IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
1.0
l.l
IIM 112.5
IIIIM |||||22
2.0
1.8
î ' , ' ^
1.25
1.4
1.6
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Photographie
Sciences
Corporation
23 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N. Y. 14580
(716) 872-4503
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICIVIH
Collection de
microfiches.
Canadien institute for Historical Microreproductions
Institut canadien de microreproductions historiques
1980
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usual method of filming, are checked below.
ri
Coloured covers/
Couverture de couleur
n Covers damaged/
Couverture endommagée
□ Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
□ Cover title missing/
Le titre de couverture manque
L'Institut a microfilmé le mjilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
□ Coloured pages/
Pages de couleur
□ Pages damaged/
Pages endommagées
□ Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
\i
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
D
D
n
D
D
□
Coloured maps/
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
□Pages detached/
Pages détachées
J
C~i Showthrough/
iJ Transparence
j — I Quality of print varies/
I I Qualité inégale de l'imr
D
pression
négale
supple
Comprend du matériel supplémentaire
I — I Includes supplementary matériel/
□ Only édition available/
Seule édition disponible
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
D
Additionai comments:/
Commentaires supplémentaires:
rV
10X
This item is filmed at the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
14X 18X 22X
26X
30X
12X
16X
20X
24X
28X
n
32X
tails
du
idifier
une
nage
The copy filmed hère has been reproduced thanks
to the generosity of:
National Library of Canada
The images appearing hère are the best quality
possible considering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
filming contract spécifications.
Original copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cover and ending on
the last page with a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. AH
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or illustrated impression.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol — i»- (meaning "COIVI-
TINUED"), or the symbol V (meaning "END"),
whichever applies.
Maps, plates, charts, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginni. c ^^ the upper left hand corner, left to
right ai.d to.s '•• bottom, as many f rames as
required. Tr. ' -llowing diagrams illustrate the
method:
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la
générosité de:
Bibliothèque nationale du Canada
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — ♦- signifie "A SUIVRE ", le
symbole V signifie "FIN".
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à paitir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
errata
to
I pelure,
}n à
n
32X
1
2
3
1
2
3
4
5
6
MONOGRAPHIES
ET
ESQUISSES
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MONOGRAPHIES
ET
ESQUISSES
PAR
J. M. LeMOINE
"'tTaf^'oV'' ?r^' "-.""'"'" ^' """rive de
^rru, etc., a membre de plusieurs Sociétés Historiques.
^°.
(?^
'''Zfoa:'dn'^::^X^'o\^ÏÙ^':^'' Par.omo„t, par Théophile LoV«.«,„r, d.n, U
A MONSIBUR
Auteur d'"En Amérique et eu Europe, etc., etc.
ET
CORDIAL SOUVENIR.
"'^^ijisaaw
TA.BLE ZDHe n^^^TIER.ES.
I PARTIE
MoNiKJHAPIiriCS Dlù NOS III.STOUIENS MUDKKXES : dôdi.'s
Il Xavier Mtirmit'i' I
Noti't' hintoiic : deux Ecoles ,")
Ef'ol-E ANOI.AISE
L(i iîiiioii MiisiTcs 7
Williiiiii Sinitli 1,')
lîolxTt Cliristio ;;.{
SiimiK'l .). Wiitsdii 40
• lolin Chiultis Dont.; 44
Hoiirv II. Milos 4.S
W. li. Witliiwv 51
John MoMiilIrn 5;;
1'" rancis Paikuuin T)"!
'u'orgf Stowint. ,\v 4r);j
Ef'i'LE l-1JANQAl.SE.
Bibaïuf «7
(îaineau 70
Fcrland lO
Kaillon SO
.hic(iites Viger 84
<i. n. Fiuil.ault 85
Henjaniin Suite 89
L'Alihé Laverdicre <i;i
l/AI)l)é Voiioaii '.)()
L'.\l)l)é Tangiiay î).s
L'.VIjbé Louis Bois 407
LES AUUIIIVES DU CANADA.
.MTENDlt'E l(»l
N''otes et Edaiicissemenls : — Madame do St-J^um'ent... 107
Le Clievalier .Idlm.stone I0*,>
ETUDES ETIlNO(iUAl'lllQi:ES : dédiées à, M. U-on de l{o.sny. 115
Les Races Aborigènes île r.\méi'i<iue — Les Ecossais
dans la Noiivolle-Erance Ils
L'As.sociatiou .Américaine i>our le ^n'ogrès des scienc(.'s
etc., à (iuéboc 120
L'.Vssociation Rritanni(iue pour le progrès d^ix scion-
ces etc., à (Québec \2'.i
Hites Mortuaires des Aborigènes d"Améri(jue — ''onl'é-
leuce 12")
J'ei'.sonnel de l'Associatio:» Kiitanniiiue, à Montréal.., 145
II
II PARTIE
VILLAS A('T()ITI{ DK (irftHKC ; EsquinsoM, aMiôo» ù M. Boi\j.
Suite I.jl
llotol <lu <ioiiv«'cnomont — Miuioir Sowoll 157
liundoti IjOctgo 103
L'Asile ClminiH'lro KV.»
Battlofieia Cottage 174
Murclimont 17â
Elm «îrovo 170
Wolii-lield 177
Thoniliill IWd
S|)onc('r Wood 1H2
SjxiiKHT (lianm' 1H7
Sauios lyO
Montiijiiu' ('oltagf 191
Kirk Elle ", 1%
Sr )ii.s-l('s-Hois 1 '.'7
Ik'iuuore PJH
liaidliold 2(»l
C'ataracou v '203
('lonuoiit' 204
Tlie Ilighlamls 20«
Beauvoir 212
Uaveiisuoo( 1 21')
Meadowhaiik 220
Dornal 226
Loiigvvood , 22S
Uedclyrte 232
Boisl;iillaiit 23H
Boimont 240
llolland Fana 245
Bollevuo 251
Jlamwood 253
Vltamont 255
Bui»nockI)iuii 257
Hingfiold 25.S
Auvergne 270
t'oucy-le-Castel 273
Villa Mastaï 275
Le Manoir Seigneurial, Beauport 279
Haldimand llouse » , 28J'
Montmorency Cottage 295
Lit résidence d'été dit liord Dutl'erin 303
LES JARDINS ANCIENS E'I' MODERNES.—Esquisse dediéo
à rilon. IL (i. ,loly 320
ETl^DE SUR SIR WALTKW SCOTT: dédiée à M. L. II. Fréchetto 351
VVai.tkk Scott, i»oèto 371
Bord r Minstreisy 372
Liiij of thc Lad Mindrel 373
Marmion 379
Lady of the Lokc 3H1
hokehy 3S4
The Lord of thc Iski^ 389
Waltkk Scott, ron ancier 393
nr
fl^uverUy
..M,... Ivanhoe ; 3'.n»
Hoiithicr "iut« h i non. .Juge
Les Lacs du r'iiVnhoriiim'i ■*•*•♦
LçsKuinoHdcMolroseAMH.y
APi'ENDK^' '°*'^'^''''-^" '''"^t«'^" 'lesir \v;ii;;;;-^;;otv;:::::;;:;v m
•leorge Stewait, jr .
Les destinées de'lr. race ■miVrio-saxonnô""p"n"V;""- ^'^^
d'après rrevost-Pamdol '='"'*'''''""'' ^» -\Jnen(,ue,
Notice sur M. L'Abbô ]}oi« "*♦'"''
AVIS AU LECTEUR,
Ces md-langes d'histoire, de biographie, d'archéologie, de
critique, etc., sont destinés à servir de complément et de con-
œuvre de
publié en 1S72
les descriptions se
tinuation à I'Album du Touriste,
fantaisie, comme l'on sait.
Quant aux villas des environs de Québec,
suivent en ordre régulier.
Le Touriste, aux mois des feuilles, pourra débuter par V An-
cien Manoir Sewell [l'Hôtel du Gouvernement] avoisinant la
porte St-Louis, côtoyer, livre en main, la Grande Allé:, à Spen-
cer-Wood ; continuer jusqu'au Cap Rouge ; puis, retracer ses pas,
en longeant le chemin Ste-Foye, au Montplaisant, franchir le
Pont Dorchester ; se rendre au Gros Pin ; de là, au Château
Bigot, à Charlesbourg ; redescendre des hauteurs à la voie publi-
que de Beauport, filer jusqu'à la chute Montmorency, faire étape,
pour le goûter, en ce pittoresque endroit ; revenir en ville et termi-
ner sa course en dedans des murs par la visite à la Citadelle, sur le
Gap-aux Diamants, où Lord Dufferm en 1872 faisait préparer la
résidence d'été de nos Vice-Rois. Durée de cette promenade
d'antiquaire : au moins deux jours.
Nos villas sont dans leur plus beau, à la saison des feuilles et
des fleurs, — depuis Juin à la mie- Septembre.
Une simple course sur le grand chemin, sans pénétrer à l'inté-
rieur des domaines et sous le toit même de ces fraîches retraites,
perdues la plupart sous l'ombrelle des bois, invisibles de la voie
publique, ne saurait donner qu'une idée incomplète du charme
des paysages.
Inutile de rappeler au lecteur que la plupart des études histo
riques recueillies dans ce volume ont été préparées à diverses
époques, quelques-unes bien antérieurement à la recrudescence
récente des regrettables animosités civiles qui menacent de com-
pliquer, ou de retarder la solution des problèmes de l'avenir.
Des absences forcées, d'auttes causes également incontrô-
lables ont privé l'auteur de la faculté de revoir les épreuves du
livre, lequel aurait dû ûtrc livré à la publicité au commencement
de Juillet dernier.
1er Décembre 1885.
d ?irc>iK>icnr fVciLMc: £^lla:niic:^
D<^ !' Acadciiiic Française
Cher Moxsikuk.
Je n'ai pas oublie tna promesse, non plus que les paroles
affectueuses que vous m'adressiez, le 9 août i8.Si,au No i,
rue Saint Thomas d'Aquin. Du reste, je connaissais déjà
depuis Ionf;temps l'intérêt que vous portez atout ce qui se
rattache à ce Canada, où vous ave/ passé de si agréables
moments.
Quand vous m'accueilliez sous votre toit hospitalier,
j'arrivais, si vous vous en rappelez, d'un pèlerinai;e au
berceau de mes ancêtres français, à Pitres, près de Pont-de-
r Arche.eri Normandie — "station militaire sous les Romains,"
a écrit l'annaliste de Pitres, "aussi bien que résidence ro\'aIe
mérovingienne, palais et chàteau-fort pour les princes de
la deuxième race, néanmoins ravagé au neuvième siècle
par les féroces corsaires du Nord dont les caravelles remon-
taient la Seine, au point que l'effroi public se traduisait
par cette prière suprême', ce cri du jK'uple : " A f/iroi\'
Xoniiaiifioni'in. libira lu-s, Pomiiu." — X'oilàce que m'en dit
r histoire.
Quelques mois plus tard, je vous expédiai ma conférence
sur Rouen, Pitres, (i) etc., comme pièce ])robante de mon
passage en ces endroits. Il m'awiit été d'ailleurs facile de
me renseigner. J'étais po'teur de kltres de recommanda-
tions auprès du savant abbé \'aurabourg, curé et historien
de Pitres. (2). L'excellent abbé ht plus que de m'accueillir
gracieusement ; en peu de temps il m'avait déroulé les
annales de cet antique village, populeux jailis, chox'é des
(I \ "Kiliinbiircli — Itnuon — York — (iliiiip-i's — Iiii]irivi-ioii- — Cniitras't-'."I'.(r. Ile Mil v
Villilislicr. ' IJuùboo, lf<>l.
CJ) Xutico sur l'itro.-. p.ir .V. Vavirafiouiv. l'ui-ô do Titres, Du'musoii x i"u;.
Impriinciir.^. l'an». lî^Tii.
h
rois et des évêqiics, faiiieux, même Jiu neiwièmc siècle,
et maintenant simple paroisse avec une population d'à
peine mille âmes, et dont la de'cadence a fait dire à un
vieux chroniciueur : ''ILvasit in cxcj^ni i/omiiiis l'ica/iiin."
* *
*
Ma dciulîle ori;j,"ine m'imposait un second pèlerinage
Je tenais a voir la patrie cie mes autres ancêtres non
moins vénérés — !es aïeux de ma mère —sur les rives classi-
ques de la Tv/eed, en Ecosse.
Je réalisais là un des rêves dont s'était bercé ma jeu-
nesse : contempler Abbotsford, le pittoresque château du
plus beau génie de l'Ecosse, Sir Walter Scott.
Vous m'aviez recommandé de visiter Melro-^o .\bbey,
où Randolph avait déposé le cœur de l'héroïque siniverain
de ee pays, Robert liruce ; vous aviez, été as-ez bon de
m'offrir l'excellente biographie (3)que !e sort lie l'illustre et
infortuné prince vous avait inspirée, car v(jus connaissiez
mon admiration pour les martiales figures de la Calédonie,
ses lacs mignons, ses bruyères odorantes et empourprées,
ses pics coiffés de brouillards, ses crans escarpés et
sublimes, chantés par Ossian, iîurns, Scott, Allan Cun-
ningham, Christopher North.
Vous vf)us rappelez, sans doute, V(jus être informé, en
même temps, du progrès des lettres canadiennes, depuis
votre passage parmi nous, en 1850. Cette courte étape dans
vos nombreux et lointains voyages nous a valu c[uelques
pages sympathiques dans votre volume "/:/«- Amîriqiic et
eu liitropc. Il fut également question entre nous d',"s
travaux de maints hommes de lettres canadiens dispaïus
depuis 1850, mais non oubliés, écrivains identifiés pour
ainsi dire aux recherches historiques et aux antiquités
canadiennes — nos illustres morts — : Garnea' , I'>rland,
Kibaud, Faillon, Laverdière, Faribault, Viger.
Ci) Biiliert Hriite : coiiDiiviit un ri'coïK/iiic? un roynumo, par Xavier Marinier, de
'Académie Kran<,ai»c ; dernière fditioii. (rari*. Hachette it Cie, 1,'Sl.)
Il m'est vciiu l'iJee d,. • ■ ^
'listoriqucs des différentes eVnl'"T '^"'"'^"°' silhouettes
dy .-ntercaler des d" ^T ''" ™''-»'"- <f.verses ;
'- hc,.,„es éntinent ; r. ;^;^°?'f- --"'■fiqucs „;
position officielle au noLZ ^ '' P"^"^' ''" 1"-
»'e.^t faît dans le pavs 2- '"°"^'^""^''" littéraire <„,;
de nos archives n';lna'!r' ""^ ""'-■«■■"" ^t conserva.iln
't:it':r::f^"--^-n~d:~"--
'•avantage d'. Z Z:::^^'' '^■'"'"'"'' ^^ '^' ™
t-ve places:::; : rttir^- ■^■■- '--"
"e. bien voulu .nadn^ettr; da c^ """'"'"' °" ^«"^
vos travaux, de vos veill, d. '";'"'"-•""« «n>oin ,lc
-^'3-ie.vousaure.rait„„,.;j:.,r;zrr;p:::^^
spencer Gran
se. près Québec, rerjufn iSSs.
L'AUTKlR.
NOS HISTORIENS
Le caractère complexe de notre population, la diversité
de l'idiome, des us et coutumes, des traditions, du culte en
Canada, les changements de régime, les luttes (i) achar-
nées entre les races ont dû nécessairement donner naissance
à de:ri appréciations et des comptes-reccms divers des
événements, et partager nos historiens en deux groupes,
deux écoles. L'imagination de l'annaliste se niodifiait à
son insu, selon sa nationalité : selon la voix du sang, au
dire de quelques-uns.
Ce serait donc chimérique que de chercher chez, nos
historiens, unité de sentiments, impartialité absolue, mal-
gré la droiture, l'indépendance d'opinions qui caractérisent
un bon nombre d'entre eux.
Le temps doit être venu où l'on puisse jeter un cou{)-
d'œil calme, même sur les questions brûlantes de notre
passé, juger à tête reposée des hommes et des événements.
L^n nouveau pacte constitutionnel, convoite, :iccepté de
tous les partis — notre petit peuple devenu grand. — de nou-
veaux besoins éclos de circonstances nouvelles — des intérêts
beaucoup plus vastes — des torts réparcs — les exigences du
commerce : ne voilà-L-il pas autant de motifs, pour inau-
gurer une ère d'apaiscmert,d'oubli d'un passé lointain, non
regretté ?
Si le démagogue trouve encore pâture et lorce en ré-
suscitant de vieilles rancunes de races ou de partis, le vr;ii
patriote, chaque matin, salue l'étendard du Canada con-
fédéré, où est inscrite la devise " L'UxiON' I'ait la F-HU'i: "
(1) X. M. — Dopiii" iiut! (•l'^ liiiiica iiiit éti' ti-iici'es, h' Vi"'»'"^*' ''iiivniit, (Hipriiiilc A iimi
iiiti'rossant,' (■tuile r>'COiiiiiu'iit lue ili'viint la .S'iin'i'fi' l-tuyah' ihi Ciuniln. \kiv M. (iiurLii'
lliyc' t,. li. I)., Profsf.sciir cU" littiTature au ionrk.'o Jlaiiitolia, ù WiiniiiHL'. ('«t vriiii
ccirrolioror ce (lurj'avMiiL'o : "Owiiigto tlio rocoiit iicrioil ot iiiany oCtlio iv.-iit*. it is
" lUIHeult to Kivf tliciii ;i faitliful trcatiiiont. NvitUout croatim; .iniiiiOfity on tlic iiaii "('
'■ frieiids of thi> Htill livini{. Jforoovcr tlio ptro:i,« political war, :i;iii.-irrntly iinlitionnus
'■ tu iiur f'anaciiaii soil. ri'iiili'rs it iiiiist (litTicult toi tli'j liistoiian. to li-mt liis siihjcit
" ili^iiassiouately."
Bercé de ces idées, je vais tenter de présenter en ce
petit travail un aperçu successif de nos historiens mo-
dernes les plus marquants, signalant leurs écrits, leurs
états de service, le milieu où ils ont vécu, sans me pro-
noncer sur le mérite des diverses c(;ples ; ce soin, je le
laisserai au lecteur.
CHAPlTr.E I.
Le Barcii Maseres, Publiciste (i
1 73 1-- 1824.
La période de 1774 à 1791, c'est-à-dire, les dix-sept
années de notre existence coloniale rét^ics par la constitu-
tion octroyée en 1774, et connue sous le nom d'" .-Icd' de
Québec ", sans être la plus brillante, mérite assurément
l'attention sérieuse de tous ceux qui désirent étudier notre
passé. l'>re toutefois difficile à débrouiller : heureusement,
les pièces pour la décrire, dans le principe assez rares et
d'accès difficile, se multiplient rapidement, grâce à l'ouver-
ture à Ottawa d'un Ikireau des Archives, (Record Office),
sous les auspices du Département de IMgriculture.
L'annaliste moderne trouvera la tâche beaucoup moins
ardue qu'elle ne l'était au temps où nos historiens, Gar-
neau, Hibaud, h'erland, etc., élaboraient si péniblement,
faute de matériaux suffisants, leurs excellents écrits.
Sachons i;ré à nos hommes d'I'Ltat d'avoir fondé dans la
Capitale un dépôt, pour la collection, la chissification et la
conservation de nos archives, pour sauvegarder en quel-
que sorte ces lambeaux dispersés de notre histoire.
/
Il I .M. Ijimau Oiuiiiirn coiiniu' «lùt losi'i rit:' ilu li.irim MiisCrrs.si- riittiicliiiiit iiii CtiiKiila :
1(1. Mi'iiKiirf l'i lu ili/i'Ust" tVini l'Ian (J'aile itn iiarli-mciif l'nut- l'i'tiihlin!<i'ni''iil ili:s
lin (/(• ^1 lir<i}'iii(f lie (Jiirhi'<' liiiilrc li-,i (/hjii-tiini.i ilc if- ('iii/in i, Jioiiili'ii, 177ii ;
•J(i. .1 lui I lit ion iif si'vurul ciiiiiiiiissiiiiis nnil ntlii'r lnihlii- iiinlriiiiioils. i>rnriril iiii/
'rviii Ilin M'iji'sty'K Jiiijiiil iiillii"ritii,ii>i,l fllirr inijirr.i. nhiliru; fn \<irtli Aiiiarim ,
.viHcc tlii' i;,t,iiuest n/tlie Itrititili uniin in 17il". Im. 177'.'. /). /i. :ill .■
:in. I^infhi'c ('iiniiiiis!iiii)is. On, 1771 ;
■t. Al) aiciiii ,}t ('/ lin l'i-d'iiiliinix II/ thc lii-ilisli iniil l'ti^er l'mtfslnt.t itilutl'ilnnl i
l'f flic l>nifincv o/ (Jmln'r in Sui-fli Ainuriin, in nnUr !" nlitnin n Hmim .\f Astumhlij
m tluit priirinci'. Ilo, )'. II. 2iM ;
'<i>. A Vicie iif f lie Ciril <!nr,'rnnii lit 'nul iiil>nini«hiition nf Justin in tlic liriiviiin:
II/ l'a ini lin. n-!iilr il irns s-njijrrl ^l tin Crnwn »/' /'n/ii.'c" <i-r. (.1/ .S'i
(lu. .A il il il in nul /m /Il rs iimiiininij Un iirnvince nf <,'i((7i('i',ili'Ktiius;'isi.'rvir (l'^piiriniui.'
[\\\ vciliiiiu' piVfLdcnt. Do, 177ii. \i. \i. Mu.
7n. Thi('n)UiilinnFrtilr'liIvr,in firn il inhnines, IntiiX'vn fin Knql isinnn n iinil n
h'ii nihninn sittliil in (.'nnnilii. ilnnrini/ llm sentiment nf tlie hnll; uf fhe freelmlilei-s
nf Ciniiida ronce rninij thc Inle (,Unl,ev Ait : nifli snnie fensnns ns un tliv Hnstnn
l'Inirter Aet : inul in> nttcnijit tn shun- fhe r/rent e.riiedienry nf inimeiU'ilelii rejienlinii
liiitli tliese lets nf }'iirlin)netif nml if makinçi snine ntlier nsefnl reiinlnfiniis nml
enneessinyis In ll's ilnjeslifs snlijerts. ns n iirminil fur n iienneilintinn vitli tlie
l'niteil Cnliiniefi in Anierien'. Dn. Vnl. 1, 177ii. Vol JI d' Vnl 111. 177!i.
^. < nensionnl Ei.sinis : ehiellii imlit irnl nml histiirieal, Dn. 'l"'.t. On trouvi' dans (•■■
voluiiu' ili'a (ioc'uiiioiits relatifs à rAiiii'ri(|iii', et " An nemnnf nj thc noblesse or ijentnj
in l'n ninlii , "
8
LE IJARON MASERES
m
On a pu effectuer depuis la confédération ce qui était
impossible ou presqu'impossible, avant 1S67 : avoir accès
aux archives publiques de la Métropole, puiser lar^oni^nt le
précieux minerai dans ces mines littéraires si riches que
renferment le Ih-itish Mnscuiii, le War office, la Tour de
Londres et les divers ministères.
L'on sait que les autorités métropolitaine-, pour des
raisons qu'il serait trop Ions; d'énumérer ici, avaient
apposé les scellés de l'Etat à une foule de docuinents,
indispensables comme matériaux pour l'histoire, mis à
notre disposition depuis que le Canada s'est développé
en une vaste et puissante Confédération Plusieurs
éminents léf^istes anglais, san.s visiter le pays, l'avocat-
Géneral Sir James Marriott, les Procureurs et Solli-
citeurs Généraux, \'orke, de Grey, Thurlow, Wedder
burne, au moyen des rapports officiels. Réquisitoires et
Mémoires qu'ils ont été appelés à présenter au roi George
III, sur les affaires coloniales, se trouvent identifies avec
cette époque, ou font partie de son histoire. D'autres,
comme le juge Mabane, et le baron Masères ont joui de
l'avantage de se renseigner sur les lieux mêmes, par suite
de leur séjour et de leur position officielle parmi nous.
Ils sont devenue, par la nature des choses témoins oculai-
res de nos luttes ; ils ont pu étudier, voir de leurs yeux
les phases émouvantes de cette ère de transition. \j\\
anticjuaire distingué, M. l'abbé Bois, a fait la biographie
du premier, le consciencieux juge Mabane, mort, près de
cette ville, à Woodfield.en 1792 ; je vais tâcher d'esquisser
rapidemei't la carrière du second, le baron Masères, de
1766-69 Procureur-Général du Roi d'Angleterre en
Canada, et pendant plusieurs années résidant à Québec.
* *
*
Le 19 mai 1S24, l'Angleterre prenait le deuil pour la
perte d'un de ses plus éminents enfants, Francis Masères,
Baron de l'Echiquier, légiste, mathématicien, linguiste, his-
torien, publiciste ; la voix populaire le nommait le "Vétéran.
MONOGRAriIIE
de la science", la littérature le proclamait la Mécène des
hommes de lettres de la Grande-Bretagne.
Cette année là, la mort avait mis un terme à ses travaux
littéraires, si vastes, si variés : Masères, chrétien fervent
avait dit adieu au monde, à ses pompes, à ses vanités, à
l'âge avancé de 93 ans, retiré à sa belle villa de Reigate,
dans le comté de Surrey ; l'amitié inscrivait pour devise
sur le marbre de sa tombe : " Quaiido u/liiin iiivoi'uiin
IHxnm'. Quand verra-t-on son pareil ?
Si Francis Masères, en dépit de son nom, fut par ses
goûts, ses aspirations, ses convictions, sa loyauté, un vrai ^\\'?,
d'Albion — un anglais type, l'on pourrait dire ; — il n'oublia
jamais, et il en donna d'abondantes preuves, que pour ses
pères, il fut une autre patrie que l'Angleterre et que la
vieille France pour laquelle ils avaient été prêts à prodi-
guer leur sang, possédait le ilépôt sacré de leurs cendres.
L"n écrivain Anglais a dit " Qu'il faut trois générations
pour faire " un Knglish gentleman, " un vrai gentilhomme."
Trois gérérations avaient suffi pour faire de Masères un
véritable Anglais.
l-'rancis Masères naquit à Londres, le 15 décembre
1731. Son père y pratiquait la médecine, dans Rroad-street,
Soho. Son aïeul, né en France, professait la religion dans
laquelle étaient nés Henri IV, Catherine de Rohan, Condé,
Coligny.
Trois de ses frèios servaient comme officiers tlans
l'armée française.
La révocation de l'hMit de Nantes, en 16S5, pour la
famille Masères, comme pour nombres d'autres familles
distinguées, fut le signal du départ. Préférant l'exil au
sacrifice de ses convictions religieuses, M. Masères, l'aïeu!
du Baron, fit voile pour l'Angleterre.
Le roi Guillaume III, discernant son mérite, lui donna,
du service militaire en Irlande et plus tard en Portugal,
d'où il revint avec le grade de colonel.
Son fils, devenu médecin, ayant plus tard quitté Broad-
10
I,H IIARON MASKKKS
strcet, acquit une demeure dans Rathbonc Place : cette
résidence passa à son petit-fils John, le frère de 1"' rancis ;
plus tard, elle échut au Baron lui-même qui y passa bien
des moments açjrcables sans toutefois l'occuper permanem-
nient.
l*>ancis Mascres fjradua à l'Université de Cambridge, en
1752-1755. Le jeune maître-cs-arts " montrade bonne
heure de rares aptitudes pour les sciences et les lettres. Il
les cultivait avec un entrain extraordinaire et avec un
succès marqué, sans beaucoup se soucier d'amasser de
fjrands biens ; cependant cette déesse capricieuse, que
l'on nomme la l*"ortune, fut loin de lui être ingrate.
Pendant son séjour à Cambridge, il publia une étude
sous le titre *' A Dissertation on the nci^^ative sii^n in Alj^'-i-
l'ra, containing a dcinoustration of thc rnle concfrningtt :
le but de cet écrit était d'applanir la voie aux élèves cjui
abordent pour la première fois cette science.
M. Masères quitta l'Université pour se livrer à l'étude
du droit. Admis au barreau, il suivit les cours de circuit,
sans toutefois s'y distinguer ; et cependant plus tard, sa
connaissance de la jurisprudence anglaise, comme science,
était telle que les membres des deux chambres tenaient à
honneur de le consulter. Puis vint sa mission au Canada,
comme Procureur-Général. Kn 1765, la promulgation de
l'acte des Timbres avait mis en feu toute la Nouvelle An-
gleterre ; pendant la période qui s'écoula depuis cette
date jusqu'à son retour en Angleterre, en 1773, le savant
jurisconsulte rendit des services signalés à la couronne : le
roî le nomma Cnrsitor Baron of iJic Exdicqncr, charge qu'il
remplit jusqu'à sa mort. Après avoir cessé d'être Procureur-
Général, il occupa comniH procureur ou iigent pour la
minorité protestante de Québec, auprès de la Métropole, et
revendiqua ses droits civils et religieux. Il fut un des pre-
miers de ce groupe d'hommes instruits : Etienne Charest,
Adam Lymburner, L. J. Papiueau, D. B. Viger, John Neil-
son, James Stuart, Arthur Roebuck, auxquels la minorité
Mi»N()(iR.\l'IIII
I I
anglaise ou la majorité française en ce pays confia des
mandats publics auprès des autorités impériales. Imi 1779,
le Ri'corthr de Londres constitua le baron Masères son
député ; en 17S0, la Cour du Conseil Commun l'honora
de la présidence de la Cour du Shérif pour la ville de L(M1-
dres, emploi qu'il tésit,Mia en 1822, deux ans avant sa
mort.
L'année 17S4 le trouvait activement immiscé dans un
démêlé cpii agitait la Boiiiti Royale de Lontlres, à propos
de la démission ilu mathématicien Ilutton.
V.x\ iSoo, il publia une dissertation ''On t/ie Risoliition
of affectai Algchraic Equations'' enrichie des notes et des
méthodes île divers savants.
Bien (jue notre ancien Procureur-Général nous soit
connu surtout par ses volumineux écrits,! \) Mémoires,R-:p-
ports sur les affaires nubH([ues du Canada, de 1766 à 1791,
ce furent les sciences exactes, le droit public, la philoso-
phie, l'histoire parlementaire de l'Angleterre qui fourni-
rent un aliment à sa soif de tout connaître, et le champ où
il cueillit les plus beaux fleurons de sa Cf)nronne. Il.'-em-
ble presqu'impossible que toas les travaux littéraires et
scientifiques auxquels son nom se trouve associé.soient éclos
du cerveau d'i'.n seul hunitne. Plus d'une fois, il aida de sa
(Il Li- 110111 cir iMiiMirs. ((iiiiiiir aiitiiir nu c ilitmi.M r:i(t.iclic> ;iii.\ rcril h suivants .pii li:ii
ti'tit (II' iiiatln''iiiiitii'ii(w. il'lii-it'ilii', (11' ilinit imlilic, irironinnii' luilitiiiiic, de piiU Miii|iir
ri'liv'ii'iisi' ;
I. 'l'iii' HliiiiriitH ri( ri.iiii' 'rritroïKiirnl i> , nilh a ilr'sii'tictidii dii ttic liât lUc , iind ii-'.c
(if liiitTHiitliiiis, •• ITlIii. .'■vn,
'.'. " Mipiiti'si|iiii'ii. Virwh cif tlii' l'iiii^lisl) Cciiisliliitidii ti'aiifhitccl \\ illi iinti s. ' ITM.'-mi
:'.. " Tlu' riiiuiiilis ol'tlii' Dociviiio (pf lati' aiiiuiitii's "■ 17^:i, 1 viil ^ — Jii.
4. 'l'iii' Mddi'iati' lirtdiiiicr ; cr a iiripj.osal In l'niriit sciiiic al>iiMs in tlic pi'i-fiil csla-
lilisliiiiciit of'tlir Ctiiiiili ni l>;ni;l nul. IT'M.Nvn.
â. Kni|iiiry iiitn tlic '■xtciit ni' l'nv.cr ni' iurii's nii triait* for ('riiiiiiial \Vnliii}it<, I7'iJ,.''V(>
li. Scriiitorcs l.niiari'liiiiici 17'iI-Imi7. t; vnis, lin.
7. lirriiniiilli's llDcIniii' id ririauiatinii- uiid ('niriliiiiatioii-^ uitli ; nnii l'riiici|il('s ol'
alL'clira. 17!l!i, i^vip.
s, •■ IVIay's IliHtiH'y ot' tlic rarliaiiitlil nf Kiiulaml, svliicli I'ilmii W Xnv. lilln , a lU'Wi'di-
tinii witli :i inifai'i- '" l.'-'l::, I tn.
il. ■' 'l'iirci' Traits ]>iiblislM'il in Anistcnlaiii in li!'.i|. .iiid twn iiiidir tlu' niiin' nf l.i't-
tcrs ot' (ii'nt'ral liUdlnw in l'àlinnnd Scvninnr aiidnllicr | iT^ons : .a niw rdiiimi «iih a
prrfai'O " IHi:^, 4t(i.
10. •' Tlio Irisli Holii-llidii ; or .a Uislnrv ni' tlic atlcinjits ni' ilii' Jrisli l'aiiists In i xlfr-
imto tlip Proti'stants : tiy Sir .Inliii Tciuplir; ii luw édition witli a prrl'acc.U Ki, •lin.
II. The Cbvso of l'opcry and l'npifli l'aiiis tn thi' Civil (inviriimrnt and l'iciti staiit
Cliuioh of Kniîlanil " riiirintcd in ^ vols, isn;.
12. '• JMt'inoirs of tlie iiiost niatfiial 'rr.insacliniis in Kn;;laiiil, fnr ion yo.irs. iin-i'cdinu
tlic Ki'volutinn in Hit-8 "' liy, laines Welwnnd, Ih^iii, >-\t\\.
i;i. " Selpct Tracts relatinu tn tlio Civil Wars in linuhuid, teniji. Chas. I. and Croin-
ivoll rsurpation " It^l.'i, •! vols '-vn. ,
14. " View of the aneient l'onstitutinn nf tlie i^injlisli l'ailiaim lit "".
\a: harox m.^skrks
fortune, à la publication de recherches scientifiques faites
p;ir d'autres, et plus d'un écrivain désireux de f.ivoriser la
science de ses conquêtes, sans en avoir les moyens,
s'adressa au Mécène Anglais, rarement en vain. Ainsi,
en 1S02, il fournit à M. John Ilellins les fonds p»)ur éditer
une œuvre que lui, Masères, admirait fort: la traduction ilu
savant traité composé par Donna A(;ni:si, sous le titre
Institntioiii y Inalytichc,
L'arfjent. i^ ses yeux, n'était (^u'un moyen de faire une
bonne u'uvre. Il porta en une occasion le désintéressement
au point tle prêter pour vinijt ans et sans intérêt, <à un
écrivain pauvre, une somme de six mille piastres, pour
publier ses écrits, et cependant, à sa mort, il laissa plus de
fortune qu'on avait droit de le supposer, vu sa libéralité
proverbiale.
Pendant son séjour, à Québec, il put étudier de près les
besoins de la colonie, apprécier la mal-administration ou le
vice du système judiciaire bâtard qui y existait, se rensei-
gner sur le malaise [:jénéral des anciens et des nouveaux su-
jets, leurs tiraillements mutuels, les réformes à faire dans la
jurisprudence ancienne et nouvelle, lîien que ferme soutien
du trône, il n'hésita pas à se prononcer contre la prétention
du Roi, sur un point d'une importance vitale aux Canadiens.
Masères, devenu l'rocu.-'eur-Général de la l'rovince de
Québec, dit Bibaud-jeune, " nia au Koi le pouvoir qu'il
s'était arroi^é de législater pour le Canada, indépen-
damment de son l'arlement ; " les lois françaises
avaient été selon lui, les lois de la colonie,de 1/64 à 1774 ;
l'avocat Général Marriott maintenait le contraire.
Ardent ami des libertés populaires, il avait auprès du
roi le tort d'être Whig ; ennemi de l'arbitraire et de l'into-
lérance religieuse, il se montra constamment favorable au
maintien de l'ordre et de l'autorité publique. L'étude des
classiques Grecs et Latins ht ses délices, en tout
temps. Ses auteurs favoris parmi les anciens étaient
Homère, Lucain, Horace: il les lisait, les relisait ; il les
MON(»(iKAI'IIIi:
13
savait par ciour, disait-on. Milton, parmi les niodcrncs,
lui était chei-. Il affectionnait fort et parlait avec pureté
la langue de ses pères, le français, mais le bon vieux fran-
çais, siècle Louis XIV, l'idiome de Racine, de Corneille
'le Sévigné. Il riait de bon C(cur de ce qu'il nommait
l'argot parisien et badinait ceux des émigrés français
qui fréquentaient ses salons, sur leur famélique accent mo-
derne, tout en les comblant de bons procédés ; sa bourse
et sa table étaient à leur disposition ; on y voyait, disent
les Mémoires du temps, des Archevêques, des Kvêques et
autres membres éminents du clergé échappés à la guil-
lotine de Robespierre. On y remarquait surtout un mem-
bre du Parlement de Taris, banni de I'"ranct;, lequel trou-
va pour lui et sa famille une affectueuse hospitalité à la
villa de Masères, à Reigate.
Si le baron Masères abhorrait les nivcleurs de 93 et les
doctrines subversives de \''oltair e, 1 sut néanmoins appré-
cier les bons écrits de l'auteur de Zaïre, etc. Sans morgue,
d'une intégrité inflexible, doué d'un heureux tempéram-
ment.d'une humeur enjouée et égale, hospilalier à l'extrême,
il n'avait pas de plus grande jouissance que de s'entourer
dans sa charmante résidence de compagne, de quelques
amis lettrés comme lui, surtout de mathématiciens. Le
dogmatisme tranchant,parfois brutal du ctilèbre Dr Samuel
Johnson lui agaçait les nerfs : une fois il rencontra le vieil
ours chez son libraire. Le bénédictin de Londres se mit
comme à l'ordinaire à fronder les auteurs contemporains,
entr'autrcs Ilumc et Voltaire : c'en fut assez. Il déclara
qu'il ne désirait jamais rencontrer Johnson.
On cite parmi ses amusements le jeu d'échecs. Il savait
perdre la partie avec tant de bonhomie qu'un de .-^es amis
disait de Masères, qu'il était le seul joueur de ses connais-
sances sur la figure duquel on ne pouvait lire une vic-
toire ou une défaite.
Esprit pratique, il préférait à la méthode de démonstra-
tion philosophique de Newton, celle de Huyghens et de
w
maam
H
l.V. HAROX .N[ASKRKS
Galilée, comme étant plus claire et, partant, plus à la portée
de la jeunesse.
Les mémoires du temps revêlent le " Vétéran de 'a
science", dans l'intimité du foyer, sous un aspect affectueux
et qui rappelle la piété et la simplicité révérentieuse de
l'illustre Newton, lequel par respect pour l'Etre suprême
qu'il nommait '"le gentUhomme d'en haut, " ne prononçait
jamais son nom sans se découvrir.
Il pratiqua jusqu'à sa dernière heure le train de vie digne
et rangé, l'exquise politesse, la mise simple mais soignée
des hommes de robe des anciens jours, portant le tricorne,
la grosse perruque poudrée, le blanc jabot, etc.
A qui aime à repeupler le vieux Québec de ceux qui
en parcouraient j^dis les rues en chair et en os, l'imagina-
tion ne peut manquer de rappeler parmi les scènes de cette
ère \'oisine du grand siège, lorsque 527 édifices publics et
privés démolis par les bombe-* de Wolfe et de Saunders,
avaient surgi de leurs cendres, la douce figure du courtois
fonctionnaire se dirigeant par la place d'Armes vers le Châ-
teau, ou par la côte du Palais vers l'Intendance.en quête des
documents confiés à l'archiviste j. A. Panet : brefs de com
niissions,octrois du domaine public, patentes de noblesse
française, pour le guider dans son important travail(i) ; oU'
bien, causant avec le juriste Cugnct, au coin d'une rue, sur
la coutume de Paris ; ou bien assistant aux séances du Con-
seil Supérieur présidé par le Uauverucur de la colonie ;,
ou bien encore, qui sait, à l'instar de nos laborieux honnnes
de robe d'aujourd'hui, se procurant l'exercice ou l'agrément
de la promenade quotidienne, obligée, sur la (irai/âe Allct
ou chemin St-Louis.
(1) "An aci-'Diuit iil'tlii.' iii>liU'9si' or (ifiitry in ('aii:iil.i.
il
William Smith, Historien
1769-1S47.
William Smith, le second fils du juge William Smith de
Québec, naquit à New -York, le 7 février 1769, la môme
année que Napoléon. Il fut envoyé à Londres, où il acquit
son instruction' à " Kensington Granimar School ' ; le
23 octobre 1786, il débarquait à Québec avec son père,
fameux loyaliste — qui avait été nommé juge eu chef du
Bas-Canada, 'e 1er septembre 1785.
Afin de faire connaître l'entourage et le milieu social où
s'écoula la jeunesse du futur historien, il n'est pas hors
de propos d'esquisser ici rapidement la carrière et les anté-
cédents de son savant père.
L'honorable juge en chef Smith naquit à New- York, le
iS juin 1728. Il suivit un cours classique au collège Yale,
dans le Connecticut, où il passa plusieurs années ; il s'y
distingua surtout par ses profondes connaissances du Grec
cr même de l'IIébrcux, ainsi qnc par ses aptitudes pour les
mathématiques. Nommé d'abord membre du conseil de
Sa Majesté, le roi de la Grande-Bretagne, il fut fait plus
tard juge du Banc du Roi pour la province de la Nouvelle
York ; finalement, il atteignit la haute dignité de juge en
chef de la Nouvelle York, le 24 avril 1780. Lorsque la
révolte des colonies éclata, il se distingua par sa fidélité au
Roi ; plus tard, il sacrifiait courageusement son avenir et
quittait New-York dans le même vaisseau qui portait les
troupes de Sa Majesté, ainsi qae notre gouverneur aimé,
Sir Guy Carleton. M. Smith débarquait à IMymouth,
le 16 janvier 1784. Pour récompenser sa loyauté, ses
services à la couronne, et vu ija grande science légale et ses
éminentes qualités personnelles, George III le nomma
i6
WILLIAM SMITH
juge en chef du Bas-Canada. Il accompagna son ami Lord
Dorchester au Canada, dans la frégate " Thistle. ''
Tout deux débarquaient, le 23 octobre i786, sous le
Cap-aux-Diamant^ : l'un pour s'installer avec pompe au
Château St-Louis, l'autre en quête d'une résidence conve-
nable pour un juge en chef, venu des vieux pays. A en
juger d'après le contenu d'une longue et curieuse lettre
qu'il adressait cette automne là à sa femme, Janet
Livingston, à New- York, il était assez difficile de se
procurer ici parmi les maisons à louer — un logement con-
venable à son rang et au train de vie qu'il était accoutumé
de mener.
Nous ne pouvons nous refu-er le plaisir de citer un
passage ou deux de cette letcre (reproduite tn extenso à la
page 388 de Picturesquc Qitcbcc,) laquelle tout en jetant
du jour sur les goiiîs litt<^raires du jeune historien, lève le
voile qui enveloppe les allures sociales du monde fashiou-
able de la vieille capitale au temps où florissait le juge-en-
chef Smith.
" Québec, 10 décembre, 17S6
Ma chère Janet,
** Je n'ai pu encore, dit-il, trouver un logement conve-
nable pour louer.
" \\\ nous faudrait un salon — une chambre à dîner — une
pièce pour ma bibliothèque — une chambre à coucher pour
nous — une pour nos filles — une chambre à coucher pour
Haie et William — une autre pour votre lh>n!>t (house-
keeperj et une autre pour votre coifîeuse. Moore et un
autre serviteur occuperaient la huitième pièce. Je doute si
parmi les maisons à louer, à Québec, il s'en trouve une
comme cela ; sans parler du logement qu'il nous faudrait
pour nos serviteurs secondaires — lesquels, je pense, de-
vraient être, de préférence, des nègres que nous ferions ve-
nir de New-York ; ils nous causeraient moins d'embarras.
Je donne à mon serviteur Thomas 24 guinées, et cela réuni
au salaire de trois serviteurs que vous ferez venir d'An-
MONOGRAPHIE
17
gleterre, portera cet item, à £100 sterling par année. Si
vous emmenez avec vous des nègres, de New- York, tâchez
que ce soit des gens fiables. Pour le service de la table, il
nous fnudra constamment quatre valets bien mis
{puis il discourt de la politique chez nos voisins.) " Notre
hiver est commencé et cependant je ne le réalise pas. Les
poêles du Canada, disposée dans les passages, tempèrent
l'air par toute la maison. Je m'assieds d'ordinaire au coin
de la cheminée — ce qui me donne 71 à 72 degrés du ther-
momètre : c'est-à-dire une température d'été. La carriole
couverte, le casque en pelleterie et le pardessus — ce sont
là des objets de Inxe dont l'on se sert en voyaffe seule-
ment. La carriole ordinaire suffit en ville. La réception
officielle de jeudi dernier le prouve : cinquante dames en
coiffures brillantes, et pas un ruban, pas une boucle déran-
gée. Tout se passa d'aptes l'étiquette anglaise, excepté la
cérémonie du baiser (the ceremony of kissing) que Milord
D (Dorchester ?) se réserva à lui seul.
"Son aide-de-camp escorta Ici dames à travers une salle
où lui et moi .nous les attendions. Elles reçurent le baiser
sur les deux joues et furent reconduites au salon du châ-
teau, en arrièi»e, où nous nous réunîmes quand la foule eut
diminué. Les messieurs entraient par une autre porte.
Puis, on servit le thé ; i)U s vint le jeu de cartes, etc., le tout
jusqu'à dix heures. Je laissai votre fils à la fête, pour entre-
tenir la beauté du bal — une d ime Williams, épouse du
major Williams et fille de Sir Joh 1 Gibbons, de Windford,
— une personne de gentilles manières et de bonne maison.
Nous dansâmes ce jour-là aussi chez !e Lt -Gouverneur, la
général Hope,(i)que vous avez du connaître. Il fréquentait
alors, comme le Col. Harry Hoi)e, le salon du général
Robertson ; il est neveu de Lord Hopetown, en Ecosse,
et de Lord Darlington ('par le second mariage de sa mère)
en Angleterre. Sa table est montée dans un excellent
goût.
(1) Le gouverneur Hope expira ùl Québec en 1787— ce fut lui qui permit aus Canadien»
de bâtir la Porto Hope ou de la canoterie, rasée en 1S71 — elle portait son nom.
ii
r8
WILLIAM .SMITH
" William (le futur historien) qui sait ie latin et le français
mieux que sa propre langue, m'importune pour lui acheter
une collection desClassiques : achetez la lui,si vous le pouvez,
au moyen d'une traite de £is sterliug que vous m'enver-
rez dans une lettre à Ryland.
" Il y a ici une bonne bibliothèque et mes amis en ont
aussi : i)
Puis l'honorable juge communiquait à sa fidèle moitié
plusieurs rumeurs et nouvelles affectant les "Whigs améri-
cains, " et terminait sa missive avec les mots suivants :
"Adieu ! " The broad hand of heaven protect you."
\V. S.
Le juge en chef Smith a lui aussi légué à la postérité,
en outre de ses écrits judiciaires, un travail historique fort
recherché de nos jours parmi les bibliophiles : " History
oft/ic -l^rovincc of Ncxv- York, froin thcfirst scttlannit to tJic
ycar 1734, " grand in-folio.
Il joua un rôle fort important dans les assemblées publi-
ques où s'élaborait le programme de l'union d» s colonies
en Amérique. <3n a étéjusqu'à dire qu'il conçut le plan
de constitution qui régit maintenant l'union américaine.
Une feuille de l^oston, en 1825, contenait le trait suivant :
{From thc Boston Mirror, 1825,^)
'- The foUowing was related by Dr. Mitchell iiimself, and \ve
wouch for its authenticity :
•' Anecdote of William Smith, Esqiiirc, the historian of New
York, and the late chief justice of I.ower Canada, rccommended
to American histcrians.
" This éloquent nian, having been an adhèrent to the royal
cause during the révolution, lefc ihe city of New-York in 17S3,
with the British Troops, and was afterwards rewarded by his
sovereign with a high jiidiciary office at Québec. Judge Smith,
although thus removed from Ihe place of his origin, ahvays con-
templatod the politics of his native coimtry with pecuhar solici-
tude.
'• One evening in the year 17S9, when Dr. Mitchell was in
Québec, and passingthe evening at the chief jusdce's house, the
(1( Cette bibliothùque a dû être la Çuetec ii6rnri/, tàbliotht'que publique fondée en
1779, par Lord Dorchtster et incorporée en 16C9, dans celle de la nociHé Hitéraire et
historique.
MON'OGRAiilIË
•9
leading subject of conversation was the new fédéral consiitution
then under the considération of the States, on the reconimenda-
tion of the convention, which sat at Philadelphia, 1787. Mr
Smith, who had been somewhat indisposed for several days, reti-
red to his chamber with Mr Grant, one of the members of the
législative coimcil, at an early hour ; in a short time, Mr Grant
came forth and invitcd Dr Mitchcll, in Mr Smith s name, to
walk from the parlour into Mr Smith's stiidy, and sit with them.
Mr Mitchell was conducted to a sofa and seated besides the
chief justice, before whom stood a table, supporting a large biui-
dle of papers. Mr Smith resmned the subject of American poli-
tics, and untied his papers ; after searching among them a while,.
he unfolded a certain one which, he said, was written about the
time the colonial commotions grew violent in i-;75,and contained
a plan or system of government, sketched ont by hiraself
then, and which nearly resembled the constitution afterwards-
proposed by the fédéral convention of the L'nitcd States. He
then read the contents - the pièce was long and elaborate, and
written with much beauty and spirit. — *' This, sir, (added he,.
after tinishing it,) is the copy of a letter. which I sent to a mem-
ber of Congress m 1775, w]io was an intimate friend of Gênera'.
Washington. You may trace to this source the sentiments in
favor of a more energetic govermnent for your country, contained
m the comm^mder in chief's circular letter, and from this
îhere can be no douI)t that ihe citizens of ah the States derived
their leading hints for your new forni of governnient." Thus you
see the great and original outlitie of your national constitu-
tion were drawn by a ma", \\hom the laws of his native land
proscribcii and forced away from its shores "'
Il est même possible que si !-i roi eût adopté le plan de-
réforme et de gouvernement que M. Smith lui soumit
avant 1774, le lien colonial eût duré quelques années de
plus. Doué par la nature d'une grande éloquence, éminent
légiste, chrétien fervent, l'honorable juge était lié d'amitié
avec plusieurs des écrivains les plus distingués d'alors —
entr'autrcs avec le célèbre historien de l'Amérique,
Robertson ; sa lidélité au roi ni valut l'emprisonnement
dans le manoir Livingston ; plus tard, il fut élargi et
envoyé comme cartel, à New- York.
Il avait épousé le 8 novembre 1752, Janet, fillede James
Livingston, de New-York. Une de ses filles devint plus
tard l'épouse du juge en chef, l'honorable Jonathan Sewell..
Le juge en chef Smith rendait l'âme, à Québec, le 6
20
WILLIAM SMITH
il.
décembre 1793, dans la même maison où expirait en 1847
son fils — c'est maintenant la résidence du shérif AUeyn,
Tue Saint Louis. Le prince Edouard, quatrième fils de
George III, duc de Kent, et père de notre Souveraine,
itaisait partie du cortège funèbre du savant juge.
Le juge Smith était aussi propriétaire du site sur la rue
St-Louis, occupé maintenant par la somptueuse demeure que
son gendre, le juge en chef Sewell, y construisit plus tard, ci-
devant l'Hôtel du Gouvernement.Telle fut la carrière d'abord
troublée, plus tard bien remplie, du juge en chef William
Smith : tel vécut, tel expira le respecté, l'érudit, le fastueux
père du futur historien du Canada, l'hon. juge en chef
William Smith.
* *
*
Quand le jeune Smith mit le pied sur le sol canadien,en
1786, il n'avait pas dix- sept ans.
On a pu voir que si ses goûts littéraires lattiraient vers
l'étude des classiques, sa naissance, sa jeunesse, ses manières
courtoises lui avaient ouvert, dès le début, la porte des
salons de Lady Maria Dorchester, au château St-Louis.
Il est permis de croire qu'avec l'élite de la société du
temp?, il fit acte de présence aux brillantes réceptions
officielles et aux feux d'artifice organisés, le 21 août 1787,
par Son Excellence, on honneur de la visite du troisième
fils du roi — le jeune prince William Henry, duc de
Clarence — couronné en 1827, comme Guillaume IV — ^jour
de gala pour la ville entière. Le royal niidshipman laissa
des souvenirs assez galants, à Québec. On est toutefois
surpris de ne pas rencontrer le nom de William Smith,
inscrit à côté de celui du juge en chef, son père, sur la liste
de ceux qui accoururent au château St-Louis, le 6 avril
1789, à l'invitation de Lord Dorchester, pour fonder sous
ses auspices une société d'agriculture. La Gazette de Québec
de cette année là contient le rôle des personnages marquants
des deux nationalités qui tinrent à honneur de seconder le
MONOGRAPHIE
21
gouverneur en chef, dans sa généreuse entreprise. Milord
Dorchester étai', et à bon droit, estimé de tout le monde..
Il est toutefois possible que la lecture des " Classiques ""
et la vie de salon avaient plus d'attrait pour un jouvenceau
de vingt printemps, en parfaite santé» que de graves disser-
tations sur l'agronomie, sur l'amélioration des races bovines
et la création de concours aratoires ! Suivons donc la foule
qui va s'inscrire au château St- Louis, fière de seconder le
gouverneur, le " sauveur de la colonie, " Lord Dorchester,
dans son patriotique projet : nous y trouverons une
excellente occasion de faire connaissance avec le personnel
de ce vieux Québec de 1789 — déjà si loin de nous — auquel
le futur historien de la colonie restera identifié pendant
soixante ans et plus.
Bien que l'on se plaise à répéter qu'il y avait peu ou
point d'entente entre les deux races qui se disputaient lesoï
— les anciens et les nouveaux sujets, — on ne s'en douterait
guère à en juger par les noms accoles à la liste de la
Gazette de Québec :
17S7.
KOLi: DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE DE
<,)UEBEC EN 17S9.
Révd Philippe Tosey, chapelain militaire ; T. Monk,
procureur-général ; G. E. Taschereau, Peter Stewart
Malcolm Fraser, William Lindsay, J. B. Deschencaujohn
Lees, J. Renaud, Mathew Lymburner, John Blackwood,
M. L. Germain, A. Panet, P. L. l^anet, A. DeGaspc,.
St-Jean Port Joly ; M. 01. Ayhvin ; l'Evêque de
Québec ; M. Bailly, coadjuteur ; Dr. T. Mervi-i Nooth,
Henry Motz, Jenkins Williams, Isaac Ogden, j ge de
la cour de Vice-Amirauté ; Messire Panet, curé de
1^ Rivière Quelle ; Sir Thomas Mills, François Danibourgès,
Capt, Fraser, 34e bat., Cenelm Chandler, J. F. Cugnet, J.
F., M.Pierre Florence, Rivière-Ouelle ; Capt. Rotson, T.
Arthur Coffin, Capt. Chas. St-Ours, Aug. G lapion, supérieur.
22
WILLIAM SMITH
!|ï'
des Jésuites ; A. Hubert, curé de Québec ; Juchereau
Duchesnay, L. de Salaberry, P. Panet, P. C, M. Gravé,
sup. du séminaire ; John Craigie, Berthelot D'Artigny,
Perrault-l'aîr.é ; George AUsopp, Robert Lester, Alex.
Davidson, le juge en chef Smith, les honorables Hugh
Finlay, Thos. Dunn, Ed. Harrison, John Co lins. Adam
Mabane, J. G. C. De Léry, Geo. Pownall, Henry CaldweU,
William Grant, François Baby, Samuel Holland, George
Davidson, Chs. De Lanaudière, Lecompte Dupré, Major
Mathew. "
Cette liste résume à peu près tout ce qu'il y avait de
plus distingué dans ou autour de la vieille capitale, en
1789 : l'Etat, le clergé, la robe, le commerce, les professions,
jusqu'au sport, rien n'y manque, car Sir Thomas Mills,
l'hon. dis. De Lanaudière, le Capt. St. Ours, étaient des
sportincn de haute pègre • le cheval De Lanaudière,
Corbeau, la jument de Sir Thomas Mills, Coquette, et
Niagara, le coursier du capt. St-Ours, ont fait parler d'eux
cette année là. (voir la Gazette de Quebee).
On est charmé de voir tant de noms distingués sur l'
rôle de la première société d'agriculture, fondée àQi'ébec :
De Salaberry, Juchereau Duchesnay, Panet, Taschereau,
Dambourgès, — le héros du Sault-au-Matelot ; Berthelot
D'Artigny, Perrault, l'aîné, — le vieux négociant français de
l'anci'în régime, qui avait son comptoir sur la rue Saint-
Pierre — J. B. Desclieneau, ci-devant propriétaire de vastes
voûtes et magasins, sur le site où la Banque de Québec fut
co'istruite en 1S62 — A. De Gaspé, seigneur de St-Jean
Port Joly, qui avec ses collègues, AL Couillard, seigneur de
St. Thomas, et De Beaujeu, seigneur de l'Ile aux Grues,
accompagnés du belliqueux curé Bailly, (i) conduisaient
un détachement de milice pour porter secours à Lord
Dorchester, bloqué dans Québec par les Bostonnais, en
(1) Messiro Bailly iirav^mont blessj ii ce malhoiiroux combat, expira à ^Hl^l)ital•'
iflùiii'ral le :!() mai 17i)4. Ou y voit son buste de Kraiuljur naturelle, copié plus tant pa
M. l'huuondou. Il fut iiiliMiu.)A In l'ointe aux Tremblas, pr;'s QuObin.'.
MOXOGRAl'IHK 23
1775 : — Le colonel Lecompte Dupré, la terreur des
Yankees : — F'rançois Bab>, les dfux avocats Cugnet.
L'Eglise et la haute éducation sont représentées par
l'Evêque de Québec et son coadjuteur, le martial Messire
Bailly, évidemment membre de l'église militante,
évêqne de Capse — mort en 1794 ; le bon curé Hubert,
victime en 1792, d'un si triste naufrage, en face de Québec ;
le père Glapion, supérieur des Jésuites ; Messire Gravé,
supérieur du séminaire des Missions Etrangères, Messire
Panet, curé de la rivière Quelle, plus tard évêque de
Québec.
Puis, vient toute un-* troupe de hauts dignitaires : le
juge en chet Smith, le juge Isaac Ogden, le procureur-
général Monk, le solliciteur-général Jenkins Williams,
Thon. Hugh Fitday, député-maître des postes, le successeur
du fameux Benjamin Franklin, Ths. Dunn, président du
"Conseil, l'hon. Adam Mabane, juge intègre et méîecin dé-
voué, dont notre vieil ami, M. l'abbé Bois,- nous a donné une
intéressante biographie, l'hon. Mathew Lymburner, négo-
ciant distingué i'hon.'Georo'e Pownall, secrétaire-provin-
cial, Thon. Williant Grant, l'époux de la baronne de Lon-
gueuil : tous deux ont laissé leur nom h. deux rues du fau-
bourg Saint-Roch, la rue Grant et la rue Uaroniic. On voit
encore des traces de leur magnifique manoir et de leur parc,
à l'ouest de la manufacture de meubles de M. J. O. Val-
lièrcs, rue Saint- Valier ; l'hon. Samuel HoUand, le compa-
gnon d'armes deWolfe, aux Plaines d'Abraham, arpenteur
•et ingénieur militaire, en renom ici et cà 1 Ile du Prince-
Edouard.
MatheT\- Lymburner, Peter Stewart, John Lees, John
Blackwood, Ob. Ayluin, Robert Lester, représentaient le
haut commerce.
Saluons Alexander Davidson, plus tard paie-maître de
Lord Ne'son et son am' ; le même qui en 1782, arracha
presque de foro^ l'impressionnable et vaillant marin au
24
WILLIAM SMITH
doux sourire d'une Juliette Ccanadienne, Mi -s Simpson, la
beauté sans pareille de Québec ; puis, le major Muthcws,
secrétaire de Lord Dorchester, le même qui plus tard
épousa la ravissante Hélène de Lord Nelson.
Mais, je m'arrête, car cette liste des agricu teurs émé-
rites de Québec, en 1789, nos vénérés ancêtres, me fourni-
rait matière pour un robuste /// quarto de chroniques et de
mémoires des anciens jour-.
* *
Une autre mesure d'une incontestable utilité publique
signala encore l'année I7<S9: l'ouverture du grand pont
sur la rivière St-Charles, ceuvre que Lord Dorchester
honora de sa puissante protection, et qui avait pour objet
de relier la rive nord (Beauport, Charlesbourg, etc.,) à la
cit^, au lieu de l'ancien bac du régime français ; ce pont
prit le nom de Son Excellence, qu'il a conservé depuis. Il
fut placé plus près du site du pont liickell ; plus tard, on le ,
nomma le vieux pont, quand le pont actuel lui succéda, en
1822.
Le futur historien fit sans doute acte de présence à cette
fête.
Un autre incident qui dut fort intéresser la famille
Smith, ce fut l'arrivée à Québec, le 7 août 1791, dans le
vaisseau de guerre Résistance, du Prince-Edouard, le fils
du roi de la Grande-Bretagne, George IH, le protecteur
avoué de l'hon. juge en chef Smith. Il y eut lever au châ-
teau et bal ; le monde fashionabUy agité et intrigué, se
pressait à la réception officielle. Une question d'un inté-
rêt majeur chez \ts grands de l'époque se présentait. Se
Excellence recevrait-il le Prince-Edouard seul, ou souhai-
terait-il aussi une bienvenue officielle à la belle comtesse
française, Alphonsine Bernardine, Julie Mongenet, de St
Laurent, veuve du col. de Fortisson, (i) que l'on disait
(1) La belle comtesse vécut vinçtt-huit ans avec le prince Kdouaril, le père de notre Sou-
veniine. Elle fut traitée avec tous les égards dus l't une légitime épouse. L'année du mariage
du Princa, en 1818,1e Col. de Koteniburg, mentionne dans une lettre, à M. de Salaberry quo:
madame St-Luurent se retira cette année 1& dans un couvent, en France.
monograpuil
25-
être l'épouàe du Prince, en vertu d'une de ces alliances
morganatiques, usitées au siècle dernier? Le débat sur
cette question de légitimité devint encore plus vif, lors-
que l'on apprit que l'évèque de Capse avait accepté ma-
dame de St-Laurent, le 2 juillet 1792, pour marraine
d'un des fils de Salaberry.
Il y avait pourtant pour les bons citadins de Québec en
1 791, d'autres préoccupations, d'autres sujets moins gais
au milieu des réjouissances publiques, en l'honneur du fils
du roi, qui devait faire de Québec le lieu de sa résidence
pour trois années consécutives. De temps à autre, le pa-
quebot apportait d'alarmantes nouvelles d'outre-mer. \Jn
vieux trône, une noble lignée jadis l'idole de la cité de
Champlain, s'écroulait avec un épouvantable fracas sur les
rives de la Seine. Le ciel était gros d'orages ; le drapeau
rouge devait être bientôt arboré là où avait flotté pendant
une longue série de siècles le pavillon aimé de St. Louis.
N'y avait-il pas aussi une autre surprenante rumeur ?
Celle d'un nouveau pacte politique, d'une constitution
nouvelle, incomprise de la majorité du p-'uple : la consti-
tution de 1791 avec son régime représentatif? Quelle part
le juge en chef Smith, le faiseur de constitutions, eût-il
dans ce changement ? Que pensa-t-il de la première réu-
nion de notre législature en décembre 1792 ? Quelle
opinion exprima-t-il à son fils, le futur historien, sur cette
nouvelle phase de nos destinées ? Quelle influence, si au-
cune, ce père chéri, érudit, expérimenté, a-t-il exercé sur
les appréciations que le fils fit, plus tard, des principaux
événements de nos atmales ?
Voilà autant de questions à résoudre.
* *
*
Le jeune William Smith, en 1791, avait atteint sa
vingt-deuxième année. Il a donc dû jouir de facilités,,
toutes spéciales pour étudier et approfondir les caus^'s et
■26
WII.MA.M SMITH
t
les circonstances qui avaient présidé à la nouvelle consti-
tution de 1791, cela, sous l'œil et l'inspiration immédiate
de son illustre père qui y avait eu une large part. Le projet
de la nouvelle loi avait été préparé par le secrétaire d'ICtat,
William Windham Grenville.on conformité aux instructions
qu'il avait reçues du Conseil Privé ; puis, renvo\-é à Lord
Dorchester pour être revu et amendé, avec injonction de
consulter le juge en chef Smith. Après mûres délibérations,
Son Excel'ence et son aviseur firent subir à la mesure
d'importantes modifications ; le projet fut renvo\-é en
Angleterre, soumis au parlement, discut.^ et finalement
adopté. Autant que les circonstances le pcrmettai'jnt, on
avait tenti d'en emprunter le.-) dispositions à la constitution
anglaise. Voici la composition du Conseil Mxécutii et du
Conseil Législatif, sous la nouvelle loi :
6(fV/j677 /i.nr// /■//:— William Smith, juge en chef, Paul
Roc de St. Ours, Hugh Finhiy, l'rançois Haby, Thos.
Dunn, Joseph L. de Longueuil, Pierre Panet et Adam
Mabanc.
Conseil Li'i^islatif \ — William Smith, jui^e en chef, J. C.
Chaussegros de Léry, Hugh P'inlay, Thomas Dunn, P-^ul
Roc de St. Ours, Joseph L. de Longueuil, Edward I Larrison,
Frs. Baby, John Collins, Chs, De Lanaudière, George
Pownall, John Fraser et Sir John Johnston.
Les élections des membres pour la Chambre d'Assemblée
qui se firent en juin 1792, Honnèrent pour résultat 34
Canadiens- P>ançais et 16 Canadiens-Anglais.
Les Canadiens-Français eurent donc la grande majorité
des sièges ; mais la première place sur le banc judiciaire,
au Conseil Exécutif, au Conseil Législatif, était dévolue au
juge en chef Smith.
Papineau-père, Bédard, Panet, avaient donc eu raison ;
le nouveau système représentatif, ainsi que la division du
Canada en deux provinces livreraient aux canadiens-français
la suprématie du pouvoir législatif. Unnouvelétat de choses
■allait surgir : le règne de l'absolutisme français, le régime
MONOCRAl'HIF.
27
iofamant de Hi'got, le refîne militaire anglais étaient mort",
bien morts. Ilosannah!
Les 10,000 loj'.'ilistes ( l'nitcd l'.mpirc loyalists) de la
pcrtion-ouest du Canada, les United Empire loyalists de
la section-est, présidés par les U. E. L. Smith, Scwell et
autres ; plus, la y;rande ninjorité française (à preuve les
requêtes au parlement impérial qu'on avait fait signer de
1783 à 1790^ dcmand.iit-nt une constitution calquée sur
celle de la mère-patrie. Chose assez singulière, la facticn
dominante, la minorité anglaise s'aperçut, mais trop tard,
que le système représentatif remettrait le pouvoir législatif
aux mains de ces nouveaux sujets, (]u'ils considéraient
comme race conquise, qu'ils affectionnaient si peu.
Revenons à notre historien.
La mort soudaine du juge en chef dans toute la maturité
de son talent et à l'âge comparativement peu avancé de 65
ans, en 1793, non-seulement fut un événement douloureux,
mais encore une perte irréparable pour William Smith, jr.
Le juge en chef était bien plus qu'un tendre père pour son
fils ; c'était un protecteur puissant par ses relations social s
dans la mère-patrie d'où pour le Canada venaient alors,
titres, honneurs, dignité, avenir. Il lui restait, il est vrai,
d'autres amis de son père, de puissants amis même, entre
autres, l'hon. Herman W'istius Ryland, l'aviseur cauteleux
de tant de gouverneurs, le confident, plus ta'd. de Sir
James Henry Craig, l'instigateur zélé de cette poli-
tique soupçonneuse et arbitraire qui fit des mart\'rs
;politique3 de lîédard, Taschcreau. Hlanche% le 17 mars,
1810.
Est-ce dans l'intimité de cet hablect infiitigable franco-
phobe, Ryland, que l'historien du Canada a puisé quelques-
'unes de ses inspirations ? Sur ce point et bii;n d'autres
•l'histoire contemporaine nous fait défaut.
La puissante protection d'un homme éminent en
-Angleterre, Lord Bathurst, secrétaire d'Etat, ne fut pas
•.invoquée en vain. Grâce à ce dernier, William Smith.
H
28
WILLIAM SMITH
homme de lettres, devenait, en 1814, l'honorable William.
Smith, membre du Conseil Exécutif du Bas-Canada ; et
l'année suivante, en 1815, il ajoutait à cette dignité, la
charge fort lucrative de Greffier de la Chambre d'Assemblée,
celle de Maître-en -Chancellerie.
La réunion de tant de dignités sur une seule tête ne
porta pas toujours chance à l'heureux titulaire ; l'étoile de
la famille Smith parut pâlir, sans toutefois s'éclipser, à
Québec, en 1838. Cette année-là, comme l'on sait. Lord
G'-ey avait envoyé comme haut commissaire et Gouver-
neur-Général, en Canada, son fougueux gendre, l'habile
comte de Durham. Il y avait peu d'abus plus criants
parmi les nombreux abus dont souffraient la colonie, que
le cumul des emplois publics sur un seul fonctionnaire ; on
nommait ces employés p/um/isàs ; q land ils faisaient rem-
plir pendant leur absence les charges par des députés, on
qualifiait l'abus d\ibscjiteis)n et eux, d'absciitecs. L'hon.
William Smith était />///ra//j-/é' (i^, pluraliste renforcé ; ce
qui était pire, aux yeux des patriotes d'alors, ce bnveaucratc,
appartenait à ce groupe d'heureux favoris de la fortune,
qui de temps immémorial avaient eu l'oreille des gouver-
neurs et qui eiig'obaient tout, jusqu'au moindres parcelles
de patronage.
On dénonça M. Smith au grand redresseur de torts, à
Lord Durham, qui, dit- on, le somma de venir en sa pré-
sence, dire si c'était vrai qu'il cumulait tant de places.
M. Smith plaida coupable et reçut ordre d'adresser par
la poste du lendemain, une lettre au noble lord, lui
marquant lequel de ces emplois, M. Smith entendait
retenir ; l'hon. Conseiller Exécutif se démit de c -tte charge
(1) (\'t alms ilafiiit de loin. Du Ciilvot décrit comme suit ce qui se passait vers 17i?4 :
•■ l'iucfs de 51. JRibaue, chiruriiion de la Garnison, 200 livres st^;; membre du Con-
seil ljé(lislatif. Uni liv. ; jnife de» Plaidoyers communs, ."«on livres: Commissaire faisant
les fonctions de Jupe en chef, environ 300 livres, .jupe de la cour des prérogatives, loolbs :
totiil. 12011 strlg. Places de SI. Fraser. — \.:\ demie-iiaie de capitaine, loii livres, strlK ;
Membre du Conseil Législatif, loo livres. Juge des plaidoyers communs, 500 livres ; juge
de la Cour des Prérogatives, 100 livres; Trésorier, environ 4oo livres; total 1200 livres
strlg. Places de M. de Houville. — Juge .le s Plaidoyers Communs, "lOO livres, strlg; Juge
lie la Cour des Prérogatives loo livres ; total, oiio livres strlg iBib.wd, Histoire du
Ciiiuidij, T'nne II, P *;<). 120o livres sterling au siècle dernier équivahiient à 2400 livres
Bterling, du cours .)ctuel=ù Slo,uoo.
monographif:
2^
pour retenir l'autre où l'honneur était moindre, mais où le
traitement valait plus : celle de Greffier du Parlement.
En 1818, l'historien prit une part active dans le projet
formé par la veuve du Général Richard Montgomery,
d'obtenir de Sir John Coope Sherbrooke, les restes du
Général. Il avait, paraît-il, informé la veuve Montgomery
qu'il existait encore à Québec, une personne capab e d'in-
diquer l'endroit où M. Montgomery avait été inhumé,
43 ans auf ravant : James Thompson, présent aux funé-
railles. {Harpcr s Magazine, février iSS^, />age SS7-^
Disons un mot de ses écrits.
Si la longue carrière officielle de l'hon. Conseiller Exé-
cutif est insuffisante par elle seule pour le tirer de l'oubli,
il n'en a pas été ainsi, quoi qu'en ait prétendu une très
haute autorité, du travail historique de ce laborieux écri-
vain.
Toute incomplète, tout partiale que soit son *' Histoire
du Canada, " elle continue d'avoir pour lecteurs les
cinquante-cinq millions qui parlent en Amérique la langue
de Shakespeare et c'e Milton.
Ces volumes sont devenus tellement rares qu'il-î se ven-
dent à un pri. assez élevé.
Chez nos compatriotes anglais, Smith continue d'être une
source de renseignements prisés.
Les écrivains modernes, tant anglais que français, n'ont
pas encore pris sa place chez ceux qui appartiennent à la
race anglo-saxonne. William Smith n'a pas le style bril-
lant, chaleureux, alléchant de Macaulay ; ce n'est pas un
écrivain philosophe comme Gibbon, copieux comme
Lingard, coloré et hardi comme Froude. Il a néanmoins
un mérite incontestable : la clarté, la concision. Il s'efforce
même d'être impartial, nous aimons à le croire ; eût-il vécu
plus tard, dans un autre milieu, avec moins d'attaches à
un ordre de choses exclusif, suranné, il est possible qu'il
eût adopté des idées plus larges.
30
WILLIAM SMITH
X'oublÈons pas que M. Smith a é.rit en un temps où la
tâche de l'historien était de beaucoup pkis ardue qu'à
l'époque où nous sommes. L'art du typographe n'avait
alors rien fait pour les archivo3 canadiennes ; des piles de
manuscrits moisis, vermoulus, raturés, souvent presqu'iliisi
blés, encombraient les voûtes souterraines du vieux palais
épiscopal à Québec, où étaient les bureaux des divers
ministères, où se rt^'unissait notre parlement. Le site de
cette ancienne structure, en 1834, servit pour la construc-
tion du somptueux palais législatif incendié en i!^54, et où
brûlait, en 1883, la masure qui lui succéda. Cet écrivain
tut un avantage sur ses successeurs, qu'il ne prisa j as assez.
Il lui fut donné d'avoir accès au moins h deux, sinon à
trois des cahiers q ui constituaient le yoiirua/ ihs yîsnitcs
au siècle dernier ; il ne nous en reste qu'un seul.
U Histoire du Canada de Smith, comme je l'ai dit précé-
demment, .sous forme de note et d appendice, renferme
des matériaux précieux pour l'histoire ; citons entr'autres
documents, \\\\ journal très étendu par un officier de la
garnison, du blocus de Québec, par Arnold et Montgomery,
en 1775 ; les commissions de nos premiers vice-rois; des
statistiques du recensement, du commerce, delà navigation,
^<::r, tableaux météorologiques ; et, finalement, un curieux
rapport avec pièces probantes, d'un comité sur l'éducation
créé en 1787 et continué jusqu'à 1789, présidé par son père,
le juge en chcl. On y discute une foule de questions dont
quelques-unes sont loin d'avoir, après un siècle, perdu de
leur actualité : l'éducation populaire, a haute éducation,
l'emploi des revenus des biens des Jésuites, la création
d'une université ; cette dernière question paraît avoir
soulevé une petite tempête épiscopale, à en juger par les
mémoires, soumis au président du comité, l'hon. juge
Smith, (i) par Mgr l'évêque de Québec et par son coadju-
teur, l'évêque de Capse.
(1) Voir la page suivante pour cette note.
moxograpiiif:
5^
Le comité qui s'était réuni le 26 novembre 1789 était
composé comme suit : le Juge en chef, MM. Grant, Dunn,
Baby. De l.ery, Dupré.
Ce fut John Neilsoti, ie propriétaire de la Gazette de
Québec, plus tard le vieux patriote si longtemps membre
pour le comté de Québec, qui imprima à Québec, l'histoire
de M. Smith sous le titre suivant : " History of Canada
froJH its Jîi'st discovcry ta thc ycar i/Ç)i,/'y William Sniit/i,
Esqiiirc, CUrk of thc Parliaincnt and niastcv in C/ianccry
of tlic Province of Lozccr Canada: in two volumes. '' Xe
quid falsi deccre audeat, ne qui veri non audeat."
fjuebec
Printed for the Author
By John ?NeiIson, 181 5.
Le 1er tome renferme 388 j^-igcs avec un v-ppendice de
72 pjiges. Le 2ème tome content 235 pages: l'ouvrage
se divise en époques, représentées par dix chapitres tel
que suit: Chapitre L traité de la découverte du Canada,
à 1674 ; Chapitre II, depuis 1674, au siège de Québec,
par Phipps, en 1690; Chapitre III se termine au temps
de la nomination du marquis de Vaudreuil connne Gou-
verneur, ^n 1703; Chapitre IV relate ce qui a eu lieu
jusqu'à !'administrat''')n du marquis de Hcauharnois, en
[726 ; Chapitre V^ contient l'historique des événements
jusqu'à 1752; Cha[)itre \'I, a re ation de ce qui eut lieu
de 1752- 17 59; Chapitre Vil, ce qui se passa au Canada
jusqu'au traité de Versailles en 1763 ; Chapitre VIII, les
événements de 1764, au siège de i"75 ; chapitre IX, depuis,
1775 à la convention de Saratoga, en 1777; Chapitre X,
1!) Voici 11' priMmljuli' ili' \\\ Iftln- <h' iiMii^rJLïiii'iir <li' C'apsi' ;
Li'tti'i' ili' ("Imrli'H Fnini.'ois Biilly, coiuliutiMir il" (^m'ixv' et Ovimui" titiil;iir<' dv Capsi',
i!;iti!o <!»' l:i l'ointi' aux TrciniiU'-i, â avril IT'.tii, a<lri'!<sî'0 A l'Iifin. AVilliaiii Siiiitli,
pn'sidint d'im comité ilii f'oiisoil Kxieutit' do t^iiiéliro, sur uni' rrfVrouco du ('iinacil,
Uiuiiiant li-s mosun'i» à )irt'iidre pour eiicdUTatriT l'éducatidu.
.Aldiisimir et Messieura — Daus un rniiport d'un inuiité du cnnxoil, sur la question do
l'iiluration, ijni ui'.i récemment été trananii:^, j'ai vu iinn lettre, signée Jean l'raiieoii
Hubert, évéïiuu de (Québec : l'ayant parcourue avec l'attention la jilus soutenue, sans
reconnaître le style ni le langaKe de l'illustre prélat, que les Canadiens sont si heureux
d'avoir pour leur chef, je con(,oia, malgré le respect que j'ai pour l'hon. Président et le»
autres membres du comité, que cette lettre entière est une fabrication [imposition]
inventée au nom do notre Prélat bien-aimé'ct une rapsodie mal bâtie, que l'on a eu
l'effronterie de présenter sous son nom vénéré
.32
WILLIAM SMITH
î^'
Si
depuis la convention de Saratoga, en 1777, jusqu'à l'éta-
blissement de la constitution en 1791.
M. Smith, qui avait épousé Mlle Sarah Webber, fille de
l'amiral Charles Webber, du Hampshire, Angleterre, per-
dit son épouse le 26 janvier 1S19.
Vers cette époque, il acquérait au Cap-Rouge, un do-
maine bien boisé, où il se bâtit une jolie maison de cam-
pagne, Lougiijood ; là, sa famille, composée de deux fils et
de trois filles, passait chaque année la belle saison.
L'hon. M. Smith semble avoir mené une existence fort
paisible, fort retirée, absorbé par les soins de famille et
partageant ses heures entre -es livres et quelques rares
amis. Il expirait, le 17 décemb'e 1847, dans sa résidence,
rue St-Louis, maintenant la demeure du shérif Alleyn, à
l'âge de 78 ans : cette maison e>t devenue historique ; les
■prisonniers de guerre en i S 14, le Col. Scott et autres y
ayant été internés.
Mes souvenirs se rattachent à l'année de sa mort. Je
crois presqu'entendre le glas solennel de la cloche de la
cathédrale anglicane, lorsque son cortège funèbre défilait,
dans la rue St-Lcuis en décembre 1847, devant les fenê-
tres du bureau de Mtre Jos. Noël Bossé f'plus tard l'hon.
juge Bossé>, mon respecté patron, chez qui je faisais mon
droit de 1845 à 1850. J'ai cru qu'il ne serait pas étran-
ger à mon sujet de noter le milieu social, l'entourage où
s'écoula la jeunesse dorée et l'âge mur de l'histot en. Si
au lieu d avoir consacré ses veilles a nous préparer deux
octavo, précieux surtout par leurs pièces justificatives,
appendices, etc., comme " matériaux pour 1 histoire, " il
nous eût donné à l'instar de son contemporain, Philippe
de Gaspé, ses souvenirs intimes, des mémoires sur les pre-
mières années du régime anglais, que de pages palpitantes,
^que d'utiles renseignements, il etàt pu nous léguer ?
R. Christie. Histcrisn
178S-1S56.
Les AitNahs CdiiaiUcinics de l'honorable William Snutn,
trouvèrent un digne Ovintinuateur en !a {.lersonne de son
contemporain, rex-dé[)uté de la Gaspésie, M, Christie.
Robert Christie vit le jour à Windsor, dans 1 1 Nou-
velle-Ecosse, en 178S. »
Il s'adonna alors au comtiierce, à Halifax; i)ius tarti. il
s'établissait h (Québec, où il étudiait le droit sous l'honora-
ble Edward Bowen, qui était nonjnié ju!;îe de la c<.ur du
Banc du l^oi, pour le' Bas-Canada, en 1812, et décédait, en
1865, jnge en chef de cette cour. II pratiqua au barreau
pendant quelques années, (ij \'a\ 18 m, ]\I, Christie s'em-
barquait pour Londres.
Sir James Henry Craii^, le i^ouverneur du Canada, soujj-
çonna le jeune légiste, mais à tort, comme ee dernier le
prétend, d'avoir fait ce voyage dans le but d'aider le révé-
rend messire (plus lard Monseigneur j l'icssis, dans sa mis-
sion auprès de lonl l'athur.^t, à prop'O.-; dos affaires du dio-
cèse et des biens de^ Jésuites.
Revenu au Canada, AI. Christie préludait par de fortes
études à la carrière que la politique lui réservait : puis, il
s'alliait à une ancienne et respectable famille canadienne,
en épousant mademoiselle Olivette Doucet, tante de feu
l^ierre-Antoine Doucet, juge de police.
Avec ses occupation^ parlementaires, ?>!. Christie mep.ait
de front d'importants travaux littéraire:-, se rattach.an.t à
l'histoire liu Canada.
Comine il n'existe aucu'je biographie de l'historien, ii
nous a été impossible de préciser à quoi il pouvait devoir le
1 1 1 V;ii lsJ'J-2:l, il oiT-ipuit i.iiiiiii",[)rnciiri-iir d iii« ili'f.x c i;;s"s .(tii firent i!u ;pi-;:it au Ijmi--
rc:!!!. !•! (ic'i l'un (1, :• jiKu î'.im "ix )il,iul,Mir- (1 ' <,liirliic. M. (ri'-.)rf;c AriioM, c'tait iuti-ri s.^i' :
Ariuiltl i-.v. Iloyl- .7 ((/. i-t ;Mrl'Ii. rs'iii c». Aniolil ; i-il ctti- iliTiiiiTi' cius.', il iilifliit iiii
viTiUti.p.i M- liIiclU' ; SUT! Milv T-iiiiri' .-tuit l'él'i l'iriit Aii.lri'w Sîunr:, p.'re du iui.''.' fi) i;lii?l'
actuel.
34
K, CIIKISTIl.
Si
t>- ervcilleux ascendant qu'il sut acquérir, dans ce vaste
di-.trict de Gaspé, cjui comprenait, au début, les comtés
de Bon ivcnture et de Gaspé.
l'endant plus d'un quart de siècle, la Gasjiésie fut, pour
lui, une espèce de " terre promise ", un château-fort, une
tribune d'où il défiait les foudres du parlement de Québec.
Le fougueux dictateur Papineau, (i) put bien, à diverses
reprises, faire prononcer à ses dociles adhérents, i'ukaseou
ordre d'expulsion du revêche député Gaspésien : Chr stie
n'avait qu'à souifîcr le mot d'ordre à ses " libres et indé-
pendants " électeurs, de suit*", on lui renouvelait sans
désemparer son mandat. [2] Il en fut ainsi en 1828, lors
de sa première élection. On l'expulsait, il était réélu,
et puis on l'expulsait encore. Dominique Mondelet avait,
lui aussi, été expulsé. Ezekiel Ilart fut, en 1808, expulsé
parce qu'il n'admettait pas le Nouveau-Testament comme
règle de foi.
Christie fut réélu six fois. {Histoire Parlonciiîaire. Vol.
III p. 448.)
Le crime de Christie était d'avoir avi^é comme président
de la Cour des Sessions de Quartier, le chef de l'Exécutif, à
propos de la démission de certains fonctionnaires publics.
On n'eut jamais à lui reprocher une trahison, une défail-
lai.cc. î>:i fiuélité à son drapeau, pour Christie, c'était une
religion. Au rc-tc, il y avait alors parmi l'industrieuse et
intelligente [)opulati(in du district "inférieur" de Gaspé,
une cl.is^c d'hommes inaccessibles aux appâts de la corrup-
tion • lectoiale, également peu disposés à subir ce qu'ils
nommaient l,i dictature du Frcnch party.
|l] JI. ( hrUtic, iiiin'î! l'iîuioii di'sl'auaJas, ,i ri'troiivi' dans la iiouvillo Ir^fislatuvo son
.iiHiiii iulvrra lire, .\[. l'iiiiiiiiau, l't, c'f (|ui fait hoiiiu'ur il l'un et n raiitri', ils su hout
rniiicliiiucnt riciim'ilits. M. Christie a nn'mo rtc.u riiosiiitalitù «lu crliMiri.' tribun li son
ilii.tiau ili> -Montc-li -llo, mir l'Ottawa, l'i iit-«tr.' ont-ils tausii K'"''>^''''n<^^iit tlo leurs
anciennes liittrs, se rapiiflant le l'ani.'ux vers ilc Virtfilc : Forsan et Ikci' otiiii viettiiiiisse
invdhit. iF.-X. (liirni'nii, sa vie et ses œvvrfn,) 1'. O. Chaiiveau, Pe. XXXVll.
: ;
MONOLiRAl'lIIL
35
Les United Eui\nrc Loyalists, établis à Ncw-Carlisle, à
Douglastown, à la l'ointe Saint-Picrrc, à Percé, au ba^^sin
de Ga^I)C : les O'IIar.i, les Sheppanl, les Coffin, les Annett,
les Huyle, les IMuri-^on, les Kennedy, les McPherson, les
Jolr.iston, les McConnell, les Thompson et consorts,
avaient leur mot à dire dans le choix d'un représentant,
en Chambre. M. Christie ne reparaît au parlement qu'a-
près l'union des provinces, en 1841. Hattua" pollen 1854
i! crut que pour lui le temti-; était vt nu de dire adieu à la
carrière parlenier:taire et il r^e réfut,na dans le calme de la
vie privée, pauvre, mais fier (;t respecté.
D ns sa verte vieilhsse, fort de ,.a longue expérience-
parlementaire, il iitiii.a SCS loisirs à la composition de
l'histoire parlementaire de l'éiJoque où le Canada recevait
ses institutions représentatives, sa nouvelle constitution,
en I79[, là où se terminait le travail de Smith, à venir à
la promulLjation de :a nouvelle constitution qui réunissait,
le Bas au Haut-Canada : un espace de cinquante ans.
Pendant les années de luttes où son vieux collègue en
Cliambre, John Neilson, rédigeait avec tant d'autorité la
Gar.iîic de Qncbcc, M. Christie, plus d'une fois, lui avait
prêté le concours de sa plume vigoureuse. L'habile publi-
Ci.-te Neilson étant passé de vie à trépa--, en 1848, AI.
Chri tie favorisa de sa collaboration le Qncbcc Mercury ;
Icuiile fondée ci Québec, par AI. Thom is C iry, en 1S05, et
qui plus tard passa pour être l'organe du I[ig]i Clturch
pixrty, tout en prenant une part fort active à la politique
du jour. Ceci avait lieu au temps où W'm. Kenible (1)
d'abord et M. \\. Kimlin, plus tard, en ccupaient le fau-
teuil éJitorial. Au n )P.;bre des do.-urne;;ts précieux qui s'y
trouvent, (igure à ia date du 12 .loùt 1853, une intéres-
sante biographie de son vieil ami, le juge en chef delà
cour du b;inc de la Reine, sir Jame> Sîuart, une i^^^ plus
hautes intelligences de notre banc judiciaire. Avec ses
ni William Koml.K», jouviialisfi? (listiii>^iu', nu fu Aiial>'t^!fr'\ roilitroi r> l/,.)v.ir,.
36
k, CIIKISTIK
' I'
antécédents, ses souvc'iiirs parlemontaires, son âpre indé-
pendance de caractère qui frisait presque l'excontricitc,
M. Christie a dû trouver assez rucjo parfois, U tâciie qu'il
s'était imposée de " faire l'histoire impartiale " de ces
mêmes luttes, où son rôle, sans être prédominant, fut plus
d'une fois fort accentué.
L'historien signale au lecteur quatre époque-! bien dis
tnictes, dans la période des cinqu.mte années écoulées de
1791 à i84i :
lo " Depuis l'établissement de la constitution, de 1791
à iSio: vingt années (jui semblaient promettre un avenir
ionjif et prospère ; mais l'horizon politique commença, vers
la fin de Cc? terme, à se charger do nuages ; l'esprit de
parti prévalut de plus en plus, aitlé des préjugés nationaux ;
l'harmonie qui jusque là avait existé entre les deux races
s'affaiblissait.
2o. Depuis 1810, qnrit l'AsscmbléL' Législative se fit
fort de pourvoir aux dépenses du gouvernement ci\'il de la
province, (que préalablement elle n'avait rencontré
qu'en partie, l'excédent clant à la charge de la cai-^sc
militaire), jusqu'à l'année i S [S, quand la Chambre d'As-
semblée, à la suite de cette offre, fut appelée à pourvoir à
ces dépenses d'une manière ronstitutionnclle. Ce laps de
temps comprend la courte période de la guerre américaine
de 1S12, ère brillante, ère glorieuse au Has aussi bien
qu'au Haut-Canada, où les deux races rivalisèrent de
loyauté, de patriotisme, de bravoure, d ms la défense con-
tre l'envahisseur, de leurs autels, de leurs foyers.
?)0 Depuis 18 18 à 1828, l'époque des "conflits financiers"
période de cabales, d'agitation suscitée par les chef.-f de par-
tis,— de tiraillements entre le pouvoir législatif et l'exécu-
tif,relativement à la liste civile, — de troubles, dont l'issue fut
un appel au gouvernement de la métropole et au parlement
du Royaume-Uni, au moyen de la fameuse requête qu'on
prétendit avoir été signée, en i82S,par 87,ooo habitants du
Bas-Canada, se plaignant des griefs de 1827, requête qui fut
MONOCKArilIt:
37
l'occasion d'un rapport présenté par la Chambre des Com-
munes, en 1S28, connu sous le nom de Report of thc Ca-
nada Comniittcc, et qui donna naissance à encore plus de
griefs que ceux auxquels on avait voulu remédier.
•lo L'époque, depuis 1S28, où le "plan de conciliation '
recommandé par le susdit rapport fat mis en opération
jusqu'à l'année 1837, dans laquelle l'on vit avorter complète-
ment ce i)roj{;t, ainsi qu'on l'avait prcdit, par la répudiation
ormelle de la constitution de lap.irt du corps représentatif,
et par des .soulèvements dans le Bas et dans le Haut-
Canada ; cette année-là et la suivante, il y a eu de déplo-
rible.N événements qui, en 1S40, amenaient l'acte d'Union,
réunissait les deux provinces eu un.' seul»:, comme panacée
.lux lUiUK existante, mjun-e dont l'avenir dévoilera la
ju>tice ou l'injustice." Tel fut le programme que s'était
tracé le vieux député.
L'histoire de Christ'e comprend six tomes : le sixième,
curieux recueil de lettres et de ilépêches officielles, est fort
précieux. U histoire parlementaire est loin d'être une œuvre
ti'.igrément, comme composition littéraire ; M. Christie
eii avertit ses lecteurs le })remier.
L'on e^^r, surpris de voir le grave historien interrompre
son récit pour y intercaler une douz;dne de pages
de )jrusc française et anglaise que lui fournie son vieil ami,
Jacques Viger, comme réquisitoire contre l'authenticité de
la Légende du Chien d'Or, due à la plume élégante de notre
regretté ami, Auguste Soulard.
Un vice capital de l'histoire parlementaire de Christie
c'e,->t l'absence d'index à cette conq>ilation, ainsi que le
man.jue de méthode dans la dis]JO.sition de cette encrme
masse de Rapports de Comités, de Résolutions, de Procès-
verbaux de séances, de statistiques du commerce, etc.;
cela nuit beaucoup à l'utilité de l'teuvrc, comme livre à
consulter.
Malgré tou ■ ces défauts sérieux, c'est un riche répertoire
de renseignements, dans lequel ctux qui sont venus après
%
r—
3S
CIIRISTIF,
le vieil historien, sont allés puiser largement, sans toujours
lui en tenir compte.
Bien que Robert Christie appartient à ce que l'on est
convenu d'appeler l'école anglaise en histoire, il ne fut pas
partisan de l'oligarchie coloniale qui jadis accaparait toutes
les places, à l'exclusion du parti populaire. Il semble avoir
provoqué les colères de Papineau, Bourdage, etc., surtout
pour avoir ma'ntenula politique personnelle de Lord Dal-
housie, le chef de l'exécutif, qui l'avait f onstamment honoré
de sa confiance et de son utile protection. Il 'utta contre les
bureaucrates, en faveur du parti colonial anglais, opposé à
ce groupe, (i) V\amilier par ses relations de familles ,''2) et
sa longue résidence parmi nous, avec les us et coutumes
du peuple de nos campagnes, il ne perdit aucune occasion
de rendre justice à sa moralité, à sa bravoure, à son intel-
ligence. Aidé dans ses recherches par h\aribault, Viger,
Vallières et autres amis, c'était un membre marquant de
ce groupe d'esorits d'élite, cette petite république littéraire,
fl| Eu l.s:i7,i^t iDunti'inin .l'ipir.iv lut, il y iiviiit dnn 1' [T.iuti't dim li^ H:is (' i!i:i'l», un
parti iint?liiis, biiMi ipi.' p mi iiniulin'ux, opiios.'' un l'".iinil,y (.'oiiipiiot. ('Iiv nous, ce pirti
fut rcprcsi'iiti' d'.iljonl p ir Joliu \ 'iUou. ('iithii.Tt, Cavilliiu', |iUi'i tard par \Volfrc><l ot
Uobcrt Ni'lsou, T. S. liruwu, li>slii', O'tîalla^ ii m.
Ij.'ti (Ircville ^[,^m tirt, Vol. [El, P. li'>, mous la dut ■ d i 2 > IVoli. \^\'i moutiouuiMit niin
ri!Miari|U.al)U' lettre udivHsée i\ M. H'-nry Taylor, di" Ijoudros, pur lu «cfr^tairr d'' lu
(louiuiissioii (rosford, M. T. Kr.'d Tiuk KIliutt, neveu d'' fjonl .Minto, Iiinui'lli'.si'ldu
Greville contient uu^ exjellen'e ■'^.|llis^^' d ••* partis "t de la politii|i ■ ili 11 laCan i li.
Cette lettre fut soumise aux ministres ungluis, ([ui y uttueli.'M—nt liiaueoup d'i'upnrte.ne '.
Voici ce (lu'ou lit, sous la date du "24 oct. lS3.'i : '■ l'eople hâve beeii .icenstoiUL'il in
Kuitlund todieur of only two parties in Canada, the I';n'.ilis1i aud th(> Fruieh, Imt th'^re
are in tact tliree parties, tlie oHi ùal, th ■ Eniilisli and the Krencli, besides some important
Krencli classes altO'^ 'tlier distinct froin th.; ]) irty wliicli nocs by tliat iiame.
Tlu! ofticiul — ;ir as tin- Prvucli terni is, IJureaucratic )) irty, — is couiposed of a f-w old
nitni, lioldina the hi«liest oflrtcos. Tiiey seem to be fond of i)rivileifes, jealoua of interfér-
ence, and ready to take ofïenco at any inquiry into popular allocations. ...
Very différent froiu this feeble corps, is th.- real. " Rni^lisli party " It is coniposod of
nll the niorchants, witli an admixturo of considérable Landliolders, and of some of the
youn^er and more intelligont Civil otfi jers. It possesaos ?nucli intelligence, miicli wtaltli
and still more crédit
This imposing body, nioroover, lias great advantaaf at the présent moment in tha
modération of tone which it ciin .assume in contrast to the violence of its a<lver8arie3...
It is fully as ambitions of douiinion as the Kreiicli party, and, in my opinion, preparcd
to setik it by more unscrupulous means
L'on se demande pouniuoi, I3 pirti poniiliire français ne s'nUia pas avec ce (missant
parti anglais, opposé comme l'autre i\ la bureaucratie ?
llieport nf CantuUan Archiver, hy D. Brtjmntr, 188.1, p. lOu,
[i] N.-B. — Il résidait d'abord dans la maison qu'occupait feu M. W. D. Campbell,
N. P., faisant face au monument de Wolfe et Montcalm,au jardin du Fort, puis sur la rue
•Christie ; lo conseil de Ville, donna ce nom ft cette rue en honneur de l'historien, elle
avoisine la rue Garneau. — Il pasia la belle saison pendant nombre d'années, dans une
belle grande maison, qu'il possédait sur la berge de la rivière Ristigoucho vis-à-ris de
Oampbellton, entouré do ses livres, et exploitant ses pAcheries au saumon à l'embouchure
de cette rivière.
MONOGRAIMIIE
39
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ili.
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dont s'enorgueillissait la vieille cipitilc aux juurs des
Smith, Garne.iu, Ferlaiid, DcGaspé, Thoinpsoi. etc.
Que de fois, nous nous rappelons avoir vu le beau, sy.n-
pathique et respectable vieillard, à la démirche grav^\
vêtu comme au temps de nos i^rands-pères, parcourir en
causant avec quelques amis aussi antiques que lui, cette
superbe terrasse que lord Durham nou^ fit érigrer en 1S3.S,
surtout le matin, en été, en attendant (]ue la voix d:.'
l'orateur aux Communes, ou l'huissier audiencier de Sir
James Stuart, au palais de justice voisin, annonçât .;ue la
séance était ouverte.
Robert Christie termiimit sa carrière à Québec, le ij
octobre 1856; ses restes reposent à Sillery, dans la belle
nécropole rurale, le cimetière du Mount-IIermon. Uu
émincnt confrère, plus tard, assistant-juge, feu J. H,
Parkin, dressa l'inscription et éj)itarihc suivante sur le
marbre de sa tombe :
In memorv of Rop.f.kt C!îi;i>rii:, Esi).
'■ A native of Nova Scotia : lie early adopted Canada as liis
country, and during a lon^ life Kiithûilly servcd hini. Iiî llie
uar, iti 1S12, as a captain, 4th liati.. he deleiulud lier frontier :
m peace, during upwanh of 30 years, lie watclicd ovcr her iiue-
rests as niember of Parliameiit f.ir the county of (îaspc ; and in
the rctirement of his latter years, recordcd her annais as lier
historian.
He died, at Québec, on the i ^tli oclol'er, 1S56, agcd r)S,
leavingbehind him the memory of a puro career and incorriijni-
ble character. "'
Intcgcr vitcc sct'lcrisqut pnrns.
»
i<>J:iut
Samuel J. Watson, Historien.
I >
•)/
.-•■;i,
En vain thcrclicr.iit-on dan.; Ic^ annale^ de cette jeune
province d'Ontario, de ces scènes émouvantes de siè;^es,
lie CCS nasa
rds d
e ^:;'ucrre, di.' ces dranMticjues .situations qui
font !o cliarnie de notre histoire.
Cliez nos voisin-, tout n'-.-.; que d'hier ; leurs ann^i _.s
datent à i)eu jM-ès de l'établissement de cette énergique
colonie d'éinij^rés rcj'iiiistis échat)[)ée aux mauvais traite-
monts dont les menaçait la jeune république de Washing-
ton ; les United Enipux Loj>jlis's,i\': 17X3
J. es lioninif:s d'Etat. Anglais comprirent de suite le parti
qu'ils pourraient tirer de la bravoure et des rancunes de
ces partisans de la nidnarcliie, pour protét,'er le Canada
monarciiitiuf contre le voisinage de leurs anciennes colonies
révoltées.
)rt d.es Uni tu) lùufiirc Lcjui/ists était triste,
'rs
besoins urgents. 1 .e parlement impérial affecta .{■ 3.30c >
pour !t iir \-enir en aide; chaque coK»n en outre avait d.
un octroi gratuit de deux cents acres d(j teire, en Canada,
ainsi ([u'à des in>trLunents arat<jires, i.t de^ provisions de
b<;>uchc, jK'ur comu'iencer la culture. Les partisans de la-
inonarchie tempérée croyaient donc .u'oir préjjaré sur nos.
frontières à l'Ouest, un lempart, une digue effective contre-
l'envah.ir'enient des idées républicaines.
Ivuinés de fortune, mais fort^ tle leur i^rc -.tige social et
[)leins de confiance dans les [)romesses de leur souverain,^
ns des
les coi
es
les 25,000 loyalistes se fixèrent sur ton
colonies anglaises, surtout clans les provinces maritimes (i)
où ils fondèrent, en 1784, Saint-Jea
n.
au
N(
veau-.
Hrunswick, et Sorel, près ."^lontréal. Ils eurent bientôt créé
ili M,') I') se flx'Toiit e\ l'Uo tUi
Uniuswick.
u.'.-K.lviir.I, à la Xoivolh' E
osae et au >i)iiv«.'imt.
a
MONOdkAiiiii: 4r
des villes sans beaucoup s'occuper des anciens habitants
du sol et de leurs traditions, — bien déciilés à }■ implanter
les lois, les usages, la forme de gouvernement libre de
leurs pèr.^s, au-delà de l'Océan. Un ;^M*and nombre de ces
émit;"rés ou de leurs descendants jouèrent un rôle prédomi-
nant en Canada : les Haldv.in, les l-'dmsley, les AUcock, les
iJeW'itt, les White, les Robinson, les Smith, les Sewell les
Shernoud,les Merritt, les lioulton, les Mcl'herson, les Gam-
bie,les Macauley, les Strachan. Ontar o put réclamer une
autre classe de Loyalistes, en 1797, les l^mi^rés IVançais
auxquels le Gouvernetiient Impérial accorda des terres dans
le Canton de Windham, II. ('. : le Dr. Scaddinget après
lui, l'archiviste Hrymner nous fournissent sur cette brillante
immigration qui fut de courte durée, d'intéressants détails :
■• It niay bo inlercsling, dii lîrymner, lo \v<[c the iiauies,
raiiks, and graïUs of Uuid iikuIc to ihe Ireiich Liiyalisls ii! ihe
seltlenient of Windham. Tliesc 1 liave condenscd froui sovcral
documents, aaiong tlic original païK-rs in ilie Military corres
pondciice (C djo; Scttlers 1801 lo 1S08.)
AcRKS.
Comte de Pui.sayc 850
Cl.) m te de Chalus, Muret h.il de Canip.ColoiiL-l 650
M. h'AUcgrc. Major (ieutl-ial du DiUrict de \'anni'S, Colc-
"^•1 450
VicomiL- de Chalus, Adjiidanl ()< . cral. Colonel 350
M. de .Marseuil, Major de Divi.^. . Cieutf;.antCo!uucl.... 300
M. l^iieiton de St. Cieorge, Major de Division, Lieulenaïu-
Colonel ^00
.\I. de Farcy. Aide-de Camp, (Capitaine 350
M. Renoult, ('apitainc sans coniniiàsion . 150
M. Segeant, Lieutenant sans eomniission 150
The following noncommissioned olticers or soldiers,
ojoute t il, namcly, l'ouchartl, Furon, Langevin, Jîugle
and Marchand, received a hundred acres each. 500
■' Mr. Renoult was, besides, rcconnnended for a gran'. oi' 1 200
acres and Mr. Segeant for a grant of 500 acres
•' The name of Mr. Hoiteau, Adjutant Cieneral of the District
of Rennes et Fougères, with the rank of Lieutenant-Colonel,
appears in the list of those holding military rank but not in the
table of distribution of the lands. .So far as can be ascertained,
only one tamily. that of Mr. Quettonde St. George, is now repre-
sented in Canada. ''
»
42
SAMUEL T. WATSOX
Si le passé du Canada Français éveille peu d'émotions
chez les descendants de ces loyalistes, ils aiment néanmoins
à perpétuer le souvenir des rudes commencements de leur
propre existence coloniale, des épreuves et des dangers
encourus par les hardis pionniers à qui ils devaient la vie.
L'origine du régime constitutionnel que PittetGrenville
leur octro}èrcnt, en 1791, aussi bien que leurs propres
luttes contre l'oligarchie qui pesait sur chaque section du
Canada, — leur dévouement en 18 12 — leurs jours sanglants
de 1837-38, pour anéantir un état de choses intolérable à
tout homme libre — leurs développements — leur progrès
incroyable en richesses, en population ( i) depuis l'ère de la
Confédération : ce sont-là autant d'agréables thèmes à bro-
der pour leurs historiens, autant de poèmes à chanter pour
leurs poètes !
' e malheur, c'est que les historiens et les poète sont
rares chez eux î
L'atmosphère du /)<>// et du //.vw/'tv' était peu favorable
à la muse de l'histoire. Muddy Littlc York semblait plus
sympathique aux disciples de Plutus qu'aux fils d'Apollon
Si le Haut-Canada a été pauvre en historiens 1 1 en
poètes, sa presse périodique fut riche en vigoureux journa-
listes, en économistes, en penseurs : quelques-uns d'entre
eux se sont livrera d'importants travaux, en histoire.surtout
l'histoire constitutionnelle et parlementaire de leur pro-
vince.
11 est permis de regretter que la mort ait enlevé trop tôt
un jeune journaliste Irlandais, dont les écrits sont ma'^qués
au coin du talent.
Samuel-James Watson naquit à Armagh, en Irlande, en
1S37, et fit ses études à l'académie de Belfast. A l'âge de
vingt ans, il vint chercher fortune au Canada, fit ses
premières armes dans le journalisme où il se distingua par
l'exactitude et l'habileté avec lesquelles, il rendit compte
(1) En 178:1. la population du Hnut-r in.tda ùtiiit ilW pou pri^s 2,00i) âmes et colle du
Ban, de liii),UUU. Àluintenaut 1» populutiun d'Uiitiirio uxcùdo colle do notre provinct.'.
MONOGRAPHIE
43
comme reporter des débats parlementaires sur l'important
projet de loi sanctionné en 1S67, connu sous le nom de
XActe de la Confédération.
Ses aptitudes lui ouvraient en 1871, la porte à l'im-
portante char<îe de bibliothécaire de la Chambre d'As-
semblée d'Ontario, où il se signala par la préparation d'un
Catalogue des livres de cette bibliothèque, lequel lui valut
beaucoup d'éloges. Vers cette date, il s'éprit des annales
canadiennes et préluda à ca genre de travail par un roman
historique f^ur le Massacre de Lachine, en 1689, ayant
pour titre : Paix Killkk, or the Massacre of Lachine
a Canadian Romance, 1870.
En 1874, parut le premier volume de son histoire cons-
titutionnelle : Tiia Constitntional History of Canada : la
mort le surprit avant la publication du II volume, bien
que dans l'intervalle il mît au jour, en 1876, un drame
institulé Ravlan,-A Drama.
Puis, en 1879, il traitait un sujet que M. Alpheus Todd
semble presqu'avoir épuisé: T//e Pozjer of Par/ia ment, ^i^n^i
compter plusieurs autres.
M. Watson expirait à Toronto, le 31 octobre 1881 :
)ptôt
r-Qués
i
II
John Charles Dent, Historien^
1841.
Voici M. Dent, l'un des plus brillants journalistes
d'Ontario, porteur de deux superbes volumes, de 500
pages (i) chacun, imprimes sur beau papier, avec
caractères neufs, luxe de portraits, de paysages, dessinés
quelques-uns par la princesse Louise. Une copieuse table
de matières rend facile l'accès à ces robustes iii' quarto
pour référence.
Si, à notre point de vue, la florissante province d'On-
tario a été dans le passé, pauvre en historiens, sousjc rap-
port des journalistes elle a été riche, très-riche. Il est facile
de s'expliquer l'empire que la presse quotidienne exerce
sur sa population instruite quand on songe qu'elle a
conîpté, qu'elle compte encore, parmi ses publicistes, des
écrivains comme Goldwin Smith, la plus forte plume
anglaise de l'Amérique entière ; les deux Brown, George
l'aîné, et son plus jeune frère, John Gordon Brown; Wil-
liam Lyon McKenzie, Charles Lindsay, William A. Mc-
DoLigali, Morrison, Blackburn, lieattie, Sheppard, Samuel
J. Watson, John Charles Dent, Martin J. Griffin, Roberts»
et un groupe de littérateurs plus jeunes encore, actifs,
amateurs de l'étude et pleins de talents.
M. Dent nous était déjà connu — avantageusement même
— par son beau livre " The Canadian Portrait Gallcry, " (3)
et les pages qu'il vient de tracer dans " Canada siiicc thc
Union <y 1841 " resteront comme un monument de labo-
rieuses et utiles recherches.
Il y a chez M. Dent de grandes qualités, des qualités
que parmi les annalistes de notre pays tourmenté de divi-
sions politiques, d'antagonisme de races, etc., l'on ne tiouve
pas à toutes les portes. Il y a de l'impartialité, de la dali-
(Il Tlir Inst iortv ycar.; : V.tividii niiirc fkf l'nion 0/ 1841.— Hy John Ciiurle» J)ciit—
Oeori,''' Virtiio, piilplislier!^, Toroino 1^8;•.
(:ii U ont uiitr'HUtros jiour colla))()r;iti.'iir« : fiooruc StPwart, jr., ilc (^iiùlicc, ot Sir
FraiiciB iltuckii, de Moiitréiil.
MONOGRAPHIE
45
catesse dans les jugements formulés par lui ; il serait diffi-
cile de dire à quelle école politique il appartient.
Et s'il ne nous enthousiasme pas toujours lorsqu'il
nous dévoile la carrière ardue, les nobles aspirations, les
luttes désespérées de ces mâles et patriotiques fij^ures de
1837-38, les Papineau, les Viger, les Lafontaine, les Morin,
les Taché, les Cartier, c'est, croyons-nous,parce qu'il n'a pu,
comme nous, assister au douloureux spectacle de la patrie
agonisante, voir les acteurs à l'œuvre, les prendre sur
le vif. M. Dent a grandi dans un autre milieu, dans une
autre ère, subissant d'autres influences, d'autres convictions ;
il n'était tenu que d'être le froid, l'impartial historien d'une
époque. Aussi, avec la J//;/<r7r,devons-nous répéter : C'est
peut-être la première fois que l'histoire politique (du Cana.la)
est écrite par une main anglaise sans le parti pris de tou-
jours dire du mal des Canadiens-Français."
Il est toutefois regrettable que cet écrivain n'ait ou
l'avantage, comme en ce moment M. C H. Farnham, de
séjourner parmi nous quelque temps. K\\ se familiarisant
avec no- us et coutumes, avec la vie intime du peuple dps
campagnes, il aurait pu sans doute se garantir contre
quelques appréciations qui nous semblent hasardées
et plus que risquées. Jcixn-Baptistc est de trop bor.ne
lignée pour toujours faire queue. Le mode de concession
de nos terres, sous laucicn régime seigneurial, avait moins
d'inconvénients que M. Dent lui en prête En fait de
culture moderne, nos bons amis du Haut-Canada, en 1841,
aussi bien qu? nos cultivateurs de Québec, avaient encore
bien des choses à apprendre, car l'agriculture améliorée,
chimique, date, au plus, du commencement du siècle. Les
élections à coup de InUoii. à MontrcAl, en 1841, eussent
mérité, il nous semble, une note de censure plus forte que
M. Dent leur applique, à moins que l'histoire ait été singu-
lièrement injuste à Lord Sydenham. Si l'annaliste des
dcrmlrcs quarante années n'a qu'à dire à ses lecteurs d'On-
tario, pour que \\ chose soit admise, qu'avant l'Union des
46
JOHN CHARLES DENT
Provinces en 1841, le Clergé Catholique du Bas-Canada,,
était opposé en principe [Vol I P. 54] à l'éducation popu-
laire, cet av"acé, ou je me trompe fort, ne saurait passer
par chez nous sans réclamation.
Les silhouettes de nos !::^ouverneur? : Kapjot, Cathcart,
Elgin, Mead, Monck, Lisgar et autres, sont tracées de
main de maître, et «|uand son pinceau délié nous redonne
sur 1.1 toile du passé, les chefs politiques, les demi-dieux de
l'époque, Draper, Lafontaine, lialdwin, Sullivan, McNab,
Caron, Plincks, Harrison, on se croit reporté a cette ère si
palpitante de 184 1-9, à ce temps, hélas ! éloigné, où MM.
Lafontaine, Draper, Caron, avec leur "crise ministérielle,"
bouleversaient le pays entier ; où tout, jusqu'aux cha-
peaux, avait une mine revôchc, une allure à pic ou comme
l'on disait : une allure " à la crise ministérielle. "
Avant de lire M. Dent, nous avions de la difficulté à
embrasser sous ses multiples aspects cette affreuse mesure
de spoliation — le traité Ashburton — l'œuvre, dirons-nous,
de l'mcurie ou de l'ignorance de la métropole ; et si l'histo-
rien Torontonien a administré une verte tlagellation à
l'agent principal, au grand moteur dans cette gigantesque
fraude qui nous a enlevé au moyen de cartes géographi-
ques forgées, une si vaste portion de notre territoire —
à Daniel Webster. — ce dernier, certes, ne l'avait pas
volée.
Quel vaste panorama pendant ces quarante années,
1 841-81, M. Dent ne déroule-t-il pas à nos avides regards ?
L'incendie du Parlement à Montréal, en 1849, et tous
SV-: tristes souvenirs, l'abolition des réserves du clergé
anglican, l'abolition de la tenure .seigneuriale vu 1854. la
qucstiiMi orageuse de la double majorité en chambre, les
curieuses et incessantes évolutions de-; partis, la thèse ladis
si brûlante de Kep hy Pop, — la représentation d'après le
chiffre de la population —jusqu'au </o.7/;/t .i7//(,i^<' ; finale-
ment le couronnement de notre œuvre nationale: l'inaugu-
ration du nouveau régime de la confédération des Provinces
MONOGRAPIIIK
47
en 1.S67 : voilà autant de phases importantes de notre
existence coloniale où M. Dent jette des tlots de lumièic.
John Charles Dent naquit à Kcndal, (..mité de West-
moreland, Angleterr-» le 8 novembre, 1S41. Il vint au
C*inada fort jeune, accompag'né de ses parents qui se fixè-
rent dans le voisinaç;e de Brantford, Haut-Canada. Il
reçut les premiers éléments de l'éducation, à Brantford et
Compléta sort cours à l'Université de Toronto. Il fit son
droit en cette dernière ville et reçut son diplôme comme
" procureur et .solliciteur," au terme d'automne de ivSr)5.
En octobre 1866, il épousait Mademoi.sellc IClsio Mcintosh,
fille de ]M. Alex. McIntosh, de Woodstock, H. G. l'eu de
temps après, il retourna en Anf^lc^terre et se dévoua à la
littérature et au journalisme. Il fut at^réi^é au personnel
éditorial du [^rand journal an_i;lais, le Daily Tclcgrapli et
devint le collaborateur de plusimirs revues et publications
périodiques ans^laises.
Puis, on le voit revenir au Canada en 1876 ; pendant
quatre années, il fut un des actifs écriv.iins du Globclx
Toronto. Il mettait de côté en 18S0, la [lame acérée du
journaliste pour se dévouer entièremt Mt à la carrière
littéraire.
M. Dent, en ce moment, élabore une Listcirj en deux
volumes, de l'insurrection du Ilaut-Canaùa en 1837-08.
Plusieurs poèmes et hi.-^toriettes de M. Dent ornent les
colonnes des Rcviits et des ^^rands journaux de l'Angle-
terre. Helford's Magaciiiit en 1877, contenait une fraîche
nouvoilc i'ititulée : " TllK CrKkUARD SI'RKK T MV>rr.KV "
feuvre d'imagination créée par M. Dent: cette historiette
étrange pu'Dliée sous le voil': de l'anonyiiic fut beaucoup
lue et admirée.
Ses contributions à 'a littérature canadienne sont :
lo. The Caitadiaii Portrait liallcry, 4 vo's. 40.
2o. T/it- Last Forty- Y cars : Canada si/wt' tlic Union
1S41 — 2 vols Royal octavo,
48
TOUX CHARLES DENT
3o. Toronto., Past and Prcscnt, {Ilistorical ami Descriptive,)
a mémorial vol. for thc scnii-ccntctiuial of 1S84.
k
Le Dr H. H. Miles, L.
D., D. G. L.
Henry Hopper Miles, l'historien, est natif de Londies,
Ang eierre, où il vit le jour pour la première fois, le iS
octobre 1818. Son père était Lieutenant dans la Marine
Royale.
Il commença ses études à Exeter, dans le Devonshire ;
puis il se rendit à Edimbourg et à Aberdeen, en Ecosse,
pour y compléter ses cours dans les sciences, aussi bien
que dans la médecine, sans toutefois ne jamais pratiquer
l'art d'Esculapc, qu'il avait d'abord adopté comme profes-
sion.
En 1845, on le rencontre absorbé cians les travaux
ardus de l'enseimiement à LennoxviUe, Cantons :ie rj:lst,
comme professeur de mathématiques et de philosophie
naturelle à Bisfiop\'; Co//t[ç< Il a rempli aussi peniiant
vingt et un ans, les fonctions de Vice- Principal de ce
florissant collège.
En 1S62, ses aptitudes le firent choisir pour accduipa-
gner Sir William Logaii, l'illuatre géologue, délégué du
Canada à l'exposition Internat onale, tenue cette année là
dans la capitale de l'Empire i^ritannique : le Dr Miles
était spécialement préposé à la surveillance des intérêts
des Cantons de l'Est, en rapport avec les objets exposés
Il avait, en 185S, jDris part comme Lù/i/nr, aux confé-
rences données au JlAr/îanics IusiitittL\[x Montréal, sur des
sujets se rattachant à l'hN'giène des résidences privées,
aussi bien qu'à celle des maisons d'ivcole.
En 1S66, il résignait sa charge à iiis/iop''s Col/tgc, pour
accepter la position fort responsable de Secrétaire du
Département de l'Education de la Province de Québec,
branche anglaise. L'Université d'Aberdceu, en 1863,
l'Université de McGill Collcgc, à Montréal, en l 'èGG, lui
conféraient chacune, un degré.
Les Instituteurs Protestants de cette Province en 1877
le nommèrent Président de leur association.
K
;)0
LE DR H. ir. MILES
c
V.n iSSo, il fut élu Président de la Société de Géogra-
phie de Québec, fondée par l'Hon. P. Fortin, M. P.
C'est surtout par ses travaux historiques que le Dr
Miles s'est fait connaître.
Il est l'auteur des traités suivants, destinés plus spéciale-
ment à l'usage des écoles et approuvés par le Conseil de
l'Instruction Publique:
Chîhis Ilistory of Canada, — ScJiool History of Canada et
un traité beaucoup plus étendu intitule : Canada nndcr
.thc i'rcncli Kcginic. Quelques-uns de ces volumes ont
atteint une seconde et môme une troisième édition.
Ce travail recevra, paraît-il, plus tard son complément
sous le titre : Canada nndcr Ih'itish Rnlc, 1759-1867.
On rencontre dans les ^Mémoires de la Socictc Littc'rain
ri Iliston'qnc, quelques excellentes études du Dr. Miles-
\ln 1879, il adressait à une Rcrnc, de Toronto, le Canadian
Hlont/dy, de fort judicieuses observations sur le séjour de
l'amiral Nelson, à Québec, en 17S2. Le j on mal etc., de
Thompson avait été mis à la diposition du savant histo-
rien ; il en usa largement.
C)n lui doit également un Mémoire important, où il dis-
cute le système d'éducation fourni par les Lycées (///i,''//
Si'//(>û/s) de Québec, de Montréal, de Kingston, comme
ayant pris la place des I\.(yal Grannnar Sc/ioo/s, créées par
la Couronne Anglaise en ces villes, au commencement du
sciccle : les arguments employés par le Dr. Miles auraient,
parait-il, exercé de rintluencc sur l'action du Gouverne-
ment, en l'induisant à CDutinuer les octrois publics pour
cet objet.
Le travail du Di. Mile> " Canada undcr thc FrcncJ: Kc-
ginu\ " enrichi de planche.-^, cartes, etc., est fort utile, et
nul doute que si le savant historien protestant se fût
trouvé dans un autre milieu, il aurait eu ses coudées fran-
ches, et ses appréciations de plusieurs incidents du passé,
auraient eu un caractère plus tranché.
■I 1.
W. H. Withrcw, Historien
i \.
j ■■
Au nombre des travaux hi.storiqui.';s de; longue haleine
sur le Canada, entrepris par les hommes de Icttre.i d'( )n-
tario, notons l'histoire populaire (i) tle la Confédération
Canadienne ( 1608-1878) écrite par M. William II. With-
rcw M. A., professeur dans un des priiici[)au\ collôges de
Toronto.
C'est un rcçit simple, animé, impartial, croj-jus-iiou';
des événements tant anciens que modernes dont Us huit
provinces du Canada Confédéré ont été le théâtre. M.
Withrow, éloquent pasteur méthodiste, di-court avec élo<jes
des travaux, des souffrances, des succès de nos j^remiers
missionnaires.
Son œuvre foui mille de renseigneuents sur l'origine d s
Indiens, leurs ancienne^ migrations, iours u; et coutumes,
sur les développements, les ressource-; .igricnles, industrielles
commerciales, minières, etc., des divi-rses provinces, sur les
sièges, les invasions quelles eurv.!it a .subu\ sur mille inci-
dents dont la Connaissance ne sauiait être a.-^sez vulgarisée
parmi les diverses races qui compoieiil notre populatioii.
Afin d'agir plus si^n-ement et i)lus rapidement sur l'ima-
gination du peuple. M. Withrow a intercalé dans le texte
de sonin-qiiitrto, beau volume de 634 pages.toute une série
de dessins sur bois et aus^i quelques gravures sur acier
d'une riche exécution. Il semble avoir rendu un service
réel à l'élément anglai.-^ d'Ontario, des provinces maritimes,
aussi bien i^u'a celui de l'o est, en etraçantles annales
du Canada, en un st\-le châtié, quelquefois très orné, sans
parti pris de rabaisser aucune nationalité en particulier.
M. Withrow éditait tout récemment une des revues les
plus populaires d'Ontario : Le Ca/iadinn Mcthodist Jlirr-ii-
t^) A J'iifilii-' Jliif'iiy 1/ Ihe D'iiiiiiiimi 4'/ Ciiiiiiihi. fioin iliscoviTy of America to
llie inesi'iit tiiiu\ ly \V."u! Witliiow, JI. A.' Uliutratcd. Hoston— Toronto 1^^7S'.
52
\v. II. wrriiKow
.:///t. Il est l'auteur des œuvres suivantes: Catacoiiibs of
Rome Sc/iool History of Canada. Toutefois ceux qui
tiennent à analyser, à peser les autorités sur letiquclles un
historien s'appuie, aimeraient ù rencontrer soit en marge,
soit au bas des pages, les noms des auteurs dont il emprunte
un fait ou une appréciation.
c
John MacMuUen. Historien. Journaliste.
Au moment où se consolidait, pour le Canada-Uni, l'ère
de réhabilitation, d'expansion, de réformes, inaugurée p.
ir
ée
Lafontaine, Haldwin, Morin, Ilincks, etc., just-: une ann
après le règlement fijial des deux grandes questions
brûlantes du temps : la Ttiinrc Scigiiiiirialc et les Rcscncs
fin Chr.
■htdi
eau, parais
sait ît Hrockville II. C, en
1855, l'histoire popu!ai:e{ lydu Canada, de John MacMullen.
Ce fut un progrès réel en histoire : le Haut
illit
tel ; r
'itait
ms
Canada
conteste.
1 accuei
L'écrivain, dans ce volume, fait preuve d impartiante,
d'une grande industrie, de recherches conscienticuses,
étendues, sur la population, l't'migration, le commerce,
l'agriculture, l'éducation — bref, de plusieurs des qualités de
l'historien.
M. MaCiMuUcn, dans une édition subséquente mena son
travail jusqu'à l'année i8''>S ; ce qui lui fournit l'occasion
de compléter le récit de ce qui avait eu lieu, depuis l'Union,
en 1S41, jusqu'à la Confédération en 1S67, et d'}- insérer
entre autres sujets, de savantes étude sur l'étendue des
pouvoirs locaux et généraux de nos gouvernements.
L'école libérale a reproché à M. MacMulîen d'êtr,' un
conservateur cà tous crins, au point même de trouver
couleur de rose le doiiNc s/iiijjlc de 1858.
Partisan avoué des traditions britanniques, l'auteur ;-e
plaît à préconiser la supériorité du Haut quelquefois au
détriment du Bas-Canada. Tout en faisant une large part
à l'attitude, au patriotisme des Canadiens des anciens jours,
on sent qu'il préférait que cette colonie, passée au.x mains
de l'Angleterre, fût, dès 1791, devenue Anglaise ou en tout
et partout homogène avec la métropole. Il entasse des
(1) " TliL' Hiatory of Caiiaila frnni its fir?t discovery to tlio j)ivsont tim.^, liy John
MacMullkn-, autlior of Ciim;i fini' B'irrink I! )'>in, or tin; BriHuh Anini ovi'/. ■
Brockville, H. C. ISJ.'.
54
lollN MacMUl.l.L-N
stali.'tiqiKs pour clcmoiitrcr le 'Urcn
it d
es ilcpt.nscs auni!-.
uistrativcs, !c ripii,i;,;c doiib'c. complexe que nécessite
l'us.'iLïe cle.> lieux !arj;ue» dans la go'.i\'erne de cttte .'-ec-
tmii-ci, la iiU)M)> nclie en ressources et en priiuilation.
L histoire de MacMulien, bien qu'elle fasse autorité', n'est
pas exempte d'erreurs. M. Dent lui en reproche une assez
l^frave, relativement à l'attitude avant 1S51, qu'il prête, sur
la question des A'(.N\7'rr.o/// C 7(7;^'; •', à Robert Jîaldwin, le
père du r^ouverncnu lit responsabledans le Haut-Canada
Sir h'rancis Ilincks impute ces défectuosités au manque
d'une bonne bibliothèque consultative, à JJrockvillc,
iiire de MacMu'len vitlejou . On [)ourrait ajouter
ou
'hi-^ti
que l'absence d'un bon index a ej^^aleinent amoindri l'utilité
de ce travail i)our qui \"cut le consulter.
M. MacMullen, ardent polémiste, a i'éi.liL;é depuis 1866
le J/('///Aj/-, journal conservât ur de lirockville. ICn 1846,1!
publiait à Londres, son premier ouvrai^e ci-devant cité :
Camp aiiil llarrac/c A'
' i!U.
Francis Parkiran
L,i présence, en iS5(, sur l'aiciie tic rii'stoirc, lIu sa\. int
américain l'arknKin, étraiv^er a nos luttes, n'a}'ant par s.i
nationalité, ses sympathies, rit-n tic commun avec les
vainqueurs et les vamcus, affirmait l'existenc»' d'une tri)is-
ième école en histoire, que nous pourrions i ommer l'école
américaine.
i'"rancis l'arkman est ne à lîoston, le |6 septembre I''^J3'
Son enfance s'écou'a près îles L^ramls bois, à l.i résidence
lie son <:rand-pere, a l inteneur du Massachusetts . de la,,
vraisemblablement lui sont venues ses premières ve léité.s
a \'ie
forest
lere.
lui iS^o. corn
4'^'.
imença >a vie de colle,;*:
^t à
//,
iin\ii\i
Colletât, près de lîoston, (pi'il fit son cours d'études.
ICn 1S43. il entreprit un vo}-ai;c en lùiin'pe, en piissmt
jxir Rome, Gibraltar et Malte ; puis, ifinontaiit par le
nord de l'Italie, il traversa la Suisse et pas^a par l'aris.
et Londres. Il reprit ensuite ses cours à Camhridfje, et en
1844,11 subissait ses examens. Il étudia d'abord le droit: son
esprit aident, romanesque, sa passion pouf les vos'aL,^es ie
poussaient, en 1846, à faite une expédition assex ruile au
sein des Montagnes Rocheuses.
1/aventureux vo}-arreur )• vécut jieiuiant pi' sieurs mois
de la vie sauvage, parmi les tribus J.i\-erses, les •'Uiwint
dans leurs grandes chasses.
C'-Nt là où il prit cette connaissance [)rof<Mule ilu c:irac-
tère sauvage ainsi que les matériaux pour ses splendi'.ies
descriptions de l'homme da^ bois.
Insensible à la fatigue, avide de tout connaître, inic-
cesslb'e à la peur, il tenta des courses dans la forêt, bien
au-delà de ses forces, et y contracta une infirmité (]ul l'in-
commoda p us de trente aii>-.
■II
I
feS
56
FRANCIS TARKMAX
■P
Dès ses plus jeunes années, M. Parkman avait résolu
d'écrire l'histoire de la domination française en Amérique.
L'origine, le dév^cloppomen': et la décadence de l'in-
fluence française en Amérique, ofifrcnt une suite de scènes
d'un intérêt frappant clans l'histoire moderne, La lutte
longue et acharnée que se livrèrent la l'rance et l'Angle-
terre et qui se termina par le triomphe de la race anglo-
saxonne, eut sur les destinées de ce continent des résultats
incalculables
L'bi-^toirc des deux colonies française et anglaise a
mis en regard deux s\'stèmes opposés : la Monarchie et la
République, la Féodalité et la Démocratie
" Ces deux s\-stèmes exprimés par deux croyances reli-
gieuses, le Catholisime et le Protestantisme, ont fait res-
sortir avec éclat le genre si différent des deux races. "
{l'ab/'c If. K. CûSi^raiii.)
I\I. Parkman a traité l'histoire du Canada, 1 534-1760
par époques, choisissant et ex[)osant l'événement
principal, quelquefois la figure 1,1 plus saillante : il ne lui
reste qu'à ajouter \\n seul anneau, pour compléter la chaîne
de ses récits.
II débuta en 1851, par l'histoire de la conspiration de
Pontiac," ce génie étonnant qui par son éloquence, sa bra-
voure, son astuce contrebalam.'a pendant quelque temps,
toute la puissance de l'Angleterre dans l'ouest du Canada.
¥a\ 1858-39, ii fit un second voyage en lùu-ope, et
recueillit dans les archives coloniales de Londres et de
Paris, une foule de documents historiques. Un troisième
voyage à Paris eut lieu dix ans après, pendant l'hiver de
1868-69. L Histoire de la fccdalitc au Canada, dont Fron-
tenac est le plus remarquable représentant, nécessita un
quatrièaie voyage en Europe, pour compulser les archi-
ves françaises.
Puis, viendra le Jlatx Rcgiinc en Canada : il en est qui
ont trouvé que l'historien de Boston y avait vu les choses
irop en noir, dans l'antique cité de Champlain.
MONOGRAPHIK
57
L Etude sur les Jcsuitcs, 1S69, a plus d'avantages par sa
série de tableaux éblouissants du zèle de nos premiers
missionnaires et la peinture véridique de leurs souffrances.
En 1878, paraissait la belle biographie de Frontenac.
M. Parknian publiait, dans l'automne de 1SS4, les deux
volumes ' MoxrCALM " et "\Vc)Ll-'r. " qui ont absorbé
tous ses loisirs depuis 187S et ditnt on a ùemandc ])lu-
sieurs tirages.
Ce dramatique récit au sujet de deux héros dont la renom-
mée a pénétré dans toutes les parties du inonde, a encore
ajouté quelques fleurons à la couronne de l'annaliste du
Canada primitif.
La mort de Jumonville, la bataille de la Monongahéla et
reN'i)u!sion des Acadiens, en 1755, suscitercMit sans doute
des contradicteurs à M. Parkman. Sans justisfier la dis-
persion des Acadiens, il affirme que deux alternatives
existaient pour ces pauvres délaissés dont la France titdes
jouets si longtemps, sans pouvoir les protéger à l'heure
suprême de leur déchéance. Province conquise, où ses habi-
tants devaient accepter le sort des vaincus, devenir ujets
anglais.prèter le serment d'allégeance comme le firent leurs
voisins à Québec, quatre ans plus tard, ou bien évacuer la
place et retourner en l'Vance. iVyant refus^^ l'une ou l'autre
alternative, il ne restait au vainqueur selon les idées du
temps, qu'un parti à prendre.
Les écrivains français qui trouvent atroce, inouï, le sort
subit par ces infortunés Acadiei.s, en 1755, ne devraient
pas oublier qu-» c'e^t le traitement même que le roi de
France réservait, en lôSQ.à la colonie de la Xouvelle-Vork,
si ses vceu.x eussent été exaucés et si les arnîcs françaises
eussent prévalu en ce pays.
" Acceptez ou rejetez mes conclusions, " semble dire
Parkman, mais " voici les fliits " C'est de l'histoire, de
l'histoire véridique et austère, qu'il nous offre, et non la
poésie séduisante du chantre d'Fvangéline, — Longfellow.
58
FRANCIS l'AkK.MAN
CcLix ijui >c SL-nteit du i'ardcur pour le combat ont
inaint-jnaîit une belle occasion de rompre une lance avec
l'arknian ; L- malheur c'est que plusieurs des lettres et des
documents qu'il invoque n'existent pas encore en Canada:
les aura-t-on plus tard ? Je l'cspere.
Il nous a été donné récemment de voir sur les rayons
de la bibliothèque de la Sociéié Historique du Massachus-
setts, à Boston, les liasses de manuscrits, de lettres, etc., que
M. Parkman a fait copier en France et en Angleterre^
pour le i^uidcr dans j-a bioi^raphie île Montcalm et de
W'oife, trente iii folio reliés, embrassant au-delà de huit
mille pages de mémoires, de lettres, et qui n'existent pas
chez nous. Ils ont dû coûter à l'infatigable chercheur, de
fortes sommes, des veilles inouies, voyages sur vo\'ages en
Europe, etc.
Au nombre d.es rei)rojhes que l'on a f<iits à l'historien de-
Boston, un des j;lus communs, et, selon mol, l'un des i)lus
étranges, c'est qu'il e>t loin d'ap[)r(icier l'ancien ordre i.le
choses, ei; la colonie, au point tle vue (.le l'écri^Min catho-
lique ; M. l'arkman ne s'est jamais dont)é c^iaime écrivain
catholique.
