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Full text of "Histoire des Canadiens du Michigan et du comté d'Essex, Ontario [microforme]"

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IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-S) 


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23  WfST  MAIN  i^tlia 

WEBSTER,  N.Y.  M580 

(716)  872-4503 


CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


\ 


CIHM/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


m 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


Th 
to 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
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D 

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Couverture  de  couleur 


I      I    Covers  damaged/ 


Couverture  endommagée 


Covers  restored  and/or  laminated/ 
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I      I    Coloured  maps/ 


D 


Cartes  géographiques  en  couleur 


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L'Institut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
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une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
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sont  indiqués  ci-dessous. 


□    Coloured  pages/ 
Pages  de  couleur 


D 
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V 


D 


Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

Pages  restored  and/or  laminated/ 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 

Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 

Pages  detached/ 
Pages  détachées 

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Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
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10X 


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22X 


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16X 


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originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
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Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
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Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
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reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  à  partir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


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HISTOIRE 


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I 


DES 


CANADIENS 


DU  MICHIGAN 


ET 


DU  COMTE  D'ESSEX, Ontario 


PAR 


T.  ST-PIERRE 


MONTREAL  : 
TYPOGRAPHIE  DE  LA  "GAZETTE" 

1895 


18279% 


r 


Enregistré  conformément  à  l'acte  du  Parlement,  en  1895,  par 

T.  St-Pierre. 


9Î 


PREFACE. 


JE  public  ce  livre  pour  remplir  une  promesse  que  je  fis 
il  y  a  quelques  ainiëes  devant  plusieurs  sociétés  cana- 
diennes du  Michigan.  Cette  promesse,  donnée  téméraire- 
ment, je  l'exécute  aussi  bien  que  les  circonstances  me  le 
permettent. 

Ma  tâche  était  de  réunir  en  un  seul  ouvrage  le  récit  des 
exploits  et  des  travaux  de  nos  compatriotes  dans  une 
région  où  ils  ont  continuellement  exercé  leur  influence 
depuis  plus  de  deux  cent  cinquante  ans.  Cette  partie  de 
notre  histoire  n'avait  pas  encore  été  l'objet  d'aucune  étude 
spéciale.  Je  me  suis  donc  surtout  efliorcé  de  faire  con- 
naître les  faits.  De  là  une  abondance  de  matière  par  suite 
de  laquelle  j'ai  été  obligé  de  couper  court  aux  dissertations 
sur  les  mérites  de  nos  compatriotes.  Les  faits  parleront 
par  eux-mêmes  ;  et  la  hardiesse,  la  grandeur  et  l'utilité  de 
l'œuvre  accomplie  par  les  Canadiens  apparaîtront  évidentes 
à  tous  les  yeux. 

Je  n'ai  pas  surchargé  le  tableau  de  belles  couleurs  ;  on 
pourra  peut-être  même  m'accuser  d'avoir  trop  insister  sur 
les  défauts  de  nos  ancêtres  et  sur  les  échecs  qu'ils  ont  subis. 
J'ai  voulu  indiquer  combien  nous  devons  avoir  confiance 
dans  l'avenir,  en  faisant  voir  que  ceux  qui  nous  ont  conquis 
un  si  beau  patrimoine,  nétaient  pas  des  demi-dieux,  mais 
des  hommes  exposés  à  toutes  ces  misères,  dont  nous 
sommes  portés  à  exagérer  l'importance  aujourd'hui.  La 
force  de  nos  pères,  c'est  qu'ils  furent  des  hommes  de  foi  et 
de  courage  ;  ils  ne  doutèrent  jamais  de  la  patrie  ni  de  ses 
droits.     Imitons-les  en  cela. 

T.  Saint-Pierre. 


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TABLE   DES   MATIÈRES 


I-™  preniez  explorateur, 

Lm  Coureurs-de-bois       

^  I«mothe-C«lillac ' 

!-«  Po„d„,,„„  d,  Ds^^:;;- 

Cad,llac  devient  «„g„e„  

^  guerre  d«,  fienards    

Alpionso  de  Tonti  

I^es  ancêtres 

^^Jiégime  Anglais.""""' 

^e  Bëgime  AmérieaiK     

I*ëriode  Critique  

^n  pavement  An;^:don;:;;: 

Sociétés  Jfationales.  

Organisation  Paroissiale.' ■;; ' 

Q"^Jques  Contemporains...: ' 

Conclusions....  

appendice— Les  Cnn«„ 

'  Conventions  Canadiennes 





aux  Etats-Un 


is. 


'•AGE. 

1 

13 

25 

37 

59 

75 

89 

103 

113 

•  •  121 
■••  131 
•••  145 
.-  173 
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••  215 
..  233 
.  247 
.  261 

273 

305 
323 


l'AOB. 
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.  103 

.  113 

.121  . 
131 
145 
173 

191 

215 

233 

247 

261 

273 
305 
323 


LES  CANADIENS  DU  MICHIGAN. 


CHAPITRE  I. 


LâS   PREMIERS   EXPLORATEURS. 


C'est  à  Jean  Nicolet  que  revient  l'honneur  d'avoir  été  le 
premier  européen  qui  ait  mis  le  pied  sur  le  sol  du  Michigan. 
Originaire  des  environs  de  Cherbourg,  Normandie,  où  les 
Nicolet  sont  encore  fort  nombreux,  Jean  Nicolet  était  venu 
au  Canada  en  1618,  étant  encore  jeune.  Il  fut  d'abord  em- 
ployé par  Champlain  comme  interprète  ;  puis,  en  1620,  il 
se  rendit  chez  les  Algonquins  de  l'Ottawa  et  du  lac  Nipis- 
sing,  où  il  resta  treize  ans. 

Ce  long  séjour  parmi  les  Sauvages  l'avait  bien  préparé 
pour  les  voyages  d'exploration  ;  et  en  1634  il  fut  désigné 
pour  aller  ouvrir  des  négociations  avec  les  tribus  de  l'Ouest, 
qu'il  rencontra  à  Green  Bay.  Dans  ce  voyage  il  dut  explo- 
rer toute  la  côte  sud  de  la  péninsule  supérieure  du  Michigan. 

De  retour  au  Canada,  Nicolet  s'établit  à  Trois-Rivières, 
où  il  vécut  paisiblement  pendant  une  dizaine  d'années  en- 
core. Il  y  rencontrait  souvent  des  missionnaires  de  la  Com- 
pagnie de  Jésus,  et  il  se  pljiisait  à  leur  raconter  ses  lointains 
voyages.  ' 

Il  n'en  fallait  pas  davantage  pour  attirer  sur  l'Ouest  l'at- 
tention de  ces  zélés  apôtres.  Le  père  Vimont,  un  de  ceux 
qui  avaient  connu  Nicolet  à  Trois-Rivières,  devenu  supé- 
rieur des  missions  du  Canada,  écrivait  en  France  en  1640  : 

'  M.  Benjamin  Suite  est  l'historien  qui  s'est  le  plus  occupé  de  Jean 
Nicolet  ;  ponr  tout  ce  :im  concerne  cet  explorateur  voir  ses  ouvrages. 


waaammmtÊtmm 


2  LES   CANADIENS  DU    MICHIOAN 

"  Mais  je  dirai  on  pasHant  que  non»  avons  de  grandes  pro- 
babilités qu'on  peut  descendre  par  le  second  grand  lac  des 
Hurons  (le  lac  Michigan)  et  par  les  peuples  que  nous  avons 
nommés  dans  cette  mer  (<lu  Sud).  Le  sieur  Nicolet  qui  a 
le  plus  avant  pénétré  dans  ces  ^ays  si  éloignés,  m'a  assuré 
que  s'il  eût  vogué  trois  jours  plus  avant  sur  un  grand  fleuve 
qui  sort  de  ce  lac,  qu'il  aurait  trouvé  la  mer  ;  or  j'ai  de 
fortes  conjectures  que  c'est  la  mer  qui  répond  au  Nord  de 
la  nouvelle  Mexique,  et  que  de  cette  mer  on  aurait  entrée 
vers  le  Japon  et  vers  la  Chine  ;  néanmoins,  comme  on  ne 
sait  pas  où  tire  ce  grand  lac,  ou  cette  mer  douce,  ce  serait 
une  entreprise  d'aller  découvrir  ces  contrées.  Nos  pères 
qui  sont  aux  Hurons,  invités  par  quelques  Algonquins,  sont 
sur  le  point  de  donner  jusqu'à  ces  gens  de  l'autre  mer  dont 
j'ai  parlé  ci-dessus  ;  peut-être  que  ce  voyage  se  réservera 
pour  l'un  de  nous  qui  avons  quelque  petite  connaissance  de 
la  langue  algonquine."  ' 

En  réponse  à  l'invitation  mentionnée  par  le  P.  Vimont, 
les  PP.  Raymbault  et  Jogues  se  rendirent  au  saut  Sainte- 
Marie  durant  le  mois  d'août  1641.  Ils  y  rencontrèrent 
plus  de  deux  mille  Sauvages.  Les  Sauteurs,  tribu  vivant 
dans  les  environs,  les  supplièrent  de  rester  avec  eux.  "  Nous 
vous  embrasserons  comme  des  frères,"  leur  dirent-ils,  "  nous 
pr.^fiterons  de  vos  paroles."  Mais  les  missionnaires  ne  pou- 
vaient se  rendre  à  cette  demande  ;  il  leur  fallait  passer 
continuellement  de  tribu  en  tribu,  afin  d'entretenir  dans  le 
cœur  de  ces  catéchumènes  inconstants  les  bonnes  dispositions 
qu'ils  y  avaient  fait  naître.  Cependant,  avant  de  partir, 
ils  firent  ériger  une  grande  croix  en  commémoration  de  leur 
visite. 

Les  Jésuites  espéraient  alors  qu'ils  seraient  capables  avant 
longtemps  d'établir  une  mission  sur  le  lac  Supérieur.  De 
terribles  désastres  vinrent  déjouer  leur  espérance.     Le  père 


>  Vimont,  Relation  1640. 


LES    PREMIERS   EXPLORATEURS 


8 


ire 


Riiyinbuult  mourut  cjuelque  temps  après  sa  visite  au  saut 
Sainte-Marie,  le  père  Jo^ues  commenc/a  cette  série  de  péni- 
bles aventures  qui  se  termiim  par  son  martyre,  ontin  les 
missions  huronnes,  base  de  leurs  opérations  dans  l'Ouest, 
furent  eomi>lètement  ruinées  par  les  Iroquois. 

Néanmoins,  les  bons  Pères  n'oublièrent  pas  l'Ouest  et  ses 
liabitants.     L'auteur  de  la  Relation  de  1654  dit: 

"  Ils  y  sont  en  grand  nombre  et  plus  peuplés  que  n'ont 
été  tous  ces  pays,  dont  plusieurs  ont  diverses  langues  qui 
nous  sont  inconinies  ;  taut-ils  qu'ils  connaissent  Dieu  et  que 
nous  leur  annoncions  quelque  jour  ses  grandeurs. 

"  Un  autre  (père)  dit  que  dans  les  îles  du  lac  des  gens  de 
mer,  (pie  queî({ues-uns  appellent  mal-à-propos  les  Puants 
(la  baie  Verte),  il  y  a  cpiantité  de  peuples  dont  la  langue  a 
grand  rapport  avec  l'algonquine  ;  qu'il  n'y  a  que  neuf  jours 
de  cbemin  depuis  ce  grand  lac  jusqu'à  la  mer  qui  sépare 
l'Amérique  de  la  Chine,  et  ciues'ilse  trouvait  une  personne 
({\n  voulût  envoyer  trente  Français  dans  ce  pays-là,  non- 
seulement  on  gagnerait  beaucou}»  d'âmes  à  Dieu,  mais  on 
retirerait  encore  un  profit  ([ui  surpasserait  les  dépenses  qu'on 
ferait  pour  l'entretien  des  Français  qu'on  y  enverrait  ; 
pource  ([ue  les  meilleures  pelleteries  viennent  plus  abon- 
damment de  ces  <[uartierf  là." 

On  voit  que  les  missionnaires  comptaient  sur  le  commerce 
pour  avancer  les  aifaires  de  la  religion.  En  effet,  c'est  à 
l'esprit  commercial  que  l'on  doit  la  reprise  des  voyages  dans 
l'Ouest. 

Dans  l'été  de  1654  une  nombreuse  flotte  de  canots  d'é- 
corce,  portant  plusieurs  centaines  d'Outaouas  des  bords  du 
lac  Michigan,  parut  devant  les  Trois-Rivières.  Ces  peuples 
entretenaient  un  commerce  avec  les  tribus  plus  éloignées  et 
ils  apportaient  aux  Français  les  fruits  de  ce  commerce  et  de 
leur  propre  chasse.  L'arriv^ée  des  Outaouas,  suivant  M. 
Suite,  prend  l'importance  d'un  événement  dans  l'histoire 


R^v^iiPPfiva 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


!■  i 


(lu  Canada.  Ils  (étaient  en  quelque  sorte  «les  embannadours 
l'HVoyéH  vers  les  Français  pour  lew  inviter  h  t5tendro  leurs 
opérations  commerciales  dans  les  lointaines  région»  au  lac 
Michigan.  C'est  dire  que  cet  événement  devait  [«réparer 
la  colonisation  des  pays  dont  nous  écrivons  l'histoire. 

Pour  le  moment,  il  ne  se  trouva  «pie  deux  Français  qui 
voulurent  accepter  l'invitation  des  Outaouas. 

"  Le  6ème  jour  d'août  de  l'aimée  1654,"  nous  dit  la  Rela- 
tion de  1656,  "  deux  jeunes  Français  pleins  <le  courage, 
ayant  eu  permission  de  Mons.  le  Gouverneur  du  pays  de 
s'embarquer  avec  quelques-uns  de  ces  peuples  qui  étaient 
descendus  jusqu'à  nos  habitations  françaises,  firent  un 
voyage  de  plus  de  cinq  cents  lieues  sous  la  conduite  de  ces 
Argonautes 

"  Ces  deux  pèlerins  pensaient  bien  revenir  au  printemps 
de  l'an  1655  ;  mais  ces  peuples  ne  les  ont  ramenés  (jue  sur 
la  fin  du  mois  d'août  de  cette  année  1656.  Leur  arrivée  a 
causé  une  joie  universelle  à  tout  le  pays  ;  car  ils  étaient  ac- 
compagnés de  cinquante  canots  chargés  de  marchandises, 
que  les  Français  vont  chercher  en  ce  bout  du  monde 

"  Ayant  mis  pied  à  terre  au  bruit  étonnant  des  canons, 
et  ayant  bâti  en  un  moment  leurs  maisons  volantes,  les 
Capitaines  montèrent  au  fort  St-Louis  pour  aller  saluer 
Mons.  notre  Gouverneur,  portant  leur  parole  en  la  main  ; 
c'étaient  deux  présents  qui  passent  pour  des  paroles  parmi 
ces  peuples.  L'un  de  ces  deux  présent  ■  demandait  des 
Français  pour  aller  passer  l'hiver  en  leur  pays  ;  et  l'autre 
demandait  des  Pères  de  notre  Compagnie  pour  enseigner  le 
chemin  du  Ciel  à  toutes  les  nations  de  ces  grandes  contrées. 
On  leur  répondit  à  leur  mode,  par  des  présents,  leur  accor- 
dant très  volontiers  tout  ce  qu'ils  demandaient." 

L'entente  était  parfaite  ;  tout  le  monde  se  réjouissait  dans 
Québec  ;  les  marchands  songeaient  à  l'augmentation  du 
commerce,  les  dévots  au  nombre  d'âmes  sauvées  des  ténè- 
bres éternellei,  le  gouverneur  et  l'intendant,  un  peu  à  tout 


LES    PREMIERS   EXPLORATEURS 


i;ela,  oar  tout  celu  signifiait  l'extonsion  de  lu  domination 
tranvai«e.     La  Joie  fut  de  courte  durée. 

Une  trentaine  de  Français,  parmi  leH(iuels  les  PP.  Druil- 
lettes  et  Gareau,  étaient  partis  avec  les  Outaouas.  Mais, 
dégoûtés  par  la  brutalité  de  ees  barbares,  la  [ibipart  aban- 
<lo!inî)rent  l'expédition  dès  les  premiers  jours.  Les  mis- 
sionnaires cependant  voulaient  persévérer  jusqu'à  la  fin.  Ils 
comjttaient  sans  les  terribles  Iroquois  (pii  se  présentëvent 
tout  h  coup  sur  le  lac  Saint-Pierre.  Les  Outaouas  ne  se 
virent  pas  plus  tôt  attacpiés  qu'ils  s'enfuirent  pêle-mêle, 
laissant  les  Français  h  la  merci  des  assaillants.  Le  përe 
Gareau  fut  blessé  à  mort,  et  ses  compagnons  durent  renon- 
cer à  toutes  leurs  espérances. 

Trois  ans  plus  tard,  dans  l'auti'.nne  de  16ot^,  derx  Fran- 
çais à  \r  "  •  herclie  d'aventures  se  rendirent  su.  le  lac 
Supérieur.  Durant  l'hiver  ils  parc  >ururent  tous  les  pays 
environnants  pour  engager  les  Sauvages  à  descendra  .\  Qué- 
bec le  printemps  suivant.  Chemin  faisant  ils  baptisaient 
les  enfanta  en  danger  de  mort  et  expli(piuient  les  vérité.^ 
élémentaires  du  christianisme.  Sur  le  bord  d'une  rivière 
du  nord  du  Wisconsin  ils  retrouvèrent  quelques  débris  de 
la  nation  huronne.  Ces  pauvres  vaincus  erraient  depuis  la 
dévastation  de  leur  patrie  par  les  Iroquois  dans  la  crainte 
continuelle  de  trouver  sur  leur  route  leurs  implacables  en- 
nemis. Au  printemps,  soixante  canots,  portant  près  de 
trois  cents  Algonquins,  prirent  la  route  du  Canada. 

A  Québec,  les  Sauvages  demandèrent  de  nouveau  des 
missionnaires.  Les  Jésuites  n'hésitèrent  pas  à  se  rendre  à 
leur  demande.  "  Il  est  vrai,"  écrivaient  les  Pères,  "  que  lo 
ehemin  que  nous  sommes  obligés  de  tenir  est  encore  teint 
de  notre  sang,  mais  c'est  ce  sang  qui  nous  augmente  le 

courage et  la  gloire  qu'ont  ceux  qui  sont  morts  pour 

Jésus-Chriet  en  cette  expédition  nous  rend  jaloux  plutôt 
que  timides."  ' 

Le  père  Ménard,  un  vieillard  blanchi  sous  le  joug,  fut 


6 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


choisi  pour  cette  dure  et  périlleuse  mission.  '  René  Ménard 
était  né  en  1604  ;  et  depuis  1640  il  était  employé  dans  les 
missions  du  Canada.  Chez  les  Hurons  il  avait  été  le  com- 
pagnon de  Brébœuf,  de  Jogues  et  de  Daniel,  qui  avaient 
depuis  trouvé  la  couronne  du  martyre.  Plus  tard  il  avait 
travaillé  à  la  conversion  des  farouches  Iroquois.  Il  était  h 
Trois-Rivières  quand  il  apprit  qu'il  devait  partir  pour 
l'Ouest.  Il  eut  un  terrible  pressentiment,  et  dans  une  lettre 
qu'il  écrivit  alors  à  un  ami  il  disait  : 

"  Je  vous  écris  probablement  le  dernier  mot,  que  je  sou- 
haite être  le  sceau  de  notre  amitié  jusqu'à  l'éternité 

Nous  avons  été  un  peu  sui'pris  pour  ne  pouvoir  pas  nous 
pourvoir  d'habits  et  d'autres  choses  ;  mais  Celui  qui  nourrit 
les  petits  oiseaux  et  habille  les  lys  des  champs,  aura  soin  de 
ses  serviteurs,  et  quand  il  nous  arriverait  de  mourrir  de  mi- 
sëre,  ce  me  serait  un  grand  bonheur." 

Il  faut  se  rappeler  que  ces  paroles  touchantes  ne  venaient 
pas  d'un  jeune  enthousiaste,  mais  d'un  vieillard  qui  avait 
appris  par  une  dure  et  longue  expérience  tout  ce  qu'il  y 
avait  de  souffrances  et  de  dangers  dans  un  pareil  voyage. 
Ménard  savait  qu'il  aurait  à  vivre  pendant  des  mois  et  des 
années  dans  un  dénûment  presque  complet  de  toutes  choses, 
exposé  aux  intempéries  des  saisons  sous  un  climat  rigou- 
reux, aux  mauvais  traitements  et  aux  injures  des  peuples 
qu'il  voulait  convertir.  Mais  son  sacrifice  ét.ait  fait  depuis 
longtemps. 

Le  père  Ménard,  accompagné  de  huit  autres  Français, 
partit  de  Trois-Riviëres  le  28  août  1660.  Le  Sauvage  qui 
l'avait  pris  dans  sou  canot  ne  souffrit  pas  qu'il  restât  long- 
temps inactif.  Durant  tout  ce  voyage  de  trois  cent  lieues, 
le  vieux  missionnaire  dut  porter  sa  part  des  fardeaux  ou 
manier  l'aviron.  Pour  comble  de  malkeur,  quand  il  fut  ar- 
rivé au  lac  Supérieur  un  arbre  en  tombant  brisa  le  canot 


Relation  de  1()60. 


LES   PREMIERS   EXPLORATEURS 


dans  lequel  il  voyageait  ;  lui  et  troi»  Sauvages,  ses  compa- 
gnons, se  virent  ainsi  obligés  d'attendre  qu'un  des  rares 
passants  eût  pitié  d'eux.  Pendant  six  jours  ils  n'eurent 
pour  touie  nourriture  que  ce  qu'ils  purent  tirer  de  la  végé- 
tation chétive  de  ces  parages.  Le  septième  jour  on  vint  les 
chercher  pour  les  amener  au  rendez-vous  de  la  tribu,  sur 
une  baie,  du  côté  sud  du  lac  Supérieur — probablement  la 
baie  Keweenaw. 

Ici  le  père  Ménard  eut  la  consolation  de  célébrer  la  messe. 
Quelques  âmes  bien  disposées  à  recevoir  l'Evangile  lui  cau- 
sèrent de  grandes  jouissances.  Il  ne  jugea  pas  à  propos  de 
baptiser  plus  d'une  cinquantaine  d'adultes,  qu'il  choisit 
parmi  les  plus  pieux.  "  Je  n'en  ai  pas  voulu  admettre  un 
plus  grand  nombre,"  écrit-il,  "  me  contentant  de  ceux  que 
j'ai  jugés  devoir  persévérer  constamment  dans  la  foi  pendant 
mon  absence." 

Ménard,  dans  ses  lettres,  parle  surtout  de  ses  chers  néo- 
phytes ;  il  ne  dit  que  quelques  mots  des  misères  qu'il  eut  à 
endurer  pendant  l'hiver.  En  arrivant  au  campement  des 
Sauvages,  il  s'était  rendu  chez  un  chef,  "  homme  8uperl)e  et 
très  vicieux,"  qui  avait  quatre  ou  cinq  femmes.  Ce  potentat 
traita  fort  mal  le  pauvre  missionnaire  et  enfin  le  chassa  de 
sa  cabane,  l'obligeant  à  se  construire  une  chaumière  de 
branches  de  sapin.  C'est  dans  ce  réduit  sylvain  qu'il  passa 
les  longues  et  froides  nuits  de  l'hiver.  La  nourriture  four- 
nie par  les  Sauvages,  indigents  et  peu  charitables,  n'était 
guère  supérieure  au  logement. 

Durant  l'été  suivant  les  Français  firent  meilleure  chère. 
La  chasse  et  la  pêche  leur  fournissaient  une  nourriture  pas- 
sable. Le  deuxième  hiver  ils  résolurent  aussi  de  suivre  les 
Sauvages  à  la  pêche  ;  et  bien  que  la  tâche  ne  fût  pas  douce 
ni  le  produit  abonuant,  ils  purent  vivre  un  peu  mieux  (jue 
l'année  précédente. 

Cependant  les  Outaouas  se  montraient  toujours,  pour  la 
plupart,  très  mal  disposés  à  accepter  îa  religion  dans  la- 


« 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


•quelle  ils  avaient  eux-mêmes  demandé  d'être  instruits.  Ceci 
décida  le  p^re  Ménard  à  se  rendre  chez  une  tribu  huronne, 
établie  à  une  centaine  de  lieues  de  l'endroit  où  il  se  trou- 
vait. Il  savait  qu'il  trouverait  dans  cette  tribu  plusieurs 
anciens  catéchumènes  qui  seraient  heureux  d'entendre  la 
parole  de  Dieu.  Cependant  avant  d'entreprendre  le  voyage, 
il  envoya  trois  des  Français  qui  l'accompagnaient  pour  ex- 
plorer le  chemin  et  préparer  les  Hurons  pour  sa  visite.  Ces 
délégués  rapportèrent  qu'ils  avaient  bien  trouvé  les  Hurons, 
mais  que  la  famine  était  dans  leur  village  et  que  c'était  s'ex- 
poser à  mourir  de  faim  que  d'y  aller.  Le  père  Ménard  leur 
répondit  :  "  Je  ne  saurais  souffrir  que  des  âmes  périssent  sous 
prétexte  de  conserver  la  vie  du  corps  à  un  chétif  homme 
que  je  suis."  Il  se  mit  en  route  le  11  juin  1662,  accompa- 
gné d'un  Français  nommé  Jean  Guérin  et  de  quelques 
Hurons.  Ces  derniers  l'abandonnèrent  à  mi-chemin  en  di- 
sant qu'ils  couraient  avertir  leurs  gens  pour  revenir  ensuite 
à  sa  rencontre.  Le  Père  attendit  une  quinzaine  de  jours  ; 
puis,  voyant  que  les  Hurons  ne  paraissaient  pas  et  que  ses 
vivres  s'épuisaient,  il  résolut  de  pousser  en  avant.  Un  jour 
que  Guérin  était  occupé  à  tramer  leur  canot  d'une  rivière 
à  une  autre,  le  père  Ménard  disparut  subitement,  et  on  ne  le 
revit  plus. 

Il  est  probable  que  le  vénérable  apôtre  fut  rencontré  par 
quelque  Sauvage  aff*amé  qui  l'assassina  pour  le  dépouiller. 
On  retrouva  plus  tard  son  sac  entre  les  mains  d'un  Sauvage 
qui  refusa  d'en  expliquer  la  provenance.  '  Quoiqu'il  en  soit, 
le  père  Ménard  mourut  victime  de  son  zèle  pour  le  salut  des 
âmes  et  on  doit  le  classer  parmi  les  martyrs  du  Canada. 

Des  Français  qui  vinrent  au  lac  Supérieur  avec  le  père 
Ménard,  sept  retournèrent  au  Canada  en  1663.  Le  hui- 
tième, Jean  Guérin,  était  mort  vers  la  fin  de  l'année  précé- 
dente. Il  avait  été  pendant  vingt  ans  un  des  serviteurs  les 
plus  dévoués  des  Jésuites. 


'  Relation  de  1664  ;  Perrot,  Mémoires. 


LES    PREMIERS   EXPLORATEURS 


En  face  du  résultat  négatif  de  tous  les  sacrifices  qu'ils 
avaient  faits  pour  évangéliser  les  peuplades  de  l'Ouest,  il 
était  bien  permis  aux  Jésuites  de  renoncer  à  leur  entre- 
prise ;  mais  aucun  obstacle  ne  pouvait  les  décourager,  ni 
aucun  péril  les  faire  reculer.  C'était  l'œuvre  de  Dieu  ;  et 
ils  s'estimaient  heureux  de  pouvoir  se  sacrifier  pour  cette 
cause  divine.  On  a  dit  que  leur  énergie  aurait  pu  être  em- 
ployée dans  des  champs  plus  fertiles  ;  on  a  regretté  tant  de 
sang,  de  h  jeur  dépensés  sans  résultats  apparents.  Mais  le 
sang  des  martyrs  n'a-t-il  pas  été  de  tous  temps  la  semence  de 
la  foi  ? 

Mais  n'esice  pas  la  destinée  humaine, 

N'est-ce  pas  là  toujours  l'éternel  phénomène 
Qui  veut  que  tout  s'enfunt^  et  vienne  dans  les  pleurs  ? 
Le  froment  nait  du  sol  que  l'on  déchire;  le»  fleurs 
1*8  plus  douces  peut-être  éclosent  sur  les  tombas; 
L'Eglise  a  pris  racine  au  fond  des  catacombes  : 
Pas  une  œuvre  où  le  doitrt  divin  s'est  fait  sentir, 
Qui  n'ait  un  peu  germé  dans  iesang  d'un  martyr  1 

Des  l'année  1664  la  Compagnie  de  Jésus  désigna  le  père 
Claude  Allouez  pour  aller  remplacer  le  père  Ménard.  Ce 
missionnaire  était  venu  en  Canada  en  1658,  étant  alors  âgé 
de  38.  Il  étudiait  depuis  six  ans  les  langues  sauvages 
quand  il  fut  choisi  pour  les  missions  de  l'Ouest. 

Allouez  partit  sans  retard  pour  Montréal  où  il  devait  re- 
joindre les  Outaouas  descendus  pour  la  traite,  mais  quand  il 
y  arriva  les  Sauvages  étaient  déjà  retournés  dans  leur  pays. 
Il  hiverna  à  Montréal,  et  vers  la  fin  de  juillet  il  eut  le  plai- 
sir de  voir  arriver,  nous  disent  les  fidèles  Relations  des 
Jésuites,  "  une  centaine  de  canots  des  Outaouaks  et  de 
quelques  autres  Sauvages  nos  alliés,  qui  venaient  des  quar- 
tiers du  Lac  Supérieur,  à  quatre  et  cinq  cents  lieues  d'ici, 
pour  faire  leur  ^commerce  ordinaire,  et  se  fournir  de  leurs 
besoins,  en  nous  donnant  pour  échange  leurs  peaux  de 
Castor,  qu'ils  ont  chez  eux  en  très  grande  abondance." 

Les  Outaouas  se  hâtèrent  de  terminer  leur  traite  ;  et  le  8 


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10 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


août  ils  étaient  prêts  à  retourner  dans  leur  pays.  Le  père 
Allouez  et  six  marchands  déclarèrent  alors  leur  intention 
de  les  accompagner.  Les  Sauvages  consentirent  aussitôt  à 
amener  les  commerçants,  mais  ils  ne  voulaient  pas  d'Allouez 
ni  d'aucun  autre  missionnaire  ;  ils  les  considéraient  comme 
des  gens  inutiles  et  même  comme  des  sorciers  qui  faisaient 
mourir  leurs  enfants  par  le  baptême.  Ce  n'est  qu'en  les 
menaçant  de  la  colère  du  gouverneur  que  le  R.  Père  pût  les 
faire  consentir  à  l'amener.  Aussi  le  traitèrent-ils  comme 
un  compagnon  dont  on  veut  se  débarrasser. 

Allouez  nous  dit,  dans  le  récit  qu'il  a  laissé  de  son  voyage, 
que  le  diable  n'ayant  pas  réussi  à  l'empêcher  de  monter, 
s'attaqua  à  une  petite  boîte  contenant  quelques  médicaments 
qui  devaient  lui  être  d'une  grand  utilité.  "  Il  plut  à  Dieu," 
ajoute-t-il,  "  de  se  servir  du  plus  grand  jongleur  de  ces  quar- 
tiers, homme  de  six  femmes,  et  d'une  vie  débordée,  pour 
me  la  conserver.  Il  me  la  mit  entre  les  mains  lorsque  je 
n'y  pensais  plus,  me  disant  que  le  thériaque  et  quelques 
autres  médicaments,  avec  les  images  qui  étaient  dedans, 
étaient  autant  de  Manitous,  ou  de  démons,  qui  le  feraient 
périr  s'il  osait  y  toucher." 

Le  premier  jour  de  septembre,  la  flottille  arriva  au  saut 
Sainte-Marie.  Ici  le  R.  Père  se  sépara  des  Sauvages,  et 
pendant  un  mois  il  explora  la  rive  sud  du  lac  Supérieur. 
Sur  la  baie  Sainte-Thérèse,  scène  des  travaux  de  Ménard,  il 
trouva  deux  Sauvageeses  qui  "  avaient  toujours  conservé  la 
foi,  et  brillaient  comme  deux  astres  au  milieu  de  la  nuit 
universelle  de  cette  infidélité." 

Le  premier  octobre.  Allouez  arriva  au  rendez-vous  des 
tribus,  sur  la  baie  Chegouamegon,  où  il  établit  la  mission  du 
Saint-Esprit.  En  cet  endroit,  il  vint  en  contact  avec  presque 
tous  les  peuples  de  l'Ouest.  Tout  son  temps  était  consacré 
à  deux  objets  :  recueillir  des  renseignements  sur  les  régions 
encore  inexplorées  et  inculquer  quelques  notions  du  chris- 
tianisme à  ces  peuples.     Il  obtint  sur  la  géographie  du  pays 


LES   PREMIERS   EXPLORATEURS 


11 


(le  précieuses  indications  qui  amenèrent  plus  tard  la  décou- 
verte du  Mississipi  ;  mais  ses  travaux  d'évangélisation 
n'eurent  qu'un  succès  relatif.  La  polygamie,  le  libertinage 
et  l'inconstance  des  Sauvages  étaient  des  obstacles  difficiles 
à  vaincre. 

Au  mois  d'août  1667  Allouez  descendit  à  Montréal  pour 
obtenir  des  secours.  Son  expérience  lui  avait  démontré 
qu'il  était  nécessaire  d'avoir  sur  les  lieux  plusieurs  servi- 
teurs Français  pour  pourvoir  aux  besoins  des  missionnaires. 
Après  un  séjour  de  quarante-huit  heures  seulement,  il  reprit 
le  chemin  de  ses  missions,  amenant  avec  lui  le  R.  Père 
Nicolas  et  six  engagés.  A  Montréal  toutefois  les  Sauvages 
ne  voulurent  pas  prendre  plus  d'un  des  engagés,  de  sorte 
que  les  autres  durent  attendre  jusqu'à  l'année  suivante. 

C'était  là  un  fâcheux  contretemps  ;  mais  le  momeni  ap- 
prochait où  Allouez  aurait  de  nombreux  compagnons.  La 
lièvre  de  l'Ouest  allait  s'emparer  de  toute  la  Nouvelle- 
France.  Jusqu'ici  les  missionnaires  '  ont  occupé  presque 
tout  le  tableau,  mais  désormais  nous  allons  voir  les  trai- 
teurs, l'intendant,  le  gouverneur  et  même  le  roi  travailler, 
à  leur  manière,  à  développer  les  resources  de  ces  contrées 
pour  la  plus  grande  gloire  de  la  France  et  du  christianisme. 


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CHAriTRE  II 


LA    FRANCE   PREND   POSSESSION    DU   MICHIGAN 

Eu  1665  la  Nouvelle-France,  jusqu'alors  négligée  par  les 
compagnies  de  traite  qui  s'étaient  engagées  à  la  coloniser, 
et  troublée  par  les  divisions  qui  existaient  entre  les  auto- 
rités civiles  et  religieuses,  reçut  des  renforts  considérables 
tant  de  colons  que  de  soldats,  et,  ce  qui  valait  mieux  encore, 
des  administrateurs  capables  et  désireux  de  remettre  l'ordre 
dans  les  affaires  et  d'assurer  la  paix  aux  habitants.  Le  nou- 
vel intendant,  Jean  Talon,  comprit  que  la  colonie  qui  lui 
était  confiée  était  susceptible  de  devenir  l'un  des  plus 
beaux  joyaux  de  la  couronne  de  France.  Prévoyant  l'im- 
portance future  des  immenses  régions  de  l'Ouest,  il  voulut 
en  assurer  la  possession  à  sa  patrie. 

Le  grand  Colbert  comprenait  la  valeur  des  colonies 
mieux  que  la  plupart  de  ses  contemporains  ;  pourtant  il  ne 
vit  pa-j  sans  inquiétude  les  projets  grandioses  de  son  dis- 
ciple au  Canada.     Le  5  avril  1666  il  écrivait  à  Talon  : 

"  Le  Roi  a  approuvé  que  vous  ayez  fait  poser  ses  armes 
aux  extrémités  de  l'étendue  du  Canada,  et  que  vous  vous 
prépariez  en  même  temps  à  dresser  aussi  des  procès-ver- 
baux de  prise  de  possepsiion,  parce  que  c'est  toujours 
étendre  sa  souveraineté,  ne  doutant  pas  que  vous  n'ayez  en 
cette  occasion  fait  réflexion,  avec  M.  de  Tracy  et  les  autres 
officiers,  qu'il  vaudrait  mieux  se  restreindre  à  un  espace  de 
terre  que  la  colonie  sera  elle-même  en  état  de  maintenir, 
que  d'en  embrasser  une  trop  grande  quantité,  dont  peut- 
être  on  serait  un  jour  obligé  d'abandonner  une  partie  avec 


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14 


LES   CâNâDIEXS   du    MICHIGAN 


quelque  diminution  de  la  réputation  de  Sa  Majesté  et  de 
cette  couronne."  ' 

Chaque  génération  depuis  le  dix-septiëme  siëcle  a  produit 
des  sages  qui  ont  mis  le  peuple  canadien  en  garde  contre 
les  dangers  d'une  trop  grande  extension,  mais  l'expérience 
n'a  pas  encore  justifié  leurs  alarmes.  La  vieille  France, 
dans  un  moment  de  faiblesse  honteuse,  nous  a  retiré  la 
protection  de  son  drapeau,  mais  nous  sommes  restés  sur  les 
territoires  dont  nous  avions  pris  possession,  poursuivant 
toujours  notre  mission.  Talon  était  devenu  Canadien  en 
touchant  le  sol  de  la  Nouvelle-France.  Loin  de  se  laisser 
détourner  de  ses  projets  par  les  conseils  du  ministre,  il  lui 
répondit  quelque  temps  après  qu'il  allait  continuer  de  faire 
apposer  les  armes  du  roi  partout  où  cela  serait  possible,  car 
il  était  convaincu  que  si  la  chose  n'était  pas  utile  pour  le 
présent  elle  le  serait  pour  l'avenir.  Il  ajoute  que  si  ce  n'est 
pas  rendre  les  médailles  du  roi  trop  communes  d'en  donner 
à  ceux  qui  s'illustrent  par  de  grandes  découvertes,  il  désire- 
rait en  distribuer  une  douzaine  à  dea  personnes  pour  les- 
quelles ces  sortes  de  récompenses  sont  plus  précieuses  que 
l'argent. 

Voici  du  reste  comment  Talon  s'expliquait  sur  ses  plans  : 
"  Ce  pays,"  écrit-il  dans  un  mémoire  de  1670,  "  est  disposé 
de  manière  que  par  le  fleuve  on  peut  remonter  partout  à  la 
faveur  des  lacs.  Ouvrant  le  chemin  du  Nord  et  du  Sud, 
c'est  par  ce  même  fleuve  qu'on  peut  espérer  de  trouver 
quelque  jour  l'ouverture  au  Mexique,  et  c'est  aux  premières 
de  ces  découvertes  que  nous  avons  envoyé  M.  de  Courcelles 
et  moi,  M.  de  la  Salle,  qui  a  bien  de  la  chaleur  pour  ces 
entreprises,  tandis  que,  par  Un  autre  endroit,  j'ai  fait  partir 
le  sieur  de  Saint-Lusson,  pour  pousser  vers  l'Ouest  tant 
qu'il  trouvera  de  quoi  subsister,  avec  ordre  de  rechercher 
soigneusement,  s'il  y  a  par  lacs  ou  par  rivières  quelque 

'  Margry,  vol.  I,  pp.  77-78. 


LA    FRANCE   PREND   POSSESSION    DU    MICHIOAN 


15 


communication  avec  la  mer  du  Sud  qui  sépare  ce  continent 
de  la  Chine  ;  après  cependant  qu'il  aura  donné  sa  première 
application  à  la  découverte  des  mines  de  cuivre  qui  tait  le 
principal  sujet  de  sa  mission  et  qu'il  aura  vérifié  les  mémoires 
qui  lui  ont  été  remis  à  cet  effet." 

La  recherche  de  mines  de  cuivre  et  d'argent  était  en  effet 
le  principal  but  des  Français  qui  allaient  vers  les  lacs  Huron 
et  Supérieur  à  cette  époque,  et  celui  qui  se  recommandait 
le  mieux  ;\  Colbert.     Ce  ministre  écrivait  à  Talon  en  1071  : 

"  La  principale  chose  à  laquelle  vous  devriez  vous  appli- 
(juer  dans  ces  sortes  de  découvertes  est  de  faire  rechercher 
les  mines  de  cuivre,  ce  qui  serait  un  moyen  assuré  pour 
attirer  plusieurs  Français  de  l'ancienne  dans  la  Nouvelle- 
France,  si  une  tbis  cette  mine  avait  été  trouvée  et  que 
l'utilité  en  fût  sensible." 

L'existence  de  ces  mines  de  cuivre  était  connue  depuis 
longtemps,  par  des  morceaux  du  métal  qui  étaient  tombés 
entre  les  mains  des  voyageurs  qui  avaient  visité  cette  région. 
Le  frère  Gabriel  Sagard,  dans  un  livre  publié  à  Paris  en 
1636,  dit  qu'il  avait  vu  un  lingot  de  cuivre  dans  les  mains 
de  l'interprète  Etienne  Brûlé  et  qu'il  existait  des  mines 
susceptibles  d'être  exploitées  avec  profit.  Pierre  Boucher, 
dans  son  ouvrage  sur  la  Nouvelle-France,  parle  aussi  des 
mines  du  lac  Supérieur  et  les  Relations  des  Jésuites  en  font 
souvent  mention  après  1659. 

Les  missionnaires  interrogeaient  les  Sauvages  à  chaque 
occasion  pour  savoir  où  se  trouvaient  les  mines,  mais  ceux- 
ci  évitaient  soigneusement  de  répondre.  Ils  avaient  une 
vénération  superstitieuse  pour  le  cuivre  et  craignaient  d'of- 
fenser les  dieux  en  le  livrant  aux  Français.  Cependant  les 
Jésuites  réussirent  à  mettre  la  main  sur  quelques  gros  mor- 
ceaux qui  ne  laissèrent  pas  de  doute  sur  la  pureté  et  l'abon- 
dance du  métal.  En  1670  les  missionnaires  du  saut  Sainte- 
Marie  se  servaient  d'une  enclume  de  cuivre  qui  pesait  au 
delà  de  cent  livres.     Plus  tard,  un  des  Pères,  qui  avait  été 


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16 


LES   CANADIENS    DU   MICHIGAN 


orfèvre,  recueillit  assez  de  ce  métal  pour  en  faire  des»  chan- 
deliers et  autres  ornements  d'église. 

En  1669  'es  sieurs  Joliet  et  Péré  furent  envoyé»  par 
Talon  pour  reconnaître  ces  mines.  Le  roi  n'en  eut  pas 
pour  son  argent,  car  les  explorateurs  se  heurtèrent  aux 
mêmes  obstacles  qu'avaient  déjà  rencontrés  les  mission- 
naires :  ils  ne  purent  engager  les  Sauvages  à  les  aider  dans 
leurs  recherches.  Dans  sa  lettre  du  10  novembre  1670 
Talon  s'étonne  de  ne  pas  avoir  reçu  les  "  éclaircissements 
qu'il  attendait  du  sieur  Péré."  Cet  homme  ne  lui  écrit, 
dit-il,  "  que  fort  obscurément,  ce  qui  donne  lieu  de  douter 
qu'on  n'ait  retardé  la  connaissance  qu'il  devait  prendre  de 
cette  mine  et  empêché  quil  ne  communiquât  ses  lumières 
dans  leur  pureté."  Les  paroles  de  Talon  indiquent  qu'il 
soupçonnait  les  Jésuites  de  contrecarrer  ses  plans  de  décou- 
verte. Ces  soupçons  étaient  injustes,  puisque  les  Jésuites 
publiaient  les  premiers  tout  ce  qu'ils  pouvaient  apprendre 
touchant  ces  paye. 

Bientôt  après  l'intendant  renonça  à  l'idée  de  payer  des 
explorateurs  pour  faire  découvrir  les  mines.  "  Il  faut," 
écrit-il  dans  l'automne  de  1671,  "  espérer  des  fréquents 
voyages  des  Sauvages  et  des  Français,  qui  commencent  à 
prendre  ces  routes  la  découverte  du  lieu  qui  fait  des  pro- 
ductions si  pures  sans  qu'il  en  coûte  au  Roi."  Peut-être 
Talon  commençait-il  à  comprendre  que  la  découverte  des 
mines  ne  serait  après  tout  qu'un  maigre  avantage  pour  la 
colonie  en  raison  de  la  difficulté  qu'on  éprouverait  à  en 
transporter  le  produit  en  France.  Toujours  est-il  qu'il  n'en 
est  plus  question  dans  sa  correspondance. 

Lee  superstitions  des  Sauvages  au  sujet  des  mines  résis- 
tèrent pendant  longtemps  à  l'influence  de  la  civilisation. 
Un  demi-siècle  après  la  fondation  du  premier  établissement 
français  sur  le  lac  Supérieur,  Antoine  Raudot  écrivait  à  ce 
sujet  : 

"  Tous  les  Sauvages  croient  que  s'ils  montraient  une  mine 


LA    FRANCE    PREND    POSSESSION    DU    MICHKJAN 


17 


resis- 

lition. 

lent 

à  ce 

line 


il  nue  autre  pewouuo,  ils  niotirniieut  dauH  l'unuéi'  ;  ils  en 
sont  si  perHua<l<'^H  qu'il  est  (|uasi  impossible  de  U'ur  en  taire 
découvrir,  et  c'est  ce  qui  t'ait  qu'on  ne  eonnaît  (pie  celles 
dont  ils  ne  peuvent  absolument  cacher  la  connaissance." 
Charlevoix,  dix  ans  plus  tard,  dit  que  les  Sauvaiges  consi- 
dèrent les  morceaux  de  cuivre  qu'ils  trouvent  sous  l'eau 
comme  des  présents  des  dieux  qui  habitent  sous  le  lac  et 
(pi'ils  les  conservent  sans  en  taire  aucun  usage. 

Il  paraîtrait  qu'à  une  époque  très  reculée,  bien  longtemps 
avant  (pie  les  blancs  eussent  fait  leur  apparition  sur  les 
bords  du  grand  lac,  <[uatre  guerriers,  «'étant  égarés  sur  l'eau 
par  une  journée  brumeuse,  allèrent  atterrir  sur  l'île  Michi- 
picoton,  sans  avoir  reconnu  le  lieu.  Dans  ces  temjts  là, 
l'île  était  habitt^e  par  des  lièvres,  des  lynx  et  autres  bêtes 
de  proportions  gigantesques  ;  et  on  assurait  qu'elle  flottait 
à  la  dérive  au  gré  des  vents,  tant('it  s'approchant  de  bi  terre 
ferme  et  tantôt  s'en  éloignant  à  perte  de  vue.  Les  quatre 
guerriers  ayant  faim,  prirent  quelques  pierres  sur  la 
grève  et,  les  ayant  fait  rougir  au  feu,  ils  les  jetèrent  dans 
un  grand  vase  fait  d'écorce  afin  de  faire  bouillir  l'eau  qu'il 
contenait  :  c'était  leur  manière  de  faire  cuire  la  viande.  Ils 
remar(j[uèrent  bien  que  les  pierres  (pi'ils  faisaient  rougir 
se  composaient  en  grande  partie  de  cuivre,  mais  ils  ne  s'en 
[U'éoecupèrent  pas  davantage.  Ayant  achevé  leur  repas  et 
ayant  reconnu  où  ils  étaient,  les  (piatre  braves  se  hâtèrent 
de  se  rembaniuer.  Toutefois  ils  ne  purent  résister  au  désir 
de  prendre  sur  la  grève  quelques  cailloux  et  quelques 
feuilles  de  cuivre  qu'ils  admiraient  beaucoup.  Comme  ils 
s  éloignaient  de  l'île  mystérieuse,  une  voix  terrible  de  colère 
se  lit  entendre,  disant  :  "  Quels  sont  ces  voleurs  qui  em- 
portent les  jouets  de  mes  enfants."  Les  quatre  guerriers 
furent  grandement  consternés.  Un  d'eux  dit  :  "  Cest  le 
tonnerre  ;  "  mais  les  autres  reprirent  :  "  Non,  c'est  Missibizi, 
le  dieu  des  eaux,  qui  est  courroucé  parce  que  nous  avons 
violé  sa  retraite."     Les  pauvres  voyageurs,  poursuivis  par 


'•  I 


i,    I 


18 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


la  colère  dti  dieu  indigné,  moururent  tous  en  peu  de  temps  ; 
un  seul  réurtsit  à  su  rendre  jusqu'au  camp  de  la  tril»u  pour 
raconter  leur  aventure  et  pour  expirer  «lauH  les  brus  des 
HÏens.  Le  «ouvenir  du  sort  de  ces  malheureux  se  perpétua 
de  père  en  tils  ;  et  depuis  aucun  Sauvage  n'osait  f<'ap- 
prccher  de  l'île  Michipicoton.  Telles  étaient  les  légendes 
qui  empêchaient  les  indigènes  d'aider  les  Français  dans  la 
recherche  des  mines. 

Nous  avons  vu  que  l'intendant  avait  envoyé  le  sieur  de 
La  Salle,  en  1669,  pour  explorer  les  lacs  et  les  rivières  con- 
duisant vers  le  Sud.  Le  futur  explorateur  du  Mississipi 
partit  de  Montréal  en  compagnie  des  abbés  François  Dol- 
lier  de  Casson  et  de  Gallinée,  deux  prêtres  de  Saint-Sulpice, 
qui  devaient  le  suivre  jusqu'au  terme  de  son  voyage.  Néan- 
moins, à  mi-chemin  les  deux  prêtres  décidèrent  de  se  séparer 
de  l'expédition  et  de  poursuivre  leur  voyage  par  le  lac  Erié, 
tandis  que  de  La  Salle  marchait  vers  la  rivière  Ohio. 

A  la  tête  du  lac  Ontario,  DoUier  et  de  Gallinée  rencon- 
trèrent Louis  Joliet,  qui  revenait  du  lac  Supérieur.  Il  leur 
fit  voir  une  carte  '  du  pays  qu'il  avait  visité  et  leur  parla 
des  Poutéouatamis  et  autres  Sauvages  qui  désiraient  vive- 
ment la  visite  d'un  missionnaire.  Le  zèle  des  deux  prêtres 
redoubla  et  ils  poursuivirent  leur  voyage  avec  vigueur. 
Cependant,  lorsqu'ils  furent  rendus  à  l'embouchure  de  la 
Grande  rivière,  sur  le  lac  Erié,  ils  s'aperçurent  qu'ils  ne 
pourraient  pas  aller  beaucoup  plus  loin  avant  les  froids  et 
ils  décidèrent  d'hiverner  en  cet  endroit.  Leur  premier 
soin  fut  de  prendre  possession  du  pays  au  nom  du  roi  de 
France. 

Le  texte  de  ces  actes  de  prise  de  possession  mérite  d'être 
connu  :  ce  sont  nos  titres  de  noblesse.  Voici  celui  que  ré- 
digèrent les  abbés  DoUier  et  Gallinée  : 

"  Nous  icy  soubsignez,  certifions  avoir  veu  afficher  sur  les 

'  Cette  carte  a  été  publiée  ;  voir  Revue  de  la  géographie,  Paris,  février 
1880. 


LA    FRANCE    l'KEXU   l'OSSBSSION    DU    MICIimAN 


lî) 


terres  du  lac  lunnnu'  Erié  les  uniies  du  Roy  do  Franco  au 
pied  d'uMo  croix,  avoc  l'otto  iiis('rii>tion  :  "  L'an  do  salut 
"  1()(}9,  Clémout  IX  estant  assis  dans  la  chaire  «le  saint 
"  Pierre,  Louis  XIV  rognant  en  Franco,  Monsieur  do  Cour- 
"  celles  estant  gouverneur  de  la  Nouvelle-France  et  Mon- 
"  sieur  Talon  y  estant  intendant  pour  le  Roy,  sont  arrivez 
"  en  ce  lieu  deux  missionnaires  du  Séminaire  de  Montréal, 
"  accompagnez  de  sejit  autres  Franc/ois,  qui  les  premiers  de 
"  tous  les  peuples  Européens  ont  hyvorné  en  ce  lac,  dont  ils 
"  ont  pris  possession  au  nom  do  leur  R03',  conimo  terre  noii 
"  occupée,  par  apposition  de  ses  armes,  qu'ils  ont  attachées 
"  au  [»iod  (le  cet  '  croix.  En  foy  de  <[Uoy  nous  avons  signé 
"  le  présent  certiïicat." 

Signé,  François  Dollier, 

Prostré  du  diocèse  de  Nantes  on  Bretagne, 

De  Gallinée, 
Diacre  du  diocèse  de  Reunes  en  Bretagne." 

Aussitôt  le  printemps  revenu  les  deux  missionnaires  lan- 
cèrent de  nouv?au  leur  canot,  et,  poursuivant  leur  route 
vers  l'Ouest,  ils  furent  bientôt  dans  la  rivière  Détroit.  Leur 
description  de  cette  rivière  est  la  plus  ancienne  que  nous 
connaissions. 

"Au  bout  de  six  lieues,"  disent  ces  voyageurs,  "  nous  trou- 
vâmes un  endroit  fort  remarquable  et  fort  en  vénération  k 
tous  les  Sauvages  de  ces  contrées  à  cause  d'une  idole  do 
pierre  que  la  nature  y  a  formée,  à  qui  ils  disent  devoir  le 
bonheur  de  leur  navigation  sur  le  lac  d'Erié  lorsqu'ils  l'ont 
passé  sans  accident,  et  qu'ils  apaisent  par  des  sacrifices,  des 
présents  de  peaux,  des  vivres,  etc.,  lorsqu'ils  veulent  s'y  em- 
barquer. Ce  lieu  était  plein  de  oabanages  do'  ceux  qui 
étaient  venus  rendre  leur  hommage  i\  cette  pierre  qui  n'avait 
autre  rapport  avec  la  figure  d'un  homme  que  celui  (j[ue 
l'imagination  lui  voulait  bien  donner.  Cependant  elle  était 
toute  peinte  et  on  lui  avait  formé  une  espèce  de  visage  avec 


M 


iii 


20 


LES    CANADIENS    DU    MICHIOAN 


(lu  vermillion.  Je  vous  laisse  à  penser  «i  nous  vengeâmes 
sur  cette  idole,  que  les  Iroquois  nous  avaient  fort  recom- 
mandé d'honorer,  la  perte  de  notre  chapelle.  Nous  lui 
attribuâmes  même  la  disette  où  nous  avions  été  de  vivres 
jusqu'ici.  Enfin  il  n'y  avait  personne  dont  elle  n'eut  attiré 
la  haine.  Je  consacrai  une  de  mes  haches  pour  casser  ce 
dieu  de  pierre,  et  puis  ayant  accosté  nos  canots  ensemble, 
nous  portâmes  les  plus  gros  morceaux  aux  milieu  de  la  ri- 
vière et  jetâmes  aussi  tout  le  reste  à  l'eau,  afin  qu'on  n'en 
entendit  jamais  parler.  Dieu  nous  récompensa  aussitôt  de 
cette  bonne  action,  car  nous  tuâmes  dans  cette  même  jour- 
née un  chevreuil  et  un  ours." 

Les  deux  Sulpiciens  se  rendirent  à  la  mission  des  Jésuites, 
au  saut  Sainte-Marie.  Ils  y  arrivèrent  le  25  mai,  jour  de 
la  Pentecôte,  et  en  repartirent  trois  jours  plus  tard  pour  re- 
tourner k  Montréal  par  la  route  de  l'Ottawa, 

Au  mois  de  mai  1671  arriva  au  saut  Sainte-Marie  "  Simon- 
François  Daumont,  sieur  de  Saint-Lusson,  commissaire  sub- 
délégué de  Mgr.  l'intendant  de  la  Nouvelle-France  pour  la 
recherche  de  la  mine  de  cuivre  au  pays  des  Outaouacs, 
Xez-Percez,  Illinois  et  autres  nations  sauvages  descouvertes 
et  à  descouvrir  en  l'Amérique  septentrionale,  du  costé'du 
lac  Supérieur  ou  Mer  Douce."  Il  avait  alors  terminé  ses 
explorations,  et  voulait  couronné  sa  mission  en  prenant 
officiellement  possession  du  pays  au  nom  de  sa  Majesté  très- 
chrétienne,  le  roi  de  France  et  de  Navarre,  et  en  présence 
de  tous  les  peuples  environnants. 

Le  14  juin,  jour  fixé  pour  la  cérémonie,  étant  arrivé,  qua. 
tor/e  tribus,  les  unes  fort  éloignées,  se  trouvèrent  représen- 
tées. Saint-Lusson  commença  par  lire  la  commission  qu'il 
tenait  de  l'intendant,  la  faisant  traduire  dans  toutes  les 
langues  par  le  célèbre  interprète  Nicolas  Perrot  afin  que 
personne  n'en  pût  ignorer;  et  ensuite  il  fit  élevei  une 
croix  et  un  poteau  de  cèdre  auquel  étaient  attachées  les 
armes  de  France.     Alors  il  proclama  à  haute  voix  et  par 


Mil 


LA    FRANCE   PREND   POSSESSION    DU    MICHIGAN 


21 


trois  foin  qu'il  prenait  possession  du  dit  lieu,  ainsi  que  des 
lacs  Huron  et  Supérieur  et  de  toutes  les  contrées  adjacentes 
jusqu'aux  mers  du  Nord,  de  l'Ouest  et  du  Sud,  à  chaque 
fois  preuîint  un  morceau  de  terre  dans  sa  main  et  criant  : 
'•Vive  le  roi,"  ce  que  toute  l'assemblée  répétait.  De.plus  il 
déclara  "  aux  dites  nations  ci-dessus  que  dorénavant,  comme 
des  à  présent,  elles  étaient  relevantes  de  sa  Majesté,  sujettes 
à  subir  ses  lois  et  suivre  ses  coutumes,  leur  promettant 
toute  [trotection  et  secours  de  sa  part  contre  l'incurse  ou 
invasion  de  leurs  ennemis,  déclarant  à  tous  autres  potentats, 
princes,  souverains,  tant  Etats  que  Républiques,  eux  ou 
leurs  sujets,  qu'ils  ne  peuvent  ni  ne  doivent  s'habituer  en 
aucun  lieu  de  ce  dit  pays,  que  sons  le  bon  plaisir  de  Sa  dite 
Majesté  trés-Clirétienne  et  de  celui  qui  gouvernera  le  pays 
de  sa  part,  à  peine  d'en  encourir  sa  haine  et  les  efforts  de 
ses  armes." 

Saint-Lusson  ayant  mainte na!it  rempli  sa  mission,  le 
E.  P.  Allouez  fut  prié  de  faire  connaître  aux  Sauvages 
celui  qui  étendait  désormais  jusqu'à  eux  sa  bienveillante 
protection  ;  et,  nous  dit  l'auteur  de  la  Relation  de  1671, 
"  comme  il  est  bien  versé  en  leur  langue  et  en  leurs  façons 
de  faire,  il  sut  si  bien  s'accomoder  h  leur  portée,  qu'il  leur 
donna  une  idée  de  la  grandeur  de  notre  incomparable 
Monarque,  telle  qu'ils  avouent  qu'ils  n'ont  point  de  parole 
pour  énoncer  ce  qu'ils  on  pensent."  Voic^_  du  reste  cet 
extraordinaire  panégyrique  de  Louis  XIV  : 

"Il  demeure  au  delà  de  la  mer,  et  es*  le  Capitaine  des 
plus  grands  Capitaines,  et  u"a  point  son  pareil  au  monde  : 
tous  les  Capitaines  que  v^ous  avez  jamais  vus  et  dont  vous 
avez  entendu  parler  ne  sont  que  des  enfants  auprès  de  lui  : 
il  est  comme  un  grand  arbre,  et  eux  ne  sont  que  comme  de 
petites  i»lantee  qu'on  foule  aux  pieds  en  marchant.  Vous 
connaissez   Onontio,'  ce  célëi)re  Capitaine  de  Québec,  vous 

•  Nom  .ionné  par  les  Sauvages  à  tous  les  youvetneurs  de  la  Nouvelle- 
France  et  qui  signifiait  "  grande  montagnp."  C  Hait  la  traduction  du 
nom  de  M.  de  Montniajjny. 


ifr^ 


■jii. 


Il 


22 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


savez  et  vous  expérimentez  qu'il  est  la  terreur  des  Iroquois, 
et  son  nom  seul  les  fait  trembler  depuis  qu'il  a  désolé  leur 
pays  et  qu'il  a  porté  le  feu  dans  leurs  bourgades  ;  il  y  a  au 
delà  de  la  mer  dix  mille  Onontios  comme  celui-là,  qui  ne 
sont  que  des  soldats  de  ce  Grand  Capitaine,  notre  grand 
roi  dont  je  vous  parle.  Quand  il  dit  le  mot  :  Je  vas  en 
guerre,  tout  le  monde  obéit,  ses  dix  mille  Capitaines  levant 
des  Compagnies  de  cent  soldats  chacun  et  par  mer  et  par 
terre  :  les  uns  s'embarquent  en  des  navires  au  nomljre  de 
cent  et  de  deux  cents,  tels  que  vous  en  avez  vu  à  Québec  ; 
vos  canots  ne  portent  que  quatre  à  cinq  hommes,  et  dix  ou 
douze  au  plus  :  nos  navires  de  France  en  portent  quatre  ou 
cniq  cents,  et  même  jusqu'à  mille.  Les  autres  vont  en 
guerre  par  terre,  mais  en  si  grand  nombre  qu'étant  en  file 
deux  à  deux,  ils  tiendraient  plus  de  place  qu'il  n'j-  a  d'ici  à 
Mississaquenk,  quoique  nous  y  comptions  plus  de  vingt 
lieues.  Quand  il  attaque  il  est  plus  redoutable  que  le  ton- 
nerre, la  terre  tremble,  l'air  et  la  mer  sont  en  feu  par  la 
décharge  de  ses  canons,  on  l'a  vu  au  milieu  des  escadrons 
tout  couvert  du  sang  de  ses  ennemis,  dont  il  a  passé  si 
grand  nombre  par  le  fil  de  l'épée,  qu'il  ne  compte  pas  les 
chevelures,  mais  les  ruisseaux  de  sang  qu'il  fait  couler  ;  il 
emmène  si  grand  nombre  de  prisonniers  de  guerre,  qu'il 
n'en  fait  aucun  cas,  mais  les  laisse  aller  là  où  ils  veulent, 
pour  montrer  qu'il  ne  les  craint  pas  :  personne  n'ose  pré- 
sentement lui  faire  la  guerre,  tous  ceux  d'au  delà  de  la  mer 
lui  ont  demandé  la  paix  avec  toutes  les  parties  de  la  terre 
pour  l'écouter  et  pour  l'admire»'.  C'est  lui  seul  qui  décide 
toutes  les  affaires  du  monde.  Que  dirai-jede  ses  richesses  ? 
Vous  vous  estimez  riches  quand  vous  avez  dix  ou  douze 
sacs  de  blé,  quehpies  haches,  rassades,  chaudières,  ou  autres 
choses  semblables.  Il  a  des  villes  à  lui  plus  que  vous  n'ête« 
d'hommes  dans  tous  ces  pays,  àcinc^  cents  lieues  à  la  ronde  ; 
dans  chaque  ville  il  a  des  magasins,  où  l'on  trouverait  dos 
haches  assez  pour  couper  tous  vos  bois,  des  chaudières  pour 


LA    FRANCE    PREND   POSSESSION    DU    MICHIGAN 


23 


cuire  tous  vos  orignaux,  et  de  la  rassade  pour  remplir  toutes 
vos  cabanes  ;  sa  maison  est  plus  longue  qu'il  n'y  a  d'ici  au 
haut  du  Saut,  c'est-à-dire  plus  d'une  demi-lieue,  plus  haute 
que  le  plus  grand  de  vos  arbres,  et  elle  contient  plus  de 
tamilles  que  la  plus  grande  de  vos  Bourgades  n'en  peut 
comprendre." 

Le  R,  P.  Allouez  ayant  terminé  sa  harangue,  toute  l'as- 
semblée entonna  le  "  Te  Deum"  ;  puis  les  guerriers  et  les 
sachems  des  tribus  s'enfoncèrent  dans  les  bois,  pour  aller 
répandre  au  loin  la  renommé  du  Roi-Soleil  et  rêver  aux 
avantages  qu'ils  attendtivent  de  la  protection  qu'il  venait  de 
leur  promettre. 

En  quelques  heures  Saint-Lusson  venait  de  doter  sa  patrie 
d'un  territoire  si  vaste  que  les  gouvernants  de  la  France 
n'en  ont  jamais  connu  l'étendue.  L'intendant  Talon  seul 
eut  une  faible  idée  de  l'importance  de  cet  événement.  Les 
lignes  suivantes,  écrites  après  le  retour  de  son  sub-délégué, 
démontrent  la  grande  prévoyance  de  cet  homme  d'état  : 

"  Je  ne  suis  pas  homme  de  cour  et  je  ne  dis  pas,  par  la 
seule  passion  de  plaire  au  roi  et  sans  un  juste  fondement, 
que  cette  partie  de  la  monarchie  française  deviendra  quel- 
(jue  chose  de  grand.  Ce  que  j'en  découvre  de  près  me  le 
tait  préjuger,  et  ces  parties  des  nations  étrangères  qui  bor- 
dent la  mer,  si  bien  établies,  tremblent  déjà  d'effroi  à  la  vue 
de  ce  que  Sa  Majesté  a  fait  ici  dans  les  terres  depuis  sept 
ans.  Les  mesures  qu'on  a  prises  pour  les  reserrer  dans  de 
très  étroites  limites  par  les  prises  de  possession  que  j'ai  fait 
faire  ne  souft'rent  pas  (pi'elles  s'étendent,  qu'en  même  temps 
elles  ne  donnent  droit  de  les  traiteren  usurpateurs  et  leur  faire 
la  guerre.  Et  c'est  en  vérité  ce  que  par  toutes  leurs  actions 
elles  témoignent  beaucoup  craindre.  Elles  connaissent  déjà 
(pie  le  nom  du  Roi  est  si  ré[»andu  dans  toutes  ces  contrées 
parmi  les  Sauvages  que  seul  il  est  regardé  comme  l'arbitre 
de  la  paix  et  de  la  guerre.  Toutes  se  détachent  insensible- 
ment des  autres  Européens,  et,  à  l'exception  des  Iroquois, 


24 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


plii!! 


dont  je  ne  suis  pas  encore  assuré,  on  peut  presque  se  pro- 
mettre de  faire  prendre  les  armes  aux  autres  quand  on  le 
désirera." 

Si  le  programme  tracé  dans  ces  lignes  n'est  pas  aujour- 
d'hui une  réalité,  c'est  à  la  cour  de  Versailles  seule  qu'il 
'faut  en  demander  compte. 


m  H! 


!l     H  ■■ 


:      ! 


CIIAriTRE  III 

LES    MISSIONS     DES   JESUITES. 

En  1668  le  pî^re  Jaci^ues  Marquette  et  le  frère  le  lîoême 
avaient  été  envoyés  au  pays  des  Outaouas.  Les  Sauvages 
s'étant  montrés  mieux  disposés  envers  la  religion  durant 
cette  année,  il  fut  aussi  décidé  de  mettre  ces  missions  sous 
le  contrôle  d'un  supérieur  résidant  sur  les  lieux.  Le  père 
Claude  Dablon  fut  désigné  pour  ce  poste,  et  au  printemps 
de  1669  il  alla  se  fixer  au  pied  des  rapides,  sur  le  côté  sud 
de  la  rivière  par  laquelle  le  lac  Supérieur  se  décharge  dans 
le  lac  Huron.  Il  nomma  cette  mission  Sainte-Marie  du 
Saut.  Les  Sulpiciens  Dollier  et  Gallinée,  qui  la  visitèrent 
au  mois  de  ma'  ""ôTO,  en  parlent  en  ces  termes  : 

" Sainte-Marie  du  Saut est  le  lieu  où  les  RR.  PP. 

Jésuites  ont  fait  leur  principal  établissement  pour  les  iriis- 
sions  des  Outaouacs  et  des  peuples  voisins.  Ils  ont  depuis 
l'an  passé  deux  hommes  à  leur  service,  qui  leur  ont  hâti  un 
fort  joli  fort,  c'est-à-dire  un  carré  de  pieux  de  cèdres  «le 
douze  pieds  de  haut  avec  une  chapelle  et  une  mîiison  au  de- 
dans de  ce  fort,  en  sorte  (pi'ils  se  voient  à  présent  en  état 
de  ne  dépendre  des  Sauvages  en  aucune  manière.  Ils  ont 
un  tort  grand  désert  bien  semé  où  ils  doivent  recueillir  une 
bonne  partie  de  leur  nourriture  ;  ils  espèrent  même  y  man- 
ger du  pain  avant  qu'il  soit  deux  ans  d'ici 

''  Le  fruit  que  font  ici  ces  Pères  est  plus  pour  les  Fran- 
çais, qui  y  sont  souvent  au  nombre  de  20  ou  25,  que  pour 
les  Sauvages  ;  car  quoiqu'il  y  en  ait  quelques-uns  <le  baj»- 
tieés,  il  n'y  en  a  pourtant  pas  d'assez  bon  Catholique  pour 


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26 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


pouvoir  assister  à  l'office  divin  qui  s'y  fait  pour  les  Français 
qui  chantent  la  grande  messe  et  vêpres  les  fêtes  et  di- 
manche." 

Ce  fut  aussi  en  1669  que  le  père  Allouez  laissa  la  mission 
du  Saint-Esprit  au  père  Marquette,  pour  aller  fonder  celle  de 
Saint-François-Xavier  à  la  baie  Verte.  L'année  suivante  la 
mission  du  Saint-Esprit  fut  abandonnée  parce  que  les  Hu- 
rons,  ayant  été  assqz  téméraires  pour  provoquer  les  Sioux, 
durent  chercher  leur  salut  dans  la  fuite.  Ces  Sauvages  re- 
tournèrent alors  à  l'île  Michilimackinac,  qu'ils  avaient  déjà 
habitée  après  la  défaite  de  leur  nation  par  les  Iroquois.  Le 
père  Marquette  les  suivit  et  donna  à  cette  nouvelle  mission 
le  nom  de  Saint-Ignace. 

En  1672  ou  1673  la  mission  de  Saint-Ignace  fut  transpor- 
tée sur  la  rive  nord  du  détroit  de  Mackinaw,  à  l'endroit  où 
s'élève  aujourd'hui  le  village  qui  porte  le  nom  de  Pointe 
Saint-Ignace.  Le  site  était  des  mieux  choisis.  Située  au 
confluent  des  eaux  qui  conduisaient,  d'un  côté,  les  Sauvages 
h  Montréal,  et  de  Vautre,  les  Français  vers  les  paj^s  des 
Illinois,  des  Renards  et  des  Sioux,  la  nouvelle  mission 
devait  devenir  le  rendez-vous  des  trafiquants  de  four- 
rures. Aussi  les  Sauvages  attirés  par  le  commerce, 
vinrent-ils  s'y  établir  en  nombre  considérable.  A  côté  du 
village  des  Hurons  se  formèrent  deux  nouveaux  villages 
l'un  d'Outaouas  et  l'autre  d'Algonquins  ;  et  il  fallut  ériger' 
des  chapelles  pour  chacun  de  ces  peuples. 

En  1672  le  père  Dablon  retourna  à  Québec  et  devint  su- 
périeur de  toutes  les  missions  du  Canada.  Il  envoya  aussitôt 
le  père  Henri  î^ouvel  pour  le  remplacer  aux  Outaouas.  Le 
nouveau  supérieur  ne  se  fixa  pas  au  saut  Sainte-Marie,  mais 
alla  de  mission  en  mission,  passant  une  forte  partie  de  son 
temps  à  Saint-Ignace. 

C'est  de  Saint-Ignace  que,  le  16  mai  1673,  le  père  Mar- 
quette et  Louis  Joliet  partirent  pour  aller  à  la  découverte 
-lu  Mississipi.     Marquette  ne  devait  jamais  revoir  la  mis- 


LES   MISSIONS    DES   JESUITES 


27 


sion  qu'il  avait  fondée.  Après  avoir  fait  le  grand  voyage 
qui  a  immortalisé  son  nom,  il  entreprit  de  fonder  une  nou- 
velle église  parmi  les  Illinois,  mais  la  maladie  le  minait 
déjà.  Au  printemps  de  1675  il  revenait  k  Saint-Ignace  en 
longeant  la  côte  ouest  du  Michigan,  quand  il  sentit  sa  der- 
nière heure  approcher. 

Le  18  mai,  se  trouvant  à  l'embouchure  de  la  rivière  qui 
porte  son  nom,  près  du  site  de  la  ville  de  Ludington,  le 
saint  missionnaire  dit  à  ses  compagnons  qu'il  voulait  être 
enterré  là.  Quelques  heures  plus  tard  il  rendait  le  dernier 
soupir. 

Deux  ans  après  sa  mort  les  Hurons  de  Saint-Ignace,  qui 
avaient  gardé  sa  mémoire  en  grande  vénération,  allèrent, 
chercher  ses  os  et  les  déposèrent  avec  beaucoup  de  pompe 
dans  un  caveau  qui  avait  été  préparé  au  milieu  de  la  petite 
chapelle.  Ce  caveau  a  été  retrouvé  le  4  mai  1877,  et  les 
cendres  de  Marquette  sont  maintenant  au  collège  des  Jé- 
suites, à  Milvvaukee.  Les  citoyens  de  Saint-Ignace  ont 
élevé  un  monument  à  la  mémoire  de  celui  qu'ils  considèrent 
comme  le  fondateur  de  leur  ville. 

Les  contemporains  de  Marquette  parlent  avec  admiration 
de  sa  douceur,  qui  le  rendait  aimable  à  tout  le  monde,  de 
sa  candeur  d'enfant,  de  sa  chasteté  angélique,  de  son  union 
continuelle  avec  Dieu,  de  sa  dévotion  particulière  à  Marie. 
Pour  l'historien  il  constituera  toujours,  avec  Ménard  et 
Allouez,  le  type  de  l'apôtre-explorateur,  l'un  des  plus  beaux 
que  l'on  puisse  rêver.  Ces  hommes  réunissaient  dans  leur 
firae  deux  éléments  :  ils  avaient  la  soif  des  vastes  horizons 
de  l'inconnu,  et,  répudiant  toutes  les  jouissances  de  ce 
monde,  ils  brûlaient  de  se  sacrifier  pour  la  gloire  de  Dieu. 
Arrivés  ici  quand  l'Ouest  n'était  encore  qu'un  immense  dé- 
sert dont  nul  ne  connaissait  le  secret,  ils  cherchèrent  à 
gagner  de  plus  en  plus  dans  l'intérieur,  à  la  recherche 
d'îtmes  à  sauver,  de  pays  à  conquérir  à  la  Foi.  Ils  s'adap- 
taient autant  que  possible  aux  idées,  aux  usages,  à  la  nour- 


i,j,L^ji.,j — i.Aumjenat.i immimxuMtm 


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28 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


riture  des  indigènes,  et  ne  revenaient  (^ue  passagèrement  h, 
la  civilisation,  quand  c'était  nécessaire.  Ils  n'avaient 
qu'une  seule  préoccupation  pour  le  temporel,  celle  d'étendre 
la  domination  de  la  France,  et  encore  était-ce  parce  que  le 
nom  de  leur  patrie  était  synonyme  de  catholicisme,  parce 
que  son  agrandissement  offrait  le  moyen  le  plus  efficace  de 
combattre  l'influeiiee  anglo-protestante.  Seuls  et  sans 
appui  ils  ont  traversé  les  premiers  une  région  aussi  large 
que  l'Europe,  ne  semant  partout  chez  les  indigènes  que  des 
paroles  de  paix  et  d'amour.  \  Comment  peut-on  trouver  des 
mots  pour  faire  dignement  leur  éloge  quand  des  hommes 
qui  s'enfoncent  dans  l'Afrique  avec  des  bataillons  pour 
escorte  et  qui  soulèvent  la  haine  et  la  guerre  sur  leur  pas- 
sage nous  sont  aujourd'hui  désignés  comme  des  prodiges  de 
hardiesse,  comme  les  plus  nobles  soldats  de  la  civilisation  ! 

Le  père  Philippe  Pierson  succéda  à  Marquette  à  Saint- 
Ignace.  Cette  mission  reçut  aussi  le  père  Pierre  Bailloquet 
en  1675. 

Le  père  Nouvel  profita  de  ce  secours  pour  aller  hiverner 
vers  le  Sud,  région  qui  avait  été  négligée  jusque  là.  Il 
partit  le  8  novembre  1675,  accompagné  de  deux  serviteurs 
français.  En  suivant  la  côte  de  la  péninsule  inférieure  du 
Michigan,  il  arriva  à  l'embouchure  de  la  rivière  Saginaw. 
l'ar  cette  rivière  et  un  de  ses  affluents,  la  Chippewa,  il  péné- 
tra jusqu'à  centre  de  l'état.  Il  érigea  sa  chapelle  quelque 
part  dans  les  limites  de  ce  qui  est  aujourd'hui  le  comté 
d'Isabella  ;  et  dans  cette  hutte — le  premier  temple  élevé  par 
des  chrétiens  sur  le  sol  du  Bas-Michigan — il  célébra  la  fête 
de  Noël  avec  tout  l'éclat  possible. 

"  Ayant  fait  une  petite  crèche  à  côté  de  notre  autel,"  dit- 
il,  "  nos  chrétiens  y  vinrent  à  minuit  et  pendant  le  jour  y 
faire  retentir  ces  forêts  de  leurs  cantiques  à  l'honneur  de 
Jésus  nouveau-né.  Quelle  joie  pour  nous,  et  pendant  la 
messe  de  minuit  et  pendant  celle  du  jour,  de  voir  l'enfant 
Jésus  reconnu  par  les  Sauvages  en  ce  pays  où  le  démon 
avait  si  longtemps  régné." 


LES    MISSIONS    DES    JESUITES 


29 


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La  péninsule  inférieure  du  Miohigan  n'étuit  habitée  aU)rs 
(jue  par  un  nombre  très  restreint  de  Sauvages,  qui  y  me- 
naient une  vie  errante.  Au  mois  de  mars  le  përe  Nouvel 
revint  à  Saint-Ignaee.  Il  s'y  trouvait  encore  en  1680,  mais 
nous  voyons  que  quatre  ans  plus  tard  il  était  à  la  baie 
Verte.  En  1677  le  père  Bonneault  vint  assister  le  père 
Druillettes  qui  se  trouvait  seul  à  Sainte-Marie  du  Saut.  Le 
[>ère  Jean  Enjalran  vint  aussi  à  Saint-Ignace  en  1678. 

Le  nombre  des  Sauvages  à  Saint-Ignace  était  générale- 
ment de  quinze  à  seize  cents.  La  mission  des  Hurons  était 
la  mieux  organisée  de  l'Ouest. 

"  Je  suis  d'abord  obligé  de  dire,"  écrit  l'auteur  de  la 
dernière  Relation,  "  que  j'ai  trouvé  dans  cette  mission 
quelque  chose  qui  m'a  surpris,  y  voj^ant  une  copie  si  appro- 
chante de  ces  belles  missions  huronnes  et  iroquoises,  qui 
sont  au  voisinage  des  habitations  françaises  à  Notre-Dame 
de  Lorette  et  au  Saut  St-François-Xavier,  ce  qui  est  d'au- 
tant plus  admirable  qu'on  n'a  ici  aucune  aide  de  celles 
(ju'on  a  du  côté  de  Québec  et  de  Montréal,  et  qu'on  y 
trouve  de  grands  obstacles  pour  l'établissement  du  chris- 
tianisme. 

"  Ils  ont  grand  respect  pour  les  jours  destinés  à  la  prière 
comme  sont  les  dimanches  et  les  fêtes  qu'ils  observent 
ponctuellement.  En  ces  jours  les  chrétiens  et  les  catéchu- 
mènes s'assemblent  fort  exactement  et  en  grand  nombre 
dans  l'église.  Il  y  a  un  fervent  chrétien  qui  est  officier  per- 
pétuel destiné  pour  avertir  des  jours  qu'on  doit  s'assembler. 
C'est  lui  qui  prend  aussi  la  parole  après  que  le  père  leur  a 
expliqué  quelque  point  de  notre  créance,  et  qui  fait  mer- 
veilleusement bien  l'office  de  prédicateur.  Il  est  appelé 
communément  l'officier  de  la  foi.  Outre  cet  officier,  il  y  a 
deux  chrétiennes  qui  sont  officiers  trimestres,  et  (pii  ont 
soin  de  tout  ce  qui  regarde  les  assemblées  de  la  prière,  et 
([ui  sont  distinctes  de  deux  autres  qui  doivent  faire  la  prière 
tout  haut  dans  l'église.     Il  n'est  pas  possible  de  voir  rien 


111? 


VTïïH^nar.'rïïiBiWhniui  »>* 


80 


LES   CANADIENS   DU    MICHKIAN 


(le  pluH  exact  que  ces  officiers  qui  viennent  trois  o\i  quatre 
fois  à  la  maison  pour  savoir  l'heure  où  ils  doivent  faire  leurs 
fonctions.  Ils  courent  par  toutes  les  cabannes  pour  porter 
les  ordres,  e*^,  on  leur  obéit  fort  ponctuellement.  Dans  ces 
assemblées  le  Père  après  avoir  invoqué  le  Saint-Esprit,  en 
chantant  le  "  Veni  creator"  en  leur  langue,  et  après  quél- 
(pies  autres  prières  leur  fait  une  instruction  après  laquelle 
les  Catéchumènes  sortent  et  les  Chrétiens  demeurent  pour 
entendre  la  messe,  où  les  officiers  de  la  prière  et  deux  autres 
qui  sont  nommés  pour  avoir  soin  du  chant  font  passer  le 
temps  dans  l'exercice  continuel  de  la  dévotion. 

"  Les  Chrétiens  présentent  par  tour,  tous  lop  dimanches, 
le  pain  bénit  à  la  messe  avec  33  grains  de  porcelaine  pour 
joindre  leur  oifrandre  à  celle  que  J.-C.  a  faite,  et  celle  qui  a 
présenté  le  pain  bénit  va  ensuite  présenter  à  tous  les  assis- 
tants un  de  leurs  plats  d'écorce  où  l'on  donne  quelques 
grains  de  porcelaine  ou  de  rassade,  chacun  selon  ses  moyens 
et  sa  dévotion.  "  On  admet  pas  dans  ces  assemblées  les 
scandaleux,  ce  qui  en  fait  corriger  plusieurs.  Les  Chrétiens 
s'assemblent  deux  autres  fois  durant  le  jour.  En  une  de 
ces  heures  là  on  fait  chanter  une  espèce  de  vêpres  où  le 
chant  est  interrompu  par  de  petites  instructions.  Les  non- 
Chrétiens  assistent  à  ces  vêpres  ;  il  y  a  aussi  un  temps  par- 
ticulier pour  assembler  les  enfants.  Tous  les  Chrétiens  s'as- 
semblent tous  les  jeudis  au  soir  pour  recevoir  la  bénédiction 
du  St-Sacrement.  Dans  cette  cérémonie  il  se  fait  une  alter- 
native de  chant  entre  les  Français  et  les  Sauvages  hurons 
qui  a  quelque  chose  de  bien  dévot. 

"  Ils  viennent  pareillement  tous  les  samedis  pour  le  salut 
qui  se  fait  régulièrement  à  l'honneur  de  la  Ste- Vierge,  où 
ils  chantent  aussi  alternativement  avec  les  Français,  les 
litanies,  et  dans  toutes  ces  dévotions,  on  n'omet  jamais  la 
prière  pour  notre  très  grand  monarque.  Voilà  l'ordre  de 
toutes  les  semaines  pendant  tout  le  cours  de  l'année. 

"  De  plus  ils  redoublent  leur  dévotion  selon  les  différentes 


LKS    MISSIONS    DES    JESUITES 


81 


oceusious  qui  se  présentent.  Il  y  a  toujours  un  noniltre  de 
chrétiens  elioisis  <iui  se  eonfesseut  aux  têtes  de  tous  les 
saints,  de  î^oël,  de  Pâques,  et  quel((ue8  uns  y  eoninumient 
avec  grande  dévotion. 

''  Dans  le  St-tenips  du  C'arôme,  outre  les  exercices  ordi- 
naires, les  chrétiens  et  les  non-chrétiens  s'assemblent  les 
vendredis  au  matin  pour  entendre  des  discours  et  des  ré- 
Hexions  morales  sur  la  i)assion  de  Jésus-Christ  que  le  Père 
accompagne  de  (quelque  représentation  propre  du  mystère 
sur  lequel  il  discourt,  et  à  la  iin  les  chrétiens  entendent  la 
Messe.  Pour  la  semaine  sainte,  c'est  véritablement  la  se- 
maine sainte  pour  eux  ;  et  les  divertissements  et  les  jeux 
publics  que  quelques  Algonquins  infidèles  firent  pour  lors 
nonobstant  nos  oppositions,  ne  diminuèrent  rien  de  la  dévo- 
tion de  nos  chrétiens  hurons 

"  Tous  nos  sauvages,  mais  particulièrement  les  Ilurons, 
font  paraître  qu'ils  ont  une  estime  fort  particulière  pour  le 
mystère  tout  aimable  de  la  naissance  de  Notre  Seigneur 
J.-C.  J'en  ai  vu  donner  de  bonnes  preuves  à  ceci.  Ils 
exhortaient  eux-mêmes  le  Père,  longtemps  avant  la  fête,  de 
disposer  toutes  choses  pour  la  faire  célébrer  le  plus  solen- 
nellement qu'on  pourrait.  Ils  envoyèrent  leurs  enfants 
pour  chercher  ce  qui  pourrait  servir  à  faire  une  grotte,  où 
l'on  devait  faire  une  représentation  du  mystère,  et  je  pris 
plaisir  d'entendre  une  petite  fille  qui  ayant  apporté  avec 
grand  soin  un  beau  gazon,  dit  qu'elle  l'avait  fait  dans  la 
pensée  et  l'espérance  que  l'on  coucherait  sur  ce  gazon  le 
petit  enfant  Jésus. 

"  La  grotte,  qui  était  fort  dévote,  fut  incessamment  visitée, 
et  ce  serait  une  chose  fort  longue  mais  très  belle,  d'expri- 
mer leurs  sentiments  comme  ils  les  expriment  eux-mêmes 
parlant  au  divin  enfant.  Pour  le  comble  de  leur  dévotion, 
ils  souhaitaient  que  l'enfant  Jésus  leur  fit  la  grâce  de  leur 
rendre  visite,  étant  porté  par  leur  village  ;  mais  comme  ils 
croyaient  s'en  être  rendus  indignes  par  quelque  chose  qui 


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82 


LES    CANADIENS    DU    MTCIIIOAN 


s'était  i)asHé,  ils  tinrent  «lo  grands  eonsoils,  ot  prirent  de 
grandes  précantions  pour  obtenir  cette  faveur  de  leur  mis- 
sionnaire. La  ehose  fut  aeeordée,  et  on  l'evéeuta  le  jour  de 
l  Epiphanie  d'une  manière  qui  me  paraît  digne  d'être  écrite  ; 
pour  moi  j'en  fus  fort  touché.  Ils  voulurent  donc,  jtour 
l'exécution  de  leur  «lessein,  imiter  ce  (pi'avaient  fait  autre- 
fois les  trois  grands  capitaines  étrangers  (pii  vinrent  recon- 
naître et  adorer  Jésus  Christ  dans  hi  crèche  et  Tallèrent 
ensuite  ]»rècher  dans  leur  pays.  Tons  les  Ilurons,  et  les 
chrétiens  et  les  non-chrétiens,  se  divisèrent  en  trois  bandes 
selon  les  dittérvntes  nations  qui  forment  leur  village,  et 
ayant  choisi  leurs  chefs  chacun  de  sa  nation,  ils  leur  four- 
nirent la  porcelaine  dont  ilsd'^vaient  faire  un  présent  à  l'en- 
fant flésus.  Tout  le  monde  s'ajusta  le  mieux  qu'il  pût.  Ces 
trois  cai)itaines  avaient  chacun  un  sceptre  en  main  où  était 
attaché  le  présent,  et  un  beau  tour  de  tête  qui  lui  servait  de 
l'ouronne.  Chaque  bande  prit  un  poste  différent.  Le 
signal  de  la  marche  leur  ayant  donné  au  son  de  la  trompette, 
ils  écoutèrent  ce  son  comme  une  voix  qui  les  invitait  (l'alkv 
voir  et  adorer  un  enfant  Dieu  nouvellement  né.  Et  d'abord 
la  première  bande  se  mit  en  marche,  conduite  par  une 
étoile  attachée  sur  im  grand  étendard  de  couleur  de  bleu 
céleste,  et  ayant  en  tête  leur  capitaine  devant  qui  on  por- 
tait la  bannière.  La  deuxième  troupe  voyant  marcher  la 
première  leur  demandèrent  tout  haut  quel  était  le  dessein 
de  leur  voyage,  et  l'ayant  appris,  il 5  se  joignirent  à  eux, 
ayant  aussi  pareillement  letir  chef  eîi  t  jte  avec  sa  bannière. 
La  troisième  troupe,  plus  avancé»»  xir.  le  chemin,  fit  comme 
la  deuxième,  et  l'une  à  la  file  de  l'autre  s'en  vinrent  et  en- 
trèrent dans  notre  église,  l'étoile  s'étant  arrêtée  à  la  porte, 
et  les  trois  chefs  s'étant  d'abord  prosternés  et  ayant  mis 
leurs  couronnes  et  leurs  sceptres  au  pied  de  la  crèche  de 
l'enfant  Jésus,  ils  firent  leurs  compliments  et  leurs  présents 
à  leur  Sauveur,  faisant  une  protestation  [»ublique  de  la  sou- 
mission et  de  l'obéissance  qu'ils  voulaient  lui  rendre,  deman- 


LE.S    MIS.SKiN.S    DEiS   JESUITES 


88 


«Imit  lu  toi  i>our  ceux  ([ui  lu'  ravuit'iit  pas,  lu  [irotoctioii  pour 
toiitv  la  nation,  et  i)our  toute  cette  terre,  et  enfin  le  priant 
«l'agréer  (pi'on  le  port/ît  dans  leur  village,  dont  ils  voulaient 
«ju'il  tut  le  nuiître. 

"  Xos  Hurons  sortirent  de  l'église  dans  le  mcme  ordre 
«ju'ils  y  étaient  venun,  je  venain  a[)rès  eux,  portant  la  petite 
statue,  précédé  de  deux  Fran<;ais  [lortant  un  grand  étendard, 


l'entant  Jt 


Mi 


on  était  represe 
les  Algonquins,  et  particulièrement  les  chr(''tien8(pii  avaient 
été  invités  pour  assister  à  cette  action  de  piété,  venaient 
après  et  accotn{>agnaient  l'entant  Jésus.  On  marcha  donc 
<lans  cet  ordre  vers  le  village,  chantant  les  litanies  de  la 
Vierge,  et  on  alla  dans  une  cabane  de  nos  Ilurons,  où  1  on 
avait  préparé  un  logement  à  Jésus  avec  le  plus  de  décence 
(^u'on  pût.  Là,  on  lit  «les  actions  de  grâces  et  des  prières 
conformément  à  leur  dévotion,  et  le  «livin  enfant  fut  recon- 
duit à  l'Eglise  et  mis  «lans  la  grotte."  ' 

Ces  scènes  primitives  se  déroulant  sur  le  paysage  gran- 
«liose  qui  entoure  Saint-Igiuice,  «levaient  bien  surpasser  en 
dévotion  et  pittoresque  toutes  les  scmiptueuses  cérémonies 
de  nos  temples  modernes. 

En  1680  le  père  Druillettes  retourna  à  Québec.  Ce  saint 
vieillanl  durant  sa  longue  carrière  avait  parcouru  le  conti- 
nent depuis  la  Nouvelle-Angleterre  jusqu'à  la  baie  d'ïïud- 
son.  Il  mourut  à  Québec  en  1681,  étant  âgé  de  87  ans.  Le 
père  Bailloquet  fut  son  successeur  au  Saut. 

Le  1er  octobre  1686  le  gouverneur  Denonville  concédaau 
père  Dablon,  supérieur  des  Jésuites  à  Québec,  vingt  arpents 
de  terre  sur  la  rivière  Saint-Josei»h,  près  du  lac  Michig^in, 
sur  vingt  arpents  de  profondeur,  pour  y  ériger  une  chapelle 
et  une  demeure  pour  les  missionnaires.  Cette  concession 
fut  conttrmée  par  le  roi  le  19  mai  1689.  Le  père  Claude 
Allouez   est  mejitionné  dans   l'acte  de  concession  comme 


'  Relation  de  re  qiv  s'est  passé  de  pins  remanv-iable,  etc.,  les  années 
4  «173  à  1679,  New  York .  1860. 

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«1   II 


34 


LES   CANADIENS   DU    MICHIftAN 


tant  fixé  dans  cette  région,  c'est-à-dire  dans  ce  qui  est  au- 
jourd'hui le  comté  de  Berrien.  Charlevoix  dit  que  ce  célèbre 
missionnaire  mourut  sur  la  rivière  Saint-Joseph  ;  et  M.  J. 
6.  Shea  fixe  la  date  de  sa  mort  au  mois  d'août  1690. 

En  1687  le  père  Jean  Enjalran  était  supérieur  des  mis- 
sions des  pays  d'en  haut.  Cette  même  année  il  accom- 
pagna les  volontaires  de  l'Ouest  dans  l'expédition  contre 
les  Iroquois.  Il  y  fut  grièvement  blessé.  Il  se  rétablit  ce- 
pendant ;  nous  le  retrouvons  à  Saint-Ignace  en  1688.  M.  de 
Denon  ville  avait  beaucoup  d'estime  pour  ce  missionnaire.  En 
1690  l'évêque  de  Québec  lui  accorda  les  pouvoirs  de  grand-vi- 
caire. Il  fut  même  question  d'ériger  les  missions  de  l'Ouest  en 
vicariat  apostolique,  mais  le  roi  s'opposa  à  ce  projet  ({ui  fut 
abandonné.' 

Vers  cette  époque  les  pères  Albanel,  Marest,  Bailloquet, 
Claude  Aveneau,  Etienne  de  Carheil  et  Xicolas  Potier 
sont  mentionnés  comme  étant  à  Saint-Ignace  ou  dans  les 
missions  qui  en  dépendaient. 

Mais  une  ère  de  décadence  allait  s'ouvrir  pour  ces  mis- 
sions. Les  Sauvages  en  devenant  plus  familiers  avec  les 
Français  avaient  perdu  beaucoup  de  la  vénération  supersti- 
tieuse qu'ils  entretenaient  pour  eux  et  pour  tout  ce  qui  venait 
d'eux.  La  religion,  comme  le  reste,  baissa  considérable- 
ment dans  leur  estime.  La  mission  du  saut  Sainte-Marie 
fut  abandonnée  par  les  missionnaires  ;  et  Antoine  Raudot 
pouvait  dire  en  l'TlO  :  "  La  première  mission  qu'on  a  faite 
aux  Outaouais  a  été  ce  Saut  :  c'est  même  celle  qui  a  donné 
lieu  à  toutes  les  autres  ;  mais  elle  a  été  la  première  à  se 
moquer  de  nos  mystères,  si  bien  qu'elle  est  à  présent 
abandonnée." 

Cependant  il  n'entrait  pas  dans  l'habitude  des  Sauvages 
de  se  moquer  ouvertement  de  la  religion.  Attendant 
toujours  quelque  chose  de  la  protection  des  missionnaires 


'  Mandements  des  évéques  de  Québec. 


LES    MISSIONS    DES   JESUITES 


35 


résent 


ils  s'efforçaient  de  leur  plaire  en  demandant  le  baptême. 
Le  plur*  souvent  les  Përes  refusaient  les  postulants,  telle- 
ment leur  duplicité  était  évidente.  Souvent  aussi  le  désir 
de  pariieiper  aux  cérémonies  du  culte  poussait  les  Sauvages 
à  embrasser  la  foi  quand  ils  n'étaient  nullement  disposés  à 
en  observer  les  règles.  Une  sorte  de  politesse,  qui  n'était 
pas  de  l'hypocrisie,  poussait  encore  les  Sauvages  h  tromper 
les  missionnaires.  '•  La  dissimulation  qui  est  naturelle  à 
ces  Sauvages,  et  une  certaine  condescendance  dans  laquelle 
on  élève  en  ce  pays-là  les  enfants,"  dit  la  Relation  de  1669, 
"leur  fait  approuver  tout  ce  que  l'on  dit,  et  les  empêche 
d"  témoigner  jamais  rien  de  contraire  aux  sentiments 
d'autrui,  quand  même  ils  sauraient  que  ce  qu'on  leur  dit 
n'est  pas  véritable."  Un  jour  qu'un  Père  venait  de  racon- 
ter devant  une  tribu  l'histoire  de  la  création  du  monde  et 
de  la  rédemptio..  de  l'homme,  un  des  ch-^fs  s'approcha  de 
lui  et  se  mit  à  lui  réciter  à  soi:  tour  les  traditions  de  sa 
nation.  Et  comme  le  Père  l'intenompait  pour  lui  démon- 
trer l'absurdité  de  ses  croyances,  le  vieux  sage  s'écria  d'un 
air  fort  surpris  :  "  Je  t'ai  cru  ;  pourquoi  ne  me  crois-tu  pas 
égalen.ent." 

Ainsi,  la  grande  difficulté  n'était  pas  de  faire  accepter  la 
foi  aux  Sauvages,  mais  de  les  taire  renoncer  à  leur  vie 
désordonnée  et  à  leurs  superstitions,  qui  étaient  d'autant 
mieux  enracinées  qu'elles  leur  étaient  inculquées  dès  leur 
bas  âge.  En  effet,  l'enfant  avait  à  peine  dix  ou  douze  ans 
que  ses  parents  lui  faisaient  se  choisir  un  dieu  ou  ma*  <i\nx 
(pril  devait  révérer  durant  le  reste  de  ses  jours  comnie 
-'auteur  de  tout  le  bien  (pii  lui  arrivait.  Pour  se  préparer 
pour  cet  acte  important  de  la  vie,  l'enfant  devait  jeûner 
plusieurs  jours,  jusqu'à  ce  (pie  son  esprit  affaibli  et  sur- 
excité par  les  exhortations  des  parents  eût  entrevu  en 
songe  un  objet  ou  un  être  quelconque.  La  chose  vue 
devenait  son  \nanitou  ;  il  commençait  dès  lors  à  invoquer 
son  secours  en  toutes  circonstances  et  en  portait  l'image 


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36 


LES    CANADIENS   DU   MICUIOAN 


tatouée  sur  sa  personne.  Une  foule  de  coïncidences  ne 
manquaient  jamais  de  le  confirmer  dans  sa  foi  :  devenu 
vieux  le  Sauvage  n'aurait  voulu  pour  rien  au  monde 
mettre  en  doute  la  puissance  de  son  fétiche. 

En  outre  de  leur  culte  pour  ces  fétiches  particuliers,  les 
Sauvages  adoraient  très  généralement  le  soleil.  Souvent 
les  Pères  apprenaient  que  tel  de  leurs  chrétiens  avait 
sacrifié  un  chien  à  l'astre  du  jour. 

En  un  mot  il  y  avait,  h  quelques  exceptions  près,  un 
défaut  d  u,ccord  éclatant  entre  la  foi  et  la  pratique  des  Sau- 
vages convertis.  Nous  constatons  im  fait,  nous  ne  voulons 
en  aucune  manière  déprécier  les  efforts  des  Jésuites  dont 
le  zèle  et  l'habileté  sont  incontestables.  Leur  insuccès  est 
dû  en  partie  à  une  barbarie  native  des  mœurs  dont  le 
christianisme  exigeait  trop  de  perfection,  et  en  partie  à  un 
affaissement  de  Vintelligence  qui  empêchait  les  Sauvages  de 
comprendre  des  dogmes  trop  profonds  et  trop  spirituels. 
Ce  sont,  du  reste,  des  obstacles  que  le  christianisme  ren- 
contre chez  tous  les  peuples  et  qu'il  ne  réussit  à  vaincre 
complètement  que  par  une  action  i  constante  de  plusieurs 
siècles.  Les  circonstances  n'ont  pas  permis  aux  Jésuites 
d'exercer  cette  action  continue  sur  les  indigènes  de  l'Ouest 
américain,  c'est  pourquoi  leurs  missions  n'ont  pas  donné  les 
résultats  qu'ils  étaient  en  droit  d'en  attendre.  Les  catho- 
liques ne  mesureront  jamais  le  mérite  de  ces  missionnaires 
par  les  résultats  qu'ils  ont  obtenus. 


il  iiiiliii 

■■  "■«!!!! 


CHAPITRE   IV 


ren- 


LES    COUREURS-DE-BOIS. 

Les  personnes  suivantes  étaient  au  Saut  Sainte-Marie  en 
mars  1671  et  signèrent  an  procès-verbal  de  la  prise  de  pos- 
session par  de  Saint-Lusson  :  les  révérends  pères  Claude 
AUouz,  Gabrielle  Druillettes,  Claude  Dablon  et  André, 
Jésuites  ;  I^icolas  Perrot,  interprète  pour  sa  Majesté  en 
cette  partie  ;  le  sieur  Joliet  et  Jacques  Magras,  de  Trois- 
Rivières  ;  Pierre  Moreau,  sieur  de  la  Toupine,  soldat  de  la 
garnison  de  Québec  ;  Denis  Masse  ;  François  de  Cbavigny, 
sieur  de  la  Chevrotière  ;  Jacques  Bagillier,  Jean  Mayseré, 
Nicolas  Bupuis,  François  Bibaud,  Jacques  Joviel,  Pierre 
Porteret,  Robert  Duprat,  Vital  Driol  et  Guillaume  Bon- 
homme. Le  nombre  des  Français  qui  tréquentaient  les 
région-^  du  lac  Supérieur  était  donc  des  lors  relativement 
t.'onsivIérpb^.e. 

Tonrra\it  les  autorités  de  la  colonie  s'opposaient  vivement 
{\  !  ''iiiï;:  fttion  de  la  jeunesse  du  Canada  vers  l'Ouest.  Col- 
bert  et  Louis  XIV,  nous  l'avons  déjà  vu,  voulaient  que  la 
colonie  se  fortifiât  avant  de  s'étendre  d'avantage.  Comme 
tous  les  habitants  du  p.iys,  ils  attachaient  une  grande  im- 
portance à  la  traite  qui  se  faisait  avfe'.î  les  tribus  éloignées, 
mais  ils  voulaient  que  cette  traite  se  fit  sur  le  Saint-Laurent. 
Afin  d'obliger  les  Sauvages  d'apporter  leurs  pelleteries  à 
M  -ntréal,  ils  commencèrent  par  faire  défendre  tout  établis- 
se-;. *ei4t  ail-dessus  de  cette  ville.  En  1674  la  Compagnie 
à  s  rûiif^b.  qui  avait  eu  jusque  là  le  contrôle  exclusif  de  la 
truite,  renonça  à  son  privilège  •  et  cette  même  {innée  le  gou- 


Pi 


~n3m 


38 


LES   CANADIENS   DU    MICHIUAN 


verneur  fit  défense  à  toute  personne  de  s'absenter  de  son 
habitation,  sous  prétexte  d'aller  à  la  chasse,  pour  plus  de 
vingt-quatre  heures  sous  peine  de  mort,  d'amendes  ou 
d'autres  châtiments.  En  1678  ht  traite  dans  les  bois  fut  de 
nouveau  défendue.' 

Néanmoins  les  Relations  des  Jésuites  nous  apprennent 
que  plusieurs  Français  étaient  à  Michilimakinac  de  1674  à 
1678.  Le  fait  es^  que  les  plus  hardis  parmi  la  jeunesse 
canadienne»,  attirés  y'ir  l'appât  de  profits  énormes  et  d'une 
vie  indépendante,  i  ^'^+'>"ent  en  masse  dans  les  bois  en 
dépit  de  tous  les  édi^j^  w  :i)i  et  df  ses  représentants.  Sou- 
vent même  ils  étaient  as&uios  de  la  protection  d'hommes 
influents  qui  ne  dédaignaient  pas  une  part  des  bénéfices  de 
leur  commerce  illicite. 

Cette  sorte  de  brigands  fut  bientôt  si  nombreuse  qu'elle 
forma  une  classe  à  part  dans  la  colonie,  avec  laquelle  il 
fallut  compter.  On  donna  aux  déserteurs  le  nom  de  cou- 
reurs-de-bois. L'intendant  Duchesueau  estimait  leur  nom- 
bre à  huit  cents  eu  1677,  dans  une  lettre  au  ministre. 

La  vie  des  coureurs-de-bois  avait  de  grands  charmes  mais 
aussi  de  grands  risques.  Perdus  au  sein  des  bois,  hors  de 
la  protection  des  lois  de  toute  société  civilisée  comme  hors 
de  leur  atteinte,  ils  allaient  de  tribu  en  tribu,  tantôt  ras- 
semblés en  bandes  d'une  vingtaine  et  vivant  dans  quelque 
petit  fort  érigé  par  leurs  maine  et  tantôt  divisés  par  couple 
et  se  dispersant  en  tous  sens,  un  jour  en  grande  amitié  avec 
leurs  hôtes  sauvages  et  l'autre  se  faisant  respecter  d'eux  par 
leur  hardiesse  o  ^  laissant  leur  chevelure,  sinon  leur  vie, 
dans  quelque  bagarre.  Le  populaire  historien  américain,  M. 
Parkman,  qui  s'est  [du  à  reconstituer  la  physionomie  de  ces 
hardis  commerçants,  dit  : 

"  Il  n'est  pas  étonnant  qu'une  année  ou  deux  de  cette  vie 
n'enlevassent  tous  les  traits  de  la  civilisation  à  ceux  qui  la 


'  Jugements  et  délibi'rations  du  Conseil,  vol.  1  et  II. 


LES   COUREURS-I)E-BOIS 


39 


pratiquaient.  Sans  etro  un  personnage  considérable  de  la 
société,  ce  coureur-de-bois,  qui  était  comme  une  épine  au 
flanc  des  chefs  et  des  autorités,  avait  sa  valeur,  au  moins  au 
point  de  vue  pittoresque.  Sa  physionomie  étrange,  sauvage, 
empreinte  d'une  intrépidité  vraiment  diaboliipie,  était  en 
même  temps  d'une  gaieté  pleine  d'entrain  et  d'insouciance. 
Cette  image  sera  toujours  unie  au  souvenir  de  ce  vaste 
monde  de  la  forêt  que  le  dix-neuvième  siècle,  avec  sa  civili- 
sation, a  presque  entièrement  anéanti." 

Le  coureur-de-bois  valait  mieux  et  plus  que  n'a  l'air  de 
croire  cet  historien.  Il  avait  peu  <le  respect  pour  les  édita 
arbitraires  du  roi,  mais  il  n'en  était  pas  moins  dévoué  à  sa 
patrie  ;  quand  on  a  eu  besoin  de  soldats  pour  chasser  les 
Iroquois  ou  combattre  l'invasion  anglaise  il  a  toujours 
noblement  répondu.  ( ''est  lui  aussi  qui,  en  dé[)it  de  l'op})»)- 
sition  des  gouvernants,  avait  si  bien  consolidé  l'influence 
française  dans  l'Ouest  que  l'on  ne  songeait  plus  à  disputer 
ce  précieux  domaine  à  la  France  quand  la  politique  des 
courtisans  de  Versailles  remit  tout  en  jeu.  Durant  son 
séjour  dans  le  bois  il  menait  sans  doute  la  vie  qu'on  jtouvait 
attendre  d'un  jeune  homme  plein  de  fougue  au  milieu  de 
peuplades  sans  moralité  et  sans  lois  ;  mais,  arrivé  h  l'âge 
mûr,  il  se  retirait  généralement  dans  uji  des  établissements 
de  l'Ouest  ou  retournait  dans  sa  paroisse  natale  et  devenait 
un  des  plus  paisil)les  habitants,  tandis  que  son  expérience  le 
rendait  des  plus  utiles. 

Même  durant  son  séjour  dans  la  forêt  le  coureur-de-bois 
rencontrait  souvent  le  missionnaire  ;  et  il  se  faisait  généra- 
lement un  bonlRMir  d'acoonqdir  ses  devoirs  religieux.  La 
sollicitude  de  l'Eglise  s'étendait  du  reste  justprà  lui.  Dès 
1H67,  Mgr.  de  Laval  écrivait  au  père  Allouez: — "Sur 
l'avis  que  nous  avons  eu  du  désordre  dans  vos  missions  au 
regard  des  Français  qui  y  vont  trafiquer,  qui  ne  font  point 
de  difliculté  d'assister  à  tous  les  festins  profanes  (pii  s'y  font 
par  les  payens,  nous  vous  enjoignons  de  tenir  la  main  à  ce 


40 


LES    ("ANADIENS    DU    MICHIGAX 


fli'iîs  n'y  assistent  point  lorsque  ces  festins  seront  manifes- 
tement idolâtres."  Et  Monseigneur  prononçait  la  censure 
contre  ceux  qui  <lésol)éiraient  aussi  bien  (pie  contre  "  ceux 
qui  seraient  extraordinairement  .atteints  d'impureté  scanda- 
leuse." '  Ces  défenses  avaient  toujours  leur  influence  sur 
le  grand  nombre. 

Daniel  Grezsolon  du  Lbut  était  à  cette  époque  l'homme 
le  plus  remarquable  parmi  les  coureurs-de-bois.  Il  passa  en 
Canada  étant  jeune  encore.  Ayant  entendu  parler  de  la 
nation  puissante  connue  sous  le  nom  des  Nadouesioux  ou 
Sioux,  qui  était  réputée  entretenir  des  rapports  avec  les 
habitants  des  côtes  du  Pacifique,  il  forma  le  projet  de  la 
visiter.  Avant  de  pouvoir  mettre  ce  projet  à  exécution 
cependant,  il  lui  fallut  repasser  en  France,  où  il  fit  la  cam- 
pagne de  1674.  Ti  se  trouvait  à  la  bataille  de  Sénef  en 
qualité  de  gendarme  de  la  garde  du  roi  et  d'écuyer  du  mar- 
quis de  Lassay.  Aussitôt  ses  affaires  réglées,  du  Lhut 
revint  à  Québec  et  se  prépara  à  reprendre  ses  projets  d'ex- 
ploration. Le  l  septembre  1678  il  partait  de  Montréal  avec 
sept  compagnons  français  et  trois  sauvages,  dans  le  l)ut 
avoué  de  visiter  les  Sioux  et  de  faire  la  paix  entre  eux  et 
les  nations  alliées  aux  Français.  Ceci,  dit-il,  n'était  pas 
contraire  aux  édits  qui  défendaient  seulement  la  traite,  qu'il 
ne  fit  jamais,  poussant  même  le  scrupule  jusqu'à  refuser  les 
présents  qui  lui  étaient  jetés  par  les  Sauvages.  -  La  tâche 
entreprise  par  du  Lhut  ne  promettait  pas  d'être  facile.  En 
1674  les  Sioux  avaient  envoyé  des  embassadeurs  h  Saint- 
Ignace  pour  traiter  de  la  paix  avec  les  Outaouas.  Au  milieu 
'  d'une  bagarre  ces  envoyés  avaient  été  massacrés  dans  la 
maison  des  Jésuites,  et  de[mis  une  haine  inplacable  existait 
entre  ko  deux  tribus. 

Notre  explorateur  se  rendit  au  Saut  Saint-Marie  et  établit 

'  Mandpme'iiM  «les  Kvêques  <'e  Qnébt  c. 

'^  Mémoiie  (hi.  sieur  Grezolon  du  Lhut  adressé  à  inonrtieur  le  marquis 
de  Seignelay,  dans  Mur^'ry. 


LES    COURËURS-DE-BOIS 


41 


Saint- 
milieu 
ans  la 
xistait 

établit 
knarquis 


son  camp  pour  l'hiver  dans  un  bois  voisin.  De  là  il  écrivit 
au  comte  de  Frontenac  une  lettre  oii  on  reconnrut  facile- 
ment sa  nature  chevaleresque  et  un  peu  excentrique.  Après 
avoir  expliqué  ses  plans,  du  Lhut  demande  des  ordres  du 
gouverneur,  afin  que  la  paix  qu'il  va  conclure  soit  plus 
autorisée  et  [dus  forte.  Il  démontre  qu'il  va  taire  de 
grandes  dépenses,  "  [)lus  pour  le  public  que  pour  moi- 
même,"  puis  il  ajoute  :  " nonobstant  tout  cela,  j'aurai 

travaillé  pour  l'hydre,  car,  s'il  y  en  a  un  de  content,  quatre- 
vingt-dix-neuf  se  plaindront.  Mais  les  plaintes  ou  la  recon- 
naissance des  uns  et  des  autres  me  sont  peu  sensibles, 
pourvu  que  je  sois  assez  heureux.  Monseigneur,  de  ne  vous 

pas  déplaire "  Pour  toute  conclusion.  Monseigneur, 

ni  les  dangers  ni  la  fatigue  ne  m'empêcheront  point  d'exé- 
cuter ce  que  je  vous  mande,  ou  tout  au  moin  de  périr  pour 
me  transporter  sur  les  lieux,  car  je  suis  du  sentiment  de 
ceux  qui  croient  que  la  mort  n'est  pas  si  à  craindre  que  l'on 
nous  le  veut  persuader,  puisque  le  courage  la  préfère  au 
moiinlre  des  affronts,  que  la  douleur  l'appelle  à  son  aide, 
que  le  désespoir  la  cherche  et  que  l'honneur  y  aspire." 

Animé  par  ces  nobles  sentiments,  du  Lhut  se  rendit  chez 
les  Sioux,  se  gagna  leur  amitié,  et,  le  2  juillet  1679,  fit  élever 
les  armes  de  la  France  dans  leur  principal  village.  Dans 
l'automne  de  la  même  année  il  assembla  les  tribus  du  Nord- 
Ouest  en  un  grand  conseil  à  l'endroit  oii  sélève  aujourd'hui 
l'ambitieuse  c'té  qui  porte  son  nom,  et  la  paix  fut  solen- 
nellement conclue  entre  elles.  Pour  mieux  assurer  la  durée 
de  cette  paix,  du  Lhut  arrangea  plusieurs  mariages  entre 
membres  de  différentes  tribus,  et  suivit  les  guerriers  à  la 
chasse  durant  tout  l'hiver.  Au  printemps  il  leur  fit  même 
des  présents,  assure-t-il,  pour  les  engager  à  porter  leurs 
pelleteries  h  Montréal. 

En  juin  1680  du  Lhut  partit  pour  faire  de  nouvelles  dé- 
couvertes. Ayant  remonté  la  petite  rivière  qui  se  décharge 
à  la  tête  du  lac  Supérieur,  il  arriva,  après  un  court  portage, 


m: 


42 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


II»'" , 


aux  emix  qui  eouduisent  au  Mississippi.  Peu  après,  eoniiue 
il  (lescendait  le  grand  fleuve,  il  rejoignit  une  bande  deSioux 
qui  tenaient  prisonnier  le  récollet  Hennepin.  Ce  Pore  ayant 
voulu  explorer  le  Mississipi  pour  de  La  Salle,  avait  été  pris 
et  réduit  en  esclavage  par  ces  Sauvages.  Du  Lhut  exigea 
î\  l'instant  la  libération  du  missionnaire,  et  laissa  avec  lui 
les  Sioux,  après  leur  avoir  vivement  reproché  leur  manque 
de  foi,  croyant,  dit-il,  "  que  ce  serait  porter  un  coup  à  la 
nation  française,  dans  une  nouvelle  découverte,  <le  soutïrir 
une  insulte  de  cette  nature,  sans  en  témoigner  du  ressenti- 
ment." Cet  acte  de  mille  courage  prouve  à  quel  point  il 
était  soucieux  de  l'honneur  de  la  France  en  face  de  l'é- 
tranger. 

Du  Lhut  et  Hennepin  vinrent  hiverner  à  la  mission 
des  Jésuites,  à  Michilimackinac.  Hennepin  était  un  bon 
vivant  et  il  fut  bientôt  en  grande  amitié  avec  le  père  Pier- 
son.  Durant  le  long  hiver  il  se  délassèrent  souvent  en  allant 
patiner  sur  le  lac  "  ainsi  qu'on  le  fait  en  Hollande."  Mais 
le  bon  Récollet  se  souvenait  aussi  qu'il  était  prêtre,  et  comme 
il  y  avait  une  cinquantaine  de  Français  qui  hivernaient  à 
Saint-Ignace,  il  put  former  une  confrérie  assez  forte. 

Du  Lhut  ayant  appris  que,  loin  de  lui  avoir  de  la  recon- 
naissance d'exposer  sa  vie  et  de  dépenser  son  bien  pour  le 
service  du  roi,  on  l'accusait  d'être  en  révolte  contre  les  au- 
torités,  il  partit  de  Michilimackinac  le  29  mars  1681.  taisant 
traîner  son  canot  sur  les  glaces,  afin  d'arriver  plus  tôt  à 
Québec.  Ce  n'était  réellement  pas  la  peine,  car  l'intendant 
Duchesneau  le  reçut  fort  mal,  puis  le  fit  mettre  en  prison, 
où  il  resta  jusqu'à  l'arrivée  par  les  navires  de  France  de 
l'amnistie  accordée  par  le  roi  aux  coureurs-de-l)ois,  trois 
mois  plus  tard. 

