 
une  œuvre  que  lui,  Masères,  admirait  fort:  la  traduction  ilu 
savant  traité  composé  par  Donna  A(;ni:si,  sous  le  titre 
Institntioiii  y  Inalytichc, 

L'arfjent.  i^  ses  yeux,  n'était  (^u'un  moyen  de  faire  une 
bonne  u'uvre.  Il  porta  en  une  occasion  le  désintéressement 
au  point  tle  prêter  pour  vinijt  ans  et  sans  intérêt,  <à  un 
écrivain  pauvre,  une  somme  de  six  mille  piastres,  pour 
publier  ses  écrits,  et  cependant,  à  sa  mort,  il  laissa  plus  de 
fortune  qu'on  avait  droit  de  le  supposer,  vu  sa  libéralité 
proverbiale. 

Pendant  son  séjour,  à  Québec,  il  put  étudier  de  près  les 
besoins  de  la  colonie,  apprécier  la  mal-administration  ou  le 
vice  du  système  judiciaire  bâtard  qui  y  existait,  se  rensei- 
gner sur  le  malaise  [:jénéral  des  anciens  et  des  nouveaux  su- 
jets, leurs  tiraillements  mutuels,  les  réformes  à  faire  dans  la 
jurisprudence  ancienne  et  nouvelle,  lîien  que  ferme  soutien 
du  trône,  il  n'hésita  pas  à  se  prononcer  contre  la  prétention 
du  Roi, sur  un  point  d'une  importance  vitale  aux  Canadiens. 
Masères,  devenu  l'rocu.-'eur-Général  de  la  l'rovince  de 
Québec,  dit  Bibaud-jeune,  "  nia  au  Koi  le  pouvoir  qu'il 
s'était  arroi^é  de  législater  pour  le  Canada,  indépen- 
damment de  son  l'arlement  ;  "  les  lois  françaises 
avaient  été  selon  lui,  les  lois  de  la  colonie,de  1/64  à  1774  ; 
l'avocat  Général  Marriott  maintenait  le  contraire. 

Ardent  ami  des  libertés  populaires,  il  avait  auprès  du 
roi  le  tort  d'être  Whig  ;  ennemi  de  l'arbitraire  et  de  l'into- 
lérance religieuse,  il  se  montra  constamment  favorable  au 
maintien  de  l'ordre  et  de  l'autorité  publique.  L'étude  des 
classiques  Grecs  et  Latins  ht  ses  délices,  en  tout 
temps.  Ses  auteurs  favoris  parmi  les  anciens  étaient 
Homère,  Lucain,  Horace:    il  les  lisait,   les    relisait  ;  il  les 


MON(»(iKAI'IIIi: 


13 


savait  par  ciour,  disait-on.  Milton,  parmi  les  niodcrncs, 
lui  était  chei-.  Il  affectionnait  fort  et  parlait  avec  pureté 
la  langue  de  ses  pères,  le  français,  mais  le  bon  vieux  fran- 
çais, siècle  Louis  XIV,  l'idiome  de  Racine,  de  Corneille 
'le  Sévigné.  Il  riait  de  bon  C(cur  de  ce  qu'il  nommait 
l'argot  parisien  et  badinait  ceux  des  émigrés  français 
qui  fréquentaient  ses  salons,  sur  leur  famélique  accent  mo- 
derne, tout  en  les  comblant  de  bons  procédés  ;  sa  bourse 
et  sa  table  étaient  à  leur  disposition  ;  on  y  voyait,  disent 
les  Mémoires  du  temps,  des  Archevêques,  des  Kvêques  et 
autres  membres  éminents  du  clergé  échappés  à  la  guil- 
lotine de  Robespierre.  On  y  remarquait  surtout  un  mem- 
bre du  Parlement  de  Taris,  banni  de  I'"ranct;,  lequel  trou- 
va pour  lui  et  sa  famille  une  affectueuse  hospitalité  à  la 
villa  de  Masères,  à  Reigate. 

Si  le  baron  Masères  abhorrait  les  nivcleurs  de  93  et  les 
doctrines  subversives  de  \''oltair  e,  1  sut  néanmoins  appré- 
cier les  bons  écrits  de  l'auteur  de  Zaïre,  etc.  Sans  morgue, 
d'une  intégrité  inflexible,  doué  d'un  heureux  tempéram- 
ment.d'une  humeur  enjouée  et  égale,  hospilalier  à  l'extrême, 
il  n'avait  pas  de  plus  grande  jouissance  que  de  s'entourer 
dans  sa  charmante  résidence  de  compagne,  de  quelques 
amis  lettrés  comme  lui,  surtout  de  mathématiciens.  Le 
dogmatisme  tranchant,parfois  brutal  du  ctilèbre  Dr  Samuel 
Johnson  lui  agaçait  les  nerfs  :  une  fois  il  rencontra  le  vieil 
ours  chez  son  libraire.  Le  bénédictin  de  Londres  se  mit 
comme  à  l'ordinaire  à  fronder  les  auteurs  contemporains, 
entr'autrcs  Ilumc  et  Voltaire  :  c'en  fut  assez.  Il  déclara 
qu'il  ne  désirait  jamais  rencontrer  Johnson. 

On  cite  parmi  ses  amusements  le  jeu  d'échecs.  Il  savait 
perdre  la  partie  avec  tant  de  bonhomie  qu'un  de  .-^es  amis 
disait  de  Masères,  qu'il  était  le  seul  joueur  de  ses  connais- 
sances sur  la  figure  duquel  on  ne  pouvait  lire  une  vic- 
toire ou  une  défaite. 

Esprit  pratique,  il  préférait  à  la  méthode  de  démonstra- 
tion philosophique  de  Newton,  celle  de   Huyghens  et  de 


w 


maam 


H 


l.V.    HAROX    .N[ASKRKS 


Galilée,  comme  étant  plus  claire  et,  partant,  plus  à  la  portée 
de  la  jeunesse. 

Les  mémoires  du  temps  revêlent  le  "  Vétéran  de  'a 
science",  dans  l'intimité  du  foyer,  sous  un  aspect  affectueux 
et  qui  rappelle  la  piété  et  la  simplicité  révérentieuse  de 
l'illustre  Newton,  lequel  par  respect  pour  l'Etre  suprême 
qu'il  nommait '"le  gentUhomme  d'en  haut,  "  ne  prononçait 
jamais  son  nom  sans  se  découvrir. 

Il  pratiqua  jusqu'à  sa  dernière  heure  le  train  de  vie  digne 
et  rangé,  l'exquise  politesse,  la  mise  simple  mais  soignée 
des  hommes  de  robe  des  anciens  jours,  portant  le  tricorne, 
la  grosse  perruque  poudrée,  le  blanc  jabot,  etc. 

A  qui  aime  à  repeupler  le  vieux  Québec  de  ceux  qui 
en  parcouraient  j^dis  les  rues  en  chair  et  en  os,  l'imagina- 
tion ne  peut  manquer  de  rappeler  parmi  les  scènes  de  cette 
ère  \'oisine  du  grand  siège,  lorsque  527  édifices  publics  et 
privés  démolis  par  les  bombe-*  de  Wolfe  et  de  Saunders, 
avaient  surgi  de  leurs  cendres,  la  douce  figure  du  courtois 
fonctionnaire  se  dirigeant  par  la  place  d'Armes  vers  le  Châ- 
teau, ou  par  la  côte  du  Palais  vers  l'Intendance.en  quête  des 
documents  confiés  à  l'archiviste  j.  A.  Panet  :  brefs  de  com 
niissions,octrois  du  domaine  public,  patentes  de  noblesse 
française,  pour  le  guider  dans  son  important  travail(i)  ;  oU' 
bien, causant  avec  le  juriste  Cugnct,  au  coin  d'une  rue,  sur 
la  coutume  de  Paris  ;  ou  bien  assistant  aux  séances  du  Con- 
seil Supérieur  présidé  par  le  Uauverucur  de  la  colonie  ;, 
ou  bien  encore,  qui  sait,  à  l'instar  de  nos  laborieux  honnnes 
de  robe  d'aujourd'hui,  se  procurant  l'exercice  ou  l'agrément 
de  la  promenade  quotidienne,  obligée,  sur  la  (irai/âe  Allct 
ou  chemin  St-Louis. 


(1)  "An  aci-'Diuit  iil'tlii.'  iii>liU'9si'  or  (ifiitry  in  ('aii:iil.i. 


il 


William  Smith,  Historien 
1769-1S47. 

William  Smith,  le  second  fils  du  juge  William  Smith  de 
Québec,  naquit  à  New -York,  le  7  février  1769,  la  môme 
année  que  Napoléon.  Il  fut  envoyé  à  Londres,  où  il  acquit 
son  instruction'  à  "  Kensington  Granimar  School  '  ;  le 
23  octobre  1786,  il  débarquait  à  Québec  avec  son  père, 
fameux  loyaliste — qui  avait  été  nommé  juge  eu  chef  du 
Bas-Canada,  'e   1er  septembre  1785. 

Afin  de  faire  connaître  l'entourage  et  le  milieu  social  où 
s'écoula  la  jeunesse  du  futur  historien,  il  n'est  pas  hors 
de  propos  d'esquisser  ici  rapidement  la  carrière  et  les  anté- 
cédents de  son  savant  père. 

L'honorable  juge  en  chef  Smith  naquit  à  New- York,  le 
iS  juin  1728.  Il  suivit  un  cours  classique  au  collège  Yale, 
dans  le  Connecticut,  où  il  passa  plusieurs  années  ;  il  s'y 
distingua  surtout  par  ses  profondes  connaissances  du  Grec 
cr  même  de  l'IIébrcux,  ainsi  qnc  par  ses  aptitudes  pour  les 
mathématiques.  Nommé  d'abord  membre  du  conseil  de 
Sa  Majesté,  le  roi  de  la  Grande-Bretagne,  il  fut  fait  plus 
tard  juge  du  Banc  du  Roi  pour  la  province  de  la  Nouvelle 
York  ;  finalement,  il  atteignit  la  haute  dignité  de  juge  en 
chef  de  la  Nouvelle  York,  le  24  avril  1780.  Lorsque  la 
révolte  des  colonies  éclata,  il  se  distingua  par  sa  fidélité  au 
Roi  ;  plus  tard,  il  sacrifiait  courageusement  son  avenir  et 
quittait  New-York  dans  le  même  vaisseau  qui  portait  les 
troupes  de  Sa  Majesté,  ainsi  qae  notre  gouverneur  aimé, 
Sir  Guy  Carleton.  M.  Smith  débarquait  à  IMymouth, 
le  16  janvier  1784.  Pour  récompenser  sa  loyauté,  ses 
services  à  la  couronne,  et  vu  ija  grande  science  légale  et  ses 
éminentes   qualités   personnelles,    George  III  le   nomma 


i6 


WILLIAM   SMITH 


juge  en  chef  du  Bas-Canada.  Il  accompagna  son  ami  Lord 
Dorchester  au  Canada,  dans  la  frégate  "  Thistle.  '' 
Tout  deux  débarquaient,  le  23  octobre  i786,  sous  le 
Cap-aux-Diamant^  :  l'un  pour  s'installer  avec  pompe  au 
Château  St-Louis,  l'autre  en  quête  d'une  résidence  conve- 
nable pour  un  juge  en  chef,  venu  des  vieux  pays.  A  en 
juger  d'après  le  contenu  d'une  longue  et  curieuse  lettre 
qu'il  adressait  cette  automne  là  à  sa  femme,  Janet 
Livingston,  à  New- York,  il  était  assez  difficile  de  se 
procurer  ici  parmi  les  maisons  à  louer — un  logement  con- 
venable à  son  rang  et  au  train  de  vie  qu'il  était  accoutumé 
de  mener. 

Nous  ne  pouvons  nous  refu-er  le  plaisir  de  citer  un 
passage  ou  deux  de  cette  letcre  (reproduite  tn  extenso  à  la 
page  388  de  Picturesquc  Qitcbcc,)  laquelle  tout  en  jetant 
du  jour  sur  les  goiiîs  litt<^raires  du  jeune  historien,  lève  le 
voile  qui  enveloppe  les  allures  sociales  du  monde  fashiou- 
able  de  la  vieille  capitale  au  temps  où  florissait  le  juge-en- 
chef  Smith. 

"  Québec,  10  décembre,  17S6 

Ma  chère  Janet, 

**  Je  n'ai  pu  encore,  dit-il,  trouver  un  logement  conve- 
nable pour  louer. 

"  \\\  nous  faudrait  un  salon — une  chambre  à  dîner —  une 
pièce  pour  ma  bibliothèque — une  chambre  à  coucher  pour 
nous — une  pour  nos  filles — une  chambre  à  coucher  pour 
Haie  et  William — une  autre  pour  votre  lh>n!>t  (house- 
keeperj  et  une  autre  pour  votre  coifîeuse.  Moore  et  un 
autre  serviteur  occuperaient  la  huitième  pièce.  Je  doute  si 
parmi  les  maisons  à  louer,  à  Québec,  il  s'en  trouve  une 
comme  cela  ;  sans  parler  du  logement  qu'il  nous  faudrait 
pour  nos  serviteurs  secondaires — lesquels,  je  pense,  de- 
vraient être,  de  préférence,  des  nègres  que  nous  ferions  ve- 
nir de  New-York  ;  ils  nous  causeraient  moins  d'embarras. 
Je  donne  à  mon  serviteur  Thomas  24  guinées,  et  cela  réuni 
au  salaire  de  trois  serviteurs  que   vous   ferez   venir   d'An- 


MONOGRAPHIE 


17 


gleterre,  portera  cet  item,  à  £100  sterling  par  année.  Si 
vous  emmenez  avec  vous  des  nègres,  de  New- York,  tâchez 
que  ce  soit  des  gens  fiables.    Pour  le  service  de  la  table,  il 

nous  fnudra  constamment  quatre  valets  bien  mis 

{puis  il  discourt  de  la  politique  chez  nos  voisins.)  "  Notre 
hiver  est  commencé  et  cependant  je  ne  le  réalise  pas.  Les 
poêles  du  Canada,  disposée  dans  les  passages,  tempèrent 
l'air  par  toute  la  maison.  Je  m'assieds  d'ordinaire  au  coin 
de  la  cheminée — ce  qui  me  donne  71  à  72  degrés  du  ther- 
momètre :  c'est-à-dire  une  température  d'été.  La  carriole 
couverte,  le  casque  en  pelleterie  et  le  pardessus — ce  sont 
là  des  objets  de  Inxe  dont  l'on  se  sert  en  voyaffe  seule- 
ment. La  carriole  ordinaire  suffit  en  ville.  La  réception 
officielle  de  jeudi  dernier  le  prouve  :  cinquante  dames  en 
coiffures  brillantes,  et  pas  un  ruban,  pas  une  boucle  déran- 
gée. Tout  se  passa  d'aptes  l'étiquette  anglaise,  excepté  la 
cérémonie  du  baiser  (the  ceremony  of  kissing)  que  Milord 
D  (Dorchester  ?)  se  réserva  à  lui  seul. 

"Son  aide-de-camp  escorta  Ici  dames  à  travers  une  salle 
où  lui  et  moi  .nous  les  attendions.  Elles  reçurent  le  baiser 
sur  les  deux  joues  et  furent  reconduites  au  salon  du  châ- 
teau, en  arrièi»e,  où  nous  nous  réunîmes  quand  la  foule  eut 
diminué.  Les  messieurs  entraient  par  une  autre  porte. 
Puis,  on  servit  le  thé  ;  i)U  s  vint  le  jeu  de  cartes,  etc.,  le  tout 
jusqu'à  dix  heures.  Je  laissai  votre  fils  à  la  fête,  pour  entre- 
tenir la  beauté  du  bal — une  d  ime  Williams,  épouse  du 
major  Williams  et  fille  de  Sir  Joh  1  Gibbons,  de  Windford, 
— une  personne  de  gentilles  manières  et  de  bonne  maison. 
Nous  dansâmes  ce  jour-là  aussi  chez  !e  Lt -Gouverneur,  la 
général  Hope,(i)que  vous  avez  du  connaître.  Il  fréquentait 
alors,  comme  le  Col.  Harry  Hoi)e,  le  salon  du  général 
Robertson  ;  il  est  neveu  de  Lord  Hopetown,  en  Ecosse, 
et  de  Lord  Darlington  ('par  le  second  mariage  de  sa  mère) 
en  Angleterre.  Sa  table  est  montée  dans  un  excellent 
goût. 


(1)  Le  gouverneur  Hope  expira  ùl  Québec  en  1787— ce  fut  lui  qui  permit  aus  Canadien» 
de  bâtir  la  Porto  Hope  ou  de  la  canoterie,  rasée  en  1S71 — elle  portait  son  nom. 

ii 


r8 


WILLIAM    .SMITH 


"  William  (le  futur  historien)  qui  sait  ie  latin  et  le  français 
mieux  que  sa  propre  langue,  m'importune  pour  lui  acheter 
une  collection  desClassiques  :  achetez  la  lui,si  vous  le  pouvez, 
au  moyen  d'une  traite  de  £is  sterliug  que  vous  m'enver- 
rez dans  une  lettre  à  Ryland. 

"  Il  y  a  ici  une  bonne  bibliothèque  et  mes  amis  en  ont 
aussi  :  i) 

Puis  l'honorable  juge  communiquait  à  sa  fidèle  moitié 
plusieurs  rumeurs  et  nouvelles  affectant  les  "Whigs  améri- 
cains, "  et  terminait  sa  missive  avec  les  mots  suivants  : 
"Adieu  !  "  The  broad  hand  of  heaven  protect  you." 

\V.  S. 

Le  juge  en  chef  Smith    a  lui  aussi  légué    à  la    postérité, 

en  outre  de  ses  écrits  judiciaires,  un  travail  historique   fort 

recherché  de  nos  jours  parmi    les   bibliophiles  :  "  History 

oft/ic  -l^rovincc  of  Ncxv-  York,  froin  thcfirst  scttlannit   to  tJic 

ycar  1734,  "  grand  in-folio. 

Il  joua  un  rôle  fort  important  dans  les  assemblées  publi- 
ques où  s'élaborait  le  programme  de  l'union  d»  s  colonies 
en  Amérique.  <3n  a  étéjusqu'à  dire  qu'il  conçut  le  plan 
de  constitution  qui  régit  maintenant  l'union  américaine. 
Une  feuille  de  l^oston,  en  1825,  contenait  le  trait  suivant  : 

{From  thc  Boston  Mirror,  1825,^) 

'-  The  foUowing  was  related  by  Dr.  Mitchell  iiimself,  and  \ve 
wouch  for  its  authenticity  : 

•'  Anecdote  of  William    Smith,  Esqiiirc,  the   historian  of  New 
York,  and  the  late  chief  justice  of  I.ower    Canada,  rccommended 
to  American  histcrians. 

"  This  éloquent  nian,  having  been  an  adhèrent  to  the  royal 
cause  during  the  révolution,  lefc  ihe  city  of  New-York  in  17S3, 
with  the  British  Troops,  and  was  afterwards  rewarded  by  his 
sovereign  with  a  high  jiidiciary  office  at  Québec.  Judge  Smith, 
although  thus  removed  from  Ihe  place  of  his  origin,  ahvays  con- 
templatod  the  politics  of  his  native  coimtry  with  pecuhar  solici- 
tude. 

'•  One  evening  in  the  year  17S9,  when  Dr.  Mitchell  was  in 
Québec,  and  passingthe  evening  at  the   chief  jusdce's  house,  the 

(1(  Cette  bibliothùque  a  dû  être  la  Çuetec  ii6rnri/,  tàbliotht'que  publique  fondée  en 
1779,  par  Lord  Dorchtster  et  incorporée  en  16C9,  dans  celle  de  la  nociHé  Hitéraire  et 
historique. 


MON'OGRAiilIË 


•9 


leading  subject  of  conversation  was  the  new  fédéral  consiitution 
then  under  the  considération  of  the  States,  on   the  reconimenda- 
tion  of  the  convention,  which  sat  at  Philadelphia,    1787.    Mr 
Smith,  who  had  been  somewhat  indisposed  for  several  days,  reti- 
red  to  his  chamber  with   Mr  Grant,  one  of  the  members  of  the 
législative  coimcil,  at  an  early  hour  ;  in  a  short  time,  Mr  Grant 
came  forth  and  invitcd   Dr    Mitchcll,  in   Mr   Smith  s  name,  to 
walk  from  the  parlour  into  Mr  Smith's  stiidy,  and  sit  with  them. 
Mr  Mitchell  was  conducted  to   a   sofa  and  seated  besides   the 
chief  justice,  before  whom  stood  a  table,  supporting  a  large  biui- 
dle  of  papers.  Mr  Smith  resmned  the  subject  of  American  poli- 
tics,  and  untied  his  papers  ;  after  searching  among  them  a  while,. 
he  unfolded  a  certain  one  which,  he  said,  was   written    about  the 
time  the  colonial  commotions grew  violent  in  i-;75,and  contained 
a  plan  or  system   of  government,   sketched     ont     by    hiraself 
then,  and  which   nearly    resembled    the  constitution    afterwards- 
proposed  by  the  fédéral  convention   of  the    L'nitcd  States.     He 
then  read  the  contents  -  the   pièce   was  long   and  elaborate,  and 
written    with  much  beauty   and   spirit. —  *'  This,  sir,    (added  he,. 
after  tinishing  it,)  is  the   copy  of  a  letter.  which  I  sent  to  a  mem- 
ber  of  Congress  m  1775,  w]io  was  an  intimate  friend  of  Gênera'. 
Washington.  You  may  trace   to   this    source   the   sentiments    in 
favor  of  a  more  energetic  govermnent  for  your  country,  contained 
m    the     comm^mder    in   chief's  circular   letter,    and    from    this 
îhere  can  be  no  douI)t  that  ihe  citizens   of  ah  the    States  derived 
their  leading  hints  for  your  new  forni  of  governnient."    Thus  you 
see   the  great   and  original  outlitie   of  your   national    constitu- 
tion were  drawn  by  a  ma",  \\hom  the   laws   of  his   native   land 
proscribcii  and  forced  away  from  its  shores  "' 

Il  est  même  possible  que  si  !-i  roi  eût  adopté  le  plan  de- 
réforme  et  de  gouvernement  que  M.  Smith  lui  soumit 
avant  1774,  le  lien  colonial  eût  duré  quelques  années  de 
plus.  Doué  par  la  nature  d'une  grande  éloquence,  éminent 
légiste,  chrétien  fervent,  l'honorable  juge  était  lié  d'amitié 
avec  plusieurs  des  écrivains  les  plus  distingués  d'alors — 
entr'autrcs  avec  le  célèbre  historien  de  l'Amérique, 
Robertson  ;  sa  lidélité  au  roi  ni  valut  l'emprisonnement 
dans  le  manoir  Livingston  ;  plus  tard,  il  fut  élargi  et 
envoyé  comme  cartel,  à  New- York. 

Il  avait  épousé  le  8  novembre  1752,  Janet,  fillede  James 
Livingston,  de  New-York.  Une  de  ses  filles  devint  plus 
tard  l'épouse  du  juge  en  chef,  l'honorable  Jonathan  Sewell.. 

Le  juge  en  chef  Smith  rendait  l'âme,  à  Québec,  le  6 


20 


WILLIAM    SMITH 


il. 


décembre  1793,  dans  la  même  maison  où  expirait  en  1847 
son  fils — c'est  maintenant  la  résidence  du  shérif  AUeyn, 
Tue  Saint  Louis.  Le  prince  Edouard,  quatrième  fils  de 
George  III,  duc  de  Kent,  et  père  de  notre  Souveraine, 
itaisait  partie  du  cortège  funèbre  du  savant  juge. 

Le  juge  Smith  était  aussi  propriétaire  du  site  sur  la  rue 
St-Louis,  occupé  maintenant  par  la  somptueuse  demeure  que 
son  gendre,  le  juge  en  chef  Sewell,  y  construisit  plus  tard,  ci- 
devant  l'Hôtel  du  Gouvernement.Telle  fut  la  carrière  d'abord 
troublée,  plus  tard  bien  remplie,  du  juge  en  chef  William 
Smith  :  tel  vécut,  tel  expira  le  respecté,  l'érudit,  le  fastueux 
père  du  futur  historien  du  Canada,  l'hon.  juge  en  chef 
William  Smith. 


*  * 

* 


Quand  le  jeune  Smith  mit  le  pied  sur  le  sol  canadien,en 
1786,  il  n'avait  pas  dix- sept  ans. 

On  a  pu  voir  que  si  ses  goûts  littéraires  lattiraient  vers 
l'étude  des  classiques,  sa  naissance,  sa  jeunesse,  ses  manières 
courtoises  lui  avaient  ouvert,  dès  le  début,  la  porte  des 
salons  de  Lady  Maria  Dorchester,  au  château  St-Louis. 

Il  est  permis  de  croire  qu'avec  l'élite  de  la  société  du 
temp?,  il  fit  acte  de  présence  aux  brillantes  réceptions 
officielles  et  aux  feux  d'artifice  organisés,  le  21  août  1787, 
par  Son  Excellence,  on  honneur  de  la  visite  du  troisième 
fils  du  roi —  le  jeune  prince  William  Henry,  duc  de 
Clarence — couronné  en  1827,  comme  Guillaume  IV — ^jour 
de  gala  pour  la  ville  entière.  Le  royal  niidshipman  laissa 
des  souvenirs  assez  galants,  à  Québec.  On  est  toutefois 
surpris  de  ne  pas  rencontrer  le  nom  de  William  Smith, 
inscrit  à  côté  de  celui  du  juge  en  chef,  son  père,  sur  la  liste 
de  ceux  qui  accoururent  au  château  St-Louis,  le  6  avril 
1789,  à  l'invitation  de  Lord  Dorchester,  pour  fonder  sous 
ses  auspices  une  société  d'agriculture.  La  Gazette  de  Québec 
de  cette  année  là  contient  le  rôle  des  personnages  marquants 
des  deux  nationalités  qui  tinrent  à  honneur  de  seconder  le 


MONOGRAPHIE 


21 


gouverneur  en  chef,  dans  sa  généreuse  entreprise.  Milord 
Dorchester  étai',  et  à  bon  droit,  estimé  de  tout  le  monde.. 
Il  est  toutefois  possible  que  la  lecture  des  "  Classiques  "" 
et  la  vie  de  salon  avaient  plus  d'attrait  pour  un  jouvenceau 
de  vingt  printemps,  en  parfaite  santé»  que  de  graves  disser- 
tations sur  l'agronomie,  sur  l'amélioration  des  races  bovines 
et  la  création  de  concours  aratoires  !  Suivons  donc  la  foule 
qui  va  s'inscrire  au  château  St- Louis,  fière  de  seconder  le 
gouverneur,  le  "  sauveur  de  la  colonie,  "  Lord  Dorchester, 
dans  son  patriotique  projet  :  nous  y  trouverons  une 
excellente  occasion  de  faire  connaissance  avec  le  personnel 
de  ce  vieux  Québec  de  1789 — déjà  si  loin  de  nous — auquel 
le  futur  historien  de  la  colonie  restera  identifié  pendant 
soixante  ans  et  plus. 

Bien  que  l'on  se  plaise  à  répéter  qu'il  y  avait  peu  ou 
point  d'entente  entre  les  deux  races  qui  se  disputaient  lesoï 
— les  anciens  et  les  nouveaux  sujets, —  on  ne  s'en  douterait 
guère  à  en  juger  par  les  noms  accoles  à  la  liste  de  la 
Gazette  de  Québec  : 


17S7. 


KOLi:  DES  MEMBRES   DE  LA   SOCIÉTÉ    D'AGRICULTURE    DE 

<,)UEBEC   EN    17S9. 

Révd  Philippe  Tosey,  chapelain  militaire  ;  T.  Monk, 
procureur-général  ;  G.  E.  Taschereau,  Peter  Stewart 
Malcolm  Fraser,  William  Lindsay,  J.  B.  Deschencaujohn 
Lees,  J.  Renaud,  Mathew  Lymburner,  John  Blackwood, 
M.  L.  Germain,  A.  Panet,  P.  L.  l^anet,  A.  DeGaspc,. 
St-Jean  Port  Joly  ;  M.  01.  Ayhvin  ;  l'Evêque  de 
Québec  ;  M.  Bailly,  coadjuteur  ;  Dr.  T.  Mervi-i  Nooth, 
Henry  Motz,  Jenkins  Williams,  Isaac  Ogden,  j  ge  de 
la  cour  de  Vice-Amirauté  ;  Messire  Panet,  curé  de 
1^  Rivière  Quelle  ;  Sir  Thomas  Mills,  François  Danibourgès, 
Capt,  Fraser,  34e  bat.,  Cenelm  Chandler,  J.  F.  Cugnet,  J. 
F.,  M.Pierre  Florence,  Rivière-Ouelle  ;  Capt.  Rotson,  T. 
Arthur  Coffin,  Capt.  Chas.  St-Ours,  Aug.  G  lapion,  supérieur. 


22 


WILLIAM    SMITH 


!|ï' 


des  Jésuites  ;  A.  Hubert,  curé  de  Québec  ;  Juchereau 
Duchesnay,  L.  de  Salaberry,  P.  Panet,  P.  C,  M.  Gravé, 
sup.  du  séminaire  ;  John  Craigie,  Berthelot  D'Artigny, 
Perrault-l'aîr.é  ;  George  AUsopp,  Robert  Lester,  Alex. 
Davidson,  le  juge  en  chef  Smith,  les  honorables  Hugh 
Finlay,  Thos.  Dunn,  Ed.  Harrison,  John  Co  lins.  Adam 
Mabane,  J.  G.  C.  De  Léry,  Geo.  Pownall,  Henry  CaldweU, 
William  Grant,  François  Baby,  Samuel  Holland,  George 
Davidson,  Chs.  De  Lanaudière,  Lecompte  Dupré,  Major 
Mathew.  " 

Cette  liste  résume  à  peu  près  tout  ce  qu'il  y  avait  de 
plus  distingué  dans  ou  autour  de  la  vieille  capitale,  en 
1789  :  l'Etat,  le  clergé,  la  robe,  le  commerce,  les  professions, 
jusqu'au  sport,  rien  n'y  manque,  car  Sir  Thomas  Mills, 
l'hon.  dis.  De  Lanaudière,  le  Capt.  St.  Ours,  étaient  des 
sportincn  de  haute  pègre  •  le  cheval  De  Lanaudière, 
Corbeau,  la  jument  de  Sir  Thomas  Mills,  Coquette,  et 
Niagara,  le  coursier  du  capt.  St-Ours,  ont  fait  parler  d'eux 
cette  année  là.  (voir  la  Gazette  de  Quebee). 

On  est  charmé  de  voir  tant  de  noms  distingués  sur  l' 
rôle  de  la  première  société  d'agriculture,  fondée  àQi'ébec  : 
De  Salaberry,  Juchereau  Duchesnay,  Panet,  Taschereau, 
Dambourgès, —  le  héros  du  Sault-au-Matelot  ;  Berthelot 
D'Artigny,  Perrault,  l'aîné, — le  vieux  négociant  français  de 
l'anci'în  régime,  qui  avait  son  comptoir  sur  la  rue  Saint- 
Pierre — J.  B.  Desclieneau,  ci-devant  propriétaire  de  vastes 
voûtes  et  magasins,  sur  le  site  où  la  Banque  de  Québec  fut 
co'istruite  en  1S62 — A.  De  Gaspé,  seigneur  de  St-Jean 
Port  Joly,  qui  avec  ses  collègues,  AL  Couillard,  seigneur  de 
St.  Thomas,  et  De  Beaujeu,  seigneur  de  l'Ile  aux  Grues, 
accompagnés  du  belliqueux  curé  Bailly,  (i)  conduisaient 
un  détachement  de  milice  pour  porter  secours  à  Lord 
Dorchester,  bloqué  dans    Québec    par    les  Bostonnais,    en 


(1)  Messiro  Bailly  iirav^mont  blessj  ii  ce   malhoiiroux    combat,  expira  à   ^Hl^l)ital•' 
iflùiii'ral  le  :!()  mai  17i)4.     Ou  y  voit  son  buste  de  Kraiuljur  naturelle,  copié  plus   tant    pa 
M.  l'huuondou.     Il  fut  iiiliMiu.)A  In  l'ointe  aux  Tremblas,  pr;'s  QuObin.'. 


MOXOGRAl'IHK  23 

1775  : —  Le   colonel  Lecompte  Dupré,     la    terreur     des 
Yankees  : — F'rançois  Bab>,  les  dfux  avocats  Cugnet. 

L'Eglise  et  la  haute  éducation  sont  représentées  par 
l'Evêque  de  Québec  et  son  coadjuteur,  le  martial  Messire 
Bailly,  évidemment  membre  de  l'église  militante, 
évêqne  de  Capse — mort  en  1794  ;  le  bon  curé  Hubert, 
victime  en  1792,  d'un  si  triste  naufrage,  en  face  de  Québec  ; 
le  père  Glapion,  supérieur  des  Jésuites  ;  Messire  Gravé, 
supérieur  du  séminaire  des  Missions  Etrangères,  Messire 
Panet,  curé  de  la  rivière  Quelle,  plus  tard  évêque  de 
Québec. 

Puis,  vient  toute  un-*  troupe  de  hauts  dignitaires  :  le 
juge  en  chet  Smith,  le  juge  Isaac  Ogden,  le  procureur- 
général  Monk,  le  solliciteur-général  Jenkins  Williams, 
Thon.  Hugh  Fitday,  député-maître  des  postes,  le  successeur 
du  fameux  Benjamin  Franklin,  Ths.  Dunn,  président  du 
"Conseil,  l'hon.  Adam  Mabane,  juge  intègre  et  méîecin  dé- 
voué, dont  notre  vieil  ami,  M.  l'abbé  Bois,-  nous  a  donné  une 
intéressante  biographie,  l'hon.  Mathew  Lymburner,  négo- 
ciant distingué  i'hon.'Georo'e  Pownall,  secrétaire-provin- 
cial, Thon.  Williant  Grant,  l'époux  de  la  baronne  de  Lon- 
gueuil  :  tous  deux  ont  laissé  leur  nom  h.  deux  rues  du  fau- 
bourg Saint-Roch,  la  rue  Grant  et  la  rue  Uaroniic.  On  voit 
encore  des  traces  de  leur  magnifique  manoir  et  de  leur  parc, 
à  l'ouest  de  la  manufacture  de  meubles  de  M.  J.  O.  Val- 
lièrcs,  rue  Saint- Valier  ;  l'hon.  Samuel  HoUand,  le  compa- 
gnon d'armes  deWolfe,  aux  Plaines  d'Abraham,  arpenteur 
•et  ingénieur  militaire,  en  renom  ici  et  cà  1  Ile  du  Prince- 
Edouard. 

MatheT\-  Lymburner,  Peter  Stewart,  John  Lees,  John 
Blackwood,  Ob.  Ayluin,  Robert  Lester,  représentaient  le 
haut  commerce. 

Saluons  Alexander  Davidson,  plus  tard  paie-maître  de 
Lord  Ne'son  et  son  am'  ;  le  même  qui  en  1782,  arracha 
presque  de  foro^  l'impressionnable   et    vaillant    marin  au 


24 


WILLIAM    SMITH 


doux  sourire  d'une  Juliette  Ccanadienne,  Mi -s  Simpson,  la 
beauté  sans  pareille  de  Québec  ;  puis,  le  major  Muthcws, 
secrétaire  de  Lord  Dorchester,  le  même  qui  plus  tard 
épousa  la  ravissante  Hélène  de  Lord  Nelson. 

Mais,  je  m'arrête,  car  cette  liste  des  agricu  teurs  émé- 
rites  de  Québec,  en  1789,  nos  vénérés  ancêtres,  me  fourni- 
rait matière  pour  un  robuste  ///  quarto  de  chroniques  et  de 
mémoires  des  anciens  jour-. 


*  * 


Une  autre  mesure  d'une  incontestable  utilité  publique 
signala  encore  l'année  I7<S9:  l'ouverture  du  grand  pont 
sur  la  rivière  St-Charles,  ceuvre  que  Lord  Dorchester 
honora  de  sa  puissante  protection,  et  qui  avait  pour  objet 
de  relier  la  rive  nord  (Beauport,  Charlesbourg,  etc.,)  à  la 
cit^,  au  lieu  de  l'ancien  bac  du  régime  français  ;  ce  pont 
prit  le  nom  de  Son  Excellence,  qu'il  a  conservé  depuis.  Il 
fut  placé  plus  près  du  site  du  pont  liickell  ;  plus  tard,  on  le  , 
nomma  le  vieux  pont,  quand  le  pont  actuel  lui  succéda,  en 
1822. 

Le  futur  historien  fit  sans  doute  acte  de  présence  à  cette 
fête. 

Un  autre  incident  qui  dut  fort  intéresser  la  famille 
Smith,  ce  fut  l'arrivée  à  Québec,  le  7  août  1791,  dans  le 
vaisseau  de  guerre  Résistance,  du  Prince-Edouard,  le  fils 
du  roi  de  la  Grande-Bretagne,  George  IH,  le  protecteur 
avoué  de  l'hon.  juge  en  chef  Smith.  Il  y  eut  lever  au  châ- 
teau et  bal  ;  le  monde  fashionabUy  agité  et  intrigué,  se 
pressait  à  la  réception  officielle.  Une  question  d'un  inté- 
rêt majeur  chez  \ts  grands  de  l'époque  se  présentait.  Se 
Excellence  recevrait-il  le  Prince-Edouard  seul,  ou  souhai- 
terait-il aussi  une  bienvenue  officielle  à  la  belle  comtesse 
française,  Alphonsine  Bernardine,  Julie  Mongenet,  de  St 
Laurent,  veuve  du  col.  de   Fortisson,    (i)    que    l'on  disait 


(1)  La  belle  comtesse  vécut  vinçtt-huit  ans  avec  le  prince  Kdouaril,  le  père  de  notre  Sou- 
veniine.  Elle  fut  traitée  avec  tous  les  égards  dus  l't  une  légitime  épouse.  L'année  du  mariage 
du  Princa,  en  1818,1e  Col.  de  Koteniburg,  mentionne  dans  une  lettre,  à  M.  de  Salaberry  quo: 
madame  St-Luurent  se  retira  cette  année  1&  dans  un  couvent,  en  France. 


monograpuil 


25- 


être  l'épouàe  du  Prince,  en  vertu  d'une  de  ces  alliances 
morganatiques,  usitées  au  siècle  dernier?  Le  débat  sur 
cette  question  de  légitimité  devint  encore  plus  vif,  lors- 
que l'on  apprit  que  l'évèque  de  Capse  avait  accepté  ma- 
dame de  St-Laurent,  le  2  juillet  1792,  pour  marraine 
d'un  des  fils  de  Salaberry. 

Il  y  avait  pourtant  pour  les  bons  citadins  de  Québec  en 
1 791,  d'autres  préoccupations,  d'autres  sujets  moins  gais 
au  milieu  des  réjouissances  publiques,  en  l'honneur  du  fils 
du  roi,  qui  devait  faire  de  Québec  le  lieu  de  sa  résidence 
pour  trois  années  consécutives.  De  temps  à  autre,  le  pa- 
quebot apportait  d'alarmantes  nouvelles  d'outre-mer.  \Jn 
vieux  trône,  une  noble  lignée  jadis  l'idole  de  la  cité  de 
Champlain,  s'écroulait  avec  un  épouvantable  fracas  sur  les 
rives  de  la  Seine.  Le  ciel  était  gros  d'orages  ;  le  drapeau 
rouge  devait  être  bientôt  arboré  là  où  avait  flotté  pendant 
une  longue  série  de  siècles  le  pavillon    aimé  de  St.  Louis. 

N'y  avait-il  pas  aussi  une  autre  surprenante  rumeur  ? 
Celle  d'un  nouveau  pacte  politique,  d'une  constitution 
nouvelle,  incomprise  de  la  majorité  du  p-'uple  :  la  consti- 
tution de  1791  avec  son  régime  représentatif?  Quelle  part 
le  juge  en  chef  Smith,  le  faiseur  de  constitutions,  eût-il 
dans  ce  changement  ?  Que  pensa-t-il  de  la  première  réu- 
nion de  notre  législature  en  décembre  1792  ?  Quelle 
opinion  exprima-t-il  à  son  fils,  le  futur  historien,  sur  cette 
nouvelle  phase  de  nos  destinées  ?  Quelle  influence,  si  au- 
cune, ce  père  chéri,  érudit,  expérimenté,  a-t-il  exercé  sur 
les  appréciations  que  le  fils  fit,  plus  tard,  des  principaux 
événements  de  nos  atmales  ? 

Voilà  autant  de  questions  à  résoudre. 


*     * 

* 


Le  jeune  William  Smith,  en  1791,  avait  atteint  sa 
vingt-deuxième  année.  Il  a  donc  dû  jouir  de  facilités,, 
toutes  spéciales  pour  étudier  et  approfondir  les  caus^'s  et 


■26 


WII.MA.M    SMITH 


t 


les  circonstances  qui  avaient  présidé  à  la  nouvelle  consti- 
tution de  1791,  cela,  sous  l'œil  et  l'inspiration  immédiate 
de  son  illustre  père  qui  y  avait  eu  une  large  part.  Le  projet 
de  la  nouvelle  loi  avait  été  préparé  par  le  secrétaire  d'ICtat, 
William  Windham  Grenville.on  conformité  aux  instructions 
qu'il  avait  reçues  du  Conseil  Privé  ;  puis,  renvo\-é  à  Lord 
Dorchester  pour  être  revu  et  amendé,  avec  injonction  de 
consulter  le  juge  en  chef  Smith.  Après  mûres  délibérations, 
Son  Excel'ence  et  son  aviseur  firent  subir  à  la  mesure 
d'importantes  modifications  ;  le  projet  fut  renvo\-é  en 
Angleterre,  soumis  au  parlement,  discut.^  et  finalement 
adopté.  Autant  que  les  circonstances  le  pcrmettai'jnt,  on 
avait  tenti  d'en  emprunter  le.-)  dispositions  à  la  constitution 
anglaise.  Voici  la  composition  du  Conseil  Mxécutii  et  du 
Conseil  Législatif,  sous  la  nouvelle  loi  : 

6(fV/j677 /i.nr// /■//:— William  Smith,  juge  en  chef,  Paul 
Roc  de  St.  Ours,  Hugh  Finhiy,  l'rançois  Haby,  Thos. 
Dunn,  Joseph  L.  de  Longueuil,  Pierre  Panet  et  Adam 
Mabanc. 

Conseil  Li'i^islatif  \ — William  Smith,  jui^e  en  chef,  J.  C. 
Chaussegros  de  Léry,  Hugh  P'inlay,  Thomas  Dunn,  P-^ul 
Roc  de  St.  Ours,  Joseph  L.  de  Longueuil,  Edward  I  Larrison, 
Frs.  Baby,  John  Collins,  Chs,  De  Lanaudière,  George 
Pownall,  John  Fraser  et  Sir  John  Johnston. 

Les  élections  des  membres  pour  la  Chambre  d'Assemblée 
qui  se  firent  en  juin  1792,  Honnèrent  pour  résultat  34 
Canadiens- P>ançais  et  16  Canadiens-Anglais. 

Les  Canadiens-Français  eurent  donc  la  grande  majorité 
des  sièges  ;  mais  la  première  place  sur  le  banc  judiciaire, 
au  Conseil  Exécutif,  au  Conseil  Législatif,  était  dévolue  au 
juge  en  chef  Smith. 

Papineau-père,  Bédard,  Panet,  avaient  donc  eu  raison  ; 
le  nouveau  système  représentatif,  ainsi  que  la  division  du 
Canada  en  deux  provinces  livreraient  aux  canadiens-français 
la  suprématie  du  pouvoir  législatif.  Unnouvelétat  de  choses 
■allait  surgir  :  le  règne  de  l'absolutisme  français,  le  régime 


MONOCRAl'HIF. 


27 


iofamant  de  Hi'got,  le  refîne  militaire  anglais  étaient  mort", 
bien  morts.  Ilosannah! 

Les  10,000  loj'.'ilistes  ( l'nitcd  l'.mpirc  loyalists)  de  la 
pcrtion-ouest  du  Canada,  les  United  Empire  loyalists  de 
la  section-est,  présidés  par  les  U.  E.  L.  Smith,  Scwell  et 
autres  ;  plus,  la  y;rande  ninjorité  française  (à  preuve  les 
requêtes  au  parlement  impérial  qu'on  avait  fait  signer  de 
1783  à  1790^  dcmand.iit-nt  une  constitution  calquée  sur 
celle  de  la  mère-patrie.  Chose  assez  singulière,  la  facticn 
dominante,  la  minorité  anglaise  s'aperçut,  mais  trop  tard, 
que  le  système  représentatif  remettrait  le  pouvoir  législatif 
aux  mains  de  ces  nouveaux  sujets,  (]u'ils  considéraient 
comme  race  conquise,  qu'ils  affectionnaient  si  peu. 

Revenons  à  notre  historien. 

La  mort  soudaine  du  juge  en  chef  dans  toute  la  maturité 
de  son  talent  et  à  l'âge  comparativement  peu  avancé  de  65 
ans,  en  1793,  non-seulement  fut  un  événement  douloureux, 
mais  encore  une  perte  irréparable  pour  William  Smith,  jr. 
Le  juge  en  chef  était  bien  plus  qu'un  tendre  père  pour  son 
fils  ;  c'était  un  protecteur  puissant  par  ses  relations  social  s 
dans  la  mère-patrie  d'où  pour  le  Canada  venaient  alors, 
titres,  honneurs,  dignité,  avenir.  Il  lui  restait,  il  est  vrai, 
d'autres  amis  de  son  père,  de  puissants  amis  même,  entre 
autres,  l'hon.  Herman  W'istius  Ryland,  l'aviseur  cauteleux 
de  tant  de  gouverneurs,  le  confident,  plus  ta'd.  de  Sir 
James  Henry  Craig,  l'instigateur  zélé  de  cette  poli- 
tique soupçonneuse  et  arbitraire  qui  fit  des  mart\'rs 
;politique3  de  lîédard,  Taschcreau.  Hlanche%  le  17  mars, 
1810. 

Est-ce  dans  l'intimité  de  cet  hablect  infiitigable  franco- 
phobe, Ryland,  que  l'historien  du  Canada  a  puisé  quelques- 
'unes  de  ses  inspirations  ?  Sur  ce  point  et  bii;n  d'autres 
•l'histoire  contemporaine  nous  fait  défaut. 

La  puissante  protection  d'un  homme  éminent  en 
-Angleterre,  Lord  Bathurst,  secrétaire  d'Etat,  ne  fut  pas 
•.invoquée  en  vain.    Grâce   à  ce   dernier,   William  Smith. 


H 


28 


WILLIAM   SMITH 


homme  de  lettres,  devenait,  en   1814,  l'honorable    William. 
Smith,  membre  du  Conseil    Exécutif  du  Bas-Canada  ;  et 
l'année  suivante,   en  1815,    il  ajoutait  à  cette    dignité,    la 
charge  fort  lucrative  de  Greffier  de  la  Chambre  d'Assemblée, 
celle  de  Maître-en -Chancellerie. 

La  réunion  de  tant  de  dignités  sur  une  seule  tête  ne 
porta  pas  toujours  chance  à  l'heureux  titulaire  ;  l'étoile  de 
la  famille  Smith  parut  pâlir,  sans  toutefois  s'éclipser,  à 
Québec,  en  1838.  Cette  année-là,  comme  l'on  sait.  Lord 
G'-ey  avait  envoyé  comme  haut  commissaire  et  Gouver- 
neur-Général, en  Canada,  son  fougueux  gendre,  l'habile 
comte  de  Durham.  Il  y  avait  peu  d'abus  plus  criants 
parmi  les  nombreux  abus  dont  souffraient  la  colonie,  que 
le  cumul  des  emplois  publics  sur  un  seul  fonctionnaire  ;  on 
nommait  ces  employés  p/um/isàs  ;  q  land  ils  faisaient  rem- 
plir pendant  leur  absence  les  charges  par  des  députés,  on 
qualifiait  l'abus  d\ibscjiteis)n  et  eux,  d'absciitecs.  L'hon. 
William  Smith  était />///ra//j-/é' (i^,  pluraliste  renforcé  ;  ce 
qui  était  pire,  aux  yeux  des  patriotes  d'alors,  ce  bnveaucratc, 
appartenait  à  ce  groupe  d'heureux  favoris  de  la  fortune, 
qui  de  temps  immémorial  avaient  eu  l'oreille  des  gouver- 
neurs et  qui  eiig'obaient  tout,  jusqu'au  moindres  parcelles 
de  patronage. 

On  dénonça  M.  Smith  au  grand  redresseur  de  torts,  à 
Lord  Durham,  qui,  dit- on,  le  somma  de  venir  en  sa  pré- 
sence, dire  si  c'était  vrai  qu'il  cumulait  tant  de  places. 

M.  Smith  plaida  coupable  et  reçut  ordre  d'adresser  par 
la  poste  du  lendemain,  une  lettre  au  noble  lord,  lui 
marquant  lequel  de  ces  emplois,  M.  Smith  entendait 
retenir  ;  l'hon.  Conseiller  Exécutif  se  démit  de  c -tte  charge 


(1)  (\'t  alms  ilafiiit  de  loin.  Du  Ciilvot  décrit  comme  suit  ce  qui  se  passait  vers  17i?4  : 
•■  l'iucfs  de  51.  JRibaue,  chiruriiion  de  la  Garnison,  200  livres  st^;;  membre  du  Con- 
seil ljé(lislatif.  Uni  liv.  ;  jnife  de»  Plaidoyers  communs,  ."«on  livres:  Commissaire  faisant 
les  fonctions  de  Jupe  en  chef,  environ  300  livres,  .jupe  de  la  cour  des  prérogatives, loolbs  : 
totiil.  12011  strlg.  Places  de  SI.  Fraser. — \.:\  demie-iiaie  de  capitaine,  loii  livres,  strlK  ; 
Membre  du  Conseil  Législatif,  loo  livres.  Juge  des  plaidoyers  communs,  500  livres  ;  juge 
de  la  Cour  des  Prérogatives,  100  livres;  Trésorier,  environ  4oo  livres;  total  1200  livres 
strlg.  Places  de  M.  de  Houville. — Juge  .le  s  Plaidoyers  Communs,  "lOO  livres,  strlg;  Juge 
lie  la  Cour  des  Prérogatives  loo  livres  ;  total,  oiio  livres  strlg  iBib.wd,  Histoire  du 
Ciiiuidij,  T'nne  II,  P  *;<).  120o  livres  sterling  au  siècle  dernier  équivahiient  à  2400  livres 
Bterling,  du  cours  .)ctuel=ù  Slo,uoo. 


monographif: 


2^ 


pour  retenir  l'autre  où  l'honneur  était  moindre,  mais  où  le 
traitement  valait  plus  :  celle  de  Greffier  du  Parlement. 

En  1818,  l'historien  prit  une  part  active  dans  le  projet 
formé  par  la  veuve  du  Général  Richard  Montgomery, 
d'obtenir  de  Sir  John  Coope  Sherbrooke,  les  restes  du 
Général.  Il  avait,  paraît-il,  informé  la  veuve  Montgomery 
qu'il  existait  encore  à  Québec,  une  personne  capab  e  d'in- 
diquer l'endroit  où  M.  Montgomery  avait  été  inhumé, 
43  ans  auf  ravant  :  James  Thompson,  présent  aux  funé- 
railles. {Harpcr  s  Magazine,  février  iSS^, />age  SS7-^ 

Disons  un  mot  de  ses  écrits. 

Si  la  longue  carrière  officielle  de  l'hon.  Conseiller  Exé- 
cutif est  insuffisante  par  elle  seule  pour  le  tirer  de  l'oubli, 
il  n'en  a  pas  été  ainsi,  quoi  qu'en  ait  prétendu  une  très 
haute  autorité,  du  travail  historique  de  ce  laborieux  écri- 
vain. 

Toute  incomplète,  tout  partiale  que  soit  son  *'  Histoire 
du  Canada,  "  elle  continue  d'avoir  pour  lecteurs  les 
cinquante-cinq  millions  qui  parlent  en  Amérique  la  langue 
de  Shakespeare  et  c'e  Milton. 

Ces  volumes  sont  devenus  tellement  rares  qu'il-î  se  ven- 
dent à  un  pri.    assez  élevé. 

Chez  nos  compatriotes  anglais,  Smith  continue  d'être  une 
source  de  renseignements  prisés. 

Les  écrivains  modernes,  tant  anglais  que  français,  n'ont 
pas  encore  pris  sa  place  chez  ceux  qui  appartiennent  à  la 
race  anglo-saxonne.  William  Smith  n'a  pas  le  style  bril- 
lant, chaleureux,  alléchant  de  Macaulay  ;  ce  n'est  pas  un 
écrivain  philosophe  comme  Gibbon,  copieux  comme 
Lingard,  coloré  et  hardi  comme  Froude.  Il  a  néanmoins 
un  mérite  incontestable  :  la  clarté,  la  concision.  Il  s'efforce 
même  d'être  impartial,  nous  aimons  à  le  croire  ;  eût-il  vécu 
plus  tard,  dans  un  autre  milieu,  avec  moins  d'attaches  à 
un  ordre  de  choses  exclusif,  suranné,  il  est  possible  qu'il 
eût  adopté  des  idées  plus  larges. 


30 


WILLIAM   SMITH 


X'oublÈons  pas  que  M.  Smith  a  é.rit  en  un  temps  où  la 
tâche  de  l'historien  était  de  beaucoup  pkis  ardue  qu'à 
l'époque  où  nous  sommes.  L'art  du  typographe  n'avait 
alors  rien  fait  pour  les  archivo3  canadiennes  ;  des  piles  de 
manuscrits  moisis,  vermoulus,  raturés,  souvent  presqu'iliisi 
blés,  encombraient  les  voûtes  souterraines  du  vieux  palais 
épiscopal  à  Québec,  où  étaient  les  bureaux  des  divers 
ministères,  où  se  rt^'unissait  notre  parlement.  Le  site  de 
cette  ancienne  structure,  en  1834,  servit  pour  la  construc- 
tion du  somptueux  palais  législatif  incendié  en  i!^54,  et  où 
brûlait,  en  1883,  la  masure  qui  lui  succéda.  Cet  écrivain 
tut  un  avantage  sur  ses  successeurs,  qu'il  ne  prisa  j  as  assez. 
Il  lui  fut  donné  d'avoir  accès  au  moins  h  deux,  sinon  à 
trois  des  cahiers  q  ui  constituaient  le  yoiirua/  ihs  yîsnitcs 
au  siècle  dernier  ;  il  ne  nous  en  reste  qu'un  seul. 

U Histoire  du  Canada  de  Smith,  comme  je  l'ai  dit  précé- 
demment, .sous  forme  de  note  et  d  appendice,  renferme 
des  matériaux  précieux  pour  l'histoire  ;  citons  entr'autres 
documents,  \\\\  journal  très  étendu  par  un  officier  de  la 
garnison,  du  blocus  de  Québec,  par  Arnold  et  Montgomery, 
en  1775  ;  les  commissions  de  nos  premiers  vice-rois;  des 
statistiques  du  recensement,  du  commerce,  delà  navigation, 
^<::r,  tableaux  météorologiques  ;  et,  finalement,  un  curieux 
rapport  avec  pièces  probantes,  d'un  comité  sur  l'éducation 
créé  en  1787  et  continué  jusqu'à  1789,  présidé  par  son  père, 
le  juge  en  chcl.  On  y  discute  une  foule  de  questions  dont 
quelques-unes  sont  loin  d'avoir,  après  un  siècle,  perdu  de 
leur  actualité  :  l'éducation  populaire,  a  haute  éducation, 
l'emploi  des  revenus  des  biens  des  Jésuites,  la  création 
d'une  université  ;  cette  dernière  question  paraît  avoir 
soulevé  une  petite  tempête  épiscopale,  à  en  juger  par  les 
mémoires,  soumis  au  président  du  comité,  l'hon.  juge 
Smith,  (i)  par  Mgr  l'évêque  de  Québec  et  par  son  coadju- 
teur,  l'évêque  de  Capse. 


(1)  Voir  la  page  suivante  pour  cette  note. 


moxograpiiif: 


5^ 


Le  comité  qui  s'était  réuni  le  26  novembre  1789  était 
composé  comme  suit  :  le  Juge  en  chef,  MM.  Grant,  Dunn, 
Baby.  De  l.ery,  Dupré. 

Ce  fut  John  Neilsoti,  ie  propriétaire  de  la  Gazette  de 
Québec,  plus  tard  le  vieux  patriote  si  longtemps  membre 
pour  le  comté  de  Québec,  qui  imprima  à  Québec,  l'histoire 
de  M.  Smith  sous  le  titre  suivant  :  "  History  of  Canada 
froJH  its  Jîi'st  discovcry  ta  thc ycar  i/Ç)i,/'y  William  Sniit/i, 
Esqiiirc,  CUrk  of  thc  Parliaincnt  and  niastcv  in  C/ianccry 
of  tlic  Province  of  Lozccr  Canada:  in  two  volumes.  ''  Xe 
quid  falsi  deccre  audeat,  ne  qui  veri  non  audeat." 
fjuebec 

Printed  for  the  Author 

By  John  ?NeiIson,  181  5. 

Le  1er  tome  renferme  388  j^-igcs    avec  un  v-ppendice  de 
72  pjiges.   Le  2ème  tome  content  235    pages:     l'ouvrage 
se  divise  en  époques,  représentées    par   dix    chapitres    tel 
que  suit:  Chapitre  L  traité  de  la  découverte    du    Canada, 
à  1674  ;     Chapitre  II,    depuis    1674,  au    siège  de    Québec, 
par  Phipps,  en  1690;    Chapitre  III   se    termine  au    temps 
de  la  nomination  du  marquis  de   Vaudreuil  connne    Gou- 
verneur, ^n  1703;     Chapitre    IV   relate    ce   qui  a  eu    lieu 
jusqu'à    !'administrat''')n   du    marquis    de    Hcauharnois,  en 
[726  ;  Chapitre  V^  contient    l'historique    des    événements 
jusqu'à  1752;     Cha[)itre  \'I,    a  re  ation   de  ce   qui  eut  lieu 
de  1752- 17 59;     Chapitre   Vil,  ce  qui  se  passa    au  Canada 
jusqu'au  traité  de  Versailles  en  1763  ;     Chapitre  VIII,  les 
événements  de  1764,  au  siège  de  i"75  ;  chapitre  IX,  depuis, 
1775  à  la    convention  de  Saratoga,   en  1777;   Chapitre  X, 


1!)   Voici  11'  priMmljuli'  ili'  \\\  Iftln-  <h'  iiMii^rJLïiii'iir  <li'  C'apsi'  ; 

Li'tti'i' ili' ("Imrli'H  Fnini.'ois  Biilly,  coiuliutiMir  il"  (^m'ixv' et  Ovimui"  titiil;iir<'  dv  Capsi', 
i!;iti!o  <!»'  l:i  l'ointi'  aux  TrciniiU'-i,  â  avril  IT'.tii,  a<lri'!<sî'0  A  l'Iifin.  AVilliaiii  Siiiitli, 
pn'sidint  d'im  comité  ilii  f'oiisoil  Kxieutit' do  t^iiiéliro,  sur  uni'  rrfVrouco  du  ('iinacil, 
Uiuiiiant  li-s  mosun'i»  à  )irt'iidre  pour  eiicdUTatriT  l'éducatidu. 

.Aldiisimir  et  Messieura — Daus  un  rniiport  d'un  inuiité  du  cnnxoil,  sur  la  question  do 
l'iiluration,  ijni  ui'.i  récemment  été  trananii:^,  j'ai  vu  iinn  lettre,  signée  Jean  l'raiieoii 
Hubert,  évéïiuu  de  (Québec  :  l'ayant  parcourue  avec  l'attention  la  jilus  soutenue,  sans 
reconnaître  le  style  ni  le  langaKe  de  l'illustre  prélat,  que  les  Canadiens  sont  si  heureux 
d'avoir  pour  leur  chef,  je  con(,oia,  malgré  le  respect  que  j'ai  pour  l'hon.  Président  et  le» 
autres  membres  du  comité,  que  cette  lettre  entière  est  une  fabrication  [imposition] 
inventée  au  nom  do  notre  Prélat  bien-aimé'ct  une  rapsodie  mal  bâtie,  que  l'on  a  eu 
l'effronterie  de  présenter  sous  son  nom  vénéré 


.32 


WILLIAM  SMITH 


î^' 


Si 


depuis  la   convention  de  Saratoga,  en  1777,  jusqu'à  l'éta- 
blissement de   la   constitution  en  1791. 

M.  Smith,  qui  avait  épousé  Mlle  Sarah  Webber,  fille  de 
l'amiral  Charles  Webber,  du  Hampshire,  Angleterre,  per- 
dit son  épouse  le  26  janvier  1S19. 

Vers  cette  époque,  il  acquérait  au  Cap-Rouge,  un  do- 
maine bien  boisé,  où  il  se  bâtit  une  jolie  maison  de  cam- 
pagne, Lougiijood ;  là,  sa  famille,  composée  de  deux  fils  et 
de  trois  filles,  passait  chaque  année  la  belle  saison. 

L'hon.  M.  Smith  semble  avoir  mené  une  existence  fort 
paisible,  fort  retirée,  absorbé  par  les  soins  de  famille  et 
partageant  ses  heures  entre  -es  livres  et  quelques  rares 
amis.  Il  expirait,  le  17  décemb'e  1847,  dans  sa  résidence, 
rue  St-Louis,  maintenant  la  demeure  du  shérif  Alleyn,  à 
l'âge  de  78  ans  :  cette  maison  e>t  devenue  historique  ;  les 
■prisonniers  de  guerre  en  i  S 14,  le  Col.  Scott  et  autres  y 
ayant  été  internés. 

Mes  souvenirs  se  rattachent  à  l'année  de  sa  mort.  Je 
crois  presqu'entendre  le  glas  solennel  de  la  cloche  de  la 
cathédrale  anglicane,  lorsque  son  cortège  funèbre  défilait, 
dans  la  rue  St-Lcuis  en  décembre  1847,  devant  les  fenê- 
tres du  bureau  de  Mtre  Jos.  Noël  Bossé  f'plus  tard  l'hon. 
juge  Bossé>,  mon  respecté  patron,  chez  qui  je  faisais  mon 
droit  de  1845  à  1850.  J'ai  cru  qu'il  ne  serait  pas  étran- 
ger à  mon  sujet  de  noter  le  milieu  social,  l'entourage  où 
s'écoula  la  jeunesse  dorée  et  l'âge  mur  de  l'histot  en.  Si 
au  lieu  d  avoir  consacré  ses  veilles  a  nous  préparer  deux 
octavo,  précieux  surtout  par  leurs  pièces  justificatives, 
appendices,  etc.,  comme  "  matériaux  pour  1  histoire,  "  il 
nous  eût  donné  à  l'instar  de  son  contemporain,  Philippe 
de  Gaspé,  ses  souvenirs  intimes,  des  mémoires  sur  les  pre- 
mières années  du  régime  anglais,  que  de  pages  palpitantes, 
^que  d'utiles  renseignements,  il  etàt  pu  nous  léguer  ? 


R.  Christie.  Histcrisn 


178S-1S56. 

Les  AitNahs  CdiiaiUcinics  de  l'honorable  William  Snutn, 
trouvèrent  un  digne  Ovintinuateur  en  !a  {.lersonne  de  son 
contemporain,  rex-dé[)uté  de  la  Gaspésie,  M,  Christie. 

Robert  Christie  vit  le  jour  à  Windsor,  dans  1 1  Nou- 
velle-Ecosse, en  178S.  » 

Il  s'adonna  alors  au  comtiierce,  à  Halifax;  i)ius  tarti.  il 
s'établissait  h  (Québec,  où  il  étudiait  le  droit  sous  l'honora- 
ble  Edward  Bowen,  qui  était  nonjnié  ju!;îe  de  la  c<.ur  du 
Banc  du  l^oi,  pour  le' Bas-Canada,  en  1812,  et  décédait,  en 
1865,  jnge  en  chef  de  cette  cour.  II  pratiqua  au  barreau 
pendant  quelques  années,  (ij  \'a\  18  m,  ]\I,  Christie  s'em- 
barquait pour  Londres. 

Sir  James  Henry  Craii^,  le  i^ouverneur  du  Canada,  soujj- 
çonna  le  jeune  légiste,  mais  à  tort,  comme  ee  dernier  le 
prétend,  d'avoir  fait  ce  voyage  dans  le  but  d'aider  le  révé- 
rend messire  (plus  lard  Monseigneur  j  l'icssis,  dans  sa  mis- 
sion auprès  de  lonl  l'athur.^t,  à  prop'O.-;  dos  affaires  du  dio- 
cèse et  des  biens  de^  Jésuites. 

Revenu  au  Canada,  AI.  Christie  préludait  par  de  fortes 
études  à  la  carrière  que  la  politique  lui  réservait  :  puis,  il 
s'alliait  à  une  ancienne  et  respectable  famille  canadienne, 
en  épousant  mademoiselle  Olivette  Doucet,  tante  de  feu 
l^ierre-Antoine  Doucet,  juge  de  police. 

Avec  ses  occupation^  parlementaires,  ?>!.  Christie  mep.ait 
de  front  d'importants  travaux  littéraire:-,  se  rattach.an.t  à 
l'histoire   liu  Canada. 

Comine  il  n'existe  aucu'je  biographie  de  l'historien,  ii 
nous  a  été  impossible  de  préciser  à  quoi  il  pouvait  devoir  le 

1 1 1  V;ii  lsJ'J-2:l,  il  oiT-ipuit  i.iiiiiii",[)rnciiri-iir  d  iii«  ili'f.x  c  i;;s"s  .(tii  firent  i!u  ;pi-;:it  au  Ijmi-- 
rc:!!!.  !•!  (ic'i  l'un  (1,  :•  jiKu  î'.im  "ix  )il,iul,Mir-  (1  '  <,liirliic.  M.  (ri'-.)rf;c  AriioM,  c'tait  iuti-ri  s.^i'  : 
Ariuiltl  i-.v.  Iloyl- .7  ((/.  i-t  ;Mrl'Ii.  rs'iii  c».  Aniolil  ;  i-il  ctti-  iliTiiiiTi'  cius.',  il  iilifliit  iiii 
viTiUti.p.i  M-  liIiclU'  ;  SUT!  Milv  T-iiiiri'  .-tuit  l'él'i  l'iriit  Aii.lri'w  Sîunr:,  p.'re  du  iui.''.'  fi)  i;lii?l' 
actuel. 


34 


K,   CIIKISTIl. 


Si 


t>- ervcilleux  ascendant  qu'il  sut  acquérir,  dans  ce  vaste 
di-.trict  de  Gaspé,  cjui  comprenait,  au  début,  les  comtés 
de  Bon  ivcnture  et  de  Gaspé. 

l'endant  plus  d'un  quart  de  siècle,  la  Gasjiésie  fut,  pour 
lui,  une  espèce  de  "  terre  promise  ",  un  château-fort,  une 
tribune  d'où  il  défiait  les  foudres  du  parlement  de  Québec. 
Le  fougueux  dictateur  Papineau,  (i)  put  bien,  à  diverses 
reprises,  faire  prononcer  à  ses  dociles  adhérents,  i'ukaseou 
ordre  d'expulsion  du  revêche  député  Gaspésien  :  Chr  stie 
n'avait  qu'à  souifîcr  le  mot  d'ordre  à  ses  "  libres  et  indé- 
pendants "  électeurs,  de  suit*",  on  lui  renouvelait  sans 
désemparer  son  mandat.  [2]  Il  en  fut  ainsi  en  1828,  lors 
de  sa  première  élection.  On  l'expulsait,  il  était  réélu, 
et  puis  on  l'expulsait  encore.  Dominique  Mondelet  avait, 
lui  aussi,  été  expulsé.  Ezekiel  Ilart  fut,  en  1808,  expulsé 
parce  qu'il  n'admettait  pas  le  Nouveau-Testament  comme 
règle  de  foi. 

Christie  fut  réélu  six  fois.  {Histoire  Parlonciiîaire.  Vol. 
III  p.  448.) 

Le  crime  de  Christie  était  d'avoir  avi^é  comme  président 
de  la  Cour  des  Sessions  de  Quartier,  le  chef  de  l'Exécutif,  à 
propos  de  la  démission  de  certains  fonctionnaires  publics. 

On  n'eut  jamais  à  lui  reprocher  une  trahison,  une  défail- 
lai.cc.  î>:i  fiuélité  à  son  drapeau,  pour  Christie,  c'était  une 
religion.  Au  rc-tc,  il  y  avait  alors  parmi  l'industrieuse  et 
intelligente  [)opulati(in  du  district  "inférieur"  de  Gaspé, 
une  cl.is^c  d'hommes  inaccessibles  aux  appâts  de  la  corrup- 
tion •  lectoiale,  également  peu  disposés  à  subir  ce  qu'ils 
nommaient  l,i  dictature  du  Frcnch  party. 


|l]  JI.  (  hrUtic,  iiiin'î!  l'iîuioii  di'sl'auaJas,  ,i  ri'troiivi'  dans  la  iiouvillo  Ir^fislatuvo  son 
.iiHiiii  iulvrra  lire,  .\[.  l'iiiiiiiiau,  l't,  c'f  (|ui  fait  hoiiiu'ur  il  l'un  et  n  raiitri',  ils  su  hout 
rniiicliiiucnt  riciim'ilits.  M.  Christie  a  nn'mo  rtc.u  riiosiiitalitù  «lu  crliMiri.'  tribun  li  son 
ilii.tiau  ili>  -Montc-li -llo,  mir  l'Ottawa,  l'i  iit-«tr.'  ont-ils  tausii  K'"''>^''''n<^^iit  tlo  leurs 
anciennes  liittrs,  se  rapiiflant  le  l'ani.'ux  vers  ilc  Virtfilc  :  Forsan  et  Ikci'  otiiii  viettiiiiisse 
invdhit.     iF.-X.  (liirni'nii,  sa  vie  et  ses  œvvrfn,)  1'.   O.  Chaiiveau,  Pe.  XXXVll. 


:  ; 


MONOLiRAl'lIIL 


35 


Les  United  Eui\nrc  Loyalists,  établis  à  Ncw-Carlisle,  à 
Douglastown,  à  la  l'ointe  Saint-Picrrc,  à  Percé,  au  ba^^sin 
de  Ga^I)C  :  les  O'IIar.i,  les  Sheppanl,  les  Coffin,  les  Annett, 
les  Huyle,  les  IMuri-^on,  les  Kennedy,  les  McPherson,  les 
Jolr.iston,  les  McConnell,  les  Thompson  et  consorts, 
avaient  leur  mot  à  dire  dans  le  choix  d'un  représentant, 
en  Chambre.  M.  Christie  ne  reparaît  au  parlement  qu'a- 
près l'union  des  provinces,  en  1841.  Hattua"  pollen  1854 
i!  crut  que  pour  lui  le  temti-;  était  vt  nu  de  dire  adieu  à  la 
carrière  parlenier:taire  et  il  r^e  réfut,na  dans  le  calme  de  la 
vie  privée,  pauvre,  mais  fier  (;t  respecté. 

D  ns  sa  verte  vieilhsse,  fort  de  ,.a  longue  expérience- 
parlementaire,  il  iitiii.a  SCS  loisirs  à  la  composition  de 
l'histoire  parlementaire  de  l'éiJoque  où  le  Canada  recevait 
ses  institutions  représentatives,  sa  nouvelle  constitution, 
en  I79[,  là  où  se  terminait  le  travail  de  Smith,  à  venir  à 
la  promulLjation  de  :a  nouvelle  constitution  qui  réunissait, 
le  Bas  au  Haut-Canada  :  un  espace  de  cinquante  ans. 

Pendant  les  années  de  luttes  où  son  vieux  collègue  en 
Cliambre,  John  Neilson,  rédigeait  avec  tant  d'autorité  la 
Gar.iîic  de  Qncbcc,  M.  Christie,  plus  d'une  fois,  lui  avait 
prêté  le  concours  de  sa  plume  vigoureuse.  L'habile  publi- 
Ci.-te  Neilson  étant  passé  de  vie  à  trépa--,  en  1848,  AI. 
Chri  tie  favorisa  de  sa  collaboration  le  Qncbcc  Mercury  ; 
Icuiile  fondée  ci  Québec,  par  AI.  Thom  is  C  iry,  en  1S05,  et 
qui  plus  tard  passa  pour  être  l'organe  du  I[ig]i  Clturch 
pixrty,  tout  en  prenant  une  part  fort  active  à  la  politique 
du  jour.  Ceci  avait  lieu  au  temps  où  W'm.  Kenible  (1) 
d'abord  et  M.  \\.  Kimlin,  plus  tard,  en  ccupaient  le  fau- 
teuil éJitorial.  Au  n  )P.;bre  des  do.-urne;;ts  précieux  qui  s'y 
trouvent,  (igure  à  ia  date  du  12  .loùt  1853,  une  intéres- 
sante biographie  de  son  vieil  ami,  le  juge  en  chef  delà 
cour  du  b;inc  de  la  Reine,  sir  Jame>  Sîuart,  une  i^^^  plus 
hautes  intelligences    de    notre    banc   judiciaire.    Avec  ses 

ni  William  Koml.K»,  jouviialisfi?   (listiii>^iu',    nu  fu   Aiial>'t^!fr'\   roilitroi   r>    l/,.)v.ir,. 


36 


k,   CIIKISTIK 


'  I' 


antécédents,  ses  souvc'iiirs  parlemontaires,  son  âpre  indé- 
pendance de  caractère  qui  frisait  presque  l'excontricitc, 
M.  Christie  a  dû  trouver  assez  rucjo  parfois,  U  tâciie  qu'il 
s'était  imposée  de  "  faire  l'histoire  impartiale  "  de  ces 
mêmes  luttes,  où  son  rôle,  sans  être  prédominant,  fut  plus 
d'une  fois  fort  accentué. 

L'historien  signale  au  lecteur    quatre  époque-!  bien    dis 
tnictes,  dans  la  période  des    cinqu.mte   années  écoulées  de 
1791  à  i84i  : 

lo  "  Depuis  l'établissement  de  la  constitution,  de  1791 
à  iSio:  vingt  années  (jui  semblaient  promettre  un  avenir 
ionjif  et  prospère  ;  mais  l'horizon  politique  commença,  vers 
la  fin  de  Cc?  terme,  à  se  charger  do  nuages  ;  l'esprit  de 
parti  prévalut  de  plus  en  plus,  aitlé  des  préjugés  nationaux  ; 
l'harmonie  qui  jusque  là  avait  existé  entre  les  deux  races 
s'affaiblissait. 

2o.  Depuis  1810,  qnrit  l'AsscmbléL'  Législative  se  fit 
fort  de  pourvoir  aux  dépenses  du  gouvernement  ci\'il  de  la 
province,  (que  préalablement  elle  n'avait  rencontré 
qu'en  partie,  l'excédent  clant  à  la  charge  de  la  cai-^sc 
militaire),  jusqu'à  l'année  i  S  [S,  quand  la  Chambre  d'As- 
semblée, à  la  suite  de  cette  offre,  fut  appelée  à  pourvoir  à 
ces  dépenses  d'une  manière  ronstitutionnclle.  Ce  laps  de 
temps  comprend  la  courte  période  de  la  guerre  américaine 
de  1S12,  ère  brillante,  ère  glorieuse  au  Has  aussi  bien 
qu'au  Haut-Canada,  où  les  deux  races  rivalisèrent  de 
loyauté,  de  patriotisme,  de  bravoure,  d ms  la  défense  con- 
tre l'envahisseur,  de  leurs  autels,  de  leurs  foyers. 

?)0  Depuis  18 18  à  1828,  l'époque  des  "conflits  financiers" 
période  de  cabales,  d'agitation  suscitée  par  les  chef.-f  de  par- 
tis,— de  tiraillements  entre  le  pouvoir  législatif  et  l'exécu- 
tif,relativement  à  la  liste  civile, — de  troubles, dont  l'issue  fut 
un  appel  au  gouvernement  de  la  métropole  et  au  parlement 
du  Royaume-Uni,  au  moyen  de  la  fameuse  requête  qu'on 
prétendit  avoir  été  signée,  en  i82S,par  87,ooo  habitants  du 
Bas-Canada,  se  plaignant  des  griefs  de  1827,  requête  qui  fut 


MONOCKArilIt: 


37 


l'occasion  d'un  rapport  présenté  par  la  Chambre  des  Com- 
munes, en  1S28,  connu  sous  le  nom  de  Report  of  thc  Ca- 
nada Comniittcc,  et  qui  donna  naissance  à  encore  plus  de 
griefs  que  ceux  auxquels  on  avait  voulu  remédier. 

•lo  L'époque,  depuis  1S28,  où  le  "plan  de  conciliation  ' 
recommandé  par  le  susdit  rapport  fat  mis  en  opération 
jusqu'à  l'année  1837,  dans  laquelle  l'on  vit  avorter  complète- 
ment ce  i)roj{;t,  ainsi  qu'on  l'avait  prcdit,  par  la  répudiation 
ormelle  de  la  constitution  de  lap.irt  du  corps  représentatif, 
et  par  des  .soulèvements  dans  le  Bas  et  dans  le  Haut- 
Canada  ;  cette  année-là  et  la  suivante,  il  y  a  eu  de  déplo- 
rible.N  événements  qui,  en  1S40,  amenaient  l'acte  d'Union, 
réunissait  les  deux  provinces  eu  un.'  seul»:,  comme  panacée 
.lux  lUiUK  existante,  mjun-e  dont  l'avenir  dévoilera  la 
ju>tice  ou  l'injustice."  Tel  fut  le  programme  que  s'était 
tracé  le  vieux  député. 

L'histoire  de  Christ'e  comprend  six  tomes  :  le  sixième, 
curieux  recueil  de  lettres  et  de  ilépêches  officielles,  est  fort 
précieux.  U histoire  parlementaire  est  loin  d'être  une  œuvre 
ti'.igrément,  comme  composition  littéraire  ;  M.  Christie 
eii  avertit  ses  lecteurs  le  })remier. 

L'on  e^^r,  surpris  de  voir  le  grave  historien  interrompre 
son  récit  pour  y  intercaler  une  douz;dne  de  pages 
de  )jrusc  française  et  anglaise  que  lui  fournie  son  vieil  ami, 
Jacques  Viger,  comme  réquisitoire  contre  l'authenticité  de 
la  Légende  du  Chien  d'Or,  due  à  la  plume  élégante  de  notre 
regretté  ami,  Auguste  Soulard. 

Un  vice  capital  de  l'histoire  parlementaire  de  Christie 
c'e,->t  l'absence  d'index  à  cette  conq>ilation,  ainsi  que  le 
man.jue  de  méthode  dans  la  dis]JO.sition  de  cette  encrme 
masse  de  Rapports  de  Comités,  de  Résolutions,  de  Procès- 
verbaux  de  séances,  de  statistiques  du  commerce,  etc.; 
cela  nuit  beaucoup  à  l'utilité  de  l'teuvrc,  comme  livre  à 
consulter. 

Malgré  tou  ■  ces  défauts  sérieux,  c'est  un  riche  répertoire 
de  renseignements,  dans  lequel  ctux  qui  sont   venus  après 


% 


r— 


3S 


CIIRISTIF, 


le  vieil  historien,  sont  allés  puiser  largement,  sans  toujours 
lui  en  tenir  compte. 

Bien  que  Robert  Christie  appartient  à  ce  que  l'on  est 
convenu  d'appeler  l'école  anglaise  en  histoire,  il  ne  fut  pas 
partisan  de  l'oligarchie  coloniale  qui  jadis  accaparait  toutes 
les  places,  à  l'exclusion  du  parti  populaire.  Il  semble  avoir 
provoqué  les  colères  de  Papineau,  Bourdage,  etc.,  surtout 
pour  avoir  ma'ntenula  politique  personnelle  de  Lord  Dal- 
housie,  le  chef  de  l'exécutif,  qui  l'avait  f  onstamment  honoré 
de  sa  confiance  et  de  son  utile  protection.  Il  'utta  contre  les 
bureaucrates,  en  faveur  du  parti  colonial  anglais,  opposé  à 
ce  groupe,  (i)  V\amilier  par  ses  relations  de  familles  ,''2)  et 
sa  longue  résidence  parmi  nous,  avec  les  us  et  coutumes 
du  peuple  de  nos  campagnes,  il  ne  perdit  aucune  occasion 
de  rendre  justice  à  sa  moralité,  à  sa  bravoure,  à  son  intel- 
ligence.  Aidé  dans  ses  recherches  par  h\aribault,  Viger, 
Vallières  et  autres  amis,  c'était  un  membre  marquant  de 
ce  groupe  d'esorits  d'élite,  cette  petite  république  littéraire, 


fl|  Eu  l.s:i7,i^t  iDunti'inin  .l'ipir.iv  lut,  il  y  iiviiit  dnn  1'  [T.iuti't  dim  li^  H:is  (' i!i:i'l»,  un 
parti  iint?liiis,  biiMi  ipi.'  p  mi  iiniulin'ux,  opiios.''  un  l'".iinil,y  (.'oiiipiiot.  ('Iiv  nous,  ce  pirti 
fut  rcprcsi'iiti'  d'.iljonl  p  ir  Joliu  \  'iUou.  ('iithii.Tt,  Cavilliiu',  |iUi'i  tard  par  \Volfrc><l  ot 
Uobcrt  Ni'lsou,  T.  S.  liruwu,   li>slii',  O'tîalla^  ii m. 

Ij.'ti  (Ircville  ^[,^m  tirt,  Vol.  [El,  P.  li'>,  mous  la  dut  ■  d  i  2  >  IVoli.  \^\'i  moutiouuiMit  niin 
ri!Miari|U.al)U' lettre  udivHsée  i\  M.  H'-nry  Taylor,  di"  Ijoudros,  pur  lu  «cfr^tairr  d'' lu 
(louiuiissioii  (rosford,  M.  T.  Kr.'d  Tiuk  KIliutt,  neveu  d''  fjonl  .Minto,  Iiinui'lli'.si'ldu 
Greville  contient  uu^  exjellen'e  ■'^.|llis^^'  d  ••*  partis  "t  de  la  politii|i  ■  ili  11  laCan  i  li. 
Cette  lettre  fut  soumise  aux  ministres  ungluis,  ([ui  y  uttueli.'M—nt  liiaueoup  d'i'upnrte.ne  '. 
Voici  ce  (lu'ou  lit,  sous  la  date  du  "24  oct.  lS3.'i  :  '■  l'eople  hâve  beeii  .icenstoiUL'il  in 
Kuitlund  todieur  of  only  two  parties  in  Canada,  the  I';n'.ilis1i  aud  th(>  Fruieh,  Imt  th'^re 
are  in  tact  tliree  parties,  tlie  oHi  ùal,  th  ■  Eniilisli  and  the  Krencli,  besides  some  important 
Krencli  classes  altO'^  'tlier  distinct  froin  th.;  ])  irty  wliicli  nocs  by  tliat  iiame. 

Tlu!  ofticiul — ;ir  as  tin-  Prvucli  terni  is,  IJureaucratic  ))  irty, — is  couiposed  of  a  f-w  old 
nitni,  lioldina  the  hi«liest  oflrtcos.  Tiiey  seem  to  be  fond  of  i)rivileifes,  jealoua  of  interfér- 
ence,  and  ready  to  take  ofïenco  at  any  inquiry   into   popular  allocations.   ... 

Very  différent  froiu  this  feeble  corps,  is  th.-  real.  "  Rni^lisli  party  "  It  is  coniposod  of 
nll  the  niorchants,  witli  an  admixturo  of  considérable  Landliolders,  and  of  some  of  the 
youn^er  and  more  intelligont  Civil  otfi  jers.  It  possesaos  ?nucli  intelligence,  miicli  wtaltli 
and  still  more  crédit 

This  imposing  body,  nioroover,  lias  great  advantaaf  at  the  présent  moment  in  tha 
modération  of  tone  which  it  ciin  .assume  in  contrast  to  the  violence  of  its   a<lver8arie3... 

It  is  fully  as  ambitions  of  douiinion  as  the  Kreiicli  party,  and,  in  my  opinion,  preparcd 
to  setik  it  by  more  unscrupulous  means 

L'on  se  demande  pouniuoi,  I3  pirti  poniiliire  français  ne  s'nUia  pas  avec  ce  (missant 
parti  anglais,  opposé  comme  l'autre  i\  la  bureaucratie  ? 

llieport  nf  CantuUan  Archiver,  hy  D.  Brtjmntr,  188.1,  p.  lOu, 


[i]  N.-B. — Il  résidait  d'abord  dans  la  maison  qu'occupait  feu  M.  W.  D.  Campbell, 
N.  P.,  faisant  face  au  monument  de  Wolfe  et  Montcalm,au  jardin  du  Fort, puis  sur  la  rue 
•Christie  ;  lo  conseil  de  Ville,  donna  ce  nom  ft  cette  rue  en  honneur  de  l'historien,  elle 
avoisine  la  rue  Garneau. — Il  pasia  la  belle  saison  pendant  nombre  d'années,  dans  une 
belle  grande  maison,  qu'il  possédait  sur  la  berge  de  la  rivière  Ristigoucho  vis-à-ris  de 
Oampbellton,  entouré  do  ses  livres, et  exploitant  ses  pAcheries  au  saumon  à  l'embouchure 
de  cette  rivière. 


MONOGRAIMIIE 


39 


iino 

d"  la 

•lirn 

ili. 

;!Hl.''. 

il  in 
th>r 
)Ttaut 


mI   .)f 

■    tllB 

.lltll 


dont   s'enorgueillissait    la    vieille    cipitilc  aux    juurs   des 
Smith,  Garne.iu,  Ferlaiid,  DcGaspé,  Thoinpsoi.  etc. 

Que  de  fois,  nous  nous  rappelons  avoir  vu  le  beau,  sy.n- 
pathique  et  respectable  vieillard,  à  la  démirche  grav^\ 
vêtu  comme  au  temps  de  nos  i^rands-pères,  parcourir  en 
causant  avec  quelques  amis  aussi  antiques  que  lui,  cette 
superbe  terrasse  que  lord  Durham  nou^  fit  érigrer  en  1S3.S, 
surtout  le  matin,  en  été,  en  attendant  (]ue  la  voix  d:.' 
l'orateur  aux  Communes,  ou  l'huissier  audiencier  de  Sir 
James  Stuart,  au  palais  de  justice  voisin,  annonçât  .;ue  la 
séance  était  ouverte. 

Robert  Christie  termiimit  sa  carrière  à  Québec,  le  ij 
octobre  1856;  ses  restes  reposent  à  Sillery,  dans  la  belle 
nécropole  rurale,  le  cimetière  du  Mount-IIermon.  Uu 
émincnt  confrère,  plus  tard,  assistant-juge,  feu  J.  H, 
Parkin,  dressa  l'inscription  et  éj)itarihc  suivante  sur  le 
marbre  de  sa  tombe  : 

In  memorv  of  Rop.f.kt  C!îi;i>rii:,  Esi). 

'■  A  native  of  Nova  Scotia  :  lie  early  adopted  Canada  as  liis 
country,  and  during  a  lon^  life  Kiithûilly  servcd  hini.  Iiî  llie 
uar,  iti  1S12,  as  a  captain,  4th  liati..  he  deleiulud  lier  frontier  : 
m  peace,  during  upwanh  of  30  years,  lie  watclicd  ovcr  her  iiue- 
rests  as  niember  of  Parliameiit  f.ir  the  county  of  (îaspc  ;  and  in 
the  rctirement  of  his  latter  years,  recordcd  her  annais  as  lier 
historian. 

He  died,  at  Québec,  on  the  i  ^tli  oclol'er,  1S56,  agcd  r)S, 
leavingbehind  him  the  memory  of  a  puro  career  and  incorriijni- 
ble  character.  "' 

Intcgcr  vitcc  sct'lcrisqut  pnrns. 


» 


i<>J:iut 


Samuel  J.  Watson,  Historien. 


I  > 


•)/ 


.-•■;i, 


En  vain  thcrclicr.iit-on  dan.;  Ic^  annale^  de  cette   jeune 
province    d'Ontario,  de    ces  scènes   émouvantes  de  siè;^es, 


lie  CCS  nasa 


rds  d 


e  ^:;'ucrre,  di.'  ces  dranMticjues  .situations  qui 


font  !o  cliarnie  de  notre  histoire. 

Cliez  nos  voisin-,  tout  n'-.-.;  que  d'hier  ;  leurs  ann^i  _.s 
datent  à  i)eu  jM-ès  de  l'établissement  de  cette  énergique 
colonie  d'éinij^rés  rcj'iiiistis  échat)[)ée  aux  mauvais  traite- 
monts  dont  les  menaçait  la  jeune  république  de  Washing- 
ton ;  les  United  Enipux  Loj>jlis's,i\':  17X3 

J. es  lioninif:s  d'Etat. Anglais  comprirent  de  suite  le  parti 
qu'ils  pourraient  tirer  de  la  bravoure  et  des  rancunes  de 
ces  partisans  de  la  nidnarcliie,  pour  protét,'er  le  Canada 
monarciiitiuf  contre  le  voisinage  de  leurs  anciennes  colonies 
révoltées. 


)rt  d.es    Uni  tu)  lùufiirc  Lcjui/ists   était    triste, 


'rs 


besoins  urgents.  1  .e  parlement  impérial  affecta  .{■  3.30c  > 
pour  !t  iir  \-enir  en  aide;  chaque  coK»n  en  outre  avait  d. 
un  octroi  gratuit  de  deux  cents  acres  d(j  teire,  en  Canada, 
ainsi  ([u'à  des  in>trLunents  arat<jires,  i.t  de^  provisions  de 
b<;>uchc,  jK'ur  comu'iencer  la  culture.  Les  partisans  de  la- 
inonarchie  tempérée  croyaient  donc  .u'oir  préjjaré  sur  nos. 
frontières  à  l'Ouest,  un  lempart,  une  digue  effective  contre- 
l'envah.ir'enient  des  idées  républicaines. 

Ivuinés  de  fortune,  mais  fort^  tle  leur  i^rc  -.tige    social    et 
[)leins  de  confiance  dans  les  [)romesses  de    leur    souverain,^ 

ns  des 


les    coi 


es 


les    25,000    loyalistes  se    fixèrent    sur  ton 

colonies  anglaises,  surtout  clans  les  provinces  maritimes  (i) 

où    ils    fondèrent,   en    1784,    Saint-Jea 


n. 


au 


N( 


veau-. 
Hrunswick,  et  Sorel,  près  ."^lontréal.    Ils  eurent  bientôt  créé 


ili  M,')  I')  se  flx'Toiit  e\  l'Uo  tUi 
Uniuswick. 


u.'.-K.lviir.I,  à  la  Xoivolh'  E 


osae  et  au    >i)iiv«.'imt. 


a 


MONOdkAiiiii:  4r 

des  villes  sans  beaucoup  s'occuper  des  anciens  habitants 
du  sol  et  de  leurs  traditions, — bien  déciilés  à  }■  implanter 
les  lois,  les  usages,  la  forme  de  gouvernement  libre  de 
leurs  pèr.^s,  au-delà  de  l'Océan.  Un  ;^M*and  nombre  de  ces 
émit;"rés  ou  de  leurs  descendants  jouèrent  un  rôle  prédomi- 
nant en  Canada  :  les  Haldv.in,  les  l-'dmsley,  les  AUcock,  les 
iJeW'itt,  les  White,  les  Robinson,  les  Smith,  les  Sewell  les 
Shernoud,les  Merritt,  les  lioulton,  les  Mcl'herson,  les  Gam- 
bie,les  Macauley,  les  Strachan.  Ontar  o  put  réclamer  une 
autre  classe  de  Loyalistes,  en  1797,  les  l^mi^rés  IVançais 
auxquels  le  Gouvernetiient  Impérial  accorda  des  terres  dans 
le  Canton  de  Windham,  II.  ('.  :  le  Dr.  Scaddinget  après 
lui,  l'archiviste  Hrymner  nous  fournissent  sur  cette  brillante 
immigration  qui  fut  de  courte  durée,  d'intéressants  détails  : 

■•  It  niay    bo  inlercsling,  dii    lîrymner,  lo   \v<[c   the    iiauies, 
raiiks,  and  graïUs  of   Uuid  iikuIc    to  ihe    Ireiich   Liiyalisls  ii!  ihe 
seltlenient  of  Windham.    Tliesc  1  liave   condenscd    froui  sovcral 
documents,   aaiong  tlic  original  païK-rs  in   ilie   Military  corres 
pondciice  (C  djo;  Scttlers  1801  lo  1S08.) 

AcRKS. 

Comte  de  Pui.sayc 850 

Cl.)  m  te  de  Chalus,  Muret  h.il  de  Canip.ColoiiL-l 650 

M.  h'AUcgrc.  Major  (ieutl-ial  du  DiUrict  de  \'anni'S,  Colc- 

"^•1 450 

VicomiL-  de  Chalus,  Adjiidanl  ()<  .  cral.  Colonel 350 

M.  de  .Marseuil,  Major  de  Divi.^.  .  Cieutf;.antCo!uucl....  300 
M.  l^iieiton  de  St.  Cieorge,  Major  de  Division,  Lieulenaïu- 

Colonel ^00 

.\I.  de  Farcy.  Aide-de  Camp,  (Capitaine 350 

M.  Renoult,  ('apitainc  sans  coniniiàsion .  150 

M.  Segeant,  Lieutenant  sans  eomniission 150 

The   following     noncommissioned    olticers     or     soldiers, 

ojoute  t  il,    namcly,  l'ouchartl,  Furon,   Langevin,   Jîugle 

and  Marchand,  received  a    hundred    acres    each. 500 

■'  Mr.  Renoult  was,  besides,  rcconnnended  for  a  gran'.  oi'  1  200 
acres   and  Mr.  Segeant  for  a  grant  of  500  acres 

•'  The  name  of  Mr.  Hoiteau,  Adjutant  Cieneral  of  the  District 
of  Rennes  et  Fougères,  with  the  rank  of  Lieutenant-Colonel, 
appears  in  the  list  of  those  holding  military  rank  but  not  in  the 
table  of  distribution  of  the  lands.  .So  far  as  can  be  ascertained, 
only  one  tamily.  that  of  Mr.  Quettonde  St.  George,  is  now  repre- 
sented  in  Canada.  '' 


» 


42 


SAMUEL  T.  WATSOX 


Si  le  passé  du  Canada  Français  éveille  peu  d'émotions 
chez  les  descendants  de  ces  loyalistes,  ils  aiment  néanmoins 
à  perpétuer  le  souvenir  des  rudes  commencements  de  leur 
propre  existence  coloniale,  des  épreuves  et  des  dangers 
encourus  par  les  hardis  pionniers  à  qui  ils  devaient  la  vie. 

L'origine  du  régime  constitutionnel  que  PittetGrenville 
leur  octro}èrcnt,  en  1791,  aussi  bien  que  leurs  propres 
luttes  contre  l'oligarchie  qui  pesait  sur  chaque  section  du 
Canada, — leur  dévouement  en  18 12 — leurs  jours  sanglants 
de  1837-38,  pour  anéantir  un  état  de  choses  intolérable  à 
tout  homme  libre — leurs  développements — leur  progrès 
incroyable  en  richesses,  en  population  (  i)  depuis  l'ère  de  la 
Confédération  :  ce  sont-là  autant  d'agréables  thèmes  à  bro- 
der pour  leurs  historiens,  autant  de  poèmes  à  chanter  pour 
leurs  poètes  ! 

'  e  malheur,  c'est  que  les  historiens  et  les  poète  sont 
rares  chez  eux  î 

L'atmosphère  du  /)<>//  et  du  //.vw/'tv' était  peu  favorable 
à  la  muse  de  l'histoire.  Muddy  Littlc  York  semblait  plus 
sympathique  aux  disciples  de  Plutus  qu'aux  fils  d'Apollon 

Si  le  Haut-Canada  a  été  pauvre  en  historiens  1 1  en 
poètes,  sa  presse  périodique  fut  riche  en  vigoureux  journa- 
listes, en  économistes,  en  penseurs  :  quelques-uns  d'entre 
eux  se  sont  livrera  d'importants  travaux, en  histoire.surtout 
l'histoire  constitutionnelle  et  parlementaire  de  leur  pro- 
vince. 

11  est  permis  de  regretter  que  la  mort  ait  enlevé  trop  tôt 
un  jeune  journaliste  Irlandais,  dont  les  écrits  sont  ma'^qués 
au  coin  du  talent. 

Samuel-James  Watson  naquit  à  Armagh,  en  Irlande,  en 
1S37,  et  fit  ses  études  à  l'académie  de  Belfast.  A  l'âge  de 
vingt  ans,  il  vint  chercher  fortune  au  Canada,  fit  ses 
premières  armes  dans  le  journalisme  où  il  se  distingua  par 
l'exactitude  et    l'habileté  avec  lesquelles,  il  rendit  compte 


(1)  En  178:1.  la  population  du  Hnut-r  in.tda  ùtiiit    ilW  pou  pri^s  2,00i)  âmes  et  colle  du 
Ban,  de  liii),UUU.  Àluintenaut  1»  populutiun  d'Uiitiirio  uxcùdo  colle  do  notre  provinct.'. 


MONOGRAPHIE 


43 


comme  reporter  des  débats  parlementaires  sur  l'important 
projet  de  loi  sanctionné  en  1S67,  connu  sous  le  nom  de 
XActe  de  la  Confédération. 

Ses  aptitudes  lui  ouvraient  en  1871,  la  porte  à  l'im- 
portante char<îe  de  bibliothécaire  de  la  Chambre  d'As- 
semblée d'Ontario,  où  il  se  signala  par  la  préparation  d'un 
Catalogue  des  livres  de  cette  bibliothèque,  lequel  lui  valut 
beaucoup  d'éloges.  Vers  cette  date,  il  s'éprit  des  annales 
canadiennes  et  préluda  à  ca  genre  de  travail  par  un  roman 
historique  f^ur  le  Massacre  de  Lachine,  en  1689,  ayant 
pour  titre  :  Paix  Killkk,  or  the  Massacre  of  Lachine 
a  Canadian  Romance,  1870. 

En  1874,  parut  le  premier  volume  de  son  histoire  cons- 
titutionnelle :  Tiia  Constitntional  History  of  Canada  :  la 
mort  le  surprit  avant  la  publication  du  II  volume,  bien 
que  dans  l'intervalle  il  mît  au  jour,  en  1876,  un  drame 
institulé  Ravlan,-A  Drama. 

Puis,  en  1879,  il  traitait  un  sujet  que  M.  Alpheus  Todd 
semble  presqu'avoir  épuisé:  T//e  Pozjer  of  Par/ia  ment,  ^i^n^i 
compter  plusieurs  autres. 

M.  Watson  expirait  à  Toronto,  le  31  octobre  1881  : 


)ptôt 

r-Qués 


i 


II 


John  Charles  Dent,  Historien^ 

1841. 

Voici  M.  Dent,  l'un  des  plus  brillants  journalistes 
d'Ontario,  porteur  de  deux  superbes  volumes,  de  500 
pages  (i)  chacun,  imprimes  sur  beau  papier,  avec 
caractères  neufs,  luxe  de  portraits,  de  paysages,  dessinés 
quelques-uns  par  la  princesse  Louise.  Une  copieuse  table 
de    matières  rend  facile  l'accès  à    ces  robustes  iii' quarto 

pour  référence. 

Si,  à  notre  point  de  vue,    la   florissante  province  d'On- 
tario a  été  dans  le  passé,  pauvre  en  historiens,  sousjc  rap- 
port des  journalistes  elle  a  été  riche,  très-riche.  Il  est  facile 
de  s'expliquer  l'empire   que   la   presse  quotidienne  exerce 
sur   sa   population    instruite    quand    on    songe   qu'elle   a 
conîpté,  qu'elle  compte  encore,   parmi  ses  publicistes,  des 
écrivains    comme    Goldwin    Smith,    la    plus    forte    plume 
anglaise  de  l'Amérique  entière  ;  les  deux   Brown,   George 
l'aîné,  et  son  plus  jeune  frère,  John  Gordon   Brown;  Wil- 
liam Lyon  McKenzie,   Charles    Lindsay,  William  A.  Mc- 
DoLigali,  Morrison,  Blackburn,  lieattie,  Sheppard,  Samuel 
J.  Watson,  John  Charles  Dent,   Martin  J.  Griffin,  Roberts» 
et    un  groupe   de    littérateurs    plus   jeunes   encore,  actifs, 
amateurs  de  l'étude  et  pleins  de  talents. 

M.  Dent  nous  était  déjà  connu — avantageusement  même 
— par  son  beau  livre  "  The  Canadian  Portrait  Gallcry,  "  (3) 
et  les  pages  qu'il  vient  de  tracer  dans  "  Canada  siiicc  thc 
Union  <y  1841  "  resteront  comme  un  monument  de  labo- 
rieuses et  utiles  recherches. 

Il  y  a  chez  M.  Dent  de  grandes  qualités,  des  qualités 
que  parmi  les  annalistes  de  notre  pays  tourmenté  de  divi- 
sions politiques,  d'antagonisme  de  races,  etc.,  l'on  ne  tiouve 
pas  à  toutes  les  portes.    Il  y  a  de  l'impartialité,  de  la  dali- 

(Il  Tlir  Inst  iortv  ycar.;  :  V.tividii  niiirc  fkf  l'nion  0/  1841.— Hy  John  Ciiurle»  J)ciit— 
Oeori,'''  Virtiio,  piilplislier!^,  Toroino  1^8;•. 

(:ii  U  ont  uiitr'HUtros  jiour  colla))()r;iti.'iir«  :  fiooruc  StPwart,  jr.,  ilc  (^iiùlicc,  ot  Sir 
FraiiciB  iltuckii,  de  Moiitréiil. 


MONOGRAPHIE 


45 


catesse  dans  les  jugements  formulés  par  lui  ;  il  serait  diffi- 
cile de  dire  à  quelle  école  politique  il  appartient. 

Et  s'il  ne  nous  enthousiasme  pas  toujours  lorsqu'il 
nous  dévoile  la  carrière  ardue,  les  nobles  aspirations,  les 
luttes  désespérées  de  ces  mâles  et  patriotiques  fij^ures  de 
1837-38,  les  Papineau,  les  Viger,  les  Lafontaine,  les  Morin, 
les  Taché,  les  Cartier,  c'est, croyons-nous,parce  qu'il  n'a  pu, 
comme  nous,  assister  au  douloureux  spectacle  de  la  patrie 
agonisante,  voir  les  acteurs  à  l'œuvre,  les  prendre  sur 
le  vif.  M.  Dent  a  grandi  dans  un  autre  milieu,  dans  une 
autre  ère,  subissant  d'autres  influences,  d'autres  convictions  ; 
il  n'était  tenu  que  d'être  le  froid, l'impartial  historien  d'une 
époque.  Aussi,  avec  la  J//;/<r7r,devons-nous  répéter  :  C'est 
peut-être  la  première  fois  que  l'histoire  politique  (du  Cana.la) 
est  écrite  par  une  main  anglaise  sans  le  parti  pris  de  tou- 
jours dire  du  mal  des  Canadiens-Français." 

Il  est  toutefois  regrettable  que  cet  écrivain  n'ait  ou 
l'avantage,  comme  en  ce  moment  M.  C  H.  Farnham,  de 
séjourner  parmi  nous  quelque  temps.  K\\  se  familiarisant 
avec  no-  us  et  coutumes,  avec  la  vie  intime  du  peuple  dps 
campagnes,  il  aurait  pu  sans  doute  se  garantir  contre 
quelques  appréciations  qui  nous  semblent  hasardées 
et  plus  que  risquées.  Jcixn-Baptistc  est  de  trop  bor.ne 
lignée  pour  toujours  faire  queue.  Le  mode  de  concession 
de  nos  terres,  sous  laucicn  régime  seigneurial,  avait   moins 

d'inconvénients  que  M.  Dent  lui  en  prête En  fait  de 

culture  moderne,  nos  bons  amis  du  Haut-Canada,  en  1841, 
aussi  bien  qu?  nos  cultivateurs  de  Québec,  avaient  encore 
bien  des  choses  à  apprendre,  car  l'agriculture  améliorée, 
chimique,  date,  au  plus,  du  commencement  du  siècle.  Les 
élections  à  coup  de  InUoii.  à  MontrcAl,  en  1841,  eussent 
mérité,  il  nous  semble,  une  note  de  censure  plus  forte  que 
M.  Dent  leur  applique,  à  moins  que  l'histoire  ait  été  singu- 
lièrement injuste  à  Lord  Sydenham.  Si  l'annaliste  des 
dcrmlrcs  quarante  années  n'a  qu'à  dire  à  ses  lecteurs  d'On- 
tario, pour  que  \\  chose  soit  admise,  qu'avant  l'Union  des 


46 


JOHN  CHARLES    DENT 


Provinces  en  1841,  le  Clergé  Catholique  du  Bas-Canada,, 
était  opposé  en  principe  [Vol  I  P.  54]  à  l'éducation  popu- 
laire, cet  av"acé,  ou  je  me  trompe  fort,  ne  saurait  passer 
par  chez  nous  sans  réclamation. 

Les  silhouettes  de  nos  !::^ouverneur?  :  Kapjot,  Cathcart, 
Elgin,  Mead,  Monck,  Lisgar  et  autres,  sont  tracées  de 
main  de  maître,  et  «|uand  son  pinceau  délié  nous  redonne 
sur  1.1  toile  du  passé,  les  chefs  politiques,  les  demi-dieux  de 
l'époque,  Draper,  Lafontaine,  lialdwin,  Sullivan,  McNab, 
Caron,  Plincks,  Harrison,  on  se  croit  reporté  a  cette  ère  si 
palpitante  de  184 1-9,  à  ce  temps,  hélas  !  éloigné,  où  MM. 
Lafontaine,  Draper,  Caron,  avec  leur  "crise  ministérielle," 
bouleversaient  le  pays  entier  ;  où  tout,  jusqu'aux  cha- 
peaux, avait  une  mine  revôchc,  une  allure  à  pic  ou  comme 
l'on  disait  :    une  allure    "  à  la  crise  ministérielle.  " 

Avant  de  lire  M.  Dent,  nous  avions  de  la  difficulté  à 
embrasser  sous  ses  multiples  aspects  cette  affreuse  mesure 
de  spoliation — le  traité  Ashburton — l'œuvre,  dirons-nous, 
de  l'mcurie  ou  de  l'ignorance  de  la  métropole  ;  et  si  l'histo- 
rien Torontonien  a  administré  une  verte  tlagellation  à 
l'agent  principal,  au  grand  moteur  dans  cette  gigantesque 
fraude  qui  nous  a  enlevé  au  moyen  de  cartes  géographi- 
ques forgées,  une  si  vaste  portion  de  notre  territoire — 
à  Daniel  Webster. —  ce  dernier,  certes,  ne  l'avait  pas 
volée. 

Quel  vaste  panorama  pendant  ces  quarante  années, 
1 841-81,  M.  Dent  ne  déroule-t-il  pas  à  nos  avides  regards  ? 
L'incendie  du  Parlement  à  Montréal,  en  1849,  et  tous 
SV-:  tristes  souvenirs,  l'abolition  des  réserves  du  clergé 
anglican,  l'abolition  de  la  tenure  .seigneuriale  vu  1854.  la 
qucstiiMi  orageuse  de  la  double  majorité  en  chambre,  les 
curieuses  et  incessantes  évolutions  de-;  partis,  la  thèse  ladis 
si  brûlante  de  Kep  hy  Pop, — la  représentation  d'après  le 
chiffre  de  la  population —jusqu'au  </o.7/;/t  .i7//(,i^<' ;  finale- 
ment le  couronnement  de  notre  œuvre  nationale:  l'inaugu- 
ration du  nouveau  régime  de  la  confédération  des  Provinces 


MONOGRAPIIIK 


47 


en    1.S67  :  voilà  autant    de  phases    importantes   de    notre 
existence  coloniale  où  M.  Dent  jette  des  tlots  de  lumièic. 

John  Charles  Dent  naquit  à  Kcndal,  (..mité  de  West- 
moreland,  Angleterr-»  le  8  novembre,  1S41.  Il  vint  au 
C*inada  fort  jeune,  accompag'né  de  ses  parents  qui  se  fixè- 
rent dans  le  voisinaç;e  de  Brantford,  Haut-Canada.  Il 
reçut  les  premiers  éléments  de  l'éducation,  à  Brantford  et 
Compléta  sort  cours  à  l'Université  de  Toronto.  Il  fit  son 
droit  en  cette  dernière  ville  et  reçut  son  diplôme  comme 
"  procureur  et  .solliciteur,"  au  terme  d'automne  de  ivSr)5. 
En  octobre  1866,  il  épousait  Mademoi.sellc  IClsio  Mcintosh, 
fille  de  ]M.  Alex.  McIntosh,  de  Woodstock,  H.  G.  l'eu  de 
temps  après,  il  retourna  en  Anf^lc^terre  et  se  dévoua  à  la 
littérature  et  au  journalisme.  Il  fut  at^réi^é  au  personnel 
éditorial  du  [^rand  journal  an_i;lais,  le  Daily  Tclcgrapli  et 
devint  le  collaborateur  de  plusimirs  revues  et  publications 
périodiques  ans^laises. 

Puis,  on  le  voit  revenir  au  Canada  en  1876  ;  pendant 
quatre  années,  il  fut  un  des  actifs  écriv.iins  du  Globclx 
Toronto.  Il  mettait  de  côté  en  18S0,  la  [lame  acérée  du 
journaliste  pour  se  dévouer  entièremt  Mt  à  la  carrière 
littéraire. 

M.  Dent,  en  ce  moment,  élabore  une  Listcirj  en  deux 
volumes,  de  l'insurrection  du    Ilaut-Canaùa    en    1837-08. 

Plusieurs  poèmes  et  hi.-^toriettes  de  M.  Dent  ornent  les 
colonnes  des  Rcviits  et  des  ^^rands  journaux  de  l'Angle- 
terre. Helford's  Magaciiiit  en  1877,  contenait  une  fraîche 
nouvoilc  i'ititulée  :  "  TllK  CrKkUARD  SI'RKK  T  MV>rr.KV  " 
feuvre  d'imagination  créée  par  M.  Dent:  cette  historiette 
étrange  pu'Dliée  sous  le  voil':  de  l'anonyiiic  fut  beaucoup 
lue  et  admirée. 

Ses  contributions  à  'a  littérature  canadienne  sont  : 

lo.    The  Caitadiaii  Portrait   liallcry,  4  vo's.  40. 

2o.   T/it-    Last    Forty-  Y  cars  :      Canada   si/wt'    tlic    Union 
1S41  — 2  vols  Royal  octavo, 


48 


TOUX  CHARLES  DENT 


3o.  Toronto.,  Past  and  Prcscnt,  {Ilistorical  ami  Descriptive,) 
a  mémorial  vol.  for  thc  scnii-ccntctiuial  of  1S84. 


k 


Le  Dr  H.  H.  Miles,  L. 


D.,  D.  G.  L. 


Henry  Hopper  Miles,  l'historien,  est  natif  de  Londies, 
Ang  eierre,  où  il  vit  le  jour  pour  la  première  fois,  le  iS 
octobre  1818.  Son  père  était  Lieutenant  dans  la  Marine 
Royale. 

Il  commença  ses  études  à  Exeter,  dans  le  Devonshire  ; 
puis  il  se  rendit  à  Edimbourg  et  à  Aberdeen,  en  Ecosse, 
pour  y  compléter  ses  cours  dans  les  sciences,  aussi  bien 
que  dans  la  médecine,  sans  toutefois  ne  jamais  pratiquer 
l'art  d'Esculapc,  qu'il  avait  d'abord  adopté  comme  profes- 
sion. 

En  1845,  on    le    rencontre    absorbé    cians    les    travaux 

ardus  de  l'enseimiement  à  LennoxviUe,  Cantons  :ie  rj:lst, 
comme  professeur  de  mathématiques  et  de  philosophie 
naturelle  à  Bisfiop\';  Co//t[ç<  Il  a  rempli  aussi  peniiant 
vingt  et  un  ans,  les  fonctions  de  Vice- Principal  de  ce 
florissant  collège. 

En  1S62,  ses  aptitudes  le  firent  choisir  pour  accduipa- 
gner  Sir  William  Logaii,  l'illuatre  géologue,  délégué  du 
Canada  à  l'exposition  Internat  onale,  tenue  cette  année  là 
dans  la  capitale  de  l'Empire  i^ritannique  :  le  Dr  Miles 
était  spécialement  préposé  à  la  surveillance  des  intérêts 
des  Cantons  de  l'Est,  en  rapport  avec  les    objets    exposés 

Il  avait,  en  185S,  jDris  part  comme  Lù/i/nr,  aux  confé- 
rences données  au  JlAr/îanics  IusiitittL\[x  Montréal,  sur  des 
sujets  se  rattachant  à  l'hN'giène  des  résidences  privées, 
aussi  bien  qu'à  celle  des  maisons  d'ivcole. 

En  1S66,  il  résignait  sa  charge  à  iiis/iop''s  Col/tgc,  pour 
accepter  la  position  fort  responsable  de  Secrétaire  du 
Département  de  l'Education  de  la  Province  de  Québec, 
branche  anglaise.  L'Université  d'Aberdceu,  en  1863, 
l'Université  de  McGill  Collcgc,  à  Montréal,  en  l 'èGG,  lui 
conféraient  chacune,  un  degré. 

Les  Instituteurs  Protestants  de  cette  Province  en  1877 
le  nommèrent  Président  de  leur  association. 

K 


;)0 


LE  DR  H.  ir.  MILES 


c 


V.n  iSSo,  il  fut  élu  Président  de  la  Société  de  Géogra- 
phie de  Québec,  fondée    par   l'Hon.  P.  Fortin,  M.  P. 

C'est  surtout  par  ses  travaux  historiques  que  le  Dr 
Miles  s'est  fait  connaître. 

Il  est  l'auteur  des  traités  suivants,  destinés  plus  spéciale- 
ment à  l'usage  des  écoles  et  approuvés  par  le  Conseil  de 
l'Instruction  Publique: 

Chîhis  Ilistory  of  Canada, — ScJiool  History  of  Canada  et 
un    traité   beaucoup  plus   étendu  intitule  :    Canada  nndcr 
.thc    i'rcncli    Kcginic.    Quelques-uns    de    ces    volumes    ont 
atteint  une  seconde  et  môme  une  troisième  édition. 

Ce  travail  recevra,  paraît-il,  plus  tard  son  complément 
sous  le  titre  :   Canada  nndcr  Ih'itish  Rnlc,  1759-1867. 

On  rencontre  dans  les  ^Mémoires  de  la  Socictc  Littc'rain 
ri  Iliston'qnc,  quelques  excellentes  études  du  Dr.  Miles- 
\ln  1879,  il  adressait  à  une  Rcrnc,  de  Toronto,  le  Canadian 
Hlont/dy,  de  fort  judicieuses  observations  sur  le  séjour  de 
l'amiral  Nelson,  à  Québec,  en  17S2.  Le  j  on  mal  etc.,  de 
Thompson  avait  été  mis  à  la  diposition  du  savant  histo- 
rien ;  il  en  usa  largement. 

C)n  lui  doit  également  un  Mémoire  important,  où  il  dis- 
cute le  système  d'éducation  fourni  par  les  Lycées  (///i,''// 
Si'//(>û/s)  de  Québec,  de  Montréal,  de  Kingston,  comme 
ayant  pris  la  place  des  I\.(yal  Grannnar  Sc/ioo/s,  créées  par 
la  Couronne  Anglaise  en  ces  villes,  au  commencement  du 
sciccle  :  les  arguments  employés  par  le  Dr.  Miles  auraient, 
parait-il,  exercé  de  rintluencc  sur  l'action  du  Gouverne- 
ment, en  l'induisant  à  CDutinuer  les  octrois  publics  pour 
cet  objet. 

Le  travail  du  Di.  Mile>  "  Canada  undcr  thc  FrcncJ:  Kc- 
ginu\  "  enrichi  de  planche.-^,  cartes,  etc.,  est  fort  utile,  et 
nul  doute  que  si  le  savant  historien  protestant  se  fût 
trouvé  dans  un  autre  milieu,  il  aurait  eu  ses  coudées  fran- 
ches, et  ses  appréciations  de  plusieurs  incidents  du  passé, 
auraient  eu  un  caractère  plus  tranché. 


■I  1. 


W.  H.  Withrcw,  Historien 


i  \. 


j  ■■ 


Au  nombre  des  travaux  hi.storiqui.';s  de;  longue  haleine 
sur  le  Canada,  entrepris  par  les  hommes  de  Icttre.i  d'(  )n- 
tario,  notons  l'histoire  populaire  (i)  tle  la  Confédération 
Canadienne  (  1608-1878)  écrite  par  M.  William  II.  With- 
rcw M.  A.,  professeur  dans  un  des  priiici[)au\  collôges  de 
Toronto. 

C'est  un  rcçit  simple,  animé,  impartial,  croj-jus-iiou'; 
des  événements  tant  anciens  que  modernes  dont  Us  huit 
provinces  du  Canada  Confédéré  ont  été  le  théâtre.  M. 
Withrow,  éloquent  pasteur  méthodiste,  di-court  avec  élo<jes 
des  travaux,  des  souffrances,  des  succès  de  nos  j^remiers 
missionnaires. 

Son  œuvre  foui  mille  de  renseigneuents  sur  l'origine  d  s 
Indiens,  leurs  ancienne^  migrations,  iours  u;  et  coutumes, 
sur  les  développements,  les  ressource-;  .igricnles,  industrielles 
commerciales,  minières,  etc.,  des  divi-rses  provinces,  sur  les 
sièges,  les  invasions  quelles  eurv.!it  a  .subu\  sur  mille  inci- 
dents dont  la  Connaissance  ne  sauiait  être  a.-^sez  vulgarisée 
parmi  les  diverses  races  qui  compoieiil  notre  populatioii. 

Afin  d'agir  plus  si^n-ement  et  i)lus  rapidement  sur  l'ima- 
gination du  peuple.  M.  Withrow  a  intercalé  dans  le  texte 
de  sonin-qiiitrto,  beau  volume  de  634  pages.toute  une  série 
de  dessins  sur  bois  et  aus^i  quelques  gravures  sur  acier 
d'une  riche  exécution.  Il  semble  avoir  rendu  un  service 
réel  à  l'élément  anglai.-^  d'Ontario,  des  provinces  maritimes, 
aussi  bien  i^u'a  celui  de  l'o  est,  en  etraçantles  annales 
du  Canada,  en  un  st\-le  châtié,  quelquefois  très  orné,  sans 
parti  pris  de  rabaisser  aucune   nationalité  en  particulier. 

M.  Withrow  éditait  tout  récemment  une  des  revues  les 
plus  populaires  d'Ontario  :  Le  Ca/iadinn  Mcthodist  Jlirr-ii- 


t^)  A  J'iifilii-'  Jliif'iiy  1/  Ihe  D'iiiiiiiimi  4'/  Ciiiiiiihi.     fioin  iliscoviTy  of  America  to 
llie  inesi'iit  tiiiu\  ly  \V."u!  Witliiow,  JI.  A.' Uliutratcd.  Hoston— Toronto   1^^7S'. 


52 


\v.  II.  wrriiKow 


.:///t.  Il  est  l'auteur  des  œuvres  suivantes:  Catacoiiibs  of 
Rome  Sc/iool  History  of  Canada.  Toutefois  ceux  qui 
tiennent  à  analyser,  à  peser  les  autorités  sur  letiquclles  un 
historien  s'appuie,  aimeraient  ù  rencontrer  soit  en  marge, 
soit  au  bas  des  pages,  les  noms  des  auteurs  dont  il  emprunte 
un  fait  ou  une  appréciation. 


c 


John  MacMuUen.  Historien.  Journaliste. 


Au  moment  où  se  consolidait,  pour  le  Canada-Uni,  l'ère 
de  réhabilitation,  d'expansion,  de  réformes,    inaugurée  p. 


ir 
ée 


Lafontaine,  Haldwin,  Morin,  Ilincks,  etc.,  just-:  une  ann 
après    le    règlement    fijial    des    deux     grandes     questions 
brûlantes  du  temps  :  la  Ttiinrc  Scigiiiiirialc  et  les  Rcscncs 


fin    Chr. 


■htdi 


eau,    parais 


sait   ît    Hrockville    II.    C,    en 


1855,  l'histoire  popu!ai:e{  lydu  Canada,  de  John  MacMullen. 
Ce    fut    un   progrès    réel    en    histoire    :    le  Haut 


illit 


tel  ;    r 


'itait 


ms 


Canada 
conteste. 


1  accuei 

L'écrivain,  dans  ce  volume,  fait  preuve  d  impartiante, 
d'une  grande  industrie,  de  recherches  conscienticuses, 
étendues,  sur  la  population,  l't'migration,  le  commerce, 
l'agriculture,  l'éducation — bref,  de  plusieurs  des  qualités  de 
l'historien. 

M.  MaCiMuUcn,  dans  une  édition  subséquente  mena  son 
travail  jusqu'à  l'année  i8''>S  ;  ce  qui  lui  fournit  l'occasion 
de  compléter  le  récit  de  ce  qui  avait  eu  lieu,  depuis  l'Union, 
en  1S41,  jusqu'à  la  Confédération  en  1S67,  et  d'}- insérer 
entre  autres  sujets,  de  savantes  étude  sur  l'étendue  des 
pouvoirs  locaux  et  généraux  de  nos  gouvernements. 

L'école  libérale  a  reproché  à  M.  MacMulîen  d'êtr,'  un 
conservateur  cà  tous  crins,  au  point  même  de  trouver 
couleur  de  rose  le  doiiNc  s/iiijjlc  de  1858. 

Partisan  avoué  des  traditions  britanniques,  l'auteur  ;-e 
plaît  à  préconiser  la  supériorité  du  Haut  quelquefois  au 
détriment  du  Bas-Canada.  Tout  en  faisant  une  large  part 
à  l'attitude, au  patriotisme  des  Canadiens  des  anciens  jours, 
on  sent  qu'il  préférait  que  cette  colonie,  passée  au.x  mains 
de  l'Angleterre,  fût,  dès  1791,  devenue  Anglaise  ou  en  tout 
et  partout   homogène  avec    la  métropole.     Il  entasse  des 


(1)  "  TliL'  Hiatory  of  Caiiaila  frnni  its  fir?t  discovery  to  tlio  j)ivsont  tim.^,  liy  John 
MacMullkn-,  autlior  of  Ciim;i  fini'  B'irrink  I! )'>in,  or  tin;  BriHuh  Anini  ovi'/.  ■ 
Brockville,  H.  C.  ISJ.'. 


54 


lollN    MacMUl.l.L-N 


stali.'tiqiKs  pour  clcmoiitrcr  le  'Urcn 


it  d 


es  ilcpt.nscs  auni!-. 


uistrativcs,     !c    ripii,i;,;c    doiib'c.    complexe   que    nécessite 
l'us.'iLïe  cle.>   lieux    !arj;ue»   dans  la  go'.i\'erne  de  cttte  .'-ec- 


tmii-ci,  la  iiU)M)>  nclie  en  ressources  et  en  priiuilation. 

L  histoire  de  MacMulien,  bien  qu'elle  fasse  autorité',  n'est 
pas  exempte  d'erreurs.  M.  Dent  lui  en  reproche  une  assez 
l^frave,  relativement  à  l'attitude  avant  1S51,  qu'il  prête,  sur 
la  question  des  A'(.N\7'rr.o/// C 7(7;^'; •',  à  Robert  Jîaldwin,  le 
père  du  r^ouverncnu  lit  responsabledans  le   Haut-Canada 

Sir  h'rancis  Ilincks  impute  ces  défectuosités  au  manque 
d'une  bonne  bibliothèque  consultative,  à  JJrockvillc, 
iiire  de  MacMu'len  vitlejou  .    On  [)ourrait  ajouter 


ou 


'hi-^ti 


que  l'absence  d'un  bon  index  a  ej^^aleinent  amoindri  l'utilité 
de  ce  travail  i)our  qui  \"cut  le  consulter. 

M.  MacMullen,  ardent  polémiste,  a  i'éi.liL;é  depuis  1866 
le  J/('///Aj/-,  journal  conservât  ur  de  lirockville.  ICn  1846,1! 
publiait  à  Londres,  son  premier    ouvrai^e    ci-devant    cité  : 


Camp  aiiil  llarrac/c  A' 


'  i!U. 


Francis  Parkiran 


L,i  présence,  en  iS5(,  sur  l'aiciie  tic  rii'stoirc,  lIu  sa\. int 
américain  l'arknKin,  étraiv^er  a  nos  luttes,  n'a}'ant  par  s.i 
nationalité,  ses  sympathies,  rit-n  tic  commun  avec  les 
vainqueurs  et  les  vamcus,  affirmait  l'existenc»'  d'une  tri)is- 
ième  école  en  histoire,  que  nous  pourrions  i  ommer  l'école 
américaine. 

i'"rancis  l'arkman  est  ne  à  lîoston,  le  |6  septembre  I''^J3' 
Son  enfance  s'écou'a  près  îles  L^ramls   bois,  à   l.i    résidence 


lie  son  <:rand-pere,  a  l  inteneur  du    Massachusetts  .    de  la,, 
vraisemblablement  lui  sont  venues  ses   premières    ve  léité.s 


a  \'ie 


forest 


lere. 


lui  iS^o.  corn 


4'^'. 


imença  >a  vie  de  colle,;*: 


^t  à 


//, 


iin\ii\i 


Colletât,  près  de  lîoston,  (pi'il  fit  son  cours  d'études. 

ICn  1S43.  il  entreprit  un  vo}-ai;c  en  lùiin'pe,  en  piissmt 
jxir  Rome,  Gibraltar  et  Malte  ;  puis,  ifinontaiit  par  le 
nord  de  l'Italie,  il  traversa  la  Suisse  et  pas^a  par  l'aris. 
et  Londres.  Il  reprit  ensuite  ses  cours  à  Camhridfje,  et  en 
1844,11  subissait  ses  examens.  Il  étudia  d'abord  le  droit:  son 
esprit  aident,  romanesque,  sa  passion  pouf  les  vos'aL,^es  ie 
poussaient,  en  1846,  à  faite  une  expédition  assex  ruile  au 
sein  des  Montagnes  Rocheuses. 

1/aventureux  vo}-arreur  )•  vécut  jieiuiant  pi'  sieurs  mois 
de  la  vie  sauvage,  parmi  les  tribus  J.i\-erses,  les  •'Uiwint 
dans  leurs  grandes  chasses. 

C'-Nt  là  où  il  prit  cette  connaissance  [)rof<Mule  ilu  c:irac- 
tère  sauvage  ainsi  que  les  matériaux  pour  ses  splendi'.ies 
descriptions  de  l'homme  da^  bois. 

Insensible  à  la  fatigue,  avide  de  tout  connaître,  inic- 
cesslb'e  à  la  peur,  il  tenta  des  courses  dans  la  forêt,  bien 
au-delà  de  ses  forces,  et  y  contracta  une  infirmité  (]ul  l'in- 
commoda p  us  de  trente  aii>-. 


■II 

I 


feS 


56 


FRANCIS    TARKMAX 


■P 


Dès  ses  plus  jeunes  années,  M.  Parkman  avait  résolu 
d'écrire  l'histoire  de  la  domination  française  en  Amérique. 

L'origine,  le  dév^cloppomen':  et  la  décadence  de  l'in- 
fluence française  en  Amérique,  ofifrcnt  une  suite  de  scènes 
d'un  intérêt  frappant  clans  l'histoire  moderne,  La  lutte 
longue  et  acharnée  que  se  livrèrent  la  l'rance  et  l'Angle- 
terre et  qui  se  termina  par  le  triomphe  de  la  race  anglo- 
saxonne,  eut  sur  les  destinées  de  ce  continent  des  résultats 
incalculables 

L'bi-^toirc  des  deux  colonies  française  et  anglaise  a 
mis  en  regard  deux  s\'stèmes  opposés  :  la  Monarchie  et  la 
République,  la  Féodalité  et  la  Démocratie 

"  Ces  deux  s\-stèmes  exprimés  par  deux  croyances  reli- 
gieuses, le  Catholisime  et  le  Protestantisme,  ont  fait  res- 
sortir avec  éclat  le  genre  si  différent  des  deux  races.  " 
{l'ab/'c  If.  K.  CûSi^raiii.) 

I\I.  Parkman  a  traité  l'histoire  du  Canada,  1 534-1760 
par  époques,  choisissant  et  ex[)osant  l'événement 
principal,  quelquefois  la  figure  1,1  plus  saillante  :  il  ne  lui 
reste  qu'à  ajouter  \\n  seul  anneau,  pour  compléter  la  chaîne 
de  ses  récits. 

II  débuta  en  1851,  par  l'histoire  de  la  conspiration  de 
Pontiac,"  ce  génie  étonnant  qui  par  son  éloquence,  sa  bra- 
voure, son  astuce  contrebalam.'a  pendant  quelque  temps, 
toute  la  puissance  de  l'Angleterre  dans  l'ouest  du  Canada. 

¥a\  1858-39,  ii  fit  un  second  voyage  en  lùu-ope,  et 
recueillit  dans  les  archives  coloniales  de  Londres  et  de 
Paris,  une  foule  de  documents  historiques.  Un  troisième 
voyage  à  Paris  eut  lieu  dix  ans  après,  pendant  l'hiver  de 
1868-69.  L Histoire  de  la  fccdalitc  au  Canada,  dont  Fron- 
tenac est  le  plus  remarquable  représentant,  nécessita  un 
quatrièaie  voyage  en  Europe,  pour  compulser  les  archi- 
ves françaises. 

Puis,  viendra  le  Jlatx  Rcgiinc  en  Canada  :  il  en  est  qui 
ont  trouvé  que  l'historien  de  Boston  y  avait  vu  les  choses 
irop  en  noir,  dans  l'antique  cité  de  Champlain. 


MONOGRAPHIK 


57 


L  Etude  sur  les  Jcsuitcs,  1S69,  a  plus  d'avantages  par  sa 
série  de  tableaux  éblouissants  du  zèle  de  nos  premiers 
missionnaires  et  la  peinture  véridique  de  leurs  souffrances. 

En  1878,  paraissait  la  belle  biographie  de  Frontenac. 

M.  Parknian  publiait,  dans  l'automne  de  1SS4,  les  deux 
volumes  '  MoxrCALM  "  et  "\Vc)Ll-'r.  "  qui  ont  absorbé 
tous  ses  loisirs  depuis  187S  et  ditnt  on  a  ùemandc  ])lu- 
sieurs  tirages. 

Ce  dramatique  récit  au  sujet  de  deux  héros  dont  la  renom- 
mée a  pénétré  dans  toutes  les  parties  du  inonde,  a  encore 
ajouté  quelques  fleurons  à  la  couronne  de  l'annaliste  du 
Canada  primitif. 

La  mort  de  Jumonville,  la  bataille  de  la  Monongahéla  et 
reN'i)u!sion  des  Acadiens,  en  1755,  suscitercMit  sans  doute 
des  contradicteurs  à  M.  Parkman.  Sans  justisfier  la  dis- 
persion des  Acadiens,  il  affirme  que  deux  alternatives 
existaient  pour  ces  pauvres  délaissés  dont  la  France  titdes 
jouets  si  longtemps,  sans  pouvoir  les  protéger  à  l'heure 
suprême  de  leur  déchéance.  Province  conquise,  où  ses  habi- 
tants devaient  accepter  le  sort  des  vaincus,  devenir  ujets 
anglais.prèter  le  serment  d'allégeance  comme  le  firent  leurs 
voisins  à  Québec,  quatre  ans  plus  tard,  ou  bien  évacuer  la 
place  et  retourner  en  l'Vance.  iVyant  refus^^  l'une  ou  l'autre 
alternative,  il  ne  restait  au  vainqueur  selon  les  idées  du 
temps,  qu'un  parti  à  prendre. 

Les  écrivains  français  qui  trouvent  atroce,  inouï,  le  sort 
subit  par  ces  infortunés  Acadiei.s,  en  1755,  ne  devraient 
pas  oublier  qu-»  c'e^t  le  traitement  même  que  le  roi  de 
France  réservait,  en  lôSQ.à  la  colonie  de  la  Xouvelle-Vork, 
si  ses  vceu.x  eussent  été  exaucés  et  si  les  arnîcs  françaises 
eussent  prévalu  en  ce  pays. 

"  Acceptez  ou  rejetez  mes  conclusions,  "  semble  dire 
Parkman,  mais  "  voici  les  fliits  "  C'est  de  l'histoire,  de 
l'histoire  véridique  et  austère,  qu'il  nous  offre,  et  non  la 
poésie  séduisante   du  chantre  d'Fvangéline, — Longfellow. 


58 


FRANCIS    l'AkK.MAN 


CcLix  ijui  >c  SL-nteit  du  i'ardcur  pour  le  combat  ont 
inaint-jnaîit  une  belle  occasion  de  rompre  une  lance  avec 
l'arknian  ;  L-  malheur  c'est  que  plusieurs  des  lettres  et  des 
documents  qu'il  invoque  n'existent  pas  encore  en  Canada: 
les  aura-t-on  plus  tard  ?  Je  l'cspere. 

Il  nous  a  été  donné  récemment  de  voir  sur  les  rayons 
de  la  bibliothèque  de  la  Sociéié  Historique  du  Massachus- 
setts,  à  Boston,  les  liasses  de  manuscrits,  de  lettres,  etc.,  que 
M.  Parkman  a  fait  copier  en  France  et  en  Angleterre^ 
pour  le  i^uidcr  dans  j-a  bioi^raphie  île  Montcalm  et  de 
W'oife,  trente  iii folio  reliés,  embrassant  au-delà  de  huit 
mille  pages  de  mémoires,  de  lettres,  et  qui  n'existent  pas 
chez  nous.  Ils  ont  dû  coûter  à  l'infatigable  chercheur,  de 
fortes  sommes,  des  veilles  inouies,  voyages  sur  vo\'ages  en 
Europe,  etc. 

Au  nombre  d.es  rei)rojhes  que  l'on  a  f<iits  à  l'historien  de- 
Boston,  un  des  j;lus  communs,  et,  selon  mol,  l'un  des  i)lus 
étranges,  c'est  qu'il  e>t  loin  d'ap[)r(icier  l'ancien  ordre  i.le 
choses,  ei;  la  colonie,  au  point  tle  vue  (.le  l'écri^Min  catho- 
lique ;  M.  l'arkman  ne  s'est  jamais  dont)é  c^iaime  écrivain 
catholique. 

Quelque  soit  le  verdict  que  la  [jostérité  reserve  à  ses 
écrits,  on  ne  saurait  luirefu-er  une  science  pri, fonde  de  son 
sujet,  des  renseignements  puis'^^s  aux  sources  même,  de 
rii)déper.dance  dans  ses  jugements,  le  tout  joint  à  cette 
magie  de  style  qui  enlève  le  lecteur. 

Xon-seulenîcnt  le.-,  travaux  historiques  de  M.  l'arkman 
jouiront  d'une  grand.e  réputation,  dans  sa  patrie,  fière  de 
ses  Bancroft,  de  ses  Irving,  de  ses  l'rescott,  de  se-;  Motley, 
mais  ses  succès  ont  mètiic  réussi  à  battre  en  brèche  le 
dédain  ipie  l'Angleterre  '  idis  affichait,  pour  les  ceuvrcs 
intellectuelles,  nées  sur  le  sol  américain. 

"  W'ho  reads  an  american  book  .••  "  "  Oui  lit  un  auteur 
américain,  "  s'écriait  à  Londres,  il  y  a  une  trentaine  d'an- 
nées, le  célèbre  Sydney  Snrth.  Ce  temps  est  loin  :  la 
presse  de  Londres,  les  Revues  les  plus  en  vogue,  le  West- 


MONOGRAI'HIE 


59t 


iiiiiisicr  Rcviciv,  •,  i  )  JUocki^'oiui's  Mûgar.iiic,  XAihcuœnin  etc., 
prodiguent  des  concerts  de   louanges  à  l'cminent  annaliste, 

du  Nouveau- M  onde. 

.Moi  aussi,  diins  mon  séjour  à  lîoston,  j'ai  pu  me  con- 
vaincre, avec  l'abbé  Casgra'n  "  de  l'immense  service  que 
M,  i'arkman  a  rendu  à  notre  pays,  par  ses  travaux  histo- 
riques, "  sans  me  croire  tenu  d'en  accepte*  en  tous  points 
'es  conclusions. 

L'on  peut  juger  de  l'avidité  avec  laquelle  on  recherche 
les  écrits  de  l'éminent  histor  en,  par  le  nombre  (2)  d'édi- 
tions qui  s'en  écoulent  chaque  année  :  il  est  de  ses  ouvrages 
qui  en  sont  rendus  à  la  di.v -septième  édition,  tel  qu'il 
ap'pert  [uir  ''annonce  de  ses  libraires,  la    puissante   maison 

Littic,  Brov.n  &  Cie.,  Boston. 

Francis    Parknian,  [).u'  la  famille  l^rooks,  de  Boston,  est 

lié  à  celle  de  feu  le  sénateur  Brij^ham,  de  cette  ville,  aussi 
bien  i.u'à  celle  de  feu  le  juge  George  O'Kill  .Stuart,  en  son 
vivant  de  Québec,  et  dont  il  fut  souvent  le  commensal  en 
même  temps  qu'il  l'était  de  feu  Hubert  LaRue.  Professeur  de 
Chimie.à  l'Université- Laval,  {)endantses  fréquentes  visites 
en  notre  vi;le,  en  cjnête  de  matériaux  [)our  ses  travaux  his- 
toriques. 

Il)  Ml',  l'nrliiiinii,  \v1m.  il'  A!r  l!;iiUTiit't  will  f.ii'nivn  us  l'or  siiviu';- sd,  i»  tin'  iii'i-st 
tiiiiii'iit  Aimiit.ui  lii^tiiiiiiii  imw  iilixi'.  ...  '" — l>l<nl,ii-'HiiVs  Miuinxiiic. 

■■  Tlirii'  is  lui  Aiiirii(.:iii  wiilrr  liviiiit  wluisc  \voik:<  ;iri'  lonkrd  for  willi  iiioiv  l'amMiic^s 
aiiil  11  Mil  xvitli  ni' m'  |iK'.'is;iri'  liy  a  otImiii  ■las-iu!'  riMil:  i'-,  \vliicii,\vi':in'  u'hiil  ti>  kiiow,  il:iil.v 
iii('i'ia>i>  iii  niiniiur,  tli.-:ii  t  Iium'  uf  M  v  l'ai  liinaii.  Tu  an  i-.-'m'  of  clii  t  imi  lir  ailil-;  a  urao' 
lit' iiaiTativr  ;iihI  a  iiictiiriMiiir  iiilnijiijj-  \vl)icli  iiivr^t  lli.'  iiu  i<'.,'iits  ho  dr.-n'ii'M  <  wiili  an 
nitci'cst  wliicli  ni'Vir  llaus.  " — .Un;/./ -('ic  a/  Ami  l'ii  eu  JHnfnry. 

"  Inilfi  il,  tliis  i|iialily  of  ii"i'tii'al  fascina' ii m  alwa.vs  a|>{ii'ai's  in  Mr  l'arkiiiaii's  writini,"', 
ami  invi  >ts  tlii'iii  witli  a  clLaini  wliicli  lii'liiii^!«  tii  ticliims  dl'tlii'  iinaunnatimi  ;  l'iit  tliis 
iliii's  mit  at  ail  iniiiaii  liis  vulinin  s  .as  trntlil'iil  ami  miIjii-  liisturical  iiaivativi'.s.  Uis  styli' 
H  i"'rf"rt  f(ir  its  iiiir]i(isi'.  "" — litli-riml  lutuil  lùiii'ir. 

'l'Iii'  f.iiiihoi.  Alhi  Diriiiii,  \i)  a  ri'\iiw  ni' l-'iaiicis  Varkiniiirs  1,-ist  Imcik,  ■Wnll'i' ami, 
Mniilialiii,  ^  lys  : —  '■  'l'Iu'  wiiik  ii>it  iiiil.vi''inliniis  thr  vii'ws  \vi'  liavi'  iirrviniisl.v  r.xpii'ssi'il, 
tliat  >Ir  I'arkman  v  ink»  aiii.iii'.' tlii' 'ii-st  liistiiric.il  «rltcrsnt'  liis  cnuiHry,  luit  jnsiitics 
tlif  aililition  tliit  Iiisi'laci'  iNalonj.'siili'  <it' tlic  i,'ri'atc^:t  liiatoriiiiis  wliiivi^  wnrksair  Kiiulisli 
tlassics,  " 

"  In  intiTi'st  tliis  wnrk  l'xrci'ds  aii.v  muil  wiiirh  li.is  ln'iii  imlillsln'il  ilnrini!  tlu'  .vcar. 
Kvrry  l'iim' Inar»  iinniiKtakalili'  iiii)iri's3  nf  powir. —  pi.wrr  ol'iiatiriu  invi'stittatina,  jniu-i'i- 
l'f  ilraiii.uic  coiicfiitiiin,  imwor  of  iiliilosoliliic  tlioiijjl.t,  [Muir  of  iiiitorial  ilittinu.  " — 
liiisfini  Trinisri-iiit. 

i;il  Tlic  ('iins|iir.iry  of  l'oiitiac.     2  vols,  N'intli  Ililitlon. 
Tlii' Ori'uon  i'rail.     !  vul,  Si'viiitli  Kililion. 
Frami'  ami  Kn^lainl  in  Xortli  Aiin'riia.     7  voN. 
Vi/.  :  — 

1.     l'iiiiii'i'rs  of  Kiaïu'i'  in  tlu'  Xi  w-WnrIil.     Si'vcnti'ontli  Kdition. 
Il,     Tlii' .Ii-siiits  in  Nort  h  Aiinrica.      Fourtci  ntli  Filitimi. 
m.      l„iSallr  and  llii'  I  lisiov.ry  of  tlic  (  inat  Wfst.     lih  voiitli  Kilition. 
IV.     Tli  ■  (iM  Ki'-'iiiii'  in  Can.id  I.   lOialitli  Kdition. 
V.     t  (lunt  I-'roiit'iiiic  ,iml  Niw  Kraiii'i'.     Sivi^ntli  Kdition. 
VI.  VU.     -Montiilin  .V  Wnlf.'.     J  Vols.  Sicoml  Kdition. 


I- 


saoi 


60 


TRAXCIS   r.VkK.MAN 


En  1850,  il  épousa  Miss   Catherine  Bigelow,  fille  du  Dr 
Jacob  Bigelow,  l'éminent  médecin  de  l^oston. 

Madame  Parkman  est  décédée  en  i  S5 S, laissant  deux  filles, 
qui  naguères  visitaient  Québec  avec  leur  père.  Toutes  deux 
sont  mariées  :  l'aînée  à  un  monsieur  Charles  C.  Coffm  ; 
elle  demeure  à  Longwood,  près  de  lioston.  La  cadette  est 
mariée  à  un  monsieur  T.  Jefferson  Coolidge  ;  elle  demeure 
en  France,  la  plupart  du  temps  ;  à  Paris.  Aladame  Coftin 
rési  ie  à  peu  de  distance  du  charmant  cottage  encadré  de 
feuillage  que  son  père  occupe,  l'été,  à  Jainaïca  Plaiii,  au 
bord  d'un  lac  eu  miniature,  nommé  Jamaïca  Pond:  déli- 
cieux séjour  à  trois  milles  de  Boston  et  où  l'historien  cul- 
tive avec  une  sollicitude  extrême  les  roses  de  toutes  les 
variétés  II  est  un  des  membres  actifs  de  la  Socictc  iV Hor- 
ticulture du  Massachusetts  et  a  trouvé  assez  de  lo'sir  pour 
publier  un  volume  (i)  de  luxe  sur  la  cultiu-e  de  cette  reine 
des  fleurs,  la  rose.  Dès  que  ses  brillantes  amies  ont  suc- 
combé aux  froids  baisers  de  novembre,  Î\I.  Parkman  dit 
adieu  à  Jamaïca  Plain  et  prend  ses  quartiers  d'hiver  chez 
sa  sœur  Mlle  Nellie  Parkman,  au  No.  50,  Chesnut  street, 
près  de  Pcacou  Ilill,  dans  le  \'oisinage  du  State  Housc. 

Honoré  depuis  plusieurs  années  de  l'importante  charge 
de  Directeur  ( Trustée)  de  l'Université  de  Harvard,  à 
Cambridge,  près  de  Boston,  M.  Parkman  partage  ses 
heures  entre  cette  ilorissante  Université,  les  bibliothèques 
de  sa  ville  natale  et  cette  charmante  société  d'hommes 
d'élite  qui  donne  tant  de  relief  à  l'Athènes  du  Nouveau- 
Monde:  Agassiz,  Rob.  C.  Winthrop,  Howells,  lo  juge  en 
Chef  Gray,  Charles  Francis  Adams,  le  botaniste  Asa  Gray, 
le  poëtc  Oliver  Wendell  Holmes  et  bien  d'autre-. 

(1)  The  Hocik  ot' ii'Hos. 


CHAPITRE  II 


Société   Royale   du    Canada 

l'ATRON  ET  PRf.SIDENT  HONORAIRE  : 
;B«o  Emlkee  le  Très  Hooerakle  V\Rl(l'IS  BE  Vmi,  K.  T.  P.  C,  G»uv(ricHr  Grotral  4ii  Caitaa 

OFFICIERS   POUR   L'ANNÉE    Ï 882-83  : 

PRÉOIOBOT       -       .    Srn  .T.  W.  nA\VS(>N'.  Kt.,  C.  M.  rr>,  LI..  O.,  F.  R.  S 
ViCK-PRÈfilDBNT  :    -    i.Ho.N.  V.S.  O.  CHAUVEAC,  IiL.  D.,   Docttrr  i^s-Ijettres. 

PREMIÈRE  SECTION:  LittiratHre  Fran(aise,Arckéo/ogie 
Histoire  et  sujets  congénères. 

pR^aiDlirr  :        -       S.  M.  IjbMOIN'K,  Membro  du  la  Sooiétû  Américaine  Ac  Friinco. 
VlcB-l'«fe»iDB.NT  :    -  »\\ri'HKH   1>K   SAIXT-MArRlCK.    Membre   de   la   Société    (lo« 

(li'ii8  di-  I^'ttres  ilf  France. 
«ECKtTAiBB  :       >        UKNJAMtN  SCLTK. 

MEMBRES    KONI^ATEURS  : 

liÈni!)  fI,'ABBfe)  D.  1"».,  Univertité  lAvul,  Québec. 

Boi»  [i/ABBf:]  MnHkinoMUé,  (JiiéWo. 

BoL'KA8*A  Napoléon],  Montréal. 

Casouain  |L'>abbé],  Docteur  és-liettreS,    Officier  do   l'tniitruction   Publique   de    France 

Québec. 
CuAUVKAf  [L'Hos  P.  .1.  O,],   IiU    I).,   Docteur    ùa-Lettres,   Officier  de  l'Instruction 

Publii|ue  de  l^runce,  Montréal. 
DeCasks  [Pai;i.1,  (Québec. 
l)fNN,  [Oscar],  (Québec 
Vabrk  [l'Hon.  Hkotoh],  Sénateur,  Québec. 
Vauc.iikr  i)h  Saint-Mauricb,  m.    p.,   Membre  de  la  Société   des  Gens  de   Iicttret   ôh 

France,  Quéliec, 
FRfecilKrrB  fIy)L'i»  H.]  LL.D.,  Lauréat  do  rAcadéinic  Fran<,'aiae,  Montréal. 
IjE  Oenurb  [Nai-olAonI,  Ouébec. 

Le  Maî  (PAMPin'r.K),  HiliMotbécaire  de  la  léKialature  provinciale,  Québec. 
Le  Moink  [,1.  M.|  Président   ■•■  la  Société  Littéraire  et  ai«tori<|ue,  Québec. 
MaroiiaN'u,  (i/Hon.  F.  (J.)  Saint-Jean,  (Québec. 
MAHMKVrK,  (.losKl'll],  Québec. 

RoLTMiER,  (1,'Ho.s.  .Ii'dE),  Docteur  és-Lettre»,  Québec. 
Sl-lte  [REN.tAMi.\],  Ottawa. 
Tanciuav  [i,'AHnft],  Ottawa. 
TA.S8fe  [.losEPHl  M.  P-,  Ottawra. 

Vehrgau  [i.'abbë],   Docteur   és-Lettre»,  Officier  d'Académie  de   France,  Principal  de 
l'Ecole  Xunnale  Jikvtiueg'Oartler,  Montréal. 


NOS  QUATRE  HISTORIENS  MODERNES.  BIBAUD,  GARNEAD; 

FERLAND,  FAILLON. 

Ettulc  lue  devant  la  Socictc  Royale,  le  2^  tuai  i882> 


Mkssikukh. — L'objet  de  cette  solennelle  réunion  est 
bien  propre,  ce  semble,  à  causer  aux  Canadiens-Françai» 
de  douces  surprises,^  d  agréables  émotions. 

Le  Marquis  d  •  Lorne,  le  représentant  de  notre  Souve- 
raine, désireux  de  lafsser  sur  les  rives  du  Saint-Laurent 
un  utile  souvenir,  aussi  bien  qu'un  durable  monument  de 
son  administration,  a  fait  choix  d'un  certain  nombre  d'^ 
ceux  qui  s'occupent  de  science  et  de  littérature,  pour  fon- 
der, sous  ses  auspices,  une  association  littéraire,  destinée 
osons  le  croire,  à  porter  les  plus  heureux,  fruits.  II  ne  s'agit 
plis  d'un  projet  de  société.  La  Société  Royale  du  Canada 
pour  le  progrès  des  sciences  et  des  lettres,  n'est  plus  à 
l'état  de"  projet,  ell-  est  passée  dans  le  domaine  des    faits. 

Messieurs,  que  les  temps  sont  changés  !  Nous  sommes 
loin,  bfen  loin  de  l'ère  néfaste  où  le  peuple  Canadien,  par 
la  voix  des  députés,  était,  chaque  année,  appelé  à  faire  la 
lutte,  lutt'i  inégale,  quelquefois  acharnée,  pour  réclamer 
ce  que  la  foi  des  traités  lui  avait  garanti,  les  institutions, 
les  ois,  a  langue  de  ses  pères. 

Aujourd'hui,  le  Vie-Roi  de  la  vieille  Angleterre,  plein 
de  bon  vouloir  pour  ceux  qui  parlent  la  langue  française, 
se  complaît  à  leur  faire  un-  large  part  dans  l'exécution  de 
son  généreux  projet,  en  assignant  une  section  entière  de 
la  Société  Royale  du  Canada  aux  hommes  de  sciences  ou 
de  lettres  lis  plus  zélés  qu'il  a  pu  trouver  dans  cette 
nationalité,  afin  de  perpétuer  par  les  travaux  de  l'esprit, 
les  traditiojis,  les  souvenirs,  i'hi.-,toi  c  d'un  peuple  jeune, 
cruellement  délaissé.longtemps  méconnu,  assur.^ment  digne 
d'un  m.'illeur  sort —le  peuple  Canadien.     Oui,    messieurs, 


MONOGRAPHIES 


63 


l'initiative  dans  cette  idée  de  progrès,  à  cette  nouvelle 
piiase  de  nos  destinées  nous  la  devons  à  Lord  Lone,  le 
patron,  le  pcre  de  la  Société  Royalf^  du  Canada.  Si  le 
temps  le  permettait,  il  serait  intéressant  de  résumer  comme 
étude  et  enseignement,  la  carrière  officielle  de  nos  Vice* 
Roi-i,  depuis  l'immortel  Champlain,  "marin,  explorateur, 
guerrier,  administrateur,  géogra^^he  et  savant,"  jusqu'à 
rho.nine  d'Etat  aux  larges  vues  qui  nousarrivaient.en  1878, 
avec  l'aimable  princesse,  son  épouse,  (1)  placée  si  près  du 
trône  de  la  Grande- Iketagne.  En  présence  de  gens  si  bien 
renseignés,  la  tâche  serait  superflue.  Toutefois,  parmi  les 
hommes  distingués  qui,  sous  le  régime  français,  ont  pré* 
sidé  aux  destinées  de  la  colonie,  je  ne  saurais  passer  sous 
silence  le  savant  Comte  de  la  Galissonnière.  Le  portrait 
enchanteur  qu  ■  nous  en  a  tracé  le  philosophe  suédois. 
Peter  Kalm,  son  hôte  au  château  Saint- Louis,  en  1749, 
suffit  pour  rendre  à  jamais  vivace  et  respectée  la  mémoire 
de  cet  ami  des  lettres. 

Ceux  d'entre  nous  qui,  comme  résultat  de  la  lutte  san- 
glante mais  féconde,  provoquée,  en  1837,  par  Louis  Joseph 
Papineau,  attendaient  anxieusement  le  réveil  des  intelli- 
gences chez  notre  peuple,  ont  dû  voir  avec  joie  les  œuvres 
des  Bibaud,  des  Garneau,  des  Ferland,  des  Faillon  paraître 
justement  à  temps  pour  dissiper  les  ténèbres  et  les  préjugés 
qui  obscurcissaient  notre  passé,  pour  éclairer  les  adminis- 
trateurs éminents,  sympathiques  et  lettrés,  qui  à  de  rares 
intervalles  nous  venaient  d'outre-mer,  tels  que  les  Comtes 
d'Elgin,  de  Dufferin,  le  Marquis  de  Lorne.  Oui,  messieurs» 
ne  craignons  pas  de  le  dire,  de  le  proclamer  hautement, 
c'est  à  la  plume  de  nos  hommes  de  lettres,  au  crayon  de 
nos  historiens,  autant  qu'au  sang  de  nos  martyrs  politiques, 
que  le  Canada  français  doit  le  recouvrement,  la  restaura- 
tion des  titres  de  sa  nationalité. 

Abordons  l'un  des  principaux  objets  qui  doit  occuper 
l'attention  de  cette  section,  l'histoi  e  du  Canada.  Ceci  me 

(Il  Siiii  AUi-8»(>  Riiy.ilc  la  princonvu  Louiio,  quatrième  fille  do  Sa  Miyeité,  la  Reiue  d* 
lu  UruuJu   Urctiiguf. 


1 


64 


PfOS  QUATRE   HISTORIENS   MODERNES 


fournira  l'occasion  d'esquisser  en  quelques  lignes  la  carrière, 
le  génie,  les  traits  distinctifs  de  ceux  de  nos  écrivains 
modernes  que  l'on  peut  considérer  comme  les  pères  et  les 
créateurs  de  nos  annales  :  Bibaud,  (l)  Garneau,  (2)  Ferland 
(3)  Faillon.  (4)  Je  les  mentionne  d'après  Icu/  ordre  chro- 
nologique. Rien  de  plus  naturel  au  Canadien-Français 
que  de  tenir  aux  us  et  coutumes,  aux  traditions,  à  l'idiome 
de  ses  pères.  La  situation  toute  exceptionnelle  que  le  sort 
des  armes,  en  1759^  lui  a  faite  en  le  transformant  en  sujet 
Britannique  ;  l'attitude  plus  qu'indifférente,  presque  hostile 
où  il  se  trouve  vis-à-vis  de  cette  colossale  république 
voisine,  Anglo-Saxonne  de  langage,  de  culte,  de  mœurs, 
de  traditions  ;  le  douloureux  souvenir  de  l'accueil  que  les 
races  latines  ont  même  de  nos  jours  rencontré  en  Amérique, 
témoins  :Ie  sort  tragique  de  Maximilien,  et  ce  terrible  cri 
de  ralliement  de  nos  voisins,  le  Manifest  Destiny,  (5)  qui 
n'attend  qu'une  drconstance  favorable  pour  retentir  de 
nouveau,  tout  semble  de  nature  à  tenir  les  descendants  de 
la  vieille  France  en  éveil; et  si  leurs  pères,retrânchés  derrière 
les  traités  de  1759  et  1763,  ont  trouvé  sous  l'égide  de  la 
Grande  Bretagne,  paix  et  sécurité,  les  fils,  par  leur  fidélité 
au  nouveau  souverain  aussi  bien  que  par  leur  persis- 
tance à  lutter  pour  leurs  droits,  ont  su  conquérir  et  trouver 
dans  la  nouvelle  constitution  de  1867,  de  nouvelles 
garanties,  plus  d'espace,  plus  de  liberté. 

La  voix  de  Lafayette  et  de  Rochambeau,  les  arguments 
spécieux  de  Franklin  et  de  l'Evêque  de  Baltimore,Carroll, 
au  siècle  dernier,  ont  bien  pu  préoccuper  le  Canadien- 
Français  un  instant,  mais  le  séduire — jamais  \  Sentinelle 

(1)  Histoire  du  Csnacra,  M.  Ifibaud,  1ère  Edition,  ISit-tS. 

(il)    Histoire  du  Canada,  V  .-X  Uarmau,  1ère  Ki<rition  3  VcA.,  1IT45. 

(3)  Ccxin  d'Histoire  du  Canada,  J.  K  A.  Fcriand.,  2-Vai8.,  IHffT. 

(4)  Hiatcire  de  la  Coloaio  Ir'huiçaiao  eu  Canada,  Imitriinerie   ItNipart,   Tfxryl  é  Ci», 
Paris,  iHori. 

[r>]  \jo  Manifesi  I>estinj/,  sécTtiinantR  fiifnire  do  rliétnrii|ii(r,  Uctrne'  son*  doute  pour 
ngaillarder  liion  d>m  '*  <|UittrR  juHlota  "futurs,  par  un  dfs  l'i'ésidents  lc8'p4uR  iinrf|uant|i 
dns  Ktats-Uuis,  M.  Muiin>o.  Cbttu  doctrinn  prTitend  assiuiicr  du  pur  la  ffi-cntrapliiu  vt  la 
**  manifostn  dostiuiVe,  cimnne  itpauaifo  tliial  h  I»  Or.iiui"  R>')pulili(|uo  Ati|<lo-S.txonne, 
«réie  par  (Irtorun  Washinuton  et  sou  saj^e  avi^aur,  H'iijaniin  Franklin,  l'anuiwn  Mattre- 
(fénéral  d'ts  Postes  du  Canada,  le  continent  entier  de  l'Ain  iriquo  du  Kord.  La  lUiotrijve' 
liunroe"  n'est  p<M  encore  un  but  aocoiupU  1  sachona  le  bien. 


MONOGRAl'lIIKS 


65 


t9 

lu 


incorraptible,  il  est  reste  tîdole  au  vieux  drapeau  de  i'An- 

II  le  tint  haut  alor.-:,  comme  il  le  fit,  en 
il  l'eût  fait,  en  iS6o,   si  sa  Souveraine  l'eût 


glete 

18 12,  comme 


rre  en  1775. 


appe 


lé  sous   les    armes    pi 


)ur     ven</or   l'honneur    de    son 


pavillon  insulté   -.ur  le  tillac  du  vapeur  Ti\nt,  par  le  Co 


m- 


tnouore 


Will 


i\es. 


A  mes  yeux,  la  présence  dans  cette  société d'i'.ncscctiorJ 
entière  exclusivement  réservée  aux  lettres  française-;., 
signifie    beaucoup  ;   j'y    vois  encore  plus  qu'une   idée    de 


me  que  le  culte  de    la    littérature    et    d 


e-i- 


progrès,  plus  mèi 
sciences  ;  c'est  pour  le  Canada-Français  comme  la  réalisa- 
tion d'un  beau  rêve,  l'épanouissement,  d'une  sereine  matinée 
après  (.les  nuits  et  de-,  jours  orageux  ;  c'est  la  justillcation 
des  luttes  de  son  passe,  pour  sauvegard-M-  ce  .;ui  Iiîi  est  u; 
puis  cher — sa  langue,  ^o\\  histoire,  ses  institutions  ;  'enfi  11 
c'est  le  couronnement  d'une  politique  impéri.^le,  ju-,te.et 
généreuse,  où  pour  lui  l'égalité  sociale  marche  de  pair  avec 
la  conservation  de  ses  traditions  nationales,  avec  le  déve- 
loppement de  sa  littérature   naiss;inte. 

Messieurs,  je  crois  don^:  interpréter  vo-;  sentimeiit>  et 
les  niions  en  réijétaiit  :  "  Honneur  <iu  protecteur  des 
lettres  ^jui,  plein  d'amour,  de  respect  pour  l'idior.iv.'  de 
Milton  et  de  Shakespeare,  sa  langue  niateruclle  enfin,  i 
su  faire  une  si  large  place  ilans  cette  société  à  celle  i\c 
Bossuet  et  de  Racine',  oui  est  'a  notre  !   ilonneur  au  géné- 


reux   iiomme  d'Etat,  nouveau  La  Galist 


onniere,  (]ui  :i  .-u 


associer  à  son  titre  <.!e  rei^ré^entant  d'un  des  plus  -lorieux 
empires  modernes,  celui  de  protecteur  des  Muses,  d'an'.- 
bassadeur  du  progrès  intellectuel  et  social  !  " 

Entrons  en  matière.  Au  nond^re  des  études  digiies  de 
fixer  i'attentiori  d'honnnes  sérieux  et  patriotiques,  plaçons 
au  premier  rang  l'histoire  de  son  pa)'s.  Je  élis"  les  hommes 
sérieux  et  patriotiques,"  car  pour  écrire  cette  histoire  il  faut 
non-seulement  un  esprit  sérieux,  cultivé,  il  faut  en  outre 
qu'à  la  science  ilu  passé,  viennent  s'ajouter  l'amour  du 
beau  aussi  bien  que  l'amour  de  la  patrie.       Quel  est  enha 


66 


NOS   QUATRE    HISTOUiEN'S    MODERNES 


le  secret  du  charme  de  notre  historien  national,  sinon  ce 
patriotisme  profond,  ardeut,  dont  les  accents  résonnent  à 
l'oreille,  comme  le  son  de  la  trompette  sur  le  champ  de 
bataille  ?  En  parlant  de  Garncau,  un  (i)  d«  nos  écrivains 
avait  en  effet  raison  de  dire  :  "  On  sent  partout  que  le 
frisson  du  patriotfsme  a  passe  sur  ces  pages  :  "  lùicou- 
rageons  donc  surtout  les  études  qui  tendent  à  vulgariser, 
à  rectifier  dans  ses  plus  petits  détails  l'histoire  du  sol  (jui 
nous  a  vu  naître.  "  Les  annales  de  notre  Canada,  il  est 
vrai,  n'ont  pas  ce  cachet  d'antiquité,  empreint  sur  les 
pays  de  l'ancien  continent,"  a  dit  M.  l'Abbé  Ferland.  *  *  * 
^'  Tandis  que  les  temps  historiques  de  l'ICuropc  ont  une 
étendue  ou,  pour  mieux  dire,  une  profondeur  qui  fera 
toujours  le  désespoir  des  arciiéologues,  au  Canada,  il  suffit 
de  remonter  à  deux  siècles  et  demi  pour  assister  avec 
Champlain  à  la  fondation  du  fort  et  de  "  l'Abitation  de 
Kebeck.  "  \]\\  siècle  en  arrière  et  l'on  arrive  aux  pro- 
fondes ténèbres  dans  le  sein  desquelles  ont  pris  naissance 
les  traditions  huronncs  et  algonquines.  En  revanciic, 
rhi.stoirc  du  Canada  jouit  d'un  avantage  inconnu  aux 
liistoires  européennes,  qui,  en  remontant  le  cours  du  temps, 
vont  se  perdre  dans  les  ténèbres  de  la  fable.  Au  Canada 
l'histoire  a  assisté  à  la  naissance  du  peuple  dont  elle  décrit 
l'enfance  et  qu'elle  voit  arriver  à  l'âge  viril.  Elle  l'a  connu 
dans  toute  sa  faiblesse  ;  elle  a  reçu  ses  plaintes  lorsqu'il 
était  tout  petit  et  souffreteux  ;  elle  a  entendu  ses  premiers 
chants  de  joie  ;  elle  est  préparée  à  le  suivre  et  à  l'encou- 
rager dans  les  luttes  que  recèle  encore  l'avenir."  Vous 
vous  rappelez  tous  ces  mémorables  paroles. 

Je  ne  saurais  vous  offrir,  en  ce  moment,  rien  de  plus 
acceptable,  j'ose  croire,  qu'un  rapide  coup  d'oeil  sur  la  vie 
et  les  œuvres  de  nos  quatre  historiens  modernes  :  Bidaud, 
Garneau,  Ferland,  Paillon. 


[1]  L'iibbi  H.  R.  Cnsgiain. 


Bibaud 


lU- 
lUS 


Michel  liibaud  naquit  à  la  Cote-dcs-Xcigcs,  près  de 
Montréal,  le  20  janvier  17S2.  Issu  d'une  ancienne  famille 
française  qui  s'ëtaif  fixée  au  Canada,  il  fit  un  cours  d'études 
au  collège  de  St.  Raphaël,  et  plus  tard  il-  étudia  sous  le 
vénérable  Messirc  Roque.  Le  Spcciiniciir  Canadien,  dont  il 
épousa  de  bonne  heure  les  doctrines  libérales,  contient  un 
grand  nombre  de  ses  premiers  écrits. 

En  181 5,  il  fonda  à  Montréal  Wuivorc  des  Canada  qu'il 
continua  de  rédiger  jusqu'en  1S19.  Dins  ces  deux  feuilles, 
il  formula  un  protêt  énergique  contre  le  projet  d'union  du 
Haut  et  du  Bas  Canada  qu'on  agitait  alors.  On  trouve 
encore,  dans  les  collections  de  nos  bibliophiles,  les  séries 
mensuelles  d'une  publication  fort  populaire,  fondée  par  lui 
en  1825 — la  Bibliothlqnc  Canadienne — répertoire  anecdo- 
tique,  historique  et  i)oétique.  \\v\  1S30,  cette  utile  Rerne 
dut  s'effacer  devant  le  premier  volume  de  poésies  cana- 
diennes, Epitres,  Satires,  Cnansons,  par  M.  Bibaud.  Kri 
1832  parut  son  Magazin  du  Bas  Canada,  interrompu  après 
deux  ans  d'existence.  Le  Magasin  du  />as  Canada  eut 
pour  successeur  \' Observateur  Canadien,  ICn  1842,  après 
une  précaire  existence  d'une  année,  expirait  un  autre 
enfant  de  sa  féconde  plume,  Xlineyelopédie  Canadienne,  lin 
1843  parut  "  revue,  corrigée,  augmentée.  "  la  seconde 
édition  de  son  Histoire  du  Canada,  sons  la  domination 
française,  dont  une  première  édition  avait  vu  le  jour  à 
Montréal  en  1837 — au  fort  de  la  tourmente  révolution- 
naire. 

En  1844,  il  fit  suivre  ce  volume  d'un  autre,  intitulé  : 
Histoire  du  Canada  et  des  Canadiens  sons  la  domination 
anglaise.  Pendant  tout  le  cours  de  sa  longue  et  laborieuse 
carrière,  M.  Michel  Bibaud  trouvait  des  loisirs  pour  ali- 
menter de  ses  écrits  la  presse  quotidienne.    Enfin  la  mort 


68 


lilIJAUl) 


venait  :  urpreiulro  ce  vétéran  cie  notre  littérature,  à  l'âge 
de  75  ins,  le  3  août  1S57,  à  Montréal,  dans  les  bureaux 
de  l'exploration  géolo;_,Mque  du  Canada,  où  il  était  employé 
comme  tr.iducteur  français. 

Je  laisserai  de  côté  les  premiers  essais  en  prose  et  en 
vers  de  M.  i»ibaud,  pour  aborder  de  suite  celui  de  ses 
ouvr.i;Tt!S  qui  nous  intéresse  le  plus,  son  IJistoin  du  Canada, 
l'œuvie  qui,  au  rapport  tle  M.  Lareau,  rendit  remarquable 
dans  l'histoire  des  lettres  canadienrics,  l'année  1844. 

Hibaud  a  tenté,  par  ce  durable  monument  de  son  érudi- 
tion, iL  rencontrer  un  besoin  urgent,  de  combler  une 
grande  lacune.  On  avait  bien  l'estimable  et  volumineuse 
histoire  du  père  Charlcvoix,  mais  elle  n'embrasse  qu'une 
partie  de  nos  annales  et  s'arrête  à  17 J5.  Un  avait  aussi 
les  œuvres  de  Smith,  de  Danville,  de  Raynal,  mais  ni  les 
uns,  ni  les  autre-,  ne  nous  ont  donné  une  relation  com- 
plète, ni  exacte. 

Hibaud  n'a  ni  les  profondes  études  de  l'"erland — ni 
l'esprit  philosophique  de  Garneau — ni  ce  merveilleux  don 
de  pénétration  et  J'ar.aiyse  qui  distingue  M.  Paillon.  Son 
principal  mérite  e-.t  d'avoir  îVa}-é  la  route  poiu-  ses  labo- 
rieux successeurs,  de  leur  avoir  aplani  la  voie,  en  leur 
indiqu  iiit  les  sources  où  ils  pourraient  puiser. 

Au  re.-.te,  cjux  (|ui  lui  ont  succédé  ont  eu  l'avantage  de 
consulter  des  documents  mis  au  jour  trop  iard  pour  être 
utilisés  dans  ses  travaux.  Car,  chez  i;ou-^,  la  découverte, 
la  r.'stauration  de  nos  archives,  la  manifestation  au  grand 
jour  des  mati'viaux  pour  no.re  Iiistcjire  est  de  fraîche 
date. 

Dans  un  style  sobre,  peu  colore,  BibauJ  a  narré  ce  qui 
s'est  passé  au  Canada  depuis  le  berceau  de  la  colonie, 
sans  toujours  jeter  un  coup  d'ceil  au  delà  de  l'océan,  ou 
même  au-delà  de  la  frontière,  pour  remonter  aux  causes, 
dévoiler  les  motifs  secrets  des  puissances  européennes, 
faire  ressortir  l'influence  que  la  guerre  de  l'indépendance 
des  Etats-Unis  a  eue  sur  nos  der.tinées  coloniales. 


MoNoGkAiiin: 


69 


M.  liibaud,  ctroitcnicnt  associe  pr.r  ses  nombreux  écrits 
en  vers  et  en  prose,  ù  l'aurore  de  notre  jeune  littérature, 
laissa  à  soti  p.'»y?,  à  sa  famille,  un  nom  respecté,  une  envia- 
ble réputation. 


il 


^ 


Garneau. 


D'après  !■-_'  "  Diccioaiuiiru  Géncaiogique  "  de  l'Abbé 
C.  Tanguay,  le  fondateur  de  la  famille  de  François  Xavier 
Garneau  faisait  partie  de  la  nombreuse  émigraiion  venue 
au  Canada,  du  Poitou,  en  1655.  L'aïeul  de  M.  Garneau 
e'tait  un  riche  cultivateur  de  Saint-Augustin,  près  Québec, 
et  son  sympatlîique  bioL?raphe,  M.  l'abb'  Henri  Raymond 
Casgrain,  s'appuyant  sur  l>'s  données  de  M.  l'abbé  Tanguay, 
assigne,  comme  jour  de  .,a  naissance  à  Québec,  le  15  juin 
18J9.  Avant  d'entrer  eu  cléricature  chez  fou  M.  Archsbald 
Camph"",  notaire,  le  studieux  jeune  homme  apprenait  les 
rudiments  de  li  langue  dans  une  des  écoles  fondées  par  un 
homme  de  bien  et  un  ami  des  lettres,  Joseph  François 
Perrault,  dc.it  le  patriotisire  et  les  éminents  services, 
viennent  Q''.tre  signalés  d'une  tnanière  si  heureuse  par  le 
Docteur  Prospcr  15ender,  de  Québec,  son  biographe,  [i] 

L'amour  des  voyages  dévorait  le  jeune  étudiant  et  après 
une  intéres.>,ante  excursim  dans  le  Golfe  Saint-I<aurcnt, 
les  Provinces  I^.Laritimes  et  le  Haut  Canada,  en  1S28,  le  futur 
historien  s'embarquait  pour  l'F^urope  le  20  juin  183 1.  A 
Londres,  Garneau  se  plaisait  à  assiste!  aux  débats  du 
Parlement  Impérial,  oi!i  il  entendit  souvent  parler  Daniel 
O'Connell,  Lord  John  Ru:;sell,  Lo'-J  Stan'ey,  [Sir]  Robert 
Peel,  Richard  1  auior  Sheil,  Joseph  Plume,  Arthur  H. 
Roebuck. 

L'Hon.  Denis  Benj.  Viger,  député  par  la  Chambre 
d'Assemblée  du  Bas-Canada  auprès  du  gouvernement 
impérial,  se  trouvait  alors  à  Londres.  Il  alla  le  visiter  et 
devint  plus  tard  son  secrétaire,  puis  il  séjourna  pendant 
quelque  temps  à  Paris  et  il  repartait  pour  le  Canada  le  10 
mai  1833.  De  retour  dans  ses  foyers,  M.  Garneau  s'associa 
comme    notaire,  pendant    un    an,    avec  M.  Besserer,  alors 

(1)  ''  Ulii  aiul  New  Can.ida,'"  Uawson  Bros,.  ^loutreal. 


