IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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Sciences
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WEBSTER, N.Y. 14580
(716) 872-4503
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICIVIH
Collection de
microfiches.
Canadien Institute for Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibiiographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usual mothod of filming, are checked below.
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
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Coloured covers/
Couverture de couleur
Covers damaged/
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
Cover title missing/
Le 'itre de couverture manque
Coloured maps/
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
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n
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0
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Coloured pages/
Pages de couleur
Pages damaged/
Pages endommagées
Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
Pages detached/
Pages détachées
Showthrough/
Transparence
Quality of print varies/
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary matériel/
Comprend du matériel supplémentaire
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□
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve beeri omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
D
D
Only édition available/
Seule édition disponible
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
D
Additional comments:/
Commentaires supplémentaires:
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Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
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16X
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28X
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The copy fiimnd hère has been reproduced thanks
to the generosity of :
Library of the Public
Archives of Canada
L'exemplaire filmé fut reproduit grflce à la
générosité de:
La bibliothèque des Archives
publiques du Canada
The images appearing hère are the best quaiity
possible) considering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
filming contract spécifications.
Original copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cover and ending on
the last page with a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. Ail
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or illustrated impression.
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol — ^ (meaning "CON-
TINUhD "), or the symbol V (meaning "END"),
whichever applies.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole "^ signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie "FIN".
Maps, plates, charts, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many frames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1
2
3
32X
1
2
3
4
5
6
L'ORDRE
DE
MA4TE M AMERIQUE
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1888
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L'ORDRE
DE
MALTE EN AMÉRIQUE
PAR
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QUEBEC
Imprimkrir générale a. COTK kt Cie
1888
^ - /Z'ji
L'ORDRE
DE
MALTE EN AMERIQUE
Enr^,jUtré au hurmu du mînhtJ-rc de VAyru^dUn-c, à Ottawa, par
J.-Edmund Roii, ,,„ Vann(u mil huit cent quutre-vùuji-huit.
par
M. J.-M. LiîMOINE,
DB
U SOCIÉTÉ ROYALE DU (AMU.
C EST SOUS LKS OMRRAOKS KVrirANTKirtlS I'<i " SPKVrEll ORANGE,"
QUK j'ai appris A AIMER LEP REriIKROHES HISTOkKUK».
CET OPUSCULE EST VOTRK RIEN : JE VOUS hK DÉDIK.
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AVANT-PROPOS
Au mois de novembre 1885,. M. Daniel Murray,
greffier au tribunal de police à Québec, recevait
d'un officier de l'armée anglaise, le colonel Carr,
commandant d'un régiment stationné à Worcester,
la lettre suivante :
CASERNES MORTON
Worcester, Engl., 25 nov. 1885.
Cher major îviurray, — De retour en Angleterre, après
mon voyage dans le Nord-ouest canadien, j'ai parcouru les
vieux bonqnins concernant Québec, pour y trouver la
solution du problème que je vous avais posé lors de mon
passage dans votre ville. 11 s'agissait de retracer l'exis-
tence d'un Prieuré des Chevaliers de Saint-Jean, sous le
régime français, dans la vieille cité canadienne.
Connai-^sant rinlérèt que vous portez à l'histoire des
ordres religieux dt; votre ville, je vous envoie un passage
extrait d'un volume italiiîn que j'ai en ma possession et
qui prouve que l'ordre do Malte possédait des établisse-
ments considérables dans la province. H n'y a pas de
doute que denx des premiers gouverneurs Crançais du
Canada étaient membres de cet ordre. Ce fait peut
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; I
— 8 —
expliquer l'établissement d'un bureau des Chevaliers dans
la Nouvelle-France. Si vous trouvez jamais trace de ces
établissements, je serai heureux de l'apprendre
Votre très dévoué,
(Signé) R. E. Carr,
Colonel.
A cette lettre était joint le passage auquel le
colonel Carr faisait allusion :
Extrait de VAmerican Gazcttecr^ traduit de ^anglais en
italien et publié à Livourne, 1763.
" Québec est bien bâti. Les beaux édifices, les églises
et les palais y abondent. On remarque surtout le palais
de l'Kvèque, les chambres des tribunaux, le Prieuré des
Chevaliers de Jérusalem^ superbe édifice en pierre de taille^
qui a coûté, dit-on, £40,000 sterling. Il y a uussi dans cette
ville des monastères do Frères, de Moines, des chapelles.
Le plus bel édifice de la ville est le château Saint-Louis,
résidence du Gouverneur. Ccst là que se réunissait le Grand
Conseil de la Caroline, quand Québec était occupé par les
Français. C'est là aussi que se conservaient soigneusement
les archives royales."
M. J.-M. LeMoine, à qui M. Murray avait
communiqué la lettre de M. Carr, lit un appel
aux antiquaires de langue anglaise dans le Morning
Chronide du 12 décembre, et quelques jours après
il adressait au Canadien la communication qui suit :
*ii
1
— 9 —
Au cas où la question historique insérée dans le
Morning Chromcle du 12 courant, vous aurait échappé, je
vous en expédie un numéro.
Qui sait si queiaue antiquaire en liesse, à l'approche
des fêtes de Noël, ne daignera pas y porter le flambeau
de ses lumières ? La question que pose le colonel Garr
est neuve.
Où donc était cette magnifique maison des Chevaliers
de Malte, érigée moyennant £40,000 sterling, sous le
régime français ?
En étudiant le texte de VAmcrican Gazctlecr^ publié en
italien, à Livourne, en 1763, il est facile de se convaincre
que ce dût être une bâtisse autre que le Château Saint-
Louis, où plus d'un chevalier de Malte a dû séjourner.
Noël Brulart d(^ Sillery, le respecté fondateur de notre
Sillery, apparlenait à cet ordi-e, aussi bien que Charles
Huault de Monlmagny, notre second gouverneur
Il y aurait, qui sait, quoique chose à ajouter à la
savante dissertation de noire érudit collègue l'abbé
Casgrain, de la Société Royale, à propos de la date de
" 1047 " inscrite sur la niyslérituise pierre du jardin du
Fort, dorée en 1872, aux frais de M. Ernest Gagnon, patrio-
tique Conseiller de Ville. Je me suis borné à y faire
allusion dans V Album du Touriste en 1872, et dans Québec
Past and Présent, en 1876.
Veuillez donc mettre un coin de vos colonnes en dispo-
nibilité— pour ceux de nos antiquaires disposés à prendre
part à cette intéressante joule.
Bien à vous,*^
J. M. LeMoine,
de la Société Royale du Canada.
— 10 —
La publication de ces notes donna lieu à une
discussion assez mouvementée à laf[uelle prirent
part M. E.-T.-D. Cliambers, du Mornlug CJuwiicJe,
et M. N.-E. Dionne, du Courrier du Canada,
C'est à cette occasion que je publiai dans le
Quotidien de Lévis l'étude qui va suivre, et dont
M. J.-M. LeMoine a donné un excellent résumé
en langue anglaise dans le Canadlan Antiquariait
du mois de janvier 1886.
f
f
L'ORDRE DE
MALTE EN AMÉRIQUE
UN PRIEURÉ A QUÉBEC
Le vieux rocher de Québec, qui a vu tant de gloire,
a-t-il eu, autrefois, aux jours où le drapeau fleurdelisé
flottait sur ses murs, im prieuré des chevaliers de Saint-
Jean de Jérusalem ?
Voilà la question que pose un colonel de l'armée
anglaise, amateur de choses anciennes.
Ni l'histoire, ni la tradition ne parlent de ce
prieuré.
— 12 —
Le premier écrivain qui en fait mention est le capi-
taine John Knox. Dans son journal de la campagne
de 1^59, décrivant les principaux édifices de Québec,
il dit :
" Leurs principaux édifices publics étaient la cathé-
drale, dont les murs seulement demeurent ; le palais
de l'évêque, le collège des Jésuites et des Récollets,
les couvents des TJrsulines et de l'Hôtel-Dieu, avec
leurs églises, un séminaire pour l'éducation de la
jeimesse, presqu'en ruines; nnemm'son imposante, mais
non encore terminée, pour les Chevaliers-Hospitaliers, le
magnifique palais de l'intendant dans le faubourg
de Saint-Roch, et l'église de madame la Victoire, dans
la basse- ville, à moitié détruite.
" Dans les murs des maisons, au coin des rues,
sont creusées des niches, où sont placées des statues
de grandeur naturelle de saint Joseph, sainte Ursule,
saint Augustin, saint Denis et plusieurs autres.
" Le château ou citadelle, résidence de l'ancien
gouverneur-général, faisant face au collège et à
l'église des Ré collets et situé sur la grande parade,place
spacieuse entourée de belles maisons, — est curieu-
sement élevé sur le bord d'un précipice, au sud de la
!i
— 13 —
maison épiscopale, et donne vue sur la basse-ville et
le port Ce palais, appelé fort Saint-Louis, était le
rendez-vous du grand conseil de la colonie. " (1)
Trois ans après, en 1762, un voyageur inconnu
corrobore dans V American Gazetteer l'assertion du
capitaine Knox. (2)
C'est sur ces données un peu vagues que le cher-
cheur doit prendre son point de départ.
(1) Au vol. II, p. 147, a la date du 1er octobre 1759, page 453 du
mCme volume, Knox, décrivant les ddificcs do Montréal qu'il viHÏta après la
capitulation, dit que la maison des Clievalicrs-llospituliers est d'une munifi-
cence extrême : " Tho streets are rcguhir, tlie houses well constructed, and
particularly tlie public buildings, t'ar exeeedingthose of the Capital of Canada
in beauty and commodiousness : that of tho Kni^ht.s Hospitaliers being
extremely magnificent." Il y aurait donc eu à Montréal aussi une branche
do l'ordre.