Aussitôt  rendu  à  la  liberté,  du  Lhut  repassa  en  France 
pour  plaider  sa  cause  auprès  de  la  cour,  et  pour  demander, 
comme  récompense  de  ses  décou  vertes,  le  privilège  d'éta- 
blir un  poste  chez  les  Sioux  avec  droits  seigneurijiux.  sous 
la  restriction  de  ne  faire  aucun  commerce. 


LES   COUREURS-DE-BOIS 


48 


Cette  version  des  uveiitures  de  du  Lliut  est  celle  qu'il 
nous  a  laissée  ;  et  elle  est  en  i^uelque  sorte  confirmée 
par  sa  conduite  subséquente.  Cependant  de  La  Salle  pré- 
tend qu'il  quitta  la  colonie  "  en  publiant  partout  qu'à  la 
tête  de  ses  braves  il  ne  craignait  point  le  Grand  Prévost  et 
qu'il  se  ferait  donner  anuiistie  de  force,"  et  que  tandis  qu'il 
négociait  la  paix  avec  les  Sioux,  "  ses  camarades  négociaient 
bien  mieux  le  castor."  Nous  voulons  bien  croire  que  du 
Lhut  n'a  pas  toujours,  (pioicpi'il  en  dise,  résisté  h  la  tenta- 
tion de  faire  un  commerce  avantageux,  mais  aussi,  il  nous 
parait  évidi-nt  (pie  son  accusateur  exagérait  tout  de  parti- 
pris  afin  de  le  ruiner  dans  l'estime  des  autorités.  La  î^ou- 
velle-Franc^  était  alors  déchirée  par  les  luttes  que  se  faisaient 
les  partis  pour  obtenir  le  monopole  du  commerce.  Les  plus 
hauts  dignitaires  s'accusaient  réciproquement  de  faire  un 
commerce  secret,  et  les  missionnaires  mêmes  ont  été  enve- 
loj»pé8  dans  ces  accusations,  (pii  du  reste  ne  sont  pas  graves, 
puisqu'il  y  avait  bien  assez  de  place  dans  l'Amérique  du 
Nord  pour  permettre  à  une  poignée  de  Français  de  traiter 
librement.  Néanmoins,  La  Salle  devait  voir  dans  l'explo- 
rateur du  pays  des  Sioux  un  rival  redoutable,  car  il  se  pré- 
parait de  son  côté  à  cette  époque  pour  aller  s'étal)lir  sur  le 
Mississipi.  Dans  ce  dessein,  il  avait  fait  construire  à 
Niagara  le  premier  bateau  (pii  ait  flotté  sur  les  Grands  Lacs. 
.  Le  Griflbn — c'était  le  nom  de  la  barque  de  La  Salle — fut 
lancé  sur  le  lac  Erié  le  7  août  1679,  et  partit  aussitôt  [tour 
Michilimackinac,  ayant  h  bord  son  propriétaire  et  le  père 
Hennepin,  qui  fut  le  chroni([ueur  de  l'expédition.  Favorisé 
par  le  vent,  le  Griitbn  entra  le  10  août  dans  la  rivière  Dé- 
troit. Hennepin  fut  enchanté  du  paysage,  et  il  conseilla 
même  à  La  Salle  d'y  étabhr  un  poste. 

Le  Griflon  n'était  pas  destiné  à  une  longue  carrière.  Le 
2  septembre  il  repartait  de  >richilimackinac  pour  la  baie 
Verte,  où  l'attendait  une  cargaison  de  pelleteries.  Là,  de 
La  Salle   le   laissa  aux  soins  de  son  pilot,   auquel   il   or- 


44 


LES    CANADIENS   DU    MICHKÎAN 


mmf 


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donna  do  ne  rendre  à  Kiagara.  Quelques  heures  après  le 
Griftbn,  penché  sous  ses  voiles,  disparaissait  sous  l'horizon. 
Jamais  Européen  ne  le  revit,  ni  aucun  de  ceux  qui  compo- 
saient son  équipage.  Quelques  Sauvages  affirmèrent  l'avoir 
vu  sombrer  sur  le  lac  Michigan. 

La  Salle  cependant  poursuivait  sa  route  vers  le  pays  des 
Illinois,  en  longeant  la  rive  ouest  du  lac  Michigan.  Il  con- 
tourna l'extrémité  sud  de  ce  lac,  et  le  1  novembre  il  se 
trouva  à  l'embouchure  de  la  rivière  Saint- Joseph  ou  des 
Miamis,  à  l'endroit  appelé  Benton  Harbor.  Il  s'attendait 
à  y  trouver  une  vingtaine  de  ses  hommes,  qui  devaient 
monter  de  Michilimackinac  par  la  rive  est  du  lac,  mais  ils 
n'étaient  pas  arrivés.  Il  résolut  alors  de  les  attendre  sur 
les  lieux  ;  et  pour  donner  du  travail  à  ses  compagnons,  il 
fit  ériger  une  redoute  de  quarante  pieds  de  longueur  sur 
trente  de  largeur.  Ce  fort — le  premier  érigé  par  des  euro- 
péens sur  le  sol  de  la  péninsule  inférieure  du  Michigan — 
se  trouvait  sur  une  éminence,  près  de  l'embouchure  de  la 
rivière  Saint-Joseph.  La  Salle  y  passa  le  mois  de  novem- 
bre. Les  pères  liennepin  et  Gabriel,  qui  l'accompagnaient, 
s'étaient  fait  construire  une  chapelle  en  écorce,  dans  laquelle 
ils  dirent  la  messe  pendant  ce  temps  et  prêchèrent  les  di- 
manches. Le  3  décembre,  les  hommes  qu'il  attendait  étant 
arrivés,  avec  le  chevalier  de  Tonti,  La  Salle  reprit  son 
voyage.'  • 

Le  grand  explorateur  arriva  enfin  au  pays  des  Illinois, 
mais  les  obstacles  se  multipliaient  sous  ses  pas,  et  au  com- 
mencement de  1680  il  prit  le  parti  de  retourner  en  Canada 
pour  régler  ses  aôiaires.  Le  24  mars  il  se  retrouvait  à  l'em- 
bouchure de  la  rivière  Saint-Joseph.  Les  fortifications 
qu'il  avait  fait  élever  l'automne  précédent  étaient  encoreen 
bon  état.  Il  y  rencontra  deux  de  ses  hommes,  qui  étaient 
partis  de  Michilimackinac  le  28  décembre.     L'intention  de 


'  Heiiiiepiii,  Description  de  la  Louisiune. 


LES    COU KEL'K.S-I>E- BOIS 


45 


ipro8  le 
lorizon. 
compo- 
t  l'avoir 

ays  des 

Il  con- 
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ou  flert 
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novem- 
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laquelle 
t  les  di- 

it  étant 

rit  son 

• 

I  Illinois, 
lu  com- 
I  Canada 
à  l'em- 
ications 
Incoreen 
étaient 
kion  de 


La  Salle  était  de  traverser  la  péninsule  du  Micliigan  pour 
atteindre  la  tète  du  lac  Erié.  Cette  région  était  alors  le 
t'hamp  de  bataille  de  plusieurs  tribus  qui  se  la  disputaient. 
La  Salle  et  ses  compagnons  turent  suivis  pendant  plusieurs 
jours  par  des  Sauvages  qui,  lorsqu'ils  les  eurent  atteints  et 
reconnus,  leur  dirent  qu'ils  les  avaient  pris  p(mr  des  Iroquois 
et  s'en  allèrent  sans  les  molester.  Néanmoins,  pour  empê- 
cher toute  surprise,  les  Français  étaient  souvent  obligés  de 
se  coucher  sans  avoir  allumé  de  feu  ;  le  matin  ils  trouvaient 
leurs  hardes,  trempées  la  veille,  raides  de  glace.  C'était  là, 
du  reste,  les  inconvénients  ordiifaires  du  voyage  dans  ces 
temps  reculés. 

Enfin  les  voyageurs  arrivèrent  à  la  rivière  Détroit.  La 
Salle  chargea  deux  de  ses  hommes  d'aller  à  Michilimacki- 
nac  prendre  des  nouvelles  «lu  Griffon,  qu'il  ne  croyait  pas 
encore  perdu  ;  lui-même  continua  son  voyage. 

La  Salle  réussit  en  peu  de  temps  à  trouver  de  nouvelles 
ressources.  Le  10  août  il  repartait  de  Montréal  avec  le 
sieur  de  Laforest  et  une  vingtaine  d'hommes  pour  aller  au 
secours  du  chevalier  de  Tonti.  En  passant  à  Michilimacki- 
nac  il  laissa  la  moitié  de  son  monde  sous  les  ordres  de 
Laforest.  Le  4  novembre  il  arriva  au  fort  de  la  rivière 
Saint- Joseph.  Il  y  laissa  encore  quelques  hommes,  et 
marcha  en  toute  hâte  du  côté  du  Mississipi.  Ce  n  était 
(pie  pour  apprendre  qu'un  nouveau  malheur  l'avait  frappé  : 
les  terribles  Iroquois  avaient  envahi  le  pays,  et  le  chevalier 
de  Tonti  était  disparu.  Il  ne  lui  restait  plus  qu'à  revenir 
sur  ses  pas.  Il  trouva  sur  la  rivière  Saint-Joseph  le  sieur 
de  Laforest  et  ses  hommes,  qui  avaient  commencé  à  défri- 
cher la  terre  et  à  couper  du  bois  pour  construire  une  nou- 
velle barque.     Toute  la  compagnie  hiverna  en  cet  endroit. 

Au  printemps  La  Salle  voulut  visiter  de  .iouveau  le  pays 
des  Illinois.  En  route  il  apprit  que  le  chevalier  de  Tonti 
avait  fui  par  la  rivière  des  Illinois  et  qu'il  s'était  rendu  à 
Michilimackinac.     Il  dépêcha  aussitôt  le  sieur  de  Laforest 


4f; 


liEH   CANADIENS    DU    MICHKJAN 


iy,;.:ii,i: 


h  va  poste  puiu  lui  (lire  de  l'uttendre,  et  lui-iiir'ine  se  mit  en 
route  pour  le  rejoindre.  L'indompta])le  explorateur  se 
trouva  doue  réuni  si  tout  son  monde  k  Miehilimackinae. 
Après  deux  ans  de  travail  constant,  de  périls,  de  misères  et 
de  sacritii-es,  il  se  trouvait  moins  avancé  (pi'au  début.  Ce- 
pendant il  ne  songeait  pas  à  abandonner  la  partie.  Il  se 
rendit  immédiatement  en  Canada,  équii>a  une  nouvelle 
expédition,  et  dans  l'automne  de  cette  mCMue  année  1681, 
retourna  au  fort  de  la  rivière  Saint-Joseph.  A[>rès  s'être 
reposé  pendant  (pielque  temps  des  fatigues  de  ee  voyage  de 
([uinze  cents  milles,  La  Salle  re[)artit  à  la  tin  de  décembre 
et,  cette  fois,  réussit  à  se  rendre  aux  bouches  du  Missis- 
sipi. 

11  était  de  retour  à  Michilimacki  )ac  au  mois  de  juillet 
1682  et  se  préparait  à  [Kisser  en  France  pour  aviser  aux 
moyens  de  tirer  profit  de  sa  découverte, <[uan<l  la  guerre  des 
Iroquois  le  rappela  dans  sa  colonie  des  Illinois.  L'année 
suivante  il  repassa  à  Miehilimackinae,  en  route  pour  la 
France. 

Ce  grand  voyageur  ne  devait  plus  revoir  le  Michigan. 
La  Salle  avait  de  grands  défauts,  mais  sa  constance,  son 
activité  incomparable,  et  ses  explorations,  qui  ont  détiniti- 
vemeut  attiré  l'attention  de  l'ï^urope  sur  la  vallée  du  Mis- 
sissipi,  lui  assurent  une  place  éminente  parmi  les  grands 
hommes  du  Nouveau-Monde.  ' 

Ije  fort  de  la  rivièro  Saint-Joseph  ne  fut  pas  abandonné 
après  le  départ  de  La  Salle  [tour  l'Europe.  Le  chevalier  de 
Tonti  y  laissa  une  garnison  de  dix  hommes,  -  et  cette  gar- 
nison fut  probablement  maintenue  jusqu'à  l'arrivée  des 
Jésuites  sur  les  lieux,  vers  1687. 

Cependant  la  question  des  coureurs-de-bois  préoccupait 


'  lettre  <'e  La  ShIIa  à  nii  uhHOfiô,  2S  sfiit»-!))) th  1()80,  ft  Relation  tles 
(VéfOUverlA's  el  «les  voyiiwe'»  ihi  .«ii'nr  <ie  l.a  ShIIb  djitis  Margry  ;  Lecitrcq, 
Etabli88«'ment  «le  la  foi. 

^  Tomi.  Nouvellet*  Découvertes  dans  rAinérique  septentrionale. 


LES    ('(lURKIllS-KK-lloIS 


47 


mit  011 
teiir  ne 
l'kiimc. 
m'TeH  et 
it.    Ce- 
II  m 
louvelle 
e  1681, 
^,H  s'être 
yage  de 
'cembre 
Miasis- 

e  juillet 
iser  aux 
lerre  des 
L'année 


toujours  les  autorités  de  la  eolonie.     L'intendant  Duclies- 


pour 


la 


ichigan. 
née,  son 
détiniti- 
du  Mis- 
grands 

landonné 
ralier  de 
itte  gar- 
ivée   des 

)  coupait 

llatinn  «les 
Leciercq, 


neau  aeeusait  le 
les  rebelles, 


irouverneur  ( 


le   F 


ntntenae  «l'être  en  IIstuc 


avec  les  reueiies,  et  il  écrivait  au  niinistlire  (pi'il  n'avait  pu 
s'empêcher  de  lui  déclarer  que  c'était  une  véritable  honte 
de  voir  les  t)rdres  d'un  monaniue  qui  avait  l'Europe  à  st's 
[tic<ls  méprisés  aussi  ouvertement  dans  une  colonie  ([ui 
avait  re(;u  tant  de  preuves  de  sa  bonté  et  de  sa  tendresse 
paternelle.  Néanmoins,  l'amiée  suivante  Duchesneau  se 
voyait  dans  l'obligation  de  recomman<ler  au  roi  d'accorder 
l'anniistie  aux  coureurs-de-bois,  sous  la  con<lition  de  revenir 
dans  la  colonie.  ' 

(  )n  apprenait  en  efl'et  à  Québec  (jue  l*éré  et  autres  célè- 
bres tra[>peurs  étaient  rendus  chez  les  Hollandais  de  la 
Nouvelle- York  et  que  les  autorités  de  cette  colonie  se  pro- 
l»osaient  de  les  employer  pour  s'établir  chez  les  Outaouas. '^ 
D'autre  part  les  coureurs-de-bois  répandirent  le  bruit  durant 
l'hiver  de  1680-81  que  les  marchandises  étaient  empoison- 
nées à  Québec,  h  Montréal  et  aux  Trois-Rivières  et  que  la 
peste  était  dans  ces  lieux,  empêchant  ainsi  les  Sauvaues  d'y 
descendre  pour  faire  leur  trafic.  ' 

Voyant  qu'il  était  impossible  d'empêcher  le  commerce 
dans  les  bois,  le  roi  entreprit  de  le  contrôler.  A  cette  fin 
il  accorda  une  amnistie  à  tous  les  coureurs-de-bois  et  décida 
qu'à  l'avenir  on  accorderait  chaque  année  vingt-cinq  congés 
on  licences  pour  la  traite  des  Outaouas.  * 

Ces  congés  furent  souvent  supprimés  et  les  privilèges  qui 
s'y  rattachaient  aussi  souvent  modifiés.  Cependant  ils  au- 
torisaient généralement  le  départ  d'un  ou  deux  canots  char- 
gés <le  marchandises  et  des  hommes  nécessaires  pour  les 
conduire.  Ils  étaient  destinés  à  être  vendus  pour  le  bénéfice 
<lu  gouvernement,  mais  le  plus  souvent  on  les  distribuait 

^  Duchesneau  au  ministre,  G  novembre  11)79,  ibi«l.,  13  n-'Vembîe  KiSO. 

''  FroteuMi;  au  roi,  6  uovembfti  107U. 

''  .Tugemeiitti  et  délibérations  du  conseil.  18  u«.ûi  1081. 

*  Ordres  du  roi  au  sujet  de  la  traite  du  Canadii,  1681. 


48 


LES   CANADIENS   DU   MICUIGAN 


aux  seigneurs  pauvres  ou  à  leurs  fils,  à  des  veuves  (V offi- 
ciers, aux  hôpitaux  et  parfois  aussi  aux  favoris  du  gouver- 
neur ou  de  l'intendant.  Par  une  clause  spéciale  il  était 
défendu  de  porter  de  l'eau-de-v^e  aux  Sauvages. 

Afin  de  surveiller  les  porteurs  de  ces  congés  et  de  tenir 
les  Sauvages  en  respect  une  garnison  fut  envoyée  vers  ce 
temps  k  Michilimackinac.  Dans  l'été  de  1683  il  y  avait 
une  quantité  conidérable  de  marchandises  à  ce  poste  et  un 
officier  y  fut  envoyé  avec  des  hommes  pour  agnnidir  et 
renforcer  les  fortifications.  '  Cette  môme  année  168-3  un 
convoi  de  plus  de  cent  canots  monta  au  lac  Supérieur, — 
ce  qui  permet  d'évaluer  à  trois  ou  quatre  cents  le  nombre 
des  Français  qui  hivernèrent  dans  les  pays  d'en  haut. 

Les  Sauvages,  toujours  jaloux  de  leur  liberté,  virent  l'ar- 
rivée de  ces  renforts  d'un  mauvais  œil,  'Ne  se  sentant  pas 
capables  de  soutenir  une  guerre  ouverte,  ils  se  vengeaient 
sur  les  traiteurs  qu'ils  rencontraient  isolés.  C'est  ainsi 
que  deux  Français  furent  assassinés  dans  l'été  de  1683. 
Du  Lhut,  revenu  de  France,  et  chargé  d'aller  établir  un 
poste  au  lac  des  Bois,  était  à  Michilimackinac  quand  la 
nouvelle  de  ce  crime  y  fut  apportée.  Il  a[>prit  en  même 
temps  (pie  les  auteurs  vivaient  tranquilles  au  Saut 
Sainte-Marie,  les  Français  n'étant  pas  assez  nombreux  en 
cet  endroit  pour  les  châtier.  Le  découvreur  des  Sioux 
comprit  que  pour  prévenir  de  tiouveaux  et  peut-être  de  plus 
graves  attentats  il  fallait  immédiatement  tirer  vengeance 
de  celui-ci  :  sa  résolution  fut  bientôt  prise.  Accompagné 
d'une  poignée  de  Français,  il  se  rendit  au  Saut,  fit  arrêter 
les  coupables  et  leur  fit  leur  procès  devant  tous  les  Sauvages. 
La  culpabilité  de"  prisonniers  étant  admise  de  tous,  il  en 
(  ondamnu  deux  à  mort  et  pardontui  à  un  troisième  en  lui 
ordonnant  d'aller  .annoncer  partout  la  faveur  dont  il  avait 
été  l'objet.    Les  sentences  furent  exécutées  sur  l'heure.  les 


La  lî.iiTf  an  nniiisire,  4  novembre  10*^o. 


:)agne 
arrêter 

vi\ges. 
il  en 

en  lui 
avait 
,  I  es 


LES   COLREIRS-DE-BOIS 


49 


quatre  cents  Sauvages  qui  furent  témoins  de  tout  necrurfiit 
qu'au  dernier  instant  que  les  menaces  de  du  Lhut  devaient 
se  réaliser,  et  à  cet  instant,  domptés  par  tant  de  hardiesse, 
ils  laissèrent  les  choses  s'accomplir  sans  mot  dire.  Le  sieur 
Péré,  ce  conreur-de-bois  qui  avait  été  iiccusé  de  couspirer 
pour  les  Anglais,  se  distingua  en  cette  occasion  par  son 
courage  et  son  sang-froid.  ' 

Sur  ces  ei  refaites  Olivier  Morel,  sieur  de  Ladurantaye, 
fut  nommé  commandant  de  Michilimackinac  et  des  pays 
d'en  haut.  Cet  officier,  originaire  de  la  Bretagne,  où  il 
était  né  en  1644,  était  venu  jeune  en  Canada.  Après  sept 
ans  de  service  à  Michilimackinac  il  retourna  à  Québec  où 
nous  le  retrouvons  propriétaire  d'une  ferme  à  Grandpré  et 
capitaine  du  régiment  de  Cariguan.  Ayant  pris  parti  pour 
M.de  Vaudreuil  dans  certaines  difficultés  que  celui-ci  eût  avec 
M.  de  Callières,  Ladurantaye  passa  en  France  lorsque  ce 
dernier  fut  nommé  gouverneur.  Il  fut  alors  appelé  k  faire 
partie  du  conseil  souverain  de  Québec.  Un  de  ses  fils, 
Louis-Joseph,  habitait  Détroit  durant  les  dernières  années 
de  la  domination  française.  ^ 

Au  printemps  de  1684,  Ladurantaye  reçut  ordre  du  gou- 
verneur-général de  rassembler,  de  concert  avec  du  Luth, 
autant  de  Français  et  de  Sauvages  qu'il  pourrait  pour  une 
expédition  contre  les  Iroquois.  Les  Sauvages  étaient  peu 
disposés  à  lever  la  hache  pour  les  Français,  mais  es  end)au- 
cheurs  et  particulièrement  l'interprète  Nicolas  Perrot,  (pii 
vivait  au  milieu  des  tribus  de  l'Ouest  depuis  vingt  ans, 
déployèrent  tant  d'artifices  qu'ils  engagèrent  500  guerriers 
à  se  joindre  à  150  coureurs-de-bois  que  Ladurantaye  avait 
rassemblés.  •*  Arrivée  au  rendez-vous,  cette  petite  armée 
était  remplie  d'ardeur  :  ce  fut  un  coup  d'indignation  quand 

'  lettre  de  du  Lhut,  l:î  avril  16S4. 

^  Gédéon  de  Catalugae,  Recueil;  Jugements  et  délibérations  du  conseil  ; 
Tanguay,  Dictionnairo. 
^  Mémoire  de  M.  de  la  Barre. 


iii 


50 


LES   CANADIENS   DU    MÏCHIGAN 


elle  apprit  que  le  gouverneur  de  la  Barre  avait  déjà  conclu 
une  paix  honteuse. 

Les  Outaouas  croyant  le  pouvoir  des  Français  à  jamais 
brisé  tendirent  la  main  aux  Iroquois.  Par  contre-coup  la 
guerre  éclata  au  sein  même  des  tribus  alliées  à  la  France. 
Le  printemps  suivant  Nicolas  Perrot  fut  envoyé  avec  une 
quantité  considérable  de  présents  pour  ramer  -  les  rebelles. 
L'année  1685  se  passa  en  négociations.  Un  certain  rtarti 
représentait  toujours  les  coureurs-de-bois  comme  la  ^use 
des  difficultés.  La  vérité  est  que,  d'un  côté,  les  coureurs- 
de-bois  par  leur  présence  imposaient  le  respect  aux  Sau- 
vages qui,  libres,  se  seraient  vendus  aux  Anglais,  et  de 
l'autre,  que  ces  hommes  par  leur  conduite  déréglée  et  par 
le  commerce  de  l'eau-de-vie  faisaient  naître  toutes  sortes 
de  désordres.  Le  marquis  de  Denonville,  le  nouveau  gou- 
verneur-général, entra  dans  une  grande  indignation  sur  les 
rapports  qu'on  lui  fit  de  la  situation. 

"  Je  ne  puis  me  taire  encore,"  écrivait-il,  "  sur  l'avarice 
de  ceux  qui  ont  entraîné  la  meilleure  partie  de  nos  Cana- 
diens dans  les  bois,  sans  nulle  précaution  de  la  part  de  ceux 
qui  avaient  l'autorité  du  roi  en  main  pour  retenir  les  liber- 
tins, qui  par  la  license  qu'ils  ont  prise  contre  la  défense  du 
roi  de  porter  en  une  année  seule  cent  barriques  d'eau-de- 
vie  à  Michilimackinac,  se  sont  plongés  dans  les  désordres 
et  libertinages  qui  ont  été  à  une  telle  extrémité  que  c'est 
merveille  que  les  Sauvages  ne  les  aient  pas  assoramén  pour 
se  garantir  des  violences  qu'ils  ont  reçues  des  Français,  et 
jusqu'à  leur  ôter  leurs  filles  et  leurs  femmes."  ' 

La  "merveille"  s'explique  facilement:  les  Outaouas, 
d'ailleurs  peu  sévëres  sur  l'article  de  l'honneur,  étaient  trop 
lâches  pour  assommer  les  Français.  Les  Anglais  travail- 
laient cependant  pour  leur  donner  du  courage.  Quelques 
traiteurs  de  cette  nation,  encouragés  par   le   gouverneur 


Denonville  au  miniatret  12  juin  168U. 


LES   COUREURS-DE-BOIS 


51 


conclu 

jamais 
;oup  la 
France, 
rec  une 
ebelles. 
n  T>firti 
a     ^use 
)ureur8- 
IX  Sau- 
j,  et  de 
s  et  par 
6  sortes 
sau  gou- 
1  sur  les 

'avarice 

)s  Cana- 

de  ceux 

les  liber- 

nse  du 

'eau-de- 

Èsordres 

lue  c'est 

en  pour 

çais,  et 

itaouas, 
3nt  trop 
Itravail- 
juelques 
:erneur 


Dongan,  de  la  No.,\elle  York,  se  rendirent  à  Michilimac- 
kinac  dans  l'été  ai  1686,  y  firent  un  bon  trafic,  et  furent 
invités  par  les  Sauvages  à  recommencer.' 

Dongan  se  hâta  de  conclure  de  ce  bon  commencement 
que  la  partie  était  gagnée.  Quaïid  M.  de  Denon ville  ^'oulut 
protester  contre  cet  empiétement  sur  le  territoire  français, 
il  répondit  hardiment  :  "  Je  crois  qu'il  est  aussi  légal  pour 
la  nation  anglaise  que  pour  la  nation  française  de  trafiquer 
là,  vu  que  nous  sommes  plus  proches  de  plusieurs  lieues  que 
vous."  Et  de  nouveau,  quelques  mois  plus  tard  :  "  Quant 
à  ces  nations  éloignées,  je  suppose  que  le  commerce  avec 
elles  est  libre  et  commun  à  nous  tous,  jusqu'à  ce  que  les 
lignes  et  limites  soient  déterminées,  quoique,  en  vérité,  la 
position  de  ces  régions  indique  que  le  roi  d'Angleterre  y  a 
un  plus  grand  droit  que  le  roi  de  France."  ^ 

Au  mois  de  novembre  1686,  le  père  Lambreville,  qui  était 
chez  les  Iroquois,  écrivit  à  Québec  que  le  colonel  Donga'.i 
avait  réuni  les  Cinq  Nations  à  New  York,  pour  leur  faire 
part  de  son  intention  d'envoyer  un  détachement  prendre 
possession  de  Michilimackinac  et  qu'il  leur  avait  demandé 
leur  concours.  * 

Le  marquis  de  Denonville,  ainsi  averti  des  desseins  des 
Anglais,  ordonna  à  du  Lhut  de  prendre  trente  hommes  et 
de  se  fortifier  sur  le  Détroit,  entre  le  lac  Erié  et  le  lac  Huron. 

'  L'abbé  de  Belmont,  qui  a  écrit  son  "Histoire  du  Canada"  vers  œ 
temps  rapporte  cette  visite  ainsi  : 

"Sept  An^lois  allèreni.  le  printemps  en  traitt')  à  Missilitnackinac,  et 
firent  200  robe->;  ils  furent  pris  par  des  Miamis  à  leur  retour;  lesquels 
Miatnis  furent  re|ris  par  1«b  [roqnoisqiii  ensuite  attaquèrent  le  villas  des 
MinmiM  »'n  r.kbseiicH  <les  linniint-s  et  y  prirent  '2uO  femmes  et  enfans.  Imh 
Iroquois  firent  Ifurs  cruautés  ordinaires,  rôtirent  les  enfans,  les  firent 
manger  à  leurs  mères;  hrusièrent  une  fille  à  la  broche, — sa  mère  la 
d^'^fendit  en  déseHpérée.  T^s  guerriers  des  Miamis,  réunis  et  averti", 
poursuivirent  les  Iroquois.  en  tuèrent  127  et  reprirent  partie  des  captifs." 

■'  Dongan  to  Denonville,  Oot.  1,  lOHfi;  Ibid.,  June  20, 1687. 

*  Broad^ead,  Doc.  Hisf.  of  N.  Y.,  vol.  I. 


52 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


liili 


L'on  espérait  que  le  nouvel  établissement  aurait  le  double 
avantage  de  couper  le  chemin  aux  Anglais  et  de  faciliter 
nos  rapports  avec  Ifs  Illinois.'  Conformément  à  l't»r(lre 
qu'il  en  avait  reçu,  du  Lhut  alla  s'établir,  dans  l'automne  de 
1686,  sur  l'emplacement  où  s'élève  aujourd'hui  Fort  Gra- 
tiot,  sur  la  riviëre  Sainte-Claire  ;  il  donna  à  son  poste  le 
nom  de  fort  Saint- Joseph. 

Dans  le  même  temps  que  M.  de  Denonville  se  préparait 
ainsi  à  barrer  le  passage  aux  Anglais,  Nicolas  Perrot  s'em- 
ployait chez  les  Sauvages  de  l'Ouest  à  raviver  leur  haine  <le 
l'Iroquois  pour  les  engager  à  se  joindre  de  nouveau  aux 
Français  dans  une  expédition  contre  les  cinq  cantons.  Il 
parla  tant  et  si  bien  que  le  printemps  suivant  plusieurs  cen- 
taines de  guerriers  le  suivirent  à  Michilimackinac.  Quand 
ils  arrivèrent  à  ce  rendez-vous,  Ladurantaye  en  était  déjà 
parti. 

Voici  ce  qui  s'était  passé.  Le  colonel  Dongan  et  les  mar- 
chands d'Albany,  poursuivant  leur  projet  de  s'établir  dans 
le  Nord-Ouest,  avaient  équipé  une  expédition  considérable, 
se  composant  de  deux  flottilles,  l'une  sous  les  ordres  d'un 
nommé  Rooseboom,  et  l'autre  commandée  par  le  colonel 
McOregory.  Soudainement  on  vint  dire  à  Ladurantaye 
que  les  Anglais  approchaient.  La  situation  était  critique. 
.Les  Outaouas,  qui  comptaient  plusieurs  centaines  de  guer- 
riers, avaient  constamment  refusé  de  se  joindre  aux  Fran- 
çais ;  il  était  évident  qu'ils  n'attendaient  que  l'occasion  de 
tourner  leurs  armes  contre  eux.  Ladurantaye  donna  Tordre 
d'aller  à  la  rencontre  des  envahisseurs.  Les  Sauvfges  sui- 
virent à  distance.  Quand  ils  virent  que  les  Anglr.is  se  ren- 
daient sans  coup  férir,  ils  se  précipitèrent  en  avant  pour 
participer  aux  dépouilles.  La  flotille  ainsi  capturée  étfat 
celle  de  Rooseboom.  Ladurantaye  était  parti  aussitôt  après 
cette  victoire. 


'  Denouville  à  du  Lfiut,  6  juin  IHSU. 


LES    COUREURS-DE-BOIS 


53 


double 
faciliter 

l'ordre 
tinnede 
)rt  G  ru- 
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ritique. 
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X  Fran- 
ision  de 
Tordre 
ges  sui- 
is  se  ren- 
mt  pour 
rée  étfvit 
tôt  après 


Après  avoir  vainement  essayé  d'entraîner  les  Outaouas, 
Nicolas  Perrot  se  remit  en  route  et  rejoignit  Ladnrantaye 
et  du  Lhut  à  l'entrée  du  lac  Erié,  sur  la  rive  canadienne. 
Le  7  juin  le  commandant  des  pays  d'en  haut  réitéra  la  prise 
de  possession  des  pays  environnants  et  donna  l'ordre  d'éri- 
ger en  ce  lieu  plusieurs  logements  pour  l'établissement  des 
Français  et  des  Sauvages.  ' 

Les  forces  de  l'Ouest  étant  toutes  réunies,  Ladurantaye 
partit  pour  Xiagara.  Comme  il  s'avançait  sur  le  lac  Erié  il 
tomba  sur  le  deuxième  corps  de  l'expédition  anglaise.  Le 
colonel  McGregory  se  laissa  prendre  aussi  facilement  que 
Rooseboom,  et  tous  deux,  avec  leur  suite  furent  conduits 
prisonniers  à  Niagara. 

Le  colonel  Dongan  ne  prit  pas  sa  défaite  en  bonne  part. 
"  C'est  une  chose  bien  dure,"  écrivait-il,  "  que  tout  le  pays 
que  traverse  un  Français  en  Amérique  appartiennent  au 
Canada."  -  Mais  si  dure  que  fut  la  chose  il  fallut  se  sou- 
mettre. Les  coureurs-de-bois  avaient  conservé  à  la  France 
la  meilleure  partie  du  cc^ntinent. 

L'expédition  de  Denonville  contre  les  Iroquois  obtint  un 
succès  relatif  Les  (puitre  cents  Français  et  les  six  cents 
Sauvages  que  Ladurantaye  conduisit  s'acquittèrent  conve- 
nablement de  leur  tâche.  La  campagne  terminée,  ils  repri- 
rent la  route  de  l'Ouest,  accompagnés  cette  fois  d'un  déta- 
chement de  soldats  sous  les  ordres  du  baron  de  Lahontan, 
lequel  venait  prendre  possession  du  fort  Saint- Joseph  sur 
la  rivière  Ste-Claire.  Le  14  septembre  il  était  rendu  à  ce 
poste,  où  du  Lhut  et  Tonti  voulurent  se  reposer  quelques 
jours  avant  de  passer  outre. 

Les  courours-de-bois  (pii  avaient  tenu  garnison  dans  ce 
fort   depuis    son    érection  étaient    h   la    solde  de  du  Lhut. 


'  Prise  de  possession,  dans   Margry  ;  Tonti,   Nouvelles  découverte?  ; 
Louisiana  Histoiicai  CoHertion». 
-N.  Y.  Col.  Dùc,  V.  III  et  IX. 


54 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


ijfci&.'V'; 


Ayant  remis  le  fort  à  Lahontaii,  ils  se  dispersèrent  pour  la 
traite.  Leur  chef,  du  Lhut,  fut  peu  de  temps  après  com- 
mandant du  fort  Frontenac  ;  il  mourut  durant  l'hiver  de 
1709-10. 

Lahontan  envoya  aussi  une  partie  de  ses  soldats  pour 
faire  la  traite.  Ils  revinrent  au  mois  de  novembre,  ame- 
nant avec  eux  le  père  Aveneau,  jésuite,  qui  se  trouvait  dans 
ces  parages.  Les  vivres  étaient  rares  dans  le  fort  Saint- 
Joseph.  En  décembre,  une  bande  de  Hurons,  revenant  de 
la  guerre  contre  les  Iroquois,  s'y  arr6tèrent,  et  il  fallut  les 
régaler  pendant  une  quinzaine  de  jours.  Comme  consé- 
quence, Lahontan  fut  obligé  de  partir  le  1er  avril  pour  aller 
chercher  des  provisions  à  Michilimackinac.  Mais  là  aussi  il 
y  avait  disette.  Ladurantaye  était  absent  ;  M.  de  Juche- 
reau  commandait  par  intérim  ;  les  coureurs-de-bois  étaient 
en  petit  nombre,  les  congés  ayant  été  supprimés. 

Voyant  qu'il  ne  pouvait  s'approvisionner  en  cet  endroit, 
Lahontan  se  rendit  au  Saut  Sainte-Marie,  d'où  il  repartit  le 
13  juin,  ayant  obtenu  une  certaine  quantité  de  maïs.  Il 
était  escorté  par  une  bande  de  Sauteurs  ou  Outaouas  qui 
allaient  en  guerre  contre  les  Iroquois.  Chemin  faisant,  il 
se  décida  à  les  accompagner  dans  leur  expédition.  La  cam- 
pagne fut  heureuse  ;  et  le  24  août,  Français  et  Sauvages 
rentraient  au  fort  Saint-Joseph,  ramenant  triomphalement 
un  Miamis  qu'ils  avaient  repris  aux  Iroquois.  Il  y  avait 
justement  à  ce  moment  au  fort  Saint-Joseph  près  d'une  cen- 
taine de  Sauvages  Miamis,  qui  célébrèrent  longuement  et 
bruyamment  l'heureux  retour  de  leur  frère. 

Cette  scène  fut  l'une  des  dernières  de  l'existence  du  fort 
Saint-Joseph.  Ayant  appris  que  le  fort  Niagara  avait  été 
abandonné  et  que  la  paix  serait  bientôt  conclue,  Lahontan 
mit  le  feu  aux  fortications  le  27  novembre  1688  et  se  rendit 
à  Michilimackinac,  où  il  trouva  des  lettres  de  Denonville 
lui  enjoignant  de  revenir  en  Canada.  ' 


Lahontan,  Voyages. 


LES   COUREURS-DE-BOIS 


55 


Ladurantiiye  avait  repris  le  commandement  h  Miehilimac- 
kinac.  Ce  poste  avait  perdu  beaucoup  de  son  importance 
par  suite  de  la  suppression  des  congés.  Les  congés  turent 
cependant  rétablis  en  1688,  et  le  14  juillet  1690,  le  roi  écri- 
vit à  Frontenac  que  les  dépenses  faites  pour  le  poste  de  Mi- 
chilimackinac  seraient  remboursées  par  la  vente  des  congés, 
suivant  l'ordre  de  Sa  Majesté  ;  mais  la  guerre  avec  les  Iro- 
quois  paralysait  le  commerce. 

Les  Français  de  Michilimackinac  apprirent  en  1689  que 
toutes  les  tribus  qui  les  entouraient  s'étaient  entendues  avec 
les  Cinq  dations  sur  les  conditions  d'un  traité  qui  devait 
être  solennellement  ratifié  le  printemps  suivant.  Cette  paix, 
c'était  la  ruine  de  la  Nouvelle-France.  Si  elle  était  main- 
tenue, les  Français  allaient  être  obligés  d'abandonner 
l'Ouest  ;  les  belles  pelleteries  prendraient  lu  route  d'Albany 
et  la  colonie  se  trouverait  privée  de  l'article  qui  constituait 
presque  la  totalité  de  ses  exportations.  Comprenant  toute 
la  gravité  de  la  situation,  de  Ladurantaye  dépêcha  Zacharie 
Joliet  au  gouverneur  pour  le  renseigner  et  rapporter  ses  or- 
dres. Ce  messager  n'arriva  à  Québec  qu'à  la  fin  de  décem- 
bre ;  quand  il  entreprit  de  revenir,  avec  les  ordres  <lu  gou- 
verneur, les  Iroquois  lui  barrèrent  le  passage. 

C'est  alors  que  de  Frontenac  décida  d'envoyer  de  Louvi- 
gny  pour  commander  à  Michilimackinac.  Louis  de  la  Porte, 
sieur  de  Louvigny,  était  un  jeune  otHcier  venu  de  France 
en  1687.  Après  avoir  servi  pendant  plus  de  vingt-cinq  ans 
dans  l'Ouest,  il  passa  en  Acudie  ;  et  en  1728  il  fut  envoyé 
en  France  pour  renseigner  lu  cour  sur  les  afl^aires  de  ce 
pays.  Pendant  qu'il  était  en  France  il  fut  nommé  gouver- 
neur des  Trois-Rivières.  Il  revenait  au  Canada  sur  le 
"Chameau"  (^uand  il  périt  duns  le  naufrage  de  ce  navire  le 
25  août  1725.  C'était  un  homme  actif  et  intelligent.  Il  fit 
le  premier  des  eftbrts  pour  engager  le  gouvernement  à  re- 
prendre les  explorations  de  La  Salle. 

Louvigny  partit  de  Montréal  le  22  mai  1690,  ayant  sous 


N, 


¥ 


m 


56 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


ses  ordres  143  hommes,  sans  compter  30  soldats  qui  l'escor- 
tèrent  au-delà  derf  passages  les  plus  menacés.  Il  était  aussi 
accompagné  de  Nicolas  Perrot  qui  était  chargé  des  négocia- 
tions et  des  présents  pour  les  Sauvages.  En  route  l'expé- 
dition rencontra  un  parti  d'iroquois.  Un  comhat  s'enga- 
gea, et  les  Français,  victorieux,  levèrent  plusieurs  chevelu- 
res et  firent  un  prisonnier.  Quand  ils  parurent  devant  Mi- 
chilimackinac,  étalant  leurs  sanglants  trophées,  les  Outaouas 
et  les  Hurons,  déjà  fort  ébranlés  par  les  discours  de  Ladu- 
ranta^'e  et  les  përes  Jésuites,  oublit^rent  leurs  résolutions  de 
réconciliation  Ct  acceptèrent  avec  une  joie  farouche  le  pri- 
sonnier iroquois,  qu'ils  soumirent  à  toutes  les  tortures  que 
leur  imagination  cruelle  pût  inventer.  Perrot  les  convoqua 
ensuite  à  un  grand  conseil  et,  réveillant  dans  leur  cœn"  la 
haine  et  l'ambition,  leur  rappelant  les  trahisons  des  Iro([Uoi8 
dans  îc  passé,  faisant  appel  aux  vieilles  amitiés,  assaisonnant 
ses  arguments  de  cadeaux,  de  promesses  et  de  menaces,  il 
les  décida  tous  à  descendre  à  Montréal. 

Le  18  août  les  Outaouas  paraissaient  sur  le  Saint-Laurent. 
Les  habitants  de  cette  ville,  pour  lesquels  leur  arrivée  était 
un  bonheur  inespéré,  leur  tirent  une  réception  enthousiaste. 
Le  premier  soin  des  Outaouas  fut  de  demander  une  réduc- 
tion dans  le  prix  des  marchandises.  Le  Barron,  un  chef 
huron,  montra  qu'il  avait  des  idées  plus  nobles  :  il  demanda 
qu'on  ût  la  guerre  aux  Iroquois  aussi  bien  qu'aux  Anglais. 
Ce  fut  M.  de  Frontenac  qui  leur  répondit.  Sa  harangue 
terminée,  il  prit  la  hache  et  la  mit  dans  la  main  de  ses 
alliés,  entraînant  les  principaux  Français  avec  lui  dans  la 
danse  de  guerre.  Un  vieux  coureur-de-bois  n'eut  pas  fait 
mieux.  "  L'on  eut  dit.  Monsieur,  que  ces  acteurs  étaient 
des  possédés  par  les  jestes  et  les  contorsions  qu'ils  faisaient. 
Les  Sassakouez,  ou  les  cris  et  les  hurlements  que  M.  de 
Frontenac  était  obligé  de  faire  pour  se  conformer  à  leur 
manière,  augmentait  encore  la  fureur  bachique."  ^    Les  Ou- 


^  La  Potherie,  III,  p.  97. 


LES   COUREURS-DE-BOIS 


67 


tuouas  et  les  Ilnrons  furent  gagnés  d'enthousiasme.  On 
scella  la  réconciliation  par  un  grand  festin.  Deux  bœufs, 
six  gros  chiens,  deux  haricpies  de  vin  et  une  quantité  fabu- 
leuse de  prunes  et  de  tabac  y  furent  consommés.  "  Ce  fut 
plutôt  un  pillage  qu'un  repas,"  nous  assure  un  des  témoins.' 

Ilurons  et  Outaouas  étaient  satisfaits  pour  le  moment. 
Durant  l'hiv^er  suivant  ils  organisèrent  plusieurs  bandes  de 
guerriers  qui  harcelèrent  les  Iroouois  continuellement. 

Afin  d'encourager  ses  alliés  et  ^  jur  donner  h  leurs  efforts 
une  direction  plus  intelligente,  Frontenac  envoya  en  1691 
le  sieur  de  Courtemanche  établir  un  poste  sur  la  rivière 
Saint-Joseph  des  Miamis.  Le  gouverneur  estime  que  les 
tribus,  "  se  sentant  appuyées  par  les  Français  et  excitées 
par  les  présents  qu'elles  recevront,  se  porteront  plus  volon- 
tiers à  faire  la  guerre,  quand  elles  verront  qu'elles  n'auront 
pas  besoin  de  songer  à  aller  à  la  chasse  pour  avoir  de  quoi 
acheter  des  munitions  pour  le  faire  et  des  bardes  pour  se 
couvrir."  ^ 

Le  plan  des  Français  était  d'engager  par  des  présents 
les  Sauvages  qui  leur  étaient  alliés  à  faire  aux  L'oquoig  une 
guerre  incessante  d'ambuscade  et  de  surprises  afin  de  rete- 
nir dans  leur  pays  ces  barbares  qu'ils  n'étaient  pas  capables 
de  détruire.  Ce  plan  était  certainement  excellent  pour 
assurer  la  tranquillité  des  paroisses  sur  le  Saint-Laurent, 
mais  il  ne  donnait  pas  satisfaction  aux  alliés,  qui  craignaient 
que  les  Français  ne  finissent  par  les  abandonner  à  la  ven- 
geance des  Iroquois.  Ce  ne  fut  qu'à  force  de  hardiesse  et 
de  vigilance  que  de  Louvigny,  Perrot  et  Courtemanche 
purent  les  maintenir  dans  l'alliance. 

De  1691  à  1693  les  rapports  furent  peu  fréquents  entre 
le  Canada  et   Michilimackinac.     Les  Iroquois  étaient  sur 


'  Relation  île  ce  qui  s'est  passé,  1689-  0  ;  Mémoire  de  ce  qui  s'est  passé 
en  Canada  au  sujet  de  la  guerre,  1690;  Frontenac  au  ministre,  9  et  12 
nov.  1690. 

'^  Frontenac  au  ministre,  20  octobre  1691. 


I   ! 


ffil' 


58 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


tous  les  chemins,  et  les  gardiens  de  cet  avant-poste  de  la 
civilisation  se  trouvaient  comme  exilés  sur  un  îlot  au  milieu 
d'un  océan  de  barbarie.  Cependant  les  pelleteries  s'accu- 
mulaient dans  les  magasins.  En  1693  les  coureurs-de-bois 
se  rassemblèrent  et  conduisirent  ces  richesses  à  Montréal. 
L'année  suivante  Louvigny  abandonnait  son  commande- 
ment. Il  eut  pour  successeur  Antoine  de  Lamothe-Cadillac, 
l'homme  le  plus  remarquable  que  la  France  ait  envoyé  au 
Michigan,  tant  par  les  événements  auxquels  il  a  pris  part 
que  par  ses  ambitions,  ses  qualités  et  ses  défauts. 


CHAPITP.E  V 


DE    LAMOTHE-CADILLAC. 

Antoine  Laumet  de  Lamothe-Cadilluc  naquit  le  5  mars 
1658,  à  Saint-Nicolas-de-la-Grave,  gros  bourg  sis  au  bord 
de  la  Garonne,  prës  de  Castelsarrasin.  '  Les  Laumet  appar- 
tenaient à  la  noblesse  de  robe.  Le  nom  de  Cadillac,  orto- 
graphié  successivement  Cardalliac,  Cardaillac  et  Cardillac, 
était  avantageusement  connu  dha  le  temps  des  croisades. 
Jean  Laumet,  le  père  d'Antoine,  était  avocat,  et  son  rêve 
était  sans  doute  de  voir  son  fils  marcher  sur  ses  traces,  car 
il  lui  fit  donner  une  bonne  éducation. 

Mais  de  grAce.  adrairt^z  l'étrange  ingratitude, 
Au  lieu  de  se  donner  tout  à  fait  à  l'étude, 
<       Pour  plaire  à  ce  bon  père  et  plaider  doctement, 
Il  ne  fut  au  palais  qu'une  fois  seulement. 

Plein  de  fougue,  avide  de  gloire,  le  jeune  Laumet  ne 
voulait  pas  de  la  vie  prosaïque  d'un  magistrat  de  province, 
au  milieu  de  cultures  plates,  des  terres  basses  et  unies  de  sa 
patrie.  Il  fallait  à  son  ardeur  des  horizons  plus  vastes  et 
plus  accidentés.     Laissant  là  l'étude  des  coutumes  et  des 


'  On  ignoiait  jusqu'à  ces  dernières  années  la  date  et  le  lieu  do  la  nais- 
sance de  Cadillac,  ant-si  bien  que  ceux  de  sa  mort.  Le  curé  de  Saint- Pie, 
province  de  QuébeO)  ayant  trouvé  dans  les  arctn\es  de  sa  paroisse  un 
acte  de  la  vente  faite  par  la  veuve  de  Cadillac  en  1738  de  certaiiies  pro- 
priétés situées  à  Détroit,  l'envoya  à  M.  Levi  Bishop  de  cette  ville.  Par 
ce  document  on  apprit  que  Cadillac,  mort  avant  1738,  avait  été  conseiller 
du  roi  et  gouverneur  de  Castelsarrasin.  Ces  in<lices  mirent  les  chercheurs 
sur  la  piste;  et  en  1885  M.  rfillas  l-'aimer  publiait  daus  son  livre  "The 
History  of  Détroit  "  des  détails  assez  complets  sur  l'origine  de  Cadillac 
et  sur  sa  vie  en  France. 


nw 


60 


LES   CANADIENS   DU   MTCHKUN 


Ml 


édita,  il  entra  nu  service  du  roi,  et  (|uel<{ue  temps  u[)rès  il 
passait  au  Canada.  Nous  ne  connaissons  pas  la  date  exacte 
de  son  arrivée  à  Québec.  Tl  est  possible  qu'il  ait  été  attiré 
en  Amérique  par  rabl)é  Fénélon,  i'rbve  de  l'auteur  de  Télé- 
maque,  (pii  devait  être  son  parent.  ' 

Quoiqu'il  en  soit,  le  25  juin  1687  Cadillac  épousait  Marie- 
Thérèse  Guyon  h  Québec.  ^  Il  paraîtrait  qu'il  alla  s'établir 
en  Acadie  iîiunédiatemont  ai)rès.  Le  28  juillet  1688  le 
gouverneur  et  l'intendant  lui  concédèrent  "  deux  lieues  de 
front  sur  le  bord  de  la  mer,  sur  deux  lieues  de  i>rofondeur 
dans  les  terres,  la  rivière  Douaquo.  [aujourd'hui  nommée 
Union,  dans  le  Maine]  séparant  par  moitié  les  dits  deux 
lieues  de  profondeur,  savoir,  une  lieue  du  côté  de  l'Ouest 
et  une  lieue  de  l'autre  côté  de  la  dite  rivière,  avec  l'île  de 
Mont  Désert  et  autres  qui  sont  dans  la  devanture  des  dites 
deux  lieues,  pour  la  tenir  en  fief  et  seigneurie,  haute, 
moyenne  et  basse  justice,  désirant  faire  faire  un  établisse- 
ment et  défricher  la  dite  terre  pour  la  mettre  en  valeur." 
En  effet,  Cadillac  commença  aussitôt  un  établissement  sur 
sa  seigneurie. 

Mais  l'ambition  du  digne  Gascon  n'était  pas  satisfaite. 
Il  fit  proposer  à  la  cour  un  plan  pour  s'emparer  de  la  Nou- 
velle-Angleterre et  passa  en  France  pour  en  démontrer  tous 
les  avantages.  L'idée  était  excellente  si  le  gouvernement 
français  avait  été  disposé  à  faire  les  frais  nécessaires  pour  la 
réaliser,  mais  les  affaires  européennes  demandaient  alors 
toute  son  attention.  Ce  furent  les  Anglais  qui,  durant  son 
absence,  ruinèrent  l'établissement  de  Cadillac.'^ 

Le  11  juillet  1689,  Cadillac  était  de  retour  à  Québor     f 

^  On  sait  qu'en  effet  les  Fénélon  portaient  aussi  le  nom  de  Larao,  "t 
qU'3  leur  famille  était  alliée  aux  Cardillac. 

''  Tan^uay,  Dictionnaire  généalogique. 

•''  Projet  «IVntreprise  sur  Boston  et  Manhatte,  par  M.  de  Lagny  ;  le  roi 
à  Frontenac,  7  avril  KîflO. 


1 


DE  LAMOTIIK-CADILLAC 


61 


intentait  un  i»roeî'8  à  un  parent  an  sujet  de  la  riucee«f<ion  de 
son  l)eau-pyre.  ' 

En  1692  il  passa  de  nouveau  en  Franee,  pour  renseigner 
la  eour  sur  l'état  de  la  guerre  en  Ainéri(pie.  Il  était  forte- 
ment recommandé  par  Frontenae.  Il  proposa  au  roi  d'avoir 
«les  bateaux  légers  et  bien  armés  j»our  croiser  sur  les  laes 
et  les  rivières  par  les(|uels  les  Anglais  et  les  Iro<[Uois  étaient 
obligés  de  passer.  L'idée  tut  approuvée,  et  le  rei  écrivit  à 
Frontenae  que  les  plans  de  ees  bateaux  seraient  envoyés  de 
Roehefort,  ainsi  que  toutes  les  choses  nécessaires  à  leur 
construction,  excepté  le  bois.  Sa  Majesté  ajoutait  (pie  le 
coiimiandement  de  cette  flotte  pourrait  être  donné  à  Cadil- 
lac.    Le  projet  paraît  en  être  resté  là.  ' 

En  1693  Cadillac  fut  nommé  commandant  d'une  comitOr 
gnie  par  Frontenac:  et  le  5  avril  1694  le  ministre  lui 
adressa  un  brevet  d'enseigne  de  vaisseau.  Ce  fut  le  16  sep- 
tembre de  cette  même  année  qu'il  ol)tint  sa  commission  de 
commandant  de  Michilimackinae  et  de  tous  les  pays  d'en 
haut. 

Cadillac  avait  dès  lors  montré  ce  qu'il  devait  être  toute 
sa  vie  :  une  victime  des  grandes  ambitions.  Jusqu'à  la  iin 
son  rêve  est  de  se  fautiler  chez  les  grands,  de  leur  donner 
<les  conseils,  de  leur  soumettre  des  réformes  où  Cadillac 
trouve  son  compte.  Pour  se  faire  écouter  il  sait  tour  à  tour 
déployer  l'effronterie,  l'humilité,  la  souplesse.  Il  sait  don- 
ner à  ses  projets  d'agrandissement  les  plus  belles  couleurs  ; 
il  mêle  sans  cesse  à  ses  spéculations  les  intérêts  de  l'Etat  et 
du  genre  humain,  le  patriotisme  et  la  philanthropie.  Au 
fond,  il  est  peut-être  sincère,  car  il  est  tat  et  visionnaire  ;  il 
-i'imagine  volontiers  que  la  raison  même  est  la  base  de  ses 
[►lans.     Il  s'estime  un  esprit  très  rassis,  lui  le  chimérique, 


'  Jugeno'  Mte  et  délibérations  ''n  conseil. 

^  Mémoire  à  M.  le  comte  de  Frontenac,  avril  1692  ;  le  roi  à  Frontenac 
et  (  hampigny,  28  juin  1093. 


62 


LES    CANADIENS   DU    ?.ÎICHIQAN 


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î'iiventnreux  par  excellence.  Toujours  en  lutte,  il  peut 
dire  avec  autant  de  vérité  que  le  roi  :  Il  me  semble  qu'il  n'y 
a  que  moi  qui  ait  toujours  raison.  Il  a  de  Tintelligence, 
mais  il  manque  de  jugement.  Il  voit  tout  à  travers  le  prisme 
de  ses  illusions  ;  il  ne  sait  pas  compter  avec  les  circonstan- 
ces ;  le  sans  du  possible  lui  fait  défaut.  Il  a  parfois  des 
vues  justes,  mais  il  se  laisse  emporter  par  ses  facultés  d'ima- 
gination, qu'il  a  trop  vives  et  qui  lui  cachent  la  réalité  ;  il 
veut  faire  trop  grand;  C'est  un  esprit  absolu,  entêté,  fana- 
tique. Il  est  d'une  méfiance  Inouie  quand  il  s'agit  de  ses 
projets  et  de  ses  entreprises.  Porté  par  nature  à  rechercher 
une  arriëre-pensée  chez  les  autres,  toute  opposition  qu'il 
rencontre  lui  semble  être  inspirée  par  une  secrète  inimitié. 
Il  ne  voudrait  user  d'aucun  ménagement  envers  l'imprudent 
qui  les  déclare  dangereux  ou  mal  conçus.  Celui-là,  il  ne  le 
regards  pas  seulement  comme  un  adversaire  personnel,  mais 
comme  un  ennemi  de  la  patrie  même,  comme  un  traître 
qu'il  faut  poursuivre  avec  acharnement.  La  vengeance  qu'il 
goûte  le  phifs  toutefois,  c'est  de  faire  enlever  à  ses  ennemis 
leurs  titres  et  leurs  bénéfices  pour  les  réunir  sur  sa  personne. 
Il  aime  aussi  à  leur  faire  de  petites  misères.  Une  guerre 
d'invectives  est  ce  qui  lui  convient  le  mieux  ;  en  cela  il 
reste  avocat  et  gascon  comme  ses  ancêtres. 

Dans  ses  moments  d'exaltation  Cadillac  se  proclamait  vo- 
lontiers un  homme  providentiel,  le  seul  capable  de  rétablir 
la  paix,  la  tranquillité  et  la  prospérité  dans  toute  la  Nou- 
velle-France. Pourtant  il  n'eut  jamais  l'esprit  politique 
dans  la  grande  acception  du  mot  ;  il  ne  fut  rien  moins  t^ue 
diplomate.  S'il  courbe  la  tête  devant  les  grands,  s'il  se  tait 
de  bonne  grâce  courtisan,  il  néglige  ses  supérieurs  immé- 
diats, ses  égaux  et  ses  inférieurs.  Pour  eux  c'est  un  carac- 
tère tout  de  fougue  et  de  passion  ;  il  ne  sait  ni  séduire  ni 
caresser.  Un  ton  impérieux,  un  esprit  sarcastique,  un  or- 
gueil iiicomparable,  une  morgue  et  une  hauteur  à  se  faire 
détester  de  l'univers,  voilà  ce  que  trouvent  en  lui  ceux  qui 
vivent  avec  lui  ou  qui  dépendent  de  lui. 


DE    LAMOTHE-CADILLAC 


63 


Cadillac  eut  à  souffrir  de  son  intraitable  caractère  dès  sa 
nomination  au  commandement  de  Michilimackinac.  Tes 
hommes  qui  devaient  l'escorter  à  ce  poste  se  révoltèrent  en 
chemin  et  l'abandonnèrent.  Il  n'arriva  à  destination  qu'au 
commencement  de  l'hiver. 

Sa  première  impression  de  son  gouvernement  paraît  avoir 
été  favorable.  "  Ce  village,  écrit-il,  "est  l'un  des  plus 
grands  du  Canada.  Il  y  a  un  joli  fort  de  piev^x  et  soixante 
maisons,  qui  sont  bâties  sur  une  seule  rue,  en  ligne  droite. 
Il  y  a  une  garnison  de  soldats  l>ien  disciplinés  et  bien  choi- 
sis, comprenant  environ  deux  cents  homme?,  les  mieux  for- 
més et  les  plus  forts  qui  soient  dans  le  Nouveau-Monde  ;  et 
en  outre  plusieurs  autres  [tersonnes  qui  passent  ici  deux  ou 

trois  mois  de  l'année Les  villages  des  Sauvages,  dans 

lesquels  se  trouvent  six  ou  sept  mille  âmes,  sont  à  une  por- 
tée de  fusil  du  nôtre.  Toutes  les  terres  sont  défrichées  jus- 
qu'à trois  lieues  de  leurs  villages,  et  très  bien  cultivées. 
Elles  produisent  une  quantité  de  blé  d'Inde  suffisante  pour 
les  besoins  de  \a  population  indigène  et  des  Français.'" 

La  description  est  en  rose  et  pour  cause  :  Cadillac  \  oulait 
convaincre  le  gouvernement  que  vu  l'importance  de  Michi- 
limackinac l'on  devait  y  tolérer  le  trafic  de  l'eau-de-vie — qui 
était  sa  principale  source  de  revenu.  Vers  le  même  temps 
il  proposait  de  diviser  le  Canada  en  deux  provinces,  Haut 
et  Bas,  et  de  laisser  au  Haut-Canada  le  contrôle  du  com- 
r'.i;rce  des  fourrures.  ^  Si  ce  plan  était  adopté  Cadillac  de- 
venait régal  du  gouveineiir-général  et  Michilimackinac  sa 
métropole. 

Cependant  Cadillac  s'était  brouillé  avec  tous  ceux  qui 
l'entouraient.  Il  se  plaignit  à  son  protecteur,  M.  de  Fron- 
tenac, et  celui-ci  écrivit  au  ministre  : 

"  Le  pauvre  M.  de  Lamothe  Cadillac  aurait  eu  besoin  de 
vous  envoyer  cette  année  un  journal  pour  vous  instruire  de 


■M 

i 


'  SheMon,  Early  History  of  Michisran. 

^  Narrative  of  occurrances  in  Canada,  1694,  N.  Y.  Co).  Doc,  vol.  IX. 


I 


64 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


!  ! 


toutes  les  i>ersécution8  qu'on  lui  a  faites  <lans  le  poste  où  je 
l'ai  mis  et  où  il  fiait  merveilles,  s'étant  acquis  beaucoup  de 
crédit  sur  l'esprit  des  Sauvages  qui  l'aiment  et  le  craignent 
Enfin  on  a  trouvé  moyen  par  une  cabale  toute  visi- 
ble de  soulever  trois  ou  quatre  officiers,  qui  étaient  dans  les 
postes  dépendants  du  sien  et  qui  lui  ont  fait  des  algarades 
si  extraordinaires  et  si  inouies  que  j'ai  été  obligé  de  les  faire 
mettre  en  prison  quand  ils  ont  été  descendus  et  dont  je  ne 
les  ai  fait  sortir  que  depuis  quelques  jours,  par-je  que  assu- 
rément ils  méritaient  davantage. — Un  certain  Përe  C4ireilh,' 
jésuite,  qui  m'avait  écrit,  il  y  a  quelques  années,  des  lettres 
si  insolentes,  a  joué  dans  tout  cela  des  rôles  étonnants." 

Tandis  que  ces  malheureuses  dissensions  se  déclaraient 
parmi  les  Français,  leurs  alliés  sauvages  étaient  toujours  me- 
nacés par  les  Iroquois.  Au  printemps  de  1695  trois  cents 
guerriei  ^  de  cette  nation  vinrent  camper  près  du  fort  Saint- 
Joseph  des  Miamis.  Ayant  enlevé  quelques  femmes  et 
quelques  enfants  miamis  qui  travaillaient  dans  les  champs, 
les  Iroquois  s'approchèrent  du  fort  des  Français.  Ils  met- 
taient déjà  les  canons  de  leurs  fusils  dans  les  crevasses  de 
la  palissade  quand  on  les  aperçut.  Néanmoins  Courteman- 
che  fit  diriger  sur  eux  un  feu  si  bien  nourri  qu'en  peu  de 
temps  ils  battirent  en  retraite,  laissant  plusieurs  hommes 
sous  le  fort.  Retirés  dans  leur  camp,  ils  invitèrent  Courte- 
manche  à  venir  réclamer  les  prisonniers  qu'ils  tenaient,  lui 
assurant  qu'ils  ne  faisaient  pas  la  guerre  aux  Français,  mais 
seulement  aux  Miamis.  Ces  conférences,  faitvss  à  tue-tête,  se 
terminèrent  par  des  injures. 

Cet  été  <le  1695  Courtemanche  descendit  à  Montréal.  Ni- 
colas Perrot,  qui  commandait  chez  les  Miamis  de  Malamek,^ 

'  Le  K.  P.  Etienne  de  Careilh,  dont  Charlevoix  a  dit  : — "  Les  Françain 
et  les  Sauvages  s'accordaient  à  le  regarder  comme  un  saint  et  un  génie  de 
premier  ordre."    Sa  vie  a  été  écrite  par  le  P.  Orchaud,  8.  J.,  Paris,  1891. 

■^  Ou  Marameck  ou  Marameg  ;  c'était  le  nom  que  l'on  douait  à  la  rivière 
Kalamazoo. 


DE    I.AM<tTUE-('Al)ILLAC 


65 


oste  où  je 
Aicoup  de 
craignent 
toute  visi- 
it  dans  les 
algarades 
lo  les  taire 
lont  je  ne 
que  assu- 
me Car  eilh/ 
des  lettres 
lants." 
iéelaraient 
)UJour8  me- 
trois  cents 
fort  Saint- 
femmes  et 
es  champs, 
Ils  met- 
revasses  de 
lourteman- 
'en  peu  de 
•8  hommes 
■nt  Courte- 
n  aient,  lui 
nçais,  mais 
tue-tête,  se 

lutréal.  Ni- 
Malamek,'^ 


I  Les  Français 

^t  un  génie  de 

Paris,  1891. 

Lit  à  la  rivière 


fut  aussi  mandé  h  Montréal  pour  aviser  aux  moyens  de  ré- 
unir cette  tribu  à  celle  de  la  rivière  Saint-Joseph,  afin  d'être 
plus  en  état  de  résister  aux  Iroquois. 

Le  sieur  le  Sueur,  plus  tard  employé  en  Louisiane,  avait 
été  envoyé  en  1693  pour  établir  un  fort  h  Chegouamigon 
et  pour  renouveler  l'alliance  avec  les  Sioux.  Il  descendit 
aussi  à  Montréal  avec  un  grand  nombre  de  Sauvages  du 
liant  du  lac  Supérieur,  qui  demandèrent  la  protection  du 
gouverneur^général. 

Malgré  l'assurance  souvent  répétée  que  les  Français  ne 
conclueraient  jamais  ;a  paix  avec  les  Iroquois  sans  la  ]>arti- 
cipation  de  leurs  alliés,  les  Outaouas  et  les  autres  nations, 
voyant  que  tous  les  efforts  des  Cinq  Nations  étaient  dirigés 
contre  eux,  décidèrent  encore  une  fois  de  négocier  pour 
leur  propre  comptes.  Les  autorités  de  Québec  ap[»rirent 
bientôt  que  le  chef  huron  Le  Baron  était  allé  négocier  chez 
les  Iroquois  et  (luelesOutagamis,  les  Mascoutins  et  les  Kis- 
kakons  se  préparaient  pour  émigrer  à  la  rivière  Ouabache, 
près  des  cantons  Iroquois. 

Tel  était  l'état  déjà  peu  brillant  des  affaires  quan<l  une 
décision  du  roi  concernant  le  trafic  de  l'eau-de-vie  vint  les 
embrour.ler  davantage. 

La  questioîi  de  la  traite  de  l'eau-de-vie  avec  les  Sauvages 
agitait  depuis  longtemps  le  Cana<la  ;  elle  avait  fait  tous  les 
trais  de  retentissantes  querelles  entre  Mgr.  de  Laval  et  les 
Jésuites  d'une  part  et  les  gouverneurs-généraux  depuis  M. 
d'Avaugour  jusqu'à  M.  de  Frontenac  de  l'autre. 

C'était  en  effet  une  grave  (piestion. 

Les  Sauvages,  suivant  l'expression  d'un  vieux  clironi- 
(pieur,  ne  buvaient  (pie  pour  s'enivrer,  et  ne  s'enivraient 
que  pour  faire  du  mal.  Quan<l  le  Sauvage  était  saisi  de 
l'envie  de  s'enivrer,  il  prenait  sous  son  bras  un  petit  baril, 
que  les  traficpmnts  avaient  généralement  soin  de  mettre  à 
sa  disposition.  Il  ne  portait  jamais  la  liqueur  à  ses  lèvres 
<|u'il  n'en  eût  assez  dans  son  baril  pour  s'enivrer  complète- 


/    • 


66 


LES   CANADIENS    DU    MICHIGAN 


I  i> 


ment.  Une  tradition,  reçue  chez  toutes  les  tribus  de 
l'Amérique  du  Nord,  permettait  à  ceux  qui  paraissaient 
possédés  d'un  esprit  quelconque,  aux  fous  aussi  bien  qu'aux 
ivrognes,  de  se  livrer  à  tous  les  excès  sans  qu'on  pût  les  en 
tenir  responsables.  Conséquemment  le  Sauvage  ivre,  déli- 
vré de  toute  timidité  naturelle  et  de  toute  crainte  des  lois, 
assouvissait  avec  hardiesse  ses  passions  de  vengeance  ou 
d'impureté. 

Quand  l'eau-de-vie  arrivait  dans  un  village  et  aussi  long- 
temps qu'elle  durait  c'était  une  bacchanale  effrénée  ;  on 
devait  s'attendre  à  voir  toutes  lès  infamies  imaginables. 
Puis  venaient  le  repentir  et  la  misère.  Les  trafiquants  se 
payaient  toujours  si  bien  qu'après  sa  débauche  le  pauvre 
ivrogne  se  trouvait  sans  bardes  et  sans  aucune  des  choses 
nécessaires  à  la  vie. 

Les  garnisons  qui  avaient  été  mises  pour  surveiller  le 
commerce,  ne  faisaient  qu'ajouter  au  désordre.  Soldats  et 
commandants,  entraînés  par  l'appât  des  profits  énormes  se 
livraient  au  trafic  avec  autant  d'ardeur  que  les  coureurs-de- 
bois. 

Les  missionnaires  écrivaient  à  tous  leurs  amis,  au  minis- 
tre et  an  roi  que  les  fruits  de  leurs  travaux  étaient  détruits 
par  l'infâme  trafic  et  qu'ils  seraient  obligés  d'abandonner 
leurs  missions  si  on  ne  l'arrêtait.  L'une  de  ces  lettres  du 
P.  Careilh,  expliquera  parfaitement  la  position  que  pre- 
naient les  Jésuites  : 

"Si  Sa  Majesté  veut  sauver  nos  missions  ....  il  n'y  a 
point  d'autre  moyen  de  le  pouvoir  faire  que  d'abolir  les 


deux  infâmes  commerces 


Le  premier  est  le  com- 


merce de  l'eau-de-vie  ;  le  second  est  le  commerce  des  fem- 
mes sauvages  avec  les  Français,  qui  sont  tous  deux  aussi 
publics  l'un  que  l'autre,  sans  que  nous  puissions  y  remédier, 
pour  n'être  pas  appuyés  des  commandants  qui,  bien  loin  de 
les  vouloir  empêcher  par  les  remontrances  que  nous  leur 
faisons,  les  exercent  eux-mêmes  avec  plus  de  liberté  que 


DE    LAMOTHE-CADILLAC 


67 


leurs  inférieurs  et  les  autorisent  tellement  par  leur  exemple 
qu'en  le  regardant  ou  s'en  fait  une  permission  générale  et 
une  assurance  d'imiiunité  (pii  les  rend  communs  à  tout  ce 
qui  vient  ici  de  Français  en  traite,  de  sorte  que  tous  les 
villages  de  nos  Sauvages  ne  sont  plus  que  des  cabarets  pour 
l'ivrognerie  et  des  Sodomes  pour  l'impureté,  d'où  il  faut 
que  nous  nous  retirions,  les  al>andonnant  à  la  juste  colère  de 
Dieu  et  h  ses  vengeances, 

"  Vous  voyez  par  là  que  de  (|uel<iue  manière  qu'on  éta- 
blisse le  commerce  Français  avec  les  Sauvages,  si  l'on  veut 
nous  retenir  parmi  eux,  nous  y  conserver  et  nous  y  soutenir 
en  qualité  de  missionnaires  dans  le  libre  exercise  de  nos 
fonctions  avec  espérance  d'y  faire  du  fruit,  il  faut  nous  déli- 
vrer des  commandants  et  de  leurs  garnisons  qui,  bien  loin 
d'être  nécessaires,  sont  au  contraire  si  pernicieuses  que  nous 
pouvons  dire  avec  vérité  qu'elles  sont  le  plus  grand  mal  de 
nos  missions,  ne  servant  (pi'à  nuire  à  la  traite  ordinaire  des 
voyageurs  et  à  l'avancement  de  la  Foi.  Depuis  qu'elles 
sont  venues  ici  haut,  nous  n'y  avons  plus  vu  que  corruption 
universelle  qu'elles  ont  répandue  par  leur  vie  scandaleuse 
dans  tous  les  esprits  de  ces  nations  qui  en  sont  présente- 
ment infectées.  Tout  le  service  prétendu  qu'on  veut  faire 
croire  au  Roi  qu'elles  rendent  se  réduit  à  quatre  principales 
occultations  dont  nous  vous  prions  instamment  de  vouloir 
bien  informer  le  Roi. 

''  La  première  est  de  tenir  cabaret  public  d'eau-de-vie  où 
ils  la  traitent  continuellement  aux  Sauvages  qui  ne  cevssent 
de  s'enivrer,  quelques  oppositions  que  nous  puissions 
faire   

"  La  seconde  occupation  des  soldats  est  d'être  envoyés 
<Vun  [loste  à  l'autre  par  les  Commandants  pour  y  porter 
leurs  marchandises  et  leur  eau-de-v:e,  après  s'être  accomo- 
dés  ensemble,  sans  qvtc  les  uns  et  les  autres  aient  d'autre 
soin  que  celui  de  s'ontr'aider  mutuellement  dans  leur  com- 
merce. 


68 


LES    CANAaiENS    DU    MICHIGAX 


iii 

I! 


"  Leur  troisième  occupation  est  de  faire  de  leur  tort  un 
lieu  que  j'ai  honte  d'appeler  par  son  nom." 

Après  avoir  cité  plusieurs  incidents,  le  Père  continue  : 

"  La  quatrième  occupation  des  soldats  est  celle  du  jeu 
qui  a  lieu  dans  les  temps  où  les  traiteurs  se  rasseml^lent  ; 
.  .  .  .  presque  jamais  sans  une  ivrognerie  commune  à 
tous  les  joueurs    ..... 

"  C'est  là  l'unique  cause  qui  a  mis  le  dérèglement  dans 
nos  Missions,  et  qui  les  a  tellement  désolées  par  rascen<lant 
que  les  Commandants  ont  pris  sur  les  Missionaires  en  s'at- 
tirant  toute  l'autorité  soit  à  l'égard  des  Français,  soit  à 
l'égard  des  Sauvages,  cpie  nous  n'avons  pas  d'autre  pouvoir 
que  celui  d'y  travailler  inutilement  sous  leur  domination 
qui  s'est  élevée  jusqu'à  nous  pour  nous  faire  des  crimes 
civils  et  des  accusations  prétendues  juridiques  des  propres 
fonctions  de  notre  état  et  de  notre  devoir,  comme  l'a  tou- 
jours fait  Monsieui  de  la  Mothe  qui  ne  voulait  pas  même 
que  nous  nous  servissions  du  mot  de  désordre  et  qui  intente 
en  effet  un  procès  au  père  Pinet  pour  s'en  être  servi." 

Frontenac,  Cadillac  et  autres  de  leur  parti  ont  accusé  les 
Jésuites  d'exagérer  le  mal  pour  des  motifs  intéressés  et  de 
demander  le  rappel  des  garnisons  à  la  seule  fin  de  pouvoir 
jouir  du  monopole  du  commerce  de  ces  régions.  Cepen- 
dant il  paraît  difficile  de  douter  de  l'étendue  du  mid,  et 
encore  plus  difficile  de  disculper  les  commandants  et  les 
soldats  des  garnisons.  Quant  à  Cadillac,  l'on  assure  qu'il 
réalisa  une  petite  fortune  durant  les  trois  ans  qu'il  fût  à 
Michilimackinac.  '  Ladurantaye  était  associé  à  un  nommé 
René  Fezeret  et  il  faisait  un  commerce  qui  s'étendait  jusqu'à 
la  baie  Verte  et  Chicagou.  ' 

Si  le  mal  causé  par  le  trafic  de  l'eau-de-vie  était  grand, 

'  Ménioire  sur  le  Canada  adiessé  au  comte  Ponchartrain  par  le  Roy  de 
la  Potherie,  dans  Margry. 
^  Jugements  «t  dé'ibérations  du  conseil,  vol.  III. 


DE    LAMOTFIE-CADILLAC 


69 


son  abolition  oft'rait  aussi  des  inconvénients.  "  Il  n'-  '-  ■')a8 
juste,  (lisait  Colbert,  et  la  police  générale  d'un  état  ,  jiste 
en  cela  aux  sentiments  d'un  évêque  qui  pour  enipCol^jr  les 
abus  que  qiiel(|ue  petit  nombre  de  particuliers  peuvent  taire 
d'une  chose  qui  «^st  bonne  en  soi,  veut  abolir  le  commerce 

d'une  denrée  (pii  s'M't  beaucoup  à  attirer  le  commerce 

d'autant  plus  que  l'on  courrait  risque  d'être  privé  de  ce 
commerce  et  de  contraindre  ces  Sauvages  à  le  porter  aux 
Anglais  de  Boston  et  Hollandais  d'Orange  qui  sont  héréti- 
ques ;  et  par  conséquent  se  priver  des  facilités  que  ce  com- 
merce a[>porte  pour  les  rendre  capables  d'une  société  civile, 
les  convertir  et  les  maintenir  dans  les  sentiments  de  la 
bonne  et  véritable  Religion." 

Après  avoir  pendant  longtemps  refusé  d'écouter  le  clergé, 
le  roi  se  rendit  enfin  aux  clameurs  et,  en  1695,  détendit  for- 
mellement de  porter  de  l'eau-de-vie  dans  les  postes  de  l'Ou- 
est, et  ordonna  en  même  temps  de  rappeler  les  coureurs-de- 
bois  et  les  garnisons  qui  s'y  trouvaient. 

Aussitôt  ([u'ils  connurent  cette  décision  les  Sauvages  de 
Michilimackinac  vinrent  trouver  Cadillac.  "  Si  nous  som- 
mes tes  amis,"  dirent-ils,  laisse-nous  la  liberté  de  nous  en- 
ivrer ;  notre  castor  vaut  ton  eau-de-vie,  et  le  Maître  de  la 
vie  nous  a  donné  les  deux  pour  faire  notre  bonheur.  Si  tu 
veux  nous  traiter  comme  tes  ennemis  ou  tes  esclaves  ne  soit 
pas  taché  si  nous  portons  notre  castor  à  Orange  ou  à  Cor- 
land,  où  ils  nous  donnent  de  l'oau-de-vie  autant  que  ndus 
en  voulons."  ' 

Cadillac  pour  les  pacitier,  et  aussi  sans  doute  pour  faire 
quelque  bénéfice,  fit  ouvrir  les  magasins  et  leur  assura  (pie 
le  commerce  se  ferait  ccmime  par  le  passé.  Cela  fait,  il  les 
rassembla  en  conseil  et  leur  démontra  la  nécessité  de  conti- 
nuer la  guerre  contre  les  Iro(piois.     Un  des  chefs  les  plus 


'  Cailillac  à  Ponchariraiii,  3  amn  ](?*.»"),  clins  Slieldon,  Early  History  of 
Michigan. 


70 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAX 


I 
iill  i 


considérables  consentit  à  conduire  une  expédition.  Il  re- 
vint quelque  temps  après  avec;  une  trentaine  de  chevelures 
et  autant  de  prisonniers  qu'il  avait  pris  à  un  parti  de  chas- 
seurs. 

Tandis  que  les  choses  s'arrangeaient  ainsi  àMichiliniacki- 
nac,  de  graves  difficultés  éclataient  sur  un  autre  i)oint.  Lors 
de  son  arrivée,  Cadillac  avait  fait  conclure  une  trêve  de 
deux  ans  entre  les  Sioux  et  les  Miamis.  Au  bout  de  ce 
temps  les  Sioux  vinrent  en  grand  nombre  dans  les  villages 
des  Miamis  pour  ratifier  la  paix.  Ils  furent  bien  reçus, 
passèrent  plusieurs  jours  en  fêtes  et  en  conférences,  et 
partirent  en  prodiguant  les  protestations  d'amitié.  Les 
Miamis  de  Maramek,  à  l'instance  de  2^icolas  Perrot.  avaient 
décidé  de  se  rendre  sur  la  rivière  Saint-Joseph.  Croyant 
que  les  Sioux  étaient  déjà  lo'n,  ils  se  mirent  en  marche  et  à 
la  nuit  s'endormirent  tranquillement  au  grand  air.  Les 
Sioux  attendaient  ce  moment  ;  ils  tombèrent  sur  les  dor- 
meurs et  en  massacrèrent  un  grand  nombre. 

Les  Miamis  survivant  crurent  de  prime  abord  qu'ils  étaient 
trahis  par  les  Français.  Ces  soupçons  furent  encore  confir- 
més, quand,  poursuivant  les  Sioux,  ils  se  trouvèrent  en  pré- 
sence de  coureurs-de-bois  armés  contre  eux.  Ils  vinrent 
alors  exposer  leurs  griefs  à  Cadillac  et  exigèrent  qu'il  se 
joignit  à  eux  pour  exterminer  les  Sioux.  Cadillac  ne  pou- 
vait ni  ne  voulait  se  rendre  à  leur  demande,  mais  il  crut 
pouvoir  suppléer  aux  actions  par  des  paroles.  Il  leu  '  fit 
une  longue  harangue  pour  les  engager  à  pleurer  tranciuille- 
ment  les  morts  et  attendre  une  occasion  plus  favorable  pour 
les  venger.  Les  Miamis  le  quittèrent  satisfaits  en  appa- 
rence, mais,  au  fond,  de  plus  en  plus  convaincus  que  les 
Français  étaient  en  ligue  avec  leurs  ennemis. 

I^icolas  Perrot,  malgré  toute  son  influence  sur  cette  na- 
tion, faillit  être  brûlé  vif.  L'intervention  des  Renards  lui 
sauva  la  vie,  mais  toutes  ses  marchandises  furent  livrées  au 


DE   LAMOTIIE-CADILLAC 


71 


pillage.  '  Ce  t^'pe  des  ancienn  voyageurs  ne  reparaîtra  plus 
dans  ces  parages.  Après  avoir  passé  quarante  ans  à  faire 
la  traite  et  à  servir  son  pays  dans  l'Ouest  il  retourna  à 
Montréal  aussi  pauvre  qu'au  premier  jour.  Né  en  1644,  il 
avait  étudié  chez  les  Jésuites  ;  et  c'est  comme  serviteur  des 
missions  qu'il  s'était  d'abord  rendu  dans  l'Ouest.  Il  mourut 
après  1718.  Il  a  laissé  un  ouvrage  curieux  sur  les  Mcmrs 
et  Coutumes  (Us  Sauvages. 

Ce  qui  excitait  surtout  la  jalousie  des  tribus  du  Michi- 
gan,  c'était  de  voir  les  voyageurs  ayant  des  congés  passer 
"  sur  le  ventre  à  tous  les  Outaouais  et  Sauvages  de  Missi- 
limackinak  "  pour  aller  taire  le  commerce  avec  les  na- 
tions plus  éloignées  et  moins  au  courant  du  prix  des  mar- 
chandises. Cadillac  fit  parvenir  aux  autorités  les  vigou- 
reuses protestations  des  Outaouas  et  des  Miamis  à  ce  sujet  ; 
et  l'intendant  Champigny  fit  publier  un  édit  défendant  aux 
trafiquants  d'aller  au  pays  des  Sioux  sous  peiné  de  mille 
francs  d'amende. 

De  son  côté,  Frontenac,  afin  de  frapper  l'esprit  de;^  Sau- 
i'ages,  entreprit  et  conduisit  avec  succès  une  expédition 
contre  les  cantons  Iroquois,  sans  demander  aucune  aide  à 
ces  tribus.  Il  n'attendit  pas  même  le  sieur  d'Argenteuil 
qui  descendait  de  Micbilimackinac  avec  50  Français  pour 
prendre  part  à  l'expédition  et  qui  n'arriva  que  pour  voir  la 
rentrée  triom[>bale  de  l'armée  dans  Montréal.  Ce  coup 
produisit  en  effet  une  vive  impression  chez  les  peuples  de 
l'Ouest,  qui  avaient  cru  que  les  Français  ne  pouvaient  com- 
battre les  Iroquois  sans  leur  secours.  Le  comte  de  Fron- 
tenac écrivit  même  au  ministre  qu'il  serait  désormais  facile 
d'engager  ces  [>eiiples  à  faire  la  guerre  de  leur  côté  si  les 
garnisons  étaient  maintenues  à  Micbilimackinac  et  dans  les 
postes  qui  en  dépeiulaient.  Mais,  ajoutait-il,  si  ces  garnisons 
sont  retirées,  il  sera  impossible  de  contrôler  les  tribus. 


1  Cadillac  à  Poacliarirain,  31  juilet  1795,  (hms  S'ieldon,  Charlevoix, 
Histoiie  de  la  N.  F. 


.72 


LES    CANADIENS    DU    MICIIKJAN 


Eu  utteiuliint  la  réponse  du  ministre,  Frontenac  chargea 
les  sieurs  «l'Argenteuil  et  de  Yincennes  de  retourner  avec 
quelques  soldats,  le  premier  à  Michilimackinac  et  l'autre 
chez  les  Miamis.  Tonti  était  déjà  parti  pour  prendre  le 
commandement  du  premier  de  ces  postes.  Les  coureurs- 
de-bois  (pli  étaient  descendus  avec  d'Argenteuil  l'année 
précédente  reçurent  aussi  la  permission  de  retourner  cher- 
cher leurs  pelleteries. 

Au  mois  d'août  de  cette  année  1697  Cadillac,  voyant 
l'importance  de  sa  charge  tort  diminuée,  avait  donné  sa 
démission  et  était  descendu  ;\  Québec  avei*  les  chefs  outa- 
ouas.  Ces  Sauvages  venaient  dire  à  Frontenac  qu'ils  ne 
reviendraient  phis  à  Montréal  si  les  Français  se  retiraient 
de  l'Ouest  et  ne  leur  apportaient  plus  de  marchandises.  Le 
mémoire  qui  rapporte  ces  discours  ajoute  (pie  si  les  Sau- 
vages mettent  leur  menace  à  exécution  la  colonie  perdra 
tout  le  commerce  des  pelleteries  et  qu'on  verra  les  tribus 
qui  ont  si  puissamment  contribué  k  la  détendre,  tourner 
leurs  armes  contre  elle.  On  pourra  même  s'attendre  à  voir 
les  coureurs-de-bois  passer  aux  Anglais.  ' 

Malgré  toutes  les  représentations  qui  lui  turent  faites 
dans  ce  sens  le  roi  ne  songea  pas  un  instant  à  revenir  sur 
sa  décision.  Déjà  en  1696  il  faisait  répondre  à  Frontenac  : 
"  .  .  .  .  P]n  tout  cas  vous  ne  devez  pas  man(pier  de  donner 
ordre  pour  ruiner  les  forts  et  tous  les  édifices  (pii  pourront 
y  avoir  été  faits."  ^ 

En  1698,  répondant  à  de  nouvelles  objections,  le  ministre 
parlait  avec  la  même  fermeté. 

Oubliant  leur  déclaration  de  l'année  précédente  plusieurs 
Outaouas  vinrent,  en  1698,  dire  à  Frontenac  que  leur  inten- 


'  An  accouiit  ol'  tLe  luost  reniaïkable  occurrence  in  Cana(ia,  lGi)(>-97, 
N.  Y.  Col.  Doc,  vol.  IX  ;  BroadlieJ,  Docuinentary  Hist.  of  N.  Y.  ;  Cliaile- 
voix,  Histoire  cle  la  N.-F. 

■^  Le  ministre  à  Frontenac.  26  mai  1«)90. 


DE    LAMOTIIE-CADILLAC; 


7;J 


tion  t'tiiit  (le  iVi*tt'r  ;\  Michirnn.ukiiiiU',  et  qu'ils  c'S|h' raient 
que  k'rt  autres  tribus  suivruitMit  leur  exemple.  Le  ii'ouver- 
neur  les  telieita  et  leur  expli(|Ma  (pie  les  coureurs-de-bois  ne 
seraient  rappelés  (|ue  teniporaireinent,  et  à  la  seule  tin  do 
leur  taire  payer  leurs  dettes. 

Il  (.'tait  plus  facile  de  donner  l'ordre  de  faire  revenir  les 
eoureurs-de-bois  que  do  l'oxi'euter.  Tonti,  (pli  avait  (''t('^ 
chargé  de  cette  tache,  n'en  ramena  que  six  en  ItîOS.  Il  re- 
tourna en  1700  et  en  eiiiijaii'ea  encore  une  vini^taine  h  le  sui- 
vre  :  (piatre-vingt-quatre  lui  dirent  (pi'ils  se  proposaient  de 
passer  sur  le  Mississipi  ;  et  plusieurs,  encouragés  par  les 
Sauvages,  no  lui  cacheront  pas  leur  intention  de  rester  à 
Michilimackinac  comme  par  le  passé. 

Les  voyages  aux  Outaouas  n'étaient  pas  supprimés,  et 
cette  même  année  l'évCMpio  de  Québec  voulut  prott'ger  les 
voyageurs  en  publiant  une  lettre  pastorale  dans  laquelle  il 
condamnait  "  comme  illicite  et  iisurairo  le  commerce  dos 
marchands  qui  équii>aient  les  voyageurs  qui  vont  aux  Ou- 
taouas ou  ailleurs,  à  la  charge  que  ceux-ci  [)aieront  au  re- 
tour en  castor  les  marchandises  qu'ils  auront  pris  sur  le 
pied  de  83  par  cent,  sans  (][ue  les  marchands  veuillent  ris- 
quer leurs  effets  qu'ils  obligent  les  voyageurs  à  leur  rem- 
bourser en  castor,  quoi(iu'il  arrive." 

Peut-('''tre  aussi  les  autorités  mancpiaient-elles  de  zèle 
dans  rexécution  d'ordres  (pi'ellos  n'approuvaient  pas.  Car, 
si  Frontenac  était  mort,  son  successeur,  de  Callières,  avait 
les  mêmes  idées  sur  cette  question.  L'nn  de  ses  premiers 
soins  fut  d'écrire  au  roi  pour  recommander  le  rétablisse- 
ment des  congés,  on  disant  que  les  porteurs  de  ces  permis 
remplaceraient  les  garnisons. 

En  1700  le  père  Eiijalran  et  le  sieur  de  Courtemanche 
furent  délégués  vers  les  Sauvages  de  l'Ouest  pour  les  enga- 
ger à  venir  conclure  une  paix  générale  à  Montréal.  Le  Pore 
resta  à  Michilimackinac,  mais  de  Courtemanche  fit  un  voy- 
age de  douze  cents  milles  pour  rencontrer  toutes  les  tribus. 


M'i 


74 


LES   CANADIENS   DU    MIC11I(4AN 


Lii  [iiiix,  tut  «oleiiiielleint'nt  ratiiiée  tlaiii^  rautomne  de 
1701.  ' 

Co[>on(laiit  les  Anglain,  invités  par  «pK'lcjUert  coureurs-ilt- 
bois,  songeaient  à  tirer  protit  de  la  faute  (pie  le  gouverne- 
ment Français  avait  commise  en  abandonnant  l'Ouest. 
Dans  une  pétition  adressée  à  Hellemont,  go»iverneur  de  la 
Nouvelle-York,  deux  individus  nommés  de  Noyon  et  Gros- 
selin  demandaient  à  être  reçus  i)ar  les  Anglais,  assurant 
(pi'ils  seraient  suivis  au  mois  de  février  1701  [»ar  vingt- 
deux  camarades  et  k  l'automne  suivant  par  trente  autres. 
Les  pétitionnaires  s'engageaient  aussi  h  faire  établir  les  Ou- 
taouas  près  des  Iroquois.  Bellemont  avait  déjà  obtenu  de 
ces  derniers  qu'ils  laisseraient  passer  librement  leseoureurs- 
de-bois  qui  voudraient  se  rendre  à  Albany.  -       . 

Robert  Livingstone,  secrétaire  des  affaires  des  Sauvages 
à  Albany,  proposait  aussi  un  plan  pour  former  sur  ia  rivière 
Détroit  un  établissement  qui  serait  une  école  d'où  sorti- 
raient des  hommes  de  la  trempe  des  coureurs-do-bois.  Liv- 
ingstone pensait  que  c'était  le  seul  moyen  (pi'il  fût  possible 
aux  Anglais  de  prendre  pour  arriver  à  rivaliser  avec  les 
Français  dans  l'Ouest.  ^ 

Ces  projets  ne  se  réalisèrent  pas.  La  France,  non  l'An- 
gleterre, devait  fonder  la  future  métropole  du  ^ficliigan. 


'  Cnilièrefl  à  Cliartrain.  Ki  ootobie  1700,  N.  Y.  Col.  Doc,  vol.  IX  ;  Char- 
levoix,  Histoire  <ie  ia  N.-K. 

'^  Bellemont  to  tlie  Lords  of  Trade,  October  :4,  1700,  N.  Y.  Col.  Doc, 
vol.  IX. 

"  N.  Y.  Col.  Doc,  vol.  IV. 


!   I 


I        il 


CHAPITRE  V. 

LA    FONDATION    DE    DETROIT. 

Los  fourrures  furent  pendant  longtemi>s  le  prineiptil  arti- 
cle (lu  coninieree  canadien.  Le  privilège  d'en  faire  la  traite 
fut  aussi  pendant  longtemps  monopolisé  [)ar  diverses  asso- 
ciations qui  s'engageaient  en  retour  à  contribuer  au  déve- 
loppement et  aux  frais  d'administration  de  la  colonie.  Les 
conditions  des  contrats  entre  le  roi  et  ces  compagnies  allant 
toujours  à  rencontre  de  la  loi  inéluctable  de  l'offre  et  de  la 
demande,  tous  ces  monopoles  se  terminaient  au  bout  de 
quelques  années  par  une  crise  et  une  liqiiidution. 

A  la  fin  du  dix-septiëme  siècle, la  compagnie  qui  avait  pour 
le  moment  le  monopole  du  commerce  s'était  engagée  à  re- 
cevoir tout  le  castor  qui  lui  serait  apporté,  à  un  prix  déter- 
miné. L'on  devine  facilement  le  résultat  d'un  arrange- 
ment qui  tendait  à  donner  au  castor  une  valeur  moins  va- 
riable que  celle  de  l'or.  Tous  les  habitants  se  mirent  à  faire 
la  chasse  ;  et  en  peu  de  temps  les  magasins  de  la  compagnie 
furent  emcombrés  de  fourrures  qu'elle  ne  pouvait  écouler. 
La  banqueroute  arriva,  et  cette  fois  le  roi  confia  aux  prin- 
cipaux habitants  du  Canada,  constitués  en  compagnie,  le 
monopole  de  l'exportation  des  pelleteries. 

Ce  changement  n'améliora  en  rien  la  condition  du  mar- 
ché. La  nouvelle  compagnie  héritait  de  l'ancienne  de  six 
cent  mille  livres  de  castor  qu'elle  ne  savait  où  placer.  Il 
fallait  cependant  trouver  un  remède  ;  toute  la  colonie  sou- 
frait ;  le  roi  et  les  ministres  ne  savaient  que  faire. 

Cadillac  accourut  au  secours  des  autorités  et  déclara  sans 


76 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


\^m 


îiésitutioii  qu'il  avait  trouve  la  solution  du  problème  ;  c'é- 
tait d'établir  un  poste  ou  plutôt  de  fonder  une  ville  à  Dé- 
troit. Il  se  pourrait  fort  bien  que  Cadillac  eût  emprunté 
cette  idée  à  d'autres.  Il  existe  encore  aujourd'hui  un  mé- 
moire d'un  certain  sieur  <le  Charron,  dans  lequel  l'é'tablisse- 
ment  d'une  colonie  sur  la  rivière  Détroit  est  préconisé 
comme  un  moyen  de  détourner  les  habitants  de  la  chasse 
du  castor  et  de  faire  naître  des  manufactures  d'étofïes,  de 
toile,  de  chaussures  et  d'autres  objets.  '  Mais  Cadillac  était 
passé  en  France  ;  il  avait  embelli  un  si  simple  projet  de  tous 
les  rêves  de  sa  fertile  imagina<"ion  et  mettait  tout  en  œuvre 
pour  attirer  l'attention  de  la  cour.     Il  réussit. 

Le  27  mai  ]d99  le  roi  écrivit  au  gouverneur  et  à  l'inten- 
dant pour  leur  communiquer  les  projets  do  Cadillac,  ajou- 
tant qu'il  avait  trouvé  ses  raisons  plausibles  et  dignes  d'être 
examinées  sur  les  lieux.  "  En  cas  que  cette  proposition 
soit  trouvée  bonne  et  praticable.  Sa  Majesté  désire  qu'il,:! 
prennent  dès  lors  les  mesures  nécessaires  pov-r  l'exécuter, 
aussitôt  qu'ils  en  auront  reçu  l'agrément  de  Sa  ^Majesté." 

Dans  le  mémoire  dont  il  est  ici  question,  Cadillac  s'expri- 
mait ainsi  : 

"  Il  n'a  pas  paru  jusqu'à  présent  que  Lamothe  ait  entre- 
l)ris  quelque  chose  sans  succès  ;  c'es<  ce  qui  lui  donne  lieu 
de  s'engager  aux  propositions  suivantes,  et  d'en  venir  h  bout 
pourvu  que  la  Cour  lui  accorde  l'honneur  de  sa  protection. 
V  sait  bien  qu'il  a  des  ennemis,  mais  il  fait  à  leur  égard 
comme  un  bon  voyageur,  (|ui  poursuit  sa  rente  sans  se  dé- 
tourner et  sans  s'arrêter  au  bruit  des  jappereaux  qui  crient 
après  lui.  Il  n'a  pas  entrepris  de  contenter  tout  le  monde  ; 
pourvu  que  ses  su[>érieura  soient  satisfaits  de  sa  conduite, 
cela  lui  suffit. 

"  Premièrement.  Il  s'agit  d'empêcher  qu'il  ne  descende 
du  castor  (U\<  Outaouas,  à  commencer  depuis  1700  jusqu'à 
la  tin  de  1702,  qui  sont  trois  aimées. 


'  Margry,  vol.  V, 


LA    FONDATION    DE    DETEOIT 


77 


"  Douxièmemont,  ({uo  les  trois  quarts  du  castor  qui  des- 
cendra seront  gras  ou  domi-ifras,  pourvu  ([ue  l'on  fasse  va- 
loir l'un  et  l'autre  (i  francs  la  livre. 

"  Troisièmement,  (|ue  les  habitants  du  Canada  trouveront 
du  profit  dans  ce  commerce  et  seront  ou  devront  être  con- 
tents. 

"  Quatrièmement,  qu'il  donnera  les  moyens  à  ^fessieurs 
les  Fermiers  de  faire  des  profits  considér.ii'.es  par  la  voie 
de  ce  commerce. 

"  Cinquièmement,  il  ramassera  en  un  seul  poste  toutes 
les  nations  ojii  sont  dispersées  ;  ce  qui  formera  u]ie  ville 
considérab'equi  mettra  à  l'avenir  l'Anglais  et  l'Iroquois  à  la 
raison  et  qui  se  trouvera  assez  puissante  pour  détruire  l'un 
et  l'autre  avec  le  secours  de  ^Eontréal. 

"  Sixièmement,  il  fera  civiliser  et  humaniser  les  Sauva- 
ges, en  sorte  que  la  plupart  ne  parleront  que  la  langue 
française  en  dix  ans,  par  ce  mA»ven,  de  payens  ils  devien- 
dront enfants  de  l'Eglise  et  par  conséquent  bons  sujets  du 
Roi."  ' 

Pour  établir  tout  cela  Cadillac  demande  que  les  25  con- 
grès soient  rétablis  et  (pi'ils  soient  accordés  à  des  pert-oinies 
responsables  et  pour  deux  ans.  Ainsi  les  voyageurs  ne  re- 
viendront qu'en  1702,  -c  ([ui  ])ermettra  à  la  Compagnie 
d'écouler  son  fonds  atîtsicl.  Il  demande  aussi  qu'une  forte 
garnison  soitétab'u  à  Détroit  afin  de  maintenir  Tordre  dans 
cotte  région. 

Le  gouverneur  de  Callières  et  rintendajit  (■hampigjiy 
n'approuvèrent  pas  tous  les  plans  de  Cadillac,  bien  <[u'ils 
comprissent  la  nécessité  de  reprendre  l'Ouest.  Ils  crai- 
gnaient cpie  l'établisse" lient  du  Détroit,  si  [)rès  des  Iroquois 
et  des  Anglais,  ne  devint  un  prétexte  pour  rennemi  de 
contiiuier  la  gU'Tre  ou  (|u'il  ne  ccMiduisii;  leurs  alliés  sauva- 
ges à  porter  leurs  pelleteries  à  Albuny.     îls  se  déclaraient 


'  Marjiry,  vol.  V. 


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78 


LFS    CANADIENS   DU    MICIIIGAN 


plutôt  en  faveur  de  rétablir  les  congrès  et  de  remettre  les 
garnisons  dans  les  anciens  postes.  L'intendant  ayant  même 
insinué  que  Cadillac  voulait  prendre  soin  du  castor  pour 
son  avantage  personnel  celui-ci  riposta  fièrement  :  "  De 
tout  temps  on  a  empoisonné  les  intentions  les  plus  pures,  et 
la  vérité  même  est  sujette  à  recevoir  des  atteintes  par  l'er- 
reur et  le  mensonge  ;  mais  sa  force  est  indomptable," 

"  Il  résulte  de  tout  ceci,"  continue  Cadillac,  s'adressant 
au  ministre,  "  que  ce  plan  est  bon  ou  mauvais.  S'il  est  bon, 
il  n'y  a  point  à  balancer  de  b  faire  exécuter.  Cboisisez  en- 
suite un  homme  de  tête  et  de  main  pour  l'exécution  sur  les 
lieux  ;  et  vous  pouvez  vous  assurer  qu'il  réussira  comme 
vous  le  souhaitez,  malgré  les  secrètes  difficultés  qu'on  y 
pourrait  faire.  Vous  ne  devez  jamais  espérer  que  cette 
affaire  réussisse  si  elle  est  mise  en  délibération  sur  les  lieux. 
C'est  un  pays  de  cabale  et  d'intrigue  ;  il  est  impossible  de 
réunir  tant  d'intérêts  différents.  On  est  bien  aise  de  con- 
trecarrer, c'est  le  caractère  de  ceux  qui  y  habitent.  N'ac- 
cusez pas  sur  cela  Lamothe  d'indolence  ;  il  s'est  assez  remué 

sur  cette  affaire Si  Votre  Grandeur  avait  le  loisir  de 

l'entendre  une  demi-heure,  vous  seriez  éclairé  sur  le  tout. 
Il  est  fort  désolé  de  l'impression  que  vous  avez  de  lui  ;  il 
espère  que  vous  continuerez  de  lui  accorder  l'honneur  de 
votre  protection  et  de  votre  souvenir."  ' 

L'aplomb  et  la  persévérance  de  Cadillac  triomphé:  eut  de 
toutes  les  hésitations.  Dès  l'automne  de  1700  son  plan  fut 
accepté  ;  et  il  fut  lui-même  désigné  comme  étant  "  l'homme 
de  tête  et  de  main  "  qu'il  fallait  pour  le  mettre  à  exécution. 
Il  tenait  sa  commission  de  commandant  du  futur  poste  di- 
rectement du  roi,  qui  lui  avait  aussi  concédé  quinze  arpents 
de  terre  à  l'endroit  où  il  s'établirait  ;  mais  il  devait  agir 
sous  les  ordres  du  gouverneur  de  la  Nouvelle-France. 

Cadillac  se  persuadait  modestement  que  si  son  poste  n'é- 


'  Margry,  vol.  V. 


n 


i 


LA    FONDATION    DE    DETROIT 


79 


trtit  puîs  établi  "on  serait  (ontvairit  de  tout  uhandonnor,  puis- 
que c'est  lui  seul  qui  fera  l'entière  sûreté  de  la  colonie,  celle 
de  son  commerce  et  la  ruine  certaine  des  colonies  an- 
u:laises."  Tel  n'était  pourtant  pas  l'avis  des  marchands  de 
Montréal  qui  étaient  au  désespoir.  Une  requête  tut  rédigée, 
exposant  que  le  sieur  Lamothe-Oadillac  n'avait  pas  d'autre 
but  que  de  faire  un  commerce  préjudiciable  aux  membres 
de  la  "  Compagnie  du  Canada  "  qui  étaient  obligés  de  sup- 
porter de  lourdes  charges,  et  priant  de  différer  son  départ. 
Mais  soudain  les  plus  actifs  meneurs  de  l'agitation  s'apaisè- 
rent, et  il  ne  se  trouva  plus  ]»ersonne  pour  présenter  la  re- 
quête. Ceux  qui  avaient  tant  parlé  contre  Cadillac  lui 
fournirent  d'énormes  quantités  de  marchandises,  et  on  le  lit 
partir  au  plus  tôt.  ' 

Callières  avait  aussi  ses  raisons  pour  presser  le  départ  de 
i  .idillac.  Les  Iroquois  avaient  envoyé  des  délégués  pour 
protester  contre  rétablissement  de  Détroit  et  il  désirait  voir 
la  chose  accomplie  avant  l'arrivée  de  ces  délégués  afin  de 
leur  mieux  répondre.  ''  Ce  qui  arriva,  leur  ayant  fait  trou- 
ver les  raisons  de  cet  établissement  bonnes."  - 

Cadillac  partit  de  Montréal  le  5  juin  1701.  Il  avait  sous, 
ses  ordres  cinquante  soldats  et  autant  de  colons  ;  les  otfi- 
ciers  étaient  les  sieurs  Dugué  et  Chacornacle,  lieutenants, 
et  M.  de  Tonti,  capitaine.  Cadillac  avait  reçu  ce  dernier 
un  peu  malgré  lui,  car  il  le  savait  tout  dévoué  aux  intérêts 
de  la  Compagnie.  L'expédition  avait  nécessité  plus  de 
quatre-vingt  mille  livres  de  frais.  Les  përes  jésuites  avaient 
obtenu  la  permission  d'envoyer  un  des  leurs  à  Détroit,  et 
ils  avaient  désigné  le  père  Vaillant,  ancien  missionnaire 
chez  les  Iroquois.  Mais  Cadillac  de  son  côté  avait  fait  dé- 
cider que  les  Jésuites  s'occuperaient  uniquement   des  Sau- 


'  Mémoires  sur  le  Canada  par  le  K(»y  de  la  Potherie  ",  Callières  au  mi- 
nistre, li)  octobre  et  9  novembre  1700  ;  Cadillac  à  un  (ireiuier  commis,  18 
octobre  1700,  She'  'on,  Early  History  of  Micliivcan. 

''  Cullièrea  au  ministre,  4  octobre  17IH,  Margry,  vol.  V. 


80 


LES    CANADIENS    DU    MICIIIGAN 


ii 


'f. 


vaifos  ;  ot  il  omuionait  mi  réeollet  pour  flesi^ervir  K's  liul>i- 
tants  et  la  içarnison. 

L'expédition  t-ainpa  slir  le  site  actuel  de  Détroit  le  2-1 
juillet  1701.  Aussitôt  que  les  premiers  travaux  furent  ter- 
minés, le  lieutenant  Cliareonacle  retourua  à  (^uébee  pour  y 
porter  les  nouvelles.  Calliores  écrivant  au  roi  dit  (pie  "'  Ca- 
dillac a  tait  un  fort  à  quatre  bastions  de  bons  pieux  de 
chêne  de  15  pieds  de  louifueur,  dont  il  y  en  a  trois  en 
terre."  ' 

Tels  furent  les  commencements  d'une  ville  (pii  a  été  un 
siècle  durant  la  métropole  l'Ouest  et  (pli  est  encore  celle 
d'un  des  plus  grands  états  de  la  Républi(pu'  américaine.  La 
petite  colonie  française  (pii  venait  de  naître  devait  végéter 
[tendant  soixante  ans,  en  danger  continuel  de  périr  par  l'in- 
différence de  ses  gouvernants  ou  par  la  nniin  des  tribus 
féroces  et  inconstantes  (pii  l'entouraient  de  toutes  parts, 
pour  être  enfin  livrée  à  une  domination  étrangère  et  hostile  ; 
et  cependant  elle  devait  traverser  tous  les  dangers,  sortir  de 
eluKpie  lutte  plus  nombreuse  et  mieux  constituée. 

Cadillac  n'avait  rien  entrevu  de  cette  histoire  bien  glo- 
rieuse mais  bien  humaine, — histoire  faite  de  travail  et  de 
souffrances.  Il  croyait  sincèrement  (jue  dans  l'espace  de 
quelques  mois  tous  les  peuples  de  TAmérique  du  Xord 
prendraient  la  route  de  son  étal»lissement  et  (pie  le  fort  de 
pieux,  devenu  une  grande  cité,  dominerait  tout  le  conti- 
nent. L'endroit  lui  paraissait  choisi  de  Dieu  pour  ces  gran- 
des choses.  "  Il  n'y  a  cpie  les  ennemis  de  la  vérité,  s'écrie-t- 
il,  (pli  soient  les  ennemis  de  cet  établissement  si  nécessaire 
H  l'augmentation  de  la  gloire  du  roi,  au  progrès  de  la  reli- 
gion et  à  la  destruction  du  trône  de  Baal." 

'  Sheldon,  Early  Hist.  ;  Margry,  vol.  V, 

^  Callières  et  Cliampigny  au  mmistre,  1701.  M.  Rameau  est  donc  mu- 
nifestement  dans  l'erreur  quand  il  dit  dans  'La  France  aux  Colonies" 
qu'à  partir  de  16H8  "  le  fort  de  Détroit  fut  constamment  occupé,  sons  le 
nom  de  fort  Ponchartrain,  jusqu'à  ]i\  fondation  de  la  colonie  même  de 


LA    FONDATION    l»E    DKTKOIT 


SI 


Li'  tort  (|iu'  vouait  do  toiulor  Cadillac  fut  noinmé  \\m- 
cliartraiii,  on  rhoiinour  du  luinistro  dos  colonios,  surTordro 
d\i  irouvoniour  ot  do  Pintoudant.- 

Eu  partant  do  Montréal,  Cadillac  ot  tous  los  autres  Fran- 
çais avaient  ro(;u  la  détbnse  forinollo  do  t'airo  iuu'un  coin- 
merco.  "  Doux  lionimos  do  prohitô"  otaiont  onvovos  avec 
l'oxpôdition  pour  t'airo  la  traite  i)our  le  profit  (U'  sa  Arajesté. 

Cependant  la  Compagnie  do  la  colonie  avait  demandé  le 
monopolo  de  la  traite  aux  torts  Frontenac  et  Ponchartrain. 
Cette  denuinde  fut  accordée  ;  et  le  poste  do  Détroit  fut  cédé 


a  la  compaguu'  sous  la  condition  pour  elle  de  rembourser 
le  roi  de  toutes  les  dépenses  faites  pour  rétablissement  de 
cette  colonie,  d"entretonir  le  fort  en  bon  état,  de  payer  les 
engagés  ot  de  donner  H, 000  livres  annuellement  pour  les 
pauvres  du  Canada.  Cet  arrangement  fut  conclu  au  mois 
d"octol)ro  1701. 

C^adillac  ayant  ap}>ris  (jue   la  <(»mpagnie  était  devenue 
[»ropriétaire  du    Détroit  descendit  à  Québec  en  1702  pour 


s  01 


itend 


re  avec 


los  d 


iroctour: 


itros  < 


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ouffues  discus- 


sions, il  signa  un  contrat  par  lotiuol  il  s'engtigoait,  on  con- 
sidération de  la  somme  de  2,000  fraïu-os  par  an  et  dv  Vv]\- 
tretion  dv  sa  famille,  ainsi  (pie  de  la  somme  dv  l,3îvi  franos 
payée  annuollement  à  M.  de  Toiiti,  de  ne  faire  aucun  com- 


Dctroit  en  17(10."  Nous  n'avons  paa  trouvé  non  plus  aucun  document 
conârmant  cette  autre  assertion  du  même  auteur  qu'A  l'arrivce  de  Cadil- 
lac 'plusieurs  l'rançais  ctaient  déjà  établis  sur  le  Hétroit,  entre  autres 
Pierre  Koy  et  François  Pelletier."  (La  Colonie  Canadienne  de  L'étroit). 
Lo  silence  des  nombreux  rapports  sur  lafondati"ii  de  Détroit  que  nous 
avons  vus  semble  prouver  le  contraire.  Dans  la  collection  dite  "New 
York  ("oloniai  Document»*,'  volume  IX,  et  dans  les  ardiives  de  Québec, 
on  trouve  sons  la  date  de  !  700  le  rapport  d'une  conférence  entre  les-  Sau- 
vages et  le  clievalier  de  Lontjueuil,  commandant  pour  le  roi  à  Déiroit. 
C'est,  sans  aucun  doute  une  erreur.  I.c  texte  de  ce  document  prouve 
qu'il  est  de  l'éi^que  où  le  chevalier  de  .AMi^iueuil  commandait  réellement 
à  Détroit,  c'est-à-dire  entre  174:i  et  Î747.  La  fondation  de  la  ville  do 
Détroit  date  bien  du  •_'4  juillet  1701 


82 


LES   CANADIENS    DU    MICHKÎAN 


merce,  direct  ou  indiiH'ct,  et  de  veiller  aux  iutéréts  do  la 
compagnie.  ' 

Ce  contriit  était  conforme  aux  désirs  exprimés  de  Cadillac, 
Il  y  avait  d.)nc  lieu  de  croire  <pie  tout  le  monde  était  satis- 
fait. Mais  dans  l'automne  de  la  même  année  le  ministre 
reçut  des  ])laintes  de  tous  les  côtés.  C'était  d'abord  la  com- 
pagnie qui  se  plaignait  que  ses  charges  étaient  de  beaucoup 
trop  lourdes  et  (|ui  demandait  pour  se  dédommager  qu'on  lui 
permit  d'établir  des  postes  en  différents  endroits.  C'étaient 
Callières  et  Beauharnois  qui  répondaient  à  la  compagnie 
que  si  ses  dépenses  étaient  fortes,  elle  avait  présentement 
de  quoi  se  dédt)mmager,  et  que  si  le  roi  étendait  ses  privi- 
lèges, il  causerait  la  ruine  des  marchands  et  des  habitants 
de  Montréal,  qui  déjà  ne  subsistaient  qu'avec  peine.  C'était 
encore  Cadillac,  qui  demandait  de  nouvelles  faveurs,  van- 
tait les  avantages  de  son  poste,  et  accusait  amèrement  les 
désuites  de  toujours  lui  susciter  des  embarras.  Enfin, 
c'étaient  les  Jésuites  eux-mêmes  qui  venaient  se  plaindre 
avec  non  moins  d'amertume  de  ce  que  leurs  missions  étaient 
ruinées  par  le  tait  de  Cadillac  et  des  traitants,  et  qui  deman- 
<laicnt  que  le  roi  abolit  les  postes  de  l'Ouest  et  mit  la  traite 
sous  le  contrôle  de  personnes  vertueuses,  discrètes  et  en 
parfaite  sympathie  avec  les  missionnaires. 

Le  roi  ne  savait  qui  écouter.  Il  écrivit  en  termes  pé- 
remptoires  au  gouverneur  et  à  l'intendant,  leur  ordonnant 
de  convoquer  une  assemblée  des  principaux  liabitants,  d'y 
inviter  le  sieur  Cadillac,  et  d'exiger  de  chaque  personne 
une  expression  d'opinion  par  écrit  afin  (pi'il  pût  juger  défi- 
nitivement ce  qu'il  fallait  faire  de  Détroit.  '" 

Cadillac  s'était  mis  à  l'œuvre  dès  l'automne  de  1701  pour 
attirer  les  Sauvages  à  Détroit.     Le  4  décembre  une  bande 

*  Callières  an  minist-e,  4  octobre  1701,  et  traité  fait  avec  la  compagnie, 
dans  Margry,  vol.  V. 
-  Le  roi  ù  Callières  et  Beauharnois,  liO  mai  1703,  N.-Y.  Col,  Doc ,  vol.  IX. 


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LA    FONDATION    DE    DETROIT 


83 


de  Ilnrous  do  AriehiliniackiniU' vint  prendre  des  terres.  Elle 
fat  suivie  l'année  suivante  et  en  1703  par  les  Sauteurs,  les 
Missagués  et  autres  bandes  d'Outaouas.  Assez  habile  à 
traiter  avec  les  Sauvages,  le  fondateur  de  Détroit  exploitait 
toutes  lenrs  superstitions  [)Our  les  amener  à  faire  sa  volonté. 
Ainsi,  Ton  vit  vers  ce  temps  une  comète  ayant  la  tête  vers 
l'est.  Elle  parut  pendant  sept  jours.  Les  Sauvages  dirent 
que  c'était  un  signe  do  gnerre,  mais  il  leur  assura  que  c'é- 
tait un  collier  que  l'Esprit  avait  jeté  dans  le  ciel  pour  mon- 
trer aux  nations  du  Couchant  l'entrée  du  Détroit  et  pour 
les  inviter  à  venir  s'}'  établir. 

Toutefois  Cadillac  ne  réussissait  pas  au  gré  de  ses  désirs. 
Les  Ontaouas  persistaient  pour  la  plupart  à  rester  à  Michi- 
limaekinac,  les  Miamis  ne  voulaient  pas  abandonner  leur  vil- 
luge  de  la  rivière  Saint-Joseph,  et  une  partie  des  Hurons 
jjarlaient  d'aller  s'établir  à  une  trentaine  de  lieues  de  Dé- 
troit, sur  la  rivière  Maumee.  Ces  derniers  avaient  déjà 
commencé  à  voir  les  Anglais,  et  leur  but  en  allant  s'établir 
au  sud  était  d'ouvrir  un  commerce  avec  Albany.  Les  pré- 
visions de  ceux  qui  avaient  combattu  l'établissement  de 
Détrciit  commençaient  donc  à  se  réaliser. 