MONOGRAPHIE 


71 


membre  do  la.  v'hambre  d'Assemblée  ;  puis,  il  entra 
comme  comptable  dans  une  banque  ;  il  n'y  fit  que  passer. 
Ses  brillants  essais  poétiques  :  Les  Oiseaux  Blancs,  L'Hiver, 
et  Le  Dernier  Hnron,  datent  dç  cette  féconde  période  de 
ï'^S-'S?'  I^'  ^-  Garneau,  comme  poète,  n'a  été  apprécié 
qu'à  demi  :  il  est  consolant  de  savoir  que  la  plume  élégante 
de  M.  Jhauveau  va  tenter  de  mettre  à  sa  place  sur  le 
Par:iasse  du  Canada  l'illustre  écrivain.  En  1840,  M. 
Garneau  jetait  les  bases  de  son  Histoire  du  Canada.  L-i 
premier  volume  était  livré  à  ses  avides  lecteurs  en  1845,  le 
second  en  1846,  le  troisième  en  1S48.  Le  récit  s'arrêtait 
à  l'établissement  de  la  constitution,  en  1791.  M.  Garr.eau 
publiait  en  1S52  une  scconnc:  édition  de  son  histoire.  Son 
travail  s'arrêtait  à  l'acte  d'Utiion  des  deux  Canada  C 1840). 
Une  troisième  édition  de  X Histoire  du  Canada  vit  le  jour 
en  1859.  M.  Andrew  Bell,  de  Montréal,  en  1860,  en 
donna  une  traduction  any;laise  fort  peu  satisfaisant*^'.  ICn 
1855,  M.  Garneau  faisait  insère*  dans  les  colonnes  du 
Journal  de  Québec  le  Voyage  en  Angleterre  et  en  France.  Ce 
fut  en  1843  que  se  tirent  sentir  les  premières  atteintesde  la 
cruelle  maladie — l'épilepsie-  qui  vingt-trois  ans  plus  tard 
le  conduisit  au  tombeau.  Pendant  quelque  temps  on  le 
rencontra  tlans  les  bureaux  de  la  Chan;bre  d'Assemblée 
comme  ^ous-traducteur.  Vax  1844,  il  fut  nommé  greifier 
de  la  Cité  uv.  Québec  ;  en  1846,  il  faillit  succomber  à  une 
attaque  de  lièvre  typhoïde..  Il  continua  néanmoins,  avec 
une  exactitude  exemplaire,  à  remplir  les  fonctions  de 
greffier  de  la  cité  jusqu'en  mai  1864.  L'ne  recrudescence 
de  son  vieux  mal  h;  força  à  résigner  son  emploi  ;  et  le 
Conseil  de  \''ille  lui  vota,  on  reconnaissance  des  services 
qu'il  avait  rendus  à  la  cité,une  pens.on  de  retiaite  de£joo 
<ir  année.  Il  décédait  à  Québec  le  3  février  18G6.  V.w 
1867,  un  mausolée,  fruit  d'une  contribution  nationale, 
recevait  les  restes  mortels  de  l'illustre  historien.  Que  vou^ 
dirais-je,  messieurs,  que  vous  ne  sacniez  déjcà,  sur  la  vie  et 
le-j  teuvres  de  ce  grand  citoyen,  de  ce  vrai    patriote  ."     Dos 


;2 


C'.ARNEAL' 


relitions  per,-:onncUes,  intimes  même,  avec  notre  cminent 
coîiipatriote,  pendant  les  dernières  années  de  sa  vie,  sa 
préicnce  suu5  mon  toit  à  une  réunion  d'iiomm^s  de  lettres 
que  certaines  circonstances  m'empêcheront  toujours 
d'oublier,  [ij  la  part  (^ue  jV  îi\s  appelé  à  prendre  co.nme 
président  du  conutc'  de  la  souscription  nationale  à  son 
mausolée  en  1S67,  par  la  démission  du  président,  Sir 
Xarci-^c  ]•',  Helleau,  nommé  en  juillet  de  cette  année  aux 
fonctions  de  Lieutenant-Gouverneur  de  la  Province  de 
Çjuébec,  le  succès  de  mes  démarches  auprès  du  vieil  ami 
de  M.  Garneau,  l'Hon.  1'.  J.  O.  Chauveau.  alors  Premier 
Ministre  de  notre  Province,  que  je  conviai  à  venir  faire 
Pelote  du  icc;retté  défunt  à  l'occasion  de  l'inauL^uration  de 
ce  monument  au  cimetière  Pelmont, — ce  qui  nous  a  valu  le 
mac^nifique  discours  que  vous  connaissez  tous. — ce  sont  là 
ai'cant  de  doux:  souvenirs,  que  je  pourrais  ajouter  aux 
esquisses  du  t^rand  historien  tracées  avec  tant  de  s\-mpa- 
thie.  de  justice,  d'éléi^ance  par  MM.  Cas;;rain.  Chauveau, 
Larcau,  Darveau  et  autres.  Je  vous  ai  dit  qu'il  existe 
trois  éditions  de  VHistoiir  dit  Canada,  par  Garneau.  Il 
doit  m'être  permis  de  dire,  j'o-e  croire,  que  l'amour  filial 
de  M.  Alfred  Garneau  nous  promet  sous  peu  une 
quatrième  édition,  laquelle  sera  enrichie  d'une  biographie 
de  l'iiistorien  écrite,  par  l'Hon.    M.    Chauveau.     Elle  résu- 


ili  VuKi  (■.'  (111  '  \\w  fiinriiit  iiinii  ionnnl.  .1  iiropii''  il'niii'  pi'tili'  r.-i!ni'>ii  'l"Moi;iin''.s  ilr 
Irttrfs,  ilaiis  m.i  m:piiili'  s.'lTi'  a  Sillcrv,  p.ir  ui!"  tir.li'  JiiunhM'  d'ii.'lc.'ir.'  l>i.4.  ],.■  tiMiili" 
Il  liurlu-  ilni  iiaiiiii  \v%  irais  ciiii\ivi"i  iTaloT?  :  —  l'ii  «r.nul  ivriLiiunt  pivdciupait 
TAhi  >rii|ii  ■  lli'it.iiuii'Hii'  touti-  iiitir-n'.  Sons  I.i  prosidriic-î  du  ivirn  tti'  Sir  Kti.-iiiu' 
T:i^-iu',  rti.''rf(  ait  daii- roiif.'iiiti' du  l'arli'm"iit  u  t^iii'lx'O,  un  «luliidiiu  iniiMwaiit.  ofi 
fi:r'irai'-ut  !•  -^  di  iiuui'S  (!.■  touti'suos  pnivim'i's.  Il  s'agissait,  p  lur  filiapii'  r  à  d.'  uravos 
«•"!uidii'atiiuis.  di'  pivsi'Uter  à  nntn'  uii'ticipiili' W"  c  idri' d'un  U'Uivcau  parti-iDUstitutumui'l 
ji.'.r  iiotn-  (  aiiaila.  I,,'--  ^iirrrs|ioii(t  luts  di's  iivauils  jdurnaux  di' i'Antrl"ti'rri' ■.■!  di's 
K':it*-rMis  s'rtaicut  douiii'  riMid('/-v(Uis  à  (^urhoi:  piuir  V''Usi'i:.'ii,'r  li'  puldic  *\w  w  i|iii  »"}• 
|ia-9iTait.  l'ariiii  1  .s  "  lious  "  du  .jiiurnalisnu' installis  ilaus  la  vii'ill>' t'apitalr.  If  plus 
c  .iiiiu  itaiî  sansooutii'dit  K'  spii'itui'l  li.'Oijji' Auu'ustus  Sala,  cnrrcspnudant  du  7'.  /r;;rii;i/(. 
Cruiid.joMi'ii  il  cl'  Il  ïndi'i'S.  A  la  sollii  itatioii  di' i|ui  l'iucs  lanuliiTs.  il  fut  déciil  ■  diiivitci, 
â  iiiif  pi'tilr  l'i  ti' l'ji  uupi'tre,  los  liounui's  li's  mii'ux  piisis  dans  11  itrc  nii>ndi' liit.Tairi', 
jii>-ir  l-ur  faiiv  t'aii''  li.  cnuiiais-ani'i'  d.-  M.  Sala,  rt.  au  licsdiii,  )iii;ii-  le  n'iis.-iu'Mrr  sur  01' 
i|'r  fuucliait  au  Canada.  1.,'s  iuvitùs,  sans  itii'  iiouilnrux,  irprési  iitaiiiit  (!■  s  tali'iits  ot 
<!■•>  spi-rialitcs  d  ■  plusiiMiis  ij.'ui'.'s  :  d'aiioid,  un"  d  'S  plus  t'iirtcs  i)luui  's  ilu  joiirnalisnii^ 
en  Iwil,  l'Hon.  Ji)s..|ih  CaucliDU  ;  un  tin  causeur  l't  un  savant,  i  •■  pumri'  l'i'ut'i'sseni 
Muli-rt  l,:i!{ne.  cK-i'éd.'  si  préniatui'i''Ui''nt  imni'  l.i  si'icni'i'  ;  un  puliiicist.'  ilistin^'iu'-.  .Icau 
i'uarl.»  Taolié  ;  nos  d-ux  liistorii'us.  (raincan  l't  Korland.  li'àmL'  dr  la  l'cti'  ilait  1.- 
fpiritui'l,  !•■  c.ii.stiipiM  (u'orufi'  Sala.  H  oausait  ou  framais  avoo  un"  siniiulii'ii'  f'aciliti-. 
I.'al'ti,'  KitI  nid  s 'nildait  avoir  ii'couvii'  sa  vii'ill"  verve  yfauliuse  ;  r,aKui'  d.r.ieliait  ses 
tr.iits  anl -m»  a  limite  et  à  jj:aui'lii  ;  Taelié  se  crnjait  en  iijnsi'ii'uco  tenu  île  le  tiiutredirc 
••Il  tout  i-t  partout  ;  le  «rave  (i.irne.iu  écoutait  en  souri, lut  les  fines  r.'iiartn  s  de  Sal'i. 
<V:t.-  réunion  d'esprits  d'élite,  doue"  et  triste  il  la  fois  par  l'-^  tro.iées  i|U.'  lu  mort  y  il 
fait«"«.  restera  lon^leuips  gravée  ,lans  ni  1  niénioire. 


MOXOGKAI'IIIL 


73 


|Ull' 

I  lift 

Ivi'S 

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lil.-s 

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liri' 
II' 


mera,  n'en  doutons  pas,  fout  ce  qui  a  été  dit  jusqu'ici  sur 
le  compte  de  l'éminen'  annaliste  de  notre  passé,  (i).  Si 
vous  me  demandez  laquelle  des  trois  éditions  je  préfère- 
je  vous  répondrai  avec  M.  Lareau  :  "  L'édition  de  1845, 
la  première,  celle  qui  renferme  'e  premier  jet,  le  fruit  de  la 
pensée  intime  de  l'écrivain,  l'opinion  raisonnée  du  philo- 
sophe et  du  penseur.  "  Ce  qui  frappe  en  feuilletant  les 
pages  de  M.  Garncau,  c'est  l'élévation  des  idées,  l'indépen- 
dance de  ses  appréciations,  le  courage  de  ses  convictions, 
la  sûreté  de  ses  jugements,  le  tout  couronné  d'un  indicible 
élan  de  patriotique  enthous  iasnie.  On  pourrait  dire  qu'au- 
cun genre  de  gloire  ne  lui  a  manqué  ;  si  l'avenir  lui  réser- 
vait une  couronne  d'immortelles,  quelques  uns  de  ses  con- 
temporains, au  moyen  d'acer'oes  critiques,  surent  lui  pré- 
parer une  couronne  d'épines  qu'il  trouva  parfois  pesante  à 

porter 

"  Pour  apprécier  avec  justice  et  impartialité  l'œuvre  de 
M.  Garneau,  "  a  dit  M.  l'abbé  Henri  Raymond  Casgrain, 
"  il  faut  se  reporter  à  l'époque  où  il  a  commencé  à  écrire. 
Jl  traçait  les  premières  pages  de  scn  histoire  au  lendemain 
des  luttes  sanglantes  de  1S37,  au  moment  où  l'oligarchie 
triomphante  venait  de  consommer  la  grande  iniquité  de 
l'union  des  deux  Canada,  lorsque  par  cet  acte  elle  croyait 
avoir  mis  le  pied  sur  la  gorge  de  la  nationalité  canadienne. 
La  terre  était  encore  fraîche  sur  la  tombe  des  victime  •  de 
l'échafaud  et  leur  ombre  sanglante  se  dressait  sans  cesse 
devant  la  pensée  de  l'historien,  tandisquc  du  fond  de  leur 
lointain  exil  les  gémissements  des  canadiens  expatriés, 
leur  prêtant  une  voix  lugubre,  venait  troubler  le  silence 
de  ses  veilles.  " 

Le  cadre  qu2  je  me  suis  tracé  me  défend  de  discourir  au 
long  v'e  nos  quatre  historiens,  Bibaud,  Garneau,  l'erland, 
Paillon. 

Je  ne  saurais  assez  louer  le  discours  préliminaire  de 
V Histoire  du  Cmiada  de  Garneau.      C'est    une    admirable 

|1)  M.    Cliauv'Hii,    ilepuis   cintc   date,  S')   iii:ii    I88i,  s'i'st    iioîiloinoiit    ainiiitti'    ili'    la 
ti'\.  lii"  i|uo  lui  iiui"w,iit  l'aiiiitii'. 


74 


GARNtAU 


revue  des  découvertes,  des  iispir.itions,  du  progrès  de  trois 
siècles,  où  raffranchisseinint  de  la  petuée.  le  réveil  des 
intelligences,  l'émigration  européenne  en  Amérique,  sont 
notés  et  traités  d  ^  main  de  maître. 

Comme  l'a  dit  un  jeune  et  laborieux  littérateur  mois- 
sonné à  la  fleur  de  l'âge,  Ls.  M.  Darvcau,  \ Histoire  du 
CanadiX,  par  Garncau,  '  n'es',  pas  seulement  un  livre 
admirable,  mais  c'est  comme  un  monument  impérissable 
où  l'auteur  avait  gravé  avec  le  poinçon  de  l'historien  tous 
les  hauts  faits  pour  ainsi  dire  légendaires,  toutes  les  actions 
héroïques,  tous  les  événements  mémorables,  tous  les  tra- 
vaux herculéens,  toutes  les  découvertes  presqu'incroyables 
dont  le  Canada  a  été  le  théâtre  depuis  sa  découverte  jusqu'à 
l'époque  de  l'union  des  deux  .provinces  canad  cnnes  en 
1840,  Il  a  f.iit,  avec  le  pinceau  brillant  et  correct  d'un 
artiste,  et  en  mèm_*  tempi  avec  la  verve  et  l'entrain  d'un 
poète,  le  tableau  de  la  découverte  du  Canada,  la  descrip-. 
tton  topographique  du  pays,  des  mœurs,  des  habitudes, 
des  vices,  des  qualités,  des  goûts,  des  aptitudes,  en  un  mot 
du  caractère  des  aborigènes,  enfin,  .des  discussions,  des  • 
débats  parlementaires  luttes  pacifiques  bien  qu'émou- 
vantes et  pleines  de  dangers  et  d'incertitude  pour  l'avenir 
de  notre  race.  Ces  différents  sujets  sont  traités  avec  une 
admirable  lucidité  de  style,  des  aperçus  pleins  de  finesse  et 
d'à  propos,  des  déductions  savantes,  d'une  portée  remar- 
quable. " 

J'aime,  messieurs,  à  vous  rappeler  ce  que  nos  intelli- 
gences d'élite  ont  pensé  d  1  granil  écrivain. 

M.  Darveau  emprunte  à  un  profes.-.eur  distingué,  M. 
l'abbé  Ed.  Méthof,  quejo  désirerais  voir  dans  cette  réunion, 
l'appréciation  qu'il  faisait  de  deux  de  nos  historiens,  Fer- 
land  et  Garneau,  à  l'Université  Laval,  à  l'inauguration  de 
son  cours  de  littérature  de  1861-62.  Pour  faire  le  parallèle 
des  deux  historiens,  il  se  servait  d'une  figure  aussi  belle 
que  bien  appropriée.  Il  comparait  V Histoire  du  Canada  à 
"  un  colossal  et  magnifique  palais  dont  l'architecture  était 


Il 


MONOGRAPHIE 


75 


noble,  sévère,  correcte,  belle  et  magistrale,  frappant 
d'étornonient  et  d'admiration  le  regard  du  visiteur,  "  et  le 
Cours  d'Histoire  du  Canada  à  "  un  parc  immense,  ou  bien 
encore  à  un  grand  jardin  charmant,  plein  d'ombre,  de 
fruits  et  de  fleurs,  où  le  promeneur  fatigué  passe  et  oublie 
les  heures  en  parcourant  à  pas  distraits,  et  sans  but  précis, 
des  sentiers,  des  avenues  resplendissants  de  verdure,  et 
cmaillés  de  fleurs  et  de  feuillage,  jusqu'à  ce  qu'enfin, 
gagné  par  la  poésie  du  lieu  et  plongé  dans  une  douce 
rêverie,  il  s'égare  dans  les  mille  cercles  de  ce  labyrinthe 
enchanteur.  " 

Ce  serait  téméraire  de  ma  part  de  prétendre  ajouter 
aucune  nuance,  aucun  ornement  à  c^î  charmant  croquis  de 
M.  l'abbé  Méthot. 


■X 


Ferland 


C'est  à  la  métropole  cointncrcialc  de  la  Province  de 
Québec,  à  Montréal,  que  revient  l'honr.eur  d'avoir  Jonné 
le  jour  au  savant  historien  l'erland.  Jean  lîaptiste  Antoine 
Ferland  naquit  à  Montréal,  le  jour  de  Xoél,  1S05.  Il  des- 
cendait d'une  ancienne  f^iniille  du  Poitou,  dont  un  des 
membres  vini  s'établir  dans  i'Ile  d'Orléans,  vers  le  milieu 
du  dix-septième  siècle.  Son  père  Antoine  Ferland,  oriin- 
iiaire  de  Saint  Pierre,  étant  mort  jeune,  sa  mère  Elisabeth 
Lebrun  Duplessis,  fille  d'un  des  quatre  avocats  qui  demeu- 
rèrent en  Canada  après  la  session,  alla  se  fixer  en  1S13, 
à  Kingston,  où  le  jeune  F'erland,  avec  l'usage  de  ia  langue 
anglaise,  apprit  aussi  les  rudiments  de  la  langue  française, 
sous  l'abbé  Gaulin,  plus  tard  évèque  de  Kingston.  Puis  on 
le  trouve  au  collège  de  Nicolet.  Là,  Mgr.  l'iessi--,  remar- 
quant ses  aptitudes,  le  choisit  comme  son  secrétaire.  Plus 
tard,  abandonnant  cotte  charge  pour  l'enseignement,  le 
jeune  lévite  devient  professeur  de  rhétorique  et  de  philoso- 
phie au  collège  de  Nicolet.  Il  reçut  les  ordres  sacrés  en 
182S  et,  sur  le  champ,  fut  nommé  vicaire  à  Québec.  En 
18.S4,  lors  de  l'épidémie  du  choléra,  il  devint  chapelain 
de  l'Hôpital  de  Marine;  en  1848,11  était  supérieur  du 
collège  de  Nicolet. 

Depuis  18 50,  il  était  attaché  à  la  cathédrale  de  Québec, 
membre  du  conseil  de  l'évêque,  chapelain  de  la  garnison, 
doyen  de  la  faculté  des  arts  et  professeur  d'histoi-e  du 
Canada  à  l'Université  Laval.  En  1854,  il  desservait  Saint 
Colomb  de  Sillery,  près  Québec  ;  ce  qui  lui  fournit  l'occa- 
sion de  publier  dans  le  Jonnuxl  de  Québec  des  notes  histo- 
riques pour  compléter  le  beau  travail  sur  le  commandeur 
de  Sillery,  dû  à  la  plume  de  l'érudit  abbé  Louis  Bois.  Le 
'premier  écrit  de  M.  Ferland,  qui  révéla  l'étendue  de  ses 
recherches,  et  la  sûreté  de  son   jugement  en    matière  litté- 


Moxor.K'\riiii-: 


77 


bn 

lin 
dvi 


du 
int 
ca- 
to- 
eur 
Le 
ses 
Kté- 


raire,  fut  sa  verte  réplique — brochure  de  79  pa^i^es — aux 
insinuations  malveillantes,  aux  données  inexactes  conte- 
nues dans  r  Histoire  dn  C(Via<ia  de  l'abbé  Brasseur  de 
Bourbourg,  jeune  prêtre  français  qui,  en  i<S52,  visitait  le 
Canada.  Puis  parurent  ses  Notes  sur  les  Ke\''istres  de  Xotn 
Dame  de  Quebee,  utile  compilation  dont  le  public  denian- 
uait,  plus  t'.rd,  une  seconde  édition.  ICn  iSfl:,  paraissait 
dans  le  /'Vî'i/-  Caiiadiei;  un  travail  fort  précieux  de  l'abbé 
[•"erland  sur  h\  Gaspésic,  intitulé:  Journal  d'iDt  voyage  sur 
la  côte  de  iiospc,  "  "  l^oyage  au  Labrador,  "  ''Louis  Olivier 
Gaviae/ic  \  "  en  1JS63.  A\>tiee  bioi^raphiqiie  sur  Mgr.  Josepl; 
Oetave  Plessis,  t'v^qiie  de  Onêkc.  C'est  plus  qu'une  sympa- 
tiiique  biofîrai)liie  d'un  ji^rard  évéque,  injustement  attacjué 
par  l'abbé  r»ras.-.eur  ;  c'est  un  résumé  de  l'histoire  rcli- 
i^ieuse  et  politique  de  la  [jrovince  de  Québec,  de  I7',^i  à 
1825.  Son  inagtiiuii  opxs  enfin,  le  Cours  dLiistoire  du 
Canada  1  534-1  75^;,  contenant  le  résumé  de  ses  mémora- 
bles leçons  co'.nme  professeur  d'histoire  à  l'Université- 
Laval,  vit  le  jour  en  1861,  c'est-à-dire  que  le  premier 
volume  se  publiait  .sous  sa  direction  cette  année-là,  a 
l'atelier  de  M.  Cote,  La  mort  terminait  à  Québec,  le  8 
janvier  i8i')4,  les  jours  bien  remplis  de  ce  savant.  Ln 
autre  hounne  dévoué  ci  érudit,  i'abbé  Chs.  Laveniière, 
mort  aussi  à  Québec,  en  i:\~3,  se  chargeait  di:  mettre  en 
ordre  les  matériaux  et  les  notes  l,;is.sés  par  l'abbé  T'erianti, 
pour  le  second  volume  (ie  son  (i>uvre,  îequi  \  p.irnt  à  Qué- 
bec en  1S65. 

Chfz  l'abbé  FerlaU'.i,  comme  écrivain,  il  y  a  deux  h^m- 
mes  tout  à  fait  distincts.  ï!  y  a  d'abord  rcléj,'ant,  le  !^;ra- 
cieux  rhroniqueur,  esquissant  iivec  'inc  verve  toute  [gau- 
loise la  carrière  accidentée  et  mystérieuse  du  légendaire 
pirate  de  l'Ile  d'Anticosti,  Louis  Olivier  Gamache.  ses 
relations  quotidiennes  avec  son  familier,  le  IVince  des 
Ténèbres,  etc.  Puis,  la  scène  chancre,  c'est  un  polémiste 
vigoureux,  frappant  d'estoc  et  de  taille,  donnant  des 
eçons    d'histoire,  quelquefois    de    bienséance,  à    un  jeime 


7» 


FERLAND 


écrivain  français  irréfléchi,  l'abbé  Brasseur  de  Rourbourg  ; 
ou  bien  encore,  un  antiquaire,  nouveau  Monteil,  exhumant, 
sur  l'origine  de  nos  familles  mille  détails  curieux  et  incon- 
nus, tirés  des  archives  poudreuses  de  nos  églises  parois- 
siales 

» 

Chez  M.  Ferland,  il  y  a  surtout  le  docte,  le  grave  pro- 
fesseur d'histoire — comblant  avec  un^  rare  industrie  les 
lacunes.corrigeant  les  erreurs  de  dates  chez  ses  devanciers  ; 
méthodique  en  tout,  annaliste  infatigable  développant, 
avec  un  rare  talent,  les  origines,  les  épreuves,  les  succès  de 
cette  mission  de  la  vieille  France  dans  la  nouvelle,  qu'il 
préconise  comme  providentielle.^  Il  en  est  qui  prétendent 
trouver  dans  le  Cours  iV Histoire  du  Canada  les  annales 
seules  du  progrès  du  catholicisme  dans  la  colonie,  mais  il 
est  facile  d'y  découvrir  un  programme  bien  plus  vaste. 

Dans  une  lettre  que  M.  Garneau  adressait  à  M.  l'abbé 
Ferland  en  1^61,  le  remerciant  pour  le  premier  volume  du 
Cours  d'Histoire  dit  Canada  qu  il  avait  eu  la  complaisance 
de  lui  envoyer,  nous  trouvons  des  lignes  qui  font  égale- 
ment honneur  aux  deux  hommes  :  "  M.  Garneau  est 
passé  chez  M.  Ferland  pour  lui  exprimer  personnellement 
toute  sa  reconnaissance  et  parler  avec  lui  de  leur  chère 
patrie,  mais  il  n'a  pas  été  assez  heureux  pour  le  rencontrer. 
M.  Garneau  aurait  voulu  causer  avec  une  des  lumières  du 
Canada  sur  la  foi  qu'on  doit  avoir  en  notre  nationalité  et 
sur  les  moyens  à  suivre  pour  en  assurer  la  consommation. 
Celui  qui  a  su  développer  avec  tant  d'exactitude  nos 
origines  historiques  doit  être  pénétré  plus  qu'un  autre  des 
sentiments  de  la  foi.  " 

L'on  trouve  chez  le  vénérable  historien  trois  éminentes 
qualités  :  érudition,  pureté  de  style,  charme  indicible  de 
diction.  Ajoutons  à  cela,  dans  le  commerce  de  la  vie,  une 
aimable  franchise,  une  constante  loyauté  dans  ses  procédés, 
de  la  noblesse  dans   les  sentiments,  Une  prodigieuse  mé- 


MONOGRAPHIE 


79 


moire  de  faits,  de  dates,  toujours  à  la  disposition  de  ceux 
qui  le  consultaient,  et  l'on  aura  une  idée  du  mérite  de  ce 
savant  si  justement  re^:;rctté. 


Faillcn. 


IlticiuK"  Miclicl  l'aillon  ncuiuit  à  Tarascun,  clcpartc- 
iiicnt  lies  15ouclicH  ilu  Rhône,  le  icr  mai  1799. 

Vers  1.S12  il  alla  coinnicncer  ses  études  cla>isiquc.'s  au 
co'lcL^c  d'Avii^nou.  L'attm).s[)hcrc  rclij^icusc  ilc  cet  atiti- 
c|ue  séjour  des  l'apcs,  au  inoyen-age,  depuis  le  XI le  au 
XlVe  siècle,  semble  avoir  exercé  une  durable  inlluencc 
sur  le  jeune  l'aillon. 

\'f;rs  l'année  iSi.S,  il  vint  à  l'aris  faire  son  covu's  de 
thcolotiie,  et  entra  à  St.  Sulpicc  vers  1820. 

i'n  1S29  on  le  retrouve  directeur  du  Séminaire  tle  l'aris. 

l'ne  lie  ses  premières  entreprises  littéraires  fut  d'es- 
(.lui.^r.er  la  c.urière  de  IM.  Olier,  fondateur  de  St.  Sulpice, 
lequel,  <'omme  l'on  sait,  avait  pris  une  lart^e  part  à  la  colo- 
nisation tle  la  Nouvellc-l'Var.ce — surtout,  à  l'établissement 
de    V'i!K>Maric. 

iva  1854,  M.  l^'aillon  publiait  la  "Vie  de  la  Vénérable 
Marguerite  Bourgeois,  "  fomlatrice  de  la  Congrégration  de 
Notre  Dame,  qui  vint  au  Canada  avec  INI.  de  Maisonneuve, 
le  fondateur  de  IMontréal,  Vers  le  même  temps  paraissait 
en  deux  volumes  8vo.,  une  biographie  de  Mademoiselle 
Mance — fondatrice  de  l'IIôtel-Dieu — et  une  biographie 
de  iMadame  d'\'ouvil!e,  fondatrice  des  Sœurs  Grises 
(Sœurs  de  Charité)  en  Oanaila. 

C'est  par  ces  importants  travaux,  (|ui  embrassent  une 
notable  partie  de  notre  histoire,  (ju'il  préludait  à  son  œuvre 
principale,  ï llistoipr  de  la  Coloiiit  friviçaisi  eu  Canada. 

Ce  Colossal  travail,  imprimé  avec  luxe  à  l'aris,  devait 
comprendre  dix  volumes,  in-quarto,  dont  trois  seulement 
ont  paru — deux  en  1865 — le  3e,  en  1S67 

Il  ne  va  pas  au-delà  de  i()75,  mais  l'infatigable  annaliste 
a  laissé  les  matériaux,  pour  mener  le  récit  jusqu'à  l'année 
1759. 


l'Ai  M. ON 


8i 


Dans  le  but  de  se  rcn.-,eigncr  sur  les  lieux,  Tabbc  l'aillon 
entreprit  trois  voyages  au  Canada. 

11  arrivait  à  Montréal  en  1S49.  ropnrtait  en  1.S50.  reve- 
nait en  1S54.  Il  y  séjourna  trois  années,  de  1S58  à  i.sr,, 
obère  de  travail,  livré  à  d'incessantes  recherches,  employant 
comme  copistes  six  assistants,  trois  secrétaires.  Aux  joins 
SI  sombres  pour  la  l-rance  de  l'annér  ,871,  M.  lail]..., 
expirait  à  Paris,  le  25  octobre,  àj,ré  de  72  ans. 

Saluons  ce  zélé  chercheur-ce  travailleur  infatigable  qui 
a  pass.^  au  Canada  sept  an  nées  de  sa  laborieuse  existence 
poiu-   compléter    nos    annales,  et  ,iui.  par  ses  travaux,  ses 
recherches  colossales,  a  mérité  le  nom  de  liénédictin  de  la 
Aouvcile  I<" tance. 

\)v  son  récit  qui  devait  s'étendre  depuis  la  première 
r.av.-aiion  de  Jacques-Cartier,  jusqu'à  la  hn  de  l'occupa- 
tion du  .^ouvernement  fran^-^is  en  i;6o.  il  n'y  a  eu  nue 
trois  volumes  de  terminés;  ils  nous  conduisent  jus.ma 
1  année  1675.  ■'      ' 

Pour  remplir  le  cadre  que  messire  Faillon  s'était  tracé 
.1  reste  encore  à  publier  sept  volumes  ;  et,  si  nous  sommes 
bien  rensei-nes.  nous  avons  lieu  de  croire  que  cette  tâche, 
herculéenne  sera  menée  à  bonne  fin. 

Si  l'on  veut  juger  de  l'étendue  de  ses  recherches,    on  .n 
trouvera  la  preuve  dans  les  citations  qu'il  donne  si    abon- 
damincnt  à  la  marge  des  pages.    Les  ouvrages  cjui  concer- 
nent LVmerique    sont    comme    Von    sait    fort    nombreux 
Charlevo.x  en  cite  à  lui  seul  plus  de  quatre-vingts  ;  on  •■•, 
retrouve  la  plupart,  dans  les    citations    de  M.  Faijlon  •     ii 
tjiut     de    plus    y    ajouter    d'autres    sources    considérables 
d  inlormations,  où  il  est  allé  puiser-. 

"  Il  a,  "  dit  son  biographe.  M.  Desma/.ures.  "  parcour  , 
les  actes  de  l'ICtat  Civil  des  principales  paroisses  dn 
Canada;  il  a  lu  les  documents  déposés  dans  les  communau- 
ics  religieuses  du  pays  et  ensuite  les  documents  des  mai- 
sons-mères de  ces  communautés,  en  hVance  ;  il  a  compulsé 
les  archives  de  la  marine,  celles  du  ministère  des  affaires 


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33  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  14580 

(716)  872-4503 


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82 


MONOGRArHIK 


étrangères,  celles  du  ministère  de  la  guerre,  du  dépôt  des 
fortifications,  les  archives  de]  l'Etat,  les  manuscrits  des' 
grandes  bibliothèques  de  Paris,  du  séminaire  de  St-Sulpice, 
c^e  la  préfecture  de  Versailles,  de  l'archevêché  et  de  la  pré- 
fecture de  Rouen,  du  Musée  lîritannique,  "  ajoutons,  de  la 
Propagande,  à  Rome. 

"  IJans  son  introduction  où  il  pan'e  des  premiers  voya- 
ges du  commencement  du  seizième  siècle  accomplis  par 
Jacques-Cartier,  il  ne  se  contente  pas  de  faire  mention  des 
opinions  des  principaux  auteurs  sur  la  date  des  pre- 
mières explorations  du  continent  transatlantique,  mais  il 
les  cite,  tels  que  Davity,  qui  écrivait  en  1660,  Brutel  delà 
Rivière  en  1727,  l'Art  de  vérifier  les  dates,  et  Ramusio  : 
en  indiquant  avec  soin  l'édition,  l'endroit,  la  page,  de 
manière  à  faciliter  toute  recherche  à  ceux  qui  voudraient 
vérifier  les  textes,  les  constater  et  en  apprécier  la  valeur. 
Ensuite  il  prend  le  récit  de  Jacques-Cartier  et  l'analyse, 
puis  ie  commente  avec  les  réflexions  les  plus  judicieuses  ; 
enfin  il  prend  soin  de  l'appuyer  des  pièces  justificatives 
qu'il  a  su  trouver  en  grand  nombre  ;  il  cite  les  lettres 
patentes  de  François  1er,  accordées  à  Jacques-Cartier  en 
1540,  sur  la  recommandation  instante  de  Philippe  de 
Chabot,  grand  amiral  de  P'rance  ;  il  cite  encore  les  passa- 
ges des  relations  de  Champlain,  de  Lescarbot,  du  pilote 
Alphonse  de  la  Saintongc,  qui  confirment  les  assertions  de 
leur  illustre  devancier.  " 

Voilà  sous  quels  traits  M,  l'abbé  Desmazures  nous 
révèle  l'historien  Paillon,  et  bien  que  chez  ce  dernier  je 
cherche  en  vain  cet  élan  de  patriotique  enthousiasme  de 
l'historien  enfant  dn  sol,  François-Xavier  Garneau,  je 
vous  avouerai  que  pour  sa  profonde  science,  grande  est 
mon  admiration.  Je  regrette,  toutefois,  oserai-je  vous  le 
dire,  de  rencontrer  dans  l'habile  annaliste,  non  l'historien 
impai'tial  de  l'origine  et  des  progrès  de  tout  un  peuple, 
mais  plutôt  l'historien  de  la  grande  cité  de  Ville-Marie, 
Je  panégyriste  perpétuel  de  l'ordre  de  St-Sulpice — dont  M. 


FAILLOX 


83 


)US 

je 
de 

je 
lest 
le 
Kcn 
^le, 
rie, 
IM. 


Paillon  a  décrit  si  bien  le  fondateur,  M.  Olier — et  souvent, 
le  dépréciateur  de  Québec  et  de  son  éminent  prélat, 
Monseigneur  de  Laval. 

Voilà,  messieurs,  une  courte  esquisse  de  la  vie  et  des 
travaux  de  ces  hommes  estimables,  à  des  titres  divers-, 
mais  qui  en  possèdent  tous  un  que  nous  ne  pouvons 
méconnaître,  je  veux  dire,  un  titre  bien  établi  à  notre 
reconnaissance 

Puisse  leur  exemple  trouver  de  nombreux  imitateurs  ! 
Le  champ  de  notre  liistoireest  assez  vaste,  assez  riche  pour 
que  l'on  puisse  trouver  h  y  cflancr,  même  après  des  mois- 
sonneurs aussi  laborieux,    aussi  infatisrables  ! 


Le  Ccmmandeur  Yiger,  Antiquaire. 

Je  lie  ."-aurais  mieux  esquisser  M.  Viger  que  ne  l'a  fait  M 
Larea". 

Jacques  Vigcr  naquit  à  Montréal  en  1787,  ety  mourut  en 
185S.  11  fit  .^ts  études  à  l'ancien  collège  de  Montréal  qui 
portait  alors  le  nom  de  collège  !£t.  Raphaël.  Servit  dans 
la  campagne  de  1812  comme  officier  sous  le  commandant 
de  Salaberry.  Passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  à 
collectionner  les  documents  historiques  se  rattachant  à 
l'histoire  du  pay.":^.  Tout  le  monde  connaît  la  fameuse 
"  Sabredache,"  chronique  variée  et  intéressante  qui  parut 
en  partie  dans  la  BibliotJùqnc  Canadienne  et  \ Encyclopcdic 
Canadienne  de  ]\Iichel  Bibaud. 

Le  Commandeur  Viger  n'a  presque  rien  écrit  et  c</en- 
dant.comme  antiquaire,  il  jouit  d'une  réputation  sans  exem- 
ple. Cette  réputation  que  la  tradition  nous  a  apportée, 
est  passée  à  l'état  légendaire.  Elle  fait  de  lui  un  des  plu.-; 
curieux  types  de  notre  histoire  littéraire.  "  Habile  critique 
antiquaire,  numismatiste  et  héraldis'e,  lieutenant-colonel 
de  milice,  premier  maire  de  Montréal  (i\  ancien  ins- 
pecteur des  ponts  et  chaussées,  Commandeur  de  l'Ordre 
romain  de  St.  Grégoire-le-Grand,  membre  lionoraire  de 
l'Institut  rol)'teclinique,  classe  des  lettres  et  ci-devant 
Président  de  la  société  nationale  de  St.  Jean-lîaptiste, 
— patron  distingué  des  Beaux- Arts,  il  formait  le  p'us  bel 
album  existant  en  Canada  pour  lequel  il  retrouvait,  et  fai- 
sait peindre  en  miniature  ou  graver  les  portraits  de  nos  célé- 
brités." 


(1)  Vif-'cr  fut  l'iu  iiiniro  de  IMoutiviil  iii  IMIJ.  tt  fut  rociUiimiiinU'  ]iav  Loiil  liosfonl 
IKiur  un  i-iviii' au  Conseil  Kxi'-cutif.  "  M.  Jiiniui  s  Viucr,  dit  JI.  df  l'uiliusiiuc,  est  lo 
Bi-nOdictin  du  C'jiuiidu,  uu  unuvLau  Siuiuuuso,  \\\\  luvsidi'Ut  irûnault,  il  n'a  pas  fait  ini- 
Iirimtr  nu  livre  d'arilu'ulonie  o\i  de  triti<|ue  lii^itotiqui'  et  il  est  ci.iiuu  au  drl:\  do  la 
fnmtii're  ;  dcH  savants  d'Aiuérii|ue  et  d'Jùiroiiu  le  tonsultcnt  sur  les  f.iits  les  ]ilus 
aïK'ieiis  on  les  iilus  oliseursde  notre  histoire  connue  nu  eoufiultait  autrefois  les  oracles  do 
Trévoux  et  de  St.  Manr,  connue  on  consulte  aujourd'hui  VArl  de  vérifieriez  dcitcK.  Il 
semble  être  i\  lui  seul  une  académie  des  Inscriptions  et  IJelUs-Lettres.  ùuc  sociCtù  royale, 
au  iihitôt  nationale,  très  nationale,  des  antiquaires 


G.  B.  Faribault,  Antic^uaire. 


En  pénétrai'i':  dans  la  bibliothèque  dj  la  Sx-ictc  Lifte-'- 
mire  et  Historique  de  Qiie'bee,  un  des  premiers  objets  qui 
frappe  la  vue  est  un  tableau  à  l'huile,  un  buste  peint  aux 
-frais  de  la  Société  elle-même,  par  l'artiste  canadien  Tliéo- 
phile  Hamel. 

Le  concierge  ne  manquera  pas  de  vous  informer,  si  vous 
êtes  étranger,  que  c'est  le  portrait  d'un  des  présidents  les 
plus  distingués,  les  plus  dévoués  de  l'association, — celui 
de  M.  Faribault — l'érudit  antiquaire,  le  vieil  ami  de  Jared 
Sparks,  de  Bancroft,  de  Jacques  Viger,  des  historiens  Gar- 
neau,  Christie,  Ferland,  de  DeGaspé,  Thompson,  Laver- 
dière  et  Casgrain. 

Laissons  à  ce  dernier,son  sympathique  biographe,  le  soin 
de  nous  le  faire  connaître  : 

"  Geurges-Bartitklemi  Farihault  est  né  à  Québec,  !e  3 
■décembre  17S9.  Comme  la  plupart  des  jeunes  gens  de  son  temps, 
il  ne  fit  pas  de  cours  d'études  régulier.  Il  fréquenta,  pendant 
quelques  années,  l'école  d'un  professeur  écossais  de  Qué'oec, 
M.  Jolin  Fraser,  ancien  vétéran  de  l'armée  du  général  Wolfe. 

Après  avoir  suivi  les  leçons  du  vieux  professeur,  M.  Faribault 
compléta  ses  études  par  lui-même,  à  force  d'énergie  et  de  persé- 
vérance. 

Il  se  livra  ensuite  à  l'étude  du  droit  chez  l'honorable 
J.  A.  Panet,  et  fut  admis  au  barreau  de  Québec  en  iSii.  Pen- 
dant la  guerre  de  tS[2,  il  servit  dans  les  rangs  des  milices  cana- 
diennes. 

Quoiqu'il  se  soit  peu    livré   d    la   pratique  de   sa   profession, 

néanmoins   il    en   avait  acquis    une   connaissance   approfondie 

ainsi  que  l'attestent  plusieurs  causes   difficiles    qui    lui  ont    été 

référées  comme  praticien,  par  les   tribunaux,  et  qu'il  sut  démêler 

,  avec  une  rare  habileté. 

Dès  cette  époque,  il  manifesta  un  gofit  prononcé  pour  les 
■études  historiques  qui  devaient  remplir  une  si  large  part  dans 
son  existence. 

En  1S22,  il  entra  au  service  de  la  Chambre  d'Assemblée  du 
Ras-Canada,  et  passa  successivement  par  les  grades  d'écrivain, 
■de  greffier  de  comité  et  de  traducteur   français.    En  1S32,  il   fut 


86 


MOXOGRAriUE 


promu  au  poste  d'Assistant  Gretiier,  en  remplacement  de  M.  Bou- 
tillier  A  l'époque  de  l'L'nion  des  deux  Canadas  (1S40),  il  devint 
Assistant  Grel'tier.  de  l'Assemblée  Législative,  poste  qu'il  occupa 
jus(]u'en  KS55. 

A  part  les  devoirs  de  sa  charge,  il  consacra,  durant  cette 
longue  période,  une  partie  considérable  de  son  temps  à  la  forma- 
tion d  une  collection  d'ouvrages  et  de  documents  imp'Ttants 
relatifs  à  l'Histoire  du  Canada.  Cette  collection  s'élevait  ..  plus 
de  i6oo  volumes,  lorsqu'il  eut  la  douleur  de  la  voir  complètement 
détruite  j^ar  1  incendie  des  édifices  du  Parlement  à  Montréal  en 
1849.  Sans  perdre  courage,  l'infatigable  archéologue  se  remit  de 
nouveau  à  l'ceuvre  et  recommença  une  seconde  collection.  Ce 
fut  jKiur  conijiléter  ce  long  travail  cpie  la  Chambre  d'Assemblée 
le  députa  en  Kuro[ieen  1851. 

Il  [jartit  de  Ouébcc  le  3  octobre,  accomiKigné  de  Madame 
Faribault  et  de  sa  t'ille.  Après  un  court  séjour  a  Xew-Vork,  il 
s'embarcpia  pour  Londres  où  il  séjourna  jjeu  de  jours  et  arriva 
à  Paris  le  10  novembre.  Il  y  inniva  un  ami  dévoué  des  Canadiens 
dans  la  personne  de  M.  de  Tuibusque  qui  lui  fut  d'un  secours 
immense  pour  ses  recherches  II  l'aida  de  ses  conseils  et  l'in- 
troduisit lui  même  auprès  des  dilïjrenis  ministères. 

'l'ont  semblait  présager  le  plus  heureux  succès,  lorsque  les 
événements  du  2  décembre  vinrent  entraver  toutes  ses  démar 
ches.  Les  réponses  aux  demandes  qu'il  avait  faites  aux  différents 
ministres  firent  surtout  retardées  [)endant  un  temps  considérable. 
.Mais  d'autres  circonstances  bien  autrement  douloureuses  inter- 
romi)irent  soudainement  sa  mission  en  le  jilongeant  dans  la  jikis 
protbnde  afiliction.  Madame  Faribault,  dont  la  santé  avait  été 
ébranlée  par  la  frayeur  (|ue  lui  avaient  causée  les  graves  incidents 
du  Coup  d'Etat,  tomba  davigereusement  malade,  et  fut  enlevée  à 
la  tendresse  de  son  é[)oux  dans  le  cours  du  mois  de  ntars  1852. 
.anéanti  par  ce  chijc  t'uneste,  et  malade  lui  même  depuis  i)lu 
sieurs  semiines  il  fut  longtemps  iiicapable  de  reprendre  ses  occu- 
pations. 

Instruit  de  son  malheur  et  de  la  situatioii  précaire  de  sa  santé, 
le  gouvernement  canadien  envoya  de  Londres  son  agent,  M. 
Wicksteed,  pour  lui  prêter  assistance. 

Partout,  dans  les  différents  ministères,  auprès  des  secrétai.es 
des  diverses  Académies,  il  reçut  le  i)lus  bienveillant  accueil. 

''  De  généreuses  et  magnifiques  donations  dignes  de  la  France. 
'•  dit-il  dans  son  rapp<ort,  me  lurent  t'alites  i)our  la  bibliothèque, 
"  quoique  plusieurs  de  ces  ouvrages  lui  avaient  été  présentés  en 
"  1S49  ^^  m'est  impossibU'  en  ce  moment  d'en  développer 
"  toutes  les  richesses  et  leur  importance,  mais  la  valeur  en  peut 
"  être  estimée  a  plus  de  ^^400  sterling 

A  son  retour  en  Canada,  l'Assemblée  législative  vota  à  M. 
Faribault  une  gratification  de  ^253  en  reconnaissance  de  l'habi 


(].  i).  KAKir.Ai  r/r 


^^' 


let(j  cl  de  rintclligcncc  qu'il  .ivait  déployées  dans    l'accomiilissc 
ment  de  sa  mis^^ion. 

Grâce  à  ses  soins  continuels,  la  nouvelle  bibliothèque  avait 
atteint  le  chiffre  de  3,oco  volumes,  lorsque  dans  la  nuit  tatale  du 
ler  février  1854,  rincendie  du  magnitique  iialais  du  gouvcnne 
ment,  à  Quéliec,  en  réduisit  encore  luie  partie  en  cendres  Près 
de  700  volumes  périrent  dans,  les  tlammes,  parmi  lesque's  se 
trouvait  un  nombre  considéralilc  de  publications  ilu  seizième  et 
du  dix-  se])tième  siècle,  dont  plusieurs  ne  pourraient  iieiitètre 
plus  jamais  être  rem])lacées. 

L'année  suivante,  il  offrit  sa  démission  à  la  Chambre  d'As:em- 
blée  (jui  lui  alloua,  en  témoignage  des  services  éminents  iju'il 
avait  rendus  au  pays,  luie  pension  de  retraite  de  £400. 

C'est  à  son  initiative  et  à  ses  généreux  sacrifices,  aidés  de 
(juclques  dons  patriotiques,  (jue  nous  devons  le  superbe  monu- 
ment élevé  à  Montcalm,  dans  l'église  des  Ursulines,  et  qui  fut 
solennellement  inauguré,  le  13  septembre  1S59,  anniversaire  de 
la  bataille  des  plaines  d'Abraham. 

.\.  cette  oecasion  le  dernier  descendant  de  l'ini^iortel  guerrier, 
le  comte  Victor  de  .NEontcalm  écrivait  à  \'.  Faribauit,  tn  lui 
e.\])rimani  toute  sa  reconnaissance,  ces  nobles  paroles  où  respire 
la  grande  âme  du  héros  : 

"  Arriiire-petit-fils  et  den.ier  rejeton  de   la  famille 

"  du  Marqtiis  de  Montcalm,  je  ne  saurais  assez  exprimer  ma  pro 
'■  fonde  émotion  en  lisant  les  généreuses  intentions  des  habitants 
"  de  Québec.  Retrouver  si  vivante  et  si  chère,  après  im  siècle 
"  entier,  la  mémoire  de  nion  aïeul,  est  chose  l>ien  douce  à  mon 
'•  cieur,  Mon  bonheur  serait  complet  si  je  pouvais  me  trouver 
"  au  milieu  de  vous,  le  i,:;  septembre,  et  exprnner  toute  ma  recon- 
''  naissance  a  mes  compatriotes.  N'ais  si.  hélas  !  une  iaible  santé 
'•  me  retient  fixé  sur  le  sol  de  notre  vieille  l'rance,  crt)yez,  liion 
"  sieur,  et  soyez  assez  hon  pour  le  redu'e  à  tiuis,  ([ue  le  cour 
"  canadien  de  mon  grand-père  battra  dans  ma  poitrine,  le  jour 
'*  de  ce  glorieux  anniversaire,  avec  autant  de  ù)rce  que  jadis  le 
'■'  sien  en  défendant  Québec." 

Ni.  l-'aribault  était  un  des  fondateurs  de  la  Société  Historique 
de  (Québec,  et  l'im  ^Je  se»  iiremiers  l)ienfaiteurs.  La  société  a 
voulu  en  perpétuer  le  souvenir  en  faisant  suspendre,  tlans  la  salle 
de  ses  séances,  son  jtortrait  qui  est  inie  des  meilleures  peintures 
du  gendre  de  M.  Faribauit,  notre  excellent  artiste,  \i.  Théophile 
Hamel. 

Dans  la  vie  privée,  M.  Faribauit  était  le  modèle  du  gentil- 
homme accompli.  Au  milieu  de  notre  siècle  dèmocrati(|ue,  oiï 
1  on  n'aspire  plus  qu'a  effacer  toute  distinction  dans  la  société,  il 
est  une  aristocratie  oue  l'on  ne  i)arviendra  jamais  à  détruire  : 
c'est  celle  de  1  urbanité,  de  la  politesse  des  manières,  de  la  dignité 
et  de  la  noblesse  des  sentiments  M.  l'aribault  appartenait  à  cette 
aristocratie  qui  ne  passera  pas.     Humble  et  modeste  comme   le 


88 


Muxor;R\i'iiii-: 


vrai  mérite,  sa  parfaite  éducation,  l'exquise  délicatesse  de  ses 
procédés,  le  rayon  de  gaieté  douce  qui  reluisait  sur  sa  physiono- 
mie, l'attrait  d'une  érudition  qui  n'avait  rien  que  d'agréable,  don- 
naient il  sa  conversation  un  charme  et  une  grâce  intarissables. 

Sa  maison  était  le  rendez-vous  de  toutes  les  illustrations 
étrangères  qui  venaient  visiter  notre  ville  ;  il  eût  été  difficile  de 
trouver,  pour  nous  représtMiter,  un  type  plus  parfait,  et  un  meil- 
leur interprète  de  nos  héroïcpies  annales. 

Ses  funér.iilles  ont  eu  lieu  au  milieu  d  un  grand  concours  com- 
posé de  l'élite  des  citoyens  de  Québec  Les  coins  du  poêle  étaient 
l)ortés  ])ar  les  Honorables  R.  Iv  Caron,  Louis  Panet,  Messieurs 
Cliarlcs  Langevin,  Jean  Langevin.  Ph.  A.  De  Gaspé  et  le  com 
missaii'e  général  James  'rhomi)son.  Le  service  a  été  chanté  jiar 
iSL  l'abbé  Laverdière,  ei  l'absoute  faite  par  M.  l'abbé    Casgrain. 

Les  restes  de  ^L  Faribault  reposent  au  cimetière  de  Notre- 
Dame  de  lîelmont,  près  des  cendres  de  notre  historien  Cîarneau 


B.  Suite.  Poète.  Antiquaire,  Historien. 


Le  président  de  la  .S'(',7Va'/v(U'(?/(^///  Canada,  i ère  section, 
M.  Benjamin  Suite  n.Tciuit  aux  Trois-Rivières  en  1841. 
De  bonne  lieure  il  lit  preuve  de  j^oûts  et  d'aptitudes  litté- 
raires fort  prononcées  :  ses  premières  poésies  en  sont 
une  preuv'  indéniable.  Le  temjis  est  maintenant  éloi;Tné 
où  wn  spirituel  collègue,  membre  de  la  Société  Royale  du 
Canada,  lui  auss',  poète  à  ses  heures,  l'abbé  Dawson, 
d'Ottawa,  surnommait  Suite,  à  cause  de  sa  jeunesse  et  de 
son  nom — "le  Benjamin  de  la  famille  de  nos  poètes  Cana- 
diens." 

Maintenant  le  jeune  Trîfluvien  d'autrefois  s'est  épanoui 
en  un  grave  historien.  AL  Suite  s'est  noblement  acquitté  des 
obligations  que  lui  imposait  l'amour  du  sol  natal,  en  écri- 
vant les  annales  de  sa  ville  chérie  :  Trois-Rivières.  l^Ue 
lui  doi":  aussi  la  fondation  de  l'Institut  Littéraire,  dont  il  fut 
le  premier  président. 

Voici  comme  M.  Lareau,  peignait  à  son  début  ce  jeune 
nourrisson  des  Muses  :  "  Le  style  de  M.  Suite  se  rapproche 
plus  de  la  chanson  que  de  l'élégie  ou  de  la  tragédie.  On 
s'aperoit  que  ses  instincts  ou  ses  étude-»  l'ont  porté  plus 
vers  Béranger,  Pierre  Dupont  et  Desaugiers, que  vers  Hugo, 
Lamartine  ou  Auguste  Barbier.  Parfois  cependant,  on 
croit  saisir  comme  une  strophe  de  Musset  qui  rase  d'une 
aile  légère  quelques  pages  amourevises  des  Laurcnticimcsy 

"  Suite  chante,  dit  M.  Routhier,  le  Canada  et  ses  beautés, 
ses  droits  et  ses  devoirs,  ses  douleurs  et  ses  espérances. 
Il  évoque  le  passé  et  en  célèbre  toutes  les  gloires  et  rap- 
pelle le  présent  et  en  traduit  les  leçons  ;  il  s'élance  vers 
l'avenir  et  flatte  nos  rêves  d'or.  C'est  un  hymne  qui  se 
répète,  et  dont  les  échos  vont  sur  tous  les  sentiers  réveiller 
le  patriotisme  endormi."  (  i) 


w 


90 


M()N(J(iK.\l  I1I1-; 


"  Il  n'a,  ajoute  Larc.ui,  ni  la  vit;uoiir  lyrique  de  l'ré- 
chctte,  ni  la  douceur  it-ietTablc  de  Lenra)',  ni  luènic  l'onc- 
lion  patriotique  de  Créniazie,  mais  en  revanch^',  sa  poésie 
est  plus  pétillante,  sa  phrase  plus  claire  et  plus  égale,  son 
esprit  [)lus  franchement  gaulois." 

M.  Suite  a  commencé  à  publier  des  vers  en  1S60  sous 
des  noms  de  plume.  La  première  pièce  signée  de  son  nom 
véritable  a  povu-  titre  Lis  Canotiers  du  Saint-Laurent,  1S61. 
Après  avoir  publié  quelques  pièces  dans  le  Journal  de 
l'Instrnetion  Publique,  il  devint  également  collaborateur 
de  la  Revue  Canadienne  qui  se  fondait  en  1864,  et  depuis 
vingt  ans  il  a  été  le  plus  constant  écrivain  de  cette  der- 
nière publication,  en  prose  et  en  vers.  C'c.^t  là  qu'il  mit  au 
jour  (1868J  ses  premiers  articles  sur  la  question  du  déboi- 
sement de  nos  forêts,  articles  qui  lui  valurent  du  coup  une 
renommée  de  prosateur  comme  il  en  avait  déjcà  acquis  une 
de  poète.  Vax  1870  l'éditeur  de  la  Revue  Canadienne 
imprima  un  recueil  des  poésies  de  M.  Suite  sous  un  titre 
bien  appropii.^  :  Les  Lanrentienn^s.  La  même  année,  le 
même  eiliteur  imprima  la  première  partie  de  X Histoire  des 
Trois-Rivieres,  travail  tout  d'érudition. 

Depuis  lors,  AI.  Suite  a  tenté  plusieurs  genres  en  litté- 
rature :  la  chronitpic,  la  nouvelle  ou  petit  roman,  ia  critique, 
la  conférence  {jariée  ou  plutôt  imiirovisée  où  il  excelle. 

lùi  1  871,  l'éditeur  de  Xts.  Revue  Canadienne  i)ublia /-'/:". t/t'- 
dition  Militaire  de  Manitoihï,  un  travail  dont  es  sources 
sont  de  première  valeur  et  qui  sera  toujours  consulté. 

l'".n  1873,  i)arut  Ac  Canada  en  Jîurope,  qui,  répandu  à 
profusion  à  Paris,  attira  les  \-eux  ^X^:.:^  français  sur  notre 
pays.  On  a  reproclié  à  AL  Suite  d'avoir  trop  vivement 
piqué  l'amour-propre  àc^  Fra.içais.  Il  répond  :  ''il  fallait 
les  faire  asseoir  sur  une  pelotte  d'épingles  ;  je  l'ai  fait. 

En  1876,  M.  Suite,  qui  sortait  de  la  présidence  de  l'Ins- 
titut Canadien-Français  d'Ottawa, inaugurant  un  édifice  qui 
coûtait  plus  de  $20,000,  publia  aux  ateliers  du  journal  Zc 
Canada  une  histoire  fort  curieuse  de  l'élément  français  dans 


SUI.TE 


91 


la  c,;[)it.'ile  fv^léialc.  iJans  les  réunions  qui  marquèrent 
l'ouverture  du  nouveau  temple  littéraire  ou  p:irla  pour  la 
première  fois  d'une  académie  ou  société  royale. 

ICn  i^7^'-'JJ,  AI.  Suite  publia  un  volume  en  livraisons. 
intitulé  :  J/t'/iiu^'-cs  iV Histoire  et  de  Littérature. 

En  1879  parut /wî  Chronique  TriJ//i:'ie>///e,un<^ro<,  volume 
édité  par  la  Keviie  Canadienne,  dans  lequel  M.  Suite  se 
donne  le  malin  plaisir  de  traiter  25  ans  de  l'Histoire  des 
Trois-Rivières,  pour  montrer  aux  Tritluviens  ce  qu'ils 
perdent  à  ne  pas  vouloir  payer  pour  une  liistoire  complète 
de  leur  vdle. 

L'atelier  du  Canada  fOttawa;  publia  LiS  Chants  Xou- 
veanx  (  ibSo), recueil  de  vers  qui  fait  suite  aux  Lanrentieiuies. 

Réunissant  tout  un  carton  de  plans  et  dessins  inédits  du 
i^ème  siècle,  M.  Suite  tk  graver  ces  belles  pages  par 
Desbarats,  en  1S81,  et  intitula  le  tout  '\llbnni  de  Phistoin 
(/es  Trois-Rivicres. 

En  même  temps,  un  volume  renfermant  des  poésies  de 
tous  les  poètes  canadiens-français  voyait  le  jour,  sous  les 
auspices  des  Soirées  Canadiennes.  M.  Suite  \'  ajouta  une 
préface,  un  volume  plutôt,  donnant  l'histoire  de  la  poésie 
frani;aise  en  Canada. 

Lorsque  parut,  en  1SS2  le  premier  volume  de  VJ/istoin 
des  Canadiens-Français  nous  aurions  cru  M.  Suite  épuisé 
de  produire.  Pas  du  tout.  Les  huit  volumes  étaient  com- 
plétés en  1884.  C'est  une  revue  historicjue  de  ce  qu'ont 
été  les  Canadiens- l'ranrais  à  toutes  les  époques  de'  l'his- 
toire du  Canada. 

Pour  s'amuser,  ou  pour  changer  de  ton,  il  écrivit  (1884) 
la  vie  du  célèbre  athlète  Montferrand. 

Cette  année  1S85,  il  vient  d'ajouter  de  sa  bonne  grâce 
un  index  de  12,000  notes  aux  c^uatre  gros  volumes  de 
documents  historiques  publiés  par  le  gouvernement  de 
Québec.  Ce  travail  double  l'importance  de  la  collection, 
entière. 


^ 


92 


MON(i(;i;AIilIi: 


Il  a  sous  presse  en  ce  moment  \x\\q  llistoin  de  la  paroisse 
•ic  St  François  du  Lac  qui  abonde  en  nouveauté^. 

Avec  tout  cela,  correspondant  îides  Revins  d'I'Airopeet 
des  l'^tats-Unis,  officier  de  la  Socii'tc  Royale  du  Canada, 
donnant  des  articles  aux  Soirées  Canadiennes,  à  la  Rex'nc 
Canadienne,  à  la  Minerve,  c'est  un  travailleur  qui  ne  s'arrête 
pas.  L'année  prochaine  comnienceronl  à  paraître  trois 
volumes  de  ces  articles  disperse.'!  dans  vinj^t  publications 
et  que  nous  avons  hâte  de  voir  réunis  aux  h'vrcs  du  même 
auteur.  Couraj^e,  M.  Suite,  continuez  !  \lw  modifiant  quel- 
ques passaf^es  dans  vos  (eu\res  historiques,  surtout  en 
ajoutant  au  bas  des  pages,  autant  cpie  faire  se  peut,  les 
autorités  sur  lesquelles  vous  vous  appuyez,  vous  irez   loin. 


L'afcfcs  Laverdiare. 


A  la  rentrée  des  classes  du  l'etit  Séminaire  de  Ouébec, 
le  1er  septembre  1S39,  je  me  rappelle  parmi  mes  condis- 
ciples, un  tout  jeune  paysan  tie  la  côte  de  lîeaupré,  dont 
le  nom,  par  son  étrangeté,  avait  frappé  "  l'espiègle  jeu- 
nesse" qui  l'entourait  et  qui  en  çut  fait  des  gorges-chaudes, 
sans  la  crainte  salutaire  de  la  férule  du  régent,  le  bon  l'ère 
J-Jaillargé. 

Le  petit  villageois  se  nommait  alors  Cauchon  tout 
court.  Comme  il  était  de  mode  de  pourvoir  chaque  cama- 
rade d'un  sobriquet,  sans  en  exempter  môme  le  maître  de 
classe,  (lui,  on  le  désignait  comme  le  "  l'ère  Suisse,"  à 
cause  de  sa  prédilection  pour  des  écureuils  approvoisés  qu'il 
gardait),  on  octroya  de  suite  et  sans  réclame  au  nouvel 
arrivé,  le  surnom  peu  euphonique  de  Petit  CancJion.  Grâce 
pour  ce  souvenir  intime  d'années  envolées  ! 

Charles  Honoré  Cauchon  do  Lavcrdière  naquit  au  Châ 
teau-Kicher,  chef-lieu  du  comté  de  ?iIontmorcn:y,  le  8  octo- 
bre, 1826.  Aprèsavoir  vu  son  nom  figurer  bien  des  fois  aux 
examins,  sur  le  Palinarc,  il  recevait  en  1851  l'ordre  de  la 
prêtrise.  11  se  nommait  alors  Laverdière  :  c'était  un  loj-al 
caractère,  sans  morgue,  sar.s  prétention,  toujours  prêt  a 
rendre  service. 

Pendant  les  vingt  deux  années  t^ui  vont  suivre,  nous  ver- 
rons le  laborieux  abbé  Laverdière, — agreg.'  au  Séminaire 
comme  bibliothécaire, — à  toutes  les  heures  d.u  jour  et  sou- 
vent de  la  nuit  même,  plongé  dans  un  série  de  travaux 
historiques  et  littéraires  qui  eussent  fait  pâlir  d'ennui 
Scaiiger  et  Monteith  et  qui  font  regretter  qu'un  trépas 
prématuré  ait  ravi  à  la  science  ce  rude  clierchcur,  lorsque 
sa  tâche  ne  semblait  encore  qu'à  demie  remplie. 

M.  Laverdière    fut  secondé  dans  ses   travaux   par  une 


94 


MONOGRAPHIE 


rare  puissance  d'analyse  jointe  à  une  prodigieuse  mémoire 
de  dates  et  de  faits. 

Il  me  semble  encore  entendre  le  cri  de  surprise,  de  dou- 
leur de  tout  Québec,  lorsque  la  triste  nouvelle  se  repandit 
que  notre  excellent  compagnon  de  Séminaire,  en  1839, 
plus  tard  le  collaborateur  estimé  de  MM.  Ferland,  Cas- 
grain,  venait  de  succomber  à  une  attaque  d'apoplexie  fou- 
droyante, le  10  octobre  1873,  au  moment  même  où  il  entrait 
chez  son  librair<"  M.  P.  G.  Delisle,  pour  lui  remettre  des 
(•preuves  corrigées  la  veille 

Je  ne  saurais  signaler  ici  qu^î  les  principaux  travaux  du 
docte  abbé  :  la  réédition  des  œuvres  de  Champlain,  fon- 
dateur de  Québec  et  premier  gouverneur  de  la  colonie  : 
monument  de  longues  et  patientes  recherches  pour  collec- 
tionner, mettre  en  ordre,  annoter  les  diverses  éditions  des 
voyages  du  grand  géographe. 

"  T.'ouvrage  contient  :  Le  voyage  de  Champlain  aux 
Indes  Occidentales,  précédé  d'une  notice  biographique 
de  Champlain;  le  voyage  de  1603;  l'édition  de  161 3, 
c'est-à-dire  les  voyages  à  l'Acadie  de  i6o4  à  1607,  et  les 
voyages  au  Canada  depuis  la  fondation  de  Québec  1608,  jus- 
qu'en 1613,  avec  fac  simili  photo-lithographique  de 
toutes  les  cartes  et  vignettes  \-  compris  la  rarissime  grande 
carte  de  16 12,  et  la  petite  carte  de  1613,  cii  sou  vray 
vh'ridicN,  le  quatrième:  l'édition  de  1632,  première  et 
seconde  partie,  avec  la  Grande  Carte  et  sa  Table  ;  le  Traité 
de  la  Marine  ;  le  Catéchisme  en  Huron  du  Père  Brébœuf  ; 
l'Oraison  Dominicale,  traduite  en  Montagnais  par  le  Père 
Massé  ;  une  dissertation  sur  les  cartes  de  Champlain  ;  un 
dictionnaire  topographique  du  Canada  ancien  ;  des  pièces 
justificatives  et  une  table  générale  des  œuvres  de  Cham- 
plain. 

"  Le  catalogue  des  ouvrages  que  l'abbé  Laverdière  à 
publiés  ou  dont  il  a  surveillé  l'impression,  est  considérable. 
Outre  les  œuvres  de  Champlain  et  le  journal  des  Jésuites, 
il  faut  encore  porter  à  son  crédit  :  Les  "  Relations  des 


L'AliP-l':    LAVLRDIKRE 


95 


Jésuites,"  trois  volumes  compactes,  grand  in-octavo,  de 
^plusieurs  centaines  de  pages  ;  le  cours  d'Histoire  du  Ca- 
nada," par  M.  Ferland,  seconde  partie  de  1663  à  1759  ; 
l'Histoire  du  Canada  à  l'usage  des  maisons  d'éducation  ; 
plusieurs  petits  opuscules,  entre  autres  "  Notre-Dame  de 
Recouvrance  de  Québec,"  h  la  mémoire  du  R.  V.  Massé, 
S.  J.  ;  plusieurs  livres  de  chant,  entre  autres  :  "le  Chanson- 
nier des  Collèges,"  "  les  Cantiques  à  l'usage  des  maisons 
d'éducation,"  trois  éditions  des  Chants  Liturgiques,"  la 
dernière  édition  du  Graduel  ot  du  Vespéral,"  la  *'  Semaine 
Sainte,"  le  "Rituel  Romain."  "La  dernière  œuvre  qu'il  espé- 
rait pouvoir  livrer  bientôt  h  la  publicité,  est  le  "  Paroissien 
Noté,  "'  œuvre  destinée  à  populariser  au  milieu  de  nous  le 
chant  de  nos  égliscs(Lareaui;  ajoutons  y'^ Histoire  du  Canada 
à  Vitsagc  des  Diaisons  d'ediieatioii, — destinée  à  faciliter  et  à 
rendre  agréable  aux  élèves,  l'étude  de  nos  annale»,— et  la 
brochure  qu'il  prépara,  conjointement  avec  l'abbé  Casgrain, 
sur  la  découverte  du  Tombeau  de  Champlaîn  d'où  origina 
la  mémorable  "  Querelle  des  antiquaires." 


Hospice  A.  Yerreau,  D.  L.,  Antiquaire 


L'abbé  Verreau,  Principal  de  l'Ecole  Normale  Jacques- 
Cartier,  à  Montréal,  naquit  à  l'Islet,  P.  O.,  le  6  sept,  182S. 
Il  entra  comme  élève  au  Petit  Séminaire  de  Québec,  dans 
la  sixième  classe  vers  1S39.  Il  acheva  son  cours  au  collège 
de  Ste  Thérèse,  dont  il  devint  plus  tard  Directeur  des 
Etudes  ;  on  lui  avait  conféré  la  prêtrise  en  1847. 

I^n  1856,  M.  Verreau  se  rendit  à  Montréal,  et  au  mois 
de  mars  de  l'année  suivante,  à  l'ouverture  de  l'Ecole 
Normale,  en  cette  ville,  il  en  fut  nommé  le  Principal,  posi- 
tion qu'il  a  toujours  continua  d'occuper  depuis. 

Messire  Verreau  avait  dès  le  début  manifesté  du  goût 
pour  les  études  sérieuses.  Il  donna  tous  ses  loisirs  aux 
recherches  historiques  en  rapport  avec  les  annales  cana- 
diennes. 

Son  volume  sur  l'Invasion  A\\  Canada,  en  1775,  publié 
on  1873,  accuse  un  travail  consciencieux,  éclairé  et  soutenu. 
Les  notes  du  savant  annaliste,  les  lettres  et  autres  pièces 
publiées  dans  l'appendice,  ajoutent  beaucoup  cà  la  valeur 
de  cette  publication. 

Messire  Verreau  s'est  montré  un  collectionneur  infati- 
gable. Sa  bibliothèque  si  riche  en  ouvrages  sur  le  Canada, 
en  mémoires,  anciennes  lettres,  cartes,  manuscrits,  docu- 
nients  archéologiques,  font  ''admiration  et  l'édification 
(le  nos  antiquaires, 

lui  1873,  le  gouvernement  fédéral  l'associait  à  l'érudit 
et  infatigable  archiviste  du  Département  de  l'Agriculture, 
M.  Douglas  lîrymner,  pour  dresser  un  relevé  des  docu- 
ments inédits  sur  l'histoire  du  Canada,  enfouis  au  Britislt 
Muséum,  aux  Archives  nationales  et  aux  différents  minis- 
tères à  Londres,  à  Paris,  à  Rome,  etc.  Les  résultats  de 
cette  mission  font  la  matière  de  divers  Rapports  du  Dépar- 
tement de  l'Agriculture,  soumis  au  Parlement  d'Ottawa,  et 


I 

HOSPICK  A.  VERREAU 
pleins  d'utiles  renseignements  r  ^kk  - ,-  '^^ 

f  Lettres  à  l'Univ^rsitTI ttl  r"  "' ''°"""- 

dc  la  société  des  antiqua  ret  de  v  '"""'[.^  ->'--'^Po.uIant 
fuction  Publique  de  France       '^"™=""^"''  "«''"  d'Ins- 

untf  ~Y:.^^^^^^^  Canada  contient 

qui  Jacques  Viger  sen,bk  avo     ,^"'?^"=""  "»  Canada,  à 

E"   .S8.,  Son  Excel!  ncJrVr^"'""  '"""'^••■"• 
à  M.  rabbé  Verreat,  u„  2l         7"'"'  ''  ^°'"^  °«™ya- 

^"  Canada  qu'il  venai  "de  ::;::  tut ':  T'''  =^°-"'- 
Je  la  Société  Historique  de  W     i      ,  ''''"'''    '''■e.-<ide,..t 

°"t  donné  beaucoup  3ë  retf       '""''  '  '^''"'-■"^  -^  ---'^ 

^n    trouve    dans'  1^-s     U',.    ■ 
P'"--eur.,  conférences  du  ;.tt:t  abbé"   '"    '■""'■■"■■  '''^''' 


l   ' 


Iv'Àbbe  'Tangua.y,  Antiquiaire. 


Cyprien  Tanguay,  membre  de  la  Société  i^oyale  du 
Canada,  naquit  à  Québec  en  1819,  fit  ses  classes  au  Petit 
Séminaire  de  cette  ville,  fut  ordonné  prêtre  en  1S43  et 
desservit  d'abord  les  paroisses  de  St-Luc  et  des  Troif- 
ristoles.  La  même  année  il  fut  nommé  vicaire  à  St-Gcr- 
main  de  Rimouski,  et  en  1846,  curé  de  St-Raymond  et  de 
St-13asile. 

Nommé  plus  tard  à  la  cure  de  Rimouski,  il  eut  le  plaisir 
d')^  surveiller  la  construction  de  la  superbe  cathédrale  de 
la  présente  ville  de  St-Germaiii.  En  1862,  il  desservait 
Ste-Iiénédine,  comté  de  Dorchester. 

En  IS65,  l'hon.  Thos.  D'Arcy  McGee,  ministre  d'agri- 
culture, lui  offrait  la  position  qu'il  occupe  encore  dans  le 
burciu  des  statistiques  à  Ottawa.  Il  s'y  dévoua  tout  entier 
à  la  préparation  des  tables  et  autres  statistiques  des 
quatrième  et  cinquième  volumes  du  recensement. 

Ivii  1867,  le  gouvernement  le  députait  à  Paris  pour 
scruter  les  archives  françaises,  où  il  découvrit  plusieurs 
pièces  fort  importantes  pour  l'histoire  des  Acadiens  et 
qu'on  avait  cru  perdues.  Je  ne  puis  mieux  faire  que  de 
répéter  ici  ce  qu'en  dit  M.  Lareau  sans  toutefois  partager 
entièrement  le  point  de  vue  tout  à  f^iit  utilitaire  auquel  le 
brillant  publiciste  envisage  le  gigantesque  trawiil  de  l'abbé 
Tanguay  : 

"L'abbé  Tanguay  s'est  imposé  une  lâche  ardue,  hérissée  de 
mille  difficultés  et  dont  le  résultat,  comme  il  le  dit  lui-mênic. 
semblait  hypodiélique,  eu  entreprenant  d'écrire  la  généalogie  des 
premiers  colons.  Dire  ce  qu'il  a  fallu  d'énergie,  de  courage  et  de 
persérérance  pour  composer  cet  ouvrage,  qui  peut  être  utile  et 
intéressant  au  public,  mais  qui,  pour  l'écrivain,  ne  devait  offrir 
qu'un  intérêt  bien  médiocre,  est  chose  qui  se  comprend  facile- 
ment. Aller  de  paroisse  en  paroisse,  feuilleter  les  registres  de 
l'état  civil  aux  greffes  et  dans  les  fabriques  ;  établir  la  filiation 
dans   la  su'te  des   degrés,    recueillir    la    tradition    orale    des 


L  ABBE    TANC.UAY 


99 


e  du 
Tetit 

+3    et 

rroÎF- 

t-Gcr- 

et  de 

plaisir 
aie  de 
servait 


d'agn- 
5ans^le 
t  entier 
les   des 


pour 
llusieurs 
icns  et 
que  de 
larta-^'er 
quel  le 
le  l'abbé 


Issce    do 
|i-mônic. 
logiedes 
Igeet  de 
[Utile   cl 
lit  offrir 
facile- 
àtres  de 
I  filiation 
lie    des 


vieillards,  consulter  les  papiers  domestiques,  de  ces  papiers 
vieux,  à  1  encre  jaune,  illisible,  à  l'orthographe  ancienne  ;  passer 
en  France  pour  y  compléter  ces  recherches,  visiter  les  archives 
du  ministère  de  la  marine  et  d'ailleurs  :  tels  sont  courtement 
résumés,  les  travaux  que  s'est  imposés  l'abbé  'languay  j^our 
livrer  à  la  ])ub licite  des  renseignements  dune  exactitude 
aproximativement  parfaite. 

"  Ce  document,  élevé  à  la  gloire  de  nos  ancêtres,  a  beaucoup 
d  originalité  et  aura  toujours  de  l'actualité  pour  le  peuple  cana 
dien.  Il  pourra,  ])lus  tard,  être  continué  par  d'autres  personnes 
dévouées  et  ainsi  nous  aurons  luie  généalogie  continue  de  notre 
race.  Aucnn  peuple,  que  je  sache,  n'a  eu  dès  son  origine  cette 
heureuse  idée  de  résumer  ses  registres  originaux.  L'auteur  a 
donc  créé  une  œuvre  éminemment  nationale  et  il  a  rai.son  quand 
il  ajoute  que  pour  répondre  à  l'esprit  national  qui  existe  chez 
notre  peuple  et  pour  favoriser  le  goût  des  recherches  scientifi 
ques  qui  s'est  produit  chez  la  jeunesse  depuis  quelques  années, 
il  fallait  qu'un  monument  inipérissal)le  prou'  .it  d  une  manière 
exemplaire  au  monde  entier  que  si  l'hiïiloire  di,  Canada  est  une 
de  celles  qui  offrent  le  plus  d'intérêt  au  lecteur, '1  s'en  trouve  aussi 
une  autre  dans  laquelle  il  peut  connaître  tout  r.  la  fois  l'origine 
de  sa  famille  et  en  suivre  la  fili.ition  jus([u'à  nos  jours. 

"  T.e  Dictionnaire  i:;iiicaIo^'< que  Jes  familles  Canadiennes  est 
en  oiiUe  un  ouvrage  d'une  grande  utilité  aux  maisons  d'éduca-. 
tion,  à  la  judicature,  à  l'I-^glise  et  à  toutes  les  familles.  Le  pre 
micr  Noiiune  contient  lliistoire  de  la  formation  des  noms  de 
familles,  leur  variation  et  leurs  surnoms,  en  outre,  près  de 
30.CC0  ii',fiirinati>ns  généalogiques  à  commencer  de  l'anrièc 
^i6oS 

••  Nous  devons  encore  à  M.  l'abhé  Tanguay  un  autre  ouvrage 
du  même  genre  que  la  généalogie:  \>t  Répertoire  i:;éiicral  du 
tienne  canadien,  ou,  en  d'autres  termes,  dictionnaire  biographi- 
que des  membres  du  clergé  depuis  l'établissement  de  la  '  olonie 
jusqu'à  nos  jours.  On  conçoit  de  suite  1  importance  de  cet 
ouvrage.  Il  convenait  que  le  clergé  canadien  fût  ai)])elé  à  revivre 
dans  un  livre  (jui  enseignera  aux  genératiop.s  futures  le  nom  de 
ces  hommes  dévoués,  de  ces  pasteurs  charitables,  de  ces  citf)yens 
distingués  qui  ont  tant  tait  pour  l'avancement  moral  de  leurs 
compatriotes. 

"  Le  travail  de  M.  l'abbé  Tanguay  se  divise  en  deux  parties. 
La  première  contient  une  liste  des  Évêques  depuis  l'établisse- 
ment de  la  colonie  jusqu'à  nos  jours  ;  iniis,  vient  une  liste  des 
jorêtres  depuis  l'établissement  du  pays  jusqu'à  la  conquête.  La 
seconde  partie  renferme  les  noms  de  tous  les  prêtres  qui  ont 
résidé  en  Canada  depuis  la  conquête  jusqu'à  nos  jours.  Le  lout 
se  termine  par  une  liste  alphabétique  de  34  pages  qui  facil  te 
considérablement  les  recherches.    Les  noms   sont  disposés   par 


100 


MONOGRAPHIE 


ordre  chronologique  et  c'est  la  date  des  ordinations  qui  règle 
cet  ordre. 

"  Cet  ouvrage  est  le  tableau  le  plus  complet  qui  ait  été  publié 
jusqu'à  ce  jour  de  tous  les  prêtres  qui  ont  desservi  l'Kglise  du 
Canada  depuis  sa  découverte,  l.e  seul  travail  que  nous  possé- 
dions dans  ce  genre  est  celui  de  l'abbé  Noisr.ux  pu!)Hé  en  1S33. 
Mais  ce  travad  n'était  pas  exempt  d'erreurs  assez  imijortantos, 
que  le  commandeur  Viger,  dans  un  ouvrage  inédit,  a  rele- 
vées. 

"•  Nous  a\'ons  lieu  de  croire  que  le  livre  de  M.  l'abbé  Tanguay 
est  plus  exact  que  ceux  qui  l'ont  précédé.  " 

Appelé  en  1882  par  Son  Excellence  le  Marquis  de 
Lorne,  à  prendre  place  dans  les  rant^.s  de  la  société  scien- 
tifique, dont  réminent  homme  d'Etat  a  doté  le  Canada, 
l'abbé  Tanguay  a  lu  devant  la  1ère  Section,  en  mai  1SS2,  le 
travail  suivant:  Sur  les  Familles  du  Canada;  en  i883, 
Etude  sur  les  noms  \  en  1884:  Etude  sur  la  famille  de 
Catalogne. 

Le  public  sérieux  attend  avec  impatience  la  continua- 
tion du  Dietionnaire  généalogique  du  savant  ubbé. 


Les   ^\rcliives  dta  Canada.. 


Etude  lue  devant  la  Société  Royale  du  Canada,  le  23   vu-ii 

1883 

Messieurs, — Parmi  les  sujets  dignes  d.*  tixer  l'attention 
de  ceux  qui  s'>)ccupent  d'études  historiques,  je  \\<i\\  connais 
aucun  d'un  intérêt  majeur  à  celui  de  la  collection,  du  clis- 
sement  et  de  la  garde  des  archives  du  Canada. 

Si  les  démarches  prises  et  les  résultats  obtenu-^  par  les 
diverses  administrations  qui  depuis  dix  ans  se  sont  suc- 
cédé, à  Ottawa,  sont  de  nature  à  nous  réjouir,  n'allez  pas 
croire  pour  tout  cela  que  la  tâche  soit  achevée,  que  le  der- 
nier mot  soit  dit. 

La  création  d'un  lîureaudes  archives  publiques  ou  plutôt 
l'érection  d'une  division  du  Dép  irtement  de  l'At^riculture, 
à  Ottawa,  en  un  dépôt  d'archives,  date  de  1872  ;  plusieurs 
hommes  d'Etat  peuvent  avec  raison  réclamer  leur  quote- 
part  dans  cette  onivre  de  progrès.  Cependant  un  nom  s'y 
rattache  davantage  :  celui  de  son  premier  archiviste,  M. 
Douglas  Brymner,  dont  les  rapports  annuels,  (i)  soumis  à 
la  Législature,  jeftent  beaucoup  de  jour  sur  cette  question. 

M.  Brymner  a  eu  aussi  pour  collaborateur  un  anti- 
quaire quf^  vous  connaissez  tous  :  M.  l'Abbé  H.  Verreau. 
Ces  deux  chercheurs  ont  eu  mission  d'aller  fouiller  dans 
les  archives  de  l'Europe  et  d'y  puiser  nombre  de  docu- 
ments, de  manuscrits  indispensables  pour  étudier,  bien 
comprendre,  bien  compiler  nos  annales. 

Les  remarques  que  je  me  permettrai,  tout  en  lemerciant 
nos  hommes  d'Etat  pour  l'intérêt  qu'ils  ont  manifesté  dans 
cette  question,  n'ont  d'autre  but  que  celui  de  stimuler  le 
zèle  de  nos  antiquaires  à  de  nouvelles  découvertes. 


(1)  Reports  on  Public  Archivea   to  Mlnister  of  Agriculture,  Ottawa,  1872,  1873,  1874, 
1881,  1882. 


I02 


CONFERENCE 


Cette  intéressante  étude  des  archives  est  fort  vaste.  Elle 
se  présente  soas  un  double  aspect  : 

10.  L'histoire  des  huit  provinces  de  l'Amérique  Britan- 
nique du  Nord,  autrement  dit,  de  la  Confédération  cana- 
dienne. 

20,  L'histoire  de  la  Confédération  canadienne  depuis  la 
date  de  son  établissement,  ler  juillet  1S67. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  de  vous  renseigner  sur  les 
sources  de  notre  histoire  :  vous  les  connaissez  comme  moi, 
ces  glorieuses,  ces  dramatiques  annales  de  la  plus  ancienne, 
de  la  plus  pittoresque  province  de  la  Confédération  :  la 
province  de  Québec  Vous  savez  également  combien  de 
difficultés  ont  été  aplanies  pour  l'historien  moderne,  par 
l'impression  en  beaux  volumes  de  ces  mille  et  un  manuscrits 
et  mémoires  vermoulus,  raturés,  illisibles,  qui,  dans  le 
passé  faisaient  pâlir  nos  antiquaires  :  les  Relations,  le 
Jounial  des  Jésuites,  les  compte-rendus,  les  correspondan- 
ces officielles  de  nos  Gouverneurs,  de  nos  Intendants;  les 
journaux  circonstanciés  do.^  divers  sièges  de  notre  vieille 
capitale,  etc. 

Si  vous  me  demandez  si  réellement  il  existe  à  l'étranger 
grand  nombre  de  ces  antiques  documents,  que  dirai-je, 
de  ces  lambeaux  de  la  patrie  dispe  rsés,  je  vous  répondrai 
qu'ils  peuvent  se  compter,  non  pas  par  centaines,  mais  par 
milliers  ;  que  le  contenu  de  la  plupart  nous  est  encore 
entièrement  inconnu  ;  que  partant,  il  est  impossible 
d'écrire  une  histoire  complète,  circonstanciée  de  la  Confé- 
dération, sans  avoir  accès  à  ces  sources  de  renseignements. 
A  peine  une  des  grandes  capitales  de  l'Europe,  une  des 
villes  maritimes  de  la  France,  notre  ancienne  mère-patrie, 
qui  n'en  possède  quelque  riche  dépôt  ou  quelques  frag- 
ments :  Londres,  Paris,  St.  Petersbourg,  Rome,  Copenha- 
gue, Amsterdam,  Madrid,  Bruxelles,  Berlin,  Rouen, 
Rochefort,  Le  Havre,  Dieppe,  Bordeaux,  Marseilles,  etc. 
Au  reste  sur  ce  point,  si  vous  désirez  vous  renseigner  spé- 
cialement,   consultez   l'excellent    rapport   que   M.    l'abbé 


N(JS  ARCHIVES 


103 


ii-je, 

idraî 

par 

Icore 

dble 

mfé- 

:nts. 

des 

Itrie. 

rag- 

iha- 

len, 

letc. 

Ipé- 
)bé 


Verrcau  prcsciitiit  à  la  Lé^^islaturc  fcJcrdlc    le  31  dccciii- 
brc  1S74. 

Je  n'ai  jaiiiai'^  été  plus  vivement  impressionné  de  l'im- 
portance que  les  grandes  nations  de  l'Europe  attachent 
aux  dépôts  de  leurs  archives  nationales,  que  lorsque  je 
pénétrais  tout  récemment  dans  la  vaste  salle  circulaire  du 
British  Miisciuii  [\)  à  Londres.  Après  avoir  contemplé  les 
amas  de  parchemins,  de  records,  de  rôles,  etc.,  enfouis  sur 
les  raj'ons  des  magnifiques  bibliothèques  de  l'université 
de  Cambridge,  du  War  ojjîcc,  de  la  Tour  de  Londres,  etc,  il 
m'eût  fallu  des  mois  entiers  pour  compulser  les  2,647 
volumes  de  la  collection  qui  m'intéressait  le  plus,  la  collec- 
tion Ilaldiinand  et  le^  nombreux  volumes  manuscrits  du  co- 
lonel Bouquet.  Si  notre  métropole  est  si  riche  en  matériaux 
pour  son  histoire  et  pour  l'histoire  de  ses  grandes  colonies, 
il  ne  faut  pas  oublier  qu'elle  s'étudie  à  collectionner  et  à 
conserver  ses  archives  publiques  depuis  huit  cents  a'is.  Une 
partie  notable  de  ces  mêmes  archives,  comme  vous  savez,, 
a  été  perdue  de  i  135  à  127J,  aussi  bien  que  pendant  les 
guerres  sanglantes  des  Deux  Roses  (1455  à  1461A 

Edouard  III,  en  1473,  dans  une  ordonnance,  faisdt  dé- 
clarer que  '  les  archives  publiques  sont  considérées  comme 
le  témoignage  de  la  nation,  et  il  est  ordonné  qu'elles  soient 
accessibles  à  tous  les  sujets  du  roi." 

Sous  le  règne  d'I'^lizabeth  0559-1603)  une  enquête  fut 
instituée  au  sujet  des  archives  du  Parlement.  "Jacques  I 
(1617)  eut  l'idée  de  créer  un  bureau  de  papiers  d'Etat  et 
un  bureau  des  archives  générales.  Charles  1er  nomma  une 
commission  chargée  de  rechercher  toutes  les  archives  apijar- 
tenant  à  la  couronne."  J'emprunte  ces  citations  à  M» 
Brymner.  Au  reste  ce.^  enquêtes  furent  continuées  par  la 
Reine  Anne,  par  George  I,  George  III,  George  II.  Et  si 
la  Couronne  crut  devoir  intervenir  et  affecter  de  fortes 
sommes  pour   sauvegarder,   restaurer,   recueillir  et   classer 


Ml  Ï4t'  lirifish  3[ii9i'\tin   continuait   47,(>!>3   voluiiuns   luaiuiscrits,  lors  de   lu   visite    da 
Jl.  J).  Jirvniuor.  (Voir  raiiport  l^sl,  |p.  4(i.) 


I04 


CONFKKKNCK 


les  archives  du  royaume,  ce  n'était  pas  sans  besoin.  Il  n'y 
a  pas  qu'en  Canada,  où  des  documents  précieux  pour  la 
science  et  l'histoire  ont  été  perdus  à  jamais,  relégués  qu'ils 
étaient   dans  d'humides  caveaux,  tels  que  nos  palais  de 


justice  en  avaient  encore  tout  récemmen 


t,    teL 


:s   ou  11    en 


existe  encore,  je  regrette  de  l'avouer  ;  "  ainsi,  on  déciMivril 
les  archives  de  la  chancellerie  de   l'ICchiquier,  à   Lon- 


qu'. 


dtc.^,  étaient  entassées  ilans  600  sacs  excessivenients  sales, 
dans  des  hangards  formant  dé[)en'Jances  des  écuries  du 
l\o\.  Ces  hani^ards  contenaient,  eiitassé>,  ilans  l'état  le 
j>lus  déplorable,  4,13'^  pieds  cubes  d'archives  nationales  ; 
à  part  la  poussière  accumulée  pendant  plusieurs  siècles,  on 
trouva  tous  les  documents  excessivement  humides,  lorsque 
les  opérations  commencèrent.  Quelques-uns  étaient  insé- 
par.iblement  collés  aux  murs  de  pierre.  On  pouvait  voir 
de  nombreux  fragments  qui  avaient  échappé  aux  ravaç^es 
complets  de  la  vermine,  et  plusieurs  en  étaient  au  dernier 
(.li|.M-é  de  putréfaction.  La  détérioration  et  l'humidité  en 
avaient  rendu  un  grand  nombre  si  fragiles  que  l'on  pouvait 
à  peine  les  toucher  ;  d'autres,  i)articidièremcnt  ceux  qui 
étaient  en  forme  de  rouleau,  étaient  tellement  colles  ensem- 
ble qu'il  était  impossible  de  les  dérouler.  On  y  touva  em- 
pâtés cinq  ou  six  squelettes  de  rats,  et  des  os  de  cette 
vermine  étaient  distribués  dans  toute  la  masse  ;  c'était  un 
véritable  charnier,  et  lorsque  l'on  commença  à  remuer  ces 
archives  nationales,  on  employa  un  chien  pour  faire  la  chasse 
aux  rats  que  l'on  avait  dérangés  dans  leurs  retraites."  Sous 
des  formes  non  moins  déplorables,  la  même  incurie,  les 
mêmes  désastres  ont  frappé,  ont  détruit  même  en  Canada, 
une  majeure  partie  des  matériaux  les  plus  indispensables 
pour  compiler  nos  annales. 

Vous  connaissez  l'histoire  du  manuscrit  du  Journal  des 
Jcsuitcs,  arraché  à  la  boîte  au  bois  du  gardien  de  l'ancien 
Parlement  »  Québec,  juste  au  moment  où  il  allait  servir  de 
combustible  :  une  partie  au  moins,  comme  par  miracle,  a 
échappé  au  vandalisme. 


NOS  ARCHIVES 


105 


qui 


des 
icîen 
Ir  de 
le,  a 


Je  me  rappellerai  toujours,  quoiqu'avec  regret,  un  petit 
incident  dont  je  fus  tctuoin  dans  mes  tournées  officielles, 
dans  le  comté  de  Tortneuf.  On  m'avait  invité  à  inspecter 
le  site  et  les  ruines  de  l'historiciue  I'\)rt  Jacques-Cartier 
sur  la  rive  escarpée  de  la  rivière  qui  porte  ce  nom,  ;ivinp[t- 
sept  milles  en  haut  de  Québec. 

J'étais  en  effet  bien  curieux  d'aller  étudier,  sur  les  lieuK 
mêmes,  le  fier  donjon  où  l'héroïque  Lévis,  après  la  terrible 
journée  i.lu  13  >epttMiibre  1759,  était  allé  caserner  -;a 
poi^Miée  de  braves,  et  où  les  troupes  françaises  sous  le 
marquis  d'Alberj^otti  avaient  tenu  bon  jusqu'au  ler  sep- 
tembre 1760  ;  plusieurs  familles  françaises  occupaient 
les  environs  du  fort,  et  communiquaient  chaque  jour  par 
lettre  ou  autrement  avec  la  garnison.  Il  y  avait,  m'avait- 
on  dit,  chez  une  famille  des  environs,  portant  un  vieux 
nom  historique,  des  liasses  de  lettres  se  rattachant  à  cette 
désastreuse  période.  Après  avoir  scruté  les  fossés,  les 
ravelins,  les  ouvrages  en  terre  du  fameux  fort,  j'allai  cogner 
à  la  porte  d'une  opulente  métairie  qui  était  sensée  possé- 
der les  trésors  que  je  viens  d'indiquer.  Je  demandai  ce  que 
l'on  avait  fait  de  toutes  ces  lettres,  etc.  On  me  répondit 
que  le  temps  avait  été  où  le  grenier  regorgeait  de  lettres 
ou  paperasses  écrites  avec  cette  antique  calligra[)liie  fran- 
çaise que  vous  connaissez  tous,  mais  qu'il  n'en  restait  plus  ; 
que  la  portion  que  la  vieille  ménagère  de  céans  n'avait 
pas  employée  à  allumer  son  feu,  un  fabricant  de  papier 
de  Québec,  M.  Reid,  l'avait  achetée  à  trois  centins  la  livre 
pour  l'employer  comme  matière  première. 

Voilà  la  triste  histoire  de  mille  et  un  documents  histo- 
riques de  valeur  qui  existaient  naguère  chez  nous,  et  qui 
maintenant  sont  introuvables. 

Messieurs,  les  temps  ont  changé  ;  une  ère  nouvelle,  une 
ère  de  réhabilitation  a  lui  pour  les  lettres.  Nos  hommes 
d'Etat  pris  d'un  beau  zèle  pour  tout  ce  qui  se  rattache  au 
progrès  intellectuel  ou  moral,  se  sont  donné  la  main,  ont 
déclaré  la  guerre  aux  préjugés  du  passé  ;  voilà,  comment, 


io6 


conii;ri:nce 


il  se  f.iit  ijuc  ilci)ui.s  dix  .in>,  tl'innoiiibr;iblos  séries  île  lettres, 
de  mémoires,  de  documents  olTiciels,  de  papiers  de  famil'e 
même,  oubliés  ilaiis  les  {grands  dépots  d'archives  au-delà 
des  mers,  ont  repris  le  chemin  de  la  patrie  et  n'attendent 
dans  les  voûtes  du  bureau  à  Ottawa,  que  la  main  ou  l'œil 
scrutateur  de  l'antiquaire  ou  de  l'historien  pour  les 
mettre  au  grand  jour.  Avant  bien  longtemps,  le  reproche 
que  l'on  nous  jette  à  la  figure  qu'il  est  impossible  d'écrire 
une  histoire  complète  ilu  Canada,  n'aura  plus  de  raison 
d'être. 

L'avenir  nous  prépare,  osons  le  croire,  (.le  douces  sur- 
prises ;  la  collection  des  documents,  classés  et  soigneuse- 
ment gardés  à  Ottawa,  se  développera  avec  le  concours 
des  provinces  en  un  vaste  dépôt  d'archives  nationales,  et 
préparera,  pour  nos  historiens,  le  couronnement  du  majes- 
tueux édifice  auquel  servent  d'appuis  et  de  colonnes,  les 
noms  vénérés  des   Hibaud,  Garneau,  Ferland  et    Failloti. 


Madame  de  st. -Laurent,  baronne  de  Fortlsson,  etait-olle 
mariée  an  Prince-Edouard  7 


"  A  l'une  des  séances  rL-ccntts  de  la  Sorii'/r Zi/tt^riiirc if  ///s- 
/orii/ur  de  Quil'fi.,  il  fut  lu  i)ar  un  des  vit e-[  résidents,  le  docteur 
\V.  Anderson,  de  cette  ville,  une  étude  intéressante  sur  les  rela 
lions  ([ui  existèrent  en  1791-23  entre  le  père  de  notre  gracieuse 
souveraine,  le  duc  de  Kent,  mieux  lonnu  en  Canada  sous  le  titre 
de  l'rince  Kdouard,  et  le  dé])uté  jjour  le  comté  de  (Juébec,  M. 
Louis  de  Salaherry,  le  père  du  héros  de  Clifiteauguay.  Désireux 
de  voir  une  justice  tardive  faite  à  la  mémoire  d'un  honnête 
nomme,- le  duc  de  Kent, —indignement  colomnié,  le  docteur 
Anderson  a  essayé  d'anéantir  les  vieilles  calomnies  amoncelées 
par  l'intrigue  autoui  de  la  mémoire  du  père  de  notre  souveraine, 
par  la  publication  de  la  voluniineuse  corresjjondance  échangée 
entre  le  l'rince  lùlouard  et  la  famille  de  Salaheiry  jjendant  un 
quart  de  siècle  Ceux  qui  désirent  avoir  un  avant  goût  du  sujet 
trouveront  c'ans  les  compte-rendus  de  la  Société,  maintenant 
sous  presse,  queUpies  unes  des  lettres  ;  mais  le  dévelo):)pement 
entier  de  la  généreuse  idée  du  docteur  Anderson  ne  se  fera  que 
par  la  publication  de  la  biographie  et  des  lettres  du  l'rince, -en- 
treprise pour  laquelle  le  docteur  transige  maintenant  avec  la 
grande  maison  ;  ongmans,  de  Londres.  Le  sujet  nous  reporte 
a  une  époque  assez  intéressante  de  notre  histoire.  Pour  le  mo- 
ment, nous  nous  contenterons  de  piovoquer  une  discussion  sui  la 
([uesiioii  en  tète  de  cet  éciit.  La  présence  d'une  élégante  dame 
française  à  Québec,  en  1791  :  sa  bienveillance,  son  amabilité,  le 
rôle  qu'elle  joua  dans  notre  société,  sa  position  équivoque  aux 
yeux  de  certaines  personnes,  vis-à-vis  du  Royal  Duc,  voihà  des 
choses  (jui  ne  peuvent  être  un  mystère  pour  itersonne. 

Son  nom  tel  qu  il  se  trouve  au  registre  de  baptême  d'Edouard- 
Alphonse  De  Salaberry  se  lit  comme  suit  :  AI|)honse-Thérèse- 
Bernadine  Julie  de  Niontgenet  de  Saint  Laurent,  baronne  de 
Fortisson.  Elle  paraît  avoir  oté  la  veuve  du  colonel  Fortisson. 
d'  Etait-elle  mariée  secrètement  au  l'rince- Kdouard  où  n'a  t  elle 
été  que  sa  maîtresse  pendant  les  vingt  iiuit  années  qu'elle  i)ré- 
sida  à  sa  table,  qu  elle  jouit,  sans  jamais  la  perdre,  de  la  con- 
fiance entière  de  1  excellent  duc?   Voilà  le  problème  à   résoudre. 


(1)  Ou  Ut  dans  In  l)io«rn|)hi(Mt(>  Monsoi«ii('nr  Hubert,  iiiipc  2'J7  :  "  Miulami"  ili-  <li"  Saint- 
Laurout  a  i-ti'  élcvéi'  au  rau^  ilo  Haronm-  de  Kdi-tissDu,  iiar  lo  Koi  Louis  XVI II,  apré»  la 
mort  (if  Son  Altessf  k-  Duc  de  Knit,  pour  plaire  i\  la  Cour  d'Au^leterre  «(ui  lui  avait 
donné  asile  à  lui-mf'uu'  sous  le  T!-ti\w  de  Honaiiarte,  ayant  assuré  i\  Madame  de  Fortis- 
son  inu- pension  et  un  logement  ù  l'amirauté  de  Paris.  Ou  a  cru  dans  le  temps  ijuo  la 
Duc  de  Kent  avait  été  mirié  secréteuient  ii  la  liarounn  d.i  Saiut-Lmrout,  comme  lo 
l'rince  do  (rallcs  était  nuiriCi  lï  Madame  duFitz  Maurice." 

(Extrait  d'un  inrmoire.) 


io8 


APrKXDICE 


Il  es:  certain  que  les  lois  du  trône  empOchaient  le  Duc  de  la 
reconnaître  comme  épouse  si  elle  l'était.  Un  décret  du  parle- 
ment sjus  Cliarlc:;  1er,  créait  félonie  le  mariage  d'un  prince  du 
sang  avec  une  femme  catholique  et  le  Royal  maria^^^c  scttlement 
Act,  passé  sous  George  III,  pour  annuler  le  mariage  d  un  des 
frères  d'i  l 'rince  Edouard,  le  dui;  de  Sussex,  avec  lady  Aiigusta 
Murray,  frappait  d'illégitimité  le  fd.s  du  duc  de  Sussex,  le  col. 
D'Esté,  et  portait  des  ])unitions  exemplaires  contre  les  ministres 
de  la  religion  (]ui  oseraient  célébrer  des  mariages  des  |)rinces  du 
sang,  sans  l'autorité  du  parlement.  Dans  ime  lettre  de  la 
correspondance  du  duc  de  Rent,le  major  général  De  Roitenhurg, 
père  du  général  qui  présidait  plus  tard  à  nos  milices,  mentionne 
sous  Kl  date  de  "septembre  i8[9,(|ue  madame  deSt-Laureiu  s'est 
retirée  dans  un  couvent  ■n\  France,  "  peu  de  temps  avant  le 
mariage  du  Prince  avec  la  mère  de  notre  Reine.  évêque  de 
Capse  aurait-il  permis  à  la  maîtresse  d'un  jirince  de  répondre  de 
l'éducation  chrétienne  d'un  enfant  porté  au  baptême  ?  Nous  ne  le 
croyons  pas. 

Extrait  des  registres  de  baptêmes  de  Beauport. 

"  Le  deux  de  juillet,  mil  sept  cent  quatre-vingt  douze,  par 
nous,  soussigné,  évêque  de  Cai)se,  présence  de  messire  Renault, 
curé  de  lîeauport,  a  été  baptisé  Kdouard- Alphonse,  né  le  vingt 
de  juin  dernier,  du  légitime  mariage  de  monsieur  Ignace- Michel 
Louis-Antoine  de  S:ilaberry,  écuyer,  seigneur  de  Montmorency, 
l'un  des  juges  de  paix  de  Sa  Majesté,  et  de  dame  Catherine  de 
Hertel.  Le  parrain  a  été  Son  Altesse  Royale  monseigneur  le 
prince  Edouard  d'Angleterre,  chevalier  du  très-noble  ordre  de  la 
Jarretière  et  de  1  ordre  très-illustre  de  Saint-Patrice,  colonel  du 
régiment  royal /usiniers  commandant  à  Québec,  ctc ,  etc.  ;  la 
marraine,  madame  Alphonsine-Thérèse-liernadine-Julie  de 
Montgenet  de  St  Laurent,  baronne  de  Fortisson,qui  ont  signé  avec 
nous.  (Si^i^ué,)  Edouard,  prince  de  Grande  Bretagne,  Montgenet 
de  St-Laurent,  baronne  de  Fortisson  ;  Hertel  de  Salaberry  ; 
John  Vesey  ;  Edmund  Byng,  Lt.  Roy,  Fusilliers  Irl.  ;  Aug. 
Wetherall,  capitaine,  ne  régiment  ;  Renault,  ptre.  ;  Adélaïde  de 
Salaberry;  John  Haie  ;  Wm.  Henry  Digby,  lient,  royal /usiniers 
de  Salaberry  ;  Chs.  de  Salaberry  ;  Chas.  Thomas,  C,  C.  P. 

"  Signé,  t     Charles-François, 

*'  Evêque  de  Capse.   ' 
Quvbcc,  y  ni  il  et  1867. 


Le  chevalier  Johnstone,  l'aide-de-camp  de  L9vî,  enl759. 

Le  nom  de  l' écossais  Johnstone  se  trouve  souvent  mClé  aux 
incidents  de  la  campagne  de  1759. 

Pour  se  rendre  compte  du  rôle  des  diverses  nationalités, — sur 
coût  des  Ecossais — représentés  d  ce  drame  sanglant,  il  faut  jeter 
un  regard  en  arrière  et  consulter  les  annales   de    l'antique   Calé- 
donie. 

Au  dix-huitième  siècle,  le  i)arti  des  Stuarl,  bien  que  proscrit, 
avait  encore  beaucoup  d'adliérents,  en  Ecosse,  surtout  parmi 
les  Montagnards  ou  Hi^hlandcrs,  dont  la  majorité,  s'ils  profes- 
saient un  culte  {quelconque,  se  disaient  Catholiciues- Romains. 

De  temps  immémorial,  dans  leurs  grandes  crises,  ils  tournaient 
d'ordinaire  les  yeux  vers  la  France  :  la  France  reconnaissante, 
croyaient-ils,  devait  être  aussi  prête  à  les  aider  qu'ils  l'avaient 
été  à  lui  porter  secours  quand  il  s'agissait  de  réprimer  l'arro- 
gance de  l'ennemi  d'outre-Manche,  le  peuple  anglais.  A  Eeaugé, 
en  1420,  et  ailleurs,  le  sang  le  plus  noble  de  l'Ecosse  avait  rougi 
le  sol  Français,  jjour  aider  à  repousser  le  Saxon  envahisseur 

La  France  avait  généreusement  reconnu  le  dévouement  et  les 
services  des  féroces  Montagnards,  "  qui,  en  guerre,  ne  donnaient, 
ni  ne  demandaient  de  (}uariier.'' 

Des  titres  nobiliaires  français,  des  honneurs  marqués  avaient 
été  le  partage  des  nobles  maisons  écossaises  :  les  Ûouglas,  les 
Hamilton,  les  Lennox,  etc 

Un  noble  d'Ecosse,  le  comte  de  Bucan, avait  été  nommé  même 
grand-connétable  de  France.  Cette  entente  cordiale  ne  devait 
pas  être  éternelle,  et,  au  moment,  en  1745,  où  l'Ecosse  avait 
le  plus  besoin  du  secours  de  la  France,  où  elle  comptait  môme 
l'avoir,  il  se  trouva  qti'elle  avait  compté  sans  ses  hôtes  :  indè 
irœ 

Si  l'hospitalité  et  la  bravoure  d'un  Montagnard  d'Ecosse  sont 
proverbiales,  on  sait  que  sa  rancune  est  inextinguible  ;  c'est  ce 
qui  arriva  en  1745.  Si  Johnstone,  Tryon,  McEacl^ern  et  autres, 
durent  s'expatrier  pour  se  soustraire  à  la  hache  du  bourreau, 
qui  allait  abattre  les  nobles  têtes  de  Lovât,  Kilmarnoch,  Balme- 
rino,  un  grand  nombre  de  Montagnards,  en  Ecosse,  gardèrent 
rancune  à  la  France  de  les  avoir  abandonnés  et  accoururent 
môm^'  sous  le  drapeau  anglais,  s'enrôler,  en  1756,  sous  le  chef  du 
clan  Fraser,  pour  se  venger  en  Amérique  de  l'ingratitude  de 
leurs  alliés  d'Europe  ;  les  relations  du  siège  nous  apprennent 
que  les  day mores  écossais  frappèrent  drù  et  fort  à  Louisbourg  et 
à  Québec. 

Pitt  ne  s'était  pas  fait  illusion  en  s'adressant  aux  Highlan 
ders  de  Fraser,  pour  redresser  leurs  torts  encore   plus  que  ceux 


IIO 


APPENDICE 


de  la  Grande  Bretagne,  contre  la  France.  Quelqu'un  lui  ayant 
fait  la  remarque  qu  il  était  dangereux  d  enrégimenter  les  Sauva- 
ges d'Ecosse,  de  leur  donner  des  armes,  en  1757,  douze  années 
seulement,  après  le  désastre  de  CuUoden,  qui  avait  mené  à 
l'échafaud  Lord  Lovât,  le  chef  de  ce  Clan  :  "  Ne  craignez  rien," 
aurait-il  dit,  "  je  réponds  de  leur  fidélité,  avec  leurs  dispositions 
présentes  contre  la  France.  " 

Il  y  avait  donc  des  Ecossais  dans  les  deux  camps,  au  conflit 
de  1759. 

En  cette  conjoncture,  des  Ecossais  occupaient  même  de  hautes 
positions  en  Canada.  Le  iSseptembec  1759,  un  Ecossais,  le  géné- 
ral Murray,  réclamait  les  clefs  de  Québec,  d'un  descendant 
d'Ecossais,  le  chevalier  de  Ramsey  :  et  les  Mémoires  de  ce  der- 
nier, publiés  en  1861,  par  \o.  Société  Littéraire  et  Historique,  h.  la 
demande  d'un  de  ses  membres  les  plus  éminents,  M.  G.  J>.  Fari- 
bault,  a  prouvé  que  la  ville  n'avait  pas  capitulé  une  journée  trop 
tôt. 

La  Société  Littéraire  et  Historique  a  cru  rendre  un  service  à 
l'histoire  canadienne  en  publiant,  en  1S67,  dans  la  série  des 
Relations  du  siège,  les  trois  (\\  Mémoires  attribués  au  chevalier 
Johnstone,  puisés  dans  les  Ar;hivc&  de  la  i:;ucrrc  i\  Paris,  et  dont 
s\.  P.  L.  Morin,  dessinateur,  alors  attaché  au  Bureau  des  Terres 
de  la  Couronne,  avai*.  fait  une  copie  ])our  la  bibliothèque  parle- 
mentaire du  Canada. 

^'()ici  sous  quels  traits  l'historien  ^^'iiliam  Ho\v!it  ])eii\t  le 
che\'-alier  Johnstone,  auteur  d'un  fort  intéressant  compte  rendu 
sur  la  bataille  Je  CuUodeu,  en  1745.  où  il  avait  eu  sa  lar^^^e  part 
des  dangers  : 

"La  carrière  du  chevalier  Johnstone  vous  produit  Teffct  d  un 
roman  lièrissè  d'aventures  désespérées,  de  périls  im[)rèvus,  de 
hasards  incroyables  ;  Ion  dirait  un  des  émouvants  récits  de 
1  auteur  de  A\'averley.  Ça  rap[ielle  les  incidents  et  les  héros  de 
Sir   Walter  Scott. 

"1-e  chevalier  était  fils  unique  de  James  Johnstone,  niarchand 
d  Edimbourg.  Par  son  origine  et  ses  alliances,  sa  famille  se 
rattac'.'iait  à  quelques-unes  des  premières  maisons  de  l'Ecosse. 

'•^a  scour,  Cècilia,  épousa  l.,ord  Rollo,  qui  hérita  en  1765,  du 
titre  et  des  propriétés  de  cette  noble  famille.  Quant  à  lui,  il 
avait  SCS  entrées  dans  les  premiers  cercles  de  la  capitale  ;  lady 
.lane  Douglas,  alors  en  grand  crédit,  lui  fit  l'accueil  affectueux 
d'une  parente. 

"Elevé  dans  les  ]M-incipes  religieux  des  Jacol^ites,  à  la  première 
nouvelle  de  l  apparition  du  prince  Charles  Edouard  en  Ecosse,  il 
quitta  Edimbourg— se  réfugia  à.  la  résidence  de  lord  Rollo,  près 
de  Perth,  où  il  attendit  l'approche  du   prince— lui-même  fut  l'un 


(1)  t'ampiiiK'ii  of  TiOiiisboiirp,  IT.'iii-").'^. 

iliiilouno  in  lliuli's,  lit^twi'Oii  Moiitcalm  ami  Wulf'.',  1730. 

C:iiniiai){u  of  l'tiU  iu  Canada. 


LE  CIILVALILR  JOHXSTOXE 


III 


lu 
il 


des  premiers  gentilshommes,  jjarmi  les  lo7V-landcrs,  à  se   ranger 
sous  le  drapeau  de  l'héritier  des  Stuart. 

*"Il  servit  comme  aide  de  camp  de  lord  George  Murray,  et 
aussi  du  prince  Charles  Edouard  ;  après  la  bataille  de  Preston- 
Pans,  on  lui  conféra  un  brevet  de  capitaine.  Il  prit  [)art  à  tous 
les  mouvements  des  insurgés  qui  i)récédèrent  la  déttite  de 
Culloden. 

"De  ce  sanglant  champ  de  bataille,  il  s  esquiva  et  après  des 
périls  sans  nombre,  il  se  réfugia  à  Killihuntly  ;  la  châtelaine  de 
céans.  Madame  Gordon,  Un  offrit  avec  une  hutte  dans  les  monta- 
gnes le  soin  d'un  petit  troupeau  de  moutons,  afin  de  faire  croire 
qu'il  était  un  pâtre  ;  mais  sou  caractère  remuant,  énergique,  lui 
rendit  impossible  ce  genre  de  vie 

•'11  s'enfuit,  et  vint  à  Rothiemu'-f'hus,  dont  le  jeune  seigneur 
le  pressa  de  faire  sa  soumission  aux  autorités,  conseil  qu'il 
avait  donné  à  d'autres,  voir  à  Lord  IJahnerino.  Pour  lui  cet 
acte  eût  été,  comme  il  le  fut  pour  Lord  Balmerino,  un  arrêt  de 
mort. 

'■De  maison  en  maison,  de  ville  en  ville,  il  trouvait  moyen  de 
s'évader  après  d'incroyables  hasards  et  sous  tous  les  espèces  de 
déguisements.  Il  allaic  et  venait,  entouré  de  soldats  anglais,  dont 
la  mission  était  de  tout  dévaster  ;  son  sang  bouillonnait  à  la  vue 
de  toutes  ces  atrocités,  mais  se  faire  connaître,  manifester  la 
moindre  émotion,  lui  eût  valu  une  mort  certaine. 

"  Il  s'installa,  pendant  dix  sept  jours,  sous  le  toit  d'un  paysan 
très  pauvre,  du  nom  de  Samuel,  à  GlenPosscn,  tandis  que  la 
fille  de  la  maison  était  de  garde  au  sentier  de  la  montagne  qui 
menait  à  Glen-Possen.  Revenir  à  l'klinil)ourg,  tel  était  son  rêve, 
si  c'était  réalisable  ;  puis,  s'évader  et  se  cacher  en  Angleterre  ; 
enfin  traverser  la  .Manche  :  il  avait  cent  chaiîces  contre  une  de 
ne  pas  réussir  dans  ce  projet  désespéré. 

•'  Des  soldats  à  tous  les  points  :  les  issues  soigneusement  gar- 
dées, fortes  pénalités  et  punitions  exemplaires  contre  les  bate- 
liers qui  oseraient  transjjorter  un  rebelle  à  la  rive  opposée  de  la 
Tay  ou  du  Forth  ;  ses  instances  engagèrent  deux  jeunes  demoi- 
selles à  le  conduire  ,i  la  rame,  de  l'autre  côté  de  la  Tay  :  mais 
il  éprouva  toutes  les  peines  imaginables,  aiirès  un  voyage  fati- 
guant à  l'extrême  dans  le  Fifeshire,  à  pénétrer  dans  Edimbourg 
en  traversant  le  Forth. 

"  Le  récit  de  ses  négociations  et  de  ses  désai)pointemcnls  à 
Dubbiesïdes,  où  des  i)êcheurs  avaient  d  abord  refusé  de  le  tra- 
verser, mais  où  il  réussit  ennn  à  trouver  un  jeune  gentilliomme 
aidé  d'un  pêcheur  ivre,  qui  lui  rendit  ce  service  — ressemble  fort 
aux  dramatiques  aventures  de  Waverley.  h  Leith,  une  cachette 
sûre  l'attendait,  grâce  à  l'amitié  de  sa  vieille  nourrice  ;  à  Drums- 
Icagh,  Lady  Jane  Douglas  lui  rendit  un  semblable  office.  Puis,  il 
se  dirigea  vers  la  frontière  anglaise,  déguisé  comme  un  colpor- 
teur écossais,  avec  un  pony  pour  monture. 


112 


APPENDICE 


•'  (Ihemin  faisant,  il  fil  rencontre  d'une  espèce  de  Cartouche, 
un  voleur  de  grand  chemin  ;  plus  tard,  d'un  personnage  mysté- 
rieux qui  le  suivit  dans  l'auberge  à  Stamford,  s'installa  à  la  môme 
table  et  après  un  co])icux  repas,  le  questionna  sur  les  insurgés  en 
l'ùcosse.  Il  parvint  à  éluder  cet  importun  atroce,  en  lui  cédant, 
a  moitié  prix,  quelques  mouchoirs  indiens  de  sa  pacotille.  Arrivé 
à  Londres,  où  ses  amis  le  tinrent  longtemps  caché,  il  eut  une 
aventure  fort  intéressante  pour  *lui  où  l'amour  joua  son  rôle. 
Tendant  cette  captivité,  plus  d'une  fois  il  put  voir  passer,  de  ses 
fenêtres,  cjuelques-uns  de  ses  infortunés  compatriotes,  que  l'on 
menait  à  la  boucherie  à  'J'owcr  Hlll.  Un  jour,  son  hôte  le 
convia,  comme  passe-temps,  à  l'accompagner  à  Tower  Hill,  pour 
y  voir  exécuter  deux  rebelles  :  les  J>ords  Kilmarnock  et 
Balmeiino. 

"  En  fin  de  compte,  il  mit  le  pied  en  Hollande,— déguisé 
comme  l'un  des  serviteurs  de  son  amie  I^ady  Jane  Douglas  ;  — il 
accepta  une  commission  d'enseigne  dans  l'armée  française,  vint 
à  l-ouisbourg,  en  Ainériquc.  ffit  la  camjKigne  de  Québec  et  de 
Montréal,  i  759- 1 7('>o),  et  revint  en  France  où  l'attendaient  l'indi- 
gence et  la  vieillesse.  Tel  vécut,  tel  exjjira,  un  des  Jacobites  de 
1745.  Combien  d'autres,  et  de  plus  infortunés  encore,  dont 
l'histoire  ne  fait  aucune  mention.  " 

Howilt  ne  donne  pas  l'année  de  son  décès  ;  en  référant  au 
magniiique  travail  (  i)  de  ]M.  Francisque  Michel,  sur  le  rôle  joué 
et  la  carrière  fournie  eu  France,  depuis  1420,  par  les  braves  et 
aventureux  fils  de  la  Calédonie,  on  voit  que  le  chevalier  ne  fut 
pas  le  seul  qui  vint  en  Américpie  servir  sous  le  drapeau  blanc 
après  la  terrible  défaite  à  CuUoden  ;  il  y  eut  encore  le  chevalier 
Tryon,  le  brave  McEachren  (|ui  prirent  du  service  dans  1  armée 
Française,  pour  échapper  à  Tower  Flill.  Johnstone  fît  voile 
pour  Louisbourg  vers  1748,  et  j)rit  une  part  active  à  la  défense 
de  cette  place  forte. 

(1]  "Les  Ecossais  en  France,"  Tonio  IT. 


A    MOXSIKUR 


LEON   DE   ROSNY 


AXCIEX  PRÉSIDEXT 


De  r Institution   Ethnographique 


DE  FRANCE. 


ai    3ll.    £coii   bc    c^îo:»iuj 


Iiisiiintioii  lithnograpJnc,  Paris. 


Cher  Monsieur, 


Tout  en  me  croyant  honoré  en  recevant  de  vous  un 
Diplôme  comme  le  Déléj^ué  Régional  de  votre  Association 
pour  la  province  de  Québec,  je  ne  me  suis  pas  dissimulé 
que  cette  distinction  m'imposait  une  tâche  assez  sérieuse. 

Cette  tâche,  comment  la  remplir,  cloué  que  je  suis  à 
mon  bureau  par  la  loi  sacrée  du  devoir  ? 

Si  je  comprends  bien  les  fonctions  d'un  de  vos  déléi^ués 
en  Amérique,  ce  sont  surtout  d'em'égistrer  dans  leurs 
rapports  les  découvertes  .successives  que  la  .'^cience  fait 
sur  cette  terre  de  l'ouest,  au  nio)'en  de  ses  infatii;"ablcs 
missionnaires  daîis  l'Amérique  Centi'ale,  dans  la  vallée  de 
rOhio  etc.,  où  le  cric  et  le  pic  livrent  chaque  jour  à  la 
curiosité  de-,  savants  tant  de  my.^térieuses  épaves  d'un 
autre  âge. 

Inutile  p<.HU-  moi  de  penser  à  prendre  part  à  ces  dccon- 
vcrtcs,  à  CCS  attrayantes  conquêtes  do  l'intelligence. 

Mais  les  horizons  de  riCthnographie,  comme  vous  me 
l'ave-i  fait  remarquer,  quand  je  vous  fis  visite,  4/  Avenue 
Duquesne,  Paris,  sont  vastes  et  variés.  Si  nous  tenons 
beaucoup,  me  dites-vous,  à  étudier  l'origine,  les  dialectes, 
les  migrations  de  ces  races  pré-historiques,  enfouies  sous 
le  sol,  l'origine,  les  migrations,  les  us  et  coutumes  des 
races  modernes  du  Nouveau-Monde  qui  habitent  sa  surface, 
font  également  le  sujet  de  nos  études,  de  nos  méditations, 
les  grands  mouvements  de  la  science,  la  présence  et  les 
écrits  des  savants  et  des  archéologues  ont  pour  nous  un 
intérêt  constant. 


ii6 


l.THNOGRAl'HII': 


KiicouiMgc  par  ces  ^féiiércuses  paroles  et  comptant  par> 
dessus  tout  sur  votre  extrême  indulgence,  je  consentis  a 
accepter  un  rôle  cri  rapport  avec  votre  association  p  urvu 
qu'il  fût  dans  la  mesure  de  mes  forces. 

Voilà  comment  je  me  trouve  dans  le  cas  de  vous  men- 
tionner mes  modestes  travaux  ;  la  première  Etude  (i)  sur 
l'origine  et  la  composition  de  notre  population  parut  en 
1873,  (.ians  un  recueil  que  je  publiai  alors  sous  le  nom  de 
Maplc  Lcavcs.  Je  m'étudiai  à  démontrer  le  caractère 
complexe  du  peuple  canadien,  recruté  d'abord  au  moyen 
des  colons  Normands,  lîretons,  etc.,  puis,  par  une  forte 
émigratio"  des  Iles  Britan  liques  et  des  Provinces 
Anglaises  de  l'Amérique. 

Tout  le  temps  que  j'ai  présidé  à  li  Société  Littéraire  et 
HistoriquCy  j'ai  favorisé  de  toutes  mes  forces  le  mouve- 
ment qui  s'y  faisait  en  faveur  des  études  historiques,  pour 
collectionner,  classificr,  conserver  nos  archives  canadiennes 
ainsi  que  pour  créer  un  musée  zoologiciuc  et  archéologique. 

De  temps  à  autre  des  voix  du  dehors  nous  redisaient 
que  nous  devrions  faire  plus  au  Canada  pour  l'archéologie. 
En  1S73,  un  jeune  officier  de  la  marine  française,  ami  des 
sciences,  le  lieutenant  A.  Schlumbcrgcr  dont  la  corvette 
était  mouillée  dans  la  rade  de  Québec,  m'adressait  la 
lettre  suivante  : 

LKS  IIACK.S  Al{()iaii;-NKS  DM  LA  XOrVi'lLLK-FRAXCE 


"'  Adonis,  '  le  iS  août  1S74. 
'■•A.  M.J.M.LeMoinc, 

Président  de  la.  Société  Littéraire  et  Historique  de  Quélwe- 
"  Monsieur, 

•'  I^a  courtoisie  et  ramabilité  avec  Icsciuelles  vous  rn'avez  ret^u 
dans  votre  charmante  résidence  de  Spencer  Grange,  pendant 
mes  deux  voyages  au  Canada,  m'encouragent  à  vous  adresser  la 
liste  des  renseignements  que  la  société  d'anthropologie  de  Paris 
serait  très-heureuse  de  pouvoir  se  procurer.  J'ai  copié  textuelle- 
ment la  note  que  mon  ami,  le  docteur  1  ouis  Vmcent,  m'a  remise 
à  mon  départ  de  France.  La  réponse  à  toutes  ces  questions 
exigeait  des  recherches  que  mon  court  séjour  à  Québec  ne  m'a 

(1)  Tlic  Blemeiits  of  our  Xationality. 


T.KOX   DF,   ROSXY 


117 


kit 
la 
is 

le 
Is 


pas  permis  d'entreprendre.  Je  vous  serais  donc  très  reconnaissant, 
monsieur.pour  tout  ce  que  vous  jiourrie/,  me  faire  parvenir  sur  ce 
sujet.  Je  vous  j^rierais  donc  de  ne  m  envoyer  ipie  les  réijonses 
que  vous  pourrie/  me  douiuT  vous  même  ou  (ju'il  vous  serait 
facile  de  vous  procurer.  .S'il  était  jjossible  d'avoir  des  crânes, 
et  s'il  existait  un  ])h-)tograplie  ayant  des  épreuves  originales 
jiouvant  donner  des  renseignements  scientifiques,  je  vous  serais 
reconnaissant  de  me  le  faire  savoir  ;  car  je  i)ourrais  me  procurer 
ces  objets  ])ar  l'entremise  de  M.  Chevalier,   notre  consul-général 

"  Votre  très  dévoué. 

Anoi.riiE  .Scm.u.Mr.ERCKR. 

Lieutenant  de  vaisseau 

La  société  d'anthropologie  de  Paris  serait  heureuse  si  Mdusieiir 
l'officier  en  second  de  X.Lioiiis  ]K)Uvait  recueillir  a  son  intention 
les  documents  suivants  : 

1.  Quelles  sont  les  races  qui  habitent  aujourd'hui  le  Canada  ? 

2.  (^uels  sont  les  caractères  de  la  race  indigène  iiroiircmenr 
dite,  c'est-à  dire  des  Indiens,  et  quels  sont  ceux  des  iiiitis  ijui  se 
sont  produits  par  suite  du  mélange  de  la  race  primitive  avec  les 
différentes  races  Conquérantes. 

3     Hresser  le  tableau  suivant  dans  lequel  on  indiquera  : 

1.  La  taille  de  1  homme  f nombre  des  observations.) 

2.  La  taille  de  la  femme,  (nombre  des  observations. > 

■X.   La  distance  de    I     ■         -,.11,. 
„  -^  ,  M-  ,  :•    I  e  suiet  debout, 

rombilic  au  col.  ) 

4.  La  distance  de  l'épine  iliaque  antéro  supérieure  au  col. 

6.  La  longueur  du  j)ied. 

7.  La  longueur  de  l;i  main  mesurée  de  l'extrémité  du  doigt 
médius  au  milieu  d'une  ligne  réunissant  les  deux  ai»ophyses 
styloïdes. 

S    La  couleur  de  la  peau 

9.  L'âge  do  puberté  chez  les  jeunes  filles  et  le  "  retour  de 
l'âge  '  chez  les  femmes. 

Enfin  quelques  renseignements  sur  la  langue  Je  ces  peuples, 
et  sur  les  analogies  que  1  on  peut  y  rencontrer  avec  les  langues 
des  nations  européennes,  (Français,  Anglais,  Allemand, 
Espagnol.) 

Rapporter  s'il  est  possible  des  crânes  d'Indiens  ainsi  que  des 
photograpiiies  ou  djs  dessins. 

Ne  pas  omettre  d'indiquer  avec  quelques  détails,  leurs  prati- 
ques re  igieuses  et  leurs  habitudes 

Le  Médecin  de  première  classe  de  /a  Marine 

Louis  Vincent, 

D.  M.  P. 

Membre  de  la  Société  d'.Anthropologie  de  Paris. 


ii 


Il8 


KTIINOCKAI'IIIK 


Je  lui  exprimaî  mes  regrets  de  ce  que  le  Canada  scienti- 
fique n'avait  en  ce  moment  que  des  clhiiic/ics,  des  travaux 
en  perspective  à  lui  signaler  sur  les  antiquités  Indiennes. 

Les  rapi^orts  du  bureau  de  l'Ethnologie  fondé  depuis  à 
Washington,  n'existaient  pas  alors.  Je  n'ai  eu  que  plus 
tard  l'occasion  de  me  convaincre  par  un  examen  de  cer- 
tains vastes  (I)  musées  archéologiques  chez  nos  voisin^^  de 
l'étendue  et  de  l'importance  l\c>  documents  modernes, 
qui  jettent  tant  de  jour  sur  les  habitants  préhistoriques 
du  sol  américain, 

T''n  iSSi,  la  suprématie  d'une  race  ("2^  énergique  dans 
la  tlircction  et  la  construction  de  la  grande  voie  ferrée, — le 
chemin  de  fer  canadien  du  Pacifique, — destinée  à  ouvrir 
aux  capitaux  étrangers  et  à  l'émigration  européenne,  notre 
riche  et  immense  territoire  au  Xord  Ouest,  me  donna  l'idée 
de  rechercher  au  point  de  \ue  ethnographique,  le  rôle 
dominant  de  la  race  Ecossaise,  même  en  la  Nouvelle- 
France,  étude  {■])  que  la  SoiiL-tc'  Littéraire  et  Historique 
jugea  digne  de  reproduction  en  ;-cs  Mémoires. 

Plus  tard,  au  banquet  national  de  la  Société  Saint 
André,  tenu  à  Québec,  je  fus  invité  à  donner  un  court 
sommaire  de  cette  conférence  ;  j'en  emprunte  le  compte^ 
rendu  à  un  des  journaux  du  jour  : 

LK  P.ANQUKT  DK  LA  SAIxXT-AXDRÉ. 


''Nos  compatriotes  écossais  ont  couronné  leur  fête  patronale 
par  un  l)an(iuct  dans  la  grande  siiUe  du  collège  Morrin. 

"Rarement  il  nous  a  été  donné  d  assister  ta  une  fête  aussi  char- 
mante sous  tous  les  rapports.  Les  Kcossais  sont  généralement 
reconnus  ])ar  leur  tlegme  et  leur  apparence  grave  et  sérieuse. 
Dans  leurs  rapports  sociaux,  ce  sont  les  plus  gais  compagnons 
au  monde.  A  voir,  hier  soir,  l'entrain,  1  enthousiasme  que  soule- 
vait chaque  parole  patriotique  et  éloquente  des  orateurs,  à 
entendre  les  chants  et  les  bravos,  on  se  serait  cru  au  milieu  d'une 


(Il  I.i' 7'i((?/iir?!/ .VK.fi'Kiii,  ii  ('aml)riilni'.  l'ii»  Boston  l'st  riclio  en  cnllcctions  <tc  eràiiea 
iiidiiiis,  l'ii  usti'usiU's  (ioiiicstiiim's.  en  oliji'ts  de  potiTii-.  do  tissus,  d"uriiius,  di'S  haliitanta 
jirimitit's  du  Jli'xiiiuo,  de  l'AnuTituie  l'ciitiiili'. 

Vl)  lifiirési'iit^e  par  MM.  tii'orKi'  Sti'plifiis,  Donald,  A.  Sniitli,  Duncan  Mclntjrc, 
Boliirt  H.  AnKUs,  Mortoii  lîoso  A  Co. 

CHi  "  The  Scdt  in  Xeic  France.  "  Conférence  lue  devant  la  Snciité  Littéraire  et 
JlistoriqHe,  nov.  Ib.'.'l. 


l.KdN    DE    KCSNV 


119 


a 
ine 

lues 
et 


de  CCS  rcuniuns  bruyanlcri  de  gaiol-J   qui   disliiiguciit  si   Mcn   la 
race  iVanV'd.so. 

••  l.a  salle  du  bamiiicl  pitsciitaii  un  cmi])  d'n.il  UKignifuiut'.  1  c 
portrait  de  St-AndrO  dominait,  artisliciucineiu  envelo[)i>é  d;uis 
les  plis  de.i  drai)eaux  de  la  société  où  1  on  jx^iivait  lire  r;.;  et  là 
les  niscriplions  :  "Nenio  nie  inipune  Lacessit,  '  "Touch  nie 
Gif  ye  daur,''  "Miseris  siicciirrere  iliscite.''  "Tak  tcni  ofyoïuMiin. 
in  Mist'ortune."  "Desiperein  loco.'   '-Weel  tiiued   naltin." 

'•  Environ  60  convives  prirent  place  autour  des  tables  tlKiiL;éev. 

"  C'est  l'hon.  1).  A.  Ross,  ipii  occupait  le  tai'teuil  de 
la  présidence.  11  avait  à  sa  droite  M.  le  maire  I  an^^elier,  pi.ls  M. 
Tims,  président  de  la  Société  St  l'atri<:e  ;  à  sa  j,'auclie,  le  .ieut.- 
Col.  Cotton,  commandant  de  la  t;arnisi)n. 

"M.  Harjicr,  recteur  du  High  School,  agissait  comme  '  iiL-j  ;é 
sident,  ayant  a  sa  ilroite  M  1'".  Oliver,  représentant  lu  :m  1  .eii. 
St-(.!eorge,  et  a  sa  gauche  M  JM.  l.eMoine,  aiicien  président 
de  la  Société  Littéraire  et  Jfistorique. 

''Après  avoir  fait  lionneur  aux  toasts  d'usage,  !a  Reine,  ie  'ion- 
verneur-dénéral  le  1  ieutenantCiouverncur.  le  président  proposa 
la  santé  du  Maire  et  de  la  Corporation  de  Qiiéljec. 

'•L'hon.  M.  liangclier  fut  très  heureux  dans  sa  réponse.  Il  fut 
l'objel  d'une  véritable  ovation  lorscju'il  se  leva  pour  piailer.  et 
fut  fréquemment  applaudi  pendant  son  ciscours. 

"La  santé     principale  :  "I/l-'.cossc    et    ses  entants"    avait    été 
dévolue    à    l'hon.    1).    A.     Koss.      L  c.\  l'rocureur  Ciénéral    s'en 
acquitta  avec  cet  esprit,  cette  verve   (;ui    égayaient   au;ret'ois    les. 
Chambres. 

"M.  le  rresident  proposa  ensuite  ;  "la  terre  où  nous  viviuis," 
et  incita  S'.  J    M.  Le  ^loiue,  A  y  répondre. 

*'\'oici  ses  remarques  r-.i  ont  été  cha'eureusemeiit  accueillies 
par  tous  les  convive.s  : 

J/.  le  Présidait,  J/cSsicur.-; 

Je  vcus  remercie  de  tout  ci.e'.;;  ie 
vos  paroles  généreuses  à  mon  adresse.  Je  vous  dirai  qiie  .parrui 
les  recherches  hlstoritjues  qu'il  m'a  été  donné  de  iaire,  celles  iui 
avaient  l'our  but  d'éclairer  la  ([uestion  des  éléments  ([lù  eut:  .-.t. 
dans  la  com[*osition  de  la  nationalité  l'anadienne,  m'ont  d>..i;ié 
des  résultats  ijui  m  ont  fort  surpris.  A  ]iareille  date,  il  y  a  deux 
ans,  je  prenais  pour  sujet  de  conférence,  dans  cette  saile  même, 
le  suivant  :  The  Scot  in  New  France,  L'Ecossais  en  Canada,"  et 
si  ^L  Francis(pae  Ndchel,  dans  son  magnifique  '«ulume  '"  l.'i,- 
cossais  en  France  "  nous  a  révélé  de  si  étranges  choses  sur  la 
position  imj)ortante  de  vos  conijiatriotes  en  ï-'rance,  même  au 
quinzième  siècle,  je  fus  a-'Sez  heureux,  je  crois,  pour  retrac::r  a 
carrière  de  vtjs  laborieux  et  intelligents  coini:)atriotes  même 
jusqu'au  berceau  de  la  colonie.  Je  signalai  même  parmi  les  1  iC' 
compagnons  de  Cartier  des  noms  d'une  consonnance  écossaise 
fort  signiticative,    puis  je  vous    désignai  notre   historique  champ 


\2i) 


KriiN'oiikAi'iiii: 


do  bataille,  lus  l'Iaiiics  d'A!)rah;iip,  la  proprioii:  de  maître  .-\l)ra 
ham  Maitiii.  dit  rK(H)s.>ais,  pilote  tlii  Kni  do  l''raiu:o  Puis  je 
Iro'ivai  sous  la  doiuina'ion  iVauvaisf,  dans  les  prisons.  1  aimable 
el  brave  oltlcier  «le  l'armée,  le  major  Stob  ),  né  a  lllasj;o\v  en 
1727,  prisonnier  île  guerre  avec  un  nommé  Clark  et  un  1  t.  Ste 
venson.peiulaiU  quaire  années,  «755-9,  iei  même.  11  ét;'.il  si  aima- 
ble—disent  les  J/<'v//(V/('^  du  temps  -  que  les  d.imes  l'rançaisc's 
de  (Québec  se  l'arrachaient.  J'uis,  en  1750,  un  serviteur  dévoué  du 
roi  de  l'ranee.  mais  pourtani  de  descenilmce  écoss.iise,  le 
commandant  de  garnison  de  <^Uiébec  en  septembre  1759,  le 
niajoi'  de  Kanisey.  (^nand  la  tortune  de  l.i  guerre  le  tor(,'a  a 
remettre  les  cU  f->  de  notre  ville,  a  (jui  les  remi'.  il  ^  A  un  autre 
Ecossais,  le  (iénéral  James  Murr.iy.  Puis,  vimt  une  ■-erle  de  gou- 
verneurs écossais,  et  tons  amis  du  progrès  et  des  lettres  :  le 
l)i: 'de  Riehmond  ;  le  Comte  tl':  Dalhou^ie,  le  fondateur  de  la 
société  Historique  en  1S24  ;  l'éloquent  Comte  d  Klgin  :  puis 
not!-e  lettré  Viee  Koi,  le  .Marquis  de  l.orne.  le  f.tndateur  de  la 
Société  Koyale  ])our  le  ]irogrés  des  sciences  et  des  lettres.  Jeté/, 
un  coupd'teil  siu'  nos  hommes  d'!'',tat.  (Ji'.e  \()ye/.-vous  dans 
nf)t"e  province  ?  l'n  l^cossais,  appelé  et  rappelé  c(nnme  ministre 
(Us  l'mances,  .M  Robertson.  et  assez  audacieux  pour  entrepren- 
dre celte  tâche  plus  cpriuimaine.  \'oyez  à.  Ontario,  les  .\htc 
keii'ie,  les  Mowat,  les  b'raser,  les  lirown, — Mackenzie  chargé 
])endant  cin(i  ans  des  destinées  de  cette  vaste  i)U'Ssance.  Mais 
vo\  t;/.  au  dessus  de  tout  celte  granile  figure  écossaise,  la  gloire 
su|'réme  de  1. Amérique  r)ritanni(pie.  celle  de  Sir  John  A.  Mac 
donald.  A  ([ui  devons-nous  en  C^anada  la  première  jiresse  ;i  im- 
])rimer  ?  A  des  ICcossais,  Cilmore  et  ]jrown.  Kt  puis  celte  ma- 
gnifique ligne  océanique,  à  (jni  la  devons-nous  ?  Aux  Allan,  des 
Kcossais.  Ces  princes  de  la  finance,  Duncan  Mcintyre.  Sle|)hens, 
Angus.  ces  maîtres  du  Nord  C)uest,  qui  sont-ils  ?  Des  Kcossais. 
Oui,  M  le  Président,  vos  compatriotes  ont  en  effet  raison  de 
])orter  haut  la  tête.  Pour  peu  que  leur  marche  de  conquérants 
continue,  ils  courent  risque  de  dominer  tout." 


Je  dois  noter  ici  deux  incidents  récents,  propres  à  pro- 
mouvoir le  goût  des  sciences  en  Canada  et  à  faire  connaî- 
tre du  même  coup  les  avantages  que  notre  jeune  mais 
vaste  pays  oftVe  comme  séjour  aux  populations  PLuropé- 
ciines  :  la  présence  et  les  .séances  publiques,  à  Montréal, 
en  1S82,  Clc  l'Associniioii  jbiicricninc  pour  le  progiis  di  la 
sciciici-,  à  l'Université  McGill  Orand  nombre  dn  ses  mem- 
bres se  rendirent  à  Québec  ;  les  citoyens  leur  donnèrent 
un  banquet,  dans  le  cours  d'une  excursion  par  eau  qui 
fut  orîTanisée  à  nos  frais  dans  le  beau  havre  de  Québec. 


I-KON  im;  kosnv 


121 


Des  adresses  de  félicitalioii-,  kur  furent  présentée-;  de 
la  part  de  notre  municipalité.  V.u  ma  qvialité  de  Président 
de  la  S:>rii'/i'  /-/7A/v?//\  </  Ilistoriiju',  je  fut  char^^é  de  leur 
souhaiter  la  bieiuenuc.  ce  i;ue  Je  fis  dans  les  termes  sui- 
vants : 


)ro- 
lai- 
lais 
ipé- 
:al, 
\la 
|m- 
Int 
^ui 


QUKliKC  AND  i  IS  1 1  ISI'OK  I  C  l'ASl". 

"W(î  inserl  tlif  remarks  wlucii  n(Ci)iiii)anie(l  ilio  iiislorical  notes 
prepared  hy  liie  rresident  of  tlio  laloraiv  ami  Historical  Society 


.Ml 


iiiU'S  Mcl  licrson  l.e.Mdiiic,    at  ilic 


M( 


ilar 


)  'iir  cxr.ursioii  and 


lunclicon  given  to  tlie  Dclegales  of  liie  American  Association  for 
the  Advaiiecmenl  of  Science,  on  tlicir  visil  lu  (^Mcliec,2C)th  Auuast, 

"  Ladies  and  (lenUomen,  -The  annals  of  iliis  vasulependency 
of  Cîreat  ]'iitain,wliicli  \ve  are  proiid  lo  call oiir  coinUry,  vaster  even 
in  extcnl  tlian  tlio  lcrriti>ry  of  yoiir  prospérons  re])nl)!ic.are  divided 
into  iwo  dislincl  parts  l'ho  firsl  cenuiry  and  a  half  iCjcS  to 
ly^g — represents  ihe  I-Vench  domination,  l'hough  lotally  alicn  in 
its  ainis  and  aspirations  from  ihc  ï-nc.ceeding  ])ort!oii,  it  lias 
neveitheless   for  (,)uehec 


an 


esnecial     charm,   niost  endear 


inL 


mcmories.  It  was  the  fruitful  era  of  early  discovery,  niissionary  /,eal 
and  heroisni,  wcallhy  fnr  trading  conipanies  — sliall  \ve  call  tlieni 
inonoi)olics — incessant  wars  witli  the  ferocious  aborigincs  and 
sHiiguinary  rsids  into  the  adjoining  Hritisli  jirovincc^.  W'iien  the 
colony  expanded,  an  enlarged  colonial  ontfil  called  into  existence 
more  ]io\verful  machinery,  more  direct  intervention  ofilie  french 
nionarch  :  a  Royal  (lovemment  in  1663,  to  save  and  secure  the 
cnmbersome  System  based  on  die  Seigniorial  Tenm-e  in  land  ;  a 
mild  form  of  feudalism  imiilanted  nt  Qnebec  by  the  Grand  Monar- 
que.  It  would  take  me  fir  beyond  the  limits  1  hâve  ])rescribed 
myself,  were  I  to  imravel  tho  langled  web  of  early  colonial  rnle  or 
misrule,  which  nntil  llie  con(|uesi  l)y  lîritain  in  1759,  tlourished, 
under  the  lily  banner  oftlie  IJourbons.  on  yonder  sublime  cliff  Let 
us  revert  then  to  that  haunted  dreaniland  of  the  past  ;  let  us 
glanée  at  a  period  anterior  to  ihe  f  )ndation  of  Jamestown  in 
1607,  even  much  anterior  to  the  fondation  of  Ste.  Augnstine.  in 
Florida.  On  the  north  bank  of  the  river  St  Charles,  about  a  mile 
from  its  entrance,  Jacques-Cartier  wintered  in  1535  ;  the"Crande 
Hermine,"  1 20  tons  ;  the  "  Petite  Hermine,'  60  tons  ;  the  ''  Kmeril- 
lon,  "  40  tons  ;  and  hère  anchored  in  August  1860,  Captain  Vine 
Hall's  leviathan,  the  (Ireat  ICeastern,"  of  22,500  tons  !  What 
terror  the  shipping  news  that  morning  of  September,  1535,  must 
■hâve  caused  to  swarthy  Donnacona.  the  Chieftain  of  the  Indian 
(Froquois  or  Huron)  town  of  Stadacona  I    the   tirst    wave  of  fo- 


122 


AMLKIC  \X    ASSOCIATION 


rcigii  imasion  liad  sur^cil  round  ihc  Iiidian  wigv.ains  wiiich 
liiied  the  nunb.crn  dcclivity  nf  the  i)hilcau  un  whicli  Québec 
now  stands  flielwien  Hope  Ciato  and  ihc  Coteau  Ste-Clene- 
viève).  Of  course  you  ave  aware  this  was  not  (iarlier's  lirst  visit 
to  the  land  ot  the  norlh  ;  his  keel  had.  in  1534,  furrowcd  tlie 
banks  of  Ncwfoinidland  and  ils  eternal  fogs  ;  in  154 1-2,  he  had 
wintcred  a  iew  miles  higher  tlian  \vc  now  are--  at  Caji  Rouge  — 
west  of  Québec,  'l'hen,  therc  o'^cius  in  our  annals  of  ICuropeau 
scttlt-nu'iU  a  gap  of  more  than  hilf  a  century.  No  trace,  nor  des 
cendants  on  Canadian  soil,  of  .lacciues  L'arlier's  adventurous 
comrades.  'J'he  wheel  of  time  revolves  ;  on  a  suhry  Jiily  morning 
i3rd  July,  160S),  the  venerated  founder  of  Québec  — Samuel  de 
Chaniitlain  ccpially  famous  as  an  explorer,  a  discoverer,  a  geo- 
grapher,  a  dauntless  leader,  and  v/hat  to  us,  1  think,  immeasu- 
rably  superior,  a  (lod  fearing  (.'.hrislian  gentleman  with  his 
hardy  liltle  IkuuI  of  Xormau  artificers,  soldiers  and  f.irniers, 
aniidst  die  oak  and  maple  grevés  oi  the  louer  town,  laid  the 
first  stone  ui'  the  ''  habitation  ''  or  résidence,  so  pleasanlly,  so 
graiihically  de.'^cribed  by  your  illuslrious  co'.intrynien,  Parkman 
and  Howells. 

Ladies    and     gentlemen,    [    iiave  proniised  you  the  briefest  of 
discourses  ;  but  if.  insiead  of  pointing  uut  to   you   the  historical 
spots,  brougiu  under  your  notice  in  the  course  of  oiu'  excursion, 
it  were  my    lot  10  address,  as  a  C'anadian  annalist,  such  a  distin- 
guishcd  audience  as  1  see  hcre,  what  glowiiig  pictures  of 'soldier- 
like  dariiig,  of  Christian  endurance,  of  heroic  self-sacrifice,  coiil  J 
be  sinmnoned  from  the    pregnant  pages  of  Ch.aniplain's    journal, 
and  iVom  ihat  quaiiu  repository    of  Canadian  hisiory,   the  Rela- 
tions 0/ t/ii- .hsnitt's  ;  you  would,  or  I  am  much  mistaken,  be  dee- 
ply  moved  with  the  sioiy  of  the  trials,  sufferings  and  dévotion    ta 
king  and  coimiry  of  the   denizens  of  this    old   rock;    your    heart 
would  wanu  towards  that   i)icturesiiue  promontoiy — souietinies, 
seemingiy  dear,  to  sunny  old  France.       One  occasionally  would 
be  tempted  to  forgive    lier    cruel    désertion  of  lier  offs[U-i;ig  in  its 
hour  of  trial. 

From  the  woml)  of  a  distant  j'.ast  would  corne  forth  a  taie  oi 
deadly  ihough  not  hopelesss  struggles  with  savage  or  civilized 
foes  a  taie  harrowint;,  not  liowever  devoid  of  tiset"ul  lessons. 
The  narrative  would  become  darker,  more  dreary,  when  to  the 
critelly  nf  Jndian  foemen  would  be  added,  as  oft'  was  the  case, 
the  horrors  of  a  lamine  or  the  pitiless  severity  of  a  uorthern 
winter.  A  ransient  gleam  of  sunshine  would  light  up  the 
canvass  when  perchance  the  genius  of  a  Talon,  the  wisdom  of  a 
C(jlbert,  or  the  martial  spirit  oi  a  Frontenac  succeeded  in 
awakening  a  faint,  canadian  écho  o\\  the  banks  of  the  Seine.  In 
ihose  winding,  narrow,  nneven  streets,  \.\w  ibrest  avenues  of 
Montniagny  and  Tracy,  which  now  resound  to  no  other  sounds 
but  the  din  of  toil  and  tralRc,  you  would  meet  a  martial  array   of 


I.i:CN    IL    KOSNV 


1^3 


llo 


learlcss,  {;ny  cavaliers,  and  pluiv.cd  waniois,  hiiriying  to  ihe  city 
baltltineius  to  icpcl  thc  niaraiiding  sa\aj,fc  t.r  ilic  tue  fiom  Old 
or  Ntw  l'higlaiiu,  c([i;ariy  obitcts  cf  dicad.  Fidni  ihc  vcry  dcck, 
of  ihis  sttanicr.  with  the  waïul  ()f  ihc  historiaii  yuu  could  conjure 
tlie  ihrilling  speetaclc  of  ixnvciliil  tlects  in  1621;,  in  1690  and  in 
1 759,  anchored  at  tlie  very  !-iiol  wlicrc  \ve  now  lie,  belching 
forUi  5-hot  and  shcU  on  llit  slurdv  old  tortress,  or  else  watch 
tlotillas  cf  l'irtli  bark  can(!es  ladtn  with  litlie,  tatlocd,  painted 
warriors.  landing  on  that  bcach,  bearing  jH'ace  ofterings  10  great 
Ononibio.  \'arit'd,  indeed,  wouid  be  ib"  ])anorama  which  hisiory 
woiild  unroll.  Finally.  you  niight  cast  a  glance  un  ihat  crusliing 
i3lh  cl"  Seplember,  1759,  whicli  closed  tlie  i)ageant  of  b'rench 
rule  on  our '■hores, — wlien  Montcalm  and  ah  the  patriolism  of 
the  yeomanry  lead  by  tlie  Clanadian  Gcntilsitoiinitcs  —  tlie  I.on- 
giienils  \'audreuil,  De  Beaiijeu,  de  St  Oins,  de  I-a  Naudière, 
t^ic,  was  ])o\verless  against    the    rapacity  and  protligacy  of  Jîigot 

and  his  fellow  jilundercvs  and  parasites 

Thèse  were  the  dark  days  of  the  colony  i  ndcr  b'rench  rule  :  a 
glimpse  of  the  doings  in  those  tinies  suftices  to  explain  wb.y 
French  Canada,  deserted  by  France,  bclraycd  by  sonie  of  lier 
owii  pL'oplo,  accejjted  so  readily  as  wfjit  accompli  the  new 
reginie  ;  why,  liavmg  once  swurn  icalty  to  ihe  new  banner 
iniplaïUed  on  that  citadel  by  the  genius  of  a  Cliatluuii,  il  dosed 
us  ears  and  sleeled  it.s  heart  even  against  the  blandishnients  of 
the  gênerons  Lafayette — lield  ont  in  the  nai.ie  of  that  grand  old 
pairint  and  father  of  your  country,  Cleorges  A'ashington.  ' 

Une  semblable  réunion  avec  s  .nccs  ^oienucllcs  a  eu 
lieu  à  Montréal  en  août  18CS4,  (S,^  \a  part  de  l'Association 
Britannique  pour  le  progrès  de  'a  science  sous  1 1  présidence 
de  Lord  RayleiLjh, 

Mille  membres  de  cette  célèbre  société,  fiuuléc  à  York, 
en  1831  oar  Sir  Ik-njamin  ]>rcv,  ster  et  qui  a  réuni  (.lans 
vSon  sein  les  noms  les  plus  illustres  (i)  de  la  science  dans  le 
Royaume- Uni,  traversèrent  l'océan  p'jur  leiiir  en  Canada, 
leur  coUL^rès  annuel  et  pour  discuter  avec  les  sav.mts  de 
l'Amérique  les  [M-oblèmes  cpil  pré.iccupent  les  intelliç^encos 
modernes. 

Une  députation  de  près  de  6ûO  membres  accepta  l'hos- 
pitalité de  la  vieille  capitale  et  vint  à  Québec.  C'était  une 


(1)  Ifcrsclull.  niiiii|ilin  y  l>;ivy,  lli'ilMit  Sjniicr,  nookcr,  ItiuKliihl,  Mure  lusnii, 
Biirwiii,  lliixliy, 'r.viiilall,  Lvtl,  SiMittiswnoili',  l{icli;iiil  tiwi'ii  'A.C.  Uaiiiniiy,  Siinirii», 
("iirpciitiT  ;  parmi  la  liaiiti' ii'ililisii' :  !>■  l'iiiici'  Allicrt,  lis  Iliic«  ili'  Xiirtliiiiiilii'i'laiiil, 
(il.'  I!iui'lt'iii,'li,  il'Artryll.  h's  Maniiiis  di'  I.aii-ilowiii',  di'  Hii'a(lall)am',  di'  Nnrlliainptnii, 
les  Ciiinti'i  l''it/.\villiaMi,  Uiiiiiiijtoii,  llaimwliy,  lU'  Kossc,  !,i)nls  K^ritnii,  Wrnttcsliyj 
llajli'i),'li- 


124 


IJRITISIl  ASSOCIATION 


occasion  solennelle  et  qui  ne  se  répétera  probablement  pas 
en  ce  siècle.pour  le  Canada,  de  faire  connaître  son  territoire 
et  ses  ressources.  Le  Marquis  de  Lansdoivne,  notre  Vice- 
Roi,  ses  ministres,  les  Professeurs  des  Universités,  nos 
hommes  de  sciences  et  de  lettres,  les  membres  de  la 
Socictc  Royale  dit  Canada,  tous  se  crurent  honoris  de 
prendre  part  à  ce  mémorable  congrès  de  la  science. 

Elle  s'était  tracé  un  programme  fort  attrayant  pour 
l'archéologie  et  l'ethnogrciphie,  comme  vous  verrez  : 

"  I.  The  Native  Races  of  America  :  their  Physical  Characters 

and  Origin. 
II.  Civilisation  of  America  bcibro  the  time  of  Cokniibus.  with 
])articular  référence  to  eaiHer  intercourse  witli  the  Old 
^^•orld. 
III    Archccology  of  North  America  ;  ancient  mounds  and  earth- 
works,  chffdwcUintîs  and  village  "houses,  stone  architec- 
ture of  Mexico  and  Central  America,  &c. 
IV.  Native  l.anguages  of  America. 

V.  European  Colonisation  and  its  eflects  on  the  Native  Tribes 
of  America  " 

Dans  l'étucic  suivante  lue  cievant  la  Socictc  Royale  le  23 
mai  iSS4,  jetentai  défaire  connaîtreles  travaux  du  Bureau 
d'Ethnologie  établi  chez  nos  voisins  sous  les  auspices  du 
Siiiit/isoiiiau  Institiifc  ; 


Les  Aborigènes  d'AiTi-erique  — 
Leurs  rites  mortutaires 

Etude  lue  devant  la  Socictc  Royale  du  Canada,  le   22  mai 

18S4. 

Messieurs,-  Les  amis  de  l'histoire  et  de  l'archéologie 
parmi  vous  me  sauront  gré,  j'ose  le  croire,  de  leur  sou- 
mettre quelques  observations  sur  les  rites  mortuaires  des 
aborigènes  de  l'Amérique. 

N'allez  pas  croire  que  Sagard,  ]\Iarc  Lescarbot,  Lafitau, 
Perrot,  Charlevoix  et  les  écrivains  qui  leur  ont  succédé 
nous  aient  donné  le  dernier  mot  sur  tout  ce  qui  se  rattache 
à  cette  question  si  complexe  :  l'origine  de  l'homme  rouge 
d'Amérique — le  farouche  roi  de  ces  contrées,  et  que  les  pre- 
miers, explorateurs  y  rencontrèrent  au  commencement  du 
seizième  siècle  ou  avant. 

L'archéologie  américaine — l'américanisme,  comme  on 
dit  en  France — l'étude  philologique  et  ethnologique  des 
races  primitives  de  ce  continent,  ces  innombrables  tribus 
échelonnées  du  Labrador  aux  Montagnes  Rocheuses — de- 
puis le  Mississipi  jusqu'à  la  mer  Paciuque — voilà,  n'en 
doi'tons  pas,  un  sujet  d'un  intérêt  majeur  pour  une  asso- 
ciation comme  la  nôtre. 

Pourquoi  le  Canada  français  n'aurait-il  pas  ses  archéo- 
logues aussi  bien  que  ses  poètes  et  ses  littérateurs?  ¥a\  ce 
moment,  la  France  scientifique  s'occupe  activement  de 
l'Archéologie  de  l'Amérique  ;  et  la  Société  anierieaine  de 
France,  établie  en  1857,  compte  parmi  ses  fondateurs  toute 
une  pléiade  de  savants,  tels  que  Maltc-l^run,  Alfred  Maury, 
liurnouf,  Bonnetty,  Cortambert,  Léon  de  Rosny  et  Madicr 
de  Montjau. 

Chez  nos  compatriotes  d'une  autre  origine,  au  Canada, 
l'on  voit  un  groupe  de  zélés  chercheurs  :  MAL  Dawson» 
Wilson,  Campbell,  Reade,Whiteaves,  Mathews,  Hind,  dont 


Ï26 


ETUDK 


les  écrits  ont  jeté  beaucoup  de  jour  sur  tout  ce  qui  se 
rattache  aux  peuplades  indiennes,  leur  origine,  leur 
mythologie,  leurs  croyances  religieuses,  leurs  superstitions, 
leurs  dialectes  si  variés,  leur  conformation  phj'sique,  leurs 
rites  et  cérémonies  funèbres,  etc. 

Jusqu'au  moment  où  cette  société  vit  le  jour,  ces  savants 
avaient  été  laissés  à  leurs  eftorts  individuels.  Ils  étaient 
sans  organisation,  sans  aide  de  l'Etat,  sans  musée  national 
pour  recueillir  les  curieux  monuments,  les  vestiges  de  ces 
races  éteintes,  leurs  hiéroglyphes,  leurs  sculptures  sur 
pierre  ou  sur  bois,  les  symboles  des  tribus,  leurs  ustensiles 
domestiques,  les  armes  des  gueriier.^,  les  crânes  et  les  sque- 
lettes. Une  ère  nouvelle  a  donc  commencé  ;  il  nous  est 
permis  de  dire  :  Alîior  tiudiiiiiis. 

Examinons  maintenant  où  en  est  l'archéologie  chez  nos 
voisins. 

C'est  surtout  Ilenr}-  Schoolcraft  qui  a  fait  de  l'archéo- 
logie une  spécialité  aux  l'kats-Unis. 

Ses  voyages,  ses  recherches  ont  absorbé  ni  us  de  trente 
années  de  son  existcîicc.  Au  reste  ]\I.  Schoolcraft  a  joui 
de  rares  avantages  pour  étudier  rhomme  ^it>  boi?,  pour 
soulever  un  coin  du  voile  qui  couvre  cette  étrange  nature, 
pour  pénétrer  à  travers  l'ccorce  de  cette  organisation  excep- 
tionnelle, inaccessible  au  progrès,  aux  lumières  de  la  civilisa- 
tion. Il  a  vécu  de  longues  années  parmi  les  aborigènes, 
où  il  épousa  la  petitc-fille  d'un  grand  chef,  une  femme 
douée  des  plus  éminentes  qualités  du  cœur  et  de  l'esprit. 
L'idée  de  son  magnifique  travail,  dont  le  premier  volume 
vit  le  jour  en  1860,  fut  conçue  en  1S46.  Cette  année-là, 
avec  l'appui  de  plusieurs  amis  de  la  science,  Schoolcraft 
présenta  un  mémoire  au  Congrès,  l'invitant  à  s'enquérir 
de  l'histoire,  de  la  condition  et  de  la  destinée  des  races 
indiennes  des  Etats-Unis.  Le  4  mars  1847,  le  Congrès 
donna  instruction  au  secrétaire  de  la  guerre,  dont  relevait 
le  Bureau  des  Bniivagcs,  de  faire  préparer  un  rapport  sur 
cette  matière,  et  M.  Schoolcraft  fut  chargé  de  le  dresser. 


I.KS    AlîORIClEVES    DAMKRIOUE 


12; 


)n,t:rrcs 


Les  six  in-quarto  de  Schoolcraft  (i)  enrichis  de  nom- 
breuses gravures,  de  planches  coloriées,  de  dessins  fort 
variés  et  exécutés  avec  luxe,  ont  servi  pour  ainsi  dire  de 
point  de  départ  à  la  plupart  des  archéologues  qui  sont 
venus  après  lui,  et  le  nombre  en  est  grand. 

Mais  passons  sous  silence  les  recherches  de  Schoolcraft, 
Catlin,  Hubert  Bancroft,  Haie,  Abbott,  etc.,  toutes  pré- 
cieuses qu'elles  sont,  pour  signaler  les  travaux  des  archéo- 
logues du  bureau  d'ethnologie  de  Washington,  présidé  par 
le  major  J.  \V.  Powell,  cette  partie  du  moins  qui  a  trait 
aux  rites  funèbres  des  peuplades  sauvages.  Que  d'études 
profondes  à  faire  sur  les  langues  indiennes,  ces  douze  cents 
dialectes  dont  on  a  constante  l'existence  en  Amérique  ! 

Que  de  points  d'onalogie  et  de  comparaison  entre  les 
vocabulaires,  (2)  la  construction  de  la  phrase,  la  conson- 
nance  des  mots,  la  pictographic,  les  hiéroglyphes  de  ces 
races,  et  le  langage,  les  us  et  coutumes  des  peuplades  de 
r.Vsie  et  de  l'Europe  !  L'homme  blanc,  l'homme  rouge, 
l'homme  noir  ont-ils  tous  une  commune  et  unique  origine  ? 
Nous  le  pensons.  l'ien  que  certains  écrivains  aient  pré- 
tendu qu'il  se  rencontrait  en  Amérique  des  ruines  qui 
remontent  à  ^inq  siècles  après  la  fondation  de  Babx'lonnc, 
on  n'a  pas  encore  rien  découvert  qui  dénote  chez  nos 
aborigènes  une  civilisation  avancée,  des  art?,  perfectionnés, 
— pas  même  chez  les  incuiid  luiiidcrs,  constructeurs  de 
monticules  de  l'Amérique  Centrale.  L'archéologie  chez 
nous  ne  ressem'ule  nullement  à  celle  de  la  \icille  ICurope, 
où  une  colonne  sculptée,  un  torso  antique,  comme  l'a  dit  le 
professeur  Wilson,  révêle  l'ère  de  Thémistocle  lU 
d'Auguste.  Chez  nous,  l'historien  des  âges  préhistoriques 
trouve  peu  de  matériaux  pour  exercer  sa  science,  tar.dis 
que  l'archéologue,  bien  qu  il  manque  de  traditions  sur 
l'époque  antérieure  à  la  découverte  du  c^'Utinent,    recueille 


(Il  •' Aurilivi:s  oc   Abouigixai.   kxowi.v.dhi   of  tho    l'iiitnl  State.-',  "  bv  Uiiiry   i;. 
Schoolcraft,  L.  h.  1).  rUilaildiiliia,  ISii  i. 

(■2)  Voir  la  confôroiico   lue  ilovant  la  Soeii-té  l.itt 'Taire  et  Ilistnri.iuc,  à  (^l'cbcc.  le  17 
ilécembrc  ISJO,  par  Jf.  le  iirofessi'ur  .T.  eaïui'liell,  51.  A.,  ib'  Montréal. 


128 


ETUDE 


une  aiîipie  moisson  parmi  les  ruines  et  les  naonunients 
dont  rori<^ine  semble  postérieure  à  cette  date,  et  peut  en. 
tirer  de  lumineuses  conclusions. 

Le  domaine  de  l'archéologie  en  ^\mérique  est  beaucoup 
trop  vaste  jour  être  exploré  en  un  seul  jour.  I'"tudions, 
Messieurs,  pour  le  quart  d'heure,  l'aborigène  sous  un  des 
aspects  les  plus  hitéressants  de  son  étrange  nature  :  la 
sépulture  donnée  à  ses  morts.  Il  y  a  au  moins  sept  modes 
principaux  de  sépulture  chez  les  races  indiennes  : 

lo  L'enfouissement  des  cadavres  dans  des  fosses  ou 
excavations,  dans  des  tertres  élevés  de  main  d'homme, 
dans  des  huttes,  sous  des  tentes,  ou  bien  encore  au  fond 
des  cavernes. 

:^o  L'embaumement,  qui  consiste  à  transformer  les  dé- 
pouilles mortelles  en  momies,  avant  de  les  confier  à  la 
terre,  aux  cavernes,  ;iux  tentes,  ou  à  îles  échafauds  élevés 
sur  le  sol,  ou  à  des  charniers  ou  ossuitilcs,  etc. 

;]o   Le  dépôt  du  cadavre  dans  une  urne. 

4o  La  sépulture  dans  les  arbres  creux  ou  -ous  des  mon- 
ceau.x  d'écorce  ou  de  pierre,  à  la  surlace  du  sol. 

âo  La  crématio!!  partielle  ou  totale  des  corps,  et  le 
dépôt  subséquent  des  os  calcinés  ou  dis  cenulres  dans  des 
urnes  ou  des  boîtes  hissées  sur  des  échafauds  ou  des 
arbres,  etc. 

(!o  La  sépulture  aérienne,  laquelle  consiste  à  déposer 
les  cadavres  dans  des  huttes    ou  bien  Liicure  de  les  enfer- 


mer 


dan; 


(.les 


P 


n"ot 


:es 


ou 


0.^::^  boîtes  éievée.i   sur  des  esta- 


cades  ou  poteaux,  ou  bien  déposées  à  la  surface  de  la  terre. 
Quelquefois  la  dépouille  des  jeunes  ei 
dans  dc^  paniers,  puis   sus 


ifants  était  enfermée 


pendue  p.ux  rameaux  des  arbres. 


L; 


i  seini 


Itui 


a)U.' 


l'onc 


e,   ou   ilans  des  pirogues  que 


l'on  lançait  à  la  dérive,  etc. 

Le  i  rocédé  le  plus  usité  semble  avoir  été  l'inhumation 
sous  terre.  "  Les  L-oquois  de  la  Nouvelle  York,  dit  vSchool- 
nt  un  trou    profond  ;    on    y    enfouissait    le 


cra 
cad 


ft 


creusai 
avre  du  défunt 


iresse  sur  ses 


pied 


s  ou  ramasse  sur  ses 


LES    AIOKIGÈMS  I/AMKKIQUÉ 


I29'' 


ou 


le 
es 
os 

ser 
;r- 

•e. 
ce 

le 


hanches.  On  recouvrait  le  trou  avec  des  troncs  d'arbres  ; 
afin  de  garantir  le  corps  du  contact  avec  la  terre  qui  lé 
recouvrait.  Puis  on  élevait  le  sol  en  forme  de  tertre  ou  de 
retranchement  sphérique.  Le  mort  était  revêtu  de  ses- 
plus  beaux  habits  ;  on  lui  faisait  don  de  wampumet  autres 
effets.  Les  parents  tenaient  la  fosse  dégarnie  d'herbes  et 
s'y  rendaient  à  diverses  reprises  pour  y  faire  des  lamenta- 
tions." 

L'historien  lawson  (i)  décrit  comme  suit  les  rites  funè- 
bres  des  Indiens  qui  jadis  habitaient  les  Carolines  :  "  Chez 
les  tribus  de  la    Caroline,    la  sépulture   des   moits   était 
accompagnée  de  cérémonies   particulières  dont  l'étendue 
et  le  goût  se  mesuraient  au  rang  des  tiépassés.  On  plaçait 
d'abord  le  corps  sur  un   brancard   de  branches,  puis  on  le 
reléguait  dans  une  hutte  construite  pour  l'occasion,  où  les 
parents,  les  cheveux  en  désordre,  venaient  le  pleurer  pen- 
dant un  jour  et  une  nuit.    Ceux  qui  devaient  prendre  part 
aux  funérailles  s'acheminaient   vers   la   bourgade,   et,  che- 
min faisant,  ils  arrachaient  des  épaules  de  ceux  qu'ils  r-^'n- 
contraient   les   couvertures  et    vêtements  qu'ils  jugeaient 
nécessaires  à  la  cérémonie.  On  en  revêtait  le  cadavre  puis 
on  le  recouvrait  de  deux  ou   trois  nattes  de  joncs  ou   de 
cannes. 

"Le  cercueil  était  fait  de  cannes  tressées,  ou  de  joncs 
creux,  liés  aux  extrémités.  Quand  tout  était  prêt  pour  la 
sépulture,  on  transportait  le  corps,  de  la  hutte  où  il  avait 
été  d'abord  déposé,  dans  un  verger  de  pêchers  où  uv 
autre  brancard  le  recevait.  Là  se  réunissaient  la  famille 
du  défunt,  sa  tribu  et  les  invités. 

"Le  jongleur,  ayant  commandé    le  silence,    prononçait 
I  oraison  funèbre  du  mort,  racontait  sa  bravoure,  son  habi- 
leté, son  patriotisme,  ses  richesses,  son   prestige  parmi   les 
guerriers,  commentant  sur  le  vide  que  sa  mort  allait  causer 
et  exhortant  les  survivants  à  le  remnlaceren  marchant  sur 
ses^traces,   décrivant   le  bonheur  qui  l'attendait  dans  le 

(1)  Hist.  of  Carolina,  17U,  ,,.  ig],  cité  par  Schoolcraft,  page  93. 


m^m 


■no 


ETUDE 


pays  des  esprits  où  il  était  rendu,  et  couronnant  sa  haran- 
fjue  par  une  allusion  aux  principales  traditions  de  la  tribu, 
"l-'inalement  le  cadavre  était  porté  de  ce  brancard  à  la 
fosse  par  quatre  jeunes  gens,  escortés  pav  les  parents,  le 
roi,  les  vieillards,  la  nation  entière.  Une  fois  arrivé  au 
sépulcre,  profond  de  six  pieds  et  long  de  huit  ou  peu  s'en 
f.uit.  où  l'on  avait  solidement  enfoncé  dans  le  sol  deux 
fourches  sur  lesquelles  reposait  une  perclie.  on  tnatclassait 
U:  fond  du  sépulcre  d'écorccs  d'arbre  ;  ou  y  déposait  le 
corps  avec  les  deux  ceintures  ou  lanières  qui  avaient  ser\'i 
à  porter  le  cercueil  ;  on  plaçait  ensuite  nombre  de  bùche> 
de  pin  résineux  appu}-écs  sur  la  perche,  pour  servir  cl'cM-ne- 
ments  autour  du  mort.  Alors  on  ajoutait  Ov  la  terre  en 
forme  de  voûte  pour  garantir  le  cadavre  du  contact  de 
l'air."  Après  un  certain  temps  on  l'exliumait  et  on  dépo- 
sait; les  os  dénudés  dans  l'ossuaire,  que  Dclîry  et  Lafitau 
nomment  le  "  Quiogo/.on."  Les  rites  funèbres  chez  ces  peu- 
pies  ont  subi  plusieurs  modification';,  depuis  ces  lointaines' 
époques.  On  se  sert  da^•an^^gc  de  cercueils,  cl  le  înort  a 
toujours  la  tête  vers  l'ouc.-t.  On  a  supprimé  l'oraison  funè- 
bre ;  mais  le  festin  des  mort-  ot  les  autres  ccrémonic-;  de 
deuil  se  pratiquent  toujours. 

Les  Crées  et  les  Séminoles  tle  la  l'ioride,  en  1S55,  enter- 
raient les  morts  de  la  manière  suivante  :  "  Quand  <  i)  uii 
membre  de  la  famille  meurt,  les  jjarcnts  inhument  le  mort 
il  (j'j  itre  [Meds  de.pr<)foni!eur  à  i)eu  près,  daiis  un  trou 
ri)!V,i  c;eubé  sous  la  hutlc  ou  le  rocher  même  où  il  expir,\. 
<  )n  place  le  cadavre  dans  i.i  fosse,  dans  l'attitude  d'une 
personne  assise — enveloppée  d'une  couverture  et  les  jam- 
bes recourbées  et  liées  ensemble. 

".Si  c'est  un  guerrier,  on  le  tatoue  ;  on  lui  donne  son 
calumet,  ses  armes,  ses  décorations.  On  ajoute  à  la  fosse 
des  baguettes  liées  à  un  cercle.  On  recouvre  le  tout  d'une 
couche  de  terre  suffisamment  forte  pour  supporter  le  poids 


ut  Hist.  lud.  Tribes  of  l'.  S.  \>-,r,,  pt.  V.  p.  -.ÎT.i. 


LKS    AliuKIGKNKS  1)  A.MKklOfE 


131 


d'un  homme.  Les  parents  hurlen: 


en  public  quatre  jours    durant.    Quand   le  d 


Èi    tue-tête    et   [)leurent 


cfunt  a  été  de 


son  vivant  un  homme  émincut,  sa  fanu-lle  quitte  son 
ancienne  résidence  pour  s'en  construire  une  nouveile.  per- 
suadée que  là  où  gisent  les  os  de  ses  morts,  le  lieu  e>t 
infesté  d'esprits  et  de  spectres  malfaisants." 