(2) Voici le texte de V American Gazetteer (1762) :
" QUEBEC.
"The upper town is also woll built and abounds with noble édifices, as
churches, palaces, especially that of the Bishop, tho Courts, the Ilouse of the
Hospitaliers, which is a noble building of sq-iare stone, said to hâve cost
40,000 livres, several mouasteries, chapels, etj., which would take up too
much room to doscribe.
" The Jesuits hcre, as in most places, were best accommodated ; thoir
churoh fine and largo, though the conveut is small ; botU are well built and
advantagoously situatcd in the upper town.
"Their garden is large and well planted, and ai the end of it a pleasant
little copse."
Le traducteur italien cité dans l'avant-propos a traduit Hospitalier» par
Cavalieri Oeroeolimitani.
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— 14 —
II
Que les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem,
devenus plus tard chevaliers de Rhodes (1309), puis
chevaliers de Malte (1522), aient pris quelqu'intérêt
à la Nouvelle-France, aux origines de la colonie, ceci
est fort probable quand on sait que tous les ordres
religieux de la mère-patrie, sans exception, suppliaient
alors le roi de leur donner part aux travaux des mis-
sionnaires dans cette lointaine contrée. (1)
Dès 1601, on trouve que le commandeur de Chaste,
gouverneur de Dieppe, un des dignitaires de l'ordre,
est un des propriétaires de la colonie alors sous la
gouverne de compagnies particulières. C'est lui qui
engage Champlain, à son retour des Indes, à faire
une première expédition dans le Saint-Laurent. (2)
En 1611, Charles de Bourbon, comte de Soissons,
est nommé vice-roi de la Nouvelle-France. Son nom
est inscrit aux registres de l'ordre. (3)
Dans la période qui s'étend de 1632 à 1648, notre
histoire nous montre trois chevaliers de Malte jouant
(1) Forland.
(2) Garnoau, t. II, p. 139.
(3) Voir l'abbé de Vortot, Histoire dos oliovaliors de Malte — édition de
1772.
édition de
— 15 —
un rôle actif en Canada : de Montmaguy, de Sillery,
de Kazilly.
Tous trois furent membres de la compagnie des
Cent Associés. La liste publiée dans les Manuscrits de
la Nouvelle-France (t. I, p. 82) ne donne que le nom
d'Isaac de Razilly, mais Garncau et Ferland disent
que M. de Montmagny et M. de Sillery avaient des
intérêts dans cette société.
Le commandeur de Chaste comptait huit membres
de sa famille parmi les chevaliers de Malte.
Noël Brulart de Sillery fut admis dans l'ordre en
1598. Il avait pour armes : de gueules à la bande
d'or chargée d'une traînée de poudre à cinq barillets
de sable.
Un de ses frères, Charles-Claude Brulart de Sillery,
fut admis le IG juillet 1G40. Il avait pour armes : de
gueules à la bande d'or chargée d'une traînée de
poudre mise en ordre de sable, avec cinq barillets
de même.
Noël Brulart de Sillery est né en lô'ZY, le 25 déc.
A 18 ans, son père, Nicolas Brulart, l'envoya dans
l'île de Malte, où il servit douze ans. Le père de Sillery
prit intérêt au Canada, comme on le voit dans les
écrits de Champlain.
Il"
— 16 —
iHli
''il!
i!Éi
Le dernier descendant do Nicolas Brulart, le mar-
quis de Sillery et de Puysioux, était marié à Madame
de Genlis, écrivain qui eût autant de réputation
dans son temps que Corneille et llacine. Le marquis
de Sillery était devenu le confident et l'agent de
Philippe-Egalité qu'il a suivi sur l'échafaud. Il est
mort en criant : Vive la République ! exemple qui fut
suivi par les autres girondins.
Marc-Antoine Brasdefer de Chasteaufort, qui fut
appelé à remplir les fonctions de gouverneur intéri-
maire, après la mort de Champlain, appartenait à
l'ordre de Malte, suivant le savant abbé Bois. (1)
M. DeLisle, lieutenant de Montmagny, était aussi
chevalier de Malte. C'était un personnage très pieux,
dit Suite. Il parait avoir commandé aux Trois-Ri-
vières, en juin et juillet 1636.
Noël Brulart de Sillery, grand' croix de l'ordre reli-
gieux et militaire de Saint-Jean de Jérusalem et
commandeur ou bénéficier du temple de Troyes, ne
vint pas dans la colonie, mais aux instances de ses
deux amis de Montmagny et de Razilly, qu'il avait
connus à Malte, il fonda aux approches de Québec, à
(1) Nommd gouverneur des Ïrois-Rivières après l'arrivée de Montmagny,
il y était encore en 1638.
le Montinagny,
— 17 —
l'endroit qui porte encore son nom, un établissement
considérable pour les sauvages hurons : uu fort, une
chapelle, un hôpital, des maisons pour les néophytes.
M. de Montmagny, gouverneur de Québec, et de
Razilly, lieutenant du Roi en la Nouvelle-France,
seigneur suzerain de plus de vingt lieues de pays sur
les bords de la rivière Sainte-Croix en Acadie, rêvè-
rent-ils avec le commandeur de Sillery, le pieux
gentilhomme qui devait plus tard se faire prêtre, de
continuer sur la terre d'Amérique les grandes œuvres
et les hauts faits accomplis dans Rhodes et sur le
rocher de Malte par les disciples de Villiers-de-l'île-
Adam et de la Valette ?
Avant d'étudier cette question, rappelons un inci-
dent historique qui se passa aux Antilles et qui
servira peut-être à éclairer notre marche.
III
En même temps que de Montmagny et de Razilly
exercent le pouvoir souverain, l'un sur la Nouvelle-
France et l'autre sur l' Acadie, un frère d'armes, cheva-
lier de Malte lui aussi, le commandeur de Poincy,
occupe la charge de gouverneur général des îles
d'Amérique.
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— 18 —
M. do roincy a fixé le siùg-e de son administration
dans les Antilles, à l'île Saint-Christophe, qui appar-
tenait alors à une compagnie de marchands français
sous la haute suzeraineté du roi de France.
Caractère entreprenant, de Poinoy fait construire
un château fortifié en forme de citadelle. Sous lo
prétexte de défendre l'île contre les corsaires, il arme
en course plusieurs vaisseaux de guerre.
Les colons s'inquiètent de voir de Poincy se forti-
fier aussi puissamment. Patrocles de Thoissi, à la
tête du parti des mécontents, demande à la cour de
chasser de son g'ouvernement, un officier qui prend
ces allures autocratiques. Son terme de gouverneur
est expiré, mais de Poincy persiste à garder son com-
mandement. (1)
C'est cet incident qui obligea le roi de France à
rapi)eler de Montmagny du Canada qu'il avait com-
mandé depuis douze ans, à la satisfaction géné-
rale. (2)
(1) Vcrtot Inc. cit.
(2) AI. de Poincy, gouverneur général des îles do l'Amérique et parent do
M. de Montmngny, ayant refusd de livrer .son poste au suecossour que lui
avait nomm^^ le roi, on crut devoir prendre des mesures pour empêcher quo
pareil exemple ne fàt suivi dans les autres colonies [Charlevoix — liv. IV.]
— 19 —
M. (le Poincy, voulant di'jouor les desseins de ses
ennemis, s'adresse au grand-maitre de l'ordre de
Malte, Lascaris.
Il lui écrit que sa dépouille est bonne, très considé-
rable, et qu'il désire la conserver au profit de l'ordre.
" Si je meurs dans cette île, dit-il, la compagnie des
marchands ou mes propres ennemis s'en empareront.
Je demande un ou deux chevaliers pour me remplacer
si je viens à mourir, afin que ma succession ne soit
point perdue pour l'ordre."
M. de Montmagny, depuis son retour du Canada,
est devenu receveur du prieuré de France. Lascaris
lui apprend la position où se trouve de Poincy, son
parent. Il lui donne commission expresse, en qualité
de procureur général de l'ordre, de se transporter dans
les îles d'Amérique qui relèvent de la Couronne de
France, avec pouvoir de se choisir un autre chevalier
pour l'accompagner dans ce voyage, et pour le rem-
placer s'il vient à mourir. (1)
Le grand-maitre ne s'en tient pas là. Assuré de la
bonne volonté du Chevalier de Poincy, qui n'agit dans
toute cette affaire que pour le bien de Vordre, il s'adresse
(1) C'est à Saint-Christoplie que mourut M. de Montmagny, au dire de M.
Aubert de la Chesnaye. Mémoire écrit en 1676.
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I-
— 20 —
au bailli de Souvré, son ambassadeur auprès du roi
do France. Il le charge de travailler à obtenir de ce
prince deux articles qui lui paraissent très impor-
tants : le premier est de contenir par son autorité
royale les entreprises du sieur de Patrocles de Thoissi,
chef du parti opposé au commandeur de Poincy, et
son ennemi capital ; le second consiste à acquérir les
droits des propriétaires de l'île, et de tâcher en même
temps d'y faire comprendre les îles de la Guadeloupe
et de la Martinique, et autres îles voisines.
Cette négociation, conduite avec habileté par le
bailli de Souvré, aboutit à plein succès. L'île de
Saint-Christophe est vendue à l'ordre par contrat
passé à Paris et ratifié à Malte en 1652. Cette cession
se fait à deux conditions : la première, que l'ordre
s'oblige de payer aux habitants de l'île tout ce que la
compagnie des marchands propriétaires leur peut
devoir : la seconde, qu'il donnera une somme de
120,000 livres tournois. Dans ce marché on com-
prend non-seulement la propriété et la seigneurie de
l'île Saint-Christophe et des petites îles voisines,
comme Saint-Barthélemi, Saint-Martin, Sainte-Croix,
et quelques autres, mais encore les habitations, terres,
esclaves noirs, marchandises, munitions et provisions,
I
— 21 —
ce qui fut depuis confirmé par lettres patentes de
Louis XIV.