Cadillac  attribuait  ces  échecs  aux  Jésuites  et  criait  très 
fort  que  les  Pères  ne  voulaient  pas  envoyer  de  missionnaire 
à  Détroit,  quoiqu'ils  en  eussent  demandé  le  privilège.  Il 
(;itait  l'exemple  du  P.  Vaillant  qui,  en  effet,  ne  s'était  pas 
rendu  à  Détroit.  Les  Pères  Careilh  et  Marest,  de  Michili- 
mackinac,  Mermet  et  Aveneau,  de  la  rivière  Saint-Joseph, 
répondaient  qu'ils  attendaient  que  leurs  troupeaux  se  déci- 
dassent à  se  rendre  à  Détroit  pour  y  aller. 

En  1702  le  supérieur  des  Jésuites  à  Québec  et  Callières 
avaient  rédigé  des  règlements  destinés  à  permettre  aux  Pères 
et  à  Cadillac  de  vivre  ensemble  sans  trop  se  heurter  et 
ordre  fut  envoyé  au  Père  Marest  de  se  rendre  à  Détroit. 
Au  prinicemps  de  1703  Cadillac  envoya  un  canot  pour  cher- 
cher ce  missionnaire,  mais  celui-ci  refusa  de  s'y  embarquer 


I 


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II 


84 


TiKS    CANAKIENS    DU    MR'HIGAN 


en  (loiinunt  pour  raison  qno  dos  affairoH  importjintes  l'apjio- 
laient  à  Montréal. 

Quelques  Outaouas  deseendirent  h  Montréal  avec  le  përo 
Marest.  Ils  déclarèrent  qu'ils  étaient  résolus  à  mourir  dans 
leur  village  de  Michiliniackinac  et  demandèrent  un  com- 
nuindant  français.  Le  chevalier  de  Callières,  sans  être  un 
ami  de  Cadillac,  avait  engagé  les  Sauvages  à  se  rendre  à 
Détroit.  Il  venait  d'être  remplacé  par  M.  de  Vaudreuil, 
(pii  était  ouvertement  hostile  à  la  nouvelle  colonie.  Le  père 
Marest  fut  autorisé  à  retourner  h  sa  mission  de  Micliilimac- 
kÎTJac  et  le  sieur  de  Mantet  y  fut  envoyé  pour  agir  comme 
commandant. 

Tandis  que  le  nouveau  gouverneur  se  rendait  ainsi  aux 
désirs  des  Jésuites,  il  laissait  la  garnison  de  Détroit  s'aftai- 
blir  par  les  désertions  et  fermait  l'oreille  à  toutes  les  plaintes 
de  son  commandant. 

Ces  faits  prouvent  assez  que  M.  de  Vaudreuil  et  les  Jé- 
suites ont  travaillé  contre  l'établissement  de  Détroit,  maison 
serait  très  injuste  si  l'on  disait  avec  Cadillac  qu'ils  n'agis- 
saient ([ue  par  jalousie  ou  pour  d'autres  motifs  peu  honora- 
bles. Une  grande  partie  des  hommes  les  plus  sages  du 
Canada  étaient  convaincus  à  cette  époque — et  nous  pouvons 
encore  facilement  le  comprendre  aujourd'hui — que  Michili- 
niackinac occupait  une  position  plus  avantageuse  pour  la 
traite  des  pelleteries  que  Détroit  ;  ils  craignaient  aussi  qu'en 
amenant  nos  alliés  trop  près  des  colonies  anglaises  nous  ne 
leur  facilitions  tout  simplement  la  tîiche  de  porter  le  pro- 
duit de  leur  chasse  à  Albany  où  les  attiraient  des  marchan- 
dises à  bas  prix  et  le  rhum  à  discrétion.  Ensuite  il  faut 
considérer  que  si  le  roi  décidait  en  faveur  des  grands  pro- 
jets de  Cadillac,  il  laissait  toujours  la  tâche  de  les  réaliser 
aux  autorités  de  Québec.  Or,  au  commencement  du  dix- 
huitième  siècle,  la  Nouvelle-France  comptait  quinze  mille 
liabitants,  dispersés  sur  un  territoire  de  plus  de  deux  cents 
milles  de  longueur.     Elle   était   continuellement  exposée 


I 


LA    FONDATION'    DE    DKTROIT 


85 


uux  attaques  des  Anglais  ;  sou  tivsor  était  vide,  toutes  si's 
ressourccH  escomptées  d'avance.  Tl  tant  bien  admettre  (juc, 
dans  les  circonstances,  M.  de  \'audreuil  eût  agi  avec  l»icn 
peu  de  sagesse  s'il  eut  envoyé  les  meilleurs  colons  à  Détroit, 
ainsi  que  Cadillac  avait  l'audace  de  le  di'numder. 

Quant  aux  Jésuites,  s'il  est  indubitable  <|u"ils  ressentaient 
de  l'antipathie  pour  Cadillac,  il  faut  dire  aussi  qu'en  essayant 
d'éviter  le  contact  des  coureurs-de-bois  à  leurs  néophytes 
ils  obéissaient  aussi  h  de  nobles  sentiments.  Tous  les  mis- 
sionnaires catholiques  reconnaissent  qu'il  est  nécessaire  pour 
leurs  tins  de  faire  entrer  le  païen  dans  le  giron  <le  l'Eglise 
avant  de  l'initier  à  notre  civilisation  ;  ils  considèrent  le 
contact  avec  les  blancs  comme  un  danger  au(juel  ils  ne 
comptent  exposer  les  nouveaux  chrétiens  <[u"aprcs  les  avoir 
munis  des  armes  de  défenses  nécessaires  :  la  foi  entrée  dans 
leurs  convictions  et  la  pratique  de  la  religion  entrée  <lans 
leurs  habitudes.  Le  missionnaire  catholique  ne  pense  pas 
que  le  raffinement  graduel  des  mœurs,  la  culture  progres- 
sive de  l'esprit,  le  travail  et  les  jouissances  légitimes  qui 
peuvent  en  résulter,  que  le  commerce  continue  avec  l'homme 
policé  doivent  nécessairement  amener  la  néophyte  à  la  foi 
chrétienne.  Bien  au  contraire,  il  est  convaincu  (pie  pour 
arracher  le  sauvage  à  la  barbarie,  il  faut  d'abord  remplacer 
ses  superstitions  par  des  croyances  [tositives,  fortement  en- 
racinées dans  son  ame.  Pour  v  arriver,  il  cherche  à  isoler 
ses  ouailles,  à  les  former  en  communautés  sé[)arée8,  des 
ohrétientés  comme  on  dit  aujourd'hui  en  Chine,  des  vedn- 
ciones,  si  l'on  veut  adopter  l'expression  espagnole  qu'on 
employait  à  l'époque  dont  nous  parlons.  [1  estime  qu'il  est 
indispensable  que  ces  communautés  soient  fermées  h  tout 
intrus,  afin  que  la  conduite  de  ses  co-religiounaires  civilisés 
ne  vienne  pas  jeter  le  trouble  dans  l'esprit  naïf  du  néophyte. 
"Pour  que  la  morale  ehrétieinie  pénètre  dans  le  sang," 
disent  les  Pères,  "  il  faut  des  générations.  Le  grain  qui 
commence  à  germer,  les  jeunes  plantes,  doivent  être  proté- 


soB^mm 


86 


LES    CANADIENS   DU    MICIIIGAN 


1  II! 


gÔ8  contre  l'ivraie  et  les  inteni])érics  des  Huisoiits."  Les  mil- 
lions d'Indiens  chrétiens  de  l'Aniéric^ne  esjtsignole  et  de 
l'Inde  méridionale,  qni  tout  en  restant  Indiens,  hont  deve- 
nus, et  sont  restés  depuis  trois  siècles,  de  vrais  chrétiens,  et 
au  point  de  vue  moral,  de  vrais  civilisés,  sont  redevaMes  à 
ce  système  de  leur  l)onheur. 

L'on  «lira  peut-être  que  les  jésuites  ne  se  sont  jamais  pro- 
noncés en  faveur  de  ce  système  en  Clanada.  La  raison  en 
est  facile  à  voir:  ils  avaient  tout  à  perdre  tni  heurtant  de 
front  les  préjugés  du  roi  et  de  ses  ministres.  En  effet,  Louis 
XIV,  Colbert,  Talon,  Fnmtenac  avaient  tous  fortcnu'ut 
recommandé  aux  Jésuites  d'élever  les  Sauvages  "  à  la  façon 
française."  Cadillac  qui  ne  cherchait  qu'à  plaire  au  pou- 
voir, avait  adoi)té  leurs  idées  et  voulait  les  suivre  jus<|u'à 
leurs  dernières  conséquences.  En  fondant  Détroit,  il  vou- 
lait que  les  missionnaires  qui  y  seraient  envoyés  reçussent 
l'ordre  "  d'enseigner  aux  petits  Sauvages  la  langue  fran- 
çaise comme  étant  le  seul  moyen  ]>our  les  civiliser,  humani- 
ser et  insinuer  dans  leur  cœur  et  dans  leur  esprit  la  loi  de 
la  Religion  et  du  Monarque,"  et  pour  mieux  réussir,  il  de- 
mandait l'établissement  à  Détroit  d'un  couvent  d'urselines 
pour  instruire  les  filles,  d'une  succursale  du  séminaire  de 
Québec  pour  les  garçons,  d'un  hôpital  pour  les  Sauvages 
malades  et  infirmes,  et  la  permission  pour  les  soldats  d'é- 
pouser les  filles  sauvages. 

Il  écrivait  aussi  au  roi  que  le  chef  des  Ilurons  et  celui 
des  Outaouas  s'offraient  pour  former  une  compagnie  de  50 
hommes,  pourvu  qu  on  les  fit  capitaines,  qu'on  leur  donnât 
un  lieutenant  et  un  enseigne  et  qu'on  les  mît  sur  le  même 
pied  que  les  officiers  des  troupes  de  la  marine.  "  Si  Sa 
Majesté  veut  faire  cette  dépense,"  eontinue-t-il,  "  ce  serait 
le  vrai  moyen  d'assujettir  peu  à  peu  et  entièrement  ces  doux 
nations.  J'estime  qu'il  faudrait  les  ménager  un  peu  dans 
le  commencement  en  leur  faisant  prendre  les  armes  seule- 
ment une  fois  par  mois,  lorsqu'on  en  ferait  les  revues,  et 


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87 


mejue  los  en  (linpoiisor  pciidiiiit  trois  mois  (riiivcr.  piin-L'. 
((lie  pour  lors  ils  sont  occiipt's  ù  tiiii'c  leur  chasse  :  mais  il 
faut  être  tort  exaet  à  payer  tous  les  mois  les  eompauMiies. 
Ilb  (lemamleut  d'avoir  des  dra|>eaux.  et  (pi'ou  leur  peruu'tte 
de  fiiire  leurs  habits  à  leur  UK.de  vt  <pi"oii  leur  doum-  des 
étoffes  rouges. 

"  Le  chef  Huron  est  di'jà  si  entlt'  de  cette  ]»ro[tositiou 
([u'il  a  prié  M.  de  C;ullières  de  le  faire  loy-er  à  la  frant-aise, 
et  j'en  ai  reçu  l'ordre  étant  à  (Québec,  à  (pu»i  j'ai  satisfait, 
lui  ayant  fait  faire  une  maison  de  charpente  de  ehC'Ue  de  40 
pieds  de  face  sur  24  de  largeur.  Elle  est  située  sur  le  bord 
de  la  rivière,  sur  une  ('minence  (pii  domine  le  village  de 
cette  nation.' 

Ce  n'était  là  encore  ipi'un  des  moindres  projets  ([ui  mus- 
saient  dans  la  tête  de  Cadillac.  Il  annonce  au  uiinistn^ 
qu'il  a  trouvé  une  mine  de  cuivre  et  il  olfre  (l'en  faire  l'ex- 
ploration si  le  roi  veut  lui  permettre  de  se  dédommager  par 
le  commerce  des  dépenses  (ju'il  faudra  faire.  Queb^ues 
lignes  [dus  bas  il  dit  (pie  la  Gramle  Rivièri'  (Ontario)  coule 
à  travers  une  région  très  fertile  ;  ses  l)ords  sont  couverts 
de  mûriers.  Si  le  roi  lui  fait  la  faveur  de  lui  concéder  six 
lieues  de  front  sur  chaque  côté  de  cette  rivière  en  titre  de 
marquisat,  avec  haute,  moyenne  et  ba.^se  justice,  et  droits 
de  chasse,  de  pêche  et  de  traite,  il  fera  venir  des  gens  de 
France  avec  quantité  de  vers  à  soie,  avant  l'hiver,  et  il 
établira  une  manufacture  de  soie.  Puis  il  revient  sans  tran- 
sition à  son  poste  de  Détroit  qu'il  ne  paraît  pas  vouloir 
abandonner.  Pour  que  ce  poste  réussisse  il  ne  faut  point 
souffrir  d'autres  établissements. 


'  Pour  tout  ce  qui  précède  voyez  la  correspondance  échangée  entre  les 
Jésuites  et  Cadillac,  la  lettre  de  Cadillac  à  Pontchartrain,  31  août  ITOo,  et 
le  rapport  des  conférences  avec  les  Sauvages  à  Détroit,  (Margry,  vol.  V)  ; 
la  lettre  de  Vaudreuil  à  Pontchartrain,  14  novembre  1703,  et  le  rapport 
des  conférences  avec  les  Sauvages  qui  y  est  joint  (N.  Y.  Col.  Doc,  vol.  IX) 
et  la  défense  que  Cadillac  présenta  à  Pontcbartrain  (Sheldon,  Early 
History  of  Micliigan). 


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LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


''  Au  surplus,  dit-il,  qui  peut-on  choisir  pour  envoyer 
régler  les  querelles  des  Sauvages  qui  connaisse  mieux  que 
moi  leurs  manières,  leurs  mœurs  et  leurs  inclinations,  et  en 
qui  ils  aient  plus  de  confiance." 

Puisque  la  Compagnie  se  plaint,  qu'on  donne  Détroit  à 
■Cadillac  ;  en  deux  ans  il  sera  établi  et  les  Sauvages  seront 
satisfaits.  Il  remboursera  la  Compagnie  de  toutes  ses 
dépense  et  fera  en  outre  remettre  10,000  livres  au  trésorier 
(le  la  marine,  si  le  roi  la  fait  se  démettre  en  sa  faveur. 

"  Vous  voyez-bien  qu'il  est  bon,  Monseigneur,  dit-il, 
d'avoir  un  homme  comme  moi." 

Cette  longue  et  vaniteuse  tirade  se  termine  bien  humble- 
ment. Cadillac  a  pppris  qu'on  va  faire  des  promotions  ;  il 
ne  connait  pas  de  vacances,  mais  il  espère  une  lieutenance  du 
Roi  en  ce  pays,  aussi  une  commission  d'enseigne,  pour  son 
fils  aine  qui  sert  sous  ses  ordres.' 


Cadillac  à  Pontchartrain,  31  aoû'  1703. 


CHAPITRE  VII. 


CADILLAC    DEVIENT    SEUJNEUR. 


Priés  d'iuio  [>art  par  Cadillac  de  venir  s'établir  à  Détroit, 
«'t  solicités  d'antre  part  par  les  Jésnites  «le  demeurer  dans 
leurs  anciens  villages,  les  Sauvages  avaient  pris  le  parti  de 
se  disperser  d'un  bout  k  l'autre  du  pays,  et  profitaient  de» 
«pierelles  dos  Français  pour  faire  à  leur  guise.  Et  comme 
il  arrivait  toujours  chaque  fois  qu'elles  échappaient  au  con- 
tr«Me  des  Français,  les  diverses  tribus  menaçaient  de  s'entr'- 
égorger. 

Les  tribus  se  plaigiuiient  aussi  <le  la  manière  dont  ils 
étaient  traités  à  Détroit.  Les  commissaires  de  la  Compa- 
gnie ne  savaient  pas  se  les  attacher,  et  leur  vendaient  à  des 
prix  exorbitants.  Ca<lillac  prétend  que  les  profits  étaient 
sur  la  poudre,  de  quatre  cents  pour  cent,  sur  les  balles,  de 
six  cents  pour  cent,  sur  le  tabac,  de  trois  cents  pour  cent, 
et  sur  les  autres  marchandises,  de  pas  moins  de  cent  pour 
cent.  En  outre,  les  magasins  étaient  souvents  dégarnis, 
l'uis  l'eau-de-vie  nuinquait  complëtement. 

Dans  un  grand  conseil,  les  nations  exposèrent  qu'on  leur 
avait  dit  que  Détroit  serait  bientôt  aussi  grand  que  Québec, 
que  les  Jésuites  y  viendraient,  et  «[ue  les  marchandises 
seraient  à  bon  marché.  On  avait  tenu  aucune  de  ces  pro- 
messes. Ils  demandèrent  l'établissement  de  plusieurs 
magasins  comme  à  Montréal,  et  l'envoi  d'une  plus  grande 
(quantité  de  marchandises.  Et  pour  terminer  ils  déclarèrent 
(ju'iis   connaissaient   le  chemin    des  Anglais  et   qu'ils  ne 


rr 


90 


LES    CANADIENS    DU    MICHIQAN 


voyaient  pas  (qu'ils  scraieiit  fort  à  blâmer  s'ils  allaient  y 
chercher  ce  qu'ils  désiraient. 

En  effet  les  sauvages  allaient  souvent  à  Albany,  et  les 
Anglais  ne  perdaient  pas  roecasion  de  leur  persuader  que 
les  Français  en  établissant  Détroit  avaient  voulu  les  asser- 
vir. 

Il  n'en  fallait  pas  <lavantage  pour  les  soulever.  Plusieurs 
Français  furent  tués  dans  les  bois.  Une  grange  où  Cadillac 
avait  mis  du  maïs  pour  les  semailles  de  l'année  suivante  fut 
incendiée.  Le  feu  s'étendit  en  peu  de  temps  à  l'église  et  à 
la  maison  des  réccdlets  et  aux  maisons  de  Cadillac  et  de 
Tonti  qui  furent  presqu'entièrement  consumées.  Les  for- 
tifications furent  aussi  sérieusement  endommagées. 

D'.autres  malheurs  vinrent  s'abattre  sur  la  colonie  et  sur- 
tout sur  Cadillac.  Ayant  dénoncé  deux  commissaires  de 
la  Compagnie  pour  vol,  le  fondateur  de  Détroit  «fut  à  son 
tour  accusé  d'avoir  fait  un  commerce  illicite  h  Détroit  et  de 
s'être  rendu  coupable  de  «létournements,  d'avoir  conspiré 
avec  les  sauvages  et  d'avoir  abusé  de  son  autorité  envers 
les  employés  de  la  Compagnie.  Dans  l'automne  de  1704, 
il  fut  mandé  h  Québec  pour  répondre  à  ces  accusations. 
Disons-le  h  son  honneur,  il  fut  acquitté  le  15  janvier  1705, 
par  l'intendant  ;  mais  le  gouverneur-général,  qui  lui  était 
hostile,  lui  refusa  la   permission  de   retourner  à  Détroit.' 

Cependant  le  sieur  de  Mautet,  qui  était  à  Michilimackinac 
promulgua  en  1704,  une  nouvelle  amnistie  pour  les  coureurs- 
de-bois  et  engagea  plusieurs  de  ces  voyageurs  à  rentrer  en 
Canada.  Les  Jésuites,  se  voyant  abandonnés,  brûlèrent 
leur  église  de  St-Igiuice  et  retournèrent  aussi  à  Québec. 

Néanmoins,  cette  même  année  1704,  le  sieur  Bissot  de 
Vincennes  fut  envoyé  par  le  gouverneur  Vaudreuil  chez  les 
Miamis  de  la  rivière  Saint- Joseph.  En  1705  il  y  fit  un 
second  voyage,  et  de  Louvigny  fut  envoyé  à  Détroit  et  à 


1  BbeldoD,  Early  Hiat.  of  Mich. 


J  11 


CADILLAC    DEVIENT    SEIGNEUR 


01 


^Eichilimackiiisic.  Ces  officiers  avaient  ostensiblement  inuir 
mission  de  rétablir  ou  de  maintenir  la  bonne  entente  entre 
les  tribus  sauvages  ;  mais  il  est  évident  qu'ils  profitaient  de 
ces  voyages  pour  faire  un  commerce  trës  profitable.  C'est 
ce  dont  Cadillac  se  plaint  amèrement.  Il  ajoute  que  Vin- 
cennes  ap[)ortait  avec  lui  400  pintes  d'eau-de-vie,  dont  une 
bonne  partie  tut  employée  par  ses  ennemis  pour  corrompre 
les  Sauvages,  et  que  Tonti,  qui  le  remplaçait  h  Détroit,  tai- 
sait un  commerce  considérable. 

Pour  se  venger  il  poussa  un  de  ses  colons,  Michel  Cam- 
peau,  à  accuser  Pierre  Rocquant,  soldat  de  la  Compagnie 
de  Tonti,  d'être  l'auteur  de  l'incendie  qui  avait  failli  dé- 
truire la  ville  naissante.  Madame  de  Tonti  était  accusée 
d'avoir  été  l'instigatrice  du  crime. 

Presqu'aussitôt  après  avoir  ét»'^  mis  en  accusation,  Roc- 
(juant  fit  emprisonner  son  accusateur,  afin  de  pouvoir  le 
faire  répondre  de  ses  assertions.  La  cause  vint  devant  le 
Conseil  Supérieur  le  2  décembre  1706.  Comme  Campeau 
avait  diyà.  à  l'époque  de  l'incendie,  déclaré  qu'il  avait  vu 
un  Sauvage  Loup  mettre  le  feu  à  la  grange  et  qu'il  l'avait 
blessé  d'un  coup  de  mousipiet,  Rocquant  fut  acquitté  et  son 
accusateur  condamné  à  lui  faire  réparation  honorable,  ainsi 
qu'à  lui  payer  trois  cents  livres  de  dommages-intérêts.' 

Mais  Cadillac  allait  enfin  obtenir  une  victoire  sérieuse. 
Après  avoir  pris  en  considération  ses  oftVes  et  les  plaintes 
de  la  Compagnie,  le  roi  avait  décidé  de  lui  donner  le  poste 
de  Détroit  à  la  condition  de  payer  à  la  Compagnie  les  mar- 
chandises qu'elle  y  avait  et  de  l'indemniser  pour  les  éta- 
blissements utiles  qu'elle  avait  faits. 

Cadillac  aurait  les  mêmes  droits  pour  le  commerce  que 
la  Compagnie.  Sa  Majesté  défendait  d'envoyer  des  canots 
à  Michilimackinac,  la  traite  devant  se  faire  h  Détroit  ;  elle 
ordonnait  aussi  à  Vaudreuil  et  k  Beauharnois  de  fournir  et  de 


'  Jugements  et  délibérations  du  conseil  supérieur,  Vol.  V,  p.  457. 


92 


LES   CANADIENS   DU    MICHIflAN 


payer  les  soldats  dont  Cadillac  aurait  besoin  ;  elle  exprimait 
encore  le  désir  que  tous  ceux  qui  voudraient  aller  s'établir 
h  Détroit  en  eussent  la  permission,  et  que  les  Sauvages  fus- 
sent encouragés  ù  y  aller.  "  Avec  tous  ces  secours,"  écrivait 
Ponchartrain  h  Cadillac,  "  et  tous  les  autres  justes  et  raison- 
nables que  vous  demanderez  et  que  Sa  Majesté  vous  donne- 
ra, elle  espère  que  vous  [>arviendrez  h  remplir  l'idée  que 
vous  avez  donnée  de  ce  poste.  Vous  devez  attendre  de  ce 
succès  des  grâces  de  Sa  Majesté,  proportionnées  au  service 
que  vous  rendrez. 

"  Les  choses  étant  ainsi  ordomiées,  vous  n'aurez  plus  de 
démêlées  avec  les  Jésuites  ni  avec  per80i;;»e.  Si  les  Pères, 
qui  sont  pourtant  gens  de  secours,  ne  conviennent  pas,  vous 
prierez  de  vous  donner  d'autres  ecclésiastiques.  Mais  qui 
({ue  ce  soit  que  vous  demanderez,  je  vous  recommande  d'a- 
voir soin  que  le  service  de  Dieu  se  tasse  avec  décence,  que 
les  débauches,  les  blasphèmes  et  les  mauvaises  mœurs  soient 
bannis  de  ce  poste  et  que  tout  s'y  passe  dans  l'ordre. 

"  Sa  Majesté  vous  permet  de  concéder  des  terres  au  Dé- 
troit, comme  vous  trouverez  bon  et  convenable  au  bien  de 
la  nouvelle  colonie,  et  que  vous  laissiez  la  liberté  aux  sol- 
dats et  Canadiens,  qui  voudront  s'y  marier  de  le  taire,  lors- 
({ue  les  ecclésiastiques,  qui  feront  les  fonctions  fies  curés, 
n'y  trouveront   pas  d'empêchement  légitime."  ' 

Cadillac  partit  de  Montréal  avec  un  fort  convoi  vers  la  fin 
de  juin  1706,  Quelques  jours  après  l'on  y  apprit  que  la 
guerre  était  déclarée  entre  les  Sauvageé  de  Détroit. 

Le  poste  était  alors  sous  les  ordres  du  sieur  de  Bourg- 
mont  qui  avait  remplacé  de  Tonti  en  janvier  170H.  Cet 
officier,  qui  avait  peu  d'expérience,  n'avait  pas  su  calmer  les 
craintes  et  les  jalousies  qui.  existaient  entre  les  Miamis  et 
les  Outaouas  vivant  à  Détroit.  Il  était  soupçonné  de  pac- 
tiser avec  les  premiers  contre  les  derniers.  Un  jour,  se  lais- 

'  Ponchartran  à  Lamothe>Cadillac,  14  juin  1704,  Margry,  vol.  V. 


CADILLAC    DEVIENT    SEIONEUR 


93 


sant  emporter  par  lu  colère,  il  t'njppu  si  lourdeinent  un  Oii- 
taouas,  (\m  avait  causé  (juel«|ue8  désordres,  que  le  pauvre 
sauvage  eu  mourut.  Les  guerriers  de  la  tribu  se  retirèrent 
dans  leur  fort  pour  tenir  conseil.  Un  vieux  clief.  Le  Pesant, 
démontra  que  les  Français  n'étaient  pas  en  état  de  repous- 
ser une  atta(pie  et  <[ue  le  moment  était  propice  pour  se  ven- 

gei'- 

Le  lendemain,  16  juin  1706,  les  guerriers  outaouas  sorti- 
rent de  leur  fort  en  grand  costume  de  guerre.  Ils  rencon- 
trèrent d'abord  six  Miamis,  sur  les(iuels  ils  tombèrent  à  l'ins- 
tant. Tandis  qu'ils  en  tuaient  cinq,  le  sixième  se  réfugiait 
dans  le  fort  PontMiartrain  en  criant  :  "  Les  Outaouas  nous 
tuent."  Dans  la  confusion  ([ui  s'ensuivit,  de  Bourgmont 
donna  l'ordre  de  tirer  sur  les  Outaouas.  Cependant  ces 
derniers  avaient  pris  le  père  Constantin  de  l'Halle,  qui  se 
promeiuut  dans  son  jardin  en  dehors  <les  fortifications  ; 
mais  un  chef  le  pria  d'aller  dire  (ju'ils  n'en  voulaient  pas) 
aux  Français.  La  fusillade  continuait  toujours  entre  les 
gens  du  fort  et  les  Outaouas.  t^omme  le  père  allait  entrer 
dans  le  fort  il  reçut  une  oalle  (jui  l'étendit  mort.  Un  soldat 
nommé  La  Rivière  fut  aussi  tué  par  les  Outaouas.' 

De  Bourgmont  fit  alors  fermer  les  portes  du  fort,  et  con- 
tinua le  feu  contre  les'Outouais.  Après  qnelqu;^  lemps 
chacune  des  tribus  se  retira  dans  son  fort.  Il  y  eut  des 
conféren(!es,  puis  des  reprises  d'hostilité.  Le  fort  Ponchar- 
train  resta  en  état  de  siège  pendant  une  quarantaine  de 


'  Nioolas-Bernardin-Constantin  de  l'Halle,  récollet,  vint  au  Canada  en 
1696,  desservit  Longueuil  en  Ki^S,  puis  la  paroisse  de  Saint-François  de 
Salles.  (Tanguay,  Répertoire  du  clereé  Canadien).  II  vint  à  Détroit 
avec  Cadillac  comme  chapelain  du  fort  Nous  voyons  par  les  registres 
de  l'église  Sainte- Anne  de  Détroit  qu'au  mois  de  mai  1723,  son  corpe  fut 
exhumé  et  transporté  dans  la  nouvelle  église.  Nonobstant  l'on  voit  dans 
l'Histoire  de  Longueuil,  par  M.  Alex.  Jodoin  et  J.  L.  Vincent,  qu'un 
prêtr^  du  nom  de  Constantin  de  l'Halle  fut  curé  de  cette  paroisse  de  1713 
à  1723,  et  même  que  sa  signature  parait  sur  le  registre  jusqu'à  la  date  du 
23  mai  1729. 


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94 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


jours.  Enfin  les  Outaoïias  partirent  pour  Michilimackinac. 
Ilrt  avaient  perdue  une  trentaine  de  guerriers.  ' 

A  Michilimackinac  il  restait  encore  quelques  Français, 
pour  la  plupart  des  coureurs-de-hois,  et  une  partie  des  Outa- 
ouas.  Q\u\nd  la  nouvelle  arriva  que  la  guerre  était  dé- 
clarée entre  les  Français  et  les  Outaouas  de  Détroit,  cha- 
cun se  fortifia  de  sou  côté.  Mais  il  n'y  eut  pas  de  sang 
versé.- 

Quand  Cadillac  arriva  à  Détroit  au  mois  d'août  il  trouva 
les  Miamis  et  les  Hurons  qui  demandaient  à  marcher  immé- 
diatement contre  les  Outaouas.  Cadillac  réussit  à  leur 
faire  remettre  cette  entreprise  au  printemps  suivant  en  leur 
promettant  d'aller  avec  eux  et  d'exterminer  jusqu'au  der- 
nier de  leurs  ennemis  ;  mais  durant  l'hiver  les  Miamie, 
voyant  que  l'on  cherchait  à  faire  la  paix  avec  les  Outaouas, 
se  tournërent  contre  les  Français,  tuèrent  trois  hommes 
du  poste  de  Détroit  et  se  rendirent  coupables  d'autres  dé- 
prédations. ' 

Cadillac  réussit  à  se  faire  livrer  par  les  Outaouas  le  chef 
qui  avait  été  l'instigateur  de  la  guerre,  et  la  paix  fut  ainsi 
rétablie  nominalement,  mais  les  Sauvages  restèrent  hostiles 
et  méfiants,  et  les  colons  qui  vinrent  alors  s'établir  dans  la 
nouvelle  colonie  ne  purent  cultivei*  leurs  terres  qu'au  risque 
continuel  de  leur  vie. 

Jusqu'à  cette  époque  Détroit  n'avait  été  en  réalité  qu'un 
comptoir  pour  la  traite.  Le  nombre  des  soldats  en  1703 
était  descendu  à  vingt  et  la  compagnie  entretenait  en  outre 
une  trentaine  d'hommes  pour  ses  affaires.  Dans  sa  lettre 
du  31  août  de  cette  année,  Cadillac  dit  que  la  récolte  est  très 
belle  et  suflisante  pour  nourrir  une  garnison  de  cent  cin- 


ilil 


^  Charlevoix,  vo).  II,  ]iv.  XIX  ;  lettre  de  Cadillac  à  Vaudreuil,  27  août 
1706,  et  rapport  des  conférences  de  Jean  Leblanc  avec  Vaudreuil  à  Mont- 
réal dans  Sbeldon,  Early.  Hist.  of  Mich. 

'  Lettre  du  Père  Marest  à  Vaudreuil,  14  août  1706,Sheldon,  Early  Hist. 
ofMicb. 


CADILLAC    J)EVIENT    SEIGNEUR 


95 


quante  hommos*.  Les  Holdats  qu'il  a  se  plaiiçnent  qu'on  ne 
leur  donne  ni  terre  ni  congé  et  qu'il»  sont  accablés  de  tra- 
vail. Il  avait  demandé  à  M.  de  Callières  de  lui  envoyer 
six  familles  pour  cultiver,  aussi  des  bestiaux  ;  mais  cela  lui 
it  été  refusé  par  M.  de  Vaudreuil.  On  peut  conclure  de 
cela  qu'il  n'y  avait  pas  de  colons  établis  h  Détroit  à  cette 
époque. 

Mesdames  Cadillac  et  de  Tonti  avaient  suivis  leurs  maris 
de  près  à  Détroit,  sans  se  préoccuper  des  privations  qu'elles 
auraient  à  endurer  dans  ce  poste  lointain  et  isolé.  Nous 
voyons  aux  registres  de  Sainte-Anne  que  Marie-Thérèse 
Cadillac  fut  baptisée  le  2  février  1704.  C'est  le  premier 
baptême  enregistré. 

Quand  il  revint  à  Détroit  en  qualité  de  seigneur,  Cadil- 
lac fit  un  grand  eiFort  pour  établir  solidement  la  colonie. 
Il  fit  venir  des  bêtes  à  cornes,  des  chevaux  et  autres  ani- 
maux domestiques  et  porta  en  trois  ans  la  population  de 
Détroit  à  près  de  deux  cents  îtmes.  Il  fit  venir  h 
grands  frais  de  Montréal,  les  matériaux  pour  un  moulin, 
une  brasserie  et  une  forge,  enfin  il  déboursa  pas  moins  de 
150,000  livres.  En  1708  il  y  avait  trois  cent  cinquante- 
trois  perches  de  terre  sous  culture  ;  dont  cent  cinquante- 
sept  perches  appartenaient  à  Cadillac' 

Vingt-neuf  Français  avaient  pris  des  lots  dans  l'intérieur 
du  fort.  Les  colons  vivaient  dans  des  maisons  ou  plutôt 
des  cabanes  en  pieux  plantés  dans  le  sol  et  dont  les  inters- 
tices étaient  remplis  avec  de  la  terre  ;  le  toit  était  fait  d'é- 
corce  et  de  gazon.  Sur  un  nombre  total  de  soixante-trois 
colons,  il  y  en  avait  trente-quatre  qui  vivaient  de  la  traite 
des  fourrures,  de  l'eau-de-vie  et  de  la  poudre.  Ces  articles 
étaient  les  seuls  sur  lesquels  les  Français  de  ce  poste  pou- 
vaient spéculer  avec  avantage.  Pour  tous  les  autres  les 
Sauvages  avaient  définitivement  pris  l'habitude  d'aller  chez 


'  Lettre  da  fils  uiné  u<*  (Jitdillau  au  uomte  de  Msarepas,  1730,  Margry 
vol.  V. 


T  ' 


96 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


les  Anglais.  Il  y  avait  aussi  dans  le  tort  qucltpies  honinios 
de  métier,  des  forgerons,  dew  armuriers,  «les  taillandiers  qui 
vivaient  en  partie  de  la  traite.' 

La  pèche  et  la  chasse  occupaient  encore  autant  les  habi- 
tants que  la  culture.  Pas  p^ns  d'une  quinzaine  de  colons 
prirent  des  terres  du  temps  de  Cadillac.  Les  Ilurons 
étaient  les  meilleurs*  cultivateurs  de  la  (îolonie  :  chaque 
année  ils  récoltaient  plusieurs  milliers  de  niinots  de  maïs. 
Quant  aux  Français,  quand  les  marchandises  arrivaient 
d'en  bas,  ils  payaient  en  pelleteries  où  se  mettaient  au  ser- 
vice des  traiteurs,  et  gagnaient  les  vêtements  qu'il  leur 
fallait  pour  l'année. 

Comme  le  fort  était  devenu  trop  petit  il  fut  agraiidi  et  la 
palissade  fut  rendue  plus  forte  et  plus  siibstantielle. 

Le  përe  de  l'Halle  avait  été  remplacée  par  le  père  Domi- 
nique de  la  Marche  ;  et  au  bout  de  quelques  mois  celui-ci 
fut  à  son  tour  remplacé  par  un  autre  récollet,  le  père  Ché- 
rubin Deneau,  qui  fut  pasteur  jusqu'en  1714.  Une  nou- 
velle église  avait  été  construite  en  1708  en  dehors  du  fort. 

Le  premier  mariage  entre  deux  Français  tut  célébré  le  5 
mai  1710,  les  parties  étant  Jean-Baptiste  Turpin  et  Mar- 
guerite Fafard. 

Pour  se  rembourser  des  frais  qu'il  avait  dû  faire,  Cadillae 
usa  en  toute  occasion  de  ses  droits  de  seigneur  et  de  com- 
mandant, se  montrant  âpre  et  cupide  et  ne  comprenant  pas, 
dit  M.  Rameau,  qu'il  allait  par  là  même  contre  le  sentiment 
dominant  de  sa  création  qui  était  tout  d'avenir. 

Le  10  mai  1707,  il  fit  la  première  concession  de  terre  en 
vertu  de  ses  droits  seigneuriaux,  à  François  Fafard  de 
Lorme.  Le  lopin  de  terre  concédé  était  d'environ  400 
pieds  de  large,  sur  4000  de  long.  De  Lorme  devait  payer 
annuellement,  le  20  mars,  cinq  livres  de  rente,  commencer 
le  défrichement  de  sa  terre  dans  un  délai  de  trois  mois  et 


Bill 


'  Bapport  d'Aigremont,  Sheldon,  Early  Hist.  of  Mich. 


CADirj.Ar    DEVIENT   SKIONEl'Il 


97 


faire  inoluli'o  hoii  ij!;ruiii  an  nioulhi  haiial.  Il  lu'  pouvait 
vendre  au  terre,  ni  l'engager  «ann  la  [lermirtsicMi  du  seigneur  ; 
et  en  cas  «le  vente,  Ca<lillai'  avail  le  premier  «Iroit  <1'ae)iat. 
II  n'engageait  eneore  à  fournir  «lu  bois  p«)ur  «les  vaisjseaux 
ou  les  fortifieations  «juan<l  il  en  serait  re«iuis  ;  à  ne  pas  tra- 
vailler coninie  torger«m,  armurier,  toillan«lier  on  brasseur 
sans  avoir  une  lieen«re  s[K'eiale.  En  [«ayant  un  «lr«)it  a«l«litionel 
«le  dix  livres  par  an,  il  avait  le  «Iroit  (rimp«>rter  des  nu>r- 
ehandises,  nuiis  il  ne  pouvait  pas  employer  «Vautres  eommis 
que  e«'ux  résidant  à  Détroit  ;  et  il  ne  [>ouvait  pas  veiulre 
d'eau-de-vie  aux  Sauvages.  11  avait  le  privilège  «le  traiter, 
de  chasser  et  «le  pèelier,  mais  il  ne  pouvait  tuer  le  lièvre, 
le  lapin,  la  penlrix  ou  le  faisan. 

Cadillac  e«)ncédait  aussi  «U's  terres  «Vune  pendie  de  fr«»nt 
sur  la  rivière  sur  vingt  perches  «le  profondeur.  lia  rente 
était  «le  deux  francs  «lix  s«)us.  Les  habitants  dans  le  fort 
payaient  deux  sous  «le  rente  annuellement  [lar  pie«l  «le  fr«)Mt 
pour  leurs  l«>ts  ;  et  le  «l«>uble  «le  cette  s«)mme  «piand  le  l»tt 
faisait  face  sur  «lenx  rues.  T«)us  les  habitants  étsiient  obli- 
gés de  payer  la  taxe  de  dix  livres  par  an  [nniv  le  privilège 
«le  commercer  avec  les  Sauvages.  Vi\  forgeron  n«>mmé 
Parent  était  obligé  de  payer  pour  le  [trivilège  d'exercer  s«>n 
métier  la  somme  «le  six  cents  francs  par  an  et  «leux  bari- 
ques  de  bière,  outre  l'obligation  «le  ferrer  tous  les  chevaux 
de  Cadillac.  Il  est  vrai  «[u'à  cette  épcM^ue  celui-ci  n'avait 
(ju'un  cheval.  Un  armurier  nommé  l'inet  était  retiuis  de 
payer  trois  cents  francs  et  «le  réparer  «louze  fusils  par  mois 
pour  le  même  privilège.  Tour  moudre  le  grain,  Cadillac 
exigeait  le  huitième  minot,  tandis  que  dans  les  autres 
parties  du  Canada  le  quatorzième  seulement  était  requis. 

Cadillac  faisait  encore  un  florissant  commerce  d'eau-de- 
vie,  qu'il  achetait  k  quatre  frantts  la  pinte  et  qu'il  reven- 
dait vingt  francs.  Afin  de  prévenir  les  désordres,  Cadillac 
gardait  cette  eau-de-vie  au  magasin.  Tous  ceux  (jui  en 
voulaient  «levaient  l'aller  boire  h\.    Ils  n'en  pouvaient  obte- 


98 


LES   CANADIENS   DU   MICIIIGAN 


ilir  nue  k»  vingt-quatriëme  d'une  pinte  h  la  fois.  De  plus 
un  seul  pouvait  s'approcher  de  la  boisson  à  la  fois,  de  sorte 
que  les  jours  de  fête  beaucoup  des  aspirants-buveurs  étaient 
obligés  de  s'en  retourner  sans  avoir  goûté  le  breuvage  tant 
désiré,  et  les  chroniques  du  temps  nous  assurent  qu'ils  en 
étaient  si  mortifiés,  qu'ils  semblaient  prêts  à  se  donner  la 
mort. 

Enfin  Cadillac  faisait  travailler  les  Sauvages  et  les  sol- 
dats sur  ses  terres  sans  rémunération.' 

Les  plaintes  s'élevaient  de  toutes  parts.  La  querelles 
avec  les  Jésuites  menaçaient  d'un  autre  côté  de  se  ranimer 
avec  plus  de  violence  que  jamais. 

Le  roi  n'avait  pas  approuvé  que  les  missionnaires  eussent 
abandonné  Michilimackinac  et  il  leur  avait  donné  l'ordre 
dès  1706  d'y  retourner,  en  expliquant  qu'il  ne  prétendait 
pas  (j[ue  ce  rétablissement  se  fit  à  ses  dépens  ni  qu'il  lui  en 
coûtât  rien  sous  (pielque  prétexte  que  ce  fût.* 

L'ordre  était  assez  étrange  vu  que  depuis  plusieurs  années 
la  Cour  avait  favorisé  la  transmigration  des  Sauvages  de 
Michilimackinac  à  Détroit.  Néanmoins,  il  valait  mieux 
obéir,  et  le  p^re  Joseph  T.  Marest  partit  avec  le  père  Char- 
don. Marest  resta  à  Michilimackinac  comme  supérieur  des 
missions  des  pays  d'en  haut,  le  père  Chardon  fonda  une 
mission  chez  les  Pouteoutamis. 

Les  Outaouas,  après  les  difficultés  qu'ils  avaient  eues  à 
Détroit,  étaient  revenus  à  leur  ancien  v'iY,    ^e. 

Michilimackinac,  au  reste,  n'avait  jamais  été  complète- 
ment abandonné.  Les  coureurs-de-bois  avaient  une  si 
grande  prédilection  pour  cet  endroit,  qu'ils  s'y  attachaient 
en  dépit  de  tout.  De  1700  à  1704,  nous  y  constatons  la 
présence  de  Laurent  Benaud,  Plumarais  Bena'ud,  Paul  Tes- 
sier,  Jean  Brunet  dit  l'Estang,  Toussaint  Potier,  La  Ver- 


>  Rapport  d'Aigremont,  Sheldon,  Ëarly  Higt  of  Michigan. 
=*  Le  roi  à  Vaudreail  et  Raadot,  9  juin  1706. 


mm 


CADILLAC   DEVIENT   SEIGNEUR 


99 


duro,  François  Lamonrcux  dit  St-Germain,  Joseph  Cuillo- 
rier  et  un  nommi^  Momn,  ([iii  a  donne  sou  nom  à  deux 
baies  près  de  la  Pointe  Saint-Ignace. 

En  1706,  le  sieur  Boudor  ot  huit  autres  trafiquants  eurent 
permission  du  gouverneur  de  monter  à  Michilimackinac  pour 
y  reconduire  des  ambassadeur  sauvages  et  aller  chercher 
leurs  marchandises.  La  moitié  seulement  revinrent.  Bien 
qu'il  y  eût  défense  aux  habitants  d'entretenir  aucun  com- 
merce avec  les  coureurs-de-bois,  il  se  trouvait  toujours 
quelques  marchands  complaisants  qui  leur  fourni.^saiont  les 
articles  nécessaires  à  leur  trafic.  Durant  1707  ti(>l!=!  ou 
quatre  marchands  de  Montréal  furent  condamnés  à  de  iortes 
amendes  pour  s'être  prêtés  à  ce  commerce  illicU  . 

En  1706,  quand  la  guerre  éclata  entre  les  bt»uvagos  d" 
Détroit,  les  ^"fi' çais  qui  se  trouvaient  à  MichilimaoUnac 
construisirent  un  nouveau  fort  pour  so  protéger.  D'Ai- 
gremoiic  en  1708  porte  leur  nombre  à  une  quinzaine  et  dit 
qu'ils  seraient  morts  de  faim  si  de  temps  à  autre  un  canot 
n'était  venu  du  Canada,  sous  un  prétexte  ou  sous  un  autre, 
pour  faire  la  traite,  en  dépit  des  défenses  du  roi. 

Cadillac  avait  profité  de  la  coïncidence  du  retour  des 
Jésuites  et  celui  des  Outaouas  à  Michilimackinac  pour  insi- 
nuer que  les  Pères  étaient  au  fond  de  tous  les  troubles  de 
Détroit  ;  et  il  prétend  que  c'était  encore  eux  qui  empê- 
chaient les  Sauvages  de  venir  à  Détroit. 

Le  roi  voulut  enfin  savoir  le  fin  mot  de  l'affaire.  Il  dé- 
puta le  sieur  Clérambault  d'Aigremont  pour  se  rendre  à 
Détroit  et  à  Michilimackinac  et  s'assurec  sur  les  lieux  du 
véritable  état  des  choses.  Son  rapport  fut  défavorable  à 
Cadillac,  et  le  roi  décida  de  retirer  la  garnison  qu'il  entre- 
tenait à  Détroit  et  de  laisser  le  fondateur  de  ce  poste  à  ses 
propres  ressources,  sans  aucuns  privilèges  sur  les  autres  ha- 
bitants du  Canada  et  sujet  aux  lois  et  aux  règlements  du 
pays." 


>  Pontchartrain  à  d'Aigremont,  6  juillet  1709,  N.Y.  Col.  Doc.,  vol.  IV. 


1«0 


LES   CAÎ*  \DIENS   DU   MIOHIGAN 


II! 


Dang  l'automne  de  1709,  la  garnison  de  Détroit  fut  doue 
retirée.  Toutefois  une  bonne  partie  des  soldats  avaient 
déjà  décidé  de  s'y  établir,  et  ils  obtinrent  facilement  leur 
décharge. 

La  suppression  des  secours  du  roi  fut  un  dur  coup  pour 
Cadillac,  qui,  du  reste,  commençait  à  perdre  les  illusions 
qui  l'avaient  soutenu  dans  ses  luttes.  Tous  ses  rêves  de 
gloire  et  de  grandeur  s'étaient  envolés  et  il  voyait  sa  posi- 
tion telle  qu'elle  était,  pleine  de  privations  et  sans  espoir 
d'amélioration  avant  de  longues  années.  Tl  demanda  un 
autre  emploi,  et  le  6  mai  1710,  il  fut  nommé  gouverneur  de 
la  Louisiane.  Cadillac  passa  toute  l'année  1710  à  Détroit, 
et  il  ne  partit  qu'à  la  fin  de  l'année  suivante,  après  avoir 
soulevé  des  difficultés  à  son  successeur,  le  sieur  de  Lafo- 
rest.  Cadillac  ne  fut  pas  plus  heureux  en  Lousiane  qu'il  ne 
l'avait  été  dans  le  Michigan.  Il  se  brouilla  avec  tout  le  monde, 
et  administra  si  mal  les  affaires,  qu'il  fut  rappelé  en  1716, 
en  pleine  disgrâce.  Au  printemps  de  17 17,  il  retourna  en 
France,  et  eut  l'honneur  d'être  mis  à  la  Bastille,  d'où  il  ne 
sortit  que  le  6  février  1718.' 

Il  eut  pourtant  assez  d'influence  pour  se  relever,  et  il  obtint 
en  1722  d'être  nommé  gouverneur  de  Castelsarrasin.  Sa 
commission  fut  enregistrée  à  Castelsarrasin  le  9  septembre 
1723.  C'est  dans  cette  ville,  près  de  son  village  natal  que 
Cadillac  mourut  le  15  octobre  1730.  Il  fut  inhumé  dans 
l'église  des  Carmélites,  qui  fut  saccagée  en  1793,  et  l'on 
ignore   aujourd'hui   l'endroit  où  se  trouvent  ses  cendres.'' 

Pendant  longtemps,  Cadillac  et  sa  famille  eurent  l'idée 
de  rentrer  en  possession  de  Détroit  et  du  privilège  exclusif 
d'y  faire  le  commerce.  En  1732,  son  fils  aîné  obtint  un  dé- 
cret du  roi  reconnaissant  ses  droits  aux  terres  du  fort  Pon- 
chartrain,  mais  cet  ordre  ne  fut  pas  suivi  d'exécution.     En 

'  MargiTi  vol.  V.,  page  679. 
"  Farmer,  Hiitory  oi  Détroit. 


CADILLAC   DEVIENT   SEIGNEUR 


101 


j 767,  ce  fils,  Antoine,  était  à  Détroit,  espérant  peut-être 
obtenir  quelque  chose  du  gouvernement  anglais.  Plus 
tard,  en  1790,  Madame  Grégoire,  petite-fille  de  Cadillac, 
était  à  Boston.  Elle  nous  a  laissé  une  lettre  dans  laquelle 
elle  exprime  ses  regrets  d'être  venue  en  Amérique  où  elle 
n'a  trouvé  que  la  misère.' 

'  Historical  Magazine,  vol.  4,  p.  IMO. 


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II! 

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II 


CHAPITRE  VIII. 


LA  GUERRE  DES  RENARDS. 

Avant  (l'ai  d-ndonner  Détroit,  Cadillac  paraît  avoir  fait 
tout  en  son  pouvoir  pour  défaire  son  propre  ouvrage.  La 
plus  grande  partie  des  familles  qui  étaient  venues  s'y 
établir  à  son  appel  se  retirèrent  du  poste  en  même  temps 
que  lui  ;  il  n'en  resta  guère  qu'une  dizaine  qui  firent  sou- 
che et  dont  les  descendants  se  retrouvent  encore  dans  les 
environs.  Il  fut  sérieusement  question  d'abandonner  com- 
plètement le  Détroit.  Un  sieur  de  Rémonville  fit  un  mé- 
moire pour  montrer  l'avantage  qu'il  y  aurait  défaire  passer 
les  colons  de  ce  poste  en  Louisiane.  D'un  autre  côté  les 
gouvernants  de  la  Nouvelle-France  travaillaient  active- 
ment pour  obtenir  la  permission  de  rétablir  Michilimaekinac. 
L'intendant  Raudot  qui  dut  passer  en  France  en  1710  avait 
pour  mission  spéciale  d'expliquer  l'importance  de  ce  fait 
au  ministre.  D'Aigremont,  l'envoyé  spécial  du  roi  écrivait 
aussi  en  faveur  du  rétablissement  des  congés  pour  la  traite. 
La  cour  était  lasse  de  cette  question,  et  peut-être  avec 
raison.  Pour  le  moment  elle  ne  rendit  aucune  décision. 
Sans  attendre  ses  ordres,  toutefois,  Vaudrenil  avait  envoyé 
durant  l'été  de  1710,  Pierre  D'Ailleboust  d'Argenteuil  en 
mission  spéciale  au  Saut  Ste-Marie  et  à  Michilimaekinac. 
Cet  officier  qui  avait  servi  pendant  près  de  vingt  ans  dans 
l'Ouest,  mourut  l'année  suivante.  De  Louvigny  lui  suc- 
céda d'abord,  puis  en  1712  le  sieur  de  Liguery  fut  envoyé 
pour  prendre  le  commandement  à  Michilimakinac.  En 
même  temps,  Bissot  de  Vincennes  retournait  chez  les 
Miamis  de  la  rivière  Saint-Joseph. 


104 


LES    CANADIENS   DU    MTCHIOAN 


La  F(>re«t,  qui  avait  été  nommé  pour  succéder  à  Cadillac, 
<Hant  retenu  à  Québec,  le  sieur  Dubuisson  avait  élé  envoyé 
p«>ur  ccmimander  h  Détroit.  , 

Vers  ce  temps  les  Outagamis  ou  Renards,  "  un  ennemi 
aussi  franc  que  les  Troquois,  moins  politique  et  beaucoup 
plus  féroce,"  formaient  un  complot  avec  les  Cinq  Nations  et 
les  Anglais  pour  chasser  les  Français  de  Détroit.  Les  Mas- 
coutins  et  les  Kikapous  entrèrent  aussi  dans  la  confédéra- 
tion. 

Afin  d'accomplir  leur  projet  les  Renards  envoyèrent  deux 
de  leurs  chefs  cani[ter  près  du  fort  Ponchartrain  dans  le 
but  ostensible  de  faire  la  traite,  mais  en  réalité  pour  sur- 
veiller les  Français  et  préparer  l'attaque.  Dubuisson 
ayant  deviné  leur  intention,  leur  refusa  la  permission 
de  s'établir  à  Détroit  ;  mais  ils  campèrent  en  dépit  de  son 
o[)position,  ne  perdant  jamais  une  occasion  de  se  montrer 
insolents  à  son  égard.  Dubuisson  n'avait  avec  lui  qu'une 
trentaine  de  Français  ;  il  était  en  outre  nécessaire  de  faire 
les  semailles  et  de  paître  les  bestiaux  ;  les  Outaouas  et  les 
Hurons  n'étaient  pas  revenus  de  leur  chasse  :  il  fallait  bien 
subir  avec  patience  les  insultes  de  ces  barbares.  Plus  ils  se 
voyaient  redoutés,  plus  les  Renards  devenaient  hardis. 
Une  de  leurs  bandes  poursuivit  les  Français  jusque  dans 
le  fort.  Il  n'y  avait  plus  à  hésiter;  Dubuisson  mit  son 
monde  sous  les  armes  et  força  les  assiégants  de  s'éloigner 
immédiatement  du  fort. 

Les  Français  étaient  instruits  de  tout  ce  qui  se  passait 
dans  le  camp  des  ennemis  par  un  Sauvage  qui  les  avait 
laissés  pour  venir  demeurer  avec  les  Français.  Cet  espion 
leur  assura  que  ses  compatriotes  n'attendaient  que  l'arrivée 
de  leurs  alliés,  le  Mascoutins  et  les  Kikapous,  pour  livrer 
l'assaut.  Dubuisson  prit  ses  mesures  en  conséquence,  fit 
démolir  l'église  et  employa  les  matériaux  à  renforcer  les  for- 
tifications. Il  envoya  aussi  des  messagers  dans  toutes  les 
directions  poui;  hâter  le  retour  de  ses  alliés. 


^^^WFf^FT^lTf 


LES   GUERRE   DES    RENARDS 


106 


Le  13  mai  le  sieur  Viiicenne»  arriva  des  Mianiis  sans 
nouvelles  de  nos  Sauvages.  La  situation  devenait  critique. 
La  consternation  était  parmi  les  habitants  qui  se  voyaient 
déjà  la  proie  des  plus  cruels  ennemis  qui  les  cernaient 
Le  Renard  chrétien  qui  agissait  comme  espion  vint  mettre 
le  comble  à  leur  terreur  en  leur  annonçant  que  les  Outaouas 
ayant  attaqués  et  massacrés  une  bande  de  Mascoutins  à 
Saginaw,  ceux  de  cette  dernière  «ation  qui  entouraient 
Détroit  avaient  décidés  de  se  venger  immédiatement  sur  les 
Français. 

A  ce  moment  Vincennes  fut  appelé  au  fort  des  Hurons 
où  il  apprit  que  six  cents  guerriers  arriveraient  bientôt  pour 
secourir  le  fort  Ponchartrain. 

Dubuisson  fit  fermer  les  portes  du  tort,  divisa  sa  petite 
garnison  en  quatre  brigades,  assigna  à  chacune  son  poste, 
plaça  deux  petits  canons  qu'il  avait,  passa  en  revue  les  hom- 
mes et  puis  attendit  avec  anxiété. 

Peu  de  temps  après  on  vint  lui  dire  qu'une  multitude  de 
guerriers  apparaissait  sur  la  lisière  du  bois.  Les  vieux 
eoureurs-de-bois  purent  en  quelques  instants  reconnaître  les 
différentes  nations  ;  c'était  d'abord  le  fidèle  chef  outaoua 
Saguina,  qui  a  donné  son  nom  à  une  des  plus  grandes 
rivières  et  à  l'une  des  plus  belles  villes  du  Michigan  ;  c'était 
ensuite  les  Pouteouatamis,  les  Sacs  et  les  Menomeuies, 
venus  du  nord  ;  les  Missouris  et  les  Osages  des  vastes  plai- 
nes de  l'intérieur  et  après  eux  des  guerriers  d'autres  nations 
encore  plus  éloignées.  Et  chacun  de  ces  six  cents  guer- 
riers avait  rivalisé  avec  tous  les  autres  pour  se  donner  l'ap- 
parence la  plus  terrible,  la  plus  hideuse.  Presque  nus, 
graissés  de  la  tête  aux  pieds  d'huiles  et  de  suif,  couverts  de 
suie  et  de  vermillon,  ils  s'avançaient  tous,  criant,  chantant, 
vociférant  pour  se  mettre  du  courage  au  ventre,  gesticulant 
d'une  manière  fantastique  pour  exprimer  leur  zèle  et  leur 
haine.  Et  pourtant  cette  bande  qu'à  demi-hnnuûne, 
hideuse,  bruyante,  puante,  repoussante,  c'était  la  vie,  le 
salut  pour  les  pauvres  colons  de  Déti-oit. 


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LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


L'immense  cohue  se  rendit  directement  au  fort  des 
Huronspour  camper  ;  mais  ceux-ci,  instruits  par  les  Français, 
voulurent  profiter  de  la  première  ardeur.  "  Les  affaires 
sont  trop  pressantes,"  dirent-ils,  "il  faut  immédiatemeut 
nous  rendre  au  fort  de  notre  frère,  et  combattre  pour  lui. 
Il  a  toujours  eu  pitié  de  nous,  il  nous  aime,  il  faut  vaincre 
ou  mourir  pour  lui.  Et  ne  voyez-vous  pas  ce  feu.  Ce  sont 
les  flammes  de  ton  village,  Saguina,  qui  brûlent  en  ce 
moment,  et  ta  femme  est  parmi  elles." 

A  l'instant  même  six  cents  poitrines  poussèrent  le  ter- 
rible cri  de  guerre  et  les  six  cents  guerriers  s'ébranlèrent 
dans  la  direction  du  fort  Ponchartrain. 

Les  Renards,  qui  étaient  à  portée  de  fusil,  répondirent 
par  leur  cri  de  défi  et  la  fusillade  commença. 

Les  Renards  et  leurs  alliés  étaient  complètement  bloqués 
dans  leur  village  et  ne  pouvaient  se  procurer  ni  vivres  ni 
eau.  Bubuisson  avait  fait  faire  deux  plates-formes  de  vingt 
pieds  de  hauteur  ;  et  pour  se  protéger  contre  les  décharges 
meurtrières  que  les  soldats  faisaient  sur  eux  de  cette  hau- 
teur, les  assiégés  avaient  été  obligés  de  creuser  des  fossés 
de  quatre  ou  cinq  pieds  de  profondeur,  dans  lesquelles  ils 
se  réfugiaient.  Nos  alliés  sauvages  allaient  se  poster  à  la 
lisière  du  bois  où  ils  faiisaient  chaque  jour  prisonniers  un  bon 
nombre  de  Mascoutins  au  de  Kikapous  qui  étaient  venus 
pour  rejoindre  leurs  gens,  ignorant  leur  position.  Ces  pri- 
sonniers étaient  conduits  au  fort  Ponchartrain,  où  les  alliés 
s'amusaient  à  les  percer  de  flèches  ou  de  balles  et  ensuite  à 
les  faire  brûler. 

Au  bout  de  quelques  jours,  les  assiégés  engagèrent  des 
pourparlers  avec  nos  alliés  ;  niais  Dubuison  s'étant  aperçu 
qu'ils  profitaient  de  la  suspension  des  hostilités  pour  se  ra- 
vitailler fit  promptement  rouvrir  le  feu  avec  plus  de  vigueur 
que  jamais. 

J^éanmoins  les  assiégés  réussirent  à  prendre  possession 
d'une  maison  qui  était  restée  debout,  et,  à  l'abri  du  feu 


il 


mm 


LA    GUERRE    DES    RENARDS 


107 


(les  Français,  ils  érigèrent  eux  aussi  une  plateforme  tle 
laquelle  ils  pouvaient  décharger  leurs  flèches  dans  le 
fort  Dubuisson  amena  ses  canons  à  porter  sur  cette  plate- 
forme ;  et  quelque  temps  après  elle  s'écroulait,  enterrant 
dans  ses  débris  plusieurs  guerriers  qui  y  étaient  montés. 

Ce  nouvel  échec  amena  les  Renards  à  demander  une 
autre  conférence,  qui  leur  fut  aiccordée  par  Dubuisson,  mais 
cette  fois  ce  furent  les  Sauvages  alliés  des  Français  qui  re- 
fusèrent de  les  écouter.  Les  assiégés  parurent  exaspérés 
au  plus  haut  point  par  ce  refus.  Le  combat  recommença 
avec  une  fureur  nouvelle.  Les  Renards  imaginèrent 
alors  d'attacher  des  matières  enflammées  au  bout  de  leurs 
flèches,  et  ils  firent  des  décharges  si  rapides  qu'un  grand 
nombre  de  ces  projectiles  brûlants  tombaient  continuelle- 
ment dans  le  fort  Ponchartrain.  Comme  les  toits  étaient 
d'écorce  ou  de  tourl>e  sèches,  plusieurs  incendies  se 
déclarèrent.  C'était  quelque  chose  d'imprévu  et  de 
dangereux.  Il  y  avait  peu  do  moyens  de  combattre  le 
feu  à  cette  époque,  surtout  dans  les  postes  éloignés. 
Néanmoins  Dubuisson  ne  perdit  pas  la  tête.  En  peu  de 
temps  il  fit  couvrir  les  maisons  de  peaux  d'ours.  Pour  plus 
de  sûreté  deux  grands  canots  furent  remplis  d'eau,  et 
aussitôt  qu'on  apercevait  un  commencement  d'incendie  on 
l'étoufifait  promptement  avec  des  torchons  mouillés,    v 

Néanmoins,  ces  diflicultés  et  la  résistance  désespérée  des 
Renards,  avaient  découragé  les  alliés  des  Français  qui 
n'étaient  pas  habitués  k  faire  la  guerre  avec  tant  de 
persistance.  Les  Français  eux-mêmes  commençaient  à  se 
décourager  et,  voulaient  se  retirer  à  Michilimakinac. 
Pendant  quatre  jours  et  quatre  nuits  Dubuisson  ne  prit  ni 
nourriture  ni  repos,  s'employant  continuellement  à  ranimer 
les  courages  et  à  mieux  diriger  les  efforts.  Le  succès 
vint  enfin  récompenser  sa  persévérance.  Les  Renards  et 
leurs  alliés,  réduits  à  la  dernière  extrémité  et  ne  pouvant 
obtenir  des  conditions  de  capitulation,  profitèrent  d'une 
nuit  orageuse,  la  dix-neuvièmi  du  siège,  pour  décamper. 


108 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


SiiPlli 


Leur  départ  ne  fut  découvert  que  le  lendemain.  La 
fuite  de  l'ennemi  avait  remis  l'ardeur  au  cœur  de  nos  alliés 
sauvages  et  ils  se  lancèrent  joyeusement  à  sa  poursuite,  con- 
duits par  Vincennes  et  quelques  Français. 

Les  Renards  s'étaient  retranchés  à  environ  cinq  milles 
au  nord  du  fort  Ponchartrain,  à  l'endroit  aujourd'hui  ap- 
pelé Grosse  Pointe.  Vincennes  donna  l'assaut  avec  ses 
sauvages  ;  mais  il  fut  si  chaudement  reçu  qu'il  dût  se  re- 
tirer aprës  avoir  eu  une  vingtaine  de  guerriers  tués.  Un 
deuxième  siège  fut  commencé.  Pendant  quatre  jours 
encore  les  Renards  et  les  Mascoutins  se  défendirent  avec 
l'énergie  du  désespoir.  Mais  enfin,  minés  par  la  faim,  rom- 
pus par  la  fatigue,  ils  succombèrent.  Pas  un  seul  ne  fut 
épargné.  Les  femmes  et  les  enfants  furent  ramenés  au  fort 
Ponchartrain  par  nos  alliés  triomphants  qui  s'amusèrent 
pendant  plusieurs  jours  à  les  torturer. 

"  C'est  de  rette  manière  que  périrent,"  écrit  Dubuisson 
lui-même,  "  deux  méchantes  nations  qui  avaient  tant  affligé 
et  troublé  tout  ce  pays.  Notre  révérend  Père  chanta  une 
grand'messe  pour  rendre  grâce  à  Dieu  de  nous  avoir  pré- 
servés de  l'ennemi. 

"Nos  sauvages,"  dit-il  plus  loin,  "ont  perdu  soixante 
hommes  tués  ou  blessés,  <U>nt  trente  furent  tués  dans  le 
fort  ;  et  un  Français  nommé  Germain  et  cinq  ou  six  autres 
furent  blessés  par  des  flèches.  L'ennemi  perdit  un  mille 
âmes,  hommes  femmes  et  enfants."  ' 

Quelques  jours  après  le  massacre  des  Renards,  François 
Daupin,  sieur  de  la  Forest,  arriva  pour  prendre  le  comman- 
dement de  Détroit.     Le  nouveau  co  mmandant  avait  plus 


'  Vnirlt)  rapport  de  Dubuisson  «iaté  15  juiu  171*2,  «lans  Siniili,  lliritory 
(•f  Wi<4coiiRin.  vol.  III.  Dans  un  mémoire  attribué  t\  M  iIh  Léry,  publié 
rliiis  le  premier  volume  de  la  "  Collei-tion  de  docii>neiits  Hur  la  Nnuvellt^* 
France,"  la  reepou8abilité  de  cette  guerre  e^t  rojetéa  sur  les  Hurona  et  les 
OutaouiS,  que  l'on  repréoeote  comme  uyunt  cuuapiré  pour  détruire  leti 
KenarJs. 


LA  GUERRE  DBS  RENARD.4 


109 


de  trente  année»  d'expérience  dans  l'Ouest,  ayant  com- 
mencé la  vie  en  Amérique  «ous  les  ordren  de  Cavelier  de 
La  Salle,  qu'il  servit  à  travers  la  mauvaise  comme  la  bonne 
fortune  avec  une  rare  fidélité.  En  1690  il  était  devenu 
propriétaire  avec  Tonti  du  fort  fondé  par  le  grand  explora- 
teur aux  Illinois.  Quand  l'édit  contre  les  cour«Mirs-de-bois 
fut  publié  en  1697,  une  clause  spéciale  fut  insérée  pour  per- 
mettre à  Tonti  et  la  Forest  d'envover  deux  canots  et  douze 
hommes  chaque  année  à  leur  fort.  En  1702  la  Forest  reçut 
ordre  de  revenir  au  Canada.  Il  mourut  h  Détroit  en  1714, 
et  on  connaît  tr^s-peu  de  chose  de  son  administration.  Il 
fut  remplacé  par  Jacques-Charles  Sabrevois.  Ce  gentil- 
homme descendait  d'une  des  meilleures  familles  de  la  Beauce, 
où  il  était  né  en  1667.  Il  était  venu  en  Canada  comme 
lieutenant  dans  la  compagnie  de  M.  de  Muy  et  il  s'était 
marié  à  Boucherville  en  1695.  Il  servit  avec  distinction 
contre  les  Anglais  et  les  Sauvages.  Il  garda  le  commande- 
ment de  Détroit  jusqu'en  1717.  En  1718  il  fut  fait  che- 
valier de  Saint-Louis.  Il  mourut  major  «le  Montréal  en 
1727. 

En  1714,  Michilimackinac  fut  rétabli  par  de  Vaudreuil  et 
Louvigny  y  fut  envoyé  avec  une  garnison  d'une  vingtaine 
d'hpmmes.  En  envoyant  cette  garnison  l'on  se  proposait 
de  rassembler  les  Sauvages  à  Michilimackinac  et  de  les  con- 
trôler, et  aussi  de  réduire  à  l'obéissance  une  quarantaine  de 
coureurs-de-bois  qui  avaient  déclaré  leur  indépendance 
des  lois. 

Le  poste  de  Kamistigoya,  à  l'extrémité  ouest  du  lac  Supé- 
rieur, existait  encore,  et  jusqu'à  1721  il  fiit  sous  les  ordres 
de  Zacharie  Lanoue. 

En  1715  une  partie  des  Miamis  de  la  riviëre  Saint-Joseph 
allèrent  s'établir  sur  la  rivière  Maumee  près  du  site  actuel 
de  fort  "Wayne,  dans  Tlndiana.  Vincennes,  qui  comman- 
dait chez  eux,  les  suvit.     Il  avait  aussi  un  village  de  Mia- 


Pi    I 


110 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


mis  Ouyatanons  sur  la  rivière  Wabash  qui  fut  placé  sous 
les  ordres  de  Dubuisson  en  1716. 

Dubuisscn  et  Vineennes  n'avaient  extermine  qu'une 
partie  des  Renards  et  des  Mascoutins  h  Détroit.  Ces 
nations  et  leurs  alliées  comptaient  encore  environ  cinq  cents 
guerriers  établis  danw  le  Wisconsin,  sur  la  rivière  qui  porte 
aujourd'hui  le  nom  de  Fox  ;  et  aussitôt  qu'elles  apprirent 
ce  qui  s'était  passé  à  Détroit,  elles  se  mirent  en  campagne 
pour  venger  les  morts.  Michilimackinac  était  menacé  ;  les 
voyageurs  et  nos  alliés  sauvages  risquaient  leur  vie  dans  le 
moindre  voyage. 

Le  gouverneur-général,  de  Vaudreuil,  considéra  d'abord 
cet  état  de  chose  à  un  point  de  vue  philosophique.  "Je  ne 
sais  même  par  rapport  à  nos  véritables  intérêts,"  écrivait- 
il,  "  s'il  n'est  pas  à  souhaiter  que  la. guerre  avec  les  nations 
d'en  haut  dure  encore  quelques  années  plutôt  que  de  faci- 
liter aux  Anglais  les  moyens  de  se  les  attirer,  comme  ils  en 
prennent  le  chemin.  C'est  une  réflexion  du  Père  Marest, 
missiotmaire  à  Michilimackinac,  qu'il  y  a  longtemps  que 
j'ai  faite  moi-même."  ' 

Mais  la  situation  devint  bientôt  intolérable  et  Vaudreuil 
chargea  de  Louvigny  d'organiser  une  expédition  contre 
les  Renards.  Louvigny  partit  de  Montréal  au  printemps 
de  1714  à  la  tête  de  huit  cents  hommes.  Afin  de  contenter 
nos  alliés  sauvages,  il  avait  ostensiblement  l'ordre  d'exter- 
miner les  Renards  et  leurs  alliés  jusqu'au  dernier  ;  mais 
secrètement  il  avait  reçu  instruction  de  ne  pas  pousser  la 
campagne  plus  loin  qu'il  n'était  nécessaire  pour  obtenir 
des  conditions  de  paix  avantageuses.  Louvigny  trouva 
l'ennemi  retranché  sur  une  éminence  appelée  Butte-aux- 
Morts.  Comme  il  avait  emmené  du  canon,  il  commença  un 
siège  en  règle.  La  lutte  dura  plusieurs  jours.  Finalement 
les  Renards  acceptèrent  les  conditions  de  Louvigny,  qui 


'  Vaadreail  au  ministjre  16  septembre  1774. 


LA    «lUERKE    DES    RENARDS 


111 


étaient  de  doniier  les  nix  fils  aiiiéH  de  leurs  six  principaux 
chefs  comme  garantie,  qu'ils  descendraient  tous  à  Québec 
l'année  suivante  pour  ratifier  la  paix.  Les  six  otages  furent 
conduits  à  Québec.  Malheureusement  quatre  d'entre  eux 
moururent  de  la  petite  vérole  durant  l'hiver.  Louvigny 
partit  au  mois  de  mai  suivant  pour  aller  expliquer  cette  ca- 
tastrophe aux  Renards,  amenant  avec  lui  un  des  survivants, 
pour  témoigner  que  les  soins  n'avaient  pas  manqué  à  ses 
compagnons.  Les  Renards  parurent  accepter  les  explica- 
tions ;  mais  ils  ne  descendirent  jamais  pour  ratifier  la  paix. 
Au  contraire  ils  s'allièrent  aux  Sioux  et  continuèrent  la 
guerre  avec  vigueur.  D'un  autre  côté,  Louvigny  avait  for- 
tement mécontenté  nos  alliés  sauvages  en  n'exterminant 
pas  les  Renards.  ' 

La  situation  restait  donc  la  même,  et  pendant  vingt  ans 
les  Renards  furent  la  cause  d'innombrables  massacres. 
TJn  autre  traité  conclu  en  1726  à  la  baie  Verte  resta  aussi 
sans  eflfet.  En  1728  de  Lignery,  et  en  1730  Coulon  de 
Villiers,  conduisirent  des  expéditions  contre  les  Renards, 
et  leur  tuèrent  beaucoup  de  monde.  Enfin  en  1733  cette 
tribu  fut  presque  exterminée. 

'  Voir  la  lettre  de  Louvitçny,  14  octobre  1716  ;  Vaudreuil  au  ininistrei 
30  octobre  1716. 


ii^^-' 


I  ! 


OHAIMTRK  rX. 


ALPHONSE  DE  TONTI. 


Le  A  juillet  1717,  Alphonne  de  Tonti,  (jni  avait  com- 
inuixlt^  en  second  hou»  Cadillac,  arriva  à  Détroit  pour  pren- 
dre le  commandement  en  chef.  Cet  officier,  italien  d'ori- 
gine, frère  du  co'^pagnon  de  La  Salle,  était  né  en  IHâO.  11 
avait  conquis  scb  rades  en  Canada  <lans  les  expéditions  de 
l'Ouest. 

Tonti  avait  obtenu  le  monopole  du  commerce  de  Détroit 
à  la  condition  de  ne  pas  étendre  ses  opérations  au-delà  «lu 
poste.  En  chemin,  sur  le  lac  Ontario,  il  rencontni  neuf 
canots  de  Sauvages  de  Michiliraackinac,  de  Saginaw  et  de 
Détroit  qui  s'en  allaient  porter  leurs  fourrures  à  Albany, 
et  sur  le  lac  Erié  il  en  rencontra  dix-neuf  autres  (pii  allaient 
dans  la  même  direction. 

En  prodiguant  les  belles  promesses  il  réussit  h  se  faire 
suivre  à  Détroit  par  ces  sauvages.  Là,  afin  de  les  contenter, 
il  força  les  marchands  à  réduire  le  prix  de  leurs  nnii'chan- 
dises  et  en  outre  fit  distribuer  trois  pintes  d'eau-dc-vie  à 
chaque  sauvage.  ' 

Les  commandants  de  l'Ouest  persistaient  toujours  à  <lire 
que  l'eau-de-vie  était  le  seul  moyen  de  retenir  les  Sauvages, 
mais  le  gouvernement  français  resta  ferme  dans  sa  décision 
de  ne  plus  permettre  le  commerce  de  cette  boisson.  Le 
gouverneur-général  Vaudreuil  adopta  alors  le  plan  d'établir 
autant  de  postes  que  possible  chez  les  Sauvages  afin  de 
maintenii-  ces  peuples  sous  contrôle.     Le  sieur  de  Monti- 


'  Rappoit  de  Tonty,  Slieldon,  Early  Hist.  of  Michigan. 


Illiil 


i 


I 


114 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


gny  tut  placé  à  la  baie  Verte.  Le  Gardeur  de  Saint-Pierre 
fut  envoyé  pour  établir  un  autre  poste  à  Chegouamigon  et 
Guyon-Dubuisson,  qui  avait  commandé  à  Détroit,  fut 
envoyé  pour  remplacer  Bissot  de  Vincennes,  qui  venait  de 
mourir  chez  les  Miamis  de  Ouyatanons.  Un  grand  nombre 
de  ces  Sîmvages  consentirent  à  retourner  avec  lui  à  leur 
ancien  village  de  la  riviëre  St-Joseph,  qui  devint  des  lors 
un  poste  important,  où  les  missionnaires  tinrent  registre. 
Le  village  de  Ouyatanons  ne  fut  pas  abandonné  toutefois  ; 
le  sieur  Dumont  y  fut  envoyé  pour  commander  en  1720. 

L'année  suivante  St-Ours  d'Eschaillons  fut  envoyé  pour 
remplacer  Lanoue  dans  le  poste  de  Kamistigoya.  Liénard 
de  Beaujeu  commandait  alors  à  Michilimackinac.  En  même 
temps  de  Lignery,  Louvigny,  Sabrevois,  Linctot,  et  plu- 
sieurs autres  étaient  employés  à  des  expéditions  spéciales 
qui  avaient  pour  but  ostensible  de  ramener  la  paix  parmi 
les  Sauvages,  mais  qui,  en  réalité,  servaient  de  prétexte  à 
des  voyages  pour  la  traite  des  pelleteries,  qui  rapportait 
encore  de  jolis  bénéfices.  Un  grani  nombre  de  voyageurs 
étaient  employés  dans  ce  commerce,  et  ils  érigeaient  des 
forts  dans  presque  tous  les  villages  des  Sauvages. 

De  Tonti  paraît  avoir  été  l'agent  du  gouverneur-général 
pour  ce  commerce  ;  et  c'est  à  Détroit  que  tous  les  comman- 
dants avaient  instruction  de  s'approvisionner.  Dans  les 
instructions  de  d'Eschaillons,  il  est  dit  : 

"  Le  sieur  d'Eschaillons  partira  de  Montréal  le  plus  tôt 
qu'il  pourra,  afin  de  se  rendre  au  lieu  de  sa  destination.  Il 
passera  par  le  Détroit,  pour  y  acheter  des  vivres  du  sieur 
de  Tonti  qui  y  commande.  Tous  les  canots  qui  partiront 
avec  lui,  pour  aller  au  Détroit  ou  aux  Miamis,  après  avoir 
été  visités  à  la  Chine,  seront  sous  ses  ordres,  et  il  ne  souf- 
frira pas  qu'aucun  s'écarte,  ou  qu'on  fasse  la  traite  avec  les 
Sauvages  sur  le  lac  Ontario  ou  sur  le  lac  Erié.  Arrivé  à 
son  poste,  il  fera  un  présent  aux  Sauvages  qui  ne  manque- 
ront pas  de  se  rendre  au  fort,  pour  le  saluer,  afin  de  leur 


ALPHONSE   DE    TONTI 


115 


témoigner  notre  satisfaction  de  leur  bonne  conduite,  leur 
rappelant  qu'en  l'envoyant  commander  à  la  place  du  sieur 
de  la  ^oue,  nous  avons  voulu  leur  montrer  qu'on  ne  les 
laissait  pas  orphelins.  Il  fera  tout  ce  qu'il  pourra  pour 
attirer  h  Gamametigouya  tous  les  sauvages  dispersés  le 
long  du  lac  Supérieur.  Il  ne  souffrira  pas  qu'il  soit  vendu 
d'eau-de-vie  aux  Sauvages  dans  son  poste  pour  quelque 
raison  que  ce  soit." 

De  son  côté  de  Tonti  avait  obtenu  pour  la  traite  à 
Détroit  des  privilèges  qui  sont  ainsi  définis  'dans  une  lettre 
du  ministre  à  Begon  et  Vaudreuil,  du  19  juin  1722  : — 

"lîî'otre  intention  est  que  le  commerce  appartienne  au 
commandant  du  poste,  et  qu'en  retour  il  doit  être  chargé 
<le  toutes  les  dépenses  du  dit  poste,  tant  en  ce  qui  regarde 
les  affaires  que  les  soldats  qui  y  seront  en  garnison.  A 
l'cux-ci  Sa  Majesté  ne  payera  que  leur  équipement  et  leur 
solde. 

"  Qu'il  soit  chargé  des  présents  qu'il  sera  nécessaire  de 
faire  aux  sauvages. 

"  Sa  Majesté  comprend  dans  les  dépenses  des  officiers  et 
des  soldats  h  charge  du  commandant,  celles  de  l'aumonier, 
du  chirurgien  et  des  médicaments  nécessaires  pour  les  ma- 
lades ;  aussi  le  transport  dos  provisions  et  du  linge  pour  les 
officiers  et  pour  les  liomnies  ;  et  dans  les  présents  pour  les 
Sauvages,  les  déjenses  d'un  missionnaire,  d'un  forgeron  et 
d'un  armurier,  lequel  pourra  aussi  réparer  les  armes  des 
troupes.  Enfin  Sa  Majesté  n'entend  pas  que  ce  poste  lui 
cause  aucune  dé;^)en8C. 

"  Le  commandant  ne  jouira  du  privilège  de  la  traite  que 
le  temps  qu'il  commandera,  au  poste,  et  n'aura  aucun  droit 
aux  terres  du  dit  poste.  Il  ne  fera  aucune  concession  de 
terre. 

"  C  3st  au  gouverneur-général  et  à  l'iiitendant  du  Canada 
de  les  accorder  au  nom  de  Sa  Majesté  ;  mais  Sa  Majesté 
n'entend  pas  que  par  le  moyen  de  ces  cor  cessions  les  habi- 


W      'I 


116 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


tants  aient  le  droit  de  traiter  pour  d'autre  chose  que  le  pro- 
duit de  leurs  terres.  Les  concesions  ne  devront  pas  excé- 
der quatre  arpents  de  front  sur  quarante  de  profondeur. 

"  Si  le  commandant  désire  s'ériger  une  habitation,  il 
devra  obtenir  une  concession  du  gouverneur-général  et  dt- 
l'intendant,  comme  les  autres  habitants. 

"Il  sera  sujet,  d'après  la  dite  concession,  aux  mêmes  con- 
ditions, ne  pouvant  prétendre,  en  raison  d'icelle,  à  aucun 
droit  de  commercer  après  qu'il  aura  cessé  d'être  le  com- 
mandant du  dit  poste.  Il  a  paru  juste  à  Sa  Majesté  qu'il 
soit  accordé  à  ceux  qui  commanderont  le  poste  un  lopin  de 
terre  pour  y  cultiver  des  légumes  et  pour  y  ériger  des 
écuries.    ' 

Jouissant  de  la  faveur  du  gouverneur-général,  Tonti 
trouvait  dans  les  pouvoirs  qui  lui  étaient  ainsi  accordés  tous 
les  moyens  d'oppression  que  pouvait  lui  suggérer  son  ca- 
rectère  cupide  et  brutal.  Il  ne  chargea  pas  moins  de  cinq 
cents  livres  en  pelleteries  ou  trois  cents  livres  en  espèce 
pour  la  permission  d'aller-  chercher  des  marchandises  à 
Montréal  avec  un  canot.  Vers  1725  il  céda  ses  droits 
à  deux  individus,  Gatineau  et  Gouin,  cpii  prirent  à  leur 
tour  trois  autres  associés  :  Lamarque,  Chiéry  et  Nolan. 
Cette  compagnie  renchérit  encore  sur  les  prétentions  de 
Tonti.  Poussés  à  bout  les  habitants  adressèrent  le  21  oc- 
tobre 1726,  une  requête  à  l'intendant,  dan»  laquelle  ils  ex- 
posaient que  les  marchandises  étaient  vendues  à  un  prix  tel 
qu'il  leur  était  impossible  de  subsister  avec  leurs  familles  ; 
et  de  plus,  que  les  Sauvages,  ayant  à  souifrir  égale- 
ment du  monopole,  menaçaient  d'aller  s'établir  ailleurs. 
Les  associés  ayant  eu  connaissance  de  cette  requête,  écrivi- 
rent le  même  jour  à  l'intendant.  Ils  expliquaient  que  les 
habitants  voulaient  avoir  les  marchandises  au  prix  <ie 
Montréal  sans  tenir  compte  des  frais  de  transport,  qu'ils 

^  WiBcoDSin  Historical  Collections,  vol.  lil. 


ALPHONSE    DE   TONTI 


117 


avaient  le  privilège  de  traiter  pour  les  produits  de  leurs 
terres,  mais  qu'ils  étaient  trop  paresseux  pour  cultiver,  et 
qu'il  n'y  avait  de  mécontentement  parmi  les  Sauvages  qu'en 
autant  que  les  habitants  qui  se  plaignaient  étaient  capables 
d'en  créer.  Tonti  écrivit  aussi  une  lettre  dans  laquelle  il 
dénonçait  les  requérants  comme  des  gens  sans  aveu.' 

Les  habitants  souffraient  aussi  de  l'état  d'incertitude  où 
ils  étaient  au  sujet  du  titre  de  leurs  propriétés.  Après  le 
départ  de  Cadillac,  ils  s'étaient  plaint  que  les  droits  de  re- 
devances exigés  par  ce  seigneur  étaient  exorbitants.  Con- 
séquemment,  en  1716,  le  roi  avait  annulé  les  conditions  de 
Cadillac  et  confirmé  les  colons  dans  la  possession  de  leurs 
terres.  Mais  à  son  retour  en  France  le  fondateur  de  Dé- 
troit mit  ses  influences  en  œuvre  et  il  obtint  un  décret  du 
roi  en  1719  ou  1720,  ordonnant  de  le  réintégrer  dans  tous 
ses  droits  de  seigneur  de  Détroit.  Le  gouverneur-général 
et  l'intendant  protestèrent  contre  cette  décision  daîis  un 
mémoire  du  4  novembre  1721.  Dans  ce  mémoire  ils  affir- 
ment qu'il  n'y  a  que  quatre  colons  établis  sur  des  terres  en 
dehors  du  fort  Ponchartrain  et  pas  plus  de  trente  ont  des 
lots  en  dedans  des  murs.  Le  roi  réitéra  son  ordre  de  réin- 
tégrer Cadillac  en  1722,  mais  nous  ne  voyons  pas  qu'il  ait 
été  obéi.  Les  colons  n'en  restaient  pas  moins  dans  une 
pénible  incertitude,  l^a  Forest,  Sal>revois  et  Tonti  accor- 
dèrent des  permis  de  s'établir,  mais  ils  n'avaient  aucun  droit 
de  le  faire. 

Cet  état  de  chose  n'était  pas  de  !iature  à  attirer  les  co- 
lons. Néanmoins  la  Nouvelle-France  traversait  alors  une 
période  «le  prospérité,  et  la  future  métropole  du  Michigan 
ressentit  un  peu  Feftet  de  ce  courant  favorable.  Le  nom- 
bre annuel  des  naissances,  qui  était  tombé  à  deux  ou  trois 
après  le  déjiart  de  Cadillac  s'éleva  de  nouveau  à  six  ou  huit 
vers  1720,  puis  à  dix  et  douze  durant  les  dernières  années 


(Voir  les  documeniH  Wia  Uist.  <'ol.,  vol.  111). 


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118 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


de  raministratioii  de  Toiiti.  Do  1718  à  1727  il  ne  fit  14 
mariages  devant  le  curé  de  Détroit  entre  parties  canadien- 
nes-françaises. Les  décès  furent  nombreux,  plus  de  trente 
sont  enregistrés.  Tout  cela  indique  que  la  population  per- 
manente atteignait  de  nouveau  le  tOiiffro  de  trente  ou  qua- 
rante familles. 

Les  défrichements  avançaient  aussi  rapidement.  Détroit 
approvisionnait  de  viandes  et  de  grains  presque  tous  les 
petits  postes  environnants.  Dès  I7l4  cette  coloriie  expor- 
tait huit  cent  minots  de  maïs. 

Quelques  familles  canadiennes  s'étaient  aussi  fixées  au- 
tour de  Michilimackinac. 

C'était  le  commencement  de  véritat^les  colonies  agricoles, 
dont  les  éléments,  bien  différents  des  coureurs-de-bois,  ont 
'toujours  fait  honneur  à  notre  nationalité. 

L'autorité  ecclésiastique  exerçait  sur  ces  colons  une  vigi- 
lance que  la  distance  ne  diminuait  pas.  ï]n  1720,  Mgr. 
l'évêque  de  Québec  écrivait  aux  habitants  de  Détroit  : 

"  Il  est  juste  que  nous  vou8  exhortions  à  entreteiiir  le 
temple  matériel  que  nous  apprenons  être  dans  un  état  dé- 
plorable, aussi  bien  que  le  cimetière  que  vous  laissez  en- 
tr'ouvert,  exposé  à  toute  sorte  d'indécence  par  rapport  aux 
bestiaux  qui  y  entrent.  Mais  par-dessus  tout  nous  vous 
recommandons  d'avoir  une  véritable  obéissance  pour  votre 
pasteur,  que  vous  avez  si  grand  intérêt  de  conserver  et  de 
ménager,  ne  voyjint  ici  personne  pour  lui  succéder." 

Cependant  les  colons  de  Détroit  n'avaient  pas  à  souifrir 
de  la  rareté  des  prêtres,  car  ils  avaient  constamment  leur 
curé,  auquel  un  vicaire  était  même  adjoint.  Leur  église, 
qui  avait  été  démolie,  comme  nous  l'avons  vu,  lors  de 
l'attaque  des  Outagamis,  t\tt  reconstruite  en  1724  par  le 
Père  Bonaventure  Léonard,  qui  demeura  pendant  plus  de 
trente  ans  dans  la  colonie. 

Les  missions  sauvages,  au  contraire,  souffraient  de  la  ra- 
reté des  missionnaires.     Le  P.  Charlevoix  qui  traversa  le 


ALPHONSE   DE  TONTI 


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Michigan  eu  1721,  nous  «lit  quà  Michilimackinac  il  trouva 
le  Père  Marest,  qui  était  encore  supérieur  des  missions  des 
Outaouas,  et  qu'il  y  avait  un  missionnaire  au  Saut  Sainte- 
Marie. 

Mais  le  P.  Marest  retourna  peu  de  temps  après  à  Québec, 
et  ce  n'est  ([u'à  de  rares  intervalles,  de  1620  à  1640  «|ue  les 
Pères  jésuites  purent  envoyer  un  des  leurs  visiter  leurs 
anciennes  missions  de  Michilimackinac,  St-Joseph  des  Mia- 
mi», '3t  la  mission  des  Hurons  à  Détroit.  Nous  trouvons 
les  noms  suivants  sur  les  registres  de  cette  époque  :  RR. 
PP.  Michel  Guignas,  Jean  St-Pé,  C.  C  Guymonneau,  C. 
M.  Messayer,  C.  de  la  Richardie,  J.  B.  Chardon,  I.  de  la 
Pierre,  Marin  et  Louis  Let'ranc,  tous  de  la  compagnie  de 
Jésus. 

Dans  l'automne  de  1727,  le  gouverneur-général  écrivait 
au  ministre  qu'il  avait  promis  de  rappeler  Tonti  de  Détroit, 
mais  ce  dernier  ne  connut  pas  sa  disgrâce,  car  à  ce  moment 
même  il  expirait  à  son  poste, 

Alphonse  de  Tonti  s'était  marié  deux  t'ois.  Son  iils  aine 
Charles-Henri- Joseph,  né  en  1697,  fut  employé  dans  les 
expéditons  de  l'Ouest  dès  1711.  Il  devint  enseigne,  et  en 
1719  fut  proposé  pour  la  croix  de  St-Louis.  Il  mourut  h 
Montréal  en  1748. 

Alphonse  de  Tonti  avait  dû  amasser  une  graiule  fortune. 
Parmi  ceux  qui  partagèrent  avec  lui  le  commandement  de 
l'Ouest,  presque  tous  arrivèrent  à  des  positions  élevées  <lan8 
la  colonie. 

François  Marchand,  sieur  de  Lignery,  qui  figure  dans  les 
expéditions  à  Michilimackinac  et  contre  les  Renards  de  1710 
à  1731,  avait  servi  dans  le  régiment  d'Auvergne  en  France 
et  était  venu  en  Canada  en  1686.  Il  fut  fait  chevalier  de 
St-Louis  et  mourut  major  des  Trois-Rivières  en  1732.  Il 
laissa  deux  fils,  dont  un,  connu  sous  le  nom  de  chevalier 
de  Lignery,  se  distingua  dans  les  dernières  guerres  avec  les 
Anglais.     Il  releva  Dumas  au  fort  Duquesne  en  1757,  et  se 


120 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


retira  dans  le  fort  Machault,  où  il  fut  fait  prisonnier  par  les 
Anglais,  qui  le  traitèrent  avec  brutalité. 

Louis  Ménard  de  Beaujeu,  devint  chevalier  de  St-Louis, 
lieutenant  du  roi  et  major  de  la  ville  de  Trois-Rvières. 

.T.-B.  de  St-Ours,  sieur  d'Eschaillons,  qui  était  né  en 
1668,  h  son  retour  du  lac  Supérieur  fut  fait  chevalier  de 
St-Louis  et  major  de  Québec. 

Guyon-Dubuisson,  l'énergique  défenseur  de  Détroit,  mou- 
rut major  des  Trois-Rivières.  Il  laissa  un  fils,  qui  servit 
dans  lo  Michigan,  avec  le  grade  d'enseigne,  de  1749  à  1750. 


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CHAPITRE  X. 

FORMATION    DE   COLONIES    AGRICOLES. 

Madame  de  Vaudreuil  ayant  appris  que  Alphonse  de 
Tonti  était  sur  le  point  de  perdre  le  commandement  du 
poste  de  Détroit,  elle  reeommada  un  de  ses  amis,  le  sieur 
Adhémar  de  Lantagnac  pour  cette  succession.  Beaucoup 
d'influences  turent  mises  en  œuvre  et  la  cour  hésita.  Ce- 
pendant le  chevalier  de  Lapernouche  devint  commandant  par 
intérim,  puis  durant  l'été  suivant  les  sieurs  Deschaillons  de 
St-Ours  et  de  Noyelles  exercèrent  successivement  l'autorité. 
Finalement  dans  l'automne  de  1728  M.  de  Boishébert  fut 
nommé  commandant. 

Louis-Henri  de  Boishébert,  seigneur  de  la  Bouteillerie, 
officier  de  marine  était  né  en  1679.  Il  était  fils  de  Jean- 
Baptiste-François  Deschamps  du  diocèse  de  Rouen, 
établi  à  la  rivière  Quelle.  Il  avait  accompagné  d'Iber- 
ville  dans  ses  expéditions  à  la  baie  d'Hudson.  Il  aban- 
donna le  commandement  de  Détroit  en  juin  1734,  et  mou- 
rut deux  ans  plus  tard  à  Québec.  Son  fils  Charles,  né  à 
Québec  en  1727  se  distingua  durant  les  dernières  années  de 
la  domination  française  en  Acadie,  et  fut  plus  tard  impliqué 
dans  les  péculats  de  Bigot.  Il  a  été  confondu  avec  son  père. 
M.  de  Boishébert  signala  son  administration  par  son  inté- 
grité et  par  un  grand  service  qu'il  rendit  aux  colons  en 
faisant  régulariser  les  titres  des  terres  concédées.' 


'  L'acte  de  concession  qui  suit  en  date  de  IIM,  est  encore  conservé  au 
grefié  du  comté  de  Wayne. 
Charles,  Marquis  de  Beauhainois,  commandant  do  l'ordre  militaire 


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122 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


Le«  autres  commandante  de  Détroit,  concédërent  des  terres 
à  de  semblables  conditions,  en  vertu  des  pouvoirs  à  eux 
conférés  par  le  gouverneur  et  l'intendant. 

Ceci  était  d'autant  plus  important  que  la  propriété 
foncière  avait  dès  lors  une  grande  valeur.  Nous  voyons 
par  une  pièce  conservée  au  greffe  du  comté  de  Wayne,  que 
le  8  septembre  1725,  une  "maison  avec  son  emplacement, 
appartenances   et  dépendances,   contenant    quarante  -  cinq 


de  8t> Louis,  gouverneur  et  lieutenaat-général  pour  le  roy  en  la  Nouvelle* 
France  et  la  Louisiane.  Gilles  Hocquark,  chevalier,  conseiller  du  roy  en 
ses  conseils,  intendant  de  justice,  police  et  finance  en  la  Nouvelle-France 
et  la  Louisiane.  Sur  les  représentations  qui  ont  été  faites  par  les  habi- 
tants du  fort  Poncbartrain  du  Détroit  du  lac  Erié  à  M.  de  Boishéberti 
capitaine  d'une  compagnie  du  détachement  de  la  mariue,  cy-devant  com- 
mandant au  fort  Poncbartrain,  et  Péan,  chevalier  de  l'ordre  militaire  de 
St-Louis,  major  des  villes  et  gouvernement  de  Québec,  à  présent  com- 
mandant au  dit  fort,  et  dont  ils  nous  ont  rendu  compte  ;  contenant  que 
jusqu'à  présent  ils  n'avaient  osé  entreprendre  des  défrichements  et  établir 
des  terres  au  dit  lieu  parce  qu'ils  n'avaient  aucun  titre  qui  put  leur  en 
assurer  la  propriété  ;  que  s'il  nous  plaisait  leur  en  accorder  ils  seraient 
non-seulement  en  état  de  travailler  sans  courir  risque  d'être  inquiétés, 
mais  qu'il  résulterait  de  leurs  travaux  des  avantages  considérables  en 
procurant  par  là  dans  le  dit  lieu  des  vivres  en  abondance,  qui  serviraient 
à  faire  trouver  une  subsistance  commode  tant  à  la  garnison  qu'aux  habi- 
tants et  aux  voyageurs,  à  quoi  ayant  égard,  veu  les  lettres  patentes  de  Sa 
Majesté,  données  à  Pans  au  mois  d'avril  171(i,  registrées  au  conseil  su- 
périeur le  1er  décembre,  suivant  l'arrêt  du  conseil  d'état  au  roy,  du  19 
mai  1722  ; 

Nous  avons  au  nom  de  Sa  Majesté  donné,  accordé  et  concédé,  donnons . 
accordons  et  concédons  à  titre  de  cens  et  rentes,  dès  maintenant  et  tou- 
jours, au  sr-  Jacques  Campau,  père,  habitant  du  dit  fort  Poncbartrain  au 
Détroit,  y  demeurant,  pour  lui,  ses  hoirs  et  ayant  cause  à  l'avenir  une 
concession  de  terre  située  sur  le  détroit  du  lac  Erié,  de  la  contenance  de 
quatre  arpents  de  front  sur  quarante  de  profondeur,  tenant  d'un  côté 
vers  l'ouest,  sud  on  est,  à  la  terre  cy-devant  concédée  à  Jean  Gilbert  dit 
sans  peur,  bornée  par  une  ligne  nord  nord-ouest  et  sud  sud-ouest,  et 
d'autre  côté  vers  l'est  nord-est  aux  terres  non  concédées  pardevant  sur  le 
détroit  du  lac  Erié  et  dans  la  profondeur  par  une  ligne  nord  nord-e»t,  et 
ouest  sud-ouest,  joignant  pareillement  les  terres  non  concédées,  pour  «yn 
jouir,  faire  et  disposer  par  le  dit  Jacq.  Campau,  père,  ses  dits  hoirs  et  ay  ant- 
causes  aux  charges,  clauses  et  conditions  cy-après,  savoir,  que  le  dit  Cam- 


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FORMATION    DE    COLONIES    AHRIC0LE8 


123 


pieds  de  front  sur  le  niveau  de  lu  grande  rue  Saint-Louis 
et  vingt-etun  de  profondeur"  fut  vendue  pour  la  somme 
de  deux  cent  (piatre- vingt  livres,  (ce  qui  équivalait  à  près 
de  ^200  de  notre  argent)  que  les  acquéreurs  promettaient 
et  s'obligeaient  de  payer  '-en  pelleteries  bonnes  et  valables 
au  prix  de  Détroit  dans  le  cours  du  mois  de  mai  prochain." 
Une  autre  maison  fut  vendue  en  même  temps  avec  son  em- 
placement de  27  sur  28  pieds  pour  la  somme  de  cent  livres." 


pan,  père,  ses  dits  hoirs  et  ayani-canses,  seront  t«*i)U8  de  porter  leurs  grains 
îl  moiulre  au  moulin  Kénéral  lorsqu'il  y  en  aura  (rétal>ii  i\  peine  de  con- 
fiscation des  dits  grains  et  d'amende  arbitraire,  «l'y  tenir  on  faire  tenir 
feu  et  l'en  dans  un  an  d'huy  an  plus  tard,  d»'(!onvrir  les  déserts  des  voi- 
sins à  mesure  qu'ils  en  auront  besoin,  cultiver  ladiM  terre,  y  souffrir  les 
chemins  qui  y  seront  jugés  nécessaires  pour  l'utilité  publique,  faire  des 
clôtures  mitoyennes  ainsi  qu'il  sera  réglé,  et  d»*  payer  an  receveur  de  Sa 
Majesté  ou  an  commis  du  Mt  receveur  qtii  lésidera  au  Détroit,  un  sol  de 
cens  pour  chaque  urpeut  de  fioitt  ut  vingt  sol  de  rente  p  air  chaque  vingt 
Hrpents  en  superficie,  et  en  outre  un  minot  de  blé  froment  pour  les 
dits  quatre  arpents  de  front,  le  tout  payable  par  chaque  an  an  jour 
et  fort  de  St-Martin,  dont  la  Ire  année  é<;héera  au  onzième  novembre  mil 
sept  cens  trente-cinq  et  continuera  d'année  en  année,  les  dits  en  portantes 
|)rofit8  des  lods  et  ventes,  deffant  et  amende  avec  tous  autres  droits 
royaux  et  seigneuriaux  quand  le  cas  y  écbéra,  suivant  la  coutume  de  la 
prévAté  et  vicomte  de  Paris.  Sera  cependant  loisible  au  ditCarapan,  père, 
de  payer  les  diti*  huit  livres  de  rente  et  de  sol  de  cens  en  pelleterie 
au  prix  du  Détroit  jusqu'à  ce  qu'il  y  ait  une  monnaye  courante  d'établie, 
réservant  au  nom  du  roy  pour  la  dite  habitation  tons  les  bois  dont  Sa 
ISIajesté  aura  besoin  pour  ch>ir|>ente  et  construction  de  bâtiment  et  forts 
qu'elle  pourra  étublir  par  la  suite,  ainsi  que  la  propriété  des  mines,  mi- 
nières ou  minéraux  s'il  s'en  trouve  dans  l'étendue  de  la  dite  concession, 
et  faire  le  dit  Campan.  pi're,  ses  dits  hoirs  et  ayant  c.iuses,  tenu  de  faire 
incessamment  alligner,  mesurer  et  borner  la  dite  concession  dans  toute 
sa  largeur  et  profondeur  j\  ses  dépens  et  d'exécuter  les  clauses  portées  par 
le  présent  litre,  et  de  prendre  un  brevet  do  Sa  Majesté  de  confirmation 
dans  deux  ans,  le  tout  à  peine  de  nullité  des  présentes.  Fait  et  donné  à 
Montréal  le  dixième  juillet  mil  sept  cens  trente-quatre. 

Pour  copie,  siuné. 

BbACHARNOIS,  HoOfiUAKT. 

Par  Monseigneur  De  Valmibk. 
P.tr  Monseigneur  De  Chkuvbmont. 


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124 


LES   CANADIENS   DU   MICIITOAN 


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M.  de  Boishébert  conduisit  en  1782  les  sauvages  de  Dé- 
troit, avec  quelques  Français,  dans  une  expédition  contre 
les  Chicachas. 

Apres  le  départ  de  M.  de  Boishébert  les  (commandants 
dont  les  noms  suivent  se  succédërent  à  Détroit  : 

1734. — Hughes  Jacques  Pèan,  sieur  de  Livandièro.  Cet 
officier  devenu  plus  tard  major  de  Québec,  fut  jeté  à  la  Bas- 
tille après  la  cession  du  Canada  pour  avoir  participé  aux 
vols  de  l'intendant  Bigot. 

1734-1738. — Jacques-Charles  de  Sabrevois  de  Bleury,  fils 
de  l'officier  du  même  nom  qui  commanda  Détroit  de  1714 
à  1717,  était  né  à  Boucherville  en  1702.  Quelques  années 
plus  tard  il  fut  de  nouveau  commandant  à  Détroit.  Dans 
l'intervalle  il  avait  commandé  au  fort  Saint-Frédériô.  Il 
mourut  en  1781. 

1738-1741. — Charles  Joseph,  sieur  do  Noyelles,  qui  avait 
déjà  commandé  temporairement  le  poste  par  deux  fois  en 
1720  et  1728.  Né  en  1694,  cet  officier  était  fils  du  colonel 
Joseph  de  Noyelles,  de  Crécy,  diocèse  de  Meaux,  Brie.  En 
1735  il  avait  conduit  une  troisième  expédition  contre  les 
Renards,  mais  il  n'eut  pas  plus  de  succès  que  ses  prédéces- 
seurs. En  1746  il  fit  un  voyage  à  la  "  mer  de  l'Ouest."  II 
mourut  major  et  chevalier  de  Saint-Louis.  Son  fils  fut 
commandant  à  Miehilimackinac  en  1746  et  1747. 

1741-1742. — Pierre- Jacques  Payen  de  Noyan,  sieur  de 
Chavois,  né  en  1695,  était  fils  de  Pierre,  sieur  de  Noyan 
d'Avranches  et  de  (Catherine  Lemoyne.  Il  avait  d'abord 
servi  en  Louisiane  sous  son  oncle  de  Bienville.  Il  était 
major  de  la  place  h  la  Nouvelle-Orléans.  En  1724  il  fut 
enveloppé  dans  la  disgrâce  de  son  parent  et  renvoyé  au 
Canada.  Marié  à  Louise-Catherine  d'Ailleboust  en  1731 
il  emmena  sa  femme  avec  lui  à  Détroit.  En  1743  il  obtint 
la  concession  d'une  seigneurie  sur  la  rivière  Richelieu.  A 
l'époque  de  la  conquête  il  était  en  Louisiane. 

Durant  cette  même  période,  plusieurs  commandants  pas- 


FORMATION    UE    COLONIES    AllRICOLES 


126 


8<^rt'nt  dans  les  posten  environnants.  Ils  avaient  h  y  s^oute- 
nir  le  fardeau  de  la  guerre  contre  les  Renards,  les  Sioux  et 
leurs  alliés,  et  la  plupart  se  sont  distingués  par  leur  bra- 
voure et  leur  diplomatie. 

Le  sieur  <le  Montigny  avait  été  transféré  en  1730  de  la 
haie  Verte  à  Michilimackinac.  Il  mourut  en  1737  laissant 
un  nom  honoré.  Il  appartenait  du  reste  à  une  famille  qui 
a  toujours  déployé  beaucoup  d'ardeur  dans  les  bons  com- 
bats. 

De  Montigny  parait  avoir  été  remplacé  par  Jacques  Le 
Gardeur  «le  St-Pierre,  fils  de  Jean  Paul,  «pie  nous  avons  vu 
à  Chegouamigon  en  1717.  Le  Gardeur  revenait  à  ce  mo- 
ment «lu  fort  Beauharnois,  situé  sur  le  lac  Pépin,  au  pays 
des  Sioux,  où  il  avait  commandé  pendant  deux  ans.  M.  de 
Beauharnois  avait  la  plus  haute  opinion  de  cet  officier  qui 
vivait  parmi  les  Sauvages  du  lac  Supérieur  depuis  vingt 
ans.  Nous  le  verrons  reparaître  souvent  jusqu'au  moment 
de  sa  mort  glorieuse  à  la  tête  des  milices  canadiennes  sur 
le  champ  de  bataille  du  lac  St-Sacrement. 

Saint-Pierre  fut  à  son  tour  remplacé  à  Michilimakinac  en 
1740  par  Pierre-Joseph  Céloron,  sieur  de  Blainville,  fils 
d'un  oflicier  du  même  nom.  Né  à  Montréal  en  1693,  Blain- 
ville avait  gagné  ses  grades  par  son  courage,  son  énergie 
et  son  habileté.  De  Michilimackinac  il  fut  envoyé  à  Détroit, 
où  il  commanda  durant  1742-43.  Nous  aurons  aussi  occa- 
sion de  reparler  de  lui. 

Nous  voyons  aussi  figurer  sur  les  registres  de  cette  pé- 
riode les  noms  du  sieur  Darnaud,  commandant  chez  les 
Miamis  en  1732,  capitaine  d'une  compagnie  à  Québec  en 
1744,  du  sieur  de  Linctot,  succesivement  commandant  à  la 
baie  Verte  et  chez  les  Miamis,  de  Pierre-Paul  Marin,  che- 
valier de  Louis  et  plus  tard  capitaine-général,  de  Damours 
de  Lamorandiëre,  de  Louis  de  La  Corne  et  des  sieurs  de 
Villiers  et  de  Jumonville  qui  commandèrent  à  la  baie  Verte 
tour  à  tour,  et  de  Louis  Denis  de  La  Ronde,  enseigne  de 


126 


LES   CANADIENS   DU    MICIIIGAN 


mv 


vairtrioau  vt  capitaine  d'une  compagnie  «le  marine,  chevalier 
(le  St-Louis,  officier  d'utie  grande  expérience,  ^[\ù  commanda 
à  Cliegouamigon  de  1780  t\  1789. 

Ces  officiers  étaient  continuellement  employés  dans  les 
expéditions  qu'il  fallait  entreprendre  pour  réduire  les  quel- 
(^ues  tribus  re!)elle8.  Les  deux  principales  de  ces  expédi- 
tions turent  organisées  contre  les  Chicaehas  en  1787  et  en 
1739.  A  cette  occasion  M.  de  Beauharnois  se  plaint  de 
l'inconvénient  qui  résulte  du  tait  que  le  commandant  de 
Détroit  cet  sédentaire. 

C'est  durant  cette  période  que  Gauthier  de  la  Vérandrye, 
parti  de  Michilimackinac  en  l732,  fit  la  découverte  des 
Montagnes  Rocheuses,  et  que  les  frères  Mallet,  établis  à 
Détroit,  poussèrent  leurs  courses  par  la  rivière  Platte,  jus- 
(ju'au  Nouveau-Mexique. 

Denis  de  La  Ronde  commença  aussi  vers  1730  l'exploita- 
tion des  mines  de  cuivre  du  lac  Supérieur,  dans  le  district 
d'Ontonagon,  où  ce  métal  se  trouve  en  lingots.  Cette  en- 
treprise fut  continuée  après  sa  mort,  arrivée  en  1741,  par 
ses  serviteurs,  entre  autres,  par  son  fils,  François-Paul  de  la 
Ronde,  sieur  de  la  Thibaudière,  officier  qui  succéda  à  son 
père,  et  que  nous  retrouvons  à  Détroit  en  1757  et  en  1760. 

La  traite  ds  fourrures,  beaucoup  moins  ccmsidérable  que 
par  le  passé,  se  foisait  soit  par  des  porteurs  de  congés,  ou 
par  les  concessionnaires  du  privilège  de  la  traite  dans  les 
postes. 

Ce  n'est  qu'en  1741  que  le  roi  fit  pnblii'r  une  nouvelle 
amnistie  pour  les  coureurs-de-bois,  dai'?*  l'espoir  de  les  in- 
duire à  revenir  dans  la  colonie.  Pur  le  même  édit  Sa 
Majesté  rétablissait  les  vingt-cinq  congés  pour  la  traite  des 
pays  d'en  haut.  Néanmoins  un  mémoire  de  1786  nous  dit 
que  dès  cette  époque  les  marchands  de  Montréal  obtenaient 
des  congés  visés  par  le  gouverneur-général  et  l'intendant 
pour  envoyer    des    canots  dans  les  postes  éloignés.  '    Ces 


^  (Collection  de  la  Soc.  Hist  et  Lit  de  Québec,  1840). 


FORMATION    l»K    COLONIES    AGRICOLES 


127 


,  pai- 
lle la 
à  son 
1760. 
;  que 
^é«,  ou 
ans  les 


congés  se  vendaient  cinq  cents  francs  ;  le  revenu  était 
employé  à  soulager  U^s  t'aniillcs  pauvres  et  h  entretenir 
l'enceinte  de  Montréal.  ' 

Tjes  congés  portaient  d(''tcii-*c  de  vendre  de  l'eau-de-vie 
aux  Sauvages,  mais  cette  dépense  paraît  encore  avoir  été 
violée,  car  en  1738  de  Noyau,  commandant  à  Détroit,  deman- 
dait la  permission  de  punir  ceux  cpii  vendaient  de  l'eau-de- 
vie. 

D'après  l'édit  de  1741,  chaque  congé  était  bon  pour  un 
(îanot  et  trois  hommes  seidement.  Personne  ne  devait 
obtenir  de  ces  congés  deux  années  consécutives,  l'intention 
du  roi  étant  qu'ils  devaient  servir  h  venir  en  aide  aux 
familles  pauvres. 

Ces  congés  n'autorisaient  à  aller  qu'à  Détroit  où  à  Michi- 
limackinac  où  le  commerce  était  libre  ;  sauf  certains  impôts 
destinés  à  former  le  traitement  du  commandant. 

Les  postes  d'importance  secondaire,  tel  que  celui  de  la 
riviëre  Saint- Joseph  se  donnaient,  se  vendaient  ou  s'affer- 
maient. Dans  chacun  de  ces  cas,  celui  qui  les  obtenait 
avait  un  monopole.     Ceux  qui  obtenaient  un  poste,  soit  à 


^  Voici  un  de  ces  confiés  dont  j'ai  retrouvé  l'original  entre  les  main»  de 
M.  Riopel,  avocat  de  Détroit  : 

"  Charles  M.  de  Beauhamois,  commandant  de  l'ordre  Royal  et  militaire 
de  St-Louis,  gouverneur  et  lieutenant-général  pour  le  Roy  en  toute  la 
Nouvelle-France  et  province  de  Louisiane. 

Nous  avons  permis  aux  Srs.  Beaubien  et  Germain  de  partir  de  cette 
ville  avec  un  canot  équipé  de  quatre  hommes  dont  ils  nous  ont  donné  les 
noms  et  demeures  pour  le  rendre  au  poste  du  Détroit  et  d'embarquer 
dans  le  dit  canot  les  effets  et  marchandises  propres  pour  la  traite  au  dit 
poste.  Et  en  outre  les  vivres  et  provisions  dont  ils  auront  besoin  pour 
leur  subsistance  et  celle  de  leurs  engagés  pendant  le  voyage- 

Deffendons  ans  dits  Srs-  Beaubien  et  Germain  de  prendre  d'autre  ronte 
que  celle  du  nord  du  lac  Ontario  ny  de  faire  aucune  traite  ou  com- 
merce avec  les  sauvages  ny  autres  ailleurs  qu'au  dit  poste  et  ses  dépen- 
dances sous  les  peines  portées  par  les  ordonnances  du  Roy. 

Enjoignons  aux  dits  engagés  d'avoir  chacun  leur  fusil  tant  en  montant 
qu'en  descendant,  sans  qu'ils  puissent  s'en  défaire  en  les  traittant  aux 
sauvages  ny  autrement  $ous  peine  de  trois  mob  'île  prison. 


128 


LES    CANADIENS    DU    MICHIQAN 


W- 


ferme  ou  en  payant,  ne  jouissaient  généralement  du  mono- 
pole que  pendant  trois  ans.  Très-naturellement,  ils  vou- 
laient dans  ce  court  espace  de  temps  faire  une  fortune  con- 
sidérable ;  ils  n'avaient  aucune  raison  de  se  préoccuper  des 
conséquences  de  leur  conduite.  Aussi,  toute  leur  ambition 
était  de  vendre  le  plus  cher  possible  les  marchandises  qu'ils 
y  portaient  et  d'acheter  au  plus  bas  prix  possible  les  pelle- 
teries des  Sauvages,  "  dussent-ils  les  tromper  après  les 
avoir  enivrés."  En  1754,  dans  le  poste  de  la  Mer  d'Ouest, 
une  peau  de  castor  s'achetait  pour  quatre  grains  de  poivre  ; 
on  y  retirait  jusqu'à  huit  cents  francs  d'une  livre  de  ver- 
million.  Dans  ce  temps  les  marchandises  ne  valaient  pas 
plus  à  Détroit  qu'à  Montréal. 

Les  conséquences  d'un  pareil  système,  ne  pouvaient  qu'ê- 
tre désastreuses  pour  le  prestige  de  la  France  chez  les 
Sauvages. 