Les  Comanches  ont  un  mode  particulier  Hc  disposer  de 
leurs  morts,  sans  s'occuper  du  contact  des  rotes  avec  la 
terre  : 

"  Quand  (I)  un  C'omanche  tire  à  sa  fin  et  que  lé  râle  de 
l'agonie  va  faiblissant,  on  profite  de  ce  que  le  corps  e^t 
encore  dnud  et  flexible  pour  lui  replier  ie^  genoux  sur  la 
poitrine  et  les  jambes  sous  ics  cuisses.  Vn  1u:  pU,ie  les 
bras  sur  chaque  côté  de  l'estomac  et  on  lui  courbe  la  tête 
sur  les  genoux  au  moyen  d'une  laniùre  qui  l,,  retient  fe-- 
mement  dans  cette  position.  Alors  on  envelopn,-  lo  corps 
d  une  couverture,  et  une  seconde  lanière  affern-ÏL  '<«  tout  • 
de  sorte  eue  le  déRint  semble  être  un  objet  rond  .t  corn- 
pact.  (  )n  lie  le  cadavre  .ur  le  .!o:.  d'un  cheval  ;  une  squa^v 
monte  en  crMupe.  ou  deux  A:mme-  Marchent  de  chiqu.^ 
cote  au  cneval  pour  tenir  le  dcf^mt  en  place  jus-nù-u  lieu 
de  la  sépulture.  Puis  on  le  jette  dans  i'oxcavation  or-^o.. 
rce.  Le  mort  n'a  d'autre  cortège  funèbre  que  deux  ou  trci, 
temmes.  L  on  transporte  d'ordinaire  le  corps  à  l'ouest  d- 
ia  bourgade,  et  on  l'enfouit  sans  façon  dans  une  des  :;.-o- 
fondes  ravines  ou  .W//.V/.-  du  pavs  t!es  Co:nancii.>>-  \>, 
enterre  le  guerrier  avec  ^on  arc  et  sc>  ilèches.  mais  aprè^ 
avoir  rompu  ces  dernière..  On  dépose  aussi  dans  la  tombe 
la  selle  de  son  clieval  et  autres  objets  de  valeur  Puis  on 
recouvre  la  fosse  de  fagots,  de  terre,  et  que  quefois  d. 
pierre. 

Parmi  les  cérémonies  funèbres,  notons  la  coutume  de 
tuer,  près  de  la  fosse,  le  meilleur  cheval  du  défunt,  oour 
donner  occasion  à  ce  dernier    de    faire   acte   de    présence 


(n  Annual  Report  oftho  Bureau  of  Ethnolog; 


'.V,  U.  S.,  1S70-60 


,  r-  93. 


ETUDE 


dans  l'autre  monde  Mir  nue  monture  vigoureuse  et  bien 
caparaçonnée. 

Anciennement,  si  le  défunt  avait  été  un  chef  ou  une 
personne  d'importance,  possesseur  de  vastes  troupeaux  de 
chevaux  sauvaj^as,  on  lui  sacrifiait  de  deux  cents  à  trois 
cents  de  ces  derniers. 

Les  Cumanches  et  les  Wichitas — bons  cavaliers — racon- 
tent le  trait  suivant,  pour  prouver  la  nécessite  de  pourvoir 
les  morts  d'équipages  convenables,  au  moment  où  ils 
abordent  Je  séjour  des  bienheureux  : 

"  Un  jour,  un  Comanche,  vieux,  pauvre  et  sans  parents, 
mourut,  (.l'uekiues  membres  de  la  tribu  furent  d'avis  qu'il 
importait  peu  quelle  monture  il  aurait  pour  faire  son  entrée 
dans  le  pays  des  ombres.  On  tua  donc  près  de  sa  tombe 
une  vieille  haridelle  qui  avait  une  oreille  pendante.  Peu 
de  semaines  après  la  sépulture  du  pauvre  homme,  il  revint 
monté  sur  la  même  rosse,  fatigué  et  affamé.  Il  se  rendit 
en  premier  lieu  au  camp  des  Wichitas  où  il  était  bien 
connu,  et  tlcmanda  des  vîvres  ;  mais  sa  mine  liideuse,  ses 
yeux  L-teints,  ses  joues  creuses  inspirèrent  de  l'effroi  à  tous 
les  spectateurs  ;  ils  ^c  sauvèrent.  Un  guerrier  doué  d'un 
courage  plus  robuste  que  ses  compagnons  se  hasarda  à  lui 
présenter  au  bout  d'une  longue  perche  un  morceau  de 
viande.  Le  défunt  s'.^  rendit  ensuite  à  son  propre  camp, 
où  il  inspira,  si  c'était  possible,  une  terreur  encore  plus  vive 
que  chex  les  Wichitas.  Comanches  et  W'ichitas  quittèrent 
l'endroit,  et  allèrent  s'établir  ailleurs. 

"  L'âme  en  peine  questionnée  pourquoi  elle  était  revenue 
de  la  sorte  parmi  les  vivants,  fit  réponse  que  lorsqu'elle 
s'était  présentée  à  la  porte  du  paradis,  les  gardiens  avaient 
refusé  net  de  le  laisser  passer  outre  sur  sa  misérable 
monture.  Elle  avait  donc  le  triste  parti  de  revenir  en  ce 
monde  rejoindre  ceux  dont  la  lésinerie  lui  avait  procuré 
cette  triste  haridelle.  Depuis  ce  temps,  nul  Comanche 
trépassé  ne  s'est  mis  en  route  pour  le  royaume  du  soleil 
Douchant,  sans  être  pourvu  d'un  coursier   capable  de  faire 


LES  Al;OKIC.i:NLS  d'amkrioue 


133 


îiiue 
'elle 
lient 
lable 
ce 
;uré 
liche 
)leil 
faire 


honneur  à  son  cavalier,  aussi  bien  qu'aux  amis  qui  le 
fournissent. 

"  Le  cortè;,rc:  quitte  la  hutte  du  côté  du  soleil  couchant, 
afin  que  le  trépassé  puisse  accompagner  l'astre  du  jour  au 
pays  des  ombres.  Ses  mânes  se  mettent  en  route  le  soir 
même  du  lendemain  de  sa  mort. 

"  On  brûle  la  hutte,  les  couvertures,  ks  habits,  les  objets 
de  prix  du  défunt,  tout,  excepté  ce  q  ji  a  été   enterré  avec 

lui-même,  ses  voitures,  ses  harnais L'on  pleure,  l'on  se 

lamente,  l'on  se  dépouille  de  ses  vêtements  pour  se  revêtir 
de  haillons.  Une  jeune  épouse,  une  mère  dévouée  se  fera 
des  incisions  aux  bras,  au  corps,  avec  des  couteaux  ou  des 
ciseaux  de  pierre,  au  point  de  tomber  en  défaillance  par 
la  perte  du  sang.  On  engage  des  pleureuses  versées  dans 
l'art  de  se  lamenter.  Les  proches  se  dénudent  le  ciâne 
de  cheveux,  en  tout  ou  en  partie.  Si  le  défunt  était  un 
chef,  les  jeunes  guerriers  se  coupent  la  chevelure  du  côté 
gauche. 

"  Durant  les  premiers  jours  qui  suivent  la  mort,  le  deuil 
se  continue  surtout  au  lever  ou  au  coucher  du  soleil,  car  le 
Coinanche  ad -re  le  so'eil.  Pour  un  guerrier  mort  en  été, 
le  deuil  dure  jusqu'à  la  chute  des  feuilles.  Quant  à  celui 
qui  expire  en  hiver,  on  continue  de  le  pleurer  jusqu'à  ce 
que  les  feui.les  reverdissent.  " 

*•  Chose  digne  de  remarque,  ajoute  le  Dr.  H.  C.  Yarrow, 
les  rites  funèbres  chez  les  Comanches  sont  presques  iden- 
tiques avec  celui  de  certaines  tribus  de  l'Afrique... L'usage 
de  louer  des  personnes  pour  pleurer  date  de  la    plus   haute 

antiquité. 

SÉPULTURES   HORS    DE    TERRE 

Ceux  qui  sont  curieux  de  connaître  les  modifications 
■que  les  sépultures  indiennes  ont  subies  là  où  les  mission- 
naires ont  pénétré,  liront  avec  intérêt  la  partie  du  mémoire 
•du  Dr  Yarrow,  qui  décrit  les  cérémonies  funèbres  des 
Pueblos,  au  Nouveau-Mexique,  d'après  le  Juge  Antony 
Joseph. 


Ii4 


ETUDE 


!î 


On  y  remarquera,  cntr'autres,  la  coutume  singulière  de 
la  tribu  des  Caddoes,  qui  ne  confient  pas  à  la  terre  la 
dépouille  de  leurs  guerriers  morts  sur  le  champ  de  bataille, 
mais  s'en  remettent  aux  bêtes  fauves  et  aux  oiseaux  de 
proie  du  soin  de  les  faire  disparaître, — le  sort  de  c^'s  guer- 
riers dans  le  pays  des  âmes  étant  réputé  préférable  à  celui 
de  ceux  qui  meurent  de  mort  naturelle.  Au  reste  cette 
pratique  de  jeter  les  cadavres  à  la  voierie  existait  chez  les 
anciens  Perses,  les  Mèdes,  les  l'arthes,  les  Illyricns,  etc., 
au  rapport  de  Hruhier  et  de  Pierre  Meuret.  Tout  ce  cha- 
pitre du  mémoire,  où  sont  décrits  les  divers  modes  de 
sépulture  mentionnés  dans  les  récits  de  voyages  anciens 
et  modernes,  mérite  un  examen  attentif.  (.  litiiiial  Report 
of  lUircau  of  litluioloij;}\  U.  S.  1879-80,  p.  101-3.J 


CVSTES   ou    TUMliKAUX    EX    riERKE 


Ce  genre  de  sépulture  semble  surtout  avoir  été  prati- 
qué dans  les  ICtats  du  Tennessee,  de  l'Illinois,  du  Ken- 
tucky,  ainsi  que  dans  l'iVmérique  Centrale.  (Report  of 
JUtriiin  of  h'.thuology,  p.  i  I3.>) 

On  remarque  chez  ces  aborigènes  la  même  préoccupa 
tion  que  celle  que  nous  avons  notée  plus  haut  :  préserver 
le  cadavre  du  contact  de  la  terre,  après  la  mort.  A  cette 
fin  on  creusait  le  sol  de  douze  à  dix-huit  pouces  de  pro- 
fondeur, puis  l'on  confectionnait,  au  moyen  de  pierres 
plates,  une  espèce  de  tombe,  quelquefois  en  y  ajoutant 
une  pierre  en  guise  de  couvercle.  Les  tombeaux  des  races 
primitives  de  la  Gaule,  trouvés  près  de  Solutré,  France» 
en  1873,  ressemblaient  à  ceux  qui  furent  découverts  par 
Moses  Fiske,  au  Tennessee.  Les  cadavres  avaient  été  vrai- 
semblablement repliés,  comme  si  la  personne  était  assise. 
Quelquefois  les  tombeaux  des  hommes  contenaient  des 
pipes,  des  marteaux,  des  dards  de  flèches  en  pierre  ;  on 
trouvait  aussi  des  morceaux  de  poterie,  des  perles,  etc» 
dans  celui  des  femmes. 


I.i:S    AliOUICHNKS    D'AMr.UI.^UK 


«3.^ 


L'archcolo^uc  Hancroit  (i)  ilccrit  comme  suit  le  mcxlc 
do  M^'pulturc  par  cystc,  chez  les  Dorachcs  de  l'Aïueiiiiue 
Centrale:  "  A  Vera^nia,  les  Doraches  avaient  deux  modes 
de  sépulture.  Le  tombeau  des  chefs  était  fait  de  picffes 
plates,  relevées  solidement  ;  on  y  déposait  des  urnes  [(ré" 
cicuses  re'uplies  de  vin  et  de  nourriture  pour  les  morts. 
Un  enterrait  le  peuple  dans  des  tranchées  où  étaient 
>sés  des  cruches  de  vin  et  des   vases    remplis  de  maïs  ; 

reste  de  la  tranchée  était  rempli  de  pierres.  l".n  (jueU 
qucs  endroits  de  Panama  et  de  Darwin,  les  chefs  et  'es 
t^rands,  seuls,  recevaient  des  honneurs  funèbres.  Ch  '  ''.• 
peuple,  dès  tju'un  individu  sentait  les  approches  .'c  la' 
mort,  il  s'acheminait  ou  se  faisait  conduire  vers  la  h)ièc 
par  son  éi)ouse,  sa  famille  ou  ses  amis,  ijui  lui  apportaient 
des  épis  de  bleds  ou  des  gâteaux  et  un  vase  rempli  d'eau, 
puis  le  laissaient  à  son  sort,  exposé  souvent  à  la  voracité 
lies  bêtes  fauves.  D'aures,  plui  respectueux  envers  leurs 
morts,  les  enfermaient  dans  dcri  séjndcres.  où  ils  prati- 
quaient des  niches  pour  recevoir  du  vin  et  du.  maïs,  qu'ils 
rf  ivelaient  chaque  année.  Chez  certaines  peu[>l.Kles, 
(-  la  mère  expirait  avec  un  enfant  h  la   mamellr     en- 

fant vivant  était  déposé  sur  le  sein  de  sa  mère  et  en:  ré 
avec  elle,  afin  qu'elle  pîit  l'allaiter  même  au-'.lclà  de  la 
tombe."  (//.  Inxiicroft). 

La  tendresse  maternelle  avait  c!ie;:  ces  peuples  des 
secrets,  des  mystères  que  ne  comprcu.iit  {)as  même  Milie- 
voye,  quand  il  chantait  en  vers  .si  Inrm jnieu.>c  les  sé[)ul- 
tures  indiennes  du  Canada  : 

ln'3  vi'ii.x  li'V.'s  au  ciel,  l.i  nu'ii'  cl.siiki' 
S'aiiprinlii'  iivci.'  li'iiti'iir  dr  l'i'iiiiit  niaiisoli'', 
Kt,  s(iu|iir;iiit  le  nuiii  ilr  l'i't  oiiCaiit  ilii'ii, 
Ki'liaiiil  s-,ir  siiii  toiiiln'aii  lo  lait  <|iii  l'ci'it  iiniini. 

SÉrui/ruRKs  dans  li:s  jertkiis. 


Comme  le  bureau  d'ethnologie  de  Washington  doit  pri>- 
chainement  publier  un  volume  spécial  sur  ce  genre  de 
sépulture,  le  savant  Dr.  Yarrow  s'est  contenté  de  présenter 


C)  Xat.  Kaci'S  ut  tlio  racifk'  Matis.  l>74,Vol,  I„  \i.  7(<0. 


136 


ETUDE 


daiiî  son  mémoire  un  aperçu  des  exeuiples  les  plus  frappants 
de  sépultures  sous  tertres — qu'il  nomme  hurlais  In  inoiiiids 
— découverts  dans  les  Etats  du  Missouri,  du  Tennessee 
de  rOhio,  de  l'IUinois.  de  la  Floride  et  de  la  Caroline  du 
nord. 

Ces  tertres  sont  construits  en  terre,  en  sable,  quelquefois 
en  pierre,  de  quatre  à  quinze  pieds  de  hiuteur  sur  trente 
à  ceiu  pieds  de  longueur.  Ils  sont  creux,  et  sous  ces  dômes 
ou  chambres  mortuaires  se  rencontrent  les  squelettes  sou- 
vent partiellement  calcinés  des  anciens  habitants,  accom- 
pagnés d'objets  en  pierre  ou  d'articles  de  poterie.  La  cré- 
mation partielle  était-elle  usitée  chez  ce^  peuples  et  les 
tertres  n'étaient-ils  que  des  cimetières  ou  lieux  de  dépôts 
secondaires  pour  les  restes  calcinés  des  guerriers  ?  Voilà 
autant  de  problèmes  à  résoudre.  L'ethnographe  Yarrow 
c  ôt  cette  partie  de  son  .travail  par  la  description  d'un  de 
les  cimetières  ind  ,ns  dans  la  Caroline  du  Nord,  découvert 
en  I1S71,  par  le  Dr.  J.  M.  Spainhour.  Il  mentionne  un 
autel  au  centre.  On  y  trouva  trois  squelettes  qui  semblaient 
avoir  été  inhumés  d'après  une  méthode  précise.  L'est, 
l'ouest  et  le  sud  de  la  chambre  étaient  occupés,  mais  non 
le  nord.  On  voyait,  par  la  présence  et  la  disposition  des 
tomahawks,  des  colliers  et  autres  objets,  que  les  occupants 
devaient  avoir  été  des  chefs. 

SÉPULTURES   D.\XS   OU   SOUS    LES    WlGWAMS 

Butel  de  Dumont  décrit  comme  suit  un  mode  de  sépulture 
usité  chez  certaines  peuplades  de  la  Louisiane,  en  1750  : 

"  Les  Paskagoulas  et  les  Billoxis  n'enterrent  point  leur 
Chef,  lorsqu'il  est  décédé,  mais  ils  font  sécher  son  cadavre 
au  feu  et  à  la  fumée,  de  façon  qu'ils  en  font  un  vrai  sque- 
lette. Après  l'avoir  réduit  en  cet  état,  ils  le  portent  au 
Temple  ('car  ils  en  ont  eu,  ainsi  que  les  Natchez),  et  le 
mettent  à  la  place  de  son  prédécesseur,  qu'ils  tirent  de 
l'endroit  qu'il  occupait,  pour  le  porter  avec  les  corps  de 
leurs  autres  chef,  dans  le  fond  du  temple,  où  ils  sont  tous 


rappaiits 
'  in?niids 
ennessee 
oline  du 

elquefois 
nr  trente 
es  dômes 
îttessou- 
.,  accom- 

La  cré- 

îs   et  les 

e  dépôts 

?    Voilà 

Varrow 
i  d'un  de 
écouvert 
jnne  un 
mblaient 

nais  non 
ion  des 
cupants 


LES  ABORIGÈXES   D'AMÉRIQUK 


137 


[pulture 
[75:3  : 
int  leur 
ladavre 
sque- 
:nt  au 
|,  et  le 
lent  de 
Irps  de 

t  tOUî 


•rangés  de  suite  et  dressés  sur  leurs  pieds  comme  des  statues. 
A  l'égard  du  dernier  mort,  il  est  exposé  à  l'entrée  de  ce 
Temple  sur  une  espèce  d'autel  ou  de  table  de  cannes,  et 
•couvert  d'une  natte  très  fine  travaillée  fort  proprement  ,.'n 
carreaux  rouges  et  jaunes  avec  l'écorce  de  ces  mêmes 
cannes.  Le  cadavre  du  Chef  est  exposé  au  milieu  de  cette 
table,  droit  sur  ses  pieds,  soutenu  par  derrière  par  une 
longue  perche  peinte  en  rouge,  dont  le  bout  passe  au-dessus 
de  sa  tête,  et  à  laquelle  il  est  attaché  parle  milieu  du  corps 
avec  une  liane.  D'une  main  il  tient  un  casse-tête  ou  une 
petite  hache,  de  Vautre  une  pipe  ;  et  au-dessus  de  sa  tête 
est  attaché,  au  bout  de  la  perche  qui  le  soutient,  le  calumet 
le  plus  fameux  de  tous  ceux  qui  lui  ont  été  présentés 
pendant  sa  vie.  Du  reste  cette  table  n'est  guère  élevée  de 
terre  que  d'un  demi-pied  ;  mais  elle  a  au  moins  six  pieds 
de  largeur  et  dix  de  longueur. 

C'est  sur  cette  table  qu'on  vient  tous  les  jours  servir  à 
manger  à  ce  Chef  mort,  en  mettant  devant  lui  des  plats 
de  sagamité,  du  bled  grolé  ou  boucané,  etc.  C'est  là  aussi 
qu'au  commencement  de  toutes  les  récoltes  ses  sujets  vont 
lui  offrir  les  prémices  de  tous  les  fruits  qu'ils  peuvent  re- 
cueillir. Tout  ce  qui  lui  est  présenté  de  la  sorte  reste  sur 
cette  table  ;  et,  comme  la  porte  de  ce  Temple  est  toujours 
ouverte,  qu'il  n'y  a  personne  préposée  pour  y  veiller,  que 
d'ailleurs  il  est  éloigné  du  vill".- ,  d'un  grand  quart  de 
lieue,  il  arrive  que  ce  sont  ordinairement  des  étrangers, 
chasseurs  ou  sauvages,  qui  profitent  de  ces  mets  et  de  ces 
fruits,  ou  qu'ils  sont  consommés  par  les  animaux.  Mais 
cela  est  égal  à  ces  sauvages  ;  et,  moins  il  en  reste  lorsqu'ils 
y  retournent  le  lendemain,  plus  ils  sont  dans  la  joie  disant 
que  leur  Chef  a  bien  mangé,  et  que  par  conséquent  il  est 
content  d'eux,  quoiqu'il  les  ait  abandonnés.  Pour  leur 
ouvrir  les  yeux  sur  l'extravagance  de  cette  pratique,  on 
a  beau  leur  représenter,  ce  qu'iU  ne  peuvent  s'empêcher 
de  voir  eux-mêmes,  que  ce  n'est  pas  ce  mort  qui  mange  ; 
lils  répondent  que  si  ce  n'est  pas  lui,  c'est  toujours   lui    au 


138 


ETUDE 


moins  qui  oftVe  à  qui  il  lui  plaît  ce  qui  a  été  mis  sur  la. 
table  ;  qu'après  tout  c'était  )a  prutique  de  leur  père,  de 
leur  mère,  de  leur  parents  ;  qu'ils  n'ont  pas  plus  d'esprit, 
qu'eux,  et  qu'ils  ne  sauraient  mieux  faire  que  de  suivre 
leur  exemple. 

C'est  aussi  devant  cette  table,  que,  pendant  quelques 
mois,la  veuve  du  Chef,  ses  enfants,  ses  plus  proches  parents,, 
viennent  de  temps  en  temps  lui  rendre  visite  et  lui  faire 
leurs  harangues,  comme  s'il  était  en  état  de  les  entendre. 
Les  uns  lui  demandent  pourquoi  il  s'est  laissé  mourir  avant 
eux.  D'autres  lui  disent  que  s'il  est  mort  ce  n'est  point  de 
leur  faute  ;  que  c'est  lui-même  qui  s'est  tué  par  telle  débau- 
che ou  par  tel  effort  ;  enfin,  s'il  y  a  eu  quelque  défaut 
dans  son  gouvernement,  on  prend  ce  temps-là  pour  le  lui 
reprocher.  Cependant  ils  finissent  toujours  leur  harangue,, 
en  lui  disant  de  n'être  pas  fâché  contre  eux,  de  bien  man- 
ger, et  qu'ils    auront  toujours  bien  soin  de  lui.  " 


L.\  CREMATION. 

Cette  cérémonie  mortuaire  est  vieille  comme   le  monde» 

C'était  par  une  sereine  journée  d'automne,  sous  le  bleu 
ciel  d'Italie.  On  préparait  un  bûcher  sur  le  rivage,  à 
l'ombre  des  noires  forêts  qui  bordent  la  Méditerrannée. 
D'un  côté  la  magnifique  baie  rie  Spezzia  ;  de  l'autre  une 
antique  ville  latine  ;  en  face,  des  groupes  d'îles  verdoyantes 
comme  des  corbeilles  de  fleurs  flottant  sur  l'onde  ;  partout 
une  nature  vaste,  radieuse,  favorable  à  l'inspiration. 

Le  feu  sacré  s'allumait  pour  des  rites  funèbres  ;  on 
roulait  dans  le  brasier  des  troncs  d'arbre .«,  des  débris  de 
naufrage  ;  on  préparait  l'encens  et  le  vin  du  sacrifice. 

Pour  qui  donc  ce  bûcher  /  Est-ce  pour  un  guerrier 
Etrusque,  quelque  explorateur  fameux  de  Carthage, 
englouti  par  le  perfide  élément,  quelque  navigateur  de  Tyr 
ou  de  Sidon,  victime  des  fureurs  de  Neptune,  ou  un  com- 
patriote de  Menœachus  ou  d'Archemorus  occis  pendant  la 
guerre  deThèbes  /    Nullement,  messieurs  les  historiens  et 


m 


LES   ABORIGENES   D'aMERIQUK 


139 


;,   a 

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archéologues.  Nous  ne  sommes  ni  dans  l'âge  préhistorique 
ni  aux  temps  moins  reculés  mais  encore  obscurs  où  une 
louve  bienveillante  allaitait  deux  enfants  sur  le  mont 
Palatin.  Nous  sommes  en  plein  dix-neuvième  siècle.  La 
scène  se  passe  à  Villa  Reggio,  près  de  Livcurne.  Et  vous, 
messieurs  les  poètes,  (i)  ne  soyez  pas  trop  scandalisés  si 
l'on  vous  dit  ce  qui  advint,  en  septembre  1S22,  aux 
restes  d'un  des  vôtres,  l'illustre  poète  ShcUey,  après  son. 
fatal  naufrage  sur  la  Méditerrannée, 

Oui  de  vous  a  oublié  que  Lord  Byron,  accompagné  de 
Leigh  Hunt,  Trelawney,  le  capitaine  Shenley  et  un  autre 
ami,  confia  aux  flammes  la  dépouille  meurtrie  de  son 
malheureux  ami,  Percy  Bysshe  Shelley,  noyé  dans  la  baie 
de  Spezzia  ? 

Est-ce  que  cet  exemple  donné  par  le  pocte  anglais 
porterait  ses  fruits  de  nos  jours  ? 

Tout  récemment  la  pres.se  des  Etats-Unis  abondait  en 
détails  sur  les  cas  de  c?émation  qu'un  célèbre  médecin 
français  [2]  tentait  naguère  à  Washington,  où  i'  avait  établi 
à  grands  frais  un  laboratoire  icrematorium)  pour  cet  objet 
(3)  Les  journaux  de  Londres  signalaient  récemment  au 
delà  de  cent  cas  de  crémation  d«ns  le  Royaume-Uni. 

Revenons  à  nos  sauvages. 

La  crémation  est  un  procédé  usité  non  seulement  parmi 
les  tribus  sauvages  à  l'ouest  des  Montagnes  Rocheuses, 
mais  parmi  celles  qu  sont  groupées  à  l'est.  Elle  était  en 
honneur  chez  les  Grecs,  les  Romains,  les  peuples  asiatiques. 
Elle  menace  même  de  s'introduire  chez  les  moderries.  Bien 
qu'il  existe  de  l'aiialogie  entre  cette  pratique  chez  les  anciens 
et  chez  les  peuplades  de  l'Amérique  du  Nord, elle  en  diffère  à 


[I]  n  no  faut  jiiis  ouhlior  i|uo  les  poi'tes  les  jilua  (lisitii«iU'S  iln  ("an.id.i,  MM.  Fri'-clu'tte, 
Suite,  Li'iiiiiy  et  Marchand,  font  pnrtip  de  \n  prpiniiTe  goctiondp  l.i  Société  Hovidi'. 

ii)  Le  I>r.  .Tuli-s  Ix-innym',  récpinnient  décédé  i'i  Wagliinifton. 

[:{]  Lo  ^  mai  cournnt,  on  faigiiit  subir  lu  crémation  à  Washington  aux  restes  mortel» 
du  profescnr  Samuel  (i.  (îross. 


I40 


ETUDE 


certains  points.et  donne  lieu  à  d'intéressantes  dissertations. 
Schoocraft,  (i)  Stephen  Powo;,  (2)  Ross  Cox,  (3)  Henry 
Gilman,  (4)  A.  S.  Tift'any,  onv  tour  à  tour  jeté  du  jour  sur 
cette  question. 

Chez  certains  peuples,  on  attendait  sept  ou  huit  jours 
avant  d'allumer  le  bûcher,  afin  de  donner  le  temps  aux 
parents  de  bien  constater  l'identité  du  mort.  Chez  d'autres 
on  brûlait  avec  le  cadavre  tout  ce  qui  avait  appartenu  au, 
défunt  ;  puis  on  enfouissait  les  cendres  dans  un  trou. 

Henry  Gilman  signale  la  découverte  d'un  tertre,  en 
Floride,  rempli  de  restes  humains,  et  où  des  crânes  avaient 
été  réservés  pour  lecueillir  les  cendres.  On  ne  voyait  sur  ces 
crânes  aucune  trace  de  feu.  Chez  certaines  tribus  de  l'Oré- 
gon,  la  crémation  des  cadavres  était  l'occasion  d'afitVeux 
traitements  pour  les  veuves  des  morts.  Elles  étaient  tenues 
de  recueillir  les  restes,  de  les  envelopper  dans  de  l'écorce, 
et  de  les  porter  sur  leur  dos  pendant  plusieurs  années. 
Elles  devenaient  comme  les  esclaves  de  la  tribu  dont  elles 
subissaient  les  mauvais  traitements,  au  point  qu'elles 
cherchaient  quelquefois  dans  le  suicide  un  ternie  à  leurs 
maux.  Selon  ces  barbares,  le  feu  du  bûcher  avait  pour 
effet  de  dégager  du  corps  l'âme  qui  s'élevait  avec  la  fumée 
vers  le  soleil,  et  qui  regagnait  les  régions  fortunées  dans 
l'ouest. 

SÉPULTURES  AÉRIENNES   DANS   LES    ARBRES    OU  SUR  DES 

ÉCHAFAUDS 


Ce  mode  de  sépulture  est  fort  usité,  même  de  nos  jours, 
parmi  certaines  tribus  de  Sioux  et  de  Dakotas. 

On  place  les  cadavres,  couchés  sur  le  dos  et  emmaillotés 
dans  des  peaux  ou  des  couvertures  assujetties  par  des 
lanières,  dans  des  arbres,  si  les  rameaux  offrent  de^  ap- 
puis convenables  ;  et  l'on  n'a  recours   à  des  échafauds  que 


[1]  Hist.  IndinnTrihos  nf  tho  Unite.l  States,  1854,  Part  IV,  p.  224. 

[•i]  Cont.  to  X.  A.  Etluiol,  1877,  t.  III,  p.  341. 

L3]  AdventureB  du  tho  Columbia  Hiver,  1M31,  t.  H,  p.  387. 

[4]  American  Xaturalist,  Xovomber,  1878,  p.  7J3. 


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LES  ABORIGÈNES  D'AMÉRIQUE 


141 


lorsqu'il  n'y  a  pas  d'arbres  dans  le  voisinage.  Ces  écha- 
fauds  sont  des  objets  sacrés,  et  quand  une  tribu  ennemie 
ne  les  respectait  pas,  la  mort  des  coupables  seule  expiait 
l'offense.  Quand  le  cadavre  a  passé  deux  ans  ainsi  exposé, 
quelquefois  on  le  met  en  terre.  Ce  sont  des  femmes — les 
femmes  les  plus  âgées — qui  se  chargent  de»  préparatifs  de 
l'inhumation  et  du  deuil. 

M.  William  J.  Cleveland  a  fourni  une  description  fort 
détaillée  de  ce  genre  de  sépulture  chez  une  tribu  de  Sioux,. 
au  Nébraska. 

Il  y  ajoute  des  détails  très  intéressants  sur  une  autre 
coutume  funéraire  de  ces  peuplades,  laquelle,  sans  être  gé- 
nérale, nous  semble  fort  curieuse.  Il  la  nomme  kccpiug  the 
^//^j'/,  ce  qui  pourrait  se  traduire  pa.r  couscn'L'r  V esprit  du 
mort.  L'on  enlève  du  crâne  du  trépassé  un  peu  de  che- 
veux que  l'on  enveloppe  dans  un  morceau  d'indienne  ou 
autre  tissu,  jusqu'à  ce  que  ie  rouleau  atteigne  au  moins 
deux  pieds  de  longueur  et  dix  pouces  en  diamètre  ;  puis 
l'on  enferme  le  tout  dans  un  étui  fait  de  peaux,  badi- 
geonné en  couleurs  variées  et  voyantes.  On  dépose  l'étui 
sur  deux  supports  croisés  comme  suit  :  A^ —  -  A',  en  face 
d'une  hutte  réservée  à  cet  objet.  On  accumule  dans  cette 
hutte  des  offrandes  de  toute  espèce  que  l'on  distribue  en 
dons,  lorsqu'il  y  en  a  suffisamment.  Quelquefois  il  s't'coule 
une  ou  plusieurs  années  avant  cette  dernière  cérémonie. 
On  entasse  les  offrandes  en  pile,  à  l'extrémité  de  la  hutte. 
Elles  ne  doivent  pas  être  dérangées  avant  le  moment  de 
leur  distribution.  Les  hommes  et  les  enfants  màlcs  sont 
seuls  admis  dans  cette  hutte,  hormis  l'épouse  du  d  funt,  à 
qui  il  est  permis  d'y  pénétrer,  pourvu  que  ce  soit  de  grand 
matin.  Les  hommes  peuvent  y  entrer  pour  fumer  et  cau- 
ser. Les  femmes  sont  tenues  de  verser  la  cendre  de  leur 
pipe  au  centre  de  la  hutte  ;  et  elle  y  demeure  intacte,  tant 
que  la  distribution  des  offrandes  n'a  pas  eu  lieu.  Ceux 
qui  mangent  en  ce  lieu  n'oublient  jamais  de  aéposer  quel- 
ques mets  sous  l'étui  mortuaire,  pour  l'esprit  du   trépassé. 


kîs 


142 


ÉTUDE 


f 


Il  n'est  loisible  à  personne  d'enlever  ces  comestibles,  à 
moins  d'y  être  contraint  par  la  faim  ;  en  ce  cas,  il  est  même 
permis  à  un  e'tranger  qui  ne  connaissait  pas  le  défunt 
d'enlever  ces  metb. 

L'époque  de  la  distribution  venue,  les  amis  du  défunt 
ainsi  que  ceux  qui  doivent  avoir  leur  part  des  présents, 
sont  convoqués  à  la  hutte,  et  le  gardien — généralement 
un  proche  parent — leur  distribue  les  dons.  Le  rouleau 
contenant  les  cheveux  du  mort  est  ouvert,  et  l'on  ajoute 
aux    offrandes  quelques    petites  mèches    de  ces  cheveux. 

La  cérémonie  se  répète  quelquefois  à   diverses    reprises. 
Tout  lo  temps  qui  précède  la  distribution  des  cheveux,  la 
hutte,  aussi  bien  que  le    rouleau,  est    regardée    comme  un 
objet  sacré,    mais  pas  au  delà.    Il    semble    que  les  parents 
et    amis    du  défunt    ne  veulent  ni   voir    ni    retenir    aucun 
objet  en  leur  possession  qui  aurait  appartenu  au  mort  i)en- 
dant  sa  vie,  et  qui  leur  en  rappellerait  le  souvenir.  On  di- 
rait  qu'il  s'agit  de    bannir    aussi  vite  que  possible  la  mé- 
moire du  trépasse     M.  Cleveland  ajoute    nonobstant  qu t.- 
ces  Indiens  croient  tous  que  chacun  est   doué  d'un    esprit 
qui  survit  à  la  dissolution  du  CDrps  ;  le  corps  meurt,    mais 
l'esprit  se  réunit,  dar.s  le  paj's    des  âmes,    aux    autres    es- 
prits amis  qu'il  a  connus  en   ce  monde.  Pour  eux    la    mort 
est  un  profond  sommeil.  "  Il  s'est  endormi   à  telle  ou  telle 
époque,"  vou'j  diront-ils,  en  parlant  des    morts  ;    mais  ces 
coutumes  comme  bien  a'autres  s'affaiblissent  sensiblement. 
'   Les  Dakotas  confient  leurs  morts  aux  cimes  des  arbres, 
quand  les  rameaux  inférieurs,  ne  leur  offrent  pas  des  appuis 
convenables,"  dit  le  Dr  L.  S.  Turner,  chirurgien  dans  l'armée 
américaine,  et  qui  a  passé  six  années  de  sa  vie  parmi  ces 
sauvages.  "  Dans  tout  le  cours  de  mon  existence,  ajoute-t-il, 
j'ai  vu  peu  de  chose  de  plus  navrant  que  le  spectacle  d'un 
des  anciens  de  la  tribu  s'acheminant,  chaque  jour,  au    dé- 
clin du  soleil,  vers  la  tombe  de  son  enfant,  et  donnant 
libre  cours   à  sa  douleur   avec   des   accents  à  fendre  les 


Li:S   AHOKIGÈNES   D'AMÉKIQUK 


143 


lUIS 

ice 

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jnt 
les 


pierres  ;  puis  de  voir,  à  la  nuit  tombante,  le  vieillard 
attristé  reprendre,  comme  un  morne  fantôme,  le  sentier 
qui  le  ramène  à  son  wigwam  solitaire.  Quelquefois  il  y 
avait  à  ce  tableau  une  teinte  de  tristesse  additionnelle,  c'est 
lorsque  je  voyais  u:i  père  inconsolable  allumer  en  sanglo- 
tant un  petit  feu  sous  la  tombe  aérienne  de  son  fils,  puis 
interrompre  ses  lamentations  pour  fumer  en  silence." 

Au  reste,  messieurs,  ces  tombeaux  aériens  mollement 
bercés  par  le  zéphir,  sous  la  verte  ramée  des  bois,  le  poète 
Delille  vous  les  a  fait  connaître  encore  mieux  que  ne  le 
sauraient  faire  les  archéologues  de  l'Amérique  entière  : 

'■   I.^,  (l'un  fils  (|ui  iTi'st  lilii!',  lu  tcml.iv  iihtc  o:i  di'tiil 
A  «li's  nimi'aux  voi  qiis  vient  iicinlrc  le  cinnii'il. 
Kli  :  (nii'I  soin  imiivait  iiiii'iix  l'iiiisojor  sa  .ii'uir>  oinliro  ! 
Au  lii'ii  (rrti-i"  riit'iTiiir'  ilaiij  la  ili'mrui'r  Hiir.ibro, 
Simpi'iKlu  sur  la  tcriv  et  n'ijardant  les  li.ux, 
(^uoiiiuf  mort,  di's  vivants  il  attire  Ir.s  y.  ux. 
liA,  souvent  mius  le  lils  vient  rciidser  le  père  ; 
I/i,  8i"S  S'i'urs  en  pli'Uiant  aceoinpai^nent  leur  niO're  , 
Ij'oIsv'uu  viout  y  cliaiiter,  l'arlire  y  vim>ii'  des  pieu!'', 
Lui  prête  son  aliri,  l'i^inliaunu'  de  ses  iletirs  ; 
Des  premiers  (eux  du  ,iour  sa  tcindie  se  colore  ; 
Jies  doux  zéphirs  du  soir,  )e  doux  vent  d;!  l'aurore, 
lîalancent  mollement  ee  \>rri  ieux  tard  'ae., 
Kt  sa  tiunlie  riante  l'st  eiuore  un  liiu'ei'au  . 
De  l'anuiur  maternel  iUusi'iu  tnuelianto  :  " 

Messieurs,  je  crains  avoir  dépassé  les  limites  que  j'ai  dû 
me  tracer  pour  cette  conférence,  et  cependant  je  n'ai  fait 
qu'effleurer  mon  sujet. 

Sans  prétendre  vous  avoir  ouvert  en  cette  matière  de 
nouveaux  horizons,  j'ai  cru  que  le  temps  était  venu 
d'attirer  votre  attention  sur  les  études  faites  par  des 
archéologues  américains,  ainsi  que  sur  les  intéressantes 
recherches,  de  même  que  sur  les  travaux  importants  de  ce 
groupe  de  savants  et  d'antiquaires  alimentés  par  le  Bnnan 
(V Etlinologic  dans  la  république  voisine,  et  auxquels  le 
iSmifhsoniau  Itistitutc  de  Washington  prête  son  prestige 
et  sa  puissante  protection. 

Bien  que  l'archéologue,  au  Canada,  soit  privé  de  bien 
des  avantages  accessibles  à  son  confrère  des  Etats-Unis,  il 
n'est  pas  tout  à  fait  sans  ressources,  sans  aide.  L'explo- 
ration géologique  et  scientifique  de  notre  sol,  qui  se  pour- 
suit sans  relâche  chaque  année,  les  rapports  publics  par  le 


•44 


ÉTUDE 


bureau  des  sauvages,  sur  l'état  des  races  indiennes,  voilà 
des  sources  de  renseignements,  une  coopération  toute 
acquise,  qu'il  ne  saurait  négliger.  L'idée  heureuse  du 
marquis  de  Lornc  de  doter  cette  Société  d'un  musée 
national,  à  Ottawa,  où  seront  recueillis  les  antiquités,  les 
monuments,  les  reste  des  races  primitives,  aussi  bien  que 
des  spécimens  d'histoire  naturelle,  va  nous  assurer  des 
facilités  nouvelles  pour  étudier  chaque  phase  de  notre 
mystérieux  pa^sé. 

Avec  l'intelligence  que  Dieu  nous  a  départie,  les  ensei- 
gnements puisés  dans  nos  lycées,  et  l'amour  de  la  science 
implanté  dans  nos  cœurs,  rien  n'empêche  que  cette  société 
n'emboîte  au  moins  le  pas  derrière  la  florissante  association 
que  James  Smithson  fondait  à  Washington  en  1846 — dans 
la  voie  du  progrès  intellectuel  et  des  découvertes  curieuses 
ou  utiles  qui  distinguent  si  éminemment  l'époque  où  nous 
vivons. 


Ll]  Depuis  (luo  ii's  li^'uis  ont  ùfi'^  tnu'ùi-s,  un  savant  distintiui',  31.  Mattliew,  iln  Saiiit- 
jL'iin,  X.-H.,  viiut  (11!  i^ittnalcr  l:i  ilùcouvciti!  d.s  iiiiiios  irunc  Ijnui'k'adc  iuilieniu',  sur  les 
rivca  di!  lu  riviiro  liofaliro,  dans  1«'  Xouvoau-Jli  unswirk,  (jui  dato  do  ràyo  iiréliistoriqm;. 
Ij'onulit  dili'Lfui'  ili'  la  Sociéfi'  IIistori(|iii'  do  AVinniini;,  lo  imifossour  liryci',  imiitionni! 
dos  soimltuios  indionnos  au  Manitoba,  ilo  l'àiro  dos  hmitiul  liHililt:):'!,  et  le  Canada  savant 
attend  avoo  inipationoo  la  i)ul)lioati(>n  di'a  roclierolies  du  lli' .f.-.C  Tacliù  s-ir  los  séiml- 
turol  indiennes  découvertes  pur  lui  sur  les  rives   du  lac  Sinicoe. 


Si' 


I 


L'A.s;socicition  T3ritaiii:iique pour 
le  progrès  des  Sciei^ces;. 


On  trouve  dans  le  journal,  le  Star,  iniblié  à  Montréal,  la  liste 
suivante  des  membres  du  Bureau  de  Uirection   ou  des   olliciers 
des   diverses  sections  de  l'association,  réunis  en  congrès  scienti 
tiques  à  Montréal,  le  27  août  1SS4. 

La  réunion  comptait  au-delà  de  mille  personnes. 

Président— The  Right  Hon.  the  Lord  Rayleigh,  M  A,  D  C 
L  F  R  S,  F  R  A  S,  F  R  G  S,  Professor  of  Expérimental 
Physics  in  the  University  of  Cambridge. 

Vice-Presldents  — His  Fxcellency  thc  Govcrnor-General  of 
Canada,  G  C  M  G,  the  Right  lion  Sir  John  Alexander  ^Licdonald 
KGB,  D  C  L,  the  Right  Hon  Sir  Lyon  Playfair,  KGB, 
LL  D,  F  R  S  li  and  E,  the  Hon  Sir  Alexander  Tilloch  Galt, 
G  C  M  G,  D  C  L,  the  Hon  Sir  Charles  Tupper,  K  C  M  G, 
Sir  Joseph  Dalton  Hooker,  K  C  S  I,  C  B,  M  D  D  C  L,  LL  D, 
F  R  S,  the  Hon  Chief  Justice  Sir  Antoine  Aimé  Dorion,C  M  G, 
the  Hon  Pierre  J  O  Chauveau,  LL  D,  Principal  J  W  I^'anson, 
C  M  G,  M  A,  LL  D,  F  R  S,  F  G  S,  Professor  Edward 
Frankland,  M  D,  L)  C  L,  Ph  D,  F  R  S,  F  C  S,  Mr  Wm  Haies 
Kingston,  M  D,  Mr  T  Sterry  Hunt,  M  A,  D  Se,  LL  D,  F  R  S, 

Cieneral  treasurcr — Professor  A  W  Williamson,  Ph  D,  \A^  i). 
F  R  S,  who  will  be  represented  in  Montréal  by  Professor  ]  S 
Burdon  Sanderson,  M  1),  LL  D,    F  R  S. 

General  secretaries-Capîain  Douglas  Galton,  (1  t>,  !)(.'!, 
F  R  S,  F  L  S,  F  G  S,  F  R  G  S,  A  G  Vernon  ifarcoiirt,  :\  \ 
F  R  S,  V  P  C  S. 

Secretary — Professor  T  G  Bonney,  D  Se,  F  R  S,  i  '  S  \ 
Près  G  S 

Local  secretaries  t"or  the  meeting  at  Montréal  r  S  K  i  'awson, 
Mr  R  A  Ramsay,  Mr  S  Rivard.  Mr  S  C'  Stevenson  aiiJ  Mr  'l'hos 
^Vhite,  M  \'. 

Local  trcasurer  for  ihe  meeting  at  Montréal  :  Mr  [•"  W'olfi.'rst.in 
i'homas. 

The  sections  are  the  foUowing  :  — 

A.  —  Mathematical  and  Physical  Science  — Président,  Professer 
Sir  William  Thomson,  M  A,  I.L  D,  I)  C  L,  F  R  S  L  Oc  K, 
F  RAS:  vice-présidents,  Professor  J  B  Cherriman,  .\[  A  :  ] 
W  L  Glaisher,  M  A,  F  R  S,  F  RAS;  secretaries,  Charles  li 
Carpmael,  M  A  ;  Professor  Alex  Johnson.  M  A,  LL  D  :  Pro 
fesser  O  J  Lodge,  D  Se  j  D  MacAlister,  M  A,  M  B,  B  Se.  f  Re- 
corder/ 


10 


14^ 


l'association  britannique 


B.  — Chemical  Science— Président,  Professer  H.  E.  Roscoe, 
Ph  1),  I  L  D,  V  R  S,  F  C  S  ;  vice-présidents,  Professer  Dewar, 
M  A,  F  R  S,  F  C  S  ;  Professer  13  J  Harrington,  B  A,  Ph  1)  ; 
secrcturies,  Professor  P  Phillips  Bcdson,  U  Se,  F  C  S  f'Recor- 
dcr)  ;  H  B  Dixon,  M  A,  F  C  S  ;  T  Macfarlane  ;  Professor  W  H 
Pike. 

C  -  (îeology— Président,  W  T  lîlanford,  F  R  S,  Sec  G  S, 
F  R  (i  S  ;  ^'icc-Presidents,  Professor  T  Rupert  Jones,  F  R  S. 
F  G  S  ;  A  R  C  Selwyn,  M.  D,  F  R  S,  F  G  S  ;  Secretaries,  F 
Adanis,  B  Ap  Se  ;  G  M  Dawson,  D  Se,  F  G  S  ;  W  Topley. 
F  G  S  r  Recorder)  ;  W  Whitakcr,  lî  A,  F  G  S. 

l)—15iology— Professor  H  N  Mosely,  M  A.  F  R  S,  F  L  S, 
F  R  (i  S,  F  Z  S  ;  Vice  Présidents,  W  h  Carpentex  G  B,  M  D, 
J.  I),  F  R  S,  F  L  S,  F  G  S  ;  Professor  George  Lawson,  l'h  L>, 
1,1.  ])  ;  Secretaries,  Professor  W  Osier,  M  D  ;  Howard  Saun- 
dcrs.  ]•"  L  S,  1'  Z  S  f  Recorderj  ;  A  Sedgwick,  B  A  ;  Professor 
k  Kanisay  AVright,  M  A,  B  Se. 

!•; — Geographv — Président,  General  Sir  J  M  Lefroy,  BC; 
K  C  M  C,  F  RS  ;  F  S  A,  Vice  Président  R  G  S  ;  Vice-Hre- 
sidents  Colonel  Rhodes,  P  i.  Sclatcr,  M  A,  Ph  U,  F  R  S, 
\'  1.  S,  F  G  S,  F  R  G  S  ;  Secretaries,  R  Bell,  M  D,  LL  D, 
("r  )'■  G  S  ;  Rev  Abbe  Latlammc  ;  F  G  Ravcnstein,  F  R  S  ; 
Î-:  C  Rye,  F  Z  S  ^  Recorder). 

F — Ixononiic  Science  and  Statistics — Président,  Sir  R  Tem- 
])le  P,art,  G  C  S  I,  C  I  F,  I)  C  L,  LL  D,  F  R  G  S  ;  Vice-Pre 
sident,  J  B  ALirtin,  I\I  A,  F  S  S  ;  Professor  J  Clark  Murray, 
LL  1)  ;  Secretaries,  Professor  H  S  FoxwcU,  M  A,  F  S  S  ;  J  S 
McLennan,  B  A  ;  Constantine  INIolly  (Recorder  ;  Professor  J 
Watson,  M  A.  LL  1). 

G  -  Mechanical  Science — Président,  Sir  F  J  Bramwell,  F  R 
S.  M  Inst  C  E  ;  vice-présidents,  Profesior  H  T  Bovey,  M  A  ; 
P  G  J]  Westmacott,  M  Inst  G  K  ;  secretaries.  A  T  Atchison, 
M  A.  C  1*:  ;  J  Kennedy,  C  E  ;  L  Lesage,  C  V.  ;  H  T  Wood, 
IJ  A  (recorder). 

li—Anthropology- Président,  E  B  Tylor,  D  C  L,  LL  D, 
F  R  S;  vice  jiresidents,  Professor  W  Boyd  Dawkins,  M  A, 
['  R  S,  F  S  A,  F  G  S  .;  Professor  Daniel  Wilson,  LL  D,  F  R 
S  1",  ;  secretaries,  G  W  Bloxom.  M  A  ;  F  i/  S  (recorderj  ;  Rev  J 
Campbell,  M  A  ;  Walter  Hurst  B  Se  ;  J  M  LeMoine. 


S*'  ;.;* 


Roscoe, 
>r  Dewar, 
l,  Ph  1)  ; 

fRecor- 
iov  W  H 

5ec  G  S, 
,  ¥  R  S. 
taries,  F 
'  Topley. 

%  V  L  S, 
E,  M  D, 

n,  Ph  L», 
rd  Saun- 
Prolossor 

)>•,  BC; 
Vicc-Pre- 
F  R  S, 
),  LL  D, 
T'    R   S  ; 

R  Tem- 
rice-Pre 
[  Murray, 

S;  JS 
)fessor  J 

;11,    F  R 

Y,  NI  A  ; 

tchison, 

Wood, 

LL  D, 
s,  M  A, 
D,   F  H 

1:  Rev  J 


II  PARTIE 


ESQUISSES 


i;.       fi 


A  Mox^lKi  :K' 


BEiXjAMiN   SULTE 


l'RKSIDENT 


Prcmià-c  SccH.,n  de  h  S.ciélc  Royale 


DU  CANADA 


d    91t.    !?i»cnjaniiit   SiiTlv 

Historien,  Antiquaire,  Poï/f,  (te. 


"  ,1'aiini'  los  sDuvi'iiirî!  r\<).|iH'^  par  l'iiistiiirc, 
<)i"i  le  patriotiMiiii',  l'iiiliiriiii  do  nos  jour!', 
Se  raiiiiiu'  soudain  à  co  foyer  do  gluir".  •' 

[SL'I/I'K,   "  I.Lïi  i'IONXlhUS  ■'.! 

Cher  Antiquaire, 

Il  ne  serait  peut-être  p  is  satis  intérêt  de  jeter  un  c  )up- 
d'œil  sur  les  premiers  établissements  et  défrichements  aux 
environs  de  la  plus  ancienne  cité  du  Canada,  afin  do  réunir 
en  un  seul  dossier,  comme  matériaux  pour  l'histoire,  les 
noms  des  hommes  marquants  qui,  pendant  le  siècle  et 
demi  que  dura  la  domination  française,  devinrent  «jrands 
propriétaires  autour  de  Québec. 

Pour  se  guider  dans  cette  étude,  on  a  les  cahiers  de  l'In- 
tendance, les  papiers-terriers,  les  vie  lies  cartes  et  anciens 
plans,  les  réfjistres  du  domaine  public,  les  patentes 
anglaises,  h'S  archives  d'Ottawa  et  de  Québec  :  ces  arcliives 
compulsées  avec  soin,  nous  fourniraient  d.e  singulières 
révé'ations. 

A  part  les  courmunautés  religieuses  :  les  Récollets,  les 
Jésuites,  les  Dames  (Jrsulines,  les  Hospitalières,  le  Séin- 
naire  des  Missions  Etrangères,  que  l'on  rcnco'itre 
comme  concessionnaires  du  domaine  du  roi  de 
France  ou  des  grandes  compagnies,  monopoles  îu 
commerce,  si  vous  l'aimez  mieu.v,  et  éternels  cauche- 
mars le  il  Nouvelle-France,  l'on  rencontre,  dis-je, 
une  foule  de  noms  qui  nous  reportent  au  berceau,  à  l'âge 
mur  ou  à  la  décadence  de  la  colonie  française.  Nommons  le 
Dr  Robert  Gififard,  le  seigneur  de  Beauport,  en  1634  ;  le 
Commandeur  de  Sillery,  Noël  Brulart,  le  généreux  fonda- 
teur de  Sillery,  en  1637  ;  Pierre  Puyseau,  seigneur  de  Ste- 
Foye,  en  1641  et  du  fief  Saint-Michel  vendu  plus  tartl   à 


152 


IJKNÎAMIN   SULTL 


Noël  Juchereau  des  Chatelets  ;  le  Procureur  Général  Ruette 
d'^V  teuil,  Jean  Juchereau  de  la  Ferté,  Jean  Juchereau  de 
More,  seit^neurs  des  Hefs  dans  le  voisinage  de  Sillery  ;  le 
gouverneui'  Dailleboust,  seigneur  du  fîef  Coulonge,  à 
Sillery,  subséquemnient  vendu  aux  Messieurs  du  Sémi- 
naire ;  MM.  Repentigny,  Joaquin  dit  Thilibert  en  1740, 
{est-ce  le  Philibert  qui  en  1735,  posait  à  Québec  la  pre- 
mière pierre  du  Cldcn  d'or  /)  ;  Joseph  Gaspard  Chausse- 
gros  de  Lery,  en  1762 — tous  grands  propriétaires  à  Sillery, 
le  botaniste  Gomin  ;  l'cvcque  de  Québec,  Pierre  Herman 
Dosquet.  Le  Sieur  de  Gaudarville  était  également  pro- 
priétaire d'une  seigneurie,  à  l'ouest  de  Sillery,  à  laquelle  il 
légua  son  nom. 

Puis  l'on  trouve  le  comte  de  Talon,  célèbre  intendant, 
Baron  d'Orsainville,  fier  de  ses  vastes  domaines  à  Char- 
lesbourg,  à  Ste-Foye  ctc  ;  Louis  de  Lauzon  concession- 
naire du  fief  de  la  Citière  et  d'un  autre  fief  au  Cap  Ivouge  ; 
Simon  LeMaître,  propriétaire,  en  1636,  de  cette  vaste 
côte  di  Laitzon  vis-à-vis  Québec,  plus  tard  acquise  par  le 
Col.  II.  Caldwell.  Les  rives  fertiles  de  la  Chaudière  sont 
partagées,  en  1736,  de  par  le  roi,  entre  les  sieurs  Rigaud 
de  Yaudreuil.  Thomas  Jacques  Taschercau  et  Fleury  de 
la  Gorgendièrc,  tous  bons  et  loyaux  sujets.  Jean  Bourdon, 
génie  universel,  arpenteur  et  ingénieur  en  ^hef,  géographe 
tt  grand  voyageur,  plus  tard,  procureur-général  de  la 
Nouvelle-France,  se  fait  inscrire  pour  de  jolis  fiefs  dans  la 
banlieue:  le  fief  Saint  l-'rançois,  vers  Ste-Foye,  Saint- 
Jean,  près  du  coteau  Sainte-Geneviève,  site  de  la  vieille 
chapelle,  où  il  était  tenu  de  construire  un  petit  fort  pour 
bombarder  les  Iroquois. 

Messire  Jean  LeSueur,  son  ami,  ancien  curé  de  Saint- 
Sauveur,  en  Normandie,  obtenait  en  16^-^  et  en  1653  à 
l'emplacement  de  l'ancienne  commune  d  ^uébec,  déclarée 
inutile,  deux  fiefs — au.xquels  il  légua  le  nom  de  son  ancienne 
cure — Saint    Sauveur.     Le    "     vénérable   et    discret     (i) 


|1J    l'.'rm  "<  il  '  su  p:iti'ntc' 


ESQUISSES 


153 


Int- 
3  à 

Irce 
Ine 


aumônier  «les  Hospitalières  raftolait  du  siwrt.  Grand 
pêcheur  de  saumon,  au  rapport  du  Journal  t/is  ycsiiitts,  il 
se  choisit  sur  fief  un  les  rives  de  la  poisonneu.->e  rivière  St- 
Charles. 

Est-ce  que  la  florissante  jeune  paroisse  de   St-Sauveur, 
pour  perpétuer  le  nom  et  les  goûts  de  son  digiie  fondateur 
ne    devrait    pas    fonder     un    club   de   pêche  —  le    club 
LeSueur  ? 

Jean  Taché,  '  Syndic  des  marchands,  "  "  l'homme 
intègre  et  d'esprit  "  des  anciennes  mémoires,  avait  une 
belle  terre  à  Ste-Foye,  plus  tard,  "  IioUand  Farm,  "  sous 
le  nouveau  régime.     Nous  en  reparlerons  plu  <  tard. 

En  1755,  le  major-do-ville,  Hughes  l'can,  avait  décou- 
vert que  pour  mettre  le  comble  à  sa  félicité,  il  lui  fallait, 
en  sus  de  ses  autres  seigneuries,  afin  d'arrondir  ses 
domaines,  un  petit  fief  en  aval  de  la  seigneurie  de  St- 
Michel — le  fief  de  la  Livaudière — et  cet  excellent  AT.  Frs. 
Bigot,  qui  remplissait,  en  la  Nouvelle  l'rance,  pour  son 
royal  maître,  non  pas  l'office  de  vice-roi,  mais,  cntr'autres, 
celui  de  vice-mari  pour  ce  bon  major  de  ville,  'e  lui  accorda 


généreusement. 


Un  autre  fonctionnaire  du  vertueux  iiitendant,  le  com- 
plaisant M.  Cadet,  jadis  boucher  à  Ciiarlesbourg,  qui  lui 
aussi  avait  le  bonheur  ou  le  malheur  d'avoir  une  jolie 
femme,  acquit  un  vaste  domaine,  aboutissant  au  chemin 
de  la  petite  rivière  St-Charles,  décrit  aux  vieux  titres  sous 
le  nom  de  "  Ferme  Cadet.  " 

Voyez  comme  la  matière  fournit  et  je  ne  suis  cependant 
-qu'au  début.  Tous  ces  seigneurs  de  fiefs  ou  grands  pro- 
priétaires autour  de  Québec  avaient-ils  des  manoirs  ou 
même  de  simples  résidences  sur  leurs  terres  ?  Je  ne  le 
crois  pas  :  Robert  Giftard,  Puyseau,  Talon  étaient  les 
•exceptions  sans  doute. 

On  sait  que  le  chirurgien  Giffard  avait  une  petite  loge, 
«on  une  loge  franc-maçonnique, 'bien  entendu —  ur  les 
bords  du  ruisseau  de  l'ours,  à  Heauport,  pourvue  sans  doute 


m: 


154 


liENJAMIN   SULTE 


d'un  de  ces  longs  fusils  français,  à  pierre,  dont  on  trouve 
encore  des  échantillons  dans  les  paroisses  giboyeuses  du 
bas  du  fleuve.  L'histoire  nous  dit  que  le  vénérable  seigneur 
de  Ste-Foye  et  du  fief  St-Michel,  à  Sillery,  M.  Puyseau, 
s'était  bâti  sur  ce  dernier,  dans  l'anse  St-Michel,  près  de 
cette  pointe  qui  porte  son  nom  un  peu  altéré,  Xvl  pointe  à 
Pizcan,  une  somptueuse  demeure,  qui  était  regardée  dans 
le  temps  comme  le  "  Bijou  du  Canada.  "  Il  mit  généreu- 
sement cette  maison  à  la  disposition  de  M.  de  Maisonneuve 
et  autres  fondateurs  de  Montréal,  où  ils  passèrent  l'hiver 
de  1O41-42. 

Quant  à  Talon,  bien  que  je  ne  sois  pas  dispo-ié  à  en- 
gendrer chicane  à  nos  romanciers  et  à  cette  légion  de 
charmants  chroniqueurs  qui  ont  identifié  le  Château-Bi- 
got avec  l'amant  d'Angélique  Péan,  j'ai  souvent,  en  l'ab- 
sence de  preuves  que  Bigot  le  fit  construire,  été  enclin  à 
lui  assigner  un  origine  bien  plus  ancienne. 

Pourquoi  ne  serait-ce  pas  le  château  ou  fort  de  la  Baronie 
des  Islets,  (1)  du  comte  Jean  Talon  ?  L'on  sait  la 
peine  qu'il  se  donna  de  faire  venir  de  France  des  colons 
pour  sa  colonie  modèle  à  Chirlesbourg,  laquelle  compre- 
nait Bourg-le  Roi,  Bourg-la  Reine,  lîourg  Talon,  dont  les 
concessions  rayonnaient  toutes  vers  un  centre  commun  avec 
un  petit  fort,  sans  doute  comme  protection  contre  les 
sauvages. 

A  une  demanJe  écrite  que  je  fis  au  savant  abbé  l'erland 
pour  renseignements  sur  le  dit  château,  il  me  fit 
réponse  qu'il  était  aussi  intrigué  que  cjui  que  ce  fût  sur 
l'origine  de  cette  masure.  (2) 


(11  S;i  iiutiiit'  iMiiti' <|iii' II'  li:iiit  1 1  |jiiiss:iiit  l!;iriiii  il  M'i^miir  haut  jiisticii'r  aurait 
droit  iroriifir  ilis  «rdli'!*,  un  Ltilict  l'i  (luatrc  ixitiaiix.  là  u\\  il  1.'  juuira  à  |in)|"i^>  <lauH 
lï'ti'Uiliiii  ili'  sa  liarniii.'  it  chustilkTii',  aussi  un  iiotuau  avec  uu  collifr  on  l'ir,  sur  l'ciui'l 
siTout  jjravrrs  «es  ariui's,  " 

(l'irci-  Itii.l  T'iiurt'  si'HjMfurialo  P.  41.'i.  | 

\'i]  .le  tr'>uvu  dans  mus  lartDua  uni'  uoto  df  IV  niinont  Uigtorioudont  jodétaclu-  l'extrait 
nuivaut  : 

"  Artlii'vi'clii'  de  (^ui'lii         1  juin  18til. 

"  lia  li'Ki'lldn  du  Oliàtoau-lliKot  d(i\^  1ii'aUi'iiii|>  |>lnii  ^  l'iMm^Mnatiiiu  .|U':\  la  rt'alitt''  ;  Ii'. 
terrain  sur  li'ijui'l  il  l'st  apiiartcnait  autrefois  au  tii'f  de  la  Triiiiti'  a<rordt',  cntr.'  Iii4ip  A 
l(i.')0  ;\  M.  Di'uis.  Vendu  plus  tard  à  ^Monseiiiui'Ur  de  l-av,i!.  il  fut  niorcelO  dans  1.  s  profon- 
di'urti.  l.orH(|ut'  M.  Talon  voulut  fornnr  sa  Karonie  des  l^<ll'ts,  il  réunit  à  ses  terreg  du 
Bouru  lloyal,  iiuel<iuea  niorcuuux  du  tief  do  li»  Triuit6  et  purticulièrenient   In    i)attiu   oC» 


ESQUISSES 


155 


Il  ajouta  que  le  club  des  Barons  y  mappjeait  au  com- 
mencement du  siècle  de  succulents  dîners  ;  que  la  chambre 
souterraine,  où  nos  romanciers  avaient  rélégué  l'infortunée 
Caroline,  aurait  bien  pu  servir  comme  cave,  pour  conserver 
leur  vin  au  club  de  viveurs,  dont  le  voyageur  John  Lambert 
nous  a  laissé  une  si  vive  description.  M.  John  Stewart, 
courtier  de  douanes,  de  cette  ville,  a  eu  l'obligeance  de  me 
communiquer  une  assez  longue  lettre,  écrite  du  Château 
même  ('alors  nommé  l'IIermitage)  par  un  de  ses  ancêtres 
retiré  là  pendant  le  blocus  des  Yankees,  en  1775-76. 

Feu  \V.  Crawford,  jadis  propriétaire  du  château  et  delà 
terre  où  ce  château  était  érigé,  m'ayant  donné  communica- 
tion de  ses  titres,  j'y  ai  lu  que  le  26  juin  1780  la  propriété, 
par  acte  notarié,  devant  Jean  Antoine  Panet,  était 
passée  à  trois  négociants  fort  connus  à  Québec  à  cette 
époque,  MM.  Simon  Fraser,  Jean  Lecs,  jr.,  et  William 
Wilson. 

l'^n  1S19.  au  rapport  de  feu  M,  F.  Wys<-%  «-^c  Québec,  la 
maison  était  en  un  état  de  conservation  parfait.  Au  reste 
j'ai  traité  cette  question  fort  au  long  dans  mon  dernier 
volume,  Pictiiresqnc  Qucbcc. 

Le  Château  Bigot  appartient  maintenant  à  M.  Léger 
Brousseau, 


liiait 
liliii'l 


I.! 


Deux  siècles  s'écouleront,  la  beauté  de  ces  sites,  leur 
fertilité,  leur  salubrité,  mieux  connues,  les  feront  apprécier 
encore  d'avantage. 

Avec  les  institutions  libres  de  la  Grande  Bretagne, 
accourreront  d'au  delà  de  l'océan,  des  colons  de  la  classe 
instruite,  de  riches  industriels,  des  capitalistes. 

Les  grèves  et  les  bocages  du  Cap  Rouge,  les  hauteurs 
de  Sillery,  de  Ste-Foye,  de  Beauport,  de  Charlesbourg, 
les  belles  prairies  de  la  Petite  Rivière  Saint-Charles  trou- 
est  11'  l'Iiàtcati-HitfKt.  J'ai  oiitiinlii  aiitrofuis  iliri'  ;i  Mi'sniro  ])(>nicrs  (|iii!  Talnii  l'oni- 
meiii,ii  1^  liiitir  son  manoir  au  lii-u  iiirtHL' ou  sont  les  ruiiii'S — iiuo  plus  tard  co  manoir 
vendu  avec  lt'8  ti-rrc»  fut  réparé  et  ai;raudi.     Je  suis  utc. 

[Si|jciiéJ  J.  U,  A.  Fehlano,  Ptrb. 


156 


niCNlAMlX   SULTE 


1^1:^1 


veront  sans  peine  des  acheteurs  '.l'carth  àuiigcr  (1)  anglais 
se  propagera. 

Les  nouveaux  arrivés  achèteront  avec  em  ires ^e ment, 
seigneuries,  fermes,  moulins,  pouvoirs  d'eau  etc.,  pour  faire 
en  grand  l'exploitation  des  céréales  et  des  bois  du  Canada. 
Plus  tard,  l'Eglise,  la  magistrature,  la  robe  y  dresseront 
ses  tentes. 

Bientôt  surgira  sur  chaque  domaine,  un  manoir,  une 
riante  villa  ou  un  cottage  orné. 

D'heureuses  spéculations  commerciales  y  feront  naître, 
conservatoires,  orangeries,  exquis  jardinets  anglais,  avenues 
ombragées,  serpentantes,  volières,  viviers,  étangs,  glacières, 
etc. 

John  Bull  devenu  riche  n'est  pas  homme  à  claquemurer 
sa  vigoureuse  progéniture  dans  l'enceinte  étroite  d'une  cité 
populeuse,  mal  drainée,  etc.,  enfouissant  ses  épargnes  dans 
sa  paillasse  de  lit  ou  dans  un  vieux  chausson.  Il  lui  faut 
du  confort,  de  l'air,  de  l'espace,  de  la  liberté.  Certes,  il 
n'a  pas,  selon  moi,  tout-à-fait  tort. 

Telle  est  l'origine  de  bien  des  villas  autour  de  Québec 
que  j'essayerai  de  vous  peindre,  vous  indic^mnt  qui  les  a 
fondées,  qui  les  habite,  l'origine  de  leur  nom.  l'ourqueces 
peintures  par  leur  uniformité  de  traits,  leur  r-s^embLince, 
ne  vous  fatiguent  pas,  j'y  mêlerai  mille  bribes  d'hist.iire, 
souvenirs  de  familles,  antiquailles,  anecdotes  de  sport,  etc. 


(1)  l'ilti)ri'si|iu' i'xpri>3-iii)u  iiivi'iitri' pnr  li>  ci'li'liro  (•ssuj/isfc  Uulpli    Wahlo    Kiiktsoii 
nuti'ur  ilo  ri;tucl  •  sur  li'  ji 'iiplo  iiiiirlais  iutitiiU'i'  :   EiKjlish  Traiti- 


HOTEL  DU  GOUVERNEMENT,  Rue  St-Louis 

Avant  d'esquisser  les  villa.-î  extra  mitros,  notons  en  pas- 
sant l'antique  manoir  des  Sewell  sur  la  rue  St-Louis,  dont 
le  gouvernement  canadien  sous  l'Union  faisait  l'acquisition, 
moyenn.iMt  $20,000,  le  11  novembre  1854,  pour  wwc  école 
nautique. 

Le  ^gouvernement  ayant  change  d'avis  en  185S,  y  ins- 
talla en  1S59  le  Dcpartciiient  des  Post-:s,  qui  y  séjourna  jus- 
qu'en 1865,  lors  de  la  translation  à  Ottawa  des  Bureaux 
Publics.  Ce  fut  aussi  le  Bureau  du  Gouverneur  Général, 
Lord  Monck,  de  1860  à  1865.  Le  premier  lieutenant-gou- 
verneur sous  la  confédération,  Sir  N.  I'.  lîelleau,  y  fufins- 
tallé,  f  n  1H67  :  son  conseil  siégeait  dans  la  grande  sal'e  au 
second. 

Le  lot  comprenrî  31,000  pieds  carrés  :  sur  deux  côtés 
de  la  va«te  cour  qu'occupait  jadis  le  jardin  des  Seuell  a  été 
construit  l'arsenal  et  le  dépôt  de  munitions  de  guerre  des 
volontaires,  de  l'artillerie  et  de  la  cavalerie,  etc. 

Ce  spacieux  et  solide  édifice  date  d'assez  loin,  (i) 
Comme  résidence  du  fameux  juge  en  chef  et  homme 
d'Etat,  Jonathan  Sewcll,  et  comme'Bureaux,  Publics,  elle 
évoque  tout  un  essaim  de  souvenirs. 

Se>  appartements  sp.'^.cieux,  ses  ..mples  corridors,  ses 
grands  esca'fors  (Mit  été  téinoiii--  de  bien  de-.  lèt<:>,  de  bien 
descicuils  tic  famille,  à  l'ère  des  Scwcl!  ;  plus  tari.!,  de  bien 
des  discussions  acrimonieuses  -ur  la  chose  pubiiq'  e.  Là, 
e-it  morte  Jai;et  Livingst(Mi,  née  à  Xe\'.-\'ork,  la  veuve  du 
Juge-en-chef  William  Smith,  en  18 ly.  Le  juge  Sewell  y 
expirait  lui-même  le  12  novnibre  \'^'^y)  ;  puis,  sa  veuve, 
le  26  mai  1849,  femme  remarquable  par  ses  qualités  per- 
sonnelles, le  charme  de  ses  conversations. 


d»  Sur  un  pliin  drosHi' par  un  arpoiitoiir  proviiu'ial,  .Tiistin  Mi'Cartliy,  en  ilate  «lu  15 
adi'it,  1803,  lu  maison  cnt  dt'-crite  coiiiinc  étant  en  voie  do  construction  :  son  nouveau 
maître  on  prit  possession  en  IHoS. 


158 


HOTEL    DU    GOUVERNEMENT 


Que  d'incident?,  de  changements  politiques  y  ont  été 
débattus,  réglés  !  Que  d'orageuses  séances  du  Conseil 
Exécutif,  ont  eu  lieu  dans  ces  salles. 

•  « 
Le  1er  juillet  1793,  le  terrain  qui  ava  t  appartenu  à 
l'honorable  John  Cochranc,  fut  adjugé  par  ventejudiciaire 
au  Juge-en-chef  Smith,  beau  père  du  Juge-en-chef  Sewell, 
pour  la  somme  de  ;^8oo  :  lopin  de  terre  assez  considé- 
rable et  alors  inculte  et  qui  embrassait  vers  e  sud,  une 
portion  des  glacis  actuels.  En  1.S29,  les  autorités  militaires, 
en  acquéraient  une  li.sière  au  sud,  pour  agrandir  leur 
domaine  que  couronne  la  citadelle  actuelle,  qui  fut 
commencée  vers  1823  et  terminée  vers  1830. 

A  la  mort  du  Jugc-en-chef  Smith,  le  6  décembre  1793, 
ce  terrain  fut  partagé  entre  les  membres  de  sa  famille  ;  la 
portion  à  l'est  échut  à  son  fils  William,  plus  tard, 
l'historien  du  Canada  :  il  s'y  bâtit  une  demeure  confor- 
table (maintenant  la  résidence  du  shérif  Alleyn).  Le  lot 
voisin  à  l'ouest  échut  à  une  des  filles  du  juge  Smith  :  elle 
épousa  le  colonel  (plustjrdle  généraUDoyle.  (i)  La  pattie 
ouest  tomba  en  héritage  à  celle  de  ses  filles  qui  unit  sa  des- 
tinée au  Juge  Sewell  et  où  s'écoula  une  si  notable  partie  de 
la  carrière  accidentée  de  ce  roue  diplomate,  de  ce  légiste 
distingué,  de  1805  à  1839.   (2) 

(1)  liC  Hifi"  «li's  rrsiili'iiips  lie  l'Uon  irufio  A.  H.  K'mtliicr  it  df  JI.  •losipli  (liiill.iuinc 
KosaC'  M.  !'■  t'st  i'iitl;ivé  «liius  lo  terrain  iiolu'tù  eu  17li:t,  |>ar  lu  .Iiij;i-t'ii-<lu'f  Smith. 

Cl)  A  ceux  i|ui  tiiiiiu'iit  h  ri>mi;iitri"  l:i  r:irtr  d.' l';incii'ii  (^iiMn  i>,  ji' |iiiis  olî.ir  Ich 
ronsiiijiiiiiinits  ;intluiiti(|ii(s  suivants  sur  l>!i  linix,  inàci'  à  l'oMii-'ciMK  '  il'aii  ilis  (ils 
(lii  jii(.'i'  S.wi'll,  Il  l{i  V  KclMiiinil  W.  S"\vi  11.  Cit  ail  itv  ditiiniiiairi'  ii  liiiMijvciiiIi  nii'ttrc  à 
ma  ili-;io>'ition  '.r:  titn'»  di-si  pniiiriéti's  ilr  'tcin  prn'  : 

lo  18  avril  ITui,  Louis  Hom nrArtiu'ii.v  vcmlit  ^'>  Krnnvois  Majiili'Ic'"'- îliH'tti',i,hi'valiiT. 
RoiKU'Ur  il'Auti  iiil,  iiar  acte  devant  Cliaiiiliellnn,  on  deux  lots,  une  i'tendue  de  si  ]it 
ariHiàtH  eu  sMiierlleie,  iréti  iidnnt  :■»  ;i  ariienl"  en  front  sur  la  (îr.mde  Allée  (m  rue  St- 
Ijouis,  eji  (.atruant  vers  ie  Caji  au.-;  Iiiamantv. 

'2n  liOnis  Uouer,  sieur  d'ArliKny  vend  à  IM.  Huette  d'Autenil  \mr  acte  du  l.'i  avril  ITe] 
ctdu  '2''  nuii  ITii.'i. 

:fo  Aete  de  vente  du  8  juin  1724.  par  devant  liarlial.  V.u  vertu  du^iui  1  acte,  l'ierre 
Ruitti'  d'Anteuil,  écr,  sieui  5!oliitii"'ri',  aKissant  coninie  l'idcureur.  (lour  François 
MavrdeleiiU!  Kuette,    chevalier,  sci|ineur  d'Anteuil,  vend  et  cède  au  sieur  Haquet. 

4i)  liO  .1i>  avril  I7i7,  Louis  Uouer  d'Artiijny,  par  ncto  do  vnnte  cède  ses  propriétés  aux 
Dames  l'rsulines. 

'lO  Miidanio  de  Vir^er  vend  ces  lots  l'i  M.  lUinn,  par  acte  du  0  nnùt  1704,  jiar  devant 
Maitro  Saillant.  M.  Dunu  vend  à  Jean  Druianiond,  !•.>  11  avril  I7G8,  par  acte  devant 
l'anet.  notaire. 

t'io  .1.  Drummond  vend  &  Callender,  22  oct.  1779,  devant  Hartlielot  et  Pauet,  uotairea. 

7o  t'allendcr  vend  à  J.  Cochrane,  4  oct.  1781,  devant  A.  l'anet,  notaire. 

80  liC  juge  en  chef  Smith  achùto  uu  shérif  en  17U3. 

(U'Autcuil  laissa  son  nom  à  lu  rue  qui  diviee  ces  lots.) 


ESQUISSES 


159 


» 
*    * 


«ils 


Il  r, 
.|it 

St- 


ITi' 

ois 


ut 
ut 


L'imagination  aime  à  se  reporter  h  cette  période 
■  agitée  de  notre  politique  coloniale,  où  le  Chef  de  l'Exécu- 
tif, le  Chevalier  Craig,  prétendait  régenter  nos  Communes, 
comme  jadis  il  donnait  ses  ordres  à  la  tête  de  son  régiment  ; 
à  cette  époque  où  l'Ogre  de  Corse  engageait  un  duel  à  ou- 
trance avec  le  Léopard  liritannique  ;  où  tout  ce  qui  avait  un 
nom  français  en  Europe  ou  en  Amérique  causait  des  crises  de 
nerfs  aux  fils  d'Albion, où  la  bureaucratie  coloniale,sous  l'ins- 
j?iration  du  trop  fameux  Ilerman  W'istius  Ryland, obsédait 
le  représentant  de  la  Grande  lireiagne  au  Château  St-Louis, 
d'incessantes  plaintes,  de  détails  de  complots  découverts  ; 
bref,  de  mille  ténébreuses  intrigues,  contre  le  vaillant  petit 
peuple  que  le  roi  de  J'Vancc  avait  si  Ikhenicnt  déserte.  .  ur 
les  rives  du  St-Laurent.  Cette  période  fut  celle  où  Jonathan 
Sewell, — d'abord  Procureur  et  avocat  général,  plus  tanl 
cumulant  les  fonctions  de  juge-en-chef,  d'orateur  du 
Conseil  Législatif,  de  Président  du  Conseil  Executif, — 
exerça  dans  toute  sa  plénitude  sa  redoutable  dictature. 

Silencieux  murs  du  vieux  manoir,  ne  pourriez  vous  nous 
répéter  quelques  uns  des  astucieux  conseils  que  le  Dicta- 
teur adressa  eu  cette  enceinte  à  ce  roué  francopliobe 
Ryland,  sur  la  marche  à  suivre,  pour  museler  ces  bouillants 
patriotes  :  IManchet,  lîédard,  Taschereau  !  dogues  incor- 
ruptibles de  quart  autour  du   dép('^t  (le   nos   libertés! 


*• 
*   * 


Les  temps  et  la  scène  changent  :  uiîc  odeur  cL*  j.x/udre 
pénètre  jusque  dans  l'étude  'Ju  grand  Juge  :  le  canon 
gronde  sur  la  frontière  ;  Ryhuul  est  vu  moins  souvent  au 
palais,  car  le  nouveau  maître  Sir  George  Prévost,  n'a  que 
faire  de  ses  conseils.  Les  Voltigeurs  courent  à  la  frontière 
pour  prouver  à  Ryland  que  les  Canadiens,  en  1812,  sont 
ce  que  furent  leurs  pères  en  1775,  de  loyaux  sujets  de  Sa 
Majesté  George  III, — qu'ils  ne  sont  pas  foncièrement  mau- 
vais pour  être  d'extraction  française.  La  guerre   finie,    la 


i6o 


MOTEL   DU   r.OUVKRXKMKNT 


Il  ' 


lutte  rocoinincnce  on  Cliainbrc,  violente,  cchevelée  comme 
par  le  passe.  M.  Sewell  plus  influent,  plus  soup'e,  plus 
courtois,  plus  savant  que  jamais,  du  fond  de  son  fastueux 
manoir,  gouverne  le  i  ays  pour  ainsi  dire  par  son  prestige 
social.  Les  gouverneurs-généraux  ne  font  rien  sans  le 
consulter,  sans  qu'il  puiiise  toutefois  dissiper  pour  eux  les 
nuages  noirs  qui  montent  à  l'horizon,  gros  de  la  tem 
pétc  de  1S37-38. 

M.  Chauveau,  dans  une  intéressante  étude  sur  le  vieux 
Québec,  retrace  un  incident  qui  vers  1832,  faisait  passer 
un  mauvais  quart-d'heure  à  l'éminent  magistrat  (Sewell). 
Un  jeune  étudiant  en  droit,  destiné  plus  tard  à  jouer  un 
rôle  marquant,  fut  alors  le  Gambetta  du  mouvement  popu- 
laire   (i) 


* 


Habitué  du  château  St-Louis,  M.  Sewell  se  partageait 
l'existence  entre  l'étude  de  la  jurisprudence,  du  droit  par- 
lementaire, ses  séances  judiciaires  et  officielles  et  les  joies 
paisibles,  assez  nombreuses  pour  lui  du  foyer  domestique. 
Ce  porter  faniilias  modèle  semblait  absorbé  par  les  devoirs 
et  la  responsabilité  de  la  paternité  :  faire  baptiser,  élever, 
Ltablir,  donner  en  mariage  sa  nombreuse  et  belle  progé- 
iiituic  (il  fut  pèro  de  vingt-deux  enfants,  la  plupart  d'un 
physifjLK.'  remarquable).  A  plusieurs  de  ses  fds,  il  légua  de 
riches  métairies  à  Sie-Foye,  .sur  la  Petite  rivicvc  Saint- 
Charle>,  à  IV  iliiier,  à  Charlcsbourg. 

l'ciulant  la  vac.nce  en  été,  on  eût  pu  le  rencontrer  sous  les 
frais  peupliers  d'Auvergne,  sa  villa,  au  pied  de  la  côte  de 
Charlesbuurg,  absorbé  dans  Grotius,   Puffendorff,  Gibbon, 

(Il  "  ,li' ni"  siiii\  irii^  l'Ui-ùiM',  ilit  ^I.  C'KiuMini,  ili' l'i  motion  iToiliiiti'  i>,ir  rniiiirisoii- 
;ii'iiii'iit  (11' MM.  ri'.c'.'V  c  t  UiiviriiMV.  Ilaus  li  ^  disrour»  i|iii  iumit  ]irimom'L'a  ilaiiâ  lu 
rii.iiiiiii'r.  il  1  m  (nir<iiim  iK'  lit  11  volutiuii  <1,'  |'-:M  et  (li's  funirusi  s  oriloiiiiaucrs  coutiv  la 
|in'!?^<i'.  l'hisiriii's  ji'iiiu'x  LTiH!' l'oi'lrn  ut  (les  coLMnli's  trii'olori'H. 

A  l;i  !-uiti'  iriiiii'  Kranilc  ri'isiinlili'i'  poimliiiii',  à  t^ui'ix'C,  uiii!  procession  iiarouniit  les 
ni. 'S  ili.intiint  /i(  yinv^vilinisc  rt  la  ]'iirisirniif  :  on  alla  li'H  chautrr  aussi  nous  les  fiiu'- 
tiiv<  (le  la  prison,  i  t  sons  (elles  iln  .iiif.;e  en-elief  Sewell,  pré.sidcnt  iln  t'onsi'il  Ii('f.jislatif, 
uni  lut,  (lit-on,  très  iIïimjx-  ii.ir  cette  (h'.nioiistration.  liO  ,juj,'o-en-clief  occupait  la  maison 
uni  n  {((■  ili  puis  riiiMel  (lu  gonverneiiient,  pn'^s  de  l'Ksplanade.  l'anni  le»  jeunes  ^lens 
ipii  faisaient  partie  de  la  ijrocession  bo  trouvait  Sir  Narcisse  Holloau,  (lui  no  Bo  doutait 
ancre  (in'il  serait  installi'  )ilns  tard,  dans  cet  édifice  comnio  licutenant-KOiivernour  ; 
.M  .M.  Wiuteret  Koy  et  MM.  (lautliicr  et  Hossé,  qui  tous  les  quatre  ont  été  juges  ilepuis.'* 
(liiogruphiu  du  F.  X.  Uarncau,  p.  c.  XXXVIII), 


les 

Lie 
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Ion- 
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lus 

[lit 


i:soL'issi:>; 


1^)1 


MontoMiuicu.  Aux  longues  soirées  d'iuitomiic,  \c  jii^c-.ii- 
chef,  entouré  d'amis  et  de  parents,  allait  savourer  à  s<<ii' 
théâtre,  rue  Stc-llélèiie,  près  la  porte  du  l'alais,  les  grands 
tragédien;  Koan  et  K'Miib'e  dam  Ifaniht,  ICUen  Tree,  * 
dans  Io)i,  etc.  (2) 

A  la  porte  voisine  du  théâtre,  se  trouvait  l'église  ou 
ciia[)elle  c|u'il  avait  fondée,  Triiiity  d'iitrcli,  où  officiait  un 
doses  fils  (il  en  avait  iler.x  dans  les  ordres  sacrés)  :  là,  se 
voit  sur  un  marbre  s.i  pompeuse  épitaphe  :  cette  combi- 
naison du  sacré  et  du  profane  était  un  sujet  tlhilarité 
pour  les  familiers  du  lettré  et  excentritjue  vieillard. 

Dès  1  b  14,  le  juge  Seuell,  en  tout  temps  préoccupé  de  l'ave- 
nir de  sa  patrie  adoptive,  cjui  l'avait  comblé  de  dignités  et  de 
richesses,  s'était  posé  et  avait  résolu  le  problème 
dont  les  Provinces  Canadiennes  ne  trouvèrent  la  solution 
pratique,  dans  la  Confédération  Canadienne,  (ju'en  1S67. 
On  lui  concède  maintenant  sans  conteste  l'honneur  d'a- 
voir le  premier  songé  à  l'L'nion  de  toutes  les  colonies  ISri- 
tanniques  de  l'Amérique,  pour  en  constituer  un  tout  com- 
pacte et  viable. 

Le  juge  Sewell  prenait  sa  retraite  en  1S3.S,  à  l'âge  de 
Jl  ans,  avec  une  pension  de  $4ooo  par  année. 

Sa  succession  sur  le  banc  judiciaire  passait  à  r.inclcn 
procureur-général  i'hon.  James  Stuart,  é:iiinent  légi-te^ 
lui  aussi  créé  par  l'Angloteire,  H.ironnet  et  Jugc--.<n  cli-f,  1 
la  recommandation  du  Comte  de  Durliani,  qui  ivait 
exprimé  sa  surprise,  à  son  arrivée,  qu'un  ,u-oc  it  ..ussi 
distingué  n'eût  pas  été  promu  av  uu. 

;r     * 

La  maison  Sewell,  plus  tard  l'Uotcl  du  (,jouverneui'.;nt 
de  la  Province,  est  maintenant  la  résidence  officicllo  ilu 
Consul  Général  d  Espagne,  Iliustrissimo  Signor  Conde  le 
Premio-Real. 


il)  Jj' tliO.it  11"  Scwoll  imvirt  l'ii  l^.;j  .1 ,  te  ;u'iiiiM  il'l'iiia  IMi'  la  KaNri  iiir  .!■  -»t-l\t- 
trici-,  l't  ciiiiviTti  on  1111  ùilllloo  a;i;)i»n(iiaiit  à  tvtti'  Iluliai'.  lia  vi  ■ill  ■  c-u.i|ii'lli' — Tiiniiii 
Ciiiticlh  Kiirlarui'  St-Staninlas,  cxUti'  oui  on',  l'.n  iNi'i.  l<'  jutti-  S  .w.  11  avrr  Taido  (rmi'i! 
i.oinpat^nio,  dota  (iuùla'c  «fiin  vast.'  lnitel — vis-A-vis  la  /Viin-  •''.li-mc.'; — ITiii'iu  Jlntel 
ri'Ct'iiimtfiit  Ir»  linit'aux  du  Jourind  ile  (Jn^bcc — niiinti'nant  lu  dOiMt  d-.'  m  ■!•(  ri,.s 
do  M.  Morgan.  '  ' 

II 


■■ 


l62 


HOTEL  nu  GOUVERNEMENT 


ïi 


Restaurée,  peinte  à  neuf,  pimpante,  ornée  de 
beaux  arbres,  d'odorants  parterres  de  fleurs,  c'est  toute  une 
décoration  pour  cette  paitiede  la  Rue  St-Louis.  Les  jours 
de  gala,  le  pavillon  rouge  et  jaune  de  Castille  et  d'Arra- 
goii  flot  e  au  mai  en  face  de  la  résidence  du  consul. 


c  de 
itc  une 
:s  jours 
:l'Arra- 


BANDON-LODGE-  Grande  Allée. 


Lintê  to  (I  <Jiiefier  Helle,  in  1782  : 

"  Sure  jdii  will  riitliiT  li"!"'!!  Iip  iii.v  ciill, 
8iiK'L'  licitiity  iiiiil  (jiic'lii'i'ii  l':tir  ii,viii|ihi'  1  Riiiif, 

lli'iici'fnrtli  Dinnii  in  Mi«ii  S— lu— ii  iii'i>, 
An  imlilu  iiMil  iiiiijrntii'  in  lier  air  ; 

Voilîi  un  nom  emprunte  non  aux  "  rives  fleuries  de 
la  Seine,  "  mais  bien  plutôt  à  la  beri^e  poudreuse  et  affairée 
de  la  Tamise  ou  de  la  Shannon.  Ça  vous  reporte  .uix 
premières  années  du  ré^imj  an;.ïlais  prescju'à  l'ère  néfaste 
où  notre  Nouvelle-France  était  si  cruellement  désertée  par 
la    vieille    France  de  Louis  XV 

J'ai  lu  dans  les  Mcnuuns  inédits  de  M.  James  Thompson 
Dcpiity  Commismry  Gcitcral — pour  lui  conserver  son  titre 
officiel — un  passatje  qui  jette  du  jour  sur  un  des  premiers 
tenanciers  de  Bandox  Lonci:.  {\) 

Les  mémoires  de  M.  James  Thompson,  fils,  se  recom- 
mandent, non  seulement  à  cause  du  caractère  frano  et 
honorable,  des  connaissances  intimes  des  lieux  de  ce  véné- 
rable ami  de  l'auteur  des  •'  /ii!ttc!:s  Caïuuiiciis  ",  P.  /\. 
DeGaspé  ;  mais  encore  à  raison  de  la  part  importante 
que  M.  James  Thompson,  fils,  a  eue  dans  la  préparation 
du  y^v/r/zr?/ de  son  respecté  père,  James  Thompson,  Sr. 
Ce  robuste  (2)  Hi^dilander  avait  commencé  sa  carrière 
militaire  sous  le  général  Wolfe,  à  Louisbourg,  en  1758, 
comme  "  volunteer  "  dans  le  fameux  /Sth  xC\^<^\\W{i\\\.,Frascr  s 
Ilighlandcrs.     Il  comptait  avoir  une  commission  d'officier, 

(1)  "SAfNDKiiS  Si.Mi'soN. — lie  vsi\*  l'iovost  M.irslKil  il)  Wolfr'"  îinii.v,  lit  tlii'  iilViiin  of 
liOiiisljdurK,  QiU'lii'c  iiiiil  .Mmitrciil,  iiml  loiisin  <it  iiiy  t^itlur.  JIi'  iPHidivl  in  tliiit  Imiisc 
tho  iicarcst  to  Suint  Kniiis  (iiiti-,  oiitniilf,  wliirli  li.ia  iiot  undrivimo  iiiiy  ixtrriial  altiTa- 
tioii  Bini'i)  I  W113  il  Ijoy."  (E.ctratt  1/  M'iii  rim  nt'  <'  un.  [ninriil  Hhh  Tli<niiii.iiitt.} 

(•2)  lie  scrKciit  Tlionipsoii  (lovait  en  cfTit  «tro  jiliia  (|i'(>  rolmstc — >iri  vi'iitalilo  UiTciili' 
— si  Toi»  njoutf  foi  iV  uni' cutri'f  (le  BDli  ./oioïKi/  iln  sir«i' di'  IT'.^i,  oi'j  il  tiidirc  ciiiniiie 
préposi''  an  Horvici'  dos  anilinlanc  h.  Il  iiaraitrait  qu'intrc  Ir  jour  du  corntiat  h'  l.i  Hi|ie. 
et  le  lu,  date  di-  l.i  capitulation,  on  traversait  en  canot  à  St-,losi|ili  <!>'  I,i.vi^  les  Mi-^his 
truu(,'ai8 — i|u  •  l'on  portait  «iirdi'S  civiéros  d'i  dùtiariadrr  •  i"i  l'i^i/lisc  St-.Io-n'pli  convcrtii! 
en  liùpital,  distance  dW  peu  près  iiuatre  milles.  ]je  seru'int  Thompson,  trouvant  (|u>'  le 
Hcrvicc  8(!  faisait  trop  lentement  selon  ses  désirs — eliar;,'eant  sur  ses  larges  l'paides  un 
soldat  fran(,'ais  blessi> — le  porta  du  di'barcadère  i\  Li'vis  à  Ti^Kliso  de  St-Joseph  sans  rc 
reposer — reurettant  seulement  d'avoir  A  la  tâche  ruiné  son  nnifonne.  l/honJuKu  Henry 
Uluck,  (lui  l'avait  bien  connu,  nous  disait  ([ue  '•  Thompson  was  n  liig  giant.  " 


164 


IJAXDON-LODGE 


mais  soM  .inii  et  protecteur  le  C.ijjit.iiiie  Bdillie  ayant  été 
tué  à  Liuisbourgeii  175'"),  M.  Tlvinipion  consentit  à  sei  \'ir 
comme  volontaire.  A  la  bataille  des  l'iaines  d'Abraham, 
il  fut  ch  ircjc  du  soin  des  hôpitaux  comme  //ûs/>i/a/ Soxùru/  ; 
puis  il  fut  promu,  commu*  officier  dans  l'ordonnance  en 
177-,,  à  la 'position  importante  irOvcrstcr  <>/  Works  de  la 
gani  -  jn,  <;t  comme  tel  prit  une  part  fort  active  aux  modes 
de  (.léfei'se  juj^és  nécessaires  pour  exclure  de  Québec  nos 
amis  les  Hostonnais  de  1775.  Respecté  [i]  de  tous,  choyé 
des  {gouverneurs  île  Québec,  il  expirait  en  cette  ville,  en 
1030  à  l'iVj^c  patriarcal  de  'ft  ans.  C'était  un  homme  d'une 
stature  colossale.  Revenons  aux  Mémoires  laissé-;  par  M. 
James 'rhoi!î[>son.  t'ils.  Il  y  est  consi|.;né  en  toutes  lettres: 
que  le  canurade  de  bivouac,  le  cousin  de  son  père, 
Saunders  Simpson,  vers  le  temps  de  la  cession,  résidait 
danb  l'antique  maison  "  la  plus  proche  de  îa  porte  St-Louis 
en  dehors.  "  Cette  maison  "  la  plus  j)rochc  "  rasée  vers 
1M7Î  poiH"  faire  place  aux  fa.4utn;ses  résidences  modernes 
ei  cet  endroit,  était  bien  "  Bandon  Lodge,  "  occupée 
pendant  p'usieurs  années,  comme  maison  de  pension  par 
madame  Torrance. 

Chacun  se  ra[)pclle,  sur  la  Grand:  A/h-c,  ce  modeste 
mais  solide  corps  de  loijjis,  en  pierres,d'un  étage,  avec  cour, 
écuries,  etc..  entouré  d'un  mur  passablement  lésardé,  fai- 
sant \  vo:.  au  chc  l'in  du  roi,  ombrat^é  do  i-ieupliers  tic  Lom- 
b  'io  et  ceint  d'une  t'orto  haie  de  lila-.  Morne,  perdue 
sou>  d;:i  il  >:;■>  de  verdure,  m  lis  mjn  içantc,  l.i  vieide  métairie 
avait  conserve,  mal-^ré  la  mousse  des  ans.  quelque  chose 
de  respectable  dans  sa  dés^aîne,  sui  ce^  avant-poste  des 
Pîaii'.es  d'iVbiaham.  XaçjutTe,  il  me  fu'"  .lonné  der.mcont.'cr 


(1(  M.  .).  (i.  linrUii',  il.iiis  K(v,  M'Uiiiiiffu,  |>.iW''  17J,'  st  toiiilH'  dnis  utirsiiimilii'ii'  rrrotii 
suv  11"  <i"i  te  il'.i  vi'ki'ikIiIi-  .M(UilaK":ii'<l-  Silim  Al.  liiirf  II',  M.  riioiiiii^iin  aurait  8iiivi  Mlxit'- 
ln'i  Liiiil  l):ill;oiisio  en  iMjii,  (|ui  liiurait  iiistalli'comm'cim"ii  l'ui'  (li'acaniriu'H.  A  l'a'rivro 
il',' J.iinl  l.,illi(.iisic',  il  y  avait  (lijà  j1  ai/s  ijao  .1^'  'J''")mii«on,  |ii'tii  était  tlxi'i  à  Qiiiboo. 
Il  m'  l'n!  jamais  '  loiii'iiTK''  il.'  lasiriics  ;  "■  (!•  ■•  ITT.i  il  itait  "  Kvcisci'r  cf  Wi'rks  " 
Miiiiiitc.'iil.rit  ili's  Travaux  ('ii  la  (iaïuisdii,  ayant  jivi'n  uni'  iiart  active-  il-.ii ,  la  iU:''cii!<.'  do 
la  villr.  Kstinic  ilc  tout  le  iimaili',  ou  le  nxlnriliait  surtinil  â  cauHi'f!  louil  (l'aiiccdott-s 
Idil  iiossi'ilail  sur  li  niiii.-  ili'  LnuiiliDurg.  eu  ITls,  uv  i-iliii  di'  (.[uùboc',  ou  \7M,  «nrli-blo- 
lU",  l'i  17"â;  i>lun  d'uiu^  t'î.ir,  il  fut  iuviti'i  :'.  iliiii  r  au  (lu'itt'an. 

11  a  laissi' d'assez  v()luMiiii''Ux  uiouioiroH  uuiuu-iintH  nue  la  S'fiété  Litli'r-.tiii;  et  Ilis~ 
toi  i'inc  a  aclit't''  ;  de  sts  luritiers. 


ESQUISSF.S 


165 


'ant  otc 
:  à  SCI  \'ir 
br;ili.ini, 
'<c}\ij^caiit  ; 
lancc  CM 
s  do  la 
\  111  odes 
ébcc  nos 
s,  clioyc 
ville,  cil 
ne  d'une 
,  par  M. 
s  lettres  : 
DM    père, 

rciidait 
St-Louis 
Lsée  ver. s 
modernes 

occupée 
sion    [jar 


nodestc 

ce  cour, 

•de.   fai- 

ie  Loîu- 

perd  uc 

uéliirie 

le    chose 

stc  des 

contrer 


lllirli'  iVP'Ul 

1  sui\  i  ;'i  'liii''- 

A  rii'rivru 

à    Qiuljcc. 

1  lU'ft'iiSt'  (Ifi 
kran'edotcs 
|),  iniilc  lilo- 

ic  cl  Ilia^ 


quelque  chose  d'analogue,  mais  beaucoup  plus  vaste  et 
tout  hérissé  de  grands,  de  niartials  souvenirs  :  la  métairie 
de  liougoumont,  sur  la  plaine  historique  de  Waterloo. 

Baii(ioit(\)  Lo<fj{i,  il  nous  semble,  eût  pu  réclamer  sa 
quote-part  dans  plusieurs  incidents  du  passé  orageux  de 
notre  forteresse.  Il  a  dû  lier  connaissance  intime  en  1759, 
avec  les  bombes  anglaise-;  ;  en  1760  avec  les  boulets  de 
Lévis  ;  en  1775-7^^  avec  les  billes  de  Moiitgoinery  (2), 
d'Arnold  et  de  Wooster. 

Quelles  traces  de  cette  résidence  existent  aujourd'hui  ? 
Peut-être  quelques  bloci  de  pierre  dans  les  fondations  de  la 
demeure  princière  de  l'ho!!.  ]o^.  Sii.;hyn, —  notrj  estimé 
concitoyen, — résidence  lîatie  coniine  toutes  ses  voisines  à 
vingt  iiieds  en  arrière  de  la  ligne  de  la  rue  aûii  d,:  iwéiiigei' 
plus  tard  un  boulevard,  pour  se  conformer  au  plan  et  tlevis 
du  gouvernement,  à  la  vente  des  lots. 

Après  le  départ  de  notre  g  irnison  impériale,  en  1S71, 
le  Canada  confédéré  accepta  du  gouvernement  impérial 
plusieurs  terrains,  qu'il  mit  eu  vente,  e:itrautres  ce-;  lots 
sur  1,.  Grande  iVllée,  où  plusieurs  amis  da  progi-èi.  a\Mnt 
foi  dans  l'avenir,  ont  érigé  Ls  b>;!Ies  tjrrasso^  ([iii  eiij^)!ivent 
les  abords  de  la  cité,  à  ptrtir  des  j'nîttes-à-Xepveu  ju-.qu'à 
la  nouvelle  porte  St-Louis.  Grâce  au^:  honorabLrs  .MM. 
Langeiier,  Shehyn,  Garneau  ;  grà:e  à  MM.  Ilamol,  Hilo- 
deau,  Joseph,  Turcotte,  Daqujt,  Stavel\'.  R Oi,  le  nouveau 
Québec,  comme  Ncw-Jùfiuihiir^i;;,  se  dév'eloppe  à  côté  de 
la  vieille  ville  avec  tant  de  rapidité  que  bient(')t,  quand  le 
parc  projeté  de  la  province  de  Québjc.  sou^  l'heureuse  ins- 
piration do  MM.  LeSage  et  Taché,  sera  entré  d.in-,  le 
domaine  des  fûts  accomplis,    tout    ce   quartier    i.leviendra 


(1)  H:uul)M  est  11'  nom  il'iiiio  villi-  iliiii:-  !>'  Sml  <!•>  l'hitm'l.'. 

\i\   I,  ^  .'p  il  Vriiil>ri'  17r."i,  Il         Mt  lin  '  iriirlill.'ric,   I,  im'»,  l(r,ii|ii:iil  :'i 'iiiilr.' i- -iit^   m 
(li'rt  murs,  vU  ii-vis  la  y^tU-     il,  mi",  un  ■  tmtt.'ri.'  il^'  rini(    iiio  •"<    l.'Lt'T't  i-t  d'nii  o 
(iiinr  liuinlrir.i'i-  et  in.'i'MiliiT  l:i  ville'  .  :i'i  i'iii.|iii"ni  •  .joiiv  il  ■  l'i'li^'  il  il",    li'  i,'.-ii'T:il   M 
(/i>in  TV  v.n  lit  inM|iii'ti'r  i-n  p  •r.-mnni'  citti  li  itt.Tii'  ll^lltl■^f,■•  ■l'un  r.li-iiiir'i' m  •iit  nim 
ri  '  «Mtiiiinx,  i-i'i(i|ilis  ili-  ni'ij',  ipii'  l'on  .-irrixait  i-l  ipii-  !>•  Iri>iil  imiiu'  'liiit  ;  on  nnniini 
fi)rtitic':itiini  mm    ■  a'<nrzil":l  |>lnii.l-i  1,1  liltt.Tii-  '/''(■■■  1-.    KUr  «"  tr>'.n!<'t  si  fiilliif  rt  n  r 
i<,'i'  i\  ru'.tilliTii'  |Mii-c<;niti'  il  ■  ('  irli'tun  i|iii  lii  t'miilio.v.i  ili'n  ninr-t,  ipii-  MinKtfoini'ry    li 
or.lr.'  un  ('.i|iit:iin"  1/inili  il     l'.-va  ui'i-,  r'  i(Hi  mt  lii-n.  0,ifc  •</  ll'i(i/iiii;/fii»i.   luir  \V 
iiijli'n  Irvmu,  Vol.  II.  |i.  liii.    KilitiDn  il'  l-^SÎ.» 


•If  •■) 

MliT 
t- 
liOSi- 

•••ttl- 

Xlifi- 

inna 
aKli- 


% 


166 


BANDON-LODGE 


pour  la  vieille  capitale   un  vrai  décor,  objet  d'intérêt  pour 
les  étrangers,  d'admiration  pour  tout  Québec. 


«   * 


Mais  enfin,  me  direz-vous  :  "Voilà  qui  est  bien,  mai* 
pourquoi  tant  de  peine  pour  décrire  une  villa  qui  n'existe 
qu'à  l'état  de  souvenir  ?" 

Voilà,  précisément,  où  je  voulais  en  venir  :  c'est  ce  sou- 
venir que  je  me  propose  de  restaurer,  d'exhumer  de  l'ou- 
bli, des  cendres  qu.»  cent  ans  y  ont  accumulées. 

Nous  sommes  en  1782.  Quel  est  ce  vaisseau  de  guerre 
mouille  en  rade  sous  les  canons  du  Cap-aux  Diamants 
avec  pavillon  anglais  ? 

C'est  le  S/ofl/>  of  zi<ar,  Albeniarlc,  de  26  canons,  com- 
mandé par  le  jeune  capitaine  Iloratio  Nelson. 

Si  vous  avez  'lu  respect  pour  le  génie,  inclinez-vous  de- 
vant le  futur  Vttinqueur  à  Aboukir,  à  Trafalgar,  à  Copen- 
hague, le  Titan  de  la  mer  qui  a  changé  la  carte  de  l'Europe 
au  profit  de  l'Angleterre. 

Mais  le  futur  foudre  de  guerre  n'a  que  vingr-quatre  ans. 
Accueilli  au  château  St-Louis  et  dans  les  meilleures  mai- 
sons de  Québec,  il  semble  on  17S3,  plutôt  se  rappeler 
qu'il  n'a  que  vingt-quatre  .ms  que  rêver  à  foudroyer 
l'ennemi  traditionnel  de  l'Angleterre.  Vous  savez 
sa  glorieuse  devise  sur  le  tillac  de  son  vaisseau  le  "  Vie- 
tory  "  :  "  EncL.AND  EXI'KCIS  EVKRY  M  AN  TO-DAV  TO  DO 
MIS  DUTV."  \'A\  bien,  une  autre  devise  anglaise  lui  siérait 
mieux  à  Québec  :  "  T'is  love  tiiat  marks  tifk   wokld 

GO  ROUND." 

Il  s'est  épris  d'une  Québecquoise  d'une  ravissante  beauté. 
Ses  biographes  Southe}',  Lamartine  et  autres  nous  le  re- 
putent  :  le  nt)m  de  cette  Hélène  est  Mary  Simpson,  fille  du 
maître  de  Invidem-Lodgc,  parente  des  Thompson  et  des 
Prentice,  uu  Chicii-d'Or. 

L'auteur  de  V Histoire  des  Girondivs  nous  dépeint  comme 
suit  le  délire  amoureux  du  jeune  capitaine  : 


ESQUISSES 


167 


••  Au  printemps  de  1782,  le  brick  A/ôcwarU,  commandé 
par  Nelson,  reçut  ordre  de  retourner  en  Amérique.  En 
approchant  des  côtes  du  Canada,  Nels  )n  fut  poursuivi  et 
entouré  par  quatre  frégates  françaises,  dont  il  allait  être 
la  proie  ;  mais  préférant  là  porte  de  son  vaisseau  à  riuuui- 
liation  de  se  rendre,  il  lança  son  brick  à  pleines  voiles  sur 
des  bas-fonds,  où  la  mer  mugissante  menaçait  de  l'échouer 
à  chaque  vague.  Son  adresse  et  son  bonheur  lui  firent 
franchir  cette  barre  que  des  frégates  ne  pouvaient  appro- 
cher. Il  passa  quelques  mois  à  Québec.  ICpris  d'une 
ardente  passion  pour  une  belle  Canadienne  d'une  classe 
inférieure  à  son  rang,  il  n'hésita  pas  à  sacrifier  son  ambi- 
tion à  son  amour,  et  à  quitter  le  service  pour  épo  ser  celle 
qu'il  aimait,  au  moment  où  l'escadre  faisait  voile  pour 
rEur(»pe. 

"  Les  officiers,  inquiets  de  son  délire,  descendirent  à 
terre  pour  l'arracher  à  son  idole,  et  lui  firent  violence  pour 
le  rapporter  à  son  bord.  On  pressentit  dès  cette  épocjue 
que  l'amour,  cette  ambition  insatiable  des  âmes  tendres, 
serait  recueil  de  sa  vie.  "  [Nelson  par  ./.  DcLa::iart\iu\ 
page  *6 — Hachette  1859.] 

"  Précédemment  à  la  scène  mentionnée  \y\x  Soutiie\'  et 
Lamartine,  XAlbcviarlc,  qui  avait  fait  voile,  était  à  l'a-u-ie 
au  tvou  St-Patricc,  Ile  d'Orléans,  lorsqu'un  matin,  un 
familier  de  Nelson, Alex.  Davidson,  au  rapport  d(.;  Southe)-, 
— M.  Lj-mburner,  au  dire  de  l'historien  Smith — rencontra 
le  capitaine  Nelson  à  la  laisse- V^ille  et  s'enquit  de  la  cause 
de  son  retour  à  C)uébcc.  Nelson  avoua  ingénument  (lue 
la  vie  lui  était  intolérable  sans  la  présence  de  celle  (ju'il 
aimait. 

— Mais,  lui  dit  Davidson,  si  vous  prenez  femme  à  votre 
âg<-,  vous  ruinez  du  coup  votre  avenir  dans  la  marine. 

— Eh  bien  .'  soit,  répliqua  Nelson.  Je  consens  à  renoncer 
à  tout,  à  Westminster  .'  bbey  même,  pour  é[)ouscr  la  belle 
Canadienne. 


tt 


ITjS 


l'.ANP.iN-I.niXiK 


C'est  «ilors  que  ses  amis  juj;crcnt  urfjent  de  l'arracher 
de  >uite  .lUX  tloux  sourires  de  sa  Juliette,  laquelle.  aU 
rapport  de  l'iii^torieti  Miles,  qui  a  fait  de  sérieuses  recher- 
ches pour  tlébrouiller  cette  affaire  de  C(Lur,  épousa  plus 
tard  le  major  I\I.ithe\vs.  secrétaire  de  Lord  Dorchester,  et 
passa  à  Londres  avec  son  époux,  qui  plus  tard  fut  nommé 
gouverneur  de  Clulsca  llospital.  Madame  Matliews  expirait 
à  Londres  à  un  âije  avancé  en  1.^30,  conservant  jusqu'à  la 
fin  le  tendre  souvenir  de  son  prenîier  amour.  Miss 
Simpson  était  vraisemblablement  amie  des  nièces  de  Miles 
l'rentice.  le  lUiniface  du  vieux  café  qui  alors  existait  sur 
le  >ite  où  notre  lUireau  de  poste  a  été  éri^é  depuis — le 
Cliii:i  d'or.  Il  a  fallu  déchiffrer  bien  des  anciennes  lettres, 
des  documents  vermoulus  récemments  découverts,  pour 
identifier  !a  belle  personne  à  laquelle  Southcy  et 
iJeLamartine  font  allusion  sans  la  nommer. 

Voilà  donc  un  des  souvenirs  de  /><i/nfoii-Lo({'j'r. 

Je  ne  i)uis  dire  si  le  propriétaire  actuel  retiendra  à  sa 
fastueuse  résidence  le  nom  d'autrefois;  je  'espère.  (\) 
Vous  avouerez,  mon  cher  antiquaire,  (]u'il  y  a  ici  d'amples 
matériaux  pour  un  joli  roman  historique,  et  que  l'héroïne 
de  notre  ami  ^Llrmettc.  Mlle  île  Rochebrune,  ^vc  fut  pas 
la  Ncule  belle  Canadienne,  aux  anc.ens  jours,  ])our  qui  la 
Orande- Allée  eut  (\c^  charmes. 


<U   1».  |"ii>' cini' ron  limiod  dut  i'!  ■•  IviciM  «.  M.  Siicliyii  m  n^t.nii-.'    m  n.iil  !■     imni    il 

IVitllIi'lHT   Hi>lll\nti-Li>llih  • 


r\:  i 


u 


"Ja'ASILE  CHAMPETHE.  Grande  Allée 


.1-   sn 


(I753-IS44) 

'■  \\'i"  caii  m:iki'  dur  livi's  siiMiiiir 
Ami,  ili'|i:ii iiiij,  li'iiM'  ln'hiiid  111, 
KoiUiU'iiit?  un   tlic  hiikI  uI'  tiiiii'." 

]<(iMiKKI.I.ci« 

S/a,  viator  !  Au  sortir  de  l'antique  cite,  saluez,  en  pas- 
sant, la  villa  ensoleillée  où  ^.'écoulèrent  tant  de  jours  bien 
remplis  d'un  vrai  patriote,  Josceph  François  l'errault,  le 
vénérable  pionnier,  en  cette  ville,  de  l'éducation  popu- 
laire. 

Au  haut  de  cet  historiijue  plateau,  sur  le  côté  nord  de 
la  Graudi-AlL'c,  que  nos  pères  désignaient  sous  le  nom  de 
Jhittcs  Ni-pvcii,  et  nos  contemporains,  sous  celui  de  Côte  à 
Perrault,  vo}'ez,  à  l'extrémité  d'une  ombreuse  avenue,  une 
lon^^ue  maison  blanche,  à  lui  étajje,  avec  mansarde,  mode 
•d'habitation  simple,  assez  usité  encore  il  y  a  une  quaran- 
taine d'années,  mais  en  désaccord  avec  le  faste  moderne. 
Le  grand  mai  près  de  la  piazza  n'annonce  pas  la  présence 
d'un  capitaine  de  milice  des  anciens  jours  mais  simple- 
ment le  séjour  d'un  opulent  constructeur  de  navires,  M.  H. 
Dinning,  qui  ne  manque  jamais  d'y  arborer  le  pavillon  du 
Canada,  le  ler  juillet  de  chaque  année, — l^ou.hiion  Day. 

Ces  Buttes  qui  dominent  notre  mémorable  champ  de 
bataille,  nous  associent  en  effet  aux  souvenirs  les  plus  pal- 
pitants des  annales  de  notre  ville;  près  de  là  se  rencon- 
trèrent, en  1759,  IMontcalm  et  W'olfe  ;  en  1760,  Lévis  et 
Murray  ;  et  en  1775-76,  la  soldatesque  cupide  d'Arnold  y 
pénétra  plus  d'une  fois  malgré  le  chevaleresque  Guy  Car- 
leton. 

Pour  peindre  ce  champêtre  réduit,  il  suffit  d'ouvrir  l'ex- 
cellente biographie  de  son  fondateut,  M.  Perrault,  écrite 
par  son  petit-fils,  le  Or  Prosper   Bendcr.    Voilà,    sachez-le 


I!  ! 


( 

Ht 


170 


l'asile  CHAMPETRE 


bien,  une  de  nos  plus  anciennes  villas,  Julvioiit,    Hollaïui- 
Hoiisc,  Poxvdl- Place  et  Haldimand  Hoiisc  exceptées. 

Rien  de  plus  pittoresque  que  ce.site  aux  long  jours 
d'éti.  A  1  ouest,  les  fertiles  campagnes  de  Sillery,  de  Stc- 
Foye,  accidentées  de  grands  bois,  de  gras  pâturages,  de 
vastes  champs  de  blé  ;  au  nord,  quelque  peu  dans  le  loin- 
tain, Ciiarlesbourg,  Beauport,  etc.,  avec  leurs  blanches 
maisonnettes  échelonnées  au  versant  des  Laurentides  ; 
au  sud,  les  Plaines  d'Abraham  flanquées  de  leur  quatre 
massives  tours  Martcllo,  sentinelles  oubliées  d'un  ennemi 
qui  ne  reviendra  plus;  à  leU,  le  subliinj  Cap-aux-Dia- 
mants  ;  les  murs  austères  de  la  cité,  hérissés  de  canons  ; 
puis,  les  verdoyants  beaucages  de  l'Isle  d'Orléans  tennent 
la  vue.  Inimitable  mise-en-scène  ! 

La  résidence  du  vénérable  protono'aire,  érigée  sur  un 
lot  de  quatre  arpents,  entourée  d'un  mur  solide,  nous  dit 
son  biogiaphe,  était  un  modèle  de  bon  goût,  de  confort. 
Laborieux,  patriotique,  lettré,  il  lui  fallait  un  local  ample 
et  bien  aéré  pour  ses  livres  chéris,  sa  bibliothèque  où  se 
passait  une  notable  partie  de  son  existence  :  cette  pièce 
était  située  dans  un  des  pavillons  ;  à  une  extrémité,  dans 
U'i  pavillon  scnblable  et  surmonté,  comme  l'autre,  d'une 
petite  tourelle  Normande,  se  trouvait  un  mignon  réduit, 
pourvu  d'un  calorifère  ;  c'était  un  conservatoire  pour 
héberger  pendant  l'hiver  les  fleurs  txotiques  — la  première 
serre-chaude,  dit-on,  construite  à  Québec. 

Les  allées  du  jardin  se  perdaient  sous  de  grands  arbres. 
Des  parterres  semés  de  fleurs  de  toutes  espèces,  un  étang 
pour  les  oiseaux  de  basse-cour,  etc.,  un  amp  e  jardin  po- 
tager.un  verger  abondamment  planté  d'arbres  fruitiers  bien 
choisis  ;  aux  angles  du  jardin,  de  grands  vases  remplis  de 
fleurs  :  rien  ne  semblait  avoir  été  omis  dans  ce  petit  Eden, 
dont  le  maître  était  horticulteur.  Aoriste,  agriculteur, 
homme  de  lettres,  philantrope. 

Au  dessus  de  la  porte  d'entrée,  était  inscrit  en  lettres. 
d'or  :  Asj'le  Champrtre. 


ESQUISSES 


171 


Si  M.  Perrault  avait  su  se  ménager  des  jouissances  in- 
times à  l'intérieur  de  son  foyer,  il  s'en  était  créé  de  plus 
vives  au  dehors,  en  consacrant  sa  fortune  et  ses  veilles  à 
la  diffusion  de  l'éducation  parmi  le  peuple,  (i) 

Par  la  date  de  sa  naissance,  le  spirituel  et  excentrique 
patriarche  remontait  à  l'ancien  rct^imc  français,  étant  né, 
le  1er  juin  1753. 

Le  traité  de  1763  rappella  son  père  et  sa  f.unille  à 
Québec,  cette  année-là  ;  le  fils  fit  ses  études  a  m  Petit  Sémi- 
naire. Son  aïeul,  François  IVrrault.  était  lils  du  Dr  Jo- 
seph François  Perrault  qui  av.iit  pratiqué  la  chirurgie  en 
la  cité  de  Cosiie-sur-Loire,  diocèse  d'Osaire.  Etabli  en  Ca- 
nada au  commencement  du  siècle  dernier,  il  y  épousa  Mlle 
Carcy,  fille  de  M.  Page  Carcy,  le  2  nov.  171  5.  l'.igé  Carcy, 
fut  maître  du  Havre  à  Québec.  C'est  de  lui  que  la  célèbre 
pointe-à-Carcy,  où  est  construite  la  douane,  a  pris  son 
nom,  croyons-nous. 

A  l'âge  de  19  ans,  c'est  à-dire  en  1772,  le  jeune  Perrault 
s'embarcpiait,  avec  ses  parents,  dans  un  petit  vaisseau- 
côtier  pour  la  Nouvelle-Orléans,  où  son  père  avait  or.vcrt 
une  maison  de  commerce,  pour  la  vente  des  pelleteries. 

Après  une  traversée  périlleuse,  il  atteignit  cette  \ille  où 
il  séjourna  plusieurs  années  aprè-i  s'être  arrêté  à  Cuba  et  à 
St-Domingue. 

Dans  une  excursion  qu'il  entreprit  au  fort  de  la  guerre 
de  l'indépendandance  des  Provinces  ingl  lises,  aux  Illi- 
nois, en  1778,  il  fut  fait  prisonnier  par  !es  liKliens  -.  t  n'é- 
chappa au  massacre  de  ses  compagnons  de  voyage  que 
par  une  espèce  de»  miracle  ;  après  avoir  subi  îles  souffran- 
ces inouies  dans  les  forêts  de  l'ouest,  il  fut  livré  c  mme 
prisonnier  aux  autorités  anglaises  du  h'ort  de  Détroit. 

Meurtri,  exténué,  couvert  de  cicatrices,  il  s'adressa  à 
so!i  oncle  maternel,  M.  Jacques  Dupéron  Haby,  qui  faisait 
la  traite  en  cet  endroit  ;  celui-ci  en  prit  soin,  le  rendit  à  la 


[1]  il  avait  fimdr  do  si's  deuiiT»  pliisiciira  l'culcs,  dans  lo  voiaiiiatio  ;  il  fut  lo  pn  iiikt  a 
y  iutroJiiire  lu  «ystùme  de  Lancafitt-r  alors  ou  vouuc. 


172 


L'ASII.K  CIIAMI'KTKE 


santé  et  l'expédia  SOUS  escorte  au  gouverneur  Halcliiuand, 
à  Québec. 

De  retoui  au  Canada,  aidé  d'un  emprunt  effectué  de 
son  oncle  Haby,  ilnnt  il  devint  l'a<;ent,  il  ouvrit  un  com- 
merce de  pelleteries  à  Montréal,  près  \\  porte  (/ds  Rvcollits, 

Le  lo  janvier  1782,  il  y  épousait  Délie  Ursule  McCarthy, 
fille  du  major  McCarthy  :  seize  ans  plus  tard,  la  mort  lui 
ravissait  à  (^>aébec  sa  compaç^ne  dévouée.  Son  comn;erce 
ne  prospéra  qu'à  demie.  Comme  il  n'y  avait  à  Montréal 
que  quatre  avocat',  prati'iuants,  M.  l'errault  s'adonna  à 
l'étude,  et  bietitôt,  à  la  pratique  du  droit,  comme  moyen 
de  subsistance  pour  lui-même  et  sa  famille. 

iji  1795,  Lord  Dorchester  K:  nomma  greffier  de  la  Paix 
à  Québec,  charge  devenue  vacante  par  le  transfert  de  M. 
Pierre  l'anet,  nommé  juge  à  Montréal.  II  vint  donc  à 
Québec. 

lui  1797,  il  fut  fait  "  Régistraire  des  naissances,  de-? 
mariages  et  décès  "  ;  protonotaire  de  la  Cour  du  IVanc  du 
Roi,  en  1S02,  charge  qu'il  occuiia  jusqu'à  son  décès.  M. 
Perrault  rc|)ré-ienta  en  chambre  le  comté  de  Ilun'Jngdon 
pendant  les  cincj  sessions  du  troisième  parlemen.  et  \' 
présenta  des  projets  de  loi  pour  amender  le  mode  d'éduca- 
tion. I".n  iSj3  il  accourait  sous  les  drapeaux  comuie  Lt. 
Colonel  de  milice  :  mais  rin>,tructi()n  tlu  peui)le,  l'amélio- 
ration du  sort  des  masses,  tel  fut  le  rêve  de  >a  jeunesse,  de 
son  âge  mùr  et  de  sa  vieillesse.  Ses  écrits  sont  fort  nom- 
breux  et  pleins  d  1  mérite.  (  i  ) 

(1)  X.-H. — No;n  l'iiiMniutiTuiis  :i:i  tiM\  iiil  (lu  Dr  II  lui  •!•  1,1  liste  di'S    ÎTrits  il  ■  .M      .Iim, 
Fr*.   l'irruull  ; 

lo  on  17WI,  "  l."  juni'  ili'  r.iix  cl  nlli 'irr  il.'  iiiroiss'.  pour  la  inoviiu";  <li'  tiui'lR'C.  " 
'io  t'U  l.siKI,  "  S.'i'Diiili'  iililioii  ilc>  la  tt'ailMi'tiiin  il'  la  lui  rarliin"ii!air<',  " 
;i()  l'ii  iwi.l,  "  Diituiiimiirr  piiitalil'it  al)iVL:r  ili'o  Un*  ft  iv^li't  ilii  l'nrli'nu'iit  l'roviiicial 
du  HasCaiiaila.  " 
•lo  eu  I'<lii,  ••  (^\ii'^tii)iiH  rt  Ki'piiiHi's  Hiir  li-  droit  civil  du  ItanC.inail  i.  " 
i'kj  eu  IHl:l,  '•  Mauiii-I  drs  Ilm-iHiiMs  ili'  la  Cour  ilu  11.  u"  du  Koi  ilu  di'<trict  il"  (Jiiilicc." 
tio  en  1«1 1,  "  i^ucliou-i  et  Ki'iionsc^  »ur  le  l»i:''t  Criiuiliel.  " 
7o  l'U  J>Vi,  "  Manuel  iirati^iui'  d  ■  l'Ilciile  Kléii.ef.iaire.  " 

K)  en  1^J^,  "  Dxiraits  lui  iuve,dents  lin  s  dii  Uc^i'-tri'  île  In  l'révoati!  d.'  (Jnéliec.  " 
',•0  eu   1M2.I,  '•  Kxtraits  ou  précédent»  «le»  arrêts  tiren^des'Kejistivs  du  ciuiseil  sup<  rieur 
•di'  (^uéliee." 

liio  en  INl  >,  ■'  Traité  d.'  l.t  (ir;ind  •  et  l'iilite  Culture,  •!  voU.  " 

Hi>  en  lf<:iiP,  '    l'ian  raiioumé  il'Kduealion  (i.inral.'  et  l'enuai  ente.  " 

IJo  en  1SI2,  "  .Moyens  il>'  l'in^erver  mu  Institution»,  notre  l,,iiiv.'up  et  niH  Lois.  •' 

i:iii  en  \y.\i,   "  AlMéiie  de  l'iii'itiore  du  Catiaila,  l.iiH  ;\  ITHI.  " 

(Suite  de  cette  note  sur  la  l'ago  sui\  inte.) 


ESQUISSES 


^75 


lin  1SJ4,  il  sfCDiulail  ciicty;iquciiicnt  le  Com'c  «.le 
Dalhousic  coiniiu:  i'un  cic'i  membres  fow  'ateurs  île  ia 
Sofii/i'  Lithyairc  et  llis(i>rii]in:  Pviuiaiit  les  troubles  poli- 
tiques lie  1<'>37-3Î^.  il  i)ariaj.;eait  les  iile-t-s  modérées  île 
Ouesnel  —  de  Xeilson — de  Cuvilliti-  et  blâmait  le  parti 
extrême  de  l'ancienue  chauil)re  d'assemblée.  Son  biographe 
nous  rai)[)elle  les  touchantes  joies  du  fo)-er  (jui  ré^Miaieiit 
à  Wlsyli  C/taiiipi'trc  au  temjis  ^\\  vieux  patriote  ;  M.  Perrault 
parta<;eait  ses  loisir;  entre  sa  famille,  ses  amis  et 
ses  laborieuses  occupation-  littéraires,  en  attendant  calme 
et  résigné  les  ombres  île  cette  nuit  sans  aurore  pour  tous 
— et  qui  terminait  M)n  utile  carrière,  le  4  avril  1  S44 — ;i 
rà;4e  de  91  ans. 


1 1.»  m  isu,  ••  Al>ivtf,".  (|.>  riii^ti.irc  <lii  Caiia")  i,  I7;>1  ;\  \*Vt.  " 

l'ii  l'ii  is:;(i,  '•  Aluvi,'''  ili'  l'lli<t.iir,' ilii  Caiiaila  lHl."ià  1M:I.  " 

li'iii  «Il  \^M,  "  'l'iaiti'  cl"  iiii  'Il  riih'    V  .tii'itiiiri'.  " 

17o  ni  l>.i.!,  "  ('mil'  limai  à  l'ii^  itfc  il-i  lialiitaiit:!,  tant  iiiii'ji'ii:i  .nie  iioiivoaiix.  .li|  lias- 
Caiiaila.  " 

I~o  fil  IM.lçi,  "  'rrallé  cl'au'i-ir'ultnr"  ail'iplo  aiii'lliiia;  ilii   ltas-<'alia<l.i,  "' 


Sans  compter  les  écrits  suivants  : 


l'iaiilnyi'rr»  ilaii^i  il'ux  caiisis  l'i  Irlir.'^  ,    .Mml.l.s  il'iiilrii'  il."  iiro<viIiin'!<   niix  tiTiini  >h 
la  ('mil'  Siipcvii'iiii'  ;  iimiIiIiii  il'i'iitiii  s  (!•'  iHdiiMliiros  aux  !•  riiu»  île  Cmir  Iiil'vriiuio. 
M    Hi'icli's  piiiir  ('iisri^iici'  la  laiiuii"  Aiiulai»>'. 
•'     ■•         l.atiii'' 
■'     "  riam,ais'" 

"  "  "  ".    "         l'Arilliiiivlii|UO 

•'  "  '■  "     "         l'ns  iKi' ili<  «lliilirs  rih'*ti-<  rt  tiTr'slrOJ 

"  "  ■•     •'         I, 'S  l'Xaimtis  diM  iH'<il>'<  priniairoj 

Mann'  1  puir  oini'iiipcr  le  ili's-ijii  liiiralr.' 
\'n'i.iMlaii<'H  rt  voi' ilmiairi'H  l''i'aiii;aii.  * 

lli^tcl|n!  irAii«liti'|-n'. 

Ilisloiri'   Saiiito  ;rri('nvc<  (!•>  la  n  liuioii  iliirtii  uni', 
l'ri'iivi  s  lia  Cliiistia.Mii-iiiii',  lr:uliiit  il"  ri>|iatriiiil,  il  ■  I!.  \  naril. 
Manuel  à  l'ii-ia,'"  ih  ■<  liiiltW'i'H  il"  la  ('.nir. 

AIiiiM   1  |ioiir  liiiiii-i  li'<  [larii-  ■■  il'  m  illi"iii.;''i|iir-.  ai>plii'iliI.M  a-ix  ari"  ot  m'Hori 
Maiiiii'l  pKiii'  la  tiMiti"  lira  liviis  à  parlii'H  ^iiiipi  M't  iIdiiI'U'. 
Maiiiiil  iMiar  l'étinl"  du  (•iiiiiiiitc". 
MaiiU'l,  poar  1'.  '''.il'  i!"*  KfiK'^  s'rnTv)  liii's. 


Battlefield  Cottage 

Voilà  un  nom  d'une  nature  fort  belliqueuse,  n'est-ce  pas  ? 

Le  vieux  cotta^^c  bâti  par  feu  le  lt.-col.  Chs.  Campbell,  du 
•990  régiment — père  de  M.  Archibald  Campbell,  proto- 
notaire- 'djoint  de  la  cour  Supérieure,  se  dresse,  avec  sa 
garniture  de  grands  arbres  forestiers,  sur  le  fameux  champ 
de  bataille  même  où  se  décidait  le  sort  de  tout  un  continent, 
le  13  septembre  1759.  Les  années  passées,  on  aurait  pu  voir 
dans  le  jardin  un  puits  assez  profond.  A  ce  puits  se  rat- 
tache un  étrange  souvenir.  S'il  en  est  un  qui  ne  doit  pas 
l'avoir  oublié,  c'est  assurément  notre  ami  M.  A.  Campbell 
qui  cnl.int,  faillit  )•  perdre  la  vie. 

Son  père  décida  alors  de  combler  ce  puits.  C'était 
pourtant  un  puits  qui  avait  dû  s'enorgueillir  de  son 
passé,  car  le  dit  13  septembre  1759,  on  y  avait  puisé  libé- 
ralement, pour  rafraîchir  les  lèvres  brûlantc<  d'un  mori- 
bond qui  reposait  sur  l'herbe,  à  quelques  pas,  cà  l'endroit 
même  où  en  1S32,  les  soldats  d'Albion  élevaient  un 
monument  (1)  ii  l'heureux  rival  de  Montcalm.  Ce  moribond 
se  nommait  James  Wolfc. 

L'occupant  de  Hatthficd  Cottage,  M.  Charlebois,  cons- 
tructeur des  édifices  du  l'arlcnient  Provincial,  sedoute-t  il 
que,  chez  lui,  le  sol  eit  spécialement  fertile  en  j^'rand-^ 
souvenirs,  et  que  les  puits,  .-/ils  j^ouvaieiit  parler,  pouraicnt 
avoir  leur  mot  à  dire  ? 


I  \\ 


llcic  irici 


vil 'liiKInl  :- 

"  'l'Iii'  «irk  ilii  •<  ariii'  ciiilii  lo  tln'  nin-nri,  Mt-  \:iv;rr  Aliilouiii,  wli  i  j.ii<  cxii'iit.il  i; 
in  il  vriv  ;il)li' i.iaiiiHi,  iniil  r  tlii' ilir  •iliiiii  n'' Mr.  JHuichloek,  (.f  tlir  Hnyul  i;ii_'iii''ir 
lli'iiiiil  meut  lidiri  .1  il.  ••JL'ii  clniwii  liy  LdiiI  AyliinT. 

'l'Iir  -pot  uliiT'  WiillV  n  ciivrii  \\\*  tliinl  ami  di'.'itli  ^volllllt\^•a^  in  finiit  i.f  tlii-  ri'Ioiilit 
and  risiiiv' U'i'iiiiil,  sonn'w  liât  on  tlii' liulit  ami  in  ailvaiin  nf  tin'  nionuiuiiit.  H'j  «as 
lin  lui'  liiirni'  lu  tlic  Vi  .ir.  ami  siiiipuilrd  a^tainil  a  riuk  lavinu  l'ii  thr  siirlacr. 

In  a  sinall  liclil.  IIm'  prnpirls  nf  thr  l.id'  .Mr  .Mniilnad,  thc  uni'  in  wliit  11  tin'  nioiiumetit 
in  sitnatid  and  tlii'  propirty  of  l'Iiailis  Caniplull,  \'.*i\.,  fidin  alioiit  tilty  yardt  dui- 
lioitli  uf  tln' fcilnmn,  imnn'iliatly  jnininu'  tin'  l'cni-r,  niay  lu'  Hi'i'n  lli''  r.inain!*  of  ih" 
wcll  wln-ni'i"  Widfi'  was  j-nppli.  il  willi  «atiT,  wln'n  layinK  liiint  and  dyin;;  on  thc  siiot. 
now  inarki'il  liv  tlii' colmnn.  Tlii^  lias  ln'i'ii  rvcr  known  to  tlic  nid  inlialiitants  of 
thr  in'lKhljorliood  a.i  \Volti''s   Wi'll.  <y/i'.v/.  1/ Cinmî./,  VuMV, /'.  lo;.) 


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umoiit 

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MARCHMONT,    Grande  Allée. 

Quatre-vingts  acres  d'un  terrain  amélioré,  fertile  et 
planche,  sur  le  côté  sud  du  chemin  du  roi,  à  l'ouest  des 
Plaines  d'Abraham,  dont  une  haute  clôture  les  sépare — 
frang  s  d'une  haie  d'aubépine  dominée  d'un  verdoyant 
cordon  d'érables,  de  jeunes  chênes,  d'épinettes  rouges,  de 
gracieux  bouleaux  semôs  dans  la  haie  à  dix  mètres  de 
distance  les  uns  des  autres  :  voilà  la  magnifique  métairie, 
sur  la  Grande-Allée,  à  un  mille  et  demi  de  Québec,  où  M. 
Thos  lieckett,  de  la  maison  Dobell  &  Cie,  Président  de  la 
Société  d'Agriculture  du  comté  de  Québec,  a  .  levé  son 
superbe  petit  château.  On  le  découvre  indistinctement  du 
chemin,  tapi  sous  Je  feuillage  qui  couronne  la  cime  du  cap 
altier,  au  pied  duquel  murmure  notre  fleuve  roi,  après  avoir 
déposé  sur  la  rive  les  ratleaux  du  propriétaire. 

Occupé  en  1819  par  Sir  John  Ilarvey,  le  commandant 
de  la  garnison,  Marchmont  a  successivement  hébergé  sous 
ses  frais  ombrages,  pendant  la  belle  saison,  l'évèque 
anglican  Mountain,  ainsi  que  d'autres  éminents  citoyens 
de  la  capitale.  L'historique  ruisseau  Saint  Denis  par  où 
grimpa  Wolfe,  sur  les  hauteurs,  en  1759,  l'avoisine  à  l'ouest. 

Ce  domaine,  le  plus  avantageusement  situé  que  je  con- 
naisse autour  de  Québec  comme  exploitation  agricole, 
passa  il  y  a  une  quarantaine  d'. innées,  à  M.  John  Gilmour, 
un  des  associés  influents  de  l'ancienne  et  puissante  maison 
écossaise,  l'oUock,  Gilmcnir  is:  Cic,  de  Gl.tsgow.  .\I.  Gihnoui 
ajouta  au  corps  de  logis  un  co!'.>crvatoiri-  pour  les  tleiirs, 
et  des  serres-chaudes  pour  la  culture  de  la  vigne  ;  à  sa 
mort  qui  eut  lieu  récemment,  le  lieutcu.int-colonel  l'^erdi- 
nand  TurnbuU,  inspecteur  de  nos  écoles  de  cavalerie,  y 
séjourna  l'espace  de  deux  années,  avant  de  s'installer  à 
Clermont,  deux  milles  à  l'ouest. 

D'où  lui  vient  le  nom  de  Marchmont .'  A'iSc-io,  mon  cher 
antiquaire. 


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(716)  872-4503 


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ELM  GROVE.  Grande-Aile^. 

Au  nombre  des  riches  propriétés  qui  firent  partie  de  la- 
succession  de  feu  George  Burns  Symes  et  qui  échurent  à' 
sa  fille,  Madame  la  Marquise  de  Bassano,  l'on  peut  men- 
tionner le  beau  domaine  en  face  de  Wolfefield. 

Possédé  d'abord  par  M.  John  Saxton  Campbell,  cons- 
tructeur de  navires  et  qui  y  vécut  nombre  d'années,  le  do- 
maine fut  acquis  en  1850,  par  M.  Joseph  Kright  Boswell 
qui  y  éleva  une  spacieuse  villa,  au  sein  d'une  plantation 
d'arbres  de  haute  futaie  où  l'orme  prédomine.  On  ap- 
pela l'endroit  Elm  Grave  :  bocage  des  ormes.  Au  départ 
de  M.  Boswell,  la  Marquise  de  Bassano  loua  Elm  Grove, 
en  1878,  cà  son  Excellence,  l'ablégat  papal,  Monseigneur 
Conroy,  qui  y  passa  l'été. 

Elm  Grove,  depuis  quelques  années,  a  été  acquis  par  M. 
John  Burstall,  et  sous  les  soins  de  cet  homme  de  goût,  la 
villa  a  pris  son  rang,  comme  une  des  maisons  de  campa- 
gne de  première  classe  autour  de  Québec. 


WOLKBKIBLID,  Grancle-Allee. 

"Jjos  oinlires  «le  la  nuit — lo  pivciiiicù  cscalnilo  par  Wolfe — 
reiiiiiiiv  uuo  s,i  poijjnéc  île  liruvi's  iloniia  iV  l'Angleterre — la 
tiloriciisp  catastioi)lu!  qui  termina  sa  eairiùrn   iK  même  Oii 

elU'   avait  commencé Ou    jmurrait   scruter    l'histoire 

;incicnne  entière   et   les   fastes  de  la  j)hi!osoi)hie  on  outre, 
■aani   rencontrer  un  fait  d'armes  plus  glorieux. — William  l'rrr 

Le  succè-s  qui  couronna  le  débarquement  à  SiUery  des 
soldats  anglais  qui  prirent  Québec,  en  1759,  de  même  que 
les  charmes  du  paysage,  prêtent  à  Wolfefield  un  intérêt  tout 
particulier. 

L'un  des  premiers  à  gravir  la  falaise  où  le  ruisseau 
Saint  Denis  s'est  creusé  un  lit.  fut  l'intrépide  Major  John 
Haie,  plus  tard  général,  à  la  tête  d'une,  compagnie  du 
brave  Régiment  de  Lascelles,  le  47me. 

L'ordre  de  marche  prescrit  par  Wolfe,  pour  escalader 
ce  sentier  abrupte,  fut  celui  usité  par  les  Sauvages  dans 
les  bois,  un  seul  homme  de  front  :  "  Indian  file  "  dit  un 
historien  anglais. 

A  l'extrémité  '  :  iardin  de  Wolfefield,  on  discerne 
encore  à  ileur  do  tcn  quelques  faibles  vestiges  d'un 
corps-dc- garde  français  c/i  nos  miliciens,  au  nombre  de 
cent,  en  grande  partie  de  Lorette,  avaient  été  placi's  on 
faction,  sous  les  ordres  du  traître  ou  inepte  Capitaine  de 
Vergor,  (i)  le  protégé  de  Bigot  :  les  miliciens  tirèrent  sur 
les  soldats  du  Major  Haie  ;  puis,  disent  de  vieux  mémoi- 
res, croyant  qu'ils  avaient  affaire  à  l'armée  anglaise  entière, 
ils  prirent  la  fuite  ou  se  rendirent  prisonniers  1  veo  leur 
commandant  blessé  au  talon,  lequel  avait  crié  :  "  Sauvez- 
vous  ! 

Ceci  se  passait  peu  après  minuit  le  13  septembre  1759  ; 
Wolfe  bien  que  malade  et  souffrant,  organisa  de  suite,  un 
service  spécial    pour   transférer  des  bateaux   au  bord  du 


(1)  N.  B.  "Co  capitaino  avait  avec  lui  beaucoup  d'habitants  de  Lorette,  dont  lo  lion 
était  i\  la  portée  do  ce  poste  ;  ils  lui  demandùrcnt  la  pcnniasion  d'aller  travailler  la  unit 
chez  eux  ;  il  la  leur  accord»  :  on  prétend  que  co  fut  il  condition  d'aller  aussi  travailler 
pour  lui,  sur  imo  terre  qu'il  avait  dans  cette  paroisse."  Mémoires  sur  les  affaires  lUi 
Caimiîii   1740-CO,  p.  114. 


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17S 


WOLFEFIELD 


fleuve,  des  provisions  et  des  munitions  de  guerre,  que  l'on 
transportait  à  force  de  bras,  au  haut  du  plateau  élevé  en 
cet  endroit  de  plus  de  cent  pieds, 

Oii  utilisa  pour  cette  rude  besot^ne,  les  marins  de  la 
flotte  ;  le  valeureux  chef  les  attendait  au  haut,  où  ils  arri- 
vaient haletants  sous  leurs  fardeaux  et  épuisés  de  fatigue. 
Il  leur  faisait  distribuer  des  spiritueux  ;  les  encourageait 
de  ses  paroles  et  leur  promettait  une  victoire  certaine 
et  prompte. 

A  quatre  heures  du  matin, les  bataillons  anglais  prenaient 
leur  position,  déployés  sur  Je  plateau  à  l'est  en  face  du  site 
où  a  été  depuis  érigé  le  petit  château  de  Marchmont. 

Au  printemps  de  iSio,  une  semaine  après  les 
funérailles  du  Col.  Henry  Caldwell,  com.me  il  se  plaisait  à 
le  répéter,  un  jeune  anglais  débarquait  à  la  basse-ville  de 
Québec:  ce  jeune  étianger,  ayant  vom  Wiliam  Price, 
était  destiné  à  prendre  une  position  dominante  dans  les 
sphères  du  haut  commerce.  Ses  nombreux  moulins,  entre 
Québec  et  Rimouski,  ses  vastes  scieries,  ses  fermes,  ses 
grandes  exploitations  agricoles,  dans  les  environs  de  Chi- 
coutimi,  le  firent  nommer  plus  tard  "  Le  Roi  du  Sague- 
nay." 

M.  Price  avait  succédé  a  une  autre  célébrité  locale  au 
Sagucnay  :  M.  Peter  McLeod. 

Associé  de  la  puissante  maison  Goldie  &  Co„  de  Lon- 
dres, M.  Price,  par  son  esprit  d'initiative,  son  caractère 
honorable,  ses  succès  dans  l'exploitation  di.  produit  de 
nos  forêts,  devint  bientôt,  dans  la  rue  Saint-Pierre,  une  dos 
sommités  de  notre  moide  commercial. 

Vu  l'état  affreux  de  l'hj-giène  publique  à  Québec  et  la 
défectuosité  du  drainage  dans  la  ville — M.  Price  se  hâta 
de  se  choisir  une  résidence,  loin  des  miasmes  de  la  cité  ; 
il  venait  d'épouser  Mlle  Charlotte  Stewart,  fille 
de  M.  Charles  Gray  Stewart,  Contrôleur  des  Douanes  à 
Québec  :  quelques  années  plus  tard  le  ciel  bénissait  l'u- 
nion, par  une  famille  patriarchale  quant  au  nombre. 


ESQUISSES 


179 


e  l'on 
vé  en 

de  la 
s  arri- 
atigue. 
rageait 
ertaine 


Le  cottage  que  le  Capitaine  Kenelm  Chandler  avait 
acquis  de  M.  David  Munro,  sur  la  rive  du  ruisseau  Saint- 
Denis,  près  de  Spencer  Wood,  le  tentait  :  il  en  fit  l'acqui- 
sition et  lui  conféra  un  nom  fort  approprié — qu'il  porte 
encore  :  Wolfefield. 

William  Price  décédait  à  Wolfefield  en  mars  1867. 

Le  domaine  paternel  est  maintenant  occupé  par  ses 
filles  el  leur  frère,  M.  John  Evaii  Price. 


enaient 
du  site 
nt. 

rè;î  les 
iaisait  à 
/ille  de 
1  Price, 
dans  les 
is,  entre 
les,  ses 
I  de  Chi- 
Sague- 

Dcale  au 


c  Lon- 
iractère 
dnil  de 
une  dos 


ic   et  la 
ise  hâta 
la  cité  ; 
fille 
janes  à 
lit   l'u- 


I-  ' 


THORNHILL,  Sillery 


Vîisoiiiiii'r  il'u..  ouro.m,  j'ecoiinnia  le  plaisir 
De  Koi'itcr,  tnua  l(>s  soirs,  un  inomi'Ht  Ai'  loiair. 
Je;  niitri"  IcntcmL'ut  chez  moi,  je  me  iUl:is30 

•îi-  tvavirac  un  .jnrilinj  oùj'oconte,  on  iiiinThiint, 
lit'S  ailicux  que  les  iiida  font  au  soleil  couchant. 

[CdlTÉE,  Promenades  et  Iiitiriews. 

Une  solide  maison  de  campagne  datant  de  1823,  rebâtie 
tn  ce  joli  site — voisin  des  Plaines  d'Abraham — par  feu  M. 
Alexander  Simpson,  alors  ge'rant  de  la  succursale  de  la 
Banque  de  Montréal,   à  Québec. 

Perchée  au  haut  d'un  tertre  au  nord  de  la  Grande 
Allée,  à  un  mille  de  la  barrière  de  péage,  ^on  distingue  du 
chemin,  à  demi  voilée  par  un  bouquet  de  verts  sapins,  la 
villa  de  M.  Archibald  Campbell,  Protonotaire-ad joint  de 
la  Cour  Supérieure.  Elle  tient  son  nom  d'une 
épaisse  garniture  d'aubépines  qui  court  le  long  du  coteau. 

Une  avenue  bordée  d'arbres,  entre  deux  vallons,  mène  à 
la  résidence,  bien  pourvue  de  jardins,  de  pelouses,  de 
balcons.  Le  fondateur  M.  Simpson  semble  avoir  été 
amateur  de  ce  confort  national,  à  la  foi  solide  et  élégant  : 
EngUsJi  Couifort  :  ou  en  voit  des  traces  non  équivoques  dans 
son  logis  et  dans  son  ameublement.  Les  portes  d'entrée  sont 
d'acajou  solide  ainsi  que  d'autres  objets  antiques. 

Au  temps  où  notre  sympathique  Vice- Roi  le  Comte 
d'Elgin  tenait  sa  brillante  cour  à  Spencer  VVood  qu'il 
aimait  tant,  (\)  il  avait  pour  premier-ministre  l'habile 
financier,  Francis  Hincks,  qui  a  expiré  le  iSfaoût  1885. 

Pour  être  plus  près  de  son  chef.  Sir  Francis  Hincks  fit 
l'aquisition  deThornhill,  ou  s'écoulèrent  pour  lui  quelques- 
uns  des  jours  les  mieux  remplis  de  sa  carrière   si   longue, 


[1]  Ou  prêtait  h.  Lord  Elgin,  les  paroles  <\  ui  suivent  dans  un  do  ses  di8cour8,au  sujet  de 
Spencer  Wood.  •'  Net  only  'would  I  gpond  hère  the  rcst  of  iny  life,  but  ofter  my  death, 
I  should  like  my  bones  to  rsst  in  this  beautifut  spot.  <> 


Inisir 
(■  loUir. 
liisau 


iiarcliant, 
:ouoliaut. 

ntôrienra- 


3,  rebâtie 
ir  feu  M. 
le   de  la 

Grande 
ingue  du 
sapins,  la 
[joint  de 
i      d'une 

coteau. 

mène  à 
)uses,  de 
.voir  été 

cgant  : 
ues  dans 

rée  sont 

Comte 
)d  qu'il 
l'habile 
1885. 
icks  fit 
lelques- 
llongue, 

Lau  sujet  de 
my  death, 


ESQUISSES 


181 


et  si  accidentée  ;  que  d'épineuses  questions  alors   réglées  à 

Spencer  Wood  entre  la  poire  et  le  fromage  ! 

On  a  dit  qu'au  siècle  dernier  Thornhi'l  avait  été  la 
métairie  du  Lieut.  Gouverneur  Hector  Théophilus  Cramahé 
et  que  pendant  cette  automne  de  1775,  si  palpitante  d'émo- 
tions pour  nos  grands-pères,  messieurs  les  Bostonais  firent 
une  visite  à  ses  poulaillers  et  montrèrent  leur  appréciation 
de  ses  grasses  volailles. 


' 


lU 


V     ' 


ÎUM'. 


'     SPENCER-WOOD. 

"ïlirough  thy  procn  tirovos  aiid  doop  roccdlnR  howerg 
IjOvciI  Siicnci-r  Wond  !  liow  ofton  liavo  I  striiyod, 
Or  iiiuscd  awiiy  flio  cmImi.  uiilirokon  lioura, 
Iti'iieatli  801111!   liioiul  oak"s  tool,  rifrosliinR  sliado." 

(l'OL'iii  on  Spciircr  M'ooil,  Ailam  Kidd,  1820.) 

Du  côté  sud  du  chemin  Saint-Louis,  à  deux  milles  des 
murs  de  la  ville,  gît,  sous  un  dôme  de  verdure,  le  domaine 
le  plus  pittoresque  de  Sillery — d'aucuns  diraient,  du  Ca- 
nada :  Spencer  Wood. 

De  1780  à  1796,  on  connaissait  cette  célèbre  résidence 
vice-royale  sous  le  nom  de  Powell  Place,  du  nom  de  son 
propriétaire  alors,  le  Général  Henry  Watson  Powell.  Elle 
prit  ensuite  le  nom  de  Spencer  Wood  du  très  honorable 
Spencer  PercevaU'illustre  parent  de  l'hon.  Michael  H.  Per- 
ceval,  dont  la  famille  demeura  propriétaire  du  domaine 
depuis  1S16  jusqu'en  1833  ;  alors  Spencer  Wood  fut 
acheté  par  feu  M.  Henry  Atkinson,  négociant  riche  et 
avantageusement  connu  à  Québec. 

L'hon.  H.  Perceval,  membre  de  l'Exécutif  et  du  Conseil 
législatif,  fut  aussi  percepteur  impérial  des  Douanes  de 
Sa  Majesté,  à  Québec  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  en  mer,  le 
12  octobre  1829.  Son  traitement  annuel  était  de  huit  mille 
louis  sterling.  Les  Perceval  y  vécurent  d'une  façon  fort 
distinguée  pendant  plusieurs  années.  Québec  conserve 
encore  d'agréables  souvenirs  de  leurs  brillantes  réceptions. 

De  même  que  plusieurs  villas  royales  d'Angleterre  et  de 
France,  Spencer  Wood  a  eu  ses  alternatives  de  splendeur, 
d'isolement  et  d'abandon,  quelque  courtes  qu'elles  aient 
été. 

Jusqu'en  1849,  Spencer  W^ood  comprenait  la  propriété 
voisine.  Spencer  Grange.  Cette  année-là,  M.  Atkinson 
vendit  la  plus  grande  moitié  de  sa  propriété  au  gouver- 
nement, pour  servir  de  résidence  à  l'aimable  et  hospitalier 
gouverneur,  le  ccmte  d'E'gin,  en   se  réservant   la  plus  pe- 


ESQUISSKS 


183 


Ipriété 

tinson 

luver- 

italier 

3  pe- 


tite moitié,  sur  laquelle  il  érigea  des  eonservatoires  de 
fleurs,  des  serres,  etc.,  beaucoup  plus  considérables  que  ne 
le  sont  ceux  de  Spencer  Wood  p'"oprement  dit. 

Il  y  a  une  description  du  jardin  de  Spencer-Wood  dans 
\ Encyclopcdia  of  Gardcniiig,  à  la  page  341,  et  aussi  dans 
le  Gardencrs  Magazine  de  1837,  à  la  page  467.  C'est  à  un 
jardinier  paysagiste,  M.  P.  Lowe,  maintenant  en  chxri,'e 
du  conservatoire  de  Cataraqui,  que  le  jardin  de  Spencer- 
Wood  était  redevable  d'être  cultivé  avec  un  goût  si 
exquis  et  d'avoir  été  un  objet  de  curiosité  [jour  tous  k's 
étrangers  iiui  visitaient  Québec. 

Nous  pourrions  rappeler  le  temps  où  cette  pro- 
priété s'étendait  depuis  Wolfefield,  dans  le  voisinage  de 
Marchmont,  jusqu'au  méandriqu;  ruisseau  IJelle-liorne, 
qui  coule  tout  juste  au-delà  de  la  loge  du  concierge  à 
Woodfield,  vers  l'ouest  ;  le  ruisseau  historique  Saint- 
Denis,  que  le  lient.  Général  Wolfe,  gravit  pour  vaincre 
ou  mourir,  le  traversant  à  Thornhili.  C'était  alors  un 
domaine  de  plus  de  cent  acres, — digne  résidence  pour  le 
plus  fier  baron  que  l'Aiigleterre  eut  pu  nous  envoyer 
comme  vice-roi.  Borné  à  l'est  et  à  l'ouest  par  deux  ruis- 
seaux ;  isolé  de  la  grande  route  par  un  épais  bocage  de 
chênes,  érables,  pins  et  ormes, — forêt  pour  ainsi  dire 
vierge,  ne  livrant  que  ça  et  là  passage  à  la  lumière  à  travers 
le  labyrinthe  de  ses  avenues  ;  paysage  saisissant,  dont  les 
ombrages  estompaient  les  teintes  douces  des  tapis  tle  ver- 
dure: le  tout  était  digne  d'une  demeure  ducale,  (i  j 

Un  jardin  féerique  de  fleurs  était  situé  en  arrière  du 
château  au  nord  ;  jadis,  il  eut  le  [)rivilège  d'attirer  bien 
des  regards.  Il  y  avait  aussi  un  grand  jardin  fruitier  et 
potager  bien  entretena  ;  il  était  émaillé  de  i)late-bandes 
de  fleurs  ;  le  centre  était  orné  de  la  plus  charmante  fontaine 
circulaire  en  marbre  blanc*,  alimentée  par  un  filet  d'eau 
vive   du    ruisseau    Belle-Borne,    au    moyen   d'un  appareil 


I; 


[Ij  Ia"  li'ctour  lU'siroux  <li<  so  roiiscimior  iiliis  amvloini'ut  sur  ci'tti!  lii'lli'  résitlciici-  ont. 
prié tUi  rcfOriT  ,1  lii  (U'acrii)t ion  couti'uui'  dans  V Whiim  Aii.  Tourintectii,  lu  dt'si'iiptioii 
encore  iilus  ilctaiUùo  dans  le  PictHres<pic  Quehvc. 


i84 


sri:\CER-wooi) 


hydraulique  sous  terre  ;  des  balcons,  des  belvédères 
étaient  érigés  dans  des  endroits  exposés  au-dessMs  de 
précipices  béants,  et  sur  deux  pointes,  l'une  rej^ardint 
Sillcry  et  l'autre,  l'île  d'Orléans  ;  ce  fut  le  lieu  de  maiutes 
gaies  réunions  où  l'on  prenait  le  thé,  où  l'on  faisait  sauter 
le  Champagne.  Faut-il'  aussi  mentionner  les  pavillons, 
les  chaises  rustiques  perdues  dans  les  bocages,  un  superbï 
boulingrin  et  des  places  de  jeux  de  paume. 

La  villa  elle-même  renfermait  une  collection  choisie  de 
peintures  de  grands-maîtres,  une  bibliothèque  bien  assortie 
d'ouvrages  rares  et  de  valeur,  de  missels  romains  cnlumi- 
né'-,  de  riches  portefeuilles  avec  gravures  curieuses,  de 
statues  antiques,  de  gracieuses  statuettes,  de  médailles, 
d'objets  d'art  acquis  par  le  propriétaire  durant  quatre 
années  de  séjour  en  Italie,  en  France  et  en  Allemagne  ; 
c'est  ainsi  que  nous  nous  rappelons  Spencer  Wood  aux 
jours  radieux  du  passé  alors  quec'était  la  résidence  choyée 
d'un  homme  de  goût,  feu  M.  Henrj'  Atkinson,  président 
de  la  société  d'horticulture  de  Québec. 

Au  commencement  du  siècle,  Spencer  Wood,  comm^ 
nous  l'avons  c;éjà  dit,  était  connu  sous  le  nom  de  Powell 
Place. 

Son  Excellence  Sir  James  Henry  Craig  y  passa  les  étés 
de  1S07,  1808,  1S09  et  18 10  ;  mais  l'air  salubre  de  Powell 
Place  ne  put  effectuer  la  cure  de  la  craelle  maladie  qui 
l'obsédait 

L'historien  Robert  Christie  a  conservé,  entr'autres 
documents,  une  curieuse  lettre  de  Sir  Jamss  à  son  secré- 
taire et  chargé  d'affaires,  à  Londres,  l'hon.  Herman^Wistius 
Ryland,  en  date  de  Powell  Place,  le  6  août  18 10.  Dans 
cette  lettre,  il  caractérise  dans  un  langage  un  peu  parlemen- 
taire le  coup-d'état  qui  avait  fait  consigner  à  un  donjon, 
à  Québec,  trois  des  membres  les  plus  marquants  de  la 
législature:  MM.  Bédard,  Taschereau  et  Blanchet,  avec 
JVI.  Lefiançois,  imprimeur  du  Canadien,  pour   s'être    livrés 


m 


r.S(.>uissi':s 


185 


êtes 

)well 

qui 

itres 

îcré- 

itiuà 

Lins 

lisn- 

Ijon, 

le  la 

ivec 

^rés 


dans  ce  journal  à   certains  coniinentaires  sur         politique 
coloniale  de  Sir  James. 

Voici  cette  lettre  : 

"Sn<  Ja.mks  Craii;  A  M.  Rvlanh. 

"Québec,  Powcll  Place,  6  août  iSio 
"Mon  cher  Ryland, 

"Jusqu'au  moment  où  j'ai  pris  la  plume,  je  pensais 
avoir  beaucoup  à  vous  dire,  et  à  l'heure  qu'il  est,  je  me  trouve 
pour  ainsi  dire  sans  sujet''* ''.  Nous  sommes  restés  bien  tran- 
quilles ;  tout  ce  qui  se  fait,  se  fiùt  en  silence  Je  n'ai  aucune  rai- 
son de  penser  cependant  qu'il  soit  survenu  de  changement  dans 
l'espiit  public  ;  je  crois  qu'il  reste  dans  le  mOme  état.  (I.'évéque) 
Plesais,  au  retour  de  sa  tournée,  a  reconnu  devant  moi  qu'il  a 
raison  de  penser  que  quelques-uns  de  ses  curés  ne  se  sont  pas 
conduits  comme  ils  auraient  dû  le  faire  ;  il  achève  en  ce  mo- 
ment le  reste  de  ses  visites. 

"Blanchette  et  Taschereau  ont  été  tous  deux  relâchés  par  suite 
de  mauvaise  santé  ;  le  premier  est  allé  à  Kamouraska  prendre  des 
bains  ;  le  dernier  n'est  sorti  que  ces  jours-ci.  11  a  envoyé  de- 
mander au  juge-en  chef  (Sewell  j  s'il  consentirait  à  le  recevoir  ; 
celui-ci  a  répondu  qu'il  n'avait  aucune  objection.  Le  juge  en 
chef  est  convaincu  qu'il  est  jnarfaitement  converti.  Il  lui  a  assuré 
qu'il  croyait  de  son  devoir  de  saisir  toute  occasion  publique  de 
montrer,  par  tout  acte  qu'on  lui  indiquerait  de  faire,  son  acte  de 
contrition  de  sa  conduite  passée."  (1) 

Si  les  noms  des  visitants  illustres  sur  le  registre  de 
Spencer-Wood  peut  rehausser  l'intérêt  que  la  place  peut 
avoir,  on  pourrait  rappeler  celui  de  Son  A.  R.  le  prince  de 
Galles,  qui  visita  en  1860  ce  site,  plus  d'une  fois  parcouru 
et  admiré  de  1791  à  1794  par  son  aïeul,  le  prince 
Edouard,  duc  de  Kent,  dans  ses  promenades  autour  de 
Québec  avec  la  séduisante  baronne  de  Saint-Laurent.  On 
peut  signaler  aussi  entre  tous  ceux  qui  furent  familiers 
avec  les  airs  de  Spencer  Wood,  deux  autres  princes 
royaux,  le  duc  d'Edimbourg  et  le  prince  Alfred,  la  Prin- 
cesse Louise,  le  Prince  Léopold  avec  forces  ducs,  et  comtes, 
les  ducs  de  Newcastle,  de  Manchester,  de  Ikickingham, 
d.Argyll,  le  prince  Napoléon,  les  généraux  Grant,  Sher- 
man,  etc. 


[1]  Sir  James,  ou  nous  nous  trompons  fort,  se  faisait  illusion  en  ceci.  [J.  M.  L.] 


i86 


Sl'lCNCEK  \V0(  )D 


Depuis  la  Confédération,  Sir  \.  F.  HcUcau  et  les  lieu- 
tcnaïUs-j^ouvcrneurs  Caron,  Letellicr  de  Saint  Just,  et 
Robitaille  ont  successivement  occupé  Spencer-Wood. 
L'IIon.  L.  R.  Masson,  en  prenait  possession  comme  Lt, 
Gouverneur,  le  7  nov.  1884,  le  jour  même  de  l'anniversaire 
de  sa  naissance.  Amateur  de  l'histoire  catiadicnne,  il  vient 
d'y  installer  sa  riche  collection  de  livres,  etc.,  de  Mémoires, 
de  Hrochures,  se  rattachant  à  notre  histoire. 

Spencer  Wood  est  devenu  la  propriété  de  la  province  de 
Québec  au  temps  de  la  Confédération,  par  don  gratuit  de 
la  Puissance,  fi  la  condition  expresse  qu'elle  continuerait 
comme  par  le  passé  à  être  la  résiilence  gubernatoriale. 
Réduite  maintenant  de  moitié  en  étendue,  son  entretien 
est  bien  minime,  comparé  à  l'époque  où,  résidence  d'un 
simple  particulier  (M.  .VtVinson,)  elle  comprenait  le 
domaine  voisin. 


8PENCER  GRANGE 


"  l'ii  ni.l  iiiMrt  lo  fiMill;iL"i' 

l'ii  ininiDir  (hina  li'^  Ihih."'— |  Vir  imi  llruci  :  L,n  Hi'iin.] 

Lorsque  Spencer  Wood  devint  la  résidence  vire-roj-ale 
de  Lord  Elpjin,  l'ancien   maître   du    domaine,    feu    Henry 
Atkinson  en    réserva  la  plus  petite  moitié,  h  l'ouest    où    il 
se    fit    conr.truire  une 'jolie    villa   qu'il    nomaii    Spencer 
Granj^e.  [i] 

Le  gouvernement  y  eriy;ea  ,-i  l'est  une  liante  muraille  en 
briques,  entre  les  deux  domaines,  pour  la  culture  des 
fruits  e!i  espaliers.  Sjjencor  Grange,  qui  comprend  à  peu 
près  quarante  acres  de  terre,  se  rétrécit  vers  le  rteuve,  en 
une  pointe  d'un  arpent  de  front  ;  un  pittoresque  pavillon 
ou  belvédère,  penché  au  dessus  d'une  murmurante  casca- 
telle  créée  par  le  ruisseau  Bi-f/c  J'onic,  domine  cette  pointe, 
d'où  l'on  obtient  une  charmante  vue  du  fleuve. 

Bientôt  l'on  vit  surgir  à  cet  endroit  des  serres,  des  con- 
servatoires, des  parterres,  une  bibliothèque,  plus  considé- 
rables que  ce  qui  s'était  vu  à  Spencer  Wood  même. 

Le  paj'sage  aux  deux  places  n'est  pas  identique.  L'in- 
comparable spectacle  du  fleuve,  etc.,  en  ce  dernier  lieu,  est 
remplacé  par  des  charmes  d'un  autre  genre  :  c'est  la  forêt 
combinée  avec  la  mise  en  scène  d'un  parc  anglais  en  mini- 
ture  :  "a  Woodlaiid Scciic'  comme  l'entendait  celui  qui  en 
conçut  ridée. 

Un  coquet  castel  au  milieu  d'iui  bois,  ([c:=,  massifs  de 
chênes,  d'érables,  etc.,  groupés  symétriquement  au  sein 
d'une  verte  prairie  ;  une  longue  avenue,  frangée  d'un  côté 
d'arbres  forestiers  ;  de  l'autre,  d'une  haie  vive,  mène  à  la 
demeure.  En  face  un  orme  séculaire,  des  sentiers  (2)  déro- 
bés dans  la  forêt  p'imitive  à  l'ouest,    longeant    l'historique 

[1]  Hi-iimie,  on  AiiKloterrc,  s'oiuploir  iKmr  désigner  'ine  inétairio  oriiùP,  combinmit  l:i 
vie  lie  cluiteau,  avec  des  occuii.itious  aprieoks. 

(2)  Le  iihis  i)ittoros(itio  de  ces  sentiers,  A  Tourst,  a  étù  nonini6  l'Avenue  Aiuliibon  , 
pour  perpétuer  le  souvenir  de  1.1  vrtsence  en  ces  emlroits,  eu  1«4J,  du  i>rinc'0  deâ  natu- 
ralistes lie  l'Aniériiiue,  Jean-Jacques  Auduliun. 


ïSS 


SPENCER  GRANGE 


ruisseau  Belle-Borne,  dont  le  cours  intercepté  dans  ses 
méandres,  alimente  un  petit  étang,  abreuvoir  chéri  des 
grives  et  des  merles  à  l'aube,  puis  se  irécipitant  à  une 
hauteur  d'une  centaine  de  pieds  dans  Woodficld  Ifarhor 
après  avoir  reflété  au  soleil  levant  les  prismes  de  l'arc-en- 
ciel  ;  deux  jardins,run  pour  les  fruits,  l'autre  pour  les  fleurs, 
disposés  en  terrasses  et  ceints  de  haies  de  lilas  et  d'arbus- 
tes pour  masquer  les  clôtures  et  les  bâtiments  de  ferme  : 
tels  sont  .es  agréments  les  plus  notables  que  M.  Atkinson 
se  plut  à  semer  sur  son  nouveau  domaine. 

Ajoutez-y  une  pelouse  unie  ou  boulingrin  pour  le 
croquet  et  le  lazcn  tennis,  une  volière,  un  musée  ornitholo- 
gique  et  archéologique,  une  nouv^elle  façade  plus  imposante 
au  corps  de  logis,  surmonté  d'une  tourelle,  où  flotte,  les 
jours  de  gala,  le  pavillon  du  Canada,  présenté  pour  Spencer 
Grange,  par  les  propriétaires  des  villas  environnantes  :  et 
vous  aurez  une  idée  de  cette  résidence  depuis  qu'elle  passa 
en  1860  à  celui  qui  trace  ces  lignes  : 

BULLETIN    ORNITHOLOGIOUE 

Mif^fction  friiitanurc  des  oiseau. \\ 

"  Le  ler  juin  dernier,  il  y  avait  chez  M.  et  Mme  Ornithos,  à 
Sillery,  la  réception  ordinaire  du  printemps  :  bien  que  bruyante 
et  nombreuse,  il  y  manquait,  nous  dit  notrre  reporter,  plusieurs 
personnages,  j.résents  à  la  réunion  précédente. . 

Tout  se  passa  avec  un  merveilleux  entrain  ;  les  toilettes,  sur- 
tout les  toilettes  masculines  étaient  lestes,  pimpantes,  bien 
assorties, — quelques-unes  môme  fon  chic. 

Au  lieu  de  la  grande  migration  printanière,  on  eût  crû  qu'il 
s'agissait  d'une  noce  :  la  température  pourtant  était  froide,  et  le 
temps  n'était  pas  '"aux  oiseaux"  ;  des  l'abord,  ce  gai  monde 
semblait  un  tant  soit  peu  attristé  ;  on  eût  dit  qu'ils  regrettaient 
l'absence  de  leurs  pardessus  et  de  leurs  paletoti  d'hiver.  Peut- 
être  cette  préoccupation  ét,ait-elle  due  à  la  présence  d'un  érne- 
rillon  qui  rôdait  dans  les  environs.  La  réception  eut  lieu  au  salon 
principal,  c'est-à-dire  au  musée  ;  le  dôme  verdoyant  d'un  grand 
orme  voisin  servait  à  ces  visiteurs  ailés,  de  salle  d'at 
tente.  Voici  quelques  détails  pour  les  curieux  :  le  laquais  de 
service  a  eu  l'obligeance  de  passer  à  notre  reporter,  .  M.  Colibri, 
les  cartes  de  ces  dames  et  messieurs  :  tous  paraissaient   fiers   de 


II 


ESQUISSES 


1S9 


l'il 

le 

Ide 

sut 


leurs  prérogatives  et  avaient  leurs  noms  et  prénoms  inscrits  pré- 
tentieusement sur  leurs  cartes  de  visite. 

L'élément  clérical,  représenté  par  des  rccollcts  et  des  nonnes, 
brillait  au  premier  ranj,^  :  c'était  M.  Ampelis  Cedrorum  et  la 
vcihxQ.  Junco  Ilyemalis  ;  le  cardinal  des  années  précédentes, 
//  sii^nor  Pyrani^a  Rubra  brillait  par  son  absence. 

D'autres  artistes,  d'un  rare  talent,  s'empressaient  de  présenter 
leurs  hommages  au  maître  de  céans  :  Monsieur  et  madame 
Tnrdus  Migratorius  et  leurs  entants  gros  comme  père  et 
mère — qui  entrèrent  au  salon  en  se  trémoussant,  sautillant, 
gazouillant,  avec  un  adorable  abandon.  Les  fils  portaient 
manteau  noir-gris  et  veste  rousse  ;  leurs  sœurs,  mantilles  grises  et 
fichu  roux  brun. 

On  remarquait  il  signor  Melospiza  Melodia,  ténor  distingué, 
accompagné  de  sa  jeune  épouse,  madame  Mclod'a.,  née  Rossi- 
gnol ;  puis,  trois  beaux  chanteurs  :  VLW.  Pcnnsyhanicns,  Lcu- 
cophrys  et  IHiacus,  de  l'illustre  famille  des  pinsons,  suivis  d'un 
éminent  artiste.,  à  la  voix  sonore,  I\L  Turdus  Solitarius.,  et  son 
cousin,  l'harmonieux  baryton,  l^urdns  Wilsoni,  dont  les  notes 
limpides,  aériennes  ont  jeté  tant  de  lustre  sur  cette  nombreuse 
lignée  des  Grives  :  leurs  accents  respectifs  ressemblent  à  ceux 
de  la  flûte  et  du  haut-bois  On  parut  fort  scandalisé  des  cris 
discordants  d'un  couple  de  mainates  pourpres  qui  se  jouèrent  un 
instant  au  commet  de  l'orme  ci-devant  mentionné  :  leur  voix 
était  comme  le  grinrement  d'une  brouette.  Un  geai  bleu  ajoutait 
à  cette  cacophonie  ;  il  n'eut  pas  les  honneurs  de  la  présenta- 
tion ;  en  somme,  un  beau  succès  couronna  les  efforts  de  ces  vir- 
tuoses, qui  s'éloignèrent  .fans  se  dire  adieu."  (L'Electeur.,  24 
Juillet  18S4.) 

X.-B. — L'idéo  do  cette /tiH^at'sie  semblû  avoir  tl'tO  cmpnmtûc  i\  un  compto-rcndii  do 
soiii'ilfible  nature  drossO  par  lo  côl''bro  ])r  Couoi,  lo  si-and  oriiitlioljïisto  américain. 


i 


|!  :î 


(i;  SAMOS  — Woodfield,  Sillery 

La  pittoresque  résidence  d'e'té  d'uii  prélat  français,  en 
'733.  et  la  voie  publique  qui  y  conduisait,  à  Sillery,  ont 
emprunt.4  toutes  deux  leur  nom  au  titre  épiscopal  de  Mon- 
seigneur Dosquet,  évêque  titulaire  de  Samos  et  seigneur 
de  céans,  au  siècle  dernier. 