Après cette acquisition le grand-maître nomme le
chevalier de Sales pour aider de ses conseils le bailli
de Poincy qui se trouve dans un âge fort avancé et
qui mourut peu de temps après. (1).
La dépouille de ce chevalier, dit l'abbé de Vertot,
bien loin d'enrichir l'ordre, ne se trouva consister
qu'en dettes passives, qu'il avait contractées pour se
soutenir dans son gouvernement.
En 1665, l'ordre vendit St-Christophe à une com-
pagnie de marchands français qui, sous la protection
du roi, s'y établirent.
Comme les rois de France, comme les compagnies
particulières qui tentèrent de fonder des établisse-
ments au nouveau monde, l'ordre de Malte fut
effrayé des dépenses énormes que coûte toujours une
(1). Philippes de Louvillicrs — Poincy, gouverneur de Saint-Christophe,
portait des nrities de gueules à l'nigle d'argent 6cartcl<5 d'or à hi croix nncrûo
de gueules, et sur le tout d'argent à trois fasccs de gueules. Il a été Comman-
deur du membre de la IMagdeloine, Saint-fhomas, prfts Joigny, en 1(519 ;
Chef d'esoadre des vaisseaux du Roi eu Bretagne, en lfi22 ; Bailli et Com-
mandeur d'Oiseniont, en 1624; Commandeur de Couleurs, en IGlfl; Grand-
Croix de l'Ordre et Gouverneur et liieutenant-Général pour le Roi dans toutes
les lies de l'Amérique, terres et confins en dépcndans, en 1651.
Son nom est insci'it sur les registres de l'ordre en 1005.
I!
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— 22 —
première installation coloniale, et il abandonna St-
Christophe au moment même où il en aurait pu
espérer des revenus considérables. Le grand-maître,
cantonné sur son rocher de la Méditerranée, ne sut
pas comprendre la généreuse pensée du vieux de
Poincy, qui n'avait pas craint de braver la colère du
roi très chrétien, et de pousser jusqu'au sacrifice de
sa vie son dévouement à ses frères d'armes, afin de
leur assurer une prise aussi précieuse que celle des
Antilles.
Les négociants anglais, plus patients, plus tenaces,
ne mesquinant point sur les dépenses premières,
parce qu'ils aA'aient deviné toutes les richesses qui
dormaient dans ces îles alors presque inconnues,
héritèrent de la dépouille de l'entreprenant chevalier.
Les salines de l'île Saint-Christophe, si recherchées
des pêcheurs de Terreneuve, et où nos propres négo-
ciants allaient s'approvisionner sous le régime français,
les rhums de Sainte-Croix, les plantations de Saint-
Barthélemi font maintenant la fortune des armateurs.
Cette page oubliée de l'histoire des Chevaliers de
Malte nous laisse entrevoir que, dès le commence-
ment du XVIP siècle, certains personnages avaient
!!
'■il
Il '
— 23 —
songé à faire jouer à l'ordre un rôle important en
Amérique.
On trouve dans Lescarbot (liv. II) qu'en 1555,
Nicolas Durand de Yille Gagnon, chevalier de Malte,
mécontent du grand maître qui l'accuse d'avoir mal
défendu Tripoli contre les Turcs, fonde un établisse-
ment français au Brésil. Engagé dans l'ordre reli-
gieux de Malte, Ville Gagnon se fait calviniste, mais
craignant les foudres de l'ordre, il revient de ses
erreurs et chasse les disciples de Calvin qu'il a
appelés de Grenève.
IV
Pourquoi cette illustre com^^gnie, jetée comme
une sentinelle au milieu de la Méditerrannée, et qui
défendit pendant trois cents ans les côtes d'Europe
contre les invasions de la barbarie, ne serait-elle pas
venue dans les forêts d'Amérique protéger les établis-
sements chrétiens contre les attaques des infidèles ?
Quelles grandes et belles pages elle aurait ajoutées à
son histoire déjà si glorieuse !
Que ce fut là une pensée arrêtée dans l'esprit des
grands dignitaires de l'ordre, il ne reste aucuns docu-
ments qui puissent nous permettre de l'avancer
i'ii'!!
!:;■;■ li-i
— 24 —
comme une vérité historique indéniable. Si l'on
veut grouper, cependant, certains incidents arrivés
aux premiers temps de la colonie, on arrive à des
conclusions assez convaincantes.
Que l'on remarque, d'abord, l'influence successive
des dignitaires de l'ordre dans les affaires de la
colonie. Au commencement du siècle» en 1601, c'est
de Chaste devenu presque l'unique propriétaire de
toute la Nouvelle-Franee. En 1611, le comte de
Soissons est nommé vice-roi.
Le commandeur de Chaste nous donne Cham-
plain. Montmagny lui succède ; il a avec lui son
lieutenant de Lisle, qui, on l'a déjà vu était aussi
chevalier de Malte. Aux instances de Montmagny
et de Eazilly, Sillery, bailli et grand-croix de l'ordre,
distribue princièrement dans la colonie les 40,000
livres d'appointements annuels que lui donne la
commanderie de Troyes.
A un moment donné, toutes les colonies françaises
d'Amérique sont au pouvoir des chevaliers de
l'ordre.
M. de Poincy est gouverneur général des îles
d'Amérique. On a vu qu'il a su en profiter pour
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— 25
Si l'on
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liers de
les îles
îr pour
donner à Malte St-Christophe et une partie des
Antilles.
M. de Montmagny commande sur le rocher de
Québec,
M. de Razilly, suzerain de vingt lieues de pays sur
la rivière Sainte-Croix, exerce le pouvoir sur toute
l'Acadie.
Si ce n'est là qu'une coïncidence, on avouera qu'elle
est étrange.
L'ordre est tout puissant. Ses sujets se recrutent
parmi la meilleure et la plus ancienne noblesse
d'Europe. Craint des rois, protégé par l'Eglise,
l'ordre, en retour des services qu'il rend à la chré-
tienté, reçoit des faveurs extraordinaires. Ses ri-
chesses ne se comptent plus. Il règne parmi tous
les chevaliers un grand esprit de corps. Ils obéissent
au mot d'ordre du grand-maître. Au premier appel
ils accourent à Malte. Chacun cherche à se signaler
par une action d'éclat et ne dédaigne pas d'arrondir
les domaines de la compagnie.
Le grand-maître protège ses chevaliers.
On a vu de Poincy appeler Lascaris à son secours,
et Lascaris a été assez influent auprès du roi très
Ill
!r1
II
'!'• ! .
— 26 —
chrétien pour maintenir un gouTornenr qui s'était
révolté contre l'autorité roj'^ale.
Pourquoi Montmagny et Kazilly n'auraient-ils pas
songé à accomplir en Acadie et dans la nouvelle
France, l'œuvre commencée par de Poincy aux An-
tilles, c'est-à-dire faire acquérir à l'ordre de Malte les
vastes domaines sur lesquels ils commandaient. On
avouera que la dépouille était bonne et très considérable.
Nous avons la preuve certaine de ce fait pour de
Razilly dans un document authentique que l'on
retrouvera au premier volume des Manuscrits de la
Nouvelle France^ à la page 114.
Le 8 septembre 1635, de Razilly écrit au grand-
maître. Il lui fait connaître la bonté du pays qu'il
occupe et il lui demande de l'assistance pour fonder
un prieuré à Port-Eoyal.
Voici la réponse :
" A Malte, ce 30 février, 1636.
" Très cher et bien amy Religieux, j'ay reçu vostre
lettre du 8e 7bre et veu la citation de la bonté du
païs où vous estes, des progrès que vous y avez faicts
jusques icy et de ceux que vous espérez y faire à
l'advenir, dont je reçois ung extrême contentement, et
Mi
:^ ■#::?■
— 27 —
pour l'amitié que je vous porte, l'estime que je fay
de votre mérite et pour cette autre considération que
vous alléguez, que ce ne nous est pas une petite gloire
que le premier inventeur de ces lieulx-celuy qui jette
les premiers fondements du christianisme parmy des
peuples si barbares et dans des terres de si grande
estendue — soit de cet ordre.
" Je loue encore grandement le zèle que vous avez
de fonder en ce lieu mig prieuré pour lequel vous vouliez
de Vassi&tance, mais nos affaires ne sont point disposez
à cela, nous entreprenons une fortification en ceste
place qui coustera deux cens mille écus, avant qu'elle
soyt à sa perfection et qui nous est entièrement
nécessaire, d'aultant que nous sommes menacez d'un
siège desjà dès l'année passée pour lequel nous en-
voyasmes les citations à nos religieux par toute la
Chrestienté et ne la peusmes révoquer à temps pour
empescher que la plupart des Français et des Espa-
gnols n'eussent faict plus de la moitié du chemin et
qu'une grande partie n'en vint icy.
" Pour la permission que vous me demandez de
tester (1) elle est absolument contre nos statuz. Je
(1) On sait que d'après la constitution de l'ordre de Malte, il n'était pas
permis aux chevaliers do tester autrement qu'en fareur de la compagnie.
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— 28 —
ne puis vous le donner que pour le quint ; mais
pour cela je vous l'octroyeray fort volontiers et ne
tiendra qu'à vos procureurs de vous en envoyer par
cette occasion icy, les expéditions où vous cognoistrez
que je prie Dieu qu'il vous tienne en sa garde."
Les circonstances extraordinaires où se trouvait
l'île de Malte, menacée d'une attaque par les Musul-
mans parce que les galères de l'ordre s'étaient em-
paré d'un riche convoi où se trouvait une des
favorites du Sultan allant en pèlerinage à la Mecque,
(1) firent échouer les projets de Eazilly. Le brave
chevalier mourut en 163Y (2), et l'on n'entendit plus
parler du prieuré de Port Royal.