"  On  connaît  aujourd'hui,  mieux  que  jamais,"  dit  à  ce 
sujet  un  mémoire  du  temps,  dans  lequel  nous  trouvons  ces 
détails,  "  combien  l'affection  des  Sauvages  est  nécessaire  à 
la  conservation  de  la  Colonie.     Peut-on  se  flatter  que  cette 

Seront  tenus  les  Srs.  Beaabien  et  Gtormain  de  faire  viser  ces  présentes 
par  Monsieur  l'Intendant  s'il  est  en  cette  ville  et  de  les  faire  enregistrer 
au  greffe  de  la  juridiction  Boyalle  de  Montréal  avant  leu;  départ 

Permettons  aux  engagés  d'embarquer  dans  led  canot  la  quantité  de 
quatre  pots  d'eau-de-vie  par  homme  laquelle  servira  pour  leur  usage  seu- 
lement sans  qu'ils  en  puissent  traiter  aux  Sauvages  sous  quelque  prétexte 
que  ce  soit  et  leur  ordonnons  d'e°tre  de  retour  en  cette  ville  dans  le 
tems  stipulé  par  leu:  engagement  dont  le  Rôle  sera  cy  après  sous  les 
peines  portées  par  les  ordonnances  de  Sa  Majesté  contre  les  coureurs-de- 
lK>i8  sans  congé  ny  permission,  et  leur  enjoignons  de  faire  leur  déclaration 
aux  Commandans  des  Postes  ou  ils  passeront  de  ceux  qui  auront  déserté. 

Rôle  des  hommes  du  de  canot  pour  estre  libre  aud  Poste. 

Pierre  Chicot,  de  Boucherville. 
Louis  Clairemout,  du  Détroit. 
Bouron,  de  Montréal. 
Pierre,  Pani  de  Nation,  de  Boucherville. 

Faits  à  Montréal  le  dix-septième  août  1 737. 

Beacharmois. 


FORMATION    DE   COLONIES    AGRICOLES 


129 


affection  durera  toujours,  et  qu'eufin  elle  ne  passera  pas  à 
un  voisin  avec  lequel  ils  ne  trouvent  que  des  avantages  ? 
Déjà  ils  murmurent  hautement  de  ce  monopole  exercé 
contre  eux  ;  ils  méprisent  et  haïssent  les  négociants  avides 
qui  ne  cherchent  qu'à  leur  en  imposer.  Je  vais  plus  loin  : 
ces  mêmes  marchands  qui  traitent  avec  eux  d'une  façon  si 
basse,  sont  des  officiers  dépositaires  de  l'autorité  du  Roy, 
dont  ils  abusent  pour  faire  dos  gains  illicites  et  honteux  ; 
ils  sont  les  ministres  de  ce  grand  Ononthio,  que  les  Sauva- 
ges appellent  leur  përe,  et  qu'ils  ne  devraient  connaître  que 
par  ses  bienfaits.  Que  peuvent-ils  penser  en  voyant  l'usage 
qu'on  fait  de  son  autorité  et  de  son  nom  ?  Cependant  il 
serait  essentiel  qu'à  l'idée  qu'ils  se  forment  de  lui,  dans 
l'éloignement  où  ils  sont,  il  ne  se  joignit  que  des  idées  de 
grandeur  et  de  majesté.'"  Tandis  que  la  cupidité  des  mar- 
chands causait  de  si  graves  embarras,  la  y»opulation  de  la 
Nouvelle  France,  à  lafaveur  de  la  paix  intérieure,  augmentait 
rapidement,  et  déjà  dans  les  anciennes  paroisses,  les  enfants 
ne  trouvaient  plus  de  terre  pour  s'établir.  De  là  une  émi- 
gration naissante,  dont  Détroit  profita  largement. 

Dur'.nt  les  vingt  ans  qui  s'écoulèrent  de  1730  à  1750,  la 
popul  ition  se  doubla.  Le  nombre  des  baptêmes,  qui  n'avait 
été  que  de  106,  de  1721  à  1730,  monta  à  156  durant  la 
décade  suivante,  et  fut  de  2-"5  pour  les  dix  années  de  1741 
à  1750. 

D'année  en  année  quoique  soldat  congédié  et  quelque 
voyageur  venu  du  Canada  y  prenaient  des  terres  et  ;-  es- 
taient. Parmi  les  familles  primitivement  fixées,  commou- 
çaient  à  se  trouver  des  jeunes  filles  qu'ils  épousaient.  Les 
environs  du  fort  Ponchartrain  ne  suffisaient  plus  aux  colons, 
qui  traversèrent  la  rivière  et  s'établirent  à  côté  des  Hurons, 
sur  le  site  de  Sandwich,  où  depuis  1728  le  père  de  la  E,i- 
chardie   était   établi  comme  missionnaire.      Quelques  uns 


>  Collée,  de  la  Soc.  Litt.  et  HÎBt  de  Québec,  1840. 


IT 


il 
il 


130 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


plus  aventureux,  laissërent  même  la  colonie  pour  aller  for- 
mer de  nouveaux  noyaux  sur  la  Ouabasli,  à  VhKennes  ei 
à  Fort  Wayne,  Ind.  D'autres  encore  se  rendaient  k  Michi- 
limackinac,  au  fort  Saint- Josepli,  où  sur  la  rivière  S?.inte- 
Claire,  près  du  site  de  Port  Huron,  où  lesOutaouas  avaient 
un  village. 

L'église  de  Michilimackinac  fut  reconstruite  en  1743  par 
Joseph  Hins,  qui  y  fit  enterrer  sa  fille  le  10  août  de  cette 
même  année.  Autour  de  cette  église  se  groupèrent  une 
vingtaine  de  familles.  Elles  étaient  desservies  par  les  mis- 
sionnaires Jésuites,  les  përes  Dujaunay  et  Lamorinerie,  qui 
apparaissent  aux  registres  en  1738  et  1740  respectivement. 
Ces  missionnaires  visitaient  également  les  postes  de  Saint- 
Joseph  et  Vincennes,  et  souvent  même  ils  suivaient  les 
Sauvages  dans  les  bois.  Souvent  il  s'écoulait  plus  d'une 
année  entre  leurs  visites.  Ce  n'était  là  qu'une  des  nom- 
breuses privations  auxquelles  s'exposaient  les  courageux 
colons  de  cette  époque. 


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CHAPITRE  XI. 


LA    FIN    D  UN    REGIME. 


Les  Sauvages  avaient  vécu  assez  longtemps  en  contact 
avec  les  blancs  pour  comprendre  les  motifs  qui  animaient 
les  Anglais  comme  les  Français.  Les  chefs  les  plus  influents 
éprouvaient  pour  les  Européens  un  sentiment  de  mépris, 
mêlé  d'une  crainte  instinctive,  que  leur  inspirait  le  nombre 
grandissant  de  ces  étrangers  et  leurs  empiétements  sur  leur 
domaine. 

En  1747  il  se  fit  une  entente  entre  toutes  les  tribus  contre 
les  blancs.  Elles  s'engagèrent  mutuellement  à  ne  plus  se 
faire  la  guerre  et  à  laisser  les  Anglais  et  les  Français  régler 
leurs  diflerends  entre  eux. 

Elles  en  vinrent  bientôt  à  une  hostilité  plus  prononcée.  A 
Détroit,  où  le  chevalier  de  Longueuil  '  avait  remplacé 
Célorofi  e2\  1743,  les  Hnrons  formèrent  une  conspiration 
po'}  '  ma.^!=acrer  tous  les  Français.  M.  de  Longueuil  appnt 
le  (liUig'  (  oui  menaçait  le  poste  par  une  fille  sauvage  qui 
avait  enter  dix  let;  conspirateurs.  Tous  les  guerriers  devaient 
aller  demander  l'hospitalité  pour  la  nuit  dans  le  tort  Pon- 
chartrain  selon  une  hal^itude  ancienne,  et  chacun  devait 

'  Paul-Joseph  Lemoynei  connu  sous  le  nom  de  chevalier  de  Longueuil, 
fut  bbptisé  à  Longueuil  le  19  septembre  1701.  Il  était  fils  du  premier 
baron  de  Longueuil,  et  après  la  mort  de  son  frère,  il  porta  pendant  quel- 
q>  temps  le  titre  de  baron.  11  porta  les  armes  de  bonne  heure  et  fut 
în^n  .^jei::t8nant  dans  le  régiment  de  Normandie  en  1718.  Il  avait  été  em- 
plie v-  ..9  i  Ouest  en  1729.  Il  fut  fait  chevalier  de  Saint-Louis  en  1746. 
11  fn.  xon /erueur  de  Trois-Rivières  puis  commandant  de  la  citadelle  de 
Québec.    Il  mourut  à  Tours,  France,  en  1778. 


*'l» 


132 


LES    CANADIENS    DU    MICHIQAN 


mettre  à  mort  son  hôte  et  sa  famille.  M.  de  Longueuil  fit 
venir  les  conspirateurs,  leur  apprit  que  leur  projet  criminel 
était  découvert,  et  les  renvoya.  Les  Sauvages  firent  alors 
le  siège  du  fort  et  tuèrç'^ifc  plusieurs  colons. 

A  Mî'^ljilimackinac  où  la  garnison  était  réduite  à  une 
trentaine  d'hommes,  sous  les  ordres  de  sieur  de  Noyelles, 
fils,  les  Sauvages  avaient  aussi  formé  le  projet  de  détruire 
les  Français.  La  nussi  le  complot  fut  découvert  à  temps 
et  les  conspirateur  y  irent  obligés  de  sortir  du  fort  au  son 
du  tocsin  et  du  tan  > 

Peu  de  temps  après  i  ^aiteurs  revinrent  en  force  à  Mi- 
chilimackinac,  et  Détroit  fut  secouru  par  un  convoi  de  150 
hommes,  veims  de  Montréal  sous  les  ordres  du  sieur  Du- 
buisson.  Ces  renforts  obligèrent  les  Sauvages  à  respecter 
les  forts  ;  mais  ils  continuèrent  leurs  déprédations  dans  la 
campagne  et  les  bois,  tuant  les  chevaux  et  les  bestiaux, 
assassinant  les  voyageurs  isolés  ou  volant  leurs  marchandises. 

Ils  réussirent  mênie  à  surprendre  le  poste  de  Dou ville, 
aux  Miamis,  et  le  mirent  au  pillage. 

Dans  l'automne  de  1747  Legardeur  de  Saint-Pierre  fut 
envoyé  à  Michilimackinac  pour  prendre  le  commandement 
de  ce  poste  et  remettre  la  paix  dans  les  pays  d'en  haut. 
Quand  il  arriva  à  destination  les  Sauvages  étaient  presque 
tous  partis  pour  leur  hivernement  ;  et  il  ne  put  pousser  les 
négociations  avant  le  printemps  suivant. 

Saint-Pierre  à  Michilimackinac,  et  Longueuil  à  Détroit, 
se  donnèrent  beaucoup  de  peine  pour  ramener  les  Sauvages. 
Ceux-ci  finirent  comme  d'ordinaire  par  se  rendre  aux  pro- 
messes et  aux  menaces,  parce  qu'ils  se  voyaient  dans  l'impos- 
sibilité de  se  débarrasser  des  Français.  Au  mois  de  juillet 
les  chefs  descendirent  à  Montréal  et  demandèrent  d'être 
envoyés  en  guerre  pour  marquer  leur  fidélité  et  réparer  le 
mal  qu'ils  avaient  fait  par  le  passé.'     Cette  proposition  des 

'  Mémoires  sur  les  affaires  du  Canadai  1747  et  1748;  Do&  rel.  à  l'hist- 
de  la  N.  F.,  vol.  III. 


LA    FIN    d'un   régime 


133 


Sauvages  était  trës  agréable  aux  autorités  de  la  colonie, 
dont  toute  la  politique  à  l'égard  de  Sauvages  était  de  les 
engager,  par  des  présents,  à  aller  attaquer  les  Anglais  et 
leurs  alliés.  La  nature  de  ces  présents  variait  à  l'infini. 
L'on  ne  cherchait  qu'à  satisfaire  le  caprice  des  Sauvages. 
Ainsi  nous  voyons  par  une  lettre  de  Longueuil,  au  gou- 
verneur-général !  "  Mikinac  demande  un  habit  d'écarlate 
garni  d'un  ruban  d'argent,  une  chemise  fine,  et  une  épée 
k  poignée  d'argent.  D'un  refus  pourrait  résulcer  un  grand 
revirement."  Plus  tard  pour  flatter  la  vanité  des  chefs 
Sauvages,  l'on  inventa  de  leur  donner  des  commissions, 
comme  aux  ofiiciers  Français.  I/original  d'une  de  ces 
commissions  est  conservé  à  la  bibliothèque  de  Détroit  et  se 
lit  ainsi  : 

"  Pierre  Rigaud  de  Vaudreuil,  Gouverneur,  Lieutenant- 
Général  pour  le  Roi  en  toute  la  ITouvelle  France,  terres  et 
pays  de  la  Louisiane  : 

"  Nous,  sur  les  bons  témoignages  qui  nous  ont  été  ren- 
dus de  la  religion,  du  zèle,  et  de  l'attachement  pour  les 
Français  et  de  l'affection  au  service  du  Roi,  du  nommé 
Mougouagan,  du  village  des  Poute-ouatamis,  l'avons  nom- 
mé et  établi,  le  dit  Mougouagan,  en  autorité  et  conmande- 
ment  sur  les  guerriers  du  dit  Village  ;  En  foi  de  quoi  lui 
avons  accordé  cette  commission  que  nous  avons  fait  sceller 
du  cachet  de  nos  armes  et  contresigner  par  notre  secrétaire. 

Fait  à  Montréal,  le  1  sept.  1775. 

Vaudreuil. 

Par  Monseigneur,  N.  L.  M. 

Mais  la  récompense  la  plus  généralement  estimée  par 
les  Sauvages  était  l'eau-de-vie  ;  et  on  en  distribuait  libérale- 
ment à  ceux  qui  rapportaient  des  chevelures  d'Anglais. 

A  ce  sujet  les  autorités  de  la  Nouvelle- Angleterre  ont 
souvent  dénoncé  la  conduite  des  Français.     C'est  pourquoi 


134 


LES  CANADIENS   DU   MICHIGAN 


M.  de  Beauharnais  écrivait  à  SLirley,  gouverneur  du 
iN'ew-York. 

"Je  voudrais  pouvoir  déraciner  entièrement  du  cœur  des 
Sauvages  la  barbarie  qui  semble  née  chez  la  plupart  d'entre 
eux,  et  c'est  pour  y  parvenir  que  lorsqu'ils  sont  venus  me 
demander  pour  aller  en  guerre,  je  leur  ai  donné  autant  que 
j'ai  pu  quelques  oflSciers  canadiens,  à  qui  j'ai  donné  ordre 
de  protéger  les  prisonniers  contre  toutes  sortes  d'insultes. 
J'ai  fait  plus,  touché  du  malheureux  sort  de  ceux  qui  sont 
tombés  entre  les  mains  des  Sauvages,  j'en  ai  racheté  au  dé- 
pens du  Roy,  autant  que  j'ai  pu  leur  en  arracher,  mais  je 
n'ai  pu  vaincre  ^'obstination  que  quelques  uns  ont  eu  de 
garder  les  prisonniers."  * 

Chose  certaine,  "es  .\nglais  n'étaient  pas  plus  humains 
que  les  Français,  et  parf  plus  qu'eux  ils  ne  s'embarrassaient 
du  droit  des  gens  dans  ces  guerres  de  répressailles,  remplies 
d'actes  de  vengeance  et  de  cruauté. 

Les  autorités  de  la  Nouvelle-France  reprirent  vers  ce 
temps  le  projet  de  Talon  de  resserrer  les  colonies  anglaises 
sur  le  bord  de  la  mer  par  une  série  de  postes  militaires  le 
long  des  grands  fleuves  de  l'intérieur.  Le  comte  de  la  Galis- 
sonnière  qui  fut  gouverneur  du  Canada  en  1748,  s'attacha 
particulièrement  à  démontrer  au  gouvernement  français 
l'importance  des  colonies  de  l'Ouest  pour  la  préservation  de 
la  domination  française  dans  l'Amérique  du  Nord  ;  et  dans 
son  plan  Détroit  devait  jour  un  premier  rôle. 

"  L'établissement  de  quelques  postes  sur  l'Ohio,"  écrivait- 
il,  "  est  donc  l'une  des  dépenses  les  plus  urgentes,  mais  l'on 
croit  en  même  temps  que  ces  postes  n'acquèreront  aucune 
solidité  '^a'en  autant  que  les  forces  de  Niagara  et  de  Détroit 
seront  augmentées.  Cette  dernière  place  demande  actu- 
ellement la  plus  grande  attention.  Si  une  fois  elle  venait 
à  avoir  une  population  d'un  mille,  elle  nourrirait  et  défen- 

»  Doa  rel.  à  l'hist.  de  la  N.  F.,  Vol.  III. 


LA    FIN    D  UN    REGIME 


135 


drait  toutes  les  autres.  De  tout  l'intérieur  du  Canada  c'est 
l'endroit  le  plus  propice  pour  une  ville  où  tout  h,  cmmerce 
des  lacs  se  concentrerait.  Si  elle  possédait  une  bonne  gar- 
nison et  était  entourée  d'un  bon  nombre  d'habitations  elle 
serait  en  état  d'en  imposer  à  presque  tous  les  Sauvages  du 
continent.  Il  suffit  ^e  voir  sa  position  sur  la  carte  pour  en 
comprendre  l'utilité.  Elle  se  trouverait  sur  le  fleuve  Saint- 
Laurent,  à  portée  de  l'Ohio,  des  Illinois,  du  fleuve  Missis- 
sipi,  et  en  position  de  protéger  toutes  ces  différentes  places 
et  même  la  région  au  nord  des  lacs."  ' 

Le  comte  de  la  Galisonnifere,  durant  son  court  séjour  dans 
le  pays,  prit  des  mesures  très  utiles  pour  encourager  l'émi- 
gration des  cultivateurs  canadiens  vers  l'Ouest.  Les  faibles 
ressources  de  la  colonie  ne  lui  permettaient  pas  de  pousser 
avec  beaucoup  de  vigueur  ses  projets  d'exp»  ision.  Néan- 
moins au  printemps  de  1749,  il  fit  publier  à  son  de  tam- 
bour dans  toutes  les  paroisses  du  Canada  la  proclamation 
suivante  : 

"  Chaque  homme  qui  s'établira  au  Détroit  recevra  gra- 
tuitement une  pioche,  une  vache,  un  soc  de  charrue,  une 
grosse  et  une  petite  tarriëre.  On  leur  fera  l'avance  des 
autres  outils  pour  être  payés  dans  deux  ans  seulement  ;  il 
leur  sera  délivré  une  vache  qu'ils  rendront  sur  le  çroîj;.  De 
même  une  truie  ;  on  leur  avancera  la  semence  de  la 
première  année,  à  rendre  à  la  troisième  récolte.  Seront 
privés  des  libéralités  du  roi  ceux  qui,  au  lieu  de  cultiver,  se 
livreront  à  la  traite." 

"  Cette  proclamation,"  continue  M.  Rameau,  auquel  nous 
devons  ces  renseignements,  "  fut  renouvelée  par  M.  de  la 
Jonquière,  le  2  janvier  1750,  avec  ces  variantes  :  l'on  n'ad- 
mettait que  des  habitants  terriens  et  de  bonnes  mœurs,  les 
fournitures  gratuites  étaient  accrues  d'un  fusil,  d'une  faux 
et  d'une  faucille,  d'une  truie,  de  six  poules,  un  coq,  six  livres 

'  Memoir  on  the  French  Colonies,  1758,  N.Y.  Col.  Doc,  vol.  x. 


/ 


136 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


de  poudre  et  douze  de  plomb.  L'émigrant  devait  être 
nourri  avec  sa  famille  pendant  dix-huit  mois  ;  on  lui  avan- 
çait une  vache  et  un  bœuf.  Enfin  on  promettait  d'entrete- 
nir à  Détroit,  aux  frais  du  roi,  un  charpentier  qui  aidât  et 
dirigeât  les  habitants  dans  la  construction  de  leurs  maisons, 
et  on  ne  devait  payer  le  cens  des  terres  que  trois  ans  après 
la  prise  de  possession. 

"  On  y  envoya  ainsi,  en  1749,  46  personnes,  tant  hommes 
que  femmes  et  enfants  ;  puis,  en  1760,  12  familles,  compo- 
sées de  57  personnes,  y  passèrent  avec  M.  de  Céloron  ;  en 
1751  nous  savons  qu'il  fut  accordé  17  concessions  de  terre 
et  23  autres  en  1752.  Il  y  avait  à  la  même  époque  25  sol- 
dats congédiés  établis  dans  le  pays  ;  mais  un  rapport  de 
cette  dernière  année  nous  apprend  qu'il  ne  sera  pas  possible 
d'y  envoyer  de  nouvelles  familles  l'année  suivante,  à  cause 
de  l'état  fâcheux  des  approvisionnements."  ' 

Dans  les  districts  de  Québec  et  des  Trois-Rivières  la  pro- 
clamation de  La  Galisonnière  eut  peu  d'eiFet,  mais  dans  le 
district  de  Montréal  elle  attira  l'attention  sur  Détroit  et  fit 
naître  un  courant  naturel  d'émigration  vers  ce  poste,  qui 
commençait  décidément  à  prendre  des  allures  de  colonie. 

Un  recensement  pris  en  1751  établit  que  la  population  fixe 
de  Détroit  et  des  environs  se  montait  à  483  âmes.  Si  l'on 
ajoute  à  cela  la  population  flottante,  que  la  traite  et  le  service 
du  roi  entretenaient  dans  le  poste,  l'on  concluera  qu'il  de- 
vait compter  pas  loin  de  600  habitants. 

Le  recensement  de  1751  constate  qu'il  y  avait  dans  la 
colonie  33  filles  âgées  de  plus  de  15  ans,  c'est-à-dire  suivant 
l'expression  ofiicielle  "  bonnes  à  marier,"  et  95  autres  au- 
dessous  de  15  ans. 

Les  naissances  s'élevaient  alors  à  22  ou  25  annuellement  ; 
en  1754  elles  s'élevèrent  à  30.  Un  nombre  relativement 
considérable  de  garçons,  jeunes  ou  vieux,  anciens  coureurs- 

'  Rameau,  La  Fiaoce  aux  Coluuies. 


LA    FIN    D  UN    REGIME 


137 


de-bois  ou  fils  de  cultivateurs  des  anciennes  paroisses  du 
Canada,  venaient  chaque  années  grossir  le  nombre  de  la 
population  stable  de  Détroit.  Les  mariages  étaient  fré- 
quents et,  en  1752,  Céloron  écrivait  au  gouverneur  que  les 
filles  à  marier  étaient  rares  dans  la  colonie. 

Le  recensement  nous  montre  encore  que  les  habitants  de 
Détroit  possédaient  collectivement  160  chevaux,  682  bêtes 
à  corne  et  plus  de  2,000  volailles.  Les  terres  défrichées 
formaient  une  superficie  de  1,070  arpents  ;  et  M.  de  Bou- 
gainville  dans  son  mémoire  de  1757  dit  que  les  habitants 
récoltaient  annuellement  2,500  minots  de  blé  et  quantité 
d'avoine  et  de  maïs.  Ce  même  mémoire  porte  à  deux  cents 
le  nombre  les  cultivateurs  du  poste.  L'augmentation  des 
habitants  du  fort  nécessita  soi'  agrandissement  en  1755,  et 
de  nouveau  en  1758 

Par  tout  ceci  il  est  évident  que  la  Nouvelle-France,  si 
mal  administrée  et  si  négligée  qu'elle  fût,  avait  réussi  à 
jeter  au  cœur  de  ce  continent  encore  livré  à  la  barbarie,  à 
cinq  cents  milles  de  Montréal,  une  colonie  possédant  tous  les 
éléments  de  vie,  de  force  et  de  grandeur  future.  Pendant 
ce  temps  les  Anglais  de  la  Xouvelle-Angleterre  dont  l'on  a 
tant  vanté  le  tempérament  et  les  institutions,  osaient  à 
peine  s'aventurer  au-delà  des  monts  Alleghany. 

A  part  ces  postes,  maintenus  par  ordre  du  gouvernement, 
les  trafiquants  s'établissaient  en  outre  dans  presque  tous  les 
villages  sauvages.  L'on  peut  porter,  croyons-nous,  à  2,500 
la  population  française  du  Michigan  en  1755. 

De  1749  à  1751,  Détroit  fut  commandé  par  le  lieutenant 
Jacques  Sabrevois,  auquel  succéda  Pierre  de  Céloron.  Le 
nouveau  commandant  avait  reçu  ordre  du  gouverneur- 
général  d'organiser  à  son  arrivée  une  expédition  pour  dé 
truire  le  poste  anglais  de  Pickawillany  ;  mais  rendu  à  Dé- 
troit, Celeron  s'aperçut  qu'il  ne  pouvait  compter  sur  les 
Sauvages,  et  il  renonça  à  l'entreprise  pour  le  moment. 

Le  gouverneur-général,  M.  de  Jonquiëre,  se  plaignait  de 


138 


LES   CANADIENS    DU   MICHIGAN 


rinaction  de  Celeron,  et  celui-ci  ne  savait  que  faire  lorsqu'un 
secours  inattendu  lui  arriva.  Charles-Michel  de  Lang- 
lade,  alors  dans  sa  vingt-troisiëme  année,  était  le  fils  d'un 
officier  établi  à  Michilimackinac  vers  1727  pour  y  comman- 
der aux  coureurs-de-bois.  Il  avait  grandi  au  milieu  de  ces 
hardis  voyageurs,  et  par  son  courage,  sa  force  et  son  intel- 
ligence il  avait  acquis  sur  eux  une  grande  influence.  Ap- 
prenant les  difficultés  dans  lesquelles  se  trouvait  Céloron, 
il  rassembla  quelques  centaines  de  Sauvages  et  de  voya- 
geurs et  les  conduisit  à  Détroit.  De  Céloron  l'envoya  aussitôt 
pour  détruire  le  poste  de  Pickawillany.  L'expédition 
fut  couronnée  d'un  succès  complet,  et  de  Jonquière  enchan- 
té écrivit  au  ministre  pour  demander  une  pension  pour  le 
jeune  de  Langlade. 

Cette  expédition  fut  un  des  premiers  actes  d'hostilité 
qui  conduisirent  à  la  guerre  qui  devait  r,e  terminer  par  la 
ruine  de  la  domination  française  en  Amérique.  Ce  résul- 
tat n'était  pas  difficile  à  prévoir.  Kon-seulement  les  Cana- 
diens allaient  se  trouver  en  face  d'un  ennemi  dix  fois  plus 
nombreux  qu'eux,  mais  le  Canada  était  encore  ruiné  à  l'in- 
térieur par  une  clique  d'administrateurs  corrompus  qui  ne 
songeaient  qu'à  édifier  leur  fortune  aux  dépens  du  pays. 

Jacques  Daneau,  sieur  de  Muy,  '  qui  gouverna  à  Détroit 
de  1754  à  1758,  et  son  successeur,  de  Bellestre,  portèrent  à 
des  taux  exorbitants  les  charges  sur  le  commerce  et  l'agri- 
culture. Plusieurs  colons  furent  réduits  à  abandonner  leurs 
terres  ;  encore  n'en  donna-t-on  la  permission  qu'à  ceux  qui 
voulurent  céder  leurs  droits  au  percepteur  des  taxes,  un  cer- 
tain sieur  Landrive.     Et  afin  que  les  justes  plaintes  n'arri- 


'  Jacques  Pierre  Daneaii,  sieur  de  Muy,  né  en  1695,  était  le  fils  de  Nico- 
las Daneau  de  Muy,  chevalier  de  St-Louis,  employé  au  Canada  et  en 
Louisiane  de  1680  à  1707.  Nous  le  voyons  apparaître  dans  l'Ouest  en 
1730,  à  l'occasion  d'un  voyage  au  cours  duquel  il  collectionna  des  plantes. 
Il  devint  capitaine,  chevalier  de  St-Louis,  et  mourut  à  Détroit  le  17  mai 
1758. 


LA    FIN    d'un    régime 


139 


vassent  pas  aux  autorités  les  lettres  étaient  interceptées  par 
le  commandant  qui  exerçait  une  censure  intolérable.' 

Du  reste,  loin  de  protéger  les  colons  de  Détroit,  le  marquis 
de  Duquesne  fit  exiler  l'un  d'eux,  qui  était  accusé  d'avoir 
traité  avec  les  Sauvages  sans  la  permission  du  commandant. 

Mais  c'est  surtout  dans  les  petits  postes  (jue  les  comman- 
dant abusaient  de  leur  autorité. 

Le  poste  des  Miamis  de  Kiskakons,  fut  d'abord  de  1747 
à  1750,  commandé  par  le  sieur  Josepli  Raymond.  Les 
Français  de  cette  région  faisaient  un  commerce  considérable 
avec  les  Anglais.  Les  Sauvages  ayant  surpris  la  garnison, 
en  1749,  mirent  les  marchandises  de  Raymond  au  pillage. 
Lorsqu'il  reclama  des  dommages  on  lui  répondit  qu'il  avait 
fait  beaucoup  d'argent  durant  ces  trois  ans.  Un  des  fils  de 
Raymond,  après  avoir  vécu  longtemps  chez  les  Sauvages 
s'établit  à  Détroit  vers  1772. 

Raymond  eut  pour  successeur  Louis  Coulon  de  Villiers, 
frère  de  Jumon ville,  puis,  en  1756,  J.-B.  Testard  de  Monti- 
gny,  qui  mourut  à  Blois,  en  France,  en  1 786,  après  avoir 
amassé  plus  de  deux  cents  milles  francs  dans  le  commerce 
de  l'Ouest. 

Le  poste  de  la  baie  Verte  qui  était  aussi  d'une  grande 
importance,  fut  donné  en  1752  à  Rigaud  de  Vaudreuil, 
frère  du  gouverneur-général,  qui  le  garda  jusqu'à  la  con- 
quête, et  y  fit  aussi  une  grande  fortune.  Pierre  Paul  Marin 
avait  la  direction  des  affaires  militaires  dans  cette  région, 
de  sorte  que  Vaudreuil  pouvait  donner  toute  son  attention 
au  commerce.  Aussi  lorsque  celui-ci  voulut  paraître  à  la 
tête  des  troupes  de  l'Ouest,  un  poète  du  temps  s'écria  en 

riant  : — 

"  Célébrons  tous  du  grand  Vaudreuil, 

La  sagesse  et  la  gloire, 
Tonte  l'Angleterre  est  en  deuil 

An  bruit  de  sa  victoire." 

•  Observations  on  certain  peculations  in  New  France,  N.Y.  Col.  Doc, 
Vol.  IX. 


Ni'  I 


140 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


«il 


En  1750  le  capitaine  de  Bonne  et  Louis  Leganleur,  che- 
valier de  Repentigny,  obtinrent  la  concession  d'une  étendue 
de  terre  de  six  lieues  de  front  sur  la  rivière  Ste-Marie,  entre 
les  lacs  Supérieur  et  llurons,  par  six  lieues  de  profondeur. 
Ce  domaine  leur  était  donné  avec  l'intention  qu'ils  y  éta- 
bliraient une  seigneurie,  où  les  voyageurs  pourraient  se  reti- 
rer sur  des*  terres  et  former  un  village  considérable,  qui 
serait  une  barrière  pour  empêcher  les  Sauvages  de  porter 
leurs  marchandises  aux  Anglais.  Les  conditions  contenues 
dans  l'acte  de  concession  sont  les  mêmes  qui  étaient  impo- 
sées à  tous  les  seigneurs  du  Canada.  La  plus  importante 
pour  les  concessionnaires,  c'est  qu'ils  obtenaient  le  monopole 
de  la  traite  au  saut  Ste-Marie. 

Le  capitaine  Louis  de  Bonne  de  Miselle,  du  régiment  de 
Condé,  était  un  neveu  du  gouverneur-général.  Après  la 
conquête  il  devint  partisan  déterminé  du  nouveau  régime. 
Louis  LeGardeur  de  Repentigny,  était  enseigne.  Né  en 
1721,  il  vivait  aux  environs  du  Saut  depuis  plusieurs  années. 
Il  commença  son  établissement  par  une  invitation  aux  Sioux 
de  venir  planter  leur  tente  au  Saut.  Plusieurs  de  ces  Sau- 
vages acceptèrent  l'invitation. 

De  Repentigny  retourna  au  Canada  en  1758,  laissant  le 
soin  de  ses  intérêts  à  Jean-Baptiste  Cadotte,  voyageur, 
marié  à  une  sauvagesse. 

Le  juge  de  Bonne  vendit  ses  droits  aux  terres  du  Saut 
en  1796,  à  James  Caldwell,  pour  la  somme  de  $1,500.  Les 
héritiers  de  Repentigny,  représentés  par  Louise-Pauline  Le 
Gardeur  de  Repentigny,  réclamèrent  la  possession  des 
terres  du  Saut  devant  les  tribunaux  américains  en  1855, 
mais  après  un  procès  qui  dura  douze  ans,  ils  furent  finale- 
ment déboutés  de  leurs  prétentions  par  le  juge  Nelson,  de 
la  cour  suprême  des  Etats-Unis. 

Michilimackinac  fut  commandé  par  le  sieur  Duplessis- 
Fabert  de  1760  à  1753.  Cet  officier,  né  à  Montréal  en  1689, 
conquit  les  grades  de  capitaine  et  de  chevalier  de  Saint- 


LA    FIN    b  UN    REGIME 


141 


Louis.  Il  parait  sT'tre  otubli  à  Mieliilimackiiuic  vers  1732. 
Un  (le  808  flirt  servait  sous  ses  ordres  en  1751. 

Louis  Ilerbin,  oapitaine,  né  en  1711,  petit  tils  d'un  valet 
(le  chambre  du  roi,  figure  comme  commandant  de  Michili- 
mackinac  en  1754  et  1755. 

Il  est  probable  (pi'il  commandait  par  intérim  en  l'absence 
de  Charles  Villemonde  de  Beaujeu,  (pii  avait  été  nommé  à 
ce  poste  en  1753.  De  Beaujeu,  qui  était  capitaine  et  che- 
valier de  Saint-Louis,  avait  été  employé  en  Acadie  en  1747 
et  1748,  puis  il  avait  été  commandant  chez  les  Sioux.  En 
1753,  il  venait  d'épouser  Marie-Geneviève  Lemoine.  Il 
était  encore  à  Michilimackiiuic  en  1760. 

Détroit  a  eu  pour  denier  commandant  français,  François- 
Marie  Picoté  de  Bellestre.  Né  en  1717,  cet  officier  servit 
avec  le  grade  d'enseigne  en  Acadie  en  1746  et  1 747,  puis 
il  fut  envoyé  pour  commander  le  poste  des  Miumis  sur  la 
rivière  Saint-Joseph  du  lac  Michigan.  Fait  chevalier  de 
Saint-Louis  avant  la  conquête,  il  s'établit  à  Montréal  après 
(j[ue  les  Anglais  eurent  pris  possession  du  pays,  et  devint 
un  des  chefs  sous  le  nouveau  régime.  Grand  voyer  de 
Montréal,  membre  du  conseil  exécutif  sous  Ilaldimand, 
puis  conseiller  législatif  en  1775,  il  se  mit  à  la  tête  des  mi- 
lices canadiennes  lors  de  l'invasion  des  Américains,  défendit 
Chambly  pendant  45  jours  contre  Montgomery,  et  en  1776 
reprit  Saint-Jean  sur  les  Américains  avec  80  volontaires.  Il 
mourut  en  1785. 

Malgré  la  tyrannie  dont  ils  avaient  à  souffrir  et  les  abus 
qu'ils  voyaient  partout,  les  Canadiens  de  l'Ouest  firent 
preuve  durant  la  dernière  lutte  contre  l'Angleterre,  de  la 
plus  grande  loyauté  et  prouvèrent  leur  valeur  sur  plus  d'un 
champ  de  bataille.  Les  habitants  de  Détroit  et  les  traiteurs 
de  Michilimackinac  se  retrouvent  partout  durant  cette 
guerre,  entraînant  à  leur  suite  les  nations  ounvages  au  mi- 
lieu desquelles  ils  vivaient. 

Ces  hardis  miliciens  et  leurs  alliées  combattaient  à  la 


142 


LES   CANADIENS    DU   MICHIGAN 


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MM 


bataille  du  lac  Saint-Sacrement  sous  les  ordres  de  Saint- 
Pierre  et  étaient  à  côté  de  de  Beaujeu  à  la  Mouongahéla. 

En  1757,  dans  les  glorieuses  expéditions  contre  les  forts 
Oswégo  et  William-Henry,  il  n'y  avait  pas  moins  de  1200 
sauvages  des  postes  du  Michigan.  divisés  en  bandes  con- 
duites par  les  officiers  et  les  habitants  de  ces  postes. 

Le  sieur  de  Bellestre,  qui  commandait  les  Sauvages  de 
Détroit  dans  cette  expédition,  se  porta  dans  l'automne  de 
la  même  année  sur  un  petit  fort  appelé  Qerraan  Flats,  sur 
la  rivière  Mohawk,  rasa  ce  poste  et  fit  au-delà  de  cent  pri- 
sonniers. 

Eu  1758,  Bellestre  se  porta  au  secours  de  M.  de  Lignery, 
qui  commandait  au  fort  Duquesne  ;  mais  tous  deux  durent 
se  retirer  de-vant  les  forces  supérieures  des  Anglais.  Ces 
derniers  se  préparèrent  à  venir  les  attaquer  à  Détroit.  A 
cette  nouvelle  Bellestre  rassembla  les  Sauvages  et  marcha 
à  leur  rencontre.  Il  se  trouva  bientôt  en  présence  de 
l'avant-garde,  à  laquelle  il  infligea  des  pertes  considérables. 
Cet  échec  découragea  les  Anglais,  qui  abandonnèrent  leur 
projet. 

Au  commencement  ce  la  campagne  de  1759,  Augustin 
de  Langlade  descendit  à,  Québec  avec  deux  cents  Sauvages 
de  Michilimackinac  et  se  tint  aux  ordres  de  Montcalm 
durant  tout  le  siège. 

De  son  côté  Bellestre,  avec  les  forces  de  Détroit,  se  porta 
au  secours  du  fort  Kiagara,  assiégé  par  une  armée  considé- 
rable, mais  il  ne  réussit  pas  à  sauver  cette  place  importante. 
Après  cette  défaite,  les  Français  brûlèrent  les  forts  Pres- 
qu'île, Le  Bœuf  et  Yenango,  et  se  retirèrent  tous  à  Détroit, 
qui  se  trouva  complètement  isolé.  Il  s'ensuivit  une  disette 
et  les  habitants  furent  obligés  de  vivre  de  viande  et  de 
maïs,  le  blé  manquant  absolument. 

Au  mo's  de  juin  1760,  Vandreuil  fit  envoyer  des  secours 
considérable  s  àD.'troit  ;  mais  la  fin  était  pioche.  Le  8  sep- 
tembre tout  le  Canada,  y  compris  Détroit,  Michilimackinac 


LA    FIN    D  UN    REGIME 


148 


et  les  autres  postes  du  Michigan,  était  cédé  aux  Anglais  par 
la  capitulation  de  Montréal.  M.  de  Vaudreuil  écrivit  au 
commandant  de  Détroit  en  ces  termes  pour  lui  apprendre 
cette  capitulation  : 

"  A  Montréal,  le  9  septembre  1760. 

"  Je  vous  apprends,  Monsieur,  que  j'ai  été  dans  la  né- 
cessité de  capituler  hier  à  l'armée  du  général  Amherst 

à  des  conditions  très  avantageuses  pour  le  colons  et  particu- 

liëreroent  pour  les  habitants  de  Détroit .  En   effet,  ils 

conservent  le  libre  exercice  de  leur  religion  et  sont  main- 
tenus en  la  possession  de  leurs  biens-meubles  et  de  leurs 

pelleteries ils  conservent  leuro  Nègres  et  Panis,  mais 

ils  sont  obligés  de  rendre  ceux  pris  aux  Anglais.' 

Le  13  septembre  le  major  Robert  Rogers  partit  de  Mon- 
tréal t  vec  cette  lettre,  escorté  de  200  hommes,  pour  aller 
prendre  possession  de  Détroit,  où  il  arriva  le  19  novembre. 
Il  y  trouva  trois  officiers  et  35  soldats  français  qui  furent 
dirigés  sur  Philadelphie  pour  de  là  être  embarqués  pour  la 
France. 

Dans  l'automne  de  l'année  suivante  les  Anglais  prirent 
également  possession  de  Michilimackinac  et  du  Saut-Ste- 
Marie. 

Le  drapeau  de  la  France  ne  flottait  plus  sur  le  sol  du 
Michigan  ;  mais  la  race  française  n'y  avait  pas  dit  son  der- 
nier mot. 


'  Mémoires  et  Doc.  de  la  Soc.  Hist.  de  Montréal,  1859. 


CHAPITRE  XII 

LES    ANCÊTRES. 

Campau — Le  fondateur  de  cette  famille  en  Amérique, 
Etienne  Campau,  était  maçon.  Il  vint  se  fixer  à  Montréal 
vers  1660,  et  nous  le  voyons  s'enrôler  trois  ans  plus  tard 
dans  la  milice  que  l'on  organisait  pour  résister  aux  Iro- 
quois.  Etienne  laissa  six  garçons,  parmi  lesquels  se  trou- 
vaient Michel  et  Jacques  Campau,  qui  furent  les  compa- 
gnons de  Cadillac. 

Michel  Campau  était  né  à  Montréal  en  1667  et  avait 
épousé  Jeanne  Macé  le  7  janvier  1696.  Ce  ne  fut  qu'en 
170 1  qu'il  amena  sa  famille  à  Détroit,  et  elle  fut  de  celles 
qui  retournèrent  au  Canada  en  1710.  Cependant  Michel 
avait  conservé  des  intérêts  à  Détroit,  et  quand  il  mourut  en 
1737  sa  veuve  et  ses  enfants  revinrent  se  fixer  dans  l'Ouest. 
Michel  avait  quatre  fils  :  Michel  qui  s'établit  sur  la  rive 
canadienne  de  la  rivière  Détroit  et  devint  lieutenant  de  la 
milice  ;  Paul-Alexandre,  Charles  et  Antoine.  Leur  descen- 
dance  n'est  pas  nombreuse. 

Presque  tous  les  Campau  (pii  habitent  aujourd'hui  Détroit 
et  les  environs  descendent  de  l'autre  branche  de  la  famille 
fondée  par  Jacques,  fils  d'Etienne. 

Jacques  Campau  était  né  en  1677,  et  avait  épousé  Jeanne- 
Cécile  Catin  à  Montréal  en  1699.  Sa  famille  était  à  Détroit 
en  1708,  d'où  elle  retourna  à  Montréal  en  1710.  Durant  ce 
voya^,  près  des  chutes  Niagara,  madame  Campau  donna 
le  jour  à  un  garçon,  qui  vécut  jusqu'à  un  âge  avancé.  En 
1714  l^  ^Umille  de  Jacques  était  de  nouveau  à  Détroit  où 

j 


146 


LES    CANADIENS   DU   MICHIQAN 


m  4 


ïita 


elle  finit  par  rester,  après  un  autre  voyage  à  Montréal,  vers 
1720.  Jacques  Campau  était  taillandier  et  faisait  aussi  la 
traite.  Il  mourut  à  Détroit  en  1751  laissant  plusieurs 
enfants. 

Son  fils  aine,  Jean-Louis  Campau,  né  en  1702,  épousa 
Marie-Louise  Robert  en  1725,  et  devint  l'un  des  plus  riches 
cultivateurs  du  pays.  Avant  de  mourir  il  donna  une  terre 
valant  6,000  livres  à  chaqu'un  de  ses  fils  :  Jacques,  dont 
nous  reparlerons  ;  Simon,  qui  éy>ou8a  Véronique  Bourdeau 
en  1761  ;  et  Jean-Baptiste,  qui  épousa  Geneviève  Godet 
en  1 767,  et  devint  riche  marchand. 

Nicolas  Campau,  troisième  fils  de  Jacques,  qui  était  né 
près  des  chutes  Kiagara,  porta  toute  sa  vie  le  soubriquet 
de  "  Niagara."  Il  épousa  Agathe  Casse  dit  St-Aubin 
en  1737,  et  mourut  en  1756,  ne  laissant  que  des  filles. 

Jean-Baptiste  Campau,  le  quatrième  fils  de  Jacques,  né 
en  l7ll,  fit  des  études  à  Montréal,  et  revint  s'établir  à  Dé- 
troit comme  notaire.  Il  épousa  Catherine  Perthuis  en  1737 
et  mourut  en  1783,  laissant  Jean-Baptiste,  marié  à  Cathe- 
rine Boyer  en  1764  ;  Hypolite,  qui  épousa  Marie-Anne 
Pépin  en  1768  et  devint  traiteur  à  Mackinac  ;  François- 
Basile  marié  à  Suzanne  Moran  en  1785,  et  Julien,  qui  vivait 
encore  à  la  Grosse  Pointe  en  1 808. 

Jacques  Campau,  fils  de  Jean-Louis  et  de  Marie-Louise 
Robert,  déjà  mentionné,  fut  le  fondateur  d'une  des  branches 
les  plus  distinguées  de  la  famille.  Né  en  1735,  il  étudia  à 
Montréal,  puis  s'établit  sur  une  terre  à  la  Grosse  Pointe.  En 
1761  il  alla  se  marier  à  Montréal  à  Catherine  Ménard,  et 
revint  se  fixer  sur  sa  terre  dont  il  tira  si  bien  parti  qu'il 
jeta  les  bases  d'une  fortune  considérable.  Il  fut  fait  ensei 
gne  dans  la  milice  par  le  gouvernement  anglais  et  s'acquit 
l'estime  de  tous.  Sa  première  femme  étant  morte  il  se 
remaria  en  1784  à  Françoise  Navarre,  veuve  du  lieutenant 
George  McDougall.  De  son  premier  mariage  il  avait  eu 
douze  enfants,  dont  Jacques  né  en  1766,  Joseph,  en  1769, 


Il 


LES    ANCÊTRES 


147 


Nicolas,  en  1770,  Toussaint,  en  177],  Barnabe,  en  1775  et 
Denis,  en  1781.  Tous  ces  enfants  occupaient  une  position 
éminente  dans  la  société  de  Détroit  au  commencement  du 
siècle.  Joseph,  surtout,  passa  pour  l'un  des  plus  riches 
citoyens  de  la  ville  jusqu'à  sa  mort  arrivée  en  1848.  Son  fils 
Daniel  a  occupé  des  postes  de  confiance  dans  le  parti  démo- 
crate, et  son  petit  fils,  Daniel,  est  actuellement  un  des  chefs 
de  ce  parti  dans  le  Michigan. 

Plusieurs  autres  membres  de  la  famille  Campau  ont  du 
reste  occupé  des  charges  publiques  ainsi  que  des  positions 
éminentes  au  barreau  et  dans  la  médecine.  Ce  nom  a  été 
écrit  autrefois  Champo,  Campo,  Campot  et  Campeau. 

De  Marsac  dit  Durocher — .Jacob  De  Marsac,  sieur  de 
Lombtrou,  dit  Durocher,  était  sergent  dans  la  première  gar- 
nison de  Détroit.  Dans  le  printemps  de  1707  il  obtint  la 
concession  d'une  terre  et  fit  venir  Sa  famille  à  Détroit.  Il 
mourut  vers  1746,  laissant  deux  fils,  François  et  Jacques. 

François,  né  en  1706,  maria  Thérèse-Cécile  Campau.  Il 
portait  le  titre  de  sieur  de  Lombtrou.  Il  mourut  en 
1777,  laissant  plusieurs  enfants  et  petits-enfants.  Une  de 
ses  filles,  Marie-Louise,  épousa  le  célèbre  Robert  ISTavarre. 
Ses  descendants  se  sont  distingués  comme  traiteurs  et  comme 
pionniers.  Ils  ont  été  parmi  les  fondateurs  de  Monroe. 
Dans  le  comté  d'Essex  les  Durocher  sont  encore  bien 
connus. 

Bigras-Fauvel — Jacques  Bigras  dit  Fauvel  fut  un  autre 
des  compagnons  de  (Cadillac.  Il  épousa  Angélique  Clément 
et  laissa  plusieurs  enfants  qui  ont  fait  souche,  soit  sous  le 
nom  de  Fauvel  ou  sous  celui  de  Bigras. 

EsTÈVE  dit  Lajeunesse — Pierre  Estève  ou  Stebe  dit 
Lajeunesse,  vint  à  Détroit  en  1707.  Il  avait  épousé  Made- 
leine Frappier  à  Québec.  Ses  filles  s'allièrent  aux  Chai)oton, 
aux  Belleperche  et  aux  St-Aubin,  tandis  que  ses  descen- 
dants mâles  sont  bien  connus  dans  le  comté  d'Essex  sous  le 
nom  de  Lajeunesse. 


148 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


Bienvenu  dit  Delisle — François  Bienvenu  dit  Delisle 
était  h  Détroit  avec  sa  famille  des  1704.  Il  était  originaire 
de  Larochelle  et  avait  épousé  Geneviève  Laferrière  en  l70l 
à  Montréal,  où  il  mourut  en  1751.  Son  fils  Alexis,  né  en 
1704,  épousa  Elizabeth  Bouron  à  Détroit  en  1740,  et  dix 
ans  plus  tard  obtint  une  terre  sur  la  rive  canadienne.  Il 
mourut  en  1763,  laissant  six  fils.  La  famille  est  encore 
nombreuse  et  bien  connue  sous  le  nom  de  Delisle. 

Fafart  dit  Delorme  ou  Macouce — Jean  Fafart  dit  de 
Lorme,  né  en  1657,  mort  à  Détroit  en  1756,  avait  été  avec 
son  frëre  François,  l'un  des  premiers  colons.  Le  premier 
mariage  sur  les  registres  de  l'église  Ste-Anne  est  celui  de 
sa  fille  Marguerite  à  J.-Bte  Turpin.  Son  fils  Jean-Baptiste 
épousa  Marguerite  Quérat  en  1715  et  a  laissé  des  desceïi- 
dants  dont  une  partie  a  pris  le  nom  de  Macouce. 

Mallet  ou  Maillet — Pierre  Maillet,  né  à  Montréal,  était 
fils  de  Pierre  et  de  Marie- Anne  Hardy,  de  St-Coulon  en 
Bretagne.  Il  était  traiteur  et  fut  l'un  des  premiers  à  visi- 
ter Détroit,  ou  il  possédait  un  emplacement  en  1706.  Son 
fils  Antoine,  né  cette  année-là  épousa  Thérèse  Maihot  en 
1730  à  Montréal  et  se  fixa  à  Détroit.  Il  eut  quatre  fils, 
dont  Jean-Baptiste,  né  en  1738,  qui  devint  le  fondateur  de 
Peoria,  Illinois,  après  s'être  rendu  célèbre  pas  ses  voyages. 

Joseph  Maillet,  fils  de  Gabriel,  de  Lachine,  vint  s'établir 
à  Détroit  vers  1780,  où  il  épousa  Marie-Anne  Catin.  Il 
mourut  en  1793  laissant  un  fils,  Joseph,  né  en  1785. 

Le  major  Edmond  Mallet,  de  Washington,  D.C.,  descend 
des  pionniers  de  Détroit. 

■  Ce  nom  à  quelquefois  été  écrit  Mullett,  mais  tous  les  Mul- 
lett  de  Détroit  n'ont  pa?  cette  origine.  Les  Mallet  sont  en- 
core connus  dans  le  comté  d'Essex. 

Barthe  dit  Bellefeuille — Jean  Barthe  dit  Bellefeuille 
venait  d'épouser  Charlotte  Chamillon  à  Varennes,  quand  il 
s'établit  à  Détroit  en  1707.  Il  a  fondé  une  famille  qui  à 
longtemps  occupé  une  place  éminente  dans  la  société  de 
Détroit. 


i    :. 


LES    ANCÊTRES 


149 


Casse  dit  St-Aubix — Jean  Cusse,  né  en  1659,  à  St- Aubin 
dans  le  diocèse  de  Bordeaux,  était  fils  de  Guillaume  Casse 
de  cette  paroisse.  D'abord  marin,  il  était  ensuite  entré 
dans  l'armée  et  avait  fait  partie  de  la  première  garnison  de 
Détroit.  En  1707  il  alla  à  Québec  où  il  épousa  Marie-Louise 
Gautier.  Il  revint  s'établir  sur  une  terre  que  lui  concéda 
Cadillac.  Il  mourut  en  1759,  lasssant  six  garçons  tous  éta- 
blis à  Détroit.  Cette  famille  a  longtemps  joué  un  rôle 
éminent  dans  les  affaires  de  Détroit,  et  compte  encore  de 
nombreux  représentants  dans  les  environs. 

Barrois. — François  Barrois,  marié  à  Marie-Anne  Sau- 
vage, à  Montréal  en  1717,  vint  bientôt  s'établir  à  Détroit. 
Il  eut  plusieurs  filles  et  deux  fils,  Antoine  et  François,  les- 
quels ont  fait  souche. 

Jean-Baptiste  Barrois,  notaire,  vint  s'établir  à  Détroit 
vers  le  même  temps,  mais  il  passa  aux  Illinois  vers  1730. 

BuTEAU — Pierre  Buteau,  de  Québec,  vint  à  Détroit  vers 
1716.  Il  eut  des  filles  qui  s'allièrent  aux  Campau  et  aux 
Dagneau. 

Chesne  dit  St-Onge — Cette  famille  descend  de  Pierre 
St-Onge,  tailleur,  originaire  de  Pignac,  ville  Barbeyeux, 
évêché  de  Xaintes,  et  établi  à  Montréal  avant  1676.  Char- 
les Chesne,  fils  de  Pierre,  né  en  1694,  vint  s'établir  à  Détroit 
vers  1706  et  y  épousa  en  1722  Catherine  Sauvage.  Il 
mourut  en  1755,  laissant  quatre  fils,  tous  interprètes  remar- 
quables. Charles,  marié  en  1755  à  Marie- Joseph  Labadie, 
habitait  la  partie  ouest  de  la  ville.  Léopold,  né  en  1734, 
avait  marié  une  Outaouas,  et  portait  le  titre  de  "  capitaine 
des  interprètes."  Isidore,  né  en  1738,  épousa  Thérèse 
Becquet  en  1758  et  mourut  en  1793. 

Pierre  Chesne,  frère  de  Charles,  vint  aussi  a  Détroit  vers 
le  même  temps,  et  épousa  Madeleine  Roy  en  1728.  Il 
mourut  en  1774,  à  l'âge  de  76  ans.  Il  fut  interprète,  mar- 
chand et  marguiller.  Son  seul  fils,  Pierre  Chesne,  dit 
Labutte,  né  en  1729,  épousa  Marie-Anne  Cuillerier,  et  eut 
plusieurs  enfants  qui  portèrent  parfois  le  nom  de  Labutte. 


150 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


Les  Chesne  ont  rendu  de  grands  services  aux  gouverne- 
ments anglais  et  américains  dans  les  négociations  avec  les 
Sauvages.  Quelques  uns  de  leurs  descendants  sont  encore 
des  citoyens  influents  dans  la  ville  de  Détroit. 

DuFOURNEL — Jean-Baptiste  Dufournel  dit  Desloriers  ori- 
ginaire du  diocèse  d'Angoulême,  épousa  Madeleine  Cau- 
terel  à  Détroit,  en  1721.  Il  eut  un  fils,  Jean-Baptiste 
Amable,  né  en  1724,  qui  a  fait  souche. 

Cardinal — Jacques  Cardinal,  né  en  1652,  vint  à  Détroit 
en  1718  avec  son  fils  aine  Jacques,  qui  était  marié  à  Jeanne 
Duguay,  et  qui  a  laissé  des  descendants. 

Chapoton — Jean-Baptiste  Chapoton,  né  en  1687,  était 
fils  d'André  et  d'Anne  Cassaiques,  de  Bagnoles  en  Lan- 
guedoc. Venu  à  Détroit  comme  chirurgien-major,  il  y 
épousa  Madeleine  Estève  en  1720.  De  ce  mariage  naqui- 
rent 22  enfants,  dont  sept  filles  et  un  garçon  se  marièrent. 

Ce  garçon,  Jeun-Baptiste,  né  en  1721,  se  maria  en  1749 
à  Geneviève  Godfroy,  morte  l'année  suivante,  et  en  1755  à 
Félicité  Cesire,  de  laquelle  il  eut  onze  enfants,  entre  autres 
Charles- Jean-Baptiste,  marié  à  Thérèse  Pelletier  en  1760 
et  mort  en  1795  ;  Louis- Alexis,  marié  à  Catherine  Meloche, 
et  Benoit,  marié  à  Thérèse  Meloche. 

Les  Chapotons  ont  occupé  de  tout  temps  une  des  pre- 
mières positions  à  Détroit,  où  ils  sont  encore  nombreux. 

Godfroy — Il  existe  trois  familles  distinctes  de  ce  nom  à 
Détroit.  La  plus  ancienne  s'y  fixa  en  1719  et  eu  pour  fon- 
dateur Jacques  Godefroy,  sieur  de  Maubœuf,  né  en  1684, 
aux  Trois-Rivières,  où  son  père,  Jacques  Godefroy,  de  l'é- 
vêché  de  Rouen,  s'était  établi  quelque  temps  auparavant. 
Il  est  probable  que  Jacques  Godfroy  vint  au  Détroit  dès 
les  premières  années  de  la  fondation  de  cette  ville.  En 
1715  nous  le  trouvons  à  Montréal,  marié  à  Marie- Anne 
Chesne.  Sa  famille  resta  Montréal  jusqu'en  1719.  A 
Détroit  il  s'établit  comme  marchand.  Il  mourut  en  novem- 
bre 1730,  ne  laissant  qu'un  garçon,  aussi  nommé  Jacques, 


LES    ANCÊTRES 


151 


et  qui  était  né  eu  1722.  Ce  fils  s'établit  à  la  Grosse  Poiute 
et  épousa  Clotllde  Chapoton  eu  1758.  Il  mourut  eu  1795. 
Son  fils  Jacques-Gabriel,  marié  eu  l781  à  Catherine  Couture, 
devint  le  père  <le  plusieurs  garçons,  dont  quelques-uns  se 
rendirent  célèbres  comme  trap[»eurs  et  traiteurs.  D'autres 
furent  parmis  les  fijudateurs  de  Monroe  et  autres  villes  du 
Michigan. 

Vers  1720,  Pierre  Godfroy,  sieur  de  Yieux-Font  et  de 
Rocquetaille,  vint  aussi  se  fix  à  Détroit  où  il  épousa 
Catherine  Vien  en  1724.  Il  était  petit  fils  d'un  des  plus 
remarquable  compagnons  de  Champlain,  et  appartenait  à  la 
célèbre  famille  des  Godfroy  de  Trois-Rivières.  Il  mourut 
eu  1744.  Un  de  ses  fils  eut  l'honneur  de  battre  le  général 
Washington  au  mois  de  juin  1756,  dans  la  vallée  de  l'Ohio. 
Un  autre,  Pierre,  fut  l'un  des  fondateurs  de  Vincennes 
Indiana. 

Le  nombre  des  Godfroy  à  Détroit,  fut  encore  augmenté 
vers  1 748  par  l'arrivée  de  Pierre  Godfroy  de  St.  George, 
ci-devant  soldat  de  la  colonie,  et  né  en  1717  à  Villeneuve 
de  St.  George,  diocèse  de  Paris.  Il  fut  tué  en  1764  parles 
Sauvages.  Il  avait  épousé  Suzanne  Pépin  et  laissa  deux 
fils,  Charles-François,  né  en  1753  et  François-Xavier,  né 
en  1758. 

Les  Godfroy  sont  de  noble  origine.  Dans  ces  dernières 
années  le  marquis  de  Godfroy  vivait  à  Paris. 

GoYAU  DIT  Lagarde — Jeau-Baptistc-Goyau,  fils  de  Guil- 
laume, naquit  à  Montréal,  le  13  octobre  1688.  Il  vint  à 
Détroit  vers  1715  et  s'y  maria  cinq  ans  plus  tard.  Jean- 
Baptiste  était  traiteur,  et  s'établit  sur  la  rive  canadienne. 
Il  eut  une  nombreuse  famille,  mais  tous  ses  enfants  allèrent 
s'établir  en  Canada,  à  l'exception  de  Jean-Baptiste  qui 
épousa  Louise  Delières  à  la  mission  des  Hurons,  près  de 
Sandwich  en  1747.  Ce  dernier  mourut  en  1764,  laissant 
quatre  fils,  Jean-Baptiste,  Antoine,  Louis  et  Nicolas  qui 
sont  devenus  les  fondateurs  d'une  des  premières  familles 


152 


LES    CANADIENS    DU   MICHIGAN 


S) 


du  comté  d'EsHcx.     Une  des  rue  principales  de  la  ville  de 
Windsor  porte  le  nom  de  Goyau. 

lÏAMELiN — La  famille  Ilamelin,  encore  avantageusement 
connue  dans  la  ville  de  Détroit,  eut  pour  fondateur  Louis 
Hamelin,  né  en  1680,  et  fils  du  seigneur  des  Grondines. 
Louis  épousa  Ctitherine  Keveu  à  Détroit  en  1718.  Ma- 
dame Hamelin,  auteur  de  "  Legends  of  Détroit,"  appar- 
tient à  cette  fomille. 

Peltier — Cette  famille  qui,  d'après  une  tradition  assez 
répandue,  aurait  déjà  été  établie  sur  le  site  de  Détroit 
avant  l'arrivée  de  Cadillac,  est  mentionnée  pour  la  première 
fois  aux  registres  de  Ste-Anne  en  1718.  Le  26  mars  de 
cette  année,  Jean -François  Peltier  épousa  Marie-Louise 
Robert.  Ce  Jean-François  était  né  en  1691,  à  Sorel.  Son 
bisaïeul,  Nicolas  Peltier,  maître  charpentier,  de  St-Pierre 
de  Galardon,  en  Beauce,  était  venu  au  Canada  en  1634,  et 
s'était  fixé  à  Québec.  Jean-François  qui  est  désigné  comme 
bourgeois,  mourut  vers  1723,  laissant  un  fib,  Jean-Baptiste, 
né  en  I7l9,  et  qui  alla  se  marier  à  Boucherville  en  1748,  à 
Marie-Joseph  Carmet.  Il  revint  aussitôt  à  Détroit  où  il 
mourut  après  1769,  laissant  six  filles  qui  épousèrent  à 
Détroit,  et  les  trois  garçons  qui  i   'vent  : 

lo.  Jean-Baptiste,  né  en  1744,  marié  en  1770,  à  Cathe- 
rine Vallée,  mort  en  1778,  laissant  trois  fils  :  Jean-Baptiste, 
Isidore  et  Louis-Théophile. 

2o.  Jacques  ou  François- Amable,  né  en  1752  et  marié  à 
Madeleine  Levasseur,  fut  le  père  de  Jacques- Amable,  né  en 
1772,  qui  agissait  comme  interprète  en  1795,  et  qui,  en 
1802  était  messager  des  syndics,  de  Charles,  né  en  1784, 
confirmé  dans  la  possession  de  la  section  14,  ferme  St. 
Aubin,  en  1805.  Charles,  fils  de  ce  dernier,  a  occupé  de 
1835  à  1860  des  charges  très  importantes  dans  l'adminis- 
tration municipale. 

3o.  Félix,  né  en  1769,  et  marié  en  1792,  à  Catherine  St- 
Aubin. 


LES    AXCÊTIIES 


153 


D'autres  Peltior  vinrent  n'ôtablir  à  Détroit  durant  les 
dernières  années  de  la  «loniiiuition  française. 

Robert — Prudent  Robert  dit  Lafontaine  vint  h  Détroit 
vers  17  lO.  Prudent  étant  petit-lils  de  Philippe  Robert,  de 
St-Jacques,  diocfese  d'Amiens,  Picardie.  Il  était  né  à  Bou- 
cherville  en  1686.  En  1711,  il  épousa  Madeleine  Fafard. 
De  ce  mariage  naquirent  18  entants  qui  retournèrent  tous 
en  Canada,  à  l'exception  d'Antoine  Robert  dit  Boucher, 
qui  épousa  Marie-Louise  Becquemont  en  1748,  et  devint  le 
père  de  Joseph-Marie,  Antoine,  François  et  Pierre,  maître- 
charpentier. 

Cette  famille  a  donné  plusieurs  hommes  distingués  à  la 
ville  de  Détroit. 

Drouet — Drouet,  sieur  de  la  Richardville,  désigné  comme 
lieutenant  à  Détroit  en  1711,  alla  plus  tard  s'établir  sur  la 
Wabash,  où  il  épousa  la  fille  d'un  chef  sauvage  et  vécut 
jusqu'à  un  âge  avancé.  En  1773,  le  grand-vicaire  Gibault 
baptisa  quatre  de  ses  enfants.  Un  de  ses  fils  fut  adopté  par 
les  Miamis  comme  leur  chef.  Cette  famille  retrace  son  ori- 
gine jusqu'à  Robert  Philippe  Drouet,  seigneur  de  Brazy, 
Musoy,  St-Paul  et  autres  lieux,  qui  vivait  de  1130  à  1180. 
En  1888,  M.  Faucher  de  St-Maurice  rencontra  en  France, 
un  des  descendants  de  ces  seigneurs,  M.  Marcel  de  Curzon 
de  Vivonne,  qui  était  venu  en  Canada. 

Beaubien — CuiLLERiER — DesRuisseaux — Trottier —  Ces 
quatre  familles,  encore  fort  bien  connues  à  Détroit  et  dans 
les  environs,  descendent  toutes  quatre  de  Jules  Trottier,  de 
Saint-Martin-d'Ilgé,  au  Perche,  venu  au  Canada  avant  1646. 
Un  des  fils  de  ce  Jules  Trottier,  Antoine  Trottier  dit  Beau- 
bien,  se  maria  aux  Trois-Rivières  en  1663,  et  devint  le 
père  de  douze  enfants,  dont  l'un,  Michel  Trottier,  sieur  de 
Beaubien,  devint  seigneur  de  la  Rivière-du-Loup,  et  deux 
autres,  Alexis  et  Marie-Catherine,  s'établirent  à  Détroit. 

Alexis  Trottier  dit  DesRuisseaux,  premier  capitaine  des 
milices,  puis  colonel,  était  négociant.     Né  en  1688  il  épousa 


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154 


LES   CANADIENS    DU    MICHIOAN 


Marie-Louise  Roy  à  Détroit  en  1735,  et  Catherine  Godefroy 
en  seconde  noce,  en  1789.  Ses  fils  ont  perpétué  les  noms 
de  DesRuisseaux  et  Trottier. 

Marie-Catherine  Trottier  dit  Beaubien,  fille  d'Antoine, 
épousa  en  109G  Jean  Cuillerier,  venu  au  Canada  avant  1665, 
de  Clermont,  près  de  Flèche.  Jean  Cuillerier  était  établit  à 
Lachine  comme  marchand.  Il  était  aussi  commis  du  grand 
voyer.  Une  maison  de  pierre  dans  laquelle  il  a  résidé  existe 
encore  t\  Lachine.  Il  mourut  en  1713,  laissant  sa  femme 
avec  plusieurs  enfants,  dont  deux  fils,  Antoine  et  Jean- 
Baptiste.  Marie-Catherine  Trottier  se  remaria  l'année  sui- 
vante avec  François  Picoté  de  Bellestre,  qui  l'amena  à  Dé- 
troit. Les  enfants  de  Jean  Cuillerier  suivirent  leur  mère  à 
Détroit,  où  ils  portèrent  indifféremment  les  noms  de  Cuille- 
rier et  de  Beaubien.  De  là  il  est  résulté  une  confusion  qui 
a  trompé  Mgr  Tanguay,  qui,  dans  son  dictionnaire  généalo- 
gique, à  l'article  Beaubien,  fait  descendre  Jean-Baptiste 
Beaubien  de  Jean  Trottier,  mort  sept  ans  avant  sa  nais- 
sance. 

Ce  Jean-Baptiste  Beaubien  dit  Cuillerier  était  né  en  1709. 
Il  épousa  Marie-Anne  Barrois  en  1742,  et  devint  le  père  de 
douze  enfants,  qui  portèrent  presqu'exclusivement  le  nom 
de  Beaubien.  L'un  de  ses  fils,  Jean-Baptiste,  épousa  Gene- 
viève Parent  en  1768,  et  alla  ensuite  vivre  sur  la  rivière 
Wabash,  où  il  se  signala  durant  les  dernières  années  de  la 
révolution  américaine  par  ses  exploits  à  la  tête  des  Sau- 
vages. Nous  sommes  portés  à  croire  que  ce  dernier  fut  le 
père  de  Jean -Baptiste,  de  Marc  et  de  Médard  Beaubien, 
les  pionniers  de  Chicago.  Antoine  Beaubien  dit  Trottier- 
Cuillerier,  autre  fils  de  Jean-Baptiste,  épousa  Catherin- 
Bari'ois. 

Antoine  Cuillerier  dit  Beaubien,  fils  aine  de  Jean  Cuili 
rier,  avait  épousé  Marie-Angélique  Girard  à  Lachine,  et  il 
occupait  une  position  importante  comme  négociant  dans 
cette  localité  quand  il  décida  de  se  fixer  à  Détroit  vers  1730. 


LES    ANCÊTRES 


165 


Son  fils  Alexis  épouHa  Loiuho  Rlu'auino  on  1770  et  tut  lo 
përe  d'Alexis,  d'Antoine  et  de  plusieurs  filles. 

La  fiimille  Cuillerier-Boauhien  a  longtemps  été  l'une  des 
plus  importante  du  Détroit.  Elle  possJ'de  encore  de  grandes 
propriétés  dans  la  ville  ainsi  que  dans  le  comté  d'Essex. 
Charles  Beaubien,  qui  a. joué  l'un  des  [»remiers  rôles  comme 
homme  d'état  au  Nouveau-Mexique,  descendait  de  cette 
famille. 

Picoté  de  Bellestre — François-Marie  Picoté  de  Bellestre 
dont  il  a  déjà  été  fait  mention  dans  l'article  précédent  était 
officier,  capitaine,  et  chevalier  de  Saint-Louis.  Il  vint  se 
fixer  à  Détroit  vers  1722  et  y  mourut  en  1729.  Son  fils, 
François,  fut  le  dernier  commandant  français  de  Détroit. 

Belleperche — Pierre  Belleperche,  né  en  1699,  était  à  Dé- 
troit avant  1727.  Il  y  exerçait  le  métier  d'armurier.  Il  se 
maria  deux  fois,  la  première  avec  Angélique  Estfeve,  et  eu 
seconde  noce  avec  Marie-Anne  Campeau.  De  ces  deux  ma- 
riages il  eut  seize  enfants. 

Jean-Baptiste  Belleperche,  frère  du  précédent,  vint  aussi 
se  fixer  à  Détroit  vers  le  même  temps. 

Cette  famille  est  encore  honorablement  connue  dans  le 
comté  d'Essex. 

BouRON — Antoine- Joseph  Bouron,  vint  à  Détroit  avant 
1740  avec  son  fils  Charles  qui  se  fixa  sur  la  rive  canadienne 
et  épousa  Marguerite  Rhéaume  en  1756. 

Chauvin — Charles  Chauvin,  lieutenant  de  milices,  né  à 
Québec  en  1702,  vint  s'établir  à  Détroit  vers  1725  et  y  épou- 
sa Marie- Anne  Casse.    Il  mourut  en  1772,  laissant  trois  fils. 

1.  Charles,  maître  forgeron,  épousa  Marie-Louise  Bayer 
en  1761. 

2.  Jean-Baptiste,  habitant  du  Grand  Marais,  épousa  Thé- 
rèse Séguin  en  1 767.  •  . 

3.  Noël,  épousa  Jeanne  Meloche  en  1756. 

Leurs  '  escendants  se  retrouvent  encore  aux  environs  de 
Détroit  et  de  Mackinaw. 


163 


LES    CANADIENS   DU    MICHiGAN 


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BiNE\u — Jean  Bineau,  né  dans  le  diocèse  de  Poitiers, 
était  établi  à  Détroit  comme  traiteur  dès  1737.  Il  s'enrôla 
ensuite  dans  la  milice  de  Céloron  et  mourut  à  Détroit  en 
1757.  Sa  famille  resta  toutefois  à  Montréal,  à  l'exception 
de  son  fils  Louis,  qui  vint  s'établir  à  Détroit  vers  l750,  et 
qui  y  a  laissé  des  descendants  qui  ont  quelques  fois  pris  le 
nom  de  Lajeunesse, 

CicoTTE — Ce  nom  s'écrivïiit  aiitrefris  Chiquot.  La  famille 
est  originaire  de  Larochelle.  Zacharie  Chiquot,  fils  de  Jenn 
Cliiquct  et  de  Madeleine  Lamoureux,  de  Boucherville,  na- 
quit en  l708.  Il  vint  à  Détroit  vers  1730  et  y  mourut  t  i 
1775.  Il  est  désigné  sur  les  registres  en  difliereuts  temps 
comme  marchand,  marguillier,  lieutenant  et  major  de  la 
milice  et  bourgeois.  Il  habitait  la  côte  sud-ouest  oi^i  il  avait 
une  terre  de  3  x  40  arpents.  Il  avait  épousé  en  1736  Marie- 
Angélique  Godefroy.  Il  ne  laissa  qu'un  fils, , Jean-Baptiste 
Cicotte,  lieutenant,  né  en  1749  et  marié  en  1770  à  Angé- 
lique Poupart.     Ce  dernier  eut  une  nombreuse  famille. 

Cette  famille  a  donné  un  shérif  au  comté  de  AVayne,  et 
plusieurs  autres  citoyens  éminents  à  la  ville  de  Détroit. 

JoNCAiRE  DE  CiiABERT — Louis-Thomas  de  Joncaire,  sieur 
de  Chabert,  noble  homme,  interprète  du  roy,  lieutenant, 
était  originaire  de  St-Rémi,  diocèse  d'Arles,  Proverice.  'Né 
en  1670,  il  vint  au  Canada  très  jeune  et  fréquenta  les  Iro" 
qiiois  avec  lesquels  il  conduisit  des  négociations  pour  le  roi 
en  1700  et  de  nouveau  en  1705  et  1706.  Durant  cette  der- 
nière année  il  épousa  Madeleine  LeQuay  d.  Beaujeu.  En 
1726  nous  le  trouvons  établi  à  Détroit  comme  trafiquant  II 
laissa  deux  fils  qui  se  distinguèrent  dans  la  carrière  suivie 
par  leur  père.  L'ainé,  Philippe-Thomas,  sieur  de  Joncaire, 
dit  Hardy,  capitaine,  né  en  1707,  était  che/  les  Iroquois, 
quand  ceux-ci  se  déclarèrent  pour  les  Anglais.  Ils  le  forcèrent 
à  se  retirer  à  Niagara,  et  brûlèrent  ensuite  sa  maison  et  ses 
marchandises. 

Daniel,  sieur  de  Chabert  et  de  Clausonne,  né  en  1714,  à 


LES    ANCÊTRES 


157 


Repentignj,  fut  aussi  employé  chez  les  cinq  nations  comme 
interprète  avec  le  grade  d'officier.  En  1759  il  commandait 
un  petit  fort  à  deux  lieues  de  Niagara.  Après  la  guerre  il 
se  retira  à  Détroit  où  il  mourut  en  1771.  En  1751  il  avait 
épousé  Marguerite  Robert  k  Montréal.  Soi  fils,  François 
Joncaire,  eut  l'honneur  de  représenter  le  comté  de  Wayne, 
dans  la  législature  du  territoire  de  l'Ohio  en  1801.  Les 
Loranger  de  Détroit  et  de  Monroe  sont  aujourd'hui  les  re- 
présentants de  cette  famille  qui  est  éteinte  du  côté  des 
hommes. 

Beaudry-DesButtes — Jean-Baptiste  Beaudry-DesButtes 
dit  St-Martin,  armurier,  se  fixa  à  Détroit  vers  l735,  et  ob- 
tint la  concession  d'une  terre  sur  la  côte  sud-ouest.  Il  laissa 
deux  fils  :  1.  Jacques,  né  1733,  marié  1760  t\  Marie- Anne 
Navarre;  2.  Joseph,  né  IV 25,  interprète  de  la  langue  hu- 
ronne,  mort  en  1778.  Cette  famille  est  encore  connue  à 
Détruit  et  dans  le  comté  d'Essex  sous  le  nom  de  DesButtes. 

Labadie — Pierre  Decomps  dit  Labadie,  originaire  de  La- 
rochelle,  était  né  en  1702.  Il  épousa  en  1727,  Angélique 
de  Lacelle,  fille  d'un  riche  marchand  de  Montréal,  et  vint 
se  fixer  h  Détroit  une  dizaine  d'années  plus  tard.  Sa  des- 
cendance est  aujourd'hui  fort  nombreuse  et  répandue  dans 
tout  l'Ouest.  Son  fils,  Antoine-Louis  dit  Badichon,  vécut 
ai  mileu  des  Outaouas  et  obtint  d'eux  de  grandes  conces- 
sions de  trre.  Le  capitaine  Charles  Labadie,  bien  connu 
'lurant  la  première  partie  de  ce  siècle,  était  petit  fils  de  ce 
dernier. 

Deshêtres — Antoine  Deshêtres,  maître  armurier,  marié  h 
Marie-Charlotte  Chesne  vers  1734,  habitait  la  Grosse  Pointe. 
Il  laissa  trois  fils,  Louis,  interprète  à  la  rivière  Saint-Joseph, 
Hyacinthe  et  Louis  de  Gonzague.  Tous  trois  ont  laissé  des 
descendants. 

Derosiers — Joseph  Derosiers  dit  Lutremble,  épousa 
Marguerite  Thuringe  à  Détroit  en  1732,  et  y  obtint  la  con- 
cession d'une  terre. 


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158 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


Douaire  de  Bondy — Joseph  Douaire  de  Bondy,  né  à 
Montréal  en  1700,  est  le  fondateur  de  cette  famille  encore 
nombreuse  dans  les  comtés  d'Essex  et  de  Wayne.  Il  épousa 
Anne-Cécile  Campeau  en  1732  et  resta  à  Détroit  jusqu'à 
1747.  T)eux  ans  plus  tard  sa  famille  est  à  Verehères.  Le 
9  janvier  1758  il  est  à  Détroit,  et  en  1760  il  meurt  à  Ver- 
chëres.  Son  fils  aine,  Joseph,  se  fixa  à  Détroit,  épousa 
Marie  Gamelin  en  ]  758  et  devint  capitaine  de  milice.  Il 
laissa  plusieurs  enfants,  entre  autres  Jacques,  qui  épousa 
Josephte  Beaubien  en  1777,  et  Joseph  qui  se  maria  à  Marie 
Mélodie  en  1781. 

DuFOUR — Pierre  Dufour  dit  Bonvivant,  de  St-Malo,  marié 
à  Marie  Gloria,  s'établit  à  Détroit  avant  1739.  Son  petit 
fils,  Jean-Baptiste  Dufour  épousait  Marie  Lebeau  en  1795. 

Gamelin-Lafonïaine — Cette  famille  descend  de  Michel 
Gamelin  dit  Lafontaine,  maître  chirurgien,  de  St-Aubin, 
évêclié  de  Biais  et  de  Marguerite  Crevier.  Leur  petit  fils, 
Laurent  Eustache  Gamelin,  né  à  St-François  du  Lac,  épousa 
Marie  Dudevoir  à  Détroit  en  1740.  Il  devint  lieutenant  de 
milice  et  mourut  en  1774,  laissant  trois  fils  :  1.  François, 
marié  en  1772  à  Thérèse,  fut  le  përe  de  François  Lafontaine 
qui  s'établit  à  Fort  Wayne,  Ind.,  et  d'Antoine,  qui  continua 
la  lignée  à  Détroit.  2.  Pierre  Gamelin,  qui  alla  vivre  àVin- 
cennes  et  joua  un  rôle  important  durant  les  premières  années 
de  la  domination  américaine.  3.  Paul  Lafontaine,  né  en 
1757,  vécut  pur  la  Wabash  et  rendit  de  si  grards  services 
aux  Américains  qu'il  fut  nommé  major  de  la  milice.  Il  fut 
tué  dans  un  combat  contre  les  Miamis  en  1790,  ce  qui  n'em- 
pêcha pas  son  fils  de  devenir  chef  dans  cette  tribu. 

Gastiqnon-Duchesne — François  Gastîgnon  dit  Duchesne,, 
né  à  Montréal  en  1700,  épousa  Marie  David  à  Détroit  en 
1739,  et  s'établit  à  la  Grosse  Pointe.  Il  a  laissé  une  nom- 
breuse postérité. 

GouiN — Joseph  Gouin,  capitaine,  mort  à  Ste-Anne  de  la 
Pérade,  faisait  la  traite  à  Détroit  dès  1726.  Son  fils  Claude, 


iii''' 


LES    ANCÊTRES 


159 


3  encore 


né  en  1710  vint  s'y  établir  et  épousa  Marie  Cuillerier  en 
1742.  Claude  Gouin  était  arpenteur  pour  le  roi.  Il  mou- 
rut en  1776,  laissant  plusieurs  fils.  Une  des  rues  de  Détroit 
porte  le  nom  de  Gouin. 

Lauzon — Nicolas  Lauzon,  né  à  Montréal  en  1693,  se  fixa 
i\  Détroit  vers  1730.  Il  avait  épousé  Madeleine  Moran  à 
Montréal  en  1726.  En  1736  il  convola  en  seconde  noce 
avec  Catherine  Casse.  De  ces  deux  mariages  il  eut  plusieurs 
enfants  qui  ont  tait  souche. 

Leduc — Jean  Leduc,  marié  à  Catherine  Décary,  vint  à 
Détroit  entre  1730  et  1734.  Il  laissa  deux  fils.  François 
Leduc,  né  à  Montréal  en  1727,  premier  bedeau  de  l'église 
Ste-Anne,  épousa  Marguerite  Fauvel  en  1754,  et  a  aussi 
laissé  des  descendants. 

Leqros — Jean-Baptiste  Legros,  marchand,  marié  à  Gène- 
viëve  Gamelin,  à  St-François  du  Lac,  vint  se  fixer  à  Détroit 
en  1734.  Un  de  ses  fils,  Jean-Marie  Philippe,  épousa  Marie 
Gamelin  en  1767  et  lui  succéda  comme  marchand.  Un  autre 
alla  s'établ'.r  à  Vincennes,  Indiana,  où  il  était  considéré 
comme  le  chef  des  Canadiens  lors  de  k.  révolution  améri- 
caine. 

Marcheteau — Joseph  Marcheteau,  menuisier,  né  en  1699 
à  Montréal,  épousa  Madeleine  Robert  à  Détroit  en  1728. 

Meloche — Cette  fiimille,  l'une  des  pluh  nombreuses  et 
des  plus  respectées  du  comté  d'Essex  et  du  Michigan,  des- 
cend do  François  Meloche,  né  en  1674  à  Notre-Dame  de 
Cagnes,  évêché  de  Larochelle,  et  marié  en  1700  à  AContréal, 
h  Marie  Monflet  dit  Oham[)agne.  C'est  de  ce  mariage  que 
naquit  Pierre  Meloche,  qui  s'établit  à  Détroit  en  1730,  et 
est  désigné  sur  les  registres  comme  bourgeois.  Pierre  était 
né  en  1701.  et  avait  épousé  Jeanne  Caron,  à  Lachine,  en 
1729.  Il  obtint  la  concession  d'une  terre  et  mourut  en 
1760,  Il  laiw^sait  six  filles  et  cinq  fils,  tous  mariés.  Un  de 
ses  petit-fils,  Pierre  Meloche,  fut  au  nombre  des  fondateurs 
do  Cleveland,  Ohio. 


160 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


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Navarre — On  dit  que  cette  famille  descend  de  Pierre  de 
Navarre,  grand  capitaine  du  seizième  siècle,  qui  avait  com- 
mencé par  être  matelot.  Quoiqu'il  en  soit,  Robert  de 
Navarre,  notaire  royal,  qui  épousa  Marie  Barrois  à  Détroit 
en  1734,  était  tils  de  François  Navarre  et  de  Jeanne  Plu- 
zette,  de  Villeroj^  diocèse  de  Meaux,  en  Brie.  Né  en  1709, 
il  mourut  à  Détroit  en  1794.  Son  fils  Robert,  né  en  1739, 
épousa  Marie-Louise  de  Marsac  en  l762,  il  devint  père  de 
François,  colonel,  tTacques,  Isidore  et  Robert,  qui  ont  tous 
pris  une  part  éminente  dans  les  événements  du  commence- 
ment du  siècle. 

Parent — Cette  famille  aujourd'hui  fort  nombreuse,  tant 
dans  le  comté  d'Essex  que  dans  le  Michigan,  descend  de 
Michel  Parant,  de  St-Jacques  de  la  Boucherie,  Paris,  mort 
à  Montréal  en  1708,  et  dont  les  deux  fils  Pierre  et  Laurent 
vinrent  s'établir  à  Détroit  vers  1730.  Pierre,  né  en  1700, 
épousa  Catherine  Jacques  Sançoucy.  Il  était  maître  me- 
nuisier, et  mourut  en  1773.  Laurent,  né  en  1703,  épousa 
Marie  Josette  Dauzet,  à  Détroit,  en  1731,  et  Jeanne  Cardi- 
nal en  1734. 

Picard — François  Picard  était  établi  à  Détroit  comme 
trafiquant  dès  1726.  On  retrouve  encore  de  ses  descendants 
dans  lu  ville. 

Pilet — Cette  famille  qui  existe  encore  dans  le  comté 
d'Essex,  descend  de  Jacques  Pilet  et  d'Hélène  Valiquet,  de 
Boucherville,  dont  les  fils,  Jacques  et  Jean-Baptiste,  vinrent 
à  Détroit  vers  1730. 

Pour  art — Jean  Poupart  dit  Lafleur,  né  en  1688,  vint  se 
fixer  à  Détroit  en  1737.  Charles  Poupart  dit  Lafleur,  né 
en  1698,  le  suivit  peu  après.  Jean  et  Charles  étaient  fils 
de  René  Poupart  qui  alla  demeurer  chez  les  Anglais,  à 
Hill  Water,  N.  Y.,  en  1684.  Tous  deux  ont  laissé  des  des- 
cendants. 

RÉAUME  —  Cette  nombreuse  famille  descend  de  Renc 
Réaume,  de  Notre-Dame  de  Cagne,  évêehé  de  Laro;;helle, 


LES    ANCÊTRES 


161 


(1643-1722).,  venu  au  Canada  vers  1660,  et  dont  les  petits 
fils,  Hyacinthe  et  Pierre,  s'établirent  à  Détroit. 

Hyacinthe  Réaume,  cordonnier,  né  en  1684,  épousa  Agathe 
Lacelle  à  Montréal.  En  1734  il  était  à  Détroit,  et  il  y 
mourut  en  1774,  laissant  deux  fils  et  plusieurs  petits  fils. 

Pierre  Réaume,  né  en  1709,  marié  à  Marie  Lajeunesse 
une  première  fois  en  1736,  convola  en  seconde  noce  avec 
Suzanne  Hubert  en  1738.  Il  était  commerçant,  et  laissa 
quatre  garçons. 

BossBRON — Charles  Ridé  dit  Bosseron,  fils  de  Jean,  du 
diocèse  de  Chartres  en  Beauce,  épousa  Marie-Anne  Viva- 
rcnne,  à  Détroit,  en  1734.  Un  des  petits  ruisseaux  qui 
traversaient  Détroit  fut  longtemps  connu  sous  le  nom  de 
rivière  à  Bosseron. 

Roy — Joseph  Roy  dit  Chatellerau,  fils  d'Edmond,  do  Ste- 
Anne  de  la  Pérade,  né  en  1709,  épousa  Madeleine  Perthuis 
k  Détroit  en  1736,  et  laissa  un  fils.  *Pierre-Joseph  R07, 
neveu  du  précédent,  épousa  Archange  Dussault  à  Détroit, 
on  1794. 

Roussel — Jacques  Roussel  dit  Sansçoucy,  fils  de  Guil- 
laume, soldat,  de  Dieppe,  né  à  Lachine  en  1700  épousa 
Marie  Bienvenue  en  1725  à  Détroit. 

Séouin-Ladéroute — Joseph  Séguin  dit  Ladéroute,  fils 
de  François,  de  Donibré  en  Picardie,  né  à  Boucherville  en 
1694,  épousa  une  sauvagesse  à  Détroit  en  1723.  Il  était 
traiteur,  et  mourut  en  1753,  laissant  deux  fils. 

Joseph  Séguin  dit  Ladéroute,  neveu  du  précédent,  né  en 
I7l7,  épousa  Marie  Tremblay  à  Détroit  en  1751,  et  mourut 
en  1795,  laissant  quatre  fils. 

Forvillk-Testard — Pierre  Testard  dit  Forville,  fonda- 
teur de  cette  famille  à  Détroit,  était  petit  fils  do  Charles 
Testard  de  Folleville,  de  Rouen  en  Normandie,  et  [»aront 
du  chevalier  Testard  de  Montigny,  qui  servit  pendant  vingt 
ans  dans  la  Nouvelle  France,  et  mourut  "  couvert  de  qua- 
rante blessures."  Né  en  1707  à  St-François  de  l'île  Jésus,  il 


162 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


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épousa  Catherine  Chesne,  à  Détroit,  en  1737.  En  1762,  il 
demeurait  sur  sa  terre  à  îa  côte  sud-ouest,  et  était  désigné 
comme  bourgeois  et  lieutenant  des  milices.  Il  mourut  en 
1766. 

Jean-Baptiste  Pierre  de  Montigny  dit  Louvigny,  neveu  du 
précédent,  né  en  1750,  fut  employé  avant  la  révolution 
américaine  comme  capitaine  du  département  des  Sauvages, 
à  Détroit,  où  il  épousa  mademoiselle  Hay,  fille  du  gouver- 
neur de  ce  poste.  Ayant  suivi  son  régiment  en  Angle- 
terre, il  mourut  des  blessrres  reçues  sur  les  champs  de 
bataille. 

BouTiN — Jacques-Charles  Boutin,  de  Ste-Anne,  vint  à 
Détroit  en  1733,  et  y  épousa  Marie  Chesne.  En  1743  il 
était  à  Michilimackinac. 

Caron — Vital  Caron,  né  en  1702,  fils  d'un  bourgeois  de 
Château  Richer,  épousa  Madeleine  Pruneau  à  Détroit  en 
1735. 

CÉsiRE — Jean  Césire,  né  à  Lachine  en  1698,  où  il  épousa 
Marguerite  Girard,  vint  s'établir  à  Détroit  en  1728.  Son 
fils,  Joseph,  épousa  Marie  Irène  Trottier  en  1728. 

Barthe — Charles  Barthe,  né  à  Montréal  en  1718,  vint  à 
Détroit  en  1747,  et  y  épousa  peu  après,  Thérèse  Campeau. 
Une  de  ses  petites  filles  épousa  le  colonel  Brush. 

Pierre  Barthe,  frère  du  précédent,  vint  à  Détroit  vers  le 
même  temps,  et  y  épousa  Charlotte  Chapoton,  fille  du  Dr. 
Chapoton. 

Bonneau — Charles  Bonneau,  ci-devant  de  Québec,  épouse 
Geneviève  Dudevoir,  à  Détrpit,  le  13  juillet  1751. 

Borde — Jean  Borde,  du  diocèse  de  Bordeaux,  épouse 
Marie  Colet  à  Détroit,  le  3  janvier  1753. 

Boucher — Pierre  Louis  Boucher,  chevalier  de  Niverville, 
lieutenant,  épouse  Elizabeth  Caroline  Hâte  à  Détroit  en 
1751. 

BoYBB — Pierre  Boyer,  né  à  Montréal  en  1707,  épouse 
Marie- Anne-Louise  Pépin  à  Détroit  en  1744. 


LES   ANCÊTRES 


163 


Ignace  Boyer,  frère  du  précédent,  né  en  1704,  épouse 
Angélique  Pépin  en  1749. 

Tous  deux  ont  laissé  de  nombreux  enfants. 

Cabassikp — Joseph  Cabassier,  né  en  1722,  à  Montréal, 
épouse  Angélique  Bienvenue  à  Détroit  en  janvier  1752. 

Cadaret — François  Cadaret,  né  à  St-Joseph  de  la  Beauce, 
épouse  Ursule  Fauvel  à  Détroit  en  1745. 

CosME — Pierre  Lr*arent  Cosrae  ou  St-Cosme,  né  en  1721, 
Montréal,  et  1iî&  de  Pierre,  de  Bordeaux,  épouse  Catherine 
Barrois  à  Détroit  le  25  janvier  1747.  Il  laissa  cinq  garçons 
et  cinq  iilles  qui  ont  fait  souche. 

Dequindre — Louis  Césaire  Dagneau  dit  Fontenay,  sieur 
DeQuindre,  fondateur  de  cette  famille  bien  connue,  était 
iils  de  Michel  Dagneau,  sieur  D' Au  ville,  enseigne  et  cadet 
dans  la  compagnie  de  M.  Mine,  et  de  Marie  Lamy.  Il 
naquit  à  Sorel  en  1707,  épousa  Marie-Anne  Picoté  de 
Bellestre,  à  Montréal  en  1741,  et  vint  s'établir  à  Détroit 
vers  1750,  où  il  mourut  en  1767.  Il  était  relativement  trës 
riche.  Il  avait  obtenu  une  concession  de  8  x  40  arpents, 
ce  qui  était  le  double  de  ce  qui  était  accordé  aux  autreB 
habitants  les  jdIus  favorisés,  et,  de  plus,  l'île  aux  Cochons, 
aujourd'hui  la  propriété  de  la  ville  de  Détroit.  Il  laissa 
dtux  fils,  Antoine  et  Guillaume-François.  Antoine,  né  en 
1743,  épousa  Catherine  Desrivières  dit  Lamorandiëre  en 
1782.  Guillaume-François,  né  en  1747,  porta  les  titres  de 
sieur  Dequindre  et  de  la  Picanier.  Il  épousa  Thérèse  Boyer 
en  1779,  et  fut  le  père  de  plusieurs  enfants,  dont  Antoine, 
né  le  10  août  1784,  qui  fut  major  dans  l'armée  américaine 
et  se  disthigua  en  1812. 

Drouillarij — Simon  Drouillard  dit  Argentcour,  de  Mo- 
renne,  évêché  de  Xaintes,  né  en  1662,  épousa  Marguerite 
Ferret  à  Québec  en  1698,  et  vers  1750  il  vhit  s'établir  avec 
son  fils  Jean  à  Détroit,  où  il  mourut  en  1753.  Jean  Drouil- 
lard était  né  en  1707  k  St-François  de  l'Île  d'Orléans,  et 
avait  épousé  Elizabeth  Rapin  à  Lachine  en   1731.     Il  eut 


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164 


LES    CANADIENS   DU    MICHIQAN 


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plusieurs  enfants,  entre  autres  Pierre,  marié  à  Angélique 
Labadie,  en  1776,  interprète  célëbre. 

Cette  famille  est  nombreuse  dans  le  comté  d'Essex,  et  y 
occupe  une  position  enviable. 

DuBORD — Louis  Dubord  dit  Clermont,  fils  de  Charles,  des 
Grondines,  épousa  Louise  Bouron  à  Détroit  en  1744.  Il 
habitait  la  rive  canadienne  et  est  qualifié  d'aide-major.  Il 
laissa  plusieurs  enfants. 

DuPDis — Charles  Dupuis  dit  Moïse  né  à  Laprairie  en 
1728,  vint  vers  1750  se  fixer  à  Détroit,  où  il  épousa  en  1762 
Catherine  Casse.  Il  mourut  en  1767,  laissant  deux  fils, 
Jean-Baptiste  et  Charles,  lesquels  ont  fait  souche. 

Gervaise — Louis-Gervaise,  né  en  1708,  épousa  Marie 
Madeleine  Langlais  à  Montréal  1737,  et  vint  s'établir  en 
1745  à  Détroit,  où  il  fut  négociant  et  "  capitaine  de  la  côte 
sud."     Il  mourut  en  1763,  laissant  un  fils,  Jean-Louis. 

Godet-Marantette — Jacques  Godet,  marchand,  né  à 
Montréal  en  1799,  épousa  Marie-Louise  Desbuttes,  à  Détroit 
en  1743.     Il  ne  laissa  pas  de  descendants  mâles. 

François  Godet,  dit  Marantette,  frëre  du  précédent,  né  à 
Montréal  en  1720,  et  marié  à  Détroit  à  Jeaime  Parant  en 
1755,  est  le  fondateur  de  la  famille  Marantette,  encore  bien 
connue  dans  le  Michigan  et  le  comté  d'Essex.  Il  mourut 
oflicier  de  la  milice. 

On  écrivait  autrefois  Marantay. 

Labrosse-Jourdain — Dominique  Jourdain,  né  en  1730  à 
Montréal,  d'une  famille  de  menuisiers  et  de  sculpteurs, 
devint  maître-sculpteur  lui-même.  Il  vint  se  fixer  à  Détroit 
et  y  épousa  Jeanne  Cardinal,  sous  le  nom  de  Labrosse,  qu'ont 
conservé  ses  descendants. 

Mesny — Antoine  Mesny,  né  à  Laprairie  en  1712,  épousa 
Jeanne  Seguin  à  Détroit  en  1742.  Il  mourut  en  1794,  lais- 
sant une  nombreuse  postérité. 

Met  a  Y — Jacques  Metay  dit  Ladouceur,  de  St-Jean-Du- 
poiré,  diocèse  de  Luçon,  Poitou,  soldat,  épousa  Françoise 


LES   ANCÊTRES 


165 


Ban  à  Boucherville  en  1780,  et  vint  s'établir  à  Détroit  vers 

1749.  Ses  descendants  habitent  encore  Détroit,  Monroe  et 
le  comté  d'Essex. 

MoRAN — Cette  famille,  l'une  de  celles  qui  ont  le  mieux 
conservé  leur  influence,  retrace  son  origine  jusqu'à  Antoine 
Moran,  de  St-Martin  d'Angoulême,  France,  dont  un  des 
fils,  Jacques  Moran,  vint  en  Canada  avant  1687.  Il  fut  le 
père  de  Jean  Moran,  marié  en  1705,  à  Québec,  à  Marie- 
Elizabeth  Dasylva,  fille  d'un  Portugais.  Jean  devint  père 
de  Claude-Charles,  établi  à  Détroit  en  1749. 

Claude-Charles  Moran,  né  en  1722,  épousa  Marie-Anne 
Belleperche  en  1751,  et  devint  le  père  d'une  nombreuse 
famille.  Il  fut  assassiné  en  décembre  1775,  par  un  nommé 
Becker,  avec  des  circonstances  qui,  de  la  part  de  l'assassin, 
font  horreur  à  la  nature.  De  ses  fils  Charles,  né  en  1755, 
épousa  Catherine  Vessière  dit  Laferté,  en  1794,  et  Louis, 
né  en  1757,  épousa  Catherine  Campau  en  1794. 

Cette  famille  a  fourni  à  la  ville  de  Détroit  plusieurs  de 
ses  citoyens  les  plus  distingués.  M.  Wm.  B.  Moran,  après 
a\'oir  occupé  les  plus  hautes  places  do  confiance  dans  l'ad- 
ministration municipale,  fut  choisi  par  le  parti  démocrate 
comme  candidat  au  poste  de  lieutenant-gouverneur  du 
Michigan  en  1888,  et  M.  Henri  Moran  a  été  trésorir  du 
comté  d'Essex. 

C'est  par  erreur  qu'un  historien  américain  a  fait  descendre 
cette  famille  de  Charles  Moran  dit  Grimard,  originaire  de 
Ste-Anne  de  la  Pérade,  qui  vint  à  Détroit  à  l'époque  de  la 
conquête,  et  qui  fut  excommunié  en  1774.  Ce  mauvais 
sujet  mourut  en  1785  sans  laisser  de  descendants. 

Prud'homme — François-Xavier  Prud'homme  était  arrière 
petit-fils  de  Louis  Prud'homme,  premier  caftitaine  de  la 
milice  et  maître  brasseur  à  Montréal.  Né  en  1711,  et  marié 
à  Judith  Cuillerier  en  1742,  il   vint  s'établir  à   Détroit  vers 

1750,  et  ses  descendants  y  ont  fait  souche. 

Renaud — Jean-Louis  Renaud,  de  St-Jean,  diocèse  de  Gre- 


166 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


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noble,  épousa  Marie-Joseph  Giiignard  h  Détroit  en  1750.  Il 
laissa  trois  lils  qui  ont  fait  souche. 

Tremblay — Pierre,  Augustin  et  Ambroise  Tremblay,  tous 
trois  fils  de  Michel  Tremblay,  de  la  Baie  Saint-Paul,  vinrent 
s'établir  à  Détroit  vers  1750.  Pierre  s'était  marié  à  Made- 
leine Simard  en  1733,  Augustin  à  Marie-Judith  Laforest  en 
1741,  et  Ambroise  à  Marguerite  Simard  en  1744,  et  tous 
trois  ont  laissé  de  nombreux  enfants.  Les  Tremblay  sont 
les  fondateurs  de  Bay  City,  avec  les  Trudel. 

Laselle — Nicolas  Laselle,  né  à  Montréal  en  1715,  épousa 
Marie  Cardinal  à  Détroit  en  1755.  Ses  fils  s'allièrent  aux 
familles  Meloche  et  Rivard. 

Jacques  Laselle,  neveu  du  précédent,  né  en  1736  à  Mont- 
réal, épousa  Thérèse  Berthelet  à  Lachine  en  1765.  Depuis 
plus  de  dix  ans  avant  cette  date  il  faisait  la  traite  à  Détroit, 
tout  en  exerçant  le  métier  de  menuisier.  Après  la  con- 
quête il  alla  se  fixer  dans  un  village  de  Miamis  près  de 
Logansport,  et  fut  nommé  agent  par  le  gouvernement  an- 
glais. Il  est  le  père  du  général  Hyacinthe  Laselle,  dont 
nous  reparlerons. 

Legrand — Gabriel  Christophe  Legrand,  établi  à  Détroit 
comme  chirurgien  major  durant  les  dernières  années  de  la 
domination  française,  était  le  fils  de  Gabriel  Legrand,  vi- 
comte de  Mortain,  du  diocèse  d'Avranches  en  Normandie. 
En  1758  il  épousa  Marie  Chapoton,  puis,  en  seconde  noce, 
Véronique  Réaume.  Il  s'intitulait  sieur  de  Soutre,  et 
après  la  conquête  il  exerça  les  fonctions  de  juge  de  paix.  Il 
eut  plusieurs  fils.  En  1777  nous  voj'^ons  aussi  sur  les  re- 
gistres le  nom  d'Alexandre  Legrand,  commandant  des 
vaisseaux  de  Sa  Majesté  sur  les  lacs.  Celui-ci  était  marié  à 
Thérèse  Barthe. 

Mbnard-Montour — Pierre  Ménard  dit  Mon  tour,  venu  à 
Détroit  avant  la  conquête,  eut  plusieurs  fils  qui  acquérirent 
une  grande  influence  sur  les  Sauvages. 

Rivard — Jean-Baptiste  Rivard  dit  Lavigne,  de  Ste-Anne 


LES    ANCÊTRES 


107 


venu  à 
érirent 


(le  la  Pérade,  établit  à  la  Grosse  Pointe  vers  l7r)4,  épousa 
Catherine  Yax.  Ses  descendants  habitent  eneore  sur  sa 
terre. 

KocHELEAU — François  Rocheleau  dit  Lespéranee  et  .Joseph 
son  frère,  vinrent  de  Beauport  à  Détroit  vers  1752.  Le  pre- 
mier épousa  Marie  Meloeho  et  le  deuxième  Catherine  Pilet. 
Leurs  descendants  portent  le  nom  de  Rocheleau. 

PoRLiER — Charles  l'orlier  dit  Vincennes,  tils  de  Claude, 
notaire  et  greffier  à  Montréal,  épousa  Françoise  Lambert  h 
Montréal,  et  en  1754  il  se  trouve  à  Détroit  comme  garde  ma- 
gasin du  roi.  Ses  tils  ont  été  des  premiers  colons  de  Green 
Bay. 

PouGET — Joseph  Gabriel  Pouget,  tailleur  de  Montréal, 
s'établit  à  Détroit  avant  1759. 

Rocoux — Jean-Baptiste  Rocoux,  directeur  des  écoles 
chrétiennes  et  premier  chantre,  dès  1755,  était  né  i\  St- 
Sévérin,  Paris.  Il  épousa  Marie  Deshêtres  et  eut  plusieurs 
enfants. 

Laferté — Louis  Vessière  dit  Laferté,  fondateur  de  la 
famille  Laferté  à  Détroit,  vint  s'y  établir  avant  1755.  Il 
était  tailleur  de  métier.  Son  père,  aussi  tailleur,  était  venu 
du  diocèse  de  Toulouse  au  Car.ada.  Louis,  de  son  mariage 
avec  Catherine  Champagne,  eut  deux  fils,  Louis  et  Alexis 
qui  ont  continué  la  lignée. 

Jadot — Louis  Jadot,  fils  d'un  ancien  maire  de  Rocroy, 
en  Champagne,  avait  été  soldat  avant  de  prendre  une  terre 
près  d'Ecorce.     Il  épousa  Marguerite  Desbuttes  en  1758. 

Langlois — Nicolas  Langlois,  né  au  Cap  Santé  en  1729, 
était  établi  à  Détroit  avant  la  conquête.  En  1761  il  épousa 
Madeleine  Pilet.  Ses  descendants  sont  avantageusement 
connus  à  Détroit  et  dans  le  comté  d'Essex. 

DucHARME — Joseph  Ducharme  venu  à  Détroit  vers  1755, 
y  a  fondé  une  famille  qui  compte  plusieurs  citoyens  distin- 
gués. 

Nantais — Julien    Freton    dit    Nantais,  de    Nantes,  en 


168 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


lu  ; 


Bretagne,  (établi  k  Détroit  vers  1753,  si  fotulo  une  famille 
(lui  liubite  encore  la  Grosse  l*ointe. 

IIiKHiET — Pierre  Iluyet  ou  Huguet,  fil«  d'un  major  de 
milice  de  L'Ange  Gardien,  s'établit  à  la  Grosse  Pointe  vers 
1754.     Plus  tard  il  alla  demeurer  sur  la  riviëre  Ste-Claire. 

Lesperance — Jean- Baptiste  Billiau  dit  Lesperance,  soldat 
de  la  compagnie  de  de  Beaujet,  était  originaire  de  Grenoble, 
France.  Etabli  à  Détroit  vers  1755,  il  a  laissé  des  descen- 
dants qui  portent  le  nom  de  Lesperance. 

Pierre  Desnoyers,  dont  la  famille  était  originaire  de  St- 
Germain  de  Navarine,  épousa  Marie-Louise  Leduc  à  Détroit 
en  1754.     Il  eut  plusieurs  enfants. 

Boucher-Niverville — Pierre-Louis  Boucher,  chevalier  de 
Niverville,  lieutenant  dans  les  troupes,  né  en  1722,  s'établit 
à  Détroit  avant  1751  et  y  épousa  Elizabeth  Hâte.  Ses 
descendants  sont  encore  avantageusement  connus. 

Bourdeau — Pierre  Bourdeau,  de  Laprairie,  s'établit  à  la 
côte  Xord-Est.     Son  fils  Joseph  a  continué  la  lignée. 

CoMPARET — François  Comparet  était  le  fils  d'un  notaire 
qui  était  venu  de  la  Lorraine  en  Canada.  Etabli  à  Détroit 
vers  1755,  il  y  épousa  Marie  Tremblay  en  1756.  Ses  descen- 
dants sont  nombreux. 

Davignon — Louis  Davignon  dit  Lafeuillade,  fils  d'un  an- 
cien soldat  du  régiment  de  Carignan,  épousa  Marie  Gamelin 
à  Détroit  en  1754.     Ses  descendants  sont  nombreux. 

BouRASSA — René  Bourassa,  né  à  Laprairie  en  1718,  marié 
le  3  août  1744,  à  Charlotte  Chevalier,  à  Mackinac,  fut  pen- 
dant longtemps  un  des  principaux  habitants  de  ce  poste. 
Apres  la  conquête  il  vint  demeurer  à  Détroit  où  il  mourut 
dans  l'automne  de  1792  Son  fils,  du  même  nom,  continua 
à  faire  la  traite  à  Mackinac. 

BRiLLANT^Jean-Baptiste  Brillant,  du  diocèse  de  Rennes, 
Bretagne,  épouse  une  Sauteuse  à  Mackinac  en  1752.  En 
1759  il  fit  baptiser  cinq  filles  et  un  garçon  à  Détroit.  En 
1776  Brillant  hiverna  sur  la  rivière  Saginaw,  et  lors  du  bap- 


LES    ANCftTRES 


169 


tênie  (l'une  autre  fille  eu  nuii  de  cette  année  il  est  qualifié 
(le  "  uîédeciu  à  Suginaw."  11  parait  s'être  tixé  à  Détroit 
en  17  «58. 

CouvRET — Joseph  Victor  Couvret  épouse  une  Sauteuse  à 
Mackinac  en  1749,      Il  a  laissé  des  descendants. 
•  Chalut — Charles  Chalut  ou  Chanteloup,  né  à  Montréal 
en  1715,  tils  d'un  soldat  qui  avait  accompagné  Cadillac  à 
Détroit,  épouse  AgnJ's- Agathe  Amiotà  Mackinac  en  17ôl. 

Amiot — Jean-Baptiste  Amhroise  Amiot,  né  à  Qnéhec  en 
1()94,  épousa  une  sauvagesse  à  Michilimackinacen  1720.  11 
était  armurier.  Son  fils  Nicolas,  né  en  17'^0,  épousa  Suzanne 
Sauvage.  . 

Amy(Jt-Vincelot — Joseph  Jean-Baptiste  Vincelot,  né  à 
Québec  en  1697  et  fils  du  seigneur  du  cap  Saint-Ignace, 
épousa  Françoise  Sauvage  en  1719,  et  s'établit  à  Michili- 
mackinac. 

Chevalier — Jean-Baptiste  Chevalier,  né  à  Montréal  en 
1677,  et  marié  en  1709  à  Françoise  Alavoine,  se  fixa 
à  Michiliraackinac  vers  1718,  dont  il  devint  un  dos  princi- 
paux habitants.  Il  eut  une  nombreuse  famille.  Ses  fils, 
Louis,  Barthélemi  et  Amable  se  marièrent  aussi  parmi  les 
Sauvages  et  élevèrent  leur  famille  aux  environs  de  Michili- 
mackinac. 

DuLiGNON — Jean  du  Lignon  dit  Lamirande,  des  Trois- 
Rivières,  épousa  une  sauvagesse  à  Michilimackinac  en  1737. 
Il  eut  plusieurs  enfants,  dont  une  partie  se  sont  établis  en 
Canada. 

Chaboiller — Charles  Chaboiller,  fils  de  Charles,  de  Mont- 
réal, voyageur,  né  en  1706,  épousa  Marie-Anne  Chevalier 
en  1735  à  Michilimackinac,  où  il  mourut  en  1757,  laissant 
plusieurs  enfants,  dont  Augustin  qui  épousa  Marie-Joseph 
Chapoton  à  Détroit  en  1765. 

Grignon — Cette  famille  qui  a  une  place  dans  l'histoire  de 
l'Ouest,  descend  de  Jacques  Grignon,  né  en  1663  à  St-Phili- 
bert,  évêché  de  Luçon,  marié  en   1692  à  Batiscan  à   Marie- 


170 


LES    CANADIENS    DU    MICIIIGAN 


il 


Thérèse  Richer,  et  fixé  plus  tard  aux  Cirrcndines.  C'est  la 
que  naquirent,  entre  1708  et  1709,  ses  tilsfroseph  et  Pierre, 
et  Antoine,  tous  trois  voyageurs.  Joseph  finit  par  s'étahlir 
au  Canada.  Antoine  épousa  Anne  Villeneuve  à  Michili- 
maekiiuic  en  1725.  Pierre  épousa  Marguerite  Chevalier  à 
Michilinuiekinac  en  1788,  mais  éleva  sa  famille  aux  Groii- 
diiies.  Son  fils  l'ierre,  né  à  Desehanihault,  épousa  Louise- 
Domitilde  Langlade  à  Mackinac  en  17H7,  c'est-à-dire  ([u'il 
fit  alors  bénir  son  mariage,  ear  son  premier  né  avait  alors 
dix  ans,  et  II  avait  en  tout  six  enfants. 

La  vwLADE — Augustin  Mouet,  sieur  de  Langlade,  né  aux 
Trois-Rivières  en  1708,  descendait  de  Pierre  Mouet,  ensei- 
gne au  régiment  de  Carignan,  sieur  de  Moras.  Son  père? 
Pierre  Mouet  de  Moras,  marié  à  Elizabeth  dutras  en  1608, 
était  aussi  ofiieier  dans  les  troupes  de  la  marine.  Augustin 
parait  avoir  été  envoyé  à  Mackinac  pour  y  commander  aux 
coureurs-de-bois.  Il  épousa  Domitilde,  veuve  de  Jean-Bap- 
tiste Villeneuve,  et  devint  père  de  Charles-Michel  Langlade, 
né  en  1729,  et  marié  en  1754  à  Catherine- Ambroisine  Bou- 
rassa.  C'est  la  fille  de  ce  dernier  qu'épousa  Pierre  Grignon. 
Nous  aurons  bientôt  à  reparler  de  Charles  Langlade,  qui 
après  avoir  brillamment  combattu  pour  la  France  dans  le 
Michigan,  devint  le  pionnier  du  Wisconsin. 

Hains — Joseph  Hains,  né  à  Québec  en  1717,  épousa  Con- 
stance Chevalier  à  Mackinac  en  174L  II  mourut  en  1740 
à  Cahokia.  Son  fils,  Joseph-Louis  Hains,  épousa  Thérèse 
Bondy,  de  Détroit,  à  Mackinac  en  1775,  et  ses  descendants 
habitent  encore  les  environs, 

L'Archevêque — Augustin  L'Archevêque,  marchand,  né 
à  Québec  en  1702,  épousa  Marie-Madeleine  Réaume  à  Mac- 
kinac en  1731,  et  mourut  eu  1747,  laissant  plusieurs  enfants. 

Tellieu — Jean-Ba[»ti8te  Letellier  né  à  Varennes  en  1696, 
voyageur,  vivait  avec  une  8auvage8sc}\  Michilimackinac  dès 
1727.  Il  fit  bénir  son  mariage  et  baptiser  ses  six  enfants 
en    1747.     Son  fils   aine,  Antoine   Tellier    dit    Latbrtune, 


LES    ANCÊTRES 


171 


une  Oiitaoïias  en  1758.     11  menait 
allant  du  Mississipi 


jpousa 


une  vie  nomat 


le. 


au 


Wi 


seonsin,  mais  tous   ses  entnnts 


turent  baptisés  à  Maekinae. 

Parant — Pierre  Tarant  épousa  Marie-Anne  Clial)oiller  à 
Maekinae  en  1725.  Quatre  de  ses  tilles  se  sont  mariées  dans 
ce  poste. 

Cardin — François-Louis  Cardin,  soldai,  épousa  Marie- 
Louise  Hains  en  1751,  à  Michilimaekinae,  En  1771  il  exer- 
çait les  fonctions  de  juge  et  de  notaire  dans  ce  poste. 

Cadotte — Jean-lîaptiste  Cadotte,  chargé  d 'affaires  deg 
seigneurs  du  Saut  8te-Marie,  avait  éjiousé  en  1750  unesau- 
vagesse  du  nom  d'Aïuistasie  Xipissing.  Il  parait  avoir  eu 
deux  filles  et  deux  fils,  Jean-Baptiste,  îié  en  1759,  et  Michel, 
né  en  1764. 

DuiMoucHEL — Louis  Dumoucliel,  né  à  Québec  en  1727, 
vint  se  fixer  dans  les  paye  d'en  haut  durant  les  dernières 
années  qui  précédèrent  la  con([uete.  En  1769  il  épouea  une 
sauvagesse.     Il  eut  plusieurs  enfants. 

Mbtivier — Jean-Baptiste  Métivier,  commerçant,  établi  h 
Maekinae  dès  1755,  épousa  Marie-Josepli  I*arant.  C^n  de 
ses  descendants,  habitant  de  la  l'ointe  Ste-Iguace,  était  élu 
shérif  du  comté  de  Mr.cki.  ac  en  1888. 

Xous  pourrions  aj<»ute'  k  cette  liste  près  d'une  centaine 
d'autres  familles  q  c  nous  voyons  apparaître  sur  les  regis- 
tres de  Michilimaekinae  et  de  Détroit.  Les  unes  venues  du 
temps  de  Cadillac,  retournèrent  au  Canada  ;  les  autres  éta- 
blies à  Détroit  durant  les  aimées  1751,  1752  et  1753, 
passèrent  sur  le  Mississipi  après  la  conquête,  d'autres  s'en- 
foncèrent dans  les  boio  avec  les  Sauvages  et  ont  fini  par 
faire  fortune  commune  avec  les  tril)U8. 


Oi^ 


àùi 


CHAPITRE  XIII. 

LE   RÉGIME    ANGLAIS. 

Malgré  rindiiféreiice  du  gouvernement  français  et  l'in- 
eonduite  d'une  trop  grande  partie  de  ses  agents,  les  Cana- 
diens avaient  déjà,  comme  on  a  pu  le  voir  au  chapitre 
précédent,  réussi  à  établir,  à  deux  cents  lieues  de  la  pro- 
vince de  Québec,  une  colonie  solide,  composée  des  éléments 
i^'^  plus  respectables  et  possédant  toutes  les  choses  essen- 
tielles à  une  société  viable  et  bien  organisée. 