Il  appert,  en  référant  aux  relations  du  siège  des  Boston- 
nais  en  1775-6,  que  le  site  avait  continué  de  porter  le  nom 
de  Samos.  Je  suis  porté  à  croire  que  ce  fut  un  de  ses  pro- 
priétaires des  mieux  connus,  Thon.  William  Sheppard 
qui,  vers  1S16,  changea  le  nom  de  Samos,  en  celui  de^\'ood- 
field.  M.  Sheppard  quittait  Woodfield  en  1847  et  cette 
magnifique  propriété  passait,  par  vente  du  shérif,  à  M. 
Thos.  Gibb,  qui  l'échangea  avec  son  frère  James  Gibb, 
l'ancien  président  de  la  iMtuqiic  de  Québec,  contre  son 
domaine  de  Bellevue,  sur  le  chemin  Ste  Foye.  Cette  région 
bocagère  a  été  transformée  en  nécropole  en  18S0,  sous  le 
vocable  de  -SV  Pairick's  Cciitctcry.  C'est  sous  les  pins  mur- 
murants de  Samos  que  les  fils  de  St  Patrice,  transplantés 
sur  nos  rives,  vont  maintenant  goûter  le  long  sommeil,  et 
l'oubli  de  leurs  nombreux  griefs,  réels  ou  imaginaires  en 
la  verte  Erin.  Que  la  terre  leur  soit  légère  ! 


fja  coinpiiciiio  (!<•  l:i  Nouvelle  FraïKi'.  en  ir;4ii,  sous  radministiatidu  <lu  Cluvalii  r  lie 
Mniitnia.^'iiy,  (  uiitrila  et'  terrain,  di'  trois  ariJiiits  ilr  front  à  .Ii'an  lioiivart  dit  Lafortuiif. 
.Ii'an  Jloiivart  M-ndait.  en  llil'.l.  à  r.artlu'di'Miy  (iandin.  Y.w  ITnJ  le  lot  était  im-sOdé  par 
(iiiillaunii'  l'riL'é  dit  Cariv.  F.ii  ITiit.  Nicliolas  de  la  Xoiiiller  l'aelu  !:•  et  li'  revendit  en 
IT.'ll  à  Jlonsei'^iieur  iio^(|iii  t,  i  \é<|iie  de  Samos.  J)n  17il:J.  le  Séminaire  des  ]\Iis-io-as 
Ktranevre^s  à  (,ie,éliec',  ifmtéd.'i  à  'l'Immas  Ainsliy  la  partie  nù  s'élevait  la  ré.-idi'iice  de' 
rKvecjiio  l)0!-i|net.  Le  .lu'je  Adam  Alatiane,  en  (it  l'aciiuisition  ru  ITiil'.  Il  y  expirait  fil 
17:1:2:  sa  su'ur  l)enloi^elle  Xsabella  Ma!)::ne  l'acheta  en  17!iJ  «'t  le  revendit  en  Isu,")  à 
rilon.  j'NIatliew  r.ell.  l/llon.  William  ^lleppard.  t'on^!eiller  Lé'^iislatil',  en  fit  rac<|uiHi- 
tiepu  en  l^lli  et  l'oecupa  ,jusi|u'en  l'-17.  Ce  1/eau  domaine  tut  alors  niorselé  et  eoneéilé  eu 
petits  lots  à  nue  rente  annuelle  de  six  livres  dans  la  liartiu  à  l'ouest  du  clieniin  de 
"^ainos  et  forma  le  xillaeed"  Siu'j'pardviili — nom  (luo  les  canadions-franenis  ont  elu\lij.Té 
en  celui  de  liergerviUe. 


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MONTAGUE  COTTAGE,  Sillery 

"I  kiio'.v  ly  tho  smokc  wliicli  so  uriiccfiilly  curli-.l 
Alxivi'  tlio  uvotn  «ood  tliat  a  cuttaKii  \vin  iioar,'" 

(MOORK'S  WooDi'iXKEn.) 

Cher  confrère, 

Ce  nom  va  vous  remettre  en  mémoire  une  af^rcable  page 
de  la  littérature  anglaise  du  Canada,  au  temps  de  Lord 
Dorchester. 

Depuis  iS8o,  le  citadin  errant  ou  le  touriste  séduit  par 
le  charme  du  paysage,  côtoyant  la  voie  publique  qui  con- 
duit au  Cap  Rouge,  remarque  sur  le  côté  nord  du  chemin, 
à  Sillery,  voisin  de  la  maison  d'école,  style  gothique,  offerte 
en  don  à  la  paroisse  par  le;  lord  Bishop  ÎMountain,  un  joli 
cottage,  pourvu  d'une  ample  piazza,  d'un  riant  jardin,  le 
tout  perdu  sous  l'ombrelle  des  grands  pins  du  bois  Gomin. 
Une  vigoureuse  plantation  d'arbres  forestiers  y  tempère  en 
été  l'ardeur  du  soleil  :  c'est  la  résidence  de  1\I.  Alfred  P. 
Wheeler,  officier  de  douane,  préposé  à  la  surveillance  des 
steamers  et  des  voiliers  atlantiques  ;  ces  arbres  fores- 
tiers, ce  sont  ceux-là  même  qu'il  )•  a  plantés,  arrosés, 
choyés  avec  une  sollicitude  maternelle,  égale  à  celle  que 
notre  agriculteur  éméritc,  Henri  Gustave  Joly,  liéploie 
pour  ses  chères  érables  à  Giguère. 

Je  ne  sais  d'autre  motif  qui  ait  pu  induire  I\r.  Whecler  à 
fixer  ses  pénates  sur  ce  coin  de  l'ancien  et  vaste  domaine 
du  col.  Caldwcll — dénommé  aux  ancien-;  titres  :  "Sws 
Bruit," — à  part  du  charme  de  l'endroit, que  cet  ardent-culte 
des  lettres,  qu'il  puisa  vraisemblablement,  dans  les  salles 
c'assiques  de  l'Université  d'Oxford — ^on  .Ir-na  Mater — et 
son  respect  pour  les  "voix  du  passé  litcéraire." 

Le  site,  pour  sûr,  abonde  en  souvenirs,  en  romanesques 
souvenirs,  d'où  la  littérature  se  dégage  comme  un  suave 
arôme  :  le  vase  retient  longtemps  la  senteur  des  roses 
qu'on  y  a  pressées. 


'I 
II 


li       ) 


192 


MOXTAGUE  COTTAGE 


It  r4 


m 


M.  Wheelcr,  frère  cadet  .le  l'hi-storieii  anglais,  J.  Trilboys: 
Wheeler,  raffole  de  Scott,  Moore,  Wordsworth,  Shelley, 
Byron,  Shenstonc,  Swinburiie,  surtout  de  Tennyson. 

Les  poésies  harmonieuses  du    .'auréat    anglais    lui    sont 
aussi  familières  que  son  ikiicr. 

Plus  d'une  fois,  il  nous  a  intéresse  par  ses  profondes  dis- 
sertations, aux  séances  de  la  Socictc  littéraire  et  historique, 
sur  les  ineffables  beautés  d'Enoch  Ardcii,  Maiid,  The  Priii 
eess  TitnbnetoH,  petit  poëme  peu  connu  des  lecteurs  de 
Tennyson,  mais  méritant  de  Tètie  davantage,  comme  nous 
l'a  dit  M.  Wheeler. 

Le  laïrd  de  Montagne  Cottage  savait  au  reste  que  le  plus 
ancien, sinon  le  plus  palpitant  roman  de  mœurs  canadiennes, 
"The  history  of  Eniily  Hlontagne"  avait,  au  siècle  dernier, 
vu  le  jour  à  quelques  pas  seulement  de  son  cottage  et  que 
l'amant  préféré  (S.'Einily,  le  séduisant  col.  Rivers,  n'était 
autre,  si  l'on  en  croit  un  antiquaire  jadis  en  renom, — feu 
l'hon  William  Sheppard,  de  Woodfield,  Sillery, — que  le 
brave  et  beau  colonel  Caldwel'i,  alors  propriétaire  de  Sans 
Ih-nit. 

Nul  doute  que  M.  Wheeler  ne  fût  sous  l'empire  de  cette 
pensée  lorsqu'il  signait  son  titre  d'achat  avec  les  repré- 
sentants de  feu  l'honorable  juge  George  Okill  Stuart.qui  lui 
cédait  ce  lambeau  de  Ilolland  Farm,  ancien  démembre- 
ment de  San^i  Bruit.  Le  nom  de  Montagne  qu'il  a  donné 
à  sa  jolie  résidence  commémore  donc  deux  carrières,  celle 
de  l'héroïnij  du  roman,  iMiiily  Montagne,  et  celle  du 
héros  d'icelui,  le  col.  Caldwell,  un  des  premiers  propriétaires 
du  site. 

Que  de  fois,  en  effet,  la  belle  Emiiy,  si  jamais  elle  a 
existé  ailleurs  que  dans  le  roman  de  madame  Brooke,  a 
dû,  au  siècle  dernier,  laisser  errer  ses  pas  dans  cette  ré- 
gion bocagère — avant  de  succomber  à  la  flamme  qui  lui 
fit  préférer  un  simple  colonel,  à  la  couronne  de  brillants 
que  le  b^au,  le  riche,  le  séduisant   Sir   George  lui  ofifrait  ! 

Je  parierai  que  nonobstant  votre  science  de   bénédictin 


KSQUISSLS 


Ï93 


a 

',  a 
iié- 
llui 
iuts 
lit! 
tin 


sur  toul  ce  qui  se  îPittache  au  Canada,  le  roman  de  ma- 
dame îîrooke,  juisqu'à  présent,  a  été  pour  vous  un  livre 
clos  ]  que  to'iit  au  plus  vous  n'en  connaisse/,    que    le  titre  J 

Eh  bien  3  moi  qui  Tai  lu  en  entier,  je  vais  vous  venir  en' 
aide.  D'abord,  je  vous  dirai  que  je  n'en  sais  qu'un 
seul  exemplaire  dans  tout  Québec.  Prenons  les  choses  ai)  «vo. 

Il  y  av"ait  vers  ce  temps,    au   château    Saint- Lo''i>,    un 
vice-roi,  aussi  populaire  qu'il  était    amateur    des    lettres  : 
Guy  Carleton,  plus  tard  Lord  Dorchester.  Il  parait  avoir 
accepté  la  dédicace  d'une  œuvre  littéraire,  en  quatre  volu- 
mes,   portant    pour  titre  :   "  'JV^c  ///sto/y   cf  lluiily  Mpu- 


tas^-itc. 

o 


C'était  une  série  de  lettres  échangées  entre  ICmily  Mou- 
tacjue  et  sa  piquante  et  coquette  amie,  Bella  Fermor,  d'utie 
part,  et  des  militaires  en  garnison  à  Québec,  à  Montréal, 
à  New- York,  aussi  bien  que  des  lords  anglais  à  Londres, 
les  amis  du  père  d'Emily,  d'autre  part.  Les  épîtres  d'I^- 
mily  et  de  son  intéressante  confidente,  Bella,  sont  datées 
de  Sillery,  et  ont  été  écrites  en  ijGG-y. 

Les  vieux  Quchcc  Giii'dc  Juniks,  rédigés  ici,  en  1829-31, 
par  .le  colonel  Cockburn,  par  jîourne  et  autres,  répètent  que 
la  maison  où  avait  résidé  la  "divine"  Emily,  avoisinait  cuttc 
antique  et  solide  structure  en  pierres-Kiimarnock — qu  ;  les 
familles  MacXider  vjt  Graddon  ontsuccessivcmcnL  occuuéc 
à  Sillery  depuis  le  commencement  du  :•;  ccIj.  Air,  i'^-an:;  ; 
Brooke,  si  l'on  en  croit  ses  titres,  à  la  première  page  de  son 
œuvre  publiée  à  Londres,  le  22  mars  1769,  était  déjà 
connue  du  monde  lettré,  par  un  autre  roman,  intitulé  : 
"  LADV  JULIA  .MAXDEVILLE."  La  tradition  veut  qu'elle  ait 
été  l'épouse  de  l'aumônier  d'un  des  régiments  stationnés 
alors  à  Québec  :  elle  passait  vraisemblablement  la  belle 
saison  à  Sillery.  Voilà  tout  ce  que  j'ai  pu  trouver  sur  son 
compte.  Son  roman  est  une  peinture  des  mœurs  du  temps  : 
une  photographie  de  la  société  officielle  de  la  capitale, 
mais  susceptible  d'amélioration. 


u 


194 


MONTAGUE   COTTACIK 


Elle  nous  donne  d'agréables  esquisses  des  bals  an  Châ- 
teau, des  pic-nics  et  partis  de  plaisir  au  lac  Saint-Charles,  à 
la  chute  Montmorency,  des  re'unions  du  Tctudeiii  Club ^n 
hiver,  et  des  cabines  pour  pêcher  la  petite  morue  sur  la 
rivière  Saint-Charles,  à  cette  morne  saison,  sans  oublier 
les  grands  dîners  officiel  et  le  rôle  important  que  les  jeunes 
militaires  jouaient,  dans  1 1  société  contemporaine, — avec  de 
gracieux  tableaux  de  nos  paj'sages,  —  de  notre  fleuve- 
roi,  —  de  notre  nature  grandiose,  —de  notre  beau  Canada. 

On  se  croirait  peJque  dans  le  vieux  Québec  que  nous 
avons  tous  connu  et  goûté,  an  temps  où  notre  forteresse 
avait  l'éclat  et  les  honneurs  d'une 'nombreuse  garnison. 
Les  séduisantes  (i)  peintures  d'Kmily  Montagne  et  de  ses 
amies  eurent  pour  effet  d'amener  au  Canada  plusieurs 
familles  des  rives  de  la  Tamise.  Je  ne  garantirais  pas 
qu'elles  aient  trouvé  ici  tout  aussi  couleur  de  rose  que 
l'habile  Mme  lîrooke  le  leur  avait  reorésenté. 


Il] 


(Iii:i.i.A  KiMMini!  TO  jnss  Eivi;i:s| 


"  Oli  !  \vi'  aiM  vastly  tolio  pitiol  ;  iu>  licanx  at  ail  at  tho  soiiorars,  only  alio'.it  six  tn 
oiio  ;  a  iiri'tty  i)n)|iortii)ii,aiiil  wliat  l  lioiu'  always  to  soo.  Wi- — tin'  lailios  \  iiu'aii — drink 
clincnlato  witli  llii\  (ii'in'ial  ti>-iiioirow,  and  lu'  Kivi's  us  a  l)all  on  Tliiirailay  ;  yoii  would 
iiot  kuow  (v>iu.'l)i'c  a,i,'ain,n()ltiiii,i,'  Imt  sniilini;  l'aciM  now  ail  i,'ay  aaiiovi'i'  was:  tin»  «woati'st 
couiitiy  iii  tlii'  wnrld.  Novit  l'xju'c-t  tosco  nie  in  Kniflanil  aiiain  ;  ono  is  ivally  sonu'hudy 
lii'ii'.     I  liavo  l)00u  askod  to  dauco  by  only  twcnty  scwu 


lÎKi-L.v  Fi;i;3ioi!. 


"  Sii.LKi;v  ;  ciglit  in  tho  cvcniug, 

(tîlil.I.\  Vr.ItMOli  TO  LUCY  lilVKUS] 

'•  Alj-i)liiti'Iy,  Luoy,  1  will  niarry  a  savacrc^  and  turn  sipiaw,  fa  protty  soft  nanio  for  an 
Iiuliaii  l'rinocaa  !  Ni^vrr  was  anytliinu;  sd  (lidi'/litl'iil  as  tlu'ir  livt'H.  Thi'y  talk  (if  IVonoli 
liusl)ands,  Imt  ooininomt  nio  to  an  lndi.in,onc  wlio  lots  liis  wifc  raniblo  livo  liundicd  niili's 
witliout  askin;{\vlii'ri!  slii' is  Lfoini,'. 

1  \v,is  sittini;  nftor  ilinnor,  willi  a  hnok,  inatliickft  of  liawtliorn  ni'ir  tlip  I)oacli, 
vluMi  a  loud  lauiçli  calli'd  niy  atl'Mition  to  tli"  l'ivi'i',  wlicru  1  sau'  a  cauo  :  ol'  savatccs 
niakinij' to  tlio  slioro.  'l'Iicri!  wcr.- six  wonirn  and  tv.o  or  tliroi'  cliililri'n,  witliont  onc 
inan  auioniïst  tln^ni.  Tlu'y  landi'd  and  tii'd  tlu'  c-ano,>  to  tlir  root  ol'a  trci-,  antl  (indinu 
ont  llu>  niost  aiJ!n>al)li!,  aliady  Hjiot  aniou','  tii  ■  bniln's  witli  whie-li  tli^  b.'at'li  was  <'ovi'ri'(l, 
wliii'li  liaippi'nod  to  W.  vcry  near  nir,  nndi'  a  lii'i'.  on  wliicli  \.\\-\  laid  somu'  C.sli  to  liroil. 
und  t'i'ti'liin'j  wati^r  l'roni  tho  rivi'i',  s.it  dov.n  ou  Ihc  urass  to  th'iv  IriiLTul  n'past  l  stolc 
HOl'tly  to  Ihiî  housi",  and  ordi-riiui  a  ■«■i-vant  to  Iirin;^'  -^onM  wino  and  colil  in'ovisiotis, 
retnrn"d  to  niy  S!iua\v>;.  1  aski'd  tlinn  in  Ir.'nch  if  th'  y  wi'io  fioni  Lorctti',  tlioy  s.hook 
thi'ir  li'ads — l  repi'at.'d  tii"  i|u>'sl  ion  in  Kui,'li;ili,  wh  'u  tli,'  oM  'st  of  thi'  wonuMi  told  nie 
thoy  ^v■•l■o  not  ;  that  th;'ir  Counti-y  wa^  on  thu  hoidorn  of  Xi'w-Kn^land  ;  tliat  tlniir 
Iiusl)and)  b^'in^  on  a  liuntini,'  i)ai'iy  in  tlio  woods,  cnriosity  and  tiio  di'siiv  tn  sco  thi'ir 
brothrcn  tho  Knijliflh  who  had  oan(i\ifr('d  (Jnrlu'c,  had  bnui^lit  tlioni  np  tlin  j^roat  rivor, 
ilown  which  thoy  wonhl  rotnrn  as  sonn  as  tlny  had  sooii  ^fontroal.  Sho  conrt>  ously 
askod  mi'  to  sit  down  aiul  oat  witli  tlioni,  wliich  1  oonipliod  with  and  jn-odiicod  niy  jiart 
of  tlio  foait.  Wo  soon  bocanio  «ood  ooiniiany  and  britrliti-nod  tho  ohain  of  friondship 
with  two  bottli'sof  wino,  which  pnt  thi'ni  in  >.noh  spiriti  tliat  thoy  danood,  sanii,  sliook 
me  by  tho  hand,  and  ifrow  ho  fond  of  ni"  that  I  bo!j;an  to  bo  afraid'  1  sliould  not  oasily 
not  vid  of  theni. 

Adiou!  my  father  is  jiist   conio  in,  and   his  bronsilit   sonio  eompaiiy  with  him  froni 
.  Quoboo  to  siii>per. 

B.  FEnjion. 


i  Châ- 
larles,  à 
Club  en 

sur  la 
oublier 
\  jeunes 
avec  de 

fleuve- 
Canada. 
,e  nous 
rtcresse 
arnison. 
t  de  ses 
)lusicurs 
ais  pas 
3se   que 


iliout  six   to 

ii'uu— ilriiik 

you  wmild 

lu'  SWOUtl'st 

ilv  somi''i(Hly 


amc  for  an 

|lk  lit'  fivncli 

nUoil  iiiiU's 

tlio  lioncli, 
lui'  H;iv;it{i'3 
Jilli;nit  oin' 
liul    limliii'j: 

|n    cilVi'V.'ll, 

te)  Imiil, 
|ist  l  stolc 
jirovisimis, 
Ihcy  shnok 
loutolil  me 
~  tli:it  tlii'ir 
seo  tlioir 
■al  livi'r, 
r)urt>  ously 
my  l'art 
|rrion(lslii|> 
shouk 
l)()t   oasily 

hiin  froin 


ESQUISSES 


195 


Son  roman,  tiré  à  une  seconde  édition,  ne  ferait  pas 
aujourd'hui  la  fortune  d'un  libraire.  Ses  héroïnes  et  ses 
héros  sont  généralement  trop  parfaits  ;  leur  langage  est 
guindé,  froid,  diffus  :  des  Lovelace — des  Pamela — des 
Clarissa  Harlowe, — tels  que  Richardson  nous  les  donne. 
Quant  à  moi,  mon  cher  antiquaire,  je  préfère  la  coquette, 
la  gaie  Bella  Fcrmor,  à  la  tendre,  à  la  "divine"  Emily. 

Bella  ajoute  de  par  temps  à  autre,  d'aimablcr,  petits 
Postscriptnm  à  ses  billets  :  "Adieu,  Emily,  I  am  going 
to  ramble  in  the  woods  and  pick  berries  with  a  little 
smiling  civil  captain  who  is  enamoured  of  me.  A  pretty 
rural  amusement  for  lovers."  N'est-ce  pas  ?  En  effet,  quel 
charmant  passe-temps,  un  vrai  rêve  d'Arcadie,  pour  une 
donzelle  do  seize  ans  ! 

Mais  je  m'arrête.  Parles  extraits  ci-joints  vous  pourrez 
juger  du  roman  de  madame  Brooke — En  tous  cas, 
vous  ne  trouverez  pas  malséant  que  M.  Wheeler  ait  jugé 
ta  propos  de  perpétuer  la  mémoire  d'Emily  Montagne 
et  vous  approuverez,  j'espère,  les  vers  de  Moore  qu'il  s'est 
choisis  comme  devise. 

L'on  doit  à  M.  Wheeler  la  fontaine  St.  MichacVs  UW/, 
récemment  ouverte  au  public. 


l! 


KIRK-SLLA 

Joli  nom  écossais  importé  de  la  Calédonîe  par  un  de 
ses  possesseurs  les  plus  populaires,'  M.  James  Gillespie, 
négociant  de  Québec,  pour  perpétuer  ici  le  souvenir  d'une 
résidence  de  famille,  en  Ecosse. 

Kirk-Elka  faisait  face  à  Cataracoui  et  se  dressait  fièrc 
ment  sur  les  hauteurs  de  Sillery.  Un  revers  de  fortune  la 
fit  passer  à  un  prince  de  la  finance  de  la  rue  St-Pierre,  M. 
Ed.  Burstal!,  qui  y  sema  largement  ses  écus.  A  son  départ 
pour  l'Europe,  Kirk-Ella  devint  la  proie  des  flammes  et  ne 
fut  rebâtie  que  plus  tard.  Pendant  quelques  années,  elle 
fut  la  propriété  du  fils  unique  du  millionnaire,  M.  Chs.  E. 
Levey,  M.  Ernest  Levey.  Vendue  par  décret,  elle  échut 
à  M,  Robert  Campbell,  jeune  membre  du  barreau  de 
Québec,  et  fils  de  feu  le  major  Campbell,  de  Saint-IIilaire, 
près  Montréal.  M.  Campbell  s'y  livre  à  l'horticulture  sur 
une  grande  échelle.  M.  Campbell  est  également  connu 
oour  son  dévouement  aux  intérêts  du  vieux  Québec, 
aux  jours  de  gala  et  de  carnaval.  Quand  il  s'agit  d'orga- 
niser une  fête  littéraire  ou  sociale,  une  exposition  hor- 
ticole où  il  faut  du  travail,  du  dévouemeni,  du  savoir- 
faire,  on  peut  compter  sur  cet  excellent  citoyen  pour  sa 
collaboration. 


e.:     $\fî' 


SOUS-LES-BOIS,  Sillery 

Sous  le  dôme  d'un  bocage  épais  se  cache  à  quelques 
milles  de  Québec,  sur  le  chemin  du  Cap-Rouge,  une 
élégante  et  modeste  habitation,  que  le  regard  du  pas- 
sant devine  au  fond  d'une  longue  allée,  couverte  d'ombrage. 
Cette  résidence,  où  vivait  naguère  une  de  nos  familles 
canadiennes  des  mieux  connues  et  des  plus  estimées — 
celle  de  M.  Errol  Boyd  Lindsay — s'efface  entièrement 
aujourd'hui  devant  un  vaste  et  superbe  édifice  qui  se 
nomme  le  couvent  de  Jésus-Marii;,  dont  M.  l'abbé 
Octave  Audct  est  le  respecté  aumônier. 

Au  milieu  des  érables  et  dea  chênes,  où  les  oiseaux  fai- 
saient leurs  nids,  s'est  élevé  un  nid  de  science  et  de  vertu, 
où  d'autres  petits  oiseaux  voltigent  et  babillent. 

Une  pièce  d'eau  pourvue  de  légères  nacelles  pour  les 
,  élèves,  de  beaux  parterres,  des  balcons,  des  alcôves  de 
verdure  ajoutent  un  charme  indicible  au  paysage. 

A  l'avenir  le  promeneur  qui  se  laisse  entraîner  sur  le 
chemin  du  Cap-Rouge  ne  jettera  plus  seulement  un  coup 
d'œil  en  passant  dans  ce  lieu.  Il  s'y  arrêtera,  et,  s'il  s'in- 
téresse à  l'éducation,  il  ira  visiter  l'établissement  et  en 
sortira  enchanté.  Si  c'est  une  femme,  elle  regrettera  de 
n'être  plus  enfant  pour  y  passer  quelques  années. 

Les  jeunes  filles  y  trouveront  ce  qu'il  faut  à  la,  vie, — 
«des  fleurs,  de  l'air  et  de  la  lumière. 


w    < 


BENMORK.  Slllery. 

Voilà  un  nom  qui  me  semblait  avoir  été  importe  par  le 
colonel  Wm  Rhodes  des  régions  pastorales  du  Yorkshire, 
Angleterre,  où  le  Nemrod  de  Sillery  a  vu  le  jour  :  un 
mien  ami  me  dit  que  la  villa  portait  ce  nom,  même  à 
l'époque  reculée  où  elle  était  la  résidence  d'été  de  notre 
mémorable  "Secrétaire  Perpétuel"  l'hon.  Dominick  Daly, 
plus  tard  gouverneur  de  Terreneuve,  etc.  Que  le  point 
reste  pour  nous  au  opcncd  question^  à  moins  que  vous  ne  le 
jugiez  digne  d'être  déféré  à  l'arbitrage  de  la  Société  Royale, 

La  parole  est  à  l'abbé  Provancher  : 

LA  VILLA   DU   COL.   RHODES 

"Il  n'est  peut  être  pas  de  ville  dans  l'Amérique  du  Nord,  qui 
puisse  offrir  dans  ses  environs  un  panorama  aussi  pittoresque  et 
aussi  varié  que  Québec,  la  capitale  de  notre  Province. 
De  son  enceinte  même,  pour  peu  que  vous  vous  déplaciez,  vous 
avez  à  chaque  fois  des  points  de  vue  des  plus  agréables.  Charles- 
bourg,  dont  les  maisons  pressées  aiitour  de  son  église  forment 
un  village  si  compacte  ;  Lorette,  qui  a  l'air  de  vouloir  se  cacher 
derrière  ses  petites  collines  ;  Eoauport,  dont  les  maisons  anti- 
ques sembleraient  une  rue  détachée  d'une  ville,  avec  les  boutiques 
qui  la  bordent,  pour  titre  étalée  dans  la  campagne  ;  la  Canar- 
dière,  avec  ses  champs  et  ses  bosquets  ;  l'Ile  d'Orléans  qui  s'ar- 
rondit si  gracieusement  au  dessus  de  l'eau  ;  tels  sont  les  points 
qui  arrêtent  la  vue  au  Nord  et  au  Nord-Est.  Et  si  vous  jetez  le 
.  regard  de  l'autre  côté  du  fleuve,  c'est  la  i'ointe  Lévis  qui  semble 
s'avancer  pour  protéger  la  ville  ;  c'est  St  Joseph  que  domine  son 
église  ;  Bienville,  avec  la  fraîcheur  de  ses  jeunes  années  ;  Notre 
Dame,  avec  son  église,  son  collège,  son  hospice,  etc.,  qui  domine 
toute  la  rade  et  semble  échanger  des  saluts  avec  la  citadelle,, 
sans  s'occuper  des  nombreux  vaisseaux  que  le  flux  et  le  reflux 
promènent  à  ses  pieds,  etc.,  etc  Si,  maintenant,  sortant  dç  1  en- 
ceinte de  la  eité,  vous  vous  aventurez  sur  le  Chemin  St  Louis 
et  de  Ste  Foye,  ce  sont  partout,  villas,  beaucages,  jardins  si 
attrayants  que  vous  vous  prenez  parfois  à  maugréer  contre  la 
vigueur  des  coursiers  qui  entraînent  votre  véhicule  avec  une 
vitesse  qui  vous  permet  à  peine  d'efileurer  du  regard  le  riche 
paysage  qui  se  déploie  devant  vous. 

Mais  voilà  que  ces  deux  derniers  chemins  vont  offrir  aux  tou- 
ristes et  au.x  amateurs  un  autre  intérêt  que  la  simple   ^  ue  de 


LSQUISSES 


I9Q 


tou- 
de 


coqufitos  villas,  avec  leurs  avenues  ombragées,  leurs  jardins 
émaillés  de  lleiirs,  leurs  riants  bosquets,  etc.,  dans  les  institutions 
et  les  exploitations  qui  commencent  à  s'y  développer. 

En  effet,  tout  en  laissant  de  coté  les  magnifiques  couvents  de 
Bcllevueet  de  Jésus  Marie,  qui  semblent  vouloir  faire  accroire 
aux  élèves  que  ,es  labeurs  de  l'étude  ne  seront  plus  (pi'une  récré- 
ation sous  leurs  toits,  nous  avons  ;i  Spencer  Grange,  M.  LeMoine 
avec  sa  riche  collection  ornithologiste  et  si  culture  de  vignes  ;  à 
Bcnmore,  le  colonel  Khodcs,  avec  sa  culture  de  fraises  et  son 
élevage  de  coelioas,  eti;  ,  etc  II  m'a  été  donné  hier,  en  compa 
gnie  de  cpielques  auns,  de  pouvoir  visiter  c«  dernier  établisse- 
ment,  et  je  crois  pouvoir  intéresser  vos  lecteurs  en  leur  donna  it 
(luclques  détails  :ur  ce  (pie  j'ai  pu  y  remar(iuer. 

.  es  trois  pièces  de  fraises  réunies  peuveiit  former  une  aire  de 
quatre  arpents  environs.  Les  pieds  sont  à  une  dista'ice  île  i  j  à 
15  pouces  dans  le  rang,  et  les  rangs  sont  espacés  de  deux  à  trois 
pieds  les  uns  les  autres.  Partout,  le  terram  est  dans  un  partait 
état  de  propreté,  et  chaque  pied  ou  talle  est  entouré  d'un  fort 
lien  en  paille,  afin  que,  dans  les  pUnes,  les  fruits  ne  soient  pas 
souillés  par  la  boue  que  les  gouttelettes  font  jaillir  en  tombant. 
Cette  paille  ne  contribue  pas  ])eu  aussi  à  entretenir  une  fraiciieu 
bien  nécessaire  aux  plantes  dans  les  temps  diî  sécheresse.  Le 
sol,  de  sa  nature,  est  léger  et  assez  pauvre  ;  mais  de  copieux 
engrais  viennent  de  temps  a  autre  raviver  sa  force  de  production 
lorsqu'elle  commence  à  s'affaiblir.  Toutefois,  le  sol  ne  nous  a 
paru  que  médiocrement  engraissé,  et  cependant  les  plantes  et  les 
fruits  étaient  partout  d'une  vigueur  (|ui  ne  laisse  rien  ,i  désirer. 
Dans  certains  endroits  où  la  cueillette  n'avait  jkis  été  faite  depuis 
quelques  jours,  l'abondance  des  fruits  était  telle  (pielle  pouvait 
défier  toute  compétition  ;  et  malgré  cotte  abondance,  ces  fruits 
étaient  juteux,  savoureux,  et  d  un  volume  parfois  extraordinaire. 
Les  espèces  auxquelles  on  donne  la  préférence  sont  entr'autres 
la  "Jucunda,"  le  "Triomphe  de  Gand,"  la '-Wilson's  Albaay,' • 
"U'ilson's  Seedling,"  (Filmores,  Birr  s  New  Pine  J 
'  On  emploie  de  20  à  25  femmes,  tous  les  deux  ou  trois  jours, 
pour  In  cueillette  des  fraises.  Les  fruits  sont  recueillis  dans  de 
petites  boîtes  carrées  que  le  colonel  fait  venir  des  Etats  L'nis, 
chaque  boîte  contenant  environ  une  pinte.  On  donne  aux 
cueuilleuses  4  centms  par  boîte  ;  et  plus  d'une  d'elles  à  ce  prix 
gagne  jusqu'il  $1.50  dans  environ  trois-quarts  de  jour.  Ces. 
fraises  se  vendent  25  centins  la  boîte  sur  nos  marchés  ;  mais 
toute  la  récolte  est  vendue  d'avance  par  contrat  à  un  marchand 
qui,  comme  on  le  comprend,  peut  trouver  dans  ce  prix  un  profit 
raisonnable  sur  ce  qu'il  paye  au  producteur. 

Le  colonel  croit  pouvoir  fournir  cette  année  environ  16,000 
boîtes  de  fraises,  et  tout  indique,  quoique  ce  ne  soit  encore  qu'un 
début,  que  la  production  pourrait  aller  bien  au-delà.  En  suppo- 
sant que  le  prix  du  contrat  ne  fût  que  de  10  centins  la  boîte,   au 


ÎOO 


IIKX.MORK 


lieu  de  25,16,0000  bvîttes  formeraient  la  jolie  somme  de  Si, 600, • 
ce  (]ui  donnerait  $400  pai'  arpent.  Je  me  plais  d'autant  plus  à 
signaler  ce  succès,  (jue  depuis  plus  de  20  ans,  je  n'ai  cessé  île 
niVfforcor,  notamment  dans  mon  /V',i,y/-  6'(r//(?<//V//,  de  persuader 
nies  compalriolcs  des  grands  avantages  qu'ils  ])ouvaient  recueillir 
de  la  culture  des  fruits  dans  le  voisinage  des  villes  j'ai  pu 
remaripier  aussi,  à  côté  de  son  champ  de  fraises,  des  pièces 
d'asperges,  de  rhubarbe,  etc.,  de  dimensions  assez  considérables. 

^l  après  avoir  savouré  les  délicieuses  fraises  du  colonel  et 
admiré  les  nombreuses  et  rares  tleurs  de  ses  parterres,  vous 
passez  à  sa  i)orchcrie,  vous  ne  serez  pas  moins  étonné,  ])our  peu 
ijue  vous  soyioz  t;!nt  sfiit  peu  cultiv.iteur,  de  pouvoir  coniiUer  là 
143  individus  de  l'espèce  porcine  des  ])lus  belles  races  connues. 
J,a  construùlion  de  la  bâtisse,  sa  distribution,  son  aménagement, 
tout  anmnice  ici  i'élevcur  intelligent  cl  l'économii-te  entendu.  Un 
paie  $200  [)ar  année  |)our  les  restes  d  un  de  nos  grands  hôte's 
de  la  cité  ;  ces  restes,  têtes,  tronçons  de  (oissons,  do  volailles, 
légumes,  débris,  etc.,  sont  jetés  dans  une  chaudière  et  mélanges 
avec,  im  peu  de  son,  ])our  la  nourriture  des  porcs,  qui  engraissent 
à  vue  d'ceil  avec  ce  régime,  l-'.t  comme  toutes  1-s  parties  doivent 
se  tenir,  dans  une  exploitation  rurale,  on  apporte  de  la  terre 
d'une  savanne  voisine,  i)our  en  couvrir  d'une  forte  ccniche  les 
cases  extérieures  des  porcs,  t.'ctle  terre,  fouillée  et  pétrie  par  les 
animaux,  imprégnée  de  leur  mine  et  mêlée  à  leurs  excréments, 
forme  un  engiais  dune  exce'lente  (lualité  pour  rendre  au  sol  les 
sucs  cj!  e  la  culture  lui  a  enlevés. 

La  routine,  plus  partiel  lièrement  en  agriculture  peut-être, 
(pi'en  toute  ;;ulre  branche,  est  dillicile  à  vaincre;  mais  si  tous 
les  amis  du  jirogrès  mettaient  au  service  de  la  cause  agricole  le 
même  zèle  qu'y  déploie  le  colonel  Rhodes,  on  verrait,  avant 
qu'il  soit  longieuips,  d'heureux  changements  se  faire  remarquer 
de  toutes  piirts.  '' 

li'abbé  PROV.VNcnifR 
Québec,  15  juillet  1S71. 

Depuis  que  M.  l'abbé  a  tracé  ces  lignes,  le  Col.  Riiodcs, 
.s'est  surtout  adonné  à  la  culture  des  fleurs,  en  serres- 
chaudes,  pour  l'ornetnentation  des  banquets,  baKs  et  autres 
solennités  publiques.  Comme  Président  de  la  Société  de 
Géographie,  il  prenait  une  part  active  aux  réunions  de 
l\4ssûciatioii  Britauuiqitc,  à  Montréal,  en  1884. 


jodcs, 
;rres- 
[utres 
de 
lis  de 


BARDFIELD 

L'cvêque  anglican  actuel,  le  Lord  IMsliop  Williams  a 
eu  pour  prédécesseur  un  prélat  dont  la  science,  l'aménité 
de  caractère,  la  distinction  de  manières  étaient  ailmises  de 
tous  :  le  Lord  Hishop  George  Jehtjsaphat  Mountain.  Ses 
aptitudes  poétiques,  son  heureux  culte  des  muses,  a  valu 
à  notro  littérature  un  cliarmant  recueil  de  poésies  descrip- 
tives et  lyriques  dans  un  petit  volume  illust-  et  publié  à 
Londres,  en  1S46,  sous  le  titre  de  l'isliop  Moiiutaiiis  songs 
of  tltc  ]\'i/(knicss  (i)  où  il  raconte  et  chante  les  incidents 
de  ses  missions  à  la  Rivière  Rouge,  en  1S44.  Vers  la  date 
où  le  public  instruit  admirait  le  plus  son  (euvre  poétique, 
il  fut  question  à  une  réunion  d'amis  chez  lui,  nous  a-t-on 
dit,  de  donner  un  nom  à  la  villa  qu'il  venait  tl'acquérir  de 
I\L  r.  Ikirnct,  négociant  distingué  de  Ouébjc.  vVprè-;  un 
assez  vif  débat,  il  fut  convenu  qu'on  adopterait  pour  la 
villa,  un  nom  qui  résumerait  les  attribut-^  comme  poète 
<.lu    nouveau    maître    et    l'on  nomma  la  icsidence  : 

liARDl'iKLl) — li'clianiiidii  polie 

Voilà,  disent  les  uns,  l'origine  du  nom  de  la  i)ittoresque 
demeure  de  AI.  Albert  II.  Kurniss  qui  couronne  les  hau- 
teurs boisées,  au  v^^rsant  nord  du  chemin  du  Cap-Rouge, 
Sillery. 

lîardfield  occupe  un  plateau  élevé.  Une  jolie  avenue  qui 
serpente   sous    de    vers    sapins    y   conduit  par  une  douce 


(1)  S()N(iS  OK  Tiii;  wiLDKiiNKss  :  hcitir/  Il  rdUvcfiini  nf  jnifiiif.  uritteu  in  ncmr  tlilTtri'itt 
partHo/thii  ferritiiry  iif  the  I[iiiIsi>h's  }i.iy  ('di/i/'kh;/,  hik/  in  tin-  Wihin  nf  l'anmlu, 
un  tltc  roiitti  to  that  tcrritury  in  ilie  sjiri/i</  mitl  siiniiiiif  nf  1^14  ,•  inti-mpersid  irith 
sotne  I1,VSTH\TIVE  XOTKS,  liy  Cii'oïKi'  J.  Mountain  D.  1).  J^iinl  Jiisliop  of  Montréal  (sini'e 
ol'l^iu'bec),  London  frinicis  et  John  Jiivitir/liin,  I^lii. 

V2)  ]jo  Lonl  Kvi'iiuu  Mountain,,  mort  il  yiu'ln.'c  l'ii  iMi:!,  n;iqnit  il  St  Andrfwa,  N'or- 
wick,  Angleterre!,  Il)  'J7  juillet  17»!t.  Son  père  fut  noiniiié  évéïiuo  anKlican  ili.'  (iuél)ce, 
on  1711"),  li  la  reconnuandation  (lu  célèbre  Williimi  l'itt,  iiu'il  avait  eonnu  ii  Caniljridgn, 
la  famille  était  (l'extraction  fran(,ai3e  :  elle  avait  émigré  île  l-Vanee  i\  la  révocatvon  do 
l'Kdit  de  Nantes  et  s'était  établie  i\  Norfolk,  où  elle  ac<iuit  un  petit  domaine  nommé 
ïhwato  Hall  :  le  premier  évèiiuc  et  aa  famille,  en  arrivant  fl  t^uébec,  louèrent  Wood- 
fipld  où  se  passa  la  jeunesse  du  futur  évèiiue  jusqu'en  IHii'J  ;  il  passa  trois  ans  il  March- 
mont,  de  1838  l'k  1841,  et  s'établit  finalement  à  Uardtleld,  en  IsfiS.  ("e  nom  est  emprunté 
A  celui  d'un  domaine  de  famille  en  Angleterre,  Liltle  liarilfield    Jliill,  comté  d'Kssex, 


202 


BARDFIELD 


■         «  - 

1 


montée.  M,  Furniss  partage  ses  heures  entre  une  exploi- 
tation soignée  de  sa  ferme,  et  ses  livres.  De  vastes  planta- 
tions de  fraises,  de  rhubarbe,  des  couches  de  champignons, 
etc.,  y  sont  en  pleine  culture  sous  les  soins  d'un  habile 
jardinier  maraîcher. 


Gi- 
ta- 
ns, 
)ile 


CATARACOUI,  Sillery. 

Le  domaine  de  Flore  par  excellence. 

Allez  y  surtout  à  cette  saison  glacée  de  février,  ou  la 
nature  morne  et  captive  est  drappée  dans  son  blanc  et 
froid  linceuil. 

Pénétrez  sous  le  dôme  de  ce  suave  conservatoire,  l'or- 
gueil du  jardinier  émérite,  M.  Peter  Lowe,  et  lorsque  la 
rafifale  gronde  au  dehors — que  le  frimas  dépose  sur  le 
verre  ses  fantastiques  arabesques,  jouissez  de  l'effet  magique 
de  cette  luxuriante  floraison  tropicale. 

Les  orangers,  les  camélias,  les  rliododendrons,les  wisterias, 
les  roses,  les  lauriers,  les  hyacinthes  étalent  leurs  corolles 
resplendissantes,  tandis  que  le  réséda,  le  daphne,  l'hélio- 
trope et  mille  autres  plantes  vous  enivrent  de  leurs  parfums 
pénétrants. 

Qu'y  a-t-il  de  commun  entre  le  féerique  séjour  que 
notre  millionnaire  Charles  E.  Levey  achetait  de  M.  Burs- 
tall,  au  départ  de  Sir  Edmund  Walker  Head,  notre  gou- 
verneur, qui  l'avait  occupé  après  l'incendie  de  Spencer 
Wood,  et  l'ancien  fort  construit  par  Frontenac  à  Kings- 
ton :  voilà,  mon  cher  antiquaire,  un  insondable  mystère 
que  je  n'ai  jamais  pu  pénétrer.  Question  réservée  pour 
l'arbitrage  de  V Association  Britannique^  quand  elle  reviendra 
au  pays,  ou  pour  éclaircissement  devant  la  Société  Royale 
du  Canada.  Avis  aux  intéressé.-,. 


CLERMONT.  Sillery 


I 


.l'aiiiio,  (■)  turc  ln'iiic,  nù  (Icinncnt  nos  aï.'ux 
Ti'S  lai's  il'a/.ur,  an  fonda  dos  linis  hainionieux 

(tfi  iiiiirniiiiv  uiH'oiidi'  limiiidi'  : 
Tes  cntiiiMX  (''inailli''rt  do  liaiiicaiix  éclatants 
(^ui  30  miieiit  au  loin  dans  lc>a  lluta  trausiiaranls 

De  ton  flcuvi'  laiffo  ot  iai>ido. 

(Hijinnc  n  lu  indrit'  et  itu.i-  n'i'enj'.) 

II.  ,1.  ('.  KlSBT, 

Ce  nom  vous  reporte  aux  rives  de  la  Seine,  aux  portes 
de  Paris,  aussi  bien  qu'à  celles  de  l'IIudson,  près  de  New- 
York,  où  le  Chancelier' Livingstone  possédait  un  superbe 
manoir  connu  sous  le  nom  de  Clermont.  Livingstone  éfait 
allié  par  les  femmes  à  ce  malencontreux  général  d  -  brigade, 
'':lichard  Montgomery,  qui  terminait  tragiquement  ses 
jours  à  Prcs-de- Ville,  en  1775.  Le  site  du  manoir  de  l'Hon. 
R.  E.  Caron,  choisi  en  1850,  est  éminemment  historique  ; 
c'est  là  même,  d'après  l'historien  Ferland,  que  les  féroces 
Iroquois,  en  1655,  massacraient  le  frère  Liégeois,  et  où  fut 
trouvé  son  cadavre,  moins  la  tête,  enlevée  par  ces  barbares  ; 
ses  restes  furent  inhumés  dans  la  chapelle  du  Collège  des 
Jésuites,  à  Québec.  Le  panorama  qui  se  déroule  à  cet 
endroit  par  un  temps  clair  est  des  plus  grandioses  ;  de  la 
coupole  du  château,  vers  le  sud,  l'ceil  saisit  dans  le  loin- 
tain le  contours  des  montagnes  jusque  dans  le  Vermont 
même. 

Clermont,  lieu  chéri,  pendant  près  d'un  quart  de  siècle, 
d'une  de  nos  familles  les  plus  distinguées,  celle  de  l'Hon. 
R.  E.  Caron  et  où  la  société  Québecquoise  recevait  une 
hospitalité  large  et  affectueuse! 

M,  Caron  descend  de  Robert  Caron,  un  des  premiers 
colons  de  la  côte  de  Beaupré.  Robert  Caron  était  père  de 
Marie  Caron,  l'épouse  de  Jean  Picard. 

L'historien  Ferland  raconte  un  incident  de  ce  temps 
•éloigne  qui  peint  bien  l'état  d'alarme,  où  les  éruptions  des 
■barbares  Iroquois  et  autres  indiens  avaient  réduit  la  colonie 
implantée  par  Champlain  : 


ESQUISSES 


2C5. 


lonie 


'  Le  4  Juin  1660,  huit  Ilurons  qui  avaient  passé  aux 
Iroquois  débarquaient  à  Ste  Anne  et  saisirent  l'héroïque 
mère  de  famille  Marie  Caron  avec  ses  quatres  jeunes 
enfants  dans  une  maison  qui  existe  encore,  pendant  que 
le  reste  de  la  famil  e  était  aux  champs  A  la  nouvelle  du 
désastre  le  gouverneur  d'Argenson  plaça  des  Algonquins 
en  vedette  à  Lévis  où  le  canot  des    Murons  devait  passer. 

"  A  la  première  décharge,  deux  sauvages  furent  tués  et 
deux  ou  trois,  bleues.  T,a  prisonnière  ayant  levé  la  tète  au 
Pioment  où  elle  entendit  des  voix  amies,  fut  ellemênie 
frappée  d'une  balle,  qui  tua  en  même  temps  un  de  ces 
enfants.  Elle  expira  quelques  jours  après  à  l'irôtcl-Dieu, 
remerciant  Dieu  avec  grande  joie,  de  ce  qu'il  avait  délivré 
sa  jeune  famille  des  mains  de  ces  barbares.  " 

(Cours  (V Histoire  du  Canada,  Vol.  I.  Page  454J 

M.  Caron  quittait  en  1850,  Spencer-Grange,  qu'il  avait 
occupé  plusieurs  saisons,  comme  résidence  d'été,  pour  se 
rendre  à  Clormont, — où  il  séjourna  jusqu'à  son  départ 
pour  Spencer  Wood,  en  1872.  Voici  ce  que  nous  écrivions 
dans  les  Feuilles  d'Erable,  en  186^,  en  décrivant   ce   site  : 

"  Il  existe  pour  plusieurs  de  nos  vétérans  politiques  un 
agréable  sujet  de  réflexion  :  c'est  l'espoir  qu'au  terme  d'une 
carrière  longue  et  ardue,  consacrée  à  défendre  les  droits 
d'une  nationalité  opprimée,  la  patrie  reconnaissante  leur 
reserve  couronnes  et  honneurs  ;  bref,  une  récompense  pro- 
portionnée à  leur  mérite  ;  et  si,  à  ses  honneurs,  vient 
s'ajouter  la  richesse,  n'eNt-cj  pas  là,  le  comble  de  la  félicité 
terrestre;  ?  " 

lit  pourtant,  l'honneur  suprême,  le  couroimemeni;  de  la 
brillante  carrière  de  l'honorable  M.  Caron  ne  lui  arrivait 
que  plusieurs  années  plus  tard,  en  1872,  lor.-qu  il  disait 
adieu  à  sa  villa,  où  entouré  de  sa  nombreuse  famille  et  du 
respect  de  ses  concitoyens,  il  avait  écoulé  tant  d'heureux 
jours,  pour  aller  prendre  à  Spencer  Wood  les  rênes  de  la 
province  de  Québec,  comme  lieutenant-gouverneur. 

J'oubliais   de    vous   dire  que  la  robe  et  la  magistrature 


-206 


CLERMONT 


furent  de  tout  temps  également  bien  représentées,  à  SiUery. 
Il  y  a  de  cela  deux  siècles  et  plus,  le  procureur-général 
Ruette  d'Auteuil,  personnage  considérable  dans  la  colonie, 
y  venait  passer  la  belle  saison  :  il  en  est  parmi  les  vivants 
qui  se  rappellent  aussi  quand  le  Procureur- Général,  Charles 
Richard  Ogden,  l'assistant-juge  Andrew,  W.  Cochrane, 
M.  le  juge  J.  K.  Ramsay,  R.  S.  M.  Bouchette  et  autres 
hommes  de  robe,  résidaient  aux  environs. 

Je  ne  sais  si  tous  ceux  qui  vont  admirer  à  Clermont  les 
verts  bocages,  les  avenues  ombreuses  qui  serpentent  sous 
de  grands  arbres,  les  parterres  si  artistement  alignés,  les 
haies  touffues,  barrières  contre  lèvent  du  Nord,  les  vistas 
ou  points-dc-vue  tailles  dans  la  forêt  primitive  ;  je  ne  sais, 
dis-je,  s'ils  connaissent  tous  le  nom  de  l'habile  jardinier- 
paysagiste  qui  a  présidé  au  plan  et  à  la  création  de  ces 
gracieuses  choses  :  eh  bien  /  le  jardinier  paysagiste  de 
Clermont,  ce  fut  l'excellente  châtelaine. 

Clermont  était  bien  l'œuvre  de  madame  Caron,  couvre 
qu'elle  avait  inventée  ou  créée  sans  doute,  pour  retremper  le 
courage,  les  forces  d'un  époux  chéri  après  d'orageuses 
luttes  parlementaires  ou  de  longues  heures  de  bureau,  à 
son  étude  dans  la  rue  St-Louis.  Qui  sait  si  madame  Caron 
n'avait  pas  lu  et  médité  sur  ce  charmant  passage  de  ]\Iorcl. 
dans  sa  Tlicoric  des  Jardins  : 

"La  campagne,  des  utiles  présents  que  la  nature  nous 
prodigue,  théâtre  de  sa  magnificence  et  de  sa  libéralité,  la 
campagne  c>t  pour  celui  qui  l'habite,  l'asile  du  bonhc!  r  et 
des  jouissances  ;  la  vie  s'y  coule  sans  inquiétr.de  et  .sans 
remords  dan-  (.les  occupations  agréables  et  fructueuses  ; 
l'âme  y  est  saine  et  le  cœur  en  paix.  Son  : -éjour  calme 
la  violence  des  passions  destructives  et  malfiisantes,  et 
entretient,  par  une  douce  fermentation,  la  bienveillance 
pour  ses  semblables  et  tous  les  sentiments  honnête.-;. 
L'homme  débile  y  recouvre  ses  forces  ;  le  malade,  sa  santé. 
Elle  procure  le  plus  salutaire  délassement  au  citadin  labo- 
rieux qui  vient  s'y  distraire  des  travaux  de  la  ville 

elle  fait  les  délices  de  la  vieillesse  et  l'espoir  des  jeunes 
gens.  Le  philosophe  l'aime  la  contemple  et  s'en  occupe  ; 


ESQUISSES 


207 


nous 

[c,    la 

r  et 

sans 

lises  ; 

lai  me 

k  et 

lance 

létes. 

lin  té. 

libo- 


le  sage  en  connaît  la  prix  et  en  jouit  ;  les  poètes  la  chantent, 
les  peintres  l'imitent  ;  son  attrait  se  fait  sentir  à  tous  les 
cœurs  ;  il  est  indépendant  des  caprices,  de  la  mode  et  de 
la  variation  des  opinions.  Vin  un  mot  la  campagne  a  eu  et 
aura  des  partisans,  et  la  nature  des  admirateurs  dans  tous 
les  siècles.  Plus  les  mœurs  seront  simples  et  pures,  moins 
le  goût  sera  corrompu,  plus  les  biens  et  les  plaisirs  qu'elle 
procure  seront  recherchés." 

Clermont,  après  avoir  été  habité  par  M.  Thos.  lîeckett, 
vient  de  passer  aux  mains  du  col.  Ferdinand  Turnbull, 
inspecteur  cfe  nos  écoles  de  cavalerie,  qui  arrive  en  ce  mo- 
ment de  la  campagne  du  Nord-Ouest. 


Lines 


THE  HIGHLANDS  :  Sillery. 


Pour  le  quart  d'heure,  arrière  l'histoiie, — les  antiquailles» 
la  poésie  même  avec  tout  son  parfum  enivrant  !  Vive  la 
chasse  !  Vive  le  sport  ! 

Retraçons,  pour  l'instruction  et  l'édification  d'une  pos- 
térité reculée,  une  page  palpitante  de  vénerie,  identifiée 
avec  une  de  nos  radieuses  villas  :  TiiE  iiigiilands, — sur 
les  hauteurs  de  Sillery^  à  quatre  milles  de  Québec. 

Allons  par  une  tiède  après-midi  d'automne,  mais  avant 
la  chute  des  feuilles,  chevaucher  sur  cette  ombreuse  route 
du  Cap  Rouge,  là  où  le  père  Le  Jeune,  dit  Casgrain,  (i) 
enseignait  la  grammaire  algonquine  aux  "Filles-Blanches" 
de  la  Duchesse  d'Aiguillon,  les  Hospitalières  j  où,  en  1641 
le  vieux  seigneur  Puyseau  a  dû  plus  d'une  fois  conduire 
ses  hôtes,  M.  de  Maisonncuve,  Mlle  Jeanne  Mance  et  con- 
sorts ;  là  où  caracolaient,  en  1664,  le  fastueux  Marquis  de 
Tracy  et  son  éclatant  état-major  ;  plus  d'un  siècle  et  demi 
plus  tard,  en  1838,  le  non  moins  fastueux  comte  de  Du- 
rham  et  les  gardes  de  la  Reine  Victoria  ;  où  notre  ami 
Marmette  nous  présente,  avec  tant  d'entrain,  l'héroïne  de 
son  roman,  Berthc  de  Rochebrune,  galopant  en  croupe, 
soutenue  par  le  bras  vigoureux  de  son  amant  Raoul  de 
lîeaulac,  un  des  braves  officiers  canadiens  de  La  Roche- 
Beaucourt,  qui  patrouillait  sur  ces  hauteurs,  en  1759. 

Si  vous  avez  quelque  vénération  pour  ce  grand  saint  qui, 
veille  sur  les  jours  des  chasseurs,  Saint  Hubert,  inclinez- 
vous  en  passant  devant  cette  somptueuse  loge,  au  nord  du 
chemin,  d'un  sportsmau  distingué,  connue  sous  le  nom  The 
HigJdands  :  car  c'est  là  qu'origina  en  i  S77,  grâce  au  pro- 
priétaire d'alors,  M.  Charles  V.  Temple,  petit-fils  du  juge 
en  chef  Sewell,  le  premier,  le  seul  club  de  chasse   à  courre 


11)  Histoire  lîc  Vllûtd-Dicit  page  82. 


ESQUISSES 


tC^ 


lu 

'ic 

je 
re 


que  l'on  ait  encore  vu  en  ces  parages  :  le  stadacona  F(jx 
IIUNT.  Là,  fut  hébergée  à  grands   frais,  pendant  plusieurs- 
années,  la  bruyante  meute  du  club. 

L'idée  de  M.  Temple  était  sans  doute  excellente,  bien» 
qu'elle  entrainât  des  dépenses  assez  considérables. 

Il  se  mit  en  tête  de  doter  sa  ville  natale  d'une  de  ces 
associations  de  chasseurs  qui  font  les  délices  du  sport,  en 
France,  et  surtout  en  Angleterre. 

Il  y  avait  à  Québec,  de  bons  chevaux,  d'intrépides  ca- 
valiers, comme  il  en  faut  pour  le  stccple-cJiasc,  pour  suivre 
à  travers  la  campagne,  franchissant  d'un  bond  :  haies,  clô- 
tures, ruisseaux, — la  meute  sur  la  piste  du  renard,  au  risque> 
sur  un  faux  pas  de  sa  monture,  de  se  rompre  les  os.  Il  y 
en  avait  à  Québec,  comme  il  en  est  à  Montréal,  à  Toronto, 
des  veneurs  dont  les  exploits  feraient  honneur  aux  vieux 
pays.  Pourquoi  donc  Québec  comme  Montréal  et  Toronto 
n'aurait-il  pas  son  Fox  Jluiit,  son  club  de  chasse  ? 

Le  sporty  en  1 877  était  bien  vu  en  haut  lieu.  Notre  sympa- 
tique  vice-roi,  Lord  Dufferin,  y  portait  un  vif  intérêt.  M. 
Temple  organisa  un  chenil  à  sa  villa,  avec  douze  chiens 
d'abord.  D'autres  amateurs,  le  col.  Turnbull,  M.  J.  U. 
Laird,  le  Maire  de  Québec,  Owcn  Murphy,  M.  C.  Sharp'u:.'-. 
M.  A.  C.  Stuart  lui  vinrent  en  aide  ;  chacun,  do  lui  fournir 
d'autres  bons  spécimens  de  Fox  Hoiinds.  Bref,  le  ciu;iiil 
fut  bientôt  au  grand  complet.  I,e  comte  de  DiiifL!!!! 
accepta  la  présidence  du  club  naissant  ;  le  cotninaii  l.ini 
de  notre  garnison,  le  lieutenant-colonel  T.-P-.  Sti\iii;rc,  lUt 
choisi  comme  vice-président  ,  M  TcinpU;  cônwiie  "  (}i\t;if] 
Veneur  "  et  secrétaire-trésorier  ;  le  pcrson;icI  des  uieuibre  ;, 
petit  d'abord,  s'accrut  rapidement. 

En  1880,  l'association  se  reorL^aïu'sa  sur  une  ncHiveîlc 
base.  Son  Excellence,  le  Marquis  de  Lorne,  en  priî;  la  }>i  é- 
sidence  ;  Son  Honneur,  le  lieutenant-gouverneur  Théodore 
Robitaille  fut  nommé  vice-président  ;  le  commandant  de  la 
batterie  A,  le  colonel  Irwin,  fut  choisi  comme  ''Mustcr  of 
thc  houndsy  M.  Temple  et  le  colonel  Andrew  C.  Stuart^ 

u 


ip^ 


210 


THE  HIGULANDS 


comme  "Whips"  :  le  major  Jas.  Patton  et  le  Capt.  Wilson 

comme  "veneurs,"  avec  un  nombreux  personnel   de  mem- 
bres et  d'amis,  comme  souscripteurs. 

Oïl  y  comptait  entr'autros  les  lieutenant-colonels  Turn- 
bull,  Forsyth,  Colfer,  le  capitaine  Sheppard,  A.  D.  C,  le 
capitaine  A.  Hunt,  8e  R.  R,,  MM.  \V.  Griffith,  William  de 
Léry.  D.  D.  Young,  \V.  Tozcr  W.  E.  Holmes,  Thos.  Steven- 
son, Jos.  Laird,  Thos.  Beckett,  Chs.  Sharples,  James  Gibb, 
li.  J.  Haie  honorable  C.  Harbord,  A.  D.  C,  du  marquis  de 
Lorne,  le  juge  de  l'olice  Chauveau,  le  jugc-en-chef  An- 
drew Stuart,  Edmond  Joly,  David  Morgan,  le  capitaine 
James  Rhodes,  George  Thomson,  R  To/.er,  William  West, 
William  Breakey. 

Les  dames, — celles  qui  s'en  sentaient  le  courage  aii 
moins, — ctaieut  admises  à  suivre  à  cheval  la  meute  ;  les 
réunions,  ou  JLrf,  avaient  lieu  d'ordinaire,  le  samedi,  à 
midi,  en  automne.  A  part  ces  réunions  hebdomadaires,  le 
club  organisa,  sous  le  patronage  de  Son  Excellence  le 
marquis  de  Lorne  et  de  Son  Honneur  le  lieutenant-gouver- 
neur Robitaille,  un  slccplc-chasc  annuel.  En  iSSo,  une 
solennelle  réunion  fut  fixée  pour  le  27  octobre  :  (i)  grande 
affluence  d'habits  rouges,  ce  jour-là. 

Le  lieutenant-gouverneur,  comme  vice-président,  convia 
vers  cette  date  les  membres  du  club,  ainsi  que  leurs  invités, 
à  un  somptueux  déjeuner  à  la  fourchette,  à  Spencer-Wood. 

Il  y  eut  beaucoup  d'entrain,  à  cette  mémorable  réunion 
de  Nemrod  et  d'Amazones  :  la  photographie  fut  chargée 
de  reproduire  le  joyeux  groupe  ;  ici.  comme  à  Montréal 
et  Toronto,  les  dames  accoururent,  bien  montées,  sur 
leurs  robustes  palefrois.  Oii  y  voyait  entre  autres,  madame 
Irwin,  épouse  du  commandant  de  la  garnison.  Mme 
Davenport,  célèbre  écuyère  de  Lévis  ;  Mme  Jephson,  de 
Thornhill  ;  Mme  Whitehead,  épouse  du  col.  Whitehead,  de 
Montréal  ;    Mlle   LeMoine,    de    Spencer-Grange  ;     Mlle 


(1)  L'habit  rouge  du  «iJori ,  fort  éclatant,  n'avait  rien  de  commun  par  les  souvenirs, 
aveu  les  uniformes  militaires  anglais. 


)nvia 
àtés, 
''ood. 
Inion 
irgée 
tréal 
sur 
lame 
Il  me 
de 
l,  de 
VÎUe 


ESQUISSES 


211 


Aima  Stuart,  fille  du  juge-en-chef  Andrew  Stuart,  et  plu- 
sieurs autres  dont  les  noms  nous  échappent. 

Le  Stadacona  H  uni  a  eu  bien  des  incct,  à  Loretta,  à  Ste- 
Foye,  à  Charlesbourg,  à  Lévis.  Une  malencontreuse  aven- 
ture à  ce  dernier  lieu,  où  l'agneau  favori  du  curé  de  l'en- 
droit fut,  par  erreur,  occis  par  la  meute,  tandis  que  sieur 
renard  gagna  le  bois  brandissant,  à  sa  suite,  le  trophé 
tant  convoité,  sa  queue — mit  tellement  en  verve  la  barde 
de  l'association,  le  capt  Peters,  qu'il  intercala  dans  le 
compte-rendu  de  la  réunion  de  ce  jour  le  quatrain  suivant  : 

■"TliP  iirifst  lie  had  n  littlc  lamb, 
But  it  \v!(S  vory  stupid 
Got  Ijillcil  liy  Mtadiicoiia  îioumra 
Leil  011  liy  iiii>taiu  C'uiiid.'' 

Le  jovial  capitaine  "Cupid"  (i)  guide  en  ce  moment  les 
pas,  ou  mieux  les  aviron.-;  de  nos  voyageurs  canadiens 
vers  les  cataractes  du  Xil. 

Que  Dieu  lui  soit  en  garde  à  lui  et  à  eux  ! 
Québec,  ler   Février  1SS5. 


(1)  Le  Caiiitaino  Wilson  Uo  la  IJatterio  A. 


tenirs, 


BBAUVOIR,  Sillery 


Voici  K'H  lifMix  <hi'r8  !i  mit  n'vcrii'  . 
Voici  les  jirùB,  (ioiit  j'ai  cliniiti'  Ich  ilcurj). 

Ça  me  semble  un  nom  tle  fantaisie  inspiré  au  premier 
propriétaire,  Thon.  John  Stewart,  par  la  beauté  du  paysage 
aussi  bien  que  par  l'essaim  d'intcressants  souvenirs  qui  y 
bourdonnent.  M.  Stewart  légua  cette  propriété  à  son  gen- 
dre, feu  M.  Henry  LeMesurier  ;  sa  veuve  la  céda  avec  les 
vastes  estacailes,  etc.,  sur  le  flcuve.à  AI.  Richard  R.  Dobell, 
le  propriétaire  actuel.  » 

Que  d'incidents  pour  l'historien  dans  toute  cette  côte 
St-Michel,  patrouillée  chaque  jour,  pendant  l'été  de  1/59, 
par  la  cavalerie  du  capitaine  LaRocheboaucourt,  et  où 
l'amoureux  capitaine  rencontra  son  ainie  Mlle  de  Roche- 
brune. 

Dans  cette  vaste  anse,  au  bas  de  la  côte  si  gracieuse- 
ment arrondie,  combien  de  liéroïnes  chrétieimes,  parmi 
ces  blanches  llospitalicrcs  de  la  duchesse  d'Aiguillon,  ont 
foulé  les  sentiers  ombragés  de  la  vieille  mission  de  Sillery, 
dociles  à  la  voix  et  aux  enseignements  du  bon  père  Knne- 
mond  Massé,  qui  y  dort  du  suprême  sommeil  sous  les 
voûtes  de  sa  petite  église,  depuis  le  12  nui  1646!  Je 
me  rappelle  avec  plaisir  la  célébration  du  .':9  Juin  1870: 
une  foule  recueillie  s'était  réunie  en  ce  lieu  pour  faire  la 
dédicace  du  joli  monument  élevé  en  l'honneur  du  dévoué 
missionnaire,  Ennemond  Massé,  aussi  bien  que  du  fonda- 
teur de  la  mission,  en  1637,  le  commandeur  de  Sillery  : 
M.  Dobell,  appelé  à  prendre  la  parole,  à  propos  du  mo- 
nument auquel  lui  et  son  associé,  M.  lîeckett,  avaient  si 
généreusement  contribué,  s'exprima  comme  suit  : 

Messieurs, 

L'un  des  noms  gravés  sur  le  marbre  de  ce   monu- 
ment rappelle  une  carrière  pleine  d'intérêt.     A  l'époque  où  celui 


ESQUISSES 


213 


[a 

I    / 


qui  le  portait  entra  dans  la  vie,  la  France  occupait  le  centre  de 
la  gloire  chevaleresque.  Peu  d'années  auparavant,  elle  avait  vu 
sur  son  territoire,  quatre  dos  plus  puissants  souverains  de  l'Europe 
se  donner  la  main  sur  le  fameux  "  Champ  du  Drap  d'or.  " 

Parmi  le  groupe  de  jeunes  nobles  qui  se  réunissait  à  la  Cour, 
nul  n'avait  un  avenir  jjIus  brillant  que  le  jeune  Noël  Brulart  de 
Sillery.  Il  naquit  on  l'année  1577,  le  jour  de  Noël  et  à  cause  de 
cette  coïncidence,  reçut  au  baptOme  le  nom  de  Noël.  Son  père 
appartenait  à  une  familk:  respectable  de  Savoie.  On  le  destina 
de  bonne  heure  à  l'ordre  des  chevaliers  de  Malte.  Il  fut  envoyé 
dans  cette  île  à  l'âge  de  18  ans  pour  y  compléter  son  éducation. 
Là,  il  gagna  en  peu  de  temps  la  confiance  du  grand  maître,  qui, 
dit-on,  remarqua  en  lui  des  talents  hors  ligne  et  le  nomma  son 
page.  De  retour  X  Paris,  après  douze  ans  d  absence,  il  fut  admis 
à  la  Cour,  devint  bientôt  le  favori  de  Marie  de  Médicis  qui  lui 
confér:i.  le  titre  de  chevalier.  Nommé  plus  tard  ambassadeur 
aux  cours  d'l''spagnc  et  de  Rome,  il  semblait  devoir  atteindre 
successivement  le  sonunet  des  grandeurs  humaines.  Tout  ce 
qui  pouvait  enilanmier  l'ambition  d'un  jeune  soldat,  brillait  devant 
ses  yeux.  Il  avait  la  renommée  des  armes,  la  réputation  d'un 
diplomate  habile  et  la  faveur  de  la  première  cour  d'Europe. 

Ce  fut  au  plus  beau  milieu  de  cette  carrière  de  prospérité, 
pendant  qu'il  se  rendait  à  Rome  comme  ambassadeur,  qu'il  se 
décida  à  jeter  de  côté  tous  les  honneurs  qu'il  regardait  comme 
de  vains  jouets  et  cpii  étaient  incapables  de  satisfaire  une  âme 
inquiète.  Il  abandonna  tout  pour  se  dévouer  complètement  au 
service  de  Dieu.  Il  entra  dans  l'état  ecclésiasiitjue  où  son  zèle 
l'entraîna  à  consacrer  ses  immenses  revenus  aux  intérêts  de  sa 
religion — et,  particulièrement,  aux  missions  étrangères.  Il  fit 
de  nombreuses  donations, et  pourvut  à  l'établissement  d'une  rési- 
dence de  sauvages  chrétiens.  Ce  fut  sur  le  terrain  où  nous 
sommes  réunis,  A  l'endroit  même  où  ce  monument  est  élevé,  que 
les  premiers  fruits  de  ses  nobles  offrandes  furent  répandus." 

{Journal  de  Québec,  30  Juin  1S70  ) 

Inutile  de  vous  répéter  tout  ce  que  les  journaux  ou  la 
commune  renomnée  vous  diront  du  charme  incomparable 
de  Beauvoir,  de  ces  serres  à  raisin,  de  ses  étangs,  de  ses 
fleurs  et  Je  la  généreuse  hospitalité  du  maître  de  céans,  M. 
Dobell. 

Bien  que  vos  goûts  soient  ceux  d'un  antiquaire,  que  vous 
xdAoVCxQ?,  à^Elzcvirs  Q\.à^ Inclinables,  je  dois  vous  signaler 
en  passant  un  point  où  Beauvoir  laisse  dans  l'ombre  toutes 
Jes  .villas  voisines  :  la  merveilleuse  verdure,  le   velouté   de 


314 


BEAUVOIR 


ses  pelouses,  ce  que  les  Anglais  nomment  lat^'ii.  Cela  nous 
donne  une  idée  du  gazon  du  Devonshire,  le  pays  de  la 
crème,  du  cidre,  du  fromage — le  jardin  de  l'Angleterre  ;  ou 
bien  encore,  des  prés  verdoyants  de  la  Verte,  très  Verte 
ErJn.  Sachez  que,  pour  s'assurer  un  gazon  semblable,  il 
faut  des  années  de  culture,  de  fréquents  arrosages,  d'in- 
croyables soins.  Je  n'exagère  rien.  Il  en  est  peu  en  notre 
Canada  qui  savent  produire  du  vrai  gazon,  même  parmi 
la  Plutocratie  la  plus  huppée. 


RAYENSWOOD.  Cap  Rcuge 

"l'niir  riioimiic  (lu  Nord,  lii  iiii^li'iin,  c'ciit  IVibri  Joiirtiiiliir, 
11' fiiyiT  lie  lïtmli',  li'  Hiitictiuiiri'  (I^^  iillcctlnti».  (  'l'il  lu 
'|U'il  ((iiici'iitri'  HDM  cxisti'iici',  c'i'Ht  lu  i|u'il  M-  pliiit  l'i  iiimr- 
»iii\  ri' «iM  trnviiM\,  rt  sr  «L'in-nr  de  ni"  riiiitfii"'",  -\  iililirii 
i<i'M  fi'li'H  ili'  fiiiiiillc.  Il  iiiiiir  Cl  Itc  ili'iiii'iiri'  oi"!  coiiKtaiiiiiii'nt 
il  iiripi'iilii'  MM  liiiiivi-iiil  Hdiivi'lili' il'i  s|>rit  rt  ili'  (ii'iir  ;  il  '':i 
)i:il'i  r  ('(iMiiiir  un  Dinciiii  <'(ii|Mrt  puir  miii  iiiil," 

X.     MvH.MIIh. 

Ravtns\voo(.I,  (^ui  couronne  l.i  crête  des  hauteurs  au 
Cap  RoiiLje,  à  six  milles  de  Québec,  est  vu  démembrement 
de  Mcado'u'bivik, — l'ancien  domaine  du  lieutenant-gouver- 
neur Cramahc,  en  1762, — acquis  de  M.  Jt.hn  Porter,  vers 
1846  par  M.  Samuel  Wright,  de  Québec.  Ce  dernier  s'y 
bâtit  un  simple  chalet  ;  le  tout  devenait,  en  1849,  la  pro- 
priété de  M.  William  Ilerring,  de  l'opulente  maison  Chs. 
E.  Levey  &  Cie.  M.  Ilerring  a  fait  Ravenswood  ce  qu'il 
est.  Amant  de  la  vie  rurale  et  possesseur  d'une  ample 
fortune,  notre  ami  avait  le  site  qui  lui  convenait,  pour 
donner  essor  à  ses  goûts  d'horticulteur  et  de  planteur  d'ar- 
bres forestiers  (i)  :  un  pittoresque  domaine  au  sein  de  la 
forêt  primitive.  Cette  forêt,  il  saura  la  façonner  à  sa  guist; , 
le  chalet  deviendra  bientôt  un  petit  château. 

(1)  J'ai  pu  y  couBtiiter  les  v-nrictis  suivantes  . 

lidis  liliiiic,  [Tilleul] TU  in  .Imcn'nnu). 

lit' tic Fni/iii  ft  rriniinca 

Jli'risicr  rouge Hviiilti  liiilii.' 

IlouK'uu Jk'tiild  jniliyruccil. 

XoyiT  tenilro .hiyhiii."  ciiiii'-k. 

Crdrc!  lilaiic TliKJd  On  iiJvtitnViH. 

Corisicr  ii  «ruppcs ('eninus    r/)';//iiii(ii''. 

IVtito  mcriao (Vr.i.sKs  l'ixu.iiiIrnnii'H. 

Driiio  blanc l'hniin  Aïncrirriii-t. 

'irnic  rougu I'Idius /iilf<(  it(  ruhrii- 

Truchc Ahiis  ('(inadensis. 

Noyor  dur Citrvu  itlh.i. 

Unis  dur ...  Ostrya  Yirfiinica. 

Krablo Acer  H<tri  liarinum. 

riaine Arerriihrittn 

Cliéni!  rougo (Jnercnn  rulira 

C'hôno  blanc Uuer-UH  alhn. 

l'in  ronge rinus  resinn.'ia. 

Pin  blanc .• Piuiin  strtihna. 

l'in  jaune Piiik.i  kiiVi». 

Tremble Paiitiluii  tremtdoide.i. 

Epinette  blanche Ahies  (ilha. 

Kpinctte  noire Abiea  nigra. 

Kpinette  ronge Larix  Americana. 

Senelier  Cratregua  cuccinea. 

Saule  noir Salix  nigra. 

Tulipier Liriodendron  tulipifera. 


I  i 


2l6 


R.\VEXS\VOOD 


A  l'est  de  Ravenswood,  il  plantera  des  arbres  ;  à  l'ouest, 
des  arbres  ;  au  nord,  encore  des  arbres  :  de  grands  chênes — 
de  sveltc;^  érables — des  ormes  gracieux.  Vers  le  sud,  l'œil 
plongeant  à  travers  dc^  trouées  pratiquées  dans  la  lisière 
au  bnis  qui  frange  la  voie  publique,  saisira  le  contour  de 
la  côte  opposée  du  St-Laurent. 

A  l'ouest  du  manoir,  se  voit  une  jolie  plantation  d'ar- 
bustes indigènes  et  exotiques:  Sijriuga — Wigielia — rosiers 
— Khodoiiciidroii — Sf^iria — flox  blanc  et  pourpre,  laurîers- 
rc'St's — Dciitsia  Scahrn — cormier — arbiitiis,  Roses  de  Guel- 
dress,  c.hevicfcui'Ies  en  parterre-^,  solitaires  ou  groupés  en 
massifs. 

11  y  a  cjuclques  années  le  châtelain  transplantait  de  la 
forêt  avoisinante  un  bol  orme,  à  la  pelouse  gazonnée  qui 
fait  face  à  la  porte  d'entrée. 

Cette  délicite  entreniise  a  été  couronnée  d'un  plein  suc- 
sès  :  c'est  maintenant  un  arbre  inajestucux  ;  on  été,  pleifl 
d'ombrage,  fa vonible  aux  nid-;. 

A  rc.'it  de  la  mai-on,  protégé  de  haie.s  hautes  et  touft'ues, 
i!  )■  a  un  de  ce^  boiis  vieux  jardins  canadiens  f  M.  Herring 
n'aime  pas  les  llcurj  .mi  serre)  sans  art,  mais  regorgeant  de 
fruits,  de  fleurs,  de  fruits,  de  légumes.  Voisine  de  l'ave- 
nue qui  serpente,  sous  des  arbres  de  haute  futaie,  il  )•  a 
up.c  jolie  nappe  d'eau,  alimentée  par  une  fontaine,  qui 
jaillit  au  s»,  in  des  fougères  et  des  mousses  sauvages  :  une 
r»ubébinc  gigantesque  lui  prête  son  ombre.  Là,  chaque 
matin,  le  maitre  vient  jeter  en  pâture  à  des  truites  alertes, 
ses  bonnes  amies,  des  mouche;,  des  sauterelles  ou  des 
miettes  de  pain. 

j'ai  contemplé  Ravenswood  sous  bien  des  aspects  :  mes 
pas  ont  suivi  les  courbes  de  sa  gracieuse  avenue  pen- 
dant quelques-unes  de  ces  soirées  merveilleuses  de  septem- 
bre où  la  hme  à  son  plein,  vous  inonde  de  ces  rayons  dia- 
phanes si  pleine  de  fraîcheur.  Je  l'ai  visité  en  juin,  lors- 
qu'il   avait    re^u    de   la    saison    sa  parure     printanière  ; 


ESQUISSES 


217 


jamais  je  n'oublierai  une  scène  d'hiver  dont  je  fus  témoin  , 
en  revenant  de  ce  champêtre  castel. 


* 


Ami  lecteur,  vos  chasses  d  hiver  vous  ont-elles  jamais 
conduit  à  cette  ia.son,  au  sein  de  nos  grands  bois,  à  l'heure 
mystique  où  la  chaste  Diane  laisse  choir  ses  pâles  reflets 
sur  la  nature  assoupie  ? 

Avez-vous  jamais  subi  cette  mystérieuse  influence, 
échappé  tout  frais  de  la  vie  ai^itéc  des  cites,  gravissant 
l'âpre  sentier  de  la  montagne,  laissant  loin  par  derrière,  do 
vastes  plaines  éclatantes  de  blancheur  ;  ou  bien,  chcini- 
nant  en  silence  sous  les  arceaux  odorants  des  pins  ou  dc^ 
vertes  cpinettes,  sans  autre  compagnon  de  route  que  votre 
I.cfaucheux  en  bandoulière — sans  autre  lirait  pour  vous 
distraire  que  le  hô'ement  étouffé  du  grand  hiboux, 
alarmé  par  la  lueur  de  votre  feu — .-.ans  autre  soii  dans  l'air 
que  le  craquement  des  taillis,  causé  par  h  course  fiirtive 
d'un  lièvre — d'un  renard  affamé  •- ou  d'un  caribou  hroii- 
tant  l'écorse  et  les  bourgeons  lîu  l/intar.a  .'  (i) 

Hardi  chasseur  que  vous  êtes,  v.his  c^t-il  arrive,  à  la 
tombée  du  jou;  épuisé  par  ui^e  marche  infructueuse,  d'a- 
bandonner la  p.  .te  rougie  de  sang  et  de  remettre  au  len- 
demain le  coup  de  mort  que  vous  rescrvic/  au  cerf  que 
votre  balle  a  atteint  ? 

Pouvez-vous  vous  rappeler  la  lassitude  extrême  qui 
alourdissait  vos  pas  à  votre  rentrée  au  camp,  tout  ruisse- 
lant de  sueurs,  presque  sutToqué  par  les  flocons  de  neige, 
au  point  que  le  pétillement  de  votre  feu,  alimenté  par 
votre  ^dèle  guide  "  Sl-oui  "  [2]  frappait  \'os  sen>,  dans 
cette  solitude,  comme  les  accents  d'une  musique  céleste,  ou 
bien  encore,  comme  le  rayon  bienfaisant  d'un  premier 
soleil  d'..\vril  ! 

Vous  êtes-vous  jamais,  aventureux  pêclieur,  hasardé, 
sous  la  direction  d'un  guide  expérimenté,  à  pénétrer  en  ces 


(1)  hoii  iV  Orignal,  nourrituro  f;ivorite  du  ciirilmu  et  do  l'oritual. 

(J)  ("0  f'i  Ul'UX  ù'iiidc  et  sachom    di's    Uiirou-i   di"    Lorotti>    vient   d'oxpirer   i\   r;'ii:o  di 

8S  IIIIB. 


2l8 


RAVENSWOOD 


régions  lointaines  du  Grand  Nord,  pour  ravir  au  Lac  des 
Neiges,  ses  grosses  truites,  franchissant  en  raquettes,  lacs, 
montagnes  et  vallées,  pendant  les  froids  inexorables  de 
janvier  ? 

S'il  vous  a  été  donné  de  goûter  ces  béatitudes,  vous 
pouvez  vous  vanter  de  connaître  quelques-une^  des  félicités 
que  le  Roi  des  frimas  réserve  en  notre  pays  à  ses  élus  ; 
mais  il  est  encore  d'autres  spectacles,  non  moins  attrayants, 
que  ce  capricieux  Père  Arctique  nous  permet  de  contem 
pler  sans  fatigue. 

J'ai  souvenance,  une  belle  matinée  de  mars — il  y  a  de 
cela  quelques  années — d'être  revenu  de  Ravenswood  au 
moment  où  l'astre  radieux  du  jour  versait  à  flots  sa  lu- 
mière empourprée  et  fécondante,  bien  que  la  sève  printa- 
nièrc  n'eût  pas  encore  monté  aux  cimes  des  chênes  et  des 
merisiers. 

La  veille,  une  de  ces  tempêtes  que  l'équinoxe  de  mars 
nous  ramène  chaque  année,  nous  redonnait  sa  rafale,  ses 
neiges,  ses  poudreries  :  cette  année-là,  il  y   avait    variante. 

D'abord,  froid  ;  puis,  neige  et  d%el  :  le  produit  se  fondit 
en  pleurs,  qui  se  crystaiisèrent  en  une  variété  de  luisants 
objets,  sou^  mille  formes  fantastiques. 

Chaque  arbre  du  chemin  (et  l'on  sait  qu'à  Sillery,  la 
voie  publique  ressemble  à  une  avenue  forestière)  selon  sa 
nature,  sa  fibre,  cédait  à  l'embrassement  glacé  de  l'aquilon. 
Les  uns,  comme  le  chêne  rouge  ou  l'érable,  moins  pliants 
de  caractère,  faisaient  mine  de  tenir  bon;  d'autres,  plus 
flexibles,  se  courbaient  à  terre  sous  le  poids  des  glaçons  : 
tels,  l'accacia  et  le  bouleau  argenté,  ornement  indispensable 
de  nos  parcs. 

Fort  singulière  était  l'allure  des  saules  dorés  ;  belles  cap- 
tives éplorées,  leur  blonde  chevelure  ondoyée  d'ambre,  de 
saphirs,  d'émeraudc,  irrisée  des  rayons  du  soleil,  retombait 
avec  un  beau  désordre  vers  le  sol  ;  la  bise  les  agitait,  les 
caressait.  C'était  brillant,  varié,  gracieux  comme  la  cein- 
ture d'Iris. 


ESQUISSES 


2I^> 


A  certains  angles  du  chemin,  un  grand  arbre  se  dressait 
audessus  de  ses  voisins,  comme  fier  de  son  ample  ramure  ; 
et  la  Fée  qui  avait  créé  toutes  ces  splendeurs,  où  était  elle  ? 
Aux  abords  des  villas,  on  distinguait  de  loin,  à  leur  teinte 
rose,  des  grappes  de  sorbier,  de  l'année  précédente  :  bon- 
bons savoureux  que  des  troupes  de  [i]  bouvreuils  d'un 
rouge  plus  foncé  se  disputaient,  tout  en  faisant  entendre 
leur  ramage  tendre,  mélancolique, — une  note  courte  en 
unison  avec  ce  paysage  glacé. 

C'était  ravissant  au  grand  jour. 

La  nuit  prépara  d'autres  surprises. 

Les  rayons  argentins  de  la  lune,  se  répercutant  sous  ces 
colonnades  resplendissantes,  faisaient  l'effet  de  lustres  or- 
né.-, de  girandoles,  ou  sa  pâle  clarté  se  décomposait  en 
spectres  lumineux.  Quand  le  vent  du  soir  s'engouffrait 
sous  ces  flèches  ëtincelantes,  on  entendait  un  cliquetis  de 
verglas  entrechoqué,  qui  ajoutait  encore  nu  mystère  : 
féerie  vivante,  curieuses  fantaisies  de  la  nature,  on  eût  cru 
errer  sous  les  voûtes  de  palais  enchantés  ! 

M.  Ilerring  a  fait  de  son  manoir  une  maison  modèle 
pour  le  confort,  sans  donner  dans  le  luxe  eft'rcné  que  l'on 
rencontre  dans  quelques-unes  des  résidences  princièrcs  de 
Montréal  :  il  lui  a  choisi  un  nom  fort  commun  en  Angle- 
terre, son  pays  natal,  bien  que  dans  ses  bois,  les  corneilles 
et  non  les  corbeaux  doivent  tenir  le  haut  du  pavé  :  Ravexs- 
WOOD. 


0)  Piuiis  KmicU'ator  —  l'ino  Gro3  bcak. 


MKADOWBANK,     Sillery 

Hector  Théophile  Cramahé,  secrétah'e  da  gouverneur 
Murray,  plus  tard  Lieutenant-Gouverneur,  profita  du  dé- 
part des  Français  pour  faire  à  Sillery  l'acquisition  d'un  des 
plus  beaux  et  des  plus  vastes  domaines  de  l'endroit.  A  en 
juger  d'après  l'inventaire  détaillé,  annexé  à  l'acte  de  vente 
que  nous  avons  par  devers  nous,  ce  n'était  pas  une  terre 
ôiluxbitant,  mais  évidemment  une  belle  métairie,  abondain- 
meiit  pourvue  de  chevaux,  de  vaches,  de  moutons,  etc. 
Entre  autres  objets  de  luxe,  en  ces*  temps  primitifs,  il  est 
fait  mention  à  l'inventaire  "d'une  glacière  ;  "  les  seigneurs 
seuls,  nous  pensons,  en  1 762,  se  bâtissaient  des  glacières 
pour  frapper  leurs  vins  ou  préserver  leurs  viandes  fraîches. 

Il  est  vrai  que  le  propriétaire  qui  décampait  pour  la 
belle  France  était  un  seigneur, — un  haut  et  puissant  sei- 
gneur— un  chevalier  de  l'ordre  royal  et  militaire  de  St- 
Louis  :  Joseph  Gaspard  Chaussegros  de  Léry.  L'acte  de 
vente  pas.;é  devant  Sanguinet  et  Panet,  notaires,  porte 
pour  date  \C\  sept.  176.?. 

(Le  lieutenant-gouverneur)  Cramahé  était  donc  riche  pro- 
priétaire, à  Sillery,  en  1762  et  aussi,  en  1775,  comme  on  le 
verra  en  feuilletant  la  relation  du  siège  de  Québec,  écrite 
par  un  témoin  oculaire  et  un  des  envahisseurs  de  notre  soi 
t^"  1775,  Joseph  Henry,  âgé  de  17  ans,  volontaire  sous 
Arnold  et  prisonnier  de  guerre  dans  la  prison  militaire 
appelé.}  Dauphine,  pi  es  de  la  porte  St-Jean,  pendant  quel- 
ques temps  ;  puis,  prisonnier  de  guerre  sous  bonne  garde, 
dans  l'ancien  couvent  des  Récollet?,  jusqu'à  la  fin  ù'août 
1776.  Il  devint  juge  plus  tard.  Cette  intéressante  relation 
forme  un  volume  de  près  de  200  pages,  (i) 


(I)  "  Au  acounito  anil  intcii'dtiiiiç  nccouiit  ot'tli.i  h.irdsliips  aiid  r>uff<'riiiss  of  tin'  Imiul 
of  luToos  wlio  travorsoil  tlie  \vildi'riiL'3«  iii  tho  campuiKii  a«ain.-it  (^lU'beo,  in  i77."i,  l)y 
■lolin  Josoph  Hoiiry,  Ksi|uiri',  late  l'rcsidoiit  of  tlie  aecuud  judioial  distriot  of  l'oiiusylva- 
iiia,  liancastiT,  printcd  by  William  (iriM-ii,  I^l'.'."' 

Hi'iiiy  iMait  nii  b.  Iiaiu'a><tor,  rciiUBylvanie,  li'  4  juin  1758  ;  il  g'eiiriM.i  en  177"j,;i  l'âtte  da 
17  ana,  comme  volontaire  dans  un  régimont  iovi'  i\  Lancastcr,  «t  qui  devait  faire  partie 
de  rarmêe  d'Arnold,  alors  à  Doston  ;  il  expira  on  li^J5,  untouro  du  rosiK'ct  do  ses  conci- 
toyens et  do  l'amour  de  ses  enfanta. 


ESQUISSE 


221 


le  pro- 
on  le 
écrite 
re  sol 
sous 
i ta  ire 
quel- 
.^arcie, 
l'août 
ation 


lu-  l.aiid 
i77:i,  liy 
liusylva- 

ll'àiro  <la 

Iiartii! 

bs  conci- 


Au  fur  et  à  mesure  que  les  compagnons  attristes  de 
Montcalm  et  de  Vaudrcuil  s'embarquaient  pour  la  vieille 
France,  nous  avons  vu  de  hauts  personnages  venus  avec 
eu  à  la  suite  de  Wolfe,  acquérir,  moyennant  finance,  les 
plus  beaux  domaines  dans  les  environs  de  Québec  :  les 
conquérants,  ici,  ne  firent  pas  de  confiscations  à  la  mode 
européenne.  Au  reste,  les  articles  de  la  capitulation  s'y 
opposaient. 

L'Angleterre,  en  1633,  avait  restitué  Québec  a  la  Franco 
après  l'avoir  occupé  près  de  quatre  ans  ;  (i)  en  agirait-elle 
de  môme  en  1759  ?  cela  semblait  peu  probable. 

La  perte  du  Canada  était  un  embarras  de  moins. 

A  la  cour  de  T^ouis  XV,  on  se  fichait  comme  de  l'an 
quarante  "des  quinze  tuilles  arpents  de  neige  perdus  pour 
a  ]''rance,  "enfin  le  roi  et  madame  Pomf)adour  dormiraient 
contents." 

Cependant,  le  cas  où  le  Canada  serait  rendu,  méritait 
considération.  Parmi  les  émii^rants,  il  y  avait  des  gens 
prudent.^,  fort  prévoyants  même  ;  de  cc  nombre  était  le 
Sieur  Joseph  Gaspard  Chausscgros  de  Léry. — On  trouve 
en,suitc  au  contrat  de  vente  ilu  16  sept.  1762,  où  il  est  re- 
présenté par  son  procureur,  M.  Jean  Max  l^andrièvc, 
"commi.ssaire  préposé  à  rembarquement  des  hVançais  en 
cette  colonie,"  on  trouve,  dis-jc,  une  clause  stipulant  que 
si  le  Canada  e.st  reteriu  par  l'Angleten-c,  ce  serr.  une  vt^nte, 
moyennant  le  prix  de  12,000  livres.  Si  au  contraire,  !c 
C":;iada  t:;t  rendu  à  la  hVance.  ce  w-.:  .-^ci..  (^u'uii  bail,  dcint 
!a  vente  représentera  l'intérêt  des  «.Ici/c  nu'lle  livre,-.  Capi- 
talisées a  6  p.  c. 

Parmi  Ic.-^  titres  de  propriété,  que  feu  M.  Jc/hn  Porter  a 
légués  à  un  propriétaire  récent,  le  Col.  Anùrcw  Stuart,  il  se 
trouve  un  acte  de  concession  fort  ancien,  datant  du  23 
janvier  1652,  celui  de  Gilles  FLsnart,  le  premier  conces- 
sionnaire. Il  appert  aussi  que  les  anciens  voisins,  les  Ilamcl 


(!)  Il  iiaraitrait  que  ruil  des  motifs  les  plus  luiissaiita  jioiir  r  .tto  ii'stittition,  im  lui  lu 
IirouicBSCfiuc  Louis  Xlll  fit  ùl  Charles  1er  d'AnKlftcrro  ilo  solder  do  suite  les  40(i,000  écus 
■  lui  restaient  ducs  sur  le  douaiic  de  la  roineHcuricttc,  son  Opousc,  si  l'ou  rendait  QuObec. 


•222 


MEADOWBANK 


et  les  Routier,  se  dessaisirent  par  divers  actes  de  ventes 
entre  1735  et  1740,  de  plusieurs  lots,  au  profit  des  auteurs 
des  propriétaires  actuels  :  entre  autres  titres  translatifs  de 
propriété  l'on  voit  celui  du  6  avril  1740,  où  Antoine  Rou- 
tier et  son  épouse  vendent  une  terre  au  Sieur  Joaquin  dit 
Philibert.  Qui  était  ce  Joaquin  dit  Philibert  de  i74o  ? 

Etait-ce  le  même  que  "Joaquin  dit  Philibert,"  qui,  en 
1735,  posait  la  première  pierre  de  l'antique  édifice  plus 
tard  "P""reema&on  Hall"  la  salle  des  P'rincs-maçons,  sur  le 
site  duquel  est  érigé  le  Bureau  de  Poste  actuel,  rue  Buade  / 

Ceci  nous  fournirait-il  la  solution  de  la  mystérieuse 
inscription  du  chien  :  "Qui  ronge  l'os  ' laquelle  ins- 
cription intrigue  les  antiquaires  de  temps  immémorial  et 
existait  à  coup  siîr,  le  18  septembre  1759,  quand  Québec 
capitula,  puisque  le  capitaine  John  Knox,  un  des  officiers 
de  Wolfe,  la  reproduit  intégralement  au  Tome  II  de  so  n 
journal  du  siège. 

Laissons  au  juge  Henry  la  tâche  de  nous  décrire  les  rares 
aptitudes  de  sa  "bande  de  héros"  les  congréganistes  (^i) 
pour  vider  les  caves,  les  salons^  les  écuries  et  les  poulail- 
liers  des  Royalistes  de  Québec,  insensibles  aux  cb.armes 
de  la  liberté. 

"  La  petite  armée  d'Arnold  avait  retraité  à  la  Pointe- 
aux-Trembles, le  25  nov.  (177s)'  Le  2  décembre  elle 
rebroussa  chemin,  revint  vers  Québec  et  atteignit  le  soir 
même,  Ste-P^oyc... 

"Le  12  décembre,  officiers  et  soldats  n'avaient  d'autres 
vêtements  que  des  fragments  de  leurs  hardes  d'été  qu'ils 
portaient  pendant  leur  désastreuse  course  :  voilà  tout  ce 
qu'ils  avaient  pu  sauver.  Il  y   avait   alors    trois    pieds    de 


neige. 


"  Un  beau  matin,  un  individu  survint  et  s' adressant  à 
Simpson,  l'officier  en  faction,  il  lui  dit  :  Qu'à  peu  près 
deux  milles  en  remontant  le   St-Laurent   il  y   avait   une 


[1]  Les  mémoirca  du  tciuix  uoiumeut  cougri^gaiiistes  les  cnvoyùB  du  Coiigrfs  :  les 
choses  out  chaugù 


ESQUISSES 


223 


50ir 

tiutres 

qu'ils 

lut    ce 

Ils    de 

lant  à 
près 
une 

trOs  :  les 


maison  de  campagne,  appartenant  au  gouverneur  Croniie 
/  Cramahé  ?  ) — bien  pourvue  de  tout  ce  qui  manquait  à 
l'armce,  il  s'offrit  de  nous  y  conduire.  On  commanda  de 
suite  des  carrioles.  La  maison  du  gouverneur  était  un 
élégant  logis,  coquettement  situé  sur  la  rive  escarpée  du 
fleuve,  à  peu  de  distance  d'une  (i)  chapelle 

"  Bien  qu'en  plein  hiver,  le  site  accusait  le  goût  exquis 
et  l'abondante  richesse  du  propriétaire.  La  porte  était  fer- 
mée :  nous  cognâmes  ;  la  porte  principale  nous  fut  ouverte 
par  une  Irlandaise,  un  colosse  tel,  que  je  n'ai  jamais  ren- 
contré son  pareil  chez  le  sexe  féminin,  C'éMit  la  gardienne 
de  la  maison  :  ses  réponses  <à  nos  questions  portaient  un 
certain  cachet  de  franchise  et  d'affabilité, 

"  Elle  nous  fit  entrer  dans  la  cuisine  :  une  vaste  salle 
bien  garnie  de  ces  objets  que  les  bons  vivants  considèrent 
indispensables  à  la  jouissance  de  la  vie  Nous  y  trouvâmes, 
entassés  dans  un  coin,  cinq  à  six  serviteurs  canadiens, 
tremblant  d'effroi.  En  examinant  le  local,  nous  découvrî- 
mes une  trappe,  par  où  l'on  pénétrait  dans  la  cave.  Nos 
troupiers  s'y  aventurèrent  et  firent  main  basse  sur.  le  conte- 
nu :  tinettes  de  beurre  sans  nombre,  saindoux,  suif,  bœuf, 
lard,  poisson,  sel  :  tout  devint  notre  proie.  Tandis  que  nos 
soldats  furetaient  dans  ce  réduit,  notre  lieutenant  y  descen- 
cendit  pour  hâter  les  opérations.  Quant  à  moi,  on  m'avait 
placé  en  faction  au  haut  de  la  trappe,  adossé  au  mur  et 
mon  fusil  en  joue  comme  sentinelle  ;  j'avais  pour  mot 
d'ordre  de  surveiller  les  serviteurs.  Ma  bonne  amie,  l'Irlan 
daise,  m'invita  vivement  à  descendre  tl.ui-  iacave  ;  son  (!cs- 
scin  était  de  nous  y  enfermer  tous, 

"  Heureusement  sa  ruse  était  trop  transparente  ;  ayant 
vidé  cave  et  cuisine,  nous  chargeâmes  !e  butin  dans  les 
carrioles  ;  puis,  l'on  se  dipersa  à  travers  les  autres  appar- 
tements ;  c'est  là  que  régnait  l'élégance.  Les  murs  et  les 
cloisons  étaient  tapissés  avec  goût  ;  de  belles  gravures,  des 


[1]  Eu  1775,  il  n'y  avait  i\  Sillery  d'.autre  cUiipollc  (ni:"  colle  (l"s  Jùsuites,  —  coUo  où. 
lo  rovd  rùro  Énueinouil  Ma;j6  avait  Hé  entorro  on  mai  ItilO  ;  un  joli  petit  inouutueut  tu 
inarfjvic  lo  situ. 


i; 


224 


MKADOWBANK 


cartes  soigneuscMuent  faites,  accusaient  la  main  de 
maîtres.  Une  superbe  vue  de  la  cité  de  Philadelphie,  sur 
une  grande  échelle,  prise  des  environs  de  Coopcrs  Ferry 
fixa  mes  regards  et  me  causa  quelques  remords,  mais  la 
guerre  et  la  science,  sur  les  champs  de  bataille,  se  respec- 
tent peu  ;  la  science  succombe  dans  le  tumulte. 

"Nous  fûmes  bien  plus  sensibles  aux  charmes  des  lits  de 
plumes  douillets,  des  beaux  couvre-pieds,  des  couvertes 
roses  qui  ornaient  les  dortoirs.  Il  y  en  avait  à  profusion  : 
wow^ prÎDics  le  tout.  Les  angles  et  les  coins  dans  les  car- 
rioles servirent  de  réceptacle  aux  petits  articles. 

"Notre  cupidité  ne  put  résister  à  la  tentation  d'enlever 
plusieurs  douzaine  de  couteaux  et  de  fourchettes  à  gaine, 
d'un  fini  rare,  ainsi  qu'un  lot  de  couteaux  pour  le  dessert. 
D'autres  objets  de  bien  moins  de  valeur,  ou  d'une  petite 
utilité,  disparurent  également  sous  l'étreinte  avide  des 
troupiers. 

"Dans  une  salle  en  arrière,  il  y  avait  un  canapé  en  aca- 
jou artistement  sculpté,  avec  coussins  moelleux  et  couver- 
ture   de   soie   figurée  ;  nos    carrioles   étaient  surchargées 

d'effets.  Plus  de  place,  pas  môme  pour  le  canapé Mais 

les  coussins  île  soie,  nous  trouvâmes  moyen  de  les  em- 
porter, 

"Ayant  débarrassé  Son  Excellence  de  tous  les  objets 
pour  nous  ck  première  nécessité,  nous  nous  mimes  en 
route,  accompagnés  des  pieuses  bénédictions  de  la  gar- 
dienne du  logis  ;  clic  i^emblait  toute  surprise  que  nous 
u'eu^sion-;  pas  -.-nlevé  phis  d'effets.  Peut-être  avait-elle  ses 

réserves    mentales qui   sait   .'    mais    ce    n'était    pas 

notre  affaire. 

"Arrivés  près  de  la  Chapelle,  nous  rencontrâmes  une 
escouade  des  nôtres — commandée  par  Morgan  :  eux  aussi, 
ils  venaient  faire  comme  nous.  L'officier  en  charge  parut 
chagriné  à  la  vue  de  nos  dépouilles  opimes.  Il  continua 
son  chemin  et  acheva  de  piller  la  maison  et  les  écuries  de 
ce  qui  y  restait. 


\^'^k 


I.S'^JUISSKS 


225 


les 


|et3 

en 

tar- 

)US 

[ses 
bas 

linc 


"Grande  fut  la  joie  chez  nos  soldats  qui  se  partagèrent 
en  frère  les  objets  enlevés." 

Puis  le  13  décembre,  le  juge  Henry  nous  raconte  une 
autre  expédition  de  même  nature  et  accompagnée  des 
mêmes  résultats,  qui  eut  lieu  à  une  autre  riche  métairie 
près  de  Québec.  Tout  en  condamnant  au  point  de  vue' 
de  la  morale  ces  brigandages  d'une  soldatesque  effrénée, 
il  se  console  philosopiu'quement  par  le  fait — que  les. 
Royalistes  {Tories)  seuls,  de  Québec,  étaient  pillés. 

Pour   la   description    détaillée   de    Mcadozubank,    voir 
Pic  turc  s  que  Québec,  P''^go  390-3' 


15 


DORNAL,  Cap  Rouge 

rendant  ia  mémorable  invasion  des  Hastonnais,  en  1776, 
naissait  à  Dornal,  petite  ville  ou  village  de  l'Ecosse,  un 
•enfant  du  sexe  masculin,  destine  à  fournir,  dans  sa  patrie 
tl'adoption — le  Canada — une  longue  et  glorieuse  carrière- 
John  Neilson.  Tout  jeune  encore,  on  le  trouve,  immiscé 
au  journalisme  comme  propriétaire  et  pendant  quarante 
an?,  rédacteur  de  la  vieille  Gazette  de  Québec,  la  plus  an- 
cienne de  nos  feuilles  périodiques,  fondée  en  1764  2t  éteinte 
en  1874 — apics  cent  dix  ans  d'existence. 

Connu  surtout  vers  la  fin  de  sa  carrière,  comme  le  Nestor 
de  la  presse,  l'habile,  l'infatigable  et  patriotique  député  pour 
le  comté  de  Québec  avait  été  désigné  par  le  parti  de  M. 
Papineau,  en  chambre,  comme  délégué  de  la  colonie  pour 
faire  connaître  à  la  métropole,  nos  griefs,  en  1 822.  Il  fonda, 
au  Cap-Rouge,  Dorna!,  il  y  a  plus  d'un  demi-siècle  et  y 
expirait,  à  l'àgc  patriarcal  de  72  ans,  en  janvier  1S48,  res- 
pecté de  tous,  pour  la  sincérité  de  ses  convictions,  aimé 
des  Canadiens-français  à  cause  de  sa  chaude  sympathie 
pour  leur  cause,  bien  qu'il  eut  crijt  de  son  devoir  de  les 
avertir  que  la  lutte  armée  que  l'on  conseillait  contre  la 
puissante  Angleterre  était  inconstitutionnelle  et  ne  saurait 
aboutir  qu'à  un  désastre  :  ses  sages  conseils,  comme  ceux 
de  Ouesnel,  Cuvillier  et  autres,  ne  purent  prévaloir 

lîien  que  le  Canada  eut  été  le  théâtre  de  ses  succès  ora- 
toire=,  littéraires  et  politiques,  M.  Neilson  conserva  jusqu'à 
sa  dernière  heure  un  souvenir  vivace  de  son  pays  natal — 
le  pays  de  Wallace,  de  Burns,  de  Scott  ;  il  en  perpétua 
pour  lui  la  mémoire,  dans  le  nom  de  sa  villa, 

"  Kt  dulcis  iiiorions  rcmiuiscitur  Argos.  " 

Dornal,  drapé  de  verdure,  se  dresse  sur  le  versant  du 
sud  du  chemin  du  Cap-Rouge,  dans  les  plis  de  cette  impé- 
nétrable forêt  qui  voila  pour  un  temps  les    vols   sacrilèges 


\(  m 


ESQUISSES 


227 


■et  les  crimei  de  Chambers  (  i  )  et  de  sa  troupe,  il  y  a  un  demi 
siècle. 

Nos  pères  à  cotte  époque  ne  parlaient  jamais  du  bois  du 
Cap-Roiigc  sans  tressaillir  d'effroi  :  c'était  leur  forêt  noire. 

La  villa  avoisine  ces  carrières  de  pierre  où  Cambray,  Ga- 
gnon,  Mathieu,  Waterworth  et  consorts  allèrent  se  tapir  dans 
une  petite  forge,  pour  faire  fondre  en  lingots  les  argenteries 
dérobées  le  10  février  1335,  à  la  chapelle  de  la  Congréga- 
tion, qui  fait  face  à  l'Esplanade,  à  Québec,  savoir  :  "  une 
lampe  d'argent,  valant  ^,'20  ;  un  crucifix,  ^10  ;  une  statue 
de  la  Vierge,  ;^  50  ;  quatre  candélabres,  ^10  et  deux 
chandeliers,  ^2.10.  "  Vol  n:emorable. 

M.  John  Neilson,  le  propriétaire  actuel  de  Dornal,  fils 
aîné  de  l'hon.  John  Xeilson,  nous  racontait  réaemment 
l'effroi  que  lui  causa  alors  la  rencontre  fortuite  de  ces  mal- 
faiteurs, une  froide  journée  où,  jeune  enfant,  il  revenait  de 
la  forêt  où  il  était  allé  tendre  pour  les  lièvres  et  les  perdrix. 

Les  goijts  prononcés  de  Î\L  John  Xeilson  pour  l'ornitho- 
lagie  datent-ils  de  cette  ère  reculée  ?  Je  ne  le  sais  ;  mais 
ce  que  je  sais,  c'est  qu'il  e^^t  un  de  nos  meilleurs  observa- 
teurs du  monde  ailé  et  que  ses  écrits  sur  ce  sujet  dans  la 
presse  anglaise  lui  ont  valu  des  cl^f;\s  chaleureux  de  la 
part  des  naturalistes  des  Etats-Unis  :  voilà  pour  Dornal. 


Ci)  L<:n  U'v'h'^l'in^  ilii  cc/i'H'— l'ai  ."^L  Fr?.  I!o:>l  An.ii'r?— 1'?:;7. 


IJ)XCV\Vn(^I),    Cap  Rou^e 


i7<^9-i«47 


"    llil'r,  lllrli'  Wllrt  lillluliill'i  ni' (i1(l,    tllill'  SMIH  \Vl'(']iiMt/, 
ll.i|il,v  iif  liivrr.'  iiuiii'  ivrr  \s  ill  I.jkiw, 
\Vlii>-.i'  !■><■>'  wiiit  HiMiWiiiil  a  limiiliiil  sliH'iiliig 

Vi'iir«  iiL,'i>. 
Tlm  ((lin«t  ()(' Il  Kiirdiii  hiniti^  tliiHi'ii, 
A  uli'illc  of  liniililioixl  iiii'l  llidiii  cncIriHCH 

TIh' Sl|ll.ll'l'   kIi>|M'    (il'llll'    lllll^SlllMll■■IH  liril 

Wliero    tliif   wti'iU  tliiit  «n  w  unrii  Irom  ttio  nnivi.s  ol'  itn  1U3.  .1 

N'iiw  lie  (liMil. 
Tiii'  fli'lil  fiills  HdiitliWiiril,  al>i'ii|>t  .iiiil  Imiki'ii, 
Ti>  tlii'  low  liiHt  vi\nf  ill'  tlic  Imii,'  Imii'  liiiid, 
If  a  ntcp  kIiouIcI  «(iiind  iir  a  unnl  lie  siicikni 
WiiiiM  il    Klumt  luit  liso  at  tlir  stranyï'  uncst'H  liaiiil." 

Su  iiiliiinif — Ki)iiSAKi;N  (Iakdkn 

De  longue  date  j'avais  nicclitc  faire  une  visite  à  la  ma- 
sure déiabrce  qui  jadis  fut  une  demeure  ensoleillée, 
attrayante  :  Longwood — au  Cap-Kouf;c,  près  Québec. 

Le  hasard  voulut  que  le  trajet  eut  lieu,  une  de  ces  après- 
midi  ternes  et  froides  du  mois  de  mai,  qui  n'est  pas  tou- 
jours le  mois  des  feuilles,  tant  s'en  faut. 

Longwood    avoisine   Dornal,    le   beau    manoir   de    "-'u 
Thon.  John  Neilson,  le  Snj^'-c  du  Cap-Rougc,  dit  M.  B; 
sur  le  côté  nord  de  la  voie  publique. 

C'est  là  que  séjourna,  nombre  d'années,  l'opulent,  le 
laborieux  historien  du  Canada,  William  Smith  ;  là,  s'était 
écoulé  le  soir  de  sa  longue  carrière  officielle. 

Où  puisa-t-il  ce  singulier  nom,  Longuood  Pl'emprunta-t- 
il  à  la  dernière  demeure,  à  l'historique  chalet,  où  le  con- 
temporain [i]  de  l'hon.  William  Smith,  Napoléon  1er, 
terminait  ses  jours,  à  Ste-Hélène,  sous  l'écrou  de  Sir 
Hudson  Lowe  ?  Le  Cap- Rouge  et  ses  verdoyants  et  pai- 
sibles bosquets  devinrent-ils,  comme  Ste-Hélène  le  fut 
pour  le  Petit  Caporal,  un  havre  de  repos,  aprèa  des  jours 
orageux 


? 


[1]  Napoléon  1er,  le  duc  de  Wellington  et  l'histtrienSmitli,  naquirent  tous  trois  en 
1769. 


i:s()Uissi;s 


Î2() 


m 


Le  site,  en  ce  iiiotnent,  n'a  d'autres  attraits  que 
ceux  de  son  rustique  paysn<;e  et  de  ses  plantations  fores- 
tières. 

La  masure,  longue  de  quatre-vingt  et  large  de  près  de 
quarante  pieds,  n'a  qu'un  étage  :  vaste  structure  en  bois, 
avec  une  fenêtre  en  ogive,  droit  au  dessus  de  la  porte 
d'entrée,  destinée  à  éclairer  cette  partie  clés  mansardes. 
Les  longues  salies  au  premii;r,  ses  mansareles  spacieuses, 
ont  dû  rendre  ce  séjour  spécialement  commode  comme 
résidence  d'été.  La  maison  dans  l'origine  était  évidemment 
peinte  en  jaune  ; — elle  est  d'un  jaune  terne  maintenant  ; 
les  Persiennes,  à  quelque  phase  de  leur  existence,  ont  du 
être  vertes.  Quand  je  vis  Long^vood,  la  villa  me  sembla 
aussi  triste,  aussi  délabrée  que  h.'s  neiges  et  les  aucans  de 
plusieurs  années  peuvent  rendre    une    demeure    inhabitée. 

A  l'extérieur,  il  y  avait,  selon  l'exprc-sion  du  ijoète 
Swinburne,  "  le  spectre  d'un  jardin,"  cpii  semblait  me 
narguer  ;  et  (juand  le  concierge  fit  tourner  la  clef  dans  la 
serrure  rouillée  de  la  porte  de  ce  séjour  désolé,  aux  plan- 
chers disjoints,  aux  fondations  effondrées,  aux  ténébreuse:?" 
chambres  avec  leurs  volets  f  fines,  je  m'attendais  presque 
de  rencontrer,  à  l'intérieur,  ■  spectrt.  du  vieil  historien. 
Citons  encore  l'harmonieux  barde  Swinburne  : 


"  A!l  witliiii  is  (laik  us  ni^lit  ; 
Iii  tl»'  wiiiilinvH  H  iKi  litrlit  ; 
Ami  lui  iMuniuir  :it   tlif  donr, 
Si)  t'ri'iiMi  lit  ou  ils  liiii^'c  hi'forc.'" 

Cependant,  le  temps  avait  é  é  où  les  accents  de  la  harpe 
les  roulades  du  piano,  le  mouvement  de  pas  légers,  des 
réunions  d'amis  ou  d'amants  et  leur  doux  parler  avaient 
éveillé  de  joyeux  échos  dans  les  salons  maintenait  silen- 
cieux de  Le  gv/ood  !  La  tradition  redisait  que  jadis  de 
somptueux  binquets,  des  soirées  brillantes,  de  grands  bals 
étaient  à  l'ordre  du  jour,  dans  ce  lointain  passé  où  Québec 
se  gaudissait  de  sa  frigante  garnison  militaire,  et  pendant 
la  belle  saison,  de  nombreuses  frégates,  mouillées  en  rade, 
sous  les  canons  de  sa  menaçante  citadelle. 


:  1 

*\'V 


230 


LONGWOOD 


Et  ces  nrbres  muets,  mngniflqnes  rideaux, 
Ont  prêté  leur  tt-nture  à  maints  riants  tableaux. 
Ils  ont  vu  les  valets  dans  les  vastes  corbeillec, 
l'orterles  blonds  «ùteaux  et  les  noires  bouteilles, 
Mettre  au  bniu,  dans  le  tiot  du  limpide  courant, 
Ijes  flocons  de  cristal  pleins  d'un  vin  transparent, 
Kt  mollement  couchés  sous  les  ombres  épaisses, 
lies  jeunes  gens  d'alors  et  leurs  jeunes  maîtresses 

Où  doue  sont  ces  rieurs  ?  Où  la  dance  folâtre  ? 
Où  donc  ceH  pieds  mignons,  ces  épaules  d'albfttre  ? 
Où  toute  cette  joie  ?  Où  les  neiges  d'autan. 


AUGIER. 


Et  lui  le  seigneur  de  céans,  à  combien  de  bals,  au  club- 
[i]  des  Barons  ?  à  combien  de  banquets  annuels  avec  les 
vétérans  de  1775,  chez  Menut  ?  [2]  à  combien  de  Ici'crs  au 
château  St- Louis,  l'avait-il  pas  assisté,  depuis  le  mémo- 
rable lever  du  6  décembre  17S6,  où  Son  Excellence,  Lord 
Dorchester  s'était  réservé  le  monopole  des  baisers,  tel  que 
le  digne  père  de  l'historien,  Thon,  juge-en-chef  Smith  l'a 
si  bien  décrit,  dans  sa  lettre  à  son  épouse  ?  à  combien  de 
fêt  :s  champêtres,  à  Powell  Place,  n'avait-il  pas  pris  part, 
au  temps  où  notre  admirable  raconteur,  M.  De  Gaspé,  allait 
manger  de  la  crème  à  la  glace  chez  Sir  James  H.  Craig  ?  à 
combien  de  joviales  soirées  chez  le  Duc  de  Richmond,  M. 
Smith  n'a-t-il  pas  été  pré.sent,  sans  compter  les  réunions  lit- 
téraires du  comte  de  Dalhousie,  les  réceptions  de  Lord 
Aj'lmer,  les  fêtes  de  Lord  Gosford  et,  plus  tard,  les  diners 
de  Spencer- Wood  ? 

L'hon.  William  Smith,  fils  du  savant  juge  en  chef  de 
New- York,  en  17S0,  juge  en  chef  du  Canada,  en  Î7S5,  était 
certainement  un  des  personnages  les  plus  considérables  en 
cette  ville,  penilant  plus  d'un  demi-siècle  ;  son  rang  élevé 
comme  membre  de  l'exécutif,  grâce  à  Lord  Bathurst,  son 
protecteur  ;  ses  autres  importantes  clmrges  publiques  ;  ses 
goiHs  cultivés,  littéraires  ;  ^ses  recherches  incessantes  au 
profit  des  annales  canadiennes,  en  un  temps  où  nos    archi* 


(1)  Le  Club  des  Barons  existait  en  l.-^ii.l.  Les  ni''i!Ooin!its  l.s  iil;is;  Imppés  d.'  l'époque  en 
faisaient  partie  ;  I'Ikui.  Matlii>«  lii'Il.  mort  en  l>4',i,  Tolin  lilfukwoodet  autres.  La  «rando 
m.iJDiité  se  comiiosait  d  anijlais.  L'hon.  t'hs  du  la  NauUiire,  mort  en  IMl,  eu  était 
membre. 

[l'J  Alexaudre  SIenut.  maître  d'hôtel  et  cni-'inier  céli'bre  de  nos  nuiioiis  gouver- 
neurs, avait  ouvert  une  lnitillrrio  en  renom  sur  le  chemin  de  la  petite  rivière  Saint- 
Charles  :  on  la  iionini.iit  le  lHne  lloiixe  :  les  vétérans  du  siège  de  1775,  Caldwell,  Fraser 
et  autres  s'y  rendaient  pour  le  urnnd  diuer  annuel  (lu  ol  décembre,  en  souvenir  do  la 
défaite  des  yankees,  au  Sault-au-3Iatelot. 


de 

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Iratiiii! 

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|(lo  la 


ESQUISSES 


231 


ves,  voilées  au  commun  des  mortels,  entouies  dans  les 
voûtes  souterraines  de  l'ancienne  Chambre  d'Assemblée 
au  haut  de  la  cote  la  Montagne,  n'éta:  accessibles  qu'à 
d'infatigables  chercheurs  comme  M.  Smith  :  tf'ut  concourt 
;\  prêter  de  l'intérêt  au  temps,  aux  travaux  et  au  souvenir 
du  vieux  maître  de  Longwood. 

Mais  pour  l'hon.  conseiller  Exécutif,  parmi  les  nombreu- 
ses autommes  qu'il  avait  bravées,  \.  en  vint  une  où  les 
arbres  qu'il  avait  plantés  refusèrent  de  lui  prêter  leurdo'.i\ 
ombrage  ;  où  les  roses  qu'il  avait  cultivées,  semblèrent  lui 
redonner  moins  de  parfum  ;  où  les  avenues  de  ce  jardin,. 
si  artistiquemen'"  disposées,  cessèrent  de  réjouir  ses  yeux 
affaiblis.  Il  le  croyait  au  moins. 

C'est  alors  qu'il  jugea  que  le  temps  était  venu  de  dire 
adieu  à  son  petit  Eden  du  Cap-Rouge  ;  qu'il  se  hâta  de 
regagner  ses  quartiers  d'hiver  à  Québec,  avant  que  la  nuit, 
la  nuit  profonde  et  sans  réveil,  n'appesantit  sa  paupière. 

Le  17  décembre  1847,  ceux  qui  lui  étaient  chers  lui 
fermèrent  les  yeux,  à  l'eige  de  /S  ans,  à  sa  maison  de  ville, 
rue  St  Louis,  à  Québec. 

Il  avait  légué  Longwood  à  son  i'ils  Charles  Webber,  qui 
y  pas  >a  plusieurs  étés  avec  son  épouse  ;  en  1879,  Char  es 
Webber  Smith  expirait,  en  Angleterre. 

Depuis  ce  temp,  'e  silence  rè.4ne  eu  maître  dans  les 
salles  de  Lonr.vOjJ  déserté,  (i^  On  peut  encore  lui  appli- 
quer les  ifj^nes  tracées  par  Swinburne  : 

•■  N'ot  11  flowor  to  1)0  yiro*t  oftii  ■  l'i^u  th  it  falN  luit. 
•         Ai  tlu'  li'art  ot  :i  docul  iiiau  tlio  sci'il-i.lDts  ar.'  dry, 

l'iMMi  th.;  tliickets  ot'lliorii»  \v!i.>noo  tlio  iiitfUtiuij.ili;  c.i!l-i  lUt, 
l-'oiil.l  sliL'  c;'.!l,  tiijro  woiv  iiovor  a  rusj  to  roj.'ly.  " 


(IJ  UoiniiS  iiu','  c'L'ci  a  l'tO  l'crit,  1j3ii','\voO'.1  p.  ù'.j  iljinoli. 


RSDCLYFFE,  Cap  Rouge 


Cher  M.  Suite.  Vous  vous  rappelez  sans  doute,  avoir 
remarqué  dans  mon  salon,  parmi  les  tableaux,  etc.,  se  rat- 
tachant à  l'histoire  canadienne,  deux  lithographies,  portant 
la  signature  de  la  célèbre  société  Lemercier,  à  Paris.  Je 
crois  vous  avoir  dit  alors  que  je  les  prisais  comme  souvenir 
de  famille,  légués  à  Madame  LcMoîne  par  son  vieil  oncle, 
M.  Henry  Atkinson. 

L'une  rappelle  la  fastueuse  résidence  de  l'oncle  à  Spencer 
Wood,  incendiée,  le  12  naars  1860,  reconstruite  en  iS(3r,en 
vertu  d'un  vote  de  la  Législature,  sous  le  ministère  John 
Sandfield  McDonald,  certainement  avec  moins  d'élé- 
gance, bien  que  plus  vaste,  que  lorsqu'elle  hébergeait 
avant  1850,  l'opulent  et  lettré  négociant  que  je  viens  de 
nommer. 

L'autre  lithographie  représente  le  cottage  orne,  mainte- 
nant Redclyffe,  au  haut  de  l'antique  cap,  à  huit  milles  de 
Québec,  connu  à  l'histoire  sous  le  nom  de  Cap- Rouge,  à 
cause  de  la  couleur  du  so\ 

Ce  tableau  vous  retrace  la  vallée  de  St-Auo-ustin  ;  au 
bas,  on  discerne  d'abord  le  pont  du  village  ;  puis,  une 
petite  rivière  qui  serpente  v  rs  le  nord.  A  son  point  de 
jonction  avec  le  St-Laurent,  elle  offre  un  hable  en  mi- 
niature, abri  contre  les  vents  d'ouest,  du  nord,  du 
nord -est. 

•J'ai  aussi  dû  vous  dire  que  dans  cette  villa  du  Cap- 
Rouge  s'écoula  l'enfance  de  votre  ami,  mon  épouse. 
Examinons  en  détail  le  local. 

Le  pittoresque  cottage  de   M.    Atkinson,    qui    date    de 
1820,    aggrandi    depuis,    appartenant     maintenant   à    M.» 
Amos  Bowen.    Voyez  le,   perché    comme  un  aire  d'aigle, 
parmi    les   verts    sapins  qui    couronnent    le    cap  escarpé 
haut  de  près  de    deux    cents    pieds  ;     le    majestueux    St- 


KSQUISSSE 


233 


de 

île, 
rpé 
St- 


Laurent  en  baigne  la  base,  laissant  tout  juste  aux  voitures 
un  étroit  sentier,  un  prolongement  de  la  ruî  Champlain. 
A  l'ouest  de  la  piazze  de  cette  habitation  aérienne,  surtout 
du  petit  pavillon  accroché  au  liane  du  cap,  i'ti.Ml  cmbra-sc, 
vers  le  sud-ouest,  un  panorama  immense. 

A  l'est  et  à  l'ouest  se  prolongent  à  perte  de  vue,  les 
Hots  azurés  du  grand  llcuve,  sillonné  de  navires,  de 
vapeurs,  de  radeaux,  de  remorqueurs. 

Au  sud,  Etchemin  et  ses  estacadcs,  ses  moulins  ;  St- 
Nicolas,  la  mugissante  cataracte  de  la  Chaudière,  taillées 
dans  les  falaise.s  abruptes  de  la  côte  ;  en  aval,  près- 
qu'invisible  par  la  distance,  la  chaîne  altière  des  monta- 
gnes groupées  sur  nos  frontières  et  celles  du  Vermont. 

A  l'ouest,  St-Augustin,  ses  cham[)s  de  blé,  ses  ver- 
doyants bocages,  "  ses  chênes,  ses  aubépines  blanches, 
ces  vignes  sauvages,  "  ses  belles  érablières,  sa  fertile  vallée, 
ses  grèves  jonchées  de  bois  quarré  ;  puis  les  blanches 
maisouncttes  des  hcaïunicrs,  dispersées  rà  et  là  :  vues  du 
haut  du  cap  par  un  beau  soir  d'été,  ne  dirait-on  pas  des 
camps  de  cygnes  ou  de  mauves  endormies  sur  la  rive. 

Au  lever  et  au  coucher  du  soleil,  pendant  la  belle  saison, 
l'ensemble  des  objets  là  cet  endroit  a  quelque  chose  de 
ravissant.  Il  en  est  qui  en  préfèrent  le  spectacle  à  celui 
que  présentent  Spencer  Wood  et  Woodfield.  Je  suis  de  ce 
nombre,  -le  puis  en  parler  sciemment,  pour  l'avoir  goûté 
plus  d'une  fois.  Oui  sait  si  au  charme  du  lieu,  il  ne  s'en 
mêlait  pour  moi  un  autre,  que  le  paysage  seul  ne  saurait 
donner  } 

M.  Atkinson,  en  se  taillant  un  domaine  en  plein  bois, 
fit  comme  aurait  fait  un  hpbile  jardinier  paysagiste.  '1 
appela  à  t.on  secours,  il  sut  adapter  le  paj's,  les  nrbrcs,  les 
rivières,  les  collines  et  vallées  au  tableau  qu'il  entemlait 
créer, — un  paysage  difficile  à  égaler  même  à  Sillery  où  la 
nature  a  tant  fait. 

Le  ^ite  à  sa  disposition,  un  plateau  bien  boisé  avait  en 
superficie  plus  de  cents  acres  et  une  exposition  méridionale. 


1^^ 


234 


KF.DCLYFFE 


Il  eut  bientôt  dr.^isé  un  plan,  une  carte  du  lieu.  Parterres, 
à  Heurs,  vc^er,  boulingrin  pour  un  Archer])  Club,  jardin 
potager,  pâturages,  fontaine  jaillissante,  sentiers  perdus 
dans  la  forêt  aboutissant  à  un  ruisseau  ou  à  un  siège  rus- 
tique, haies  vives  pour  masquer  les  fossés  ou  les  clôtures  : 
tout  naîtra,  se  transformera,  se  terminera  comme  par  en- 
chantement. De  grands  arbtcs,  géants  de  la  forêt  primitive 
devront  céder  sous  la  hache  de  son  garde-forestier,  bien 
qu'il  soit  un  de  ceux  profondément  convaincu  de  la  vérité 
de  la  maxime  : 

"  (^111  l^livri-  vaut  r.ii  ;iilin'  inittMsti'  et  tout  on  tliMira? 

J^'liMiiiim'  fait  «'Il  six  iiiiiis  lin  livre  et  .ii'j  iiu-illi-'urs, 

Diuu  mut  cent  ans  à  l'aiie  un  <  lune.  " 

Ce  lieu,  comme  ayant  été  lendroit  où  séjournaient  .iac- 
ques-Cartier  et  Roberval,  le  premier  en  1541-42,  le 
second  en  1543-44,  se  recommande  spécialement  à  l'atten- 
tion de  l'historien  et  de  l'antiquaire. 

Voici  comment  on  le  trouve  mentionné  au  volume  de 
Hawkins,  llistorical  Pictnrc  of  Qitcbcc,  publié,  en  1834. 
Nous  touchons  à  un  point  fort  intéressant  dans  l'histoire 
locale  ;  on  a  prétendu  que  les  vieux  historiens  semblaient 
ignorer  le  dernier  voyage  de  Cartier.  Il  en  est  parmi  eux  qui 
lui  font  établir  un  fort  au  Cap  IJreton,  et  qui  confondent 
ses  opérations  avec  celles  de  Roberval.  Le  lieu  exact  ovi 
Cartier  passa  son  seconl  hiver,  au  Canada,  n'est  pas  con- 
signé dans  aucune  publication  qui  nous  est  connue.  Voici 
comment  llaiklu}'t  le  décrit:  "■  Aprls  lesquelles  choses,  le  dit 
Capitaine  fut  avec  deux  barques  aiuoiit  la  Riviire  aitdelà  de 
Canada,''  il  s'agit  du  promontoire  de  Québec — "  et  du  Port 
de  Sainte  Croix,  p^^ur  y  voir  un  Havre  et  nue  petite  Rii'ier 
qui  est  environ  quatre  lieues  plus  outre,  (i)  laquelle  fut  troii- 

(1)   l'ne  note  an  l)at;   ■!(!  l;i   \yA\io,   <li'    la    licUiiion    i/ct    ViXjiiiji's    île    .Tif'iiit.i-Curlier.. 
pwhl'ii-t'  [y.if  \:>  S:iii,'ti'  nili'i'iiire  i-l  )ii«liii-iiiuf,   en    1.' 1.!,   aioule    "  Anjonrd'iuii    la    1 
niontoire  ilu  Cap  l{oni.'e."' ]<a  relation    iln    troisième    vnyau('   e>^t    trailnito    île    Jlaekl 
{Hiiikliii/I's  ('n//(  (7(')ii  II/  Kiirhi   Wiy.i'ics,  Trunls  miil   l>i.ii  m  rrirs,  J.iiiiihni,  l.ilo.j 

L'ne  seconde  noie  à  la  luige  7t  de  ja  Kel.itnin  porte  "  l,a  <le»ei  iption  ilonnéi'  par  ( 
tier  de  eette  Hiviere  et  Imvre,  correspond  parlaitunent  à  la  pcL-^ition  de  la  h'ifii'fc 
i'iil'-li'iiitijc,  située  ;\  trois  lieues  et  demie  di'  l^uéliee  :  et  leu  délaiU  qu'il  noua  iloniu' 
tout  lesenvirouM  di'ci'tte  Kivière  nous  ntracent  exacti  ment  ;  leCap-ltonixe  craujourd'li 
une  partie  de  la  l'cnét  i|ui  avoisine  ce  l'ap  lUi  coté  du  Sud  <lu  Klenve  .St-I,aurent,  ai 
.[ne  le  terrain  pitué  di' l'autre  coté  et  à  l'ouest  dii  la  ft'iviiri'  iln  l'it)i-I,'iiiiiji\  leii 
fiinue  nue  espèce  di'  plateau  et  s'élève  ensuite  en  l'ornu'  d'anii'liitliéatre.  "  t'ette  note 
parait  de  la  rédaction  de  l'uucicu  Président  de  la  Huviité  litliraire  vt  historitiue, 
li.  l-'anljault. 


ro- 

uyt 

'aV- 
lUi 
sur 
ni  ; 
usi 
uel 
nio 

a. 


LSQUISSES 


235 


Jro- 
|iiyt 

':iV- 

lui  ; 
\ns\ 

liiio 

Ici. 


Vi'e    mcillairc  et  plus   conuiiodc  pour  y  iucttr>i   ses  navires  à 

Jlot  et  les  placer,    que  Vautre 

Ln.  dite   R  iï  'icre    est  petite,  ■  et  n  'a  pas 

plus  de  cinquante  pas  de  largeur,    et    les   navires   tirant  de 
trois  brasses  d'eau  peuvent  y  entrer  de  pleine  nier,  et  tl  basse 

mer,  Une  s'y  trouve  qu'un  chenal  d'un  pied  ou  environ 

L'entrée  de  cette  Rivière  est  devers  le  Sud,  et  elle  va  tournant 
vers  le  Nord  eu  serpentant  ;  et  à  l'entrée  d'icclle  vers  l'Est,  i^ 
y  a  un  Promontoire  liant  et  roide  oit  nous  pratiquâincs  un 
chemin  en  manière  de  double  montée,  et  an  sommet,  nous  y 
fîmes  un  Fort,  pour  la  garde  du  Fort  qui  était  au  bas,  ainsi 
que  des  Navires  et  de  tout  ce  qui  pouvait  passer  tant  par  le 
grand  Fleuve  que  par  cette  petite  Rivière."  Oui,  demande 
Hawkins,  ù  la  lecture  de  cette  description  si  précise  peut 
douter  que  l'embouchure  de  la  petite  rivière  du  Cap-Rouge, 
ne  fut  la  station  choisie  par  Jacques-Cartier,  pour  le  lieu 
de  son  second  hivernage  en  Canada. 

Sa  peinture  de  la  nature  du  sol  et  du  paysage  des  doux 
côtés  de  la  rivière  du  Cap-Rouge,  est  d'une  exactitude 
aussi  frappante  que  l'extrait  que  nous  venons    de    donner. 

'■  r.ij  lieu  précis  où  Jacques  Cartier  construisit  son  second  fort — 
agrandi  plus  tard  par  Roberval— a  été  déterminé  par  une  pcr 
sonne  instruite  de  Québec,  comme  ayant  été  au  sommet  du  cap 
même,  i)eu  distant  de  la  belle  villa  et  dépendances  de  M.  H. 
Atkinson,  c'est-à  dire  à  une  distance  d'un  acr-;,  au  nord  de  sa 
demeure  où  l'on  voit  lui  tertre  artificiel,  planté  d'arbres,  accusant 
une  grande  antiquité,  et  comme  il  ne  paraît  lias  que  l'on  y  cons- 
truit des  retranchements,  soit  dans  le  cours  de  la  cami)agne  d^ 
1759 — ou  pendant  le  blocus  de  <,)uéhec,  par  les  Américains  en 
1775,  il  est  extrêmement  ])robal)le  que  c  est  l;i  qu'il  faut  aller 
charclier  le  site  si  intéressant  et  les  restes  du  vieux  fort  en  (pies- 
tion. 

Jacques-Cartier,  à  son  retour  du  fort  de  Charlesbourg  Royal, 
eut  occasion  de  se  convaincre  que  les  soupçons  qu'il  entretenait 
quant  aux  dispositions  hostiles  des  Aborigènes  éuiient  bien  fon- 
dés 11  fat  intbrmé  que  les  indigènes  se  tenaient  à  l'écart,  loin  du 
fort  et  qu'ils  avaient  cessé  de  lui  emporter  comme  par  le  i>assé, 
du  poisson  et  des  provisions  Quel(iues-uns  des  siens  qui  étaient 
allés  à  Stadacona  lui  firent  part  qu'un  rassemblement  d'Indiens 
plus  nombreux  ([u'a  l'ordinaire  y  avait  en  lieu,  et  comme  il  avait 
toujours  conclu    que   de   tels    rassemblements  présageaieni    un 


Il  ) 


•236 


REDCLYFFE 


danger  prochain,  il  disposa  tout  dans  le  fort  en  prévision   d'une 
attaque. 

Au  moment  critique  et  cel  t  au  regret  de  tous  ceux  qui  s'inté- 
ressent aux  annales  canadiennes,  la  relation  du  troisième  voyage 
de  Cartier  se  termine  brusquement.  On  ne  peut  rien  savoir  de 
ce  qui  se  passa  au  Cap-Rouge.  Il  est  probable  qu'il  n'y  eut  pas 
de  collision  entre  Cartier  et  les  Aborigènes,  bien  que  la  position 
des  Français  à  raison  de  l'infériorité  de  leur  no.aibre  a  dû  lui 
causer  beaucoup  d'anxiété. 

On  a  vu  que  Roberval,  malgré  ses  hautes  dignités  et  son  ca- 
ractère entreprenant,  ne  remplit  qu'une  année  plus  tard,  l'enga- 
gement qu'il  avait  pris  de  suivre  Cartier,  avec  les  munitions  né- 
cessaires à  la  fondation  d'un  établissement. 

Cette  année  là,  le  Lieutenant-du  Roi  avait  approvisionné  trois 
grands  navires,  en  grande  partie  aux.  dépens  du  roi,  y  avait  ras- 
semblé  deux  cents  personnes — plusieurs  de   bonne  maison,  — 
et  des  colons  des  deux  sexes.  Il  fit  voile   de  La  Rochelle,    le  16 
Avril,  1543,  sous  la  conduite  d'un  pilote  expérimenté,  du  nom  de 
Jean  Alphonse,  de  Saintonge.  Les  vents  de  l'ouest  l'empêchèrent 
d'aborder  à  Terre-Neuve,  avant  le  7  Juin     Le  8,    il  entrait  dans 
la  rade  de  St-Jean,  où    il  trouva   dix  sept    vaisseaux,   occupés   à 
faire  la  pèche.  Pendant  son  séjour   en  cet   endroit,    il   éprouvait 
une  désagréable  surprise,  par  l'arrivée   de  Jacciues-Cartier,  revc 
nant  du  Canada,  où  il   avait  été  envoyé  l'année  i)récédente  avec 
cinq  vaisseaux.  Cartier  avait  hiverné  au   fort  ci-devant  désigné  ; 
il   allégua   comme    raison    i^our    la(iuelle,   il   l'avait   abandonné 
"  qu'avec  sa  petite  troupe,  il  no  pouvait  faire  face  aux   sauvages 
qui  chaciue  jDur  le  harcelaient.    "Il   persista    néanmoins    à  faire 
un  rapport  avantageux  de    la  richesse  et  de  la  fertilité   du    nou- 
veau pays.  D'après  la  relation  du  voyage  du  Roberval  dans  Hac- 
kluyt  "  Cartier  aurait   exhibé  des    échantillons   d'or  trouvés    au 
Canada,  qui,  soumis  au  creuset,  donnèrent  de   bons  résultats.  Il 
était  aussi  porteur  de  diamants  trouvés  au  promontoire   de  Que 
bec,  d'où    le   Caf>    aux  Diamants   a   emprunté   son    nom.    Le 
Lieutenant-Général  f Roberval)  q»i  avait  emmené   des  renforts 
en  hommes  si  importants  et  des  secours  si  considérables  en  mu- 
nitions pour  1  établissement,  pressa  fort  Cartier  de  retourner  au 
Cap- Rouge,  mais  sans  succès  * 

11  est  fort  vraisemblable  (]uc  les  Français  peu  disposés  à 
affronter  un  hiver  pénible  en  Canada,  ne  permirent  pas  ia  leur 
chef,  de  suivre  la  fortune  et  d'épouser  les  idées  particulières,  de 
Roberval. 

Qui  sait  si  l'amour  du  pays  ne  prévalut  pas  sur  l'attrait  des 
aventures,  et  si,  à  1  instar  d'individus  qui  croient  avoir  rempli 
leur  part  du  contrat  qu'ils  avaient  entrepris,  ils  refusèrent  d  en- 
courir de  nouveaux  périls  sous  un  nouveau  chef?  Pour  échapper 
à  une  rupture  ouverte,  Cartier  leva  l  ancre  dans  le  cours  de  la 
nuit  et  fit  toute  voile  pour  la  France. 


ESQUISSES 


237 


fut' 

)rts 

tmi- 

au 


Il  est  impossible  de  ne  pas  regretter  qu'une  si  glorieuse  entre- 
prise  ne  se  soit  terminée  d'une  manière  si  peu  digne.  S"il  eut 
regagné  son  fort,  avec  les  secours  puissants  que  Roberval  lui 
fournissait,  il  est  fort  probable  que  l'établissement  eut  eu  une 
existence  permanente.  Cartier  ne  fit  pas  d'autre  voyage  au 
Canadi  ;  il  s'occupa  à  terminer  une  carte  hydrographique,  (|u'il 
avait  dressée  de  sa  propre  main.  Kn  15S7,  elle  existait  encore 
à  St-Malo.  en  la  possession  d'un  de  ses  neveux,  Jacques  Noël, 
qui  plus  tard  montra  beaucoup  d'ardeur  à  développer  le  vaste 
pays  découvert  par  son  oncle.  On  a  de  lui  deux  lettres,  relatives 
aux  chartes  et  aux  écrits  de  Jacques-Carlier  :  la  première,  écrite 
en  15S7  et  les  autres,  une  année  ou  deux  plus  tard  ;  il  y  men- 
tionne que  ses  deux  fils,  Michel  et  Jean  Noël,  étaient  alors  au 
Canada  et  qu  il  attendait  leur  retour.  Cartier  expira  quelque 
temps  ap'rès  être  revenu  en  France,  après  avoir  sacrifié  sa  for. 
tune,  dans  ses  projets  de  découverte.  Comme  indemnité  pour 
les  pertes  subies  p?r  leur  oncle,  ce  Jacques  Noël  et  un  autre 
neveu,  de  la  Nauray  Ghâton,  reçurent  en  1588,  un  privilège 
exclusif  de  faire  le  commerce  du  Canada,  pendant  douze  ans  : 
privilège  qui  fut  révoqué  quatre  années  plus  tard." 


a 
nir 
Ide 


^' 


l!    ' 


BOISBRILLANT,  Ste  Koye 


r  t 


"  Dans  h',  «•iiliiic  du  »oir,  il  fait  liim  d  •  l'cntord'i' 
Il  fait  Ikjii  d°aH|)iri'i'  daiiH  un  air  frai»  <'t  dnux 
('(•8  odeuiH  de  (lazoïig,  ci'h  parfums   d'iicrljc  tendre 
(^ui  du   talus   dcH  jin-a,  8"('l(''vtiit  jusi|u'i^  iinu»."' 

(IjA  Vie  Uluai-k,  Autran.) 

Pour  qui  a  visité  le  champêtre  séjour  de  M.  LeSage  à 
cette  intéressante  saison  où  nos  bois-francs  reçoivent  leur 
plus  riche,  leur  suprême  décor, — les  teintes  éblouissantes 
de  l'automne, — nul  nom  ne  semble  mieux  approprié  au 
site. 

Il  y  a  autre  chose,  voyez  vous,  à  Stc-Foyc,  que  le  mo- 
nument des  lîraves  de  i/Co,  le  champ  de  bataille  de  Mur- 
ray.  Des  bouquets  de  verdure  variés  qui  couronnent  les 
hauteurs,  il  en  est  peu  en  octobre  qui  captivent  davantage 
l'œil  du  touriste,  que  le  bois  multicolore  qui  sert  de  dôme 
et  de  rideau  à  l'ancienne  métairie  de  feu  George  Honoré 
Simard,  jadis  membre  du  parlement  canadien.  On  l'aper- 
çoit de  la  voie  publique,  comme  une  verte  girandole,  nuan- 
cée d'or,  de  bronze,  d'écarlate,  de  rose,  à  l'extrémité  de  la 
superbe  avenue  viacadaiinscc  cj[u'il  y  pratiqua. 

Ce  joli  domaine  a  passé  depuis  à  M.  Siméon  LeSage 
député-ministre  des  Travaux  Publics,  qui  en  a  rej^tauni, 
embelli  le  corps  de  logis  principal. 

Comme  moi,  vous  avez  pu  remarquer  que  piusieui  lus- 
tres se  sont  écoulés  depuis  que  Taimable  chronitjueur  de  la 
RcvHC  CanadicitUi,  S.  LeSage,  a  dit  adieu  aux  prér.émaillés 
de  fleurs  et  aux  parterres  des  lettres  canadien r  es  pour  se 
vouer  à  la  vie  prosaïque  et  affairée  d'un  fonctionnaire  pu- 
blic :  maintenant  les  seuls  prés,  les  parterr.  s,  les  uniques 
champs  qu'il  affectionne,  ce  sont  ceux  de  Pomone  et  de 
Cérès. 

Vous,  mon  cher  historien,  qui  depuis  de  longues  années 
êtes  claquemuré  dans  un  département  à   Ottawa,   vcus  ne 


ESQUISSES 


239 


lus- 

LiUcS 

lir  se 
pu- 
]ues 
de 


soupçonnez  pas — peut-être  vous  ne  saurez  jamais — tout  ce 
■que  la  vie  des  champs  a  de  charme,  la  solitude  des  bois 
d'inénarrables  jouissances  ! 

Je  me  trompe  ;  n'est-ce  pas  vous  qui  en    1866.   en  ce  é- 
brant  les  coteaux  de  la  Haie-du-Febvro,  avez  écrit  : 

Le.i  blés  Botit  boniix.  Los  chniiips  sont  vitU. 
Li'  siir  toniho  Bar  lu  jirairii', 
L'oisi'iui  ri''ipi''ti!  SCS  coiioiTts, 
Jo  m'ciiivro  do  poùsin  ! 


Jloti  pii'il  froiasn  les  doux  ^a/oiis 
Tous  iirirfuinijsdo  tli'iirs  »auvii«e», 
L'od'Mir  ilufl  l'oins  luontc  aux  lUiiison», 
Plus  (Ir  liruit  dans  K'S  pàturaKcs. 

iLci  Lunrenlifviici}. 

Si  un  bon  matin,  vous  vous  éveilliez,  avide  de  repos, 
d'air,  de  liberté,  vous  écri:int  :  fi^o  rus  ;  mon  cher,  don- 
nant à  tous  les  di.'ibles  i JuCreux,  ITennepin,  la  Potheric, 
les  Relations  d-:s  Jcsuitcs,  je  vous  dirais  :  Cinglez  vers  l'an- 
cienne capitale,  allez  chez  notre  excellent  agronome 
LeSagc,  étudier  les  résultats  de  la  cendre  ou  du  phosphate 
sur  les  prairies  — admirer  les  formes  de  ses  lùrks/iirc,  de 
ses  Aldcrncy  et  de  ses  Clydc,  soit  à  Innsbri/lant,  soit  à  sa 
ferme  modèle  du  lac  St-Jean,  à  Iberville,  si  vous  en  avez 
le  loisir  ;  vous  y  verrez  bien  d'autres  belles  choses. 

A  lioisbrillant,  il  y  a  plus  qu'une  savante  exploitation 
astronomique.  A  certaines  heures  du  jour,  il  y  des  soleils 
d'automne  d'une  incomparable  douceur  ; — à  l'est,  au  nord, 
à  l'ouest,  des  coups  d'œil  ravissants  sur  tout  le  parcours 
de  cette  pittoresque  vallée  du  St- Charles,  à  vos  pieds, 
•où  serpente  vers  l'est  la  rivière  à  laquelle  le  Grand  Vicaire 
de  Pontoise,  Charles  de  Boues  laissa  son  nom,  il  }•  a  plus 
de  deux  siècles  ;  vous  y  verrez  encore  uu  spectacle  d'une 
magnificence  à  rendre  envieuse  la  magicienne  Armide  en 
ses  jardins  enchantes,  lorsque  l'érable,  le  chêne,  le  hêtre, 
les  grands  pins  abandonnent  aux  zéphirs  leurs  chevelures 
roses,  acanthes,  bronzées  ou  encore  vertes,  en  ces  jours 
enivrants  de  mélancolie,  voisins  de  l'été  de  la   St-Martin. 


Inees 

is  ne 


BELMONT,  Ste  Foye. 


rroprietaircs  :  Ulî.  PI*.  Jésuites,  1649 — l'Intendant  Talon, 
1670 — le  général  James  Murray,  1765 — Sir  John  Cald- 
well,  18 10, — John  W.  Dunscomb,  185 1 — Geo.  Wake- 
ham,  1885. 

" Sur  iM'ttc  miini'  plaiiio  " 

(jui  vit  fuir  U'a  Ki'antg  dont  ma  )ii'iisi'0  oat  pleiiiv, 
Un  c0111l1.1t  olympique  l'Ht  pucorc  cnKnRt'  ; 
D'un  cuti',  fVst  Murray,  l'illustre  caiiitninc, 
De  l'autre  LôviH  qui  veut,  dans  sa  noble  liaino, 
(^uo  riioiiiieur  français  soit  veiiKé. 

(Lca  Qiiélji'cqiioincs,  11'.  C/inj'iiiii») 

Si  je  ne  puis,  très  cher  antiquaire,  vou.s  faire  part  de  l'o- 
rigine du  nom  de  cette  ville,  agréez  au  moins  que  je  vous 
esquisse,  cicrrcntc  calamo,  ce  petit  château  des  seigneurs 
Caldwell,  converti  comme  vous  savez,  depuis  quelques 
années,  par  M.  Wakeham,  le  propriétaire  actuel,  en  j\fai- 
son  de  Santc\  pour  le  traitement  de  ceux  qui  abusent  du 
jus  bienveillant  de  la  treille. 

C'est  pour  le  coup,  mon  cher  historien,  que  je  devrais 
vous  emprunter  cette  magique  baguette  qui  vous  sert  à 
repeupler  notre  passé. 

J'aimerais  fort,  voyez-vous,  à  évoquer  quelques-uns  de 
ces  pâles  fantômes  qui  chaque  automne,  au  jour  fatidique 
des  Trépasses,  à  minuit  sonnant,  sont  tenus  de  se  donner 
rendez-vous  en  ce  morne  manoir  — à  l'intérieur  aussi  bien 
qu'à  l'extérieur — de  se  grouper  comme  jadis  à  l'abri  des 
chênes  et  des  pins  séculaires  de  Belmont — hôtes  et  convi- 
ves ou  hommes  de  guerre. 

— Crémazie  n'aurait-il  pas  fait  un  pèlerinage  au  cime- 
tière Belmont,  avant  d'écrire  *'  La  Promaïadc  des  Trois 
Morts  r'— 

Quand  pour  la  première  fois — ^j'étais  alors  dans  l'âge  des 
illusions — mes  pas  retentirent   dans   ces   longs   corridors» 


'  4*i: 


i:s(.)Uissi.s 


24 1 


cotte  suite  do  chambres,  un  tant  soît  peu  sombres,  silen- 
cieuses, désertes  (la  maison  était  inhabitée)  ;  quand  je 
traversai  celte  spacieuse  salle  à  manger — à  riches  lambris 
cintrés,  restes  fastueux  d'un  autre  âge  ;  quej'évccjuai  les  sou- 
venirs, les  martiales  légendes  de  l'antique  manoir,  les  tradi- 
tions 'le  cette  hospitalité  .*ans  boine  tics  Caldu'ell,  dont 
trois  générations  y  avaient  succédé  aux  anciens  mailres 
aous    la    domination    française,   j'éfirouvai,    v<nis    i"av(Mie- 

rai'je,  malgré  moi,  d'étranges  émotions 

Ces  grands  arbres,  qui  ont  survécu  à  la  foret  primitive,  tut.- 
suis-je  dit,  de  combien  d'embuscades  indiennes,  de  com- 
bien de  sanglantes  luttes  n'ont-ils  pas  été  les  nuieL^-. 
témoins,  depuis  l'ère  reculée  où  le  féroce  aborigène  décapi- 
tait aux  environs,  un  p«.u  au  sud,  vers  SilLr)-,  ce  pauvre- 
frère  l^iégeois,  en  1655,  jusqu'à  l'époque  où  Kichard 
Montgomcry  y  [)arquait,  pour  l'hiver,  ses  hordes  indisci- 
plinées, en  novembre  i7/'5! 

"  Arlirca.  ..8f»orû9l  tîiaiiuo  nuit  sur  loiir-)  luMiidiOH 
Ij'ii  iiiorU  vont  PU  iiltur.iiit  Si'i'lior  leurs  toili-s  l)l!inclio.<, 
Kt  l'M  joyi'Ux  lutins,  iiut.ur  ilo  li'urH  virux  triiiifs, 
1ju«  in'titd  niiitis  vcluii  vitmicnt  ilanscr  ini  ruml  " 

"Iit:s  CilfcNKS'' i?i(îi;i(.e. 

L'imagination,  cette  aimable  folle  du  logis  me  prèiant 
ses  ailes  vagabondes,  je  croyais  y  voir  une  escouade  de 
militaires  de  Louis  XV,  caracolant  sur  leurs  petits  chevaux 
normands,  des  portes  de  Québec  vers  Ic::  pittoresques  hau- 
teurs de  Stc-Foyc  ;  je  les  voyais  plus  tard,  .issis  sou.-,  !e 
dôme  touffu  des  bois,  pour  le  goûter  du  'uuli,  trinquant 
gaiement  leurs  verres  ifhur  inajoriDii,  et  faisaiil  retentir  les 
échos  d'alentour  des  bruyantes  santés  qu'ils  portaient  au 
maréchal  Saxe — car  la  nouvelle  de  la  victoire  de  l'onte- 
noy  [i]  venait  d'être  notifiée  au  lieutenant  du  roi  de 
France,  en  son  Château  St-Louis  :  on  était  en  1745. 

iVttention,  mon  brave  historien!  un  autre  incident  encore 
plus  palpitant  invite  le  l>can  uioiidc  de  la  vieille  capitale  à  ce 
chemin  de  Ste  Foye,  faisant  face  à  Belmont,  le  Hyàc  Park 
de  Québec,  au  rapport  d'Emily  Montagne  :  on    cause,    on 


[1]  La  bataille  avait  liou  le  11  mai  1743. 


1(1 


242 


llKLMONT 


m 


s'interroge,  on  se  réjouit,  on  répète  à  diverses  reprises  : 
"Carillon"  "Montcalin,"  "Nos  Milices,"  avec  tles  vivats  ; 
c'est  que,  voyez-vous,  la  grande  nouvelle  du  jour,  la  vic- 
toire du  «S  juillet  175''^,  l.i  jinirnéc  de-  Carillon,  ost  dans 
toutes  les  bouches. 


* 


Cunî^cdie/  maintenant  cotte  agréable  mais  quelquefois 
peu  sûre  messagère  q'ii  a  nom  rimai^ination,  et  laissi.-/. 
vnui  conduire  par  votre  bonne  amie,  la  muse  de  l'hi-'loire. 
liigot  et  sa  triste  séquelle  a  passe  ;  l'iiori/.ori  s'est  assombri. 
Que  voyez-vous  par  celte  humide  journée  de  se()tembre 
1759,  là-bas,  à  l'est,  dans  la  vallée  du  St-Charlcs  ?  \Jn 
peloton,  confus  de  fu}'ards,  me  ilite.s-vous,  traînant  à  la 
hâte  vers  !e  pont  de  bateaux  qui  les  sépare  du  camp  à 
Beaupurt,  un  drapeau  blanc,  maculé  de  bouc,  souillé,  dé 
cliiré  par  les  ronces  du  chemin  de  Ste-Foye  ;  ce  sont  "nos 
t;ens"  qui  partent  pour  ne  jamais  revenir,  et  leurs  féroces 
poursuivants,  ce  sont  les  Moiitn^nnrds  de  Fraser,  ces  ter- 
ribles pii!ti'<Jiipc's  de  LouisbourL^  et  d*^^  plaines  d'Abraham, 
"  qui  ne  donnent,  ni  ne  demandent  ;uicun  quartier." 


Va  [)uis,  mon  cher  historien,  la  toile  mouvante  de  l'his- 
toire se  déroule  encore  et  vous  présente  un  autre  si)ectacle, 
une  fanlasmaç^oric  qui  semble  vous  réjouir. 

VA\  bien  !  ivji,  cette  fi-is  les  rôles  ont  clian!.;é. 

Les  fu)'ard.s  C'  sont  les  terribles /r/'/A'.s'y,Y/'t;>' de  M urra\-, 
et  les  poursuivants,  ce  sont  les  soldats  de  I.évi.--.  iios  milices 
et  les  sauvages.  On  est  au  jS  avril  17G0  ;  des  mare<  de 
sang  rougissent  la  neige  du  chemin  ;  les  sauvages  scalpent 
sans  relâche  sur  tout  ce  d  maiiie  ■  11  s'élève  lîelmont  : 
riiistoire  nous  a  conservé  tons  les  détails  de  la  sangl'uite 
journée. 

Puis  la  scène  subit  une  autre  transformati-  ici 

en  novembre  1775. 

Les  mousquetaires  de  Rhode-Isla:  es  i..i  init  de 
New- York,  les  francs-tireurs  du  Verni   ut,  campés    sur  les 


ES(^UISSES 


243 


lus- 


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lie 
les 


hauteurs  de  Sillery  et  de  Ste-I''oye,  ont  eu  soin  en  arrivant 
de  s'approprier  la  maison  de  campagne  du  ^'éiieral 
Murr.iy — fiisant  niain-hasse  sur  ses  bœufs,  ses  mouton-, 
ses  chèvres,  ses  porcs. 

A  Noël,  1775 — bombance  en  ci's  lieux  pour  ton-,  ces 
messieurs,  mais  nun  pas  au  jottr  <A'  l\xn.  Car,  la  veille,  la 
prison  ou  la  fuite  réclamera  tous  ces  héros  (jui  s'éreintent 
s'immolent,  pour  noui  apporter  en  don  la  liberté  dont  nous 
faisons  11  :  tous  ceux,  dis-je,  que  la  mort  n'.i  pas  marcpi-'s 
au  front,  à  l'fès-deA'ilIc  et  au  Sault-au-Matelot. 

i\ux  embûches  d^r,  sauvaj^es,  au  siftlemeiit  des  balles, 
au  bruit  du  canon  et  des  fanfare-;  ,L;uerrièies  aux  "  nom- 
breuses chevelures  accrochées  aux  buissons  du  chemin," 
en  1^)55,  1759.  I7<''0,  1775,  un  tout  autre  état  de  cIioncs  a 
succédé,  une  ère  d'apaisement. 


# 


L'opu  ente  famille  des  Caldwell  s'y  installera  pendant 
la  belle  saison  :  les  Caldwell,  dont  le  chef,  le  col.  Ilcnry 
Caldwell,  après  s'être  distinLjué  sous  le  général  Wolfc,  aux 
Plaines  d'Abraham,  commamla  avec  bonheur  la  milice 
anglaise  do  Québec,  i)end;int  tout  le  blocus  de  1775-76.  Il 
expirait  en  iSio,  receveur  général  de  la  I'ro\'ince.  Son  fils 
John,  a)'anL  hérité  d'un  titre  nobliaire  en  Irlande,  devint 
Sir  John  Caldwell — il  était  seigneur  de  la  >eigncurie  de 
Lauzon,  divisée  et  suhdi\'i>ée  depuis  c-n  une  dizaine  de 
paroisses,    dans  le  comté  de  Lévis. 

Sir  John  jiossédait  de  grands  moulins,  de  \'ahtes  scieries,  à 
la  Rivièrc-du-Loup,  en  bas  ;  là  Lévis  et  ailleurs,  occupant 
une  partie  de  l'année  un  joli  et  solide  manoir,  qu'il  s'était 
fait  construire  dans  le  beaucagc,  près  de  la  rive,  à  ICtchemin. 

l'apineau,  Neilson,  15ourdages,  vers  ce  temps,  lui  firent 
passer  de  mauvais  quarts  d'heure  en  chambre,  et  pour 
cause. 

Il  expira  à  Boston,  en  1S42 — laissant  Iklmontàsonfils, 
Sir  Henry  Caldwell,  mort  vers  1S60.  J'ai  donné  dans  le 
Pictiircsqiic  Qucbcc  un  compte-rendu  de  certains  banquets 


•I!l 


»44 


BELMONT 


WP 


pantagruéliques  qui  rtuni>saicnt  jadis  la  bonne  société  de 
la  vieille  capitale  ri  Helmont.  Si  vous  désirer  savoir  com- 
ment je  m'y  suii  i)ris  pour  retracer  la  série  des  pro- 
priétaires de  céans,  je  vous  dirai  que  quand  j'écrivis  les 
Map/is  Lca^rs,  tu  1865,  mon  vieil  ami,  M.  Dunscomb, 
alors  percepteur  des  Douanes,  eut  l'obligeance  de  me  pas- 
ser ses  titres  de  propriété  :  et  voilà. 

Le  30  déc.  1S57,  la  l'.ibrique  de  Xotrc-Dame 
de  Québec  fit  l'acquisitioi^.  (.'.e  cinquante-sept  arpents 
en  superficie  du  parc  de  IJcîniont  pour  la  nécro- 
pole i\\x\  porte  ce  nom  et  où  dorment  maintenant  du  long 
sommeil  nombre  de  Québéquois  ;  cntr'autres,  l'historien 
Garneau,  et  l'antiquaire  l'^aribault. 


Quant  au  domaine  même,  il  comprenait  primitivement 
450  arpents  de  terre  ;  des  fenêtres  de  IJclmont,  le  spec- 
tacle des  campagnes  environnantes  est  grandiose  et  frap- 
pant à  l'extrême.  On  peut  compter  presque  douze  clochers 
d'église,  etc. 


I 

3ï 

■* 

% 


HOLIvAND  FAl'iXT.    Ste-Koye 


Cette  riche  métairie,  sur  le  chemin  Ste-l'^oye,  à  cîeux 
milles  de  la  cité,  rappelle  par  ses  maîtres  l'ancien  aussi 
bien  que  le  nouveau  rét^ime — leurs  progrès,  leurs  vicissi- 
tudes, leur  renaissance. 

l^n  1740,  sous  ces  sapins,  a  dû  se  dresser  une  de  ses 
antiques  demeures  en  pierre,  à  un  étage,  passablement 
étroites,  à  pignons  pointus,  à  fenêtres  à  petits  carreaux 
comme  l'en  en  voit  encore, — épaves  d'un  au*re  âge, — le 
long  de  la  côte  de  lîeauprc,  la  maison  de  campagne  de^ 
ce  respectable  sj-ndic  des  marchands,  Jean  Taché,  l'ancêtre 
de  Sir  K.  V.  Taché.  Il  tenait  ses  comptoirs  sur  la  rue  St- 
Pierrc,  en  la  basse-ville  de  Québec  et  possédait  ai.;,>si  le 
site  et  la  bâtisse  où  s'imprime  maii.tenant  le  .^fcniing- 
Chrouiclc. 

C'est  là  vraisemblablemiMit  qu'il  venait  en  villégiature 
aux  étés  qui  suivirent  son  mariage  en  1742,  avec  Demoi- 
selle Marie-y\nne  Jo'iet.  île  Alingan.  pctite-HlIe  du  célèbre 
découvreur  du  Mississippi,   Louis  Joliet. 

Sous  ce  toit  champêtre,  plus  d'une  fois,  la  bonne  société 
de  la  capitale  a  dû  venir  s'asseoir,  conviée  par  le  riclic, 
intègre  et  lettré  membre  du  Conseil  Supérieur,  M.  Jean 
Taché  :  le  quartier  était  faslnouahlc. 

Le  vertueux  fonctionnaire,  à  l'instar  de  ses  collègues, 
venu  de  la  vieille  l'rance,  était,  lui  ausf-i,  tourmenté  fie 
ce  à  quoi  les  Angla's  ont  donné  le  nom  pittores(jue  de 
<:artli  /iiiiiiiir,  une  incurab  e  convoitise  de  biens-fonds, 
comme  nous  avons  eu  occasion  de  le  remarquer  chez  les 
plus  distingués  d'entre  eux  :  Giffard,  Montmagny,  Talon, 
de  Léry,  Repentigny,  Juchereau  Duchesnay,  Jean  liourdon, 
Taschcreau,  La  Gorgendière,  etc. 

Les  compagnons  d'armes  de  Wolfe  étaient  pris  du 
même  mal,  Murray  Cramahc,  Caldwell,  Holland,  Cameron, 


n 


246 


IIOLLAND   FARM 


les  Ross,  etc.,  etc.  Tous  ces  messieurs  s'évertuèrent  à  deve- 
nir grands  propriétaires  autour  de  Québec  ;  les  seigneuries 
surtout  les  tentaient,  celles  mises  en  vente  par  des  proprié- 
taires repassant  en  France.  On  achetait  alors  ;  pas  de  con- 
fiscations :  les  articles  de  la  capitulation  s'y  opposaient. 
On  n'était  pas  à  Grand-Pré,  mais  à  Québec,  les  gens  ne 
refusaient  pas  de  prêter  le  serment  (i)  d'allégeance.  Il 
manière  de  traiter  les  vaincus  variait  :  et  le  précédent  que 
Louis  XIV  désirait  établir  en  1689,  ne  fut  pas  suivi,  par 
George  III,  à  Québec  ;  il  l'avait  en  ^Vcadie. 

Quant  à  Lord  Jeffery  Amherst  qui  avait  risqué  ses  pré- 
cieux jours,  pour  prêter  main-forte  à  Wolfe,  et  qui  l'année 
suivante,  imposait  la  loi  du  vainqueur'^  Lévis,  il  ne  se  co:»- 
•tentait  pas  d'une  simple  sei^nieurie,  voir  même  une  barbn- 
nic,  Warili  hnugcr  chez  lui  était  à  l'état  chronique.  Il 
réclama  pour  sa  royale  part — cy^o  noniiuur  Lco, — la  riche 
successioii  des  Jésuites,  yi)  dévolue  l\  la  couronne  de  la 
Grande-Bretagne,  à  la  suppression  de  l'ordre  par  le  S.  Père  ; 
pendant  près  de  quarante  ans,  lui  et  les  siens  ne  cessèrent 
de  faire  valoir  cette  réclamation.  Finalement,  le  souverain 
ne  trouva  d'autre  alternative  pmir  ne  pas  froisser    le   haut 


ili  Voii-i  ce  (|m'  1.'  uraiid  loi  (■•(■rivait  ;(  >m\  %  icc-roi  trAiin''i'i(iu(',  en  lii^;l  : 

'•  >i  iiaiiiii  l("a  lialtit.'dits  de  l;i  Xinivclli  -Vdik  il  se  trouve  des  ciUlKiIiiiiici^  di'  la  fM:- 
liti'  di'S(|ii(l,s  il  ri-(iyc  ce  ludivoir  assurer,  il  i.dinra  les  laisser  Jaud  Unira  habitations, 
u](r.' s  1(  iir  avoir  tait  j.n'tcr  «criiiciit  de  tid.  litc  à  Sa  Jlajcstd' 

Il  l^oiirra  aussi  Hi, nier,  s'il  le, jiii.'e  ;\  luciios,  des  artisans  et  antres  i;en.s  d''"  service 
ii(;-cess. . ires  pimr  la  eiiltiirc  d(  s  terres,  ou  putir  travailler  aux  forntiealions,  en  (pialitù 
de  jirisoiuiiers.  . . .  11  tant  retenir  en  iiri^oii  les  nfiieiers  it  h  s  i.riiuip.'dix  lialiitaiits, 
des(|iiels  on  jioiirrait  retiicr  des  r:in(,'otis.  :\  iTtt.-ird  de  tons  les  autres  ('trantrers  (i-i'k.i- i/iu' 
»(' .sdiir  yiir.'  i''ri'ii' .ii.f.)  luiiiinies,  Ceniines  et  (iilant".  Sa  5Iajest(' trouve  ii  jiropos  (|u"il 
soient  iiiis  hors  de  la  eoloni,'  et  envoyez  .'i  l.'i  Xouvelle-Anyleterre,  l'i  la  l'euiisylvanie,  ou 
en  d'autres  endroits  .[u'il  jii!.'era  à  iiropiu,  ]iar  mer  ou  parterre,  enS(  inide  au  S(;-|iarenient 
le  tout  sniviint  (|u'il  trouvera  plus  sur  [■(■ar  le-^  di^siper  (t  enip.dier  ipTeu  se  reuiiis- 
sani  ils  ne  puis-ent  dmDier  oeeasioii  A  des  entreprises  CMiitre  cette  Colonio." — Hroad- 
liend— New- York.  Col.  Itoe»  IX,  liiu'.) 

Vi(U'.  /.e  /.'■■;/.>  7>eiMiM'i/'(',  7  ,/»i'/i  li:si  ;  7t' lei'iu'.v^cc  i"  7'('ii  .")(•/?'(',  même  H<ife;le 
yiiui'.tfi  ô  Friiiili'iiiic,  ))i(»;c  iliifc  :  niilii'  ilii  /i'k;/'"'  riniifii  i'i'/,  vinitc  ilutc  ;  le  ii'oi/  ua 
Siiiir  (If  lu  ('o(liiiii''rv,  HioHc  ihitc  :  Chintipiiinij  mi  wiiiistrc  lii  iKir.  I'mSM. 

l'ntre  les  instructions  (|ue  le  roi  d'Au'.ili  t.  rre  dunna  au  Col.  I,av\  renée,  ]iour  la  dis- 
persion des  Acadiens,  (t  celles  (|in' eini  de  Fraïuc  donna  à  Krontenae  pour  la  disper- 
sioiia  d(  s  hal'iiants  de  la  Nouvelle-V  uk,  oui  m-  pivt(  raient  pas  le  serinent  d'iilU'geaiice, 
il  y  a  cette  dilîerenee  :  le  jueniier  ''t  oe  i|uil  (h'sirait,  l'autre  ne  le  piM. 

(;!)  M.  <>.  David,  dans  une  '  .'  adress('('  nu  J/oiiife,  ('■niiiuO'ro  les  lilens  de  l'ordrn 
coiniru' suit  :  Seiunenrie  Notre-i lame  des  AtiHcs,  l'iiarh  ^l>onr^' ;  seitineurie  «le  St-lia- 
hriel  (Ml  les  deux  l,(Mcîtes.  seiuneurie  de  Sillery,  juvs  (,iU(liee,  seiLrneurie  de  Héli'iir, 
seiuMieurie  du  Cl]!  de  la  MaL'd'  leine,  seitfneurie  (l(>  Haliscan,  Isle  St-C'hristovhe,  Hei(,'neil- 
rie  de  la  l'rairie  de  la  Maudeleine,  vis-a-vi^*  Montréal.  Nie  a  un  Heaiix,  Kief  de  l'achimiy, 
en  la  cite  des  'l'rois-Ki vi('r(S,  Kief  de  la  Vnelierie  de  .st-Uoi  11  de  (^iK'liec,  une  tonne  pji''« 
de  St-Nicolas — un  lot  d.ins  la  Haute-Ville,  de  t^u^diee,  deux  autres  lot.s  eu  cette  ville, 
le  Chaiiip  de  Mars  à  Montréal,  situ  do  l'Hôtel  de  Ville  et  du  l'ulaia  de  Juatioe,  à  Moût, 
réal. 


ESQU1SSI-:S 


247 


et  puissant  seigneur  que  de  lui  Hiire  voter,  par  son  parle- 
ment, à  Westminster,  à  lui  et  à  ses  ayans-cause,  une  forte 
pension  viagère,  en  vertu  du  statut  impérial  43,  George 
III,  chap.  159. 

Je  serais  porte  à  croire,  sans  toutefois  pouvoir  l'affirmer 
positivement,  que  llolland  I'\'irm,  vers  Ijf'-S,  faisait  p  irtie 
du  fertile  domaine  (qui  comprenait  S.i/is  h'uit)  [losséd:'  \)\.^ 
le  général  Murray,  à  Ste-Foye. 

l-^n  1775,  le  général  de  brigade,  R:ch.u\l  Montgomciy 
en  prenant  po:vsession  avec  son  cori)^  e.\pédit!<')nnaire,  des 
hauteurs  de  Stc-Foyc,  établissait  en  nox'embre  son  quarnir- 
général  à  la  maison  du  majoi  Ilollanil  :  Jared  S[)arks, 
l'historien  de  Washington,  nous  a  conservé  plusieurs  lettres 
de  Montgomery,  écrites  de  llolland  I'"nrm. 

Revenons  à  notre  s}'ndic  des  Marchand^,  Jean  Taché 
Sur  son  compte  nous  en  saurons  sans  d.iute  plus  long 
quani-l  notre  romancier  Alarmette  aura  écrit  la  biographie 
de  son  digne  aïeul  :  les  ihémoires  du  temps  nous  le  font 
voir  partant  pour  Ver^>aiile>^,  quelques  années  avant-  la 
grande  catastrophe  de  1759,  porteur  des  placets  et  suppli- 
que de  nos  pères,  cxpo'^ant  leurs  no:nbreux;  griefs,  denwn- 
dant  des  réformes  dans  l'administration,  de  l'aide  pour  I  a 
colonie  aux  abois.  C'est  aussi  vers  ce  teiiqjs  que  le  chemin 
Ste-Fo\e,  au  dire  de  ilawkins,  deven  lit  la  [jromena'le  1  la 
mode  pour  le  beau  monde  :  "  The  f uorite  drive  of  t!ic 
Canadian  lielle,  bcforc  tlîe  conquest." 

S'agirait-il  de  la  belle  Madame  De  Lér\-  qui  lors   d:    sa 
présentation,  avec  son  époux,  au   roi  Geurge  II,   en    irrJ. 
provoqua    le    tutteur    complim^mt    du    galant    monarque. 
'' Ff  suih  arc  ail  iny  Jh':j  Canadian   su!>j,its,    [  havc   ini/<\(l 
niadi  a  conquest. " 

Le  malencontreux  général  Montgomery  a  dû  y  prendre 
son  dernier  repas,  le  soir  du  30  déceudjrc  1775,  s'étant  mis 
on  marche  longtemps  avant  l'aube,  le  ;:  de  ce  mois,  pour 
trouver  un  trépas  prématuré,  à  Près-de-\'ille. 