Quelque soit le verdict que la [jostérité reserve à ses
écrits, on ne saurait luirefu-er une science pri, fonde de son
sujet, des renseignements puis'^^s aux sources même, de
rii)déper.dance dans ses jugements, le tout joint à cette
magie de style qui enlève le lecteur.
Xon-seulenîcnt le.-, travaux historiques de M. l'arkman
jouiront d'une grand.e réputation, dans sa patrie, fière de
ses Bancroft, de ses Irving, de ses l'rescott, de se-; Motley,
mais ses succès ont mètiic réussi à battre en brèche le
dédain ipie l'Angleterre ' idis affichait, pour les ceuvrcs
intellectuelles, nées sur le sol américain.
" W'ho reads an american book .•• " " Oui lit un auteur
américain, " s'écriait à Londres, il y a une trentaine d'an-
nées, le célèbre Sydney Snrth. Ce temps est loin : la
presse de Londres, les Revues les plus en vogue, le West-
MONOGRAI'HIE
59t
iiiiiisicr Rcviciv, •, i ) JUocki^'oiui's Mûgar.iiic, XAihcuœnin etc.,
prodiguent des concerts de louanges à l'cminent annaliste,
du Nouveau- M onde.
.Moi aussi, diins mon séjour à lîoston, j'ai pu me con-
vaincre, avec l'abbé Casgra'n " de l'immense service que
M, i'arkman a rendu à notre pays, par ses travaux histo-
riques, " sans me croire tenu d'en accepte* en tous points
'es conclusions.
L'on peut juger de l'avidité avec laquelle on recherche
les écrits de l'éminent histor en, par le nombre (2) d'édi-
tions qui s'en écoulent chaque année : il est de ses ouvrages
qui en sont rendus à la di.v -septième édition, tel qu'il
ap'pert [uir ''annonce de ses libraires, la puissante maison
Littic, Brov.n & Cie., Boston.
Francis Parknian, [).u' la famille l^rooks, de Boston, est
lié à celle de feu le sénateur Brij^ham, de cette ville, aussi
bien i.u'à celle de feu le juge George O'Kill .Stuart, en son
vivant de Québec, et dont il fut souvent le commensal en
même temps qu'il l'était de feu Hubert LaRue. Professeur de
Chimie.à l'Université- Laval, {)endantses fréquentes visites
en notre vi;le, en cjnête de matériaux [)our ses travaux his-
toriques.
Il) Ml', l'nrliiiinii, \v1m. il' A!r l!;iiUTiit't will f.ii'nivn us l'or siiviu';- sd, i» tin' iii'i-st
tiiiiii'iit Aimiit.ui lii^tiiiiiiii imw iilixi'. ... '" — l>l<nl,ii-'HiiVs Miuinxiiic.
■■ Tlirii' is lui Aiiirii(.:iii wiilrr liviiiit wluisc \voik:< ;iri' lonkrd for willi iiioiv l'amMiic^s
aiiil 11 Mil xvitli ni' m' |iK'.'is;iri' liy a otImiii ■las-iu!' riMil: i'-, \vliicii,\vi':in' u'hiil ti> kiiow, il:iil.v
iii('i'ia>i> iii niiniiur, tli.-:ii t Iium' uf M v l'ai liinaii. Tu an i-.-'m' of clii t imi lir ailil-; a urao'
lit' iiaiTativr ;iihI a iiictiiriMiiir iiilnijiijj- \vl)icli iiivr^t lli.' iiu i<'.,'iits ho dr.-n'ii'M < wiili an
nitci'cst wliicli ni'Vir llaus. " — .Un;/./ -('ic a/ Ami l'ii eu JHnfnry.
" Inilfi il, tliis i|iialily of ii"i'tii'al fascina' ii m alwa.vs a|>{ii'ai's in Mr l'arkiiiaii's writini,"',
ami invi >ts tlii'iii witli a clLaini wliicli lii'liiii^!« tii ticliims dl'tlii' iinaunnatimi ; l'iit tliis
iliii's mit at ail iniiiaii liis vulinin s .as trntlil'iil ami miIjii- liisturical iiaivativi'.s. Uis styli'
H i"'rf"rt f(ir its iiiir]i(isi'. "" — litli-riml lutuil lùiii'ir.
'l'Iii' f.iiiihoi. Alhi Diriiiii, \i) a ri'\iiw ni' l-'iaiicis Varkiniiirs 1,-ist Imcik, ■Wnll'i' ami,
Mniilialiii, ^ lys : — '■ 'l'Iu' wiiik ii>it iiiil.vi''inliniis thr vii'ws \vi' liavi' iirrviniisl.v r.xpii'ssi'il,
tliat >Ir I'arkman v ink» aiii.iii'.' tlii' 'ii-st liistiiric.il «rltcrsnt' liis cnuiHry, luit jnsiitics
tlif aililition tliit Iiisi'laci' iNalonj.'siili' <it' tlic i,'ri'atc^:t liiatoriiiiis wliiivi^ wnrksair Kiiulisli
tlassics, "
" In intiTi'st tliis wnrk l'xrci'ds aii.v muil wiiirh li.is ln'iii imlillsln'il ilnrini! tlu' .vcar.
Kvrry l'iim' Inar» iinniiKtakalili' iiii)iri's3 nf powir. — pi.wrr ol'iiatiriu invi'stittatina, jniu-i'i-
l'f ilraiii.uic coiicfiitiiin, imwor of iiliilosoliliic tlioiijjl.t, [Muir of iiiitorial ilittinu. " —
liiisfini Trinisri-iiit.
i;il Tlic ('iins|iir.iry of l'oiitiac. 2 vols, N'intli Ililitlon.
Tlii' Ori'uon i'rail. ! vul, Si'viiitli Kililion.
Frami' ami Kn^lainl in Xortli Aiin'riia. 7 voN.
Vi/. : —
1. l'iiiiii'i'rs of Kiaïu'i' in tlu' Xi w-WnrIil. Si'vcnti'ontli Kdition.
Il, Tlii' .Ii-siiits in Nort h Aiinrica. Fourtci ntli Filitimi.
m. l„iSallr and llii' I lisiov.ry of tlic ( inat Wfst. lih voiitli Kilition.
IV. Tli ■ (iM Ki'-'iiiii' in Can.id I. lOialitli Kdition.
V. t (lunt I-'roiit'iiiic ,iml Niw Kraiii'i'. Sivi^ntli Kdition.
VI. VU. -Montiilin .V Wnlf.'. J Vols. Sicoml Kdition.
I-
saoi
60
TRAXCIS r.VkK.MAN
En 1850, il épousa Miss Catherine Bigelow, fille du Dr
Jacob Bigelow, l'éminent médecin de l^oston.
Madame Parkman est décédée en i S5 S, laissant deux filles,
qui naguères visitaient Québec avec leur père. Toutes deux
sont mariées : l'aînée à un monsieur Charles C. Coffm ;
elle demeure à Longwood, près de lioston. La cadette est
mariée à un monsieur T. Jefferson Coolidge ; elle demeure
en France, la plupart du temps ; à Paris. Aladame Coftin
rési ie à peu de distance du charmant cottage encadré de
feuillage que son père occupe, l'été, à Jainaïca Plaiii, au
bord d'un lac eu miniature, nommé Jamaïca Pond: déli-
cieux séjour à trois milles de Boston et où l'historien cul-
tive avec une sollicitude extrême les roses de toutes les
variétés II est un des membres actifs de la Socictc iV Hor-
ticulture du Massachusetts et a trouvé assez de lo'sir pour
publier un volume (i) de luxe sur la cultiu-e de cette reine
des fleurs, la rose. Dès que ses brillantes amies ont suc-
combé aux froids baisers de novembre, Î\I. Parkman dit
adieu à Jamaïca Plain et prend ses quartiers d'hiver chez
sa sœur Mlle Nellie Parkman, au No. 50, Chesnut street,
près de Pcacou Ilill, dans le \'oisinage du State Housc.
Honoré depuis plusieurs années de l'importante charge
de Directeur ( Trustée) de l'Université de Harvard, à
Cambridge, près de Boston, M. Parkman partage ses
heures entre cette ilorissante Université, les bibliothèques
de sa ville natale et cette charmante société d'hommes
d'élite qui donne tant de relief à l'Athènes du Nouveau-
Monde: Agassiz, Rob. C. Winthrop, Howells, lo juge en
Chef Gray, Charles Francis Adams, le botaniste Asa Gray,
le poëtc Oliver Wendell Holmes et bien d'autre-.
(1) The Hocik ot' ii'Hos.
CHAPITRE II
Société Royale du Canada
l'ATRON ET PRf.SIDENT HONORAIRE :
;B«o Emlkee le Très Hooerakle V\Rl(l'IS BE Vmi, K. T. P. C, G»uv(ricHr Grotral 4ii Caitaa
OFFICIERS POUR L'ANNÉE Ï 882-83 :
PRÉOIOBOT - . Srn .T. W. nA\VS(>N'. Kt., C. M. rr>, LI.. O., F. R. S
ViCK-PRÈfilDBNT : - i.Ho.N. V.S. O. CHAUVEAC, IiL. D., Docttrr i^s-Ijettres.
PREMIÈRE SECTION: LittiratHre Fran(aise,Arckéo/ogie
Histoire et sujets congénères.
pR^aiDlirr : - S. M. IjbMOIN'K, Membro du la Sooiétû Américaine Ac Friinco.
VlcB-l'«fe»iDB.NT : - »\\ri'HKH 1>K SAIXT-MArRlCK. Membre de la Société (lo«
(li'ii8 di- I^'ttres ilf France.
«ECKtTAiBB : > UKNJAMtN SCLTK.
MEMBRES KONI^ATEURS :
liÈni!) fI,'ABBfe) D. 1"»., Univertité lAvul, Québec.
Boi» [i/ABBf:] MnHkinoMUé, (JiiéWo.
BoL'KA8*A Napoléon], Montréal.
Casouain |L'>abbé], Docteur és-liettreS, Officier do l'tniitruction Publique de France
Québec.
CuAUVKAf [L'Hos P. .1. O,], IiU I)., Docteur ùa-Lettres, Officier de l'Instruction
Publii|ue de l^runce, Montréal.
DeCasks [Pai;i.1, (Québec.
l)fNN, [Oscar], (Québec
Vabrk [l'Hon. Hkotoh], Sénateur, Québec.
Vauc.iikr i)h Saint-Mauricb, m. p., Membre de la Société des Gens de Iicttret ôh
France, Quéliec,
FRfecilKrrB fIy)L'i» H.] LL.D., Lauréat do rAcadéinic Fran<,'aiae, Montréal.
IjE Oenurb [Nai-olAonI, Ouébec.
Le Maî (PAMPin'r.K), HiliMotbécaire de la léKialature provinciale, Québec.
Le Moink [,1. M.| Président ■•■ la Société Littéraire et ai«tori<|ue, Québec.
MaroiiaN'u, (i/Hon. F. (J.) Saint-Jean, (Québec.
MAHMKVrK, (.losKl'll], Québec.
RoLTMiER, (1,'Ho.s. .Ii'dE), Docteur és-Lettre», Québec.
Sl-lte [REN.tAMi.\], Ottawa.
Tanciuav [i,'AHnft], Ottawa.
TA.S8fe [.losEPHl M. P-, Ottawra.
Vehrgau [i.'abbë], Docteur és-Lettre», Officier d'Académie de France, Principal de
l'Ecole Xunnale Jikvtiueg'Oartler, Montréal.
NOS QUATRE HISTORIENS MODERNES. BIBAUD, GARNEAD;
FERLAND, FAILLON.
Ettulc lue devant la Socictc Royale, le 2^ tuai i882>
Mkssikukh. — L'objet de cette solennelle réunion est
bien propre, ce semble, à causer aux Canadiens-Françai»
de douces surprises,^ d agréables émotions.
Le Marquis d • Lorne, le représentant de notre Souve-
raine, désireux de lafsser sur les rives du Saint-Laurent
un utile souvenir, aussi bien qu'un durable monument de
son administration, a fait choix d'un certain nombre d'^
ceux qui s'occupent de science et de littérature, pour fon-
der, sous ses auspices, une association littéraire, destinée
osons le croire, à porter les plus heureux, fruits. II ne s'agit
plis d'un projet de société. La Société Royale du Canada
pour le progrès des sciences et des lettres, n'est plus à
l'état de" projet, ell- est passée dans le domaine des faits.
Messieurs, que les temps sont changés ! Nous sommes
loin, bfen loin de l'ère néfaste où le peuple Canadien, par
la voix des députés, était, chaque année, appelé à faire la
lutte, lutt'i inégale, quelquefois acharnée, pour réclamer
ce que la foi des traités lui avait garanti, les institutions,
les ois, a langue de ses pères.
Aujourd'hui, le Vie-Roi de la vieille Angleterre, plein
de bon vouloir pour ceux qui parlent la langue française,
se complaît à leur faire un- large part dans l'exécution de
son généreux projet, en assignant une section entière de
la Société Royale du Canada aux hommes de sciences ou
de lettres lis plus zélés qu'il a pu trouver dans cette
nationalité, afin de perpétuer par les travaux de l'esprit,
les traditiojis, les souvenirs, i'hi.-,toi c d'un peuple jeune,
cruellement délaissé.longtemps méconnu, assur.^ment digne
d'un m.'illeur sort —le peuple Canadien. Oui, messieurs,
MONOGRAPHIES
63
l'initiative dans cette idée de progrès, à cette nouvelle
piiase de nos destinées nous la devons à Lord Lone, le
patron, le pcre de la Société Royalf^ du Canada. Si le
temps le permettait, il serait intéressant de résumer comme
étude et enseignement, la carrière officielle de nos Vice*
Roi-i, depuis l'immortel Champlain, "marin, explorateur,
guerrier, administrateur, géogra^^he et savant," jusqu'à
rho.nine d'Etat aux larges vues qui nousarrivaient.en 1878,
avec l'aimable princesse, son épouse, (1) placée si près du
trône de la Grande- Iketagne. En présence de gens si bien
renseignés, la tâche serait superflue. Toutefois, parmi les
hommes distingués qui, sous le régime français, ont pré*
sidé aux destinées de la colonie, je ne saurais passer sous
silence le savant Comte de la Galissonnière. Le portrait
enchanteur qu ■ nous en a tracé le philosophe suédois.
Peter Kalm, son hôte au château Saint- Louis, en 1749,
suffit pour rendre à jamais vivace et respectée la mémoire
de cet ami des lettres.
Ceux d'entre nous qui, comme résultat de la lutte san-
glante mais féconde, provoquée, en 1837, par Louis Joseph
Papineau, attendaient anxieusement le réveil des intelli-
gences chez notre peuple, ont dû voir avec joie les œuvres
des Bibaud, des Garneau, des Ferland, des Faillon paraître
justement à temps pour dissiper les ténèbres et les préjugés
qui obscurcissaient notre passé, pour éclairer les adminis-
trateurs éminents, sympathiques et lettrés, qui à de rares
intervalles nous venaient d'outre-mer, tels que les Comtes
d'Elgin, de Dufferin, le Marquis de Lorne. Oui, messieurs»
ne craignons pas de le dire, de le proclamer hautement,
c'est à la plume de nos hommes de lettres, au crayon de
nos historiens, autant qu'au sang de nos martyrs politiques,
que le Canada français doit le recouvrement, la restaura-
tion des titres de sa nationalité.
Abordons l'un des principaux objets qui doit occuper
l'attention de cette section, l'histoi e du Canada. Ceci me
(Il Siiii AUi-8»(> Riiy.ilc la princonvu Louiio, quatrième fille do Sa Miyeité, la Reiue d*
lu UruuJu Urctiiguf.
1
64
PfOS QUATRE HISTORIENS MODERNES
fournira l'occasion d'esquisser en quelques lignes la carrière,
le génie, les traits distinctifs de ceux de nos écrivains
modernes que l'on peut considérer comme les pères et les
créateurs de nos annales : Bibaud, (l) Garneau, (2) Ferland
(3) Faillon. (4) Je les mentionne d'après Icu/ ordre chro-
nologique. Rien de plus naturel au Canadien-Français
que de tenir aux us et coutumes, aux traditions, à l'idiome
de ses pères. La situation toute exceptionnelle que le sort
des armes, en 1759^ lui a faite en le transformant en sujet
Britannique ; l'attitude plus qu'indifférente, presque hostile
où il se trouve vis-à-vis de cette colossale république
voisine, Anglo-Saxonne de langage, de culte, de mœurs,
de traditions ; le douloureux souvenir de l'accueil que les
races latines ont même de nos jours rencontré en Amérique,
témoins :Ie sort tragique de Maximilien, et ce terrible cri
de ralliement de nos voisins, le Manifest Destiny, (5) qui
n'attend qu'une drconstance favorable pour retentir de
nouveau, tout semble de nature à tenir les descendants de
la vieille France en éveil; et si leurs pères,retrânchés derrière
les traités de 1759 et 1763, ont trouvé sous l'égide de la
Grande Bretagne, paix et sécurité, les fils, par leur fidélité
au nouveau souverain aussi bien que par leur persis-
tance à lutter pour leurs droits, ont su conquérir et trouver
dans la nouvelle constitution de 1867, de nouvelles
garanties, plus d'espace, plus de liberté.
La voix de Lafayette et de Rochambeau, les arguments
spécieux de Franklin et de l'Evêque de Baltimore,Carroll,
au siècle dernier, ont bien pu préoccuper le Canadien-
Français un instant, mais le séduire — jamais \ Sentinelle
(1) Histoire du Csnacra, M. Ifibaud, 1ère Edition, ISit-tS.
(il) Histoire du Canada, V .-X Uarmau, 1ère Ki<rition 3 VcA., 1IT45.
(3) Ccxin d'Histoire du Canada, J. K A. Fcriand., 2-Vai8., IHffT.
(4) Hiatcire de la Coloaio Ir'huiçaiao eu Canada, Imitriinerie ItNipart, Tfxryl é Ci»,
Paris, iHori.
[r>] \jo Manifesi I>estinj/, sécTtiinantR fiifnire do rliétnrii|ii(r, Uctrne' son* doute pour
ngaillarder liion d>m '* <|UittrR juHlota "futurs, par un dfs l'i'ésidents lc8'p4uR iinrf|uant|i
dns Ktats-Uuis, M. Muiin>o. Cbttu doctrinn prTitend assiuiicr du pur la ffi-cntrapliiu vt la
** manifostn dostiuiVe, cimnne itpauaifo tliial h I» Or.iiui" R>')pulili(|uo Ati|<lo-S.txonne,
«réie par (Irtorun Washinuton et sou saj^e avi^aur, H'iijaniin Franklin, l'anuiwn Mattre-
(fénéral d'ts Postes du Canada, le continent entier de l'Ain iriquo du Kord. La lUiotrijve'
liunroe" n'est p<M encore un but aocoiupU 1 sachona le bien.
MONOGRAl'lIIKS
65
t9
lu
incorraptible, il est reste tîdole au vieux drapeau de i'An-
II le tint haut alor.-:, comme il le fit, en
il l'eût fait, en iS6o, si sa Souveraine l'eût
glete
18 12, comme
rre en 1775.
appe
lé sous les armes pi
)ur ven</or l'honneur de son
pavillon insulté -.ur le tillac du vapeur Ti\nt, par le Co
m-
tnouore
Will
i\es.
A mes yeux, la présence dans cette société d'i'.ncscctiorJ
entière exclusivement réservée aux lettres française-;.,
signifie beaucoup ; j'y vois encore plus qu'une idée de
me que le culte de la littérature et d
e-i-
progrès, plus mèi
sciences ; c'est pour le Canada-Français comme la réalisa-
tion d'un beau rêve, l'épanouissement, d'une sereine matinée
après (.les nuits et de-, jours orageux ; c'est la justillcation
des luttes de son passe, pour sauvegard-M- ce .;ui Iiîi est u;
puis cher — sa langue, ^o\\ histoire, ses institutions ; 'enfi 11
c'est le couronnement d'une politique impéri.^le, ju-,te.et
généreuse, où pour lui l'égalité sociale marche de pair avec
la conservation de ses traditions nationales, avec le déve-
loppement de sa littérature naiss;inte.
Messieurs, je crois don^: interpréter vo-; sentimeiit> et
les niions en réijétaiit : " Honneur <iu protecteur des
lettres ^jui, plein d'amour, de respect pour l'idior.iv.' de
Milton et de Shakespeare, sa langue niateruclle enfin, i
su faire une si large place ilans cette société à celle i\c
Bossuet et de Racine', oui est 'a notre ! ilonneur au géné-
reux iiomme d'Etat, nouveau La Galist
onniere, (]ui :i .-u
associer à son titre <.!e rei^ré^entant d'un des plus -lorieux
empires modernes, celui de protecteur des Muses, d'an'.-
bassadeur du progrès intellectuel et social ! "
Entrons en matière. Au nond^re des études digiies de
fixer i'attentiori d'honnnes sérieux et patriotiques, plaçons
au premier rang l'histoire de son pa)'s. Je élis" les hommes
sérieux et patriotiques," car pour écrire cette histoire il faut
non-seulement un esprit sérieux, cultivé, il faut en outre
qu'à la science ilu passé, viennent s'ajouter l'amour du
beau aussi bien que l'amour de la patrie. Quel est enha
66
NOS QUATRE HISTOUiEN'S MODERNES
le secret du charme de notre historien national, sinon ce
patriotisme profond, ardeut, dont les accents résonnent à
l'oreille, comme le son de la trompette sur le champ de
bataille ? En parlant de Garncau, un (i) d« nos écrivains
avait en effet raison de dire : " On sent partout que le
frisson du patriotfsme a passe sur ces pages : " lùicou-
rageons donc surtout les études qui tendent à vulgariser,
à rectifier dans ses plus petits détails l'histoire du sol (jui
nous a vu naître. " Les annales de notre Canada, il est
vrai, n'ont pas ce cachet d'antiquité, empreint sur les
pays de l'ancien continent," a dit M. l'Abbé Ferland. * * *
^' Tandis que les temps historiques de l'ICuropc ont une
étendue ou, pour mieux dire, une profondeur qui fera
toujours le désespoir des arciiéologues, au Canada, il suffit
de remonter à deux siècles et demi pour assister avec
Champlain à la fondation du fort et de " l'Abitation de
Kebeck. " \]\\ siècle en arrière et l'on arrive aux pro-
fondes ténèbres dans le sein desquelles ont pris naissance
les traditions huronncs et algonquines. En revanciic,
rhi.stoirc du Canada jouit d'un avantage inconnu aux
liistoires européennes, qui, en remontant le cours du temps,
vont se perdre dans les ténèbres de la fable. Au Canada
l'histoire a assisté à la naissance du peuple dont elle décrit
l'enfance et qu'elle voit arriver à l'âge viril. Elle l'a connu
dans toute sa faiblesse ; elle a reçu ses plaintes lorsqu'il
était tout petit et souffreteux ; elle a entendu ses premiers
chants de joie ; elle est préparée à le suivre et à l'encou-
rager dans les luttes que recèle encore l'avenir." Vous
vous rappelez tous ces mémorables paroles.
Je ne saurais vous offrir, en ce moment, rien de plus
acceptable, j'ose croire, qu'un rapide coup d'oeil sur la vie
et les œuvres de nos quatre historiens modernes : Bidaud,
Garneau, Ferland, Paillon.
[1] L'iibbi H. R. Cnsgiain.
Bibaud
lU-
lUS
Michel liibaud naquit à la Cote-dcs-Xcigcs, près de
Montréal, le 20 janvier 17S2. Issu d'une ancienne famille
française qui s'ëtaif fixée au Canada, il fit un cours d'études
au collège de St. Raphaël, et plus tard il- étudia sous le
vénérable Messirc Roque. Le Spcciiniciir Canadien, dont il
épousa de bonne heure les doctrines libérales, contient un
grand nombre de ses premiers écrits.
En 181 5, il fonda à Montréal Wuivorc des Canada qu'il
continua de rédiger jusqu'en 1S19. Dins ces deux feuilles,
il formula un protêt énergique contre le projet d'union du
Haut et du Bas Canada qu'on agitait alors. On trouve
encore, dans les collections de nos bibliophiles, les séries
mensuelles d'une publication fort populaire, fondée par lui
en 1825 — la Bibliothlqnc Canadienne — répertoire anecdo-
tique, historique et i)oétique. \\v\ 1S30, cette utile Rerne
dut s'effacer devant le premier volume de poésies cana-
diennes, Epitres, Satires, Cnansons, par M. Bibaud. Kri
1832 parut son Magazin du Bas Canada, interrompu après
deux ans d'existence. Le Magasin du />as Canada eut
pour successeur \' Observateur Canadien, ICn 1842, après
une précaire existence d'une année, expirait un autre
enfant de sa féconde plume, Xlineyelopédie Canadienne, lin
1843 parut " revue, corrigée, augmentée. " la seconde
édition de son Histoire du Canada, sons la domination
française, dont une première édition avait vu le jour à
Montréal en 1837 — au fort de la tourmente révolution-
naire.
En 1844, il fit suivre ce volume d'un autre, intitulé :
Histoire du Canada et des Canadiens sons la domination
anglaise. Pendant tout le cours de sa longue et laborieuse
carrière, M. Michel Bibaud trouvait des loisirs pour ali-
menter de ses écrits la presse quotidienne. Enfin la mort
68
lilIJAUl)
venait : urpreiulro ce vétéran cie notre littérature, à l'âge
de 75 ins, le 3 août 1S57, à Montréal, dans les bureaux
de l'exploration géolo;_,Mque du Canada, où il était employé
comme tr.iducteur français.
Je laisserai de côté les premiers essais en prose et en
vers de M. i»ibaud, pour aborder de suite celui de ses
ouvr.i;Tt!S qui nous intéresse le plus, son IJistoin du Canada,
l'œuvie qui, au rapport tle M. Lareau, rendit remarquable
dans l'histoire des lettres canadienrics, l'année 1844.
Hibaud a tenté, par ce durable monument de son érudi-
tion, iL rencontrer un besoin urgent, de combler une
grande lacune. On avait bien l'estimable et volumineuse
histoire du père Charlcvoix, mais elle n'embrasse qu'une
partie de nos annales et s'arrête à 17 J5. Un avait aussi
les œuvres de Smith, de Danville, de Raynal, mais ni les
uns, ni les autre-, ne nous ont donné une relation com-
plète, ni exacte.
Hibaud n'a ni les profondes études de l'"erland — ni
l'esprit philosophique de Garneau — ni ce merveilleux don
de pénétration et J'ar.aiyse qui distingue M. Paillon. Son
principal mérite e-.t d'avoir îVa}-é la route poiu- ses labo-
rieux successeurs, de leur avoir aplani la voie, en leur
indiqu iiit les sources où ils pourraient puiser.
Au re.-.te, cjux (|ui lui ont succédé ont eu l'avantage de
consulter des documents mis au jour trop iard pour être
utilisés dans ses travaux. Car, chez i;ou-^, la découverte,
la r.'stauration de nos archives, la manifestation au grand
jour des mati'viaux pour no.re Iiistcjire est de fraîche
date.
Dans un style sobre, peu colore, BibauJ a narré ce qui
s'est passé au Canada depuis le berceau de la colonie,
sans toujours jeter un coup d'ceil au delà de l'océan, ou
même au-delà de la frontière, pour remonter aux causes,
dévoiler les motifs secrets des puissances européennes,
faire ressortir l'influence que la guerre de l'indépendance
des Etats-Unis a eue sur nos der.tinées coloniales.
MoNoGkAiiin:
69
M. liibaud, ctroitcnicnt associe pr.r ses nombreux écrits
en vers et en prose, ù l'aurore de notre jeune littérature,
laissa à soti p.'»y?, à sa famille, un nom respecté, une envia-
ble réputation.
il
^
Garneau.
D'après !■-_' " Diccioaiuiiru Géncaiogique " de l'Abbé
C. Tanguay, le fondateur de la famille de François Xavier
Garneau faisait partie de la nombreuse émigraiion venue
au Canada, du Poitou, en 1655. L'aïeul de M. Garneau
e'tait un riche cultivateur de Saint-Augustin, près Québec,
et son sympatlîique bioL?raphe, M. l'abb' Henri Raymond
Casgrain, s'appuyant sur l>'s données de M. l'abbé Tanguay,
assigne, comme jour de .,a naissance à Québec, le 15 juin
18J9. Avant d'entrer eu cléricature chez fou M. Archsbald
Camph"", notaire, le studieux jeune homme apprenait les
rudiments de li langue dans une des écoles fondées par un
homme de bien et un ami des lettres, Joseph François
Perrault, dc.it le patriotisire et les éminents services,
viennent Q''.tre signalés d'une tnanière si heureuse par le
Docteur Prospcr 15ender, de Québec, son biographe, [i]
L'amour des voyages dévorait le jeune étudiant et après
une intéres.>,ante excursim dans le Golfe Saint-I<aurcnt,
les Provinces I^.Laritimes et le Haut Canada, en 1S28, le futur
historien s'embarquait pour l'F^urope le 20 juin 183 1. A
Londres, Garneau se plaisait à assiste! aux débats du
Parlement Impérial, oi!i il entendit souvent parler Daniel
O'Connell, Lord John Ru:;sell, Lo'-J Stan'ey, [Sir] Robert
Peel, Richard 1 auior Sheil, Joseph Plume, Arthur H.
Roebuck.
L'Hon. Denis Benj. Viger, député par la Chambre
d'Assemblée du Bas-Canada auprès du gouvernement
impérial, se trouvait alors à Londres. Il alla le visiter et
devint plus tard son secrétaire, puis il séjourna pendant
quelque temps à Paris et il repartait pour le Canada le 10
mai 1833. De retour dans ses foyers, M. Garneau s'associa
comme notaire, pendant un an, avec M. Besserer, alors
(1) '' Ulii aiul New Can.ida,'" Uawson Bros,. ^loutreal.
MONOGRAPHIE
71
membre do la. v'hambre d'Assemblée ; puis, il entra
comme comptable dans une banque ; il n'y fit que passer.
Ses brillants essais poétiques : Les Oiseaux Blancs, L'Hiver,
et Le Dernier Hnron, datent dç cette féconde période de
ï'^S-'S?' I^' ^- Garneau, comme poète, n'a été apprécié
qu'à demi : il est consolant de savoir que la plume élégante
de M. Jhauveau va tenter de mettre à sa place sur le
Par:iasse du Canada l'illustre écrivain. En 1840, M.
Garneau jetait les bases de son Histoire du Canada. L-i
premier volume était livré à ses avides lecteurs en 1845, le
second en 1846, le troisième en 1S48. Le récit s'arrêtait
à l'établissement de la constitution, en 1791. M. Garr.eau
publiait en 1S52 une scconnc: édition de son histoire. Son
travail s'arrêtait à l'acte d'Utiion des deux Canada C 1840).
Une troisième édition de X Histoire du Canada vit le jour
en 1859. M. Andrew Bell, de Montréal, en 1860, en
donna une traduction any;laise fort peu satisfaisant*^'. ICn
1855, M. Garneau faisait insère* dans les colonnes du
Journal de Québec le Voyage en Angleterre et en France. Ce
fut en 1843 que se tirent sentir les premières atteintesde la
cruelle maladie — l'épilepsie- qui vingt-trois ans plus tard
le conduisit au tombeau. Pendant quelque temps on le
rencontra tlans les bureaux de la Chan;bre d'Assemblée
comme ^ous-traducteur. Vax 1844, il fut nommé greifier
de la Cité uv. Québec ; en 1846, il faillit succomber à une
attaque de lièvre typhoïde.. Il continua néanmoins, avec
une exactitude exemplaire, à remplir les fonctions de
greffier de la cité jusqu'en mai 1864. L'ne recrudescence
de son vieux mal h; força à résigner son emploi ; et le
Conseil de \''ille lui vota, on reconnaissance des services
qu'il avait rendus à la cité,une pens.on de retiaite de£joo
<ir année. Il décédait à Québec le 3 février 18G6. V.w
1867, un mausolée, fruit d'une contribution nationale,
recevait les restes mortels de l'illustre historien. Que vou^
dirais-je, messieurs, que vous ne sacniez déjcà, sur la vie et
le-j teuvres de ce grand citoyen, de ce vrai patriote ." Dos
;2
C'.ARNEAL'
relitions per,-:onncUes, intimes même, avec notre cminent
coîiipatriote, pendant les dernières années de sa vie, sa
préicnce suu5 mon toit à une réunion d'iiomm^s de lettres
que certaines circonstances m'empêcheront toujours
d'oublier, [ij la part (^ue jV îi\s appelé à prendre co.nme
président du conutc' de la souscription nationale à son
mausolée en 1S67, par la démission du président, Sir
Xarci-^c ]•', Helleau, nommé en juillet de cette année aux
fonctions de Lieutenant-Gouverneur de la Province de
Çjuébec, le succès de mes démarches auprès du vieil ami
de M. Garneau, l'Hon. 1'. J. O. Chauveau. alors Premier
Ministre de notre Province, que je conviai à venir faire
Pelote du icc;retté défunt à l'occasion de l'inauL^uration de
ce monument au cimetière Pelmont, — ce qui nous a valu le
mac^nifique discours que vous connaissez tous. — ce sont là
ai'cant de doux: souvenirs, que je pourrais ajouter aux
esquisses du t^rand historien tracées avec tant de s\-mpa-
thie. de justice, d'éléi^ance par MM. Cas;;rain. Chauveau,
Larcau, Darveau et autres. Je vous ai dit qu'il existe
trois éditions de VHistoiir dit Canada, par Garneau. Il
doit m'être permis de dire, j'o-e croire, que l'amour filial
de M. Alfred Garneau nous promet sous peu une
quatrième édition, laquelle sera enrichie d'une biographie
de l'iiistorien écrite, par l'Hon. M. Chauveau. Elle résu-
ili VuKi (■.' (111 ' \\w fiinriiit iiinii ionnnl. .1 iiropii'' il'niii' pi'tili' r.-i!ni'>ii 'l"Moi;iin''.s ilr
Irttrfs, ilaiis m.i m:piiili' s.'lTi' a Sillcrv, p.ir ui!" tir.li' JiiunhM' d'ii.'lc.'ir.' l>i.4. ],.■ tiMiili"
Il liurlu- ilni iiaiiiii \v% irais ciiii\ivi"i iTaloT? : — l'ii «r.nul ivriLiiunt pivdciupait
TAhi >rii|ii ■ lli'it.iiuii'Hii' touti- iiitir-n'. Sons I.i prosidriic-î du ivirn tti' Sir Kti.-iiiu'
T:i^-iu', rti.''rf( ait daii- roiif.'iiiti' du l'arli'm"iit u t^iii'lx'O, un «luliidiiu iniiMwaiit. ofi
fi:r'irai'-ut !• -^ di iiuui'S (!.■ touti'suos pnivim'i's. Il s'agissait, p lur filiapii' r à d.' uravos
«•"!uidii'atiiuis. di' pivsi'Uter à nntn' uii'ticipiili' W" c idri' d'un U'Uivcau parti-iDUstitutumui'l
ji.'.r iiotn- ( aiiaila. I,,'-- ^iirrrs|ioii(t luts di's iivauils jdurnaux di' i'Antrl"ti'rri' ■.■! di's
K':it*-rMis s'rtaicut douiii' riMid('/-v(Uis à (^urhoi: piuir V''Usi'i:.'ii,'r li' puldic *\w w i|iii »"}•
|ia-9iTait. l'ariiii 1 .s " lious " du .jiiurnalisnu' installis ilaus la vii'ill>' t'apitalr. If plus
c .iiiiu itaiî sansooutii'dit K' spii'itui'l li.'Oijji' Auu'ustus Sala, cnrrcspnudant du 7'. /r;;rii;i/(.
Cruiid.joMi'ii il cl' Il ïndi'i'S. A la sollii itatioii di' i|ui l'iucs lanuliiTs. il fut déciil ■ diiivitci,
â iiiif pi'tilr l'i ti' l'ji uupi'tre, los liounui's li's mii'ux piisis dans 11 itrc nii>ndi' liit.Tairi',
jii>-ir l-ur faiiv t'aii'' li. cnuiiais-ani'i' d.- M. Sala, rt. au licsdiii, )iii;ii- le n'iis.-iu'Mrr sur 01'
i|'r fuucliait au Canada. 1.,'s iuvitùs, sans itii' iiouilnrux, irprési iitaiiiit (!■ s tali'iits ot
<!■•> spi-rialitcs d ■ plusiiMiis ij.'ui'.'s : d'aiioid, un" d 'S plus t'iirtcs i)luui 's ilu joiirnalisnii^
en Iwil, l'Hon. Ji)s..|ih CaucliDU ; un tin causeur l't un savant, i •■ pumri' l'i'ut'i'sseni
Muli-rt l,:i!{ne. cK-i'éd.' si préniatui'i''Ui''nt imni' l.i si'icni'i' ; un puliiicist.' ilistin^'iu'-. .Icau
i'uarl.» Taolié ; nos d-ux liistorii'us. (raincan l't Korland. li'àmL' dr la l'cti' ilait 1.-
fpiritui'l, !•■ c.ii.stiipiM (u'orufi' Sala. H oausait ou framais avoo un" siniiulii'ii' f'aciliti-.
I.'al'ti,' KitI nid s 'nildait avoir ii'couvii' sa vii'ill" verve yfauliuse ; r,aKui' d.r.ieliait ses
tr.iits anl -m» a limite et à jj:aui'lii ; Taelié se crnjait en iijnsi'ii'uco tenu île le tiiutredirc
••Il tout i-t partout ; le «rave (i.irne.iu écoutait en souri, lut les fines r.'iiartn s de Sal'i.
<V:t.- réunion d'esprits d'élite, doue" et triste il la fois par l'-^ tro.iées i|U.' lu mort y il
fait«"«. restera lon^leuips gravée ,lans ni 1 niénioire.
MOXOGKAI'IIIL
73
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mera, n'en doutons pas, fout ce qui a été dit jusqu'ici sur
le compte de l'éminen' annaliste de notre passé, (i). Si
vous me demandez laquelle des trois éditions je préfère-
je vous répondrai avec M. Lareau : " L'édition de 1845,
la première, celle qui renferme 'e premier jet, le fruit de la
pensée intime de l'écrivain, l'opinion raisonnée du philo-
sophe et du penseur. " Ce qui frappe en feuilletant les
pages de M. Garncau, c'est l'élévation des idées, l'indépen-
dance de ses appréciations, le courage de ses convictions,
la sûreté de ses jugements, le tout couronné d'un indicible
élan de patriotique enthous iasnie. On pourrait dire qu'au-
cun genre de gloire ne lui a manqué ; si l'avenir lui réser-
vait une couronne d'immortelles, quelques uns de ses con-
temporains, au moyen d'acer'oes critiques, surent lui pré-
parer une couronne d'épines qu'il trouva parfois pesante à
porter
" Pour apprécier avec justice et impartialité l'œuvre de
M. Garneau, " a dit M. l'abbé Henri Raymond Casgrain,
" il faut se reporter à l'époque où il a commencé à écrire.
Jl traçait les premières pages de scn histoire au lendemain
des luttes sanglantes de 1S37, au moment où l'oligarchie
triomphante venait de consommer la grande iniquité de
l'union des deux Canada, lorsque par cet acte elle croyait
avoir mis le pied sur la gorge de la nationalité canadienne.
La terre était encore fraîche sur la tombe des victime • de
l'échafaud et leur ombre sanglante se dressait sans cesse
devant la pensée de l'historien, tandisquc du fond de leur
lointain exil les gémissements des canadiens expatriés,
leur prêtant une voix lugubre, venait troubler le silence
de ses veilles. "
Le cadre qu2 je me suis tracé me défend de discourir au
long v'e nos quatre historiens, Bibaud, Garneau, l'erland,
Paillon.
Je ne saurais assez louer le discours préliminaire de
V Histoire du Cmiada de Garneau. C'est une admirable
|1) M. Cliauv'Hii, ilepuis cintc date, S') iii:ii I88i, s'i'st iioîiloinoiit ainiiitti' ili' la
ti'\. lii" i|uo lui iiui"w,iit l'aiiiitii'.
74
GARNtAU
revue des découvertes, des iispir.itions, du progrès de trois
siècles, où raffranchisseinint de la petuée. le réveil des
intelligences, l'émigration européenne en Amérique, sont
notés et traités d ^ main de maître.
Comme l'a dit un jeune et laborieux littérateur mois-
sonné à la fleur de l'âge, Ls. M. Darvcau, \ Histoire du
CanadiX, par Garncau, ' n'es', pas seulement un livre
admirable, mais c'est comme un monument impérissable
où l'auteur avait gravé avec le poinçon de l'historien tous
les hauts faits pour ainsi dire légendaires, toutes les actions
héroïques, tous les événements mémorables, tous les tra-
vaux herculéens, toutes les découvertes presqu'incroyables
dont le Canada a été le théâtre depuis sa découverte jusqu'à
l'époque de l'union des deux .provinces canad cnnes en
1840, Il a f.iit, avec le pinceau brillant et correct d'un
artiste, et en mèm_* tempi avec la verve et l'entrain d'un
poète, le tableau de la découverte du Canada, la descrip-.
tton topographique du pays, des mœurs, des habitudes,
des vices, des qualités, des goûts, des aptitudes, en un mot
du caractère des aborigènes, enfin, .des discussions, des •
débats parlementaires luttes pacifiques bien qu'émou-
vantes et pleines de dangers et d'incertitude pour l'avenir
de notre race. Ces différents sujets sont traités avec une
admirable lucidité de style, des aperçus pleins de finesse et
d'à propos, des déductions savantes, d'une portée remar-
quable. "
J'aime, messieurs, à vous rappeler ce que nos intelli-
gences d'élite ont pensé d 1 granil écrivain.
M. Darveau emprunte à un profes.-.eur distingué, M.
l'abbé Ed. Méthof, quejo désirerais voir dans cette réunion,
l'appréciation qu'il faisait de deux de nos historiens, Fer-
land et Garneau, à l'Université Laval, à l'inauguration de
son cours de littérature de 1861-62. Pour faire le parallèle
des deux historiens, il se servait d'une figure aussi belle
que bien appropriée. Il comparait V Histoire du Canada à
" un colossal et magnifique palais dont l'architecture était
Il
MONOGRAPHIE
75
noble, sévère, correcte, belle et magistrale, frappant
d'étornonient et d'admiration le regard du visiteur, " et le
Cours d'Histoire du Canada à " un parc immense, ou bien
encore à un grand jardin charmant, plein d'ombre, de
fruits et de fleurs, où le promeneur fatigué passe et oublie
les heures en parcourant à pas distraits, et sans but précis,
des sentiers, des avenues resplendissants de verdure, et
cmaillés de fleurs et de feuillage, jusqu'à ce qu'enfin,
gagné par la poésie du lieu et plongé dans une douce
rêverie, il s'égare dans les mille cercles de ce labyrinthe
enchanteur. "
Ce serait téméraire de ma part de prétendre ajouter
aucune nuance, aucun ornement à c^î charmant croquis de
M. l'abbé Méthot.
■X
Ferland
C'est à la métropole cointncrcialc de la Province de
Québec, à Montréal, que revient l'honr.eur d'avoir Jonné
le jour au savant historien l'erland. Jean lîaptiste Antoine
Ferland naquit à Montréal, le jour de Xoél, 1S05. Il des-
cendait d'une ancienne f^iniille du Poitou, dont un des
membres vini s'établir dans i'Ile d'Orléans, vers le milieu
du dix-septième siècle. Son père Antoine Ferland, oriin-
iiaire de Saint Pierre, étant mort jeune, sa mère Elisabeth
Lebrun Duplessis, fille d'un des quatre avocats qui demeu-
rèrent en Canada après la session, alla se fixer en 1S13,
à Kingston, où le jeune F'erland, avec l'usage de ia langue
anglaise, apprit aussi les rudiments de la langue française,
sous l'abbé Gaulin, plus tard évèque de Kingston. Puis on
le trouve au collège de Nicolet. Là, Mgr. l'iessi--, remar-
quant ses aptitudes, le choisit comme son secrétaire. Plus
tard, abandonnant cotte charge pour l'enseignement, le
jeune lévite devient professeur de rhétorique et de philoso-
phie au collège de Nicolet. Il reçut les ordres sacrés en
182S et, sur le champ, fut nommé vicaire à Québec. En
18.S4, lors de l'épidémie du choléra, il devint chapelain
de l'Hôpital de Marine; en 1848,11 était supérieur du
collège de Nicolet.
Depuis 18 50, il était attaché à la cathédrale de Québec,
membre du conseil de l'évêque, chapelain de la garnison,
doyen de la faculté des arts et professeur d'histoi-e du
Canada à l'Université Laval. En 1854, il desservait Saint
Colomb de Sillery, près Québec ; ce qui lui fournit l'occa-
sion de publier dans le Jonnuxl de Québec des notes histo-
riques pour compléter le beau travail sur le commandeur
de Sillery, dû à la plume de l'érudit abbé Louis Bois. Le
'premier écrit de M. Ferland, qui révéla l'étendue de ses
recherches, et la sûreté de son jugement en matière litté-
Moxor.K'\riiii-:
77
bn
lin
dvi
du
int
ca-
to-
eur
Le
ses
Kté-
raire, fut sa verte réplique — brochure de 79 pa^i^es — aux
insinuations malveillantes, aux données inexactes conte-
nues dans r Histoire dn C(Via<ia de l'abbé Brasseur de
Bourbourg, jeune prêtre français qui, en i<S52, visitait le
Canada. Puis parurent ses Notes sur les Ke\''istres de Xotn
Dame de Quebee, utile compilation dont le public denian-
uait, plus t'.rd, une seconde édition. ICn iSfl:, paraissait
dans le /'Vî'i/- Caiiadiei; un travail fort précieux de l'abbé
[•"erland sur h\ Gaspésic, intitulé: Journal d'iDt voyage sur
la côte de iiospc, " " l^oyage au Labrador, " ''Louis Olivier
Gaviae/ic \ " en 1JS63. A\>tiee bioi^raphiqiie sur Mgr. Josepl;
Oetave Plessis, t'v^qiie de Onêkc. C'est plus qu'une sympa-
tiiique biofîrai)liie d'un ji^rard évéque, injustement attacjué
par l'abbé r»ras.-.eur ; c'est un résumé de l'histoire rcli-
i^ieuse et politique de la [jrovince de Québec, de I7',^i à
1825. Son inagtiiuii opxs enfin, le Cours dLiistoire du
Canada 1 534-1 75^;, contenant le résumé de ses mémora-
bles leçons co'.nme professeur d'histoire à l'Université-
Laval, vit le jour en 1861, c'est-à-dire que le premier
volume se publiait .sous sa direction cette année-là, a
l'atelier de M. Cote, La mort terminait à Québec, le 8
janvier i8i')4, les jours bien remplis de ce savant. Ln
autre hounne dévoué ci érudit, i'abbé Chs. Laveniière,
mort aussi à Québec, en i:\~3, se chargeait di: mettre en
ordre les matériaux et les notes l,;is.sés par l'abbé T'erianti,
pour le second volume (ie son (i>uvre, îequi \ p.irnt à Qué-
bec en 1S65.
Chfz l'abbé FerlaU'.i, comme écrivain, il y a deux h^m-
mes tout à fait distincts. ï! y a d'abord rcléj,'ant, le !^;ra-
cieux rhroniqueur, esquissant iivec 'inc verve toute [gau-
loise la carrière accidentée et mystérieuse du légendaire
pirate de l'Ile d'Anticosti, Louis Olivier Gamache. ses
relations quotidiennes avec son familier, le IVince des
Ténèbres, etc. Puis, la scène chancre, c'est un polémiste
vigoureux, frappant d'estoc et de taille, donnant des
eçons d'histoire, quelquefois de bienséance, à un jeime
7»
FERLAND
écrivain français irréfléchi, l'abbé Brasseur de Rourbourg ;
ou bien encore, un antiquaire, nouveau Monteil, exhumant,
sur l'origine de nos familles mille détails curieux et incon-
nus, tirés des archives poudreuses de nos églises parois-
siales
»
Chez M. Ferland, il y a surtout le docte, le grave pro-
fesseur d'histoire — comblant avec un^ rare industrie les
lacunes.corrigeant les erreurs de dates chez ses devanciers ;
méthodique en tout, annaliste infatigable développant,
avec un rare talent, les origines, les épreuves, les succès de
cette mission de la vieille France dans la nouvelle, qu'il
préconise comme providentielle.^ Il en est qui prétendent
trouver dans le Cours iV Histoire du Canada les annales
seules du progrès du catholicisme dans la colonie, mais il
est facile d'y découvrir un programme bien plus vaste.
Dans une lettre que M. Garneau adressait à M. l'abbé
Ferland en 1^61, le remerciant pour le premier volume du
Cours d'Histoire dit Canada qu il avait eu la complaisance
de lui envoyer, nous trouvons des lignes qui font égale-
ment honneur aux deux hommes : " M. Garneau est
passé chez M. Ferland pour lui exprimer personnellement
toute sa reconnaissance et parler avec lui de leur chère
patrie, mais il n'a pas été assez heureux pour le rencontrer.
M. Garneau aurait voulu causer avec une des lumières du
Canada sur la foi qu'on doit avoir en notre nationalité et
sur les moyens à suivre pour en assurer la consommation.
Celui qui a su développer avec tant d'exactitude nos
origines historiques doit être pénétré plus qu'un autre des
sentiments de la foi. "
L'on trouve chez le vénérable historien trois éminentes
qualités : érudition, pureté de style, charme indicible de
diction. Ajoutons à cela, dans le commerce de la vie, une
aimable franchise, une constante loyauté dans ses procédés,
de la noblesse dans les sentiments, Une prodigieuse mé-
MONOGRAPHIE
79
moire de faits, de dates, toujours à la disposition de ceux
qui le consultaient, et l'on aura une idée du mérite de ce
savant si justement re^:;rctté.
Faillcn.
IlticiuK" Miclicl l'aillon ncuiuit à Tarascun, clcpartc-
iiicnt lies 15ouclicH ilu Rhône, le icr mai 1799.
Vers 1.S12 il alla coinnicncer ses études cla>isiquc.'s au
co'lcL^c d'Avii^nou. L'attm).s[)hcrc rclij^icusc ilc cet atiti-
c|ue séjour des l'apcs, au inoyen-age, depuis le XI le au
XlVe siècle, semble avoir exercé une durable inlluencc
sur le jeune l'aillon.
\'f;rs l'année iSi.S, il vint à l'aris faire son covu's de
thcolotiie, et entra à St. Sulpicc vers 1820.
i'n 1S29 on le retrouve directeur du Séminaire tle l'aris.
l'ne lie ses premières entreprises littéraires fut d'es-
(.lui.^r.er la c.urière de IM. Olier, fondateur de St. Sulpice,
lequel, <'omme l'on sait, avait pris une lart^e part à la colo-
nisation tle la Nouvellc-l'Var.ce — surtout, à l'établissement
de V'i!K>Maric.
iva 1854, M. l^'aillon publiait la "Vie de la Vénérable
Marguerite Bourgeois, " fomlatrice de la Congrégration de
Notre Dame, qui vint au Canada avec INI. de Maisonneuve,
le fondateur de IMontréal, Vers le même temps paraissait
en deux volumes 8vo., une biographie de Mademoiselle
Mance — fondatrice de l'IIôtel-Dieu — et une biographie
de iMadame d'\'ouvil!e, fondatrice des Sœurs Grises
(Sœurs de Charité) en Oanaila.
C'est par ces importants travaux, (|ui embrassent une
notable partie de notre histoire, (ju'il préludait à son œuvre
principale, ï llistoipr de la Coloiiit friviçaisi eu Canada.
Ce Colossal travail, imprimé avec luxe à l'aris, devait
comprendre dix volumes, in-quarto, dont trois seulement
ont paru — deux en 1865 — le 3e, en 1S67
Il ne va pas au-delà de i()75, mais l'infatigable annaliste
a laissé les matériaux, pour mener le récit jusqu'à l'année
1759.
l'Ai M. ON
8i
Dans le but de se rcn.-,eigncr sur les lieux, Tabbc l'aillon
entreprit trois voyages au Canada.
11 arrivait à Montréal en 1S49. ropnrtait en 1.S50. reve-
nait en 1S54. Il y séjourna trois années, de 1S58 à i.sr,,
obère de travail, livré à d'incessantes recherches, employant
comme copistes six assistants, trois secrétaires. Aux joins
SI sombres pour la l-rance de l'annér ,871, M. lail]...,
expirait à Paris, le 25 octobre, àj,ré de 72 ans.
Saluons ce zélé chercheur-ce travailleur infatigable qui
a pass.^ au Canada sept an nées de sa laborieuse existence
poiu- compléter nos annales, et ,iui. par ses travaux, ses
recherches colossales, a mérité le nom de liénédictin de la
Aouvcile I<" tance.
\)v son récit qui devait s'étendre depuis la première
r.av.-aiion de Jacques-Cartier, jusqu'à la hn de l'occupa-
tion du .^ouvernement fran^-^is en i;6o. il n'y a eu nue
trois volumes de terminés; ils nous conduisent jus.ma
1 année 1675. ■' '
Pour remplir le cadre que messire Faillon s'était tracé
.1 reste encore à publier sept volumes ; et, si nous sommes
bien rensei-nes. nous avons lieu de croire que cette tâche,
herculéenne sera menée à bonne fin.
Si l'on veut juger de l'étendue de ses recherches, on .n
trouvera la preuve dans les citations qu'il donne si abon-
damincnt à la marge des pages. Les ouvrages cjui concer-
nent LVmerique sont comme Von sait fort nombreux
Charlevo.x en cite à lui seul plus de quatre-vingts ; on •■•,
retrouve la plupart, dans les citations de M. Faijlon • ii
tjiut de plus y ajouter d'autres sources considérables
d inlormations, où il est allé puiser-.
" Il a, " dit son biographe. M. Desma/.ures. " parcour ,
les actes de l'ICtat Civil des principales paroisses dn
Canada; il a lu les documents déposés dans les communau-
ics religieuses du pays et ensuite les documents des mai-
sons-mères de ces communautés, en hVance ; il a compulsé
les archives de la marine, celles du ministère des affaires
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82
MONOGRArHIK
étrangères, celles du ministère de la guerre, du dépôt des
fortifications, les archives de] l'Etat, les manuscrits des'
grandes bibliothèques de Paris, du séminaire de St-Sulpice,
c^e la préfecture de Versailles, de l'archevêché et de la pré-
fecture de Rouen, du Musée lîritannique, " ajoutons, de la
Propagande, à Rome.
" IJans son introduction où il pan'e des premiers voya-
ges du commencement du seizième siècle accomplis par
Jacques-Cartier, il ne se contente pas de faire mention des
opinions des principaux auteurs sur la date des pre-
mières explorations du continent transatlantique, mais il
les cite, tels que Davity, qui écrivait en 1660, Brutel delà
Rivière en 1727, l'Art de vérifier les dates, et Ramusio :
en indiquant avec soin l'édition, l'endroit, la page, de
manière à faciliter toute recherche à ceux qui voudraient
vérifier les textes, les constater et en apprécier la valeur.
Ensuite il prend le récit de Jacques-Cartier et l'analyse,
puis ie commente avec les réflexions les plus judicieuses ;
enfin il prend soin de l'appuyer des pièces justificatives
qu'il a su trouver en grand nombre ; il cite les lettres
patentes de François 1er, accordées à Jacques-Cartier en
1540, sur la recommandation instante de Philippe de
Chabot, grand amiral de P'rance ; il cite encore les passa-
ges des relations de Champlain, de Lescarbot, du pilote
Alphonse de la Saintongc, qui confirment les assertions de
leur illustre devancier. "
Voilà sous quels traits M, l'abbé Desmazures nous
révèle l'historien Paillon, et bien que chez ce dernier je
cherche en vain cet élan de patriotique enthousiasme de
l'historien enfant dn sol, François-Xavier Garneau, je
vous avouerai que pour sa profonde science, grande est
mon admiration. Je regrette, toutefois, oserai-je vous le
dire, de rencontrer dans l'habile annaliste, non l'historien
impai'tial de l'origine et des progrès de tout un peuple,
mais plutôt l'historien de la grande cité de Ville-Marie,
Je panégyriste perpétuel de l'ordre de St-Sulpice — dont M.
FAILLOX
83
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Paillon a décrit si bien le fondateur, M. Olier — et souvent,
le dépréciateur de Québec et de son éminent prélat,
Monseigneur de Laval.
Voilà, messieurs, une courte esquisse de la vie et des
travaux de ces hommes estimables, à des titres divers-,
mais qui en possèdent tous un que nous ne pouvons
méconnaître, je veux dire, un titre bien établi à notre
reconnaissance
Puisse leur exemple trouver de nombreux imitateurs !
Le champ de notre liistoireest assez vaste, assez riche pour
que l'on puisse trouver h y cflancr, même après des mois-
sonneurs aussi laborieux, aussi infatisrables !
Le Ccmmandeur Yiger, Antiquaire.
Je lie ."-aurais mieux esquisser M. Viger que ne l'a fait M
Larea".
Jacques Vigcr naquit à Montréal en 1787, ety mourut en
185S. 11 fit .^ts études à l'ancien collège de Montréal qui
portait alors le nom de collège !£t. Raphaël. Servit dans
la campagne de 1812 comme officier sous le commandant
de Salaberry. Passa la plus grande partie de sa vie à
collectionner les documents historiques se rattachant à
l'histoire du pay.":^. Tout le monde connaît la fameuse
" Sabredache," chronique variée et intéressante qui parut
en partie dans la BibliotJùqnc Canadienne et \ Encyclopcdic
Canadienne de ]\Iichel Bibaud.
Le Commandeur Viger n'a presque rien écrit et c</en-
dant.comme antiquaire, il jouit d'une réputation sans exem-
ple. Cette réputation que la tradition nous a apportée,
est passée à l'état légendaire. Elle fait de lui un des plu.-;
curieux types de notre histoire littéraire. " Habile critique
antiquaire, numismatiste et héraldis'e, lieutenant-colonel
de milice, premier maire de Montréal (i\ ancien ins-
pecteur des ponts et chaussées, Commandeur de l'Ordre
romain de St. Grégoire-le-Grand, membre lionoraire de
l'Institut rol)'teclinique, classe des lettres et ci-devant
Président de la société nationale de St. Jean-lîaptiste,
— patron distingué des Beaux- Arts, il formait le p'us bel
album existant en Canada pour lequel il retrouvait, et fai-
sait peindre en miniature ou graver les portraits de nos célé-
brités."
(1) Vif-'cr fut l'iu iiiniro de IMoutiviil iii IMIJ. tt fut rociUiimiiinU' ]iav Loiil liosfonl
IKiur un i-iviii' au Conseil Kxi'-cutif. " M. Jiiniui s Viucr, dit JI. df l'uiliusiiuc, est lo
Bi-nOdictin du C'jiuiidu, uu unuvLau Siuiuuuso, \\\\ luvsidi'Ut irûnault, il n'a pas fait ini-
Iirimtr nu livre d'arilu'ulonie o\i de triti<|ue lii^itotiqui' et il est ci.iiuu au drl:\ do la
fnmtii're ; dcH savants d'Aiuérii|ue et d'Jùiroiiu le tonsultcnt sur les f.iits les ]ilus
aïK'ieiis on les iilus oliseursde notre histoire connue nu eoufiultait autrefois les oracles do
Trévoux et de St. Manr, connue on consulte aujourd'hui VArl de vérifieriez dcitcK. Il
semble être i\ lui seul une académie des Inscriptions et IJelUs-Lettres. ùuc sociCtù royale,
au iihitôt nationale, très nationale, des antiquaires
G. B. Faribault, Antic^uaire.
En pénétrai'i': dans la bibliothèque dj la Sx-ictc Lifte-'-
mire et Historique de Qiie'bee, un des premiers objets qui
frappe la vue est un tableau à l'huile, un buste peint aux
-frais de la Société elle-même, par l'artiste canadien Tliéo-
phile Hamel.
Le concierge ne manquera pas de vous informer, si vous
êtes étranger, que c'est le portrait d'un des présidents les
plus distingués, les plus dévoués de l'association, — celui
de M. Faribault — l'érudit antiquaire, le vieil ami de Jared
Sparks, de Bancroft, de Jacques Viger, des historiens Gar-
neau, Christie, Ferland, de DeGaspé, Thompson, Laver-
dière et Casgrain.
Laissons à ce dernier,son sympathique biographe, le soin
de nous le faire connaître :
" Geurges-Bartitklemi Farihault est né à Québec, !e 3
■décembre 17S9. Comme la plupart des jeunes gens de son temps,
il ne fit pas de cours d'études régulier. Il fréquenta, pendant
quelques années, l'école d'un professeur écossais de Qué'oec,
M. Jolin Fraser, ancien vétéran de l'armée du général Wolfe.
Après avoir suivi les leçons du vieux professeur, M. Faribault
compléta ses études par lui-même, à force d'énergie et de persé-
vérance.
Il se livra ensuite à l'étude du droit chez l'honorable
J. A. Panet, et fut admis au barreau de Québec en iSii. Pen-
dant la guerre de tS[2, il servit dans les rangs des milices cana-
diennes.
Quoiqu'il se soit peu livré d la pratique de sa profession,
néanmoins il en avait acquis une connaissance approfondie
ainsi que l'attestent plusieurs causes difficiles qui lui ont été
référées comme praticien, par les tribunaux, et qu'il sut démêler
, avec une rare habileté.
Dès cette époque, il manifesta un gofit prononcé pour les
■études historiques qui devaient remplir une si large part dans
son existence.
En 1S22, il entra au service de la Chambre d'Assemblée du
Ras-Canada, et passa successivement par les grades d'écrivain,
■de greffier de comité et de traducteur français. En 1S32, il fut
86
MOXOGRAriUE
promu au poste d'Assistant Gretiier, en remplacement de M. Bou-
tillier A l'époque de l'L'nion des deux Canadas (1S40), il devint
Assistant Grel'tier. de l'Assemblée Législative, poste qu'il occupa
jus(]u'en KS55.
A part les devoirs de sa charge, il consacra, durant cette
longue période, une partie considérable de son temps à la forma-
tion d une collection d'ouvrages et de documents imp'Ttants
relatifs à l'Histoire du Canada. Cette collection s'élevait .. plus
de i6oo volumes, lorsqu'il eut la douleur de la voir complètement
détruite j^ar 1 incendie des édifices du Parlement à Montréal en
1849. Sans perdre courage, l'infatigable archéologue se remit de
nouveau à l'ceuvre et recommença une seconde collection. Ce
fut jKiur conijiléter ce long travail cpie la Chambre d'Assemblée
le députa en Kuro[ieen 1851.
Il [jartit de Ouébcc le 3 octobre, accomiKigné de Madame
Faribault et de sa t'ille. Après un court séjour a Xew-Vork, il
s'embarcpia pour Londres où il séjourna jjeu de jours et arriva
à Paris le 10 novembre. Il y inniva un ami dévoué des Canadiens
dans la personne de M. de Tuibusque qui lui fut d'un secours
immense pour ses recherches II l'aida de ses conseils et l'in-
troduisit lui même auprès des dilïjrenis ministères.
'l'ont semblait présager le plus heureux succès, lorsque les
événements du 2 décembre vinrent entraver toutes ses démar
ches. Les réponses aux demandes qu'il avait faites aux différents
ministres firent surtout retardées [)endant un temps considérable.
.Mais d'autres circonstances bien autrement douloureuses inter-
romi)irent soudainement sa mission en le jilongeant dans la jikis
protbnde afiliction. Madame Faribault, dont la santé avait été
ébranlée par la frayeur (|ue lui avaient causée les graves incidents
du Coup d'Etat, tomba davigereusement malade, et fut enlevée à
la tendresse de son é[)oux dans le cours du mois de ntars 1852.
.anéanti par ce chijc t'uneste, et malade lui même depuis i)lu
sieurs semiines il fut longtemps iiicapable de reprendre ses occu-
pations.
Instruit de son malheur et de la situatioii précaire de sa santé,
le gouvernement canadien envoya de Londres son agent, M.
Wicksteed, pour lui prêter assistance.
Partout, dans les différents ministères, auprès des secrétai.es
des diverses Académies, il reçut le i)lus bienveillant accueil.
'' De généreuses et magnifiques donations dignes de la France.
'• dit-il dans son rapp<ort, me lurent t'alites i)our la bibliothèque,
" quoique plusieurs de ces ouvrages lui avaient été présentés en
" 1S49 ^^ m'est impossibU' en ce moment d'en développer
" toutes les richesses et leur importance, mais la valeur en peut
" être estimée a plus de ^^400 sterling
A son retour en Canada, l'Assemblée législative vota à M.
Faribault une gratification de ^253 en reconnaissance de l'habi
(]. i). KAKir.Ai r/r
^^'
let(j cl de rintclligcncc qu'il .ivait déployées dans l'accomiilissc
ment de sa mis^^ion.
Grâce à ses soins continuels, la nouvelle bibliothèque avait
atteint le chiffre de 3,oco volumes, lorsque dans la nuit tatale du
ler février 1854, rincendie du magnitique iialais du gouvcnne
ment, à Quéliec, en réduisit encore luie partie en cendres Près
de 700 volumes périrent dans, les tlammes, parmi lesque's se
trouvait un nombre considéralilc de publications ilu seizième et
du dix- se])tième siècle, dont plusieurs ne pourraient iieiitètre
plus jamais être rem])lacées.
L'année suivante, il offrit sa démission à la Chambre d'As:em-
blée (jui lui alloua, en témoignage des services éminents iju'il
avait rendus au pays, luie pension de retraite de £400.
C'est à son initiative et à ses généreux sacrifices, aidés de
(juclques dons patriotiques, (jue nous devons le superbe monu-
ment élevé à Montcalm, dans l'église des Ursulines, et qui fut
solennellement inauguré, le 13 septembre 1S59, anniversaire de
la bataille des plaines d'Abraham.
.\. cette oecasion le dernier descendant de l'ini^iortel guerrier,
le comte Victor de .NEontcalm écrivait à \'. Faribauit, tn lui
e.\])rimani toute sa reconnaissance, ces nobles paroles où respire
la grande âme du héros :
" Arriiire-petit-fils et den.ier rejeton de la famille
" du Marqtiis de Montcalm, je ne saurais assez exprimer ma pro
'■ fonde émotion en lisant les généreuses intentions des habitants
" de Québec. Retrouver si vivante et si chère, après im siècle
" entier, la mémoire de nion aïeul, est chose l>ien douce à mon
'• cieur, Mon bonheur serait complet si je pouvais me trouver
" au milieu de vous, le i,:; septembre, et exprnner toute ma recon-
'' naissance a mes compatriotes. N'ais si. hélas ! une iaible santé
'• me retient fixé sur le sol de notre vieille l'rance, crt)yez, liion
" sieur, et soyez assez hon pour le redu'e à tiuis, ([ue le cour
" canadien de mon grand-père battra dans ma poitrine, le jour
'* de ce glorieux anniversaire, avec autant de ù)rce que jadis le
'■' sien en défendant Québec."
Ni. l-'aribault était un des fondateurs de la Société Historique
de (Québec, et l'im ^Je se» iiremiers l)ienfaiteurs. La société a
voulu en perpétuer le souvenir en faisant suspendre, tlans la salle
de ses séances, son jtortrait qui est inie des meilleures peintures
du gendre de M. Faribauit, notre excellent artiste, \i. Théophile
Hamel.
Dans la vie privée, M. Faribauit était le modèle du gentil-
homme accompli. Au milieu de notre siècle dèmocrati(|ue, oiï
1 on n'aspire plus qu'a effacer toute distinction dans la société, il
est une aristocratie oue l'on ne i)arviendra jamais à détruire :
c'est celle de 1 urbanité, de la politesse des manières, de la dignité
et de la noblesse des sentiments M. l'aribault appartenait à cette
aristocratie qui ne passera pas. Humble et modeste comme le
88
Muxor;R\i'iiii-:
vrai mérite, sa parfaite éducation, l'exquise délicatesse de ses
procédés, le rayon de gaieté douce qui reluisait sur sa physiono-
mie, l'attrait d'une érudition qui n'avait rien que d'agréable, don-
naient il sa conversation un charme et une grâce intarissables.
Sa maison était le rendez-vous de toutes les illustrations
étrangères qui venaient visiter notre ville ; il eût été difficile de
trouver, pour nous représtMiter, un type plus parfait, et un meil-
leur interprète de nos héroïcpies annales.
Ses funér.iilles ont eu lieu au milieu d un grand concours com-
posé de l'élite des citoyens de Québec Les coins du poêle étaient
l)ortés ])ar les Honorables R. Iv Caron, Louis Panet, Messieurs
Cliarlcs Langevin, Jean Langevin. Ph. A. De Gaspé et le com
missaii'e général James 'rhomi)son. Le service a été chanté jiar
iSL l'abbé Laverdière, ei l'absoute faite par M. l'abbé Casgrain.
Les restes de ^L Faribault reposent au cimetière de Notre-
Dame de lîelmont, près des cendres de notre historien Cîarneau
B. Suite. Poète. Antiquaire, Historien.
Le président de la .S'(',7Va'/v(U'(?/(^/// Canada, i ère section,
M. Benjamin Suite n.Tciuit aux Trois-Rivières en 1841.
De bonne lieure il lit preuve de j^oûts et d'aptitudes litté-
raires fort prononcées : ses premières poésies en sont
une preuv' indéniable. Le temjis est maintenant éloi;Tné
où wn spirituel collègue, membre de la Société Royale du
Canada, lui auss', poète à ses heures, l'abbé Dawson,
d'Ottawa, surnommait Suite, à cause de sa jeunesse et de
son nom — "le Benjamin de la famille de nos poètes Cana-
diens."
Maintenant le jeune Trîfluvien d'autrefois s'est épanoui
en un grave historien. AL Suite s'est noblement acquitté des
obligations que lui imposait l'amour du sol natal, en écri-
vant les annales de sa ville chérie : Trois-Rivières. l^Ue
lui doi": aussi la fondation de l'Institut Littéraire, dont il fut
le premier président.
Voici comme M. Lareau, peignait à son début ce jeune
nourrisson des Muses : " Le style de M. Suite se rapproche
plus de la chanson que de l'élégie ou de la tragédie. On
s'aperoit que ses instincts ou ses étude-» l'ont porté plus
vers Béranger, Pierre Dupont et Desaugiers, que vers Hugo,
Lamartine ou Auguste Barbier. Parfois cependant, on
croit saisir comme une strophe de Musset qui rase d'une
aile légère quelques pages amourevises des Laurcnticimcsy
" Suite chante, dit M. Routhier, le Canada et ses beautés,
ses droits et ses devoirs, ses douleurs et ses espérances.
Il évoque le passé et en célèbre toutes les gloires et rap-
pelle le présent et en traduit les leçons ; il s'élance vers
l'avenir et flatte nos rêves d'or. C'est un hymne qui se
répète, et dont les échos vont sur tous les sentiers réveiller
le patriotisme endormi." ( i)
w
90
M()N(J(iK.\l I1I1-;
" Il n'a, ajoute Larc.ui, ni la vit;uoiir lyrique de l'ré-
chctte, ni la douceur it-ietTablc de Lenra)', ni luènic l'onc-
lion patriotique de Créniazie, mais en revanch^', sa poésie
est plus pétillante, sa phrase plus claire et plus égale, son
esprit [)lus franchement gaulois."
M. Suite a commencé à publier des vers en 1S60 sous
des noms de plume. La première pièce signée de son nom
véritable a povu- titre Lis Canotiers du Saint-Laurent, 1S61.
Après avoir publié quelques pièces dans le Journal de
l'Instrnetion Publique, il devint également collaborateur
de la Revue Canadienne qui se fondait en 1864, et depuis
vingt ans il a été le plus constant écrivain de cette der-
nière publication, en prose et en vers. C'c.^t là qu'il mit au
jour (1868J ses premiers articles sur la question du déboi-
sement de nos forêts, articles qui lui valurent du coup une
renommée de prosateur comme il en avait déjcà acquis une
de poète. Vax 1870 l'éditeur de la Revue Canadienne
imprima un recueil des poésies de M. Suite sous un titre
bien appropii.^ : Les Lanrentienn^s. La même année, le
même eiliteur imprima la première partie de X Histoire des
Trois-Rivieres, travail tout d'érudition.
Depuis lors, AI. Suite a tenté plusieurs genres en litté-
rature : la chronitpic, la nouvelle ou petit roman, ia critique,
la conférence {jariée ou plutôt imiirovisée où il excelle.
lùi 1 871, l'éditeur de Xts. Revue Canadienne i)ublia /-'/:". t/t'-
dition Militaire de Manitoihï, un travail dont es sources
sont de première valeur et qui sera toujours consulté.
l'".n 1873, i)arut Ac Canada en Jîurope, qui, répandu à
profusion à Paris, attira les \-eux ^X^:.:^ français sur notre
pays. On a reproclié à AL Suite d'avoir trop vivement
piqué l'amour-propre àc^ Fra.içais. Il répond : ''il fallait
les faire asseoir sur une pelotte d'épingles ; je l'ai fait.
En 1876, M. Suite, qui sortait de la présidence de l'Ins-
titut Canadien-Français d'Ottawa, inaugurant un édifice qui
coûtait plus de $20,000, publia aux ateliers du journal Zc
Canada une histoire fort curieuse de l'élément français dans
SUI.TE
91
la c,;[)it.'ile fv^léialc. iJans les réunions qui marquèrent
l'ouverture du nouveau temple littéraire ou p:irla pour la
première fois d'une académie ou société royale.
ICn i^7^'-'JJ, AI. Suite publia un volume en livraisons.
intitulé : J/t'/iiu^'-cs iV Histoire et de Littérature.
En 1879 parut /wî Chronique TriJ//i:'ie>///e,un<^ro<, volume
édité par la Keviie Canadienne, dans lequel M. Suite se
donne le malin plaisir de traiter 25 ans de l'Histoire des
Trois-Rivières, pour montrer aux Tritluviens ce qu'ils
perdent à ne pas vouloir payer pour une liistoire complète
de leur vdle.
L'atelier du Canada fOttawa; publia LiS Chants Xou-
veanx ( ibSo), recueil de vers qui fait suite aux Lanrentieiuies.
Réunissant tout un carton de plans et dessins inédits du
i^ème siècle, M. Suite tk graver ces belles pages par
Desbarats, en 1S81, et intitula le tout '\llbnni de Phistoin
(/es Trois-Rivicres.
En même temps, un volume renfermant des poésies de
tous les poètes canadiens-français voyait le jour, sous les
auspices des Soirées Canadiennes. M. Suite \' ajouta une
préface, un volume plutôt, donnant l'histoire de la poésie
frani;aise en Canada.
Lorsque parut, en 1SS2 le premier volume de VJ/istoin
des Canadiens-Français nous aurions cru M. Suite épuisé
de produire. Pas du tout. Les huit volumes étaient com-
plétés en 1884. C'est une revue historicjue de ce qu'ont
été les Canadiens- l'ranrais à toutes les époques de' l'his-
toire du Canada.
Pour s'amuser, ou pour changer de ton, il écrivit (1884)
la vie du célèbre athlète Montferrand.
Cette année 1S85, il vient d'ajouter de sa bonne grâce
un index de 12,000 notes aux c^uatre gros volumes de
documents historiques publiés par le gouvernement de
Québec. Ce travail double l'importance de la collection,
entière.
^
92
MON(i(;i;AIilIi:
Il a sous presse en ce moment \x\\q llistoin de la paroisse
•ic St François du Lac qui abonde en nouveauté^.
Avec tout cela, correspondant îides Revins d'I'Airopeet
des l'^tats-Unis, officier de la Socii'tc Royale du Canada,
donnant des articles aux Soirées Canadiennes, à la Rex'nc
Canadienne, à la Minerve, c'est un travailleur qui ne s'arrête
pas. L'année prochaine comnienceronl à paraître trois
volumes de ces articles disperse.'! dans vinj^t publications
et que nous avons hâte de voir réunis aux h'vrcs du même
auteur. Couraj^e, M. Suite, continuez ! \lw modifiant quel-
ques passaf^es dans vos (eu\res historiques, surtout en
ajoutant au bas des pages, autant cpie faire se peut, les
autorités sur lesquelles vous vous appuyez, vous irez loin.
L'afcfcs Laverdiare.
A la rentrée des classes du l'etit Séminaire de Ouébec,
le 1er septembre 1S39, je me rappelle parmi mes condis-
ciples, un tout jeune paysan tie la côte de lîeaupré, dont
le nom, par son étrangeté, avait frappé " l'espiègle jeu-
nesse" qui l'entourait et qui en çut fait des gorges-chaudes,
sans la crainte salutaire de la férule du régent, le bon l'ère
J-Jaillargé.
Le petit villageois se nommait alors Cauchon tout
court. Comme il était de mode de pourvoir chaque cama-
rade d'un sobriquet, sans en exempter môme le maître de
classe, (lui, on le désignait comme le " l'ère Suisse," à
cause de sa prédilection pour des écureuils approvoisés qu'il
gardait), on octroya de suite et sans réclame au nouvel
arrivé, le surnom peu euphonique de Petit CancJion. Grâce
pour ce souvenir intime d'années envolées !
Charles Honoré Cauchon do Lavcrdière naquit au Châ
teau-Kicher, chef-lieu du comté de ?iIontmorcn:y, le 8 octo-
bre, 1826. Aprèsavoir vu son nom figurer bien des fois aux
examins, sur le Palinarc, il recevait en 1851 l'ordre de la
prêtrise. 11 se nommait alors Laverdière : c'était un loj-al
caractère, sans morgue, sar.s prétention, toujours prêt a
rendre service.
Pendant les vingt deux années t^ui vont suivre, nous ver-
rons le laborieux abbé Laverdière, — agreg.' au Séminaire
comme bibliothécaire, — à toutes les heures d.u jour et sou-
vent de la nuit même, plongé dans un série de travaux
historiques et littéraires qui eussent fait pâlir d'ennui
Scaiiger et Monteith et qui font regretter qu'un trépas
prématuré ait ravi à la science ce rude clierchcur, lorsque
sa tâche ne semblait encore qu'à demie remplie.
M. Laverdière fut secondé dans ses travaux par une
94
MONOGRAPHIE
rare puissance d'analyse jointe à une prodigieuse mémoire
de dates et de faits.
Il me semble encore entendre le cri de surprise, de dou-
leur de tout Québec, lorsque la triste nouvelle se repandit
que notre excellent compagnon de Séminaire, en 1839,
plus tard le collaborateur estimé de MM. Ferland, Cas-
grain, venait de succomber à une attaque d'apoplexie fou-
droyante, le 10 octobre 1873, au moment même où il entrait
chez son librair<" M. P. G. Delisle, pour lui remettre des
(•preuves corrigées la veille
Je ne saurais signaler ici qu^î les principaux travaux du
docte abbé : la réédition des œuvres de Champlain, fon-
dateur de Québec et premier gouverneur de la colonie :
monument de longues et patientes recherches pour collec-
tionner, mettre en ordre, annoter les diverses éditions des
voyages du grand géographe.
" T.'ouvrage contient : Le voyage de Champlain aux
Indes Occidentales, précédé d'une notice biographique
de Champlain; le voyage de 1603; l'édition de 161 3,
c'est-à-dire les voyages à l'Acadie de i6o4 à 1607, et les
voyages au Canada depuis la fondation de Québec 1608, jus-
qu'en 1613, avec fac simili photo-lithographique de
toutes les cartes et vignettes \- compris la rarissime grande
carte de 16 12, et la petite carte de 1613, cii sou vray
vh'ridicN, le quatrième: l'édition de 1632, première et
seconde partie, avec la Grande Carte et sa Table ; le Traité
de la Marine ; le Catéchisme en Huron du Père Brébœuf ;
l'Oraison Dominicale, traduite en Montagnais par le Père
Massé ; une dissertation sur les cartes de Champlain ; un
dictionnaire topographique du Canada ancien ; des pièces
justificatives et une table générale des œuvres de Cham-
plain.
" Le catalogue des ouvrages que l'abbé Laverdière à
publiés ou dont il a surveillé l'impression, est considérable.
Outre les œuvres de Champlain et le journal des Jésuites,
il faut encore porter à son crédit : Les " Relations des
L'AliP-l': LAVLRDIKRE
95
Jésuites," trois volumes compactes, grand in-octavo, de
^plusieurs centaines de pages ; le cours d'Histoire du Ca-
nada," par M. Ferland, seconde partie de 1663 à 1759 ;
l'Histoire du Canada à l'usage des maisons d'éducation ;
plusieurs petits opuscules, entre autres " Notre-Dame de
Recouvrance de Québec," h la mémoire du R. V. Massé,
S. J. ; plusieurs livres de chant, entre autres : "le Chanson-
nier des Collèges," " les Cantiques à l'usage des maisons
d'éducation," trois éditions des Chants Liturgiques," la
dernière édition du Graduel ot du Vespéral," la *' Semaine
Sainte," le "Rituel Romain." "La dernière œuvre qu'il espé-
rait pouvoir livrer bientôt h la publicité, est le " Paroissien
Noté, "' œuvre destinée à populariser au milieu de nous le
chant de nos égliscs(Lareaui; ajoutons y'^ Histoire du Canada
à Vitsagc des Diaisons d'ediieatioii, — destinée à faciliter et à
rendre agréable aux élèves, l'étude de nos annale»,— et la
brochure qu'il prépara, conjointement avec l'abbé Casgrain,
sur la découverte du Tombeau de Champlaîn d'où origina
la mémorable " Querelle des antiquaires."
Hospice A. Yerreau, D. L., Antiquaire
L'abbé Verreau, Principal de l'Ecole Normale Jacques-
Cartier, à Montréal, naquit à l'Islet, P. O., le 6 sept, 182S.
Il entra comme élève au Petit Séminaire de Québec, dans
la sixième classe vers 1S39. Il acheva son cours au collège
de Ste Thérèse, dont il devint plus tard Directeur des
Etudes ; on lui avait conféré la prêtrise en 1847.
I^n 1856, M. Verreau se rendit à Montréal, et au mois
de mars de l'année suivante, à l'ouverture de l'Ecole
Normale, en cette ville, il en fut nommé le Principal, posi-
tion qu'il a toujours continua d'occuper depuis.
Messire Verreau avait dès le début manifesté du goût
pour les études sérieuses. Il donna tous ses loisirs aux
recherches historiques en rapport avec les annales cana-
diennes.
Son volume sur l'Invasion A\\ Canada, en 1775, publié
on 1873, accuse un travail consciencieux, éclairé et soutenu.
Les notes du savant annaliste, les lettres et autres pièces
publiées dans l'appendice, ajoutent beaucoup cà la valeur
de cette publication.
Messire Verreau s'est montré un collectionneur infati-
gable. Sa bibliothèque si riche en ouvrages sur le Canada,
en mémoires, anciennes lettres, cartes, manuscrits, docu-
nients archéologiques, font ''admiration et l'édification
(le nos antiquaires,
lui 1873, le gouvernement fédéral l'associait à l'érudit
et infatigable archiviste du Département de l'Agriculture,
M. Douglas lîrymner, pour dresser un relevé des docu-
ments inédits sur l'histoire du Canada, enfouis au Britislt
Muséum, aux Archives nationales et aux différents minis-
tères à Londres, à Paris, à Rome, etc. Les résultats de
cette mission font la matière de divers Rapports du Dépar-
tement de l'Agriculture, soumis au Parlement d'Ottawa, et
I
HOSPICK A. VERREAU
pleins d'utiles renseignements r ^kk - ,- '^^
f Lettres à l'Univ^rsitTI ttl r" "' ''°"""-
dc la société des antiqua ret de v '"""'[.^ ->'--'^Po.uIant
fuction Publique de France '^"™=""^"'' "«''" d'Ins-
untf ~Y:.^^^^^^^ Canada contient
qui Jacques Viger sen,bk avo ,^"'?^"="" "» Canada, à
E" .S8., Son Excel! ncJrVr^"'"" '"""'^••■"•
à M. rabbé Verreat, u„ 2l 7"'"' '' ^°'"^ °«™ya-
^" Canada qu'il venai "de ::;:: tut ': T''' =^°-"'-
Je la Société Historique de W i , ''''"''' '''■e.-<ide,..t
°"t donné beaucoup 3ë retf '""'' ' '^''"'-■"^ -^ ---'^
^n trouve dans' 1^-s U',. ■
P'"--eur., conférences du ;.tt:t abbé" '" '■""'■■"■■ '''^'''
l '
Iv'Àbbe 'Tangua.y, Antiquiaire.
Cyprien Tanguay, membre de la Société i^oyale du
Canada, naquit à Québec en 1819, fit ses classes au Petit
Séminaire de cette ville, fut ordonné prêtre en 1S43 et
desservit d'abord les paroisses de St-Luc et des Troif-
ristoles. La même année il fut nommé vicaire à St-Gcr-
main de Rimouski, et en 1846, curé de St-Raymond et de
St-13asile.
Nommé plus tard à la cure de Rimouski, il eut le plaisir
d')^ surveiller la construction de la superbe cathédrale de
la présente ville de St-Germaiii. En 1862, il desservait
Ste-Iiénédine, comté de Dorchester.
En IS65, l'hon. Thos. D'Arcy McGee, ministre d'agri-
culture, lui offrait la position qu'il occupe encore dans le
burciu des statistiques à Ottawa. Il s'y dévoua tout entier
à la préparation des tables et autres statistiques des
quatrième et cinquième volumes du recensement.
Ivii 1867, le gouvernement le députait à Paris pour
scruter les archives françaises, où il découvrit plusieurs
pièces fort importantes pour l'histoire des Acadiens et
qu'on avait cru perdues. Je ne puis mieux faire que de
répéter ici ce qu'en dit M. Lareau sans toutefois partager
entièrement le point de vue tout à f^iit utilitaire auquel le
brillant publiciste envisage le gigantesque trawiil de l'abbé
Tanguay :
"L'abbé Tanguay s'est imposé une lâche ardue, hérissée de
mille difficultés et dont le résultat, comme il le dit lui-mênic.
semblait hypodiélique, eu entreprenant d'écrire la généalogie des
premiers colons. Dire ce qu'il a fallu d'énergie, de courage et de
persérérance pour composer cet ouvrage, qui peut être utile et
intéressant au public, mais qui, pour l'écrivain, ne devait offrir
qu'un intérêt bien médiocre, est chose qui se comprend facile-
ment. Aller de paroisse en paroisse, feuilleter les registres de
l'état civil aux greffes et dans les fabriques ; établir la filiation
dans la su'te des degrés, recueillir la tradition orale des
L ABBE TANC.UAY
99
e du
Tetit
+3 et
rroÎF-
t-Gcr-
et de
plaisir
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quel le
le l'abbé
Issce do
|i-mônic.
logiedes
Igeet de
[Utile cl
lit offrir
facile-
àtres de
I filiation
lie des
vieillards, consulter les papiers domestiques, de ces papiers
vieux, à 1 encre jaune, illisible, à l'orthographe ancienne ; passer
en France pour y compléter ces recherches, visiter les archives
du ministère de la marine et d'ailleurs : tels sont courtement
résumés, les travaux que s'est imposés l'abbé 'languay j^our
livrer à la ])ub licite des renseignements dune exactitude
aproximativement parfaite.
" Ce document, élevé à la gloire de nos ancêtres, a beaucoup
d originalité et aura toujours de l'actualité pour le peuple cana
dien. Il pourra, ])lus tard, être continué par d'autres personnes
dévouées et ainsi nous aurons luie généalogie continue de notre
race. Aucnn peuple, que je sache, n'a eu dès son origine cette
heureuse idée de résumer ses registres originaux. L'auteur a
donc créé une œuvre éminemment nationale et il a rai.son quand
il ajoute que pour répondre à l'esprit national qui existe chez
notre peuple et pour favoriser le goût des recherches scientifi
ques qui s'est produit chez la jeunesse depuis quelques années,
il fallait qu'un monument inipérissal)le prou' .it d une manière
exemplaire au monde entier que si l'hiïiloire di, Canada est une
de celles qui offrent le plus d'intérêt au lecteur, '1 s'en trouve aussi
une autre dans laquelle il peut connaître tout r. la fois l'origine
de sa famille et en suivre la fili.ition jus([u'à nos jours.
" T.e Dictionnaire i:;iiicaIo^'< que Jes familles Canadiennes est
en oiiUe un ouvrage d'une grande utilité aux maisons d'éduca-.
tion, à la judicature, à l'I-^glise et à toutes les familles. Le pre
micr Noiiune contient lliistoire de la formation des noms de
familles, leur variation et leurs surnoms, en outre, près de
30.CC0 ii',fiirinati>ns généalogiques à commencer de l'anrièc
^i6oS
•• Nous devons encore à M. l'abhé Tanguay un autre ouvrage
du même genre que la généalogie: \>t Répertoire i:;éiicral du
tienne canadien, ou, en d'autres termes, dictionnaire biographi-
que des membres du clergé depuis l'établissement de la ' olonie
jusqu'à nos jours. On conçoit de suite 1 importance de cet
ouvrage. Il convenait que le clergé canadien fût ai)])elé à revivre
dans un livre (jui enseignera aux genératiop.s futures le nom de
ces hommes dévoués, de ces pasteurs charitables, de ces citf)yens
distingués qui ont tant tait pour l'avancement moral de leurs
compatriotes.
" Le travail de M. l'abbé Tanguay se divise en deux parties.
La première contient une liste des Évêques depuis l'établisse-
ment de la colonie jusqu'à nos jours ; iniis, vient une liste des
jorêtres depuis l'établissement du pays jusqu'à la conquête. La
seconde partie renferme les noms de tous les prêtres qui ont
résidé en Canada depuis la conquête jusqu'à nos jours. Le lout
se termine par une liste alphabétique de 34 pages qui facil te
considérablement les recherches. Les noms sont disposés par
100
MONOGRAPHIE
ordre chronologique et c'est la date des ordinations qui règle
cet ordre.
" Cet ouvrage est le tableau le plus complet qui ait été publié
jusqu'à ce jour de tous les prêtres qui ont desservi l'Kglise du
Canada depuis sa découverte, l.e seul travail que nous possé-
dions dans ce genre est celui de l'abbé Noisr.ux pu!)Hé en 1S33.
Mais ce travad n'était pas exempt d'erreurs assez imijortantos,
que le commandeur Viger, dans un ouvrage inédit, a rele-
vées.
"• Nous a\'ons lieu de croire que le livre de M. l'abbé Tanguay
est plus exact que ceux qui l'ont précédé. "
Appelé en 1882 par Son Excellence le Marquis de
Lorne, à prendre place dans les rant^.s de la société scien-
tifique, dont réminent homme d'Etat a doté le Canada,
l'abbé Tanguay a lu devant la 1ère Section, en mai 1SS2, le
travail suivant: Sur les Familles du Canada; en i883,
Etude sur les noms \ en 1884: Etude sur la famille de
Catalogne.
Le public sérieux attend avec impatience la continua-
tion du Dietionnaire généalogique du savant ubbé.
Les ^\rcliives dta Canada..
Etude lue devant la Société Royale du Canada, le 23 vu-ii
1883
Messieurs, — Parmi les sujets dignes d.* tixer l'attention
de ceux qui s'>)ccupent d'études historiques, je \\<i\\ connais
aucun d'un intérêt majeur à celui de la collection, du clis-
sement et de la garde des archives du Canada.
Si les démarches prises et les résultats obtenu-^ par les
diverses administrations qui depuis dix ans se sont suc-
cédé, à Ottawa, sont de nature à nous réjouir, n'allez pas
croire pour tout cela que la tâche soit achevée, que le der-
nier mot soit dit.
La création d'un lîureaudes archives publiques ou plutôt
l'érection d'une division du Dép irtement de l'At^riculture,
à Ottawa, en un dépôt d'archives, date de 1872 ; plusieurs
hommes d'Etat peuvent avec raison réclamer leur quote-
part dans cette onivre de progrès. Cependant un nom s'y
rattache davantage : celui de son premier archiviste, M.
Douglas Brymner, dont les rapports annuels, (i) soumis à
la Législature, jeftent beaucoup de jour sur cette question.
M. Brymner a eu aussi pour collaborateur un anti-
quaire quf^ vous connaissez tous : M. l'Abbé H. Verreau.
Ces deux chercheurs ont eu mission d'aller fouiller dans
les archives de l'Europe et d'y puiser nombre de docu-
ments, de manuscrits indispensables pour étudier, bien
comprendre, bien compiler nos annales.
Les remarques que je me permettrai, tout en lemerciant
nos hommes d'Etat pour l'intérêt qu'ils ont manifesté dans
cette question, n'ont d'autre but que celui de stimuler le
zèle de nos antiquaires à de nouvelles découvertes.
(1) Reports on Public Archivea to Mlnister of Agriculture, Ottawa, 1872, 1873, 1874,
1881, 1882.
I02
CONFERENCE
Cette intéressante étude des archives est fort vaste. Elle
se présente soas un double aspect :
10. L'histoire des huit provinces de l'Amérique Britan-
nique du Nord, autrement dit, de la Confédération cana-
dienne.
20, L'histoire de la Confédération canadienne depuis la
date de son établissement, ler juillet 1S67.
Je n'ai pas la prétention de vous renseigner sur les
sources de notre histoire : vous les connaissez comme moi,
ces glorieuses, ces dramatiques annales de la plus ancienne,
de la plus pittoresque province de la Confédération : la
province de Québec Vous savez également combien de
difficultés ont été aplanies pour l'historien moderne, par
l'impression en beaux volumes de ces mille et un manuscrits
et mémoires vermoulus, raturés, illisibles, qui, dans le
passé faisaient pâlir nos antiquaires : les Relations, le
Jounial des Jésuites, les compte-rendus, les correspondan-
ces officielles de nos Gouverneurs, de nos Intendants; les
journaux circonstanciés do.^ divers sièges de notre vieille
capitale, etc.
Si vous me demandez si réellement il existe à l'étranger
grand nombre de ces antiques documents, que dirai-je,
de ces lambeaux de la patrie dispe rsés, je vous répondrai
qu'ils peuvent se compter, non pas par centaines, mais par
milliers ; que le contenu de la plupart nous est encore
entièrement inconnu ; que partant, il est impossible
d'écrire une histoire complète, circonstanciée de la Confé-
dération, sans avoir accès à ces sources de renseignements.
A peine une des grandes capitales de l'Europe, une des
villes maritimes de la France, notre ancienne mère-patrie,
qui n'en possède quelque riche dépôt ou quelques frag-
ments : Londres, Paris, St. Petersbourg, Rome, Copenha-
gue, Amsterdam, Madrid, Bruxelles, Berlin, Rouen,
Rochefort, Le Havre, Dieppe, Bordeaux, Marseilles, etc.
Au reste sur ce point, si vous désirez vous renseigner spé-
cialement, consultez l'excellent rapport que M. l'abbé
N(JS ARCHIVES
103
ii-je,
idraî
par
Icore
dble
mfé-
:nts.
des
Itrie.
rag-
iha-
len,
letc.
Ipé-
)bé
Verrcau prcsciitiit à la Lé^^islaturc fcJcrdlc le 31 dccciii-
brc 1S74.
Je n'ai jaiiiai'^ été plus vivement impressionné de l'im-
portance que les grandes nations de l'Europe attachent
aux dépôts de leurs archives nationales, que lorsque je
pénétrais tout récemment dans la vaste salle circulaire du
British Miisciuii [\) à Londres. Après avoir contemplé les
amas de parchemins, de records, de rôles, etc., enfouis sur
les raj'ons des magnifiques bibliothèques de l'université
de Cambridge, du War ojjîcc, de la Tour de Londres, etc, il
m'eût fallu des mois entiers pour compulser les 2,647
volumes de la collection qui m'intéressait le plus, la collec-
tion Ilaldiinand et le^ nombreux volumes manuscrits du co-
lonel Bouquet. Si notre métropole est si riche en matériaux
pour son histoire et pour l'histoire de ses grandes colonies,
il ne faut pas oublier qu'elle s'étudie à collectionner et à
conserver ses archives publiques depuis huit cents a'is. Une
partie notable de ces mêmes archives, comme vous savez,,
a été perdue de i 135 à 127J, aussi bien que pendant les
guerres sanglantes des Deux Roses (1455 à 1461A
Edouard III, en 1473, dans une ordonnance, faisdt dé-
clarer que ' les archives publiques sont considérées comme
le témoignage de la nation, et il est ordonné qu'elles soient
accessibles à tous les sujets du roi."
Sous le règne d'I'^lizabeth 0559-1603) une enquête fut
instituée au sujet des archives du Parlement. "Jacques I
(1617) eut l'idée de créer un bureau de papiers d'Etat et
un bureau des archives générales. Charles 1er nomma une
commission chargée de rechercher toutes les archives apijar-
tenant à la couronne." J'emprunte ces citations à M»
Brymner. Au reste ce.^ enquêtes furent continuées par la
Reine Anne, par George I, George III, George II. Et si
la Couronne crut devoir intervenir et affecter de fortes
sommes pour sauvegarder, restaurer, recueillir et classer
Ml Ï4t' lirifish 3[ii9i'\tin continuait 47,(>!>3 voluiiuns luaiuiscrits, lors de lu visite da
Jl. J). Jirvniuor. (Voir raiiport l^sl, |p. 4(i.)
I04
CONFKKKNCK
les archives du royaume, ce n'était pas sans besoin. Il n'y
a pas qu'en Canada, où des documents précieux pour la
science et l'histoire ont été perdus à jamais, relégués qu'ils
étaient dans d'humides caveaux, tels que nos palais de
justice en avaient encore tout récemmen
t, teL
:s ou 11 en
existe encore, je regrette de l'avouer ; " ainsi, on déciMivril
les archives de la chancellerie de l'ICchiquier, à Lon-
qu'.
dtc.^, étaient entassées ilans 600 sacs excessivenients sales,
dans des hangards formant dé[)en'Jances des écuries du
l\o\. Ces hani^ards contenaient, eiitassé>, ilans l'état le
j>lus déplorable, 4,13'^ pieds cubes d'archives nationales ;
à part la poussière accumulée pendant plusieurs siècles, on
trouva tous les documents excessivement humides, lorsque
les opérations commencèrent. Quelques-uns étaient insé-
par.iblement collés aux murs de pierre. On pouvait voir
de nombreux fragments qui avaient échappé aux ravaç^es
complets de la vermine, et plusieurs en étaient au dernier
(.li|.M-é de putréfaction. La détérioration et l'humidité en
avaient rendu un grand nombre si fragiles que l'on pouvait
à peine les toucher ; d'autres, i)articidièremcnt ceux qui
étaient en forme de rouleau, étaient tellement colles ensem-
ble qu'il était impossible de les dérouler. On y touva em-
pâtés cinq ou six squelettes de rats, et des os de cette
vermine étaient distribués dans toute la masse ; c'était un
véritable charnier, et lorsque l'on commença à remuer ces
archives nationales, on employa un chien pour faire la chasse
aux rats que l'on avait dérangés dans leurs retraites." Sous
des formes non moins déplorables, la même incurie, les
mêmes désastres ont frappé, ont détruit même en Canada,
une majeure partie des matériaux les plus indispensables
pour compiler nos annales.
Vous connaissez l'histoire du manuscrit du Journal des
Jcsuitcs, arraché à la boîte au bois du gardien de l'ancien
Parlement » Québec, juste au moment où il allait servir de
combustible : une partie au moins, comme par miracle, a
échappé au vandalisme.
NOS ARCHIVES
105
qui
des
icîen
Ir de
le, a
Je me rappellerai toujours, quoiqu'avec regret, un petit
incident dont je fus tctuoin dans mes tournées officielles,
dans le comté de Tortneuf. On m'avait invité à inspecter
le site et les ruines de l'historiciue I'\)rt Jacques-Cartier
sur la rive escarpée de la rivière qui porte ce nom, ;ivinp[t-
sept milles en haut de Québec.
J'étais en effet bien curieux d'aller étudier, sur les lieuK
mêmes, le fier donjon où l'héroïque Lévis, après la terrible
journée i.lu 13 >epttMiibre 1759, était allé caserner -;a
poi^Miée de braves, et où les troupes françaises sous le
marquis d'Alberj^otti avaient tenu bon jusqu'au ler sep-
tembre 1760 ; plusieurs familles françaises occupaient
les environs du fort, et communiquaient chaque jour par
lettre ou autrement avec la garnison. Il y avait, m'avait-
on dit, chez une famille des environs, portant un vieux
nom historique, des liasses de lettres se rattachant à cette
désastreuse période. Après avoir scruté les fossés, les
ravelins, les ouvrages en terre du fameux fort, j'allai cogner
à la porte d'une opulente métairie qui était sensée possé-
der les trésors que je viens d'indiquer. Je demandai ce que
l'on avait fait de toutes ces lettres, etc. On me répondit
que le temps avait été où le grenier regorgeait de lettres
ou paperasses écrites avec cette antique calligra[)liie fran-
çaise que vous connaissez tous, mais qu'il n'en restait plus ;
que la portion que la vieille ménagère de céans n'avait
pas employée à allumer son feu, un fabricant de papier
de Québec, M. Reid, l'avait achetée à trois centins la livre
pour l'employer comme matière première.
Voilà la triste histoire de mille et un documents histo-
riques de valeur qui existaient naguère chez nous, et qui
maintenant sont introuvables.
Messieurs, les temps ont changé ; une ère nouvelle, une
ère de réhabilitation a lui pour les lettres. Nos hommes
d'Etat pris d'un beau zèle pour tout ce qui se rattache au
progrès intellectuel ou moral, se sont donné la main, ont
déclaré la guerre aux préjugés du passé ; voilà, comment,
io6
conii;ri:nce
il se f.iit ijuc ilci)ui.s dix .in>, tl'innoiiibr;iblos séries île lettres,
de mémoires, de documents olTiciels, de papiers de famil'e
même, oubliés ilaiis les {grands dépots d'archives au-delà
des mers, ont repris le chemin de la patrie et n'attendent
dans les voûtes du bureau à Ottawa, que la main ou l'œil
scrutateur de l'antiquaire ou de l'historien pour les
mettre au grand jour. Avant bien longtemps, le reproche
que l'on nous jette à la figure qu'il est impossible d'écrire
une histoire complète ilu Canada, n'aura plus de raison
d'être.
L'avenir nous prépare, osons le croire, (.le douces sur-
prises ; la collection des documents, classés et soigneuse-
ment gardés à Ottawa, se développera avec le concours
des provinces en un vaste dépôt d'archives nationales, et
préparera, pour nos historiens, le couronnement du majes-
tueux édifice auquel servent d'appuis et de colonnes, les
noms vénérés des Hibaud, Garneau, Ferland et Failloti.
Madame de st. -Laurent, baronne de Fortlsson, etait-olle
mariée an Prince-Edouard 7
" A l'une des séances rL-ccntts de la Sorii'/r Zi/tt^riiirc if ///s-
/orii/ur de Quil'fi., il fut lu i)ar un des vit e-[ résidents, le docteur
\V. Anderson, de cette ville, une étude intéressante sur les rela
lions ([ui existèrent en 1791-23 entre le père de notre gracieuse
souveraine, le duc de Kent, mieux lonnu en Canada sous le titre
de l'rince Kdouard, et le dé])uté jjour le comté de (Juébec, M.
Louis de Salaherry, le père du héros de Clifiteauguay. Désireux
de voir une justice tardive faite à la mémoire d'un honnête
nomme,- le duc de Kent, —indignement colomnié, le docteur
Anderson a essayé d'anéantir les vieilles calomnies amoncelées
par l'intrigue autoui de la mémoire du père de notre souveraine,
par la publication de la voluniineuse corresjjondance échangée
entre le l'rince lùlouard et la famille de Salaheiry jjendant un
quart de siècle Ceux qui désirent avoir un avant goût du sujet
trouveront c'ans les compte-rendus de la Société, maintenant
sous presse, queUpies unes des lettres ; mais le dévelo):)pement
entier de la généreuse idée du docteur Anderson ne se fera que
par la publication de la biographie et des lettres du l'rince, -en-
treprise pour laquelle le docteur transige maintenant avec la
grande maison ; ongmans, de Londres. Le sujet nous reporte
a une époque assez intéressante de notre histoire. Pour le mo-
ment, nous nous contenterons de piovoquer une discussion sui la
([uesiioii en tète de cet éciit. La présence d'une élégante dame
française à Québec, en 1791 : sa bienveillance, son amabilité, le
rôle qu'elle joua dans notre société, sa position équivoque aux
yeux de certaines personnes, vis-à-vis du Royal Duc, voihà des
choses (jui ne peuvent être un mystère pour itersonne.
Son nom tel qu il se trouve au registre de baptême d'Edouard-
Alphonse De Salaberry se lit comme suit : AI|)honse-Thérèse-
Bernadine Julie de Niontgenet de Saint Laurent, baronne de
Fortisson. Elle paraît avoir oté la veuve du colonel Fortisson.
d' Etait-elle mariée secrètement au l'rince- Kdouard où n'a t elle
été que sa maîtresse pendant les vingt iiuit années qu'elle i)ré-
sida à sa table, qu elle jouit, sans jamais la perdre, de la con-
fiance entière de 1 excellent duc? Voilà le problème à résoudre.
(1) Ou Ut dans In l)io«rn|)hi(Mt(> Monsoi«ii('nr Hubert, iiiipc 2'J7 : " Miulami" ili- <li" Saint-
Laurout a i-ti' élcvéi' au rau^ ilo Haronm- de Kdi-tissDu, iiar lo Koi Louis XVI II, apré» la
mort (if Son Altessf k- Duc de Knit, pour plaire i\ la Cour d'Au^leterre «(ui lui avait
donné asile à lui-mf'uu' sous le T!-ti\w de Honaiiarte, ayant assuré i\ Madame de Fortis-
son inu- pension et un logement ù l'amirauté de Paris. Ou a cru dans le temps ijuo la
Duc de Kent avait été mirié secréteuient ii la liarounn d.i Saiut-Lmrout, comme lo
l'rince do (rallcs était nuiriCi lï Madame duFitz Maurice."
(Extrait d'un inrmoire.)
io8
APrKXDICE
Il es: certain que les lois du trône empOchaient le Duc de la
reconnaître comme épouse si elle l'était. Un décret du parle-
ment sjus Cliarlc:; 1er, créait félonie le mariage d'un prince du
sang avec une femme catholique et le Royal maria^^^c scttlement
Act, passé sous George III, pour annuler le mariage d un des
frères d'i l 'rince Edouard, le dui; de Sussex, avec lady Aiigusta
Murray, frappait d'illégitimité le fd.s du duc de Sussex, le col.
D'Esté, et portait des ])unitions exemplaires contre les ministres
de la religion (]ui oseraient célébrer des mariages des |)rinces du
sang, sans l'autorité du parlement. Dans ime lettre de la
correspondance du duc de Rent,le major général De Roitenhurg,
père du général qui présidait plus tard à nos milices, mentionne
sous Kl date de "septembre i8[9,(|ue madame deSt-Laureiu s'est
retirée dans un couvent ■n\ France, " peu de temps avant le
mariage du Prince avec la mère de notre Reine. évêque de
Capse aurait-il permis à la maîtresse d'un jirince de répondre de
l'éducation chrétienne d'un enfant porté au baptême ? Nous ne le
croyons pas.
Extrait des registres de baptêmes de Beauport.
" Le deux de juillet, mil sept cent quatre-vingt douze, par
nous, soussigné, évêque de Cai)se, présence de messire Renault,
curé de lîeauport, a été baptisé Kdouard- Alphonse, né le vingt
de juin dernier, du légitime mariage de monsieur Ignace- Michel
Louis-Antoine de S:ilaberry, écuyer, seigneur de Montmorency,
l'un des juges de paix de Sa Majesté, et de dame Catherine de
Hertel. Le parrain a été Son Altesse Royale monseigneur le
prince Edouard d'Angleterre, chevalier du très-noble ordre de la
Jarretière et de 1 ordre très-illustre de Saint-Patrice, colonel du
régiment royal /usiniers commandant à Québec, ctc , etc. ; la
marraine, madame Alphonsine-Thérèse-liernadine-Julie de
Montgenet de St Laurent, baronne de Fortisson,qui ont signé avec
nous. (Si^i^ué,) Edouard, prince de Grande Bretagne, Montgenet
de St-Laurent, baronne de Fortisson ; Hertel de Salaberry ;
John Vesey ; Edmund Byng, Lt. Roy, Fusilliers Irl. ; Aug.
Wetherall, capitaine, ne régiment ; Renault, ptre. ; Adélaïde de
Salaberry; John Haie ; Wm. Henry Digby, lient, royal /usiniers
de Salaberry ; Chs. de Salaberry ; Chas. Thomas, C, C. P.
" Signé, t Charles-François,
*' Evêque de Capse. '
Quvbcc, y ni il et 1867.
Le chevalier Johnstone, l'aide-de-camp de L9vî, enl759.
Le nom de l' écossais Johnstone se trouve souvent mClé aux
incidents de la campagne de 1759.
Pour se rendre compte du rôle des diverses nationalités, — sur
coût des Ecossais — représentés d ce drame sanglant, il faut jeter
un regard en arrière et consulter les annales de l'antique Calé-
donie.
Au dix-huitième siècle, le i)arti des Stuarl, bien que proscrit,
avait encore beaucoup d'adliérents, en Ecosse, surtout parmi
les Montagnards ou Hi^hlandcrs, dont la majorité, s'ils profes-
saient un culte {quelconque, se disaient Catholiciues- Romains.
De temps immémorial, dans leurs grandes crises, ils tournaient
d'ordinaire les yeux vers la France : la France reconnaissante,
croyaient-ils, devait être aussi prête à les aider qu'ils l'avaient
été à lui porter secours quand il s'agissait de réprimer l'arro-
gance de l'ennemi d'outre-Manche, le peuple anglais. A Eeaugé,
en 1420, et ailleurs, le sang le plus noble de l'Ecosse avait rougi
le sol Français, jjour aider à repousser le Saxon envahisseur
La France avait généreusement reconnu le dévouement et les
services des féroces Montagnards, " qui, en guerre, ne donnaient,
ni ne demandaient de (}uariier.''
Des titres nobiliaires français, des honneurs marqués avaient
été le partage des nobles maisons écossaises : les Ûouglas, les
Hamilton, les Lennox, etc
Un noble d'Ecosse, le comte de Bucan, avait été nommé même
grand-connétable de France. Cette entente cordiale ne devait
pas être éternelle, et, au moment, en 1745, où l'Ecosse avait
le plus besoin du secours de la France, où elle comptait môme
l'avoir, il se trouva qti'elle avait compté sans ses hôtes : indè
irœ
Si l'hospitalité et la bravoure d'un Montagnard d'Ecosse sont
proverbiales, on sait que sa rancune est inextinguible ; c'est ce
qui arriva en 1745. Si Johnstone, Tryon, McEacl^ern et autres,
durent s'expatrier pour se soustraire à la hache du bourreau,
qui allait abattre les nobles têtes de Lovât, Kilmarnoch, Balme-
rino, un grand nombre de Montagnards, en Ecosse, gardèrent
rancune à la France de les avoir abandonnés et accoururent
môm^' sous le drapeau anglais, s'enrôler, en 1756, sous le chef du
clan Fraser, pour se venger en Amérique de l'ingratitude de
leurs alliés d'Europe ; les relations du siège nous apprennent
que les day mores écossais frappèrent drù et fort à Louisbourg et
à Québec.
Pitt ne s'était pas fait illusion en s'adressant aux Highlan
ders de Fraser, pour redresser leurs torts encore plus que ceux
IIO
APPENDICE
de la Grande Bretagne, contre la France. Quelqu'un lui ayant
fait la remarque qu il était dangereux d enrégimenter les Sauva-
ges d'Ecosse, de leur donner des armes, en 1757, douze années
seulement, après le désastre de CuUoden, qui avait mené à
l'échafaud Lord Lovât, le chef de ce Clan : " Ne craignez rien,"
aurait-il dit, " je réponds de leur fidélité, avec leurs dispositions
présentes contre la France. "
Il y avait donc des Ecossais dans les deux camps, au conflit
de 1759.
En cette conjoncture, des Ecossais occupaient même de hautes
positions en Canada. Le iSseptembec 1759, un Ecossais, le géné-
ral Murray, réclamait les clefs de Québec, d'un descendant
d'Ecossais, le chevalier de Ramsey : et les Mémoires de ce der-
nier, publiés en 1861, par \o. Société Littéraire et Historique, h. la
demande d'un de ses membres les plus éminents, M. G. J>. Fari-
bault, a prouvé que la ville n'avait pas capitulé une journée trop
tôt.
La Société Littéraire et Historique a cru rendre un service à
l'histoire canadienne en publiant, en 1S67, dans la série des
Relations du siège, les trois (\\ Mémoires attribués au chevalier
Johnstone, puisés dans les Ar;hivc& de la i:;ucrrc i\ Paris, et dont
s\. P. L. Morin, dessinateur, alors attaché au Bureau des Terres
de la Couronne, avai*. fait une copie ])our la bibliothèque parle-
mentaire du Canada.
^'()ici sous quels traits l'historien ^^'iiliam Ho\v!it ])eii\t le
che\'-alier Johnstone, auteur d'un fort intéressant compte rendu
sur la bataille Je CuUodeu, en 1745. où il avait eu sa lar^^^e part
des dangers :
"La carrière du chevalier Johnstone vous produit Teffct d un
roman lièrissè d'aventures désespérées, de périls im[)rèvus, de
hasards incroyables ; Ion dirait un des émouvants récits de
1 auteur de A\'averley. Ça rap[ielle les incidents et les héros de
Sir Walter Scott.
"1-e chevalier était fils unique de James Johnstone, niarchand
d Edimbourg. Par son origine et ses alliances, sa famille se
rattac'.'iait à quelques-unes des premières maisons de l'Ecosse.
'•^a scour, Cècilia, épousa l.,ord Rollo, qui hérita en 1765, du
titre et des propriétés de cette noble famille. Quant à lui, il
avait SCS entrées dans les premiers cercles de la capitale ; lady
.lane Douglas, alors en grand crédit, lui fit l'accueil affectueux
d'une parente.
"Elevé dans les ]M-incipes religieux des Jacol^ites, à la première
nouvelle de l apparition du prince Charles Edouard en Ecosse, il
quitta Edimbourg— se réfugia à. la résidence de lord Rollo, près
de Perth, où il attendit l'approche du prince— lui-même fut l'un
(1) t'ampiiiK'ii of TiOiiisboiirp, IT.'iii-").'^.
iliiilouno in lliuli's, lit^twi'Oii Moiitcalm ami Wulf'.', 1730.
C:iiniiai){u of l'tiU iu Canada.
LE CIILVALILR JOHXSTOXE
III
lu
il
des premiers gentilshommes, jjarmi les lo7V-landcrs, à se ranger
sous le drapeau de l'héritier des Stuart.
*"Il servit comme aide de camp de lord George Murray, et
aussi du prince Charles Edouard ; après la bataille de Preston-
Pans, on lui conféra un brevet de capitaine. Il prit [)art à tous
les mouvements des insurgés qui i)récédèrent la déttite de
Culloden.
"De ce sanglant champ de bataille, il s esquiva et après des
périls sans nombre, il se réfugia à Killihuntly ; la châtelaine de
céans. Madame Gordon, Un offrit avec une hutte dans les monta-
gnes le soin d'un petit troupeau de moutons, afin de faire croire
qu'il était un pâtre ; mais sou caractère remuant, énergique, lui
rendit impossible ce genre de vie
•'11 s'enfuit, et vint à Rothiemu'-f'hus, dont le jeune seigneur
le pressa de faire sa soumission aux autorités, conseil qu'il
avait donné à d'autres, voir à Lord IJahnerino. Pour lui cet
acte eût été, comme il le fut pour Lord Balmerino, un arrêt de
mort.
'■De maison en maison, de ville en ville, il trouvait moyen de
s'évader après d'incroyables hasards et sous tous les espèces de
déguisements. Il allaic et venait, entouré de soldats anglais, dont
la mission était de tout dévaster ; son sang bouillonnait à la vue
de toutes ces atrocités, mais se faire connaître, manifester la
moindre émotion, lui eût valu une mort certaine.
" Il s'installa, pendant dix sept jours, sous le toit d'un paysan
très pauvre, du nom de Samuel, à GlenPosscn, tandis que la
fille de la maison était de garde au sentier de la montagne qui
menait à Glen-Possen. Revenir à l'klinil)ourg, tel était son rêve,
si c'était réalisable ; puis, s'évader et se cacher en Angleterre ;
enfin traverser la .Manche : il avait cent chaiîces contre une de
ne pas réussir dans ce projet désespéré.
•' Des soldats à tous les points : les issues soigneusement gar-
dées, fortes pénalités et punitions exemplaires contre les bate-
liers qui oseraient transjjorter un rebelle à la rive opposée de la
Tay ou du Forth ; ses instances engagèrent deux jeunes demoi-
selles à le conduire ,i la rame, de l'autre côté de la Tay : mais
il éprouva toutes les peines imaginables, aiirès un voyage fati-
guant à l'extrême dans le Fifeshire, à pénétrer dans Edimbourg
en traversant le Forth.
" Le récit de ses négociations et de ses désai)pointemcnls à
Dubbiesïdes, où des i)êcheurs avaient d abord refusé de le tra-
verser, mais où il réussit ennn à trouver un jeune gentilliomme
aidé d'un pêcheur ivre, qui lui rendit ce service — ressemble fort
aux dramatiques aventures de Waverley. h Leith, une cachette
sûre l'attendait, grâce à l'amitié de sa vieille nourrice ; à Drums-
Icagh, Lady Jane Douglas lui rendit un semblable office. Puis, il
se dirigea vers la frontière anglaise, déguisé comme un colpor-
teur écossais, avec un pony pour monture.
112
APPENDICE
•' (Ihemin faisant, il fil rencontre d'une espèce de Cartouche,
un voleur de grand chemin ; plus tard, d'un personnage mysté-
rieux qui le suivit dans l'auberge à Stamford, s'installa à la môme
table et après un co])icux repas, le questionna sur les insurgés en
l'ùcosse. Il parvint à éluder cet importun atroce, en lui cédant,
a moitié prix, quelques mouchoirs indiens de sa pacotille. Arrivé
à Londres, où ses amis le tinrent longtemps caché, il eut une
aventure fort intéressante pour *lui où l'amour joua son rôle.
Tendant cette captivité, plus d'une fois il put voir passer, de ses
fenêtres, cjuelques-uns de ses infortunés compatriotes, que l'on
menait à la boucherie à 'J'owcr Hlll. Un jour, son hôte le
convia, comme passe-temps, à l'accompagner à Tower Hill, pour
y voir exécuter deux rebelles : les J>ords Kilmarnock et
Balmeiino.
" En fin de compte, il mit le pied en Hollande,— déguisé
comme l'un des serviteurs de son amie I^ady Jane Douglas ; — il
accepta une commission d'enseigne dans l'armée française, vint
à l-ouisbourg, en Ainériquc. ffit la camjKigne de Québec et de
Montréal, i 759- 1 7('>o), et revint en France où l'attendaient l'indi-
gence et la vieillesse. Tel vécut, tel exjjira, un des Jacobites de
1745. Combien d'autres, et de plus infortunés encore, dont
l'histoire ne fait aucune mention. "
Howilt ne donne pas l'année de son décès ; en référant au
magniiique travail ( i) de ]M. Francisque Michel, sur le rôle joué
et la carrière fournie eu France, depuis 1420, par les braves et
aventureux fils de la Calédonie, on voit que le chevalier ne fut
pas le seul qui vint en Américpie servir sous le drapeau blanc
après la terrible défaite à CuUoden ; il y eut encore le chevalier
Tryon, le brave McEachren (|ui prirent du service dans 1 armée
Française, pour échapper à Tower Flill. Johnstone fît voile
pour Louisbourg vers 1748, et j)rit une part active à la défense
de cette place forte.
(1] "Les Ecossais en France," Tonio IT.
A MOXSIKUR
LEON DE ROSNY
AXCIEX PRÉSIDEXT
De r Institution Ethnographique
DE FRANCE.
ai 3ll. £coii bc c^îo:»iuj
Iiisiiintioii lithnograpJnc, Paris.
Cher Monsieur,
Tout en me croyant honoré en recevant de vous un
Diplôme comme le Déléj^ué Régional de votre Association
pour la province de Québec, je ne me suis pas dissimulé
que cette distinction m'imposait une tâche assez sérieuse.
Cette tâche, comment la remplir, cloué que je suis à
mon bureau par la loi sacrée du devoir ?
Si je comprends bien les fonctions d'un de vos déléi^ués
en Amérique, ce sont surtout d'em'égistrer dans leurs
rapports les découvertes .successives que la .'^cience fait
sur cette terre de l'ouest, au nio)'en de ses infatii;"ablcs
missionnaires daîis l'Amérique Centi'ale, dans la vallée de
rOhio etc., où le cric et le pic livrent chaque jour à la
curiosité de-, savants tant de my.^térieuses épaves d'un
autre âge.
Inutile p<.HU- moi de penser à prendre part à ces dccon-
vcrtcs, à CCS attrayantes conquêtes do l'intelligence.
Mais les horizons de riCthnographie, comme vous me
l'ave-i fait remarquer, quand je vous fis visite, 4/ Avenue
Duquesne, Paris, sont vastes et variés. Si nous tenons
beaucoup, me dites-vous, à étudier l'origine, les dialectes,
les migrations de ces races pré-historiques, enfouies sous
le sol, l'origine, les migrations, les us et coutumes des
races modernes du Nouveau-Monde qui habitent sa surface,
font également le sujet de nos études, de nos méditations,
les grands mouvements de la science, la présence et les
écrits des savants et des archéologues ont pour nous un
intérêt constant.
ii6
l.THNOGRAl'HII':
KiicouiMgc par ces ^féiiércuses paroles et comptant par>
dessus tout sur votre extrême indulgence, je consentis a
accepter un rôle cri rapport avec votre association p urvu
qu'il fût dans la mesure de mes forces.
Voilà comment je me trouve dans le cas de vous men-
tionner mes modestes travaux ; la première Etude (i) sur
l'origine et la composition de notre population parut en
1873, (.ians un recueil que je publiai alors sous le nom de
Maplc Lcavcs. Je m'étudiai à démontrer le caractère
complexe du peuple canadien, recruté d'abord au moyen
des colons Normands, lîretons, etc., puis, par une forte
émigratio" des Iles Britan liques et des Provinces
Anglaises de l'Amérique.
Tout le temps que j'ai présidé à li Société Littéraire et
HistoriquCy j'ai favorisé de toutes mes forces le mouve-
ment qui s'y faisait en faveur des études historiques, pour
collectionner, classificr, conserver nos archives canadiennes
ainsi que pour créer un musée zoologiciuc et archéologique.
De temps à autre des voix du dehors nous redisaient
que nous devrions faire plus au Canada pour l'archéologie.
En 1S73, un jeune officier de la marine française, ami des
sciences, le lieutenant A. Schlumbcrgcr dont la corvette
était mouillée dans la rade de Québec, m'adressait la
lettre suivante :
LKS IIACK.S Al{()iaii;-NKS DM LA XOrVi'lLLK-FRAXCE
"' Adonis, ' le iS août 1S74.
'■•A. M.J.M.LeMoinc,
Président de la. Société Littéraire et Historique de Quélwe-
" Monsieur,
•' I^a courtoisie et ramabilité avec Icsciuelles vous rn'avez ret^u
dans votre charmante résidence de Spencer Grange, pendant
mes deux voyages au Canada, m'encouragent à vous adresser la
liste des renseignements que la société d'anthropologie de Paris
serait très-heureuse de pouvoir se procurer. J'ai copié textuelle-
ment la note que mon ami, le docteur 1 ouis Vmcent, m'a remise
à mon départ de France. La réponse à toutes ces questions
exigeait des recherches que mon court séjour à Québec ne m'a
(1) Tlic Blemeiits of our Xationality.
T.KOX DF, ROSXY
117
kit
la
is
le
Is
pas permis d'entreprendre. Je vous serais donc très reconnaissant,
monsieur.pour tout ce que vous jiourrie/, me faire parvenir sur ce
sujet. Je vous j^rierais donc de ne m envoyer ipie les réijonses
que vous pourrie/ me douiuT vous même ou (ju'il vous serait
facile de vous procurer. .S'il était jjossible d'avoir des crânes,
et s'il existait un ])h-)tograplie ayant des épreuves originales
jiouvant donner des renseignements scientifiques, je vous serais
reconnaissant de me le faire savoir ; car je i)ourrais me procurer
ces objets ])ar l'entremise de M. Chevalier, notre consul-général
" Votre très dévoué.
Anoi.riiE .Scm.u.Mr.ERCKR.
Lieutenant de vaisseau
La société d'anthropologie de Paris serait heureuse si Mdusieiir
l'officier en second de X.Lioiiis ]K)Uvait recueillir a son intention
les documents suivants :
1. Quelles sont les races qui habitent aujourd'hui le Canada ?
2. (^uels sont les caractères de la race indigène iiroiircmenr
dite, c'est-à dire des Indiens, et quels sont ceux des iiiitis ijui se
sont produits par suite du mélange de la race primitive avec les
différentes races Conquérantes.
3 Hresser le tableau suivant dans lequel on indiquera :
1. La taille de 1 homme f nombre des observations.)
2. La taille de la femme, (nombre des observations. >
■X. La distance de I ■ -,.11,.
„ -^ , M- , :• I e suiet debout,
rombilic au col. )
4. La distance de l'épine iliaque antéro supérieure au col.
6. La longueur du j)ied.
7. La longueur de l;i main mesurée de l'extrémité du doigt
médius au milieu d'une ligne réunissant les deux ai»ophyses
styloïdes.
S La couleur de la peau
9. L'âge do puberté chez les jeunes filles et le " retour de
l'âge ' chez les femmes.
Enfin quelques renseignements sur la langue Je ces peuples,
et sur les analogies que 1 on peut y rencontrer avec les langues
des nations européennes, (Français, Anglais, Allemand,
Espagnol.)
Rapporter s'il est possible des crânes d'Indiens ainsi que des
photograpiiies ou djs dessins.
Ne pas omettre d'indiquer avec quelques détails, leurs prati-
ques re igieuses et leurs habitudes
Le Médecin de première classe de /a Marine
Louis Vincent,
D. M. P.
Membre de la Société d'.Anthropologie de Paris.
ii
Il8
KTIINOCKAI'IIIK
Je lui exprimaî mes regrets de ce que le Canada scienti-
fique n'avait en ce moment que des clhiiic/ics, des travaux
en perspective à lui signaler sur les antiquités Indiennes.
Les rapi^orts du bureau de l'Ethnologie fondé depuis à
Washington, n'existaient pas alors. Je n'ai eu que plus
tard l'occasion de me convaincre par un examen de cer-
tains vastes (I) musées archéologiques chez nos voisin^^ de
l'étendue et de l'importance l\c> documents modernes,
qui jettent tant de jour sur les habitants préhistoriques
du sol américain,
T''n iSSi, la suprématie d'une race ("2^ énergique dans
la tlircction et la construction de la grande voie ferrée, — le
chemin de fer canadien du Pacifique, — destinée à ouvrir
aux capitaux étrangers et à l'émigration européenne, notre
riche et immense territoire au Xord Ouest, me donna l'idée
de rechercher au point de \ue ethnographique, le rôle
dominant de la race Ecossaise, même en la Nouvelle-
France, étude {■]) que la SoiiL-tc' Littéraire et Historique
jugea digne de reproduction en ;-cs Mémoires.
Plus tard, au banquet national de la Société Saint
André, tenu à Québec, je fus invité à donner un court
sommaire de cette conférence ; j'en emprunte le compte^
rendu à un des journaux du jour :
LK P.ANQUKT DK LA SAIxXT-AXDRÉ.
''Nos compatriotes écossais ont couronné leur fête patronale
par un l)an(iuct dans la grande siiUe du collège Morrin.
"Rarement il nous a été donné d assister ta une fête aussi char-
mante sous tous les rapports. Les Kcossais sont généralement
reconnus ])ar leur tlegme et leur apparence grave et sérieuse.
Dans leurs rapports sociaux, ce sont les plus gais compagnons
au monde. A voir, hier soir, l'entrain, 1 enthousiasme que soule-
vait chaque parole patriotique et éloquente des orateurs, à
entendre les chants et les bravos, on se serait cru au milieu d'une
(Il I.i' 7'i((?/iir?!/ .VK.fi'Kiii, ii ('aml)riilni'. l'ii» Boston l'st riclio en cnllcctions <tc eràiiea
iiidiiiis, l'ii usti'usiU's (ioiiicstiiim's. en oliji'ts de potiTii-. do tissus, d"uriiius, di'S haliitanta
jirimitit's du Jli'xiiiuo, de l'AnuTituie l'ciitiiili'.
Vl) lifiirési'iit^e par MM. tii'orKi' Sti'plifiis, Donald, A. Sniitli, Duncan Mclntjrc,
Boliirt H. AnKUs, Mortoii lîoso A Co.
CHi " The Scdt in Xeic France. " Conférence lue devant la Snciité Littéraire et
JlistoriqHe, nov. Ib.'.'l.
l.KdN DE KCSNV
119
a
ine
lues
et
de CCS rcuniuns bruyanlcri de gaiol-J qui disliiiguciit si Mcn la
race iVanV'd.so.
•• l.a salle du bamiiicl pitsciitaii un cmi]) d'n.il UKignifuiut'. 1 c
portrait de St-AndrO dominait, artisliciucineiu envelo[)i>é d;uis
les plis de.i drai)eaux de la société où 1 on jx^iivait lire r;.; et là
les niscriplions : "Nenio nie inipune Lacessit, ' "Touch nie
Gif ye daur,'' "Miseris siicciirrere iliscite.'' "Tak tcni ofyoïuMiin.
in Mist'ortune." "Desiperein loco.' '-Weel tiiued naltin."
'• Environ 60 convives prirent place autour des tables tlKiiL;éev.
" C'est l'hon. 1). A. Ross, ipii occupait le tai'teuil de
la présidence. 11 avait à sa droite M. le maire I an^^elier, pi.ls M.
Tims, président de la Société St l'atri<:e ; à sa j,'auclie, le .ieut.-
Col. Cotton, commandant de la t;arnisi)n.
"M. Harjicr, recteur du High School, agissait comme ' iiL-j ;é
sident, ayant a sa ilroite M 1'". Oliver, représentant lu :m 1 .eii.
St-(.!eorge, et a sa gauche M JM. l.eMoine, aiicien président
de la Société Littéraire et Jfistorique.
''Après avoir fait lionneur aux toasts d'usage, !a Reine, ie 'ion-
verneur-dénéral le 1 ieutenantCiouverncur. le président proposa
la santé du Maire et de la Corporation de Qiiéljec.
'•L'hon. M. liangclier fut très heureux dans sa réponse. Il fut
l'objel d'une véritable ovation lorscju'il se leva pour piailer. et
fut fréquemment applaudi pendant son ciscours.
"La santé principale : "I/l-'.cossc et ses entants" avait été
dévolue à l'hon. 1). A. Koss. L c.\ l'rocureur Ciénéral s'en
acquitta avec cet esprit, cette verve (;ui égayaient au;ret'ois les.
Chambres.
"M. le rresident proposa ensuite ; "la terre où nous viviuis,"
et incita S'. J M. Le ^loiue, A y répondre.
*'\'oici ses remarques r-.i ont été cha'eureusemeiit accueillies
par tous les convive.s :
J/. le Présidait, J/cSsicur.-;
Je vcus remercie de tout ci.e'.;; ie
vos paroles généreuses à mon adresse. Je vous dirai qiie .parrui
les recherches hlstoritjues qu'il m'a été donné de iaire, celles iui
avaient l'our but d'éclairer la ([uestion des éléments ([lù eut: .-.t.
dans la com[*osition de la nationalité l'anadienne, m'ont d>..i;ié
des résultats ijui m ont fort surpris. A ]iareille date, il y a deux
ans, je prenais pour sujet de conférence, dans cette saile même,
le suivant : The Scot in New France, L'Ecossais en Canada," et
si ^L Francis(pae Ndchel, dans son magnifique '«ulume '" l.'i,-
cossais en France " nous a révélé de si étranges choses sur la
position imj)ortante de vos conijiatriotes en ï-'rance, même au
quinzième siècle, je fus a-'Sez heureux, je crois, pour retrac::r a
carrière de vtjs laborieux et intelligents coini:)atriotes même
jusqu'au berceau de la colonie. Je signalai même parmi les 1 iC'
compagnons de Cartier des noms d'une consonnance écossaise
fort signiticative, puis je vous désignai notre historique champ
\2i)
KriiN'oiikAi'iiii:
do bataille, lus l'Iaiiics d'A!)rah;iip, la proprioii: de maître .-\l)ra
ham Maitiii. dit rK(H)s.>ais, pilote tlii Kni do l''raiu:o Puis je
Iro'ivai sous la doiuina'ion iVauvaisf, dans les prisons. 1 aimable
el brave oltlcier «le l'armée, le major Stob ), né a lllasj;o\v en
1727, prisonnier île guerre avec un nommé Clark et un 1 t. Ste
venson.peiulaiU quaire années, «755-9, iei même. 11 ét;'.il si aima-
ble—disent les J/<'v//(V/('^ du temps - que les d.imes l'rançaisc's
de (Québec se l'arrachaient. J'uis, en 1750, un serviteur dévoué du
roi de l'ranee. mais pourtani de descenilmce écoss.iise, le
commandant de garnison de <^Uiébec en septembre 1759, le
niajoi' de Kanisey. (^nand la tortune de l.i guerre le tor(,'a a
remettre les cU f-> de notre ville, a (jui les remi'. il ^ A un autre
Ecossais, le (iénéral James Murr.iy. Puis, vimt une ■-erle de gou-
verneurs écossais, et tons amis du progrès et des lettres : le
l)i: 'de Riehmond ; le Comte tl': Dalhou^ie, le fondateur de la
société Historique en 1S24 ; l'éloquent Comte d Klgin : puis
not!-e lettré Viee Koi, le .Marquis de l.orne. le f.tndateur de la
Société Koyale ])our le ]irogrés des sciences et des lettres. Jeté/,
un coupd'teil siu' nos hommes d'!'',tat. (Ji'.e \()ye/.-vous dans
nf)t"e province ? l'n l^cossais, appelé et rappelé c(nnme ministre
(Us l'mances, .M Robertson. et assez audacieux pour entrepren-
dre celte tâche plus cpriuimaine. \'oyez à. Ontario, les .\htc
keii'ie, les Mowat, les b'raser, les lirown, — Mackenzie chargé
])endant cin(i ans des destinées de cette vaste i)U'Ssance. Mais
vo\ t;/. au dessus de tout celte granile figure écossaise, la gloire
su|'réme de 1. Amérique r)ritanni(pie. celle de Sir John A. Mac
donald. A ([ui devons-nous en C^anada la première jiresse ;i im-
])rimer ? A des ICcossais, Cilmore et ]jrown. Kt puis celte ma-
gnifique ligne océanique, à (jni la devons-nous ? Aux Allan, des
Kcossais. Ces princes de la finance, Duncan Mcintyre. Sle|)hens,
Angus. ces maîtres du Nord C)uest, qui sont-ils ? Des Kcossais.
Oui, M le Président, vos compatriotes ont en effet raison de
])orter haut la tête. Pour peu que leur marche de conquérants
continue, ils courent risque de dominer tout."