M. Rameau, dans son livre Une colonie féodale en
Amériqite, (3) raconte comment M. de Razilly, toujours
obsédé par les difficultés pécuniaires que rencontrait
le déveloi:)pement de son entreprise, conçut le projet
que nous venons de signaler, projet dont les consé-
quences eussent été de la plus grande importance,
s'il avait pu réussir.
" M. de Razilly, écrit-il, était un plus grands
dignitaires de l'ordre de Malte, et commissionné
(1) Vertot. loo oit.
(2) Ferland.
(3) Page 74 et suiv.
Ii>!
III
A
i'Illl
— 29 —
imissionne
moraeutauémeut dans le service maritime du roi de
Franco.
'* Or il songea à associer à ses desseins l'ordre auquel
il appartenait, les chevaliers de Malte étaient presque
tous destinés à être marins ; la possession d'un fief
considérable et d'un bon fort sur les côtes de l'Amé-
rique pouvait donc être à la fois un but excellent de
navigation pour former les jeunes chevaliers dans
leurs caravanes, et offrir plus tard à l'ordre un
domaine important et fructueux. Il écrivit dans ce
sens au grand-maître ; il eut abandonné sa seigneurie
de la Hève avec ses dépendances, et probablement
aussi le magnifique port de Chibouctou, (Halifax).
En y créant une coramanderie sous la suzeraineté du
roi de France, les chevaliers eussent poussé avec acti-
vité la création d'une station navale, dont les chantiers
eussent été alimentés par les belles forêts de la contrée,
tandis que la population se serait rapidement établie,
groupée et développée autour de ce poste.
"Dans ce plan, la seigneurie de Port-Royal avec
ses alentours était réservée pour d'Aulnay, qu'il
aimait particulièrement et dont il connaissait les
goûts et les aptitudes agricoles, tandis que lui-môme
eût pu se ménager encore, sur les côtes du sud ou sur
■ M • .
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M
— 80 —
la baie Française, un fief respectable où il se fut
installé comme gouverneur royal do l'Acadie. Eazilly
eût eu de la sorte la satisfaction de voir la colonie
acadienne bien établie dans un court laps do temps,
avec quatre ou cinq seigneuries coloniales, dont l'en-
semble eût acciuis promptement une importance
capable de balancer l'accroissement, que faisaient dès
lors présager les colonies anglaises du Massachussetts
et de la Virginie.
" Malheureusement ces beaux projets ne purent
aboutir, le commandeur de Paulo, un des conseillers
du grand-maître, repondit que les dépenses considé-
rables entrainées par les fortifications du port Lava-
lette ne pouvaient permettre de s'engager dans une
entreprise si lointaine et pleine d'imprévu (1) ; déter-
mination fâcheuse, aussi bien pour l'avenir de l'ordre
de Malte que pour celui de l'Acadie."
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il
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Charles Huault de Montmagny avait été reçu che-
valier de Malte, le 3 août 1622. On retrouve la des-
cription de ses armes dans les chroniques de l'ordre.
Elles étaient d^or à la fasce d'azur, chargée de trois
(l) Moreau, Hîst. de l'Acadie française, (Teohener Paris 1873).
— 81 —
molettes (Véperon d'or, accompagnée de trois coquerelles
ou bouquets de noisettes de gueules.
Le vaisseau qui portait M. de Montmagny, nommé
en remplacement de Champlain, arriva en rade de
Québec dans la nuit du 11 juin 1G36. Le fondateur
de la Nouvelle-France était mort le jour de Noël
1635. A cette saison avancée de l'année, aucun mes-
sager n'avait pu traverser du Canada en France
annoncer la mort du gentilhomme saintongeois. La
brusque arrivée de Montmagny, au printemps de
1636, laisse donc croire qu'il avait reçu sa commis-
sion de gouverneur du vivant môme de Champlain.
Il n'y a que M. Suite, croyons- nous, qui ait
signalé le fait que M. de Montmagny vint remplacer
non pas Champlain décédé, mais Champlain rappelé.
M. de Montmagny gouverne la Nouvelle France
de 1636 à 1648. Nous n'avons pas l'intention de
résumer les événements d'une administration que
tous nos historiens ont racontés. Détachons, cepen-
dant, certains faits qui, dans notre opinion, pourraient
laisser croire que le second gouverneur de la colonie
tenta d'imiter la conduite du gouverneur des îles
d'Amérique.
— 82 —
iillitil
:t ■ lit II
Il est impossible de trouver dans toute cette
période do douze uns une note décisive, une lettre à
la Ilazilly, un ooup de maitre comme celui que
frappa de Poincy sur son adversaire Patroclo de
Thoissi, mais de l'ensemble de l'administration de
Montmagny se dégajçent des incidents qui, habile-
ment exploités par des historiens experts, nous amè-
neraient à croire vraisemblables des suppositions
qui n'appartiennent qu'au domaine des hypothèses.
Dès les premiers jours de son arrivée, M. de Mont-
magny s'occupe de faire agrandir et de fortifier
puissamment le château que son prédécesseur a com-
mencé à construire sur les hauteurs de Québec. C'est
par ce déploiement militaire qu'a débuté le cousin
de Poincy dans l'ile Saint-Christophe.
Les palissades de bois, sont remplacées par de
s&lides murs de pierre, avec créneaux et mâchicoulis.
Les sentinelles se relèvent nuit et jour au château.
Les soldats se rompent à l'exercice militaire. On
se réveille tous les matins au son de la diane, La
forteresse est gardée dans la paix, comme le serait
une place d'importan le, dans l'ardeur de la guerre,
dit la Relation dvi 1('36.
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— 33 —
Rien d'étonnant, dira-t-on, que de Montmajj^ny fit
compléter la défense de Québec et fortifier le ch.lteau
Saint-Louis. C'était dans l'intérêt de la colonie que
le principal poste du pays fût puissamment protégé
contre les ijivasions continuelles des sauvages.
Ceci est très naturel, en effet, mais il ne faut pas
oublier que Champlain fut vertement blâmé pour
avoir commencé, en 1620, la construction du chtlteau
Saint-Louis sur les hauteurs. Ces messieurs de la
Compagnie craignaient, dit un ancien historien, que
Champlain après s'être puissamment fortilié n'imposât
ses volontés aux traiteurs.
Dans le commencement, on voulait bâtir la ville
dans la vallée de la rivière Saint-Charles. C'est là
que les premiers établissements religieux s'étaient
élevés. Montmagny, en installant le siège de son
administration sur les hauteurs, força les communautés
et les hpbitants à se grouper autour du fort. C'est
lui qui fit tracer les premières rues de la Haute-Ville,
et qui consacra définitivement ce rocher abrupt en
capitale quand la nature et les besoins du commerce
indiquaient la vallée qui s'étend au pied de la falaise.
Ce fut là sans doute l'origine des plaintes dont parle
8
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ÎJ'I
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— 34 —
M. Aubert de la Chesnayo, dans son mémoire, et qui
devaient causer tant de troubles à M de MontmagnJ^
Ces plaintes n'étaient point formulées par le gros
des habitants qui estimaient beaucoup de Montmagny,
et lui en donnèrent une preuve éclatante en lui
faisant don du premier cheval qui fût venu dans ce
pays, mais par quelques unes des principales familles
de la colonie naissante.
C'est un fait remarquable que M. de Montmagny,
pr>udant tout le cours de son administration, chercha
à amoindrir au proiit dos colons le prestige et l'auto-
rité de la compagnie des Cent Associés, dont il était
pourtant le représentant. Los colons, ainsi que
l'indique Forland, considéraient M. de Montmagny
comme leur protecteur naturel.
L intérêt est la norme des actions, dit un vieux brocart,
et l'on se demande quel intérêt pouvait bien avoir
M. de Montmagny à prendre la part des habitants de
préférence à celle de la compagnie, propriétaire de la
colonie ? Voulait-il décourager cette société et la
forcer d'abandonner son entreprise, afin d'en faire
profiter quelque combinaison qu'il méditait ? Toutes
ses actions semblent dirigées vers ce but. Nous disons
il,
^'W
^Sf
— 36 —
plus, M. de Montmagny chercha à éloig» îr de la
colonie toute société nouvelle de colonisation, et à
accaparer dans ses mains tout le commandement et
l'administration.
C'est à son instillation que la compagnie donna
aux habitants le privilège de faire la traite des pelle-
teries.
Elle s'enlevait du coup les soûls revenus immé-
diats qu'elle pouvait espérer afin de se dédommager
des dépenses premières qu'elle avait faites
A quoi lui servait cette suzeraineté factice qu'elle
conserva après le traité de 164t ?
Tout en contribuant à faire abandonner la traite
des pelleteries en faveur des habitants, M. de Mont-
magny sut faire entrer dans le nouvel arrangement
des articles qui le rendaient le principal et parfois le
seul arbitre souverain des affaires du pays. Ces
articles, approuvés en 1 "^47, par un arrêt du conseil
du lioi, peut être sans une assez grande connaissance de
cause, dit l'abbé Paillon, (1) ne furent point goûtés
pir plusieurs personnes, en Canada et eu France,
(1) " Histoir a cl'„ la colonie française en Canada," t i
mmtmmmmm
■ y.'.f.
È
M
— 36 —
parce qu'ils leur semblaient avoir été inspirés par un
autre motif que celui de Vintérêt public.
Quels étaient ces motifs ? Il serait important de
les connaître.
Le gouverneur, à part 25,000 livres d'appointe-
ment par an, entretenait une garnison de 70 homme".