En  1780,  cette  métairie  devenait   la  propriété  du  majcr 


'm 


m  { 


248 


IIOI.I.AXD    FARM 


Saimicl  Holland,  un  des  braves  lieutenants  du  général 
anglais,  à  la  bataille  des  Plaines  d'Abraham  ;  au  dire  du 
colonel  Joseph  Bouchette  (i)  son  parent,  il  se  trouvait  près 
de  W'olfe;  lorsqu'il  expira, — il  eu  hérita  d'une  paire  de 
pistolets,  qui  plus  tard  jouèrent  un  fort  triste  rôle  pour 
le  major,  comnio  on  le  verra. 

Samuel  ITolIand,  savant  officier  du  génie,  avait  aussi 
fait  des  études  spéciales  comme  arpenteur. 

Ce  furent  ses  aptitudes  comme  tel,  et  son  mérite  per- 
sonnel, qui  lui  valurent  du  gouvernemeut  anglais,  la  charge 
grassement  rétribuée,  d'arpenteur  général  pour  toute 
l'Aîiiériquc  jîritannique  du  nord  et  de  membre  tlu  conseil 
exécutif. 

I!  fut  cîiargé  de  plusieurs  missions  ofncielles,  pcnu" 
détLrmiiier  ]-.,  limite-;  du  domaine  public,  entre  autres 
endroit'^,  à  l'Ile  du  l'rince  Iviouard. 

Il  no'is  est  permi-.  de  cioire  que  l'im  des  premiers  ar[)en- 
tages  i.\v.  brave  militaire  s'opérait  sur  sa  terre,  à  Ste-h'o\"e, 
à  en  juger  par  le  pi'ocès-verbal.  inséré  dans  les  titres  de 
cette  propriété  où  l'étendue  du  terraiii  est  constatée  jus- 
qu'au (jiiatrt'hitU'ùiius  (Vitu  pouic  :  la  métairie  à  cette  époque 
e..L  désignée  comme  a}'ant  "en  superficie,  mesure  fraiiçaise 
deux  cents  ^-ix  arjjents,  une  perche,  sept  pieds,  huit  poncées 
et  quatre-huitièmes  d'un  pouce  :"  ii  ne  badinait  pas  sur  les 
questions  de  limites,  comnie  l'on  voit. 

Le  Major  1  loll.Mid  expira  en  1801,  lais.-.arit  |;luM"eurs 
enfants,  issus  de  son  mariage  avec  Marie  Josephte  Rolette  : 
Frcdericlc  lîrahni.  John  h'rcderick,  Charlotte,  Susanne  et 
George  lloUand,  leur  léguant  par  un  testament  devant 
Ch-,.  Voyer,  N.  T.,  entre  autres  propriétés,  le  site  du  jardin 
du  fort  St-Louis,  avoisinant  'a  nouvelle  Terrasse  Dufferin. 

Il  s'était  préparé  au  milieu  de  son  domaine  un  petit 
cimetière  privé  où  devnit  reposer  ses  cendres  et  celles  des 
membres  de  sa  fam^  t.  L'enclos  entouré  d'un  mur 
.solide,  était  ombragé  d'un  pin  majestueux,  lequel,  à  raison 

(1)  lioiu'liettc'8  BrUt^h  />  uiuniuiis  iit  BiHish  y.'Pth  A)ii<:ri'i\  vol.  I  p.  23'J. 


ESQUISSES 


249 


du  rôle  qu'on  lui  prêtait  dans  un  duel  mémorable,  est 
devenu  légendaire  (i^.  Dans  cette  rencontre,  le  fils  chéri 
du  Major  Holland  avait  été  niorteliement  blessé  ;  le  duel, 
disait-on,  avait  eu  lieu  sous  le  '  l'in  de  Holland"  lui-mcMnc. 

Un  contemporain  de  ce  triste  crame  a  eu  l'obligeance 
de  me  communiquer  le"  note  suivante  :  "En  1799  je  me 
trouvais  à  Montréal  :  la  ville  entière  retentissait  il'un  inci- 
dent bien  lugubre  pour  la  famille  îlollancl,  de  Québec,  où  se 
mêlaient  l'amour,  la  jalousie,  la  vengeance.  i\u  siècle  der- 
nier, deux  hommes  se  défiaient  en  un  combat  h  mort,  non 
sous  le  y///  (fc  I lollaud,  à  Québec,  comme  on  l'a  dit,  mais 
à  Winduiill  Point,  à  la  l\)inte  St-Charles,  à  Montréal. 
L'un,  c'était  l'enseigne  Samuel  Holland,  du  60  Régt,  l'autre 
le  Capt  ShœJde,  dont  le  régiment  était  stationné  à 
Montréal:  c'était  un  combat  à  mort;  l'un  dii^;  d(;ux 
devait  succomber,  l'injure  était  une  de  celles  que  l'on  ne 
pardonne  pas.  Le  vieux  major  Holland,  paraît-il,  reçu 
une  lettre  de  son  fils,  expliquait  l'affaire,  alléguant  (|u'il 
n'était  pas  coupable  de  ce  dont  t'U  l'accusait:  pmur  toute 
réponse,  le  jière  lui  expédia  par  un  courrier  ses  i)isto!et.s — 
ceux  mentionnés  plus  haut,  ajoutant  le  billet  suivant  : 
"  Samuel,  mon  fils,  ces  pistolet:-  me  furent  donnés  [)ar 
mon  ami,  le  général  Wolfe,  le  jour  de  sa  mort  :  sers-toi  en 
pour  tenir  sans  tache  le  vieux  nom  de  notre  famille 

La  cause  du  duel,  la  voici  :  le  capitaine  Shœdtle  a\ait 
conçu  des  soupçons  injurieux  sur  le  compte  tle  son 
épouse, — le  nom  du  jeune  Holland  s'\-  trouvait  mêlé  à 
tort. 

iV  la  preuiière  décharge,  le  jeune  Holland  s'affaissa;  il 
eut  assez  de  force  pour  se  dres>er  >ur  un  genou,  tira  sur 
son  adversaire;  Shœdde  r-^çut  la  balle  dans  son  avant- 
bras  qui  recouvrait  sa  poitrine. 

Le  jeune  Holland  fut  porté  au  Mcrcliaitfs  CofftC  Ifousc, 
sur  la  petite  ruelle,  près  du  fleuve,  à  Montréal,  connue 
comme  rue  Capital,  où  il  expira  dans  d'atroces  souffrances. 


(U  ItiisL'  par  uiio  t('miu"'to  on  If*"!. 


w 


V  l 


250 


IIOI.L.^XD   lAKM 


L'enseigne  Holland  servait  dans  un  régiment  com- 
mandé par  le  major  Patrick  I^Iurray,  parent  de  l'ancien 
gouverneur  de  Québec. 

Je  devins  fort  intime  avec  lui  vers  l'année  1809;  il  ven- 
dit plus  tard  sa  commission  et  acheta  la  seigneurie  d'Ar- 
gonteuil.  On  exonérait  Ilolland,  mais  on  blâmait  Shœdde 
pour  les  soupçons  i;on  fondés  qu'il  avait  conçus."  (i  ) 

Un  autre  incident  moins  tra^^nque  se  rattache  à  Holland 
Farm  ;  il  menaça  lui  aussi  de  se  terminer  par  un  duel, 
mais  il  se  développa  en  un  n;ariaj,'e  en  haut  lieu  :  Lord 
Dorchester,  !<•  général  Doylc,  le  i>rocureur-général  Jona- 
than Sewcll,  le  médecin  de  la  garnison,  le  Dr  Longmore, 
un  dv^  Ilolland,  et  un  mon.-ieur  ou  demoiselle  Nf^villc,  y 
eurent  tous  leur  mot  à  dire.  Voir  J^icinnsquc  Qncbcc, 
pour  [)lfts  amples  détails  :  tout  Québec  retentit  de  ce 
scandale. 

Ilolland  Farm,  en  iSi/,  passait  à  M.  William  Wilson, 
employé  des  Douanes  Impériales,  à  Québec,  et  plaideur 
renforcé,  sans  être  Xormantl  :  ce  beau  tlomaine,  en  i843, 
faisait  les  délices  f\\\x\  nouveau  maître,  le  procureur  de 
M.  \Vil>;o!i,  feu  Gev)rL;e  Olcill  Stuarr,  jilus  tard  ju,;e  de  la 
Cour  de  Vice-Amirauté.  M.  Stuart  vendit  cette  n'siilence 
à  M.  Robert  Casseh,  alors  géraîit  de  la  banque  dtî  l'Amé- 
rique du  Non.!,  à  Québec. 

Ilolland  l-'arm  .'qqiariient  ir.aintdKint  à  l'honorable 
James  George  Ross,  sénateur. 

il)  .'Miiii  vii'il  :u[ii,  W.  H.  ni'iiili'i>iiii,  ilciut  ,)>'  'ii'n«  ci>  viiisi'ijn' iiniil  l'xiiiiait  .'t  JCoiui- 
aoii,   loiiili!  il  '   j\l<'u;i'iti(,  iii  ;ivril  ll-.-.'i,  à  l'.i(.'f  ù  ■  li'ii  ;ins  l't  41  joiiiv.     • 

W  fut  \\\\  (1rs  )iiimipinix  iiuul.tti  nrx,  on  lcl7,  ili'  T-l  v.si(C((ii<f  ijo  fjili'^cc  i-M\tyc  Ic/cit- 
fl  siiiLlaiii'-trisoiiiT  il'ivi'llo  luiiilaiit  plus  li'iia  ijuart  lU-  bii^uli". 


BELLEYUS,  Chemin  Sts-Foye 

A  deux  milles  de  la  Hxsiliquo,  sur  le  chemin  Stc-lMiyc, 
s'élève  la  résidence  connu  j  sous  ce  nom,  construite  on  i  S4-- 
4S  par  feu  Julien  Chouina'd,  marchand  respu'ctéqui  lit  p.-n- 
ilant  trente-cinq  .111  ^  tic  _^n'anJes  affaires  h  Québ jc.  l^Ueest 
bâtie  sur  un  emplacement  voisin  de  1 1  propriété  de-;  héritiers 
Toiirancjcau,  à  une  centaiiie  de  [)ieds  des  fondation-;  d  i 
moulin  Dumont,  immortalisé  parla  bataille  de  1760,  et  dont 
le  site  est  marqué  par  le  superbe  monument  érigé  par  la 
Société  St-Jcan-15aptiste  de  Québec.  C'est  dans  le  petit 
ravin,  arrosé  par  un  ruisseau  qui  sépare  ces  deux  proprié- 
tés que  furent  trouvés  les  ossemonts  des  braves  tombés 
autour  du  moulin  Dumont  dans  cette  mémorable  journée. 
Le  Docteur  Robitaillo  a  raconté  dan*?  l'histoire  de  la  Fi'fc 
XationiîU  (hs  CaïuKUciis-Fnvifais,  cilcbrcc  à  Quibcc  h  24 
juin  18S0,  (i)   la  découverte  de  ces  restes  précieux. 

Var  une  belle  ai)rès-midi  du  mois  de  septembre  1S53 
dit-i!,  je  diriç^eais  mes  pas  vers  le  chemin  Ste-h\)ye,  en 
compai^nie  de  l'historien  Garncauettle  M.  L.  G.  llaillargé, 
avocat,  jusqu'à  l'endroit  011  étaient  les  fondation-;  du  mou- 
lin Dumont Assis  sur  les  ruines  du  moulin  Dumont  où 

la  lutte  avait  été  la  plus  acharnée  et  la  plus  meurtrière,ayant, 
à  notre  droite  la  chaussée  de  Ste-Foyc,  (pie  les  troupes 
avaient  traversée  pou*'  se  mettre  en  liinie  sur  le  cli.imp  de 
bataille,  devant  nous  les  p'aines  d'iVbraham  sur  lesquelles 
pour  la  dernière  fois  la  valeur  de  l'armée  française  et  de 
la  milice  canadienne  commandées  par  le  cjénéral  de  I.évis, 
notre  historien  national,  animé  par  un  noble  enthousiasme 
au  souvenir  de  ce  crlorieux  fut  d'armes,   non-;    fit   un    récit 


II)  M.  Climiinnvilest  PaïiMilili-.M.  H..I.  .f.  It.  Cliniiin.u-a,  :iiit.Mii-ili-l;i"f\/,>  \,'li  ,n  /^•," 
qui  a  rcmiili  avi-o  liomi  'ur  iii-iiil:mt  ■|ii:itri'  .m-'  Iii  cli^iri,'!'  ili!  l'i-i-î'iil.'nt  il.>  l'iintitiit  (';iii.i- 
ilii'ii  (11-  (j'uili.T,  l't  a  jiiililir  pliisii'iir-!  <'imlV-r>-tii'i!s  it  ilisrniirs  ciiiisi^iir'.'i  liiis  Ir'.-i  luJiiMi- 
rea  (11-  l'ln>titiit  et  ciitr'aiitri-s  iiu.'  i-luili'  -ur  M.  (!■•  >[:iisomir'iivi'. 

^r.  Clioiiiiiiii-il.  l'chi'viii  u  iniiirtiiT  St-T.ouia  au  Coiisi'il  ili'  Villi-  <r')iiiia  cimi  au-',  vii-ut 
JVtrt'  i'iu  l'i-ésiilent  trùin-ral  île  la  Société  St  Ji-iiu-Huiitisto  do  (^uétu'c. 


252 


r.ELLKVUE 


plein  de  feu  de  li  lutte  suprême  de  nos  ancêtres  pour  con- 
server à  laJFrancc  un  sol  arrosé  du  sanfj  de  ses  enfants. 
Il  y  avait  quatre-vint^t-quator/.e  ans  que  ces  braves  repo- 
saient du  sommeil  de  la  mort  dans  un  i)arfait  oubli,  sur 
le  sol  même  que  K.-ur  vaillance  avait  illustre.  Dans  le  fonds 
du  ravin  nous  trouvâmes  quelques  débris  (pii  évidemment 
étaient  des  restes  d'ossements  humains.  Il  était  impossible 
de  se  méprendre  sur  la  natuie  de  ces  fragments  d'os  que 
nous  tenions  dans  nos  mains." 

M.  Chouinard  rpcueillit  pieusement  à  Bellevue  ces  pré- 
cieuses dépouilles  trouvées  presque  toutes  sur  sa  piojjriété, 
et  quand  la  Société  St-Jean  lîaiiiiste  tle  Québec  eu^.  décidé 
de  leur  donner  une  sépulture  solennelle,  il  offrit  «rénéreu- 
sement  tout  le  terrain  nécessaire  à  prendre  chez  lui  pour 
les  confier  de  nouveau  à  la  terre  et  même  pour  leur  ériger 
un  monument.  Deux  fois  il  ouvrit  sa  maison  et  ses  jardins 
à  la  foule  immense  qui  se  i)ressait  pour  assister  aux  fêtes 
du  5  juin  1854,  pour  la  trans'ation  des  restes  mortels  des 
l'raves  de  1760,  etle  iS  juillet  1855,  jour  de  la  pose  de 
la  première  pi  :rre  du  monument  des   braves,  à    Ste-h'oye. 

Le  5  juin  18-34  1^  cercueil  contenant  les  ossements  des 
braves  fut  déposé  en  terre  dans  un  coin  du  terrain  de  M. 
Chouinard,  bén'  iiar  l'ICglise.  L'année  suivante  il  fut 
exhumé  de  nouveau  et  dispose  dans  la  voûte  pratiqué  dans 
la  base  du  monument  actuel.  La  société  St-Jean-Baptiste 
ne  crut  pas  devoir  accepter  l'offre  d'un  terrain  faite  par 
M.  Chouinard.  IClle  craignait  que  l'érection  de  ce  monu- 
ment considérable  ne  masquât  la  belle  résidence  de  Belle- 
vue.  ]\Iais  elle  exprima  hautement  sa  reconnaissance  pour 
cette  offre  libérale  et  i)Our  l'hospitalité  généreuse  qui  lui 
avait  été  accordée.  Bellevue,  après  la  mort  de  M.  Choui- 
nard, a  été  successivement  loué  à  Madame  Douglas,  à  feu 
M.  G.  Mountai  1  et  au  juge  Beaudry,  l'un  des  codificateurs. 
Elle  a  été  vendue  en  1866  à  M.  J.  W.  Dunscomb,  per- 
cepteur des  douanes,  maintenant  en  retraite. 


irs. 
Icr- 


KkUWOOD,  Chemin  SU-Foye 


'H')\v 


rt  it  is  wlii'ii  iii.itlii'i'  l'amy  rock:, 
ni  lirniii,  to  -'auMt'T  tlinnuli  ;i  wiio.I, 


TIn'  wiiyw.'i 

Ail  (ild  pl.icr.  t'iill  lit'  luiiiiy  11  lovi  ly  li 


kI. 


r  ill  lii  is,  Ki><'"  uiiiouiH,  ami  Kiiiimil  liourri  in  tloiks. 


An.t  wilil  rosi>  tipiDi',  iipon  Imwtliorii  atocUs  ! 


{iVordsxryrtli  I 


Vous  qui  r.uTole/.  di:  contrastes,  en  tcnit,  venez,  par  une 
radicr.st,'  matinée  de  jnillet,  hunier  dans  cette  léj^non  pas- 
torale de  Ste-Foye,  les  parfums  des  mignons  [)arterrcs  du 
Cr(esus  Québécois — M.  Robert  Ilaniilton. 

Allons  visiter  la  riante  villa,  lorsque  le  JariHincf  l'cas- 
sais  aura  donné  les  dernières  touches  à  son  éblouis- 
sante toilette.  Puis,  transportons-nous  en  esprit,  dans  le 
passé  au  inênie  site,  par  une  rr()ide  et  orageuse  journée 
d'hiver,  à  l'époque  d'alarmes,  de, privations,  de  souffrances, 
dont  le  capitaine  Knox  nous  a  laissé  une  peinture  si  sai- 
sissante, dans  sa  relation  du  siège  de  1759;  ( i)  l'intrépide 
compagnon  de  Wolfe  nous  décrira  une  de  ces  mornes 
scènes  d'hiver  dont  il  fut  le  témoin,  en  ces  lieux,  au  siècle 
dernier  :  l'aquilon  fouettant  de  son  haleine  glacée,  les 
troncs  dénudés  des  chênes — restes  de  la  forêt  primitive  ou 
saisissant  à  la  chevelure  les  vieux  pins — croissance  plus 
moderne — qui  garnissent  la  voie  jjublique  :  puis  au  sein 
de  la  raffale,  âc^  escouades  de  troupiers  anglais,  attelés 
comme  des  bêtes  de  somme  aux  traîneaux  à  bois,  huit  par 
huit,  haletant,  maugréant,  épuisés,  voitur.int  leurs  fardeaux 
insolites — ie  bois  de  chauffage,  à  travers  les  neiges,  vers  la 
cité  lointair.e,  aux  bivoaacs  de  la  garnison,  pour  réchauffer 
leurs  camarades  malades,  affamés,  aux  abois,  privés  quel- 
quefois du  nécessaire  même  :  voilà  telle  que  laguerrenous 

(1)  "dur  trarrison,  uow  uii(lcr„'(H's  iiKicililili'  ('at;','u",  iiot  oiily  v.itliiii  Imt  witlioiit 
tln'  \vall3,  boiiiK  oliliKi'il  to  liiail  and  slcinh  lioiiu-  tirrwooil  fiom  tlic  l'nri'st  of  Sto-Foyi- 
whii'h  is  ncar  fiJur  niilrx  (listant,  aiul  tliioii(,'li  siiDW  uf  a  iiuri)!iK«in!,'  diptli  :  ciHlit  nlrn 
are  allowcd  tn  oacli  8lt'ii<li,  wlio  are  yoki'd  to  it  in  t't)\ii)lcs  liy  a  tut  of  ri'Kiilar  lianions, 
hi-siilrs  onc  nian  who  Kuidi's  it  lichind  witli  a  loiiK  stout  polo,  to  ki'op  it  cjonrof  ruts  and 
uthor  ol)Stni(tion8.  Wc  aro  told  tlint  Monsionr  de  Jii'vis  ia  niakinK  uroat  proparritiou» 
Cor  t  ho  loiitr  nu'ditntod  nssault  on  thi»  idneu — Quclipc —  with  wliich  w«  nro  nionaci'd. 
l'IiristmaH  is  Haid  to  1)0  tlio  tinip  fixcd  for  tliis  entreprise,  and  Monsieur  saya  ;  "if  ho 
succced  lio  shnll  lie  promotod'to  bu  Maréchal  île  France,  and  if  ho  fail,  ('nnnda  wili  ho 
lost,  for  lie  vrill   give  it  up."'— A'iiox's  Journal  of  Siège  of  (Québec,  Vol.  IJ,  P.  224. 


'•'1 

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254 


IIAMWOOD 


la  peint,  cette  historique  route  de  Ste-Foye,  le  7  décembre 

1759. 

Mais  le  souflle  déictère  cic  Hellone  a  passé.  Il  ne  leste 
de  traces,  de  souvenirs  d'une  ère  néfaste,  à  part  quclciues 
boulets  ron_t;és  de  rouille — quelques  tronçons  de  baj'on- 
nettcs,  de  vieux  sabres,  que  la  statue  majestueuse  de  la 
martiale  déesse — de  Helîone — que  nous  présentait  en  1863. 
le  l'rincc  Louis-Napoléon.  Une  douce  paix,  une  atmos- 
phère rassurante  rèi^nc  aux  alentours  :  au  lieu  de  scène  de 
carnage,  a\i  lieu  d'attirail  de  ^Ljuerre,  on  voit  de  vastes 
prairies,  des  moissons  jaunissantes,  une  culture  [jcrfcc- 
tionnéc,  da^  saules,  des  cyprès,  des  acacias  mariant  leur 
ombrat;e  aux  allées  du  jardin  dont  l'éclat,  la  fraîcheur,  les 
arômes  rappellent  celui  d'Alcinoiis. 

Nul  part  ailleurs  sinon  aux  Tuileries  et  en  Ecosse,  ai-je 
vu  des  résultats  plus  heureux  de  ce  stj'le  nouveau,  exquis 
des  jardins  anj^lais,  nommé  carpct  ganhning,  et  qui  con- 
siste à  figurer  des  arabesques,  de  f;racicuscs  tapisseries, — 
tout  un  pa)'saq;c — au  moyen  de  contrastes  produits  par 
des  plantes  et  des  fleurs  de  couleurs  vives,  groupées,  isolées 
ou  combinées  par  une  main  savante  :  art  merveilleux  d  s 
Le  Notre  modernes,  mais  fantaisies  que  l'homme  riche  peut 
seul  se  permettre. 

Le  cottage  orné  de  AL  Ilamilton  s'élève  ;iu  centre  de 
ce  site  féerique  ;  il  doit  son  origine  au  prédécesseur  du 
propriétaire  actuel,  à  M.  J.  Leaycraft  qui  le  construisit 
vers  1S50  :  le  nom  de  la  villa,  Hamwood,  est  celui  d\\ 
manoir  des  llanilton,  0.1  c  ^mtcdc  Meath,  Llande  :  nvi  sou- 
venir des  vieux  pa\'s. 


ALTAMONT.  (WKSTFIELD)  Ste-Foye 

riii'  liiiwtlinrn  liii"li,  wit'i  si'ats  IhiumIIi  llic  Hlmil" 
l'iir  l.ilkiiiu  iiji'  aiiil  v,  liisiMriiitr  lnv  'i-i  iirnli'. 

Que  j'aimerais  à  vous  ilcpciiulre  tout  le  [:ittorcs(]uc 
décors  de  notre  vieux  Québec,  ses  anciens  manoirs  au  fond 
de  verts  bocages — ses  j.;ais  castels  modernes  étalés  au 
grand  jour  sur  les  hauteurs — -les  riches  métairies  dans  K's 
plaines  ! 

Qu'il  me  serait  agréable  de  vous  décrire,  tie  sai^ir  au 
passade,  les  mille  et  un  souvenirs  du  passé  — qui  voltigent 
autour  de  ces  doux  nids — séjour  de  la  santé — de  la  j)  lix 
domestique,  perdus  dans  les  bois  du  Cap-l\.ouge — de  Ste- 
l^'oj'c —  sur  la  côte  de  lîcauportet  de  Çharlesbourg  ! 

Il  en  est  tout  un  groupe  au  I\Iont{)laisant. 

Voyez  LONd  DliSlR — la  charmante  demeure  du  juge 
Casault  ;  "Caveof  thc  W'ind" — bien  iKiinmée — la  résidence 
aérée  de  l'évêque  anglican,  Williams,  assise  au  haut  de  la 
colline  qui  surplombe  Saint-Sauveur  ;  sa  voisine  i;Dt;F.ii!i,i,, 
radieuse  villa  du  juge  en  chef  Stuart  ;  puis  vient  le  solide 
manoir  du  sénateur  i'^ugène  Chinic. 

A  Sillcry,  l'on  voit  le  joli  cottage  sur  la  berge  de  l'his- 
torique ruisseau  Saint-Denis,  auquel  le  propriétaire,  AI. 
[sraël  J.  Tarte,  a  donné  le  nom  de  Cottage  St-Deuis,  et 
combien  d'autres  ;  mais  je  m'arrête,  réiiuinéra'ion  er,  serait 
presque  aussi  longue  que  celle  des  vais'^eau.v  d'IIomer. 

Voici  néanmoins  une  demeure  doiit  le  caractère  exige 
une  mentioa  plus  spéciale.  \Vi:s['iii;L[)  hit  fo:uléj  aux 
premières  années  du  siècle,  par  un  émiiient  citadin,  feu 
I\I.  Charles  Grey  Stewart,  Comi^troieur  des  Douanes  Impé' 
riales,  à  Québec.  Les  possesseurs  actuels,  l'hon.  David 
Alexandre  Ross  et  son  épouse,  grantls  amateurs  de  fleurs, 
ont  cru  devoir  lui  donner  les  honneurs  d'un  nouveau  bap- 
tême :  ils  l'appellent  aL'I'AMONT,  parcequ'ellc  se  trouve  au 
haut  de  la  montagne  au  pied  de  laquelle  vient    expirer  le 


m 


356 


AI/lAMdNT 


I 

l!      i 


Hois  Hijoii,  jadis,  croyons-nous,  vinc  des  tlcpcndances  de- 
là villa,  où  les  chasseurs  allaient  au  comnienecnient  ilu 
siècle  tirer  la  bécasse  rou^e  sur  les  hauteurs  et  la  bécassine 
dans  la  plaine  humide,  au  bas. 

Altaniont  meublé  avec  un  goût  exquis,  est  sis  au  haut 
du  i)lateau  cjui  descend  en  talus  vers  la  cime  du  cap  :  des 
sources  naturelles — de  beaux  f^rands  arbres,  des  haies  gra- 
cieuses donnent  fertilité,  fraîcheur,  onibrnge  au  jardin.  Le 
site  fait  [)artie  tlu  chaini)  de  bataille,  où  Lévis  et  Murray 
se  rencontraient  en  batnille  rangée,  le  28  avril  1760. 

L/objet  le  plus  frappant  dans  le  jardin,  en  aval  de  la 
rt'sidence,  est  une  aubépine  gigantesque — dironj-nou:; 
centeïiaire,  dont  la  ramée  pendante  se  prolonge  au  loin, 
r-'xistait  elle  en  cet  endroit  à  la  sanglante  journée  de  Stc- 
Foye  ?  et,  s'il  lui  eut  été  donné  comme  aux  chênes  de 
Dodone,  la  faculté  d'articuler,  de  se  plaindre,  n'aurait-elle 
pas  à  gémir  des  atrocités  que  les  friscnrs  de  Lévis,  les 
Indiens,  ce  même  28  avril  1760,  ont  commises  peut-être 
sous  son  ombrage  ? 

Nous  l'avons  décrite  en  détail  dan-i  les  Esquisses  que 
nous  publiions,  en  1865 — sous  le  nom  de  Maplv  Lcavcs. 
Cette  aubépine  était  alors  la  gloire  et  l'orgueil  de  Westfield, 
au  temps  de  l'ancien  propriétaire,  feu  John  Thomson. 

M.  et  Madame  Ross,  lui  assurent  une  protection — un 
soin  tout  spécial. 


EANNOCKBURN,  Chemin  Ste  Foye 

Cher  antiquaire. 

Loin  de  moi  la  prctrntioM  de  vous  rendre  parfaitement 
claire  l'oritrine  du  nom  de  toutes  nos  villas. 

Dans  bien  des  cas,  plusieurs  des  propriétaires  orij^inaux 
ont  depuis  lon^tem[)s  rejoint  la  "  jurande  majt)rité  "  au 
pays  des  ombres. 

Pour  d'autres  qui  de  leur  vivant  firent  florès  ici- bas,  u 
peine  a-t-il  survécu  iioiniiiis  iimbra. 

Les  incidents  d'où  certaines  villas  empruntèrent  leur 
nom'ont  perdu  leur  actualité  et  sont  à  peine  reconnaissa- 
bles  sous  la,  mousse  et  le  lierre  des  années  entassées. 

Ainsi,  il  ne  reste  à  Québec  que  peu  de  contemporains 
d'un  excellent  et  lettré  officier  supérieur  des  Douanes 
Impériales,  en  1850,  M,  John  Bruce,  qui,  pour  perpétuer 
le  souvenir  de  son  illustre  ancêtre,  Robert  Bruce,  le  vain- 
queur des  Anglais,  à  la  sanglante  bataille  de  Bauuockburn^ 
près  Stirling,  le  24  juin,  13 15,  nommait  son  cottage  orni?, 
sur  le  chemin  Ste  Foye,  près  du  monument  des  braves  de 
1760:  lîANNOCKliURX. 


17 


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RINGFIELD,  {Ferme  des  Ailles)  CnAki.Esnouiu; 


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Voiià  lin  site  clKiinpètiv  sur  l;i  rive  nord  di;  !a  rivière 
vSaiiit  Chnrlcs,  le  C a ///;r- Ce;/ Inif  du  ùcvc  Siv^avd — la  ri\-ière 
Saintc-C'rnix  li-i  capitaine  Malouin,  bien  riche  en  sou\-e- 
nirs — si  riciie  e:i  un  mot,  que  l'intcrêt  qu'il  éveille  doit 
primer  celui  de  tous  les  autres  sites  autor.r  de  Oué'>ec  — 
disons  mieux,  du  Canada  entier. 

Ailleurs,  j'exprimai  l'ide'e  que  l'on  imurrait  en  quel- 
que sorte,  le  considérer  comme  le  berce  lu  et  la  tombe  de 
la  domination  française  au  C;\r,ada. 

Voyons  : 

ici  hiverna,  en  i535-3;''>,  l'immortel  découvreur  de  Motre 
pa\'s,  Jacques-Cartier,  La  croix  et  rinscri[>tion  qu'il  éri- 
geait ;"•  la  l'ointe-aux- Lièvres,  \-is-à-vis  Rii;gficld,  le  3  mai 
1 53Ô,  é.'aprcs  Ic-i  instructions  de  son  souverain  h'rançois 
1er:  "  J-'!\y/::\'sr/,'s  J^riiuns  /Vt  rm/iii  Fnv.wTn;-:  R.x 
rcgiiat,  "  rappellent  ces  tciiips  recules,  aussi  bien  tjue  la 
coque  de  la  /\'//û'  lliniiinc,  exhumée  do  la  berge  du  ruis- 
seau Lairct  ^voisinant,  par  feu  ^\L  Jos.  Hamel,  ingénieur 
de  la  cité,  en  1843  ;  abondante  curée  pour  nos  a-ttiquaires 
que  tout  cela. 

Ici  même,  vers  midi,  le  13  .'.eptenibre  1759,  au  (juirlier- 
géncral  de  Vaudreui  ,  s'o["ièra  le  ralliement  su;M"êm;'  dj- 
troupes  de  l'^'ance,  dispcr.-.écs  après  la  journée  de-; 
plaines  d'Abraham  ;  ici,  vc;-.  neuf  heures  du  soir,  eiTirée-, 
épuisée.-,  les  cohorti's  du  '■  ]v(v'  Ucs  l''r:inc-~,"  se  disiiciit 
un  dernier  adieu  sur  le  point  de  s'élancer  au  p.is  de 
cour.-e  t)ar  les  routes  fangeuses  de  Charles!)  nng,  L'>.-ette. 
etc..  vers  le  fort  Jacques-Cartier:  ici,  se  [iroclamait  ce 
soir-là,  la  grar.de,  l'étonnante  nouvelle  que  le  drame  wirié, 
jadis  si  brillant,  alors  .li  tragique  de  La  d-iminatioti  f'a:i- 
çaise  en  Amérique,  venait  de  se  clore. 


ESQUISSES 


259 


Voyons  ce  que  l'histoire  raconte  relativetneiit  au  lieu 
de  riiivernaj^e  de  Jacques-Cartier. 

A  la  page  48,  de  la  rcLitioii  du  second  voyage  de  Jacques- 
Cartier,  republice  par  ia  S<vicfc'  Littirnii'i  et  Iiistori(pic  île 
Québec,  en  iS43,onlit  ;  "Lv  lundi,  onzième  jour  d'octobre, 
nous  arrivâmes  au  Ilable  de  Sainte  Croix,  où  e.-taient  nos 
navires,  et  trouvasnies  cpie  le.->  mai.-trr-i  et  mariniers  qui 
estaient  demeurés  avaient  Tiit  un  tort  devant  les  dits 
navires,  tout  clos  dec;ros>(j^  pièces  de  bois  plantées  debout, 
joii^nant  les  unes  au\  ••.•itrc-s,  et  tout  à  l'entoar  !.;arni 
d'artillerie,  en  ordre  poui-  .-.e  défen  Ire  contre  tout  le  pays." 
A  la  pat^e  52,  on  lit  encore  :  "  Le  capitaine  fit  renforcer 
le  fort  tout  à  l'entour  de  l^tos  fossés,  lar<;es  et  profonds 
avec  portes  à  pont  le\'is  et  renforts  de  ranL;'s  ou  pans  de 
bois  au  contraire  des  premiers,  et  fut  ordonné  pour  le  _c;"uet 

de  la  nuit cinquante  hommes   à  (juatre    quirts,  et  à 

chacun  changement  tles  dits  quarts  les  trompettes  son- 
nantes, ce  qui   fut   lait   se'on   la  dite  ortioiinance  " 

Cne  note  au  pied  de  la  relation,  ajoute  :  "  (  )n  pense  que 
ce  fort  a  dû  être  bâti  à  l'endroit  où  la  petite  ri\'ièie  Lairet 
se  decharf;c  dans  la  rivière  Saint-Cliarle-^. 


//(i :,'■:,','.'''■■  ]''i.:!!tr: vf  One--:: 


oij:  i" 


licé  0  1  183  ;  awiit 


dit  : 

"  L'endroit  exact  dans  ';i  rivière  Saint  Charles  où  Jac- 
ques-Cartier avait  ancré  -^  la  wii^s-m,  -emble,  d'après 
bonne  autorité,  avoir  été  au  sitt'  du  ./V.v.r  potit,  ''un  jk-u 
plus  haut  que  le  pont  Dorchc>ter  actuel  y  où  à  marée  basse 
il  y  a  un  gué,  près  de  l'Hôpital  de  Marine.  Il  est  évident 
cjue  ce  dut  être  sur  la  ri\'e  est,  dans  le  voisinage  de  la 
résidence  actuelle  (  1S34)  de  Clis.  Smith,  écuier.  puisqu'il 
est  fait  mention  que  les  sauvages  avaient  fréque.nment  à 
tra\'erser  li  rivière  quand  ils  .allaient  à  Stalacoiiè,  f lire 
\'isitc  à  leurs  ami^,  le>  ]'"ra!iç  u-". 

Le   savant  al)bé  Faiili>n  discute   .lu    long  les    textes  de 
Charlevoix    et    du  père  Lec'.erc  et  adopte   l'idée    que  Jac- 


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RIXGFIEI.D 


ques-Cartier  hiverna, en  i53"")-36,  à  la  rivière  Saint-Charles 
et  non  à  la  rivière  Jacques-Cartier,  [i] 

Voir  aussi  le  texte  de  Clianiplaiii,  commenté  par  l'abbé 
Laverdièro. 

Un  de  nos  antiquaires,  feu  Aniab'.e  Berthelot,  discutant 
le  rapport  de  la  découverte  de  l.i  coque  de  la  Petite  Her- 
mine, à  11  Ferme  des  .Vn^jes,  dressé  en  1S43  par  M.  Jos. 
Hamel,  ingénieur  de  1 1  cité,  dit  p.  3  :  "Il  ne  me  fut  pas 
difficile  en  suivant  attentivement  le  texte  du  second 
voyaçje  de  Jacques-Cartier,  tel  (jue  nous  le  donne  I^escar- 
bot,  de  prouver  jusqu'à  l'évidence  que  ce  navigateur 
Malouin  avait  réellement  passé  l'hiver  à  la  rivière  St- 
Charles,  et  non  à  celle  qui  porte  aujourd'hui  le  nom  de 
Jacques-Cartier  ;  et  je  crois  que  depuis  ma  dissertation,  il 
n'est  resté  en  ce  pays  aucun  doute  à  ce  sujet.  ' 

Ainsi,  malgré  les  assertions  confuses  de  Charlevoix,  il 
est  à  peu  près  certain  que,  pendant  l'automne  de  1535,  le 
grand  chef  Donnacona,  le  roi  de  la  bourgade  voisine  de 
Stadaconè,  à  bien  des  fois  traversé  le  Saint-Charles  pour 
venir  en  ces  environs  fumer  le  calumet  de  la  paix  avec 
les  envoyés  du  "Roi  des  Francs,"  François  1er. 

La  découverte,  le  vingt-cinq  aoiît  1843,  des  restes  de  la 
Petite  Ilcrtiiiiic,  sur  la  rive  du  ruisseau  Lairet,  qui  se 
réunit  à  la  rivière  St-Charles,  à  la  Fcnnc  des  A)igcs,  cau- 
sa un  grand  émoi  parmi  les  antiquaires  de  la  vieille  capi- 
tale :  la  presse  entière,  anglaise  et  française,  prit  part  au 
débat.  L'hon.  John  Neilson,  dans  la  Gazette  de  Québec, 
\V.  Kemble.  dans  le  Mercury,  le  Cauadicn,  sous  l'habile 
direction  de  M.  Ronald  Macdonald,  se  passionnèrent  pour 
l'étrange  découverte  de  M.  Hamel,  laquelle  ramenait  à  la 
surface  les  débris  encore  sains,  bien  que  noirs  comme 
l'ébène,  de  la  vaillante  petite  barque  de  60  tonneaux 
commandée  par  le  grand  capitaine  Malouin,  enfouie  dr  ns 
la  rive  vaseuse  du  ruisseau,  pendant  307  ans. 


[1]  Hiitoire  de  U  OolonU  FraaçAiM  aa  Caoad»,  p.  4M. 


ESQUISSES 


261 


A  l'invitation  de  M.  Hamel,  la  Société  Littéraire  et  His- 
torique de  Québec,  présidée  alors  par  Thon.  William  Shep- 
pard,  avec  un  antiquaire  énicrite  pour  vice-président, 
Georges  Barthélemi  Faribault,  se  plaça  à  la  tête  du  mou- 
vement ;  tous  les  .mciens  textes  furent  examinés  de  nou- 
veau, scrutés,  commentés  ;  on  faisait  des  pèlerinages  aux 
rives  du  classique  ruisseau  ;  des  Ilots  d'encre  coulèrent 
dans  la  presse  quotidienne  ;  de  savantes  brochures  furent 
écrites.  J'ai  recueilli  un  grand  nombre  de  ces  écrits,  dans 
l'appendice  de  rictiiresq/ie  Québec;  je  vous  y  réfère. 

Tels  sont  les  souvenirs  cjui  se  rattachent  au  site,  au 
temps  de  Jacques-Cartier. 

Enjambons  maintenant  un  espace  de  deux  cent  vingt- 
trois  ans.  On  est  au  13  septembre  1759,  et  ^'*-'''"^  midi: 
quelques  décharges  de  inousqueterie  leteiitissent  au  loin  ; 
de  vagues  clameurs  da:)-;  les  fiubiiurgs  :  des  lamentations 
dans  la    ville. 

La  côte  à  Coton,  la  côte  tl'Abrah  un,  quelques  solitai- 
res sentiers  près  des  hauteurs  de  .Stc  l'"o}'c,  sont  encombrés 
de  fuyaids  épouvantés  ;  le  régiment  de  \Vebb,  les  cla\-- 
mores  de  Fraser,  les  grenadiers  de  Carleton  fauchent  drù 
parmi  les  guerriers  sans  chefs  aux  unifi)rmcs  blancs  : 
Burton  leur  intercepte  la  vole,  malgré  nos  braves  rr.incs- 
tirturs  canadiens  cachée,  tlcrrière  les  maisons  ou  [)crdus 
dans  les  biou^>sailles,  vers  le  coteau  Sainte- Geneviève. 

Deleiida  est  L'art /ni^i^v  :  l'itt  l'avait  juré  en  Angleterre: 
Delciid.i  est  Carthiv^.'  répétèrent  en  chœur,  W'olfe, 
Amherst,  l'rideaux,  Stan\vi.\,  en  Amérique  ;  et  le  troupier 
d'Albion  en  avalant  sa  ruquille  de  viiille  Jamaïque  répé- 
tait chaque  soir,  comme  le  dit  le  capitaine  Knox,  ce  cri 
sous  une  autre  forme  Ih'itis't  cj/ows  liu  cr.-jy  I-'i\  v  7  /"'/V, 
fiort  ami garrisoii  in  Aiiicrica  ! 

Oui,  c'est  '.jien  çi:  le  /'.■  l'idis  de  Hreiinu-;,  /h//a, 
liorrida  bella  ! 

Braves  si^ldats  du  Rv/il  i\.  )ussill,):i,  tlj  15.Mni,  dj  Liii- 
guedoc,  de  GuienuL",  et  v  >.is  w)^  amis,  intrépides    coinpa- 


262 


RINGI-IELD 


gnons  cîe  Moatcalm,  à  Carillon,  miliciens  de  la  Nouvelle 
France,  pliez,  pliez  le  \'ieux  drapeau  que  vous  aimez, 
tant.  J\v  1  Ictis  ! 


'I-'iiii  Huit  li^iiini  r.  f'iii-1  it  ^jiHy — 
Oiif  tiii  tlioiiHauds  liiiiliil  it  (.'hiilly. 
Ami  11  11  tiiiiMfMiiils  \vilil!.\.  ir};iill.v, 

Swur.'  it  «IiiikM  riiirvcr  wavi'  ; 
•^uoif  tliiit  t'iii'iiiMirs  «wc.nl  iiiiihl  luvor 
lli'iiit»  !iki'  tlirir-'  iiiiw  iinil  ilisscviT, 
'l'ill  tllat  tl:ii;  s)iniiM  tli.,it  fnrcviT 

(fer  tlii'ir  Inidipin  nr  tiM'ir  Knivo. 

riirl  il  :   for  llic  lifÉii-  tli:i'  iidor.'  it, 
I.iivi'  tlic  (dit  (l.:i(l  h:iiii!-i  tli.it  l.or.'  it, 
\Vi  i';i  t'iir  tli.i^i-  that  l'.ll  inrurr  it. 
r.ii-liii  tlids.'  whii  trailiil  aiiil  t.iii'  it, 
.\'Hi  i.li  '   wildl.v  tlny  il.i'lcri'  it, 
.\..\v  x<>  tiirl  iiiiil  fdUl  it  to. 

■•Kiiit  lliat  l.riiiiri- :   tiMi'.  "lii  L'iiry. 
Vi't  'ti-i  vM'i'alJK'il  aroiiiMl  \\  llli  L'iur.v. 
.\liil  «111  livi:  in  -nui.'  ami  .-«tiiiy — 

Tliimuli  it'i  r.iliU  ,ir>-  in  tlu-  iliist  : 
l'iir  it-  l'ami'  on  luiiililir  iiau'i  s, 
l'ciiliiil  liy  ]i(i(ts  ami  liy  sau'is, 
Sliall  L'o  ^■lllmllll!.'  (liiwii  thi-  aiff" — 

Fiirl  it!<  i'ohls  tliouuli  nnw  wo  inust. 

•■|"iiîl  Ihat  Iianiior.   soflly,  slowly, 
TiViit  il  vrciitl.v — it  i!>  Iml.v — 

l'dP  it  ilroiipf  aliiiVf  11'.'  diail, 
T'inili  it  mit,  iinrull   it  m\4  i. 
!.•  I  it  ilrd.i|i  tli'Tr-,  rii>-l.  1  '11-.  \.  r. 
l-'iir  il"  |M  iipli''.'<  1j..|h'!'  an   ilr.i,!."' 


Ln  nuit  venue,  la  retraite  se    fit    au.-;.-.i    rapidement    que 
rcpuL-cmcnt  des    soldats    le    permettait.     L'artillerie,    les 
munition-,  une  partie  des  bagages  furent  lai.^sccs  à  leur  sort, 
lîougain ville  rejoi,:;iiit  les  siens,  près   du   Cap -Rouge  au 
peint  du  jour.  "Le  .-oir  même  du   14,   au   rapport  do  l'aide 
de  Camji  de  Lc\is,    !e    chevalier    johnstone,    les    fi'\-ards 
arri\èTe:it  à  la  l'ointe -.lUX-Tremblcs  où  ils  couchèrent  :  le 
lendemain,  IL  campaient  sur  les   rives  du   Jacques-Cartier. 
Les  Anglais,  voyant  les  tentes  françaises  dressées  comme 
à  l'oidinaire,  à  IV'aujiort.    étaient    loin   de    soupçonner   la 
fuite  de  leur  ennemi,  lîelcou'',  un  des  oft^^ciers  de   la  cava- 
lerie de  Laroche  lîeaucourt,  étant  revenu  deux  jours  plus 
tartl  au  camp,  trouva  tout  comme  on  l'avait  laisse,  (i) 


ili  l/oinvaui- à  innii".  «il  MinM'iit  Mil  iiîiDiiin'' (1.111*  Il  s  vla'ini'.s  d-.i  sii'ui-,  i^tait  iiiu' 
li"d(.ntli  .  (III  iitr  nicliiiiiciit,  'riu;i''  cri  ITi'.  tii  aval  du  iiuiit  di'  liatcaiix  sut'  !■•  M-Cliailcs 
r.K  |(irti'iii  i|iii  fai-.iil  faii'  un  .--'-( 'Iiarl'  •*  .lait  |i.trlii-  iii  Imis  dit'i>iii!iii>  jiar  dis  |iiiiix  ou 
):îili!'siidc)<,  et  Cl  lie  i|i\i  lainait  lace  à  llci'iiiiiirt  itait  en  terre  f'ctti'  ridiiutc  i>u  l'inr, 
i\'.\r)iit!i,  de  la  t'urine  d'ini  iieiitauni..  .  i  di  reeinivril  !t  peu  |>ri's  ilcnx  ikick.  Ce  (|ni  eu 
vi'1.1' — lin  iliaiii|i  circulaire  ii  l'uv/ii -^h  dni'i  ".i  villa  d  ■  M.  l'arke  a  pris  snii  nom,  enioiiiv 
d'un  lo-'^e  i|iie  la  cliMi  rue  ■'ciiilde  iiiipiiii-Miite  à  ciinililii' — à  une  idcvatiou  de  plv»  ili> 
(iniii/e  I  iedn  du  (uté  de  llcanpiirt.  il  i  «t  l'vidiiit  >|ii"  les  travaux  clilrc|iriH  j'onr  rortifi'i 
11'  t'Hliili  d'.'  Heiinport — iiiii  >'é|.  ndait  d     l'onvr.iife  à  cornes  à  la   chute   do    ^lontinoieiicj 


ESQUISSKS 


263 


"Il  entra  avec  son  détachement  dans  l'ouvraffe  à  cornes, 
mit  le  feu  aux  pièces  pointées  sur  les  hauteurs  d'Abraliam 
où  était  le  camp  des  Anjdais.  Cette  décharge  alarma  fort 
ces  messieurs." 

Les  incidents  qui  précéilèrent  la  retraite  de  l'année  et  qui 
se  passèrent  aux  environs  de  l'ouvraj^e  à  cornes,  ont  été  si 
vivemei'.t  narrés  par  un  témoin  oculaire,  que  nous  croyons 
devoir  Its  reproduire  ici 

Cette  relation  du  chevalier  Jolinstone  e-t  une  des  pul«  i- 
cations  récentes  tle  la  .Va/VA'  Liftii\i!i\  </  I/istoriijnc  de 
Québec. 

"L'armée  française  mise  en  fuite,  ilit  Jn]in,-.tone,  se  dis- 
persa et  s'évada  vers  la  ville.  Peu  entrèrent  à  Québec  ; 
le  ç,Mos  des  troupes  descendit  les  hauteurs  d'Abraham,  vis- 
à-\"is  t!u  palais  de  l'hitendant,  se  diriijjeant  vers  l'ouvrac^e 
à  cornes,  et  côtoyant  les  rives  du  St-Charl'j-;.  Voyant  qu'il 
était  impossible  de  rallier  nos  .soldats,  je  me  déterminai  à 
descendre  le  coteau,  près  du  moulin  n  vent,  (2)  dan-;  1j 
voisinai^e  de  la  boulan^^erie,  et,  de  là,  à  travers  les  pàtu- 
rai,res  (\x  Vacherie^  vers  l'ouvraL^'e  à  cornes,  bien  déterminé 
à  ne  pas  approcher  'Ac  la  ville,  de  crainte  d'y  être  cerné 
avec  une  ['.irt!.:  de  notre  armée  ;  ce  qui  eut  été  possible 
si  les  vainqueurs  cusseiu  tiré  ti)'.;t  l'avantagée  qu'ils  pou- 
vaient de  leur  succès.  11  e>t  vr.u  cpu  la  laurt  de  leur  com- 
mandant en  chef,  un  événement  qui  ne  manque  jamais  de 
causer  le  désordre  et  la  confusion   dan.,   une    armi:e   quei- 

— .'Mt  Un  LtlC  !':l't,  tiii    uni'  KlMIlil.'  iV-ll.||.'  ;    i!   l'ill.ill  rii'll    IllKlU    i|U'UilJ    COi'VOc    ltOi.»lli 

poiir  iii-'irr  à  Itoaiio  tiu  iiiin  ti'llf  c'iitii-|iri'<  •. 

"M  (1  •  ^^'l!^t<■.•tIlll.!ln•iv^■ ,;  (^ni'-li-i-  (.t.-  M-Litri'-nl),  i «miii.upl.i  t.i  it  li-  iii'iinio  |)oiii'  tri- 
vaill'-r  il  .1":4  r<;r:iui!iriiii'iit  :<  i|iii  Cui'.'iit  tr.i'vH  vi-ri  »\v'  i>;i')i-i'  iv)miii'''0  11 '.iitiion. 
Cimiii"  il  ivnxiiit  <|u  •  0  ■•<  iiiivr.lv'"-!  ii."  'l'rai.'iit  \>.\*  i-ii  Mut.  :ivtiit  r-inivt?  iloj  vais-ii'.  'ix 
iiiiil  lii,  r.'  i|iii  ;M)iiir.iit  l'tru  il'uii  id'ir  a  l'ui'i-.-,  il  l'iiknv.i  un  'inir'!  ù  M.  di!  [ji'ivia,  (tii 
.'•tait  .1  .^Tl>lltlv;^l,  ■!••  cimMiiiiiliT  •.'.•!i.''viil-Mii"iit  finis  livi  Iioiuiii'm  il-'  i"(  )j;i>;ivt'riii'in  Mit 
il'.'  il.M.'  11. Iw  ;i  (^(ii.li^'t:,  <■!  i|it  lin  avilit  h  «-iDiu  il'iiii  cmi»  il-  iiinin.  Il  L'iivny.i  ii'  u>'t  i''«ar<l 
lie*  onlr.!(  priH'i»  l't  l'imroiiiiis  (laiH  lo.itca  11'!»  ii.iroinHi'H,  i|iii  iiiiri'iit  to;it  Ui  moiiil  i  ou 
mouvouu'Ut. 

(  1/ •iii'iiii  .<  MIC  /<•«  t<[}'ci!ri-H  ihi  r.iiMi/.i  I7l')-((ii.) 

Final  ■'iir-iit  il'  V.iiulii'iiiî  il.Mili'iu'  Ut  (!ciiitiai{i'iit  il->  Mjutrra!  jujnr  lm  Hitrvi.-i 
Sir  lit  il»'  1,  l'i'i  ii.'rioiiiK' 1  s.'hIimii  Mit. 

l,'  :  i-iitii  il  '  rotiviMj'i  l'ii  t-iT.",  H'ii-  1:1  iiro|iri .''t.^  il  '  M.  l'ark'i  soiit  «m  nui)  niy<.i  :i.'i'n 
■  I  '  phii  !•  iiii'iix  autour  <l  i  fj'i-li-c.  il  i  l'i'r,'  il  •  17'i  t. 

DU '<  Ml  '  t'!ii.'iit  «ji  vi.il"iti  ut  il'.siu.i  •  M  |i  ir  i'IiistoriiMi  ■•'•rltiiiil,  iiui  oti  faisait  ui'.iu  • 
OH.  0,1  l'a  troavi!  un  oxclli-iit  il -iHiii  iltiiK  lu  L(r.iiiil  viiliim  I  il-  .r-lïry.  Illi(')r<j  •//  tli-: 
JSritiiih  I) iiiiiiii  tn,  l'ii  yurfk  ninj  .S'm'/i  .imrrii'i,  ITil'i. 

!.'>    l.'i  !•  liu.'rf  il'  ce  mouliii  ixijti'lit  l'iK-ni'.  iir."s  il:  l"|[".|iit:il  (iéiural. 


lî  î 


264 


Kixciir.i.i) 


conque  peut  servir  d'excuse  aux   Anglais    d'avoir    négligé 
de  prendre  toute  notre  armée  prisonnière. 

"L'ouvrage  à  cornes  était  en  f,\ce  de  la  rivière  St-Char- 
le.-.,  large  d'environ  70  pieds  ;  cette  rivière  lui  valait  mieux 
qu'un  fossé  de  mains  d'hommes.  Son  front  qui  f.iisait  face 
à  cette  rivière  et  aux  hauteurs,  était  composé  de  palis  ades 
fortes  et  hautes  enfoncées  perpendiculairement  dans  le  sol 
avec  meurtrières  pour  tirer  plusieurs  grosses  pièces  d'artil- 
lerie. La  rivière  est  profonde  et  guéable  à  marée  basse,  à 
la  portée  d'un  mousquet  devant  le  fort  :  cela  en  rend  la 
prise  plu -.  ilifficilo  du  côté  du  vSaint-Charles  cpue  du  côté 
opposé  où  il  est  construit  de  terre  et  faisait  face  à  lîoauport, 
bien  qu'il  présentait  de  ce  côté  un  aspect  plus  formidable, 
et  certaineiner.t  quo  l'ouvrage  à  cornes  ne  pouvait  être 
captm-é  de  ce  côté  par  un  assaut  des  Anglais  tant  que  ces 
derniers  seraient  sur  la  rive  opposée.  A  la  vue  des  soldats 
sur  la  plame  où  était  la  boulangerie.  Monguet  et  Lamotte. 
deux  vieux  capitaines  du  régiment  do  Hearn,  s'adressèrent 
avec  véhémence  à  M.  de  Vaudreuil,  lui  disant  "que  l'ou- 
vrage à  cornes  serait  i)ris  en  un  clin-J'u'il,  par  un  assaut, 
le  sabre  au  poing,  que  nous  serions  tous  passés  au  fii  de 
l'épée  :  que  rien  ne  pouvait  nous  sauver  qu'une  prompte 
capitulation  de  la  colonie  entière  aux  Anglais  ;"  Vau- 
dreuil leur  répondit  qu'un  fort  tel  que  l'ouvrage  à  cornes 
ne  se  prenait  pas  si  facilement. 

"lîrcf,  ilh'éleva  un  cri  général  dans  le  fort  pour  couper  le 
pont  de  bateaux.  Il  est  bon  de  remarquer  qu'à  peine  un 
quart  de  notre  année  avait  réussi  à  l'atteindre  et  que  si 
l'on  eût  coupé  le  pont  de  bateau::,  le  reste  de  nos  soldats 
eut  été  abandonné  de  l'autre  côté,  comme  des  victimes  au 
vainqueur.  Le  régiment  Royal  Roussillon  était  en  ce 
moment  à  une  portée  de  fusil  de  l'ouvrage  à  cornes,  se 
disposant  à  franchir  les  pontons.  Comme  je  m'étais  déjà 
trouvé  dans  de  semblables  aventures,  je  ne  perdis  pas  mon 
sang-froid  et  possédant  encore  quelques  restes  de  l'estime 
que  l'armée  avait  pour  moi,   à  cause  de  la  confiance  que 


ESQUISSES 


265 


SI 

its 
lau 
icc 


se 


liic 


lie 


MM.  Lévis  et  Montcalin  nie  montraient  publiquement,  je 
je  m'adressai  à  M.  Ilugon,  qui  cotninandait,  lui  demandant 
une  passe  pour  entrer  thuis  l'ouvraj^e  à  cornes,  et  je  le  priai 
de  m'accompagner  au  pont.   Nous  }•  arrivâmes  en  courant 
et  sans  nous  enquérir  qui  avait  donné  ordre  de  le  couper 
nous    en    chassâmes    les    soldats  dont    les  haches  levées 
allaient  en  un   instant  exécuter  cet  ordre  insensé.  M.  de 
Vaudreuil  était  alors  enfenné  avec  M.   l'Intendant  et  quel- 
ques autres  personnes   dans   une  maison  qui   se  trouvait 
dans  l'intérieur  de  l'ouvraijje  à  cornes.   Je  soupçonnai  qu'ils 
méditaient  un  piojet  de  capitulation  (générale  et  j'entrai 
dans  la  maison  où  je  n'eus  que  le  temps  de   voir   M.  l'In- 
tendant, .ivec  une  plume  à  la  main,   ipii  écrivait  sur  une 
feuille  de  papier  lorsque  AI.  de    Vaudreuil  me  tlit  que  je 
n'avais  pas  affaire  là.  Lui  ayant  répliipié   tpie    ce    qu'il  me 
disait  était  vrai,  je  me  retirai  en  colère  de  les  voir  sonj^er  à 
abandonner  si  ii^nominieusement  une   colonie  pour  la  pré- 
servation  de  laquelle   tant  de  sinj^   et  d'ari;ent  avait  été 
prodij^ués.  lin  quittant  la  maison,  je  rencontrai  M.  Dalquicr, 
un  brave  et  honnête  homme,  avancé  en  à^^c,  qui  comman- 
dait le  régiment  tle  lîearn,  avec   les   marques   d'un  brave 
officier  sur  toute   sa  personne, — d'innombrables  blessures. 

"  Je  lui  dis  qu'on  discutait  en  dedans  de  la  maison  la 
reddition  tlu  Canada  à  l'Angleterre,  par  une  capitulation, 
et  je  le  priai  de  se  hâter  d'y  entrer  pour  défendre  la  cause 
du  roi  et  sauvegarJer  Ijs  intérêts  de  .sa  patrie,  [i]  Je 
le  tMu'ttai  en:;uite  pour  rejoindre  l'oularier  au  ravin  de 
Heauport,  mais  l'ayant  rencontré  à  trois  ou  quatre  cents 
pas  de  l'ouvrage  à  cornes  où  il  se  rendait,  je  l'informai  de 
ce  que  l'on  y  discutait. 

Il  me  répondit  que,  plutôt  ue  consentir  à  une  capitula- 
tion, il  verserait  la  dernière  giiutte  de  son  sang.  Il  me  dit 
de  faire  de  sa  mii-;on  de  sa  t^ule  la  mienne,  m_'  conseilla 
d'y  aller  m'y  reposer  et.donnant  de  l'épcrDU  àson  elieval,  il 


(1)  On  ii.ji'ti'  sur  i'.'  ravin  nui  iiitoionpl''  1.»  voic^  pulilicim',  un    suliil  >    |Mmt  soiiti'iiu  sur 
•uiio  iU!ii,<)!morii'  vis-i\-vis  dos  inoiiliiis  tlo  M.M.  Koiiainl  .v   llrmvii.  ^^  li  'aiiport. 


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266 


KINCM'IliLI) 


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I   ! 

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s'clança,  rapide  comme   l'éclair,  vers  l'ouvrage  à  cornes." 


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*  « 


Riny;fielcl  se  fait  remarquer  par  sou  étendue,  parmi  cette 
gracieuse  série  de  cottages  cn/c's  qui  franç;ent  le  côté 
oue-it  du  chemin  de  Charlcsbourg,  au  Gros  Pin  ;  l'endroit 
ci-devant  se  nommait  Smithville,  d'après  le  riche  pro[)rié- 
taire,  feu  M.  dis  Smith,  possesseur  ilu  so'  ;  il  se  plut  à 
y  tailler  des  domaines  pour  la  patriarchale  famille  des 
Smith,  où  M.  Parke  trouvait  wac  excellente  compagne, 
intrépide  et  amante  du  s/>c'/-/  comme  son  époux.  Le  chof 
de  ce  nombreux  clan,  I\I.  dis.  Smith,  occupa  [jcndant  île 
longues  années,  la  maison  située  .sur  la  rive  nord  du  St- 
Charles,  plus  tard  la  propriété  de  Î^I.  Arch.  Laurie,  maia- 
tenant  appartenant  à  ^1.  Owen  Murphy,  ex-maire  de 
Québec.  Ce  site  est  undémemlvrement  de  l'ancienne  Fcnuc 
r/i'.c  .///^'i.i-,  près  tlu  ruisseau  lairet,  là  où  dînait,  chez  les 
RU.  PP.  Jésuites,  lùnery  de  Cacii,  le  6  août,  i6j2, 

C'c.-t  au  milieu  d'une  avenue,  semi-circul.iire,  ombragée 
d'arbres  de  haute  futaie,  (pie  s'élève  la  villa  de  M.  Parke, 
homme  f 'rt  connu  CiMunie  L;rand  constructcin-  et  armateur 
de  navire.--,  aux  jours  pro.;pères  où  nos  braves  ciiarpenticrs 
de  vaisseaux  vivaient  dans  l'abomlance,  .-.ans  le  concours 
de  la  ^"(T/V'/iw/t'  /<'<vv/ ;  si  connu  était  iM,  Parkc  que  l'on 
disait  de  lui,  qu'il  avait  lancé  de  ses  cluintiers  une  Hotte 
entii;re,  si/ixaute-.-.ei/.e  n.avires  de  long  cours  ;    c'était  vrai. 

M.  Parke,  ilenuis  près  d'un  dcnii-.-.iècle,  jouit  de  la  réini- 
tatiiin  d'être  le  premier  ll'i'ii/',  le  patriarche  du  Turf  à 
Ouél)cc.  Il  naissait  au  commencement  du  siècle  à  i5elfast, 
Irlande,  et  s'établi-s. lit  ici  vers  iSji.  L'.derte  octogénaire 
ne  l.mce  [)lus  de  iti\  ircs  .-^ur  ie  S ;u'nî;- Charles  ;  mais  il  a  le 
pas  presipu;  au.^si  le.te,  l'ieil  aussi  \'ir,  le  poignet  aussi 
ferni'.'  que  lorsipie  —  il  y  a  de  çi  wwc  ([uarantaine  d'années 
— comme  })résident  du  jour,  avecsc.i  six  chevaux  en  flèche, 
il  battait  la  marche  .mûrement  et  fièrement  au  club  Ciw 
Tandem,  à  Lord    Caledon   et  autres  1  ificiers  des   Gardes, 


ES()U1SSES 


267 


iiu  milieu  des  carrefours  les  plus  tortueux  de  la  Bassc-villc 
ou  des  ftiubourpjs  de  Québec.  Vn  jour,  comme  président 
il  choisit  Rini,fficld,  comme  lieu^ra»"rât,  pour  l\iire  le  sa//;/- 
l''n's,  et  trente-quatre  taiiiùin  trouvèrent  place  dans  la 
vaste  cour  et  la  lawn  de  la  vil'a. 

J'ai  sur  le  rayon  de  ma  bibliothèque  éticjueté  "  Incu- 
nables" un  mignon  volume,  relié  en  maroquin  vert,  doré 
sur  tranches,  intitulé  "  l'K.Tl  KK  oF  Qur.i:i:<'."  Dix-sept 
dessins  en  taille  douce  lui  donnent  du  relief;  c'est  un  (>ué- 
bec-Gu  de,  tir''  à  sa  seconde  édition,  en  sept  \^},\,  écrit 
pt.raît-il,  par  un  ICcossais  lettré  de  li  vieille  capitale,  M. 
l^ourne  ;  illustré  par  un  t;raveur  écossais  de  mérite, 
James  Smillie  ;  imi)rimé  par  MM.  V.  et  W.  Ruthven,  les 
mêmes,  je  crois,  qui  sept  ans  plus  tard,  imprimèrent  pour 
M.  ?\.  iVubin  son  s[)irituel  Jùvitûsijiii'.  A  la  paç;e  o,  du  dit 
volume,  il  y  a  une  jolie  t;ravure  sur  acier  où  se  voit,  à 
l'ouest,  le  Palais  de  Justice  ;  à  côté,  la  cathédrale  ani^li- 
cane  ;  au  nord,  \ l'iiiou  Jlôtcl  (maintenant  dépôt  de  mer- 
cerie de  M.  Mort^an)  ;  à  l'est,  le  château  llaUlimand 
(l'ICcole  Normale  actuelle^  bien  gardé  i)ar  de  vi;^ilantcs 
sentinelles  :  c'est  un  paN'sapje  d'hiver. 

De  la  nie  St-Loui^,  trottine  un  terre-neuve -attelé  à  un 
traîneau  crânement  diri;^a:  par  un  alerte  '_,^1Inin,  ([ui, 
debout  sur  son  traîneau,  fait  claquer  son  luuet:  c'est 
comme  aux  premiers  jours  de  la  colonie 

-\  l'ouest  de  la  Pliuc  <{' .Irnu:;,  on  disceiiic  d(.n'v  mili- 
taires en  capote  ;  des  soldat-;  vraisemblaljlemcnt  du  71e 
Montafi^iiarvls,  alors  stationné  à  Ou'Jb.-c.  L'un  tient  à  la 
inaîn  r//.7/7//i7//V/'/.r  in-trnnieiiL  nati'in.ij,  la  \î;c,  et  semble 
se  préparer  à  donner  le  >i^;nal  du  départ  ;  un  piciuet  de 
soklats—  ^iixcaiii's  ji^iiard — traverse  la  voie  pui)li(iue,  pour 
yA  X  sentinelle  de  faction  aux  Inneaux  du  O'uniiissa' 

riat,  nnîntenant  les  (Quartiers  du  maj'ir  debri^^idi'.  Autour 
de  la  Place  d'Ar.n;s,  dont  le  parcours  d'hiver  est  marqué 
de  ihilissis  de  s.ipins,  circulent  alk\^remcnt  ('le  temps  à 
autre  un  Uaduv  se  mate,  se  cabre)  une  longue    fde    d'équi 


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368 


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pages  à  deux  chevaux,  des  tniKiciit,  dont  les  fringantes 
montures,  portant  aigrettes,  panaches,  ceintures  de  gre- 
lots, ont  la  queue  coupée,  courte  et  carrée,  bobtail  connue 
dit  le  sport  ;  ils  ressemblent  aux  Inintcrs  angUis  ;  de  nos 
jours  les  bobtail  on\.  disparu,  pour  faire  place  aux  crinière;, 
longues  et  flottantes,  aux  queues  carrées,  mais  plus  lon- 
gues. 

C'est  la  réunion  hebdomadaire — ou  mcit  de  jeudi,  du 
fameux  Driviiii^  Club,  formé  vers  1829,  sous  l'administra- 
tion de  Sir  James  Kempt.  Les  chevaux  piaffent,  blan- 
chissent d'écume  le  mors  :  vite.  Excellence,  monte/..  On 
attend  que  sa  seigneurie,  chautlement  vêtue,  nuuiie  il'un 
manchon  d'ours,  de  dimensions  phénoménales,  descende 
les  gradins  du  Château  pour  prendre  la  place  d'honneur. 
Le  voici  qui  se  blottit  à  côté  de  son  aide-de-cainp,  à  (jui  il 
passe  les  guides.  Le  vice-président  sonne  du  cors  ;  le 
Montagnard  fait  crier  sa  cornemuse  et  la  gaie  cavalcade  se 
lance  au  grand  trot  vers  la  rue  La  I'\ibri(iue.  L'artiste  de 
ce  dessin,  le  lieutenant  Wallacc,  du  71e  Montagnards, 
semble  avoir  été  tort  heureux  à  saisir  tous  les  objets  vus 
du  corps  de  garde  voisin  du  Château. 

Continuons  :  il  est  une  heure  de  relevée  ;  à  trois  heures 
vous  pourrez  voir  nos  gaillards  déboucher  sur  la  glace  au 
pied  du  Cône,  à  Montmorency,  ou  bien  attablés  à  la 
fameuse  hôtellerie — le  JUiii  Ifoiisi — sur  le  chemin  de  la 
petite  rivière  St-Charles,  ou  encore  au  Cap-Rouge  chez 
Kostka  llamel,  ou  bien  chez  Déry  à  Lorecto.  Le  code  du 
club  est  d'une  sévérité  draconienne  ;  pour  la  moindre 
infraction,  vite  une  amende,  etc.,  c'est  au  moyen  des 
amendes  que  l'on  rencontre  les  menues  dépenses. 

C'est  au  président  de  la  semaine  à  fixer  d'avance  à  la 
campagne,  le  lieu  d'arrêt,  chaque  fois  que  le  club  sort.  Il 
n'y  a  qu'un  spécifique  pour  prévenir  la  congélation,  après 
une  longue  course,  c'est  une  razade  de  Mnllcd  Wiiic"  ;  vin 
épicé  auquel  nos  pères  ont  conféré  le  nom  de  sang-gris. 
C'est  au  vice  président  à  préparer  et    à  faire    servir    cette 


ESQUISSES 


269 


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délectable  einbroisie.  sous  peine  d'amende  de  censure. 
Gare  au  pauvre  vice  prt5sident,  si  dans  la  presse  du  départ 
il  a  oublié  le  Mitllcd  'i<.>iiic.  Il  »i  dii  l'enfermer  chaud  dans 
une  cruche  ou  amphore  enveloppée  d'une  couverte,  et  le 
précieux  l>a/>j'  bien  enmaillotté  a  dû  être  déposé  douillet- 
tement dans  les  fonds  de  la  carriole  du  vice  président  : 
malheur  au  vice  président,  s'il  mettait  en  danger,  par    le 

froid,  les  jours  du  Cliih,  fauteduj<j'//i,'-^'7v.ï  traditionnel 

Je  remercie  mon  vieil  ami  M.  Parke  des  renseigne- 
ments qu'il  m'a  si  obligeamment  fournis,  à  propos  de  son 
Club  favori.. 

Québec,  Décembre  18S4. 


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23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N. Y.  14S80 

(716)  872-4503 


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AUVERGNE,  Charlesbourg 


Au  pied  de  la  côte  de  Clarihiu,  à  Charlesbourg^,  à  l'est 
du  plat'îau,  surnommé  Gros  Pin,  le  touriste  saisit  de  loin 
sous  de  verts  bocages,  les  blanches  demeures  d'un  village 
canadien,  l'ancien  ha  îieau  Auvergne.  Quel  est  l'Auvergnat 
parmi  les  anciens  colons,  qui  se  laissa  aller  à  la  jouissance  de 
perpétuer  par  ce  nom  le  souvenir  du  doux  pays  de  France  ? 
Notre  ami,  l'antiquaire  Tangua}',  pourra  peut-être  vous  en 
donner  des  nouvelles.  • 

Oui  sait/  un  de  ces  laborieux  colons  que  l'intendant 
Talon  y  plaçait  vers  1675,  pour  inaugurer  sa  colonie 
modèle  ?  Toujours  est-il  qu'en  1832,  le  juge  en  chef  de  la 
province.  I\I.  Scwell,  séduit  par  le  charme  de  l'endroit,  s'y 
érigea  nn  chalet.  Auvergne,  le  nom  du  village,  devint 
celui  de  la  villa  du  juge.  O  que  j'aimerais  à  repeupler  de 
ses  hôtes  et  intéressants  visiteurs,  l'historique  ch.àlct,  à 
l'époque    où   l'éniincnt  juriste  l'occupait 

Comme  homme  de  lettre,  légiste,  homme  politique,  fonc- 
tionnaire d'état,  ^î.  .Scwell  a  fourni  une  longée  et  bril'anto 
carrière,  .\yant  adhéré  au  parti  tlu  roi  Georges  III,  d.ans 
le  vif  conilit  qui  donna  aux  provinces  de  la  Xouvcllc- 
Aug'ietLrre  icu;-  indépen. lance  ''1775-S3),  ce  princ;  >e 
souv<int,  en  tijiiius  et  licii,  de  ia  fidélité  de  ^on  sujet  \\o^- 
tcnnai>. 

\}q    fortes   étud.e-,    une   hcur..u-e    mémoire,    des   talonts  ■ 
tl'un    ordre    >u[.iérieur,     une     grande     dignité     '.ie     tenue 
ouvrirent  bientôt  au   fameux    i^uifiil  l-lmpirc   Lvyalist,  l,i 
porte  à  toutes  les  dignité;. 

Jonathan  Sewell,  naquit  à  Cambridge,  dans   la  colonie 
de  Massac/iiissitfs  Jnu\  en  1766. 


ESQUISSKS 


271 


Son  père  était  rrocurcur-Général  de  la  colonie.  A  la  suite 
-de  l'insurrection,  M.  Sewcll,  père,  crût  devoir  cmifjrer  en 
Angleterre.  Son  fils  fit  ses  classes  à  un  Graïuiiiar  Sc/iool, 
à  lîristol  ;  puis,  il  accompagna  s'en  père,  lorsque  ce  der- 
nier 5C  rendit  à  St-John,  N.  Il,  en  1785  ;  y  lit  son  dr^it 
sous  l'émincnt  avocat,  plus  tard,  le  juge  \\'ard   Chipman. 

Jonathan  Sewell  y  pratiqua  sa  profession  pendant  une 
anne'e.  Le  jeune  avocat  vint  chcrclier  fortune  en  notre 
ville,  en  1789,  et  }•  fut  di[)'ômé  membre  du  barreau,  cette 
année  même. 

Son  exellent  père  exjjirait  à  St-John,  X.  B,  en  179'). 

Nommé  solliciteur-général  à  (.^>iiébec,  en  1793  ;  procu- 
veur-général,  avocat-général,  juge  de  la  cour  de  \'ice-7\mi- 
rauté,  en  1795,  l'habile  légiste  devenait  juge-en-chef  de  la 
l'rovince  de  Québec  (i)  et  l'résidcnt  du  Conseil  l'exécutif, 
en  i8c8.  Il  représenta  à  la  Chambre  pendant  trois 
parlements  consécutifs,  le  bourg  de  William  Henry 
(SoreU. 

Orateur  du  Co.;-  ■!  Législatif  en  1809,  il  ne  lui  a 
manqué  que  la  haute  cluirgc  de  Gouverneur-Général  pour 
couronner  dignement  tant  de  distinctions  flattcu-es.  Mais 
en  1808  comme  plus  tard,  nos  gouverne'urs-généraux  nous 
arrivaient  de  Dovn i nj:; st iwi  'i.owi  dressés.  Il  fusait  bon  alors 
de  se  prononcer  carrément  pour  l.i  couromio,  sang  trop 
s'occuper  du  peuple 

l'ourcp:ui  cet  ardent  .ur.i  des  .\rgl:iis  ail  i-t-il  eherclicr 
Lir.  nom  français  pour  .--a  maison  de  c>;!np,ignc  .■'  .M\'.  tèrc  ! 
y\u\"crgne,  (.listant  d'à  ])ju  près  -.mo    ilemi-heu    dv.    't\"''on- 


(1)  1j.' Jiiso  Sowi'll,  siict'Sàoiir  i^ii  is;',s  (lu  .Juc"'  M'illiiiiu':.  iiiti-.-  .-uitris  n'idinii-s  t'i 
ini-xliticntions,  iiitroiliiisit  nu  Palais,  la  ifi-aiidi'  k  luif  iiHiuii'U'',  le  costiuui'  iiiii'iwilut  des 
!iii('ii'ii3  jours,  l'obi's  (l'hi'iiiiiiu',  îriii'iiu;',  ftf.,  tonimi'  aux  vieux  pays. 

l'iii'  sontiMici'  (11'  lunvt,  eu  couroriMiiurlli',  iirnnonci'i'  par  li'  .jnjii'-l'U-clirf,  cntiiuiv  il.> 
!»i't  (luatrc  rollrgui'i-,  tous  eu  urauil  cdstuMic  otliciil,  ùcait  un  iuciili'Ut  fort  iiii|iosaut. 
Sir  .lauu's  Stuart,  qui  lui  sufcOda,  eu  IS;!f,  vcrsounair»'  iiiajosttioux  iiuaut  à  la  statiiro, 
(l'uuo  l'i'Uilitiou  vaste,  ot.ainat(ui',  lui  aussi,  ili'i-  t'onui's  ju(lii-iaiiva  auli  jut"!,  cousorv;»  le 
ti'ioorue  l't  laissa  clioivriuMiuiur. 


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272 


AUVERGNE 


WÊii 


daire  château  Bigot,  à  Charlesbourg,  est  depuis  plusieurs- 
années,  la  propriété  <le  M.  George  Alford — petit-fils  et 
héritier  de  feu  le  millionnaire  George  Pozer. 

Ce  vieux  célibataire  s'y  livre  avec  ardeur  à  l'horticul- 
ture, mais  le  solitaire  maître  d'Auvergne  a  trouvé  dans 
sa  riche  bibliothèque,  d'excellents,  de  constants,  de  vrais 
amis. 


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COUCV  IvK  CASTKL 


IVtit  donjon  aux  allures  [)ro?que  ftiodalcs,  tlaïuiin.'  ii'un 
b>)is,  >,ur  la  riv(^  sud  de  la  l'ctite  Rivicre  St-Charlcs,  avec 
plateforme,  couleiivriiies  t.t  pierriers.  Par  <^on  nom,  il  rap- 
pelle Kl  |)atrie  dc.^  ancêtres  maternels  de  l'in:)!!,  Louis 
Panet,  le  fondateur  :  les  J)adelart  tle  Cv)ucy  le-Castcl,  en 
l'icardie.  Le  nom  du  Dr  l>adelart,  j;>ar  les  .--oins  qM'il  [)ro- 
di;;ua  aux  blessé-,  (i)  au  ct)mbat  des  Plaines  d'Abrairun, 
est  associé  à  raneien  ré;.;"iine,  et  au  Uijueeau,  par  l'uLip-  et 
lont^ue  carrière  qu'il  fournit  connne  médecin,  suus  les 
généraux  Murrav  et  Car  le  ton. 

L'hon.  L'iuis  l'antt,  partageait  ses  loisirs  entre'  son 
petit  castel,  ses  amis,  ses  livres,  ses  oiseaux  auxquels  il 
avait  construit  une  jolie  volière,  et  les  plaisirs  de  la  cb.is^e 
et  tle  la  pèche  qu'il  allait  chaque  semaine  i;oûter  à  :on 
chalet  solitaire  et  pittoresque  de  Lorette  — Castorville. 

Ce  beTU  vieillard  closait  nnL'"uèreime  hoiinrab^.-   cirr.'re 


a  I  n^v.  (.[■■  90  an-,  re;.M 


:cte  ixiur  i'.iim.Miité 


U)  Li'.i  ar$nc:i_ilii  l>  .c'.uv  !lathlr.rl.—M.  .Ju'ii.-s'  Tlionipjon,  (ils,  co.isii(iij  1}  t!;i.'  -.ui- 
v.iiit  (l.ii.r;  8is  iiiv'imiin'n  im'-'lUn.  Apivs  avoii'  décrit  iilusii'tira  mitres  contoiiiiKi 'lài.--  i!ii 
:iiôn;<' il.^  17.V1,  il  nioutr  :  "  Joiiii  i'niiH'V.  "  11  jv.Mt  un  dar.jT'^rcux  coup  <lo  s;il»iv  i-ir  lo 
iVout  u  l:i 'n'.tailK- (l.';i  rh.hii'S  (l"Ahr;iiiiii!i,  1.)  J.i  sijiti  )iil)ri'  U.i:»,.  Kpiiii^i',  il  s»!  1  li-js.! 
■  l'.iiir  lui-  lo  [ir.yjm,  !■■  (!■;  \  iippuy,''  t.ur  iiiio  i-lritun-.  Vn  o!iiruvr,'it  ii  il  s  troiiiii-s  lr:int;t!it:ps, 
viiVHiit  iiu>!  Hcsc;>iiuir.i<l>'S  (i!i;(hnt,  ty.-  i-tHra  eu  ariiriv  ut  Vi-iR'oiili-a  Jouu  rr;.i,--:.>v.  ■!i;ut  1  i 
ijU't'aii''' tsaimiait  al).inil;ii!iiu'.!nt.  Ij  •  cliinirnii'ii  si-  mit  lîo  Miilc  à  ]):iiis;  r  si  iili'^j-iiro  ; 
(iiiis,  il  ii^  t'oiistituii  :-i)u  iJii.  (iniik-!'  dr  k'U'iiv,  lui  (I''!ivr;»nt  ses  avmof,  l'.'s-ii'fla  no  tor.uis- 
tiiic'iit  iju'i'ii  iiii  |ii  tdl;  t  (!■■  iiDclii'  a  di'iix  coups,  Iji^'ii  inniUii  l'U  ur{{i'ut,  il vvc  I03  initiais 
!HM' la  ciilasHi)  (  1'.  1!.)  l'hiii|>ii(>  Ji.-ii!'lari. 

John  Friisor  ot  11- cliinirgii-n  liMu<;;ii.-i,  par  1.'  ouitc  ('>vi!irout  fort  li-Vâ  tl":iîiiitir  :  iU 
iHaicut  viiisiuii.  Iji' pviiiiii'r  Oliùt  pi'ii)rirt:iir,'  il-  ]:i  iiiiii<oii,  niu  cUsi  .[ardin»,  plus  livivl 
ocTUln'i'  par  l'rn  V.  llarliuaii,  iHJritVf  (maintciMnt  par  MM.  ."Md.juin,  avoMte)  taudis  ipio 
I,'  î)r  liailclart,poKS,Ml;iit  oïdlc  vcisi:i'>  de  Jl.  CliarU'i  l'aii.t  |1.'  lot  arté  rfbàti  otest  .n-'-npi 
inaintMKiiit  p.ir  la  ivHidrnrv  di!  \illrdu  \i\'^c  .loan  Tlioi  'raaclicviaii)  in'tit  iih  d;i  li.i\v 
leur  ii.id.darl,  1i-h  dcMi:c  lots  t-i'  r.'joi.'.di;;!;!  un  arrioro. 

'\\.  l'i-.asi  V  y  ouvrit  l:i  iirciriièri'  ùroli'  anglaii-i!  Ii'iiu.'  à  (Jurlnv. 

^1.  V'ra;  er  i'ondit  lo  iii.Htolct  ou  qurv;tjou  t'i  sou  jiroiuii'r  maitrn  tu  ISIO  t>l  jo  doviiis  lo 
locati.iio  do  i'.ornard  l'auct,  le  pi'tit-IUs  du  l)ootc\ir  Baddart.  litriuud  l'aui't  ôtait  uiou 
.uni  :  il  luv  lit  pr,''.«Liit  du  Huiidil  ])it^tolot  qui  av;'it  app.irii'uu  i'i.  -oa  .irraiid-pi'.rc.  .)oli> 
itardai  t"  ans,  et  h'  U!  iir]iti'uiliri'  ).^."'.i,  lo  ecutiouu'  a!iuivor'<:iiro  do  la  li.'itaillo  lUvs  Vir.inos, 
.j'oii  ii.i  n  stitutiou  à  nu  do.s  dosooiHiaut.s  du  Doctonr  l'.adilart,  lo  ilonuaut  :\  M.  .lolni 
l'anot,  Corouor  do  (iiu'ljoo,  lU.-;  do  lioruard  l'auit.  l,o  df)otour  li.idi'lart  l't  M.  John  l'r  •,  ht, 
attoi.uuiiout  tous  doux  un  àifo  l'art  avaru'o  1 1  l'urout  jUHijp.'.'i  la  fin  do  loiirs  .jour  j,  di> 
eluuuls  aiui.i.  IjO  Dr  l'.adolart  avait  l:i  iircstauco  di.Lfiio  d'un  .u'oiililhornuu!  :  il  pc^'-t.-iit 
oonstauiniont  rt'iiéo  au  ocMo,  si-lou  la  modo  du  touiiis." 


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(Mciii')irs   of  J.in.   Thoiniisoii,  Doputy  Criiniiisnanj  Gcnerd,  l*".^ 


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274 


COUCY  LE  CASTEL 


franchise  de  son  caractère  :    un  excellent  type  (fes  Anciens 
Canadiens. 

Depuis  1861,  cette  villa  est  devenue  la  résidence  d'été 
de  l'hon.  Jean  Thomas  Taschereau,  ri-devant  l'un  des 
juges  de  la  cour  Suprême  du  Canada. 


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VILLA  IVIASTAI 


O  «loriisi  flpiriti  do  pli  l)Osclii, 
<)  Kco,  ()  aiitri  f'osfhi,  o  clipiiri'  linfo, 
O  fiirctriito  iiirifc,  o  iiKi'''Hti  l'uni 
()  Satiri,  «  >Silviini,  i>  Riiiiii,  c  Driadi 
Xiiiiidi  l'd  Aiiiadriiidi,  (i  Somiieo 
(>  ri'iuli,  o  N'uiiL'f. 

Sann-azzaho. 

Vers  1845,  le  chirurgien  le  plus  en  renom  de  Québec,  M. 
le  Docteur  James  Douglas,  s'érigeait  sur  la  rive  ouest  de 
la  rivière  des  Taupières,  à  la  Canardière,  un  beau  manoir, 
avec  ample  jardin  potager,  sans  omettre  l'accessoire  indis- 
pensable d'une  villa  canadienne  :  un  jardin  abondamment 
pourvu  de  fruits,  de  plantes,  de  fleurs  indigènes  et  exo- 
tiques. 

Favorisé  de  la  fortune,  homme  de  goût  autant  qu'il  était 
amant  des  sciencees  et  des  lettres.  M.  le  Docteur  Douglas, 
de  retour  de  la  ville,  passait  ses  heures  de  loisirs  dans  sa 
bibliothèque,  son  jardin,  sa  serre,  etc. 

Bientôt,  il  ajouta  à  sa  résidence,  une  vaste  salle  dans  une 
aile,  où  il  déposa,  ses  peintures,  ses  statues  antiques,  etc. 
Puis,  il  érigea,  à  une  extrémité  de  sa  villa,  wn  jardin  d' hi- 
ver- pour  sa  collection  de  fleurs  tropicales  et  autres  ainsi 
qu'une  serre  pour  le  raisin,  à  l'autre  extrémité. 

Natif  d'Ecosse,  le  Docteur  Douglas  voulut  perpétuer  le 
souvenir  du  sol  natal,  en  donnant  à  son  manoir, — un 
nom — Glenalla, — qui  lui  rappellerait  les  montagnes,  les  lacs 
et  les  pics  de  l'antique  Calcdonie,  chantés  par 
Ojsian  et  Hurns.  Le  i  ays  au  reste  était  { ittoresque  et 
tavorable  aux  embellissements. 

En  face,  les  toits  et  les  flèches  luisantes  du  vieux  Qué- 
bec ;  si  rade  alors  couverte  d'une  forêt  de  mâts — couron- 
née de  son  imposante  citadelle  ;  à  l'ouest,  le  populeux 
faubourg  St-Roch,  les  rives  verdoyantes  du  Saint-Charles 
— ses  bruyants  chantiers  de  navires,  (ceci  se  voyait  avant 
qu'il  fut  question  de  la  Socictc  de  bord)  ;   à  l'est,  l'Ile  d'Or- 


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76 


VIM,A  MASTAf 


Icans  SCS  massifs   de   verdure,   ses  ^'racieux   coteaux  ;   au 
nord,  le  sombre  rideau  tles  !  aurentides. 

La  rivière  des  Taupières  est  un  petit  cours  d'eau  histo- 
rique :  nouveau  Scammandre,  il  évoque  de  martials  sou- 
venirs. ICn  1690 — en  1739 — en  1775 — 6,  on  eut  pu  voir 
embusqués  .'U' ses  bonis,  les  mousquetaires  du  sci^^neur 
Juchcreau,  les  fantassins  de  Montcalm,  ou  les  ardentes 
milices  de  Guy  Carleton,  prêt-;  à  repousser  les  envahisseurs 
du  sol.  En  18 14,  la  rivières  des  'l'aupières  à  l'ouest  et  le 
ruisseau  de  l'Ours,  à  l'est  définissaient  la  limite  de  la /^r/Wd' 
accordée  aux  prisonniers  de  f.fr.erre  américains. 

A  la  partie  est  du  site,  un  lopin  d'environ  soixante 
arpents,  on  voyait  .sur  la  berc;e  (.le  cette  rivière  la 
longue  maison  blanche  de  feu  le  juge  DeBonnc,  jadis  pro- 
priétaire du    sol. 

Revenons  au  fondateur  de  Glenalla. 

M.  Douglas,  s'était  t'pris  des  découvertes  modernes  de 
la  science.surtout  de  ce  que  les  voyageurs  avaient  exhume 
dans  l'ancien  royaume  des  Pharaon.  Tour  étudier  sur  les 
lieux  mêmes,  les  papyrus,  les  inscriptions,  les  monuments, 
les  momies  des  braves  gens  qui  florissaient  au  temps  de 
Checps  et  de  Nechno,  il  fit  voiîe  pour  l'Orient',  avec  :-on 
fils,  plus  tar'i  profes.icur  de  cluaiie  ;iu  collège  jMorriii  et  l'un 
des  zélés  l'.ré.-idents  de  la  Sociiti  LitfJrairc'  tt  llist.niqnc, 
et  passa  \)xc.-,  de  deux  année;->  dans  ces  contrées   lointaines. 

11  en  revhit  ;ivec.  tout  un  ch:'.rgement  de  naviie  de 
reliques  :  antiquités  l>rusques,Grecqucs, Romaines,  momies, 
statues  entres  autre  celle  de  X lisclavc  grec,  de  XAvcuglc  àa 
Pompci,  etc.,  tableaux,  peinture  des  grands  maîtres.  Il 
déposa  sa  riche  collection  de  momies  ICgyptiennes  dans 
son  musée  archéologique.  —  Une  savante  horticulture  égale- 
ment régnait  à  Glenalla,  Xj'a  mode  d'ornementation  qui 
distinguait  cette  vilb,  ce  fut  ses  pittoresques  ponts  en  fd-de- 
fer  suspendus  au-dessus  des  pièces  d'eau  et  des  niéandies 
de  la  rivière  des  Taupières  :  c'était  beau  à  contempler, 
mais  les  oscillations  du  pont  suspendu  vous   donnaient    le 


KS()U1SSI.S 


l'jale- 

quî 

ll-de- 

hclies 

ipler, 

it    le 


vcrtifïc  ;  les  momies,  les  momies  brunes  et 
TEi^yptc  :  voilà  ce  qui  surtout  aPéchait  les 
à  dix  lieues  à  la  ronde. 


277 

racornies    de 
archc'olosfucs 


Aux  anniversaires  marquant-,  M.   Dou'jias,  entoure    de 


(lueUjues  savants,  commt 


iui,  avid'js  scrutateurs  des  secrets 


du  passe,  se  faisait  fête  dede'rouler  de  ses  bandelettes  une 


le  s 


es  moimcs. 


Dés^ager  ses    vieux    I^g\ptiens    des    vêtements  qui    les 
emmaillottaient  en  entier,  excepté  la    figure  ;    c'tudier    les 


ou 


lurrcrics    ensevelie.- 


avec   les 


petites  pièces  d'or 

propriétaires  ;   recuei^ir  les  pLiulants  d'orrilles  ou  les  bra- 


cclet>  de  ces  antiques  danu;s  ;  leur  a^si;^ncr  un  état,  une 
position  so'ciale  au  temps  de  Sesostris  :  toutes  jouissances 
exquises  pour  l'excentrique  archéologue  ilc  la  Canardière. 

Il  se  passa  un  incident  assez  i)laisant  à  l'un  des  congrès 
scientifiques  du  vieil  Ivsculape. 

Il  avait  convie  quelques  gros  bonnets  de  la  science  de 
Québec,  pour  assist-r  au  di'ronlogv  d'une  momi';  qu'il  avait 
prononcée  être  une  princesse  ou  du  moins  une  femme  de 
qualité,  ayant  découx'ert  dans  sa  cassette,  des  fragments  de 
bijouterie  en  or. 

"  Qui  scait,  avait  ajouté  l'ingénieux  archéologue  si  ce  ne 
fut  pas  une  autre  Cléojiatre,  au  temps  de  Chcops  ?  Grande 
était  l'attente,  grande,  la  curiosité  des  vieux  savants  : 
mais,  bientôt,  un  éclat  de  rire  homérique  ébranla  jusqu'au 
toit  du  musée:  la  princesse  se  trouva  être  un  l^gyptien 

M.  Douglas  ayant  vu  engloutir  son  ample  fortune  dans 
des  exploitations  minières,  se  vit  forcé  de  dire  adieu  à 
Glenalla,  en  1876  •  se  retira  à  Philadelphie,  avec  ceux  de 
ses  trésors  archéologiques  qu'il  prisait  d'avantage.  Quel- 
ques uns  de  ses  I^gyptiens  furent  acquis  par  l'Université 
Laval,  pour  son  Musée,  où  ils  attirent  encore  bien  des 
regards. 

En  1877  le  Dr  J.  E.  J.  Landry,  propriétaire  de  V Asile  des 
Aliènes,  acheta  la  Villa,  et  eu  changea  le  nom  en  celui  de 
Villa    Mastaï — nom  de  la  fiimille    du  souverain   Pontife, 


T   fil 


)m 


278 


VILLA  MASTAI 


Pie  IX  alors  régnant.  A  la  morl  du  Docteur  Landry,  la 
Villa  Mastaï  passa  à  son  fils,  RI.  A.  C.  P.  R.  Landry,  Dé- 
puté aux  Communes,  pour  le  grand  comté  de  Montniagny. 
Ce  savant  agronome  a  substitué  aux  momies  et  aux  sta- 
tues grecques,  etc.,  une  riche  collection  de  livres  sur  l'his- 
toire du  Canada  et  sur  la  littérature  française  :  ce  n'est  pas 
moi  qui  m'en  plaindrai. 


'm 


s 
d 


LE  MANOIR  SEIGNEURIAL,  Beauport 

1634.1S79 


"l'r.Ttorian  licre,  Vra'toriaii  tla-iv,  I  iiiiiid  tlio  lii^giiiR  o't.'' 

(li'ANTiyrAiiiK,  Wdller  S'  nlf). 

Nou^  voilà  bien  au  temps  héroïque  de  la  fc'odalité  cana- 
dienne. 

Qui  de  noas,  pendant  nos  excursions  à  la  chute  de  Mont- 
morency, en  été,  ou  au  cône,  en  hiver,  n'a  jeté  en  passant 
un  regard  scrutateur  sur  cet  antique  et  massif  manoir  des 
Duchesnay,  en  face  de  Québec,  en  deçà  de  l'église  de 
Beauport  ?  A  combien  d'étranges  scènes  n'a-t-il  pas  été 
associé  depuis  le  berceau  de  la  colonie  ! 

Le  30  juillet  1640  y  commémore  une  date  rcmarciuablc: 
l'exécution  sur  un  des  censitaires,  de  la  sentence  du  l;ou- 
verneur  de  Montmagny.  Guion  (Dion  !),  car  c'était  son 
nom,  à  genoux,  tête  nue,  sans  épée,  tri  éperons,  cognait  à 
la  porte  principale  du  manoir  pour  rendre  foi  et  hommage. 
En  l'absence  du  très  haut  et  puissant  seigneur,  Robert 
Giffard,  son  fermier,  lioullé  vint  ouvrir  et  lui  entendit 
répétiir  la  formule  obligée  de.-,  censitaires  : 

'^Monsieur  De  Beauport,  mousicitr  De  Beauport,  vtousienr 
De  Beauport,  je  vous  fais  et  porte  la  foi  et  Jiouuiiage  que  Je 
suis  teuu  de  vous  porter  à  eause  de  luon  fief  du  Ihiissou 
duquel  je  suis  hoininc  de  foi,  releva  ut  de  votre  seigneurie  de 
Beauport,  lequel  ni  appartient  au  moyen  du  contrat  que  nous 
avons  passé  ensemble  par  devant  Roussel,  à  Mortaigne,  l:  [4 
mars  1634,  vous  déclarant  que  je  vous  offre  payer  les  droits 
seigneuriaux  et  féodaux  quand  dus  seront,  vous  requérant 
me  recevoir  à  la  dite  foy  et  hommage ^ 

Ce  Guion,  comme  l'a  remarqué  l'abbé  Ferland,  était 
maçon  de  métier  ;  c'était  en  outre  l'homme  de  lettres,  le 
scribe  de  la  paroisse  :  il  existe  encore  un  contrat  de  mariage 
dres^^é  par  lui,  un  des  plus  anciens  documents  de  ce  genre 


;8o 


i.i;  M.woik  i)U(.:iii;sNAV 


connu  parmi  ni>u-;,  ot  portant  peur  ilatc  le  Fôjuillct  IÔ3^). 
(  )n  y  voit  I.i  .si;^naturi.'  liu  .sc'i^iKur  (iiffard  ainsi  que  celles 
tic  l'iaïK'ois  Btilanjj^cr  et  tic  N'ool  Lan^lois  :  l.'s  autres  par- 
tics  présentes  )'  apposèrent  leur  croix. 

La  chirur;4icn  I\()!)ert  GiiVaril  fut  acte  ile  présence  pour 
la  iireniièrc  foi.;  sur  n()->  rive-,  en  1627.  l*",ii  i5j^,  il  fut  fait 
pri;-onnicr  do  tjueiTc  par  les  anç^lais,  sur  la  llotte  iK;  Koc- 
uiont.  1  )(•  retour  ici,  il  obtint  la  concession  de  la '^eijxneurie 
(ie  In.Muport  cl  iVun  autre  va'-ti;  domaine  .'ur  1  •  Saint- 
CMiarle.'-.  On  sait  le  rc?l.-  importan".  (jue  lui  et  K>  iv-ns  ont 
joué  ilans  la  color.ie.  Oui  ifniore  la  f^Iorieu-ie  cariièri.,'  de 
Cette  m:Mti. lie  fuiiilii.^  de>  Uiiclie  n  i)',  ^ur  tou^  no^chimps 
de  li.itaille  ?  au  ■'  è;^- ;  de  l'hip  >>  i  a  li'njo,  ,iu  ;.nM:i  1  -.iè^-e 
de  I/Sy,  au  1)1.1.  as  de  1775.  à  Château_q;uay,  en   loi.;. 

l'n  de  Lur-.  aiicélres,  Nicolas  Juchereau  il'.-  St-lJenis, 
se  di-,tinj;'ua  tellement,  au  siè.^e  de  l6yo,  que  le  roi  de 
l'"rance  lui  octro)M  dcr.  lettres  de  noblesse.  "Le  sieur 
de  St-])enis,  seiL;"ncur  de  lîeauport,  dit  Charlevoix,  com- 
mandait ses  Inbitants  ;  il  a\'at  i)lus  de  soixante  aiH  et 
combattait  avec  l)eaacoui)  de  v.ileur,  jusqu'à  ce  (pi'il  eut 
un  bras  cas.sé  d\\n  coup  de  feu.  Le  roi  récompen--a  peu 
de  temps  rqtrè-,  -on  zèle  en  lui  accordant  des  iett'es  de 
noblesse." 

Un  de  ;-es  f\]>.  se  di-tingui  à  la  Louisiane  :  deux 
cueillirent  des  lauriers  à  Châteaugua}'  :  le  vieux  nom 
c-t  encore  diy;iiemeiit  porté,  par  les  descendants,  dans 
l'armée,  la  robe,  etc. 

Pendant  l'été  de  1759,  le  manoir  seis^aicurial  devint  le 
quartier-u^énéral  de  Montcilm  ;  le  col.  lîonu^n,  J.  Lossing, 
hi^t  rien  américain,  recommandablc  par  ses  écrits  sur  la 
période  de  1775,  dessina  en  juillet  185S — le  vieux  manoir 
pour  llarpcrs  Magazine,  où  il  fii^ura,  en  janvier  1859  ; 
d'où  il  fut  copié  pour  orner  une  esquisse  qui  parut  en  mai 
iSSi,  dans  \ Illnstratcd  Ncii's,  de  Montréal. 

Kn  l'automne  d  1  1775,  nos  amis  les  ]îoîto*inais  firent 
•une  descente  au  manoir  des  belliqueux   scii^neurs  Duchés 


/*   '*■ 


KSQUISSKS 


281 


[inoir 

|«59  ; 
mai 

Irent 
Iches 


nay  et  en  niîrent  riuleinent  à  contribution  les  laiteries, 
les  basses-cours,  etc.,  tel  ([u'i!  .iijpert  \k\v  une  lettre  dont  nous 
devons  communication  h  l'obligeance  de  M.  Henri  Duclies- 
nay,  de  Ste-Marie,  ina;^nstr.it  de  police  et  inspecteur  des 
mines  à  la  Ikauce.  [1]  L''  m  moir  seiL;"neuria!,  assez  niaisif 
pour  Mjrvir  de  fort  contre  les  Indiens,  couronne  d'une 
manière  pitturestjue  une  [uii'e  éniinence,  sur  'es  ri»  es  du 
r;iissi\V!  de  l'O/ii's,  en  vue  de  I  i  cité,  du  Ci">lé  '-ud  de  la  voie 
publi(]ue  :  le  ftni,  ce  siinpiterncl  tléau  dv  (Jncbcc,  y  passa 
en  l'autoinne  i\c  1 S79  ;  il  ne  ncns  en  le-te  ((u'iine  triste 
ruine. 

Pendant  l'été  de  1S80,  des  ouvriers  aliéché-i  [)ar  ces 
k'o'eniii's  u-écs,  "de  trésors  français  enfouis  en  cet  ».  ndrt)it 
pa.r  l'état  major  de  Montcahn"  en  creusant  dan.-,  la  maçonne, 
découvrirent  une  [ilaque  circulaire  de  [)lonia  ou  d'étain, 
qu'ils  reun"rent  aux  propriétaires.  IMadaine  Gu;,;\-,  qui 
maintenant  possède  le  manoir  et  la  terre  seigneuriale  de 
Heauport,  eut  l'heureuse  idée  de  défjoser  pour  examen  cette 
insc'iption  à  la  salle  de  la  Sd-ic'/i'  L///i-r'.r/ir  et  Jlisfon'onc. 
L'iii-cri[)tion  était  composée  des  lettres  suivantes  : 

I.  li.  S.  M.  I.  A. 


LA\      i^ 


0-1 


L1-: 


M 


25.JVlLLET,IE.ETI<:.l'i.A 

imikmi1':r1':.p.c.gifart 
siciGXKUR.  Di:-ci<:-Lii:v 

Ces  lettres  sont  <iravées  profondément  quoique  avec 
rudesse,  dans  la  plaque  :  au-djssous.  il  cxis'e  des  traces 
plus  indistinctes  d'écriture, —  ça  peut  être  une  cotte  d'armes. 
— Au-dessus  de  ces  caractères,  on  voit  un  cceur  renversé, 
dont  jaillissent  des  flammes,  \cm\\\  lies  sont  enclavées  dans 
un  cœur  plus  grand  et  dont  la  [)ointe  est  en  bas. 

Cette  trouvaille  mit  nos  antiquaires  en  émoi  et  donna 
lieu  à  plusieurs  écrits  dans    la  pres.se  anglaise    et  française. 

(1)  Voir  l'iiiiiiomlico. 


282 


i.r.  ^rA^■()lR  duchesnav 


Ouclques-utie.s  trouveront  place  en  cette  esquisse  : 
The    Beauport   Manoir  Inscription 

Tu  Ihc  Kilitor  iif  ihe  Mnininij  Chrunicle 

"  W'hilst  regrcUiiig  the  loss  of  the  coins  and  documents  accom- 
panying  the  inscription  of  the  lîeauport  Manor,  on  account  of  the 
îight  it  niight  hâve  thrown  on  this  rcmote  incident  of  Canadiau 
bistory,lcl  us  examine  the  case  as  it  stands. 

This  rude  i'^scriptiop  of  25th  July,  1634,  gives  priorily  as  to 
date  to  the  iJeauport-Manor  over  any  ancient  structure  extent  in 
Canada  this  day.  The  érection  of  the  manor  would  seem  to  hâve 
preceded  by  three  years  tlie  foundation  of  the  Jesuits  Sillery 
résidence,  now  owncd  by  ^Jessrs.  Dobell  and  15eckctt,  which 
dates,  of  July,  1637.  AVho  preparcd  the  inscription  ?  Who  engra- 
ved  the  letters  ?  AN'ho  eut  on  llie  lead  ihe  figure  of  tlie  "  llaming 
heart  "  ?  The  stars  ?  Are  they  lieraldic  ?  'What  did  they  ty])ify  ? 
Did  the  plate  conie  out  ready  i)repared  from  France  ?  Had  the 
Acadi'niic  i/is  Inscriptions,  etc..  or  any  othcr  académie,  any  hand 
in  the  business  ? 

The  lead  plate  was  imbeddcd  in  solid  masonry.  It  is  too  rude 
to  be  the  woik  of  an  engravcr.  Could  it  hâve  been  dcsigned  by 
Surgeon  Gilart,  the  Laiid  of  lïcauiioit,  and  eut  on  the  lead- 
plaie  by  the  scribe  and  soTant  of  the  seltkiiient,  Jean  Guion 
(Dion  ?^  whose  peniuan^hii)  in  the  wording  uf  two  niarriages  con 
tracts,  daling  from  i()3(').  lias  bcen  biought  lo  Iight  by  an  indefa- 
tigable  seareher  uf  the  past— the  Abbé  lerland  ?  l'robably. 

15ut  if  the  Icllered  lîeauport  stone  masou,  who  hcver  rose  to 
be  a  Hugh  Miller  \vhate\er  may  »have  been  his  abililies,  did 
utili/e  his  talents,  in  i()34,  lo  [«roduce  a  durable  record,  in  order 
10  perpelualc  the  tlale  uf  foundaliun  (A'  llùs  manor,  lie  subse- 
qucnti\-  gut  at  lcg_,erhLads  willi  his  worlliy  seigneur,  probably 
owiiig  U)  ihe  litigious  taste  wiiich  lus  native  Perche  liatl  instillcd 
in  hiin.  l'ciche,  \ve  ail  know.  is  not  vcry  distant  from  Xormandy, 
the  liol  bcd  of  tends  aiul  litigaliun,  antl  might  hâve  caught  the 
inleclion  Irom  this  neighborhood. 

Governur  Montmagny,  in  the  spaceofeight  short  years,  had 
been  called  on  to  adjiidicate  on  six  eonirovcrsies  wliich  had 
arisen  between  Ciifut  and  his  \assals,  touching  bonndaries  and 
seignorial  rights  ;  ihungh  the  learned  historian  l''erland  has  failed 
to  i)aiticulari/.e  wlielhcr  among  those  eoiitroversed  rights,  was 
included  the  /Jroit  c/c  Chapons  and  the/^/v//  du  Seigneur.  Could 
the  latler  unchaste,  but  eherishcd  right  of  some  Scotch  antl  (ier- 
man  leudal  lords,  by  a  inisapprehension  of  our  law,  in  the  datk 
days  of  the  eolony,  hâve  been  claimed  by  siicli  an  exacting  sei- 
gneur as  .\[.  de  Ciitart  ?  One  thinks  not. 

He  that  as  it  may,  ihe  stone  mason  awX  savant,  JeanCuion, 
had  refiised  to  do  feudal  hommage  to   "'  Monsieur    de  Beauport,,'' 


KSOUISSKS 


283. 


I"» 


and  on  thc  2ûth  fiily,  1640,  six  years  after  thedate  ofthe  inscrip- 
tion, under  sentence  rendered  by  Governor  de  Montmagny,  he 
was  niade  to  do  so. 

Who  will  decipher  the  I.  H.  S. — M.  I.  A.,  the  letters  at  the 
the  top  of  the  plate  ?  Is  there  no  descendant  of  the  haiiglity 
Seiiinior  of  Beauport,  Robert  Gifart,  to  give  us  his  biogra- 
phy,  and  tell  us  of  his  sporting  days  ;  of  the  black  and  grey 
ducks,  brant,  widgeon,  teal,  s  lipe  and  ciirlew,  etc.,  which  infes- 
ted  tlie  marsliy  banks  ot  the  stream  -the  Ruisseau  ifr  l'Ours,  on 
which  he  had  located,  tîrst  his  shooting  box,  and  afterwards  his 
little  fort  or  block  house,  against  Iroquois  aggression  no  doubt  ? 
Gilart  was  a  keen  sportsman,  tradition  repeats.  Did  the  locality  gct 
the  nanie  of  Canard'u-re  on  account  ofthe  Canards,  the  ducks,  he 
had  bagged  in    his   time  ?  Wlu)   will    enlighten  us   on    -"Il    ihcse 

points  ?  Whcre  are  our  "  Oldbucks'  ? 

*** 

Québec,  8tliApriI,  1S80. 

Query — Would  I.  H.  S.,  stand  for  Jcsiis  Ihuiiiiiurn  Sal- 
vator  ?  and  M.  I.  A.  {or  Maria-jostp/iiis- A/mal — the  lloly 
Faniil)- — asks  Dr  W.  Marsdcn. 

i.i'.rrur.  m:  (.omik  u'orsonni-ns 
.-/    )/.  /.  M  Lc}[oinc, 

l'rcsidcnt  de  la  Socii'tc  Ltftiraivc  et  Historiijue,  Qiiél)ee,etc . 
Cher  Monsieur, 

Notre  lettre  du  ler  avril,  publiée  dans  le  .]fori!iii^-  Ciironielc, 
en  grou[)anl,  autour  du  premier  manoir  cmadiL-n.  des  grands 
noms  canadiens,  des  faits  historiques  et  des  iravliiions,  semble 
vouloir  nous  fai:e  regretter  ericore  plus  la  perte  d'un  mMiumcnt 
dont  il  ne  reste  i)lus  (lu'une  phu[ue  île  plomb  gravée  sans  art, 
avec  une  inscription  sans  oriogra|ihe.  Je  suis  allé,  comme  bien 
d'autres,  voir  ce  morceau  de  plomb,  (|ui  contient  autant  ipie 
rimprim-M'ie  peut  le  représenter,  l'inscription  suivante  : 

i.  H.  s.      M.  I.  A. 
!.A\      10,^4     ],1-: 

NT  F. 

15  iviid'/r  iK  Erivi'i.A 

PRKMII'IRK  ^CGIKAR^ 
S1•:IGX]■:VR  1)1',  CV.  la  FA' 

La  première  ligne  a  été,  sans  doute,  gravée  avec  une  ]>i)inte. 
l'incision  jjIus  indécise  est  aussi  moins  profonde,  de  même  que 
les  lettres  ntk  ajoutées  audessus  de  PLA.  pour  fiire  le  mot 
planté,  que  l'art  du  graveur  ou  la  largeur  du  ciseau  n  avait  pas 
su  contenir  dans  la  troisième  ligne. 


284 


LE  MANOIR    DUCHESNAV. 


Les  lettres  des  trois  dernières  lignes  ont  été  coupées  avec  un 
ciseau  de  un  demi  pouce  de  large,  l'incision  est  nette  et  bien 
dessinée  ;  on  voit  encore  les  ligne-;  (pii  ont  été  tracées  dans 
toute  la  largeur  de  la  plaque,  au  nnj_\'en  d'une  pointe  pour  guider 
le  ciseau  du  graveur. 

Dans  le  centre  de  la  plaque,  or.  disiingne  avec  peine  un  écus- 
son  portant  un  c^eur  renversé  et  llamnié  ;  au  centre  de  l'c-cu, 
trois  étoiles.  Impossible  de  dire  si  elles  sont  posées  en  face  ou 
sur  un  champ  ([uelconque.  Le  tout  a  dû  être  sr.rmonié  d'un 
lieaunie,  car  on  voit  encore  de  chupie  ci")té  de  l'écu  des  lignes 
courbes  multiples  cpii  doivent  nécessairement  représemer  les 
lambrequins  ;  sur  le  C'")té  gauche,  un  bout  de  banderole,  mais 
!'(?;■/ /.■.■/(•  a  dû  abandonner  s  i  première  idée,  car  le  hau'  de  la 
l)an(.lerole  se  perd  dans  le-;  lignes  du   lambi'c quia. 

J'ai  lu  dans  la  letlie  qui  accompagnait  l'envo:  de  madame 
Gugv,  cpie  les  ouvriers,  (jui  avaijiit  ir.ivaillé  aux  ruines,  disaient 
avoir  trouve  la  plaque  de  plomb  roulée  avec  certains  d  icaments 
qui  seraient  tombes  en  |)0ussière  au  toucher.  La  cliosc  nn' 
p>aralt  impossible  Le  dessous  de  ia  plaque  indique  qu'elle  a  été 
posée  ù  plat  sur  un  lit  de  mortier  ;  et  la  partie  gravée,  du  moins 
celle  où  sont  gravées  les  armoiries,  cpi'une  pierre  pesante  a  été 
placée  dessus,  et  c'est  par  l'entl^ncement  de  sa  suiface  inéga'e 
que  la  pliq^art  des  lignes  gravées  ont  été  détruites.  On  voit 
encore  dans  le  i)lomb  oxidé,  l'empreinte  d'une  coqudle  ])étririée 
qui  se  trouvait  agrégée  au  calcaire. 

l']n  roulant  le  bloc  suj^érieur,  les  ouvriers  ont  ])u  plier  l-j 
métal  ;  de  là,  l'erreur  de  croire  que  la  plaque  était  roulée  ;  elle  a 
dû,  comme  toutes  clioses  de  ce  genre,  être  placée  dans  une 
cavité  comme  fond,  où  on  avaitfdéposé  le  document  tombé  en 
poussière  et  les  ••  (ju.elques  sous  '  (pie  ces  Iioîinètes  o  .vriersont 
gardés  pour  eux,  sans  doute,  sans  en  connaître  la  valeur. 

Peu  habitué  à  lire  de  telles  inscriptions,  mais  connaissant  la 
piété  des  ])remiers  colons  du  Canada,  j'essayait  de  donner  un 
sens  courant  à  l'inscription  et  je  trriuvai  ([u'on  pcuivait  lire  ceci  : 

Jcsi!  Houiiiimn  Salvaiorc,   Maria   InnuacttlaWi  A/tst'icc. 

fSous  les  auspices  ou  la  i)rotection  de  Jésus,  Sauveur  des 
hommes  et  de   MarieJmmaculée.) 

L'an   1634,  'e 

25  juillet — je -été  plantée 

première  jiar  (wu  pour)  C.  (chirur  )  Ciifart,  Seigneur  de   ce  lieu. 

Jusqu'à  présent  la  chose  se  lit  bien,  1'^  sens  en  est  raisonnable 
et  i)ositif.  .Supposant  le  chirurgien  un  homme  instruit  et  lettré, 
l'inscription  latine  se  complète  d'elle-même.  Mais,  hélas  1  il  y  a 
un  mais,  -la  lettre  C  avant  (lifart  me  trouble  un  peu.  (Jomiue  je 
n'ai  sous  la  main  aucun  volume,  aucune    tradition   du    temps    à 


liSQUISSKS 


285 


consulter,  je  suis  obligé  de    m'en  tenir   aux    coijespondances  de 
journaux,  et  je  trouve  dans  toutes  le  pronom    de  Uobo t  —  cc  qui 


lieu. 

Inable 
lettré , 
lil  y  a 
|iie  je 

liPS 


a 


ne  commence  pas  du  tout  par  un  L  !  Mais  le  C.,  le  mallieunnix 
C,  ne  serait-il  pas  l'initiale  de  Cloutier,  le  charpentii.'r  ou  l'en- 
trepreiieur  avec  lequel  (iifart  avait  tait  un  contrat  à  Mortaigne, 
le  14  mars  1634,  (p;atre  mois  à  peu  prés  avant  la  ]X)se  de  la 
première  jnerre  /  Alors  il  faudrait  lire  :  j'ai  été  ])lantée  jiar 
Cloutier,  (iitart  étant  seigneur  de  ce  lieu. 

Je  m'arrête,  le  souvenir  de  icrtai/îiS  inscrijnions  sur  certain 
/(','.'/  vient  troubler  toutes  ces  belles  s])éculations.  A  tor'-e  de 
vouloir  être  .>-(/:•<?///,  0:1  poin-rait  faire  dire  à  Robert  (lifart  des 
choses  qu'il  n'a  jamais  pensées. 

Si.  aj)rés  tour,  ce  (jifart  n'était  pas  .ui:<a//f,  et  ([u'il  eut  voulu 
dire  ]>ar  1.  IL  S.,  Jésus-Christ,  et  -\J.  1.  A..  Maria  ;  ce  serait 
trop  fort. — J  aimerais  mieux  la  théorie  de  M.  le  Dr  Marsden  cl 
de  M.  liédard.  Mixria,  Joacliiin,  yln/ui.  Le  25  juillet  étant  l:i 
tête  de  saint  Joachini,  il  serait  plus  raisonnable  de  penser  qu'on 
aurait  mis  la  construction  du  premier  manoir  canadien  sous  la 
protection  et  les  auspices  du  saint  du  jour. 

Reste  à  savoir  si  la  Saint  Jacques  se  fêtait  le  25  juillet,  la 
Saint  Joachin  le  26,  en  l'an,  de  Notre  Seigneur  1034 

.ie  laisse  à  d'autres  de  mieux  trouver. 

Quoicpi'il  en   soit,  cette  date   1634  est  un   centenaire  mémo 
rable,  car  c'  est  en  1634  que  Jacques-Cartier  visita  le  gohe  Saint- 
r^aurent  et  c'est  en  1534,  qu  il  remonta  notre  beau  llcuve  jusqu'à 
floch.elaga,  cent  ans  avant  la  in-emiére   concession  sei^rneuriale 
de  lleauport. 

J'ai  l'honneur  d'être, 
onsieur, 

\'()'.re  liumble  serviteur, 

Cte  d'()RS().N'X!:\s 

L'iN'.vruiiTiox  Di;  .MAXoin  ]>K  nr.Ai/rok'i'. 

Carmi  xint  masse  de  vieux  cfocuments  que  je  possède,  concei 
nanc  la  seigneurie  de  j'eauport  et  ses   seigneurs,   j'ai   trouvé  le 
reçu  suivant  : 

"  Je  soussigné,  confesse  avoir  reçu  un  billet  de  cent  cinquante 
livres  de  monsieu  de  Heauport,  pour  ce  qu'il  m'avait  promis 
pour  iaire  sa  bâtisse  de  logi.s  de  Beauport. 

•'  l-'aict  ce  27 ième  juillet  1642. 

•'P.    Cl.U.ST.' 

Cela  donnerait  peut-être  une  explication  des  abréviations 
'''  P.  C".  ''  de  l'inscription  trouvée  dans  les  ruines  du  vieux 
manoir. 

Kn  effet,  il  est  loisible  de  supposer  que  cet  architecte  a  fait  ce 
que  ses  confrères  modernes  font  encore,    et  qu'il  a  gravé  ses  ini- 


286 


LE  MANOIR  DUCHESXAV 


tisles  sur  l'inscription  commémorative  de  la  pose  de  la  première 
pierre /Arw/d'v  (/ans  la  bâtisse  de  Bcauport. 

H.    J.  J.  DUCHESNAV 

La  Bcaiice,  14  avril,  1S81. 

LA  LETTRE  DE  H.  V. 

(  Ar.iîÉ   HospicK   Verreau  ?  ) 
Uuc  relique  historique. 

La  Minerve  a  publié  1  inscription  de  la  plaque  trouvée  à  Beau- 
port  l  'ii.  Journal  de  Québee  l'a  reproduite  aussi  ;  mais  avec  une 
•certaine  différence  I^our  l'étude  des  personnes  éloignées  et  pour 
lutiiité  de  la  science,  il  est  bien  désirable  qu'on  en  prenne  de 
nombreuses  impressions  sur  i)]âtre.  Si  madame  Gugy  accorde  la 
permission  nécessaire,  elle  méritera  certainement  Ja  reconnais- 
sance de  ceux  qui  étudient  n(jtre  histoire. 

Il  ]>araît  que  le  dernier  chiffre  de  I.i  date  se  lit  avec  difficulté. 
Jl  est  toutefois  très  important  de  le  déterminer  avec  toute  la 
précision  possible. 

A  mes  yeux  la  date  du  25  juillet  entraîne  plusieurs  consé- 
quences qui  disparaissent  avec  un  autre  chiffre. 

I.  Le  vingt-cinq  juillet  est  consacré  à  l'apôtre  Saint  Jacques- 
le  Majeur.  Ne  peut-on  pas  traduire  le  second  groupe  triliuére, 
M.  J.  A  ,  par  Majori  Jacobo  Apostolo.  Le  premier  groupe,  si 
connu  d'ailleurs,  étant  latin,  il  est  nature  à  supposer  que  le  second 
l'est  aussi. 

IL  La  fête  de  Suint  Jacques-le-Majeur,  qui  tombait  un  mardi 
en  1634  était  chômée  :  par  coiîsé(]uent  les  travaux  serviles  ont 
dûs  être  suspendus  ce  jour-là. 

III.  Le  même  jour,  25. juillet  1634,  Robert  Giffard  assistait  à 
un  mariage  à  Québec,  ce  qui  peut  expliquer  pourquoi  il  était 
remplacé,  à  Beauport,  par  son  fils  Charles. 

!NIais  la  pose  de  la  pierre  angulaire  d'une  simple  maison,  un 
jour  de  grande  fête,  me  semble  ditîicile  à  explic^uer,  qu'on  veuille 
ou  non  y  faire  intervenir  les  cérémonies  de  la  religion. 

L'expression  :  Je  été  plantée  offre  aussi  une  difficullé.  A  cette 
épo(pie  ou  faisait  de  noml)rcuscs  fautes  d"orthogr,i;)lic.  mais  ou 
avait  presque  toujours  le  mot  ])ri)jirc. 

Il  est  bien  vrai  qu'en  termes  d'architecture,  on    disait    :'ianter 
un  édifiée  \iO\\x\assL0!r  sur  la    maçonnerie   de  ses  fondements  . ■ 
mais  je  ne  sache  jias  (^u'on  ait  dit  : //i?,7/('r  les    pierres    des    fon 
déments. 

Celte  pla([ue  n'aurait-elle  i)as  été  destinée  à  une  cioix  plantée 
à  l'endroit  que  Giffard  voulait  défricher  ? 

11  est  d'autant  plus  naturel  qu'il  ait  commencé  ses  travaux  par 

cet  acte  de  foi  qu'iJ  devait  songer  de  faire  bâtir  une   église    prés 

•d'         'Mneure    Dans  cette  supposition,  on  s'explique  facilement 


ESQUISSES 


287 


:c;tc 
011 

[///('/■ 

\fi/s  ; 

ïon 

Intce 


-que  la  croix  ait  été  plantée  un  jour  de  fête  solennelle,  où  tout  le 
monde,  surtout  à  cette  époque,  devait  vaquer  à  ses  devoirs  reli- 
gieux. Je  vois  dans  les  Archives  de  Beauport,  par  Monseigneur 
Langevin,  que  la  maison  deGiffard,  d'après  M.  Ferland,  devait 
être  plus  pi  es  de  la  petite  rivière  que  le  manoir  actuel. 

C.  Giffiird,  qui  est  désigné  comme  seigneur  de  Beauport,  est 
le  fils  de  Robert.  Il  était  né  en  France  et  devait  être  encore 
assez  jeune.  C'est  de  lui  que  parle  le /(^z/rz/ti-/  des  Jésuites  en 
disant  que  le  fils  de  M.  Giffiird  passa  en  France,  en  1646,  avec 
plusieurs  jeunes  gens  "tous  fripons  pour  la  plupart  qui  avaient 
fait  miWe  pièces  à  l'autre  voyage,  et  on  donnait  à  tous  de  grands 
appointements." 

Ce  28  octobre,  il  était  parram  et  il  s'embarquait  le  31. 

Il  n'est  plus  question  do  lui  après  cette  date,  soit  qu'il  ait 
renoncé  au  Canada,  soit  qu'il  ait  j^éri  pi'ématurément.  Le  père 
reprit  sa  seigneurie  de  Beauport  qu'il  fit  agrandir  le  mieux 
qu'il  put. 

r.  S — En  écrivant  ce  qui  précède,  j'étais  un  jieu  pressé; 
j'aurais  dû  remarquer  cependant  que,  sous  la  lettre  C,  les  lec- 
teurs ne  pouvaient  deviner  le  prénom  du  jeune  seigneur  de 
Beauport.  Il  s'appelait  Charles^  et  devait  être  né  en  France, 
comme  sa  sœur  Marie.,  qui  devint  Madame  de  la  Ferlé. 

Dans  l'intérêt  de  nos  lecteurs,  je  ferai  remarquer  que  le  Dic- 
tionnaire GénéalogiQUc  renferme  à  l'article  Giffako,  certaines 
erreurs.  Ainsi  Françoise  qui  commence  l'article  est  la  môme  que 
Marie  Françoise  qui  la  termine  :  elle  se  fit  religieuse  à  riiùlel 
Dieu,  h'époviiie  de/ean/nc/iereau  de  /a  Fertè  fut  Marie,  née 
en  France,  puisque  son  contrat  de  Mariage,  en  1645,  la  dit  "âgée 
de  17  ans  environ,"  ce  qui  reporte  sa  naissance  vers  1628, 
Charles  assiste  et  signe  au  contrat.  Ce  n'est  pas  Robert  Gijfurd  \ 
mais  son  i\\%  Joseph.,  dont  le  corps  fut  transporlé  à  la  cathédrale, 
le  13  décembre  1705." 


*  * 
* 


Le  manoir  de  Beauport,  après  être  reste  pendant  près 
de  deux  siècles  en  la  possession  de  la  famille  Duchcsnay, 
passa  au  col.  B.  C.  A.  Gug\-,  il  y  a  trente  ans  et  plus.  T.c 
colonel  s')'  bâtit  to>it  auprès  une  demeure  plu-^  moderne  ;  il 
a  acquis  des  héritiers  de  Salaberry,  le  domaine  adjacent. 
La  propriété  est  tnaintenant  ^occupée  par  daine  \'euve 
Gutrv  et  son  'jondrc  M.  II.  Rv'and. 


par 
■près 
lient 


w 


HALDIMAND-HOUSE,  Montmorency 


Au  nombre  (.\c~,  s[)L'Ctac!es  ^n'andiosos  que  la  nature  a 
senics  si  libéralement,  autour  de  notre  ville,  nommons  en 
premier  lieu  la  chute  de  Montmorenc)' — ijui  borne  à  l'est 
la 'florissante  paroisse  de  Bcau[)ort,  à  sept  milles  de  Québec 

Dans  un  évasement  ou  bissin  creusé  dans  la  rive  nord 
du  St-Laurent,  la  fameuse  cascade  tombe  avec  fracas, 
d'une  liautcur  qui  vous  donne  îe  vertige.  Sa  blanche  écume 
irriséc  des  rayons  solaires,  vue  du  ileuvc,  vous  fait  l'etTet 
d'un  colossal  rideau  de  satin  blanc  ou  bien  encore,  d'un 
fleuve  de  k^'!,  eu  ébullition,  d'où  lui  est  venu  le  nom  popu- 
laire La  l'iic/h',  bicii  longtemps  après  le  nom  historique 
qui  rappelle  un  éminent  prélat,  Laval  de  Montmorency, 
et  u)\  Vice-Roi  distingué.  Le  volume  îles  eaux  tombantes 
est  moindre,  il  est  vrai,  que  celui  de  la  cataracte  de  Niagara, 
mais  l'onde  impétueuse  se  précipite  de  bien  plus  haut  ; 
l'élévation  est  de  deux  cent  cinquante  et  un  pieds, — deux 
cent     cinquante     pieds    d'après     noitcJicttc  s    Tûpography. 

[^   j  ->  (  t 

i  ,  _j — f. 

Notre  cascade,  si  majestueuse,  si  pittoresque  en  été 
f^uand  i'arc-en-ciel  il!un''.ine  ses  bouillons,  sait  varier  ses 
,is5)ects  seloTi  les  .^ai-ous.  Aux  sombres  jours  d  ?  l'hiver 
une  montagne,  ou  cône  glacé,  créée  par  le  revolin  des 
eaux,  [)résente  à  sa  cime  ime  glissade,  où  la  descente  se 
fait  avec  une  rapidité  vertigineuse  ;  quelcjues  fois,  ^on 
intérieure  se  transforme,  sous  'a  main,  de  l'homme,  en  un 
vaste  et  fééricjue  palais,  où  tout  est  de  glace  :  parquet, 
sièges,  can;ipés,  girondoles,  tables  mêmes,  tout  excepté  les 
,orbets  et  les  friandises  appétissantes  que  l'on  y  sert  mo}'en- 
iiant  ilnai^.ce. 

Ça  rappelle,  ce  palais  de  glace  érigé,  en  17S7,  par  cette 
astucieuse  et  cruelle  czarine  de  Russie,  Catherine  c^ue 
Carlyle  surnomma  "un  Louis  quatorze  en  jupons"   et  que 


été 

SCS 

ivcr 
des 


se 


ron 

un 

luet, 


les 


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Ictte 


lue 


Ique 


ESQUISSES  289 

ces  admirateurs  en  France  nommèrent  "La  Simiramis  :ki 

nord." 

Le   poète   anglais   Cowper   décrit   comme    suit     cette. 

merveille. 

"Silently  lis  a  ilroam  the  fabric  rose  ; 

ice  upon  ice,  the  wuU-udjustud  partg. 

Lamps  pracofuUy  disposée!,  aiul  of  ail  kuei, 

Illumine  everj-  siilo 

So  atood  thu  liright  prodi^ty 

Mirror  ncoded  none 

Wlicra  nll  waa  vitrcous  ;  but  in  ordor  due 

Convivial  table  and  commodious  Beat. 

Sofa,  and  couch,  and  high-built-throne  august. 

a  ecene 

(tf  pvnnescont  glory,  once  a  stream, 
And  Boon  to  glido  into  a  Btream  again." 

(Th$  TjilK-Book  V.  1»7). 

Madame  H.  C.  Romanofif,  dans  ses  vers,  dépeint  un 
palais  de  glace  où  une  czarine  de  Russie,  mère  de  Pierre-le- 
Grand,  qui  monta  sur  le  trône  vers  1730,  avait  fait  prépa- 
rer la  couche  nuptiale  de  l'infortuné  prince  Michel  Gal- 
litzin,  en  punition  d'avoir  quitté  l'église  grecque  pour 
l'église  latine. 

Le  site,  si  favorisé  de  la  nature,  se  recommande  aussi  à 
l'antiquaire  et  à  l'historien,  par  les  traces,  les  monuments, 
la  mémoire  des  luttes  héroïques  du  passé. 

Sur  les  rives  est  et  ouest  de  la  chute,  en  juillet  1759, 
étaient  campés  en  regard  les  escadrons  des  deux  fières 
nations,  qui  après  s'être  mesurées  en  un  duel  mémorable, 
sur  la  plage  de  Beauport,  au  bas  de  la  falaise,  le  31  juillet 
de  cette  année-là,  devaient,  cinq  semaines  plus  tard,  sur  les 
plaines  d'Abraham,  régler  le  sort  de  tout  un  continent. 

Le  sol  est  en  effet  fertile  en  grands  souvenirs.  Plusieurs 
des  hommes  les  plus  marquants  de  nos  annales,  à  diverses 
reprises,  l'ont  foulée  cette  verdoyante  côte  de  Beaupré  : 
Jacques- Cartier,  Champlain,  Giffard,  Laval,  Ste-IIélèac, 
Juchercau  Duchesnay,  l'hips,  Arnold,  Wolfe,  Montcalm 
Lévîs,  Bougainville,  de  Vaudreuil,  Murray,  Cook,  le 
Prince  Edouard,  les  généraux  américains,  Chandler,  Win- 
chester, prisonniers  de  guerre  en  18 14,  les  DeSalaberry  : 
sans  compter  les  ducs,  comtes  et  marquis,  gouverneurs 
du  pays  sous   les   deux    régimes. 

19 


■m 


II 


K    ' 


l'^ïî 


290 


HALDIMAND   IIOUSE 


Kn  examinant  les  deux  rives  du  Montmorency,  hérissées 
pendant  le  grand  siège  des  tentes  blanches  des  régiments 
Royal-Roussillon,  de  LaSarre,  de  Guienne,  etc.,  et,  sur  la 
pointe  de  l'Ange-Gardien,  des  bivouacs  des  farouches 
^lontagnards  d'Ecosse,  etc.,  on  trouve  des  éclats  d'obus, 
de  inortiers,  des  boulets  rongés  d'une  rouille  centenaire 
etc.,  cotnine  au  temps  de  Virgile  : 

"l'n  jiiMi'  11'  lulimiivnr  il.uis  01'»  m^iii  ■«  siiUiUi 
Où  (loninMit  li'9  ili'liris  di'  tant  ilr  biitiiilloiis. 
lli'iiiiiint  iivco  If  Hiip  li'iir  aiilHiiic  (li''iiiiiiilli'. 
'l'i'inivi'ra  sons  so«  pas  (loj  il.inU  roiiiîos  ilr  i-ouill  ■  ' 

Sé'.luit  par  le  ciiarmc  de  cet  âpre  paysage,  vSir  l-'rccleric 
Ilaldimand,  gouverneur  de  cette  colonie,  en  1779,  s'}- était 
érigé  une  villa,  dont  le  pavillon  surplombait  la  chute  même. 

Les  mémoires  de  la  baronne  de  Riedessel  |  i]  récennnent 
H\rcs  à  la  publicité,  nous  en  donne  une  intéressante  des- 
cription, lors  de  sa  \'isite  en  17S2.  La  pai'olc  est  à  cette 
belle  et  noble  dame  : 

"Nous  passâmes  fort  agréablement  plusieurs  semaines  à 

Québec,  pendant  l'été  de  17S2  [de  retour  de  Ncw-'S'ork'.  j 

"Le  général  llaldimanci  s'était  construit  une  maison  au 


(I)   i'i'.'ili'i  ika  vnii  TiLis-ow,  iilu';  taril  liarou'-io  <1  '  IUoiIimspI,  naiinit   on   All'.iiiii;ii:\   cii 
174ii.  S  m  |i'iv  OL'iiipait  sous  l''!-.'MlrTic   IL    >iu   jioati'    iiiilitaire   ('■K'V.''.  li:i    l'i'OUtliiiLv'    lui 
avait  l'ait  ili/!i  d'uiu' iioiabiTiisi!  fuiiiilh'.  A  TàsTo  do   K!    ans,   t-u    ITiJl,    sa   lillo,    la   l);"llt> 
vipruc  Alli'iiiaiidi?  aux  youx  lili'us,  aux   diri'S  (Us   inôinoii'os,    riiousa   ^t.    Kii'dos^scl,    un 
lii'illarJ  iiiilitaiiv  attaclu''  à  nu  ivtrimi'Ut  de  l'aiitassins.  Kn  177(1,  le  capitiiiiiiMl','  liicd^'.ssi'l 
l'ut  cliaiui'  du  conmiandiMncnt  du  fontiu'ji'i'.t  niilitair,?  du  1,01)0  lioiunies,   formant  partie 
des  lii,7ni  fournis  à  l'An^dotorro  d'aiirOs  li'S  triiitos,  liors  d'un  corps  do  froupos  do  'io,00l) 
lioninii.-i  promis  jiar  los  petits  Ktata  do  rAlloniatïno,  pour  aidor  la   K>"aiulo   ]!rota«no  i'V 
mettre  à  la  raison  SOS  iiir)\iiioos  rovoltoos  do   l'Am^Ticiue  :  do  e''tto   lutte  prolongée   et 
fratiioiilo  n:niuit,  en  IT^-I,  rL'iiion  Aniérieaino,  en  vertu  du  traite   sijîué   il  cet    otlot   par 
l'opiniatro,  lii'ii  ijin^  délM)niiaire,(loortro  III.  Le  baron  do  iviedossel  mettait  pied  ;\   terr,> 
avec  ses  troupiers,  à  (^luéb.'c.  h'  ^juin  177il  ;   sa  jeune  l'^pouso  et  sa  tondre  famille,  au  lieu 
de  le  rejoindre,  par  suite  d'événements  ineoiitnMalilos,  ne  )mt  faire  le  trajet  que  le   jiriii- 
temp:<  suivani,  au  jrvaml  rotrrot  do  M.  le  ban.n  et  di'  madano'  la  baronne  :  le  11  juin  1T7V. 
elle  débaniuait  à  (iuél)"0,  do   la   l'iévato   niv-laiso    lUttiiiU-,    spéciali'nient   cbi'.ruéo   de   1  i 
l'aire  i'."-s.M- '11  Amoriipio,  i)our  rejoindre  son  époux  eliéri    et    diurii-   d'   Tétro.     Hàtons- 
iious  d    suixie  rieToiiiue  épiniso,  trainaut  à  sa  suite  trois  enfants  ou  bas  àî^o,    à  ti'avors 
les  m.llo  (bumers.  1  os  scènes  de.  earna'j'.',  les  borp'urs  do  la  faim  et  d"  la  fatijfuo  (|i!i  l'at- 
tendaient pendant  cotîe  terrilde  lutli'.  ofi  son  inélu'iinla'olo  cimra'.^e,  sa  doiua'ur,  les  char- 
mes lie  son  esprit  et  sa  ravissante  îiyiire  lui  iiréparaiont  des  aventures  presiiii'ineroyable?. 
Jl  faut  Lire  et  ivlire  ses  lettris  .alïeutuousi  s  écriti>-;  dans  la  solitude  de  latente,  rp.iel'i'.ios 
fois  sur  le  eliamp  il'  bataille,  i^l  des  personnes  i|ui  lui  étaient  elu'res,  par   delà    les   nier?, 
pour  conipiindr'"  eo  i|iio  le  oioiir  d'une  mère  jiout  eimtonir  d'ai-imes   ib'    tendresse,   au-«i 
bien  que  po'ir  aibnirer  les  insondables  secrets,  l.'.  iiKiin  secourablo   do   la   Providence,  an 
seiii    dos   i;raiulos   calamités  liumaiiies.    Comme  fi  mme,  comme  éi)ouso,  comme  m'''ro, 
niad'inie  de  Kied ossol  a  droit  i\  une  place  distini;uée  parmi  les  femmes  fortes  et  pures  du 
»iècle  011  elle  vécut. 

Honorée  dos  souverains  d'Anij:letoriv  autant  ipio  dos   pr'ncos   allemaiuls,   chérie  do  -ia 
faiiiille,  elle  terminait  i\  lierlin.uno  liuicriio  ot  brillante  carrière,  on  I^HH,  ii  ràjre  do  02  ans. 


ESQUISSES 


291, 


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iin>re, 
nos  du 

d'2  sa 
\'-2  ans. 


haut  de  la  rive,  laquelle  structure,  il  nomma  "Montmo- 
rency House,"  d'après  la  célèbre  chute  voisine  qui  porte 
ce  nom. 

"Il  nous  y  mena  [le  général  et  moi]. 

"C'était  sa  marotte  ;  pour  sûr,  le  site  en  était  incompa- 
rable. Cette  fameuse  cataracte  de  Alontmorenc)'  s'élance 
d'une  hauteur  de  cent  soixante  trois  pieds  avec  un  bruit 
effroyable — à  travers  une  .çorge  taillée  entre  deux  préci- 
pices. Juste  au  moment  où  le  général  nous  indiquait  ce 
magnifique  spectacle,  je  ri-quai  par  hasard  la  remarque 
qu'un  belvédère,  érigé  au  dessus  de  la  chute  même,  ferait 
un  effet  splcndide. 

"Trois  semaines  plu^  tard,  il  nous  conduisit  une  seconde 
fois  à  la  chute.  Nous  eûmes  à  gravir  un  sentier  fort  à 
pic  ;  nous  franchîmes  des  rochers  escarpés,  reliés  par 
des  petits  ponts  suspendus,  comme  l'on  en  voit  dans  les 
jardins  chinois.  Une  fois  au  haut,  il  me  tendit  la  main 
pour  m'aider  à  pénétrer  dans  un  réduit  aérien  qui  surplom- 
bait la  cataracte  même,  li  s'extasiait  de  mon  courage,  je 
m'y  étais  hazardée  sans  hésiter  un  instant. 

"Avec  un  guide  aussi  sûr  que  vous,  lui  dis-je,  je  n'ai  pas 
éprouvé  un  moment  d'alarme.  Puis  il  nous  fit  voir  comment 
le  pavillon  adhérait  au  précipice  :  il  tenait  à  la  rive  même 
par  huit  fortes  poutres  tendues  au  dessus  de  la  cataracte. 
Elles  étaient  fermes  pour  un  tiers- de  leur  longueur  dans  le 
roc  même  :  le  pavillon  reposait  sur  ces  poutres.  On  y  con- 
templait un  point  de  vue  plein  de  majesté,  mais  aussi  plein 
d'effroi.  Le  fracas  des  eaux  tombantes  était  ^i  assourdis- 
sant, que  l'on  n'y  pouvait  tenir  que  qucl(-[ue.-i  instants. 

"En  aval  de  la  chute,  le-  jjcchcur>  prL-nncnt  de  beilfs 
truites  ;  mais  en  une  certaine  occasion,  il  en  coûta  laA'ieà 
un  militaire  anglais.  Pour  atterrir  le  poisson,  il  se  vit  con- 
traint de  sauter  d'une  roche  \  l'autre  ;  son  pied  glissa  et 
l'onde  l'engloutit  :  on  ne  trouva  au  bas  que  quelques 
membres  épars  et  meurtris  seulement." 


* 
*  * 


»92 


HALDIMAND   HOUSE 


Voici  pour  Haldimand  House  un  maître  nouveau,  d'une 
illustre  lignée  celui-là.  Il  en  fera  ses  délices  chique  été,  de 
1791  à  1794 

Jeudi,  le  11  août  1791,  grande  commotion  chez  cet 
important  élément  de  notre  population,  le  monde  officiel, 
aussi  bien  que  dans  les  rangs  dcsfashionables.  Deux  vais- 
seaux de  guerre  anglais,  V  Ulysses  et  la  Resolution  jetaient 
l'ancre  sous  nos  bastions,  ayant  à  leur  bord,  après  une 
traversée  de  sept  semaines  de  Gibraltar,  le  7e  régiment  de 
VdiX\t^ss\ns,  Royal  Fnsilcers,  comm2Lndé  ^2ir  le  quatrième 
fils  du  roi  de  la  Grande  Bretagne,  Edward,  Duc  de  Kent, 
le  futur  père  de  notre  reine. 

C'était  un  athlétique  gaillard  de  vingt-cinq  ans,  plein 
de  santé  et  de  bravoure.  L'aménité  de  son  caractère,  ses 
manières  courtoises,  sa  verte  jeunesse  le  rendirent  bientôt 
le  toutou  du  beau  sexe  de  tous  les  degrés.  A  l'exception 
de  son  frère,  le  Duc  de  Clarence,  plus  tard  Guillaume  IV 
et  qui  ne  fit  que  passer  en  1787,  jamais  Québec  n'avait 
été  honoré  de  la  présence  d'un  prince  du  sang.  Milord 
Dorchester,  qui  devait  sous  peu  faire  voile  pour  l'Angle- 
terre, se  hâta  d'annoncer  un  grand  lever  officiel  au  château 
Saint-Louis,  pour  souhaitef  la  bienvenue  au  fils  de  son  roi. 

Serait-il  possible  de  restaurer  le  monde  officiel,  les  noms 
des  hauts  dignitaires,  des  membres  de  la  noblesse  qui  à  ce 
mémorable  lever  du  12  aïoût  1791— firent  acte  de  pré- 
sence, à  l'invitation  d'un  gouverneur  aussi  chéri  que  l'était 
Milord  Dorchester  ?  Essayons. 

Voici,  a  la  droite  de  Son  Excellence,  !e  Lt.  Gouverneur, 
le  général  Alured  Clarke,  auquel  il  doit  sous  peu  remettre 
les  rênes  de  l'administration  pendant  son  absence  :  puis 
des  juges,  des  Conseillers  Législatifs  en  robe,  en  jabot, 
avec  queue,  ample  perruque,  poudrés  à  blanc  par  le  perru- 
quier fashionable  M.  Jean  Laforme  ;  d'abord  le  savant 
juge  en  chef  l'hon.  William  Smith  ;  le  juge  Mabane,  grave 
et  préoccupé  comme  à  l'ordinaire  ;  le  Secrétaire  Provincial, 
Pownall  ;  les  hon.  MM.   Finlay,    Dunn  Harrison,  Collins, 


ESQUISSES 


293 


Caldwell,  MM.  Lymburner,  Haie  ;  puis,  des  noms  connus  à 
l'armée,  dans  la  robe,  au  forum  ;  quelques-uns  inscrit-j  en 
grosses  lettres,  sur  des  parchemins  aux  armes  de  la  France  : 
de  Longueuil,  Haby,  de  Bonne,  Duchesnay,  Dunières, 
Gueroult,  de  Lotbinière,  de  St-Ours,  Dambour^ès,  de 
Rocheblave,  de  Rouville,  de  Houcherville,  Lecompte  Du- 
pré,  de  liellestre,  de  Tonnancourt,  Panet,  de  Salaberry. 

Je  vous  entends  vous  écrier:  "  Ces  braves  gens  y  étaient- 
ils  tous  à  ce  lever  ?  " 

Je  ne  le  jurerai  pas  :  comme  loyaux  sujets,  autant 
qu'en  leur  qualité  de  grands  dignitaires,  ils  devaient  s'y 
trouver,  s'il  étaient  à  Québec  ;  tel  le  voulait  l'usage. 

L'après-midi  il  y  eut,  pour  les  dames,  réception  au  châ- 
teau, miis  avec  moindre  entrain.  La  renommée  aux  cent 
bouches  répétait  que  la  belle  jeune  femme  que  le  Duc  de 
Kent  avait  amenée  avec  lui  de  Gibraltar  n'était  pas 
Duchesse  :  Alphonsine  Thérèse  Bernadine  Julie  de  Mont- 
genet  de  Saint  Laurent,  Baronne  de  Fortisson  ; — feu  M. 
Fortisson  paraît  avoir  été  colonel  dans   l'armée  française. 

Une  dame  portant  un  nom  illustre  et  que  je  nommerais 
si  cela  n'était  pas  indiscret,  fit  la  moue  :  "  elle  n'irait  pas 
au  château  de  crainte  d'être  présentée  à  Mme  de  St-Lau- 
rent  "  laquelle  pourtant  ne  fut  pas  présente  à  la  réception. 

La  séduisante  française  vécut  vingt-huit  ans  avec  le 
Prince  Edouard.  Désabusée  des  grandeurs  de  ce  monde, 
elle  s'arrachait,  en  18 18,  aux  charmes  d'une  union  morga- 
natique pour  redemander  à  la  solitude  du  cloître  l'oubli  du 

passé 

* 
*  * 

Le  célèbre  voyageur  Isaac  Weld  nous  peint  en  aoiît 
1796  la  villa  Haldimand,  à  peu  près  sous  les  mêmes  traits 
que  la  Baronne  de  Riedessel   le  fit,  en  1782. 

La  majeure  partie  de  Haldimand  House  subsiste 
comme  le  Prince  Edouord  la  laissa  :  on  y  voit  encore 
son  cabinet  de  travail,  une  couchette  et  nne  table  en  noyer 
qui  lui  appartinrent. 


294 


HALDIMAND   HOUSE 


M.  l'atterson,  .seigneur  de  Hcauport  et  propriétaire 
des  grands  moulins  et  usines  qui  l'avoisinent,  en  fit  l'ac- 
quisition vers  1 815,  et  y  vécut  nombre  d'années. 

Son  gendre  M.  George  Eenson  Hall  lui  succéda  ;  Haldi- 
mand  Ilouse,  meublé  avec  luxe,  entouré  d'un  parterre 
de  fleurs,  et  de  gazon  est  maintenant  occupée  par  M. 
Patterson  Hall,  le  fils  aine  de  M.  George  Iknron  Hall, 
l'ancien  propriétaire. 


MONTMORENCY  COTTAGE,  Beauporl 


A  q\u;lquc.s  acres  en  aval  d'IIaldiniancl  Ilcnise,  au  Sault 
Montmorency,  et  tout  près  du  bord  de  la  chute  même,  M. 
l'cter  l'atterson,  (natif  de  Whitb>-,  Angleterre,'  établi  à 
Québec,  veis  1790,  et  possesseur  des  vastes  scierie'^  au  bas), 
y  érigeait,  vers  le  commencement  du  siècle,  un  corps  de 
logis  pour  le  gérant  de  ses  moulins. 

M.  George  lîenson  Hall,  son  homme  de  confiance  et 
plus  tard  son  gendre,  occupa  nombre  d'années  cette  loge, 
avant  son  installation  au  manoir  principal.  . 

Agrandie  et  améliorée,  la  loge  devint  bientôt  une  pitto- 
rc.sciue  villa  :  elle  se  dresse  si  près  de  la  mugisante  cata- 
racte, (pic  le  vent  du  nord-est  porte  le  revolin  tles  cp.ux 
jusque  sur  sa  toiture,  tandis  que  le  _^/(is-as  perpétuel  et 
assourdissant  de  l'eau  tourbillonnante,  assoupit  les 
sens  :  il  est  difficile  tle  s'y  soustraire  à  l'inlluence  des  pavots 
de  Morphtie.  IJes  escaliers,  liauts  et  roides  conduisent  aux 
belvédères    <pii   surplombent  la  chute. 

En  avant  de  la  résidence  et  courant  en  une  pciitc 
douce  jusqu'aux  bords  escarpés  du  cap,  il  règne  un  ga/.on 
velouté,  encairant  un  délicieux  jardinet,  bien  rempli  de 
fleurs,  avec  bordure  en  pâquerettes  roses.  Le  parterre  vous 
plaira,  j'en  suis  sûr:  une  mosaïque  de  giroflées,  de  pel.irgo- 
r.iums,  de  balsamines,  roses,  veinées,  panachées,  blanches  ; 
de  tlox  écarlate,  d'agérates  bleu-claire,  de  lobélies  blancs, 
bleu-foncé  ;  de  dahlias  pourpres,  roux,  souff're  ;  de  lavetide 
musquée,  de  pourpier  multicolore,  de  salpiglossis  variés. 

Près  de  la  piazze,  une  rangée  de  soleils  éclatants,  (l'hé- 
liante)  hommage  à  Oscar  Wilde,  proclament  la  nouvelle 
école  esthétique. 

Même  à  la  morte  saison,  la  villa  n'est    pas   sans   fleurs, 


296 


MONTMORENXV  COTTAGE 


sans  parfums,  grâce  à  un  petit  jardin  d'hiver,  chauffé  à    la 
vapeur,  dont  l'appareil  est  dans  la  demeure  même. 

Ce  champêtre  réduit,  c'est  la  résidence  de  celle  des 
filles  de  M.  Hall,  qui  épousa  M.  Herbert  M.  Price. 

En  parlant  de  Haldîmand  House,  j'ai  dit  que  l'endroit 
abondait  en  traces  et  en  souvenirs  du  grand  siège  :  toute 
celte  région  de  la  côte  de  Beaupré  ayant  été  pendant  deux 
mois  le  théâtre  de  la  lutte  acharnée  et  des  passes-d'armes 
journalières,  entre  les  troupes  françaises  et  anglaises. 

Si  jamais  la  fantaisie  vous  prend  de  vous  renseigner 
minutieusement  sur  les  incidents  militaires  qui  se  passèrent 
en  ce  local,  vous  ne  sauriez  trouver  un  cicérone  plus 
versé,  plus  compétent  que  notre  ami  M.  Herbert  Price, 
zélé  membre  de  la  Socictc  Littéraire  et  Historique.  M.  Price 
a  fait  une  étude  toute  spéciale  des  opérations  de 
Wolfe  et  de  Montcalm,  pendant  l'été  de  1759.  Il  a 
réussi  à  collectionner  une  foule  de  relations  du  grand 
siège — des  cartes  et  mémoires  des  officiers  qui  y  ont  pris 
part, — des  gravures  et  tableaux  des  flottes  anglaises  à  cette 
inti-ressante  époque  ;  il  est  en  voie  de  s'ériger  un  petit 
musée  pour  héberger  tous  ses  trésors — ses  antiquailles  : 
vieux  canons,  anciens  fusils,  obus,  boulets,  sabres,  bayon- 
nettes  rongées  de  rouille,  éclats  de  bombes,  calumets,  dards 
de  flèches  indiennes,  couteaux  de  poche,  ces  curieux  cou- 
teaux à  gaîne  du  siècle  dernier.  Tout  récemment  il  faisait 
l'acquisition  d  une  antique  pièce  de  24 — où  la  rouille  a 
gravé  de  profondes  rides  ;  un  des  canons  repêchés  au  Cap 
/j/7//t-' vis-à-vis  l'Ile  aux  Grues  au  nord,  par  le  capitaine 
Antonin  Lavoie,  de  l'Ile  en  question — à  l'endroit  où  VEle- 
p/uvit,  frégate  française,  sombrait,  le  ler  septembre  1729. 
Ce  vaisseau  commandé  par  le  Comte  de  Vaudreuil,  portait 
entr'autres  personnes  marquantes  :  Monseigneur  Dosquet, 
évêque  de  Samos,  l'Intendant  Hocquart  ;  tous  y  faillirent 
perdre  la  vie. 

M.  Price,  au  moyen  des  anciennes  vues  prises  du   tillac 
des  frégates  anglaises — par  les  capitaines  Short  et  Smyth 


ESQUISSES 


297 


la 


€n  1759 — au  moyen  des  cartes  et  des  relations  du  siège, 
et  en  feuilletant  le  journal  si  détaillé  du  capitaine  John 
Knox,  de  l'officier  du  génie  MacKellar,  mais  surtout  par 
un  examen  minutieux  du  site  des  deux  camps  à  Beauport 
et  à  l'Ange-Gardien  pendant  leurs  opérations  depuis  le  9 
juillet  au  2  septembre  1/59,  vous  fait  comme  toucher  du 
doigt,  chaque  progrès,  chaque  reculade  des  deux  géné- 
raux. 

Les  deux  incidents  les  plus  marquants  de  l'occupation 
militaire  de  cette  région  sont  :  l'embuscade  meu'-trière  des 
sauvages  sous  de  Langlade,  au  gué  d'en  haut,  sur  le  Mont- 
morency, le  25  juillet,  et  le  combat  si  désastreux  pour 
Wolfc,  au  gué  d'en  bas,  sur  le  fleuve  St- Laurent,  le  31 
juillet,  i759- 

Un  nom  doit  surnager  à  la  suite  des  événements  du  25 
juillet  de  cette  année  là,  un  nom  auquel  l'histoire  aura  à  ren- 
dre une  justice  tardive  :  celui  du  vaillant  Charles  de  Lan- 
glade, le  héros  de  Montmorency  en  1759,  comme  il  l'avait 
été  de  la  bataille  de  Monongahcla,  le  9  juillet  1755,  à  la 
défaite  de  Braddock. 

Charles  de  Langlade,  intrépide  chef  et  ami  des  Peaux- 
Rouges,  si  renommé  pour  ses  exploits  dans  \di  petite  ^tcyrc, 
(i)  semble  avoir  été  un  peu  de  l'école  de  Hertel  de  Rou- 
ville,  avec  la  vigueur  physique  qui  distingua  Luc  de  la 
Corne  St-Luc. 

Né  en  1729,  à  Michellimakinac,  il  terminait  sa  carrière 
aventureuse  en  1800,  après  avoir  échappé  aux  hasards  de 
quatre-vingt-dix-neuf  combats  et  escarmouches,  dit  son 
biographe  Tassé.  Comme  la  Corne,  lorsque  sa  patrie  subit 
ses  nouveaux  maîtres,  il  accepta  loyalement  la  situation, 
€t  se  montra  un  sujet  fidèle  et  dévoué  de  George  IIL 


(1)  Di'GiTe,  l'iiii  des  comiiagnoiia  ik'  I/aii«lii(i  ■,  aftiime  quo  personne  uo  savait  mon- 
trer plus  (le  sang-froid  que  lui  sur  un  ehanip  de  hatuille.  Il  semblait  se  comi)laire  au 
milieu  du  elinuetis  des  armes  et  des  cris  des  eomtiattants.  Il  raeonto  qu'un  jour  des 
décharges  trop  rapides  ayant  6clmulTé  son  fusil  nu  point  de  ne  pous'oir  s'en  servir  pen- 
dant quelques  instants,  il  tira  sa  pipe  de  sa  poche,  la  remplit  de  tabac,  battit  le  bri(iuet, 
j)uis  l'alluma,  paraissant  aussi  calme  au  milieu  de  la  canonnade  et  du  sifflement  des 
}>alles,  qui)  s'il  ertt  été  tranquillement  assis  ,iu  feu  du  bivouac. 

(LcH  CiinatUins  lie  l'OiU'st,   Tnini:  T,  Tusse.) 


ww 


il 


igS 


M  ONTMOR KNC V  COTTAG E 


Le  17  août  dernier,  accompagné  de  M.  Price,  j'allai  exa- 
miner lei  Sûùhs  et  le  gué  de  la  rivière  Montmorency,  à 
deux  milles  plus  haut  que  la  chiite,  où  il  y  a  maintenant 
un  moulin  à  scier  le  bois,  appartenant  au  séminaire  de 
Québec. 

^\près  avoir  lu  et  comparé  les  relations  de  Knox,  de 
MacKellar,  du  journal  de  Jean  Claude  Panet,  sur- 
tout celui  du  Chevalier  Johnstone,  il  nous  fut  facile  de 
suivre  dans  les  bois,  le  sentier  par  où  Wolfe  avait  lance 
ses  2,000  soldats  pour  traverser  le  gué  et  prendre  en  flanc, 
le  camp  français  retranché  sur  les  hauteurs  de  lîeauport. 
Le  Montmorency  à  cet  endroit  est  large  d'à  peu  près  1 50 
pas  ;  la  rive  ouest,  au  gué,  garnie  de  retranchements  en 
terre,  dont  on  voit  sensiblement  les  restes,  domine  la  rive 
opposée  d'une  vingtaine  de  pieds  ;  de  cette  élévation  et 
protégé  par  ses  retranchements,  il  eût  été  facile  à  Lévis, 
de  foudroyer  le  détachement  anglais  campé  à  ses  pieds 
sur  la  rive  est,  tandis  que  les  Indiens  de  Langlade,  perdus 
sous  un  épais  rideau  de  la  forêt,  l'eussent  pris  en  revers. 
Langlade  était  si  convaincu  du  résultat  de  son  hardi  projet, 
qu'il  fit  deux  visites  au  camp  de  Lévis,  à  la  chute,  deux  mil- 
les plus  bas,  redoublant  d'iftstance,mais  en  vain  pour  obtenir 
de  Levis  un  ordre  ou  lettre  écrite,  autorisant  M.  de  Repen- 
tigny  à  traverser  le  gué,  à  la  tête  de  ses  1 100  canadiens, 
stationnés  à  ce  lieu,  pour  donner  main  forte  aux  sauvages. 
Ils  demeurèrent,  comme  dit  une  relation,  embusqués 
"ventre-à-terre"  pendant  cinq  heures,  dans  les  bois,  inaper- 
çus des  anglais  ;  et  i)erdant  enfin  patience  et  sans  attendre 
d'autres  secours,  ils  firent  feu  sur  l'ennemi — lui  tuant  et 
blessant  de  cent  à  cent  cinquante  hommes — ne  perdant 
que  deux  des  leurs. 

En  examinant  la  configurarion  du  sol,  les  accidents  du 
terrain,  la  protection  que  la  lorêt  environnante  offrait  aux 
Peaux- Rouges,  pour  leur  genre  particulier  d'attaque,  on 
est  porté  à  croire  qu'eussent-ils  été  appuyés  des  iioo 
Canadiens  commandés  par  M.  de  Repentigny,  le  détache- 


I  ■ 


ESQUISSES 


299 


du 

lUX 

on 

lOÛ 

élé- 


ment de  Wolfe  eût   .succombe   jusqu'au   dernier    homme, 
sous  les  balles  invisibles  d'un  ennemi  insaisissable. 

L'ingénieur  en  chef,  le  major  Patrick  McKellar,  dan^ 
son  journal,  dont  une  copie  en  manuscrit  découverte  parmi 
les  M.  S  S  du  Sergent  James  Thompson,  a  été  publiée  à 
Québec,  en  1872,  par  le  Docteur  \Vm.  Jas.  .Vnderson,  ex- 
Président  de  la  SciIl'i'c  Lit(,:yairc  et  Historique,  raconte 
d'une  manière  toute  différente  les  incidents  de  cette 
embuscade  et  fixe  à  55  le  nombre  des  tués  et  des  blessés 
de  l'armée  anglaise.  Selon  McKellar,  cette  ambus- 
cade  aurait  eu  lieu  le  26  juillet.  Tassé  mentionne  le  25 
juillet,  (i) 


(  1)  Jii.Y  20111. — .Miout  tliroc  (iVlnck  thi<  inornina,  flu'  (ti'iitnal  iiml  lUiK-(i>'iicr;il 
-Miirriiy,  «itli  tlu-  li.'itli  Jli'Kimi'iit,  tivc  Ceinpiiuii'.'*  of  ],ii:lit-lnf'aiitry  ami  ono  nf  tlu'. 
KruiK»'''^.  iii'il  two  ti.'lil-)iir<''s.  si't,  mit  IVoiii  .MoiitiiiDrciui-t'iiinp  tu  roi-'iiiinoitfi'  rwo  fuiiU: 
uImiiii  tivc  niilfH  itliui-f  tln'  l-':ill~.  Al'trr  w.'  Ii:iil  |.rociT.li'(l  iil'u'it  a  luil.'  .-iml  :i  liait',  tlio 
ficlil  liiiTi'S  wi'i-i'  sent  liaili  to  (.'anip,  tlh' ;;r.)/(iiini''i!itf  liiii  bul  to  U''t  tliom  ou.  About 
lialf-way  liftw.'fu  tln'  caïaii  .iiid  lli'  fnnl  tln'  r.iîiil  paisi's  tlininvli  a  ri'iiiiirkaliL'  raviiiH, 
wliicli  is  a'iiiiit  .T'Hi  yards  Imitt,  V'TV  iiariMW,  ami  tli  t  li.iuUs  cru  r.icli  ^id"  .-ihov.'  2ii  fcet 
liiv'li,  aiid  .<o  Hti'i'ii  a«  tu  admit  uf  no  (JUtK't  luit  wlnn'  tli"  road  //r(.<.st'.s'.  l'poii  tlio  mardi 
ui' wtrf  rn'i|Ui>Mily  ch.dli'ii'-'rd  l.y  tli"-  l'iuiiiy  Irom  tli<!  niipuKitr  side  of  tin-  river,  for 
th. 'y  oljsiTVi'd  ail  onr  miom  im'iits  willi  yri'at  viL,':laii--'-.  rpon  uiir  eoiiiinii  to  tln'  iirar.-Bt 
l'on!  \vi>  Couud  tli-,-y  liid  a  Ijlrast-worl»  t  l'^on^'id 'raid  •  cxtr'a  npoii  th.'  opp  ).<iti'  Itallk. 
<  In  our  sidi'  01'  tlii'  ri  vr  thiTi'  was  .iii  oprii  spatv  of  ;!rauiid  witli  :i  lioiisr  lu  tlic  ciitri-'  oC 
it  ;  ami  ou  tlii' h  ft  oi  this  ojK'îiiiiK  tlu'  l'oad  lo  the  lord  j)assi.'.s  tlirouifli  woodd.  Our 
'l'ioops  w.'i'i'  iiow  dr.iwu  l'p,  to  ]h-  iti  n'a<lim'S3  lu  ca.^-.'  ofl)"Ui;.?  uttaok.'d,  llic  it.'ith  aci'os.s 
tlic  road,  .lud  th'  l.ivrlit- 1  nCaiit  ly  ii]ioii  t  lu- ri^ht  alouv  tlu-  >kirtrt  of  an  oponiuvr,  tho 
whidi' so  !'ar  in  Ih.' wooils  a<  to  lii' iviiiiv.ah'd.  'l'a.'  fnrd  ..nd  tli.'  Kmaiiy'H  work.s  and 
J'oi'itioii  wio-c  tih'U  rc<'nioi..itp.(|,  ;ind  thi'  lompauy  of  KaULf.  rn  with  a  l-'n'iu-li  dosi^rtcr 
was  F.'ut  lo  ri'conuoitiv  thi'  oth.T  l-'oi-d,  whinh  i-  .iho'il  a  niih'  hiu'hiT  up.  H.'twi'cii  M  auj 
Il  o'dock  thiT.' wi'ri' alioiii  thirty  Caiiailiaiis  aiid  liidiani  sn-ii  /oiiiy  iuto  t!ii'  Uoiii«, 
upon  wliiih  thi'i-i-  wa..' a  pl.ilooii  of  tliL- S.'.th  ouli'red  tluoutiii  thi'  wood-i  tn'twccn  tliuiii 
ami  tli'  river,  to  altaik  tlii'ui.  Just  as  tlu' platooii  luarcln'd  oiT  it  waa  fir.'d  iijiou,  a.iid 
thi' otliri'r  wiHiinK'd  liy  tiiiHi'  vi'ry  ii"Hpl ',  wli.i  lia.l  liy  this  tiiii  •  i;ot  roand  tlii'iu  into 
tlii!  Woods,  liiit  tli"  platoon  lii'iM^'.ioim'ilhy  a  couipany  of  L''_'lil-lufauii'y,  tli^'V  wiTii 
«0011  ii"atiii  hack  acrois  thi'  Itivcr.  'l'h.'i'i' wuh //a  n  .111  .Viiil.ii.-i'.id.'  laid,  m  cis"  of  a 
second  attarlv,  wliich  was  hy  ijosiiu','  a  Coiiipiny  of  Ijiu'lit-lufautry  on  au  advaucod 
emiionci'  ni'.ir  tiii'  rivt'V  in  the  woods,  and  lu  low  tli"  niii'iiiiiL,',  wiili  onli'rs,  if  atlack.'d, 
to  ri'tnat  liirk  alonj  tli'^  ro.nl,  whii'li  would  h'ad  tlu'  rm'iay,  if  tli  -y  p.'i'.sui'd.  iuto  tlie 
tire  of  tlii'  H  itt.iliun,  au'l  nivi-  a  fair  eh  inc-  of  C'iittiuj,'  olî  tlii'ir  i-.'trcat  with  tli;'  làKlit- 
liil'antry.  'l'Ii  'ri'  w  ti-  («m  o!li"r  aih  mu^  .u.'Ous  l'iuinrni'.'.s  takrii  piis.si';i-iion  of  at  llie  s.iiiiu 
timo, — uni  with  two  ('oiiipauii's  on  our  l''lr  ll.ink.  Ui'.ar  th'  liu'ir.  and  thi  otiii'r  with 
oUi'  Company  in  tlii' i-.'.'ir  of  th'- ^aiu' lliiik,  U). un  th.'  riu'ht  uf  tli'  K  la.l.  Ahout  on.! 
.l'oloL'k  a  iK'taclinii'iit  of  lilti'i'ii  huudivd  ('  iiiadiius  and  liulian.4  rr.'-fsi'd  tlni  river  coiisi- 
d  Tahlo  way  K^oi'/  th"  op  niii'.;,  and,  inarchiiij  il  )wn  iiujii'ni'ivi'd.  uml 'r  covr  of  itB- 
banks,  jj'it  up  .-i  niviu"  iip'iii  tli.' ri.(ht  of  tli"  ailvain-'l  l.mlit-tnfiiiicry  i-.iiiijiinnj  mi'iia 
tiiiittil.  'l'Ii!' ot}ir"r  l'.iiiiiii  iii.|iui.r 'li'it  l'uiui' iny  k.'pt  tlii'iu  in  pl.iy  till  ho  rail,  d  in  hiiç 
si'utrii'H,  and  tli.'u  i-i'lifatiil,  ar.ordin..'  to  1  lid'r.s  ;  luit  th  '  Kii.'my,  iusti'ad  of  piTsiiino 
liini,  as  w.is  r.Np,'i't''il.  .ilou'.'  tii,'  roui,  .'ud.'avoi'i'd  lu  train  th"  ll.■l^■h^  wli.'ro  th"  tliri', 
companii'a  win'  posti'd.  \V'.i"ii  tli-y  uot  u '.ir  it,  tlu'  two  Compaiiii'S,  itiilh-rrtivi'ii 
wlu'i'h'd  aiid  alt.u'ki'il  thi'ir  il  inrk,  whii-li  h. 'in.-  quitu  iiiii'xp"iti'd,  tlu'y  iustaiitly  liirui'd 
thi'ir  liai'lv.-^  ;  aiid  tlir  hitrlit-lufaiitry  l'omiiirf  upou  tluir  r-ar  ;it  th"  naiu"  tiiii.',  tlii'y 
WiT.'  so.m  drivi'ii  into  th.'  rivi-r,  ic/o/'i'  llir;/  siitT'r.'d  v.'ry '■onsiiI"ratily  in  iTossiii./.lu'inn 
iiuiti'*ii'.-ii  to  our  th-f.  W,' did  not  Kiirn  tli"  iiiiiiihir  of  tlu'ir  killi'.l  and  w.nind'il  but 
th"  Indians  wm'  .li~i.irit.'iL  fr.nii  tliis  d;iy"s  lo^s,  lo>'   ill  tlu-  r.':!l  ot  tlu-  l'.iinpai(,'ii 

W"  had  f'ifty-tivr  iiii'ii  killi'.I  aud  w.i".iiiti'il.  olli '.'rs  iii.'liidi'd.  Onr  flilif  t  kss  icir.i*  in 
piu'sniii'j  th.'  l'iuiuy  luuiu'  to  tlic  riv  r  froiii  th  ■  Uroa^-tworks  upon  th'r  oiiposit"  hiuikn, 
wli.'r.'  thiir  luimln'rs,  rxrliisivi'  of  thos.'  tint  attacki'd  us,  aiu.iant.'d,  as  wi'  w.t)  after- 
warils  iuforiiii'd,  to  two  thons  and  tiv.'  Iiiiudnd  iiu'ii  '.  AftiT  liiii  yiiiit  th"  ili'ad,  our  di'lat'h- 
iiu'iit  waH  ordi'i'i'd  to  t'arry  otT  llu'  w.iaiul.'d  aiul  n'turii  to  Ciinp,  wliirh  was  l'ff'cti'.l 
withoiit  iiioli'3tati..n.  'l'iiis  l'onl  is  alio'it  l'i'i  \ar.ls  luo.i.l  and  ahoiit  4  fi'i't  di'i'ii  ;  tlm 
watiT  is  siuooth,  (I  iiij  iuy(  j'cijii'i/.  Tliu  opposit"   liauk    in   vi'i-y   sto"jp    aud   tlio   patli-wjy 


I  l'Wi.. 


•  .1 


300 


MONTMORENCY  O  )TTAGE 


^«t 


L'Historien   Garneau  décrit  comme  suit   l'engagement 
du  31  juillet  1759,  au  gué  du  Sault  Montmorency  : 

"  Comme  la  rive  gauche,  à  l'embouchure  de  cette  rivière,  f^le 
Montmorency)  est  plus  élevée  que  la  droite,  il  f'Wolfe)  fit  aug- 
menter les  batteries  qu'il  y  avait  déjà  dressées  et  qui  plongeaient 
sur  les  retrauchements  de  «lontcalm  II  y  porta  le  nombre  des 
canons  et  dos  mortiers  ou  obusiers  à  plus  de  soixante.  Il  fit 
échouer  sur  des  rochers  a  fleur  d'eau  deux  transports,  armés 
chacun  de  quatorze  pièces  de  canon,  1  un  à  droite  et  l'autre  à 
gauche  d'une  petite  redoute  eu  terre  que  les  Français  avaient 
élevée  sur  le  rivage  ;  placée  au  pied  de  la  roule  de  Courville, 
elle  défendait  à  la  fois  l'entrée  de  cette  route,  qui  conduisait  iur 
la  hauteur  qu'occupait  l'armée,  et  le  ].\assage  d'un  gué  qui  est  au 
bas  de  la  chùie  Le  feu  de  ces  transports,  en  se  croisant  sur  la 
redoute,  devait  la  réduire  au  sileuce  et  couvrir  li  marche  des 
assaillants.  Le  lameux  vaisseau,  le  Centurion,  de  soixante  canons, 
(2)  monté  par  l'amnalSaunders,  vint  ensuite  s'embusquer  vis-à-vis 
de  la  chfUe  et  le  plus  i)rés  possible,  pour  protéger  au  passage  du 
gué,  les  troujjes  qui  devaient  descendre  du  Cam[)  di  l'Ange 
Gardien.  Ainsi  cent  dix-huit  bouches  à  feu  environ  allaient 
tonner  contre  l'aile  gauche  de  l'armée  de  Montcalra. 