Je dois noter ici deux incidents récents, propres à pro-
mouvoir le goût des sciences en Canada et à faire connaî-
tre du même coup les avantages que notre jeune mais
vaste pays oftVe comme séjour aux populations PLuropé-
ciines : la présence et les .séances publiques, à Montréal,
en 1S82, Clc l'Associniioii jbiicricninc pour le progiis di la
sciciici-, à l'Université McGill Orand nombre dn ses mem-
bres se rendirent à Québec ; les citoyens leur donnèrent
un banquet, dans le cours d'une excursion par eau qui
fut orîTanisée à nos frais dans le beau havre de Québec.
I-KON im; kosnv
121
Des adresses de félicitalioii-, kur furent présentée-; de
la part de notre municipalité. V.u ma qvialité de Président
de la S:>rii'/i' /-/7A/v?//\ </ Ilistoriiju', je fut char^^é de leur
souhaiter la bieiuenuc. ce i;ue Je fis dans les termes sui-
vants :
)ro-
lai-
lais
ipé-
:al,
\la
|m-
Int
^ui
QUKliKC AND i IS 1 1 ISI'OK I C l'ASl".
"W(î inserl tlif remarks wlucii n(Ci)iiii)anie(l ilio iiislorical notes
prepared hy liie rresident of tlio laloraiv ami Historical Society
.Ml
iiiU'S Mcl licrson l.e.Mdiiic, at ilic
M(
ilar
) 'iir cxr.ursioii and
lunclicon given to tlie Dclegales of liie American Association for
the Advaiiecmenl of Science, on tlicir visil lu (^Mcliec,2C)th Auuast,
" Ladies and (lenUomen, -The annals of iliis vasulependency
of Cîreat ]'iitain,wliicli \ve are proiid lo call oiir coinUry, vaster even
in extcnl tlian tlio lcrriti>ry of yoiir prospérons re])nl)!ic.are divided
into iwo dislincl parts l'ho firsl cenuiry and a half iCjcS to
ly^g — represents ihe I-Vench domination, l'hough lotally alicn in
its ainis and aspirations from ihc ï-nc.ceeding ])ort!oii, it lias
neveitheless for (,)uehec
an
esnecial charm, niost endear
inL
mcmories. It was the fruitful era of early discovery, niissionary /,eal
and heroisni, wcallhy fnr trading conipanies — sliall \ve call tlieni
inonoi)olics — incessant wars witli the ferocious aborigincs and
sHiiguinary rsids into the adjoining Hritisli jirovincc^. W'iien the
colony expanded, an enlarged colonial ontfil called into existence
more ]io\verful machinery, more direct intervention ofilie french
nionarch : a Royal (lovemment in 1663, to save and secure the
cnmbersome System based on die Seigniorial Tenm-e in land ; a
mild form of feudalism imiilanted nt Qnebec by the Grand Monar-
que. It would take me fir beyond the limits 1 hâve ])rescribed
myself, were I to imravel tho langled web of early colonial rnle or
misrule, which nntil llie con(|uesi l)y lîritain in 1759, tlourished,
under the lily banner oftlie IJourbons. on yonder sublime cliff Let
us revert then to that haunted dreaniland of the past ; let us
glanée at a period anterior to ihe f )ndation of Jamestown in
1607, even much anterior to the fondation of Ste. Augnstine. in
Florida. On the north bank of the river St Charles, about a mile
from its entrance, Jacques-Cartier wintered in 1535 ; the"Crande
Hermine," 1 20 tons ; the " Petite Hermine,' 60 tons ; the '' Kmeril-
lon, " 40 tons ; and hère anchored in August 1860, Captain Vine
Hall's leviathan, the (Ireat ICeastern," of 22,500 tons ! What
terror the shipping news that morning of September, 1535, must
■hâve caused to swarthy Donnacona. the Chieftain of the Indian
(Froquois or Huron) town of Stadacona I the tirst wave of fo-
122
AMLKIC \X ASSOCIATION
rcigii imasion liad sur^cil round ihc Iiidian wigv.ains wiiich
liiied the nunb.crn dcclivity nf the i)hilcau un whicli Québec
now stands flielwien Hope Ciato and ihc Coteau Ste-Clene-
viève). Of course you ave aware this was not (iarlier's lirst visit
to the land ot the norlh ; his keel had. in 1534, furrowcd tlie
banks of Ncwfoinidland and ils eternal fogs ; in 154 1-2, he had
wintcred a iew miles higher tlian \vc now are-- at Caji Rouge —
west of Québec, 'l'hen, therc o'^cius in our annals of ICuropeau
scttlt-nu'iU a gap of more than hilf a century. No trace, nor des
cendants on Canadian soil, of .lacciues L'arlier's adventurous
comrades. 'J'he wheel of time revolves ; on a suhry Jiily morning
i3rd July, 160S), the venerated founder of Québec — Samuel de
Chaniitlain ccpially famous as an explorer, a discoverer, a geo-
grapher, a dauntless leader, and v/hat to us, 1 think, immeasu-
rably superior, a (lod fearing (.'.hrislian gentleman with his
hardy liltle IkuuI of Xormau artificers, soldiers and f.irniers,
aniidst die oak and maple grevés oi the louer town, laid the
first stone ui' the '' habitation '' or résidence, so pleasanlly, so
graiihically de.'^cribed by your illuslrious co'.intrynien, Parkman
and Howells.
Ladies and gentlemen, [ iiave proniised you the briefest of
discourses ; but if. insiead of pointing uut to you the historical
spots, brougiu under your notice in the course of oiu' excursion,
it were my lot 10 address, as a C'anadian annalist, such a distin-
guishcd audience as 1 see hcre, what glowiiig pictures of 'soldier-
like dariiig, of Christian endurance, of heroic self-sacrifice, coiil J
be sinmnoned from the pregnant pages of Ch.aniplain's journal,
and iVom ihat quaiiu repository of Canadian hisiory, the Rela-
tions 0/ t/ii- .hsnitt's ; you would, or I am much mistaken, be dee-
ply moved with the sioiy of the trials, sufferings and dévotion ta
king and coimiry of the denizens of this old rock; your heart
would wanu towards that i)icturesiiue promontoiy — souietinies,
seemingiy dear, to sunny old France. One occasionally would
be tempted to forgive lier cruel désertion of lier offs[U-i;ig in its
hour of trial.
From the woml) of a distant j'.ast would corne forth a taie oi
deadly ihough not hopelesss struggles with savage or civilized
foes a taie harrowint;, not liowever devoid of tiset"ul lessons.
The narrative would become darker, more dreary, when to the
critelly nf Jndian foemen would be added, as oft' was the case,
the horrors of a lamine or the pitiless severity of a uorthern
winter. A ransient gleam of sunshine would light up the
canvass when perchance the genius of a Talon, the wisdom of a
C(jlbert, or the martial spirit oi a Frontenac succeeded in
awakening a faint, canadian écho o\\ the banks of the Seine. In
ihose winding, narrow, nneven streets, \.\w ibrest avenues of
Montniagny and Tracy, which now resound to no other sounds
but the din of toil and tralRc, you would meet a martial array of
I.i:CN IL KOSNV
1^3
llo
learlcss, {;ny cavaliers, and pluiv.cd waniois, hiiriying to ihe city
baltltineius to icpcl thc niaraiiding sa\aj,fc t.r ilic tue fiom Old
or Ntw l'higlaiiu, c([i;ariy obitcts cf dicad. Fidni ihc vcry dcck,
of ihis sttanicr. with the waïul ()f ihc historiaii yuu could conjure
tlie ihrilling speetaclc of ixnvciliil tlects in 1621;, in 1690 and in
1 759, anchored at tlie very !-iiol wlicrc \ve now lie, belching
forUi 5-hot and shcU on llit slurdv old tortress, or else watch
tlotillas cf l'irtli bark can(!es ladtn with litlie, tatlocd, painted
warriors. landing on that bcach, bearing jH'ace ofterings 10 great
Ononibio. \'arit'd, indeed, wouid be ib" ])anorama which hisiory
woiild unroll. Finally. you niight cast a glance un ihat crusliing
i3lh cl" Seplember, 1759, whicli closed tlie i)ageant of b'rench
rule on our '■hores, — wlien Montcalm and ah the patriolism of
the yeomanry lead by tlie Clanadian Gcntilsitoiinitcs — tlie I.on-
giienils \'audreuil, De Beaiijeu, de St Oins, de I-a Naudière,
t^ic, was ])o\verless against the rapacity and protligacy of Jîigot
and his fellow jilundercvs and parasites
Thèse were the dark days of the colony i ndcr b'rench rule : a
glimpse of the doings in those tinies suftices to explain wb.y
French Canada, deserted by France, bclraycd by sonie of lier
owii pL'oplo, accejjted so readily as wfjit accompli the new
reginie ; why, liavmg once swurn icalty to ihe new banner
iniplaïUed on that citadel by the genius of a Cliatluuii, il dosed
us ears and sleeled it.s heart even against the blandishnients of
the gênerons Lafayette — lield ont in the nai.ie of that grand old
pairint and father of your country, Cleorges A'ashington. '
Une semblable réunion avec s .nccs ^oienucllcs a eu
lieu à Montréal en août 18CS4, (S,^ \a part de l'Association
Britannique pour le progrès de 'a science sous 1 1 présidence
de Lord RayleiLjh,
Mille membres de cette célèbre société, fiuuléc à York,
en 1831 oar Sir Ik-njamin ]>rcv, ster et qui a réuni (.lans
vSon sein les noms les plus illustres (i) de la science dans le
Royaume- Uni, traversèrent l'océan p'jur leiiir en Canada,
leur coUL^rès annuel et pour discuter avec les sav.mts de
l'Amérique les [M-oblèmes cpil pré.iccupent les intelliç^encos
modernes.
Une députation de près de 6ûO membres accepta l'hos-
pitalité de la vieille capitale et vint à Québec. C'était une
(1) Ifcrsclull. niiiii|ilin y l>;ivy, lli'ilMit Sjniicr, nookcr, ItiuKliihl, Mure lusnii,
Biirwiii, lliixliy, 'r.viiilall, Lvtl, SiMittiswnoili', l{icli;iiil tiwi'ii 'A.C. Uaiiiniiy, Siinirii»,
("iirpciitiT ; parmi la liaiiti' ii'ililisii' : !>■ l'iiiici' Allicrt, lis Iliic« ili' Xiirtliiiiiilii'i'laiiil,
(il.' I!iui'lt'iii,'li, il'Artryll. h's Maniiiis di' I.aii-ilowiii', di' Hii'a(lall)am', di' Nnrlliainptnii,
les Ciiinti'i l''it/.\villiaMi, Uiiiiiiijtoii, llaimwliy, lU' Kossc, !,i)nls K^ritnii, Wrnttcsliyj
llajli'i),'li-
124
IJRITISIl ASSOCIATION
occasion solennelle et qui ne se répétera probablement pas
en ce siècle.pour le Canada, de faire connaître son territoire
et ses ressources. Le Marquis de Lansdoivne, notre Vice-
Roi, ses ministres, les Professeurs des Universités, nos
hommes de sciences et de lettres, les membres de la
Socictc Royale dit Canada, tous se crurent honoris de
prendre part à ce mémorable congrès de la science.
Elle s'était tracé un programme fort attrayant pour
l'archéologie et l'ethnogrciphie, comme vous verrez :
" I. The Native Races of America : their Physical Characters
and Origin.
II. Civilisation of America bcibro the time of Cokniibus. with
])articular référence to eaiHer intercourse witli the Old
^^•orld.
III Archccology of North America ; ancient mounds and earth-
works, chffdwcUintîs and village "houses, stone architec-
ture of Mexico and Central America, &c.
IV. Native l.anguages of America.
V. European Colonisation and its eflects on the Native Tribes
of America "
Dans l'étucic suivante lue cievant la Socictc Royale le 23
mai iSS4, jetentai défaire connaîtreles travaux du Bureau
d'Ethnologie établi chez nos voisins sous les auspices du
Siiiit/isoiiiau Institiifc ;
Les Aborigènes d'AiTi-erique —
Leurs rites mortutaires
Etude lue devant la Socictc Royale du Canada, le 22 mai
18S4.
Messieurs,- Les amis de l'histoire et de l'archéologie
parmi vous me sauront gré, j'ose le croire, de leur sou-
mettre quelques observations sur les rites mortuaires des
aborigènes de l'Amérique.
N'allez pas croire que Sagard, ]\Iarc Lescarbot, Lafitau,
Perrot, Charlevoix et les écrivains qui leur ont succédé
nous aient donné le dernier mot sur tout ce qui se rattache
à cette question si complexe : l'origine de l'homme rouge
d'Amérique — le farouche roi de ces contrées, et que les pre-
miers, explorateurs y rencontrèrent au commencement du
seizième siècle ou avant.
L'archéologie américaine — l'américanisme, comme on
dit en France — l'étude philologique et ethnologique des
races primitives de ce continent, ces innombrables tribus
échelonnées du Labrador aux Montagnes Rocheuses — de-
puis le Mississipi jusqu'à la mer Paciuque — voilà, n'en
doi'tons pas, un sujet d'un intérêt majeur pour une asso-
ciation comme la nôtre.
Pourquoi le Canada français n'aurait-il pas ses archéo-
logues aussi bien que ses poètes et ses littérateurs? ¥a\ ce
moment, la France scientifique s'occupe activement de
l'Archéologie de l'Amérique ; et la Société anierieaine de
France, établie en 1857, compte parmi ses fondateurs toute
une pléiade de savants, tels que Maltc-l^run, Alfred Maury,
liurnouf, Bonnetty, Cortambert, Léon de Rosny et Madicr
de Montjau.
Chez nos compatriotes d'une autre origine, au Canada,
l'on voit un groupe de zélés chercheurs : MAL Dawson»
Wilson, Campbell, Reade,Whiteaves, Mathews, Hind, dont
Ï26
ETUDK
les écrits ont jeté beaucoup de jour sur tout ce qui se
rattache aux peuplades indiennes, leur origine, leur
mythologie, leurs croyances religieuses, leurs superstitions,
leurs dialectes si variés, leur conformation phj'sique, leurs
rites et cérémonies funèbres, etc.
Jusqu'au moment où cette société vit le jour, ces savants
avaient été laissés à leurs eftorts individuels. Ils étaient
sans organisation, sans aide de l'Etat, sans musée national
pour recueillir les curieux monuments, les vestiges de ces
races éteintes, leurs hiéroglyphes, leurs sculptures sur
pierre ou sur bois, les symboles des tribus, leurs ustensiles
domestiques, les armes des gueriier.^, les crânes et les sque-
lettes. Une ère nouvelle a donc commencé ; il nous est
permis de dire : Alîior tiudiiiiiis.
Examinons maintenant où en est l'archéologie chez nos
voisins.
C'est surtout Ilenr}- Schoolcraft qui a fait de l'archéo-
logie une spécialité aux l'kats-Unis.
Ses voyages, ses recherches ont absorbé ni us de trente
années de son existcîicc. Au reste ]\I. Schoolcraft a joui
de rares avantages pour étudier rhomme ^it> boi?, pour
soulever un coin du voile qui couvre cette étrange nature,
pour pénétrer à travers l'ccorce de cette organisation excep-
tionnelle, inaccessible au progrès, aux lumières de la civilisa-
tion. Il a vécu de longues années parmi les aborigènes,
où il épousa la petitc-fille d'un grand chef, une femme
douée des plus éminentes qualités du cœur et de l'esprit.
L'idée de son magnifique travail, dont le premier volume
vit le jour en 1860, fut conçue en 1S46. Cette année-là,
avec l'appui de plusieurs amis de la science, Schoolcraft
présenta un mémoire au Congrès, l'invitant à s'enquérir
de l'histoire, de la condition et de la destinée des races
indiennes des Etats-Unis. Le 4 mars 1847, le Congrès
donna instruction au secrétaire de la guerre, dont relevait
le Bureau des Bniivagcs, de faire préparer un rapport sur
cette matière, et M. Schoolcraft fut chargé de le dresser.
I.KS AlîORIClEVES DAMKRIOUE
12;
)n,t:rrcs
Les six in-quarto de Schoolcraft (i) enrichis de nom-
breuses gravures, de planches coloriées, de dessins fort
variés et exécutés avec luxe, ont servi pour ainsi dire de
point de départ à la plupart des archéologues qui sont
venus après lui, et le nombre en est grand.
Mais passons sous silence les recherches de Schoolcraft,
Catlin, Hubert Bancroft, Haie, Abbott, etc., toutes pré-
cieuses qu'elles sont, pour signaler les travaux des archéo-
logues du bureau d'ethnologie de Washington, présidé par
le major J. \V. Powell, cette partie du moins qui a trait
aux rites funèbres des peuplades sauvages. Que d'études
profondes à faire sur les langues indiennes, ces douze cents
dialectes dont on a constante l'existence en Amérique !
Que de points d'onalogie et de comparaison entre les
vocabulaires, (2) la construction de la phrase, la conson-
nance des mots, la pictographic, les hiéroglyphes de ces
races, et le langage, les us et coutumes des peuplades de
r.Vsie et de l'Europe ! L'homme blanc, l'homme rouge,
l'homme noir ont-ils tous une commune et unique origine ?
Nous le pensons. l'ien que certains écrivains aient pré-
tendu qu'il se rencontrait en Amérique des ruines qui
remontent à ^inq siècles après la fondation de Babx'lonnc,
on n'a pas encore rien découvert qui dénote chez nos
aborigènes une civilisation avancée, des art?, perfectionnés,
— pas même chez les incuiid luiiidcrs, constructeurs de
monticules de l'Amérique Centrale. L'archéologie chez
nous ne ressem'ule nullement à celle de la \icille ICurope,
où une colonne sculptée, un torso antique, comme l'a dit le
professeur Wilson, révêle l'ère de Thémistocle lU
d'Auguste. Chez nous, l'historien des âges préhistoriques
trouve peu de matériaux pour exercer sa science, tar.dis
que l'archéologue, bien qu il manque de traditions sur
l'époque antérieure à la découverte du c^'Utinent, recueille
(Il •' Aurilivi:s oc Abouigixai. kxowi.v.dhi of tho l'iiitnl State.-', " bv Uiiiry i;.
Schoolcraft, L. h. 1). rUilaildiiliia, ISii i.
(■2) Voir la confôroiico lue ilovant la Soeii-té l.itt 'Taire et Ilistnri.iuc, à (^l'cbcc. le 17
ilécembrc ISJO, par Jf. le iirofessi'ur .T. eaïui'liell, 51. A., ib' Montréal.
128
ETUDE
une aiîipie moisson parmi les ruines et les naonunients
dont rori<^ine semble postérieure à cette date, et peut en.
tirer de lumineuses conclusions.
Le domaine de l'archéologie en ^\mérique est beaucoup
trop vaste jour être exploré en un seul jour. I'"tudions,
Messieurs, pour le quart d'heure, l'aborigène sous un des
aspects les plus hitéressants de son étrange nature : la
sépulture donnée à ses morts. Il y a au moins sept modes
principaux de sépulture chez les races indiennes :
lo L'enfouissement des cadavres dans des fosses ou
excavations, dans des tertres élevés de main d'homme,
dans des huttes, sous des tentes, ou bien encore au fond
des cavernes.
:^o L'embaumement, qui consiste à transformer les dé-
pouilles mortelles en momies, avant de les confier à la
terre, aux cavernes, ;iux tentes, ou à îles échafauds élevés
sur le sol, ou à des charniers ou ossuitilcs, etc.
;]o Le dépôt du cadavre dans une urne.
4o La sépulture dans les arbres creux ou -ous des mon-
ceau.x d'écorce ou de pierre, à la surlace du sol.
âo La crématio!! partielle ou totale des corps, et le
dépôt subséquent des os calcinés ou dis cenulres dans des
urnes ou des boîtes hissées sur des échafauds ou des
arbres, etc.
(!o La sépulture aérienne, laquelle consiste à déposer
les cadavres dans des huttes ou bien Liicure de les enfer-
mer
dan;
(.les
P
n"ot
:es
ou
0.^::^ boîtes éievée.i sur des esta-
cades ou poteaux, ou bien déposées à la surface de la terre.
Quelquefois la dépouille des jeunes ei
dans dc^ paniers, puis sus
ifants était enfermée
pendue p.ux rameaux des arbres.
L;
i seini
Itui
a)U.'
l'onc
e, ou ilans des pirogues que
l'on lançait à la dérive, etc.
Le i rocédé le plus usité semble avoir été l'inhumation
sous terre. " Les L-oquois de la Nouvelle York, dit vSchool-
nt un trou profond ; on y enfouissait le
cra
cad
ft
creusai
avre du défunt
iresse sur ses
pied
s ou ramasse sur ses
LES AIOKIGÈMS I/AMKKIQUÉ
I29''
ou
le
es
os
ser
;r-
•e.
ce
le
hanches. On recouvrait le trou avec des troncs d'arbres ;
afin de garantir le corps du contact avec la terre qui lé
recouvrait. Puis on élevait le sol en forme de tertre ou de
retranchement sphérique. Le mort était revêtu de ses-
plus beaux habits ; on lui faisait don de wampumet autres
effets. Les parents tenaient la fosse dégarnie d'herbes et
s'y rendaient à diverses reprises pour y faire des lamenta-
tions."
L'historien lawson (i) décrit comme suit les rites funè-
bres des Indiens qui jadis habitaient les Carolines : " Chez
les tribus de la Caroline, la sépulture des moits était
accompagnée de cérémonies particulières dont l'étendue
et le goût se mesuraient au rang des tiépassés. On plaçait
d'abord le corps sur un brancard de branches, puis on le
reléguait dans une hutte construite pour l'occasion, où les
parents, les cheveux en désordre, venaient le pleurer pen-
dant un jour et une nuit. Ceux qui devaient prendre part
aux funérailles s'acheminaient vers la bourgade, et, che-
min faisant, ils arrachaient des épaules de ceux qu'ils r-^'n-
contraient les couvertures et vêtements qu'ils jugeaient
nécessaires à la cérémonie. On en revêtait le cadavre puis
on le recouvrait de deux ou trois nattes de joncs ou de
cannes.
"Le cercueil était fait de cannes tressées, ou de joncs
creux, liés aux extrémités. Quand tout était prêt pour la
sépulture, on transportait le corps, de la hutte où il avait
été d'abord déposé, dans un verger de pêchers où uv
autre brancard le recevait. Là se réunissaient la famille
du défunt, sa tribu et les invités.
"Le jongleur, ayant commandé le silence, prononçait
I oraison funèbre du mort, racontait sa bravoure, son habi-
leté, son patriotisme, ses richesses, son prestige parmi les
guerriers, commentant sur le vide que sa mort allait causer
et exhortant les survivants à le remnlaceren marchant sur
ses^traces, décrivant le bonheur qui l'attendait dans le
(1) Hist. of Carolina, 17U, ,,. ig], cité par Schoolcraft, page 93.
m^m
■no
ETUDE
pays des esprits où il était rendu, et couronnant sa haran-
fjue par une allusion aux principales traditions de la tribu,
"l-'inalement le cadavre était porté de ce brancard à la
fosse par quatre jeunes gens, escortés pav les parents, le
roi, les vieillards, la nation entière. Une fois arrivé au
sépulcre, profond de six pieds et long de huit ou peu s'en
f.uit. où l'on avait solidement enfoncé dans le sol deux
fourches sur lesquelles reposait une perclie. on tnatclassait
U: fond du sépulcre d'écorccs d'arbre ; ou y déposait le
corps avec les deux ceintures ou lanières qui avaient ser\'i
à porter le cercueil ; on plaçait ensuite nombre de bùche>
de pin résineux appu}-écs sur la perche, pour servir cl'cM-ne-
ments autour du mort. Alors on ajoutait Ov la terre en
forme de voûte pour garantir le cadavre du contact de
l'air." Après un certain temps on l'exliumait et on dépo-
sait; les os dénudés dans l'ossuaire, que Dclîry et Lafitau
nomment le " Quiogo/.on." Les rites funèbres chez ces peu-
pies ont subi plusieurs modification';, depuis ces lointaines'
époques. On se sert da^•an^^gc de cercueils, cl le înort a
toujours la tête vers l'ouc.-t. On a supprimé l'oraison funè-
bre ; mais le festin des mort- ot les autres ccrémonic-; de
deuil se pratiquent toujours.
Les Crées et les Séminoles tle la l'ioride, en 1S55, enter-
raient les morts de la manière suivante : " Quand < i) uii
membre de la famille meurt, les jjarcnts inhument le mort
il (j'j itre [Meds de.pr<)foni!eur à i)eu près, daiis un trou
ri)!V,i c;eubé sous la hutlc ou le rocher même où il expir,\.
< )n place le cadavre dans i.i fosse, dans l'attitude d'une
personne assise — enveloppée d'une couverture et les jam-
bes recourbées et liées ensemble.
".Si c'est un guerrier, on le tatoue ; on lui donne son
calumet, ses armes, ses décorations. On ajoute à la fosse
des baguettes liées à un cercle. On recouvre le tout d'une
couche de terre suffisamment forte pour supporter le poids
ut Hist. lud. Tribes of l'. S. \>-,r,, pt. V. p. -.ÎT.i.
LKS AliuKIGKNKS 1) A.MKklOfE
131
d'un homme. Les parents hurlen:
en public quatre jours durant. Quand le d
Èi tue-tête et [)leurent
cfunt a été de
son vivant un homme émincut, sa fanu-lle quitte son
ancienne résidence pour s'en construire une nouveile. per-
suadée que là où gisent les os de ses morts, le lieu e>t
infesté d'esprits et de spectres malfaisants."
Les Comanches ont un mode particulier Hc disposer de
leurs morts, sans s'occuper du contact des rotes avec la
terre :
" Quand (I) un C'omanche tire à sa fin et que lé râle de
l'agonie va faiblissant, on profite de ce que le corps e^t
encore dnud et flexible pour lui replier ie^ genoux sur la
poitrine et les jambes sous ics cuisses. Vn 1u: pU,ie les
bras sur chaque côté de l'estomac et on lui courbe la tête
sur les genoux au moyen d'une laniùre qui l,, retient fe--
mement dans cette position. Alors on envelopn,- lo corps
d une couverture, et une seconde lanière affern-ÏL '<« tout •
de sorte eue le déRint semble être un objet rond .t corn-
pact. ( )n lie le cadavre .ur le .!o:. d'un cheval ; une squa^v
monte en crMupe. ou deux A:mme- Marchent de chiqu.^
cote au cneval pour tenir le dcf^mt en place jus-nù-u lieu
de la sépulture. Puis on le jette dans i'oxcavation or-^o..
rce. Le mort n'a d'autre cortège funèbre que deux ou trci,
temmes. L on transporte d'ordinaire le corps à l'ouest d-
ia bourgade, et on l'enfouit sans façon dans une des :;.-o-
fondes ravines ou .W//.V/.- du pavs t!es Co:nancii.>>- \>,
enterre le guerrier avec ^on arc et sc> ilèches. mais aprè^
avoir rompu ces dernière.. On dépose aussi dans la tombe
la selle de son clieval et autres objets de valeur Puis on
recouvre la fosse de fagots, de terre, et que quefois d.
pierre.
Parmi les cérémonies funèbres, notons la coutume de
tuer, près de la fosse, le meilleur cheval du défunt, oour
donner occasion à ce dernier de faire acte de présence
(n Annual Report oftho Bureau of Ethnolog;
'.V, U. S., 1S70-60
, r- 93.
ETUDE
dans l'autre monde Mir nue monture vigoureuse et bien
caparaçonnée.
Anciennement, si le défunt avait été un chef ou une
personne d'importance, possesseur de vastes troupeaux de
chevaux sauvaj^as, on lui sacrifiait de deux cents à trois
cents de ces derniers.
Les Cumanches et les Wichitas — bons cavaliers — racon-
tent le trait suivant, pour prouver la nécessite de pourvoir
les morts d'équipages convenables, au moment où ils
abordent Je séjour des bienheureux :
" Un jour, un Comanche, vieux, pauvre et sans parents,
mourut, (.l'uekiues membres de la tribu furent d'avis qu'il
importait peu quelle monture il aurait pour faire son entrée
dans le pays des ombres. On tua donc près de sa tombe
une vieille haridelle qui avait une oreille pendante. Peu
de semaines après la sépulture du pauvre homme, il revint
monté sur la même rosse, fatigué et affamé. Il se rendit
en premier lieu au camp des Wichitas où il était bien
connu, et tlcmanda des vîvres ; mais sa mine liideuse, ses
yeux L-teints, ses joues creuses inspirèrent de l'effroi à tous
les spectateurs ; ils ^c sauvèrent. Un guerrier doué d'un
courage plus robuste que ses compagnons se hasarda à lui
présenter au bout d'une longue perche un morceau de
viande. Le défunt s'.^ rendit ensuite à son propre camp,
où il inspira, si c'était possible, une terreur encore plus vive
que chex les Wichitas. Comanches et W'ichitas quittèrent
l'endroit, et allèrent s'établir ailleurs.
" L'âme en peine questionnée pourquoi elle était revenue
de la sorte parmi les vivants, fit réponse que lorsqu'elle
s'était présentée à la porte du paradis, les gardiens avaient
refusé net de le laisser passer outre sur sa misérable
monture. Elle avait donc le triste parti de revenir en ce
monde rejoindre ceux dont la lésinerie lui avait procuré
cette triste haridelle. Depuis ce temps, nul Comanche
trépassé ne s'est mis en route pour le royaume du soleil
Douchant, sans être pourvu d'un coursier capable de faire
LES Al;OKIC.i:NLS d'amkrioue
133
îiiue
'elle
lient
lable
ce
;uré
liche
)leil
faire
honneur à son cavalier, aussi bien qu'aux amis qui le
fournissent.
" Le cortè;,rc: quitte la hutte du côté du soleil couchant,
afin que le trépassé puisse accompagner l'astre du jour au
pays des ombres. Ses mânes se mettent en route le soir
même du lendemain de sa mort.
" On brûle la hutte, les couvertures, ks habits, les objets
de prix du défunt, tout, excepté ce q ji a été enterré avec
lui-même, ses voitures, ses harnais L'on pleure, l'on se
lamente, l'on se dépouille de ses vêtements pour se revêtir
de haillons. Une jeune épouse, une mère dévouée se fera
des incisions aux bras, au corps, avec des couteaux ou des
ciseaux de pierre, au point de tomber en défaillance par
la perte du sang. On engage des pleureuses versées dans
l'art de se lamenter. Les proches se dénudent le ciâne
de cheveux, en tout ou en partie. Si le défunt était un
chef, les jeunes guerriers se coupent la chevelure du côté
gauche.
" Durant les premiers jours qui suivent la mort, le deuil
se continue surtout au lever ou au coucher du soleil, car le
Coinanche ad -re le so'eil. Pour un guerrier mort en été,
le deuil dure jusqu'à la chute des feuilles. Quant à celui
qui expire en hiver, on continue de le pleurer jusqu'à ce
que les feui.les reverdissent. "
*• Chose digne de remarque, ajoute le Dr. H. C. Yarrow,
les rites funèbres chez les Comanches sont presques iden-
tiques avec celui de certaines tribus de l'Afrique... L'usage
de louer des personnes pour pleurer date de la plus haute
antiquité.
SÉPULTURES HORS DE TERRE
Ceux qui sont curieux de connaître les modifications
■que les sépultures indiennes ont subies là où les mission-
naires ont pénétré, liront avec intérêt la partie du mémoire
•du Dr Yarrow, qui décrit les cérémonies funèbres des
Pueblos, au Nouveau-Mexique, d'après le Juge Antony
Joseph.
Ii4
ETUDE
!î
On y remarquera, cntr'autres, la coutume singulière de
la tribu des Caddoes, qui ne confient pas à la terre la
dépouille de leurs guerriers morts sur le champ de bataille,
mais s'en remettent aux bêtes fauves et aux oiseaux de
proie du soin de les faire disparaître, — le sort de c^'s guer-
riers dans le pays des âmes étant réputé préférable à celui
de ceux qui meurent de mort naturelle. Au reste cette
pratique de jeter les cadavres à la voierie existait chez les
anciens Perses, les Mèdes, les l'arthes, les Illyricns, etc.,
au rapport de Hruhier et de Pierre Meuret. Tout ce cha-
pitre du mémoire, où sont décrits les divers modes de
sépulture mentionnés dans les récits de voyages anciens
et modernes, mérite un examen attentif. (. litiiiial Report
of lUircau of litluioloij;}\ U. S. 1879-80, p. 101-3.J
CVSTES ou TUMliKAUX EX riERKE
Ce genre de sépulture semble surtout avoir été prati-
qué dans les ICtats du Tennessee, de l'Illinois, du Ken-
tucky, ainsi que dans l'iVmérique Centrale. (Report of
JUtriiin of h'.thuology, p. i I3.>)
On remarque chez ces aborigènes la même préoccupa
tion que celle que nous avons notée plus haut : préserver
le cadavre du contact de la terre, après la mort. A cette
fin on creusait le sol de douze à dix-huit pouces de pro-
fondeur, puis l'on confectionnait, au moyen de pierres
plates, une espèce de tombe, quelquefois en y ajoutant
une pierre en guise de couvercle. Les tombeaux des races
primitives de la Gaule, trouvés près de Solutré, France»
en 1873, ressemblaient à ceux qui furent découverts par
Moses Fiske, au Tennessee. Les cadavres avaient été vrai-
semblablement repliés, comme si la personne était assise.
Quelquefois les tombeaux des hommes contenaient des
pipes, des marteaux, des dards de flèches en pierre ; on
trouvait aussi des morceaux de poterie, des perles, etc»
dans celui des femmes.
I.i:S AliOUICHNKS D'AMr.UI.^UK
«3.^
L'archcolo^uc Hancroit (i) ilccrit comme suit le mcxlc
do M^'pulturc par cystc, chez les Dorachcs de l'Aïueiiiiue
Centrale: " A Vera^nia, les Doraches avaient deux modes
de sépulture. Le tombeau des chefs était fait de picffes
plates, relevées solidement ; on y déposait des urnes [(ré"
cicuses re'uplies de vin et de nourriture pour les morts.
Un enterrait le peuple dans des tranchées où étaient
>sés des cruches de vin et des vases remplis de maïs ;
reste de la tranchée était rempli de pierres. l".n (jueU
qucs endroits de Panama et de Darwin, les chefs et 'es
t^rands, seuls, recevaient des honneurs funèbres. Ch ' ''.•
peuple, dès tju'un individu sentait les approches .'c la'
mort, il s'acheminait ou se faisait conduire vers la h)ièc
par son éi)ouse, sa famille ou ses amis, ijui lui apportaient
des épis de bleds ou des gâteaux et un vase rempli d'eau,
puis le laissaient à son sort, exposé souvent à la voracité
lies bêtes fauves. D'aures, plui respectueux envers leurs
morts, les enfermaient dans dcri séjndcres. où ils prati-
quaient des niches pour recevoir du vin et du. maïs, qu'ils
rf ivelaient chaque année. Chez certaines peu[>l.Kles,
(- la mère expirait avec un enfant h la mamellr en-
fant vivant était déposé sur le sein de sa mère et en: ré
avec elle, afin qu'elle pîit l'allaiter même au-'.lclà de la
tombe." (//. Inxiicroft).
La tendresse maternelle avait c!ie;: ces peuples des
secrets, des mystères que ne comprcu.iit {)as même Milie-
voye, quand il chantait en vers .si Inrm jnieu.>c les sé[)ul-
tures indiennes du Canada :
ln'3 vi'ii.x li'V.'s au ciel, l.i nu'ii' cl.siiki'
S'aiiprinlii' iivci.' li'iiti'iir dr l'i'iiiiit niaiisoli'',
Kt, s(iu|iir;iiit le nuiii ilr l'i't oiiCaiit ilii'ii,
Ki'liaiiil s-,ir siiii toiiiln'aii lo lait <|iii l'ci'it iiniini.
SÉrui/ruRKs dans li:s jertkiis.
Comme le bureau d'ethnologie de Washington doit pri>-
chainement publier un volume spécial sur ce genre de
sépulture, le savant Dr. Yarrow s'est contenté de présenter
C) Xat. Kaci'S ut tlio racifk' Matis. l>74,Vol, I„ \i. 7(<0.
136
ETUDE
daiiî son mémoire un aperçu des exeuiples les plus frappants
de sépultures sous tertres — qu'il nomme hurlais In inoiiiids
— découverts dans les Etats du Missouri, du Tennessee
de rOhio, de l'IUinois. de la Floride et de la Caroline du
nord.
Ces tertres sont construits en terre, en sable, quelquefois
en pierre, de quatre à quinze pieds de hiuteur sur trente
à ceiu pieds de longueur. Ils sont creux, et sous ces dômes
ou chambres mortuaires se rencontrent les squelettes sou-
vent partiellement calcinés des anciens habitants, accom-
pagnés d'objets en pierre ou d'articles de poterie. La cré-
mation partielle était-elle usitée chez ce^ peuples et les
tertres n'étaient-ils que des cimetières ou lieux de dépôts
secondaires pour les restes calcinés des guerriers ? Voilà
autant de problèmes à résoudre. L'ethnographe Yarrow
c ôt cette partie de son .travail par la description d'un de
les cimetières ind ,ns dans la Caroline du Nord, découvert
en I1S71, par le Dr. J. M. Spainhour. Il mentionne un
autel au centre. On y trouva trois squelettes qui semblaient
avoir été inhumés d'après une méthode précise. L'est,
l'ouest et le sud de la chambre étaient occupés, mais non
le nord. On voyait, par la présence et la disposition des
tomahawks, des colliers et autres objets, que les occupants
devaient avoir été des chefs.
SÉPULTURES D.\XS OU SOUS LES WlGWAMS
Butel de Dumont décrit comme suit un mode de sépulture
usité chez certaines peuplades de la Louisiane, en 1750 :
" Les Paskagoulas et les Billoxis n'enterrent point leur
Chef, lorsqu'il est décédé, mais ils font sécher son cadavre
au feu et à la fumée, de façon qu'ils en font un vrai sque-
lette. Après l'avoir réduit en cet état, ils le portent au
Temple ('car ils en ont eu, ainsi que les Natchez), et le
mettent à la place de son prédécesseur, qu'ils tirent de
l'endroit qu'il occupait, pour le porter avec les corps de
leurs autres chef, dans le fond du temple, où ils sont tous
rappaiits
' in?niids
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LES ABORIGÈXES D'AMÉRIQUK
137
[pulture
[75:3 :
int leur
ladavre
sque-
:nt au
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lent de
Irps de
t tOUî
•rangés de suite et dressés sur leurs pieds comme des statues.
A l'égard du dernier mort, il est exposé à l'entrée de ce
Temple sur une espèce d'autel ou de table de cannes, et
•couvert d'une natte très fine travaillée fort proprement ,.'n
carreaux rouges et jaunes avec l'écorce de ces mêmes
cannes. Le cadavre du Chef est exposé au milieu de cette
table, droit sur ses pieds, soutenu par derrière par une
longue perche peinte en rouge, dont le bout passe au-dessus
de sa tête, et à laquelle il est attaché parle milieu du corps
avec une liane. D'une main il tient un casse-tête ou une
petite hache, de Vautre une pipe ; et au-dessus de sa tête
est attaché, au bout de la perche qui le soutient, le calumet
le plus fameux de tous ceux qui lui ont été présentés
pendant sa vie. Du reste cette table n'est guère élevée de
terre que d'un demi-pied ; mais elle a au moins six pieds
de largeur et dix de longueur.
C'est sur cette table qu'on vient tous les jours servir à
manger à ce Chef mort, en mettant devant lui des plats
de sagamité, du bled grolé ou boucané, etc. C'est là aussi
qu'au commencement de toutes les récoltes ses sujets vont
lui offrir les prémices de tous les fruits qu'ils peuvent re-
cueillir. Tout ce qui lui est présenté de la sorte reste sur
cette table ; et, comme la porte de ce Temple est toujours
ouverte, qu'il n'y a personne préposée pour y veiller, que
d'ailleurs il est éloigné du vill".- , d'un grand quart de
lieue, il arrive que ce sont ordinairement des étrangers,
chasseurs ou sauvages, qui profitent de ces mets et de ces
fruits, ou qu'ils sont consommés par les animaux. Mais
cela est égal à ces sauvages ; et, moins il en reste lorsqu'ils
y retournent le lendemain, plus ils sont dans la joie disant
que leur Chef a bien mangé, et que par conséquent il est
content d'eux, quoiqu'il les ait abandonnés. Pour leur
ouvrir les yeux sur l'extravagance de cette pratique, on
a beau leur représenter, ce qu'iU ne peuvent s'empêcher
de voir eux-mêmes, que ce n'est pas ce mort qui mange ;
lils répondent que si ce n'est pas lui, c'est toujours lui au
138
ETUDE
moins qui oftVe à qui il lui plaît ce qui a été mis sur la.
table ; qu'après tout c'était )a prutique de leur père, de
leur mère, de leur parents ; qu'ils n'ont pas plus d'esprit,
qu'eux, et qu'ils ne sauraient mieux faire que de suivre
leur exemple.
C'est aussi devant cette table, que, pendant quelques
mois,la veuve du Chef, ses enfants, ses plus proches parents,,
viennent de temps en temps lui rendre visite et lui faire
leurs harangues, comme s'il était en état de les entendre.
Les uns lui demandent pourquoi il s'est laissé mourir avant
eux. D'autres lui disent que s'il est mort ce n'est point de
leur faute ; que c'est lui-même qui s'est tué par telle débau-
che ou par tel effort ; enfin, s'il y a eu quelque défaut
dans son gouvernement, on prend ce temps-là pour le lui
reprocher. Cependant ils finissent toujours leur harangue,,
en lui disant de n'être pas fâché contre eux, de bien man-
ger, et qu'ils auront toujours bien soin de lui. "
L.\ CREMATION.
Cette cérémonie mortuaire est vieille comme le monde»
C'était par une sereine journée d'automne, sous le bleu
ciel d'Italie. On préparait un bûcher sur le rivage, à
l'ombre des noires forêts qui bordent la Méditerrannée.
D'un côté la magnifique baie rie Spezzia ; de l'autre une
antique ville latine ; en face, des groupes d'îles verdoyantes
comme des corbeilles de fleurs flottant sur l'onde ; partout
une nature vaste, radieuse, favorable à l'inspiration.
Le feu sacré s'allumait pour des rites funèbres ; on
roulait dans le brasier des troncs d'arbre .«, des débris de
naufrage ; on préparait l'encens et le vin du sacrifice.
Pour qui donc ce bûcher / Est-ce pour un guerrier
Etrusque, quelque explorateur fameux de Carthage,
englouti par le perfide élément, quelque navigateur de Tyr
ou de Sidon, victime des fureurs de Neptune, ou un com-
patriote de Menœachus ou d'Archemorus occis pendant la
guerre deThèbes / Nullement, messieurs les historiens et
m
LES ABORIGENES D'aMERIQUK
139
;, a
[inée.
une
m tes
Itout
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de
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let
archéologues. Nous ne sommes ni dans l'âge préhistorique
ni aux temps moins reculés mais encore obscurs où une
louve bienveillante allaitait deux enfants sur le mont
Palatin. Nous sommes en plein dix-neuvième siècle. La
scène se passe à Villa Reggio, près de Livcurne. Et vous,
messieurs les poètes, (i) ne soyez pas trop scandalisés si
l'on vous dit ce qui advint, en septembre 1S22, aux
restes d'un des vôtres, l'illustre poète ShcUey, après son.
fatal naufrage sur la Méditerrannée,
Oui de vous a oublié que Lord Byron, accompagné de
Leigh Hunt, Trelawney, le capitaine Shenley et un autre
ami, confia aux flammes la dépouille meurtrie de son
malheureux ami, Percy Bysshe Shelley, noyé dans la baie
de Spezzia ?
Est-ce que cet exemple donné par le pocte anglais
porterait ses fruits de nos jours ?
Tout récemment la pres.se des Etats-Unis abondait en
détails sur les cas de c?émation qu'un célèbre médecin
français [2] tentait naguère à Washington, où i' avait établi
à grands frais un laboratoire icrematorium) pour cet objet
(3) Les journaux de Londres signalaient récemment au
delà de cent cas de crémation d«ns le Royaume-Uni.
Revenons à nos sauvages.
La crémation est un procédé usité non seulement parmi
les tribus sauvages à l'ouest des Montagnes Rocheuses,
mais parmi celles qu sont groupées à l'est. Elle était en
honneur chez les Grecs, les Romains, les peuples asiatiques.
Elle menace même de s'introduire chez les moderries. Bien
qu'il existe de l'aiialogie entre cette pratique chez les anciens
et chez les peuplades de l'Amérique du Nord, elle en diffère à
[I] n no faut jiiis ouhlior i|uo les poi'tes les jilua (lisitii«iU'S iln ("an.id.i, MM. Fri'-clu'tte,
Suite, Li'iiiiiy et Marchand, font pnrtip de \n prpiniiTe goctiondp l.i Société Hovidi'.
ii) Le I>r. .Tuli-s Ix-innym', récpinnient décédé i'i Wagliinifton.
[:{] Lo ^ mai cournnt, on faigiiit subir lu crémation à Washington aux restes mortel»
du profescnr Samuel (i. (îross.
I40
ETUDE
certains points.et donne lieu à d'intéressantes dissertations.
Schoocraft, (i) Stephen Powo;, (2) Ross Cox, (3) Henry
Gilman, (4) A. S. Tift'any, onv tour à tour jeté du jour sur
cette question.
Chez certains peuples, on attendait sept ou huit jours
avant d'allumer le bûcher, afin de donner le temps aux
parents de bien constater l'identité du mort. Chez d'autres
on brûlait avec le cadavre tout ce qui avait appartenu au,
défunt ; puis on enfouissait les cendres dans un trou.
Henry Gilman signale la découverte d'un tertre, en
Floride, rempli de restes humains, et où des crânes avaient
été réservés pour lecueillir les cendres. On ne voyait sur ces
crânes aucune trace de feu. Chez certaines tribus de l'Oré-
gon, la crémation des cadavres était l'occasion d'afitVeux
traitements pour les veuves des morts. Elles étaient tenues
de recueillir les restes, de les envelopper dans de l'écorce,
et de les porter sur leur dos pendant plusieurs années.
Elles devenaient comme les esclaves de la tribu dont elles
subissaient les mauvais traitements, au point qu'elles
cherchaient quelquefois dans le suicide un ternie à leurs
maux. Selon ces barbares, le feu du bûcher avait pour
effet de dégager du corps l'âme qui s'élevait avec la fumée
vers le soleil, et qui regagnait les régions fortunées dans
l'ouest.
SÉPULTURES AÉRIENNES DANS LES ARBRES OU SUR DES
ÉCHAFAUDS
Ce mode de sépulture est fort usité, même de nos jours,
parmi certaines tribus de Sioux et de Dakotas.
On place les cadavres, couchés sur le dos et emmaillotés
dans des peaux ou des couvertures assujetties par des
lanières, dans des arbres, si les rameaux offrent de^ ap-
puis convenables ; et l'on n'a recours à des échafauds que
[1] Hist. IndinnTrihos nf tho Unite.l States, 1854, Part IV, p. 224.
[•i] Cont. to X. A. Etluiol, 1877, t. III, p. 341.
L3] AdventureB du tho Columbia Hiver, 1M31, t. H, p. 387.
[4] American Xaturalist, Xovomber, 1878, p. 7J3.
srtations.
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LES ABORIGÈNES D'AMÉRIQUE
141
lorsqu'il n'y a pas d'arbres dans le voisinage. Ces écha-
fauds sont des objets sacrés, et quand une tribu ennemie
ne les respectait pas, la mort des coupables seule expiait
l'offense. Quand le cadavre a passé deux ans ainsi exposé,
quelquefois on le met en terre. Ce sont des femmes — les
femmes les plus âgées — qui se chargent de» préparatifs de
l'inhumation et du deuil.
M. William J. Cleveland a fourni une description fort
détaillée de ce genre de sépulture chez une tribu de Sioux,.
au Nébraska.
Il y ajoute des détails très intéressants sur une autre
coutume funéraire de ces peuplades, laquelle, sans être gé-
nérale, nous semble fort curieuse. Il la nomme kccpiug the
^//^j'/, ce qui pourrait se traduire pa.r couscn'L'r V esprit du
mort. L'on enlève du crâne du trépassé un peu de che-
veux que l'on enveloppe dans un morceau d'indienne ou
autre tissu, jusqu'à ce que ie rouleau atteigne au moins
deux pieds de longueur et dix pouces en diamètre ; puis
l'on enferme le tout dans un étui fait de peaux, badi-
geonné en couleurs variées et voyantes. On dépose l'étui
sur deux supports croisés comme suit : A^ — - A', en face
d'une hutte réservée à cet objet. On accumule dans cette
hutte des offrandes de toute espèce que l'on distribue en
dons, lorsqu'il y en a suffisamment. Quelquefois il s't'coule
une ou plusieurs années avant cette dernière cérémonie.
On entasse les offrandes en pile, à l'extrémité de la hutte.
Elles ne doivent pas être dérangées avant le moment de
leur distribution. Les hommes et les enfants màlcs sont
seuls admis dans cette hutte, hormis l'épouse du d funt, à
qui il est permis d'y pénétrer, pourvu que ce soit de grand
matin. Les hommes peuvent y entrer pour fumer et cau-
ser. Les femmes sont tenues de verser la cendre de leur
pipe au centre de la hutte ; et elle y demeure intacte, tant
que la distribution des offrandes n'a pas eu lieu. Ceux
qui mangent en ce lieu n'oublient jamais de aéposer quel-
ques mets sous l'étui mortuaire, pour l'esprit du trépassé.
kîs
142
ÉTUDE
f
Il n'est loisible à personne d'enlever ces comestibles, à
moins d'y être contraint par la faim ; en ce cas, il est même
permis à un e'tranger qui ne connaissait pas le défunt
d'enlever ces metb.
L'époque de la distribution venue, les amis du défunt
ainsi que ceux qui doivent avoir leur part des présents,
sont convoqués à la hutte, et le gardien — généralement
un proche parent — leur distribue les dons. Le rouleau
contenant les cheveux du mort est ouvert, et l'on ajoute
aux offrandes quelques petites mèches de ces cheveux.
La cérémonie se répète quelquefois à diverses reprises.
Tout lo temps qui précède la distribution des cheveux, la
hutte, aussi bien que le rouleau, est regardée comme un
objet sacré, mais pas au delà. Il semble que les parents
et amis du défunt ne veulent ni voir ni retenir aucun
objet en leur possession qui aurait appartenu au mort i)en-
dant sa vie, et qui leur en rappellerait le souvenir. On di-
rait qu'il s'agit de bannir aussi vite que possible la mé-
moire du trépasse M. Cleveland ajoute nonobstant qu t.-
ces Indiens croient tous que chacun est doué d'un esprit
qui survit à la dissolution du CDrps ; le corps meurt, mais
l'esprit se réunit, dar.s le paj's des âmes, aux autres es-
prits amis qu'il a connus en ce monde. Pour eux la mort
est un profond sommeil. " Il s'est endormi à telle ou telle
époque," vou'j diront-ils, en parlant des morts ; mais ces
coutumes comme bien a'autres s'affaiblissent sensiblement.
' Les Dakotas confient leurs morts aux cimes des arbres,
quand les rameaux inférieurs, ne leur offrent pas des appuis
convenables," dit le Dr L. S. Turner, chirurgien dans l'armée
américaine, et qui a passé six années de sa vie parmi ces
sauvages. " Dans tout le cours de mon existence, ajoute-t-il,
j'ai vu peu de chose de plus navrant que le spectacle d'un
des anciens de la tribu s'acheminant, chaque jour, au dé-
clin du soleil, vers la tombe de son enfant, et donnant
libre cours à sa douleur avec des accents à fendre les
Li:S AHOKIGÈNES D'AMÉKIQUK
143
lUIS
ice
:es
-il,
un
[é-
jnt
les
pierres ; puis de voir, à la nuit tombante, le vieillard
attristé reprendre, comme un morne fantôme, le sentier
qui le ramène à son wigwam solitaire. Quelquefois il y
avait à ce tableau une teinte de tristesse additionnelle, c'est
lorsque je voyais u:i père inconsolable allumer en sanglo-
tant un petit feu sous la tombe aérienne de son fils, puis
interrompre ses lamentations pour fumer en silence."
Au reste, messieurs, ces tombeaux aériens mollement
bercés par le zéphir, sous la verte ramée des bois, le poète
Delille vous les a fait connaître encore mieux que ne le
sauraient faire les archéologues de l'Amérique entière :
'■ I.^, (l'un fils (|ui iTi'st lilii!', lu tcml.iv iihtc o:i di'tiil
A «li's nimi'aux voi qiis vient iicinlrc le cinnii'il.
Kli : (nii'I soin imiivait iiiii'iix l'iiiisojor sa .ii'uir> oinliro !
Au lii'ii (rrti-i" riit'iTiiir' ilaiij la ili'mrui'r Hiir.ibro,
Simpi'iKlu sur la tcriv et n'ijardant les li.ux,
(^uoiiiuf mort, di's vivants il attire Ir.s y. ux.
liA, souvent mius le lils vient rciidser le père ;
I/i, 8i"S S'i'urs en pli'Uiant aceoinpai^nent leur niO're ,
Ij'oIsv'uu viout y cliaiiter, l'arlire y vim>ii' des pieu!'',
Lui prête son aliri, l'i^inliaunu' de ses iletirs ;
Des premiers (eux du ,iour sa tcindie se colore ;
Jies doux zéphirs du soir, )e doux vent d;! l'aurore,
lîalancent mollement ee \>rri ieux tard 'ae.,
Kt sa tiunlie riante l'st eiuore un liiu'ei'au .
De l'anuiur maternel iUusi'iu tnuelianto : "
Messieurs, je crains avoir dépassé les limites que j'ai dû
me tracer pour cette conférence, et cependant je n'ai fait
qu'effleurer mon sujet.
Sans prétendre vous avoir ouvert en cette matière de
nouveaux horizons, j'ai cru que le temps était venu
d'attirer votre attention sur les études faites par des
archéologues américains, ainsi que sur les intéressantes
recherches, de même que sur les travaux importants de ce
groupe de savants et d'antiquaires alimentés par le Bnnan
(V Etlinologic dans la république voisine, et auxquels le
iSmifhsoniau Itistitutc de Washington prête son prestige
et sa puissante protection.
Bien que l'archéologue, au Canada, soit privé de bien
des avantages accessibles à son confrère des Etats-Unis, il
n'est pas tout à fait sans ressources, sans aide. L'explo-
ration géologique et scientifique de notre sol, qui se pour-
suit sans relâche chaque année, les rapports publics par le
•44
ÉTUDE
bureau des sauvages, sur l'état des races indiennes, voilà
des sources de renseignements, une coopération toute
acquise, qu'il ne saurait négliger. L'idée heureuse du
marquis de Lornc de doter cette Société d'un musée
national, à Ottawa, où seront recueillis les antiquités, les
monuments, les reste des races primitives, aussi bien que
des spécimens d'histoire naturelle, va nous assurer des
facilités nouvelles pour étudier chaque phase de notre
mystérieux pa^sé.
Avec l'intelligence que Dieu nous a départie, les ensei-
gnements puisés dans nos lycées, et l'amour de la science
implanté dans nos cœurs, rien n'empêche que cette société
n'emboîte au moins le pas derrière la florissante association
que James Smithson fondait à Washington en 1846 — dans
la voie du progrès intellectuel et des découvertes curieuses
ou utiles qui distinguent si éminemment l'époque où nous
vivons.
Ll] Depuis (luo ii's li^'uis ont ùfi'^ tnu'ùi-s, un savant distintiui', 31. Mattliew, iln Saiiit-
jL'iin, X.-H., viiut (11! i^ittnalcr l:i ilùcouvciti! d.s iiiiiios irunc Ijnui'k'adc iuilieniu', sur les
rivca di! lu riviiro liofaliro, dans 1«' Xouvoau-Jli unswirk, (jui dato do ràyo iiréliistoriqm;.
Ij'onulit dili'Lfui' ili' la Sociéfi' IIistori(|iii' do AVinniini;, lo imifossour liryci', imiitionni!
dos soimltuios indionnos au Manitoba, ilo l'àiro dos hmitiul liHililt:):'!, et le Canada savant
attend avoo inipationoo la i)ul)lioati(>n di'a roclierolies du lli' .f.-.C Tacliù s-ir los séiml-
turol indiennes découvertes pur lui sur les rives du lac Sinicoe.
Si'
I
L'A.s;socicition T3ritaiii:iique pour
le progrès des Sciei^ces;.
On trouve dans le journal, le Star, iniblié à Montréal, la liste
suivante des membres du Bureau de Uirection ou des olliciers
des diverses sections de l'association, réunis en congrès scienti
tiques à Montréal, le 27 août 1SS4.
La réunion comptait au-delà de mille personnes.
Président— The Right Hon. the Lord Rayleigh, M A, D C
L F R S, F R A S, F R G S, Professor of Expérimental
Physics in the University of Cambridge.
Vice-Presldents — His Fxcellency thc Govcrnor-General of
Canada, G C M G, the Right lion Sir John Alexander ^Licdonald
KGB, D C L, the Right Hon Sir Lyon Playfair, KGB,
LL D, F R S li and E, the Hon Sir Alexander Tilloch Galt,
G C M G, D C L, the Hon Sir Charles Tupper, K C M G,
Sir Joseph Dalton Hooker, K C S I, C B, M D D C L, LL D,
F R S, the Hon Chief Justice Sir Antoine Aimé Dorion,C M G,
the Hon Pierre J O Chauveau, LL D, Principal J W I^'anson,
C M G, M A, LL D, F R S, F G S, Professor Edward
Frankland, M D, L) C L, Ph D, F R S, F C S, Mr Wm Haies
Kingston, M D, Mr T Sterry Hunt, M A, D Se, LL D, F R S,
Cieneral treasurcr — Professor A W Williamson, Ph D, \A^ i).
F R S, who will be represented in Montréal by Professor ] S
Burdon Sanderson, M 1), LL D, F R S.
General secretaries-Capîain Douglas Galton, (1 t>, !)(.'!,
F R S, F L S, F G S, F R G S, A G Vernon ifarcoiirt, :\ \
F R S, V P C S.
Secretary — Professor T G Bonney, D Se, F R S, i ' S \
Près G S
Local secretaries t"or the meeting at Montréal r S K i 'awson,
Mr R A Ramsay, Mr S Rivard. Mr S C' Stevenson aiiJ Mr 'l'hos
^Vhite, M \'.
Local trcasurer for ihe meeting at Montréal : Mr [•" W'olfi.'rst.in
i'homas.
The sections are the foUowing : —
A. — Mathematical and Physical Science — Président, Professer
Sir William Thomson, M A, I.L D, I) C L, F R S L Oc K,
F RAS: vice-présidents, Professor J B Cherriman, .\[ A : ]
W L Glaisher, M A, F R S, F RAS; secretaries, Charles li
Carpmael, M A ; Professor Alex Johnson. M A, LL D : Pro
fesser O J Lodge, D Se j D MacAlister, M A, M B, B Se. f Re-
corder/
10
14^
l'association britannique
B. — Chemical Science— Président, Professer H. E. Roscoe,
Ph 1), I L D, V R S, F C S ; vice-présidents, Professer Dewar,
M A, F R S, F C S ; Professer 13 J Harrington, B A, Ph 1) ;
secrcturies, Professor P Phillips Bcdson, U Se, F C S f'Recor-
dcr) ; H B Dixon, M A, F C S ; T Macfarlane ; Professor W H
Pike.
C - (îeology— Président, W T lîlanford, F R S, Sec G S,
F R (i S ; ^'icc-Presidents, Professor T Rupert Jones, F R S.
F G S ; A R C Selwyn, M. D, F R S, F G S ; Secretaries, F
Adanis, B Ap Se ; G M Dawson, D Se, F G S ; W Topley.
F G S r Recorder) ; W Whitakcr, lî A, F G S.
l)—15iology— Professor H N Mosely, M A. F R S, F L S,
F R (i S, F Z S ; Vice Présidents, W h Carpentex G B, M D,
J. I), F R S, F L S, F G S ; Professor George Lawson, l'h L>,
1,1. ]) ; Secretaries, Professor W Osier, M D ; Howard Saun-
dcrs. ]•" L S, 1' Z S f Recorderj ; A Sedgwick, B A ; Professor
k Kanisay AVright, M A, B Se.
!•; — Geographv — Président, General Sir J M Lefroy, BC;
K C M C, F RS ; F S A, Vice Président R G S ; Vice-Hre-
sidents Colonel Rhodes, P i. Sclatcr, M A, Ph U, F R S,
\' 1. S, F G S, F R G S ; Secretaries, R Bell, M D, LL D,
("r )'■ G S ; Rev Abbe Latlammc ; F G Ravcnstein, F R S ;
Î-: C Rye, F Z S ^ Recorder).
F — Ixononiic Science and Statistics — Président, Sir R Tem-
])le P,art, G C S I, C I F, I) C L, LL D, F R G S ; Vice-Pre
sident, J B ALirtin, I\I A, F S S ; Professor J Clark Murray,
LL 1) ; Secretaries, Professor H S FoxwcU, M A, F S S ; J S
McLennan, B A ; Constantine INIolly (Recorder ; Professor J
Watson, M A. LL 1).
G - Mechanical Science — Président, Sir F J Bramwell, F R
S. M Inst C E ; vice-présidents, Profesior H T Bovey, M A ;
P G J] Westmacott, M Inst G K ; secretaries. A T Atchison,
M A. C 1*: ; J Kennedy, C E ; L Lesage, C V. ; H T Wood,
IJ A (recorder).
li—Anthropology- Président, E B Tylor, D C L, LL D,
F R S; vice jiresidents, Professor W Boyd Dawkins, M A,
[' R S, F S A, F G S .; Professor Daniel Wilson, LL D, F R
S 1", ; secretaries, G W Bloxom. M A ; F i/ S (recorderj ; Rev J
Campbell, M A ; Walter Hurst B Se ; J M LeMoine.
S*' ;.;*
Roscoe,
>r Dewar,
l, Ph 1) ;
fRecor-
iov W H
5ec G S,
, ¥ R S.
taries, F
' Topley.
% V L S,
E, M D,
n, Ph L»,
rd Saun-
Prolossor
)>•, BC;
Vicc-Pre-
F R S,
), LL D,
T' R S ;
R Tem-
rice-Pre
[ Murray,
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)fessor J
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Y, NI A ;
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Wood,
LL D,
s, M A,
D, F H
1: Rev J
II PARTIE
ESQUISSES
i;. fi
A Mox^lKi :K'
BEiXjAMiN SULTE
l'RKSIDENT
Prcmià-c SccH.,n de h S.ciélc Royale
DU CANADA
d 91t. !?i»cnjaniiit SiiTlv
Historien, Antiquaire, Poï/f, (te.
" ,1'aiini' los sDuvi'iiirî! r\<).|iH'^ par l'iiistiiirc,
<)i"i le patriotiMiiii', l'iiiliiriiii do nos jour!',
Se raiiiiiu' soudain à co foyer do gluir". •'
[SL'I/I'K, " I.Lïi i'IONXlhUS ■'.!
Cher Antiquaire,
Il ne serait peut-être p is satis intérêt de jeter un c )up-
d'œil sur les premiers établissements et défrichements aux
environs de la plus ancienne cité du Canada, afin do réunir
en un seul dossier, comme matériaux pour l'histoire, les
noms des hommes marquants qui, pendant le siècle et
demi que dura la domination française, devinrent «jrands
propriétaires autour de Québec.
Pour se guider dans cette étude, on a les cahiers de l'In-
tendance, les papiers-terriers, les vie lies cartes et anciens
plans, les réfjistres du domaine public, les patentes
anglaises, h'S archives d'Ottawa et de Québec : ces arcliives
compulsées avec soin, nous fourniraient d.e singulières
révé'ations.
A part les courmunautés religieuses : les Récollets, les
Jésuites, les Dames (Jrsulines, les Hospitalières, le Séin-
naire des Missions Etrangères, que l'on rcnco'itre
comme concessionnaires du domaine du roi de
France ou des grandes compagnies, monopoles îu
commerce, si vous l'aimez mieu.v, et éternels cauche-
mars le il Nouvelle-France, l'on rencontre, dis-je,
une foule de noms qui nous reportent au berceau, à l'âge
mur ou à la décadence de la colonie française. Nommons le
Dr Robert Gififard, le seigneur de Beauport, en 1634 ; le
Commandeur de Sillery, Noël Brulart, le généreux fonda-
teur de Sillery, en 1637 ; Pierre Puyseau, seigneur de Ste-
Foye, en 1641 et du fief Saint-Michel vendu plus tartl à
152
IJKNÎAMIN SULTL
Noël Juchereau des Chatelets ; le Procureur Général Ruette
d'^V teuil, Jean Juchereau de la Ferté, Jean Juchereau de
More, seit^neurs des Hefs dans le voisinage de Sillery ; le
gouverneui' Dailleboust, seigneur du fîef Coulonge, à
Sillery, subséquemnient vendu aux Messieurs du Sémi-
naire ; MM. Repentigny, Joaquin dit Thilibert en 1740,
{est-ce le Philibert qui en 1735, posait à Québec la pre-
mière pierre du Cldcn d'or /) ; Joseph Gaspard Chausse-
gros de Lery, en 1762 — tous grands propriétaires à Sillery,
le botaniste Gomin ; l'cvcque de Québec, Pierre Herman
Dosquet. Le Sieur de Gaudarville était également pro-
priétaire d'une seigneurie, à l'ouest de Sillery, à laquelle il
légua son nom.
Puis l'on trouve le comte de Talon, célèbre intendant,
Baron d'Orsainville, fier de ses vastes domaines à Char-
lesbourg, à Ste-Foye ctc ; Louis de Lauzon concession-
naire du fief de la Citière et d'un autre fief au Cap Ivouge ;
Simon LeMaître, propriétaire, en 1636, de cette vaste
côte di Laitzon vis-à-vis Québec, plus tard acquise par le
Col. II. Caldwell. Les rives fertiles de la Chaudière sont
partagées, en 1736, de par le roi, entre les sieurs Rigaud
de Yaudreuil. Thomas Jacques Taschercau et Fleury de
la Gorgendièrc, tous bons et loyaux sujets. Jean Bourdon,
génie universel, arpenteur et ingénieur en ^hef, géographe
tt grand voyageur, plus tard, procureur-général de la
Nouvelle-France, se fait inscrire pour de jolis fiefs dans la
banlieue: le fief Saint l-'rançois, vers Ste-Foye, Saint-
Jean, près du coteau Sainte-Geneviève, site de la vieille
chapelle, où il était tenu de construire un petit fort pour
bombarder les Iroquois.
Messire Jean LeSueur, son ami, ancien curé de Saint-
Sauveur, en Normandie, obtenait en 16^-^ et en 1653 à
l'emplacement de l'ancienne commune d ^uébec, déclarée
inutile, deux fiefs — au.xquels il légua le nom de son ancienne
cure — Saint Sauveur. Le " vénérable et discret (i)
|1J l'.'rm "< il ' su p:iti'ntc'
ESQUISSES
153
Int-
3 à
Irce
Ine
aumônier «les Hospitalières raftolait du siwrt. Grand
pêcheur de saumon, au rapport du Journal t/is ycsiiitts, il
se choisit sur fief un les rives de la poisonneu.->e rivière St-
Charles.
Est-ce que la florissante jeune paroisse de St-Sauveur,
pour perpétuer le nom et les goûts de son digiie fondateur
ne devrait pas fonder un club de pêche — le club
LeSueur ?
Jean Taché, ' Syndic des marchands, " " l'homme
intègre et d'esprit " des anciennes mémoires, avait une
belle terre à Ste-Foye, plus tard, " IioUand Farm, " sous
le nouveau régime. Nous en reparlerons plu < tard.
En 1755, le major-do-ville, Hughes l'can, avait décou-
vert que pour mettre le comble à sa félicité, il lui fallait,
en sus de ses autres seigneuries, afin d'arrondir ses
domaines, un petit fief en aval de la seigneurie de St-
Michel — le fief de la Livaudière — et cet excellent AT. Frs.
Bigot, qui remplissait, en la Nouvelle l'rance, pour son
royal maître, non pas l'office de vice-roi, mais, cntr'autres,
celui de vice-mari pour ce bon major de ville, 'e lui accorda
généreusement.
Un autre fonctionnaire du vertueux iiitendant, le com-
plaisant M. Cadet, jadis boucher à Ciiarlesbourg, qui lui
aussi avait le bonheur ou le malheur d'avoir une jolie
femme, acquit un vaste domaine, aboutissant au chemin
de la petite rivière St-Charles, décrit aux vieux titres sous
le nom de " Ferme Cadet. "
Voyez comme la matière fournit et je ne suis cependant
-qu'au début. Tous ces seigneurs de fiefs ou grands pro-
priétaires autour de Québec avaient-ils des manoirs ou
même de simples résidences sur leurs terres ? Je ne le
crois pas : Robert Giftard, Puyseau, Talon étaient les
•exceptions sans doute.
On sait que le chirurgien Giffard avait une petite loge,
«on une loge franc-maçonnique, 'bien entendu — ur les
bords du ruisseau de l'ours, à Heauport, pourvue sans doute
m:
154
liENJAMIN SULTE
d'un de ces longs fusils français, à pierre, dont on trouve
encore des échantillons dans les paroisses giboyeuses du
bas du fleuve. L'histoire nous dit que le vénérable seigneur
de Ste-Foye et du fief St-Michel, à Sillery, M. Puyseau,
s'était bâti sur ce dernier, dans l'anse St-Michel, près de
cette pointe qui porte son nom un peu altéré, Xvl pointe à
Pizcan, une somptueuse demeure, qui était regardée dans
le temps comme le " Bijou du Canada. " Il mit généreu-
sement cette maison à la disposition de M. de Maisonneuve
et autres fondateurs de Montréal, où ils passèrent l'hiver
de 1O41-42.
Quant à Talon, bien que je ne sois pas dispo-ié à en-
gendrer chicane à nos romanciers et à cette légion de
charmants chroniqueurs qui ont identifié le Château-Bi-
got avec l'amant d'Angélique Péan, j'ai souvent, en l'ab-
sence de preuves que Bigot le fit construire, été enclin à
lui assigner un origine bien plus ancienne.
Pourquoi ne serait-ce pas le château ou fort de la Baronie
des Islets, (1) du comte Jean Talon ? L'on sait la
peine qu'il se donna de faire venir de France des colons
pour sa colonie modèle à Chirlesbourg, laquelle compre-
nait Bourg-le Roi, Bourg-la Reine, lîourg Talon, dont les
concessions rayonnaient toutes vers un centre commun avec
un petit fort, sans doute comme protection contre les
sauvages.
A une demanJe écrite que je fis au savant abbé l'erland
pour renseignements sur le dit château, il me fit
réponse qu'il était aussi intrigué que cjui que ce fût sur
l'origine de cette masure. (2)
(11 S;i iiutiiit' iMiiti' <|iii' II' li:iiit 1 1 |jiiiss:iiit l!;iriiii il M'i^miir haut jiisticii'r aurait
droit iroriifir ilis «rdli'!*, un Ltilict l'i (luatrc ixitiaiix. là u\\ il 1.' juuira à |in)|"i^> <lauH
lï'ti'Uiliiii ili' sa liarniii.' it chustilkTii', aussi un iiotuau avec uu collifr on l'ir, sur l'ciui'l
siTout jjravrrs «es ariui's, "
(l'irci- Itii.l T'iiurt' si'HjMfurialo P. 41.'i. |
\'i] .le tr'>uvu dans mus lartDua uni' uoto df IV niinont Uigtorioudont jodétaclu- l'extrait
nuivaut :
" Artlii'vi'clii' de (^ui'lii 1 juin 18til.
" lia li'Ki'lldn du Oliàtoau-lliKot d(i\^ 1ii'aUi'iiii|> |>lnii ^ l'iMm^Mnatiiiu .|U':\ la rt'alitt'' ; Ii'.
terrain sur li'ijui'l il l'st apiiartcnait autrefois au tii'f de la Triiiiti' a<rordt', cntr.' Iii4ip A
l(i.')0 ;\ M. Di'uis. Vendu plus tard à ^Monseiiiui'Ur de l-av,i!. il fut niorcelO dans 1. s profon-
di'urti. l.orH(|ut' M. Talon voulut fornnr sa Karonie des l^<ll'ts, il réunit à ses terreg du
Bouru lloyal, iiuel<iuea niorcuuux du tief do li» Triuit6 et purticulièrenient In i)attiu oC»
ESQUISSES
155
Il ajouta que le club des Barons y mappjeait au com-
mencement du siècle de succulents dîners ; que la chambre
souterraine, où nos romanciers avaient rélégué l'infortunée
Caroline, aurait bien pu servir comme cave, pour conserver
leur vin au club de viveurs, dont le voyageur John Lambert
nous a laissé une si vive description. M. John Stewart,
courtier de douanes, de cette ville, a eu l'obligeance de me
communiquer une assez longue lettre, écrite du Château
même ('alors nommé l'IIermitage) par un de ses ancêtres
retiré là pendant le blocus des Yankees, en 1775-76.
Feu \V. Crawford, jadis propriétaire du château et delà
terre où ce château était érigé, m'ayant donné communica-
tion de ses titres, j'y ai lu que le 26 juin 1780 la propriété,
par acte notarié, devant Jean Antoine Panet, était
passée à trois négociants fort connus à Québec à cette
époque, MM. Simon Fraser, Jean Lecs, jr., et William
Wilson.
l'^n 1S19. au rapport de feu M, F. Wys<-% «-^c Québec, la
maison était en un état de conservation parfait. Au reste
j'ai traité cette question fort au long dans mon dernier
volume, Pictiiresqnc Qucbcc.
Le Château Bigot appartient maintenant à M. Léger
Brousseau,
liiait
liliii'l
I.!
Deux siècles s'écouleront, la beauté de ces sites, leur
fertilité, leur salubrité, mieux connues, les feront apprécier
encore d'avantage.
Avec les institutions libres de la Grande Bretagne,
accourreront d'au delà de l'océan, des colons de la classe
instruite, de riches industriels, des capitalistes.
Les grèves et les bocages du Cap Rouge, les hauteurs
de Sillery, de Ste-Foye, de Beauport, de Charlesbourg,
les belles prairies de la Petite Rivière Saint-Charles trou-
est 11' l'Iiàtcati-HitfKt. J'ai oiitiinlii aiitrofuis iliri' ;i Mi'sniro ])(>nicrs (|iii! Talnii l'oni-
meiii,ii 1^ liiitir son manoir au lii-u iiirtHL' ou sont les ruiiii'S — iiuo plus tard co manoir
vendu avec lt'8 ti-rrc» fut réparé et ai;raudi. Je suis utc.
[Si|jciiéJ J. U, A. Fehlano, Ptrb.
156
niCNlAMlX SULTE
1^1:^1
veront sans peine des acheteurs '.l'carth àuiigcr (1) anglais
se propagera.
Les nouveaux arrivés achèteront avec em ires ^e ment,
seigneuries, fermes, moulins, pouvoirs d'eau etc., pour faire
en grand l'exploitation des céréales et des bois du Canada.
Plus tard, l'Eglise, la magistrature, la robe y dresseront
ses tentes.
Bientôt surgira sur chaque domaine, un manoir, une
riante villa ou un cottage orné.
D'heureuses spéculations commerciales y feront naître,
conservatoires, orangeries, exquis jardinets anglais, avenues
ombragées, serpentantes, volières, viviers, étangs, glacières,
etc.
John Bull devenu riche n'est pas homme à claquemurer
sa vigoureuse progéniture dans l'enceinte étroite d'une cité
populeuse, mal drainée, etc., enfouissant ses épargnes dans
sa paillasse de lit ou dans un vieux chausson. Il lui faut
du confort, de l'air, de l'espace, de la liberté. Certes, il
n'a pas, selon moi, tout-à-fait tort.
Telle est l'origine de bien des villas autour de Québec
que j'essayerai de vous peindre, vous indic^mnt qui les a
fondées, qui les habite, l'origine de leur nom. l'ourqueces
peintures par leur uniformité de traits, leur r-s^embLince,
ne vous fatiguent pas, j'y mêlerai mille bribes d'hist.iire,
souvenirs de familles, antiquailles, anecdotes de sport, etc.
(1) l'ilti)ri'si|iu' i'xpri>3-iii)u iiivi'iitri' pnr li> ci'li'liro (•ssuj/isfc Uulpli Wahlo Kiiktsoii
nuti'ur ilo ri;tucl • sur li' ji 'iiplo iiiiirlais iutitiiU'i' : EiKjlish Traiti-
HOTEL DU GOUVERNEMENT, Rue St-Louis
Avant d'esquisser les villa.-î extra mitros, notons en pas-
sant l'antique manoir des Sewell sur la rue St-Louis, dont
le gouvernement canadien sous l'Union faisait l'acquisition,
moyenn.iMt $20,000, le 11 novembre 1854, pour wwc école
nautique.
Le ^gouvernement ayant change d'avis en 185S, y ins-
talla en 1S59 le Dcpartciiient des Post-:s, qui y séjourna jus-
qu'en 1865, lors de la translation à Ottawa des Bureaux
Publics. Ce fut aussi le Bureau du Gouverneur Général,
Lord Monck, de 1860 à 1865. Le premier lieutenant-gou-
verneur sous la confédération, Sir N. I'. lîelleau, y fufins-
tallé, f n 1H67 : son conseil siégeait dans la grande sal'e au
second.
Le lot comprenrî 31,000 pieds carrés : sur deux côtés
de la va«te cour qu'occupait jadis le jardin des Seuell a été
construit l'arsenal et le dépôt de munitions de guerre des
volontaires, de l'artillerie et de la cavalerie, etc.
Ce spacieux et solide édifice date d'assez loin, (i)
Comme résidence du fameux juge en chef et homme
d'Etat, Jonathan Sewcll, et comme'Bureaux, Publics, elle
évoque tout un essaim de souvenirs.
Se> appartements sp.'^.cieux, ses ..mples corridors, ses
grands esca'fors (Mit été téinoiii-- de bien de-. lèt<:>, de bien
descicuils tic famille, à l'ère des Scwcl! ; plus tari.!, de bien
des discussions acrimonieuses -ur la chose pubiiq' e. Là,
e-it morte Jai;et Livingst(Mi, née à Xe\'.-\'ork, la veuve du
Juge-en-chef William Smith, en 18 ly. Le juge Sewell y
expirait lui-même le 12 novnibre \'^'^y) ; puis, sa veuve,
le 26 mai 1849, femme remarquable par ses qualités per-
sonnelles, le charme de ses conversations.
d» Sur un pliin drosHi' par un arpoiitoiir proviiu'ial, .Tiistin Mi'Cartliy, en ilate «lu 15
adi'it, 1803, lu maison cnt dt'-crite coiiiinc étant en voie do construction : son nouveau
maître on prit possession en IHoS.
158
HOTEL DU GOUVERNEMENT
Que d'incident?, de changements politiques y ont été
débattus, réglés ! Que d'orageuses séances du Conseil
Exécutif, ont eu lieu dans ces salles.
• «
Le 1er juillet 1793, le terrain qui ava t appartenu à
l'honorable John Cochranc, fut adjugé par ventejudiciaire
au Juge-en-chef Smith, beau père du Juge-en-chef Sewell,
pour la somme de ;^8oo : lopin de terre assez considé-
rable et alors inculte et qui embrassait vers e sud, une
portion des glacis actuels. En 1.S29, les autorités militaires,
en acquéraient une li.sière au sud, pour agrandir leur
domaine que couronne la citadelle actuelle, qui fut
commencée vers 1823 et terminée vers 1830.
A la mort du Jugc-en-chef Smith, le 6 décembre 1793,
ce terrain fut partagé entre les membres de sa famille ; la
portion à l'est échut à son fils William, plus tard,
l'historien du Canada : il s'y bâtit une demeure confor-
table (maintenant la résidence du shérif Alleyn). Le lot
voisin à l'ouest échut à une des filles du juge Smith : elle
épousa le colonel (plustjrdle généraUDoyle. (i) La pattie
ouest tomba en héritage à celle de ses filles qui unit sa des-
tinée au Juge Sewell et où s'écoula une si notable partie de
la carrière accidentée de ce roue diplomate, de ce légiste
distingué, de 1805 à 1839. (2)
(1) liC Hifi" «li's rrsiili'iiips lie l'Uon irufio A. H. K'mtliicr it df JI. •losipli (liiill.iuinc
KosaC' M. !'■ t'st i'iitl;ivé «liius lo terrain iiolu'tù eu 17li:t, |>ar lu .Iiij;i-t'ii-<lu'f Smith.
Cl) A ceux i|ui tiiiiiu'iit h ri>mi;iitri" l:i r:irtr d.' l';incii'ii (^iiMn i>, ji' |iiiis olî.ir Ich
ronsiiijiiiiiinits ;intluiiti(|ii(s suivants sur l>!i linix, inàci' à l'oMii-'ciMK ' il'aii ilis (ils
(lii jii(.'i' S.wi'll, Il l{i V KclMiiinil W. S"\vi 11. Cit ail itv ditiiniiiairi' ii liiiMijvciiiIi nii'ttrc à
ma ili-;io>'ition '.r: titn'» di-si pniiiriéti's ilr 'tcin prn' :
lo 18 avril ITui, Louis Hom nrArtiu'ii.v vcmlit ^'> Krnnvois Majiili'Ic'"'- îliH'tti',i,hi'valiiT.
RoiKU'Ur il'Auti iiil, iiar acte devant Cliaiiiliellnn, on deux lots, une i'tendue de si ]it
ariHiàtH eu sMiierlleie, iréti iidnnt :■» ;i ariienl" en front sur la (îr.mde Allée (m rue St-
Ijouis, eji (.atruant vers ie Caji au.-; Iiiamantv.
'2n liOnis Uouer, sieur d'ArliKny vend à IM. Huette d'Autenil \mr acte du l.'i avril ITe]
ctdu '2'' nuii ITii.'i.
:fo Aete de vente du 8 juin 1724. par devant liarlial. V.u vertu du^iui 1 acte, l'ierre
Ruitti' d'Anteuil, écr, sieui 5!oliitii"'ri', aKissant coninie l'idcureur. (lour François
MavrdeleiiU! Kuette, chevalier, sci|ineur d'Anteuil, vend et cède au sieur Haquet.
4i) liO .1i> avril I7i7, Louis Uouer d'Artiijny, par ncto do vnnte cède ses propriétés aux
Dames l'rsulines.
'lO Miidanio de Vir^er vend ces lots l'i M. lUinn, par acte du 0 nnùt 1704, jiar devant
Maitro Saillant. M. Dunu vend à Jean Druianiond, !•.> 11 avril I7G8, par acte devant
l'anet. notaire.
t'io .1. Drummond vend & Callender, 22 oct. 1779, devant Hartlielot et Pauet, uotairea.
7o t'allendcr vend à J. Cochrane, 4 oct. 1781, devant A. l'anet, notaire.
80 liC juge en chef Smith achùto uu shérif en 17U3.
(U'Autcuil laissa son nom à lu rue qui diviee ces lots.)
ESQUISSES
159
»
* *
«ils
Il r,
.|it
St-
ITi'
ois
ut
ut
L'imagination aime à se reporter h cette période
■ agitée de notre politique coloniale, où le Chef de l'Exécu-
tif, le Chevalier Craig, prétendait régenter nos Communes,
comme jadis il donnait ses ordres à la tête de son régiment ;
à cette époque où l'Ogre de Corse engageait un duel à ou-
trance avec le Léopard liritannique ; où tout ce qui avait un
nom français en Europe ou en Amérique causait des crises de
nerfs aux fils d'Albion, où la bureaucratie coloniale,sous l'ins-
j?iration du trop fameux Ilerman W'istius Ryland, obsédait
le représentant de la Grande lireiagne au Château St-Louis,
d'incessantes plaintes, de détails de complots découverts ;
bref, de mille ténébreuses intrigues, contre le vaillant petit
peuple que le roi de J'Vancc avait si Ikhenicnt déserte. . ur
les rives du St-Laurent. Cette période fut celle où Jonathan
Sewell, — d'abord Procureur et avocat général, plus tanl
cumulant les fonctions de juge-en-chef, d'orateur du
Conseil Législatif, de Président du Conseil Executif, —
exerça dans toute sa plénitude sa redoutable dictature.
Silencieux murs du vieux manoir, ne pourriez vous nous
répéter quelques uns des astucieux conseils que le Dicta-
teur adressa eu cette enceinte à ce roué francopliobe
Ryland, sur la marche à suivre, pour museler ces bouillants
patriotes : IManchet, lîédard, Taschereau ! dogues incor-
ruptibles de quart autour du dép('^t (le nos libertés!
*•
* *
Les temps et la scène changent : uiîc odeur cL* j.x/udre
pénètre jusque dans l'étude 'Ju grand Juge : le canon
gronde sur la frontière ; Ryhuul est vu moins souvent au
palais, car le nouveau maître Sir George Prévost, n'a que
faire de ses conseils. Les Voltigeurs courent à la frontière
pour prouver à Ryland que les Canadiens, en 1812, sont
ce que furent leurs pères en 1775, de loyaux sujets de Sa
Majesté George III, — qu'ils ne sont pas foncièrement mau-
vais pour être d'extraction française. La guerre finie, la
i6o
MOTEL DU r.OUVKRXKMKNT
Il '
lutte rocoinincnce on Cliainbrc, violente, cchevelée comme
par le passe. M. Sewell plus influent, plus soup'e, plus
courtois, plus savant que jamais, du fond de son fastueux
manoir, gouverne le i ays pour ainsi dire par son prestige
social. Les gouverneurs-généraux ne font rien sans le
consulter, sans qu'il puiiise toutefois dissiper pour eux les
nuages noirs qui montent à l'horizon, gros de la tem
pétc de 1S37-38.
M. Chauveau, dans une intéressante étude sur le vieux
Québec, retrace un incident qui vers 1832, faisait passer
un mauvais quart-d'heure à l'éminent magistrat (Sewell).
Un jeune étudiant en droit, destiné plus tard à jouer un
rôle marquant, fut alors le Gambetta du mouvement popu-
laire (i)
*
Habitué du château St-Louis, M. Sewell se partageait
l'existence entre l'étude de la jurisprudence, du droit par-
lementaire, ses séances judiciaires et officielles et les joies
paisibles, assez nombreuses pour lui du foyer domestique.
Ce porter faniilias modèle semblait absorbé par les devoirs
et la responsabilité de la paternité : faire baptiser, élever,
Ltablir, donner en mariage sa nombreuse et belle progé-
iiituic (il fut pèro de vingt-deux enfants, la plupart d'un
physifjLK.' remarquable). A plusieurs de ses fds, il légua de
riches métairies à Sie-Foye, .sur la Petite rivicvc Saint-
Charle>, à IV iliiier, à Charlcsbourg.
l'ciulant la vac.nce en été, on eût pu le rencontrer sous les
frais peupliers d'Auvergne, sa villa, au pied de la côte de
Charlesbuurg, absorbé dans Grotius, Puffendorff, Gibbon,
(Il " ,li' ni" siiii\ irii^ l'Ui-ùiM', ilit ^I. C'KiuMini, ili' l'i motion iToiliiiti' i>,ir rniiiirisoii-
;ii'iiii'iit (11' MM. ri'.c'.'V c t UiiviriiMV. Ilaus li ^ disrour» i|iii iumit ]irimom'L'a ilaiiâ lu
rii.iiiiiii'r. il 1 m (nir<iiim iK' lit 11 volutiuii <1,' |'-:M et (li's funirusi s oriloiiiiaucrs coutiv la
|in'!?^<i'. l'hisiriii's ji'iiiu'x LTiH!' l'oi'lrn ut (les coLMnli's trii'olori'H.
A l;i !-uiti' iriiiii' Kranilc ri'isiinlili'i' poimliiiii', à t^ui'ix'C, uiii! procession iiarouniit les
ni. 'S ili.intiint /i( yinv^vilinisc rt la ]'iirisirniif : on alla li'H chautrr aussi nous les fiiu'-
tiiv< (le la prison, i t sons (elles iln .iiif.;e en-elief Sewell, pré.sidcnt iln t'onsi'il Ii('f.jislatif,
uni lut, (lit-on, très iIïimjx- ii.ir cette (h'.nioiistration. liO ,juj,'o-en-clief occupait la maison
uni n {((■ ili puis riiiMel (lu gonverneiiient, pn'^s de l'Ksplanade. l'anni le» jeunes ^lens
ipii faisaient partie de la ijrocession bo trouvait Sir Narcisse Holloau, (lui no Bo doutait
ancre (in'il serait installi' )ilns tard, dans cet édifice comnio licutenant-KOiivernour ;
.M .M. Wiuteret Koy et MM. (lautliicr et Hossé, qui tous les quatre ont été juges ilepuis.'*
(liiogruphiu du F. X. Uarncau, p. c. XXXVIII),
les
Lie
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Ion-
la
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lliO-
h(,
Ion
lus
[lit
i:soL'issi:>;
1^)1
MontoMiuicu. Aux longues soirées d'iuitomiic, \c jii^c-.ii-
chef, entouré d'amis et de parents, allait savourer à s<<ii'
théâtre, rue Stc-llélèiie, près la porte du l'alais, les grands
tragédien; Koan et K'Miib'e dam Ifaniht, ICUen Tree, *
dans Io)i, etc. (2)
A la porte voisine du théâtre, se trouvait l'église ou
ciia[)elle c|u'il avait fondée, Triiiity d'iitrcli, où officiait un
doses fils (il en avait iler.x dans les ordres sacrés) : là, se
voit sur un marbre s.i pompeuse épitaphe : cette combi-
naison du sacré et du profane était un sujet tlhilarité
pour les familiers du lettré et excentritjue vieillard.
Dès 1 b 14, le juge Seuell, en tout temps préoccupé de l'ave-
nir de sa patrie adoptive, cjui l'avait comblé de dignités et de
richesses, s'était posé et avait résolu le problème
dont les Provinces Canadiennes ne trouvèrent la solution
pratique, dans la Confédération Canadienne, (ju'en 1S67.
On lui concède maintenant sans conteste l'honneur d'a-
voir le premier songé à l'L'nion de toutes les colonies ISri-
tanniques de l'Amérique, pour en constituer un tout com-
pacte et viable.
Le juge Sewell prenait sa retraite en 1S3.S, à l'âge de
Jl ans, avec une pension de $4ooo par année.
Sa succession sur le banc judiciaire passait à r.inclcn
procureur-général i'hon. James Stuart, é:iiinent légi-te^
lui aussi créé par l'Angloteire, H.ironnet et Jugc--.<n cli-f, 1
la recommandation du Comte de Durliani, qui ivait
exprimé sa surprise, à son arrivée, qu'un ,u-oc it ..ussi
distingué n'eût pas été promu av uu.
;r *
La maison Sewell, plus tard l'Uotcl du (,jouverneui'.;nt
de la Province, est maintenant la résidence officicllo ilu
Consul Général d Espagne, Iliustrissimo Signor Conde le
Premio-Real.
il) Jj' tliO.it 11" Scwoll imvirt l'ii l^.;j .1 , te ;u'iiiiM il'l'iiia IMi' la KaNri iiir .!■ -»t-l\t-
trici-, l't ciiiiviTti on 1111 ùilllloo a;i;)i»n(iiaiit à tvtti' Iluliai'. lia vi ■ill ■ c-u.i|ii'lli' — Tiiniiii
Ciiiticlh Kiirlarui' St-Staninlas, cxUti' oui on', l'.n iNi'i. l<' jutti- S .w. 11 avrr Taido (rmi'i!
i.oinpat^nio, dota (iuùla'c «fiin vast.' lnitel — vis-A-vis la /Viin- •''.li-mc.'; — ITiii'iu Jlntel
ri'Ct'iiimtfiit Ir» linit'aux du Jourind ile (Jn^bcc — niiinti'nant lu dOiMt d-.' m ■!•( ri,.s
do M. Morgan. ' '
II
■■
l62
HOTEL nu GOUVERNEMENT
ïi
Restaurée, peinte à neuf, pimpante, ornée de
beaux arbres, d'odorants parterres de fleurs, c'est toute une
décoration pour cette paitiede la Rue St-Louis. Les jours
de gala, le pavillon rouge et jaune de Castille et d'Arra-
goii flot e au mai en face de la résidence du consul.
c de
itc une
:s jours
:l'Arra-
BANDON-LODGE- Grande Allée.
Lintê to (I <Jiiefier Helle, in 1782 :
" Sure jdii will riitliiT li"!"'!! Iip iii.v ciill,
8iiK'L' licitiity iiiiil (jiic'lii'i'ii l':tir ii,viii|ihi' 1 Riiiif,
lli'iici'fnrtli Dinnii in Mi«ii S— lu— ii iii'i>,
An imlilu iiMil iiiiijrntii' in lier air ;
Voilîi un nom emprunte non aux " rives fleuries de
la Seine, " mais bien plutôt à la beri^e poudreuse et affairée
de la Tamise ou de la Shannon. Ça vous reporte .uix
premières années du ré^imj an;.ïlais prescju'à l'ère néfaste
où notre Nouvelle-France était si cruellement désertée par
la vieille France de Louis XV
J'ai lu dans les Mcnuuns inédits de M. James Thompson
Dcpiity Commismry Gcitcral — pour lui conserver son titre
officiel — un passatje qui jette du jour sur un des premiers
tenanciers de Bandox Lonci:. {\)
Les mémoires de M. James Thompson, fils, se recom-
mandent, non seulement à cause du caractère frano et
honorable, des connaissances intimes des lieux de ce véné-
rable ami de l'auteur des •' /ii!ttc!:s Caïuuiiciis ", P. /\.
DeGaspé ; mais encore à raison de la part importante
que M. James Thompson, fils, a eue dans la préparation
du y^v/r/zr?/ de son respecté père, James Thompson, Sr.
Ce robuste (2) Hi^dilander avait commencé sa carrière
militaire sous le général Wolfe, à Louisbourg, en 1758,
comme " volunteer " dans le fameux /Sth xC\^<^\\W{i\\\.,Frascr s
Ilighlandcrs. Il comptait avoir une commission d'officier,
(1) "SAfNDKiiS Si.Mi'soN. — lie vsi\* l'iovost M.irslKil il) Wolfr'" îinii.v, lit tlii' iilViiin of
liOiiisljdurK, QiU'lii'c iiiiil .Mmitrciil, iiml loiisin <it iiiy t^itlur. JIi' iPHidivl in tliiit Imiisc
tho iicarcst to Suint Kniiis (iiiti-, oiitniilf, wliirli li.ia iiot undrivimo iiiiy ixtrriial altiTa-
tioii Bini'i) I W113 il Ijoy." (E.ctratt 1/ M'iii rim nt' <' un. [ninriil Hhh Tli<niiii.iiitt.}
(•2) lie scrKciit Tlionipsoii (lovait en cfTit «tro jiliia (|i'(> rolmstc — >iri vi'iitalilo UiTciili'
— si Toi» njoutf foi iV uni' cutri'f (le BDli ./oioïKi/ iln sir«i' di' IT'.^i, oi'j il tiidirc ciiiniiie
préposi'' an Horvici' dos anilinlanc h. Il iiaraitrait qu'intrc Ir jour du corntiat h' l.i Hi|ie.
et le lu, date di- l.i capitulation, on traversait en canot à St-,losi|ili <!>' I,i.vi^ les Mi-^his
truu(,'ai8 — i|u • l'on portait «iirdi'S civiéros d'i dùtiariadrr • i"i l'i^i/lisc St-.Io-n'pli convcrtii!
en liùpital, distance dW peu près iiuatre milles. ]je seru'int Thompson, trouvant (|u>' le
Hcrvicc 8(! faisait trop lentement selon ses désirs — eliar;,'eant sur ses larges l'paides un
soldat fran(,'ais blessi> — le porta du di'barcadère i\ Li'vis à Ti^Kliso de St-Joseph sans rc
reposer — reurettant seulement d'avoir A la tâche ruiné son nnifonne. l/honJuKu Henry
Uluck, (lui l'avait bien connu, nous disait ([ue '• Thompson was n liig giant. "
164
IJAXDON-LODGE
mais soM .inii et protecteur le C.ijjit.iiiie Bdillie ayant été
tué à Liuisbourgeii 175'"), M. Tlvinipion consentit à sei \'ir
comme volontaire. A la bataille des l'iaines d'Abraham,
il fut ch ircjc du soin des hôpitaux comme //ûs/>i/a/ Soxùru/ ;
puis il fut promu, commu* officier dans l'ordonnance en
177-,, à la 'position importante irOvcrstcr <>/ Works de la
gani - jn, <;t comme tel prit une part fort active aux modes
de (.léfei'se juj^és nécessaires pour exclure de Québec nos
amis les Hostonnais de 1775. Respecté [i] de tous, choyé
des {gouverneurs île Québec, il expirait en cette ville, en
1030 à l'iVj^c patriarcal de 'ft ans. C'était un homme d'une
stature colossale. Revenons aux Mémoires laissé-; par M.
James 'rhoi!î[>son. t'ils. Il y est consi|.;né en toutes lettres:
que le canurade de bivouac, le cousin de son père,
Saunders Simpson, vers le temps de la cession, résidait
danb l'antique maison " la plus proche de îa porte St-Louis
en dehors. " Cette maison " la plus j)rochc " rasée vers
1M7Î poiH" faire place aux fa.4utn;ses résidences modernes
ei cet endroit, était bien " Bandon Lodge, " occupée
pendant p'usieurs années, comme maison de pension par
madame Torrance.
Chacun se ra[)pclle, sur la Grand: A/h-c, ce modeste
mais solide corps de loijjis, en pierres,d'un étage, avec cour,
écuries, etc.. entouré d'un mur passablement lésardé, fai-
sant \ vo:. au chc l'in du roi, ombrat^é do i-ieupliers tic Lom-
b 'io et ceint d'une t'orto haie de lila-. Morne, perdue
sou> d;:i il >:;■> de verdure, m lis mjn içantc, l.i vieide métairie
avait conserve, mal-^ré la mousse des ans. quelque chose
de respectable dans sa dés^aîne, sui ce^ avant-poste des
Pîaii'.es d'iVbiaham. XaçjutTe, il me fu'" .lonné der.mcont.'cr
(1( M. .). (i. linrUii', il.iiis K(v, M'Uiiiiiffu, |>.iW'' 17J,' st toiiilH' dnis utirsiiimilii'ii' rrrotii
suv 11" <i"i te il'.i vi'ki'ikIiIi- .M(UilaK":ii'<l- Silim Al. liiirf II', M. riioiiiii^iin aurait 8iiivi Mlxit'-
ln'i Liiiil l):ill;oiisio en iMjii, (|ui liiurait iiistalli'comm'cim"ii l'ui' (li'acaniriu'H. A l'a'rivro
il',' J.iinl l.,illi(.iisic', il y avait (lijà j1 ai/s ijao .1^' 'J''")mii«on, |ii'tii était tlxi'i à Qiiiboo.
Il m' l'n! jamais ' loiii'iiTK'' il.' lasiriics ; "■ (!• ■• ITT.i il itait " Kvcisci'r cf Wi'rks "
Miiiiiitc.'iil.rit ili's Travaux ('ii la (iaïuisdii, ayant jivi'n uni' iiart active- il-.ii , la iU:''cii!<.' do
la villr. Kstinic ilc tout le iimaili', ou le nxlnriliait surtinil â cauHi'f! louil (l'aiiccdott-s
Idil iiossi'ilail sur li niiii.- ili' LnuiiliDurg. eu ITls, uv i-iliii di' (.[uùboc', ou \7M, «nrli-blo-
lU", l'i 17"â; i>lun d'uiu^ t'î.ir, il fut iuviti'i :'. iliiii r au (lu'itt'an.
11 a laissi' d'assez v()luMiiii''Ux uiouioiroH uuiuu-iintH nue la S'fiété Litli'r-.tiii; et Ilis~
toi i'inc a aclit't'' ; de sts luritiers.
ESQUISSF.S
165
'ant otc
: à SCI \'ir
br;ili.ini,
'<c}\ij^caiit ;
lancc CM
s do la
\ 111 odes
ébcc nos
s, clioyc
ville, cil
ne d'une
, par M.
s lettres :
DM père,
rciidait
St-Louis
Lsée ver. s
modernes
occupée
sion [jar
nodestc
ce cour,
•de. fai-
ie Loîu-
perd uc
uéliirie
le chose
stc des
contrer
lllirli' iVP'Ul
1 sui\ i ;'i 'liii''-
A rii'rivru
à Qiuljcc.
1 lU'ft'iiSt' (Ifi
kran'edotcs
|), iniilc lilo-
ic cl Ilia^
quelque chose d'analogue, mais beaucoup plus vaste et
tout hérissé de grands, de niartials souvenirs : la métairie
de liougoumont, sur la plaine historique de Waterloo.
Baii(ioit(\) Lo<fj{i, il nous semble, eût pu réclamer sa
quote-part dans plusieurs incidents du passé orageux de
notre forteresse. Il a dû lier connaissance intime en 1759,
avec les bombes anglaise-; ; en 1760 avec les boulets de
Lévis ; en 1775-7^^ avec les billes de Moiitgoinery (2),
d'Arnold et de Wooster.
Quelles traces de cette résidence existent aujourd'hui ?
Peut-être quelques bloci de pierre dans les fondations de la
demeure princière de l'ho!!. ]o^. Sii.;hyn, — notrj estimé
concitoyen, — résidence lîatie coniine toutes ses voisines à
vingt iiieds en arrière de la ligne de la rue aûii d,: iwéiiigei'
plus tard un boulevard, pour se conformer au plan et tlevis
du gouvernement, à la vente des lots.
Après le départ de notre g irnison impériale, en 1S71,
le Canada confédéré accepta du gouvernement impérial
plusieurs terrains, qu'il mit eu vente, e:itrautres ce-; lots
sur 1,. Grande iVllée, où plusieurs amis da progi-èi. a\Mnt
foi dans l'avenir, ont érigé Ls b>;!Ies tjrrasso^ ([iii eiij^)!ivent
les abords de la cité, à ptrtir des j'nîttes-à-Xepveu ju-.qu'à
la nouvelle porte St-Louis. Grâce au^: honorabLrs .MM.
Langeiier, Shehyn, Garneau ; grà:e à MM. Ilamol, Hilo-
deau, Joseph, Turcotte, Daqujt, Stavel\'. R Oi, le nouveau
Québec, comme Ncw-Jùfiuihiir^i;;, se dév'eloppe à côté de
la vieille ville avec tant de rapidité que bient(')t, quand le
parc projeté de la province de Québjc. sou^ l'heureuse ins-
piration do MM. LeSage et Taché, sera entré d.in-, le
domaine des fûts accomplis, tout ce quartier i.leviendra
(1) H:uul)M est 11' nom il'iiiio villi- iliiii:- !>' Sml <!•> l'hitm'l.'.
\i\ I, ^ .'p il Vriiil>ri' 17r."i, Il Mt lin ' iriirlill.'ric, I, im'», l(r,ii|ii:iil :'i 'iiiilr.' i- -iit^ m
(li'rt murs, vU ii-vis la y^tU- il, mi", un ■ tmtt.'ri.' il^' rini( iiio •"< l.'Lt'T't i-t d'nii o
(iiinr liuinlrir.i'i- et in.'i'MiliiT l:i ville' . :i'i i'iii.|iii"ni • .joiiv il ■ l'i'li^' il il", li' i,'.-ii'T:il M
(/i>in TV v.n lit inM|iii'ti'r i-n p •r.-mnni' citti li itt.Tii' ll^lltl■^f,■• ■l'un r.li-iiiir'i' m •iit nim
ri ' «Mtiiiinx, i-i'i(i|ilis ili- ni'ij', ipii' l'on .-irrixait i-l ipii- !>• Iri>iil imiiu' 'liiit ; on nnniini
fi)rtitic':itiini mm ■ a'<nrzil":l |>lnii.l-i 1,1 liltt.Tii- '/''(■■■ 1-. KUr «" tr>'.n!<'t si fiilliif rt n r
i<,'i' i\ ru'.tilliTii' |Mii-c<;niti' il ■ (' irli'tun i|iii lii t'miilio.v.i ili'n ninr-t, ipii- MinKtfoini'ry li
or.lr.' un ('.i|iit:iin" 1/inili il l'.-va ui'i-, r' i(Hi mt lii-n. 0,ifc •</ ll'i(i/iiii;/fii»i. luir \V
iiijli'n Irvmu, Vol. II. |i. liii. KilitiDn il' l-^SÎ.»
•If •■)
MliT
t-
liOSi-
•••ttl-
Xlifi-
inna
aKli-
%
166
BANDON-LODGE
pour la vieille capitale un vrai décor, objet d'intérêt pour
les étrangers, d'admiration pour tout Québec.
« *
Mais enfin, me direz-vous : "Voilà qui est bien, mai*
pourquoi tant de peine pour décrire une villa qui n'existe
qu'à l'état de souvenir ?"
Voilà, précisément, où je voulais en venir : c'est ce sou-
venir que je me propose de restaurer, d'exhumer de l'ou-
bli, des cendres qu.» cent ans y ont accumulées.
Nous sommes en 1782. Quel est ce vaisseau de guerre
mouille en rade sous les canons du Cap-aux Diamants
avec pavillon anglais ?
C'est le S/ofl/> of zi<ar, Albeniarlc, de 26 canons, com-
mandé par le jeune capitaine Iloratio Nelson.
Si vous avez 'lu respect pour le génie, inclinez-vous de-
vant le futur Vttinqueur à Aboukir, à Trafalgar, à Copen-
hague, le Titan de la mer qui a changé la carte de l'Europe
au profit de l'Angleterre.
Mais le futur foudre de guerre n'a que vingr-quatre ans.
Accueilli au château St-Louis et dans les meilleures mai-
sons de Québec, il semble on 17S3, plutôt se rappeler
qu'il n'a que vingt-quatre .ms que rêver à foudroyer
l'ennemi traditionnel de l'Angleterre. Vous savez
sa glorieuse devise sur le tillac de son vaisseau le " Vie-
tory " : " EncL.AND EXI'KCIS EVKRY M AN TO-DAV TO DO
MIS DUTV." \'A\ bien, une autre devise anglaise lui siérait
mieux à Québec : " T'is love tiiat marks tifk wokld
GO ROUND."
Il s'est épris d'une Québecquoise d'une ravissante beauté.
Ses biographes Southe}', Lamartine et autres nous le re-
putent : le nt)m de cette Hélène est Mary Simpson, fille du
maître de Invidem-Lodgc, parente des Thompson et des
Prentice, uu Chicii-d'Or.
L'auteur de V Histoire des Girondivs nous dépeint comme
suit le délire amoureux du jeune capitaine :
ESQUISSES
167
•• Au printemps de 1782, le brick A/ôcwarU, commandé
par Nelson, reçut ordre de retourner en Amérique. En
approchant des côtes du Canada, Nels )n fut poursuivi et
entouré par quatre frégates françaises, dont il allait être
la proie ; mais préférant là porte de son vaisseau à riuuui-
liation de se rendre, il lança son brick à pleines voiles sur
des bas-fonds, où la mer mugissante menaçait de l'échouer
à chaque vague. Son adresse et son bonheur lui firent
franchir cette barre que des frégates ne pouvaient appro-
cher. Il passa quelques mois à Québec. ICpris d'une
ardente passion pour une belle Canadienne d'une classe
inférieure à son rang, il n'hésita pas à sacrifier son ambi-
tion à son amour, et à quitter le service pour épo ser celle
qu'il aimait, au moment où l'escadre faisait voile pour
rEur(»pe.
" Les officiers, inquiets de son délire, descendirent à
terre pour l'arracher à son idole, et lui firent violence pour
le rapporter à son bord. On pressentit dès cette épocjue
que l'amour, cette ambition insatiable des âmes tendres,
serait recueil de sa vie. " [Nelson par ./. DcLa::iart\iu\
page *6 — Hachette 1859.]
" Précédemment à la scène mentionnée \y\x Soutiie\' et
Lamartine, XAlbcviarlc, qui avait fait voile, était à l'a-u-ie
au tvou St-Patricc, Ile d'Orléans, lorsqu'un matin, un
familier de Nelson, Alex. Davidson, au rapport d(.; Southe)-,
— M. Lj-mburner, au dire de l'historien Smith — rencontra
le capitaine Nelson à la laisse- V^ille et s'enquit de la cause
de son retour à C)uébcc. Nelson avoua ingénument (lue
la vie lui était intolérable sans la présence de celle (ju'il
aimait.
— Mais, lui dit Davidson, si vous prenez femme à votre
âg<-, vous ruinez du coup votre avenir dans la marine.
— Eh bien .' soit, répliqua Nelson. Je consens à renoncer
à tout, à Westminster .' bbey même, pour é[)ouscr la belle
Canadienne.
tt
ITjS
l'.ANP.iN-I.niXiK
C'est «ilors que ses amis juj;crcnt urfjent de l'arracher
de >uite .lUX tloux sourires de sa Juliette, laquelle. aU
rapport de l'iii^torieti Miles, qui a fait de sérieuses recher-
ches pour tlébrouiller cette affaire de C(Lur, épousa plus
tard le major I\I.ithe\vs. secrétaire de Lord Dorchester, et
passa à Londres avec son époux, qui plus tard fut nommé
gouverneur de Clulsca llospital. Madame Matliews expirait
à Londres à un âije avancé en 1.^30, conservant jusqu'à la
fin le tendre souvenir de son prenîier amour. Miss
Simpson était vraisemblablement amie des nièces de Miles
l'rentice. le lUiniface du vieux café qui alors existait sur
le >ite où notre lUireau de poste a été éri^é depuis — le
Cliii:i d'or. Il a fallu déchiffrer bien des anciennes lettres,
des documents vermoulus récemments découverts, pour
identifier !a belle personne à laquelle Southcy et
iJeLamartine font allusion sans la nommer.
Voilà donc un des souvenirs de /><i/nfoii-Lo({'j'r.
Je ne i)uis dire si le propriétaire actuel retiendra à sa
fastueuse résidence le nom d'autrefois; je 'espère. (\)
Vous avouerez, mon cher antiquaire, (]u'il y a ici d'amples
matériaux pour un joli roman historique, et que l'héroïne
de notre ami ^Llrmettc. Mlle île Rochebrune, ^vc fut pas
la Ncule belle Canadienne, aux anc.ens jours, ])our qui la
Orande- Allée eut (\c^ charmes.
<U 1». |"ii>' cini' ron limiod dut i'! ■• IviciM «. M. Siicliyii m n^t.nii-.' m n.iil !■ imni il
IVitllIi'lHT Hi>lll\nti-Li>llih •
r\: i
u
"Ja'ASILE CHAMPETHE. Grande Allée
.1- sn
(I753-IS44)
'■ \\'i" caii m:iki' dur livi's siiMiiiir
Ami, ili'|i:ii iiiij, li'iiM' ln'hiiid 111,
KoiUiU'iiit? un tlic hiikI uI' tiiiii'."
]<(iMiKKI.I.ci«
S/a, viator ! Au sortir de l'antique cite, saluez, en pas-
sant, la villa ensoleillée où ^.'écoulèrent tant de jours bien
remplis d'un vrai patriote, Josceph François l'errault, le
vénérable pionnier, en cette ville, de l'éducation popu-
laire.
Au haut de cet historiijue plateau, sur le côté nord de
la Graudi-AlL'c, que nos pères désignaient sous le nom de
Jhittcs Ni-pvcii, et nos contemporains, sous celui de Côte à
Perrault, vo}'ez, à l'extrémité d'une ombreuse avenue, une
lon^^ue maison blanche, à lui étajje, avec mansarde, mode
•d'habitation simple, assez usité encore il y a une quaran-
taine d'années, mais en désaccord avec le faste moderne.
Le grand mai près de la piazza n'annonce pas la présence
d'un capitaine de milice des anciens jours mais simple-
ment le séjour d'un opulent constructeur de navires, M. H.
Dinning, qui ne manque jamais d'y arborer le pavillon du
Canada, le ler juillet de chaque année, — l^ou.hiion Day.
Ces Buttes qui dominent notre mémorable champ de
bataille, nous associent en effet aux souvenirs les plus pal-
pitants des annales de notre ville; près de là se rencon-
trèrent, en 1759, IMontcalm et W'olfe ; en 1760, Lévis et
Murray ; et en 1775-76, la soldatesque cupide d'Arnold y
pénétra plus d'une fois malgré le chevaleresque Guy Car-
leton.
Pour peindre ce champêtre réduit, il suffit d'ouvrir l'ex-
cellente biographie de son fondateut, M. Perrault, écrite
par son petit-fils, le Or Prosper Bendcr. Voilà, sachez-le
I! !
(
Ht
170
l'asile CHAMPETRE
bien, une de nos plus anciennes villas, Julvioiit, Hollaïui-
Hoiisc, Poxvdl- Place et Haldimand Hoiisc exceptées.
Rien de plus pittoresque que ce.site aux long jours
d'éti. A 1 ouest, les fertiles campagnes de Sillery, de Stc-
Foye, accidentées de grands bois, de gras pâturages, de
vastes champs de blé ; au nord, quelque peu dans le loin-
tain, Ciiarlesbourg, Beauport, etc., avec leurs blanches
maisonnettes échelonnées au versant des Laurentides ;
au sud, les Plaines d'Abraham flanquées de leur quatre
massives tours Martcllo, sentinelles oubliées d'un ennemi
qui ne reviendra plus; à leU, le subliinj Cap-aux-Dia-
mants ; les murs austères de la cité, hérissés de canons ;
puis, les verdoyants beaucages de l'Isle d'Orléans tennent
la vue. Inimitable mise-en-scène !
La résidence du vénérable protono'aire, érigée sur un
lot de quatre arpents, entourée d'un mur solide, nous dit
son biogiaphe, était un modèle de bon goût, de confort.
Laborieux, patriotique, lettré, il lui fallait un local ample
et bien aéré pour ses livres chéris, sa bibliothèque où se
passait une notable partie de son existence : cette pièce
était située dans un des pavillons ; à une extrémité, dans
U'i pavillon scnblable et surmonté, comme l'autre, d'une
petite tourelle Normande, se trouvait un mignon réduit,
pourvu d'un calorifère ; c'était un conservatoire pour
héberger pendant l'hiver les fleurs txotiques — la première
serre-chaude, dit-on, construite à Québec.
Les allées du jardin se perdaient sous de grands arbres.
Des parterres semés de fleurs de toutes espèces, un étang
pour les oiseaux de basse-cour, etc., un amp e jardin po-
tager.un verger abondamment planté d'arbres fruitiers bien
choisis ; aux angles du jardin, de grands vases remplis de
fleurs : rien ne semblait avoir été omis dans ce petit Eden,
dont le maître était horticulteur. Aoriste, agriculteur,
homme de lettres, philantrope.
Au dessus de la porte d'entrée, était inscrit en lettres.
d'or : Asj'le Champrtre.
ESQUISSES
171
Si M. Perrault avait su se ménager des jouissances in-
times à l'intérieur de son foyer, il s'en était créé de plus
vives au dehors, en consacrant sa fortune et ses veilles à
la diffusion de l'éducation parmi le peuple, (i)
Par la date de sa naissance, le spirituel et excentrique
patriarche remontait à l'ancien rct^imc français, étant né,
le 1er juin 1753.
Le traité de 1763 rappella son père et sa f.unille à
Québec, cette année-là ; le fils fit ses études a m Petit Sémi-
naire. Son aïeul, François IVrrault. était lils du Dr Jo-
seph François Perrault qui av.iit pratiqué la chirurgie en
la cité de Cosiie-sur-Loire, diocèse d'Osaire. Etabli en Ca-
nada au commencement du siècle dernier, il y épousa Mlle
Carcy, fille de M. Page Carcy, le 2 nov. 171 5. l'.igé Carcy,
fut maître du Havre à Québec. C'est de lui que la célèbre
pointe-à-Carcy, où est construite la douane, a pris son
nom, croyons-nous.
A l'âge de 19 ans, c'est à-dire en 1772, le jeune Perrault
s'embarcpiait, avec ses parents, dans un petit vaisseau-
côtier pour la Nouvelle-Orléans, où son père avait or.vcrt
une maison de commerce, pour la vente des pelleteries.
Après une traversée périlleuse, il atteignit cette \ille où
il séjourna plusieurs années aprè-i s'être arrêté à Cuba et à
St-Domingue.
Dans une excursion qu'il entreprit au fort de la guerre
de l'indépendandance des Provinces ingl lises, aux Illi-
nois, en 1778, il fut fait prisonnier par !es liKliens -. t n'é-
chappa au massacre de ses compagnons de voyage que
par une espèce de» miracle ; après avoir subi îles souffran-
ces inouies dans les forêts de l'ouest, il fut livré c mme
prisonnier aux autorités anglaises du h'ort de Détroit.
Meurtri, exténué, couvert de cicatrices, il s'adressa à
so!i oncle maternel, M. Jacques Dupéron Haby, qui faisait
la traite en cet endroit ; celui-ci en prit soin, le rendit à la
[1] il avait fimdr do si's deuiiT» pliisiciira l'culcs, dans lo voiaiiiatio ; il fut lo pn iiikt a
y iutroJiiire lu «ystùme de Lancafitt-r alors ou vouuc.
172
L'ASII.K CIIAMI'KTKE
santé et l'expédia SOUS escorte au gouverneur Halcliiuand,
à Québec.
De retoui au Canada, aidé d'un emprunt effectué de
son oncle Haby, ilnnt il devint l'a<;ent, il ouvrit un com-
merce de pelleteries à Montréal, près \\ porte (/ds Rvcollits,
Le lo janvier 1782, il y épousait Délie Ursule McCarthy,
fille du major McCarthy : seize ans plus tard, la mort lui
ravissait à (^>aébec sa compaç^ne dévouée. Son comn;erce
ne prospéra qu'à demie. Comme il n'y avait à Montréal
que quatre avocat', prati'iuants, M. l'errault s'adonna à
l'étude, et bietitôt, à la pratique du droit, comme moyen
de subsistance pour lui-même et sa famille.
iji 1795, Lord Dorchester K: nomma greffier de la Paix
à Québec, charge devenue vacante par le transfert de M.
Pierre l'anet, nommé juge à Montréal. II vint donc à
Québec.
lui 1797, il fut fait " Régistraire des naissances, de-?
mariages et décès " ; protonotaire de la Cour du IVanc du
Roi, en 1S02, charge qu'il occuiia jusqu'à son décès. M.
Perrault rc|)ré-ienta en chambre le comté de Ilun'Jngdon
pendant les cincj sessions du troisième parlemen. et \'
présenta des projets de loi pour amender le mode d'éduca-
tion. I".n iSj3 il accourait sous les drapeaux comuie Lt.
Colonel de milice : mais rin>,tructi()n tlu peui)le, l'amélio-
ration du sort des masses, tel fut le rêve de >a jeunesse, de
son âge mùr et de sa vieillesse. Ses écrits sont fort nom-
breux et pleins d 1 mérite. ( i )
(1) X.-H. — No;n l'iiiMniutiTuiis :i:i tiM\ iiil (lu Dr II lui •!• 1,1 liste di'S ÎTrits il ■ .M .Iim,
Fr*. l'irruull ;
lo on 17WI, " l." juni' ili' r.iix cl nlli 'irr il.' iiiroiss'. pour la inoviiu"; <li' tiui'lR'C. "
'io t'U l.siKI, " S.'i'Diiili' iililioii ilc> la tt'ailMi'tiiin il' la lui rarliin"ii!air<', "
;i() l'ii iwi.l, " Diituiiimiirr piiitalil'it al)iVL:r ili'o Un* ft iv^li't ilii l'nrli'nu'iit l'roviiicial
du HasCaiiaila. "
•lo eu I'<lii, •• (^\ii'^tii)iiH rt Ki'piiiHi's Hiir li- droit civil du ItanC.inail i. "
i'kj eu IHl:l, '• Mauiii-I drs Ilm-iHiiMs ili' la Cour ilu 11. u" du Koi ilu di'<trict il" (Jiiilicc."
tio en 1«1 1, " i^ucliou-i et Ki'iionsc^ »ur le l»i:''t Criiuiliel. "
7o l'U J>Vi, " Manuel iirati^iui' d ■ l'Ilciile Kléii.ef.iaire. "
K) en 1^J^, " Dxiraits lui iuve,dents lin s dii Uc^i'-tri' île In l'révoati! d.' (Jnéliec. "
',•0 eu 1M2.I, '• Kxtraits ou précédent» «le» arrêts tiren^des'Kejistivs du ciuiseil sup< rieur
•di' (^uéliee."
liio en INl >, ■' Traité d.' l.t (ir;ind • et l'iilite Culture, •! voU. "
Hi> en lf<:iiP, ' l'ian raiioumé il'Kduealion (i.inral.' et l'enuai ente. "
IJo en 1SI2, " .Moyens il>' l'in^erver mu Institution», notre l,,iiiv.'up et niH Lois. •'
i:iii en \y.\i, " AlMéiie de l'iii'itiore du Catiaila, l.iiH ;\ ITHI. "
(Suite de cette note sur la l'ago sui\ inte.)
ESQUISSES
^75
lin 1SJ4, il sfCDiulail ciicty;iquciiicnt le Com'c «.le
Dalhousic coiniiu: i'un cic'i membres fow 'ateurs île ia
Sofii/i' Lithyairc et llis(i>rii]in: Pviuiaiit les troubles poli-
tiques lie 1<'>37-3Î^. il i)ariaj.;eait les iile-t-s modérées île
Ouesnel — de Xeilson — de Cuvilliti- et blâmait le parti
extrême de l'ancienue chauil)re d'assemblée. Son biographe
nous rai)[)elle les touchantes joies du fo)-er (jui ré^Miaieiit
à Wlsyli C/taiiipi'trc au temjis ^\\ vieux patriote ; M. Perrault
parta<;eait ses loisir; entre sa famille, ses amis et
ses laborieuses occupation- littéraires, en attendant calme
et résigné les ombres île cette nuit sans aurore pour tous
— et qui terminait M)n utile carrière, le 4 avril 1 S44 — ;i
rà;4e de 91 ans.
1 1.» m isu, •• Al>ivtf,". (|.> riii^ti.irc <lii Caiia") i, I7;>1 ;\ \*Vt. "
l'ii l'ii is:;(i, '• Aluvi,''' ili' l'lli<t.iir,' ilii Caiiaila lHl."ià 1M:I. "
li'iii «Il \^M, " 'l'iaiti' cl" iiii 'Il riih' V .tii'itiiiri'. "
17o ni l>.i.!, " ('mil' limai à l'ii^ itfc il-i lialiitaiit:!, tant iiiii'ji'ii:i .nie iioiivoaiix. .li| lias-
Caiiaila. "
I~o fil IM.lçi, " 'rrallé cl'au'i-ir'ultnr" ail'iplo aiii'lliiia; ilii ltas-<'alia<l.i, "'
Sans compter les écrits suivants :
l'iaiilnyi'rr» ilaii^i il'ux caiisis l'i Irlir.'^ , .Mml.l.s il'iiilrii' il." iiro<viIiin'!< niix tiTiini >h
la ('mil' Siipcvii'iiii' ; iimiIiIiii il'i'iitiii s (!•' iHdiiMliiros aux !• riiu» île Cmir Iiil'vriiuio.
M Hi'icli's piiiir ('iisri^iici' la laiiuii" Aiiulai»>'.
•' ■• l.atiii''
■' " riam,ais'"
" " " ". " l'Arilliiiivlii|UO
•' " '■ " " l'ns iKi' ili< «lliilirs rih'*ti-< rt tiTr'slrOJ
" " ■• •' I, 'S l'Xaimtis diM iH'<il>'< priniairoj
Mann' 1 puir oini'iiipcr le ili's-ijii liiiralr.'
\'n'i.iMlaii<'H rt voi' ilmiairi'H l''i'aiii;aii. *
lli^tcl|n! irAii«liti'|-n'.
Ilisloiri' Saiiito ;rri('nvc< (!•> la n liuioii iliirtii uni',
l'ri'iivi s lia Cliiistia.Mii-iiiii', lr:uliiit il" ri>|iatriiiil, il ■ I!. \ naril.
Manuel à l'ii-ia,'" ih ■< liiiltW'i'H il" la ('.nir.
AIiiiM 1 |ioiir liiiiii-i li'< [larii- ■■ il' m illi"iii.;''i|iir-. ai>plii'iliI.M a-ix ari" ot m'Hori
Maiiiii'l pKiii' la tiMiti" lira liviis à parlii'H ^iiiipi M't iIdiiI'U'.
Maiiiiil iMiar l'étinl" du (•iiiiiiiitc".
MaiiU'l, poar 1'. '''.il' i!"* KfiK'^ s'rnTv) liii's.
Battlefield Cottage
Voilà un nom d'une nature fort belliqueuse, n'est-ce pas ?
Le vieux cotta^^c bâti par feu le lt.-col. Chs. Campbell, du
•990 régiment — père de M. Archibald Campbell, proto-
notaire- 'djoint de la cour Supérieure, se dresse, avec sa
garniture de grands arbres forestiers, sur le fameux champ
de bataille même où se décidait le sort de tout un continent,
le 13 septembre 1759. Les années passées, on aurait pu voir
dans le jardin un puits assez profond. A ce puits se rat-
tache un étrange souvenir. S'il en est un qui ne doit pas
l'avoir oublié, c'est assurément notre ami M. A. Campbell
qui cnl.int, faillit )• perdre la vie.
Son père décida alors de combler ce puits. C'était
pourtant un puits qui avait dû s'enorgueillir de son
passé, car le dit 13 septembre 1759, on y avait puisé libé-
ralement, pour rafraîchir les lèvres brûlantc< d'un mori-
bond qui reposait sur l'herbe, à quelques pas, cà l'endroit
même où en 1S32, les soldats d'Albion élevaient un
monument (1) ii l'heureux rival de Montcalm. Ce moribond
se nommait James Wolfc.
L'occupant de Hatthficd Cottage, M. Charlebois, cons-
tructeur des édifices du l'arlcnient Provincial, sedoute-t il
que, chez lui, le sol eit spécialement fertile en j^'rand-^
souvenirs, et que les puits, .-/ils j^ouvaieiit parler, pouraicnt
avoir leur mot à dire ?
I \\
llcic irici
vil 'liiKInl :-
" 'l'Iii' «irk ilii •< ariii' ciiilii lo tln' nin-nri, Mt- \:iv;rr Aliilouiii, wli i j.ii< cxii'iit.il i;
in il vriv ;il)li' i.iaiiiHi, iniil r tlii' ilir •iliiiii n'' Mr. JHuichloek, (.f tlir Hnyul i;ii_'iii''ir
lli'iiiiil meut lidiri .1 il. ••JL'ii clniwii liy LdiiI AyliinT.
'l'Iir -pot uliiT' WiillV n ciivrii \\\* tliinl ami di'.'itli ^volllllt\^•a^ in finiit i.f tlii- ri'Ioiilit
and risiiiv' U'i'iiiiil, sonn'w liât on tlii' liulit ami in ailvaiin nf tin' nionuiuiiit. H'j «as
lin lui' liiirni' lu tlic Vi .ir. ami siiiipuilrd a^tainil a riuk lavinu l'ii thr siirlacr.
In a sinall liclil. IIm' prnpirls nf thr l.id' .Mr .Mniilnad, thc uni' in wliit 11 tin' nioiiumetit
in sitnatid and tlii' propirty of l'Iiailis Caniplull, \'.*i\., fidin alioiit tilty yardt dui-
lioitli uf tln' fcilnmn, imnn'iliatly jnininu' tin' l'cni-r, niay lu' Hi'i'n lli'' r.inain!* of ih"
wcll wln-ni'i" Widfi' was j-nppli. il willi «atiT, wln'n layinK liiint and dyin;; on thc siiot.
now inarki'il liv tlii' colmnn. Tlii^ lias ln'i'ii rvcr known to tlic nid inlialiitants of
thr in'lKhljorliood a.i \Volti''s Wi'll. <y/i'.v/. 1/ Cinmî./, VuMV, /'. lo;.)
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• ■)
MARCHMONT, Grande Allée.
Quatre-vingts acres d'un terrain amélioré, fertile et
planche, sur le côté sud du chemin du roi, à l'ouest des
Plaines d'Abraham, dont une haute clôture les sépare —
frang s d'une haie d'aubépine dominée d'un verdoyant
cordon d'érables, de jeunes chênes, d'épinettes rouges, de
gracieux bouleaux semôs dans la haie à dix mètres de
distance les uns des autres : voilà la magnifique métairie,
sur la Grande-Allée, à un mille et demi de Québec, où M.
Thos lieckett, de la maison Dobell & Cie, Président de la
Société d'Agriculture du comté de Québec, a . levé son
superbe petit château. On le découvre indistinctement du
chemin, tapi sous Je feuillage qui couronne la cime du cap
altier, au pied duquel murmure notre fleuve roi, après avoir
déposé sur la rive les ratleaux du propriétaire.
Occupé en 1819 par Sir John Ilarvey, le commandant
de la garnison, Marchmont a successivement hébergé sous
ses frais ombrages, pendant la belle saison, l'évèque
anglican Mountain, ainsi que d'autres éminents citoyens
de la capitale. L'historique ruisseau Saint Denis par où
grimpa Wolfe, sur les hauteurs, en 1759, l'avoisine à l'ouest.
Ce domaine, le plus avantageusement situé que je con-
naisse autour de Québec comme exploitation agricole,
passa il y a une quarantaine d'. innées, à M. John Gilmour,
un des associés influents de l'ancienne et puissante maison
écossaise, l'oUock, Gilmcnir is: Cic, de Gl.tsgow. .\I. Gihnoui
ajouta au corps de logis un co!'.>crvatoiri- pour les tleiirs,
et des serres-chaudes pour la culture de la vigne ; à sa
mort qui eut lieu récemment, le lieutcu.int-colonel l'^erdi-
nand TurnbuU, inspecteur de nos écoles de cavalerie, y
séjourna l'espace de deux années, avant de s'installer à
Clermont, deux milles à l'ouest.
D'où lui vient le nom de Marchmont .' A'iSc-io, mon cher
antiquaire.
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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ELM GROVE. Grande-Aile^.
Au nombre des riches propriétés qui firent partie de la-
succession de feu George Burns Symes et qui échurent à'
sa fille, Madame la Marquise de Bassano, l'on peut men-
tionner le beau domaine en face de Wolfefield.
Possédé d'abord par M. John Saxton Campbell, cons-
tructeur de navires et qui y vécut nombre d'années, le do-
maine fut acquis en 1850, par M. Joseph Kright Boswell
qui y éleva une spacieuse villa, au sein d'une plantation
d'arbres de haute futaie où l'orme prédomine. On ap-
pela l'endroit Elm Grave : bocage des ormes. Au départ
de M. Boswell, la Marquise de Bassano loua Elm Grove,
en 1878, cà son Excellence, l'ablégat papal, Monseigneur
Conroy, qui y passa l'été.
Elm Grove, depuis quelques années, a été acquis par M.
John Burstall, et sous les soins de cet homme de goût, la
villa a pris son rang, comme une des maisons de campa-
gne de première classe autour de Québec.
WOLKBKIBLID, Grancle-Allee.
"Jjos oinlires «le la nuit — lo pivciiiicù cscalnilo par Wolfe —
reiiiiiiiv uuo s,i poijjnéc île liruvi's iloniia iV l'Angleterre — la
tiloriciisp catastioi)lu! qui termina sa eairiùrn iK même Oii
elU' avait commencé Ou jmurrait scruter l'histoire
;incicnne entière et les fastes de la j)hi!osoi)hie on outre,
■aani rencontrer un fait d'armes plus glorieux. — William l'rrr
Le succè-s qui couronna le débarquement à SiUery des
soldats anglais qui prirent Québec, en 1759, de même que
les charmes du paysage, prêtent à Wolfefield un intérêt tout
particulier.
L'un des premiers à gravir la falaise où le ruisseau
Saint Denis s'est creusé un lit. fut l'intrépide Major John
Haie, plus tard général, à la tête d'une, compagnie du
brave Régiment de Lascelles, le 47me.
L'ordre de marche prescrit par Wolfe, pour escalader
ce sentier abrupte, fut celui usité par les Sauvages dans
les bois, un seul homme de front : " Indian file " dit un
historien anglais.
A l'extrémité ' : iardin de Wolfefield, on discerne
encore à ileur do tcn quelques faibles vestiges d'un
corps-dc- garde français c/i nos miliciens, au nombre de
cent, en grande partie de Lorette, avaient été placi's on
faction, sous les ordres du traître ou inepte Capitaine de
Vergor, (i) le protégé de Bigot : les miliciens tirèrent sur
les soldats du Major Haie ; puis, disent de vieux mémoi-
res, croyant qu'ils avaient affaire à l'armée anglaise entière,
ils prirent la fuite ou se rendirent prisonniers 1 veo leur
commandant blessé au talon, lequel avait crié : " Sauvez-
vous !
Ceci se passait peu après minuit le 13 septembre 1759 ;
Wolfe bien que malade et souffrant, organisa de suite, un
service spécial pour transférer des bateaux au bord du
(1) N. B. "Co capitaino avait avec lui beaucoup d'habitants de Lorette, dont lo lion
était i\ la portée do ce poste ; ils lui demandùrcnt la pcnniasion d'aller travailler la unit
chez eux ; il la leur accord» : on prétend que co fut il condition d'aller aussi travailler
pour lui, sur imo terre qu'il avait dans cette paroisse." Mémoires sur les affaires lUi
Caimiîii 1740-CO, p. 114.
m
17S
WOLFEFIELD
fleuve, des provisions et des munitions de guerre, que l'on
transportait à force de bras, au haut du plateau élevé en
cet endroit de plus de cent pieds,
Oii utilisa pour cette rude besot^ne, les marins de la
flotte ; le valeureux chef les attendait au haut, où ils arri-
vaient haletants sous leurs fardeaux et épuisés de fatigue.
Il leur faisait distribuer des spiritueux ; les encourageait
de ses paroles et leur promettait une victoire certaine
et prompte.
A quatre heures du matin, les bataillons anglais prenaient
leur position, déployés sur Je plateau à l'est en face du site
où a été depuis érigé le petit château de Marchmont.
Au printemps de iSio, une semaine après les
funérailles du Col. Henry Caldwell, com.me il se plaisait à
le répéter, un jeune anglais débarquait à la basse-ville de
Québec: ce jeune étianger, ayant vom Wiliam Price,
était destiné à prendre une position dominante dans les
sphères du haut commerce. Ses nombreux moulins, entre
Québec et Rimouski, ses vastes scieries, ses fermes, ses
grandes exploitations agricoles, dans les environs de Chi-
coutimi, le firent nommer plus tard " Le Roi du Sague-
nay."
M. Price avait succédé a une autre célébrité locale au
Sagucnay : M. Peter McLeod.
Associé de la puissante maison Goldie & Co„ de Lon-
dres, M. Price, par son esprit d'initiative, son caractère
honorable, ses succès dans l'exploitation di. produit de
nos forêts, devint bientôt, dans la rue Saint-Pierre, une dos
sommités de notre moide commercial.
Vu l'état affreux de l'hj-giène publique à Québec et la
défectuosité du drainage dans la ville — M. Price se hâta
de se choisir une résidence, loin des miasmes de la cité ;
il venait d'épouser Mlle Charlotte Stewart, fille
de M. Charles Gray Stewart, Contrôleur des Douanes à
Québec : quelques années plus tard le ciel bénissait l'u-
nion, par une famille patriarchale quant au nombre.