Cette  œuvre  de  colonisation  et  de  civilisation,  que  les 
colonies  anglaises,  beaucoup  plus  populeuses  et  plus  riches, 
n'avaient  osé  entreprendre,  les  Canadiens  l'avaient  réalisée 
dans  la  mesure  du  possible,  sans  secours  de  la  mère-patrie. 
C'était  bien  une  colonie  canadienne  que  cet  établissement 
de  Détroit,  créé  avec  les  modiques  capitaux  de  la  Nouvelle- 
France,  peuplé  et  défendu  jusqu'au  jour  de  la  cession  par 
les  enfants  des  familles  établies  sur  les  bords  du  St-Laurent. 

Et  cette  colonie  à  son  tour  commençait  à  servir  de  point 
d'appui  pour  la  création  de  nouveaux  établissements  que 
les  traiteurs  canadiens,  avec  leur  perspicacité  ordinaire, 
voulaient  établir  sur  tous  les  points  stratégiques  sur  lesquels 
s'élèvent  aujourd'hui  les  principales  villes  du  Michigan. 

C'est  de  ces  hardis  et  sages  pionniers  et  de  leurs  tra- 
vaux que  M.  Rameau  de  St-i*ère  a  dit  : — 

"  Voilà  quelle  a  été  la  tache  accomplie  par  nos  compa- 
triotes de  l'Amérique,  œuvre  pleine  de  hardiesse  et  de 
grandeur,  où  '^s  ont  tracé  en  large  traits  l'esquisse  du  par- 
cours <{ue  devait  suivre  derrière  eux  le  dévelop])ement  amé- 


J'Ill 


174 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


ricaiii,  dont  ils  ont  été  partout  les  précurseurfi  et  les  vérita- 
bles pionniers  explorateurs.  Le  nombre  seul  a  manqué 
aux  Canadiens  pour  accomplir  bien  avant  les  Américains  le 
peuplement  et  la  civilisation  de  ces  contrées,  dont  ils  avaient 
préparé  et  tracé  la  colonisation  un  siècle  avant  que  ceux-ci 
n'y  eussent  hasardé  même  un  essai  d'établissement  ;  s'ils 
eussent  été  soutenus  par  une  immigration  suffisante  et  par 
un  gouvernement  plus  intelligent  et  plus  actif,  on  peut 
tenir  pour  certain  qu'après  en  avoir  pris  possession  avec 
tant  d'audace  et  d'énergie,  ils  se  u'^-isent  répandus  en  grand 
nombre  dans  les  riches  contrées  de  l'Ouest,  dès  le  lyiilieu  du 
siècle  dernier." 

Nous  n'avons  pas  de  renseignements  conclusifs  sur  le 
nombre  des  habitants  du  Détroit  en  1760.  Le  major  Rogers 
qui  vint  prendre  possession  du  fort  compte  une  centaine  de 
maisons  et  un  mille  habitants.  Dans  cette  évaluation  les 
habitants  de  la  rive  canadienne  et  ceux  qui  avaient  pris  des 
terres  sur  le  lac  Ste-Claire  au  nord  et  sur  la  rivière  Rouge 
au  sud  ne  doivent  pas  être  compris.  D'autres  ont  évalué 
la  population  de  la  colonie  à  cette  époque  jusqu'à  2,500, 
elle  n'était  certainement  pas  moindre  de  1,500  âmes. 

Après  la  cessation  des  hostilités,  un  grand  nombre  de 
jeunes  gens  qui  avaient  servi  avec  distinction  durant  la 
guerre,  dans  l'Ouest,  vinrent  se  fixer  à  Détroit  et  y  prirent 
femme,  ce  qui  est  indiqué  par  une  augmentation  dans  le 
nombre  des  mariages. 

D'un  autre  côté  un  nombre  assez  considérable  de  familles 
allèrent  s'établir  dans  les  nouvelles  colonies  du  Missouri, 
lorsqu'elles  apprirent  que  le  traité  de  Paris  était  signé. 
Cette  émigration  emporta  surtout  les  nouvelles  familles  qui 
étaient  venues  à  Détroit  durant  les  dernières  années  de  la 
domination  française  et  qui  n'étaient  pas  encore  retenues 
par  de  fortes  attaches. 

En  somme,  la  population  du  Détroit  se  trouva  réduite 
par  cette  émigration  de  près  d'un  quart,  o'est-à-dire  à  douze 


LE    RKdlME    ANGLAIS 


175 


5  vérita- 
maiiqué 
icains  le 
}  avaient 
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nt  ;  s'ils 
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évalué 
2,500, 

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prirent 
dans  le 

familles 
issouri, 
signé . 
Iles  qui 
s  de  la 
îtenues 

réduite 
douze 


on  quatorze  cents  âmes.  Un  recensement  officiel  tait  en 
1768,  ne  donne  qu'une  population  de  578  ;  mais  on  doit 
entendre  qu'il  >?'agit  seulement  des  maisons  groupées  autour 
de  la  palissade. 

Le  poste  de  Micliilimackinac  qui  était  alors  situé  sur  le 
site  de  Mackinaw  City,  comprenait,  d'après  le  voyageur 
anglais  Alexander  Henry,  une  trentaine  de  maisons,  d'ap- 
parence propre,  quoique  modeste.  Le  nombre  des  habitants 
pouvait  s'élever  à  deux  cents.  Sur  la  même  rive  à  une 
vingtaine  de  milles  à  l'Ouest,  les  Jésuites  avaient  établi 
leur  mission  de  St-Ignace,  pour  les  Outaouas.  Il  y  avait 
sans  doute  quelques  Français  dans  cet  endroit,  connu  géné- 
ralement sous  le  nom  de  l'Arbre  Croche. 

En  suivant  la  rive  du  lac  Michigan  on  arrivait  à  l'ancien 
poste  de  la  rivière  St-Joseph,  où  les  Jésuites  avaient  encore 
une  mission.  Plusieurs  Français  y  étaient  établis,  entre 
autres,  Jacques  Daunais,  originaire  de  Laprairie,  qui  agis- 
sait comme  fermier  du  sieur  Cabassier,  de  Micliilimackinac, 
et  un  nommé  Leclerc,  qui  faisait  la  traite  sur  l'emplacement 
du  village  de  Bertrand,  comté  de  lierrien. 

Au  Saut  Ste-Marie,  sur  la  seigneurie  de  le  Gardeur  de 
Repentigny  et  du  chevalier  de  Bonne  ;  à  Chegouamigon  ou 
La  l'ointe,  où  de  La  Ronde  avait  commencé  l'exploitation 
des  mines  de  cuivre  ;  h  Saginaw,  et  dans  les  ditlérents  vil- 
lages des  Miamis,  le  long  de  la  frontière  de  l'Indiana,  on 
retrouvait  quebpies  familles  canadiennes  ;  sans  compter 
Vincennes,  qui  était  déjà  un  t'>ta1)lissement  i'<insidérul)lc  et 
dont  la  population  s'était  recrutée  pre->i«jircntièrenient  à 
Détroit. 

Tour  les  fins  religieiï!*es,  la  colonie  de  Détroit  avait  été 
érigée  en  paroiss-e  dè>  1744,  et  en  I7ô(l  une  église  spa- 
cieuse avait  été  consacrée  par  Mgr.  iJubreuil  de  Pontbriand, 
qui  nonmui  conmie  curé,  avec  le  *itre  de  vicaire-général,  le 
Rev.  F.  Simple  lîos(piet,  réc(->13«M.  Ce  pasteur  conserva  la 
direction  de  la  paroisse  jnscj[u' à  sa  mort,  arrivée  en  1781. 


'iii 


!i  t 


176 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


Le  R.  P.  Pierre  Potier,  jésuite,  desservait  la  mission  des 
Hurons  depuis  1742.  En  1748,  une  chapelle  fut  érigée  prës 
de  Sandwich,  et  les  colons  établis  sur  la  rive  canadienne 
prirent  l'hahitude  d'aller  à  cette  église,  qui  devint  paroisse 
vers  1775.  Jusqu'à  1761,  le  P.  Potier  eut  l'aide  d'un  com- 
pagnon, d'abord  le  Rév.  P.  Richardie,  puis  le  Rev.  P.  Salle- 
neuve  ;  mais  après  cette  époque  il  resta  seul,  et  bien  pauvre. 

En  1767  nous  voyons  qu'il  fut  obligé  de  vendre  la  terre 
qui  avait  été  concédée  aux  missionnaires,  à  François  Gaudet- 
Marentette,  pour  obtenir  les  moyens  de  subsistance.  Il 
mourut  le  î 6  juillet  l78l,  laissant  une  grande  réputation 
de  sainteté. 

Les  R.R.  P.P.  Lamorinerie,  Coquarz,  Lefranc  et  Du 
Jaunay,  étaient  chargé  des  missions  dépendant  de  Michi- 
limackinac.  Les  trois  premiers  se  retirèrent  en  1761,  et  le 
père  Du  Jaunay  resta  seul.  Ce  missionnaire,  qui  était  dans 
le  Michigan  depuis  1738,  disparait  à  son  tour  en  1765,  et 
après  cette  date  les  missions  de  St.  Joseph  et  de  Michili- 
mackinac  ne  furent  visitées  qu'à  de  rares  intervalles  par  le 
grand-vicaire  Gibault,  des  Illinois,  et  par  les  curés  de 
Détroit. 

L'empressement  que  mettaient  les  familles  éparpillées 
dans  ces  régions  à  saisir  l'occasion  de  ces  visites  pour  faire 
bénir  leurs  mariages  et  faire  baptiser  leurs  enfants,  témoigne 
d'un  caractère  profondément  religieux. 

Ces^  colons,  libres  des  restrictions  de  la  loi  civile,  qui  ne 
pouvait  guère  les  atteindre,  s'en  rapportait  à  leur  pasteur 
pour  le  règlement  de  toutes  espèces  d'affaires. 

Ainsi  en  date  du  7  mars  1766,  nous  trouvons  sur  les 
registres  de  Sainte- Anne,  le  document  que  voici  : 

"  Nous  avons  de  concert  avec  le  sieur  Legrand,  juge  de 
paix  en  cette  ville,  donné  Marie,  née  et  baptisée  la  veille, 
enfant  de  parents  incormus,  au  sieur  et  dame  Bouron,  pour 
être  par  eux  élevée,  nourrie  et  entretenue  comme  leur  enfant, 
à  condition  que  la  susdite  Marie  sera,  de  son  côté,  obligée 


LE    KKGIME    ANGLAIS 


177 


sur  les 


veille, 
II,  pour 
entant, 
obligée 


de  les  servir  jusqu'à  ITigo  de  vingt  ans,  en  tout  oe  qui  n'est 
pas  contraire  à  la  religion  er  à  sa  conscience." 

Dans  des  circonstances  plus  ditîiciles,  le  pasteur  avait 
aussi  assez  d'influence  pour  taire  respecter  les  lois  de  la 
morale.  Une  femme  ayant  été  trouvée  coupable  d'adultère, 
elle  fut  excommuniée  ainsi  que  son  amant,  et  ils  ne  ren- 
trèrent en  grâce  qu'après  avoir  }»ubli(piL'ment  fait  amende 
honorable. 

Les  colons  de  Détroit  donnèrent  si  bonne  opinion  d'eux- 
mêmes  par  leur  conduite  que  les  meilleurs  honmies  parmi 
les  premiers  colons  anglais,  tels  <[ue  le  gouverneur  Hay, 
le  lieutenant  George  McDougall,  les  Macomb,  les  Meldrum, 
les  Brush,  ne  dédaignèrent  pas  de  s'allier  aux  Campeau, 
auît  î^avarre  et  à  d'autres  familles  canadiennes.  Ces  pre- 
miers colons  anglais  adoptèrent  si  bien  les  idées  et  les  habi- 
tudes de  la  population  canadienne  (pi'encore  aujourd'hui  il 
y  a  de  leurs  descendants  dans  la  ville  de  Détroit  qui  parlent 
mieux  le  Français  que  l'Anglais. 

Sous  le  rapport  du  bien-être  matériel,  les  colons  avaient 
beaucoup  à  souftVir  par  suite  de  leur  isolement.  Mais  il  est 
faux  de  dire  qu'ils  négligeaient  l'agriculture  et  se  conten- 
taient de  vivre  au  jour  le  jour,  du  fruit  de  la  pêche,  de  la 
chasse  ou  de  la  traite.  Les  renseignements  les  plus  précis 
nous  font  voir  que  l'élevage  des  bestiaux  se  faisait  sur  la 
plus  grande  échelle  possible.  Un  recensement  de  1778 
démontre  qu'il  y  avait  1425  têtes  de  bétail  dans  la  colonie. 
D'autre  part,  du  fait  qu'un  seul  cultivateur  avait  près  de 
mille  minots  de  blé  en  grenier  en  1763,  on  peut  conclure 
que  la  culture  des  céréales  n'était  pas  négligée. 

Louis  Campeau  donne  à  chacun  de  ses  trois  tils,  .1  eau- 
Baptiste,  Jacquee  et  Simori,  une  terre  de  8  x  40  arjtents, 
dont  la  valeur  est  portée  à  6,000  livres.  La  terre  et  la 
maison  de  Césaire  Dequindre,  à  la  même  époque,  est  évaluée 
à  4,200  livres,  soit  3,000  livres  pour  la  maison  et  1,200  livres 
pour  la  terre.     La  terre  du  R.  1*.  lV)tier  sur  la  rive  cana- 

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178 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


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dienne,  de  4  x  40  arpents,  fut  vendue  1,600  livres.  Les  lots 
dans  l'enceinte  du  fort,  généralement  de  30  x  25  pieds  se 
vendaient,  avec  maison,  de  3,000  à  5,000  livres.  Tout  ceci 
fait  voir  que  si  la  terre  avait  déjà  une  valeur  considérable, 
les  maisons,  représentant  surtout  du  travail,  valaient  rela- 
tivement beaucoup  plus. 

L'inventaire  des  biens  de  Césaire  Dequindre,  tait  lors  de 
sa  mort  en  1768,  nous  fait  voir  à  la  fois  ce  que  pouvait  être 
l'intérieur  d'une  des  plus  riches  familles,  ainsi  que  la  valeur 
relative  des  marchandises.  D'abord  pour  les  meubles,  nous 
voyons  sur  la  liste  : — une  couchette,  10  livres,  un  tour  de  lit, 
100  1.  ;  douze  petites  assiettes  de  grès,  16  livres  ;  quatre 
salières,  6  1.  ;  une  poêle  à  frire,  3  1.  ;  un  gril,  ?  1.  ;  une 
cuiller  à  part,  30  sols  ;  un  "  canard,"  4  1.  10  s.  ;  une  cafe- 
tière, 3  1.  ;  un  plat  à  barbe,  3  1.  ;  deux  chandeliers,  30' s.  ; 
un  martinet,  10  s.  ;  un  entonnoir,  10  s.  ;  cinq  targettes,  8 1.  ; 
gros  lit  de  plume  et  oreillers,  60  1.  ;  moyen  lit  de  plume, 
15  1.  ;  six  bouteilles  et  tasses  d'argent,  24  1.  ;  une  caraffe, 
30  s.  ;  quatre  nappes,  60  1.  ;  cinq  paires  de  draps,  84  livres. 
Maintenant  pour  le  garde-robe  : — Deux  vestes,  velour  de 
coton,  6  1.  ;  une  veste,  cotonnade  noire,  30  s.  ;  une  veste 
brochée  en  or,  15  1.  ;  cinq  paires  de  culottes,  6  francs,  un 
gilet,  3  1.  ;  un  habit  de  mouton,  6  1.  ;  un  habit  de  cainchot 
double  de  soie,  20  1.  ;  une  paire  de  bas,  3  1.  ;  dix-huit  ser- 
viettes, 20  1.  ;  12  chemises,  72  l.  ;  une  épée,  48  1.  ;  une 
seringue,  3  livres.  La  fortune  personnelle  de  Dequindre  à 
sa  mort  était  d'environ  cinq  mille  livres. 

Jean-Baptiste  Beaubien  en  épousant  Geneviève  Parent 
donne  à  sa  future  épouse  300  livres  tournois  de  douaire 
prélix. 

En  1769  Alexis  Gauthier  vend  à  Jacques  Sterling  une 
maison  sise  au  poste  St-Joseph,  avec  boissons,  tabac,  char- 
rette, cheval,  et  les  marchandises  qui  s'y  trouvent  pour  la 
somme  de  1,049  livres  argent  courant,  égal  est-il  dit,  à  69 
pounds  18  shillings  et  8  pence,  monnaie  de  N^ew  York. 


LE    RÉGIME    ANGLAIS 


179 


Les  lots 

pieds  se 
Tout  ceci 
ùdérable, 
ient  rela- 
it lors  de 
ivait  être 

la  valeur 
jles,  nous 
3ur  de  lit, 
3  ;  quatre 
?  1.  :  une 
une  cate- 
rs,  30*8.  ; 
ettes,  8 1.  ; 
le  plume, 
e  caraffe, 

84  livres, 
velour  de 
une  veste 

rancs,  un 
cainchot 

-huit  ser- 
1.  ;  une 

uindre  à 

-^e  Parent 
douaire 

ling  une 
)ac,  cliar- 
pour  la 
dit,  à  69 
ork. 


Tous  ces  faits,  enregistrés  dans  les  archives  du  comté  de 
Wayne,  prouvent  que  les  grandes  fortunes  étaient  rares 
parmi  les  colons.  Beaucoup  d'entre  eux  avaient  souffert 
des  pertes  considérables  sur  le  papier-monnaie  de  l'ancien 
régime,  que  le  gouvernement  français  refusa  de  racheter. 
Ceux  qui  étaient  dans  le  commerce  subirent  des  inconvé- 
nients plus  graves  encore  par  suite  de  la  rupture  de  toute 
relation  avec  leurs  correspondants  en  France.  C'est  surtout 
pour  cette  dernière  raison  que  le  commerce  d'importation 
et  d'exportation  passa  aux  mains  des  Anglais. 

Sous  le  rapport  des  coutumes  et  des  mœurs,  les  colonies 
du  Michigan  ne  difléraient  guère  des  paroisses  du  Canada.  Il 
ne  reste  qu'à  noter  que  l'esclavage,  dont  on  ne  cite  que  quel- 
ques rares  exemples  dans  la  province  de  Québec,  était  fo)  te- 
ment  établi  dans  les  postes  de  l'Ouest.  La  légalité  de  l'es- 
clavage avait  été  admise  par  le  gouvernement  français  en 
1731.  Les  premiers  esclaves  furent  des  Panis,  sauvages 
d'une  tribu  lointaine  de  l'Ouest.  Des  traiteurs  de  Micliili- 
mackinac  avaient  jusqu'à  trois  et  quatre  de  ces  esclaves. 
A  Détroit  leur  nombre  était  relativement  moins  grand, 
cependant  le  recensement  de  1773  constate  la  présence  de 
83  esclaves.  Dans  l'inventaire  des  biens  de  Dequindre, 
1768,  la  valeur  d'un  Panis  de  douze  ans  est  portée  à  300 
livres.     En  1793  un  jeune  nègre  se  vendit  £213. 

Ces  esclaves  paraissent  avoir  été  bien  traité.  L'Eglise 
exigeait  qu'ils  fussent  baptisés  et  mariés  régulièrement. 
Claude  Landry  vendit  Marguerite  Siouse  à  Firmin  Landry, 
à  condition  qu'il  l'épouserait,  ce  que  celui-ci  fit  le  11  juillet 
1771,  devant  le  curé  de  l'église  Ste-Anne.  Cet  esclavage 
ne  ressemblait  donc  guère  à  celui  qui  a  existé  dans  d'autres 
pays. 

La  capitaine  Campbell,  premier  commandant  anglais  de 
Détroit,  écrivait  le  2  déceml)re  1760  que  "  les  habitants 
paraissaient  heureux  du  changement  de  régime,  mais  qu'ils 
étaient  dans  un  grand  dénuement  de  toutes  choses."     La 


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LES    CANADIENS   DU    MICIIIOAN 


dernière  partie  de  la  phrase  explique  la  première.  Les 
CanadieuH,  réduits  à  la  famine  par  les  contributions  pour  le 
soutien  des  armées,  étaient  heureux  d'avoir  un  moment  de 
trêve  pour  ce  ravitailler,  mais  leur  co'ur  restait  fidèU;  à  la 
France. 

Lorsque  la  révolte  des  Sauvages  sous  Pontiac  éclata  en 
1763,  les  colons  se  trouvèrent  dans  une  position  difli(àle. 
Le  traité  de  paix  entre  la  France  et  l'Angleterre  n'était  pas 
encore  connu  ;  les  Canadiens  n'étaient  pas  tenus  de  com- 
battre pour  l'Angleterre  ;  d'autre  part  les  Sauvages  leur 
inspiraient  plus  de  crainte  que  de  sympathie.  Autant  que 
possible,  ils  restèrent  neutres. 

Le  major  Gladvvin,  écrit  cependant,  le  8  juillet  1763  : 

"  On  verra  bientôt  que  la  moitié  des  habitants  méritent 
un  gibet,  et  que  les  autres  devraient  être  décimés."  ' 

On  ne  pouvait  être  plus  injuste.  Le  colons  habitant  hors  du 
fort  étaient  obligés  d'approvisionner  les  Sauvages  pour  pro- 
téger leur  propre  vie;  mais  tous  ceux  qui  purent  rendre  ser- 
vice aux  Anglais  paraissent  l'avoir  fait  avec  plaisir.  Gladwyn 
lui-même  exprime  la  reconnaissance  qu'il  doit  à  Robert 
Navarre,  aux  frères  Baby,  et  à  ses  interprètes,  St-Martin  et 
La  Bute.  Il  aurait  pu  ajouter  à  ces  noms  celui  du  R,.  P. 
Pothier,  de  Jean-Baptiste  Chapoton,d'Eu8tache  et  de  Médard 
Gamelin,  qui  d'après  le  récit  d'un  contemporain,  s'em- 
ployèrent activement  à  dissuader  les  Sauvages  de  leurs  idées 
belliqueuses  et  qui,  plusieurs  fois,  donnèrent  d'excellents 
conseils  aux  Anglais.  Jacques  Lasalle  guida  les  bateaux 
portant  les  troupes  anglaises  de  Niagara  à  Détroit  ;  enfin 
une  quarantaine  de  voyageurs  restèrent  dans  le  fort  pour  le 
défendre. 

A  Michilimackinac  l'attitude  des  Canadiens  fut  la  même. 
Après  le  premier  massacre,  ils  s'employèrent  à  protéger  les 
Anglais,  qui,  en  effet,  échappèrent  aux  tortures  que  les  San-. 


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Archives  d'Ottawa. 


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LE    REQIME    ANGLAIS 


181 


vages  font  goiioruleiiiont  siihir  h  Ictiiv  [)ris<)nniors,  cx  (jui 
furent  détinitivement  rclafliés.  Le  ji('re  du  .luuiiay  fit, 
seul,  le  voyage  de  hétroit,  diuis  l'espoir  d\'ii  nimener  du 
secours.  Le  général  (TUge  lui  adressa  une  lottre  de  remer- 
ciement, ainsi  qu'à  Charles  de  Jianglaile,  h  eetto  oeeasion. 
Au  Saut  Ste-Marie,  où  il  n'y  avait  pas  de  garinson  anglaise, 
.lean-Baptiste  Cadotte  eut  assez  d'influence  pour  engager 
les  Sauvages  à  rester  tran([uille. 

C'est  ainsi  que  les  Canadiens  montrèrent  ([u'ils  étaient 
pardessus  tout  des  amis  de  la  civilisation. 

Après  le  rétablissement  de  la  paix,  les  colons  de  Détroit 
ne  furent  pas  inquiétés  dans  leurs  biens.  Le  général  Clage 
se  borna  à  écrire  une  lettre  dans  laquelle  il  dénon(;ait  comme 
frauduleuse  les  dernières  concessions  de  terres  faites  par  de 
Bélestre  en  1760,  et  les  choses  en  restèrent  là. 

A  la  faveur  de  la  paix  la  poi)ulation  augmentait  rapide- 
ment. En  1778  on  trouve  47  personnes  au  poste  de  la 
rivière  St-Joseph,  autant  au  fort  des  Miamis,  près  de  South 
Bend  ;  cinq  ou  six  familles  étaient  établies  au  fort  Ste-Claire, 
près  de  l'endroit  oii  s'élève  aujourd'hui  Port  Huron  ; 
Joseph  Bti-trand  et  quelques  autres  familles  avaient  défini- 
tivement fondé  ce  qui  est  aujourd'hui  Bertrand  village, 
comté  de  Berrien;tout  le  long  du  lac  Erié,  jusqu'à  Sandusky 
se  trouvaient  des  commencements  d'établissements  ;  surtout 
celui  de  Monroe,  où  François  Navarre  s'était  fixé  avec  quel- 
ques compagnons  et  qui  devait  rapidement  s'accroître  ; 
enfin  un  autre  village  près  de  Logansport,  où  Jacques 
Laselle  agissait  comme  agent  du  gouvernement  anglais.  Le 
Saut  Ste-Marie  n'avait  d'autre  ;  opulation  que  la  famille 
Cadot  et'  quelques  traiteurs  qui  menaient  une  vie  no- 
made. 

Michilimackinac,  que  l'on  nomme  maintenant  Mackinavv, 
avait  au  contraire  repris  beaucoup  d'importance  comme 
entrepôt  pour  le  commerce  des  fourrures.  On  y  voyait 
dans  les  magasins  jusqu'à  100,000  livres  de  farine,  50,000 


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LES   CANADIENS   DU   MICHIGAI^ 


livres  de  porc,  1000  gallons  d'eau-de-vie  et  des  quantités 
d'autres  naarchandises  en  proportion.  Tout  cela  se  trouvait 
dans  un  magasin  général,  qui  était  la  propriété  d'une  tren- 
taine d'associés,  parmi  lesquels  se  trouvaient  Michel  Ange, 
Augustin  Dubuc,  Frs.  Cardinal,  de  La  Pointe,  Pierre  Gri- 
gnon,  Laurent  Ducharme,  Pierre  Hurtubise,  de  St-Joseph, 
J.  M.  Ducharme,  Dom.  Lacroix,  Charles  l'Arche,  Joseph 
Bfron,  B.  Tabeau,  Benjamin  Lyon,  J.  B.  Guyon,  Etienne 
Campion,  Jos.  Sanguinet,  Auguste  Chaboillier,  Hyacinthe 
Hamelin,  Pierre  Chaboillier,  A.  Campion,  André  Roy, 
Catin,  J.  B.  Barthe,  Lefebvre,  J.  B.  Bourassa,  Jos.  Caron, 
T.  L.  Gauthier. 

Ces  associés  possédaient  un  fonds  de  commerce  évalué  à 
$500,000  ;  et  ils  employaient  un  grand  nombre  d'hommes 
pour  faire  la  traite  sur  tous  les  points,  jusqu'aux  Illinois. 

Le  recensement  de  Détroit  fait  en  1778,  porte  la  popula- 
tion totale  à  2,144  âmes,  dont  736  hommes,  313  femmes, 
530  jeunes  garçons  et  438  jeunes  filles.  On  comptait  2,013 
tête  de  bétail,  470  moutons  et  1312  cochons.  Les  officiers 
du  poste  vers  cette  époque  sont  énumérés  ainsi  :  Dupéron 
Baby,  Charles  Réaume  et  Isidore  Chêne,  capitaines  et 
interprètes,  Antoine  Fontenay  et  François  Dequindre,  lieu- 
tenants ;  Médard  Gamelin,  garde-magasin,  Frs.  Chabert  de 
Joncaire,  Claude  Labute,  Pierre  Drouillard  et  Jos.  Bondy, 
interprètes. 

La  guerre  de  l'indépendance  américaine  commençait.  Le 
lieutenant-gouverneur  Hamilton  crut  qu'il  pourrait  organi- 
ser 7  compagnies  de  volontaires  canadiens  de  60  hommes 
chacune,  ce  qui  aurait  pris  plus  de  la  moitié  des  hommes 
de  la  colonie.     Il  ne  put  réussir. 

Cependant  les  Canadiens  du  Michigan  étaient  du  côté  de 
l'Angleterre  dans  cette  lutte,  parce  que  toutes  leurs  rela- 
tions politiques  et  commerciales  étaient  avec  la  province  de 
Québec.  Il  n'en  était  pas  ainsi  des  colonies  de  l'Illinois  et 
de  rindiana  qui  furent  gagnés  à  la  cause  de  la  révolution 
par  le  grand-vicaire  Gibault. 


LE    REGIME    ANGLAIS 


188 


Vhs  1*77  *7  un  Américain  nommé  Thos.  Brady,  parti  à  la 
tête  d'une  poignée  de  Canadiens  de  Cahokia  et  de  Péoria, 
vint  surprendre  le  poste  de  St-Joseph,  qu'il  mit  au  pillage. 
Louis  Dagneau  Dequindre  et  Louis  Chevalier,  qui  se  trou- 
vaient dans  les  environs,  soulevèrent  les  Sauvages  en  faveur 
des  Anglais,  surprirent  Brady  dans  sa  retraite  et  massa- 
crèrent plusieurs  de  ses  hommes.  L'année  suivante  Jean- 
Baptiste  Mallet  se  mit  à  la  tête  d'une  autre  expédition  des 
Illinois,  surprit  de  nouveau  la  garnison  de  St-Joseph  et 
enleva  des  marchandises  pour  la  valeur  de  $50,000  dit-on. 

Cependant  le  lieutenant-gouverneur  Hamilton  avait  réussi 
à  organiser  une  expédition  contre  Vincennes.  Il  avait 
dans  les  rangs  de  sa  petite  troupe  70  volontaires  canadiens, 
qui  presque  tous  avaient  des  parents  à  Vincennes.  Ils 
partirent  cependant,  sous  les  ordres  du  sieur  de  La  Mothe 
et  encouragés  par  le  P.  Pothier.  Vincennes  se  rendit  ;  mais 
l'année  suivante  le  général  américain  Clarke  venait  y  mettre 
le  siège  et  forçait  Hamilton  à  se  rendre  prisonnier  de  guerre. 

Les  Canadiens  de  Détroit  revinrent  tranquillement  dans 
leurs  foyers.  Le  colonel  De  Peyster,  qui  commandait  à 
Michilimackinac  invita  Charles  Langlade,  alors  établi  à 
Green  Bay,  ainsi  que  Louis  Chevalier,  à  rassembler  les  Sau- 
vages pour  se  porter  au  secours  d'Hamilton,  mais  cette 
idée  n'eut  pas  de  suite.  L'année  précédente,  Langlade  et 
Gauthier  avaient  conduit  une  bande  de  Sauvages  sur  le  lac 
Champlain,  pour  appuyer  le  général  Burgoyne.  Des  dis- 
sentiments avaient  éclatés,  et  presque  tous  les  Sauvages 
étaient  revenus  mécontents. 

Par  le  traité  de  paix,  le  Michigan,  avec  Détroit,  était 
cédé  aux  Etats-Unis,  mais  en  attendant  l'accompliftsement 
de  certaines  conditions  par  ces  derniers,  l'Angleterre  resta 
tranquillement  en  possession  de  ce  territoire  jusqu'en  1796. 
Le  gouvernement  anglais  employa  ces  années  de  délais  à 
ériger  un  palais  de  justice  à  Sandwich  et  des  fortifications 
à  Malden,  ainsi  qu'à  s'attirer  la  sympathie  de  la  population 
canadienne. 


184 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


Le  clergé  catholique  le  seconda  dans  cette  entreprise.  Bien 
que  la  paroisse  de  Ste-Anne  fut  comprise  dans  le  diocèse 
de  Baltimore,  érigé  en  1789,  Mgr  Hubert  qui  avait  été  mis- 
sionnaire à  Sandwich  de  1781  à  1784,  avait  donné  ordre  en 
1789  de  lire  dans  l'église,  tous  les  ans,  une  lettre  pastorale 
dans  laquelle  il  disait  : — 

"  Rappelez-vous  la  gloire  que  s'est  acquise  un  respecta- 
ble citoyen  que  vous  venez  de  perdre  (Dupéron  Baby) 
lorsque,  secondé  de  votre  courage,  il  rendit  inutile  les 
efforts  dangereux  d'une  multitude  de  sauvages,  et  préserva 
le  Détroit  d'une  ruine  totale.  Le  zële  que  vous  témoignâtes 
alors  pour  les  intérêts  du  gouvernement,  qui  ne  sont  autres 
que  les  vôtres,  est  le  même  que  vous 'devez  montrer  en 
toutes  circonstances."  / 

Une  lettre  semblable  était  addressée  aux  Hurons,  et  devait 
être  traduite  par  les  interprètes  Maison  ville  et  Charles 
Réaume. 

Cette  propagandes  avait-  eu  son  effet,  et  lorsqu'ils  furent 
appelés  à  le  faire,  en  1795,  une  cinquantaine  d'habitants  de 
la  rive  américaine'  déclarèrent  vouloir  rester  sujets  anglais. 
Voici  leurs  noms  : — Augustin  Hamel,  Laurent  Maure,  Frs. 
Bertrand,  J.  B.  Péré,  J.  B.  Montreuil,  Frs.  Primeau,  Chas. 
Petré,  Prisque  Lanoux,  Louis  Barthe,  B.  Boete,  J.  Porlier, 
Frs.  Rosette,  Simon  Brouillard,  Basile  Durocher,  Joseph  et 
Alexis  Barrette,  Noël  Delisle,  Chas.  Chanoin,  P.  Delorme, 
Pierre  Vallée,  Chas.  Poupard,  Nicolas  Boyer,  Benoit  Cha- 
poton,  Antoine  Chauvin,  Jean  Langlois,  J.  B.  Barthe,  J. 
B.  Barthe,  fils,  Alex.  Maisonville,  fils,  J.  B.  Bernard,  Jos. 
Barrette,  père,  Robert  Gouin,  Louis  Couture,  Amable 
Latour,  Jean  Lagarde,  Isaac  Gagnier,  Frs.  Lenoir,  Domini- 
que Brouillard,  Baptiste  Brouillard,  père,  Baptiste  Brouil- 
lard, fils,  et  Philippe  Bélanger. 

Dautres  transportèrent  leur  domicile  sur  la  rive  cana- 
dienne pour  rester  sous  la  domination  anglaise. 

Parmi  les  familles  qui  vinrent  grossir  la  population  du 


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LE    REGIME   ANGLAIS 


185 


Détroit  durant  cette  période,  la  plun  remarquable  est  cer- 
tainement celle  des  Baby. 

Les  quatre  frères  Baby,  fils  de  Raymond,  de  Montiéal, 
avaient  servi  avec  distinction  dans  l'Ouest  sous  les  ordres 
du  commandant  du  fort  Duquesno,  et  après  la  conquête, 
<leux  d'entre  eux  s'établirent  h  Détroit,  Louis  et  Jacques. 
Ce  dernier  fit  le  commerce  avec  succès,  s'acquit  une  grande 
fortune  et  beaucoup  d'influence  sur  les  habitants  du  pays. 
Le  gouvernement  le  nomma  même  surintendant  des  Sau- 
vages. Il  mourut  en  1789.  En  1796,  madame  Baby  re- 
tourna à  Québec.  Trois  de  ses  fils  s'enrôlèrent  dans  l'armée 
anglaise  et  moururent  à  l'étranger. 

Deux  autres,  François  et  l'ainé,  Jacques  Dupéron,  res- 
tèrent à  Sandwich.  Ce  dernier  était  né  en  1762,  avait  fait 
ses  études  à  Québec  et  avait  visité  l'Europe  en  1783.  Re- 
venu à  Sandwich,  il  fut  nommé  membre  du  Conseil  Exé- 
cutif du  Haut  Canada,  lors  de  l'organisation  de  la  province. 
En  1793,  il  s'exprimait  ainsi  sur  sa  position  dans  une  lettre 
datée  de  la  capitale  : — 

"Je  suis  retenu  encore  ici  pour  quelques  jours  par  le 
Conseil  Exécutif;  je  pars  ensuite  pour  le  Détroit.  Le  gou- 
verneur Simcoe  a  fait  pour  moi  plus  qu'il  n'avait  promis  et 
plus  que  je  n'avais  lieu  d'attendre.  Il  m'u  donné  une  com- 
mission de  lieutenant  pour  le  comté  de  Kent,  ce  qui,  comme 
vous  le  voyez,  me  met  à  la  tête  de  notre  petit  pays.  Son 
amitié  et  ses  faveurs  vont  en  augmentant.  Hier,  dans  une 
longue  conversation  que  j'ai  eu  avec  lui,  il  m'a  annoncé 
qu'il  allait  me  nommer  juge  de  la  Cour  des  Plaidoyers  Com- 
muns, et  aussi  de  la  Surrogate  Court.  La  pensée  que  je 
puis  être  utile,  particulièrement  à  nos  pauvres  Canadiens 
qui  n'ont  ici  d'autre  appui  que  moi,  me  porte  h  tout  ac- 
cepter, quelque  soient  mes  répugnances.  J'ai  déjà  rendu 
plus  d'un  service  à  ces  compatriotes,  nonobstant  bien  des 
difficultés  ;  je  suis  à  la  veille  de  leur  en  rendre  de  nouveaux 
et  de  plus  grands  ;  cela  suflit  pour  m 'encourager." 


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186 


LES   CANADIENS   DU   MICHI6AN 


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Parmi  les  autres  familles  dont  nous  voyons  apparaître 
les  noms  aux  registres,  nous  citerons  les  suivantes  : — 

Bèaufait — Louis  Beaufait,  né  en  France,  vint  à  Détroit 
en  1761,  et  y  épousa  Thérèse  de  Marsac-Duroclier.  Il  devint 
juge  de  la  Cour  des  plaidoyers  commun  du  comté  de 
Wayne  en  1796,  et  occupa  d'autres  positions  publiques  par 
la  suite.  Son  fils,  Louis,  né  en  1773,  'onquit  le  grade  de 
colonel  dans  la  guerre  de  1812. 

OuELLETTE — Jean -Baptiste  Ouellette,  maître  meunier,  né 
en  1737,  à  Kamouraska,  et  fils  d'un  meunier  de  l'endroit, 
épousa  Jeanne  Potel,  à  Détroit,  en  1765,  et  s'établit  sur  la 
rive  canadienne. 

Alexandre  Ouellette,  neveu  du  précédent,  aussi  né  à 
Kamouraska,  en  1754,  épousa  Angélique  Bourassa,  à  Dé- 
troit, en  1781. 

Cette  famille  descend  de  René  Ouellet  ou  Hœlet,  de  St- 
Jacques-du-Haut-Pas  de  Paris,  qui  vint  au  Canada  avant 
1666.  Dans  le  comté  d'Essex,  elle  a  joué  un  rôle  très  hono- 
rable, et  elle  est  enc(»re  une  des  plus  riches  de  la  la  ville  de 
Windsor.  M.  l'abbé  Ouellette,  du  collège  de  St-Hyacinthe, 
appartient  à  cette  famille. 

Berthelet — Pierre  Berthelet,  médecin  et  citoyen  éminent 
de  Détroit,  à  cette  époque,  était  né  à  St-Laurent  de  Mont- 
réal, en  1746.  Il  vint  s'établir  à  Détroit  vers  1770,  et  y  épousa 
Françoise  Meloche,  puis  en  seconde  noce,  Marguerite  Viger. 
Il  retourna  à  Montréal  vers  1795,lais8ant  un  de  ses  fils,  Henri, 
établi  à  Détroit.  Un  autre  de  ses  fils,  Antoine,  fut  un 
des  citoyens  les  plus  éminents  de  Montréal,  et  son  petit-fils, 
le  Kev.  P.  F.  A.  Berthelet,  jésuite,  né  à  Détroit,  en  1830, 
dirigea  la  construction  de  l'église  du  Jésu  à  Montréal,  puis 
revint  mourir  à  Détroit,  en  1878. 

Maras — Nicholas-Antoine  Moras  ou  Morasse,  dit  Toini- 
chinx,  fils  de  Claude  Moras,  originaire  de  St-Eustache, 
Paris,  mais  établi  à  Québec,  épousa  Marie-Anne  Boyer,  à 


LE    RÉGIME    ANGLAIS 


187 


Détroit,   en  1773.      Ses  descendants  possèdent  encore  de 
grandes  propriétés  aux  environs  de  Détroit. 

Paqeot — Joseph  Thomas  Pageot,  de  Charlesbonrg,  épousa 
Marie-Louise  Villers,  à  Détroit,  en  1767. 

Pratte — François  Pratte,  né  à  Trois-Riviëres,  en  1744, 
épousa  Elizabeth  Parent,  à  Sandwich,  en  1776.  Ses  des- 
cendants sont  nombreux.  Le  nom  de  cette  famille  à  l'ori- 
gine était  Duprat. 

QuESNEL — Jacques  Quesnel,  soldat,  fils  d'un  fabricant  de 
coton,  de  Dieppe,  épousa  Marguerite  Morel  après  la  con- 
quête.    Il  a  fait  souche. 

RioPELLE — Ambroise  Pierre  Riopelle,  de  l' Ange-Gardien, 
épousa  Thérèse  Campeau,  à  Détroit,  en  1766.  Parmi  ses 
descendants  on  compte  Hyacinthe  F.  Riopelle,  d'Ecorce, 
membre  de  la  législature  et  juge,  et  M.  Claude  N.  Riopelle, 
avocat  de  Détroit,  qui  a  aussi  été  membre  de  la  législature. 
Cette  famille,  originaire  de  St-Denis,  île  d'Oléron,  France, 
vint  en  Canada,  en  1670. 

Trud EL-— François  Trudel,  marié  à  Marie  Fauvel,  en  1783, 
à  Détroit.  Ses  descendants  ont  été  du  nombre  des  fonda- 
teurs de  Bay  City. 

Vermet — Joseph  Vermet,  habitf^nt  de  la  rive  canadienne, 
forgeron,  épousa  Marie  Campeau  en  1780. 

Antoine  et  Nicolas  Vermet,  neveux  du  précédent,  se  ma- 
rient aussi  à  Détroit  en  1795. 

Cette  famille  descend  d'Antoine  Vermet,  venu  à  Québec 
en  1668,  de  St-!N"iquerre  en  Artois. 

ViGER — Joseph  Paschal  Viger,  qui  épousa  Angélique 
Morand  à  Varennes,  en  1770,  vint  s'établir  à  Détroit  vers 
ce  temps  ;  et  il  y  a  fondé  une  famille  qui  compte  encore  des 
premiers  négociants  de  Détroit. 

Ne  pas  confondre  avec  les  Viager  ou  Visgar,  qui  descen- 
dent d'un  négociant  hollandais,  venu  d'Albany  à  Détroit. 


188 


LES   CANADIENS   DU    MICUIGAN 


Paré — Jean-Baptiste  Paré,  maître-charron,  de  Ste-Anne 
de  Beaupré,  épousa  Marie-Françoise  Pelletier,  à  Détroiv,,  en 
1765.     Ses  descendants  habitent  surtout  le  comté  d'Essex, 

Pitre — J.  B.  Pitre,  acadien,  épousa  Marie  St-Cosmo,  à 
Détroit,  en  1773. 

Lemay — Théophile  Lemay,  armurier,  venu  de  Montréal, 
épousa  Desonges  Peltier  en  1764.  Il  a  fait  souche.  Un  de 
ses  cousins,  Pierre  Lemay,  vint  le  rejoindre  vers  1770,  et  il 
a  aussi  laissé  des  descendants. 

Mailloux— Joseph  Mailloux  et  Amable  Mailloux,  orfeb- 
vres,  cousins,  s'établirent  à  Détroit  peu  après  la  conquête. 
Leur  grand  père  Jacques  Mailloux,  marié  à  Claire  Armand, 
était  de  Baure,  en  Brie,  France,  et  vint  s'établir  à  Québec 
vers  1669.  Joseph  épousa  Thérèse  Leduc  en  1765,  et 
Amable  se  maria  à  Isabelle  Casse-St-Aubin.  Leurs  des- 
cendants sont  nombreux  et  avantageusement  connus. 

Latour — Amable  Latour,  charpentier,  et  François,  son 
frère,  cordonnier,  s'établirent  à  Détroit  vers  1770,  et  ils  y 
ont  fait  souche. 

Leclerc — J.  B,  Leclerc,  de  St-Michel  d' Yamaska,  épousa 
Thérèse  Catin,  à  Détroit,  en  1791. 

Michel — Nicolas  Michel,  marchand,  de  Nanc}',  France, 
fils  de  Sébastien  Michel,  architecte  des  duc  de  Lorraine, 
épousa  Marie-Césire,  à  Détroit,  en  1769. 

CoucHois — La  famille  Couchois,  qui  s'établit  à  Détroit 
vers  1776,  descendait  de  Jean-Baptiste  Couchois,  voyageur, 
établi  à  Mackinac  depuis  1725.  Alexis  et  Louis  Couchois 
ont  continué  la  lignée.  Jean- Baptiste  Couchois,  leur  grand 
père,  venait  de  Québec. 

CofJRTOis — Charles  Denis  Courtois,  né  à  Montréal,en  1744, 
vint  s'établir  à  Détroit,  étant  encore  jeune.  Il  se  fit  méde- 
cin à  Ecorce.     Il  a  laissé  plusieurs  descendants. 

DuMoucHEL — Louis  Vital  Dumouchel,  né  à  Montréal,  en 


LE    REGIME    ANGLAIS 


189 


jorraiiie. 


1745,  vint  à  Sandwich  vers  1772,  et  on  1773  y  épousa  Marie 
Madeleine  Goyon.  Il  mourut  à  Windsor,  Ont.,  en  1826. 
Un  de  ses  petits  fils  fut  le  sénateur  Léandre  Dumouchel . 
Ses  descendants  dans  le  comté  d'Essex  occupent  aussi  des 
positions  très  honorables. 

Jacques  Allard,  originaire  de  Charlesbourg. 

Jacques  André,  né  à  Pavie,  en  Italie. 

Jean-Marie  Arsenau,  dit  Durant,  marchand. 

Alexis  Arcouet  qui  épouse  Marguerite  Latbrest  le  12 
novembre  1770. 

Paul  Armand,  épouse  Marie-Joseph  Parmier,  le  8  jan~ 
vier  1791. 

Joseph  François  Auclair,  originaire  de  Charlesbourg, 
épousaGeneviëve  Comporet,  le  13  décembre  1794. 

Philippe  Bélanger,  originaire  de  Québec. 

Joseph  Berthiaume,  né  à  Montréal,  ancien  voyageur. 

Joseph  Bertrand,  qui  épousa  Angélique  Bernard,  à  Dé- 
troit, en  1794. 

Jean-Baptiste  Bertrand  venu  à  Détroit  vers  1770. 

Jean  Biguet,  né  à  Longueuil,  établi  à  Détroit  avant 
1778. 

Jean-Marie  Dubé,  établi  au  Grand  Marais,  était  né  à  St- 
Roch. 

François  Dubois,  arpenteur,  et  Etienne  Dubois,  deux 
frëres,  établis  à  Détroit  avant  1790,  ont  laissé  des  descen- 
dants qui  sont  encore  très  riches. 

Julien  Duhamel,  fils  d'un  capitaine  de  vaisseau,  épouse 
en  1780,  Marie  Crête,  fille  de  J.  B.  Crête,  menuisier,  venu 
lui  aussi  à  Détroit  vers  1775. 

Pierre  Dumay,  originaire  de  St-Antoine  de  Tilly. 

Isaac  Gagné,  de  St-Thomas  de  Montmagny,  épousa 
Marie-Louise  Vallée,  à  Détroit,  1775.  Il  était  maître  ton- 
nellier. 

Jean  François  Gobeil,  maîtite  menuisier,  s'établit  à  Dé- 
troit vers  1782.     Ses  descendants  portent  le  nom  de  Goby. 


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190 


LES   CANADIENS   DU    MICHIOAN 


Pierre  GosBelin,  maître  charpentier,  de  Québec,  épouse 
Marguerite  Caron  en  1771. 

Louis  et  Laurent  Griffard,  de  St-François  du  Sud,  étaient 
à  Détroit  des  1765,  où  ils  se  sont  mariés. 

Antoine  Guérin  dit  Dauphin,  de  St-Quentin,  île  de  France, 
vint  à  Détroit  vers  1770,  après  avoir  vécu  à  Montréal  20 
ans. 

Toussaint  et  Joseph  Hunault,  vinrent  à  Détroit  du  Mis- 
souri, vers  1766.  Quelques-uns  de  leurs  descendants  portent 
le  nom  de  Deschamps. 

Charles  Janson  dit  Lapalme,  forgeron,  venant  de  Québec, 
s'établit  à  Détroit  en  1765. 

Joseph  Jobin,  de  Verchères,  établi  à  Détroit  en  1784. 

Etienne  Langeron  dit  Lafontaine,  de  Bourgogne,  épouse 
Catherine  Casse  en  1768. 

Pierre  Laplante,  établi  à  la  coulée  des  Renards,  avant 
1770. 

J.  B.  Larue,  de  Basse-Guyenne,  épouse  Elizabeth  Bureau 
à  Détroit  en  1770. 

Louis  Courtin,  boulanger,  de  Québec,  vint  à  Détroit  avec 
sa  famille  en  1767. 

François  Contant,  épouse  Angélique  Brillant  à  Détroit 
en  1781. 

François  Ignace  De  Couagne,  venu  à  Détroit  avec  sa 
famille  en  1766. 

Pierre  Doucet,  originaire  de  Québec.  ' 

Jean-Baptiste  Binet,  né  à  Beauport,  épouse  Marie  Lacoste 
en  1770. 

Jean-Baptiste  Bissonnet,  originaire  de  Soulanges. 

Pierre  Borgia,  maître  forgeron,  originaire  de  la  Provence. 

Jean  Bourgoin,  de  Bosse,  en  Guyenne. 

Louis  Buffet,  de  rile-de-Rhé,>  marchand. 

Antoine  Cadéron,  de  la  Franche  Comté. 

Joseph  Cadet,  né  à  Montréal. 


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CHAPITRE  XIV. 


LE    REaiME   AMERICAIN. 


à 


En  17t6,  les  Américains  prirent  formellement  possession 
fie  la  ville  de  Détroit,  et  l'année  suivante  ils  allèrent  hisser 
leur  drapeau  sur  les  forts  de  Michilimackinac  et  du  Saut 
Ste-Marie. 

Les  autorités  militaires  furent  suivies  de  prës  par  les 
autorités  ecclésiastiques,  représentées  par  M.  l'abbé  Rava- 
doux,  vicaire  général  de  l'évêque  de  Baltimore.  Après 
s'être  rendu  compte  de  la  condition  du  pays,  l'abbé  Rava- 
doux  retourna  à  Baltimore,  et  en  1*798,  les  abbés  Jean 
Dilhet  et  Gabriel  Richard,  furent  envoyés  au  Michigan.  Le 
premier  se  fixa  à  Monroe,  appelé  alors  Frenchtown,  où  une 
chapelle  existait  depuis  1788,  et  où  on  comptait  plus  de 
cent  familles.     Il  retourna  en  France  en  1805. 

L'abbé  Gabriel  Richard,  nommé  vicaire-général,  devait 
être  pendant  quarante  ans  l'un  des  premiers  citoyens  de  ce 
pays.  Ce  prêtre,  remarquable  sous  plus  d'un  rapport,  était 
né  à  Saintes,  France,  le  15  octobre  1764.  Il  descendait^ 
dit-on,  d'une  famille  alliée  à  Bossuet.  Après  avoir  fait  ses 
études  théologiques  au  séminaire  d'Angers,  il  entra  au 
séminaire  de  St-Sulpice  et  fut  ordonné  en  1791.  On  était 
à  la  veille  de  la  Terreur,  et  dès  l'année  suivante  il  dut  cher- 
cher un  refuge  aux  Etats-Unis.  Il  fut  d'abord  destiné  à 
l'enseignement  des  mathématiques  dans  le  collège  naissant 
de  Baltimore,  mais  Mgr.  CarroU  décida  bientôt  de  l'envoyer 
comme  curé  à  Kaskaskia.     Il  était  encore  à  ce  poste,  lors- 


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192 


LES   CANADIENS    DU   MICHIOAN 


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qu'il  fut  nommt'^  h  la  cure  de  Ste-Anue.  On  évaluait  alors 
la  population  de  cette  paroisse  à  1800  seulement. 

La  population  de  la  paroisse  de  G<*ndwich  qui  restait  sous 
la  jurisdiction  de  l'éveque  de  Québe<î,  ne  devait  pas  être 
moins  de  mille  /Imes  à  cette  époque.  Les  évêciues  de  Québec 
y  entretinrent  continuellement  un  missionnaire,  et  en  1801, 
Algr.  Denaut  vint  même  y  faire  une  visite  pastorale. 

En  passant  sous  la  domination  américaine,  les  colons 
canadiens  devenaient  citoyens  et  électeurs  du  territoire  du 
Nord-Ouest.  La  première  élection  eu  lieu  en  1799,  pour 
choisir  trois  députés  à  la  législature.  François  Chabert 
de  Joncaire,  Jacob  Visgar,  hollandais,  et  Salomon  Sibley 
furent  choisis.  Parmi  les  candidats  défaits  se  trouvait 
Louis  Beaufait,  fils.  Une  bonne  partie  des  Canadiens,  avec 
leur  générosité  ordinaire,  votèrent  pour  les  candidats 
Anglais.  '     Il  n'y  avait  que  37  électeurs  de  langue  anglaise. 

Sur  une  liste  des  habitants  dans  l'enceinte  du  fort  en 
1805,  nous  trouvons  57  noms  français  et  123  noms  étran- 
gers. Il  n'y  avait  encore  que  cinq  ou  six  cultivateurs 
anglais  demeurant  en  dehors  du  fort. 

Cette  année  1805  toutes  les  maisons  dans  l'enceinte,  à  l'ex- 
ception de  deux,  furent  détruites  par  un  incendie.  Parmi 
ceux  qui  subirent  des  pertes,  on  cite  Joseph  Thibault,  mar- 


'  Les  Canadiens  qui  flgarent  sur  la  liste  des  électeurs  en  cette  occasion 
sont  :— Joseph  Thibault,  Frs.  Bellecourt,  .T.  B.  Cicot,  T.  Peltier,  Baptiste 
et  Joseph  Delislci Toussaint  i  '  T)e!,  Robert  Navarre,  Alexis  Peltier,  Joseph 
Thibault,  Louis  Beaufort»  José  Voyer,  Simon  Campeau,  Jacques  Pelletier, 
C.  F.  Girardin,  Louis  Desaulniers,  Pierre  Navarre,  Frs.  Grobeil,  Jacques 
Laselle,  Charles  Rouleau,  André  Berthiaume»  Louis  Bourassa,  D.  Bondy, 
Joseph  Bondy,  Antoine  Barron,  Chas.  Peltier,  Louis  Bourdignon,  Louis 
Gamelin,  Antoine  Moras,  G.  et  Robert  Marsac,  Jos.  Bernard,  Jacques 
(rirardin,  Charles  Gouin,  Alexis  Labady,  Frs.  Durocher,  Pierre  Dumais, 
Louis  Beaufort,  fils,  Baptiste  Tremblé,  Gabriel  St-Aubin,  Louis  Chapoton, 
Jacques  Chauvin,  Charles  Rivard,  Louis  Bernard,  Louis  Pérault,  Baptiste 
Peltier,  Micbel  Rivard,. François  Marsac,  Noël  Chauvin,  J.  B.  Rivard, 
Louis  V.  Laferté,  Gabriel  8t-Aubin,  J.  B.  Çampeau,  Pierre  Rivard,  René 
Mété,  Jos.  Lorain.  Louis  Laferté,  J.  B.  Deplene,  Ant  Vermet 


LE    RKdlME    AMKRICAIN 


103 


chaud,  £7,711  ;  F.  Godefroy,  tilrt,  £850  ;  Josopli  Voyer, 
£800  :  Aug.  Laf'oy,  £800;  .îacqnos  Girardin,  £400  ;  riorro 
J.  Doenoyers,  £392;  IMcrre  Audniin,  £650;  l'abbé  (}al»nc'I 
Richard,"£250. 

L'église  Ste-Anne,  qui  avait  été  restaurée  en  1709  au 
coût  de  ^3,000,  était  au  nombre  des  édifices  détruits.  M. 
le  curé  Richard  célébra  la  messe  sous  une  tente  d'abord, 
puis  dans  un  magasin  appartenant  à  M.  Meldrum,  et  ([ui  se 
trouvait  au  pied  de  l'avenue  Woodward. 

Lorsqu'il  s'agit  de  reconstruire,  dos  difficultés  s'élevèrent 
entre  le  curé,  les  autorités  civiles  *.<  les  paroissiens  au  sujet 
du  choix  de  l'emplacement  et  du  tr:uis[>ort  de  l'ancien  cime- 
tière qui  se  trouvait  au  cœur  m'orne  de  la  ville.  Lu  division 
alla  jusqu'au  schiime.  Une  ^-artie  de?  paroissiens  décla- 
rèrent l'indépendance  et  construisirc  it  une  chapelle  sur  la 
ferme  d'un  Américain  nommé  Mt-b^iers. 

Ces  difficultés  durèrent  une  douzaine  d'années.  M. 
Richard  n'en  était  pas  moins  actif.  Nous  le  vjyons  figurer 
comme  chapelain  du  premier  régiment  de  milice,  et  du  con- 
seil exécutif  du  territoire.  En  cette  dernière  qualité  il 
prêcha  souvent  devant  les  anglais  et  les  protestants. 

Il  se  dévouait  aussi  à  l'œuvre  de  l'instruction.  Il  .^vait 
établi  deux  écoles,  l'une  pour  les  garçons  et  l'autre  pour  le» 
filles.  L'incendie  ayant  ruiné  ces  institutions,  il  s'adressa 
en  1808  au  gouvernement  pour  obtenir  la  permission  d'éta- 
blir une  loterie  pour  le  support  des  écoles.  Il  représente 
qu'on  donne  dans  ces  écoles  une  instruction  commerciale 
aussi  bien  que  classique.  Cette  permission  ne  fut  pas 
accordée. 

Il  tourna  alors  son  attention  d'un  autre  côté,  et  en  1809 
il  fit  venir  une  presse  à  irrprimer  de  Boston,  la  première 
qui  ait  été  établie  dans  l'Ouest.  Le  premier  numéro  d'un 
recueil  périodique,  Michigan  Essay  or  Impartial  Observer, 
sortit  de  cette  presse  le  31  août  1809.  C'était  un  journal 
de  quatre  pages,  de  quatre  colonnes  chacune.    Il  n'y  avait 


M 


194 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


qu'une  colonne  de  français.  Il  ne  parut  que  deux  ou  trois 
numéros  de  ce  journal,  mais  M.  Richard  fit  imprimer  plu- 
sieurs livres  de  prières,  dant  le  besoin  se  faisait  sentir  parmi 
ses  paroissiens. 

Cette  imprimerie  se  trouvait  dans  la  maison  de  Jacques 
Laselle,  qui  vivait  sur  la  ferme  qui  a  porté  depuis  le  nom 
de  Stanton,  à  Springwells. 

Par  un  acte  du  Congres  en  date  du  11  janvier  1805,  le 
Michigan  avait  été  érigé  en  territoire  séparé,  et  l'adminis- 
tration en  avait  été  confiée  à  un  conseil  exécutif  dont  Wil- 
liam Hull,  gouverneur,  était  le  chef.  Détroit  en  était  la 
capitale. 

Ce  fut  le  commencement  du  rëgne  de  la  loi.  Les  titres 
des  colons  aux  terres  qu'ils  habitaient  furent  confirmés  après 
enquête  et  un  code  de  loi  fut  édicté. 

Comme  les  Canadiens  ne  parlaient  pas  encore  l'anglais, 
les  législateurs  firent  publier  leurs  ordonnances  en  français. 
Deux  Français  qui  étaient  venus  en  Amérique  pour  parti- 
ciper à  la  fondation  de  la  république  modèle  de  Galliopolis, 
sur  rOhio,  rendirent  d'importants  services  aux  habitants. 
Le  premier,  Pierre  Audrain,  occupait  la  position  de  secré- 
taire du  Conseil  exécutif.  L'autre,  Pierre-Joseph  Desnoyers, 
juge-de-paix,  fut  l'homme  d'aifaires  des  Canadiens.  Il 
épousa  Marie-Rose  Gobeille  en  1799. 

Le  recensement  fédéral  des  Etats-Unis,  fait  en  1810  ne 
donne  pour  tout  le  Michigan  qu'une  population  de  4,762, 
dont  3,206  pour  le  comté  de  Wayne.  Cependant  les  regis- 
tres des  naissances  et  des  décès  de  l'église  Ste-Anne  indi- 
quent que  la  population  de  la  paroisse  se  doubla  de  1790  à 
1810,  et  le  chiffre  annuel  des  naissances  qui  atteint  185  et 
190,  porte  à  croire  que  la  population  catholique  de  cette 
paroisse  seule  dépassait  3,000. 

A  cette  époque  la  région  du  lac  Supérieur  était  encore  en 
la  possession  des  traiteurs  de  pelleteries,  et  n'était  guère 
parcourue  que  par  les  Canadiens,  qui  continuaient  à  surpasser 


LE   T'EGIME    AMERICAIN 


195 


tous  leurs  concurrents,  grâce  à  leur  expérience,  à  leurs  apti- 
tudes pour  cette  vie  et  surtout  aux  sympathies  que  le  nom 
Français  inspirait  encore  aux  indigènes. 

Alexander  Henry,  le  premier  Anglais  qui  tenta  de  faire 
la  traite  sur  les  grands  lac  du  ISTord  après  la  conquête,  avait 
fini  par  s'associer  à  Jean-Baptiste  Cadotte.  PIuf  tard  Peter 
Pond  et  les  Frobisher,  de  Montréal,  furent  admis  dans  cette 
société,  qui  en  1784,  prit  le  nom  de  Compagnie  du  Nord- 
Ouest. 

Ainsi  appuyés  par  les  capitaux  des  marchands  anglais  de 
Montréal,  les  trappeurs  canadiens  rétablirent  les  relations 
qui  unissaient  le  Nord-Ouest  au  Canada  du  temps  de  la 
domination  française. 

La  Compagnie  du  Nord-Ouest  dont  les  opérations  s'éten- 
dirent jusqu'au  Pacifique,  n'eut  jamais  le  monopole  de  la 
traite.  Les  monopoles  avaient  cessé  avec  le  régime  fran- 
çais, et  une  foule  de  traiteurs  libres  faisaient  la  concurrence 
dans  la  mesure  de  leurs  forces  à  la  puissante  compagnie. 
C'étaient  en  grande  partie  des  Canadiens  de  Détroit  où  de 
la  colonie  de  St-Ignace.  Souvent  ces  traiteurs  trouvaient 
plus  avantageux  de  se  mettre  à  l'emploi  de  leur  puissante 
rivale.  Dans  tous  le3  cas  ils  pouvaient  s'approvisionner  de 
marchandises  à  meilleur  marché  à  Montréal,  en  passant  par 
l'Ottawa  qu'ils  n'auraient  pu  le  faire  à  Détroit. 

La  Compagnie  du  Nord-Ouest  a\  ait  établi  ses  magasins  au 
Saut  Ste-Marie,  où  elle  avait  fait  construire  une  scierie.  La 
compagnie  avait  même  commencé  un  canal  pour  faire  passer 
ses  bateaux  du  lac  Huron  sur  le  lac  Supérieur. 

A  côté  de  la  Compagnie  du  Nord-Ouest  un  jeune  Irlan- 
dais de  bonne  famille,  John  Johnson,  était  venu  s'établir  et 
avait  mis  sa  fortune  dans  le  commerce  des  fourrures.  Avant 
épousé  la  fille  d'un  chef  sauvage,  Johnson  eut  bientôt  acquis 
un(j  grande  réputation  parmi  les  tribus.  Son  commerce 
prospéra  rapidement,  et  il  eut  jusqu'à  deux  cents  voyageurs 
canadiens  à  son  service. 


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196 


LES  CANADIENS   DU   MICHIGAN 


Une  autre  société  dont  nous  avons  déjà  parlé  s'était  formée 
à  Michilimackinac,  et  avait  pris  le  nom  de  Compagnie  de 
Mackinaw.  Ses  magasins  sur  l'île  Mackinac,  étaient  devenus 
le  centre  d'un  village  important  et  prospère. 

Le  major  Caleb  Swan,  qui  le  visita  en  1797,  dit  :  "  Le  vil- 
lage se  compose  de  deux  rues  d'environ  un  quart  de  mille 
de  longueur.  H  y  a  une  chapelle  catholique,  quatre-vingt- 
neuf  habitations  et  des  magasins.  Plusieurs  de  ces  con- 
structions sont  grandes  et  de  belle  apparence  :  toutes  sont 
blanchies  à  la  chaux,  ce  qui  donne  un  magnifique  coup  d'œil 
quand  on  arrive  par  le  lac.  A  une  des  extrémités  du  vil- 
lage il  y  a  la  demeure  du  commandant,  érigée  par  les  An- 
glais.    Elle  est  très  spacieuse  et  bien  finie. 

"  Ce  détroit  est  le  seul  passage  pour  atteindre  le  com- 
merce lucratif  des  fourrures,  qui  se  fait  exclusivement  par 
des  sujets  anglais  de  Montréal.  Les  canots  approvisionnés 
par  les  commerçants  partent  de  Michilimackinac  générale- 
ment vers  le  mois  de  juillet,  et  il  reviennent  durant  l'été 
suivant.  Ils  y  rencontrent  les  canots  venus  de  Montréal 
avec  les  marchandises.  Il  y  a  échange  de  cargaison  entre 
les  deux  flottes  et  chacune  retourne  d'où  elle  est  venue." 

Ce  n'est  qu'en  1809  que  M.  John  Jacob  Astor  organisa 
r American  Fur  Company,  qui  en  1811  absorba  la  Compa- 
gnie de  Mackinaw. 

Parmi  les  traiteurs  de  cette  époque  quelques-uns  méritent 
une  mention  particulière. 

Jean-Baptiste  Perreault,  né  à  Québec,  vint  dans  l'Ouest 
dès  1783.  Il  possédait  une  bonne  instruction  et  dès  le  début 
de  sa  carrière  il  se  fit  remarquer.  Employé  d'abord  dans 
le  "Wisconsin  et  l'Illinois,  il  se  mit  au  bout  de  quelques  an- 
nées à  faire  la  traite  pour  son  propre  compte  sur  le  lac 
Supérieur,  aux  environs  d'Ontonagon.  Il  amassa  une 
petite  fortune  et  se  retira  au  saut  Ste-Marie  ou  l'historien 
américain  Schoolcraft  le  rencontra  vers  1828.  Perreault 
enseigna  le  français  à  cet  écrivain  et  lui  fournit  la  matière 


LE   REGIME    AMERICAIN 


197 


d'un  chapitre  sur  ses  aventures  de  1783.  En  1834,  Jean- 
Baptiste  Perreault  fait  bénir  son  mariage  avec  Marianne 
Gendron  à  Mackinaw.  Il  mourut  en  1844,  laissant  des 
bien  considérables  qui  n'ont  pas  été  reclamés  par  aucun 
héritier. 

Alexis  Laframboise,  fils  de  Jean-Baptiste  Laframboise,  de 
Trois-Rivières,  le  véritable  fondateur  de  la  ville  de  Milwau- 
kee,  était  établi  à  Michilimackinac  avant  1785.  En  cette 
année  il  établit  un  poste  de  traite  sur  le  site  de  la  ville  de 
Milwaukec.  Il  confia  ce  comptoir  à  un  de  ses  frères,  qui 
le  maintint  jusqu'à  1803.  Alexis  revint  à  Mackinaw  où  il 
épousa  en  1792,  Marie-Josephte  Adhémar,  originaire  de 
Détroit.  De  ce  mariage  il  eut  trois  fils,  Claude,  Alexis  et 
Lafortune,  qui  ont  fini  par  s'établir  à  Chicago. 

Stanislas  Chapeau,  commis  de  Laframboise,  s'enrôla  dans 
les  troupes  anglaises  en  1812.  Après  la  guerre  il  alla  se 
fixer  sur  la  rivière  Menomenee,  à  quelques  milles  de  son 
embouchure.  Il  fit  la  traite  en  cet  endroit  jusqu'à  l'épo- 
que de  sa  mort,  en  1854. 

Jean-Baptiste  Mirandeau,  originaire  de  Montréal,  vint 
au  Michigan  vers  1780.  Il  visita  l'endroit  où  s'élève  au- 
jourd'hui Milwaukee,  fit  la  traite  sur  le  lac  Supérieur,  puis 
se  fixa  pendant  quelque  temps  à  Mackinaw,  où  il  épousa 
une  Sauvagesse,  en  1789.  Il  se  mit  forgeron  par  la  suite, 
et  fut  employé  par  les  troupes  américaines  du  fort  Dear- 
born,  aujourd'hui  Chicago.  Durant  la  guerre  de  1812,  il 
prit  néanmoins  fait  et  cause  pour  l'Angleterre,  et  il  fut 
arrêté  par  les  Américains  à  Mackinaw,  sous  l'accusation 
d'avoir  fourni  des  armes  aux  Sauvages  hostiles  à  la  Répu- 
blique. Les  Sauvages,  qui  l'aimaient  beaucoup,  obligèrent 
le  commandant  américain  à  le  remettre  en  liberté.  Miran- 
deau alla  enfin  fixer  sa  tente  à  Milwaukee,  trois  ans  avant 
l'arrivée  de  Solomon  Juneau,  et  en  1819,  il  fut  inhumé  sur 
l'emplacement  ou  s'élève  aujourd'hui  l'hôtel  doj  postes. 

Charles  Gauthier  de  Vierville,  qui  portait  les  titres  d'in- 


■>■ 


wam 


198 


LES   CANADIENS  DU   MICHIGAN 


terprëte  du  roi  et  de  lieutenant,  à  Mackinaw,  dès  1777, 
garda  cette  position  jusqu'à  1793.  Il  laissa  Michilimacki- 
nac  en  1798,  pour  aller  s'établir  à  la  Praire-du-Chien,  où  il 
mourut  en  1803.  De  son  mariage  avec  Madeleine  Cheva- 
lier, il  eut  plusieurs  fils.  L'un  d'eux,  Charles,  devint  un 
des  premiers  commis  de  la  Compagnie  du  Nord-Ouesti  II 
épousa  une  Sauvagesse.  En  1803  et  1805,  il  avait  charge 
d'un  poste  au  Lac  du  Flambleau,  près  des  sources  de  la 
Menomenee,  et  il  recevait  un  traitement  de  £2^000  par  an . 

Laurent  Ducharme,  établi  à  Michilimackinac  avant  1760, 
avertit  les  Anglais  en  1763  de  la  conspiration  qui  se  tra- 
mait parmi  les  Sauvages.  On  ne  voulait  pas  le  croire,  mais 
pour  le  récompenser,  plus  tard,  on  le  nomma  agent  des 
Sauvages  à  Milwaukee.  Il  était  à  ce  poste  en  1777  et 
contribua  à  soulever  les  Sauvages  en  faveur  de  l'Angleterre. 
Il  fut  l'un  des  Associés  de  la  Compagnie  de  Mackinaw. 

Jean-Marie  Ducharme,  frère  du  précédent,  le  suivit  dans 
l'Ouest,  et  fut  aussi  un  des  associés  dans  la  Compagnie  de 
Mackinaw.  Eu  1779,  il  entreprit  d'aller  faire  la  traite  dans 
le  Missouri,  mais  les  autorités  espagnols  le  firent  mettre  en 
prison,  et  il  faillit  même  être  pendu,  sous  accusation  d'avoir 
soulevé  les  Sauvages.  Ayant  réussi  à  prouver  son  inno- 
cence il  revint  à  Michilimackinac,  résolu  de  se  venger. 
Avec  le  concours  des  autorités  anglaises,  il  organisa  une  ex- 
pédition contre  St-Louis,  qu'il  emporta  d'assaut  et  livra  au 
pillage.  Jean-Marie  Ducharne  revint  à  Lachine  en  1800, 
et  y  mourut  trois  ans  plus  tard. 

Joseph  Ducharme,  de  la  même  famille,  après  avoir  par- 
tager les  courses  de  ses  frères,  s'établit  à  Détroit  où  ses  en- 
fants ont  fait  souche. 

Dominique  et  Paul  Ducharme,  fils  de  Jean-Marie,  se 
fixèrent  dans  le  nord  du  Wisconsin.  En  1821,  ils  récla- 
maient une  étendue  de  640  acres  de  terre  sur  le  portage  du 
Grand  Kakalin,  sous  prétexte  qu'en  1793,  ils  l'avaient 
achetée  des  chefs  Sauvages  pour  deux  barils  de  rhum. 


LE   REGIME    AMERICAIN 


199 


Pierre  Grignon,  bien  connu  comme  pionnier  de  Green 
Bay,  ëtait  associé  dans  la  Compagnie  de  Mackinaw. 

Jean-Baptiste  Cadot,  s'occupa  de  la  traite  jusqu'à  1796. 
Il  avait  un  poste  à  La  Pointe,  sur  la  baie  Chegouamigon, 
et  voyageait  entre  ce  fort  et  le  Saut  Ste-Marie.  En  cette 
dernière  année  il  "  se  donna  à  rente,"  suivant  la  coutume 
du  Bas-tanada,  et  ses  deux  fils,  Jean  Baptiste  et  Michel,  le 
supportèrent  jusqu'à  l'époque  de  sa  mort,  survenue  vers 
1803. 

Jean-Baptiste  Cadot,  fils,  mourut  en  1818.  Kous  n'avons 
pas  de  renseignements  sur  son  compte, 

Michel  Cadot  devint  associé  de  la  Compagnie  du  Kord- 
Ouest,  et  en  1804  il  possédait  encore  le  poste  de  La  Pointe. 

Dans  le  journal  de  François  Malhiot,  qui  hiverna  auLac- 
au-Flambeau  en  1804,  il  est  question  d'un  "  petit  Cadot  " 
qui  conduisit  rondement  la  lutte  avec  les  agents  des  compa- 
gnies rivales.     Malhiot  dit  : 

"Le  petit  Cadot  est  d'une  grande  capacité  avec  les  na- 
tions. Il  s'est 'donné  un  tourment  extraordinaire.  Il  leur 
disait  devant  Lalancette  même  :  'Ne  traitez  pas  avec  lui  ; 
il  savait  que  vous  jeûniez  et  il  n'a  pas  daigné  vous  apporter 
un  seul  grain  de  blé  ;  c'est  un  cochon!  il  fait  un  dieu  de 
son  ventre.  Il  verra  crever  les  Sauvages  avant  que  de  leur 
donner  un  verre  d'eau.'  Cet  enfant  promet  beaucoup  ;  il  a 
de  très  bons  sentiments,  il  est  poli,  posé,  ménager.  Il  lit 
aussi  bien  qu'un  enfant  de  quatre  ans  d'école.  Il  sait  ses 
prières,  son  catéchisme  ;  enfin,  encore  un  pas,  et  il  est  un 
prodige." 

Les  descendants  des  Cadot  se  retrouvent  sur  le  Missouri 
et  sur  la  Saskatchewan.  Les  voyageurs  américains  ont 
édifié  plus  d'un  roman  sur  leur  compte. 

François- Victoire  Malhiot,  frère  de  feu  l'honorable  F.-X. 
Malhiot,  de  Boucherville,  vint  au  Michigan  en  1791  à  l'âge 
de  quinze  ans.  Il  fut  envoyé  cinq  ans  plus  tard  sur  la  rivière 
Rouge.     En  1804  nous  le  retrouvons  sur  le  lac  Supérieur. 


(1 


200 


LES   CANADIENS   DU   MICHIQAN 


En  1807  il  retourna  au  Canada.  Il  mourut  à  Contrecœur 
en  1840.  Son  journal  de  1804,  publié  dans  "  Les  Bourgeois 
du  Nord-Ouest,"  nous  donne  une  idée  graphique  de  la  vie 
des  traiteurs  de  cette  époque. 

Le  fort  du  lac  au  Flambeau  était  occupé  depuis  plusieurs 
années  par  la  Compagnie  du  Nord-Ouest.  C'était  un  fort 
de  pieu  avec  bastion.  Malhiot  le  fit  reconstruire  en  bois 
scié,  et  fit  ériger  une  maison  de  vingt  pieds  en  pièce  sur 
pièce.  Il  dût  faire  bûcher  70  cordes  de  bois  pour  son  hiver, 
et  le  printemps  venu  il  fit  semer  huit  barils  de  patates  et  du 
maïs,  la  récolte  devant  servir  pour  la  nourriture  des  voya- 
geurs, l'hiver  suivant.  Tous  ces  travaux  étaient  fait  par  les 
voyageurs,  entre  deux  courses  dans  les  bois.  La  concur- 
rence était  si  vive  entre  les  diverses  compagnies,  qu'il  fallait 
pour  ainsi  dire  saisir  les  peaux  entre  les  mains  des  Sauvages 
aussitôt  après  le  coup  de  fusil. 

Malhiot  dit  qu'on  le  fait  passer  pour  MacGillivray,  le 
bourgeois,  et  il  ajoute  :  "  Si  je  me  trouve  honoré  de  passer 
pour  le  frère  du  premier  agent  du  Nord,  en  revanche  qu'ils 
ne  se  croient  pas  rétrogrades  en  rien,  ni  avilis,  car  je  suis 
fils  d'un  respectable  gentilhomme  et  suis  riche  de  sentiment 
et  d'honneur." 

Cette  supercherie  servait  du  reste  à  en  imposer  aux  Sau- 
vages. Mais  c'est  surtout  par  les  présents  et  par  l'eau-de- 
vie,qu'on  distribuait  à  profusion,  que  les  traiteurs  comptaient 
pour  se  faire  bien  voir.  Un  costume  de  chef  ou  un  drapeau 
donné  à  un  Sauvage  influent  était  aussi  d'un  excellent  effet. 
Mais  de  l'abus  du  rhum  naissait  un  danger.  Non  seule- 
ment les  uauvages  négligeaient  la  chasse  et  devenaient  ainsi 
incapables  de  payer  les  marchandises  qui  leur  avaient  été 
vendues  à  crédit,  mais  encore  ils  devenaient  querelleurs,  et 
ne  reculaient  devant  aucune  violence.  Durant  les  courses 
de  ses  hommes  dans  les  bois,  Malhiot  restait  avec  un  seul 
compagnon  dans  le  fort,  et  souvent  il  avait  à  répondre  à 
quarante  ou  'cinquante  Sauvages  pris  de  boisson.     A  un 


LE    REGIME    AMERICAIN 


201 


moment  donné  il  lui  fallut  se  barricader  et  les  Sauvages,  au 
nombre  d'une  centaine,  firent  le  siège  du  fort  pendant  quatre 
jours,  durant  lesquels  Malhiot  et  son  commis  ne  purent 
prendre  un  seul  instant  de  repos.  S'être  endormi  aurait  été 
se  livrer  à  une  mort  certaine.  Durant  ce  temps-là  il  était 
impossible  de  faire  la  pêche  et  la  seule  nourriture  de  nos  deux 
Canadiens  était  une  espèce  de  riz  des  lacs  qu'ils  appelaient 
"  folle  avoine."  Malhiot  résume  exactement  la  vie  des  trai- 
teurs dans  ces  quelques  mots  : 

"  Manger  peu,  travailler  beaucoup,  quelques  fois  malades, 
incertains  de  faire  des  retours,  reproches  à  craindre,  inquié- 
tudes pour  les  efiets  au  deho'^s,  des  Sauvages  à  contenter  et 
des  adversaires  à  surveiller." 

Et  cependant  cette  vie  avait  des  attraits  puisque  chaque 
année  quelques  centaines  de  Canadiens  partaient  de  la  pro- 
vince de  Québec  pour  s'y  engager. 

Lorsque  la  guerre  de  1812  éclata  tous  ces  voyageurs 
n'ayant  jamais  eu  de  relations  avec  les  autorités  américaines, 
prirent  naturellement  fait  et  cause  pour  l'Angleterre. 

Le  premier  coup  fut  organisé  au  Saut  Ste-Marie,  où  les 
Américains  n'avaient  même  pas  nommé  un  commandant. 
Le  capitaine  Roberts,  de  l'armée  anglaise,  commandait  le 
poste  de  l'île  St-Joseph,  à  l'entrée  du  lac  Supérieur.  Il  se 
consulta  aussitôt  avec  les  représentants  de  la  Compagnie  du 
Nord-Ouest  et  avec  Johnson.  Ce  dernier  mit  une  centaine 
de  ses  voyageurs  à  la  disposition  du  capitaine  Roberts  et 
la  Compagnie  du  Nord-Ouest  en  fit  autant.  Les  Canadiens 
furent  divisés  en  trois  compagnies.  Parmi  les  chefs  se 
trouvait  Toussaint  Pothier,  "  le  beau  Pothier,  alors  l'un  des 
associés  de  la  Compagnie  du  Nord-Ouest,  plus  tard  membre 
du  Conseil  Législatif  du  Bas-Canada  et  seigneur  du  fief 
Lagauchetière.  Il  avait  le  grade  de  major  dans  cette  expé- 
dition. Jean-Baptiste  Nolin,  un  des  premiers  compagnons 
de  Cadotte  au  Saut  Ste-Marie,  avait  le  grade  de  capitaine, 
et  Joseph  Rolette,  le  pionnier  de  Prairie-du-Chien,  Joseph 


202 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


Porlier,  de  Green  Bay,  Paul  Lacroix  et  Xavier  Biron  agis- 
saient comme  lieutenants.  Les  Sauvages,  au  nombre  de 
quatre  cents,  étaient  sous  les  ordres  de  Charles  Langlade, 
fils  du  pionnier  de  Green  Bay,  de  Michel  Cadot,  d'Augus- 
tin Nolin,  fils  de  Jean-Baptiste,  et  de  John  Askin.  Ces 
chefs  maintinrent  une  discipline  si  sévère  que  la  propriété 
et  la  vie  des  habitants  de  Michilimackinac  forent  absolu- 
ment respectées,  après  que  la  garnison  se  fut  rendue  sans 
coup  férir. 

Cette  garnison  se  composait  d'une  seule  compagnie.  On 
y  trouvait  plusieurs  Canadiens,  entre  autres  Joseph  Vail- 
lancourt,  sergent,  î^oel  Bondy,  caporal,  Joseph  Facier,  Jean 
Vaillancourt  et  Henri  Vaillancourt,  âgé  de  neuf  ans,  musi- 
ciens, Pierre  Bourdon,  Pierre  Lebourdeux,  Joseph  LeVas- 
seur,  Jean-Baptiste  Perreault,  Antoine  Robillard,  François 
Vaillancourt  et  Antoine  Sanspitié.  Tous  ces  Canadiens 
avaient  été  enrôlés  à  Michilimackinac  même. 

A  Détroit  les  Canadiens  se  trouvèrent  aussi  divisés  par 
la  guerre.  M.  l'abbé  Richard  donna  l'exemple  de  la  loyauté 
aux  Etats-Unis  ;  et  il  prit  une  part  si  active  au  mouvement 
pour  l'enrôlement  des  volontaires,  que  les  Anglais  le  firent 
emprisonner  pendant  quelque  temps  à  Sandwich,  après  la 
prise  de  Détroit. 

Le  colonel  Salomon  Sibley,  dans  une  lettre  qui  a  été  con- 
servée, disait  à  un  ami  que  les  Sauvages  de  Tecumseh 
avaient  l'intention  d'attaquer  Détroit  avant  même  que  l'An- 
gleterre eut  déclaré  la  guerre  aux  Etats-Unis,  et  que  les 
habitants  canadiens  avaient  été  avertis  de  rester  passifs. 

Quoiqu'il  en  soit,  dès  le  mois  de  juillet  1812,  nous  voyons 
que  Denis  Campeau,  J.  B.  Piquette,  Pierre  Desnoyers, 
Joseph  Campeau,  Henri  Berthelet,  Barnabe  Campeau, 
Antoine  Dequindre  et  Pierre  Audrain,  étaient  au  nombre 
de  ceux  qui  souscrivirent  pour  acheter  de  la  poudre  aux 
habitants  de  Détroit,  dans  l'intérêt  des  Etats-Unis. 

Le  lieutenant-colonel  François  Navarre,  son  fils,  Robert 


LE    REGIME    AMERICAIN 


203 


Navarre,  et  son  neveu,  Pierre  Navarre,  s'enrôlèrent  sons  les 
ordres  du  général  Hall,  qui  venait  prendre  le  commande- 
ment de  Détroit. 

Hyacinthe  Laselle,  nevev  des  marchands  de  Détroit,  alors 
établi  à  Détroit,  forma  une  compagnie  d'éclaircurs  montés, 
et  servit  durant  toute  la  guerre  avec  distinction.  Il  se 
retira  en  1815  avec  le  grade  de  major-général  des  milices. 
Il  est  mort  à  Logansport,  Indiana,  en  1848. 

A  Détroit  même,  des  compagnies  de  volontaires  cana- 
diens furent  organisées  par  les  capitaines  François  Sicotte, 
Antoine  Beaubien  et  Antoine  Dequindre,  dès  le  commence- 
ment de  la  guerre.  La  compagnie  du  capitaine  Dequindre 
se  composait  de  Louis  Peltier  et  Isidore  Peltier,  sergents — 
François  Gabrielle,  Pierre  Barnard  et  Louis  C.  Bonet,  capo- 
raux ;  Pierre  Bourgoin,  Joseph  Chevalier,  Joseph  Cadoret, 
Charles  Cadoret,  Paul  Dufaux,  Charles  Dupuis,  François 
Deslauriers,  Louis  Dupré,  Antoine  Desmarchais,  François 
Dupré,  Joseph  Gadois,  Jean  Godfroy,  Pierre  St-George, 
Louis  Lièvre,  Charles  Lièvre,  Chas.  Lièvre  ,  fils,  Jean  Louis, 
Jean  Mercier,  François  Métivier,  Thédore  Métay,  François 
Peltier,  Antoine  Plante,  J.  B.  Thibeaudeau,  Elle  et  Isaac 
Ouellette,  et  Antoine  Vermette,  tué  près  de  Browston,  le 
9  août  1812. 

Le  capitaine  Antoine  Dequindre  conquit  le  grade  de  ma- 
jor durant  cette  guerre.  Né  en  1784,  il  est  mort  à  Détroit 
vers  1850,  laissant  de  grandes  propriétés.  Une  des  rues 
de  la  ville  porte  son  nom. 

Le  capitaine  Antoine  Beaubien,  devint  lieutenant-colonel. 
Il  ayait  une  terre  près  du  centre  de  la  ville,  qui  est  aujour- 
d'hui traversé  par  la  rue  Beaubien.  C'est  lui  qui  a  donné 
l'emplacement  ou  s'élève  aujourd'hui  le  couvent  des  Révé- 
rendes dames  du  Sacré-Cœur. 

Le  capitaine  François  Cicotte,  fils  de  Jean-Baptiste  Ci- 
cotte,  lieutenant,  né  en  1779,  épousa  Félicite  Pelletier.  Il 
fut  le  père  de  M.  Edouard  Cicotte,  bien  connu  des  anciens. 


204 


LES   CANADIENS   DU   MIOHIGAN 


<  I 

i    I 


I 


Sur  la  rive  canadienne,  les  colons  se  montraient  aussi 
actifs  pour  la  cause  de  l'Angleterre.  Jacques  Dupéron 
Baby,  avait  été  nommé  commandant  en  chef  des  milices 
canadiennes.  Secondé  par  le  lieutenant-colonel  François 
Baby,  son  frère,  ils  réussirent  à  mettre  en  campagne,  dit-on, 
quatre  cents  volontaires  Canadiens-français,  qui  contri- 
buërent  beaucoup  à  la  prise  de  la  ville  de  Détroit  par  le 
général  Brock,  le  16  août  1812. 

Jacques  Baby,  en  récompense  de  ses  services,  fut  nommé 
inspecteur-général  du  Haut-Canada  en  1816;  il  alla  alors 
demeurer  à  Toronto,  où  il  mourut  en  1833.  Ses  enfants 
revinrent  se  fixer  dans  le  comté  d'Essex.  L'un  de  ses  fils, 
Raymond,  a  été  shérif  du  comté  de  Kent. 

Après  la  capitulation  de  Hull,  la  seule  armée  américaine 
dans  l'Ouest  était  celle  du  général  Harrison,  qui  prit  ses 
quartiers  d'hiver  à  Franklinton,  Ohio.  Les  habitants 
de  French-town,  sur  la  rivière  Raisin,  se  trouvèrent  expo- 
sés, sans  défenses,  aux  incursions  des  troupes  anglaises  et  de 
leurs  alliés  sauvages.  Ils  firent  appel  au  général  Harrison, 
qui  envoya  le  général  Winchester  à  leur  secours.  Celui-ci 
dispersa  les  bandes  ennemies  et  établit  son  camp  à  French- 
town.  Pierre  Navarre  et  les  autres  habitants  qui  s'étaient 
faits  éclaireurs  pour  les  Américains,  avertirent  Winchester 
que  les  Anglais  se  préparaient  à  reprendre  ce  poste.  Win- 
chester, et  ses  ofliciers,  qui  accusaient  les  Canadiens  de  pac- 
tiser avec  l'Angleterre,  ne  voulurent  pas  écouter  les  con- 
seils de  ces  hommes  d'expérience.  Le  21  juin,  le  général 
Proctor  surprit  les  troupes  de  Winchester  et  les  mit  com- 
plètement en  déroute.  Les  habitants  avaient  combattu 
avec  courage  du  côté  des  Américains.  Leurs  maisons 
furent  incendiés  par  les  Sauvages,  et  ils  n'échappèrent  à  un 
massacre  général  que  par  la  fuite. 

La  colonie  canadienne  de  Frenchtown  ne  se  releva  de 
cette  catastrophe  que  dix  ans  plus  tard. 

Pierre  Navarre,  qui  avait  joué  un  rôle  si  important  dans 


i  iiil 


LE    REGIME    AMERICAIN 


206 


ces  événements,  se  retira  à  East  Toledo,  où  il  mourut  le  21 
mars  1874.  Il  fut  inhumé  dans  l'église  canadienne  dont 
il  avait  été  un  des  principaux  bienfaiteurs. 

Les  Canadiens  se  signalèrent  encore  à  plusieurs  reprines 
durant  cette  guerre,  soit  au  service  de  l'Angleterre  ou  des 
Etats-Unis.  En  1814,  le  lieutenant-colonel  McDonald,  qui 
commandait  pour  les  Anglais,  à  Alichilimackinac,  enrôla 
encore  près  de  deux  cents  Canadiens,  qui  allèrent  s'emparer 
du  fort  américain  à  la  Prairie-du-Chien.  Les  capitaines 
Joseph  Rolette  et  Augustin  Grignon,  les  lieutenants  Porlier 
et  Brisebois,  et  Joseph  Rainville,  interprète  des  Sioux, 
furent  les  principaux  chefs  de  cette  expédition,  dont  le  com- 
mandement général  avait  été  confié  à  colonel  McKay. 

Cette  même  année,  trois  compagnies  de  volontaires  cana- 
diens, sous  les  ordres  des  capitaines  Joseph  Marsac,  Bondy 
et  Campau,  prirent  part  à  une  expédition  organisée  par  les 
Américains  pour  reprendre  le  Saut  Ste-Marie  et  Mackinaw. 
Le  premier  de  ces  établissements  fut  réduit  en  cendres,  mais 
les  Américains  furent  repoussés  à  Mackinaw. 

Pour  ce  venger  des  pertes  qu'il  avait  subies  durant  la 
guerre,  John  Jacob  Astor  ût  passer  une  loi  défendant  aux 
étrangers  de  faire  la  traite  des  fourrures  sur  le  territoire 
des  Etats.  Bien  souvent  violée,  cette  loi  n'en  fut  pas 
moins  d'un  grand  avantage  pour  la  Compagnie  Américaine 
des  Pelleteries,  qui  fit  de  grandes  afïair'es  à  Michilimacki- 
nac  jusque  vers  1840.  En  1 820  la  compagnie  fit  ériger  sur 
l'île  de  magnifiques  bureaux,  qui  ont  depuis  été  transfor- 
més en  hôtel  pour  les  touristes.  On  y  voit  encore  les  livres 
de  la  Compagnie  des  Pelleteries.  Mackinaw  se  développa 
beaucoup  grâce  à  l'influence  de  cette  compagnie.  En  1820, 
Schoolcraft  y  compta  150  maisons,  et  une  population  per- 
manente de  450  âmes.  L'élément  canadiens-métis  y  domi- 
nait de  beaucoup. 

L'établissement  du  Saut  Ste-Marie  au  contraire  n'avait 
pas  fait  beaucoup  de  progrès.  On  y  comptait  pas  plus 
d'une  quinzaine  de  maisons. 


206 


LES   CANADIENS   DU    MICHIOAN 


La  population  <lu  Michigan,  d'après  l'énumération  offi- 
cielle faite  en  1820,  ne  comptait  que  8,896  habitants.  Sur 
ce  nombre  il  y  avait  tout  au  plus  un  mille  ou  quinze  cents 
personnes  d'origine  britannique. 

Les  Canadiens  de  Détroit  commençaient  à  s'établir  sur 
tous  les  points  de  la  péninsule  inférieure  du  territoire,  sur- 
tout pour  faire  la  traite  et  la  pêche. 

En  1814  les  Américains  érigèrent  le  fort  Gratiot,  près  de 
l'emplacement  où  s'élève  aujourd'hui  Port-Huron.  Plu- 
sieurs familles  canadiennes  étaient  déjà  fixées  en  cet  en- 
droit, surtout  celles  d'Anselme  Petit,  Jacques  et  Louis 
Campeau,  Louis  Moran,  François  Boyer,  François  Lari- 
vière  et  Baptiste  Gervais.  Le  premier  plan  du  village  de 
Port-Huron  fut  fait  par  Edouard  Petit,  fils  d'Anselme,  plus 
haut  nommé.  Edouard  était  né  à  la  Grosse-Pointe,  près  de 
Détroit  en  1813.  Il  devint  juge  de  paix,  puis  greffier  du 
village.  Il  vivait  encore  il  y  a  quelques  années.  Toute  une 
chaîne  de  postes  de  traite  avaient  aussi  été  établis  depuis  Dé- 
troit jusqu'à  l'embouchure  de  la  rivière  St-Joseph,  aux  en- 
droits ou  s'élèvent  aujourd'hui  Ypsilante,  Ann  Arbor, 
Jackson,  Battle  Creek,  Gull  Prairie,  Kalamazoo,  South 
Bend,  Niles  et  St-Joseph,  ainsi  qu'à  Muskegon  et  sur  la 
rivière  Saginaw. 

Louis  Campeau  était  l'un  des  plus  riches  traiteurs  de  cette 
région.  On  dit  qu'il  eut  jusqu'à  1,000  chevaux  sur  ses 
terres,  près  de  Détroit.  En  1819  il  faisait  son  commerce  sur 
la  rivière  Saginaw  avec  Henri  Campau  et  Benoit  Brunel. 
Lorsque  le  général  Cass  acheta  ce  territoire  des  Sauvages, 
il  devait  recevoir  11^15,000.  Un  traiteur  américain  du  nom 
de  Smith  intrigua  pour  lui  faire  perdre  cette  somme.  Pour 
se  venger,  Campau  enivra  les  Sauvages  et  les  envoya  atta- 
quer le  fort  de  Smith,  qui  dut  prendre  la  fuite.  En  1826, 
Louis  Campau  acheta  une  terre  ou  s'élève  aujourd'hui  la 
ville  de  Grand  Rapids  et  y  érigea  la  première  maison.  Il 
finit  par  se  ruiner  par  sa  prodigalité,  et  en  1883  les  citoyens 


LE    RÉOIME    AMKRICAIX 


207 


de  Grand  Rni>id8,  qui  le  consid^^raient  comme  le  fondateur 
de  leur  ville,  lui  firent  cadeau  d'une  bourse  de  ^1,000.  Il 
mourut  peu  de  temps  aprë«. 

Joseph  et  Mëdard  Tremblay  vinrent  ensuite  s'établir  sur 
la  rivi^re  Saginaw,  à  l'endroit  ou  s'élève  Bay  City,  «lont  ils 
construisirent  les  premières  maisons.  Ils  y  furent  rejoints 
par  leur  oncle  et  Léon  Tremblay,  et  par  Jacob  Graverat  en 
1830,  par  Jean-B.  Trudel,  leur  beau-frère,  en  183  I,  et  par 
Joseph  Marsac  en  1838. 

Joseph  Tremblay,  né  h  la  Grosse-Pointe  en  1809,  avait 
d'abord  fait  la  traite  pour  le  compte  delà  compag^nie  Astor. 
[i  fut  employé  ensuite  pour  enseigner  l'agriculture  aux  Sau- 
vages de  la  vallée  du  Saginaw.  En  1832  il  prit  part  à  l'ex- 
pédition du  gouverneur  Cass  contre  la  tribu  de  Black  Hawk. 
En  1843  il  acheta  du  gouvernement  une  étendue  considé- 
rable de  terre  à  l'embouchure  de  la  Saginaw  et  fonda  le 
village  de  Bangor,  que  ses  descendants  habitent  encore.  Il 
avait  épousé  Sophie  Chapoton  à  Détroit  en  1837.  Il  est 
mort  à  Bay  City  Ouest  le  21  mai  1883. 

Joseph-François  Marsac  était  né  à  Détroit  eti  1790.  En- 
rôlé dans  l'armée  américaine  en  1812,  il  commandait  une 
compagnie  à  la  bataille  de  la  rivière  Thames.  Il  fut  ensuite 
employé  pour  porter  les  dépèches  officielles,  et  en  1819  il 
servit  d'interprète  pour  la  négociation  du  traité  avec  les 
Sauvages  de  la  rivière  Saginaw.  Le  général  Cass  avait  beau- 
coup d'estime  pour  lui.  En  1832  il  recruta  une  compagnie 
de  Canadiens  à  la  Grosse-Pointe  pour  la  guerre  contre  Black 
Hawk.     Il  est  mort  à  Bay  City  en  1880. 

L'endroit  ou  s'élève  aujourd'hui  Muskegon  était  occupé 
en  1812  par  un  nommé  Jean-Baptiste  Racotelle,  qui  alla 
ensuite  faire  la  traite  à  Kalamazoo,  puis  à  St- Joseph.  Après 
lui  François  Constant, originaire  de  Détroit,  et  Louis  Badeau 
vinrent  faire  la  traite  sur  le  lac  Muskegon.  En  1833, 
Georges  Campau  avait  un  magasin  en  cet  endroit. 

En  cette  année  1833  nous  voyons  aussi  que  Antoine  Pel- 


208 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


tier  était  établi  sur  le  site  du  village  de  Midland  et  que 
Alexandre  Saudriette  vivait  sur  la  rivière  Cass.  Pierre  C. 
Duvernay,  né  à  Maekinaw,  érigea  la  première  maison  de 
la  ville  de  Grand  Haven  en  1834.  Pierre  Dubois,  né  à  Dé- 
troit en  1800,  alla  d'abord  s'établir  à  Greeniield,  dans  le 
comté  de  Saratoga,  et  en  1836  il  transportait  ses  pénates  à 
l'endroit  ou  s'élève  aujourd'hui  Battle  Creek.  C'est  là  qu'il 
est  mort  en  1876. 

En  1817  le  comté  de  Monroe  a^-ant  été  organisé,  Joseph 
Loranger  fit  choisir  le  village  de  Monroe  comme  chef-lieu 
en  donnant  l'emplacement  pour  l'érection  des  bureaux  de 
l'administration.  L'ancien  village  de  Frenchtown,  qui  se 
trouvait  sur  l'autre  côté  de  la  rivière  Raisin,  fut  dès  lors  con- 
damné à  languir,  et  en  1835  une  nouvelle  église  fut  érigée 
à  Monroe. 

Joseph  Loranger  était  venu  de  Montréal  à  Monroe,  et 
avait  épousé  une  fille  de  Robert  Navarre.  Il  fut  le  premier 
trésorier  du  comté  de  Monroe.  Aux  mêmes  élections 
Hubert  Lacroix,  fut  élu  shérif,  François  Lascelle,  juge-de- 
paix,  et  Laurent  Durocher,  greffier  de  la  Cour  de  Circuit. 

Dans  l'organisation  municipale  du  comté  de  Wayne  les 
Canadiens  n'eurent  pas  une  si  large  part. 

L'indifférence  des  Canadiens  pour  les  choses  de  la  poli- 
tique est  suffisamment  indiquée  par  le  fait  qu'en  1818  les 
électeurs  ayant  été  appelés  à  déclarer  s'ils  désiraient  un  cour 
seil  législatif  électif,  ils  répondirent  à  une  grande  majorité 
qu'ils  préféraient  l'ancien  système  d'un  conseil  nommé  par 
le  gouvernement  fédéral. 

Néanmoins,  le  gouvernement  américain  autorisa  la  popu- 
lation à  se  choisir  un  représentant  au  Congrès,  et  en  1824 
un  conseil  législatif  fut  créé.  Il  devait  se  composer  de  neuf 
membres  choisis  par  le  Président  des  Etats-Unis  parmi  dix- 
huit  aspirants  désignés  par  le  vote  populaire. 

Les-  Canadiens  qui  ont  fait  partie  de  ce  conseil  ont  été  : 
Hubert  Lacroix,  de  Monroe,  en  1824-26  et  1828  ;  Laurent 


LE   REGIME    AMERICAIN 


209 


Durochor,  comme  roprésentaiit  du  comté  de  Mon  roc  en 
1826-27  et  1829-31,  puis  comme  représentant  du  comté  de 
Lenawee  en  1832-33  et  1835  ;  Charles  Moran,  représentant 
du  comté  de  Wayne  en  1832-33  et  1835. 

Si  les  Canadiens  n  obtiin-ent  pas  une  représentation  plus 
considérable  ce  fut  par  leur  propre  faute.  Les  autorités 
américaines  semblent  avoir  eu  tous  les  égards  possibles  pour 
nos  compatriotes.  En  1817,  lors  de  l'organisation  de  l'uni- 
versité du  Michigan,  l'abbé  Gabriel  Richard  en  fut  nommé 
vice-président,  et  en  1821  lors  de- la  réorganisation  de  cette 
institution,  il  en  devint  un  des  svndics.  En  1824  le  curé 
de  Sainte- Anne  fut  aussi  nommé  chapelain  du  conseil  du 
territoire. 

L'année  précédente  M.  ral)bé  Richard  avait  consenti  à 
briguer  les  suffrages  des  électeurs,  pour  la  représentation 
au  Congrès.  Il  avait  été  poussé  à  faire  cette  démarche,  qui 
fut  considérée  quelque  peu  extraordinaire  de  la  part  d'un 
prêtre,  par  les  circonstances. 

Mgr  Flaget,  qui  visita  Détroit  en  1818  avait  réglé  les 
ditficultés  qui  existaient  entre  M.  Richard  et  une  partie  de 
ses  paroissiens  depuis  1805,  et  il  avait  été  décidé  d'un  com- 
mun accord  de  commencer  la  construction  d'une  grande 
église  en  pierre  sur  la  rue  L^ned. 

Pour  payer  ses  entrepreneurs  et  ses  ouvriers,  M.  Richard 
imagina  d'émettre  du  pppier-monnaie  sous  la  garantie  de  sa 
propre  signature.  Cette  eepëce  de  billets  à  ordre  furent 
contrefaits  en  grande  quantité  par  un  nommé  Cooper.  M. 
Richard  ayant  refusé  de  recevoir  ces  billets  contrefaits  il  s'en- 
suivit des  froissements  et  des  querelles  avec  les  victimes  de 
la  duperie,  qui  empirèrent  une  position  déjà  difficile.  Pour 
comble  de  malheur,  M.  Richard  ayant  publiquement  ex- 
ct)mmunié  un  de  ses  pui'oissiens  qui  s'était  rendu  coupable 
de  polygamie,  il  fut  pitursuivi  et  condamné  à  $1,116  de 
dommages-intérêts.     Ne  pou  .vmt  pas  satisfaire  à  ce  juge- 

N 


210 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


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ment,  il  fut  condamné  à  la  prison  où  il  passa  trois  ou  quatre 
semaines. 

Dans  cette  extrémité,  ses  amis  lui  conseillèrent  de  se  faire 
nommer  député  au  Congrès.  "  D'abord,"  lui  disaient-ils, 
"  vous  serez  libre  ;  car  aux  termes  de  la  constitution,  la 
personne  des  représentants  est  inviolable  ;  puis,  avec  l'in- 
demnité qui  vous  seraaccordée  vous  acquitterez  vos  dettes." 

M.  Richard  se  rendit  à  ce  raisonnement,  et  il  eut  la  satis- 
faction d'être  élu  par  une  assez  forte  majorité  sur  son  con- 
current, M.  John  Biddle.  Il  fut  entouré  de  beaucoup  de 
respect  par  les  membres  du  Congrès,  surtout  par  l'illustre 
Henry,  Clay  qui  mit  souvent  son  éloquence  au  service  du 
pauvre  prêtre,  qui  ne  parlait  l'anglais  qu'avec  difficulté. 
Réélu  de  nouveau  en  1824,  M.  Richard  se  trouva  obligé 
l'année  suivante  de  faire  la  lutte  à  deux  adversaires.  La 
votation  donna  le  résultat  suivant  :  Austin  E.  Wing,  728  ; 
John  Biddle,  722  ;  Gabriel  Richard,  722.  Il  est  clair  que 
beaucoup  d'électeurs  canadiens  votèrent  pour  les  candi- 
dats de  langue  anglaise.  M.  Richard  contesta  l'élection  et 
prétendit  que  ses  adversaires  avaient  intimidé  une  partie 
des  électeurs,  mais  le  comité  du  Congrès  renvoya  sa  plainte. 
Parlant  de  ce  résultat,  M.  l'abbé  Dejean,  missionnaire,  écri- 
vait à  un  ami  :  "  C'est  vraiment  une  perte  pour  la  religion, 
parce  que  M.  Richard,  en  allant  au  Congrès,  aurait  pu  satis- 
faire plusieurs  dettes  qui  l'accablent,  et  terminer  ainsi  sa 
cathédrale  du  Détroit." 

L'église  Sainte- Anne  fut  néanmoins  terminée  et  elle  resta 
pendant  plus  de  cinquante  ans  la  principale  église  cana- 
dienne de  l'Ouest. 

M.  Richard  y  fut  enseveli  en  1832.  Il  était  mort  du  cho- 
léra asiatique,  qu'il  avait  contracté  en  donnant  ses  soins  aux 
malades,  durant  l'épidémie  qui  passa  alors  sur  l'Amérique. 
Il  eut  pour  successeur  M.  l'abbé  François  Vincent. 

D'importants  changements  eurent  lieu  à  cette  époque 
dans  l'organisation  religieuse  du   territoire.     Détroit   fut 


LE    REGIME   AMERICAIN 


211 


érigé  en  siège  épiseopal  en  1833,  et  Mgr  Frederick  Résé 
fut  nommé  évêque  du  Michigan. 

Le  nouvel  évêque  établit  sa  demeure  dans  le  presbytère 
de  Ste-Anne  et  commença  à  négocier  avec  les  marguilliers 
de  cette  paroisse  pour  obtenir  le  contrôle  des  propriétés  de 
la  fabrique.  La  corporation  des  raarguilliers  de  Ste-Anne 
avait  été  reconnue  par  la  loi  en  1807.  Elle  possédait  de 
vastes  terrains  dans  le  centre  de  la  ville  de  Détroit,  mais 
elle  devait  $16,723,  somme  considérable  à  cette  époque. 
Par  un  acte  en  date  du  1er  mai  1836,  la  corporation  des 
marguilliers  louait  à  Mgr  Résé  ou  à  ses  successeurs  pour 
999  ans,  les  propriétés  comprises  entre  les  rues  Larned, 
Bâtes,  Randolph  et  Cadillac  square,  et  un  lopin  de  terre  à 
l'est  de  la  rue  Randolph,  entre  les  rues  Larned  et  Congrès. 
Comme  loyer,  l'évêque  s'engageait  à  payer  la  dette  de 
l'église  Ste-Anne  dans  le  délai  de  deux  ans,  d'entretenir 
cette  église  et  de  plus  de  fonder  une  école  ou  l'enseigne- 
ment serait  gratuit,  d'abolir  la  dime  et  de  donner  à  la  pa- 
roisse au  moins  un  prêtre  parlant  le  français.  Les  marguil- 
liers continuaient  h  percevoir  le  loyer  deè  bancs,  mais  ils 
devaient  verser  ce  revenu  entre  les  mains  de  l'évêque.  Le 
20  mars  1836  les  marguilliers  transportaient  encore  à  l'évê- 
que douze  lots  sis  sur  l'avenue  Madison  pour  le  prix  nomi- 
nal d'un  dollar,  et  sans  aucune  autre  obligation. 

L'action  des  marguilliers  fut  sévèrement  critiquée,  et  par 
la  suite  cet  arrangement  a  été  la  source  de  beaucoup  de 
difficultés. 

Dès  1834,  Mgr.  Résé  employa  une  partie,  des  propriétés 
qui  étaient  passées  sous  son  contrôle,  à  l'érection  d'une 
église  pour  les  catholiques  ue  langue  anglaise. 

Les  colonies  canadiennes  du  comté  d'Essex  se  dévelop- 
paient aussi  avec  une  rapidité  assez  satisfaisante.  En  1^31 
on  pouvait  compter  environ  3,000  Canadiens-français  dans 
Essex  sur  une  population  totale  de  5,785  âmes.  Le  princi- 
pal groupe  se  trouvait  encore  à  Sandwich  et  dans  les  envi- 


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212 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


roiis,  mais  les  Canadiens  formaient  aussi  la  majorité  à 
Amherstburg  et  dans  les  environs,  où  se  trouvait  une  popu- 
lation d'au  delà  de  1,200  âmes.  Un  groupe  Canadien  de 
cinq  ou  six  cents  âmes  s'était  aussi  formé  dans  le  comté  de 
Kent,  dans  le  township  de  Dover.  Ces  colons  vivaient 
autant  dé  la  pêche  que  de  l'agriculture. 

En  1834  et  1835  un  "boom"  passa  sur  cette  région 
Dans  l'espace  de  deux  et  trois  ans  la  valeur  des  terres  sur 
la  rivière  Détroit  augmenta  de  deux  et  trois  cents  pour 
cent.  Des  cultivateurs  qui  auraient  vendu  leur  terre  pour 
$1 ,200  avant  cette  fièvre  de  spéculation  en  refusaient  $20,000. 
Les  plans  de  la  ville  de  Windsor,  qui  s'appela  d'abord 
Richmond,  furent  homologués  en  1834,  et  bientôt  cette 
nouvelle  ville  dépassa  Sandwich  et  Amherstburg.  Cette 
fièvre  était  causée  par  la  construction  du  premier  chemin 
de  fer  du  pays.  Une  immigration  anglaise  considérable 
afilua  vers  cette  région,  et  en  1837  la  population  du  comté 
d'Essez  était  de  8,554.  L'augmentation  dans  le  comté  de 
Kent  avait  été  encore  plus  rapide,  et  la  population  de  ce 
district  était  de  10,741.  La  population  canadienne-fran- 
çaise des  deux  comtés  pouvait  être  de  4,500  âmes. 

Dans  le  comté  d'Essex  comme  dans  le  Michigan,  les 
colons  prenaient  peu  d'intérêt  aux  affaires  politiques,  et  ils 
paraissent  n'avoir  pris  qu'une  part  insignifiante  durant  la 
rébellion  de  1837-38. 

Pour  le  comté  d'Essex,  la  chose  est  constatée  dans  l'a- 
dresse du  juge  Jones  aux  grands  jurés,  lors  des  assises  tenues 
à  Sandwich,  en  1838.  Ce  magistrat  disait  :  "  Malgré  l'a- 
gitation révolutionnaire  qui  a  eu  lieu  sur  divers  points  de 
cette  province,  la  loyauté  des  habitants  de  ce  district,  et 
leur  attachement  au  gouvernement  qui  les  protège  ont 
empêché  un  semblable  mouvement  ici.  Je  ne  sache  pas 
qu'il  y  ait  une  seule  accusation  de  trahison  portée  contre 
un  habitant  de  ce  district." 

Le  centre  de  l'agitation  révolutionnaire  sur  cette  fron- 


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LT    REGIME    AMERICAIN 


218 


tière  était  la  ville  de  Détroit,  et  nous  voyons  par  les  rap- 
ports des  assemblées  de  patriotes,  publiés  dans  les  journaux 
du  temps,  que  les  Américains  constituaient  la  grande  ma- 
jorité des  agitateurs.  M.  Charles  Peltier  était  le  seul 
Canadien  dans  un  comité  de  six,  nommé  pour  venir  en  aide 
aux  patriotes  réfugiés  à  Détroit.  Il  agissait  comme  tréso- 
rier de  co  comité.  Pierre  Desnoyer  prit  aussi  part  à  ces 
assemblées.  Enfin  parmi  ceux  qui  furent  arrêtés  pour  avoir 
violé  les  lois  de  neutralité  aux  cours  de  cette  agitation,  se 
trouvait  un  nommé  T.  Dufort. 

Les  autorités  américaines  ne  favorisèrent  passes  rebelles 
et  par  suite  le  mouvement  s'appaisa  rapidement. 


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CHAPITRE  XV. 


PERIODE   CRITIQUE. 

L'indifférence  affichée  par  les  Canadiens  pour  les  choses 
de  la  politique,  laquelle  devait  être  fatale  à  leur  influence 
dans  les  affaires  publiques,  correspondait  malheureusement 
à  une  décadence  quasi  générale  des  vieilles  familles  cana- 
diennes. Les  enfants  des  anciens  colons  avaient  été  éloi- 
gnés de  l'agriculture  par  les  profits  que  le  commerce  des 
fourrures  offrait  durant  le  commencement  du  siècle.  Ga- 
gnant gros,  ayant  beaucoup  de  loisir,  ils  contractèrent  dans 
la  ville  des  habitudes  incompatibles  avec  la  vie  agricole. 
Lorsque  le  commerce  des  fourrures  disparut,  les  uns  sui- 
virent le  castor  et  les  Sauvages  dans  l'extrême  Ouest,  d'au- 
tres, possédant  des  terres  près  de  la  ville  naissante,  les  ven- 
dirent à  des  prix  qu'ils  croyaient  fabuleux  ;  et  ils  man- 
gèrent leur  capital  avec  la  rente^  en  b'amusant. 

Les  premiers  Américains  qui  vinrent  s'établir  à  Détroit 
ont  conservé  le  meilleur  souvenir  de  la  large  hospitalité 
des  anciens  Canadiens,  de  leurs  bals  et  de  leurs  fêtes,  où  la 
gaieté  débordait,  des  courses,  où  la  jeunesse  venait  faire  pa- 
rade d'atelage. 

Malheureusement  ces  pauvres  gens  se  ruinaient  en  se 
faisant  aimer  et  admirer.  Il  ne  faut  pas  les  juger  trop 
sévèrement.  Ils  ont  surtout  souffert  d'un  défaut  d'éduca- 
tion, et  parmi  eux  il  se  trouva  des  hommes  pour  prévoir  le 
mal  sans  pouvoir  l'enrayer. 

Le  Détroit  Gazette^  fondé  le  25  juin  1817,  publia  pendant 
quelques  temps  une  colonne  en  français.     Un  des  collabo- . 


.1  V 


216 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


M  I 


rateurs  de  cette  feuille  qui  signe  "  Vieux  Phillippe"  adres- 
sait h  SCS  compatriotes  l'appel  suivant  : 

"  Français  du  territoire  du  Michigan,  vous  devriez  com- 
mencer immédiatement  à  donner  une  éducation  à  vos  en- 
fants. Dans  peu  de  temps  il  y  aura  dans  ce  territoire 
autant  de  Yankees  que  de  Français,  et  si  vous  ne  faîtes  pas 
instruire  vos  enfants,  tous  les  emplois  seront  donnés  aux 
Yankees." 

Un  autre  jour  les  cultivateurs  sont  invités  à  changer  d'ha- 
bitudes s'ils  veulent  échapper  à  la  ruine. 

"  C'est  un  fait  bien  connu,"  dit  le  journaliste,  "  que  plu- 
sieurs familles  dans  le  voisinage  de  Détroit,  qui  ont  de 
bonnes  fermes,  sont  dans  l'habitude  d'acheter  tout  le  pain 
et  le  beurre  dont  ils  ont  besoin." 

Et  l'éditeur  prêche  pour  sa  paroisse  :  "  Un  habitant  qui 
ne  sait  pas  lire  ne  peut  pas  tenir  que  c'est  une  bonne  excuse 
pour  ne  pas  prendre  les  pnpiers  nouvelles,"  dit-il.  "  Il  de- 
vrait prendre  une  gazette  et  faire  apprendre  ses  enfants  à  la 
lire  ;  il  devrait  exciter  leur  curiosité  ;  comme  il  en  a  éprou- 
vé le  besoin,  leur  montrer  l'importance  de  l'éducation." 

Mais  on  ne  fait  pas  l'éducation  d'un  peuple  par  quelques 
articles  de  journaux,  La  Gazette  nous  apprend  que  mal- 
gré tout  son  zèle,  elle  n'avait  que  25  abonnés  canadiens  sur 
une  liste  de  120.  Au  bout  de  quatre  mois,  elle  discontinua 
la  colonne  française. 

En  1825,  M.  E.  Reed,  un  américain,  entreprit  la  publica- 
tion de  La  Gazf^te  Française.  Il  n'a  paru  que  quatre 
numéros  de  ce  journal. 