On lui avait demandé de tenir bonne garde dans les
postes élevés sur les bords du Richelieu comme une
barrière contre les incursions iroquoises. Il laisse
démanteler ces forts, rappelle les garniso/rj dans
Québec où il se cantonne, et garde les recrues qu on.
lui envoie de France.
Les habitants avaient le droit, d'après 1 1 nou >'eau
traité, de se choisir un syndicat d'administration :, ils
en cassent tous les élus et directeurs et mettent
toutes leurs affaires entre les mains de M. le gouver-
neur, attendant, dit le Journal des Jésuites, quelque
établissement.
Cette tendance centralisatice et autoritaire de M.
de Montmagny a quelque chose d'étrange, surtout
lorsque l'on sait qu'il a fait tout en son possible pour
diminuer l'autorité de ceux qu'ils représentent.
Quel est cet établissement qu'il attendait et dont
parle le Journal des Jésuites ?
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Comment expliquer aussi l'accueil que M. de Mont-
maguy fit à de Maisonneuve lorsqu'il vint fonder la
colonie de Ville-Marie ?
Il fait des eifoits incroyables pour le dissuader de
son entreprise. ïl lui représente tous les obstacles
qu'il va rencontrer. Pourquoi ne s'établit-il pas dans
l'île d'Orléans à l'abri dr Québec ?
Quand, par la persuasion, il n'espère plus convain-
cre de Maisonneuve, il assemble les colons de Québec
et ceux-ci s'opposent à l'entreprise de Montréal. Dans
l'hiver, de Montmagny emprisonne arbitrairement
les gens de Maisonneuve qui ont eu le malheur de
tirer de l'arquebuse par un jour de fête publique.
Maisonneuve est rendu à Yille-Marie, Montmagny le
poursuit encore. Il essaie de miner son inllueuce.
Il écrit en France pour le ftiire rappeler, et de Maison-
neuve pour se justifier est obligé de publier une
brochure qu'il intitule : Le.v véritables motifs qui t'ont
engagé à venir coloniser Vite Mmitréal.
On ne peut dire que de Montmagny A^oulait protéger
les Cent Associés en empêchant toute concurrence
étrangère, puisque depuis cinq ans il ne perdait pas
une seule occasion de diminuer l'influence de cette
compagnie. La société de Montréal venait donc
— 38 —
il
briser quelques uns de ses projets ? Dollier de Casson,
dans V histoire du Montréal (1640-41) dit que M. de
Montmagny improuva d'abord rétablissement de
Montréal pour céder à des insinuations qui lui étaient
faites. Quelles étaient ces insinuations ? C'est un
point sur lequel il faudrait faire de la lumière.
Voilà, croyons-nous, un groupement de faits qui
indique chez de Montmagny des dispositions à s'ar-
roger un pouvoir souverain à son propre avantage et
bénéfii Dlntct qu'à celui de la compagnie.
Pourri V L de Montmagny s'emparait-il du gou-
vernement «le toutes les affaires du pays ? Dans quel
dessein, lui l'homme pieux par eicellence, qui lavait
les pieds des pauvres au vendredi saint, empêchait-
il de Maisonneuve, chef d'une société essentiellement
religieuse, de s'établir à Montréal ?
Ce ne pouvait être au profit de la compagnie des
Cent Associés qu'il méprisait. Si l'on dit que c'était
pour son propre avantage, il faut en conclure qu'il
travaillait en sous-main dans les intérêts de l'ordre
de Malte, car, à la mort de chaque chevalier, leur
succession devai*^ retourner à l'ordre. {Constitutions
de C ordre publiées dans Vertot). Le grand-maître n'accor-
dait la permission de tester pour le quint qu'aux plus
39 —
anciens chevaliers, et on a vu cette règle s'appliquer
à de Razilly.
M. de Montmagny était dévoué à son ordre. Il se
fait accompagner à Québec par sou lieutenant de
risle. Antoine Louis de Bréhaut de l'Isle, d'une
maison de Bretagne, avait été reçu chevalier de Malte,
le 30 juillet 1631. 11 avait dû connaître le gouverneur
pendant ses années de probation dans la forteresse
du grand-maître.
C'est à un dignitaire de l'ordre que de Montraagny
demande des secours pour la colonie qu'il commande.
Le commandeur Sillery, puissant à la cour, un des
héros de l'ordre qui l'a comblé d'honneurs, devait
évidemment travailler au bénéfice de ses frères
d'armes.
Par le Journal des Jésuites, on voit que M. de Razilly
engage une correspondance active avec le gouverne-
ment de Québec, sous l'administration de Montma-
Le rappel subit de Montmagny par la cour de France
nous permet aussi de tirer quelques déductions au
profit de la thèse soutenue.
Une cabale ourdie contre M. de Montmagny le fit révo'
quer, dit le mémoire de M. de la Chesna^'^e que nous
iii .11!
— 40 —
avons déjà cité. L'abbé Faillon, qui n'aime pas M.
de Montmagny à cause de l'opposition qu'il fit à
l'établissement de la colonie de Montréal, assure que
M. de Maisonneuve exerça son influence à la cour
et obtint le rappel de son persécuteur.
Charlevoix, toujours bien informé, déclare que ce
fut la conduite de M. de Poincy qui entraîna la déci-
sion de la cour.
On craignait qu'il n'eût des imitateurs dans les
autres colonies.
Garneau et Ferland suivent la version du père
Cha* mx.
" Le rappel de M. de Montmagny, dit Grarneau,
eau,. qi:.-^qae surprise: il provenait d'une décision
générale que venait de prendre la cour. Le comman-
deur de Poincy, gouverneur des îles françaises d'Amé-
rique, avait refusé de remettre le gouvernement à son
successeur, et s'était maintenu dans sa charge contre
l'ordre du roi. Cette espèce de rébellion avait eu des
imitateurs.
" Pour arrêter le mal, le conseil avait décidé que
les gouverneurs seraient changés tous les trois ans,
et c'est en conséquence de cette résolution que M. de
Montmagny était mis à la retraite."
— 41 —
Vu que de Montmagny fut remplacé par d'Aille-
boust, une des créatures de Maisonneuve, il n'y a pas
de doute que le fondateur de Montréal dut invoquer
l'exemple de Poincy pour forcer le rappel de Mont-
magny.
Le P. Lalemant (Relation de 1648, p. 2) fait remar-
quer que M. de Montmagny, dès qu'il eut connais-
sance de ce rappel, ne se contenta pas de l'accepter
avec le respect et l'honneur dûs à la volonté du Roi et
à celle de la Reine, mais que, de plus, il fit paraître
une généreuse magnanimité, en ordonnant qu'on dis-
posât toutes choses pour la digne réception de son
successeur.
" L'emphase de cette expression semblerait donner
à entendre qu'il ne quitta la Nouvelle France qu'à
regret et que son rappel lui offrit la matière d'un vrai
sacrifice," dit Paillon (p. 97, t. 2.)
Le rapprochement que Charlevoix fait entre le
rappel de Montmagny et la quasi-rébellion de Poincy
est digne de mention.
On sait, qu'à son retour en France, de Montmr^gny
fut nommé par l'ordre de Malte receveur du grand
prieuré de France et qu'il fut le premier à qui s'a-
l'f,j:l!|'lf^
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— 42 —
dressa le grand-maître Lascaris pour aller porter
secours à de Poincy. Ces deux faits indiquent encore
que le gouverneur rappelé, dévoué à Malte, jouissait
dans son ordre d'un certain prestige.
VI
Il ne nous reste plus qu'à étudier un fait qui peut
prouA'er, cro^'^ons-nous, que le gouverneur de Mont-
mag-ny eut réellement l'intention de faire jouer dans
Québec un certain rôle à l'oidre de Malte. Nous
voulons parler de la pierre que l'on voit maintenant
dans le mur de l'Ecole Normale, et sur laquelle est
graA'ée une croix de Malte avec le millésime 1647.
Le 17 septembre 1784, les ouvriers, occupés à nive-
ler la cour du vieux château Saint-Louis, découvrirent
la pierre qui se trouve aujourd'hui placée à la gauche
de la porte conduisant aux offices de l'Ecole Normale.
[Journal de James Thompson 1759-1830). Cette pierre,
taillée en cône irrégulier, porte sur un éciisson en
relief le plastron de l'ordre de Malte sculpté au re-
poussé. Au-dessous de l'écusson se voit le millésime
1647.
— 43 —
Le temps fit se déliter l'anj^le droit de la base et le
dernier chiffre de l'inscription disparut.
A l'aide du journal manuscrit de M. James
Thompson, surveillant des travaux du gouvernement
en 1^84, on a pu rétablir la date d'une manière au-
thentique.
On doit nécessairement se fier aux indications de
M. Thompson puise» ne c'est par ses soins que la
pierre fut incrustée à l'endroit où elle est maintenant.
Cette pierre, lorsqu'elle fut découverte, était intacte, et
1111
— 44 —
M. Thompson, à la marge do son journal, eu repioduit
Vin fac-similé avec la date 1647.
Cette pierre est le seul monument archéologique
qui nous reste du séjour des chevaliers de la Religion
de Malte sur le rocher de Québec.
Comment se trouvait-elle enfouie dans la cour du
vieux château ? Pourquoi porte-elle la croix de l'ordre
de Malte?
Ces questions ont souvent intrigué les touristes
chercheurs et les curieux de Québec. Nous allons
essayer d'y répondre.
Ce plastron n'est pas, ainsi qu'on le croit générale-
ment, la pierre de fondation du vieux château t^aint-
Louis.
Il est facile de le prouver en étudiant l'endroit où
la pierre fut trouvée, le millésime et les armes qui y
sont gravées.