ESQUISSES
179
e l'on
vé en
de la
s arri-
atigue.
rageait
ertaine
Le cottage que le Capitaine Kenelm Chandler avait
acquis de M. David Munro, sur la rive du ruisseau Saint-
Denis, près de Spencer Wood, le tentait : il en fit l'acqui-
sition et lui conféra un nom fort approprié — qu'il porte
encore : Wolfefield.
William Price décédait à Wolfefield en mars 1867.
Le domaine paternel est maintenant occupé par ses
filles el leur frère, M. John Evaii Price.
enaient
du site
nt.
rè;î les
iaisait à
/ille de
1 Price,
dans les
is, entre
les, ses
I de Chi-
Sague-
Dcale au
c Lon-
iractère
dnil de
une dos
ic et la
ise hâta
la cité ;
fille
janes à
lit l'u-
I- '
THORNHILL, Sillery
Vîisoiiiiii'r il'u.. ouro.m, j'ecoiinnia le plaisir
De Koi'itcr, tnua l(>s soirs, un inomi'Ht Ai' loiair.
Je; niitri" IcntcmL'ut chez moi, je me iUl:is30
•îi- tvavirac un .jnrilinj oùj'oconte, on iiiinThiint,
lit'S ailicux que les iiida font au soleil couchant.
[CdlTÉE, Promenades et Iiitiriews.
Une solide maison de campagne datant de 1823, rebâtie
tn ce joli site — voisin des Plaines d'Abraham — par feu M.
Alexander Simpson, alors ge'rant de la succursale de la
Banque de Montréal, à Québec.
Perchée au haut d'un tertre au nord de la Grande
Allée, à un mille de la barrière de péage, ^on distingue du
chemin, à demi voilée par un bouquet de verts sapins, la
villa de M. Archibald Campbell, Protonotaire-ad joint de
la Cour Supérieure. Elle tient son nom d'une
épaisse garniture d'aubépines qui court le long du coteau.
Une avenue bordée d'arbres, entre deux vallons, mène à
la résidence, bien pourvue de jardins, de pelouses, de
balcons. Le fondateur M. Simpson semble avoir été
amateur de ce confort national, à la foi solide et élégant :
EngUsJi Couifort : ou en voit des traces non équivoques dans
son logis et dans son ameublement. Les portes d'entrée sont
d'acajou solide ainsi que d'autres objets antiques.
Au temps où notre sympathique Vice- Roi le Comte
d'Elgin tenait sa brillante cour à Spencer VVood qu'il
aimait tant, (\) il avait pour premier-ministre l'habile
financier, Francis Hincks, qui a expiré le iSfaoût 1885.
Pour être plus près de son chef. Sir Francis Hincks fit
l'aquisition deThornhill, ou s'écoulèrent pour lui quelques-
uns des jours les mieux remplis de sa carrière si longue,
[1] Ou prêtait h. Lord Elgin, les paroles <\ ui suivent dans un do ses di8cour8,au sujet de
Spencer Wood. •' Net only 'would I gpond hère the rcst of iny life, but ofter my death,
I should like my bones to rsst in this beautifut spot. <>
Inisir
(■ loUir.
liisau
iiarcliant,
:ouoliaut.
ntôrienra-
3, rebâtie
ir feu M.
le de la
Grande
ingue du
sapins, la
[joint de
i d'une
coteau.
mène à
)uses, de
.voir été
cgant :
ues dans
rée sont
Comte
)d qu'il
l'habile
1885.
icks fit
lelques-
llongue,
Lau sujet de
my death,
ESQUISSES
181
et si accidentée ; que d'épineuses questions alors réglées à
Spencer Wood entre la poire et le fromage !
On a dit qu'au siècle dernier Thornhi'l avait été la
métairie du Lieut. Gouverneur Hector Théophilus Cramahé
et que pendant cette automne de 1775, si palpitante d'émo-
tions pour nos grands-pères, messieurs les Bostonais firent
une visite à ses poulaillers et montrèrent leur appréciation
de ses grasses volailles.
'
lU
V '
ÎUM'.
' SPENCER-WOOD.
"ïlirough thy procn tirovos aiid doop roccdlnR howerg
IjOvciI Siicnci-r Wond ! liow ofton liavo I striiyod,
Or iiiuscd awiiy flio cmImi. uiilirokon lioura,
Iti'iieatli 801111! liioiul oak"s tool, rifrosliinR sliado."
(l'OL'iii on Spciircr M'ooil, Ailam Kidd, 1820.)
Du côté sud du chemin Saint-Louis, à deux milles des
murs de la ville, gît, sous un dôme de verdure, le domaine
le plus pittoresque de Sillery — d'aucuns diraient, du Ca-
nada : Spencer Wood.
De 1780 à 1796, on connaissait cette célèbre résidence
vice-royale sous le nom de Powell Place, du nom de son
propriétaire alors, le Général Henry Watson Powell. Elle
prit ensuite le nom de Spencer Wood du très honorable
Spencer PercevaU'illustre parent de l'hon. Michael H. Per-
ceval, dont la famille demeura propriétaire du domaine
depuis 1S16 jusqu'en 1833 ; alors Spencer Wood fut
acheté par feu M. Henry Atkinson, négociant riche et
avantageusement connu à Québec.
L'hon. H. Perceval, membre de l'Exécutif et du Conseil
législatif, fut aussi percepteur impérial des Douanes de
Sa Majesté, à Québec jusqu'à sa mort, arrivée en mer, le
12 octobre 1829. Son traitement annuel était de huit mille
louis sterling. Les Perceval y vécurent d'une façon fort
distinguée pendant plusieurs années. Québec conserve
encore d'agréables souvenirs de leurs brillantes réceptions.
De même que plusieurs villas royales d'Angleterre et de
France, Spencer Wood a eu ses alternatives de splendeur,
d'isolement et d'abandon, quelque courtes qu'elles aient
été.
Jusqu'en 1849, Spencer W^ood comprenait la propriété
voisine. Spencer Grange. Cette année-là, M. Atkinson
vendit la plus grande moitié de sa propriété au gouver-
nement, pour servir de résidence à l'aimable et hospitalier
gouverneur, le ccmte d'E'gin, en se réservant la plus pe-
ESQUISSKS
183
Ipriété
tinson
luver-
italier
3 pe-
tite moitié, sur laquelle il érigea des eonservatoires de
fleurs, des serres, etc., beaucoup plus considérables que ne
le sont ceux de Spencer Wood p'"oprement dit.
Il y a une description du jardin de Spencer-Wood dans
\ Encyclopcdia of Gardcniiig, à la page 341, et aussi dans
le Gardencrs Magazine de 1837, à la page 467. C'est à un
jardinier paysagiste, M. P. Lowe, maintenant en chxri,'e
du conservatoire de Cataraqui, que le jardin de Spencer-
Wood était redevable d'être cultivé avec un goût si
exquis et d'avoir été un objet de curiosité [jour tous k's
étrangers iiui visitaient Québec.
Nous pourrions rappeler le temps où cette pro-
priété s'étendait depuis Wolfefield, dans le voisinage de
Marchmont, jusqu'au méandriqu; ruisseau IJelle-liorne,
qui coule tout juste au-delà de la loge du concierge à
Woodfield, vers l'ouest ; le ruisseau historique Saint-
Denis, que le lient. Général Wolfe, gravit pour vaincre
ou mourir, le traversant à Thornhili. C'était alors un
domaine de plus de cent acres, — digne résidence pour le
plus fier baron que l'Aiigleterre eut pu nous envoyer
comme vice-roi. Borné à l'est et à l'ouest par deux ruis-
seaux ; isolé de la grande route par un épais bocage de
chênes, érables, pins et ormes, — forêt pour ainsi dire
vierge, ne livrant que ça et là passage à la lumière à travers
le labyrinthe de ses avenues ; paysage saisissant, dont les
ombrages estompaient les teintes douces des tapis tle ver-
dure: le tout était digne d'une demeure ducale, (i j
Un jardin féerique de fleurs était situé en arrière du
château au nord ; jadis, il eut le [)rivilège d'attirer bien
des regards. Il y avait aussi un grand jardin fruitier et
potager bien entretena ; il était émaillé de i)late-bandes
de fleurs ; le centre était orné de la plus charmante fontaine
circulaire en marbre blanc*, alimentée par un filet d'eau
vive du ruisseau Belle-Borne, au moyen d'un appareil
I;
[Ij Ia" li'ctour lU'siroux <li< so roiiscimior iiliis amvloini'ut sur ci'tti! lii'lli' résitlciici- ont.
prié tUi rcfOriT ,1 lii (U'acrii)t ion couti'uui' dans V Whiim Aii. Tourintectii, lu dt'si'iiptioii
encore iilus ilctaiUùo dans le PictHres<pic Quehvc.
i84
sri:\CER-wooi)
hydraulique sous terre ; des balcons, des belvédères
étaient érigés dans des endroits exposés au-dessMs de
précipices béants, et sur deux pointes, l'une rej^ardint
Sillcry et l'autre, l'île d'Orléans ; ce fut le lieu de maiutes
gaies réunions où l'on prenait le thé, où l'on faisait sauter
le Champagne. Faut-il' aussi mentionner les pavillons,
les chaises rustiques perdues dans les bocages, un superbï
boulingrin et des places de jeux de paume.
La villa elle-même renfermait une collection choisie de
peintures de grands-maîtres, une bibliothèque bien assortie
d'ouvrages rares et de valeur, de missels romains cnlumi-
né'-, de riches portefeuilles avec gravures curieuses, de
statues antiques, de gracieuses statuettes, de médailles,
d'objets d'art acquis par le propriétaire durant quatre
années de séjour en Italie, en France et en Allemagne ;
c'est ainsi que nous nous rappelons Spencer Wood aux
jours radieux du passé alors quec'était la résidence choyée
d'un homme de goût, feu M. Henrj' Atkinson, président
de la société d'horticulture de Québec.
Au commencement du siècle, Spencer Wood, comm^
nous l'avons c;éjà dit, était connu sous le nom de Powell
Place.
Son Excellence Sir James Henry Craig y passa les étés
de 1S07, 1808, 1S09 et 18 10 ; mais l'air salubre de Powell
Place ne put effectuer la cure de la craelle maladie qui
l'obsédait
L'historien Robert Christie a conservé, entr'autres
documents, une curieuse lettre de Sir Jamss à son secré-
taire et chargé d'affaires, à Londres, l'hon. Herman^Wistius
Ryland, en date de Powell Place, le 6 août 18 10. Dans
cette lettre, il caractérise dans un langage un peu parlemen-
taire le coup-d'état qui avait fait consigner à un donjon,
à Québec, trois des membres les plus marquants de la
législature: MM. Bédard, Taschereau et Blanchet, avec
JVI. Lefiançois, imprimeur du Canadien, pour s'être livrés
m
r.S(.>uissi':s
185
êtes
)well
qui
itres
îcré-
itiuà
Lins
lisn-
Ijon,
le la
ivec
^rés
dans ce journal à certains coniinentaires sur politique
coloniale de Sir James.
Voici cette lettre :
"Sn< Ja.mks Craii; A M. Rvlanh.
"Québec, Powcll Place, 6 août iSio
"Mon cher Ryland,
"Jusqu'au moment où j'ai pris la plume, je pensais
avoir beaucoup à vous dire, et à l'heure qu'il est, je me trouve
pour ainsi dire sans sujet''* ''. Nous sommes restés bien tran-
quilles ; tout ce qui se fait, se fiùt en silence Je n'ai aucune rai-
son de penser cependant qu'il soit survenu de changement dans
l'espiit public ; je crois qu'il reste dans le mOme état. (I.'évéque)
Plesais, au retour de sa tournée, a reconnu devant moi qu'il a
raison de penser que quelques-uns de ses curés ne se sont pas
conduits comme ils auraient dû le faire ; il achève en ce mo-
ment le reste de ses visites.
"Blanchette et Taschereau ont été tous deux relâchés par suite
de mauvaise santé ; le premier est allé à Kamouraska prendre des
bains ; le dernier n'est sorti que ces jours-ci. 11 a envoyé de-
mander au juge-en chef (Sewell j s'il consentirait à le recevoir ;
celui-ci a répondu qu'il n'avait aucune objection. Le juge en
chef est convaincu qu'il est jnarfaitement converti. Il lui a assuré
qu'il croyait de son devoir de saisir toute occasion publique de
montrer, par tout acte qu'on lui indiquerait de faire, son acte de
contrition de sa conduite passée." (1)
Si les noms des visitants illustres sur le registre de
Spencer-Wood peut rehausser l'intérêt que la place peut
avoir, on pourrait rappeler celui de Son A. R. le prince de
Galles, qui visita en 1860 ce site, plus d'une fois parcouru
et admiré de 1791 à 1794 par son aïeul, le prince
Edouard, duc de Kent, dans ses promenades autour de
Québec avec la séduisante baronne de Saint-Laurent. On
peut signaler aussi entre tous ceux qui furent familiers
avec les airs de Spencer Wood, deux autres princes
royaux, le duc d'Edimbourg et le prince Alfred, la Prin-
cesse Louise, le Prince Léopold avec forces ducs, et comtes,
les ducs de Newcastle, de Manchester, de Ikickingham,
d.Argyll, le prince Napoléon, les généraux Grant, Sher-
man, etc.
[1] Sir James, ou nous nous trompons fort, se faisait illusion en ceci. [J. M. L.]
i86
Sl'lCNCEK \V0( )D
Depuis la Confédération, Sir \. F. HcUcau et les lieu-
tcnaïUs-j^ouvcrneurs Caron, Letellicr de Saint Just, et
Robitaille ont successivement occupé Spencer-Wood.
L'IIon. L. R. Masson, en prenait possession comme Lt,
Gouverneur, le 7 nov. 1884, le jour même de l'anniversaire
de sa naissance. Amateur de l'histoire catiadicnne, il vient
d'y installer sa riche collection de livres, etc., de Mémoires,
de Hrochures, se rattachant à notre histoire.
Spencer Wood est devenu la propriété de la province de
Québec au temps de la Confédération, par don gratuit de
la Puissance, fi la condition expresse qu'elle continuerait
comme par le passé à être la résiilence gubernatoriale.
Réduite maintenant de moitié en étendue, son entretien
est bien minime, comparé à l'époque où, résidence d'un
simple particulier (M. .VtVinson,) elle comprenait le
domaine voisin.
8PENCER GRANGE
" l'ii ni.l iiiMrt lo fiMill;iL"i'
l'ii ininiDir (hina li'^ Ihih."'— | Vir imi llruci : L,n Hi'iin.]
Lorsque Spencer Wood devint la résidence vire-roj-ale
de Lord Elpjin, l'ancien maître du domaine, feu Henry
Atkinson en réserva la plus petite moitié, h l'ouest où il
se fit conr.truire une 'jolie villa qu'il nomaii Spencer
Granj^e. [i]
Le gouvernement y eriy;ea ,-i l'est une liante muraille en
briques, entre les deux domaines, pour la culture des
fruits e!i espaliers. Sjjencor Grange, qui comprend à peu
près quarante acres de terre, se rétrécit vers le rteuve, en
une pointe d'un arpent de front ; un pittoresque pavillon
ou belvédère, penché au dessus d'une murmurante casca-
telle créée par le ruisseau Bi-f/c J'onic, domine cette pointe,
d'où l'on obtient une charmante vue du fleuve.
Bientôt l'on vit surgir à cet endroit des serres, des con-
servatoires, des parterres, une bibliothèque, plus considé-
rables que ce qui s'était vu à Spencer Wood même.
Le paj'sage aux deux places n'est pas identique. L'in-
comparable spectacle du fleuve, etc., en ce dernier lieu, est
remplacé par des charmes d'un autre genre : c'est la forêt
combinée avec la mise en scène d'un parc anglais en mini-
ture : "a Woodlaiid Scciic' comme l'entendait celui qui en
conçut ridée.
Un coquet castel au milieu d'iui bois, ([c:=, massifs de
chênes, d'érables, etc., groupés symétriquement au sein
d'une verte prairie ; une longue avenue, frangée d'un côté
d'arbres forestiers ; de l'autre, d'une haie vive, mène à la
demeure. En face un orme séculaire, des sentiers (2) déro-
bés dans la forêt p'imitive à l'ouest, longeant l'historique
[1] Hi-iimie, on AiiKloterrc, s'oiuploir iKmr désigner 'ine inétairio oriiùP, combinmit l:i
vie lie cluiteau, avec des occuii.itious aprieoks.
(2) Le iihis i)ittoros(itio de ces sentiers, A Tourst, a étù nonini6 l'Avenue Aiuliibon ,
pour perpétuer le souvenir de 1.1 vrtsence en ces emlroits, eu 1«4J, du i>rinc'0 deâ natu-
ralistes lie l'Aniériiiue, Jean-Jacques Auduliun.
ïSS
SPENCER GRANGE
ruisseau Belle-Borne, dont le cours intercepté dans ses
méandres, alimente un petit étang, abreuvoir chéri des
grives et des merles à l'aube, puis se irécipitant à une
hauteur d'une centaine de pieds dans Woodficld Ifarhor
après avoir reflété au soleil levant les prismes de l'arc-en-
ciel ; deux jardins,run pour les fruits, l'autre pour les fleurs,
disposés en terrasses et ceints de haies de lilas et d'arbus-
tes pour masquer les clôtures et les bâtiments de ferme :
tels sont .es agréments les plus notables que M. Atkinson
se plut à semer sur son nouveau domaine.
Ajoutez-y une pelouse unie ou boulingrin pour le
croquet et le lazcn tennis, une volière, un musée ornitholo-
gique et archéologique, une nouv^elle façade plus imposante
au corps de logis, surmonté d'une tourelle, où flotte, les
jours de gala, le pavillon du Canada, présenté pour Spencer
Grange, par les propriétaires des villas environnantes : et
vous aurez une idée de cette résidence depuis qu'elle passa
en 1860 à celui qui trace ces lignes :
BULLETIN ORNITHOLOGIOUE
Mif^fction friiitanurc des oiseau. \\
" Le ler juin dernier, il y avait chez M. et Mme Ornithos, à
Sillery, la réception ordinaire du printemps : bien que bruyante
et nombreuse, il y manquait, nous dit notrre reporter, plusieurs
personnages, j.résents à la réunion précédente. .
Tout se passa avec un merveilleux entrain ; les toilettes, sur-
tout les toilettes masculines étaient lestes, pimpantes, bien
assorties, — quelques-unes môme fon chic.
Au lieu de la grande migration printanière, on eût crû qu'il
s'agissait d'une noce : la température pourtant était froide, et le
temps n'était pas '"aux oiseaux" ; des l'abord, ce gai monde
semblait un tant soit peu attristé ; on eût dit qu'ils regrettaient
l'absence de leurs pardessus et de leurs paletoti d'hiver. Peut-
être cette préoccupation ét,ait-elle due à la présence d'un érne-
rillon qui rôdait dans les environs. La réception eut lieu au salon
principal, c'est-à-dire au musée ; le dôme verdoyant d'un grand
orme voisin servait à ces visiteurs ailés, de salle d'at
tente. Voici quelques détails pour les curieux : le laquais de
service a eu l'obligeance de passer à notre reporter, . M. Colibri,
les cartes de ces dames et messieurs : tous paraissaient fiers de
II
ESQUISSES
1S9
l'il
le
Ide
sut
leurs prérogatives et avaient leurs noms et prénoms inscrits pré-
tentieusement sur leurs cartes de visite.
L'élément clérical, représenté par des rccollcts et des nonnes,
brillait au premier ranj,^ : c'était M. Ampelis Cedrorum et la
vcihxQ. Junco Ilyemalis ; le cardinal des années précédentes,
// sii^nor Pyrani^a Rubra brillait par son absence.
D'autres artistes, d'un rare talent, s'empressaient de présenter
leurs hommages au maître de céans : Monsieur et madame
Tnrdus Migratorius et leurs entants gros comme père et
mère — qui entrèrent au salon en se trémoussant, sautillant,
gazouillant, avec un adorable abandon. Les fils portaient
manteau noir-gris et veste rousse ; leurs sœurs, mantilles grises et
fichu roux brun.
On remarquait il signor Melospiza Melodia, ténor distingué,
accompagné de sa jeune épouse, madame Mclod'a., née Rossi-
gnol ; puis, trois beaux chanteurs : VLW. Pcnnsyhanicns, Lcu-
cophrys et IHiacus, de l'illustre famille des pinsons, suivis d'un
éminent artiste., à la voix sonore, I\L Turdus Solitarius., et son
cousin, l'harmonieux baryton, l^urdns Wilsoni, dont les notes
limpides, aériennes ont jeté tant de lustre sur cette nombreuse
lignée des Grives : leurs accents respectifs ressemblent à ceux
de la flûte et du haut-bois On parut fort scandalisé des cris
discordants d'un couple de mainates pourpres qui se jouèrent un
instant au commet de l'orme ci-devant mentionné : leur voix
était comme le grinrement d'une brouette. Un geai bleu ajoutait
à cette cacophonie ; il n'eut pas les honneurs de la présenta-
tion ; en somme, un beau succès couronna les efforts de ces vir-
tuoses, qui s'éloignèrent .fans se dire adieu." (L'Electeur., 24
Juillet 18S4.)
X.-B. — L'idéo do cette /tiH^at'sie semblû avoir tl'tO cmpnmtûc i\ un compto-rcndii do
soiii'ilfible nature drossO par lo côl''bro ])r Couoi, lo si-and oriiitlioljïisto américain.
i
|! :î
(i; SAMOS — Woodfield, Sillery
La pittoresque résidence d'e'té d'uii prélat français, en
'733. et la voie publique qui y conduisait, à Sillery, ont
emprunt.4 toutes deux leur nom au titre épiscopal de Mon-
seigneur Dosquet, évêque titulaire de Samos et seigneur
de céans, au siècle dernier.
Il appert, en référant aux relations du siège des Boston-
nais en 1775-6, que le site avait continué de porter le nom
de Samos. Je suis porté à croire que ce fut un de ses pro-
priétaires des mieux connus, Thon. William Sheppard
qui, vers 1S16, changea le nom de Samos, en celui de^\'ood-
field. M. Sheppard quittait Woodfield en 1847 et cette
magnifique propriété passait, par vente du shérif, à M.
Thos. Gibb, qui l'échangea avec son frère James Gibb,
l'ancien président de la iMtuqiic de Québec, contre son
domaine de Bellevue, sur le chemin Ste Foye. Cette région
bocagère a été transformée en nécropole en 18S0, sous le
vocable de -SV Pairick's Cciitctcry. C'est sous les pins mur-
murants de Samos que les fils de St Patrice, transplantés
sur nos rives, vont maintenant goûter le long sommeil, et
l'oubli de leurs nombreux griefs, réels ou imaginaires en
la verte Erin. Que la terre leur soit légère !
fja coinpiiciiio (!<• l:i Nouvelle FraïKi'. en ir;4ii, sous radministiatidu <lu Cluvalii r lie
Mniitnia.^'iiy, ( uiitrila et' terrain, di' trois ariJiiits ilr front à .Ii'an lioiivart dit Lafortuiif.
.Ii'an Jloiivart M-ndait. en llil'.l. à r.artlu'di'Miy (iandin. Y.w ITnJ le lot était im-sOdé par
(iiiillaunii' l'riL'é dit Cariv. F.ii ITiit. Nicliolas de la Xoiiiller l'aelu !:• et li' revendit en
IT.'ll à Jlonsei'^iieur iio^(|iii t, i \é<|iie de Samos. J)n 17il:J. le Séminaire des ]\Iis-io-as
Ktranevre^s à (,ie,éliec', ifmtéd.'i à 'l'Immas Ainsliy la partie nù s'élevait la ré.-idi'iice de'
rKvecjiio l)0!-i|net. Le .lu'je Adam Alatiane, en (it l'aciiuisition ru ITiil'. Il y expirait fil
17:1:2: sa su'ur l)enloi^elle Xsabella Ma!)::ne l'acheta en 17!iJ «'t le revendit en Isu,") à
rilon. j'NIatliew r.ell. l/llon. William ^lleppard. t'on^!eiller Lé'^iislatil', en fit rac<|uiHi-
tiepu en l^lli et l'oecupa ,jusi|u'en l'-17. Ce 1/eau domaine tut alors niorselé et eoneéilé eu
petits lots à nue rente annuelle de six livres dans la liartiu à l'ouest du clieniin de
"^ainos et forma le xillaeed" Siu'j'pardviili — nom (luo les canadions-franenis ont elu\lij.Té
en celui de liergerviUe.
en
n- .le
rtuiii .
it l'U
-io'js
lit ill
inii.-'i-
Ir eu
Il ili'
■iigC-
MONTAGUE COTTAGE, Sillery
"I kiio'.v ly tho smokc wliicli so uriiccfiilly curli-.l
Alxivi' tlio uvotn «ood tliat a cuttaKii \vin iioar,'"
(MOORK'S WooDi'iXKEn.)
Cher confrère,
Ce nom va vous remettre en mémoire une af^rcable page
de la littérature anglaise du Canada, au temps de Lord
Dorchester.
Depuis iS8o, le citadin errant ou le touriste séduit par
le charme du paysage, côtoyant la voie publique qui con-
duit au Cap Rouge, remarque sur le côté nord du chemin,
à Sillery, voisin de la maison d'école, style gothique, offerte
en don à la paroisse par le; lord Bishop ÎMountain, un joli
cottage, pourvu d'une ample piazza, d'un riant jardin, le
tout perdu sous l'ombrelle des grands pins du bois Gomin.
Une vigoureuse plantation d'arbres forestiers y tempère en
été l'ardeur du soleil : c'est la résidence de 1\I. Alfred P.
Wheeler, officier de douane, préposé à la surveillance des
steamers et des voiliers atlantiques ; ces arbres fores-
tiers, ce sont ceux-là même qu'il )• a plantés, arrosés,
choyés avec une sollicitude maternelle, égale à celle que
notre agriculteur éméritc, Henri Gustave Joly, liéploie
pour ses chères érables à Giguère.
Je ne sais d'autre motif qui ait pu induire I\r. Whecler à
fixer ses pénates sur ce coin de l'ancien et vaste domaine
du col. Caldwcll — dénommé aux ancien-; titres : "Sws
Bruit," — à part du charme de l'endroit, que cet ardent-culte
des lettres, qu'il puisa vraisemblablement, dans les salles
c'assiques de l'Université d'Oxford — ^on .Ir-na Mater — et
son respect pour les "voix du passé litcéraire."
Le site, pour sûr, abonde en souvenirs, en romanesques
souvenirs, d'où la littérature se dégage comme un suave
arôme : le vase retient longtemps la senteur des roses
qu'on y a pressées.
'I
II
li )
192
MOXTAGUE COTTAGE
It r4
m
M. Wheelcr, frère cadet .le l'hi-storieii anglais, J. Trilboys:
Wheeler, raffole de Scott, Moore, Wordsworth, Shelley,
Byron, Shenstonc, Swinburiie, surtout de Tennyson.
Les poésies harmonieuses du .'auréat anglais lui sont
aussi familières que son ikiicr.
Plus d'une fois, il nous a intéresse par ses profondes dis-
sertations, aux séances de la Socictc littéraire et historique,
sur les ineffables beautés d'Enoch Ardcii, Maiid, The Priii
eess TitnbnetoH, petit poëme peu connu des lecteurs de
Tennyson, mais méritant de Tètie davantage, comme nous
l'a dit M. Wheeler.
Le laïrd de Montagne Cottage savait au reste que le plus
ancien, sinon le plus palpitant roman de mœurs canadiennes,
"The history of Eniily Hlontagne" avait, au siècle dernier,
vu le jour à quelques pas seulement de son cottage et que
l'amant préféré (S.'Einily, le séduisant col. Rivers, n'était
autre, si l'on en croit un antiquaire jadis en renom, — feu
l'hon William Sheppard, de Woodfield, Sillery, — que le
brave et beau colonel Caldwel'i, alors propriétaire de Sans
Ih-nit.
Nul doute que M. Wheeler ne fût sous l'empire de cette
pensée lorsqu'il signait son titre d'achat avec les repré-
sentants de feu l'honorable juge George Okill Stuart.qui lui
cédait ce lambeau de Ilolland Farm, ancien démembre-
ment de San^i Bruit. Le nom de Montagne qu'il a donné
à sa jolie résidence commémore donc deux carrières, celle
de l'héroïnij du roman, iMiiily Montagne, et celle du
héros d'icelui, le col. Caldwell, un des premiers propriétaires
du site.
Que de fois, en effet, la belle Emiiy, si jamais elle a
existé ailleurs que dans le roman de madame Brooke, a
dû, au siècle dernier, laisser errer ses pas dans cette ré-
gion bocagère — avant de succomber à la flamme qui lui
fit préférer un simple colonel, à la couronne de brillants
que le b^au, le riche, le séduisant Sir George lui ofifrait !
Je parierai que nonobstant votre science de bénédictin
KSQUISSLS
Ï93
a
', a
iié-
llui
iuts
lit!
tin
sur toul ce qui se îPittache au Canada, le roman de ma-
dame îîrooke, juisqu'à présent, a été pour vous un livre
clos ] que to'iit au plus vous n'en connaisse/, que le titre J
Eh bien 3 moi qui Tai lu en entier, je vais vous venir en'
aide. D'abord, je vous dirai que je n'en sais qu'un
seul exemplaire dans tout Québec. Prenons les choses ai) «vo.
Il y av"ait vers ce temps, au château Saint- Lo''i>, un
vice-roi, aussi populaire qu'il était amateur des lettres :
Guy Carleton, plus tard Lord Dorchester. Il parait avoir
accepté la dédicace d'une œuvre littéraire, en quatre volu-
mes, portant pour titre : " 'JV^c ///sto/y cf lluiily Mpu-
tas^-itc.
o
C'était une série de lettres échangées entre ICmily Mou-
tacjue et sa piquante et coquette amie, Bella Fermor, d'utie
part, et des militaires en garnison à Québec, à Montréal,
à New- York, aussi bien que des lords anglais à Londres,
les amis du père d'Emily, d'autre part. Les épîtres d'I^-
mily et de son intéressante confidente, Bella, sont datées
de Sillery, et ont été écrites en ijGG-y.
Les vieux Quchcc Giii'dc Juniks, rédigés ici, en 1829-31,
par .le colonel Cockburn, par jîourne et autres, répètent que
la maison où avait résidé la "divine" Emily, avoisinait cuttc
antique et solide structure en pierres-Kiimarnock — qu ; les
familles MacXider vjt Graddon ontsuccessivcmcnL occuuéc
à Sillery depuis le commencement du :•; ccIj. Air, i'^-an:; ;
Brooke, si l'on en croit ses titres, à la première page de son
œuvre publiée à Londres, le 22 mars 1769, était déjà
connue du monde lettré, par un autre roman, intitulé :
" LADV JULIA .MAXDEVILLE." La tradition veut qu'elle ait
été l'épouse de l'aumônier d'un des régiments stationnés
alors à Québec : elle passait vraisemblablement la belle
saison à Sillery. Voilà tout ce que j'ai pu trouver sur son
compte. Son roman est une peinture des mœurs du temps :
une photographie de la société officielle de la capitale,
mais susceptible d'amélioration.
u
194
MONTAGUE COTTACIK
Elle nous donne d'agréables esquisses des bals an Châ-
teau, des pic-nics et partis de plaisir au lac Saint-Charles, à
la chute Montmorency, des re'unions du Tctudeiii Club ^n
hiver, et des cabines pour pêcher la petite morue sur la
rivière Saint-Charles, à cette morne saison, sans oublier
les grands dîners officiel et le rôle important que les jeunes
militaires jouaient, dans 1 1 société contemporaine, — avec de
gracieux tableaux de nos paj'sages, — de notre fleuve-
roi, — de notre nature grandiose, —de notre beau Canada.
On se croirait peJque dans le vieux Québec que nous
avons tous connu et goûté, an temps où notre forteresse
avait l'éclat et les honneurs d'une 'nombreuse garnison.
Les séduisantes (i) peintures d'Kmily Montagne et de ses
amies eurent pour effet d'amener au Canada plusieurs
familles des rives de la Tamise. Je ne garantirais pas
qu'elles aient trouvé ici tout aussi couleur de rose que
l'habile Mme lîrooke le leur avait reorésenté.
Il]
(Iii:i.i.A KiMMini! TO jnss Eivi;i:s|
" Oli ! \vi' aiM vastly tolio pitiol ; iu> licanx at ail at tho soiiorars, only alio'.it six tn
oiio ; a iiri'tty i)n)|iortii)ii,aiiil wliat l lioiu' always to soo. Wi- — tin' lailios \ iiu'aii — drink
clincnlato witli llii\ (ii'in'ial ti>-iiioirow, and lu' Kivi's us a l)all on Tliiirailay ; yoii would
iiot kuow (v>iu.'l)i'c a,i,'ain,n()ltiiii,i,' Imt sniilini; l'aciM now ail i,'ay aaiiovi'i' was: tin» «woati'st
couiitiy iii tlii' wnrld. Novit l'xju'c-t tosco nie in Kniflanil aiiain ; ono is ivally sonu'hudy
lii'ii'. I liavo l)00u askod to dauco by only twcnty scwu
lÎKi-L.v Fi;i;3ioi!.
" Sii.LKi;v ; ciglit in tho cvcniug,
(tîlil.I.\ Vr.ItMOli TO LUCY lilVKUS]
'• Alj-i)liiti'Iy, Luoy, 1 will niarry a savacrc^ and turn sipiaw, fa protty soft nanio for an
Iiuliaii l'rinocaa ! Ni^vrr was anytliinu; sd (lidi'/litl'iil as tlu'ir livt'H. Thi'y talk (if IVonoli
liusl)ands, Imt ooininomt nio to an lndi.in,onc wlio lots liis wifc raniblo livo liundicd niili's
witliout askin;{\vlii'ri! slii' is Lfoini,'.
1 \v,is sittini; nftor ilinnor, willi a hnok, inatliickft of liawtliorn ni'ir tlip I)oacli,
vluMi a loud lauiçli calli'd niy atl'Mition to tli" l'ivi'i', wlicru 1 sau' a cauo : ol' savatccs
niakinij' to tlio slioro. 'l'Iicri! wcr.- six wonirn and tv.o or tliroi' cliililri'n, witliont onc
inan auioniïst tln^ni. Tlu'y landi'd and tii'd tlu' c-ano,> to tlir root ol'a trci-, antl (indinu
ont llu> niost aiJ!n>al)li!, aliady Hjiot aniou',' tii ■ bniln's witli whie-li tli^ b.'at'li was <'ovi'ri'(l,
wliii'li liaippi'nod to W. vcry near nir, nndi' a lii'i'. on wliicli \.\\-\ laid somu' C.sli to liroil.
und t'i'ti'liin'j wati^r l'roni tho rivi'i', s.it dov.n ou Ihc urass to th'iv IriiLTul n'past l stolc
HOl'tly to Ihiî housi", and ordi-riiui a ■«■i-vant to Iirin;^' -^onM wino and colil in'ovisiotis,
retnrn"d to niy S!iua\v>;. 1 aski'd tlinn in Ir.'nch if th' y wi'io fioni Lorctti', tlioy s.hook
thi'ir li'ads — l repi'at.'d tii" i|u>'sl ion in Kui,'li;ili, wh 'u tli,' oM 'st of thi' wonuMi told nie
thoy ^v■•l■o not ; that th;'ir Counti-y wa^ on thu hoidorn of Xi'w-Kn^land ; tliat tlniir
Iiusl)and) b^'in^ on a liuntini,' i)ai'iy in tlio woods, cnriosity and tiio di'siiv tn sco thi'ir
brothrcn tho Knijliflh who had oan(i\ifr('d (Jnrlu'c, had bnui^lit tlioni np tlin j^roat rivor,
ilown which thoy wonhl rotnrn as sonn as tlny had sooii ^fontroal. Sho conrt> ously
askod mi' to sit down aiul oat witli tlioni, wliich 1 oonipliod with and jn-odiicod niy jiart
of tlio foait. Wo soon bocanio «ood ooiniiany and britrliti-nod tho ohain of friondship
with two bottli'sof wino, which pnt thi'ni in >.noh spiriti tliat thoy danood, sanii, sliook
me by tho hand, and ifrow ho fond of ni" that I bo!j;an to bo afraid' 1 sliould not oasily
not vid of theni.
Adiou! my father is jiist conio in, and his bronsilit sonio eompaiiy with him froni
. Quoboo to siii>per.
B. FEnjion.
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larles, à
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Canada.
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Jilli;nit oin'
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jirovisimis,
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loutolil me
~ tli:it tlii'ir
seo tlioir
■al livi'r,
r)urt> ously
my l'art
|rrion(lslii|>
shouk
l)()t oasily
hiin froin
ESQUISSES
195
Son roman, tiré à une seconde édition, ne ferait pas
aujourd'hui la fortune d'un libraire. Ses héroïnes et ses
héros sont généralement trop parfaits ; leur langage est
guindé, froid, diffus : des Lovelace — des Pamela — des
Clarissa Harlowe, — tels que Richardson nous les donne.
Quant à moi, mon cher antiquaire, je préfère la coquette,
la gaie Bella Fcrmor, à la tendre, à la "divine" Emily.
Bella ajoute de par temps à autre, d'aimablcr, petits
Postscriptnm à ses billets : "Adieu, Emily, I am going
to ramble in the woods and pick berries with a little
smiling civil captain who is enamoured of me. A pretty
rural amusement for lovers." N'est-ce pas ? En effet, quel
charmant passe-temps, un vrai rêve d'Arcadie, pour une
donzelle do seize ans !
Mais je m'arrête. Parles extraits ci-joints vous pourrez
juger du roman de madame Brooke — En tous cas,
vous ne trouverez pas malséant que M. Wheeler ait jugé
ta propos de perpétuer la mémoire d'Emily Montagne
et vous approuverez, j'espère, les vers de Moore qu'il s'est
choisis comme devise.
L'on doit à M. Wheeler la fontaine St. MichacVs UW/,
récemment ouverte au public.
l!
KIRK-SLLA
Joli nom écossais importé de la Calédonîe par un de
ses possesseurs les plus populaires,' M. James Gillespie,
négociant de Québec, pour perpétuer ici le souvenir d'une
résidence de famille, en Ecosse.
Kirk-Elka faisait face à Cataracoui et se dressait fièrc
ment sur les hauteurs de Sillery. Un revers de fortune la
fit passer à un prince de la finance de la rue St-Pierre, M.
Ed. Burstal!, qui y sema largement ses écus. A son départ
pour l'Europe, Kirk-Ella devint la proie des flammes et ne
fut rebâtie que plus tard. Pendant quelques années, elle
fut la propriété du fils unique du millionnaire, M. Chs. E.
Levey, M. Ernest Levey. Vendue par décret, elle échut
à M, Robert Campbell, jeune membre du barreau de
Québec, et fils de feu le major Campbell, de Saint-IIilaire,
près Montréal. M. Campbell s'y livre à l'horticulture sur
une grande échelle. M. Campbell est également connu
oour son dévouement aux intérêts du vieux Québec,
aux jours de gala et de carnaval. Quand il s'agit d'orga-
niser une fête littéraire ou sociale, une exposition hor-
ticole où il faut du travail, du dévouemeni, du savoir-
faire, on peut compter sur cet excellent citoyen pour sa
collaboration.
e.: $\fî'
SOUS-LES-BOIS, Sillery
Sous le dôme d'un bocage épais se cache à quelques
milles de Québec, sur le chemin du Cap-Rouge, une
élégante et modeste habitation, que le regard du pas-
sant devine au fond d'une longue allée, couverte d'ombrage.
Cette résidence, où vivait naguère une de nos familles
canadiennes des mieux connues et des plus estimées —
celle de M. Errol Boyd Lindsay — s'efface entièrement
aujourd'hui devant un vaste et superbe édifice qui se
nomme le couvent de Jésus-Marii;, dont M. l'abbé
Octave Audct est le respecté aumônier.
Au milieu des érables et dea chênes, où les oiseaux fai-
saient leurs nids, s'est élevé un nid de science et de vertu,
où d'autres petits oiseaux voltigent et babillent.
Une pièce d'eau pourvue de légères nacelles pour les
, élèves, de beaux parterres, des balcons, des alcôves de
verdure ajoutent un charme indicible au paysage.
A l'avenir le promeneur qui se laisse entraîner sur le
chemin du Cap-Rouge ne jettera plus seulement un coup
d'œil en passant dans ce lieu. Il s'y arrêtera, et, s'il s'in-
téresse à l'éducation, il ira visiter l'établissement et en
sortira enchanté. Si c'est une femme, elle regrettera de
n'être plus enfant pour y passer quelques années.
Les jeunes filles y trouveront ce qu'il faut à la, vie, —
«des fleurs, de l'air et de la lumière.
w <
BENMORK. Slllery.
Voilà un nom qui me semblait avoir été importe par le
colonel Wm Rhodes des régions pastorales du Yorkshire,
Angleterre, où le Nemrod de Sillery a vu le jour : un
mien ami me dit que la villa portait ce nom, même à
l'époque reculée où elle était la résidence d'été de notre
mémorable "Secrétaire Perpétuel" l'hon. Dominick Daly,
plus tard gouverneur de Terreneuve, etc. Que le point
reste pour nous au opcncd question^ à moins que vous ne le
jugiez digne d'être déféré à l'arbitrage de la Société Royale,
La parole est à l'abbé Provancher :
LA VILLA DU COL. RHODES
"Il n'est peut être pas de ville dans l'Amérique du Nord, qui
puisse offrir dans ses environs un panorama aussi pittoresque et
aussi varié que Québec, la capitale de notre Province.
De son enceinte même, pour peu que vous vous déplaciez, vous
avez à chaque fois des points de vue des plus agréables. Charles-
bourg, dont les maisons pressées aiitour de son église forment
un village si compacte ; Lorette, qui a l'air de vouloir se cacher
derrière ses petites collines ; Eoauport, dont les maisons anti-
ques sembleraient une rue détachée d'une ville, avec les boutiques
qui la bordent, pour titre étalée dans la campagne ; la Canar-
dière, avec ses champs et ses bosquets ; l'Ile d'Orléans qui s'ar-
rondit si gracieusement au dessus de l'eau ; tels sont les points
qui arrêtent la vue au Nord et au Nord-Est. Et si vous jetez le
. regard de l'autre côté du fleuve, c'est la i'ointe Lévis qui semble
s'avancer pour protéger la ville ; c'est St Joseph que domine son
église ; Bienville, avec la fraîcheur de ses jeunes années ; Notre
Dame, avec son église, son collège, son hospice, etc., qui domine
toute la rade et semble échanger des saluts avec la citadelle,,
sans s'occuper des nombreux vaisseaux que le flux et le reflux
promènent à ses pieds, etc., etc Si, maintenant, sortant dç 1 en-
ceinte de la eité, vous vous aventurez sur le Chemin St Louis
et de Ste Foye, ce sont partout, villas, beaucages, jardins si
attrayants que vous vous prenez parfois à maugréer contre la
vigueur des coursiers qui entraînent votre véhicule avec une
vitesse qui vous permet à peine d'efileurer du regard le riche
paysage qui se déploie devant vous.
Mais voilà que ces deux derniers chemins vont offrir aux tou-
ristes et au.x amateurs un autre intérêt que la simple ^ ue de
LSQUISSES
I9Q
tou-
de
coqufitos villas, avec leurs avenues ombragées, leurs jardins
émaillés de lleiirs, leurs riants bosquets, etc., dans les institutions
et les exploitations qui commencent à s'y développer.
En effet, tout en laissant de coté les magnifiques couvents de
Bcllevueet de Jésus Marie, qui semblent vouloir faire accroire
aux élèves que ,es labeurs de l'étude ne seront plus (pi'une récré-
ation sous leurs toits, nous avons ;i Spencer Grange, M. LeMoine
avec sa riche collection ornithologiste et si culture de vignes ; à
Bcnmore, le colonel Khodcs, avec sa culture de fraises et son
élevage de coelioas, eti; , etc II m'a été donné hier, en compa
gnie de cpielques auns, de pouvoir visiter c« dernier établisse-
ment, et je crois pouvoir intéresser vos lecteurs en leur donna it
(luclques détails :ur ce (pie j'ai pu y remar(iuer.
. es trois pièces de fraises réunies peuveiit former une aire de
quatre arpents environs. Les pieds sont à une dista'ice île i j à
15 pouces dans le rang, et les rangs sont espacés de deux à trois
pieds les uns les autres. Partout, le terram est dans un partait
état de propreté, et chaque pied ou talle est entouré d'un fort
lien en paille, afin que, dans les pUnes, les fruits ne soient pas
souillés par la boue que les gouttelettes font jaillir en tombant.
Cette paille ne contribue pas ])eu aussi à entretenir une fraiciieu
bien nécessaire aux plantes dans les temps diî sécheresse. Le
sol, de sa nature, est léger et assez pauvre ; mais de copieux
engrais viennent de temps a autre raviver sa force de production
lorsqu'elle commence à s'affaiblir. Toutefois, le sol ne nous a
paru que médiocrement engraissé, et cependant les plantes et les
fruits étaient partout d'une vigueur (|ui ne laisse rien ,i désirer.
Dans certains endroits où la cueillette n'avait jkis été faite depuis
quelques jours, l'abondance des fruits était telle (pielle pouvait
défier toute compétition ; et malgré cotte abondance, ces fruits
étaient juteux, savoureux, et d un volume parfois extraordinaire.
Les espèces auxquelles on donne la préférence sont entr'autres
la "Jucunda," le "Triomphe de Gand," la '-Wilson's Albaay,' •
"U'ilson's Seedling," (Filmores, Birr s New Pine J
' On emploie de 20 à 25 femmes, tous les deux ou trois jours,
pour In cueillette des fraises. Les fruits sont recueillis dans de
petites boîtes carrées que le colonel fait venir des Etats L'nis,
chaque boîte contenant environ une pinte. On donne aux
cueuilleuses 4 centms par boîte ; et plus d'une d'elles à ce prix
gagne jusqu'il $1.50 dans environ trois-quarts de jour. Ces.
fraises se vendent 25 centins la boîte sur nos marchés ; mais
toute la récolte est vendue d'avance par contrat à un marchand
qui, comme on le comprend, peut trouver dans ce prix un profit
raisonnable sur ce qu'il paye au producteur.
Le colonel croit pouvoir fournir cette année environ 16,000
boîtes de fraises, et tout indique, quoique ce ne soit encore qu'un
début, que la production pourrait aller bien au-delà. En suppo-
sant que le prix du contrat ne fût que de 10 centins la boîte, au
ÎOO
IIKX.MORK
lieu de 25,16,0000 bvîttes formeraient la jolie somme de Si, 600, •
ce (]ui donnerait $400 pai' arpent. Je me plais d'autant plus à
signaler ce succès, (jue depuis plus de 20 ans, je n'ai cessé île
niVfforcor, notamment dans mon /V',i,y/- 6'(r//(?<//V//, de persuader
nies compalriolcs des grands avantages qu'ils ])ouvaient recueillir
de la culture des fruits dans le voisinage des villes j'ai pu
remaripier aussi, à côté de son champ de fraises, des pièces
d'asperges, de rhubarbe, etc., de dimensions assez considérables.
^l après avoir savouré les délicieuses fraises du colonel et
admiré les nombreuses et rares tleurs de ses parterres, vous
passez à sa i)orchcrie, vous ne serez pas moins étonné, ])our peu
ijue vous soyioz t;!nt sfiit peu cultiv.iteur, de pouvoir coniiUer là
143 individus de l'espèce porcine des ])lus belles races connues.
J,a construùlion de la bâtisse, sa distribution, son aménagement,
tout anmnice ici i'élevcur intelligent cl l'économii-te entendu. Un
paie $200 [)ar année |)our les restes d un de nos grands hôte's
de la cité ; ces restes, têtes, tronçons de (oissons, do volailles,
légumes, débris, etc., sont jetés dans une chaudière et mélanges
avec, im peu de son, ])our la nourriture des porcs, qui engraissent
à vue d'ceil avec ce régime, l-'.t comme toutes 1-s parties doivent
se tenir, dans une exploitation rurale, on apporte de la terre
d'une savanne voisine, i)our en couvrir d'une forte ccniche les
cases extérieures des porcs, t.'ctle terre, fouillée et pétrie par les
animaux, imprégnée de leur mine et mêlée à leurs excréments,
forme un engiais dune exce'lente (lualité pour rendre au sol les
sucs cj! e la culture lui a enlevés.
La routine, plus partiel lièrement en agriculture peut-être,
(pi'en toute ;;ulre branche, est dillicile à vaincre; mais si tous
les amis du jirogrès mettaient au service de la cause agricole le
même zèle qu'y déploie le colonel Rhodes, on verrait, avant
qu'il soit longieuips, d'heureux changements se faire remarquer
de toutes piirts. ''
li'abbé PROV.VNcnifR
Québec, 15 juillet 1S71.
Depuis que M. l'abbé a tracé ces lignes, le Col. Riiodcs,
.s'est surtout adonné à la culture des fleurs, en serres-
chaudes, pour l'ornetnentation des banquets, baKs et autres
solennités publiques. Comme Président de la Société de
Géographie, il prenait une part active aux réunions de
l\4ssûciatioii Britauuiqitc, à Montréal, en 1884.
jodcs,
;rres-
[utres
de
lis de
BARDFIELD
L'cvêque anglican actuel, le Lord IMsliop Williams a
eu pour prédécesseur un prélat dont la science, l'aménité
de caractère, la distinction de manières étaient ailmises de
tous : le Lord Hishop George Jehtjsaphat Mountain. Ses
aptitudes poétiques, son heureux culte des muses, a valu
à notro littérature un cliarmant recueil de poésies descrip-
tives et lyriques dans un petit volume illust- et publié à
Londres, en 1S46, sous le titre de l'isliop Moiiutaiiis songs
of tltc ]\'i/(knicss (i) où il raconte et chante les incidents
de ses missions à la Rivière Rouge, en 1S44. Vers la date
où le public instruit admirait le plus son (euvre poétique,
il fut question à une réunion d'amis chez lui, nous a-t-on
dit, de donner un nom à la villa qu'il venait tl'acquérir de
I\L r. Ikirnct, négociant distingué de Ouébjc. vVprè-; un
assez vif débat, il fut convenu qu'on adopterait pour la
villa, un nom qui résumerait les attribut-^ comme poète
<.lu nouveau maître et l'on nomma la icsidence :
liARDl'iKLl) — li'clianiiidii polie
Voilà, disent les uns, l'origine du nom de la i)ittoresque
demeure de AI. Albert II. Kurniss qui couronne les hau-
teurs boisées, au v^^rsant nord du chemin du Cap-Rouge,
Sillery.
lîardfield occupe un plateau élevé. Une jolie avenue qui
serpente sous de vers sapins y conduit par une douce
(1) S()N(iS OK Tiii; wiLDKiiNKss : hcitir/ Il rdUvcfiini nf jnifiiif. uritteu in ncmr tlilTtri'itt
partHo/thii ferritiiry iif the I[iiiIsi>h's }i.iy ('di/i/'kh;/, hik/ in tin- Wihin nf l'anmlu,
un tltc roiitti to that tcrritury in ilie sjiri/i</ mitl siiniiiiif nf 1^14 ,• inti-mpersid irith
sotne I1,VSTH\TIVE XOTKS, liy Cii'oïKi' J. Mountain D. 1). J^iinl Jiisliop of Montréal (sini'e
ol'l^iu'bec), London frinicis et John Jiivitir/liin, I^lii.
V2) ]jo Lonl Kvi'iiuu Mountain,, mort il yiu'ln.'c l'ii iMi:!, n;iqnit il St Andrfwa, N'or-
wick, Angleterre!, Il) 'J7 juillet 17»!t. Son père fut noiniiié évéïiuo anKlican ili.' (iuél)ce,
on 1711"), li la reconnuandation (lu célèbre Williimi l'itt, iiu'il avait eonnu ii Caniljridgn,
la famille était (l'extraction fran(,ai3e : elle avait émigré île l-Vanee i\ la révocatvon do
l'Kdit de Nantes et s'était établie i\ Norfolk, où elle ac<iuit un petit domaine nommé
ïhwato Hall : le premier évèiiuc et aa famille, en arrivant fl t^uébec, louèrent Wood-
fipld où se passa la jeunesse du futur évèiiue jusqu'en IHii'J ; il passa trois ans il March-
mont, de 1838 l'k 1841, et s'établit finalement à Uardtleld, en IsfiS. ("e nom est emprunté
A celui d'un domaine de famille en Angleterre, Liltle liarilfield Jliill, comté d'Kssex,
202
BARDFIELD
■ « -
1
montée. M, Furniss partage ses heures entre une exploi-
tation soignée de sa ferme, et ses livres. De vastes planta-
tions de fraises, de rhubarbe, des couches de champignons,
etc., y sont en pleine culture sous les soins d'un habile
jardinier maraîcher.
Gi-
ta-
ns,
)ile
CATARACOUI, Sillery.
Le domaine de Flore par excellence.
Allez y surtout à cette saison glacée de février, ou la
nature morne et captive est drappée dans son blanc et
froid linceuil.
Pénétrez sous le dôme de ce suave conservatoire, l'or-
gueil du jardinier émérite, M. Peter Lowe, et lorsque la
rafifale gronde au dehors — que le frimas dépose sur le
verre ses fantastiques arabesques, jouissez de l'effet magique
de cette luxuriante floraison tropicale.
Les orangers, les camélias, les rliododendrons,les wisterias,
les roses, les lauriers, les hyacinthes étalent leurs corolles
resplendissantes, tandis que le réséda, le daphne, l'hélio-
trope et mille autres plantes vous enivrent de leurs parfums
pénétrants.
Qu'y a-t-il de commun entre le féerique séjour que
notre millionnaire Charles E. Levey achetait de M. Burs-
tall, au départ de Sir Edmund Walker Head, notre gou-
verneur, qui l'avait occupé après l'incendie de Spencer
Wood, et l'ancien fort construit par Frontenac à Kings-
ton : voilà, mon cher antiquaire, un insondable mystère
que je n'ai jamais pu pénétrer. Question réservée pour
l'arbitrage de V Association Britannique^ quand elle reviendra
au pays, ou pour éclaircissement devant la Société Royale
du Canada. Avis aux intéressé.-,.
CLERMONT. Sillery
I
.l'aiiiio, (■) turc ln'iiic, nù (Icinncnt nos aï.'ux
Ti'S lai's il'a/.ur, an fonda dos linis hainionieux
(tfi iiiiirniiiiv uiH'oiidi' limiiidi' :
Tes cntiiiMX (''inailli''rt do liaiiicaiix éclatants
(^ui 30 miieiit au loin dans lc>a lluta trausiiaranls
De ton flcuvi' laiffo ot iai>ido.
(Hijinnc n lu indrit' et itu.i- n'i'enj'.)
II. ,1. ('. KlSBT,
Ce nom vous reporte aux rives de la Seine, aux portes
de Paris, aussi bien qu'à celles de l'IIudson, près de New-
York, où le Chancelier' Livingstone possédait un superbe
manoir connu sous le nom de Clermont. Livingstone éfait
allié par les femmes à ce malencontreux général d - brigade,
'':lichard Montgomery, qui terminait tragiquement ses
jours à Prcs-de- Ville, en 1775. Le site du manoir de l'Hon.
R. E. Caron, choisi en 1850, est éminemment historique ;
c'est là même, d'après l'historien Ferland, que les féroces
Iroquois, en 1655, massacraient le frère Liégeois, et où fut
trouvé son cadavre, moins la tête, enlevée par ces barbares ;
ses restes furent inhumés dans la chapelle du Collège des
Jésuites, à Québec. Le panorama qui se déroule à cet
endroit par un temps clair est des plus grandioses ; de la
coupole du château, vers le sud, l'ceil saisit dans le loin-
tain le contours des montagnes jusque dans le Vermont
même.
Clermont, lieu chéri, pendant près d'un quart de siècle,
d'une de nos familles les plus distinguées, celle de l'Hon.
R. E. Caron et où la société Québecquoise recevait une
hospitalité large et affectueuse!
M, Caron descend de Robert Caron, un des premiers
colons de la côte de Beaupré. Robert Caron était père de
Marie Caron, l'épouse de Jean Picard.
L'historien Ferland raconte un incident de ce temps
•éloigne qui peint bien l'état d'alarme, où les éruptions des
■barbares Iroquois et autres indiens avaient réduit la colonie
implantée par Champlain :
ESQUISSES
2C5.
lonie
' Le 4 Juin 1660, huit Ilurons qui avaient passé aux
Iroquois débarquaient à Ste Anne et saisirent l'héroïque
mère de famille Marie Caron avec ses quatres jeunes
enfants dans une maison qui existe encore, pendant que
le reste de la famil e était aux champs A la nouvelle du
désastre le gouverneur d'Argenson plaça des Algonquins
en vedette à Lévis où le canot des Murons devait passer.
" A la première décharge, deux sauvages furent tués et
deux ou trois, bleues. T,a prisonnière ayant levé la tète au
Pioment où elle entendit des voix amies, fut ellemênie
frappée d'une balle, qui tua en même temps un de ces
enfants. Elle expira quelques jours après à l'irôtcl-Dieu,
remerciant Dieu avec grande joie, de ce qu'il avait délivré
sa jeune famille des mains de ces barbares. "
(Cours (V Histoire du Canada, Vol. I. Page 454J
M. Caron quittait en 1850, Spencer-Grange, qu'il avait
occupé plusieurs saisons, comme résidence d'été, pour se
rendre à Clormont, — où il séjourna jusqu'à son départ
pour Spencer Wood, en 1872. Voici ce que nous écrivions
dans les Feuilles d'Erable, en 186^, en décrivant ce site :
" Il existe pour plusieurs de nos vétérans politiques un
agréable sujet de réflexion : c'est l'espoir qu'au terme d'une
carrière longue et ardue, consacrée à défendre les droits
d'une nationalité opprimée, la patrie reconnaissante leur
reserve couronnes et honneurs ; bref, une récompense pro-
portionnée à leur mérite ; et si, à ses honneurs, vient
s'ajouter la richesse, n'eNt-cj pas là, le comble de la félicité
terrestre; ? "
lit pourtant, l'honneur suprême, le couroimemeni; de la
brillante carrière de l'honorable M. Caron ne lui arrivait
que plusieurs années plus tard, en 1872, lor.-qu il disait
adieu à sa villa, où entouré de sa nombreuse famille et du
respect de ses concitoyens, il avait écoulé tant d'heureux
jours, pour aller prendre à Spencer Wood les rênes de la
province de Québec, comme lieutenant-gouverneur.
J'oubliais de vous dire que la robe et la magistrature
-206
CLERMONT
furent de tout temps également bien représentées, à SiUery.
Il y a de cela deux siècles et plus, le procureur-général
Ruette d'Auteuil, personnage considérable dans la colonie,
y venait passer la belle saison : il en est parmi les vivants
qui se rappellent aussi quand le Procureur- Général, Charles
Richard Ogden, l'assistant-juge Andrew, W. Cochrane,
M. le juge J. K. Ramsay, R. S. M. Bouchette et autres
hommes de robe, résidaient aux environs.
Je ne sais si tous ceux qui vont admirer à Clermont les
verts bocages, les avenues ombreuses qui serpentent sous
de grands arbres, les parterres si artistement alignés, les
haies touffues, barrières contre lèvent du Nord, les vistas
ou points-dc-vue tailles dans la forêt primitive ; je ne sais,
dis-je, s'ils connaissent tous le nom de l'habile jardinier-
paysagiste qui a présidé au plan et à la création de ces
gracieuses choses : eh bien / le jardinier paysagiste de
Clermont, ce fut l'excellente châtelaine.
Clermont était bien l'œuvre de madame Caron, couvre
qu'elle avait inventée ou créée sans doute, pour retremper le
courage, les forces d'un époux chéri après d'orageuses
luttes parlementaires ou de longues heures de bureau, à
son étude dans la rue St-Louis. Qui sait si madame Caron
n'avait pas lu et médité sur ce charmant passage de ]\Iorcl.
dans sa Tlicoric des Jardins :
"La campagne, des utiles présents que la nature nous
prodigue, théâtre de sa magnificence et de sa libéralité, la
campagne c>t pour celui qui l'habite, l'asile du bonhc! r et
des jouissances ; la vie s'y coule sans inquiétr.de et .sans
remords dan- (.les occupations agréables et fructueuses ;
l'âme y est saine et le cœur en paix. Son : -éjour calme
la violence des passions destructives et malfiisantes, et
entretient, par une douce fermentation, la bienveillance
pour ses semblables et tous les sentiments honnête.-;.
L'homme débile y recouvre ses forces ; le malade, sa santé.
Elle procure le plus salutaire délassement au citadin labo-
rieux qui vient s'y distraire des travaux de la ville
elle fait les délices de la vieillesse et l'espoir des jeunes
gens. Le philosophe l'aime la contemple et s'en occupe ;
ESQUISSES
207
nous
[c, la
r et
sans
lises ;
lai me
k et
lance
létes.
lin té.
libo-
le sage en connaît la prix et en jouit ; les poètes la chantent,
les peintres l'imitent ; son attrait se fait sentir à tous les
cœurs ; il est indépendant des caprices, de la mode et de
la variation des opinions. Vin un mot la campagne a eu et
aura des partisans, et la nature des admirateurs dans tous
les siècles. Plus les mœurs seront simples et pures, moins
le goût sera corrompu, plus les biens et les plaisirs qu'elle
procure seront recherchés."
Clermont, après avoir été habité par M. Thos. lîeckett,
vient de passer aux mains du col. Ferdinand Turnbull,
inspecteur cfe nos écoles de cavalerie, qui arrive en ce mo-
ment de la campagne du Nord-Ouest.
Lines
THE HIGHLANDS : Sillery.
Pour le quart d'heure, arrière l'histoiie, — les antiquailles»
la poésie même avec tout son parfum enivrant ! Vive la
chasse ! Vive le sport !
Retraçons, pour l'instruction et l'édification d'une pos-
térité reculée, une page palpitante de vénerie, identifiée
avec une de nos radieuses villas : TiiE iiigiilands, — sur
les hauteurs de Sillery^ à quatre milles de Québec.
Allons par une tiède après-midi d'automne, mais avant
la chute des feuilles, chevaucher sur cette ombreuse route
du Cap Rouge, là où le père Le Jeune, dit Casgrain, (i)
enseignait la grammaire algonquine aux "Filles-Blanches"
de la Duchesse d'Aiguillon, les Hospitalières j où, en 1641
le vieux seigneur Puyseau a dû plus d'une fois conduire
ses hôtes, M. de Maisonncuve, Mlle Jeanne Mance et con-
sorts ; là où caracolaient, en 1664, le fastueux Marquis de
Tracy et son éclatant état-major ; plus d'un siècle et demi
plus tard, en 1838, le non moins fastueux comte de Du-
rham et les gardes de la Reine Victoria ; où notre ami
Marmette nous présente, avec tant d'entrain, l'héroïne de
son roman, Berthc de Rochebrune, galopant en croupe,
soutenue par le bras vigoureux de son amant Raoul de
lîeaulac, un des braves officiers canadiens de La Roche-
Beaucourt, qui patrouillait sur ces hauteurs, en 1759.
Si vous avez quelque vénération pour ce grand saint qui,
veille sur les jours des chasseurs, Saint Hubert, inclinez-
vous en passant devant cette somptueuse loge, au nord du
chemin, d'un sportsmau distingué, connue sous le nom The
HigJdands : car c'est là qu'origina en i S77, grâce au pro-
priétaire d'alors, M. Charles V. Temple, petit-fils du juge
en chef Sewell, le premier, le seul club de chasse à courre
11) Histoire lîc Vllûtd-Dicit page 82.
ESQUISSES
tC^
lu
'ic
je
re
que l'on ait encore vu en ces parages : le stadacona F(jx
IIUNT. Là, fut hébergée à grands frais, pendant plusieurs-
années, la bruyante meute du club.
L'idée de M. Temple était sans doute excellente, bien»
qu'elle entrainât des dépenses assez considérables.
Il se mit en tête de doter sa ville natale d'une de ces
associations de chasseurs qui font les délices du sport, en
France, et surtout en Angleterre.
Il y avait à Québec, de bons chevaux, d'intrépides ca-
valiers, comme il en faut pour le stccple-cJiasc, pour suivre
à travers la campagne, franchissant d'un bond : haies, clô-
tures, ruisseaux, — la meute sur la piste du renard, au risque>
sur un faux pas de sa monture, de se rompre les os. Il y
en avait à Québec, comme il en est à Montréal, à Toronto,
des veneurs dont les exploits feraient honneur aux vieux
pays. Pourquoi donc Québec comme Montréal et Toronto
n'aurait-il pas son Fox Jluiit, son club de chasse ?
Le sporty en 1 877 était bien vu en haut lieu. Notre sympa-
tique vice-roi, Lord Dufferin, y portait un vif intérêt. M.
Temple organisa un chenil à sa villa, avec douze chiens
d'abord. D'autres amateurs, le col. Turnbull, M. J. U.
Laird, le Maire de Québec, Owcn Murphy, M. C. Sharp'u:.'-.
M. A. C. Stuart lui vinrent en aide ; chacun, do lui fournir
d'autres bons spécimens de Fox Hoiinds. Bref, le ciu;iiil
fut bientôt au grand complet. I,e comte de DiiifL!!!!
accepta la présidence du club naissant ; le cotninaii l.ini
de notre garnison, le lieutenant-colonel T.-P-. Sti\iii;rc, lUt
choisi comme vice-président , M TcinpU; cônwiie " (}i\t;if]
Veneur " et secrétaire-trésorier ; le pcrson;icI des uieuibre ;,
petit d'abord, s'accrut rapidement.
En 1880, l'association se reorL^aïu'sa sur une ncHiveîlc
base. Son Excellence, le Marquis de Lorne, en priî; la }>i é-
sidence ; Son Honneur, le lieutenant-gouverneur Théodore
Robitaille fut nommé vice-président ; le commandant de la
batterie A, le colonel Irwin, fut choisi comme ''Mustcr of
thc houndsy M. Temple et le colonel Andrew C. Stuart^
u
ip^
210
THE HIGULANDS
comme "Whips" : le major Jas. Patton et le Capt. Wilson
comme "veneurs," avec un nombreux personnel de mem-
bres et d'amis, comme souscripteurs.
Oïl y comptait entr'autros les lieutenant-colonels Turn-
bull, Forsyth, Colfer, le capitaine Sheppard, A. D. C, le
capitaine A. Hunt, 8e R. R,, MM. \V. Griffith, William de
Léry. D. D. Young, \V. Tozcr W. E. Holmes, Thos. Steven-
son, Jos. Laird, Thos. Beckett, Chs. Sharples, James Gibb,
li. J. Haie honorable C. Harbord, A. D. C, du marquis de
Lorne, le juge de l'olice Chauveau, le jugc-en-chef An-
drew Stuart, Edmond Joly, David Morgan, le capitaine
James Rhodes, George Thomson, R To/.er, William West,
William Breakey.
Les dames, — celles qui s'en sentaient le courage aii
moins, — ctaieut admises à suivre à cheval la meute ; les
réunions, ou JLrf, avaient lieu d'ordinaire, le samedi, à
midi, en automne. A part ces réunions hebdomadaires, le
club organisa, sous le patronage de Son Excellence le
marquis de Lorne et de Son Honneur le lieutenant-gouver-
neur Robitaille, un slccplc-chasc annuel. En iSSo, une
solennelle réunion fut fixée pour le 27 octobre : (i) grande
affluence d'habits rouges, ce jour-là.
Le lieutenant-gouverneur, comme vice-président, convia
vers cette date les membres du club, ainsi que leurs invités,
à un somptueux déjeuner à la fourchette, à Spencer-Wood.
Il y eut beaucoup d'entrain, à cette mémorable réunion
de Nemrod et d'Amazones : la photographie fut chargée
de reproduire le joyeux groupe ; ici. comme à Montréal
et Toronto, les dames accoururent, bien montées, sur
leurs robustes palefrois. Oii y voyait entre autres, madame
Irwin, épouse du commandant de la garnison. Mme
Davenport, célèbre écuyère de Lévis ; Mme Jephson, de
Thornhill ; Mme Whitehead, épouse du col. Whitehead, de
Montréal ; Mlle LeMoine, de Spencer-Grange ; Mlle
(1) L'habit rouge du «iJori , fort éclatant, n'avait rien de commun par les souvenirs,
aveu les uniformes militaires anglais.
)nvia
àtés,
''ood.
Inion
irgée
tréal
sur
lame
Il me
de
l, de
VÎUe
ESQUISSES
211
Aima Stuart, fille du juge-en-chef Andrew Stuart, et plu-
sieurs autres dont les noms nous échappent.
Le Stadacona H uni a eu bien des incct, à Loretta, à Ste-
Foye, à Charlesbourg, à Lévis. Une malencontreuse aven-
ture à ce dernier lieu, où l'agneau favori du curé de l'en-
droit fut, par erreur, occis par la meute, tandis que sieur
renard gagna le bois brandissant, à sa suite, le trophé
tant convoité, sa queue — mit tellement en verve la barde
de l'association, le capt Peters, qu'il intercala dans le
compte-rendu de la réunion de ce jour le quatrain suivant :
■"TliP iirifst lie had n littlc lamb,
But it \v!(S vory stupid
Got Ijillcil liy Mtadiicoiia îioumra
Leil 011 liy iiii>taiu C'uiiid.''
Le jovial capitaine "Cupid" (i) guide en ce moment les
pas, ou mieux les aviron.-; de nos voyageurs canadiens
vers les cataractes du Xil.
Que Dieu lui soit en garde à lui et à eux !
Québec, ler Février 1SS5.
(1) Le Caiiitaino Wilson Uo la IJatterio A.
tenirs,
BBAUVOIR, Sillery
Voici K'H lifMix <hi'r8 !i mit n'vcrii' .
Voici les jirùB, (ioiit j'ai cliniiti' Ich ilcurj).
Ça me semble un nom tle fantaisie inspiré au premier
propriétaire, Thon. John Stewart, par la beauté du paysage
aussi bien que par l'essaim d'intcressants souvenirs qui y
bourdonnent. M. Stewart légua cette propriété à son gen-
dre, feu M. Henry LeMesurier ; sa veuve la céda avec les
vastes estacailes, etc., sur le flcuve.à AI. Richard R. Dobell,
le propriétaire actuel. »
Que d'incidents pour l'historien dans toute cette côte
St-Michel, patrouillée chaque jour, pendant l'été de 1/59,
par la cavalerie du capitaine LaRocheboaucourt, et où
l'amoureux capitaine rencontra son ainie Mlle de Roche-
brune.
Dans cette vaste anse, au bas de la côte si gracieuse-
ment arrondie, combien de liéroïnes chrétieimes, parmi
ces blanches llospitalicrcs de la duchesse d'Aiguillon, ont
foulé les sentiers ombragés de la vieille mission de Sillery,
dociles à la voix et aux enseignements du bon père Knne-
mond Massé, qui y dort du suprême sommeil sous les
voûtes de sa petite église, depuis le 12 nui 1646! Je
me rappelle avec plaisir la célébration du .':9 Juin 1870:
une foule recueillie s'était réunie en ce lieu pour faire la
dédicace du joli monument élevé en l'honneur du dévoué
missionnaire, Ennemond Massé, aussi bien que du fonda-
teur de la mission, en 1637, le commandeur de Sillery :
M. Dobell, appelé à prendre la parole, à propos du mo-
nument auquel lui et son associé, M. lîeckett, avaient si
généreusement contribué, s'exprima comme suit :
Messieurs,
L'un des noms gravés sur le marbre de ce monu-
ment rappelle une carrière pleine d'intérêt. A l'époque où celui
ESQUISSES
213
[a
I /
qui le portait entra dans la vie, la France occupait le centre de
la gloire chevaleresque. Peu d'années auparavant, elle avait vu
sur son territoire, quatre dos plus puissants souverains de l'Europe
se donner la main sur le fameux " Champ du Drap d'or. "
Parmi le groupe de jeunes nobles qui se réunissait à la Cour,
nul n'avait un avenir jjIus brillant que le jeune Noël Brulart de
Sillery. Il naquit on l'année 1577, le jour de Noël et à cause de
cette coïncidence, reçut au baptOme le nom de Noël. Son père
appartenait à une familk: respectable de Savoie. On le destina
de bonne heure à l'ordre des chevaliers de Malte. Il fut envoyé
dans cette île à l'âge de 18 ans pour y compléter son éducation.
Là, il gagna en peu de temps la confiance du grand maître, qui,
dit-on, remarqua en lui des talents hors ligne et le nomma son
page. De retour X Paris, après douze ans d absence, il fut admis
à la Cour, devint bientôt le favori de Marie de Médicis qui lui
confér:i. le titre de chevalier. Nommé plus tard ambassadeur
aux cours d'l''spagnc et de Rome, il semblait devoir atteindre
successivement le sonunet des grandeurs humaines. Tout ce
qui pouvait enilanmier l'ambition d'un jeune soldat, brillait devant
ses yeux. Il avait la renommée des armes, la réputation d'un
diplomate habile et la faveur de la première cour d'Europe.
Ce fut au plus beau milieu de cette carrière de prospérité,
pendant qu'il se rendait à Rome comme ambassadeur, qu'il se
décida à jeter de côté tous les honneurs qu'il regardait comme
de vains jouets et cpii étaient incapables de satisfaire une âme
inquiète. Il abandonna tout pour se dévouer complètement au
service de Dieu. Il entra dans l'état ecclésiasiitjue où son zèle
l'entraîna à consacrer ses immenses revenus aux intérêts de sa
religion — et, particulièrement, aux missions étrangères. Il fit
de nombreuses donations, et pourvut à l'établissement d'une rési-
dence de sauvages chrétiens. Ce fut sur le terrain où nous
sommes réunis, A l'endroit même où ce monument est élevé, que
les premiers fruits de ses nobles offrandes furent répandus."
{Journal de Québec, 30 Juin 1S70 )
Inutile de vous répéter tout ce que les journaux ou la
commune renomnée vous diront du charme incomparable
de Beauvoir, de ces serres à raisin, de ses étangs, de ses
fleurs et Je la généreuse hospitalité du maître de céans, M.
Dobell.
Bien que vos goûts soient ceux d'un antiquaire, que vous
xdAoVCxQ?, à^Elzcvirs Q\.à^ Inclinables, je dois vous signaler
en passant un point où Beauvoir laisse dans l'ombre toutes
Jes .villas voisines : la merveilleuse verdure, le velouté de
314
BEAUVOIR
ses pelouses, ce que les Anglais nomment lat^'ii. Cela nous
donne une idée du gazon du Devonshire, le pays de la
crème, du cidre, du fromage — le jardin de l'Angleterre ; ou
bien encore, des prés verdoyants de la Verte, très Verte
ErJn. Sachez que, pour s'assurer un gazon semblable, il
faut des années de culture, de fréquents arrosages, d'in-
croyables soins. Je n'exagère rien. Il en est peu en notre
Canada qui savent produire du vrai gazon, même parmi
la Plutocratie la plus huppée.
RAYENSWOOD. Cap Rcuge
"l'niir riioimiic (lu Nord, lii iiii^li'iin, c'ciit IVibri Joiirtiiiliir,
11' fiiyiT lie lïtmli', li' Hiitictiuiiri' (I^^ iillcctlnti». ( 'l'il lu
'|U'il ((iiici'iitri' HDM cxisti'iici', c'i'Ht lu i|u'il M- pliiit l'i iiimr-
»iii\ ri' «iM trnviiM\, rt sr «L'in-nr de ni" riiiitfii"'", -\ iililirii
i<i'M fi'li'H ili' fiiiiiillc. Il iiiiiir Cl Itc ili'iiii'iiri' oi"! coiiKtaiiiiiii'nt
il iiripi'iilii' MM liiiiivi-iiil Hdiivi'lili' il'i s|>rit rt ili' (ii'iir ; il '':i
)i:il'i r ('(iMiiiir un Dinciiii <'(ii|Mrt puir miii iiiil,"
X. MvH.MIIh.
Ravtns\voo(.I, (^ui couronne l.i crête des hauteurs au
Cap RoiiLje, à six milles de Québec, est vu démembrement
de Mcado'u'bivik, — l'ancien domaine du lieutenant-gouver-
neur Cramahc, en 1762, — acquis de M. Jt.hn Porter, vers
1846 par M. Samuel Wright, de Québec. Ce dernier s'y
bâtit un simple chalet ; le tout devenait, en 1849, la pro-
priété de M. William Ilerring, de l'opulente maison Chs.
E. Levey & Cie. M. Ilerring a fait Ravenswood ce qu'il
est. Amant de la vie rurale et possesseur d'une ample
fortune, notre ami avait le site qui lui convenait, pour
donner essor à ses goûts d'horticulteur et de planteur d'ar-
bres forestiers (i) : un pittoresque domaine au sein de la
forêt primitive. Cette forêt, il saura la façonner à sa guist; ,
le chalet deviendra bientôt un petit château.
(1) J'ai pu y couBtiiter les v-nrictis suivantes .
lidis liliiiic, [Tilleul] TU in .Imcn'nnu).
lit' tic Fni/iii ft rriniinca
Jli'risicr rouge Hviiilti liiilii.'
IlouK'uu Jk'tiild jniliyruccil.
XoyiT tenilro .hiyhiii." ciiiii'-k.
Crdrc! lilaiic TliKJd On iiJvtitnViH.
Corisicr ii «ruppcs ('eninus r/)';//iiii(ii''.
IVtito mcriao (Vr.i.sKs l'ixu.iiiIrnnii'H.
Driiio blanc l'hniin Aïncrirriii-t.
'irnic rougu I'Idius /iilf<( it( ruhrii-
Truchc Ahiis ('(inadensis.
Noyor dur Citrvu itlh.i.
Unis dur ... Ostrya Yirfiinica.
Krablo Acer H<tri liarinum.
riaine Arerriihrittn
Cliéni! rougo (Jnercnn rulira
C'hôno blanc Uuer-UH alhn.
l'in ronge rinus resinn.'ia.
Pin blanc .• Piuiin strtihna.
l'in jaune Piiik.i kiiVi».
Tremble Paiitiluii tremtdoide.i.
Epinette blanche Ahies (ilha.
Kpinctte noire Abiea nigra.
Kpinette ronge Larix Americana.
Senelier Cratregua cuccinea.
Saule noir Salix nigra.
Tulipier Liriodendron tulipifera.
I i
2l6
R.\VEXS\VOOD
A l'est de Ravenswood, il plantera des arbres ; à l'ouest,
des arbres ; au nord, encore des arbres : de grands chênes —
de sveltc;^ érables — des ormes gracieux. Vers le sud, l'œil
plongeant à travers dc^ trouées pratiquées dans la lisière
au bnis qui frange la voie publique, saisira le contour de
la côte opposée du St-Laurent.
A l'ouest du manoir, se voit une jolie plantation d'ar-
bustes indigènes et exotiques: Sijriuga — Wigielia — rosiers
— Khodoiiciidroii — Sf^iria — flox blanc et pourpre, laurîers-
rc'St's — Dciitsia Scahrn — cormier — arbiitiis, Roses de Guel-
dress, c.hevicfcui'Ies en parterre-^, solitaires ou groupés en
massifs.
11 y a cjuclques années le châtelain transplantait de la
forêt avoisinante un bol orme, à la pelouse gazonnée qui
fait face à la porte d'entrée.
Cette délicite entreniise a été couronnée d'un plein suc-
sès : c'est maintenant un arbre inajestucux ; on été, pleifl
d'ombrage, fa vonible aux nid-;.
A rc.'it de la mai-on, protégé de haie.s hautes et touft'ues,
i! )■ a un de ce^ boiis vieux jardins canadiens f M. Herring
n'aime pas les llcurj .mi serre) sans art, mais regorgeant de
fruits, de fleurs, de fruits, de légumes. Voisine de l'ave-
nue qui serpente, sous des arbres de haute futaie, il )• a
up.c jolie nappe d'eau, alimentée par une fontaine, qui
jaillit au s», in des fougères et des mousses sauvages : une
r»ubébinc gigantesque lui prête son ombre. Là, chaque
matin, le maitre vient jeter en pâture à des truites alertes,
ses bonnes amies, des mouche;, des sauterelles ou des
miettes de pain.
j'ai contemplé Ravenswood sous bien des aspects : mes
pas ont suivi les courbes de sa gracieuse avenue pen-
dant quelques-unes de ces soirées merveilleuses de septem-
bre où la hme à son plein, vous inonde de ces rayons dia-
phanes si pleine de fraîcheur. Je l'ai visité en juin, lors-
qu'il avait re^u de la saison sa parure printanière ;
ESQUISSES
217
jamais je n'oublierai une scène d'hiver dont je fus témoin ,
en revenant de ce champêtre castel.
*
Ami lecteur, vos chasses d hiver vous ont-elles jamais
conduit à cette ia.son, au sein de nos grands bois, à l'heure
mystique où la chaste Diane laisse choir ses pâles reflets
sur la nature assoupie ?
Avez-vous jamais subi cette mystérieuse influence,
échappé tout frais de la vie ai^itéc des cites, gravissant
l'âpre sentier de la montagne, laissant loin par derrière, do
vastes plaines éclatantes de blancheur ; ou bien, chcini-
nant en silence sous les arceaux odorants des pins ou dc^
vertes cpinettes, sans autre compagnon de route que votre
I.cfaucheux en bandoulière — sans autre lirait pour vous
distraire que le hô'ement étouffé du grand hiboux,
alarmé par la lueur de votre feu — .-.ans autre soii dans l'air
que le craquement des taillis, causé par h course fiirtive
d'un lièvre — d'un renard affamé •- ou d'un caribou hroii-
tant l'écorse et les bourgeons lîu l/intar.a .' (i)
Hardi chasseur que vous êtes, v.his c^t-il arrive, à la
tombée du jou; épuisé par ui^e marche infructueuse, d'a-
bandonner la p. .te rougie de sang et de remettre au len-
demain le coup de mort que vous rescrvic/ au cerf que
votre balle a atteint ?
Pouvez-vous vous rappeler la lassitude extrême qui
alourdissait vos pas à votre rentrée au camp, tout ruisse-
lant de sueurs, presque sutToqué par les flocons de neige,
au point que le pétillement de votre feu, alimenté par
votre ^dèle guide " Sl-oui " [2] frappait \'os sen>, dans
cette solitude, comme les accents d'une musique céleste, ou
bien encore, comme le rayon bienfaisant d'un premier
soleil d'..\vril !
Vous êtes-vous jamais, aventureux pêclieur, hasardé,
sous la direction d'un guide expérimenté, à pénétrer en ces
(1) hoii iV Orignal, nourrituro f;ivorite du ciirilmu et do l'oritual.
(J) ("0 f'i Ul'UX ù'iiidc et sachom di's Uiirou-i di" Lorotti> vient d'oxpirer i\ r;'ii:o di
8S IIIIB.
2l8
RAVENSWOOD
régions lointaines du Grand Nord, pour ravir au Lac des
Neiges, ses grosses truites, franchissant en raquettes, lacs,
montagnes et vallées, pendant les froids inexorables de
janvier ?
S'il vous a été donné de goûter ces béatitudes, vous
pouvez vous vanter de connaître quelques-une^ des félicités
que le Roi des frimas réserve en notre pays à ses élus ;
mais il est encore d'autres spectacles, non moins attrayants,
que ce capricieux Père Arctique nous permet de contem
pler sans fatigue.
J'ai souvenance, une belle matinée de mars — il y a de
cela quelques années — d'être revenu de Ravenswood au
moment où l'astre radieux du jour versait à flots sa lu-
mière empourprée et fécondante, bien que la sève printa-
nièrc n'eût pas encore monté aux cimes des chênes et des
merisiers.
La veille, une de ces tempêtes que l'équinoxe de mars
nous ramène chaque année, nous redonnait sa rafale, ses
neiges, ses poudreries : cette année-là, il y avait variante.
D'abord, froid ; puis, neige et d%el : le produit se fondit
en pleurs, qui se crystaiisèrent en une variété de luisants
objets, sou^ mille formes fantastiques.
Chaque arbre du chemin (et l'on sait qu'à Sillery, la
voie publique ressemble à une avenue forestière) selon sa
nature, sa fibre, cédait à l'embrassement glacé de l'aquilon.
Les uns, comme le chêne rouge ou l'érable, moins pliants
de caractère, faisaient mine de tenir bon; d'autres, plus
flexibles, se courbaient à terre sous le poids des glaçons :
tels, l'accacia et le bouleau argenté, ornement indispensable
de nos parcs.
Fort singulière était l'allure des saules dorés ; belles cap-
tives éplorées, leur blonde chevelure ondoyée d'ambre, de
saphirs, d'émeraudc, irrisée des rayons du soleil, retombait
avec un beau désordre vers le sol ; la bise les agitait, les
caressait. C'était brillant, varié, gracieux comme la cein-
ture d'Iris.
ESQUISSES
2I^>
A certains angles du chemin, un grand arbre se dressait
audessus de ses voisins, comme fier de son ample ramure ;
et la Fée qui avait créé toutes ces splendeurs, où était elle ?
Aux abords des villas, on distinguait de loin, à leur teinte
rose, des grappes de sorbier, de l'année précédente : bon-
bons savoureux que des troupes de [i] bouvreuils d'un
rouge plus foncé se disputaient, tout en faisant entendre
leur ramage tendre, mélancolique, — une note courte en
unison avec ce paysage glacé.
C'était ravissant au grand jour.
La nuit prépara d'autres surprises.
Les rayons argentins de la lune, se répercutant sous ces
colonnades resplendissantes, faisaient l'effet de lustres or-
né.-, de girandoles, ou sa pâle clarté se décomposait en
spectres lumineux. Quand le vent du soir s'engouffrait
sous ces flèches ëtincelantes, on entendait un cliquetis de
verglas entrechoqué, qui ajoutait encore nu mystère :
féerie vivante, curieuses fantaisies de la nature, on eût cru
errer sous les voûtes de palais enchantés !
M. Ilerring a fait de son manoir une maison modèle
pour le confort, sans donner dans le luxe eft'rcné que l'on
rencontre dans quelques-unes des résidences princièrcs de
Montréal : il lui a choisi un nom fort commun en Angle-
terre, son pays natal, bien que dans ses bois, les corneilles
et non les corbeaux doivent tenir le haut du pavé : Ravexs-
WOOD.
0) Piuiis KmicU'ator — l'ino Gro3 bcak.
MKADOWBANK, Sillery
Hector Théophile Cramahé, secrétah'e da gouverneur
Murray, plus tard Lieutenant-Gouverneur, profita du dé-
part des Français pour faire à Sillery l'acquisition d'un des
plus beaux et des plus vastes domaines de l'endroit. A en
juger d'après l'inventaire détaillé, annexé à l'acte de vente
que nous avons par devers nous, ce n'était pas une terre
ôiluxbitant, mais évidemment une belle métairie, abondain-
meiit pourvue de chevaux, de vaches, de moutons, etc.
Entre autres objets de luxe, en ces* temps primitifs, il est
fait mention à l'inventaire "d'une glacière ; " les seigneurs
seuls, nous pensons, en 1 762, se bâtissaient des glacières
pour frapper leurs vins ou préserver leurs viandes fraîches.
Il est vrai que le propriétaire qui décampait pour la
belle France était un seigneur, — un haut et puissant sei-
gneur— un chevalier de l'ordre royal et militaire de St-
Louis : Joseph Gaspard Chaussegros de Léry. L'acte de
vente pas.;é devant Sanguinet et Panet, notaires, porte
pour date \C\ sept. 176.?.
(Le lieutenant-gouverneur) Cramahé était donc riche pro-
priétaire, à Sillery, en 1762 et aussi, en 1775, comme on le
verra en feuilletant la relation du siège de Québec, écrite
par un témoin oculaire et un des envahisseurs de notre soi
t^" 1775, Joseph Henry, âgé de 17 ans, volontaire sous
Arnold et prisonnier de guerre dans la prison militaire
appelé.} Dauphine, pi es de la porte St-Jean, pendant quel-
ques temps ; puis, prisonnier de guerre sous bonne garde,
dans l'ancien couvent des Récollet?, jusqu'à la fin ù'août
1776. Il devint juge plus tard. Cette intéressante relation
forme un volume de près de 200 pages, (i)
(I) " Au acounito anil intcii'dtiiiiç nccouiit ot'tli.i h.irdsliips aiid r>uff<'riiiss of tin' Imiul
of luToos wlio travorsoil tlie \vildi'riiL'3« iii tho campuiKii a«ain.-it (^lU'beo, in i77."i, l)y
■lolin Josoph Hoiiry, Ksi|uiri', late l'rcsidoiit of tlie aecuud judioial distriot of l'oiiusylva-
iiia, liancastiT, printcd by William (iriM-ii, I^l'.'."'
Hi'iiiy iMait nii b. Iiaiu'a><tor, rciiUBylvanie, li' 4 juin 1758 ; il g'eiiriM.i en 177"j,;i l'âtte da
17 ana, comme volontaire dans un régimont iovi' i\ Lancastcr, «t qui devait faire partie
de rarmêe d'Arnold, alors à Doston ; il expira on li^J5, untouro du rosiK'ct do ses conci-
toyens et do l'amour de ses enfanta.
ESQUISSE
221
le pro-
on le
écrite
re sol
sous
i ta ire
quel-
.^arcie,
l'août
ation
lu- l.aiid
i77:i, liy
liusylva-
ll'àiro <la
Iiartii!
bs conci-
Au fur et à mesure que les compagnons attristes de
Montcalm et de Vaudrcuil s'embarquaient pour la vieille
France, nous avons vu de hauts personnages venus avec
eu à la suite de Wolfe, acquérir, moyennant finance, les
plus beaux domaines dans les environs de Québec : les
conquérants, ici, ne firent pas de confiscations à la mode
européenne. Au reste, les articles de la capitulation s'y
opposaient.
L'Angleterre, en 1633, avait restitué Québec a la Franco
après l'avoir occupé près de quatre ans ; (i) en agirait-elle
de môme en 1759 ? cela semblait peu probable.
La perte du Canada était un embarras de moins.
A la cour de T^ouis XV, on se fichait comme de l'an
quarante "des quinze tuilles arpents de neige perdus pour
a ]''rance, "enfin le roi et madame Pomf)adour dormiraient
contents."
Cependant, le cas où le Canada serait rendu, méritait
considération. Parmi les émii^rants, il y avait des gens
prudent.^, fort prévoyants même ; de cc nombre était le
Sieur Joseph Gaspard Chausscgros de Léry. — On trouve
en,suitc au contrat de vente ilu 16 sept. 1762, où il est re-
présenté par son procureur, M. Jean Max l^andrièvc,
"commi.ssaire préposé à rembarquement des hVançais en
cette colonie," on trouve, dis-jc, une clause stipulant que
si le Canada e.st reteriu par l'Angleten-c, ce serr. une vt^nte,
moyennant le prix de 12,000 livres. Si au contraire, !c
C":;iada t:;t rendu à la hVance. ce w-.: .-^ci.. (^u'uii bail, dcint
!a vente représentera l'intérêt des «.Ici/c nu'lle livre,-. Capi-
talisées a 6 p. c.
Parmi Ic.-^ titres de propriété, que feu M. Jc/hn Porter a
légués à un propriétaire récent, le Col. Anùrcw Stuart, il se
trouve un acte de concession fort ancien, datant du 23
janvier 1652, celui de Gilles FLsnart, le premier conces-
sionnaire. Il appert aussi que les anciens voisins, les Ilamcl
(!) Il iiaraitrait que ruil des motifs les plus luiissaiita jioiir r .tto ii'stittition, im lui lu
IirouicBSCfiuc Louis Xlll fit ùl Charles 1er d'AnKlftcrro ilo solder do suite les 40(i,000 écus
■ lui restaient ducs sur le douaiic de la roineHcuricttc, son Opousc, si l'ou rendait QuObec.
•222
MEADOWBANK
et les Routier, se dessaisirent par divers actes de ventes
entre 1735 et 1740, de plusieurs lots, au profit des auteurs
des propriétaires actuels : entre autres titres translatifs de
propriété l'on voit celui du 6 avril 1740, où Antoine Rou-
tier et son épouse vendent une terre au Sieur Joaquin dit
Philibert. Qui était ce Joaquin dit Philibert de i74o ?
Etait-ce le même que "Joaquin dit Philibert," qui, en
1735, posait la première pierre de l'antique édifice plus
tard "P""reema&on Hall" la salle des P'rincs-maçons, sur le
site duquel est érigé le Bureau de Poste actuel, rue Buade /
Ceci nous fournirait-il la solution de la mystérieuse
inscription du chien : "Qui ronge l'os ' laquelle ins-
cription intrigue les antiquaires de temps immémorial et
existait à coup siîr, le 18 septembre 1759, quand Québec
capitula, puisque le capitaine John Knox, un des officiers
de Wolfe, la reproduit intégralement au Tome II de so n
journal du siège.
Laissons au juge Henry la tâche de nous décrire les rares
aptitudes de sa "bande de héros" les congréganistes (^i)
pour vider les caves, les salons^ les écuries et les poulail-
liers des Royalistes de Québec, insensibles aux cb.armes
de la liberté.
" La petite armée d'Arnold avait retraité à la Pointe-
aux-Trembles, le 25 nov. (177s)' Le 2 décembre elle
rebroussa chemin, revint vers Québec et atteignit le soir
même, Ste-P^oyc...
"Le 12 décembre, officiers et soldats n'avaient d'autres
vêtements que des fragments de leurs hardes d'été qu'ils
portaient pendant leur désastreuse course : voilà tout ce
qu'ils avaient pu sauver. Il y avait alors trois pieds de
neige.
" Un beau matin, un individu survint et s' adressant à
Simpson, l'officier en faction, il lui dit : Qu'à peu près
deux milles en remontant le St-Laurent il y avait une
[1] Les mémoirca du tciuix uoiumeut cougri^gaiiistes les cnvoyùB du Coiigrfs : les
choses out chaugù
ESQUISSES
223
50ir
tiutres
qu'ils
lut ce
Ils de
lant à
près
une
trOs : les
maison de campagne, appartenant au gouverneur Croniie
/ Cramahé ? ) — bien pourvue de tout ce qui manquait à
l'armce, il s'offrit de nous y conduire. On commanda de
suite des carrioles. La maison du gouverneur était un
élégant logis, coquettement situé sur la rive escarpée du
fleuve, à peu de distance d'une (i) chapelle
" Bien qu'en plein hiver, le site accusait le goût exquis
et l'abondante richesse du propriétaire. La porte était fer-
mée : nous cognâmes ; la porte principale nous fut ouverte
par une Irlandaise, un colosse tel, que je n'ai jamais ren-
contré son pareil chez le sexe féminin, C'éMit la gardienne
de la maison : ses réponses <à nos questions portaient un
certain cachet de franchise et d'affabilité,
" Elle nous fit entrer dans la cuisine : une vaste salle
bien garnie de ces objets que les bons vivants considèrent
indispensables à la jouissance de la vie Nous y trouvâmes,
entassés dans un coin, cinq à six serviteurs canadiens,
tremblant d'effroi. En examinant le local, nous découvrî-
mes une trappe, par où l'on pénétrait dans la cave. Nos
troupiers s'y aventurèrent et firent main basse sur. le conte-
nu : tinettes de beurre sans nombre, saindoux, suif, bœuf,
lard, poisson, sel : tout devint notre proie. Tandis que nos
soldats furetaient dans ce réduit, notre lieutenant y descen-
cendit pour hâter les opérations. Quant à moi, on m'avait
placé en faction au haut de la trappe, adossé au mur et
mon fusil en joue comme sentinelle ; j'avais pour mot
d'ordre de surveiller les serviteurs. Ma bonne amie, l'Irlan
daise, m'invita vivement à descendre tl.ui- iacave ; son (!cs-
scin était de nous y enfermer tous,
" Heureusement sa ruse était trop transparente ; ayant
vidé cave et cuisine, nous chargeâmes !e butin dans les
carrioles ; puis, l'on se dipersa à travers les autres appar-
tements ; c'est là que régnait l'élégance. Les murs et les
cloisons étaient tapissés avec goût ; de belles gravures, des
[1] Eu 1775, il n'y avait i\ Sillery d'.autre cUiipollc (ni:" colle (l"s Jùsuites, — coUo où.
lo rovd rùro Énueinouil Ma;j6 avait Hé entorro on mai ItilO ; un joli petit inouutueut tu
inarfjvic lo situ.
i;
224
MKADOWBANK
cartes soigneuscMuent faites, accusaient la main de
maîtres. Une superbe vue de la cité de Philadelphie, sur
une grande échelle, prise des environs de Coopcrs Ferry
fixa mes regards et me causa quelques remords, mais la
guerre et la science, sur les champs de bataille, se respec-
tent peu ; la science succombe dans le tumulte.
"Nous fûmes bien plus sensibles aux charmes des lits de
plumes douillets, des beaux couvre-pieds, des couvertes
roses qui ornaient les dortoirs. Il y en avait à profusion :
wow^ prÎDics le tout. Les angles et les coins dans les car-
rioles servirent de réceptacle aux petits articles.
"Notre cupidité ne put résister à la tentation d'enlever
plusieurs douzaine de couteaux et de fourchettes à gaine,
d'un fini rare, ainsi qu'un lot de couteaux pour le dessert.
D'autres objets de bien moins de valeur, ou d'une petite
utilité, disparurent également sous l'étreinte avide des
troupiers.
"Dans une salle en arrière, il y avait un canapé en aca-
jou artistement sculpté, avec coussins moelleux et couver-
ture de soie figurée ; nos carrioles étaient surchargées
d'effets. Plus de place, pas môme pour le canapé Mais
les coussins île soie, nous trouvâmes moyen de les em-
porter,
"Ayant débarrassé Son Excellence de tous les objets
pour nous ck première nécessité, nous nous mimes en
route, accompagnés des pieuses bénédictions de la gar-
dienne du logis ; clic i^emblait toute surprise que nous
u'eu^sion-; pas -.-nlevé phis d'effets. Peut-être avait-elle ses
réserves mentales qui sait .' mais ce n'était pas
notre affaire.
"Arrivés près de la Chapelle, nous rencontrâmes une
escouade des nôtres — commandée par Morgan : eux aussi,
ils venaient faire comme nous. L'officier en charge parut
chagriné à la vue de nos dépouilles opimes. Il continua
son chemin et acheva de piller la maison et les écuries de
ce qui y restait.
\^'^k
I.S'^JUISSKS
225
les
|et3
en
tar-
)US
[ses
bas
linc
"Grande fut la joie chez nos soldats qui se partagèrent
en frère les objets enlevés."
Puis le 13 décembre, le juge Henry nous raconte une
autre expédition de même nature et accompagnée des
mêmes résultats, qui eut lieu à une autre riche métairie
près de Québec. Tout en condamnant au point de vue'
de la morale ces brigandages d'une soldatesque effrénée,
il se console philosopiu'quement par le fait — que les.
Royalistes {Tories) seuls, de Québec, étaient pillés.
Pour la description détaillée de Mcadozubank, voir
Pic turc s que Québec, P''^go 390-3'
15
DORNAL, Cap Rouge
rendant ia mémorable invasion des Hastonnais, en 1776,
naissait à Dornal, petite ville ou village de l'Ecosse, un
•enfant du sexe masculin, destine à fournir, dans sa patrie
tl'adoption — le Canada — une longue et glorieuse carrière-
John Neilson. Tout jeune encore, on le trouve, immiscé
au journalisme comme propriétaire et pendant quarante
an?, rédacteur de la vieille Gazette de Québec, la plus an-
cienne de nos feuilles périodiques, fondée en 1764 2t éteinte
en 1874 — apics cent dix ans d'existence.
Connu surtout vers la fin de sa carrière, comme le Nestor
de la presse, l'habile, l'infatigable et patriotique député pour
le comté de Québec avait été désigné par le parti de M.
Papineau, en chambre, comme délégué de la colonie pour
faire connaître à la métropole, nos griefs, en 1 822. Il fonda,
au Cap-Rouge, Dorna!, il y a plus d'un demi-siècle et y
expirait, à l'àgc patriarcal de 72 ans, en janvier 1S48, res-
pecté de tous, pour la sincérité de ses convictions, aimé
des Canadiens-français à cause de sa chaude sympathie
pour leur cause, bien qu'il eut crijt de son devoir de les
avertir que la lutte armée que l'on conseillait contre la
puissante Angleterre était inconstitutionnelle et ne saurait
aboutir qu'à un désastre : ses sages conseils, comme ceux
de Ouesnel, Cuvillier et autres, ne purent prévaloir
lîien que le Canada eut été le théâtre de ses succès ora-
toire=, littéraires et politiques, M. Neilson conserva jusqu'à
sa dernière heure un souvenir vivace de son pays natal —
le pays de Wallace, de Burns, de Scott ; il en perpétua
pour lui la mémoire, dans le nom de sa villa,
" Kt dulcis iiiorions rcmiuiscitur Argos. "
Dornal, drapé de verdure, se dresse sur le versant du
sud du chemin du Cap-Rouge, dans les plis de cette impé-
nétrable forêt qui voila pour un temps les vols sacrilèges
\( m
ESQUISSES
227
■et les crimei de Chambers ( i ) et de sa troupe, il y a un demi
siècle.
Nos pères à cotte époque ne parlaient jamais du bois du
Cap-Roiigc sans tressaillir d'effroi : c'était leur forêt noire.
La villa avoisine ces carrières de pierre où Cambray, Ga-
gnon, Mathieu, Waterworth et consorts allèrent se tapir dans
une petite forge, pour faire fondre en lingots les argenteries
dérobées le 10 février 1335, à la chapelle de la Congréga-
tion, qui fait face à l'Esplanade, à Québec, savoir : " une
lampe d'argent, valant ^,'20 ; un crucifix, ^10 ; une statue
de la Vierge, ;^ 50 ; quatre candélabres, ^10 et deux
chandeliers, ^2.10. " Vol n:emorable.
M. John Neilson, le propriétaire actuel de Dornal, fils
aîné de l'hon. John Xeilson, nous racontait réaemment
l'effroi que lui causa alors la rencontre fortuite de ces mal-
faiteurs, une froide journée où, jeune enfant, il revenait de
la forêt où il était allé tendre pour les lièvres et les perdrix.
Les goijts prononcés de Î\L John Xeilson pour l'ornitho-
lagie datent-ils de cette ère reculée ? Je ne le sais ; mais
ce que je sais, c'est qu'il e^^t un de nos meilleurs observa-
teurs du monde ailé et que ses écrits sur ce sujet dans la
presse anglaise lui ont valu des cl^f;\s chaleureux de la
part des naturalistes des Etats-Unis : voilà pour Dornal.
Ci) L<:n U'v'h'^l'in^ ilii cc/i'H'— l'ai ."^L Fr?. I!o:>l An.ii'r?— 1'?:;7.
IJ)XCV\Vn(^I), Cap Rou^e
i7<^9-i«47
" llil'r, lllrli' Wllrt lillluliill'i ni' (i1(l, tllill' SMIH \Vl'(']iiMt/,
ll.i|il,v iif liivrr.' iiuiii' ivrr \s ill I.jkiw,
\Vlii>-.i' !■><■>' wiiit HiMiWiiiil a limiiliiil sliH'iiliig
Vi'iir« iiL,'i>.
Tlm ((lin«t ()(' Il Kiirdiii hiniti^ tliiHi'ii,
A uli'illc of liniililioixl iiii'l llidiii cncIriHCH
TIh' Sl|ll.ll'l' kIi>|M' (il'llll' lllll^SlllMll■■IH liril
Wliero tliif wti'iU tliiit «n w unrii Irom ttio nnivi.s ol' itn 1U3. .1
N'iiw lie (liMil.
Tiii' fli'lil fiills HdiitliWiiril, al>i'ii|>t .iiiil Imiki'ii,
Ti> tlii' low liiHt vi\nf ill' tlic Imii,' Imii' liiiid,
If a ntcp kIiouIcI «(iiind iir a unnl lie siicikni
WiiiiM il Klumt luit liso at tlir stranyï' uncst'H liaiiil."
Su iiiliiinif — Ki)iiSAKi;N (Iakdkn
De longue date j'avais nicclitc faire une visite à la ma-
sure déiabrce qui jadis fut une demeure ensoleillée,
attrayante : Longwood — au Cap-Kouf;c, près Québec.
Le hasard voulut que le trajet eut lieu, une de ces après-
midi ternes et froides du mois de mai, qui n'est pas tou-
jours le mois des feuilles, tant s'en faut.
Longwood avoisine Dornal, le beau manoir de "-'u
Thon. John Neilson, le Snj^'-c du Cap-Rougc, dit M. B;
sur le côté nord de la voie publique.
C'est là que séjourna, nombre d'années, l'opulent, le
laborieux historien du Canada, William Smith ; là, s'était
écoulé le soir de sa longue carrière officielle.
Où puisa-t-il ce singulier nom, Longuood Pl'emprunta-t-
il à la dernière demeure, à l'historique chalet, où le con-
temporain [i] de l'hon. William Smith, Napoléon 1er,
terminait ses jours, à Ste-Hélène, sous l'écrou de Sir
Hudson Lowe ? Le Cap- Rouge et ses verdoyants et pai-
sibles bosquets devinrent-ils, comme Ste-Hélène le fut
pour le Petit Caporal, un havre de repos, aprèa des jours
orageux
?
[1] Napoléon 1er, le duc de Wellington et l'histtrienSmitli, naquirent tous trois en
1769.
i:s()Uissi;s
Î2()
m
Le site, en ce iiiotnent, n'a d'autres attraits que
ceux de son rustique paysn<;e et de ses plantations fores-
tières.
La masure, longue de quatre-vingt et large de près de
quarante pieds, n'a qu'un étage : vaste structure en bois,
avec une fenêtre en ogive, droit au dessus de la porte
d'entrée, destinée à éclairer cette partie clés mansardes.
Les longues salies au premii;r, ses mansareles spacieuses,
ont dû rendre ce séjour spécialement commode comme
résidence d'été. La maison dans l'origine était évidemment
peinte en jaune ; — elle est d'un jaune terne maintenant ;
les Persiennes, à quelque phase de leur existence, ont du
être vertes. Quand je vis Long^vood, la villa me sembla
aussi triste, aussi délabrée que h.'s neiges et les aucans de
plusieurs années peuvent rendre une demeure inhabitée.
A l'extérieur, il y avait, selon l'exprc-sion du ijoète
Swinburne, " le spectre d'un jardin," cpii semblait me
narguer ; et (juand le concierge fit tourner la clef dans la
serrure rouillée de la porte de ce séjour désolé, aux plan-
chers disjoints, aux fondations effondrées, aux ténébreuse:?"
chambres avec leurs volets f fines, je m'attendais presque
de rencontrer, à l'intérieur, ■ spectrt. du vieil historien.
Citons encore l'harmonieux barde Swinburne :
" A!l witliiii is (laik us ni^lit ;
Iii tl»' wiiiilinvH H iKi litrlit ;
Ami lui iMuniuir :it tlif donr,
Si) t'ri'iiMi lit ou ils liiii^'c hi'forc.'"
Cependant, le temps avait é é où les accents de la harpe
les roulades du piano, le mouvement de pas légers, des
réunions d'amis ou d'amants et leur doux parler avaient
éveillé de joyeux échos dans les salons maintenait silen-
cieux de Le gv/ood ! La tradition redisait que jadis de
somptueux binquets, des soirées brillantes, de grands bals
étaient à l'ordre du jour, dans ce lointain passé où Québec
se gaudissait de sa frigante garnison militaire, et pendant
la belle saison, de nombreuses frégates, mouillées en rade,
sous les canons de sa menaçante citadelle.
: 1
*\'V
230
LONGWOOD
Et ces nrbres muets, mngniflqnes rideaux,
Ont prêté leur tt-nture à maints riants tableaux.
Ils ont vu les valets dans les vastes corbeillec,
l'orterles blonds «ùteaux et les noires bouteilles,
Mettre au bniu, dans le tiot du limpide courant,
Ijes flocons de cristal pleins d'un vin transparent,
Kt mollement couchés sous les ombres épaisses,
lies jeunes gens d'alors et leurs jeunes maîtresses
Où doue sont ces rieurs ? Où la dance folâtre ?
Où donc ceH pieds mignons, ces épaules d'albfttre ?
Où toute cette joie ? Où les neiges d'autan.
AUGIER.
Et lui le seigneur de céans, à combien de bals, au club-
[i] des Barons ? à combien de banquets annuels avec les
vétérans de 1775, chez Menut ? [2] à combien de Ici'crs au
château St- Louis, l'avait-il pas assisté, depuis le mémo-
rable lever du 6 décembre 17S6, où Son Excellence, Lord
Dorchester s'était réservé le monopole des baisers, tel que
le digne père de l'historien, Thon, juge-en-chef Smith l'a
si bien décrit, dans sa lettre à son épouse ? à combien de
fêt :s champêtres, à Powell Place, n'avait-il pas pris part,
au temps où notre admirable raconteur, M. De Gaspé, allait
manger de la crème à la glace chez Sir James H. Craig ? à
combien de joviales soirées chez le Duc de Richmond, M.
Smith n'a-t-il pas été pré.sent, sans compter les réunions lit-
téraires du comte de Dalhousie, les réceptions de Lord
Aj'lmer, les fêtes de Lord Gosford et, plus tard, les diners
de Spencer- Wood ?
L'hon. William Smith, fils du savant juge en chef de
New- York, en 17S0, juge en chef du Canada, en Î7S5, était
certainement un des personnages les plus considérables en
cette ville, penilant plus d'un demi-siècle ; son rang élevé
comme membre de l'exécutif, grâce à Lord Bathurst, son
protecteur ; ses autres importantes clmrges publiques ; ses
goiHs cultivés, littéraires ; ^ses recherches incessantes au
profit des annales canadiennes, en un temps où nos archi*
(1) Le Club des Barons existait en l.-^ii.l. Les ni''i!Ooin!its l.s iil;is; Imppés d.' l'époque en
faisaient partie ; I'Ikui. Matlii>« lii'Il. mort en l>4',i, Tolin lilfukwoodet autres. La «rando
m.iJDiité se comiiosait d anijlais. L'hon. t'hs du la NauUiire, mort en IMl, eu était
membre.
[l'J Alexaudre SIenut. maître d'hôtel et cni-'inier céli'bre de nos nuiioiis gouver-
neurs, avait ouvert une lnitillrrio en renom sur le chemin de la petite rivière Saint-
Charles : on la iionini.iit le lHne lloiixe : les vétérans du siège de 1775, Caldwell, Fraser
et autres s'y rendaient pour le urnnd diuer annuel (lu ol décembre, en souvenir do la
défaite des yankees, au Sault-au-3Iatelot.
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ESQUISSES
231
ves, voilées au commun des mortels, entouies dans les
voûtes souterraines de l'ancienne Chambre d'Assemblée
au haut de la cote la Montagne, n'éta: accessibles qu'à
d'infatigables chercheurs comme M. Smith : tf'ut concourt
;\ prêter de l'intérêt au temps, aux travaux et au souvenir
du vieux maître de Longwood.
Mais pour l'hon. conseiller Exécutif, parmi les nombreu-
ses autommes qu'il avait bravées, \. en vint une où les
arbres qu'il avait plantés refusèrent de lui prêter leurdo'.i\
ombrage ; où les roses qu'il avait cultivées, semblèrent lui
redonner moins de parfum ; où les avenues de ce jardin,.
si artistiquemen'" disposées, cessèrent de réjouir ses yeux
affaiblis. Il le croyait au moins.
C'est alors qu'il jugea que le temps était venu de dire
adieu à son petit Eden du Cap-Rouge ; qu'il se hâta de
regagner ses quartiers d'hiver à Québec, avant que la nuit,
la nuit profonde et sans réveil, n'appesantit sa paupière.
Le 17 décembre 1847, ceux qui lui étaient chers lui
fermèrent les yeux, à l'eige de /S ans, à sa maison de ville,
rue St Louis, à Québec.
Il avait légué Longwood à son i'ils Charles Webber, qui
y pas >a plusieurs étés avec son épouse ; en 1879, Char es
Webber Smith expirait, en Angleterre.
Depuis ce temp, 'e silence rè.4ne eu maître dans les
salles de Lonr.vOjJ déserté, (i^ On peut encore lui appli-
quer les ifj^nes tracées par Swinburne :
•■ N'ot 11 flowor to 1)0 yiro*t oftii ■ l'i^u th it falN luit.
• Ai tlu' li'art ot :i docul iiiau tlio sci'il-i.lDts ar.' dry,
l'iMMi th.; tliickets ot'lliorii» \v!i.>noo tlio iiitfUtiuij.ili; c.i!l-i lUt,
l-'oiil.l sliL' c;'.!l, tiijro woiv iiovor a rusj to roj.'ly. "
(IJ UoiniiS iiu',' c'L'ci a l'tO l'crit, 1j3ii','\voO'.1 p. ù'.j iljinoli.
RSDCLYFFE, Cap Rouge
Cher M. Suite. Vous vous rappelez sans doute, avoir
remarqué dans mon salon, parmi les tableaux, etc., se rat-
tachant à l'histoire canadienne, deux lithographies, portant
la signature de la célèbre société Lemercier, à Paris. Je
crois vous avoir dit alors que je les prisais comme souvenir
de famille, légués à Madame LcMoîne par son vieil oncle,
M. Henry Atkinson.
L'une rappelle la fastueuse résidence de l'oncle à Spencer
Wood, incendiée, le 12 naars 1860, reconstruite en iS(3r,en
vertu d'un vote de la Législature, sous le ministère John
Sandfield McDonald, certainement avec moins d'élé-
gance, bien que plus vaste, que lorsqu'elle hébergeait
avant 1850, l'opulent et lettré négociant que je viens de
nommer.
L'autre lithographie représente le cottage orne, mainte-
nant Redclyffe, au haut de l'antique cap, à huit milles de
Québec, connu à l'histoire sous le nom de Cap- Rouge, à
cause de la couleur du so\
Ce tableau vous retrace la vallée de St-Auo-ustin ; au
bas, on discerne d'abord le pont du village ; puis, une
petite rivière qui serpente v rs le nord. A son point de
jonction avec le St-Laurent, elle offre un hable en mi-
niature, abri contre les vents d'ouest, du nord, du
nord -est.
•J'ai aussi dû vous dire que dans cette villa du Cap-
Rouge s'écoula l'enfance de votre ami, mon épouse.
Examinons en détail le local.
Le pittoresque cottage de M. Atkinson, qui date de
1820, aggrandi depuis, appartenant maintenant à M.»
Amos Bowen. Voyez le, perché comme un aire d'aigle,
parmi les verts sapins qui couronnent le cap escarpé
haut de près de deux cents pieds ; le majestueux St-
KSQUISSSE
233
de
île,
rpé
St-
Laurent en baigne la base, laissant tout juste aux voitures
un étroit sentier, un prolongement de la ruî Champlain.
A l'ouest de la piazze de cette habitation aérienne, surtout
du petit pavillon accroché au liane du cap, i'ti.Ml cmbra-sc,
vers le sud-ouest, un panorama immense.
A l'est et à l'ouest se prolongent à perte de vue, les
Hots azurés du grand llcuve, sillonné de navires, de
vapeurs, de radeaux, de remorqueurs.
Au sud, Etchemin et ses estacadcs, ses moulins ; St-
Nicolas, la mugissante cataracte de la Chaudière, taillées
dans les falaise.s abruptes de la côte ; en aval, près-
qu'invisible par la distance, la chaîne altière des monta-
gnes groupées sur nos frontières et celles du Vermont.
A l'ouest, St-Augustin, ses cham[)s de blé, ses ver-
doyants bocages, " ses chênes, ses aubépines blanches,
ces vignes sauvages, " ses belles érablières, sa fertile vallée,
ses grèves jonchées de bois quarré ; puis les blanches
maisouncttes des hcaïunicrs, dispersées rà et là : vues du
haut du cap par un beau soir d'été, ne dirait-on pas des
camps de cygnes ou de mauves endormies sur la rive.
Au lever et au coucher du soleil, pendant la belle saison,
l'ensemble des objets là cet endroit a quelque chose de
ravissant. Il en est qui en préfèrent le spectacle à celui
que présentent Spencer Wood et Woodfield. Je suis de ce
nombre, -le puis en parler sciemment, pour l'avoir goûté
plus d'une fois. Oui sait si au charme du lieu, il ne s'en
mêlait pour moi un autre, que le paysage seul ne saurait
donner }
M. Atkinson, en se taillant un domaine en plein bois,
fit comme aurait fait un hpbile jardinier paysagiste. '1
appela à t.on secours, il sut adapter le paj's, les nrbrcs, les
rivières, les collines et vallées au tableau qu'il entemlait
créer, — un paysage difficile à égaler même à Sillery où la
nature a tant fait.
Le ^ite à sa disposition, un plateau bien boisé avait en
superficie plus de cents acres et une exposition méridionale.
1^^
234
KF.DCLYFFE
Il eut bientôt dr.^isé un plan, une carte du lieu. Parterres,
à Heurs, vc^er, boulingrin pour un Archer]) Club, jardin
potager, pâturages, fontaine jaillissante, sentiers perdus
dans la forêt aboutissant à un ruisseau ou à un siège rus-
tique, haies vives pour masquer les fossés ou les clôtures :
tout naîtra, se transformera, se terminera comme par en-
chantement. De grands arbtcs, géants de la forêt primitive
devront céder sous la hache de son garde-forestier, bien
qu'il soit un de ceux profondément convaincu de la vérité
de la maxime :
" (^111 l^livri- vaut r.ii ;iilin' inittMsti' et tout on tliMira?
J^'liMiiiim' fait «'Il six iiiiiis lin livre et .ii'j iiu-illi-'urs,
Diuu mut cent ans à l'aiie un < lune. "
Ce lieu, comme ayant été lendroit où séjournaient .iac-
ques-Cartier et Roberval, le premier en 1541-42, le
second en 1543-44, se recommande spécialement à l'atten-
tion de l'historien et de l'antiquaire.
Voici comment on le trouve mentionné au volume de
Hawkins, llistorical Pictnrc of Qitcbcc, publié, en 1834.
Nous touchons à un point fort intéressant dans l'histoire
locale ; on a prétendu que les vieux historiens semblaient
ignorer le dernier voyage de Cartier. Il en est parmi eux qui
lui font établir un fort au Cap IJreton, et qui confondent
ses opérations avec celles de Roberval. Le lieu exact ovi
Cartier passa son seconl hiver, au Canada, n'est pas con-
signé dans aucune publication qui nous est connue. Voici
comment llaiklu}'t le décrit: "■ Aprls lesquelles choses, le dit
Capitaine fut avec deux barques aiuoiit la Riviire aitdelà de
Canada,'' il s'agit du promontoire de Québec — " et du Port
de Sainte Croix, p^^ur y voir un Havre et nue petite Rii'ier
qui est environ quatre lieues plus outre, (i) laquelle fut troii-
(1) l'ne note an l)at; ■!(! l;i \yA\io, <li' la licUiiion i/ct ViXjiiiji's île .Tif'iiit.i-Curlier..
pwhl'ii-t' [y.if \:> S:iii,'ti' nili'i'iiire i-l )ii«liii-iiiuf, en 1.' 1.!, aioule " Anjonrd'iuii la 1
niontoire ilu Cap l{oni.'e."' ]<a relation iln troisième vnyau(' e>^t trailnito île Jlaekl
{Hiiikliii/I's ('n//( (7(')ii II/ Kiirhi Wiy.i'ics, Trunls miil l>i.ii m rrirs, J.iiiiihni, l.ilo.j
L'ne seconde noie à la luige 7t de ja Kel.itnin porte " l,a <le»ei iption ilonnéi' par (
tier de eette Hiviere et Imvre, correspond parlaitunent à la pcL-^ition de la h'ifii'fc
i'iil'-li'iiitijc, située ;\ trois lieues et demie di' l^uéliee : et leu délaiU qu'il noua iloniu'
tout lesenvirouM di'ci'tte Kivière nous ntracent exacti ment ; leCap-ltonixe craujourd'li
une partie de la l'cnét i|ui avoisine ce l'ap lUi coté du Sud <lu Klenve .St-I,aurent, ai
.[ne le terrain pitué di' l'autre coté et à l'ouest dii la ft'iviiri' iln l'it)i-I,'iiiiiji\ leii
fiinue nue espèce di' plateau et s'élève ensuite en l'ornu' d'anii'liitliéatre. " t'ette note
parait de la rédaction de l'uucicu Président de la Huviité litliraire vt historitiue,
li. l-'anljault.
ro-
uyt
'aV-
lUi
sur
ni ;
usi
uel
nio
a.
LSQUISSES
235
Jro-
|iiyt
':iV-
lui ;
\ns\
liiio
Ici.
Vi'e mcillairc et plus conuiiodc pour y iucttr>i ses navires à
Jlot et les placer, que Vautre
Ln. dite R iï 'icre est petite, ■ et n 'a pas
plus de cinquante pas de largeur, et les navires tirant de
trois brasses d'eau peuvent y entrer de pleine nier, et tl basse
mer, Une s'y trouve qu'un chenal d'un pied ou environ
L'entrée de cette Rivière est devers le Sud, et elle va tournant
vers le Nord eu serpentant ; et à l'entrée d'icclle vers l'Est, i^
y a un Promontoire liant et roide oit nous pratiquâincs un
chemin en manière de double montée, et an sommet, nous y
fîmes un Fort, pour la garde du Fort qui était au bas, ainsi
que des Navires et de tout ce qui pouvait passer tant par le
grand Fleuve que par cette petite Rivière." Oui, demande
Hawkins, ù la lecture de cette description si précise peut
douter que l'embouchure de la petite rivière du Cap-Rouge,
ne fut la station choisie par Jacques-Cartier, pour le lieu
de son second hivernage en Canada.
Sa peinture de la nature du sol et du paysage des doux
côtés de la rivière du Cap-Rouge, est d'une exactitude
aussi frappante que l'extrait que nous venons de donner.
'■ r.ij lieu précis où Jacques Cartier construisit son second fort —
agrandi plus tard par Roberval— a été déterminé par une pcr
sonne instruite de Québec, comme ayant été au sommet du cap
même, i)eu distant de la belle villa et dépendances de M. H.
Atkinson, c'est-à dire à une distance d'un acr-;, au nord de sa
demeure où l'on voit lui tertre artificiel, planté d'arbres, accusant
une grande antiquité, et comme il ne paraît lias que l'on y cons-
truit des retranchements, soit dans le cours de la cami)agne d^
1759 — ou pendant le blocus de <,)uéhec, par les Américains en
1775, il est extrêmement ])robal)le que c est l;i qu'il faut aller
charclier le site si intéressant et les restes du vieux fort en (pies-
tion.
Jacques-Cartier, à son retour du fort de Charlesbourg Royal,
eut occasion de se convaincre que les soupçons qu'il entretenait
quant aux dispositions hostiles des Aborigènes éuiient bien fon-
dés 11 fat intbrmé que les indigènes se tenaient à l'écart, loin du
fort et qu'ils avaient cessé de lui emporter comme par le i>assé,
du poisson et des provisions Quel(iues-uns des siens qui étaient
allés à Stadacona lui firent part qu'un rassemblement d'Indiens
plus nombreux ([u'a l'ordinaire y avait en lieu, et comme il avait
toujours conclu que de tels rassemblements présageaieni un
Il )
•236
REDCLYFFE
danger prochain, il disposa tout dans le fort en prévision d'une
attaque.
Au moment critique et cel t au regret de tous ceux qui s'inté-
ressent aux annales canadiennes, la relation du troisième voyage
de Cartier se termine brusquement. On ne peut rien savoir de
ce qui se passa au Cap-Rouge. Il est probable qu'il n'y eut pas
de collision entre Cartier et les Aborigènes, bien que la position
des Français à raison de l'infériorité de leur no.aibre a dû lui
causer beaucoup d'anxiété.
On a vu que Roberval, malgré ses hautes dignités et son ca-
ractère entreprenant, ne remplit qu'une année plus tard, l'enga-
gement qu'il avait pris de suivre Cartier, avec les munitions né-
cessaires à la fondation d'un établissement.
Cette année là, le Lieutenant-du Roi avait approvisionné trois
grands navires, en grande partie aux. dépens du roi, y avait ras-
semblé deux cents personnes — plusieurs de bonne maison, —
et des colons des deux sexes. Il fit voile de La Rochelle, le 16
Avril, 1543, sous la conduite d'un pilote expérimenté, du nom de
Jean Alphonse, de Saintonge. Les vents de l'ouest l'empêchèrent
d'aborder à Terre-Neuve, avant le 7 Juin Le 8, il entrait dans
la rade de St-Jean, où il trouva dix sept vaisseaux, occupés à
faire la pèche. Pendant son séjour en cet endroit, il éprouvait
une désagréable surprise, par l'arrivée de Jacciues-Cartier, revc
nant du Canada, où il avait été envoyé l'année i)récédente avec
cinq vaisseaux. Cartier avait hiverné au fort ci-devant désigné ;
il allégua comme raison i^our la(iuelle, il l'avait abandonné
" qu'avec sa petite troupe, il no pouvait faire face aux sauvages
qui chaciue jDur le harcelaient. "Il persista néanmoins à faire
un rapport avantageux de la richesse et de la fertilité du nou-
veau pays. D'après la relation du voyage du Roberval dans Hac-
kluyt " Cartier aurait exhibé des échantillons d'or trouvés au
Canada, qui, soumis au creuset, donnèrent de bons résultats. Il
était aussi porteur de diamants trouvés au promontoire de Que
bec, d'où le Caf> aux Diamants a emprunté son nom. Le
Lieutenant-Général f Roberval) q»i avait emmené des renforts
en hommes si importants et des secours si considérables en mu-
nitions pour 1 établissement, pressa fort Cartier de retourner au
Cap- Rouge, mais sans succès *
11 est fort vraisemblable (]uc les Français peu disposés à
affronter un hiver pénible en Canada, ne permirent pas ia leur
chef, de suivre la fortune et d'épouser les idées particulières, de
Roberval.
Qui sait si l'amour du pays ne prévalut pas sur l'attrait des
aventures, et si, à 1 instar d'individus qui croient avoir rempli
leur part du contrat qu'ils avaient entrepris, ils refusèrent d en-
courir de nouveaux périls sous un nouveau chef? Pour échapper
à une rupture ouverte, Cartier leva l ancre dans le cours de la
nuit et fit toute voile pour la France.
ESQUISSES
237
fut'
)rts
tmi-
au
Il est impossible de ne pas regretter qu'une si glorieuse entre-
prise ne se soit terminée d'une manière si peu digne. S"il eut
regagné son fort, avec les secours puissants que Roberval lui
fournissait, il est fort probable que l'établissement eut eu une
existence permanente. Cartier ne fit pas d'autre voyage au
Canadi ; il s'occupa à terminer une carte hydrographique, (|u'il
avait dressée de sa propre main. Kn 15S7, elle existait encore
à St-Malo. en la possession d'un de ses neveux, Jacques Noël,
qui plus tard montra beaucoup d'ardeur à développer le vaste
pays découvert par son oncle. On a de lui deux lettres, relatives
aux chartes et aux écrits de Jacques-Carlier : la première, écrite
en 15S7 et les autres, une année ou deux plus tard ; il y men-
tionne que ses deux fils, Michel et Jean Noël, étaient alors au
Canada et qu il attendait leur retour. Cartier expira quelque
temps ap'rès être revenu en France, après avoir sacrifié sa for.
tune, dans ses projets de découverte. Comme indemnité pour
les pertes subies p?r leur oncle, ce Jacques Noël et un autre
neveu, de la Nauray Ghâton, reçurent en 1588, un privilège
exclusif de faire le commerce du Canada, pendant douze ans :
privilège qui fut révoqué quatre années plus tard."
a
nir
Ide
^'
l! '
BOISBRILLANT, Ste Koye
r t
" Dans h', «•iiliiic du »oir, il fait liim d • l'cntord'i'
Il fait Ikjii d°aH|)iri'i' daiiH un air frai» <'t dnux
('(•8 odeuiH de (lazoïig, ci'h parfums d'iicrljc tendre
(^ui du talus dcH jin-a, 8"('l(''vtiit jusi|u'i^ iinu»."'
(IjA Vie Uluai-k, Autran.)
Pour qui a visité le champêtre séjour de M. LeSage à
cette intéressante saison où nos bois-francs reçoivent leur
plus riche, leur suprême décor, — les teintes éblouissantes
de l'automne, — nul nom ne semble mieux approprié au
site.
Il y a autre chose, voyez vous, à Stc-Foyc, que le mo-
nument des lîraves de i/Co, le champ de bataille de Mur-
ray. Des bouquets de verdure variés qui couronnent les
hauteurs, il en est peu en octobre qui captivent davantage
l'œil du touriste, que le bois multicolore qui sert de dôme
et de rideau à l'ancienne métairie de feu George Honoré
Simard, jadis membre du parlement canadien. On l'aper-
çoit de la voie publique, comme une verte girandole, nuan-
cée d'or, de bronze, d'écarlate, de rose, à l'extrémité de la
superbe avenue viacadaiinscc cj[u'il y pratiqua.
Ce joli domaine a passé depuis à M. Siméon LeSage
député-ministre des Travaux Publics, qui en a rej^tauni,
embelli le corps de logis principal.
Comme moi, vous avez pu remarquer que piusieui lus-
tres se sont écoulés depuis que Taimable chronitjueur de la
RcvHC CanadicitUi, S. LeSage, a dit adieu aux prér.émaillés
de fleurs et aux parterres des lettres canadien r es pour se
vouer à la vie prosaïque et affairée d'un fonctionnaire pu-
blic : maintenant les seuls prés, les parterr. s, les uniques
champs qu'il affectionne, ce sont ceux de Pomone et de
Cérès.
Vous, mon cher historien, qui depuis de longues années
êtes claquemuré dans un département à Ottawa, vcus ne
ESQUISSES
239
lus-
LiUcS
lir se
pu-
]ues
de
soupçonnez pas — peut-être vous ne saurez jamais — tout ce
■que la vie des champs a de charme, la solitude des bois
d'inénarrables jouissances !
Je me trompe ; n'est-ce pas vous qui en 1866. en ce é-
brant les coteaux de la Haie-du-Febvro, avez écrit :
Le.i blés Botit boniix. Los chniiips sont vitU.
Li' siir toniho Bar lu jirairii',
L'oisi'iui ri''ipi''ti! SCS coiioiTts,
Jo m'ciiivro do poùsin !
Jloti pii'il froiasn les doux ^a/oiis
Tous iirirfuinijsdo tli'iirs »auvii«e»,
L'od'Mir ilufl l'oins luontc aux lUiiison»,
Plus (Ir liruit dans K'S pàturaKcs.
iLci Lunrenlifviici}.
Si un bon matin, vous vous éveilliez, avide de repos,
d'air, de liberté, vous écri:int : fi^o rus ; mon cher, don-
nant à tous les di.'ibles i JuCreux, ITennepin, la Potheric,
les Relations d-:s Jcsuitcs, je vous dirais : Cinglez vers l'an-
cienne capitale, allez chez notre excellent agronome
LeSagc, étudier les résultats de la cendre ou du phosphate
sur les prairies — admirer les formes de ses lùrks/iirc, de
ses Aldcrncy et de ses Clydc, soit à Innsbri/lant, soit à sa
ferme modèle du lac St-Jean, à Iberville, si vous en avez
le loisir ; vous y verrez bien d'autres belles choses.
A lioisbrillant, il y a plus qu'une savante exploitation
astronomique. A certaines heures du jour, il y des soleils
d'automne d'une incomparable douceur ; — à l'est, au nord,
à l'ouest, des coups d'œil ravissants sur tout le parcours
de cette pittoresque vallée du St- Charles, à vos pieds,
•où serpente vers l'est la rivière à laquelle le Grand Vicaire
de Pontoise, Charles de Boues laissa son nom, il }• a plus
de deux siècles ; vous y verrez encore uu spectacle d'une
magnificence à rendre envieuse la magicienne Armide en
ses jardins enchantes, lorsque l'érable, le chêne, le hêtre,
les grands pins abandonnent aux zéphirs leurs chevelures
roses, acanthes, bronzées ou encore vertes, en ces jours
enivrants de mélancolie, voisins de l'été de la St-Martin.
Inees
is ne
BELMONT, Ste Foye.
rroprietaircs : Ulî. PI*. Jésuites, 1649 — l'Intendant Talon,
1670 — le général James Murray, 1765 — Sir John Cald-
well, 18 10, — John W. Dunscomb, 185 1 — Geo. Wake-
ham, 1885.
" Sur iM'ttc miini' plaiiio "
(jui vit fuir U'a Ki'antg dont ma )ii'iisi'0 oat pleiiiv,
Un c0111l1.1t olympique l'Ht pucorc cnKnRt' ;
D'un cuti', fVst Murray, l'illustre caiiitninc,
De l'autre LôviH qui veut, dans sa noble liaino,
(^uo riioiiiieur français soit veiiKé.
(Lca Qiiélji'cqiioincs, 11'. C/inj'iiiii»)
Si je ne puis, très cher antiquaire, vou.s faire part de l'o-
rigine du nom de cette ville, agréez au moins que je vous
esquisse, cicrrcntc calamo, ce petit château des seigneurs
Caldwell, converti comme vous savez, depuis quelques
années, par M. Wakeham, le propriétaire actuel, en j\fai-
son de Santc\ pour le traitement de ceux qui abusent du
jus bienveillant de la treille.
C'est pour le coup, mon cher historien, que je devrais
vous emprunter cette magique baguette qui vous sert à
repeupler notre passé.
J'aimerais fort, voyez-vous, à évoquer quelques-uns de
ces pâles fantômes qui chaque automne, au jour fatidique
des Trépasses, à minuit sonnant, sont tenus de se donner
rendez-vous en ce morne manoir — à l'intérieur aussi bien
qu'à l'extérieur — de se grouper comme jadis à l'abri des
chênes et des pins séculaires de Belmont — hôtes et convi-
ves ou hommes de guerre.
— Crémazie n'aurait-il pas fait un pèlerinage au cime-
tière Belmont, avant d'écrire *' La Promaïadc des Trois
Morts r'—
Quand pour la première fois — ^j'étais alors dans l'âge des
illusions — mes pas retentirent dans ces longs corridors»
' 4*i:
i:s(.)Uissi.s
24 1
cotte suite do chambres, un tant soît peu sombres, silen-
cieuses, désertes (la maison était inhabitée) ; quand je
traversai celte spacieuse salle à manger — à riches lambris
cintrés, restes fastueux d'un autre âge ; quej'évccjuai les sou-
venirs, les martiales légendes de l'antique manoir, les tradi-
tions 'le cette hospitalité .*ans boine tics Caldu'ell, dont
trois générations y avaient succédé aux anciens mailres
aous la domination française, j'éfirouvai, v<nis i"av(Mie-
rai'je, malgré moi, d'étranges émotions
Ces grands arbres, qui ont survécu à la foret primitive, tut.-
suis-je dit, de combien d'embuscades indiennes, de com-
bien de sanglantes luttes n'ont-ils pas été les nuieL^-.
témoins, depuis l'ère reculée où le féroce aborigène décapi-
tait aux environs, un p«.u au sud, vers SilLr)-, ce pauvre-
frère l^iégeois, en 1655, jusqu'à l'époque où Kichard
Montgomcry y [)arquait, pour l'hiver, ses hordes indisci-
plinées, en novembre i7/'5!