L'idée  d'établir  un  journal  français  fut  reprise  en  1843  par 
M.  E.  N.  Lacroix,  jeune  Canadien  de  talent,  qui  arrivait  de 
la  province  de  Québec.  M.  A.  Gérardin  avança  les  fonds 
pour  cette  entreprise,  et  le  nouveau  journal  prit  le  nom  de 
L'Ami  de  la  Jeunesse.  La  publication  en  fut  suspendue 
au  bout  de  quelques  mois.  En  1850,  M.  Lacroix  fonda  en- 
core un  autre  journal,  Le  Citoyen,  qui  vécut  six  mois.  M. 
L.  J.  Poulin  en  était  l'éditeur-propriétaire. 


j:., 


PERIODE    CRITIQUE 


217 


Peiiduiit  quelques  anuéos  on  espéra  qu'un  moyen  pltis 
efficace  que  ces  publications  f>pliémères  serait  donné  aux 
Canadiens  pour  faire  enseigner  leur  langue  à  leurs  entants. 
Mgr  Résé,  conformément  aux  engagements  qu'il  avait  pris 
envers  la  fabrique  de  Ste-Anne,  avait  fait  venir  des  frères 
des  Ecoles  Clirétiennes  à  Détroit  pour  y  établir  une  école 
anglo-française.  En  même  temps  il  commençait  une  agita- 
tion pour  faire  reconnaître  un  système  d'écoles  séparées, 
soutenues  par  l'Etat.  Le  Michigan  s'était  organisé  en  état 
en  1835,  et  Tannée  suivante  il  avait  été  admis  dans  l'Union. 
La  législature  avait  juridiction  exclusive  sur  les  questions 
d'instruction  publique.  L'idée  des  écoles  séparées  fut  «l'a- 
bord favorablement  reçue  par  les  législateurs.  A  la  session 
de  1840  un  comité  spécial  du  sénat  recommanda,  en  prin- 
cipe, la  création  d'un  système  d'écoles  confessionnelles. 
Malheureusement  les  choses  en  restèrent-là.-  Xe  pouvant 
obtenir  de  secours  de  l'Etat,  l'école  de  Ste-Anne  fut  bientôt 
réduite  à  n'avoir  plus  qu'un  seul  instituteur,  et  les  entants 
canadiens  durent  s'adresser  aux  écoles  communes,  où  ils 
n'apprirent  que  l'anglais  et  l'histoire  américaine. 

Le  revirement  soudain  dans  les  dispositions  de  la  législa- 
ture à  l'égard  des  écoles  séparées,  était  dû  à  l'immigration 
américaine  qui  changea  complètement  les  conditions.  De 
1834  à  1841,  la  population  de  l'état  se  tripla  par  l'immigra- 
tion ;  et  en  cette  dernière  année  c'est  au  plus  si  on  pouvait 
compter  15,000  personnes  d'origine  française  sur  une  popu- 
lation de  220,000  âmes. 

Suivant  la  règle  des  gouvernements  électifs,  la  législature 
diminuait  ses  témoignages  de  respect  à  l'élément  français 
au  fur  et  à  mesure  qu'il  devenait  une  minorité  plus  insigni- 
fiante. En  1836,  1837,  1838  et  1839,  le  discours  du  gou- 
verneur aux  représentants  fut  traduit  et  imprimé  en  fran- 
çais par  ordre  de  la  Législature,  M.  J.  B.  Vallée  en  étant 
le  traducteur.  Après  1840,  cet  acte  de  politesse  aux  Cana- 
diens ne  se  répéta  plus. 


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218 


LES   CANADIENS   DU   MICIIIGAN 


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En  1886  on  comptait  trois  Canadiens  dans  la  Législature, 
Jacques  J.  Godfroy,  de  Détroit,  Henri  A.  Levesque,  du 
Saut  Ste-Marie,  et  Laurent  Durocher,  du  comté  de  Monroe. 
Les  deux  premiers  ne  furent  pas  réélus,  mais  M.  hurocher 
contiima  à  représenter  son  comté  jusqu'à  1840.  En  1838- 
39,  il  eut  pour  collègue  canadien  M.  Louis  Beaufait,  du 
comté  de  Wayne,  et  en  1840,  M.  Joël  Dusseau  lui  succéda 
comme  représentant  du  comté  de  Monroe.  En  1340,  M. 
Pierre  Desnoyers,  de  Détroit,  fut  élu  trésorier  de  l'état  pour 
un  an.  L'armée  suivante,  Jacques  B.  Larue,  représentant  du 
comté  de  Berrien,  était  le  seul  Canadien  dans  la  Législature. 
Il  eut  l'honneur  de  présider  la  Chambre  des  représentants. 
En  1843,  Pierre  Godfroy  représentait  les  Canadiens  de 
Wayne  dans  la  Chambre  des  représentants,  et  en  1845, 
Pierre  B.  Barbeau,  du  Saut  Ste-Marie,  fut  élu  à  cette 
Chambre.  De  cette  date  jusqu'à  1859,  on  ne  retrouve  plus 
le  nom  d'un  seul  Canadien  parmi  les  officiers  publics  et  les 
représentants  de  l'état.  C'est  à  peine  si  on  permettait  aux 
Canadiens  dans  les  comtés  de  Waynç  et  de  Monroe  de  pren- 
dre part  aux  affaires  municipales. 

Cette  période  est  la  plus  sombre  dans  l'histoire  des  colo- 
nies canadiennes  du  Michigan.  Abandonnées  à  elles-mêmes, 
battues  en  brèche  par  l'intolérance  des  Knownothings,  sans 
chefs  et  sans  organisation,  elles  semblaient  devoir  inévita- 
blement disparaître  comme  élément  distinct  et  influent. 

Dans  la  ville  de  Détroit  même,  les  Canadiens  s' étant  dé- 
possédés de  leurs  terres  avec  une  rapidité  merveilleuse,  ne 
jouaient  plus  qu'un  rôle  très  effacé.  Les  relations  avec  la 
province  de  Québec  avaient  presque  cessé.  L'esprit  natio- 
nal disparaissait  rapidement  du  cœur  de  la  jeunesse,  qui 
préférait  penser  et  parler  en  anglais. 

Les  colonies  plus  éloignées  de  la  ville,  celles  du  comté 
de  Monroe  et  de  la  rivière  Sainte-Claire,  conservaient  mieux 
leur  caractère  français,  parce  qu'elles  se  composaient  d'une 
population   agricole   qui  avait  peu  de  relations   avec  les 


PERIODE    CRITIQUE 


219 


sans 


étrangers.  Dans  le  comté  de  Monroe  il  pouvait  y  avoir  de 
sept  à  huit  mille  Canadiens  ;  sur  la  riviëre  Sainte-Claire, 
dans  les  comtés  de  Sainte-Claire  et  de  Macomb,  on  en 
comptait  encore  quatre  ou  cinq  mille  ;  à  Ecorse,  à  la 
Grosse  Pointe  et  dans  les  autres  établissements  du  comté 
de  Wayne,  il  y  avait  bien  encore  sept  ou  huit  mille  Ca- 
nadiens parlant  la  langue  française.  Il  fallait  ajouter 
à  ces  chiffres  environ  deux  mille  Canadiens  répandus 
dans  le  Nord  et  l'Ouest  de  l'Etat.  La  population  cana- 
dienne du  Michigan  était  donc  en  1850,  de  vingt  mille 
âmes,  mais  la  population  totale  de  l'état  était  montée  à 
397,654,  de  sorte  que  les  nôtres  ne  formaient  plus  qu'une 
fraction  de  cinq  pour  cent. 

Dans  le  comté  d'Essex,  les  Canadiens-français  ne  for- 
maient plus  en  1850,  qu'un  tiers  de  la  population  totale, 
par  suite  de  l'immigration  étrangère.  La  population  cana- 
dienne-française était  distribuée  dans  les  diverses  localités 
du  comté  comme  suit  : 

Amherstburg 462 

Anderdon 354 

Colchester 188 

Gosfield  44 

Maidstone  326 

Malden  463 

Mersea 38 

Sandwich 2,766 

Rochester 357 

Tilbury  Ouest 92 

Total 5,42. 

Dans  le  comté  de  Kent  on  comptait  à  cette  époque  1,268 
Canadiens-français,  dont  1,022  étaient  groupés  dans  le 
township  de  Dover,  tandis  que  118  se  trouvaient  dans 
Tilbury  Est,  et  118  dans  la  ville  de  Chatham. . 


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1 


220 


liES    CANADIENS    DU    MICIIIUAN 


Le»  Caïuulicurt  n'tivaient  plus  la  majorité  que  duns  les 
townsliip  (le  Sandwich  et  de  Dover.  Cependant  on  remar- 
quera que  l)ien  qu'ils  ne  pussent  s'accroître  aussi  rapide- 
ment que  la  population  anglaise,  dont  les  rangs  étaient  ren- 
forcés par  une  immigration  toujours  croissante,  les  Cana- 
diens n'avaient  abandonné  aucune  de  leurs  posicions,  et  même 
ils  continuaient  à  s'étendre  sur  tous  les  points  du  comté. 

Une  immigration  considérable  de  la  province  de  Québec, 
qui  commença  vers  cette  date,  vint  rétablir  les  chances 
entre  les  deux  éléments  de  la  population.  Grfice  h  ces 
secours,  la  population  canadienne  se  doubla  en  vingt  ans. 
Lors  du  recensement  de  1871,  on  compta  quatorze  mille 
Canadiens-français  dans  les  deux  comtés  d'Essex  et  de  Kent, 
distribués  comme  suit  : — 


].i)calit<^. 


Population. 


Amherstburg 551. 

Anderdon 815, 

Colchester  379, 

Gosfield  •....  157, 

Maidstone  493, 

Malden 729 

Mersea 247. 

Sandwich,  Ouest 1,606 

Sandwich,  ville ..  .....  435 

Sandwich,  Est 1,970 

Windsor,  ville 441 

Rochester 1,115. 

Tilbury,  Ouest 1,596, 


i!i 


Total  pour  Essex 10,539 

Konmey 13, 

Tilbury,  Est 347. 

Raleigh 190. 

Harwich 127. 


Aui;mentation 
depuis  1S50. 

....  89 

....  461 

....  191 

....  113 

....  167 

....  266 

....  209 


1,986 

758 
1,504 

5,115 

13 

229 
190 
108 


PERIODE   CRITIQUE 


221 


Ix)caliti''. 


PopulHtion. 


Dover 1,7(50. 

Cluitham  r)0(]. 

Cliatham,  ville ô31, 


Au(;nientation 
«lepnis  IS5(). 

.  .       744 

....    ôo»; 

....     41:5 


Total  pour  Kei)t 3,480 2,212 

Il  est  facile  de  constater  par  ce  tableau  que  la  nouvelle 
immigration  de  la  province  de  Québec  se  porta  surtout  vers 
les  townships  de  Eochester,  Sandwich  Est,  Tilbury,  et 
Dover,  où  se  trouvaient  de  bonnes  terres  pour  la  colonisa- 
tion. C'est  alors  que  se  tbrmërent  les  belles  paroisses  agri- 
coles de  Tecumseh,  de  1"  Belle  Rivière,  de  la  Pointe-aux- 
Roches  et  de  Paincourt. 

L'immigration  canadienne  dans  le  Micliigan,  fut  même 
plus  considérable.  Tandis  qu'en  1850  on  ne  comptait  que 
14,008  habitants  nés  en  Canada,  en  1860  il  y  en  avait 
36,446,  et  en  1870,  pas  moins  de  88,275.  8ur  ce  dernier 
nombre  il  faut  compter  que  les  Canadiens-français  ne  for- 
maient pas  moins  de  la  moitié.  Si  on  ajoute  maintenant 
3,180  personnes  originaires  de  France,  et  vingt  mille  des- 
cendants des  anciens  immigrants  canadiens  qui  conservaient 
encore  la  langue  de  leurs  pères,  on  arrive  a  un  chiffre  de 
70,000  âmes  qui  formaient  la  population  franco-canadienne 
de  l'état  à  cette  époque.  Au  lieu  de  diminuer,  la  propor- 
tion de  l'élément  français  dans  la  population  totale  de  l'état 
avait  légèrement  augmenté  depuis  1850  ;  elle  était  mair.te- 
jiant  de  six  pour  cent. 

La  plupart  des  nouveaux  immigiants  canadiens-français 
étaient  attirés  par  le  commerce  du  bois  et  par  l'exploitation 
des  mines  du  lac  Supérieur,  deux  industries  qui  avaient 
remplacé  la  traite  des  fourrures  depuis  1840,  et  qui  main- 
tenant, donnaient  du  travail  à  une  population  beaucoup 
plus  considérable.  Dès  1854,  l'honorable  William  L.Webber, 
d'East  Saginaw,  constatait  l'existence  de  61  scieries  mécani- 


l^ll 


222 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


1 


ques  dans  le  Michigan,  dont  la  plus  grande  partie  se  trou- 
vaient sur  la  rivière  Saginaw.  En  1872,  on  en  comptait 
près  de  quinze  cents,  qui  employaient  environ  vingt  mille 
personnes. 

La  plus  ancienne  des  villes  qui  doivent  leur  existence 
aux  scieries,  est  celle  de  Bay  City.  En  1851,  on  y  comptait 
quatorze  familles  catholiques,  et  la  plupart  canadiennes. 
C'est  alors  que  fut  commencée  l'érection  de  l'église  Saint- 
Joseph.  M.  l'abbé  J.  H.  Schutjes  fut  nommé  l'année  sui- 
vante pour  desservir  les  missions  de  la  vallée  du  Saginaw. 
En  1863,  la  ville  de  Saginaw,  ayant  pris  de  l'importance, 
un  autre  prêtre  fut  nommé  à  cette  cure,  et  M.  Schutjes  se 
consacra  entièrement  à  Bay  City.  Ce  prêtre,  d'origine  hol- 
landaise, parlait  bien  le  français.  En  1867,  il  fut  nommé 
curé  de  West  Bay  City,  où  il  resta  jusqu'à  1889.  L'égHse 
Saint- Joseph  devint  en  1867,  la  propriété  exclusive  des 
Canadiens-français,  qui  formaient  alors  dans  Bay  City,  une 
population  d'environ  quatre  cents  familles.  Il  y  avait 
presque  autant  de  nos  compatriotes  dans  la  ville  de  Sagi- 
naw. En  comptant  les  Canadiens  réunis  dans  les  petits 
hameaux  autour  de  ces  deux  grands  centres,  on  pouvait 
trouver  une  population  franco-canadienne  d'au  moins  six 
ou  sept  mille  âmes  dans  les  deux  comtés  de  Bay  City  et  de 
Paginaw.  Les  neuf-dixièmes  de  ces  compatriotes  ga- 
gnaient leur  vie  dans  les  chantiers  en  hiver,  et  dans  les  scie- 
ries en  été. 

En  remontant  la  rivière  Saginaw,  on  trouvait  encore  dans 
les  comtéj  de  Genessee  et  de  Shiawasse,  aux  environs 
d'Owosso  et  de  Corunna,  des  petits  groupes  de  Canadiens, qui 
pouvaient  former  en  tout  une  population  de  deux  mille 
âmes.  La,ns  la  péninsule  formée  par  les  comtés  de  Tuscola, 
Huron  et  Sanilac,  se  trouvait  une  population  canadienne 
d'environ  cinq  mille  âmes,  dispersée  dans  les  bois  pour  la 
plupart,  en  petits  hameaux.  Les  colonies  canadiennes 
d'Aus^ble,  d'Alpena  et  de  Tawas,  sur  le  lac  Huron,  com- 


PERIODE    CRITIQUE 


223 


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mençaient aussi  à  se  former.  On  pouvait  trouver  quinze 
cents  Canadiens  sur  cette  côte.  Cheboygan  pouvait  compter 
deux  ou  trois  cents  Canadiens. 

Les  anciens  établissements  de  Mackinaw  et  du  Saut  Ste- 
Marie,  n'avaient  reçu  qu'une  immigration  insignifiante  du- 
rant cette  période. 

Un  bon  nombre  d'immigrants  canadiens  avaient  traversé 
l'état  et  s'étaient  fixés  sur  le  bord  du  lac  Miehigan,  à  Niles, 
à  St-Joseph,  à  Grand  Haven,  à  Muskegon,  à  Ludington,  à 
"Wainstee,  et  même  plus  au  nord,  dès  1855  et  1860.  Mais 
la  colonie  de  Grand  Rapids,  avec  ses  villages  tributaires 
était  la  plus  considérable.  Le  comté  de  Kent  où  se  trouve 
cette  ville  devait  compter  en  1870,  une  population  cana- 
dienne-français d'au-delà  de  deux  mille  âmes.  Muskegon 
et  ses  environs  possédaient  aux  moins  deux  cents  familles 
canadiennes. 

Le  commerce  de  bois,  qui  faisait  vivre  toutes  les  colonies 
que  nous  venons  d'énumérer,  avait  aussi  attiré  un  bon 
nombre  de  Canadiens  sur  la  rive  nord-ouest  du  lac  Miclii- 
gan. 

Le  plus  ancien  et  le  plus  considérable  de  ces  groupes, 
qui  se  reliaient  à  ceux  du  nord  du  Wisconain,  était  celui 
de  Meuouienee.  Il  pouvait  s'y  trouver  en  1870  environ 
trois  cents  Canadiens-français,  dont  une  forte  partie  étaient 
nés  dans  le  Wisconsin.  Escanaba,  q  nque  établi  plus  tard, 
possédai  aussi  alors  ime  population  anadienne  de  deux 
ou  trois  cents  âmes. 

L'exploitation  des  mines  de  fer  dans  le  comté  de  Mar- 
quette, et  celle  des  mines  de  cuivre  dans  les  comtés  de 
Houghton  et  d'Ontonagou,  qui  se  faisait  de  concert  avec 
l'exploitation  des  forêts,  attira  les  Canadiens-français  en 
grand  nombre  sur  le  lac  Supérieur  dès  avant  1860.  Les 
premiers  établissements  ne  firent  dans  le  comté  d'Ontona- 
gon,  dont  le-^  mines  et  lient  connues  du  temps  du  régime 
français  ;  mais  dec  veints  plus  avantageuses  ayant  été  décou- 


224 


LES    CANADIENS   DU   MÏCHIGAN 


vertes  aux  environs  de  Houghtc;.*,  l'exploitatic/n  des  pres- 
mières  mines  fut  abandonnée. 

C'est  ce  qui  explique  qu'en  1870  ou  trouvait  un  millier 
de  Canadiens-français  dans  le  comté  Houghton,  tandis  qu'il 
y  en  avait  à  peine  deux  cen{g  dans  celui  dOntonagon. 

Les  mines  de  fer  du  comté  de  Marquette  furent  décou- 
vertes en  1844,  et  en  1870,  elles  exportaient  830,000  ton- 
neaux de  minerai.  Ceci  explique  la  formation  rapide  de 
groupes  canadiens  à  Marquette,  à  Negaunee  et  à  Islipem- 
ing.  Ces  groupes  pouvaient  compter  en  1870  pa^  mrÙHft 
de  trois  mille  âmes. 

Une  immigration  canadienne-française  considérable  â'é- 
tait  aussi  portée  durant  cette  période  vers  les  villes  de 
Détroit  et  de  Port  Huron,  et  vers  la  région  agricole  tribu 
taire  de  ces  villes.  Nous  estimons  à  douze  ou  quinze  mille 
Ames  le  nombre  de  canadiens  originaires  de  la  province  de 
Québec  qui  étaient  établis  dans  les  comtés  de  Ste-Claire,  de 
Wayne,  de  Lapeer,  de  Macomb  et  d'Oakland.  Trois  mille 
de  ces  ipimigrants  s'établirent  dans  la  ville  de  Détroit. 

Cette  infusion  généreuse  d'un  sang  nouveau  dans  les 
anciennes  colonies  eut  le  plus  heureux  effet.  Les  lelations 
avec  la  province  de  Québec,  se  trouvèrent  rétablies,  et  grâce 
à  ces  relations,  on  vit  revivre  dans  bien  des  cœurs  l'espoir 
et  le  désir  de  perpétuer  l'usage  de  la  langue  et  le  culte  des 
traditions  françaises. 

Ces  sentiments  se  manifestèrent  de  prime  abord  à  Détroit 
par  la  fondation  d'une  société  ayant  pour  but  d'unir  toutes 
les  personnes  d'origine  française,  afin  de  leur  assurer  leur 
juste  part  d'influence.  L'initiateur  de  ce  mouvement  fut 
M.  E.  N.  Lacroix,  qui  avait  déjà  travaillé  à  la  fonda^^'.on 
d'un  journal  français  à  Détroit.  La  fondation  de  la  sociét/ 
fut  d'abord  décidée  le  7  février  1852,  à  une  réunion  où  s*; 
trouvaient  MM.  Lacroix,  Louis  Clairon x,  Frs.  Lespérance 
«t  Robert  Réaume.  A  la  fin  de  1862,  la  nouvelle  société 
comptait  dix-neuf  membres.  Peu  satip^urts  de  ce  résultat, 


PERIODE    CRITIQUE 


225 


les  organisateurs  résolurent  de  s'assurer  l'appui  de  M.  Daniel 
.T.  Campeau,  mort  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  qui  était 
alors  le  plus  riche  et  le  plus  actif  parmi  les  descendants  des 
fondateurs  de  Détroit.  M.  Campeau  était  resté  Français 
de  cœur  et  il  parlait  très  bien  notre  langue.  Il  accepta 
avec  plaisir  la  présidence  de  la  nouvelle  société,  qui  prit  alors 
le  nom  de  Société  Lafayette.  M.  E.  N.  Lacroix  en  fut  élu  le 
secrétaire.  L'assemblée  où  cette  organisation  s'était  faite 
avait  été  tenue  dans  la  caserne  des  pompiers  du  7ème 
ward. 

Grâce  à  l'influence  et  à  l'énergie  de  ses  oiRciers,  la  société 
lit  de  rapides  progrës.  En  1857,  elle  se  crut  assez  forte  pour 
prendre  l'initiative  de  la  célébration  du  centenaire  de  la 
naissance  du  marquis  de  Lafayette.  On  pu  alors  constater 
qu'en  eiFet  l'élément  français  commandait  le  respect  et  la 
sympathie  de  la  population  américaine.  Sur  la  recomman- 
dation du  recorder  Morrow,  le  conseil-de-ville  adopta  une  ré- 
solution invitant  tous  les  citoyens  de  la  ville  à  seconder  les 
eflbrts  de  la  société  française  pour  célébrer  dignement  le 
centenaire  de  l'ami  de  Washington.  M.  R,  T.  Elliott,  pré- 
sident des  pompiers,  mit  la  salle  de  réunion  de  ce  corps  à 
la  disposition  de  la  Société  Lafayette,  M.  R.  Î^T.  Rice  offrit 
gratuitement,  au  nom  du  chemin  de  fer  Michigan  Central, 
l'usage  du  steamer  "  Mississipi  "  pour  une  excursion  sur  le 
il?uve,  les  sociétés  civiles  et  militaires  de  la  ville  s'unirent  aux 
Canadiens  pour  faire  une  grande  procession  ;  enfin,  l'hono- 
rable W.Tî.  A.  Howard  et  M.  Chas.  Walker,  voulurent  bien 
prononcer  un  panégyrique  du  héros  des  deux  mondes.  Grâce 
k  ce  généreux  concours,  la  démonstration  eut  un  immense 
retentitaernent,  dont  profitèrent  la  société  et  la  population 
française  en  général, 

La  Société  Lafayette  profita  d'abo  'd  de  l'essor  que  lui 
avait  donné  le  succès  de  cette  fête  pour  acquérir  un  immeuble 
sur  la  rue  Gratiot,  au  prix  de  $1,000.  La  société  avait  été 
légalement  incorporée  par  un  acte  du  10  avril  18G7.     Les 


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226 


LES    CANADIENS   DU   MICHIGAN 


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membres  qui  signèrent  cet  acte  furent  MM.  Daniel  J.  Cam- 
peau,  Angel  Paldi,  Charles  Dominé,  Janvier  Gagnier,  E. 
N.  Lf< croix,  Israël  J.  Beniteau,  Joseph  BrabUnt,  Jules 
Mingo,  Simon  Gignac  et  Samuel  Vésina.  L'acte  d'incor- 
poration déclarait  que  le  but  de  la  société  était  de  "  stimuler, 
et  de  conserver  les  sentiments  de  bienveillance  existant  pré- 
'  ontement  parmi  les  citoyens  français  de  Détroit  et  autres 
j  .Tsonnes  parlant  la  langue  française,  et  d'unir  ces  person- 
I.  .-  des  actes  et  des  devoirs  de  charité  mutuelle."  En 
i-tê  ^mps  Une  nouvelle  constitution,  rédigée  par  MM.  T. 
Campeau,  E.  N.  Lacroix,  L.  Montreuil  et  Simon  Gignac, 
était  inaugurée.  Elle  établissait  que  la  société  devrait 
payer  au  moins  deux  dollars  par  semaine  à  ses  malades,  et 
qu'elle  pourrait,  quand  elle  le  jugerait  à  propos,  former 
un  fonds  d'assurance. 

La  Société  Lafayette  continue  à  célébrer  sa  fête  le  6  sep- 
tembre de  chaque  année  par  des  bals,  des  banquets  ou  des 
pique-niques.  Nous  voyons  par  \eê  archives  que  les  officiers 
entretenaient  une  correspondance  patriotique  avec  les  socié- 
tés sœurs,  et  que  les  Américains  continuaient  à  témoigner 
de  leur  sympathique  intérêt  par  des  cadeaux  de  reliques  se 
rapportant  à  l'histoire  de  Lafayette,  etc. 

L'influence  de  la  société  s'étendait  jusqu'à  Saginaw,  où 
en  1866,  elle  possédait  assez  de  membres  pour  rendre  né- 
cessaire la  nomination  d'officiers  spéciaux.  Ces  officiers 
étaient  M.  Louis  Guérin,  secrétaire-correspondant,  à  East 
Saginaw,  et  M.  Charles  Rivet,  de  Bay  City,  visiteur  des 
maladec  pour  cette  légion.  La  société  comptait  alors  une 
centaine  de  membres  en  rëgle.  ' 

'  La  Société  Lafayeito,  après  la  Société  St>Jean*Bapti8te  de  New  York, 
fondée  en  1850,  est  la  société  franco-canadienne  la  plus  ancienne  da 
Etats-Unis.  Voici  la  liste  des  présidents  de  cette  société  durant  les  pre- 
miers 26  ans  de  son  existence  : 

Daniel  J*  Campeau....  V  janvier  1863  au  10  lanvier  i85G. 
Chas.  Dominé 10  janvier  1856  au  17  juillet    1856. 


PERIODE   CRITIQUE 


227 


L'heureux  exemple  donné  par  les  Canadiens  de  Détroit, 
en  se  formant  en  société,  fut  suivi  en  1861  par  ceux  de 
Sandwich,  qui  formèrent  alors  la  Société  St- Jean-Baptiste 
de  Sandwich  et  de  Windsor,  qui  est  devenue  la  mëre  de 
plusieurs  autres  sociétés  dans  le  comté  d'Essex.  Cette  so- 
ciété, pour  ses  débuts,  eut  l'honneur  d'avoir  la  visite  de 
l'éminent  écrivain  français,  M.  Rameau  de  Saint-Père,  qui 
prononça  à  Windsor  même,  une  conférence  sur  la  colonie 
canadienne  du  Détroit. 

A  l'autre  extrémité  du  pays,  dans  le  comté  de  Marquette, 
les  Canadiens  organisèrent  la  première  société  St-Jean- 
Baptiste  tlji  comté  de  Marquette.  Les  premiers  officiers  de 
cette  société  furent  MM.  Théophile  Roy,  président  ;  Au- 
gustin Delaurier,  vice-président  ;  Magloire  Cantin,  secré- 
taire ;  Médard  Gauthier,  trésorier. 

Vers  le  même  temps  l'Union  Française  du  comté'de  Bay, 
se  formait  à  Bay  City,  gntce  à  l'initiative  de  M.  J.  L. 
Hébert. 

A  Détroit  même  s'organisait  la  Société  de  Bienfaisance 


K.  X.  Cicuite  17  juillet  ]Jf)6  au  8  janvier  1857. 

E.  N.  Lacroix 8  janvier  1857  au  «  juillet,  1857. 

Israël . T.  Ben ittau H  juillet  1857  au  5  juillet  1858. 

Pierre  DepnoyerH 5  juillet,  1858  au  7  juillet  1859. 

Thos   Campeau 7  juillet  1859  au  i:  juillet  18(i0. 

Israël  4- iJeniteau 2  juillet  18(iO  au  5  juillet  18(jl. 

E.  N,  Ciootte 5  juillet  IhCl      à  juillet  lx()::. 

E.  N.  Lacroix juillet  18(52      à  juillet  11^65. 

F.  X.  Demay juillet  18ti5      à  juillet  18()7. 

Charles  Dessin juillet  1807      il  juillet  1868. 

J-B.  P.  Gravier juillet  1868      à  juillet  1809. 

Chas.  Longtin juillet  1869      à  juillet  1870. 

.T.  B.  P.  Gravier jui  let  1870      A  juillet  1871. 

A.  Goudron juillet  1871      à  juillet  1873. 

Jos.  Goffiaet juillet  1873      à  juillet  1875. 

A.  Vaudyke juillet  1875      à  juillet  1877. 

M.  JoB.  Bélanger juillet  1877      i\  juillet  1879. 

Cette  liste  ett  empruntée  à  une  conrérence  faite  devant  la  Société  Lafa- 
yette,  par  M.  J-B.  P.  Gravier. 


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228 


LES   CANADIENS    DU    MICHIGAN 


Frunco-Canadieinie,  dont  les  chefs  étaient  MM.  Frédéric 
Barbier,  Chas.  Dossin  et  Georges  Beaulieu. 

Ces  trois  derniëres  sociétés  n'eurent  pas  une  longue  exis- 
tence. Un  événement  plus  important  fut  la  formation  de 
l'Association  S t- Jean-Baptiste  de  l'Etat  du  Michigan. 

La  première  assemblée  pour  l'organisation  de  cette  société, 
eut  lieu  à  l'hotel-de-ville  de  Détroit,  le  9  septembre  1868. 
La  constitution  qui  fut  alors  adoptée,  déclare  que  le  l>ut  de 
l'Association,  en  écartant  les  questions  politiques  qui  divi- 
sent les  parties,  est  de  fournir  aux  Canadiens-français  l'oc- 
casion de  fraterniser  entre  eux  et  de  se  concerter  ><ur  les 
moyens  d'élever  le  niveau  religieux  intellectuel,  social  et 
moral  de  la  race  française  dans  l'Etat  du  Michigan.  Pour 
0'  "e  .iicmbre  il  fallait  être  d'origine  française  et  catholique. 
Le  Bureau  Central  pour  l'Etat  devait  se  composer  de  cinq 
officiers  élus  à  une  assemblée  générale  chaque  année,  et 
dont  la  mission  serait  de  propager  l'Association  et  d'y  con- 
server l'unité  de  vue.  Le  premier  bureau  de  direction  élu 
se  composait  de  M.  l'abbé  Soffers,  chapelain,  B.  Whiteford, 
M.D.,  président,  E.  N.  Lacroix,  vice-président,  Chas.  M. 
Rousseau,  secrétaire. 

Des  sections  en  correspondance  avec  ce  Bureau  devaient 
être  établies,  dans  chaque  comté  de  l'état,  et  l'Association 
générale  devait  se  composer  de  tous  les  membres  admis 
dans  les  sections.  En  1871,  la  législature  du  Michigan 
passa  une  loi  spéciale  pour  favoriser  l'incorporation  des 
sections  de  l'Association  St-Jean-Baptiste. 

Cependant  le  comté  de  Wayne  est  le  seul  où  les  Cana- 
diens se  soient  organisés  sous  l'égide  de  l'Association  de 
l'Etat,  dont  la  constitution  était  insuffisante.  La  section 
du  comté  de  Wayne  fut  organisée  dans  le  sous-bassement 
de  la  vieille  église  Sainte- Anne,  le  20  septembre  1868.  On 
procéda  immédiatement  à  l'élection  du  bureau  de  direction 
qui  fut  constitué  comme  suit  :  chapelain,  M.  l'abbé  B.  G. 
Soffers  ;  président,  H.  W.  Deare  ;  vice-présidents,  Charles 


PERIODE    CRITIQUE 


229 


Longtin  et  F.  G.  Mailloux  ;  secrétaire-archiviste,  Charles 
F.  Charrier;  assistant,  Josepii  j Mélanger  ;  secrétaire-corres- 
pondant, Georges  Bon rqiie;  assistant,  A.  Gagnon  ;  tréso- 
rier, F.  X.  De  May  ;  assistant,  Georges  Beanheu  ;  commis- 
saire, Pierre  Jonvit  ;  assistant,  .T.  J.  Cicotte. 

A  cette  première  assemblée  il  fut  aussi  résolu  d'envoyer 
deux  délégués  à  la  convention  générale  des  sociétés  cana- 
diennes des  Etats-Unis,  qui  devait  avoir  lieu  à  Springfield 
en  octobre.  Ces  deux  délégués,  MM.  H.  W.  Deare  et 
Charles  Longtin,  à  leur  retour,  firent  un  rapport  recom- 
mandant h  la  Société  d'entrer  dans  l'Union  d'Assurance  et 
de  Secours  Mutuel  qui  était  alors  à  se  former  entre  les 
diverses  sociétés.  La  Société  Saint- Jean- Baptiste  du  comté 
de  Wayne  entra  en  effet  dans  cette  Union,  qui  se  chargea 
de  l'assurance  des  membr  3S. 

Comme  secours,  la  Société  du  comté  de  Wayne  devait 
payer  à  ses  membres  malades,  par  semaine,  un  pour  cent 
du  montant  qu'elle  avait  en  caisse.  Le  fonds  constitué  par 
les  dons  faits  à  la  Société  ou  par  les  recettes  provenant  des 
fêtes,  devait  servir  à  la  fondation  d'une  bibliothèque  et  à 
d'autres  fins  littéraires. 

Le  principal  but  de  l'Association  Saint- Jean-Baptiste,  dans 
l'esprit  de  ses  fondateurs,  était  toutefois  de  célébrer  digne- 
ment, la  fête  du  patron  des  Canadiens-français.  La  pre- 
mière démonstration  sous  les  aupices  de  cette  société, 
eut  lieu  le  24  juin  1869.  La  Société  Saint-Jean-Baptiste 
du  comté  d'Essex,  la  Société  Lafayette,  et  plusieurs 
associations  américaines  voulurent  prendre  part  à  la  fête . 
Il  y  eut  d'abord  grand'messe  à  Sainte- Anne,  où  M.  l'abbé 
Ouellette  prononça  le  sermon  de  circonstance,  pvis  les  mem- 
bres se  rendirent  en  procession  au  Weber's  Garden,  où  de- 
vait avoir  lieu  le  pique-nique.  M.  F.  Brouillard  représen- 
tait un  chef  Sauvage,  M.  T.  P.  Ouellette,  Jacques-Cartier, 
et  M.  Joseph  Janisse,  Cadillac.  Durant  ce  pique-nique  des 
discours  patriotiques  furent  prononcés  par  MM.  E.  K.  La- 


I  -. 


m'^' 


230 


LES   CANADIENS   DU    MICHIQAN 


CFoix,  Jos.  Bélanger  et  le  Dr.  R.  Whiteford.  Favorisée 
par  le  clergé  à  cause  de  son  caractère  religieux,  la  Société 
8t-Jean-Baptiste  fit  de  rapides  progrès,  et  après  une  année 
d'existence  elle  comptait  au  delà  de  cent  membres.  ^ 

Une  autre  célébration  organisée  par  les  sociétés  cana- 
diennes-françaises de  Détroit,  en  1869,  fut  celle  du  cente- 
naire de  Napoléon.  Cette  fête  commença  le  15  août  par 
un  banquet  a  l'Hôtel  Biddle,  et  se  termina  par  une  fête 
champêtre  au  Miller's  Garden.  Des  discours  furent  pro- 
noncées par  MM.  E.  G.  Bagard,  Alph.  Carnevin,  J.  Giraud 
et  l'honorable  Jacob  M.  Howard.  Douze  vétérans  de  la 
Grande  Armée  se  trouvaient  présents.  , 

'  Liate  des  membres  de  la  *'  Section  du  comté  de  Wayne  de  l'Association 
St-Jean-Baptiste  de  VEtat  du  Michigan,"  jusqu'au  1er  octobre  1869  : 

H.  W.  Deare,  Chas.  F.  Charrier,  Jos.  Bélanger,  Geo.  Beaulieu,  Hypolite 
Bélanger,  George  Bourque,  Laurent  Archambeault,  Joseph  ('onchois, 
David  Cayouette,  Louis  Dumontier,George  Dupuis,  J.  J.  Ciootte,  Alexan- 
dre Dumontier,  Louis  Hubert,  Séraphin  Jarrait,  Octave  Jarrait,  François 
Martin,  Prosper  Plouse,  Eusëbe  Quiné,  Chas-  M.  Rousseau.  Emile  Sauver, 
Joseph  Turcotte,  Julien  Roy,  Louis  Vézina,  J-B^ptiste  Demers,  Pierre 
Jarrait,  Charles  Longtin,  Richard  Whiteford,  J.  B.  Lucier,  F.  X.  De  May, 
Fabien  B.  Delisle,  Délima  Beaudry,  Pierre  Benoit,  Alexis  Bonvouloir, 
Antoine  Renaud,  Adolphus  Rhéaume,  Guillaume  Rousselle,  Pierre 
Payette,  Charles  Hosannah,  Jean-B.  Haler,  Auguste  J-  Dupuis,  J.  F.  X. 
Mailloux,  Alphonse  Sénécal,  E.  N.  Lacroix,  Michel  Sage,  Prosper  Martel, 
Théphile  Godbout,  Rév.  B.  G.  Soffers,  Hubert  Longtin,  Francis  Rascico, 
Henry  Bélanger,  Michel  Mainville,  Firmin  Brousseau,  Nazaire  Hamel, 
O.  Pomainville,  Denis  Bogue,  Joseph  Belfell,  Hypolite  Tremblay,  Jacques 
St-Onge,  Pierre  Gauthier,  F.  H.  Morency,  Joseph  Page,  Joseph  Lortie, 
Elie  Bélanger,  Edouard  Patry,  Jean  Patry,  Joseph  Picard,  Fabien  Déry,  • 
John  Filion,  Louis  Pellerîn,  James  Bassette,  John  Pizau,  Alex.  Tétreau, 
Moïse  Charbonneaa,  Louis  Cbarbonneau,  Fré>1éric  Charbonneau,  Hypolite 
Broesard,  Prosper  Dumontier,  Chas.  Gauvin,  F.  G.  Mailloux,  Joseph 
Bobitaille,  Jules  Maingot,  Richard  Jarrait,  Josnph  St-Pierre,  Fabien 
Dumont,  N.  J.  Boissonneau,  Chas.  Jarrait,  John  Jarrait,  Chas.  Peltier, 
Ferdinand  Giguère,  Etienne  Racine,  Chas.  Lucier,  Jean  J.  Plamondon, 
Joseph  Mayez,  Joseph  Déguise,  Joseph  Larose,  Clément  Malo,  Pierre 
Lafferty,  John  B.  Bergeron,  Honoré  Defer,  Joseph  Defer,  Joseph  Chapoton, 
Chas.  DeRchènes,  Eugène  Frs-  Aug.  Robert,  Joseph  Martin,  Magloire 
Biais,  F.  X.  Monnier,  A.  Ricci.  Membres  Honoraires  :  Antoine  Beaulieu, 
Chas.  Peltier,  Fra.  Joseph  Moritz. 


PERIODE    CRITIQUE 


281 


Mais  l'événement  le  plus  important  de  l'année  1869,  fut 
la  réunion  à  Détroit  de  la  cinquième  convention  des  Cana- 
diens-français des  Etats-Unis,  qui  fut  le  centre  d'un  mouve- 
ment politique  qui  mérite  une  étude  spéciale. 


1    -1 


chapitrî:  XVI. 


UN    MOUVEMENT    ANNEXIONISTE. 


Depuis  la  grande  démonstration  de  1857,  les  Caïuuliens- 
français  avaient  graduellement  repris  uîi  peu  de  leur  an- 
cienne influence  dans  les  affaires  politiques.  En  1859,  ils 
réussirent  à  faire  élire  M.  Théo.  J.  Campau,  pour  repré- 
senter un  des  district  de  Détroit  dans  la  législature.  En 
1861  et  1862,  M.  Wm.  Chapoton  fut  élu  au  même  poste, 
puis  en  1863-64,  son  parent,  M.  Alex.  Chapoton  lui  succéda. 
En  1867,  M.  Charles  B.  Chauvin,  fut  élu  à  son  tour  pour 
représenter  l'élé'ment  canadien  dans  la  législature  «lu 
Michigan. 

Quand  arrivèrent  les  élections  présidentielles  de  1868,  les 
deux  partis  politiques  recherchèrent  l'appui  de  l'élément 
canadien,  qui  s'aflirmait  de  plus  en  plus  énergiquement. 
Les  Républicains  s'assurèrent  les  services  de  M.  Louis- 
Honoré  Fréchette,  qui  publiait  alors  V Amérique,  à  Chicago. 

Mais  la  grande  majorité  des  Canadiens  sympathisaient 
avec  le  parti  démocratique,  et  pour  contrecarrer  les  efforts 
des  républicains  ils  organisèrent  Le  Cbib  Démocratique 
Français.  Les  officiers  de  ce  club  étaler  M  Charles  Peltier, 
président  ;  E.  'N.  Lacroix,  Charles  Gauvin,  Théo.  J.  Cam- 
pau, J.  L.  R.  Steckel,  John  F.  Meldrum  et  Israël  J.  Beni- 
teau,  vice-préside»^  is  ;  E.  G.  Bagard,  secrétaire-archiviste, 
Jacques  A.  Gi'-ardin,  secrétaire-correspondant  ;  Auguste 
Paulus,  trésorier  ;  Chas.  Rosanna,  commissaire.  Les  ora- 
teurs ordinaires  des  séances  étaient  MM.  Lacroix,  Peltier, 
le  Dr.  Whiteford,  Bagard  et  Cicotte. 


lïï  hi 


284 


LES   CANADIENS   DU    MICIIIGAN 


Eu  dehors  de  sa  purticipatiou  aux  luttes  de  la  politique 
américaine,  ce  club  présenta  à  Détroit  M.  Médéric  Lanctot, 
l'adversaire  de  Sir  George  Etienne  Cartier,  daup  Montréal 
Est  en  1867. 

M.  Lanctot  lit  sa  premiëre  apparition  le  10  «cptenibre 
1868,  dans  une  assemblée  tenue  à  l'hotel-de- ville,  où  il 
exposa  deux  heures  durant  ses  projets  pour  conquérir  paci- 
fiquement l'indépendance  du  Canada.  Il  projxtsait  de 
s'adresser  directement  à  l'Angleterre  pour  obtenir  la  sépa- 
ration. 

A  cette  assemblée  on  posa  les  bases  de  l'Association  de 
l'indépendance  pacifique  du  Canada.  Le  22  septeml)re, 
après  un  nouveau  dijcours  de  Lanctot,  cette  Association, 
procéda  à  l'élection  de  ses  officiers,  qui  furent  choisis  comme 
suit  : — Président,  Yj.  N.  Lacroix  ;  vîce-présidentf  H.  W. 
Deare  et  Adolphe  Gendron  ;  trésorier,  F.  Audei  dstant, 
Geo.  Beaulieu  ;  secrétaire,  Geo.  Bourque  ;  assihi-c.  .,  Félix 
Charrier  ;  secrétaire-correspondant,  C.  M*.  Girardin  ;  direc- 
teurs, Charles  Gauvin,  Charles  Longtin,  Pierre  Jarrait, 
F.  X.  Dumais,  Jacques  Mailloux,  C.  M.  Rousseau  et  Gustave 
Vandame. 

M.  Lanctot  se  rendit  ensuite  dans  la  Nouvelle- Angleterre, 
où  il  fit  des  conférences  sur  l'indépendance,  en  compagnie 
du  Dr.  J.  N.  Lanctot,  alors  d'Utica,  î^.  Y.  Il  était  présent 
à  la  convention  des  Canadiens  à  Springfield,  en  octobre 
1868.  Malgré  ses  efforts,  cette  convention  décida  de  ne 
pas  s'occuper  de  politique.  Il  fut  même  décrété  que  la 
convention  suivante,  qui  devait  se  réunir  à  Détroit  en  1869, 
ne  devrait  s'occuper  que  des  afifaires  de  l'Union  d'Assurance 
Mutuelle. 

Apres  avoir  essayé  d'établir  un  journal,  Vidée  Nouvelle, 
à  Burlington,  puis. à  Worcester,  sans  succës,  M.  Lanctot 
revint  à  Détroit  dans  l'automne  de  1869. 

Il  fut  accueilli  avec  beaucoup  de  faveur  par  les  Canadiens 
et  les  Américains.     On  traversait  alors  une  période  d'agi- 


UN    MOUVEMENT    AXNEXIONISTE 


285 


tation.  Les  ATétis  du  Mîiiiitohii  étaient  l'ii  révolto,  et  les 
Cuiuidieiis  émigrés  sympathisaient  naturellement  avee  eux. 
D'un  autre  côté  lesFéniens  menjiçaient  d'envahir  le  Caïuida, 
pour  en  chasser  les  Anglais.  Les  discours  de  M.  Lanctot 
en  faveur  de  l'indépendance  et  de  rannexion  étaient  donc 
d'actualité  et  conforme  au  courant  populaire  des  opinions. 

La  Minerve  et  les  autres  Journaux  conservateurs  du 
Canada  dénoncèrent  sévèrement  M.  Lanctot  et  ses  projets, 
mais  il  n'en  réussit  pas  moins  à  faire  souscrire  un  capital 
considérable  pour  la  fondation  d'un  journal  français  et 
k  mettre  toutes  les  sociétés  canadiennes-françaises  de  Détroit 
de  son  côté. 

A  l'assemblée  annuelle  de  l'Association  St- Jean-Baptiste 
de  l'Etat  du  Michigan,  qui  '  ut  lieu  le  15  septembre  1869, 
M.  Lanctot  fut  nommé  pour  représenter  la  société  à  la  pro- 
chaine convention  avec  le  Dr  R.  Whiteford  et  M.  N.  G. 
Boissonneau. 

Les  officiers  de  la  société  élus  h  la  même  occasion  furent  : 
M.  l'abbé  SofFers,  chapelain  ;  E.  N.  Lacroix,  président  ; 
C.  M.  Rousseau,  vice-président  ;  C.  F.  Charrier,  secrétaire  ; 
Geo.  Beaulieu,  J.  J.  Cicotte,  Geo.  Bourque,  Pierre  Jarrait 
et  F.  Dumont,  directeurs. 

La  convention  se  réunit  à  Détroit  le  13  octobre.  Elle  se 
composait  des  délégués  dont  les  noms  suivent  : — 

Société  St-Jean-Bapti->te  de  VEtat  du  Michigan  :  Richard 
Whiteford,  N.  J.  Boissonneau,  Médéric  Lanctot. 

Société  de  Bienfaisance  Lafai/ette,  de  Détroit:  E.  N".  Lacroix, 
J.  B.  R.  Gravier,  Charles  Longtin. 

Société  St- Jean- Baptiste  du  Comté  de  Wayne  :  H .  W. 
Deare,  Georges  Bourque,  Chs  M.  Rousseau. 

Association  de  V Indèmndance  Pacifique  du  Canada  :  .Tes. 
Bélanger,  Chs  F.  Charrier,  Pierre  Blanchet. 

Société  de  Bienfaisance  Franco- Américaine  de  Détroit  :  Fré- 
déric Barbier,  Chs  J.  Dossin,  Georges  Beaulieu. 


236 


LES    CANADIENS    DU   MICHIGAN 


iJlili 


Société  St-Jean- Baptiste  de  Chicago:  A.  Gagné,  A.  Beug- 
ley,  A.  Leduc.  Chs  Huot,  L.  H.  Fréchette. 

Cercle  Littéraire  Français  de  Chicago  :  Chs  Andrieux, 
W.  B.  Laparle,  Ed  Douaire. 

Société  St-Jean-Baptiste  et  Congrégation  St-Joseph  de 
Cohoes:  Joseph  Lebœuf. 

Société  Si-Jean- Baptiste  de  New- York:  Chs  Moussette  et 
E.  Pnid'hornme. 

Institut  Canadien-Français  de  Biddeford,  Maine  :  H.  F. 
Lord. 

Société  St-Jean- Baptiste  de  Biddeford,  Maine  :  Alphonse 
Paré. 

Union  Française  de  Bay  Comté  :  J.  L.  Hébert. 

Société   St-Jean-Baptiste  de  St.  Alhans:  A.  Moussette. 

L'élection  des  officiers  donna  le  résultat  suivant  : — Pré- 
sident, H.  W.  Deare;  vice-présidents,  Charles  Moussette,  et 
J.  L.  Hébert  ;  secrétaire,  Alph.  Paré  ;  asHistant-secrétaire, 
Jo;:eph  Bélanger  ;  trésorier,  Joseph  Lebœuf  ;  commissaire- 
ordonnateur,  James  J.  Cicotte,  avec  pouvoir  de  nommer  un 
assistant. 

Le  comité  de  résolutions  se  composait  de  MM.  Lanctot, 
Fréchette,  Lebœuf,  Lacroix  et  "Whiteford. 

Dès  l'ouverture  des  délibérations  M.  Fréchette  demande, 
comme  membre  du  comité  des  résohitions,  si  cette  conven- 
tion doit  être  limitée  par  les  procédés  de  la  convention  de 
Springiield.  Il  croit  que  h»  convention  de  Bpringfield  est 
sortie  des  voies  tracées  par  les  conventions  précédentes  et 
par  le  bon  sens  et  la  logique,  en  excluant  la  politique  ;  et 
qu'elle  a  outrepassé  les  p')uvoirs  d'une  convention  en  ten- 
tant de  déterminer  les  devoirs  et  les  attributionc  des  con- 
ventions ultérieures  et  particulièrement  de  cette  convention. 
Il  s'enquiert  aussi  si  cette  convention  est  une  convention  des 
sociétés  de  secours  mutuels  seulement,  ou  si  elle  n'est  pas 
plutôt  une  convention  de  tous  le:^  Canadiens-français  des 
Etats-Uni<^.     Pour  sa  part,  il  croit  que  c'est  une  convention 


UN    MOUVEMENT    ANNEXIONISTE 


237 


générale,. et  il  insistera  pour  que  la  eonventiou  ne  soit  pas 
bâillonnée,  restreinte  et  contrôlée  par  un  élément  exclusif, 
qu'il  respecte,  mais  auquel  il  ne  veut  pas  sacrifier  ses  opi- 
nions politiques  et  ses  aspirations  nationales.  (Vifs  applau- 
dissements.) 

Une  discussion  s'ensuit,  mais  finalement  les  idées  de  M. 
Fréchette  et  de  M.  Lanctot  prévalent. 

]M.  Lord  s'étant  objecté  à  la  présence  de  M.  Blanchet,  le 
célèbre  "citoyen"  Blan(;het,  comme  délégué  d'une  société 
de  Détroit,  parce  qu'il  n'était  pas  citoyen  des  Etats-Unis,  il 
lui  fut  répondu  que  les  états  de  service  de  M.  Blanchet  le 
mettaient  au-dessus  de  toutes  ces  considérations. 

Le  soir,  le  gouverneur,  M.  Baldwin,  et  le  maire  de  Détroit, 
M.  Wheaton,  visitent  la  convention,  sur  invitation  parti- 
culiëre.     Le  gouverneur  prend  la  parole  en  ces  termes  : 

Mesdames  et  messieurs, — Je  ne  suis  pas  venu  dans  le  des- 
sein de  vous  faire  un  discours.  Mais  en  me  rappelant  les 
jours  sombres  de  notre  histoire,  lorsque  notre  peuple  luttait 
presqu'épuisé  et  que  la  France,  votre  première  patrie,  vint 
si  noblement  à  notre  secours,  je  ne  puism'empecherde  vous 
dire  combien  je  suis  heureux  de  vous  rencontrer.  Pour  tout 
Américain  il  est  un  noble  nom  (pii  restera  toujours  cher  et 
vénéré,  c'est  celui  de  Lafayet.e,  cet  héroïque  jeune  homme 
qui  fut  le  premier  ami  de  notre  republique.  Il  me  semble 
l'entendre  répondre  à  notre  ambassadeur,  qui  lui  disait  que 
les  insurgés  étaient  tro[)  pauvres  pour  payer  même  son  pas- 
sage en  Amérique  :  "  J'achèterai  un  transport  moi-même 
pour  moi  et  mes  soldats,  et  je  ferai,  s'il  le  faut,  le  sacrifice 
de  ma  vie  pour  votre  cause."  Il  s'acheta  un  vaisseau  ;  il 
s'appelait  la  Victoire,  un  nom  de  bon  augure.  Et  qu'écri- 
vait-il à  sa  femme  ?  "  Au  nom  de  l'amour  que  tu  me  portes, 
deviens  une  bonne  Américaine  ;  car  la  cause  de  l'Amérique, 
c'est  la  cause  du  n.onde  entier."  Et  que  disait-il  à  Wash- 
ington ?  "Tout  ce  que  je  demande  c'est  qu'on  me  permette 
de  risquer  ma  vie  ;  je  ne  veux  ni  pension  ni  récompense." 


r-  .'; 


238 


LES    CANADIENS   DU   MICHIGAN 


^1 


Oui,  Français,  je  suis  heureux  de  saluer  des  compatriotes 
de  Lafayette.  Il  y  a  quelque  temps,  on  a  célébré  une  fête 
à  laquelle  j'ai  regretté  de  ne  pas  m'être  trouvé  présent  ; 
j'étais  absent  de  la  ville.  Je  veux  parler  de  la  célébration 
du  centenaire  de  N^apoléon,  le  ^dIus  grand  général  que  le 
monde  ait  produit.  Quand  on  a  une  patrie  qui  s'appelle  la 
France,  et  des  compatriotes  qui  s'appel'  ,  Lafayette,  Napo- 
léon et  Lesseps,  cette  illustre  ingénieur  qui  vient  d'accom- 
plir la  plus  grande  merveille  du  monde,  on  peut  lever  la 
tête  avec  orgueil.  Français  du  Canada,  je  vous  salue  ;  le 
Canada  c'est  la  France  d'Amérique,  et  j'espère  que  bientôt 
il  n'y  aura  plus  de  frontière  entre  nos  deux  pays,  que  bien- 
tôt nous  jouirons  tous  de  la  même  liberté,  sous  le  drapeau 
de  notre  généreuse  république." 

En  présence  du  gouverneur,  le  comité  des  résolutions  fit 
son  rapport,  dans  lequel  il  formulait  comme  suit  ses  idées 
sur  l'indépendance  du  Canada  et  des  autres  colonies  du 
î^ouveau-Monde  : 

Considérant  que  les  Canadiens-Français  émigrés  aux  Etats- 
Unis  ont  été  forcés  de  s'expatrier  par  l'administration  hon- 
teusement corrompue  et  cruellement  arbitraire  qui  n'a  cessé 
de  peser  sur  le  Canada  depuis  sa  conquête  par  l'Angleterre  ; 

Considérant  que  tant  que  le  régime  colonial  existera  au 
Canada,  les  Canadiens  expatriés  ne  pourront  jamais  retour- 
ner dans  leur  pays,  parce  que  ce  régime  leur  refuse,  par  sa 
propre  nature,  le  pain  et  la  liberté  qu'ils  trouvent  abondam- 
ment aux  Etats-Unis  ; 

Considérant  que  l'indépendance  du  Canada  et  son  an- 
nexion aux  Etats-Unis  pour  -aient  seuls  donner  aux  Cana- 
diens-Français expatriés  aux  Etats-Unis  les  avantages  dont 
ils  jouissent  ici,  et  que  par  conséquent  ils  ne  sauraien-  re- 
tourner dans  leur  patrie  sans  qu'elle  soit  libre  et  annexée  à 
l'union  américaine  ; 

Résolu  que  nous  Canadiens-Français,  nous  n'adriettons 
d'autre  solution  raisonnable  et  possible  pour  le  honneur  de 


il 


UN    MOUVEMENT    ANNEXIONISTE 


239 


notre  patrie  et  pour  la  cessation  de  notre  expatriation,  que 
dans  l'indépendance  du  Canada  de  la  métropole  britannique 
et  l'annexion  de  notre  patrie  à  l'union  américaine. 

Considérant  que  les  déclarations  les  plus  solennelles  et  les 
plus  formelles  ne  sauraient  être  jugées  ni  pratiques  ni  sincères, 
si  elles  ue  sont  pas  soutenues  par  l'adoption  des  moyens  les 
plus  vigoureux  et  les  plus  expéditifs  de  mettre  ces  déclara- 
tions à  exécution. 

Besoin  1.  Que  les  patriotes,  membres  de  cette  Conven- 
tion, se  forment  en  Commission  générale  d'indépendance  et 
d'annexion  du  Canada  aux  Etats-Unis,  avec  pouvoir  d'a- 
jouter à  leur  nombre  tous  membres  actifs  et  lionoraires  con- 
sentant à  en  faire  partie. 

2.  Que  cette  convention  soit  gouvernée  par  des  règle- 
ments et  administrée  par  une  commission  executive  com- 
posée d'au  moins  deux  membres  par  état. 

3.  Que  la  commission  executive  reçoive  instruction  de 
nommer  trois  comités,  <lont  les  membres  seront  clioisis 
parmi  la  commission  générale  :  un  comité  de  correspon- 
dances et  d'organisation  pour  étendre  l'œuvre  inaugurée 
pratiquement  aujourd'liui  ;  un  comité  de  linances,  pour 
trouver  par  souscriptions  et  par  l'émission  de  bons  d'éman- 
cipation et  d'annexion  canadienne,  les  moyens  de  défrayer 
toutes  les  dépenses  de  cette  entreprise  ;  enfin,   un  comité 

îhargé  d'organiser  des  centres  efficaces  pour  mener  l'œuvre 
;\  bonne  fin. 

4.  Que  la  commission  générale  ait  le  centre  de  ses  opéra- 
tions à  Détroit  et  (pie  son  organe  officiel  soit  V Impartial. 

Attendu  que  cette  conventioii  fait  les  vœux  les  plus  ardents 
pour  le  prompt  acconiplissement  des  événements  qui  doivent 
réunir  la  nationalité  canadienne-française  sous  le  drapeau 
glorieux  de  la  république  américaine,  et  qu'il  importe  aux 
Canadiens-Français  des  Etats-Unis  de  donner  une  preuve 
de  leur  attachement  à  la  patrie  canadienne  et  de  leur  amour 
fratei'uel  pour  leurs  compatriotes  que  le  régime  colonial  n'a 
pas  encore  roussi  à  chasser  du  sol  natal  ; 


240 


II 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


I  m 
il 


Résolu  que  la  prochaine  convention  soit  la  convention 
généiiJc  des  Canadiens-Français  de  l'Amérique  du  îford, 
et  qu'elle  ait  lieu  à  Montréal,  et  que  la  commission  execu- 
tive reçoive  instruction  de  se  mettre  en  communication  avec 
les  populations  françaises  de  la  prétendue  Puissance  du 
Canada  et  de  faire  toutes  démarches  pour  que  la  prochaine 
convention  ait  le  succës  le  plus  éclatant. 

Attendu  que  les  victimes  du  régime  colonial  britannique 
ont  naturellement  les  plus  vives  sympathies  pour  les  victimes 
du  régime  colonial  espagnol  à  Cuba  ;- 

Résolu  que  cette  convention  forme  les  vœux  les  plus 
sincères  et  les  plus  ardents  pour  le  succës  de  l'indépendance 
de  Cuba  et  professe  la  plus  grande  admiration  pour  leur 
courage  héroïque  et  leur  persévérance  à  toute  épreuve  ;  et 
que  cette  convention  verra  avec  la  plus  profonde  et  la  plus 
vive  satisfaction,  la  reconnaissance  des  droits  de  belligé- 
rants aux  patriotes  cubains  et  l'intervention  active  même 
du  gouvernement  de  Washington,  pour  mettre  un  terme 
aux  actes  inhumains  de  la  soldatesque  espagnole. 

Les  résolutions  furent  adoptées  au  milieu  des  plus  chaleu- 
reuses acclamations. 

Votèrent  pour  :  MM.  Lacroix,  Fréchette  Whiteford, 
Longtin,  Lebœuf,  Gravier,  Barbier,  Bourque,  Bélanger, 
Charrier,  Blanchet  et  Lanctot  :  12. 

Votèrent  contre  :  MM.  Ant.  et  Chsi.  Moussette,  Lord, 
Paré,  Hébert,  Prud'homme  et  Rousseau  :  7. 

La  minorité  refusa  de  se  8oumetl,re.  Après  une  longue 
discussion,  elle  se  retirade  la  convention,  en  protestant  que 
l'introduction  de  la  politique  dans  les  délibérations  rendait 
les  procédés  inconstitutionels.  Les  délégués  dissidents  se 
retirèrent  au  Biddle  House,  où  ils  posèrent  définitivement 
les  bases  de  l'Union  Canadienne  de  Secours  Mutuels. 

Laissés  seuls,  les  partisans  de  l'indépendance  organisèrent 
la  commission  générale  de  l'indépendance  et  de  l'annexion 


UN    MOUVEMENT   ANNEXIONISTE 


241 


(lu  Canada  qui  se  composait  des  messieurs  suivants  :  E.  'N. 
Lacroix,  H.  "W.  Deare,  P.  Blanchet,  L.  H.  Fréchette,  Geo. 
Beaulieu,  J.  J.  Cicotte,  Frédéric  J.  Barbier,  J-B.  R.  Gravier, 
Richard  Whiteford,  M.  D.,  Jos.  Lebœuf,  Joseph  Bélanger, 
Geo.  Bourque,  C.  F.  Charrier,  Charles  Longtin,  N.  J.  Bois- 
sonneau  et  Médéric  Lanctot.  Les  messieurs  suivants 
turent  nommés  officiers  de  cette  commission  :  Président,  E. 
K  Lacroix  ;  vice-présidents,  R.  Whiteford,  M.  D.,  L.  H, 
Fréchette  et  Jos.  Lebœuf;  secrétaire-archiviste,  George 
Bourque  ;  secrétaire-correspondant,  Jos.  Bélanger  ;  secré- 
taire-trésorier, H.  W.  Deare. 

Les  messieurs  suivants  furent  ensuite  unanimement  dé- 
clarés membres  honoraires  de  cette  commission  générale 
de  l'indépendance  et  de  l'annexion  du  Canada,  savoir  : 

Son  excellence  H.  P  Baldwin,  gouverneur  de  l'état  du 
Michigan  ;  son  honneur  W.  W.  Wheaton,  maire  de  la  cité 
de  Détroit  ;  Edouard  Kanter,  écr.  ;  l'hon.  sénateur  de  l'état 
du  Michigan,  J.  M.  Howard  ;  D.  B.  Duffield,  écr.,  G.  V.  N. 
Lothrop,  écr.,  W.  E.  Moore,  écr.;  Sylvestre  Larned,  écr. 
et  Levi  Bishop,  écr. 

Combien  de  ces  hommes  se  rappellent  aujourd'hui  qu'il 
y  a  vingt-cinq  ans  ils  ambitionnaient  de  transformer  les  des- 
tinées du  Canada.  La  plupart  sont  des  hommes  d'affaires 
qui  n'ont  aucune  aspiration  politique  ;  tous  sont  de  paisi- 
bles citoyens  que  l'on  ne  prendrait  jamais  pour  des  fauteurs 
de  révolutions. 

Avant  de  se  disperser  la  convention  no?Tima  MM.  Lacroix, 
Fréchette,  Jos.  Lebœuf,  Hébert,  Pierre  Blanchet  et  Mé- 
déric Lanctot  "pour  rédiger  une  adresse  aux  Canadiens- 
Français  du  Canada,  pour  leur  expliquer  que  le  but  de 
cette  convention  en  proposant  que  Montréal  soit  l'endroit 
de  la-  prochaine  convention,  est  de  réunir  toutes  les 
sociétés  de  bienfaisance  des  Etats-Unis  à  celles  du  Canada, 
et  de  concerter  ensemble  avec  nos  compatriotes  du  Canada, 


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242 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


les  moyens  pratiques  de  contribuer  à  leur  délivrance  de  la 
tutelle  britannique  et  à  leur  annexion  aux  Etats-Unis." 

Enfin  les  délégués  participèrent  à  un  grand  banquet  au 
Biddle  House.  La  liste  des  toasts  nous  fait  penser  aux 
agapes  et  au  langage  des  contemporains  de  Mirabeau.  La 
voici  : — 

1.  Aux  Etats-Unis. — 

Reconnaissance  à  la  patrie  d'adoption  qui  nous  a  donné 
la  liberté  civile,  et  nous  conserve  nos  droits  religieux. — Le 
Président. 

2.  Au  Canada. — 

.  Nous  conservons  dans  nos  cœurs  le  souvenir  de  la  patrie 
absente. — M.  E.  K.  Lacroix. 

3.  Aux  différentes  Sociétés  Canadiennes  des  Etats-Unis. — 
Puisse  leur  influence  s'étendre  de  jour  en  jour  et  couvrir 

bientôt  tout  le  sol  libre  de  l'Amérique. — M.  Lebœuf. 

4.  A  l'annexion  du  Canada  aux  Etats-Unis. — 

N"ous  l'appelons  de  tous  nos  vœux  comme  une  ère  de 
bonheur  pour  nous  et  notre  patrie. — M.  L.  H.  Fréchette. 

5.  Aux  patriotes  du  Canada. — 

Puissent-ils  vivre  assez  longtemps  pour  voir  le  jour  de  la 
délivrance. — M.  Lanctot. 

6.  A  Cespedes  et  aux  Patriotes  cubains. — 

Nous  admirons  leur  héroïsme,  et  faisons  des  vœux  pour 
le  succès  de  leur  cause,  qui  est  celle  de  tous  les  américains. — 
Dr.  Whiteford. 

7.  A  la  Presse. —  \ 
C'est  le  flambeau  qui  éclaire  les  peuples  sur  la  voie  de  la 

civilisation. — P.  Blanchette. 

8.  Aux  dames  Canadiennes  du  Canada  et  des  Etats-Unis. — 
Le  souvenir  des  dames  nous  fait  penser  à  la  patrie,  et  la 

présence  des  autres  nous  aide  à  supporter  l'exil. — Joseph 
Bélanger. 


UN   MOUVEMENT   ANNEXIONISTE 


243 


couvrir 


Le  20  novembre  1869,  Médéric  Lanctot  faisait  paraître  à 
Détroit,  le  premier  numéro  de  l'Impartial,  l'organe  de  la 
ligue  pour  l'indépendance  du  Canada.  Dans  son  article 
sur  l'œuvre  de  la  convention,  il  déversait  tout  le  feu  dont 
son  âme  était  dévorée. 

"  C'est  donc  la  liberté,"  s'écriait-il,  "qui  est  le  but  suprême 
de  l'homme  sur  la  terre,  comme  c'est  le  désir  de  voir  le 
Créateur  en  face  qui  est  la  grande  aspiration  de  son  âme 
immortelle. 

"  Otez  ce  but  :  la  liberté  ;  vous  n'avez  plus  l'homme,  vous 
n'avez  qu'un  cadavre  !  Otez  le  grand  avenir  à  l'âme,  et  vous 
brisez  le  grand  ressort  de  la  vie  :  la  charité,,  la  fraternité, 
l'amour  en  un  mot  ;  et  il  ne  reste  plus  qu'un  clavier  froid, 
touché  par  les  doigts  crochus  de  l'égoïsme. 

"  Dieu  merci  !  le  peuple  canadien  n'est  pas  assez  dégé- 
néré pour  désobéir  à  cette  loi  suprême  de  la  nature,  à  ce 
précepte  infaillible  de  Dieu  ;  la  liberté  et  la  fraternité  ;  la 
liberté  qui  commande  l'égalité  des  droits,  et  la  fraternité 
qui  commandé  l'amour  mutuel,  le  dévouement  de  tous  pour 
chacun,  de  chacun  pour  tous. 

"  Le  peuple  canadien  n'ayant  pas  la  liberté  chez  lui,  l'a 
cherchée  aux  Etats-Unis  ;  la  preuve  qu'il  l'y  a  trouvée,  c'est 
qu'il  y  reste.  Et  la  preuve  qu'elle  n'existe  qu'aux  Etats- 
Unis,  c'est  que  le  peuple  canadien  continue  d'émigrer.  Il 
émigré  de  plus  en  plus.  Ce  n'est  plus  un  ruisseau,  c'est  un 
torrent,  grossi  de  toutes  les  nobles  ambitions  brisées  par  la 
servitude  coloniale,  de  toutes  les  misères  engendrées  par  la 
succion  impitoyable  de  l'empire  sous  la  forme  de  tarifs 
odieux,  vexatoires,  iniques  ;  de  tous  les  abrutissements 
même  que  là  servitude  laisse  sur  son  passage  par  ses  procé- 
dés pernicieux  et  dégoûtants  de  dégradation  physique,  so- 
ciale, politique  et  morale. 

"  Et  tant  que  le  Canada  ne  sera  pas  libre,  et  tant  que  les 
Etats-Unis  le  seront,  l'émigration  canadienne  continuera,  la 
terre  natale  sera  dépeuplée,  les  cendres  froides  de  nos  foyers 


■fi. 


244 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


seront  jetées  aux  quatre  vents  du  ciel  et  le  brasier  de  l'étran- 
ger ne  réchauffera  plus  même  les  souveirirs  du  passé  sous  le 
toit  chéri  des  défricheurs  du  sol,  des  pionniers  de  la  civili- 
sation française  sur  le  continent  nouveau. 

"  Vous  l'avez  bien  compris,  ô  vous,  hommes  patriotiques, 
sentinelles  avancées  de  l'émigration  canadienne,  quand,  cé- 
dant à  l'attendrissement  de  votre  patriotisme,  vous  avez 
levé,  il  y  a  cinq  ans,  dans  votre  première  et  mémorable 
convention,  l'étendard  de  l'annexion.  Vous  avez  bien  senti 
dans  vos  nobles  et  généreux  cœurs  qu'il  n'y  avait  qu'un 
moyen  de  conserver  à  la  France,  sa  fille,  la  nationalité  cana- 
dienne ;  à  la  famille  canadienne  son  bien  chéri,  ses  chers 
foyers,  son  clocher,  ses  champs,  ses  intéressantes  cités,  ses 
souvenirs.  Oui,  vous  avez  compris,  vous,  nobles,  fidèles  et 
courageux  initiateurs,  que  le  moyen  d'arrêter  cet  annéan- 
tissementjd'une  nationalité,  cette  émigration  désastreuse,  cet 
épuisement  d'un  peuple,  cet  assèchement  de  la  source  du 
patriotisme  français  en  Amérique,  c'était  d'en  frapper  la 
cause  à  la  racine  avec  la  cognée  de  la  logique  et  de  dire  au 
peuple  canadien  :  Puisque  tu  as  la  force  de  t' expatrier  pour 
secouer  la  servitude  et  te  jeter  dans  les  bras  de  la  liberté,  fais 
mieux  !  pousse  avec  nous  le  cri  de  l'annexion  et  tu  auras 
la  liberté  sans  quitter  tes  foyers  !  tu  conserveras  tout  ce  que 
les  mots  sublimes,  patrie  et  famille,  renferment  de  délices, 
de  sentiments  infiniment  exquis,  de  douceurs  et  d'émotions 
inefiables,  et,  de  plus,  tu  auras  la  liberté,  avec  tous  ses  avan- 
tages, avec  toutes  ses  lumières,  avec  tous  ses  grands 
résultats. 

"  Honneur  à  vous,  nobles  et  sincères  fondateurs  de  cette 
entreprise.  L'initiative  aux  Etats-Unis  vous  appartient. 
Deux  fois,  vous  êtes  revenus  à  l'assaut  ;  deux  fois  vous  avez 
élevé  sur  le  pinacle  de  vos  conventions  le  drapeau  de  l'an- 
nexion, et  les  cœurs  ont  tressailli  au  Canada  ;  on  à  com- 
mencé à  voir  le  nouveau  phare,  destiné  à  guider  les  grandes 
aspirations  du  peuple  Canadien.     Puis faut-il   le  dire 


UN   MOUVEMENT    ANNEXIONISTE 


245 


ici  ? le  nuage  sombre  de  l'égoïsme,  qui  a  présidé  à  votre 

quatrième  convention,  a  caché  un  instant  aux  Canadiens  de 
l'Amérique  du  Nord  ce  phare  lumineux.  Encore  une  fois, 
U  patrie  a  gémi  d'un  retard  ;  encore  une  fois  cette  noble 
et  tendre  mère  a  essuyé  les  larmes  que  l'aveuglement,  l'égo- 
ïsme  et  la  trahison  de  quelques-uns  de  ses  enfants  lui  ont 
arrachées  ;  encore  une  fois  elle  a  senti  qu'il  y  avait  des  âmes 
assez  mal  ini  irées,  des  cœurs  assez  mal  placés  pour  oublier 
qu'ils  lui  devaient  la  vie  et  augmenter  son  supplice,  à  elle 
qui  ne  peut  mourir,  à  elle  qui  doit  souiFrir  et  boire  la  coupe 
jusqu'à  la  lie.  Ça  été  le  coup  de  poignard  de  la  trahison. 
Mais,  ô  nobles  amis,  vous  avez  été  vengés  !  O  noble  patrie, 
tu  as  tressailli  d'aise  !  Votre  œuvre,  messieurs,  a  été  accla- 
mée ;  la  convention  des  Canadiens-français  de  1869,  l'a 
adoptée,  restaurée,  augmentée,  agrandie  peut-être  !  Et  toi, 
patrie,  tu  as  vu  les  meilleurs  de  tes  fils  fustiger  les  égoistes, 
les  bannir  de  tes  côtés,  et  les  déclarer  sur  preuves  toutes 
récentes,  indignes  de  marcher  sous  ta  noble  bainiière  ! 

"  Saluons  donc  l'œuvre  de  la  convention  de  Détroit, 
comme  l'aplanissement  des  difficultés,  le  retour  au  mouve- 
ment, l'étape  heureusement  franchie,  l'épuration  de  l'armée 
de  délivrance,  l'union  de  tous  les  patriotes  dans  un  seul  et 
unique  but  :  l'émancipation  du  Canada  et  son  aimexion  aux 
Etats-Unis."    . 

Dans  une  autre  colonne,  répondant  aux  attaques  person- 
nelles de  ses  adversaires,  il  disait  : 

"  Publier  un  journal  et  libérer  son  pays  tout  à  la  fois, 
n'est  pas  une  entreprise  d'un  jour,  ni  même  d'une  année. 
C'est  l'œuvre  d'une  existence  complète.  L'énergie,  la  por- 
sévérance,  une  soumission  chrétienne  à  toutes  les  épreuves, 
et  une  confiance  illimitée  dans  la  bonté  et  la  justice  de  la 
Providence,  voilà  ce  qui  devra  nous  soutenir  jusqu'au  suc- 
cès définitif  de  notre  entreprise  nationale." 

Malheureusement  Lanctot  n'agissait  pas  comme  il  par- 
lait.    ÏTe  pouvant  réussir  avec  V Impartial,  il  abandonna  la 


i;!:;:' 


246 


LES   CANADIENS   DU    MICHIOAN 


publication  de  ce  journal  au  bout  de  cinq  semaines.  Puis 
il  apostasiait  publiquement  la  foi  catholique  et  faisait  pa- 
raître The  Anti-Roman  Advocate.  Ce  journal  adoptait  les 
idées  de  Chiniquy.  Heureusement  son  influence  parmi  les 
Canadiens  de  Détroit  fut  peu  considérable.  Il  ne  parut  que 
cinq  mois.  Lanctot  retourna  ensuite  au  Canada  et  il  eut 
le  bonheur  de  revenir  à  la  foi  de  ses  pères. 

Le  mouvement  annexionniste  se  trouva  complètement 
discrédité.  La  convention  de  Montréal  ne  fut  jamais  con- 
voouée,  et  tous  les  amis  véritables  des  Canadiens  émigrés 
regrettèrent  que  la  politique  se  fut  jamais  introduite  dans 
leurs  conventions. 


iiii 


CHAPITRE  XVII. 

SOCIETES   NATIONALES. 

La  fin  désastreuse  du  mouvement  annexiouiste  qui  avait 
été  lancé  avec  tant  d'éclat,  eut  naturellement  un  effet  trës 
fâcheux  pour  le  prestige  des  Canadiens  et  pour  la  prospé- 
rité de  leurs  sociétés. 

L'Association  St-Jean-Baptiste  de  l'Etat  du  Michigan 
eut  encore  deux  assemblées  annuelles,  en  1870  et  1871,  puis 
elle  tomba  dans  l'oubli.  La  Société  Lafayette  décida  en 
1871  de  ne  plus  envoyer  de  délégués  aux  conventions. 

La  Société  St-Jean-Baptiste  du  comté  de  Wayne  seule  se 
rallia  fermement  à  l'Union  des  sociétés,  dans  laquelle  elle 
resta  jusqu'à  1879,  époque  à  laquelle  elle  entreprit  d'assurer 
ses  membres  elle-même. 

Le  délégué  de  cette  société,  à  la  convention  de  Worcester, 
qui  eut  lieu  en  1871,  M.  E.  N".  Lacroix,  fut  l'objet  d'une 
belle  démonstration.  Au  milieu  de  la  convention,  M.  Ferd. 
Gagnon,  fondateur  du  Travailleur,  accompagné  de  MM.  Chs. 
Moussette  et  Jos.  Lebœuf,  s'avança  vers  M.  Lacroix,  et  au 
nom  des  Canadiens  émigrés  il  lui  présenta  une  canne  montée 
en  or,  en  reconnaissance  de  ses  nombreux  services  à  la  cause 
nationale  et  en  témoignage  d'estime.  Le  lendemain,  M. 
Lacroix  était  élu  président  du  bureau  de  direction.  M. 
Gagnon,  dans  son  rapport  de  la  convention  dit  :  "  M.  La- 
croix est  pour  moi  la  personnification  du  patriote  émigré." 

!N"é  en  1812,  à  Montréal,  M.  Lacroix  avait  émigré  à 
Détroit  après  les  événements  politiques  de  1838.  Toute  sa 
vie  fut  consacrée  au  service  de  la  cause  nationale.     Il  est 


■A' 


! 


248 


LES   CANADIENS   DU   MICHIQAN 


mort,  il  y  u  quelques  années,  entouré  du  respect  que  méri- 
taient ses  vertus. 

En  1874,  au  moment  de  la  grande  démonstration  natio- 
nale de  Montréal,  les  Sociétés  St- Jean -Baptiste  des  comtés  do 
Wayne  et  d'Essex  s'unirent  pour  faire  un  grand  pique-nique 
à  Chatham.  L'année  suivante  les  Sociétés  St-Jean-Baptiste 
du  comté  d'Essex,  et  St-Patrice,  de  Chatham,  s'unirent  à 
celle  de  Détroit  pour  célébrer  la  fête  nationale  en  cette  ville. 
La  Société  Lafayette  et  l'Institut  Cosmopolitain  Français, 
qui  venait  d'être  fondé  par  M.  Willerain,  avocat  français, 
prirent  aussi  part  à  la  procession.  Le  sermon  dans  l'église 
Ste-Annt  fut  prononcé  par  M.  l'abbé  Caisse,  de  Montréal . 
La  démonstration  se  termina  par  un  pique-nique  au  Weber's 
Garden,  ou  des  discours  furent  prononcés  par  MM.  Joseph 
Bélanger,  de  Détroit,  J.  A.  Foisy  et  H.  R.  Stephenson,  de 
Chatham,  E.  N".  Lacroix  et  R.  F.  Xager,  de  Toledo. 

Ces  manifestations  malheureusement,  ne  se  répétèrent 
pas  assez  souvent.  Apres  la  faillite  de  l'Union  des  Sociétés 
en  1879,  les  sociétés  de  Détroit  restèrent  isolées,  et  pendant 
plusieurs  années  elle  n'essayèrent  plus  de  renouer  les  rela- 
tions avec  les  sociétés  sœurs. 

Cependant  l'idée  de  l'organisation  en  sociétés  de  secours 
se  répandait  sur  tous  les  points  de  l'état.  En  1869  une 
société  Lafayette  s'organisa  à  Bay  City,  puis  une  Union  St- 
Joseph  dans  la  même  ville,  et  une  Association  St-Jean-Bap- 
tiste à  West  Bay  City.  La  Société  St-Jean-Baptiste  de 
Marquette  est  réorganisée  d'une  manière  permanente  en 
1875,  et  vers  le  même  temps  on  pose  les  baso  de  bla- 
bles  sociétés  à  Muskegon  et  à  Mani^^  année  1879 

vit  naître  la  Société  St-Jean-Baptiste  u,ke  Lindc     et 

l'Union  Canadienne-française  d'IshpeUi  'F.'n  1888,  se 

fondent  l'Union  Canadienne-française  de  ivopii  lie,  et  l'Ins- 
titut Jacques-Cartier  d'Escanaba;  en  1884,  la  Société  des 
Chevaliers  de  Lafayette,  et  la  Société  St-Jean-Baptiste  de 
!N"egaunee,  les  Chevaliers  de  St-Jean  d'Oscoda  et  la  Société 


SOCIÉTÉS    NATION ALiîS 


249 


St- Jean-Baptiste  d'Alpeim  ;  en  1885,  la  Société  St-.Teaii- 
Baptiste  de  Menomenee  et  celle  de  Calumet  ;  eu  1880,  la 
Société  St-Jeau-BaptiHte  de  Cheboygon,  celle  de  Houghtoii 
et  Haucok,  et  celle  de  Champion.  Le  nombre  des  sociétés 
nationales  dans  le  Michigan,  se  trouvait  ainsi  porté  à  vingt- 
deux,  ce  qui  pouvait  donner  environ  3,500  sociétaires. 
Toutes  ces  sociétés  sont  des  associations  de  secours 
mutuels,  et  plusieurs  d'entre  elles  ont  accumulé  plui^ieurs 
milliers  de  dollars  dans  leur  caisse,  tout  en  secourant  les 
malades  et  les  orphelins,  et  en  célébrant  avec  le  plus  d'éclat 
possible  la  fête  nationale  chaque  année. 

Bans  le  comté  d'Essex,  des  sociétés  St- Jean-Baptiste  s'é- 
taient aussi  formées  dans  les  nouvelles  paroisses  du  comté, 
mais  c'étaient  des  associations  purement  patriotiques,  dont 
les  efforts  se  bornaient  à  diriger  la  célébration  de  la  tête 
nationale. 

La  plus  mémorable  de  ceo  démonstrations  est  celle  de 
Windsor  en  1883.  Sir  Hector  Lange  vin.  Sir  Adolphe 
Caron,  M.  Benj.  Suite,  M.  l'abbé  Casgrain  et  plusieurs 
autres  Canadiens  de  la  province  de  Québec  rehaussèrent 
l'éclat  de  cette  fête  par  leur  présence. 

A  l'occasion  de  la  célébration  de  la  fête  nationale  St- 
Jeau-Baptiste  qui  eut  lieu  à  Amhersburg  le  24  juin  1885 
avec  beaucoup  d'éclat  et  avec  le  concours  de  toutes  les  so- 
ciétés du  comté,  M.  Joseph  P.  Jubain ville,  président  de  la 
société  de  la  paroisse  de  St-Joseph  de  la  Rivière  aux  Ca- 
nards, exprima  dans  un  discours  patriotique  l'idée  de  grou- 
per toutes  les  sociétés  du  comté  d'Essex  en  un  seul  corps, 
ayant  à  sa  tête  un  comité  central.  Cette  idée  fut  accueillie 
avec  faveur,  et  M.  Jubainville,  poursuivant  son  œuvre,  par- 
courut après  la  fête  les  différentes  paroisses,  assista  aux 
assemblées  des  diverses  sociétés  et  obtint  d'elles  la  nomina- 
tion de  trois  délégués  au  comité  central  des  sociétés  de  St- 
Jean-Baptiste  d'Essex. 

Ces  délégués,  au  nombre  de  21,  se  réunirent  à  Windsor 


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250 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


le  6  octobre  1885,  à  savoir  :  MM.  Luc  Montreuil,  Daniel  B. 
Odette  ot  Edouard  Boisraier,  pour  la  société  de  Windsor  et 
Bandwich  ;  MM.  N.  A.  Coste,  Patrice  Ouellette  et  Damase 
Bellanger,  pour  la  société  d'Amherstburg  ;  MM.  J.  Dus- 
sault,  Ludger  St-Jcan  et  Boniface  Dupuis,  pour  la  société 
St-François  de  Tilbury  West  ;  MM.  Alexandre  Chauvin, 
Israël  Desjardins  «t  D.  Lévesquo,  pour  la  société  de  la 
Pointe  aux  Hocbes  ;  MM.  Henry  Morand,  J.  B.  Cada  et 
François  Belleperche,  pour  la  société  de  Ste-Anne  de  Teeum- 
seh  ;  MM,  Joseph  P.  Jubain ville,  H.  J  aframboise  et  C.  L. 
Paré,  pou*"  la  société  de  St-Joseph  de  la  Riviëre  aux  Ca- 
nards ;  MM.  Napoléon  Langlois,  Xavier  Prieur  et  Charles 
Lévesque,  pour  la  société  de  St-Clément  de  MacGregor. 

A  cette  réunion  il  fut  procédé  à  l'élection  d'officiers 
pour  diriger  le  comité  et  les  sociétés  du  comté,  et  les  per- 
sonnes suivantes  furent  élues  par  acclamation  :  M.  N.  A. 
Coste,  président  ;  MM.  Luc  Montreuil  et  Israël  Desjardins, 
vice-présidents  ;  M.  Daniel  B.  Odette,  secrétaire-général  ; 
M.  Henry  Morand,  trésorier  ;  M.  C.  L.  Paré,  secrétaire- 
adjoint. 

Une  constitution  commune  pour  toutes  les  sociétés  fut 
adoptée  à  cette  réunion,  et  depuis  elles  ont  toujours  fêté  le 
24  juin  ensemble. 

Le  besoin  de  l'union,  toutes  les  sociétés  canadiennes 
des  Etats-Unis,  et  surtout  des  sociétés  de  bienfaisance, 
l'éprouvent  constamment.  Plusieurs  efforts  ont  été  tentés 
pour  opérer  un  rapprochement. 

En  octobre  1885  eut  lieu  la  première  convention  des 
Canadiens  du  Haut  Michigan.  Les  sociétés  St- Jean-Bap- 
tiste de  Marquette.  Negaunee,  Beacon,  Lake  Linden  et  Calu- 
met, et  les  Unions  Canadiennes-françaises  d'Ishperaing  et  de 
Republic  se  firent  représenter  à  cette  convention.  Il  y  fut 
résolu  :  "  Que  cette  convention  approuve  non  seulement 
l'union  de  toutes  les  sociétés  canadiennes-françaises  du  Haut 
Michigan,  mais  qu'elle  désire  qu'il  y  ait  une  union  centrale 


¥ 


SOCIETES    NATIONALES 


251 


(laiiB  chacun  des  Etats  où  il  y  a  des  sociétés  nationales,  et 
qu'il  y  ait  de  plus  une  association  fédérale  de  toutes  les  so- 
ciétés nationales  des  Etats-Unis  et  du  Canada,  priant  la 
société-raëre,  la  société  St-Jean-Baptiste  de  Montréal,  d'en 
prendre  l'initiative." 

Conformément  à  cette  résolution  un  projet  de  constitu- 
tion fut  adopté  par  la  convention  pour  former  une  associa- 
tion centrale  de  secours  mutuels  ;  et  il  fut  aussi  résolu  que 
"  toutes  les  sociétés  représentées  à  cette  convention  soient  dé- 
clarées faire  partie  de  l'association." 

Une  deuxième  convention  des  mêmes  sociétés  eut  lieu  à 
Lake  Linden  en  1886,  et  une  troisième  à  Ishpemingen  1887. 
L'union  avait  déjà  eu  un  excellent  effet.  Malheureusement 
lajalousiv  existant  entre  les  officiers  de  deux  ou  trois  des 
sociétés,  fut  la  ruine  de  l'association  de  secours,  et  fit  aban- 
donner l'idée  des  conventions. 

Ce  fut  aussi  en  1885  que  les  officiers  de  l'association  St- 
Jean-Baptiste  de  l'état  du  Michigan  reprirent  l'idée  de  se  pré- 
valoir de  l'acte  d'incorporation  do  1871,  pour  unir  toutes 
les  sociétés  nationales  de  l'état  sous  une  administration  cen- 
trale. Un  projet  de  constitution  ayant  été  adopté,  l'auteur 
de  ces  lignes  entreprit  de  visiter  les  principaux  (^entres 
canadiens  de  l'Etat.  Il  contribua  à  la  fondation  de  sociétés 
St-Jean-Baptiste  à  Ludington  et  à  Manistee  dans  le  but  de 
de  les  affilier  à  l'association  centrale.  Pjirtout  l'idée  d'une 
fédération  fut  favorablement  accueillie,  mais  lorsqu'il  fallut 
en  venir  à  l'application,  il  se  trouva  encore  une  fois  qu'il 
était  impossible  de  satisfaire  toutes  les  susceptibilités  de 
ceux  qui  posent  comme  chefs  des  sociétés. 

Il  résulte  de  nos  observations  que  le  besoin  d'une  organi- 
sation plus  forte  se  fait  universellement  sentir  parmi  les 
Canadiens  émigrés,  mais  qu'aucune  de  leurs  sociétés  exis- 
tantes n'a  le  prestige  voulu  pour  prendre  l'initiative  d'éta- 
blir une  union  nationale  et  de  bienfaisance. 

Il  y  a  là  une  question  de  la  plus  haute  importance  pour 


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252 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


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l'avenir  des  Canadiens-français  et  qui  mérite  une  étude  ap- 
profondie de  la  part  de  nos  compatriotes  du  Canada. 

Il  suffit  de  jeter  un  regard  en  arrière  pour  se  convaincre 
du  bien  accompli  par  les  conventions. 

Lorsque  la  première  convention  des  sociétés  canadiennes- 
françaises  des  Etats-Unis  eut  lieu  à  New- York  en  1865,  l'on 
ne  comptait  guère  qu'une  douzaine  de  ces  associations  parmi 
les  300,000  Canadiens-français  r^ii,  dès  lors,  habitaient  les 
Etats-Unis.  Il  n'y  avait  que  quelques  missions  canadiennes. 
JSTos  compatriotes  étaient  ignorés  des  étrangers  au  milieu 
desquels  ils  vivaient  ;  ils  ignoraient  eux-mêmes  leur  propre 
importance.  Vivant  dans  un  certain  sentiment  de  leur 
propre  infériorité,  ils  étaient  sans  espoir  poi;r  l'avenir.  Leur 
horizon  ne  s'étendait  pas  au-delà  de  leur  localité  ;  ils  igno- 
raient ce  que  le  reste  de  la  nation  faisait.  Leur  suprême 
ambition  consistait  à  amasser  quelques  dollars  pour  retour- 
ner au  pays  natal  le  plus  tôt  possible. 

Les  premières  conventions  ouvrirent  les  yeux  de  ces  pau- 
vres émigrés  sur  leur  force.  Elles  ranimèrent  leur  courage 
en  leur  donnant  la  confiance,  en  leur  apprenant  que  d'un 
bout  à  l'autre  du  continent  il  y  avait  des  frères  au  cœur 
généreux  qui  travaillaient  à  assurer  un  avenir  brillant  à  la 
race  canadienne-française. 

Il  n'est  pas  un  centre  important  dans  les  régions  qui  ont 
participé  aux  conventions  qui  ne  possède  son  église,  son 
école  et  ses  sociétés  nationales.  Ils  se  considèrent  eux-mêmes 
non  plus  comme  de  malheureux  exilés,  mais  comme  des 
pionniers  de  l'idée  française  sur  le  territoire  qu'ils  sont  en 
train  de  reconquérir  ;  ils  sont  fiers  du  présent  et  confiants 
dans  l'avenir. 

Et  dans  cette  transformation,  l'influence  des  conventions 
est  palpable.  Ainsi  que  le  disait  le  bureau  central  de  la 
convention  de  1874  dans  sa  proclamation  : 

"  C'est  l'Union  qui,  eu  transportant  les  assemblées  an- 
nuelles de  place  en  place,  a  développé  le  goût  de  l'associa- 


SOCIETES    CANADIENNES 


253 


3tude  ap- 

la. 

anvaincre 

lacliennes- 
1865,  l'on 
0118  pai  mi 
taient  len 
ladiennes. 
au  milieu 
ur  propre 
t  de  leur 
nir.  Leur 
;  ils  iguo- 
V  suprême 
ur  retour- 

p  ces  pau- 

'  courage 

que  d'un 

au  cœur 

laiit  à  la 

8  qui  ont 
glise,  8011 
ix-mêmes 
mme  des 
8  sont  en 
confiai!  ts 

iiventious 
rai  de  la 

blées  an- 
l'associa- 


tion  parmi  les  populations  qui  n'y  étaient  point  habituées  ; 
c'est  elle  qui  a  marié  en  un  faisceau  fraternel  les  sociétés 
qui  naissent  sous  ses  pas.  C'est  l'Union  qui,  à  force  de  dé- 
montrer la  nécessité  du  journal,  a  fini  par  produire  une 
impression  qui  a  créé  la  presse  canadienne-américaine.  C'est 
encore  l'Union  qui  a  mis  en  branle  toutes  les  idées  géné- 
reuses que  depuis  dix  ans  nos  compatriotes  tîichent  de  met- 
tre en  pratique." 

A  ceux  qui  persistent  à  ne  voir  qu'une  simple  coincidence 
da;  s  le  développement  simultané  de  l'influence  canadienne  et 
des  conventions,  nous  ajouterons  :  jetez  un  regard  sur  les  cen- 
tres canadiens  qui  se  distinguent  par  leur  activité  patrioti- 
que :  ce  sont  ceux  qui  ont  pris  part  aux  conventions. 
Parcourez  le  pays,  et  partout  ou  vous  trouverez  nos  com- 
patriotes disciplines,  agissant  en  corps  et  exerçant  quelque 
influence  dans  la  politique,  vous  pourrez  vous  dire  avec 
vérité  :  les  conventions  ont  passé  ici 

Les  conventions  sont  aujourd'hui  reconnues  comme  le 
grand  et  unique  moyen  d'organisation  et  d'entente  partons 
les  peuples  et  par  toutes  les  associations.  Allemands.  Irlan- 
dais et  Suédois,  sociétés  ouvrières  ou  scientifiques,  tous  ont 
recours  aux  conventions  pour  atteindre  l'unité  d'action, 
pour  relever  l'enthousiasme  et  multiplier  les  corps  locaux, 
et  pour  faire  de  la  propagande.  Xotre  nationalité  est  sou- 
mise aux  mêmes  règles  que  toutes  ces  associations  et  tous 
ces  peuples  ;  ce  qui  est  avant.agenx  pour  tax  l'est  également 
pour  elle. 

Les  adversaires  des  conventions  ont  dit  qu'elles  ne  ser- 
vaient qu'à  faire  connaître  quelques  orateurs  qui  viennent 
là  pour  faire  de  grands  discours.  Mais  n'est-ce  pas  pour  un 
peuple  un  grand  avantage  que  de  connaître  les  hommes  qui 
s'intéressent' à  ses  destinées,  les  chefs  qui  sauront  le  défen- 
<lre  quand  la  nécessité  s'en  fera  sentir  et  autour  desquels  il 
pourra  se  ranger  à  l'heure  du  danger  ?  Pour  notre  part 
nous  considérons  que  c'est  là  un  avantage  précieux.     Il 


Illlll 


lii! 


254 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


i!;i^' 


importe  de  connaître  son  général  quand  on  marche  au 
combat. 

Et  ces  discours  ne  sont  pas  non  plus  un  mal.  Les  salu- 
taires enseignements  patriotiques  qu'ils  renferment  restent 
dans  le  cœur  de  nos  compatriotes  comme  un  germe  fécond 
quise  développera  de  lui-même  et  rapportera  au  centuple.  Si 
les  idées  de  quelques  philosophes  ont  pu  prendre  racine 
dans  le  cerveau  des  peuples  et  causer  les  révolutions  qui 
ont  balayé  les  hommes  d'état  et  leur  pouvoir,  si  aujourd'hui 
le  livre  d'un  Henry  George  a  pu  porter  des  milliers  d'Amé- 
ricains vers  le  socialisme,  pourquoi  les  idées  exprimées  par 
nos  hommes  les  plus  capables,  réunis  en  convention,  ne  ger- 
meraient-elles pas  dans  le  cœur  de  nos  compatriotes  et  ne 
les  pousseraient-elles  pas  à  de  plus  grands  et  de  plus  prati- 
ques eiforts  pour  l'agrandissement  de  notre  influence  ?  'Ne 
méprisons  pas  le  pouvoir  moral,  il  est  souvent  plus  puissant 
que  les  décrets  des  législateurs  reconnus. 

Un  vent  de  matérialisme  souffle  depuis  quelque  temps 
sur  nos  sociétés  nationales.  S'il  fallait  en  croire  les  esprits 
pratiques  qui  aspirent  à  les  diriger,  nos  sociétés  n'auraient 
d'autre  mission  que  celle  de  s'enrichir,  comme  de  simples 
compagnies  d'assurances  ;  elles  devraient  se  mêler  au  mou- 
vement national  que  juste  assez  pour  se  faire  la  réclame 
voulue. 

Si  ces  adorateurs  du  veau  d'or  doivent  triompher,  il  vaut 
aussi  bien  prononcer  l'arrêt  de  mort  de  toutes  les  associa- 
tions que  les  Canadiens-français  soutiennent  au  prix  de 
sacrifices  considérables.  Nos  sociétés  doivent  être  nationa- 
les avant  tout,  ou  elles  n'existeront  pas.  Des  compagnies 
d'assurances,  des  associations  de  secours  nnituels,  il  en  existe 
des  centaines  qui  offrent  plus  d'avantages,  soua  Ir,  rapport 
matériel,  que  nos  sociétés.  C'est  par  le<^  services  qu'elles 
rendent  à  la  nationalité  que  nos  sociétés  peuvent  se  donner 
une  raison  d'être.  Si  l'on  veut  rabaisser  leur  rôle,  leur 
enlever  le  glorieux  cachet  de  patriotisme  et  de  dévouement 


SGCIÉTÉS   CA*,AD1ENNES 


255 


qui  les  ont  rendues  chères  à  tous  nos  compatriotes,  on  les  rui- 
nera. 

L'on  n'étudie  peut-être  pas  assez  l'origine  de  ces  sociétés 
nationales.  Si  l'on  connaissLit  mieux  les  circonstances  qui 
les  ont  fait  naître,  les  sentiments  qui  ont  présidé  à  leur 
fondation  et  à  leur  développement,  l'on  aurait  sans  doute 
des  notions  plus  élevées  sur  le  sujet. 

Durant  l'époque  qui  s'écoula  de  1763  à  1837,  les  Cana- 
diens-français ne  sentirent  pas  le  besoin  de  sociétés  natio- 
nales. Ils  étaient  encore  tous  dans  les  limites  de  la  pro- 
vince de  Québec,  leurs  intérêts  étaient  peu  compliqués  et 
ils  les  comprenaient  si  bien  qu'ils  se  retrouvaient  toujours 
unis  pour  les  défendre.  D'ailleurs,  ils  pouvaient  parfaite- 
ment les  discuter  dans  l'Assemblée  législative  qui  leur  fut 
accordée  en  1791,  la  minorité  anglaise  qui  siégeait  dans  ce 
corps  étant  si  peu  nombreuse  qu'elle  ne  pouvait  guëre  les 
distraire  dans  leurs  discussions  ni  les  influencer  dans  leurs 
décisions. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  aprës  l'union  de  1840.  L'appa- 
rition d'une  majorité  de  députés  anglais  dans  l'enceinte  par- 
lementaire, les  questions  industrielles  et  financières  qu'ils  y 
apportèrent  avec  la  diversité  des  intérêts,  les  tendances  con- 
servatrices des  uns  et  les  idées  libérales  des  autres  com- 
pliquèrent tellement  la  politique  qu'il  devint  impossible  de 
faire  en  chambre  une  étude  sérieuse  des  intérêts  particuliers 
des  Canadiens-français. 

C'est  alors  que  Duvernay  fonda  la  première  société  St- 
Jean-Baptiste,  dans  l'espoir  qu'elle  deviendrait  le  germe 
d'une  de  ces  grandes  associations  au  moyen  desquelles  les 
chefs  des  peuples  opprimés  ou  dispersés  répandent  leurs 
idées  et  font  prévaloir  leur  volonté. 

L'honorable  juge  Loranger  a  parfaitement  raconté  l'ori- 
gine de  l'association  St-Jean-Baptiste  lors  du  congrès  de 
J^ioatréal,  en  1884.  Après  avoir  fait  l'historique  de  nos 
luttes  depuis  la  conquête,  le  savant  orateur  disait  : 


4 


266 


LES   CANADIENS    DU   MICHIGAN 


■!>■  :'■■' 
I 


"  Les  quatre-vingt-douze  résolutions  furent  le  testament 
politique  des  hommes  de  1791  et  de  1813  en  faveur  des 
générations  futures 

"  C'était  quatre  années  seulement  avant  la  surpension  de 
la  constitution,  à  une  époque  où  les  dissolutions  fréquentes 
et  continuellement  répétées  du  parlement  rendaient  l'autorité 
illusoire  et  en  paralysaient  l'action,  et  où  il  était  facile  d'en 
prévoir  la  fin  prochaine,  l'expressson  de  ses  dernières 
volontés  adressées  au  peuple  de  la  province,  auquel  elle 
représentait  leur  accomplissement  comme  essentiel  au 
maintien  de  ses  institutions  et  de  ses  droits  politiques  et 
sociaux,  de  sa  langue,  de  sa  religion  et  de  ses  lois,  et 
comme  indispensable  à  la  conservation  de  la  nationalité. 
Encore  une  fois,  le  manifeste  était  le  testament  politique  de 
la  Chambre  d'Assemblée. 

"L'exécution  de  ce  testament  incombait  sans  doute  à  la 
nation;  mais  elle  n'était  représentée  par  aucun  corps  public,  et 
sans  semblable  représentation,  un  peuple  ne  peut  être  consi- 
déré qu'individuellement  et  il  est  incapable  de  tout  acte  poli- 
tique. Dans  l'intervalle,  la  société  St-Jean-Baptiste  de 
Montréal  fut  fondée,  et  ce  fut  elle  qui  devint  l'exécutrice 
testamentaire  de  rassemblée.  Ce  tut  une  puissance  morale 
substituée  à  la  puissance  politique  qui  la  remplaça  pendant 
l'interrègne  parlementaire  de  1839  à  1340,  et  qui  a  marché 
de  pair  avec  elle  depuis  l'acte  d'Union  de  1840. 

"  Ludger  Buvcrnay m'a  souvent  et  beaucoup  parlé  de 

la  St-Jean-Baptiste,  et  «les  projets  ambitieux  qu'il  faisait 
pour  son  agrandissement.  C'est  de  lui  que  je  tiens  l'idée  de 
faire  une  société  générale  de  toutes  les  sociétés  particu- 
lières établies  en  Amérique  sans  briser  leur  autonomie  et 
nuire  à  leur  existence  particulière,  et  je  suis  heureux  de  lui 
en  attribuer  ici  la  paternité.  De  son  temps,  où  l'immigra- 
tion aux  Etats-Unis  ne  faisait  que  commencer,  il  n'y  avait 
pas  de  sociétés  nationales  établies  en  dehors  de  la  province 
où  se  bornait  son  ambition.  "  Avec  un  levier  semblable,  je 
soulèverais  le  pays,'  m'a-t-il  souvent  dit." 


vSOClKTKS    N  ATION  A  I.ES 


257 


Et  Duvornay  avuit  raison. 

Que  no  pourrions-nous  pas  attendre  si  l'on  taisait  suceéder 
un  ordre  durable  de  choses  aux  tentatives  intermittentes 
que  l'on  a  faites  jusqu'ici  pour  réunir  nos  sociétés,  si  nous 
pouvions  constituer  d'une  manière  permanente  cegouvi-rne- 
meut  moral  dont  nous  sentons  tous  la  nécessité? 

Et  la  chose  est  possible,  facile  même.  Un  peu  de  foi,  de 
c'.niiance  suffit  pour  transporter  les  montagnes,  un  peu  de 
l)onne  volonté  pour  t^iciliter  l'entente. 

Traitant  cette  question  il  y  a  quelques  années  dans  un 
journal  des  Etats-Unis  nous  disions  : 

"  Par  le  passé,  quand  une  grande  célébration  était  orga- 
nisée (piehpie  part,  nos  sociétés  les  plus  prospères  s'im[io- 
saient  des  sacrifices  très  durs  pour  y  envoyer  des  délégués  ; 
et  elles  se  plaignent  ([u'elles  n'ont  obtenu  aucun  rc'sultat 
palpable  en  récompense  de  leur  dt'vouement. 

"  En  effet,  l'on  ne  pouvait  en  attendre  aucun.  Ces  délé- 
gations envoyées  à  Montréal,  à  Québec  ou  à  Xashua  servent, 
il  est  vrai,  à  affirmer  l'unité  de  sentiments  de  notre  nationa- 
lité, sa  grandeur  ;  mais  là  s'arrête  leur  rôle. 

"  Les  groujtes  t-anadiens  de  ciuique  état,  de  cha(]Ue  pro- 
vince, ont  des  besoins,  des  intérêts  particuliers,  inconnus  au 
dehors.  Ce  ([ui  peut  être  très  bon  pour  les  habitants  de  la 
province  de  (Juébec  ne  peut  pas,  le  plus  sou  vent,  s'aiq»liquer 
k  nous.  Tl  est  impossible  à  une  grande  convention  générak' 
de  s'intéi'esser  aux  affiiires  particulières  de  chaque  centre. 
Les  renseignements  généraux  ne  suffisejit  point  pour  régler 
ces  choses  ;  et  chaipu'  localité  semble  exiger  des  exceptions 
particulières.  Tout  échappe,  tout  fuit  [lar  les  détails,  (pnmd 
on  n'est  pas  à  distance  nécessaire  pour  les  atteindre. 

"Imaginez-vous  des  représentants  élus  par  un  certain 
nombre  de  comtés  ou  de  vilhiges  allant  à  Washington  \)onv 
faire  des  règlements  pour  l'entretien  des  rues  et  la  construc- 
tion des  égoûts.  Vous  voyez  d'ici  la  confusion,  les  injus- 
tices, les  dépenses  folles. 

w 


il 


258 


LES    CANADIENS   DU   MICHIQAN 


iii 


"  Et  c'est  pourtant  là  l'image  de  nos  conventions  géné- 
rales jusqu'à  ce  jour.  Il  faut  que  le  principe  fondamental 
de  ces  i^istitutions  ait  été  bien  bon  pour  qu'elles  aient  pro- 
duit les  résultats  que  nous  avons  déjà  démontrés  en  dépit 
d'une  aussi  mauvaise  organisation. 

"  Les  conventions  générales  doivent  être  le  corps  suprême 
dans  une  organisation  complète.  Mais  il  faut  entre  elles  et 
les  sociétés  locales  un  corps  intermédiaire,  que  nous  nous 
contenterons  de  comparer  aux  législatures  d'état  pour  faire 
bien  comprendre  notre  idée.  On  réunirait  ensemble  les 
centres  d'une  région  déterminée  ayant  à  peu  près  les  mêmes 
intérêts,  et  on  laisserait  à  ces  conventions  régionales — nous 
employons  le  mot  régionale  de  préférence  au  terme  conven- 
tion d'état,  parce  que  les  divisions  politiques  ne  correspon- 
dent pas  toujours  à  celles  qu'il  convient  d'adopter  pour  nos 
fins  d'organisation — la  partie  du  bien  à  faire  qui  n'est  pas 
soumise  à  des  principes  uniformes,  puisque  des  changements 
dans  cette  sphère  peuvent  être  exécutés  dans  un  lieu  et  re- 
jetés dans  un  autre  sans  qu'il  en  résulte  aucun  inconvéniei    . 

"  Une  pareille  organisation  devrait  infailliblement  être 
beaucoup  plus  .efficace  que  celle  qui  a  prédominé  jusqu'au- 
jourd'hui. Elle  serait  aussi  beaucoup  moins  onéreuse.  Les 
frais  de  voyage  des  délégués  à  une  convention  régionale 
seraient  peu  élevés  ;  toutes  les  sociétés,  mêmes  les  plus  pau- 
vres, seraient  en  état  de  se  faire  représenter.  La  convention, 
ses  délibérations  terminées,  choisirait  à  son  tour,  dans  son 
sein,  deux  ou  trois  délégués  à  la  convention  générale.  Les 
dépenses  de  ces  délégués  étant  reparties  directement  sur 
toutes  les  sociétés  de  la  région,  ne  seraient  pas  non  plus 
très  obérantes. 

''  Ces  délégués  aux  conventions  générales  seraient  les 
véritables  représentants  de  toutes  les  sociétés  de  leur  région, 
<le8  hommes  choisis,  capables.  Ils  parleraient  avec  autorité, 
et  s'éclaireraient  des  renseignements  détaillés  soumis  aux 
réunions  locales,  ils  jetteraient  sur  notre  situation  un  jour 


SOCIETES    NATIONALES 


259 


nouveau,  fixeraient  les  doutes  et  indiqueraient  la  route  à 
suivre. 

"  En  laissant  à  chaque  société  sa  liberté  pleine  et  entière, 
de  même  qu'à  chaque  convention,  l'on  profiterait  des  expé- 
riences diverses  qu'elles  tenteraient  ;  l'on  créerait  entre 
elles  une  émulation  (pii  les  aiguillonnerait  sans  cesse  à 
trouver  le  meilleur  régime." 

Cette  esquisse  d  une  constitution  est  celle  qui  vient  d'être 
'adoptée  par  les  Forestiers  Catholiques,  et  qui  avait  déjà  été 
mise  en  pratique  par  toutes  les  grandes  sociétés  d'assurance 
mutuelle. 

Son  adoption  par  les  sociétés  St-Jean-Baptiste,  permet- 
trait d'étendre  dans  toutes  les  localités  où  il  y  a  une  ving- 
taine de  canadiens,  les  bienfaits  de  l'organisation  et  de  l'as- 
surance, et  on  formerait  ainsi  un  lien  moral  et  matériel 
entre  tous  les  groupes  dispersés  sur  le  continent. 

Les  avantages  mêmes  de  l'assurance  ne  sont  plus  à  dis- 
cuter. En  partageant  les  risques,  en  multipliant  le  nombre 
des  assurés,  on  facilite  le  paiement  de  l'assurance,  et  par 
conséquent,  une  association  comprenant  un  ou  deux  mille 
membres  est  toujours  plus  avantageuse  que-  celle  qui  n'en 
comprend  que  deux  ou  trois  cents. 

Les  sociétés  locales  ne  sont  pas  des  associations  d'assurance 
avantageuses,pour  cette  raison  additionelle  qu'elles  ne  garan- 
tissent jamais  à  l'assuré  un  montant  déterminé.  Durant  des 
années  une  société  peut  compter,  disons,  trois  cents  membres. 
Durant  toutes  ces  années  les  membres  auront  payé  f  300  d'as- 
surance à  ceux  qui  seront  morts.  Mais  un  beau  jour  arrive 
une  chicane  dans  la  société,  ou  toute  autre  cause,  qui  réduit 
le  nombre  des  membres  de  moitié.  Cela  se  voit  assez  sou- 
vent. Eh  bien,  la  conséquence  sera  que  les  membres 
dévoués  qui  resteront  ne  retireront  à  leur  mort  que  $150 
après  avoir  souscrit  assez  toute  leur  vie  pour  une  assurance 
de  $300. 

Autre  exemple.     Une  épidémie  passe  sur  une  localité,  ou 


H'^l; 


11 

il 


260 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


bien  par  accident,  par  le  simple  effet  du  hasard,  plusieurs 
membres  meurent  presqu'en  même  temps.  Les  deux  pre- 
miers auront  leur  assurance  en  temps  convenable  ;  mais  les 
autres  devront  attendre  deux,  trois,  plusieurs  mois  peut- 
être.  Or,  l'on  sait  que  les  temps  qui  suivent  immédiate- 
ment la  mort  du  chef  sont  les  plus  durs  pour  la  famille. 
Une  assurance  qui  ne  garantit  pas  avei-  certitude  le  paie- 
ment du  montant  stipulé  aussitôt  après  la  mort  n'est  pas 
digne  du  nom  d'assurance. 

Pour  rendre  les  sociétés  nationales  populaires,  pour  y 
attirer  tous  les  Canadiens  il  faut  faire  disparaître  ces  objec- 
tions en  établissant  la  solidarité  de  tous  les  groupes. 

Ce  serait  le  moyen  le  plus  efficace  d'empêcher  nos  com- 
p.atriotes  d'entrer  dans  des  sociétés  étrangères,  où  leur  foi 
et  leur  langue  sont  également  menacées. 

Entre  toutes  les  sociétés  canadiennes-françaises,  l'Asso- 
ciation St-Jean-Baptiste  de  Montréal  est  celle  qui  pourrait 
le  mieux  prendre  l'initiative  d'établir  cette  grande  organi- 
sation patriotique  et  de  bienfaisance.  Elle  a  les  capitaux, 
elle  a  le  prestige,  elle  a  les  hommes.  Qu'elle  marche  de 
l'avant,  qu'elle  établisse  un  système  d'assurance  et  nous 
sommes  certains  que  la  grande  majorité  des  Canadiens  des 
Etats-Unis  seront  fiers  de  s'enrôler  sous  sa  bannière  pour 
maintenir  l'unité  de  la  race  et  faire  le  bien-être  des  indi- 
vidus. 


CIIAriTRE  X\  III. 


ORGANISATION'    I»A110ISSIALK. 

Les  sociétés  nationales  ont  un  jj^rand  rôle  h  jourr  aux 
Ktats-Unis  pour  la  conservation  do  notre  raec  ;  mais  leur 
propre  existence  dé}>end  dans  une  large  mesure  de  l'orga- 
nisation paroissiale.  Là  où  elle  n'est  pas  soutenue  par  un 
curé  sympathique,  la  société  nationale,  après  avoir  lutté 
pendant  (quelques  années,  tinit  par  faiblir  et  tomlx^r  <lans 
un  état  de  léthargie  qui  atteste  la  dégénérescence  du  [latrio- 
tisme  chez  nos  compatriotes. 

Le  prêtre  canadien  est  appelé  à  Jouer  aux  Etats- L^^nis  le 
rncme  rôle  (pli  incomba  à  neutre  clergé  jiatiomd  au  lende- 
main de  la  conquête.  Au  sein  de  ces  colonies  [>auvres, 
désorientés,  où  les  hommes  instruits  sont  rares  et  sans 
moyens  d'action  sérieux,  le  curé  est  le  seul  chef  accejité  ([ui 
puisse  avoir  une  influence  assez  considérable  sur  \v  peuple 
pour  lui  faire  faire  les  sacrifices  nécessaires  pour  perpétuer 
l'idée  nationale.  C'est  le  curé  qui  pourra  parler  avec  le  [dus 
d'autorité  à  ces  émigrés  des  gloires  du  passé,  des  glorieuses 
destinées  qui  nous  attendent,  des  bienfaits  qui  peuvent  i-é- 
sulter  d'une  bonne  éducation  dans  les  deux  langues;  comme 
c'est  lui  seul  qui  pourra  recueillir  l'argent  nécessaire  pour 
maintenir  une  église  et  une  école  canadiennes,  les  seuls  ram- 
parts  efllicaces  de  notre  nationalité. 

Le  curé  canadien  eu  général  comprend  son  devoir,  et  il 
le  remplit  avec  honneur  et  succès.  Mais  la  première  et  la 
plus  grande  difficulté  pour  nos  compatriotes,  c'est  d'obtenir 
ce  prêtre  canadien. 


'y  1 


262 


LES    CANADIENS    DU    MIOHIGAN 


Lu  difficulté  provient  de  causes  multiple»  et  variables.  Il 
86  peut  que  l'évêque  soit  pénétré  d'une  loyauté  exagérée 
envers  les  institutions  américaines,  ce  qui  lui  tait  amlntion- 
ner  de  faire  disparaître  le  plus  tôt  possible  les  langues 
étrangères  et  tous  les  liens  qui  unissent  l'immigrant  à  son 
pays  natal. 

Il  se  peut  aussi  que  les  catholiques  dans  une  certaine  lo- 
calité, ne  soient  pas  assez  nombreux  pour  se  diviser  en  plu- 
sieurs paroisses,  et  alors  le  desservant,  qui  est  le  plus  sou- 
vent un  irlandais,  trouve  plus  simple  pour  la  pratique  du 
ministère  de  n'avoir  qu'une  langue  ;  il  cherche  donc  à  faire 
désapprendre  le  français  à  ses  ouailles. 

Presque  toutes  les  paroisses  catholiques  du  Michigan  ont 
été  à  l'origine  des  congrégations  mixtes,  composées  de  Ca- 
nadiens, d'Irlandais  et  d'Alleman  s.  Lorsque  la  popula- 
tion est  devenue  assez  nombreuse  pour  permettre  à  aucune 
de  ces  nationalités  d'avoir  son  église  propre,  une  autre  dif- 
ficulté bien  naturelle  a  surgi,  celle  de  la  division  de  la  pro- 
priété paroissiale  amassée  en  commun. 