Entre  onze  heures  et  midi,  le  31  juillet,  elles  commencèrent  à 
tirer.  Dans  le  même  temps  le  général  Wolfe  préparait  ses  colon- 
nes d'attac^ue.  Plus  de  quinze  cents  berges  étaient  en  mouvement 
sur  le  bassin  de  Québec  Douze  cents  grenadiers  et  une  partie 
de  la  brigade  de  Alonckton  s'embarquèrent  à  la  Pointe-Lévis 
pour  venir  débarquer  entre  le  Centurion  et  les  transports 
échoués.  ,  ^ 

Une  seconde  colonne  composée  des  brigades  Murray  et  Town- 
shend,  descendit  des  hauteurs  de  l'Ange-Gardien  pour  venir, 
par  le  gué,  se  réunir  à  la  première  colonne  au  haut  de  la  route 
de  (  ourville,  afin  d'aborder  ensemble  les  retranchements  qui 
l'avoisinaient.  Ces  deux  corps  formaient  six  mille  hommes.  Un 
troisième  de   deux   mille   soldats   chargé   de   remonter   la   rive 

iiiirrow.  The  other  font  rt'coimoitred  by  tliB  Hi.ngorn  is  hetiieen  2  iiiui  tliroe  hundrod 
yarils  l)road  ;  iu  iiiissiiis  it  thore  aro  somo  isla  ids  to  croupi  iii  tlie  iniddle  of  tin;  rivfr. 
'l'Ile  bottom  is  smootli  and  tlio  water  sluUlnw,  with  a  sentie  curreut.  The  road  to  it  on 
the  Coast-side  passoa  tliioiiKh  a  morasa  covored  with  thick  wood,  and  almost  imprarti- 
cabh',  whic'h  is  probal)!}  thr  loason  why  the  Kni-aiy  Kave  so  little  atti'utimi  to  it,  fur 
they  liad  neithrr  nn'ii  nor  worka  thcro.  Fioni  thesi' loids  tlicre  is  anothor  load  which 
leads  to  "li'Angt'-Oardiou." 

(1)  "  Not  cvpu  the  "Vii'tcry,"  wliore  Xeilsoii  diod,  was  a  nioro  faniou»  and  favorite 
«hiji  among  liritixh  sailors  Ihan  tlie  old  Ceiitiirinn  ;  in  1710,  it  was  «s  her  captaiw  that 
Aiwon  led  hiâ  Uttle  siiuadron  ou  tlieir  venturous  vovat^e  to  "  put  a  girdle  round  the 
carth  " 

In  17.')U,  ghc  covered  Wolfe's  Inuding  at  Québec  ;  and  it  is  a  little  odd,  that  at  the 
moment  the  two  future  circuninavigatora,  Cook  and  liougainville,  arnied  on  opposite 
■Bides,  were  présent  with  ship  whoso  famé  rested  on  ita  haviug  performed  tlie  saine 
feat 

Her  ligure,  head — a  lion,  exquisitoiy  carved  in  wood  is  still  preaerved  at  tho  G-reeuwich 
Hoapitaî." 

CWintlirop  Stirgeut  TJie  History  o/  an  expeiUtii-n  agaiiist  furt  Tmiuenne  in  1755, 
,p.  139,  in  note.) 


ESQUISSES 


.^01 


rie 


Town- 

venir, 
roule 
ils    qui 
Un 
a    rive 

uinilvocl 
i;  river, 
to   it  011 

mpriiet  i- 
it,   t'en- 

ul   whitli 


at  lit   tlip 

opposite 

t)u'   samc' 

irooinvich 

III    1755, 


galiche  du  Montmorency,  devait  franchir  cette  rivière  à  un  gué 
situé  à  une  lieue  environ  de  la  chute,  et  qui  était  gardé  par  un 
détachement  aux  ordres  de  M.  de  Repentigny.  A  une  heure 
les  trois  colonnes  s'avançaient  en  diligence.  Ce  plan  d'attaque 
eût  été  trop  compliqu-^  pour  des  troupes  moins  disciplinées  ijuc 
celles  du  général  Wolfe 

Montcalm,  d'abord  incertain  sur  le  point  qui  allait  Ctre  assailli, 
avait  lait  porter  sur  toute  la  ligne  l'ordre  de  se  tenir  partout  prôt 
à  recevoir  leurs  ennemis  à  leur  approche  ;  le  général  Lévis  envoya 
cinq  cents  hommes  à  M.  de  Repentigny  et  demanda  quelques 
bataillons  du  centre  qui  le  soutiendraient  lui-même  au  besoin.  A 
deux  heures,  Montcalm  vint  examiner  la  situation  de  sa  gauche  ; 
il  en  parcourut  les  lignes,  approuva  les  dispositions  de  Léris  et 
donna  de  nouveaux  ordres.  Trois  bataillons  de  réguliers,  avec 
quelques  miliciens  des  Trois-Riviôres  se  portèrent  à  l'aile  gauche  ; 
la  plus  grand  partie  de  ses  troupes  se  placèrent  en  réserve  sur  le 
chemin  de  Beauport,  et  le  reste  se  dirigea  rapidement  vers  le 
gué  que  défendait  M.  de  Repentigny.  Cet  officier  avait  été  atta- 
qué par  la  colonne  anglaise  et  l'avait  repoussée  après  lui  avoir  tué 
«u  mis  hors  de  combat  quelques  hommes.  La  retraite  de  ce  corps 
permit  au  renfort  de  revenir  sur  le  théâtre  de  la  principale 
attaque. 

Les  berges  qui  portaient  la  colonne  de  la  Pointe-Lé  vis,  com- 
mandée par  le  général  Wolfe  en  personne,  après  avoir  fait  plu- 
sieurs évolutions  comme  pour  tromper  les  français  sur  le  lieu  de 
la  descente  se  dirigèrent  tout  à  coup  vers  les  transports  échoués . 

Mais  la  marée  était  basse  ;  une  chaîne  de  cailloux  et  de 
rochers  arrêta  quelque  temps  une  partie  de  la  flottille  ;  enfin 
l'obstacle  fut  passé,  et  douze  cents  grenadiers  avec  deux  cents 
hommes  d'autres  troupes  s'élancèrent  à  terre  sur  une  grève 
spacieuse  et  unie.  Ils  devaient  s'avancer  en  quatre  divisions  et  la 
demi  brigade  Monckton,  débarquée  derrière  eux,  devait  les  sou- 
tenir. I  ar  quelque  malentendu  la  demi-brigade  les  suivait  de  trop 
loin  quand  ils  entrèrent  en  action.  Ils  marchèrent  au  son  d'ime 
musique  guerrière,  à  la  redoute  qui  fermait  l'entrée  de  la  route  de 
Courville.  La  redoute  avait  été  évacuée.  Les  grenadiers  s'y 
arrêtèrent  un  instant  peur  se  disposer  à  assaillir  les  retranche- 
ments de  M.  de  Lévis,  qui  étaient  à  une  petite  portée  de  fusil. 
Toutes  les  batteries  de  Wolfe  faisaient  pleuvoir  sur  cette  partie 
du  camp,  une  grêle  de  bombes  et  de  boulets,  ([ue  les  milices 
Canadiennes  essuyaient  sans  perdre  de  leur  contenance  calme  et 
assurée.  Les  assaillants  s'étant  formés  se  présentèrent  la  baïon- 
nette au  bout  du  fusil.  Leur  uniforme  de  grenadiers  contrastait 
avec  le  costimie  de  leurs  adversaires,  enveloppés  d'une  légère 
capote  serrée  autour  des  reins.  Les  Canadiens  avaient  pour  sup- 
pléer d  la  discipline  des  troupes  régulières,  leur  courage  et  la 
justice  remarquable  de  leur  tir.  Ils  attendirent  froidement  que 
les  cnnen>'«  fussent  à  quelques   verges  seulement  de   leur  ligne, 


302 


MONTMOREN'CY  COTTAGE 


pour  les  coucher  en  joue.  Alors  (i)  ils  firent  des  décharges  si 
rapides  et  si  meurtrières  qu'en  i)eu  de  temps  les  colonnes  anglai 
ses,  malgré  tous  les  efforts  de  leurs  oflîciers,  se  rompirent  et  pri- 
rent la  fuite  ;  elles  cherchèrent  d'abord  un  abri  contre  les  balles 
derrière  la  redoute,  puis,  n'ayant  pu  se  reformer  elles  allèrent  se 
réfugier  derrière  le  reste  do  leur  armée,  déployée  un  peu  plus 
loin.  En  ce  moment  il  survint  un  violent  orage  de  pluie  et  de 
tonnerie,  qui  déroba  les  combattants  à  h  vue  les  uns  des  autres 
et  dont  le  bruit  jilus  imposant  fit  taire  toutes  les  rumeurs  de  la 
bataille. 

Lorsque  le  brouillard  se  dissipa,  on  aperçut  les  anglais  qui  se 
rembarquaient  avec  leurs  blessés,  après  avoir  mis  le  feu  aux 
transports  échoués  Ils  se  retiraient  connue  ils  étaient  venus, 
les  uns  dans  leurs  l)erges  et  les  autres  par  le  gué  Le  feu  de  leur 
nombreuse  artillerie  se  ])rolongea  jusqu'au  soir,  et  l'on  estime 
qu'elle  tira  trois  niillo  coups  de  canon  dans  celte  journée  ;  on  n'a- 
vait pour  y  répondre  qu'une  di/aine  de  pièces  qui  ne  laissaient 
pas  que  d'incommoder  beaucoup  les  troupes  de  débarquement. 
La  perte  des  français,  causée  presipi'entièreineui;  jvir  cette  arme, 
fat  peu  considérable  si  l'on  considère  qu  ils  furent  plus  de  six 
heures  exposés  à  une  pluie  de  projectiles.  Les  ennemis  eurent 
environ  cinq  cents  morts  et  blessés,  [nirmi  lesquels  il  y  avait  un 
grand  nombre  d'i  Ùiciers."  I  2] 

Un  simple  ercaniin  du  local  suffit  pour  expliquer  re'chec 
du  détachement  de  W'olfe  ;  les  troupes  de  Lévis  étaient 
embusquées  derrière  des  retranchements  en.  terre  protégés 
de  fascines  et  d'arbres  :  h  est  fort  intéressant  d'en  exami- 
ner même  aujourd'hui  les  restes  en  suivant  la  rive  escarpée 
et  en  bien  des  endroits  taillés  à  pic,  de  Beauport,  à  partir 
du  Sault  Montmorency  jusqu'au  manoir  Duchesnay,  sur  la 
propriété  Gusi^y.  Va\  bien  des  endroits  cette  rive  a  plus  de 
150  pieds  de  hauteur  ;  le  détachement  anglais  dont  une 
partie  était  venue  de  l'Ange  Gardien,  par  le  gué  d'en  bas 
à  marée  basse,  et  l'autre  était  débarquée  de  la  flotte,  on 
berges,  s'était  frtimé  sur  la  grève  sans  abri,  cx[)Osé  à  la 
pluie  dcti  balles  et  des  boulets  qui  leur  venait  d'en  haut  de 
la  part  d'un  ennemi  qui  savait  tirer  et  qu'il  lui  était  impos- 
sible d'atteindre,  à  moins  de  le  prendre  aussi  en  revers  par 


O)  .  . .  .Tlu'ii' iiii'ii  of  uU  urnis,  in  t)i'.' troiiolios,  Iny  cool  till  tlioy  wcro  suro  of  tlicii- 
iiiîirk  ;  tlii'v  tlu'u  iioiiri'il  tlioir  sliot  liko  nliowors  ni'  liail,  wliicli  cauioil  our  biavo  grciiîi- 
iliors  to  faU  vory  fast.  (Journal  d'un  officier  iiuglais.) 

(2)  nistoirc  du  Caiiula, — Ganioau— Tome  II.  1'.  P.  -iH-l,  nuatriOms  idition. 


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par 

tlic'ir 


KSQUISSES 


303 


lé  gué  d'en  haut  sur  le  Montmorency,  combinant  l'attaque, 
non  s(;ulement  avec  le  secours  de  la  flotte,  mais  encore  au 
moyen  d'une  nombreuse  artillerie,  placée  sur  l'extrcme 
pointe  est  delà  rive  escarpée  de  la  chute,  à  l'endroit,  qtii 
commandait  le  camp  de  Lévis.  Les  deux  généraux  parais- 
sent avoir  été  tous  deux  en  défaut,  Lévis  pour  a^-oir  par 
son  indocisision  manqué  le  coup  que  les  sauvages  de  Lan- 
glade  lui  avaient  proposé  et  Wolfe  pour  s'être  trop  fié  au 
courage  reconnu  de  ses  troupes,  sans  étudier  le  terrain  où 
il  avait  à  manœuvrer. 

Il  semble  étonnant  qu'un  seul  desesso'dats  ait  échappé, 
et  comme  le  dit  Johnstone,  il  (lût  remercier  r"orage  do 
pluie  et  de  tonnerre"  qui  contribua  si  puissamment  à  le 
tirer  de  ce  mauvais  pas.  (i) 

Knox  nous  présente  les  sauvages  selon  leur  habitude 
scalpant  les  morts  et  les  blessés,  avec  beaucoup  d'entrain.  (2) 


(1)  "Quand  notre  coiiipnpnio  ilo  Kriii;uliei>  (  i\t  iittciut  lo  voisiiuiçie  des  Frum;aisje  vis 
(listiuoti'iiU'iit  ;\Ioiitf;iIiu  :  il  ét.iit  À  clicviil.  :ill;iit  et  vcnuit  avrc  aiiiiiiMtion  au  iiiiliiMi  <Ii' 
si-s  troiiin's  l't  leur  diiiiiKiit  l'urdru  dr  l':iin'  t'i'U.  I)i'  fiiitc,  il,-  tiivri'iit.  imus  tuant  un  lion 
uouibri'  d''S  !ii'.tri.'S,  jo  iir  puis  iiio  rapiM'lt-r  h'justr  lujiiiliiv.  Nous  no  K'ur  rOlioudimcs  pa?, 
c'eût  i'ti'  inutile  ;  ils  étaifiit  paif'aitLini.'ut  i\  l'alui,  au  moyen   de   leurs    retraui'lieun-Mt>. 

nous  ne  pouvions  diseeinev  de  li'ur  personne  (pio  la  cime  de  leurs  eliapeuux (  inlre 

lut  alors  donné  lie  retraiter  à  nos  eanots,  teinis   i\   tlot,    jiour    nous    recvoir.    La   marée 
étai'.t  alors  liasse,  nous  eûmes  à  Iraneliir  un  lony  espaee  de  plajj'e  ;\  travers  la  vase. 

Allan  Canu'rou,  seriient  dans  notre  eonipa;jiiie,  voyant  sur  notre  uauelie  uni'  petiti' 
l.attern' armée  de  deux  jiièces  et  osti  U'^ildenient  sans  eanonniers,  crut  ou'il  i;ouriait 
l'emiiéclier  <le  nous  harasser  dansuotr'j  retraite  :  il  ramassa  deux  liaiouetteu  (pii  ■;isaii  nt 
sur  la  grévi'  et  se  dirii^'ea  soûl  vers  ei'tte  batterie,  il  enl'on(,a  la  pointe  de  ces  Ijaïoimettes 
ilans  la  luudéro  des  canons  et  y  rassii  la  l'oin'.e  de  ces  deux  leiyonuettcs. 

[Jj  (^uand  les  Franeais  nous  virent  .ainsi  retraiter,  ils  envoyérint  leurs  sauvaees  sealju  r 
et  massacrer  nos  Messes,  exposés  sur  le  rivaye.  IJe  ce  uomlire  était  le  lii'Utin.int  l'eyt.ui, 
du  liataillon  lîiiind  Aiti-ririui,  cfravemeut  Me,-ié  et  ijui  s'était  traiiu'^  aussi  loin  ipii'  la 
douleur  le  lui  eut  permis,  (^uaud  les  Peaux  Kou'.'es  se  furent  acquittés  do  leur  triste  heso- 
true  sur  les  pauvres  diabU^s  les  plus  voisins  des  batterii's  françaises,  ils  retracèrent  leurs 
pas,  tous,  excepté  deux  i[ui  ayant  découvert  le'  liieutenant  IVyton,  devinrent  avides  d'en 
faire  la  <'apture.  Par  hasard  ce  dernier  se  trouva  avoir  nu  fusil  à  deux  couji-i,  charj,'é;  or 
connue  il  avait  été  témoin  do  leur  barbarie  sur  ceux  de  ses  eamar.ules  blessés  i|u'ils 
"vaii'iit  pu  saisir,  il  se  ijersuada  i|U'l!s  le  massacreraient  s'ils  ue'ttai 'lit  la  main  s'ii'  lui. 
lUiireu-em.'nt,  :i  ne  piTclit  pas.son  >:'.Mu-froid  •■!  attendant  le  mom/nt  où  le  sauv  iiri'  le 
pî;'.s  prés  de  lui  vint  à  portée  de  l'u>il,  il  le  coucha  en  jo-.n-  et  l'e.batli;  :  l'.nitre  luilii'U. 
croyant  que  le  lieutenant  n'aurait  jias  le  temps  <le  ri'ch  iruer  son  arme,  courut  viis  lui, 
brandissant  son  casse-téte  pour  le -iealii 'r  i  le  lieutenant  lui  envoya  l'autr,'  coup  droit 
dai'  ;  la  poitrine  et  le  sauvas/e  tomba  mort  à  s":  jiied'*.  N'oiis  fûmes  iiuitti  s  d's  sauvais 
pour  ee  jour-là.  mais  nous  les  r.ueontrami  s  [.lus  tard. 

Au  moniout  o''i  le  lii  utt  liant  l''ytou  Hi;..i:i  ainsi  à  terre,  épuisé  par  le.  P'.rte  de  »;ui 
saim-  et  ses  elforts.  il  fut  aeeosté  iiar  le  -eruent  t'auieioii,  qui  n'avait  d'autre  moyen  de 
lui  porter  secours  c;u'eii  le  jiortant  dans  ses  br  is.  l'ar.ienui  était  un  liouiiue  d'une  haute 
st.it lire  et  d'uni' force  jieu  cimimun  ■.  Il  attaiha  le  fusil  du  lieutenant  avec  le  sien  sur 
.ses  éliaules,  en  Iiumlouliére,  et  dit  à  M.  l'eytou  de  lui  eiubarciui'r  su!'  I"  (b.s  et  de  le  tenir 
|>ar  le  col.  t'omm''  la  distance  à  ]i,-ireoiu;r  était  yralide,  il  et.iit  forcé  ib-  teuiiis  en  t'inp* 
de  le  déposer  à  ti'rre  atiii  de  prendiv  hab'ini'  lui-même  et  ans  ù  ji.iar  soulaui  r  le  jiauvre 
lieutenant,  dont  la  blessure  était  exeessiveiu'ut  douloureure-:.  l)o  cette  sorte,  il  le  porta 
à  un  des  canots  anulais  où  il  le  déposa,  ajoutant  "Monsieur,  vinlà  tout  c  que  je  jiiiis 
faire  pour  vous,  Je  vous  souhaite  de  vous  rétablir." — Joiirih'l  iiii'i.lil  l'i'  >'''".7«'  ifc  17j:t, 
teint  l'iir  If  mriicitf  JiniHS  Tliompsi'ii.  cité  par  Uawkins. 


304 


MONTMORENCY  COTTAGE 


J'ai  mentionné  plus  haut  les  vastes  moulins  et  usines 
dûs  à  l'énergie  de  M.  Peter  Patterson,  au  bas  de  la  chute. 
M.  Price  me  fit  voir  les  conduits  et  appareils  que  l'oit  vient 
d'y  poser,  pour  fournir  la  puissance  motrice  à  l'électricité, 
au  moyen  de  laquelle,  l'on  entend  éclairer  tout  Québec. 


Il   H- 


II 


■i,-?a 


l\  KliSIDKNCK  D'KTE  DE  lOKD  DIFFERLN-Cap  aux  Diamants 


Le  joli  mois  de  mai,  qui  au  dire  de  Tennyson  et  de 
bien  d'autres  fait  battre  plus  vite  le  cœur  des  amants,  nous 
apportant  des  feuilles  et  des  fleurs — est  aussi  le  signal  du 
départ  des  citadins,  pour  nos  riantes  campagnes  autour  de 
Québec.  De  nos  jours,  un  homme  de  goût,  trouvait  moyen 
de  jouir  du  grand  air  de  la  campagne,  sans  sortir  des  murs, 
et  se  créait  un  délicieux  et  frais  séjour  où  la  nature  elle- 
même  s'était  chargée  des  principaux  décors. 

Notre  cité  a  accueilli  bien  des  Gouverneurs  depuis  ce 
lettré  Marquis  de  la  Galissonnière,  dont  le  botaniste  sué- 
dois, Peter  Kalm,  son  hôte  au  château  St-Louis.  en  1748, 
nous  a  tracé  une  peinture  si  flatteuse. 

Nul  gouverneur  cependant,  n'a  laissé  un  souvenir  aus?i 
vivace  ;  nul,  n'a  par  son  départ,  causé  autant  de  regrets 
que  celui  qui,  en  1872,  cherchait  un  asile  contre  les  ardeurs 
de  la  canicule,  en  notre  citadelle  escarpée  :  le  comte  de 
Dufferin,  l'ami,  le  bienfaiteur  de  Québec.  Nul,  n'a  paru 
subir  au  même  degré  le  charme  de  tout  ce  dont  notre 
vieille  ville  s'enorgueillit  davantai^-e  :  ses  antiques  souve- 
nirs— SCS  monuments  historiques — ses  sites  sublimes, — son 
fleuve  majestueux. 

Qui,  en  effet,  eût  jamais  songé  que  ce  roc  sourcilleux  du 
Cap-aux-diamants,  avec  ses  bastions  hérissés  de  canons — 
ses  lourdes  casemates  à  l'épreuve  des  bombes  etc.,  eût  pu, 
au  besoin,  se  transformer  en  une  gracieuse  résidence  vice- 
royale  où  le  représentant  de  sa  Majesté,  la  reine  Victoria  a 
depuis  tenu  sa  brillante  cour  et  donné  tant  de  banquets 
hospitaliers.  C'est  pourtant  ce  qui  a  eu  lieu. 

Le  Cap-aux-diamants  a  de  tout  temps  commandé  l'admi- 
ration des  touristes,  par  ses  points  de  vue  grandioses. 

Le  site  est  d'un  pittoresque  achevé  :  cette  superbe  ter- 
rasse, qui  court  le  long  du  cap,  surplombant  le  fleuve,  à  u 


3o6 


I.ORD    DUKFERIN 


M  ît- 


Y- m 


hauteur  de  350  pieds    offre    des   facilités   rares    pour    !es 
grandes  réceptions  officielles. 

Je  défie  la  nature  la  moins  impressionablede  contempler 
sans  émotion,  de  ce  poste,  par  delà  les  nues,  le  panorama 
toujours  neuf  que  déroulent  les  campagnes  environnantes. 

C'est  imposant,  c'est  sublime,  à  la  clarté  du  jour,  par  une 
sereine  matinée  ;  mai-5  au  cripuscule,  sou?  la  voûte  étoilée, 
le  coup  d'œil  plongeant  dans  l'abîme  béant  à  vos  pieds, 
à  je  ne  sais  quoi  de  solennel  et  de  ravissant.  A  l'ouest, 
au  sud,  à  l'est,  la  basse-ville  et  Lévis  avec  leurs  étince- 
lants  réverbères,  le  gaz  et  la  lumière  électrique  ;  le  port 
semé  de  grands  navire?,  sous  la  citadelle  même  ;  de  temps  à 
antre,  de  majestueuses  frégates  immobiles  sur  leurs  ancres  ; 
à  la  jetée  de  la  compagnie  AUan,  à  vo^.  pieds,  quelques 
uns  de  leurs  Léviathans  :  le  Parisian  ou  le  SarDiatian,  etc. 

Les  remorqueurs,  les  vapeurs-traversiers  circulent  en 
tous  sens  parmi  cette  forêt  de  mâts,  comme  des  mouches- 
à-feu  dans  un  pré,  pendant  une  chaude  nuit  d'été. 

Votre  oreille  saisit  le  bourdonnement    lointain,  la    cla- 
meur vague  de  la  cité  ;  les  gais  refrains  des  matelots,  peut- 
être  quelques  vieux  lais  ^ormands  ou  Bretons  vous  arrivent 
des  radeaux    de    bois  quarré,  entraînés    par  la    marée  et 
conduits  par  des  Voyageurs  ùqs  pays  d'en  haut  : 

Après  un  jour  d'été,  qimiiil  la  villo  s'ondort, 
t^ii'ollo  ûtoutTo  IVclio  (lo  SOS  lumnurs  dcriiiôros  : 
Quand  11'  •  laiiipos  du  soir,  dans  les  maisons  du  port 
S'alhir.ont,  l't  sur  l'eau  projettent  leurs  lumières  ; 

liC  \onii  des  nuais  obseur.-»,  il  est  doux  d'écouter, 
Dans  ect  apaisement  des  lieures  recueillies, 
Jjfs  airs  ([ue  les  marins  se  prennent  i\  chanter, 
l)"uiu>  i'inu'  entin  rendue  à  ses  mélancolies. 

Ai'TliAN-,   Li'    -nici-. 

Bientôt,  une  formidable  détonation  secoue  même  la 
cime  d'où  vous  contemplez  ce  spectacle  :  c'est  le  can  on 
du  soir,  le  signal  d'éteindre  les  feux  aux  casernes  avoisi- 
nantes  ;  puis,  le  roulement  du  tambour,  et  le  rappel  que 
le  hiiglcr  lance  de  son  clairon,  aux  échos  de  la  nuit.  Si 
c'est  un  jour  de  réception  officielle,  de  banquet  pour  Son 
Excellence,  la  fanfare  militaire  clora  la  fête  par  l'hymne 
national  de  l'Angleterre  et  le  chant  national  de  la  patrie 


ESQUISSES 


307 


■pour  nous,  God  savc  tlic  Queai  et  Vive  la   Cauadicmtc  ;   ce 
qui  ajoutera  encore  de  l'intérêt  à  cette  mise   en  scène. 

Afin  de  nous  donner  une  idée  de  la  cordiale  hospitalité 
de  Lord  Dufiferin,  de  sa  popularité,  de  ses  qualités  sociales, 
de  ses  travaux  littéraires,  je  vous  remettrai  sous  les  yeux, 
le  compte-rendu  que  je  vous  adrc-^nis  h  la  clôture  des 
réceptions  vicc-régalcs,  l'année  de  son  arrivée  : 

PER  VIAS  EECTAS 

[i;.  KAir  iii.ni  iMiorr.] 

'rnicluctiDii  lilji-e. 

M.  Bknj.  Sulte,  auteur  des  '•Laurentiennes,  '  Ottawa 

'l'rès  cher  poète. — Vous  me  demande/  des  nouvelles  de  l'an 
cienne  capitale.  Que  pourrais-je  vous  dire  que  le  télégraphe  ou 
les  journaux  ne  vous  aient  déjà  dit  et  mieux  ([ue  ne  saurait  vous 
l'écrire  un  solitaire,  qui  n'a  pour  familiers  que  des  oiseaux,  des 
Heurs  et  des  livres.  Sans  doute  j'ai  beaucoup  d'amis  ;  je  devrais 
être  gai  comme  pinson.  Rabelais,  Audubon,  Longlellow,  Racine, 
Marmier,  Hawthorne,  Thoreau,  Washington  Irving,  AValter 
Scott  m'entourent,  doués,  les  uns,  comme  vous  savez,  d'un  fond 
de  gaieté  intarissable,  les  autres,  pleins  de  sens,  de  réilexion,  de 
savoir,  de  verve 

Assis  dans  ce  petit  sanctum  ombragé  de  "pins  murmurants" 
et  d'ormes  méditatifs  et  qui  ne  vous  est  pas  inconnu,  je  laisserai 
donc,  comme  les  veillées  s'alongent,  courir  ma  i)lume  vagabonde 
pour  vous  amuser  ou  vous  ennuyer,  à  votre  guise.  Nous  en  avons 
fini  pour  cette  année  avec  la  canicule,  les  élections  parlemen- 
mentaires  et  les  sauterelles.  Dieu  en  soit  loué  1  une  de  ces 
épreuves  à  la  fois  eût  suffi  pour  nous  campagnards  :  jugez  des 
profondes  malédictions  auxquelles  les  trois  combinées  ont  dû 
donner  lieu.  Nos  touristes  sont  de  retour  deGaspé,  de  Murray 
Bay,  de  Cacouna,  et  le  vent  dans  la  vieille,  la  scientifique,  la 
soporifique  cité,  est  aux  at  home^  aux  danses  et  aux  dîners. 

Les  ^r a /itf s  dînent,  les  petits  dansent,  !e  peuple  dîne,  etsomp 
tueusement  même,  grâce  à  ^a  gcni^rosité  et  à  la  munificence   des 
heureux  et  des    malheureux   candidats    parlementaires,    qui    ont 
rivalisé  de  générosité,  à  l'article  des  rafraic/iissciHc/its,   avant  la 
votation,  bien  entendu. 

Chacun  donc  s'amuse  sagement,  chacun  danse,  dîne  ou  fait 
dîner.  Le  comte  Dufrcsnc  dîne  et  fait  dîner.  C)  le  brave  homme 
que  celui  là  !  (i) 

(1)  Lord  Dufferin. — "  Frederick  Temple  Blackwood,  comte  de  Dufferin  et  baron  Clan- 
deboye,  est  do  très  iioblo  et  trùs  aiicieuue  t'iimille  d'oxtmction  écossaise.  Ou  trouve  l'un 
do  Bcs  ancêtres  â  la  cour  de  i'infortunée  Mario  Stuart.  Mais  il  a  considérablement  aug- 
menté l'illustration  do  sa  famille. 

Héritier  du  titre  do  baron  Dufferin  et  Clandcboye  de  la  pairie  d'Irlande,  il  est  devenu 


.1 
f.  1 


■ 


'- 


■  'k.- 


Si 


3o8 


LORD   Dt'FFERIN 


Je  vi  i-t  entends  voas  écrier  "De  qui  parlez  vous"  ?  Eh  hier» 
je  parle  d'iri  ilhutre  savant  Scandinave,  d'un  saga  d'Islande,  un 
sport siHiin  un  yatchinan  de  la  verte  Erin,  un  navigateur  capa 
ble  de  faire  la  birbe  à  Cook,  à  li  jugainville,  un  rusé  diplomate, 
l'renons  les  choses  de  plus  haut.  Vous  vous  rappelez,  sans  doute, 
la  visite  que  le  [)rince  Napoléon,  le  cousin  du  monsieur  de  Chi 

]iiir  uni!  mi'iiti'  liiiron  ('laniU'hojM'  du  In   jniirin  du   Uoyuuiiio-Uni,  et   a  6tfl   lioiion'i   jilus 
i|iriiiiruii  il.'  Mi'H  iirt'Ui'ci'iHiMim  lit'  la  l'onHuiicn  roynlii. 

11  iiiii|iut  Cl)  Irliiiidi',  h^  viiiKt-i't-un  juin,  mil  huit  crut  viiiHt  six,  i^t  r(<(;ut,  dc''H  non 
lias  <iK>',  !<'>*  ('li'iiii'iitH  dti  la  nii'illxurt!  i-diu'atioii,  di*  l'iiiïtriiction  In  pliiH  rultlii^!)'.  Kton, 
Clii'iHt  Cliuirli  (!t  Oxlord  V'  L'(iiii)itt'iit  |iariiii  It-i  lioMiniug  diHtiiiguùM  (|u'ilH  ont  donu^^i  A 
l'Anulilirrc. 

Dca  mil  liuit  relit  i|imrantr-huit,  alorH  (|u'ilH  iiV'talt  oncoro  i\\tb  (|Uo  de  viiiKt-drux  nnH, 
il  l'ut  t'iiit,  pniiH  l'adminiHtration  libéralu,  chamiirlluu  du  lu  rvini',  et  r«.-ni]>lit  cch  funotiuni. 
|iri'm|ui'  Haim  inttirrniition  .inBim'cu  IHriH. 

l.iirs  i\v  la  i'aininci  (|ui  ravaucit  l'Irlande,  eu  1H4T,  il  vinita  co  niallii'uri'UX  pays  l't  publia, 
iV  (Kiii  ri'tmir,  le  ri  sultat  du  hi'B  oliscrvationH. 

("iBt  vers  la  nirmi' époijui'  qu'il  vinita  lus  rf'Kion»  lior^^nlt'8  du  l'iHlniidi'  (t  du  Spitz- 
tiprK.  Il  a  lait  lu  récit  du  hou  voya^o  dana  un  llvru  connu  souB  lu  nom  du  "  Jiuttcrg  from 
IIIkIi  li!ilitiiilin."  Cl' livn- jouit  d"unii  lionne  rf'putation  daUH  lu  moniiu  Briuntifli|uu  et 
littéraire  :  i  m  France  comme  en  Angleterre,  on  a  luuâ  le»  xavantea  ul>i<ervation8  et  les 
agrémeuts  liltirairuH  qu'il  renferme. 

A  peine  revenu  dcH  Klacex  du  pi'ilc  Nord,  il  partait  pour  les  régions  que  lirùle  le  soleil, 
charué  d'uni'  importante  miHaion  iiolitique. 

Il  allait  en  qualité  de  coinmixHairK  anglaia,  faire  une  cnqu^tn  Hur  le»  maxHacrcH  des 
chrétieUH  de  la  Syrie,  l/intelligenco  et  lu  fermeté  qu'il  déjdoyu  dans  cette  mibbion  lui 
vaiureut  l'Iionneur  d'être  nommé  Chevalier  du  llaiu. 

De  IHiit  11  IHiiii,  il  remplit  l'emploi  do  Houa-aecrétuire  pour  l'Inde,  et  en  ISfifi  il  entra 
dans  le  départenu'Ut  du  la  (Juerro  en  iiualité  de  (^oua-cecrétnire.  Kn  \bm,  il  fut  fait 
chancelier  du  duché  de  Ijancnater.  L'année  iirfcédente,  il  avait  (irésidé  lecongréa  scien- 
litliiue  de  lielfast.  L'année  dernière,  il  fut  fortement  question  du  le  nommer  au  jioste 
quaHi-royal  de  Kouvcrneur  de  l'Inde,  comme  BucciBacur  de  l'infortuné  Lord  Mayo,  dont 
la  mort  trni,'i<ine  a  ému  ai  profondément  l'AiiKleterre. 

IJu  ce  qui  iirécèdu  il  faut  conclure  quo  Lord-Dufferiu  n'eat  pas  un  homme  ordinaire  et 
que,  Boit  coiiMue  adminiHtrateiir,  soit  comme  diplomate  ou  homme  de  soiences  et  du  lettres, 
il  jouit,  dauH  la  tlrande-HretaKiie,  delà  considération  publique.  Sucarriére  a  été  remiilie, 
iléji'i,  par  (le  noblea  travaux,  marquée  jiar  des  succès  honorablea,  et  il  n'y  n  pas  de  doute 
qu'il  ne  s'.nrétura  pas  en  si  beau  chemin.  C'est  un  homme  destiné  iV  faire  sa  marque  dau» 
tout  ce  qu'il  fait  et  entreprend,  il  voirau-delft  des  horizons  do  tous  liB  jours. 

A  une  intelliKence  active  et  admirablement  cultivée,  tV  un  eajirit  curieux  et  hardi,  il 
joint  un  caractère  ferme,  entreprenant,  ambitieux,  .avide  do  noblea  distinctionB,  nmi  do 
tous  les  iiriiu'rèB,  dévoué  u  fon  pays,  capable  de  griiudea  choses.  I.i  s  sentiments  comme 
lus  piiiséi'!!  .-ont  larges  clii'/,  lui  ;  l'étude,  lea  voya)<es  et  l'observiition  ont  considérable- 
ment iléviluppé  ses  qUiilités  naturelles. 

A  le  voir,  il'aileurs,  à  l'entiiidre  surtout,  il  est  facile  de  reconnaître  nu  homme  (|ui 
ambitiouM"  d'iiutres  titres  de  noblesse  (|ue  ceux  de  l.i  naissance,  .lui  asiiire  à  quelque 
chose  de  plus  honorable  que  le  prestige  de  la  iiositioii  (lu'il  occupe. 

Hrun,  lie  iimyiiiue  taille,  la  figure  pâle,  les  traits  accentués,  le  front  dévelopiié,  1,1 
phyaionouiie  sérieuse,  même  dans  le  sourire,  l'attitude  modeste  dans  la  dignité,  il  a 
plutôt  l'iiir  d'un  savant  que  d'un  gouverneur,  d'un  iicnBcur  que  d'un  lord;  ou  bien  il  a 
l'air  de  l'un  et  de  l'autre  si  l'on  veut. 

Nous  sommes  certain  iiu'il  su  soucie  fort  lieu  des  galon»  d'or  qu'il  iiorte  dans  les 
circonstances  solennelles,  et  qu'i\  l'éclat  des  habits  du  cour  il  doit  iiréférer  les  choses  de 
l'esprit,  la  u'ioire  des  sciences  et  des  lettres.  Il  est  d'ailleurs  fort  aimable,  gracieux  et 
poli  sans  alïectation,  galant  avec  les  dames,  jileiu  de  prévenances  pour  tout  le  monde, 
eoutirmaiit.  par  tous  ses  actes,  l'oiiiiiioii  de  ceux  qui  disent  qu'il  n'y  a  personiio  qui 
soit  plus  geutilhoiume  qu'un  gentilhomme  irlandais. 

Lord  DulTeriu  n'est  dans  le  pays  ([ue  depuis  six  mois,  et,  déji'i,  il  est  plus  populaire  qae 
tous  les  gouverneurs  qui  l'ont  précédé  di'iiuis  Loril  Klgin.  On  va  i"i  ses  levers,  il  ses  dîners, 
on  lui  donne  des  bals,  ou  lui  présente  jiaitout  des  adrcBses  et  on  lit  avec  plaisir  ses  dis- 
cours ;  les  hommes  louent  son  jugement  et  ses  conuaissancea  ;  les  femmes  vantent  son 
.imabilité,  le  peuple  de  Québec  l'aiiiiellu  Lord  Dufresne.  ((n  remarque  l'intérêt  ([u'il  porto 
:i  tout  ce  qui  est  canadien  ;  il  achète  les  ouvrages  de  nos  écrivains,  il  étudie  l'histoire  du 
])ay»,  se  fait  renseigner  sur  ses  besoins,  ses  Bùntiinents  et  ses  asiiirations  et  aemblo  déjà 
au  l'ait  de  tout. 

Lady  Dufferin.— Lord  Butïerin  a  épousé,  le  23  octobre  1802,  Hnrriet,  fille  de  Archibnld 
llamilton,  de  Killyleagh  Castle,  et  )ietito-fille  do  llamilton  Kowan.  C'est  une  femmo 
d'une  figure  aimable  et  jolie,  digue  par  Bon  iutelligonco  et  Bon  carnctére  d'être  l'épouse 
lie  Lord  Iluiïerin. 

Leurs  Excellences  ont  déjà  une  famille  de  quatre  cufants,  dont  deux  garçons  et  deux 
Ailes. 

(là.  0.  David) 


ESQUISSES 


309 


^ns   los 

■MX     Vt 

llUIlllC, 


Ihibnia 
Ifcrnmo 

|C'1)0U8C 

deux 
I») 


selhurst,  jadis  empereur  ûa  Français,  nous  faisait  ces  années 
dernières  Vous  n'avez  sans  dou'e  pas  oublié  non  plus  d'avoir 
feuilleté  à  la  bibliothèque  parlementaire,  parmi  les  superbes 
volumes  à  nous  présentés  par  le  gouvernement  d-.*  1  Kuipereur  un 
grand  oc/iiî'o  illustré,  contenant  la  relation  d'un  voyage  entrepr  s 
par  le  juince  Napoléon  en  Islande  et  au  Si)itzbcrg,dans  son  beau 
yatch  de  1,100  tonneaux,  la  corvette  à  hélice  "/,<»  A't'i/n-  //or- 
/c'/isc."  Un  des  dessins  exhibait,  au  milieu  de  la  banpiise  l? 
majestueuse  corvette,  faisant  jaillir  de  sa  proue  dus  tlois  d'écume 
et  remorquant  une  svelte  goélette  de  So  tonneaux,  le  schooncr- 
yatch  "/V(////"  commandé  par  le  noble  lord.  Le  voyage  pour 
celte  dernière  surtout,  devait  être  périlleux,  aux  >.eins  des  glaces 
et  des  brumes  polaires. 

Depuis  une  (]uin/.aine  de  jours,  l'ex  commandant  du  /ùuiifi 
s'est  installé  sur  le  point  le  plus  dominant  de  notre  cité — notre 
citadelle.  Sa  courtoisie,  sa  généreuse  hospitalité,  1  amabilité  de  la 
comtesse,  sa  femme,  sont  dans  toutes  les  bouches.  11  se  nomme, 
ce  bravo  marin.  Lord  Durforin,  ou,  si  vous  l'aimez  mieux,  en 
fran(,'ais,  le  comte  Dufresne.  (-ar  parmi  ses  ancêtres,  il  en  est 
qui  hèlent  de  l'iance. 

Il  nous  arrive  avec  un  arcjme  scientifique,  une  auréole  litté 
raire,  entouré  en  sus  du  prestige  d'une  descendance  doublement 
■illustre,  puisqu'il  appartient  à  la  pairie  d'Angleterre,  '"la  plus 
belle  société  moderne,  depuis  le  jnatriciat  romain,"  a  dit  le 
vicomte  de  Chateaubriand.  D'un  cûlé,  il  hérite  des  saillies  fines 
de  son  ancêtre  le  fameux  Richard  IJrinsley  Sheridan  ;  de  1  autre, 
l  honorable  madame  Norton,  sa  tante,  lui  a  légué  le  secret  d'en- 
velopper sa  phrase  dans  1  idiùme  élégant  d'Addison. 

Si  l'illustre  auteur  du  Gcnic  du  Christianisme  avait  une  idée 
si  élevée  de  la  pairie  anglaise,  ce  n'est  pas  moi  qui  l'amoindrirait 
Bien  que  sur  cette  libre  terre  de  l'Amérique  nos  aspirations 
soient  plutôt  démocratiques,  nous  ne  pouvons  nous  défendre  de 
la  conviction  que  nos  ancêtres  descendaient  de  la  France  monar- 
chique, longtemps  avant  que  la  guillotine  de  1793  eût  fait  dispa- 
raître cette  généreuse  noblesse  fran^-aise,  bien  longtemps  avant 
-l'ère  de  la  commune  de  Paris. 

Vous  savez  qu'en  Angleterre,  il  y  a  cinq  degrés  de  noblesse  : 
I0.  Dues  (du  latin /?//.%-,  chef  d'armée,)  "20  marcpiis  {.Vlarchis,) 
gouverneur  de  marches  ou  provinces.  3o.  Comtes  (Conws,) 
compagnons  du  roi.  io.  Vicomte  ('député-comte,  dans  l'absence 
du  comte,  j  5o.  JBaron,  vieux  titre  Normand  ou  Saxon.  Ajoutez 
un  sixième  degré,  les  Archevêques,  F'vêques,  Lords  spirituels. 
Les  principaux  privilèges  de  la  nobles«e  sont  :  immunité  de  la 
■contrainte  par  corps  pour  dette,  dans  leur  personne,  et  dans  la 
personne  de  leurs  serviteurs  jus  ju'en  1770,  etc  '^o.  L'exemption 
de  prêter  serment  comme  jurés  dans  les  procès  criminels  sur 
leurs  pairs,  et  le  droit  de  répondre  sur  leur  honneur  au  lieu  de 
sur  leur  serment.  3o.  Garanties  spéciales  par  la   loi   contre   les 


10 


LORD    DUFFKRIX 


écrits  ou  ]'arolos  diffamatoires,  lo  Le  droit  dans  les  procès 
d'importance  de  ijreiulre  leur  siège  sans  se  découvrir. 

L'n  .seul  pair  f'Lord  Kinsale)  a  le  droit  de  se  présenter  sans  se 
découvrir,  devant  le  souverain,  etc. 

Passons  du  général  au  particulier. 

Frederick  Templu  llamilton  IMackwood,  baron  Dufferin  cl 
Clandcboye,  est  d'extraction  écossaise  ;  il  descend  d'Adam  IJlack 
wood,  conseiller  ]:»rivé  de  la  belle  et  infortunée  Marie  Stuart, 
reine  d'Ecosse.  Un  autre  ancêtre,  John  Blackwood,  jjossédait 
dans  le  comté  de  Down,  Irlande,  un  domaine  qui  fut  séquestré, 
en  1687,  par  le  parlement  de  Jacques  II,  mais  le  prince 
d"()range,  en  montuit  sur  le  troue,  le  lui  rendit.  Pour  le  reste, 
voir  le  Peerage  de  J)cbrctt  ou  de  Btirkc.  Sa  devise  est,  comme 
plus  haui  :  ' 

J^cr  z'ias  rt'ctas 


Deux  travaux  littéraires  fort  attrayants  donnent  au  nom  de 
"Dufferin,"  un  charme  tout  particulier  aux  ytux  du  monde  litté- 
raire. 

L'un,  magnifique  volume  illustré,  est  ime  étude  humoristique 
écrite  par  la  mère  du  noble  comte,  en  1863. 

C  est  une  série  de  traits  mordants,  une  parodie  de  la  carrière 
aventureuse  d'une  enthousiaste  anglaise,  à  Constantinople,  en 
Palestine,  etc.  Il  lui  faut  pour  drogman,  un  Iiomni'^  qui  paie  de 
mine.  l'".ile  a  le  malheur  de  choisir  un  grec,  d  une  stature  impo 
santé,  remarquable  i)our  la  dignité  de  ses  poses,  s-es  airs,  ses 
i^rands  saints.  C'est  à  ce  drogman,  véritable  scélérat,  ([u'elle  confie 
à  Constantinople,  son  précieux  caniche^  "Bijou."  le  drogman  a 
pour  mission  d'accompagner  Bijou  dans  les  rues  de  la  ville  Byzan- 
tine ;  il  finit  par  s'ennuyer*de  ce  soin  ;  et  un  bon  jour,  il  se  pré- 
sente devant  sa  maitrei?se,  lui  fait  une  profonde  révérence  et  lui 
exhibe  les  oreilles  et  la  queue  de  ce  pauvre  Bijou,  assassiné,  dit-il, 
par  les  féroces  chiens  de  Constantinople.  C'est  tout  ce  qu'il  en  reste. 
Il  reçoit  son  congé.  PLst  ce  une  parodie  des  aventures  d  •  )  ady 
I-Iester  Stanliope,  l'amie  de  Lamartine  ?  Est-ce  un  take  offàc  Lady 
P^Uenborough,  avec  son  Cheak  chéri?  Non,  ce  n'est  qu'un  person 
nage  imaginaire. 

Ce  dernier  livre  est  intitulé  :  Lisphh^sfrom  tlic  Lok'  Latitudes, 
et  J  autre  Lrttcrs  froin  Jfi:^à  Latitudes. 

List^iiigs front  Loio  Latitudes.  ])ar  son  format  de  luxe  et  la 
aeauté  de  ses  dessins,  aura  un  succès  de  salon,  ou  le  prix  élevé 
[$6.50]  auquel  il  se  vend  ne  le  met  pas  à  la  portée  de  tous  Cepen- 
dant quel  est  le  littérateur  canadien  en  dc^a  de  la  quarantaine 
qui  se  refusera  le  plaisir  de  feuilleter  ces  pages  spirituelles,  tra 
cées  par  une  corutesse  élégante  c*:  lettrée.  Cette  une  belle  préro- 
gative que  celle  du  génie,  chez  la  femme  aussi  bien  que  chez 
l'être  barbu   qui  s'affuble  si  modestement  du  titre   de   roi    de   la 


ESQUISSES 


311 


création.  Si  la  France  est  glorieuse  de  ses  Sévigné,  ses  De  Staël, ses 

de  Genlis,  ses  d'Abrantes,  ses  Récamier,  le  génie  a  laissé  sa  mar» 

que  indélébile  sur  plus  d  une  blanche  fille  d'Albion,  Mrs  fcrhelley, 

Mrs  Hemans,  Mrs  Trollope,  Harriet,  Martineau,  les  Landor,  les 

Strickland,  les  Norton. 

*  * 
.  *    . 
A  vous  qui  avez  des  goûts  historiiiues,  de  chercher  parmi  nos 

gouverneurs  sous  le  régime  français,  un  type  qui  ressemble  au 
noble  lord,  auquel  notre  '•••acieuse  Reine  vient  de  coniier  le 
sceptre  de  Vice-Roi  do  toute  l'Amérique  Britannique  ;  ce  terri- 
toire bien  que  moins  peuplé,  excède  en  étendue  celui  de  l'or- 
gueilleuse répul)liquo,  notre  voisine,  comme  vous  savez.  Dirons- 
nous  que  le  comte  Dufferin  rappelle  le  savant  et  lettré  comte  de 
la  Galissonnière? 

Les  Lettres  des  J fautes  Lixtitiides  résument  avec  entrain  la 
course  du  "  Foam  "  du  2  juin,  au  15  septembre,  1856. 

Ce  ''écit  renferme,  entr'autres  choses,  de  savantes  théories  sur 
les  fameux  Geysers  ou  sources  thermales  de  l'Islande  ;  ces  sin- 
gulières éruptions  y  sont  décrites  avec  une  rare  clarté,  leur 
examen  me  mènerait  trop  lom.  Le  livre  a  été  traduit  en  français, 
par  Lanoye  :  il  vient  d'être  cu1,  dans  un  ouvrage  écrit  par  des 
savants  Français,  intitulé  :  "  Tiemblements  de  Terres,  Volcans,"' 
publié  par  Hachette  ;  le  compte-rendu  que  les  api)endices  renfer 
ment  sur  la  température  de  la  mer  polaire,  a  servi  de  base  à  des 
savants  d'Allemagne,  dans  de  proiondes  études  récemment 
publiées  à  ce  sujet. 

Lien  que  le  Foam  ne  jaugeât  que  80  tonneaux,  pas  moins  de 
dix-sept  personnes  en  composaient  l'équipage. 

La  mise  en  scène  es*^  consignée  comme  suit  à  la  première  page  : 

"  Lord  Dufferin,  na    gateur  ;  Saga,  artiste. 

Sigurdr,  fils  de  Jonas,  natif  d'Islande,  étudiant  en  loi. 

William  "\\'ilson,  valet,  jardinier,  natif  du  Cap  de  Bonne 
Espérance. 

Albert  Grant,  maître- d'hôtel,  Iiorloger. 

William     Webster,  récemment    des    Gardes    à     pieds    de   la 

Reine — subséquemment  '"Maid  Marian,"  cuisinier  en  sous  ordre, 

menuisier. 

John  Bevis,  cuisinier-en-chef,  i)lus  tard,  acrobate. 

Ebenezer  Wyse,  capitaine  ;  mineur  de  la  Californie. 

William  Leverett,  second. 

William  Taylor,  pourvoyeur  de  viande. 

Charles  Parne,     ^ 


Thomas  Scarlett 
Thomas  Pilcher 
Henry  Leverett, 
lohn    Lock. 


)■    matelots. 


r^m 


312 


LORD   DUFFEkIX 


I)   1 


William  Wynhalt,  mousse. 

Un  allemand  versé  dans  la  capt-ure  des  moustiques. 

Un  coq  qui  chantait  régulièrement  au  point  du  jour. 

Une  chèvre. 

Un  renard  d  Icelande 

Un  ours  blanc 

Dames  et  cavaliers  parlant  l'idiome  Islandais,  Norce,  Lapon 
et  Françai?. 

ScKN'E  :  Quelquefois  sur  le  Foam,  quelquefois  en  Icelande,  au 
Spiul)erg  ou  en  Norvège 

fGOD  SAVE  THE  QUEEN.j 

Ne  voilà  t  il  pas  un  programme  et  des  act*  urs,  qui  nous  pro- 
mettent un  drame  émouvant,  palpitant  d'intérêt  et  de  nouveauté, 
l)endant  une  course  de  deux  mille  lieues  ? 

Lord  Dufferin  fut  assez  heureux  après  quelques  jours  d'attente, 
de  voir  une  magnifique  éruption  du  urand  Geyser,  une  colonne 
d'eau  brillante  de  lumière  et  de  vapeurs,  s  élançant  en  gerbe 
ar^'cntme,  se  divisant  en  plusieurs  jets,  d'une  incomparab  e 
beauté  ;  puis,  ce  magique  spectacle,  ces  fantastiques  eaux  ther 
maies,  reprenant  leur  cahne  habituel  et  disparaissant  dans  la 
cavité  de  leur  singulier  entonnoir.  Le  tout  est  décrit  avec  un 
coloris  de  style,  une  clarté  d'expression,  qui  vous  fait  presque 
assister  en  personne  aux  convulsions  du  monstre  en  courroux. 

Pour  saisir,  sous  tous  ses  aspects,  la  théorie  de  Lord  Dufferin 
sur  les  Geysers  d'Islande,  il  faudrait  avoir  sous  la  main  les 
découvertes  de  Tyndal  on  Hcat,  aussi  bien  que  celles  du  savant 
cJievalier  Bunsen  :  les  unes  et  les  autres  me  manquent 

(J  est  sur  les  tlancs  volcaniques  du  grand  Geyser  même,  que  le 
noble  comte  fit  la  connaissance,  pour  la  première  fois,  du  prince 
Napoléon,  et  où  il  lui  offàt  l'hospitalité  de  sa  tente.  Cette  amitié 
se  cimenta  par  de  petits  présents  ;  entr'autres  par  une  superbe 
paire  de  candélabres  bronzés,  que  le  prince  offrait  à  l'avantu- 
reux  yachtman  et  qu'il  nous  a  été  donné  d'admirer  sur  la  cita- 
delle de  Québec  ;  en  retour  ce  dernier  lui  faisait  cadeau  d  une 
belle  carabine. 

Quelle  singulière  région  que  cette  Islande  avec  ses  glaciers  per- 
pétuels, ses  eaux  thermales,  tour  à  tour  tranquilles,  tour  à  tour 
en  ébulition,  au  sein  des  frimas  ;  ses  Sagas  ;  ses  vivaces  tradi- 
tions littéraires  ;  son  dieu  Odin,  dont  la  cosmogonie  et  le  rituel 
nous  ont  été  transmis  par  des  archéologues  Islandais. 

Parmi  presque  toutes  les  anciennes  races  Scandinaves,  c'est 
en  Islandais  que  sont  rédigés  les  vieux  manuscrits.  C'étaient  des 
diplomates  Islandais  qui  conduisaient  les  relations  diplomatiques 
des  Cours  du  Nord.  Les  relevés  typographiques  de  l'ère  la  plus 
reculée  sont  tracés  en  cette  langue.  La  première  ébauche  d'his- 
toire en  langue  vernaculaire  est  celle  de  Snorro  Sturleson 
est  rédigée  en  dialecte  islandais 


ESQUISSES 


313 


c'est 
ht  des 

jliques 
plus 
d'his- 
rleson 


"Elle  portait  le  nom  de  Jleimskringla,  parce  que  ce  mot  se 
trouvait  le  premier  dans  le  manuscrit,  et  résumait  l'histoire  des 
rois  norvégiens  depuis  les  temps  fiibuleux,  à  venir  à  l'année 
1 150,  de  l'ère  chrétienne.'  '•P'ile  raconte,"  dit  lord  Dufferin, 
avec  tant  d  art  et  de  tact,  qu  elle  semble  combiner  le  talent  dra 
•matique  de  Macaulay  avec  la  peinture  des  caractères  de  Claren- 
don  et  la  causerie  familière  de  Pepys."  Snorro  Sturleson  eut  une 
mort  tragique  :  sa  convoitise  lui  fit  épouser  à  la  fois  deux  riches 
héritières.  Deux  femmes  à  la  fois  pour  un  homme,  en  Islande  ou 
ailleurs,  j'oserais  dire,  peuvent  causer  des  embarras  matrimo- 
niaux ;  ses  trois  gendres  l'assassinèrent  une  sombre  nuit  de  sep 
tembre,  en  1241,  a  Reckholt.  e  siècle  de  Snorro  fat  une  ère 
remarquable  pour  les  lettres. 

Puis  le  savant  écrivain  nous  raconte  la  découverte  du   Groën 
land  par  Eric  le  Roux.  En  faveur  des  habitan  s,  le  Pape    Nico- 
las émanait,  en  1448,  un  bref,   leur  acordant   un   nouvel   évêque 
•et  des  pasleurs,  pour  marquer  son  appriabalion  de    leur   dévoue- 
ment, et  en  considération  de  ce  qu'ils  avaient  élevé  i)liisieurs  tem 
pies  sacrés  et  une  superbe  cathédrale.    "Puis  tout  disparaît  pen 
dant  quatre    siècles,    comme    un    rêve,    et   des  missionnaires  le 
découvrent  de  nouveau  au  i6e  siècle."  Je  n'en  finirais  pas,  très- 
cher  poète,  si  j'entreprenais  de  vous  retracer  toutes   les   intéres 
santés  choses  que  le  savent  comte  nous  rapporte   sur   l'Islande. 
Enfin    montons   avec  le  noble    Lord,    dans   le    Foain  ;    Louis 
Napoléon  est  un  bon  prince,   il   nous    touera   avec  sa  puissante 
corvette  La  Reine  Hortense.  Cinglons  pour  le  grand   nord,    le 
Spitzberg  et  le  pic  volcanique  de   Jan    Mayen    qui   s  élance   de 
1  Océan,  huit  de  6.870  pieds.  C>)uand,    au   sein  des    brumes,   en 
15 14,  le  capitaine  Eotherby  découvrit  pour  la  première  fois  Jan 
JMayen,  en  entendant  le  bruit  des  vagues  sur    la    base   du   mont 
Beerenberg,  il  s'imagina  a^'".  découvert  un   nouveau  continent. 
Lisez,  si  vous  le  pouvez  sans  frémir,    le    sort  des   sept  matelots 
hollandais  laissés  pour  y  hivi^rner,  en  1633.     Au  printemps  sui- 
vant, le  secours  venait,  mais  trop  tard,  -  la  llolte  hollandaise.  On 
lisait  dans  le  journal  des  sept  infortunés,  le   récit   poignant  de 
leur  agonie,  sous  l'étreinte  du  troid,  aux  prises  avec  le  scorbut  et 
le  désespoir. 

Une  des  plus  fraîches  peintures  que  1  on  trouve  dans  le  volume, 
est  celle  qui  retrace,  à  bord  de  la  Reine  Hortense,  une  coutume 
traditionnelle  des  marins  français,  lorsque  leur  vaisseau,  aborde 
pour  tout  de  bon,  le  bord  de  la  banquise  dans  les  mers  i^Iaeiales, 
comme  les  nommait  l'amiral  de  la  Roncière,  le  commandant  de 
la  corvette  française  : 

LE  PÈRE  ARCTIQUE 

"Ce  redoutable  personnage,  vêtu  de  .  la  dépouille  d  un  ours 
polaire,  muni  d  une  longue  barbe  blanche,  et  de  berniques  ver- 
tes, avec  un  chapeau  tricorne  incliné  vers   l'oreille   gauche,  pré- 


314 


LOKD   DUFFERIN 


ct'dé  d'un  musique  infernale  et  de  bien  des  monstres  hideux,  se 
présenta  au  gaillard,  avec  une  planche  sur  laquelle  était  écrit 
•'Le  Père  Arctique" — qu'il  offrit  à  lollicierdu  quart,  comme  sa 
carte  de  visite.  Puis,  vint  un  sabbat  d'enfer,  sur  tous  les  coins  du 
pont  ;  les  vergues  et  les  haubans  se  couvrirent  de  diables  rouges, 
de  singes  noiis  et  de  mille  autre  apparitions  grotesques.  Ahn  de 
compléter  l'illusion,  une  grêle  de  pois,  fut  lancée  des  vergues, 
pour  simuler  la  tempête  déchaînée  ;  les  marins  français  avaient 
aussi  la  figure  enduite  de  farine  pour  représenter  une  bordée  de 
neige. 

Plus  tard,  une  harangue  fut  prononcée  par  le  chapelain  du 
père  Arctique,  et  le  tout  se  termina  par  de  copieuses  libations 
de  spiritueux." 

Je  craindrais,  cher  poète,  d'abuser  de  votre  patience,  si  je  ne 
savais  combien  les  lettrés,  qu'il  soient  gouverneurs  ou  particu- 
liers, vous  plaisent.  Vous  vous  rappelez  sans  doute  l'éloquent 
discours  que  le  comte  prononçait,  le  11  juin  derniei,  a  Belf.ist, 
avant  de  s'embarquer  pour  le  Canada  et  qu'il  terminait  par  ces 
belles  paroles  : 

'"Like  a  7'in^^in  ^'oJt/css  in  a  pr'nncval  -<oor/(/,  Canada  still 
walks  in  unconscioiis  bcauty  amon^  lier  g<>ldcn  woods  and 
a/ONg  thc  niargin  0/  lier  tracklcss  strcains,  catc/iing  but  brokcn. 
glaces  of  lier  radiant  inajcsty  as  mirrored  on  tlicir  surface  and 
scarcch'  drcams  as  yct  of  tlie  glorious  future  aioaiting  lier  in 
tlie  Olympus  of  Nations.'' 

Est-ce  bien  tourné,  cela  ?  Eh  bien,  le  genre  humoristique  est 
manié  avec  une  grâce  égale  par  notre  vice-roi,  qui  sait  se  tirer 
admirablement  de  bien  mauvais  pas.  Voici  un  échantillon  d'un 
discours  de  circonstance  qu'il  lui  vint  en  tête  de  débiter,  en 
réponse  à  une  pompeuse  harangue  latine  que  l'évêque  de  la 
capitale  d'Islande  lui  nt  en  présence  des  sommités  otTicielles,  et 
du  beau  sexe  de  ReyKjavik  : 

"Viri  illustres,  insolitus  ut  sam  at  publicum  loquendum,  ego, 
propero  respondere  ad  complimentum  quod  recte  reverendus 
prelaticus  milii  fecit,  in  ijroponendo  meam  salutem  :  et  supplico 
vos  credere  ([uod  nuiltum  gratificatus  e»  tlattificatus  sum  honore 
tam  distinclu. 

"Bibere,  viri  illustres,  res  est,  quiu  in  omnibus  terris,  domum 
venit  ad  hominum  negotia  et  pectora  [i]  :  requirit  haustum  lon- 
gum,  haustum  forteni,  et  haustum  omnes  simul  [2]  ;  et  canit 
Poeta,  unum  tactum  Naturx  totuin  orbem  lecit  c  nsenguineum 
[3]  et  hominis  Natura  est  bibere  [4]. 

"Viri  illustres,  alterum  est  sentimentum  equaliter  universale  : 
terra  communis  super  quam  septentrionales  et  meridonales  eadem 

(1)  •'Coniog  liomo  to  mcn's  businf  88  anilbosonis''  Pater/amilian,  Timen. 

(2)  "A  long  pull,  ustronjif  l'i'll,  aud  a  i)nll  altoijcthcr."  Jfil.tcinat  the  A'iVc. 

(3)  "Ouo  toiJch.of  natiiri"  inakcs  tho  wliolo  worlil  kiii." — Ji'remy  Bciitham. 

(4)  Aiiothoijm  by  the  late  Lord  Moutculloehousc. 


ESQUISSES 


315 


enthusiasmâ  convenire  possunt  :  est  necesse  quod  it  nominarem  ? 
ad  pulchrum  sexum  devotio  ! 

"Amorregit  palatium,  castra,  lucem.  [sjDubitosub  quocapite 
\estram  jucundam  civitatum  numerare  debeam  factum  ?  non 
Regem  Castra  ?  non  milites  !  lucem  ?  non  ullam  arborem 
habetis  !  Tamem  Cupido  vos  dominât  haud  aliter  quam  alios.  — 
et  nrgmum  Islandarum  pulchritudo,  per  omnes  regiones  cognita 

"Bibamus  salutem  earum,  et   confusionem   ad   omnes    bacu- 

anos  ;  speramus  quod  c:v  et  cara3  benedictx%  créditai  invenient 

lot  maritos  quot  vchnt,— ]uod  geminos,  quod  annis   habeant,  et 

quod  earum  hlix,  maternum  exemplum  sequentes,  gentem  Islan- 

dicam,  perpétuent  in  sajcula  s:eculorum."  '  "= 

Il  paraît  que  Lord  Dufferin   a   fait  l'acquisition   de   tous   les 
ouvrages  canadiens  qu  il  a  pu  trouver  cà  Québec. 

Sillery.  prùs  de  Québec,  16  sept.,  1S72.  J-      •     • 


■'I  ■•J.nv  rnlos  tfi 


î  court,  tlio  (■■imn.  tlio  qro\c:-—Vem'ri,hk  Jiede. 


m' i^ 


HUJ 


!"■' 


A  L'HONORABLE 


HENRI  GUSTAVE  JOLY 


VICE-J'RÉSIDENÏ  DU 


Co7igyès  Forestier  de  V Amérique 


E'J- 


Le  père  de   VArboriadturc 


AU  CANADA 


fif'V 


,  I  '\ 


w 


-î 


A  L'HONORABLE  HENRI  GUSTAVE  JOLY. 


•Cher  Monsieur, 

Je  ne  connais  personne  à  qui  j'aurais  plus    de    plaisir    à 

'faire  hommage   dt   a   raoide    coap-d'œil  sur  les   jardins 

anciens   et    modernes,    que    celui    que    la    voix    publique 

■  proclame  comme  voué  à  l'œuvre  si  patriotique  d^i  reboiser 

nos  forêts  et  de  pourvoir  nos  parcs,  nos    places    publiques, 

nos  jardins  de  leurs  ornements    les    plus  gracieux  et  aussi 

'les  plus  durables  :  de  beaux   arbres. 

Répétons  avec  le  bon  Roucher  : 

ipioi  !  fant-il  'Kiriicr  tons  1rs  Imis  il  ■  la  fcriiio 

Aux  si'uls  ])l:iiits  fniutu.ux  i|iii'li'  viTircr  iciifrnno  V 

Xou.  Siiiis  dotiti"  ;  i\  ri'utnuv  ili'  ses  |)r<'S  verilDy.iiits 

Klli'  iIpiuiukU'  i\  voir  li'^  saules  niulojMiits, 

Kt  li>  tlt'xil)l(>osii'r,  l't  rauiu"  (lui  s'avive 

Sur  les  bonis  toujours  frais  <rumM)iuli'   li'iiti'  ou  vive. 

Ijoiu  doiu'  (11"  les  bannir,  je  veux,  d"  toutes  imrts, 

(Qu'ils  vii'iuuMit  SI'  iiioMtror,  goil  fjroiiiiOs,  soit  épars. 

KoicHEiî,  jioctnc  iii'tUi. 

Grâce  à  vos  persistants  efforts,   l'arboriculture  a  pris  sa 
i.place  en  Canada,  comme  institution  nationale. 

Daic^nez  maintenant  mettre  à  votre  œuvre  le  couronne- 
ment  final,  en  guidant  de  vos  conseils  le  groupe    de    con- 
citoyens éclairés,  anxieux  de  voir   compléter    l'ornemen- 
tation de  notre  bonne  ville, — si  heureusement  inaugurée  par 
•cet  insigne  bienfaiteur  de  Québec,  Lord  Dufferin, — par  la 
■création   du   parc   projeté     sur    nos    classiques    Plaines 
•d'Abraham. 

Spencer  Grange  Sept.  1SS5. 


m 


JARDINS  ANCIENS  ET   MODERNES 


Il  OBt  (1o8  Roina  plus  doux,  un  nrt  plus  euchantour, 
("est  pou  (11' clinnuer  l'œil,  il  faut  parler  au  cceur. 
Avt'z-voiiH  «loue  connu  ces  rapports  invisiblcg 
Dus  corps  inanimés  et  dos  6tro8  Bonsibloa  ? 
Avoz-vouB  entendu  des  eaux,  des  pris,  des  bois, 
La  muette  ûloqucuco  et  lu  secrète  roix  ?  " 

Les  Jardiks. 

Avant  de  décrire  les  jardins  du  Canada  prenons  les 
choses  de  plus  haut. 

Le  premier  jardin,  c'est  Dieu  même  qui  en  fut  l'artiste  : 
le  jardin  de  notre  premier  père,  Adam,  l'Eden  ;  et  que 
de  regrets,  quand  la  porte  lui  en  fut  fermée  !  Le  chantre 
du  Paradis  Perdu,  Milton,  d'après  un  idéal  crée  par  son 
génie,  place  dans  ce  jardin  "  des  fontaines  de  nectar,  ser- 
pentant sous  l'ombrelle  des  bois,  portant  fraîcheur  et  vie 
aux  plantes  et  aux  fleurs  innombrables  qui  émaillent  sans 
art,  ni  apprêt,  les  collines,  les  plaines,  les  vallées,  recevant  les 
chauds  baisers  de  l'aurore,  puis  à  l'heure  du  midi,  cherchant 
abri  contre  les  ardeurs  du  soleil  dans  de  verts  bocages, 
impénétrables  à  ses  rayons  :  heureux  et  champêtre  séjour 
aux  aspects  variés."  (i) 

A  l'excep'ion  des  serres  en  verre,  comme  art  de  goût 
la  science  des  jardiniers*date  de  bien  loin. 

Les  jardins  ie^  plus  anciens  dont  l'histoire  nous  a  trans- 
mis une  mention  détaillée,  ceux  du  Roi  Salomon,  étaient 
de  forme  quadrangulaire,  entourés  de  murs  élevés,  forme 
usitée  même  de  nos  jours.  On  y  voyait  des  arbres,  des  voliè- 
res, des  nappes  et  des  cours  d'eau,  choses  indispensables 
en  un  climat  chaud.  Salomon  y  avait  en  outre   un    Sérail, 


(1)  '•  SVitli  iiiazy  crror  under  pinulant  sliades 
Kau  nectar,  visitiuK  eacli  plant  and  fod 
Flowers  worthy  of  l'aradiso,  which  not  nice  art 
In  beda  and  curions  knots,  but  Kature  boon 
l'our'd  forth  profuso,  ou  liill  and  dale  and  plain, 
Uut  where  the  niorning  sun  lirst  warnily  smoto 
The  open  fleld,  and  whoro  tlie  wnpicrced  shade 
Inibrown'd  thc  noontido  bowera  :  thus  was  tUis  place, 
A  Uappy  rural  seat  of  various  vicw," 

Milton 


KSOUISSKS 


321 


>les 


Idii 


lequel,  au  dire  du  commentateur  l'arklnirst,  servait  de 
temple  pour  le  culte,  aussi  bien  que  de  lieu  de  p!  isir- 
Chez  les  modernes,  le  scrail  n'est  pas  un  acce^>-c)iie  oh'.i;..;!.;  ;. 
à  Versaith's,  on  y  substitua  le  petit  Trianon...  pour  l'édi- 
fication de  cette  vertueuse  Mme  Dubarry  ? 

La  maçjnificence  des  jardins  d'Alcinoiis  est  pas^e(.  à 
l'état  légendaire. 

Les  jardins  de  C}';us  et  autres  potentats  tic  l'Oiieiit 
étaient. remarquables  par  leur  étendue,  leur  éclat,  la  ilivcr- 
sité  de  leurs  productions  ;  ils  étaient  considérés  comme  les 
merveilles  du  moivie. 

Les  fameux  jardins  susjjcndus  de  Jîab\'loi!e  awdcnt 
entr'autres  décorations,  une  ^érie  de  terrasses, — les  pre- 
mières dont  il  est  fait  mention  ;  les  avenues  en  étaient 
plantées  d'arbres  de  diverses  espèces  :  on  y  vo)  ail  j>,'ts 
d'eau,  sièges  rustiques,  parterres,  pavillons  pour  b.MKjuels  ; 
bref,  de  l'ombrag?,  des  fleurs,  des  points-de-vue  vastes, 
tout  ce  que  l'on  trouve  dans  un  grand  jardin  mriin  ; 
cette  innombrable  variété  de  plantes  et  d'arbres  exotic^ues 
ravis  à  toutes  les  régions  connues  par  la  science  moderne. 
L'historien  Strabon  nous  donne  la  dimension  des 
bocages  d'Orontes,  comme  étant  neuf  milles  en  circonfé- 
rence. N'est-ce  pas  là  le  premier  parc  dont  l'histoire  nous 
parle  ? 

Gibbon  ajoute  que  "  le  l.iurier  et  le  cyprès,  de  leur  feuil- 
lage touflu  y  créaient  une  retraite  toujours  fraîche,  impé- 
nétrable aux  rayons  du  soleil,  arrosée  de  mille  ruisser.ux 
issus  des  monts,  qui  y  entretenaient  un  gazon  perpétue!  et 
tempéraient  la  chaleur  du  jour  ;  l'odorat  y  était  captivé 
par  l'arôme  des  plantes,  l'ouïe,  par  la  douceur  des  sons  ; 
c'était  un  paisible  bocage,  consacré  à  la  jouissance,  ù  la 
santé,  au  luxe,  à  l'amour." 

Les  Grecs,  sans  avoir  poussé  a  la  perfection  l'art  des 
jardins,  avaient  leur  célèbre  vallon  de  Tempe  et  les  boca- 
ges d'Académicus,  à  Athènes,  ornés  de  vases  et  de  statues, 
d'autels,  de  monuments  funèbres,  de  temples,  de  tour«!.  On 


1 

1 

ii 

1 

1 

':&: 

32: 


JARDINS   ANCIENS   KT    MODICRNKS 


y  trouvait  ce  que  les  Grecs  aimnient  :  de  l'ombrage  et  de 
In  fraîcheur — des  senteurs  délicieuses — les  douceurs  du 
rcpo!--.  I/art  de  leurs  jardins,  les  Grecs  l'avaient  emprunté 
des  Perses  :  les  Romains,  en  ceci  comme  en  bien  d'autres 
choses,  prenaient  les  Grecs  comme  modèles  ;  leurs  Lucul- 
lus  )•  versaient  des  millions  pour  renchérir  en  ornements 
sur  leurs  devanciers,  élevaient  dans  leurs  jardins  des  cr"' 
nés  artificielles,  y  creusaient  des  lacs,  des  rivières  q; 
nommaient  le  Nil,  l'Eurotas,  l'ICuripe,  etc.,  y  amoncelaient, 
bronzes,  marbres,  fontaines,  au  sein  de  massifs  d'arbres 
aux  parfums  enivrants.  En  vain  Martial  de  son  vers 
vengeur  fouetta-t-il  ce  luxe  effréné  ! 

D'après  Cicéron   et  Pline  l'xVncien,  la  pratique  de  planter 
des  arbres  en  quinconce,    était    générale    de    leur    temps* 
Martial  consigne  dans  ses  cpigrammes  le  fait  que    le   tail- 
lage  des  arbres,  spécialité  du  style  dit  tonsile,    fut  inventé 
ou  introduit  par  Cna:us  Matius  :    ce   fut    vers    ce    temps 
aussi,  au  rapport  de  Propcrtius  que  l'emploi  des  statues  et 
des  fontaines,  comme  décors,  fut  en    faveur.    En    lisant 
description  du  jardin  de  Pline,  on  se  convaincra  sansp 
qvic  l'ordonnance  des  Jardins  P>ançais  et  Hollandai?,  eta,. 
caUiuée  sur  celle  du  jardin  de  cet  homme  de  goût. 

"  Terrasses  avoisinant  la  demeure,  comme  le  remarque 
k.  célèbre  Loudon,  ^erte  pelouse  descendant  en  talus, 
petit  parterre  à  fleurs,  avec  jet-d'eau  au  centre  ;  allées 
avec  garniture  de  buis  nain,  arbres  fantastiquement  taillés 
pour  smiuler  des  objets  artificiels,  avec  l'accompagnement 
obligé  de  fontaines,  de  grottes,  do  belvédères  :  tout  en 
un  mot  le  dénote." 

Horace  Walpole  remarque  également  que  le  jardin  de 
Pline  correspond  en  tous  points,  avec  ceux  créés  par  Lou- 
don et  Wise,  selon  la  méthode  Hollandaise,  il  dit  que  si 
l'on  ajoutait  au  jardin  de  Trajan  un  parterre  on  aurait  un 
jardin  orné  du  règne  du  Prince  d'Orange,  en  Angleterre, 
Guillaume  III. 

Plusieurs  textes  de  vieux    auteurs  nous  portent  à  croire 


ESQUISSES 


323 


lin    de 

Lou- 

lue    si 

:  un 

îterre, 

I  croire 


que  l'usage  du  verre,  dans  les  structures  consacrées  aux 
fleurs  et  aux  plantes  exotiques.ctiit  connu  jdes  Grecs  et  des 
Romain*.  Pl.iton  et  Colunicllc  font  mention  de  la  rapide 
croissance  d'arhustc-i  oJorifJraïUs  cm[)runtos  à  l'Inde  et  à 
l'Arabie  :  l'arbre  qui  produit  l;i  canclle,  le  myrte,  li  plante, 
dit  Columclle,  d'où  l'on  tire  l'encens  ;  l'Italie,  ajoutc-t-il, 
contient  les  produits,  les  fruits  de  l'univers  entier.  "  Tibère 
s'enorgueillissait  de  pouvoir  cultiver  de-;  concombres /(vr 
toto  aniio,  presqu'en  tout  temps  de  rannce."  Sénèque 
s'élève  contre  les  Romains  à  qui  il  faut  dc:^  ro^e^  pendant 
l'hiver,  et  les  fleurs  du  printemps,  au  fort  de  re'tiuinoxe 
hibernale  ;  il  assigne  à  l'eau  chauLJe,  comme  agent  pour 
hâter  la  croisi>ance  des  phintes,  le  même  rôle  (lu'elle  joue 
ch'v.  les  modernes." 


Au  moyen  âge,  l'art  du  jardinier,  ain^i  (juebien  d'autres 
arts  semblèrent  oubliés  :  la  découverte  de  Guthemberg,  1 1 
renaissance  des  sciences,  des  arts,  du  commerce,  en  Italie  ; 
le  réveil  des  esprits  dans  l'Europe  entière  annonçaient  une 
ère  nouvelle,  le  terme  des  ténèbres  sociales,  le  retour  du 
soleil  du  progrès.  L'illustre  fam'  0  des  Médici  se  donna 
pour  mission  non-seulement  l'eui.. 'ijragenient  des  lettres, 
mais  encore  la  protection  active  de  l'art  patroné  par 
Cicéron,  Pline,  Columelle,  Adrien,  Trajan  :  l'art  des  jar- 
dins. 

Les  jardins  des  Médici,  bien  que  créés  dans  le  style 
géométrique  et  architectural,  servirent  pendant  nombre 
d'années  comme  modèles  à  l'Europe  entière  et  continuè- 
rent en  vogue  en  France,  en  Allemagne,  en  Angleterre  ; 
plus  tard,  ils  faisaient  place  au  style  naturel,  dit  style 
anglais,  conçu  par  Bridgeman,  Kent,  Wright,  Repton, 
aidés  des  éloquents  écrits  d'Addison,  l'ope,  Shenstone, 
George  Mason,  Whateley,  Gray  et  du  poète  Mason.    (i) 


(1)  Voici  rinvcntairo  d'un  jardin  dans  le  style  tonsile,  citù  par  Dowuing  : 

"  Inventarv  of  a  Virtuosos  Oarden. 

Adam  and  Eve  in  Yew  ;  Adam  a  little  shattered  by  tha  fall  of  tho  tree  of  knowledge 


j-4 


lAKDlXS   ANCIKNS    ET    MODERNES 


L'architecture  des  jardins,  en  tant  qu'elle  se  rapporte 
aux  serres-chaudes,  n'a  fait  que  peu  de  progrès  dans  le 
midi  do  l'Iùiropc^  :  le  cliaiat,  au  reste,  est  assez  chaud  pour 
rendre  quasi  inutiles  ces  dispendieuses  structures. 

L'on  rencontre  cependant  quelques  serres-chaudes  en 
Espni;ne  et  au  Poiiut^al  :  à  Madrid,  à  Coimbra,  à  Mont- 
serrat.  L'on  y  trouve  égalcnv.  nt  des  traces  de  jardins 
élégants,  exécutés  par  les  Maures.  Certains  jardins,  dan., 
le  sud  de  l'ICspagne,  au  dire  de>  voyageurs,  sont  pavés 
en  marbre,  avec  allées  plantées  d'arbres  toujours  verts, 
ombragées  d'orangers,  avec  appareils  hydrauliques,  enfouis 
sous  les  allées,  (i'où  jai'Mt  au  besoin  l'onde  à  travers  les 
joints  des  tr.arbres  :  surprises,  dit  Sir  John  Carr,  médiocre- 
ment goûtées  des  dames  quand  elles  s'}'  aventurent  et 
pour  cause.  Les  jardins  espagnols  et  portugais  sont  notés 
pour  lein's  jets  d'eau,  leurs  alcôves,  leurs  terrasses,  leurs 
statues,  icurs  treillis,  leurs  tem[)lcs,  leurs  grottes,  leurs 
sièges  rustiques  avec  dôme,  leurs  romanesques  pavillons. 

Les  jardins  hollandais  et  français  e  ressemblait  par 
la  symétrie  et  l'abondance  de  l'ornenientation. 

Le  Ilolbndais  ne  tient  pas   à    avoir    un    grand   jardin. 

Qu'il  soi.:  grand  ou    petit,   il   y  entassera   une   abondance 

d'embellissements  frivoles,  souvent  presque  ridicules.   Il  se 

creusera   un    canal   roide    et   droit,    réceptacle  d'une    eau 

dormante,  souvent  bourbeuse.   Ce  canal,  tout    étroit    ciu'il 

*. 
soit,  est  obligatoire  :  il  symbolise  le  [)ays  des    aïeux.   Il    y 

ajoutera  terrasser  et  talus,  de^  ftcurs,    du    ga/.on    que    les 

l)luies  abondantes    de    sa    patrie  s-^  chargeront    de    tenir 

toujours  verts. 


m  tl'.i"  <_'••  .1^  .itoMii  ;  l)v(' ,->iiil  tlic"  s 'n  .'lit  vrry    fl.iiivisliin'.r.     Xoili"  :  iirl;    iii    Holly  ;    tlic 
l'ilics  n  littli' (l.'Uii.'iLfi'il  l'or  waiit  ni' watcr. 

'riu'  ti)\V'  r  ol'  ll:i!»'l  iiiit  yi't  liiii^ln'd.  St-(i<'i(ri,'f  in  ]'<>.<  ;  \n<.  :ii'iu  s!".ii''(l  lonn  inriigli, 
liiit  will  lpr  in  :i  cuiiilitioii  to  t-lich  tlii- (liML'iiii  n'Xt  iijiril.  I'',ilw:inl  t!i"  l!l;i('!  l'i'inci',  in 
.■viii'i'r's.  A  ii.iir  lit'  Lti.-nitri  stiinti'cl.  to  li  •  sold  <li('.:|i.  \:t  nl.l  ui'inl  (if  Iicmor,  in  worin  wixul. 
.V  tiippin),'  lion  .Jolinson  in  l:iuirl.  Divers  l'iniiniit  iMinUrn  i>iii't:;  in  li:ivs,  son.owliat 
Miu'litu.l. 

A  (luick  «l't  lio};,  sliot  up  into  :\   iHirciiiiini'.   Iiy  luinn  I  )n,'i)t  a  \vi\k  in  riùny  WiiithiT. 

A  liuvcndir  ]»'y:  witli  siifjr  Hrowiii','  in  ils  Ijclly." 
Uowiiinfi  nu  iitiiinnc  i'i,'alt'iniMit  un<^  villa  [ins  d'.Vnvi'r;  apjiarfv'iiaut  à  un  M.  Snt.>t/, 
iii'i.L'i'    d'nni'   vi'ito   indouR»,  oil  si'  voyait  tout  un  tr()ui»'iin  di- moutons,  avcf  lo  Ijoru'i'r  ot 
~o\i  i-liien,  nullités  l'u  piiTro,  tv  c|ui  donnait  au  site  vue  allnro  to\it-ii-fai;  butoliiiui'  liieu 
lunn  pou  Ijurk'Siiue. 


ES(.)UISSKS 


325 


p:u- 

irdin. 
an  ce 
Il  se 
eau 
qu'il 
Il  y 
les 
tenir 


|ly  -,    t  11'.. 

l'iiK'i',  in 

lii  wond. 

I  owliiit 

|\\;it!i('r. 

Snii't/., 
Irruii'r  et 
Ijui'  l)iou 


Evelyn  décrit  les  jardins  hollandais,  à  la  Hague,  comme 
surchargés  de  décors  :  avenues  ombragées,  Statues,  marbres, 
grottes,  fontaines,  concerts  artificiels. 

Sir  James  l'klward  Smith,  écrivant  un  siècle  plus  tar;l,  y 
mentionne  un  jardin  aussi  entrecoupé  d'avenues  serpen- 
tantes que  son  voisin  l'était  d'allées  droites  :  évidemment 
la  ligne  courbe,  la  ligne  de  la  beauté,  le  style  anglais  y 
2vait  pé  être  ;  mais  ccl  i  était  loin  d  être  gén'ral,  car  le 
hollandais,  amateur  du  passé,  adore  la  routine 

Le  stN'ie  tonsiU;,  usité  anciennement,  surtout  en  Hol- 
lande, LJieu  m.Tci,  e^t  di-.p,iru  :  il  con-.i-.tait  à  torturer,  à 
façonner  un  arbre  ou  un  pauvre  arbuste,  au  nn.)yen  de  la 
scie  ou  de  la  serpe  pour  simuler  mille  objets,  animés  ou 
inanimés  :  des  paons,  des  cochons,  des  porcs-épis,  des 
étoiles,  des  gerbes  de  blé,  etc. 

Le  poète  ;  l'ope,  le  créateur  du  merveilleux  jardin,  .à 
Twickinham,  sur  la  berge  de  la  Tamise,  à  Londres,  a  fait 
bonne  justice  de  ce  genre  atroce  et  ridicule,  (i; 


*  * 

* 


(1)  11'.;  (liini.iiii  '  d'Al.'X  lUil  T  l'oii.',  ;i  T\vicki'uli;ini,  cimvr.'it  lo- d.'iix  cùtrs  .!.■  l;i  voie 
|Mil.lii|u.',  il"  sdi'tf  ii'ii'  11'  |io,''ti'  .''t:iU  fori'i'  (!■■  t  tavrsir  1"  c'ii.'iiiiii  pniir  atiriuilr.'  \;i  iMi'tii' 
la  liliH  l'irvi'.  ■  l't  jiliis  ciiitivi'i'  (le  si's  javiliu-*.  Atiii  d'uLvii'i-  il  ci't  iii;  Diivriii.iÈt ,  il  iliii  ].ni- 
tii|iii'r  un  |i:is-!|j;i'  si)ut"riMin,  d'un  iiùlnt  ii  l'aiitri'  il  ■  son  tcrritoir,'. 

S:i  ivsid  'noi',  joli.'  villa  Kdiuaim'  av.'O  cdoimi"!,  arcadi'S,  ]ii)rtii|ii.-s,  r.'ii.v-iait  ■/nu'i.'ns.'- 
inv?ni  snrlarivi'  vi'nl'ivanti  de  la  Tainisi'.  I!  fallait  il-  t.iat.'  ui''i'.'-.-iî''' ci-.mis.'I-  un  tnnui'l 
[inur  avilir  ai'c'-'*,  i\  si-s  '_'r  inils  Imi-i,  aux  iiii)i  ii''an'.i'S  i.lautatiuns  i|u'il  y  avait  nvr-i  :  li- 
souterrain  il"vint  une  i^rotli',  du  (■.'.t.'  d.'  la  Tamis,',  iiaviT  .'U  iiiin''rai,  rn  co^niUaui'-  rtc. 
l'iipi'  l'n  a  lai-".''  la  il  'scriptimi  siiivanti'  ; 

'•  ,Ti!  vii'ii.s,  dit-Il,  ili' iu"ttro  la  d 'rniiTi' ni  lin  à  m."*  tr'iva".<  liin-liculi'rf.  i^  nii  .ji'ottc 
s-niiti'rraini'.  .l 'y  ai  dOcouviTt  un  !il.'  .  iii'.'  oiid.'  crystalliii'',  dmit  1.'  ji't  |ii'riii'tiii'l  rails"' 
ilaii:»  Il  cavi'i'iii!  un  l'i'lio  nuit  et  ....  Du  tl.'iivi',  l'u'il  piToo  i^  traviTS  ci'tto  arcli.',  eu 
r.'iiiimtaufc  un  si.liiair.-.  s.'Utii'-,  I''  l'cui'oiilr.' iiin' rsp'i'.'  d.'  trinplo  imv.'i't,  un."  riistjiini' 
Hiractiu'.'  ciur.'rtiouii  '0  d  •  d;  iillaj;"^  :  d  ■  l'.'t  rud''.iit.  l'un  saisit,  s.,  h  1  .uci'aii  d''S  1  ois 
v\i  i'.'.;:ar.l  int  v-t-  la'l'  ..uis ',  I.'h  iiar.'Ui's  V0',;uant  sur  l'.'aii  :  flianiiaiit"  p.Tspi'L'tiv.'.  Kti 
('.'rniaiit  la  iiiirtc  '  luti  mutti',  l'iuti'rii'ur  s.,  traiwlunni:  l'ii  uni!  lantrrni'  ma«ii|ii.',  011  >»' 
ri'iH  l.'ut  l.'s  '..lis,  l's  cdt.iiix,  li's  vissi'anx  :  un  p.iu.irauii  varii' du  ll.'uv",  i|U.'  vous 
pouvi'Z  rendi'..  iiinins  vil',  moins  distinct  l'ii  dimina.int  la  liiinii'i-.'  .[iii  1.'  rrllèti'.  l<i'  par- 
(|ui't  l'st  juncli.'' d;' Cl  |nilla«.'s   l'tc  :  d<"^  irlaci'S   i-i  nr.'Si'ntanl  l.'s  o'ij.'ts  ;  nn    lust"'   riri'ii- 

laii".'     d."     |mr    alliaii.'.      r.'toni'i.ikt      d'uni'    ulaiv     taill.' n      t'i.nii        d'.'toil.',      t'ait 

jaillir  du  lainl.ris  nrll"  prisni's,  inill  '  l'imm 'iis 's  .'toil.'s.  1) 'ix  P'iri'li's  étroits 
conduis'nt  d  '  (' 'tti"  !/i'iitt",  l'un  liii'ii  rrlair',  au  H'uvc  ;  l'autr.'  viill..  p  ir  li'  ('"uillair.' 
d.'S  arîir'S  (Mt  piv,'.  d'î  sil'x,  d.'  en  piill.'s  luiriu's,  d  '  niin'ril  df  f.'r.  li 's  siuiti.'rs  dans  le 
v.ii.'ina'.î.' i|ui  m'n.'nt  au  t'iiipli',  s.int  ..garnis  d  '  .j:i'avois  nrdiuairi'  l't  par  li'iir  nitnrrl, 
l.'Ui'  simiilii'iti    ii'  m  ari.'nt  .'i  i  d.i  ix  inir.uir  ■  d  '  l'.'aii  toin'iaiit.',  il  l'aLtr.'st.'   paysiw. 

lU'i'l',  il  n  '  m  '  m  m  l'i  '  p  1  ir  i"i'ni.l.'t.'r  1"  sp'cta'l',  ipi'uii  '  inmu.'  «tatiii',  avi'O  un.' 
ins('i'i|ition,  uniiiii'  l'.'ll.'  i|ii"  v.ris  s  ivi'z  iju  '  i'aiiii  ■  tant.  Val  !.•:■.  |i  as  croir.'  i|ii.'  jr  l'iis  d.' 
la  po:'sii'  ;  au  ciintrairi-,  la  d.'si'ripti.in  ipi.' j.'  vo as  dnuii.'  rst  vi'ri.li.i'i.'." 

Hélas  !  i|iril  vcsti' p 'U  d.' trie -s  di  niiKaoi  j.ir.lin  d'  'l\vii'k'nli  im  :  m  111.'  !.■  sa.ili' 
Ii'.i.'  'nd  air.'  d"  l'op  ',  1'  p  'i'.'  rt  1.'  p  itriarrh  '  d  'S  s  iiil..^  an.'lais.  y  s.i'i'omli  ait  d'  vi.'ill.'ss", 
eu  l.-<  11,  uono'utant  l..'s  lutiiiir<  d  mt  11  était  l'iit.mr-'.  t' ir  cVst  à  rilliistn'  pmti'  i|U" 
r'vi.'u'  rii  lau 'iir  d'av.iir  iiiTi  1  lit  l'U  .V'i /l.'f'rr '.  c 't  arlir.'  .jri"i".ix  :  s,vi  a.iii  '  LnJii 
Xih'iui  lui  l'ii  ayant  cnvoy,''  d  's  )..iatiir.'s  d  '  r.'tran'jr.'r,  l'op.'  1rs  in.t  .'ii  f "rr.',  disant  i|ui' 
11 'iit-i''tr.' il  on  pr  ivi 'U'ir  d"  ii'i  ai'liv.' in  •.iiiii'i  il  ins  sa  pitri.':  si  ju'' li.'ti.iri  s.'  r.Mlis.i. 
V.n  17>  I,  l'I  ii.i  T  itri.'  '  d  '  1!  i-iii  '    u  li"  pi  l'ivr  .1  un  son  jar.lin,  à  St-P't  'rsli'iar^. 


i  I 


326 


JARDINS   ANCIENS   ET   MODERNES 


4 
i 


Le  style  français  se  développa  vraisemblablement  au 
milieu  du  dix-septième  siècle,  sous  le  brillant  règne  de 
Louis  XIV.  L'art  du  jardinier,  comme  bien  d'autres  arts, 
bénéficia  de  la  prodigalité  du  Grand  Monarque  et  des 
aptitudes  de  LeNôtre,  alors  l'artiste-jardinier  le  plus 
renommé  de  l'Europe. 

Les  théories  de  LeNôtre  firent  bientôt  leur  chemin  dans 
tous  les  pays  civilisés.  L'Angleterre  les  accueillit  à  bras 
ouverts  et  chose  singulière,  la  méthode  de  LeNôtre  se 
maintint  en  Angleterre  plus  de  cinquantes  années,  après  que 
les  jardins  naturels  le  style  anglais  en  un  mot,  s'y  fut  établi. 

Ce  fut  dans  la  création  des  célèbres  jardins  du  roi,  à  Ver- 
sailles, que  LeNôtre,  dévoila  tout  son  génie,  ses  ressources  : 
ce  qui  fit  dire  à  un  écrivain  anglais,  Bradley,  que  ces  jardins 
là  résumaient  à  eux  seuls  la  perfection  de  l'art,  et  à  un 
auteur  allemand,  du  nom  d'Agricola  :  "  contempler  les  jar- 
dins de  Versailles,  c'est  avoir  un  avant-goût  du  Paradis." 
L'école  de  LeNôtre  eût  pourtant  ses  détracteurs  :  le  poëte 
Gray  et  l'habile  Loudon  disaient  que  le  jardin  de  Versail- 
les, pour  être  imposant,  devait  être  rempli  de  monde." 
Lord  Byron  développait  cette  idée  sous  une  autre  forme, 
en  affirmant  que  "  tant  de  symétrie  ne  convenait  pas  à  la 
solitude."  Mais  ceux  qui  recherchaient  la  solitude,  1  eus-ent 
guère  trouvé  à  Versailles  ;  ainsi  donc  le  pian  de  ce  jardin 
allait  bien  avec  le  site^ 

Les  jardins  anglais  devinrent  de  mode  en  France  en 
1762  ;  on  en  raffollait. 

Il  semblerait  qu'avant  l'époque  de  la  révolution,  plu- 
sieurs jardins  français  furent  transformés  en  jardins 
anglais,  sous -la  direction  d'un  habile  jardinier  Ecossais,  du 
nom  de  Blaikie,  établi  en  France  depuis  plusieurs  années 
et  aussi,  sous  celle  du  Chevalier  Jansen,  anglais  éclairé. 
Depuis  ce  temps,  nombre  d'anciens  et  beaux  jardins  fran- 
çais ont  été  refaits,  d'après  la  méthode  anglaise,  que 
plusieurs  Français  ont  crû  erronement  consister  en  une 
profusion  d'allées  ou  sentiers  courbes  et  sinueux  comme  le 


î:squisses 


327 


en 


remarque  M.  Blaikie  :  car  il  ne  faut  pas  abuser  de  la  ligne 
courbe. 

La  France,  dans  le  passé,  a  donné  naissance  à  peu  d'ar- 
tistes-jardiniers :  les  mieux  connus  sont  Girardin,  Morel, 
Delille. 

Le  Nôtre  visita  l'Ancjleterre  à  la  sollicitation  du  roi 
Charles  II,  et  y  propagea  ses  idées  avec  beaucoup  de  suc- 
cès :  il  introduisit  sa  méthode,  dans  l'ornementation  du 
grand  jardin  que  le  Cardinal  Wolsey  avait  créé  à  Hamp- 
ton  Court,  aussi  bien  que  dans  le  jardin  de  Greenwich  et 
au  parc  Saint  James  :  ceci  se  passait  juste  au  moment  où 
un  nombre  de  Nobles  distingués  par  leur  intelligence  et 
leurs  richesses,  les  Ducs  de  Devonshire,  de  Lauderdale,  le 
comte  d'Essex,  les  Lords  Capel,  Pembroke,  Craven,  Nor- 
thampton,  etc.,  s'occupaient  activement  à  faire  progresser 
l'art  des  jardins. 

Disons  un  mot  du  chef-d'œuvre  de  LeNôtre,  à  Ver- 
sailles. 

Je  n'oublierai  pas  de  sitôc  le  spectacle  qui  frappa  mes 
regards,  le  8  août  iS-^i,  du  haut  de  la  terrasse  du  palais 
fastueux  de  Versailles. 

Jardins,  parc,  pièces  d'eau  sont  presque,  dit-on,  dans  le 
même  état  où  LcNôtrc  les  forma  il  y  a  plus  de  deux 
siècles.  S'il  m'eût  resté  des  doutes  sur  sa  méthode,  j'eusse 
bientôt  découvert  à  quelle  école  il  appartenait.  A  coup  sûr, 
ce  n'était  pas  à  celle  de  la  nature  :  chez  lui,  c'est  l'art  qui 
prédomine  :  l'art  de  soumettre  le  paysage  aux  lois  inexo- 
rables de  la  géométrie  :  associer  l'arcliitecture,  la  sculpture 
au  gazon,  aux  arbres,  aux  étangs  :  tel  é'ait  bien  l'idée  fixe 
de  Le  Nôtre  ;  le  paysage,  était  tout  de  même  plein 
d'intérêt  pour  moi.  Son  aspect  .-.ulennel,  bien  qu'un  peu 
suranné,  se  mariait  si  bien  avec  le  style  grave,  majestueux 
du  palais  voisin  ;  il  concoiJait  d'une  manière  frappante 
avec  les  notions  de  l'art  en  vogue  au  siècle  de  Louis  XIV. 

Aux  jours  de  gala,  quand  l'on  faisait  jouer  les   Grandes 
Eaux,  on  conçoit  sans  peine  l'effet   magique  que    ces   jar- 


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328 


TARDIN'S    ANCIENS    KT    MODERNES 


dins    superbes    '■u/'^nt  produire  sur    la    brillante  coui'  du 
Grand  Roi.  vje  n'est  que  vases,  que    marbres,  que   bronzes 
sculptés,  dans  toute  cette  enceinte  ;  quelques-unes  des  sta 
tues    et   des    vases   sont    des   copies  iVantiqtics  célèbres  ; 
d'autres,  des  originaux  datant  du  17e  siècle. 

Ixs  groupes  les  plus  frappants,  sont  ceux  des  Parterres 
du  Midi  et  du  Nord,  l^ntre  eux,  près  des  gradins  sont 
deux  grand:.  IVi^sins.  la  Foutniuc  de  Diane,  à  droite,  et  la 
Fontaine  du  Pont  du  Jour,  à  gauche  ;  toutes  deux  ornées 
de  groupes  d'animaux  en  bronze,  par  les  frères  Keller. 

La  façade  du  palais  percée  pour  375  fenêtres  est  longue 
de  250  mètres.  L'orangerie  comprend  à  peu  près  1200 
orangers,  disséminés  en  été  dans  les  jardins  :  la  tradition 
prête  à  l'un  de  ces  arbres  quatre  cent  cinquante  années 
d'existence. 

Au  sud  de  VEtaug  Suisse,  se  dessinent  le  bois  et  la 
Plaine  de  Satory. 

Au  pied  de  l'escalier  qui  conduit  au  delà  du  parterre 
d'eau,  est  situé  le  vaste  J^assin  de  Ltifone,  l'œuvre  des 
frère  .  l\Lirs\'  :  plusieurs  gradins  de  marbre  roux,  sur  les- 
quels gisent  des  grenouilles  et  des  tortues  vomissant  l'onde 
en  face  d'un  beau  groupe  en  marbre  blanc  de  Latone  a\'ec 
Apollon  et  Diane.  La  mythologie  raconte  que  Latone 
aj'ant  suj)j)lié  Jupiter  de  châtier  les  paysans  de  la  Lysie 
pour  lui  avoir  refus*,  à  elle,  un  verre  d'eau,  le  dieu  les 
métamorphosa  en  grenouilles. 

Les  plus  b.îiles  statues  dans  le  jardin  sont  celles  dans  le 
Po^'.riour  de  Latone  ;  h.  droite  en  approchant  du  côté  du 
palais,  il  y  a  \\\y<i  curieuse  statue  de  la  Mélancolie,  par  Le 
Perdrix  :  "le  livre,"  "la  bourse"  et  "la  bouche  close"  sont 
au'ant  d'allusions  à  la  tenda'ce  des  hommes  d'étude,  des 
avares  et  des  personnes  taciturnes,  à  devenir  victimes  de 
cett  •  passion. 

Puis  se  présentent  Antinoiis,  Tit^raws,  un  Panne, 
Paee/ius,  Faustine,  Commode  vêtu  comme  Hercule  ;  Urauie, 
Jupiter  et  Ganyuiede  :  vis-à-vis  l'on    voit    Vei/ns    dans    sa 


ESC^UISSES 


329 


conque.  Du  côté  opposé,  l'on  découvre  le  Gladiateur  Mou- 
rant, y  Apollon  du  JJclvcdcrc,  Uranic,  Mercure,  Autinoiis, 
Silène,  Venus,  Kallyep?,"-os,  Tiridates,  le  Feu,  la  Poésie 
Lyrique.  Puis,  vient  le  bassin  d'Apollon,  le  Bosquet  du  Roi, 
le  Bassin  du  Miroir,  le  Bassin  d' Hiver,  le  Bosquet  de  la 
Reine,  où  se  passa  l'afifaire  du  collier  de  diaments  ;  la  Salle 
du  Bal,  le  Bassin  de  l' automne,  le  Quineonee  du  Midi,  la 
Colonnade,  le  Rtassin  d'Eneelade,  où  le  géant  soutenant 
le  Mont  Etna,  vomit  l'eau  à  une  hauteur  de  soixante 
et  quatorze  pieds,  le  Bosquet  des  Dômes,  le  Jui^-'sin  du  Prin- 
temps, le  Quineonee  du  Nord,  le  Bassin  de  l'Eté,  le  Rond 
Vert,  le  Bosquet  des  Bains  d'Appollon,  etc.,  etc. 

Je  n'en  finirais  pas  si  je  prétendais  d'après  mes  notes 
énumérer  toutes  le^  merveilles  que  le  génie  de  LeXôtrc  et 
la  munificence  du  Grand  Roi  ont  enfouies  dans  ce  féerique 
séjour. 

Mais  de  grâce,  quand  vous  ferez  le  voyage  une  seconde 
fois,  tâchez  que  ce  soit  un  des  jours  de  mai  ou  d'octobre, 
généralement  le  dimanche,  où  l'on  fait  jouer  les  Grandes 
Eaux  :  spectacle  qui  coîite  entre  8  à  10,000  francs  et  qui 
attire  tout  Paris. 

Ce  fut  M.  Fagon  qui  le  premier  érigea  des  serres-chau- 
des en  France,  savoir,  celles  du  Jardin  des  Plantes,  vers  la 
fin  du  règne  de  Louis  XIV  :  puis  vint  M.  Seni(M"  qui  en 
construisit  pour  pour  lui-même  à  St-Germain-cii-Laye,  et 
aussi  pour  Louis  XV,  au  Trianon.  M.  Comble  les  a  décrites 
dans  r"Ecole  Potagère"  ;  le  st}'le  Italien  et  Français  en 
jardins  resta  en  honneur,  en  Allemagne  et  dans  leXordde 
l'Europe  jusqu'en  1750,  époque  où  la  méthode  anglaise  fut 
adoptée  en  partie,  notamment  au  célè'ore  jardin  ouvert 
près  de  Pyrmont,  en  Westphalie. 


-* 
*  * 


Le  premier  essai  de  serres-chaudes  en  I'>urope,  sur  une 
magnifique  échelle  fut  celle  de  l'Empereur  d'Autriche, 
François  I,  à  Schœnbrunn.  en  1753  :  il  }•  fit  élever  cinq 
structures,  longues  de  1290  pieds,    et  hautes  de  près  de  30 


330 


JARDINS  ANCIENS   ET    MODERNES 


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pieds.  Les  voyageurs  ont  dépeint  les  serres  de  Schœnbrunn 
comme  les  plus  belles  du  monde. 

Le  comte  de  Findlater,  noblo  EcossHis,  qui  résida  long- 
temps près  de  Dresde.dota  la  Saxe  de  structures  réchauffées» 
pour  la  végétation  ;  les  prenn'ères,  pense-t-on,  érigées  en 
dehors  de  la  Grande-Bretagne  :  on  paila  longtemps  aussi 
des  grands  conservatoires  du  Duc  d'Aremberg,  à  Enghien 
et  des  jardins  botanniques  de  Bruxelles,  bien  que  sous  le 
rapport  de  l'exécution,  de  l'étendue  et  du  plan,ils  paraissent 
minimes,  comparés  aux  structures  semblables  élevées  depuis 
en  Angleterre. 

Quant  à  la  priorité,  l'on  ne  doit  pas  oublier,  que  dès 
1643,  le  célèbre  botaniste  Jungerman  fit  ériger  un  jardin 
d'hiver,  à  Altorf,  en  Saxe,  lequel  à  cette  époque  passa  pour 
être  le  plus  beau  jardin  de  l'Allemagne  et  dès  1620,  Solo- 
mon  Caus,  le  plus  éminent  jardinier-artiste  d'alors,  se  pro- 
posait non  seulement  de  construire  une  superbe  orangerie 
dans  les  grands  jardins  d'Heidelberg,  mais  encore  de  la 
chauffer  à  la  vapeur,  tel  que  l'on  peut  le  voir  en  référant 
au  livre  qu'il  publia  "  Hortus  Palatinus  Heidelbergia^  "  et 
qui  en  contient  les  plans  et  devis. 

Le  style  anglais,  landscapc  gardcning^  c'est-à-dire  des 
jardins  d'après  la  nature,  (i)  s'introduisit  rapidement  en 
Allemagne  après  avoir  pris  racine  en  Angleterre,  et  soit  à 
raison  des  fortunes  des  Barons,  l'esprit  d'imitation  ou 
autre  cause,  il  est  certain  que^  la  nouvelle  méthode  y  jeta 
de  plus  profondes  racines,  que  dans  le  reste  du  continent 
en  dehors  de  la  Grande-Bretagne. 

L'Allemagne  a  donné  le  jour  à  des  hommes  éminents 
par  leur  science  et  leurs  écrits,  comme  artistes-jardiniers  : 
un  des  mieux  connus  est  M.  F.  L.  Von  Schell,  de  Munich, 


(1)  Ij!V  l:inKuo,  (Ut  Morel,  i\"ri  piis  encore  iidopti;  ilo  mot  pour  clôsiunor  l'artiste  qui  pro- 
fosso  cet  art  tout  nouveau,  elle  n'en  a  pas  même  pour  le  genre  do  Jardin  dont  il  s'agit, 
qu'on  appelle,  par  opposition  au  genre  régulier,  Jardiu  anglais,  parée  que  l'Angleterre  a 
été  la  première  nation  de  l'Kurope  i\  l'adopter.  Je  suis  doue  obligilï  de  me  servir  du  nom 
dej'.nvIiHior,  auquel  j'ajouterai  quehiuefois  l'epitliète  d'artiste  pour  éviter  l'éciuivoque, 
et  celle  (îe/u  nafitre,  pour  le  genre  de  jardin  qui  est  l'objet  de  cet  ouvrage.  Un  jardin 
()ui  a  la  nature  pour  modèle  n'est  ]>na  plus  anglais  que  français  :  lu  nature  est  do  tous 
les  pays." 

THÈOUIH  DK8  JAItDIMS.    TofltC  /.  P.  35.. 


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ESQUISSES 


331 


auteur  d'un  traité  plein  de  mérite  intitulé  :  "  La  formation, 
des  jardins,  comme  art  de  goût  et  d'agrément." 


* 


En  Russie,  tout  sévère  que  soit  le  climat,  plusieurs 
nobles  favorisés  de  la  fortune,  et  le  Czar,  lui-même,  ont  des 
serres-chaudes  et  des  jardins  fort  étendus  :  ceci  ne  remonte 
pas  au  delà  de  Pierre-le-Grand.  Depuis  ce  monarque,  tous 
les  styles  de  jardin  ont  trouvé  en  ce  pays,  droit  de  cité  :  à 
présent,  celui  de  jardin  anglais  introduit  par  la  fameuse  Im- 
pératrice Catherine  en  1768,  y  prédomine.  Storch  décrit 
comme  suit  le  grand  jardin  d'hiver  du  palais  Taurida,  à 
St-Petersbourg  :  "  Le  long  d'un  côté  du  vestibule  se  trouve 
le  jardin  d'hiver,  énorme  structure  en  verre,  excepté  le 
toit  séparé  de  la  grande  salle  par  une  rangée  de  colonnes 
seulemcfnt.  Comme  il  fallait  de  toute  nécessité  que  la  toi- 
ture fut  appuyée  sur  des  pilastres,  on  a  déguisé  ces  der- 
niers sous  la  forme  de  palmiers  :  des  tuyaux  en  plomb 
enfouis  sous  terres,  ou  cachés  dans  les  murs  mêmes  et 
dans  les  pilastres  renferment  le  calorique,  l'eau  chaude. 
Les  allées  de  ce  jardin  serpentent  au  sein  de  haies  cou- 
vertes de  fleurs,  ou  d'arbustes  aux  fruits  vermeils  ou  dorés 
et  suivent  les  mille  et  un  accidents  du  terrain  qu'on  y  a 
pratiqués,  de  manière  à  vous  menag^r  sans  cesse  de  nou- 
velles perspectives.  Quand  l'œil  du  spectateur  est  las  de  con- 
templer tant  de  richesses  végétales,  il  lui  est  loisible  de  se 
recréer  par  la  vue  de  quelque  exquise  merveille  de  l'art. 
Ici,  c'est  un  buste  ciselé  par  un  sculpteur  grec  :  là,  c'est 
un  essaim  de  poissons  rares  se  jouant  dans  des  bocaux  de 
crystal.  On  quitte  ces  derniers  pour  pénétrer  dans  une 
grotte  garnie  de  glaces  où  se  reflètent  toutes  ces  objets 
sous  mille  aspects  divers  :  ou  bien, l'on  se  trouve  face  à  face 
avec  un  obélisque  construit  de  miroirs,  qui  reproduit  tous 
les  couleurs  de  l'arc-en-ciel.  L'air  tiède,  le  parfum  et  l'éclat 
des  fleurs,  le  calme  voluptueux  qui  règne  en  ce  séjour 
enchanté,  vous  fera  rêver  aux  délicieux  bosquets  de  l'Italie, 
tandis  que  le  paysage  au  dehors  du  verre  qui  vous  entoure. 


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332 


TARDINS   ANCIENS   ET   MODERNES 


glacé  par  le  froicl.indique  une  température  arctique."  Gorins- 
ki.  jadis  une  des  somptueuses  résidences  de  la  famille  Raza- 
mousky.possè  Je  des  serres  vastes  et  majjjnifiques,adhérant  au 
palais  comme  des  ailes  ;  elles  sont  d'une  étendue  telle  que 
nulles  serres  en  Angleterre  ne  les  surpassent,  si  Ion  en 
excepte  celles  du  Palais  de  Kew,  celles  de  Chatsworth, 
appartenant  au  duc  de  Devonshire,  et  celles  du  Kcgciit's 
Park,  à  Londres.  {\) 

L'ordonnance  des  jardins  selon  les  règles  de  l'art  et  du 
goût  ne  remonte  guère  au  delà  du  règne  d'Henri  VIII,  qui 
fonda  Nonesuch,  dans  le  comté  de  Surrey,  comme  résidence 
royale.  Au  rapport  de  Hentzner,  les  jardins  de  cette  villa 
possédaient  des  jets  d'eau,  des  treillis  en  fer,  des  alcôves 
de  verdure,  des  colonnes,  des  pyramides  en  marbre.  None- 
such avait  un  enclos  potager  entouré  d'un  mur  haut  de 
quatorze  pieds  ;  en  avant  du  château,  il  y  avait  un  bou- 
lingrin protégé  par  une  balustrade  en  pierre. 

On  y  découvre  des  traces  de  parterres  et  de  ce  bizarre 
ornement,  connu  comme  labyrinthe  (pratiqué  plus  tard  à 
Versailles)  sous  Henri  III  et  même  sous  le  règne  de  la 
reine  Elisabeth. 

Nonesuch  n'était  pas  le  seul  grand  jardin  artistique  au 
temps  d'Henri  VIII.  Evidemment  la  théorie  des  jardins 
s'était  développée  avant  cette  ère,  tel  qu'il  appert  par  les 
écrits    de    Daines    Harrington,     Hentzner,    Leland,    Hol- 

linshed,  etc. 

» 

Les  anciens  jardins  en  Angleterre,  par  leur  ordonnance, 
leur  arbres,  leurs  décorations  reflétaient  les  mœurs  du 
tenu  s. 

Nonesuch,  Théobald,  Greenwich,  Hampton  Court,  Hat- 
field,  Moor-Park,  Chatsworth,  Beaconsfield,  Cashiobury, 
Ham  et  plusieurs  autres,  dit  William  Howitt,  se  dres- 
saient avec  cette  majestueuse  mise  en  scène  que  le  roi 
Henri  et  la  reine  Elizabeth  admiraient.  C'est  là  que  se  pro- 
menaient les  Surrey,  les  Leicester,  le  beau  Essex,  ces  magni- 

KW  The  Hook  nf  tlio  GiinliMi,  Cliarh'fi  .l^•fll^).s■/l.  , 


ESQUISSES 


333 


tiques  nobles  de  la  dynastie  Tudor,  les  Dames  cléffantes,  les 
verts  ^allants  de  Charles  II  :  c'est  1^  qu'avaient  lieu  leurs 
amoureuses  réunions  où  s'c'chan<:;eaient  les  tendres  propos 
tous  ces  doux  rêves  des  amants,  là  où  l'on  venait  compter, 
fleurettes,  en  côtoyant  des  allées  artistement  alignées,  sous 
l'ombre  discret  de  vertes  alcôves,  entourés  d'objets  sculptés 
en  pierre,  en  plomb  ;  de  fontaines  jaillissantes  ;  de  cascades, 
d'arbres  artificiels  en  cuivre  dont  les  rameaux  vous  inon- 
daient d'une  abondante  rosée  ;  mille  surprises,  mtile  mer- 
veilles horticoles  se  cachaient  sous  ces  grandioses  terrasses 
ombragées  d'arbres,  ornées  d'obélisques,  de  pyramides,  de 
balustrades  dorées  :  objets  et  accompagnements  bien' 
faits  pour  à  charmer  la  vue  de  ceux  ou  celles  qui  portaient 
brodequins  de  soie,  fardingales,  jabots,  éventails,  culotte 
courte  et  pourpoint  brodé. 

Ce  fut  probablement  l'Italie,  dont  les    décrets    faisaient 
la  loi  en  Europe,  en  fait  de  jardins    qui    légua    cet    art    à. 
l'Angleterre, 

On  a  trouvé  des  indices  non  équivoques  dejardins  artis- 
tement  formés  en  Ecosse,  même  au  sixième  siècle  :  les 
moines  y  pratiquèrent  cet  art  et  y  introduisirent  des  pays 
lointains  des  plantes  exotiques  :  cet  art  disparut  avec  la 
suppression  des  monastères  sous  Henri  VIII.  Jacques  I, 
de  retour  en  Ecosse,  après  sa  captivité  en  Angleterre, 
implanta  dans  son  royaume  la  méthode  des  jardins  anglais. 

On  voit  encore  dans  la  vallée,  au  bas  de  Sterling  Castle, 
site  jadis  des  jardins  du  roi,  les  restes  d'un  ^rand  jardin 
géométrique. 

Au  jardin  royal  de  lîampton  Court,  on  voit  encore  le 
labyrinthe,  comme  indice  de  l'art,  au  temps  du  Cardi- 
nal Wolsey  qui  en  avait  préparé  le  plan.  Charles  II  y 
développa  encore  davantage  la  méthode  fastueuse  de 
LeNôtre,  sous  oublier  le  curieux  labyrinthe  malgré 
les  efforts  de  Bacon  pour  faire  abandonner  ce  style.  Il  est 
bon  de  noter  en  passant  que  le   terme    "orangerie"   s'em- 


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334 


JARDINS   ANCIENS   ET    MODERNES 


ployait  alors  en  dehors  de  l'Angleterre   comme   synonime 
de  jorres-chaudes. 

On  semble  avoir  fait  peu  pour  l'art  du  jardinier  en 
Irlande,  pour  les  grands  jardins  disposés  selon  les  règles 
de  la  géométrie,  où  chaque  arbre  était  planté  à  une  dis- 
tance uniforme  de  son  voisin,  où  les  parterres  ne  devaient 
représenter  autre  chose  qu'un  quarré  ;  où  la  ligne  courbe, 
l'avenue  sinueuse, — était  inconnue,  bien  qu'on  lmi  trouve 
des  traces  à  Thomastown,  où  il  y  avait  aussi  au  sein  du 
jardin,  un  amphithéâtre  pour  les  représentations  drama- 
tiques ;  quelqu'un  même  y  avait  introduit  le  style  hollau- 
""dais. 

On  trouve  au  quinzième  et  au  seizième  siècles  des  men- 
tions des  jardins  de  Falkland  Palace,  de  Scone  Palace,  de 
Ilolyrood  House,  de  Morray  House,  etc.,  en  Ecosst\ 

Ce  fut  aux  jardins  royaux  de  Kensington  que  Wyse,  le 
jardinier  du  Roi  et  l'associé  de  Loudon,  commença  à  inau- 
gurer le  méthode  moderne  (ou  jardins  d'après  nature); 
Addison  l'en  félicita  chaudement.  13ridgeman  lui  succéda 
et  la  réforme  se  fit  d'abord  par  la  suppression  d'arbres 
taillés  pour  simuler  des  objets  de  sculpture  ;  les  pelouses 
verdoyantes,  les  aspects  sauvages,  les  champs  cultivés 
prirent  la  place  des  objets  artificiels  (i).  L'âge  d'or  des 
jardins  géométriques,  en  Angleterre,  dura  depuis  l'avène- 
ment au  trône  de  Guillaume  d'Orange  et  de  la  Reine  Marie, 
jusqu'au  milieu  du  règne  de  George  II,  vers  1740  :  les  jar- 
dins les  plus  célèbres  dans  ce  style-ceux  de  Hampton  Court, 
de  Exton  Park,  datent  de  cette  ère.  Les  premiers  exem- 


*  (1)  Mort'l  8'él^vo  avec  raiaon  contre  rintroductiou  eu  Franco  des  anciens  jardini 
anglais  : 

"Il  est  peu  de  jardins  0)1  Angleterre  où  l'on  ne  voit  des  temples  somptueux,  des 
églises  ^[otlnuueH  .  il  en  est  peu  ([ui  ne  prùsenteut  îles  ol)éIisnue3,  des  ponts  à  Ciloune, 
des  rcpoaoirs  ornés  de  péristyles  ;  dans  presque  tous,  on  rencontre  des  grottes,  des 
rochers  factices,  des  tours  antiiiues,  des  ares  de  îriomplie  et  surtout  des  ruines;  il  eu 
est  peu  enfin  où  l'on  ne  se  soit  livré  il  de  grands  efforts  pour  se  ])rocurer  des  rivières,  des 
ruisseaux,  des  lacs,  des  cascades.  Voilà  ce  qui  rend  les  jardins  d'AuRleterro  si  coûteux  : 
si  tant  de  l'aliriques  les  enricliissent,  elles  no  les  emliellissent  pas  toujours  :  il  arrive 
même  le  plus  souvent,  qu'elles  surcharfieut  le  tableau  et  on  affaiblissent  roxpressiou  ; 
mais  que  l'artiste  dirigé  par  le  goût  et  soumis  aux  vrais  principes  do  l'art,  s'y  assujettisse 
i\  la  marche  du  terrain,  qu'il  soit  sobre  sur  les  fabriques  qui  s'associent  dilHoilement 
avec  les  scènes  do  la  nature,  qu'il  prenne  la  nature  pour  guida,  il  eml)ellira  son  pays 
par  des  jardins  purs,  agréables,  non  ruineux  et  cependant  d'un  grand  ctîet. 

(Théorie  des  Jardins,  Tome  I,  P.  "8.) 


ESQUISSES 


3J5 


pies  en  ce  pays  des  jardins  d'après  nature  furent  le  petit 
jardin  du  poète  l'ope,  à  Twickenham,  sur  les  rives  de  la 
Tamise,  près  de  Londres,  et  celui  d'Addison,  à  Hilton,  près 
de  Rugby.  Les  premiers  grands  jardins  du  même  genre 
furent  probablement,  dit  Mclntodi,  ceux  de  Stowe,  de 
Pains  hill,  d'Esher,  de  Claremont,  de  ILiglcy,  de  l'ensfield, 
de  Woburn  Farm  ;  Lord  Kames  a  rendu  un  important 
service  ^  sa  patrie,  en  introduisant  en  ICcosse  \:\  nouvelle 
méthode  de  jardins. 

Les  j.'irJins  et  le:>  serres  les  plui  en  renom  en  Angleterre 
sont  ceux  de  Sa  Majesté,  à  Kcw,  à  Frogmore  ;  les  jardins 
botaniques  de  Londres  ;  ceux  de  Regent's  Park  ;  ceux 
d'Exton  Hall,  de  Trcntham  et  surtout  les  conservatoires  et 
les  serres-chaudes  de  Chatsworth,  la  princière  résidence 
du  Duc  de  Devonshirc. 

En  contemplant  ce.>  magnifiques  résultats,  il  semble 
difficile  de  préciser  où  seront  poussés  les  derniers 
perfectionnements  de  l'art  du  jardinier,  pour  donner  au 
millionnaire  et  à  l'homme  de  goût  des  jouissances  nou- 
elles,  puisqu'il  sait  déjà  braver  les  saisons,  les  lois  du  cli- 
mat, dans  la  production  delégumes,  etc.,  de  fruits,  de  fleurs, 
et  ménager  au  roi  de  la  création  un  gazon  perpétuel,  de  verts 
bocages  :  les  insignes  faveurs  de  Flore  et  de  Pomone,  lors- 
que la  température  semble  lui  interdire  de  franchir  au  deuà 
le  seuil  du  toit  domestique. 

Dans  notre  jeune  Amérique,  l'art  du  jardinier  a  été 
pendant  longtemps  en  souffrance,  négligé.  Boston,  New- 
York,  Philadelphie  ont  néanmoins  fourni  de  nobles 
exemples  de  progrès  en  cette  science. 

Le  judicieux  Downing  ;'i)par  ses  écrits  a  fait  beau- 
coup pour  changer  l'ancien  ordre  de  choses  et  pour  intro- 
duire dans  le  plan  des  villas,  des  jardins  d'hiver  etc.,  un 
style  d'architecture  noble,  recherché  et  aussi  en  unison 
avec  la  nature  du  climat. 


78.) 


(1)  "A  Trcatiao  on  tho  thcory  and  practice  of  Landscapo  Gardening,  adoptcd  to  North 
America,  witli  a  view  to  tlio  improvoinont  of  couiitry  rcaidL'iici'H  etc.,  tiy  A.  J.  Uowuiug, 
author  of  Designs  for  cottage  rosidonccs."  Oth  Edition.— Xew-York  1855. 


Il  ; 


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336 


■  M' 


lARDINS   ANCll-.NS   Kl'    MODERNES 


Dowiiinj.;^  a  fait  pour  rAinôriquo  ce  que  Kcplon,  l.ou- 
doii  et  Kent  ont  fait  pour  l'Ant^lctirre.  L'Amérique  a 
pourtant  contracté  une  dette  de  reconnaissance  avec  un 
émincnt  pépiniériste  étranL;er,  qui  éini^ra  de  Hollande, 
vers  I S jq,  et  (pii  dans  les  billes  péi^inières  et  les  jardins 
(pi'il  créa  à  lîro(jklyp,  près  \eu-^'oI•k,  s'étudiait  à  fournir 
les  pians,  les  plantations  etc.,  combinant  l'ordoniKince  du 
jardi'.i  avec  le  site  et  les  entourag'es,  l'art  avec  la  nature.  Sa 
théorie  fut  si  attrayante  et  ses  iilées  si  pratiques  que  le 
public  entier  dey,  l-ltats-Unis,  en  profita.  Ce  l)ienfaiteur  de 
la  nation  se  nommait  André  l'armcntier  ;  il  était  frère  tlu 
célèbre  horticulteur,  le  Chevalier  Parmentier,  Maire  d'ICn- 
^hein,  on  Hollande.  Tendant  son  séjour  h  Lonj^Island, 
l'armentier  rc(;ut  beaucoup  de  commandes,  pour  plan  et 
devis  de  villas  et  de  jardins  etc.  Avant  de  fournir  le  plan, 
il  allait  examiner  les  lieux,  choisissait  l'espèce  (l'arbres 
convenables  au  sol  et  à  l'exposition  et  adoptait  le  plan  du 
jardin  au  pays  ;  puis,  il  faisait  lui-même  les  plantations 
-Mi  arbres  fruitiers  ou  de  haute  futaie.  On  mentionne  plu- 
sieurs spécimens  de  son  savoir-faire,  dans  les  l'^tats  du 
Sud  de  l'Union,  dans  l'ouest  du  Canada,  et  même  jusqu'à 
Montréal. 


D 


ownitiL;  affirme  que  l'armentier  a    plu 


fait 


qu  aucun 


b.stituer   à    l'ancienne    méthode,    aux 


autre  artiste  pour  su 

jardins  roides,  réguliers,  géométriques,  quelquefois  bizarres. 

Il   méthode   moderne  da^i   jardins    naturels,    le    laiidscn/^i 

s/y/t.'. 

L'introduction  de  ce  gracieux  style  en  Amérique  est  donc 
de  fraîche  date. 


*  * 


Parmi  les  résidences  de  campagne  les  plu 
aux  Etats-Unis,  au  commencement  de  ce  si        .  iu>.         it 
surtout  celle   du    ChanccUier    Livingston,    t^     rmont     sur 
l'Hudson.  Le  Manoir   de    M.    Livingston   par  ses    erres- 


IScjL'ISSKi» 


337 


L 


chauJcK,  SCS  riants  jarvlins,  surtout  par  une  superbe  plan- 
tation lie  robiniers  i^l'acacia^  ycllois.'  Icciist  ttct,  la  plus 
belle  de  rAincriquc,  était  une  des  merveilles  de  cette 
région.  On  y  expliijuait  facilement  la  supériorité  de  son 
horticulture  ,  L-ivinj^ston.  magnifique  et  di^Mieambassaileur 
de  la  grande  République  auprès  des  cours  d'ICurope,  avait 
beaucoup  voyagé  à  l'étranger  et  revenait  dans  sa  patrie, 
après  avoir  profité  de  tout  ce  qu'il  avait  observé  .ui  delà 
des  mers. 

Moitti^Oiiicry-Placi\    à     Harrytown,    sur    la    rive    altière 
bien  boisée  de  l'Hudson,  tlans    le  voisinage  de  New- York 
est  l'une  des  plus  vieilles  et  des  plus   charmantes  villas  du 
voisinage,    L:  manoir    a    de  plus    un    intérêt    historique  : 
ici,   séjourna  le  brave,  mais  "infortuné  jeune    général,  jadis 
officier  anglais  au    17e  régiment  de  ligne,    Richard    Mont- 
gomery,  lequel  ainsi  (jue  ses  aitle^-de-camp  Cheeseman  et 
Mcl'herson,  terminait  si  tristcn;ent  sa  carrière,  sous  le  Cap- 
aux-Diamants,    le    31    décembre    1775.    Sa   veuve    vivait 
encore  lorsque  se  fit,  en  1S18,  après  un  lapsc  de  quarante- 
trois  ans,  la  translation  des  restes  de  .son  époux    chéri,  de 
Québec  à  New-York  :  le  vapeur,  en   remontant   l'Hudson, 
s'arrêta  devant  l'antique  manoir,  pour  saluer,  en  baissant 
son  sombre  pavillon.  Madame  Montgomery,  laquelle  laissée, 
à  sa  demande,  seule  sur  le  pia/zc,    y    perdit   connaissance 
par  suite  de  sa  douleur. 

A  la  mort  de  la  veuve  du  général,  cette  résidence  passa 
à  son  frère,  M.  Mdouard  Livingston,  ambassadeur  des  Etats- 
Unis,  auprès  de  la  cour  de  Versailles  ;  puis,  à  sa  veuve, 
madame  Livingston. 

La  nature  a  fait  encore  plus  que  l'art  pour  l'embellisse- 
ment de  ce  site  :  bois  touffu,  collines,  vallons,  luxuriantes 
plantations  d'arbres  variés,  pâtutages  à  perte  de  vue,  pit- 
toresque exposition  sur  la  berge  de  l'Hudson  ;  bref,  un 
paysage  grandiose,  champêtre,  frappant  à  l'extrême.  Les 
avennes  et  sentiers  dérobés  y  couvrent  cinq  milles  en 
étendue  et  courent  en  tous  sens  autour  du  castel.  Downing 

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338 


JARDINS  ANCIENS  ET  MODERNES 


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V. 


cite  encore  Ellcrslic,h.  trois  milles  plus  bas  que  Rhinebeck.sur 
riludson,  remarquable  parla  grandeur  de  son  ordonnance 
d'après  les  principes  de  l'école  moderne  ;  Wodcncthc,  fameux 
l)arscs  décorations,  ses  arbres,  ses  arbustes  variés,  ses  urnes, 
ses  vases,  ses  sculptures,  etc.  ;  Kan^'ood,  une  propriété 
de  12,000  acres,  près  d'Albany,  taillée,  pour  ainsi  dire,  hors 
de  la  forêt,  où  M.  Rathbone  s'est  érigé  sur  un  tertre,  une 
gracifîuse  villa,  style  Tudor,avec  porte-cochère,  même  style  : 
on  a  tiré  si  bien  partie  du  site  et  des  bois  d'alentour  que 
rien  de  factice  n'y  blesse  l'œii  ;  tout  est  naturel  :  une  struc- 
ture et  des  atours  qui  par  leur  architecture  et  leur  munifi- 
cence vous  semblent  emprunts  d'un  cachet,  d'un  caractère 
antique,  et  qui  pourtant  sont  (l'ordonnance,  de  construc- 
tion récente. 

Dans  le  faubourg  nord  d'Albany  se  volt  \e  Jlfa/ior  //o//st 
du  "Patroon"  (tel  est  le  titre  que  prend  le  fils  aîné  de  l'an- 
cienne famille  Van  Rensellaer).  Agrandi,  orné  et  res- 
taure à  neuf,  c'est  un  des  séjours  les  plus  admirés  de  l'état 
de  New-York  ;  sur  la  rive  opposée  de  l'Hudson,  un  peu 
au  nord  d'Albany,  est  assise  Beaverwyck,  la  somptueuse 
résidence,  jadis,  de  VVm  P.  Van  Rensellaer  :  le  plan  en  fut 
conçu  par  un  architecte  du  nom  de  Diaper.  Une  riche  col- 
lection de  bois  étrangers,  disposés  en  mosa'ique,  en  pare  le 
salon  et  le  vestibule,  lequel  au  moyen  d'un  escalier  en  mar- 
bre, conduit  à  de  vastes  salles  à  l'intérieur,  peintes  à  fresque  ; 
les  serres  et  conservatoires  de  Beaverwyck  sont  renommés 
à  cause  de  leur  étendue  et  de  leur  magnificence. 

A  Tarrytown,  l'on  vox'c^Siiiiuysidc,  (i)  la  résidence  chérie, 
maintenant  historique  de  Washington  Irving,  une  des  plus 
nobles  intelligences  de    la    florissante  République  voisine, 

(1)  Si'iiiiysido  a  dft  reproduira  qucliiuo  olioai!  ilo  cou  Bupoibos  parcs  anglai»  dont  Irvins 
iKMis  a  ii'niu'!  dans  son  Sketch  lioiik,  une  si  admiralile  (U'Hcriptioii  : 

"Xotliiu^  caii  lio  mon-  imposiiis  than  tlio  iiia«niiu;i'iici!  ol'  KiikIihIi  park  acnnory.  Vasf 
lawns  tliat  oxtcnd  like  shouts  of  vivid  Krcoii,  witli  licro  and  therc;  chlumps  of  gi^rantic 
fri'i'-!,  lMiii)in^  up  ricli  pilo3  of  foliage  ;  tho  soleinii  1  •  ii|i  ol' Rrovo»  und  woodland  K'<»ili'». 
witli  llii' dcor  trooping  in  sili'nt  licrds  acroi";  tlioni  ;  tlie  liaru  liounding  away  to  tlie 
lovrrt  ;  or  tlie  pheasant,  siiddonly  bursting  on  tln^  Asiiig  :  tlie  brook  tauglit  to  wiud  in 
i.atural  meanderings  or  expand  into  a  glassy  lako  :  (lie  se<iuestored  pool,  reflectiiig  tlie 
([uiviring  trees,  with  tho  yellow  Iraf  sleoping  on  ifs  bosom,  or  tho  trout  roaniinif 
fearieasly  about  its  limiiid  wrtera,  wliilst  some  rustic  temple  or  sylvan  statue,  grown 
grein  and  daiik  witli  ago.  çïives  an  air  of  classii;  sanctity  to  thn  seclusion." 

(Rural  Life  in  Kttgluniï,  Wasiiinotox  Invrso.) 


ESQUISSES 


339 


et  l'habile  et  conscientièux  biographe  de  George 
Washington,  le  père  de  cette  répubh'cue.  Un  dédale  de 
charmants  sentiers  sauvages  circule  en  toi.'s  sens,  au  sein 
de  coulées  ombreuses,  sur  les  hauteurs  ensoleillées,  ou  le 
long  des  rives  pittoresques  de  la  rivière  ;  les  pèlerins  du 
continent  entier  accourent  en  foule  pendant  la  belle 
saison,  à  ce  site  féerique,  le  beau  idéal  d'un  cottage  onic, 
où  expirait  en  1859  l'aimable  et  philosophique  raconteur 
du  Sketch  Book,  l'éloquent  historien  de  Christophe  Colomb, 
etc. 

Je  n'en  finirais  pas  si  j'essayais  de  vous  onuniérer  tous  les 
pittoresques  casiiels,  les  nobles  résidences,  les  parcs  nrivés 
ou  publics,  les  riants  jardins  que  le  luxe  ou  I'.  bon  goût  a 
fait  naître  chez  nos  voisins. 

Psr-dant  un  court  séjour  que  je  faisais  récemment  à  Bos- 
ton et  où  j'eus  occasion  de  visiter  plusieurs  des  sites  les 
plus  attrayants  en  dedans  et  au  dehors  de  c^tte  charmante 
cité,  je  notai  bien  des  merveilles  en  fait  d'horticulture  ; 
j'eus  occasion  de  me  convaincre  que,  sans  encourir  do 
grandes  dépenses,  il  y  a  une  foule  d'améliorations  dans 
la  culture  de  nos  fermes,  dans  l'onlonnance  de  nos  janliii  i 
en  Canada,  que  nous  pourrions  facilement  introduire. 

Le  premier  conservatoire  de  fieurs,  autour  de  Québec, 
au  rapport  du  Dr  P.  Bender,  vit  le  jour  au  commencement 
du  siècle,  k  V Asile  Champctrc,  sur  les  buttes-à-Nepveu, 
Grande-Allée,  où  résidait  feu  Jos.  Frs.  Perrault,  son  aïeul, 
le  pionnier  et  le  généreux  patron  de  l'éducation  chez  le 
peuple  :  une  savante  horticulture  régnait  également  dans 
le  jardin,  qui  avait  une  étendue  de  ([uatre  ar[>ents  et  était 
entouré  d'une  haute  muraille. 

Vers  le  même  temos,  un  riche  nétrociant  de  Québec,  feu 
M.  Henry  Atkinson,  l'ancien  président  de  Li  Société 
d'Horticulture  de  Québec,  et  que  je  crois  pouvoir  nommer 
à  bon  droit  le  père  de  l'horticulture  artistique,  parmi  nous, 
avait  ajouté  à  son  pittoresque  manoir,  (maintenant  la  rési- 
dence de  M.  Amos  Bowen)  au  haut  de  la  falaise  du  Cap  Rou- 


f» 


U'. 


340 


JARDINS  AN'CIENS  ET  MODERNES 


I   i  ' 


ge,  un  petit  réduit  en  verre, chauffé  à  l'eau  chaude,  où  il  culti- 
vait ses  chères  fleurs  en  hiver,  longtemps  avant  l'époque 
où  il  avait,  k  Spencer  Wood,  ses  mémorables  étalages  de 
fleurs,  de  fruits,  ses  jets  d'eau  etc. 

L'élégante,  la  lettrée,  la  magnifique  châtelaine  de  Spen- 
cer Wood,  Mdme  Perceval,  pendant  son  long  séjour  à  cette 
radieuse  villa,  a  dû  sans  doute  varier  de  fleurs  au  moyen 
en  serre,  et  de  volières,  aussi  bien  qu'avec  la  littérature  et  la 
musique,  la  monotonie  de  nos  longs  hivers,  au  temps  où 
son  amie,  Mme  Peter  Sheppard  y  allait  chaque  semaine 
pincer  de  la  harpe,  pour  les  habitués  d'alors  :  les  Mathew 
Bell,  les  Caldwell,  les  Uniacke,  les  Baby,  les  DeSalabery, 
les  DeGaspé,  les  Sheppard  de  Woodfield,  les  Vanfelson^ 
les  de  la  Naudièrre,  les  Taylor,  les  Montizambert  etc. 

Dans  ma  jeunesse,  on  associait  d'ordinaire  trois  noms 
fort  connus  aux  jardins  ornés  les  plus  en  renom  autour 
de  Québec  :  Thon.  William  Sheppard,  conseiller  législatif, 
littérateur,  antiquaire,  ornithologue,  établi  sur  l'antique 
domaine  de  Monseigneur  Dosquet  et  du  juge  Adam 
Mabane,  depuis  18 16. 

J'ai  eu  le  plaisir  de  faire  sa  connaissance  :  un  jour,  en 
juin  1865,  il  vint  me  convier  à  l'accompagner  dans  une 
course  qu'il  méditait  et  que  nous  finies  pour  étudier  les 
fougères  variées  qui  croissent  sur  la  rive  du  ruisseau  Saint 
Denis.  Un  revers  de  fortune,  en  1847,  le  forçait  de  déguer- 
pir de  Woodfield  et  de  dire  adieu  à  ses  livres,  à  ses  fleurs, 
à  ses  oiseaux,  pour  aller  se  réfugier  à  Fairymead,  Can- 
tons de  l'Est,  où  sa  mort  eut  lieu  en  1867. 

Le  second  de  ces  horticulteurs  distingués  fut  feu  M.  Henry 
Atkinson,  propriétaire  de  Spencer  Wood  et  de  Spencer 
Grange,  pendant  près  d'u..  quart  de  siècle,  décédé  à  Nice, 
I^Vance,  en  1865  :  le  troisième,  feu  James  Gibb,  propriétaire 
du  beau  domaine  de  liellevue,  où  le  couvent  de  Bellevue  a 
été  depuis  bâti,  à  Stc-Foye.  Ce  domaine  avait  été  acquis 
par  M.  Gibb,  vers   1840,  de  M.  George  Vanfelson,  juris- 


KSQUISSES 


341 


consulte  distingué   de    Québec,  plus  tard,  juge  de    là  cour 
Supérieure.  M.  Gibb  décéda"  en  1858. 

En  1849,  le  Major  Douglas,  officier  de  génie  et  Profes- 
seur au  collège  militaire  de  West  Point,  \i.  U..  vint  à 
Québec  et  traça  le  plan  du  beau  cimetière  Mount  Ilermon, 
à  k)illery  :  cet  homme  de  goût  avait  aussi  fourni  le  plan  de 
"Cîreenwood  Cemetery,"  près  de  New- York  et  du  cimetière 
public  d'AIbany.  Il  fut  l'hôte  de  feu  M.  Atkinson.  à 
Spencer  Wood.  Les  propriétaires  des  villas  environnantes 
utilisèrent  les  talents  du  Major  Douglas,  pour  l'ornementa- 
tion de  leurs  parcs  et  de  leurs  jardins. 

Vous  savez  que  la  création,  l'ordonnance  d'un  grand 
jardin  naturel,  selon  les  règnes  sévères  du  goût,  exige  une 
parfaite  appréciation  du  paysage,  aussi  bien  qu'une  con- 
venance des  objets  entre  eux  et  au  site  auquel  on  les 
destine. 

Grâce  au.x  habiles  jardiniers  que  l'Angleterre  et  surtout 
l'Ecosse  nous  a  envoyés,  nous  pouvons  admirer  autour 
de  Québec  un  genre  de  culture  fort  soigné,  de  ric'ics  con- 
servatoires pour  les  fleur]3  tropicales  en  Jiiver,  de  vastes  et 
belles  serres-chaudes  où  mûrissent  sous  le  verre,  le  raisin 
le  plus  délectable,  des  pêches  succulentes,  de  suaves  necta- 
rines fbrugnons),  des  abricots,  des  bananes  ;  des  ananas 
d'un  goût  et  d'un  arôme  exquis  ;  des  figues,  etc.,  et  dans 
les  couches  souterraines,  de  la  rhubarbe,  des  champignons, 
d'appétissantes  salades,  au  temps  des  frimas. 

Il  va  sans  dire  que  ce  genre  de  culture  su[)pos(.'  d\c/ 
les  maîtres,  d'amples  ressources  pécum'aires. 

Je  vous  entends  vous  écrier,  cher  M.  -loly  :  est-ce  que 
vous  voudriez  implanter  chez.  nri>  bons  cultiv-.iteurs,  L* 
luxe  des  vieux  pays  ? 

Nullement,  chez  nu>  cultivateurs,  vous  ré[)onilrai-je. 
Je  laisserai  ce  luxe  aux  élus  de  la  fortune.  Mais  il  est  u!i 
genre  de  jardins,  des  améliorations  horticoles  et  agricoles, 
tout  à  fait  à  la  portée  du  peuple  de  no^  campagnes  et  qui 
ne  ferait  qu'augmenter,  san-;  dé[)enses  notables,  la  somme 


M 


342 


JARDINS  ANCIENS  ET  MODERNES 


de  son  bien-être,  ainsi  que  la  valeur  de  l'héritage  qu'il  des- 
tine à  ses  enfants. 

Ce  que  je  veux,  c'est  le  reboisement  des  terres  à  bois, 
la  protection  des  forêts  contre  l'incendie,  la  plantation  d'ar- 
bres forestiers  pour  donner  de  l'ombrage,  de  la  fraîcheur  au 
toit  domestique,  en  été,  ainsi  qu'aux  bêtes  de  la  ferme 
dans  les  pâturages,  pendant  la  canicule  ;  l'ornementation  de 
la  nécropole  rurale,la  création  à  côté  du  joli  jardinet  à  fleurs, 
de  riches  vergers,  un  choix  judicieux  d'arbres  fruitiers. 

Il  y  a  trop  de  bons  traites  sur  le  siyle  et  l'ordonnance 
des  résidences  et  des  jardins,  soit  simples  ou  ornés,  pour 
qu'il  me  soit  nécessaire  de  fournir  sur  ce  sujet  des  règles 
précises.  Je  terminerai  donc  ce  rapide  coup-d'œil  sur  la 
théorie  et  la  pratique  des  jardins,  par  un  intéressant 
tableau  d'un  jardin  négligé  e«  d'un  jardin  amélioré,  em- 
prunté à  Morel,  judicieux  spécialiste  en  cette  matière, 
comme  enseignement  et  sujet  de  comparaison  : 

BRrvlENONVILÏvK 


''Ermeuoiivilie  [n-ésente  un  pays  chaniptHrc  d'une  part,  ol, 
sauvage  de  l'autre.  La  froide  vallér»,  le  ruissiîau  (jui  l'arrose, 
les  coteaux  qui  la  renferment  el  la  dessinent,  les  plantations 
qui  i'omhragent,  les  prairies  qui  la  verdissent  forment  l'as- 
pect des  deux  faces  principales  du  manoir.  Toutcet  ensemble 
com[)Ost?  un  pays  véritaiileinent  champêtre  ;  sur  le  côté,  une 
vaste  l'ortM,  le  jeu  tourmenté  des  cotes,  des  ravins  creux,  et 
des  sables  ai iiies,  res[)èce  d'arbri^s  (ju'ils  produisent,  des 
bruyères,  des  rochers,  un  sombre  lac,  oll'raient  aux  yeux  un 
pays  fort  sauvage.  » 

iia  vallée  du  coté  du  nord  aujourd'hui  si  fraîche  et  si  cham- 
pêtre, n'était  autrefois  qu'un  marais  impratiqnable  el  d'un 
aspect  repoussant  ;  son  sol  tourbeux  imbibé  de  mille  sour- 
ces souterraines  était  fangeux  et  mobile  ;  qnati-e  on  cinq 
grands  canaux  (jui  le  coupaient  eu  divers  sens  n'avaient  pu 
le  dessécher  ;  ils  augmentaient  encore  la  masse  des  vapeurs 
malsaines  qui,  dans  toutes  les  usons,  s'élevaient  soir  et 
malin.  Des  plantations  alignées  ..  droiUî  et  à  gauche  dégui- 
saient le  mouvement  du  terrain  el  en  voilaient  si  exactement 
la  marche,  (jue  le  site  tiui  est  une  large  vallée,  bo'dée  de 
coteaux  très  accentués,  ne  laissait  voir  ({u'une  espèce  de 
plaine  maussade  et  sans  accident;  un  ruisseau  enfoncé  dan» 


ESQUISSES 


343 


la  profondeur  de  ces  li^'es,  échappait  au  regard  ;  les  coteaux 
variés  par  des  vallons  secondaires  qui  les  entrecoupaient, 
une  belle  forêt  très  voisine,  tout  cela  avait  été  ignoré  et 
avait  été  sacrifié  à  un  parterre  marécageux,  enfermé  entre 
deux  labyrinthes  de  charmilles  si  humides  qu'ils  re[(0us- 
saient  ceux  qui  voulaient  en  approcher. 

Tel  était  l'aspect  vu  do  la  principale  face  de  la  maiaon  ; 
la  face  opposée  avait  pour  perspective  une  cour  entourée  des 
bâtiments  de  dépendance  (jui  attristaient  les  regards  ; 
une  lourde  et  antique  porte  donnait  sur  une  rue  enfermée 
de  murs  ;  cette  rue,  l'ègoût  du  pays,  faisait  la  communica- 
tion du  village  à  un  hameau,  et  servait  d'avenue  au  manoir  ; 
au  delà,  un  potager  aquatique  entouré  de  hautes  murailles, 
était  terminé  par  une  chaussée  revêtue  de  pierres  et  desti- 
née à  soutenir  les  eaux  d'un  étang.  Ce  double  rang  de  lil 
leuls  élevé  sur  cette  chaussée  rétrécissait  le  ciel,  coupait  le 
tableau  et  privait  l'œil  du  spectacle  de  deux  coteaux  couverts 
de  bois. 

Ainsi  de  tous  les  côtés  les  mouvements  du  terrain  étaient 
ou  voilés  ou  dénaturés  ;  la  vue  resserrée,  les  aspects  inté- 
lessauts,  obstrués,  chaijue  partie  sans  besoin,  sans  rapport, 
ne  présentait  ni  expression,  ni  caractère  et  d'un  site  (jue  la 
Natunj  avait  fait  agréable,  il  ne  résultait  (]u'un  lieu  si 
repoussant,  qu'au  premier  coup  d'oMl,  il  paraissait  intrai- 
table. Tel  était  Ermenonville  quand  il  fut  conlié  à  mes 
soins;  aujourd'hui  tout  est  changé;  le  site  du  coté  du  nord, 
naturellement  bien  dessiné,  n'attendait  pour  se  montrer  ([ue 
la  des  ruction  de  plantations  maladroitement  placées.  Les 
arbres  abattus  et  les  obstacles  détruits  ont  découvert  une 
scène  d'une  belle  composition  ;  une  vallée  fraîche  et  riante 
a  pris  la  place  d'une  plaine  froide  et  monotone  ;  les  marais 
desséchés  sont  devenus  lie  bonnes  et  agréables  prairies  ; 
une  charmante  rivière  a  été  substituée  aux  fétides  et  tristes 
canaux.  Jje  tableau  est  terminé  par  une  montagne  surmon- 
tée d'un  village,  au  dt\'^sns  ducjuel  s'élève  encore  la  tour  de 
Mont  Episoi  à  demi -uniée.  Cet  accident  fait  le  lointain  et 
parait,  à  raison  de  sou  éluiL;Meiui'i!t,  toujours  coloré  de  ces 
tons  bleuâtres  et  va[ioreux  ijui  lient  d'une  maniiM'e  si 
douce  le  ciel  et  l'horizon. 

Au  midi,  les  murs  de  cIôIuim?  et  ta  gothique  porte  déiruits 
laissent  apercevoir  une  autre  conqiosilion.  t4)noique  ciMli; 
partie  soit  de  la  même  vallée,  elle  est  toute  dillerente  de 
l'autre  et  n'en  est  pas  moins  agréable. 

La  rivière  prend  sa  source  île  ce  cùlé,  tiaversu  et  ai  rose 
une  prairie  (jui  occu[ie  la  [dactî  de  l'ancien  potager  ;  sur  la 
droite  du  ruisseau,  cette  prairie,  en  s'élevant  sous  la  forme 
de  pelouse,  va  se  réunir  à  la  foret,  et  se  perdre  sur  une 
futaie  de  beaux  arbres  suspendus  sur   une  eût»',  qui  se  préci- 


544 


JARDINS  AN'CIENS  ET  MODERNES 


\rj> 


lh\   il 


pile  sur  la  gauolie  ;  celte  môme  prairie  esl  bornée  par  des 
massifs  d'arbres  el  d'arbrisseaux  agréables  par  leur  dispo- 
sition, et  par  l'ombrage  qu'ils  donnent.  Knfin,  la  ligne  sèche 
et  roide  du  mur  de  la  chaussée  qui  soutient  les  eaux  de 
l'étang,  a  été  déguisée  par  un  nio\ivenient  de  terre  combinée 
avec  le  jeu  des  plantations  dt;  la  droite  et  de    la  gauche   de 

si   ce 
il    la 


manière  à  procurer  à  ce  ressaut  un  efîet   naturel  ;   et 


ressaut  voile  encore  la  fuite  de    la    vallée,   au   moins 
laisse  souprjonner. 

Cette  chaussée  dégnisé(î  par  la  foi  me  t^n'on  lui  a  donnée, 
produit  un  accident  d'autant  nlns  naiurtl  que  la  chaussée 
se  trouve  placée  positivement  à  l'endroit  où  ies  deux  côtés, 
par  la  saillie  qu'elles  font,  semblent  vouloir  se  rapprocher 
l'une  de  l'autre. 

Une  cascade  perpétuelle  produite  par  le  trop-plein  de 
l'étang,  justifie  encore  ce  ressaut  et  anime  en  même  temps 
la  scène  par  son  éclat,  soii  mouvement  et  son  bruit.  Cette 
perspective  moins  étendue,  mais  aussi  champêtre  que  celle 
du  Nord,  ne  lui  ressemble  cepenlant  en  aucune  manière  : 
le  site  est  plus  resserré,  les  elll'ts  sont  plus  rapprochés,  les 
objets  plus  réunis,  les  côtes  plus  piunoncées  ;  c'est  surtout 
lorsque  le  sob.'il  entre  dans  sa  canière,  et  au  moment  où  il 
va  la  terminer  (jue  les  yeux  se  plaisent  à  contempler  ce 
lablt,>au,  comme  ils  aiment  à  s'égarer  tous  les  instants  de  la 
journée  dans  la  vallée  du  noid. 

Avant  de  parcourir  la  partie  sauvage  de  ces  jai'dins.  peut 
être  le  dévelop[)enieul  de  certains  détails  sur  la  (:(ini[i()siiiou 
des  deux  tableaux  dont  je  viens  de  e.rayonner   les  traits  prin- 
cipaux, donnera-t-il   occasion    de    taire   d'utiles   remarques. 
Uelouriions  dans    la  vallée    du    midi  ;    d'/s  deux   eûtes  (jui 
fornuMit  de  chaiiue  côté  le   cadre   du    laldeau,   ctdle   de    la 
tlroite.  élevée  et  assc'z  rapide,  i»araît.  par    l'eifiM    de    la   pers 
pective,  s'al)aiss(M'  ri  niesuri!  qu'elle  luit  ;   les  arltn.'s  hauts  et 
lonll'us  qui  la  courouueiil  dessinent    dans    le  eiel    une   ligue 
(jui  indique  la  marche  et    fait  sentii'   la   continualion   de   la 
vallée  bien  au-delà  du  point  où  l'ieil  |;i  perd  de  vue.  .le  ferai 
remarquer,  d'après  cette   observation,   (jue   les  ellels  de   ce 
genre,  qui  tienin.'ut  à  l'illusion  dt.'s   yeux,    sont    un    moytMi 
•font  l'artiste  se  sert  pour  étendre  ou  resserr<!r  une   perspec- 
tive, sans  augmenter  ni  diminuer  le  champ,  qu'elle' renferme 
et  nour  lui  donner  la  proi>orlion  qu'il  lui  convient.    La  côte 
opposée  i)lus  uniforme,  d'une  pente»    moins  rapide,   s'incline 
jusqu'à  l'étang  dans  kvjuel  elle  va  se  perdre.  Depuis  le  haut 
jusiiu'an  bas  cette  côte  est  «ouverte  d  nue    peloust.-  tiue  dont 
la  Verdun.'  est  entretenue  par  l'ombre  de  quelques  superbes 
noyers  (jui  la  boi-agenl  ;  enfin  l'étang  dont  on  voyait  Textri- 
milé.  va  se  perdre  à  pi'ésent  dans  les  déto\;rs  des  deux  côtes  ; 


KSQUISSES 


345 


hgiie 


(h.'puis  qu'on  n'eu  aporroit  plus   les  horut's,   il   ijeut    passer 
pour  nu  lac. 

Apros  avoir  t'inhf  lli  la  [)raiiip  au dosijous  do  la  i"liaussôt\ 
la  rivièr»',  ijui  lin'  sou  oiùgiui'  di"  la  cascade,  passe  sou>  le 
bout  du  cheiuiu  et  va  sf!  joier  dans  les  fossés  (lui  euveloppeut 
le  liiltiuit.Mit  pi'i'icipal,  et  au  devant  duciuel  elle  produit  un 
l>assia  d'uui;  lornie  iné.iiulièie.  Celte  pièce  d'eau  est  enca- 
drée d  un  f^ax.ou  ([ui  se  lie  et  lait  portion  de  la  prairie  qui 
recouvre  et  vcidit  tonte  la  vallée  du  nord  Deux  ponts  de 
bois  tiavt'rsf'nt  le  bassin,  el  font  la  conimunicalion  entre  le 
manoir  et  les  jardins.  De  ce  bassin,  les  eaux  se  précipitent  et 
vont  f()ruier  la  rivière  \\\n  luit  à  ti'avers  la  vallée  du  in)i-d  ; 
dans  sa  course.  (]uel(ines  îles  la  divisent  ou  plusieurs  bras  el 
varient  sa  marche  et  ses  accidents,  et  en  jusliuent  les  détours  ; 
on  a  prolilé  de  la  ditïérence  du  niveau  de  la  pièce  d'eau  à 
celui  de  la  rivière  pour  construire  une  écluse  (jui  fait  passer 
les  banjuas  de  rune  à  l'autre.  Cettt!  manœuvre,  qui  i)eul 
intéresser  la  curiosité,  permet  de  s'em!)arquer  au  pied  même 
du  manoir,  où  pour  cet  eilet  on  a  pratiqué  un  port. 

Au  bout  du  pont  de  la  gauche,  ou  se  trouve  sous  une 
niasiie  dt^  liants  peupliers  d'Italie  ;  (juoiiiue  très  élevés  el 
assez  loull'ns,  l'ombre  dont  ds  couvrent  les  gazons  sur 
lestiuels  ils  sont  piailles  n'en  altère  pas  la  verdure  ;  au-deià 
e.  au  ti-a^-ers  di'  plusieurs  groupes  d'arbres,  ou  ap'.'rcoil  les 
b  aliments  d'un  moulin  et  le  clocher   de  l'abbaye  de  Chàlis. 

A  nue  certain»;  distance,  on  rencontre  un  fort  massif 
d'aunes,  qui  ombragent  un  j)elil  ruisseau  formé  par  une 
source  particulière  ;  ce  massif,  très  remarquable  par  le 
nomlire  et  la  hauteur  des  arbres,  et  surtout  par  le  ton  brun 
de  levir»>  feuilles,  est  à  tous  égards  un  accidenl  iieiireux  ; 
placé  presiju'au  milieu  de  la  vallée,  il  la  partage  m  deux 
parties  ;  sans  col.  accident,  cette  vallée,  [lar  la  marche  des 
eûtes  ([ui  s'écartent  tout  à  coup,  eût  [)aru  trop  lâclie  et  son 
caractère  en  eût  été  aHaibli  ;  il  n'est  pas  JHsqu'à  la  jdace  où 
se  trouve  se  massif,  (jui  ne  coniribueà  d..  *^,er  plu>  de  gràee 
H  cette  vallée  par  la  légère  sinuosité  qu'il  ()rocure  à  sa  mar- 
••he.  En  la  dirigeant,  sur  la  gauche,  le  b;i.-*sin  de  la  source, 
les  eaux  vives  (>t  limpides  (lu  pt'tit  ruisseau  qu'elle  produit 
et  le  grouj»'  d'arbres  ipii  roniluageiii,  forment  eux  mêmes, 
comme  site  particulier,  une  scène  qui.    par   sa  composition. 


le'    reui'ontre   pas    «e    lieu 
là.  il  oublie  volontiers  un 


rdiiis  (ju'il    a    perclus 


es!  Ires  agr'éable.  Le  prometiein' 
frais  et  solitair(!  sans  s'v  arrèlei' 
momenl  les  Ix'aMtés  d'eusenibie 
de  vue. 

(»'uel(iues  s.îiiiieis  ijui  parleni  du  pont  sur  la  droite  circu- 
lent au  travers  de  c(>s  plantalions:  en  le^;  pan;oni'aii'  on 
rencoiilre  divei's  accidents,  entre  antres  un  vallon  secondaii-e 
très  diU'ei-eut  du  principal  :  ce  vallon    a  aussi   son    ruisseau 


ï 


346 


JARDINS  ANCIENS  ET  MODERNES 


if 

il; 


si 
■  I  . 


if 


le  poiil  qui  le  traverse  foiiduit  à  une  côte  dont  le  som- 
met élevé  et  d'une  pente  d'abord  très  rapide,  est  couvert 
d'arbres  de  hante'  futaie  :  un  jeu  de  petites  collines  et  de 
petits  vallons  tjui  donne  à  cette  côte  beaucoup  de  mouve- 
ment, a  indiqué  la  place  des  groupes  d'arbres  dont  on  l'a 
décorée.  En  retournant  au  levant,  cette  côte  l'orme  avec  le 
coteau  opposé  le  vallon  secondaire  ;  le  second  coteau  d'une 
pente  plus  douce,  tout  couvert  de  culture,  présente  l-j  village 
en  amphithéâtre  au  dessus  duquel  domine  l'église.  Cette 
perspective  contraste  avec  celle  de  la  côte  opposée  toute 
chargée  d'arbres,  mais  de  quelque  paît  qu'elle  si;  montre 
son  aspect  n'est  jamais  sans  elle  t. 

En  revenant  sur  ses  pas  pour  gagner  le  bosquet  des  aune?, 
on  aperçoit  le  manoir  à  la  tète  de  la  prairie,  et  au  delà  les 
côtes  couvertes  de  bois. 

Au  pied  d'une  de  ces  côtes,  on  découvre  les  maisons  épar- 
ses  d'un  hameau  entre  des  groujtes  d'arbres  ;  le  seul  bâti- 
ment qui  s'y  lasse  distinguer  est  une  chapelle  surmontée  de 
sou  petit  cloche I'.  Cette  perspective  ne  joue  pas  dans  l'en- 
semble un  rôle  aussi  imiKU'lant  que  celle  où  se  trouve  le 
village  ;  mais  son  caractère  plus  cham[»ètre,  est  plus  analo- 
gue au  ton  général." 

(Théuiue  ues  .iahdins.  Tome  II  P.  i7. 


CO' 


PARCS  ET  PROMENADES  PUBLICS 


En  traitant  de  l'ordonnance  des  parcs  et  des  jardins 
autour  de  Québec,  on  est  porté  à  dire  quelques  mots  de 
l'embellissement  dont  la  cité  est  susceptible.  Dans  les 
pays  les  plus  civilisés,  on  fait  de  grandes  dépenses  pour 
créer  et  maintenir  les  parcs  ;  et  les  forêts  réservées  par 
l'Etat,  comme  parcs  et  promenades  publiques  couvrent  sou- 
vent une  notable  partie  du  territoire  :  (i^  le  parc   projeté 


[IJ  Dim.'iiai'iui  lU's  Parce  PuWics,  en  Ara6ric|iio  et  on  Iliirop..'. 
[Kxtfdit  (lu  rnl'lic  Ledgnr  Almanach] 
Xnni  Quitliti'  Aire  i>n  acres, 

llppii'g  Korost.  .  ..('nunty  Khscx.,  KiiyUnid 


l'ratcr Vifiiiiii,  Auatria. 

WinilHor  Forust..  .('(mnty  l'iirks,  KiikIiiikI. 

h'.nniKiunt l'hiliiitclpliiii,  Pu 

Itiiliinont.   ('o\inty  Surrcy,  KiiKlaml.. 

li'iis  (le  JtoiiloKiit'. Piiria,  France , 

Haiiiptou  Court. ...('(uiiity  Surriy,  Knglniid.. 

l'Iiieiiix .iJuMin,   Ireliiiid 

Pi  til  l'arc VerBuillc»,  France 

l'entrai New  York 

<  iroast;  Oarten .  . .  .  DreBcleii,   Saxony 

Hotanic  Uardcn.  ..Kew,  Knifland 

Pros|).ct  Hill Brooklyn,    X.     Y. 

Si-liloss  Giirtcn.  ...îScottuarten,  Wurtemburi^. 

Ilof  (rarten .Miinieti,  Unvnria 

Druid  Hill Baltimore,  Md 

Siinimer  Gardon.. .St  Piftersburg,  Kussin.  . 

l'jurKard Stockholm,  Sweden 

l{e«out's London,  Kn^land 

Albert Lundon,  Kn^land 

Hyde London,  Kn^land 

Tsarkoo-Hi'lo St-Potersbiir(j,    Uiissia.. .  . 

Kiijflisli  Gardon.  .Munich,  Havaria 

KcnsinKton London,  Kn^land 

Victoria London,  Knglnnd 


Hoboli  Garden.  . .  .Florence,  Italy i'iO 

Thier  Garten Berlin,  PruBsia 2o()  • 

.^leadows KdinbarKh,  Scotland 'Jo  l 

Crystal  Palace. .  .Sydenhum,  Co.  Kent,  KnK.  2oi) 

Birkeniiead ("ounty  ("heater,  Knglanil..  IS.I 

Greenwioh I^ondon,  Kn^hind 18.5 

Hattersea , .  .London,  Kngland Mb 

Jardin  du  Luxemboiiri;.  Paris,  France ItîO 

South WashiiiLfton,   1).  (' «L'iO 

(Jreen (il.iSKOw,  Scotland Vlï 

Prince's Liveriiool,  Kngland 90 

St  James London,  Kngland .09 

Green London,  Kngland .')5 

Primroae  Hill .  . .  .('ounty  Surrey,  Kug. M 

TuilerioB Pari»,  France 50 

St.  Lonis St.  Louis.  Mo .00 

Arboretum Derby.   Kn^land •.OO 

t'ommon Boston,  Mass 48 

Central Hartford,  t'onn 4ti 

(Silice  awla  page  mivanto- 


348 


PARCS   ET    TKOMENADKS    rUHLICS 


n  " 


sur  cette  portion  des  Plaines  d'/Vbraham,  avoisinant  la 
citadelle  aura  bientôt  son  exécution,  espéroni-le. 

Je  publiais  en  1876  d^ns  ie  volume  Qtiebic  Past  ami 
Prisent,  une  ample  description  des  plans  de  décoratioi> 
publique  conçus  par  Lord  Dufferin,  notre  ancien  gouver- 
neur-général. Les  plus  saillants  :  le  prolongement  de  l'an- 
cienne terrace  Durham,  et  les  deux  portes  de  ville  St- 
Louis  et  Kent  ont  été  heureusement  menées  à  bonne    fin. 

Quand  à  la  noble  terrasse,  dont  la  première  pierre  fut 
posée  par  Lord  Dufferin  le  8  octobre  iS/cS  et  à  laquelle 
Lord  Lorne  et  la  Princesse  Louise,  à  la  demande  et  en 
présence  du  Conseil  de  Ville.le  9  juin  1879,(2)  ont  conféré 


nuiiting l'iiilaileljiliiii,  l'a. 

Ilui'kiiighiuii  l'al.Iiondon.  Ku^li»»! 

KaxtiT DmikIi'i',  Siotlaiid 

Keiiiiiii)j[toii Jjoiidon,  KiikIiiiuI 

llorticult  Giird'ii.Cliiswifk,  Kii^laiid,.  . 

l'iM'l Manclii'stt'r,  liiiijland. 

Norfolk Sliflfiidd.  Kiigland 

Alaiiicda ("ity  ul  Aluxico 

l'alaiH  Uoyal ....  l'urii . 

•liitimc. 


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4i> 
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3r> 

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•i» 
Vi 

lu 


{>)  l'i.i'miiriitiiMi  Af  la  'rcrra'<np  Duff.Tiii,  l"  0  juin  1H7'I  : 
{.tXrtiiiit  du  il'iitiiiifj  Cliroiiirlc,  du  Injuiri  ls7;i.) 

"  0)11  fiiiiiirmi' lit  :\  un  avi»  luéalalilo,  la  céri'iiiciMifd.;  l'oiivirturcdi'  l.i  Ti-rras^o  OurtVrin 
a  l'U  lii'ii  (hu'i')  Il  'J.IIO  iK'iiro»,  1'.  M.  ;  au  tuinpH  lixi',  uii"  fo.ilu  de  iht^oiiuoh,  ijIuuim'  d  ■ 
dix  iV  iiMUi/c  inilli',  i/nilialilciiioiit  di^  dix  nuUf,  cncomljrait  la  torrassr.  Le  n!>vct;ioli' 
de  ci't  Dcuaii  de  ti'Ud  lutiiialiii's  avait  iimliiu"  choso  du  l'r.i|  [laiit.  \,i>  ii.ivillou  di  ciiitrr 
dans  11' jardin,  ocriipi'  d'ordiiiairi;  parlj  lurii.-i  di'  iiiuHiiiuo,  avait  éti'-  réserve  iiour  le  l'arti 
vice-viiyal  :  un  lupis  et  nii  drap  iHurlati;  le  recouvraient  au  iiiilieu  étaient  deux  fauteuilti. 
lii!  corps  de  pollue  uroaiiio  en  protégeait  l'entrée  et  la  IJ.ittene  '■  H  "  avait  été  appi'lée  i 
touruir  Ha  faiifai'';  et  une  gaid;  d'honneur  :  riiyniiic  national  annonça  l'arrivée  duH  liûtL-s 
dihtiiiuueii. 

I,e  Mairu  (H.  Cliaiiiliei-H)  miivi  de  ses  conseillers,  était  venu  dn  l'IIcStcd-de  Vill'!.  Son 
lloiiiuur  ayant  eseorlé  Son  Kxeelleiiee  (l,.>id  Ijorin  )  et  Son  Altesse  Uoyale  (la  l'riuei'ssiî 
l.ouiHe)  .m  il'.iia  sous  le  iiavilloii,  s'adresiianl  au  trouvcnijur-Ciéuérul,  u'cxprinia 
connue  f<uit  ; 

■■  Vic'i/ i'' '  ivc  (■(   V'itri;  Kricllemi'  ! 

Au  nom  du  Cousoil  do  Villo  et  des  Citoyens  de  t^uélieç,  ji-rmette/  moi  le  vous  remer- 
cier d'aioir  i^racieusement  aecueilli  iiotr.i  prière  et  d'être  venu  inaugurer  en  personne  ce 
lioulevivrd  imldie.  l'ermettez  mol  également  du  remercier  Sou  Altetae  lioyale,  de  ba  con- 
deaeendance  en  cette  occasion. 

lia  preiiuére  pierre  de  cette  structure  a  Cîté  posée  p.ir  le  prédécessour  de  Votre  Kxcel- 
leiicc,  lu  (.'omti'  du  UiitTerin  (le  IS  ijû(\t   Kt7S.] 

Il  lui  sera  doux  d'apprendre  unel'djuvre  A  lu'{ueUu  il  a  porté  un  ai  vif  intérêt,  a  été 
menée  :V  lionne  lin,  qu'elle  a  été  inauKurée  par  Votro  Kxeelleiioe,  et  ciue  cotte  tfoliiinité 
a  eu  la  distinction  de  la  présence,  de  rioii  Altesse,  la  rriiicesse  Jjouise, 

.fc  dois  donc  rospectueusement  supplier  Voir"  Kxeellcace,  de  vouloir  liieii  assigner  ;\ 
cette  terrasse  le  nom  (lu'elle  devra  porter  dans  la  Hui'.ii  et  de  déclarer  qu'idli)  est  de  ce 
jour,  ouverte  au  publie.  Son  Kxei'Uence  répondit  :  "  Jn  suis  lieareax  du  pouvoir  accéder 
à  voir"  désir  et  9ij?iiitier  que  celte  terrasse  sera  nommée  d'après  votre  dernier  Gouvor- 
u»ur-Liénéral,  "  Dutïeriu  "'  et  qu'elle  est  maintenant  ouverte  au  putjlie." 

liBS  paroles  de  Sou  K.tcellenee  furent  aeciieillies  par  îles  salves  d'»pplaudis3emi>iits 
pour  le  t'omto  de  Duiîerin.  iiour  Sou  Altesse  Koyale,  la  l'riucease  Louise  et  pour  Sou 
excellence,  Lord  1/Orne." 

l,a   terrasse    Dufîerin     fait    partie   des     fortilicutious    de  (^.léliee  :  elle   occupe    outre 


autres  (lo 


nts,  le  site  di' l'ancienne  batterifl  du    jardin    du    Fort,    dont    le   terrain,    jadis 


jipavtonant  au  Major  Samuel  HoUand,  fut  cxprojirié  par  le  tV)uveriiem"nt  Iuii>érial. 
|je  tiouvernemunt  du  Canada  a  contritnié  |)Our  nue  large  part  au  coil»  de  cette  terra*-e  et 
la  Municipalité  de  t^uéliec  y  a  voté  t7,.'i'iii. 


;*  ^ 


I   h> 


KSOnSSKS 


34Q. 


C'illtrr 
parti 

uti'uiU. 

1.S  hôte» 


r.'iiii'i- 
soniif  l'i' 

Kxccl- 

a   fto 
)l.>iiiiiti'> 

siliJniT  i\ 
gt  d.'  «M' 

■our  S'jii 

.^  putri' 
I.  jiidiH 
upiTial. 
iHèifc  et 


le  nom  de  son  illustre  fondati.ur,  elle  fut  reconnue  authenti- 
qucment,  en  avril  et  en  mai,  1879,  dans  les  registres  officiels 
de  la  municipalité.  Plusieurs  plaques  de  fer  furent  ilépo- 
sées  dans  le  parquet,  portant  1  inscription  suivante  : 
"DuFiKKix  Tkkkack.  H.  Hatch,  Contkactok  ;  C.  Haii.- 
I.AlRCJi::,  i:xcilNi:KR."  Terrasse  Dufferin,  11.  Ilatch,  Entre- 
pnueiir  ;  C.  Iniiiluirgc,  Ingénieur ^  C'e^t  une  promenade 
unique  ;  on  ne  voit  rien  de  pareil  en  Amérique  ou  en  Europe; 
les  étrangers  ne  {jeu vent  se  lass^^r  de  d'admirer,  ainsi  que 
la  citadelle  qui  la  ^urploInbe.  La  terrasse  Dufferin, 
élevée  de  i8j  pieds  au  dessus  du  tlcuve,  est  longue  de 
1420  pieds. 

La  porte  Kent,  érigée  en  partie  à  même  ses  deniers  f>)ui nia 
par  Sa  Majesté,  la  Reine,  à  la  sollicitation  de  Lord  Dufferin 
et  en  souvenir  du  long  et  agréable  séjour  que  son  excellent 
père  le  duc  de  Kent,  (i)  a  fait  en  cette  ville  (  179 1-94)    est 

(I»  A  un  iiif'moralilf'  liiuiipict,  oiaaiiiH;>  h  (^ufbcc,  h'  21  juin  IS'lt,  on  l'Iionncnr  di»  Ijonl 
Dufferin  et  i>rt'«i(li5  pur  le  maire  de  (yuéhee,  Son  Kxeellenee  Lord  iMifferin,  a\irin  avoir 
résuiii6  nvee  boulieur  le  paHHi  histiirique,  si>eial,  |Hiliti(iuo  de  lik  vieille  eupif.ile,  «'ex- 
prima roinmc  auit 


"M.  le  Maire,  Messieurs.  Veuillez  croire  (|ue  c'est  avec  iine  liiou  vive  satisfaotioii  (ju- 

'apprcnda  (|u'il  sera  possible  de  mener  iV  lionne  tin,  lis  projet  (jui  t\i'  cont.n  pour  restaurer 

sans  délai    les  anciennes  fortifications  do  votre  ville,  mesure  qui  pourvoit  aussi   i\  l','.|ar- 

Uissemcnt  et  ii  l'augmentation  on  nombre,  des  avenues  de  la  cité,  alla  do  rencontrer  len 

exigencua  d'un  coninurco croissant,  les  besoins  du  siècle. 