" Arlirca. ..8f»orû9l tîiaiiuo nuit sur loiir-) luMiidiOH
Ij'ii iiiorU vont PU iiltur.iiit Si'i'lior leurs toili-s l)l!inclio.<,
Kt l'M joyi'Ux lutins, iiut.ur ilo li'urH virux triiiifs,
1ju« in'titd niiitis vcluii vitmicnt ilanscr ini ruml "
"Iit:s CilfcNKS'' i?i(îi;i(.e.
L'imagination, cette aimable folle du logis me prèiant
ses ailes vagabondes, je croyais y voir une escouade de
militaires de Louis XV, caracolant sur leurs petits chevaux
normands, des portes de Québec vers Ic:: pittoresques hau-
teurs de Stc-Foyc ; je les voyais plus tard, .issis sou.-, !e
dôme touffu des bois, pour le goûter du 'uuli, trinquant
gaiement leurs verres ifhur inajoriDii, et faisaiil retentir les
échos d'alentour des bruyantes santés qu'ils portaient au
maréchal Saxe — car la nouvelle de la victoire de l'onte-
noy [i] venait d'être notifiée au lieutenant du roi de
France, en son Château St-Louis : on était en 1745.
iVttention, mon brave historien! un autre incident encore
plus palpitant invite le l>can uioiidc de la vieille capitale à ce
chemin de Ste Foye, faisant face à Belmont, le Hyàc Park
de Québec, au rapport d'Emily Montagne : on cause, on
[1] La bataille avait liou le 11 mai 1743.
1(1
242
llKLMONT
m
s'interroge, on se réjouit, on répète à diverses reprises :
"Carillon" "Montcalin," "Nos Milices," avec tles vivats ;
c'est que, voyez-vous, la grande nouvelle du jour, la vic-
toire du «S juillet 175''^, l.i jinirnéc de- Carillon, ost dans
toutes les bouches.
*
Cunî^cdie/ maintenant cotte agréable mais quelquefois
peu sûre messagère q'ii a nom rimai^ination, et laissi.-/.
vnui conduire par votre bonne amie, la muse de l'hi-'loire.
liigot et sa triste séquelle a passe ; l'iiori/.ori s'est assombri.
Que voyez-vous par celte humide journée de se()tembre
1759, là-bas, à l'est, dans la vallée du St-Charlcs ? \Jn
peloton, confus de fu}'ards, me ilite.s-vous, traînant à la
hâte vers !e pont de bateaux qui les sépare du camp à
Beaupurt, un drapeau blanc, maculé de bouc, souillé, dé
cliiré par les ronces du chemin de Ste-Foye ; ce sont "nos
t;ens" qui partent pour ne jamais revenir, et leurs féroces
poursuivants, ce sont les Moiitn^nnrds de Fraser, ces ter-
ribles pii!ti'<Jiipc's de LouisbourL^ et d*^^ plaines d'Abraham,
" qui ne donnent, ni ne demandent ;uicun quartier."
Va [)uis, mon cher historien, la toile mouvante de l'his-
toire se déroule encore et vous présente un autre si)ectacle,
une fanlasmaç^oric qui semble vous réjouir.
VA\ bien ! ivji, cette fi-is les rôles ont clian!.;é.
Les fu)'ard.s C' sont les terribles /r/'/A'.s'y,Y/'t;>' de M urra\-,
et les poursuivants, ce sont les soldats de I.évi.--. iios milices
et les sauvages. On est au jS avril 17G0 ; des mare< de
sang rougissent la neige du chemin ; les sauvages scalpent
sans relâche sur tout ce d maiiie ■ 11 s'élève lîelmont :
riiistoire nous a conservé tons les détails de la sangl'uite
journée.
Puis la scène subit une autre transformati- ici
en novembre 1775.
Les mousquetaires de Rhode-Isla: es i..i init de
New- York, les francs-tireurs du Verni ut, campés sur les
ES(^UISSES
243
lus-
.i\'
Il CCS
(IC
|)cnt
nt :
luito
'.CI
lie
les
hauteurs de Sillery et de Ste-I''oye, ont eu soin en arrivant
de s'approprier la maison de campagne du ^'éiieral
Murr.iy — fiisant niain-hasse sur ses bœufs, ses mouton-,
ses chèvres, ses porcs.
A Noël, 1775 — bombance en ci's lieux pour ton-, ces
messieurs, mais nun pas au jottr <A' l\xn. Car, la veille, la
prison ou la fuite réclamera tous ces héros (jui s'éreintent
s'immolent, pour noui apporter en don la liberté dont nous
faisons 11 : tous ceux, dis-je, que la mort n'.i pas marcpi-'s
au front, à l'fès-deA'ilIc et au Sault-au-Matelot.
i\ux embûches d^r, sauvaj^es, au siftlemeiit des balles,
au bruit du canon et des fanfare-; ,L;uerrièies aux " nom-
breuses chevelures accrochées aux buissons du chemin,"
en 1^)55, 1759. I7<''0, 1775, un tout autre état de cIioncs a
succédé, une ère d'apaisement.
#
L'opu ente famille des Caldwell s'y installera pendant
la belle saison : les Caldwell, dont le chef, le col. Ilcnry
Caldwell, après s'être distinLjué sous le général Wolfc, aux
Plaines d'Abraham, commamla avec bonheur la milice
anglaise do Québec, i)end;int tout le blocus de 1775-76. Il
expirait en iSio, receveur général de la I'ro\'ince. Son fils
John, a)'anL hérité d'un titre nobliaire en Irlande, devint
Sir John Caldwell — il était seigneur de la >eigncurie de
Lauzon, divisée et suhdi\'i>ée depuis c-n une dizaine de
paroisses, dans le comté de Lévis.
Sir John jiossédait de grands moulins, de \'ahtes scieries, à
la Rivièrc-du-Loup, en bas ; là Lévis et ailleurs, occupant
une partie de l'année un joli et solide manoir, qu'il s'était
fait construire dans le beaucagc, près de la rive, à ICtchemin.
l'apineau, Neilson, 15ourdages, vers ce temps, lui firent
passer de mauvais quarts d'heure en chambre, et pour
cause.
Il expira à Boston, en 1S42 — laissant Iklmontàsonfils,
Sir Henry Caldwell, mort vers 1S60. J'ai donné dans le
Pictiircsqiic Qucbcc un compte-rendu de certains banquets
•I!l
»44
BELMONT
WP
pantagruéliques qui rtuni>saicnt jadis la bonne société de
la vieille capitale ri Helmont. Si vous désirer savoir com-
ment je m'y suii i)ris pour retracer la série des pro-
priétaires de céans, je vous dirai que quand j'écrivis les
Map/is Lca^rs, tu 1865, mon vieil ami, M. Dunscomb,
alors percepteur des Douanes, eut l'obligeance de me pas-
ser ses titres de propriété : et voilà.
Le 30 déc. 1S57, la l'.ibrique de Xotrc-Dame
de Québec fit l'acquisitioi^. (.'.e cinquante-sept arpents
en superficie du parc de IJcîniont pour la nécro-
pole i\\x\ porte ce nom et où dorment maintenant du long
sommeil nombre de Québéquois ; cntr'autres, l'historien
Garneau, et l'antiquaire l'^aribault.
Quant au domaine même, il comprenait primitivement
450 arpents de terre ; des fenêtres de IJclmont, le spec-
tacle des campagnes environnantes est grandiose et frap-
pant à l'extrême. On peut compter presque douze clochers
d'église, etc.
I
3ï
■*
%
HOLIvAND FAl'iXT. Ste-Koye
Cette riche métairie, sur le chemin Ste-l'^oye, à cîeux
milles de la cité, rappelle par ses maîtres l'ancien aussi
bien que le nouveau rét^ime — leurs progrès, leurs vicissi-
tudes, leur renaissance.
l^n 1740, sous ces sapins, a dû se dresser une de ses
antiques demeures en pierre, à un étage, passablement
étroites, à pignons pointus, à fenêtres à petits carreaux
comme l'en en voit encore, — épaves d'un au*re âge, — le
long de la côte de lîeauprc, la maison de campagne de^
ce respectable sj-ndic des marchands, Jean Taché, l'ancêtre
de Sir K. V. Taché. Il tenait ses comptoirs sur la rue St-
Pierrc, en la basse-ville de Québec et possédait ai.;,>si le
site et la bâtisse où s'imprime maii.tenant le .^fcniing-
Chrouiclc.
C'est là vraisemblablemiMit qu'il venait en villégiature
aux étés qui suivirent son mariage en 1742, avec Demoi-
selle Marie-y\nne Jo'iet. île Alingan. pctite-HlIe du célèbre
découvreur du Mississippi, Louis Joliet.
Sous ce toit champêtre, plus d'une fois, la bonne société
de la capitale a dû venir s'asseoir, conviée par le riclic,
intègre et lettré membre du Conseil Supérieur, M. Jean
Taché : le quartier était faslnouahlc.
Le vertueux fonctionnaire, à l'instar de ses collègues,
venu de la vieille l'rance, était, lui ausf-i, tourmenté fie
ce à quoi les Angla's ont donné le nom pittores(jue de
<:artli /iiiiiiiir, une incurab e convoitise de biens-fonds,
comme nous avons eu occasion de le remarquer chez les
plus distingués d'entre eux : Giffard, Montmagny, Talon,
de Léry, Repentigny, Juchereau Duchesnay, Jean liourdon,
Taschcreau, La Gorgendière, etc.
Les compagnons d'armes de Wolfe étaient pris du
même mal, Murray Cramahc, Caldwell, Holland, Cameron,
n
246
IIOLLAND FARM
les Ross, etc., etc. Tous ces messieurs s'évertuèrent à deve-
nir grands propriétaires autour de Québec ; les seigneuries
surtout les tentaient, celles mises en vente par des proprié-
taires repassant en France. On achetait alors ; pas de con-
fiscations : les articles de la capitulation s'y opposaient.
On n'était pas à Grand-Pré, mais à Québec, les gens ne
refusaient pas de prêter le serment (i) d'allégeance. Il
manière de traiter les vaincus variait : et le précédent que
Louis XIV désirait établir en 1689, ne fut pas suivi, par
George III, à Québec ; il l'avait en ^Vcadie.
Quant à Lord Jeffery Amherst qui avait risqué ses pré-
cieux jours, pour prêter main-forte à Wolfe, et qui l'année
suivante, imposait la loi du vainqueur'^ Lévis, il ne se co:»-
•tentait pas d'une simple sei^nieurie, voir même une barbn-
nic, Warili hnugcr chez lui était à l'état chronique. Il
réclama pour sa royale part — cy^o noniiuur Lco, — la riche
successioii des Jésuites, yi) dévolue l\ la couronne de la
Grande-Bretagne, à la suppression de l'ordre par le S. Père ;
pendant près de quarante ans, lui et les siens ne cessèrent
de faire valoir cette réclamation. Finalement, le souverain
ne trouva d'autre alternative pmir ne pas froisser le haut
ili Voii-i ce (|m' 1.' uraiid loi (■•(■rivait ;( >m\ % icc-roi trAiin''i'i(iu(', en lii^;l :
'• >i iiaiiiii l("a lialtit.'dits de l;i Xinivclli -Vdik il se trouve des ciUlKiIiiiiici^ di' la fM:-
liti' di'S(|ii(l,s il ri-(iyc ce ludivoir assurer, il i.dinra les laisser Jaud Unira habitations,
u](r.' s 1( iir avoir tait j.n'tcr «criiiciit de tid. litc à Sa Jlajcstd'
Il l^oiirra aussi Hi, nier, s'il le, jiii.'e ;\ luciios, des artisans et antres i;en.s d''" service
ii(;-cess. . ires pimr la eiiltiirc d( s terres, ou putir travailler aux forntiealions, en (pialitù
de jirisoiuiiers. . . . 11 tant retenir en iiri^oii les nfiieiers it h s i.riiuip.'dix lialiitaiits,
des(|iiels on jioiirrait retiicr des r:in(,'otis. :\ iTtt.-ird de tons les autres ('trantrers (i-i'k.i- i/iu'
»(' .sdiir yiir.' i''ri'ii' .ii.f.) luiiiinies, Ceniines et (iilant". Sa 5Iajest(' trouve ii jiropos (|u"il
soient iiiis hors de la eoloni,' et envoyez .'i l.'i Xouvelle-Anyleterre, l'i la l'euiisylvanie, ou
en d'autres endroits .[u'il jii!.'era à iiropiu, ]iar mer ou parterre, enS( inide au S(;-|iarenient
le tout sniviint (|u'il trouvera plus sur [■(■ar le-^ di^siper (t enip.dier ipTeu se reuiiis-
sani ils ne puis-ent dmDier oeeasioii A des entreprises CMiitre cette Colonio." — Hroad-
liend— New- York. Col. Itoe» IX, liiu'.)
Vi(U'. /.e /.'■■;/.> 7>eiMiM'i/'(', 7 ,/»i'/i li:si ; 7t' lei'iu'.v^cc i" 7'('ii .")(•/?'(', même H<ife;le
yiiui'.tfi ô Friiiili'iiiic, ))i(»;c iliifc : niilii' ilii /i'k;/'"' riniifii i'i'/, vinitc ilutc ; le ii'oi/ ua
Siiiir (If lu ('o(liiiii''rv, HioHc ihitc : Chintipiiinij mi wiiiistrc lii iKir. I'mSM.
l'ntre les instructions (|ue le roi d'Au'.ili t. rre dunna au Col. I,av\ renée, ]iour la dis-
persion des Acadiens, (t celles (|in' eini de Fraïuc donna à Krontenae pour la disper-
sioiia d( s hal'iiants de la Nouvelle-V uk, oui m- pivt( raient pas le serinent d'iilU'geaiice,
il y a cette dilîerenee : le jueniier ''t oe i|uil (h'sirait, l'autre ne le piM.
(;!) M. <>. David, dans une ' .' adress('(' nu J/oiiife, ('■niiiuO'ro les lilens de l'ordrn
coiniru' suit : Seiunenrie Notre-i lame des AtiHcs, l'iiarh ^l>onr^' ; seitineurie «le St-lia-
hriel (Ml les deux l,(Mcîtes. seiuneurie de Sillery, juvs (,iU(liee, seiLrneurie de Héli'iir,
seiuMieurie du Cl]! de la MaL'd' leine, seitfneurie (l(> Haliscan, Isle St-C'hristovhe, Hei(,'neil-
rie de la l'rairie de la Maudeleine, vis-a-vi^* Montréal. Nie a un Heaiix, Kief de l'achimiy,
en la cite des 'l'rois-Ki vi('r(S, Kief de la Vnelierie de .st-Uoi 11 de (^iK'liec, une tonne pji''«
de St-Nicolas — un lot d.ins la Haute-Ville, de t^u^diee, deux autres lot.s eu cette ville,
le Chaiiip de Mars à Montréal, situ do l'Hôtel de Ville et du l'ulaia de Juatioe, à Moût,
réal.
ESQU1SSI-:S
247
et puissant seigneur que de lui Hiire voter, par son parle-
ment, à Westminster, à lui et à ses ayans-cause, une forte
pension viagère, en vertu du statut impérial 43, George
III, chap. 159.
Je serais porte à croire, sans toutefois pouvoir l'affirmer
positivement, que llolland I'\'irm, vers Ijf'-S, faisait p irtie
du fertile domaine (qui comprenait S.i/is h'uit) [losséd:' \)\.^
le général Murray, à Ste-Foye.
l-^n 1775, le général de brigade, R:ch.u\l Montgomciy
en prenant po:vsession avec son cori)^ e.\pédit!<')nnaire, des
hauteurs de Stc-Foyc, établissait en nox'embre son quarnir-
général à la maison du majoi Ilollanil : Jared S[)arks,
l'historien de Washington, nous a conservé plusieurs lettres
de Montgomery, écrites de llolland I'"nrm.
Revenons à notre s}'ndic des Marchand^, Jean Taché
Sur son compte nous en saurons sans d.iute plus long
quani-l notre romancier Alarmette aura écrit la biographie
de son digne aïeul : les ihémoires du temps nous le font
voir partant pour Ver^>aiile>^, quelques années avant- la
grande catastrophe de 1759, porteur des placets et suppli-
que de nos pères, cxpo'^ant leurs no:nbreux; griefs, denwn-
dant des réformes dans l'administration, de l'aide pour I a
colonie aux abois. C'est aussi vers ce teiiqjs que le chemin
Ste-Fo\e, au dire de ilawkins, deven lit la [jromena'le 1 la
mode pour le beau monde : " The f uorite drive of t!ic
Canadian lielle, bcforc tlîe conquest."
S'agirait-il de la belle Madame De Lér\- qui lors d: sa
présentation, avec son époux, au roi Geurge II, en irrJ.
provoqua le tutteur complim^mt du galant monarque.
'' Ff suih arc ail iny Jh':j Canadian su!>j,its, [ havc ini/<\(l
niadi a conquest. "
Le malencontreux général Montgomery a dû y prendre
son dernier repas, le soir du 30 déceudjrc 1775, s'étant mis
on marche longtemps avant l'aube, le ;: de ce mois, pour
trouver un trépas prématuré, à Près-de-\'ille.
En 1780, cette métairie devenait la propriété du majcr
'm
m {
248
IIOI.I.AXD FARM
Saimicl Holland, un des braves lieutenants du général
anglais, à la bataille des Plaines d'Abraham ; au dire du
colonel Joseph Bouchette (i) son parent, il se trouvait près
de W'olfe; lorsqu'il expira, — il eu hérita d'une paire de
pistolets, qui plus tard jouèrent un fort triste rôle pour
le major, comnio on le verra.
Samuel ITolIand, savant officier du génie, avait aussi
fait des études spéciales comme arpenteur.
Ce furent ses aptitudes comme tel, et son mérite per-
sonnel, qui lui valurent du gouvernemeut anglais, la charge
grassement rétribuée, d'arpenteur général pour toute
l'Aîiiériquc jîritannique du nord et de membre tlu conseil
exécutif.
I! fut cîiargé de plusieurs missions ofncielles, pcnu"
détLrmiiier ]-., limite-; du domaine public, entre autres
endroit'^, à l'Ile du l'rince Iviouard.
Il no'is est permi-. de cioire que l'im des premiers ar[)en-
tages i.\v. brave militaire s'opérait sur sa terre, à Ste-h'o\"e,
à en juger par le pi'ocès-verbal. inséré dans les titres de
cette propriété où l'étendue du terraiii est constatée jus-
qu'au (jiiatrt'hitU'ùiius (Vitu pouic : la métairie à cette époque
e..L désignée comme a}'ant "en superficie, mesure fraiiçaise
deux cents ^-ix arjjents, une perche, sept pieds, huit poncées
et quatre-huitièmes d'un pouce :" ii ne badinait pas sur les
questions de limites, comnie l'on voit.
Le Major 1 loll.Mid expira en 1801, lais.-.arit |;luM"eurs
enfants, issus de son mariage avec Marie Josephte Rolette :
Frcdericlc lîrahni. John h'rcderick, Charlotte, Susanne et
George lloUand, leur léguant par un testament devant
Ch-,. Voyer, N. T., entre autres propriétés, le site du jardin
du fort St-Louis, avoisinant 'a nouvelle Terrasse Dufferin.
Il s'était préparé au milieu de son domaine un petit
cimetière privé où devnit reposer ses cendres et celles des
membres de sa fam^ t. L'enclos entouré d'un mur
.solide, était ombragé d'un pin majestueux, lequel, à raison
(1) lioiu'liettc'8 BrUt^h /> uiuniuiis iit BiHish y.'Pth A)ii<:ri'i\ vol. I p. 23'J.
ESQUISSES
249
du rôle qu'on lui prêtait dans un duel mémorable, est
devenu légendaire (i^. Dans cette rencontre, le fils chéri
du Major Holland avait été niorteliement blessé ; le duel,
disait-on, avait eu lieu sous le ' l'in de Holland" lui-mcMnc.
Un contemporain de ce triste crame a eu l'obligeance
de me communiquer le" note suivante : "En 1799 je me
trouvais à Montréal : la ville entière retentissait il'un inci-
dent bien lugubre pour la famille îlollancl, de Québec, où se
mêlaient l'amour, la jalousie, la vengeance. i\u siècle der-
nier, deux hommes se défiaient en un combat h mort, non
sous le y/// (fc I lollaud, à Québec, comme on l'a dit, mais
à Winduiill Point, à la l\)inte St-Charles, à Montréal.
L'un, c'était l'enseigne Samuel Holland, du 60 Régt, l'autre
le Capt ShœJde, dont le régiment était stationné à
Montréal: c'était un combat à mort; l'un dii^; d(;ux
devait succomber, l'injure était une de celles que l'on ne
pardonne pas. Le vieux major Holland, paraît-il, reçu
une lettre de son fils, expliquait l'affaire, alléguant (|u'il
n'était pas coupable de ce dont t'U l'accusait: pmur toute
réponse, le jière lui expédia par un courrier ses i)isto!et.s —
ceux mentionnés plus haut, ajoutant le billet suivant :
" Samuel, mon fils, ces pistolet:- me furent donnés [)ar
mon ami, le général Wolfe, le jour de sa mort : sers-toi en
pour tenir sans tache le vieux nom de notre famille
La cause du duel, la voici : le capitaine Shœdtle a\ait
conçu des soupçons injurieux sur le compte tle son
épouse, — le nom du jeune Holland s'\- trouvait mêlé à
tort.
iV la preuiière décharge, le jeune Holland s'affaissa; il
eut assez de force pour se dres>er >ur un genou, tira sur
son adversaire; Shœdde r-^çut la balle dans son avant-
bras qui recouvrait sa poitrine.
Le jeune Holland fut porté au Mcrcliaitfs CofftC Ifousc,
sur la petite ruelle, près du fleuve, à Montréal, connue
comme rue Capital, où il expira dans d'atroces souffrances.
(U ItiisL' par uiio t('miu"'to on If*"!.
w
V l
250
IIOI.L.^XD lAKM
L'enseigne Holland servait dans un régiment com-
mandé par le major Patrick I^Iurray, parent de l'ancien
gouverneur de Québec.
Je devins fort intime avec lui vers l'année 1809; il ven-
dit plus tard sa commission et acheta la seigneurie d'Ar-
gonteuil. On exonérait Ilolland, mais on blâmait Shœdde
pour les soupçons i;on fondés qu'il avait conçus." (i )
Un autre incident moins tra^^nque se rattache à Holland
Farm ; il menaça lui aussi de se terminer par un duel,
mais il se développa en un n;ariaj,'e en haut lieu : Lord
Dorchester, !<• général Doylc, le i>rocureur-général Jona-
than Sewcll, le médecin de la garnison, le Dr Longmore,
un dv^ Ilolland, et un mon.-ieur ou demoiselle Nf^villc, y
eurent tous leur mot à dire. Voir J^icinnsquc Qncbcc,
pour [)lfts amples détails : tout Québec retentit de ce
scandale.
Ilolland Farm, en iSi/, passait à M. William Wilson,
employé des Douanes Impériales, à Québec, et plaideur
renforcé, sans être Xormantl : ce beau tlomaine, en i843,
faisait les délices f\\\x\ nouveau maître, le procureur de
M. \Vil>;o!i, feu Gev)rL;e Olcill Stuarr, jilus tard ju,;e de la
Cour de Vice-Amirauté. M. Stuart vendit cette n'siilence
à M. Robert Casseh, alors géraîit de la banque dtî l'Amé-
rique du Non.!, à Québec.
Ilolland l-'arm .'qqiariient ir.aintdKint à l'honorable
James George Ross, sénateur.
il) .'Miiii vii'il :u[ii, W. H. ni'iiili'i>iiii, ilciut ,)>' 'ii'n« ci> viiisi'ijn' iiniil l'xiiiiait .'t JCoiui-
aoii, loiiili! il ' j\l<'u;i'iti(, iii ;ivril ll-.-.'i, à l'.i(.'f ù ■ li'ii ;ins l't 41 joiiiv. •
W fut \\\\ (1rs )iiimipinix iiuul.tti nrx, on lcl7, ili' T-l v.si(C((ii<f ijo fjili'^cc i-M\tyc Ic/cit-
fl siiiLlaiii'-trisoiiiT il'ivi'llo luiiilaiit plus li'iia ijuart lU- bii^uli".
BELLEYUS, Chemin Sts-Foye
A deux milles de la Hxsiliquo, sur le chemin Stc-lMiyc,
s'élève la résidence connu j sous ce nom, construite on i S4--
4S par feu Julien Chouina'd, marchand respu'ctéqui lit p.-n-
ilant trente-cinq .111 ^ tic _^n'anJes affaires h Québ jc. l^Ueest
bâtie sur un emplacement voisin de 1 1 propriété de-; héritiers
Toiirancjcau, à une centaiiie de [)ieds des fondation-; d i
moulin Dumont, immortalisé parla bataille de 1760, et dont
le site est marqué par le superbe monument érigé par la
Société St-Jcan-15aptiste de Québec. C'est dans le petit
ravin, arrosé par un ruisseau qui sépare ces deux proprié-
tés que furent trouvés les ossemonts des braves tombés
autour du moulin Dumont dans cette mémorable journée.
Le Docteur Robitaillo a raconté dan*? l'histoire de la Fi'fc
XationiîU (hs CaïuKUciis-Fnvifais, cilcbrcc à Quibcc h 24
juin 18S0, (i) la découverte de ces restes précieux.
Var une belle ai)rès-midi du mois de septembre 1S53
dit-i!, je diriç^eais mes pas vers le chemin Ste-h\)ye, en
compai^nie de l'historien Garncauettle M. L. G. llaillargé,
avocat, jusqu'à l'endroit 011 étaient les fondation-; du mou-
lin Dumont Assis sur les ruines du moulin Dumont où
la lutte avait été la plus acharnée et la plus meurtrière,ayant,
à notre droite la chaussée de Ste-Foyc, (pie les troupes
avaient traversée pou*' se mettre en liinie sur le cli.imp de
bataille, devant nous les p'aines d'iVbraham sur lesquelles
pour la dernière fois la valeur de l'armée française et de
la milice canadienne commandées par le cjénéral de I.évis,
notre historien national, animé par un noble enthousiasme
au souvenir de ce crlorieux fut d'armes, non-; fit un récit
II) M. Climiinnvilest PaïiMilili-.M. H..I. .f. It. Cliniiin.u-a, :iiit.Mii-ili-l;i"f\/,> \,'li ,n /^•,"
qui a rcmiili avi-o liomi 'ur iii-iiil:mt ■|ii:itri' .m-' Iii cli^iri,'!' ili! l'i-i-î'iil.'nt il.> l'iintitiit (';iii.i-
ilii'ii (11- (j'uili.T, l't a jiiililir pliisii'iir-! <'imlV-r>-tii'i!s it ilisrniirs ciiiisi^iir'.'i liiis Ir'.-i luJiiMi-
rea (11- l'ln>titiit et ciitr'aiitri-s iiu.' i-luili' -ur M. (!■• >[:iisomir'iivi'.
^r. Clioiiiiiiii-il. l'chi'viii u iniiirtiiT St-T.ouia au Coiisi'il ili' Villi- <r')iiiia cimi au-', vii-ut
JVtrt' i'iu l'i-ésiilent trùin-ral île la Société St Ji-iiu-Huiitisto do (^uétu'c.
252
r.ELLKVUE
plein de feu de li lutte suprême de nos ancêtres pour con-
server à laJFrancc un sol arrosé du sanfj de ses enfants.
Il y avait quatre-vint^t-quator/.e ans que ces braves repo-
saient du sommeil de la mort dans un i)arfait oubli, sur
le sol même que K.-ur vaillance avait illustre. Dans le fonds
du ravin nous trouvâmes quelques débris (pii évidemment
étaient des restes d'ossements humains. Il était impossible
de se méprendre sur la natuie de ces fragments d'os que
nous tenions dans nos mains."
M. Chouinard rpcueillit pieusement à Bellevue ces pré-
cieuses dépouilles trouvées presque toutes sur sa piojjriété,
et quand la Société St-Jean lîaiiiiste tle Québec eu^. décidé
de leur donner une sépulture solennelle, il offrit «rénéreu-
sement tout le terrain nécessaire à prendre chez lui pour
les confier de nouveau à la terre et même pour leur ériger
un monument. Deux fois il ouvrit sa maison et ses jardins
à la foule immense qui se i)ressait pour assister aux fêtes
du 5 juin 1854, pour la trans'ation des restes mortels des
l'raves de 1760, etle iS juillet 1855, jour de la pose de
la première pi :rre du monument des braves, à Ste-h'oye.
Le 5 juin 18-34 1^ cercueil contenant les ossements des
braves fut déposé en terre dans un coin du terrain de M.
Chouinard, bén' iiar l'ICglise. L'année suivante il fut
exhumé de nouveau et dispose dans la voûte pratiqué dans
la base du monument actuel. La société St-Jean-Baptiste
ne crut pas devoir accepter l'offre d'un terrain faite par
M. Chouinard. IClle craignait que l'érection de ce monu-
ment considérable ne masquât la belle résidence de Belle-
vue. ]\Iais elle exprima hautement sa reconnaissance pour
cette offre libérale et i)Our l'hospitalité généreuse qui lui
avait été accordée. Bellevue, après la mort de M. Choui-
nard, a été successivement loué à Madame Douglas, à feu
M. G. Mountai 1 et au juge Beaudry, l'un des codificateurs.
Elle a été vendue en 1866 à M. J. W. Dunscomb, per-
cepteur des douanes, maintenant en retraite.
irs.
Icr-
KkUWOOD, Chemin SU-Foye
'H')\v
rt it is wlii'ii iii.itlii'i' l'amy rock:,
ni lirniii, to -'auMt'T tlinnuli ;i wiio.I,
TIn' wiiyw.'i
Ail (ild pl.icr. t'iill lit' luiiiiy 11 lovi ly li
kI.
r ill lii is, Ki><'" uiiiouiH, ami Kiiiimil liourri in tloiks.
An.t wilil rosi> tipiDi', iipon Imwtliorii atocUs !
{iVordsxryrtli I
Vous qui r.uTole/. di: contrastes, en tcnit, venez, par une
radicr.st,' matinée de jnillet, hunier dans cette léj^non pas-
torale de Ste-Foye, les parfums des mignons [)arterrcs du
Cr(esus Québécois — M. Robert Ilaniilton.
Allons visiter la riante villa, lorsque le JariHincf l'cas-
sais aura donné les dernières touches à son éblouis-
sante toilette. Puis, transportons-nous en esprit, dans le
passé au inênie site, par une rr()ide et orageuse journée
d'hiver, à l'époque d'alarmes, de, privations, de souffrances,
dont le capitaine Knox nous a laissé une peinture si sai-
sissante, dans sa relation du siège de 1759; ( i) l'intrépide
compagnon de Wolfe nous décrira une de ces mornes
scènes d'hiver dont il fut le témoin, en ces lieux, au siècle
dernier : l'aquilon fouettant de son haleine glacée, les
troncs dénudés des chênes — restes de la forêt primitive ou
saisissant à la chevelure les vieux pins — croissance plus
moderne — qui garnissent la voie jjublique : puis au sein
de la raffale, âc^ escouades de troupiers anglais, attelés
comme des bêtes de somme aux traîneaux à bois, huit par
huit, haletant, maugréant, épuisés, voitur.int leurs fardeaux
insolites — ie bois de chauffage, à travers les neiges, vers la
cité lointair.e, aux bivoaacs de la garnison, pour réchauffer
leurs camarades malades, affamés, aux abois, privés quel-
quefois du nécessaire même : voilà telle que laguerrenous
(1) "dur trarrison, uow uii(lcr„'(H's iiKicililili' ('at;','u", iiot oiily v.itliiii Imt witlioiit
tln' \vall3, boiiiK oliliKi'il to liiail and slcinh lioiiu- tirrwooil fiom tlic l'nri'st of Sto-Foyi-
whii'h is ncar fiJur niilrx (listant, aiul tliioii(,'li siiDW uf a iiuri)!iK«in!,' diptli : ciHlit nlrn
are allowcd tn oacli 8lt'ii<li, wlio are yoki'd to it in t't)\ii)lcs liy a tut of ri'Kiilar lianions,
hi-siilrs onc nian who Kuidi's it lichind witli a loiiK stout polo, to ki'op it cjonrof ruts and
uthor ol)Stni(tion8. Wc aro told tlint Monsionr de Jii'vis ia niakinK uroat proparritiou»
Cor t ho loiitr nu'ditntod nssault on thi» idneu — Quclipc — with wliich w« nro nionaci'd.
l'IiristmaH is Haid to 1)0 tlio tinip fixcd for tliis entreprise, and Monsieur saya ; "if ho
succced lio shnll lie promotod'to bu Maréchal île France, and if ho fail, ('nnnda wili ho
lost, for lie vrill give it up."'— A'iiox's Journal of Siège of (Québec, Vol. IJ, P. 224.
'•'1
i ' ' ■' *
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Ifi!: ■
254
IIAMWOOD
la peint, cette historique route de Ste-Foye, le 7 décembre
1759.
Mais le souflle déictère cic Hellone a passé. Il ne leste
de traces, de souvenirs d'une ère néfaste, à part quclciues
boulets ron_t;és de rouille — quelques tronçons de baj'on-
nettcs, de vieux sabres, que la statue majestueuse de la
martiale déesse — de Helîone — que nous présentait en 1863.
le l'rincc Louis-Napoléon. Une douce paix, une atmos-
phère rassurante rèi^nc aux alentours : au lieu de scène de
carnage, a\i lieu d'attirail de ^Ljuerre, on voit de vastes
prairies, des moissons jaunissantes, une culture [jcrfcc-
tionnéc, da^ saules, des cyprès, des acacias mariant leur
ombrat;e aux allées du jardin dont l'éclat, la fraîcheur, les
arômes rappellent celui d'Alcinoiis.
Nul part ailleurs sinon aux Tuileries et en Ecosse, ai-je
vu des résultats plus heureux de ce stj'le nouveau, exquis
des jardins anj^lais, nommé carpct ganhning, et qui con-
siste à figurer des arabesques, de f;racicuscs tapisseries, —
tout un pa)'saq;c — au moyen de contrastes produits par
des plantes et des fleurs de couleurs vives, groupées, isolées
ou combinées par une main savante : art merveilleux d s
Le Notre modernes, mais fantaisies que l'homme riche peut
seul se permettre.
Le cottage orné de AL Ilamilton s'élève ;iu centre de
ce site féerique ; il doit son origine au prédécesseur du
propriétaire actuel, à M. J. Leaycraft qui le construisit
vers 1S50 : le nom de la villa, Hamwood, est celui d\\
manoir des llanilton, 0.1 c ^mtcdc Meath, Llande : nvi sou-
venir des vieux pa\'s.
ALTAMONT. (WKSTFIELD) Ste-Foye
riii' liiiwtlinrn liii"li, wit'i si'ats IhiumIIi llic Hlmil"
l'iir l.ilkiiiu iiji' aiiil v, liisiMriiitr lnv 'i-i iirnli'.
Que j'aimerais à vous ilcpciiulre tout le [:ittorcs(]uc
décors de notre vieux Québec, ses anciens manoirs au fond
de verts bocages — ses j.;ais castels modernes étalés au
grand jour sur les hauteurs — -les riches métairies dans K's
plaines !
Qu'il me serait agréable de vous décrire, tie sai^ir au
passade, les mille et un souvenirs du passé — qui voltigent
autour de ces doux nids — séjour de la santé — de la j) lix
domestique, perdus dans les bois du Cap-l\.ouge — de Ste-
l^'oj'c — sur la côte de lîcauportet de Çharlesbourg !
Il en est tout un groupe au I\Iont{)laisant.
Voyez LONd DliSlR — la charmante demeure du juge
Casault ; "Caveof thc W'ind" — bien iKiinmée — la résidence
aérée de l'évêque anglican, Williams, assise au haut de la
colline qui surplombe Saint-Sauveur ; sa voisine i;Dt;F.ii!i,i,,
radieuse villa du juge en chef Stuart ; puis vient le solide
manoir du sénateur i'^ugène Chinic.
A Sillcry, l'on voit le joli cottage sur la berge de l'his-
torique ruisseau Saint-Denis, auquel le propriétaire, AI.
[sraël J. Tarte, a donné le nom de Cottage St-Deuis, et
combien d'autres ; mais je m'arrête, réiiuinéra'ion er, serait
presque aussi longue que celle des vais'^eau.v d'IIomer.
Voici néanmoins une demeure doiit le caractère exige
une mentioa plus spéciale. \Vi:s['iii;L[) hit fo:uléj aux
premières années du siècle, par un émiiient citadin, feu
I\I. Charles Grey Stewart, Comi^troieur des Douanes Impé'
riales, à Québec. Les possesseurs actuels, l'hon. David
Alexandre Ross et son épouse, grantls amateurs de fleurs,
ont cru devoir lui donner les honneurs d'un nouveau bap-
tême : ils l'appellent aL'I'AMONT, parcequ'ellc se trouve au
haut de la montagne au pied de laquelle vient expirer le
m
356
AI/lAMdNT
I
l! i
Hois Hijoii, jadis, croyons-nous, vinc des tlcpcndances de-
là villa, où les chasseurs allaient au comnienecnient ilu
siècle tirer la bécasse rou^e sur les hauteurs et la bécassine
dans la plaine humide, au bas.
Altaniont meublé avec un goût exquis, est sis au haut
du i)lateau cjui descend en talus vers la cime du cap : des
sources naturelles — de beaux f^rands arbres, des haies gra-
cieuses donnent fertilité, fraîcheur, onibrnge au jardin. Le
site fait [)artie tlu chaini) de bataille, où Lévis et Murray
se rencontraient en batnille rangée, le 28 avril 1760.
L/objet le plus frappant dans le jardin, en aval de la
rt'sidence, est une aubépine gigantesque — dironj-nou:;
centeïiaire, dont la ramée pendante se prolonge au loin,
r-'xistait elle en cet endroit à la sanglante journée de Stc-
Foye ? et, s'il lui eut été donné comme aux chênes de
Dodone, la faculté d'articuler, de se plaindre, n'aurait-elle
pas à gémir des atrocités que les friscnrs de Lévis, les
Indiens, ce même 28 avril 1760, ont commises peut-être
sous son ombrage ?
Nous l'avons décrite en détail dan-i les Esquisses que
nous publiions, en 1865 — sous le nom de Maplv Lcavcs.
Cette aubépine était alors la gloire et l'orgueil de Westfield,
au temps de l'ancien propriétaire, feu John Thomson.
M. et Madame Ross, lui assurent une protection — un
soin tout spécial.
EANNOCKBURN, Chemin Ste Foye
Cher antiquaire.
Loin de moi la prctrntioM de vous rendre parfaitement
claire l'oritrine du nom de toutes nos villas.
Dans bien des cas, plusieurs des propriétaires orij^inaux
ont depuis lon^tem[)s rejoint la " jurande majt)rité " au
pays des ombres.
Pour d'autres qui de leur vivant firent florès ici- bas, u
peine a-t-il survécu iioiniiiis iimbra.
Les incidents d'où certaines villas empruntèrent leur
nom'ont perdu leur actualité et sont à peine reconnaissa-
bles sous la, mousse et le lierre des années entassées.
Ainsi, il ne reste à Québec que peu de contemporains
d'un excellent et lettré officier supérieur des Douanes
Impériales, en 1850, M, John Bruce, qui, pour perpétuer
le souvenir de son illustre ancêtre, Robert Bruce, le vain-
queur des Anglais, à la sanglante bataille de Bauuockburn^
près Stirling, le 24 juin, 13 15, nommait son cottage orni?,
sur le chemin Ste Foye, près du monument des braves de
1760: lîANNOCKliURX.
17
■■?'■!
RINGFIELD, {Ferme des Ailles) CnAki.Esnouiu;
:<-;
't
4
Voiià lin site clKiinpètiv sur l;i rive nord di; !a rivière
vSaiiit Chnrlcs, le C a ///;r- Ce;/ Inif du ùcvc Siv^avd — la ri\-ière
Saintc-C'rnix li-i capitaine Malouin, bien riche en sou\-e-
nirs — si riciie e:i un mot, que l'intcrêt qu'il éveille doit
primer celui de tous les autres sites autor.r de Oué'>ec —
disons mieux, du Canada entier.
Ailleurs, j'exprimai l'ide'e que l'on imurrait en quel-
que sorte, le considérer comme le berce lu et la tombe de
la domination française au C;\r,ada.
Voyons :
ici hiverna, en i535-3;''>, l'immortel découvreur de Motre
pa\'s, Jacques-Cartier, La croix et rinscri[>tion qu'il éri-
geait ;"• la l'ointe-aux- Lièvres, \-is-à-vis Rii;gficld, le 3 mai
1 53Ô, é.'aprcs Ic-i instructions de son souverain h'rançois
1er: " J-'!\y/::\'sr/,'s J^riiuns /Vt rm/iii Fnv.wTn;-: R.x
rcgiiat, " rappellent ces tciiips recules, aussi bien tjue la
coque de la /\'//û' lliniiinc, exhumée do la berge du ruis-
seau Lairct ^voisinant, par feu ^\L Jos. Hamel, ingénieur
de la cité, en 1843 ; abondante curée pour nos a-ttiquaires
que tout cela.
Ici même, vers midi, le 13 .'.eptenibre 1759, au (juirlier-
géncral de Vaudreui , s'o["ièra le ralliement su;M"êm;' dj-
troupes de l'^'ance, dispcr.-.écs après la journée de-;
plaines d'Abraham ; ici, vc;-. neuf heures du soir, eiTirée-,
épuisée.-, les cohorti's du '■ ]v(v' Ucs l''r:inc-~," se disiiciit
un dernier adieu sur le point de s'élancer au p.is de
cour.-e t)ar les routes fangeuses de Charles!) nng, L'>.-ette.
etc.. vers le fort Jacques-Cartier: ici, se [iroclamait ce
soir-là, la grar.de, l'étonnante nouvelle que le drame wirié,
jadis si brillant, alors .li tragique de La d-iminatioti f'a:i-
çaise en Amérique, venait de se clore.
ESQUISSES
259
Voyons ce que l'histoire raconte relativetneiit au lieu
de riiivernaj^e de Jacques-Cartier.
A la page 48, de la rcLitioii du second voyage de Jacques-
Cartier, republice par ia S<vicfc' Littirnii'i et Iiistori(pic île
Québec, en iS43,onlit ; "Lv lundi, onzième jour d'octobre,
nous arrivâmes au Ilable de Sainte Croix, où e.-taient nos
navires, et trouvasnies cpie le.-> mai.-trr-i et mariniers qui
estaient demeurés avaient Tiit un tort devant les dits
navires, tout clos dec;ros>(j^ pièces de bois plantées debout,
joii^nant les unes au\ ••.•itrc-s, et tout à l'entoar !.;arni
d'artillerie, en ordre poui- .-.e défen Ire contre tout le pays."
A la pat^e 52, on lit encore : " Le capitaine fit renforcer
le fort tout à l'entour de l^tos fossés, lar<;es et profonds
avec portes à pont le\'is et renforts de ranL;'s ou pans de
bois au contraire des premiers, et fut ordonné pour le _c;"uet
de la nuit cinquante hommes à (juatre quirts, et à
chacun changement tles dits quarts les trompettes son-
nantes, ce qui fut lait se'on la dite ortioiinance "
Cne note au pied de la relation, ajoute : " ( )n pense que
ce fort a dû être bâti à l'endroit où la petite ri\'ièie Lairet
se decharf;c dans la rivière Saint-Cliarle-^.
//(i :,'■:,','.'''■■ ]''i.:!!tr: vf One--::
oij: i"
licé 0 1 183 ; awiit
dit :
" L'endroit exact dans ';i rivière Saint Charles où Jac-
ques-Cartier avait ancré -^ la wii^s-m, -emble, d'après
bonne autorité, avoir été au sitt' du ./V.v.r potit, ''un jk-u
plus haut que le pont Dorchc>ter actuel y où à marée basse
il y a un gué, près de l'Hôpital de Marine. Il est évident
cjue ce dut être sur la ri\'e est, dans le voisinage de la
résidence actuelle ( 1S34) de Clis. Smith, écuier. puisqu'il
est fait mention que les sauvages avaient fréque.nment à
tra\'erser li rivière quand ils .allaient à Stalacoiiè, f lire
\'isitc à leurs ami^, le> ]'"ra!iç u-".
Le savant al)bé Faiili>n discute .lu long les textes de
Charlevoix et du père Lec'.erc et adopte l'idée que Jac-
TTTTTT
).;■
* i:
_, i
iS^
î6o
RIXGFIEI.D
ques-Cartier hiverna, en i53"")-36, à la rivière Saint-Charles
et non à la rivière Jacques-Cartier, [i]
Voir aussi le texte de Clianiplaiii, commenté par l'abbé
Laverdièro.
Un de nos antiquaires, feu Aniab'.e Berthelot, discutant
le rapport de la découverte de l.i coque de la Petite Her-
mine, à 11 Ferme des .Vn^jes, dressé en 1S43 par M. Jos.
Hamel, ingénieur de 1 1 cité, dit p. 3 : "Il ne me fut pas
difficile en suivant attentivement le texte du second
voyaçje de Jacques-Cartier, tel (jue nous le donne I^escar-
bot, de prouver jusqu'à l'évidence que ce navigateur
Malouin avait réellement passé l'hiver à la rivière St-
Charles, et non à celle qui porte aujourd'hui le nom de
Jacques-Cartier ; et je crois que depuis ma dissertation, il
n'est resté en ce pays aucun doute à ce sujet. '
Ainsi, malgré les assertions confuses de Charlevoix, il
est à peu près certain que, pendant l'automne de 1535, le
grand chef Donnacona, le roi de la bourgade voisine de
Stadaconè, à bien des fois traversé le Saint-Charles pour
venir en ces environs fumer le calumet de la paix avec
les envoyés du "Roi des Francs," François 1er.
La découverte, le vingt-cinq aoiît 1843, des restes de la
Petite Ilcrtiiiiic, sur la rive du ruisseau Lairet, qui se
réunit à la rivière St-Charles, à la Fcnnc des A)igcs, cau-
sa un grand émoi parmi les antiquaires de la vieille capi-
tale : la presse entière, anglaise et française, prit part au
débat. L'hon. John Neilson, dans la Gazette de Québec,
\V. Kemble. dans le Mercury, le Cauadicn, sous l'habile
direction de M. Ronald Macdonald, se passionnèrent pour
l'étrange découverte de M. Hamel, laquelle ramenait à la
surface les débris encore sains, bien que noirs comme
l'ébène, de la vaillante petite barque de 60 tonneaux
commandée par le grand capitaine Malouin, enfouie dr ns
la rive vaseuse du ruisseau, pendant 307 ans.
[1] Hiitoire de U OolonU FraaçAiM aa Caoad», p. 4M.
ESQUISSES
261
A l'invitation de M. Hamel, la Société Littéraire et His-
torique de Québec, présidée alors par Thon. William Shep-
pard, avec un antiquaire énicrite pour vice-président,
Georges Barthélemi Faribault, se plaça à la tête du mou-
vement ; tous les .mciens textes furent examinés de nou-
veau, scrutés, commentés ; on faisait des pèlerinages aux
rives du classique ruisseau ; des Ilots d'encre coulèrent
dans la presse quotidienne ; de savantes brochures furent
écrites. J'ai recueilli un grand nombre de ces écrits, dans
l'appendice de rictiiresq/ie Québec; je vous y réfère.
Tels sont les souvenirs cjui se rattachent au site, au
temps de Jacques-Cartier.
Enjambons maintenant un espace de deux cent vingt-
trois ans. On est au 13 septembre 1759, et ^'*-'''"^ midi:
quelques décharges de inousqueterie leteiitissent au loin ;
de vagues clameurs da:)-; les fiubiiurgs : des lamentations
dans la ville.
La côte à Coton, la côte tl'Abrah un, quelques solitai-
res sentiers près des hauteurs de .Stc l'"o}'c, sont encombrés
de fuyaids épouvantés ; le régiment de \Vebb, les cla\--
mores de Fraser, les grenadiers de Carleton fauchent drù
parmi les guerriers sans chefs aux unifi)rmcs blancs :
Burton leur intercepte la vole, malgré nos braves rr.incs-
tirturs canadiens cachée, tlcrrière les maisons ou [)crdus
dans les biou^>sailles, vers le coteau Sainte- Geneviève.
Deleiida est L'art /ni^i^v : l'itt l'avait juré en Angleterre:
Delciid.i est Carthiv^.' répétèrent en chœur, W'olfe,
Amherst, l'rideaux, Stan\vi.\, en Amérique ; et le troupier
d'Albion en avalant sa ruquille de viiille Jamaïque répé-
tait chaque soir, comme le dit le capitaine Knox, ce cri
sous une autre forme Ih'itis't cj/ows liu cr.-jy I-'i\ v 7 /"'/V,
fiort ami garrisoii in Aiiicrica !
Oui, c'est '.jien çi: le /'.■ l'idis de Hreiinu-;, /h//a,
liorrida bella !
Braves si^ldats du Rv/il i\. )ussill,):i, tlj 15.Mni, dj Liii-
guedoc, de GuienuL", et v >.is w)^ amis, intrépides coinpa-
262
RINGI-IELD
gnons cîe Moatcalm, à Carillon, miliciens de la Nouvelle
France, pliez, pliez le \'ieux drapeau que vous aimez,
tant. J\v 1 Ictis !
'I-'iiii Huit li^iiini r. f'iii-1 it ^jiHy —
Oiif tiii tlioiiHauds liiiiliil it (.'hiilly.
Ami 11 11 tiiiiMfMiiils \vilil!.\. ir};iill.v,
Swur.' it «IiiikM riiirvcr wavi' ;
•^uoif tliiit t'iii'iiiMirs «wc.nl iiiiihl luvor
lli'iiit» !iki' tlirir-' iiiiw iinil ilisscviT,
'l'ill tllat tl:ii; s)iniiM tli.,it fnrcviT
(fer tlii'ir Inidipin nr tiM'ir Knivo.
riirl il : for llic lifÉii- tli:i' iidor.' it,
I.iivi' tlic (dit (l.:i(l h:iiii!-i tli.it l.or.' it,
\Vi i';i t'iir tli.i^i- that l'.ll inrurr it.
r.ii-liii tlids.' whii trailiil aiiil t.iii' it,
.\'Hi i.li ' wildl.v tlny il.i'lcri' it,
.\..\v x<> tiirl iiiiil fdUl it to.
■•Kiiit lliat l.riiiiri- : tiMi'. "lii L'iiry.
Vi't 'ti-i vM'i'alJK'il aroiiiMl \\ llli L'iur.v.
.\liil «111 livi: in -nui.' ami .-«tiiiy —
Tliimuli it'i r.iliU ,ir>- in tlu- iliist :
l'iir it- l'ami' on luiiililir iiau'i s,
l'ciiliiil liy ]i(i(ts ami liy sau'is,
Sliall L'o ^■lllmllll!.' (liiwii thi- aiff" —
Fiirl it!< i'ohls tliouuli nnw wo inust.
•■|"iiîl Ihat Iianiior. soflly, slowly,
TiViit il vrciitl.v — it i!> Iml.v —
l'dP it ilroiipf aliiiVf 11'.' diail,
T'inili it mit, iinrull it m\4 i.
!.• I it ilrd.i|i tli'Tr-, rii>-l. 1 '11-. \. r.
l-'iir il" |M iipli''.'< 1j..|h'!' an ilr.i,!."'
Ln nuit venue, la retraite se fit au.-;.-.i rapidement que
rcpuL-cmcnt des soldats le permettait. L'artillerie, les
munition-, une partie des bagages furent lai.^sccs à leur sort,
lîougain ville rejoi,:;iiit les siens, près du Cap -Rouge au
peint du jour. "Le .-oir même du 14, au rapport do l'aide
de Camji de Lc\is, !e chevalier johnstone, les fi'\-ards
arri\èTe:it à la l'ointe -.lUX-Tremblcs où ils couchèrent : le
lendemain, IL campaient sur les rives du Jacques-Cartier.
Les Anglais, voyant les tentes françaises dressées comme
à l'oidinaire, à IV'aujiort. étaient loin de soupçonner la
fuite de leur ennemi, lîelcou'', un des oft^^ciers de la cava-
lerie de Laroche lîeaucourt, étant revenu deux jours plus
tartl au camp, trouva tout comme on l'avait laisse, (i)
ili l/oinvaui- à innii". «il MinM'iit Mil iiîiDiiin'' (1.111* Il s vla'ini'.s d-.i sii'ui-, i^tait iiiu'
li"d(.ntli . (III iitr nicliiiiiciit, 'riu;i'' cri ITi'. tii aval du iiuiit di' liatcaiix sut' !■• M-Cliailcs
r.K |(irti'iii i|iii fai-.iil faii' un .--'-( 'Iiarl' •* .lait |i.trlii- iii Imis dit'i>iii!iii> jiar dis |iiiiix ou
):îili!'siidc)<, et Cl lie i|i\i lainait lace à llci'iiiiiirt itait en terre f'ctti' ridiiutc i>u l'inr,
i\'.\r)iit!i, de la t'urine d'ini iieiitauni.. . i di reeinivril !t peu |>ri's ilcnx ikick. Ce (|ni eu
vi'1.1' — lin iliaiii|i circulaire ii l'uv/ii -^h dni'i ".i villa d ■ M. l'arke a pris snii nom, enioiiiv
d'un lo-'^e i|iie la cliMi rue ■'ciiilde iiiipiiii-Miite à ciinililii' — à une idcvatiou de plv» ili>
(iniii/e I iedn du (uté de llcanpiirt. il i «t l'vidiiit >|ii" les travaux clilrc|iriH j'onr rortifi'i
11' t'Hliili d'.' Heiinport — iiiii >'é|. ndait d l'onvr.iife à cornes à la chute do ^lontinoieiicj
ESQUISSKS
263
"Il entra avec son détachement dans l'ouvraffe à cornes,
mit le feu aux pièces pointées sur les hauteurs d'Abraliam
où était le camp des Anjdais. Cette décharge alarma fort
ces messieurs."
Les incidents qui précéilèrent la retraite de l'année et qui
se passèrent aux environs de l'ouvraj^e à cornes, ont été si
vivemei'.t narrés par un témoin oculaire, que nous croyons
devoir Its reproduire ici
Cette relation du chevalier Jolinstone e-t une des pul« i-
cations récentes tle la .Va/VA' Liftii\i!i\ </ I/istoriijnc de
Québec.
"L'armée française mise en fuite, ilit Jn]in,-.tone, se dis-
persa et s'évada vers la ville. Peu entrèrent à Québec ;
le ç,Mos des troupes descendit les hauteurs d'Abraham, vis-
à-\"is t!u palais de l'hitendant, se diriijjeant vers l'ouvrac^e
à cornes, et côtoyant les rives du St-Charl'j-;. Voyant qu'il
était impossible de rallier nos .soldats, je me déterminai à
descendre le coteau, près du moulin n vent, (2) dan-; 1j
voisinai^e de la boulan^^erie, et, de là, à travers les pàtu-
rai,res (\x Vacherie^ vers l'ouvraL^'e à cornes, bien déterminé
à ne pas approcher 'Ac la ville, de crainte d'y être cerné
avec une ['.irt!.: de notre armée ; ce qui eut été possible
si les vainqueurs cusseiu tiré ti)'.;t l'avantagée qu'ils pou-
vaient de leur succès. 11 e>t vr.u cpu la laurt de leur com-
mandant en chef, un événement qui ne manque jamais de
causer le désordre et la confusion dan., une armi:e quei-
— .'Mt Un LtlC !':l't, tiii uni' KlMIlil.' iV-ll.||.' ; i! l'ill.ill rii'll IllKlU i|U'UilJ COi'VOc ltOi.»lli
poiir iii-'irr à Itoaiio tiu iiiin ti'llf c'iitii-|iri'< •.
"M (1 • ^^'l!^t<■.•tIlll.!ln•iv^■ ,; (^ni'-li-i- (.t.- M-Litri'-nl), i «miii.upl.i t.i it li- iii'iinio |)oiii' tri-
vaill'-r il .1":4 r<;r:iui!iriiii'iit :< i|iii Cui'.'iit tr.i'vH vi-ri »\v' i>;i')i-i' iv)miii'''0 11 '.iitiion.
Cimiii" il ivnxiiit <|u • 0 ■•< iiiivr.lv'"-! ii." 'l'rai.'iit \>.\* i-ii Mut. :ivtiit r-inivt? iloj vais-ii'. 'ix
iiiiil lii, r.' i|iii ;M)iiir.iit l'tru il'uii id'ir a l'ui'i-.-, il l'iiknv.i un 'inir'! ù M. di! [ji'ivia, (tii
.'•tait .1 .^Tl>lltlv;^l, ■!•• cimMiiiiiliT •.'.•!i.''viil-Mii"iit finis livi Iioiuiii'm il-' i"( )j;i>;ivt'riii'in Mit
il'.' il.M.' 11. Iw ;i (^(ii.li^'t:, <■! i|it lin avilit h «-iDiu il'iiii cmi» il- iiinin. Il L'iivny.i ii' u>'t i''«ar<l
lie* onlr.!( priH'i» l't l'imroiiiiis (laiH lo.itca 11'!» ii.iroinHi'H, i|iii iiiiri'iit to;it Ui moiiil i ou
mouvouu'Ut.
( 1/ •iii'iiii .< MIC /<•« t<[}'ci!ri-H ihi r.iiMi/.i I7l')-((ii.)
Final ■'iir-iit il' V.iiulii'iiiî il.Mili'iu' Ut (!ciiitiai{i'iit il-> Mjutrra! jujnr lm Hitrvi.-i
Sir lit il»' 1, l'i'i ii.'rioiiiK' 1 s.'hIimii Mit.
l,' : i-iitii il ' rotiviMj'i l'ii t-iT.", H'ii- 1:1 iiro|iri .''t.^ il ' M. l'ark'i soiit «m nui) niy<.i :i.'i'n
■ I ' phii !• iiii'iix autour <l i fj'i-li-c. il i l'i'r,' il • 17'i t.
DU '< Ml ' t'!ii.'iit «ji vi.il"iti ut il'.siu.i • M |i ir i'IiistoriiMi ■•'•rltiiiil, iiui oti faisait ui'.iu •
OH. 0,1 l'a troavi! un oxclli-iit il -iHiii iltiiK lu L(r.iiiil viiliim I il- .r-lïry. Illi(')r<j •// tli-:
JSritiiih I) iiiiiiii tn, l'ii yurfk ninj .S'm'/i .imrrii'i, ITil'i.
!.'> l.'i !• liu.'rf il' ce mouliii ixijti'lit l'iK-ni'. iir."s il: l"|[".|iit:il (iéiural.
lî î
264
Kixciir.i.i)
conque peut servir d'excuse aux Anglais d'avoir négligé
de prendre toute notre armée prisonnière.
"L'ouvrage à cornes était en f,\ce de la rivière St-Char-
le.-., large d'environ 70 pieds ; cette rivière lui valait mieux
qu'un fossé de mains d'hommes. Son front qui f.iisait face
à cette rivière et aux hauteurs, était composé de palis ades
fortes et hautes enfoncées perpendiculairement dans le sol
avec meurtrières pour tirer plusieurs grosses pièces d'artil-
lerie. La rivière est profonde et guéable à marée basse, à
la portée d'un mousquet devant le fort : cela en rend la
prise plu -. ilifficilo du côté du vSaint-Charles cpue du côté
opposé où il est construit de terre et faisait face à lîoauport,
bien qu'il présentait de ce côté un aspect plus formidable,
et certaineiner.t quo l'ouvrage à cornes ne pouvait être
captm-é de ce côté par un assaut des Anglais tant que ces
derniers seraient sur la rive opposée. A la vue des soldats
sur la plame où était la boulangerie. Monguet et Lamotte.
deux vieux capitaines du régiment do Hearn, s'adressèrent
avec véhémence à M. de Vaudreuil, lui disant "que l'ou-
vrage à cornes serait i)ris en un clin-J'u'il, par un assaut,
le sabre au poing, que nous serions tous passés au fii de
l'épée : que rien ne pouvait nous sauver qu'une prompte
capitulation de la colonie entière aux Anglais ;" Vau-
dreuil leur répondit qu'un fort tel que l'ouvrage à cornes
ne se prenait pas si facilement.
"lîrcf, ilh'éleva un cri général dans le fort pour couper le
pont de bateaux. Il est bon de remarquer qu'à peine un
quart de notre année avait réussi à l'atteindre et que si
l'on eût coupé le pont de bateau::, le reste de nos soldats
eut été abandonné de l'autre côté, comme des victimes au
vainqueur. Le régiment Royal Roussillon était en ce
moment à une portée de fusil de l'ouvrage à cornes, se
disposant à franchir les pontons. Comme je m'étais déjà
trouvé dans de semblables aventures, je ne perdis pas mon
sang-froid et possédant encore quelques restes de l'estime
que l'armée avait pour moi, à cause de la confiance que
ESQUISSES
265
SI
its
lau
icc
se
liic
lie
MM. Lévis et Montcalin nie montraient publiquement, je
je m'adressai à M. Ilugon, qui cotninandait, lui demandant
une passe pour entrer thuis l'ouvraj^e à cornes, et je le priai
de m'accompagner au pont. Nous }• arrivâmes en courant
et sans nous enquérir qui avait donné ordre de le couper
nous en chassâmes les soldats dont les haches levées
allaient en un instant exécuter cet ordre insensé. M. de
Vaudreuil était alors enfenné avec M. l'Intendant et quel-
ques autres personnes dans une maison qui se trouvait
dans l'intérieur de l'ouvraijje à cornes. Je soupçonnai qu'ils
méditaient un piojet de capitulation (générale et j'entrai
dans la maison où je n'eus que le temps de voir M. l'In-
tendant, .ivec une plume à la main, ipii écrivait sur une
feuille de papier lorsque AI. de Vaudreuil me tlit que je
n'avais pas affaire là. Lui ayant répliipié tpie ce qu'il me
disait était vrai, je me retirai en colère de les voir sonj^er à
abandonner si ii^nominieusement une colonie pour la pré-
servation de laquelle tant de sinj^ et d'ari;ent avait été
prodij^ués. lin quittant la maison, je rencontrai M. Dalquicr,
un brave et honnête homme, avancé en à^^c, qui comman-
dait le régiment tle lîearn, avec les marques d'un brave
officier sur toute sa personne, — d'innombrables blessures.
" Je lui dis qu'on discutait en dedans de la maison la
reddition tlu Canada à l'Angleterre, par une capitulation,
et je le priai de se hâter d'y entrer pour défendre la cause
du roi et sauvegarJer Ijs intérêts de .sa patrie, [i] Je
le tMu'ttai en:;uite pour rejoindre l'oularier au ravin de
Heauport, mais l'ayant rencontré à trois ou quatre cents
pas de l'ouvrage à cornes où il se rendait, je l'informai de
ce que l'on y discutait.
Il me répondit que, plutôt ue consentir à une capitula-
tion, il verserait la dernière giiutte de son sang. Il me dit
de faire de sa mii-;on de sa t^ule la mienne, m_' conseilla
d'y aller m'y reposer et.donnant de l'épcrDU àson elieval, il
(1) On ii.ji'ti' sur i'.' ravin nui iiitoionpl'' 1.» voic^ pulilicim', un suliil > |Mmt soiiti'iiu sur
•uiio iU!ii,<)!morii' vis-i\-vis dos inoiiliiis tlo M.M. Koiiainl .v llrmvii. ^^ li 'aiiport.
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266
KINCM'IliLI)
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s'clança, rapide comme l'éclair, vers l'ouvrage à cornes."
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Riny;fielcl se fait remarquer par sou étendue, parmi cette
gracieuse série de cottages cn/c's qui franç;ent le côté
oue-it du chemin de Charlcsbourg, au Gros Pin ; l'endroit
ci-devant se nommait Smithville, d'après le riche pro[)rié-
taire, feu M. dis Smith, possesseur ilu so' ; il se plut à
y tailler des domaines pour la patriarchale famille des
Smith, où M. Parke trouvait wac excellente compagne,
intrépide et amante du s/>c'/-/ comme son époux. Le chof
de ce nombreux clan, I\I. dis. Smith, occupa [jcndant île
longues années, la maison située .sur la rive nord du St-
Charles, plus tard la propriété de Î^I. Arch. Laurie, maia-
tenant appartenant à ^1. Owen Murphy, ex-maire de
Québec. Ce site est undémemlvrement de l'ancienne Fcnuc
r/i'.c .///^'i.i-, près tlu ruisseau lairet, là où dînait, chez les
RU. PP. Jésuites, lùnery de Cacii, le 6 août, i6j2,
C'c.-t au milieu d'une avenue, semi-circul.iire, ombragée
d'arbres de haute futaie, (pie s'élève la villa de M. Parke,
homme f 'rt connu CiMunie L;rand constructcin- et armateur
de navire.--, aux jours pro.;pères où nos braves ciiarpenticrs
de vaisseaux vivaient dans l'abomlance, .-.ans le concours
de la ^"(T/V'/iw/t' /<'<vv/ ; si connu était iM, Parkc que l'on
disait de lui, qu'il avait lancé de ses cluintiers une Hotte
entii;re, si/ixaute-.-.ei/.e n.avires de long cours ; c'était vrai.
M. Parke, ilenuis près d'un dcnii-.-.iècle, jouit de la réini-
tatiiin d'être le premier ll'i'ii/', le patriarche du Turf à
Ouél)cc. Il naissait au commencement du siècle à i5elfast,
Irlande, et s'établi-s. lit ici vers iSji. L'.derte octogénaire
ne l.mce [)lus de iti\ ircs .-^ur ie S ;u'nî;- Charles ; mais il a le
pas presipu; au.^si le.te, l'ieil aussi \'ir, le poignet aussi
ferni'.' que lorsipie — il y a de çi wwc ([uarantaine d'années
— comme })résident du jour, avecsc.i six chevaux en flèche,
il battait la marche .mûrement et fièrement au club Ciw
Tandem, à Lord Caledon et autres 1 ificiers des Gardes,
ES()U1SSES
267
iiu milieu des carrefours les plus tortueux de la Bassc-villc
ou des ftiubourpjs de Québec. Vn jour, comme président
il choisit Rini,fficld, comme lieu^ra»"rât, pour l\iire le sa//;/-
l''n's, et trente-quatre taiiiùin trouvèrent place dans la
vaste cour et la lawn de la vil'a.
J'ai sur le rayon de ma bibliothèque éticjueté " Incu-
nables" un mignon volume, relié en maroquin vert, doré
sur tranches, intitulé " l'K.Tl KK oF Qur.i:i:<'." Dix-sept
dessins en taille douce lui donnent du relief; c'est un (>ué-
bec-Gu de, tir'' à sa seconde édition, en sept \^},\, écrit
pt.raît-il, par un ICcossais lettré de li vieille capitale, M.
l^ourne ; illustré par un t;raveur écossais de mérite,
James Smillie ; imi)rimé par MM. V. et W. Ruthven, les
mêmes, je crois, qui sept ans plus tard, imprimèrent pour
M. ?\. iVubin son s[)irituel Jùvitûsijiii'. A la paç;e o, du dit
volume, il y a une jolie t;ravure sur acier où se voit, à
l'ouest, le Palais de Justice ; à côté, la cathédrale ani^li-
cane ; au nord, \ l'iiiou Jlôtcl (maintenant dépôt de mer-
cerie de M. Mort^an) ; à l'est, le château llaUlimand
(l'ICcole Normale actuelle^ bien gardé i)ar de vi;^ilantcs
sentinelles : c'est un paN'sapje d'hiver.
De la nie St-Loui^, trottine un terre-neuve -attelé à un
traîneau crânement diri;^a: par un alerte '_,^1Inin, ([ui,
debout sur son traîneau, fait claquer son luuet: c'est
comme aux premiers jours de la colonie
-\ l'ouest de la Pliuc <{' .Irnu:;, on disceiiic d(.n'v mili-
taires en capote ; des soldat-; vraisemblaljlemcnt du 71e
Montafi^iiarvls, alors stationné à Ou'Jb.-c. L'un tient à la
inaîn r//.7/7//i7//V/'/.r in-trnnieiiL nati'in.ij, la \î;c, et semble
se préparer à donner le >i^;nal du départ ; un piciuet de
soklats— ^iixcaiii's ji^iiard — traverse la voie pui)li(iue, pour
yA X sentinelle de faction aux Inneaux du O'uniiissa'
riat, nnîntenant les (Quartiers du maj'ir debri^^idi'. Autour
de la Place d'Ar.n;s, dont le parcours d'hiver est marqué
de ihilissis de s.ipins, circulent alk\^remcnt ('le temps à
autre un Uaduv se mate, se cabre) une longue fde d'équi
!! ^^
368
KIN'CiUKM)
1
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pages à deux chevaux, des tniKiciit, dont les fringantes
montures, portant aigrettes, panaches, ceintures de gre-
lots, ont la queue coupée, courte et carrée, bobtail connue
dit le sport ; ils ressemblent aux Inintcrs angUis ; de nos
jours les bobtail on\. disparu, pour faire place aux crinière;,
longues et flottantes, aux queues carrées, mais plus lon-
gues.
C'est la réunion hebdomadaire — ou mcit de jeudi, du
fameux Driviiii^ Club, formé vers 1829, sous l'administra-
tion de Sir James Kempt. Les chevaux piaffent, blan-
chissent d'écume le mors : vite. Excellence, monte/.. On
attend que sa seigneurie, chautlement vêtue, nuuiie il'un
manchon d'ours, de dimensions phénoménales, descende
les gradins du Château pour prendre la place d'honneur.
Le voici qui se blottit à côté de son aide-de-cainp, à (jui il
passe les guides. Le vice-président sonne du cors ; le
Montagnard fait crier sa cornemuse et la gaie cavalcade se
lance au grand trot vers la rue La I'\ibri(iue. L'artiste de
ce dessin, le lieutenant Wallacc, du 71e Montagnards,
semble avoir été tort heureux à saisir tous les objets vus
du corps de garde voisin du Château.
Continuons : il est une heure de relevée ; à trois heures
vous pourrez voir nos gaillards déboucher sur la glace au
pied du Cône, à Montmorency, ou bien attablés à la
fameuse hôtellerie — le JUiii Ifoiisi — sur le chemin de la
petite rivière St-Charles, ou encore au Cap-Rouge chez
Kostka llamel, ou bien chez Déry à Lorecto. Le code du
club est d'une sévérité draconienne ; pour la moindre
infraction, vite une amende, etc., c'est au moyen des
amendes que l'on rencontre les menues dépenses.
C'est au président de la semaine à fixer d'avance à la
campagne, le lieu d'arrêt, chaque fois que le club sort. Il
n'y a qu'un spécifique pour prévenir la congélation, après
une longue course, c'est une razade de Mnllcd Wiiic" ; vin
épicé auquel nos pères ont conféré le nom de sang-gris.
C'est au vice président à préparer et à faire servir cette
ESQUISSES
269
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délectable einbroisie. sous peine d'amende de censure.
Gare au pauvre vice prt5sident, si dans la presse du départ
il a oublié le Mitllcd 'i<.>iiic. Il »i dii l'enfermer chaud dans
une cruche ou amphore enveloppée d'une couverte, et le
précieux l>a/>j' bien enmaillotté a dû être déposé douillet-
tement dans les fonds de la carriole du vice président :
malheur au vice président, s'il mettait en danger, par le
froid, les jours du Cliih, fauteduj<j'//i,'-^'7v.ï traditionnel
Je remercie mon vieil ami M. Parke des renseigne-
ments qu'il m'a si obligeamment fournis, à propos de son
Club favori..
Québec, Décembre 18S4.
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AUVERGNE, Charlesbourg
Au pied de la côte de Clarihiu, à Charlesbourg^, à l'est
du plat'îau, surnommé Gros Pin, le touriste saisit de loin
sous de verts bocages, les blanches demeures d'un village
canadien, l'ancien ha îieau Auvergne. Quel est l'Auvergnat
parmi les anciens colons, qui se laissa aller à la jouissance de
perpétuer par ce nom le souvenir du doux pays de France ?
Notre ami, l'antiquaire Tangua}', pourra peut-être vous en
donner des nouvelles. •
Oui sait/ un de ces laborieux colons que l'intendant
Talon y plaçait vers 1675, pour inaugurer sa colonie
modèle ? Toujours est-il qu'en 1832, le juge en chef de la
province. I\I. Scwell, séduit par le charme de l'endroit, s'y
érigea nn chalet. Auvergne, le nom du village, devint
celui de la villa du juge. O que j'aimerais à repeupler de
ses hôtes et intéressants visiteurs, l'historique ch.àlct, à
l'époque où l'éniincnt juriste l'occupait
Comme homme de lettre, légiste, homme politique, fonc-
tionnaire d'état, ^î. .Scwell a fourni une longée et bril'anto
carrière, .\yant adhéré au parti tlu roi Georges III, d.ans
le vif conilit qui donna aux provinces de la Xouvcllc-
Aug'ietLrre icu;- indépen. lance ''1775-S3), ce princ; >e
souv<int, en tijiiius et licii, de ia fidélité de ^on sujet \\o^-
tcnnai>.
\}q fortes étud.e-, une hcur..u-e mémoire, des talonts ■
tl'un ordre >u[.iérieur, une grande dignité '.ie tenue
ouvrirent bientôt au fameux i^uifiil l-lmpirc Lvyalist, l,i
porte à toutes les dignité;.
Jonathan Sewell, naquit à Cambridge, dans la colonie
de Massac/iiissitfs Jnu\ en 1766.
ESQUISSKS
271
Son père était rrocurcur-Général de la colonie. A la suite
-de l'insurrection, M. Sewcll, père, crût devoir cmifjrer en
Angleterre. Son fils fit ses classes à un Graïuiiiar Sc/iool,
à lîristol ; puis, il accompagna s'en père, lorsque ce der-
nier 5C rendit à St-John, N. Il, en 1785 ; y lit son dr^it
sous l'émincnt avocat, plus tard, le juge \\'ard Chipman.
Jonathan Sewell y pratiqua sa profession pendant une
anne'e. Le jeune avocat vint chcrclier fortune en notre
ville, en 1789, et }• fut di[)'ômé membre du barreau, cette
année même.
Son exellent père exjjirait à St-John, X. B, en 179').
Nommé solliciteur-général à (.^>iiébec, en 1793 ; procu-
veur-général, avocat-général, juge de la cour de \'ice-7\mi-
rauté, en 1795, l'habile légiste devenait juge-en-chef de la
l'rovince de Québec (i) et l'résidcnt du Conseil l'exécutif,
en i8c8. Il représenta à la Chambre pendant trois
parlements consécutifs, le bourg de William Henry
(SoreU.
Orateur du Co.;- ■! Législatif en 1809, il ne lui a
manqué que la haute cluirgc de Gouverneur-Général pour
couronner dignement tant de distinctions flattcu-es. Mais
en 1808 comme plus tard, nos gouverne'urs-généraux nous
arrivaient de Dovn i nj:; st iwi 'i.owi dressés. Il fusait bon alors
de se prononcer carrément pour l.i couromio, sang trop
s'occuper du peuple
l'ourcp:ui cet ardent .ur.i des .\rgl:iis ail i-t-il eherclicr
Lir. nom français pour .--a maison de c>;!np,ignc .■' .M\'. tèrc !
y\u\"crgne, (.listant d'à ])ju près -.mo ilemi-heu dv. 't\"''on-
(1) 1j.' Jiiso Sowi'll, siict'Sàoiir i^ii is;',s (lu .Juc"' M'illiiiiu':. iiiti-.- .-uitris n'idinii-s t'i
ini-xliticntions, iiitroiliiisit nu Palais, la ifi-aiidi' k luif iiHiuii'U'', le costiuui' iiiii'iwilut des
!iii('ii'ii3 jours, l'obi's (l'hi'iiiiiiu', îriii'iiu;', ftf., tonimi' aux vieux pays.
l'iii' sontiMici' (11' lunvt, eu couroriMiiurlli', iirnnonci'i' par li' .jnjii'-l'U-clirf, cntiiuiv il.>
!»i't (luatrc rollrgui'i-, tous eu urauil cdstuMic otliciil, ùcait un iuciili'Ut fort iiii|iosaut.
Sir .lauu's Stuart, qui lui sufcOda, eu IS;!f, vcrsounair»' iiiajosttioux iiuaut à la statiiro,
(l'uuo l'i'Uilitiou vaste, ot.ainat(ui', lui aussi, ili'i- t'onui's ju(lii-iaiiva auli jut"!, cousorv;» le
ti'ioorue l't laissa clioivriuMiuiur.
m
272
AUVERGNE
WÊii
daire château Bigot, à Charlesbourg, est depuis plusieurs-
années, la propriété <le M. George Alford — petit-fils et
héritier de feu le millionnaire George Pozer.
Ce vieux célibataire s'y livre avec ardeur à l'horticul-
ture, mais le solitaire maître d'Auvergne a trouvé dans
sa riche bibliothèque, d'excellents, de constants, de vrais
amis.
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COUCV IvK CASTKL
IVtit donjon aux allures [)ro?que ftiodalcs, tlaïuiin.' ii'un
b>)is, >,ur la riv(^ sud de la l'ctite Rivicre St-Charlcs, avec
plateforme, couleiivriiies t.t pierriers. Par <^on nom, il rap-
pelle Kl |)atrie dc.^ ancêtres maternels de l'in:)!!, Louis
Panet, le fondateur : les J)adelart tle Cv)ucy le-Castcl, en
l'icardie. Le nom du Dr l>adelart, j;>ar les .--oins qM'il [)ro-
di;;ua aux blessé-, (i) au ct)mbat des Plaines d'Abrairun,
est associé à raneien ré;.;"iine, et au Uijueeau, par l'uLip- et
lont^ue carrière qu'il fournit connne médecin, suus les
généraux Murrav et Car le ton.
L'hon. L'iuis l'antt, partageait ses loisirs entre' son
petit castel, ses amis, ses livres, ses oiseaux auxquels il
avait construit une jolie volière, et les plaisirs de la cb.is^e
et tle la pèche qu'il allait chaque semaine i;oûter à :on
chalet solitaire et pittoresque de Lorette — Castorville.
Ce beTU vieillard closait nnL'"uèreime hoiinrab^.- cirr.'re
a I n^v. (.[■■ 90 an-, re;.M
:cte ixiur i'.iim.Miité
U) Li'.i ar$nc:i_ilii l> .c'.uv !lathlr.rl.—M. .Ju'ii.-s' Tlionipjon, (ils, co.isii(iij 1} t!;i.' -.ui-
v.iiit (l.ii.r; 8is iiiv'imiin'n im'-'lUn. Apivs avoii' décrit iilusii'tira mitres contoiiiiKi 'lài.-- i!ii
:iiôn;<' il.^ 17.V1, il nioutr : " Joiiii i'niiH'V. " 11 jv.Mt un dar.jT'^rcux coup <lo s;il»iv i-ir lo
iVout u l:i 'n'.tailK- (l.';i rh.hii'S (l"Ahr;iiiiii!i, 1.) J.i sijiti )iil)ri' U.i:»,. Kpiiii^i', il s»! 1 li-js.!
■ l'.iiir lui- lo [ir.yjm, !■■ (!■; \ iippuy,'' t.ur iiiio i-lritun-. Vn o!iiruvr,'it ii il s troiiiii-s lr:int;t!it:ps,
viiVHiit iiu>! Hcsc;>iiuir.i<l>'S (i!i;(hnt, ty.- i-tHra eu ariiriv ut Vi-iR'oiili-a Jouu rr;.i,--:.>v. ■!i;ut 1 i
ijU't'aii''' tsaimiait al).inil;ii!iiu'.!nt. Ij • cliinirnii'ii si- mit lîo Miilc à ]):iiis; r si iili'^j-iiro ;
(iiiis, il ii^ t'oiistituii :-i)u iJii. (iniik-!' dr k'U'iiv, lui (I''!ivr;»nt ses avmof, l'.'s-ii'fla no tor.uis-
tiiic'iit iju'i'ii iiii |ii tdl; t (!■■ iiDclii' a di'iix coups, Iji^'ii inniUii l'U ur{{i'ut, il vvc I03 initiais
!HM' la ciilasHi) ( 1'. 1!.) l'hiii|>ii(> Ji.-ii!'lari.
John Friisor ot 11- cliinirgii-n liMu<;;ii.-i, par 1.' ouitc ('>vi!irout fort li-Vâ tl":iîiiitir : iU
iHaicut viiisiuii. Iji' pviiiiii'r Oliùt pi'ii)rirt:iir,' il- ]:i iiiiii<oii, niu cUsi .[ardin», plus livivl
ocTUln'i' par l'rn V. llarliuaii, iHJritVf (maintciMnt par MM. ."Md.juin, avoMte) taudis ipio
I,' î)r liailclart,poKS,Ml;iit oïdlc vcisi:i'> de Jl. CliarU'i l'aii.t |1.' lot arté rfbàti otest .n-'-npi
inaintMKiiit p.ir la ivHidrnrv di! \illrdu \i\'^c .loan Tlioi 'raaclicviaii) in'tit iih d;i li.i\v
leur ii.id.darl, 1i-h dcMi:c lots t-i' r.'joi.'.di;;!;! un arrioro.
'\\. l'i-.asi V y ouvrit l:i iirciriièri' ùroli' anglaii-i! Ii'iiu.' à (Jurlnv.
^1. V'ra; er i'ondit lo iii.Htolct ou qurv;tjou t'i sou jiroiuii'r maitrn tu ISIO t>l jo doviiis lo
locati.iio do i'.ornard l'auct, le pi'tit-IUs du l)ootc\ir Baddart. litriuud l'aui't ôtait uiou
.uni : il luv lit pr,''.«Liit du Huiidil ])it^tolot qui av;'it app.irii'uu i'i. -oa .irraiid-pi'.rc. .)oli>
itardai t" ans, et h' U! iir]iti'uiliri' ).^."'.i, lo ecutiouu' a!iuivor'<:iiro do la li.'itaillo lUvs Vir.inos,
.j'oii ii.i n stitutiou à nu do.s dosooiHiaut.s du Doctonr l'.adilart, lo ilonuaut :\ M. .lolni
l'anot, Corouor do (iiu'ljoo, lU.-; do lioruard l'auit. l,o df)otour li.idi'lart l't M. John l'r •, ht,
attoi.uuiiout tous doux un àifo l'art avaru'o 1 1 l'urout jUHijp.'.'i la fin do loiirs .jour j, di>
eluuuls aiui.i. IjO Dr l'.adolart avait l:i iircstauco di.Lfiio d'un .u'oiililhornuu! : il pc^'-t.-iit
oonstauiniont rt'iiéo au ocMo, si-lou la modo du touiiis."
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(Mciii')irs of J.in. Thoiniisoii, Doputy Criiniiisnanj Gcnerd, l*".^
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1! I
274
COUCY LE CASTEL
franchise de son caractère : un excellent type (fes Anciens
Canadiens.
Depuis 1861, cette villa est devenue la résidence d'été
de l'hon. Jean Thomas Taschereau, ri-devant l'un des
juges de la cour Suprême du Canada.
M " ■^■^'
VILLA IVIASTAI
O «loriisi flpiriti do pli l)Osclii,
<) Kco, () aiitri f'osfhi, o clipiiri' linfo,
O fiirctriito iiirifc, o iiKi'''Hti l'uni
() Satiri, « >Silviini, i> Riiiiii, c Driadi
Xiiiiidi l'd Aiiiadriiidi, (i Somiieo
(> ri'iuli, o N'uiiL'f.
Sann-azzaho.
Vers 1845, le chirurgien le plus en renom de Québec, M.
le Docteur James Douglas, s'érigeait sur la rive ouest de
la rivière des Taupières, à la Canardière, un beau manoir,
avec ample jardin potager, sans omettre l'accessoire indis-
pensable d'une villa canadienne : un jardin abondamment
pourvu de fruits, de plantes, de fleurs indigènes et exo-
tiques.
Favorisé de la fortune, homme de goût autant qu'il était
amant des sciencees et des lettres. M. le Docteur Douglas,
de retour de la ville, passait ses heures de loisirs dans sa
bibliothèque, son jardin, sa serre, etc.
Bientôt, il ajouta à sa résidence, une vaste salle dans une
aile, où il déposa, ses peintures, ses statues antiques, etc.
Puis, il érigea, à une extrémité de sa villa, wn jardin d' hi-
ver- pour sa collection de fleurs tropicales et autres ainsi
qu'une serre pour le raisin, à l'autre extrémité.
Natif d'Ecosse, le Docteur Douglas voulut perpétuer le
souvenir du sol natal, en donnant à son manoir, — un
nom — Glenalla, — qui lui rappellerait les montagnes, les lacs
et les pics de l'antique Calcdonie, chantés par
Ojsian et Hurns. Le i ays au reste était { ittoresque et
tavorable aux embellissements.
En face, les toits et les flèches luisantes du vieux Qué-
bec ; si rade alors couverte d'une forêt de mâts — couron-
née de son imposante citadelle ; à l'ouest, le populeux
faubourg St-Roch, les rives verdoyantes du Saint-Charles
— ses bruyants chantiers de navires, (ceci se voyait avant
qu'il fut question de la Socictc de bord) ; à l'est, l'Ile d'Or-
Twffl
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76
VIM,A MASTAf
Icans SCS massifs de verdure, ses ^'racieux coteaux ; au
nord, le sombre rideau tles ! aurentides.
La rivière des Taupières est un petit cours d'eau histo-
rique : nouveau Scammandre, il évoque de martials sou-
venirs. ICn 1690 — en 1739 — en 1775 — 6, on eut pu voir
embusqués .'U' ses bonis, les mousquetaires du sci^^neur
Juchcreau, les fantassins de Montcalm, ou les ardentes
milices de Guy Carleton, prêt-; à repousser les envahisseurs
du sol. En 18 14, la rivières des 'l'aupières à l'ouest et le
ruisseau de l'Ours, à l'est définissaient la limite de la /^r/Wd'
accordée aux prisonniers de f.fr.erre américains.
A la partie est du site, un lopin d'environ soixante
arpents, on voyait .sur la berc;e (.le cette rivière la
longue maison blanche de feu le juge DeBonnc, jadis pro-
priétaire du sol.
Revenons au fondateur de Glenalla.
M. Douglas, s'était t'pris des découvertes modernes de
la science.surtout de ce que les voyageurs avaient exhume
dans l'ancien royaume des Pharaon. Tour étudier sur les
lieux mêmes, les papyrus, les inscriptions, les monuments,
les momies des braves gens qui florissaient au temps de
Checps et de Nechno, il fit voiîe pour l'Orient', avec :-on
fils, plus tar'i profes.icur de cluaiie ;iu collège jMorriii et l'un
des zélés l'.ré.-idents de la Sociiti LitfJrairc' tt llist.niqnc,
et passa \)xc.-, de deux année;-> dans ces contrées lointaines.
11 en revhit ;ivec. tout un ch:'.rgement de naviie de
reliques : antiquités l>rusques,Grecqucs, Romaines, momies,
statues entres autre celle de X lisclavc grec, de XAvcuglc àa
Pompci, etc., tableaux, peinture des grands maîtres. Il
déposa sa riche collection de momies ICgyptiennes dans
son musée archéologique. — Une savante horticulture égale-
ment régnait à Glenalla, Xj'a mode d'ornementation qui
distinguait cette vilb, ce fut ses pittoresques ponts en fd-de-
fer suspendus au-dessus des pièces d'eau et des niéandies
de la rivière des Taupières : c'était beau à contempler,
mais les oscillations du pont suspendu vous donnaient le
KS()U1SSI.S
l'jale-
quî
ll-de-
hclies
ipler,
it le
vcrtifïc ; les momies, les momies brunes et
TEi^yptc : voilà ce qui surtout aPéchait les
à dix lieues à la ronde.
277
racornies de
archc'olosfucs
Aux anniversaires marquant-, M. Dou'jias, entoure de
(lueUjues savants, commt
iui, avid'js scrutateurs des secrets
du passe, se faisait fête dede'rouler de ses bandelettes une
le s
es moimcs.
Dés^ager ses vieux I^g\ptiens des vêtements qui les
emmaillottaient en entier, excepté la figure ; c'tudier les
ou
lurrcrics ensevelie.-
avec les
petites pièces d'or
propriétaires ; recuei^ir les pLiulants d'orrilles ou les bra-
cclet> de ces antiques danu;s ; leur a^si;^ncr un état, une
position so'ciale au temps de Sesostris : toutes jouissances
exquises pour l'excentrique archéologue ilc la Canardière.
Il se passa un incident assez i)laisant à l'un des congrès
scientifiques du vieil Ivsculape.
Il avait convie quelques gros bonnets de la science de
Québec, pour assist-r au di'ronlogv d'une momi'; qu'il avait
prononcée être une princesse ou du moins une femme de
qualité, ayant découx'ert dans sa cassette, des fragments de
bijouterie en or.
" Qui scait, avait ajouté l'ingénieux archéologue si ce ne
fut pas une autre Cléojiatre, au temps de Chcops ? Grande
était l'attente, grande, la curiosité des vieux savants :
mais, bientôt, un éclat de rire homérique ébranla jusqu'au
toit du musée: la princesse se trouva être un l^gyptien
M. Douglas ayant vu engloutir son ample fortune dans
des exploitations minières, se vit forcé de dire adieu à
Glenalla, en 1876 • se retira à Philadelphie, avec ceux de
ses trésors archéologiques qu'il prisait d'avantage. Quel-
ques uns de ses I^gyptiens furent acquis par l'Université
Laval, pour son Musée, où ils attirent encore bien des
regards.
En 1877 le Dr J. E. J. Landry, propriétaire de V Asile des
Aliènes, acheta la Villa, et eu changea le nom en celui de
Villa Mastaï — nom de la fiimille du souverain Pontife,
T fil
)m
278
VILLA MASTAI
Pie IX alors régnant. A la morl du Docteur Landry, la
Villa Mastaï passa à son fils, RI. A. C. P. R. Landry, Dé-
puté aux Communes, pour le grand comté de Montniagny.
Ce savant agronome a substitué aux momies et aux sta-
tues grecques, etc., une riche collection de livres sur l'his-
toire du Canada et sur la littérature française : ce n'est pas
moi qui m'en plaindrai.
'm
s
d
LE MANOIR SEIGNEURIAL, Beauport
1634.1S79
"l'r.Ttorian licre, Vra'toriaii tla-iv, I iiiiiid tlio lii^giiiR o't.''
(li'ANTiyrAiiiK, Wdller S' nlf).
Nou^ voilà bien au temps héroïque de la fc'odalité cana-
dienne.
Qui de noas, pendant nos excursions à la chute de Mont-
morency, en été, ou au cône, en hiver, n'a jeté en passant
un regard scrutateur sur cet antique et massif manoir des
Duchesnay, en face de Québec, en deçà de l'église de
Beauport ? A combien d'étranges scènes n'a-t-il pas été
associé depuis le berceau de la colonie !
Le 30 juillet 1640 y commémore une date rcmarciuablc:
l'exécution sur un des censitaires, de la sentence du l;ou-
verneur de Montmagny. Guion (Dion !), car c'était son
nom, à genoux, tête nue, sans épée, tri éperons, cognait à
la porte principale du manoir pour rendre foi et hommage.
En l'absence du très haut et puissant seigneur, Robert
Giffard, son fermier, lioullé vint ouvrir et lui entendit
répétiir la formule obligée de.-, censitaires :
'^Monsieur De Beauport, mousicitr De Beauport, vtousienr
De Beauport, je vous fais et porte la foi et Jiouuiiage que Je
suis teuu de vous porter à eause de luon fief du Ihiissou
duquel je suis hoininc de foi, releva ut de votre seigneurie de
Beauport, lequel ni appartient au moyen du contrat que nous
avons passé ensemble par devant Roussel, à Mortaigne, l: [4
mars 1634, vous déclarant que je vous offre payer les droits
seigneuriaux et féodaux quand dus seront, vous requérant
me recevoir à la dite foy et hommage ^
Ce Guion, comme l'a remarqué l'abbé Ferland, était
maçon de métier ; c'était en outre l'homme de lettres, le
scribe de la paroisse : il existe encore un contrat de mariage
dres^^é par lui, un des plus anciens documents de ce genre
;8o
i.i; M.woik i)U(.:iii;sNAV
connu parmi ni>u-;, ot portant peur ilatc le Fôjuillct IÔ3^).
( )n y voit I.i .si;^naturi.' liu .sc'i^iKur (iiffard ainsi que celles
tic l'iaïK'ois Btilanjj^cr et tic N'ool Lan^lois : l.'s autres par-
tics présentes )' apposèrent leur croix.
La chirur;4icn I\()!)ert GiiVaril fut acte ile présence pour
la iireniièrc foi.; sur n()-> rive-, en 1627. l*",ii i5j^, il fut fait
pri;-onnicr do tjueiTc par les anç^lais, sur la llotte iK; Koc-
uiont. 1 )(• retour ici, il obtint la concession de la '^eijxneurie
(ie In.Muport cl iVun autre va'-ti; domaine .'ur 1 • Saint-
CMiarle.'-. On sait le rc?l.- importan". (jue lui et K> iv-ns ont
joué ilans la color.ie. Oui ifniore la f^Iorieu-ie cariièri.,' de
Cette m:Mti. lie fuiiilii.^ de> Uiiclie n i)', ^ur tou^ no^chimps
de li.itaille ? au ■' è;^- ; de l'hip >> i a li'njo, ,iu ;.nM:i 1 -.iè^-e
de I/Sy, au 1)1.1. as de 1775. à Château_q;uay, en loi.;.
l'n de Lur-. aiicélres, Nicolas Juchereau il'.- St-lJenis,
se di-,tinj;'ua tellement, au siè.^e de l6yo, que le roi de
l'"rance lui octro)M dcr. lettres de noblesse. "Le sieur
de St-])enis, seiL;"ncur de lîeauport, dit Charlevoix, com-
mandait ses Inbitants ; il a\'at i)lus de soixante aiH et
combattait avec l)eaacoui) de v.ileur, jusqu'à ce (pi'il eut
un bras cas.sé d\\n coup de feu. Le roi récompen--a peu
de temps rqtrè-, -on zèle en lui accordant des iett'es de
noblesse."
Un de ;-es f\]>. se di-tingui à la Louisiane : deux
cueillirent des lauriers à Châteaugua}' : le vieux nom
c-t encore diy;iiemeiit porté, par les descendants, dans
l'armée, la robe, etc.
Pendant l'été de 1759, le manoir seis^aicurial devint le
quartier-u^énéral de Montcilm ; le col. lîonu^n, J. Lossing,
hi^t rien américain, recommandablc par ses écrits sur la
période de 1775, dessina en juillet 185S — le vieux manoir
pour llarpcrs Magazine, où il fii^ura, en janvier 1859 ;
d'où il fut copié pour orner une esquisse qui parut en mai
iSSi, dans \ Illnstratcd Ncii's, de Montréal.
Kn l'automne d 1 1775, nos amis les ]îoîto*inais firent
•une descente au manoir des belliqueux scii^neurs Duchés
/* '*■
KSQUISSKS
281
[inoir
|«59 ;
mai
Irent
Iches
nay et en niîrent riuleinent à contribution les laiteries,
les basses-cours, etc., tel ([u'i! .iijpert \k\v une lettre dont nous
devons communication h l'obligeance de M. Henri Duclies-
nay, de Ste-Marie, ina;^nstr.it de police et inspecteur des
mines à la Ikauce. [1] L'' m moir seiL;"neuria!, assez niaisif
pour Mjrvir de fort contre les Indiens, couronne d'une
manière pitturestjue une [uii'e éniinence, sur 'es ri» es du
r;iissi\V! de l'O/ii's, en vue de I i cité, du Ci">lé '-ud de la voie
publi(]ue : le ftni, ce siinpiterncl tléau dv (Jncbcc, y passa
en l'autoinne i\c 1 S79 ; il ne ncns en le-te ((u'iine triste
ruine.
Pendant l'été de 1S80, des ouvriers aliéché-i [)ar ces
k'o'eniii's u-écs, "de trésors français enfouis en cet ». ndrt)it
pa.r l'état major de Montcahn" en creusant dan.-, la maçonne,
découvrirent une [ilaque circulaire de [)lonia ou d'étain,
qu'ils reun"rent aux propriétaires. IMadaine Gu;,;\-, qui
maintenant possède le manoir et la terre seigneuriale de
Heauport, eut l'heureuse idée de défjoser pour examen cette
insc'iption à la salle de la Sd-ic'/i' L///i-r'.r/ir et Jlisfon'onc.
L'iii-cri[)tion était composée des lettres suivantes :
I. li. S. M. I. A.
LA\ i^
0-1
L1-:
M
25.JVlLLET,IE.ETI<:.l'i.A
imikmi1':r1':.p.c.gifart
siciGXKUR. Di:-ci<:-Lii:v
Ces lettres sont <iravées profondément quoique avec
rudesse, dans la plaque : au-djssous. il cxis'e des traces
plus indistinctes d'écriture, — ça peut être une cotte d'armes.
— Au-dessus de ces caractères, on voit un cceur renversé,
dont jaillissent des flammes, \cm\\\ lies sont enclavées dans
un cœur plus grand et dont la [)ointe est en bas.
Cette trouvaille mit nos antiquaires en émoi et donna
lieu à plusieurs écrits dans la pres.se anglaise et française.
(1) Voir l'iiiiiiomlico.
282
i.r. ^rA^■()lR duchesnav
Ouclques-utie.s trouveront place en cette esquisse :
The Beauport Manoir Inscription
Tu Ihc Kilitor iif ihe Mnininij Chrunicle
" W'hilst regrcUiiig the loss of the coins and documents accom-
panying the inscription of the lîeauport Manor, on account of the
îight it niight hâve thrown on this rcmote incident of Canadiau
bistory,lcl us examine the case as it stands.
This rude i'^scriptiop of 25th July, 1634, gives priorily as to
date to the iJeauport-Manor over any ancient structure extent in
Canada this day. The érection of the manor would seem to hâve
preceded by three years tlie foundation of the Jesuits Sillery
résidence, now owncd by ^Jessrs. Dobell and 15eckctt, which
dates, of July, 1637. AVho preparcd the inscription ? Who engra-
ved the letters ? AN'ho eut on llie lead ihe figure of tlie " llaming
heart " ? The stars ? Are they lieraldic ? 'What did they ty])ify ?
Did the plate conie out ready i)repared from France ? Had the
Acadi'niic i/is Inscriptions, etc.. or any othcr académie, any hand
in the business ?
The lead plate was imbeddcd in solid masonry. It is too rude
to be the woik of an engravcr. Could it hâve been dcsigned by
Surgeon Gilart, the Laiid of lïcauiioit, and eut on the lead-
plaie by the scribe and soTant of the seltkiiient, Jean Guion
(Dion ?^ whose peniuan^hii) in the wording uf two niarriages con
tracts, daling from i()3('). lias bcen biought lo Iight by an indefa-
tigable seareher uf the past— the Abbé lerland ? l'robably.
15ut if the Icllered lîeauport stone masou, who hcver rose to
be a Hugh Miller \vhate\er may »have been his abililies, did
utili/e his talents, in i()34, lo [«roduce a durable record, in order
10 perpelualc the tlale uf foundaliun (A' llùs manor, lie subse-
qucnti\- gut at lcg_,erhLads willi his worlliy seigneur, probably
owiiig U) ihe litigious taste wiiich lus native Perche liatl instillcd
in hiin. l'ciche, \ve ail know. is not vcry distant from Xormandy,
the liol bcd of tends aiul litigaliun, antl might hâve caught the
inleclion Irom this neighborhood.
Governur Montmagny, in the spaceofeight short years, had
been called on to adjiidicate on six eonirovcrsies wliich had
arisen between Ciifut and his \assals, touching bonndaries and
seignorial rights ; ihungh the learned historian l''erland has failed
to i)aiticulari/.e wlielhcr among those eoiitroversed rights, was
included the /Jroit c/c Chapons and the/^/v// du Seigneur. Could
the latler unchaste, but eherishcd right of some Scotch antl (ier-
man leudal lords, by a inisapprehension of our law, in the datk
days of the eolony, hâve been claimed by siicli an exacting sei-
gneur as .\[. de Ciitart ? One thinks not.
He that as it may, ihe stone mason awX savant, JeanCuion,
had refiised to do feudal hommage to "' Monsieur de Beauport,,''
KSOUISSKS
283.
I"»
and on thc 2ûth fiily, 1640, six years after thedate ofthe inscrip-
tion, under sentence rendered by Governor de Montmagny, he
was niade to do so.
Who will decipher the I. H. S. — M. I. A., the letters at the
the top of the plate ? Is there no descendant of the haiiglity
Seiiinior of Beauport, Robert Gifart, to give us his biogra-
phy, and tell us of his sporting days ; of the black and grey
ducks, brant, widgeon, teal, s lipe and ciirlew, etc., which infes-
ted tlie marsliy banks ot the stream -the Ruisseau ifr l'Ours, on
which he had located, tîrst his shooting box, and afterwards his
little fort or block house, against Iroquois aggression no doubt ?
Gilart was a keen sportsman, tradition repeats. Did the locality gct
the nanie of Canard'u-re on account ofthe Canards, the ducks, he
had bagged in his time ? Wlu) will enlighten us on -"Il ihcse
points ? Whcre are our " Oldbucks' ?
***
Québec, 8tliApriI, 1S80.
Query — Would I. H. S., stand for Jcsiis Ihuiiiiiurn Sal-
vator ? and M. I. A. {or Maria-jostp/iiis- A/mal — the lloly
Faniil)- — asks Dr W. Marsdcn.
i.i'.rrur. m: (.omik u'orsonni-ns
.-/ )/. /. M Lc}[oinc,
l'rcsidcnt de la Socii'tc Ltftiraivc et Historiijue, Qiiél)ee,etc .
Cher Monsieur,
Notre lettre du ler avril, publiée dans le .]fori!iii^- Ciironielc,
en grou[)anl, autour du premier manoir cmadiL-n. des grands
noms canadiens, des faits historiques et des iravliiions, semble
vouloir nous fai:e regretter ericore plus la perte d'un mMiumcnt
dont il ne reste i)lus (lu'une phu[ue île plomb gravée sans art,
avec une inscription sans oriogra|ihe. Je suis allé, comme bien
d'autres, voir ce morceau de plomb, (|ui contient autant ipie
rimprim-M'ie peut le représenter, l'inscription suivante :
i. H. s. M. I. A.
!.A\ 10,^4 ],1-:
NT F.
15 iviid'/r iK Erivi'i.A
PRKMII'IRK ^CGIKAR^
S1•:IGX]■:VR 1)1', CV. la FA'
La première ligne a été, sans doute, gravée avec une ]>i)inte.
l'incision jjIus indécise est aussi moins profonde, de même que
les lettres ntk ajoutées audessus de PLA. pour fiire le mot
planté, que l'art du graveur ou la largeur du ciseau n avait pas
su contenir dans la troisième ligne.
284
LE MANOIR DUCHESNAV.
Les lettres des trois dernières lignes ont été coupées avec un
ciseau de un demi pouce de large, l'incision est nette et bien
dessinée ; on voit encore les ligne-; (pii ont été tracées dans
toute la largeur de la plaque, au nnj_\'en d'une pointe pour guider
le ciseau du graveur.
Dans le centre de la plaque, or. disiingne avec peine un écus-
son portant un c^eur renversé et llamnié ; au centre de l'c-cu,
trois étoiles. Impossible de dire si elles sont posées en face ou
sur un champ ([uelconque. Le tout a dû être sr.rmonié d'un
lieaunie, car on voit encore de chupie ci")té de l'écu des lignes
courbes multiples cpii doivent nécessairement représemer les
lambrequins ; sur le C'")té gauche, un bout de banderole, mais
!'(?;■/ /.■.■/(• a dû abandonner s i première idée, car le hau' de la
l)an(.lerole se perd dans le-; lignes du lambi'c quia.
J'ai lu dans la letlie qui accompagnait l'envo: de madame
Gugv, cpie les ouvriers, (jui avaijiit ir.ivaillé aux ruines, disaient
avoir trouve la plaque de plomb roulée avec certains d icaments
qui seraient tombes en |)0ussière au toucher. La cliosc nn'
p>aralt impossible Le dessous de ia plaque indique qu'elle a été
posée ù plat sur un lit de mortier ; et la partie gravée, du moins
celle où sont gravées les armoiries, cpi'une pierre pesante a été
placée dessus, et c'est par l'entl^ncement de sa suiface inéga'e
que la pliq^art des lignes gravées ont été détruites. On voit
encore dans le i)lomb oxidé, l'empreinte d'une coqudle ])étririée
qui se trouvait agrégée au calcaire.
l']n roulant le bloc suj^érieur, les ouvriers ont ])u plier l-j
métal ; de là, l'erreur de croire que la plaque était roulée ; elle a
dû, comme toutes clioses de ce genre, être placée dans une
cavité comme fond, où on avaitfdéposé le document tombé en
poussière et les •• (ju.elques sous ' (pie ces Iioîinètes o .vriersont
gardés pour eux, sans doute, sans en connaître la valeur.
Peu habitué à lire de telles inscriptions, mais connaissant la
piété des ])remiers colons du Canada, j'essayait de donner un
sens courant à l'inscription et je trriuvai ([u'on pcuivait lire ceci :
Jcsi! Houiiiimn Salvaiorc, Maria InnuacttlaWi A/tst'icc.
fSous les auspices ou la i)rotection de Jésus, Sauveur des
hommes et de MarieJmmaculée.)
L'an 1634, 'e
25 juillet — je -été plantée
première jiar (wu pour) C. (chirur ) Ciifart, Seigneur de ce lieu.
Jusqu'à présent la chose se lit bien, 1'^ sens en est raisonnable
et i)ositif. .Supposant le chirurgien un homme instruit et lettré,
l'inscription latine se complète d'elle-même. Mais, hélas 1 il y a
un mais, -la lettre C avant (lifart me trouble un peu. (Jomiue je
n'ai sous la main aucun volume, aucune tradition du temps à
liSQUISSKS
285
consulter, je suis obligé de m'en tenir aux coijespondances de
journaux, et je trouve dans toutes le pronom de Uobo t — cc qui
lieu.
Inable
lettré ,
lil y a
|iie je
liPS
a
ne commence pas du tout par un L ! Mais le C., le mallieunnix
C, ne serait-il pas l'initiale de Cloutier, le charpentii.'r ou l'en-
trepreiieur avec lequel (iifart avait tait un contrat à Mortaigne,
le 14 mars 1634, (p;atre mois à peu prés avant la ]X)se de la
première jnerre / Alors il faudrait lire : j'ai été ])lantée jiar
Cloutier, (iitart étant seigneur de ce lieu.
Je m'arrête, le souvenir de icrtai/îiS inscrijnions sur certain
/(','.'/ vient troubler toutes ces belles s])éculations. A tor'-e de
vouloir être .>-(/:•<?///, 0:1 poin-rait faire dire à Robert (lifart des
choses qu'il n'a jamais pensées.
Si. aj)rés tour, ce (jifart n'était pas .ui:<a//f, et ([u'il eut voulu
dire ]>ar 1. IL S., Jésus-Christ, et -\J. 1. A.. Maria ; ce serait
trop fort. — J aimerais mieux la théorie de M. le Dr Marsden cl
de M. liédard. Mixria, Joacliiin, yln/ui. Le 25 juillet étant l:i
tête de saint Joachini, il serait plus raisonnable de penser qu'on
aurait mis la construction du premier manoir canadien sous la
protection et les auspices du saint du jour.
Reste à savoir si la Saint Jacques se fêtait le 25 juillet, la
Saint Joachin le 26, en l'an, de Notre Seigneur 1034
.ie laisse à d'autres de mieux trouver.
Quoicpi'il en soit, cette date 1634 est un centenaire mémo
rable, car c' est en 1634 que Jacques-Cartier visita le gohe Saint-
r^aurent et c'est en 1534, qu il remonta notre beau llcuve jusqu'à
floch.elaga, cent ans avant la in-emiére concession sei^rneuriale
de lleauport.
J'ai l'honneur d'être,
onsieur,
\'()'.re liumble serviteur,
Cte d'()RS().N'X!:\s
L'iN'.vruiiTiox Di; .MAXoin ]>K nr.Ai/rok'i'.
Carmi xint masse de vieux cfocuments que je possède, concei
nanc la seigneurie de j'eauport et ses seigneurs, j'ai trouvé le
reçu suivant :
" Je soussigné, confesse avoir reçu un billet de cent cinquante
livres de monsieu de Heauport, pour ce qu'il m'avait promis
pour iaire sa bâtisse de logi.s de Beauport.
•' l-'aict ce 27 ième juillet 1642.
•'P. Cl.U.ST.'
Cela donnerait peut-être une explication des abréviations
''' P. C". '' de l'inscription trouvée dans les ruines du vieux
manoir.
Kn effet, il est loisible de supposer que cet architecte a fait ce
que ses confrères modernes font encore, et qu'il a gravé ses ini-
286
LE MANOIR DUCHESXAV
tisles sur l'inscription commémorative de la pose de la première
pierre /Arw/d'v (/ans la bâtisse de Bcauport.
H. J. J. DUCHESNAV
La Bcaiice, 14 avril, 1S81.
LA LETTRE DE H. V.
( Ar.iîÉ HospicK Verreau ? )
Uuc relique historique.
La Minerve a publié 1 inscription de la plaque trouvée à Beau-
port l 'ii. Journal de Québee l'a reproduite aussi ; mais avec une
•certaine différence I^our l'étude des personnes éloignées et pour
lutiiité de la science, il est bien désirable qu'on en prenne de
nombreuses impressions sur i)]âtre. Si madame Gugy accorde la
permission nécessaire, elle méritera certainement Ja reconnais-
sance de ceux qui étudient n(jtre histoire.
Il ]>araît que le dernier chiffre de I.i date se lit avec difficulté.
Jl est toutefois très important de le déterminer avec toute la
précision possible.
A mes yeux la date du 25 juillet entraîne plusieurs consé-
quences qui disparaissent avec un autre chiffre.
I. Le vingt-cinq juillet est consacré à l'apôtre Saint Jacques-
le Majeur. Ne peut-on pas traduire le second groupe triliuére,
M. J. A , par Majori Jacobo Apostolo. Le premier groupe, si
connu d'ailleurs, étant latin, il est nature à supposer que le second
l'est aussi.
IL La fête de Suint Jacques-le-Majeur, qui tombait un mardi
en 1634 était chômée : par coiîsé(]uent les travaux serviles ont
dûs être suspendus ce jour-là.
III. Le même jour, 25. juillet 1634, Robert Giffard assistait à
un mariage à Québec, ce qui peut expliquer pourquoi il était
remplacé, à Beauport, par son fils Charles.
!NIais la pose de la pierre angulaire d'une simple maison, un
jour de grande fête, me semble ditîicile à explic^uer, qu'on veuille
ou non y faire intervenir les cérémonies de la religion.
L'expression : Je été plantée offre aussi une difficullé. A cette
épo(pie ou faisait de noml)rcuscs fautes d"orthogr,i;)lic. mais ou
avait presque toujours le mot ])ri)jirc.
Il est bien vrai qu'en termes d'architecture, on disait :'ianter
un édifiée \iO\\x\assL0!r sur la maçonnerie de ses fondements . ■
mais je ne sache jias (^u'on ait dit : //i?,7/('r les pierres des fon
déments.
Celte pla([ue n'aurait-elle i)as été destinée à une cioix plantée
à l'endroit que Giffard voulait défricher ?
11 est d'autant plus naturel qu'il ait commencé ses travaux par
cet acte de foi qu'iJ devait songer de faire bâtir une église prés
•d' 'Mneure Dans cette supposition, on s'explique facilement
ESQUISSES
287
:c;tc
011
[///('/■
\fi/s ;
ïon
Intce
-que la croix ait été plantée un jour de fête solennelle, où tout le
monde, surtout à cette époque, devait vaquer à ses devoirs reli-
gieux. Je vois dans les Archives de Beauport, par Monseigneur
Langevin, que la maison deGiffard, d'après M. Ferland, devait
être plus pi es de la petite rivière que le manoir actuel.
C. Giffiird, qui est désigné comme seigneur de Beauport, est
le fils de Robert. Il était né en France et devait être encore
assez jeune. C'est de lui que parle le /(^z/rz/ti-/ des Jésuites en
disant que le fils de M. Giffiird passa en France, en 1646, avec
plusieurs jeunes gens "tous fripons pour la plupart qui avaient
fait miWe pièces à l'autre voyage, et on donnait à tous de grands
appointements."
Ce 28 octobre, il était parram et il s'embarquait le 31.
Il n'est plus question do lui après cette date, soit qu'il ait
renoncé au Canada, soit qu'il ait j^éri pi'ématurément. Le père
reprit sa seigneurie de Beauport qu'il fit agrandir le mieux
qu'il put.
r. S — En écrivant ce qui précède, j'étais un jieu pressé;
j'aurais dû remarquer cependant que, sous la lettre C, les lec-
teurs ne pouvaient deviner le prénom du jeune seigneur de
Beauport. Il s'appelait Charles^ et devait être né en France,
comme sa sœur Marie., qui devint Madame de la Ferlé.
Dans l'intérêt de nos lecteurs, je ferai remarquer que le Dic-
tionnaire GénéalogiQUc renferme à l'article Giffako, certaines
erreurs. Ainsi Françoise qui commence l'article est la môme que
Marie Françoise qui la termine : elle se fit religieuse à riiùlel
Dieu, h'époviiie de/ean/nc/iereau de /a Fertè fut Marie, née
en France, puisque son contrat de Mariage, en 1645, la dit "âgée
de 17 ans environ," ce qui reporte sa naissance vers 1628,
Charles assiste et signe au contrat. Ce n'est pas Robert Gijfurd \
mais son i\\% Joseph., dont le corps fut transporlé à la cathédrale,
le 13 décembre 1705."
* *
*
Le manoir de Beauport, après être reste pendant près
de deux siècles en la possession de la famille Duchcsnay,
passa au col. B. C. A. Gug\-, il y a trente ans et plus. T.c
colonel s')' bâtit to>it auprès une demeure plu-^ moderne ; il
a acquis des héritiers de Salaberry, le domaine adjacent.
La propriété est tnaintenant ^occupée par daine \'euve
Gutrv et son 'jondrc M. II. Rv'and.
par
■près
lient
w
HALDIMAND-HOUSE, Montmorency
Au nombre (.\c~, s[)L'Ctac!es ^n'andiosos que la nature a
senics si libéralement, autour de notre ville, nommons en
premier lieu la chute de Montmorenc)' — ijui borne à l'est
la 'florissante paroisse de Bcau[)ort, à sept milles de Québec
Dans un évasement ou bissin creusé dans la rive nord
du St-Laurent, la fameuse cascade tombe avec fracas,
d'une liautcur qui vous donne îe vertige. Sa blanche écume
irriséc des rayons solaires, vue du ileuvc, vous fait l'etTet
d'un colossal rideau de satin blanc ou bien encore, d'un
fleuve de k^'!, eu ébullition, d'où lui est venu le nom popu-
laire La l'iic/h', bicii longtemps après le nom historique
qui rappelle un éminent prélat, Laval de Montmorency,
et u)\ Vice-Roi distingué. Le volume îles eaux tombantes
est moindre, il est vrai, que celui de la cataracte de Niagara,
mais l'onde impétueuse se précipite de bien plus haut ;
l'élévation est de deux cent cinquante et un pieds, — deux
cent cinquante pieds d'après noitcJicttc s Tûpography.
[^ j -> ( t
i , _j — f.
Notre cascade, si majestueuse, si pittoresque en été
f^uand i'arc-en-ciel il!un''.ine ses bouillons, sait varier ses
,is5)ects seloTi les .^ai-ous. Aux sombres jours d ? l'hiver
une montagne, ou cône glacé, créée par le revolin des
eaux, [)résente à sa cime ime glissade, où la descente se
fait avec une rapidité vertigineuse ; quelcjues fois, ^on
intérieure se transforme, sous 'a main, de l'homme, en un
vaste et fééricjue palais, où tout est de glace : parquet,
sièges, can;ipés, girondoles, tables mêmes, tout excepté les
,orbets et les friandises appétissantes que l'on y sert mo}'en-
iiant ilnai^.ce.
Ça rappelle, ce palais de glace érigé, en 17S7, par cette
astucieuse et cruelle czarine de Russie, Catherine c^ue
Carlyle surnomma "un Louis quatorze en jupons" et que
été
SCS
ivcr
des
se
ron
un
luet,
les
:en-
Ictte
lue
Ique
ESQUISSES 289
ces admirateurs en France nommèrent "La Simiramis :ki
nord."
Le poète anglais Cowper décrit comme suit cette.
merveille.
"Silently lis a ilroam the fabric rose ;
ice upon ice, the wuU-udjustud partg.
Lamps pracofuUy disposée!, aiul of ail kuei,
Illumine everj- siilo
So atood thu liright prodi^ty
Mirror ncoded none
Wlicra nll waa vitrcous ; but in ordor due
Convivial table and commodious Beat.
Sofa, and couch, and high-built-throne august.
a ecene
(tf pvnnescont glory, once a stream,
And Boon to glido into a Btream again."
(Th$ TjilK-Book V. 1»7).
Madame H. C. Romanofif, dans ses vers, dépeint un
palais de glace où une czarine de Russie, mère de Pierre-le-
Grand, qui monta sur le trône vers 1730, avait fait prépa-
rer la couche nuptiale de l'infortuné prince Michel Gal-
litzin, en punition d'avoir quitté l'église grecque pour
l'église latine.
Le site, si favorisé de la nature, se recommande aussi à
l'antiquaire et à l'historien, par les traces, les monuments,
la mémoire des luttes héroïques du passé.
Sur les rives est et ouest de la chute, en juillet 1759,
étaient campés en regard les escadrons des deux fières
nations, qui après s'être mesurées en un duel mémorable,
sur la plage de Beauport, au bas de la falaise, le 31 juillet
de cette année-là, devaient, cinq semaines plus tard, sur les
plaines d'Abraham, régler le sort de tout un continent.
Le sol est en effet fertile en grands souvenirs. Plusieurs
des hommes les plus marquants de nos annales, à diverses
reprises, l'ont foulée cette verdoyante côte de Beaupré :
Jacques- Cartier, Champlain, Giffard, Laval, Ste-IIélèac,
Juchercau Duchesnay, l'hips, Arnold, Wolfe, Montcalm
Lévîs, Bougainville, de Vaudreuil, Murray, Cook, le
Prince Edouard, les généraux américains, Chandler, Win-
chester, prisonniers de guerre en 18 14, les DeSalaberry :
sans compter les ducs, comtes et marquis, gouverneurs
du pays sous les deux régimes.
19
■m
II
K '
l'^ïî
290
HALDIMAND IIOUSE
Kn examinant les deux rives du Montmorency, hérissées
pendant le grand siège des tentes blanches des régiments
Royal-Roussillon, de LaSarre, de Guienne, etc., et, sur la
pointe de l'Ange-Gardien, des bivouacs des farouches
^lontagnards d'Ecosse, etc., on trouve des éclats d'obus,
de inortiers, des boulets rongés d'une rouille centenaire
etc., cotnine au temps de Virgile :
"l'n jiiMi' 11' lulimiivnr il.uis 01'» m^iii ■« siiUiUi
Où (loninMit li'9 ili'liris di' tant ilr biitiiilloiis.
lli'iiiiiint iivco If Hiip li'iir aiilHiiic (li''iiiiiiilli'.
'l'i'inivi'ra sons so« pas (loj il.inU roiiiîos ilr i-ouill ■ '
Sé'.luit par le ciiarmc de cet âpre paysage, vSir l-'rccleric
Ilaldimand, gouverneur de cette colonie, en 1779, s'}- était
érigé une villa, dont le pavillon surplombait la chute même.
Les mémoires de la baronne de Riedessel | i] récennnent
H\rcs à la publicité, nous en donne une intéressante des-
cription, lors de sa \'isite en 17S2. La pai'olc est à cette
belle et noble dame :
"Nous passâmes fort agréablement plusieurs semaines à
Québec, pendant l'été de 17S2 [de retour de Ncw-'S'ork'. j
"Le général llaldimanci s'était construit une maison au
(I) i'i'.'ili'i ika vnii TiLis-ow, iilu'; taril liarou'-io <1 ' IUoiIimspI, naiinit on All'.iiiii;ii:\ cii
174ii. S m |i'iv OL'iiipait sous l''!-.'MlrTic IL >iu jioati' iiiilitaire ('■K'V.''. li:i l'i'OUtliiiLv' lui
avait l'ait ili/!i d'uiu' iioiabiTiisi! fuiiiilh'. A TàsTo do K! ans, t-u ITiJl, sa lillo, la l);"llt>
vipruc Alli'iiiaiidi? aux youx lili'us, aux diri'S (Us inôinoii'os, riiousa ^t. Kii'dos^scl, un
lii'illarJ iiiilitaiiv attaclu'' à nu ivtrimi'Ut de l'aiitassins. Kn 177(1, le capitiiiiiiMl',' liicd^'.ssi'l
l'ut cliaiui' du conmiandiMncnt du fontiu'ji'i'.t niilitair,? du 1,01)0 lioiunies, formant partie
des lii,7ni fournis à l'An^dotorro d'aiirOs li'S triiitos, liors d'un corps do froupos do 'io,00l)
lioninii.-i promis jiar los petits Ktata do rAlloniatïno, pour aidor la K>"aiulo ]!rota«no i'V
mettre à la raison SOS iiir)\iiioos rovoltoos do l'Am^Ticiue : do e''tto lutte prolongée et
fratiioiilo n:niuit, en IT^-I, rL'iiion Aniérieaino, en vertu du traite sijîué il cet otlot par
l'opiniatro, lii'ii ijin^ délM)niiaire,(loortro III. Le baron do iviedossel mettait pied ;\ terr,>
avec ses troupiers, à (^luéb.'c. h' ^juin 177il ; sa jeune l'^pouso et sa tondre famille, au lieu
de le rejoindre, par suite d'événements ineoiitnMalilos, ne )mt faire le trajet que le jiriii-
temp:< suivani, au jrvaml rotrrot do M. le ban.n et di' madano' la baronne : le 11 juin 1T7V.
elle débaniuait à (iuél)"0, do la l'iévato niv-laiso lUttiiiU-, spéciali'nient cbi'.ruéo de 1 i
l'aire i'."-s.M- '11 Amoriipio, i)our rejoindre son époux eliéri et diurii- d' Tétro. Hàtons-
iious d suixie rieToiiiue épiniso, trainaut à sa suite trois enfants ou bas àî^o, à ti'avors
les m.llo (bumers. 1 os scènes de. earna'j'.', les borp'urs do la faim et d" la fatijfuo (|i!i l'at-
tendaient pendant cotîe terrilde lutli'. ofi son inélu'iinla'olo cimra'.^e, sa doiua'ur, les char-
mes lie son esprit et sa ravissante îiyiire lui iiréparaiont des aventures presiiii'ineroyable?.
Jl faut Lire et ivlire ses lettris .alïeutuousi s écriti>-; dans la solitude de latente, rp.iel'i'.ios
fois sur le eliamp il' bataille, i^l des personnes i|ui lui étaient elu'res, par delà les nier?,
pour conipiindr'" eo i|iio le oioiir d'une mère jiout eimtonir d'ai-imes ib' tendresse, au-«i
bien que po'ir aibnirer les insondables secrets, l.'. iiKiin secourablo do la Providence, an
seiii dos i;raiulos calamités liumaiiies. Comme fi mme, comme éi)ouso, comme m'''ro,
niad'inie de Kied ossol a droit i\ une place distini;uée parmi les femmes fortes et pures du
»iècle 011 elle vécut.
Honorée dos souverains d'Anij:letoriv autant ipio dos pr'ncos allemaiuls, chérie do -ia
faiiiille, elle terminait i\ lierlin.uno liuicriio ot brillante carrière, on I^HH, ii ràjre do 02 ans.
ESQUISSES
291,
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.ibles.
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iin>re,
nos du
d'2 sa
\'-2 ans.
haut de la rive, laquelle structure, il nomma "Montmo-
rency House," d'après la célèbre chute voisine qui porte
ce nom.
"Il nous y mena [le général et moi].
"C'était sa marotte ; pour sûr, le site en était incompa-
rable. Cette fameuse cataracte de Alontmorenc)' s'élance
d'une hauteur de cent soixante trois pieds avec un bruit
effroyable — à travers une .çorge taillée entre deux préci-
pices. Juste au moment où le général nous indiquait ce
magnifique spectacle, je ri-quai par hasard la remarque
qu'un belvédère, érigé au dessus de la chute même, ferait
un effet splcndide.
"Trois semaines plu^ tard, il nous conduisit une seconde
fois à la chute. Nous eûmes à gravir un sentier fort à
pic ; nous franchîmes des rochers escarpés, reliés par
des petits ponts suspendus, comme l'on en voit dans les
jardins chinois. Une fois au haut, il me tendit la main
pour m'aider à pénétrer dans un réduit aérien qui surplom-
bait la cataracte même, li s'extasiait de mon courage, je
m'y étais hazardée sans hésiter un instant.
"Avec un guide aussi sûr que vous, lui dis-je, je n'ai pas
éprouvé un moment d'alarme. Puis il nous fit voir comment
le pavillon adhérait au précipice : il tenait à la rive même
par huit fortes poutres tendues au dessus de la cataracte.
Elles étaient fermes pour un tiers- de leur longueur dans le
roc même : le pavillon reposait sur ces poutres. On y con-
templait un point de vue plein de majesté, mais aussi plein
d'effroi. Le fracas des eaux tombantes était ^i assourdis-
sant, que l'on n'y pouvait tenir que qucl(-[ue.-i instants.
"En aval de la chute, le- jjcchcur> prL-nncnt de beilfs
truites ; mais en une certaine occasion, il en coûta laA'ieà
un militaire anglais. Pour atterrir le poisson, il se vit con-
traint de sauter d'une roche \ l'autre ; son pied glissa et
l'onde l'engloutit : on ne trouva au bas que quelques
membres épars et meurtris seulement."
*
* *
»92
HALDIMAND HOUSE
Voici pour Haldimand House un maître nouveau, d'une
illustre lignée celui-là. Il en fera ses délices chique été, de
1791 à 1794
Jeudi, le 11 août 1791, grande commotion chez cet
important élément de notre population, le monde officiel,
aussi bien que dans les rangs dcsfashionables. Deux vais-
seaux de guerre anglais, V Ulysses et la Resolution jetaient
l'ancre sous nos bastions, ayant à leur bord, après une
traversée de sept semaines de Gibraltar, le 7e régiment de
VdiX\t^ss\ns, Royal Fnsilcers, comm2Lndé ^2ir le quatrième
fils du roi de la Grande Bretagne, Edward, Duc de Kent,
le futur père de notre reine.
C'était un athlétique gaillard de vingt-cinq ans, plein
de santé et de bravoure. L'aménité de son caractère, ses
manières courtoises, sa verte jeunesse le rendirent bientôt
le toutou du beau sexe de tous les degrés. A l'exception
de son frère, le Duc de Clarence, plus tard Guillaume IV
et qui ne fit que passer en 1787, jamais Québec n'avait
été honoré de la présence d'un prince du sang. Milord
Dorchester, qui devait sous peu faire voile pour l'Angle-
terre, se hâta d'annoncer un grand lever officiel au château
Saint-Louis, pour souhaitef la bienvenue au fils de son roi.
Serait-il possible de restaurer le monde officiel, les noms
des hauts dignitaires, des membres de la noblesse qui à ce
mémorable lever du 12 aïoût 1791— firent acte de pré-
sence, à l'invitation d'un gouverneur aussi chéri que l'était
Milord Dorchester ? Essayons.
Voici, a la droite de Son Excellence, !e Lt. Gouverneur,
le général Alured Clarke, auquel il doit sous peu remettre
les rênes de l'administration pendant son absence : puis
des juges, des Conseillers Législatifs en robe, en jabot,
avec queue, ample perruque, poudrés à blanc par le perru-
quier fashionable M. Jean Laforme ; d'abord le savant
juge en chef l'hon. William Smith ; le juge Mabane, grave
et préoccupé comme à l'ordinaire ; le Secrétaire Provincial,
Pownall ; les hon. MM. Finlay, Dunn Harrison, Collins,
ESQUISSES
293
Caldwell, MM. Lymburner, Haie ; puis, des noms connus à
l'armée, dans la robe, au forum ; quelques-uns inscrit-j en
grosses lettres, sur des parchemins aux armes de la France :
de Longueuil, Haby, de Bonne, Duchesnay, Dunières,
Gueroult, de Lotbinière, de St-Ours, Dambour^ès, de
Rocheblave, de Rouville, de Houcherville, Lecompte Du-
pré, de liellestre, de Tonnancourt, Panet, de Salaberry.
Je vous entends vous écrier: " Ces braves gens y étaient-
ils tous à ce lever ? "
Je ne le jurerai pas : comme loyaux sujets, autant
qu'en leur qualité de grands dignitaires, ils devaient s'y
trouver, s'il étaient à Québec ; tel le voulait l'usage.
L'après-midi il y eut, pour les dames, réception au châ-
teau, miis avec moindre entrain. La renommée aux cent
bouches répétait que la belle jeune femme que le Duc de
Kent avait amenée avec lui de Gibraltar n'était pas
Duchesse : Alphonsine Thérèse Bernadine Julie de Mont-
genet de Saint Laurent, Baronne de Fortisson ; — feu M.
Fortisson paraît avoir été colonel dans l'armée française.
Une dame portant un nom illustre et que je nommerais
si cela n'était pas indiscret, fit la moue : " elle n'irait pas
au château de crainte d'être présentée à Mme de St-Lau-
rent " laquelle pourtant ne fut pas présente à la réception.
La séduisante française vécut vingt-huit ans avec le
Prince Edouard. Désabusée des grandeurs de ce monde,
elle s'arrachait, en 18 18, aux charmes d'une union morga-
natique pour redemander à la solitude du cloître l'oubli du
passé
*
* *
Le célèbre voyageur Isaac Weld nous peint en aoiît
1796 la villa Haldimand, à peu près sous les mêmes traits
que la Baronne de Riedessel le fit, en 1782.
La majeure partie de Haldimand House subsiste
comme le Prince Edouord la laissa : on y voit encore
son cabinet de travail, une couchette et nne table en noyer
qui lui appartinrent.
294
HALDIMAND HOUSE
M. l'atterson, .seigneur de Hcauport et propriétaire
des grands moulins et usines qui l'avoisinent, en fit l'ac-
quisition vers 1 815, et y vécut nombre d'années.
Son gendre M. George Eenson Hall lui succéda ; Haldi-
mand Ilouse, meublé avec luxe, entouré d'un parterre
de fleurs, et de gazon est maintenant occupée par M.
Patterson Hall, le fils aine de M. George Iknron Hall,
l'ancien propriétaire.
MONTMORENCY COTTAGE, Beauporl
A q\u;lquc.s acres en aval d'IIaldiniancl Ilcnise, au Sault
Montmorency, et tout près du bord de la chute même, M.
l'cter l'atterson, (natif de Whitb>-, Angleterre,' établi à
Québec, veis 1790, et possesseur des vastes scierie'^ au bas),
y érigeait, vers le commencement du siècle, un corps de
logis pour le gérant de ses moulins.
M. George lîenson Hall, son homme de confiance et
plus tard son gendre, occupa nombre d'années cette loge,
avant son installation au manoir principal. .
Agrandie et améliorée, la loge devint bientôt une pitto-
rc.sciue villa : elle se dresse si près de la mugisante cata-
racte, (pic le vent du nord-est porte le revolin tles cp.ux
jusque sur sa toiture, tandis que le _^/(is-as perpétuel et
assourdissant de l'eau tourbillonnante, assoupit les
sens : il est difficile tle s'y soustraire à l'inlluence des pavots
de Morphtie. IJes escaliers, liauts et roides conduisent aux
belvédères <pii surplombent la chute.
En avant de la résidence et courant en une pciitc
douce jusqu'aux bords escarpés du cap, il règne un ga/.on
velouté, encairant un délicieux jardinet, bien rempli de
fleurs, avec bordure en pâquerettes roses. Le parterre vous
plaira, j'en suis sûr: une mosaïque de giroflées, de pel.irgo-
r.iums, de balsamines, roses, veinées, panachées, blanches ;
de tlox écarlate, d'agérates bleu-claire, de lobélies blancs,
bleu-foncé ; de dahlias pourpres, roux, souff're ; de lavetide
musquée, de pourpier multicolore, de salpiglossis variés.
Près de la piazze, une rangée de soleils éclatants, (l'hé-
liante) hommage à Oscar Wilde, proclament la nouvelle
école esthétique.
Même à la morte saison, la villa n'est pas sans fleurs,
296
MONTMORENXV COTTAGE
sans parfums, grâce à un petit jardin d'hiver, chauffé à la
vapeur, dont l'appareil est dans la demeure même.
Ce champêtre réduit, c'est la résidence de celle des
filles de M. Hall, qui épousa M. Herbert M. Price.
En parlant de Haldîmand House, j'ai dit que l'endroit
abondait en traces et en souvenirs du grand siège : toute
celte région de la côte de Beaupré ayant été pendant deux
mois le théâtre de la lutte acharnée et des passes-d'armes
journalières, entre les troupes françaises et anglaises.
Si jamais la fantaisie vous prend de vous renseigner
minutieusement sur les incidents militaires qui se passèrent
en ce local, vous ne sauriez trouver un cicérone plus
versé, plus compétent que notre ami M. Herbert Price,
zélé membre de la Socictc Littéraire et Historique. M. Price
a fait une étude toute spéciale des opérations de
Wolfe et de Montcalm, pendant l'été de 1759. Il a
réussi à collectionner une foule de relations du grand
siège — des cartes et mémoires des officiers qui y ont pris
part, — des gravures et tableaux des flottes anglaises à cette
inti-ressante époque ; il est en voie de s'ériger un petit
musée pour héberger tous ses trésors — ses antiquailles :
vieux canons, anciens fusils, obus, boulets, sabres, bayon-
nettes rongées de rouille, éclats de bombes, calumets, dards
de flèches indiennes, couteaux de poche, ces curieux cou-
teaux à gaîne du siècle dernier. Tout récemment il faisait
l'acquisition d une antique pièce de 24 — où la rouille a
gravé de profondes rides ; un des canons repêchés au Cap
/j/7//t-' vis-à-vis l'Ile aux Grues au nord, par le capitaine
Antonin Lavoie, de l'Ile en question — à l'endroit où VEle-
p/uvit, frégate française, sombrait, le ler septembre 1729.
Ce vaisseau commandé par le Comte de Vaudreuil, portait
entr'autres personnes marquantes : Monseigneur Dosquet,
évêque de Samos, l'Intendant Hocquart ; tous y faillirent
perdre la vie.
M. Price, au moyen des anciennes vues prises du tillac
des frégates anglaises — par les capitaines Short et Smyth
ESQUISSES
297
la
€n 1759 — au moyen des cartes et des relations du siège,
et en feuilletant le journal si détaillé du capitaine John
Knox, de l'officier du génie MacKellar, mais surtout par
un examen minutieux du site des deux camps à Beauport
et à l'Ange-Gardien pendant leurs opérations depuis le 9
juillet au 2 septembre 1/59, vous fait comme toucher du
doigt, chaque progrès, chaque reculade des deux géné-
raux.