De  toutes  ces  causes  il  est  résulté  de  nombreuses  luttes, 
dans  lesquelles  nos  compatriotes  se  plaignent  d'avoir  été 
victimes  de  grandes  injustices. 

C'est  surtout  dans  le  diocèse  de  Détroit,  qui  comprend  la 
partie  sud-est  de  l'état,  que  nous  avons  le  plus  à  souffrir. 
Les  plaintes  des  Canadiens  contre  l'évêque  du  diocèse  re- 
montent au  contrat  fait  en  1836  avec  Mgr.  Rézé,par  lequel 
il  entrait  en  possession  des  biens  de  la  fabrique  de  Sainte- 
Anne  sous  des  conditions  qui  ne  furent  jamais  observées 
par  les  évêques.  Au  lieu  de  donner  aux  Canadiens  l'asile 
et  les  écoles  qu'on  leur  avait  promis,  les  évêques  employè- 
rent les  biens  de  la  vieille  paroisse  canadienne,  péniblement 
amassés  par  les  premiers  colons,  à  établir  de  nouvelles  ins- 
titutions et  de  nouveaux  temples,  d'où  le  français  est  au- 
jourd'hui exclu.  C'est  ainsi  que  Mgr.  Lefebvre,  Belg<^ 
d'origine  et  peu  en  sympathie  avec  les  Canadiens,  vendit 


OR«i,\.VISATIOX    l' A  U(  1 1 SS  (  A  i,K 


^♦;:i 


trois  "  HectioriB '"  do  torrr  appurtoiiant  à  la  tiil)ri((iu'  de  Sto- 
Anne,  dans  le  comté  du  MoDroc,  l't  s"ei)  aijpropria  U-  pro- 
duit qu'il  employa  à  la  eonstructioii  d'uiu'  ikhivcIU'  <'«<-lirio. 
celle  de  Saint-Pierre  et  Saiiit-l'aul.  dont  il  fit  sa  cathédrale 
Vers  le  même  temps  les  itaroissicns  de  Saiiitc-Annc  étaient 
obligés  de  se  cotiser  pour  la  réparation  de  leur  éy-lise.  En 
1845,  M.  Pristpie  Coté,  un  des  nnirt^MiiHiers  de  Saintt'-Anne, 
légua  à  la  paroisse  de  8ainte-Anne  un  terrain  situé  sur  Ta- 
venue  Woodwanl.  L'évè([ue  exigea  cpie  le  titre  de  la  pro- 
priété fut  passé  h  son  nom  ;  et  l'évêché  retirait  de  eette  pro- 
priété un  revenu  annuel  de  $4,000  il  y  a  quelciut's  années. 
Sainte- Anne  n'a  jamais  retiré  un  sou  de  cet  argent. 

En  1868,  Mgr  Letehvre  mourut,  et  l'année  suivante  Mgr 
Borgess  lui  succéda.  Le  nouvel  évêque  était  un  i)artisan 
avancé  de  l'idée  américaini'.  AUemaixl  d'oi'igine.  il  ne 
voulut  jamais  encourager  l'ii  au(;une  manière  ses  [>ropres 
compatriotes  à  conserver  leur  langue  maternelle.  Toute 
sa  politique  tendit  à  rendre  plus  ditHcile  l'entretien  ou  l'or- 
ganisation des  paroisses  divisées  d'après  la  initionalité  dus 
paroissiens.  Voyant  ce  qui  se  préi)arait,  les  marguilliers  de 
Sainte-Anne,  en  tête  desquels  se  trouvait  M.  E.  V.  Cieotte, 
cotnmencèrent  une  agitation  énergique  pour  taire  résilier  le 
bail  de  999  ans,  par  lequel  l'évèque  avait  obtenu  possession 
des  biens  de  la  tabri<|ue.  Mgr  Borgess  leur  rt'pondit  (ju'un 
examen  des  livres  de  la  paroisse  depuis  18:54  démontrait 
que  les  dépenses  avaient  excédé  les  recottes  d'environ  !|ôO,- 
000  ;  et  qu'il  consentirait  à  résilier  le  bail  sur  [)aiement  de 
cette  somme.  Après  de  longues  négociations  on  eu  vint  à 
un  compromis.  Par  acte  du  28  décembre  1875,  Mgr  Bor- 
gess rétrocédait  à  la  tabricpie  de  Sainte-Anne  les  terrains 
bornés  par  les  rues  Larned,  Bâtes,  Congross  et  Ran(lol[>h, 
sur  lesquels  se  trouvait  l'église,  et  il  gardait  le  reste  pour 
s'indemniser  des  pertes  que  l'évoché  prétendait  avoir  subies 
durant  sa  gestion  des  affaires  de  la  paroisse.  La  vente  des 
propriétés  retenues  par  Mgr  Borgess  a  depuis  rapporté  à 


264 


LES    CANADIENS    DU    MIOlîIGAX 


l\''Voc'lié  !$l(jr>,000.  Si  OU  ajoute  ù  cette  somme  la  valeur 
den  terraius  dans  le  comté  de  Mouroe  et  la  propriété  de 
l'ri8([ue  Cote,  ou  verra  que  la  paroisse  de  Sainte-Aune  se 
trouve  avoir  donne  à  révcclié  plus  de  trois  cent  mille  dol- 
lars en  biens  tonds. 

Cependant,  sur  les  biens  ({u'ou  lui  laissait,  on  imposa  à  la 
t'abri(|ue  de  Sainte-Anne  l'obligation  de  pourvoir  aux  be- 
soins des  C'anadiens  dans  les  parties  éloignées  de  la  ville. 

L'église  Sainte-Anne,  construite  par  l'abbé  Kicbard,  se 
trouvait  juste  au  centre  de  la  ville,  dans  le  quartier  com- 
mercial, tan<lis  que  la  population  cana<lienne  s'était  groupée 
aux  deux  extrémités,  Est  et  Ouest.  Après  le  règlement 
avec  Mgr  Borgess,  il  fut  proposé  de  veiidre  la  propriété 
qui  restait  à  la  fabrique  et  de  construire  une  nouvelle  église 
à  clui([tu'  bout  de  la  ville.  Mais  ce  projet  rencontra  de  l'op- 
position de  la  part  des  anciens  Canadiens  qui  désiraient  con- 
server Sainte-Anne  cumme  relique,  et  de  la  part  des  mar- 
guilliers,  qui  voyaient  dans  la  nouvelle  proposition  une  tac- 
ti(|ue  pour  mettre  fin  à  leur  existence  légale. 

En  eftet,  pour  des  raisons  de  discipline,  la  prati<pie  géné- 
rale aux  Etats-Unis  est  que  le  titre  de  toutes  les  propriétés 
ecclésiastiques  doit  être  au  nom  de  Tévêque. 

La  cor[>oration  des  marguilliers  de  Sainte- Anne,  consti- 
tuée civilement  en  1808  par  la  législature  territoriale,  était 
la  seule  du  genre,  et  il  ne  plaisait  pas  à  l'éveque  de  lui  voir 
garder  le  contrôle  des  biens  de  la  paroisse.  Ces  biCiis  ven- 
dus et  rancicnne  église  démolie,  Tévêque  forcerait  les  mar- 
guilliers ;\  se  démettre  en  refusant  son  consentement  à  l'é- 
rection <rtine  nouvelle  église  jus(|u'à  ce  qu'on  lui  eut  donné 
11'  titre  des  biens  nouvellement  acquis.  Les  marguilliers 
auraient  à  se  soumettre  ou  à  apostasier.  On  ne  se  trompait 
pas  sur  les  intentions  de  Mgr  Borgess. 

Tandis  que  l'on  discutait,  l'éveque  et  M.  l'abbé  Théophile 
Anciaux,  ([ui  était  curé  de  Sainte-Anne  depuis  1875,  enga" 
gèrent  la   majorité  <les  marguilliers  à  consentir  à  la  vente 


ORGANISATION    i'AKolSSI  ALK 


2Hr, 


<rniK'  partie  tlos  biens  lU'  la  tiiliriqiu-  l'our  la  somme  de 
^100,000.  Ck't  argent  fut  [)vhé  aux  paroisses  étrangères 
pour  vingt  ans,  h  trois  pour  cent,  tandis  que  le  taux  cou- 
i-ant  de  l'intérêt  était  de  six  et  se|»t  pour  eent. 

Cependant  M.  l'abhé  Maxime  Laporte,  prêtre  du  diowse 
de  Montréal,  (pli  avait  et'*  ajipelé  à  Détroit  en  1874,  pou- 
vait à  peine  obtenir  ciiuj  \;iille  dollars  pour  «'riger  une  cha- 
pelle, une  ée(de"et  un  presbytcM-e  dans  la  partie  Est  de  la 
ville.  îTéanmoiiiH,  c'est  autour  de  cette  [tetite  chapelle, 
<lesservie  par  un  eompatrioti ,  <pie  se  groupèrent  le  plus 
grand  nombre  des  Canadiens  (^ui  arrivaient  do  la  province 
4le  Québec,  de  sorte  qu'en  188"),  lorscpie  la  division  de  la 
paroisse  fut  décidée,  la  grande  majoritt'  de  la  jtopulatioii 
française  se  trouvait  dans  l'Est  de  la  ville. 

La  vente  des  biens  de  rancieune  paroisse  rapporta  cm 
tout  ^198,000.  Comptant  (^ue  cet  argent  serait  divisé  à 
parts  égales  entre  les  deux  nouvelles  paroisses.  M.  l'abbé 
Laporte  entreprit  la  construction  d"une  nouvelle  église  dans 
sa  paroisse,  (pli  venait  de  recevoir  le  nom  de  St-Joachini. 
Il  reçut  alors  défense  de  rév(^!([ue  de  dépenser  plus  de  ^-40,000 
jiour  •"♦■te  nouvelle  église,  tandis  (|Ue  le  nouveau  tem- 
ple evige  dans  la  partie  Ouest,  dans  un  (piartier  où  il  y 
aAfiit  peu  de  Canadiens,  gardait  le  nom  de  Sainte-Anne  et 
(levait  coûter  au-delà  de  iSlOO.OOO.  iJc  là  une  vive  agita- 
tion de  la  part  de  M.  l'abbé  La[>orte  et  de  sc^s  [)aroissiens. 
Mgr  Borgess  crut  trancher  la  dilHcuîté  en  oi'donnant  à 
M.  Laporte  de  retourner  (hins  son  dioc^'X'  de  Monti-éal  ;  mais 
celui-ci  résista  et  en  appela  à  Rome. 

Cependant  Mgr  Borgess  avait  contié  la  desserte  de  l'é- 
glise 8aii)t-Joachim  à  la  Congrégation  des  l'ères  du  Saint- 
Esprit,  (]ui  envoyèrent  comme  curé  le  R.  P.  Dangelzer.  Ce 
l>retre,  alsacien  d'origine,  i)arlait  le  français  avec  un  foi't 
accent  allemand,  et  n'était  rien  moins  (pie  di^ilomate.  Les 
Canadiens  le  reçurent  comme  un  adversaire  de  leur  (jause, 
et    l'agitation     alla     en     augmentant.      Un    soir     ([iiatre 


266 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


ï:»i-i 


liommt'K  masqués  entrèrent  \lans  le  presbytère,  revolver 
au  poing,  et  ordonnèrent  au  R.  P.  Dangelzer  de  déména- 
ger, ce  qu'il  fut  obligé  de  faire  séance  tenante.  Cet  acte 
de  violence  iit  sensation  ;  et  il  fut  énergiquement  désavoué 
par  la  grande  majorité  des  Canadiens,  qui  gardèrent  tou- 
jours le  plus  grand  respect  p(^ur  le  clergé  et  pour  l'Eglise. 

Rome  s'étant  prononcé  contre  M.  l'abbé  Laporte  en  1886, 
il  retourna  à  Montréal,  et  l'agitation  populaire  se  calma. 
Les  RR.  Père^  du  Saint-Esprit  eux-mêmes  cependant  n'ont 
cessé  de  protester  contre  l'injustice  dont  leurs  paroissiens 
ont  été  victimes,  et  ils  ont  fini  par  obtenir  quelques  com- 
pengati(Mis,  après  la  retraite  de  Mgr  Borgess,  en  1888. 

Aujourd'hui  cependant  on  a  commencé  à  introduire  In 
pratique  de  parler  l'anglais  dans  les  deux  églises  de  Saint  - 
Anne  et  de  Saint-Joacbira,  sous  le  prétexte  que  les  jeunes 
canadiens  ne  comprennen.t  pas  le  français.  Durant  les  dif- 
ficultés, beaucoup  de  Canadiens  ont  pris  l'habitude  d'aller 
aux  autres  églises,  où  on  ne  parle  pas  le  français.  De  leur 
côté  les  Protestants  ont  profité  du  mécontentement  pour 
faire  des  prosélytes,  et  les  Baptistes  ont  formé  une  congré- 
gation canadienne  qui  peut  compter  une  centaine  de  famil- 
les. 

La  même  chose  s'est  répétée  à  Monroe,  où  on  a  taillé 
deux  paroisses  irlandaises  dans  le  domaine  des  Canadiens. 
Dans  tout  le  diocèse  de  Détroit,  il  n'y  a  pas  une  seule  pa- 
roisse distinctement  canadienne. 

Les  résultats  de  cette  politi(pie  sont  suftisamment  indi- 
qués par  le  fait  que  dans  la  ville  de  Grand  Ra])ids  seule- 
ment M.  l'abbé  Samson  a  relevé  l'existence  de  prè><  .ie  trois 
cents  familles  canadiennes  devenues  })rotestante8.  Aussi, 
lorsque  le  diocèse  de  Grand  Rapids  fut  érigé  en  1882,  Mgr 
Richter,  qui  fut  nommé,  s'attacha-t-il  à  attirer  des''prêtres 
canadiens  pour  rallier  et  organiser  nos  compatriotes.  Grâce 
à  sa  bonne  direction  des  paroisses  canadiennes  o>it  été  éta- 
blies depuis  une  dizaine  d'années  à  Muskegon,  à  Alpena,  à 


Bi 


(iRiiAXrS  VTIoX    PARO.rSSrALE 


267 


Mauisteo,  ù  East  Sagiiiaw  et  à  West  Bay  City,  i-e  ((ui  avec 
Bay  City,  donne  six  paivjisses  pnrement  canadiennes.  Des 
prêtres  canadiens  autant  que  possible  desservent  aussi  Clie- 
boygan,  Ausable,  Ludington  et  autres  localités  où  les  Cana- 
diens forment  la  majorité  de  la  i)()pulation  catliolique. 

Dans  le  diocèse  de  Marquette  un  UKjuvement  senil)lablc 
se  produit  aussi.  Les  Canadiens  forment  maintenant  des 
paroisses  distinctes  à  Marquette,  à  Islipeming,  à  Lake  Lin- 
den,  à  Calumet,  à  Meuomenee  et  à  P]scanaba.  Dans  la  plu- 
l»art  des  autres  localités  du  diocèse  les  Canadiens  ont  (\e!^ 
prêtres  (pii  parlent  leur  langue  ;  souvent  ils  forment  la 
majorité  dans  la  congrégation  mixte,  et  ils  conduisent  les 
affaires. 

Une  fois  l'église  canadiemie  construite,  il  faut  songer  à 
l'école,  car  la  (piestion  de  rinstruction  est  une  de  celles  ([ui 
oi^t  la  plus  lumte  importance  pour  K's  canadiens  émigrés. 
Dans  le  comté  d'Essex,  nos  compatriotes  se  [»révalent  «le  la 
loi  des  écoles  séparées.  Dans  le  Micliigan,  le  maintien 
d'une  école  paroissiale  di'mande  de  grands  sacriiices,  car 
l'état  n'accorde  aucune  aide  [)our  les  institutions  confes- 
sionnelles. Néanmoins,  de  bonut's  ('coles  paroissiales  «uit 
été  établies  depuis  (piebpies  années  à  Détroit,  à  Bay  City,  à 
Muskegon,  à  Manistee,  à  Alpena  et  dans  les  autres  centres 
(jui  possèdent  des  églises  cniuulieniu's.  Il  se  <  rouve  parmi 
les  Canadiens  les  plus  ignorants,  des  parents  qui  voudraient 
s'opposer  à  l'enseignement  du  Français  à  leurs  enfants,  sous 
prétexte  que  cela  les  retarde  dans  leurs  cours  anglais  ;  mais 
«•es  préjugés  ni'  tiennent  pas  si  le  [irêtre  les  combat  "t  in- 
siste sur  l'enseignement  du  Frnn(;ais. 

C'est  lîi  (pTon  ^'oit  t-ombien  l'avenir  des  émigrés  déi>eiid 
du  clergé.  A  cause  <le  cela  même,  la  (pu^stion  de  l'assimi- 
lation des  catliolicpies  d'origine  étrangère  a  fait  le  sujet  de 
rolentissantes  discussion  entre  les  membres  du  clergé  aux 
Ktatfl-Unis. 

Xous  l'avons  dit,  les  [irêtres  irlandais  s'oi»posent  en   gé- 


268 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


lierai  à  la  perpétuation  des  langues  étrangères,  mais  ils  ont 
trouvé  clo  zélés  adversaires  eliez  tous  les  autres  membres 
du  clergé  qui  voient  dans  l'assimilation  un  danger  pour 
l'église  même. 

M.  l'abbé  Walburg,  dans  sa  brochure  :  "  La  question 
natioinde  aux  Etats-Unis,  dans  ses  rapports  avec  l'église 
catholique,"  nous  t'ait  connaître  ce  que  c'est  que  la  natio- 
nalité américain;'  proprement  dite.     Voici  : 

"  Les  descendants  des  "  Pèlerins  "  constituent  la  nationa- 
lité anglo-saxone  ou  anglo-américaine.  Ce  sont  eux  qui  ont 
fondé  le  gouvernement  des  Etats-Unis,  rédigé  la  constitu- 
tion fédérale,  et  ont  toujours  eu  le  pouvoir  de  direction  et 
de  contrôle  en  ce  pays.  Ils  ont,  par  conséquent,  droit  à 
l'honneur  d'être  appelés  les  éléments  constitutifs  de  la  na- 
tionalité américaine. 

"  Malgré  sa  prééminence,  la  nationalité  américaine  a 
plus  d'un  défaut.  Elle  est  souvent  la  serre-chaude  du  fana- 
tisme, de  l'intolérance  et  des  doctrines  radicales  et  outrées 
dans  les  questions  politiques  et  religieuses.  Toutes  les 
rêveries  du  spiritisme,  du  mormonisme,  de  l'amour  libre,  de 
la  prohibition,  de  l'impiété,  du  matérialisme,  ont  générale- 
ment leur  origine  dans  la  nationalité  américaine.  Là  aussi, 
nous  trouvons  la  dissimulation  et  l'hypocrisie.  Qui  sont 
les  employés,  les  fonctionnaires  publics  auxquels  le  peuple 
accordait  une  coniiance  sans  bornes  et  qui  se  sont  montrés 
ensuite  des  h3q:)oerites,  des  imposteurs,  des  concussion- 
naires? Qui  composent  ces  syndicats,  ces  corporations,  ces 
"  combijies,"  ces  immenses  monopoles  qui  écrasent  les  pau- 
vres et  qui  engraissent  les  riches  ?  Qui  sont  les  adorateurs 
de  Mammon,  les  spéculateurs  etïrénés,  les  faussaires,  les 
joueurs,  les  em]»loyés  malhonnêtes?  Ce  ne  sont  pas  des 
Allemands  ou  des  Irlandais,  mais  des  Américains.  Parmi 
ceux-ci,  nous  rencontrons  le  railinement  du  mal  sous  toutes 
les  formes  :  le  scélérat  instruit,  le  voleur  habile,  le  criminel 
<[ui  «)|>ère  avec  sang-froid   vt  avec  calcul.     La  religion  ne 


()R(ÎANISATI(».\    l'AHOlSSIALK 


269 


produit  tiucmie  impre8sion  sur  cette  Uiitionulité.  Les  Aiué- 
ricaius  sont  aussi  hostiles  à  l'église  aujourd'liui  <iue  jadis. 

"  Et  maintenant,  on  noua  demande  de  nous  fusionner 
avec  cet  élément-là  !  d'adopter  ses  us  et  coutumes,  ses  sen- 
timents, ses  mœurs,  sa  manière  (Tao-ir  1  Une  telle  assimila- 
tion ne  saurait  se  taire  qu'au  détriment  de  l'Eglise.  Allons- 
nous  conduire  dans  le  tourbillon  de  la  vie  américaine,  dans 
ce  milieu  mondain,  corrompu,  nos  Allenuinds,  nos  Irlandais, 
simples,  droits  et  honnêtes,  pour  <pie  la  voix  de  leur  cons- 
eience  soit  étoufl'ée,  pour  fpie  leurs  meilleurs  sentiments  y 
soients  foulés  aux  pieds  'i  Jamais  1  Dénatioiudiser,  c'est 
démoraliser." 

Voyons  maintenant  tout  le  mal  (jue  l'assimilation  a  fait 
dans  le  passé.     M.  l'ahbé  VValburg  dit  : 

"  L'église  a  fait  des  progrès  merveilleux  en  t-e  pays.  Ces 
progrès,  cependant,  n'ont  ])as  ét<'  réalisés  en  américanisant 
les  éléments  hétérogènes  (|ui  nous  arrivent,  mais  en  main- 
tenant vivaces  les  langui's  et  les  nationalité-s  de  ces  éléments 
étrangers.  Bien  (|ue  cela  ne  fiatte  pas  autant  notre  vanité, 
ce  serait  peut-être  plus  protitabre  pour  nous  de  considérer 
les  pertes  que  nous  avons  subies,  au  lieu  de  nous  n'jouir  des 
gains  que  nous  avons  faits  en  a[>paren('e.  Le  général  Von 
Steinvvehr,  un  excellent  statisticien,  donne  les  chitlres  sui- 
vants pour  l'année  1870:  Anglo-saxons.  8. H40,00<>  :  Irlan- 
dais, 10,bô5,000  ;  Allemands.  8,!m0,000  ;  Eran(;ais,  1,016,- 
000  ;  Hollandais  et  Scandinaves,  728,000  :  autres  origines, 
4,236,000.  ropulati<m  --.raie  en  1870,  88,.")HÔ,000.  La  po- 
|)ulation  actuelle  des  Etats-rnis  est  estimée  à  60  millions. 
La  mt^me  proportion  entri'  les  diverses  origines  nous  don- 
nerai^ent  maintenai  r  t'uviron  20.000,000  d'cn-igine  irlandaise 
et  16,000,000  d'origine  allemande.  Or,  il  devrait  y  avoir 
18  millions  d'IrTan<lais  cath(di(|;ues.  environ  5  millions  d'Al- 
lemands (catholiques,  et  2  millions  parmi  les  Américains,  les 
Polonaic  les  Italiens,  etc.,  soit  un  total  de  20,000.000. 
Mais  selon   le  '' directorv  "   de  Hoffmann,  le    nombre  des 


270 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


hi^V^ 


catholi([nos  pour  1889  est  de  S,lô7.67{).  Ce  qui  accuse  pour 
l'Eglise  uue  perte  des  deux  tiers  de  la  populatiou  catho- 
lique. Cette  perte  immense  peut,  dans  une  très  grande 
mesure,  s'attribuer  à  l'assimilation  ;  en  s'américanisant,  les 
catholiques  ont  perdu  la  foi." 

Ce  tableau  n'est  pas  fait  pour  surprendre.  M.  l'abbé 
Walter  Elliott  dans  un  sermon  célèbre  faisait  toucher  du 
doigt  les  causes  qui  ont  amené  ce  résultat  en  disant  que  les 
Américains,  avec  leur  passion  innée  pour  Tindépendance, 
leur  esprit  sceptique  et  inquisiteur,  leur  nature  froide,  sont 
peu  disposés  à  accepter  une  domination  absolue — même  spi- 
rituelle— et  à  se  laisser  influencer  par  un  rite  somptueux  et 
imposant. 

Les  vues  de  M.  l'abbé  Elliott  sont  justitiées  par  l'histoire 
de  l'Eglise  depuis  sa  fondation.  Cette  histoire  nous  montre 
que  l'Eglise  n'a  jamais  exercé  qu'un  enq)ire  précaire  sur  les 
races  saxonnes,  et  que  la  Papauté  n"a  jamais  eu  d'influence 
cfticaee  sur  elles. 

Luther  et  les  autres  réformateurs,  en  réformant  le  culte 
comme  ils  l'ont  fait,  ne  faisaient  qu'obéir  à  leurs  instincts 
de  saxon,  et  leurs  compatriotes  les  ont  immédiatement  com- 
[)ris.  Au  contraire,  ce  n'est  que  par  un  eontre-coup  que  le 
])rotestantisme  a  pénétré  en  France,  chez  les  races  latines  : 
et  malgré  les  influences  politiques  qui  l'ont  favorisé  au  début, 
il  n'a  pas  ♦^ardé  d'en  être  expulsé.  L'alliance  latine  avec  la 
Papauté  était  dès  lors  inébraidable  ;  la  France  jouissait  de- 
puis des  siècles  du  titre  de  fille  ainée  de  l'église. 

De  nos  jours,  la  situation  n'est  pas  matériellement  chan- 
gée. Les  [(cuples  anglo-saxons,  fidèles  à  leur  [)assé,  fidèles 
à  leur  luiture,  gardent  leur  attitude  d'hostilité  permanente 
pour  Rome,  leur  répugnance  instinctive  i»our  tout  ce  qui 
vient  de  hi  ville  éternelle  Les  conversions  ([ui  s'opèrent 
chez  eux,  se  font  presque  toutes  parmi  la  classe  d'élite  ;  car 
il  faut  que  ces  peuples  fasvsent  un  efl'ort  pour  accepter  les 
sublimes  enseignements  de  notre  religion. 


ORGANISATION'    l'Alt()If*SIALE 


271 


e  pour 

oatbo- 

graude 

,nt,  les 

l'abbé 
ber  du 
r^ue  les 
idance, 
le,  sont 
^me  spi- 
iieux  et 

bistoire 
montre 
sur  les 

ittuenoe 

eulte 
nstincts 
t  com- 
mue le 
atines  : 
début, 
iveo  la 
ait  dc- 

t  cban- 
iidèles 
lanentc 
re  qui 
)pèrent 
te  ;  car 
tter  les 


t  ( 


Cependant  l'Eglise  trouve  encore  en  France,  comme  dans 
les  siècles  passés,  ses  plus  vaillants  soldats.  En  dépit  des 
philosopbes  et  des  politiciens  (pii  s'agitent  à  la  surface,  le 
Pape  jouit  toujours  de  la  vénération  et  de  l'attacbement  du 
peuple  français  au  point  qu'aucun  bomme  politique  sérieux 
ne  voudrait  avoir  à  combattre  son  influence. 

Au  debors,  l'on  peut  encore  dire,  comme  par  le  passé,  de 
la  nation  française  :  "  Gesta  Dei  per  Erancos."  En  Asie, 
on  Afrique,  en  Amérique,  partout  ou  trouve  le  Français 
missionnaire,  travaillant  avec  un  zèle,  un  dévouement,  un 
succès  que  les  missionnaires  des  autres  nationalités  n'ont 
jamais  su  égaler.  Le  Français  a  tellement  conti'ibué  à  ré- 
pandre le  catholicisme,  (pie  [tarmi  les  nègres  des  déserts 
africains,  les  indolentes  peuplades  de  l'Orient  ou  les  sau- 
vages de  l'Ouest,  son  nom  est  également  synonyme  de 
catholique. 

Devons-nous  parler  plus  particulièrement  de  notre  branche 
de  la  famille  française  ?  Partout  sur  ce  continent,  le  Cana- 
dien a  été  le  premier  et  pendant  Unigtemps  le  seul  à  ensei- 
gner les  vérités  saintes  du  catholicisme.  Xous  avons  été, 
nous  sommes  encore  un  [>eu[>le  de  missionnaires. 

C'est  que  le  Français,  canadien  ou  européen,  a  le  don  inné 
de  l'apostolat  ;  et  il  a  si  longtemps  vécu  dans  l'atmosphère 
du  catholicisme,  son  esprit  a  été  pen<lant  si  longtemps  [»étri 
dans  le  moule  romain,  que  même  dans  le  cas  où  il  la  ré- 
prouve, sa  langue,  les  idées  qu'elle  exprime,  fait  t'iicore  hi 
besogne  de  l'Eglise  ;  ainsi  qu'un  vase  où  l'on  peut  mettre 
tous  les  poisons,  mais  qui  répand  partout  l'ancien  parfum 
dont  il  est  imprégné.  En  un  mot  l'Eglise  a  profité  par  le 
passé  de  son  alliance  avec  la  race  française,  elle  en  profite 
encore  dans  le  présent,  elle  pourra  en  profiter  dans  l'avenir. 

Loin  de  favoriser  l'anglicisation  des  peuples  catholiques 
qui  vivent  aux  Etats-Unis,  c'est  notre  humble  opinion  que 
l'église  devrait  les  encourager  ;\  conserver  leur  langue  et 
leurs  traditions,  tout  imprégnées  qu'elles  sont  de  l'esprit 


272 


LES   CANADIENS    DU    MICHIGAN 


cHtholiquo.  Nous  croyons  qno  l'Eglise  devrait  envisager 
avec  crainte  l'avenir  d'un  peuple  comme  les  Canadiens-tran- 
çais,  s'ils  venaient  à  se  tondre  dans  la  grande  aggloméra- 
tion où  s'agitent  tant  d'éhîments  qui  lui  sont  hostiles.  C'est 
l'occasion  de  dire  avec  un  illustre  prélat  canadien  :  "  Le 
jour  où  le  peuple  canadien  regretterait  d'avoir  remis  ses 
destinées  entre  les  mains  du  clergé  serait  un  jour  funeste 
pour  la  religion  et  pour  la  jtatrie."' 


QUELQUES  CONTEMl'ORAINS. 

l'hON.    sénateur    CASGRAI.V. 

L'IiononibK'  Cluirlcs  Eugèm-  Casgraiii,  (Î.M.,  AT.]).,  up- 
partient  à  l'une  dos  plus  ivnnircpuiblos  fiiinillfs  du  Canada, 
originaire  du  Poitou.  Jcan-Baptistt.'  Casgrain,  (pii  vint  en 
Canada  en  1756,  en  compagnie'  de  monsieur  LctcllliT  de 
Saint-Just,  était  un  vétéran  ([ui  avait  eomhattu  contre  les 
Turques  et  à  Fontenoy,  et  cpii,  sans  protection  et  sans  ins- 
truction, mais  par  sa  1)rîivoure  avait  conquis  le  grade  de 
sergent-major.  Le  tils  de  ce  ltrii\'e  soldat  devint  seigneur 
de  Rivière-Ouelle  et  de  l'islet.  Du  côté  maternel.  M,  Cas- 
grain  descend  des  Baby, 

Le  père  de  M.  Casgrain,  l'bonorable  Cliarles-EusM^e,. 
était  lieutenant-colonel,  et  représenta  l'ancien  comté  de 
Cornwallis  dans  l'assend)lée  du  Bas-Caïuula  de  1«H0  à  IS-U,. 
puis  fut  ap[»elé  au  conseil  spécial  formé  durant  la  suspension 
de  la  constitution  en  1838.  A  l'époipu'  de  sa  nuu't  il  occu- 
pait la  position  d'assistant-commissaire  des  Travaux  Pul)licf^ 
pour  le  Canada.  La  mère  de  ^L  Casgrain,  Elizabetli-Aime 
Baby,  était  fille  de  l'honorable  Jacques  Dupéron-naby,  (pii 
fut  président  du  conseil  du  Haut-Canada.  Elle  était  douée* 
d'un  u'oiit  littéraire  très  distino'ué  :  elle  a  écrit  une  l)ioo-ra.- 
phie  de  son  mari,  dont  il  a  t'té  imprimé  une  édition  privée, 
qui  est  d'un  style  très  correct  et  très  agréable.  .Ses  incli- 
nations littéraires  ne  remix^chaient  [»as  d'être  une  excellente- 
mère  de  famille  ;  elle  eut  (puitorze  enfants,  parmi  lesipiels 
M.  l'abbé  Henri-Kaymond  Casgrain,  le  brillant  prosateur 
canadien,  et  Philippe-Bal^y  Casgrain,  membre  du  parlement 
fédéral. 

B 


'      iil 
i      i 


274 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


L'honorai )k'  (nuirlos-EuiHt'be,  (|ui  t'ait  le  «iijet  de  eetto 
biou'niphie,  est  l'uîné  de  ces  oiifantH  ;  il  est  né  h  Qnél>ec  le 
•)  août  1825.  Après  avoir  fait  un  cours  d'études  classiques 
au  collège  Sto-AnncdeQué))e(',  il  alla  étudier  la  médecine  à 
l'université  McGill  de  Montréal.  En  1851  il  épousa  Melle 
C^harlotte  Chase  h  Détroit,  et  commença  à  pratiquer  dans 
cette  ville.  Cinq  ans  plus  tard  il  vint  se  fixer  à  Sandwich, 
où  il  se  fit  rapidement  une  clientelle  considérable.  Il  devint 
capitaine  de  la  milii-e,  chirurgien  des  troupes  envoyées  à 
Windsor  et  à  Sarnia  durant  les  difficultés  de  1861  à  1864, 
puis  corouer  et  médecin  des  prisons  pour  Essex.  Il  a  fait 
partie  du  conseil  municipal  de  Windsor,  et  depuis  18  ans  il 
est  membre  du  comité  de  l'instruction.  M.  Casgrain  a  tou- 
jours pris  une  part  active  à  tous  les  mouvements  pour  orga- 
niser nos  compatriotes  et  raviver  leur  ardeur  patriotique. 
Il  a  été  le  premier  i»résident  de  la  société  St- Jean-Baptiste 
dans  le  comté  d'Essex,  et  président  général  de  toutes  les 
sociétés  canadiennes  du  comté  en  1883.  Eu  cette  dernière 
(puilité  il  présida  à  la  grande  démonstration  de  1883  à 
Windsor.  En  1884,  M.  Casgrain  a  été  décoré  de  l'ordre  du 
Saint-Sépulcre  par  le  Saint-Père  ;  enfin  en  1887  il  a  été 
appelé  au  Sénat  du  Canada.  C'était  la  première  fois  qu'un 
Canadien-fraufais  était  nommé  à  ce  poste  élevé  dans  la 
province  la  plus  anglaise  de  la  Puissance.  Cette  nomina- 
tion fut  donc  à  la  fois  une  preuve  éclatante  de  la  haute 
estime  du  gouvernement  pour  le  Dr  Casgrain  et  du  progrès 
incessant  de  nos  compatriotes  dans  cette  région. 

M.  Casgrain  est  le  père  de  T.  Chase  Casgrain,  procureur- 
général  de  Québec,  de  M.  Charles  W.  Casgrain,  avocat  de 
la  ville  de  Détroit,  et  du  Dr  Raymond  Casgrain,  qui  suc- 
cède à  son  père  comme  médecin  à  Windsor. 


JOSEPH     GREGOIRE. 


M.  Joseph  Grégoire  auquel  l'on  a  décerné  par  aisclama- 
tion  le  titre  de  "père  des  Canadiens  du  lac  Supérieur,"  est 


QrELUUES    (oNTKMl'ORAIN.S 


27.-) 


a  été 
qu'un 


eclama- 

."  est 


filn  (lo  cultivateur  et  petit-tils  d'un  des  hmvos  quî  vain- 
quirent ponr  la  France  à  Carillon.  Il  avait  vin^'t-et-un  ans 
quand  il  vint  au  lae  Hupérieui"  en  1854.  Sa  première  étante 
fut  à  la  mine  Xorwich,  dans  le  eonité  d'Ontonagon,  où  il 
passa  l'hiver  de  1854-55.  Le  printein[>s  suivant,  il  partit 
pour  Superior  City,  dont  la  renommée  naissante  parcourait 
la  région.  Le  bateau  (pii  le  porta  fut  le  premier  à  aceostei- 
sur  l'unique  ([uai  de  la  précurseresse  de  Dulutli.  Il  ne 
resta  pas  longtemps  inactif.  Maniant  la  hache  comme 
tout  bon  Canadien,  il  fut  d'abord  simple  bûcheron,  puis 
équariseur,  puis  menuisier,  et  lit  preuve  d'assez  de  talent 
pour  arriver  au  grade  de  "  foreman."  C'est  lui  qui  fournit 
le  bois  pour  la  première  scierie  ([ui  fiit  érigée  à  Superior 
Citv. 

Au  bout  d'un  an,  M.  Grégoire  était  entrepreneur,  et  ob- 
tenait le  contrat  pour  construire  le  premier  quai  et  le  pre- 
mier entrepôt  de  Duluth.  Il  entreprit  ensuite,  avec  plusieurs 
associés,  de  fonder  le  village  de  Portland  ;  mais  la  fortune 
lui  fut  infidèle  et  il  perdit  presque  tout  ce  qu'il  avait 
amassé. 

C'est  alors,  en  1859,  que  M.  Grégoire  vint  à  Houghton, 
où  il  se  fit  encore  entrepreneur.  L'année  suivante,  en 
escomptant  sa  bonne  réputation,  il  acheta  une  étendue  de 
terre  à  bois  et  fournit  des  billots  pour  la  première  scierie 
à  Ripley,  sur  le  lac  Portage.  Cette  entreprise  le  remit  à 
flot.  Il  avait  déjà  fourni  du  bois  aux  mines,  quand  en 
1865,  il  fit  l'acquisition  d'un  bateau-remorqueur  et  fit  un 
contrat  pour  couper  7,000  cordes  de  bois  de  chauffage  pour 
elles. 

Les  affaires  allèrent  ainsi  toujours  en  prospérant  et  en 
1867,  s'étant  associé  avec  MM.  Louis  Deschamps  et  Nor- 
mandin,  il  érigea  une  scierie  sur  le  lac  Torch,  à  l'endroit 
actuellement  occupé  par  Grégoireville.  En  1872,  M.  Gré- 
goire acheta  les  parts  de  ses  associés,  et  prit  seul  la  conduite 
de  la  scierie,  qui  fut  rebâtie  sur  une  plus  grande  échelle. 


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(716)  •73-4503 


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276 


LES    CANADIENS    DU   MICUIGAN 


Il  y  ajouta  aussi  une  grande  fabrique  de  portes  et  fenêtres. 
Il  achevait  la  construction  de  cet  édifice,  quand  sa  scierie 
fiit  rasée  par  le  feu,  lui  causant  un  perte  de  f  20,000  au-delà 
du  montant  de  l'assurance.  Sans  perdre  un  instant,  M. 
Grégoire  fit  dispot^er  les  scies  sous  un  toit  temporaire,  et 
employant  le  pouvoir  moteur  de  la  fabrique,  il  put  en  une 
seule  saison,  remplir  tous  ses  contrats  et  scierie  bois  pour  la 
reconstruction  d'une  nouvelle  scierie,  qui  fut  érigée  plus 
grande  et  plus  belle  encore  que  les  précédentes. 

Aujourd'hui,  M.  Grégoire  se  trouve  à  la  tête  d'un  des 
plus  beaux  établissements  pour  travailler  le  bois,  autour  du- 
quel ses  employés  ont  groupé  leurs  demeures,  formant  ainsi 
un  petit  village  auquel  l'on  a  donné  le  nom  de  Grégoire- 
ville.  Il  possède  aussi  une  grande  étendue  de  terres  à  bois, 
sur  lesquelles  il  fait  couper  en  hiver  les  billots  qui  allimcn- 
tent  ses  scieries. 

M.  Grégoire  u  a  pas  bravé  impunément  pendant  trente 
ans  les  misères  et  les  privations  inévitables  dans  les  mon- 
tagnes et  les  forêts,  qu'aucune  route  ne  traversait  quand  il 
est  arrivé,  qu'il  lui  fallait  parcourir  en  canot  ou  sur  des 
raquettes,  en  toutes  saisons  ;  sa  santé  est  fortement  ébranlée. 
Mais  il  n'est  pas  de  ceux  qui  se  laissent  mourir  par  apathie, 
et  il  a  pris  le  parti  de  voyager  pour  sa  santé.  En  1884-85, 
il  a  fait  le  voyage  d'Europe,  et  depuis,  il  va  passer  l'hiver 
en  Californie. 

Dans  ses  voyages,  il  trouve,  outre  le  repos,  l'occasion  pré- 
cieuse pour  lui  d'acquérir  des  connaissances  nouvelles,  de 
suppléer  à  l'éducation  qui  lui  a  été  refusée  dans  sa  jeunesse. 

Cependant,  si  M.  Grégoire  n'a  pas  cette  politesse  intellec- 
tuelle que  l'on  puise  dans  les  collèges,  il  a,  ce  qu'on  y  trouve 
pas,  un  esprit  logique  et  perspicace,  que  l'on  retrouve  dans 
sa  conversation  et  dans  ses  actes.  A  ces  qualités  de  la  tête, 
il  joint  celles  encore  plus  précieuses  du  cœur.  Jamais  une 
entreprise  méritoire,  un  homme  digne,  une  cause  juste  ne 


QUELQUES   CONTEMPORAIN!? 


277 


lui  ont  fait  appel  ei»  vain  ;  l'on  ne  compte  plus  les  individus 
et  les  institutions  qui  ont  profité  de  sa  générosité. 

Pendanl  quinze  ou  seize  ans,  M.  Grégoire  a  été  éln  siq)er- 
risor  du  township  de  Schoolcraft.  Il  est  aussi  président 
honoraire  de  la  Société  St-.I eau-Baptiste  de  Lake  Linden. 
Avec  plus  d'ambition  il  aurait  i»u  facilement  arriver  à  des 
positions  éminentes  dans  la  politique.  Il  est  un  des  hommes 
influents  dans  le  parti  démocrate. 

P.S. — Au  moment  où  ces  lignes  allaient  sous  presse,  une 
dépêche  annonçait  la  mort  de  M.  Grégoire  arrivée  k  Lake 
Linden. 


II!; 


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PKOSI'ER    R015KRT. 

M.  Prospert  Robert  est  un  type  du  Canadien  de  l'Ouest 
digne  de  prendre  place  à  côté  des  Langlade,  des  Aubry  et 
des  Panibrun  dans  le  beau  livre  de  M.  Tassé,  sur  ces  pion- 
niers de  la  civilisation.  Il  a  l'activité  fébrile,  la  hardiesse  et 
le  courage,  le  goût  de  la  vie  des  bois  avec  ses  privations, 
mais  aussi  avec  ses  [tlaisirs  imprévus  ;  en  un  mot,  c'est  un 
explorateur  de  naissance.  S'il  eut  vécu  au  temps  de  la 
domination  française  au  Canada,  il  aurait  porte  \v  nom 
français  Jusque  dans  les  retraites  les  plus  reculées  de  la  bar- 
barie. Telle  (pi'elle  est,  sa  vie  est  suffisamment  remjdie 
«l'aventures  pour  faire  le  sujet  d'un  intéressant  volume. 

Né  près  de  Montréal,  le  2  janvier  1887,  M.  Robert  vint 
au  lac  Supérieur  en  1804.  Il  visita  d'abord  Copper  llarbor  ; 
mais  il  n'y  resta  (pie  quelques  mois,  et  revint  à  Manpiette 
où  il  conduisit  une  scierie  pendant  environ  trois  ans.  II  fut 
ensuite  employé  pendant  trois  ans  pour  la  Jackson  Mining 
Oo.,  de  Kegaunee.  En  1865,  il  vint  se  fixer  k  Iloughton, 
et  l'année  suivante,  il  entra  à  l'emploi  de  la  '•  lloda  Mining 
Co."  Ce  fut  lui  qui  érigea  le  premier  bâtiment  sur  l'em- 
placement de  cette  compagnie.  Durant  les  trois  années 
qu'il  resta  au  service  de  cette  compagnie,  M.  Robert  rési- 
dait à  Lake  Linden,  où  il  fit  ériger  un  grand  hôtel. 


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278 


LES   CANADIENS    DU    MICHIGAN 


M.  Robert  fut  élu  premier  trésorier  du  township  de 
Sclioolcraft  le  4  septembre  1866. 

Vers  1870,  M.  Robert  fit  transporter  hou  hôtel  sur  des 
barges  à  l'Anse  où  il  alla  demeurer  pendant  un  an.  Il  revint 
alors  au  Lake  Linden  où  il  a  depuis  demeuré. 

Depuis  20  ans,  M.  Robert  a  surtout  donné  son  attention 
à  la  coupe  du  bois  pour  difiérentes  compagnies  par  contrat,  et 
à  la  spéculation  sur  les  propriétés  forestières  et  minières.  Il 
a  exploré  pour  son  propre  compte  ou  pour  celui  de  ses 
patrons  toute  la  haute-péninsule  du  Michigan,  et  il  coimait 
la  région  avec  toutes  ses  ressources  aussi  bien  que  s'il  s'a- 
gissait d'un  jardin.  Ses  connaissances  lui  ont  valu  d'être 
choisi  par  la  maison  Charles  Ilebbard  &  Sons,  grands  mar- 
chands de  bois,  pour  diriger  leurs  chantiers,  choisir  leurs 
terres  à  bois,  etc.  M.  Robert  reçoit  pour  ses  services  un 
salaire  qu'un  sénateur  ou  un  juge  envierait.  En  188:^,  il  a 
visité  et  exploré  dans  l'intérêt  de  ses  patrons  toute  la  région 
au  nord  du  lac  Supérieur  jusqu'à  la  hauteur  des  terres. 
Son  ambition  serait  de  reprendre  son  voyage  et  de  pénétrer 
jusqu'à  la  baie  d'Hudson,  puis  de  revenir  par  le  nord  de  la 
provhice  de  Québec. 

M.  Robert  a  été  servi  par  un  esprit  persincace  et  un  juge- 
ment sûr  dans  ses  spéculations,  et  il  se  trouve  aujourd'hui 
possesseur  d'une  fortune  considérable. 

En  1862,  M.  Robert  épousa,  à  Marquette,  Mlle.  Sophie 
Longtin,  et  il  est  le  përe  de  plusieurs  enfants. 

Bien  que  petit  de  stature,  M.  Robert  est  doué  d'une 
robuste  santé  qui  a  résisté  à  toutes  les  privations  et  les 
fatigues  de  sa  carrière  longue  et  ardue.  Ses  traits  indiquent 
une  énergie  indomptable,  et  sa  figure  est  toujours  empreinte 
d'une  expression  de  bonhommie  et  de  gaieté  qui  laisse 
deviner  les  qualités  du  cœur  et  de  l'esprit  qui  en  font  l'un 
des  hommes  le  plus  populaires  parmi  ceux  qui  viennent  en 
contact  avec  lui. 


QUELQUES    CONTEMPORAINS 


279 


RAYMOND   «iOULET. 


M.  Raymond  A.  Goulet  est  né  à  Bertliier  le  25  mars? 
1851.  Il  est  fils  de  M.  Côme  Iréiié  Goulet,  qui  était  eu 
1851  instituteur  à  Berthier,  mais  ([ui  devint  quelques  an- 
nées après  surintendant  du  t-hemin  de  ter  Lanoraie  et  Jo- 
liette.  Raymond  fit  ses  études  au  collège  de  Joliette,  où 
il  eut  pour  directeurs  le^"  pères  Lajoie,  Beaudry  et  Rivet. 
Au  sortir  du  collège  il  entra  dans  une  maison  de  commerce 
de  Joliette  et  après  s'être  familiarisé  avec  les  affaires,  il 
partit  en  1869  pour  Warren,  R.  I.,  où  d'abord,  il  enseigna 
l'école.  De  là  il  passa,  quel(pies  mois  plus  tard,  àFall  River 
où  il  fît  affaire  sous  son  nom  [»endant  une  couple   d'années. 

En  1872  M.  Goulet  prit  le  parti  de  venir  dans  l'Ouest  ; 
il  alla  d'abord  se  fixer  à  Calumet.  Dans  l'automne  de 
l'année  suivante  il  descen<lit  à  Lake  Linden  et  prit  une  po- 
sition chez  North  &  Briggs,  marchands  généraux,  comme 
commis  du  département  des  nouveautés.  M.  Goulet  resta 
attaché  à  cette  maison  pendant  [tlusieurs  années  et  devint 
premier  commis.  Son  intégrité,  sa  stabilité,  la  connaissance 
qu'il  avait  des  affaires  et  sa  popularité  auprès  du  public  le 
faisaient  hautement  estimer. 

En  1889,  après  avoir  passé  plus  de  15  ans  daiis  ce  maga- 
sin, M.  Goulet  dut  donner  sa  démission,  les  positions  publi- 
ques qu'il  occupait  alors  lui  rendant  trop  fatiguantes  les 
charges  de  premier  commis.  Il  est  néanmcjins  resté  dans 
le  commerce. 

M.  Goulet  fut  élu  greffier  du  township  de  Schoolcraft  en 
1887  et  de  nouveau  en  1888  et  en  1889,  et  en  1888  il  fut 
aussi  membre  du  conseil  municipal.  Durant  ce  même 
temps,  c'est-à-dire  de  1881  à  1889  il  était  syndic  et  trésorier 
de  la  paroisse  Saint- Joseph  de  Lake  Linden. 

Lors  du  grand  feu  de  1887,  M.  Goulet  avait  en  sa  posses- 
sion toutes  les  archives  du  township  et  ceux  de  la  paroisse, 
aingi  que  plusieurs  centaines  de  dollars  appartenant  à  cette 


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LES    CANADIENS   DU    MICHIQAN 


(leniièro.  Quand  les  flamme.^  erlv^loppèrent  le  village,  le 
premier  8oin  de  M.  Goulet  tut  de  nauver  les  propriétés  pu- 
bliques confiées  à  ses  soins,  laissant  ses  propres  meubles  pour 
être  dévorés  par  les  Hammes,  et  avant  même  que  la  confu- 
sion tut  appaisée  il  remettait  à  qui  de  droit  l'argent  et  les 
comptes  du  townsbip  et  de  l'église.  Cet  acte  d'honnêteté 
est  d'autant  plus  remarquable  que  l'on  n'avait  pas  exigé  de 
caution  de  M.  Goulet  comme  trésorier  de  la  paroisse  et  qu'il 
était  par  conséquent  parfairement  libre. 

M.  Raymond  A.  Goulet  a  été  le  deuxième  président  de 
la  Société  St-Jean-Baptiste  de  Lake  Linden.  Il  tut  élu  à 
cette  position  en  1887  et  de  nouveau  en  1888,  mais  il  donna 
sa  démission  quelque  temps  après.  I:  est  un  des  membres 
fondateurs  de  la  Société  et  fut  pendant  einq  ans  son  secré- 
taire. 

Depuis  1894,  M.  Goulet  occupe  une  place  de  confiance 
dans  un  des  plus  beaux  magasins  de  Calumet, 

En  1875  M.  Goulet  épousa  Melle  Joséphine  Perreault,  qui 
mourut  quelques  mois  plus  tard.  En  1881  il  se  remariait 
avec  Melle  Elizabeth  Suttoii,  née  à  Houghton,  Midi.,  mais 
qui  a  reçu  son  instruction  à  Québec  au  couvent  de  St-Roch, 
et  à  Ottawa  au  couvent  du  Bon  Pasteur. 

M.  l'abbé  ménard. 

M.  l'abbé  Pierre  C.  Ménard,  curé  à  Escanaba,  est  né  à 
Verchères,  P.  Q.,  le  28  septembre  1845.  Il  fit  ses  études 
classiques  au  séminaire  de  Joliette  et  se  fit  dès  lors  une 
réputation.  Après  avoir  étudié  la  théologie  au  grand 
séminaire  de  Montréal,  M.  Ménard  vint  à  Marquette  où  il 
fut  ordonné  prêtre  le  23  avril  1875.  Il  fut  presqu'aussitôt 
nommé  curé  à  Menominee.  Cette  paroisse  comprenait 
alors  une  région  d'environ  cent  milles  carrés,  recouverte 
de  forêts  au  milieu  desquelles  étaient  dispersés  des 
scieries  et  les  camps  de  bûcherons.  La  population  tou- 
jours flottante  était  le  plus  souvent  très  pauvre,  et  peu  reli- 


QUELCilKS    CuNTKMl'OUAIXS 


2H1 


gieuse  ;  trouver  les  moyens  dv  sul»venir  aux  dépenses  de  la 
paroisse  et  faire  observer  h-s  conimaiulements  étaient  deux 
tâches  également  difficiles.  M.  Ménard  les  aborda  avec 
toute  l'ardeur  de  la  jeunesse  et  tout  Tenthousiasmedu  saint 
missionnaire  son  homonyme  et  son  prédécesseur  dans  cette 
région,  et  quand  il  fut  appelé  à  Calumet  eu  1M80,  il  avait 
j?té,  partant  d'Escanaba  à  la  baie  Verte  du  Wisconsin,  une 
féconde  semeuce  dont  les  fruits  sont  déjà  beaux  et  nom- 
breux. M.  Ménard  ne  fut  (|u'un  au  à  Calumet  ;  il  fut  eu 
1881,  nommé  curé  de  St-Joseph  de  Lindeii. 

Sous  sa  direction  ou  a  pres([ue  refait  en  neuf  rancienne 
église  en  l'agrandissant  de  moitié,  et  Ton  a  bâti  une  magni- 
fique école  et  un  presbytère.  A  la  suite  de  toutes  ces  amé- 
liorations, les  Canadiens  de  Lake  Linden  ont  pu  encore 
trouver  l'argent  pour  payer  plusieurs  milliers  de  dollars  aux 
Allemands  et  aux  Irlandais  (pii  voulaient  bâtir  une  autre 
église  pour  eux,  et  aujour<rhui,  ils  se  trouvent  en  iiossession 
d'une  des  plus  belles  propriétés  paroissiales  du  diocèse. 
M.  Ménard  a  remplacé  M.  ^[artcl.  «lécédé  à  Escanaba  en 
1891. 


J.    A.    VANXIKR. 


M.  J.  A,  Vannier  était  Tun  des  fils  de  Basile  Vannier, 
ex-instituteur  d'école  modèle  et  depuis  iu»mbre  d'années  se- 
crétaire trésorier  du  comté  de  Cliateauguay,  P.  (J. 

Il  naquit  le  8  juillet  1850,  à  Sainte  Martine,  comté  de 
Chateauguay.  Il  fit  ses  éléments  et  un  cours  commercial 
(anglais  et  français)  sous  la  direction  de  sou  vieux  père.  Il 
passa  aux  Etats-Unis  à  l'âge  de  dix-neuf  ans  en  1870.  Il  a 
fondé  une  maison  de  bijouterie  et  de  bric-à-brac  à  Marcpiette 
dont  il  fit  un  succès  complet. 

Il  a  occupé  plusieurs  charges  honorifiques,  entre  autres, 
celle  de  membre  du  bureau  d'éducation  (Schocd  Hoanl). 

M.  Vannier  était  très  poimlaire  parmi  la  population  amé- 
ricaine, et  s'il  n'avait  pas  eu  le  nudheur  d'être  dénu>crate 


it 


282 


LES    CANADIENS   DU   MICHIGAN 


dans  un  comté  républicain  il  n'y  a  pas  de  doute  qu'il  eût 
été  élu  à  d'importantes  charges  publiques.  Il  a  été  choisi  à 
diverses  reprises  par  le  parti  démocrate  pour  porter  son 
drapeau,  surtout  pour  la  position  d'auditeur-général  du  Mi- 
chigan,  en  1892,  mais  son  armée  n'étant  pas  en  nombre  il 
n'a  pu  arriver  à  la  victoire. 

M.  Vannier  est  l'un  des  fondateurs  de  la  société  Saint- 
Jean-Baptiste  de  Marquette,  qu'il  a  représentée  aux  conven- 
ventions  de  Rutland  et  de  Nashua. 

M.  Vannier  était  gentilhomme  dans  l'acception  la  plus 
étendue  du  mot.  Affable  et  doué  d'un  tacte  exquis  il  se 
faisait  des  amis  de  tous  ceux  qui  venaient  en  contact  avec 
lui. 

Il  est  décédé  à  Marquette  en  1893,  laissant  une  fortune 
d'environ  |20,000. 

PIERRE    PRIMEAU. 

M.  Pierre  Primeau  est  né  à  Chateauguay,  province  de 
Québec,  le  30  avril  1846.  Il  reçut  son  instruction  au  col- 
lège de  Beauharnois  puis  à  l'école  Normal  Jacques-Cartier 
de  Montréal,  d'où  il  sortit  pour  devenir  principal  de  l'Aca- 
démie de  Mascouche.  Il  y  resta  deux  ans,  puis  il  enseigna 
encore  deux  ans  à/Ste-Philomène.  Lassé  alors  de  l'enseigne- 
ment, qui  ne  répondait  pas  à  ses  goûts  pour  une  vie  plus 
active,  il  vint  se  fixer  à  Marquette,  Mich.  C'était  en  1h70. 
Il  prit  une  part  active  au  mouvement  national,  et  tut  l'un 
des  fondateurs  de  la  société  St- Jean -Baptiste  de  Marquette 
en  1875. 

En  lb77,  M.  Pierre  Primeau  alla  s'établira  Lake  Linden. 
Deux  ans  plus  tard  il  fondait,  avec  quelques  amis,  la  société 
St-Jean-Baptiste  de  Lake  Linden,  dont  il  fut  élu  le  premier 
président.  Cette  charge  de  président,  il  l'a  occupée  tant  qu'il 
a  demeuré  à  Lake  Linden. 

Il  fonda  aussi,  le  16  marr  1881,  la  société  St-Jean-Bap- 
tiste de  Calumet,  Mich.,  dont  il  fut  élu  président  honoraire. 


QUEL<èUKf5    CO.VÏKMPORAINS 


283 


En  I880,  il  était  président  <le  la  convention  «le  Lake  Lin- 
den,  et  il  fut  choisi  par  la  convention  de  Rutland  comme 
commandant  de  l'Alliance  St-Jean-Baptiste  des  Sociétés 
Nationales  pour  les  Etats-Unis. 

En  même  temps  qu'il  s'occupait  d'organisation  nationale 
M.  P.  Primeau  prenait  une  part  active  h  la  politique  dans 
les  intérêts  du  parti  démocrate.  Pour  récom[>en8er  ses  ser- 
vices, le  président  Cleveland  le  nomma  maître  <le  poste  de 
I^ake  Linden,  dans  le  mois  de  février  18b6.  L'autonnie 
suivant,  il  fut  élu  greffier  et  régistrateur  du  comté  de 
Houghton  sur  le  ticket  démocrate,  et  il  a  été  réélu  à  la 
même  position  en  1888  et  en  lb90. 

Battu  en  1882,  il  fut  nommé  au  bureau  des  terres  à  Mar- 
quette, où  il  demeure  aujourd'hui. 


M.    L  ABBE    ROUSSEAU. 

M.  l'abbé  Rousseau  est  un  des  doyens  du  diocëse  de  Mar- 
quette. Né  le  9  novembre  1833,  à  St-Valier,  province  de 
Québec,  il  consacra  plusieurs  années  à  l'enseignement  ;  et, 
aprës  un  cours  d'étude,  fut  ordonné  prêtre  en  1875  par 
monseigneur  Mrak,  h  Marquette,  Mich. 

Après  avoir  passé  un  an  à  la  cathédrale,  il  fut  chargé  de 
la  mission  de  Fayette  où  il  demeura  18  mois  et  bâtit  l'église 
et  le  presbytère.  De  là  il  fut  envoyé  à  Xorway  où  il  bâtit 
également  l'église  et  le  presbytère  au  coût  de  $7,000,  il  y 
demeura  un  an  et  demi.  Il  fut  ensuite  chargé  de  la  congré- 
gation d'Ishpeming  où  il  tit  réparer  l'église,  construire  le 
presbytère  et  ériger  un  couvent  qui  coûta  $16,000. 

En  1889  il  se  démit  de  sa  cure  pour  visiter  la  Terre- 
Sainte.  A  son  retour  il  fut  nommé  à  la  cure  de  St-Ignace, 
puis  à  celle  de  Menomenee  où  il  est  mort  en  1892. 

BRUNO     NADEAU. 

A  36  milles  de  Menomenee  se  trouve  un  joli  village  de  45 
familles  Canadiennes-françaises  et  belges  ou  de  langue  fran- 


284 


LES   CANADIENS   DU   MICIIIOAN 


çaisf .  On  y  voit  aussi  ((uokiuos  autres  taniilles  de  diverses 
nationalités. 

Cette  place  a  été  établie  en  1878,  par  M.  Bruno  Nadeau, 
compatriote  né  dar.  l'Etat  du  Maine,  mais  resté  toujours 
Canadien  dans  l'âme. 

En  arrivant  dans  cette  UKjalité,  M.  Nadeau  s'acheta  une 
terre  de  cent  vingt  acres  sur  laquelle  est  situé  le  village  qui 
porte. son  nom.  C'est  lui,  en  effet,  qui  est  le  véritable  fon- 
dateur de  ce  petit  centre  progressant  à  vue  d'œil. 

Il  y  a  14  ans  il  fit  construire  10  fourneaux  à  charbon  de 
bois,  qu'il  lit  bientôt  suivre  d'une  scierie  et  d'un  magasin 
général. 

Les  campagnes  environnantes  de  Nadeau  sont  peuplées 
de  fermiers  Canadiens  français  et  Belges. 

Cette  congrégation  n'était  qu'une  mission,  de  1874  à  1880, 
dépendante  de  Spalding.  Durant  les  six  premières  années, 
la  maison  de  M.  B.  Nadeau  servait  d'église,  le  dimanche, 
et  donnait  en  même  temps  l'hospitalité  aux  missionnaires. 

Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  dans  tout  l'Ouest  des  mai- 
sons de  compatriotes  qui  ont  vu  naitre  des  congrégations 
catholiques  composées  non  seulement  de  Canadiens,  mais  de 
toutes  nationalités. 

Il  y  a  lO  ans,  on  a  commencé  à  construire  à  Nadeau  une 
église.  Elle  a  été  achevée  il  y  a  quatre  ans,  moins  le 
clocher  qui  a  été  terminé  dernièrement. 

Depuis  1890  la  paroisse  de  Nadeau  a  son  pasteur. 

Presque  toutes  les  affaires  de  la  localité  sont  sous  le  con- 
trôle de  la  famille  Nadeau.  Comme  on  peut  en  juger,  M. 
Nadeau  et  ses  fils  jouissent  d'une  fortune  enviable,  légitime- 
ment acquise. 

M.  Bruno  Nadeau  a  rempli  jusqu'aujourd'hui  plusieurs 
fonctions  publiques,  comme  l'office  de  maire,  de  shérif,  de 
juge  de  paix,  etc.  Il  est  actuellement  maître  de  poste.  On 
peut  dire  qu'il  a  figuré  avec  honneur  dans  toutes  les  charges 
publiques. 


QL'ELtiUES    CONTEMPORAINS 


2H-) 


DK.    ElCÎKNE    (ilUGNoN.   . 

Ta'  Dr  Eugône  Grigiion,  do  Meiiomeneo,  doscend  i\v  lu 
même  souche  que  les  pionniers  de  Michilimackinac  et  de 
Green  Bay.  Sou  graud'përe,  Jean-Baptiste  Grignou,  fut 
l'un  des  fondateurs  de  la  paroisse  de  St-Eustaehe.  Quand 
le  mouvement  en  faveur  de  la  colonisation  "  du  Nord"  corn- 
men(;a  la  famille  Grignou,  poussée  par  cet  instinct  de  décou- 
verte dont  l'influence  a  été  si  puissante  sur  ses  destinées,  se 
rendit  dans  la  ville  naissante  deSt-Jérôme.  C'était  en  1834. 

Parmi  les  fils  de  Jean-Baptiste  Grignou  se  trouvait  alors 
Médard,  qui  épousait  quelques  années  plus  tard  mademoi- 
selle Henriette  Lalaude.  C'est  de  ce  mariage  que  naquit 
Engine,  le  1  janvier  1857. 

Madame  Grignou  était  une  femme  d'une  forte  éducation, 
foncièrement  chrétienne,  et  grâce  à  ses  soins  intelligents  et 
attentifs,  sa  famille  grandit  dans  les  meilleures  dispositions. 
Elle  compte  parmi  ses  enfants  une  fille  mariée  au  registra- 
teur  Lachaine,  un  avocat  et  trois  médecins. 

Eugëne  fit  de  fortes  études  classiques  et  commerciales  ; 
puis,  désirant  connaître  le  monde  il  prit  le  chemin  de 
l'Ouest.  Il  parcourut  la  Californie,  cette  terre  qui  se  prête 
tant  aux  illusions  de  la  jeunesse,  en  lutte  avec  les  caprices 
de  la  fortune.  Après  une  couple  d'années  de  cette  exis- 
tence aventureuse  il  retourna  au  pays,  plus  sage  et  décidé 
à  embrasser  la  noble  profession  de  médecin,  qui  avait  tou- 
jours eu  des  attraits  pour  lui.  Il  passa  quatre  ans  à  l'Ecole 
<le  Médecine  et  de  Chirurgie  de  Montréal.  Ce  temps  fut 
employé  consciencieusement  à  l'étude  et  au  travail.  En 
mars  1885  il  passait  un  brillant  examen  et  était  admis  à  la 
pratique  de  la  médecine  et  de  la  chirurgie. 

Il  se  rendit  peu  de  temps  après  à  Menomenee,  Mich.,  où 
il  exerça  sa  profession  avec  un  succès  remarquable.  Son 
dévouement  aux  œuvres  nationales  et  religieuses,  ses  hautes 
qualités  du  cœur  et  de  l'esprit,  ne  tardèrent  pas  à  lui  créer 
une  popularité  qui  s'est  continuée  jusqu'à  ce  jour. 


286 


LES   CANADIENS   DU    MICUIOAN 


Lors  do  Hoii  arrivée  lo8  Cttiiadieiis-françaiHde^lwiiomenee 
«ouifraient  d'un  défaut  presque  «'omplet  d'organisation.  Il  se 
mit  aussitôt  à  l'œuvre  pour  remédiera  cet  état  de  chose  dé- 
plorable et  peu  de  temps  après  le  résultat  de  son  influence 
se  faisait  sentir  dans  la  création  d'une  société  8t-Jean-Bap- 
tiste.  Il  prit  aussi  une  pari  importante  dans  la  fondation 
de  la  paroisse  canadienne-française  de  Menomenee,  tant  par 
son  influence  que  par  ses  dons  généreux.  Il  fut  l'un  des 
ofliciers  choisis  pour  mettre  en  pratique  le  projet  d'Alliance 
Nationale  des  sociétés  (yanadiennes-française.  En  1886  il 
était  élu  coroîier  du  comté  de  Menomenee  par  une  grande 
majorité  et  presque  malgré  lui. 

En  1887,  désirant  tenter  la  fortune  dans  une  grande  ville, 
il  vint  à  Détroit  pour  exercer  sa  profession,  mais  sur  les 
instances  réitérées  de  ses  amis  de  Menomenee,  il  se  décida  à 
y  retourner.  L'absence  n'avait  rien  eflacé  des  bons  senti- 
ments que  lui  avaient  conquis  sa  générosité,  son  zèle  et  son 
esprit.  Il  reprit  sa  carrière  de  succès,  et  il  est  devenu  l'un 
des  citoyens  les  plus  influents  de  la  ville  de  Menomenee. 
En  1892  il,  était  élu  greffier  du  comté,  position  lucrative  et 
qui  lui  permettait  de  continuer  l'exercice  de  sa  profession. 
Jeune  encore,  il  a  devant  lui  un  brillant  avenir. 

LÉON    MATHIAS   COTÉ. 

M.  Léon  Mathias  Côté,  un  des  pionniers  de  Menomenee, 
est  né  à  Montréal,  le  24  février  1823.  Il  descend  de  Jean 
Côté,  un  des  premiers  Français  venus  au  Canada,  et  qui 
épousa  à  Québec,  en  1635,  Anne  Martin,  fille  d'Abraham, 
lequel  a  donné  son  nom  aux  célèbres  plaines  d'Abraham. 
En  1878,  M.  Côté,  voulut  comme  tant  d'autres  Canadiens, 
venir  tenter  fortune  dans  l'Ouest.  Il  se  fixa  d'abord  à 
Green  Bay,  puis  en  1860,  il  se  rendit  à  Menomenee,  où  il  a 
demeuré  depuis.  Durant  sa  longue  carrière,  M.  Côté  a  été 
tour  à  tour,  et  souvent  aussi  à  la  fois,  fermier,  boucher  et 
commerçant.    Pendant  plus  de  vingt  ans  il  a  été  le  proprié- 


QUELQUES    (JOXTEMPOKAIX» 


287 


tiiiiv  (lu  "  Montréal  House,"  une  uuberge  très-populaire. 
Mais  dans  toutes  lew  branches  du  commerce  ou  de  l'indus- 
trie où  il  s'est  essayé,  il  a  toujours  déployé  un  jugement  sûr 
et  une  grande  habileté,  par  lesquels  il  a  suppléé  à  l'instruc- 
tion qui  lui  taisait  défaut.  En  maintes  circonstances,  M. 
Côté  a  été  honoré  de  marques  non  équivoques  de  l'estime 
et  de  l'amitié  de  ses  concitoyens,  et  il  a  occupé  pendant 
plusieurs  années  les  positions  de  trésorier  du  bureau  des 
écoles  publiques,  de  grand  voyer,  de  membre  du  conseil 
municipal  et  de  marguillier  du  l'église  iiadienne.  En 
1874,  M.  Côté  épousa  Thasile  Lacombe,  fil  lu  d'Alexis,  cul- 
tivateur de  Rigaud,  et  il  a  eu  quinze  <  fantf.  dont  pïx  sont 
encore  vivants,  mariés  et  i-tablis  t\  Mcnomenee  m  dans  les 
envinns.  Eu  somme,  M.  Côté  a  été  sous  t^ns  le  rapports 
un  digne  Canadien  ;  et  il  transmet  A  ses  onfants  un  nom 
dont  ils  peuvent  être  fiers. 


JOSEPH    QARON. 

M.  Joseph  Qaron  est  né  à  la  Baie  du  Febvre,  comté  de 
Yamaska,  le  7  janvier  1838.  En  1857,  à  l'âge  de  19  ans, 
il  prit  la  route  de  l'Ouest  et  vint  se  fixer  à  Menomenee, 
alors  un  village  de  moins  de  trois  cents  âmes.  Sur  ce  nom- 
bre on  ne  comptait  qu'un  petit  nombre  de  Canadiens, 
parmi  lesquels  les  familles  Gauthier,  Brouillet,  Fréchette, 
et  Eméry.  Les  Etats-Unis  étaient  alors  en  proie  à  une 
grande  crise  commerciale,  par  suite  de  certaines  manipula- 
tions de  la  monnaie.  Quoique  M.  Garon  eût  appris  le 
métier  de  cordonnier,  il  préféra  travailler  dans  les  scieries. 
En  1868,  il  entra  au  service  de  la  compagnie  Kirby  &  Car- 
penter,  et  il  y  est  encore  aujourd'hui,  possédant  au  plus 
haut  degré  la  confiance  de  ses  patrons. 

Lorsque  M.  Garon  arriva  dans  cette  partie  du  Michigan 
il  n'y  avait  pas  d'église  ;  les  Canadiens  ne  recevaient 
qu'à  de  rares  intervalles  la  visite  des  prêtres  résidant  à 
Oconta  où  Peshtigo,  Wisconsin.     En  1866,  les  catholiques 


288 


Ll-S   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


de  Marinette  et  de  Menomenee,  commencërent  l'érection 
d'une  chapelle  dans  cette  première  localité,  et  en  1872,  M. 
l'abbé  Fox  fut  envoyé  pour  organiser  une  paroisse  à  Meno- 
menee même.  M.  Garon  travailla  activement  pour  faciliter 
la  tâche  du  clergé  dans  ces  temps  difficiles.  Ses  services 
turent  reconnus  dans  le  temps,  et  on  le  nomma  marguillier 
à  Marinette,  puis  à  Menomenee.  Depuis  ce  temps,  M. 
Garon  a  toujours  été  un  chef  dans  tous  les  mouvements 
pour  améliorer  la  condition  spirituelle  et  sociale  de  nos  com- 
patriotes, et  il  a  aidé  grandement  de  ses  conseils  et  de  sa 
bourse.  Il  est  un  des  membres-fondateurs  de  la  Société 
Saint-Jean-Baptiste,  de  la  société  de  tempérance,  et  des 
"  Catholic  Knights,"  et  pendant  plusieurs  années  il  a  été 
trésoriers  de  ces  associations. 

M.  Garon  à  épousé  en  1863,  Mademoiselle  Marie  Leclerc, 
fille  de  M.  Charles  Leclerc,  de  Green  Bay,  dans  le  temps 
l'homme  le  plus  en  vue  parmi  les  Canadiens  de  cette  localité, 
pour  sa  générosité  et  son  zèle  pour  notre  nationalité.  Il 
est  aujourd'hui  père  de  quatre  filles  et  cinq  garçons  qui 
grandissent  avec  l'exemple  des  vertus  de  leur  père  à  imiter. 

SAMUEL   RIOUX. 

M.  Samuel  Ricux,  lieutenant  dans  la  marine  américaine, 
et  demeurant  à  Détroit,  est  né  à  Trois-Pistoles,  le  18  juillet 
1845.  A  l'âge  de  12  ans  il  s'embarqua  sur  une  goélette, 
et  depuis  cette  époque  il  a  presque  toujours  vécu  à  bord. 
Pendant  huit  ans  il  parcourut  le  Saint-Laurent  inférieur, 
s'initiant  par  une  dure  expérience  à  tous  les  secrets  de  la 
navigation.  Il  passa  même  un  hiver  entier  sur  la  côte 
d'Anticosti,  où  il  avait  été  envoyé  par  les  frères  Julien,  de 
Québec,  pour  garder  un  navire  naufragé.  Dans  l'automne 
de  1867,  il  prit  la  route  de  l'Ouest  et  il  s'employa  durant 
l'hiver  suivant  dans  les  chantiers  de  la  vallée  du  Saginaw. 
Au  printemps,  il  s'embarqua  sur  un  des  gardes-côtes  du 
gouvernement  américain.    Pendant  cinq  ou  six  ans  il  vécut 


QUELQUES    CONTEMPORAINS 


289 


ainsi  l'été  sur  les  lacs,  et  l'hiver  dans  les  chantiers.  Knlin 
il  entra  d'une  manière  permanente  au  service  du  départe- 
ment des  phares,  comme  timonier.  Par  son  habileté  et  une 
stricte  attention  à  ses  devoirs,  il  ne  tarda  pas  à  s'acquérir 
la  confiance  de  ses  supérieurs,  et  bien  qu'il  n'eut  pas  l'a- 
vantage d'avoir  reçu  la  moindre  instruction,  il  fut  élevé  en 
1875,  au  grade  de  deuxième  lieutenant.  Il  s'aquitta  d'3 
ses  nouveaux  devoirs  avec  autant  de  bonheur  que  par  le 
passé,  et  comme  résultat,  il  devenait  cinq  uns  plus  tard 
premier  lieutenant.  Depuis  quinze  ans,  M.  Rioux  remplit 
les  devoirs  de  cette  charge  à  son  honneur  et  à  la  grande 
satisfaction  de  ses  inférieurs  aussi  bien  que  <lo  ses  supérieurs. 
Sa  grande  expérience  dans  son  métier,  son  zèle  au  travail,  sa 
bonne  humeur,  en  font  un  favori  de  ceux  qui  viennent  en 
contact  avec  lui. 

SAMUEL    PELTIER. 

M.  Samuel  Peltier  de  Menomenee,  est  né  à  1"  Epiphanie, 
comté  de  l'Assomption,  en  18-47.  Il  est  le  frère  de  M.  A.  C. 
Peltier  qui  fut  député  du  comté  de  l'Assomption.  Ayant 
laissé  son  village  natal  à  l'âge  de  17  ans,  M.  Peltier  vint 
directement  à  Menomenee,  oii  il  entra  à  l'emploi  de  M. 
Samuel  Stephenson,  marchand  de  bois.  Le  jeune  Peltier 
à  rencontre  de  beaucoup  d'autres  de  ces  compatriotes,  était 
économe.  En  1876,  ayant  acquis  un  [>etit  capital,  il  fonda 
l'hôtel  "Traveller's  Home,"  dont  il  est  encore  le  proprié- 
taire. Les  aifaires  de  M.  Peltier  ont  marché  heureusement 
depuis  cette  époque,  grâce  à  son  intelligente  direction,  et  il 
se  trouve  aujourd'hui  le  possesseur  d'une  j<die  fortune.  Il 
est  propriétaire  d'un  grande  étendue  de  terrain  à  Meno- 
menee, et  il  est  actionnaire  dans  plusieurs  banques  et  autres 
entreprises  industrielles.  M.  Peltier  a  été  h  plusieurs  re- 
prises honoré  de  la  confiance  de  ses  concitoyens,  qui  l'ont 
élu  successivement  assistant-shérif,  grand-voyer  et  meml)re 
du  conseil  municipal.  M.  Peltier  à  épousé  en  1878  Melle 
Parent,  originaire  de  Rimouski. 


K-: 


•asm 


290 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


UBALD-R.    LORANGER. 


M.  Ubaltl  R.  Loranger,  avocat,  de  Bay  Citj-,  est  né  à 
L'Avenir,  Québec,  en  1863.  Son  përe,  M.  Josué  F.  Loran- 
ger, était  cousin  des  honorables  juges  Loranger  de  Mont- 
réal. En  1877,  M.  Loranger  vint  avec  ses  parents  dans  le 
Michigan,  et  il  termina  ses  études  à  l'université  du  Michi- 
gan.  S'étant  livré  à  l'étude  du  droit,  il  fut  admis  à  la  pra- 
tique de  cette  profession  en  1887.  Il  eut  alors  l'honneur 
d'être  appelé  comme  associé  dans  un  des  premiers  bureau 
de  Bay  City,  et  le  succès  lui  sourit  dès  le  début.  Ayant 
pris  part  aux  luttes  politiques,  en  faveur  des  républicains, 
M.  Loranger  a  été  élu  avocat  de  la  ville  de  Bay  City  en 
1892. 

HENRI    ROUTHIER. 

M.  Henri  Routliier,  d'Ishpeming,  est  réellement  un  Cana- 
dien des  Etats-Unis,  puisqu'il  est  né  à  Montpelier,  Vermont, 
en  1850.  Lorsqu'il  eut  atteint  l'âge  de  cinq  ans  ses  parents 
retournèrent  au  Canada.  Mais  à  l'âge  de  16  ans  le  jeune 
Routhier  reprenait  la  route  des  Etats-Unis.  Il  travailla 
d'abord  dans  les  états  de  l'Est  comme  commis,  puis  en  1878 
il  vint  s'établir  à  Ishpeming,  où  il  est  actuellement  surveil- 
lant des  trains  sur  le  chemin  de  fer  Duluth  and  South 
Shore.  M.  Routhier  s'est  toujours  occupé  des  intérêts  de 
nos  compatriotes  et  des  affaires  publiques,  et  la  preuve  de 
son  mérite  se  trouve  dans  sa  popularité.  Membre  fonda- 
teur de  l'Union  Canadienne-française  d'Ishpeming  il  en  a 
été  le  premier  président,  et  depuis  il  a  été  réélu  sept  ou  huit 
fois  à  cette  charge  d'honneur.  Il  était  trésorier  de  l'ancienne 
congrégation  mixte,  et  lors  de  la  formation  de  la  paroisse 
canadienne  il  fut  unanimement  continué  dans  cette  charge. 
Il  s'imposa  alors  un  travail  considérable  pour  protéger  les 
intérêts  (les  Canadiens  dans  la  division  des  biens  de  l'an- 
cienne fabrique.  Membre  du  conseil  municipal  d'Ishpeming 
depuis  plusieurs  années,  M.   Routhier  a  eu  l'honneur  d'en 


liiiH 


QUELQUES    CONTEMPORAINS 


291 


•ge. 
les 
an- 


être  élu  le  président.  Il  est  aussi  le  chef  de  la  brigade  des 
pompiers,  qu'il  représentait  à  la  grande  convention  de  Mont- 
réal en  1894.  Enfin,  M.  Routhier  a  eu  l'honneur  d'être  élu 
en  1886  pour  représenter  le  comté  de  Marquette  dans  la 
législature  du  Michigan. 

JOSEPH-C.    MAYNARD. 

M.  Joseph  Maynard,  de  Negaiinee,  est  né  à  Laprairie  en 
1857.  Jeune  encore  il  laissa  le  Canada  pour  aller  tenter  la 
fortune  à  Suncook,  N.H.  Il  y  passa  six  ans,  puis  il  s'en  vint 
à  Oconto,  Wis.,  où  il  se  lança  dans  le  commerce  pour  son 
propre  compte.  Il  obtint  assez  de  succès,  mais  pour  des 
raisons  de  santé,  il  dut  en  1887  laisser  Oconto.  C'est  alors 
qu'il  vint  à  Negaunee,  où  il  ouvrit  une  épicerie.  Mais  la 
maladie  l'a  encore  forcé  à  se  retirer  des  affaires.  Néanmoins, 
M.  Maynard  a  trouvé  le  moyen  de  faire  des  économies  con- 
sidérables et  aussi  de  s'intéresser  aux  affaires  publiques.  Il 
a  été  élu  membre  du  conseil  mimicipal  à  Oconto  et  recorder 
à  Xegaunee.  Dans  la  société  des  Chevaliers  de  Lafayette 
il  a  eu  l'honneur  d'occuper  les  charges  de  secrétaire-archi- 
viste, de  secrétaire-financier  et  de  président. 

JOSEPII-niLAIRE    PRIMEAU. 

M.  Joseph-IIilaire  Primeau,  de  Negaunee,  est  né  à  Ste- 
Martine,  comté  de  Chateauguay,  le  30  avril  1848.  Il  suivit 
les  cours  du  collège  de  Montréal  et  du  collège  Masson,  et 
après  avoir  terminé  ses  études  classiques,  il  passa  par  l'école 
militaire  de  Québec,  d'où  il  sortit  en  1864  avec  ses  certifi- 
cats de  premières  et  de  deuxième  classe.  Il  commença  en- 
suite l'étude  du  droit,  mais  trouvant  les  codes  trop  arides, 
il  vint  en  1868  à  Negaunee,  où  il  trouva  de  l'emploi  dans 
le  commerce.  En  1871  il  se  transporta  à  Marquette,  où  il 
fut  encore  commis,  En  1873  il  était  élu  recorder  de  Mar- 
quette, position  qu'il  garda  pendant  sept  ans.  Durant  cette 
période  M.  Primeau  donna  beaucoup  de  temps  à  l'enseigne- 


292 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


ment  du  français.  Il  contribua  aussi  en  1874  à  l'organisa- 
tion (le  la  société  St-Jean-Baptiste  du  comté  de  Marquetfo. 
En  1881  nous  le  retrouvons  à  Negaunee,  où  il  ouvrit  un 
bureau  de  courtier  d'assurance.  Le  printemps  suivant  il 
fut  élu  juge  de  paix.  En  1886  il  fut  élu  recorder,  et  depuis 
il  a  occupé  cette  position  à  plusieurs  reprises.  Orateur 
puissant,  M.  Primeau  à  soi/ivent  été  appelé  pour  adresser  la 
parole  dans  les  divers  centres  canadiens  du  Michigan.  Il 
a  fondé  la  société  St-Jean-Baptiste  de  Negaunee  et  il  a  été 
un  des  chefs  dans  les  conventions  des  Canadiens  du  Haut 
Michigan. 

CYRILLE    HOULE. 

M.  Cyrille  Houle,  de  Negaunee,  est  né  à  Gentilh',  en 
1849.  Parti  de  sa  paroisse  natale  à  l'âge  de  dix  ans  pour 
Montréal,  il  passa  à  l'âge  de  16  ans  à  Petroleum,  Penn.  Il 
resta  trois  ans  en  cet  endroit,  puis  il  vint  en  1868,  se  fixer 
à  Negaunee.  Il  est  actuellement  à  l'emploi  des  chemins 
de  fer  comme  télégraphiste  et  directeur  de  gare.  M.  Houle 
est  un  membre  zélé  des  sociétés  nationales.  Il  a  été  mem- 
bre du  bureau  des  écoles  publiques,  et  en  188:5,  il  fut  l'ad- 
versaire heureux  de  M.  Hilaire  Primeau  pour  la  position 
de  recorder  de  Negaunee. 


ZACHARIE   JACQUES. 

M.  Zacharie  Jacques,  l'un  des  Canadiens  les  plus  respec- 
tés du  lac  Supérieur,  est  né  dans  la  paroisse  de  St-Barthé- 
lemi,  comté  de  Berthier,  en  1833.  Fils  de  cultivateur,  il 
apprit  le  métier  de  charpentier-menuisier,  et  h  l'âge  de 
vingt-deux  ans,  il  alla  tenter  la  fortune  à  Goodrich.  Il  ne 
demeura  pas  longtemps  à  cet  endroit  toutefois.  Le  7  juin 
1857,  il  arrivait  ou  Portage,  nom  que  l'on  donnait  alors 
aux  villes  de  Houghton  et  Hancock.  Après  avoir  exercé 
son  métier,  comme  employé  des  MM.  Sheldon,  puis  pour 
son  propre  compte,  M.  Jacques  entra  eu  1869,  au  service 


p 


QUELQUES   CONTEMPORAINS 


293 


(le  la  "  Lake  Superior  Copper  Co,"  comme  contre-maître 
des  charpentiers,  position  qu'il  remplit  avec  honneur  depuis 
plus  d'un  quart  de  siècle.  Lorsque  M.  Jacques  vint  dans 
le  comté  de  Houghton,  il  n'y  avait  qu'une  seule  mine  en 
exploitation,  et  il  fallait  aller  débarquer  à  Eagle  Harbor. 
Il  a  vu  naître  la  ville  de  Hancock,  et  il  a  co-opéré  avec  zMe 
à  toutes  les  œuvres  religieuses  et  patriotiques.  Il  a  été  le 
président  de  la  Société  St- Jean-Baptiste  de  Houghton  et 
Hancock  durant  les  «[uatre  premières  années  de  son  exis- 
tence. En  même  temps  qu'il  donnait  généreusement  h 
toutes  les  entrt^prises  méritoires,  il  a  su,  par  son  esprit 
d'ordre  et  son  jugement,  s'acquérir  plusieurs  propriétés  dans 
Hancock,  Lake  Linden  et  Dollar  Bay.  M.  Jacques  épousa 
Mademoiselle  Clara  O'N'eil,  institutrice  à  St-Barthélemi,  en 
18ô9,  et  sa  famille  vint  le  rejoindre  au  lac  Supérieur,  en  1870. 
Il  est  aujourd'hui  le  père  d'une  famille  qui  lui  fait  honneur. 
Deux  de  ses  tilles  sont  religieuses  dans  l'ordre  de  St-Joseph, 
et  les  plus  îigés  de  ses  fils  occupent  d'excellentes  positions 
dans  Hancock. 

CHAULES    0.    OLIVIER. 

M.  Charles  Onésime  Olivier,  de  Hancock,  est  né  en  l86ô, 
à  Berthier.  Il  est  le  iils  de  Louis  Olivier,  cultivateur, 
cousin  germain  de  riionorable  juge  Olivier.  Après  avoir 
fait  d'excellentes  études,  M.  Olivier  entra  à  dix-huit  ans 
dans  le  commerce,  et  en  1884,  il  vint  "h.  Hancock,  où  il 
trouva  facilement  de  l'emploi.  Il  était  premier  commis 
dans  le  magasin  Ryan,  le  plus  important  de  Tendroit,  lors- 
qu'il se  décida,  en  1890,  à  ouvrir  une  épicerie  pour  son  pro- 
pre compte.  La  fortune  Uii  a  souri,  et  il  occupe  aujour- 
il'hui  une  position  influente  parmi  les  citoyens  de  Hancock. 
En  1894,  il  a  été  greffier  de  cette  municipalité,  et  il  peut 
compter  sur  l'avenir.  M.  Olivier  a  épousé  en  1886,  Made- 
moiselle Octavie  Jacques,  flUe  de  M.  Zacharie  Jacques. 


294 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


JOSEPH    CROZE. 

M.  Joseph  Croze,  de  Houghton,  l'un  des  plus  riches 
Canadiens  des  Etats-Unis,  est  né  à  Saint-Henri  de  Maseou- 
che,  le  8  février  en  1841.  Après  avoir  reçu  une  éducation 
élémentaire,  il  prit  la  route  du  lac  Supérieur,  et  en  1859,  il 
débarqua  à  Eagle  River,  dans  le  comté  de  Keweenaw.  Il 
travailla  à  la  mine  Cliff  pendant  quelques  temps,  puis  il  devint 
contre-maître  à  la  mine  Garden  City.  Il  fut  ensuite  quatre 
ans  commis  dans  un  hôtel,  et  en  1869,  il  vint  à  Iloughton.  11 
entra  au  service  de  MM.  Smith  &  Ilarris,  marchands,  et 
garda  cette  position  pondant  huit  ans.  A  cette  époque, 
M.  Croze  avait  déjà  réalisé  des  économies,  et  en  1 876,  il 
acheta  un  remorqueur  de  M.  Joseph  Grégoire,  de  Lake 
Linden,  et  depuis  1879,  il  s'est  surtout  consacré  à  dévelop- 
per cette  entreprise.  Il  est  aujourd'hui  propriétaire  de 
plusieurs  navires,  il  possède  un  bassin  <le  radoub  à  Hough- 
ton,  et  il  fait  un  commerce  considérable  de  charbon.  Il 
exploite  aussi  les  pêcheries,  et  il  est  réputé  être  un  des  plus 
grands  propriétaires  de  terrains  inexploités  dans  la  région 
du  lac  Supérieur.  M.  Croze  est  un  républicain  convaincu, 
et  il  exerce  une  grande  influence  dans  son  parti.  Il  s'in- 
téresse beaucoup  au  sort  de  ses  compatriotes,  et  il  a  fait  des 
sacrifices  considérables  pour  établir  un  journal  français  dans 
le  comté  de  Houghton. 


LAURENT    JACQUES. 

Les  Canadiens-français  de  Lake  Linden  ont  l'hotuieur  de 
voir  l'un  des  leurs  occuper  la  position  importante  de  tré- 
sorier du  township  de  Schoolcraft.  M.  Laurent  Jacques, 
qui  a  rempli  cette  charge  durant  plusieurs  années,  est  né  à 
8t-Barthélemi,  comté  de  Berthier,  le  1er  septembre  1847. 
Il  vint  aux  Etats-Unis  à  l'âge  de  22  ans,  et  après  quelques 
temps  passés  dans  l'Est,  il  vint,  en  1874,  se  fixer  à  Lake 
Linden  où  il  ouvrit  une  for^v.  et  une  manufacture  de  vol- 


QUELQUES    CONTEMPORAINS 


295 


tiires.  Ses  affaires  ont  toujours  grandi  et  prospéré,  et  il  se 
voit  aujourd'hui  î\  la  tête  d'un  des  meilleurs  établissements 
du  genre  de  la  région. 

M.  Jacques,  avant  d'être  trésorier  du  township  deSehool- 
craft,  fut  évaluateur  du  village  de  Lake  Linden  ;  et  depuis 
trois  ans  il  est  aussi  trésorier  de  la  société  St-Jean-Baptiste 
dont  il  est  un  des  membres-fondateurs. 

M.  Jacrpies  épousa  Eugénie  Bussière  en  1871  à  "Wooji- 
socket,  R.I.  Devenu  veuf  en  1874  il  a  marié  en  seconde 
noce,  en  1882,  mademoiselle  Victorino  Trépanier. 


EUCHARTSTE    BRULE, 

; 

Les  positions  de  greffier  du  village  de  Lake  Linden  et  du 
township  de  Schoolcraft  ont  aussi  été  occupées  par  un  Cana- 
dien-français, M.  Euchariste  Brûlé. 

M.  Brûlé  est  né  le  25  février  1837  dans  la  paroisse  de  8t- 
Barthélemi,  comté  de  Berthier,  province  de  Québec  Après 
avoir  terminé  son  éducation  au  collège  de  Joliette,  il  s'en- 
gagea comme  commis-marchand  à  St-Ambroise  de  Kildare, 
d'où  en  1852,  il  passa  à  Montréal  où  il  obtint  encore  une 
position  dans  un  magasin  de  gros  de  nouveautés. 

C'est  dans  l'été  de  1855  que  M.  Brûlé  vint  dans  la  région 
du  cuivre  du  lac  Supérieur.  Le  16  juin  il  prenait  le  vapeur 
"  Illinois"  à  Détroit,  et  deux  jours  plus  tard  il  était  au  Saut 
Ste-Marie  et  assistait  à  l'ouverture  du  canal  à  cet  endroit. 

Arrivé  à  Houghton  M  Brûlé  s'engagea  à  la  compagnie 
Mine  Royal  et  garda  cet  emploi  pendant  environ  un  an. 
Depuis  cette  époque  jusqu'en  1887,  M.  Brûlé  fut  toujours 
employé  dans  des  magasins  généraux  ou  de  nouveautés.  Kn 
1873  il  alla  à  Lake  Linden  et  s'associa  à  la  maison  .1  -B. 
Ormsby  &  Cie.  Vers  1876  il  céda  ses  intérêts,  et  alla  passer 
quelques  mois  dans  le  comté  de  Kalamazoo.  Il  revint  à 
Lake  Linden  et  fut  employé  pendant  quelques  années  cliez 
Harris. 

Durant  son  séjour  à  Houghton,  M.  Brûlé  occupa  pendant 


296 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


dix  au8  la  position  de  grefTier  de  township,  et  fut  pendant 
sept  ans  juge-de-paix.  Il  a  été  le  premier  notaire  à  Lake 
Lii!  len,  l'un  des  premiers  syndics  de  l'école  de  cette  localité, 
et  le  premier  inspecteur  d'école  du  township  de  Schoolcraft. 
Il  a  été  plusieurs  fois  réélu  à  ces  diverses  positions.  En 
1887  il  fut  nommé  par  le  président  Cleveland  à  la  position 
de  maître  de  poste,  qu'il  dut  naturellement  abandonner  lors 
de  l'arrivée  des  républicains  au  pouvoir. 

FÉLIX    ROULEAU. 

M.  Félix  Rouleau,  l'un  des  plus  beaux  types  du  cultiva- 
teur canadien  dans  le  Michigan,  est  originaire  de  St-Cuth- 
bert,  comté  de  Bertliier.  Né  en  1827,  il  partit  à  l'âge  de 
vingt-ans  pour  le  Saut  Ste-Marie.  Un  an  plus  tard  il  se  ren- 
dait à  Grand  Rapids.  Dans  ce  voyage  il  fit  300  milles  à  pied 
par  des  routes  quasi  inexplorées.  Durant  son  séjour  à  Grand 
Rapids,  il  descendit  le  Mississipi  plusieurs  fois  jusqu'à  St- 
Louis  sur  des  radeaux.  Au  bout  de  deux  ans  il  alla  se 
fixer  à  Wausali,  Wis.,  où  il  resta  sept  ans.  Durant  tout 
ce  temps  M.  Rouleau  prenait  des  contrats  pour  la  coupe  du 
bois.  En  1859  il  arriva  dans,  le  comté  de  Houghton,  et 
îil)rès  avoir  travaillé  pendant  onze  ans  à  fournir  du  bois  aux 
mines,  il  décida  de  se  faire  cultivateur.  En  1871  il  fit  l'ac- 
quisition de  800  acres  de  terre,  et  depuis  il  a  considérable- 
ment agrandi  son  patrimoine.  Sa  terre  se  trouve  à  quelques 
milles  de  la  ville  de  Hancock.  Malgré  des  incendies  qui 
lui  ont  souvent  fait  subir  des  pertes,  M.  Rouleau  se  trouve 
k  la  tête  d'une  petite  fortune.  A  travers  sa  longue 
et  aventureuse  carrière,  M.  .Rouleau  est  resté  fervent  chré- 
tien, et  il  est  un  des  pilliers  de  l'église  canadienne  et  de  la 
société  St- Jean -Baptiste  de  Houghton  et  Hancock. 

ANTOINE    GRIGNON. 

M.  Antoine  Grignon,  de  Houghton,  né  à  Montréal  en 
1836,  est  devenu  un  des  citoyens  les  plus  respectés  de  sa' 


QUELQUES    CONTEMPORAINS 


297 


ville  d'adoption.  Après  avoir  reçu  une  bonne  éducation  com- 
merciale et  avoir  appris  le  métier  de  menuisier,  M.  Grignon 
quitta  Montréal  en  1870  pour  la  Nouvelle-Orléans.  Il  ne 
resta  pas  longtemps  en  Lousiane,  et  après  un  court  séjour  à 
Chicago,  il  vint  en  1878  se  tixer  à  Houghton,  où  il  se  fit 
entrepreneur.  Intègre  en  tout,  charitable  i\t  tisane,  M.  Gri- 
gnon  a  conquis  l'estime  de  tous  ceux  qui  le  connaissent.  Il 
a  été  président  de  la  société  St-Jean-Baptiste. 

AUGUSTE    JOYAL. 

M.  Auguste  Joyal,  président  de  la  société  St-Jean-Bap- 
tiste  de  Lake  Linden,  est  né  àSt-David,  Yamaska,  en  1855. 
D'abord  télégraphiste,  il  se  fit  ensuite  comptable,  et  en  1881 
nous  le  voyons  à  Lake  Linden  occupant  cette  position  dans 
un  des  premiers  magasins  de  Lake  Linden.  Aujourd'hui 
il  fait  affixire  pour  son  compte.  Dans  la  société  St- Jean- 
Baptiste,  M.  Joyal  a  occupé  toutes  les  charges  d'honneur  et 
de  confiance,  preuve  de  sa  popularité. 


CHARLES    ANGERS. 

M.  Charles  Angers,  un  des  pionniers  du  lac  Supérieur, 
vint  dans  cette  région  en  1846,  à  l'âge  de  treize  ans.  Il 
était  originaire  de  Québec.  Après  avoir  couru  des  aven- 
tures dans  les  bois  avec  les  Sauvages  il  vint  à  Ontonagon 
en  1848,  où  il  vécut  22  ans.  Soit  comme  contremaître  où 
comme  entrepreneur  il  eut  du  succès  et  s'acquit  un  joli  ca- 
pital. En  1870  il  se  transporta  à  Hancock  et  deux  ans  plus 
tard  il  obtenait  le  contrat  pour  la  construction  du  chemin 
de  fer  Minerai  Range.  Il  est  depuis  toujours  resté  à  l'em- 
ploi de  cette  compagnie,  comme  surveillant  des  travaux . 
Excellent  catholique,  M.  Angers  a  construit  deux  églises  et 
a  toujours  pris  un  intérêt  actif  aux  entreprises  religieuses  et 
nationales. 


298 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


JOSEPH    PARENT. 

M.  Joseph  Parent,  de  Menomenee,  est  né  à  St-Germaiii- 
fle-Riraouski  le  81  mai  1860.  Il  vint  à  Lake  Lindeu  on 
1879,  et  de  là  à  Menomenee  en  1»83.  Après  avoir  travaillé 
comme  commis  pendant  quelques  années  il  s'est  lancé  dans 
le  commerce  pour  son  propre  compte  en  1887,  et  il  réussit 
grâce  à  la  contiance  qu'il  su  inspirer  à  tous  ses  compatriotes. 
Dans  la  société  St-Jean-Baptiste  il  a  été  honoré  de  la  charge 
de  président. 

EMMANUEL   ST-JACQUES. 

M.  Emmanuel  St- Jacques,  d'Escanaba,  est  né  le  2ô  dé- 
cembre 1855  à  St-Benoit,  comté  des  Deux-Montagnes. 
Etabli  à  Escanaba  depuis  1872,  il  travailla  d'abord  comme 
forgeron,  et  en  1885  il  se  lança  dans  le  commerce  d'épice- 
ries, dans  lequel  il  a  réussi.  Un  des  premiers  membres  de 
l'Institut  Jacques-Cartier  d'Escanaba,  M.  St-Jacques  a  été 
pendant  trois  ans  trésorier  de  cette  société  et  il  en  a  été  pré- 
sident en  1890  et  1891.  M.  St-Jacques  a  été  élu  évaluateur 
de  son  quartier,  membre  du  conseil  municipal  et  à  d'autres 
charges  qui  attestent  sa  popularité.  Cette  popularité,  il  l'a 
dignement  conquise  par  son  intégrité  et  son  intelligent  dé- 
vouement à  toutes  les  œuvres  patriotiques  et  d'intérêt 
publique.  . 

FRANÇOIS   BRACKETT. 

François  Brackett,  né  à  Waterville,  Maine,  de  parents 
qui  étaient  eux-mêmes  nés  aux  Etats-Unis,  M.  Brackett 
parle  cependant  encore  le  Français.  Il  naquit  en  1859,  et 
aprës  avoir  séjourné  quelques  temps  à  Oldtown,  Maine,  ses 
parents  l'amenèrent  dans  le  Wisconsin.  Il  retourna  ensuite 
à  Providence,  R.I.,  puis  en  1883  nous  le  trouvons  établi  près 
de  Muskegon,  Mich.  Enfin  en  1«86  il  vint  à  Cheboygan, 
où  il  ouvrit  une  pharmacie.  M.  Brackett  se  mêla  aux 
Canadiens  qui  l'estimèrent  beaucoup  et  l'élurent  président 
de  leur  société  St-Jean-Baptiste. 


QUELQUES    CO.VTEMPOllAINH 


200 


PIERRE    IJISSONXETTE. 

M.  Pierre  Bissonnette,  né  dans  le  comté  de  Nupiervillo 
en  1844,  laissa  sa  paroisse  natale  à  l'âge  de  treize  ans  pour 
aller  travailler  dans  le  nord  de  New- York.  En  1862  il  s'en 
vint  dans  l'Ouest,  visita  Grand  Traverse  City,  Toledo,  St- 
LouÎh  et  Chicago,  et  finalement  en  1805  il  vint  fixer  sa  tente 
dans  le  comté  de  Hongliton.  Doué  d'une  force  herculéenne, 
M.  Bissonnette  s'était  déjà  fait  remarquer  dans  les  eluiii- 
tiers.  Il  se  fit  entrepreneur  et  fut  assez  heureux  pour 
amasser  une  petite  fortune.  A])ros  avoir  été  quelques  an- 
nées dans  le  commerce  des  viandes,  M.  Bissonnette  s'est 
retiré  en  1891.  Il  est  le  père  de  huit  enfants  dont  l'ainése 
destine  à  la  pratique  du  droit,  après  avoir  fait  des  études 
classiques  à  Bourbonnais. 

ADOLPHE    MAGNAN 

M.  Adolphe  Magnan,  originaire  du  comté  de  l'Assomp- 
tion, arriva  à  Manistee  en  1855,  époque  à  laquelle  commen- 
çait la  colonisation  de  cette  localité.  Obligé  d'abord  d'aller 
travailler  dans  les  chantiers,  M.  Magnan  se  fit  remar({uer 
bientôt  par  son  intelligence,  et  de  grade  en  grade,  il  est  ar- 
rivé à  être  l'homme  de  confiance  d'un  des  plus  grands  mar- 
chands de  bois  du  Michigan  et  le  chef  reconnu  des  Cana- 
diens de  Manistee,  qui  l'ont  maintenu  à  la  tête  de  leur 
société  St- Jean-Baptiste.  Républicain  dévoué,  M.  Magnan 
a  aussi  été  élu  successivement  juge  au  bureau  des  tutelles  et 
maire  de  la  ville  de  Manistee. 


L  ABBE    ROCH    MAGNAN. 


M.  l'abbé  J.  Roch  Magnan,  frère  du  précédent,  curé  de  la 
paroisse  canadienne  de  Muskegon  depuis  1885,  est  né  à 
l'Assomption  le  18  janvier  1857.  Ordonné  prêtre  en  1881, 
il  resta  professeur  de  belles-lettres  au  collège  de  l'Assomp- 
tion jusqu'à  l'époque  où  il  fut  appelé  à  la  cure  de  Mus- 


aoo 


LES   CANADIENS    DU    MICUIGAN 


I 


iî   I 


ki'i^ou  par  ^Igr  Rielitor.  Dans  cette  poHÎtioii  il  a  fait  un 
bien  iniineiise.  Il  est  un  (U'h  plus  énergiques  organisateurs 
du  mouvement  j>atriotique,  et  e'est  lui  (jui  fut  chargé  do 
présenter  le  rapport  sur  l'organisation  de  l'union  des  so- 
ciétés à  la  Cctnvention  Générale  <le  Chicago  en  1892. 

ANTOINB-E.     <'ARTIEH. 

M,  Ant()ine-K.  Cartier,  de  Ludington,  l'un  des  plus  riches 
Oaïuidiens  du  Michigan,  vint  dans  cette  région  en  1857. 
D'abord  simple  bûcheron,  puis  entrepreneur,  il  est  aujour- 
d'hui pro[triétaire  de  scieries  d'une  grande  valeur.  M. 
Cartier  a  deux  fois  été  élu  maire  de  la  ville  de  Ludington, 
et  il  est  considéré  comme  un  des  citoyens  les  plus  utiles  de 
l'endroit.  ' 

GASPARD    PACAUD. 

M.  Gas^iard  Pacaud,  frère  cadet  de  M.  Ernest  Pacaud  de 
Quél)ec,  vint  à  Détroit  en  sortant  du  collège  en  1879.  Peu 
de  temps  après  il  contribuait  h  la  fondation  du  Progrès  de 
Windsor,  Ontario  Ce  journal  devint  bientôt  un  instru- 
ment utile  pour  le  parti  libéral,  et  M.  Pacaud  qui  avait 
aussi  prêté  le  concours  de  sa  parole,  était  choisi  en  1886 
comme  candidat  libéral  aux  élections  provinciales.  Après 
une  lutte  acharnée  il  avait  l'honneur  d'être  élu  pour  repré- 
senter le  comté  d'Essex  Xord  dans  la  législature  d'Ontario, 
C'était  la  première  fois  qu'un  Canadien-français  arrivait  à 
ce  poste.  Battu  aux  élections  de  18i'*9,  par  suite  de  divisions 
entre  les  libéraux  anglais  et  français,  M.  Pacaud  s'est  fait 
admettre  à  la  pratique  du  notariat  et  il  co.itinue  à  rédiger 
Le  Progrès. 

.lACQUES-A.     VISGER. 

La  famille  Yisger  est  d'origine  flamande  et  n'a  rien  de 
commun  avec  les  Vigers  du  Canada.  Nous  sommes  portés 
à  croire  qu'elle  vint  à  Détroit  d'Albanj'  ou  de  New- York 
immédiatement  après  la  conquête,  en  1768.     Quoiqu'il  en 


(iUKUiUES    «'ONTKMIMUlAliNS 


801 


8oît  cette  tiiiuillo  s'ont  c'(>in|>lètoiiu'iit  identitit'oiUix  pivuiiiTs 
piotniitTri  «If  Détroit.  Nous  voyons  [)ar  Ich  ri'i:;istres  du 
tenipH,  ([ue  dèn  1 774,  Windert  Visgor  et  .facobus  Visgcr 
étaient  engagé  dans  le  cotnnieree.  Ce  dernier,  c^ni  fut  le 
gran«r]>ère  de  M.  .Iae«iues  A.  Yisger,  eut  une  carrière  des 
plus  lionorables  et  des  plus  utiles  j\  ses  eoneitoyens. 

En  1781  et  de  nouveau  en  178-5.  Jaeob  Visger  est  men- 
tionné eonime  taisant  un  conniieree  eonsidéruble  en  soeiété 
de  M.  Graverat.  En  1795  il  reçut  une  étendue  considérable 
de  terrain  des  Sauvages,  Cependant  la  législature  du  ter- 
ritoire du  Nord-Ouest  ayant  été  organisée,  il  tut  élu  [»our 
y  représente,  t  comté  de  AVayne  en  1799.  L'année  sui- 
vante il  ilevenait  "  eounty  commissioner"  et  juge  de  la  cour 
des  "  Common  Pleus."  Il  retint  cette  dernière  [>osition 
jus(pi'en  1805  alors  <[ue  la  cour  cessa  d'exister.  Deux  ans 
l)lu8  tard,  en  1807,  une  cour  ayant  Jurisdiction  en  matière 
civile  et  commerciale  ayant  été  établie,  il  devint  aussitôt  juge 
assistant,  et  en  1809,  juge-en-chef  de  cette  cour.  En  1821 
il  était  juge-de-paix.  Il  fut  pendant  plusieurs  années  capi- 
taine de  la  iiiliee  et  en  cette  (qualité  prit  part  à  la  guerre  de 
1812. 

Joseph  Yisger,  lils  du  précédent,  naquit  en  1794.  I^ors 
de  la  guerre  de  1812  il  figure  comme  volontaire  dans  une 
compagnie  de  "scouts"  organisée  pour  mettre  un  terme  aux 
ravages  des  Sauvages.  Il  fut  tour  h  tour  trésorier,  "town 
clerk"  et  "supervisor"  d'Ecorce.  Il  mourut  du  choléra  en 
1849.  Il  avait  épousé  Nancy  Godfroy.  De  cette  union 
naquit  M.  Jacques  A.  Visger,  à  Springvvells,  le  30  juillet 
1824.  Dix  ans  plus  tard  sa  famille  alla  demeurer  à  Ecorce. 
Jacques  travailla  sur  la  ferme  jusqu'à  l'âge  de  21  ans.  A 
cet  âge  il  fut  élu  trésorier  du  "town"  d'Ecorce.  Il  occupa 
cette  position  pendant  sept  ans,  et  par  son  intégrité  et  son 
soin  donna  une  satisfaction  générale.  Il  occupa  par  la  suite 
la  position  de  "  town  clerk."  En  1862  il  était  élu  "  super- 
visor" d'Ecorce.      En  1868  il  abandonna  cet  emjdoi  pour 


302 


LES    CANADIENS   DU    MICHIQAN 


accepter  le  poste  d'auditeur  du  comté  de  Wayiie.  Il  devint 
ensuite,  en  1874,  "supervisor"  d'Hamtramck.  Il  retint  ou- 
coro  cette  position  pendant  sept  ans.  De  1885  à  1891  il  a 
ét(v  député-registrateur  du  comté  de  Wayne. 

JOSEPH    CUSSON. 

M.  Joseph  Ousson,  de  Bay  City,  né  dans  la  province  de 
Québec  en  1834,  passa  dans  l'Etat  de  New-York  à  l'âge  de 
douze  ant*.  Ayant  appris  le  métier  de  menuisier  il  vint  à 
Bay  City  en  1851,  où  il  a  réussi  à  se  faire  une  position 
lionorable.  Il  a  été  trésorier  de  la  ville  en  1881-^2  puis 
inspecteur  des  salines.  Il  fut  l'organisateur  de  la  société 
Lafayette  et  il  reste  l'un  des  plus  dévoués  amis  de  toutes 
les  entreprises  patriotiques.  i 


ALBERT-J.    PAULI. 

Albert  J.  Pauli,  marchand,  de  Menomenee,  est  né  à  Paris, 
France,  le  24  juin  1858.  Il  est  fils  de  Jacques-Marie  Pauli, 
Alsacien,  qui  émigra  à  Paris  en  1855.  M.  Pauli  reçut  une 
bonne  instruction  dans  les  écoles  communes  et  au  collège 
Colbert  de  Paris.  Dès  cette  époque  il  montrait  un  goût 
prononcé  pour  les  affaires.  Dans  l'automne  de  1872  il  vint 
à  Menomenee  et  obtint  une  position  dans  le  magasin  de 
Harter  &  Harvath.  Il  resta  au  service  de  cette  maison  jus- 
qu'en 1875,  alors  qu'il  entra  dans  celle  de  George  Harvath. 
En  1880  il  fonda  un  magasin  à  son  nom;  et  par  son  tact 
et  son  attention  aux  affaires  il  en  a  fait  la  principale  maison 
de  Menomenee  dans  le  genre.  Cédant  aux  instances  de  ses 
nombreux  amis,  Af.  Pauli  se  laissa  mettre  en  nomination  par 
le  [tarti  républicain  en  1888  pour  la  position  de  trésorier  du 
comté  de  Menomenee.  Il  a  été  élu  deux  fois  à  cette  posi- 
tion de  haute  responsabilité,  la  dernière  dans  l'automne  de 
1892,  par  une  majorité  de  plus  de  mille  voix.  ^Ce  fait  suffit 
à  lui  seul  pour  établir  la  grande  considération  dont  jouit 


QUELQUES    CONTEiMPORAINS 


303 


M.  Pauli  tlaus  toutes  les  classes  de  la  société — considération 
qu'il  s'est  gagné  du  reste  par  ses  talents,  l'intégrité  et  l'af- 
fabilité qu'il  déploie  en  toutes  circonstances.  Le  nom  de 
M.  Pauli  est  particulièrement  populaire  parmi  les  Cana- 
diens (|ui  sont  toujours  assurés  de  trouver  en  lui  un  ami 
capable  de  comprendre  leurs  sentiments  et  leur  langue. 

l'abbé    MICHEL   LETELLIER. 

M.  L'abbé  Michel  Letellier  de  St-Just,  frère  de  l'ancien 
lieutenant-gouverneur  de  la  province  de  Québec,  vint  d'a- 
bord exercer  son  ministère  apostolique  dans  l' Illinois,  où  il 
releva  les  ruines  du  sanctuaire  de  Ste-Anne  de  Kankakee 
renversé  par  l'apostat  Chiniqu3\  Il  signala  son  arrivée  dans 
le  Michigan  en  organisant  la  paroisse  canadienne  de  Mus- 
kegon  en  1883.  De  là  il  passa  à  Alpena  en  1884,  où  il  or- 
ganisa encore  nos  compatriotes  en  paroisse  distincte,  et  fit 
ériger  une  école  et  un  couvent. 

Passant  dans  le  diocèse  de  Marquette  il  fut,  en  1887, 
chargé  d'organiser  la  paroisse  canadienne  de  Menomenee. 
Cet  infatigable  missionnaire  qui,  quelques  mois  auparavant, 
était  venu  à  la  porte  du  tombeau  par  suite  de  tous  ses  la- 
beurs apostoliques,  mit  le  pied  dans  Menomenee  pour  la 
première  fois,  la  seconde  semaine  d'octobre.  Dans  le  mois 
de  novembre  suivant,  il  sépara  nos  compatriotes  de  la  con- 
grégation mixte  de  St- Jean-Baptiste  et  il  organisa  la  nou- 
velle congre  :,ation.  Les  propriétés  actuelles  de  l'ancienne 
paroisse  fuvent  évaluée^'  d'un  commun  accord  à  |13,000.  Le 
Père  Letellier,  gr/lce  à  d  habiles  négociations,  put  obtenir 
pour  les  Canadiens  une  part  de  |4,800. 

Sans  perdre  de  temps,  le  Père  Letellier  fit  jeter  les  fonda- 
tions de  la  nouvelle  église,  et,  pendant  tout  l'hiver,  il  par- 
courut les  camps  pour  ramasser  des  fonds.  C'est  ainsi 
que,  pour  les  intérêts  de  ses  nationaux,  ce  prêtre  dévoué  a 
payé  de  sa  personne,  et,  au  priuremps  il  avait  réalisé  la 
somme  de  près  de  ^1,500. 


304 


LES   CANADIENS    DU    MICHIGAN 


Enfin  il  fit  si  bien  qu'il  réussit  eu  un  an  à  ériger  un  ma- 
gnifique temple  valant  $20,000. 

Voulant  encore  utiliser  son  zële  et  son  énergie,  Mgr 
Vertin  le  chargea  en  1890  de  jeter  les  bases  de  la  paroisse 
canadienne  d'Ishpeming.  Cette  tâche  heureusement  accom- 
plie, M.  Letellier  fut  nommé  à  la  cure  de  Lake  Linden.  Il 
reste  toujours  prêt  à  servir  la  cause  nationale  avec  une  éner- 
gie indomptable. 

M.  l'abbé  dassylva. 

M.  l'abbé  T.  V.  Dassylva  est  né  k  Québec  le  27  mai  1859. 
Après  un  bon  cours  d'études  au  séminaire  de  Québec,  il 
étudia  la  philosophie  et  la  théologie  à  l'université  Laval. 
Il  embrassa  l'état  ecclésiastique  en  1884  et  reçut  la  tonsure 
la  même  année.  Il  se  consacra  deux  ans  à  l'enseignement 
au  collège  St-Laurent,  près  de  Montréal. 

Il  se  rendit  ensuite  à  Marquette,  Micli.,  où  Mgr  Vertin 
lui  donna  le  diaconat,  le  19  juillet  1888,  et  l'ordonna  prêtre 
le  jour  suivant. 

Après  avoir  exercé  le  ministère  à  Houghton  et  à  Ish- 
peming  il  fut  nommé  à  la  cure  de  l'Anse,  puis  à  celle  de 
Spalding. 


CONCLUSIONS. 