— 45 —
Le fort Saint-Louis fut commencé en 1620 par
Champlain, et continué peu à peu. En 1624, il était
presque terminé. M. do Montmagny, à son arrivée
en 1636, fit immédiatement construire de pierre les
ouvrages élevés par son prédécesseur, et il augmenta
considérablement le palais vice-royal.
Ces dates 1620, 1624, 1636 ne correspondent pas
du tout avec l'inscription retrouvée en 1*784.
Le premier château Saint-Louis s'élevait à l'est de
l'Ecole Normale actuelle, en ligne droite avec l'an-
ci'înne terrasse Durham, qui s'appuie sur la plus
grande partie des murs du palais des gouverneurs
français. On re ;rouve encore les vestiges des anciennes
murailles au côté sud de la terrasse.
L'édifice que l'on appelle maintenant le vieux
château est simplement une aile de l'ancienne de-
meure vice-royale.
Ce n'est point une construction française. Elle
fut élevée en 1^84 par le gouverneur Haldimand
pour y donner des réceptions et des bals à la société
fashionable de Québec.
Le véritable château Saint-Louis, de construction
-r^
— 4G —
française, fut détruit par riiicondio vers 1834, croyons-
nous.
Château Saint-Louis, incendié en 1834.
(Gravure extralto do Hiwkin's Pkture of Qu:bec.)
Si le plastron incrusté diins le mur de la v.. .. de
l'Ecole Normale était la i)ievro do fondation du château
Saint-Louis, on l'aurait retrouvé dans les ruines, à
l'angle de l'édifice, et non pas dans la cour du Château,
cinquante ans avant rincendio.
En 164*7, le château Saint-Louis était terminé, et la
pierre dont il est question n'a pu par conséquent être
déposée dans ses murs de fondation.
, 'n
— 47-
r, croyons-
l't
34.
a V.. .. de
Il château
ruines, à
ti Château,
niné, et la
[uent être
Les armes de Malte n'ont pu être gravées sur la
pierre angulaire d'un édifice destiné à l'habitation
d'un gouverneur, lieutenant du roi très chrétien dans
un pays où celui-ci était seigneur suzerain.
Il suffit de consulter l'histoire pour connaitre quelle
était la coutume suivie dans ces circonstances.
Sr/ les pierres de fondation, on gravait les armes
du roi, celles du grand naître de la navigation et du
gouverneur particulier du pays.
Champlain, racontant les travaux de construction
de riiabitaliun de la Basse- Ville, dit :
" Le six de may 1624, l'on commença à maçonner
les fondements, sous lesquels je mis une pierre où
estoient gravez les armes du roi et celles de monsei-
gneur, avec la datte du temps, et mon nom escrit,
comme lieutenant de mon dit Seigneur au païs de
la Nouvelle France, qui estoit une curiosité qui me
sembla n'estre nullement hors de propos, pour un jour
à l'ad venir si le temps y eschet, montrer la possession
que le roy en a prise, comme je l'ay fait en quelques
endroits dans les terres que j'ay découvertes."
Cette pierre posée dans les fondations et portant
la date de 1624 fut trouvée vers 1830 ; elle fut placée
dans le mur d'une maison adossée à l'église de la
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— 48 —
Basse- Ville, et formant l'encoignure des rues sous le
Fort et Notre-Dame. Un incendie détruisit cette
maison en 1854, et l'inscription a disparu.
Ohamplain a dû suivre le même cérémonial en
jetant les fondations du château Saint Louis sur les
hauteurs. Si cette pierre angulaire n'a jamais été
retrouvée, il n'y a rien d'étonnant à cela quand on sait
qu'une grande partie des murs de fondation de l'ancien
château est encore intacte sous la terrasse Durham.
Pourquoi Montmagny n'aurait-il pas enfoui la croix
de Malte sous les fondations du château, nous deman-
dera-t-on ?
La date de 164Y, comme nous l'avons dit déjà, ne
correspond pas avec les premiers travaux entrepris
par de Montmagny, et nous disons de plus que de
Montmagny a dû suivre la pratique inaugurée par
Champlain.
Comme tous les chevaliers de Malte, il avait ses
armes particulières, et il s'en servait de préférence au
plastron de rordre,qui n'était porté que sur la tunique
par les serviteurs de la Religion.
Il est facile de s'en convaincre par un passage des
Relations de 163*7 (p. 82), où on lit ce qui suit :
" Le 1" mai 1637, les soldats plantent un mai devant
Jél A
— 49 —
le fort portant une couronne sous laquelle paraissaient
les armes du roi, celles du Cardinal de Richelieu, et
celles du gouverneur. ^^
Les armes de Montmagny, dont nous avons déjà don-
né la description, ne contiennent pas la croix de Malte.
De tout ceci, nous concluons que la pierre incrustée
dans le mur de l'Ecole Normale n'appartenait pas au
château Saint-Louis, et qu'elle a dû former partie des
murailles d'une maison appartenant à l'Ordre de
Malte. D'ordinaire, cependant, l'écu d'un chevalier
repose sur un support dont d'Hozier donne la gra-
vure suivante :
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Le plastron de Malte, suivant certains auteurs,
porte quelquefois les initiales de la devise de l'ordre
F. E. E. T. Fonitudo ej'us Rhodum temiit (sa valeur a
sauvé Rhodes.) Le temps qui a fait disparaître le
dernier chiffre du millésime n'a pas plus respecté
sans doute l'inscription.
Le chiffre 16 4Y, gravé dans la pierre, coïncide avec
l'année où de Montmagny groupait dans sa main les
pouvoirs de la compagnie des Cent ssociés et de
celle des habitants, et Se faisait ainsi l'arbitre souve-
rain de la colonie.
Où se trouvait située cette maison de Malte ?
M. James Thompson nous dit que la pierre a été
découverte dans la cour du château,
•' J'aurais désiré,dit M. Thompson, découvrir cette
pierre assez tôt pour l'incruster dans le mur du nouvel
édifice (l'aile Haldiraand), afin de transmettre à la
postérité l'antiquité du château Saint Louis : j'ai or-
donné aux maçons de la placer dans les parois de la
porte que nous construisons. "
Au moment de l'invention, cette cour du château,
dont on faisait alors le nivellement, s'étendait à
l'ouest de l'édifice actuel de l'Ecole Normale. C'est
donc là qu'il faut chercher. Une pierre de fondation
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— 51 —
doit nécessairement indiquer le lieu où un édifice était
assis. C'est le témoin chargé de raconter à l'avenir
l'histoire de la construction.
Il est bien extraordinaire, dira-i-on, que tous nos
anciens écrivains, les annalistes des cloîtres, le Journal
des Jésuites, si minutieux dans ses récits, ne nous aient
conservé aucun souvenir de cet édifice. Les voyageurs
comme LeBeau, LaHontan, Larotherio,nous décrivent
Québec, et ne soufflent mot de la maison de Malte.
Le greffe des notaires, la source par excellence où
doit puiser celui qui veut faire l'histoire de la pro-
priété au pays, ne contient aucun acte, aucune indica-
tion à ce sujet. Ce silence parait étrange, en effet.
Audouard, le premier notaire québecquois, a com-
mencé à pratiquer en 1636. De 1636 à 1647, il y a
eu dans la colonie une douzaine de tabellions.
L'incendie de 1640, en réduisant en cendres les
archives de l'Eglise et les papiers du greffe, nous a
enlevé malheureusement une foule de documents
précieux qui auraient jeté de la lumière sur cette obs-
cure question. Près de dix années du greffe d' Au-
douard sont disparues.
Quand on ne sait pas encore où se trouvait la cha-
pelle de Champlain, dans laquelle fut enterré le pre-
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— 62 —
mier gouverneur de la colonie, quand il a fallu des
années de recherches aux abbés Casgrain et Laver-
dière pour découvrir le site de l'église de Notre-Dame
de Recouvrance, il n'y a rien d'étonnant si l'on ignoie
celui de la maison de Malte.
Est-ce que l'on pourrait nous dire où s?; trouvait la
fontaine de Champlain dont parlent tous lès vie'ix
écrits ? où le buste du roi élevé à la Basse- Ville en
1686?
Au greffe de Tronquet, tabellion garde-notes qui
fat secrétaire de Montmagny, on a trouvé à la date
du 19 octobre 1646 un marché entre les habitants de
Québec représentés par Jean Bourdon, ingénieur et
arpenteur, et certains ouvriers pour " revêtir de mu-
rail/es un bastion qui est au bas de raflée du Montcarmel
dépendant du fort Saint Louis de Qiiébeq dont un des
flancs est opposé à la porte du fort, de quatre toises de
longs sur douze pieds de hauteur.
C'est la seule note qui nous reste au sujet de la
construction des dépendances du fort Saint-Louis. On
remarquera que ce sont les habitants de la Nouvelle
France, et non le gouverneur représentant la compa-
gnie des Cent Associés, qui signent ce contrat.
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— 53 —
Nous notons aussi en passant que ce bastion s'élève
au bas d'une allée qui porte encore aujourd'hui h
nom de Mont-Carmel. Ce Mont-Carmel est l'éléva-
tion rocheuse que l'on voit en arrière de l'ancien
hôpital militaire. On y avait construit un moulin à
vent. (1)
La Religion de Malte avait un sous-ordre qui por-
tait le nom d'ordre du 3IonlairmeL C'est Montmaimy
évidemment qui baptisa la rue qui longe le côté
nord-est du Jardin du Fort.
Si nous n'avions que le témoignage de l'écrivain
inconnu de V American Gazelleer pour nous faire
croire à l'existence d'une maison de Malte à Québec,
nous avouons qu'il ne pèserait pas dans la balance.
Ce n'est pas la première fois qu'une erreur trouve
l'hospitalité dans un récit de voyage. Les voyageurs
nous ont habitués à leurs bévues. Celui qui nous oc-
cupe dans le moment no parait pas très renseigné au
reste sur les affaires de Québec, puisqu'il dit que c'est
au château Saint Louis que se tenait le grand conseil
de la Caroline.