Les deux incidents les plus marquants de l'occupation
militaire de cette région sont : l'embuscade meu'-trière des
sauvages sous de Langlade, au gué d'en haut, sur le Mont-
morency, le 25 juillet, et le combat si désastreux pour
Wolfc, au gué d'en bas, sur le fleuve St- Laurent, le 31
juillet, i759-
Un nom doit surnager à la suite des événements du 25
juillet de cette année là, un nom auquel l'histoire aura à ren-
dre une justice tardive : celui du vaillant Charles de Lan-
glade, le héros de Montmorency en 1759, comme il l'avait
été de la bataille de Monongahcla, le 9 juillet 1755, à la
défaite de Braddock.
Charles de Langlade, intrépide chef et ami des Peaux-
Rouges, si renommé pour ses exploits dans \di petite ^tcyrc,
(i) semble avoir été un peu de l'école de Hertel de Rou-
ville, avec la vigueur physique qui distingua Luc de la
Corne St-Luc.
Né en 1729, à Michellimakinac, il terminait sa carrière
aventureuse en 1800, après avoir échappé aux hasards de
quatre-vingt-dix-neuf combats et escarmouches, dit son
biographe Tassé. Comme la Corne, lorsque sa patrie subit
ses nouveaux maîtres, il accepta loyalement la situation,
€t se montra un sujet fidèle et dévoué de George IIL
(1) Di'GiTe, l'iiii des comiiagnoiia ik' I/aii«lii(i ■, aftiime quo personne uo savait mon-
trer plus (le sang-froid que lui sur un ehanip de hatuille. Il semblait se comi)laire au
milieu du elinuetis des armes et des cris des eomtiattants. Il raeonto qu'un jour des
décharges trop rapides ayant 6clmulTé son fusil nu point de ne pous'oir s'en servir pen-
dant quelques instants, il tira sa pipe de sa poche, la remplit de tabac, battit le bri(iuet,
j)uis l'alluma, paraissant aussi calme au milieu de la canonnade et du sifflement des
}>alles, qui) s'il ertt été tranquillement assis ,iu feu du bivouac.
(LcH CiinatUins lie l'OiU'st, Tnini: T, Tusse.)
ww
il
igS
M ONTMOR KNC V COTTAG E
Le 17 août dernier, accompagné de M. Price, j'allai exa-
miner lei Sûùhs et le gué de la rivière Montmorency, à
deux milles plus haut que la chiite, où il y a maintenant
un moulin à scier le bois, appartenant au séminaire de
Québec.
^\près avoir lu et comparé les relations de Knox, de
MacKellar, du journal de Jean Claude Panet, sur-
tout celui du Chevalier Johnstone, il nous fut facile de
suivre dans les bois, le sentier par où Wolfe avait lance
ses 2,000 soldats pour traverser le gué et prendre en flanc,
le camp français retranché sur les hauteurs de lîeauport.
Le Montmorency à cet endroit est large d'à peu près 1 50
pas ; la rive ouest, au gué, garnie de retranchements en
terre, dont on voit sensiblement les restes, domine la rive
opposée d'une vingtaine de pieds ; de cette élévation et
protégé par ses retranchements, il eût été facile à Lévis,
de foudroyer le détachement anglais campé à ses pieds
sur la rive est, tandis que les Indiens de Langlade, perdus
sous un épais rideau de la forêt, l'eussent pris en revers.
Langlade était si convaincu du résultat de son hardi projet,
qu'il fit deux visites au camp de Lévis, à la chute, deux mil-
les plus bas, redoublant d'iftstance,mais en vain pour obtenir
de Levis un ordre ou lettre écrite, autorisant M. de Repen-
tigny à traverser le gué, à la tête de ses 1 100 canadiens,
stationnés à ce lieu, pour donner main forte aux sauvages.
Ils demeurèrent, comme dit une relation, embusqués
"ventre-à-terre" pendant cinq heures, dans les bois, inaper-
çus des anglais ; et i)erdant enfin patience et sans attendre
d'autres secours, ils firent feu sur l'ennemi — lui tuant et
blessant de cent à cent cinquante hommes — ne perdant
que deux des leurs.
En examinant la configurarion du sol, les accidents du
terrain, la protection que la lorêt environnante offrait aux
Peaux- Rouges, pour leur genre particulier d'attaque, on
est porté à croire qu'eussent-ils été appuyés des iioo
Canadiens commandés par M. de Repentigny, le détache-
I ■
ESQUISSES
299
du
lUX
on
lOÛ
élé-
ment de Wolfe eût .succombe jusqu'au dernier homme,
sous les balles invisibles d'un ennemi insaisissable.
L'ingénieur en chef, le major Patrick McKellar, dan^
son journal, dont une copie en manuscrit découverte parmi
les M. S S du Sergent James Thompson, a été publiée à
Québec, en 1872, par le Docteur \Vm. Jas. .Vnderson, ex-
Président de la SciIl'i'c Lit(,:yairc et Historique, raconte
d'une manière toute différente les incidents de cette
embuscade et fixe à 55 le nombre des tués et des blessés
de l'armée anglaise. Selon McKellar, cette ambus-
cade aurait eu lieu le 26 juillet. Tassé mentionne le 25
juillet, (i)
( 1) Jii.Y 20111. — .Miout tliroc (iVlnck thi< inornina, flu' (ti'iitnal iiml lUiK-(i>'iicr;il
-Miirriiy, «itli tlu- li.'itli Jli'Kimi'iit, tivc Ceinpiiuii'.'* of ],ii:lit-lnf'aiitry ami ono nf tlu'.
KruiK»'''^. iii'il two ti.'lil-)iir<''s. si't, mit IVoiii .MoiitiiiDrciui-t'iiinp tu roi-'iiiinoitfi' rwo fuiiU:
uImiiii tivc niilfH itliui-f tln' l-':ill~. Al'trr w.' Ii:iil |.rociT.li'(l iil'u'it a luil.' .-iml :i liait', tlio
ficlil liiiTi'S wi'i-i' sent liaili to (.'anip, tlh' ;;r.)/(iiini''i!itf liiii bul to U''t tliom ou. About
lialf-way liftw.'fu tln' caïaii .iiid lli' fnnl tln' r.iîiil paisi's tlininvli a ri'iiiiirkaliL' raviiiH,
wliicli is a'iiiiit .T'Hi yards Imitt, V'TV iiariMW, ami tli t li.iuUs cru r.icli ^id" .-ihov.' 2ii fcet
liiv'li, aiid .<o Hti'i'ii a« tu admit uf no (JUtK't luit wlnn' tli" road //r(.<.st'.s'. l'poii tlio mardi
ui' wtrf rn'i|Ui>Mily ch.dli'ii'-'rd l.y tli"- l'iuiiiy Irom tli<! niipuKitr side of tin- river, for
th. 'y oljsiTVi'd ail onr miom im'iits willi yri'at viL,':laii--'-. rpon uiir eoiiiinii to tln' iirar.-Bt
l'on! \vi> Couud tli-,-y liid a Ijlrast-worl» t l'^on^'id 'raid • cxtr'a npoii th.' opp ).<iti' Itallk.
< In our sidi' 01' tlii' ri vr thiTi' was .iii oprii spatv of ;!rauiid witli :i lioiisr lu tlic ciitri-' oC
it ; ami ou tlii' h ft oi this ojK'îiiiiK tlu' l'oad lo the lord j)assi.'.s tlirouifli woodd. Our
'l'ioops w.'i'i' iiow dr.iwu l'p, to ]h- iti n'a<lim'S3 lu ca.^-.' ofl)"Ui;.? uttaok.'d, llic it.'ith aci'os.s
tlic road, .lud th' l.ivrlit- 1 nCaiit ly ii]ioii t lu- ri^ht alouv tlu- >kirtrt of an oponiuvr, tho
whidi' so !'ar in Ih.' wooils a< to lii' iviiiiv.ah'd. 'l'a.' fnrd ..nd tli.' Kmaiiy'H work.s and
J'oi'itioii wio-c tih'U rc<'nioi..itp.(|, ;ind thi' lompauy of KaULf. rn with a l-'n'iu-li dosi^rtcr
was F.'ut lo ri'conuoitiv thi' oth.T l-'oi-d, whinh i- .iho'il a niih' hiu'hiT up. H.'twi'cii M auj
Il o'dock thiT.' wi'ri' alioiii thirty Caiiailiaiis aiid liidiani sn-ii /oiiiy iuto t!ii' Uoiii«,
upon wliiih thi'i-i- wa..' a pl.ilooii of tliL- S.'.th ouli'red tluoutiii thi' wood-i tn'twccn tliuiii
ami tli' river, to altaik tlii'ui. Just as tlu' platooii luarcln'd oiT it waa fir.'d iijiou, a.iid
thi' otliri'r wiHiinK'd liy tiiiHi' vi'ry ii"Hpl ', wli.i lia.l liy this tiiii • i;ot roand tlii'iu into
tlii! Woods, liiit tli" platoon lii'iM^'.ioim'ilhy a couipany of L''_'lil-lufauii'y, tli^'V wiTii
«0011 ii"atiii hack acrois thi' Itivcr. 'l'h.'i'i' wuh //a n .111 .Viiil.ii.-i'.id.' laid, m cis" of a
second attarlv, wliich was hy ijosiiu',' a Coiiipiny of Ijiu'lit-lufautry on au advaucod
emiionci' ni'.ir tiii' rivt'V in the woods, and lu low tli" niii'iiiiiL,', wiili onli'rs, if atlack.'d,
to ri'tnat liirk alonj tli'^ ro.nl, whii'li would h'ad tlu' rm'iay, if tli -y p.'i'.sui'd. iuto tlie
tire of tlii' H itt.iliun, au'l nivi- a fair eh inc- of C'iittiuj,' olî tlii'ir i-.'trcat with tli;' làKlit-
liil'antry. 'l'Ii 'ri' w ti- («m o!li"r aih mu^ .u.'Ous l'iuinrni'.'.s takrii piis.si';i-iion of at llie s.iiiiu
timo, — uni with two ('oiiipauii's on our l''lr ll.ink. Ui'.ar th' liu'ir. and thi otiii'r with
oUi' Company in tlii' i-.'.'ir of th'- ^aiu' lliiik, U). un th.' riu'ht uf tli' K la.l. Ahout on.!
.l'oloL'k a iK'taclinii'iit of lilti'i'ii huudivd (' iiiadiius and liulian.4 rr.'-fsi'd tlni river coiisi-
d Tahlo way K^oi'/ th" op niii'.;, and, inarchiiij il )wn iiujii'ni'ivi'd. uml 'r covr of itB-
banks, jj'it up .-i niviu" iip'iii tli.' ri.(ht of tli" ailvain-'l l.mlit-tnfiiiicry i-.iiiijiinnj mi'iia
tiiiittil. 'l'Ii!' ot}ir"r l'.iiiiiii iii.|iui.r 'li'it l'uiui' iny k.'pt tlii'iu in pl.iy till ho rail, d in hiiç
si'utrii'H, and tli.'u i-i'lifatiil, ar.ordin..' to 1 lid'r.s ; luit th ' Kii.'my, iusti'ad of piTsiiino
liini, as w.is r.Np,'i't''il. .ilou'.' tii,' roui, .'ud.'avoi'i'd lu train th" ll.■l^■h^ wli.'ro th" tliri',
companii'a win' posti'd. \V'.i"ii tli-y uot u '.ir it, tlu' two Compaiiii'S, itiilh-rrtivi'ii
wlu'i'h'd aiid alt.u'ki'il thi'ir il inrk, whii-li h. 'in.- quitu iiiii'xp"iti'd, tlu'y iustaiitly liirui'd
thi'ir liai'lv.-^ ; aiid tlir hitrlit-lufaiitry l'omiiirf upou tluir r-ar ;it th" naiu" tiiii.', tlii'y
WiT.' so.m drivi'ii into th.' rivi-r, ic/o/'i' llir;/ siitT'r.'d v.'ry '■onsiiI"ratily in iTossiii./.lu'inn
iiuiti'*ii'.-ii to our th-f. W,' did not Kiirn tli" iiiiiiihir of tlu'ir killi'.l and w.nind'il but
th" Indians wm' .li~i.irit.'iL fr.nii tliis d;iy"s lo^s, lo>' ill tlu- r.':!l ot tlu- l'.iinpai(,'ii
W" had f'ifty-tivr iiii'ii killi'.I aud w.i".iiiti'il. olli '.'rs iii.'liidi'd. Onr flilif t kss icir.i* in
piu'sniii'j th.' l'iuiuy luuiu' to tlic riv r froiii th ■ Uroa^-tworks upon th'r oiiposit" hiuikn,
wli.'r.' thiir luimln'rs, rxrliisivi' of thos.' tint attacki'd us, aiu.iant.'d, as wi' w.t) after-
warils iuforiiii'd, to two thons and tiv.' Iiiiudnd iiu'ii '. AftiT liiii yiiiit th" ili'ad, our di'lat'h-
iiu'iit waH ordi'i'i'd to t'arry otT llu' w.iaiul.'d aiul n'turii to Ciinp, wliirh was l'ff'cti'.l
withoiit iiioli'3tati..n. 'l'iiis l'onl is alio'it l'i'i \ar.ls luo.i.l and ahoiit 4 fi'i't di'i'ii ; tlm
watiT is siuooth, (I iiij iuy( j'cijii'i/. Tliu opposit" liauk in vi'i-y sto"jp aud tlio patli-wjy
I l'Wi..
• .1
300
MONTMORENCY O )TTAGE
^«t
L'Historien Garneau décrit comme suit l'engagement
du 31 juillet 1759, au gué du Sault Montmorency :
" Comme la rive gauche, à l'embouchure de cette rivière, f^le
Montmorency) est plus élevée que la droite, il f'Wolfe) fit aug-
menter les batteries qu'il y avait déjà dressées et qui plongeaient
sur les retrauchements de «lontcalm II y porta le nombre des
canons et dos mortiers ou obusiers à plus de soixante. Il fit
échouer sur des rochers a fleur d'eau deux transports, armés
chacun de quatorze pièces de canon, 1 un à droite et l'autre à
gauche d'une petite redoute eu terre que les Français avaient
élevée sur le rivage ; placée au pied de la roule de Courville,
elle défendait à la fois l'entrée de cette route, qui conduisait iur
la hauteur qu'occupait l'armée, et le ].\assage d'un gué qui est au
bas de la chùie Le feu de ces transports, en se croisant sur la
redoute, devait la réduire au sileuce et couvrir li marche des
assaillants. Le lameux vaisseau, le Centurion, de soixante canons,
(2) monté par l'amnalSaunders, vint ensuite s'embusquer vis-à-vis
de la chfUe et le plus i)rés possible, pour protéger au passage du
gué, les troujjes qui devaient descendre du Cam[) di l'Ange
Gardien. Ainsi cent dix-huit bouches à feu environ allaient
tonner contre l'aile gauche de l'armée de Montcalra.
Entre onze heures et midi, le 31 juillet, elles commencèrent à
tirer. Dans le même temps le général Wolfe préparait ses colon-
nes d'attac^ue. Plus de quinze cents berges étaient en mouvement
sur le bassin de Québec Douze cents grenadiers et une partie
de la brigade de Alonckton s'embarquèrent à la Pointe-Lévis
pour venir débarquer entre le Centurion et les transports
échoués. , ^
Une seconde colonne composée des brigades Murray et Town-
shend, descendit des hauteurs de l'Ange-Gardien pour venir,
par le gué, se réunir à la première colonne au haut de la route
de ( ourville, afin d'aborder ensemble les retranchements qui
l'avoisinaient. Ces deux corps formaient six mille hommes. Un
troisième de deux mille soldats chargé de remonter la rive
iiiirrow. The other font rt'coimoitred by tliB Hi.ngorn is hetiieen 2 iiiui tliroe hundrod
yarils l)road ; iu iiiissiiis it thore aro somo isla ids to croupi iii tlie iniddle of tin; rivfr.
'l'Ile bottom is smootli and tlio water sluUlnw, with a sentie curreut. The road to it on
the Coast-side passoa tliioiiKh a morasa covored with thick wood, and almost imprarti-
cabh', whic'h is probal)!} thr loason why the Kni-aiy Kave so little atti'utimi to it, fur
they liad neithrr nn'ii nor worka thcro. Fioni thesi' loids tlicre is anothor load which
leads to "li'Angt'-Oardiou."
(1) " Not cvpu the "Vii'tcry," wliore Xeilsoii diod, was a nioro faniou» and favorite
«hiji among liritixh sailors Ihan tlie old Ceiitiirinn ; in 1710, it was «s her captaiw that
Aiwon led hiâ Uttle siiuadron ou tlieir venturous vovat^e to " put a girdle round the
carth "
In 17.')U, ghc covered Wolfe's Inuding at Québec ; and it is a little odd, that at the
moment the two future circuninavigatora, Cook and liougainville, arnied on opposite
■Bides, were présent with ship whoso famé rested on ita haviug performed tlie saine
feat
Her ligure, head — a lion, exquisitoiy carved in wood is still preaerved at tho G-reeuwich
Hoapitaî."
CWintlirop Stirgeut TJie History o/ an expeiUtii-n agaiiist furt Tmiuenne in 1755,
,p. 139, in note.)
ESQUISSES
.^01
rie
Town-
venir,
roule
ils qui
Un
a rive
uinilvocl
i; river,
to it 011
mpriiet i-
it, t'en-
ul whitli
at lit tlip
opposite
t)u' samc'
irooinvich
III 1755,
galiche du Montmorency, devait franchir cette rivière à un gué
situé à une lieue environ de la chute, et qui était gardé par un
détachement aux ordres de M. de Repentigny. A une heure
les trois colonnes s'avançaient en diligence. Ce plan d'attaque
eût été trop compliqu-^ pour des troupes moins disciplinées ijuc
celles du général Wolfe
Montcalm, d'abord incertain sur le point qui allait Ctre assailli,
avait lait porter sur toute la ligne l'ordre de se tenir partout prôt
à recevoir leurs ennemis à leur approche ; le général Lévis envoya
cinq cents hommes à M. de Repentigny et demanda quelques
bataillons du centre qui le soutiendraient lui-même au besoin. A
deux heures, Montcalm vint examiner la situation de sa gauche ;
il en parcourut les lignes, approuva les dispositions de Léris et
donna de nouveaux ordres. Trois bataillons de réguliers, avec
quelques miliciens des Trois-Riviôres se portèrent à l'aile gauche ;
la plus grand partie de ses troupes se placèrent en réserve sur le
chemin de Beauport, et le reste se dirigea rapidement vers le
gué que défendait M. de Repentigny. Cet officier avait été atta-
qué par la colonne anglaise et l'avait repoussée après lui avoir tué
«u mis hors de combat quelques hommes. La retraite de ce corps
permit au renfort de revenir sur le théâtre de la principale
attaque.
Les berges qui portaient la colonne de la Pointe-Lé vis, com-
mandée par le général Wolfe en personne, après avoir fait plu-
sieurs évolutions comme pour tromper les français sur le lieu de
la descente se dirigèrent tout à coup vers les transports échoués .
Mais la marée était basse ; une chaîne de cailloux et de
rochers arrêta quelque temps une partie de la flottille ; enfin
l'obstacle fut passé, et douze cents grenadiers avec deux cents
hommes d'autres troupes s'élancèrent à terre sur une grève
spacieuse et unie. Ils devaient s'avancer en quatre divisions et la
demi brigade Monckton, débarquée derrière eux, devait les sou-
tenir. I ar quelque malentendu la demi-brigade les suivait de trop
loin quand ils entrèrent en action. Ils marchèrent au son d'ime
musique guerrière, à la redoute qui fermait l'entrée de la route de
Courville. La redoute avait été évacuée. Les grenadiers s'y
arrêtèrent un instant peur se disposer à assaillir les retranche-
ments de M. de Lévis, qui étaient à une petite portée de fusil.
Toutes les batteries de Wolfe faisaient pleuvoir sur cette partie
du camp, une grêle de bombes et de boulets, ([ue les milices
Canadiennes essuyaient sans perdre de leur contenance calme et
assurée. Les assaillants s'étant formés se présentèrent la baïon-
nette au bout du fusil. Leur uniforme de grenadiers contrastait
avec le costimie de leurs adversaires, enveloppés d'une légère
capote serrée autour des reins. Les Canadiens avaient pour sup-
pléer d la discipline des troupes régulières, leur courage et la
justice remarquable de leur tir. Ils attendirent froidement que
les cnnen>'« fussent à quelques verges seulement de leur ligne,
302
MONTMOREN'CY COTTAGE
pour les coucher en joue. Alors (i) ils firent des décharges si
rapides et si meurtrières qu'en i)eu de temps les colonnes anglai
ses, malgré tous les efforts de leurs oflîciers, se rompirent et pri-
rent la fuite ; elles cherchèrent d'abord un abri contre les balles
derrière la redoute, puis, n'ayant pu se reformer elles allèrent se
réfugier derrière le reste do leur armée, déployée un peu plus
loin. En ce moment il survint un violent orage de pluie et de
tonnerie, qui déroba les combattants à h vue les uns des autres
et dont le bruit jilus imposant fit taire toutes les rumeurs de la
bataille.
Lorsque le brouillard se dissipa, on aperçut les anglais qui se
rembarquaient avec leurs blessés, après avoir mis le feu aux
transports échoués Ils se retiraient connue ils étaient venus,
les uns dans leurs l)erges et les autres par le gué Le feu de leur
nombreuse artillerie se ])rolongea jusqu'au soir, et l'on estime
qu'elle tira trois niillo coups de canon dans celte journée ; on n'a-
vait pour y répondre qu'une di/aine de pièces qui ne laissaient
pas que d'incommoder beaucoup les troupes de débarquement.
La perte des français, causée presipi'entièreineui; jvir cette arme,
fat peu considérable si l'on considère qu ils furent plus de six
heures exposés à une pluie de projectiles. Les ennemis eurent
environ cinq cents morts et blessés, [nirmi lesquels il y avait un
grand nombre d'i Ùiciers." I 2]
Un simple ercaniin du local suffit pour expliquer re'chec
du détachement de W'olfe ; les troupes de Lévis étaient
embusquées derrière des retranchements en. terre protégés
de fascines et d'arbres : h est fort intéressant d'en exami-
ner même aujourd'hui les restes en suivant la rive escarpée
et en bien des endroits taillés à pic, de Beauport, à partir
du Sault Montmorency jusqu'au manoir Duchesnay, sur la
propriété Gusi^y. Va\ bien des endroits cette rive a plus de
150 pieds de hauteur ; le détachement anglais dont une
partie était venue de l'Ange Gardien, par le gué d'en bas
à marée basse, et l'autre était débarquée de la flotte, on
berges, s'était frtimé sur la grève sans abri, cx[)Osé à la
pluie dcti balles et des boulets qui leur venait d'en haut de
la part d'un ennemi qui savait tirer et qu'il lui était impos-
sible d'atteindre, à moins de le prendre aussi en revers par
O) . . . .Tlu'ii' iiii'ii of uU urnis, in t)i'.' troiiolios, Iny cool till tlioy wcro suro of tlicii-
iiiîirk ; tlii'v tlu'u iioiiri'il tlioir sliot liko nliowors ni' liail, wliicli cauioil our biavo grciiîi-
iliors to faU vory fast. (Journal d'un officier iiuglais.)
(2) nistoirc du Caiiula, — Ganioau— Tome II. 1'. P. -iH-l, nuatriOms idition.
nwi
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Lir la
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bas
en
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t de
)0S-
par
tlic'ir
KSQUISSES
303
lé gué d'en haut sur le Montmorency, combinant l'attaque,
non s(;ulement avec le secours de la flotte, mais encore au
moyen d'une nombreuse artillerie, placée sur l'extrcme
pointe est delà rive escarpée de la chute, à l'endroit, qtii
commandait le camp de Lévis. Les deux généraux parais-
sent avoir été tous deux en défaut, Lévis pour a^-oir par
son indocisision manqué le coup que les sauvages de Lan-
glade lui avaient proposé et Wolfe pour s'être trop fié au
courage reconnu de ses troupes, sans étudier le terrain où
il avait à manœuvrer.
Il semble étonnant qu'un seul desesso'dats ait échappé,
et comme le dit Johnstone, il (lût remercier r"orage do
pluie et de tonnerre" qui contribua si puissamment à le
tirer de ce mauvais pas. (i)
Knox nous présente les sauvages selon leur habitude
scalpant les morts et les blessés, avec beaucoup d'entrain. (2)
(1) "Quand notre coiiipnpnio ilo Kriii;uliei> ( i\t iittciut lo voisiiuiçie des Frum;aisje vis
(listiuoti'iiU'iit ;\Ioiitf;iIiu : il ét.iit À clicviil. :ill;iit et vcnuit avrc aiiiiiiMtion au iiiiliiMi <Ii'
si-s troiiin's l't leur diiiiiKiit l'urdru dr l':iin' t'i'U. I)i' fiiitc, il,- tiivri'iit. imus tuant un lion
uouibri' d''S !ii'.tri.'S, jo iir puis iiio rapiM'lt-r h'justr lujiiiliiv. Nous no K'ur rOlioudimcs pa?,
c'eût i'ti' inutile ; ils étaifiit paif'aitLini.'ut i\ l'alui, au moyen de leurs retraui'lieun-Mt>.
nous ne pouvions diseeinev de li'ur personne (pio la cime de leurs eliapeuux ( inlre
lut alors donné lie retraiter à nos eanots, teinis i\ tlot, jiour nous recvoir. La marée
étai'.t alors liasse, nous eûmes à Iraneliir un lony espaee de plajj'e ;\ travers la vase.
Allan Canu'rou, seriient dans notre eonipa;jiiie, voyant sur notre uauelie uni' petiti'
l.attern' armée de deux jiièces et osti U'^ildenient sans eanonniers, crut ou'il i;ouriait
l'emiiéclier <le nous harasser dansuotr'j retraite : il ramassa deux liaiouetteu (pii ■;isaii nt
sur la grévi' et se dirii^'ea soûl vers ei'tte batterie, il enl'on(,a la pointe de ces Ijaïoimettes
ilans la luudéro des canons et y rassii la l'oin'.e de ces deux leiyonuettcs.
[Jj (^uand les Franeais nous virent .ainsi retraiter, ils envoyérint leurs sauvaees sealju r
et massacrer nos Messes, exposés sur le rivaye. IJe ce uomlire était le lii'Utin.int l'eyt.ui,
du liataillon lîiiind Aiti-ririui, cfravemeut Me,-ié et ijui s'était traiiu'^ aussi loin ipii' la
douleur le lui eut permis, (^uaud les Peaux Kou'.'es se furent acquittés do leur triste heso-
true sur les pauvres diabU^s les plus voisins des batterii's françaises, ils retracèrent leurs
pas, tous, excepté deux i[ui ayant découvert le' liieutenant IVyton, devinrent avides d'en
faire la <'apture. Par hasard ce dernier se trouva avoir nu fusil à deux couji-i, charj,'é; or
connue il avait été témoin do leur barbarie sur ceux de ses eamar.ules blessés i|u'ils
"vaii'iit pu saisir, il se ijersuada i|U'l!s le massacreraient s'ils ue'ttai 'lit la main s'ii' lui.
lUiireu-em.'nt, :i ne piTclit pas.son >:'.Mu-froid •■! attendant le mom/nt où le sauv iiri' le
pî;'.s prés de lui vint à portée de l'u>il, il le coucha en jo-.n- et l'e.batli; : l'.nitre luilii'U.
croyant que le lieutenant n'aurait jias le temps <le ri'ch iruer son arme, courut viis lui,
brandissant son casse-téte pour le -iealii 'r i le lieutenant lui envoya l'autr,' coup droit
dai' ; la poitrine et le sauvas/e tomba mort à s": jiied'*. N'oiis fûmes iiuitti s d's sauvais
pour ee jour-là. mais nous les r.ueontrami s [.lus tard.
Au moniout o''i le lii utt liant l''ytou Hi;..i:i ainsi à terre, épuisé par le. P'.rte de »;ui
saim- et ses elforts. il fut aeeosté iiar le -eruent t'auieioii, qui n'avait d'autre moyen de
lui porter secours c;u'eii le jiortant dans ses br is. l'ar.ienui était un liouiiue d'une haute
st.it lire et d'uni' force jieu cimimun ■. Il attaiha le fusil du lieutenant avec le sien sur
.ses éliaules, en Iiumlouliére, et dit à M. l'eytou de lui eiubarciui'r su!' I" (b.s et de le tenir
|>ar le col. t'omm'' la distance à ]i,-ireoiu;r était yralide, il et.iit forcé ib- teuiiis en t'inp*
de le déposer à ti'rre atiii de prendiv hab'ini' lui-même et ans ù ji.iar soulaui r le jiauvre
lieutenant, dont la blessure était exeessiveiu'ut douloureure-:. l)o cette sorte, il le porta
à un des canots anulais où il le déposa, ajoutant "Monsieur, vinlà tout c que je jiiiis
faire pour vous, Je vous souhaite de vous rétablir." — Joiirih'l iiii'i.lil l'i' >'''".7«' ifc 17j:t,
teint l'iir If mriicitf JiniHS Tliompsi'ii. cité par Uawkins.
304
MONTMORENCY COTTAGE
J'ai mentionné plus haut les vastes moulins et usines
dûs à l'énergie de M. Peter Patterson, au bas de la chute.
M. Price me fit voir les conduits et appareils que l'oit vient
d'y poser, pour fournir la puissance motrice à l'électricité,
au moyen de laquelle, l'on entend éclairer tout Québec.
Il H-
II
■i,-?a
l\ KliSIDKNCK D'KTE DE lOKD DIFFERLN-Cap aux Diamants
Le joli mois de mai, qui au dire de Tennyson et de
bien d'autres fait battre plus vite le cœur des amants, nous
apportant des feuilles et des fleurs — est aussi le signal du
départ des citadins, pour nos riantes campagnes autour de
Québec. De nos jours, un homme de goût, trouvait moyen
de jouir du grand air de la campagne, sans sortir des murs,
et se créait un délicieux et frais séjour où la nature elle-
même s'était chargée des principaux décors.
Notre cité a accueilli bien des Gouverneurs depuis ce
lettré Marquis de la Galissonnière, dont le botaniste sué-
dois, Peter Kalm, son hôte au château St-Louis. en 1748,
nous a tracé une peinture si flatteuse.
Nul gouverneur cependant, n'a laissé un souvenir aus?i
vivace ; nul, n'a par son départ, causé autant de regrets
que celui qui, en 1872, cherchait un asile contre les ardeurs
de la canicule, en notre citadelle escarpée : le comte de
Dufferin, l'ami, le bienfaiteur de Québec. Nul, n'a paru
subir au même degré le charme de tout ce dont notre
vieille ville s'enorgueillit davantai^-e : ses antiques souve-
nirs— SCS monuments historiques — ses sites sublimes, — son
fleuve majestueux.
Qui, en effet, eût jamais songé que ce roc sourcilleux du
Cap-aux-diamants, avec ses bastions hérissés de canons —
ses lourdes casemates à l'épreuve des bombes etc., eût pu,
au besoin, se transformer en une gracieuse résidence vice-
royale où le représentant de sa Majesté, la reine Victoria a
depuis tenu sa brillante cour et donné tant de banquets
hospitaliers. C'est pourtant ce qui a eu lieu.
Le Cap-aux-diamants a de tout temps commandé l'admi-
ration des touristes, par ses points de vue grandioses.
Le site est d'un pittoresque achevé : cette superbe ter-
rasse, qui court le long du cap, surplombant le fleuve, à u
3o6
I.ORD DUKFERIN
M ît-
Y- m
hauteur de 350 pieds offre des facilités rares pour !es
grandes réceptions officielles.
Je défie la nature la moins impressionablede contempler
sans émotion, de ce poste, par delà les nues, le panorama
toujours neuf que déroulent les campagnes environnantes.
C'est imposant, c'est sublime, à la clarté du jour, par une
sereine matinée ; mai-5 au cripuscule, sou? la voûte étoilée,
le coup d'œil plongeant dans l'abîme béant à vos pieds,
à je ne sais quoi de solennel et de ravissant. A l'ouest,
au sud, à l'est, la basse-ville et Lévis avec leurs étince-
lants réverbères, le gaz et la lumière électrique ; le port
semé de grands navire?, sous la citadelle même ; de temps à
antre, de majestueuses frégates immobiles sur leurs ancres ;
à la jetée de la compagnie AUan, à vo^. pieds, quelques
uns de leurs Léviathans : le Parisian ou le SarDiatian, etc.
Les remorqueurs, les vapeurs-traversiers circulent en
tous sens parmi cette forêt de mâts, comme des mouches-
à-feu dans un pré, pendant une chaude nuit d'été.
Votre oreille saisit le bourdonnement lointain, la cla-
meur vague de la cité ; les gais refrains des matelots, peut-
être quelques vieux lais ^ormands ou Bretons vous arrivent
des radeaux de bois quarré, entraînés par la marée et
conduits par des Voyageurs ùqs pays d'en haut :
Après un jour d'été, qimiiil la villo s'ondort,
t^ii'ollo ûtoutTo IVclio (lo SOS lumnurs dcriiiôros :
Quand 11' • laiiipos du soir, dans les maisons du port
S'alhir.ont, l't sur l'eau projettent leurs lumières ;
liC \onii des nuais obseur.-», il est doux d'écouter,
Dans ect apaisement des lieures recueillies,
Jjfs airs ([ue les marins se prennent i\ chanter,
l)"uiu> i'inu' entin rendue à ses mélancolies.
Ai'TliAN-, Li' -nici-.
Bientôt, une formidable détonation secoue même la
cime d'où vous contemplez ce spectacle : c'est le can on
du soir, le signal d'éteindre les feux aux casernes avoisi-
nantes ; puis, le roulement du tambour, et le rappel que
le hiiglcr lance de son clairon, aux échos de la nuit. Si
c'est un jour de réception officielle, de banquet pour Son
Excellence, la fanfare militaire clora la fête par l'hymne
national de l'Angleterre et le chant national de la patrie
ESQUISSES
307
■pour nous, God savc tlic Queai et Vive la Cauadicmtc ; ce
qui ajoutera encore de l'intérêt à cette mise en scène.
Afin de nous donner une idée de la cordiale hospitalité
de Lord Dufiferin, de sa popularité, de ses qualités sociales,
de ses travaux littéraires, je vous remettrai sous les yeux,
le compte-rendu que je vous adrc-^nis h la clôture des
réceptions vicc-régalcs, l'année de son arrivée :
PER VIAS EECTAS
[i;. KAir iii.ni iMiorr.]
'rnicluctiDii lilji-e.
M. Bknj. Sulte, auteur des '•Laurentiennes, ' Ottawa
'l'rès cher poète. — Vous me demande/ des nouvelles de l'an
cienne capitale. Que pourrais-je vous dire que le télégraphe ou
les journaux ne vous aient déjà dit et mieux ([ue ne saurait vous
l'écrire un solitaire, qui n'a pour familiers que des oiseaux, des
Heurs et des livres. Sans doute j'ai beaucoup d'amis ; je devrais
être gai comme pinson. Rabelais, Audubon, Longlellow, Racine,
Marmier, Hawthorne, Thoreau, Washington Irving, AValter
Scott m'entourent, doués, les uns, comme vous savez, d'un fond
de gaieté intarissable, les autres, pleins de sens, de réilexion, de
savoir, de verve
Assis dans ce petit sanctum ombragé de "pins murmurants"
et d'ormes méditatifs et qui ne vous est pas inconnu, je laisserai
donc, comme les veillées s'alongent, courir ma i)lume vagabonde
pour vous amuser ou vous ennuyer, à votre guise. Nous en avons
fini pour cette année avec la canicule, les élections parlemen-
mentaires et les sauterelles. Dieu en soit loué 1 une de ces
épreuves à la fois eût suffi pour nous campagnards : jugez des
profondes malédictions auxquelles les trois combinées ont dû
donner lieu. Nos touristes sont de retour deGaspé, de Murray
Bay, de Cacouna, et le vent dans la vieille, la scientifique, la
soporifique cité, est aux at home^ aux danses et aux dîners.
Les ^r a /itf s dînent, les petits dansent, !e peuple dîne, etsomp
tueusement même, grâce à ^a gcni^rosité et à la munificence des
heureux et des malheureux candidats parlementaires, qui ont
rivalisé de générosité, à l'article des rafraic/iissciHc/its, avant la
votation, bien entendu.
Chacun donc s'amuse sagement, chacun danse, dîne ou fait
dîner. Le comte Dufrcsnc dîne et fait dîner. C) le brave homme
que celui là ! (i)
(1) Lord Dufferin. — " Frederick Temple Blackwood, comte de Dufferin et baron Clan-
deboye, est do très iioblo et trùs aiicieuue t'iimille d'oxtmction écossaise. Ou trouve l'un
do Bcs ancêtres â la cour de i'infortunée Mario Stuart. Mais il a considérablement aug-
menté l'illustration do sa famille.
Héritier du titre do baron Dufferin et Clandcboye de la pairie d'Irlande, il est devenu
.1
f. 1
■
'-
■ 'k.-
Si
3o8
LORD Dt'FFERIN
Je vi i-t entends voas écrier "De qui parlez vous" ? Eh hier»
je parle d'iri ilhutre savant Scandinave, d'un saga d'Islande, un
sport siHiin un yatchinan de la verte Erin, un navigateur capa
ble de faire la birbe à Cook, à li jugainville, un rusé diplomate,
l'renons les choses de plus haut. Vous vous rappelez, sans doute,
la visite que le [)rince Napoléon, le cousin du monsieur de Chi
]iiir uni! mi'iiti' liiiron ('laniU'hojM' du In jniirin du Uoyuuiiio-Uni, et a 6tfl lioiion'i jilus
i|iriiiiruii il.' Mi'H iirt'Ui'ci'iHiMim lit' la l'onHuiicn roynlii.
11 iiiii|iut Cl) Irliiiidi', h^ viiiKt-i't-un juin, mil huit crut viiiHt six, i^t r(<(;ut, dc''H non
lias <iK>', !<'>* ('li'iiii'iitH dti la nii'illxurt! i-diu'atioii, di* l'iiiïtriiction In pliiH rultlii^!)'. Kton,
Clii'iHt Cliuirli (!t Oxlord V' L'(iiii)itt'iit |iariiii It-i lioMiniug diHtiiiguùM (|u'ilH ont donu^^i A
l'Anulilirrc.
Dca mil liuit relit i|imrantr-huit, alorH (|u'ilH iiV'talt oncoro i\\tb (|Uo de viiiKt-drux nnH,
il l'ut t'iiit, pniiH l'adminiHtration libéralu, chamiirlluu du lu rvini', et r«.-ni]>lit cch funotiuni.
|iri'm|ui' Haim inttirrniition .inBim'cu IHriH.
l.iirs i\v la i'aininci (|ui ravaucit l'Irlande, eu 1H4T, il vinita co niallii'uri'UX pays l't publia,
iV (Kiii ri'tmir, le ri sultat du hi'B oliscrvationH.
("iBt vers la nirmi' époijui' qu'il vinita lus rf'Kion» lior^^nlt'8 du l'iHlniidi' (t du Spitz-
tiprK. Il a lait lu récit du hou voya^o dana un llvru connu souB lu nom du " Jiuttcrg from
IIIkIi li!ilitiiilin." Cl' livn- jouit d"unii lionne rf'putation daUH lu moniiu Briuntifli|uu et
littéraire : i m France comme en Angleterre, on a luuâ le» xavantea ul>i<ervation8 et les
agrémeuts liltirairuH qu'il renferme.
A peine revenu dcH Klacex du pi'ilc Nord, il partait pour les régions que lirùle le soleil,
charué d'uni' importante miHaion iiolitique.
Il allait en qualité de coinmixHairK anglaia, faire une cnqu^tn Hur le» maxHacrcH des
chrétieUH de la Syrie, l/intelligenco et lu fermeté qu'il déjdoyu dans cette mibbion lui
vaiureut l'Iionneur d'être nommé Chevalier du llaiu.
De IHiit 11 IHiiii, il remplit l'emploi do Houa-aecrétuire pour l'Inde, et en ISfifi il entra
dans le départenu'Ut du la (Juerro en iiualité de (^oua-cecrétnire. Kn \bm, il fut fait
chancelier du duché de Ijancnater. L'année iirfcédente, il avait (irésidé lecongréa scien-
litliiue de lielfast. L'année dernière, il fut fortement question du le nommer au jioste
quaHi-royal de Kouvcrneur de l'Inde, comme BucciBacur de l'infortuné Lord Mayo, dont
la mort trni,'i<ine a ému ai profondément l'AiiKleterre.
IJu ce qui iirécèdu il faut conclure quo Lord-Dufferiu n'eat pas un homme ordinaire et
que, Boit coiiMue adminiHtrateiir, soit comme diplomate ou homme de soiences et du lettres,
il jouit, dauH la tlrande-HretaKiie, delà considération publique. Sucarriére a été remiilie,
iléji'i, par (le noblea travaux, marquée jiar des succès honorablea, et il n'y n pas de doute
qu'il ne s'.nrétura pas en si beau chemin. C'est un homme destiné iV faire sa marque dau»
tout ce qu'il fait et entreprend, il voirau-delft des horizons do tous liB jours.
A une intelliKence active et admirablement cultivée, tV un eajirit curieux et hardi, il
joint un caractère ferme, entreprenant, ambitieux, .avide do noblea distinctionB, nmi do
tous les iiriiu'rèB, dévoué u fon pays, capable de griiudea choses. I.i s sentiments comme
lus piiiséi'!! .-ont larges clii'/, lui ; l'étude, lea voya)<es et l'observiition ont considérable-
ment iléviluppé ses qUiilités naturelles.
A le voir, il'aileurs, à l'entiiidre surtout, il est facile de reconnaître nu homme (|ui
ambitiouM" d'iiutres titres de noblesse (|ue ceux de l.i naissance, .lui asiiire à quelque
chose de plus honorable que le prestige de la iiositioii (lu'il occupe.
Hrun, lie iimyiiiue taille, la figure pâle, les traits accentués, le front dévelopiié, 1,1
phyaionouiie sérieuse, même dans le sourire, l'attitude modeste dans la dignité, il a
plutôt l'iiir d'un savant que d'un gouverneur, d'un iicnBcur que d'un lord; ou bien il a
l'air de l'un et de l'autre si l'on veut.
Nous sommes certain iiu'il su soucie fort lieu des galon» d'or qu'il iiorte dans les
circonstances solennelles, et qu'i\ l'éclat des habits du cour il doit iiréférer les choses de
l'esprit, la u'ioire des sciences et des lettres. Il est d'ailleurs fort aimable, gracieux et
poli sans alïectation, galant avec les dames, jileiu de prévenances pour tout le monde,
eoutirmaiit. par tous ses actes, l'oiiiiiioii de ceux qui disent qu'il n'y a personiio qui
soit plus geutilhoiume qu'un gentilhomme irlandais.
Lord DulTeriu n'est dans le pays ([ue depuis six mois, et, déji'i, il est plus populaire qae
tous les gouverneurs qui l'ont précédé di'iiuis Loril Klgin. On va i"i ses levers, il ses dîners,
on lui donne des bals, ou lui présente jiaitout des adrcBses et on lit avec plaisir ses dis-
cours ; les hommes louent son jugement et ses conuaissancea ; les femmes vantent son
.imabilité, le peuple de Québec l'aiiiiellu Lord Dufresne. ((n remarque l'intérêt ([u'il porto
:i tout ce qui est canadien ; il achète les ouvrages de nos écrivains, il étudie l'histoire du
])ay», se fait renseigner sur ses besoins, ses Bùntiinents et ses asiiirations et aemblo déjà
au l'ait de tout.
Lady Dufferin.— Lord Butïerin a épousé, le 23 octobre 1802, Hnrriet, fille de Archibnld
llamilton, de Killyleagh Castle, et )ietito-fille do llamilton Kowan. C'est une femmo
d'une figure aimable et jolie, digue par Bon iutelligonco et Bon carnctére d'être l'épouse
lie Lord Iluiïerin.
Leurs Excellences ont déjà une famille de quatre cufants, dont deux garçons et deux
Ailes.
(là. 0. David)
ESQUISSES
309
^ns los
■MX Vt
llUIlllC,
Ihibnia
Ifcrnmo
|C'1)0U8C
deux
I»)
selhurst, jadis empereur ûa Français, nous faisait ces années
dernières Vous n'avez sans dou'e pas oublié non plus d'avoir
feuilleté à la bibliothèque parlementaire, parmi les superbes
volumes à nous présentés par le gouvernement d-.* 1 Kuipereur un
grand oc/iiî'o illustré, contenant la relation d'un voyage entrepr s
par le juince Napoléon en Islande et au Si)itzbcrg,dans son beau
yatch de 1,100 tonneaux, la corvette à hélice "/,<» A't'i/n- //or-
/c'/isc." Un des dessins exhibait, au milieu de la banpiise l?
majestueuse corvette, faisant jaillir de sa proue dus tlois d'écume
et remorquant une svelte goélette de So tonneaux, le schooncr-
yatch "/V(////" commandé par le noble lord. Le voyage pour
celte dernière surtout, devait être périlleux, aux >.eins des glaces
et des brumes polaires.
Depuis une (]uin/.aine de jours, l'ex commandant du /ùuiifi
s'est installé sur le point le plus dominant de notre cité — notre
citadelle. Sa courtoisie, sa généreuse hospitalité, 1 amabilité de la
comtesse, sa femme, sont dans toutes les bouches. 11 se nomme,
ce bravo marin. Lord Durforin, ou, si vous l'aimez mieux, en
fran(,'ais, le comte Dufresne. (-ar parmi ses ancêtres, il en est
qui hèlent de l'iance.
Il nous arrive avec un arcjme scientifique, une auréole litté
raire, entouré en sus du prestige d'une descendance doublement
■illustre, puisqu'il appartient à la pairie d'Angleterre, '"la plus
belle société moderne, depuis le jnatriciat romain," a dit le
vicomte de Chateaubriand. D'un cûlé, il hérite des saillies fines
de son ancêtre le fameux Richard IJrinsley Sheridan ; de 1 autre,
l honorable madame Norton, sa tante, lui a légué le secret d'en-
velopper sa phrase dans 1 idiùme élégant d'Addison.
Si l'illustre auteur du Gcnic du Christianisme avait une idée
si élevée de la pairie anglaise, ce n'est pas moi qui l'amoindrirait
Bien que sur cette libre terre de l'Amérique nos aspirations
soient plutôt démocratiques, nous ne pouvons nous défendre de
la conviction que nos ancêtres descendaient de la France monar-
chique, longtemps avant que la guillotine de 1793 eût fait dispa-
raître cette généreuse noblesse fran^-aise, bien longtemps avant
-l'ère de la commune de Paris.
Vous savez qu'en Angleterre, il y a cinq degrés de noblesse :
I0. Dues (du latin /?//.%-, chef d'armée,) "20 marcpiis {.Vlarchis,)
gouverneur de marches ou provinces. 3o. Comtes (Conws,)
compagnons du roi. io. Vicomte ('député-comte, dans l'absence
du comte, j 5o. JBaron, vieux titre Normand ou Saxon. Ajoutez
un sixième degré, les Archevêques, F'vêques, Lords spirituels.
Les principaux privilèges de la nobles«e sont : immunité de la
■contrainte par corps pour dette, dans leur personne, et dans la
personne de leurs serviteurs jus ju'en 1770, etc '^o. L'exemption
de prêter serment comme jurés dans les procès criminels sur
leurs pairs, et le droit de répondre sur leur honneur au lieu de
sur leur serment. 3o. Garanties spéciales par la loi contre les
10
LORD DUFFKRIX
écrits ou ]'arolos diffamatoires, lo Le droit dans les procès
d'importance de ijreiulre leur siège sans se découvrir.
L'n .seul pair f'Lord Kinsale) a le droit de se présenter sans se
découvrir, devant le souverain, etc.
Passons du général au particulier.
Frederick Templu llamilton IMackwood, baron Dufferin cl
Clandcboye, est d'extraction écossaise ; il descend d'Adam IJlack
wood, conseiller ]:»rivé de la belle et infortunée Marie Stuart,
reine d'Ecosse. Un autre ancêtre, John Blackwood, jjossédait
dans le comté de Down, Irlande, un domaine qui fut séquestré,
en 1687, par le parlement de Jacques II, mais le prince
d"()range, en montuit sur le troue, le lui rendit. Pour le reste,
voir le Peerage de J)cbrctt ou de Btirkc. Sa devise est, comme
plus haui : '
J^cr z'ias rt'ctas
Deux travaux littéraires fort attrayants donnent au nom de
"Dufferin," un charme tout particulier aux ytux du monde litté-
raire.
L'un, magnifique volume illustré, est ime étude humoristique
écrite par la mère du noble comte, en 1863.
C est une série de traits mordants, une parodie de la carrière
aventureuse d'une enthousiaste anglaise, à Constantinople, en
Palestine, etc. Il lui faut pour drogman, un Iiomni'^ qui paie de
mine. l'".ile a le malheur de choisir un grec, d une stature impo
santé, remarquable i)our la dignité de ses poses, s-es airs, ses
i^rands saints. C'est à ce drogman, véritable scélérat, ([u'elle confie
à Constantinople, son précieux caniche^ "Bijou." le drogman a
pour mission d'accompagner Bijou dans les rues de la ville Byzan-
tine ; il finit par s'ennuyer*de ce soin ; et un bon jour, il se pré-
sente devant sa maitrei?se, lui fait une profonde révérence et lui
exhibe les oreilles et la queue de ce pauvre Bijou, assassiné, dit-il,
par les féroces chiens de Constantinople. C'est tout ce qu'il en reste.
Il reçoit son congé. PLst ce une parodie des aventures d • ) ady
I-Iester Stanliope, l'amie de Lamartine ? Est-ce un take offàc Lady
P^Uenborough, avec son Cheak chéri? Non, ce n'est qu'un person
nage imaginaire.
Ce dernier livre est intitulé : Lisphh^sfrom tlic Lok' Latitudes,
et J autre Lrttcrs froin Jfi:^à Latitudes.
List^iiigs front Loio Latitudes. ])ar son format de luxe et la
aeauté de ses dessins, aura un succès de salon, ou le prix élevé
[$6.50] auquel il se vend ne le met pas à la portée de tous Cepen-
dant quel est le littérateur canadien en dc^a de la quarantaine
qui se refusera le plaisir de feuilleter ces pages spirituelles, tra
cées par une corutesse élégante c*: lettrée. Cette une belle préro-
gative que celle du génie, chez la femme aussi bien que chez
l'être barbu qui s'affuble si modestement du titre de roi de la
ESQUISSES
311
création. Si la France est glorieuse de ses Sévigné, ses De Staël, ses
de Genlis, ses d'Abrantes, ses Récamier, le génie a laissé sa mar»
que indélébile sur plus d une blanche fille d'Albion, Mrs fcrhelley,
Mrs Hemans, Mrs Trollope, Harriet, Martineau, les Landor, les
Strickland, les Norton.
* *
. * .
A vous qui avez des goûts historiiiues, de chercher parmi nos
gouverneurs sous le régime français, un type qui ressemble au
noble lord, auquel notre '•••acieuse Reine vient de coniier le
sceptre de Vice-Roi do toute l'Amérique Britannique ; ce terri-
toire bien que moins peuplé, excède en étendue celui de l'or-
gueilleuse répul)liquo, notre voisine, comme vous savez. Dirons-
nous que le comte Dufferin rappelle le savant et lettré comte de
la Galissonnière?
Les Lettres des J fautes Lixtitiides résument avec entrain la
course du " Foam " du 2 juin, au 15 septembre, 1856.
Ce ''écit renferme, entr'autres choses, de savantes théories sur
les fameux Geysers ou sources thermales de l'Islande ; ces sin-
gulières éruptions y sont décrites avec une rare clarté, leur
examen me mènerait trop lom. Le livre a été traduit en français,
par Lanoye : il vient d'être cu1, dans un ouvrage écrit par des
savants Français, intitulé : " Tiemblements de Terres, Volcans,"'
publié par Hachette ; le compte-rendu que les api)endices renfer
ment sur la température de la mer polaire, a servi de base à des
savants d'Allemagne, dans de proiondes études récemment
publiées à ce sujet.
Lien que le Foam ne jaugeât que 80 tonneaux, pas moins de
dix-sept personnes en composaient l'équipage.
La mise en scène es*^ consignée comme suit à la première page :
" Lord Dufferin, na gateur ; Saga, artiste.
Sigurdr, fils de Jonas, natif d'Islande, étudiant en loi.
William "\\'ilson, valet, jardinier, natif du Cap de Bonne
Espérance.
Albert Grant, maître- d'hôtel, Iiorloger.
William Webster, récemment des Gardes à pieds de la
Reine — subséquemment '"Maid Marian," cuisinier en sous ordre,
menuisier.
John Bevis, cuisinier-en-chef, i)lus tard, acrobate.
Ebenezer Wyse, capitaine ; mineur de la Californie.
William Leverett, second.
William Taylor, pourvoyeur de viande.
Charles Parne, ^
Thomas Scarlett
Thomas Pilcher
Henry Leverett,
lohn Lock.
)■ matelots.
r^m
312
LORD DUFFEkIX
I) 1
William Wynhalt, mousse.
Un allemand versé dans la capt-ure des moustiques.
Un coq qui chantait régulièrement au point du jour.
Une chèvre.
Un renard d Icelande
Un ours blanc
Dames et cavaliers parlant l'idiome Islandais, Norce, Lapon
et Françai?.
ScKN'E : Quelquefois sur le Foam, quelquefois en Icelande, au
Spiul)erg ou en Norvège
fGOD SAVE THE QUEEN.j
Ne voilà t il pas un programme et des act* urs, qui nous pro-
mettent un drame émouvant, palpitant d'intérêt et de nouveauté,
l)endant une course de deux mille lieues ?
Lord Dufferin fut assez heureux après quelques jours d'attente,
de voir une magnifique éruption du urand Geyser, une colonne
d'eau brillante de lumière et de vapeurs, s élançant en gerbe
ar^'cntme, se divisant en plusieurs jets, d'une incomparab e
beauté ; puis, ce magique spectacle, ces fantastiques eaux ther
maies, reprenant leur cahne habituel et disparaissant dans la
cavité de leur singulier entonnoir. Le tout est décrit avec un
coloris de style, une clarté d'expression, qui vous fait presque
assister en personne aux convulsions du monstre en courroux.
Pour saisir, sous tous ses aspects, la théorie de Lord Dufferin
sur les Geysers d'Islande, il faudrait avoir sous la main les
découvertes de Tyndal on Hcat, aussi bien que celles du savant
cJievalier Bunsen : les unes et les autres me manquent
(J est sur les tlancs volcaniques du grand Geyser même, que le
noble comte fit la connaissance, pour la première fois, du prince
Napoléon, et où il lui offàt l'hospitalité de sa tente. Cette amitié
se cimenta par de petits présents ; entr'autres par une superbe
paire de candélabres bronzés, que le prince offrait à l'avantu-
reux yachtman et qu'il nous a été donné d'admirer sur la cita-
delle de Québec ; en retour ce dernier lui faisait cadeau d une
belle carabine.
Quelle singulière région que cette Islande avec ses glaciers per-
pétuels, ses eaux thermales, tour à tour tranquilles, tour à tour
en ébulition, au sein des frimas ; ses Sagas ; ses vivaces tradi-
tions littéraires ; son dieu Odin, dont la cosmogonie et le rituel
nous ont été transmis par des archéologues Islandais.
Parmi presque toutes les anciennes races Scandinaves, c'est
en Islandais que sont rédigés les vieux manuscrits. C'étaient des
diplomates Islandais qui conduisaient les relations diplomatiques
des Cours du Nord. Les relevés typographiques de l'ère la plus
reculée sont tracés en cette langue. La première ébauche d'his-
toire en langue vernaculaire est celle de Snorro Sturleson
est rédigée en dialecte islandais
ESQUISSES
313
c'est
ht des
jliques
plus
d'his-
rleson
"Elle portait le nom de Jleimskringla, parce que ce mot se
trouvait le premier dans le manuscrit, et résumait l'histoire des
rois norvégiens depuis les temps fiibuleux, à venir à l'année
1 150, de l'ère chrétienne.' '•P'ile raconte," dit lord Dufferin,
avec tant d art et de tact, qu elle semble combiner le talent dra
•matique de Macaulay avec la peinture des caractères de Claren-
don et la causerie familière de Pepys." Snorro Sturleson eut une
mort tragique : sa convoitise lui fit épouser à la fois deux riches
héritières. Deux femmes à la fois pour un homme, en Islande ou
ailleurs, j'oserais dire, peuvent causer des embarras matrimo-
niaux ; ses trois gendres l'assassinèrent une sombre nuit de sep
tembre, en 1241, a Reckholt. e siècle de Snorro fat une ère
remarquable pour les lettres.
Puis le savant écrivain nous raconte la découverte du Groën
land par Eric le Roux. En faveur des habitan s, le Pape Nico-
las émanait, en 1448, un bref, leur acordant un nouvel évêque
•et des pasleurs, pour marquer son appriabalion de leur dévoue-
ment, et en considération de ce qu'ils avaient élevé i)liisieurs tem
pies sacrés et une superbe cathédrale. "Puis tout disparaît pen
dant quatre siècles, comme un rêve, et des missionnaires le
découvrent de nouveau au i6e siècle." Je n'en finirais pas, très-
cher poète, si j'entreprenais de vous retracer toutes les intéres
santés choses que le savent comte nous rapporte sur l'Islande.
Enfin montons avec le noble Lord, dans le Foain ; Louis
Napoléon est un bon prince, il nous touera avec sa puissante
corvette La Reine Hortense. Cinglons pour le grand nord, le
Spitzberg et le pic volcanique de Jan Mayen qui s élance de
1 Océan, huit de 6.870 pieds. C>)uand, au sein des brumes, en
15 14, le capitaine Eotherby découvrit pour la première fois Jan
JMayen, en entendant le bruit des vagues sur la base du mont
Beerenberg, il s'imagina a^'". découvert un nouveau continent.
Lisez, si vous le pouvez sans frémir, le sort des sept matelots
hollandais laissés pour y hivi^rner, en 1633. Au printemps sui-
vant, le secours venait, mais trop tard, - la llolte hollandaise. On
lisait dans le journal des sept infortunés, le récit poignant de
leur agonie, sous l'étreinte du troid, aux prises avec le scorbut et
le désespoir.
Une des plus fraîches peintures que 1 on trouve dans le volume,
est celle qui retrace, à bord de la Reine Hortense, une coutume
traditionnelle des marins français, lorsque leur vaisseau, aborde
pour tout de bon, le bord de la banquise dans les mers i^Iaeiales,
comme les nommait l'amiral de la Roncière, le commandant de
la corvette française :
LE PÈRE ARCTIQUE
"Ce redoutable personnage, vêtu de . la dépouille d un ours
polaire, muni d une longue barbe blanche, et de berniques ver-
tes, avec un chapeau tricorne incliné vers l'oreille gauche, pré-
314
LOKD DUFFERIN
ct'dé d'un musique infernale et de bien des monstres hideux, se
présenta au gaillard, avec une planche sur laquelle était écrit
•'Le Père Arctique" — qu'il offrit à lollicierdu quart, comme sa
carte de visite. Puis, vint un sabbat d'enfer, sur tous les coins du
pont ; les vergues et les haubans se couvrirent de diables rouges,
de singes noiis et de mille autre apparitions grotesques. Ahn de
compléter l'illusion, une grêle de pois, fut lancée des vergues,
pour simuler la tempête déchaînée ; les marins français avaient
aussi la figure enduite de farine pour représenter une bordée de
neige.
Plus tard, une harangue fut prononcée par le chapelain du
père Arctique, et le tout se termina par de copieuses libations
de spiritueux."
Je craindrais, cher poète, d'abuser de votre patience, si je ne
savais combien les lettrés, qu'il soient gouverneurs ou particu-
liers, vous plaisent. Vous vous rappelez sans doute l'éloquent
discours que le comte prononçait, le 11 juin derniei, a Belf.ist,
avant de s'embarquer pour le Canada et qu'il terminait par ces
belles paroles :
'"Like a 7'in^^in ^'oJt/css in a pr'nncval -<oor/(/, Canada still
walks in unconscioiis bcauty amon^ lier g<>ldcn woods and
a/ONg thc niargin 0/ lier tracklcss strcains, catc/iing but brokcn.
glaces of lier radiant inajcsty as mirrored on tlicir surface and
scarcch' drcams as yct of tlie glorious future aioaiting lier in
tlie Olympus of Nations.''
Est-ce bien tourné, cela ? Eh bien, le genre humoristique est
manié avec une grâce égale par notre vice-roi, qui sait se tirer
admirablement de bien mauvais pas. Voici un échantillon d'un
discours de circonstance qu'il lui vint en tête de débiter, en
réponse à une pompeuse harangue latine que l'évêque de la
capitale d'Islande lui nt en présence des sommités otTicielles, et
du beau sexe de ReyKjavik :
"Viri illustres, insolitus ut sam at publicum loquendum, ego,
propero respondere ad complimentum quod recte reverendus
prelaticus milii fecit, in ijroponendo meam salutem : et supplico
vos credere ([uod nuiltum gratificatus e» tlattificatus sum honore
tam distinclu.
"Bibere, viri illustres, res est, quiu in omnibus terris, domum
venit ad hominum negotia et pectora [i] : requirit haustum lon-
gum, haustum forteni, et haustum omnes simul [2] ; et canit
Poeta, unum tactum Naturx totuin orbem lecit c nsenguineum
[3] et hominis Natura est bibere [4].
"Viri illustres, alterum est sentimentum equaliter universale :
terra communis super quam septentrionales et meridonales eadem
(1) •'Coniog liomo to mcn's businf 88 anilbosonis'' Pater/amilian, Timen.
(2) "A long pull, ustronjif l'i'll, aud a i)nll altoijcthcr." Jfil.tcinat the A'iVc.
(3) "Ouo toiJch.of natiiri" inakcs tho wliolo worlil kiii." — Ji'remy Bciitham.
(4) Aiiothoijm by the late Lord Moutculloehousc.
ESQUISSES
315
enthusiasmâ convenire possunt : est necesse quod it nominarem ?
ad pulchrum sexum devotio !
"Amorregit palatium, castra, lucem. [sjDubitosub quocapite
\estram jucundam civitatum numerare debeam factum ? non
Regem Castra ? non milites ! lucem ? non ullam arborem
habetis ! Tamem Cupido vos dominât haud aliter quam alios. —
et nrgmum Islandarum pulchritudo, per omnes regiones cognita
"Bibamus salutem earum, et confusionem ad omnes bacu-
anos ; speramus quod c:v et cara3 benedictx% créditai invenient
lot maritos quot vchnt,— ]uod geminos, quod annis habeant, et
quod earum hlix, maternum exemplum sequentes, gentem Islan-
dicam, perpétuent in sajcula s:eculorum." ' "=
Il paraît que Lord Dufferin a fait l'acquisition de tous les
ouvrages canadiens qu il a pu trouver cà Québec.
Sillery. prùs de Québec, 16 sept., 1S72. J- • •
■'I ■•J.nv rnlos tfi
î court, tlio (■■imn. tlio qro\c:-—Vem'ri,hk Jiede.
m' i^
HUJ
!"■'
A L'HONORABLE
HENRI GUSTAVE JOLY
VICE-J'RÉSIDENÏ DU
Co7igyès Forestier de V Amérique
E'J-
Le père de VArboriadturc
AU CANADA
fif'V
, I '\
w
-î
A L'HONORABLE HENRI GUSTAVE JOLY.
•Cher Monsieur,
Je ne connais personne à qui j'aurais plus de plaisir à
'faire hommage dt a raoide coap-d'œil sur les jardins
anciens et modernes, que celui que la voix publique
■ proclame comme voué à l'œuvre si patriotique d^i reboiser
nos forêts et de pourvoir nos parcs, nos places publiques,
nos jardins de leurs ornements les plus gracieux et aussi
'les plus durables : de beaux arbres.
Répétons avec le bon Roucher :
ipioi ! fant-il 'Kiriicr tons 1rs Imis il ■ la fcriiio
Aux si'uls ])l:iiits fniutu.ux i|iii'li' viTircr iciifrnno V
Xou. Siiiis dotiti" ; i\ ri'utnuv ili' ses |)r<'S verilDy.iiits
Klli' iIpiuiukU' i\ voir li'^ saules niulojMiits,
Kt li> tlt'xil)l(>osii'r, l't rauiu" (lui s'avive
Sur les bonis toujours frais <rumM)iuli' li'iiti' ou vive.
Ijoiu doiu' (11" les bannir, je veux, d" toutes imrts,
(Qu'ils vii'iuuMit SI' iiioMtror, goil fjroiiiiOs, soit épars.
KoicHEiî, jioctnc iii'tUi.
Grâce à vos persistants efforts, l'arboriculture a pris sa
i.place en Canada, comme institution nationale.
Daic^nez maintenant mettre à votre œuvre le couronne-
ment final, en guidant de vos conseils le groupe de con-
citoyens éclairés, anxieux de voir compléter l'ornemen-
tation de notre bonne ville, — si heureusement inaugurée par
•cet insigne bienfaiteur de Québec, Lord Dufferin, — par la
■création du parc projeté sur nos classiques Plaines
•d'Abraham.
Spencer Grange Sept. 1SS5.
m
JARDINS ANCIENS ET MODERNES
Il OBt (1o8 Roina plus doux, un nrt plus euchantour,
("est pou (11' clinnuer l'œil, il faut parler au cceur.
Avt'z-voiiH «loue connu ces rapports invisiblcg
Dus corps inanimés et dos 6tro8 Bonsibloa ?
Avoz-vouB entendu des eaux, des pris, des bois,
La muette ûloqucuco et lu secrète roix ? "
Les Jardiks.
Avant de décrire les jardins du Canada prenons les
choses de plus haut.
Le premier jardin, c'est Dieu même qui en fut l'artiste :
le jardin de notre premier père, Adam, l'Eden ; et que
de regrets, quand la porte lui en fut fermée ! Le chantre
du Paradis Perdu, Milton, d'après un idéal crée par son
génie, place dans ce jardin " des fontaines de nectar, ser-
pentant sous l'ombrelle des bois, portant fraîcheur et vie
aux plantes et aux fleurs innombrables qui émaillent sans
art, ni apprêt, les collines, les plaines, les vallées, recevant les
chauds baisers de l'aurore, puis à l'heure du midi, cherchant
abri contre les ardeurs du soleil dans de verts bocages,
impénétrables à ses rayons : heureux et champêtre séjour
aux aspects variés." (i)
A l'excep'ion des serres en verre, comme art de goût
la science des jardiniers*date de bien loin.
Les jardins ie^ plus anciens dont l'histoire nous a trans-
mis une mention détaillée, ceux du Roi Salomon, étaient
de forme quadrangulaire, entourés de murs élevés, forme
usitée même de nos jours. On y voyait des arbres, des voliè-
res, des nappes et des cours d'eau, choses indispensables
en un climat chaud. Salomon y avait en outre un Sérail,
(1) '• SVitli iiiazy crror under pinulant sliades
Kau nectar, visitiuK eacli plant and fod
Flowers worthy of l'aradiso, which not nice art
In beda and curions knots, but Kature boon
l'our'd forth profuso, ou liill and dale and plain,
Uut where the niorning sun lirst warnily smoto
The open fleld, and whoro tlie wnpicrced shade
Inibrown'd thc noontido bowera : thus was tUis place,
A Uappy rural seat of various vicw,"
Milton
KSOUISSKS
321
>les
Idii
lequel, au dire du commentateur l'arklnirst, servait de
temple pour le culte, aussi bien que de lieu de p! isir-
Chez les modernes, le scrail n'est pas un acce^>-c)iie oh'.i;..;!.; ;.
à Versaith's, on y substitua le petit Trianon... pour l'édi-
fication de cette vertueuse Mme Dubarry ?
La maçjnificence des jardins d'Alcinoiis est pas^e(. à
l'état légendaire.
Les jardins de C}';us et autres potentats tic l'Oiieiit
étaient. remarquables par leur étendue, leur éclat, la ilivcr-
sité de leurs productions ; ils étaient considérés comme les
merveilles du moivie.
Les fameux jardins susjjcndus de Jîab\'loi!e awdcnt
entr'autres décorations, une ^érie de terrasses, — les pre-
mières dont il est fait mention ; les avenues en étaient
plantées d'arbres de diverses espèces : on y vo) ail j>,'ts
d'eau, sièges rustiques, parterres, pavillons pour b.MKjuels ;
bref, de l'ombrag?, des fleurs, des points-de-vue vastes,
tout ce que l'on trouve dans un grand jardin mriin ;
cette innombrable variété de plantes et d'arbres exotic^ues
ravis à toutes les régions connues par la science moderne.
L'historien Strabon nous donne la dimension des
bocages d'Orontes, comme étant neuf milles en circonfé-
rence. N'est-ce pas là le premier parc dont l'histoire nous
parle ?
Gibbon ajoute que " le l.iurier et le cyprès, de leur feuil-
lage touflu y créaient une retraite toujours fraîche, impé-
nétrable aux rayons du soleil, arrosée de mille ruisser.ux
issus des monts, qui y entretenaient un gazon perpétue! et
tempéraient la chaleur du jour ; l'odorat y était captivé
par l'arôme des plantes, l'ouïe, par la douceur des sons ;
c'était un paisible bocage, consacré à la jouissance, ù la
santé, au luxe, à l'amour."
Les Grecs, sans avoir poussé a la perfection l'art des
jardins, avaient leur célèbre vallon de Tempe et les boca-
ges d'Académicus, à Athènes, ornés de vases et de statues,
d'autels, de monuments funèbres, de temples, de tour«!. On
1
1
ii
1
1
':&:
32:
JARDINS ANCIENS KT MODICRNKS
y trouvait ce que les Grecs aimnient : de l'ombrage et de
In fraîcheur — des senteurs délicieuses — les douceurs du
rcpo!--. I/art de leurs jardins, les Grecs l'avaient emprunté
des Perses : les Romains, en ceci comme en bien d'autres
choses, prenaient les Grecs comme modèles ; leurs Lucul-
lus )• versaient des millions pour renchérir en ornements
sur leurs devanciers, élevaient dans leurs jardins des cr"'
nés artificielles, y creusaient des lacs, des rivières q;
nommaient le Nil, l'Eurotas, l'ICuripe, etc., y amoncelaient,
bronzes, marbres, fontaines, au sein de massifs d'arbres
aux parfums enivrants. En vain Martial de son vers
vengeur fouetta-t-il ce luxe effréné !
D'après Cicéron et Pline l'xVncien, la pratique de planter
des arbres en quinconce, était générale de leur temps*
Martial consigne dans ses cpigrammes le fait que le tail-
lage des arbres, spécialité du style dit tonsile, fut inventé
ou introduit par Cna:us Matius : ce fut vers ce temps
aussi, au rapport de Propcrtius que l'emploi des statues et
des fontaines, comme décors, fut en faveur. En lisant
description du jardin de Pline, on se convaincra sansp
qvic l'ordonnance des Jardins P>ançais et Hollandai?, eta,.
caUiuée sur celle du jardin de cet homme de goût.
" Terrasses avoisinant la demeure, comme le remarque
k. célèbre Loudon, ^erte pelouse descendant en talus,
petit parterre à fleurs, avec jet-d'eau au centre ; allées
avec garniture de buis nain, arbres fantastiquement taillés
pour smiuler des objets artificiels, avec l'accompagnement
obligé de fontaines, de grottes, do belvédères : tout en
un mot le dénote."
Horace Walpole remarque également que le jardin de
Pline correspond en tous points, avec ceux créés par Lou-
don et Wise, selon la méthode Hollandaise, il dit que si
l'on ajoutait au jardin de Trajan un parterre on aurait un
jardin orné du règne du Prince d'Orange, en Angleterre,
Guillaume III.
Plusieurs textes de vieux auteurs nous portent à croire
ESQUISSES
323
lin de
Lou-
lue si
: un
îterre,
I croire
que l'usage du verre, dans les structures consacrées aux
fleurs et aux plantes exotiques.ctiit connu jdes Grecs et des
Romain*. Pl.iton et Colunicllc font mention de la rapide
croissance d'arhustc-i oJorifJraïUs cm[)runtos à l'Inde et à
l'Arabie : l'arbre qui produit l;i canclle, le myrte, li plante,
dit Columclle, d'où l'on tire l'encens ; l'Italie, ajoutc-t-il,
contient les produits, les fruits de l'univers entier. " Tibère
s'enorgueillissait de pouvoir cultiver de-; concombres /(vr
toto aniio, presqu'en tout temps de rannce." Sénèque
s'élève contre les Romains à qui il faut dc:^ ro^e^ pendant
l'hiver, et les fleurs du printemps, au fort de re'tiuinoxe
hibernale ; il assigne à l'eau chauLJe, comme agent pour
hâter la croisi>ance des phintes, le même rôle (lu'elle joue
ch'v. les modernes."
Au moyen âge, l'art du jardinier, ain^i (juebien d'autres
arts semblèrent oubliés : la découverte de Guthemberg, 1 1
renaissance des sciences, des arts, du commerce, en Italie ;
le réveil des esprits dans l'Europe entière annonçaient une
ère nouvelle, le terme des ténèbres sociales, le retour du
soleil du progrès. L'illustre fam' 0 des Médici se donna
pour mission non-seulement l'eui.. 'ijragenient des lettres,
mais encore la protection active de l'art patroné par
Cicéron, Pline, Columelle, Adrien, Trajan : l'art des jar-
dins.
Les jardins des Médici, bien que créés dans le style
géométrique et architectural, servirent pendant nombre
d'années comme modèles à l'Europe entière et continuè-
rent en vogue en France, en Allemagne, en Angleterre ;
plus tard, ils faisaient place au style naturel, dit style
anglais, conçu par Bridgeman, Kent, Wright, Repton,
aidés des éloquents écrits d'Addison, l'ope, Shenstone,
George Mason, Whateley, Gray et du poète Mason. (i)
(1) Voici rinvcntairo d'un jardin dans le style tonsile, citù par Dowuing :
" Inventarv of a Virtuosos Oarden.
Adam and Eve in Yew ; Adam a little shattered by tha fall of tho tree of knowledge
j-4
lAKDlXS ANCIKNS ET MODERNES
L'architecture des jardins, en tant qu'elle se rapporte
aux serres-chaudes, n'a fait que peu de progrès dans le
midi do l'Iùiropc^ : le cliaiat, au reste, est assez chaud pour
rendre quasi inutiles ces dispendieuses structures.
L'on rencontre cependant quelques serres-chaudes en
Espni;ne et au Poiiut^al : à Madrid, à Coimbra, à Mont-
serrat. L'on y trouve égalcnv. nt des traces de jardins
élégants, exécutés par les Maures. Certains jardins, dan.,
le sud de l'ICspagne, au dire de> voyageurs, sont pavés
en marbre, avec allées plantées d'arbres toujours verts,
ombragées d'orangers, avec appareils hydrauliques, enfouis
sous les allées, (i'où jai'Mt au besoin l'onde à travers les
joints des tr.arbres : surprises, dit Sir John Carr, médiocre-
ment goûtées des dames quand elles s'}' aventurent et
pour cause. Les jardins espagnols et portugais sont notés
pour lein's jets d'eau, leurs alcôves, leurs terrasses, leurs
statues, icurs treillis, leurs tem[)lcs, leurs grottes, leurs
sièges rustiques avec dôme, leurs romanesques pavillons.
Les jardins hollandais et français e ressemblait par
la symétrie et l'abondance de l'ornenientation.
Le Ilolbndais ne tient pas à avoir un grand jardin.
Qu'il soi.: grand ou petit, il y entassera une abondance
d'embellissements frivoles, souvent presque ridicules. Il se
creusera un canal roide et droit, réceptacle d'une eau
dormante, souvent bourbeuse. Ce canal, tout étroit ciu'il
*.
soit, est obligatoire : il symbolise le [)ays des aïeux. Il y
ajoutera terrasser et talus, de^ ftcurs, du ga/.on que les
l)luies abondantes de sa patrie s-^ chargeront de tenir
toujours verts.
m tl'.i" <_'•• .1^ .itoMii ; l)v(' ,->iiil tlic" s 'n .'lit vrry fl.iiivisliin'.r. Xoili" : iirl; iii Holly ; tlic
l'ilics n littli' (l.'Uii.'iLfi'il l'or waiit ni' watcr.
'riu' ti)\V' r ol' ll:i!»'l iiiit yi't liiii^ln'd. St-(i<'i(ri,'f in ]'<>.< ; \n<. :ii'iu s!".ii''(l lonn inriigli,
liiit will lpr in :i cuiiilitioii to t-lich tlii- (liML'iiii n'Xt iijiril. I'',ilw:inl t!i" l!l;i('! l'i'inci', in
.■viii'i'r's. A ii.iir lit' Lti.-nitri stiinti'cl. to li • sold <li('.:|i. \:t nl.l ui'inl (if Iicmor, in worin wixul.
.V tiippin),' lion .Jolinson in l:iuirl. Divers l'iniiniit iMinUrn i>iii't:; in li:ivs, son.owliat
Miu'litu.l.
A (luick «l't lio};, sliot up into :\ iHirciiiiini'. Iiy luinn I )n,'i)t a \vi\k in riùny WiiithiT.
A liuvcndir ]»'y: witli siifjr Hrowiii',' in ils Ijclly."
Uowiiinfi nu iitiiinnc i'i,'alt'iniMit un<^ villa [ins d'.Vnvi'r; apjiarfv'iiaut à un M. Snt.>t/,
iii'i.L'i' d'nni' vi'ito indouR», oil si' voyait tout un tr()ui»'iin di- moutons, avcf lo Ijoru'i'r ot
~o\i i-liien, nullités l'u piiTro, tv c|ui donnait au site vue allnro to\it-ii-fai; butoliiiui' liieu
lunn pou Ijurk'Siiue.
ES(.)UISSKS
325
p:u-
irdin.
an ce
Il se
eau
qu'il
Il y
les
tenir
|ly -, t 11'..
l'iiK'i', in
lii wond.
I owliiit
|\\;it!i('r.
Snii't/.,
Irruii'r et
Ijui' l)iou
Evelyn décrit les jardins hollandais, à la Hague, comme
surchargés de décors : avenues ombragées, Statues, marbres,
grottes, fontaines, concerts artificiels.
Sir James l'klward Smith, écrivant un siècle plus tar;l, y
mentionne un jardin aussi entrecoupé d'avenues serpen-
tantes que son voisin l'était d'allées droites : évidemment
la ligne courbe, la ligne de la beauté, le style anglais y
2vait pé être ; mais ccl i était loin d être gén'ral, car le
hollandais, amateur du passé, adore la routine
Le stN'ie tonsiU;, usité anciennement, surtout en Hol-
lande, LJieu m.Tci, e^t di-.p,iru : il con-.i-.tait à torturer, à
façonner un arbre ou un pauvre arbuste, au nn.)yen de la
scie ou de la serpe pour simuler mille objets, animés ou
inanimés : des paons, des cochons, des porcs-épis, des
étoiles, des gerbes de blé, etc.
Le poète ; l'ope, le créateur du merveilleux jardin, .à
Twickinham, sur la berge de la Tamise, à Londres, a fait
bonne justice de ce genre atroce et ridicule, (i;
* *
*
(1) 11'.; (liini.iiii ' d'Al.'X lUil T l'oii.', ;i T\vicki'uli;ini, cimvr.'it lo- d.'iix cùtrs .!.■ l;i voie
|Mil.lii|u.', il" sdi'tf ii'ii' 11' |io,''ti' .''t:iU fori'i' (!■■ t tavrsir 1" c'ii.'iiiiii pniir atiriuilr.' \;i iMi'tii'
la liliH l'irvi'. ■ l't jiliis ciiitivi'i' (le si's javiliu-*. Atiii d'uLvii'i- il ci't iii; Diivriii.iÈt , il iliii ].ni-
tii|iii'r un |i:is-!|j;i' si)ut"riMin, d'un iiùlnt ii l'aiitri' il ■ son tcrritoir,'.
S:i ivsid 'noi', joli.' villa Kdiuaim' av.'O cdoimi"!, arcadi'S, ]ii)rtii|ii.-s, r.'ii.v-iait ■/nu'i.'ns.'-
inv?ni snrlarivi' vi'nl'ivanti de la Tainisi'. I! fallait il- t.iat.' ui''i'.'-.-iî''' ci-.mis.'I- un tnnui'l
[inur avilir ai'c'-'*, i\ si-s '_'r inils Imi-i, aux iiii)i ii''an'.i'S i.lautatiuns i|u'il y avait nvr-i : li-
souterrain il"vint une i^rotli', du (■.'.t.' d.' la Tamis,', iiaviT .'U iiiin''rai, rn co^niUaui'- rtc.
l'iipi' l'n a lai-".'' la il 'scriptimi siiivanti' ;
'• ,Ti! vii'ii.s, dit-Il, ili' iu"ttro la d 'rniiTi' ni lin à m."* tr'iva".< liin-liculi'rf. i^ nii .ji'ottc
s-niiti'rraini'. .l 'y ai dOcouviTt un !il.' . iii'.' oiid.' crystalliii'', dmit 1.' ji't |ii'riii'tiii'l rails"'
ilaii:» Il cavi'i'iii! un l'i'lio nuit et .... Du tl.'iivi', l'u'il piToo i^ traviTS ci'tto arcli.', eu
r.'iiiimtaufc un si.liiair.-. s.'Utii'-, I'' l'cui'oiilr.' iiin' rsp'i'.' d.' trinplo imv.'i't, un." riistjiini'
Hiractiu'.' ciur.'rtiouii '0 d • d; iillaj;"^ : d ■ l'.'t rud''.iit. l'un saisit, s., h 1 .uci'aii d''S 1 ois
v\i i'.'.;:ar.l int v-t- la'l' ..uis ', I.'h iiar.'Ui's V0',;uant sur l'.'aii : flianiiaiit" p.Tspi'L'tiv.'. Kti
('.'rniaiit la iiiirtc ' luti mutti', l'iuti'rii'ur s., traiwlunni: l'ii uni! lantrrni' ma«ii|ii.', 011 >»'
ri'iH l.'ut l.'s '..lis, l's cdt.iiix, li's vissi'anx : un p.iu.irauii varii' du ll.'uv", i|U.' vous
pouvi'Z rendi'.. iiinins vil', moins distinct l'ii dimina.int la liiinii'i-.' .[iii 1.' rrllèti'. l<i' par-
(|ui't l'st juncli.'' d;' Cl |nilla«.'s l'tc : d<"^ irlaci'S i-i nr.'Si'ntanl l.'s o'ij.'ts ; nn lust"' riri'ii-
laii".' d." |mr alliaii.'. r.'toni'i.ikt d'uni' ulaiv taill.' n t'i.nii d'.'toil.', t'ait
jaillir du lainl.ris nrll" prisni's, inill ' l'imm 'iis 's .'toil.'s. 1) 'ix P'iri'li's étroits
conduis'nt d ' (' 'tti" !/i'iitt", l'un liii'ii rrlair', au H'uvc ; l'autr.' viill.. p ir li' ('"uillair.'
d.'S arîir'S (Mt piv,'. d'î sil'x, d.' en piill.'s luiriu's, d ' niin'ril df f.'r. li 's siuiti.'rs dans le
v.ii.'ina'.î.' i|ui m'n.'nt au t'iiipli', s.int ..garnis d ' .j:i'avois nrdiuairi' l't par li'iir nitnrrl,
l.'Ui' simiilii'iti ii' m ari.'nt .'i i d.i ix inir.uir ■ d ' l'.'aii toin'iaiit.', il l'aLtr.'st.' paysiw.
lU'i'l', il n ' m ' m m l'i ' p 1 ir i"i'ni.l.'t.'r 1" sp'cta'l', ipi'uii ' inmu.' «tatiii', avi'O un.'
ins('i'i|ition, uniiiii' l'.'ll.' i|ii" v.ris s ivi'z iju ' i'aiiii ■ tant. Val !.•:■. |i as croir.' i|ii.' jr l'iis d.'
la po:'sii' ; au ciintrairi-, la d.'si'ripti.in ipi.' j.' vo as dnuii.' rst vi'ri.li.i'i.'."
Hélas ! i|iril vcsti' p 'U d.' trie -s di niiKaoi j.ir.lin d' 'l\vii'k'nli im : m 111.' !.■ sa.ili'
Ii'.i.' 'nd air.' d" l'op ', 1' p 'i'.' rt 1.' p itriarrh ' d 'S s iiil..^ an.'lais. y s.i'i'omli ait d' vi.'ill.'ss",
eu l.-< 11, uono'utant l..'s lutiiiir< d mt 11 était l'iit.mr-'. t' ir cVst à rilliistn' pmti' i|U"
r'vi.'u' rii lau 'iir d'av.iir iiiTi 1 lit l'U .V'i /l.'f'rr '. c 't arlir.' .jri"i".ix : s,vi a.iii ' LnJii
Xih'iui lui l'ii ayant cnvoy,'' d 's )..iatiir.'s d ' r.'tran'jr.'r, l'op.' 1rs in.t .'ii f "rr.', disant i|ui'
11 'iit-i''tr.' il on pr ivi 'U'ir d" ii'i ai'liv.' in •.iiiii'i il ins sa pitri.': si ju'' li.'ti.iri s.' r.Mlis.i.
V.n 17> I, l'I ii.i T itri.' ' d ' 1! i-iii ' u li" pi l'ivr .1 un son jar.lin, à St-P't 'rsli'iar^.
i I
326
JARDINS ANCIENS ET MODERNES
4
i
Le style français se développa vraisemblablement au
milieu du dix-septième siècle, sous le brillant règne de
Louis XIV. L'art du jardinier, comme bien d'autres arts,
bénéficia de la prodigalité du Grand Monarque et des
aptitudes de LeNôtre, alors l'artiste-jardinier le plus
renommé de l'Europe.
Les théories de LeNôtre firent bientôt leur chemin dans
tous les pays civilisés. L'Angleterre les accueillit à bras
ouverts et chose singulière, la méthode de LeNôtre se
maintint en Angleterre plus de cinquantes années, après que
les jardins naturels le style anglais en un mot, s'y fut établi.
Ce fut dans la création des célèbres jardins du roi, à Ver-
sailles, que LeNôtre, dévoila tout son génie, ses ressources :
ce qui fit dire à un écrivain anglais, Bradley, que ces jardins
là résumaient à eux seuls la perfection de l'art, et à un
auteur allemand, du nom d'Agricola : " contempler les jar-
dins de Versailles, c'est avoir un avant-goût du Paradis."
L'école de LeNôtre eût pourtant ses détracteurs : le poëte
Gray et l'habile Loudon disaient que le jardin de Versail-
les, pour être imposant, devait être rempli de monde."
Lord Byron développait cette idée sous une autre forme,
en affirmant que " tant de symétrie ne convenait pas à la
solitude." Mais ceux qui recherchaient la solitude, 1 eus-ent
guère trouvé à Versailles ; ainsi donc le pian de ce jardin
allait bien avec le site^
Les jardins anglais devinrent de mode en France en
1762 ; on en raffollait.
Il semblerait qu'avant l'époque de la révolution, plu-
sieurs jardins français furent transformés en jardins
anglais, sous -la direction d'un habile jardinier Ecossais, du
nom de Blaikie, établi en France depuis plusieurs années
et aussi, sous celle du Chevalier Jansen, anglais éclairé.
Depuis ce temps, nombre d'anciens et beaux jardins fran-
çais ont été refaits, d'après la méthode anglaise, que
plusieurs Français ont crû erronement consister en une
profusion d'allées ou sentiers courbes et sinueux comme le
î:squisses
327
en
remarque M. Blaikie : car il ne faut pas abuser de la ligne
courbe.
La France, dans le passé, a donné naissance à peu d'ar-
tistes-jardiniers : les mieux connus sont Girardin, Morel,
Delille.
Le Nôtre visita l'Ancjleterre à la sollicitation du roi
Charles II, et y propagea ses idées avec beaucoup de suc-
cès : il introduisit sa méthode, dans l'ornementation du
grand jardin que le Cardinal Wolsey avait créé à Hamp-
ton Court, aussi bien que dans le jardin de Greenwich et
au parc Saint James : ceci se passait juste au moment où
un nombre de Nobles distingués par leur intelligence et
leurs richesses, les Ducs de Devonshire, de Lauderdale, le
comte d'Essex, les Lords Capel, Pembroke, Craven, Nor-
thampton, etc., s'occupaient activement à faire progresser
l'art des jardins.
Disons un mot du chef-d'œuvre de LeNôtre, à Ver-
sailles.
Je n'oublierai pas de sitôc le spectacle qui frappa mes
regards, le 8 août iS-^i, du haut de la terrasse du palais
fastueux de Versailles.
Jardins, parc, pièces d'eau sont presque, dit-on, dans le
même état où LcNôtrc les forma il y a plus de deux
siècles. S'il m'eût resté des doutes sur sa méthode, j'eusse
bientôt découvert à quelle école il appartenait. A coup sûr,
ce n'était pas à celle de la nature : chez lui, c'est l'art qui
prédomine : l'art de soumettre le paysage aux lois inexo-
rables de la géométrie : associer l'arcliitecture, la sculpture
au gazon, aux arbres, aux étangs : tel é'ait bien l'idée fixe
de Le Nôtre ; le paysage, était tout de même plein
d'intérêt pour moi. Son aspect .-.ulennel, bien qu'un peu
suranné, se mariait si bien avec le style grave, majestueux
du palais voisin ; il concoiJait d'une manière frappante
avec les notions de l'art en vogue au siècle de Louis XIV.
Aux jours de gala, quand l'on faisait jouer les Grandes
Eaux, on conçoit sans peine l'effet magique que ces jar-
l< :'
W >■ ■
328
TARDIN'S ANCIENS KT MODERNES
dins superbes '■u/'^nt produire sur la brillante coui' du
Grand Roi. vje n'est que vases, que marbres, que bronzes
sculptés, dans toute cette enceinte ; quelques-unes des sta
tues et des vases sont des copies iVantiqtics célèbres ;
d'autres, des originaux datant du 17e siècle.
Ixs groupes les plus frappants, sont ceux des Parterres
du Midi et du Nord, l^ntre eux, près des gradins sont
deux grand:. IVi^sins. la Foutniuc de Diane, à droite, et la
Fontaine du Pont du Jour, à gauche ; toutes deux ornées
de groupes d'animaux en bronze, par les frères Keller.
La façade du palais percée pour 375 fenêtres est longue
de 250 mètres. L'orangerie comprend à peu près 1200
orangers, disséminés en été dans les jardins : la tradition
prête à l'un de ces arbres quatre cent cinquante années
d'existence.
Au sud de VEtaug Suisse, se dessinent le bois et la
Plaine de Satory.
Au pied de l'escalier qui conduit au delà du parterre
d'eau, est situé le vaste J^assin de Ltifone, l'œuvre des
frère . l\Lirs\' : plusieurs gradins de marbre roux, sur les-
quels gisent des grenouilles et des tortues vomissant l'onde
en face d'un beau groupe en marbre blanc de Latone a\'ec
Apollon et Diane. La mythologie raconte que Latone
aj'ant suj)j)lié Jupiter de châtier les paysans de la Lysie
pour lui avoir refus*, à elle, un verre d'eau, le dieu les
métamorphosa en grenouilles.
Les plus b.îiles statues dans le jardin sont celles dans le
Po^'.riour de Latone ; h. droite en approchant du côté du
palais, il y a \\\y<i curieuse statue de la Mélancolie, par Le
Perdrix : "le livre," "la bourse" et "la bouche close" sont
au'ant d'allusions à la tenda'ce des hommes d'étude, des
avares et des personnes taciturnes, à devenir victimes de
cett • passion.
Puis se présentent Antinoiis, Tit^raws, un Panne,
Paee/ius, Faustine, Commode vêtu comme Hercule ; Urauie,
Jupiter et Ganyuiede : vis-à-vis l'on voit Vei/ns dans sa
ESC^UISSES
329
conque. Du côté opposé, l'on découvre le Gladiateur Mou-
rant, y Apollon du JJclvcdcrc, Uranic, Mercure, Autinoiis,
Silène, Venus, Kallyep?,"-os, Tiridates, le Feu, la Poésie
Lyrique. Puis, vient le bassin d'Apollon, le Bosquet du Roi,
le Bassin du Miroir, le Bassin d' Hiver, le Bosquet de la
Reine, où se passa l'afifaire du collier de diaments ; la Salle
du Bal, le Bassin de l' automne, le Quineonee du Midi, la
Colonnade, le Rtassin d'Eneelade, où le géant soutenant
le Mont Etna, vomit l'eau à une hauteur de soixante
et quatorze pieds, le Bosquet des Dômes, le Jui^-'sin du Prin-
temps, le Quineonee du Nord, le Bassin de l'Eté, le Rond
Vert, le Bosquet des Bains d'Appollon, etc., etc.
Je n'en finirais pas si je prétendais d'après mes notes
énumérer toutes le^ merveilles que le génie de LeXôtrc et
la munificence du Grand Roi ont enfouies dans ce féerique
séjour.
Mais de grâce, quand vous ferez le voyage une seconde
fois, tâchez que ce soit un des jours de mai ou d'octobre,
généralement le dimanche, où l'on fait jouer les Grandes
Eaux : spectacle qui coîite entre 8 à 10,000 francs et qui
attire tout Paris.
Ce fut M. Fagon qui le premier érigea des serres-chau-
des en France, savoir, celles du Jardin des Plantes, vers la
fin du règne de Louis XIV : puis vint M. Seni(M" qui en
construisit pour pour lui-même à St-Germain-cii-Laye, et
aussi pour Louis XV, au Trianon. M. Comble les a décrites
dans r"Ecole Potagère" ; le st}'le Italien et Français en
jardins resta en honneur, en Allemagne et dans leXordde
l'Europe jusqu'en 1750, époque où la méthode anglaise fut
adoptée en partie, notamment au célè'ore jardin ouvert
près de Pyrmont, en Westphalie.
-*
* *
Le premier essai de serres-chaudes en I'>urope, sur une
magnifique échelle fut celle de l'Empereur d'Autriche,
François I, à Schœnbrunn. en 1753 : il }• fit élever cinq
structures, longues de 1290 pieds, et hautes de près de 30
330
JARDINS ANCIENS ET MODERNES
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pieds. Les voyageurs ont dépeint les serres de Schœnbrunn
comme les plus belles du monde.
Le comte de Findlater, noblo EcossHis, qui résida long-
temps près de Dresde.dota la Saxe de structures réchauffées»
pour la végétation ; les prenn'ères, pense-t-on, érigées en
dehors de la Grande-Bretagne : on paila longtemps aussi
des grands conservatoires du Duc d'Aremberg, à Enghien
et des jardins botanniques de Bruxelles, bien que sous le
rapport de l'exécution, de l'étendue et du plan,ils paraissent
minimes, comparés aux structures semblables élevées depuis
en Angleterre.
Quant à la priorité, l'on ne doit pas oublier, que dès
1643, le célèbre botaniste Jungerman fit ériger un jardin
d'hiver, à Altorf, en Saxe, lequel à cette époque passa pour
être le plus beau jardin de l'Allemagne et dès 1620, Solo-
mon Caus, le plus éminent jardinier-artiste d'alors, se pro-
posait non seulement de construire une superbe orangerie
dans les grands jardins d'Heidelberg, mais encore de la
chauffer à la vapeur, tel que l'on peut le voir en référant
au livre qu'il publia " Hortus Palatinus Heidelbergia^ " et
qui en contient les plans et devis.
Le style anglais, landscapc gardcning^ c'est-à-dire des
jardins d'après la nature, (i) s'introduisit rapidement en
Allemagne après avoir pris racine en Angleterre, et soit à
raison des fortunes des Barons, l'esprit d'imitation ou
autre cause, il est certain que^ la nouvelle méthode y jeta
de plus profondes racines, que dans le reste du continent
en dehors de la Grande-Bretagne.
L'Allemagne a donné le jour à des hommes éminents
par leur science et leurs écrits, comme artistes-jardiniers :
un des mieux connus est M. F. L. Von Schell, de Munich,
(1) Ij!V l:inKuo, (Ut Morel, i\"ri piis encore iidopti; ilo mot pour clôsiunor l'artiste qui pro-
fosso cet art tout nouveau, elle n'en a pas même pour le genre do Jardin dont il s'agit,
qu'on appelle, par opposition au genre régulier, Jardiu anglais, parée que l'Angleterre a
été la première nation de l'Kurope i\ l'adopter. Je suis doue obligilï de me servir du nom
dej'.nvIiHior, auquel j'ajouterai quehiuefois l'epitliète d'artiste pour éviter l'éciuivoque,
et celle (îe/u nafitre, pour le genre de jardin qui est l'objet de cet ouvrage. Un jardin
()ui a la nature pour modèle n'est ]>na plus anglais que français : lu nature est do tous
les pays."
THÈOUIH DK8 JAItDIMS. TofltC /. P. 35..
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* ■■ ■ *
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ESQUISSES
331
auteur d'un traité plein de mérite intitulé : " La formation,
des jardins, comme art de goût et d'agrément."
*
En Russie, tout sévère que soit le climat, plusieurs
nobles favorisés de la fortune, et le Czar, lui-même, ont des
serres-chaudes et des jardins fort étendus : ceci ne remonte
pas au delà de Pierre-le-Grand. Depuis ce monarque, tous
les styles de jardin ont trouvé en ce pays, droit de cité : à
présent, celui de jardin anglais introduit par la fameuse Im-
pératrice Catherine en 1768, y prédomine. Storch décrit
comme suit le grand jardin d'hiver du palais Taurida, à
St-Petersbourg : " Le long d'un côté du vestibule se trouve
le jardin d'hiver, énorme structure en verre, excepté le
toit séparé de la grande salle par une rangée de colonnes
seulemcfnt. Comme il fallait de toute nécessité que la toi-
ture fut appuyée sur des pilastres, on a déguisé ces der-
niers sous la forme de palmiers : des tuyaux en plomb
enfouis sous terres, ou cachés dans les murs mêmes et
dans les pilastres renferment le calorique, l'eau chaude.
Les allées de ce jardin serpentent au sein de haies cou-
vertes de fleurs, ou d'arbustes aux fruits vermeils ou dorés
et suivent les mille et un accidents du terrain qu'on y a
pratiqués, de manière à vous menag^r sans cesse de nou-
velles perspectives. Quand l'œil du spectateur est las de con-
templer tant de richesses végétales, il lui est loisible de se
recréer par la vue de quelque exquise merveille de l'art.
Ici, c'est un buste ciselé par un sculpteur grec : là, c'est
un essaim de poissons rares se jouant dans des bocaux de
crystal. On quitte ces derniers pour pénétrer dans une
grotte garnie de glaces où se reflètent toutes ces objets
sous mille aspects divers : ou bien, l'on se trouve face à face
avec un obélisque construit de miroirs, qui reproduit tous
les couleurs de l'arc-en-ciel. L'air tiède, le parfum et l'éclat
des fleurs, le calme voluptueux qui règne en ce séjour
enchanté, vous fera rêver aux délicieux bosquets de l'Italie,
tandis que le paysage au dehors du verre qui vous entoure.
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332
TARDINS ANCIENS ET MODERNES
glacé par le froicl.indique une température arctique." Gorins-
ki. jadis une des somptueuses résidences de la famille Raza-
mousky.possè Je des serres vastes et majjjnifiques,adhérant au
palais comme des ailes ; elles sont d'une étendue telle que
nulles serres en Angleterre ne les surpassent, si Ion en
excepte celles du Palais de Kew, celles de Chatsworth,
appartenant au duc de Devonshire, et celles du Kcgciit's
Park, à Londres. {\)
L'ordonnance des jardins selon les règles de l'art et du
goût ne remonte guère au delà du règne d'Henri VIII, qui
fonda Nonesuch, dans le comté de Surrey, comme résidence
royale. Au rapport de Hentzner, les jardins de cette villa
possédaient des jets d'eau, des treillis en fer, des alcôves
de verdure, des colonnes, des pyramides en marbre. None-
such avait un enclos potager entouré d'un mur haut de
quatorze pieds ; en avant du château, il y avait un bou-
lingrin protégé par une balustrade en pierre.
On y découvre des traces de parterres et de ce bizarre
ornement, connu comme labyrinthe (pratiqué plus tard à
Versailles) sous Henri III et même sous le règne de la
reine Elisabeth.
Nonesuch n'était pas le seul grand jardin artistique au
temps d'Henri VIII. Evidemment la théorie des jardins
s'était développée avant cette ère, tel qu'il appert par les
écrits de Daines Harrington, Hentzner, Leland, Hol-
linshed, etc.
»
Les anciens jardins en Angleterre, par leur ordonnance,
leur arbres, leurs décorations reflétaient les mœurs du
tenu s.
Nonesuch, Théobald, Greenwich, Hampton Court, Hat-
field, Moor-Park, Chatsworth, Beaconsfield, Cashiobury,
Ham et plusieurs autres, dit William Howitt, se dres-
saient avec cette majestueuse mise en scène que le roi
Henri et la reine Elizabeth admiraient. C'est là que se pro-
menaient les Surrey, les Leicester, le beau Essex, ces magni-
KW The Hook nf tlio GiinliMi, Cliarh'fi .l^•fll^).s■/l. ,
ESQUISSES
333
tiques nobles de la dynastie Tudor, les Dames cléffantes, les
verts ^allants de Charles II : c'est 1^ qu'avaient lieu leurs
amoureuses réunions où s'c'chan<:;eaient les tendres propos
tous ces doux rêves des amants, là où l'on venait compter,
fleurettes, en côtoyant des allées artistement alignées, sous
l'ombre discret de vertes alcôves, entourés d'objets sculptés
en pierre, en plomb ; de fontaines jaillissantes ; de cascades,
d'arbres artificiels en cuivre dont les rameaux vous inon-
daient d'une abondante rosée ; mille surprises, mtile mer-
veilles horticoles se cachaient sous ces grandioses terrasses
ombragées d'arbres, ornées d'obélisques, de pyramides, de
balustrades dorées : objets et accompagnements bien'
faits pour à charmer la vue de ceux ou celles qui portaient
brodequins de soie, fardingales, jabots, éventails, culotte
courte et pourpoint brodé.
Ce fut probablement l'Italie, dont les décrets faisaient
la loi en Europe, en fait de jardins qui légua cet art à.
l'Angleterre,
On a trouvé des indices non équivoques dejardins artis-
tement formés en Ecosse, même au sixième siècle : les
moines y pratiquèrent cet art et y introduisirent des pays
lointains des plantes exotiques : cet art disparut avec la
suppression des monastères sous Henri VIII. Jacques I,
de retour en Ecosse, après sa captivité en Angleterre,
implanta dans son royaume la méthode des jardins anglais.
On voit encore dans la vallée, au bas de Sterling Castle,
site jadis des jardins du roi, les restes d'un ^rand jardin
géométrique.
Au jardin royal de lîampton Court, on voit encore le
labyrinthe, comme indice de l'art, au temps du Cardi-
nal Wolsey qui en avait préparé le plan. Charles II y
développa encore davantage la méthode fastueuse de
LeNôtre, sous oublier le curieux labyrinthe malgré
les efforts de Bacon pour faire abandonner ce style. Il est
bon de noter en passant que le terme "orangerie" s'em-
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334
JARDINS ANCIENS ET MODERNES
ployait alors en dehors de l'Angleterre comme synonime
de jorres-chaudes.
On semble avoir fait peu pour l'art du jardinier en
Irlande, pour les grands jardins disposés selon les règles
de la géométrie, où chaque arbre était planté à une dis-
tance uniforme de son voisin, où les parterres ne devaient
représenter autre chose qu'un quarré ; où la ligne courbe,
l'avenue sinueuse, — était inconnue, bien qu'on lmi trouve
des traces à Thomastown, où il y avait aussi au sein du
jardin, un amphithéâtre pour les représentations drama-
tiques ; quelqu'un même y avait introduit le style hollau-
""dais.
On trouve au quinzième et au seizième siècles des men-
tions des jardins de Falkland Palace, de Scone Palace, de
Ilolyrood House, de Morray House, etc., en Ecosst\
Ce fut aux jardins royaux de Kensington que Wyse, le
jardinier du Roi et l'associé de Loudon, commença à inau-
gurer le méthode moderne (ou jardins d'après nature);
Addison l'en félicita chaudement. 13ridgeman lui succéda
et la réforme se fit d'abord par la suppression d'arbres
taillés pour simuler des objets de sculpture ; les pelouses
verdoyantes, les aspects sauvages, les champs cultivés
prirent la place des objets artificiels (i). L'âge d'or des
jardins géométriques, en Angleterre, dura depuis l'avène-
ment au trône de Guillaume d'Orange et de la Reine Marie,
jusqu'au milieu du règne de George II, vers 1740 : les jar-
dins les plus célèbres dans ce style-ceux de Hampton Court,
de Exton Park, datent de cette ère. Les premiers exem-
* (1) Mort'l 8'él^vo avec raiaon contre rintroductiou eu Franco des anciens jardini
anglais :
"Il est peu de jardins 0)1 Angleterre où l'on ne voit des temples somptueux, des
églises ^[otlnuueH . il en est peu ([ui ne prùsenteut îles ol)éIisnue3, des ponts à Ciloune,
des rcpoaoirs ornés de péristyles ; dans presque tous, on rencontre des grottes, des
rochers factices, des tours antiiiues, des ares de îriomplie et surtout des ruines; il eu
est peu enfin où l'on ne se soit livré il de grands efforts pour se ])rocurer des rivières, des
ruisseaux, des lacs, des cascades. Voilà ce qui rend les jardins d'AuRleterro si coûteux :
si tant de l'aliriques les enricliissent, elles no les emliellissent pas toujours : il arrive
même le plus souvent, qu'elles surcharfieut le tableau et on affaiblissent roxpressiou ;
mais que l'artiste dirigé par le goût et soumis aux vrais principes do l'art, s'y assujettisse
i\ la marche du terrain, qu'il soit sobre sur les fabriques qui s'associent dilHoilement
avec les scènes do la nature, qu'il prenne la nature pour guida, il eml)ellira son pays
par des jardins purs, agréables, non ruineux et cependant d'un grand ctîet.
(Théorie des Jardins, Tome I, P. "8.)
ESQUISSES
3J5
pies en ce pays des jardins d'après nature furent le petit
jardin du poète l'ope, à Twickenham, sur les rives de la
Tamise, près de Londres, et celui d'Addison, à Hilton, près
de Rugby. Les premiers grands jardins du même genre
furent probablement, dit Mclntodi, ceux de Stowe, de
Pains hill, d'Esher, de Claremont, de ILiglcy, de l'ensfield,
de Woburn Farm ; Lord Kames a rendu un important
service ^ sa patrie, en introduisant en ICcosse \:\ nouvelle
méthode de jardins.
Les j.'irJins et le:> serres les plui en renom en Angleterre
sont ceux de Sa Majesté, à Kcw, à Frogmore ; les jardins
botaniques de Londres ; ceux de Regent's Park ; ceux
d'Exton Hall, de Trcntham et surtout les conservatoires et
les serres-chaudes de Chatsworth, la princière résidence
du Duc de Devonshirc.
En contemplant ce.> magnifiques résultats, il semble
difficile de préciser où seront poussés les derniers
perfectionnements de l'art du jardinier, pour donner au
millionnaire et à l'homme de goût des jouissances nou-
elles, puisqu'il sait déjà braver les saisons, les lois du cli-
mat, dans la production delégumes, etc., de fruits, de fleurs,
et ménager au roi de la création un gazon perpétuel, de verts
bocages : les insignes faveurs de Flore et de Pomone, lors-
que la température semble lui interdire de franchir au deuà
le seuil du toit domestique.
Dans notre jeune Amérique, l'art du jardinier a été
pendant longtemps en souffrance, négligé. Boston, New-
York, Philadelphie ont néanmoins fourni de nobles
exemples de progrès en cette science.
Le judicieux Downing ;'i)par ses écrits a fait beau-
coup pour changer l'ancien ordre de choses et pour intro-
duire dans le plan des villas, des jardins d'hiver etc., un
style d'architecture noble, recherché et aussi en unison
avec la nature du climat.
78.)
(1) "A Trcatiao on tho thcory and practice of Landscapo Gardening, adoptcd to North
America, witli a view to tlio improvoinont of couiitry rcaidL'iici'H etc., tiy A. J. Uowuiug,
author of Designs for cottage rosidonccs." Oth Edition.— Xew-York 1855.
Il ;
: t
336
■ M'
lARDINS ANCll-.NS Kl' MODERNES
Dowiiinj.;^ a fait pour rAinôriquo ce que Kcplon, l.ou-
doii et Kent ont fait pour l'Ant^lctirre. L'Amérique a
pourtant contracté une dette de reconnaissance avec un
émincnt pépiniériste étranL;er, qui éini^ra de Hollande,
vers I S jq, et (pii dans les billes péi^inières et les jardins
(pi'il créa à lîro(jklyp, près \eu-^'oI•k, s'étudiait à fournir
les pians, les plantations etc., combinant l'ordoniKince du
jardi'.i avec le site et les entourag'es, l'art avec la nature. Sa
théorie fut si attrayante et ses iilées si pratiques que le
public entier dey, l-ltats-Unis, en profita. Ce l)ienfaiteur de
la nation se nommait André l'armcntier ; il était frère tlu
célèbre horticulteur, le Chevalier Parmentier, Maire d'ICn-
^hein, on Hollande. Tendant son séjour h Lonj^Island,
l'armentier rc(;ut beaucoup de commandes, pour plan et
devis de villas et de jardins etc. Avant de fournir le plan,
il allait examiner les lieux, choisissait l'espèce (l'arbres
convenables au sol et à l'exposition et adoptait le plan du
jardin au pays ; puis, il faisait lui-même les plantations
-Mi arbres fruitiers ou de haute futaie. On mentionne plu-
sieurs spécimens de son savoir-faire, dans les l'^tats du
Sud de l'Union, dans l'ouest du Canada, et même jusqu'à
Montréal.
D
ownitiL; affirme que l'armentier a plu
fait
qu aucun
b.stituer à l'ancienne méthode, aux
autre artiste pour su
jardins roides, réguliers, géométriques, quelquefois bizarres.
Il méthode moderne da^i jardins naturels, le laiidscn/^i
s/y/t.'.
L'introduction de ce gracieux style en Amérique est donc
de fraîche date.
* *
Parmi les résidences de campagne les plu
aux Etats-Unis, au commencement de ce si . iu>. it
surtout celle du ChanccUier Livingston, t^ rmont sur
l'Hudson. Le Manoir de M. Livingston par ses erres-
IScjL'ISSKi»
337
L
chauJcK, SCS riants jarvlins, surtout par une superbe plan-
tation lie robiniers i^l'acacia^ ycllois.' Icciist ttct, la plus
belle de rAincriquc, était une des merveilles de cette
région. On y expliijuait facilement la supériorité de son
horticulture , L-ivinj^ston. magnifique et di^Mieambassaileur
de la grande République auprès des cours d'ICurope, avait
beaucoup voyagé à l'étranger et revenait dans sa patrie,
après avoir profité de tout ce qu'il avait observé .ui delà
des mers.
Moitti^Oiiicry-Placi\ à Harrytown, sur la rive altière
bien boisée de l'Hudson, tlans le voisinage de New- York
est l'une des plus vieilles et des plus charmantes villas du
voisinage, L: manoir a de plus un intérêt historique :
ici, séjourna le brave, mais "infortuné jeune général, jadis
officier anglais au 17e régiment de ligne, Richard Mont-
gomery, lequel ainsi (jue ses aitle^-de-camp Cheeseman et
Mcl'herson, terminait si tristcn;ent sa carrière, sous le Cap-
aux-Diamants, le 31 décembre 1775. Sa veuve vivait
encore lorsque se fit, en 1S18, après un lapsc de quarante-
trois ans, la translation des restes de .son époux chéri, de
Québec à New-York : le vapeur, en remontant l'Hudson,
s'arrêta devant l'antique manoir, pour saluer, en baissant
son sombre pavillon. Madame Montgomery, laquelle laissée,
à sa demande, seule sur le pia/zc, y perdit connaissance
par suite de sa douleur.
A la mort de la veuve du général, cette résidence passa
à son frère, M. Mdouard Livingston, ambassadeur des Etats-
Unis, auprès de la cour de Versailles ; puis, à sa veuve,
madame Livingston.
La nature a fait encore plus que l'art pour l'embellisse-
ment de ce site : bois touffu, collines, vallons, luxuriantes
plantations d'arbres variés, pâtutages à perte de vue, pit-
toresque exposition sur la berge de l'Hudson ; bref, un
paysage grandiose, champêtre, frappant à l'extrême. Les
avennes et sentiers dérobés y couvrent cinq milles en
étendue et courent en tous sens autour du castel. Downing
2!t
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338
JARDINS ANCIENS ET MODERNES
liA
W :
Il \
V.
cite encore Ellcrslic,h. trois milles plus bas que Rhinebeck.sur
riludson, remarquable parla grandeur de son ordonnance
d'après les principes de l'école moderne ; Wodcncthc, fameux
l)arscs décorations, ses arbres, ses arbustes variés, ses urnes,
ses vases, ses sculptures, etc. ; Kan^'ood, une propriété
de 12,000 acres, près d'Albany, taillée, pour ainsi dire, hors
de la forêt, où M. Rathbone s'est érigé sur un tertre, une
gracifîuse villa, style Tudor,avec porte-cochère, même style :
on a tiré si bien partie du site et des bois d'alentour que
rien de factice n'y blesse l'œii ; tout est naturel : une struc-
ture et des atours qui par leur architecture et leur munifi-
cence vous semblent emprunts d'un cachet, d'un caractère
antique, et qui pourtant sont (l'ordonnance, de construc-
tion récente.
Dans le faubourg nord d'Albany se volt \e Jlfa/ior //o//st
du "Patroon" (tel est le titre que prend le fils aîné de l'an-
cienne famille Van Rensellaer). Agrandi, orné et res-
taure à neuf, c'est un des séjours les plus admirés de l'état
de New-York ; sur la rive opposée de l'Hudson, un peu
au nord d'Albany, est assise Beaverwyck, la somptueuse
résidence, jadis, de VVm P. Van Rensellaer : le plan en fut
conçu par un architecte du nom de Diaper. Une riche col-
lection de bois étrangers, disposés en mosa'ique, en pare le
salon et le vestibule, lequel au moyen d'un escalier en mar-
bre, conduit à de vastes salles à l'intérieur, peintes à fresque ;
les serres et conservatoires de Beaverwyck sont renommés
à cause de leur étendue et de leur magnificence.
A Tarrytown, l'on vox'c^Siiiiuysidc, (i) la résidence chérie,
maintenant historique de Washington Irving, une des plus
nobles intelligences de la florissante République voisine,
(1) Si'iiiiysido a dft reproduira qucliiuo olioai! ilo cou Bupoibos parcs anglai» dont Irvins
iKMis a ii'niu'! dans son Sketch lioiik, une si admiralile (U'Hcriptioii :
"Xotliiu^ caii lio mon- imposiiis than tlio iiia«niiu;i'iici! ol' KiikIihIi park acnnory. Vasf
lawns tliat oxtcnd like shouts of vivid Krcoii, witli licro and therc; chlumps of gi^rantic
fri'i'-!, lMiii)in^ up ricli pilo3 of foliage ; tho soleinii 1 • ii|i ol' Rrovo» und woodland K'<»ili'».
witli llii' dcor trooping in sili'nt licrds acroi"; tlioni ; tlie liaru liounding away to tlie
lovrrt ; or tlie pheasant, siiddonly bursting on tln^ Asiiig : tlie brook tauglit to wiud in
i.atural meanderings or expand into a glassy lako : (lie se<iuestored pool, reflectiiig tlie
([uiviring trees, with tho yellow Iraf sleoping on ifs bosom, or tho trout roaniinif
fearieasly about its limiiid wrtera, wliilst some rustic temple or sylvan statue, grown
grein and daiik witli ago. çïives an air of classii; sanctity to thn seclusion."
(Rural Life in Kttgluniï, Wasiiinotox Invrso.)
ESQUISSES
339
et l'habile et conscientièux biographe de George
Washington, le père de cette répubh'cue. Un dédale de
charmants sentiers sauvages circule en toi.'s sens, au sein
de coulées ombreuses, sur les hauteurs ensoleillées, ou le
long des rives pittoresques de la rivière ; les pèlerins du
continent entier accourent en foule pendant la belle
saison, à ce site féerique, le beau idéal d'un cottage onic,
où expirait en 1859 l'aimable et philosophique raconteur
du Sketch Book, l'éloquent historien de Christophe Colomb,
etc.
Je n'en finirais pas si j'essayais de vous onuniérer tous les
pittoresques casiiels, les nobles résidences, les parcs nrivés
ou publics, les riants jardins que le luxe ou I'. bon goût a
fait naître chez nos voisins.
Psr-dant un court séjour que je faisais récemment à Bos-
ton et où j'eus occasion de visiter plusieurs des sites les
plus attrayants en dedans et au dehors de c^tte charmante
cité, je notai bien des merveilles en fait d'horticulture ;
j'eus occasion de me convaincre que, sans encourir do
grandes dépenses, il y a une foule d'améliorations dans
la culture de nos fermes, dans l'onlonnance de nos janliii i
en Canada, que nous pourrions facilement introduire.
Le premier conservatoire de fieurs, autour de Québec,
au rapport du Dr P. Bender, vit le jour au commencement
du siècle, k V Asile Champctrc, sur les buttes-à-Nepveu,
Grande-Allée, où résidait feu Jos. Frs. Perrault, son aïeul,
le pionnier et le généreux patron de l'éducation chez le
peuple : une savante horticulture régnait également dans
le jardin, qui avait une étendue de ([uatre ar[>ents et était
entouré d'une haute muraille.
Vers le même temos, un riche nétrociant de Québec, feu
M. Henry Atkinson, l'ancien président de Li Société
d'Horticulture de Québec, et que je crois pouvoir nommer
à bon droit le père de l'horticulture artistique, parmi nous,
avait ajouté à son pittoresque manoir, (maintenant la rési-
dence de M. Amos Bowen) au haut de la falaise du Cap Rou-
f»
U'.
340
JARDINS AN'CIENS ET MODERNES
I i '
ge, un petit réduit en verre, chauffé à l'eau chaude, où il culti-
vait ses chères fleurs en hiver, longtemps avant l'époque
où il avait, k Spencer Wood, ses mémorables étalages de
fleurs, de fruits, ses jets d'eau etc.
L'élégante, la lettrée, la magnifique châtelaine de Spen-
cer Wood, Mdme Perceval, pendant son long séjour à cette
radieuse villa, a dû sans doute varier de fleurs au moyen
en serre, et de volières, aussi bien qu'avec la littérature et la
musique, la monotonie de nos longs hivers, au temps où
son amie, Mme Peter Sheppard y allait chaque semaine
pincer de la harpe, pour les habitués d'alors : les Mathew
Bell, les Caldwell, les Uniacke, les Baby, les DeSalabery,
les DeGaspé, les Sheppard de Woodfield, les Vanfelson^
les de la Naudièrre, les Taylor, les Montizambert etc.
Dans ma jeunesse, on associait d'ordinaire trois noms
fort connus aux jardins ornés les plus en renom autour
de Québec : Thon. William Sheppard, conseiller législatif,
littérateur, antiquaire, ornithologue, établi sur l'antique
domaine de Monseigneur Dosquet et du juge Adam
Mabane, depuis 18 16.
J'ai eu le plaisir de faire sa connaissance : un jour, en
juin 1865, il vint me convier à l'accompagner dans une
course qu'il méditait et que nous finies pour étudier les
fougères variées qui croissent sur la rive du ruisseau Saint
Denis. Un revers de fortune, en 1847, le forçait de déguer-
pir de Woodfield et de dire adieu à ses livres, à ses fleurs,
à ses oiseaux, pour aller se réfugier à Fairymead, Can-
tons de l'Est, où sa mort eut lieu en 1867.
Le second de ces horticulteurs distingués fut feu M. Henry
Atkinson, propriétaire de Spencer Wood et de Spencer
Grange, pendant près d'u.. quart de siècle, décédé à Nice,
I^Vance, en 1865 : le troisième, feu James Gibb, propriétaire
du beau domaine de liellevue, où le couvent de Bellevue a
été depuis bâti, à Stc-Foye. Ce domaine avait été acquis
par M. Gibb, vers 1840, de M. George Vanfelson, juris-
KSQUISSES
341
consulte distingué de Québec, plus tard, juge de là cour
Supérieure. M. Gibb décéda" en 1858.
En 1849, le Major Douglas, officier de génie et Profes-
seur au collège militaire de West Point, \i. U.. vint à
Québec et traça le plan du beau cimetière Mount Ilermon,
à k)illery : cet homme de goût avait aussi fourni le plan de
"Cîreenwood Cemetery," près de New- York et du cimetière
public d'AIbany. Il fut l'hôte de feu M. Atkinson. à
Spencer Wood. Les propriétaires des villas environnantes
utilisèrent les talents du Major Douglas, pour l'ornementa-
tion de leurs parcs et de leurs jardins.
Vous savez que la création, l'ordonnance d'un grand
jardin naturel, selon les règnes sévères du goût, exige une
parfaite appréciation du paysage, aussi bien qu'une con-
venance des objets entre eux et au site auquel on les
destine.
Grâce au.x habiles jardiniers que l'Angleterre et surtout
l'Ecosse nous a envoyés, nous pouvons admirer autour
de Québec un genre de culture fort soigné, de ric'ics con-
servatoires pour les fleur]3 tropicales en Jiiver, de vastes et
belles serres-chaudes où mûrissent sous le verre, le raisin
le plus délectable, des pêches succulentes, de suaves necta-
rines fbrugnons), des abricots, des bananes ; des ananas
d'un goût et d'un arôme exquis ; des figues, etc., et dans
les couches souterraines, de la rhubarbe, des champignons,
d'appétissantes salades, au temps des frimas.
Il va sans dire que ce genre de culture su[)pos(.' d\c/
les maîtres, d'amples ressources pécum'aires.
Je vous entends vous écrier, cher M. -loly : est-ce que
vous voudriez implanter chez. nri> bons cultiv-.iteurs, L*
luxe des vieux pays ?
Nullement, chez nu> cultivateurs, vous ré[)onilrai-je.
Je laisserai ce luxe aux élus de la fortune. Mais il est u!i
genre de jardins, des améliorations horticoles et agricoles,
tout à fait à la portée du peuple de no^ campagnes et qui
ne ferait qu'augmenter, san-; dé[)enses notables, la somme
M
342
JARDINS ANCIENS ET MODERNES
de son bien-être, ainsi que la valeur de l'héritage qu'il des-
tine à ses enfants.
Ce que je veux, c'est le reboisement des terres à bois,
la protection des forêts contre l'incendie, la plantation d'ar-
bres forestiers pour donner de l'ombrage, de la fraîcheur au
toit domestique, en été, ainsi qu'aux bêtes de la ferme
dans les pâturages, pendant la canicule ; l'ornementation de
la nécropole rurale,la création à côté du joli jardinet à fleurs,
de riches vergers, un choix judicieux d'arbres fruitiers.
Il y a trop de bons traites sur le siyle et l'ordonnance
des résidences et des jardins, soit simples ou ornés, pour
qu'il me soit nécessaire de fournir sur ce sujet des règles
précises. Je terminerai donc ce rapide coup-d'œil sur la
théorie et la pratique des jardins, par un intéressant
tableau d'un jardin négligé e« d'un jardin amélioré, em-
prunté à Morel, judicieux spécialiste en cette matière,
comme enseignement et sujet de comparaison :
BRrvlENONVILÏvK
''Ermeuoiivilie [n-ésente un pays chaniptHrc d'une part, ol,
sauvage de l'autre. La froide vallér», le ruissiîau (jui l'arrose,
les coteaux qui la renferment el la dessinent, les plantations
qui i'omhragent, les prairies qui la verdissent forment l'as-
pect des deux faces principales du manoir. Toutcet ensemble
com[)Ost? un pays véritaiileinent champêtre ; sur le côté, une
vaste l'ortM, le jeu tourmenté des cotes, des ravins creux, et
des sables ai iiies, res[)èce d'arbri^s (ju'ils produisent, des
bruyères, des rochers, un sombre lac, oll'raient aux yeux un
pays fort sauvage. »
iia vallée du coté du nord aujourd'hui si fraîche et si cham-
pêtre, n'était autrefois qu'un marais impratiqnable el d'un
aspect repoussant ; son sol tourbeux imbibé de mille sour-
ces souterraines était fangeux et mobile ; qnati-e on cinq
grands canaux (jui le coupaient eu divers sens n'avaient pu
le dessécher ; ils augmentaient encore la masse des vapeurs
malsaines qui, dans toutes les usons, s'élevaient soir et
malin. Des plantations alignées .. droiUî et à gauche dégui-
saient le mouvement du terrain el en voilaient si exactement
la marche, (jue le site tiui est une large vallée, bo'dée de
coteaux très accentués, ne laissait voir ({u'une espèce de
plaine maussade et sans accident; un ruisseau enfoncé dan»
ESQUISSES
343
la profondeur de ces li^'es, échappait au regard ; les coteaux
variés par des vallons secondaires qui les entrecoupaient,
une belle forêt très voisine, tout cela avait été ignoré et
avait été sacrifié à un parterre marécageux, enfermé entre
deux labyrinthes de charmilles si humides qu'ils re[(0us-
saient ceux qui voulaient en approcher.
Tel était l'aspect vu do la principale face de la maiaon ;
la face opposée avait pour perspective une cour entourée des
bâtiments de dépendance (jui attristaient les regards ;
une lourde et antique porte donnait sur une rue enfermée
de murs ; cette rue, l'ègoût du pays, faisait la communica-
tion du village à un hameau, et servait d'avenue au manoir ;
au delà, un potager aquatique entouré de hautes murailles,
était terminé par une chaussée revêtue de pierres et desti-
née à soutenir les eaux d'un étang. Ce double rang de lil
leuls élevé sur cette chaussée rétrécissait le ciel, coupait le
tableau et privait l'œil du spectacle de deux coteaux couverts
de bois.
Ainsi de tous les côtés les mouvements du terrain étaient
ou voilés ou dénaturés ; la vue resserrée, les aspects inté-
lessauts, obstrués, chaijue partie sans besoin, sans rapport,
ne présentait ni expression, ni caractère et d'un site (jue la
Natunj avait fait agréable, il ne résultait (]u'un lieu si
repoussant, qu'au premier coup d'oMl, il paraissait intrai-
table. Tel était Ermenonville quand il fut conlié à mes
soins; aujourd'hui tout est changé; le site du coté du nord,
naturellement bien dessiné, n'attendait pour se montrer ([ue
la des ruction de plantations maladroitement placées. Les
arbres abattus et les obstacles détruits ont découvert une
scène d'une belle composition ; une vallée fraîche et riante
a pris la place d'une plaine froide et monotone ; les marais
desséchés sont devenus lie bonnes et agréables prairies ;
une charmante rivière a été substituée aux fétides et tristes
canaux. Jje tableau est terminé par une montagne surmon-
tée d'un village, au dt\'^sns ducjuel s'élève encore la tour de
Mont Episoi à demi -uniée. Cet accident fait le lointain et
parait, à raison de sou éluiL;Meiui'i!t, toujours coloré de ces
tons bleuâtres et va[ioreux ijui lient d'une maniiM'e si
douce le ciel et l'horizon.
Au midi, les murs de cIôIuim? et ta gothique porte déiruits
laissent apercevoir une autre conqiosilion. t4)noique ciMli;
partie soit de la même vallée, elle est toute dillerente de
l'autre et n'en est pas moins agréable.
La rivière prend sa source île ce cùlé, tiaversu et ai rose
une prairie (jui occu[ie la [dactî de l'ancien potager ; sur la
droite du ruisseau, cette prairie, en s'élevant sous la forme
de pelouse, va se réunir à la foret, et se perdre sur une
futaie de beaux arbres suspendus sur une eût»', qui se préci-
544
JARDINS AN'CIENS ET MODERNES
\rj>
lh\ il
pile sur la gauolie ; celte môme prairie esl bornée par des
massifs d'arbres el d'arbrisseaux agréables par leur dispo-
sition, et par l'ombrage qu'ils donnent. Knfin, la ligne sèche
et roide du mur de la chaussée qui soutient les eaux de
l'étang, a été déguisée par un nio\ivenient de terre combinée
avec le jeu des plantations dt; la droite et de la gauche de
si ce
il la
manière à procurer à ce ressaut un efîet naturel ; et
ressaut voile encore la fuite de la vallée, au moins
laisse souprjonner.
Cette chaussée dégnisé(î par la foi me t^n'on lui a donnée,
produit un accident d'autant nlns naiurtl que la chaussée
se trouve placée positivement à l'endroit où ies deux côtés,
par la saillie qu'elles font, semblent vouloir se rapprocher
l'une de l'autre.
Une cascade perpétuelle produite par le trop-plein de
l'étang, justifie encore ce ressaut et anime en même temps
la scène par son éclat, soii mouvement et son bruit. Cette
perspective moins étendue, mais aussi champêtre que celle
du Nord, ne lui ressemble cepenlant en aucune manière :
le site est plus resserré, les elll'ts sont plus rapprochés, les
objets plus réunis, les côtes plus piunoncées ; c'est surtout
lorsque le sob.'il entre dans sa canière, et au moment où il
va la terminer (jue les yeux se plaisent à contempler ce
lablt,>au, comme ils aiment à s'égarer tous les instants de la
journée dans la vallée du noid.
Avant de parcourir la partie sauvage de ces jai'dins. peut
être le dévelop[)enieul de certains détails sur la (:(ini[i()siiiou
des deux tableaux dont je viens de e.rayonner les traits prin-
cipaux, donnera-t-il occasion de taire d'utiles remarques.
Uelouriions dans la vallée du midi ; d'/s deux eûtes (jui
fornuMit de chaiiue côté le cadre du laldeau, ctdle de la
tlroite. élevée et assc'z rapide, i»araît. par l'eifiM de la pers
pective, s'al)aiss(M' ri niesuri! qu'elle luit ; les arltn.'s hauts et
lonll'us qui la courouueiil dessinent dans le eiel une ligue
(jui indique la marche et fait sentii' la continualion de la
vallée bien au-delà du point où l'ieil |;i perd de vue. .le ferai
remarquer, d'après cette observation, (jue les ellels de ce
genre, qui tienin.'ut à l'illusion dt.'s yeux, sont un moytMi
•font l'artiste se sert pour étendre ou resserr<!r une perspec-
tive, sans augmenter ni diminuer le champ, qu'elle' renferme
et nour lui donner la proi>orlion qu'il lui convient. La côte
opposée i)lus uniforme, d'une pente» moins rapide, s'incline
jusqu'à l'étang dans kvjuel elle va se perdre. Depuis le haut
jusiiu'an bas cette côte est «ouverte d nue peloust.- tiue dont
la Verdun.' est entretenue par l'ombre de quelques superbes
noyers (jui la boi-agenl ; enfin l'étang dont on voyait Textri-
milé. va se perdre à pi'ésent dans les déto\;rs des deux côtes ;
KSQUISSES
345
hgiie
(h.'puis qu'on n'eu aporroit plus les horut's, il ijeut passer
pour nu lac.
Apros avoir t'inhf lli la [)raiiip au dosijous do la i"liaussôt\
la rivièr»', ijui lin' sou oiùgiui' di" la cascade, passe sou> le
bout du cheiuiu et va sf! joier dans les fossés (lui euveloppeut
le liiltiuit.Mit pi'i'icipal, et au devant duciuel elle produit un
l>assia d'uui; lornie iné.iiulièie. Celte pièce d'eau est enca-
drée d un f^ax.ou ([ui se lie et lait portion de la prairie qui
recouvre et vcidit tonte la vallée du nord Deux ponts de
bois tiavt'rsf'nt le bassin, el font la conimunicalion entre le
manoir et les jardins. De ce bassin, les eaux se précipitent et
vont f()ruier la rivière \\\n luit à ti'avers la vallée du in)i-d ;
dans sa course. (]uel(ines îles la divisent ou plusieurs bras el
varient sa marche et ses accidents, et en jusliuent les détours ;
on a prolilé de la ditïérence du niveau de la pièce d'eau à
celui de la rivière pour construire une écluse (jui fait passer
les banjuas de rune à l'autre. Cettt! manœuvre, qui i)eul
intéresser la curiosité, permet de s'em!)arquer au pied même
du manoir, où pour cet eilet on a pratiqué un port.
Au bout du pont de la gauche, ou se trouve sous une
niasiie dt^ liants peupliers d'Italie ; (juoiiiue très élevés el
assez loull'ns, l'ombre dont ds couvrent les gazons sur
lestiuels ils sont piailles n'en altère pas la verdure ; au-deià
e. au ti-a^-ers di' plusieurs groupes d'arbres, ou ap'.'rcoil les
b aliments d'un moulin et le clocher de l'abbaye de Chàlis.
A nue certain»; distance, on rencontre un fort massif
d'aunes, qui ombragent un j)elil ruisseau formé par une
source particulière ; ce massif, très remarquable par le
nomlire et la hauteur des arbres, et surtout par le ton brun
de levir»> feuilles, est à tous égards un accidenl iieiireux ;
placé presiju'au milieu de la vallée, il la partage m deux
parties ; sans col. accident, cette vallée, [lar la marche des
eûtes ([ui s'écartent tout à coup, eût [)aru trop lâclie et son
caractère en eût été aHaibli ; il n'est pas JHsqu'à la jdace où
se trouve se massif, (jui ne coniribueà d.. *^,er plu> de gràee
H cette vallée par la légère sinuosité qu'il ()rocure à sa mar-
••he. En la dirigeant, sur la gauche, le b;i.-*sin de la source,
les eaux vives (>t limpides (lu pt'tit ruisseau qu'elle produit
et le grouj»' d'arbres ipii roniluageiii, forment eux mêmes,
comme site particulier, une scène qui. par sa composition.
le' reui'ontre pas «e lieu
là. il oublie volontiers un
rdiiis (ju'il a perclus
es! Ires agr'éable. Le prometiein'
frais et solitair(! sans s'v arrèlei'
momenl les Ix'aMtés d'eusenibie
de vue.
(»'uel(iues s.îiiiieis ijui parleni du pont sur la droite circu-
lent au travers de c(>s plantalions: en le^; pan;oni'aii' on
rencoiilre divei's accidents, entre antres un vallon secondaii-e
très diU'ei-eut du principal : ce vallon a aussi son ruisseau
ï
346
JARDINS ANCIENS ET MODERNES
if
il;
si
■ I .
if
le poiil qui le traverse foiiduit à une côte dont le som-
met élevé et d'une pente d'abord très rapide, est couvert
d'arbres de hante' futaie : un jeu de petites collines et de
petits vallons tjui donne à cette côte beaucoup de mouve-
ment, a indiqué la place des groupes d'arbres dont on l'a
décorée. En retournant au levant, cette côte l'orme avec le
coteau opposé le vallon secondaire ; le second coteau d'une
pente plus douce, tout couvert de culture, présente l-j village
en amphithéâtre au dessus duquel domine l'église. Cette
perspective contraste avec celle de la côte opposée toute
chargée d'arbres, mais de quelque paît qu'elle si; montre
son aspect n'est jamais sans elle t.