Kii  cola,  vous  ne  faites  eiue  suivre  l'exemple  des  villes  ouroiiéoiines,  «Ituéos  comme  Ié 
V('itrB  et  anxieuses  comme  Quftbcc,  de  perpétuer  les  souvenirs  d'un  K'orieiix  liasse. 

Si  pour  elles,  c'est  un  devoir  reconnu,  va  devient  une  tftclui  plus  iuiperafive,  plus 
sacrée  pour  Québec,  la  seule  ville  sur  ce  continent  oft  se  sont  conservés  les  monumeuts, 
le» traditions  de  son  oi^uino  première  ;  Québec  dont  la  pittorenjun  enceinte  et  l'iinpo- 
v.'uito  citadelle  ]irésentont  i\  IVeil  un  spectacle  ([ue  l'on  clierclierait  en  vain,  du  Cap  llorn 
ai.  l'iile  Nord 

M.  le  Maire  et  vo'js,  Messieurs  les  conseillers  de  ville,  permette;»  jnoi  de  vous  rappeler 
lue  Québec  ne  vous  appartient  pas  à  vous  seuls  ;  vous  ne  la  réKisse/,  pas  ménu!  au  nom  e( 
pour  ravanta^u  du  Canada  seul  ;  vous  n'êtes  f|un  les  mandataires  de  Québec,  au  nom  du 
monde  civilisé,  au  nom  ilu  continent  entier.  li'Amériquo  entière  «émirait  si  vous  laissior 
détruire  vos  vieu.x  murs  ;  elle  y  verrait  un  outra«e  irréparable,  une  perte  jiour  tous. 
Heureusement,  il  n'y  a  aucun  riB(|ue  d'un  pareil  vandalisme.  Loin  île  porter  u«e  main 
sacrilège  sur  ces  trophées  antinues,  vous  vous  prépare/  à  les  sauveRardir,  i\  les  réparer 
i\  les  embollir.  , 

Quand,  dans  la  suite  des  temps,  le  Canada  aura  iiecomidi  des  destinées  si  lirillaiite» 
nuejo  n'ose  A  peine  concevoir,  la  postérité  recouiuiissaiite  entourera  de  reaiiect  les  noms 
lie  ces  édiles  {pli  auront  préservi'  intacts,  les  traces,  les  monuments  sacrés  de  son  his- 
toire, monuments  auxf|Ufil»  le  temjjs  ni'  fur»  qu'ajouter  un  éclat,  une  consécration 
nouvelle,  un  intérêt  qui  ne  fera  que  s'auKmenter  ;  car  M.  lo  Maire,  la  nure-patrio  a  les 
yeux  sur  le  C'auada. 

Dès  que  la  rumeur  fut  .accréditée  ru  Anu'leterr.'  que  vos  <  oncitoyens  avaient  résolu  de 
restaurer  les  bastions  de  (^uèbee,  le  Secrétaire  d'Ktat  au  burea\i  tb-  l.i  mierr.'  m'écrivit 
iiIftciiUement  pour  me  l'aire  part  de  ra.lMiiratinn  qu'il  ressentait,  lui,  ainsi  que  l'armée 
aniflaise,  piuir  votre  conduite,  ajoutant  qu'il  aurait  l'honneur  de  diinander  i  ia  Clianibre 
des  Commune»,  un  octroi  ;  qu'il  était  .sCir  d'avance  (|ue  sa  demande  serait  accueillie  avec 
acclamation,  pouraidor  \  décorer  cette  partie  de  vos  remparts,  plus  spéeialenieii*  illustré  • 
par  les  hauts-faits  de  Wolfe  et  de  Montv-.ilin  et  fécondée  par  le  sauK  de  c>  -,  deux 
Iu'tos,  si  chers  à  leur  iiatrie  respective. 

31.  le  Maire,  la  nouvelle   de   vos  iléainrehes   toucha    le   cieur   d'un    peraonna^e   plus 
.lujruste  que  le  secrétaire  <lu  mijiistère  de  la  «ucrre  :— ello  cmut  profondément   la  Ilein.' 
de  l'AuKleterre. 
Sa  Majesté  qui  porte  le  même  intérêt  i\  ce  qui   transpire  dans   .se»   colonies  le:;   pluj 


ïï 


i  m- 


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350 


PARCS   ET   PROMENADES   PUBLICS 


une  partie  notable  des  embellissements  suggérés  par  Lord 
Dufferin.  aidé  de  son  habile  architecte  M.  Lynn,  et  inspiré 
par  notre  savant  ingénieur  de  la  cité.le  chevalier  Baillairgé 
qui  en  avait  fourni  l'idée  dans  son  rapport  au  conseil  de 
ville,  en  1872.  Tout  n'est  pourtant  pas  achevé.  Il  nous 
reste  encore  pour  réaliseren  entier  la  généreuse  inspiration 
du  Comte  de  Dufferin,  à  ériger  les  trois  autres  portes 
de  ville  et  à  construire  autour  de  l'eMceint*.*  de  Québec,  le 
superbe  boulevard  inscrit  aux  Plans  Dufferin  :  idée  qui 
m'a  semblée  avoir  été  empruntée  au  boulevard  qui  circule 
ai'.tour  des  vieilles  murailles  de  York,  Angleterre,  et  que 
je  parcourais,  en  1881. 

Mais  le  couronnement  de  l'œuvre  serait  l'érection  du 
Château  projeté  sur  la  cime  altière  du  Cap-aux-Diamants, 
en  dedans  de  notre  citadelle  même.  Le  nouveau  C/uitcau 
Saint-Louis  par  sa  magnificence  rappellerait  cette  illustre 
lignée  degouverneurs  français  et  servirait  de  résidence 
d'été  à  nos  vice-rois,  les  gouverneurs  anglais. 


tloi(jiU'i'8,  (|u'i\  ce  (lui  ho  iinsHi'  aux  cnviroiiB  dr  kou  paliiiH,  m'a  oiijoint  dn  voii»  Hin  .  \\  li 
pruMiiùrn  uccanioii  i|ui  Ht'  iirt'Hriitcrait  (ot  (|urlK'  iiieillcurf  otraxiou  c|U<<  la  pri'^sc'iitc)  In 
part  active  i|u'fllo  veut  iimiilre  t'u  fo  que  vous  voua  proiiofii'/  ilu  fiiiro  ;  iiu'clle  cntrii<l 
Kl"  chnrBcr  du  oofit  tl'uiiP  (Iph  portos  projiitùi'F,  afin  do  s'y  voir  aasociro  ;  qu'fUi;  fora  don 
do  cptte  porte  ^  la  ville  du  (jul'Ikm!. 

Sa  MajoBtô  dîigirc  un  o\itr>>  quo  cette  porte  di'  ville  par  sou  nom  rappelle  celui  do  «on 
illustre  pC're — le  Duc  de  Kent — ipii  juaipril  sa  dernière  heure,  couiierva  un  iouvenir  «i 
vivace  des  bons  procédé»,  de  la  courtoisie  dont  jadis  il  fut  l'objet  do  lapant  de»  Imbitanta 
de  yui''iec." — (Aiiiilani.1  isicmi: nt^  i>rul()»gi\s.) 


à 


r  Lord 
inspiré 
llairgé 
eil   de 

nous 

iration 
portes 
•ce,  le 
ée  qui 
:ircule 
t    que 

)n  du 
liants, 
hâtcatt 
lustre 
dence 


KlltC)    lu 

Piitcnd 

foru  (loii 

(11!  «on 
venir  ai 
lAliitantH 


A  MOxXj^Il^fjj^ 


LOUIS-HONORE  FRECHETTE 


1»:  i;a';ai»h.m(Iv  fkam^alsk 


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M.  L.-H.  FKÉCHKTTK. 


M.  S.  K   C. 


Ciii:i<  MoxsiKUK, 


l'enJaiil  un  cuarl  séjour  tjiic  je  faisais  rcccinniciit  à 
lioston,  j  tiH  occasion  ic  me  procurer  la  superbe  cJitio!! 
eu  neuf  volumes,  illustrée,  que  la  maison  Tickuor  et  l'"ielcls 
a  publiée  de  la  bioi^raphie  de  Sir  Walter  Scott,  par  John 
Gibson  Lockhart  et  dédiée  par  elle  à  Nathaniel  Haw-thorne. 

Cette  biographie,  si  remarquable  pour  son  am[)leiir,  son 
exactitude,  et  surtout  C(jinme  u.-uvre  littéraire,  devrait  être 
encore  plus  connue  qu'elle  n>j  l'est, au  Canada  :  telle  est  l'idée 
qui  m'inspira  la  présente  élude. 

La  vie  de  Walter  Scott  est  bien  plus  que  la  carrière 
ordinaire  d'un  homme  de  lettres  :  c'est,  pour  la  jeunesse  de 
tous  les  pays,  comme  le  disait  naguère  un  des  plus  beaux 
génies  de  la  Grande  Bretagne,  un  e.-emplc  à  suivre,  tout 
un  enseignement, 

L'Ecosse  doit  pl's  à  Walter  Scott  qu'à  aucun  autre  de  ses 
iils,  d'avoir  fait  connaître  au  loin  le  charme  de  sâs  I.tcs,  de 
ses  montagnes,  la  renommée  de  ses  illustres  fils,  anciens  et 
modernes,  leurs  luttes  chevaleresques  pour  la  liberté. 

Vous  qui,  par  vos  aspirations,  vos  écrits,  vos  succès 
liftéraires,  avez  contribué  si  puissamment  à  répandre  à 
l'étranger  le  Jiom  et  le  souvenir  du  Canada,  veuillez  me 
permettre  de  placer,  en  tète  cle  cette  modeste  esquisse 
votre  propre  nom. 

Spencer  Grange,  icr  octobre  1SS5. 


28 


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II 


SIR  WALTER  SCOTT. -Poète-  Romancier,  Historien. 

Dans  une  brillante  improvisation  devant  une  société 
savante  d'Edimbourfj,  le  premier-mini'^tre  de  la  Grande 
Bretagne,  l'IIon  W.  Gladstone,  avec  cette  faconde  entraî- 
nante et  variée  qui  rappelle  le  grand  orateur  et  l'éminent 
écrivain,  s'écriait  naguère  en  contemplant  les  flots  enva- 
hissants de  notre  éphémère  et  dissolvante  littérature  : 

"  Je  regrette  profondément  de  voir  que  !e>  onivres  de 
l'illustre  Sir  Walter  Scott,  ne  sont  pas  aussi  lues  que  p:ir 
le  passé.  Je  le  regrette  et  pour  la  littérature  et  pom-  la 
patrie.  Si  jamais  il  exista  un  écrivain  dont  les  écrits  sont 
un  enseignement  et  pour  l'esprit  et[)cur  le  cœur,  c'est  bien 
l'immortel  auteur  des  "  Waverley  Novels." 

Kst-ce  que  les  paroles  de  l'Honorable  Chancellicr  n'ont 
pas  autant  d'à-propos  en  Canada  qu'en  l'Ecosse?  Est-ce 
cpi'ici  comm3  aill..urs,  l'esprit  et  le  cœur  n'ont  que  faire 
d'être  éclairés  ? 

Tassons  en  revue,  brièvement,  la  carrière  sociale  et  litté- 
raire d'un  des  plus  grands  génies  des  temps  modernes, 
l'homme  qui,  pendant  ces  heures  de  loisirs,  a  trouvé 
mos'cn,  comme  historien,  poète,  romancier,  de  composer 
deux  cents  volumes,  la  plupart,  d'un  mérite  incontes- 
table. 

Walter    Siiifi,   s/icrif  de  Sclkirks/iirc,  greffier  des  ScssioNS. 

Walter  Scott  naquit  à  Edimbourg,  le  5  aoiît  1771.  Son 
j)ere,  homme  de  rofte,  ^^\v.^^l  probité  antique,  était  un  de 
ces  avoués  que  les  Ecossais  désignent  comme  Writers  to 
f/te  Signet.  Du  côté  paternel,  il  descendait  des  Scott  de 
Ilarden,  une  branche  de  la  puissante  et  illustre  famille  de 
lîuccleugh.  Sa  mère,  Ann  Rutherford,  était  tille  du  Dr. 
John  Rutherford,  un  des  professeurs  de  médecine  de 
l'Université  d'1-^dimbourg.  Walter  était  l'un  des  plus  jeunes 
fds  d'une  famille  de   douze   enfants.    L'enfance    de    Scott 


ESQUISSES 


355 


I.  Son 
(111  de 
\iLr.i  îo 
tott  de 
pille  de 
[\u  Dr. 
tinc  de 
jeunes 
Scott 


s'écoula  partie  à  Edimbourg,  partie  à  Sniallhelm  Grange, 
la  métairie  de  son  aïeul  paternel  dans  la  vallée  de  la 
Tweed.  Il  passa  quelques-unes  de  ses  jeunes  années  à 
Bath,  en  Angleterre,  et  à  l'restonpans.  A  l'âge  de  huit  ans, 
il  entra  au  IJii^h  School  de  sa  ville  natale,  où  il  se  fit 
remarquer  moins  par  ses  études,  que  par  son  aptitude 
comme  raconteur  :  se?  petits  amis  le  surnommèrent,  à 
cause  de  ses  étranges  récits,  Diiiin  Scotiis,  En  l'J'^l,  il  »'ut 
transféré  à  l'Université  d'ICdimbourg  uîi  '1  se  livra  a  des 
lectures  variées  et  assez  étentiucs  ;  mais  une  indisposition 
qui  le  rendit  boiteux,  lui  fit  interromijrc  le  cours  de  ses 
études.  A  l'âge  de  quinze  ans,  i'  fut  admis  comme  étu- 
diant dans  le  bureau  de  son  père  ;  six  ans  plus  tard,  après 
des  études  assidues,  il  subit  l'^yamen  ordinaire  et  liex'iîit 
membre  du  Harrcau  d'Edimbi'urg. 

L'historien  Prescott,  dans  sa  jolie  esquisse  du  grand 
romancier,  se  complaît  à  faire  remarquer  "  que  la  muse  de 
Scott  se  faisait  entendre  en  1790,  pour  la  première  fois,  au 
moment  où  le  poète  natioiial  lîurns  disparaissait  de  la 
scène,  comme  si  la  nature  désirait  que  la  chaîne  d'inspi- 
ration poétique  ne  fut  pas  interrompue."  Les  Ji/lrgrr  IniU 
lads,  LcNcir^itXo.  Wild  Iliintsiuaii,  datent  de  cette  année, 
laquelle  avec  ses  ^jarfums  de  poésie,  lui  donnait  aussi, dans  un 
chagrin  d'amour,  une  assez  amère  déception  ;  on  en 
trouve  le  récit  clans  la  correspondance  semée  ça  et  là  dans 
,  sa  biographie  par  Lockhart.  Le  découragement  fut  de  courte 
durée,  sa  fermeté  d'âme  l'eut  bientôt  rendu  à  son 
ancienne  gaîté.  Scott  à  cette  époque  avait  déjà  visité  un 
grand  nombre  de  localités  et  de  ruines,  célèbres  dans  les 
annales  de  l'Ecosse.  Il  existait  <-ians  le  voisinage  de  la 
capitale  peu  d'anciennes  abba\-e-,  de  vieux  châteaux,  où 
l'enthousiaste  jeune  rvocat  n'eût  été  en  pèlerinage  avec 
ses  amis,  Shortreed,  Adam  l'ergusson,  son  frère  John  ;  ces 
scènes,  ces  ravissants  paysages  des  Ilighlands,  vous  les 
trouverez  plus  tard,  avec  leur  brillante  encadrure  dans  ces 
.poèmes    uaves  :  Laiyof  th     L'i{\ — Mannion —Bridai  of 


356 


SIR   WALTER   SCOTT 


I  1' 


^'»; 


Tyicrinuin — Rokcby,  ou  dans  ses  romans  historques. 

C'est  pendant  le  cours  d'une  expédition  à  Gilsland,  qu'il 
fit  rencontre  pour  la  première  fois  de  la  femme  admirable 
qui  devait  partager  trente  années  de  sa  brillante  carrière  : 
Charlotte-Marguerite  Charpentier,  fille  de  Jean  Charpen- 
tier, de  Lyon,  France.  M.  Charpentier,  chaud  royaliste, 
avait  le  titre  d'Ecuyer  du  Roi,  avant  la  Révolution.  Jean 
Carpentier,  avait  épousé  Charlotte  Volère  ;  la  mort 
l'ayant  moissonné  au  commencement  de  la  Révolution,  au 
moment  où  il  venait  de  placer  ,6^4,000  en  hypothèque,  sur 
les  futuls  anglais  et  sur  les  domaines  de  lord  Downshire, 
qui  avait,  pondant  son  séjour  en  France,  fait  la  connais- 
sance des  CharpeiUier,  Madame  Charpentier,  avec  son  fils 
Charles  et  sa  fille  Charlotte-Marguerite,  tous  deux  élevés 
dans  la  Religion  Réformée,  passèrent  en  Angleterre  et 
trouvèrent  un  protecteur  puissant  dans  l'ancien  ami  de 
leur  famille,  le  marquis  de  Downshire.  Madame  Charpen- 
tier expira  peu  de  temps  après  son  arrivée  à  Londres,  et 
le  marquis  tle  Downshire  devint  le  tuteiu  et  le  protecteur 
des  deux  orphelins.  Charles,  par  la  protection  du  noble 
Lord,  fut  nommé  cà  une  charge  dans  les  bureaux  de  la 
Compagnie  des  Indes,  et  ce  fut  pendaat  ime  courte  excur- 
sion à  Gilsland,  près  Carlisle,  avec  la  famille  du  marquis, 
que  Mlle  Chari)entier,  dans  une  course  à  cheval,  fit  la  ren- 
contre de  l'illustre  poète,  son  futur  mari.  Mlle  Cjiarpen- 
tier,  qui,  à  son  arrivée  sur  le  sol  anglais,  changea  son  nom 
français  en  celui  de  Carpenter,  (car  les  horreurs  de  '93 
avaient  rendu  odieux  en  vVngleterre  tout  ce  (jui  était 
Français)  sans  être  d'une  beauté  ravissante,  avait,  avec 
l'éclat  de  la  première  'jeunesse,  beaucoup  de  distinction 
dans  >es  manières,  uîie  la.'lle  séduisante,  un  beau  teint 
olive,  des  yeux  perçants,  une  chevelure  é[)aisse  et  noire 
comme  la  nuit. 

Le  soir  du  jour  où  Scott  avait  rencontré  la  belle  étran- 
gère, il  y  avait  bal.  Scott,  alors  officier  dans  les  volon- 
taires d'Edimbourg,  et  portant  lestement  son    costume  de 


KSQUISSKS 


357 


ait 
^ec 
lion 
liât 
lire 


m- 
)n- 
de 


capitaine,  se  fit  présenter  à  la  jolie  française  ;  son  compa- 
gnon, Fergusson,  en  fit  autant.    Scott    fut  si  enchanté  de 
l'élégante  française  qu'il  lui  fit  assidûment  la   cour  :  après 
plusieurs  lettres  et  pourparlers  échangés,  on  faisait  'a  noce 
le  24  décembre  1797,  à  l'Edimbourg,  où  Scott  séjourna  jus- 
qu'en 179S  pour  se  fixer  alors  dans  un  charmant  cotta^j^c,  à 
Lasswade  ;   là,  les    courses  d'antiquaire  continuèrent    leur 
train.  Ce  fut  le  it»  décembre    1799,    1"<^    ^^  jeune    avocat 
acceptait    la    charge   de    shérif   de  Sclkirkshire  ;    salaire, 
^400,  avec  le  privilège  de  pratiquer  comme  avocat.    Nous 
croyons  devoir  signaler  divers  incidents  d  •  sa  carrière  j)ro- 
fessionnelle  avant  d'entamer  sa  vie    littéraire    proprement 
dite.  Sa    clientèle    ne  semble  pas  avoir  rapidement  aug- 
menté ;  il  trouvait    néanmoins    le    temps  de    remplir  ses 
devoirs,  comme  officier  actif  de  cavalerie,  littérateur  fécond 
et    correspondar.t    infatigable,    collaborateur   des    Rcvitcs, 
avocat  pratiquant  et  shérif  de    Selkirkshirc  :    son    épouse 
lui  apportait,  à  peu  près  ^200  de  rente.   Le  gouvernement 
l'ayant  obligé  de  se  rapprocher  du  chef-lieu    où    se  tenait 
son  bureau;  en  1.S04,  il  disait  adieu  à  Lasswade  et  achetait 
des   héritiers    du    Col.    Russell,    un    beau    petit    dom.iinc 
nomnit^  la    Fcnnc   d' As/wsticl,    sur    la    Tweed  :  H'azrr/rj', 
TAe  Lady  of  tlic  Lakc,    Marmicn,    ont    entouré    Ashe>ticl 
d'une  auréole  lumineuse  et  l'on  rendu  un  terrain  classique. 
11  venait  d'hérit-er  de  snn  oncle,  !c  capitaine  Robert  Scott 
de  lioscbank,  qu'il  vendit  dans  le  cours    dé    l'année   1805, 
pour  ;6^5,ooo,  de  sorte  que  son  revenu  professionnel,    litté- 
raire et  autre  étaie  alors  de  /^i.ooo  à  [)eu  près,  au    rapport 
de  Lockhart. 

En  ivSoG,  il  obtenait,  par  l'influence  de  son  ami  et  son 
protecteur,  Lord  Melville,  l'office  de  greffier  des  sessions, 
ce  qui  ajouta  .^800,  plus  tard  /"  1,300  à  ses  autres  émolu- 
ments ;  mais,  étant  nommé  comme  adjoint  à  son  ancien 
ami,  Georgï  Hoiiic,  il  ne  put  toucher  ce  salaire  qu'en  iSii, 
et  cette  charge,  il  continua  de  l'occuper  juscju'en  1830. 

Le  7\  octobre  1799,  Madame  Scott  donna    naissance    à 


35S 


SIK   WALTER   SCoTT 


'il 


1" 


une  fille,  Charlotte-Sophie,  plus  tard  Madame  Lockhart  : 
celle  de  ses  quatre  enfants  qui,  par  le  génie,  ressemblait  le 
plus  à  son  père. 

Walter,  qui  hérita  du  titre,  naquit  en  iSoi  :  il  mourut  en 
1847. 

On  était  en  1805  :  la  rivalité  entre  la  France  et  l'An- 
gleterre était  à  son  comble  dans  le  Royaume-Uni. 

Les  Français,  disait-on,  devaient  faire  une  descente  sur 
les  côtes  de  l'Ecosse.  Scott,  qui  avait  toujours  pri.;  une 
part  fort  active  dans  les  événements  du  jour,  montrait, 
comme  capitaine  de  cavalerie  volontaire,  une  activité 
incessante.  ^Malgré  ses  occupations  variées,  il  ne  manquait 
pas  un  .seul  exercice  militaire,  il  se  pré.sentait,  quelquefois 
en  cour,  avec  sa  robe  d'avoc;iT  ou  de  greffier  par  dessus 
son  uniforme  qu'il  n'avait  pas  eu  le  temps  de  changer. 

Depuis  assez,  longtemps,  il  taisait  nombre  d'expéditions 
dans  les  montagnes  d'I-kosse,  avec  son  ami  Skene,  pour  y 
recueillir  les  vieilles  ballades,  les  traditions  militaires.  Tel 
fut  l'origine  du  Hordcr  Minstnlsy.  Le  peuple  qui  l'aimait, 
le  surnommait  le  s/u'rif,  et  sa  réputation  comme  po-^te  et 
littérateur  commençait  w  s'étendre  au  delà  des  confins  de 
l'ICcosse. 

Ce  qui  distingua  Scott,  à  part  son  rare  talent,  ce  fut  une 
puissance  de  travail  illimitée,  et  une  mémoire  prodigieuse. 
On  rapporte  à  ce  sujet  qu'un  de  ses  amis  ayant  perdu  le 
manuscrit  d'un  poëme  a-.se7,  long,  qu'il  avait  lu  une  fois 
seulement  au  poète,  se  désciait  de  cette  ijcrte,  pour  lui  irré- 
parable, di.-,ait-il. "Assieds-toi  'à,  mon  ami,  lui  dit  Scott  ;  je 
puis  te  répéter  de  mc^noire  lout  ton  poème  et  tu  le  copie- 
ras." Ce  qui  fut    fait.  • 

Choyé  du  barreau  et  des  salons,    plein   de  bienveillance 

et  de  saillies,  Walter  Scott    était    l'àme    de  l'organisation 

niilitaire  ù  laquelle  il  appartenait.     I>'auteur  de    ■s^'^averley, 

;  avait  un  goût  prononcé  pour  les  plantations  d'arbres,méme 

avant  d'avoir  fondé  et  planté    les    bocages    d'Abbot^furd. 

D'une    haute   stature,    il     était    doué     d'une     grande 


Il 


ESQUISSES 


359 


force  physique  ;  il  prenait  beaucoup  d'exercice  eit 
plein  air,  à  cheval  ;  il  aimait  la  chasse,  la  pêche,  l'équita- 
tion.  Ses  chiens  ont  été  immortalisés  par  le  pinceau  des 
premiers  a''tistes  de  l'Angleterre.  Le  portrait  de  Scott  h 
Abbotsford,  contient  celui  de  son  énorme  chien.  Qui  a 
oublié  Maida,  Camp  Hevis,  Wolfe  et  autres  superbes  spéci- 
mens de  la  race  canine — ses  constants  compagnons,  h 
Abbotsford  ?  I'.tait-ce  clans  ses  exercices  en  plein  air,  que 
cette  puissante  orj.janisation  se  retrempait,  pour  tenter  de> 
travaux  lit^'éraires  d'une  étendue  presque  incroyable  ? 

Ln  i8i  I,  quand  Scott  prenait  possession  du  site,  où 
plus  tard  devait  s'élever  son  maL;nilique  château  féodal,  le 
colosse  était  dans  la  plénitude  de  son  génie.  O  Abb  jt-.- 
ford  !  quelle  féeri'que  vision  tu  évoques  et  quel  lugubre 
drame  lu  nous  prépares  ! 

l'ien  que  Scott  rit.  en  iSi  i,  l'acquisition  des  "cent  acres" 
de  terre  lur  la  Twicil,    où  plus    tard    devait   s'élever    son 
fastueux  castel  fé>jclal,  ce  l'.e  fut    qu'en    mai    1812,  qu'il  y 
transporta  ses  pénates  daus  u.i    modeste   corps    de    logis. 
Le  grand  rêve    de    :" on    existence,  il    allait    donc    bientôt 
entreprendre  de  le  réaliser,  —  ^'ériger,  avec  l'orque  sa  plume 
chaque  jour  lui  rapportait  si  abondamment,  une   demeure 
splendide  —une  féerique  résidence,  telle  que  celles  des  hers 
barons  des  temps  féodaux  ou  encore  les   palais  enchanté-; 
des    contes    arabes,    uù    il    serait    non  seulement  bardj  <-t 
troubadour  d'un  haut  et  puissant  seigneur,  mais  à    la    lois 
grand  seigneur,  barde  et    troubadour,  et    où    .les    enfants, 
après  lui,  grandiraier.t — coiinus  aa  loin  par    U    renommée 
de  leur  père,  autant  que  par  leurs  vastes  possessions  terri- 
toriales. Cette  idée  romanesque   aura   son  complément  en 
1820,  lorsque  son  souverain  déposei.t   .lur   sa  tête,  la  cou- 
ronne de  Baronnet,  Avant  qu'.Vbbotsfonl  f.it  au    complet, 
il  faudrait  absorber    bien    des    domaines    adjaceîits,    iacs, 
plantations,  montagnes  et  vallées,    [jour    vjuc    le    lopin  de 
181  r,  acheté  au  prix  de  /,7,ooo,  devint  en  hn    de    compte 
un  ihmaine  de  3,00  )  acre^.   Le  chAte.ui,  érigé  à  une  petite 


I    .(?■ 

Il   ^." 
i 


360 


SIR   WALTEK    SCOIT 


distance  des  pittoresques  ruines  de  l'abbaye  de  Melrose, 
reçut  son  nom  d'un  gué,  ou  traverse  voisine  :  Abbotsford 
(Le  Gué  des  abbés).  Melrose  ch  intc  dans  son  harmonieux 
poème,  Tlic  Lay  cf  thc  Last  Miustrcl,  lui  était  redevable 
d'une  consécration  particulière  :  son  crayon  magique 
l'avait  entouré  d'un  nimbe  glorieux  dont  l'éclat  lui  attirait 
des  pèlerins  littéraires  des  coins  les  plus  reculés  de  l'ICcosse 
et  de  l'Angleterre.  Melrose  était  fameux  dans  les  annales 
calJdoniennes  :  c'était  le  champ  de  bataille  où  en  1526,  les 
comtes  d'Angus  et  de  Home  avaient  disputé  aux  lîuc- 
cleugh,  la  possession  de  la  personne  du  jeune  prince,  Jac- 
ques V;  témoins  du  combat,  les  ruines  de  la  célèbre  abbaye 
lui  avaient  inspiré  quelques-unes  do  ses  pages  les  pins 
séductrices,  (i) 

Le  site  du  château  paljjitait  do  souvenirs  :  place  en 
regard  des  hauteurs  connues  comme  Eildon  Mills,  où 
avait  séjourné  au  quatorzième  siècle  le  vieux  barde  Tito- 
vnts,  thc  Ryincr,  le  pied  en  était  arrosé  par  le  petit  ruis- 
seau Iluntly.  Tout  auprès  était  la  montagne  Cowdcn 
Knowes  à  la  cimo  sombre.  Dans  le  lointain  gisaient  la 
forêt  d'Ettrick,  la  tour  de  Newark,  le  lac  St.  Mary,  lieux 
empreints  de  poésie,  chers  aux  troubadours  i\q?^  jours 
pas.'^és,  dont  Scott  avait  recueilli  les  ballades. 

"  Jamais,  comme  le  dit  Lockhart,  poète  endormi  sou-; 
l'ombre  d'un  chêne  d'été  n'avait  dans  ses  rêves  les  plus 
divins,  entrevu  de  plus  ravissante  demeure." 


(I)  It'tlid'.i  wdulirst  vil  w  Ciii-  Ml  lrO!"i'  iiri^li*. 
(io  vJHit  it  liy  tlw  piili'  iiiiii>iili).'ht 
Km-  l!ir  K.iy  Ihmiiu  o!'  Ih^litcDinc  il.iv 
(iilil,  l)iit  t(i  lldiit,  tlii'  niiiis  gray. 
Wli 'M  tlir  ImiUi'ii  arclii'H  :iir  Mrirk  in  iiijht, 
Aiiil  l'iicli  Nniil'ti'd  oiirl  u;liiiiiiii'r!<  wliitr  , 
W'Iiiii  th"  ciilil  li,{lil's  iim'<'it:iiii  slmwrr 
Stri'iiiiiH  on  thc  niiuoil  l'iiitrul  idwit  ; 
WIhu  liiittiusa  and  Imtln'H!',  alti'inatoly. 
S'TMi  fraiiu'd  ot'i'lHin  iind  ixory  ; 
\\  lnii  Hilvi  r  l'diri'fi  tlm  innui'iy. 
And  tlii'  scroll  tliat  tcaili  yon  to  livc  and  du: 
Wlii'ti  distant  Twi'cd  is  lii'anl  ti)  ravi'. 
And  tlif  owlrt  ta  lioot  (l'vcr  thi;  <1.  id  ninn'K  (jravc, 
Tlii'ii  \n\ — tint  «()  alonc  thc  whilc — 
Tlicn  vicw  St.  llavidi  rtiincd  i>ilc  ; 
And,  lidiHc  i-ctnrnini{,  ano'hjy  swcar. 
W.is  ni'vcr  sccnc  ko  sad   ind  l'air  ! 

iT/.c  L<u  ./  Ihr  r.""»  MinstrcK  Cin,ti   II 


■■'■    +$ 


ESQUISSES 


361 


A  l'instar  d'un  baron  féodal,  au  milieu  de  vassaux  com- 
pl.iisants,  ayant  pour  compagnons,  ses  chevaux,  ces  chiens, 
SCS  livres,  c'est  là  que  Scott  .-e  laissait  aller  aux  douceur-; 
de  l'existence,  tandis  que  l'enthousiasme  de  ses  contempo- 
rains le  suivait  à  chaque  pas,  a'i  point  «m'il  pouvait  «i 
peine  se  promener  d,in>  ses  domaines,  sans  courir  le 
risque  d'être  épi«f  à  chaque  détour,  par  quelque  touriste, 
fliielquefois  accouru  des  firêts  de  l'Amérique,  pour  contem- 
pler l'illustre  écrivain  :  c'était  pirfoi-^  f.itii^'uant. 

O  père  affectueux,  6  époux,  le  modèle  des  cpouv  o 
illustre  poète,  quel  monarque  avait  un  sort  aussi  enviable 
que  vous  ! 

Sa  compagne,  aimable  et  jolie,  était  la  châtelaine  res- 
pectée d'Abbotsford,  dont  elle  faisait  les  honneurs  avec 
cette  élégance  innée  d'une  française  :  cet  imposant  château, 
aux  nombreuses  galeries  ornées  de  tableaux,  de  trophées 
d'armes  étincelantes,  d'historiques  et  vieilles  armure>  ; 
tandis  qu'aux  jours  de  grandes  réceptions,  le  samedi  sur- 
tout, le  musicien  attitré,  le  Piper  d'Abbotsford.  pro- 
menant, le  long  de  hi  piaz/.a  son  pittoresque  continue 
de  mon'agnard,  fredonnait  aux  échos  d'alentour,  >.ur 
l'instrument  national,  les  refrains  sauvages  de  la  Calé- 
donic, — les  chants  de  l"'ingal  et  dOssian,  —  W'altcr,  le  fils 
aîné,  en  aitiMidant  son  brevet  d'officier  de  cavalerie,  chas- 
seur expert,  bc^u  cavalier,  allait,  chevauchant  >^ur  le"' 
rives  de  la  Tweed,  tandis  que  son  jeune  frère  et  ses  deux 
sœurs  cherchaient  des  nids  dans  les  taillis,  et  que  le  "Shé- 
rif" muni  de  sa  serpe,  suivi  de  son  bon  serviteur.  Tom 
Purdie,  émon'^  .it  ses  plantations,  ou  caracollait  sur  sa  fière 
monture  ^  .^.1  Grey,  entouré  de  ses  amis  d'enfance,  Fer- 
gusson,  Leyden,  Shortrecti,  liallantyno,  taisait  retentir  les 
bois  de  ses  joyeux  refrains,  de  ses  gaillardes  v-liansons.  de 
SCS  divines  ballades.  O  heureux  poète  !  Le  soir  \'cnu, 
Scott  attendait  avec  impatience  l'arrivée  du  postillon,  lui 
apportant  le  paquet  obligé  d'</>;'<7/irs,  de  la  part  de  Cons- 
table  ou  des  Hallantyne,  une  critique    acerbe  de  Jcffre\-.  le 


«  *  11.» 


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362 


SIR    WAI.TtK    SCUTT 


"  grand  anthropopliafTc  des    rt;  no  ni  m  ces  littéraires,"    daiib 
la  Kcfiie  d'Kdimbourj^,    |  eut-être  la  copie  de  présentation 
que  Hyron  lui  expédiait   de   son   poème    "Cain"    dédié    à 
Scott,  ou  bien  quelques  autres  des  ceuvres  du  noble  Lord  ; 
'  une  ballade  île  Moore  ;  une  ode  de  Wordsworth  ;  une  let- 
tre de  Johanna  Baillie  ;  un  billet  du  duc  (.le  Wellington  ou 
de  Castlereagh  ;  ou  peut-être,  ce  qui    lui    était    également 
précieux  pour  son  vaste  musée  et  sa  superbe  bibliothèque, 
une  armure  antique,  un  sabre   historique  ou  un  Elzevir   de 
la  part  de  son  ami  de  Londres,  le  spirituel  comédien  Terry. 
Tous  ces  objets  pendant  plus  de  quinze    années   s'achemi- 
neront vers  l'antre  "du  Grand    Magicien,"    à    Abbostford, 
où  les  premiers  hommes  de  lettres,  tant  de  l'Angleterre  que 
de  l'étranger,  se  feront  un  plaisir  d'aller  s'asseoir  ;  où    des 
ducs  et  des  pairs,  tiendront  à  honneur  d'aller  déposer  leurs 
hommages,  aux  pieds  de  cet  homme,  l'ami  du  peuple,   issu 
de  lui,  connu  sous  nul  autre  nom  que    celui  de    "Shcrif  de 
Selkirk,"  et  qui  n'a  encore   d'autre  signe  de    noblesse    (jue 
c^^lui  que  Dieu  a  imprimé  sur  son  front  ;  d'autre  parchemin 
qu  ;  celui  du  génie,    la  royauté  du  génie.    Chaijue  jour    les 
équipai^es  les  plus  somptueux  aitluaient  dans    les    cours  et 
les  avenues   d'Abbotsfortl.    Les    .umoiries    des    duc>,    des 
princes,  des  ministres  d'Ltat  se  confondront  avec  les  modes- 
tes coupés  tt  les  cabriolets  des  simples  hommes  de  lettres. 
— Kn  1817,   un   touriste,  auquel    Scott   montra    une  bien- 
veillance toute  particulière,  traversait  l'océan  en  route  {)our 
Edimbourg — le  bon  W'a-hington  Irving,  écrivain  justement 
cher  aux  citt)yens  de  la  grande  République,   notre  voisine. 
En  1S19,  le  [irince  Léopold    de    Saxe-Cobourg.    s'arrêtait 
sous  les  chênes  de  Scoist,  pour  écouter    le    doux    murmure 
de  la  Tweed  et  les  accents  encore  plus  doux  du  chantre  de 
^Llrmion  et  de  Rokcbx'.  Pui^,  en  kSjo,  au  milieu  de  mille 
visiteurs  moins  haut  placés  dans  la  hiérarchie    sociale,    on 
y  voyait  le  jeune   et    infortuné    prince    Gu.tave    W'asa  de 
Suède,  accomi)agné  du  baron  Porlirr.    Vers    ce  temps,   les 
têtes  couronnées  envoyaient  à  Scott  leur  salutation,    et    le 


Ks»)Uissi:s 


3^3 


prince  Rëgent,  dont  Scott,  par  invitation  spéciale,  avait  sou- 
vent été  le  commensal  à  Londres,  de  1S14  à  1818,  lui  fai- 
sait offrir  la  charge  de  Poîti  Lainrat. 

Les  ^300  de  pension,  avec  la  traditionnelle  tonne  do 
Malvoisie,  aurait  peut-être  tenté  l'illustre  et  jovial  poète, 
si  cette  charge  à  ses  yeux  n'eût  eu  un  côté  ridicule.  Faire 
un  poème  élogieux  chaque  année  à  jour  donné  en  l'honneur 
du  prince  régnant,  qu'il  fût  ou  non  un  Ixmi  prince,  était 
une  contrainte  qui  allait  mal  à  la  noble  indépendance  du 
poète.  Aussi  dans  une  lettre  de  refus  qui  restera,  à  tout 
jamais,  comme  un  modèle  de  délicatesse  pour  la  forme  et 
le  fond,  adressée  au  sécréta'. e  privé  du  prince,  son  bien- 
veillant  protecteur, .  Scott  déclina  l'honneur  offert  "en 
faveur  de  ses  confrères  en  poésie,  moins  favorisés  du  côté 
de  la  fortune."  Ln  1.S14,  Scott  fit  un  voyage  mémoralile 
aux  parages  de  Staff.i  et  d'Orkney  dans  les  Hébrides, 
comme  un  des  commissaires  pour  s'enquérir  de  l'état  des 
Phares  sur  les  côtes  de  l'ICcosse,  comine  si  nos  bardes 
aimés,  !\L\L  Fréchctte,  Lema\-  ou  Chapman,  recevaient  du 
gouvernement,  mission  de  {)rendre  en  août  I  ^  "Napoléon 
III  "  et  de  faire  rapport  sur  les  phares  du  St-Lnurent,  de 
Québec  au  Détroit  de  l'elle  I;le.  Le  voyage  fut  fort  fruc- 
tueux pour  l'ill  istre  romancier  et  wdut  h  la  littérature  sou 
beau  roman   T/w  l'iratt. 

En  18 uS,  Abbot-;ford  tout  vaste  qu'il  fut,  devenait  tiop 
étroit  pour  héberger  les  ess;utrn  sans  nombre  de  visiteurs 
qui,  par  l'entremise  de  iniiii>tres  t-l'i^tat  ou  de  nobles  lords, 
patrons  des  lettres,  avaient  réussi  à  se  prociuer  une  entrée. 
C'est  alors  (^ue  John  Ballantyne,  l'associé  secret  de  Scott, 
iniagini  l'idée  de  convertir  sa  pittore--(iue  vilia,  llariiiony 
Hall,  en  succursale,  pour  les  pèlerins  distingués  en  litté- 
rature, mais  sans  parcheniins  nobiliaires.  Le  jovial  bâche- 
^  lier  y  donnait  de  recherchés  petits  soupers,  gais,  succu- 
lents, parfois  pas  trop  rangés  ;  Scott  y  venait  ou  n'y  venait 
pas,  selon  que  les  ipri/n\s  ou  la  iOpic  le  harcelait  ou  non. 
James  liallantyne  prenait  aussi  s*a  part  du  fardeau  et  donnait 


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364 


SIR   WALTER   SCOTT 


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des  dîners  plus  modestes,  mais  fort  attrayants  aux  amis  de 
Scott.  Dans  sa  respectable  demeure  se  rencontrait  comme 
DU  miuores,  un  autre  club  d'admirateurs  du  poète  :  Ers- 
kine,  Terry,  George  Hogarth  et  consorts. 

Cette  généreuse  hospitalité,  à  Abbotsford  et  aux  succur- 
sales avait  ses  charmes  sans  doute,  mais  elle  devenait, 
poussée  à  l'excès,  lourde,  écrasante  même,  au  chapitre  de 
la  dépense.  Les  Ballantyne  qui  ne  fournirent  que  bien  peu, 
quant  à  Vactif,  dans  le  bilan  financier  des  affaires,  sem- 
blaient croire  que  ces  banquets  étaient  indispensables  pour 
exploiter  avec  profit,  les  talents  transcendants  de  leur 
associé  secret — Scott.  On  verra  plus  tard  l'influence  que 
cette  maison  eut  sur  la  destinée  du  grand  écrivain. 

L'hospitalité  princière  d'Abbotsford   donnait   quelque- 
fois lieu  à  de  curieux  incidents   où    se   révélaient  la  bonté 
de  cœur  du    maître.    Un  jour    sans  préméditation,    trois 
des  plus  fières  duchesses  de  la  Grande  Bretagne  séjour- 
naient au  Château  :  mais  l'une,    la  Duchesse  de  St-Albans 
f  Mlle  Burdett-Coutts^  fille  de  l'opulent  banquier,  million- 
naire   elle-même,  y  était  arrivée    une  journée  avant  ses 
deux    collègues  ;    n'étant    pas  noble   de   vieille   roche,    la 
Duchesse  de  St-Albans,  que  Scott   estimait  fort,   risquait 
d'être  traitée  avec  hauteur  par  les  deux    miladics,  dont  les 
ancêtres  avaient  débarqué  à  Hastings,   avec  Guillaume  le 
Conquérant.    Scott    comprit    cela    dès    qu'il  vit  le   froid 
accueil  que   recevait  son  hôte^  sa   Grâce  la  Duchesse  de 
St-Albans.   Après  le  repas,  il  tira  à  l'écart  dans  une  embra- 
sure de  fenêtre,  la  plus  jeune  des  deux  fières  duchesses — 
une  des  beautés  régnantes  de  la  cour   dji  ton  ;  il  lui  parla 
avec  la  même  franchise  qu'un  père  en  userait  envers  sa 
fille,  lui  disant  "  Vo^re  Grâce,  je  sais  les   manières   des 
geiis  fashionables  :  elles  manquent  quelquefois    de   charité 
envers    le    prochain.    Il    est     impossible   que    vous    ayie^ 
l'intention  de  blesser  la  duchesse  de  St-Albans   qui    était 
mon  hôte  ici  avant  votre  arrivée.  Je  m'adresse   à  vous  de 
préférence,  parce  que  je  sais  que  vos  procédés,  ici,  feront  la 


ESQUISSES 


365 


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loi  ;  vous  me  comprenez,  n'est  ce  pas  ?"  La  noble  jeune 
femme  le  remercia  avec  beaucoup  de  candeur  ;  quelques 
instants  plus  tard,  elle  escortait  elle-même  au  piano  Miss 
Burdett-Coutts,  la  duchesse  de  St-Albans.  Tout  changea 
de  suite,  et  parmi  la  nombreuse  compagnie,  c'était  à  qui 
ferait  le  plus  de  civilités  à  l'opulente  Duchesse. 

Si  toutes  les  duchesses  voyageaient  comme  Miss  liurdett- 
Coutts,  il  est  difficile  d'imaginer  où  logeait  tout  ce  monde  : 
elle  s'était  mise  en  route  pour  visiter  Scott,  avec  une  dou- 
zaine de  carosses,  pour  ses  filles  d'honneurs,  servantes,  etc., 
et  ses  malles  :  une  amie  heureusement  lui  conseilla  d'en 
laisser  la  moitié  au  village  voisin,  attendu  que  si  chaque 
visiteur  entrait  à  Abbotsford  suivi  de  douze  carosses,  il 
serait  impossible  de  trouver  un  gîte  pour  tous  à  la  fois. 

Des  nobles  comme  quelques-uns  de  ceux  de  la  Grande 
Bretagne  avec  $3,000  par  jour  de  rente,  comme  le  marquis 
de  Westminster  par  exemple,  peuvent  facilement  oublier 
cette  éternelle  question  de  la  finance  qui  nous  harasse  tou:< 
— nous  autres  infortunés  mortels,  qui  ne  sommes  ni  ducs, 
n*  marquis  de  la  Grande  Bretagne. 

Coure. vHonj  ce  chapitre  sur  le  château  d' Abbotsford 
par  un  incident:  de  la  carrière  de  Scott,  qui  dut  lui  causer 
une  joie  réelle.  Le  prince  régent,  devenu  George  IV, 
monta  sur  le  trône  en  1820  ;  il  crut  qu'il  ne  pouvait  inau- 
gurer son  règne  d'une  manière  plus  populaire,  qu'en  con- 
férant un  titre  de  baronet  à  un  écrivain,  dont  le  nom  porté 
sur  les  ailes  de  la  renommée,  commençait  à  pénétrer  dans 
toutes  les  parties  du  monde,  et  dont  les  œuvres  étaient 
traduites  dans  toutes  les  langues  connues  ;  Scott  devint 
Sir  Walter  Scott,  baronnet. 

Scott,  en  outre  d'un  revenu  assuré  de  $8000  par  année, 
avait  dû  retirer  $53,000  de  bonne  heure  de  ses  poésies  ; 
c'était,  il  est  vrai,  rien  à  comparer  aux  profits  que  ses 
trente-deux  romans,  en  100  volumes,  devaient  rapporter  à 
lui  ou  à  ses  exécuteurs-testamentaires,   c'est-à-dire  au  rap- 


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366 


SIR   WALTER   $COTT 


port  de  Lockhart  et  de  Howitt  ;  un  demi-miHon]|de  louis 

sterling,  $20,000,000. 

C'était  vraiment  le  budget  d'un  souverain  dans  le 
royaume  des  lettres.  Quand  un  écrivain  peut  compter  sur 
^500,000  sterling,  par  la  vente  de  ses  livres,  il  semble  qu'il 
lui  soit  permis  d'avoir  la  fantaisie  d'une  terre  et  d'un 
château  bien  monte. 

Le  château  d'Abbostford,  avec  ses  fières  tourelles — ses 
vastes  cours  ornées,  ses  curieuses  galeries  de  peintures  — 
sa  salle  à  manger,  assez  vaste  pour  admettre  un  baron  des 
anciens  temps,  et  sa  retenue  entière — sa  richebibliothèque, 
— était,  non  seulement,  un  centre  d'attraction,  une  prin- 
cière  hôtellerie  "pour  les  grands, — princes,  ducs,  marquis, 
c'était  encore  un  lieu  de  pèlerinage  vénéré  au  \o\t\  par  les 
liommes  de  lettres — qu'ils  fussent  millionnaires  comme 
Rogers — ou  pauvres  et  roturiers,  comme  James  Hogg,  sur- 
nommé, à  cause  de  ses  poésies  pastorales  VEttt'ick  Shephcrd. 
— Tous  étaient  les  bienvenus,  fussent-ils  nés  près  des  "pics 
coiffés  de  nuages  '  de  Morven — les  "rives  fleuries  de  la 
Seine,  chantées  par  Madame  Déshoulières — les  près  ver- 
doyants de  la  Germanie  chers  à  Goethe — ou  les  forêts 
d'Amérique  célébrées  par  Fenimore  Cooperet  Washington 
Irving. 

Le  barde  d'Abbostford  avait  décliné  respectueusement 
le  titre  de  "  Poète  Lauréat  "  que  le  roi  George  IV  lui  fît 
offrir,  avec  la  pension  annuelle  de  C^oo  y  adjointe  "  en 
faveur,  comme  il  le  dit,  de  ses  confrères  au  Parnasse  moins 
favorisés  que  lui,  du  côté  de  la  fortune."  Pliit  au  ciel  que 
son  noble  cœur,  s'en  fi^it  tenu  là  !  Non  seulement  sa  bourse 
fut  réitérément  ouverte  au  génie,  ce  qui  était  bien  ;  mais 
ce  qui  l'était  moins,  ce  fut  sa  générosité  constante  envers 
des  écrivains  en  détresse  ;  ce  furent  les  frais  ruineux 
dans  lesquels  Scott,  par  bienveillance,  se  laissa  entraîner, 
en  se  chargeant  lui-même  du  coût  d'impression  des  œu- 
vres de  plusieurs  confrères. 

Revenons  à  Abbotsford.  Au  haut  du  portique  étaient 


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ESQUISSES 


367 


gravées  les  armes  de  la  faaiille  ;  en  guise  d'une  des  portes 
de  cour,  on  voyait  la  massive  porte  de  l'ancienne  prison 
d'Edimbourg — le  ïolbootli — si  célèbre  dans  son  roman 
Hcart  of  Mid LotJnaii  ;  à  l'intérieur,  s'élevait  la  statue  en 
pierre  du  célèbre  chien  Maida,  avec  l'inscription  préparée 
par  Scott  ;  à  l'angle  opposé,  une  fontaine  ornée  de  sym- 
boles du  même  genre.  Les  bustes  des  Césars  et  autres 
objets  apportés  de  l'étranger,  étaient  disposés  le  long  d'une 
galerie  côtoyée  par  un  chemin  couvert.  Voilà  pour  la  cour  ; 
voyons  l'intérieur  du  château.  Le  portique  copié  sur  celui 
de  l'ancien  palais  de  Linlithgow,  était  orné  de  ramures  de 
cerfs.  Le  vestibule  à  l'intérieur,  un  véritable  musée  d'anti- 
quités :  les  panneaux  des  cloisons,  étaient  ceux  enlevés  à 
l'anciei^ie  église  de  Dumferline,  et  la  chaire  où  avait  prêché 
le  réformateur  John  Knox,  sciée  en  deux,  servait  de  chif- 
fonnier entre  'es  trumeaux  des  fenêtres.  Les  murs  entiers 
de  ce  vestibule  étaient  garnis  d'armures — de  trophées 
d'armes  ;  on  y  rencontrait  aussi  le  bois  d'un  orignal 
d'Amérique — probablement  un  don  de  son  frère  Thomas, 
payeur  en  1S17,  d-«i  70e  régiment,  stationné  à  Kingston. 
et  inhumé  au  cimetière  St-Mathieu,  Faubourg  St-Jean,  à 
Québec,  en  1823. 

A  la  gauche  près  de  la  porte,  étaient  deu.x  cuirasses, 
deux  étendards  et  des  aigles,  obtenus  par  Scott  sur  le 
champ  de  bataille  de  Waterloo,  qu'il  avait  visité  quelques 
semaines  après  ce  mémorables  combat.  Au  côté  opposé, 
brillaient  deux  armures  complètes,  l'une  italienne,  l'autre 
anglaise  de  l'ère  de  Henry  V.  Près  de  cette  dernière,  il  y 
avait  un  énorme  sabre  à  deux  tranchants,  long  presque  de 
six  pieds,  une  relique  du  champ  de  bataille  de  Bosworth, 
En  face  de  la  porte,  était  l'âtre  de  cheminée  en  pierre  ;  il 
était  modelé  sur  une  arche  de  l'abbaye  de  Melrose  :  la 
grille,  était  celle  de  l'archevêque  Sharpe,  mis  à  mort  par 
les  Covenanters  ;  auprès,  œuvre  romaine,  une  massive 
chaudière  de  camp.  Les  écusscus  des  ancêtres  de  la 
famille  de  Scott  brillaient  aux  arches  pointues  :  à  l'endroit 


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où  il  y  avait  des  vides,  se  lisait  la  devise  :  //ox  alta  vclat. 
Les  chiffres  de  ses  meilleurs  amis  :  Erskine,  Morritt,  Rose, 
s'enlaçaient  au  tour  du  cintre  d'une  des  portes  et  sur  la 
corniche  étaient  blasonnés  les  armes  des  vieux  chefs  de 
Clans,  en  Ecosse,  avec  de  pa'  iotiques  inscriptions  ;  Sconc 
Palace  avait  fourni  les  chaises  ;  la  cotte  de  mailles  de 
Cromwell  pendait  aux  murs.  Une  table,  r>rès  d'une  fenêtre 
où  les  visiteurs  inscrivaient  leurs  noms,  avait  pour  tapis  la 
dépouille  d'un  énorme  lion  fauve  ;  elle  lui  venait  de  l'Afri- 
cjue  méridionale — un  don  de  son  ami  Thomas  Print^le.  Un 
des  lambris  avait  été  copié  sur  celui  de  l'abbaye  do  Mel- 
rose. 

Disons  un  mot  de  la  bibliothèque — noble  salle  aux  pla- 
fonds en  beau  cèdre,  avec  lustres  suspendus  artretement 
ciselés,  d'après  des  dessins  des  abbayes  de  Rosslyn  ou  de 
Melrose.  On  y  voyait  trois  bustes — celui  de  Wordsworth 
— celui  de  Shakespeare  :  un  tableau  représentant  le  fds 
aîné  de  Scott,  avec  son  costume  de  hussard  :  aussi,  une 
lampe  suspendue,  provenant  des  ruines  d'IIerculanum.  Il 
y  avait  de  plus  deux  fauteuils  italiens  en  buis  :  pro- 
venant du  palais  lîorghèse,  à  Rome  ;  les  autres  sièges 
étaient  en  ébène  :  elles  lui  avaient  été  présentées,  avec  un 
riche  secrétaire  en  ébène,  par  le  roi  George  IV. 

Sur  une  table  de  porphyre,    reposait  une   grande    urne>. 
en  argent,  contenant  des  os  trouvée   au    Pirée,  en    Grèce  ; 
l'inscription  faisait  connaître    que    c'était   un    présent    de 
Lord  Byron. 

Mille  autres  souvenirs  d'amitié  frappaient  la  vue  :  une 
superbe  collection  des  classiques  latins,  présentée  par  J. 
Ballancyne  ;  des  volumes  de  grande  prix,  par  le  roi 
George  IV  ;  des  exemplaires  offerts  en  don  par  les  auteurs, 
sans  nombre. 

Les  rayons  de  la  bibliothèque  contenaient  à  peu  près 
20,000  volumes,  entre  autres  des  MSS  de  prix  sur  les 
insurrections  de  17 15  et  de  1745,  en  Ecosse. 

Le  portrait  de  Lady  Scott — celui   de  Sir   Walter    avec 


ESQUISSES 


36g 


ses  deux  chiens,  par  Racburn — celui  de  Miss  Ann  Scott, 
ainsi  qu'une  précieuse  table  de  forme  antique,  surmontée 
d'un  vase  de  marbre  transparent,  frangé  d'or — un  don  de 
l'auteur  de  Cliilde  Harold,  et  la  table  d'ébcne  déjcà  men- 
tionnée, un  souvenir  de  George  IV,  ornaient  le  salon  de 
réception 

La  chambre  des  armes  était  fort  curieuse  à  voir  ;  il   fau- 
drait un  volume  pour  tout  décrire  ;  c'était  là    surtout  que 
la  main  qui  avait  tracé  Waverley    avait    laissé  sa  marque. 
Notons  en  passajit    quelques    objets.    Voici    une   auticjue 
serrure  en  bois  qui  a  appartenu  à    la    prison    de   Sclkirk  ; 
voilà  une  petite  boîte  qui  jadis  fut  la  propriété  de  la    belle 
et  infortuiKée  Marie  Stuart  ;  un  petit  coffre-fort  trouvé   au 
palais  de  Holyrood  ;   u!ie    carabine   que    l'ami    de    Sc(jtt, 
Sir  Humphrey  Davy  avait  possédée.    A  côté,  se  remarciue 
la  bourse  de  Rob    Koy   et    son    fusil — fort    long — portant 
les  initiales  R.  M.  C.  (Robert  MacGregor  Campbell.)  Dans 
nn  coin  est  le  magnitique  sabre   à    fourreau    d'argent    (.[ue 
les    citoyens  d'Edimbourg    présentèrent    à     Sir    Walter, 
comme  marque  de  reconnaissance  pour    les    services    qu'il 
avait  rendus  à  la  ville  lors  de  la  visite  du  roi  de  la  Grande 
Bretagne,   George  IV,  ea  1S23  ;  aussi  le  sabre  de  Charles 
I,  lequel  plus  tard  passa  au  marquis    de    Montrose.    Dans 
ce  voisinage,  se  trouve  un  faisceau  de   claymores    et    plu- 
sieurs grands  sabres  allemands,  employés  aux    exécutions 
en  ce  pays,et  qu'il  s'était  procurés  des  exécuteurs  des  hautes- 
œuvres,  de  l'Allemagne.  Il  y  avait  aussi  la  flasque  du    roi 
Jacilues  I  ;   les  vis  et  autres  instruments  de  torture  que  lus 
Covenanters    employaient,    dans    leurs    persécutions   reli- 
gieuses ;  la  couronne  de  fer  du   martyr  Wishart  ;  les  [;is- 
tolets  de  Napoléon  I,  oubliés  dans  son  carosse,  à  Waterloo  ; 
les  pistolets  de  Claverhouse.  tout  en  acier,    incrustés  d'ar- 
gent selon  'a  mode  d'alors  ;  deux  fortes  clefs  de    la  geôle 
d'Edimbourg,  trouvées  après  l'incendie  des  portes,    quaml 
la  populace  exécuta  le  capitaine  Porteous. 

La  salle  à  manger  contenait  une  singulière  peinture    de 

24 


i  I  ■^•; 


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o 


SIR   WALTER   SCOTT 


Û 
i.  SI 


l;i  tête  de  l'infortunée  reine  d'Ecosse,  Marie   Stuart,    après 
i.i  décollation.  Sir  Walter  en  faisait  beaucoup  de  cas,  l'ar- 
tiste se  nommait  Amias  Cawood  ;  il  avait  su  prêtera  cette 
tête  sanglante  une  beauté  encore  plus  grande  que  celle  que 
l'histoire  accorde  à  la  victime  d'Elisabeth  d'Angleterre.  Il  y 
;\vait  aussi  en  cet  appartement  d'anciennes  toiles  représen- 
tant la  belle  Ncll  Gwynn,  Lord  Esscx,  les    poètes   Thom- 
son, Dryden,  Prior,  Gay  ;  CromwcU  comme  jeune  homme  ; 
le  duc  de  Montmouth  ;  Charles    XII   de    Suède  ;  Walter 
Raleii^di  ;   Henriette  d'Angleterre,    épouse   de    Charles  I  ; 
Ami  Ilj'de,  épouse  de  Jacques  II  ;   Ilogarlh  ;   Lucy  Wal- 
tcrs,  une  des  maîtresses  de   Charles  N,    mère    du    duc    de* 
Montmouth,  etc.,  etc.  Ce  serait  à  n'en  plus  fin/r,  pour   qui 
entreprendrait  de  décrire  tout  ce  que  renfermait  le  curieux 
château.    Il    n'est    donc    pas    étrange  si   les  lettrés  et  les 
touristes  accouraient,  pour  errer  en  un  d  délicieux  Eden,  ce 
temple    de    bon    goût,    de     l'hospitalité,    ce    pittoresque 
musée  ;  mais  il  y  avait  encore  une  bien  plus  grande    mer- 
veille à  contempler,  la  noble  présence  du  fameux  magicien 
lui-même  dont  la  baguette  avait   tiré    du    chaos    tant    de 
féeriques   spectacles.    Cette    ronde  incessante  de  visiteurs 
auxquels  Scott  donnait  non-seulement  ses  matinées,   mais 
encore  ses  veillées,  n'avait-elle  pas    ses    dangers    pour   sa 
bourse  et  pour  ses  travaux   littéraires  ?  Lockhart  le  laisse 
clairement  entrevoir  :  "Jamais,  le  patriarche  de  Ferney,   à 
l'apogée  de  sa  gloire,  n'eut  à  subir  autant  d'interruptions  ; 
encore,  il  est  constaté  que  Voltaire  n'hébergeait  que   rare- 
ment ceux  qui  le  venaient   voir   et    rarement    même    leur 
accc  rda-t-il  le  privilège  de  dîner  avec  lui."  Si  la  vie  intime 
de  Scott  nous  est  si  bien  connue,  il  ne  faut  pas  s'en  étonner. 
Comme  le  Dr  Johnstone,  Scott  trouva  un  incomparable  bio- 
graphe; Lockhart,  sans  avoir  le  pinceau  exquis  de  Boswell, 
le  biographe  de  Johnstone,  était  une  des  lumières  littérai- 
res d'Edimbourg.  Les  A^octcs  Ainhrosianœ  de    Wilson,   lui 
doivent  quelques-unes  de  leurs  scènes  les  plus  attrayantes, 


ESQUISSES 


371 


et  Blackicood's  Ma(ja::inc  fondé  en  1817,  contient  de  remar- 
quables écrits,  par*  Lcckhart. 

Tout  en  admettant  l'exactitude  du  mot  de  Buffon  : 
"le  style,  c'est  l'homme,"  par  rapport  à  Scott,  le  lecteur  r,e 
connaît  qu'à  demi  le  grand  romaucier,  s'il  n'a  parcouru  les 
pages  où  Lockhart  le  fait  revivre.  C'est  là  qu'on  saisit  sur 
le  vif  cett-;  lingiilière  organisation  tlans  son  éternelle  jcii' 
ne- se. 

'\VA!/ri':R  S:orT,  r  )Ete.  —  1796-1S17. 

f./i  carricre  iittcraire  dt:  Scolt  se  divi-e  en  deux  parties 
bien  distinctes;  la  i)remière,  résunic  ses  poésies:  la  se- 
conde, ses  romans  historiques.  Ce  fut  en  1796  que  se  fai- 
saient entendre  les  premiers  accents  de  sa  muse  dans  les 
BUrgcr  Inxllads  ;  les  derniers  en  1817,  dans  Ihirold  thc 
Dauutlcss.  Parmi  une  i:innité  d'études  poétiques,  de 
moni-;  longue  Iialeine,  ci-devant  énumérées,  signalons 
ce  qui  constitae  les  principaux  monuments  de  sa  gloire 
co'iime  poJte  :  lo.  BoiiDER  AIlXSTRELSV,  2o.  L.VY  oi'  tue 
Last  .Mi\s trel.,  00.  Marmiox,  -io.  Lauv  of  tu;:  Lake, 
00.  RoKEHV,  (Jo.  LolU)  OF  THE  Ilfs  ;  voilà  les  gracieux 
pilastres  de  ce  masjestueux  temple  couronné  par  ia  statue 
du  barde  d'Abbotsford. 

L'Ecosse  compte  deux  grands  poètes,  deux  génies  même: 
Burns,  le  poète  national,  mort  en  I796,  et  Scott, le  suave  mé- 
nestrel des  temps  héroïques  de  la  vieille  Calédonic. 

liORDER  M I NSTRELSV. 

lo.  Le  Border  j\Iinstrcls)\  collection  d-j  vieux  lais,  de 
martiales  ballades,  de  chants  nationaux,  parât  en  trois  vo- 
!um  s  en  i Soc- 1-2-3.  Scott  avait  29  ans  lorsqu'il  publia 
lo  premier  volume  :  l'on  peut  dire  qu'il  avait  commencé 
d'en  réunir  les  matériaux  depuis  sa  dixième  année.  Iles* 
juste  de  nommer  un  du  S'  s  collaborateurs  les  plus  zélés, 
John  Leyden,  mort  aux  Indes  en  iSii,  homme  de  génie, 
travailleur  infatigable,  savant  distingué  dans  les  langues 
de  l'Orient. 


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1 1 


372 


SIR    WAl/rr.R    SCOTT 


Pour  rétablir  le  vrai  texte  de  ces  antiques  et  sauvages 
poé-sir-s  des  10e  et  lie  siècles,  il  fallait  un  jugt-ment  sûr, 
uni'  vaste  érudition,  un  goût,  un  flair  exquis.  Scott  réu- 
nissait CCS  qualités  à  un  degré  éminent;  aussi,  son  choix  de 
ballades,  coiTinie  oiuvre  nationale,  enrichi  de  précieus^'s 
notes,  l'eniporte-t-il  sur  les  Percys  Bcliqiics,  Il  se  composait 
d'iibtrd  de  quarante-trois  ballades  qui  n'avaient  jamais  été 
imprimées,  et  les  autres  bien  que  partiellement  connues 
aux  chercheurs,  étaient  pour  ainsi  dire  neuves  à  la  géné- 
ralité des  lecteurs.  Elles  commémoraient  un  tissu  de  tragi- 
ques événements,  d'aventures  hardies,  de  bizarres  peintures 
de  mœurs,  tracées  avec  une  énergie  de  style,  une  simpli- 
cité digne  des  temps  homériques,  commentées,  éclaiicies 
par  de  patientes  recherches  historiques  et  archéologiques. 

Peu  de  temps  après  leur  publication,  Scott  prenait  rang 
à  la  Revue  iV Edimbourg,  fondée  en  1802,  comme  un  des 
actifs  collaborateurs  de  Sydney  Smith,*'plus  tard  de  Jeffrey, 
lord  Jeffrey, — le  grand  juriste,  l'admirable  critique — le 
L:a  Harpe  de  l'Ecosse.  Le  premier  écrit  de  Scott  fut  une 
étude  sur  X Amadis  de  Gaule,  par  Robert  Southey  ;  son 
second,  sur  Sebbald's  Chrouicl-:  of  Seoteh  Poetry  ;  un  troi- 
sième, sur  Godiviiis  Life  of  Chaueer  ;  un  quatrième,  sur 
EUis  Spcciuiens  of  EnglisJi  Pottry  ;  un  cinquième,  sur  la. 
vie  et  les  œuvres  de  Chatterton. 

ICn  1803,  le  poète  Wordsworth  faisait  à  Scott  une  mémo- 
rable visite,  au  moment  où  il  comi'osait  1  lie  Lay  of  tlu 
Last  Minstrcl  ;  les  deux  bardes  allaient  ensemble  exami- 
ner les  ruines  historiques  des  abbayes  de  Melrose  et  de 
Kosslyn,  Parmi  les  paysans,  le  nom  seul  de  Scott  opérait 
comme  un  charme  ;  c'était  à  qui  leur  rendrait  le  plus  de 
civilités  ;  le  barde  de  Windermere,  Wordsworth,  était 
enchanté  de  kiir  réception  partout  où  ils  se  montraient. 


|53r 


LAY  OF  THE  LAST    MINSTKEL. 

2o.  Dans  le  Lay  of  the  Last  Miustrel,  la  balladt  grandit, 
prend  la  forme  de  l'épopée.     Lf^  poèt    m^-t  dans  la  bouche 


'mmmimmmmu'miiim 


ESQUISSliS 


373 


du  derniiT  des  Mén^strils  qui  aurait  existé  «n  1G90,  un 
chant  ou  plutôt  une  série  de  chants  d'une  incomi)arabl'- 
harmonie — d'une  variété  presque  fastueuse.  Le  harpist" 
cassé  et  i  rrant,  tout  en  fredonnant  des  lais  d'amour  et  d^ 
guerre,  invoque  la  nature  entière,  les  génies  des  bois,  des 
fleurs,  des  montagnes,  pour  lui  aider  à  célébrer  les  prou- 
esses des  chevaliers  anciens — les  combats  journaliers  que 
les  Ecossais,  livraient  aux  Anglais,  sur  la  frontière  des 
dtux  pays — le  liordcr  iK.<aYfarc  sur  ce  qu'ils  appell^-nt 
debaiable  land.  Ce  mélange  de  mœurs  pastorales  et  guer- 
rières prêtait  beaucoup  à  la  poésie  lyrique.  Les  événe- 
nements  chantés  sont  présumés  avoir  eu  lieu  vers  155O, 
et  couvrent  l'espace  de  trois  jours  et  trois  nuits.  Lepoëme 
consiste  en  six  chants.  Il  serait  difficile  de  dire  lequel  est 
le  plus  beau  ;  plusieurs  des  vers  sont  passés  dans  la  langue 
à  l'état  de  citations  et  de  proverbes.  Le  dernier  chant  s'ou- 
vre avec  l'élan  de  patriotisme  bien  connu  : 

"  HrL'utlii'3  flion'  tln'  iii.iii,  with  soûl  so  Jeail, 
Wlio  iii'vpr  ti>  liiiiisi'lf  liiitii  saiii 
TliiM  id  my  owii,  my  ii.itivi'  luiid  ! 


(I  (.'aloiloriia  I  »tirii  and  wild. 

Mi'ct  nurse  for  a  poitii,'  rliild  ! 

Ijiiiid  of  t)ro\vii  hcMtli  uiid  Bliaytry  wood, 

Ijiiiid  of  tlie  iiiouiitiiiii  iiiid  tlic  tlood, 

I.iiikI  ofiiiy  siri'S  !  wlmt  mortid  liuiid 

('au  c'cr  uiitic  tlii'  Kliul  liaiid, 

That  knits  me  to  tliy  nit{K;'d  strand  ! 

Oui  serait  insensible  à  l'harmonie  de  ces  stances! 

La  scène  se  passe  en  grande  partie  au  château  des  ducs 
de  Buccleugh — Brankholm  Hall.  Le  jeune  fils,  l'héritier  du 
duc  est  entraîné  dans  la  forêt,  par  un  malicieux  page  qui 
fait  de  son  mieux  pour  égarer  le  noble  et  courageux 
enfant — lequel  est  saisi  par  des  ennemis.  Plus  tard,  l'affreux 
page  met  de  côté  ses  déguisements  »-t  se  trouve  être  un 
sorcier  célèbre — Sir  Michael  Scott.  IVi/Iiam  Delorainc  et 
Margaret — voilà  encore  de  ces  délicieuses  créations  du 
génie  de  Scott  qui  resteront.  Le  Lay,  avec  se^  allures 
épiques  ouvrit  une  ère  nouvelle  dans  la  littérature  anglaise. 
Le  Parnasse  anglais  réclama  un  poète — un  grand  poète 
de  plus.  Les  grands  de  l'Ecosse,  lord   Melville,  et  autres. 


m. 


374 


SIK   WALTER   SCOTT 


I,   I 


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il 


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>"5  : 


1 


enchantes  du  talent  de  leur  compatriote,  lui  appîanirent 
les  voies  à  la  fortune  et  h  l'indépendance,  en  le  nommant 
Greffier  des  Sessions  a^'ec  un  traitement  annuel  de  ;C'Soo  : 
la  fontaine  d'IIippocrène  était  devenue  un  Pactole. 

MAR.MION,  A  TALE  OF  FLODDEN    IIELD. 

Parmi  les  hommes  de  guerre  qui,  en.ioGG,  suivirent  le 
Bâtard  de  Normandie,  à  la  conquête  de  l'^Vngleterrc, 
l'histoire  nomme  un  seigneur  fort  distingué,  Robert  de 
Marmion,  sieur  de  Fontenaye,  en  Normandie.  Le  roi  Guil- 
laume le  recompensa  en  lui  octroyant  le  château  et  la  ville 
de  Tamv.orth  et  le  manoir  de  Scrivelby,  dans  le  Lincoln- 
shire. 

La  f:imille,  après  quatre  générations,  s'éteignit  en  la 
personne  de  Philippe  do  Marmion,  sous  le  règne  d'PÀlouard 
L  Si  le  héros  du  poème  de  Scott,  est  un  persoimage  imagi- 
naire, le  nom  et  la  famille  de  Marmion  ne  le  sont  donc 
pas  ;  et  en  associant  au  titre  du  poème  le  nom  de  Flodden, 
le  barde,  par  un  mot,  signale  l'époque  où  vivait  son  héros. 
Scott  iie  pouvait  choisir  un  sujet  plus  épique  que  la  désas- 
treuse journée  de  Flodden,  où  la  ilcur  de  la  noblesse 
d'Ecosse  avait  succombé  en  combattant  autour  de  son 
héroïque,  mais  trop  galant  souverain  Jacques  IV,  lui 
aussi,  victime  de  sa  téméraire  ardeur.  Flodden  retraçait  à 
l'Ecossais,  une  époque  héroïque  bien  que  malheureuse  ;  à 
l'Anglais,  une  fameuse  victoire  au  temps  d'Henri  VIII  ; 
c'était  de  plus,  une  ère  reculée  où  la  féodalité  brillait  d'un 
vif,  mais  dernier,  éclat.  Le  talent  de  Scott  a  toujours 
excellé  dans  ses  ma'^nifiques  peintures,  ses  dramatiques 
étalages  des  siècles  féodaux,  leurs  tournois,  leurs  donjons, 
les  nobles  dames,  etc.,  de  ces  temps.  Il  y  avait  encore  des 
lueurs  de  féodalité  expirante  en  15 13,  en  Ecosse.  Le  sujet 
était  bien  choisi,  plein  d'actualité  pour  les  deux  grandes 
nations  auxquelles  s'adressait  le  poème.  Scott  était  siîr 
d'avoir  des  lecteurs  des  deux  côtés  de  la  Tweed  :  il  ne 
faut  donc  \  as  s'étonner,    si  aux  yeux  d'un  grand  nombre 


r,s<  )Uissi:s 


375 


Mafin'w>i,^.o\i  eonsidcrc,  comme  le  chef-d'œuvre  de  Scott. 
La  scène  s'ouvre  en  août,  et  se  clôt  le  9  sept.  15  13,  le 
jour  de  la  terrible  bataille  de  Flodden  l'icld.  Marmioii, 
comme  son  prédécesseur  The  Lay  of  tJic  hist  Minstrcl,  com- 
prend six  chants  :  lo.  The  Castîc  ;  20.  The  Couvent  ;  00. 
The  Ilostel  or  Iiin  ;  4o.  The  Camp  ;  ôo.  The  Court  ;  »io. 
The  Inittle.  Chaque  chaut  est  précédé  d  une  introduction 
en  vers  ou  dédicace  à  quelques-uns  de  ses  amis  :  William 
Stewart  Rose  ;  Revd  James  Marriott  ;  William  r>sl>:ine, 
célèbre  juL^e,  mort  en  1822  ;  James  Skene  ;  George  EUi.'--, 
et  Richard  llcber. 

Lord  Marmîon  est  un  valeureux  j^uerricr  et  un  ^n-and 
seigneur  de  la  cour  d'Henri  VIII  d'Ansrleterre,  qui  va  en 
Ecosse,  comme  l'envoyé  du  souverain  anglais  à  Jacques 
IV,  roi  de  l'Ecosse.  Le  (îer  capitaine  voyage  avec  une 
suite  imposante,  mais  convenable  à  un  seigneur  de  son 
importance.  L'arrivée  et  la  réception  du  haut  et  puissant 
seigneur  Marmion,  à  la  forteresse  de  Norham,  sur  les  con- 
fins de  l'Angleterre  :  sa  réception  aolenelle  surtout,  au 
pont-lévis  du  donjon,  avec  toute  la  pompe  féodale  du 
temps  ;  puis,  son  dépari  pour  Ilolyrood,  après  avoir  accepté 
de  Sir  Ileron  Ford,  les  services  d'un  pèlerin  connue 
guide  dans  les  montagnes  de  l'Ecosse,  tels  sont  quelques- 
uns  des  incidents  les  plus  marquants  du  premier  chant. 
Sir  Héron,  tout  en  lui  faisant  les  compliments  d'usage, 
s'enquiert  d'un  ton  moqueur,  de  ce  qui  est  advenu  à  ce 
beau  jeune  page  au  teint  rose,  qui  naguère  lui  servait  a 
boire,  laissant  planer  un  soupçon  injurieux  sur  le  sexe  de 
réchanson  (le  beau  page  apparaîtra  bientôt  sous  un  aspect 
bien  moins  gai).  Marmion  répond  qu'il  est  malade  à 
Lindisfarne  et  relance  le  trait  en  s'enquérant  de  Sir  Hé- 
ron Ford,  si  l'absence  de  la  charmante  Lady  Ford  est  due 
à  quelque  lointain  pèlerinage  entrepris  de  sa  part  pour 
œuvre  pie.  Sir  Héron  réplique  avec  un  calme  simulé,  que 
la  blanche  comtesse  est  en  promenade    et    charme    en    ce 


376 


SIR    WALTER    SCOTT 


i* 


moment    les  loisirs  de   la   reine   Mar^aret, .  à    Holyrood, 
mieux  eût  valu  dire,  du  roi. 

Le  second  chant,  T/ic  Couvent,  s'annonce  avec  une    bril- 
lante description  d'un  navire,  sur  le  tîllac  duquel  on    dis- 
tingue la  mère  abbesse  de  Saint  Hilda  qui,  avec  cinq  reli- 
gieuses de  son  ordre,  se  met  en  route  pour  aborder  à    une 
abbaye  voisine,  où  doit  se  faire  le  procès  d'une  des   sœurs 
pour  oubli  de  ses  vœux  et  s'être  enfuie  du  cloître,  à  la  suite 
d'un  grand  seigneur,  qu'elle  accompagna,  déguisée  en  page  : 
Constance  de  Beverly,  le  beau  jeune  page  de    Lord    Mar- 
mion.  Ce  dernier  a  la  bassesse   de   trahir  son    infortunée 
amante,  qu'il  délaissa  plus  tard  pour  épouser  une  riche   et 
noble  héritière,  Clara  de  t)lare.  Henri   VIII   d'Angleterre 
qui  n'entendait  pas  badinage  à  l'article- des  femmes,   avait 
lui-même  promis  à  son  favori.  Lord  Marmion,  la  belle  Clara, 
qui   avait   un   amant   nommé   De  Wilton.  Constance  de 
Beverly,  l'ex-nonne,  devient  si  furieusement  amoureuse  de 
Lord  Marmion,  qu'elle  sacrifie  tout  à   ses    caprices — chas- 
teté, honneur,  et   couvent  même.    Pour   l'aider    à    perdre 
De  Wilton  dans  l'esprit  du  roi,   elle    forge    des   let'res,  de 
nature  à  le  faire  passer  pour  un    conspirateur.     Plus   tard, 
Marmion  défie  De  Wilton,    le    blesse   à    mort,    comme    il 
croit  ;  De  Wilton  est  considéré  comme  parmi  les  trépassés. 
La    pauvre   et   coupable    Constance    reprise     par    l'ordre 
du  roi,  et  renvoyée  à  son  couvent,  subit  son  procès  devant  le 
chapitre  ;  elle  est  claquemurée  dans  le  donjon  d'un  monas- 
tère, jusqu'à  ce  que  mort  s'ensuive,  par  le  supplice  de  la  faim. 
Clara,  plutôt  que  d'épouser  l'assassin  de  son  amant,  cherche 
asile  dans  un  cloître.  Voyons    le    troisième    chant  :  Lord 
Marmion  se  met  en  route  vers  l'Ecosse,   avec   sa   suite    et 
"son  pèlerin  aux  étranges  allures"    pour  guide.  Ayant  été 
contraint  de  chercher  abri    dans  une  grande    hôtellerie,    il 
supplie   son    écuyer,    Fitz-Eustachc,    de  lui    chanter    une 
romance  pour  le  distraire  de  ses  sombres  pen.sées.  Ce  der- 
nier entonne  un  lai  ancien  où  sont  vivement  retracées  les 
punitions  réservées  aux  amants  infidèles.   Puis  il  demande 


ESQUISSES 


377 


à  riiôtellier  de  le  désennuyer  par  quelque  récit.  Ce  dernier 
lui  raconte  les  merveilleuses  aventures  du  roi  d'Ecosse, 
lorsque  Haco,  roi  de  Norvcg^e,  fît,  en  1263,  une  descente 
sur  les  côtes  de  l'Ayrshire  ;  ses  luttes  avec  des  soiciers 
dans  les  sombres  caveaux  du  donjon  de  Lord  Giffbrd. 
Ces  chants  et  ces  récits  portent  tellement  le  irouble  dans 
l'esprit  du  seigneur  Marmion,  qu'il  va  faire  seller  en  secret 
son  cheval  pendant  la  nuit,  pour  aller  explorer  un  des 
endroits  désignés»  par  l'hôtelier  ;  plus  tard,  il  revient  à 
demi-mort  de  fatigue  et  d'effroi  ;  persiste  à  garder  un 
mystérieux  silence  sur  les  évèmments  de  cette  nuit  ;  sur 
l'ennemi  qui  l'a  assailli. 

Le  quatrième  chant  est  consacré  à  décrire  la  continua- 
tion du  voyage  du  seigneur  Marmion  vers  l'Ecosse  et  sa 
rencontre  avec  Sir  David  Lindsay,  illustre  personnage  à 
la  cour  d'Ecosse,  chargé  de  la  part  de  Jacques  IV,  d'es- 
corter le  puissant  seigneur  anglais  :  tous  deux  s'arrêtent  à 
Crichtoun  Castle,  vieux  château  à  neuf  milles  d'Edimbourg. 
Le  barde  introduit  ici  plusieurs  chants  lyrique^,  de  ravis- 
santes descriptions  des  paysages  environnants,  ainsi  que  le 
spectacle  des  guerriers  écossais  à  leur  camp,  près  d'Edim- 
bourg. Le  cinquième  chant  nous  exhibe  Holyrood,  le 
vieux  palais  des  Stuart.  Là,  le  roi  Jacques  IV,  ivre  d'amour 
pour  la  séduisante  Lady  Héron,  y  reçoit  royalement  l'en- 
voyé de  Henri  VIII  ;  mais  sans  vouloir  écouter  les  conseils 
de  paix  qui  lui  sont  offerts,  et  prépare  un  somptueux  ban- 
quet, où  s'étale  dans  tout  l'éclat  de  la  jeunesse,*  cette 
syrène  si  dangereuse  à  la  gloire  de  l'Ecosse,  Lady  Héron. 
La  belle  anglaise  chante,  à  la  demaii'le  de  son  royal 
amant,  la  ballade  si  connue  de  "  Lochinvar." 

0,  ynuntç  Looliiiiv.ir  is  i-nmi-  ont  of  tlio  wi'st. 

ïiiroiigh  iiU  thf  wiiii'  1!  ivliT  his  Hti'od  waM  tlii^  licst, 

Aiul  savo  liifl  ({oiiil  bruml  •'wonl,  ho  wiMpoiis,  liiid  iioiu'  , 

llo  iniii'  fiU  uniiniii'il,  ami  lu'  rixlo  ail  alniu', 

So  faithful  in  love,  a.iul  ao  dauiitlciis  m  war, 

TluTu  iiovor  \va8  kiiij/lit  liko  tlio  youiiî^    liOcUiiivur,  Ac 

Toute  cette  scène  est  ravissante,  poétique  à  l'extrême, 
ainsi  que  le  dialogue  du  vieux  Douglas,  le  féroce  comte 
d'Angus.   Cette  enivrante  fanta^-magorie    sera    de  courte 


378 


SIR   WALTER   SCOTT 


■1'  ± 


durée,  car  le  lendemain,  au  point  du  jour,raraiée  se  mettra 
en  marche.  L'abbesse  de  sainte  Hilda  et  ses  religieuses  repa- 
raissent sur  la  scène  :  le  navire  anglais  qui  les  reportait  à 
leur  cloître  est  pris  par  un  vaisseau  de  guerre  écossais  ; 
mais  le  roi  Jacques  IV  désirant  être  indulgent  envers  les 
saintes  filles,  se  décide  à  les  renvoyer  au  roi  d'Angleterre, 
sous  l'escorte  de  Lord  Marmion,  le  persécuteur  implacable 
de  Constance  de  Beverley  et  l'amant  désappointé,  mais  non 
rebutté,  de  Clara  de  Clare.  La  fortune,  en»lui  livrant  cette 
dernière,  ne  pouvait  mieux  servir  ses  desseins.  Voici  que' 
l'intrigue  se  complique.  La  pauvre  abbesse  conçoit  un 
projeltd'isespéré  pour  se  soustraire  aux  mains  du  puissant 
seigneur,  avec  le  secours  du  guide  de  Marmion,  le  mysté- 
rieux pèlerin.  Ici,  Scott  accumule  plusieurs  incidents  sur- 
naturels, entre  autres  la  singulière  prédiction  que  les  histo- 
riens mentionnent  de  la  mort,  ce  jour  môme,  du  roi  Jac- 
ques IV,  au  milieu  de  ses  nobles  les  plus  illustres,  les  plus 
dévoués,  à  Flodden. 

Marmion,  renvoie  de  force  i'abbesse  de  sainte  Milda  et 
ses  recluses,  à  s^n  couvent,  mais  la  belle  Clara  de  Clare, 
l'opulente  héritière  que  l'abbesse  veut  aggréger  à  son  ordre. 
Lord  Marmion  la  retient  et  la  fait  escorter  au  château  de 
Tantallon  possédé  par  son  pavent,  à  elle,  Lord  Fitz-Clare, 
dans  l'espoir  que  le  temps  vaincra  ses  répugnances.  Puis, 
la  guerre  entre  Henri  VIII  et  Jacques  se  poursuit  avec 
acharneme.  t,  L»*  fortune  qui  d'abord  s'était  rangée  sous 
les  étendards  du  prince  écossa  s,  le  laisse  quand  il  s'oublie 
lui-même  et  qu'il  consume  un  temps  précieux  à  faire 
l'amour  à  la  séduisante  anglaise,  Lady  Héron.  Les  provi- 
sions commencent  à  manquer  à  son  armée,  qui  est  forcée 
de  se  débander  et  de  le  quitter. 

Le  sixième  et  dernier  chant,  Tûv  Battlc,  s'ouvre  par 
une  de  ces  divines  silhouettes  de  femmes,  que  Scott  sait 
tracer  de  main  de  maître — pures  comme  un  rayon  de  l'au- 
rore— aiiiKintes  comme  Juliette,  malheureuses  comme 
Desdemone.  Clara  de  Clare  ayant  mis  de  côté    ses  habits 


ESQUISSES 


379 


;e 


de  recluse,  erre,  pâle,  mais  belle  comme  aux  anciens  jours, 
sous  les  voûtes  de  la  solitaire  forteresse  de  Tantallon,  par- 
tagée entre  sa  haine  contre  son  persécuteur,  Marmion  et 
ses  regrets  pour  son  malheureux  amant,  De  Wilton,qu'elle 
croit  mort  de  la  blessure  reçue  des  mains  du  seigneur 
anglais.  En  détournant  l'angle  du  château,  ô  surprise, 
l'ombre  de  Wilton,  ou  mieux  son  amant  lui-même,  se  jette 
à  ses  genoux  ;  lui  raconte  toute  son  histoire  et  com- 
ment il  est  parvenu  à  force  de  déguisements  jusqu'à  elle, 
sous  l'habit  de  pèlerin.  Le  mystérieux  guide  de  Marmion, 
c'est  lui.  De  Wilton.  Il  est  perdu,  si  on  le  reconnaît  ;  mais 
il  espère  en  Dieu,  en  son  innocence  et  dans  le  combat  qui 
va  dans  quelques  heures  se  livrer,  où  le  sort  de 
l'Ecosse  sera  décidé  et  où  il  doit  prendre  part,  comme 
preux  chevalier  anglais  et  prouver  son  dévouement  à 
Henri  VIII.  Cependant  tout  s'agite,  tout  se  meut.  Lord 
Marmion,  caracolle  sur  son  fier  coursier,  vers  le  lieu  du 
combat,  après  avoir  défié  le  farouche  Douglas,  et  ordonne 
que  Lady  Clare  le  suive,  pour  être  témoin  de  ses  exploits. 
La  mêlée  devient  épouvantable  :  les  anglais  mieux  armés, 
plus  nombreux,  combattent  avec  une  rare  valeur  ;  les 
bouillants  Montagnards,  se  battent  avec  la  rage  du  déses- 
poir, ;  des  monceaux  de  morts,  de  mourants  jonchent  le 
sol  ;  Il  fleur  de  l.i  noblesse  succombe  avec  son  héroïque 
prince  Jacques  IV.  Marmion,  entraîné  [)ar  sa  martiale 
ardeur  et  voyant  les  siens  victorieu>f  veut  se  signaler  par 
un  effort  suprême,  mais  il  tombe  percé,  écra.-é  de  coups  ; 
et  les  malédictions  de  Constance,  la  pauvre  Constance  de 
Beverly,  claquemurée,  mourante,  dans  son  sombre  donjon, 
se  réalisent. 

Prêt  à  fermer  les  yeux  à  jamai.s  h  la  lumière,  il  demande 
à  grands  cris,  quelques  gouttes  d'eau  pour  étancher  la  soif 
qui  le  dévore.  Clara,  oubliant  son  ressentiment,  accourt,  et 
avec  le  casque  du  guerrier,  elle  puise  pour  lui  l'onde  d'une 
fontaine  voisine,  se  fait  connaître,  et  lui  annonce  le  sort  de 
sa    malheureuse  victime.   Constance,  qu'il  croyait  encore 


38o 


SIR    WALTER   SCOTT 


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vivante  ;  puis,  le  héros  dans  le  délire,  brandissant  son 
épée,  encourage  ses  victorieux  soldats,  par  les  mots  bien 
connus  : 

"  Charge,  Chester,  charge  !  On,  Stanley,  on  ! 

VVere  the  last  words  of  Marmion." 

Clara  qui  n'avait  pas  fait  de  vœux,  épouse  De  Wilton. 
Tout  ce  chant  est  d'une  beauté  remarquable  ;  c'est  comme 
œuvre  descriptive,  un  des  morceaux  les  plus  achevés 
de  la  langue  anglaise.  Jamais  le  génie  de  Scott  n'a  plané 
à  une  plus  grande  hauteur. 

Aux  pages  précédentes,  nous  avons  brièvement  passé 
en  revue  trois  des  œuvres  poétiques  de  Walter  Scott,  c'est- 
à-dire,  trois  des  immortels  poëmes  dont  s'honorent  la  lan- 
gue de  Milton  et  de  Shakespeare  ;  d'abord,  le  Border 
Minstrclsy,  les  plus  belles  ballades  de  l'Ecosse,  ensuite  le 
Lay  of  tJie  Last  Minstrel,  la  ballade  avec  une  draperie 
plus  grandiose,  des  formes  épiques  ;  et  enfin  Marnnoii, 
c'est-à-dire,  l'épopée  dans  son  imposante  majesté.  De 
tous  les  innombrables  écrits  du  poète  nous  nous  borne- 
rons à  ne  considérer  ici  que  trois  autres  poèmes  :  The  Lady 
of  tJic  Lakc,  Rokeby,  et  The  Lord  of  t/tc  Islcs, 

THE   LADV   OF    THE   LAKi:. 

L'Ecosse  avec  ses  montagnes,  ses  brumes,  ses  lacs,  ses 
frimas,  a  plusieurs  points  de  ressemblance  avec  notre 
Canada.  Sans  avoir  passé  par  l'étape  coloniale,  sans  avoir 
rencontré  d'aussi  dures  épreuves  que  notre  patrie,  elle 
aussi,  a  eu  à  subir  la  loi  du  vainqueur  ;  on  lui  a  enlevé  son 
autonomie  ;  on  lui  a  imposé  des  souverains  qui  n'étaient 
pas  les  siens. 

C'est  surtout  danr>  les  temps  passés,  où  elle  avait  à 
Stirliiig  Castle  ou  à  Holyrood,  ses  rois  aimés,  que  Scott 
a  été  chercher  les  scènes  de  ses  drames  émouvants.  Quit- 
tons les  champs  ensanglantés  de  Marmion,  pour  parcourir 
les  sentiers  de  la  montagne  :  les  bruyères  parfumées  de  la 
Calédonie,  nous  redonnant  encore  une  forêt  enchantée,  des 


ESQUISSES 


381 


fées,  des  paladins  ;  les  mystères  sont   autres,  le   magicien 
est  le  même. 

Le  Lady  of  thcLakc,  comme  son  prédécesseur,  aura  six 
chants:  lo.  The  Chase;  2o.  The  Island  ;  3o.  The  Gathcring  \ 
4o.  TJie  Prophecy  ;  5o.  The  Combat  ;  60.  The  Guard  Rooni. 

Une  des  régions  les  mieux  connues,  les  plus  pittoresques 
de  l'Ecosse,  où  affluent  chaque  été  des  essaims  de  touristes, 
possède  un  lac,  aux  îles  solitaires,  le  gracieux  Lock  Katrhte  ; 
des  défilés  escarpés,  nommés  Trossachs,  y  conduisent.  Les 
Monts  Grampian  dans  le  voisinage  complètent  le  tableau. 
Levons  le  rideau.  Invoquons  avec  le  barde,  la  Lyre  du 
'^orà.  "Harp  of  the  Nortk.'' Y Q\c\  d'abord  un  tableau  de 
chasse,  avec  ses  incidents,  ses  péripéties,  d'une  beauté 
fra,ppante.  Il  faut  avoir  été  chasseur,  comme  Scott,  pour 
décrire  avec  une  aussi  saisissante  vérité,  cette  série  de  ravis- 
santes émotions  que  vous  donne  la  chasse  au  cerf.  Il  y  a 
plus  ici.  Ces  pics  inaccessibles,  ces  impratiquables  savan- 
nés  où  l'animal.de  guerre  lasse,  s'embusque  dans  les  High- 
laiids,  ne  vous  reportent-ils  pas  à  votre  Canada,  vous  qui 
dans  votre  jeunesse,  avez  été  chasseur  ? 

Il  nous  semble  être  sur  la  crête  des  Laurentides,  que 
sais-je,  "aux  jardins",  en  aval  de  la  Baie  St-Paul,  bien  loin 
dans  le  grand, nord,  suivant  la  piste  du  prince  des  veneurs 
de  la  Côte  de  Beaupré,  Olivier  Cauchon,  ou  de  l'indien 
Sioui,  le  légendaire  chasseur  du  Lac  St-Charles,  ou  en 
compagnie  du  Col.  Rhodes,  notre  voisin  à  Sillery.  Le 
Nemrod  écossais,  ent''aîné  par  son  ardeur,  s'égare  à  la 
poursuite  d'un  cerf,  laisse  en  arrière  tous  ses  compagnons, 
taxe  trop  les  forces  de  sa  noble  monture,  qui  se  blesse, 
s'épuise  et  tombe  haletante  au  fond  d'un  ravin,  pour  ne 
plus  se  relever  ;  le  chasseur  :','arrôtc,  contemple  tristement 
sa  fière  cavale  ;  son  œil  se  mouille  d'une  larme,  mais  le 
mal  est  sans  remède. 

Il  se  met  en  marche  pour  retracer  ses  pas,  mais  en  vain. 
il  s'égare  de  plus  en  plus  dans  les  sentiers  de  la  forêt, 
sonne  de  la  cornemuse,  appelle  ses  compagnons.   Dans  le 


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382 


SIR   WALTER    SCOTT 


lointain,  une  voix  lui  répond.  Il  arrive  bientôt  sur  les  rives 
d'un  pittoresque  lac,  —Loch  Katrine  ;  là,  il  aperçoit,  près 
du  bord,  une  légère  nacelle,  conduite  par  une  jeune  fille, 
belle  comme  le  jour,  et  qui  semble  manier  l'aviron  avec  une 
dextérité  peu  commune.  Il  interroge  la  pastourelle  dont  le 
nom  est  Jlllcn.  Celle-ci,  ne  manifeste  aucune  surprise  en 
le  voyant,  lui  dit  qu'elle  le  conduira  à  la  demeure  de  son 
père  qui  habite  l'île  en  face  ;  qu'il  est  sans  doute  l'étranger 
dont  la  venue  lui  avait  été  prédite,  ce  malin-là  même,  par 
le  vieillard  Allan-lnific,  clairvoyant  de  la  montagne,  doué 
de  la  "  seconde  vue."  Le  beau  chasseur  se  montre  docile 
comme  un  agneau  ;  bientôt  l'esquif  touche  à  la  plage  de 
l'île.  Malgré  la  simplicité  qui  règne  dans  !a  demeure 
d'Ellen,  le  chasseur  y  remarque  des  indices  qui  le  portent 
à  croire  que  le  père  d'Ellen  est  loin  d'appartenir  à  la  classe 
où  sa  pauvreté  paraît  le  reléguer  :  de  vieilles  armes  d'un 
fini  admirable,  d'un  poids  énorme,  garnissent  les  murs, 
de  la  chaumière.  Celui  qui  les  a  portées  a  dû  avoir  la  force 
d'un  athlète. 

Le  jeune  chasseur  qui  se  dit  appartenir  à  la  cour  du 
roi  Jacques  V,  donne  son  nom  :  "  Je  suis,  dit-il,  James 
Fitz-James,  chevalier  de  Snowdoun."  Il  ne  peut  quitter 
l'île  que  le  lendemain,  et  passe  une  nuit  fort  agitée.  Dans 
ses  rêves,  il  lui  semble  voir  la  belle  Ellen  :  tantôt,  il  mar- 
che à  ses  côtés  dans  la  forêt  ;  tantôt,  la  vision  change 
et  la  jeune  fille  lui  apparaît  sous  lei  traits  farouches 
des  Douglas,  dont  Bothwell,  un  des  chef,  est  l'ennemi  irré- 
conciliable du  roi  Jacques.  Le  chevalier  de  Snowdoun 
ignorait  alors  que  le  père  de  la  ravissante  Ellen  était  le 
redoutable  Bothv.'ell,  comte  de  Douglas,  renommé  dans 
toute  l'Ecosse  pour  sa  force  et  son  sombre  courage.  Ellen 
se  trouve  avoir  deux  prétendants  à  sa  main  :  Malcolm 
Grrcme,  jeune  guerrier,  et  Roderick  Dhu,  le  terrible  chef 
du  Clan  McAlpine.  Enfin,  pourvu  d'un  guide,  le  chevalier 
rejoint  les  siens.  Une  des  plus  magnifiques  descriptions 
du  poëme,  est  celle  du  Ficry  Cross,  cette  croix    fatidique 


Ml^ 


ESQUISSES 


;83 


rougie  de  sang,  symbole  de  guerre,  que  nul  Montagnard 
ne  peut  méconnaître  sans  encourir,  à  jamais,  une  note 
d'infamie.  Cette  croix,  le  chef  la  remet  aux  mains  de 
rapides  courriers  qui  marquent,  à  un  endroit  donne',  le 
lieu  de  rassemblement  des  Clans.  L'histoire  cite  des  cir- 
constances où  la  mystérieuse  croix  passée  de  mains  en 
mains,  a  parcouru  jusqu'à  trente-deux  milles  en  trois 
heures.  Roderick  Dhu  rassemble  les  guerriers  Î^Iontagnards, 
pour  faire  la  guerre  au  roi  et  à  sa  cour.  Le  chevalier  de 
Snowdoun,  malgré  le  danger  qu'il  y  aurait  pour  lui  à 
péuétrer  une  seconde  fois  dans  les  Hig/ilaiids,  où  Roderick 
Dhu  règne  en  souverain  et  en  fait  garder  tous  les  sentiers 
par  ses  hordes  féroces,  tourmenté  d'amour,  s'aventure 
auprès  d'Ellen.  Cette  dernière  lui  annonce  ciairemcnt  qu'il 
y  va  de  sa  vie  :  que  personne  ne  saurait  pénétrer  par  le^ 
défilés,  sans  tomber  aux  mains  des  Montagnards  de  Rode- 
rick Dhu.  James  Fitz-Jamcs  répond  fièrement,  qu'avec  sa 
fidèle  épée  à  son  côté,  il  ne  craint  homme  qui  vive  ;  puis, 
il  demande  à  la  belle  bergère  d'accepter  un  jonc  qu'il  lui 
remet,  lui  disant,  que  si  jamais  elle  est  en  péril  imminent, 
d'envoyer  ce  jonc  au  palais  et  de  réclamer  la  protection 
du  chevalier  de  Snowdoun.  ruis,Fitz-James  retrace  ses  pas. 

Le  chevalier,  chemin  faisant,  fait  la  connaissance  d'une 
espèce  de  sorcière,  à  laquelle  il  rend  service.  Sans  le  con- 
naître elle  lui  fait  une  prédiction  qui  lui  servira  plus  tard. 
A  quelques  pas  de  là  il  rencontre  un  montagnard  d'une 
stature  colossale  ;  il  le  questionne  sur  ia  révolte  de  Rode- 
rick Dhu  et  lui  parle  sans  ménagement  de  la  conduite  de 
ce  chef  de  Clan. 

Le  montagnard,  qui  s'était  offert  île  lui  servir  de  guide 
jusqu'au  dernier  défilé  de  la  forêt,  s'irrite  des  libres  propos 
de  James  Fitz-James  ;  il  est  sur  le  point  de  lui  livrer 
combat,  mais  se  rappelant  sa  promesse  de  le  conduire 
sain  et  sauf  au  défilé  en  question,  il  se  calme.  Bientôt,  à 
un  signal  donné  de  la  part  de  son  guide,  le  chevalier  est 
surpris  de  voir  chaque  taillis  retentir  des  cris  de  guerriers. 


i^! 


384 


SIR  WALTER  SCOTT 


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Des  épécs  etincelantes  surgissent  dans  chaque  buisson. 
Le  guide  le  rassure  tout  en  s'écriant  :  "Eh  bien,  Roderick 
Dhu,  c'est  moi  ;  je  t'ai  donné  ma  parole  de  te  conduire 
en  sûreté,  jusqu'au  dernier  défilé  de  la  forêt,  je  remplirai 
ma  promesse."  Le  chevalier,  après  les  propos  cavaliers 
qu'il  a  tenus  à  Roderick  Dhu  sans  le  connaître,  s'attend 
qu'arrivé  au  susdit  défilé,  ce  dernier  va  le  défier  au  com- 
bat. Il  ne  se  trompe  pas.  Fort  de  sa  rare  habileté  à  ma- 
nier l'épée  et  rassuré  par  la  prophétie  de  la  sorcière,  il 
essaie  d'éluder  une  lutte  ;  mais  en  vain,  le  farouche  chef 
de  Clan  lui  commande  de  tirer  son  épée  et  de  se  mettre 
en  ^arde  ;  de  suite.  Roderick  Dhu,  malgré  sa  force  mer- 
veilleuse, ne  peut  blesser  son  adversaire,  une  des  plus  fines 
lames  de  l'Ecosse.  Le  chevalier,  au  contraire  le  blesse  réi- 
térénient,  puis  le  désarme.  Le  montagnard  par  un  effort 
suprcme,étreint  son  ennemi  et  essaiede  l'ctouffer.Ils  tombent 
tous  deux  par  terre  et  Roderick  Dhu  essaie  de  percer  le 
chevalier  avec  un  poignard  dont  la  lame  mal  saisie,  vole 
au  loin.  Aftaibli  par  la  perte  du  sang,  Roderick  Dhu  est 
prêt  à  succomber  ;  le  chevalier  se  dégage  de  lui,  sonne  de 
la  cornemuse  et  les  compagnons  de  Fitz-James  arrivant 
à  cet  instant,  entraînent  Roderick  Dhu  de  vive  force  avec 
eux,  à  la  suite  du  chevalier.  Au  dernier  chant,  tout 
s'éclaircit. 

Le  roi  d'Ecosse  Jacques  V.,  souverain  débonnaire,  et 
tellement  aimé  de  son  peuple  que  le  vu'gaire  l'a  surnommé 
''Kiiig  of  thc  Conuiions,''  avait  fixé  ce  jour  pour  récréer  le 
public  par  des  luttes  de  force  et  de  jeux  athlétiques.  Le 
vieil  athlète  Douglas,  bien  que  disgracié  à  la  cour,  ne  put 
résister  au  plaisir  de  se  mêler,  déguisé  parmi  la  foule.  II 
était  suivi  de  ses  chiens,  et  parmi  ces  derniers  était  Lufra, 
l'ami,  le  gardien  de  sa  fille,  EUen.  Les  jeux  allaient  se  ter- 
miner, lorsqu'un  seigneur  de  Ja  cour  entreprit  de  lâcher 
un  beau  cerf,  afin  que  les  pages  et  les  grands  seigneurs 
pussent  le  chasser.  C'était  à  qui  le  prendrait.  Lufra, 
docile  à  ses  instincts,  s'élance  à  la  poursuite  de  l'animal    et 


ESQUISSES 


38s 


le 


lut 
II 


ker 
1rs 


et 


lui  enfonce  ses  dents   dans   le   flanc.    Les  grands,    de  se* 
récrier  ;  on  frappe,  on  veut  assommer    le    malencontreux 
Lufra.  Douglas,  qui  aimait  passionnément  ce  chien,  acco\irt. 
Le  peuple  qui  avait  toujours  éjjrouvé  de  l'admiration  pour 
la  force   du   comte,    même    après   sa  disgrâce,  l'acclame. 
"Arrière,  manants  !   "  s'écria  le  vieillarci  courroucé,  et    du 
premier  coup,  il  fait  mordre   la  poussière    à   un    page    qui 
venait  de  frapper  son  chien.  Tout  est  tumulte  à    l'instant. 
Le  peuple  s'ameute,  veut  prendre  la  part  du  vieillard.     Le 
roi  s'irrite,  en  apprenant  que  le  comte   de    Douglas,    dcjfà 
disgracié,  est  la  cause  de  l'émeute  ;  il  se  répand  en  mena-« 
ces  ;    Ses    gardes    l'ont    une   charge   sur    la    populace    et 
entraînent  le  vieux  guerrier  prisonnier  à  un  corps  de  garde 
voisin.  VAlen  Douglas,  informée  de  ce    triste    incident,    se 
fait  conduire  au  corps  de  garde.  Toute  cette  scène  est  d'une 
rare    beauté.       Elleîi     y    trouve    Roderick    Dhu    presque 
mourant,  et  son  amant    Malcolm    Gramme,    arrêté   comme 
partisan  du  chef  révolté.  Dans  ses    alarmes,    pour   sauver 
les  jours  de  son  vieux  père,  qu'elle  pense  perdu  à  jamais,  elle 
seressouvient  deson  jonc  et  demande  à  grands  cris  qu'on  la 
conduise  au  chevalier  de  .Snowdoun,  pour  le  prier  d'implo- 
rer pour  elle,  la  clémence  du  roi  qu'elle  ne  connaissait  pas. 
L(;  chevalier  de   Snowdoun,   instruit    de   sa    présence    au 
palais,  reprend  son  costume  de  chasseur,    qu'il    avait    lors 
de  sa  visite  aux    Ilighlands,    reçoit    respectueusement    la 
belle  Ellen,  qui  lui  exhibe  son  jonc  et  lui  rappelle  sa  pro- 
messe.  Le  chevalier  lui  promet  une  entrevue  avec    le    roi , 
Puis,  le  lecteur  retrouve  une  de  ces  magnifiques  scènes  de 
cour  où  excelle  le  pinceau  de  Scott  :  on    introduit    Ellen, 
qui  éblouie  de  tant  de  faste,  se  réfugie,  tremblante,  près  du- 
chevalier  de    Snowdoun.  I^ientôt,    à    la   vue    du    beau    et 
galant    roi,   Jacques    V..    toutes    les    dames    de    la    cour 
et  les  grands  seigneurs  se  découvrent  ;   le  seul    cpii    ne    se 
découvre  pas,  c'est  le  beau  chevalier  de  Snowdoun, — le  roi 
d'Ecosse.    Le  roi  reprend  son  jonc,  donne    un   baiser   res- 


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386 


SIR   WALTF.R    SCOTT 


pectueux  à  sa  ravissante  amie  des  Highlands — lui  accorde 
la  grâce  de  son  père  et  de  son  ani  'nt,  Malcolni  Grieme. 

ROKKllV. 

Disons,  pour  le  moment,  adieu,  aux   bruyères  odorantes 
•de  la  Calédonio. 

L'ouest  de  l'AniTUiterre,.  le  Vorkshirc,  contenait  le  cristcl 
d'un  des  amis  intimes  de  Scott,  —  Rokeby  Park,  le  superbe 
domaine  de  J.  !>.  S.  Morritt.  Arrosé  par  les  gracieuses 
rivières  Grcta  et  Tees,  le  site  ;i,  je  ne  sais  quoi  de  sauvage, 
d'imposant.  Le  château  actuel  a  été  érigé  sur  les  ruines 
•<j^un  antique  donjon  féodal,  datrmt  de  l'ète  Normande, 
vers  1066.  Aux  jours  de  son  premier  possesseur,  le  l'>aron 
de  l'okeby,  il  y  avait  là  une  soli.ie  tour — Mortham  Tower. 
Ces  vieux  murs  délabrés  se  hérisseront,  plus  tard,  d'in- 
nombrables chroniques  de  guerre,  de  cruauté  féodale,  de 
noires  vengeances.  l'>lle  avait  été,  cette  tour  incendiée, 
rasée,  rebâtie  pendant  et  après  les  guerres  civiles.  Plus 
tard,  en  1644,  un  de  ses  châtelains,  pour  avoir  dan?  son 
dévouement,  épousé  la  cause  de  Charles  I,  contre  Cromwell, 
après  la  sanglante  journée  de  Marston-Moor,  si  désastreu- 
ses aux  intérêts  du  roi,  subit  d'incroyables  revers. 

Dans  le  voisinage,  gisaient  les  tourelles  menaçantes  du 
majestueux  château  ou  forteresse  des  P)aliol, — Baniard 
Castlc — construit  par  Barnard  Paliol,  l'ancêtre  de  l'éphé- 
mère dynastie  des  Baliol,  qui  donna  des  souverains  à 
l'Ecosse. 

Ceci,  c'est  de  l'histoire  ;  voyons  le  roman. 

Un  sombre  drame  enveloppait  de  ses  ombres  mys- 
térieuses, les  grottes  et  les  vallées  de  la  rivière  Greta  et  de 
sa  murmurante  sœur,  la  Tee.s.  La  fille, — d'autres  disent 
l'épouse — jeune  et  jolie,  d'un  des  seigneurs  de  Rokeby, 
avait  été  trouvée  sur  la  voie  publique,  près  de  Barnard 
Castle,  baignante  dans  son  sang.  Qui  était  l'assassin  ^ 

Les  légendes  populaires  y  apportaient  leur  contingent 
obligé  *'  de   blancs  lantômes,  de  spectres  funèbres  "   pen- 


II': 


ESQUISSLS 


387 


mys- 
et  de 
disent 
keby, 
■iiard 


pen- 


dant le  silence  des  nuits.  Ajoutez  aux  splendeurs  du 
paysage  naturel,  les  plantations  d'arbres  et  les  ornements 
dus  au  goût  du  riche  propriétaire  ;  illuminez  le  tout  du 
sourire  bienveill.^nt  d'un  ancien  ami  et  vous  trouverez, 
dans  Ro/v'cbj,  plus  de  matériaux  qu'il  n'en  faut  pour  (|ue  le 
grand  magicien  sache  en  évoquer  une  de  ces  féeriques 
visions  poéticjues  qui  ravssaient  les  contoni[)orains  de 
Scott  :  un  pocrne  mélodieux,  en  six  chants,  qu'il  dédiera  à 
J.  H.  S.  Morritt,  le  dernier  jour  de  l'an  1S12. 

La  scène  est  présumée  commencer  cpielqucs  jours  a[)rè-^ 
le  3  Juillet  1644  ;  la  fortune  venait  de  se  déclarer  contre 
Charles  I,  à  Marston-Moor.  Paiini  les  prisonniers,  se  tro<l- 
vait  !c  baron  de  Rokeby  ;  sa  fill-^*,  Mathildn,  restait  on 
posse^sio!!  (le  son  castel.  Le  château  voi>iii  Moytlun)i 
T(ru<n%  était  également  veuf  de  son  noble  et  très  riche 
propriétaire  Philip  de  Mortham.  Il  avait,  (lisait-on.  disparu 
du  champ  de  bataille  :  on  le  disait  mort.  Son  plus  proche 
héritier  se  nonimait  Oswald  \Vycliffe.  Or,  Oswald,  i)Our 
s'emparer  de  cet  héritage,  avait  commissionné  un  ancien 
corsaire,  son  ami,  ayant  nom  l^ertram  de  Risingham,  de 
tuer  son  parent  l'hilip  de  iMortham.  Le  salaire  du  crime 
devait  être  pour  Bertram,  le  partage  d'un  certain  trésor 
enfoui  dans  les  voi'ites  du  castel,  provenant  du  sac  de 
certaines  îles  espagnoles,  pendant  la  guerre  de  1625. 

Oswald  Wycliffe  a  un  fds,  Willrid,  lequel  est  fort  amou- 
reux de  sa  belle  voisine  Matilda  Rokeby.  Cette  dernière 
lui  préfère  un  valeureux  jeune  homme  du  nom  de  Red- 
mond qui  a  sauvé  la  vie  à  son  père,  le  Baron  de  Rokeby. 
Wilfrid  n'en  continue  pas  moins  ses  avances.  Osv/ald 
Wycliffe,  que  le  trioniphe  de  Croin\\i;H  rcnt\  tout-puissant, 
veut  couronner  ses  projets  ambitieux,  en  forçant  Matilda 
d'épouser  son  fils  Wilfrid  par  des  menaces.  Fort  de  sa 
position  avec  l'autorité,  il  laisse  entrevoir  à  Matilda,  la 
mort  prochaine  de  son  père,  à  elle, — si  elle  refuse  la  main 
de  Wilfrid.  Puis  vient  un  tableau  fort  animé  :  le  combat 
et  l'incendie  de  Rokeby  Castlc  par  une  bande    de    forcenés 


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388 


SIk    WAI/IKK   SCOTT 


ri 


p. 


que  le  féroce  Hertram,  à  la  faveur  de  la  guerre  civile,  y 
introduit  pour  en  enlever  le  trésor  de  Philip  de  Morthatn. 
Les  stratagèmes  dont  Hertram  se  sert  pour  pénétrer  dans 
cotte  place  forte,  donnent  au  {)octc  occasion  d'extraire  de 
l'incpuisablf  mine  de  son  imai;ination  de  beaux  diamants 
poétiques,  d'oxluimer  de  touchantes  ballades,  îles  lais  des 
anciens  jours. 

Une  foule  de  dramatiques  incidents  se  groupent  dans  le 
sixième  chant.  La  mort  inatteuilue  de  VVilfrid  déjoue  les 
projets  an\bitieux  d'Oswaid  WyciitTe,  son  père.  Matilda, 
rendue  à  la  liberté,  épouse  Redmond,  qui  se  trouve  être 
un  jeune  noble  que  l'on  avait  cru  lîiort.  et  le  Haron  de 
Rotceby  n'est  ni  pendu,  ni  écartelé. 

Avant  même  que  Rokchy  fût  commencé,  les  libraires 
avaient  offert  à  Scott  i.ooo  guinées  pour  le  droit  d'au- 
teur de  ce  poème.  Scott  qui  avait  grand  besoin  de  numé- 
raire, pour  continuer  les  travaux  qu'il  méditait  à  i\bbots- 
ford,  accepta.  Ce  qui  donna  lieu  à  un  petit  scandale  litté- 
raire, dénoncé  par  Byron  et  Tom  Moorc  :  le  premier,  dans 
sa  sanglante  satyre,  ''liiiglish  Fmnis  ê/  Scotch  Rcvici^'crs  ;  " 
le  second,  dans  le  ''Tivo  Potiiy  Post  Bag!' 

A  vrai  dirf,  Scott  n'avait  pas  droit d'escomoterjd'avancc 
siMi  avenir  littéraire,  Scott  répliqua  que  cela  le  regardait 
seul,  et  qu'il  avait  droit  d'accep  er  ou  de  refuser  une  offre 
avanta;,3eustj  pour  les  travaux  de  sa  plume. 

Dans  Rokchy,  ce  n'était  plu-;  wwk  scène  du  pays  natal 
retracée  avec  art,  la  voix  inspirée  du  barde  national  célé- 
brant les  fistes  de  l'Kcosse,  mais  un  ravissant  paysage 
anglais,  une  intrigue  anglaise  habilement  ourdie.  Malgré 
ses  nombreuses  beautés,  le  poëme  ajouta  peu  à  la  vaste 
renommée  de  Scott  en  l'Lcosse.  Morrit,  dont  le  château  se 
Irouv.ut.  iminortalisé,  au  contraire,  prôna  partout  le  nou- 
veau lai,  alléguant  que  c'était  le  chef-d'œuvre  du  barde 
d'Abbostford  ;  c'était  tout  au  plus  une  perle  ajoutée 
à  la  couronne  qui  ceignait  le  front  de  l'illustre  poète. 


KSQUISSES 


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TIIK  I.ORI)  Ol    TIIK  ISLKS. 

Le  voyage  entrepris  par  Scott,  aux  IlébriLles,  en  1S14, 
lui  ouvrit  de  nouveaux  hori/.ons  littéraires,  11  y  trouva  L-s 
personnages  pour  un  de  ses  njinan.s  les  plus  lus —  '/V/t  J^irafi 
— aussi  bien  que  [)our  un  poënie  épique  en  six  chants, 
publié  le  iiS  janvier  1.8 15.  C'est  encore  en  faisant  vibrer 
fortement  la  corde  de  !a  nationalité  que  nous  verrons 
triompher  son  rare  talent. 

Qui  veut  remuer  la  fibre  d'un  Montagnard  d'I'A:osse   n'a 
qu'à   prononcer   le    nom   de    Uruce,  l'héroïque    Hruce   qui 
vivait  au  quatorzième  siècle,  roi  détrôné  par   l'Angleteiro, 
puis    reconquérant  le   trône  par  sa   vaillance  ;    Jîruce,  le 
"  Royal  Bruce,"  qui    par  sa  force    ressemblait  à  Milon  de 
Crotone,    à  lUchard  Cœur-de-Lion.  par  son  courage  impé- 
tueux,   à  Henri  IV  de  France,  par  sa  générosité,  sa  galan- 
terie,   à  Charles  XII  de  Suède,  par    sa    persévérance,    se-^ 
revers,  ses  succès.  Un  guerrier  qui,    secondé    par    un    seul 
combattant,    met  au  ilcfi  et  assomme  à  la  fois  cinq    assail- 
lants bien  armés,  aux  )'eux  d'un  Montagnard  d'E:ossc  est 
un   héros  accompli,    Tene/.-vous-le    pour    dit,    aucun    fait 
d'armes,  dans  toute  l'histoire  de   la   Calédonic,    i>'e>t   plus 
cher  à  un  l'xossais,  cjue  la   bataille  de   Bannockburn,   qui, 
!e  23  juin  13  14,  après  trois    sanglantes   défaites,   rendait  à 
Robert  Bruce,  le  trône  de  l'Ecosse  et  aux  Ecossais,   leur 
liberté.  Bien  que  Bruce  soit  !a  figure  dominante  du  poème, 
il  n'en  est  pourtant  pas  le  héros.  A  l'ouest  de  l'Ecosse,  il  est 
un  groupe  d'îles,   au   nombre   de  deux  cents  et  plus,   les 
Hébrides.  Islay,  la  i)lus  fertile,    était,    au  treizième    siècle, 
l'ancienne  capitale  de  rarchii)el,  sinon  l'île  la  plus  considé- 
rable. Là;  le  grand  MacDonald,  le  souverain,   y  tenait  sa 
cour  :  il  se  nommait  T/w  I.ord  of  ihc  Islcs. 

On  y  voit,  à  ce  jour,  les  restes  du  palais,  et  de  la  cha[jelle. 
Là  aussi,  se  tenait  la  cour  suprême  de  rarchi[)el  ;  quatorze 
juges  y  siégeaient  avec  jurisdiction  en  appel  ;  la  onzième 
partie  des  sommes  en   litige  allait   au  juge  en   chef.    Ce 


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390 


SIR  WALTER   SCOTT 


il 


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juge-là  avait  un  intérêt  direct  à   ne  pas  laisser    manger  en 
entier  la  succession  par  les  avocats,  n'est-ce  pas  ? 

Le  récit  commence  au  printemps  de  1307,  au  moment 
où  Bruce,  chassé  de  ses  états  par  l'Angleterre  et  par  ceux 
de  ses  barons  qui  favorisaient  la  domination  étrangère, 
revenait  de  l'île  deRachrin,  sur  les  côtes  de  l'Irlande,  pour 
de  nouveau  faire  prévaloir  ses  droits  à  la  couronne 
d'Ecosse. 

Un  bon  nombre  des  incidents  et  des  personnages  du 
poëmc  ont  une  célébrité  historique.  La  scène  s'ouvre  au 
château  d'Artonish,  sur  les  côtes  de  l'Ecosse,  puis  se 
continue  dans  les  Iles  de  Skye  et  d'Arran,  pour  se  terminer 
à  Stirling. 

Il  s'agit  d  épousaii'.es  au  château  d'Artonish.  Le  jeune 
Ronald..  Roi  des  Iles,  Lord  of  thc  IsLs,  y  vient  épouser  sa 
lîancée,  la. belle  Edith,  la  sœur  de  MacDougall,  Lord  of 
Loni,  puissant  chef  de  clan.  On  n'attend  que  l'arrivée  du 
religieux  qui  doit  prononcer  la  bétiédiction  nuptiale  ;  tout 
à  coup,  le  sénéchal  du  château  vient  annoncer  au  milieu 
du  banquet,  l'arrivée  inattendue  d'une  galère  portant  deux 
étrangers  distingués  par  Uur  pnrt  majestueux  et 
leurs  formes  athlétiques.  L'hospitalité  a  des  tlroits  invio- 
lables :  lC;s  deux  étrangers  sont  admis  à  l.i  fête  et  chose 
singulière,  le  maître  des  cérémonies,  par  un  instinct  qui 
paraît  inexplicable  et  qui  blesse  fort  les  convives,  leur 
assigne  une  place  à  côté  du  maître  même  du  château.  Qui 
donc  sont  les  majestueux  étrangers  ?  Les  coupes  circulent 
et  le  ménestrel  du  château  entonne  ui\  chant  de  victoire, 
retraçant  la  vaillance  d^  Lord  of  Lorii  et  ime  prétendue 
victoire  qu'il  aurait  remportée  dans  une  lutte  personnelle 
avec  le  roi  détrôné,  le  bouillant  l^ruce.  Les  deux  étrangers 
qui  ne  sont  autres  que  Robert  et  son  frère,  Edouard 
Bruce,  ne  peuvent  supporter  plus  longtem[>s  un  propos 
aussi  mensonger,  se  font  connaître  et  défient  au  combat 
le  Lord  of  Loni  et  ses  adhérents,  Lorn  avait  contre  Bruce, 
une  violente  animosité  de  famille.  On  veut  saisir  les  prin- 


ESQUISSES 


391 


ces  fugitifs  ;  le  fiancé  d'Edith  of  Lorn,  Ronald,  épouse  le 
parti  du  prince  malheureux  et  se  déclare  pour  son  roi 
légitime,  ce  qui  irrite  tellement  le  Lord  of  Lorn,  qu'il 
rompt  de  suite  l'alliance  projetée  avec  sa  sœur.  La  situa- 
tion était  plus  que  sombre  pour  l'héroïque  monarque, 
lorsque  tout  à  coup  arrive  l'abbé  qui  devait  prononcer  le 
Coujungo  vos.  On  se  décide  de  part  et  d'autre  à  laisser  au 
bon  religieux  à  déterminer  si  le  prince  malheureux  et  son 
frère,  seront  livrés  au  souverain  anglais.  L'abbé,  homme 
d'esprit  autant  que  bon  patriote,  décide  péremptoirement 
contre  le  Lord  of  Lorn,  reconnaît  Bruce  pour  son  vrai  sou- 
verain et  refuse  de  procéder  outre  avec  les  épousailles.  Le 
seigneur  de  Lorn  et  le  Roi  des  Islcs,  brouillés,  se  séparent. 
La  situation  se  complique  quand  l'on  vient  dire  au  Lord 
of  Lorn  que  sa  sœur  Edith  est  disparue. 

Les  deux  Bruce  et  leur  page  reprennent  leur  galère  et 
côtoient  les  côtes  de  l'Ecosse.  Ayant  mis  pied  à  terre,  ils 
font  rencontre  de  cinq  individu?  armés,  à  mine  fort  équi- 
voque :  ce  sont  des  partisans  du  Ljord  of  Lorn.  Forts  de 
leur  nombre,  ils  attentent  à  la  vie  du  roi  et  à  celle  de  son 
frère  ;  le  pauvre  page  est  tué,  mais  la  force  incomparable 
des  deux  Bruce,  leur  donne  la  victoire  sur  le  nombre.  Les 
cinq  ennemis  restent  sur  le  carreau  ;  I^douard  Bruce 
s'aperçoit  qu'ils  avaient  avec  eux,  comme  prisonnier,  un 
jeune  homme  d'une  grande  beauté,  mais  frappé  de  mutisme. 
Le  pauvre  muet  change  de  maîtres  et  se  fait  remarquer 
par  11  noire  mélancolie  qui,  de  temps  à  autre,  l'obsède. 

Le  roi  fugitif,  aidé  de  par  plusieurs  zélés  adhérents, 
prépare  son  armée,  pour  frapper  «Je  grand  coup  à  Ban- 
nockburn. 

Parmi  ceux  qui  rejoignent  ses  étendards,  se  trouve 
Ronald,  le  Roi  des  lies,  lequel  essaie  d'oublier  le  désap- 
pointement, qu'il  éprouva,  de  n'avoir  pu  épouser  la  r.ivis- 
santé  Edith  Lorn.  Il  réussit  si  bien  à  maîtriser  sa  peine  de 
cœur,  qu'il  se  décide  à  demaiidcr  à  son  souverain,  la  main 
d'Isabel'e  Bruce,  la  sœur  du  t-oi  ;  mais  Robert  lui  répond 


Il     \  \.  ' 


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392 


SIR    WALTER   SCOTT 


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que  sa  sœur  a  renoncé  au  monde  et  qu'elle  est  recluse 
dans  un  cloître,  à  Ste-Bnde.  Il  se  décide  néanmoins  à  lui 
déclarer  son  amour  et  emploie,  pour  cela,  le  jeune  page 
muet.  Le  jeune  page  y  consent,  mais,  arrivé  en  présence 
d'Isabelle,  il  tombe  comme  affaissé  sous  le  poids  de  la 
douleur. 

Cet  incident   donne    lieu    à   un     admirable     dialogue. 
Puis  vient  la  grande,  la  mémorable  bataille  de    Bannock- 
burn.  Bruce  remonte  sur  le  trône  ;  les  Ecossais  redevien- 
nent libres.     Tout   s'explique  :  Isabelle    ayant    fait    des 
vœux,  renonce  au  monde  ;  la  belle  Edith  délaissée,  reprend 
SCS  droits  ;  le  page  muet,  envoyé  par  Ronald    en    ambas- 
.~,ade  auprès  d'Isabelle,  au  couvent,  c'est    tout    simplement 
I^dith  elle-même  :  elle  épouse  l'amant  de  .sa  jeunesse  ;  ils 
sont  heureux.     Le  poète  a  su  animer  de  son  souffle   divin 
une  toule  d'incidents  secondaires,  que  le  manque   d'espace 
nous  empêche  de  développer  ici.     En  somme,  si  le  pocme 
a  quelques  défauts,  il  a  de  nombreuses  beautés. 

Scott  est  certainement  un  grand  maître,  un  "savant 
{)aysagiste  à  la  plume  ",  comme  dirait  Sainte-Beuve. 
l''crtilité  d'invention,  délicatesse  de  touche,  coloris  du 
style,  contrastes  frappant'^,  situations  éminemment  dra- 
matiques, rien  ne  lui  manque  ;  rien,  que  d/s-je,  rien  excepté 
la  faculté  de  remuer  puissamment  les  cours.  Au  moment 
où  ///<•  Lord  of  tlic  Islrs  paraissait,  un  autre  binle,  hélant 
des  rives  de  la  Tamise,  ravissait  et  épouvantiit  le  nionda 
des  lueurs  de  son  sombre  génie — Lord  B\Ton.  Il  réunissait 
au.x  rares  qualités  d  •  Scott,  un  do:i,  une  î)rérO:^ative  céleste 
que  Scott  n'avait  pas  :  \^  vis  tragica,  (\^\  empruntait  ses 
accents  au  sinistre  désespoir  d'un  esprit  blasé,  à  l'âge  de 
vingt-cinq  ans.  Byron  a/iiten  outre  pour  lui  le  prestige 
de  la  nouveauté. 

Il  faut  lire,  dans  Lockhart,  les  aveux  cpae  la  renommée 
croissante  du  chantre  d'Harold  arrache  au  barde  d'Abbots- 
ford.  Le  Grand  Magicien  du  Nord  a  rencontré  un 
Magi:ien,  son  égal — qui  sait,  p.eut-ctre  plus  puissant    qu'il 


KSQUISSES 


393 


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uii 
qu'il 


ne  l'est.  Il  en  prend  son  parti  avec  sérénité,  sans  aigreur. 
N'aurait-il  pas  dans  son  domaine  une  mine  encore  plus 
précieuse  que  la  poésie  ?  Une  monture  encore  plus  vigou- 
reuse que  son  Pégase  ?  Il  va  l'essayer  ;  et  voilà  comment 
Scott  devint  prosateur — romancier — le  plus  grand  roman- 
cier que  l'Europe,  jusqu'alors,  eût  connu. 

SCOTT,  ROMANCIKK, 

Nou..  avons  esquissé  Scott  comme  poète,  nous  allons  le 
considérer  comme  prosateur, 

Pénétrons  dans  ce  merveilleux  bazar  de  curiosités  litté- 
raires, les  IVavcrUy  Novels.  Cette  longue  série  de  romans 
historiques,  dont  le  premier  parut  en  1S14,  fut  plus  tard, 
comprise  en  entier  sous  le  titre  de  Waverfcy  N'ovcls. 

Le  nom  de  l'auteur,  comme  l'on  sait,  était  inconnu  du 
public  ;  ce  ne  fut  qu'en  1S27,  à  un  grand  dîner  que  Scott 
en  assuma  la  paternité. 

Que  le  barde  d'Abbotsford  soit  devenu  riche,  opulent, 
grand  jiropriétairc,  possesseur  do  château,  rien  de  bien 
étonnant  en  tout  ceci.  Chaque  carrière,  chaque  industrie, 
a  eu  ses  enfants  gâtés  ;  le  barreau,  le  négoce,  la  financtj 
ont  tous  pu  compter  d'heureux  favoris.  Mais  ce  qui  est  de 
nature  à  étonner,  comme  le  remarque  Ilowitt,  "c'est  qu'au 
moment  où  en  Angleterre,  toutes  les  carrières  litté- 
raires semblaient  encombrées,  les  mitcriaux  poétiques 
épuisés,  un  jeune  avoué  eût  pu  exhumer  des  lianes  infé- 
conds du  Parnasse,  avec  une  renommée  européenne,  des 
lingots  du  précieux  métal  si  nombreux  que  le  Mexique, 
le  Pérou,  seuls,  en  pourraient  fouriu'r  de  semblables." 

Les  sillons  d'ordinaire  si   stériles    de    la    littérature,    ce 
terrain  célèbre  par  les  désasttes  de  ceux  qui  l'ont    cultivé, 
avaient,  en  bien  peu  d'aimées.donné  un  rendement  de  près 
d'un  demi-million    de    livres    sterling  (/^5Oo,0O0A  comme 
nous  le  verrons  plus  tard. 

Pour  que  ie  lecteur  français  soit  en  état  de  rendre  jus- 
tice au  talent  transcendant  de   Scott  comme  prosateur,    il 


m:^ 


394 


SIR   WALTER   SCOTT 


I 


lui  faudra  d'abord  se  dégager  d'une  prévention  assez  na- 
turelle. Il  doit  oublier  que  le  chantre  de  Marmion  a  été 
aussi  le  biographe  de  Napoléon  I.  Tous  les  écrits  de  Scott 
n'ont  pas  le  même  mérite.  Un  des  moins  bons,  bien  qu'il 
soit  aussi  l'un  des  plus  volumineux,  se  trouve  être 
son  histoire  de  Napoléon,  en  neuf  volumes,  imprimée  en 
1S27.  Cet  écrit  eut  un  double  tort  aux  yeux  de  ceux  qui 
hélaient  d'en  deçà  de  la  Manche  :  il  blessait  la  susceptibi- 
lité française,  sans  toujours  respecter  la  vérité  historique. 
Scott,  contemporain,  par  cela  même,  ennemi  de  la  révolu- 
tion française  et  du  règne  de  la  terreur,  actif  officier  de 
volontaires  écossais,  ardent  patriote,  se  sentait  porté  à 
haïr,  plutôt  qu'à  admirer  le  "Grand  Ravageur  des  Nations," 
celui  qui  en  1804,  avait  menacé  l'Angleterre  d'une  des- 
cente, celui  qui  plus  tard  remua  ciel  et  terre  pour  ruiner 
le  commerce  de  la  Grande  Bretagne,  par  le  blocus  conti- 
nental. 

Comme  ses  compatriotes  a  Edimbourg,  Scott  avait  subi 
et  ressenti  vivement  les  alarmes  incessantes  de  l'époque.  Il 
pouvait  donc,  sans  le  savoir,  être  partial,  contre  l'ennemi 
juré  de  sa  patrie.  D'abord  la  mort  de  Napoléon  était  beau- 
coup trop  récente  pour  que  l'histoire  pût  formuler  un  juge- 
ment en  dernier  ressort  sur  ses  actes.  Scott,  l'homme  uni- 
versel, l'admirateur  passionné  du  duc  de  Wellington,  son 
ami,  ne  put  résister  aux  offres  que  les  lords  Hathurst  et 
Mel ville  lui  firent  de  ui  donner  accès,  dans  les  archives 
secrètes  du  gouvernement,  à  des  pièces  tout  à  fait  incon- 
nues et  jetant  des  Ilots  de  lumière  sur  plusieurs  actes  de 
la  carrière  de  Napoléon  et  sur  son  séjour  à  Ste  Hélène. 

"Une  biographie  détaillée  du  grand  capitaine,  par  Scott 
aurait  en  ce  moment,  un  succès  rare  en  Angleterre,"  lui 
répétaient  ses  amis  :  les  libraires  lui  offraient  d'avance  de 
vastes  sommes  pour  son  manuscrit.  La  vie  de  Napoléon  lui 
rapporta  ;^  18,000  sterlg  :  c'en  était  plus  qu'il  n'en  fallait 
pour  l'engager  à  persévérer,  lui  qui,  en  1826,  avait  juré  de 


KSQUISSKS 


395 


perdre  sa  main  droite  plutôt  que  de  ne  pas  payer  ses  cré- 
anciers par  le  produit  de  sa  plume."  En  1825,  comme 
associé  secret,  il  s'était  trouvé  enveloppé  dans  la  banque- 
route de  ses  libraires  :  les  Constable  et  les  Ballantines. 

Après  un  demi-siècle  de  méditation,  à  peine  sait-on 
encore  à'quoi  s'en  tenir  sur  le  compte  de  l'Ogre  de    Corse. 

Que  le  lecteur  français  oublie  donc  que  Scott  fût  histo- 
rien, pour  ne  voir  en  lui  que  le  plus  aimable  des  racon- 
teurs, le  créateur,  le  père  du  roman  historique,  mais  dont 
l'école,  comme  celle  de  Chateaubriand,  mourra  avec  son 
fondateur.  Lui  donnerons-nous  le  pas  sur  le  prince  des 
romanciers  modernes,  Alexandre  Dumas  ?  Certainement, 
si  l'on  veut  voir  en  Scott  plus  qu'un  grand  artiste,  plus 
qu'un  incomparable  "paysagiste  à  la  plume,"  si  l'on  cher- 
che en  lui  un  moraliste  aussi  agréable  que  solide. 

Walter  Scott,  c-.t  un  de  ces  bardes  religieux  et  dignes 
dont  parle  Virgile — (]ui  ont  droit  à  de  blanches  couronnes. 

"  Qiiiqiit  pli  l'aies  et  Pluebo  digna  locn'ti 
Omnibus  his  nivtâ  cingiintur  Hniporc:  vittâ.  " 

Sa  devise,  e(jnKnt'  homme,  c'est  l'honneur,  le  patriotisme, 
la  magnanimité,  lui  v:iin  chercherez-vous  parmi  les  déli- 
cieuses créations  de  son  génie  :  Flora  Mcivor,  Rose  Brad- 
wardine,  Kebecca,  la  belle  juive,  la  malheureuse  Lucy  Ash- 
ton,  Amy  Robsart  li  délaissée,  la  pauvre  l'.tTie  Deans,  son 
humble  et  hétoïquc  sœur  Jeani  ',1a  ravissante  Diana  Vertion, 
Minna  et  l^renda  Troël  ;  en  vain,  dis-je,  eherchere/.-vous  des 
"  Dames  au  Cameli.i,  "  des  lionnes  du  i.lemi-monde,  des 
Manon  Lescaut,  des  Luira  ['"air,  les  héroïnes  tarées  de 
Balzac,  de  .':)Uc,  de  Zola,  etc.    (1) 

Au.\  romans  Iiisti.)ri(|ues  de  Scott,  on  [)eut  appliquer 
sans  crainte,  la  tna.\inie  comuie  :    "  La  mère  en  permettra 


(1)  "lii'H  iiayaaROi*  .Il  W  iltt  r  Srolt,  dit  Visiiil,  sont  (oiiumi' «  eux  lii'  IVnMon,  non  pii'< 
iini^  ili  !-cii|)tion  d'uiM!  s  iiitiin',  nmis  un  tIkjix  di'  ci'  nue  iioii»  avfjii»  vu  ou  r^vù  d>' 
Iraic,  do  liiiiiineux,  de  ])itli)rrsi|iii' et  di' cliaiMiint .  Noua  rrsidioii;*  la  fciti'lieur  ilo  ivs 
Il:l.v^^a^;l's,  iiDUB  cioyona  y  Otrc  ilr  notre'  piTsuiiiio.  .lu  ni'  siiiH  ]i.is  di'  livre»  qui  t'aSKont 
plus  «Mtti'  illusion  nui'  bs  roiiMim  ili.'  WultiT  Srott  ;  on  y  >i)roiiv«  touti»  Ich  st'iisations, 
ou  y  a  toute  la  pK'iiitudi'  d  aitivité  et  de  vio  de  se»  iiersonnaKes  :  iuKi!4iniition  aimalile 
et  bicnfaisnnto,  ([ui  n'a  jamais  t't6  inspirée  ijue  par  le  df'sir  d'entretenir  la  Hiinpliciti» 
de»  seiitiinents  et  la  vérité  den  sensations,  «ani  une  ombre  d'effort  i)our  exulter  notre 
sensibilité  et  nous  dé^oCter  des  choses  qui  «ont  à  notre  portée.''  Ktinlas  p.  '250. 


39^ 


SIR   WALTER    SCOTT 


la  lecture  à  sa  fille.  "  Loin  d'admettre  que  les    matériaux 
littéraires  lui  manquaient,  Walter  Scott,   par    ses  œuvres 
varices,    a    démontré  qu'il  n'y  avait  pas  un  seul    coin   de 
l'Ecosse  ou  de  l'Angleterre,  où  la  nature  n'eût  semé  quelque 
ravissant     paysage    :  l'histoire,     une    tradition,      un    fait 
d'armes,    une  légende  ;  les  mœurs,  une  peinture  qui,    sous 
la  touche  vivifiante  du   grand    magicien,    ne  pijt,    comme 
pocme,  comme  roman,  comme  ballade,  se  transformer    en 
un  tableau  aussi  brillant  qu'il  était  majestueux.     Un    seul 
coup    de  sa  baguette  suffisait    pour  tirer    de    ces  vieilles 
annales,    où    l'histoire    reléguait  les    pâles    ombres,    les 
squelettes  ternes  et  desséchés  des  trépassés,  des    hommes 
en  chair  et  en  os,  d'une  frappante  réalité  où  d'une  idéalité 
fascinatrice.  L'on  voyait,   comme  l'observe  judicieusement 
Howîtt,   surgir,  se    mouvoir,    vivaces    de   jeunesse   et   de 
beauté,  dans  l'éclatant  tableau,   le  triomphe  de  l'ambition, 
l'énergie     du    crime  :    Bruce,    Jacques    V,     Jacques    VI, 
Richard,    Cœur  -  de  -  Lion,     Elizabeth,     Marie,       reine 
d'Ecosse,     Leicester,    Jacques  I   d'Angleterre,    Mruitrosc, 
Claverhouse,     le     Duc     de    Cumberlanci,     surnomme     le 
boucher.     Non-seulement,    on  assistait  ei"i    jjeisonne    aux 
luttes  fiéleuses  des   Covciiantcrs,    aux   combats   lîes    clans, 
les  amis  des  Stuarts  ;  mais  des  personnages  nouveaux   .-.e 
groupaient  en  foule  sur  la  scène,    les    uns    séduisants    par 
leur  beauté,    leur  bravoure,    leur    mile    fierté»  ;   les    <;utrcs 
amusants  par  leurs  excentricités  ;   tout  comme  si    l'enfan- 
tement de  tant  de   prodiges    n'avait  coût-'   aucun   effort: 
témoins  le  Baron  de  Bradwardine,  Dominie  Sampson,  Aleg. 
jVlerrilies,  Eddie   Ochiltree,  Dugald  Dalgetty,  Baille  Nicol 
Jarvie.Andrew  Fairservice,Caleb  Balderstone  etrathlétiqu(î 
et    excellent    paysan     Dandie,     Diimiont,     avec  sa  meu- 
te de    Pippers   et    de  Mnstanh,  aboyant  à  ses    trousses. 
Que  les  ]Vavcrhy  A'ovl:Is  aient  un  attrait   irrésistible   pour 
les  Ecossais,  rien  de  surprenant  en  ceci.   Il   ne  saurait  en 
être  autrement  pour  un  peuple  qui  pousse  presque  jusqu'au 
chauvinisme,  l'amour  du  sol  natal,  de  ses   us  et  coutumes. 


mmi 


KSQUISSKS 


397 


aux 

par 
itros 

an- 
hrt  : 

icûl 
Ique 
licu- 
ises . 
|!Our 
en 
Il 'au 
lies. 


Wavci'liy,  Roi)  Roy,  The  Ihart  of  Mid-Lothiau,  T/ic 
Clirotncles  of  tJtc  Canongatc,  c'est  de  l'histoire  en  tableaux. 
Mais  Scott  ne  se  contenta  pas  de  peindre  les  mœurs  et 
d'emprunter  aux  annales  de  l'Ecosse,  il  descendit  dans  les 
vallons  fleuris  de  l'Ani^leterre  :  les  silhouettes  de  la  grande 
reine,  Elisabeth  ;  ses  beaux  comtes  de  Leicester  et  d'Essex, 
de  Walter  Kaldigh,  de  Cromwell,  d'Amy  Robsart,  lui  con- 
quirent également  les  cœurs,  sur  les  rives  de  la  Tamise  ; 
et  toutes  les  séductions  de  Don  Juan  et  les  classiques  pas- 
sages de  Childe  Ilarold  ne  purent  faire  oublier  Kcinkvorth 
et  Woodstock.  De  l'Angleterre,  le  romancier  passa  en  Alle- 
magne, en  P>ance,  en  Palestine,  richa  de  matériaux  ;  Gicr- 
stcin,  Quentin  Dicrward  et  IvanJtoe  ne  firent  qu'ajouter  des 
inunortdles  à  sa  couronne. 

On  peut  avancer  sans  crainte  que  pendant  l'espace  de 
vingt  ans,  un  homme  seul  a  su  enrichir  la  littérature  de 
son  pays  de  plus  d'écrits  vraiment  beaux,  de  pins  tic. 
caractères  originaux  dans  ses  œuvres,  que  tous  les  littéra- 
teurs de  l'Ecosse  réunis  n'avaient  pu  le  faire  pendant  les 
deux  siècles  précédents  :  cet  homme,  c'est  Scott. 

L'auteur  de  Waverley  se  manifesta  dans  une  ère  toute 
particulière.  La  suppression  de  l'insurrection  de  1745,  qui 
anéantit  à  jamais  la  puissance  des  clans,  devint  le  trait 
d'union,  que  dirai-je,  le  lien  indissoluble  cpii  joignit 
l'Ecosse  H  l'Angleterre.  Cet  événement  fut  comme  le 
germe  d'une  nouvelle  vie  pour  l'antique  Calédonie.  Les 
chefs  Montagnards,  vaincus,  dispersés,  sentirent  qu'en 
déposant  la  claymore  et  le  costume  chéri  des  Highlands, 
ils  abdiquaient  une  notable  part  de  leurs  us  et  coutumes, 
auxquelles  ils  tenaient  comme  à  la  prunelle  de  l'œil.  Tous 
ces  chers  souvenirs  du  passé  allaient  donc  disparaître  à 
jamais,  si  un  génie  créateur  ne  surgissait  pour  en  recons- 
truire l'édifice  dans  toute  sa  splendeur.  Scott  nous  appa- 
raît, comme  sur  le  seuil  d'un  monde  nouveau,  en- 
touré des  décombres  d'une  ère  passée,  mais  non 
oubliée.  Chez  lui,  le  culte  des    ancêtres  allait  de  pair  avec 


'"!<!'   t       î 


398 


SIR    WAITER  SCOTT 


un  intérêt  profond  dans  la  vie  présente,  sous  n'importe 
quelles  phases,  aidé  d'un  noble  enthousiasme  pour  le  beau 
dans  ses  manifestations  les  plus  t»  ndres.  Sa  prodi- 
gieuse mémoire  lui  étalait  l'histoire  de  tous  les  peuples  : 
il  tenait  de  son  tempéramment  robuste  une  fiiculté 
illimitée  de  travail  intellectuel,  et  l'habitude,  de  parcourir 
en  tous  sens  les  pittoresques  montagnes  de  l'Ecosse  le 
f.imiliarisa  non-seulement  avec  les  grandes  scènes  de  la 
nature,  mais  encore  avec  les  émotions  du  chasseur  tt  du 
pêcheur  qui  lui  fournirent  plus  tard  tant  de  belles  pages. 
Il  s'attacha  surtout  à  peindre  les  sites,  avec  leur  couleur 
locale,  leurs  accessoires  dans  les  moindres  détails. 

Ainsi  dans  Bo/>,  Roy,  avant  de  décrire  la  raviiif  où 
Hélène  McGrcgor  devait  préparer  le  célèbre  déjeuner,  jl 
visita  en  personne  ce  site  lointain.  Il  voulait  étudier  non- 
seulement  la  conformation  des  lieux,  mais  jusqu'aux 
arbres,  aux  bruyères,  et  même  les  tleurs  sauvages  si  variées 
qui  croissaient  dans  cette  ravine.  Un  de  ses  afîîdés,  lui 
ayant  fait  la  remarque,  "qu'une  fleur  ferait  aussi  bien 
qu'une  autre," — "Non,"  répliqua  l'inimitable  peintre,  "la 
nature  ne  se  répète  jamais.  Pour  assurer  un  tableau  à  la 
fois  beau  et  varié,  il  ne  s'agit  que  de  peindre  fidèlement  la 
nature." 

Mettons  le  lecteur  français  en  garde  contre  deux  écueils 
qu'il  aura  à  surmonter,  avant  de  goûter  pleinement  les 
romans  historiques  de  Scott.  Premièrement,  la  longueur 
démesurée  des  prologues  ou  introductions  flanquées  de 
notes  et  d'éclaircissements.  Secondement, le  dialecte.souvent 
incompréhensible  des  Montagnards  et  des  paysans  écos- 
sais. En  dedans  de  cette  grossière  enveloppe,  se  trouve  le 
fruit  le  plus  doux.  Un  critique  renommé  a  remarqué, 
que  "  Pour  le  jeune  homme  qui  lit,  la  première  fois,  les 
romans  historiques  de  Scott,  il  s'opère  comme  une  trans- 
formation entière  de  tout  son  être,  une  manifestation  nou- 
velle :  la  vie  lui  appert  sous  un  jour  tout  particulier,  il 
ressent  une  admiration  vive    pour   ce  qui    est    digne,  un 


ESQUISSES  399 

mépris  indicible  pour  ce  (\m  est  vil,  chez  ses    semblables." 
On  pourrait  dire  de  Scott  :  "  Vir  probus  Sifiboidi  peri- 

tus." 

Mowitt,  raconte  une  curieuse  anecdote    qui    peint   bien 

la  puissance  de  travail  du  romancier. 

Un  club  déjeunes  avoués  avait   pour    habitude,  chaque 

semaine,  de  se  donner  rendez-vous    à  un  hôtel  en  face  des 

quartiers  de  Scott,  à  Edimbourg. 

Un  jour  de  réunion,  lorsque  le  vin  eiît  circulé  librement, 
un  des  membres,  dont  le  regard  paraissait  comme  cloué 
sur  la  maison  vis-à-vis,  se  plaignit,  pâlit  el  fut  prêt  à  se 
trouver  mal.  Son  camarade  lui  en  ayant  demandé  la  cause. 
•  (,V  n'est  rien,  dit-il,  laisse-moi  changer  de  place  avec  toi. 
Je  !ic  puis  y  tenir  plus  longtemps.  Il  }'  a  là-bas  une  main, 
qui  remue,  écrit  sans  cesse.  Ce  n'est  pas  la  première  fois 
que  je  l'ai  vue.  Voi;>la  ;  elle  ne  cessera  pas  même  quand 
on  allumera  les  flambeaux  pour  la  nuit  :  et  Dieu  sait  com- 
bien plus  tard  ;  dès  qu'une  page  est  finie,  elle  est  lancée 
sur  ce  tas  de  manuscrits  que  tu  vois.  Cette  main  étrange 
me  fascine."  Cette  main,  c'était  celle  qui  dans  les  veillées 
de  trois  semaines  d'été  avait  composé  les  deux  derniers 
volumes  de  Waverley  :  la  main  de  Waiter  Scott. 

Il  nous  fut  donné  en  août  1 88 1,   de    nous    asseoir    dans 
cette  chambre  historique. 

ROMAXCIKR. — 1814-1831    (2) 

Le  premier  roman  de  la  série,  par  ordre  de  date,  et  aux 
yeux  de  plusieurs  connaisseurs,  le  meilleur,  c'est   Waverly, 

SaiutL-Jieiivc. 

(!.')  liP3  roiiiuns  hiâtoriijiics  (lo  Scott,  iiaruniit  d.ir     l'ordre  suivant, 

Waverley,  ■Juillet  7 1M4 

(liiy  Jliinnuriiig,  Kuvi  icr  il ISVt 

Tlio  Autiquary,  ^Vm— 1810 

OiaiMnrtality,  ])6coml>re  1 181i> 

Tlio  Wack  Uwarf,  •'    — l^lo 

KobKoy,  "    31 1S17 

The  Heart  of  Mid-Lothiaii,  Juin  — ISlf* 

A  Lciîcud  of  Montrosc,  Juin  10 1S1:> 

Tlie  Brido  of  Lammeniioor,  Juin  10 I8IU 

Ivanhoe,  Dec.  18 1.819 

Tlio  Monastcry,  Mars  — 182i> 

The  Abott,  Sept.  — 1820 

(Suite  sur  lu  inige  siiiinutt.) 


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400  SIR   WALTEK   SCOTT 

0/^  Sixty  Ycars  Ago.  C'est  en  1804  que  le  premier  volume 
fut  écrit  ;  mais  comme  le  culte  des  Muses  absorbait  alors 
toute  l'attention  de  Scott,  le  manuscrit  en  fut  jeté  de  côté; 
puis  relégué  avec  d'autres  vétilles  au  s^rcnier  où  se  trou- 
vait un  vieux  secrétaire  qui  recelait  d'ordinaire  l'attirail 
de  pêche  du  propriétaire.  Dix  ans  i)lus  tard,  en  1814, 
Scott  ayant  eu  occasion  d'y  fouiller  pour  se  procurer  des 
hameçons,  en  tira  par  hasard  ce  manuscrit  oublié  et  tout 
poudreux.  L'idée  lui  vint  de  le  terminer  ;  ce  qui  nous  a 
valu  cette  peinture  si  vive  de  l'I^cosse,  à  l'ère  de  la 
fameuse  insurrection  des  Clans,  en  1745,  dont  le  but  était, 
de  restaurer  sur  le  trône  de  ses  pères,  le  PrctcncUr,  Charles 
Edouard.  Waverly,  c'est  un  tableau  tracé  de  main  de 
maître,  où  se  reflètent  comme  dans  une  salace  tous  ces 
saisissants  contrastes  entre  l'existence  aventureuse  des 
llighlandcrs  ou  Monta^^nards  e  la  vie  ])ai^ible  des  Itoio- 
laiidcrs  ou  habitants  des  plaines.  Ces  deux  classes  sont 
tout  à  fait  distinctes  par  les  mœurs  et  par  la  religion  i  le 
Montagnard,  en  général,  était  demeuré  attaché  à  la  croy- 
ance de  son  souverain  exilé  ;  c'était  un  féroce  homme  de 
guerre,  un  Jacobite.  Le  Loxvlaiidcr,  au  contraire,  adonné 
aux  arts  pacifiques,  au  commerce,  à  l'agriculture,  se  retran- 
chait avec  dédain,  dans  le  culte  austère  «.le  Wesley  ou  de 
Knox. 

Waverley,    le    héros    du    rom.an,     e^t     l'héritier     d'une 

Kciiihviirtl!,  Ju.i.  — 1S2] 

Tli,'  l'iratc,  ]>fe,  — IHil 

Thr  Fc.ituiiosof  Niat'I,  Mai  lin \«-lï 

IVveril  of  tlio  l'onk.  ,Ian.  — 1S2:! 

(^upiitin  Diirwiird,  Juin  UO 1823 

St.  Konaii's  WoU,  Dec.  — 3H2:i 

Ued  (iaiintlc't,  Juin  — 1024 

'l'Iio  Itotrotlioil    "    — lS2ri 

Tln!  'J"alisiniiii,     "     — 182f) 

AVoodstoock  "     — 182(i 

TIio  nrovcrf ...   1827 

'l'iii'  .Sur«(OU'.-i  DauRhtPi- 1827 

My  aunt  Margnrot'sMnrror 1S27 

'l'iio  Tappatricd  C'iiiinibor 1727 

Tli«]iaiiil's  Jnnk 1827 

Tlic  Haf,'lilanil  Widow 1S27 

TIio  Fair  Maitl  of  Pertli,  Xov.  — lK2t< 

Aniio  ofOierstoin,  Mai  — 1820 

( 'ouut  Hohcrt  of  Paris,  Nov.  — .  lS;n 

CiWtle  Uaiigcrona,  Nov. — 1831 

Tou.s  ou  iiroatjue  tous  ou  trois  volnmon  diaiiuL'. 


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Ks<)Uis.si:ri 


40  r 


la 


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mé 
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ancienne  et  opulente  f.miille  Jacobite,  établie  de  temps 
immémorial  au  midi  de  l'Angleterre.  Son  éducation,  jus- 
qu'à ce  qu'il  devînt  majeur.a  été  presqu'entièrement  domes- 
tique, voire  même  un  tant  soit  peu  irrégulière. 

Dans  la  solitude  du  toit  paternel,  la  poésie,  les  déce- 
vants mirages  du  jeune  âge  avaient  communiqué  à  son 
caractère  un  cachet  d'irrésolution  contemplative  jointe  à 
beaucoup  de  douceur  et  d'amabilité  !  Les  partisans  des 
Stuarts  en  Angleterre  avaient,  longtemps  avant  1745, 
renoncé  à  tout  espoir  de  voir  triompher  la  cause  du 
Prctendcr  ;  les  protecteurs  de  Waverley  se  décidèrent  à 
lui  obtenir  un  brevet  dans  l'armée,  vu  que  de  tout  temps 
sa  famille  avait  montré  une  inclination  prononcée  pour  la 
carrière  des  armes  et  que  la  guerre  régna -ite  promettait 
une  [jromotion   rapide. 

Son  nom  fut  inscrit  sur  le  rôle  comme  oiùcier  de  cava 
lerie  dans  un  régiment  al')rs  stationné  en  Ecosse  et  qu'il 
rejoignit  de  suite.  La  famille  Waverley  comptait  alors 
dans  le  Perthshire  un  ancien  ami  dans  la  personne  de 
Cosmo  Comyne  Braduardine,  de  Tully-Veolan.  Par  la 
protection  des  Waverley,  le  Baron  de  Bradwardine  avait 
été  tiré  d'im  sérieux  embarras  que  le  Procureur  du  Roi 
lui  suscitait  quelque  temps  après  lo  soulèvement  de  1715. 
Le  jeune  héritier  de  Waverley-Honour  fut  donc  accrédité 
par  lettre  auprès  de  ce  fidèle  allié  de  la  famille,  et  s'en 
prévalut  de  suite  pour  courir  saluer  le  seigneur  de  la  noble 
maison  de  Tully-Veolan.  Cette  curieuse  résidence,  ainsi 
que  le  train  de  vie  de  ses  excentriques  maîtres  seront  plus 
tard  admirablement  décrits. 

Le  Baron,  par  profession  était  homme  de  robe,  et  par 
goût,  lecteur  diligent  des  classiques  latins.  Mais  il  s'était 
adonné  aux  armes  et  avait  fait  plusieurs  campagnes  sur 
le  continent.  Ce  qui  lui  avait  fait  combiner  avec  ses  rémi- 
niscences classiques,  le  fatras  de  termes  techniques  d'un 
général  allemand,  et  la  désinvolture  d'un  mousquetaire 
français.  Chez  lui,  le  culte  des  ancêtres  existait  à  un  degré 


i,; 


20 


402 


SIR  WALTER   SCOTT 


1 


«fminent  ;  maigre  ses  excentricités,  c'était  un  brave  et 
honnête  homme,  un  ami  honorable  et  sûr.  Sa  famille  ne 
se  composait  que  d'une  fille,  douce  et  affectueuse  créa- 
ture. 

Le  jeune  Waverley  mit  du  temps  à  se  faire  aux  allures 
de  son  excentrique  vieil  ami  ;  il  sut  varier  son  séjour  à 
TuUy-Veolan  par  diverses  courses  dans  les  montagnes 
environnantes.  On  lui  avaitjsignalé  comme  digne  d'être  vue, 
la  caverne  d'un  célèbre  bandit  montagnard,  Donald  Bean 
Lean.  Les  merveilles  de  cet  antre  de  Trophonius  lui 
inspirèrent  le  désir  de  connaître  encore  plus  en  détail  la 
manière  de  vivre  des  Montagnards  d'Ecosse.  Le  redouté 
propriétaire  de  la  caverne  lui  donna  une  lettre  à  l'adresse 
d'un  chef  de  Clan,  qui  habitait  un  château  voisin.  Cet  inci- 
dent lui  fournira  l'occasion  désirée  de  contempler,  dans 
toute  sa  sauvage  et  étrange  barbarie,  la  vie  intime  de» 
Montagnards  d'Ecosse.  Le  châtelain  se  nomme  Fergus 
Vich  lan  Vohr,  jeune  homme  bouillant  d'ambition  et  de 
bravoure,  ardemment  attaché  à  la  cause  des  Stuart — en 
ce  moment  profondément  immiscé  dans  l'insurrection  dont 
le  but  est  de  rappeler  sur  le  trône  la  famille  déchue.  Fergus 
a  une  jeune  sœur,  encore  plus  enthousiaste  que  lui  pour 
les  Stuarts  :  elle  arrive  en  ce  moment  de  la  cour  de  St- 
Germain.  Si  son  patriotisme  exalté  frappe  l'imagination 
de  Waverley,  sa  ravissante  beauté  séduit  encore  plu«  les 
yeux  du  jeune  Anglais. 

Pendant  qu'il  boit  à  longs  traits  le  poison  de  l'amour.des 
malentendus  et  de  faux  rapports  sur  son  compte  lui  font 
perdre  l'estime  de  son  colonel  :  le  gouvernement  lui  retire 
son  brevet  d'officier  bien  à  tort.  Cet  affront  le  met  dans 
une  telle  fureur  que  son  premier  mouvement  le  pousse  à 
se  jeter  dans  les  rangs  des  insurgés  conduits  par  Fergus. 
Ce  dernier  prend  alors  le  parti  de  lui  avouer  le  but  secret 
de  l'organisation  qu'il  lui  avait  jusqu'alors  caché. Mais  avant 
de  joindre  l'étendard  du  Pretemier,  Waverley  veut  consul- 
ter sa  famille.  Les  autorités  rendues  fort  alertes  par  les 


II::    \ 
H."    ,■ 


ESQUISSES 


403 


les 


les 


rumeurs  d'une  révolte  prochaine,  arrêtent  Waverley  et 
l'envoient  prisonnier  à  btirling.  Pendant  le  trajet,  l'escorte 
est  attaquée  et  mise  en  déroute  par  un  détachement  de 
Montajjnards  qui  expédie  Waverley  sous  bonne  garde 
à  Edimbourg,  où  il  est  remis  sain  et  sauf  aux  mains  de  son 
nouvel  ami,  Fergus  Macivor,  le  commandant  de  la  garde 
préposée  à  la  sûreté  de  Charles- Edouard,  alors  en  posses- 
sion, avec  sa  cour,  de  l'ancien  palais  de  Holyrood.  Urte 
combinaisor.  de  tentations  irrésistibles  vient  alors 
assaillir  l'ex-officier  britannique. 

Froissé  du  traitement  injuste  que  les  autorités  militaires 
lui  ont  infligé,  entraîné  par  ses  anciennes  prédilections  de 
famille,  séduit  par  son  amitié  pour  Fergus  et  le  violent 
amour  qu'il  ressent  pour  Flora  Mcivor,  autant  que  flatté 
des  civilités  que  le  calant  Prince  d'Ecosse  lui  fait,  il  se 
décide  d'unir  sa  destinée  à  celle  de  Fergus  et  rejoint  l'ar- 
mée des  Montagnards,  comme  volontaire.  Bientôt  il 
éprouve  un  vif  contre  temps  :  son  ardeur  pour  Flora  n'est 
pas  partagée.  La  belle  adorable  n'a  pour  lui  que  de  l'indif- 
férence ;  la  cause  de  Charles- Edouard  commande  toute 
l'énergie  de  son  être.  Il  est  bien  constaté  que  la  sœur  de 
Fergus  est  de  glace  pour  Waverley  :  elle  ne  vit,  son  àint; 
passionnée  ne  respire  que  pour  voir  triompher  le  "  roya; 
exilé."  A  la  cour,  à  Holyrood,  Flora  avait  une  amie  Rose 
Bradwardine.  Rose  n'avait  pas  le  farouche  patriotisme  de 
Flora,  mais  elle  en  avait  la  beauté.  Rose  soupiiait  en  secret 
pour  le  malheureux  amant  de  Flora,  elle  ne  réussissait  pas 
toujours  à  cacher  sa  sympathie  ;  de  son  côté,  Waverley  se 
sentait,  à  son  insu,  attiré  chaque  jour  vers  la  fille  du  baron 
de  Bradwardine.  Ecoutons  le  dialogue  échangé  un  jour 
entre  les  deux  amies,  bien  qu'il  nous  soit  impossible  de 
rendre  en  français  l'arôme,  le  coloris  poétique  du  texte 
anglais.  Le  dernier  trait  surtout  respire  la  rêverie,  les 
doux  regrets.  Rose  envie  à  son  amie  l'heureuse  destinée 
que  l'amour  de  Waverley  lui  prépare  :  car  elle  croît  que 
Waverley  finira  par  épouser   Flora.   "  W^averley   sait  se 


5- 


404 


SIU    WALTER   SCOTT 


battre,  dit  Flora mais  les  entreprises  nobles  et 

pe'rilleuses  n'eurent  jamais  d'attrait  pour  lui.  Il  ne  fut 
jamais  devenu  le  célèbre  Sir  Nigel,  son  ancêtre  :  il 
aurait  pu  devenir  le  panégyriste,  le  chantre  de  Sir  Nigel. 
Je  vais  te  dire,  mon  amie,  où  Waverley  brillera.  Sa  place 
à  lui,  sa  vraie  sphère,  c'est  le  foyer  domestique  où  il  savou- 
rera l'abandon  du  cercle  de  famille,  les  loisirs  littéraires, 
les  passe-temps  exquis  de  Waverley-Honour.  Il  y  réta- 
blira la  vieille  bibliothèque  dans  le  style  gothique  le  plus 
pur  ;  il  en  garnira  les  rayons  de  volumes  rares  et  précieux. 
Il  dessinera  des  plans  de  châteaux,  des  paysages,  composera 
des  vers,  élèvera  des  temples,  creusera  des  grottes  au 
milieu  de  son  jardin.  Pendant  une  nuit  sereine  d'été,  on  le 
verra  appuyé,  pensif,  aux  colonnades  de  son  castel.contem- 
plant  les  biches  sauvages  errantes  au  clair  de  la  lune,  dans 
son  parc,  ou  endormies  sous  l'ombre  de  ses  vieux  chênes  ;, 
et  là.il  répétera  à  sa  jeune  et  belle  épouse,  suspendue  à  son 
bras,  des  stances  poétiques.  Et  l'homme  heureux,  ce  sera 
lui."  "Et  la  femme  heureuse,  hélas  !  ce  sera  elle,"  pensa  en 
soupirant  la  pauvre  Rose,  changeant  de  suite  le  sujet  de 
la  conversation. 

Waverley  bientôt  se  met  en  marche,  à  la  suite  de  la 
petite  mais  vaillante  armée  de  Charles-Edouard  et  se 
signale  à  la  bataille  de  Preston  :  au  fort  de  la  mêlée,  il 
lui  arrive  de  sauver  la  vie  à  un  colonel  anglais  que  des 
Montagnards  avaient  désarmé.  Ce  brave  militaire  se  trouve 
être  un  ami  intime  de  la  famille  de  Waverley.  Le  colonel 
anglais  reproche  au  jeune  W^averley  d'avoir  déserté  son 
pavillon.  Waverley  lui  rappelle  qu'il  est  inutile  de  lui, 
parler  de  la  sorte,  qu'il  ne  saurait  abandonner  la  cause  des 
Stuart,  fût-elle  désespérée.  Toute  cette  scène  est  variée 
d'une  foule  d'incidents  secondaires  :  une  querelle,  un  atten- 
tat sur  la  vie  de  Waverley,  une  réconciliation  entre  lui 
et  le  bouillant  Fergus  Mcivor,  et  l'insurrection  continu;. 
Bientôt  vient  l'engagement  de  Clifton;  pendant  l'obscurité, 
la  petite  armée  du  prince  Charles-Edouard    tombe   dans 


ESQUISSES 


405 


e  la 
t  se 
ee,    il 

des 
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son 
lui 
e  des 
ariée 
tten- 
lui 
inu'î. 
irité, 
dans. 


des  embuscades  et,  après  une  lutte  désespérée,  plusieurs 
des  chefs  restent  prisonniers  entre  les  mainsj  des  soldats 
anglais. 

Waverley  s'échappe  à  la  faveur  de  la  nuit,  et  après 
s'être  tenu  caché,  il  se  décide  à  aller  à  Londres,  implorer 
son  pardon  ;  mais  l'officier  anglais  dont  il  avait  sauvé  la 
vie,  personnage  influent  à  la  cour,  le  fait  évader  en  Ecosse, 
■en  attendant  qu'il  puisse  lui  obtenir  un  pardon,qui  s'étendra 
également  au  baron  de  Bradwardine,  impliqué  dans  la 
■révolte.  C'est  pendant  son  séjour  en  ce  pays  qu'il  apprend 
la  dispersion  de  l'armée  de  Charles-Edouard,  à  Carlisle.  Il 
fait  toutes  les  démarches  possibles  pour  faire  amnistier 
son  pauvre  ami  Fergus  McIvor,condamné  à  être  décapité  ; 
dans  !a  scène  d'adieux  entre  FcTgus,  Flora  et  \Vaverley,le 
pinceau  de  Scott  se  révèle  dans  tout  son  éclat.  Flora  entre 
dans  un  cloître  où  elle  veut  finir  ses  malheureux  jours. 
Waverley  revisite  le  château  paternel,  Waverley-Honour, 
restitue  au  vieux  baron  de  Bradwardine  les  terres  de 
TuUy-Veolan  confisquées,  épouse  sa  fille  Rose,  laquelle 
par  son  bonheur,  voit  se  réaliser  la  prédiction  de  Flora. 

^armi  les  beaux  passages  de  ce  roman,  on  peut  signaler 
la  description  de  la  caverne  de  Donald  Bean-Lean,  le 
brigand  Montagnard  ;  le  caractère  d'Alice,  la  jeune^fiUe  du 
brigand,  est  aussi  admirablement  tracé.  Les  joies  de  courte 
durée,  à  Holyrood,  où  le  gracieux  Charles-Edouard  fait 
les  honneurs,  sont  habilement  décrites  ;  la  bataille  de 
Preston,  la  retraite  de  l'armée,  la  querelle  avec  Fergus, 
les  mystérieux  présages  de  mort  qui  se  manifestent  au 
sujet  du  patriotique  Callum  Beg,  voilà  autant  d'incidents 
ou  de  personnages,  présentés  au  lecteur  avec  une  vivacité 
de  coloris  sans  pareil. 

Waverley  produisit  sur  le   public   d'Edimbourg   et   de 
Londres  un  sentiment  d'éblouissement. 

"Qui  donc,  s'écria  Lord  Jeffrey,  dans  une  mémorab  le 
critique,  qui  donc  est  le  mystérieux  écrivain  qui  a  com  - 
posé  Waverley  }  Si  ce  n'est  pas    le   chantre  de  Marmion, 


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I 


m» 


406 


SIR   WALTER    SCOTT 


.1 


nous  conseillons  à  M.  Scott  de  s'éveiller  et  de  veiller  à 
ses  lauriers  ;  il  a  dans  l'auteur  de  Waverley  pour  com- 
pétiteur, un  génie  de  première  classe." 

IVANHOE. 

Parmi  les  mâles  figures  du  moyen-âge,  une  surtout  s'a- 
dresse à  l'imagination  du  jeune  homme  et  à  la  réflexion 
de  l'âge  m-ûr  :  celle  de  Richard  Cœur-de-Lion. 

Le  croisé  des  rives  de  la  Tamise  était  aussi  fier  de  son 
généreux  et  bouillant  capitaine,  que  le  Franc  l'était  de  son 
grand  prince.Philippe-Auguste  :  la  nature  avait  marqué  l'un 
et  l'autre  du  cachet  de  la  renommée,  maïs  à  des  titres  diffé- 
rents. Il  en  était  bien  accouru  des  vaillants  paladins  de 
tous  les  coins  de  l'Europe,  pour  reconquérir  le  tombeau  du 
Christ  ;  de  tous  ceux  que  l'enthous'asme  religieux  lança  en 
Palestine,  il  en  est  peu  qui  y  laissèrent  une  plus  glorieuse 
mémoire  que  Richard  Plantagenet,  (i)  roi  d'Angleterre. 

Cœur-de-Lion  devint  fameux  par  la  terreur  que  son 
nom  imprima  aux  Sarrasins  ;  la  captivité  que  l'empe- 
reur d'Allemagne  lui  fit  subir,  lors  de  son  passage,  en  re- 
venant.ainsi  que  les  traîtreuses  menées  que  son  lâche  frère, 
Jean — plus  tard  surnommé  Sans  Terre— \m  suscita,  en 
entourant  sont  front  de  l'auréole  de  la  persécution,  ne 
firent  que  le  rendre  plus  .cher  à  son  peuple.  Il  parvint  à 
s'échapper  des  donjons  Allemands  et  à  triompher  de  la 
perfidie  domestique.  Il  erra  même  quelque  temps  dans 
son  propre  royaume,  sous  divers  déguisements,  épiant 
le  moment  où  ses  partisans  épars  pussent  se  réunir  sous 
son  drapeau. 

Voilà,  pour  l'historien,  ou  je  me  trompe,  un  intéressant 
héros,   et    pour   le    romancier,    un  cannevas  tout  prêt. 


(1)  Troisièmo  fils  du  roi  Henri  II,  fils  de  Mmid  rt  (Iroffrni  Plantageni't, comte  d'Aiijon. 
Cette  illustro  famille  §e  iiomm.iit  originain'mput  Martel  :  elle  avait  pri»  In  surnom 
de  Plantaifenet  (Planta  Heninifi  parciî  qu'un  de»  premiers  comtes  d'Anjou  avait  dû  no 
punition  do  ses  crimes  porter  une  liranclu;  verte  de  la  plante  ■lui  a  ce  nom.  Les  poises-. 
nions  de  Heuri  II  se  composaient  de  TAnpleterre.  la  Xormandie,  l'Aujou,  la  Guicnne,  1>* 
Poitou  et  l'Irlande  qu'il  avait  sulijutfuée.  Richard  Cieur-de-Lion  est  le  preniiçr  monarque 
onv'luis  qui  mit  »\r  ses  armes  la  divisî  Uien  tt  m  m  Droit. 