MeJiiis est non habere titulum quàm habere vitiosum.
(l) Plan de Québec eu 1690.
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— 54 —
Si ce vieux brocart de droit est vrai pour la pro-
priété, il l'est aussi pour l'histoire. 11 vaut mieux ne
pas citer de documents lorsqu'on les puise à des
sources suspectes.
Nous avouons cependant que le témoignage de
Knox nous parait plus sérieux. Le capitaine Knox
a tenu garnison dans Québec après la capitulation.
Il V a vécu. Il a été à même de se renseigner.
Son récit d'ordinaire très détaillé est toujours exact.
Pourquoi nous aurait-il parlé d'une maison inachevée
des Chevaliers-Hospitaliers si elle n'eut pas existée ?
Le capitaine Knox, dira-t-on, passant près de l'Hô-
tel-Dieu, et entendant dire que ce superbe édifice
était habité par des Hospitalières, n'aurait-il pas con-
fondu par hasard les bonnes religieuses avec les an-
ciens chevaliers qui portaient primitivement le seul
nom d'Hospitaliers ? L'ordre, à l'origine, ne se parta-
geait-il pas en deux classes : les Hospitaliers et Hospi-
talières ?
Knox n'a pu commettre cette erreur, car dans la
suite de son récit il nous parle de l'Hôtel-Dieu et des
religieuses qui l'habitent.
Nous croyons avoir cité assez de preuves de cir-
— 55
constances pour nous permettre de dire que l'indica-
tion de Knox est parfaitement corroborée.
Il nous reste maintenant à étudier si un prieuré
des chevaliers de Saint Jean de Jérusalem a existé
dans Québec.
YII
Le fait qu'il existait à Québec une
maison appartenant à l'ordre de Malte
n'implique pas nécessairement qu'un
prieuré des Chevaliers y fut établi.
Le mot prieuré a dans notre langue plusieurs signi-
fications. Dans un ordre militaire ou religieux il veut
dire : 1° L'une des grandes divisions ou communautés-
mères de l'ordre avec les bénéfices qui y sont atta-
chés : 2" La maison habitée par le prieur.
Dans le premier cas, l'anglais traduit prieuré : pri-
ory. Quand il veut parler du prieuré en tant que
maison il se sert du mot composé prior's house.
On ne peut se rattacher au texte des deux écrivains
que nous commentons pour croire à l'existence de ce
prieuré des Chevaliers de Saint Jean de Jérusalem.
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Jj American Gazetteer et Knox disent : House of Knights.
Le mot House ne A^ent pas dire prieuré.
Cependant, comme la question a été posée, il faut
la résoudre.
L'histoire des Chevaliers de Malte, les constitutions
de cet ordre illustre, les annales canadiennes sont là
pour nous donner réponse.
L'ordre de Malte était composé de huit langues ou
nations : Provence, Auvergne, France, Italie, Aragon,
Allemagne, Castille et Angleterre. Chaque langue
était subdivisée en prieurés, ceux-ci en bailliages et
les bailliages en commanderies. A chacune de ces
charges honorifiques étaient attachés des bénéfices,
des seigneuries, des fiefs et des revenus souvent prin-
ciers. C'est ainsi qu'on accorda à Noël Brulart de
Sillery, qui s'était distingué dans plusieuis ren-
contres, la commanderie de Troyes qui rapportait
alors 40,000 livres annuellement.
La langue de Provence comprenait les prieurés de
Saint Grilles et de Toulouse et le bailliage de Manos-
que. Celle d'Auvergne était composée du prieuré
d'Auvergne et du bailliage de Bourganeuf. La langue
de France possédait trois grands prieurés, ceux de
France,d'Aquitaine, de Champagne, et deux bailliages
67 —
dont les titulaires étaient le commandeur de Saint-
Jean-en-1'Ile, près de Corboil, et le commandeur de
Sainl-Joan de Latraii à Paris.
Est-il possible que les annales de l'ordre, qui don-
nent la liste des possessions et bénéfices, n'auraient pas
mentionné le prieuré, le bailliage ou la commande rie
de Québec ?
Au reste, combien de Canadiens auraient pu faire
preuve des qualités requises pour être sacré chevalier
de Malte ?
Les membres sont divisés en trois classes : les che-
valiers, les chapelains, et les servants d'armes. Pour être
sacré chevalier, il ne suffit pas d'être noble, il faut
prouver sept quartiers de noblesse du côté paternel
et autant du côté maternel. Les chapelains et les ser-
vants (Tarmes doivent prouver qu'ils sont nés de
parents honorables, et qui ne se sont point mêlés
d'arts et de professions mécaniques ou basses.
Aux origines du pays, comment choisir L's titulaires
quand c'est tout au plus si, pendant le siècle et demi
de régime français, on peut trouver en Canada vingt-
cinq familles nobles régulièrement inscrites à Var-
morial de France ? Des trois vœux sacramentels que
l'Ordre' exigeait, nous n'en connaissons qu'un seul
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— 58 —
que nos ancêtres auraient pu faire en toute sûreté de
conscience c'est celui de pauvreté.
Un prieuré suppose toute une organi.«iation : des
bailliages, des commanderies, des chevalit^rs, des cha-
pelains, des servants-d'arraes, aapirants, donnais et demi-
croix. Comment recruter ces dignitaires ? Dans ces
temps de chevalerie, où l'on tenait si fort à ses titres,
comment se fait-il que dans les vieux documents,
personne ne prend qualité de prieur, bailli, comman-
deur ou simple demi-croix ?
En supposant qu'une commanderie — dernier éche-
lon des établissements de l'ordre — eut été fondée à
Québec, où sont les bénifi;'es. les liefs ou seigneuries
attachés à cette dignité ? Nos registres de foi et hom-
mage, nos papiers-censiers gardent là-dessus le plus
parfait silence.
L'ordonnance ou code civil de Louis XIV, donné à
Saint-G-ermain en Laye, au mois d'avril 1667, enre-
gistré au Conseil Supérieur à Québec en 1678, dit à
l'article XVII :
*' Les grands Prieurs de l'ordre de Saint-Jean de
Jérusalem seront tenus dans l'an et jour de la profes-
sion faite de nos sujets dans l'ordre de faire enregis-
trer l'acte de profession, et à cette fin enjoignons au
— 69 —
secrétaire de chacun grand Prieuré, d'avoir un registre
relié dont les feuilles seront pareillement paraphés
par premier et dernier par les gvands Prieurs, pour
y être écrit la copie des actes de profession, et le
jour auquel elles auront été faites, et l'acte d'enregis-
trement signé par le grand Prieur, pour être délivré
à ceux qui le requerront ; le tout à peine de saisie
du temporel."
D'où vient qu'aucun de ces registres de profession
n'a été retrouvé ?
D'où vient encore que le recensement de 1G81, qui
nous donne les noms, titres et qualités de chacune
des personnes résidant dansla maison du gouverneur,
dans la garnison, chez l'intendant, séminaire, jésuites,
récollets, ursulines, conseil souverain, prévôté royale
de Québec, prévôté des maréchaux, ne fasse aucune
mention des dignitaires du prieuré ? (1)
Est-il possible, enfin, que cette chevaleresque com-
pagnie qui a tenu tête pendant trois siècles à l'isla-
misme, dont les galères victorieuses parcouraient les
mers, n'aurait signalé sa présence au pays par aucun
fait d'armes éclatant ?
(1) Mémo silence dans le recensement de la rille de Québec pour 1716,
publié par l'abbé Beaudet (1887).
— 60 —
Un édifice fut commencé, il n'y a pas de doute, mais
le brusque départ d» Moutmagiiy le laissa inachevé.
C'est ce qui explique la i)hraso de Knox. Montmui^ny
parti, le projet sombra. Les mésaventures que l'ordre
eut à subir dans îSaint-Chrislophe n'étaient pas do
nature à lui permettre de tenter de nouveaux établis-
sements en Amérique. (1)
De loin en loin parmi les fonctionnaires ou les
militaires que la France nous envoya il a pu se trou-
ver quelques chevaliers de Malte, muis pas un d'eux
ne semble avoir voulu suivre la voie tracée par de
Montmagny.
Notre gouverneur do la Barre, marin célèbre, ancien
gouverneur de Cayenne, s'était distingué dans maints
combats sur les galères de l'Ordre. (2)
M. N. E. Dionne nous cite le nom du chevalier de
Crisazy, qui guerroya contre les sauvages vers 1G96.
On retrouve dans les annales de l'Ordre des noms
(1) Le général Porter, dos Ingénieurs royaux, l'historien anglais de l'ordre
do Malte, qui, pendant un long séjour sur l'île, a pu en étudier à tond les
archives, dit que s'il y n eu uno branche régulièrement organisée des clieva-
liers au Canada, il n'y a aucune trace des rapports régleinentoires qu'elle
aurait dû transmettre à la trésorerie centrale. (Lettre du colonel Karr, du
9 février 1886).
(2) Entre autres, en 1670, d'après l'abbé de Vertot.
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— 61 —
bien connus, des alliés, évidemment, de personnages
qui ont joué un rôle en Canada.
1606 — Christophe-François de Lévis Ventadour.
1622— Jacques de Tilly.
1C25— Louis de Stutt de Tracy.
1631— De Courcelles.
1637— Armand de .Toyeuse-G-randpré.
1639 — Honoré Bochart de Champigny.
1666 - Octave Brisay de Denon ville.
1659— Roland Barrin de la Galissonnière.
1668 — J.-Bte de Boissin d'Argenson.
1699 — Philippe de Beaujeu.
1*724 — Pierre-Emmanuel de Pourroy Lauberivière.