En revenant sur ses pas pour gagner le bosquet des aune?,
on aperçoit le manoir à la tète de la prairie, et au delà les
côtes couvertes de bois.
Au pied d'une de ces côtes, on découvre les maisons épar-
ses d'un hameau entre des groujtes d'arbres ; le seul bâti-
ment qui s'y lasse distinguer est une chapelle surmontée de
sou petit cloche I'. Cette perspective ne joue pas dans l'en-
semble un rôle aussi imiKU'lant que celle où se trouve le
village ; mais son caractère plus cham[»ètre, est plus analo-
gue au ton général."
(Théuiue ues .iahdins. Tome II P. i7.
CO'
PARCS ET PROMENADES PUBLICS
En traitant de l'ordonnance des parcs et des jardins
autour de Québec, on est porté à dire quelques mots de
l'embellissement dont la cité est susceptible. Dans les
pays les plus civilisés, on fait de grandes dépenses pour
créer et maintenir les parcs ; et les forêts réservées par
l'Etat, comme parcs et promenades publiques couvrent sou-
vent une notable partie du territoire : (i^ le parc projeté
[IJ Dim.'iiai'iui lU's Parce PuWics, en Ara6ric|iio et on Iliirop..'.
[Kxtfdit (lu rnl'lic Ledgnr Almanach]
Xnni Quitliti' Aire i>n acres,
llppii'g Korost. . ..('nunty Khscx., KiiyUnid
l'ratcr Vifiiiiii, Auatria.
WinilHor Forust.. .('(mnty l'iirks, KiikIiiikI.
h'.nniKiunt l'hiliiitclpliiii, Pu
Itiiliinont. ('o\inty Surrcy, KiiKlaml..
li'iis (le JtoiiloKiit'. Piiria, France ,
Haiiiptou Court. ...('(uiiity Surriy, Knglniid..
l'Iiieiiix .iJuMin, Ireliiiid
Pi til l'arc VerBuillc», France
l'entrai New York
< iroast; Oarten . . . . DreBcleii, Saxony
Hotanic Uardcn. ..Kew, Knifland
Pros|).ct Hill Brooklyn, X. Y.
Si-liloss Giirtcn. ...îScottuarten, Wurtemburi^.
Ilof (rarten .Miinieti, Unvnria
Druid Hill Baltimore, Md
Siinimer Gardon.. .St Piftersburg, Kussin. .
l'jurKard Stockholm, Sweden
l{e«out's London, Kn^land
Albert Lundon, Kn^land
Hyde London, Kn^land
Tsarkoo-Hi'lo St-Potersbiir(j, Uiissia.. . .
Kiijflisli Gardon. .Munich, Havaria
KcnsinKton London, Kn^land
Victoria London, Knglnnd
Hoboli Garden. . . .Florence, Italy i'iO
Thier Garten Berlin, PruBsia 2o() •
.^leadows KdinbarKh, Scotland 'Jo l
Crystal Palace. . .Sydenhum, Co. Kent, KnK. 2oi)
Birkeniiead ("ounty ("heater, Knglanil.. IS.I
Greenwioh I^ondon, Kn^hind 18.5
Hattersea , . .London, Kngland Mb
Jardin du Luxemboiiri;. Paris, France ItîO
South WashiiiLfton, 1). (' «L'iO
(Jreen (il.iSKOw, Scotland Vlï
Prince's Liveriiool, Kngland 90
St James London, Kngland .09
Green London, Kngland .')5
Primroae Hill . . . .('ounty Surrey, Kug. M
TuilerioB Pari», France 50
St. Lonis St. Louis. Mo .00
Arboretum Derby. Kn^land •.OO
t'ommon Boston, Mass 48
Central Hartford, t'onn 4ti
(Silice awla page mivanto-
348
PARCS ET TKOMENADKS rUHLICS
n "
sur cette portion des Plaines d'/Vbraham, avoisinant la
citadelle aura bientôt son exécution, espéroni-le.
Je publiais en 1876 d^ns ie volume Qtiebic Past ami
Prisent, une ample description des plans de décoratioi>
publique conçus par Lord Dufferin, notre ancien gouver-
neur-général. Les plus saillants : le prolongement de l'an-
cienne terrace Durham, et les deux portes de ville St-
Louis et Kent ont été heureusement menées à bonne fin.
Quand à la noble terrasse, dont la première pierre fut
posée par Lord Dufferin le 8 octobre iS/cS et à laquelle
Lord Lorne et la Princesse Louise, à la demande et en
présence du Conseil de Ville.le 9 juin 1879,(2) ont conféré
nuiiting l'iiilaileljiliiii, l'a.
Ilui'kiiighiuii l'al.Iiondon. Ku^li»»!
KaxtiT DmikIi'i', Siotlaiid
Keiiiiiii)j[toii Jjoiidon, KiikIiiiuI
llorticult Giird'ii.Cliiswifk, Kii^laiid,. .
l'iM'l Manclii'stt'r, liiiijland.
Norfolk Sliflfiidd. Kiigland
Alaiiicda ("ity ul Aluxico
l'alaiH Uoyal .... l'urii .
•liitimc.
4.'i
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3.i
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Vi
lu
{>) l'i.i'miiriitiiMi Af la 'rcrra'<np Duff.Tiii, l" 0 juin 1H7'I :
{.tXrtiiiit du il'iitiiiifj Cliroiiirlc, du Injuiri ls7;i.)
" 0)11 fiiiiiirmi' lit :\ un avi» luéalalilo, la céri'iiiciMifd.; l'oiivirturcdi' l.i Ti-rras^o OurtVrin
a l'U lii'ii (hu'i') Il 'J.IIO iK'iiro», 1'. M. ; au tuinpH lixi', uii" fo.ilu de iht^oiiuoh, ijIuuim' d ■
dix iV iiMUi/c inilli', i/nilialilciiioiit di^ dix nuUf, cncomljrait la torrassr. Le n!>vct;ioli'
de ci't Dcuaii de ti'Ud lutiiialiii's avait iimliiu" choso du l'r.i| [laiit. \,i> ii.ivillou di ciiitrr
dans 11' jardin, ocriipi' d'ordiiiairi; parlj lurii.-i di' iiiuHiiiuo, avait éti'- réserve iiour le l'arti
vice-viiyal : un lupis et nii drap iHurlati; le recouvraient au iiiilieu étaient deux fauteuilti.
lii! corps de pollue uroaiiio en protégeait l'entrée et la IJ.ittene '■ H " avait été appi'lée i
touruir Ha faiifai''; et une gaid; d'honneur : riiyniiic national annonça l'arrivée duH liûtL-s
dihtiiiuueii.
I,e Mairu (H. Cliaiiiliei-H) miivi de ses conseillers, était venu dn l'IIcStcd-de Vill'!. Son
lloiiiuur ayant eseorlé Son Kxeelleiiee (l,.>id Ijorin ) et Son Altesse Uoyale (la l'riuei'ssiî
l.ouiHe) .m il'.iia sous le iiavilloii, s'adresiianl au trouvcnijur-Ciéuérul, u'cxprinia
connue f<uit ;
■■ Vic'i/ i'' ' ivc (■( V'itri; Kricllemi' !
Au nom du Cousoil do Villo et des Citoyens de t^uélieç, ji-rmette/ moi le vous remer-
cier d'aioir i^racieusement aecueilli iiotr.i prière et d'être venu inaugurer en personne ce
lioulevivrd imldie. l'ermettez mol également du remercier Sou Altetae lioyale, de ba con-
deaeendance en cette occasion.
lia preiiuére pierre de cette structure a Cîté posée p.ir le prédécessour de Votre Kxcel-
leiicc, lu (.'omti' du UiitTerin (le IS ijû(\t Kt7S.]
Il lui sera doux d'apprendre unel'djuvre A lu'{ueUu il a porté un ai vif intérêt, a été
menée :V lionne lin, qu'elle a été inauKurée par Votro Kxeelleiioe, et ciue cotte tfoliiinité
a eu la distinction de la présence, de rioii Altesse, la rriiicesse Jjouise,
.fc dois donc rospectueusement supplier Voir" Kxeellcace, de vouloir liieii assigner ;\
cette terrasse le nom (lu'elle devra porter dans la Hui'.ii et de déclarer qu'idli) est de ce
jour, ouverte au publie. Son Kxei'Uence répondit : " Jn suis lieareax du pouvoir accéder
à voir" désir et 9ij?iiitier que celte terrasse sera nommée d'après votre dernier Gouvor-
u»ur-Liénéral, " Dutïeriu "' et qu'elle est maintenant ouverte au putjlie."
liBS paroles de Sou K.tcellenee furent aeciieillies par îles salves d'»pplaudis3emi>iits
pour le t'omto de Duiîerin. iiour Sou Altesse Koyale, la l'riucease Louise et pour Sou
excellence, Lord 1/Orne."
l,a terrasse Dufîerin fait partie des fortilicutious de (^.léliee : elle occupe outre
autres (lo
nts, le site di' l'ancienne batterifl du jardin du Fort, dont le terrain, jadis
jipavtonant au Major Samuel HoUand, fut cxprojirié par le tV)uveriiem"nt Iuii>érial.
|je tiouvernemunt du Canada a contritnié |)Our nue large part au coil» de cette terra*-e et
la Municipalité de t^uéliec y a voté t7,.'i'iii.
;* ^
I h>
KSOnSSKS
34Q.
C'illtrr
parti
uti'uiU.
1.S hôte»
r.'iiii'i-
soniif l'i'
Kxccl-
a fto
)l.>iiiiiti'>
siliJniT i\
gt d.' «M'
■our S'jii
.^ putri'
I. jiidiH
upiTial.
iHèifc et
le nom de son illustre fondati.ur, elle fut reconnue authenti-
qucment, en avril et en mai, 1879, dans les registres officiels
de la municipalité. Plusieurs plaques de fer furent ilépo-
sées dans le parquet, portant 1 inscription suivante :
"DuFiKKix Tkkkack. H. Hatch, Contkactok ; C. Haii.-
I.AlRCJi::, i:xcilNi:KR." Terrasse Dufferin, 11. Ilatch, Entre-
pnueiir ; C. Iniiiluirgc, Ingénieur ^ C'e^t une promenade
unique ; on ne voit rien de pareil en Amérique ou en Europe;
les étrangers ne {jeu vent se lass^^r de d'admirer, ainsi que
la citadelle qui la ^urploInbe. La terrasse Dufferin,
élevée de i8j pieds au dessus du tlcuve, est longue de
1420 pieds.
La porte Kent, érigée en partie à même ses deniers f>)ui nia
par Sa Majesté, la Reine, à la sollicitation de Lord Dufferin
et en souvenir du long et agréable séjour que son excellent
père le duc de Kent, (i) a fait en cette ville ( 179 1-94) est
(I» A un iiif'moralilf' liiuiipict, oiaaiiiH;> h (^ufbcc, h' 21 juin IS'lt, on l'Iionncnr di» Ijonl
Dufferin et i>rt'«i(li5 pur le maire de (yuéhee, Son Kxeellenee Lord iMifferin, a\irin avoir
résuiii6 nvee boulieur le paHHi histiirique, si>eial, |Hiliti(iuo de lik vieille eupif.ile, «'ex-
prima roinmc auit
"M. le Maire, Messieurs. Veuillez croire (|ue c'est avec iine liiou vive satisfaotioii (ju-
'apprcnda (|u'il sera possible de mener iV lionne tin, lis projet (jui t\i' cont.n pour restaurer
sans délai les anciennes fortifications do votre ville, mesure qui pourvoit aussi i\ l','.|ar-
Uissemcnt et ii l'augmentation on nombre, des avenues de la cité, alla do rencontrer len
exigencua d'un coninurco croissant, les besoins du siècle.
Kii cola, vous ne faites eiue suivre l'exemple des villes ouroiiéoiines, «Ituéos comme Ié
V('itrB et anxieuses comme Quftbcc, de perpétuer les souvenirs d'un K'orieiix liasse.
Si pour elles, c'est un devoir reconnu, va devient une tftclui plus iuiperafive, plus
sacrée pour Québec, la seule ville sur ce continent oft se sont conservés les monumeuts,
le» traditions de son oi^uino première ; Québec dont la pittorenjun enceinte et l'iinpo-
v.'uito citadelle ]irésentont i\ IVeil un spectacle ([ue l'on clierclierait en vain, du Cap llorn
ai. l'iile Nord
M. le Maire et vo'js, Messieurs les conseillers de ville, permette;» jnoi de vous rappeler
lue Québec ne vous appartient pas à vous seuls ; vous ne la réKisse/, pas ménu! au nom e(
pour ravanta^u du Canada seul ; vous n'êtes f|un les mandataires de Québec, au nom du
monde civilisé, au nom ilu continent entier. li'Amériquo entière «émirait si vous laissior
détruire vos vieu.x murs ; elle y verrait un outra«e irréparable, une perte jiour tous.
Heureusement, il n'y a aucun riB(|ue d'un pareil vandalisme. Loin île porter u«e main
sacrilège sur ces trophées antinues, vous vous prépare/ à les sauveRardir, i\ les réparer
i\ les embollir. ,
Quand, dans la suite des temps, le Canada aura iiecomidi des destinées si lirillaiite»
nuejo n'ose A peine concevoir, la postérité recouiuiissaiite entourera de reaiiect les noms
lie ces édiles {pli auront préservi' intacts, les traces, les monuments sacrés de son his-
toire, monuments auxf|Ufil» le temjjs ni' fur» qu'ajouter un éclat, une consécration
nouvelle, un intérêt qui ne fera que s'auKmenter ; car M. lo Maire, la nure-patrio a les
yeux sur le C'auada.
Dès que la rumeur fut .accréditée ru Anu'leterr.' que vos < oncitoyens avaient résolu de
restaurer les bastions de (^uèbee, le Secrétaire d'Ktat au burea\i tb- l.i mierr.' m'écrivit
iiIftciiUement pour me l'aire part de ra.lMiiratinn qu'il ressentait, lui, ainsi que l'armée
aniflaise, piuir votre conduite, ajoutant qu'il aurait l'honneur de diinander i ia Clianibre
des Commune», un octroi ; qu'il était .sCir d'avance (|ue sa demande serait accueillie avec
acclamation, pouraidor \ décorer cette partie de vos remparts, plus spéeialenieii* illustré •
par les hauts-faits de Wolfe et de Montv-.ilin et fécondée par le sauK de c> -, deux
Iu'tos, si chers à leur iiatrie respective.
31. le Maire, la nouvelle de vos iléainrehes toucha le cieur d'un peraonna^e plus
.lujruste que le secrétaire <lu mijiistère de la «ucrre :— ello cmut profondément la Ilein.'
de l'AuKleterre.
Sa Majesté qui porte le même intérêt i\ ce qui transpire dans .se» colonies le:; pluj
ïï
i m-
•i ■ ■
350
PARCS ET PROMENADES PUBLICS
une partie notable des embellissements suggérés par Lord
Dufferin. aidé de son habile architecte M. Lynn, et inspiré
par notre savant ingénieur de la cité.le chevalier Baillairgé
qui en avait fourni l'idée dans son rapport au conseil de
ville, en 1872. Tout n'est pourtant pas achevé. Il nous
reste encore pour réaliseren entier la généreuse inspiration
du Comte de Dufferin, à ériger les trois autres portes
de ville et à construire autour de l'eMceint*.* de Québec, le
superbe boulevard inscrit aux Plans Dufferin : idée qui
m'a semblée avoir été empruntée au boulevard qui circule
ai'.tour des vieilles murailles de York, Angleterre, et que
je parcourais, en 1881.
Mais le couronnement de l'œuvre serait l'érection du
Château projeté sur la cime altière du Cap-aux-Diamants,
en dedans de notre citadelle même. Le nouveau C/uitcau
Saint-Louis par sa magnificence rappellerait cette illustre
lignée degouverneurs français et servirait de résidence
d'été à nos vice-rois, les gouverneurs anglais.
tloi(jiU'i'8, (|u'i\ ce (lui ho iinsHi' aux cnviroiiB dr kou paliiiH, m'a oiijoint dn voii» Hin . \\ li
pruMiiùrn uccanioii i|ui Ht' iirt'Hriitcrait (ot (|urlK' iiieillcurf otraxiou c|U<< la pri'^sc'iitc) In
part active i|u'fllo veut iimiilre t'u fo que vous voua proiiofii'/ ilu fiiiro ; iiu'clle cntrii<l
Kl" chnrBcr du oofit tl'uiiP (Iph portos projiitùi'F, afin do s'y voir aasociro ; qu'fUi; fora don
do cptte porte ^ la ville du (jul'Ikm!.
Sa MajoBtô dîigirc un o\itr>> quo cette porte di' ville par sou nom rappelle celui do «on
illustre pC're — le Duc de Kent — ipii juaipril sa dernière heure, couiierva un iouvenir «i
vivace des bons procédé», de la courtoisie dont jadis il fut l'objet do lapant de» Imbitanta
de yui''iec." — (Aiiiilani.1 isicmi: nt^ i>rul()»gi\s.)
à
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M. L.-H. FKÉCHKTTK.
M. S. K C.
Ciii:i< MoxsiKUK,
l'enJaiil un cuarl séjour tjiic je faisais rcccinniciit à
lioston, j tiH occasion ic me procurer la superbe cJitio!!
eu neuf volumes, illustrée, que la maison Tickuor et l'"ielcls
a publiée de la bioi^raphie de Sir Walter Scott, par John
Gibson Lockhart et dédiée par elle à Nathaniel Haw-thorne.
Cette biographie, si remarquable pour son am[)leiir, son
exactitude, et surtout C(jinme u.-uvre littéraire, devrait être
encore plus connue qu'elle n>j l'est, au Canada : telle est l'idée
qui m'inspira la présente élude.
La vie de Walter Scott est bien plus que la carrière
ordinaire d'un homme de lettres : c'est, pour la jeunesse de
tous les pays, comme le disait naguère un des plus beaux
génies de la Grande Bretagne, un e.-emplc à suivre, tout
un enseignement,
L'Ecosse doit pl's à Walter Scott qu'à aucun autre de ses
iils, d'avoir fait connaître au loin le charme de sâs I.tcs, de
ses montagnes, la renommée de ses illustres fils, anciens et
modernes, leurs luttes chevaleresques pour la liberté.
Vous qui, par vos aspirations, vos écrits, vos succès
liftéraires, avez contribué si puissamment à répandre à
l'étranger le Jiom et le souvenir du Canada, veuillez me
permettre de placer, en tète cle cette modeste esquisse
votre propre nom.
Spencer Grange, icr octobre 1SS5.
28
i'H
t . ^
f 1 •
.-■i*:
■ .<f^
; -'»
II
SIR WALTER SCOTT. -Poète- Romancier, Historien.
Dans une brillante improvisation devant une société
savante d'Edimbourfj, le premier-mini'^tre de la Grande
Bretagne, l'IIon W. Gladstone, avec cette faconde entraî-
nante et variée qui rappelle le grand orateur et l'éminent
écrivain, s'écriait naguère en contemplant les flots enva-
hissants de notre éphémère et dissolvante littérature :
" Je regrette profondément de voir que !e> onivres de
l'illustre Sir Walter Scott, ne sont pas aussi lues que p:ir
le passé. Je le regrette et pour la littérature et pom- la
patrie. Si jamais il exista un écrivain dont les écrits sont
un enseignement et pour l'esprit et[)cur le cœur, c'est bien
l'immortel auteur des " Waverley Novels."
Kst-ce que les paroles de l'Honorable Chancellicr n'ont
pas autant d'à-propos en Canada qu'en l'Ecosse? Est-ce
cpi'ici comm3 aill..urs, l'esprit et le cœur n'ont que faire
d'être éclairés ?
Tassons en revue, brièvement, la carrière sociale et litté-
raire d'un des plus grands génies des temps modernes,
l'homme qui, pendant ces heures de loisirs, a trouvé
mos'cn, comme historien, poète, romancier, de composer
deux cents volumes, la plupart, d'un mérite incontes-
table.
Walter Siiifi, s/icrif de Sclkirks/iirc, greffier des ScssioNS.
Walter Scott naquit à Edimbourg, le 5 aoiît 1771. Son
j)ere, homme de rofte, ^^\v.^^l probité antique, était un de
ces avoués que les Ecossais désignent comme Writers to
f/te Signet. Du côté paternel, il descendait des Scott de
Ilarden, une branche de la puissante et illustre famille de
lîuccleugh. Sa mère, Ann Rutherford, était tille du Dr.
John Rutherford, un des professeurs de médecine de
l'Université d'1-^dimbourg. Walter était l'un des plus jeunes
fds d'une famille de douze enfants. L'enfance de Scott
ESQUISSES
355
I. Son
(111 de
\iLr.i îo
tott de
pille de
[\u Dr.
tinc de
jeunes
Scott
s'écoula partie à Edimbourg, partie à Sniallhelm Grange,
la métairie de son aïeul paternel dans la vallée de la
Tweed. Il passa quelques-unes de ses jeunes années à
Bath, en Angleterre, et à l'restonpans. A l'âge de huit ans,
il entra au IJii^h School de sa ville natale, où il se fit
remarquer moins par ses études, que par son aptitude
comme raconteur : se? petits amis le surnommèrent, à
cause de ses étranges récits, Diiiin Scotiis, En l'J'^l, il »'ut
transféré à l'Université d'ICdimbourg uîi '1 se livra a des
lectures variées et assez étentiucs ; mais une indisposition
qui le rendit boiteux, lui fit interromijrc le cours de ses
études. A l'âge de quinze ans, i' fut admis comme étu-
diant dans le bureau de son père ; six ans plus tard, après
des études assidues, il subit l'^yamen ordinaire et liex'iîit
membre du Harrcau d'Edimbi'urg.
L'historien Prescott, dans sa jolie esquisse du grand
romancier, se complaît à faire remarquer " que la muse de
Scott se faisait entendre en 1790, pour la première fois, au
moment où le poète natioiial lîurns disparaissait de la
scène, comme si la nature désirait que la chaîne d'inspi-
ration poétique ne fut pas interrompue." Les Ji/lrgrr IniU
lads, LcNcir^itXo. Wild Iliintsiuaii, datent de cette année,
laquelle avec ses ^jarfums de poésie, lui donnait aussi, dans un
chagrin d'amour, une assez amère déception ; on en
trouve le récit clans la correspondance semée ça et là dans
, sa biographie par Lockhart. Le découragement fut de courte
durée, sa fermeté d'âme l'eut bientôt rendu à son
ancienne gaîté. Scott à cette époque avait déjà visité un
grand nombre de localités et de ruines, célèbres dans les
annales de l'Ecosse. Il existait <-ians le voisinage de la
capitale peu d'anciennes abba\-e-, de vieux châteaux, où
l'enthousiaste jeune rvocat n'eût été en pèlerinage avec
ses amis, Shortreed, Adam l'ergusson, son frère John ; ces
scènes, ces ravissants paysages des Ilighlands, vous les
trouverez plus tard, avec leur brillante encadrure dans ces
.poèmes uaves : Laiyof th L'i{\ — Mannion —Bridai of
356
SIR WALTER SCOTT
I 1'
^'»;
Tyicrinuin — Rokcby, ou dans ses romans historques.
C'est pendant le cours d'une expédition à Gilsland, qu'il
fit rencontre pour la première fois de la femme admirable
qui devait partager trente années de sa brillante carrière :
Charlotte-Marguerite Charpentier, fille de Jean Charpen-
tier, de Lyon, France. M. Charpentier, chaud royaliste,
avait le titre d'Ecuyer du Roi, avant la Révolution. Jean
Carpentier, avait épousé Charlotte Volère ; la mort
l'ayant moissonné au commencement de la Révolution, au
moment où il venait de placer ,6^4,000 en hypothèque, sur
les futuls anglais et sur les domaines de lord Downshire,
qui avait, pondant son séjour en France, fait la connais-
sance des CharpeiUier, Madame Charpentier, avec son fils
Charles et sa fille Charlotte-Marguerite, tous deux élevés
dans la Religion Réformée, passèrent en Angleterre et
trouvèrent un protecteur puissant dans l'ancien ami de
leur famille, le marquis de Downshire. Madame Charpen-
tier expira peu de temps après son arrivée à Londres, et
le marquis tle Downshire devint le tuteiu et le protecteur
des deux orphelins. Charles, par la protection du noble
Lord, fut nommé cà une charge dans les bureaux de la
Compagnie des Indes, et ce fut pendaat ime courte excur-
sion à Gilsland, près Carlisle, avec la famille du marquis,
que Mlle Chari)entier, dans une course à cheval, fit la ren-
contre de l'illustre poète, son futur mari. Mlle Cjiarpen-
tier, qui, à son arrivée sur le sol anglais, changea son nom
français en celui de Carpenter, (car les horreurs de '93
avaient rendu odieux en vVngleterre tout ce (jui était
Français) sans être d'une beauté ravissante, avait, avec
l'éclat de la première 'jeunesse, beaucoup de distinction
dans >es manières, uîie la.'lle séduisante, un beau teint
olive, des yeux perçants, une chevelure é[)aisse et noire
comme la nuit.
Le soir du jour où Scott avait rencontré la belle étran-
gère, il y avait bal. Scott, alors officier dans les volon-
taires d'Edimbourg, et portant lestement son costume de
KSQUISSKS
357
ait
^ec
lion
liât
lire
m-
)n-
de
capitaine, se fit présenter à la jolie française ; son compa-
gnon, Fergusson, en fit autant. Scott fut si enchanté de
l'élégante française qu'il lui fit assidûment la cour : après
plusieurs lettres et pourparlers échangés, on faisait 'a noce
le 24 décembre 1797, à l'Edimbourg, où Scott séjourna jus-
qu'en 179S pour se fixer alors dans un charmant cotta^j^c, à
Lasswade ; là, les courses d'antiquaire continuèrent leur
train. Ce fut le it» décembre 1799, 1"<^ ^^ jeune avocat
acceptait la charge de shérif de Sclkirkshire ; salaire,
^400, avec le privilège de pratiquer comme avocat. Nous
croyons devoir signaler divers incidents d • sa carrière j)ro-
fessionnelle avant d'entamer sa vie littéraire proprement
dite. Sa clientèle ne semble pas avoir rapidement aug-
menté ; il trouvait néanmoins le temps de remplir ses
devoirs, comme officier actif de cavalerie, littérateur fécond
et correspondar.t infatigable, collaborateur des Rcvitcs,
avocat pratiquant et shérif de Selkirkshirc : son épouse
lui apportait, à peu près ^200 de rente. Le gouvernement
l'ayant obligé de se rapprocher du chef-lieu où se tenait
son bureau; en 1.S04, il disait adieu à Lasswade et achetait
des héritiers du Col. Russell, un beau petit dom.iinc
nomnit^ la Fcnnc d' As/wsticl, sur la Tweed : H'azrr/rj',
TAe Lady of tlic Lakc, Marmicn, ont entouré Ashe>ticl
d'une auréole lumineuse et l'on rendu un terrain classique.
11 venait d'hérit-er de snn oncle, !c capitaine Robert Scott
de lioscbank, qu'il vendit dans le cours dé l'année 1805,
pour ;6^5,ooo, de sorte que son revenu professionnel, litté-
raire et autre étaie alors de /^i.ooo à [)eu près, au rapport
de Lockhart.
En ivSoG, il obtenait, par l'influence de son ami et son
protecteur, Lord Melville, l'office de greffier des sessions,
ce qui ajouta .^800, plus tard /" 1,300 à ses autres émolu-
ments ; mais, étant nommé comme adjoint à son ancien
ami, Georgï Hoiiic, il ne put toucher ce salaire qu'en iSii,
et cette charge, il continua de l'occuper juscju'en 1830.
Le 7\ octobre 1799, Madame Scott donna naissance à
35S
SIK WALTER SCoTT
'il
1"
une fille, Charlotte-Sophie, plus tard Madame Lockhart :
celle de ses quatre enfants qui, par le génie, ressemblait le
plus à son père.
Walter, qui hérita du titre, naquit en iSoi : il mourut en
1847.
On était en 1805 : la rivalité entre la France et l'An-
gleterre était à son comble dans le Royaume-Uni.
Les Français, disait-on, devaient faire une descente sur
les côtes de l'Ecosse. Scott, qui avait toujours pri.; une
part fort active dans les événements du jour, montrait,
comme capitaine de cavalerie volontaire, une activité
incessante. ^Malgré ses occupations variées, il ne manquait
pas un .seul exercice militaire, il se pré.sentait, quelquefois
en cour, avec sa robe d'avoc;iT ou de greffier par dessus
son uniforme qu'il n'avait pas eu le temps de changer.
Depuis assez, longtemps, il taisait nombre d'expéditions
dans les montagnes d'I-kosse, avec son ami Skene, pour y
recueillir les vieilles ballades, les traditions militaires. Tel
fut l'origine du Hordcr Minstnlsy. Le peuple qui l'aimait,
le surnommait le s/u'rif, et sa réputation comme po-^te et
littérateur commençait w s'étendre au delà des confins de
l'ICcosse.
Ce qui distingua Scott, à part son rare talent, ce fut une
puissance de travail illimitée, et une mémoire prodigieuse.
On rapporte à ce sujet qu'un de ses amis ayant perdu le
manuscrit d'un poëme a-.se7, long, qu'il avait lu une fois
seulement au poète, se désciait de cette ijcrte, pour lui irré-
parable, di.-,ait-il. "Assieds-toi 'à, mon ami, lui dit Scott ; je
puis te répéter de mc^noire lout ton poème et tu le copie-
ras." Ce qui fut fait. •
Choyé du barreau et des salons, plein de bienveillance
et de saillies, Walter Scott était l'àme de l'organisation
niilitaire ù laquelle il appartenait. I>'auteur de ■s^'^averley,
; avait un goût prononcé pour les plantations d'arbres,méme
avant d'avoir fondé et planté les bocages d'Abbot^furd.
D'une haute stature, il était doué d'une grande
Il
ESQUISSES
359
force physique ; il prenait beaucoup d'exercice eit
plein air, à cheval ; il aimait la chasse, la pêche, l'équita-
tion. Ses chiens ont été immortalisés par le pinceau des
premiers a''tistes de l'Angleterre. Le portrait de Scott h
Abbotsford, contient celui de son énorme chien. Qui a
oublié Maida, Camp Hevis, Wolfe et autres superbes spéci-
mens de la race canine — ses constants compagnons, h
Abbotsford ? I'.tait-ce clans ses exercices en plein air, que
cette puissante orj.janisation se retrempait, pour tenter de>
travaux lit^'éraires d'une étendue presque incroyable ?
Ln i8i I, quand Scott prenait possession du site, où
plus tard devait s'élever son maL;nilique château féodal, le
colosse était dans la plénitude de son génie. O Abb jt-.-
ford ! quelle féeri'que vision tu évoques et quel lugubre
drame lu nous prépares !
l'ien que Scott rit. en iSi i, l'acquisition des "cent acres"
de terre lur la Twicil, où plus tard devait s'élever son
fastueux castel fé>jclal, ce l'.e fut qu'en mai 1812, qu'il y
transporta ses pénates daus u.i modeste corps de logis.
Le grand rêve de :" on existence, il allait donc bientôt
entreprendre de le réaliser, — ^'ériger, avec l'orque sa plume
chaque jour lui rapportait si abondamment, une demeure
splendide —une féerique résidence, telle que celles des hers
barons des temps féodaux ou encore les palais enchanté-;
des contes arabes, uù il serait non seulement bardj <-t
troubadour d'un haut et puissant seigneur, mais à la lois
grand seigneur, barde et troubadour, et où .les enfants,
après lui, grandiraier.t — coiinus aa loin par U renommée
de leur père, autant que par leurs vastes possessions terri-
toriales. Cette idée romanesque aura son complément en
1820, lorsque son souverain déposei.t .lur sa tête, la cou-
ronne de Baronnet, Avant qu'.Vbbotsfonl f.it au complet,
il faudrait absorber bien des domaines adjaceîits, iacs,
plantations, montagnes et vallées, [jour vjuc le lopin de
181 r, acheté au prix de /,7,ooo, devint en hn de compte
un ihmaine de 3,00 ) acre^. Le chAte.ui, érigé à une petite
I .(?■
Il ^."
i
360
SIR WALTEK SCOIT
distance des pittoresques ruines de l'abbaye de Melrose,
reçut son nom d'un gué, ou traverse voisine : Abbotsford
(Le Gué des abbés). Melrose ch intc dans son harmonieux
poème, Tlic Lay cf thc Last Miustrcl, lui était redevable
d'une consécration particulière : son crayon magique
l'avait entouré d'un nimbe glorieux dont l'éclat lui attirait
des pèlerins littéraires des coins les plus reculés de l'ICcosse
et de l'Angleterre. Melrose était fameux dans les annales
calJdoniennes : c'était le champ de bataille où en 1526, les
comtes d'Angus et de Home avaient disputé aux lîuc-
cleugh, la possession de la personne du jeune prince, Jac-
ques V; témoins du combat, les ruines de la célèbre abbaye
lui avaient inspiré quelques-unes do ses pages les pins
séductrices, (i)
Le site du château paljjitait do souvenirs : place en
regard des hauteurs connues comme Eildon Mills, où
avait séjourné au quatorzième siècle le vieux barde Tito-
vnts, thc Ryincr, le pied en était arrosé par le petit ruis-
seau Iluntly. Tout auprès était la montagne Cowdcn
Knowes à la cimo sombre. Dans le lointain gisaient la
forêt d'Ettrick, la tour de Newark, le lac St. Mary, lieux
empreints de poésie, chers aux troubadours i\q?^ jours
pas.'^és, dont Scott avait recueilli les ballades.
" Jamais, comme le dit Lockhart, poète endormi sou-;
l'ombre d'un chêne d'été n'avait dans ses rêves les plus
divins, entrevu de plus ravissante demeure."
(I) It'tlid'.i wdulirst vil w Ciii- Ml lrO!"i' iiri^li*.
(io vJHit it liy tlw piili' iiiiii>iili).'ht
Km- l!ir K.iy Ihmiiu o!' Ih^litcDinc il.iv
(iilil, l)iit t(i lldiit, tlii' niiiis gray.
Wli 'M tlir ImiUi'ii arclii'H :iir Mrirk in iiijht,
Aiiil l'iicli Nniil'ti'd oiirl u;liiiiiiii'r!< wliitr ,
W'Iiiii th" ciilil li,{lil's iim'<'it:iiii slmwrr
Stri'iiiiiH on thc niiuoil l'iiitrul idwit ;
WIhu liiittiusa and Imtln'H!', alti'inatoly.
S'TMi fraiiu'd ot'i'lHin iind ixory ;
\\ lnii Hilvi r l'diri'fi tlm innui'iy.
And tlii' scroll tliat tcaili yon to livc and du:
Wlii'ti distant Twi'cd is lii'anl ti) ravi'.
And tlif owlrt ta lioot (l'vcr thi; <1. id ninn'K (jravc,
Tlii'ii \n\ — tint «() alonc thc whilc —
Tlicn vicw St. llavidi rtiincd i>ilc ;
And, lidiHc i-ctnrnini{, ano'hjy swcar.
W.is ni'vcr sccnc ko sad ind l'air !
iT/.c L<u ./ Ihr r.""» MinstrcK Cin,ti II
■■'■ +$
ESQUISSES
361
A l'instar d'un baron féodal, au milieu de vassaux com-
pl.iisants, ayant pour compagnons, ses chevaux, ces chiens,
SCS livres, c'est là que Scott .-e laissait aller aux douceur-;
de l'existence, tandis que l'enthousiasme de ses contempo-
rains le suivait à chaque pas, a'i point «m'il pouvait «i
peine se promener d,in> ses domaines, sans courir le
risque d'être épi«f à chaque détour, par quelque touriste,
fliielquefois accouru des firêts de l'Amérique, pour contem-
pler l'illustre écrivain : c'était pirfoi-^ f.itii^'uant.
O père affectueux, 6 époux, le modèle des cpouv o
illustre poète, quel monarque avait un sort aussi enviable
que vous !
Sa compagne, aimable et jolie, était la châtelaine res-
pectée d'Abbotsford, dont elle faisait les honneurs avec
cette élégance innée d'une française : cet imposant château,
aux nombreuses galeries ornées de tableaux, de trophées
d'armes étincelantes, d'historiques et vieilles armure> ;
tandis qu'aux jours de grandes réceptions, le samedi sur-
tout, le musicien attitré, le Piper d'Abbotsford. pro-
menant, le long de hi piaz/.a son pittoresque continue
de mon'agnard, fredonnait aux échos d'alentour, >.ur
l'instrument national, les refrains sauvages de la Calé-
donic, — les chants de l"'ingal et dOssian, — W'altcr, le fils
aîné, en aitiMidant son brevet d'officier de cavalerie, chas-
seur expert, bc^u cavalier, allait, chevauchant >^ur le"'
rives de la Tweed, tandis que son jeune frère et ses deux
sœurs cherchaient des nids dans les taillis, et que le "Shé-
rif" muni de sa serpe, suivi de son bon serviteur. Tom
Purdie, émon'^ .it ses plantations, ou caracollait sur sa fière
monture ^ .^.1 Grey, entouré de ses amis d'enfance, Fer-
gusson, Leyden, Shortrecti, liallantyno, taisait retentir les
bois de ses joyeux refrains, de ses gaillardes v-liansons. de
SCS divines ballades. O heureux poète ! Le soir \'cnu,
Scott attendait avec impatience l'arrivée du postillon, lui
apportant le paquet obligé d'</>;'<7/irs, de la part de Cons-
table ou des Hallantyne, une critique acerbe de Jcffre\-. le
« * 11.»
t f
Il i
i
.■CK.'
f'
362
SIR WAI.TtK SCUTT
" grand anthropopliafTc des rt; no ni m ces littéraires," daiib
la Kcfiie d'Kdimbourj^, | eut-être la copie de présentation
que Hyron lui expédiait de son poème "Cain" dédié à
Scott, ou bien quelques autres des ceuvres du noble Lord ;
' une ballade île Moore ; une ode de Wordsworth ; une let-
tre de Johanna Baillie ; un billet du duc (.le Wellington ou
de Castlereagh ; ou peut-être, ce qui lui était également
précieux pour son vaste musée et sa superbe bibliothèque,
une armure antique, un sabre historique ou un Elzevir de
la part de son ami de Londres, le spirituel comédien Terry.
Tous ces objets pendant plus de quinze années s'achemi-
neront vers l'antre "du Grand Magicien," à Abbostford,
où les premiers hommes de lettres, tant de l'Angleterre que
de l'étranger, se feront un plaisir d'aller s'asseoir ; où des
ducs et des pairs, tiendront à honneur d'aller déposer leurs
hommages, aux pieds de cet homme, l'ami du peuple, issu
de lui, connu sous nul autre nom que celui de "Shcrif de
Selkirk," et qui n'a encore d'autre signe de noblesse (jue
c^^lui que Dieu a imprimé sur son front ; d'autre parchemin
qu ; celui du génie, la royauté du génie. Chaijue jour les
équipai^es les plus somptueux aitluaient dans les cours et
les avenues d'Abbotsfortl. Les .umoiries des duc>, des
princes, des ministres d'Ltat se confondront avec les modes-
tes coupés tt les cabriolets des simples hommes de lettres.
— Kn 1817, un touriste, auquel Scott montra une bien-
veillance toute particulière, traversait l'océan en route {)our
Edimbourg — le bon W'a-hington Irving, écrivain justement
cher aux citt)yens de la grande République, notre voisine.
En 1S19, le [irince Léopold de Saxe-Cobourg. s'arrêtait
sous les chênes de Scoist, pour écouter le doux murmure
de la Tweed et les accents encore plus doux du chantre de
^Llrmion et de Rokcbx'. Pui^, en kSjo, au milieu de mille
visiteurs moins haut placés dans la hiérarchie sociale, on
y voyait le jeune et infortuné prince Gu.tave W'asa de
Suède, accomi)agné du baron Porlirr. Vers ce temps, les
têtes couronnées envoyaient à Scott leur salutation, et le
Ks»)Uissi:s
3^3
prince Rëgent, dont Scott, par invitation spéciale, avait sou-
vent été le commensal à Londres, de 1S14 à 1818, lui fai-
sait offrir la charge de Poîti Lainrat.
Les ^300 de pension, avec la traditionnelle tonne do
Malvoisie, aurait peut-être tenté l'illustre et jovial poète,
si cette charge à ses yeux n'eût eu un côté ridicule. Faire
un poème élogieux chaque année à jour donné en l'honneur
du prince régnant, qu'il fût ou non un Ixmi prince, était
une contrainte qui allait mal à la noble indépendance du
poète. Aussi dans une lettre de refus qui restera, à tout
jamais, comme un modèle de délicatesse pour la forme et
le fond, adressée au sécréta'. e privé du prince, son bien-
veillant protecteur, . Scott déclina l'honneur offert "en
faveur de ses confrères en poésie, moins favorisés du côté
de la fortune." Ln 1.S14, Scott fit un voyage mémoralile
aux parages de Staff.i et d'Orkney dans les Hébrides,
comme un des commissaires pour s'enquérir de l'état des
Phares sur les côtes de l'ICcosse, comine si nos bardes
aimés, !\L\L Fréchctte, Lema\- ou Chapman, recevaient du
gouvernement, mission de {)rendre en août I ^ "Napoléon
III " et de faire rapport sur les phares du St-Lnurent, de
Québec au Détroit de l'elle I;le. Le voyage fut fort fruc-
tueux pour l'ill istre romancier et wdut h la littérature sou
beau roman T/w l'iratt.
En 18 uS, Abbot-;ford tout vaste qu'il fut, devenait tiop
étroit pour héberger les ess;utrn sans nombre de visiteurs
qui, par l'entremise de iniiii>tres t-l'i^tat ou de nobles lords,
patrons des lettres, avaient réussi à se prociuer une entrée.
C'est alors (^ue John Ballantyne, l'associé secret de Scott,
iniagini l'idée de convertir sa pittore--(iue vilia, llariiiony
Hall, en succursale, pour les pèlerins distingués en litté-
rature, mais sans parcheniins nobiliaires. Le jovial bâche-
^ lier y donnait de recherchés petits soupers, gais, succu-
lents, parfois pas trop rangés ; Scott y venait ou n'y venait
pas, selon que les ipri/n\s ou la iOpic le harcelait ou non.
James liallantyne prenait aussi s*a part du fardeau et donnait
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364
SIR WALTER SCOTT
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des dîners plus modestes, mais fort attrayants aux amis de
Scott. Dans sa respectable demeure se rencontrait comme
DU miuores, un autre club d'admirateurs du poète : Ers-
kine, Terry, George Hogarth et consorts.
Cette généreuse hospitalité, à Abbotsford et aux succur-
sales avait ses charmes sans doute, mais elle devenait,
poussée à l'excès, lourde, écrasante même, au chapitre de
la dépense. Les Ballantyne qui ne fournirent que bien peu,
quant à Vactif, dans le bilan financier des affaires, sem-
blaient croire que ces banquets étaient indispensables pour
exploiter avec profit, les talents transcendants de leur
associé secret — Scott. On verra plus tard l'influence que
cette maison eut sur la destinée du grand écrivain.
L'hospitalité princière d'Abbotsford donnait quelque-
fois lieu à de curieux incidents où se révélaient la bonté
de cœur du maître. Un jour sans préméditation, trois
des plus fières duchesses de la Grande Bretagne séjour-
naient au Château : mais l'une, la Duchesse de St-Albans
f Mlle Burdett-Coutts^ fille de l'opulent banquier, million-
naire elle-même, y était arrivée une journée avant ses
deux collègues ; n'étant pas noble de vieille roche, la
Duchesse de St-Albans, que Scott estimait fort, risquait
d'être traitée avec hauteur par les deux miladics, dont les
ancêtres avaient débarqué à Hastings, avec Guillaume le
Conquérant. Scott comprit cela dès qu'il vit le froid
accueil que recevait son hôte^ sa Grâce la Duchesse de
St-Albans. Après le repas, il tira à l'écart dans une embra-
sure de fenêtre, la plus jeune des deux fières duchesses —
une des beautés régnantes de la cour dji ton ; il lui parla
avec la même franchise qu'un père en userait envers sa
fille, lui disant " Vo^re Grâce, je sais les manières des
geiis fashionables : elles manquent quelquefois de charité
envers le prochain. Il est impossible que vous ayie^
l'intention de blesser la duchesse de St-Albans qui était
mon hôte ici avant votre arrivée. Je m'adresse à vous de
préférence, parce que je sais que vos procédés, ici, feront la
ESQUISSES
365
'la
sa
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ité
la
loi ; vous me comprenez, n'est ce pas ?" La noble jeune
femme le remercia avec beaucoup de candeur ; quelques
instants plus tard, elle escortait elle-même au piano Miss
Burdett-Coutts, la duchesse de St-Albans. Tout changea
de suite, et parmi la nombreuse compagnie, c'était à qui
ferait le plus de civilités à l'opulente Duchesse.
Si toutes les duchesses voyageaient comme Miss liurdett-
Coutts, il est difficile d'imaginer où logeait tout ce monde :
elle s'était mise en route pour visiter Scott, avec une dou-
zaine de carosses, pour ses filles d'honneurs, servantes, etc.,
et ses malles : une amie heureusement lui conseilla d'en
laisser la moitié au village voisin, attendu que si chaque
visiteur entrait à Abbotsford suivi de douze carosses, il
serait impossible de trouver un gîte pour tous à la fois.
Des nobles comme quelques-uns de ceux de la Grande
Bretagne avec $3,000 par jour de rente, comme le marquis
de Westminster par exemple, peuvent facilement oublier
cette éternelle question de la finance qui nous harasse tou:<
— nous autres infortunés mortels, qui ne sommes ni ducs,
n* marquis de la Grande Bretagne.
Coure. vHonj ce chapitre sur le château d' Abbotsford
par un incident: de la carrière de Scott, qui dut lui causer
une joie réelle. Le prince régent, devenu George IV,
monta sur le trône en 1820 ; il crut qu'il ne pouvait inau-
gurer son règne d'une manière plus populaire, qu'en con-
férant un titre de baronet à un écrivain, dont le nom porté
sur les ailes de la renommée, commençait à pénétrer dans
toutes les parties du monde, et dont les œuvres étaient
traduites dans toutes les langues connues ; Scott devint
Sir Walter Scott, baronnet.
Scott, en outre d'un revenu assuré de $8000 par année,
avait dû retirer $53,000 de bonne heure de ses poésies ;
c'était, il est vrai, rien à comparer aux profits que ses
trente-deux romans, en 100 volumes, devaient rapporter à
lui ou à ses exécuteurs-testamentaires, c'est-à-dire au rap-
irr
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366
SIR WALTER $COTT
port de Lockhart et de Howitt ; un demi-miHon]|de louis
sterling, $20,000,000.
C'était vraiment le budget d'un souverain dans le
royaume des lettres. Quand un écrivain peut compter sur
^500,000 sterling, par la vente de ses livres, il semble qu'il
lui soit permis d'avoir la fantaisie d'une terre et d'un
château bien monte.
Le château d'Abbostford, avec ses fières tourelles — ses
vastes cours ornées, ses curieuses galeries de peintures —
sa salle à manger, assez vaste pour admettre un baron des
anciens temps, et sa retenue entière — sa richebibliothèque,
— était, non seulement, un centre d'attraction, une prin-
cière hôtellerie "pour les grands, — princes, ducs, marquis,
c'était encore un lieu de pèlerinage vénéré au \o\t\ par les
liommes de lettres — qu'ils fussent millionnaires comme
Rogers — ou pauvres et roturiers, comme James Hogg, sur-
nommé, à cause de ses poésies pastorales VEttt'ick Shephcrd.
— Tous étaient les bienvenus, fussent-ils nés près des "pics
coiffés de nuages ' de Morven — les "rives fleuries de la
Seine, chantées par Madame Déshoulières — les près ver-
doyants de la Germanie chers à Goethe — ou les forêts
d'Amérique célébrées par Fenimore Cooperet Washington
Irving.
Le barde d'Abbostford avait décliné respectueusement
le titre de " Poète Lauréat " que le roi George IV lui fît
offrir, avec la pension annuelle de C^oo y adjointe " en
faveur, comme il le dit, de ses confrères au Parnasse moins
favorisés que lui, du côté de la fortune." Pliit au ciel que
son noble cœur, s'en fi^it tenu là ! Non seulement sa bourse
fut réitérément ouverte au génie, ce qui était bien ; mais
ce qui l'était moins, ce fut sa générosité constante envers
des écrivains en détresse ; ce furent les frais ruineux
dans lesquels Scott, par bienveillance, se laissa entraîner,
en se chargeant lui-même du coût d'impression des œu-
vres de plusieurs confrères.
Revenons à Abbotsford. Au haut du portique étaient
if :
ESQUISSES
367
gravées les armes de la faaiille ; en guise d'une des portes
de cour, on voyait la massive porte de l'ancienne prison
d'Edimbourg — le ïolbootli — si célèbre dans son roman
Hcart of Mid LotJnaii ; à l'intérieur, s'élevait la statue en
pierre du célèbre chien Maida, avec l'inscription préparée
par Scott ; à l'angle opposé, une fontaine ornée de sym-
boles du même genre. Les bustes des Césars et autres
objets apportés de l'étranger, étaient disposés le long d'une
galerie côtoyée par un chemin couvert. Voilà pour la cour ;
voyons l'intérieur du château. Le portique copié sur celui
de l'ancien palais de Linlithgow, était orné de ramures de
cerfs. Le vestibule à l'intérieur, un véritable musée d'anti-
quités : les panneaux des cloisons, étaient ceux enlevés à
l'anciei^ie église de Dumferline, et la chaire où avait prêché
le réformateur John Knox, sciée en deux, servait de chif-
fonnier entre 'es trumeaux des fenêtres. Les murs entiers
de ce vestibule étaient garnis d'armures — de trophées
d'armes ; on y rencontrait aussi le bois d'un orignal
d'Amérique — probablement un don de son frère Thomas,
payeur en 1S17, d-«i 70e régiment, stationné à Kingston.
et inhumé au cimetière St-Mathieu, Faubourg St-Jean, à
Québec, en 1823.
A la gauche près de la porte, étaient deu.x cuirasses,
deux étendards et des aigles, obtenus par Scott sur le
champ de bataille de Waterloo, qu'il avait visité quelques
semaines après ce mémorables combat. Au côté opposé,
brillaient deux armures complètes, l'une italienne, l'autre
anglaise de l'ère de Henry V. Près de cette dernière, il y
avait un énorme sabre à deux tranchants, long presque de
six pieds, une relique du champ de bataille de Bosworth,
En face de la porte, était l'âtre de cheminée en pierre ; il
était modelé sur une arche de l'abbaye de Melrose : la
grille, était celle de l'archevêque Sharpe, mis à mort par
les Covenanters ; auprès, œuvre romaine, une massive
chaudière de camp. Les écusscus des ancêtres de la
famille de Scott brillaient aux arches pointues : à l'endroit
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368
SIR WALTER SCOTT
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où il y avait des vides, se lisait la devise : //ox alta vclat.
Les chiffres de ses meilleurs amis : Erskine, Morritt, Rose,
s'enlaçaient au tour du cintre d'une des portes et sur la
corniche étaient blasonnés les armes des vieux chefs de
Clans, en Ecosse, avec de pa' iotiques inscriptions ; Sconc
Palace avait fourni les chaises ; la cotte de mailles de
Cromwell pendait aux murs. Une table, r>rès d'une fenêtre
où les visiteurs inscrivaient leurs noms, avait pour tapis la
dépouille d'un énorme lion fauve ; elle lui venait de l'Afri-
cjue méridionale — un don de son ami Thomas Print^le. Un
des lambris avait été copié sur celui de l'abbaye do Mel-
rose.
Disons un mot de la bibliothèque — noble salle aux pla-
fonds en beau cèdre, avec lustres suspendus artretement
ciselés, d'après des dessins des abbayes de Rosslyn ou de
Melrose. On y voyait trois bustes — celui de Wordsworth
— celui de Shakespeare : un tableau représentant le fds
aîné de Scott, avec son costume de hussard : aussi, une
lampe suspendue, provenant des ruines d'IIerculanum. Il
y avait de plus deux fauteuils italiens en buis : pro-
venant du palais lîorghèse, à Rome ; les autres sièges
étaient en ébène : elles lui avaient été présentées, avec un
riche secrétaire en ébène, par le roi George IV.
Sur une table de porphyre, reposait une grande urne>.
en argent, contenant des os trouvée au Pirée, en Grèce ;
l'inscription faisait connaître que c'était un présent de
Lord Byron.
Mille autres souvenirs d'amitié frappaient la vue : une
superbe collection des classiques latins, présentée par J.
Ballancyne ; des volumes de grande prix, par le roi
George IV ; des exemplaires offerts en don par les auteurs,
sans nombre.
Les rayons de la bibliothèque contenaient à peu près
20,000 volumes, entre autres des MSS de prix sur les
insurrections de 17 15 et de 1745, en Ecosse.
Le portrait de Lady Scott — celui de Sir Walter avec
ESQUISSES
36g
ses deux chiens, par Racburn — celui de Miss Ann Scott,
ainsi qu'une précieuse table de forme antique, surmontée
d'un vase de marbre transparent, frangé d'or — un don de
l'auteur de Cliilde Harold, et la table d'ébcne déjcà men-
tionnée, un souvenir de George IV, ornaient le salon de
réception
La chambre des armes était fort curieuse à voir ; il fau-
drait un volume pour tout décrire ; c'était là surtout que
la main qui avait tracé Waverley avait laissé sa marque.
Notons en passajit quelques objets. Voici une auticjue
serrure en bois qui a appartenu à la prison de Sclkirk ;
voilà une petite boîte qui jadis fut la propriété de la belle
et infortuiKée Marie Stuart ; un petit coffre-fort trouvé au
palais de Holyrood ; u!ie carabine que l'ami de Sc(jtt,
Sir Humphrey Davy avait possédée. A côté, se remarciue
la bourse de Rob Koy et son fusil — fort long — portant
les initiales R. M. C. (Robert MacGregor Campbell.) Dans
nn coin est le magnitique sabre à fourreau d'argent (.[ue
les citoyens d'Edimbourg présentèrent à Sir Walter,
comme marque de reconnaissance pour les services qu'il
avait rendus à la ville lors de la visite du roi de la Grande
Bretagne, George IV, ea 1S23 ; aussi le sabre de Charles
I, lequel plus tard passa au marquis de Montrose. Dans
ce voisinage, se trouve un faisceau de claymores et plu-
sieurs grands sabres allemands, employés aux exécutions
en ce pays,et qu'il s'était procurés des exécuteurs des hautes-
œuvres, de l'Allemagne. Il y avait aussi la flasque du roi
Jacilues I ; les vis et autres instruments de torture que lus
Covenanters employaient, dans leurs persécutions reli-
gieuses ; la couronne de fer du martyr Wishart ; les [;is-
tolets de Napoléon I, oubliés dans son carosse, à Waterloo ;
les pistolets de Claverhouse. tout en acier, incrustés d'ar-
gent selon 'a mode d'alors ; deux fortes clefs de la geôle
d'Edimbourg, trouvées après l'incendie des portes, quaml
la populace exécuta le capitaine Porteous.
La salle à manger contenait une singulière peinture de
24
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SIR WALTER SCOTT
Û
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l;i tête de l'infortunée reine d'Ecosse, Marie Stuart, après
i.i décollation. Sir Walter en faisait beaucoup de cas, l'ar-
tiste se nommait Amias Cawood ; il avait su prêtera cette
tête sanglante une beauté encore plus grande que celle que
l'histoire accorde à la victime d'Elisabeth d'Angleterre. Il y
;\vait aussi en cet appartement d'anciennes toiles représen-
tant la belle Ncll Gwynn, Lord Esscx, les poètes Thom-
son, Dryden, Prior, Gay ; CromwcU comme jeune homme ;
le duc de Montmouth ; Charles XII de Suède ; Walter
Raleii^di ; Henriette d'Angleterre, épouse de Charles I ;
Ami Ilj'de, épouse de Jacques II ; Ilogarlh ; Lucy Wal-
tcrs, une des maîtresses de Charles N, mère du duc de*
Montmouth, etc., etc. Ce serait à n'en plus fin/r, pour qui
entreprendrait de décrire tout ce que renfermait le curieux
château. Il n'est donc pas étrange si les lettrés et les
touristes accouraient, pour errer en un d délicieux Eden, ce
temple de bon goût, de l'hospitalité, ce pittoresque
musée ; mais il y avait encore une bien plus grande mer-
veille à contempler, la noble présence du fameux magicien
lui-même dont la baguette avait tiré du chaos tant de
féeriques spectacles. Cette ronde incessante de visiteurs
auxquels Scott donnait non-seulement ses matinées, mais
encore ses veillées, n'avait-elle pas ses dangers pour sa
bourse et pour ses travaux littéraires ? Lockhart le laisse
clairement entrevoir : "Jamais, le patriarche de Ferney, à
l'apogée de sa gloire, n'eut à subir autant d'interruptions ;
encore, il est constaté que Voltaire n'hébergeait que rare-
ment ceux qui le venaient voir et rarement même leur
accc rda-t-il le privilège de dîner avec lui." Si la vie intime
de Scott nous est si bien connue, il ne faut pas s'en étonner.
Comme le Dr Johnstone, Scott trouva un incomparable bio-
graphe; Lockhart, sans avoir le pinceau exquis de Boswell,
le biographe de Johnstone, était une des lumières littérai-
res d'Edimbourg. Les A^octcs Ainhrosianœ de Wilson, lui
doivent quelques-unes de leurs scènes les plus attrayantes,
ESQUISSES
371
et Blackicood's Ma(ja::inc fondé en 1817, contient de remar-
quables écrits, par* Lcckhart.
Tout en admettant l'exactitude du mot de Buffon :
"le style, c'est l'homme," par rapport à Scott, le lecteur r,e
connaît qu'à demi le grand romaucier, s'il n'a parcouru les
pages où Lockhart le fait revivre. C'est là qu'on saisit sur
le vif cett-; lingiilière organisation tlans son éternelle jcii'
ne- se.
'\VA!/ri':R S:orT, r )Ete. — 1796-1S17.
f./i carricre iittcraire dt: Scolt se divi-e en deux parties
bien distinctes; la i)remière, résunic ses poésies: la se-
conde, ses romans historiques. Ce fut en 1796 que se fai-
saient entendre les premiers accents de sa muse dans les
BUrgcr Inxllads ; les derniers en 1817, dans Ihirold thc
Dauutlcss. Parmi une i:innité d'études poétiques, de
moni-; longue Iialeine, ci-devant énumérées, signalons
ce qui constitae les principaux monuments de sa gloire
co'iime poJte : lo. BoiiDER AIlXSTRELSV, 2o. L.VY oi' tue
Last .Mi\s trel., 00. Marmiox, -io. Lauv of tu;: Lake,
00. RoKEHV, (Jo. LolU) OF THE Ilfs ; voilà les gracieux
pilastres de ce masjestueux temple couronné par ia statue
du barde d'Abbotsford.
L'Ecosse compte deux grands poètes, deux génies même:
Burns, le poète national, mort en I796, et Scott, le suave mé-
nestrel des temps héroïques de la vieille Calédonic.
liORDER M I NSTRELSV.
lo. Le Border j\Iinstrcls)\ collection d-j vieux lais, de
martiales ballades, de chants nationaux, parât en trois vo-
!um s en i Soc- 1-2-3. Scott avait 29 ans lorsqu'il publia
lo premier volume : l'on peut dire qu'il avait commencé
d'en réunir les matériaux depuis sa dixième année. Iles*
juste de nommer un du S' s collaborateurs les plus zélés,
John Leyden, mort aux Indes en iSii, homme de génie,
travailleur infatigable, savant distingué dans les langues
de l'Orient.
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372
SIR WAl/rr.R SCOTT
Pour rétablir le vrai texte de ces antiques et sauvages
poé-sir-s des 10e et lie siècles, il fallait un jugt-ment sûr,
uni' vaste érudition, un goût, un flair exquis. Scott réu-
nissait CCS qualités à un degré éminent; aussi, son choix de
ballades, coiTinie oiuvre nationale, enrichi de précieus^'s
notes, l'eniporte-t-il sur les Percys Bcliqiics, Il se composait
d'iibtrd de quarante-trois ballades qui n'avaient jamais été
imprimées, et les autres bien que partiellement connues
aux chercheurs, étaient pour ainsi dire neuves à la géné-
ralité des lecteurs. Elles commémoraient un tissu de tragi-
ques événements, d'aventures hardies, de bizarres peintures
de mœurs, tracées avec une énergie de style, une simpli-
cité digne des temps homériques, commentées, éclaiicies
par de patientes recherches historiques et archéologiques.
Peu de temps après leur publication, Scott prenait rang
à la Revue iV Edimbourg, fondée en 1802, comme un des
actifs collaborateurs de Sydney Smith,*'plus tard de Jeffrey,
lord Jeffrey, — le grand juriste, l'admirable critique — le
L:a Harpe de l'Ecosse. Le premier écrit de Scott fut une
étude sur X Amadis de Gaule, par Robert Southey ; son
second, sur Sebbald's Chrouicl-: of Seoteh Poetry ; un troi-
sième, sur Godiviiis Life of Chaueer ; un quatrième, sur
EUis Spcciuiens of EnglisJi Pottry ; un cinquième, sur la.
vie et les œuvres de Chatterton.
ICn 1803, le poète Wordsworth faisait à Scott une mémo-
rable visite, au moment où il comi'osait 1 lie Lay of tlu
Last Minstrcl ; les deux bardes allaient ensemble exami-
ner les ruines historiques des abbayes de Melrose et de
Kosslyn, Parmi les paysans, le nom seul de Scott opérait
comme un charme ; c'était à qui leur rendrait le plus de
civilités ; le barde de Windermere, Wordsworth, était
enchanté de kiir réception partout où ils se montraient.
|53r
LAY OF THE LAST MINSTKEL.
2o. Dans le Lay of the Last Miustrel, la balladt grandit,
prend la forme de l'épopée. Lf^ poèt m^-t dans la bouche
'mmmimmmmu'miiim
ESQUISSliS
373
du derniiT des Mén^strils qui aurait existé «n 1G90, un
chant ou plutôt une série de chants d'une incomi)arabl'-
harmonie — d'une variété presque fastueuse. Le harpist"
cassé et i rrant, tout en fredonnant des lais d'amour et d^
guerre, invoque la nature entière, les génies des bois, des
fleurs, des montagnes, pour lui aider à célébrer les prou-
esses des chevaliers anciens — les combats journaliers que
les Ecossais, livraient aux Anglais, sur la frontière des
dtux pays — le liordcr iK.<aYfarc sur ce qu'ils appell^-nt
debaiable land. Ce mélange de mœurs pastorales et guer-
rières prêtait beaucoup à la poésie lyrique. Les événe-
nements chantés sont présumés avoir eu lieu vers 155O,
et couvrent l'espace de trois jours et trois nuits. Lepoëme
consiste en six chants. Il serait difficile de dire lequel est
le plus beau ; plusieurs des vers sont passés dans la langue
à l'état de citations et de proverbes. Le dernier chant s'ou-
vre avec l'élan de patriotisme bien connu :
" HrL'utlii'3 flion' tln' iii.iii, with soûl so Jeail,
Wlio iii'vpr ti> liiiiisi'lf liiitii saiii
TliiM id my owii, my ii.itivi' luiid !
(I (.'aloiloriia I »tirii and wild.
Mi'ct nurse for a poitii,' rliild !
Ijiiiid of t)ro\vii hcMtli uiid Bliaytry wood,
Ijiiiid of tlie iiiouiitiiiii iiiid tlic tlood,
I.iiikI ofiiiy siri'S ! wlmt mortid liuiid
('au c'cr uiitic tlii' Kliul liaiid,
That knits me to tliy nit{K;'d strand !
Oui serait insensible à l'harmonie de ces stances!
La scène se passe en grande partie au château des ducs
de Buccleugh — Brankholm Hall. Le jeune fils, l'héritier du
duc est entraîné dans la forêt, par un malicieux page qui
fait de son mieux pour égarer le noble et courageux
enfant — lequel est saisi par des ennemis. Plus tard, l'affreux
page met de côté ses déguisements »-t se trouve être un
sorcier célèbre — Sir Michael Scott. IVi/Iiam Delorainc et
Margaret — voilà encore de ces délicieuses créations du
génie de Scott qui resteront. Le Lay, avec se^ allures
épiques ouvrit une ère nouvelle dans la littérature anglaise.
Le Parnasse anglais réclama un poète — un grand poète
de plus. Les grands de l'Ecosse, lord Melville, et autres.
m.
374
SIK WALTER SCOTT
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il
(J
>"5 :
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enchantes du talent de leur compatriote, lui appîanirent
les voies à la fortune et h l'indépendance, en le nommant
Greffier des Sessions a^'ec un traitement annuel de ;C'Soo :
la fontaine d'IIippocrène était devenue un Pactole.
MAR.MION, A TALE OF FLODDEN IIELD.
Parmi les hommes de guerre qui, en.ioGG, suivirent le
Bâtard de Normandie, à la conquête de l'^Vngleterrc,
l'histoire nomme un seigneur fort distingué, Robert de
Marmion, sieur de Fontenaye, en Normandie. Le roi Guil-
laume le recompensa en lui octroyant le château et la ville
de Tamv.orth et le manoir de Scrivelby, dans le Lincoln-
shire.
La f:imille, après quatre générations, s'éteignit en la
personne de Philippe do Marmion, sous le règne d'PÀlouard
L Si le héros du poème de Scott, est un persoimage imagi-
naire, le nom et la famille de Marmion ne le sont donc
pas ; et en associant au titre du poème le nom de Flodden,
le barde, par un mot, signale l'époque où vivait son héros.
Scott iie pouvait choisir un sujet plus épique que la désas-
treuse journée de Flodden, où la ilcur de la noblesse
d'Ecosse avait succombé en combattant autour de son
héroïque, mais trop galant souverain Jacques IV, lui
aussi, victime de sa téméraire ardeur. Flodden retraçait à
l'Ecossais, une époque héroïque bien que malheureuse ; à
l'Anglais, une fameuse victoire au temps d'Henri VIII ;
c'était de plus, une ère reculée où la féodalité brillait d'un
vif, mais dernier, éclat. Le talent de Scott a toujours
excellé dans ses ma'^nifiques peintures, ses dramatiques
étalages des siècles féodaux, leurs tournois, leurs donjons,
les nobles dames, etc., de ces temps. Il y avait encore des
lueurs de féodalité expirante en 15 13, en Ecosse. Le sujet
était bien choisi, plein d'actualité pour les deux grandes
nations auxquelles s'adressait le poème. Scott était siîr
d'avoir des lecteurs des deux côtés de la Tweed : il ne
faut donc \ as s'étonner, si aux yeux d'un grand nombre
r,s< )Uissi:s
375
Mafin'w>i,^.o\i eonsidcrc, comme le chef-d'œuvre de Scott.
La scène s'ouvre en août, et se clôt le 9 sept. 15 13, le
jour de la terrible bataille de Flodden l'icld. Marmioii,
comme son prédécesseur The Lay of tJic hist Minstrcl, com-
prend six chants : lo. The Castîc ; 20. The Couvent ; 00.
The Ilostel or Iiin ; 4o. The Camp ; ôo. The Court ; »io.
The Inittle. Chaque chaut est précédé d une introduction
en vers ou dédicace à quelques-uns de ses amis : William
Stewart Rose ; Revd James Marriott ; William r>sl>:ine,
célèbre juL^e, mort en 1822 ; James Skene ; George EUi.'--,
et Richard llcber.
Lord Marmîon est un valeureux j^uerricr et un ^n-and
seigneur de la cour d'Henri VIII d'Ansrleterre, qui va en
Ecosse, comme l'envoyé du souverain anglais à Jacques
IV, roi de l'Ecosse. Le (îer capitaine voyage avec une
suite imposante, mais convenable à un seigneur de son
importance. L'arrivée et la réception du haut et puissant
seigneur Marmion, à la forteresse de Norham, sur les con-
fins de l'Angleterre : sa réception aolenelle surtout, au
pont-lévis du donjon, avec toute la pompe féodale du
temps ; puis, son dépari pour Ilolyrood, après avoir accepté
de Sir Ileron Ford, les services d'un pèlerin connue
guide dans les montagnes de l'Ecosse, tels sont quelques-
uns des incidents les plus marquants du premier chant.
Sir Héron, tout en lui faisant les compliments d'usage,
s'enquiert d'un ton moqueur, de ce qui est advenu à ce
beau jeune page au teint rose, qui naguère lui servait a
boire, laissant planer un soupçon injurieux sur le sexe de
réchanson (le beau page apparaîtra bientôt sous un aspect
bien moins gai). Marmion répond qu'il est malade à
Lindisfarne et relance le trait en s'enquérant de Sir Hé-
ron Ford, si l'absence de la charmante Lady Ford est due
à quelque lointain pèlerinage entrepris de sa part pour
œuvre pie. Sir Héron réplique avec un calme simulé, que
la blanche comtesse est en promenade et charme en ce
376
SIR WALTER SCOTT
i*
moment les loisirs de la reine Mar^aret, . à Holyrood,
mieux eût valu dire, du roi.
Le second chant, T/ic Couvent, s'annonce avec une bril-
lante description d'un navire, sur le tîllac duquel on dis-
tingue la mère abbesse de Saint Hilda qui, avec cinq reli-
gieuses de son ordre, se met en route pour aborder à une
abbaye voisine, où doit se faire le procès d'une des sœurs
pour oubli de ses vœux et s'être enfuie du cloître, à la suite
d'un grand seigneur, qu'elle accompagna, déguisée en page :
Constance de Beverly, le beau jeune page de Lord Mar-
mion. Ce dernier a la bassesse de trahir son infortunée
amante, qu'il délaissa plus tard pour épouser une riche et
noble héritière, Clara de t)lare. Henri VIII d'Angleterre
qui n'entendait pas badinage à l'article- des femmes, avait
lui-même promis à son favori. Lord Marmion, la belle Clara,
qui avait un amant nommé De Wilton. Constance de
Beverly, l'ex-nonne, devient si furieusement amoureuse de
Lord Marmion, qu'elle sacrifie tout à ses caprices — chas-
teté, honneur, et couvent même. Pour l'aider à perdre
De Wilton dans l'esprit du roi, elle forge des let'res, de
nature à le faire passer pour un conspirateur. Plus tard,
Marmion défie De Wilton, le blesse à mort, comme il
croit ; De Wilton est considéré comme parmi les trépassés.
La pauvre et coupable Constance reprise par l'ordre
du roi, et renvoyée à son couvent, subit son procès devant le
chapitre ; elle est claquemurée dans le donjon d'un monas-
tère, jusqu'à ce que mort s'ensuive, par le supplice de la faim.
Clara, plutôt que d'épouser l'assassin de son amant, cherche
asile dans un cloître. Voyons le troisième chant : Lord
Marmion se met en route vers l'Ecosse, avec sa suite et
"son pèlerin aux étranges allures" pour guide. Ayant été
contraint de chercher abri dans une grande hôtellerie, il
supplie son écuyer, Fitz-Eustachc, de lui chanter une
romance pour le distraire de ses sombres pen.sées. Ce der-
nier entonne un lai ancien où sont vivement retracées les
punitions réservées aux amants infidèles. Puis il demande
ESQUISSES
377
à riiôtellier de le désennuyer par quelque récit. Ce dernier
lui raconte les merveilleuses aventures du roi d'Ecosse,
lorsque Haco, roi de Norvcg^e, fît, en 1263, une descente
sur les côtes de l'Ayrshire ; ses luttes avec des soiciers
dans les sombres caveaux du donjon de Lord Giffbrd.
Ces chants et ces récits portent tellement le irouble dans
l'esprit du seigneur Marmion, qu'il va faire seller en secret
son cheval pendant la nuit, pour aller explorer un des
endroits désignés» par l'hôtelier ; plus tard, il revient à
demi-mort de fatigue et d'effroi ; persiste à garder un
mystérieux silence sur les évèmments de cette nuit ; sur
l'ennemi qui l'a assailli.
Le quatrième chant est consacré à décrire la continua-
tion du voyage du seigneur Marmion vers l'Ecosse et sa
rencontre avec Sir David Lindsay, illustre personnage à
la cour d'Ecosse, chargé de la part de Jacques IV, d'es-
corter le puissant seigneur anglais : tous deux s'arrêtent à
Crichtoun Castle, vieux château à neuf milles d'Edimbourg.
Le barde introduit ici plusieurs chants lyrique^, de ravis-
santes descriptions des paysages environnants, ainsi que le
spectacle des guerriers écossais à leur camp, près d'Edim-
bourg. Le cinquième chant nous exhibe Holyrood, le
vieux palais des Stuart. Là, le roi Jacques IV, ivre d'amour
pour la séduisante Lady Héron, y reçoit royalement l'en-
voyé de Henri VIII ; mais sans vouloir écouter les conseils
de paix qui lui sont offerts, et prépare un somptueux ban-
quet, où s'étale dans tout l'éclat de la jeunesse,* cette
syrène si dangereuse à la gloire de l'Ecosse, Lady Héron.
La belle anglaise chante, à la demaii'le de son royal
amant, la ballade si connue de " Lochinvar."
0, ynuntç Looliiiiv.ir is i-nmi- ont of tlio wi'st.
ïiiroiigh iiU thf wiiii' 1! ivliT his Hti'od waM tlii^ licst,
Aiul savo liifl ({oiiil bruml •'wonl, ho wiMpoiis, liiid iioiu' ,
llo iniii' fiU uniiniii'il, ami lu' rixlo ail alniu',
So faithful in love, a.iul ao dauiitlciis m war,
TluTu iiovor \va8 kiiij/lit liko tlio youiiî^ liOcUiiivur, Ac
Toute cette scène est ravissante, poétique à l'extrême,
ainsi que le dialogue du vieux Douglas, le féroce comte
d'Angus. Cette enivrante fanta^-magorie sera de courte
378
SIR WALTER SCOTT
■1' ±
durée, car le lendemain, au point du jour,raraiée se mettra
en marche. L'abbesse de sainte Hilda et ses religieuses repa-
raissent sur la scène : le navire anglais qui les reportait à
leur cloître est pris par un vaisseau de guerre écossais ;
mais le roi Jacques IV désirant être indulgent envers les
saintes filles, se décide à les renvoyer au roi d'Angleterre,
sous l'escorte de Lord Marmion, le persécuteur implacable
de Constance de Beverley et l'amant désappointé, mais non
rebutté, de Clara de Clare. La fortune, en»lui livrant cette
dernière, ne pouvait mieux servir ses desseins. Voici que'
l'intrigue se complique. La pauvre abbesse conçoit un
projeltd'isespéré pour se soustraire aux mains du puissant
seigneur, avec le secours du guide de Marmion, le mysté-
rieux pèlerin. Ici, Scott accumule plusieurs incidents sur-
naturels, entre autres la singulière prédiction que les histo-
riens mentionnent de la mort, ce jour môme, du roi Jac-
ques IV, au milieu de ses nobles les plus illustres, les plus
dévoués, à Flodden.
Marmion, renvoie de force i'abbesse de sainte Milda et
ses recluses, à s^n couvent, mais la belle Clara de Clare,
l'opulente héritière que l'abbesse veut aggréger à son ordre.
Lord Marmion la retient et la fait escorter au château de
Tantallon possédé par son pavent, à elle, Lord Fitz-Clare,
dans l'espoir que le temps vaincra ses répugnances. Puis,
la guerre entre Henri VIII et Jacques se poursuit avec
acharneme. t, L»* fortune qui d'abord s'était rangée sous
les étendards du prince écossa s, le laisse quand il s'oublie
lui-même et qu'il consume un temps précieux à faire
l'amour à la séduisante anglaise, Lady Héron. Les provi-
sions commencent à manquer à son armée, qui est forcée
de se débander et de le quitter.
Le sixième et dernier chant, Tûv Battlc, s'ouvre par
une de ces divines silhouettes de femmes, que Scott sait
tracer de main de maître — pures comme un rayon de l'au-
rore— aiiiKintes comme Juliette, malheureuses comme
Desdemone. Clara de Clare ayant mis de côté ses habits
ESQUISSES
379
;e
de recluse, erre, pâle, mais belle comme aux anciens jours,
sous les voûtes de la solitaire forteresse de Tantallon, par-
tagée entre sa haine contre son persécuteur, Marmion et
ses regrets pour son malheureux amant, De Wilton,qu'elle
croit mort de la blessure reçue des mains du seigneur
anglais. En détournant l'angle du château, ô surprise,
l'ombre de Wilton, ou mieux son amant lui-même, se jette
à ses genoux ; lui raconte toute son histoire et com-
ment il est parvenu à force de déguisements jusqu'à elle,
sous l'habit de pèlerin. Le mystérieux guide de Marmion,
c'est lui. De Wilton. Il est perdu, si on le reconnaît ; mais
il espère en Dieu, en son innocence et dans le combat qui
va dans quelques heures se livrer, où le sort de
l'Ecosse sera décidé et où il doit prendre part, comme
preux chevalier anglais et prouver son dévouement à
Henri VIII. Cependant tout s'agite, tout se meut. Lord
Marmion, caracolle sur son fier coursier, vers le lieu du
combat, après avoir défié le farouche Douglas, et ordonne
que Lady Clare le suive, pour être témoin de ses exploits.
La mêlée devient épouvantable : les anglais mieux armés,
plus nombreux, combattent avec une rare valeur ; les
bouillants Montagnards, se battent avec la rage du déses-
poir, ; des monceaux de morts, de mourants jonchent le
sol ; Il fleur de l.i noblesse succombe avec son héroïque
prince Jacques IV. Marmion, entraîné [)ar sa martiale
ardeur et voyant les siens victorieu>f veut se signaler par
un effort suprême, mais il tombe percé, écra.-é de coups ;
et les malédictions de Constance, la pauvre Constance de
Beverly, claquemurée, mourante, dans son sombre donjon,
se réalisent.
Prêt à fermer les yeux à jamai.s h la lumière, il demande
à grands cris, quelques gouttes d'eau pour étancher la soif
qui le dévore. Clara, oubliant son ressentiment, accourt, et
avec le casque du guerrier, elle puise pour lui l'onde d'une
fontaine voisine, se fait connaître, et lui annonce le sort de
sa malheureuse victime. Constance, qu'il croyait encore
38o
SIR WALTER SCOTT
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I' ' '
t y-
vivante ; puis, le héros dans le délire, brandissant son
épée, encourage ses victorieux soldats, par les mots bien
connus :
" Charge, Chester, charge ! On, Stanley, on !
VVere the last words of Marmion."
Clara qui n'avait pas fait de vœux, épouse De Wilton.
Tout ce chant est d'une beauté remarquable ; c'est comme
œuvre descriptive, un des morceaux les plus achevés
de la langue anglaise. Jamais le génie de Scott n'a plané
à une plus grande hauteur.
Aux pages précédentes, nous avons brièvement passé
en revue trois des œuvres poétiques de Walter Scott, c'est-
à-dire, trois des immortels poëmes dont s'honorent la lan-
gue de Milton et de Shakespeare ; d'abord, le Border
Minstrclsy, les plus belles ballades de l'Ecosse, ensuite le
Lay of tJie Last Minstrel, la ballade avec une draperie
plus grandiose, des formes épiques ; et enfin Marnnoii,
c'est-à-dire, l'épopée dans son imposante majesté. De
tous les innombrables écrits du poète nous nous borne-
rons à ne considérer ici que trois autres poèmes : The Lady
of tJic Lakc, Rokeby, et The Lord of t/tc Islcs,
THE LADV OF THE LAKi:.
L'Ecosse avec ses montagnes, ses brumes, ses lacs, ses
frimas, a plusieurs points de ressemblance avec notre
Canada. Sans avoir passé par l'étape coloniale, sans avoir
rencontré d'aussi dures épreuves que notre patrie, elle
aussi, a eu à subir la loi du vainqueur ; on lui a enlevé son
autonomie ; on lui a imposé des souverains qui n'étaient
pas les siens.
C'est surtout danr> les temps passés, où elle avait à
Stirliiig Castle ou à Holyrood, ses rois aimés, que Scott
a été chercher les scènes de ses drames émouvants. Quit-
tons les champs ensanglantés de Marmion, pour parcourir
les sentiers de la montagne : les bruyères parfumées de la
Calédonie, nous redonnant encore une forêt enchantée, des
ESQUISSES
381
fées, des paladins ; les mystères sont autres, le magicien
est le même.
Le Lady of thcLakc, comme son prédécesseur, aura six
chants: lo. The Chase; 2o. The Island ; 3o. The Gathcring \
4o. TJie Prophecy ; 5o. The Combat ; 60. The Guard Rooni.
Une des régions les mieux connues, les plus pittoresques
de l'Ecosse, où affluent chaque été des essaims de touristes,
possède un lac, aux îles solitaires, le gracieux Lock Katrhte ;
des défilés escarpés, nommés Trossachs, y conduisent. Les
Monts Grampian dans le voisinage complètent le tableau.
Levons le rideau. Invoquons avec le barde, la Lyre du
'^orà. "Harp of the Nortk.'' Y Q\c\ d'abord un tableau de
chasse, avec ses incidents, ses péripéties, d'une beauté
fra,ppante. Il faut avoir été chasseur, comme Scott, pour
décrire avec une aussi saisissante vérité, cette série de ravis-
santes émotions que vous donne la chasse au cerf. Il y a
plus ici. Ces pics inaccessibles, ces impratiquables savan-
nés où l'animal.de guerre lasse, s'embusque dans les High-
laiids, ne vous reportent-ils pas à votre Canada, vous qui
dans votre jeunesse, avez été chasseur ?
Il nous semble être sur la crête des Laurentides, que
sais-je, "aux jardins", en aval de la Baie St-Paul, bien loin
dans le grand, nord, suivant la piste du prince des veneurs
de la Côte de Beaupré, Olivier Cauchon, ou de l'indien
Sioui, le légendaire chasseur du Lac St-Charles, ou en
compagnie du Col. Rhodes, notre voisin à Sillery. Le
Nemrod écossais, ent''aîné par son ardeur, s'égare à la
poursuite d'un cerf, laisse en arrière tous ses compagnons,
taxe trop les forces de sa noble monture, qui se blesse,
s'épuise et tombe haletante au fond d'un ravin, pour ne
plus se relever ; le chasseur :','arrôtc, contemple tristement
sa fière cavale ; son œil se mouille d'une larme, mais le
mal est sans remède.
Il se met en marche pour retracer ses pas, mais en vain.
il s'égare de plus en plus dans les sentiers de la forêt,
sonne de la cornemuse, appelle ses compagnons. Dans le
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382
SIR WALTER SCOTT
lointain, une voix lui répond. Il arrive bientôt sur les rives
d'un pittoresque lac, —Loch Katrine ; là, il aperçoit, près
du bord, une légère nacelle, conduite par une jeune fille,
belle comme le jour, et qui semble manier l'aviron avec une
dextérité peu commune. Il interroge la pastourelle dont le
nom est Jlllcn. Celle-ci, ne manifeste aucune surprise en
le voyant, lui dit qu'elle le conduira à la demeure de son
père qui habite l'île en face ; qu'il est sans doute l'étranger
dont la venue lui avait été prédite, ce malin-là même, par
le vieillard Allan-lnific, clairvoyant de la montagne, doué
de la " seconde vue." Le beau chasseur se montre docile
comme un agneau ; bientôt l'esquif touche à la plage de
l'île. Malgré la simplicité qui règne dans !a demeure
d'Ellen, le chasseur y remarque des indices qui le portent
à croire que le père d'Ellen est loin d'appartenir à la classe
où sa pauvreté paraît le reléguer : de vieilles armes d'un
fini admirable, d'un poids énorme, garnissent les murs,
de la chaumière. Celui qui les a portées a dû avoir la force
d'un athlète.
Le jeune chasseur qui se dit appartenir à la cour du
roi Jacques V, donne son nom : " Je suis, dit-il, James
Fitz-James, chevalier de Snowdoun." Il ne peut quitter
l'île que le lendemain, et passe une nuit fort agitée. Dans
ses rêves, il lui semble voir la belle Ellen : tantôt, il mar-
che à ses côtés dans la forêt ; tantôt, la vision change
et la jeune fille lui apparaît sous lei traits farouches
des Douglas, dont Bothwell, un des chef, est l'ennemi irré-
conciliable du roi Jacques. Le chevalier de Snowdoun
ignorait alors que le père de la ravissante Ellen était le
redoutable Bothv.'ell, comte de Douglas, renommé dans
toute l'Ecosse pour sa force et son sombre courage. Ellen
se trouve avoir deux prétendants à sa main : Malcolm
Grrcme, jeune guerrier, et Roderick Dhu, le terrible chef
du Clan McAlpine. Enfin, pourvu d'un guide, le chevalier
rejoint les siens. Une des plus magnifiques descriptions
du poëme, est celle du Ficry Cross, cette croix fatidique
Ml^
ESQUISSES
;83
rougie de sang, symbole de guerre, que nul Montagnard
ne peut méconnaître sans encourir, à jamais, une note
d'infamie. Cette croix, le chef la remet aux mains de
rapides courriers qui marquent, à un endroit donne', le
lieu de rassemblement des Clans. L'histoire cite des cir-
constances où la mystérieuse croix passée de mains en
mains, a parcouru jusqu'à trente-deux milles en trois
heures. Roderick Dhu rassemble les guerriers Î^Iontagnards,
pour faire la guerre au roi et à sa cour. Le chevalier de
Snowdoun, malgré le danger qu'il y aurait pour lui à
péuétrer une seconde fois dans les Hig/ilaiids, où Roderick
Dhu règne en souverain et en fait garder tous les sentiers
par ses hordes féroces, tourmenté d'amour, s'aventure
auprès d'Ellen. Cette dernière lui annonce ciairemcnt qu'il
y va de sa vie : que personne ne saurait pénétrer par le^
défilés, sans tomber aux mains des Montagnards de Rode-
rick Dhu. James Fitz-Jamcs répond fièrement, qu'avec sa
fidèle épée à son côté, il ne craint homme qui vive ; puis,
il demande à la belle bergère d'accepter un jonc qu'il lui
remet, lui disant, que si jamais elle est en péril imminent,
d'envoyer ce jonc au palais et de réclamer la protection
du chevalier de Snowdoun. ruis,Fitz-James retrace ses pas.
Le chevalier, chemin faisant, fait la connaissance d'une
espèce de sorcière, à laquelle il rend service. Sans le con-
naître elle lui fait une prédiction qui lui servira plus tard.
A quelques pas de là il rencontre un montagnard d'une
stature colossale ; il le questionne sur ia révolte de Rode-
rick Dhu et lui parle sans ménagement de la conduite de
ce chef de Clan.
Le montagnard, qui s'était offert île lui servir de guide
jusqu'au dernier défilé de la forêt, s'irrite des libres propos
de James Fitz-James ; il est sur le point de lui livrer
combat, mais se rappelant sa promesse de le conduire
sain et sauf au défilé en question, il se calme. Bientôt, à
un signal donné de la part de son guide, le chevalier est
surpris de voir chaque taillis retentir des cris de guerriers.
i^!
384
SIR WALTER SCOTT
t
Des épécs etincelantes surgissent dans chaque buisson.
Le guide le rassure tout en s'écriant : "Eh bien, Roderick
Dhu, c'est moi ; je t'ai donné ma parole de te conduire
en sûreté, jusqu'au dernier défilé de la forêt, je remplirai
ma promesse." Le chevalier, après les propos cavaliers
qu'il a tenus à Roderick Dhu sans le connaître, s'attend
qu'arrivé au susdit défilé, ce dernier va le défier au com-
bat. Il ne se trompe pas. Fort de sa rare habileté à ma-
nier l'épée et rassuré par la prophétie de la sorcière, il
essaie d'éluder une lutte ; mais en vain, le farouche chef
de Clan lui commande de tirer son épée et de se mettre
en ^arde ; de suite. Roderick Dhu, malgré sa force mer-
veilleuse, ne peut blesser son adversaire, une des plus fines
lames de l'Ecosse. Le chevalier, au contraire le blesse réi-
térénient, puis le désarme. Le montagnard par un effort
suprcme,étreint son ennemi et essaiede l'ctouffer.Ils tombent
tous deux par terre et Roderick Dhu essaie de percer le
chevalier avec un poignard dont la lame mal saisie, vole
au loin. Aftaibli par la perte du sang, Roderick Dhu est
prêt à succomber ; le chevalier se dégage de lui, sonne de
la cornemuse et les compagnons de Fitz-James arrivant
à cet instant, entraînent Roderick Dhu de vive force avec
eux, à la suite du chevalier. Au dernier chant, tout
s'éclaircit.
Le roi d'Ecosse Jacques V., souverain débonnaire, et
tellement aimé de son peuple que le vu'gaire l'a surnommé
''Kiiig of thc Conuiions,'' avait fixé ce jour pour récréer le
public par des luttes de force et de jeux athlétiques. Le
vieil athlète Douglas, bien que disgracié à la cour, ne put
résister au plaisir de se mêler, déguisé parmi la foule. II
était suivi de ses chiens, et parmi ces derniers était Lufra,
l'ami, le gardien de sa fille, EUen. Les jeux allaient se ter-
miner, lorsqu'un seigneur de Ja cour entreprit de lâcher
un beau cerf, afin que les pages et les grands seigneurs
pussent le chasser. C'était à qui le prendrait. Lufra,
docile à ses instincts, s'élance à la poursuite de l'animal et
ESQUISSES
38s
le
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et
lui enfonce ses dents dans le flanc. Les grands, de se*
récrier ; on frappe, on veut assommer le malencontreux
Lufra. Douglas, qui aimait passionnément ce chien, acco\irt.
Le peuple qui avait toujours éjjrouvé de l'admiration pour
la force du comte, même après sa disgrâce, l'acclame.
"Arrière, manants ! " s'écria le vieillarci courroucé, et du
premier coup, il fait mordre la poussière à un page qui
venait de frapper son chien. Tout est tumulte à l'instant.
Le peuple s'ameute, veut prendre la part du vieillard. Le
roi s'irrite, en apprenant que le comte de Douglas, dcjfà
disgracié, est la cause de l'émeute ; il se répand en mena-«
ces ; Ses gardes l'ont une charge sur la populace et
entraînent le vieux guerrier prisonnier à un corps de garde
voisin. VAlen Douglas, informée de ce triste incident, se
fait conduire au corps de garde. Toute cette scène est d'une
rare beauté. Elleîi y trouve Roderick Dhu presque
mourant, et son amant Malcolm Gramme, arrêté comme
partisan du chef révolté. Dans ses alarmes, pour sauver
les jours de son vieux père, qu'elle pense perdu à jamais, elle
seressouvient deson jonc et demande à grands cris qu'on la
conduise au chevalier de .Snowdoun, pour le prier d'implo-
rer pour elle, la clémence du roi qu'elle ne connaissait pas.
L(; chevalier de Snowdoun, instruit de sa présence au
palais, reprend son costume de chasseur, qu'il avait lors
de sa visite aux Ilighlands, reçoit respectueusement la
belle Ellen, qui lui exhibe son jonc et lui rappelle sa pro-
messe. Le chevalier lui promet une entrevue avec le roi ,
Puis, le lecteur retrouve une de ces magnifiques scènes de
cour où excelle le pinceau de Scott : on introduit Ellen,
qui éblouie de tant de faste, se réfugie, tremblante, près du-
chevalier de Snowdoun. I^ientôt, à la vue du beau et
galant roi, Jacques V.. toutes les dames de la cour
et les grands seigneurs se découvrent ; le seul cpii ne se
découvre pas, c'est le beau chevalier de Snowdoun, — le roi
d'Ecosse. Le roi reprend son jonc, donne un baiser res-
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386
SIR WALTF.R SCOTT
pectueux à sa ravissante amie des Highlands — lui accorde
la grâce de son père et de son ani 'nt, Malcolni Grieme.
ROKKllV.
Disons, pour le moment, adieu, aux bruyères odorantes
•de la Calédonio.
L'ouest de l'AniTUiterre,. le Vorkshirc, contenait le cristcl
d'un des amis intimes de Scott, — Rokeby Park, le superbe
domaine de J. !>. S. Morritt. Arrosé par les gracieuses
rivières Grcta et Tees, le site ;i, je ne sais quoi de sauvage,
d'imposant. Le château actuel a été érigé sur les ruines
•<j^un antique donjon féodal, datrmt de l'ète Normande,
vers 1066. Aux jours de son premier possesseur, le l'>aron
de l'okeby, il y avait là une soli.ie tour — Mortham Tower.
Ces vieux murs délabrés se hérisseront, plus tard, d'in-
nombrables chroniques de guerre, de cruauté féodale, de
noires vengeances. l'>lle avait été, cette tour incendiée,
rasée, rebâtie pendant et après les guerres civiles. Plus
tard, en 1644, un de ses châtelains, pour avoir dan? son
dévouement, épousé la cause de Charles I, contre Cromwell,
après la sanglante journée de Marston-Moor, si désastreu-
ses aux intérêts du roi, subit d'incroyables revers.
Dans le voisinage, gisaient les tourelles menaçantes du
majestueux château ou forteresse des P)aliol, — Baniard
Castlc — construit par Barnard Paliol, l'ancêtre de l'éphé-
mère dynastie des Baliol, qui donna des souverains à
l'Ecosse.
Ceci, c'est de l'histoire ; voyons le roman.
Un sombre drame enveloppait de ses ombres mys-
térieuses, les grottes et les vallées de la rivière Greta et de
sa murmurante sœur, la Tee.s. La fille, — d'autres disent
l'épouse — jeune et jolie, d'un des seigneurs de Rokeby,
avait été trouvée sur la voie publique, près de Barnard
Castle, baignante dans son sang. Qui était l'assassin ^
Les légendes populaires y apportaient leur contingent
obligé *' de blancs lantômes, de spectres funèbres " pen-
II':
ESQUISSLS
387
mys-
et de
disent
keby,
■iiard
pen-
dant le silence des nuits. Ajoutez aux splendeurs du
paysage naturel, les plantations d'arbres et les ornements
dus au goût du riche propriétaire ; illuminez le tout du
sourire bienveill.^nt d'un ancien ami et vous trouverez,
dans Ro/v'cbj, plus de matériaux qu'il n'en faut pour (|ue le
grand magicien sache en évoquer une de ces féeriques
visions poéticjues qui ravssaient les contoni[)orains de
Scott : un pocrne mélodieux, en six chants, qu'il dédiera à
J. H. S. Morritt, le dernier jour de l'an 1S12.
La scène est présumée commencer cpielqucs jours a[)rè-^
le 3 Juillet 1644 ; la fortune venait de se déclarer contre
Charles I, à Marston-Moor. Paiini les prisonniers, se tro<l-
vait !c baron de Rokeby ; sa fill-^*, Mathildn, restait on
posse^sio!! (le son castel. Le château voi>iii Moytlun)i
T(ru<n% était également veuf de son noble et très riche
propriétaire Philip de Mortham. Il avait, (lisait-on. disparu
du champ de bataille : on le disait mort. Son plus proche
héritier se nonimait Oswald \Vycliffe. Or, Oswald, i)Our
s'emparer de cet héritage, avait commissionné un ancien
corsaire, son ami, ayant nom l^ertram de Risingham, de
tuer son parent l'hilip de iMortham. Le salaire du crime
devait être pour Bertram, le partage d'un certain trésor
enfoui dans les voi'ites du castel, provenant du sac de
certaines îles espagnoles, pendant la guerre de 1625.
Oswald Wycliffe a un fds, Willrid, lequel est fort amou-
reux de sa belle voisine Matilda Rokeby. Cette dernière
lui préfère un valeureux jeune homme du nom de Red-
mond qui a sauvé la vie à son père, le Baron de Rokeby.
Wilfrid n'en continue pas moins ses avances. Osv/ald
Wycliffe, que le trioniphe de Croin\\i;H rcnt\ tout-puissant,
veut couronner ses projets ambitieux, en forçant Matilda
d'épouser son fils Wilfrid par des menaces. Fort de sa
position avec l'autorité, il laisse entrevoir à Matilda, la
mort prochaine de son père, à elle, — si elle refuse la main
de Wilfrid. Puis vient un tableau fort animé : le combat
et l'incendie de Rokeby Castlc par une bande de forcenés
k
388
SIk WAI/IKK SCOTT
ri
p.
que le féroce Hertram, à la faveur de la guerre civile, y
introduit pour en enlever le trésor de Philip de Morthatn.
Les stratagèmes dont Hertram se sert pour pénétrer dans
cotte place forte, donnent au {)octc occasion d'extraire de
l'incpuisablf mine de son imai;ination de beaux diamants
poétiques, d'oxluimer de touchantes ballades, îles lais des
anciens jours.
Une foule de dramatiques incidents se groupent dans le
sixième chant. La mort inatteuilue de VVilfrid déjoue les
projets an\bitieux d'Oswaid WyciitTe, son père. Matilda,
rendue à la liberté, épouse Redmond, qui se trouve être
un jeune noble que l'on avait cru lîiort. et le Haron de
Rotceby n'est ni pendu, ni écartelé.
Avant même que Rokchy fût commencé, les libraires
avaient offert à Scott i.ooo guinées pour le droit d'au-
teur de ce poème. Scott qui avait grand besoin de numé-
raire, pour continuer les travaux qu'il méditait à i\bbots-
ford, accepta. Ce qui donna lieu à un petit scandale litté-
raire, dénoncé par Byron et Tom Moorc : le premier, dans
sa sanglante satyre, ''liiiglish Fmnis ê/ Scotch Rcvici^'crs ; "
le second, dans le ''Tivo Potiiy Post Bag!'
A vrai dirf, Scott n'avait pas droit d'escomoterjd'avancc
siMi avenir littéraire, Scott répliqua que cela le regardait
seul, et qu'il avait droit d'accep er ou de refuser une offre
avanta;,3eustj pour les travaux de sa plume.
Dans Rokchy, ce n'était plu-; wwk scène du pays natal
retracée avec art, la voix inspirée du barde national célé-
brant les fistes de l'Kcosse, mais un ravissant paysage
anglais, une intrigue anglaise habilement ourdie. Malgré
ses nombreuses beautés, le poëme ajouta peu à la vaste
renommée de Scott en l'Lcosse. Morrit, dont le château se
Irouv.ut. iminortalisé, au contraire, prôna partout le nou-
veau lai, alléguant que c'était le chef-d'œuvre du barde
d'Abbostford ; c'était tout au plus une perle ajoutée
à la couronne qui ceignait le front de l'illustre poète.
KSQUISSES
3 «9
ICC
ait
iro
fié-
rre
isie
se
ide
tec
TIIK I.ORI) Ol TIIK ISLKS.
Le voyage entrepris par Scott, aux IlébriLles, en 1S14,
lui ouvrit de nouveaux hori/.ons littéraires, 11 y trouva L-s
personnages pour un de ses njinan.s les plus lus — '/V/t J^irafi
— aussi bien que [)our un poënie épique en six chants,
publié le iiS janvier 1.8 15. C'est encore en faisant vibrer
fortement la corde de !a nationalité que nous verrons
triompher son rare talent.
Qui veut remuer la fibre d'un Montagnard d'I'A:osse n'a
qu'à prononcer le nom de Uruce, l'héroïque Hruce qui
vivait au quatorzième siècle, roi détrôné par l'Angleteiro,
puis reconquérant le trône par sa vaillance ; Jîruce, le
" Royal Bruce," qui par sa force ressemblait à Milon de
Crotone, à lUchard Cœur-de-Lion. par son courage impé-
tueux, à Henri IV de France, par sa générosité, sa galan-
terie, à Charles XII de Suède, par sa persévérance, se-^
revers, ses succès. Un guerrier qui, secondé par un seul
combattant, met au ilcfi et assomme à la fois cinq assail-
lants bien armés, aux )'eux d'un Montagnard d'E:ossc est
un héros accompli, Tene/.-vous-le pour dit, aucun fait
d'armes, dans toute l'histoire de la Calédonic, i>'e>t plus
cher à un l'xossais, cjue la bataille de Bannockburn, qui,
!e 23 juin 13 14, après trois sanglantes défaites, rendait à
Robert Bruce, le trône de l'Ecosse et aux Ecossais, leur
liberté. Bien que Bruce soit !a figure dominante du poème,
il n'en est pourtant pas le héros. A l'ouest de l'Ecosse, il est
un groupe d'îles, au nombre de deux cents et plus, les
Hébrides. Islay, la i)lus fertile, était, au treizième siècle,
l'ancienne capitale de rarchii)el, sinon l'île la plus considé-
rable. Là; le grand MacDonald, le souverain, y tenait sa
cour : il se nommait T/w I.ord of ihc Islcs.
On y voit, à ce jour, les restes du palais, et de la cha[jelle.
Là aussi, se tenait la cour suprême de rarchi[)el ; quatorze
juges y siégeaient avec jurisdiction en appel ; la onzième
partie des sommes en litige allait au juge en chef. Ce
w
390
SIR WALTER SCOTT
il
■s i-
1r
juge-là avait un intérêt direct à ne pas laisser manger en
entier la succession par les avocats, n'est-ce pas ?
Le récit commence au printemps de 1307, au moment
où Bruce, chassé de ses états par l'Angleterre et par ceux
de ses barons qui favorisaient la domination étrangère,
revenait de l'île deRachrin, sur les côtes de l'Irlande, pour
de nouveau faire prévaloir ses droits à la couronne
d'Ecosse.
Un bon nombre des incidents et des personnages du
poëmc ont une célébrité historique. La scène s'ouvre au
château d'Artonish, sur les côtes de l'Ecosse, puis se
continue dans les Iles de Skye et d'Arran, pour se terminer
à Stirling.
Il s'agit d épousaii'.es au château d'Artonish. Le jeune
Ronald.. Roi des Iles, Lord of thc IsLs, y vient épouser sa
lîancée, la. belle Edith, la sœur de MacDougall, Lord of
Loni, puissant chef de clan. On n'attend que l'arrivée du
religieux qui doit prononcer la bétiédiction nuptiale ; tout
à coup, le sénéchal du château vient annoncer au milieu
du banquet, l'arrivée inattendue d'une galère portant deux
étrangers distingués par Uur pnrt majestueux et
leurs formes athlétiques. L'hospitalité a des tlroits invio-
lables : lC;s deux étrangers sont admis à l.i fête et chose
singulière, le maître des cérémonies, par un instinct qui
paraît inexplicable et qui blesse fort les convives, leur
assigne une place à côté du maître même du château. Qui
donc sont les majestueux étrangers ? Les coupes circulent
et le ménestrel du château entonne ui\ chant de victoire,
retraçant la vaillance d^ Lord of Lorii et ime prétendue
victoire qu'il aurait remportée dans une lutte personnelle
avec le roi détrôné, le bouillant l^ruce. Les deux étrangers
qui ne sont autres que Robert et son frère, Edouard
Bruce, ne peuvent supporter plus longtem[>s un propos
aussi mensonger, se font connaître et défient au combat
le Lord of Loni et ses adhérents, Lorn avait contre Bruce,
une violente animosité de famille. On veut saisir les prin-
ESQUISSES
391
ces fugitifs ; le fiancé d'Edith of Lorn, Ronald, épouse le
parti du prince malheureux et se déclare pour son roi
légitime, ce qui irrite tellement le Lord of Lorn, qu'il
rompt de suite l'alliance projetée avec sa sœur. La situa-
tion était plus que sombre pour l'héroïque monarque,
lorsque tout à coup arrive l'abbé qui devait prononcer le
Coujungo vos. On se décide de part et d'autre à laisser au
bon religieux à déterminer si le prince malheureux et son
frère, seront livrés au souverain anglais. L'abbé, homme
d'esprit autant que bon patriote, décide péremptoirement
contre le Lord of Lorn, reconnaît Bruce pour son vrai sou-
verain et refuse de procéder outre avec les épousailles. Le
seigneur de Lorn et le Roi des Islcs, brouillés, se séparent.
La situation se complique quand l'on vient dire au Lord
of Lorn que sa sœur Edith est disparue.
Les deux Bruce et leur page reprennent leur galère et
côtoient les côtes de l'Ecosse. Ayant mis pied à terre, ils
font rencontre de cinq individu? armés, à mine fort équi-
voque : ce sont des partisans du Ljord of Lorn. Forts de
leur nombre, ils attentent à la vie du roi et à celle de son
frère ; le pauvre page est tué, mais la force incomparable
des deux Bruce, leur donne la victoire sur le nombre. Les
cinq ennemis restent sur le carreau ; I^douard Bruce
s'aperçoit qu'ils avaient avec eux, comme prisonnier, un
jeune homme d'une grande beauté, mais frappé de mutisme.
Le pauvre muet change de maîtres et se fait remarquer
par 11 noire mélancolie qui, de temps à autre, l'obsède.
Le roi fugitif, aidé de par plusieurs zélés adhérents,
prépare son armée, pour frapper «Je grand coup à Ban-
nockburn.
Parmi ceux qui rejoignent ses étendards, se trouve
Ronald, le Roi des lies, lequel essaie d'oublier le désap-
pointement, qu'il éprouva, de n'avoir pu épouser la r.ivis-
santé Edith Lorn. Il réussit si bien à maîtriser sa peine de
cœur, qu'il se décide à demaiidcr à son souverain, la main
d'Isabel'e Bruce, la sœur du t-oi ; mais Robert lui répond
Il \ \. '
i'-^^
392
SIR WALTER SCOTT
m' Ë
11
u
que sa sœur a renoncé au monde et qu'elle est recluse
dans un cloître, à Ste-Bnde. Il se décide néanmoins à lui
déclarer son amour et emploie, pour cela, le jeune page
muet. Le jeune page y consent, mais, arrivé en présence
d'Isabelle, il tombe comme affaissé sous le poids de la
douleur.
Cet incident donne lieu à un admirable dialogue.
Puis vient la grande, la mémorable bataille de Bannock-
burn. Bruce remonte sur le trône ; les Ecossais redevien-
nent libres. Tout s'explique : Isabelle ayant fait des
vœux, renonce au monde ; la belle Edith délaissée, reprend
SCS droits ; le page muet, envoyé par Ronald en ambas-
.~,ade auprès d'Isabelle, au couvent, c'est tout simplement
I^dith elle-même : elle épouse l'amant de .sa jeunesse ; ils
sont heureux. Le poète a su animer de son souffle divin
une toule d'incidents secondaires, que le manque d'espace
nous empêche de développer ici. En somme, si le pocme
a quelques défauts, il a de nombreuses beautés.
Scott est certainement un grand maître, un "savant
{)aysagiste à la plume ", comme dirait Sainte-Beuve.
l''crtilité d'invention, délicatesse de touche, coloris du
style, contrastes frappant'^, situations éminemment dra-
matiques, rien ne lui manque ; rien, que d/s-je, rien excepté
la faculté de remuer puissamment les cours. Au moment
où ///<• Lord of tlic Islrs paraissait, un autre binle, hélant
des rives de la Tamise, ravissait et épouvantiit le nionda
des lueurs de son sombre génie — Lord B\Ton. Il réunissait
au.x rares qualités d • Scott, un do:i, une î)rérO:^ative céleste
que Scott n'avait pas : \^ vis tragica, (\^\ empruntait ses
accents au sinistre désespoir d'un esprit blasé, à l'âge de
vingt-cinq ans. Byron a/iiten outre pour lui le prestige
de la nouveauté.
Il faut lire, dans Lockhart, les aveux cpae la renommée
croissante du chantre d'Harold arrache au barde d'Abbots-
ford. Le Grand Magicien du Nord a rencontré un
Magi:ien, son égal — qui sait, p.eut-ctre plus puissant qu'il
KSQUISSES
393
^tit^e
mee
)ots-
uii
qu'il
ne l'est. Il en prend son parti avec sérénité, sans aigreur.
N'aurait-il pas dans son domaine une mine encore plus
précieuse que la poésie ? Une monture encore plus vigou-
reuse que son Pégase ? Il va l'essayer ; et voilà comment
Scott devint prosateur — romancier — le plus grand roman-
cier que l'Europe, jusqu'alors, eût connu.
SCOTT, ROMANCIKK,
Nou.. avons esquissé Scott comme poète, nous allons le
considérer comme prosateur,
Pénétrons dans ce merveilleux bazar de curiosités litté-
raires, les IVavcrUy Novels. Cette longue série de romans
historiques, dont le premier parut en 1S14, fut plus tard,
comprise en entier sous le titre de Waverfcy N'ovcls.
Le nom de l'auteur, comme l'on sait, était inconnu du
public ; ce ne fut qu'en 1S27, à un grand dîner que Scott
en assuma la paternité.
Que le barde d'Abbotsford soit devenu riche, opulent,
grand jiropriétairc, possesseur do château, rien de bien
étonnant en tout ceci. Chaque carrière, chaque industrie,
a eu ses enfants gâtés ; le barreau, le négoce, la financtj
ont tous pu compter d'heureux favoris. Mais ce qui est de
nature à étonner, comme le remarque Ilowitt, "c'est qu'au
moment où en Angleterre, toutes les carrières litté-
raires semblaient encombrées, les mitcriaux poétiques
épuisés, un jeune avoué eût pu exhumer des lianes infé-
conds du Parnasse, avec une renommée européenne, des
lingots du précieux métal si nombreux que le Mexique,
le Pérou, seuls, en pourraient fouriu'r de semblables."
Les sillons d'ordinaire si stériles de la littérature, ce
terrain célèbre par les désasttes de ceux qui l'ont cultivé,
avaient, en bien peu d'aimées.donné un rendement de près
d'un demi-million de livres sterling (/^5Oo,0O0A comme
nous le verrons plus tard.
Pour que ie lecteur français soit en état de rendre jus-
tice au talent transcendant de Scott comme prosateur, il
m:^
394
SIR WALTER SCOTT
I
lui faudra d'abord se dégager d'une prévention assez na-
turelle. Il doit oublier que le chantre de Marmion a été
aussi le biographe de Napoléon I. Tous les écrits de Scott
n'ont pas le même mérite. Un des moins bons, bien qu'il
soit aussi l'un des plus volumineux, se trouve être
son histoire de Napoléon, en neuf volumes, imprimée en
1S27. Cet écrit eut un double tort aux yeux de ceux qui
hélaient d'en deçà de la Manche : il blessait la susceptibi-
lité française, sans toujours respecter la vérité historique.
Scott, contemporain, par cela même, ennemi de la révolu-
tion française et du règne de la terreur, actif officier de
volontaires écossais, ardent patriote, se sentait porté à
haïr, plutôt qu'à admirer le "Grand Ravageur des Nations,"
celui qui en 1804, avait menacé l'Angleterre d'une des-
cente, celui qui plus tard remua ciel et terre pour ruiner
le commerce de la Grande Bretagne, par le blocus conti-
nental.
Comme ses compatriotes a Edimbourg, Scott avait subi
et ressenti vivement les alarmes incessantes de l'époque. Il
pouvait donc, sans le savoir, être partial, contre l'ennemi
juré de sa patrie. D'abord la mort de Napoléon était beau-
coup trop récente pour que l'histoire pût formuler un juge-
ment en dernier ressort sur ses actes. Scott, l'homme uni-
versel, l'admirateur passionné du duc de Wellington, son
ami, ne put résister aux offres que les lords Hathurst et
Mel ville lui firent de ui donner accès, dans les archives
secrètes du gouvernement, à des pièces tout à fait incon-
nues et jetant des Ilots de lumière sur plusieurs actes de
la carrière de Napoléon et sur son séjour à Ste Hélène.
"Une biographie détaillée du grand capitaine, par Scott
aurait en ce moment, un succès rare en Angleterre," lui
répétaient ses amis : les libraires lui offraient d'avance de
vastes sommes pour son manuscrit. La vie de Napoléon lui
rapporta ;^ 18,000 sterlg : c'en était plus qu'il n'en fallait
pour l'engager à persévérer, lui qui, en 1826, avait juré de
KSQUISSKS
395
perdre sa main droite plutôt que de ne pas payer ses cré-
anciers par le produit de sa plume." En 1825, comme
associé secret, il s'était trouvé enveloppé dans la banque-
route de ses libraires : les Constable et les Ballantines.
Après un demi-siècle de méditation, à peine sait-on
encore à'quoi s'en tenir sur le compte de l'Ogre de Corse.
Que le lecteur français oublie donc que Scott fût histo-
rien, pour ne voir en lui que le plus aimable des racon-
teurs, le créateur, le père du roman historique, mais dont
l'école, comme celle de Chateaubriand, mourra avec son
fondateur. Lui donnerons-nous le pas sur le prince des
romanciers modernes, Alexandre Dumas ? Certainement,
si l'on veut voir en Scott plus qu'un grand artiste, plus
qu'un incomparable "paysagiste à la plume," si l'on cher-
che en lui un moraliste aussi agréable que solide.
Walter Scott, c-.t un de ces bardes religieux et dignes
dont parle Virgile — (]ui ont droit à de blanches couronnes.
" Qiiiqiit pli l'aies et Pluebo digna locn'ti
Omnibus his nivtâ cingiintur Hniporc: vittâ. "
Sa devise, e(jnKnt' homme, c'est l'honneur, le patriotisme,
la magnanimité, lui v:iin chercherez-vous parmi les déli-
cieuses créations de son génie : Flora Mcivor, Rose Brad-
wardine, Kebecca, la belle juive, la malheureuse Lucy Ash-
ton, Amy Robsart li délaissée, la pauvre l'.tTie Deans, son
humble et hétoïquc sœur Jeani ',1a ravissante Diana Vertion,
Minna et l^renda Troël ; en vain, dis-je, eherchere/.-vous des
" Dames au Cameli.i, " des lionnes du i.lemi-monde, des
Manon Lescaut, des Luira ['"air, les héroïnes tarées de
Balzac, de .':)Uc, de Zola, etc. (1)
Au.\ romans Iiisti.)ri(|ues de Scott, on [)eut appliquer
sans crainte, la tna.\inie comuie : " La mère en permettra
(1) "lii'H iiayaaROi* .Il W iltt r Srolt, dit Visiiil, sont (oiiumi' « eux lii' IVnMon, non pii'<
iini^ ili !-cii|)tion d'uiM! s iiitiin', nmis un tIkjix di' ci' nue iioii» avfjii» vu ou r^vù d>'
Iraic, do liiiiiineux, de ])itli)rrsi|iii' et di' cliaiMiint . Noua rrsidioii;* la fciti'lieur ilo ivs
Il:l.v^^a^;l's, iiDUB cioyona y Otrc ilr notre' piTsuiiiio. .lu ni' siiiH ]i.is di' livre» qui t'aSKont
plus «Mtti' illusion nui' bs roiiMim ili.' WultiT Srott ; on y >i)roiiv« touti» Ich st'iisations,
ou y a toute la pK'iiitudi' d aitivité et de vio de se» iiersonnaKes : iuKi!4iniition aimalile
et bicnfaisnnto, ([ui n'a jamais t't6 inspirée ijue par le df'sir d'entretenir la Hiinpliciti»
de» seiitiinents et la vérité den sensations, «ani une ombre d'effort i)our exulter notre
sensibilité et nous dé^oCter des choses qui «ont à notre portée.'' Ktinlas p. '250.
39^
SIR WALTER SCOTT
la lecture à sa fille. " Loin d'admettre que les matériaux
littéraires lui manquaient, Walter Scott, par ses œuvres
varices, a démontré qu'il n'y avait pas un seul coin de
l'Ecosse ou de l'Angleterre, où la nature n'eût semé quelque
ravissant paysage : l'histoire, une tradition, un fait
d'armes, une légende ; les mœurs, une peinture qui, sous
la touche vivifiante du grand magicien, ne pijt, comme
pocme, comme roman, comme ballade, se transformer en
un tableau aussi brillant qu'il était majestueux. Un seul
coup de sa baguette suffisait pour tirer de ces vieilles
annales, où l'histoire reléguait les pâles ombres, les
squelettes ternes et desséchés des trépassés, des hommes
en chair et en os, d'une frappante réalité où d'une idéalité
fascinatrice. L'on voyait, comme l'observe judicieusement
Howîtt, surgir, se mouvoir, vivaces de jeunesse et de
beauté, dans l'éclatant tableau, le triomphe de l'ambition,
l'énergie du crime : Bruce, Jacques V, Jacques VI,
Richard, Cœur - de - Lion, Elizabeth, Marie, reine
d'Ecosse, Leicester, Jacques I d'Angleterre, Mruitrosc,
Claverhouse, le Duc de Cumberlanci, surnomme le
boucher. Non-seulement, on assistait ei"i jjeisonne aux
luttes fiéleuses des Covciiantcrs, aux combats lîes clans,
les amis des Stuarts ; mais des personnages nouveaux .-.e
groupaient en foule sur la scène, les uns séduisants par
leur beauté, leur bravoure, leur mile fierté» ; les <;utrcs
amusants par leurs excentricités ; tout comme si l'enfan-
tement de tant de prodiges n'avait coût-' aucun effort:
témoins le Baron de Bradwardine, Dominie Sampson, Aleg.
jVlerrilies, Eddie Ochiltree, Dugald Dalgetty, Baille Nicol
Jarvie.Andrew Fairservice,Caleb Balderstone etrathlétiqu(î
et excellent paysan Dandie, Diimiont, avec sa meu-
te de Pippers et de Mnstanh, aboyant à ses trousses.
Que les ]Vavcrhy A'ovl:Is aient un attrait irrésistible pour
les Ecossais, rien de surprenant en ceci. Il ne saurait en
être autrement pour un peuple qui pousse presque jusqu'au
chauvinisme, l'amour du sol natal, de ses us et coutumes.
mmi
KSQUISSKS
397
aux
par
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an-
hrt :
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Ique
licu-
ises .
|!Our
en
Il 'au
lies.
Wavci'liy, Roi) Roy, The Ihart of Mid-Lothiau, T/ic
Clirotncles of tJtc Canongatc, c'est de l'histoire en tableaux.
Mais Scott ne se contenta pas de peindre les mœurs et
d'emprunter aux annales de l'Ecosse, il descendit dans les
vallons fleuris de l'Ani^leterre : les silhouettes de la grande
reine, Elisabeth ; ses beaux comtes de Leicester et d'Essex,
de Walter Kaldigh, de Cromwell, d'Amy Robsart, lui con-
quirent également les cœurs, sur les rives de la Tamise ;
et toutes les séductions de Don Juan et les classiques pas-
sages de Childe Ilarold ne purent faire oublier Kcinkvorth
et Woodstock. De l'Angleterre, le romancier passa en Alle-
magne, en P>ance, en Palestine, richa de matériaux ; Gicr-
stcin, Quentin Dicrward et IvanJtoe ne firent qu'ajouter des
inunortdles à sa couronne.
On peut avancer sans crainte que pendant l'espace de
vingt ans, un homme seul a su enrichir la littérature de
son pays de plus d'écrits vraiment beaux, de pins tic.
caractères originaux dans ses œuvres, que tous les littéra-
teurs de l'Ecosse réunis n'avaient pu le faire pendant les
deux siècles précédents : cet homme, c'est Scott.
L'auteur de Waverley se manifesta dans une ère toute
particulière. La suppression de l'insurrection de 1745, qui
anéantit à jamais la puissance des clans, devint le trait
d'union, que dirai-je, le lien indissoluble cpii joignit
l'Ecosse H l'Angleterre. Cet événement fut comme le
germe d'une nouvelle vie pour l'antique Calédonie. Les
chefs Montagnards, vaincus, dispersés, sentirent qu'en
déposant la claymore et le costume chéri des Highlands,
ils abdiquaient une notable part de leurs us et coutumes,
auxquelles ils tenaient comme à la prunelle de l'œil. Tous
ces chers souvenirs du passé allaient donc disparaître à
jamais, si un génie créateur ne surgissait pour en recons-
truire l'édifice dans toute sa splendeur. Scott nous appa-
raît, comme sur le seuil d'un monde nouveau, en-
touré des décombres d'une ère passée, mais non
oubliée. Chez lui, le culte des ancêtres allait de pair avec
'"!<!' t î
398
SIR WAITER SCOTT
un intérêt profond dans la vie présente, sous n'importe
quelles phases, aidé d'un noble enthousiasme pour le beau
dans ses manifestations les plus t» ndres. Sa prodi-
gieuse mémoire lui étalait l'histoire de tous les peuples :
il tenait de son tempéramment robuste une fiiculté
illimitée de travail intellectuel, et l'habitude, de parcourir
en tous sens les pittoresques montagnes de l'Ecosse le
f.imiliarisa non-seulement avec les grandes scènes de la
nature, mais encore avec les émotions du chasseur tt du
pêcheur qui lui fournirent plus tard tant de belles pages.
Il s'attacha surtout à peindre les sites, avec leur couleur
locale, leurs accessoires dans les moindres détails.
Ainsi dans Bo/>, Roy, avant de décrire la raviiif où
Hélène McGrcgor devait préparer le célèbre déjeuner, jl
visita en personne ce site lointain. Il voulait étudier non-
seulement la conformation des lieux, mais jusqu'aux
arbres, aux bruyères, et même les tleurs sauvages si variées
qui croissaient dans cette ravine. Un de ses afîîdés, lui
ayant fait la remarque, "qu'une fleur ferait aussi bien
qu'une autre," — "Non," répliqua l'inimitable peintre, "la
nature ne se répète jamais. Pour assurer un tableau à la
fois beau et varié, il ne s'agit que de peindre fidèlement la
nature."
Mettons le lecteur français en garde contre deux écueils
qu'il aura à surmonter, avant de goûter pleinement les
romans historiques de Scott. Premièrement, la longueur
démesurée des prologues ou introductions flanquées de
notes et d'éclaircissements. Secondement, le dialecte.souvent
incompréhensible des Montagnards et des paysans écos-
sais. En dedans de cette grossière enveloppe, se trouve le
fruit le plus doux. Un critique renommé a remarqué,
que " Pour le jeune homme qui lit, la première fois, les
romans historiques de Scott, il s'opère comme une trans-
formation entière de tout son être, une manifestation nou-
velle : la vie lui appert sous un jour tout particulier, il
ressent une admiration vive pour ce qui est digne, un
ESQUISSES 399
mépris indicible pour ce (\m est vil, chez ses semblables."
On pourrait dire de Scott : " Vir probus Sifiboidi peri-
tus."
Mowitt, raconte une curieuse anecdote qui peint bien
la puissance de travail du romancier.
Un club déjeunes avoués avait pour habitude, chaque
semaine, de se donner rendez-vous à un hôtel en face des
quartiers de Scott, à Edimbourg.
Un jour de réunion, lorsque le vin eiît circulé librement,
un des membres, dont le regard paraissait comme cloué
sur la maison vis-à-vis, se plaignit, pâlit el fut prêt à se
trouver mal. Son camarade lui en ayant demandé la cause.
• (,V n'est rien, dit-il, laisse-moi changer de place avec toi.
Je !ic puis y tenir plus longtemps. Il }' a là-bas une main,
qui remue, écrit sans cesse. Ce n'est pas la première fois
que je l'ai vue. Voi;>la ; elle ne cessera pas même quand
on allumera les flambeaux pour la nuit : et Dieu sait com-
bien plus tard ; dès qu'une page est finie, elle est lancée
sur ce tas de manuscrits que tu vois. Cette main étrange
me fascine." Cette main, c'était celle qui dans les veillées
de trois semaines d'été avait composé les deux derniers
volumes de Waverley : la main de Waiter Scott.
Il nous fut donné en août 1 88 1, de nous asseoir dans
cette chambre historique.
ROMAXCIKR. — 1814-1831 (2)
Le premier roman de la série, par ordre de date, et aux
yeux de plusieurs connaisseurs, le meilleur, c'est Waverly,
SaiutL-Jieiivc.
(!.') liP3 roiiiuns hiâtoriijiics (lo Scott, iiaruniit d.ir l'ordre suivant,
Waverley, ■Juillet 7 1M4
(liiy Jliinnuriiig, Kuvi icr il ISVt
Tlio Autiquary, ^Vm— 1810
OiaiMnrtality, ])6coml>re 1 181i>
Tlio Wack Uwarf, •' — l^lo
KobKoy, " 31 1S17
The Heart of Mid-Lothiaii, Juin — ISlf*
A Lciîcud of Montrosc, Juin 10 1S1:>
Tlie Brido of Lammeniioor, Juin 10 I8IU
Ivanhoe, Dec. 18 1.819
Tlio Monastcry, Mars — 182i>
The Abott, Sept. — 1820
(Suite sur lu inige siiiinutt.)
hH%
m
400 SIR WALTEK SCOTT
0/^ Sixty Ycars Ago. C'est en 1804 que le premier volume
fut écrit ; mais comme le culte des Muses absorbait alors
toute l'attention de Scott, le manuscrit en fut jeté de côté;
puis relégué avec d'autres vétilles au s^rcnier où se trou-
vait un vieux secrétaire qui recelait d'ordinaire l'attirail
de pêche du propriétaire. Dix ans i)lus tard, en 1814,
Scott ayant eu occasion d'y fouiller pour se procurer des
hameçons, en tira par hasard ce manuscrit oublié et tout
poudreux. L'idée lui vint de le terminer ; ce qui nous a
valu cette peinture si vive de l'I^cosse, à l'ère de la
fameuse insurrection des Clans, en 1745, dont le but était,
de restaurer sur le trône de ses pères, le PrctcncUr, Charles
Edouard. Waverly, c'est un tableau tracé de main de
maître, où se reflètent comme dans une salace tous ces
saisissants contrastes entre l'existence aventureuse des
llighlandcrs ou Monta^^nards e la vie ])ai^ible des Itoio-
laiidcrs ou habitants des plaines. Ces deux classes sont
tout à fait distinctes par les mœurs et par la religion i le
Montagnard, en général, était demeuré attaché à la croy-
ance de son souverain exilé ; c'était un féroce homme de
guerre, un Jacobite. Le Loxvlaiidcr, au contraire, adonné
aux arts pacifiques, au commerce, à l'agriculture, se retran-
chait avec dédain, dans le culte austère «.le Wesley ou de
Knox.
Waverley, le héros du rom.an, e^t l'héritier d'une
Kciiihviirtl!, Ju.i. — 1S2]
Tli,' l'iratc, ]>fe, — IHil
Thr Fc.ituiiosof Niat'I, Mai lin \«-lï
IVveril of tlio l'onk. ,Ian. — 1S2:!
(^upiitin Diirwiird, Juin UO 1823
St. Konaii's WoU, Dec. — 3H2:i
Ued (iaiintlc't, Juin — 1024
'l'Iio Itotrotlioil " — lS2ri
Tln! 'J"alisiniiii, " — 182f)
AVoodstoock " — 182(i
TIio nrovcrf ... 1827
'l'iii' .Sur«(OU'.-i DauRhtPi- 1827
My aunt Margnrot'sMnrror 1S27
'l'iio Tappatricd C'iiiinibor 1727
Tli«]iaiiil's Jnnk 1827
Tlic Haf,'lilanil Widow 1S27
TIio Fair Maitl of Pertli, Xov. — lK2t<
Aniio ofOierstoin, Mai — 1820
( 'ouut Hohcrt of Paris, Nov. — . lS;n
CiWtle Uaiigcrona, Nov. — 1831
Tou.s ou iiroatjue tous ou trois volnmon diaiiuL'.
î^ '
Ks<)Uis.si:ri
40 r
la
le
mé
in-
de
-Hic;
ancienne et opulente f.miille Jacobite, établie de temps
immémorial au midi de l'Angleterre. Son éducation, jus-
qu'à ce qu'il devînt majeur.a été presqu'entièrement domes-
tique, voire même un tant soit peu irrégulière.
Dans la solitude du toit paternel, la poésie, les déce-
vants mirages du jeune âge avaient communiqué à son
caractère un cachet d'irrésolution contemplative jointe à
beaucoup de douceur et d'amabilité ! Les partisans des
Stuarts en Angleterre avaient, longtemps avant 1745,
renoncé à tout espoir de voir triompher la cause du
Prctendcr ; les protecteurs de Waverley se décidèrent à
lui obtenir un brevet dans l'armée, vu que de tout temps
sa famille avait montré une inclination prononcée pour la
carrière des armes et que la guerre régna -ite promettait
une [jromotion rapide.
Son nom fut inscrit sur le rôle comme oiùcier de cava
lerie dans un régiment al')rs stationné en Ecosse et qu'il
rejoignit de suite. La famille Waverley comptait alors
dans le Perthshire un ancien ami dans la personne de
Cosmo Comyne Braduardine, de Tully-Veolan. Par la
protection des Waverley, le Baron de Bradwardine avait
été tiré d'im sérieux embarras que le Procureur du Roi
lui suscitait quelque temps après lo soulèvement de 1715.
Le jeune héritier de Waverley-Honour fut donc accrédité
par lettre auprès de ce fidèle allié de la famille, et s'en
prévalut de suite pour courir saluer le seigneur de la noble
maison de Tully-Veolan. Cette curieuse résidence, ainsi
que le train de vie de ses excentriques maîtres seront plus
tard admirablement décrits.
Le Baron, par profession était homme de robe, et par
goût, lecteur diligent des classiques latins. Mais il s'était
adonné aux armes et avait fait plusieurs campagnes sur
le continent. Ce qui lui avait fait combiner avec ses rémi-
niscences classiques, le fatras de termes techniques d'un
général allemand, et la désinvolture d'un mousquetaire
français. Chez lui, le culte des ancêtres existait à un degré
i,;
20
402
SIR WALTER SCOTT
1
«fminent ; maigre ses excentricités, c'était un brave et
honnête homme, un ami honorable et sûr. Sa famille ne
se composait que d'une fille, douce et affectueuse créa-
ture.
Le jeune Waverley mit du temps à se faire aux allures
de son excentrique vieil ami ; il sut varier son séjour à
TuUy-Veolan par diverses courses dans les montagnes
environnantes. On lui avaitjsignalé comme digne d'être vue,
la caverne d'un célèbre bandit montagnard, Donald Bean
Lean. Les merveilles de cet antre de Trophonius lui
inspirèrent le désir de connaître encore plus en détail la
manière de vivre des Montagnards d'Ecosse. Le redouté
propriétaire de la caverne lui donna une lettre à l'adresse
d'un chef de Clan, qui habitait un château voisin. Cet inci-
dent lui fournira l'occasion désirée de contempler, dans
toute sa sauvage et étrange barbarie, la vie intime de»
Montagnards d'Ecosse. Le châtelain se nomme Fergus
Vich lan Vohr, jeune homme bouillant d'ambition et de
bravoure, ardemment attaché à la cause des Stuart — en
ce moment profondément immiscé dans l'insurrection dont
le but est de rappeler sur le trône la famille déchue. Fergus
a une jeune sœur, encore plus enthousiaste que lui pour
les Stuarts : elle arrive en ce moment de la cour de St-
Germain. Si son patriotisme exalté frappe l'imagination
de Waverley, sa ravissante beauté séduit encore plu« les
yeux du jeune Anglais.
Pendant qu'il boit à longs traits le poison de l'amour.des
malentendus et de faux rapports sur son compte lui font
perdre l'estime de son colonel : le gouvernement lui retire
son brevet d'officier bien à tort. Cet affront le met dans
une telle fureur que son premier mouvement le pousse à
se jeter dans les rangs des insurgés conduits par Fergus.
Ce dernier prend alors le parti de lui avouer le but secret
de l'organisation qu'il lui avait jusqu'alors caché. Mais avant
de joindre l'étendard du Pretemier, Waverley veut consul-
ter sa famille. Les autorités rendues fort alertes par les
II:: \
H." ,■
ESQUISSES
403
les
les
rumeurs d'une révolte prochaine, arrêtent Waverley et
l'envoient prisonnier à btirling. Pendant le trajet, l'escorte
est attaquée et mise en déroute par un détachement de
Montajjnards qui expédie Waverley sous bonne garde
à Edimbourg, où il est remis sain et sauf aux mains de son
nouvel ami, Fergus Macivor, le commandant de la garde
préposée à la sûreté de Charles- Edouard, alors en posses-
sion, avec sa cour, de l'ancien palais de Holyrood. Urte
combinaisor. de tentations irrésistibles vient alors
assaillir l'ex-officier britannique.
Froissé du traitement injuste que les autorités militaires
lui ont infligé, entraîné par ses anciennes prédilections de
famille, séduit par son amitié pour Fergus et le violent
amour qu'il ressent pour Flora Mcivor, autant que flatté
des civilités que le calant Prince d'Ecosse lui fait, il se
décide d'unir sa destinée à celle de Fergus et rejoint l'ar-
mée des Montagnards, comme volontaire. Bientôt il
éprouve un vif contre temps : son ardeur pour Flora n'est
pas partagée. La belle adorable n'a pour lui que de l'indif-
férence ; la cause de Charles- Edouard commande toute
l'énergie de son être. Il est bien constaté que la sœur de
Fergus est de glace pour Waverley : elle ne vit, son àint;
passionnée ne respire que pour voir triompher le " roya;
exilé." A la cour, à Holyrood, Flora avait une amie Rose
Bradwardine. Rose n'avait pas le farouche patriotisme de
Flora, mais elle en avait la beauté. Rose soupiiait en secret
pour le malheureux amant de Flora, elle ne réussissait pas
toujours à cacher sa sympathie ; de son côté, Waverley se
sentait, à son insu, attiré chaque jour vers la fille du baron
de Bradwardine. Ecoutons le dialogue échangé un jour
entre les deux amies, bien qu'il nous soit impossible de
rendre en français l'arôme, le coloris poétique du texte
anglais. Le dernier trait surtout respire la rêverie, les
doux regrets. Rose envie à son amie l'heureuse destinée
que l'amour de Waverley lui prépare : car elle croît que
Waverley finira par épouser Flora. " W^averley sait se
5-
404
SIU WALTER SCOTT
battre, dit Flora mais les entreprises nobles et
pe'rilleuses n'eurent jamais d'attrait pour lui. Il ne fut
jamais devenu le célèbre Sir Nigel, son ancêtre : il
aurait pu devenir le panégyriste, le chantre de Sir Nigel.
Je vais te dire, mon amie, où Waverley brillera. Sa place
à lui, sa vraie sphère, c'est le foyer domestique où il savou-
rera l'abandon du cercle de famille, les loisirs littéraires,
les passe-temps exquis de Waverley-Honour. Il y réta-
blira la vieille bibliothèque dans le style gothique le plus
pur ; il en garnira les rayons de volumes rares et précieux.
Il dessinera des plans de châteaux, des paysages, composera
des vers, élèvera des temples, creusera des grottes au
milieu de son jardin. Pendant une nuit sereine d'été, on le
verra appuyé, pensif, aux colonnades de son castel.contem-
plant les biches sauvages errantes au clair de la lune, dans
son parc, ou endormies sous l'ombre de ses vieux chênes ;,
et là.il répétera à sa jeune et belle épouse, suspendue à son
bras, des stances poétiques. Et l'homme heureux, ce sera
lui." "Et la femme heureuse, hélas ! ce sera elle," pensa en
soupirant la pauvre Rose, changeant de suite le sujet de
la conversation.
Waverley bientôt se met en marche, à la suite de la
petite mais vaillante armée de Charles-Edouard et se
signale à la bataille de Preston : au fort de la mêlée, il
lui arrive de sauver la vie à un colonel anglais que des
Montagnards avaient désarmé. Ce brave militaire se trouve
être un ami intime de la famille de Waverley. Le colonel
anglais reproche au jeune W^averley d'avoir déserté son
pavillon. Waverley lui rappelle qu'il est inutile de lui,
parler de la sorte, qu'il ne saurait abandonner la cause des
Stuart, fût-elle désespérée. Toute cette scène est variée
d'une foule d'incidents secondaires : une querelle, un atten-
tat sur la vie de Waverley, une réconciliation entre lui
et le bouillant Fergus Mcivor, et l'insurrection continu;.