E.SQLIISSt;S 


407 


Mais  pour  qui  veut  encadrer  la  réalité  historique  dans  les 
mirages  séduisants  de  la  fiction,  il  faut  quelque  chose  de 
plus  ;  il  faut  des  personnages  secondaires.  L'imagination 
inventive  de  Scott  en  aura  bientôt  fait  jaillir  plusieurs 
groupes  et  des  plus  attrayants,  hors  des  mœurs  du  temps, 
au  besoin,  hors  des  royaumes  du  vuide — iiiania  rcgiia.  Ainsi 
origina  le  roman  historique  Ivaiihoc,  publié  pir  Scott,  en 
18 19,  dans  les  intervalles  de  loisir  non  absorbés  par  ses 
devoirs  de  shérif  et  de  greffier  des  sessions,  et  les  moments 
de  lépit  que  lui  laissaient  les  angoisses  d'une  terrible  ma- 
ladie qui  se  déclara  chez  lui,  en  1S17,  et  qui  dura  jusqu'en 
i82o. 

Parmi  les  preux  jeunes  chevaliers  que  l'on  voyait  cara- 
coUer  à  la  suite  du  roi  Richard,  il  y  en  avait  un  distingué 
par  sa  vaillance  ;  il  se  nommait  Ivanhoe.  C'était  le  fils 
unique  d'un  seigneur  saxon  du  nom  de  Cédric.  Croyant 
que  l'amour  de  la  gloire  avait  fait  oublier  à  son  fils  les  hu- 
miliations des  Saxons  en  présence  de  leurs  maîtres  impé- 
rieux, les  Normands,  il  l'avait  déshérité.  Ivanhoe  avait 
encore  d'autres  torts  aux  yeux  de  Cédric  :  il  était  entière- 
ment dévoué  au  prince  normand,  Richard.  Evidemment 
le  cn-do  politique  du  père  et  du  fils  n'était  pas  le,  même. 
La  conquête  de  l'Angleterre  par  les  Normands,  au  siècle 
précédent,  était  aux  yeux  d'Ivanhoe  un  fait  accompli. 
Il  voyait  le  salut  de  sa  patrie  non  dans  la  rivalité  des  ra- 
ces, mais  dans  leur  union  pour  un  bien  commun.  Ivanhoe 
ne  peut  oublier  qu'il  s'est  couvert  de  gloire  en  Terre-Sain- 
te, eu  suivant  la  bannière  de  son  roi*  :  il  l'accompagne 
donc,  dans  sa  captivité,-  et  à  la  conquête  du  trône  d  i  ses 
pères,  sauf  à  se  déguiser  comme  lui,  et  à  partager  ses, 
revers. 

Scott  choisit  pour  le  théâtre  de  plusieurs  des  incidents 
les  plus  saillants  de  son  roman,  cette  pittoresque  région 
de  l'Angleterre,  arrosée  par  la  rivière  Don,  jadis  couverte 
de  vastes  forêts,  oîi  l'on  rencontre  maintenant  le  grand 
centre  manufacturier  de  Sheffield  et  la  jolie  petite  ville  de 


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l!l. 


408 


SIR   WALTER   SCOTT 


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Doncaster  ;  le  beau  château  de  Wentworth  et  Wharncliffe 
Tark  en  marquent  encore  le  site  au  sein  des  beaucages. 

"  La  bruyère  de  Sherwood,  dit  Nisard,  était  une  des 
nombreuses  clairières  de  cette  forêt  de  Sherwood  qui,  au 
temps  de  Richard  Cœur-de-Lion,  couvrait  toute  cette  par- 
tie de  l'Angleterre.  Elle  était  alors  infestée  de  braconniers 
— outlaivSy — qui  s'y  nourrissaient  aux  dépens  du  gibier  du 
roi.  Walter  Scott  en  a  fait  le  théâtre  de  quelques  scènes 
ôUvanhoc.  Il  y  a  placé  la  cellule  où  le  plus  joyeux  des 
compagnons  de  Robin  Hood,  sous  le  nom  et  le  capuchon  du 
saint  ermite  de  Copnianhurst,  défiait  les  gardiens  des 
forêts  royales.  C'est  là  que  se  passe  cette  scène  si  plaisante 
où  Richard,  sous  le  déguisement  du  Chevalier  Noir,  vient 
demanderj'hospitalité  au  faux  ermite.  Il  frappe  :  l'ermite 
fait  semblant  de  ne  pas  entendre  ;  il  ouvre  enfin,  et  il  offre 
à  Richard,  affamé  par  une  longue  route,  une  assiette  de 
pois  chiches,  et  pour  boisson,  une  cruche  d'eau.  Mais 
Richard  est  plus  avisé  que  les  gardes-chasse  de  Sherwood, 
il  soupçonne  que  l'ermite  doit  sa  belle  santé  à  un  autre 
régime  ;  il  demande  quelque  chose  de  plus  substantiel,  et 
voici  qu'aux  pois  chiches  succède  un  pâté  dj  daim  et  à  la 
cruche  d'eau,  une  grande  bouteille  de  cuir  pleine  d'un  vin 
généreux. 

Où  est  le  rocher  tapissé  de  lierre  et  couronné  de  touffes 
de  houx  auquel  s'appuyait  la  cellule  de  l'ermite  de  Cop- 
manhurst  ?  Où  est  cette  fontaine  de  Saint-Dunstan,  où  il 
allait  remplir  sa  cruche  pour  le  repas  qui  devait  avoir  pour 
témoins  les  gardes-chasse  ?  Où  est  la  fraîche  clairière  à 
travers  laquelle  courait  la  fontaine  avant  de  disparaître 
dans  le  bois  voisin  ?  Les  archéologues  les  chercheraient  en 
vain  dans  ce  qui  rest-i  de  la  forêt  de  Sherwood.  C'est  un 
des  mille  paysages  sortis  de  l'imagination  de  Scott  ;  il  l'a 
tiré  de  ce  trésor  d'impresssions  vrai  s,  de  souvenirs  d'en- 
fance, de  vif  amour  de  la  nature,  qui  lui  a  fourni  tant  de 
descriptions  agréables." 

La  scèn-i  s'ouvre  vers  1 190  :  c'était  l'ère  de  la  chevalerie, 
des  combats  singuliers. 

Les  tournois,  organisés  par  les  princes  et  les  nobles, 
attiraient  en  Angleterre  la  fleur  de  la  chevalerie  de  tous 
les  points  du  continent  européen. 


ESQUISSES 


409 


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Ces  braves  messieurs  du  moyen-âge  se  portaient  des 
■défis  à  outrance,  quelquefois  pour  des  fariboles  ;  se  pour- 
fendaient gaiement,  souvent  sans  savoir  pourquoi,  sans  se 
reconnaître  même,  grâce  à  leurs  amples  boucliers  ou  à 
leurs  visières  rabattues,  uniquement  parce  que  c'était  la 
•mode,  ou  que  de  belles  dames  qui  n'étaient  pas  toutes 
des  Susanne  jetaient  leur  gant  dans  l'arène  :   c'était  beau, 

c'était  brillant,  c'était  chevaleresque  !  N'est-ce  pas  ? 

Cocasse,  dites  vous  ? 

Or,  le  roi  Jean,  administrant  le  royaume  pendant  l'ab- 
sence et  la  captivité  de  son  frère  aîné,  Richard,  avait  fixé 
un  grand  tournoi  à  Ashby-de-la-Zouche,  près  de  la  ville 
de  York.  Les  meilleures  lances  de  l'Angleterre  et  quel- 
ques-unes de  la  France  s'y  donnèrent  rendez-vous  :  entre 
autres,  le  colossal,  le  féroce  Réginald,  Front-de-Bœuf, 
Albert  Malvoisin,  le  redoutable  et  ambitieux  templier 
Brian  de  Bois-Guilbert,  tous  de  fiers  Normands.  Bois- 
Guilbert  gavait  déjà  rompu  une  lance  en  Palestine  avec  le 
vigoureux  et  habile  chevalier  saxon,  Ivanhoe.  Saxons  et 
Normands  se  confondront  dans  l'arène,  sous  le  regard  du 
Prince  et  de  la  "  Reine  de  la  Beauté  "  que  le  chevalier 
heureux  aura  désignée. 

Puisqu'il  s'agit  de  tournois,  c'est  assez  dire  que  le  sujet 
est  des  mieux  adaptés  à  la  plume  flexible,  magique  de 
Scott. 

Ivanhoe,  déguisé  en  pauvre  pèlerin,  apprend  la  nou- 
velle du  tournoi,  au  moment  où  il  passrî  dans  le  voisinage 
du  manoir  de  Cédric,  son  père. 

Il  brûle  d'y  prendre  part,  mais  que  faire  ?  il  n'a  ni  cui- 
rasse, ni  monture.  Le  hasard  vient  à  son  aide  sous  la  for- 
me d'un  vieux  juif,  avaricieux  comme  Shylock,  et  souverai- 
ment  méprisé  par  les  chrétiens  comme  l'était  un  Israélite 
•de  ce  siècle.  Les  juifs  étaient  encore  plus  haïs  en  Angle- 
terie  qu'ailleurs,  paraît-il.  On  les  persécutait,  on  les  tor- 
turait sans  merci,  on  leur  soutirait,  sbus  forme  de  rançon, 
de  fortes  sommes.  Les  rois  même  n'avaient  pas  honte  de 


pfjji'l 


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410 


SIR   WALTER   SCOTT 


tremper  dans  ces  ignobles  persécutions  du  faible  opprimé.. 
L'Hébreu  aimait  l'or  autant  qu'il  haïssait  la  guerre. 

Jean  Sans-Terre,  ayant  mis  la  main  sur  un  de  ces  Shy- 
lock,  eut  recours  à  un  procédé  nouveau  «pour  lui  faire 
dégorger  son  or  qu'il  persistait  à  cacher  :  il  lui  fit  arracher 
chaque  jour  une  denf,  et  quand  le  pauvre  diable,  de  guerre 
lasse,  capitula,  il  avait  le  râtelier  passablement    dégarni. 
Ivanhoe  ayant,  par  hasard,  tiré  le  juif  d'un  grand  danger, 
ce  dernier,  par  reconnaissance  lui  fournit  le  numéraire  pour 
s'acheter  une  cuirasse  des  mieux  confectionnées  et  un  che- 
val de  guerre  sans    réplique  ;  vodà   notre  pauvre    pèlerin 
d'hier,  Ivanhoe,  grâce  à  Isaac,  transformé,  en  un  jour,    en 
un  lïiagnifique  chevalier  tout  bardé  de  fer  et  prêt  à   aller» 
à  Ashby-de-la-Zouche,    batailler   envers   et   contre    tous. 
Isaac,  était  fortement  attaché  aux  biens  de  ce    monde  ;  il 
l'était  davantage  à  sa  fille  Rebecca,  une  vraie  merveille  de 
beauté,  un    phénomène  de   sagesse,  de  pureté,  de   vertu» 
Rebecca  avec  sa  beauté   avait   des  talents   solides  ;  elle 
avait  approfondi  la  pharmacie,  savait  employer   les   sim- 
ples ;  elle  pouvait  guérir  les  blessures,  excepté,  comme  on 
le  verra  plus  tard,  celles  que   ses   yeux   assassins   avaient 
causées. 

Or,  ce  fut  le  bonheur  ou  le  malheur  du  chevalier  Ivan- 
hoe, blessé  grièvement  au  tournoi  susdit,  d'être  guéri  et 
rappelé  à  la  vie  parla  vertueuse  juive  ;  mais,  n'anticipons, 
pas. 

De  frais  visages  de  femmes  viendront  ragaillardir  cette 
cohue  de  guerriers  féroceS;  d'hommes  sanguinaires  et  luxu- 
rieux, réunis  en  tournois  à  Ashby-de-la-Zouche  : 

D'abord,  notre  amie  Rebecca  ;  puis,  une  blonde  prin- 
cesse saxonne,  lady  Rowena.  Cette  dernière  a  été  élevée 
sous  le  toit  du  patriotique  saxon,  Cédric,  son  protecteur, 
pour  le  fils  duquel  elle  s'était  senti  de  l'inclioation,  avant 
son  départ  vers  la  Palestine.  Mais  Cédric,  ayant  chassé  de 
sa  mémoire  le  souvenir  de  ce  fils  rebelle,  veut  forcer  la 
princesse  à  épouser  un  grand    seigneur  du    nom  d'Athela^ 


(   ■ 


ESQUISSES 


4IP 


tane  ;  Rowena  n'a  que  de  l'indifférence  pour  ce  lourdaud, 
qui,  à  vrai  dire,  n'a  d'autre  recommandation  que  sa  nais- 
sance illustre,  attendu  qu'il  descend  du  grand  roi  Alfred. 
Lady  Rowena,  qui  ignore  la  présence  d'Ivanhoe,  en  Angle- 
terre, et  qu'elle  croit  mort,  sent  parfois  diminuer  sa  répu- 
gnance pour  Athelstane,  et  sans  un  tour  de  force  du^ 
romancier  qui  fait  mourir  à  point  le  lourdaud  saxon,  lady 
Rowena  eût  vraisemblablement  été  entraînée  plus  tard  à 
l'épouser  ; — il  lui  était  destiné  un  autre  épouc<eur. 

La  principale  figure  du  drame,  (car  c'est  bien  un  drame 
avec  ses  péripéties,  son  trouble  croissant,  son  dénouement 
plus  ou  moins  tragique)  c'est  à  coup  sûr,  celle  de  l'infor- 
tunée et  belle  juive  Rebecca,  une  des  conceptions  les  pliw- 
parfaites  échappées  au  merveilleux  cerveau  de  Walter 
Scott. 

On  ne  sait  ce  que  l'on  doit  admirer  d'avantage  :  la  vertu, 
la  pureté,  l'abnégation,  les  charmes  de  cette  ravissante 
créature,  abandonnée  en  pâture  à  quelques  scélérats,  et 
comme  miraculeusement  arrachée  à  la  mort  ou,  ce  qui  est 
pire,  au  déshonneur  par  l'intervention  d'en  haut.  Ce  qui 
augmente  l'intérêt  que  l'on  ressent  pour  le  sort  de  la  jeune 
juive,  c'est  cette  sympathie,  cet  amour  qu'elle  éprouve 
comme  malgré  elle  pour  le  chrétien  Ivanhoe  qui  a  sauvé 
les  jours  de  son  père,  à  elle,  Ivanhoe,  qu'elle  a  rappelé  à  la- 
vie,  mais  qu'elle  ne  saurait  épouser,  parceque  la  loi  mosaï- 
que lui  défend  de  s'unir  à  un  sectateur  de  Jéàus-Christ  ;. 
entre  Rebecca  la  juive  et  Ivanhoe  le  chrétien,  il  doit  exis- 
ter à  jamais  un  abîme  :  elle  le  sait,  hélas  ! 

Scott,  comme  à  l'ordinaire  sait  varier  son  récit  de  mille 
incidents  dramatiques.  La  prise  du  château  de  Torquil- 
stone,  où  commandait  le  féroce  Front-de-Bœuf,  nous  exhibe- 
plusieurs  des  principaux  personnages — sous  des  phases- 
inattendues  ;  nous  prépare  des  surprises.  La  pauvre 
Rebecca  est  saisie  avec  son  père  par  Bois  Guilbert  et  ses  sup- 
pôts, et  renfermée  dans  une  haute  tour  du  château,  où  les 
instances  coupables  de  son  adorateur  insensé,  le   Templier 


I  l-J 


412 


SIR   WALTER   SCOTT 


Bois-Guilbert,  la  force  de  chercher  dans  une  mort  certaine, 
la  seule  chance  de  sauver  son  honneur.  Elle  se  réfsigie 
dans  une  des  tours  :  perchée  à  la  cîme,  elle  est  prête  à  se 
précipiter  si  le  Templier  fait  un  pas  de  plus,  tandisque  son 
vieux  père,  dans  un  donjon  voisin,  est  menacé  par  Front- 
de-Bœuf  d'être  rôti  sur  un  réchaud  ardent,  s'il  ne  consent 
à  lui  payer  une  forte  rançon. 

Cette  lutte  entre  la  vertu  sans  défense,  représentée  par 
la  belle  juive,  et  la  passion  sans  frein  du  Templier  oublieux 
de  ses  vœux,  est  éminemment  dramatique.  Il  n'y  a  peut- 
être  qu'un  seul  autre  endroit  où  l'inébranlable  fermeté  de 
la  sainte  fille,  mise  en  regard  de  la  luxure  effrénée  du 
Templier,  qui  lui  offre  la  vie,  la  fortune,  si  elle  veut  fuir 
avec  lui,  est  encore  plus  saisissante. 

Lady  Rowena.captive  elle  aussi,dans  la  forteresse  de  Tor- 
quilstone,est  en  butte  aux  sollicitations  criminelles  de  celui 
qui  l'a  enlevée,  De  Bracy.  La  nouvelle  s'étant  répandue  que 
plusieurs  nobles  saxons  étaient  détenus  prisonniers  par 
Front-de-Bœuf  et  ses  satellites,  il  s'organisa  un  parti 
pour  les  délivrer.  Parmi  les  guerriers  qui  accoururent  à  la 
rescousse  de  Lady  Rowena,  de  Rebecca  et  des  autres  pri- 
sonniers, se  trouve  un  chevalier  d'un  aspect  imposant,  et 
au  physique  taillé  comme  un  athlète.  Le  mystère  le  suit 
et  sa  visière  constamment  rabattue  dérobe  ses  traits  aux 
regards  indiscrets.  On  le  nomme  le  Chevalier  Noir  à  cause 
de  son  costume  sombre.  Le  fier  inconnu  n'est  autre  que 
Richard  Cœur-de-Lion  déguisé,  et  comme  à  l'ordinaire, 
avide  d'aventures  et  de  combats.  Après  une  lutte  achar- 
née le  château  de  Torquilstone  se  rend,  et,  au  même  ins- 
tant, éclate  à  l'intérieur  un  incendie  allumé  par  la  main 
ti'une  mégère  vindicative,  Ulfrida,  que  Front-de-Boeuf  y 
retenait  captive. 

Scott  retrace  avec  cette  vivacité  de  coloris  qu'on  lui 
tonnait  la  scène  où  Rebecca,  citée  devant  Luc  de  Beau- 
manoir,  le  Grand  Maître  des  Templiers,  est  déclarée  cou- 
pable d'avoir  pratiqué  des  sortilèges  et  maléfices  sur   l'es- 


s 


ESOUISSES 


413 


l'es- 


prit d'un  des  membres  de  l'Ordre,  Brian  de  Hois  Guil- 
bert.  La  pauvre  Juive  est  condamne'e  à  mort,  à  moins 
qu'elle  ne  prouve  son  innocence  dans  un  combat  singulier, 
par  le  champion  qu'elle  se  sera  choisi.  Après  avoir  long- 
temps attendu,  elle  trouve  enfin  un  champion — Ivanhoe 
Bois-Guilbert,  désigné  par  leur  chapitre  pour  soutenir 
l'honneur  des  Templiers, — en  proie  au  désappointement, 
expire  de  rage  on  d'apoplexie  au  milieu  de  l'arène,  et  la 
victoire  reste  à»Ivanhoe.  Le  romancier  a  su  peindre  d'une 
manière  pittoresque  l'odieux  et  le  ridicule  delà  condam- 
nation de  Rebecca  et  le  déshonneur  de  lîois-Guîlbert,  qui 
a  violé  une  des  règles  de  l'ordre  mentionnées  par  St.  Ber- 
nard,— De  oscnlis  fugicndis. 

Le  serf  saxon  Gurth,  Wamba,  le  bouffon — le  belli- 
queux chapelain  Friar  Tuck,  voilà  encore  autant  de  sil- 
houettes curieuses  à  étudier,  mais  notre  canevas  nous  oblige 
d'être  bref. 

En  somme,  Ivanhoe,  bien  qu'inférieur  à  Waverley,  à  Guy 
Mannering  et  aux  autres  peintures  de  moeurs  tracées  par 
Scott,  est  sûr  de  capter  les  suffrages  du  lecteur  à  un  degré 
éminent. 

Assigner  à  chacune  des  pro  luctions  si  variées  du  génie 
de  Scott  sa  place,  serait  tenter  l'impossible.  Chaque  gen- 
re, chaque  livre  a  ses  admirateur-.  Les  critiques  les  plus 
eminents  :  Jefifrey,  Carlyle,  Lockhart,  Bagehot,  Hutton  et 
autres  ne  s'accordent  nullement  dans  leurs  jugements.  La 
plupart,  néanmoins,  Carlyle  en  tête,  assignent  le  premier 
rang  au  premier  roman  de  la  série,  par  ordre  de  date,  à 
Waverley.  Hutton  préfère  Old  Mortality  ;  d'autres  s'en- 
thousiasment de  XAiitiquary, 

Le  peuple  en  Ecosse  affectionne  fort  Rob  Roy,  qui, 
mis  en  drame,  eut  les  honneurs  de  plus  de  cent  représen- 
tations consécutives. 

Le  lecteur  français  goûte  surtout  Ivanhoe  ;  l'habitant  de 
Londres,    se    prononce    pour    Kcnilvjorth    et  Woodstock. 


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,414  SIR    WALTER   SCOTT 

On  s'accorde  généralement  à  dire  que  l'un  des  romans 
les  plus  faibles  est  le  Black  Divarf.  Castle  Daugerous  et  Anm 
.de  Gcierstcin,  écrits  à  la  fin  de  sa  carrière,  dénotent  chez  le 
grand  romancier  la  décadence  de  ses  facultis  intellectu- 
elles,  déjà  fortement  ébranlées  par  ses  travaux  excessifs  et 
par  plusieurs  attaques  de  paralysie  au  cerveau. 

Scott  vivra  comme  poote,  comme  romancier  ;  comme 
.historien,  c'est  douteux. 

J'ai  déjà  mentionné  l'histoire  de  Napoléon  I,  par  Scott, 
œuvre  de  longue  haleine  et  qui  n'ajouta  rien  à  la  renom- 
mée de  l'auteur.  Il  était  fort  prématuré  de  passer  sentence 
jfinale,  en  r827,  sur  le  grand  ravageur  des  nations.  Parmi 
une  nombreuse  série  de  travaux  historiques,  critiquer»,  bio- 
graphiques, on  peut  sans  compter  ses  contributions  jour- 
jialières  aux  revues,  citer  les  œuvres  suivantes  de  Scott  : 

Sibalil's   Chroniclps  cf  Scottisli  i)Ot'try 1803 

Jjil'o  iinil  Wo.ks  of  Jolin  Drydi-n — Id  volumes 1408 

Secret  llistory  of  tlie  Ooiirt  of  Kiiig  James  1 1811 

Jjifo  ami  Works   of  Jouathiiu  Swift  lit  volumes 1814 

Kilinburgh  Auuuul  Register  for  1814,Hi3torical  jJL'partment 1817 

l'rovincial  Aiitiquitios  of  Scotland ImIS 

Lives  of  tho  Xovolista 1»2': 

('lironological  notes  on  Scoftisli  Atïairs,  16Hi)-17iil 1821 

Introduction  and  notes  to  Menioirs  of  Madame  de  Larochujaiiiielin 182') 

Life  of  Xapoleoi»  Ituonaparte — 'i  volumes .'  If<27 

History  of  Scotland ISi'i 

L'appréciation  en  détail  de  ces  œuvres  nous  mènerait 
ibien  au  delà  des  bornes  de  la  présente  étude. 


romans 
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chez  le 
llectu- 
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Scott, 
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A.  MONSIEUR 


L'ABBE  LOUIS  BOLS, 


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Société  Royale  du  Canada 


OOR/IDI^L   SOXJVEISriE.. 


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LK  MAJOK    ST030. 


(1756-9.) 


Arma  vintmquc  cano 

A  défaut  d'autres  matériaux  pour  l'histoire,  mou  piu- 
ceau  va  eutreprcndre  de  fixer  sur  cette  mouvante  et  capri- 
cieuse toile,  les  traits  de  deux  pcrsonnaj^es,  qui,  en  1759, 
jouèrent  en  ces  parages  ciiacun  leur  rôle,  mais  à  des  points 
de  vue  diffcrcnts.L'un  était  un  beau  et  jeune  officier  anglais, 
prisonnier  de  guerre  à  Québec  depuis  1756  ;  l'autre,  le  che- 
valier de  la  Durantaye,  (i)  un  des  membres  de  ces  Gt'aii- 
dcs fainillis  du  Canada,  dont  l'abbé  Daniel  a  c>)m[.ilc 
rilliadc,  au  profit  du  Chevalier  Benoit.  Je  vais  peupler,  d'un 
héros  de  plus,  l'ère  palpitante  de  la  conquête  !  Oyez.  : 

Le  3  juillet  1754,  à  la  capitulation  dw  fort  DuC^uesnc, 
où  commandait  George  Washington,  alors  major,  deux- 
fringants  capital U'  '11  roi  Geooge  II,  Robert  Stobo,  né 
en  1727,  à  Glasgow,  en  Ecosse,  et  Jacob  Van  IJraam,  hol- 
landais, furent  livrés  en  otage  à  Coulon  tic  Villiers,  le 
commandant  français,  pour  répondre  de  l'exécution  fidèle 
des  conditions  de  la  capitulation  ;  laquelle  fut  plus  tartl 
répudiée  par  l'Angleterre. 

Ce  3  juillet  était  une  date  glorieuse  pour  les  armes  fran- 
çaises. 

Toute  la  garnison  anglaise  se  retira  de  cette  région  de 
rOhio,  et  alors,  selon  l'éloquent  langage  de  Bancroft  :  "Dans 
"  toute  la  vallée  du  Mississipi,  jusqu'à  son  berceau  dans 
"  les  xVlleghanies,  aucun  étendard  ne  flottait  que  celui 
"  de  la  France." 

Le  jeune  Stobo  s'était  établi  en  Virginie,  vers  1742.    Son 


0)  La  soignoui'io  ilo  Kamouraska    fut  concéJùo,  le  H  juillet  1074,  au  sieur  «lo  la 
Durantaye. 

27 


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V.  { 


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418 


r.K  MAJOR  STOlîO 


commerce  affable,  son  courage,  son  train  de  vie  de  grand 
seigneur,  son  beau  physique,  l'entourèrent  bientôt  d'admi- 
rateurs et  d'amis  :  parmi  ces  derniers,  Dinwiddîe,  le  gouver- 
neur de  la  Virginie,  qui  lui  fit  avoir  une  commission  de 
capitaine,  dans  un  corps  de  carabiniers,  levé  en  1754, 
pour  repousser  les  incursions  des  Français  dans  les  Pro- 
vinces britanniques.  En  se  constituant  piîsonnier  et  otage, 
Stobo  remit  à  regret  au  lieutenant  de  sa  compagnie,  son 
épée  qu'il  devait  pourtant  recouvrer  dans  la  suite  ; 
avec  son  collègue,  Van  Braam,  il  fut  relégué  dans  l'inté- 
rieur du  Fort  DuOuesne,  avec  permission,  étant  détenu 
sur  parole,  d'en  parcourir  librement  toute  l'étendue.  Il 
était  retenu  comme  otage  ;  il  préféra  se  faire  espion  et 
s'oublia  au  point  de  préparer  un  plan  de  la  forteresse  qu'il 
signa  et  réussit  à  transmettre  à  l'ennemi.  Ce  plan  et  ses 
propres  lettres,  plus  tard,  lors  de  la  défaite  de  Braddock, 
tombèrent  au  pouvoir  des  Français.  Ces  derniers,  indignés 
de  cet  abus  de  sa  liberté  chez  leur  otage,  décidèrent, 
d'expédier  Stobo  et  Van  Braam  à  leur  château-fort  par 
excellence,  à  Québec.  Ils  y  arrivèrent  en  1756.  Là,  l'air 
distingué  du  jeune  prisonnier,  ses  manières  insinuantes, 
ses  malheurs  lui  valurent  des  adoucissements  dans  sa 
captivité,  aussi  bien  qu'un  relâchement  de  vigilance  chez 
SCS  geôliers.  Il  tenta  de  s'évader  :  mais  une  récompense 
de  6,000  livres  offerte  par  Vaudrniil,  pour  sa  capture,  le 
ramena  bel  et  bien. 

Le  2S  novembre  I756,  il  subit  son  procès  devant  Vau- 
drcuil,  pour  violation  du  droit  des  gens,  au  Fort  DuQuesne 
et  fut  déclaré  convaincu  de  trahison  pour  avoir  abusé  de 
sa  position  neutre  d'otage,  on  communiquant  des  rensei- 
gnements à  l'ennemi  ;  puis,  contlamné  à  mort.  Vaudreuil 
écrivait  en  novembre  1756  à  M.  de  ÎMachault  (i)  pour 
faire  approuver  la  sentence  qui  décidait  de  son  sort.  Le  mâle 
courage  de  Stobo  ne  l'abandonna  pas  dans  sa  captivité. 
On  le  transporta  d'une  prison  commune  à  une    espèce    de 


(1)  Colk'ctiou  O'CiUlttglian,  Toiiio  X.    P.  I')i>. 


liantes, 
ans  sa 
chez 
pense 
re,    le 

Vau- 
uesne 
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ensei- 
dreuil 
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mâle 
tivité. 


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■ce    ce 


KSQUISSLS 


419 


cachot  où  deux  sentinelles  se  relevaient  aux  porte.--,  à  tour 
de  rôle.  Son  biographe,  que  la  nature  semble    avoir  doué 
d'une  imagination  fort  vive,  peint  à  la  Rembrandt,  les  hor- 
reurs de  ce  cachot  canadien,  où    le    beau    capitaine    avait 
pour   visiteurs,   non    les    galantes   dames   de  Québec,  de 
l'entourage   de    Bigot,    ma's    de    "solitaires    souris"    qui 
venaient  partager  avec  lui  sa  ration  quotidienne    de    pain 
et  d'eau  :    régime  assez    propre    à   calmer  les  ardeurs    de 
cet  aventureux  Don  Juan.  On  porta  même   l'inhumanité, 
dit   son    biographe,    jusqu'à    le   promener    en    triomphe. 
par  les  rues,  les  bras  liés  par  de  fortes    cordes  ;  le    pauvre 
prisonnier  prenait  plaisir  à    répéter    à    ses    maîtres    inhu- 
mains qu'il  espérait    "que  le  temps    viendrait    où   il  pour- 
rait leur  tirer  le  nez."  Ce  temps  vint. 

Il  est  bon  de  reniarquer  que  h;  Gouvernement  anglais 
avait  désavoué  les  conditions  de  la  capitulation  du  Fort 
DuQuesne.  Est-ce  pour  cette  raison  que  le  Roi  de  France 
refusa  de  ratifier  la  sentence  de  mort,  passée  sur  le  prison- 
nier, et  en  ce  cas, quelle  se  trouvait  la  positioii  réelle  de  Stobo 
vIs-à-vis  les  Français  ?  Etait-il  otage  ou  simplement  pri- 
sonnier de  guerre  ? 

En  vain,  demanda-t-il  à  être  échangé  contre  d'autres 
prisonniers  aux  mains  des  Anglais  :  on  mentionna  le  nom 
de  LafoTe,  canadien,  alors  prisonnier  de  guerre  en  Vir- 
ginie .  mais  les  autorités  refusèrent  d'échanger  Stobo. 

Silvio  Pellico,  sous  les  plombs  de  W-nise,  seul  avec  ses 
araignées  apprivoisées,  est  bien  le  symbole  de  la  désolation. 
Robert  Stobo  "avec  ses  souris  solitaires,  'dans  cecichot.  à 
Québec,  était  pour  le  moins  aussi  triste,  aussi  désolé,  mais 
il  était  plus  entreprenant.  Sans  se  rebuter  de  ce  que  sa 
tentative  d'évasion  de  1756  avait  échoué,  il  trouva  moyen 
après  des  peines  et  des  fatigues  inouies,  d'enlever  une 
partie  du  grillage  de  sa  fenêtre,  et,  pendant  ure  tempête 
de  pluie,  le  30  avril  1757,  il  sut  piendre  avantage  de  l'ab- 
sence momentanée  des  sentinelles,  qui  avaient  cherché 
refuge  contre    l'averse,  dans  une    maison  voisine,    pour 


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420 


LE  MAJOR  STOBO 


s'évader.  Il  traversa  à  la  nage  le  Saint-Charles,  et  resta 
caché  toute  une  journée  dans  les  bois.  Vaudreuil  offrit  de 
nouveau  les  6,000  livres  pour  recouvrer  son  prisonnier  qui 
se  rendit,  sans  encombre,  jusqu'à  la  chute  de  Montmo- 
rency. Une  patrouille,  envoyée  à  ses  trousses,  le  captura  et 
le  ramena  à  Québec.  Qui  nous  redira  les  péripéties  de  sa 
lont^ue  et  douloureuse  captivité  ? 

Il  devint  triste,  morne,  pâle,"  gris,  comme  un  blaireau'' 
dit  son  bizarre  biographe.  Mais  il  était  beau  dans  sa 
pâleur,  intéressant  pour  le  sexe,  même  dans  son  malheur. 
En  1757,  il  y  avait  à  Québec,  "des  anges  de  perfection, 
du  sexe  féminin  ;' il  y  en  a  toujours  eu.  Ceux  de  1757 
avaient  l'oreille  de  Vaudreuil  ;  laissons  parler  le  biographe 
de  Stobo  : 

"  There  dwelt,  by  lucky  fate,  in  this  strong  capital,  a 
lady  fair,  of  chaste  renown,  of  manners  sweet  and  gentle 
soûl  ;  long  had  lier  heart  confessed  for  this  poor  prisonner, 
a  flame  best  suited  with  the  spirit  of  the  times,  to  smother." 

Je  ne  suis  pas  du  tout  surpris  d'apprendre,  qu'il  y  avait 
à  la  Cour  du  petit  roi  Vaudreuil,  à  Québec,  en  1757,  une 
de  ces  "  natures  d'élite.  "  Bigot  en  comptait  plusieurs  à 
son  château,  à  Charlesbourg,  mais  qui  ne  brillaient  pas 
par  la  chaste' é.  Je  m'étonne  cependant  du  langage  guindé 
ijue  le  dit  biographe  prête  à  cette  jolie  française,  protec- 
trice de  Stobo,  interccilant  pour  sa  vie,  auprès  de  Vau- 
dreuil :  "  Cousin,  aurait-elle  dit,  notre  bonne  Cour  Cana- 
dienne était  sans  doute  en  son  droit  quand  elle  condamna 
ce  prisonnier  hautain  (^Stoboj  à  forfaire  sa  vie  à  notre 
Grand  Monarque,  dont  la  bienveillance  assure  la  paix  au 
genre  humain,  et  ses  victoires,  l'empire  au  monde." 

'•  Her  Virgin  innocence  prevailed,"  la  candeur  de  cette 
vierge  prévalut  :  laquelle,  paraît-il,  était  mère  dt  filles 
encore  plus  accomplies  qu'elle  : 

Main  pulchrâ  fllia  ptilclirior . 

Stobo  était  tellement  exténué  par  sa   longue   captivité, 


ESQUISSES 


421 


cette 
filles 


itivité, 


•qu'elle  obtint  permission  du  gouverneur,  d'héberger  le 
pauvre  captif  chez  elle,  près  des  remparts,  sous  la  garde  de 
•sentinelles.  Le  beau  prisonnier,  étant  aux  petits  soins,  se 
sentit  renaître  à  la  vie,  à  l'espérance,  grâce  aux  dames  de 
Québec.  Fut-il  reconnaissant  plus  tard,  quand  le  sort  des 
armes  lui  livra,  disent  le  Mémoire,  ces  dames  prisonnières  .' 
C'est  ce  que  son  biographe  a  oublié  de  nous  dire.  Bref, 
c'est  de  là  que  la  troisième  tentative  d'évasion  eut  lieu. 
Stobo  s'évada,  en  1759,  avec  le  lieutenant  Stevenson, 
officier  des  Rangers  de  Roger,  et  un  écossais  du  nom  de 
'Clark,  qui  s'était  fait  catholique  pour  jouir  de  plus  de 
privilèges  dans  sa  captivité.  Les  fugitifs  ayant  trouvé  un 
canot  d'écorce,  s'y  aventurèrent  ;  après  avoir  couru  des 
dangers  sans  nombre,  après  avoir  scalpé  deux  sauvages, 
dont  ils  redoutaient  les  révélations,  etc,  ils  arrivèrent  dans 
une  des  paroisses  du  bas  du  fleuve,  et  rencontrèrent  le  sei- 
gneur de  Kamouraska,le  chevalier  de  la  Durantaye.  Le  haut 
et  puissant  seigneur  de  Kamouraska,  revenait  chez  lui  dans 
une  chaloupe  chargée  de  blé  :  Stobo  s'en  empara  au  grand 
déplaisir  de  ce  dernier,  qui  lui  tint  le  discours  suivant  :  "Je 
suis  le  Chevalier  de  la  Durantaye  :  les  îles  de  Kamouraska  en 
entier  m'appartiennent,  et  le  gentilhomme  le  plus  distingué 
qui  y  réside  est  mon  vassal  :  le  plus  pur  sang  canadien 
coule  dans  mes  veines  et  le  puissant  Duc  de  Mirepoix  me 
reconnaît  comme  son  parent,  ainsi  que  plusieurs  autres 
nobles  de  France,  sans  compter  que  ma  vieillesse  et  me.- 
infirmités  doivent  me  garantir  contre  l'indignité  d'avoir  à 
conduire  mes  ennemis  à  la  rame  dans  cettte  chaloupe." 
Stobo  lui  répondit  •  "Monsieur,  la  fortune  de  la  guerre  vous 
a  remis  entre  nos  mains,  et  si  vous  étiez  le  Grand  Monar- 
•que  lui-même,  et  tous  vos  matelots,  autant  de  pairs  de 
F'rance,  soyez  sûr  que  ce  serait  votre  destinée,  de  conduire 
à  la  ravie  aujourd'hui  un  sujet  britannique.  Ramez-donc, 
mon  ami,  ramez  ;  jetons  à  la  mer  ce  qu'il  sera  nécessaire 
de  blé  pour  alléger  l'embarcation,  tandisque  notre  canot 
d'écorce  est  remorqué."  Finalement,   Stobo  ayant  payé  au 


422 


LE  MAIOR  STOBO 


chevalier  la  valeur  du  blé  jeté  à  la  mer,  le  rendit  à  la 
libe-*-J;  après  s'être  emparé  de  force  d'une  embarcation 
française,  avec  laquelle  il  se  rendit  à  Louisbourg,  après 
avoir  échappé  à  des  dangers  infinis.  La  flotte  anglaise 
ayant  quitté  ce  port  pour  Québec,  Stobo  revint  rejoindre 
Wolfe  devant  Québec,  et  lui  rendit  de  grands  services  par 
ses  connaissances  des  lieux,  (i)  Wolfe  et  Stobo  allèrent 
s'emparer  des  dames  de  Québec,  qui  s'étaient,  au  rapport 
de  Sieur  Jean  Claude  Panet,  (2)  réfugiées  à  la  Pointe  aux 
Trembles.  Elles  furent  mises  en  liberté  le  lendemain,  après 
avoir  été  traitées  avec  toute  espèce  d'égards  :  le  jeune 
Général  Wolfe,  âgé  de  32  ans  et  qui  devait  à  son  retour 
en  Angleterre  épouser  Miss  Lowther  ('laquelle  devint  plus 
tard  duchesse  de  Bolton)  se  montra  un  courtois  et  ga- 
lant seigneur.  "  Chaque  officier,  dit  la  Relation  de  J.  C. 
Panet,  ayant  donné  son  nom  aux  belles  prisonnières  qu'il 
avait  faites."  En  ce  cas,  laquelle,  pour  le  quart  d'heure,  fut 
Madame  Wolfe  ?  Madame  Murray  ''  Madame  Stobo  ? 
antiqua'res,    cherchez. 

Stobo  fit  connaître  en  outre  à  Wolfe,  (^\  le  sentier  du 
Foulon  qui  conduit  au.x  Plaines  d'Abraham,  et  eut  mis- 
sion, cette  automne  là,  de  porter  des  dépêches  à  Amherst, 
vers  le  lac  Champlain. 


(1)  Xow  ho  scouis  tliioiiuh  tlu' woods,  in  liis  uivi'ii  dioss,  with  hoiiiiot  bluo,  fo  lu'lp 
caeli  ivconiioitriiig  or  fcouiint'  imity.  . . .  Tho  frifiiiti's  passcd  tlie  town,  tlicn  lie  us  loadfr 
uj)  liu  f.oi's  to  tiiUi!  liia  l'air  ac(|uaiiitaiKvs,  \\\>  tlic  riviT  of  wlioin  a  goodly  iiiuiiher 
is  «tizcd  ;  thon  Jloiisioiir  ïSto'in's  iiiime  is  ail  that  is  lioard  for  Iialf  an  honr  at  loast  ; 
tliis  lady  oiitors  hor  coiiiidaiiit  niid  avors  that  hho  is  wroiigod,  (Moiiioira  of  Stobo.) 

(2)  21  .iuillot  175'.l.  "  A  trois  honros  ot  doiiiio  du  matin  loa  don/o  conts  Iioniinos  ont 
monté  à  hi  l'ointo-anx-Tromhlos.  Ils  ont  rr(;n  uno  fusillade  d'onviron  4(i  sauvagos,  où 
ils  ont  onvironno  los  maisons  autour  de  l'oglino,  ot  ont  fait  trois  linmmos  prisonniors, 
dont  lo  Sionr  L.iL'asHo.  Ils  ont  ommono  environ  treizo  fommos  do  la  villo.  ri'fuRiocs  audit 
lieu,  dont  IFosilamos  Duchosiniy,  ])o  Charnay,  sa  nu'To,  sa  sœur,  Aldllo  ('ouillnrd,  la  fa- 
millo  .Toly,  ^[ailliiot,  Mannau,  otaiont  du  nombre.  Us  los  ont  traitéos  avoo  totito  la  po- 
litosso  possihlo.  Lo  «outrai  Wolfo  était  il  lu  této  et  le  Sieur  Stobbs  (Stobo)  était  du  nom- 
bro,  qui  a  fait  bion  dos  compliments." 

Ce  qu'il  y  a  do  plus  tristo,  c'est  quo  los  anglais  ne  leur  avaient  fait  aucun  tort  et  que 
les  sauvages  ont  pillé  les  maisons  ot  luosqiu'  tous  les  biens  ilo  ces  famillos  réfugiées. 

22  .luillet  [17.'>!il.  JCnviron  los  neuf  heures,  ils  ont  envoyé  un  parlomentairo  do  l'Anso 
dos  Mores  pour  offrir  do  romottro  à  terre  toufos  los  femmes,  ■'i  condition  qu'on  laisserait 
passer  un  jietit  bateau  chargé  do  leur»  malades  ot  blessés,  t'otte  ottro  a  été  acceptée. 
Nous  avons  été  recevoir  les  foirnnos  i\  l'Anse  des  Mèros  à  trois  heures  de  relevée,  et  qui 
ont  été  reconduites  avec  beaucoup  do  politesse. 

Los  anglais  avaient  jiromis  de  ne  ]ioint  canonnor  ni  bond)arder  jusqu'à  neuf  heures 
du  soir.jiour  donner  aux  dames  lo  temps  do  .^e  retirer  ofi  elles, jugeraient  ■X\)ioitu9."{Uehi- 
(i'iii  (le  ./.  C.  J'iuiijt  17V.I. 

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(1)  Knox'3  Jiinrniil.  Vol.  II 


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423 


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Anse 
isorait 
l'ptéo.. 
et  (ini 

ipurcs 
liehi- 


Tuis,  il  fit  voile  pour  Boston  ;  son  vaisseau  fat  capturé 
par  un  navire  français,  ayant  des  lettres  de  marque,  mais 
ce  vaisseau  ayant  déjà  plus  de  prisonniers  qu'il  n'en  pou- 
vait conteni/,  relâcha  sa  capture  après  en  avoir  exigé  une 
forte  rançon.  Plus  tard  ayant  fait  voile,  !e  18  février  1760, 
pour  l'Angleterre.Stobo  tomba  encore  aux  mains  des  l'ran- 
çais,  qui  lui  firent  payer  encore  une  forte  rançon  pour  sa 
liberté. 

l'ui?;.  nous  retrouvons  l'aventureux  capitaine,  muni  de 
lettres  bienveillantes  du  fameux  ministre  Pitt  au  général 
Amherst,  laissant  l'almouth,  le  24  avril  1760,  pour  reve- 
nir prendre  du  service  en  Amérique. 

La  chambre  dos  représentants  de  la  V^irginie  lui  avait 
préalablement  voté  £1,000  pour  l'indeniniser  de  ses  souf- 
frances, et  ;6^500  pour  arrérages  de  paie  pendant  sa  cap- 
tix'ité,  avec  les  remercîments  de  la  province  de  la  Virginie. 
Ce  fut  George  Washington,  qui  fut'  chargé  de  présenter 
les  adresses  de  remercîments.  LWnii}'  List  nous  fait  connaî- 
tre que  Stobo  fat  nommé  capitaine  au  i5e  régiment  d'infan- 
terie, le  5  juin  1761.  (O  II  revint  en  Amérique  et  servit 
en  1762  aux  îles  occidentales.  Il  retourna  en  Angleterre 
en  1767  et  quitta  l'armée  en  1770,  année  où  il  semble  être 
mort.  Voilà  une  courte  esquisse  de  l'aventureuse  carrière 
du  brave,  du  beau  et  peu  scrupuleux  Major  Robert  Stobo, 
l'ami,  selon  David  Hume,  de  l'historien  Smollet.  H  aurait 
fourni,  dit-on,  à  cet  écrivain  distingué,  le  calque  de  son 
héros  de  roman,  le  capitaine  Lismahago,  dans  Is  Acïvcn- 
titns  of  Hninphny  Clinkcr  :  mais  c'est  une  copie  exagérée, 
de  cette  singulière  silhouette  historique,  (2)  qui  perce  si  sou- 


(1)  Kiiox  mi'iitioniio  pu  iioto  :  "  Tliis  is  ^1.  Stolm,  :iii  olticcr  ol' tjivnl  merit  wlio  liaU 
la'cii  an  orcasioiial  major  of  tlio  l'roviiuials,  and  for  particiilar  jfooil  services,  wna 
rowuriU'iI  witli  a  conipaMy  of  tlie  lôlli  lî»'^;.  of  foot". 

(;!)  (^iioli|Ut>s-nns  dos  faits  pt  «pstos  du  Siour  Stolio  sont  lirièvinu'nt  ini'ntionms  au 
KPeond  tonio  du  .lonriial  do  Kuox,  l'agp  :i(,  .'ntréo  du  2(1  août  IT'ilt.ainsi  <|U':'v  la  Kilation 
do  iToan  l'iaudo  l'aupt.  Paso  i:!,  ontroo  du  1\  .Juillot  1".V(  :  riiistnripn  Korland  y  fait  al- 
lusion paup  r>74. — Tomp  II,  '^'ours  d'Iiistnire  ilu  l'iinnrld.  lia  t'olloction  D'CallaKlmn, 
Tomp,  XII,  l'aiïe  102"),  contient  ml  connuairo  l)ionrai)lii(iuo  dp  cet  ptran«p  lioinHie  de 
Buerre — mais  il  faut  l'étudier  surfout  dans  le  rare  volume  "  Memuirs  i\f  liiihctt  Stnlm — 
PHtshurg — 1854, —  d'ai)rù9  un  manuscrit  do  Londres. 


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424 


LE  MAJOR  STOHO 


vent  dans  nos  annales,  au  temps  du  grand  siège  et  qui  est 
maintenant  esquissée  pour  la  première  fois,  pour,  nos  lec- 
teurs français.  Elle  servira  plus  tard,  sans  doute,  de  héros 
à  nos  romanciers. 


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qui  est 
03  lec- 
;  héros 


AUGKNERAL 


HORATIO  ROGERS 


Membre  de  plusieurs  sociétés  historiques. 


l'kov]i>i:Nxr:.  R,  i. 


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II 


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AU  GENERAL  HORATIO  ROGERS. 

Cher  antiquaire, 

C'est  avec  un  vif  plaisir  qu'il  m'est  donné  d'apprécier 
dans  cette  courte  notice,  vos  recherches  historiques  tou- 
chant une  phase  notable  de  votre  carrière  colonia'e  :  celle 
qui  retrace  la  lutte  sanguinaire  de  votre  patrie  avec  notre 
métropole,  d'où  origina  au  siècle  dernier  votre  florissante 
république,  et  où  le  Canada  eut  sa  part  des  dangers. 

La  campagne  de  Burgoyne  dirigée  de  Québec,  fut  une 
mémorable  campagne. 

Votre  tâche  après  huit  années  de  labeur  incessant,  menée 
à  bonne  fin,  avec  la  patience  de  l'antiquaire  et  l'impartia- 
lité de  l'historien,  est  pleine  d'intérêt  pour  le  lecteur  cana- 
.dien.  A  chaque  page,  il  rencontre,  mis  en  relief  par  votre 
plume,  un  nom  connu  ou  vénéré  dans  ses  annaleo. 

Spencer-Grange,  Octobre  1S85. 


LA  GUERRE  DE  L'INDEPENDANCE.  17Z5.  (i> 

*'  Haddcti's  Journal  and  Ovdci'lcy  llooks,  1776-S,  ainwtatcd 
by  Gcucral  Horatio  Roger  s,  1884. 

Au  nombre  des  épisodes  les  plus  marquants  de  l'opi- 
niâtre conflit  entre  )a  Nouvelle- Anf^leterre  et  l'ancienne 
^1775-83),  l'on  peut  placer  la  campagne  du  Lt.-Général 
Burgoyne,  conduite  de  Québec,  en  1776  et  close  par  la 
capitulation  de  l'armée  anglaise,  le  17  octobre  1777,  sur  la 
plaine  de  Saratoga. 

Jamais  homme  de  guerre  n'avait  d'abord  semblé,  à  son 
début,  plus  favorisé  {2)  de  la  fortune,  que  le  beau,  l'érudit, 
le  fastueux  filleuil,  le  protégé,  sinon  le  fils  naturel  de 
Lord  Bingley,  John  Burgoyne.  Uni  par  mariage  avec  la 
puissante  maison  anglaise  des  Derby,  il  sut  vite  capter  la 
faveur  spéciale  de  son  souverain,  George  III  ;  bientôt  son 
nom,  déjà  cotmu  par  ses  succès  militaires,  s'associait  dans 
l'esprit  du  public,  à  ceux  de  Ilowe  et  de  Clinton  pour  des 
commandements  en  Amérique. 

Burgoyne  devint  l'enfant  gâté  de  la  cour,  au  point  qu'il 
fut  même  questiou  de  le  décorer  du  ruban  rouge  de  l'Ordre 
du  Bain,  sans  même  donner  à  la  victoire  le  temps  de 
s'inscrire  sur  ses  drapeaux. 

Burgoyne  se  vantait  de  pouvoir  facilement  réduire  à  la 
raison  les  colonies  révoltées  ;  un  seul  de  ses  amis,  dit-on, 
l'illustre  Fox,  convaincu  de  la  gravité  de  la  situation,  lui 
dit  un  jour,  en  badinant,  que  loin  de  réduire  l'ennemi, 
quand  il  reviendrait  en  Angleterre,  ce  serait  comme  "pri- 
sonnier sur  parole  ;  "  il  ne  s'y  trompa  pas. 


'(l)  Jîiulih-n's  Journal  iind  Ordi'ihj  liook.i. — A  .lourii.al  kopt  iii  Cniiadn  nnd  ujion 
Burgoyiio'H  C.iiiii)uigu,in  ma  aiuX  1777.  by  lii«iit.  Jiimus  llaïUk-n,  Uoyal  Artillury.  Als" 
Ordors  koi)t  hy  liim  aiid  issiu'd  l)y  Sir  Guy  C'arleton,  Lieut.  Cii'ii.  John  Uurpoyiie  ami 
Maj.  Ueu.  William  l'hillii)»,  ia  1770,  1777  and  177ti,  witli  an  Kxplanatory  Cliaptor  and 
Notes  l)y  Horatio  Koi^ara. 

Albauy  :  Joi'l  Munaeirs  Sons,  188i. 

(2)  Le  général  IJurgoyno,  idus  tard  membre  du  l'arlcniont  inipérial  pour  l'restriii, 
Lanciisshire,  u  laissé  pUiuieurs drames  fort  en  vogue,  au  siècle  dernier,  entre  autre  :  "  Tlic 
Mtiid  (>/  the  OiiAs,"  ''Bon  Ton"  '"'rhe  Heiress,"  etc. 


KS(;)UJssi:s 


429 


Iquil 
ire 
de 


Vastes  avaient  été  les  préparatifs  de  la  campagne  qui 
devaient  ramener  aux  genoux  de  l'opiniâtre  monarque, 
ses  enfants  rebelles,  les  émeuticrs  de  lioston,  etc.  ;  onc- 
ques,  en  égard  au  nombre,  plus  belle  armée,  n'avaic  dit 
adieu  à  la  plage  de  la  Grande  Bretagne.  Des  proclamations 
pompeuses  en  avaient  annoncé  l'approche.  Succès  assez 
éclatants  d'abord,  auxquels  ne  furent  peut-être  pas  étran- 
gère la  terreur  que  les  farouches  alliés  de  Ikirgoyne,  les 
sauvages  du  Canada,  inspiraient  de  tout  côté  ;  désastres 
réitérés  pour  la  cause  coloniale  ;  cri  de  désespoir,  puis, 
raliement  suprême  des  Américains  ;  défaite  du  général 
anglais,  le  7  octobre  1777,  à  Schuylerville  M. -Y., — plus 
tard,  capitulation  de  l'armée  entière, —  Te  Deiiin  à  la  nou- 
velle de  la  délivrance  du  joug  impérial,  suivi  de  l'alliance 
française  qui  contribua  pui'isamment  ii  dissi[)cr  le  noir 
nuage  du  désespoir  qui  avait  obsédé  Washington  même  : 
voilà  autant  de  péripéties  de  cette  lutte  terrible,  auxquelles 
la  campagne  de  Ikirgoyne  se  rattache. 

Le  journal  du  Lt.  Jas.  Iladden,  habile  officier  d'artil- 
lerie, mort  général,  et  qui  avait  servi  sous  Burgoyne, 
relate  tout  ce  qui  a  en  lieu,  jour  par  jour,  depuis  la  date 
de  son  départ,  pour  Québec,  le  4  mars  1776,  jusqu'à 
l'époque  de  la  bataille  de  Free//nv/'s  lùinn,  le  19  septem- 
bre 1777.  Ce  document  comble  bien  des  lacunes,  les  unes 
peut-être  laissées  à  dessein,  dans  le  journal  de  Ikirgoyne, 
annoté  par  le  Dr  O'Callaghan  :  le  journal  de  Iladden, 
avec  les  Order/y  Books  étant  devenu  la  propriété  en  1873, 
du  général  Iloratio  Rogers,  de  Providence  l-,  I.,  ce  mili- 
taire, fort  connu  par  ses  goûts  d'antiquaire,  a  consacré  près 
de  huit  années,  à  faire  des  recherches  dans  VArnif  List  de  la 
Grande-Bretagne,  dans  les  archives  des  sociétés  historiques 
des  Etats- Unis,dans  le  bureau  des  archives,  à  Ottawa,  parmi 
la  riche  collection  de  M.  l'abbé  Verreau,  à  Montréal,  et  dans 
c^W^à^Xa. Société  Litte'rairc  et  Historique,  à  Québec,  etc. 
La  relation  de  Hadden,  un  in-quarto  de  près  de  600  pages 
orné  de  cartes,  de  plans  de  batailles,   d'au   moins   quatre 


430 


I.A  CUKRRK  DE   I/INDKI'KNDANCK,    1775 


cents  notes,  est  une  véritable  encyclopédie  historique,  d'une 
incontestable  valeur.ajoutée  aux  documents  historiques  de 
cette  période.  Le  général  Rogers  visitait  le  Canada,  en 
1881,  en  quête  de  renseignements.  En  ma  qualité  de  pré- 
sident de  la  Societc  Littâ'airc  et  //iston'çHt',}' éprouvai  heau- 
coup  de  plaisir  à  mettre  à  sa  disposition  les  archives  de 
•cette  société  et  autres  renseignements  historiques  en  ma 
possession  dont  il  a  fait  bon  usage,  comme  il  se  plait  à  le 
reconnaître.  Parmi  les  grandes  figures  de  notre  histoire, 
esquissées,  soit  dans  de  volumineuses  notes,  soit  dans  les 
copieux  appendices,  notons  surtout  Guy  Carleton,  Lord 
Dorchester,  Ilaldimand,  Sir  John  Johnstone,  Luc  de  la 
Corne  St.  Luc,  Capt.  Piftr  De  Houcherville,  Capt.  Monnin, 
tous  deux  commandant  des  compagnies  canadiennes  sous 
Burgoync  ;  Arnold,  Montgomery,  le  général  Fraser,  le 
capitaine  Nairne,  Dambourgès,  le  capitaine  George  Laws, 
le  Baron  Riedesel,  Allan  McLean,  le  général  Henry 
Watson  Powell,  l'ancien  propriétaire  de  Powell  Place, 
maintenant  Spencer-Wood,  Chs  Tarieu  de  la  Naudière, 
et  une  foule  d'autres. 

Les  annotations  du  journal  de  Hadden  jettent  du  jour 
sur  une  question  jusqu'à  présent  fort  douteuse  et  fort 
débattue  :  la  descendance  du  général  Burgoyne.  Le 
fils  de  Madame  J.  Burgoyne  était-il  bien  le  fils  de  son 
mari,  ou  bien  le  fils  naturel  de  Lord  Bingley,  qui  lui  lais- 
sait un  legs  considérable  sous  d'étranges  circonstances  ? 

Un  autre  point  où  Hadden  mérite  d'être  lu  et  examiné, 
c'est  là  où  il  traite  de  la  coiivention  de  Saratoga  et  de  la 
question  délicate  des  drapeaux  anglais,  séquestrés  pour 
les  empêcher  de  tomber  aux  mains  des  colonistcs  révoltés, 
ainsi  que  des  déclarations  officielles  faites  à  c 

Le  général  Rogers  a  consacré  comme  1/1  rii^  ce, 

un  chapitre  assez  étendu  pourexpli(  itii      de 

l'armée  mi.vh'  de  Burgoyne,  compose^  :  vieu:  .éginients 
anglais,  dont  la  plupart  avaient  vu  du  servie»  ;  de  Hcssois 
et  de   Bnitiszcickois  sous  Riedesel,  Baum  et   l'ausch  ;    de 


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KSQUissr.s 


431 


Le 

son 
lis- 


provinciaux  levés  dans  la  Nouvelle-Angleterre,  etc.  ;  de 
•Canadiens  sous  les  capitaines  De  Houcherville  et  jNIcnnin  ; 
enfin,  de  sauvages  sous  Sir  John  Johnston  et  Luc  de  la 
Corne  St.  Luc,  le  survivant  du  naufrage  de  VAiti^^nstt.  Tout 
en  rendant  justice  à  la  bravoure  éprouvée  de  ce  vétéran, 
le  volume  nous  le  montre  sous  certains  aspects  peu 
attrayants  ;  d'abord,  plus  féroce  que  ses  féroces  sauvages  ; 
puis,  prêt  à  déserter  son  drapeau,  à  la  nouvelle  de  la  red- 
dition prochaîne  de  Montréal,  aux  envoyés  du  Congrès, 
soumission  que  Montgomery  refusa  d'accepter. 

La  lecture  du  journal  de  Iladden,  fera  peu  pour  restaurer 
la  réputation  avariée  de  Jiurgoyne,  enclin  plus  d'une  fois 
à  rejeter  sur  ses  alliés,  les  Allemands  qu'il  affectait  de 
mépriser,  et  sur  ses  alliés,  les  sauvages  qu'il  n'aimit  pas,  la 
non  réussite  de  ses  opérations  militaires. 

Le  général  Rogers  soumet  également  plusieurs  thèses 
liistorique.s  qui  auraient  besoin  d'être  éclaircies  par  nos 
historiens  et  dont  il  a  vainement  chercher  la  solution  dans 
les  écrits  de  nos  antiquaires  Verreau,  lîois,  Tanguay,  etc. 
Horatio  Rogers,  appartient  à  l'école  des  chercheurs  de  la 
trempe  des  Jacques  Viger,  des  Fcrland,  des  Paillon,  etc.  ; 
son  beau  volume  devra,  selon  nous,  se  trouver  dans  les 
bibliothèques  publiques,  ainsi  que  chez  nos  érudit«i. 


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LA  DOUANE  A  QUEBEC. 
1760- 1883. 


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Percepteur  des  douanes 

QUEHKC. 

La  nomination  d'un  Percepteur  des  Douanes, dans  le  port 
dcOucbcc,  me  semble  plus  qu'un  iiKÎdent  ordinaire  des 
nominations  officielles.  J'aime  à  y  voir,  ce  jdur.  l'afTirina- 
tion  d'un  principe. 

Avant  l'ère  du  gouvernement  responsable,  pour  nous  le 
résultat  immédiat  de  1  insurrection  de  1S37-8,  le  choix 
d'un  Canadien-I'Vançais,  comme  "  Collector  of  Customs  at 
Québec,  '  oi'it  semblé  une  impossibilité  à  la  classe  influente 
qui  seule  avait  voix  au  chapitre.  N'ous  avons  évidemment 
fait  beaucoup  de  chemin  depuis  ce  temp';,  de  glorieuse 
mémoire  pom-  nos  martyrs  jiolitiques  et  leurs  adhérents. 
Si  l'étude  de  l'histoire  me  porte  à  jeter  un  regard  ému  sur 
le  passé,  veuillez  croire  que  ce  n'est  pas  dans  le  but 
stérile  de  rappeler  des  jovu-s  mauvais,  des  passe-dniiis,  des 
torts  à  réparer  ;  non,  je  -serais  Vi  dernier  à  vouloir  éter- 
niser de  vieilles  querelles,  tic  tristes  animosités  de  races. 
Sous  le  nouvel  état  de  choses,  un  tel  procédé  ne  tendrait 
qu'à  diviser,  à  neutraliser  nos  forces  nationale>,  partant, 
à  amoindrir  notre  prestige  comme  peuple,  nous,  "  alliés 
indépendants  de  la  Grande-Bretagne,"  si  j'ai  bien  saisi  le 
sens  des  paroles  que  notre  illustre  et  svmp.ithîque  Vice- 
Roi  adressait  au  Communes,  en  réponse  à  une  adresse,  le 
2^  mai  1883,  à  Ottawa,  Si  le  .sang  nous  enjoint  le  culte  de 
noire  passé;  un  amour  durable  pour  ce  qui  se  rattache  à 
notre  hiitcinuf^  province,  le  solennel  pacte  des  provinces 

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434 


LA    DOUANE   A   QUÉBEC 


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unies,  en  1867,  sans  éteindre  ce  qui  existait,  nous  a  créé 
de  nouveaux  devoirs,  un  culte,  un  amour  pour  quelque 
chose  bien  plus  vaste  qu'une  province.  Le  temps  heureu- 
sement est  loin  de  nous  où  le  Canada  renfermait  un  groupe 
de  races  hostiles  les  unes  aux  autres,  des  territoires  éten- 
dus, mais  sans  cohésion,  où  l'on  voyait  certains  éléments 
de  la  population  lutter  pour  une  injuste  prépondérance, 
sous  un  régime  oppressif.  Si  nous  tenons  à  compter 
pour  quelque  chose  en  présence  de  la  république 
colossale  qui  nous  avoisine,  si  les  provinces  îiuics  enten- 
dent continuer  d»;  se  prévaloir  du  prestige  et  de  la  protection 
du  pavillon  britannique,  il  faut  qu'avant  tout  il  existe  chez 
nous,  un  vif  sentiment  de  loyauté  au  Canada  confédéré  de 
1867  ;  Son  Excellence,  le  marquis  de  Lorne,  vient  de  nous 
le  répéter  en  termes  non  équivoques,  en  répondant  aux 
adresses  de  félicitations,  que  la  Calcdonia  Society  et  la  société 
Saint- Jean-Baptiste  de  Montréal,  lui  ont  présentées. 

Tout  en  félicitant  le  nouveau  Percepteur  des  Douanes 
pour  le  port  de  Québec,  sur  sa  nomination,  je  me  permettrai 
de  jeter  un  regard  en  arrière  sur  le  personnel  de  cet  impor- 
tant service.  Voici  quelques  détails  que  j'emprunte  à  l'excel- 
lent Rapport  sur  nos  archives  nationales  fait  par  l'archiviste 
M.Douglas  Brymner  et  présenté  aux  Chambres,  à  la  session 
de  1SS3  ;  je  me  permettrai  d'ajouter  à  ces  détails,  quelques 
bribes  d'histoire  et  de  généalogie,  sur  les  titulaires  de  la 
Douane  de  Québec.  D'après  M.  Brymner,  le  premier  Percep- 
teur des  Douanes  de  sa  Majesté  Britannique  à  Québec  fut  M. 
Thomas  Knox,  nommé  le  5  avril  1762.  (Thos.  Knox,  était- 
il  parent  de  l'officier  distingué,  le  Capitaine  John  Knox 
du  43e  Régiment  qui  servait  sous  le  Général  Wolfe,  et  qui 
nous  a  légué  sru  intéressant  Journal  du  Siège,  en  deux 
in-quarto  de  500  pages  chaque  ?  )  Le  premier  "  Comp- 
trollcr  "  fut  Thomas  Ainslie  ;  le  département  fut 
alors  constitué  officiellement  ici,  et  le  Port  de  Québec 
devint  un  Port  d'Entrée  pour  les  marchandises.  Montréal 
fut,  en  même  temps,  érigé  comme  "Out-Port,"  c'est-à-dire, 


ESQUISSES 


435 


succursale  au  Port  de  Québec.  Thomas  Lambe  devint 
"  Surveyor  "  et  Richard  Oakes  "  Waiter  et  Searcher  "  à 
Montréal.  Je  crains  de  me  hasarder  à  donner  en  français 
l'équivalant  de  ces  importantes  positions  dans  les  ::ouanes 
du  Canada.  En  1799.  Charles  Stuart  (lisez  Stewart)  !e 
père  de  Charles  Grey  Stewart  et  le  grand-père  du  courtier 
actuel  de  douanes,  M.  John  Stewart,  fut  nommé  "  Comp- 
trolkr"  et  Thomas  Ainslie  *'  Collcctor."  En  iSiO,  le 
"  Collcctor  of  tlic  Port,  "  M.  Scott  décéda,  et  fut  remplacé, 
la  même  anuée,  par  M.  (plus  tard  l'Hon.)  Michael  Henry 
Perceval,  le  parent  et  le  protégé  de  l'éminent  homme 
d'État,  l'honorable  Spencer  Perceval,  Chancelier  de  l'Echi- 
quier de  la  Grande-Bretagne,  traîtreusement  assassiné  au 
moment  où  il  franchissait  le  vestibule  de  la  Chambre  des 
Communes,  à  Londres,  le  11  mai  1812,  par  Bellingham. 
Il  était  allié  de  près  au  comte  d'Egmont  dont  la  famille 
était  des  Perceval  :  il  donna  en  conséquence  le  nom  de 
Spencer  à  son  beau  domaine. 

L'Honorable  Michael  Henry  Perceval,  le  Percepteur  des 
Douanes,  à  Québec,  cumulait  divers  emplois.  Il  était 
membre  du  Conseil  Exécutif,  aussi  bien  que  membre  du 
Conseil  Législatif:  heureusement  que  l'ennemi  acharné 
Aqs pluralistes  comme  on  les  appelait.  Lord  Durham,  n'é- 
tait pas  encore  venu.  L'Honorable  Michael  Henry  Perce- 
val vivait  d'une  manière  princière  sur  son  domaine 
de  Spencer  Wood,  acheté  du  vieux  LeHouillier.  Au  lieu 
du  modeste  traitement  actuel  de  £'^^0,  le  Percepteur  des 
Douanes  à  Québec  recevait  sous  le  régime  impérial  un 
traitement  sous  forme  d'honoraires,  égal  à  ;^8,ooo.  De  plus, 
la  grande  dame  qu'il  avait  épousée  à  Londres,  '.a  fille  ainée 
de  Sir  Charles  P^lower,  Lord  Mayor  de  Londres  en  1809 
— lui  avait  apporté  comme  dot  ^"40,000 — puis,  un  héritage 
de  ;C6o,ooo.  Un  percepteur  impérial  des  Douanes,  à  Qué- 
bec, avec  un  salaire  de  ^8,Oûo  par  année  et  une  épouse 
riche  de  ^100,000,  pouvait,  il  est  vrai,  rouler  grand  train. 
Feue  madame  Peter  Sheppard,  la  mère  de  M.  Wm.  Shep- 


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436 


LA    DOUANE   A    QUÉBEC 


pard,  Inspecteur  des  Postes  et  du  Capt  Percy  Sheppard 
A.  D.  C.  des  Lieutenant-Gouverneurs,  Robitaille  et  Mas- 
son,  une  des  habituées  de  Spencer  Wood.à  l'âge  d'or  des 
Perceval.aeu  en  i877,robligeancc  de  nous  communiquer  un 
petit  mémoire  sur  cette  joyeuse  période  qu'elle  avait  vue 
de  près,  où  les  réunions  de  virtuoses  et  d'artistes,  lui  assu- 
raient avec  sa  harpe,  ses  entrées  régulières.  Il  y  avait  alors 
beaucoup  moins  de  villas  dans  le  voisinage  que  mainte- 
nant :  les  hommes  les  plus  connus  sur  le  chemin  St-Louis, 
éta.  3nt  l'Honorable  William  Sheppard,  de  VVoodfield, 
mort  en  1867,  Henry  Atkinson,  du  Cap  Rouge,  mort  en 
1865  et  Alexandre  Simpson,  caissier  de  la  ^'a-^ique  de 
Montréal,  à  Québec,  décédé  récemment. 

Madame  Sheppard  nous  a  laissé  une  peinture  séduisante 
de  la  gracieuse,  élégante  et  savante  madame  Perceval, 
qui,  après  la  mort  de  sa  mère,  faisait,  avec  distinction, 
les  honneurs  à  la  Mmisiou  Ifoiisc  de  Londres,  en  1809, 
pour  son  père  Sir  Charles  Flower,  le  Lord  Mayor.  Elle 
était  excellente  musicienne,  femme  de  ménage  sans 
pareille,  parlait  quatre  langues,  l'anglais,  le  français,  le 
latin,  l'italien  :  son  salon  se  remplissait  chaque  quinzaine 
de  la  meilleure  société  anglaise  et  française  de  Québec, 
etc.  ;  au  reste,  il  est  probable  que  l'hon,  M.  Perceval  tenait 
à  continuer  les  traditions  de  gaieté  et  d'hospitalité  de  son 
fastueux  prédécesseur,  le  gouverneur  Sir  James  H.  Craig, 
iiltle  Kiiii^  Cra'\i;^,  comme  on  le  nonmiait.  Notre  vieil 
ami,  M.  P.  A.  DeGaspé,  nous  a  laissé,  dans  ses  Mémoires,  une 
vive  description  d'une  fête  champêtre,  à  Powell  Place,  en 
1809.  M.  Perceval  en  acquérant  ce  beau  domaine,  chan- 
gea le  nom  Powell  Place  que  le  général  Henry  Watson 
Powel,  lui  avp't  donné  en  1792,  en  celui  île  .Spencer  Wood 
pour  comménic  er  le  souvenir  de  son  illustre  parent,  Spen- 
cer Perceval,  si  tragiquement  assassiné.  "  Je  ne  puis  me 
rappeler  après  un  demi-siècle,  nous  disait  madame  Shep- 
pard, les  noms  de  tous  ceux  que  je  rencontrais  à  Spencer 
Wood,  chaque  fois  que  madame  Perceval  m'invitait  à  pin- 


ESQUISSES 


437 


leppard 
et  Mas- 
i'or  des 
quer  un 
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ù  assu- 
ait  alors 
niainte- 
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)odfield, 
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Juisante 
'crceval, 
linction, 
•n    1809, 
or.    Elle 
yç    sans 
içais,   le 
uinzaine 
Québec, 
al  tenait 
de  son 
Craig, 
re    vieil 
res,  une 
ace,    en 
chan- 
Watson 
Wood 
,  Spen- 
)uis   me 
e  Shep- 
Spencer 
t  à  pin- 


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cer  de  la  harpe  dans  ses  réunions  musicales.  Je  me  rappelle 
entre  autres,  l'hon  Mathew  Bell  et  son  épouse,  née  McKen- 
zie,  son  associé  M.  Monroe  qui  résidait  à  Wolfefield,  Sir 
John  Pownall,  les  Montizambert,  le  juge  Kerr,  les  Uni- 
acke,  les  Duchesnay,  les  Vanfelson,  les  DeGaspé,  les  Baby 
et  une  foule  d'autres  ;  feue  madame  Sheppard  a  eu  l'obli- 
geance de  nous  communiquer  une  notes  des  alliances  de 
la  famille  Perceval,  fort  nombreuse  comme  l'on  sait. 

"  Eliza,  l'aînée  des  filles,  épousa  Sir  George  Denys, 
Bart  ;  Caroline,  la  seconde,  le  col.  Alexander  Houston,  de 
Clerkington  ;  la  troisième,  Isabella,  devint  l'épouse  d'un 
français  distingué  et  fort  riche,  le  Baron  de  Veauce  ;  Mary 
Jane,  la  quatrième,  épousa  Sir  James  Mathieson,  Bart  ;  la 
cinquième  fille  décéda  à  l'âge  de  18  ans." 

Le  fils  aîné,  Spencer,  devint  général  dans  l'armée 
anglaise.  Il  y  avait  en  outre  plusieurs  autres  fils  :  George 
Kamsay — qui  choisit  les  armes  comme  carrière  ;  Michael 
Henry  et  le  Col.  Charles  Perceval,  des  Gardes.  La 
famille  quitta  Québec  en  1828,  pour  séjourner  à  Florence, 
en  Italie  ;  l'Hon.  M.  H.  Perceval  en  revenant  au  Canada, 
expira  en  mer,  le  12  oct.  1829,  son  excellente  épouse  après 
lui  avoir  longtemps  survécu  terminait  ses  jours  en  Ecosse, 
chez  son  gendre,  sir  James  Mathieson,  le  23  nov.  1876." 
Lady  Dalhousie  et  Madame  W.  Sheppard,  de  Woodfield, 
allaient  herboriser  à  Spencer  Wood,  en  1827,  et  ce  beau 
site  était  fréquemment  exploré,  en  1832,  par  Lady  Aylmer, 
comme  il  l'avait  été,  en  1818,  par  la  famille  du  Du:  de 
Richmond,  notre  Gouverneur  Général  d'alors.  Je  demande 
bien  pardon  au  lecteur,  do.  m'être  laissé  entraîner  à  la 
dérive,sur  ce  beau  iieuve  ae  la  chronique  des  anciens  jours. 

Continuons  :  M.  Perceval  eut  pour  successeur,  comme 
Percepteur,  en  1830,  M.  L.  H.  P'errier. 

Montréal,  en  183 1,  fut  créé  port  d'entrée  général  et  le 
"  Surveyor  "  Henry  Jessupp  en  devint  le  premier  "  Col- 
lector  "  et  William  Hall,  "  Waitcr  and  Searcher,"  devint 
"  ComptroUer  "  en  1832. 


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438 


LA   DOUANE  A  QUÉBEC 


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M,  Ferrier,  le  percepteur  des  douanes  à  Québec,  mourut 
en  février  1833.  Henry  Jessupp,  le  percepteur  du  port  à 
Montréal,  fut  promu  à  la  charge  de  percepteur  du  port  à 
Québec  et  William  Hall,  le  "  VVaiter  and  Searcher"  devint 
percepteur  à  Montréal,  en  juin  1833.  Cette  année  la  charge 
de  "  Comptroller  "  fut  abolie.  Toutes  les  nominations 
précédentes  avaient  été  faites  par  les  Lords  de  la  Trésorerie* 
et  le  Bonrd  of  Covimissionners  of  Customs,  à  Londres. 

En  185 1,  le  gouvernement  canadien  nomma  M.  John 
William  Dunscomb,  alors  commissaire  des  douanes,  per- 
cepteur, et  Thon.  Louis  Massue,  membre  du  Conseil 
Législatif,  '  Surveyor," — le  premier  à  la  place  de  M. 
Henry  Jessupp,  qui  fut  mis  à  sa  retraite  et  le  second  à  la 
place  de  L.  Charles  Grey  SteA^art.  Ces  nominations  furent 
les  premières  faites  à  Québec,  par  le  gouvernement  du 
Canada,  bien  que  les  autorité  impériales  eussent  commencé, 
dès  l'année  1849,  à  effectuer  le  transfert  du  département, 
aux  autorités  canadiennes. 

M.  Dunscomb  avant  de  remplir  les  fonctions  de  commis- 
saire des  douanes,  que  remplissait  naguère  feu  M.  Robert 
Shore  Milnes  Bouchette,  était  membre  du  parlement  pro- 
vincial pour  le  comté  de  Beauharnois.  Pendant  sa  longue 
tenure  d'office,  I851-S3,  ses  talents  et  sa  probité  le  dési- 
gnèrent à  plusieurs  reprises  différentes,  pour  des  postes  de 
confiance.  Avec  feu  Alex.  Maurice  Delisle,  le  percepteur 
des  douanes  de  Montréal,  il  fut  chargé  d'une  mission  com- 
merciale par  le  gouvernement,  aux  Antilles,  etc.  dont  il 
connaissait  le  commerce,  pour  y  avoir  pris  part  plusieurs 
années  antérieurement,  quand  il  était  l'associé  de  M 
Leaycraft,  à  Québec. 

M.  Dunscomb  après  une  carrière  de  plus  de  quarante 
ans  dans  le  service  public,  s'est  retiré  pour  faire  place  à 
l'hon  J.  G.  Blanchet,  ex-président  de  la  chambre  des  Com- 
munes. 

Québec,  22  octobre  1883. 


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J'ai  souvenance  d'une  bruyante  réunion,  en  1876,  de  la 
jeunesse  de  Sillery.  Sans  être  bien  jeune,  j'y  avais  été 
spécJilement  convié  par  mon  excellent  voisin,  M.  Dobell. 
pour  prendre  part  à  un  Arhf  de  Noël,  qu'il  y  avait  pré- 
paré. 

Il  me  semble  encore  contempler  la  verte  épinette, 
attififée  de  rubans,  resplendissante  de  lumières  jusqu'à  sa 
cîme,  étalant  avec  pompe  sa  ramure,  parmi  le  houx  et  le  gui, 
au  centre  du  salon  de  lasplendidc  villa  lieauvoir. 

M.  Dobell,  sans  vouloir  m'en  dire  plus,  m'assura  que 
j'avais  un  intérêt  directe  dans  l'arbre  sacré.  Je  me  rendis 
donc  à  la  fête. 

Le  Châtelain  de  Beauvoir  avait  eu  en  effet  l'aimable 
attention  de  suspendre  à  V  Arbre  de  Noël,  à  mon  adresse  et, 
mêlée  aux  offrandes  si  prisées  de  la  jeunesse,  une  fort  jolie 
canne  antique  portant  inscription.  La  canne  était  à  coup 
sûr,  antique,  elle  avait  été  artistemcnt  confectionnée  à 
même  la  membrure  de  chêne  de  la  vieille  frégate  française 
L'Orignai-,  qui  avait  sombré,  comme  l'on  sait,  à  VAnse 
des  Mères,  au  moment  où  elle  était  lancée  des  chantiers  du 
Roi  de  France,  à  Québec,  en  1750. 

J'avais,  à  sa  demande,  fourni  à  M.  Dobell,  les  détails  de 
ce  désastre,  quand  la  drague  du  capitaine  Giguères  en  eut 
repêché  du  lit  du  fleuve,  à  cet  endroit,  la  carène  noircie. 

M.  Dobell  me  permettra  de  lui  faite  hommage  de  cette 
esquisse  d'une  coutume  nationale  vivace  au  lieu  où  il  vit 
le  jour  et  choyée  de  !ui,  dans  sa  patrie  d'adoption  : 
L Arbre  de  Nocl. 

Spencer  Grange,  Noël  1885. 


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I!  l^ï 
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'L'ARBRE  DE  NOËL"  Christmas  Tree. 


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LE  HOUX— LE  GUI 

"Quoi  o«tis  iii  odnvivio 
f'iiput  aprt  il"foro 
KoildciiR  lauilo»  Domino.'' 
.  Uientâkilt  (If  }foel,ii  (Xr/oiâ) 

Chaque  peuple  chrétien  commémore  à  sa  façon  la  grande 
solennité  des  chrétiens  :  le  jour  de  Noël.  En  ce  jour,  la 
gratitude,  l'action  de  grâce  pour  la  naissance  d'un  Rédemp- 
teur, n'est  pas  le  seul  sentiment  qui  agite  les  masses.  Au 
surnaturel,  aux  joies  du  ciel,  se  marient  le  sentiment  de 
besoins,  des  idées  tout-à-fait  terrestres.  On  célébrait  la 
fête  aux  époques  reculées,  par  des  dances,  des  mascarades, 
une  pompe  théâtrale  passablement  profane;  le  tout  se 
terminait  par  un  festin  pantagruélique. 

Dans  la  savante  université  d'Oxford,  fondée  en  l'an  800 
par  Alfred-le-Grand,  Noël  ne  se  passait  pas  tout  entier  en 
prières.  Il  y  avait  le  banquet  traditionnel,  précédé  dv 
BcncdiciL' \  \7i.fite  aux  Jiuitres,  en  octobre,  à  l'Université 
Laval,  en  approchera  plus  tard  peut-être,  avec  le  temps. 

'•Quot  estis  iii  cnuvivio 
"iput  apri  ilcforo 
Kuddcna  laudo!)  Domiuo,  otc.  etc." 

Tel  le  Ihiudicitc  du  mémorable  banquet. 

Les  élèves  remerciaient  Dieu  pour  l'appétissante  hure 
de  sanglier  qui,  fumante  et  hérissée,  s'étalait  au  réfectoire 
avec  tant  de  majesté  ;  c'était  la  pièce  de  résistance.  Puis, 
un  vénérable  maître  d'hôtel,  porteur  du  IVassail  Bo'vl,  bol 
gigantesque  dt punch  ou  de  vin  épîcé,  parfumé,  cognait 
trois  fois  à  la  porte,  en  répétant  les  mots  :  Wasscl  !  J  Vas- 
sel  /  .'  Wassel  !  !  !  Chacun  était  tenu  de  vider  jusqu'à  la 
dernière  goutte,  la  formidable  coupe,  et  le  grave  échançon 
se  retirait.  Cette  coutume,  paraît-il,  s'observait,  ces 'an  nées 
dernières  encore,  à  Qncat's  Collège,  Oxford. 


ESQUISSES 


443 


Les  gens  de  qualhé  rehaussaient  la  célébration  par  des 
plats  dispendieux,  incroyables.  On  servait  un  paon  rôti, 
auquel  on  ajoutait  la  queue  emplumée,  les  ailes  et  la  tête, 
comme  s'il  ctait  vivant. 

C'était  le  Noël  des  aristos. 

Les  vieux  poètes,  Massinger  et  autres,  ont  chanté  ces 
excentricités.  Sous  le  règne  d'Elizabeth,  la  "vierge  d'Oc- 
cident," l'oie  grasse  faisait  les  frais  du  dîner,  à  la  Saint- 
Michel  et  à  Noël  ;  maintenant,  c'est  le  dindon  rôti. 

L'Arbre  de  Noël,  Christmas  Trn\  si  usité  de  nos  jours 
parmi  la  jeunesse  de  la  blonde  Albion,  n'est  pas  d'origine 
anglaise.  Ce  sont  les  Allemands  qui  l'ont  inventé  :  proba- 
blement qu'il  s'est  glissé  en  Angleterre  avec  ses  souverains 
Honovriens. 

C'est  wne  fort  jolie  coutume  :  on  va  quérir  dans  la  forêt 
une  gracieuse  et  verte  épinette,  que  l'on  dispose  au 
centre  ou  dans  l'angle  du  salon  ;  on  convie  tous  les  enfants 
du  voisinage  à  venir  en  faire  un  Arbre  de  AW/,  A  chaque 
rameau  est  suspendue  une  bougie  ;  à  côté,  un  cornet  de 
bombons,  un  jouet  d'enfant,  un  couteau  de  poche,  une 
carabine,  un  ruban,  un  livre,  une  tabogine,  un  pendant- 
d'oreille,  une  bourse,  une  orange,  une  pomme  et  autres 
friandises  etc.  Puis  le  jour  de  Noël,  ou  même  la  veille, 
tous  ces  messieurs  et  dames,  dont  les  plus  âgés  ont,  tout 
au  plus,  atteint  leur  douzième  année,  se  réunissent  au  son 
du  violon  ou  du  piano  ;  une  danse  ronde  s'organise  ;  puis 
les  jeux  y  succèdent:  "le  collin  maillard,"  "Jacob  et  Ruth,'' 
la  "Chaise  Honteuse"  et  autres  aménités,  etc.  On  allume 
plus  tard  les  bougies  de  V Arbre  de  Noël^  et  la  maîtresse 
de  la  maison  dépouille  l'arbre  de  ses  cadeaux  ;  chacun  des 
invités  en  reclame  sa  part. 

Les  anglais  de  la  vieille  Angleterre  ont'encore  une  autre 
coutume  de  Noël  maintenant  fort  répandue  dans  la  colonie 
C'est  l'ornementation  des  appartements,  le  jour  de  Noël, 
avec  des  rameaux  de  houx  ou  du  gui  :  coutume  sacrée  et 
générale  dans  les  riantes  villas  anglaises  autour  de  Québec. 


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444 


I/ARBRE   de   no  EL 


Chaque  annce,  la  ligne  AUan  apporte  h  Montréal  et  à 
Québec,  un  nombre  infini  de  petits  colis,  remplis  de  houx 
et  de  gui  verts  avec  le  fruit  y  adhérant.  Décrire  succeinte 
ment  l'origine  et  l'important  rôle  que  ces  deux  plantes 
jouent  depuis  des  siècles  à  fètc  de  Noël,  c'est  ce  que  nous 
nous  proposons  de  faire. 

Noël  serait  incomplet  dans  la  patrie  de  Richard  Cœur- 
de-Lion,  sans  la  branche  traditionnelle  de  houx,  suspendue 
aux  murs  des  appa.tements,  emblème  du  vivace  et  ver- 
doyant souvenir  que  l'Anglais  rattache  à  tout  ce  qu'il 
aime,  à  l'époque  où  la  grande  solennité  du  Christianisme 
vient,  do  ses  alcgres  rayons,  caresser  son    toit  hospitalier, 

A  l'anglais  crrai\t,  fa^  aîcaj /rom  home,  sur  le  sol  étran- 
ger, le  houx  devient  l'expression  de  ce  sentiment  affectueux, 
ineffable,  pour  la  terre  natale  ;  il  lui  rappelle  le  doux  temps 
de  la  jeunesse,  lorsqu'il  trouvait  place  au  cercle  de  famille» 
ce  cercle  aimé  que  la  mort  ou  l'absence  a  dissout.  Il  ché- 
rira cette  verte  et  vigoureuse  feuille  de  houx  comme  lui 
rappellant  les  saintes  joies  du  foyer  paternel,  n'importe 
dans  quelle  contrée  éloignée  où  sa  destinée  l'aura  relégué  ; 
elle  lui  redit  toute  une  histoire  du  passé  ;  c'est  une 
révélation  intime  que  lui  seul  comprend. 

Mais  le  houx  ne  va  pas  seul,  à  Noël,  il  marche  de 
pair  avec  le  gui.  Si  l'un  s'associe  au  sort  des  ancêtres, 
l'autre  commémore  le  banquet,  la  fête  de  famille.  Tous 
deux  intimement  lies  à  la  vie  sociale  des  anglais,  le  houx 
symbolise  la  famille  qui  existe,  et  le  gui,  avec  ses  amou- 
reuses légendes,  la  famille  à  naître  ;  c'est-à-dire  que  la 
paisible  demeure  qui  a  abrite  le  jeune  enfant  réclame  le 
houx  ;  et  que  le  gui  appartient  au  pays  du  tendre. 

Le  gui,  on  le  suspend  au  lambris  ou  au  centre  de  l'ap- 
partement, ou  encore,  audessus  de  l'entrée,  là  où  le  ber- 
ger et  la  bergère  passeront  sans  s'en  douter  ;  car  cette  ren- 
contre fortuite,  sous  ce  mystérieux  rameau,  doit  néces- 
sairement leur  ouvrir,  au  livre  du  destin,  une  page  convoi- 
tée, mystérieuse. 


I'      i 

h  ; 
Il  ' 


KSgUISSKS 


445 


L'emploi  du  houx  et  du  gui.à  Nocl.cst  moins  une  coutume 
chrétienne  qu'un  usa}^c  druidique  ;  car,  à  vrai  dire,  il  n'y 
a  nulle  liaison  entre  le  iioux  et  le  gui  et  la  nativité  de 
notir  Seigneur  Jésus- Christ.  Les  "  J^ruides  aux  longues 
barbe?,  aux  couronnes  de  chênes  et  les  Druiilesscs  à  la 
faucille  d'or  "  llorissaient  bien  des  siècles  avant  l'ère  chré- 
tienne, et  les  Druiiles  de  l'Angleterre  tenaient  pour  onjblc- 
mes  sacres,  dans  leurs  fêtes,  le  houx  et  le  gui.  Leurs 
principales  solennités  avaient  lieu  .lux  jours  les  plus  nnirts 
del'année.c'est  donc  vers  le  temps  où  a  lieu  la  fête  île  N'oèl. 

L'J  culte  druidique  affectionnait  les  symboles  .  chaque 
objet  extérieiM-    était  le  type  d'une  idée. 

Le  chêne  si^nihait  courage  viril,    torct-  intellectuelle. 

Le  gui  qui  adhérait  au  tronc  <lu  cliLiie  tnait  au-,  i  un 
sytnboli:  :  c'était  l'amour  vivacr,  inextinguible  de  la  km- 
me,  appuyée  sur  son  protedeur,  S()n  inaitre  ;  l'eidavant 
comme  d'une  verte  guirlande,  lontemps  après  mèin«-  (|ue 
la  vieillesse  lui  aura  versé  ses  frimas. 

Parmi  les  légendes  druidiijues,  on  lit  "que  Freya  l'épouse 
d'Udcr,  le  dieu  des  .Sa.xons,  obligea  toutes  choses  à  jurt:r 
ne  faire  aucun  mal  à  Halder,  le  soleil,  excepté  legui,  plante 
qu'elle  trouva  si  insignifiante  qu'elle  ne  crut  pas  devoir 
s'en  occuper.  Lac,  le  dieu  du  mal,  ayant  découvert  cette 
omission,  prit  un  rameau  de  gui  qu'il  donna  à  Oder,  divi- 
nité aveugle,  tt  ce  :ui  .érable  causa  la  mort  à  Halder,  en  le 
perçant  .i\t'c  !e  gui.'  Telle  était  la  fixbie,  et  co  fut  pour 
empêcher  Lac  de  tuer  Hahlcr  que  les  Druides  allaient  qué- 
rir les  chênes  poin-  en  enlever  h:  gui,  avec  le  cri  d'allégresse: 
"Au  gui,  l'an  neuf,  "  d'où  le  mot  "  La  Ignolée  "  on  "Guil- 
lannéc  "'  est  une  corruption. 

Cette  ancienne  coutume  druidique  existe  encore  dans 
nos  compagne.s,  où  elle  a  subi  d'étranges    transformations. 

L'Honorable  Pierre  P'ortin  M,  P.,  nous  rappelait  récem- 
ment avoir  constaté  cette|coutume  à  Laprairie  où  à  l'Acadie, 
près  de  Montréal,  dans  sa  jeunesse.  Courir  la  Ignolée  se 
pratiquait  à  Noël  ;  des  escouades  de  jeunes  gens  aux  mas- 


p\ 


'  446 


l'arbre  de  xoel 


ques  et  habits  d'Arlequins,  munis  de  bâtons  et  précédés 
d'une  musique  grotesque,  allaient  de  maison  en  maison, 
demandant  pour  les  pauvres  des  secours,  sous  forme  de 
tranches  de  jambon  ou  de  pain,  "mais  la  queue  de  cochon, 
la  c/iijpu'c"  devait  adhérer  au  morceau  de  lard,  avec  menace 
a.,  cas  de  refus,  d'enlever  le  plus  jeune  enfant  et  de  le 
traîner  à  la  forêt  où  il  serait  rôti  sous  un  chêne.  Hélas  ! 

A  Sillery,  où  les  coutumes  Druidiques  n'existent  que 
dans  le  souvenir  des  savants,  on  ne  rôtit  pas  le  plus 
jeune  enfant  "de  la  famille  sous  un  chêne,  à  la  forêt,"  il 
n'y  va  que  pour  s'y  procurer  l'épinette gracieuse  pour  VAr- 
brc  de  Noci, 


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II 

mil 


A    I.'MONORABLK 


CrUOE  K>CTjTI3:iBK; 


F  R.  s.  C. 


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II 


IMPREoSlUNS  DE  VOYAGE, 


Li:.^  Lacs  dk  Cu.mi;kki.ani>,  v:i\. — Liis  Ruixj-.s  dk  Mi;i  - 

l<n>V.    AlillKV.  —  Al;i;()'i"SFOKI>,    II'     ClIATiiAi;      Dl'      Siu 

Wali'iik  Scott. 
A  rilonorablc  JuL^o  Routhier. 
Cher  Ju^Te, 

J'ai  lu  avec  un  vif  mtcrct  votre  volume  "  /-l 
7'ni:ii\s  /'/://f\>/>i."  Vous  y  passez  en  revue,  entr'autres 
contrées,que  vous  ave/,  visitc'es.la  patrie  de  cette  infortunée 
reine, Marie  Stuart.  Le  temps  vous  a  probablement  manque 
pour  comprendre  dans  votre  e.xamin.la  ré^^ion  :-i  pittor(.:scj ut- 
iles lacs  ant^laiï^,  1  -•  cliàteau  féodal  et  le  lieu  de  sépulture 
près  Edimbour^^  d'jr"Arioste  ilu  Xord,"  Sir  Walter  Scott  : 
cette  page  de  mes  impressions  de  voj'age,  permette/  moi 
dg  v(nis  rolTrir,  avee  quelques  remarquf^s  préliminaire  . 

Je  crois  vous  l'avoir  déjà  dit  ,  les  (euvres,  surtout  les 
romans  hi.-toriques  di.  cet  homme  célèbre  avait  fiient  mes 
délices,  longtemps  av.int  l'ère  où  notre  habile  raconteur, 
M.  l^eGaspé  esquissait  son  Iiéro-;  écwss  lis  .\rcliy  LM^heil 
dans  les  ".  \;h:iiiis   Caitaduns.'' 

Ces  belliqueux  chefs  de  cl  ans,  les  J-Vaseï,  les  Canqjbell. 
les  McDonald,  les  McGregor,  les  ^rd'herson,  avaient  pour 
moi  un  attrait  tout  particulier.  J'éprouvais  aus.-i  un  vif 
désir  de  contempler  lùlimbourg  la  belle,  que  mon  iïeui 
maternel  et  le  protecteur  île  mon  enfance  ]\L  JJaniel 
McPherson  avec  une  pardonnable  [Kirtialité,  me  peit;"nait 
comme  la  plus  romanesque  des  cités  ipiant  aux  points  de 
vue,  sans  oublier  sa  rue  princière  (l'rince's  street) — la  [)his 
belle  rue  de  l'Europe,  se  plaisait-il  à  répéter.  En  iSSf,  un 
d.e  ces  rêves  dorés  de  mes  jeunes  années  s'accomplit, 

11  me  fut  donné  de  voir  la  patrie  de  Burns  — de  Scott — 
de  Marie  Stuart, — de  l'austère  John  Knox. 


■50 


IMPRKSSIONS    Ur.    VOVACil:. 


I*    •  'i' 


J'avais  souvent  ouï-dire,  que,  en   réalité,  deux  de  ses  fils 
avaient  fait  l'I-Lcosse— Ci*  qu'on  !a   trouve  aujourd'hui — et,' 
Mdinibourr^,  la    citc-reinc — rAtlvlnes    du    nord  ;  Scott    et 
Knox. 

.Vvant  de  nouer  coiuiais.sance  avec  les  .sauva<;es  splen- 
deurs «^ic  cet  heureux  pa}'s,  j'avais  vu,  comme  vous,  bien 
des  sites  imposants,  de  féeriques  spectacles.  Il  m'avait 
été  .1   nné  d'admirer  Paris  et  de  contcmiili:r  au  ç:^rand  jour 

ses  mille  merveilles    qui  en  font   \.\  p!n--    brillante   capita- 
le de  i'lùiroi)e  ;  le  soir,  mes  pas  avaieiit  crréthuvs  l'ax'cnue 
de  l'opéra,  les  Champs  Klysée-,   les    jardins  dç:^  Tuilerie-, 
él)l()uissants  de  lumière  électrique,  de   milliers    f!e  jets    de 

J'avais  visité  les  fastueuses  galeries  de  pcintm-e  du  Lou- 
vre, de  Versailles,  de  Fontainebienu  et  rpie  sais-je  encore  ? 

De  loutes  ces  étonnantes  créations  de  mains  d'homme, 
rien  ne  m'avait  plus  frajipé  que  la  majesté  de  ces  antiques 
cathédrales  de  T^'ance,  de  liruxelles,  d'Anvers  '  t  de  la 
Grande  lîietaL^ne  :  \Vestniinster-;\bbey,  St-l'aul,  les* 
cathédrales  d'J-^ly,  de  l'cterborouîrh,  surtout  York  Mins- 
ter  ;  revenant  sur  mes  pas  j'avais  fais  étape  dans  les  sa. .es 
classiques  de  CambriJj^e,  les  riches  archives  du  Ih-'itislt 
Masiinii,  aussi  bien  que  dans  quelques  sites  remarquables 
de  l'Irlande. 

.Séjournant  toute  une  huitaine  dans  l'antique  ville  de 
\'()r]s,  au  m'iment  mému  où  se  célébrait  avec  une  pom[)e 
extraordinaire,  le  cinquanlième  anniversaire  de  la  fonda- 
tion, à  \'ork,  en  11^31.  de  l;i  société  de  savants,  connue  sous 
le  nom  de  lîlUTIsii  ASS'Ui  \!  n  'X  :  et  qui,  trois  années  plus 
tard,  tenait  ses  -éanci.'  <,  à  !\[ontréal  ;  je  m'étais  empressé 
'd'aller  saluer  phîsieur,-.  illustrations  ilans  les  sciences  et 
les  lettres  (\q-=,  vicu.v  pays,  ainsi  qu'échanrrer  une  poii^fuéede 
mains  avec  des  amis  siiicè;'es  de  notre  Canada,  lixés  à 
A'aris  et  à  Londres. 

L'U  ami  m'avait  ouw.-r!.  li  porte   de    Henri    Conscier.ce, 


ESQUISSES 


451 


Ide 

!a- 

lus 
[se 
et 
lie 
à 


alors  conservateur  du  musc'c  Weirtz,  à  Pruxclles,    le   jour 
même  où  il  publiait  son  centième  roniaij. 

Un  des  endroit.'^  dont  je  conserverai  une  douce  souve- 
nance, ce  fut  la  rct^ion  enchanteresse  des  Lacs,  au  nord  de 
rAn<:jleterrc,  le  LakcUmd  du  Cumbcrland,  du  W'tstinore- 
landetdu  Lancashire. 

Rien  de  plus  riant,  à  la  belle  saison  que  ces  <.Macicu-cs 
nappes  d'eau,  embusquées  dans  les  vallons  do  bruyère 
pourpre,  au  pied  des  pics^,sourcilleux  de  Helveliyn,  Seau-- 
fell,Skiddaw,jalonnées  de  villas, sillonnées  de  beaux  yatchs  : 
V\'indermere,  Amblesidc,  Grasmere  Coniston,  Ulisuater, 
Kes\\ick,Der\vent\vater,lacs  mélodieusement  chantés  par  la 
brillante  scfiuellc  poétique,  les  Laktrs.  l'-cule  jadis  fameuse, 
honorée  de  l'amère  critique  de  liyron,  dans  sa  satyre 
"  Enrrlish  liards  and  Scotch  Rcviewcrs  "  et  qui  comptait 
pour  i^'rand -prêtres  :  -Cumberland,  Wordsworth,  Scnithey, 
Scott,  Christopher  North,  les  deux  C'olerid^e,  Harriet 
Martineau,  DcQuincey,  Felicia  Hcinans,  etc. 

Ces  pièces  d'eau  dans  leur  plus  grande  éiendur,  n'excè- 
dent pas  quinze  mille;»  en  longueur.  IClIes  sont  pourvues 
de  somptueux  hôtels  qui  se  ferment  l'hiver  :  l'été,  les 
touristes  y  aitluent  ;  à  l'entrée  des  petites  baies,  aux  bords 
des  lacs,  se  balancent  sur  leurs  ancres,  des  flotilles  de  \-atch. 
aux  sveltes  mâtures,  aux  blanches  voiles:  queU}ues  uns 
sont  mus  par  la  vapeur. 

Christopher  Xorth  (John  Wilson)  a  décrit  avec  entrain 
une  matinée  ensoleillée  de  mai,  en  1N25,  où  Scott.  Words- 
worth, Southe)',  Canning,  prirent  ]),irl  à  uneregatte  sur  le 
lac  Windcrmere,  sous  le  commandement  (le  Christopher 
Xorth,  vaillant  ad'niral  de  la  llotillc  c  ii  brillaient  V }-.inina, 
\c  Nciutilits,  la  (iiLiil/i,  VOsprcv,  le  (jnriht,  et  autres  rapides 
coursiers  des  ondes. 

Les  voies  ferrées,  aidées  d'un  service  (juotid'on  de  petits 
vapeurs  sur  les  lacs,  vous  introduisent  dans  ce  beau  pa\'s. 
Une  fois  rendus,  et  pour  aller  par  terre  d'un  lac  au  lac 
voisins,  les  touristes  en  bonne  santé  aflectionnent  le   vehi- 


45-' 


U'KLSSIUN.S    DK    \L)\  MAi 


i'i'iai 


le 


-   M 

i:  m 

I,    f.  iVî 


culc  usit»5  .'lux  anciens  jours  :  le  stai^cio.icfi,  \:A\iccc  <.\<i  >lili- 
tfence  fort  commode. 

Chaque  matin,  à  Uix  heures  précises,  le  curs  Je  chasse 
annonce  le  départ  de  ces  voitures  d'Anibleside  [)our  Kes- 
uick,  Grasinerc,  ou  autre  lieu  d'arrêt  :  on  y  attèle  troi-, 
cjuelquefois  quatre  vigoureux  clievaux  ,  il  y  a  plusieurs 
relais  le  long  de  la  route,  car  Id  servie»:  est  très  ardu  ilans 
cette  contrée  de  montagnes. 

Avec  une  forte  police  d'assurance  outre  les  accidents 
et  do  bous  nerfs,  le  trajet,  ou  mieux  la  course,  a  ses 
jouissances,  La  diligeuce  s'encombre  de  passagers  jus(ju:: 
sur  le  faîte  ;  on  sonne  du  cors.les  chevaux, frémissants  d'im- 
patience, pialTent  et  prennent  le  galop  :  on  s'imagine  que 
la  voiture  va  se  rompre  en  pièces  .■>ur  les  angles  de  rochers 
qui  hérissent  des  gorges  presqu'aussi  escarpées  que  celle 
où  la  sanguinaire  éi)0use  de  Ivo!)  Koy  pré[)ara  son  mémo- 
ral>!e  déjeurcr  ;  il   n'en  est  rien. 

Lorscjue  le  soleil  aura  atteint  son  méridien,  cochers  et 
touristes  de  descendre  sains  et  saufs  à  quelque  coquet 
-louysidc  iuii  oii  un  biftèque  ou  une  friaijde  côtelette  arro- 
sée de  Médoc,  vous  réconforte  énormémtrnt,  t  m  lis  cpie  les 
chevaux  ruisselants  de  su?urs,  v«/it  s'>  r»rposer  ;  l'écurie 
et  sont  remi)lacés  par  d'autres.  Xnis  arrivàn»-'s  à 
Kcswick,  vers  i  heure  l*.  M.  :  station  obligée  pour  les 
touristes,  i.\\\\  vont  visiter  la  petite  egli.ie  de  (.'rosthwaithe, 
où  re[) osent  les  cendres  du  laure.it  Kobert  .Southey,  mort 
en  1843,  à  son  manoir,  dans  le  voisinage,  tjreta  Ha!!,  cpi'a- 
vait  possédé,  en  iSoi,  le  poète  C  )Ieridge.  V^oisin  du  mau- 
solée de  .Southey,  nous  remarquâmes  un  monument  [)lus 
prétentieux,  celui  tlu  comte  de  Derwentwater,  patron  de 
l'église.  La  veille,  j'avais  visité  à  Rydal  Mount,  au  lac 
Grasmere.  1 1  maison  d'un  p.utre  lauréat,  Willian»  W'ords- 
Morth,  mort  en  1S50  et  qui  avait  hérité  des  cents 
gainées  et  de  la  tonne  traditionnelle  de  Civiary  i\7//f  ,de  son 
prédécesseur  Southey  :  elle  est  située  sur  une  émincnce, 
faisant  face  au  gracieux  lac.  Le  corps  du  logis  est  en  excel- 


l.SiiUISSl-.S 


453 


lctitét;it  de  conservation  ;  le  pÏL^non  est  prcsqu'invisiblc 
>ou.s  un  rideau  de  lierre  verdoyant  dont  je  détachai  une 
branche  comme  souvenir,  sans  nie  hasartlcr  à  pénétrer  dans 
la  cour,  dont  la  porte  était  munie  d'un  avis  en  défendant 
l'accès,  la  seule  ressource,  paraît-il,  du  propriétaire  aliuri, 
pour  se  défendre  contre  l'ailluence  des  touristes. 

Wordsworth,  ainsi  (jue  Ilartley  ColeridçTe,  dorment  i\u 
'^uprême  sommeil,  dan-;  le  pittoresque  cimetière  de  (iras- 
mere  où  l'onde  d'un  limpide  ruisseau  voisin  semble  leur 
murmurer  ces  douces  paroles  d'un  des   leur-^  ; 

WllOSr  (listant   lOOlsICllH  l'CllIl 

riirousli  tlio  corridors  (rlTimi'    " 

Adieu,  donc,  bardes  sublimes, voix  aériennes  des  anciens 
jours  !  Adieu  ! 

A  Keswick,  nous  reprinie-.  la  voie  ferrée  :  après  avoir 
traversé  mille  sites  quj  le  burin  ma-^ique  de  Scott  à  iiumor- 
talisës[et  dans  quel  coin  de  l'Kcosscle  chantrede  M.irmion 
et  de  Waverley,  n'a-t-il  pas  laissé  que'que  lumineux  reflet 
de  sa  lampe  !  ]  la  locomotive  s'ariêtait  vers  S. 30  \\  ?\1. 
comme  vous  le  dîtes,  dans  ce  noir  ravin  sous  la  viile  d'IC- 
dimbourLj,  à  la  fjare.  nommée  Wavirhy  Station,  près  du 
ponu  connu  comme  \\'avvr/iy  Ih-idi^i,  d'où  l'ail  est  réjoui 
par  la  vue  de  ces  jardins  t^racieux  à  qui  on  a  donné  le  \v^\\\ 
de  Wai'crlty  Gardiiis,  dans  le  vc  i-^ina^^e  de  W'ii'irrhii  Mar- 
lit. 

La  fati^ijuc  du  voya;.:je,  la  poussière  de  la  route,  l'heure 
avancée,  tout  me  conviait  à  aller  chercher  gîte  au  çjrand 
hôtel  voisin,  le  Wiii^chy,  remettant  au  lendemain  mes 
courses  et  mes  explorations  à  travers  le  nouveau  et  l'aii- 
cien    lui  imbourg. 

L'aube  nous  ramenait  un  vrai  soleil  d'Austerlitz  :  un  rayon 
vermeille  de  l'aurore  ^'infdtrant  à  travers  ma  persiennc  me 
donnait,  du  côté  opposé  de  la  rue,  la  silhouette  majestueuse 
du  monument  de  Scott.  "  l'un  des  plus  beaux  que  pos- 
sède ri'AUope,  une  pyraiulde  gothique  de  marbre  blanc 
ayant  quchpic  ressemblance  avec  la  flèche  de  Strasbourg  " 


Ijfi  1^;: 


454 


IMI'F-iKSSTONS    I)K    VOVAl.K 


comme  VOUS  le  dîtes.  Ils'cleve  à  une  hiuteur  do  deux 
cents  pieds.  Ainsi  donc,  le  premier  à  m'abordcr  sous  tant 
de  formes,  d'embleMiics,  c'était  l'immortel  auteur  de  Waver- 
ley  :  je  le  voyais  en  iace,  assis  sous  les  arceaux  de  son 
monument,  avec  le  costume  national,  un  livre  d'une  main, 
une  plume  de  l'autre,  tandis  que  son  fidèle  chien,  Maida, 
couché  à  ses  pieds,  lançait  ua  reL^fard  caressant  à  son  bon 
maître.  La  poésie,  le  ironie,  le  patriotisme  du  grand  écri- 
vain me  confrontaient  dans  la  rue,  dans,  l'air,  en  haut,  en 
bas,  partout. 

Le  nom  de  Scott  s'imposait  en  tous  lieux,  flottant  au 
dessus  de  sa  patrie  comme  un  nimbe  glorieux,  un  bouclier. 
un  drapeau. 

•J'étais  porteur  de  lettres  à  M.  Thos  Scott,  un  membre 
du  barreau  d'Edimbourg  et  un  descendant  du  poëte  ;  ces 
lettres  m'ouvrirent  bien  des  portes.  Remettant  à 
quelques  jours  plus  tard  l'exploration  de  la  cité,  j'accom- 
pagnai mon  courtois  cicérone,  qui  me  mena  de  suite  à 
ce  qui  fut  jadis  la  maison  de  ville  de  l'auteur  deWaverley, 
No.  39,  North  Castle  street. 

Tout  intéressant  que  fussent  ces  souvenirs  de  la  résidence 
de  ville  de  Scott  (car  là,  avaient  été  tracées,  en  1814,  dan'i 
l'intervalle  de  quelques  semaines,  les  pages  émouvantes 
de  Waverley)  je  brûlais  de  contempler  les  tours  d'Abbots 
ford  et  les  r.itiques  ruines  de  Melrose  Abbey. 

Comme  l'a  si  bien  dit  I?  chantre  de  Marmion,  c'est  au 
clair  de  la  lune  qu'il  faut  aller  jouir  du  charme  ineffable 
de  cette  gracieuse  ruine,  un  des  plus  chastes  monuments 
du  style  gothique  en  architecture. 

Je  m'enfonçai  donc  dans  ses  sombres  cryptes,  ses  salles 
souterraines  encore  plus  sombres.  J'y  retournai  le  lende- 
main pour  voir  ces  merveilles  à  la  clarté  du  jour  ;  Melrose 
Abbey  est  distant  d'une  lieue  d'Abbotsford,  sur  la  Tweed. 

L'abbaye  de  Melrose,  maintenant  la  propriété  du  Duc 
de  Buccleuch,  fut  fondée,  en  1 13'j,  par  le  roi  David  L  Elle 
fut  octroyée  par  une  charte  royale  à  un    ordre  de    moines 


i;s()UissE.s 


455' 


réceiumcnt  crcé  cii  l''rtiiiCL'  :  le  inonastcrc  de  Melrosc 
était  l.i  iiMison-inère  .ie  tnit  l'ordre  établi  on  l-lcossc. 
Quand  Edoiiar  1  II  i.i'An<;leterre,  cii  133.?,  retraita  ('e  l'I'^ 
cosse,  SCS  partisan.^  (iront  main-basse  sur  les  maisons  reli- 
gieuses et  pillèrent  la  riclie  abba)-e  tle  Melrosc.  Pour  la 
refaire,  le  roi  Robert  fit  un  d(jn  à  l'abbé  de  Melrose  de 
^2,OûO  (1)  pour  reconstruire  l'c^^lise  de  St-Mary.  C'est 
à  cet  acte  de  vandalisme  t^ue  l'on  e«t  redevable  de  la  rare 
beauté  de  ce  temple,  car  à  la  date  de  sa  reconstruction  le 
style  i^othique  en  architecture  avait  atteint  son  plus  haut 
point  de  perfection.  La  première  éf^lise  a  dû  être  un  ouvre 
assez  grossière,  puisque  le  monastère  en  entier  avait  été  bâti 
dans  l'espace  de  dix  année-.  Le;  constructions  allaient  len- 
tement en  ces  temps-là  :  il  serait  dii'licile  de  préi-i-^er  le 
nombre  d'années  qu'il  a  fillu  pour  ré-edifier  l'éi^lis';  donr 
les  ruines  charment  maintenant  tous  les  regards. 

lai  13S4,  les  anglais,  sous  Richard  II,  firent  une  inup- 
tion  en  ICcosse  :  le  roi  logea  une  nuit  à  l'abbaye  et  \-  i.>it 
le  feu  le  lendemain  matin.  Il  la  combla  de  dons  plus  tan!. 
pour  faire  taire  ses  remords,  espérons-le. 

Le  monastère  de  IMelrose  fut  détruit  en  1545  p.u  le 
Comte  de  lletford. 

Une  tradition  va  à  dire  (]ue  les  ang'ais.  en  cheminant 
vers  leur  pays,  ayant  pénétré  au  delà  des  monastères  de 
Melrosc  et  de  Dryburgh,  entendirent  les  cloches  il'un  de 
ces  monastères  qui  carillonnaient  oour  marquer  la  joie  des 
religieux,  au  sujet  tle  leur  délivrance  ;  les  anglais,  mécon- 
tents ..e  cette  démonstration,  se  hâtèrent  eie  revenir  sur 
pas  et  aux  réjouissances  vies  pauvres  moines,  succé- 
dèrent bientôt  le  deuil  et  les  larmes. 

L'abbaye  ue  se  refit  jamais  tle  la  de.-aruction  que  la 
Réforme  introduisit  dans  !e  culte  des  l'Icossais. 

A  l'époque  de  la  Réforme,  dit  un  mémoire,  l'on  enleva 
une  portion  des  matériaux  tle  l'abbaye  pour  en  construire 
des  résidences    privées  :  les    statues    furent    démolies    en. 

(I)  XJ.uiid  iti  l.i22  i'>iuiv.-ilaiit,  ,1  l')i),(H)o  cour»  :\ct«ol. 


ifc 


•456 


IMl'KI.S'^loNS    M'"    \()\.\<;V. 


Il  î'  -'l 


IO49,  c-t  pendant  nombre  criinnce>  le  [Kiipledo  Melrose, 
alLiil  enlever  la  pierre  de  l'abbiye,  comme  si  c'eût  été  une 
carrière.  L'on  prétend  même  qu'il  n'y  a  pas  ilans  l'endroit 
une  -^eule  ancienne  maison,  on  il  ne  so  trouve  dans  la 
maçonne,  une  pierre  de  l'Abbaj'e  de  Mclrosc. 

Depuis  (jiie  cette  pittoresque  ruine  est  devenue  la  i)ro- 
priété  de  la  f  imille  lUicclench,  les  choses  (^nt  chaiif^é  : 
on  a  ini>  un  terme  au  démolisscment  :  "on  a  fait  tout  ce 
qui  a  été  possible  pour  arrêter  rouira::je  du  temps,  pour 
préserver  ce  qui  reste. 

Le  Duc  de  lUiccleuch  a  fait  éljver  autour,  un  mur  d'une 
circonférence  d'un  mille,  pour  entourer  et  isoler  cette 
abb.iye,  jadis  si  ri:lK. 

C'jtte  s;)Iendide  strujliu'c.  oen-Liat  nninhre  d'années,  un 
objet  de  vénération  (>.)ur  l'Mcissc  entière,  est  encore  (l'une 
beauté  happante,  dans  sa  décadetice,  par  les  sculp- 
ture-, et  les  ciselures,  sur  le;  frise.-,  )c>  corniches  et  les  cnta- 
blatures,  les  chapitaux  ;-  on  y  voit,  comme  si  le  .sculpteur 
les  eût  découpées,  la  veille,  mille  obji  ts  d'un  fini  à  déses- 
pérer r.utistc  ]r.  plus  consomme  :  des  roses,  des  lils,  des 
fouf^ères,  le  chardon  d"l'",cosse,  dos  feuilles  de  cliéne,  de 
frêne,  etc.,  scul'ptées  sur  la  pierre,  a\'(C  une  merveilleuse 
j.;râce. 

vVprès  un  a;jréable  trajet  île  trois  milles  de  l.i  petite 
vil.'e  de  Alelrose,  en  suivant  le  cours  sinueux  de  la  T  uecd, 
à  travers  une  contrée  oiîdulcuse  et  pastorale,  j'atteignis 
enfin  Abbot.^ford. 

Des  massifs  d'arbres  et  un  accidetit  de  terrain  dérobent 
la  vue  de  ses  tourelles  :  on  aperçoit  en  arrivant  seulement 
le  c  istcl,  structure  irré;^ulièrc,  œuvre  des  fantaisies  de  l'il- 
lustre [joëte,  combiné  avtc  le  style  gothique  en  architec- 
ture. Il  se  dresse  au  haut  il'unc  terrasse  en  ref^ard  de  la 
rivière  Tweed. 

ICn  entrant,  le  concierge  vous  iiivitc  à  inscrire  votre 
adresse  sur  le  registre  de-,  nombreux  visiteurs,  qui  vien- 
nent de  tous  les  coins  de  l'univers  contempler  cette    chàse 


I.MU'I.sSI  > 


57 


vcncrct."  ;  L,M"ande  fut  m;i  surprisf,  cii  dccouvraiil  (juc  l,i 
m.^joritc  des  noms  Inscrits,  appartenaient  à  des  citoyens 
de  la  grande  republique  de  Washington  :  Scott  en  etkt 
compte  bien  des  lecteurs,  bien  (Us  chauds  admirateurs 
elle/,  no.i  voisins. 

Tour  moi  qui  avait  lu  et  rchi  le  chef-d'(puvre  de  Loclc- 
hart,  la  iMographic  de  Scott,  c'était  un  moment  solennel. 
Je  ne  saurais  vous  décrire  l'émotion  (pii  m'obséda,  lorsque 
je  franchis  à  la  suite  du  concierge,  le  petit  escalier  en  pierrre 
dont  la  spirale  conduit  à  l'entrée  du  cabinet  île  travail,  au 
salon  et  à  la  bibli'-thèqu',:  de  l'auteur  de  W'avcrley. 

J')-  trouvai  l'ameublement  et  Ij  contenu  à  peu  pré-; 
comme  Lockhart  nous  le  peint  et  tel  que  l'illustre  mm m- 
cicr  le  laissa,  l^rsqu'd  (.lisait  adieu  à  Abbotsi'ord  et  a  .se>i 
enfants,  le  21  septembre  I'S32,  (i)  scènes  (pie  ^^o\^  biogra- 
phe a  retracées  avec  tant  de  bonheur  : 

Le  salon  d'entrée  e>t  pavé  en  marbre  blanc  et  noir  :  des 
panneaux  en  chêne  ornent  ii.'s  murs  ;  autcnir  de  la  corniciu: 
sont  disposés  parmi  des  cottes  de  malle,  les  écussons 
d'anciens  chefs  écossais  :  les  Douglas,  les  Iverr,  les  Scott, 
les  Turnbul!,  les  Maxwell,  les  Chisholm,  le-;  IClliolt,  les 
.■\rmstrong.  On  nous  exhiba  la  grosse  clef  de  la  pri>on 
d'I'vdimbourg,  nommée  Tolbooth  connue  sous  le  nom  de 
'  Meart  of  Àlidlothian  ,"  une  pendule  (jui  avait  appartenu 
à  la  reine  Matie-Antoinette  ,  les  habits,  le  chapeau,  jus- 
qu'aux souliers,  du  romancier. 

Dans  l'arsenal  (iinitoiy)  ([ui  sert  d'antichambre  cà  la 
salle  à  manger  et  au  grand  salon  de  récci)tion,  il  )■  a  une 
foule  d'antiquailles  :  des  aimoiries  ctc,  la  cuira'^se  de  Jac- 
ques IV,  le  fusil  du  fatneux  Rob  Roy,  le  sabre  de  Mont- 
rose,  les  DÎstoiets  de  Claverhouse,  le  chandelier  de  Robert 
Bruce,  une  cassette,  jadis  la  propriété  de  la  reine  Marie, 
aussi  bien  que  des  armes  indiennes. 


"  Ali'nit  liaU' i>:ist  OUI  1'.  M.,  (iii  t'io  21st  pi'iit('ml>i'r  (l'>:iJi  Mr  Walto-  lin'alluil  lui 
Inst  111  ilio  |iri'!.i'iu-(' (if  a!l  11'»  iliililri'Ti.  It  wa»  a  licautifiil  day.  so  «ami  tliat  im  ry 
wilicliiw  was  wiili'  opiii,  su  piTtirily  still.  tliat  tin-  ccmml.  al  iill  timiM  iiunt  di'liii  mi-  tu 
lii«  <';.i-.  thi' ci'iitlo  liiii'li' of  tlii' Twi'iil  OMT  its  iM'liMi'?.  was  ili-ttiiii'lly  auiiililr  a-  wi; 
.';iiclt  arotiml  liis  lii'd,  timl  liis  'Idi'-ii  «•iti  ki-i't.il  aixl  clwid   lus  lyi-s." 


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23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N. Y.  14580 

(716)  872-4503 


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458 


IMPRESSIONS  Di:  VOVAGK 


Au  grand  salon,  je  vis  un  superbe  cabinet  nacré,  que 
l'on  dit  avoir  appartenu  à  la  Reine  Marie  ;  sur  les  murs 
sont  suspendus  le  portrait  de  Scott,  grandeur  naturelle 
par  Raeburn,  aussi  le  portrait  de  Lady  Scott  et  de  Mdlle 
Scott.  Entr'autres  objets  qui  fixèrent  mon  attention,  je 
notai  un  curieux  tableau  représentant  la  tête  de  la 
reine  Marie  après  avoir  été  décapitée  ;  la  bibliothèque,  le 
plus  grand  des  appartements,  mesure  50  x  30  pieds  et 
contient  à  peu  près  20,000  volumes  :  le  dôme  représente 
des  roses  et  autres  fleurs  et  ornements  imites  de  ceux  de 
Melrose,  et  de  la  chapelle  de  Roslin  :  et  dans  une  niche  en 
chêne,  à  l'extrémité,  l'on  voit  le  buste  de  Scott,  par  le  célè- 
bre sculpteur,  Chantrey.  Au  dessu-^  de  la  grille,  il  y  a 
accroché  au  mur,  un  portrait,  grandeur  naturelle  du  fils 
aine  de  Scott,  peint  par  Sir  William  Allan,  auprès,  au 
milieu  de  meubles  élégants,  dons  faits  à  l'illustre  poète, 
se  voit  deux  chaises  romaines  ciselées  avec  goût  ;  sur  une 
table  circulaire,  en  une  entablature  de  fenêtre,  reposent 
plusieurs  curieuses  reliques  :  le  porte-feuille  de  Napoléon 
I  ;  d'anciennes  tabatières,  etc. 

Le  cabinet  de  travail,  pièce  plus  petite,  avoisine  la 
bibliothèque  :  on  y  trouve  une  collection  de  livres  dispo- 
sés sur  des  rayons  ou  tablettes  de  chêne.  Dans  un  coin 
de  l'appartement  gît  l'escalier  dérobé  qui  aboutis3ait  au 
dortoir  de  Scott,  et  par  lequel  escalier  il  pénétrait,  inaperçu, 
à  son  cabinet  d'étude,  dès  l'aube,  donnant  de  longues 
heures  à  ses  travaux  littéraires  avant  que  ses  hôtes  fus- 
sent prêts  à  déjeuner. 

Au  milieu  du  cabinet,  on  voit  encore  la  table  où  il  écri- 
vait ou  dictait,  et  le  fauteuil  couvert  en  maroquin  oià  il 
s'installait. 

Combien  d'autres  objets  de  cet  homme  de  génie  reli- 
gieusement préservés  à  Abbotsford,  comme  souvenirs  ? 

Scott   fut    inhumé   à   Dryburgh  Abbcy,   à   trois   milles. 
d'Abbotsford.    Cette  vieille   abbaye,  maintenant  en  déca- 
dence, fut  bâtie  sur  le  site  d'un  temple  druidique  par  Huga 


EQUISSES 


459^ 


de  Morville  et  par  son  épouse,    Béatrice   de   Beauchamp, 
en  l'année  1150. 

Après  avoir  lu  l'inscription  sur  le  marbre  tumulaire,  je 
repris  le  coupé  qui  m'avait  transporté  de  Melrose,  disant 
adieu  au  château  d'Abbotsford,  théâtre  de  la  gloire  et  des 
revers  d'un  des  plus  beaux  génies  des  temps  moder- 
nes, séjour  d'un  des  hommes  les  plus  nobles,  les  plus  géné- 
reux :  Walter  Scott. 


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APPKNDICE 


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Adik'iida  pour  la  imsi'  ('•>'' 


GKORGt:  STBWART,  ]R. 

Prcsidi.ut    de     la     "  Socictc     Lit  ferai  n    et     Historique. 


George  Stewart.  jr.,  fils  do  M.  George  Stewart.  marcliand  de 
St  Jean,  Xouveau  Brunswick,  naauil  en  culte  ville  le  26  novembre 
184S. 

Il  fit  ses  classes  au  Graiitiiiar  Schoot,  de  St  Jean,  où  il  se 
distingua  par  fl-s  succès  dans  la  littérature  anglaise,  l'iiistoire, 
les  classiques  A  l'âge  de  14  ans.  il  écrivait  pour  les  journaux. 
En  1S65,  il  fonda  un  journal  mensuel  ayant  pour  litre  T/ie 
Sta/'//'s  Coi'/ccfor's  Mont /n'y  Gazette,.  En  1867,  il  y  substitua 
une  revue  ])lus  étendue,  Stercart's  Quart  cri  y  Mai;azi?ic. 
Cette  excellente  j-aiblicaiion  qui  compta  parmi  ses  collal)orateurs 
les  écrivains  anglais  les  plus  éminenls  du  Canada,  lut  continuée 
jusquen  1872  et  lui  valut  de  chaudes  félicitations.  En  1876,  M. 
Stewart  accepta  la  posit  on  de  rédacteur  littéraire  du  U'ate/i- 
man,  de  St-Jean  ;  le  M'atelniiaiis  par  ses  appréciations  critiques 
de  la  littérature  courante,  prit  une  haute  position  dans  la  presse. 
Plus  tard,  on  le  trouve  aggregé  au  i)ersonnel  éditorial  du  Daily 
News,  comme  assistant-rédacteur 

Il  contribua  pour  une  série  d'Etudes, d'Esquisses. de  Récits.etc, 
aux  revues  canadiennes  et  américaines  du  temps  :  Maritime 
Monthly,  de  St-Jean,  Caitadian  Mont/ily  ^tBel/ord's  AJa^i^azine, 
de  Toronto  ;  aux  publications  d'A/pletofi,  de  Scril>ner,  de  Xew- 
York  ;  Pattcr's  Aineriean  Monthly.  de  Philadelphie  ;  le  Cana- 
dian  Illustrated  Nei(.<s,  de  Montréal  ;  le  Week,  de  Toronto  ;  le 
Literary  World,  de  Boston. 

En  mai  1S78,  M.  Stewart  quitta  St-Jean,  pour  accepter  le 
fauteuil  éditorial  de  la  RevMC  de  Belford,  Rose  Belford's  Cana- 
diaii  Monthly,  à  Toronto.  Une  année  plus  tard,  on  le  trouve  au 
Mornini:;  C/ironicle,  de  Québec,  conmie  Rédacteur-en  chef. 

Parmi  les  autres  travaux  littéraires  que  M.  Stewart  menait  de 
front  avec  la  rédaction  de  son  journal,  on  ]ieut  citer  sa  collabo- 
ration à  l'ceuvre  biographique  entreprise  par  M  John  Charles 
Dent,  Canadian  Patriot  ézf^/Avj',  en  4  volumes.  Ses  conférences 
devant  la  Société  Littéraire  et  LListorique  de  (Québec,  sur  Emer- 
son, Alcott,  Carlyle,  Longfellow,  Thoreau,  Erontenac,  ajoutèrent 
à  sa  renommée  littéraire  ;  il  y  donna  alors  de  nombreuse  preu- 
ves de  ses  connaissances  littéraires,  historiques,  critiques,  etc. 
A  son  départ  de  St-Jean,  on  lui  présenta  à  un  banquet  public, 
une  éloquente  adresse,  accompagnée  d  une  superbe  montre  d'or, 
avec  inscription,  comme  témoignage  d'estime. 

En  septembre  1S79.  il  reçut  un  diplôme  comme    membre   de 


•s 


464 


(iEuKGE    STi'.WAKT 


V Association  Littéraire  Internationale-  Il  est  PrcsiJonl  do  la 
Société  Littéraire  et  IIistori(/iie  de  Québec,  secrétaire  de  la 
Société  y^oya/ t/u  Canai/a,  siicùon  de  Uiliiténiture  anglaise,  et 
membre  de  i)lusieiirs  autres  sociétés  scientifiques.        * 

Les  i)rincipaux  écrits  de  M.  Stcwart  sont  : 

i.  llistory  0/  Great  fire  of  St-Joltn  N.  B.  1S77,  dont  trois 
éditions  parurent. 

2.  Evenin;^s  in  t/ie iitirary  :  causeries  familières  sur  les  écri- 
vains contem[)orains  les  mieux  connues 

,V  Canada  limier  the  administration  of  the  Eciri  0/  Dufferii, 
en  1878.  Ce  vaste  travail  avantageusement  reçu  et  cité  par  les 
Revues,  a  eu  les  honneurs  de  trois  réimpressions. 

\j EncycIop':dia  Britannica,  contient  neuf  article.^  de  M. 
Stewart,  sur  le  Nouveau-Brunswick,  la  NouvcUe-ICcosse,  1  Ile  du 
Prince  Edouard,  la  Cité  de  Québec,  la  Province  de  (ihiébec,  Sl- 
John  N  ]).,  St.  Stephen  N.-li.,  les  Trois-Rivières  et  William  C. 
Sinnns. 

j.  L'article  biographique  sur  Frontenac  dans  l'eeuvre  de  M. 
Justin  Windsor  "A  Narrative  and  Critical  Plistory  of  .\n:)érica", 
est  de  la  plume  de  M.  Stewart. 

Le  21  avril  1875,  M.  Stewart  épousait  à  St-John  N.  !>.  Madlle 
Maggie  M.  Jewett,  de  Lancaster  Ileights,  près  de  la  ville  de  St 
fcan  N    P. 


Note  pour  lu  page  84 


Les  desiinees  de  la  racs  anglo-saxonne 
en  Amérique,  d'après  Prevost-Paradol. 


"  Mais  cet  ascendant  actuel  de  la  race  anglo-saxonne  hors  de 
l'Europe,  n'est  qu'une  faible  image  de  ce  que  nous  réserve  vm 
prochain  avenir.  D'après  les  calculs  les  plus  modérés  fondés  sur 
le'progrès  de  la  population  pendant  la  dernière  période  décen- 
nale, les  Etats  Unis  compteront  plus  de  cent  millions  d  habi- 
tants cà  la  fin  du  siècle,  et  cela,  sans  tenir  compte  de  l'annexion 
probable  du  Mexique  et  de  l'extension  de  la  république  a;néri- 
caine  jusqu'à  l'isthme  de  Panama.  A  côté  d'une  pareille  puis- 
sance, le  Brésil  et  les  divers  Etats  de  l'Amérique  du  Sud  ne  sont 
d'aucuns  poids,  et  disparaîtraient  le  jour  où  il  plairait  aux  maî- 
tres du  continent  septentrional  de  s'étendre.  Le  fractionne- 
ment posssible  (quoique  peu  probible)  de  la  république  Améri- 
caine, en  plusieurs  Etats,  changerait  peu  de  choses  à  cet  avenir  : 
car,une  fois  séparées,  les  fractions  de  ce  vaste  empire  ne  seraient 
que  plus  pressées  de  se  fortifier  et  de  s'étendre.  Si  la  sécession, 
par  exemple  avait  réussi,  il  n'est  pas  douteux  que  la  nouvelle 
confédération  du  Sud  n  eût  envahi  le  Mexique  beaucoup  plus  tôt 
que  ne  le  fera  la  républiqueAméricaine  reconstituée.  De  toute 
façon,  le  continent  américain  est  destiné  dans  toute  son  étendue, 
à  la  race  anglo-saxonne,  et  tenant  compte  de  l'accroissement  de 
vitesse  qui  est  remarquable  dans  les  événements  humains,  il  est 
peu  probable  iiu'il  s'écoule  un  siècle  à  un  siècle  et  demi  avant  que 
ce  grand  changement  ne  soit  accompli."  (La  Fraxue  Nouvki.i.e, 

P- 399) 

Le  Rédacteur  du y(;«;7/i3!/ des  Z>^/^<ï/î  traçait  ces  lignes  juste 

([uelques  années  avant  que  la  France  lui  eût  confié,  en  1870,1e 
poste  élevé  d'Ambassadeur  Français  aux  Etats  Unis.  A  son  arrivée 
à  Washington,  il  n'éprouva  que  dégoût,  Gecouragem-nt,  déses- 
poir même  ;  la  guerre  entre  la  France  et  la  Prusse  avait  éclaté 
pendant  son  trajet  à  travers  l'Océan.  Il  avait  compté  sur  la 
sympathie  de  ce  hardi  peuple  anglo-saxon  d'origine,  auquel  il 
avait  prédit  de  si  brillantes  destinées  de  par  le  monde,  Prévost 
Paradol  n'y  trouva  que  froideur,  indifférence,  éloignement 
pour  cette  France,  dont  les  armées  et  les  flottes,  en  1778-83 
avaient  si  puissamment  coopéré  a  donner  aux  colons  révoltés 
leur  indépendance. 

Le  désespoir  chez  le  pauvre  ambassadeur   alla  jusqu'au   sui- 
cide. 

Le  métier  de  prophète  a  des  inconvénients,  c'est  dangereux  ; 
ne  nous  y  fions  ]»as   trop.    Même  avec  l'énorme  émigration  aile- 


I     « 


466      Li:s  DKSTINl'lKS  DK  \.\    RACK    AXdLo-SAXOXNK 


-  É# 


«1     IS 


mande,  clans  les  Etats  de  l'ouest  de  l'Union,  la  population  des 
Etats  Unis,  en  1900,  aura  de  la  peine  a  atteindre  le  chiffre  de 
100,000,000  qu'on  lui  prédit,  à  en  juger  par  la  marche  des  choses, 
dejiuis  le  dernier  quart  de  siècle 

Dans  tous  les  cas,  il  est  facile  de  voir  quel  serait  le  sort  du 
million  et  demi  de  Français  du  Canad'i,  s  ils  provoquaient  une 
lutte  avec  les  100  millions  de  race  hostile,  les  anglo-saxons  et  les 
allemands  de  l'^Kmérique. 


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%iViUlciiilii  |ioiii  In  |>airi'  Iimi 

JVE.  L'ABBK  BOIS 

• 

Il  en  est  peu  parmi  les  lecteurs  constants  ù\\  Jourtial  de  Qué- 
bec, fondé  en  1842, par  l'Hon  Jos  (iauchon,  qui  n'aient  remarqué 
sous  forme  de  notes,  d'Ktudes.  de  Biographies  etc.,  toute  une 
série  de  récits  historiques,  des  travaux  littéraires  (lui,  bien 
qu'anonymes,  semblent  tous  accuser  une  commune  origine. 

Par  leur  exactitude  minutieuse,  leur  saine  inspiration,  on 
croirait  que  l'antiquaire  émérite,  Jacques  Viger,  revit  en  ces  jiages, 
moins  son  âpre  dogmatisme. 

Cette  bizarre  particularité  qui  les  distingue,  ranonynif,  nous 
rappelle  l'auteur  des  IVarcrliy  No7'(^/s  k-ciuei,  c  pendant 
assuma  à  l'âge  de  57  ans,  la  paternité  de  ces  romans  historiques, 

L'antiquaire  de  Maskinongé  approclie  de  l'âge  jiatriarcal  ; 
il  a  ses  72  ans;  ;  cependant  il  continue  décrire  sans  .signer. 

Je  me  permettrai  donc  de  lui  rappeler,  et  les  amis  de  l'histoire 
ne  m'en  voudront  pas  pour  tout  cela,  que  le  iniblic  associe  s"n 
norn  à  plusieurs  excellents  écrits  qui  se  trouvent  dans  toutes  les 
bibliothèques  |i). 

"  M.  l'abbé  Bois  naquit  à  Québec,  le  13  septembre  1813,  de 
sieur  Firmin  Bois  et  de  dame  Anne-Marie  Boissonne  u. 

La  maison,  où  il  eft  né,  était  ^itué  -  en  la  basse-ville,  à  1  encoi- 
gnure  des  rue.s  Notre-Dame  et  Sous  le-Fort.  et  touchait  à  l'église 
•de  Notre-Dame  de  la  Victoire  (2). 

A  l'âge  de  6  ans,  Louis  Edouard  Bois  étudiait  l'anglais  à 
l'école  de  feu  le  respectable  M.  Marsden,  père  de  notre  conci- 
toyen distingué,  Wm.  Marsden,  M.  D ,  ;  et  à  10  ans,  il  devint 
élève  du  séminaire  de  Québec.  Mais  au  bout  d'un  certain  temps, 
nour  cause  de  santé,  il  alla  continuer  et  terminer  ses  études  au 
collège  de  Sainte-Anne. 

Il  refusa  l'offre  qui  lui  fut  faite   d'étudier  la  médecine  sous  feu 

1.  Xoticc  lJio«raplii(iuo  sur  Monsgr  dp  Laval  ;  A.  C'otr  &  Cic 184H 

2.  Xotes  sur  l'Ile  d'Orléans  '•  '• IH'i,) 

;-).  Ktudes  et  Reclierclies  Biograiiliiiiues   sur  le  chevalier,   Noi  I  Jîrulart  de  Sillery, 

fondateur  de  la  mission  Saiut  J()f>ej)li,à  Sillery  i.Ioiinial  do  QutMiec  11  et  l.'!  .-lout  1855) 

4.  Kotico  sur  Michel  Sarrasin,  médecin  du   Koi,    à   Québec,   ("onsoller  au  Conseil 

supùrieur   (.Journal  do  Québec  1856) 

5.  Le  naufraRo  do  l'AuRuste  "         "    igni) 

li.  Notices  sur  les  explorations  do.Soto,.roIietto,Mar,iuet'.e  tt  la  Salle.  A.  Côto  A  Cie  18111 
7.  Eloge  historique  do  M.  le  Marquis  de  Montcalm  (auuoiée).  Extrait  du  .Vovio-c 

[de  Kvance 

S.  p;tndes  JJiograpliiqucs  sur  M.  Jean  Raimi)ault,  archiprétre.  A.  Coté  &   Cie 187(t 

0.  Notice  sur  M.  Joseph  O.  Leprohon,  arehii)rétre.  A.  Coté  it  Cie 1870 

10.  Etudes  biographiques  sur  le  colonel  Frs.  Dambourges.  A.  Coté  it  Cie '.  187» 

11.  Esquisse  du  service  Postal 1759-1875 

12.  Etude  historique  sur  le  juge  Adam  Mab.me.  A.  Coté  *  Cie 188* 

(2)  Elle  av.iit  été  bâtie,  en  1024,  par  Champlain,  bous  la  direction  d'Etienne  IJoulay, 
son  beau-frère.  M.  Firmin  IJois  en  fit  l'acquisition  de  M.  Laporte,  en  1810.  Ce  dernier  lu 
tenait  do  M.  Flewry  de  la  Janniére,  qui  passa  aux  Isles  Françaises. 


468 


M.  L'.MtlHÔ    HOIS 


m 


M.  le  docteur  Morrin  ou  d'être  clerc-notaire,  à  l'étude  de  M.  A, 
]l  Sirois  ;  il  re<;ut  la  prOtrise,  le  7  octobre  1S37 

Kn  1840,  le  jeune  abbé  passa   vicaire  à  Saint-Jean  Port-Joly. 

C  est  là  qu'il  connut  M.  de  Gasoé.  l'auteur  des  Mi-moircs 
des  Anciens  Canadiens,  et  c'est  là  aussi  que,  dans  ses  rapports 
avec  1  aimable  chroniqueur,  il  ne  fit  i\\x  accroître  ses  goflts  pour 
les  recherches  historiques,  Chaiiue  fois  qu'il  venait  à  Québec, 
on  le  voyait  s'enquérir  aux  archives  provinciales.  Celles  de 
l'archevêché  et  des  dames  Ursulines  ne  lui  étaient  pas  inconnues, 
ainsi  que  les  voûtes  de  l'ancien   palais   de  justice,  incendié  en 

.873. 

En  1843,  Mgr  Signai  le  nomma  cuié  à  Saint  François  de  la 
Heauce. 

Kn  1848,  M.  l'abbé  Bois  passa  a  la  cure  de  Maskinongé,  qui 
comprenait  alors  la  desserte  de  Saint  Justin  et  de  Saint-Didace. 

C'est  à  M.  l'abbé  Bois,  que  l'on   doit'  en  plus  grande  partie  la 
ré-édition  des  Jielations  des  Jésuites,   à  cause  do  la  part   impor 
tante  qu'il  y  a  prise. 

Dès  l été  de  185 1,  il  portait  M.  Augustin  Côté,  l'éditeur,  à 
faire  cette  ré-édition  des  quarante-deux  Relations  in-12,  publiées 
à  Paris,  au  dix-septième  siècle,  i)ar  le  libraire  Sébastien  Cra- 
moisy  ;  cette  ré-édiiion  eut  lieu  en  1855 

La  publication  de  la  Collection   des  Anciens  Manuscrits,   que 
nous  avons  aujourd'hui  en  quatre  magnifiques  volumes,  a  été  sug-. 
gérée  par   lui  au   gouvernement  viousseau,   par   l'entremise   de 
l'honorable    .M.  J.  Blanchet,    secrétaire-provincial,  qui   s'en  est 
occupé  comme  l'on  sait,  d'une  manière  toute  spéciale. 

Une  riche  bibliothèque,  un  cabinet  de  numismatique,  des 
autographes  rares,  des  manuscrits  précieux  pour  notre  histoire, 
un  dictionnaire  démontrant  l'origine  des  noms  de  là  plupart  de 
nos  paroisses  canadiennes,  des  notes  additionnelles  au  catalogue 
raisonné  des  auteurs  sur  l'Amérique,  compi»lé  il  y  a  près  de  50  ans 
par  M,  Faribault,  composent  le  riche  butin  qu'il  a  recueilli  durant 
ses  longs  jours  bien  remplis. 

M.  Bois  a  écrit  des  notices  sur  nos  évoquas,  qui  n'ont  pas 
encore  vu  le  jour,  qu'il  conserve  précieusement  dans  ses  cartons, 
et  d'autres  ouvrages  dont  quelques-uns  ont  paru  sous  l'anonyme. 

Bien  que  chargé  d'années,  M.  l'abbé  Bois  remplit 
encore  ses  fonctions  curiales  S'il  vécut  toujours  éloigné  dee 
grands  centres,  cela  n'a  jamais  empêché  que  des  compatriotes 
distingués,  des  savants  étrangers,  soient  venus  à  lui,  s'enquérir  à 
son  foyer.  Aussi  n  a-t-on  pas  été  surpris  quand  l'Académie 
royale  canadienne  l'a  nommé  un  de  ses  membres,  il  y  a  quel- 
que deux  ans,  et  que  l'Université- Laval  lui  a  conféré  le  titre 
de  docteur  ès-lettres,  comme  il  y  a  30  ans  des  sociétés  savantes 
<le  la  province  se  l'étaient  aggrégé.  notamment  la  Société  Litté- 
raire et  Historique  de  Québec^ 


Noti'M  |»nil  It^s  lniut'i)    Kli-IC. 


Rancune  des  Ecossais  contre  la  France  pour  les  avoir  laisses 
a  leur  sort,  en  1745. 


de  la 


'•Di'vlio  (1"9  MoiitiiHiiiinU  llronsnis, — S'fmn  me  imiiitni'  lacenHif." 

On  lit  dans  Hawkiii's  Pictnrc  0/  Québec,  publié  en  1S34  : 
*'In  a  publication  ofthe  day  it  is  staled  ihat  anoldHighla- 
der,  a  gentleman  of  seventy  years  of  âge,  who  accomi)anied 
Fraser's  Régiment  as  a  Volunteer.  was  ]>articulary  noticed  for 
<he  dexterity  and  force  with  which  he  wielded  his  claymore, 
when  his  Régiment  charged  the  enemy.  On  two  occasions  small 
parties  of  thèse  were  ordered,  at  the  battle  of  the  I  lains,  to 
advance  sword  in  hand,  aiid  drive  the  sharpshooters  ont  of  some 
brushwood  on  their  right,  from  which  tliey  galled  our  line. 
It  was  from  the  right  that  General  Wolfe  was  nrst  wounded. 
This  old  man's  conduc.t  particularly  allracted  the  notice  of  (lene- 
ral  Townshend,  wlio  sent  fjr  him  after  the  engagement,  and 
praising  his  gallant  behaviour  expressed  his  surprise  that  lie 
should  icave  his  native  country  at  such  an  advanced  âge,  and 
foUow  the  fortune  of  war.  He  was  so  struck  with  the  old  man's  , 
magnanimity,  that  he  took  him  to  England  along  with  him,  and 
introduced  him  to  .VI r  Pitt  The  Minister  presented  him  to  the 
K.ing,  who  was  graciously  pleased  to  give  him  a  commmission 
and  leave  to  retire  on  full-pay.  This  gentleman  was  Malcolm 
Macpherson,  of  Phoiness,  in  the  County  of  Inverness  A  long 
and  ruinons  lawsuit,  and  as  he  himself  said,  a  désire  of  being 
revenged  on  the  French  for  their  treacherous  promises,  m  1745, 
made  him  take  the  ficld  as  a  soldier  in  his  old  âge.  A  near  rela 
tion  of  his  ofthe  same  name,  when  well  advanced  in  years  lïox  he 
hadalso  joined  the  Rébellion,  in  1745)  acted  nearly  in  a  similar 
manner.  In  theyear  1770,  he  went  to  India  as  a  Cadet,  and 
living  to  a  great  âge,  attained  the  rank  of  Lieutenant  General, 
and  died  there  in  1815,  leaving  a  handsome  fortune  tn  his  rela- 
tions in  Badenock."  f'P.,  p  393-4  ) 


Note  i)()ur  la  iiagt- 11';. 

RACES  PREHISTORIQUES. 


"  '  c  Manitoba  renferme  des  tombeaux  indiens  fort  curit'^ux  à 
étudier  au  point  de  vue  ethnographique  et  historique. 

"  C'est  ainsi  qu  un  de  nos  amis  de  Winnipeg  nous  raconte  une 
de  ces  dernières  découvertes. 

—  *  Hier  à  Saint  André,  le  Dr.  Bell  a  trouvé  en  ouvrant  la 
terre,  83  têtes  de  flèches  en  quartz  et  en  obsidienne.  Tout  auprès, 
il  "^  ramassé  37  fragments  de  poteries  bien  conservées.  Quelques 
uiics  mêmes  étaient  d'un  goCit  artistique  qui  ne  laissaient  rien  à 
désirer.  Dans  ces  tombeaux  on  a  aussi  trouvé  des  haches  et  des 
outils  qui  appartenaient  à  l'âge  de  pierre,  de  la  rasade  et  des. 
colliers  en  coquilles,  des  tubes  de  pipes,  des  marteaux,  des  dent- 
de  castors,  des  pierres  grossièrement  taillées  et  destinées  évidem- 
mept  à  faire  des  têtes  de  flèches  ou  des  pointes  de  lances. 

"  Il  est  curieux  de  constater  qu'au  Manitoba  il  n'y  a  pas  de 
gisements  de  silex.  Les  autres  têtes  de  flèches  et  de  lances  sont 
en  quartz.  La  poteries  trouvée,  semble  avoir  été  faite  avec  du 
granit  broyé  et  mélangé  à  de  l'argile  On  a  ramassé  à  côté  de  ces 
fragments  de  vases  des  blocs  préparés  et  prêts  à  être  employés 
pour  la  fabrication  de  la  poterie. 

'•  C'est  li  première  découverte  de  ce  genre  qui  se  soit  faite 

"  Il  sera  curieux  pour  les  savants  de  pouvoir  .venir  étudier  sur 
place  les  travaux  pré-historiques  de  ces  constructeurs  de  tumu/i,de 
ces  fabricants  d'armes  indiennes  qui  échangeaient  et  qui  com- 
merçaient avec  les  tribus  qui  ne  vivaient  que  de  chasse  et  de 
pêche.  ' 

Cette  lettre  est  curieuse.  Elle  mérite  l'attention  des  spécia- 
listes. 

Elle  touche  à  un  point  fort  étudié  par  les  instituts  et  par  les 
corp;.  savants  d'Europe. 

Le  gouvernement  du  Canada  devrait  immédiatement  nommer 
un  homme  compétent  pour  diriger  ces  fouilles,  en  prendre  note 
et  faire  rapport. 

Un  pays  s'honore  en  s'occupant  de  son  histoire  et  de  tout  ce 
qui  peut  la  faire  connaître.  -  (Le  Canadien,  15  Sept  1885  ) 


UN   MUSÉE  NATIONAL. 

Le  Canadien  d  hier  mentionnait  les  importantes  découvertes 
pré  historiques  qui  viennent  de  se  faire  au  Manitoba.  Nouî 
croyons  devoir  revenir  encore  sur  ce  sujet  qui  va  tourner  vers, 
nous  les  yeux  de  tous  les  savants  du  monde. 


ESQUISSES 


471 


Voici  les  détails  })récis  qui  nous  arrivent  du  Nord-Ouest. 

Sur  la  rive  ouest  de  la  Rivière  Rouge  entre  Selkirk  et  St  André, 
à  i)eu  près  à  dix-huit  milles  au  nord  d-i  Winnipeg,  se  trouvant 
des  tertres  et  des  tumuli  que  l'on  iuppose  avoir  été  érigés  par 
une  race  antérieure  aux  tribus  qui  ont  peuplé  et  qui  existent  encoïc 
au  Manitoba.  Ces  tertres  ressemblent  aux /twrt//'^  mexicains.  Pen- 
dant des  siècles  ils  furent  respectés,  car  la  légende  entourait  ces 
tombeaux  jde  mystères,  et  malheur,  disait-on,  à  ceux  qui  les  pro- 
faneraient. Dernièrement  un  archéologue  passa  outre.  Il  fit  ouvrir 
un  des  tertres  et  se  trouva  en  face  de  trésors  préhistoriques 
inconnus.  Il  y  trouva  des  arêtes  de  poissons,  des  ossements  de 
buffles,  de  cariboux,  des  squelettes  humains,  de  la  ])oterie,  de 
l'argile  préparée  pour  faire  des  vases,  des  tubes  eu  pierre,  des 
l)ipes,  des  haches,  des  têtes  de  flèches,  en  obsidienne  en  quartz 
et  en  granité,  des  coquilles  de  mer,  des  conques  marines. 

Cette  découverte  a  fait  du  bruit,  et  la  Société  Historiciue  de 
Winnipeg  s'est  mise  à  organiser  des  e.xcursions  à  ces  tom'neaux. 
Un  journaliste  en  faisait  partie 

Le  premier  jour,  dit-il,  nous  ne  pûmes  pas  travailler,  car  il 
avait  tombé  de  la  pluie  ;  mais  le  lendem;  'n  nous  nous  mîmes'à 
l'œuvie  et  quelques  coups  de  pic  amenèrent  au  jour  vingt  sque 
lettes  humains  enterres  de  toutes  les  façons,  les  uns  debout,  d'au- 
tres à  genoux,  d'autres  horizontalement,  la  face  tournée  vers  le 
ciel.  Tout  autour  il  y  avait  des  carapaces  de  crabes  de  rivière, 
des  tubes  en  pierre  tels  que  s'en  servaient  autrefois  les  jongleurs- 
indiens  pour  opérer  sur  les  malades,  de  la  potterie  fort  l)elle;, 
des  cornes  de  buffles  et  d'élans,  et  du  charbon  de  bois. 

Ce  tumulus  devait  remonter  à  l'époque  de  l'âge  de  pierre. 
Tout  portait  à  cette  conclusion,  les  têtes  de  flèxhes  et  de  lances, 
les  dents  perforés,  la  poterie  ornementée  de  figures  et  de  dessins, 
grotesques  et  les  ossemements  brisées  pour  en  enlever  la; 
moelle.  Pour  démontrer  l'antiquité  de  cet  ossuaire,  disait  notre 
confrère,  nous  avons  suivi  une  énorme  racine  de  chêne  qui 
s'enfonçait  à  six  pieds  sous  terre  et  au  bas,  nous  avons  trouvé 
dans  ses  rameaux,  des  crânes  humains  qu'ils  avaient  enlacés  et 
autour  desquels  ils  poussaient  et  grandissaient. 

Dernièrement,  ainsi  que  l'a  déjà  mentionné  le  Canadien,  le 
Dr  Bell  a  découvert  l'endroit  ou  les  artisans  de  cette  époque 
reculée  fabriquaient  leurs  potteries  et  leurs  armes.  Il  a  pu 
ramasser  en  une  journée  deux  cents  têtes  de  flèches  et  lances, 
des  n;a.rteaux  et  des  haches  en  pierre,  des  chapelets  de  rasade 
et  trente  sept  échantillons  de  potterie. 

Devant  ces  découvertes  intéressantes  qui  vont  étonner  le 
monde  savant  et  ajouter  une  nouvelle  page,  pèul-être  la  plus 
belle  .1  l'histoire  des  tenips  pré-historiques,  nous  revenons  à  ce 
que  nous  demandions  hier. 

Nous  voulons  que  le  gouvernement  fédéral  prennent  posses^ 


',.iA 


Il  f^S'- 


472 


RACKs  ri<É-nisTORioui;s 


sion  dé  ces  tombeaux,  et  qu'il  en  fasse  faire  les  fouilles  par  un 
homme  compétent.  Il  y  a  là,  le  point  de  départ  d'un  beau  musée 
national,  d'amples  matériaux  pour  celui  de  la  Société  Royale, 
à  Ottawa. 

Si  nous  étions  aux  Etats-Unis,  le  Smit/moniaii    Tnstitntc   de 
Washington  serait  déjà  chargé  de  diriger  ces  fouilles. 

.  \Le  Canadîru,  16  Sept.  r885.) 


ir   un 
misée 

c  de 


Note  pddi-  la  pa«c  lh\ 


Présentation    d'un    Pavillon     à    J.    M,     Lf.Moine 

pour  la  Tourelle  de  Spencer  Grano;-e, 

Sillery. 


11   Novembre  ISSS, 


i-fî 

,1- 


m 


1 


(Extrait  du  Courrier  du  Canada,  17  Novembre  1882.) 


"  Samedi  dernier,  les  principaux  prepnétaires  des  villas  et 
résidences  sur  les  chemins  St- Louis  et  Ste-Foye,  etc.,  se  réunis- 
saient dans  la  Salle  de  banquet  du  club  de  la  Garnison  (1),  dans 
le  but  d'offrir  à  l'auteur  de  Picturesque  Québec,  M.  J.  M. 
LeVloine,  un  riche  pavillon,  pour  flotter  au  haut  de  la  tour  de  sa 
nouvelle  résidence  à  Spencer  Grange. 

Au  banquet,  le  Col.  Rhodes  président  fit  ressortir  d'une 
manière  frappante  tout  ce  que  leur  '•  hôte  "  avait  écrit  pour  faire 
connaître  avantageusement  à  l'étranger  le  chanVie,  les  souvenirs, 
les  sites  historiques  de  notre  bonne  ville,  ajoutant  qu'il  ne  con- 
naissait personne  qui  eut  fait  autant  sous  ce  rapport,  que  M. 
LeMoine. 

Voici  les  noms  des  signataires  de  l'adresse  de  félicitation  : 

Sou  Honneur  l'honorable  Frs  Langolier,  maJro   do  ,     .„. 

Québec  Pnvilly,  Uramle  AUco. 

U.,col.   Rhodes Kenmore. 

Lt.-ool.  J.   B.  Forsyth ^"ii^^    , 

U.-col.  Frost  liray bt-Miehel. 

Robert  Hamiltou Haniwood. 

R.  R.  Dobeii i!?^"72";•, 

Kvau  J.  Price /l  ./",',•     . 

Léger  Brousseau Chateau-Bigot.  • 

lit.col.   TurnbuU Marchinout. 

Liiouorable  B.  A.   Ross Westheld . 

Andrew    Thomson „ '-"".'L'  . . 

Albert    Fiirnisa ÎJ,',""'^^  ,'',', 

Arch.     CampbeU ï '"''"'."l';      . 

Frs  J.   Stockwcll Tl'«  Highlauds. 

Chs  V.   Temple «••  i,  vu  ' 

plne^'rson'Half'""'"''' /•  V;;;;;;;;;;;;;;;;;;.HaUirmand-House,    Moutxnorency 

(Jeo.    H.  Parke S"]»!^^!''- 

James  Bowen,  jr Redclyfte. 

Wm.  Herring RavenswooJ. 

Louis  Bilodeau Beausejour. 

Thomas  Beckett Clermont. 

Aud.   C.  Stuart Meadowbonk. 

Henry  Dinning. L'Asile  Champêtre. 

Alfred  P.   Wheeler Montagne  Cottage. 

En  scrutant  les  noms  des  signataires,  on  se  convaincra  sans 
peine  qu'ils  représentent  entre  lutres  éléments  de  progrés  et  de 
succès,  ce  que  notre  ville  compte  de  plus  éminent  dans  le  haut 
commerce  et  la  finance  de  Québec  Bien  que  la  fête  eut  été 
organisée  à  l'improviste  et  sans  apparat,  rien  ne  fut  épargné 
pour  rendre  attrayant  le  banquet  offert  à  M.  LeMoine  :  les  mets 
les  plus  exquis  ;  les  vins  les  plus  délicats  se  disputaient  la  pré- 
séance Nous  regrettons  que  l  espace  manque  pour  reproduire 
tous  les  discours  des  orateurs  qui  prirent  part  à  la  célébration. 
Le  col.  Rhodes,  président,  après  avoir  fait  en  termes  chaleureux 

(1)  Rue  St-Louis. 


'H 


476 


l'I'ÉSENTATION    D'UN   I'AVILLOX 


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1  éloge  des  efforts  de  M.  LeMoine,  pour  faire  connaître  à  l'étran 
ger — les  palpitantes  annales  de  notre  Vieille  ville,  — ses  champs 
de  bataille— ses  glorieuses  luttes  — ses  progrès  depuis  son  origine 
— ses  sites  pittoresques— ses  radieuses  villas,  ajouta  qu'après 
vingt  ans  de  travaux  de  sa  part,  les  personnes  ci  présentes 
avaient  comploté  contre  lui  une  petite  surprise.  L'on  sait  que 
notre  ami  a  fait  subir  cet  été  à  sa  jolie  résidence,  toute  une 
transformation.  Une  majestueuse  tourelle  orne  maintenant  S/e;i- 
ccr  Grange\  Cette  tour  à  son  mât  de  pavillon  ;  à  ce  mAt,  il  faut 
un  bannière. 

"  Il  y  a  une  bannière,  ajouta-t  il,  que  vous  chérissez  tous, 
que  M.  LeMoine  aime  autant  qu'aucun  de  nous,  que  par  ses 
écrits  il  nous  a  appris  à  aimer  ;  c'est  celle  de  notre  pays  :  le 
Dominion  F/ag  de  notre  Canada.  Ce  pavillon,  messieurs,  sur 
la.  tourelle  de  Spencer  Grange,  sera  bien  et  auement  à  sa  place  : 
T/ie  rig/tt  thing  in  t/te  rig/ii  place,  \o\c\y  'M.  LeMoine,  votre 
pavillon  et  le  nôtre  !  acceptez-le  1 

Un  pavillon.  Messieurs,  n'est  pas   un  objet  ordinaire  C'est  un 
symbole,  une  idée  toujours  vivace.  un  indéniable  indice  de  sou 
veraineté.   Un  explorateur,  pour  affirmer,  sauvegarder  son  droit 
à  la  découverte  d'une  plage  inconnue,  y  arbore  le  pcivillon  de  sa 
patrie. 

Un  drapeau  pour  un  régiment,  j'en  parle  en  connaissance  de 
cause,  ajouta  le  brave  Colonel,  c'est  ce  quil  prise  au  delà  de 
tout.  C  est  un  objet  sacré.  Aujourdhui,  nous  présentons  à  l'an- 
naliste respecté  de  Québec,  au  sympathique  historien  de  Sillery, 
un  emblème  qui  nous  sied  à  nous  tous  :  le  pavillon  du  Canada. 
Ouand  ce  pavillon  flottera  à  Sillery,  ce  sera,  osons  le  croire,  un 
symbole,  un  lien,  un  chaînon  de  plus  qui  nous  unira  à  notre 
vieille  patrie  d'au-delà  des  mers,  à  notre  présente  patrie  d  adop 
lion  ou  de  naissance,— à  nos  heureux  foyers,  ces  Canadien 
Homes  que  M.  LeMoine  a  décrits  avec  non  moins  de  vérité  que 
de  charme, — un  souvenir  qui  nous  rappellera  également  le  toit 
hospitalier  de  Spencer  Grange." 

M.  LeMoine  répondit  comme  suit  :  "Messieurs  :  J'accepte 
avec  effusion  votre  offrande.  Ce  moment  est  en  effet  bien  doux 
pour  moi.  Comment  pourrai-je  l'oublier  !  Je  suis  tous  confus  des 
sentiments  affectueux,  qui  m'ont  valu  ce  cadeau,  aussi  bien  que 
du  mode  généreux  que  vous  avez  ad«pté  poar  me  le  présenter. 

Il  y  a  vingt  ans  et  plus,  quand  je  mettais  au  service  de  ma 
patrie,  mes  humbles  talents— et  quand  chaque  année  depuis,  je 
voyais  la  série  grossissante  de  mes  travaux  littéraires  sur  le 
Canada,  ses  faibles  origines,  ses  héroïques  (i)  luttes  avec  les 
féroces  aborigènes  et  ses  non  moins  féroces  ennemis  (2),  les 
hommes  civilisés  de  l'ancien  et  du  nouveau  monde,— sur  les  dou- 

(1)  Jlnple  Leaves,  l8i>,S-4-r.. 

(2)  La  Mémoire  do  d.-  Moutcalm  >\  ngée. 


I    ■■ 


t    1> 


VILLAS 


477 


loiireuses,  mais  glorieuses  péripéties  de  son  histoire  (  i),  les  riches- 
ses de  son  sol,  jusqu'aux  aimables  hôtes  de  ses  bois  ^2)  et  de  ses. 
rivières  —^z)  sur  le  majestueux  parcours,  et  les  lugubres  drames 
maritimes  de  de  son  fleuve-roi,  (4^  j'étais  loin  ds  prévoir  qu'une 
réunion  de  mes  concitoyens  aussi   distingués,   plus   tard  "corn 
ploieraient  '  contre  moi,  comme   vous   l'avez   dit.    M.    le   Prési- 
dent, la  douce  surprise  de  ce  jour.  Oui,  Messieurs,  après  avoir 
comme  bien  d'auties,  foulé  avec  hésitation,   le   sentier  épineux 
des  lettres  en  notre  jeune  pays,  j'étais  loin   de   prévoir   ce   que 
le  tribut  de  votre  indulgente  reconnaissance  me  réserverait.  Non 
certes,  le  volume  que  vous  préconisez  Picturesque   Queuec, 
n'est  ni  complet,  ni  parfait.  Les  lacunes  y  sont  nombreuses. 

Il  y  manque  encore,  bien  de  ces  "intimes  souvenirs  de  la 
famille  et  du  foyer"  qui  semblent  avoir  provoqué  de  votre  part 
le  verdict  favorable  que  vous  venez  de  prononcer.  Espérons  que 
la  Providence  me  donnera  encore  assez  de  jours  ou  d'années 
pour  mettre  la  couronne  finale  à  cette  œuvre  [5].  Si  plus  tard, 
il  y  manque  quelque  chose,  ce  ne  sera  pas  l'amour  du  sol  natal 
qui  me  l'a  taii  entreprendre,  ni  la  persévérance  nécessaire  pour 
mener  à  bonne  fin  ui  e  série  d  Etudes  sur  notre  Canada,  entre- 
prise il  y  a  vingt-deux  ans.  Pour  votre  courtoisie  et  votie  géné- 
reuse offrande,  acceptez.  Messieurs,  toute  ma  gratitude,  mes  sin- 
cères remerciements.  ' 

'.'honorable  D.  A.  Ross,  le  propriétaire  de  l  historique  villa- 
Westfield  sur  le  chemin  Ste-Foye,  ayant  été  invité  à  prendre  la 
parole,  s'exprima  en  substance,  comme  suit  :  "  Messieurs  ;  Il 
ne  saurait  y  avoir  qu  une  voix,  je  pense — pour  acclamer  favora- 
blement ce  que  M.  LeMoine  a  entrepris  de  faire  et  ce  qu  il  a  fait, 
pour  Québec. 

Ce  qui  le  distingue,  c"»st  surtout  son   impartialité — son    indé 
pendance  comme  annaliste  du   Canada  ancien   et  moderne.  Qui 
ignore  ses  sympathies  pour  les  braves   d'autrefois  qui  circulaient 
dans  les  rues  de  Québec,  au  temps  où  le  pavillon  fleurdelisé   flot- 
tait sur  nos  bastions  ? 

Il  y  a  un  tableau  tracé  par  M.  LeMoine  si  saisissant  qu'il 
restera  à  jamais.  Vous  rappelez  vous  comment  il  nous  a  peint 
l'héroïque  guerrier  Montcalm  revenant  de  son  dernier  champ  de 
bataille,  à  midi  le  13  tept  1759,  et  passant  à  quelques  {as  doù 
nous  sommes  (ôi.Jdans  la  rue  Saint  Louis,  le  teint  encore  bronzé 
par  les  soleils  d'Italie,  l'œil  défiant— bien  que  blessé  à  mort  et 
retenu  sur  son  cheval  blanc  par  deux  miUtaires  ?  Et   qui   mieux 


(1)  Québec  Tast  nni  Présent.  L'Album  du  Touriste.  L'Album  Canadit.'n. 
(i)  Les  Oiseaux  du  Canada. 

(3)  L<!S  Pêcheries  du  Canada. 

(4)  Chronicl*»  of  the  St  Latcretft. 
i'ij  Pictufesque  Québec. 

(«)  lio  Club  de  la  Uarnison  de  Québec— (l'ancien  Bureau  du  G«ni«  intpérial)  aviosina 
la  porte  St-Louis,  en  dedans. 


478 


l'RÉSENTATION   D'UX   l'AVILI-OX 


\  " 


que  notre  annaliste  a  su  décrire  les  épreuves  et  les  succès  de  l'in- 
vincible Wolfe. 

Il  y  a  plus  chez  rotre  écrivain  :  dans  les  radieux  tableaux 
qu'il  trace  de  nos  résidences,  ces  Caiiadian  Homes  qui  nous 
réclament,  nous  tous,  Messieurs,  il  règne  parfois  une  teinte  si 
aimable,  si  rêveuse  qu'il  est  impossible  de  s'y  soustraire. 

•Il  y  a  mille  épisodes,  mille  incidents  de  notre  histoire,  qui  sans 
M.  LeMoine,  je  crois,  m'eussent  été  inconnus  à  jamais.  Hon- 
neur à  lui. 

Avec  vous,  messieurs,  je  m'associe  de  tout  cœur  au  tribut  de 
reconnaissance  qui  lui  est  en  ce  jour  offert. "^ 

MM.  Dobell,  Forsyth,  Wheeler  furent  aussi  invités  à  prendre 
la  parole  ;  nous  regrettons  que  l'espace  nous  manque  pour 
reproduire  leurs  discours.  Le  banquet  se  prolongea  jusqu'à  quatre 
heures  P.  M.,  M.  l  eMoine  a  du  être  flatté  de  cette  gracieuse 
^ovation." 


Note  |i(jur  lu  iKigo  'JTl'. 


NOS  PRISONNIERS  DE  GUERRE  EN  1812-14. 


i/on  sçait  que  les  prisonniers  de  guerre,  américains,  faits 
ai)rès  la  glorieuse  journée  de  Qiicciision  IIei;^/tts,  en  1812,  expé- 
diés sous  bonne  escorte  à  Québec,  furent  internés  pour  la  plus 
part  à  la  Canardière,  dans  la  somptueuse  résidence,  (ju'on  nomma 
plus  tard  le  Château  de  Bonne. 

Celui  des  prisonniers  qui  dans  la  suite  devint  le  plus  célèbre 
et  avait  été  capturé  à  Qucenston  Hcights,  le  capitaine  Winfield 
Scott,  ne  fut  pas  internes  à  Beauport  :  le  conamandant  de  la  gar- 
nison de  Québec,  le  tJolonel,  plus  tard,  le  Général  Glasgow, 
l'ayant  élargi  sur  parole  et  l'ayant  reçu  sous  son  toit,  comme 
son  hôte,  bcott  se  distingua  plus  tard,  dans  la  campagne  du 
Mexique,  Où  il  avait  le  grade  de  Général  :  sa  fiévreuse  activité 
et  son  amour  de  l'étalage  lui  ayant  mérité  le  sobriquet  de 
"  Old  Fuss  and  Fcalhers  "  qu'il  retint  jusqu'à  sa  mort. 

Estimé  pour  sa  bravoure  et  son  mérite,  il  re-visitait 
Québec  en  1817.  Sir  John  Harvey,  l'Adjudant  Général  des 
Forces,  qui  avait  combattu  contre  lui  pendant  la  guerre  de  1812, 
lui  offrit  rhospitahté  de  son  manoir;  Sir  John  Harvey,  en  1819 
occupait  Marchmont.  sur  la  Grande  Allée  et  devint  plus  tard 
Gouverneur  d'une  de  nos  Provinces. 

Au  nombre  des  40  prisonniers  américains  expédiés  à  Québec, 
on  compte  les  généraux  Hall,  Chandler  et  Winchester.  Fendant 
l'hiver  de  1 813-14,  ils  furent  avec  leurs  compagnons  d'armes, 
escortés  de  Beauport  à  une  demeure  privée  dans  la  rue  Saint 
Louis,  celle  de  l'Hon.  Wm.  Smith,  l'historien,  avant  d'être  expé- 
diés à  Halifax,  où  ils  furent  échangés. 

L'autorité  militaire  assigna  comme  escorte,  une  escouade  de 
la  Cavalerie  Volontaire  du  Capitaine  Bell  (^plus  tard  l'Hon. 
Mathew  Bell.)  Ce  fut  le  lieutenant  (plus  tard  l'Honorable) 
Edward  Haie,  ci  devant  de  Portneuf,  qui  commanda  ce  détache- 
ment :  parmi  ses  troupiers,  on  rencontre  des  noms  bien  connus, 
fort  respectés,  même  de  nos  jours  :  William  Priée,  "  le  Roi  du 
Saguenay  "  Hammond  Gowen,  Archibald  Campbell,  Notaire, 
Frederick  Wyse,  l'Hon.  Wm  Sheppard,  John  Leland  Maquay, 
John  Greaves  Clapham,  John  Musson,  Charles  Hy.  J.  Hall,  tous 
maintenant  décédés. 

La  Cavalerie  de  Bell,  se  composait  d'à  peu  prés  100  troupiers  ; 
l'uniforme  était  bleu,  avec  collet  rouge,  galons  d'argent  ;  armes  : 
sabres  et  pistolets  d'arçons  ;  les  chevaux  de  service  étaient 
Anglais,  Américains  et  Canadiens. 


Note  pour  U  pugu  U5. 


Extrait  de  '•Hawkin's  Ficture  of  Québec.'* 


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"  Having  visited  the  Mansion  at  Cap  Rouge,  and  walked 
over  the  ground  wilh  Mr  Atkinson,  since  this  volume  was  at 
press  [in  1834]  it  is  proper  to  add  that  the  "  trees  indioating 
great  antiquity"  "  mentionned  in  the  text  hâve  been  lately  remo- 
ved.  In  other  respects  the  site  remains  the  same  as  before. 

A  few  months  ago  Mr  Atkinson's  workmen  in  leveiling  the 
lawn  in  front  of  the  house,  and  close  to  the  pomt  of  Cap  Rouge 
height,  found  beneath  the  surface  some  loose  stones  which  had 
apparently  been  the  foundations  ofsome  wall,  fortification  or  buil- 
ding. 

Among  the  stoiies  were  found  several  iron  balls  of  différent 
sizes,  adapted  to  the  calibre  of  the  ships  suns  used  at  tlie  period  of 
Jacques  Cartier's  and  Roberval  s  visit.  ()n  clearing,  also,  a  pièce 
of  ground  in  rear  of  the  garden,  intended  for  the  Bowling  Green, 
traces  were  plainly  ëiscovered  of  ancient  fiirrows,  showing  that 
the  spot  had  Ijeen  cultivated  by  Europeans.  Upon  the  whole, 
the  évidence  of  the  présence  of  the  French  at  Cap  Rouge,  may 
be  considercd  conclusive.  Nor  is  thereany  good  reason  to  doubt 
that  Roberval  took  up  his  quartcrs  in  the  fort  which  Jacques 
Cartier  had  left."  [P.  469.] 


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l/iuoftt  1771. 

17U(I. 

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