(Ses armes sont : (ïor à trois pals de gueules au chef
d'azur chargé dt trois molettes ^argent mises en face.
On trouve encore des Tonti, du Luth, .Tuchereau
des Chatelets, Chavigiiy, des Plaines, d'Aulnay, Dti-
mont-Lalande, Coulon de Villiers.
Nous devons nous arrêter sur ce dernier nom, car
les de Villiers ont joué un beau rôle dans nos annales
guerrières, et ils appartiennent à la famille du plus
illustre des chevaliers de Malte, le grand maître Vil-
liers de l'Ile Adam, qui défendit pendant cinq mois,
Rhodes attaquée par 20,000 turcs et 400 bâtiments de
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— 62 —
guerre sous les ordres de Soliman. Les de Villiers
nous ont donné le héros de Jumonville, que Washing-
ton, alors obscur colonel de miliciens, fit traiteuse-
ment assassiner, pendant qu'il était à couvert d'un
pavillon de parlementaire. Une des sœurs de Jumon-
ville, Marie Anne Coulon de Villiers, épousait en IT^.S
Ignace Philippe Aubert de Gaspé. Par droit d'al-
liance, la famille de Gaspé porte accolées à son blason
les armes de Villiers de l'Ile Adam. C'est un hon-
neur que les lois héraldiques n'ont pas donné au
grand nombre.
Avec le plastron du vieux château et les ruines de
l'établissement de M. de Sillery, c'est le seul souve-
nir qui nous reste des chevaliers de Malte en Canada.
Pour terminer cette étude déjà trop longue, nous
énonçons les trois propositions suivantes :
* r L'Ordre de Malte a eu un jour l'intention déjouer
un rôle en Amérique.
2° Les fondations d'une maison appartenant à
l'ordre de Malte ont été jetées sur le rocher de Québec.
3° Un prieuré des Chevaliers n'a jamais existé dans
l'ancienne capitale de la colonie.
Nous n'entreprendrons pas d'étudier les destinées
réservées à la colouie si la Religion de Malte en était
— 63 —
devenue propriétaire. Nous ne pourrions tout au
plus que répéter des considérations hypothétiques
déjà faites sur le sort qui nous aurait été laissé, adve-
nant le cas où la Nouvelle France eut appartenu aux
descendants de saint Louis, lors de la révolution de 93.
Nous avons eu aux commencements de la colonie,
une poignée des Chevaliers de Malte, et Dieu merci !
ils ont fait honneur à leur ordre.
M. Suite, qui n'aime pas d'ordinaire les fonction-
naires qui nous venaient de l'ancienne mère patrie,
a écrit que si la Couronne de France avait voulu
laissé faire le commandeur de Chaste, le pays se
serait colonisé en un quart de siècle.
Aymar de Chaste, grand-maréchal de l'ordre de
Malte, grand-maitre de l'ordre de Saint-Lazare, com-
mandeur de Lormeteau, ambassadeur en Angleterre,
gouverneur de Dieppe, bénéficier de l'abbaye de Fé-
camp, nous a donné Champlain, et ce seul acte pour-
rait suffire à sa gloire.
Le nom de Sillery est inscrit sur le même livre d'or
que celui des grands bienfaiteurs Gamache, d'Ai-
guillon, la Pelleterie, de la Dauversière.
Montmagny est le seul gouverneur que les premiers
colons ont appelé leur protecteur naturel.
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— 64 —
De Razilly a été, au témoignage de l'abbé Ferland,
un des véritables fondateurs de l'Acadie.
Le drapeau britannique couvre aujourd'hui de son
ombre les deux rochers où, un jour, les preux cheva-
liers portèrent haut et ferme le plastron de Malte.
Depuis que ces lignes sont écrites, le savant abbé
Bois, consulté par M. Leraoine, lui a adressé une courte
note qui vient confirmer la conclusion à laquelle
nous nous sommes arrêté. Yoici ce qu'il écrit : Les
chevaliers de Saint Jean de Jérusalem, établis à
Québec : Bras de fer, Montmagny, Sillery, etc, avaient
construit un Bureau, dans la cour du château Saint
Louis : il avait coûté 40,000 livres de la monnaie fran-
çaise. Une grande pierre incrustée dans le mur de
façade portait les armes de l'Ordre Quand l'édifice
fut détruit par le feu en juillet 1759 pendant le siège,
cette pierre fut enfouie sous les ruines jusqu'en 1784.
En cette année les autorités militaires en firent l'in-
vention et la placèrent dans le mur de la cour du
château.
Lors de la discussion qui se fit dans la presse au
sujet de la lettre du colonel Carr, un correspondant
du Chronide a avancé que la loge maçonnique des
— 65 —
chevaliers Templiers de Québec tirait son origine de
l'ordre de Malte. Cet écrivain a étranffement con-
fondu la religion de Malte avec l'ordre des Templiers,
qui fut aboli en 1312 par ordre de Clément V. C'est
une erreur qui en vaut la peine, car lorsque la pierre
du vieux château fut gravAe, il y avait î535 ans que
les Templiers n'existaient plus.
La Franc-Maçonnerie date du quatorzième siècle.
Le grand-maître des Templiers, Jacques du Bourg-
Molay, qui fut brûlé vif en 1314, créa, pendant sa
captivité à la Bastille, les quatre premières toges-mères,
savoir: pour l'Orient, i\rrt/y/e.f ; pour l'Occident, £'/m-
bourg' ; pour le Nord, Stockholm ; et Parts, pour le
Midi.
Le lendemain de l'exécution des Templiers à Paris,
le chevalier Nicolas d'Aumont et sept autres templiers
déguisés en maçons vinrent recueillir les cendres du
bûcher. Alors quatre loges provisoires s'organisèrent
sous les noms de Saint Jean et de Saint André (1).
Toutes les formalités et cérémonies qui sont usitées
dans les loges sont encore aujourd'hui des allégories
(1) Souvenirs do la marquise do Créquy— t. II p. 300 et scq.
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— 66 —
empruntées à la proréduro et au supplice des Tem-
pliers
" Il n'est pas connu gi'néralement, disait ce corres-
pondant, que depuis le déclin d^; l'ordre comme corps
militaire, et rai)parition di>s édits ecclésiastiques
lancés contre l(\s chevaliers de Malte, leurs enseigne-
ments, leurs costumes et cérémonies se sont transmis
à leurs descendants."
Lorsque la iVanc-maçonnerie est née,les chevaliers de
Saint Jean de Jérusalem défendaient Ivhodes contre
les musulmans, et bien loin d'avoir été condamné par
la Papauté, ils en étaient les plus fermes soutiens.
L'ordre de Malte n'a jamais été frappé par les censu-
res ecclésiastiques. Ce n'est qu'en 1*708 qu'il disparut
comme ordre militant, quand Bonaparte, en route
pour l'Egypte, s'empara de Malte. Il y avait alors
CINQ SIECLES que la Franc-Maçonnerie était (ondée.
Les derniers chevaliers de Malte se réfugièrent à
Rome. Et c'est un cardinal romain qui, encore
aujourd'hui, a la régie des quelques biens que cet
ordre autrefois si puissant a pu soustraire à la tour-
mente révolutionnaire.
Les loges franc-maçonniques du Canada n'ont au-
cune attache à la Religion de Malte et ils ne peuvent
— 67 —
avoir aucune relation avoo le Priiuivé des chevaliers
de Saint Jean de Jérusalem qui aurait été établi à
Québec.
Nous ignorons s'il existait dans la colonie, sous lo
régime français, des loges maçonniques. Nous savons,
cependant, .|a'aprôs la capitulation de Québec, le 27
décembre 1759, l'anniversaire de la Saint Jean fut
chômé par les différentes loges à.; Francs-Maçons dans
la garnison.
C'est Knox qui nous le dit, à la page 235 du Yol.
II de son Journal, (l)
Je dois à l'obligeance de M. Gragnon, bibliophile,
le texte de l'auteur italien qui a donné lieu à la dis-
cussion entamée par le colonel Carr. Le A'oici :
*' La casa dei Cavalieri Gerosolimitani, ch'è una
*' fabrica superba di piètre quadre, e che dicesi csser
" costata 40.000 lire ster. ;
Cet ouvrage a pour titre :
" Il I gazettiere Americano j contenente | un dis-
tinto ragguaglio di tutte le parti | dA j NUOVO
MONDO I délia loro | situazione, Cliraa,Terreno, Pro-
{\) Jeitnd' Erbr^e dit toiitorois que quelques annexes seulement nvant la corv-
quéte, o'est-à-diro vera 1755, une loge ilu luaçuus fut établie àQuébeo (p. 31).
■?T^
''Mi
f: ^;ll:!
— 68 —
dotti, Stato aîitico e moderno | Merci, Tnanifatture, e
commercio | Con ima esatta descrizione délie Citta,
Piazzo, Porti, Bajo | Fiiimi, Laghi, Montagne, Passi,
e Fortificazioni | il tutto dostinato ad esparre lo stato
présente délie cose in quella parte di Globo | e le
mire, et interessi délie diverse Potenze, che hanno
degli stabilimenti | in America | Tradotto Dali' In-
glexe I e arrichito di Agginnte, note, Carte, e Rami |
In IJvorno per Marco Coltellini AU' Iiisegna délia
verita MDCCLXIII j con licenza de Saperiori | "
li'
Warburton {Tlie Cnnquest of Canada, London, Bentley
1850, p. 185, vcL II), parle de la maison des Cheva-
liers Hospitaliers à Montréal :
" The Fathers of the Sulpician Ordcr, by virtue of
a grant in the year 1G63, were proprietors of the
"whole of this rich district. They had established
three courts of justice in the city, and erected a
stately church of eut stone at a great expense. The
Knights Hospitaliers also possessed a very handsome
building, etc., etc.
I