Bientôt vient l'engagement de Clifton; pendant l'obscurité,
la petite armée du prince Charles-Edouard tombe dans
ESQUISSES
405
e la
t se
ee, il
des
ouve
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son
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ariée
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lui
inu'î.
irité,
dans.
des embuscades et, après une lutte désespérée, plusieurs
des chefs restent prisonniers entre les mainsj des soldats
anglais.
Waverley s'échappe à la faveur de la nuit, et après
s'être tenu caché, il se décide à aller à Londres, implorer
son pardon ; mais l'officier anglais dont il avait sauvé la
vie, personnage influent à la cour, le fait évader en Ecosse,
■en attendant qu'il puisse lui obtenir un pardon,qui s'étendra
également au baron de Bradwardine, impliqué dans la
■révolte. C'est pendant son séjour en ce pays qu'il apprend
la dispersion de l'armée de Charles-Edouard, à Carlisle. Il
fait toutes les démarches possibles pour faire amnistier
son pauvre ami Fergus McIvor,condamné à être décapité ;
dans !a scène d'adieux entre FcTgus, Flora et \Vaverley,le
pinceau de Scott se révèle dans tout son éclat. Flora entre
dans un cloître où elle veut finir ses malheureux jours.
Waverley revisite le château paternel, Waverley-Honour,
restitue au vieux baron de Bradwardine les terres de
TuUy-Veolan confisquées, épouse sa fille Rose, laquelle
par son bonheur, voit se réaliser la prédiction de Flora.
^armi les beaux passages de ce roman, on peut signaler
la description de la caverne de Donald Bean-Lean, le
brigand Montagnard ; le caractère d'Alice, la jeune^fiUe du
brigand, est aussi admirablement tracé. Les joies de courte
durée, à Holyrood, où le gracieux Charles-Edouard fait
les honneurs, sont habilement décrites ; la bataille de
Preston, la retraite de l'armée, la querelle avec Fergus,
les mystérieux présages de mort qui se manifestent au
sujet du patriotique Callum Beg, voilà autant d'incidents
ou de personnages, présentés au lecteur avec une vivacité
de coloris sans pareil.
Waverley produisit sur le public d'Edimbourg et de
Londres un sentiment d'éblouissement.
"Qui donc, s'écria Lord Jeffrey, dans une mémorab le
critique, qui donc est le mystérieux écrivain qui a com -
posé Waverley } Si ce n'est pas le chantre de Marmion,
t
I
m»
406
SIR WALTER SCOTT
.1
nous conseillons à M. Scott de s'éveiller et de veiller à
ses lauriers ; il a dans l'auteur de Waverley pour com-
pétiteur, un génie de première classe."
IVANHOE.
Parmi les mâles figures du moyen-âge, une surtout s'a-
dresse à l'imagination du jeune homme et à la réflexion
de l'âge m-ûr : celle de Richard Cœur-de-Lion.
Le croisé des rives de la Tamise était aussi fier de son
généreux et bouillant capitaine, que le Franc l'était de son
grand prince.Philippe-Auguste : la nature avait marqué l'un
et l'autre du cachet de la renommée, maïs à des titres diffé-
rents. Il en était bien accouru des vaillants paladins de
tous les coins de l'Europe, pour reconquérir le tombeau du
Christ ; de tous ceux que l'enthous'asme religieux lança en
Palestine, il en est peu qui y laissèrent une plus glorieuse
mémoire que Richard Plantagenet, (i) roi d'Angleterre.
Cœur-de-Lion devint fameux par la terreur que son
nom imprima aux Sarrasins ; la captivité que l'empe-
reur d'Allemagne lui fit subir, lors de son passage, en re-
venant.ainsi que les traîtreuses menées que son lâche frère,
Jean — plus tard surnommé Sans Terre— \m suscita, en
entourant sont front de l'auréole de la persécution, ne
firent que le rendre plus .cher à son peuple. Il parvint à
s'échapper des donjons Allemands et à triompher de la
perfidie domestique. Il erra même quelque temps dans
son propre royaume, sous divers déguisements, épiant
le moment où ses partisans épars pussent se réunir sous
son drapeau.
Voilà, pour l'historien, ou je me trompe, un intéressant
héros, et pour le romancier, un cannevas tout prêt.
(1) Troisièmo fils du roi Henri II, fils de Mmid rt (Iroffrni Plantageni't, comte d'Aiijon.
Cette illustro famille §e iiomm.iit originain'mput Martel : elle avait pri» In surnom
de Plantaifenet (Planta Heninifi parciî qu'un de» premiers comtes d'Anjou avait dû no
punition do ses crimes porter une liranclu; verte de la plante ■lui a ce nom. Les poises-.
nions de Heuri II se composaient de TAnpleterre. la Xormandie, l'Aujou, la Guicnne, 1>*
Poitou et l'Irlande qu'il avait sulijutfuée. Richard Cieur-de-Lion est le preniiçr monarque
onv'luis qui mit »\r ses armes la divisî Uien tt m m Droit.
E.SQLIISSt;S
407
Mais pour qui veut encadrer la réalité historique dans les
mirages séduisants de la fiction, il faut quelque chose de
plus ; il faut des personnages secondaires. L'imagination
inventive de Scott en aura bientôt fait jaillir plusieurs
groupes et des plus attrayants, hors des mœurs du temps,
au besoin, hors des royaumes du vuide — iiiania rcgiia. Ainsi
origina le roman historique Ivaiihoc, publié pir Scott, en
18 19, dans les intervalles de loisir non absorbés par ses
devoirs de shérif et de greffier des sessions, et les moments
de lépit que lui laissaient les angoisses d'une terrible ma-
ladie qui se déclara chez lui, en 1S17, et qui dura jusqu'en
i82o.
Parmi les preux jeunes chevaliers que l'on voyait cara-
coUer à la suite du roi Richard, il y en avait un distingué
par sa vaillance ; il se nommait Ivanhoe. C'était le fils
unique d'un seigneur saxon du nom de Cédric. Croyant
que l'amour de la gloire avait fait oublier à son fils les hu-
miliations des Saxons en présence de leurs maîtres impé-
rieux, les Normands, il l'avait déshérité. Ivanhoe avait
encore d'autres torts aux yeux de Cédric : il était entière-
ment dévoué au prince normand, Richard. Evidemment
le cn-do politique du père et du fils n'était pas le, même.
La conquête de l'Angleterre par les Normands, au siècle
précédent, était aux yeux d'Ivanhoe un fait accompli.
Il voyait le salut de sa patrie non dans la rivalité des ra-
ces, mais dans leur union pour un bien commun. Ivanhoe
ne peut oublier qu'il s'est couvert de gloire en Terre-Sain-
te, eu suivant la bannière de son roi* : il l'accompagne
donc, dans sa captivité,- et à la conquête du trône d i ses
pères, sauf à se déguiser comme lui, et à partager ses,
revers.
Scott choisit pour le théâtre de plusieurs des incidents
les plus saillants de son roman, cette pittoresque région
de l'Angleterre, arrosée par la rivière Don, jadis couverte
de vastes forêts, oîi l'on rencontre maintenant le grand
centre manufacturier de Sheffield et la jolie petite ville de
iïl*' If
W: ,•.«..«'
l!l.
408
SIR WALTER SCOTT
1
'4
Doncaster ; le beau château de Wentworth et Wharncliffe
Tark en marquent encore le site au sein des beaucages.
" La bruyère de Sherwood, dit Nisard, était une des
nombreuses clairières de cette forêt de Sherwood qui, au
temps de Richard Cœur-de-Lion, couvrait toute cette par-
tie de l'Angleterre. Elle était alors infestée de braconniers
— outlaivSy — qui s'y nourrissaient aux dépens du gibier du
roi. Walter Scott en a fait le théâtre de quelques scènes
ôUvanhoc. Il y a placé la cellule où le plus joyeux des
compagnons de Robin Hood, sous le nom et le capuchon du
saint ermite de Copnianhurst, défiait les gardiens des
forêts royales. C'est là que se passe cette scène si plaisante
où Richard, sous le déguisement du Chevalier Noir, vient
demanderj'hospitalité au faux ermite. Il frappe : l'ermite
fait semblant de ne pas entendre ; il ouvre enfin, et il offre
à Richard, affamé par une longue route, une assiette de
pois chiches, et pour boisson, une cruche d'eau. Mais
Richard est plus avisé que les gardes-chasse de Sherwood,
il soupçonne que l'ermite doit sa belle santé à un autre
régime ; il demande quelque chose de plus substantiel, et
voici qu'aux pois chiches succède un pâté dj daim et à la
cruche d'eau, une grande bouteille de cuir pleine d'un vin
généreux.
Où est le rocher tapissé de lierre et couronné de touffes
de houx auquel s'appuyait la cellule de l'ermite de Cop-
manhurst ? Où est cette fontaine de Saint-Dunstan, où il
allait remplir sa cruche pour le repas qui devait avoir pour
témoins les gardes-chasse ? Où est la fraîche clairière à
travers laquelle courait la fontaine avant de disparaître
dans le bois voisin ? Les archéologues les chercheraient en
vain dans ce qui rest-i de la forêt de Sherwood. C'est un
des mille paysages sortis de l'imagination de Scott ; il l'a
tiré de ce trésor d'impresssions vrai s, de souvenirs d'en-
fance, de vif amour de la nature, qui lui a fourni tant de
descriptions agréables."
La scèn-i s'ouvre vers 1 190 : c'était l'ère de la chevalerie,
des combats singuliers.
Les tournois, organisés par les princes et les nobles,
attiraient en Angleterre la fleur de la chevalerie de tous
les points du continent européen.
ESQUISSES
409
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011 il
•ir pour
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mt de
Ces braves messieurs du moyen-âge se portaient des
■défis à outrance, quelquefois pour des fariboles ; se pour-
fendaient gaiement, souvent sans savoir pourquoi, sans se
reconnaître même, grâce à leurs amples boucliers ou à
leurs visières rabattues, uniquement parce que c'était la
•mode, ou que de belles dames qui n'étaient pas toutes
des Susanne jetaient leur gant dans l'arène : c'était beau,
c'était brillant, c'était chevaleresque ! N'est-ce pas ?
Cocasse, dites vous ?
Or, le roi Jean, administrant le royaume pendant l'ab-
sence et la captivité de son frère aîné, Richard, avait fixé
un grand tournoi à Ashby-de-la-Zouche, près de la ville
de York. Les meilleures lances de l'Angleterre et quel-
ques-unes de la France s'y donnèrent rendez-vous : entre
autres, le colossal, le féroce Réginald, Front-de-Bœuf,
Albert Malvoisin, le redoutable et ambitieux templier
Brian de Bois-Guilbert, tous de fiers Normands. Bois-
Guilbert gavait déjà rompu une lance en Palestine avec le
vigoureux et habile chevalier saxon, Ivanhoe. Saxons et
Normands se confondront dans l'arène, sous le regard du
Prince et de la " Reine de la Beauté " que le chevalier
heureux aura désignée.
Puisqu'il s'agit de tournois, c'est assez dire que le sujet
est des mieux adaptés à la plume flexible, magique de
Scott.
Ivanhoe, déguisé en pauvre pèlerin, apprend la nou-
velle du tournoi, au moment où il passrî dans le voisinage
du manoir de Cédric, son père.
Il brûle d'y prendre part, mais que faire ? il n'a ni cui-
rasse, ni monture. Le hasard vient à son aide sous la for-
me d'un vieux juif, avaricieux comme Shylock, et souverai-
ment méprisé par les chrétiens comme l'était un Israélite
•de ce siècle. Les juifs étaient encore plus haïs en Angle-
terie qu'ailleurs, paraît-il. On les persécutait, on les tor-
turait sans merci, on leur soutirait, sbus forme de rançon,
de fortes sommes. Les rois même n'avaient pas honte de
pfjji'l
.V%'
''>-f-
410
SIR WALTER SCOTT
tremper dans ces ignobles persécutions du faible opprimé..
L'Hébreu aimait l'or autant qu'il haïssait la guerre.
Jean Sans-Terre, ayant mis la main sur un de ces Shy-
lock, eut recours à un procédé nouveau «pour lui faire
dégorger son or qu'il persistait à cacher : il lui fit arracher
chaque jour une denf, et quand le pauvre diable, de guerre
lasse, capitula, il avait le râtelier passablement dégarni.
Ivanhoe ayant, par hasard, tiré le juif d'un grand danger,
ce dernier, par reconnaissance lui fournit le numéraire pour
s'acheter une cuirasse des mieux confectionnées et un che-
val de guerre sans réplique ; vodà notre pauvre pèlerin
d'hier, Ivanhoe, grâce à Isaac, transformé, en un jour, en
un lïiagnifique chevalier tout bardé de fer et prêt à aller»
à Ashby-de-la-Zouche, batailler envers et contre tous.
Isaac, était fortement attaché aux biens de ce monde ; il
l'était davantage à sa fille Rebecca, une vraie merveille de
beauté, un phénomène de sagesse, de pureté, de vertu»
Rebecca avec sa beauté avait des talents solides ; elle
avait approfondi la pharmacie, savait employer les sim-
ples ; elle pouvait guérir les blessures, excepté, comme on
le verra plus tard, celles que ses yeux assassins avaient
causées.
Or, ce fut le bonheur ou le malheur du chevalier Ivan-
hoe, blessé grièvement au tournoi susdit, d'être guéri et
rappelé à la vie parla vertueuse juive ; mais, n'anticipons,
pas.
De frais visages de femmes viendront ragaillardir cette
cohue de guerriers féroceS; d'hommes sanguinaires et luxu-
rieux, réunis en tournois à Ashby-de-la-Zouche :
D'abord, notre amie Rebecca ; puis, une blonde prin-
cesse saxonne, lady Rowena. Cette dernière a été élevée
sous le toit du patriotique saxon, Cédric, son protecteur,
pour le fils duquel elle s'était senti de l'inclioation, avant
son départ vers la Palestine. Mais Cédric, ayant chassé de
sa mémoire le souvenir de ce fils rebelle, veut forcer la
princesse à épouser un grand seigneur du nom d'Athela^
( ■
ESQUISSES
4IP
tane ; Rowena n'a que de l'indifférence pour ce lourdaud,
qui, à vrai dire, n'a d'autre recommandation que sa nais-
sance illustre, attendu qu'il descend du grand roi Alfred.
Lady Rowena, qui ignore la présence d'Ivanhoe, en Angle-
terre, et qu'elle croit mort, sent parfois diminuer sa répu-
gnance pour Athelstane, et sans un tour de force du^
romancier qui fait mourir à point le lourdaud saxon, lady
Rowena eût vraisemblablement été entraînée plus tard à
l'épouser ; — il lui était destiné un autre épouc<eur.
La principale figure du drame, (car c'est bien un drame
avec ses péripéties, son trouble croissant, son dénouement
plus ou moins tragique) c'est à coup sûr, celle de l'infor-
tunée et belle juive Rebecca, une des conceptions les pliw-
parfaites échappées au merveilleux cerveau de Walter
Scott.
On ne sait ce que l'on doit admirer d'avantage : la vertu,
la pureté, l'abnégation, les charmes de cette ravissante
créature, abandonnée en pâture à quelques scélérats, et
comme miraculeusement arrachée à la mort ou, ce qui est
pire, au déshonneur par l'intervention d'en haut. Ce qui
augmente l'intérêt que l'on ressent pour le sort de la jeune
juive, c'est cette sympathie, cet amour qu'elle éprouve
comme malgré elle pour le chrétien Ivanhoe qui a sauvé
les jours de son père, à elle, Ivanhoe, qu'elle a rappelé à la-
vie, mais qu'elle ne saurait épouser, parceque la loi mosaï-
que lui défend de s'unir à un sectateur de Jéàus-Christ ;.
entre Rebecca la juive et Ivanhoe le chrétien, il doit exis-
ter à jamais un abîme : elle le sait, hélas !
Scott, comme à l'ordinaire sait varier son récit de mille
incidents dramatiques. La prise du château de Torquil-
stone, où commandait le féroce Front-de-Bœuf, nous exhibe-
plusieurs des principaux personnages — sous des phases-
inattendues ; nous prépare des surprises. La pauvre
Rebecca est saisie avec son père par Bois Guilbert et ses sup-
pôts, et renfermée dans une haute tour du château, où les
instances coupables de son adorateur insensé, le Templier
I l-J
412
SIR WALTER SCOTT
Bois-Guilbert, la force de chercher dans une mort certaine,
la seule chance de sauver son honneur. Elle se réfsigie
dans une des tours : perchée à la cîme, elle est prête à se
précipiter si le Templier fait un pas de plus, tandisque son
vieux père, dans un donjon voisin, est menacé par Front-
de-Bœuf d'être rôti sur un réchaud ardent, s'il ne consent
à lui payer une forte rançon.
Cette lutte entre la vertu sans défense, représentée par
la belle juive, et la passion sans frein du Templier oublieux
de ses vœux, est éminemment dramatique. Il n'y a peut-
être qu'un seul autre endroit où l'inébranlable fermeté de
la sainte fille, mise en regard de la luxure effrénée du
Templier, qui lui offre la vie, la fortune, si elle veut fuir
avec lui, est encore plus saisissante.
Lady Rowena.captive elle aussi,dans la forteresse de Tor-
quilstone,est en butte aux sollicitations criminelles de celui
qui l'a enlevée, De Bracy. La nouvelle s'étant répandue que
plusieurs nobles saxons étaient détenus prisonniers par
Front-de-Bœuf et ses satellites, il s'organisa un parti
pour les délivrer. Parmi les guerriers qui accoururent à la
rescousse de Lady Rowena, de Rebecca et des autres pri-
sonniers, se trouve un chevalier d'un aspect imposant, et
au physique taillé comme un athlète. Le mystère le suit
et sa visière constamment rabattue dérobe ses traits aux
regards indiscrets. On le nomme le Chevalier Noir à cause
de son costume sombre. Le fier inconnu n'est autre que
Richard Cœur-de-Lion déguisé, et comme à l'ordinaire,
avide d'aventures et de combats. Après une lutte achar-
née le château de Torquilstone se rend, et, au même ins-
tant, éclate à l'intérieur un incendie allumé par la main
ti'une mégère vindicative, Ulfrida, que Front-de-Boeuf y
retenait captive.
Scott retrace avec cette vivacité de coloris qu'on lui
tonnait la scène où Rebecca, citée devant Luc de Beau-
manoir, le Grand Maître des Templiers, est déclarée cou-
pable d'avoir pratiqué des sortilèges et maléfices sur l'es-
s
ESOUISSES
413
l'es-
prit d'un des membres de l'Ordre, Brian de Hois Guil-
bert. La pauvre Juive est condamne'e à mort, à moins
qu'elle ne prouve son innocence dans un combat singulier,
par le champion qu'elle se sera choisi. Après avoir long-
temps attendu, elle trouve enfin un champion — Ivanhoe
Bois-Guilbert, désigné par leur chapitre pour soutenir
l'honneur des Templiers, — en proie au désappointement,
expire de rage on d'apoplexie au milieu de l'arène, et la
victoire reste à»Ivanhoe. Le romancier a su peindre d'une
manière pittoresque l'odieux et le ridicule delà condam-
nation de Rebecca et le déshonneur de lîois-Guîlbert, qui
a violé une des règles de l'ordre mentionnées par St. Ber-
nard,— De oscnlis fugicndis.
Le serf saxon Gurth, Wamba, le bouffon — le belli-
queux chapelain Friar Tuck, voilà encore autant de sil-
houettes curieuses à étudier, mais notre canevas nous oblige
d'être bref.
En somme, Ivanhoe, bien qu'inférieur à Waverley, à Guy
Mannering et aux autres peintures de moeurs tracées par
Scott, est sûr de capter les suffrages du lecteur à un degré
éminent.
Assigner à chacune des pro luctions si variées du génie
de Scott sa place, serait tenter l'impossible. Chaque gen-
re, chaque livre a ses admirateur-. Les critiques les plus
eminents : Jefifrey, Carlyle, Lockhart, Bagehot, Hutton et
autres ne s'accordent nullement dans leurs jugements. La
plupart, néanmoins, Carlyle en tête, assignent le premier
rang au premier roman de la série, par ordre de date, à
Waverley. Hutton préfère Old Mortality ; d'autres s'en-
thousiasment de XAiitiquary,
Le peuple en Ecosse affectionne fort Rob Roy, qui,
mis en drame, eut les honneurs de plus de cent représen-
tations consécutives.
Le lecteur français goûte surtout Ivanhoe ; l'habitant de
Londres, se prononce pour Kcnilvjorth et Woodstock.
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1
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F
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]L
,414 SIR WALTER SCOTT
On s'accorde généralement à dire que l'un des romans
les plus faibles est le Black Divarf. Castle Daugerous et Anm
.de Gcierstcin, écrits à la fin de sa carrière, dénotent chez le
grand romancier la décadence de ses facultis intellectu-
elles, déjà fortement ébranlées par ses travaux excessifs et
par plusieurs attaques de paralysie au cerveau.
Scott vivra comme poote, comme romancier ; comme
.historien, c'est douteux.
J'ai déjà mentionné l'histoire de Napoléon I, par Scott,
œuvre de longue haleine et qui n'ajouta rien à la renom-
mée de l'auteur. Il était fort prématuré de passer sentence
jfinale, en r827, sur le grand ravageur des nations. Parmi
une nombreuse série de travaux historiques, critiquer», bio-
graphiques, on peut sans compter ses contributions jour-
jialières aux revues, citer les œuvres suivantes de Scott :
Sibalil's Chroniclps cf Scottisli i)Ot'try 1803
Jjil'o iinil Wo.ks of Jolin Drydi-n — Id volumes 1408
Secret llistory of tlie Ooiirt of Kiiig James 1 1811
Jjifo ami Works of Jouathiiu Swift lit volumes 1814
Kilinburgh Auuuul Register for 1814,Hi3torical jJL'partment 1817
l'rovincial Aiitiquitios of Scotland ImIS
Lives of tho Xovolista 1»2':
('lironological notes on Scoftisli Atïairs, 16Hi)-17iil 1821
Introduction and notes to Menioirs of Madame de Larochujaiiiielin 182')
Life of Xapoleoi» Ituonaparte — 'i volumes .' If<27
History of Scotland ISi'i
L'appréciation en détail de ces œuvres nous mènerait
ibien au delà des bornes de la présente étude.
romans
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chez le
llectu-
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A. MONSIEUR
L'ABBE LOUIS BOLS,
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Société Royale du Canada
OOR/IDI^L SOXJVEISriE..
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LK MAJOK ST030.
(1756-9.)
Arma vintmquc cano
A défaut d'autres matériaux pour l'histoire, mou piu-
ceau va eutreprcndre de fixer sur cette mouvante et capri-
cieuse toile, les traits de deux pcrsonnaj^es, qui, en 1759,
jouèrent en ces parages ciiacun leur rôle, mais à des points
de vue diffcrcnts.L'un était un beau et jeune officier anglais,
prisonnier de guerre à Québec depuis 1756 ; l'autre, le che-
valier de la Durantaye, (i) un des membres de ces Gt'aii-
dcs fainillis du Canada, dont l'abbé Daniel a c>)m[.ilc
rilliadc, au profit du Chevalier Benoit. Je vais peupler, d'un
héros de plus, l'ère palpitante de la conquête ! Oyez. :
Le 3 juillet 1754, à la capitulation dw fort DuC^uesnc,
où commandait George Washington, alors major, deux-
fringants capital U' '11 roi Geooge II, Robert Stobo, né
en 1727, à Glasgow, en Ecosse, et Jacob Van IJraam, hol-
landais, furent livrés en otage à Coulon tic Villiers, le
commandant français, pour répondre de l'exécution fidèle
des conditions de la capitulation ; laquelle fut plus tartl
répudiée par l'Angleterre.
Ce 3 juillet était une date glorieuse pour les armes fran-
çaises.
Toute la garnison anglaise se retira de cette région de
rOhio, et alors, selon l'éloquent langage de Bancroft : "Dans
" toute la vallée du Mississipi, jusqu'à son berceau dans
" les xVlleghanies, aucun étendard ne flottait que celui
" de la France."
Le jeune Stobo s'était établi en Virginie, vers 1742. Son
0) La soignoui'io ilo Kamouraska fut concéJùo, le H juillet 1074, au sieur «lo la
Durantaye.
27
Il
V. {
Il ■>,
418
r.K MAJOR STOlîO
commerce affable, son courage, son train de vie de grand
seigneur, son beau physique, l'entourèrent bientôt d'admi-
rateurs et d'amis : parmi ces derniers, Dinwiddîe, le gouver-
neur de la Virginie, qui lui fit avoir une commission de
capitaine, dans un corps de carabiniers, levé en 1754,
pour repousser les incursions des Français dans les Pro-
vinces britanniques. En se constituant piîsonnier et otage,
Stobo remit à regret au lieutenant de sa compagnie, son
épée qu'il devait pourtant recouvrer dans la suite ;
avec son collègue, Van Braam, il fut relégué dans l'inté-
rieur du Fort DuOuesne, avec permission, étant détenu
sur parole, d'en parcourir librement toute l'étendue. Il
était retenu comme otage ; il préféra se faire espion et
s'oublia au point de préparer un plan de la forteresse qu'il
signa et réussit à transmettre à l'ennemi. Ce plan et ses
propres lettres, plus tard, lors de la défaite de Braddock,
tombèrent au pouvoir des Français. Ces derniers, indignés
de cet abus de sa liberté chez leur otage, décidèrent,
d'expédier Stobo et Van Braam à leur château-fort par
excellence, à Québec. Ils y arrivèrent en 1756. Là, l'air
distingué du jeune prisonnier, ses manières insinuantes,
ses malheurs lui valurent des adoucissements dans sa
captivité, aussi bien qu'un relâchement de vigilance chez
SCS geôliers. Il tenta de s'évader : mais une récompense
de 6,000 livres offerte par Vaudrniil, pour sa capture, le
ramena bel et bien.
Le 2S novembre I756, il subit son procès devant Vau-
drcuil, pour violation du droit des gens, au Fort DuQuesne
et fut déclaré convaincu de trahison pour avoir abusé de
sa position neutre d'otage, on communiquant des rensei-
gnements à l'ennemi ; puis, contlamné à mort. Vaudreuil
écrivait en novembre 1756 à M. de ÎMachault (i) pour
faire approuver la sentence qui décidait de son sort. Le mâle
courage de Stobo ne l'abandonna pas dans sa captivité.
On le transporta d'une prison commune à une espèce de
(1) Colk'ctiou O'CiUlttglian, Toiiio X. P. I')i>.
liantes,
ans sa
chez
pense
re, le
Vau-
uesne
se de
ensei-
dreuil
pour
mâle
tivité.
e
■ce ce
KSQUISSLS
419
cachot où deux sentinelles se relevaient aux porte.--, à tour
de rôle. Son biographe, que la nature semble avoir doué
d'une imagination fort vive, peint à la Rembrandt, les hor-
reurs de ce cachot canadien, où le beau capitaine avait
pour visiteurs, non les galantes dames de Québec, de
l'entourage de Bigot, ma's de "solitaires souris" qui
venaient partager avec lui sa ration quotidienne de pain
et d'eau : régime assez propre à calmer les ardeurs de
cet aventureux Don Juan. On porta même l'inhumanité,
dit son biographe, jusqu'à le promener en triomphe.
par les rues, les bras liés par de fortes cordes ; le pauvre
prisonnier prenait plaisir à répéter à ses maîtres inhu-
mains qu'il espérait "que le temps viendrait où il pour-
rait leur tirer le nez." Ce temps vint.
Il est bon de reniarquer que h; Gouvernement anglais
avait désavoué les conditions de la capitulation du Fort
DuQuesne. Est-ce pour cette raison que le Roi de France
refusa de ratifier la sentence de mort, passée sur le prison-
nier, et en ce cas, quelle se trouvait la positioii réelle de Stobo
vIs-à-vis les Français ? Etait-il otage ou simplement pri-
sonnier de guerre ?
En vain, demanda-t-il à être échangé contre d'autres
prisonniers aux mains des Anglais : on mentionna le nom
de LafoTe, canadien, alors prisonnier de guerre en Vir-
ginie . mais les autorités refusèrent d'échanger Stobo.
Silvio Pellico, sous les plombs de W-nise, seul avec ses
araignées apprivoisées, est bien le symbole de la désolation.
Robert Stobo "avec ses souris solitaires, 'dans cecichot. à
Québec, était pour le moins aussi triste, aussi désolé, mais
il était plus entreprenant. Sans se rebuter de ce que sa
tentative d'évasion de 1756 avait échoué, il trouva moyen
après des peines et des fatigues inouies, d'enlever une
partie du grillage de sa fenêtre, et, pendant ure tempête
de pluie, le 30 avril 1757, il sut piendre avantage de l'ab-
sence momentanée des sentinelles, qui avaient cherché
refuge contre l'averse, dans une maison voisine, pour
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420
LE MAJOR STOBO
s'évader. Il traversa à la nage le Saint-Charles, et resta
caché toute une journée dans les bois. Vaudreuil offrit de
nouveau les 6,000 livres pour recouvrer son prisonnier qui
se rendit, sans encombre, jusqu'à la chute de Montmo-
rency. Une patrouille, envoyée à ses trousses, le captura et
le ramena à Québec. Qui nous redira les péripéties de sa
lont^ue et douloureuse captivité ?
Il devint triste, morne, pâle," gris, comme un blaireau''
dit son bizarre biographe. Mais il était beau dans sa
pâleur, intéressant pour le sexe, même dans son malheur.
En 1757, il y avait à Québec, "des anges de perfection,
du sexe féminin ;' il y en a toujours eu. Ceux de 1757
avaient l'oreille de Vaudreuil ; laissons parler le biographe
de Stobo :
" There dwelt, by lucky fate, in this strong capital, a
lady fair, of chaste renown, of manners sweet and gentle
soûl ; long had lier heart confessed for this poor prisonner,
a flame best suited with the spirit of the times, to smother."
Je ne suis pas du tout surpris d'apprendre, qu'il y avait
à la Cour du petit roi Vaudreuil, à Québec, en 1757, une
de ces " natures d'élite. " Bigot en comptait plusieurs à
son château, à Charlesbourg, mais qui ne brillaient pas
par la chaste' é. Je m'étonne cependant du langage guindé
ijue le dit biographe prête à cette jolie française, protec-
trice de Stobo, interccilant pour sa vie, auprès de Vau-
dreuil : " Cousin, aurait-elle dit, notre bonne Cour Cana-
dienne était sans doute en son droit quand elle condamna
ce prisonnier hautain (^Stoboj à forfaire sa vie à notre
Grand Monarque, dont la bienveillance assure la paix au
genre humain, et ses victoires, l'empire au monde."
'• Her Virgin innocence prevailed," la candeur de cette
vierge prévalut : laquelle, paraît-il, était mère dt filles
encore plus accomplies qu'elle :
Main pulchrâ fllia ptilclirior .
Stobo était tellement exténué par sa longue captivité,
ESQUISSES
421
cette
filles
itivité,
•qu'elle obtint permission du gouverneur, d'héberger le
pauvre captif chez elle, près des remparts, sous la garde de
•sentinelles. Le beau prisonnier, étant aux petits soins, se
sentit renaître à la vie, à l'espérance, grâce aux dames de
Québec. Fut-il reconnaissant plus tard, quand le sort des
armes lui livra, disent le Mémoire, ces dames prisonnières .'
C'est ce que son biographe a oublié de nous dire. Bref,
c'est de là que la troisième tentative d'évasion eut lieu.
Stobo s'évada, en 1759, avec le lieutenant Stevenson,
officier des Rangers de Roger, et un écossais du nom de
'Clark, qui s'était fait catholique pour jouir de plus de
privilèges dans sa captivité. Les fugitifs ayant trouvé un
canot d'écorce, s'y aventurèrent ; après avoir couru des
dangers sans nombre, après avoir scalpé deux sauvages,
dont ils redoutaient les révélations, etc, ils arrivèrent dans
une des paroisses du bas du fleuve, et rencontrèrent le sei-
gneur de Kamouraska,le chevalier de la Durantaye. Le haut
et puissant seigneur de Kamouraska, revenait chez lui dans
une chaloupe chargée de blé : Stobo s'en empara au grand
déplaisir de ce dernier, qui lui tint le discours suivant : "Je
suis le Chevalier de la Durantaye : les îles de Kamouraska en
entier m'appartiennent, et le gentilhomme le plus distingué
qui y réside est mon vassal : le plus pur sang canadien
coule dans mes veines et le puissant Duc de Mirepoix me
reconnaît comme son parent, ainsi que plusieurs autres
nobles de France, sans compter que ma vieillesse et me.-
infirmités doivent me garantir contre l'indignité d'avoir à
conduire mes ennemis à la rame dans cettte chaloupe."
Stobo lui répondit • "Monsieur, la fortune de la guerre vous
a remis entre nos mains, et si vous étiez le Grand Monar-
•que lui-même, et tous vos matelots, autant de pairs de
F'rance, soyez sûr que ce serait votre destinée, de conduire
à la ravie aujourd'hui un sujet britannique. Ramez-donc,
mon ami, ramez ; jetons à la mer ce qu'il sera nécessaire
de blé pour alléger l'embarcation, tandisque notre canot
d'écorce est remorqué." Finalement, Stobo ayant payé au
422
LE MAIOR STOBO
chevalier la valeur du blé jeté à la mer, le rendit à la
libe-*-J; après s'être emparé de force d'une embarcation
française, avec laquelle il se rendit à Louisbourg, après
avoir échappé à des dangers infinis. La flotte anglaise
ayant quitté ce port pour Québec, Stobo revint rejoindre
Wolfe devant Québec, et lui rendit de grands services par
ses connaissances des lieux, (i) Wolfe et Stobo allèrent
s'emparer des dames de Québec, qui s'étaient, au rapport
de Sieur Jean Claude Panet, (2) réfugiées à la Pointe aux
Trembles. Elles furent mises en liberté le lendemain, après
avoir été traitées avec toute espèce d'égards : le jeune
Général Wolfe, âgé de 32 ans et qui devait à son retour
en Angleterre épouser Miss Lowther ('laquelle devint plus
tard duchesse de Bolton) se montra un courtois et ga-
lant seigneur. " Chaque officier, dit la Relation de J. C.
Panet, ayant donné son nom aux belles prisonnières qu'il
avait faites." En ce cas, laquelle, pour le quart d'heure, fut
Madame Wolfe ? Madame Murray '' Madame Stobo ?
antiqua'res, cherchez.
Stobo fit connaître en outre à Wolfe, (^\ le sentier du
Foulon qui conduit au.x Plaines d'Abraham, et eut mis-
sion, cette automne là, de porter des dépêches à Amherst,
vers le lac Champlain.
(1) Xow ho scouis tliioiiuh tlu' woods, in liis uivi'ii dioss, with hoiiiiot bluo, fo lu'lp
caeli ivconiioitriiig or fcouiint' imity. . . . Tho frifiiiti's passcd tlie town, tlicn lie us loadfr
uj) liu f.oi's to tiiUi! liia l'air ac(|uaiiitaiKvs, \\\> tlic riviT of wlioin a goodly iiiuiiher
is «tizcd ; thon Jloiisioiir ïSto'in's iiiime is ail that is lioard for Iialf an honr at loast ;
tliis lady oiitors hor coiiiidaiiit niid avors that hho is wroiigod, (Moiiioira of Stobo.)
(2) 21 .iuillot 175'.l. " A trois honros ot doiiiio du matin loa don/o conts Iioniinos ont
monté à hi l'ointo-anx-Tromhlos. Ils ont rr(;n uno fusillade d'onviron 4(i sauvagos, où
ils ont onvironno los maisons autour de l'oglino, ot ont fait trois linmmos prisonniors,
dont lo Sionr L.iL'asHo. Ils ont ommono environ treizo fommos do la villo. ri'fuRiocs audit
lieu, dont IFosilamos Duchosiniy, ])o Charnay, sa nu'To, sa sœur, Aldllo ('ouillnrd, la fa-
millo .Toly, ^[ailliiot, Mannau, otaiont du nombre. Us los ont traitéos avoo totito la po-
litosso possihlo. Lo «outrai Wolfo était il lu této et le Sieur Stobbs (Stobo) était du nom-
bro, qui a fait bion dos compliments."
Ce qu'il y a do plus tristo, c'est quo los anglais ne leur avaient fait aucun tort et que
les sauvages ont pillé les maisons ot luosqiu' tous les biens ilo ces famillos réfugiées.
22 .luillet [17.'>!il. JCnviron los neuf heures, ils ont envoyé un parlomentairo do l'Anso
dos Mores pour offrir do romottro à terre toufos los femmes, ■'i condition qu'on laisserait
passer un jietit bateau chargé do leur» malades ot blessés, t'otte ottro a été acceptée.
Nous avons été recevoir les foirnnos i\ l'Anse des Mèros à trois heures de relevée, et qui
ont été reconduites avec beaucoup do politesse.
Los anglais avaient jiromis de ne ]ioint canonnor ni bond)arder jusqu'à neuf heures
du soir.jiour donner aux dames lo temps do .^e retirer ofi elles, jugeraient ■X\)ioitu9."{Uehi-
(i'iii (le ./. C. J'iuiijt 17V.I.
<
(1) Knox'3 Jiinrniil. Vol. II
S -«■•
4
KS(.)UIS.SES
423
C.
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iiiiit'is,
au<Ut
la fa-
III 1)0-
iiom-
qiic
l'S.
Anse
isorait
l'ptéo..
et (ini
ipurcs
liehi-
Tuis, il fit voile pour Boston ; son vaisseau fat capturé
par un navire français, ayant des lettres de marque, mais
ce vaisseau ayant déjà plus de prisonniers qu'il n'en pou-
vait conteni/, relâcha sa capture après en avoir exigé une
forte rançon. Plus tard ayant fait voile, !e 18 février 1760,
pour l'Angleterre.Stobo tomba encore aux mains des l'ran-
çais, qui lui firent payer encore une forte rançon pour sa
liberté.
l'ui?;. nous retrouvons l'aventureux capitaine, muni de
lettres bienveillantes du fameux ministre Pitt au général
Amherst, laissant l'almouth, le 24 avril 1760, pour reve-
nir prendre du service en Amérique.
La chambre dos représentants de la V^irginie lui avait
préalablement voté £1,000 pour l'indeniniser de ses souf-
frances, et ;6^500 pour arrérages de paie pendant sa cap-
tix'ité, avec les remercîments de la province de la Virginie.
Ce fut George Washington, qui fut' chargé de présenter
les adresses de remercîments. LWnii}' List nous fait connaî-
tre que Stobo fat nommé capitaine au i5e régiment d'infan-
terie, le 5 juin 1761. (O II revint en Amérique et servit
en 1762 aux îles occidentales. Il retourna en Angleterre
en 1767 et quitta l'armée en 1770, année où il semble être
mort. Voilà une courte esquisse de l'aventureuse carrière
du brave, du beau et peu scrupuleux Major Robert Stobo,
l'ami, selon David Hume, de l'historien Smollet. H aurait
fourni, dit-on, à cet écrivain distingué, le calque de son
héros de roman, le capitaine Lismahago, dans Is Acïvcn-
titns of Hninphny Clinkcr : mais c'est une copie exagérée,
de cette singulière silhouette historique, (2) qui perce si sou-
(1) Kiiox mi'iitioniio pu iioto : " Tliis is ^1. Stolm, :iii olticcr ol' tjivnl merit wlio liaU
la'cii an orcasioiial major of tlio l'roviiuials, and for particiilar jfooil services, wna
rowuriU'iI witli a conipaMy of tlie lôlli lî»'^;. of foot".
(;!) (^iioli|Ut>s-nns dos faits pt «pstos du Siour Stolio sont lirièvinu'nt ini'ntionms au
KPeond tonio du .lonriial do Kuox, l'agp :i(, .'ntréo du 2(1 août IT'ilt.ainsi <|U':'v la Kilation
do iToan l'iaudo l'aupt. Paso i:!, ontroo du 1\ .Juillot 1".V( : riiistnripn Korland y fait al-
lusion paup r>74. — Tomp II, '^'ours d'Iiistnire ilu l'iinnrld. lia t'olloction D'CallaKlmn,
Tomp, XII, l'aiïe 102"), contient ml connuairo l)ionrai)lii(iuo dp cet ptran«p lioinHie de
Buerre — mais il faut l'étudier surfout dans le rare volume " Memuirs i\f liiihctt Stnlm —
PHtshurg — 1854, — d'ai)rù9 un manuscrit do Londres.
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424
LE MAJOR STOHO
vent dans nos annales, au temps du grand siège et qui est
maintenant esquissée pour la première fois, pour, nos lec-
teurs français. Elle servira plus tard, sans doute, de héros
à nos romanciers.
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If < r/m
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qui est
03 lec-
; héros
AUGKNERAL
HORATIO ROGERS
Membre de plusieurs sociétés historiques.
l'kov]i>i:Nxr:. R, i.
I i'v
il)
M:
II
^1
AU GENERAL HORATIO ROGERS.
Cher antiquaire,
C'est avec un vif plaisir qu'il m'est donné d'apprécier
dans cette courte notice, vos recherches historiques tou-
chant une phase notable de votre carrière colonia'e : celle
qui retrace la lutte sanguinaire de votre patrie avec notre
métropole, d'où origina au siècle dernier votre florissante
république, et où le Canada eut sa part des dangers.
La campagne de Burgoyne dirigée de Québec, fut une
mémorable campagne.
Votre tâche après huit années de labeur incessant, menée
à bonne fin, avec la patience de l'antiquaire et l'impartia-
lité de l'historien, est pleine d'intérêt pour le lecteur cana-
.dien. A chaque page, il rencontre, mis en relief par votre
plume, un nom connu ou vénéré dans ses annaleo.
Spencer-Grange, Octobre 1S85.
LA GUERRE DE L'INDEPENDANCE. 17Z5. (i>
*' Haddcti's Journal and Ovdci'lcy llooks, 1776-S, ainwtatcd
by Gcucral Horatio Roger s, 1884.
Au nombre des épisodes les plus marquants de l'opi-
niâtre conflit entre )a Nouvelle- Anf^leterre et l'ancienne
^1775-83), l'on peut placer la campagne du Lt.-Général
Burgoyne, conduite de Québec, en 1776 et close par la
capitulation de l'armée anglaise, le 17 octobre 1777, sur la
plaine de Saratoga.
Jamais homme de guerre n'avait d'abord semblé, à son
début, plus favorisé {2) de la fortune, que le beau, l'érudit,
le fastueux filleuil, le protégé, sinon le fils naturel de
Lord Bingley, John Burgoyne. Uni par mariage avec la
puissante maison anglaise des Derby, il sut vite capter la
faveur spéciale de son souverain, George III ; bientôt son
nom, déjà cotmu par ses succès militaires, s'associait dans
l'esprit du public, à ceux de Ilowe et de Clinton pour des
commandements en Amérique.
Burgoyne devint l'enfant gâté de la cour, au point qu'il
fut même questiou de le décorer du ruban rouge de l'Ordre
du Bain, sans même donner à la victoire le temps de
s'inscrire sur ses drapeaux.
Burgoyne se vantait de pouvoir facilement réduire à la
raison les colonies révoltées ; un seul de ses amis, dit-on,
l'illustre Fox, convaincu de la gravité de la situation, lui
dit un jour, en badinant, que loin de réduire l'ennemi,
quand il reviendrait en Angleterre, ce serait comme "pri-
sonnier sur parole ; " il ne s'y trompa pas.
'(l) Jîiulih-n's Journal iind Ordi'ihj liook.i. — A .lourii.al kopt iii Cniiadn nnd ujion
Burgoyiio'H C.iiiii)uigu,in ma aiuX 1777. by lii«iit. Jiimus llaïUk-n, Uoyal Artillury. Als"
Ordors koi)t hy liim aiid issiu'd l)y Sir Guy C'arleton, Lieut. Cii'ii. John Uurpoyiie ami
Maj. Ueu. William l'hillii)», ia 1770, 1777 and 177ti, witli an Kxplanatory Cliaptor and
Notes l)y Horatio Koi^ara.
Albauy : Joi'l Munaeirs Sons, 188i.
(2) Le général IJurgoyno, idus tard membre du l'arlcniont inipérial pour l'restriii,
Lanciisshire, u laissé pUiuieurs drames fort en vogue, au siècle dernier, entre autre : " Tlic
Mtiid (>/ the OiiAs," ''Bon Ton" '"'rhe Heiress," etc.
KS(;)UJssi:s
429
Iquil
ire
de
Vastes avaient été les préparatifs de la campagne qui
devaient ramener aux genoux de l'opiniâtre monarque,
ses enfants rebelles, les émeuticrs de lioston, etc. ; onc-
ques, en égard au nombre, plus belle armée, n'avaic dit
adieu à la plage de la Grande Bretagne. Des proclamations
pompeuses en avaient annoncé l'approche. Succès assez
éclatants d'abord, auxquels ne furent peut-être pas étran-
gère la terreur que les farouches alliés de Ikirgoyne, les
sauvages du Canada, inspiraient de tout côté ; désastres
réitérés pour la cause coloniale ; cri de désespoir, puis,
raliement suprême des Américains ; défaite du général
anglais, le 7 octobre 1777, à Schuylerville M. -Y., — plus
tard, capitulation de l'armée entière, — Te Deiiin à la nou-
velle de la délivrance du joug impérial, suivi de l'alliance
française qui contribua pui'isamment ii dissi[)cr le noir
nuage du désespoir qui avait obsédé Washington même :
voilà autant de péripéties de cette lutte terrible, auxquelles
la campagne de Ikirgoyne se rattache.
Le journal du Lt. Jas. Iladden, habile officier d'artil-
lerie, mort général, et qui avait servi sous Burgoyne,
relate tout ce qui a en lieu, jour par jour, depuis la date
de son départ, pour Québec, le 4 mars 1776, jusqu'à
l'époque de la bataille de Free//nv/'s lùinn, le 19 septem-
bre 1777. Ce document comble bien des lacunes, les unes
peut-être laissées à dessein, dans le journal de Ikirgoyne,
annoté par le Dr O'Callaghan : le journal de Iladden,
avec les Order/y Books étant devenu la propriété en 1873,
du général Iloratio Rogers, de Providence l-, I., ce mili-
taire, fort connu par ses goûts d'antiquaire, a consacré près
de huit années, à faire des recherches dans VArnif List de la
Grande-Bretagne, dans les archives des sociétés historiques
des Etats- Unis,dans le bureau des archives, à Ottawa, parmi
la riche collection de M. l'abbé Verreau, à Montréal, et dans
c^W^à^Xa. Société Litte'rairc et Historique, à Québec, etc.
La relation de Hadden, un in-quarto de près de 600 pages
orné de cartes, de plans de batailles, d'au moins quatre
430
I.A CUKRRK DE I/INDKI'KNDANCK, 1775
cents notes, est une véritable encyclopédie historique, d'une
incontestable valeur.ajoutée aux documents historiques de
cette période. Le général Rogers visitait le Canada, en
1881, en quête de renseignements. En ma qualité de pré-
sident de la Societc Littâ'airc et //iston'çHt',}' éprouvai heau-
coup de plaisir à mettre à sa disposition les archives de
•cette société et autres renseignements historiques en ma
possession dont il a fait bon usage, comme il se plait à le
reconnaître. Parmi les grandes figures de notre histoire,
esquissées, soit dans de volumineuses notes, soit dans les
copieux appendices, notons surtout Guy Carleton, Lord
Dorchester, Ilaldimand, Sir John Johnstone, Luc de la
Corne St. Luc, Capt. Piftr De Houcherville, Capt. Monnin,
tous deux commandant des compagnies canadiennes sous
Burgoync ; Arnold, Montgomery, le général Fraser, le
capitaine Nairne, Dambourgès, le capitaine George Laws,
le Baron Riedesel, Allan McLean, le général Henry
Watson Powell, l'ancien propriétaire de Powell Place,
maintenant Spencer-Wood, Chs Tarieu de la Naudière,
et une foule d'autres.
Les annotations du journal de Hadden jettent du jour
sur une question jusqu'à présent fort douteuse et fort
débattue : la descendance du général Burgoyne. Le
fils de Madame J. Burgoyne était-il bien le fils de son
mari, ou bien le fils naturel de Lord Bingley, qui lui lais-
sait un legs considérable sous d'étranges circonstances ?
Un autre point où Hadden mérite d'être lu et examiné,
c'est là où il traite de la coiivention de Saratoga et de la
question délicate des drapeaux anglais, séquestrés pour
les empêcher de tomber aux mains des colonistcs révoltés,
ainsi que des déclarations officielles faites à c
Le général Rogers a consacré comme 1/1 rii^ ce,
un chapitre assez étendu pourexpli( itii de
l'armée mi.vh' de Burgoyne, compose^ : vieu: .éginients
anglais, dont la plupart avaient vu du servie» ; de Hcssois
et de Bnitiszcickois sous Riedesel, Baum et l'ausch ; de
mi
s -.If
l: î'-'l
KSQUissr.s
431
Le
son
lis-
provinciaux levés dans la Nouvelle-Angleterre, etc. ; de
•Canadiens sous les capitaines De Houcherville et jNIcnnin ;
enfin, de sauvages sous Sir John Johnston et Luc de la
Corne St. Luc, le survivant du naufrage de VAiti^^nstt. Tout
en rendant justice à la bravoure éprouvée de ce vétéran,
le volume nous le montre sous certains aspects peu
attrayants ; d'abord, plus féroce que ses féroces sauvages ;
puis, prêt à déserter son drapeau, à la nouvelle de la red-
dition prochaîne de Montréal, aux envoyés du Congrès,
soumission que Montgomery refusa d'accepter.
La lecture du journal de Iladden, fera peu pour restaurer
la réputation avariée de Jiurgoyne, enclin plus d'une fois
à rejeter sur ses alliés, les Allemands qu'il affectait de
mépriser, et sur ses alliés, les sauvages qu'il n'aimit pas, la
non réussite de ses opérations militaires.
Le général Rogers soumet également plusieurs thèses
liistorique.s qui auraient besoin d'être éclaircies par nos
historiens et dont il a vainement chercher la solution dans
les écrits de nos antiquaires Verreau, lîois, Tanguay, etc.
Horatio Rogers, appartient à l'école des chercheurs de la
trempe des Jacques Viger, des Fcrland, des Paillon, etc. ;
son beau volume devra, selon nous, se trouver dans les
bibliothèques publiques, ainsi que chez nos érudit«i.
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LA DOUANE A QUEBEC.
1760- 1883.
a ('Mon. %q.maHd\c[
Percepteur des douanes
QUEHKC.
La nomination d'un Percepteur des Douanes, dans le port
dcOucbcc, me semble plus qu'un iiKÎdent ordinaire des
nominations officielles. J'aime à y voir, ce jdur. l'afTirina-
tion d'un principe.
Avant l'ère du gouvernement responsable, pour nous le
résultat immédiat de 1 insurrection de 1S37-8, le choix
d'un Canadien-I'Vançais, comme " Collector of Customs at
Québec, ' oi'it semblé une impossibilité à la classe influente
qui seule avait voix au chapitre. N'ous avons évidemment
fait beaucoup de chemin depuis ce temp';, de glorieuse
mémoire pom- nos martyrs jiolitiques et leurs adhérents.
Si l'étude de l'histoire me porte à jeter un regard ému sur
le passé, veuillez croire que ce n'est pas dans le but
stérile de rappeler des jovu-s mauvais, des passe-dniiis, des
torts à réparer ; non, je -serais Vi dernier à vouloir éter-
niser de vieilles querelles, tic tristes animosités de races.
Sous le nouvel état de choses, un tel procédé ne tendrait
qu'à diviser, à neutraliser nos forces nationale>, partant,
à amoindrir notre prestige comme peuple, nous, " alliés
indépendants de la Grande-Bretagne," si j'ai bien saisi le
sens des paroles que notre illustre et svmp.ithîque Vice-
Roi adressait au Communes, en réponse à une adresse, le
2^ mai 1883, à Ottawa, Si le .sang nous enjoint le culte de
noire passé; un amour durable pour ce qui se rattache à
notre hiitcinuf^ province, le solennel pacte des provinces
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434
LA DOUANE A QUÉBEC
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unies, en 1867, sans éteindre ce qui existait, nous a créé
de nouveaux devoirs, un culte, un amour pour quelque
chose bien plus vaste qu'une province. Le temps heureu-
sement est loin de nous où le Canada renfermait un groupe
de races hostiles les unes aux autres, des territoires éten-
dus, mais sans cohésion, où l'on voyait certains éléments
de la population lutter pour une injuste prépondérance,
sous un régime oppressif. Si nous tenons à compter
pour quelque chose en présence de la république
colossale qui nous avoisine, si les provinces îiuics enten-
dent continuer d»; se prévaloir du prestige et de la protection
du pavillon britannique, il faut qu'avant tout il existe chez
nous, un vif sentiment de loyauté au Canada confédéré de
1867 ; Son Excellence, le marquis de Lorne, vient de nous
le répéter en termes non équivoques, en répondant aux
adresses de félicitations, que la Calcdonia Society et la société
Saint- Jean-Baptiste de Montréal, lui ont présentées.
Tout en félicitant le nouveau Percepteur des Douanes
pour le port de Québec, sur sa nomination, je me permettrai
de jeter un regard en arrière sur le personnel de cet impor-
tant service. Voici quelques détails que j'emprunte à l'excel-
lent Rapport sur nos archives nationales fait par l'archiviste
M.Douglas Brymner et présenté aux Chambres, à la session
de 1SS3 ; je me permettrai d'ajouter à ces détails, quelques
bribes d'histoire et de généalogie, sur les titulaires de la
Douane de Québec. D'après M. Brymner, le premier Percep-
teur des Douanes de sa Majesté Britannique à Québec fut M.
Thomas Knox, nommé le 5 avril 1762. (Thos. Knox, était-
il parent de l'officier distingué, le Capitaine John Knox
du 43e Régiment qui servait sous le Général Wolfe, et qui
nous a légué sru intéressant Journal du Siège, en deux
in-quarto de 500 pages chaque ? ) Le premier " Comp-
trollcr " fut Thomas Ainslie ; le département fut
alors constitué officiellement ici, et le Port de Québec
devint un Port d'Entrée pour les marchandises. Montréal
fut, en même temps, érigé comme "Out-Port," c'est-à-dire,
ESQUISSES
435
succursale au Port de Québec. Thomas Lambe devint
" Surveyor " et Richard Oakes " Waiter et Searcher " à
Montréal. Je crains de me hasarder à donner en français
l'équivalant de ces importantes positions dans les ::ouanes
du Canada. En 1799. Charles Stuart (lisez Stewart) !e
père de Charles Grey Stewart et le grand-père du courtier
actuel de douanes, M. John Stewart, fut nommé " Comp-
trolkr" et Thomas Ainslie *' Collcctor." En iSiO, le
" Collcctor of tlic Port, " M. Scott décéda, et fut remplacé,
la même anuée, par M. (plus tard l'Hon.) Michael Henry
Perceval, le parent et le protégé de l'éminent homme
d'État, l'honorable Spencer Perceval, Chancelier de l'Echi-
quier de la Grande-Bretagne, traîtreusement assassiné au
moment où il franchissait le vestibule de la Chambre des
Communes, à Londres, le 11 mai 1812, par Bellingham.
Il était allié de près au comte d'Egmont dont la famille
était des Perceval : il donna en conséquence le nom de
Spencer à son beau domaine.
L'Honorable Michael Henry Perceval, le Percepteur des
Douanes, à Québec, cumulait divers emplois. Il était
membre du Conseil Exécutif, aussi bien que membre du
Conseil Législatif: heureusement que l'ennemi acharné
Aqs pluralistes comme on les appelait. Lord Durham, n'é-
tait pas encore venu. L'Honorable Michael Henry Perce-
val vivait d'une manière princière sur son domaine
de Spencer Wood, acheté du vieux LeHouillier. Au lieu
du modeste traitement actuel de £'^^0, le Percepteur des
Douanes à Québec recevait sous le régime impérial un
traitement sous forme d'honoraires, égal à ;^8,ooo. De plus,
la grande dame qu'il avait épousée à Londres, '.a fille ainée
de Sir Charles P^lower, Lord Mayor de Londres en 1809
— lui avait apporté comme dot ^"40,000 — puis, un héritage
de ;C6o,ooo. Un percepteur impérial des Douanes, à Qué-
bec, avec un salaire de ^8,Oûo par année et une épouse
riche de ^100,000, pouvait, il est vrai, rouler grand train.
Feue madame Peter Sheppard, la mère de M. Wm. Shep-
§1 i î '*
436
LA DOUANE A QUÉBEC
pard, Inspecteur des Postes et du Capt Percy Sheppard
A. D. C. des Lieutenant-Gouverneurs, Robitaille et Mas-
son, une des habituées de Spencer Wood.à l'âge d'or des
Perceval.aeu en i877,robligeancc de nous communiquer un
petit mémoire sur cette joyeuse période qu'elle avait vue
de près, où les réunions de virtuoses et d'artistes, lui assu-
raient avec sa harpe, ses entrées régulières. Il y avait alors
beaucoup moins de villas dans le voisinage que mainte-
nant : les hommes les plus connus sur le chemin St-Louis,
éta. 3nt l'Honorable William Sheppard, de VVoodfield,
mort en 1867, Henry Atkinson, du Cap Rouge, mort en
1865 et Alexandre Simpson, caissier de la ^'a-^ique de
Montréal, à Québec, décédé récemment.
Madame Sheppard nous a laissé une peinture séduisante
de la gracieuse, élégante et savante madame Perceval,
qui, après la mort de sa mère, faisait, avec distinction,
les honneurs à la Mmisiou Ifoiisc de Londres, en 1809,
pour son père Sir Charles Flower, le Lord Mayor. Elle
était excellente musicienne, femme de ménage sans
pareille, parlait quatre langues, l'anglais, le français, le
latin, l'italien : son salon se remplissait chaque quinzaine
de la meilleure société anglaise et française de Québec,
etc. ; au reste, il est probable que l'hon, M. Perceval tenait
à continuer les traditions de gaieté et d'hospitalité de son
fastueux prédécesseur, le gouverneur Sir James H. Craig,
iiltle Kiiii^ Cra'\i;^, comme on le nonmiait. Notre vieil
ami, M. P. A. DeGaspé, nous a laissé, dans ses Mémoires, une
vive description d'une fête champêtre, à Powell Place, en
1809. M. Perceval en acquérant ce beau domaine, chan-
gea le nom Powell Place que le général Henry Watson
Powel, lui avp't donné en 1792, en celui île .Spencer Wood
pour comménic er le souvenir de son illustre parent, Spen-
cer Perceval, si tragiquement assassiné. " Je ne puis me
rappeler après un demi-siècle, nous disait madame Shep-
pard, les noms de tous ceux que je rencontrais à Spencer
Wood, chaque fois que madame Perceval m'invitait à pin-
ESQUISSES
437
leppard
et Mas-
i'or des
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ait alors
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chan-
Watson
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)uis me
e Shep-
Spencer
t à pin-
:r
cer de la harpe dans ses réunions musicales. Je me rappelle
entre autres, l'hon Mathew Bell et son épouse, née McKen-
zie, son associé M. Monroe qui résidait à Wolfefield, Sir
John Pownall, les Montizambert, le juge Kerr, les Uni-
acke, les Duchesnay, les Vanfelson, les DeGaspé, les Baby
et une foule d'autres ; feue madame Sheppard a eu l'obli-
geance de nous communiquer une notes des alliances de
la famille Perceval, fort nombreuse comme l'on sait.
" Eliza, l'aînée des filles, épousa Sir George Denys,
Bart ; Caroline, la seconde, le col. Alexander Houston, de
Clerkington ; la troisième, Isabella, devint l'épouse d'un
français distingué et fort riche, le Baron de Veauce ; Mary
Jane, la quatrième, épousa Sir James Mathieson, Bart ; la
cinquième fille décéda à l'âge de 18 ans."
Le fils aîné, Spencer, devint général dans l'armée
anglaise. Il y avait en outre plusieurs autres fils : George
Kamsay — qui choisit les armes comme carrière ; Michael
Henry et le Col. Charles Perceval, des Gardes. La
famille quitta Québec en 1828, pour séjourner à Florence,
en Italie ; l'Hon. M. H. Perceval en revenant au Canada,
expira en mer, le 12 oct. 1829, son excellente épouse après
lui avoir longtemps survécu terminait ses jours en Ecosse,
chez son gendre, sir James Mathieson, le 23 nov. 1876."
Lady Dalhousie et Madame W. Sheppard, de Woodfield,
allaient herboriser à Spencer Wood, en 1827, et ce beau
site était fréquemment exploré, en 1832, par Lady Aylmer,
comme il l'avait été, en 1818, par la famille du Du: de
Richmond, notre Gouverneur Général d'alors. Je demande
bien pardon au lecteur, do. m'être laissé entraîner à la
dérive,sur ce beau iieuve ae la chronique des anciens jours.
Continuons : M. Perceval eut pour successeur, comme
Percepteur, en 1830, M. L. H. P'errier.
Montréal, en 183 1, fut créé port d'entrée général et le
" Surveyor " Henry Jessupp en devint le premier " Col-
lector " et William Hall, " Waitcr and Searcher," devint
" ComptroUer " en 1832.
1
438
LA DOUANE A QUÉBEC
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M, Ferrier, le percepteur des douanes à Québec, mourut
en février 1833. Henry Jessupp, le percepteur du port à
Montréal, fut promu à la charge de percepteur du port à
Québec et William Hall, le " VVaiter and Searcher" devint
percepteur à Montréal, en juin 1833. Cette année la charge
de " Comptroller " fut abolie. Toutes les nominations
précédentes avaient été faites par les Lords de la Trésorerie*
et le Bonrd of Covimissionners of Customs, à Londres.
En 185 1, le gouvernement canadien nomma M. John
William Dunscomb, alors commissaire des douanes, per-
cepteur, et Thon. Louis Massue, membre du Conseil
Législatif, ' Surveyor," — le premier à la place de M.
Henry Jessupp, qui fut mis à sa retraite et le second à la
place de L. Charles Grey SteA^art. Ces nominations furent
les premières faites à Québec, par le gouvernement du
Canada, bien que les autorité impériales eussent commencé,
dès l'année 1849, à effectuer le transfert du département,
aux autorités canadiennes.
M. Dunscomb avant de remplir les fonctions de commis-
saire des douanes, que remplissait naguère feu M. Robert
Shore Milnes Bouchette, était membre du parlement pro-
vincial pour le comté de Beauharnois. Pendant sa longue
tenure d'office, I851-S3, ses talents et sa probité le dési-
gnèrent à plusieurs reprises différentes, pour des postes de
confiance. Avec feu Alex. Maurice Delisle, le percepteur
des douanes de Montréal, il fut chargé d'une mission com-
merciale par le gouvernement, aux Antilles, etc. dont il
connaissait le commerce, pour y avoir pris part plusieurs
années antérieurement, quand il était l'associé de M
Leaycraft, à Québec.
M. Dunscomb après une carrière de plus de quarante
ans dans le service public, s'est retiré pour faire place à
l'hon J. G. Blanchet, ex-président de la chambre des Com-
munes.
Québec, 22 octobre 1883.
m
l.M
A MONîSIHl JR
ROBERT RICHARD I)0J3P:LI
f.' Hospitalier dhâttlainde lkiXin\
oir
SOXJV.-EIsriI?.
Sillery, Nocl 1^85
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;. !
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a m. 9î. m. i)oMt
J'ai souvenance d'une bruyante réunion, en 1876, de la
jeunesse de Sillery. Sans être bien jeune, j'y avais été
spécJilement convié par mon excellent voisin, M. Dobell.
pour prendre part à un Arhf de Noël, qu'il y avait pré-
paré.
Il me semble encore contempler la verte épinette,
attififée de rubans, resplendissante de lumières jusqu'à sa
cîme, étalant avec pompe sa ramure, parmi le houx et le gui,
au centre du salon de lasplendidc villa lieauvoir.
M. Dobell, sans vouloir m'en dire plus, m'assura que
j'avais un intérêt directe dans l'arbre sacré. Je me rendis
donc à la fête.
Le Châtelain de Beauvoir avait eu en effet l'aimable
attention de suspendre à V Arbre de Noël, à mon adresse et,
mêlée aux offrandes si prisées de la jeunesse, une fort jolie
canne antique portant inscription. La canne était à coup
sûr, antique, elle avait été artistemcnt confectionnée à
même la membrure de chêne de la vieille frégate française
L'Orignai-, qui avait sombré, comme l'on sait, à VAnse
des Mères, au moment où elle était lancée des chantiers du
Roi de France, à Québec, en 1750.
J'avais, à sa demande, fourni à M. Dobell, les détails de
ce désastre, quand la drague du capitaine Giguères en eut
repêché du lit du fleuve, à cet endroit, la carène noircie.
M. Dobell me permettra de lui faite hommage de cette
esquisse d'une coutume nationale vivace au lieu où il vit
le jour et choyée de !ui, dans sa patrie d'adoption :
L Arbre de Nocl.
Spencer Grange, Noël 1885.
1^
I! l^ï
'1
'L'ARBRE DE NOËL" Christmas Tree.
m
LE HOUX— LE GUI
"Quoi o«tis iii odnvivio
f'iiput aprt il"foro
KoildciiR lauilo» Domino.''
. Uientâkilt (If }foel,ii (Xr/oiâ)
Chaque peuple chrétien commémore à sa façon la grande
solennité des chrétiens : le jour de Noël. En ce jour, la
gratitude, l'action de grâce pour la naissance d'un Rédemp-
teur, n'est pas le seul sentiment qui agite les masses. Au
surnaturel, aux joies du ciel, se marient le sentiment de
besoins, des idées tout-à-fait terrestres. On célébrait la
fête aux époques reculées, par des dances, des mascarades,
une pompe théâtrale passablement profane; le tout se
terminait par un festin pantagruélique.
Dans la savante université d'Oxford, fondée en l'an 800
par Alfred-le-Grand, Noël ne se passait pas tout entier en
prières. Il y avait le banquet traditionnel, précédé dv
BcncdiciL' \ \7i.fite aux Jiuitres, en octobre, à l'Université
Laval, en approchera plus tard peut-être, avec le temps.
'•Quot estis iii cnuvivio
"iput apri ilcforo
Kuddcna laudo!) Domiuo, otc. etc."
Tel le Ihiudicitc du mémorable banquet.
Les élèves remerciaient Dieu pour l'appétissante hure
de sanglier qui, fumante et hérissée, s'étalait au réfectoire
avec tant de majesté ; c'était la pièce de résistance. Puis,
un vénérable maître d'hôtel, porteur du IVassail Bo'vl, bol
gigantesque dt punch ou de vin épîcé, parfumé, cognait
trois fois à la porte, en répétant les mots : Wasscl ! J Vas-
sel / .' Wassel ! ! ! Chacun était tenu de vider jusqu'à la
dernière goutte, la formidable coupe, et le grave échançon
se retirait. Cette coutume, paraît-il, s'observait, ces 'an nées
dernières encore, à Qncat's Collège, Oxford.
ESQUISSES
443
Les gens de qualhé rehaussaient la célébration par des
plats dispendieux, incroyables. On servait un paon rôti,
auquel on ajoutait la queue emplumée, les ailes et la tête,
comme s'il ctait vivant.
C'était le Noël des aristos.
Les vieux poètes, Massinger et autres, ont chanté ces
excentricités. Sous le règne d'Elizabeth, la "vierge d'Oc-
cident," l'oie grasse faisait les frais du dîner, à la Saint-
Michel et à Noël ; maintenant, c'est le dindon rôti.
L'Arbre de Noël, Christmas Trn\ si usité de nos jours
parmi la jeunesse de la blonde Albion, n'est pas d'origine
anglaise. Ce sont les Allemands qui l'ont inventé : proba-
blement qu'il s'est glissé en Angleterre avec ses souverains
Honovriens.
C'est wne fort jolie coutume : on va quérir dans la forêt
une gracieuse et verte épinette, que l'on dispose au
centre ou dans l'angle du salon ; on convie tous les enfants
du voisinage à venir en faire un Arbre de AW/, A chaque
rameau est suspendue une bougie ; à côté, un cornet de
bombons, un jouet d'enfant, un couteau de poche, une
carabine, un ruban, un livre, une tabogine, un pendant-
d'oreille, une bourse, une orange, une pomme et autres
friandises etc. Puis le jour de Noël, ou même la veille,
tous ces messieurs et dames, dont les plus âgés ont, tout
au plus, atteint leur douzième année, se réunissent au son
du violon ou du piano ; une danse ronde s'organise ; puis
les jeux y succèdent: "le collin maillard," "Jacob et Ruth,''
la "Chaise Honteuse" et autres aménités, etc. On allume
plus tard les bougies de V Arbre de Noël^ et la maîtresse
de la maison dépouille l'arbre de ses cadeaux ; chacun des
invités en reclame sa part.
Les anglais de la vieille Angleterre ont'encore une autre
coutume de Noël maintenant fort répandue dans la colonie
C'est l'ornementation des appartements, le jour de Noël,
avec des rameaux de houx ou du gui : coutume sacrée et
générale dans les riantes villas anglaises autour de Québec.
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444
I/ARBRE de no EL
Chaque annce, la ligne AUan apporte h Montréal et à
Québec, un nombre infini de petits colis, remplis de houx
et de gui verts avec le fruit y adhérant. Décrire succeinte
ment l'origine et l'important rôle que ces deux plantes
jouent depuis des siècles à fètc de Noël, c'est ce que nous
nous proposons de faire.
Noël serait incomplet dans la patrie de Richard Cœur-
de-Lion, sans la branche traditionnelle de houx, suspendue
aux murs des appa.tements, emblème du vivace et ver-
doyant souvenir que l'Anglais rattache à tout ce qu'il
aime, à l'époque où la grande solennité du Christianisme
vient, do ses alcgres rayons, caresser son toit hospitalier,
A l'anglais crrai\t, fa^ aîcaj /rom home, sur le sol étran-
ger, le houx devient l'expression de ce sentiment affectueux,
ineffable, pour la terre natale ; il lui rappelle le doux temps
de la jeunesse, lorsqu'il trouvait place au cercle de famille»
ce cercle aimé que la mort ou l'absence a dissout. Il ché-
rira cette verte et vigoureuse feuille de houx comme lui
rappellant les saintes joies du foyer paternel, n'importe
dans quelle contrée éloignée où sa destinée l'aura relégué ;
elle lui redit toute une histoire du passé ; c'est une
révélation intime que lui seul comprend.
Mais le houx ne va pas seul, à Noël, il marche de
pair avec le gui. Si l'un s'associe au sort des ancêtres,
l'autre commémore le banquet, la fête de famille. Tous
deux intimement lies à la vie sociale des anglais, le houx
symbolise la famille qui existe, et le gui, avec ses amou-
reuses légendes, la famille à naître ; c'est-à-dire que la
paisible demeure qui a abrite le jeune enfant réclame le
houx ; et que le gui appartient au pays du tendre.
Le gui, on le suspend au lambris ou au centre de l'ap-
partement, ou encore, audessus de l'entrée, là où le ber-
ger et la bergère passeront sans s'en douter ; car cette ren-
contre fortuite, sous ce mystérieux rameau, doit néces-
sairement leur ouvrir, au livre du destin, une page convoi-
tée, mystérieuse.
I' i
h ;
Il '
KSgUISSKS
445
L'emploi du houx et du gui.à Nocl.cst moins une coutume
chrétienne qu'un usa}^c druidique ; car, à vrai dire, il n'y
a nulle liaison entre le iioux et le gui et la nativité de
notir Seigneur Jésus- Christ. Les " J^ruides aux longues
barbe?, aux couronnes de chênes et les Druiilesscs à la
faucille d'or " llorissaient bien des siècles avant l'ère chré-
tienne, et les Druiiles de l'Angleterre tenaient pour onjblc-
mes sacres, dans leurs fêtes, le houx et le gui. Leurs
principales solennités avaient lieu .lux jours les plus nnirts
del'année.c'est donc vers le temps où a lieu la fête île N'oèl.
L'J culte druidique affectionnait les symboles . chaque
objet extérieiM- était le type d'une idée.
Le chêne si^nihait courage viril, torct- intellectuelle.
Le gui qui adhérait au tronc <lu cliLiie tnait au-, i un
sytnboli: : c'était l'amour vivacr, inextinguible de la km-
me, appuyée sur son protedeur, S()n inaitre ; l'eidavant
comme d'une verte guirlande, lontemps après mèin«- (|ue
la vieillesse lui aura versé ses frimas.
Parmi les légendes druidiijues, on lit "que Freya l'épouse
d'Udcr, le dieu des .Sa.xons, obligea toutes choses à jurt:r
ne faire aucun mal à Halder, le soleil, excepté legui, plante
qu'elle trouva si insignifiante qu'elle ne crut pas devoir
s'en occuper. Lac, le dieu du mal, ayant découvert cette
omission, prit un rameau de gui qu'il donna à Oder, divi-
nité aveugle, tt ce :ui .érable causa la mort à Halder, en le
perçant .i\t'c !e gui.' Telle était la fixbie, et co fut pour
empêcher Lac de tuer Hahlcr que les Druides allaient qué-
rir les chênes poin- en enlever h: gui, avec le cri d'allégresse:
"Au gui, l'an neuf, " d'où le mot " La Ignolée " on "Guil-
lannéc "' est une corruption.
Cette ancienne coutume druidique existe encore dans
nos compagne.s, où elle a subi d'étranges transformations.
L'Honorable Pierre P'ortin M, P., nous rappelait récem-
ment avoir constaté cette|coutume à Laprairie où à l'Acadie,
près de Montréal, dans sa jeunesse. Courir la Ignolée se
pratiquait à Noël ; des escouades de jeunes gens aux mas-
p\
' 446
l'arbre de xoel
ques et habits d'Arlequins, munis de bâtons et précédés
d'une musique grotesque, allaient de maison en maison,
demandant pour les pauvres des secours, sous forme de
tranches de jambon ou de pain, "mais la queue de cochon,
la c/iijpu'c" devait adhérer au morceau de lard, avec menace
a., cas de refus, d'enlever le plus jeune enfant et de le
traîner à la forêt où il serait rôti sous un chêne. Hélas !
A Sillery, où les coutumes Druidiques n'existent que
dans le souvenir des savants, on ne rôtit pas le plus
jeune enfant "de la famille sous un chêne, à la forêt," il
n'y va que pour s'y procurer l'épinette gracieuse pour VAr-
brc de Noci,
i
II
mil
A I.'MONORABLK
CrUOE K>CTjTI3:iBK;
F R. s. C.
'■<i
m
i
II
IMPREoSlUNS DE VOYAGE,
Li:.^ Lacs dk Cu.mi;kki.ani>, v:i\. — Liis Ruixj-.s dk Mi;i -
l<n>V. AlillKV. — Al;i;()'i"SFOKI>, II' ClIATiiAi; Dl' Siu
Wali'iik Scott.
A rilonorablc JuL^o Routhier.
Cher Ju^Te,
J'ai lu avec un vif mtcrct votre volume " /-l
7'ni:ii\s /'/://f\>/>i." Vous y passez en revue, entr'autres
contrées,que vous ave/, visitc'es.la patrie de cette infortunée
reine, Marie Stuart. Le temps vous a probablement manque
pour comprendre dans votre e.xamin.la ré^^ion :-i pittor(.:scj ut-
iles lacs ant^laiï^, 1 -• cliàteau féodal et le lieu de sépulture
près Edimbour^^ d'jr"Arioste ilu Xord," Sir Walter Scott :
cette page de mes impressions de voj'age, permette/ moi
dg v(nis rolTrir, avee quelques remarquf^s préliminaire .
Je crois vous l'avoir déjà dit , les (euvres, surtout les
romans hi.-toriques di. cet homme célèbre avait fiient mes
délices, longtemps av.int l'ère où notre habile raconteur,
M. l^eGaspé esquissait son Iiéro-; écwss lis .\rcliy LM^heil
dans les ". \;h:iiiis Caitaduns.''
Ces belliqueux chefs de cl ans, les J-Vaseï, les Canqjbell.
les McDonald, les McGregor, les ^rd'herson, avaient pour
moi un attrait tout particulier. J'éprouvais aus.-i un vif
désir de contempler lùlimbourg la belle, que mon iïeui
maternel et le protecteur île mon enfance ]\L JJaniel
McPherson avec une pardonnable [Kirtialité, me peit;"nait
comme la plus romanesque des cités ipiant aux points de
vue, sans oublier sa rue princière (l'rince's street) — la [)his
belle rue de l'Europe, se plaisait-il à répéter. En iSSf, un
d.e ces rêves dorés de mes jeunes années s'accomplit,
11 me fut donné de voir la patrie de Burns — de Scott —
de Marie Stuart, — de l'austère John Knox.
■50
IMPRKSSIONS Ur. VOVACil:.
I* • 'i'
J'avais souvent ouï-dire, que, en réalité, deux de ses fils
avaient fait l'I-Lcosse— Ci* qu'on !a trouve aujourd'hui — et,'
Mdinibourr^, la citc-reinc — rAtlvlnes du nord ; Scott et
Knox.
.Vvant de nouer coiuiais.sance avec les .sauva<;es splen-
deurs «^ic cet heureux pa}'s, j'avais vu, comme vous, bien
des sites imposants, de féeriques spectacles. Il m'avait
été .1 nné d'admirer Paris et de contcmiili:r au ç:^rand jour
ses mille merveilles qui en font \.\ p!n-- brillante capita-
le de i'lùiroi)e ; le soir, mes pas avaieiit crréthuvs l'ax'cnue
de l'opéra, les Champs Klysée-, les jardins dç:^ Tuilerie-,
él)l()uissants de lumière électrique, de milliers f!e jets de
J'avais visité les fastueuses galeries de pcintm-e du Lou-
vre, de Versailles, de Fontainebienu et rpie sais-je encore ?
De loutes ces étonnantes créations de mains d'homme,
rien ne m'avait plus frajipé que la majesté de ces antiques
cathédrales de T^'ance, de liruxelles, d'Anvers ' t de la
Grande lîietaL^ne : \Vestniinster-;\bbey, St-l'aul, les*
cathédrales d'J-^ly, de l'cterborouîrh, surtout York Mins-
ter ; revenant sur mes pas j'avais fais étape dans les sa. .es
classiques de CambriJj^e, les riches archives du Ih-'itislt
Masiinii, aussi bien que dans quelques sites remarquables
de l'Irlande.
.Séjournant toute une huitaine dans l'antique ville de
\'()r]s, au m'iment mému où se célébrait avec une pom[)e
extraordinaire, le cinquanlième anniversaire de la fonda-
tion, à \'ork, en 11^31. de l;i société de savants, connue sous
le nom de lîlUTIsii ASS'Ui \! n 'X : et qui, trois années plus
tard, tenait ses -éanci.' <, à !\[ontréal ; je m'étais empressé
'd'aller saluer phîsieur,-. illustrations ilans les sciences et
les lettres (\q-=, vicu.v pays, ainsi qu'échanrrer une poii^fuéede
mains avec des amis siiicè;'es de notre Canada, lixés à
A'aris et à Londres.
L'U ami m'avait ouw.-r!. li porte de Henri Conscier.ce,
ESQUISSES
451
Ide
!a-
lus
[se
et
lie
à
alors conservateur du musc'c Weirtz, à Pruxclles, le jour
même où il publiait son centième roniaij.
Un des endroit.'^ dont je conserverai une douce souve-
nance, ce fut la rct^ion enchanteresse des Lacs, au nord de
rAn<:jleterrc, le LakcUmd du Cumbcrland, du W'tstinore-
landetdu Lancashire.
Rien de plus riant, à la belle saison que ces <.Macicu-cs
nappes d'eau, embusquées dans les vallons do bruyère
pourpre, au pied des pics^,sourcilleux de Helveliyn, Seau--
fell,Skiddaw,jalonnées de villas, sillonnées de beaux yatchs :
V\'indermere, Amblesidc, Grasmere Coniston, Ulisuater,
Kes\\ick,Der\vent\vater,lacs mélodieusement chantés par la
brillante scfiuellc poétique, les Laktrs. l'-cule jadis fameuse,
honorée de l'amère critique de liyron, dans sa satyre
" Enrrlish liards and Scotch Rcviewcrs " et qui comptait
pour i^'rand -prêtres : -Cumberland, Wordsworth, Scnithey,
Scott, Christopher North, les deux C'olerid^e, Harriet
Martineau, DcQuincey, Felicia Hcinans, etc.
Ces pièces d'eau dans leur plus grande éiendur, n'excè-
dent pas quinze mille;» en longueur. IClIes sont pourvues
de somptueux hôtels qui se ferment l'hiver : l'été, les
touristes y aitluent ; à l'entrée des petites baies, aux bords
des lacs, se balancent sur leurs ancres, des flotilles de \-atch.
aux sveltes mâtures, aux blanches voiles: queU}ues uns
sont mus par la vapeur.
Christopher Xorth (John Wilson) a décrit avec entrain
une matinée ensoleillée de mai, en 1N25, où Scott. Words-
worth, Southe)', Canning, prirent ]),irl à uneregatte sur le
lac Windcrmere, sous le commandement (le Christopher
Xorth, vaillant ad'niral de la llotillc c ii brillaient V }-.inina,
\c Nciutilits, la (iiLiil/i, VOsprcv, le (jnriht, et autres rapides
coursiers des ondes.
Les voies ferrées, aidées d'un service (juotid'on de petits
vapeurs sur les lacs, vous introduisent dans ce beau pa\'s.
Une fois rendus, et pour aller par terre d'un lac au lac
voisins, les touristes en bonne santé aflectionnent le vehi-
45-'
U'KLSSIUN.S DK \L)\ MAi
i'i'iai
le
- M
i: m
I, f. iVî
culc usit»5 .'lux anciens jours : le stai^cio.icfi, \:A\iccc <.\<i >lili-
tfence fort commode.
Chaque matin, à Uix heures précises, le curs Je chasse
annonce le départ de ces voitures d'Anibleside [)our Kes-
uick, Grasinerc, ou autre lieu d'arrêt : on y attèle troi-,
cjuelquefois quatre vigoureux clievaux , il y a plusieurs
relais le long de la route, car Id servie»: est très ardu ilans
cette contrée de montagnes.
Avec une forte police d'assurance outre les accidents
et do bous nerfs, le trajet, ou mieux la course, a ses
jouissances, La diligeuce s'encombre de passagers jus(ju::
sur le faîte ; on sonne du cors.les chevaux, frémissants d'im-
patience, pialTent et prennent le galop : on s'imagine que
la voiture va se rompre en pièces .■>ur les angles de rochers
qui hérissent des gorges presqu'aussi escarpées que celle
où la sanguinaire éi)0use de Ivo!) Koy pré[)ara son mémo-
ral>!e déjeurcr ; il n'en est rien.
Lorscjue le soleil aura atteint son méridien, cochers et
touristes de descendre sains et saufs à quelque coquet
-louysidc iuii oii un biftèque ou une friaijde côtelette arro-
sée de Médoc, vous réconforte énormémtrnt, t m lis cpie les
chevaux ruisselants de su?urs, v«/it s'> r»rposer ; l'écurie
et sont remi)lacés par d'autres. Xnis arrivàn»-'s à
Kcswick, vers i heure l*. M. : station obligée pour les
touristes, i.\\\\ vont visiter la petite egli.ie de (.'rosthwaithe,
où re[) osent les cendres du laure.it Kobert .Southey, mort
en 1843, à son manoir, dans le voisinage, tjreta Ha!!, cpi'a-
vait possédé, en iSoi, le poète C )Ieridge. V^oisin du mau-
solée de .Southey, nous remarquâmes un monument [)lus
prétentieux, celui tlu comte de Derwentwater, patron de
l'église. La veille, j'avais visité à Rydal Mount, au lac
Grasmere. 1 1 maison d'un p.utre lauréat, Willian» W'ords-
Morth, mort en 1S50 et qui avait hérité des cents
gainées et de la tonne traditionnelle de Civiary i\7//f ,de son
prédécesseur Southey : elle est située sur une émincnce,
faisant face au gracieux lac. Le corps du logis est en excel-
l.SiiUISSl-.S
453
lctitét;it de conservation ; le pÏL^non est prcsqu'invisiblc
>ou.s un rideau de lierre verdoyant dont je détachai une
branche comme souvenir, sans nie hasartlcr à pénétrer dans
la cour, dont la porte était munie d'un avis en défendant
l'accès, la seule ressource, paraît-il, du propriétaire aliuri,
pour se défendre contre l'ailluence des touristes.
Wordsworth, ainsi (jue Ilartley ColeridçTe, dorment i\u
'^uprême sommeil, dan-; le pittoresque cimetière de (iras-
mere où l'onde d'un limpide ruisseau voisin semble leur
murmurer ces douces paroles d'un des leur-^ ;
WllOSr (listant lOOlsICllH l'CllIl
riirousli tlio corridors (rlTimi' "
Adieu, donc, bardes sublimes, voix aériennes des anciens
jours ! Adieu !
A Keswick, nous reprinie-. la voie ferrée : après avoir
traversé mille sites quj le burin ma-^ique de Scott à iiumor-
talisës[et dans quel coin de l'Kcosscle chantrede M.irmion
et de Waverley, n'a-t-il pas laissé que'que lumineux reflet
de sa lampe ! ] la locomotive s'ariêtait vers S. 30 \\ ?\1.
comme vous le dîtes, dans ce noir ravin sous la viile d'IC-
dimbourLj, à la fjare. nommée Wavirhy Station, près du
ponu connu comme \\'avvr/iy Ih-idi^i, d'où l'ail est réjoui
par la vue de ces jardins t^racieux à qui on a donné le \v^\\\
de Wai'crlty Gardiiis, dans le vc i-^ina^^e de W'ii'irrhii Mar-
lit.
La fati^ijuc du voya;.:je, la poussière de la route, l'heure
avancée, tout me conviait à aller chercher gîte au çjrand
hôtel voisin, le Wiii^chy, remettant au lendemain mes
courses et mes explorations à travers le nouveau et l'aii-
cien lui imbourg.
L'aube nous ramenait un vrai soleil d'Austerlitz : un rayon
vermeille de l'aurore ^'infdtrant à travers ma persiennc me
donnait, du côté opposé de la rue, la silhouette majestueuse
du monument de Scott. " l'un des plus beaux que pos-
sède ri'AUope, une pyraiulde gothique de marbre blanc
ayant quchpic ressemblance avec la flèche de Strasbourg "
Ijfi 1^;:
454
IMI'F-iKSSTONS I)K VOVAl.K
comme VOUS le dîtes. Ils'cleve à une hiuteur do deux
cents pieds. Ainsi donc, le premier à m'abordcr sous tant
de formes, d'embleMiics, c'était l'immortel auteur de Waver-
ley : je le voyais en iace, assis sous les arceaux de son
monument, avec le costume national, un livre d'une main,
une plume de l'autre, tandis que son fidèle chien, Maida,
couché à ses pieds, lançait ua reL^fard caressant à son bon
maître. La poésie, le ironie, le patriotisme du grand écri-
vain me confrontaient dans la rue, dans, l'air, en haut, en
bas, partout.
Le nom de Scott s'imposait en tous lieux, flottant au
dessus de sa patrie comme un nimbe glorieux, un bouclier.
un drapeau.
•J'étais porteur de lettres à M. Thos Scott, un membre
du barreau d'Edimbourg et un descendant du poëte ; ces
lettres m'ouvrirent bien des portes. Remettant à
quelques jours plus tard l'exploration de la cité, j'accom-
pagnai mon courtois cicérone, qui me mena de suite à
ce qui fut jadis la maison de ville de l'auteur deWaverley,
No. 39, North Castle street.
Tout intéressant que fussent ces souvenirs de la résidence
de ville de Scott (car là, avaient été tracées, en 1814, dan'i
l'intervalle de quelques semaines, les pages émouvantes
de Waverley) je brûlais de contempler les tours d'Abbots
ford et les r.itiques ruines de Melrose Abbey.
Comme l'a si bien dit I? chantre de Marmion, c'est au
clair de la lune qu'il faut aller jouir du charme ineffable
de cette gracieuse ruine, un des plus chastes monuments
du style gothique en architecture.
Je m'enfonçai donc dans ses sombres cryptes, ses salles
souterraines encore plus sombres. J'y retournai le lende-
main pour voir ces merveilles à la clarté du jour ; Melrose
Abbey est distant d'une lieue d'Abbotsford, sur la Tweed.
L'abbaye de Melrose, maintenant la propriété du Duc
de Buccleuch, fut fondée, en 1 13'j, par le roi David L Elle
fut octroyée par une charte royale à un ordre de moines
i;s()UissE.s
455'
réceiumcnt crcé cii l''rtiiiCL' : le inonastcrc de Melrosc
était l.i iiMison-inère .ie tnit l'ordre établi on l-lcossc.
Quand Edoiiar 1 II i.i'An<;leterre, cii 133.?, retraita ('e l'I'^
cosse, SCS partisan.^ (iront main-basse sur les maisons reli-
gieuses et pillèrent la riclie abba)-e tle Melrosc. Pour la
refaire, le roi Robert fit un d(jn à l'abbé de Melrose de
^2,OûO (1) pour reconstruire l'c^^lise de St-Mary. C'est
à cet acte de vandalisme t^ue l'on e«t redevable de la rare
beauté de ce temple, car à la date de sa reconstruction le
style i^othique en architecture avait atteint son plus haut
point de perfection. La première éf^lise a dû être un ouvre
assez grossière, puisque le monastère en entier avait été bâti
dans l'espace de dix année-. Le; constructions allaient len-
tement en ces temps-là : il serait dii'licile de préi-i-^er le
nombre d'années qu'il a fillu pour ré-edifier l'éi^lis'; donr
les ruines charment maintenant tous les regards.
lai 13S4, les anglais, sous Richard II, firent une inup-
tion en ICcosse : le roi logea une nuit à l'abbaye et \- i.>it
le feu le lendemain matin. Il la combla de dons plus tan!.
pour faire taire ses remords, espérons-le.
Le monastère de IMelrose fut détruit en 1545 p.u le
Comte de lletford.
Une tradition va à dire (]ue les ang'ais. en cheminant
vers leur pays, ayant pénétré au delà des monastères de
Melrosc et de Dryburgh, entendirent les cloches il'un de
ces monastères qui carillonnaient oour marquer la joie des
religieux, au sujet tle leur délivrance ; les anglais, mécon-
tents ..e cette démonstration, se hâtèrent eie revenir sur
pas et aux réjouissances vies pauvres moines, succé-
dèrent bientôt le deuil et les larmes.
L'abbaye ue se refit jamais tle la de.-aruction que la
Réforme introduisit dans !e culte des l'Icossais.
A l'époque de la Réforme, dit un mémoire, l'on enleva
une portion des matériaux tle l'abbaye pour en construire
des résidences privées : les statues furent démolies en.
(I) XJ.uiid iti l.i22 i'>iuiv.-ilaiit, ,1 l')i),(H)o cour» :\ct«ol.
ifc
•456
IMl'KI.S'^loNS M'" \()\.\<;V.
Il î' -'l
IO49, c-t pendant nombre criinnce> le [Kiipledo Melrose,
alLiil enlever la pierre de l'abbiye, comme si c'eût été une
carrière. L'on prétend même qu'il n'y a pas ilans l'endroit
une -^eule ancienne maison, on il ne so trouve dans la
maçonne, une pierre de l'Abbaj'e de Mclrosc.
Depuis (jiie cette pittoresque ruine est devenue la i)ro-
priété de la f imille lUicclench, les choses (^nt chaiif^é :
on a ini> un terme au démolisscment : "on a fait tout ce
qui a été possible pour arrêter rouira::je du temps, pour
préserver ce qui reste.
Le Duc de lUiccleuch a fait éljver autour, un mur d'une
circonférence d'un mille, pour entourer et isoler cette
abb.iye, jadis si ri:lK.
C'jtte s;)Iendide strujliu'c. oen-Liat nninhre d'années, un
objet de vénération (>.)ur l'Mcissc entière, est encore (l'une
beauté happante, dans sa décadetice, par les sculp-
ture-, et les ciselures, sur le; frise.-, )c> corniches et les cnta-
blatures, les chapitaux ;- on y voit, comme si le .sculpteur
les eût découpées, la veille, mille obji ts d'un fini à déses-
pérer r.utistc ]r. plus consomme : des roses, des lils, des
fouf^ères, le chardon d"l'",cosse, dos feuilles de cliéne, de
frêne, etc., scul'ptées sur la pierre, a\'(C une merveilleuse
j.;râce.
vVprès un a;jréable trajet île trois milles de l.i petite
vil.'e de Alelrose, en suivant le cours sinueux de la T uecd,
à travers une contrée oiîdulcuse et pastorale, j'atteignis
enfin Abbot.^ford.
Des massifs d'arbres et un accidetit de terrain dérobent
la vue de ses tourelles : on aperçoit en arrivant seulement
le c istcl, structure irré;^ulièrc, œuvre des fantaisies de l'il-
lustre [joëte, combiné avtc le style gothique en architec-
ture. Il se dresse au haut il'unc terrasse en ref^ard de la
rivière Tweed.
ICn entrant, le concierge vous iiivitc à inscrire votre
adresse sur le registre de-, nombreux visiteurs, qui vien-
nent de tous les coins de l'univers contempler cette chàse
I.MU'I.sSI >
57
vcncrct." ; L,M"ande fut m;i surprisf, cii dccouvraiil (juc l,i
m.^joritc des noms Inscrits, appartenaient à des citoyens
de la grande republique de Washington : Scott en etkt
compte bien des lecteurs, bien (Us chauds admirateurs
elle/, no.i voisins.
Tour moi qui avait lu et rchi le chef-d'(puvre de Loclc-
hart, la iMographic de Scott, c'était un moment solennel.
Je ne saurais vous décrire l'émotion (pii m'obséda, lorsque
je franchis à la suite du concierge, le petit escalier en pierrre
dont la spirale conduit à l'entrée du cabinet île travail, au
salon et à la bibli'-thèqu',: de l'auteur de W'avcrley.
J')- trouvai l'ameublement et Ij contenu à peu pré-;
comme Lockhart nous le peint et tel que l'illustre mm m-
cicr le laissa, l^rsqu'd (.lisait adieu à Abbotsi'ord et a .se>i
enfants, le 21 septembre I'S32, (i) scènes (pie ^^o\^ biogra-
phe a retracées avec tant de bonheur :
Le salon d'entrée e>t pavé en marbre blanc et noir : des
panneaux en chêne ornent ii.'s murs ; autcnir de la corniciu:
sont disposés parmi des cottes de malle, les écussons
d'anciens chefs écossais : les Douglas, les Iverr, les Scott,
les Turnbul!, les Maxwell, les Chisholm, le-; IClliolt, les
.■\rmstrong. On nous exhiba la grosse clef de la pri>on
d'I'vdimbourg, nommée Tolbooth connue sous le nom de
' Meart of Àlidlothian ," une pendule (jui avait appartenu
à la reine Matie-Antoinette , les habits, le chapeau, jus-
qu'aux souliers, du romancier.
Dans l'arsenal (iinitoiy) ([ui sert d'antichambre cà la
salle à manger et au grand salon de récci)tion, il )■ a une
foule d'antiquailles : des aimoiries ctc, la cuira'^se de Jac-
ques IV, le fusil du fatneux Rob Roy, le sabre de Mont-
rose, les DÎstoiets de Claverhouse, le chandelier de Robert
Bruce, une cassette, jadis la propriété de la reine Marie,
aussi bien que des armes indiennes.
" Ali'nit liaU' i>:ist OUI 1'. M., (iii t'io 21st pi'iit('ml>i'r (l'>:iJi Mr Walto- lin'alluil lui
Inst 111 ilio |iri'!.i'iu-(' (if a!l 11'» iliililri'Ti. It wa» a licautifiil day. so «ami tliat im ry
wilicliiw was wiili' opiii, su piTtirily still. tliat tin- ccmml. al iill timiM iiunt di'liii mi- tu
lii« <';.i-. thi' ci'iitlo liiii'li' of tlii' Twi'iil OMT its iM'liMi'?. was ili-ttiiii'lly auiiililr a- wi;
.';iiclt arotiml liis lii'd, timl liis 'Idi'-ii «•iti ki-i't.il aixl clwid lus lyi-s."
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
1.0
l.l
IIM IIIIM
1112
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2.2
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1.8
1.25 1.4
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Photographie
Sciences
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«V
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23 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N. Y. 14580
(716) 872-4503
w
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'o W^>S. D
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1 fi
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458
IMPRESSIONS Di: VOVAGK
Au grand salon, je vis un superbe cabinet nacré, que
l'on dit avoir appartenu à la Reine Marie ; sur les murs
sont suspendus le portrait de Scott, grandeur naturelle
par Raeburn, aussi le portrait de Lady Scott et de Mdlle
Scott. Entr'autres objets qui fixèrent mon attention, je
notai un curieux tableau représentant la tête de la
reine Marie après avoir été décapitée ; la bibliothèque, le
plus grand des appartements, mesure 50 x 30 pieds et
contient à peu près 20,000 volumes : le dôme représente
des roses et autres fleurs et ornements imites de ceux de
Melrose, et de la chapelle de Roslin : et dans une niche en
chêne, à l'extrémité, l'on voit le buste de Scott, par le célè-
bre sculpteur, Chantrey. Au dessu-^ de la grille, il y a
accroché au mur, un portrait, grandeur naturelle du fils
aine de Scott, peint par Sir William Allan, auprès, au
milieu de meubles élégants, dons faits à l'illustre poète,
se voit deux chaises romaines ciselées avec goût ; sur une
table circulaire, en une entablature de fenêtre, reposent
plusieurs curieuses reliques : le porte-feuille de Napoléon
I ; d'anciennes tabatières, etc.
Le cabinet de travail, pièce plus petite, avoisine la
bibliothèque : on y trouve une collection de livres dispo-
sés sur des rayons ou tablettes de chêne. Dans un coin
de l'appartement gît l'escalier dérobé qui aboutis3ait au
dortoir de Scott, et par lequel escalier il pénétrait, inaperçu,
à son cabinet d'étude, dès l'aube, donnant de longues
heures à ses travaux littéraires avant que ses hôtes fus-
sent prêts à déjeuner.
Au milieu du cabinet, on voit encore la table où il écri-
vait ou dictait, et le fauteuil couvert en maroquin oià il
s'installait.
Combien d'autres objets de cet homme de génie reli-
gieusement préservés à Abbotsford, comme souvenirs ?
Scott fut inhumé à Dryburgh Abbcy, à trois milles.
d'Abbotsford. Cette vieille abbaye, maintenant en déca-
dence, fut bâtie sur le site d'un temple druidique par Huga
EQUISSES
459^
de Morville et par son épouse, Béatrice de Beauchamp,
en l'année 1150.
Après avoir lu l'inscription sur le marbre tumulaire, je
repris le coupé qui m'avait transporté de Melrose, disant
adieu au château d'Abbotsford, théâtre de la gloire et des
revers d'un des plus beaux génies des temps moder-
nes, séjour d'un des hommes les plus nobles, les plus géné-
reux : Walter Scott.
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APPKNDICE
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I "Il
Adik'iida pour la imsi' ('•>''
GKORGt: STBWART, ]R.
Prcsidi.ut de la " Socictc Lit ferai n et Historique.
George Stewart. jr., fils do M. George Stewart. marcliand de
St Jean, Xouveau Brunswick, naauil en culte ville le 26 novembre
184S.
Il fit ses classes au Graiitiiiar Schoot, de St Jean, où il se
distingua par fl-s succès dans la littérature anglaise, l'iiistoire,
les classiques A l'âge de 14 ans. il écrivait pour les journaux.
En 1S65, il fonda un journal mensuel ayant pour litre T/ie
Sta/'//'s Coi'/ccfor's Mont /n'y Gazette,. En 1867, il y substitua
une revue ])lus étendue, Stercart's Quart cri y Mai;azi?ic.
Cette excellente j-aiblicaiion qui compta parmi ses collal)orateurs
les écrivains anglais les plus éminenls du Canada, lut continuée
jusquen 1872 et lui valut de chaudes félicitations. En 1876, M.
Stewart accepta la posit on de rédacteur littéraire du U'ate/i-
man, de St-Jean ; le M'atelniiaiis par ses appréciations critiques
de la littérature courante, prit une haute position dans la presse.
Plus tard, on le trouve aggregé au i)ersonnel éditorial du Daily
News, comme assistant-rédacteur
Il contribua pour une série d'Etudes, d'Esquisses. de Récits.etc,
aux revues canadiennes et américaines du temps : Maritime
Monthly, de St-Jean, Caitadian Mont/ily ^tBel/ord's AJa^i^azine,
de Toronto ; aux publications d'A/pletofi, de Scril>ner, de Xew-
York ; Pattcr's Aineriean Monthly. de Philadelphie ; le Cana-
dian Illustrated Nei(.<s, de Montréal ; le Week, de Toronto ; le
Literary World, de Boston.
En mai 1S78, M. Stewart quitta St-Jean, pour accepter le
fauteuil éditorial de la RevMC de Belford, Rose Belford's Cana-
diaii Monthly, à Toronto. Une année plus tard, on le trouve au
Mornini:; C/ironicle, de Québec, conmie Rédacteur-en chef.
Parmi les autres travaux littéraires que M. Stewart menait de
front avec la rédaction de son journal, on ]ieut citer sa collabo-
ration à l'ceuvre biographique entreprise par M John Charles
Dent, Canadian Patriot ézf^/Avj', en 4 volumes. Ses conférences
devant la Société Littéraire et LListorique de (Québec, sur Emer-
son, Alcott, Carlyle, Longfellow, Thoreau, Erontenac, ajoutèrent
à sa renommée littéraire ; il y donna alors de nombreuse preu-
ves de ses connaissances littéraires, historiques, critiques, etc.
A son départ de St-Jean, on lui présenta à un banquet public,
une éloquente adresse, accompagnée d une superbe montre d'or,
avec inscription, comme témoignage d'estime.
En septembre 1S79. il reçut un diplôme comme membre de
•s
464
(iEuKGE STi'.WAKT
V Association Littéraire Internationale- Il est PrcsiJonl do la
Société Littéraire et IIistori(/iie de Québec, secrétaire de la
Société y^oya/ t/u Canai/a, siicùon de Uiliiténiture anglaise, et
membre de i)lusieiirs autres sociétés scientifiques. *
Les i)rincipaux écrits de M. Stcwart sont :
i. llistory 0/ Great fire of St-Joltn N. B. 1S77, dont trois
éditions parurent.
2. Evenin;^s in t/ie iitirary : causeries familières sur les écri-
vains contem[)orains les mieux connues
,V Canada limier the administration of the Eciri 0/ Dufferii,
en 1878. Ce vaste travail avantageusement reçu et cité par les
Revues, a eu les honneurs de trois réimpressions.
\j EncycIop':dia Britannica, contient neuf article.^ de M.
Stewart, sur le Nouveau-Brunswick, la NouvcUe-ICcosse, 1 Ile du
Prince Edouard, la Cité de Québec, la Province de (ihiébec, Sl-
John N ])., St. Stephen N.-li., les Trois-Rivières et William C.
Sinnns.
j. L'article biographique sur Frontenac dans l'eeuvre de M.
Justin Windsor "A Narrative and Critical Plistory of .\n:)érica",
est de la plume de M. Stewart.
Le 21 avril 1875, M. Stewart épousait à St-John N. !>. Madlle
Maggie M. Jewett, de Lancaster Ileights, près de la ville de St
fcan N P.
Note pour lu page 84
Les desiinees de la racs anglo-saxonne
en Amérique, d'après Prevost-Paradol.
" Mais cet ascendant actuel de la race anglo-saxonne hors de
l'Europe, n'est qu'une faible image de ce que nous réserve vm
prochain avenir. D'après les calculs les plus modérés fondés sur
le'progrès de la population pendant la dernière période décen-
nale, les Etats Unis compteront plus de cent millions d habi-
tants cà la fin du siècle, et cela, sans tenir compte de l'annexion
probable du Mexique et de l'extension de la république a;néri-
caine jusqu'à l'isthme de Panama. A côté d'une pareille puis-
sance, le Brésil et les divers Etats de l'Amérique du Sud ne sont
d'aucuns poids, et disparaîtraient le jour où il plairait aux maî-
tres du continent septentrional de s'étendre. Le fractionne-
ment posssible (quoique peu probible) de la république Améri-
caine, en plusieurs Etats, changerait peu de choses à cet avenir :
car,une fois séparées, les fractions de ce vaste empire ne seraient
que plus pressées de se fortifier et de s'étendre. Si la sécession,
par exemple avait réussi, il n'est pas douteux que la nouvelle
confédération du Sud n eût envahi le Mexique beaucoup plus tôt
que ne le fera la républiqueAméricaine reconstituée. De toute
façon, le continent américain est destiné dans toute son étendue,
à la race anglo-saxonne, et tenant compte de l'accroissement de
vitesse qui est remarquable dans les événements humains, il est
peu probable iiu'il s'écoule un siècle à un siècle et demi avant que
ce grand changement ne soit accompli." (La Fraxue Nouvki.i.e,
P- 399)
Le Rédacteur du y(;«;7/i3!/ des Z>^/^<ï/î traçait ces lignes juste
([uelques années avant que la France lui eût confié, en 1870,1e
poste élevé d'Ambassadeur Français aux Etats Unis. A son arrivée
à Washington, il n'éprouva que dégoût, Gecouragem-nt, déses-
poir même ; la guerre entre la France et la Prusse avait éclaté
pendant son trajet à travers l'Océan. Il avait compté sur la
sympathie de ce hardi peuple anglo-saxon d'origine, auquel il
avait prédit de si brillantes destinées de par le monde, Prévost
Paradol n'y trouva que froideur, indifférence, éloignement
pour cette France, dont les armées et les flottes, en 1778-83
avaient si puissamment coopéré a donner aux colons révoltés
leur indépendance.
Le désespoir chez le pauvre ambassadeur alla jusqu'au sui-
cide.
Le métier de prophète a des inconvénients, c'est dangereux ;
ne nous y fions ]»as trop. Même avec l'énorme émigration aile-
I «
466 Li:s DKSTINl'lKS DK \.\ RACK AXdLo-SAXOXNK
- É#
«1 IS
mande, clans les Etats de l'ouest de l'Union, la population des
Etats Unis, en 1900, aura de la peine a atteindre le chiffre de
100,000,000 qu'on lui prédit, à en juger par la marche des choses,
dejiuis le dernier quart de siècle
Dans tous les cas, il est facile de voir quel serait le sort du
million et demi de Français du Canad'i, s ils provoquaient une
lutte avec les 100 millions de race hostile, les anglo-saxons et les
allemands de l'^Kmérique.
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%iViUlciiilii |ioiii In |>airi' Iimi
JVE. L'ABBK BOIS
•
Il en est peu parmi les lecteurs constants ù\\ Jourtial de Qué-
bec, fondé en 1842, par l'Hon Jos (iauchon, qui n'aient remarqué
sous forme de notes, d'Ktudes. de Biographies etc., toute une
série de récits historiques, des travaux littéraires (lui, bien
qu'anonymes, semblent tous accuser une commune origine.
Par leur exactitude minutieuse, leur saine inspiration, on
croirait que l'antiquaire émérite, Jacques Viger, revit en ces jiages,
moins son âpre dogmatisme.
Cette bizarre particularité qui les distingue, ranonynif, nous
rappelle l'auteur des IVarcrliy No7'(^/s k-ciuei, c pendant
assuma à l'âge de 57 ans, la paternité de ces romans historiques,
L'antiquaire de Maskinongé approclie de l'âge jiatriarcal ;
il a ses 72 ans; ; cependant il continue décrire sans .signer.
Je me permettrai donc de lui rappeler, et les amis de l'histoire
ne m'en voudront pas pour tout cela, que le iniblic associe s"n
norn à plusieurs excellents écrits qui se trouvent dans toutes les
bibliothèques |i).
" M. l'abbé Bois naquit à Québec, le 13 septembre 1813, de
sieur Firmin Bois et de dame Anne-Marie Boissonne u.
La maison, où il eft né, était ^itué - en la basse-ville, à 1 encoi-
gnure des rue.s Notre-Dame et Sous le-Fort. et touchait à l'église
•de Notre-Dame de la Victoire (2).
A l'âge de 6 ans, Louis Edouard Bois étudiait l'anglais à
l'école de feu le respectable M. Marsden, père de notre conci-
toyen distingué, Wm. Marsden, M. D , ; et à 10 ans, il devint
élève du séminaire de Québec. Mais au bout d'un certain temps,
nour cause de santé, il alla continuer et terminer ses études au
collège de Sainte-Anne.
Il refusa l'offre qui lui fut faite d'étudier la médecine sous feu
1. Xoticc lJio«raplii(iuo sur Monsgr dp Laval ; A. C'otr & Cic 184H
2. Xotes sur l'Ile d'Orléans '• '• IH'i,)
;-). Ktudes et Reclierclies Biograiiliiiiues sur le chevalier, Noi I Jîrulart de Sillery,
fondateur de la mission Saiut J()f>ej)li,à Sillery i.Ioiinial do QutMiec 11 et l.'! .-lout 1855)
4. Kotico sur Michel Sarrasin, médecin du Koi, à Québec, ("onsoller au Conseil
supùrieur (.Journal do Québec 1856)
5. Le naufraRo do l'AuRuste " " igni)
li. Notices sur les explorations do.Soto,.roIietto,Mar,iuet'.e tt la Salle. A. Côto A Cie 18111
7. Eloge historique do M. le Marquis de Montcalm (auuoiée). Extrait du .Vovio-c
[de Kvance
S. p;tndes JJiograpliiqucs sur M. Jean Raimi)ault, archiprétre. A. Coté & Cie 187(t
0. Notice sur M. Joseph O. Leprohon, arehii)rétre. A. Coté it Cie 1870
10. Etudes biographiques sur le colonel Frs. Dambourges. A. Coté it Cie '. 187»
11. Esquisse du service Postal 1759-1875
12. Etude historique sur le juge Adam Mab.me. A. Coté * Cie 188*
(2) Elle av.iit été bâtie, en 1024, par Champlain, bous la direction d'Etienne IJoulay,
son beau-frère. M. Firmin IJois en fit l'acquisition de M. Laporte, en 1810. Ce dernier lu
tenait do M. Flewry de la Janniére, qui passa aux Isles Françaises.
468
M. L'.MtlHÔ HOIS
m
M. le docteur Morrin ou d'être clerc-notaire, à l'étude de M. A,
]l Sirois ; il re<;ut la prOtrise, le 7 octobre 1S37
Kn 1840, le jeune abbé passa vicaire à Saint-Jean Port-Joly.
C est là qu'il connut M. de Gasoé. l'auteur des Mi-moircs
des Anciens Canadiens, et c'est là aussi que, dans ses rapports
avec 1 aimable chroniqueur, il ne fit i\\x accroître ses goflts pour
les recherches historiques, Chaiiue fois qu'il venait à Québec,
on le voyait s'enquérir aux archives provinciales. Celles de
l'archevêché et des dames Ursulines ne lui étaient pas inconnues,
ainsi que les voûtes de l'ancien palais de justice, incendié en
.873.
En 1843, Mgr Signai le nomma cuié à Saint François de la
Heauce.
Kn 1848, M. l'abbé Bois passa a la cure de Maskinongé, qui
comprenait alors la desserte de Saint Justin et de Saint-Didace.
C'est à M. l'abbé Bois, que l'on doit' en plus grande partie la
ré-édition des Jielations des Jésuites, à cause do la part impor
tante qu'il y a prise.
Dès l été de 185 1, il portait M. Augustin Côté, l'éditeur, à
faire cette ré-édition des quarante-deux Relations in-12, publiées
à Paris, au dix-septième siècle, i)ar le libraire Sébastien Cra-
moisy ; cette ré-édiiion eut lieu en 1855
La publication de la Collection des Anciens Manuscrits, que
nous avons aujourd'hui en quatre magnifiques volumes, a été sug-.
gérée par lui au gouvernement viousseau, par l'entremise de
l'honorable .M. J. Blanchet, secrétaire-provincial, qui s'en est
occupé comme l'on sait, d'une manière toute spéciale.
Une riche bibliothèque, un cabinet de numismatique, des
autographes rares, des manuscrits précieux pour notre histoire,
un dictionnaire démontrant l'origine des noms de là plupart de
nos paroisses canadiennes, des notes additionnelles au catalogue
raisonné des auteurs sur l'Amérique, compi»lé il y a près de 50 ans
par M, Faribault, composent le riche butin qu'il a recueilli durant
ses longs jours bien remplis.
M. Bois a écrit des notices sur nos évoquas, qui n'ont pas
encore vu le jour, qu'il conserve précieusement dans ses cartons,
et d'autres ouvrages dont quelques-uns ont paru sous l'anonyme.
Bien que chargé d'années, M. l'abbé Bois remplit
encore ses fonctions curiales S'il vécut toujours éloigné dee
grands centres, cela n'a jamais empêché que des compatriotes
distingués, des savants étrangers, soient venus à lui, s'enquérir à
son foyer. Aussi n a-t-on pas été surpris quand l'Académie
royale canadienne l'a nommé un de ses membres, il y a quel-
que deux ans, et que l'Université- Laval lui a conféré le titre
de docteur ès-lettres, comme il y a 30 ans des sociétés savantes
<le la province se l'étaient aggrégé. notamment la Société Litté-
raire et Historique de Québec^
Noti'M |»nil It^s lniut'i) Kli-IC.
Rancune des Ecossais contre la France pour les avoir laisses
a leur sort, en 1745.
de la
'•Di'vlio (1"9 MoiitiiHiiiinU llronsnis, — S'fmn me imiiitni' lacenHif."
On lit dans Hawkiii's Pictnrc 0/ Québec, publié en 1S34 :
*'In a publication ofthe day it is staled ihat anoldHighla-
der, a gentleman of seventy years of âge, who accomi)anied
Fraser's Régiment as a Volunteer. was ]>articulary noticed for
<he dexterity and force with which he wielded his claymore,
when his Régiment charged the enemy. On two occasions small
parties of thèse were ordered, at the battle of the I lains, to
advance sword in hand, aiid drive the sharpshooters ont of some
brushwood on their right, from which tliey galled our line.
It was from the right that General Wolfe was nrst wounded.
This old man's conduc.t particularly allracted the notice of (lene-
ral Townshend, wlio sent fjr him after the engagement, and
praising his gallant behaviour expressed his surprise that lie
should icave his native country at such an advanced âge, and
foUow the fortune of war. He was so struck with the old man's ,
magnanimity, that he took him to England along with him, and
introduced him to .VI r Pitt The Minister presented him to the
K.ing, who was graciously pleased to give him a commmission
and leave to retire on full-pay. This gentleman was Malcolm
Macpherson, of Phoiness, in the County of Inverness A long
and ruinons lawsuit, and as he himself said, a désire of being
revenged on the French for their treacherous promises, m 1745,
made him take the ficld as a soldier in his old âge. A near rela
tion of his ofthe same name, when well advanced in years lïox he
hadalso joined the Rébellion, in 1745) acted nearly in a similar
manner. In theyear 1770, he went to India as a Cadet, and
living to a great âge, attained the rank of Lieutenant General,
and died there in 1815, leaving a handsome fortune tn his rela-
tions in Badenock." f'P., p 393-4 )
Note i)()ur la iiagt- 11';.
RACES PREHISTORIQUES.
" ' c Manitoba renferme des tombeaux indiens fort curit'^ux à
étudier au point de vue ethnographique et historique.
" C'est ainsi qu un de nos amis de Winnipeg nous raconte une
de ces dernières découvertes.
— * Hier à Saint André, le Dr. Bell a trouvé en ouvrant la
terre, 83 têtes de flèches en quartz et en obsidienne. Tout auprès,
il "^ ramassé 37 fragments de poteries bien conservées. Quelques
uiics mêmes étaient d'un goCit artistique qui ne laissaient rien à
désirer. Dans ces tombeaux on a aussi trouvé des haches et des
outils qui appartenaient à l'âge de pierre, de la rasade et des.
colliers en coquilles, des tubes de pipes, des marteaux, des dent-
de castors, des pierres grossièrement taillées et destinées évidem-
mept à faire des têtes de flèches ou des pointes de lances.
" Il est curieux de constater qu'au Manitoba il n'y a pas de
gisements de silex. Les autres têtes de flèches et de lances sont
en quartz. La poteries trouvée, semble avoir été faite avec du
granit broyé et mélangé à de l'argile On a ramassé à côté de ces
fragments de vases des blocs préparés et prêts à être employés
pour la fabrication de la poterie.
'• C'est li première découverte de ce genre qui se soit faite
" Il sera curieux pour les savants de pouvoir .venir étudier sur
place les travaux pré-historiques de ces constructeurs de tumu/i,de
ces fabricants d'armes indiennes qui échangeaient et qui com-
merçaient avec les tribus qui ne vivaient que de chasse et de
pêche. '
Cette lettre est curieuse. Elle mérite l'attention des spécia-
listes.
Elle touche à un point fort étudié par les instituts et par les
corp;. savants d'Europe.
Le gouvernement du Canada devrait immédiatement nommer
un homme compétent pour diriger ces fouilles, en prendre note
et faire rapport.
Un pays s'honore en s'occupant de son histoire et de tout ce
qui peut la faire connaître. - (Le Canadien, 15 Sept 1885 )
UN MUSÉE NATIONAL.
Le Canadien d hier mentionnait les importantes découvertes
pré historiques qui viennent de se faire au Manitoba. Nouî
croyons devoir revenir encore sur ce sujet qui va tourner vers,
nous les yeux de tous les savants du monde.
ESQUISSES
471
Voici les détails })récis qui nous arrivent du Nord-Ouest.
Sur la rive ouest de la Rivière Rouge entre Selkirk et St André,
à i)eu près à dix-huit milles au nord d-i Winnipeg, se trouvant
des tertres et des tumuli que l'on iuppose avoir été érigés par
une race antérieure aux tribus qui ont peuplé et qui existent encoïc
au Manitoba. Ces tertres ressemblent aux /twrt//'^ mexicains. Pen-
dant des siècles ils furent respectés, car la légende entourait ces
tombeaux jde mystères, et malheur, disait-on, à ceux qui les pro-
faneraient. Dernièrement un archéologue passa outre. Il fit ouvrir
un des tertres et se trouva en face de trésors préhistoriques
inconnus. Il y trouva des arêtes de poissons, des ossements de
buffles, de cariboux, des squelettes humains, de la ])oterie, de
l'argile préparée pour faire des vases, des tubes eu pierre, des
l)ipes, des haches, des têtes de flèches, en obsidienne en quartz
et en granité, des coquilles de mer, des conques marines.
Cette découverte a fait du bruit, et la Société Historiciue de
Winnipeg s'est mise à organiser des e.xcursions à ces tom'neaux.
Un journaliste en faisait partie
Le premier jour, dit-il, nous ne pûmes pas travailler, car il
avait tombé de la pluie ; mais le lendem; 'n nous nous mîmes'à
l'œuvie et quelques coups de pic amenèrent au jour vingt sque
lettes humains enterres de toutes les façons, les uns debout, d'au-
tres à genoux, d'autres horizontalement, la face tournée vers le
ciel. Tout autour il y avait des carapaces de crabes de rivière,
des tubes en pierre tels que s'en servaient autrefois les jongleurs-
indiens pour opérer sur les malades, de la potterie fort l)elle;,
des cornes de buffles et d'élans, et du charbon de bois.
Ce tumulus devait remonter à l'époque de l'âge de pierre.
Tout portait à cette conclusion, les têtes de flèxhes et de lances,
les dents perforés, la poterie ornementée de figures et de dessins,
grotesques et les ossemements brisées pour en enlever la;
moelle. Pour démontrer l'antiquité de cet ossuaire, disait notre
confrère, nous avons suivi une énorme racine de chêne qui
s'enfonçait à six pieds sous terre et au bas, nous avons trouvé
dans ses rameaux, des crânes humains qu'ils avaient enlacés et
autour desquels ils poussaient et grandissaient.
Dernièrement, ainsi que l'a déjà mentionné le Canadien, le
Dr Bell a découvert l'endroit ou les artisans de cette époque
reculée fabriquaient leurs potteries et leurs armes. Il a pu
ramasser en une journée deux cents têtes de flèches et lances,
des n;a.rteaux et des haches en pierre, des chapelets de rasade
et trente sept échantillons de potterie.
Devant ces découvertes intéressantes qui vont étonner le
monde savant et ajouter une nouvelle page, pèul-être la plus
belle .1 l'histoire des tenips pré-historiques, nous revenons à ce
que nous demandions hier.
Nous voulons que le gouvernement fédéral prennent posses^
',.iA
Il f^S'-
472
RACKs ri<É-nisTORioui;s
sion dé ces tombeaux, et qu'il en fasse faire les fouilles par un
homme compétent. Il y a là, le point de départ d'un beau musée
national, d'amples matériaux pour celui de la Société Royale,
à Ottawa.
Si nous étions aux Etats-Unis, le Smit/moniaii Tnstitntc de
Washington serait déjà chargé de diriger ces fouilles.
. \Le Canadîru, 16 Sept. r885.)
ir un
misée
c de
Note pddi- la pa«c lh\
Présentation d'un Pavillon à J. M, Lf.Moine
pour la Tourelle de Spencer Grano;-e,
Sillery.
11 Novembre ISSS,
i-fî
,1-
m
1
(Extrait du Courrier du Canada, 17 Novembre 1882.)
" Samedi dernier, les principaux prepnétaires des villas et
résidences sur les chemins St- Louis et Ste-Foye, etc., se réunis-
saient dans la Salle de banquet du club de la Garnison (1), dans
le but d'offrir à l'auteur de Picturesque Québec, M. J. M.
LeVloine, un riche pavillon, pour flotter au haut de la tour de sa
nouvelle résidence à Spencer Grange.
Au banquet, le Col. Rhodes président fit ressortir d'une
manière frappante tout ce que leur '• hôte " avait écrit pour faire
connaître avantageusement à l'étranger le chanVie, les souvenirs,
les sites historiques de notre bonne ville, ajoutant qu'il ne con-
naissait personne qui eut fait autant sous ce rapport, que M.
LeMoine.
Voici les noms des signataires de l'adresse de félicitation :
Sou Honneur l'honorable Frs Langolier, maJro do , .„.
Québec Pnvilly, Uramle AUco.
U.,col. Rhodes Kenmore.
Lt.-ool. J. B. Forsyth ^"ii^^ ,
U.-col. Frost liray bt-Miehel.
Robert Hamiltou Haniwood.
R. R. Dobeii i!?^"72";•,
Kvau J. Price /l ./",',• .
Léger Brousseau Chateau-Bigot. •
lit.col. TurnbuU Marchinout.
Liiouorable B. A. Ross Westheld .
Andrew Thomson „ '-"".'L' . .
Albert Fiirnisa ÎJ,',""'^^ ,'',',
Arch. CampbeU ï '"''"'."l'; .
Frs J. Stockwcll Tl'« Highlauds.
Chs V. Temple «•• i, vu '
plne^'rson'Half'""'"''' /• V;;;;;;;;;;;;;;;;;;.HaUirmand-House, Moutxnorency
(Jeo. H. Parke S"]»!^^!''-
James Bowen, jr Redclyfte.
Wm. Herring RavenswooJ.
Louis Bilodeau Beausejour.
Thomas Beckett Clermont.
Aud. C. Stuart Meadowbonk.
Henry Dinning. L'Asile Champêtre.
Alfred P. Wheeler Montagne Cottage.
En scrutant les noms des signataires, on se convaincra sans
peine qu'ils représentent entre lutres éléments de progrés et de
succès, ce que notre ville compte de plus éminent dans le haut
commerce et la finance de Québec Bien que la fête eut été
organisée à l'improviste et sans apparat, rien ne fut épargné
pour rendre attrayant le banquet offert à M. LeMoine : les mets
les plus exquis ; les vins les plus délicats se disputaient la pré-
séance Nous regrettons que l espace manque pour reproduire
tous les discours des orateurs qui prirent part à la célébration.
Le col. Rhodes, président, après avoir fait en termes chaleureux
(1) Rue St-Louis.
'H
476
l'I'ÉSENTATION D'UN I'AVILLOX
i '
■f
V
1 éloge des efforts de M. LeMoine, pour faire connaître à l'étran
ger — les palpitantes annales de notre Vieille ville, — ses champs
de bataille— ses glorieuses luttes — ses progrès depuis son origine
— ses sites pittoresques— ses radieuses villas, ajouta qu'après
vingt ans de travaux de sa part, les personnes ci présentes
avaient comploté contre lui une petite surprise. L'on sait que
notre ami a fait subir cet été à sa jolie résidence, toute une
transformation. Une majestueuse tourelle orne maintenant S/e;i-
ccr Grange\ Cette tour à son mât de pavillon ; à ce mAt, il faut
un bannière.
" Il y a une bannière, ajouta-t il, que vous chérissez tous,
que M. LeMoine aime autant qu'aucun de nous, que par ses
écrits il nous a appris à aimer ; c'est celle de notre pays : le
Dominion F/ag de notre Canada. Ce pavillon, messieurs, sur
la. tourelle de Spencer Grange, sera bien et auement à sa place :
T/ie rig/tt thing in t/te rig/ii place, \o\c\y 'M. LeMoine, votre
pavillon et le nôtre ! acceptez-le 1
Un pavillon. Messieurs, n'est pas un objet ordinaire C'est un
symbole, une idée toujours vivace. un indéniable indice de sou
veraineté. Un explorateur, pour affirmer, sauvegarder son droit
à la découverte d'une plage inconnue, y arbore le pcivillon de sa
patrie.
Un drapeau pour un régiment, j'en parle en connaissance de
cause, ajouta le brave Colonel, c'est ce quil prise au delà de
tout. C est un objet sacré. Aujourdhui, nous présentons à l'an-
naliste respecté de Québec, au sympathique historien de Sillery,
un emblème qui nous sied à nous tous : le pavillon du Canada.
Ouand ce pavillon flottera à Sillery, ce sera, osons le croire, un
symbole, un lien, un chaînon de plus qui nous unira à notre
vieille patrie d'au-delà des mers, à notre présente patrie d adop
lion ou de naissance,— à nos heureux foyers, ces Canadien
Homes que M. LeMoine a décrits avec non moins de vérité que
de charme, — un souvenir qui nous rappellera également le toit
hospitalier de Spencer Grange."
M. LeMoine répondit comme suit : "Messieurs : J'accepte
avec effusion votre offrande. Ce moment est en effet bien doux
pour moi. Comment pourrai-je l'oublier ! Je suis tous confus des
sentiments affectueux, qui m'ont valu ce cadeau, aussi bien que
du mode généreux que vous avez ad«pté poar me le présenter.
Il y a vingt ans et plus, quand je mettais au service de ma
patrie, mes humbles talents— et quand chaque année depuis, je
voyais la série grossissante de mes travaux littéraires sur le
Canada, ses faibles origines, ses héroïques (i) luttes avec les
féroces aborigènes et ses non moins féroces ennemis (2), les
hommes civilisés de l'ancien et du nouveau monde,— sur les dou-
(1) Jlnple Leaves, l8i>,S-4-r..
(2) La Mémoire do d.- Moutcalm >\ ngée.
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t 1>
VILLAS
477
loiireuses, mais glorieuses péripéties de son histoire ( i), les riches-
ses de son sol, jusqu'aux aimables hôtes de ses bois ^2) et de ses.
rivières —^z) sur le majestueux parcours, et les lugubres drames
maritimes de de son fleuve-roi, (4^ j'étais loin ds prévoir qu'une
réunion de mes concitoyens aussi distingués, plus tard "corn
ploieraient ' contre moi, comme vous l'avez dit. M. le Prési-
dent, la douce surprise de ce jour. Oui, Messieurs, après avoir
comme bien d'auties, foulé avec hésitation, le sentier épineux
des lettres en notre jeune pays, j'étais loin de prévoir ce que
le tribut de votre indulgente reconnaissance me réserverait. Non
certes, le volume que vous préconisez Picturesque Queuec,
n'est ni complet, ni parfait. Les lacunes y sont nombreuses.
Il y manque encore, bien de ces "intimes souvenirs de la
famille et du foyer" qui semblent avoir provoqué de votre part
le verdict favorable que vous venez de prononcer. Espérons que
la Providence me donnera encore assez de jours ou d'années
pour mettre la couronne finale à cette œuvre [5]. Si plus tard,
il y manque quelque chose, ce ne sera pas l'amour du sol natal
qui me l'a taii entreprendre, ni la persévérance nécessaire pour
mener à bonne fin ui e série d Etudes sur notre Canada, entre-
prise il y a vingt-deux ans. Pour votre courtoisie et votie géné-
reuse offrande, acceptez. Messieurs, toute ma gratitude, mes sin-
cères remerciements. '
'.'honorable D. A. Ross, le propriétaire de l historique villa-
Westfield sur le chemin Ste-Foye, ayant été invité à prendre la
parole, s'exprima en substance, comme suit : " Messieurs ; Il
ne saurait y avoir qu une voix, je pense — pour acclamer favora-
blement ce que M. LeMoine a entrepris de faire et ce qu il a fait,
pour Québec.
Ce qui le distingue, c"»st surtout son impartialité — son indé
pendance comme annaliste du Canada ancien et moderne. Qui
ignore ses sympathies pour les braves d'autrefois qui circulaient
dans les rues de Québec, au temps où le pavillon fleurdelisé flot-
tait sur nos bastions ?
Il y a un tableau tracé par M. LeMoine si saisissant qu'il
restera à jamais. Vous rappelez vous comment il nous a peint
l'héroïque guerrier Montcalm revenant de son dernier champ de
bataille, à midi le 13 tept 1759, et passant à quelques {as doù
nous sommes (ôi.Jdans la rue Saint Louis, le teint encore bronzé
par les soleils d'Italie, l'œil défiant— bien que blessé à mort et
retenu sur son cheval blanc par deux miUtaires ? Et qui mieux
(1) Québec Tast nni Présent. L'Album du Touriste. L'Album Canadit.'n.
(i) Les Oiseaux du Canada.
(3) L<!S Pêcheries du Canada.
(4) Chronicl*» of the St Latcretft.
i'ij Pictufesque Québec.
(«) lio Club de la Uarnison de Québec— (l'ancien Bureau du G«ni« intpérial) aviosina
la porte St-Louis, en dedans.
478
l'RÉSENTATION D'UX l'AVILI-OX
\ "
que notre annaliste a su décrire les épreuves et les succès de l'in-
vincible Wolfe.
Il y a plus chez rotre écrivain : dans les radieux tableaux
qu'il trace de nos résidences, ces Caiiadian Homes qui nous
réclament, nous tous, Messieurs, il règne parfois une teinte si
aimable, si rêveuse qu'il est impossible de s'y soustraire.
•Il y a mille épisodes, mille incidents de notre histoire, qui sans
M. LeMoine, je crois, m'eussent été inconnus à jamais. Hon-
neur à lui.
Avec vous, messieurs, je m'associe de tout cœur au tribut de
reconnaissance qui lui est en ce jour offert. "^
MM. Dobell, Forsyth, Wheeler furent aussi invités à prendre
la parole ; nous regrettons que l'espace nous manque pour
reproduire leurs discours. Le banquet se prolongea jusqu'à quatre
heures P. M., M. l eMoine a du être flatté de cette gracieuse
^ovation."
Note |i(jur lu iKigo 'JTl'.
NOS PRISONNIERS DE GUERRE EN 1812-14.
i/on sçait que les prisonniers de guerre, américains, faits
ai)rès la glorieuse journée de Qiicciision IIei;^/tts, en 1812, expé-
diés sous bonne escorte à Québec, furent internés pour la plus
part à la Canardière, dans la somptueuse résidence, (ju'on nomma
plus tard le Château de Bonne.
Celui des prisonniers qui dans la suite devint le plus célèbre
et avait été capturé à Qucenston Hcights, le capitaine Winfield
Scott, ne fut pas internes à Beauport : le conamandant de la gar-
nison de Québec, le tJolonel, plus tard, le Général Glasgow,
l'ayant élargi sur parole et l'ayant reçu sous son toit, comme
son hôte, bcott se distingua plus tard, dans la campagne du
Mexique, Où il avait le grade de Général : sa fiévreuse activité
et son amour de l'étalage lui ayant mérité le sobriquet de
" Old Fuss and Fcalhers " qu'il retint jusqu'à sa mort.
Estimé pour sa bravoure et son mérite, il re-visitait
Québec en 1817. Sir John Harvey, l'Adjudant Général des
Forces, qui avait combattu contre lui pendant la guerre de 1812,
lui offrit rhospitahté de son manoir; Sir John Harvey, en 1819
occupait Marchmont. sur la Grande Allée et devint plus tard
Gouverneur d'une de nos Provinces.
Au nombre des 40 prisonniers américains expédiés à Québec,
on compte les généraux Hall, Chandler et Winchester. Fendant
l'hiver de 1 813-14, ils furent avec leurs compagnons d'armes,
escortés de Beauport à une demeure privée dans la rue Saint
Louis, celle de l'Hon. Wm. Smith, l'historien, avant d'être expé-
diés à Halifax, où ils furent échangés.
L'autorité militaire assigna comme escorte, une escouade de
la Cavalerie Volontaire du Capitaine Bell (^plus tard l'Hon.
Mathew Bell.) Ce fut le lieutenant (plus tard l'Honorable)
Edward Haie, ci devant de Portneuf, qui commanda ce détache-
ment : parmi ses troupiers, on rencontre des noms bien connus,
fort respectés, même de nos jours : William Priée, " le Roi du
Saguenay " Hammond Gowen, Archibald Campbell, Notaire,
Frederick Wyse, l'Hon. Wm Sheppard, John Leland Maquay,
John Greaves Clapham, John Musson, Charles Hy. J. Hall, tous
maintenant décédés.
La Cavalerie de Bell, se composait d'à peu prés 100 troupiers ;
l'uniforme était bleu, avec collet rouge, galons d'argent ; armes :
sabres et pistolets d'arçons ; les chevaux de service étaient
Anglais, Américains et Canadiens.
Note pour U pugu U5.
Extrait de '•Hawkin's Ficture of Québec.'*
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" Having visited the Mansion at Cap Rouge, and walked
over the ground wilh Mr Atkinson, since this volume was at
press [in 1834] it is proper to add that the " trees indioating
great antiquity" " mentionned in the text hâve been lately remo-
ved. In other respects the site remains the same as before.
A few months ago Mr Atkinson's workmen in leveiling the
lawn in front of the house, and close to the pomt of Cap Rouge
height, found beneath the surface some loose stones which had
apparently been the foundations ofsome wall, fortification or buil-
ding.
Among the stoiies were found several iron balls of différent
sizes, adapted to the calibre of the ships suns used at tlie period of
Jacques Cartier's and Roberval s visit. ()n clearing, also, a pièce
of ground in rear of the garden, intended for the Bowling Green,
traces were plainly ëiscovered of ancient fiirrows, showing that
the spot had Ijeen cultivated by Europeans. Upon the whole,
the évidence of the présence of the French at Cap Rouge, may
be considercd conclusive. Nor is thereany good reason to doubt
that Roberval took up his quartcrs in the fort which Jacques
Cartier had left." [P. 469.]
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