Le  dernier  recensement  des  Etats-Unis,  fait  en  1800, 
constate  qu'il  y  avait  alors  dans  le  Michigan  183,000 
personnes  nées  en  Canada.  Sur  ce  nombre  l'expérience 
nous  apprend  qu'on  peut  compter  au  moins  90,000 
Canadiens-français.  Si  nous  ajoutons  à  ce  nombre,  les 
entants  de  ces  Canadiens-français  qui  sojit  nés  aux  Etats- 
Unis,  soit  au  moins  50,000,  nous  arrivons  à  la  conclusion 
que  la  population  canadienne-française  de  l'état  est  aujour- 
d'hui de  140,000  îimes.  C'est-à-dire  qu'elle  s'est  plus  que 
doublée  dans  l'espace  de  vingt  ans.  Cette  augmentation 
rapide  est  évidemment  due  à  l'émigration  de  la  province  de 
Québec,  qui  a  été  contiruielle  depuis  1870.  Cette  émi- 
gration s'est  surtout  dirigée  vers  le  nord  de  l'état,  le  long 
dos  lacs  Huron,  Michigan  et  Supérieur,  où  elle  a  formé  ces 
paroisses  canadiennes  dont  nous  avons  parlé  dans  un  cha- 
pitre précédent.  La  ville  de  Détroit  a  reçu  une  immigration 
canadienne  considérable,  tant  de  la  province  de  (Juébec  que 
du  comté  d'Essex.  On  y  comptait,  en  1890  pas  moins  de 
18,791  personnes  nées  en  Canada.  Mais  dans  les  comtés 
environnants  de  Lenawee,  de  ^[onroe,  de  Washtonaw, 
d'Oakland,  de  Macomb  et  de  St-Clair,  les  groupes  caniuliens 
qui  s'étaient  formés  avant  1870  ont  reçu  peu  de  recrues  du 
Canada.  Il  en  a  été  de  même  pour  le  romté  de  Bay.  où  le 
nombre  des  personnes  nées  en  Canada  a  considérablement 
dmiinué  depuis  1880.  En  1890  on  ne  comptait  plus  que 
3,615  personnes  nées  en  Canada  dans  la  ville  de  Bay  City. 

T 


306 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


En  revanche  une  immigration  récente  et  considérable  s'est 
déversée  dans  les  comtés  circonvoisins  de  Huron,  Tuscola, 
Saginaw,  et  Midland.  Il  y  avait,  en  1890,  6,821  Canadiens 
de  naissance  dans  la  ville  de  Saginaw.  La  ville  de  Grand 
Rapids  et  la  région  adjacente  n'a  pas  reçu  beaucoup  d'immi- 
grants canadiens  depuis  1870.  On  y  comptait  en  1890, 
2,968  personnes  nées  en  Canada.  D'un  autre  côté  l'immi- 
gration canadienne  s'est  portée  en  grand  nombre  dans  les 
comtés  du  centre  de  la  péninsule  inférieure,  en  partant  de 
ceux  de  Clare  et  d'Osceola,  vers  le  sud,  jusqu'î-  la  frontière 
de  rindiana.  Les  groupes  les  plus  considérables  se  trouvent 
dans  les  comtés  de  Kalamazoo,  Calhoun,  Jackson,  lonia, 
Clinton,  Isabella,  et  Mecosta. 

Dans  le  comté  d'Essex,  le  nombre  des  Canadiens-français 
en  1881,  d'après  le  recensement  canadien,  était  de  14,658, 
et  dans  le  comté  de  Kent,  de  4,529.  Le  recensement  de 
1891  ne  donne  que  14,001  pour  Essex,  et  .^,183  pour  Kent. 
Il  est  certain  que  l'immigration  de  la  province  de  Québec 
dans  ces  deux  comtés  a  diminué  depuis  quelques  années. 
Cependant  depuis  1881  à  1891  le  recensement  constate  une 
augmentation  de  la  population  catholique  d'environ  cinq 
pour  cent,  et  cela  indique  sûrement  une  augmentation  des 
Canadiens-français,  qui  forment  les  quatre-cinquièmes  de 
cette  population.  Nous  nous  permettrons  donc  de  porter 
la  population  canadienne-française  de  Kent  et  d'Essex  à 
20,000  en  chiffres  ronds. 

Ajoutons  encore.au  moins  25,000  descendants  des  ancien- 
nes familles  établies  dans  le  Michigan  avant  la  conquête,  et 
qui  conservent  encore  leur  langue  maternelle,  et  15,000 
Français  d'origine  européenne,  que  nous  n'avons  pas  encore 
lait  entrer  en  ligne  de  compte.  Nous  arrivons  ainsi  à  un 
grand  total  de  200,000  personnes  parlant  le  français  dans  le 
Michigan  et  la  péninsule  d'Essex. 

Se  plaçant  au  point  de  vue  catholique  et  Canadien-fran- 
çais, on  se  demandera  :  Faut-il  se  réjouir  ou  s'affliger  de  ces 


CONCLUSIONS 


307 


cliifires  qui  attestent  la  force  de  reproduction  de  notre  race, 
mais  aussi  l'énorme  et  continuelle  émigration  de  la 
province  de  Québec  ?  Pour  répondre  à  cette  grave  question, 
il  faut  se  demander  quelle  est  la  condition  sociale  et  maté- 
rielle des  immigrés,  quelles  sont  leurs  chances  d'avenir. 

Dans  un  autre  ouvrage,  nous  avons  combattu  énergi- 
quement  l'idée  que  les  Canadiens-français  aient  en  général 
amélioré  leur  position  de  fortune  eu  se  rendant  aux  Etats- 
TJnis.  Sans  nous  attarder  de  nouveau  sur  ce  f)oint,  nous 
devons  répéter  ici  même  les  conclusions  auxquelles  nous 
sommes  arrivés  aprî?s  une  enquête  très  longue  et  très  com- 
plète, savoir  :  que  si  ceux  qui  vont  chercher  fortune  aux 
Etats-Unis  voulaient  seulement  mettre  de  côté  l'orgueil  et 
les  préjugés  qui  ruinent  la  province  de  Québec,  pour  vivre 
et  travailler  comme  ils  le  font  à  l'étranger,  la  majorité 
d'entre  eux  réussiraient  mieux  au  milieu  de  leurs  amis  et 
de  leurs  parents  que  dans  la  république  américaine.  Dans 
un  chapitre  précédent  nous  avons  cité  à  l'honneur  de  notre 
race  l'exemple  de  quehpies  Canadiens  qui  ont  réussi  dans 
le  Michigan  deiiuis  quarante  ans.  Mais  ces  hommes  étaient 
doués  des  qualités  qui  donnent  le  succès  partout. 

Les  Etats-Unis  n'offrent  plus,  en  dépit  des  idées  qui  ont 
cours,  des  chances  quotidiennes  de  faire  de  ces  fortunes 
merveilleuses  dont  le  mirage  attire  et  éblouit  tant  nos  gens. 
En  général  les  émigrés  végètent  pendant  de  longues  années 
avant  de  se  faire  aux  mœurs  de  leur  patrie  d'adoption,  de 
pouvoir  apprendre  la  langue,  et  de  se  mettre  sur  un  pied 
d'égalité  pour  la  lutte  de  l'existence  avec  ceux  qui  sont 
arrivés  avant  eux. 

Les  efforts  de  tous  les  hommes  qui  ont  à  cœur  le  bien  de 
nos  compatriotes  doivent  avoir  pour  but  de  les  dissuader  de 
ces  voyages  continuels,  dans  lesquels  ils  gaspillent  leur 
capital  et  leur  vie,  sans  profit  pour  eux-mêmes  et  sans  avan- 
tages pour  leur  patrie. 

C'est  pour  cotte  raison  que,  si  d'un  côté,  nous  sommes 


308 


LES   CANADIENS    DU    MICHIQAN 


fortement  opposé  à  l'éniignition  de  la  province  de  Québec 
vers  d'autres  régions,  nous  voyons  aussi  quelque  danger 
dans  les  mouvements  de  rapatriement.  Il  y  a  quelques 
mois  seulement  on  lançait  avec  éclat  une  entreprise  pour 
ramener  les  Canadiens  de  Lake  Linden  en  Canada,  et  déjà 
on  constate  que  la  tentative  n'a  pas  eu  le  succës  qu'on  en 
attendait,  voire  même  qu'elle  a  été  une  cause  de  pertes 
désastreuses  pour  un  grand  nombre  de  familles.  Si  humble 
qu'elle  soit,  la  position  que  les  Canadiens  ont  réussi  à  se 
faire  aux  Etats-Unis  représente  le  fruit  de  plusieurs  années 
de  sacrifices  et  de  travail.  Tout  déplacement  exige  la  vente 
à  sacrifice  des  propriétés,  la  rupture  de  relations  profitables  ; 
et  puis  la  désorganisation  se  met  dans  la  paroisse  cana- 
dienne ou  la  société  nationale  formée  au  prix  de  temps  de 
peine.  Arrivé  au  Canada  le  rapatrié  ne  se  retrouve 
plus  chez  lui  ;  il  ne  veut  pas  recommencer  la  tiiche  de  se 
créer  une  position,  et  il  reprend  la  route  des  Etats-Unis. 

Tous  les  mouvements  de  repatriement  ont  échoué.  Ce 
serait  un  rêve  de  croire  (pie  l'on  pourra  jamais  ramener  au 
Canada  le  plus  grand  nombre  des  Canadiens  qui  habitent 
maintenant  les  Etats-Unis. 

Quelles  sont  donc  leurs  chances  d'avenir,  comme  race 
distincte,  i^ous  ne  songeons  pas  à  le  cacher,  notre  natio- 
nalité a  déjà  souftert  d'une  dé[)erdition  considérable  de 
force  dans  cette  région,  et  tous  les  groupes  dont  nous 
écrivons  l'histoire  n'ont  pas  d'égales  chances  de  résister  à 
TassimiJation. 

Les  descendants  des  Canadiens-français  venus  dans  le 
Michigan  avant  1840,  doivent  former  une  population  de  cent 
mille  Jimes  aujourd'hui  :  nous  comptons  qu'il  n'y  a  qu'un 
quart  d'entre  eux  qui  puissent  encore  être  classés  comme 
Canadien  s- français.  Les  trois  autres  quarts  des  descendants 
des  premiers  colons  comprennent  pres(pie  tous  le  français, 
mais  ils  refusent  de  le  parler.  C'est  qu'ils  n'ont  reçu  qu'une 
instruction  anglaise.     Ne  pouvant  parler  le    français  cor- 


CONCLUSIONS 


309 


race 


rectemeiit,  et  n'ayant  ni  le  besoin,  ni  le  loisir  de  l'apprendre, 
ils  se  contentent  de  l'anglais.  S'ils  sont  tiers  du  rôle  que 
leurs  pères  ont  joué  dans  l'histoire  du  pays,  ils  sont  aussi 
fiers  d'être  des  citoyens  américains,  et  ils  ont  puisé  dans 
leur  instruction,  la  conviction  que  la  langue  anglaise  finira 
inévitablement  par  prédominer  sur  toutsle  continent.  Ceux- 
là,  sont  perdus  pour  la  nationalité. 

Les  vingt-cinq  mille  descendants  des  anciens  colons  que 
nous  avons  fait  entrer  en  ligne  de  compte  sont  pour  la 
plupart  établis  comme  cultivateurs  aux  environs  de  Monroe 
et  de  Détroit.  Peu  instruits,  ne  s'occupant  .guère  de  l'a- 
venir, ils  sont  restés  Français  parce  qu'ils  ont  eu  peu  de 
rapports  avec  les  étrangers.  La  langue  française  et  le  culte 
des  traditions  se  transmettent  naturellement  chez  eux  de 
père  en  fils.  Mais  leur  patriotisme  ne  les  ferait  pas  lutter 
pour  la  conservation  de  leur  langue,  et  l'instruction  qu'ils 
reçoivent  n'est  pas  de  nature  à  faire  monter  dans  leur 
estime  la  langue  de  leurs  pères.  Ceux-là  aussi  seraient 
perdus  [)Our  nous  si  leur  mode  d'existence  changeait. 

Les  groupes  canadiens  dispersés  dans  l'intérieur  de  l'état, 
et  ils  peuvent  comprendre  en  tout  25,000  ou  30,000,  sont 
aussi  en  grand  danger  d'assimilation  par  le  fait  qu'ils  sont 
disséminés  en  groupes  si  petits  (pi'il  leur  est  difficile  de 
s'organiser  et  de  faire  bande  à  part. 

Il  faut  espérer  que  le  zèle  des  prêtres  canadiens,  l'influ- 
ence des  sociétés  nationales  et  les  bonnes  dispositions  de 
l'épiscopat,  qui  ont  produit  de  si  excellents  effets  depuis 
dix  ans,  s'étendront  avec  le  temps  à  tous  ces  groupes  dont 
l'existence  est  menacée. 

Il  est  indiscutable  qu'aujourd'hui,  en  dépit  des  pertes  et 
même  des  trahisons  du  passé,  les  Canadiens  forment 
dans  les  régions  dont  nous  écrivons  l'histoire,  un  groupe 
plus  fort,  plus  riche  et  mieux  organisé  qu'à  aucune 
autre  époque  de  notre  histoire.  Depuis  trente  ans  ils  ont 
suivi   une  marche  ascendante  ininterrompue.     A   mesure 


310 


LES    CANADIENS    DU   MICHIGAN 


que  les  moyens  de  communication  deviennent  plus  rapides 
et  moins  dispendieux,  que  leur  nombre  augmente,  que  les 
journaux  se  multiplient,  leur  force  de  cohésion  grandit. 

Notre  pt)8ition  est  excellente  au  point  de  vue  stratégique. 
Les  groupes  dont  noue  nous  occupons  touchent  à  d'autres 
colonies  qui  sont  dans  la  même  position  et  qui  leur  donnent 
au  besoin  un  précieux  concours.  Au  sud,  il  y  a,  sur  le  la*^ 
Erié,  les  colonies  canadiennes  du  nord  de  l'Ohio,  (pii 
comptent  bien  20,000  franco-canadiens,  et  sur  le  lac  Mi- 
chigan,  celles  de  l'Illinois,  qui  forment  une  population  de 
pas  moins  de  50,000  âmes.  A  l'Ouest,  les  groupes  du 
lac  Supérieur  s'appuient  sur  ceux  du  nord  du  Wisconsin  et 
du  Miiuiesota,  qui  peuvent  avoir  une  population  canadienne- 
française  de  60,000  à  70,000  âmes.  Eniin,  par  le  comté 
d'Essex  et  par  le  Saut  Sainte-Marie  à  l'Est,  les  Canadiens 
du  Michigan  tendent  la  main  à  leurs  frëres  de  la  vallée  de 
l'Ottawa  et  de  la  baie  Géorgienne,  qui  s'avancent  en  rangs 
serrés,  pour  former  une  chaîne  ininterrompue  de  postes 
français,  qui  s'appuieront  sur  la  province  de  Québec  même. 

En  présence  d'un  tel  passé  et  de  tels  résultats  nous 
sommes  naturellement  portés  à  recherclier  dans  quels  des- 
seins le  Maître  du  monde  a  ainsi  préservé  l'élément  fiançais 
en  Amérique  des  dangers  multiples  dont  il  l'entourait. 

Ces  dangers  devaient  inévitablement,  d'après  toutes  les 
prévisions  humaines,  amener  sa  ruine  complète.  Encore 
aujourd'hui  nous  attacherions  moins  d'importance  à  nos 
triomjthes  passés,  nous  envisagerions  l'avenir  avec  mohis 
de  coniiance  si  nous  n'avions  pas  dans  chaque  page  de 
l'histoire  contemporaine  d'éclatants  exemples  de  la  vitalité 
prodigieuse  de  nationalités  que  nous  avions  appris  à  consi- 
dérer comme  n'existant  plus  que  dans  la  mémoire  des 
étudiants  de  l'antiquité. 

En  effet  nous  vivons  dans  un  temps  où  il  est  plus  que 
jamais  évident  que  le  sentiment  de  la  nationalité  est  la 
principale  force  qui  dirige  les  événements  politiques  et  qui 
fait  l'histoire. 


CONCLUSIONS 


311 


Le  (lix-lmitiènie  siècle  avait  à  poiiie  pris  sa  place  au  rang 
(les  âges  révolus  que  l'empire  des  Osmanlis,  qui  jadis 
menaçait  d'écraser  l'Europe  entière,  était  secoué  ps)r  le 
réveil  des  peuples  qu'il  avait  subjugués  aux  jours  de  sa 
grandeur.  A  côté  de  lui  l'Autriche  voyait  s'opérer  chez 
elle  le  même  travail  inattendu. 

Ces  nationalités  qui  sortaient  vivantes  du  tomhcau  qu'on 
avait  creusé  pour  elles  avaient  pourtant  souffert  tout  ce 
que  des  conquérants  peuvent  infliger  d'humiliations  et  de 
tortures.  Vivant  sur  le  théâtre  où  depuis  des  siècles  l'Eu- 
rope et  l'Asie  venaient  se  livrer  bataille,  elles  étaient  les 
premières  victimes  de  la  lutte.  Les  armées  des  deux  partis 
ne  les  voj^aient  que  pour  piller  leurs  maisons,  violer  leurs 
femmes  et  brûler  leurs  villages.  Elles  n'échap^iaient  à 
aucune  des  misères  que  traînent  après  elles  P'ixtreme  bar- 
barie et  l'extrême  civilisation.  Rien  n'avait  surnagé  dans 
le  terrible  naufrage  ;  les  archives  de  ces  peuples  étaient 
dispersées  dans  toutes  les  capitales  de  l'Europe,  leurs  mœurs 
corrompues,  leurs  monuments  détruits  ;  c'est  à  peine  si  l'on 
retrouvait  encore  dans  les  vieilles  chansons  suspendues  aux 
lèvres  des  chasseurs  et  des  montagnards  quelques  échos  du 
langage  antique.  Réduits  par  une  si  grande  et  un  si  per- 
sistante adversité  aux  métiers  serviles  et  infâmes,  ils 
semblaient  y  être  attachés  comme  par  une  seconde  nature. 
Certes,  nul  n'aurait  soupçonné  que  ces  êtres  dégénérés 
fussent  encore  capables  de  se  passionner  pour  une  grande 
cause. 

Mais  voici  (pie  des  patriotes  inspirés  ont  réuni  tous 
les  souvenirs  du  passé  et  tV)nt  entendre  un  nouveau  lan- 
gage, leur  montrant  ce  qu'ils  ont  été  autrefois,  ce  (pi 'ils 
pourraient  être  encore.  Aussitôt  ces  l>rigands,  ces  mar- 
chands avides,  ces  pâtres  ignorants,  ces  vagabonds  serviles, — 
Grecs,  Roumains,  Bulgares,  Tchèques, — renaissent  à  la  vie 
politique  ;  ils  se  passionnent  pour  ce  passé  qu'ils  igjioraient 
hier,  comme  des  êtres  qui  auraient  vécu  dans  une  caverne 


mmmm 


812 


LES   CANADIENS   DU   MICHIQAN 


ohHcure  so  pasHÎonnemient  pour  le  soleil  quaiKl  un  de  ses 
rayons  parviendrait  enfin  jusqu'à  eux  ;  soutenus  par  l'idée 
•de  la  patrie,  ils  redeviennent  des  hommes  de  cœur,  ayant  lo 
i'ourage  de  vaincre. 

Aujourd'hui  il  n'est  pas  un  homme  d'état  qui  voudrait 
engager  sa  parole  que  dans  vingt-oinq  ans  oes  nationalités 
ressuscitées  n'auront  pas  complètement  renversé  les  empires 
turque  et  autrichien. 

Tandis  que  ces  événements  se  déroulent  dans  l'Europe 
orientale,  l'Angleterre  trouve  aussi  chez  elle  des  i")reuve8 
que  le  sentiment  national  ne  se  détruit  pas  facilement. 
L'Irlande  vingt  fois  vaincue  sur  le  champ  de  bataille,  gou- 
vernée par  des  étrangers  depuis  des  siècles,  l'Irlande  qui  a 
oublié  sa  langue,  qui  a  vu  ses  industries  ruinées  et  ses 
enfants,  chassés  par  la  faim,  combattant  sur  d'autres  rives 
pour  d'autres  causes,  l'Irlande  déchirée  par  les  divisions 
intestines,  est  plus  (jue  jamais  une  nationalité  distincte  qu'il 
faut  reconnaître.  D'autre  part  l'Ecosse,  qui  a  longtemps 
parue  satisfaite  d'être  confondue  avec  sa  puissante  voisine, 
commence  à  s'agiter  pour  obtenir  un  gouvernement  séparé. 
Il  n'est  pas  jusqu'au  petit  pays  de  Galles  qui  ne  demande 
un  gouvernement  autonome. 

C'est  encore  l'esprit  national  qui,  opérant  dans  une  autre 
direction,  a  fait  passer  l'Italie  du  rang  de  "simple  expres- 
sion géographique,"  que  lui  assignait  naguère  Metternich,  à 
celui  d'une  des  nations  respectées  de  l'Europe,  et  qui  a  faci- 
lité la  reconstitution  de  l'empire  germanique,  qui  parait  si 
naturelle  quand  on  songe  au  travail  pénible  des  conqué- 
rants ordinaires  pour  garder  unis  leurs  peuples  hétérogènes 
et  ennemis. 

Mais  si  tous  ces  peuples  sont  des  preuves  vivantes  de  la 
force  et  de  la  durée  du  sentiment  de  la  nationalité,  aucun 
d'eux  ne  peut  montrer  dans  aon  passé  autant  ni  de  plus 
frappants  exemples  de  l'intervention  manifeste  en  sa  faveur 
d'une  puissance  supérieure  à  la  volonté  des  hommes  que  le 
peuple  canadien-français. 


CONCLUSIONS 


:}18 


Dt's  rorigine  *lo  notre  nationalité  cvtte  intervention 
frappe  l'i'Hprit  de  l'observateur.  Tous  les  premiers  navi- 
gateurs qui  ont  traversé  l'Atlanticpie  désiraient  pardessus 
tout  trouver  un  passage  pour  arriver  aux  tahuleux  royaumes 
des  Indes.  Le  golfe  et  le  fleuve  Saint-Laurent,  s'étendant 
vers  l'Occident  à  perte  de  vue,  send)laient  plus  que  toute 
autre  nappe  «l'eau  offrir  le  passage  désiré.  Cependant  les 
Cal>ots,  Cortéréal,  Iludson — Anglais  protestants  ou  Espa- 
gnols et  Hollandais  avides — s'attanlent  dans  les  glaces 
impénétrables  du  Labrador  et  ne  voient  pas  la  route  royale 
qui  s'ouvre  devant  eux  au  Sud.  Au  contraire  le  premier 
explorateur  envoyé  par  la  France  vient  directement  planter 
sur  les  bords  du  grand  fleuve  l'étendard  de  sa  patrie  et  la 
croix  de  son  Dieu. 

La  France  cependant  n'est  pas  encore  prête  pour  présidei* 
à  la  naissance  d'un  peuple  catholique,  car  elle  sera  bientôt 
elle-même  bouleversée  par  l'hérésie  :  mais  une  autre  nation 
ne  songera  pas  ii  s'établir  où  doit  naître  un  nouveau  peuple 
très  chrétien,  (^uand  la  France  sera  redevenue  forte  et 
calme  elle  retrouvera  son  drapeau  encore  debout  sur  le  bord 
du  Saint-Laurent  ;  elle  sera  libre  de  reprendre  son  œuvre 
de  colonisation. 

Alors  encore  une  main  invisible  dirige  les  événements 
pour  donner  au  peuple  canadien  son  caractère  particulier. 
Ce  sont  des  marchands  qui  entreprennent  de  fondt'r  une 
nouvelle  France,  mais  pour  mettre  leur  idée  à  exécution  ils 
enverront  un  homme  qui  estime  que  la  conversion  d'une 
îtme  vaut  mieux  que  la  conquête  d'uu  empire  ;  et  durant 
plus  d'un  siècle  la  politique  colonisatrice  de  la  France  sera 
conforme  h  cette  maxime.  En  même  temps  que  le  gou- 
vernement français  travaillait  activement  à  envoyer  des 
colons  en  Canada  et  n'en  pouvait  trouver  assez,  il  désirait 
vivement  se  débarrasser  des  huguenots.  Sa  ligne  de  con- 
duite en  pareil  cas  lui  était  toute  tracée  par  la  coutume  du 
temps  ;  c'était  d'envoyer  les  sujets  embarrassants  aux  colo- 


314 


LES    CANADIENS    DU    MICIIIOAN 


nies.  LeH  huguenots  ciix-môinos  Holicitiriont  la  permission 
d'aller  s'établir  dans  la  Nouvelle-France.  î^éaumoins  Louin 
XIV  décide  que  ce  pays  ne  sera  colonisé  que  par  des 
catholiques  et  des  hommes  d'élite. 

Voici  la  période  des  guerres  qui  commence.  Les  Iroquois, 
alliés  aux  colonies  protestantes,  semident  chaque  année 
devoir  écraser  le  peuple  naissant  ;  celui-ci  plie  comme  le 
roseau  et  chaque  fois  se  relève  plus  robuste. 

Un  jour  l'Angleterre  veut  tenter  un  suiirême  effort  pour 
chasser  du  Nouveau  Monde  les  quelques  Français  qui  y 
soutieinient  le  drapeau  de  leur  patrie  :  elle  envoie  une  flotte 
de  huit  mille  hommes  contre  Québec,  tandis  qu'une  armée 
de  quatre  mille  hommes  <ioit  marcher  par  terre  sur 
Montréal.  La  Xouvelle-France  ne  peut  ranger  contre  ces 
forces  imposantes  que  quelques  centaines  de  volontaires  et 
•une  poignée  de  soldats  réguliers.  La  ruine  est  certaine  ; 
depuis  le  gouverneur  jusqu'au  dernier  des  soldats,  tous 
attendent  l'heure  sans  le  moindre  espoir.  Seule,  au  fond 
d'un  cloître,  une  sainte  fille  ne  veut  pas  désespérer  do  son 
pays  et  répète  sans  cesse  :  Dieu  ne  le  permettra  pas.  Et  en 
eftet,  on  apprend  bientôt  (jue  la  terrible  flotte  est  allée  se 
briser  sur  les  écueils  du  Saint-Laurent,  et  l'armée  de  quatre 
mille  hommes,  consternée  à  cette  nouvelle,  bat  une  retraite 
précipitée. 

Des  années  de  paix  succèdent  à  cc.->  années  de  tourmente. 
La  Nouvelle-France  se  développa,  mn  ommerce  prospère, 
ses  missionnaires  et  ses  explorateur  ;  'ont  porter  la  civili- 
sation jusqu'au  pied  des  Moutagues  Rocheuses  ;  elle  ac- 
complit sa  mission  et  se  prépare  pour  de  nouvelles  épreuves. 

La  France  n'est  plus  la  nation  très  chrétienne,  ses  repré- 
sentants sur  les  bords  du  St-Laurent  songent  plus  à 
s'enrichir  qu'à  diriger  le  peuple  canadien  dans  sa  mission 
civilisatrice.  Dès  lors  les  Canadiens  seront  soustraits  à 
cette  domination,  qui  pourrait  corrompre  leur  foi  et  leurs 
mœurs,  pour  être  placés  sous  une  puissance  étrangère  :  ils 


CONCLUSIOXS 


315 


pourraient  se  lai«aer  influencer  par  les  idées  pernicieuses  de 
leurs  compatriotes,  mais  ils  sont  trop  bien  organisés  et  trop 
fiers  pour  ne  pas  rési>nT  aux  tentîitives  d'assimilation  de 
conquérants.  Du  reste,  en  les  divisant  contre  eux-mêmes, 
Dieu  va  bientôt  forcer  ces  concpiérants  à  respecter  les 
vaincus. 

Le  spectacle  auquel  nous  assistons  prouve  assez  la  sagesse 
des  combinaisons  providentielles.  Loin  d'avoir  perdu  du 
terrain,  après  i;'ns  d'un  siècle  de  domination  étrangère,  les 
Cana<liens  réalisent  par  <les  moyens  pacifiques  les  plus 
ambitieux  projets  de  conquête  qu'aient  jamais  formulés  les 
anciens  gouverneurs  français.  Où  la  France  ne  pouvait 
envoyé  naguère  que  des  explorateurs  pour  ériger  ses  armes, 
ils  ont  planté  de  fortes  colonies  ;  sur  l'emplacement  dos 
misérables  cabanes  où  le  missionnaire  se  traiimit  au  risque 
continuel  de  sa  vie,  poiir  donner  ces  sublimes  leçons  d'amour 
et  de  charité  aux  barbares  indigènes,  ils  ont  élevé  des 
temples  dont  la  splendeur  atteste  leur  foi  et  leur  zèle.  Ils 
sont  en  voie  de  franciser  la  Nouvelle-Angleterre  qui  fut 
pendant  si  longtemps  l'ennemie  acharnée  de  leurs  pères. 
Enfin  dans  la  province  Oe  Québec  ils  ont  si  bien  résisté  à 
toutes  les  tentatives  des  eiivahisseurs,  que  ceux-ci  pour- 
raient mettre  en  tête  de  leurs  lamentations  quotidiennes  ce 
vers  de  Sully-Prudbomme  : 

Oui,  plains  moi,  j  étais  conquérant. 

Cette  histoire  de  plus  de  trois  siècles  no  signifierait-elle 
rien?  Le  peuple  canadien  n'a-t-il  donc  été  doué  do  cette 
invincible  force  de  cohésion  commune  à  toutes  los  nationa- 
lités que  pour  périr  misérablement  à  l'heure  où  les  autres 
triomphent  ?  Celui  qui  du  haut  des  cieux  dispose  des 
hommes  et  des  empires  ne  l'a-t-il  donc  soutenu  que  pour 
l'abandonner  au  moment  où  ses  hommes  d'état,  ses  ora- 
teurs, ses  poètes  et  ses  artistes  commencent  à  faire  entendre 
leur  voix  dans  le  concert  universel  ?  La  race  anglo-saxonno 


316 


LES    CANADIENS   DU    MICHIQAN 


divisée  au  moment  où  elle  semblait  n'avoir  plus  de  rivale 
dans  l'Amérique  du  Nord,  serait-elle  destinée  à  se  réunir 
P'.ur  engloutir  les  fiutres  éléments  ([ui  y  ont  pris  pied 
depuis  ? 

C'est  avec  eonilanoe  que  nous  répondons  négativement  à 
toutes  ces  (questions. 

Mais  d'al)ord,  pour  bien  juger  de  ce  que  l'avenir  promet 
aux  nationalités  en  Amérique,  il  faut  dépouiller  tous  les 
préjugés  que  peut  avoir  fait  naître  dans  l'esprit  le  pompeux 
étalage  de  liberté  politique  et  de  grandeur  mercantile  que 
les  Américains  savent  si  bien  faire  miroiter  aux  yeux  des 
étrangers.  Ces  préjugés  ne  tarderont  pasj  à  se  dissiper 
devant  un  examen  critique  de  l'histoire  des  Etats-Unis. 

Dans  l'ordre  politique,  leur  constitution,  loin  d'être  ce  • 
monument  de  sagesse  toute  prévoyante  que  l'on  chante  si 
haut  les  jours  de  fêtes  patriotiques,  n'était  en  réalité  qu'une 
mesure  de  compromis,  imposée  par  les  circonstances.  Il 
fallait,  lorsque  la  convention  constitionnelle  de  1787  s'as- 
sembla à  Philadelphie,  cimenter  tant  bien  que  mal  les  liens 
qui  tenaient  l'Union,  parce  qu'aucun  des  treize  états  qui  la 
composaient  n'était  assez  fort  pour  vivre  indépendemment. 
C'était  une  question  de  v^e  ou  de  mort  :  la  constitution  fut 
donc  adoptée,  mais  seulement  comme  expédient,  aucun  de 
ses  auteurs  n'en  était  satisfait.  Si  elle  a  duré  jusqu'à  ce 
jour,  contre  toute  auente,  c'est  que  les  administrateurs 
qu'elle  devait  guider  ne  se  sont  jamais  fait  scrupule  d'en 
violer  l'esprit  et  la  lettre  et  d'appuyer  ces  violations  par  la 
force  quand  il  l'a  fallu. 

Dans  l'ordre  social  et  industriel  les  Etats-Unis  ont,  en 
effet,  pris  un  développement  prodigieux.  Mais  pour  arriver 
à  ce  résultat  ils  ont  eu  recours  au  génie  plus  brillant  que 
sage  des  agioteurs  et  des  aventuriers  de  toute  l'Europe. 
Leurs  grandes  fortunes,  dont  le  chiffre  colossal  éblouit  à 
première  vue,  sont  le  fruit  de  la  spéculation  plutôt  que  du 
travail.     Ils  ont  adapté  à  leur  sol  vierge  et  fécond  en  res- 


CONCLUSIONS 


317 


sources  naturelles  les  procédés  d'une  civilisation  vieille  et 
corrompue.  Pour  réaliser  à  l'heure  courante  on  a  tout 
sacrifié,  la  terre,  le  peuple  surexcité,  l'avenir.  On  a  oublié 
que  dans  certaines  sphères  l'on  ne  saurait  gagner  sur  le 
temps  (pi'en  se  condamnant  h  une  décréi)itude  préma- 
turée. 

"  Les  Etats-Unis  ont  à  peine  cent  ans,"  s'écrient  leurs 
admirateurs.  Oui  ;  et  il  n'est  que  trop  évident  qu'ils  sont 
déjîi  vieux  Certains  états  voient  leur  population  diminuer, 
leurs  industries  en  ruine,  le  paupérisme  augmentant  avec 
une  rapidité  alarmante.  Avec  des  millions  d'acres  de  terres 
inhabitées,  sur  lesquelles  peut  encore -se  déverser  le  trop 
plein  des  vieux  centres  de  population,  avec  des  forets  et 
des  mines  d'une  richesse  incalculable  qui  attendent  des 
bras  et  des  capitaux  pour  les  exploiter,  les  Etats-Unis  sont 
déjà  affligés  des  mêmes  maladies  sociales  que  les  vieux  pays 
de  l'Europe,  où  les  hommes  sont  entassés  sur  quelques  pieds 
de  terres  ;  ces  barbares  que  lord  Macaulay  voyait  sortir  des 
grandes  villes  de  la  E.é[>ublique  t'ont  déjà  entendre  leurs 
cris,  et  les  Américains  les  reconnaissent. 

La  misère,  cette  grande  ennemie  dos  constitutions  et  des 
législateurs,  menace  donc  dès  aujourd'hui  les  institutions 
américaines.  D'autres  causes  qui  contribueront  aussi  à 
amener  leur  ruine  se  dessinent  déjà  :  ce  sont  la  centrali- 
sation dans  l'admini.stration  des  aftaires  politiques  et  l'ex- 
tension du  territoire,  qui  demanderait  la  décentralisation. 

La  centralisation  est  à  l'ordre  du  jour  dans  la  'publique 
américaine.  Chaque  fois  que  le  parti  an  pouvoi.  .  me  idée 
à  imposer,  un  intérêt  à  servir,  l'administration  fédérale  est 
mise  en  œuvre  et  les  législatu^'es  d\'tat  doivent  plier.  Les 
choses  en  sont  rendues  au  point  que  ces  dernières  paraissent 
avoir  renoncé  à  se  prévaloir  (U^s  garanties  qu'elles  se  sont 
réservées  par  la  constitution.  Ciuiconcjue  ose  élever  la  voix 
en  faveur  de  l'autonomie  des  états  e.^t  dénoncé  comme  un 
rebelle,  un  traite  à  la  nation. 


::i 


318 


LES    CANADIENS   DU   MICHIGAN 


De  tels  résultats  sont  toujours  à  prévoir  dans  une  confé- 
dération. 

Des  individus  ou  des  sociétés  forment  une  association 
dans  l'intention  évidente  d'y  mettre  le  moins  pjssible  et 
d'en  retirer  le  plus  possible.  Mais  dans  toute  association 
il  faut  qu'il  y  ait  un  chef,  un  parti  qui  gouverne.  Ce  parti 
souverain  conduit  l'association  pour  son  plus  grand  avan- 
tage ;  et  afin  d'augmenter  ses  bénéfices,  de  mieux  contrôler 
les  autres  membres,  il  cherche  naturellement  à  les  fondre 
dans  l'organisation  qu'il  commande.  Tant  que  les  éléments 
de  l'association  ne  sont  pas  trop  disparates,  même  les 
membres  qui  ne  sont  pas  particulièrement  favorisés  trouvent 
un  certain  avantage  dans  la  protection  qui  leur  est  inciden- 
tellement  accordée,  surtout  s'ils  sont  faibles.  Mais  si  l'as- 
sociation vient  à  prendre  trop  d'extension,  il  s'y  trouve 
bientôt  plusieurs  factions  qui  se  sentent  assez  fortes  pour 
se  suffire  à  elles-mêmes  et  qui,  conséquemment,  ne  veulent 
rien  sacrifier  de  leurs  intérêts  pour  le  bien  général.  Dès 
lors,  l'équilibre  est  rompu,  tout  gouvernement  devient  im- 
possible, et  l'association  se  brise. 

C'est  là  précisémeni  le  cas  des  Etats-Unis. 

Lors  de  la  fondation  de  la  république,  son  territoire  était 
relativement  restreint,  sa  population  homogène  ;  et  aucune 
de  ses  parties  !) 'était  assez  puissante  pour  s'ériger  en  gou- 
vernement séparé.  Mais  dans  un  pays  neuf  comme  l'Amé- 
rique, où  les  peuples  ne  commencent  qu'à  s'établir,  le  centre 
de  la  population  et  des  intérêts  change  contniuellement. 
Quand,  par  suite  de  la  colonisation  d'un  territoire  nouveau, 
l'équilibre  établi  se  trouve  rompu,  il  doit  nécessairement 
y  avoir  lutte  entre  la  section  habituée  à  gouverner  et  celle 
qui  aspire  à  prendre  le  pouvoir. 

La  guerre  de  sécession  de  1861  était  le  résultat  d'une  de 
ces  luttes.  Les  Etats  du  Sud,  durant  les  premières  années 
de  l'existence  nationale,  avaient  conduit  le  gouvernement  à 
leur  guise.     Maie  bientôt  la  Nouvelle-Angleterre,  appuyée 


CONCLUSIONS 


319 


par  de  nouveaux  états  de  l'ouest,  voulut  leur  arracher  le 
sceptre.  Après  avoir  lutté  longtemps  dans  l'arène  parle- 
mentaire, l'on  dut  avoii  recours  aux  armes. 

Pour  une  fois  le  pou\oir  a  triomphé  au  prix  d'un  sacri- 
fice monstrueux  d'hommes  et  d'argent.  Mais  vaincre  ce 
n'est  pas  résoudre  une  question.  ï  our  résoudre  la  question 
du  Sud,  il  fallait  le  faire  disparaître  ou  rendre  ses  intérêts 
et  ses  aspirations  identiques  à  ceux  du  Xord.  Les  débats 
animés  qui  se  font  entendre  chaque  année  au  Capitol  entre 
les  représentants  des  deux  sections  prouvent  assez  qu'on  a 
fait  ni  l'un  ni  l'autre. 

De  nouv^eaux  intérêts  surgiront  ava..t  longtemps  et 
rendront  encore  plus  difficile  la  tâche  du  gouvernement  de 
Washington.  Depuis  quarante  ans  la  Répul)linue  n'a  pas 
fait  de  conquêtes,  mais  l'étendue  de  ses  territoires  habités 
s'esi  plus  que  doublée.  A  l'heure  qu'il  est  de  nouveaux 
états  sont  en  formation  ;  et  ils  viendront  demander  à  être 
admis  dans  l'Union. 

Par  le  passé  tout  contribuait  pour  attacher  ces  nouveaux 
états  de  l'Ouest  à  la  République.  Leur  plus  grand  et  plus 
pressant  besoin  était  d'avoir  des  routes  pour  faciliter  la 
colonisation  et  des  édifices  publiques  pour  orner  leurs  villes 
naissantes.  Pourvu  qu'ils  fussent  bien  représentés  au 
budget,  ils  abandonnaient  volontiers  les  autres  sphères  de 
la  politique  à  leurs  aines.  Ils  étaient,  en  outre,  habités  par 
um-.  population  venue  entièrement  de  l'Est  et  qui  s'était 
pénétrée  îi^  des  principes  qui  guidaient  le  gouvernement. 

Mais  aujourd'hui  i)lusieurs  de  ces  états  sont  arrivés  à 
l'âge  viril,  les  autres  y  atteindront  avant  longtemps.  Ils 
ne  peuvent  tarder  à  comprendre  qu'ils  ont  des  intérêts  plus 
sérieux  que  ceux  qu'on  satisfait  avec  quelques  dollars  ;  et 
ces  intérêts  seront  différents  suivant  les  lieux.  L'étendue 
du  territoire  américain  est  telle,  la  diver- ité  des  climats  et 
des  produits  si  grande,  qu'aucune  loi  générale  ne  pourra 
satisfaire  une  section  sans  être  injuste  pour  dix  autres,  et 


320 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


par  conséquent  deviendra  impossible.  Chose  plus  grave 
encore  :  quand  les  transmigrations  périodiques  qui  ont  lieu 
d'un  territoire  h  un  paître  auront  cessé  et  que  la  population 
sera  devenue  stable,  l'impossibilité  d'entretenir  des  rapports 
suivis  entre  touttsles  parties  de  l'Union  fera  que  la  langue, 
lé»  idées  et  les  mœurs  se  modifieront  dans  des  directions 
différentes  dans  chaque  partie,  et  la  diversité  d'origine 
de  la  population  actuelle  aidant,  l'on  verra  avec  le  temps 
autant  de  U!  tionalités  en  Amérique  qu'en  Europe. 

Certes,  ce      ^sf  pas  sans  un  regret  que  les  admirateurs 
des  institutio  c  ricaines  en  arriveront  à  ces  conclusions; 

mais  s'ils  veulent  .  consoler  ils  n'ont  qu'à  jeter  un  regard 
dans  l'histoire.  Ils  verront  tous  les  grands  empires  qui 
ont  ébloui  le  monde  s'écroulant  avec  d'autant  plus  de  rapi- 
dité qu'ils  avaient  été  plus  rapidement  édifiés,  semblables  à 
CCS  montagnes  de  sable  mouvant,  soulevées  par  le  vent  dan» 
les  déserts  brûlants  de  l'Afrique  et  aussitôt  par  la  même 
cause  dissippées, 

Les  puissances  politiques  sont  d'immenses  édifices  érigé» 
sur  des  bases  plus  ou  moins  solides,  par  des  architectes  plus 
ou  moins  prudents,  mais  qui  ne  sont  jamais  terminés.  A 
mesure  qu'il  grandit,  le  monument  perd  en  solidité  :  un 
orage  survient  et  il  est  renversé,  ensevelissant  les  ouvrier» 
dans  ses  décombres.  .  Alors  les  voisins  accourent  et 
choisissent  dans  cet  arias  de  ruines  ce  qui  peut  leur  être 
utile. 

Ce  sont  \k  des  obstacles  naturels  que  l'on  ne  saurait  sur- 
monter. Bien  que  cela  rende  impossible  la  réalisation  de» 
rôves  des  grands  conquérants  et  des  grands  poètes  qui  vou- 
draient voir  l'humanité  réunie  en  un  seul  peuple,  noua 
aurions  tort  de  nous  plaindre.  Ce  que  Dieu  a  fait  est  bien 
fait. 

Pour  me  servir  du  magnifique  language  de  Lacordaire  — 
"  les  nationalités  restent  distinctes  pour  s'évertuer  par  le 
travail  de  la  civilisation,  auquel  doit  concourir  la  diversité 


CONCLUSIONS 


821 


et 
tro 


le 
ûté 


«les  génies,  pour  se  secourir  «lans  leurs  hosoins,  pour  se 
défendre  contre  leurs  défaillances,  poui*  rompre,  par  la 
diversité  des  mœurs  et  des  intérêts,  ces  courants  de  mort 
que  l'erreur  et  le  despotisme  font  jtarfois  passer  sur  le 
genre  humain." 

Le  jour  où  une  race  «quelconque  réussirait  à  impost-r  sa 
domination  à  tout  un  continent,  on  verrait,  la  pensée  se 
former  dans  un  moule  uniforme,  le  génie  s'étioler,  le  pro- 
grès s'arrêter.  Kn  toute  chose,  l'"  monopole  engendre  la 
stagnation,  la  mort. 

Chaque  nationalité  a  donc  une  missi(Ui  à  remi»lir,  elle 
n'a  pas  le  droit  de  renoncer  à  l'existence,  Ton  a  pas  le  droit 
de  la  faire  disparaître. 

Les  Canadiens-irançais  ne  désirent  pas  la  destruction  des 
institutions  qui  régissent  aujourd'hui  l'Ainériiiue  du  Xord. 
Ils  ne  se  trouvent  pas  parmi  les  agitateurs  et  les  utopistes 
(|ui  les  attaquent  en  aveugles.  Mais  (puind  les  causes  <]ae 
nous  venons  d'indi(pier  auront  produit  leurs  effets  ordi- 
naires, ils  prendront  leur  place  au  rang  des  nations  auto- 
nomes. 

Est-ce  à  dire  que  nous  serons  encore  dans  ces  temps  loin- 
tains, trait  pour  trait,  le  vivant  portrait  <les premiers  «olons 
venus  sur  les  bonis  du  Saint-Laurent?  î^on,  certes'  Puis- 
qu'un écrivain  a  pu  dire  avec  vérité  que  "jamais,  sur  la 
terre,  il  n'est  arrivé  qu'un  peuple  sul)jugué  disparut  tom- 
plëtement  sans  laisser  une  goutte  de  son  sang  dans  les 
veines  du  vainqueur  ni  un  mot  dans  sa  langue,''  il  est  à 
plus  forte  rai^n  évident  que  nous  n'arriverons  p<;,s  à 
reprendre  notre  ascendant  perdu  avant  d'avoir  adopté 
quelque  chose  de  la  langue  et  des  manières  de  vivre  de  nos 
vainqueurs.  La  langue  et  les  mœurs  sont  du  reste  des 
choses  essentiellement  variables. 

Ce  qui  ne  changera  pas,  c'est  le  tond  de  notre  nature  ;  ce 
que  nous  garderons  de  français,  c'est  ce  dévouement  che* 
valeresque  pour  les  nobles   causes,  ce  saint   enthousiasme 

V 


tp 


m 


W<t 


^90 


LES   CANADIENS   DU    MICHIGAN 


pour  les  graiules  idées,  cet  amour  inné  du  beau,  en  un  mot, 
toutes  ces  belles  et  généreuses  qualités  qui  ont  fait  de  la 
France  la  nation  la  plus  aimée  du  monde  entier.  ÎJ^Totre 
mission  est  suffisamment  indiquée  par  notre  passé;  elle  sera 
de  continuer  l'œuvre  d'apostolat  que  nous  avons  commencée 
dans  le  Nouveau-Monde  et  dont  le  catbolicisme  le  premier 
parmi  les  religions  et  la  France  la  première  parmi  les 
nations  ont  compris  le  devoir. 


ArrENDicE. 


LES  CONVENTIONS  DES  CANADIENS  DES  ETATS-UNIS. 


Le  6  février  1861,  une  convention  des  Canadiens  de  New 
York  et  des  environs  se  réunissait  au  Central  Hall,  dans  la 
rue  Grand,  berceau  de  la  société  St-Jean-Baptiste  delà  ville 
de  New  York. 

Cette  réunion  était  due  à  l'initiative  de  M.  Geo.  Batchelor. 
de  New  York,  qui  fut  le  véritabL  fondateur  de  cette  insti- 
tution. 

Le  résultat  immédiat  de  cette  convention  fut  de  ranimer 
l'intérêt  des  Canadiens  de  New  York  dans  la  société  St- 
Jean-Baptiste  et  de  donner  un  nouvel  élan  à  cette  asso- 
ciation. 

Cela  ôtait  bien  calculé  pour  fortifier  la  foi  de  M.  Batche- 
lor dans  le  bien  que  pouvait  produire  de  semblables  réunions. 
Lorsqu'en  1865  il  fut  élu  président  de  la  société  St-Jean- 
Baptiste,  il  envoya,  sous  le  nom  de  cette  société,  une  invita- 
tion aux  associations  sœurs  de  se  faire  représenter  à  une 
convention  qui  devait  so  réunir  à  New  York  le  6  septem- 
bre de  cette  année.  Cette  réunion  est  reconnue  comme  la 
première  convention  des  Canadiens-français  des  Etats-Unis. 

Les  sociétés  canadiennes  t\  cette  époque  n'étaient  pas 
nombreuses.  On  en  comptait  à  peine  cinq  ou  six.  Auasi 
les  deux  conventions  de  New  York,  en  1865  et  1866,  sous 
la  présidence  de  M.  Batchelor  ;  et  celle  de  Troy  en  1 867. 
sous  la  présidence  de  M.  Joseph  LeBœuf,  avaient  plutôt  le 
caractère  d'une  réunion  d'amis  que  d'un  congrès.  Cepen- 
dant ceux  qui  s'y  rendirent  revinrent  fortement  convaincus 


324 


LES   CANADIENS   DU    MICHIQAN 


de  la  nécessité  d'une  union  plus  intime  entre  les  fociétos. 
dont  le  nombre  commençait  à  s'accroitre  rapidement. 

La  4ième  convention,  qui  se  réunit  à  Springfield,  le  7  et  8 
octobre  1868,  prouva  l'intérêt  croissant  de  nos  compatriotes 
au  mouvement.  Les  délégués  se  rendirent  en  procession, 
escortés  par  plus  de  mille  personnes,  à  leur  salle  de  réunion 
où  le  maire  de  Springfield  vint  leur  souhaiter  la  bienvenue 
dans  un  discours  des  plus  sympathiques.  Les  délégués,  qui 
étaient  au  nombre  de  trente-deux,  représentaient  les  centres 
suivants:  St-Albans,  Vt.,  Détroit,  Mioh.,  Cohoes,  Bidde- 
tbrd,  New  York,  Concord,  Chicopee  Falls,  "VVoreester, 
Manchester,  Albany,   Springfield,  Troy,  Lowell,  Holyoke. 

La  presse  de  Montréal  était  représentée  par  A.  Roy,  avo- 
cat, et  Médéric  Lanctot.  M.  Jos.  LeBo'uf  fut  appelé  à 
présider  la  convention.  Les  autres  officiers  étaient  :  vice- 
présidents,  A.  I>.  Lapierre,  H.  G.  Deare,  E.  Prudhomme, 
H.  J.  Lord,  J.  Marchessault  et  Siméon  Desjardins  ;  secré- 
taires, J.  B.  Paradis,  Charles  Longtin,  L.  H.  Biron  et  F. 
Frédette,  M.D. 

La  convention  de  Springfield  passa  des  résolutions  en 
faveur  de  la  tempérance  et  de  la  fondation  de  sociétés  St- 
Jean-Baptiste,  recommandant  d'appointer  un  organisateur 
pour  chaque  état.  Elle  reconnut  aussi,  par  une  résolution 
spéciale,  le  bien  que  faisaient  les  quelques  rares  mission- 
naires canadiens  déjà  à  l'œuvre. 

Mais  son  ouvrage  le  plus  important  fut  l'adoption,  à 
l'unanimité,  d'une  constitution  pour  l'Union  Canadienne  de 
Secours  Mutuel.  Cette  constitution,  rédigée  par  un  comité 
composé  de  H.  J.  Deare,  J.  B,  Paradis,  A.  Paré,  Ferdinand 
Gagnon  et  Ant.  Moussette,  créait  une  assemblée  des  délé- 
gués, investie  du  pouvoir  suprême,  laquelle  devait  se  réunir 
annuellement.  L'assemblée  devait  se  choisir  un  président, 
un  vice-président,  un  trésorier  et  un  secrétaire  ;  et  ces  offi- 
ciers, avec  trois  membres  adjoints,  formaient  le  comité  exé- 
cutif de  r  Union. 


APPENDICE 


82 


o 


Tl  ent  à  reman^uer  quo  quoique  l'Union  fut  essentiellement 
une  confédération  des  sociétés  de  bienfaisance,  chaque  cen  ;re 
canadien  avait  droit  d'envoyer  des  délégués  à  son  assemblée. 
T"n  antre  point  faible  de  cette  constitution  c'est  qu'elle 
n'établisi'ait  aucun  système  régulier  d'impôts,  les  sociétés 
s'engageant  simplement  "  à  faire  tout  en  leur  pouvoir  pour 
satisfaire  aux  demandes  d'argent  qui  peuvent  leur  être 
faites  par  le  comité  ou  l'assemblée." 

C'est  à  la  suite  de  cette  convention  qu'eut  lieu  celle  di' 
L'étroit.  l*our  compléter  le  rapport  que  nous  en  avons 
déjà  fait  au  Chapitre  X^''I,  nous  reproduirons  ici  le  rapport 
officiel  publié  par  les  délégués  dissidents  qui  s'opposèrent 
au  mouvement  annexioniste. 

Voici  ce  ra[»port  : 

"  Nous  avons  cru  devoir  publier  dans  l'intérêt  général, 
le  rapport  de  la  cinquième  convention  tenue  à  Détroit, 
Mich.,  le  14  octobre  1869.  Comme  cette  convention  avait 
été  convoquée  dans  le  but  d'achever  la  grande  œuvre  de 
l'Union  des  différentes  sociétés,  et  que  beaucoup  de  ces  der- 
nières n'ont  pu  s'y  faire  représenter,  nous  nous  faisons  un 
devoir  de  transmettre  à  tous  le  rappori  suivant,  qui  con- 
tient la  constitution  et  les  règlements  de  l'Union  projetée 
de  toutes  les  sociétés,  afin  qu'il  en  soit  pris  connaissance 
avant  la  réunion  de  la  prochaine  convention  des  Canadiens- 
français  des  Etats-Unis,  qui  doit  s'assembler  dans  quelques 
sem.aines  à  St-Albans,  Vt. 

"  La  cinquième  convention  annuelle  des  Canadiens-fran- 
çais aux  Etats-Unis  eut  lieu  à  la  Biddle  Honee,  Détroit, 
Mich.,  le  14  octobre  ]8H9. 

"M.  C.  Moussette,  délégué  de  Xew  York,  ouvrit  la  con- 
vention. Il  rappela  en  termes  éloquents  ce  qu'avaient  fait 
les  conventions  précédentes,  et  surtout  celle  de  Springfield, 
démontra  les  fruits  précieux  que  cette  dernière  avait  porté, 
et  ceux  plus  précieux  encore  que  la  convention  de  Dé- 
troit devait  produire.      M.  Moussette  termina  eu  disant 


^^■W«WP« 


Il  ■! 


!■    I 


82(5 


LES    CANADIENS    DU    MICIIIGAN 


combien  il  regrettait  que  la  division  eût  été  jetée  parmi  les» 
délégués  de  l'P^st  et  de  l'Ouest  par  des  personnes  qui  n'a- 
vaient seulement  pas  le  droit  de  s'introduire  dans  la  con- 
vention. Que  pour  lui,  il  avait  reçu  ordre  exprès  de  la  part 
de  la  société  qu'il  représentait,  de  w'opi)Oserà  l'introduction 
de  la  politique  dans  la  convention.  Tous  les  autres  délé- 
gués avaient  aussi  reçu  des  instructions  semblables. 

Un  comité  de  cinq  fut  ensuite  nommé  pour  dresser  des 
résolutions. 

Membres  du  comité. — MM.  C.  Moussette,  A.  Paré,  0,  M. 
Rousseau,  H.  J.  Lord  et  A.  Moussette. 

Après  quoi  la  séance  ajourna  h  7h  p.m. 

SÉANCE    DU    SOIR. 

M.  C.  Moussette  est  nommé  président  pour  le  temps  de 
la  convention  ;  C.  M.  Rousseau,  vice-président  ;  A.  Paré, 
sec. -archiviste. 

Bôle  des  Délgégués. — C.  Moussette,  société  St-Jean-Bap- 
tiste,  New  York,  X.Y.  ;  E.  Prudhomme,  soc.  St-Jean-Bap- 
tiste,  New  York,  N.Y.  ;  A.  Moussette,  soc.  St-Jean-Bap- 
tiste,  St-Albans,  Vt.  ;  A.  Paré  soc.  St- Jean-Baptiste,  Bidde- 
tbrd,  Me.  ;  H.  J.  Lord,  Institut  Canadien-Français,  Bidde- 
tbrd.  Me.  ;  C.  M.  Rousseau,  soc.  St-Jean-Baptiste  de 
Wayne,  Détroit,  Mich.  Motion  par  M.  A.  Moussette,  se- 
condée par  C.  M.  Rousseau,  que  lecture  soit  faite  du  Frot  t 
publié  dans  les  journaux  de  ce  jours. — Adopté. 

PROTÊT. 

Nous,  soussignés  délégués  à  la  cinquième  convention  an- 
nuelle des  Canadiens-français  des  Etats-Unis  à  Détroit, 
Micli.,  ayant  suivi  les  procédés  de  cette  convention  depuis 
louverture,  hier,  jusqu'à  aujourd'hui,  déclarons  tels  procé- 
dés inconstitutionnels  et  annonçons  que  la  cinquième  con- 
vention aura  lieu  à  la  Biddle  House  ce  soir  à  7^  p.m. 

Signé,  A.  Moussette,  E.  Prudhomme,  C.  Moussette, 
Alphonse  Paré,  H.  J.  Lord  et  C.  M.  Rousseau. 


APPENDICE 


n-21 


Jap- 
iap- 
Ide- 
Ide- 
de 
sc- 

rot   t 


ail- 


ette, 


UAl'POKT    DU    COMITE, 

Motion  par  A.  Mous8otte,  secondée  par  E.  l'rii<lhoiiniie, 
«pie  les  résolutions  soient  prises  en  considération  et  adoptée, 
l'une  après  l'autre. 

RÉSOLUTIONS. 

Attendu,  que  le  but  principal  de  cette  convention  est 
«l'achever  l'œuvre  commencée  à  la  quatrième  convention 
nationale  tenue  à  Springtield,  Mass.,  à  savoir  ri'nion  des 
Sociétés  Canadiennes-françaises  de  Secours  Mutuel  aux 
Etats-Unis,  et  l'adoption  d'une  constitution  générale  pour 
la  règle  de  cette  organisation. 

Il  est  résolu,  que  nonobstant  le  petit  nombre  de  délégués 
présents,  nous  procédions  à  accomplir  l'objet  (^ui  nous  a 
réunis. 

Résolu,  que  nous  recommandons  à  nos  compatriotes  on 
général,  l'encouragement  et  autant  que  possible  l'introduc- 
tion de  l'étude  de  la  langue  française  dans  les  écoles 
publiques. 

Résolu,  que  nos  remerciments  soient  donnés  au  clergés 
catholique,  principalement  à  Sa  Grandeur  Mgr.  de  Uurling- 
ton,  Vt.,  pour  le  dévouement  et  le  zèle  quils  ont  déployé 
dans  la  fondation  d'une  maison  de  missionnaires  canadiens, 
dont  le  besoin  se  faisait  depuis  si  longtemps  sentir. 

Résolu,  que  nous  considérons  très  avantageux  ainsi  que 
très  utiles  à  tous  les  Canadiens,  la  publication  de  pamphlets 
contenant  un  rapport  complet  des  procédés  de  la  convention, 
une  liste  des  délégués,  officiers  et  membres  de  chao -i-  ■société 
dans  l'Union. 

Résolu,  que  nous  devons  travailler,  autant  cpi'il  est  pos- 
sible, à  l'éducation  morale  et  religieuse  de  la  Jeunesse 
canadienne. 

Résolu,  que  nous  félicitons  le  Rév  M.  Druon,  éditeur- 
propriétaire  du  Protecteur  Canadien  i^onv  ses  eftorts  à  obtenir 
le  recensement  des  Canadiens  aux  Etats-Unis. 


828 


LES   CANA1HEN8    PU    MICHIGAN 


C(JNSTITUÏI0N  DE  L  ITNION    CANADIENNE    DE  SECOURS    MUTUEL. 


Los  sociéti'H  cuiiadieiiueB  de  Secours  Mutuel  aux  Etats- 
Unis  ayant  été  t'ondéen  daîiB  le  double  but  de  servir  la  cause 
(le  la  nationalité  française  en  Amérique  et  d'établir  des  relu 
tions  fraternelles  entre  tous  les  membres  de  cette  nationalité, 
eonsidèrent  qu'elles  ne  pourraient  que  très  imparfaitement 
remplir  leur  mission  si  elles  restaient  séparées  dans  leur 
action,  étrangères  les  unes  aux  autres  comme  elles  ont  été 
jusqu'à  présent.  C'est  pourquoi  elles  s'unissent  aujourd'hui, 
et  se  forment  on  une  organisation  commune,  ordonnant 
l)our  lu  règle  de  cette  association,  la  constitution  suivante: 

Art.  L  Nom  de  V Associathyv . — Cette  organisation  se 
nomme:  L'Union  Canadiemieae  Secours  Mutuel. 

Art.  II.   Coin  position  de  V  Associ<dion. — Clause  1ère.  L'U- 
nion Canadienne  do  Secours  Mutuel  se  compose  d'un  nom- 
bre indéterminé  de  sociétés  de  langue  française,  fondée 
dans  le  but  énoncé  dans  le  préambule  de  cette  constitution. 

Clause  2ème.  Pour  être  admise  dans  cette  association, 
une  société  doit  remplir  les  conditions  et  formalités  sui- 
vantes :  Faire  application  au  comité  exécutif,  lui  fournir 
des  renseignements  précis  sur  la  date  de  la  fondation  et  le 
nombre  de  ses  membres,  lui  faire  tenir,  en  même  temps, 
une  copie  de  sa  constitution  ou  lui  donner  une  idée  de  celle 
qu'elle  se  propose  d'adopter,  et  faire  signer  celle  de  l'Union 
par  un  ou  plusieurs  délégués,  à  la  prochaine  réunion  de  l'as- 
semblée si  celle-ci  agrée  son  application. 

'•'■  Arl.  IIL  Assemblée  des  Délégués. — Clause  1ère.  La  régie 
de  cette  organisation  est  assignée  à  une  assemblée  compo- 
sée de  délégués. 

"Clause  2ème.  L'assemblée  des  délégués  se  réunit  au 
moins  une  fois  l'an.  Elle  est  l'interprète  de  la  constitution 
et  est  investie  de  toiis  les  pouvoirs  non  réservés  à  d'autre 
autorité  instituée  par  cet  acte. 

"  Clause  4ènie.  Elle  ne  peut  en  aucune  manière  taxer  les 
sociétés. 


AI'PKNDKE 


820 


îr  les 


"  Clause  ôèiiio.  Km  séance,  k  Iniis-clos,  clic  pcttt  exiger  des 
rapports  sans  réserve  de  tous  les  t'onetionnaires  de  l'asso- 
ciation. 

"Clause  Génie.  Tous  s^es  procédés  se  tout  en  langue 
française. 

"  Clause  Tènjc.  Les  délégués  dont  les  lettres  de  créance 
ont  été  vérifiées  sont  seuls  admis  à  voter. 

'"  Clause  8ème.  Sur  demande  des  deux  tiers  des  sociétés 
de  l'Union  le  président  convoque  l'assemblée  en  session 
extraordinaire. 

"  Clause  9ème.  Aucun  délégué  ne  sera  admis  dans  la 
convention  qui  n'aura  pas  été  membre  régulier  d'une  société 
au  moins  trois  mois. 

''Art.  IV.  Comité  E.i-écatif.—Chm>ni  lëre.  (Juand  l'as- 
semblée n'est  pas  en  session,  tous  se^  pouvoirs,  excepté  ceux 
spécifiés  dans  d'autres  parties  de  cette  constitution,  comme 
lui  étant  réservés  en  propre,  sont  exercés  par  un  comité  de 
sept  membres  et  dit  :  Le  comité  exécutif. 

"'  Claus,e  2ème.  Le  comité  doit  se  procurer  des  renseigne- 
ments complets  au  sujet  de  toute  société  faisant  application 
pour  être  admise  dans  l'Union  et  faire  son  rapjîort  en  con- 
séquence à  l'assemblée. 

"  Clause  3ëme.  Le  président  du  comité  doit  le  convo- 
quer sur  demande  de  trois  de  ses  collègues,  et  donner  avis 
de  toute  convocation  au  moins  quinze  jours  d'avance.  Le 
quorum  est  de  quatre,  mais  le  consentement,  tacite  ou  ex- 
primé, de  cinq  membres  est  nécessaire  pour  autoriser  une 
séance. 

''Art.  V.  De.s  Officiers. — Clause  1ère.  Les  oflSciers  de 
l'Union  Canadienne  de  Secours  Mutuels  sont  :  Un  prési- 
dent, un  vice-président,  un  secrétaire  et  un  trésorier.  Ces 
oflftciers  plus  trois  membres  adjoints,  composent  le  comité 
exécutif. 

"  Clause  2ème.  Le  président  préside  les  séances  du  comité 

[  le  juge  nécessaire, 


■¥  1 

m 


'assemblée  quau 


330 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


OU  sur  demande  de  deux  sociétés  ou  de  trois  membrer*  du 
comité,  il  convoque  toutes  spciétée,  chacune  dans  son  lieu 
accoutumé  en  séance  extraordinaire.  Il  pourvoit  an  rem- 
placement de  tout  officier  démis  usant,  pour  ce,  de  pouvoirs 
discrétionnels  excepté  lorsque  la  plupart  des  membres  du 
comité  sont  d'accord  sur  un  choix  quelconque.  Il  est  tenu 
de  taire  un  rapport  général  de  l'état  de  l'organisation  une 
fois  par  année, — rapport  qu'il  fait  publier  en  entier  ou  en 
partie,  ce  que  la  discrétion  lui  commande,  dans  les  journaux 
désignés  par  l'assemblée  pour  le  service  de  l'organisation . 

"  Clause  3ème.  Le  vice-président  aide  le  président  dans 
ses  fonctions,  et  le  remplace  en  cas  d'absence  ou  de  démis- 
sion. 

"  Clause  4ème.  Le  secrétaire  tient  un  journal  séparé  des 
travaux  de  l'assemblée  et  de  ceux  du  comité.  Il  doit  aussi 
tenir  une  liste  de  toutes  les  sociétés,  avec  la  date  de  leur 
fondation,  ^elle  de  leur  admission  dans  l'L^nion,  le  nom  de 
leurs  présidents,  de  leurs  secrétaires,  le  nombre  de  leurs 
membres  à  la  date  de  chaque  rapport  du  président  du  co- 
mité, et  le  montant  fixé  par  chacune  comme  contribution 
régulière  de  ses  sociétaires.  Il  exécute  les  documents  vou- 
lus tant  pour  ce  qui  concerne  la  charge  du  président,  (si  cet 
officier  le  lui  demande)  que  pour  ce  qui  dépend  de  la  sienne 
propre. 

'•  Clause  ôènie.  Le  trésorier  est  le  dépositaire  des  l'onds 
de  l'association  et  ne  peut  rien  débourser  que  sur  l'ordre  de 
l'assemblée  ou  du  comité.  Il  tient  un  registre  de  tout  don 
faii  h  l'organisation,  et  du  nom  du  donateur.  Il  rend  ^ses 
comptes  à  toutes  les  assemblées  du  comité  exécutif,  et  fait 
un  rappoit  complet  de  l'exercice  de  ses  fonctione  à  toutes 
les  réunions  de  l'assemblée  des  délégués. 

"  Clause  6ème.  Les  officiers  et  les  autres  membres  du 
comité  exécutif  sont  élus  [)ar  l'assemblée,  au  scrutin  secret, 
pour  le  terma  d'ur.  an  et  sont  investis  de  leur  charge  aussi- 
tôt apriis  leur  élection. 


APPENDICE 


331 


cet 
Mine 

.'  (le 
loii 

SOS 

fait 
nies 


"  Clause  7ème.  Lorsque  les  deux  tiers  des  sociétés  [»ro- 
tostent  contre  la  conduite  d'un  fonctionnaire,  quel  qu'il  soit, 
il  se  trouve,  par  là  même,  démis  de  sa  charge. 

"  Art.  VI.  Membres  Surnuméraires. — Clause  1ère.  Un 
membre  peut  passer  d'une  société  h  une  autre  et  devient 
alors  membre  surnuméraire. 

"  Clause  2ème.  Pour  être  reçu  dans  une  autre  société,  un 
."cmbre  surnumér.aire  doit  produire  son  extrait  d'admission. 

"Clause  8èmfc  Un  membre  surnuméraire,  dans  la  société 
ou  il  figure  comme  tel,  doit  payer  la  contribution  régulière 
pendant  un  an  avant  que  son  nombre  soit  porté  sur  la  liste 
des  membres  réguliers.  En  cas  de  maladie,  pendant  ce  laps 
de  temps,  il  est  à  la  charge  de  la  société  dont  il  tient  sou 
extrait  d'admission,  mais  il  reçoit  immédiatement  de  celle 
où  il  se  trouve  tous  les  secours,  et  jouit,  en  s'y  présentant, 
de  tous  les  privilèges  auxquels  il  a  droit,  aux  termes  de  l'ex- 
trait susmentionné. 

"  Clause  4ème.  L'extrait  d'admission  est  une  carte  don- 
née par  une  société  à  un  membre  qui  la  quitte  sans  cesser 
de  faire  partie  de  l'Union.  Cette  carte  en  certifiant  la  qua- 
lité de  membre  du  porteur,  fait  con}iaitre  l'éteridue  des  pri- 
vilèges dont  il  jouit,  le  montant  auquel  il  a  droit  en  cas  de 
maladie,  et  la  date  où  il  cessera  d'être  à  la  charge  de  la  so- 
ciété qui  la  lui  donne.  Elle  doit  être  revêtue  de  la  signa- 
ture du  président  et  du  secrétaire  ain,,i  (pie du  sceau  de  cette 
société. 

''  Clause  Sème.  Si  un  membre  surnuméraire  n'est  pas  de- 
meuré assez  longtemps  dans  une  société  pour  y  faire  porter 
son  nom  sur  la  liste  régulière,  l'argent  qu'il  a  payé  doit  être 
envoyé,  pas  plus  de  trois  mois  après  sou  départ,  à  toute 
autr(_>  société  de  l'Union  à  laquelle  il  se  serait  aggregé  ;  s'il 
ne  s'est  joint  à  aucune,  cet  argent  est  payable  à  la  sociiHé 
dont  il  tient  son  dernier  extrait  d'admission  ;  si  celie-ci  est 
dissoute,  l'argent  doit  être  env(3yé  au  président  du  comité 
exécutif. 


332 


LES    CANADIENS   DU    MICHIGAN 


"  Clause  6ème.  Un  membre  quittant  une  société  ne  reste 
à  sa  charge  qu'autant  qu'il  continue  de  lui  payer  sa  contri- 
bution ou  se  joint  à  une  autre  taisant  partie  de  l'Union  et 
se  conforme  aux  règles  et  règlements  de  la  dite  société. 

"  Clause  7ème.  Le  paiement  des  contributions  doit  se 
faire  à  la  même  date  dans  toutes  les  so'^îétés. 

"  Clause  Sème.  La  caisse  du  comité  exécutif  est  respon- 
sabU;  envers  chaque  société  pour  secours  donit  -  un  mem- 
bre d'une  société-sœur,  si  celle-ci  fait  défaut  ^  ses  obliga- 
tions. 

'■^  An.  VIL  Des  Soniètés. — Clause  1ère.  Les  sociétés  ont 
le  droit  de  réglementer  sur  leurs  aftaires  [)articulières. 
Toute  questioî)  affectant  deux  ou  plusieurs  sociétés  est  du 
ressort  de  l'assemblée  des  délégués. 

"  Clause  2ème,  Chaque  société,  chaque  centre  de  popula- 
tion canadienne  aux  Etats-Unis  a  le  droit  d'envoyer  jusqu'à 
trois  délégués  à  l'assemblée. 

"  Clause  Sème.  Lorsqu'une  société  ne  peut  envoyer  un 
délégué  à  l'assemblée,  il  lui  est  loisible  de  s'y  faire  repré- 
senter par  n'importe  quel  membre  de  l'Union  à  même  d'y 
assister,  lui  envoyant  des  instructions,  si  le  cas  l'exige,  et 
des  lettres  de  créances. 

"  Clause  4ème.  Chaque  société  tient  un  journal  de  ses 
opérations  et  en  fait  un  rapport  à  la  convention  annuelle. 

"  Clause  5ème.  Les  sociétés  s'engagent  en  signant  cette 
constitution,  à  faire  tout  en  leur  pouvoir  pour  satisfaire 
aux  demandes  d'argent  qui  peuvent  leur  être  faites  par  le 
comité  ou  l'assemblée. 

"  Clause  6ème.  Cette  Union  ne  peut  se  dissoudre  tant  que 
trois  sociétés  s'y  opposent. 

"  Clause  7ème.  Une  société  ne  peut  se  retirer  de  l'Union 
qu'après  avoir  obtenu  la  sanction  de  la  majorité  absolue  des 
sociétés. 

'■'■Art  VIII.  Amendements.— Tonia  proposition  aux' fins 
d'amender  cette  constitution  doit  être  envoyée  au  secré- 


ÉMHIIÉ 


APPENDICE 


sas 


taire,  au  iïioins  six  semaines  avant  la  réuion  de  l'assemblée 
des  délégués  et  publiée  sous  le  soin  de  cet  officier,  trois 
fois  dans  les  journaux  de  l'organisation.  Si,  ensuite,  elle 
est  recommandée  par  un  vote  des  deux  tiers  dans  l'assem- 
blée des  délégués,  et,  approuvée  par  les  trois  quarts  dew 
sociétés,  elle  devient  partie  intégrante  de  sa  constitution. 

"  Sur  demande  de  E.  Prudhomme,  de  New  York,  secon- 
dée par  C.  M.  Rousseau  de  Détroit,  cette  constitution  est 
adoptée  à  l'unanimité  et  signé  : 

"  Charles  Moussette,  New  York,  N.Y. 

"  E.  Prudhomme,  New  York,  N. Y. 

"  Ai.toine  Moussette,  St-Albans,  Vt. 

"  Alphonse  Paré,  Biddeford,  Me. 

"  H.  J.  Lord,  Biddeford,  Me. 

"Le  président  proclame  alors  l'Union  Canadienne  de 
Secours  Mutuel  aux  Etats-Unis  duement  fondée  et  orga- 
nisée." 

C'était  le  4  octobre  1869. 

Les  sociétés  St-Jean-Baptiste  de  St-Albans,  New  York, 
Biddeford  et  du  comté  de  Wayne,  et  l'Institut  Canadien  de 
Biddeford  ratifièrent  l'ouvrage  de  leurs  délégués  et  entrè- 
rent dans  l'association. 

La  convention  suivante  fut  convoquée  à  St-Albans  pour 
le  30  et  31  août  1870. 

L'on  y  reçut  l'adhésion  de  six  nouvelles  sociétés  à  la  con- 
stitution de  l'Union  ;  mais  rien  de  bien  important  n'y  fut 
agité. 

La  septième  convention,  qui  se  rassembla  î\  Worcester, 
du  16  au  18  septembre,  l'année  suivante,  eut  plus  d'éclat, 
grâce  en  grande  partie  aux  soins  du  Rev.  J.-B.  Primeau, 
alors  curé  de  Notre-Dame-des-Canadiens.  Quarante-quatre 
<lélégués,  venant  de  neuf  états  différents,  s'y  trouvèrent 
réunis. 

Les  partisans  des  conventions  générales  s'étaient  de  nou- 
veau ralliés  aux  conventions  de  l'Union,  et  cette  fois  encore 


334 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


ils  tinrent  le  haut  du  pavé.  Tout  le  premier  jour,  et  la  meil- 
leure partie  du  deuxième  furent  consacrés  à  leurs  délibéra- 
tions. Mais  il  fut  entendu  qu'à  l'avenir  les  affaires  dos 
sociétés  auraient  la  préséance. 

Lorsque  la  convention  générale,  qui  avait  été  présidée 
par  Ferd.  Gagnon,  fut  terminée,  M.  C,  Moussette  ouvrit 
celle  de  l'Union  de  Secours  Mutuel.  Sept  nouvelles  sociétés 
so  joignirent  à  l'association,  ce  qui  porta  à  dix-huit  le  nom- 
bre des  sociétés-membres. 

Le  comité  pour  organiser  la  convention  suivante  fut  en- 
suite choisi.  M.  E.  N.  Lacroix,  de  Détroit,  en  était  le 
président. 

M.  Lacroix  convoqua  la  8ième  convention  à  Chicago, 
l)our  le  mois  d'août  1872.  C'est  à  Chicago  que  l'on  forma 
le  plan  d'une  assurance  mutuellesur  la  vie  entre  les  diverses 
sociétés  ;  mais  l'on  s'aperçut  avant  la  tin  de  Tanné  que  le 
projet  adopté  était  impraticable. 

La  convention  de  Biddeford,  la  neuvième,  se  réunit  le  13 
août  1873.  Trente  délégués,  représentant  autant  de  sociétés, 
étaient  présents.     M.  Alphonse  Paré  était  président. 

Les  membres  de  la  convention  de  Biddeford  se  mirent 
sérieusement  à  l'ouvrage  pour  remédier  aux  défauts  existant 
dans  la  constitution.    Ils  en  firent  une  révision  complète. 

La  nouvelle  constitution  maintenait  l'existence  de  la  con- 
vention annuelle,  lui  donnant  le  pouvoir  de  taxer  les  bo- 
i'iétés  jusqu'au  montant  de  dix  centins  par  menibre,  annii- 
ollement. 

L'une  des  grandes  difficultés  de  l'administration  jusque 
là  avait  été  le  manque  d'entente  entre  les  divers  officiers, 
qui  se  trouvaient  dispersés  dans  tous  les  états.  Pour  remé- 
dier à  cet  inconvénient,  la  nouvelle  constitution  prescrivait 
([Ue  désormais  la  convention  nomnjerait  chaque  année  une 
société  qui  serait  chargée  de  choisir  dans  son  sein  le  burean 
central  auquel  était  laissé  la  direction  des  affaires.  Le  fonds 
fédéral  était  confié  à  la  société  dont  le  bureau   central  fai- 


APPENDICE 


335 


13 


fai- 


sait partie.  Le  bureau  était  intermédiaire  entre  les  sociétés 
ot  jugeait  sur  les  différends  entre  elles.  Toute  société  pou- 
vait en  appeler  de  ses  jugements  à  la  convention  suivante. 
Si,  sur  plainte,  le  bureau  était  trouvé  indigne  de  ses  fonc- 
tions, la  société  qui  l'avait  nommé  devait  en  cboisir  un 
nouveau. 

Les  membres  en  voyage  d'une  société  appartenant  à'I'as- 
sociation  pouvaient  se  faire  admettre  à  une  autre  société  en 
présentant  un  certificat  d'admission.  En  cas  de  maladie, 
ils  pouvaient  s'adresser  au  trésorier  d'aucune  société  membre 
et  exiger  après  avoir  fait  les  preuves,  le  montant  auquel  ils 
auraient  eu  droit  dans  leur  propre  société.  Cette  dernière 
devait  régler  l'avance  ainsi  faite  dans  le  délai  de  trente  jours. 

L'n  nouveau  plan  d'assurance  sur  la  vie  fut  aussi  accepte 
par  la  convention.  L'inscription  sur  les  rôles  de  l'assurance 
étant  facultative  pour  les  membres  des  sociétés  unies,  les 
assurés  formaient  une  association  distincte  dite  Société  d'as- 
surance sur  la  vie,  laquelle  avait  pour  officiers  un  président 
et  un  secrétaire.  Ces  officiers  formaient  la  commission  exe- 
cutive ebargée  de  gérer  les  affaires  de  l'assurance. 

En  entrant  dans  la  société  d'assurance  chaque  membre 
devait  payer  deux  versements  de  25  cents  qui  restaient  dans 
le  trésor  de  la  société  locale,  et  10  centins  pour  frais  d'ad- 
ministration, qui  étaient  expédiés  au  comité.  Lors  d'un 
décès  les  membres  devaient  faire  un  nouveau  versement  de 
25  cents,  el.  le  montant  en  était  payé  aux  héritiers  du  dé- 
funt. Les  sociétés  locales  étaient  chargées  de  la  perception 
de  ces  impôts. 

La  société  de  Chicago,  comptant  le  plus  grand  nombre 
d'assurés,  fut  chargée  de  former  la  commission  executive 
pour  1873-74  ;  et  le  premier  jour  de  novembre  1873  la  So- 
ciété d'Assurance  Mutuelle  fut  proclamée  fondée.  Cette 
société  languit  pendant  une  couple  d'années,  et  finit  par 
succomber  sous  l'apathie  générale. 

Elle  méritait  un  meilleur  sor». 


I 


m 


336 


LES    CANADIENS    DU    MICHIGAN 


La  convention  de  Bkldeford  H'occnpa  aussi  de  déterminer 
les  rapports  entre  les  partisans  des  conventions  générales  et 
rUnion.  Il  fut  résolu  qu'il  ne  devait  y  avoir  qu'une  seule 
convention,  où  les  sociétés  auraient  la  préséance  ;  mais  il 
devait  y  avoir  deux  bureaux,  dont  chacun  publierait  sa  pro- 
clamation et  pourvoierait  à  ses  dépenses. 

Un  résumé  publié  à  la  lin  du  rapport  de  cette  convention 
montre  que  les  40  sociétés  qui  faisaient  alors  partie  de 
l'Union  comprenaient  en  chiffre  ronds,  3,000  membres  et 
qu'elles  possédaient  pour  f  50,000  en  valeurs. 

On  avait  décidé,  à  Biddeford,  que  la  convention  suivante 
aurait  lieu  à  New  York  ;  mais,  M.  Fred.  Houde,  accédant 
au  désir  des  organisateurs  de  la  fête  de  Montréal,  convoqua 
la  convention  générale  des  Canadiens  des  Etats-Unis,  dont 
il  était  président,  à  Montréal,  pour  le  24  juin  1874.  Cette 
réunion  n'eut  pas  le  caractère  d'une  convention  des  Cana- 
diens émigrés. 

Les  sociétés  aussi  avaient  été  invitées  à  changer  le  lieu  de 
leur  réunion.  Xon  seulement  les  organisateurs  s'y  refu- 
sèrent, mais  ils  accusèrent  M.  Houde  d'avoir  outrepassé 
ses  droits  en  cassant  les  arrêts  de  la  convention  précédente. 

Quarante-quatre  délégués,  représentant  vingt-quatre  so- 
ciétés, se  trouvère»  t  présents  à  la  convention  de  New 
York  ;  vingt-trois  autres  sociétés  y  étaient  représentées  par 
lettre  ou  par  procuration.    - 

L'Union  était  alors  à  l'apogée  de  sa  prospérité  ;  mais  l'on 
pouvait  déjà  prévoir  sa  décadence  prochaine.  Sur  quarante- 
sept  sociétés  membres,  seize  seulement  avaient  satisfait  à 
leurs  obligations.  La  stérilité  qui  engendre  l'apathie  carac- 
térisait toutes  les  délibérations  des  conventions.  L'on  tâton- 
nait continuellement  ;  l'on  amendait  chaque  année  la 
constitution  et  l'on  se  trouvait  toujours  encore  loin  de  tout 
résultat  pratique. 

Ces  hésitations  et  ces  changements  sont  toujours  fatals  ; 
quand  l'on  veut  réussir,  il  faut  avoir  une  idée  claire  et  dé- 


APPENDICE 


337 


finie  de  ce  que  l'on  veut  faire,  de  ce  que  sera  ce  qui  n'est 
encore  qu'un  embryon. 

La  démonstration  de  New  York  en  1874  fut  belle,  mais 
les  travaux  de  la  convention  ne  produisirent  que  quelques 
changements  à  la  constitution. 

Il  en  fut  de  même  à  la  convention  de  Glenn's  Falls,  tenue 
les  16j  17  et  18  août  1875.  Le  principal  amendement  que 
l'on  adopta  avait  trait  à  l'assurance,  et  prescrivait  que  les 
deux  versements  des  membres  seraient  transmis  à  la  com- 
mission executive  au  lieu  de  rester  dans  le  trésor  des  so- 
ciétés locales. 

C'était  une  grande  amélioration,  mais  elle  était  faite  trop 
tard.  Le  désordre  était  déjà  dans  les  finances  ;  bientôt 
après  la  discorde  vint  s'ajouter  à  l'apathie  et  donna  le  coup 
fatal  à  l'Union. 

C'est  dans  la  douzième  convention,  tenue  à  Holyoke, 
Mass.,  en  1876,  que  la  division  éclata  pour  la  première  fois 
parmi  les  sociétés  unies.  M.  Geo.  Batchelor  s' étant  retiré 
de  la  société  de  New  York  à  la  suite  de  certaines  difiicul- 
tés,  il  avait  fondé  l'Union  Papineau,  qu'il  représentait  à 
Holyoke.  Cette  société  ayant  été  admise  malgré  l'opposi- 
tion de  la  société  St-Jean-Baptiste  de  New  York,  cette  der- 
nière se  retira  de  l'Union. 

Il  fut  décidé  à  Holyoke  que  par  la  suite,  les  conventions 
ne  se  réuniraient  que  tous  les  deux  ans  ;  que  le  bureau 
d'assurance  et  celui  de  l'Union  seraient  consolidés  ;  et 
que  chaque  société  nouvelle  devrait  faire  partie  de  l'assu- 
rance. 

Tous  ces  changements  ne  purent  arrêter  la  ruine  de  l'as- 
sociation. 

La  13ième  convention  s'assembla  à  Troy,  en  1878.  L'on 
n'y  vit  que  treize  délégués,  représentant  huit  sociétés. 

Il  fut  décidé  de  rendre  de  nouveau  les  conventions  annu- 
elles; et  en  conséquence  la  quatorzième  convention  se  réu- 
nit à  Boston,  les  19  et  20  août  1879.     Cette  convention 


-— "t* 


338 


LES   CANADIENS  DU   MICHIGAN 


n'eut  guëre  plus  de  succès  que  la  précédente,  et  fut  le 
dernier  effort  de  l'Union. 

Jusqu'à  1878,  les  conventions  nationales  avaient  toujours 
été  tenues  en  même  temps  que  les  conventions  de  l'Fnion  ; 
mais  elles  ne  furent  pas  affectées  par  la  résolution  adoptée 
alors  rendant  les  conventions  de  l'Union  annuelles  ;  et  ce  ne 
fut  qu'en  1 880,  à  Sprinfield,  et  sous  la  présidence  de  M.  Benj. 
Lanthier,  que  la  quatorzième  convention  nationale  se  réunit. 

L'année  1880  coïncidait  avec  l'élection  présidentielle  ;  et 
l'on  cru  devoir  renvoyer  les  futures  conventions  générales 
à  l'époque  de  chaque  nouvelle  campagne,  c'est-à-dire  tous 
les  quatre  ans. 

En  1884  eut  lieu  la  convention  générale  d'Albany,  sous 
la  présidence  de  M.  F.  Martineau,  conformément  à  la  résolu- 
tion de  la  convention  de  Springfield.  Mais  à  cette  époque, 
on  revint,  ppT  une  nouvelle  décision,  au  système  des  con- 
ventions tous  les  deux  ans,  et  la  seizième  convention  géné- 
rale eut  lieu  à  Rutland  en  1886,  et  la  dix-septième  à  Nashua 
en  1888.  Le  succès  de  ces  deux  réunions,  comme  démons- 
trations patriotiques,  est  encore  présent  à  toutes  les  mémoires. 

La  dix-huitième  convention  a  eu  lieu  à  Chicago  en  1892. 
C'est  la  plus  récente.  On  se  rappelle  que  l'on  refusa  la 
permission  à  feu  l'honorable  Honoré  Mercier  d'y  parler 
d'indépendance.  Les  résolutions  adoptées  à  cette  conven- 
tion expriment  bien  l'opinion  générale  des  Canadiens  des 
Etats-Unis. 

Nous  les  reproduisons  : 

M.  le  Président  et  les  Délégués, 

Avant  de  terminer  les  travaux  de  cette  convention,  il  est 
du  devoir  du  comité  des  résolutions  de  faire  le  rapport 
suivant  : 

Messieurs, 

Les  membres  de  votre  comité  ont  l'honneur  d'offrir  à 
votre  considération  les  résolutions  suivantes  comme  l'ex- 
pression fidèle  et  unanime  émise  au  cours  de  la  discussion, 


APPENDICE 


339 


à  l'exception  de  l'article  II,  sur  notre  position  sociale  aux 
Etats-Unis,  qui  a  déjà  reçu  votre  entière  approbation. 

lo.  Résolu  : — Qu'afin  de  promouvoir  nos  intérêts  reli- 
gieux, si  intimement  liés  à  tout  ce  qui  nous  est  cher,  nos 
compatriotes  aident  dans  la  mesure  de  leurs  forces  à  toute 
organisation  paroissiale  partout  ou  la  chose  est  possible  et 
désirable. 

2o.  Résolu  : — Qu^.  est  du  plus  grand  intérêt  et  avantage 
pour  tout  Canadiens-français  venant  demeurer  aux  Etats- 
Unis,  de  se  faire  naturaliser  afin  d'avoir  sa  légitime  part 
dans  l'administration  des  aflfaires  publiques.  Que  les  mem- 
bres de  cette  convention  de  la  presse,  de  tout  club,  même 
du  clergé  favorisent  cette  grande  question  "  La  Naturalisa- 
tion "  par  tous  les  moyens  à  leur  disposition. 

3o.  Résolu  : — Que  nous  reconnaissons  l'utilité,  même  la 
nécessité  de  la  langue  française  et  que  le  moyen  le  plus 
efiectif  pour  la  conserver  est  qu'elle  soit  la  langue  du  foyer, 
de  l'église  et  la  langue  officielle  de  toutes  associations  et 
démonstrations  nationales. 

4o.  Résolu  : — Que  la  presse  canadienne-français,  celle  des 
Etats-Unis  de  préférence,  est  indispensable  pour  la  conser- 
vation de  tout  ce  qui  est  cher  à  notre  race  et  l'avancement 
des  nôtres  dans  l'accomplissement  de  leurs  devoirs  de 
citoyens  américains. 

Que  pour  maintenir  cette  presse  il  faut  l'appui  moral  et 
pécuniaire  de  tous  les  Canadiens-français,  et  nous  recom- 
mandons que  chaque  compatriote  se  fasse  un  devoir  non 
seulement  de  s'abonner  à  un  journal  mais  d'en  payer  la 
souscription. 

5o.  Résolu  : — Que  nous  recommandons  l'érection  de  l'é- 
cole paroissiale,  partout  où  la  chose  est  possible,  et  que  l'on 
y  enseigne  le  français  sur  un  même  pied  d'égalité  que  la 
langue  officielle  du  pays,  et  que  le  sou  des  écoles  soit  établi 
pour  aider  à  son  maintien. 

6.  Résolu  : — Que  l'établissement  des  bibliothèques  parois- 


840 


LES   CANADIENS   DU   MICHIGAN 


siales  serait  un  des  moyens  les  plus  puissants  pour  conserver 
la  langue  française  ;  que  toute  association  ayant  un  but 
littéraire,  suivant  sa  constitution,  ait  sa  bibliothèque. 

7o.  Résolu  : — Que  pour  procurer  des  amusements  hon- 
nêtes à  la  jeunesse  et  l'éloigner  de  tout  danger,  nous  con- 
seillons la  fondation  de  clubs  littéraires,  dramatiques,  musi- 
caux, etc.,  etc. 

80.  Résolu:— Que  l'éducation  supérieure  est  nécessaire 
pour  former  parmi  nous  des  hommes  qui  soient  aptes  à 
remplir  toutes  les  positions  sociales  et  qu'en  conséquence 
nous  devons  favoriser  nos  propres  institutions  classiques 
aux  Etats-Unis,  telles  que  le  collège  St-Viateur,  à  Bourbon- 
nais, Illinois,  le  collège  du  Saint-Nom  de  Marie,  Portland, 
Me.,  le  collège  Apostolique,  Ogdensburg,  le  seul  établisse- 
ment de  ce  genre  existant  aujourd'hui  dans  ce  pays  et  où 
nos  enfants  puiseront  mieux  qu'à  l'étranger  les  connaissan- 
ces qu'ils  leur  conviennent  comme  Canadiens-français  des 
Etats-Unis. 

9o.  Résolu  : — Que  pour  assurer  le  respect  des  autres 
races  aux  nôtres  et  travailler  à  leur  bien  moral  et  physique, 
nous  recommandons  les  sociétés  de  tempérance  et  toutes 
autres  organisations  tendant  à  obtenir  le  meilleur  but." 

A  part  ces  conventions  générales,  des  conventions  d'état 
ont  eu  lieu  dans  le  New  York,  le  Massachusetts  et  le  Con- 
necticut.  Elles  se  sont  toutes  pronoi.cées  à  peu  près  dans 
le  même  sens. 


INDEX    DES    NOMS. 


Page 


Albanel,  Rév.  Père 34 

AUard,  Jacques 140 

Allouez,  Rév,  Père  Claude  .  .9,  11,  21,  26 

Amiot,  notice  généalogique 100 

Amyot,      "              "             160 

André,  Rév.  Père 37 

André,  Jacques 189 

Angers,  Charles,  notice  biograph.  297 

Ange,  Michel, 182 

Archambault,  Laurent 230 

Arcouet,  Alexis 189 

Argenteuil,  le  sieui  d'Ailleboust 

71,72,103 

Armand,  Paul 189 

Arseneau,  Jean-Marie 189 

Askin,  John 202 

Auclair,  Joseph-François 189 

Audet,  F 234 

Audrnin,  Pierre 193,  194 

Aveueau,  Rév.  Père 34 


Baby,  les  frères,  180,  notice  généa.      184 
"      Jacques  Oupéron,  182, 184, 185,  204 

"      François 185,  204 

"      Raymond 204 

Badeau,  Louis 207 

Bagard,  E.  G 230,  233 

Bagillier,  Jacques ,        37 

Barbaîiu,  Pierre 218 

Barbier,  Frédéric. .....  228,  235,  240.  241 

Barette,  Joseph 1 84 

"        Al  xis 184 

Barron,  Antoine 192 

Barrois,  famille 149 

Barthe  dit  Bellefeuille,  famille . . 

148,  162 

Bassette,  Jacques 2JW 

Batchelor,  Georges 323,  Xil 

Beaubien,  famille 153 

Jean-Baptiste 12S,  178 

Antoine 202 


Page 

Beaudry,  famille 157 

Beaufait,  famille 186 

Louis,  fils 192,  218 

Beaufort,  Louis ; 192 

Beaujeu,  Louis  Liénard  de 114,  120 

"        Charles  Villemonde  de..      141 

Beaulieu,  Antoine 230 

Beaulieu,  Georges 228,  229,  234,  241 

Bélanger,  Philippe 184, 189 

Joseph 227,  229,  230 

236,  240,  248 

Hypolite 2:«) 

Henry 230 

Elie 230 

"         Damase 250 

Belfell,  Joseph 2!» 

Bellefeuille (voir  Barthe) 

Belleperche,  famille 155 

"  François 250 

Bellestre,  Picoté  de 138,  142 

Bellecourt,  François 192 

Bengley,  A 236 

Beniteau,  Israël  J 226,  227,  233 

Benoit,  Pierre 330 

Bernard,  J.-B 184 

"         Joseph 192 

Louis 192 

Pierre 203 

Bergeron,  Jean-Baptiste 230 

Bertrand,  Joseph..  181,  189 

François 184 

"  Jean-Baptiste 189 

Berthelet,  famille 186 

Henri '.02 

Berthiaume,  Joseph  189 

André 192 

Bibaud,  François 37 

Bienvenue (voir  Delisle) 

Bigras (voir  Fauvel) 

Biguet,  Jean 189 

Billiau (voir  Lespérance) 

Bineau,  famille 156 

Bimt,  J.-B 190 

Biron,  Joseph 182 

•'     Xavier 202 

"     L.  H. 324 

Bissonnet,  J.-B  ..,.., 190 

Bissonnette,  Pierre,  notice  biogr.      299 

w 


342 


LES   CANADIENS   DU   MICHIQAN. 


Page 

Biais,  Magloire 230 

Blanchet,  Pierre 236,  2^7,  240,  242 

Boishébert,  Louis  Henri,  de. . .  .121, 124 

Boete,  Baptiste 184 

Bogue,  Denis 230 

Bolssonneau,  N.  J 230,  236,  241 

Bondy,  famille 168 

"       Joseph 182,192 

"       Denis 102 

"       Noël 202,  206 

Bonet,  -Louis 203 

Bonneau,  famille 162 

Bonhomme,  Guillaume 37 

Bonvouloir,  Alexis 280 

Borde,  famille 162 

Borgia,  Pierre 190 

Bosseron,  famille 161 

Boucher,  famille 161,  168 

Bouder,  le  sieur 99 

Bourdon,  Pierre 202 

Bourdignon,  Louis 192 

Bonrgoin,  Jean 190 

Bourgmont,  le  nieur  de 92,  93 

Bourque,  Georges 229,  230,  234 

236.  240,  241 

Bouron,  famille 155, 176 

Bourrassa,  famille 168 

"  Jean- Baptiste 182 

Louis 192 

Boutin,  familli-, 162 

Boyer,  famille 162 

"      Nicolas 184 

Brabant,  Joseph 226 

Brackett,  François,  notice *  298 

Brilliant,  famille 168 

Brisebois,  le  lieutenant 205 

Brossard,  Hypolite 230 

Brousseau,  Firmin 230 

Brûlé,  Ëuchariste,  notice 295 

Brunet,  Benoit- 206 

Branet,  Jean 98 

Buffet,  Louis 190 

Buteau,  famille 149 


C 


Cabassier,  ifamille 163 

Cada,  J.  B 260 

Caderon,  Antoine 180 

Cadet,  Joseph  190 

"      Georges 207 

Cadillac,  Antoine  Laumet  de  La- 

mothe 58-64,  68,  75-98, 100 

101, 102,  116 

Caduret,  famille 163 

Joseph 203 

Charl.  s 203 

Cadotte,  famille 171 

Jean-Baptiste 181, 196, 199 

"       Michel 199.202 


Paob 

Caisse,  M.  l'abbé 248 

Campau  nu  Campeau,  famille. . .  146, 146 

'^      Michel 91,145,146 

Louis 177 

Simon 192 

"       Jean-Baptiste 102 

Henri 206 

Barnabe 202 

Denis 202 

Joseph 202 

"       Louis,  capitaine 205,  206 

Daniel 226,226 

Thomas 227 

Théo.  J 233 

Campion,  Etienne 182 

Cantiii,  Magloire 227 

Cardinal,  famille 160 

"         François lœ 

Cartier,  Antoine,  notice 300 

Cardin,  famille 171 

Carheil,  Rév.  P.  Etienne. .  .34,  64,  66,  83 

Carnevin,  Alphonse 230 

Caron,  famille  182 

Casgrain,  hon.  Charles  Eugène, 

notice  biographique 273 

Casgrain,  l'abbé 249,  273 

Cayoutte,  David 230 

Céloron,  Pierre- Joseph,  sieur  de 

Blainvllle 125, 130,  132 

Cesire,  famille 162 

Chabert (voir  Joncaire) 

Chacornacle,  lieutenant 79 

Chaboiller,  famille 160 

Chalut,  famille 168 

Chapoton,  famille 160 

Jean-Baptiste 180 

Benoit 184 

Louis 192 

Joseph 230 

Chapeau,  Stanislaus 197 

Carbonneau,  Moïse 230 

"  Louis 230 

Frédéric 230 

Charron,  le  sieur 76 

Chardon,  le  Rév.  Père 98,  119 

Charlevoix,  Rév.  Père 119 

Charrier,  Charles 229,  238,  240,  ?41 

Ciiauvin,  famille 

"         Charles i«4 

Antoine..  ..       184 

"         Jacques.  192 

"         Noël 192 

Alexandr.  250 

Cicoite  ou  Sicotte,  f ai . . .  M  •' 1S6 

"      Jean-Baptiste iy2,  208 

"      François 202 

"      E  ouard 203 

"      J.  J 229,  230,  238,  2;«-241 

"      F.  X 227-30,233 

Chavigny,  François  de  la  Chevro- 

tiere.  sieur  de 37 

Chesne,  famille 140 


INDEX   DES  NOMS 


343 


Paok 

...      248 

.146,146 

l,  146,  146 

...      177 

...      192 

..      192 

...      206 

....      202 

. . . .      202 

.  ..      202 

.206,206 

..226,226 

. . . .      227 

....      233 

. . . .      182 

....      227 

. . . .      160 

....      182 

....      300 

....      171 

,  64,  66,  83 

....      230 

....      162 

ène, 

....      273 
. .  .249,  273 
....      230 
r  de 
25, 130,  132 

162 

Joncaire) 

79 

....      169 

168 

. .        160 

...        180 

....      184 

....      192 

....      230 

• • •        197 

230 

230 

230 

76 

.98,  119 

119 

38,  240.  'Ml 

184 

..      IW 

..      182 

260 

156 

192,  208 

202 

203 

m,  238-241 

227-30,238 

ivro- 

37 
149 


Page 

Chesne,  Isidore 182 

Chevalier,  famille 163 

Louis ■  183 

Joseph 202 

Chléry,  le  sieur 116 

Clairoux,  Luuis 224 

ClaireiTiont,  Louise 128 

Contant  ou  Constant,  François,  190,  207 

Cosme,  famille 163 

Co8te,N.  A 250 

Coté,  Léon  Mathias,  notice 286 

"     Prisque 263 

Couchois,  famille 188 

Joseph 230 

Courtemanche,  le  sieur  de 57,  64,  73 

Courbin,  Louis 190 

Couture  Louis 184 

Croze,  Joseph,  notice  biograph. . .  295 

Cuillerier,  famille 163 

Jo.>.eph 99 

Cusson,  Joseph,  notice 302 

Couvret,  famille 168 


Dahlon,  R,  P.  Claude.  .     .25,  26,  :«,  m 

Darnaud,  le  sieur 125 

D'Aiitremont,    le   sieur   Cléram- 

bault 99,103 

Dangelzer,  Rév.  P 265 

Dassylva,  l'ubbé  T,  V.,  notice 394 

Dauiiais,  Jacques.   175 

Davignoti,  famille 168 

Deare,  H.  G. . .  .228,  230,  235,  236,  241,324 

Decomps (voir  Labadie) 

DeRuise,  Joseph 230 

Delisle,  famille 148 

Fabien 200 

Noël 184 

Joseph 192 

Jpan-Baptlste 192 

DeBonne,  Louis 140 

Defer,  Honoré 239 

"     Joseph 230 

Delorme (voir  Fafard) 

Delorme,  P 184 

DeGalllnée,  l'abbé 18,  20 

Denaut,  Mgr 192 

Delaurier,  Augustin 227 

Demay  ou  Dumais,  F.  X 227,  229 

230,234 

DeMarsac (voir  Durocher)      147 

Demers,  Jean-Baptiste 230 

Deneau,  Rév.  P 96 

DeNoyelles,  Charles  Fleurlmont 

121,  124 

Deplené,  J.  B 192 

Dequindre,  famille 163 

Césalre 177,178,179 

"  François 


Paok 

Dequindre,  Louis  .   ...   183 

Antoine 202,203 

Dery,  Fabien 280 

Desaulnlers,  Louis 192 

Deslaurlers,  François  203 

Deschènes,  Pierre-Charles 230 

DesButtes,  famille 157 

Deshêtres,  famille 157 

Desjardins,  Slméon 324 

Israël 260 

Desmarchais,  Antoine 203 

Desnoyers,  famille 168 

Pierre,  193,  194,  202,  213,  218 

Pierre 227 

Desrosiers,  famille 157 

DesRuisseaux,  famille 153 

Dllhet,  l'abbé  Jean 190,  191 

Dominé,  Charles 226 

Dolller  de  CasHon,  l'abbé  François  18,  20 

Dossln,  Charles 227,  228 

Douaire,  Ed (voir  Bondy)     236 

Drlol,  Vital 37 

Drouet,  famille 163 

Drouillard,  famille 163 

"         Pierre 182 

"         Dominique 184 

Simon 184 

Baptiste 184 

^'        flls 184 

"         François 229 

Drulllettes,  Rév.  Père 5,  33,  37 

Dubé,  Jean-Marie 189 

Dubois,  François 189 

Etifnne 189 

Pierre 20P 

Dubord,  famille 16- 

Dubuc,  Augustin    182 

Dubuisson,  le  sieur  Guyon,  104-108,  110 

114,  120, 132 

Ducharme,  Laurent 182,  198 

Joseph 198 

Dominique 198 

Paul 198 

Jean-Marie 182,198 

famille 167 

Duchesne (voir  Gastignon) 

Dufaux,  Paul 203 

Dufort,  T 213 

Dufour,  famille 158 

Dugué,  le  sieur. 79 

Dufournel,  famille 150 

Duhamel,  Julien 180 

Du Jaunay,  Rev.  Père 130,  176 

DuLignon,  famille 169 

DuLhut,  Daniel  Grezolon 

40-4;B,  51,  53,  64 

Dumay  ou  (Dumais),  Pierre 189,  192 

Duniont,  le  sieur 114 

"       Fabien 230 

Dumontier,  Louis 230 

Prosper 230 

Alexandre 230 


S44 


LES   CANADlJZyS    DH    MICHIGAN 


PAGE 

Suraouchel,  famille        171 

Dupleasis-Fiibert. 140 

Duprat,  Robert 37 

Dupré,  Louis 203 

"       Ftançois 203 

Dupuia,  Famille 164 

^        Nicolas 37 

Cha.-les 203 

"        Georges- Auguste 230 

Boniface 250 

Durochci",  famille 147 

Basile 184 

"  Lanrtnt 208,  209,  2 1« 

"  François ^..2 

Dusseault,  Joël 218,  .m) 

Duvernay,  Pierre  C 208 


E 


En ja  Iran,  Rév.  Père  Jean 20,  M,  73 

Est^Vve (voir  Lajeunesse) 


F 


Facier,  Joseph 202 

Fafart,  famille 161 

Fauvel,  famille 147 

Fezeret,  René 68 

Flaget,  Mgr 209 

Filion,  John 230 

Foisy,  J.  A 248 

Forville,  famille 161 

Frechette,  Louis  H 236,  237,  240-242 

Fredette,  docteur  F 324 

Freton (voir  Nantais) 


G 


Gabrielle,  François 203 

Gadois,  Joseph 203 

Gagne,  A 2:i6 

Gagnier,  Isaac 184,  189 

Janvier 266 

Gagnon,  A 220 

Ferdinand 247,  324,  334 

Gareau,  Rév.  Père 5 

Garon,  Joseph,  notice  biograpli. .      287 

Gastignon,  tamille 158 

Gauthier  de  la  Verandrye 127 

Alexis 178 

"        T.1 182 

Charles  de  Vierville . . .  183,  197 

Médard 227 

Pierre 2a0 

Gamelin,  Ëustache 186 

Louis. 192 


PAOE 

Gamelin,  Médard 180,  182 

Gauvin,  Charles 230,  233,  234 

Gervaise,  famille 164 

Gervais  Baptiste 206 

Gerardin,  A 216 

Girardin,  C.  F 192 

Jacques 192,  193 

Jacques  A 233 

CM 234 

Gignac,  Simon 226 

Giraud,  J 230 

Godbout,  Théophile 230 

Godefroy,  famille 150 

"        François,  flls 193 

Jean 203 

"       Jacques 218 

Pierre 218 

Gobeil,  Jean-François 189,  192 

Gad»t «roir  Marentette) 

Goflfinet,  Joseph  227 

Gouin,  famille 158 

"      Joseph 116 

"      Robert 184 

"      Charles J92 

Gosrfeiin,  traiteur 74 

Pierre ....        190 

Goudron,  A 227 

Goulet,  Raymond,  notice 279 

Goudron,  A 227 

Goyau,  famille .    151 

Gravier,  J.  P.  B 227,  2:^5,  240 

Griffard,  Louîs... 190 

Laurent 190 

Grégoire,  Joseph,  notice >. . .      274 

Grignon,  famille 169 

Pierre 182,  199 

"        Augustin 205 

"         Antoine,  notice 296 

"         docteur  FJugène. 285 

Guérin,  Jean 8 

Antoine 190 

Louis 226 

Guignas,  Rév.  Père  Michel 119 

Guymonneau,  Rév.  Père 119 

Guyon,  .J.  B 182 


Haler,  JeanB 230 

Hamel,  Augustin 184 

Ni'zaire 230 

Hamelin,  famille 152 

Hyacinthe 182 

Hébert,  J,  L 227,  240 

Hennepin,  Rév.  Père 42,  45 

Herbin,  Louis 141 

Hius,  famille 170 

"      Joseph 160 

Houde,  Frédéric 336 

Cyrille 282 


PAGE 


...   206 

...   216 

192 

.192,  193 

...  2;« 

...   234 

...   226 

...   230 

...   230 

. . . .   150 

. . . .   193 

. . . .   203 

. . . .   218 

. . . .   218 

. .  189,  192 

irentette) 

. . . .   227 

.  . .   158 

. . . .   116 

...   184 

. . . .   192 

74 

190 

. . . .   227 

. . . .   279 

. . . .   227 

. . . .   151 

7,  235,  240 

. . . .   190 

. . . .   190 

^. . .   274 

169 

.182,199 

205 

296 

285 

8 

190 

226 

119 

119 

182 


230 
184 
230 
162 
182 
.227,240 
42,  45 
141 
170 
160 
336 
292 


INDEX  DES  NOMS 


345 


PAGE 

Hossannah,  Charles 230 

Huguet,  famille 168 

Hubert,  Louis 230 

Hunault,  Toussaint 190 

Joseph 190 


JacQues,  Zacharie,  notice 292 

*       Laurent,  notice 292 

Jadot,  famille 167 

Janisse,  Joseph 229 

Janson,  Charles 190 

Jarrait,  Séraphin 230 

"        Octave 230 

Pierre 230 

Richard 2.« 

•      "        Charles 2;W 

John 280 

Jobin,  Joseph 190 

Jogues,  Rév.  Père 2.  3,  6 

Joliet,  Louis 16,  26,  37 

"      Zacharie ...     55 

Joncaire,  famille 156 

FrHîîÇois  Chabert  de,  182,  192 

Jourdain,  famille 164 

Joviel,  Jacques.  '. 37 

Jouvit,  Pierre 229,  234 

Joyal,  Auguste 297 

Jubainville,  Joseph 249,  250 

Juchereau,  le  sieur, 54 

Jumonville,  le  sieur  de. 125 


Labady,  famille 157 

Alexandre 192 

Labutte,  Claude    180, 182 

Labrosse,  famille 164 

LaCorne,  Louis  de 125 

Lacroix,  Dominique 182 

Paul 202 

Edouard  N ...217,  224-2:«), 

2;«,  2:M,  235,  240,  242,  217,  334 

"        Hubert 208 

Ladéroute,  famille.; 101 

Ladurantaye,  Olivier  Morel  de. . . 

49,  52-56,  68 

Laferté,  famille 167 

Louis  V 192 

liafontaine,  (voir  Robert,  Gamelin  et 
Langeron). 

Lftfoy,  Auguste 19!^ 

Laframlwise,  Alexis 197 

H 250 

Laforest,  François  Daupin,  sieur 

de 45,  104,  108,  109,  117 

Lagarde (voir  Goyau) 


PAGE 

liagarde,  Jean 184 

Laliontan,  le  baron  de 53,  54 

Lajeunesse.  famille 147 

Lamarcl'.e,  Rév.  Père 96 

Lamarque,  le  sieur  de 116 

Lamoureux,  François 08 

Lamorandière,  Damours  de  la.. .        125 

LaMorinerie,  Rév.  Père 130,  176 

Lanctot,  Mederic,  234,  2m,  240-246,  324 
Landry,  Claude 179 

"      Firmin 179 

Langeron,  Etienne 190 

r  anglade,  famille 170 

"  Augustin 142 

Charles 138,  181,  183,  202 

Lanplois,  famille 167 

Jean 184 

"         Napoléon 250 

Lanoux,  Prisque 184 

La  Noue,  Zacharie 109,  104 

Lantagnac,  Adhémar  de 121 

Lanthier,  Benjamin 338 

Lapahiie (voir  Janson) 

Laparle,  \V.  B 236 

Lapernouche,  le  chevalier  de 121 

Laporte,  l'abbé  Maxime 285 

Lapierre,  A.  D 324 

Laplrnte,  Pierre 190 

L'Arc.'ie,  Charles. 182 

L'archevêque,  famille 170 

Larue,  J.  B 190,  218 

LaRoude,  Louis  Denis  de 125,  136 

Larose,  Joseph 230 

Larivière,  F'^rançois 206 

LxSalle,  t  uvelier  de 14,  18,  43-46 

Laselle,  famille 166 

Jacques 180.  181,  192,  194 

Hyacinthe 202 

"        François 208 

Latour,  Aniable 184,  188 

François 188 

La  Verdure,  le  sieur 09 

Lauzon,  famille 159 

LeBoême,  Rév.  F 25 

Lebourdeux,  Pierre 202 

Lebd'uf,  Joseph 236,  240,  242,  247 

Leclerc,  Jean-Baptiste 188 

famille 175 

Leduc,  famille 15i) 

A 2^1 

Lefranc,  Rév.  Père  Louis 119,  176 

Lefebvre,  Joseph 182 

Mgr 262 

Legrand,  famille. 166 

"         le  .juge 176 

Legros,  famille 159 

Lemny,  Théophile 188 

Pierre 188 

Lenoir,  François 184 

L'^onard,  Rév.  Père  Bonaventure      118 

L'Ëstang  (voirBrunet) 

Lespérance,  famille 168 


846 


LES    CANADIENS   DU   MICHIGAN 


PAKE 

Lespérance,  François 224 

Letelller (voir  Tellier) 

"       1  abbé  Michel,  notice ....      303 
Lévesque,  Henri  A 218 

"  D. 250 

Cliarles 250 

LeVasaeur,  Josepli 202 

Lièvre,  Louin,  Cliarles  père,    et 

Charles  fils 203 

Lienery,  François  Marchand  de 

111,  114,  110,  142 

Linctot,  le  sieur 114, 125 

L'Halle,  Rév.  Père  Constantin  de       93 
Longtin,  Hubert 230 

^        Charles 229,  230,  234,  235 

240,  241,  324 

Longueuil,  le  chevalier  de  181,  131 

Loranger,  Joseph 208 

LbaldR 290 

Lorain,  Joseph 192 

Lord,  H.  J 236. 237,  240,  324,  326,  333 

Louis,  Jean 203 

Louvigny,  Louis  de  la  Porte,  sieur 

de 55-58,  90,  103,  100, 114 

Lyon,  Bî>njamin 182 

Lucier,J.  B.  et  Charles 230 


M 


Magnan,  l'abbé  Roch 299 

Adolphe  299 

Magras,  Jacques 37 

Mailloux,  famille 188 

"  Jacques 234 

F.  G 227,230 

F.  X 230 

Maisonville,  Alexandre,  fils 184 

Maingot,  Joseph 230 

Mainville,  Micnel 230 

Malhiot,  François  Victoire W) 

Mallet,  famille I'i8 

"       Jean-Baptiste 183 

Malo,  Clément 230 

Mantet,  le  sieur  de 84,  00 

Marentet'  e,  famille 165 

Marcheteau,  famille 159 

Marin,  Pierre  Paul.. 125,  139 

Marin,  Rév.  Père 119 

Marest,  Rév,  Père  Joseph.    ..  .83,  84,  98 

IIG,  119 
Marquette,  Rév.  Père  Jacques ...  25,  27 

Mai-sac,  Robert 192 

"      François 192 

"       G 192 

"      Joseph 205,297 

Massé,  Denis 37 

Martel,  Prosper 230 

Martin,  Joseph 230 

"      François 230 

Martineau,  F 338 

Mayséré,  Jean 37 

Maynard,  Joseph  C,  notice 291 


PAGE 

Maure,  Laurent 184 

Meloche,  famille 160 

Menard (voir  Montour) 

"       Rév.  Père  René 5,8,27 

"       l'abbé  Pierre  C,  notice. .      280 

Mercier,  Jean 203 

l'honorable  Honoré 338 

Mermet,  Rév.  Père 84 

Messayer,  Rév.  Père  CM 119 

Mesny,  famille 164 

Metay  ou  Mété,  famille 192 

"      Théodore 203 

Métivier,  famill«> 171 

François 208 

Métot,  famille 165 

Michel,  Nicolas 188 

Mingo,  Jules 220 

Mirandeau,  Jean-Eaptiste, 197 

Monnier,  F.  X 230 

Montour,  tamille 166 

Montreuil,  J.-B 184 

Luc 226,250 

Montigny,    le   sieur   Testard  de 

114,  125,  139 

"  Jean-Baptisi  e 162 

Moran,  famille 165 

Louis 206 

Charles 209 

"       Henri 250 

Moras,  famille 187 

'*      Antoine 182 

Moreau,  Pierre,  sieur  de  la  Taupine      37 

Mousette,  Antoine 236,  240,  247 

324,  326,  333 

C. . .  236,  240,  325,  326,  333,  334 

Muy,  Jacques  Daneau,  sieur  de . .      138 


N 


Nadeau,  Bruno,  notice 283 

Nantais,  famille 167 

Navarre,  famil.e 160 

Rohort 180,192 

Robert 203 

François 181,202 

Pierre 192,202,204 

Nicolet.  Jean 1 

Nivcrville (voir  Boucher) 

Nolin,  Jeun -Baptiste 201 

"     Auguste 202 

Noyan,  Pierre  Jacques  Payen  de.      124 

Nouvel,  Rév.  Père  Henri 26,  28,  29 

Noyon,  de 74 

O 

Odette,  D.B 850 

Olivier,  Charles,  notice 806 


PAGE 

184 

160 

[ontour) 

.5,  8,  27 

!..   280 

203 

338 

84 

119 

..   164 

va 

..      203 
. .   171 

203 
..  165 
...  188 
..  226 
...  197 
...  230 
...  166 
...  184 
.226,250 
de 

,  125,  139 
. . .   162 

165 
...  206 
...  209 
...  250 
...  187 
...  182 
^ine  37 
,  240,  247 
,  328,  333 
,333,334 

138 


283 

167 

160 

.180,  192 


TABLE  DES  NOMS 


347 


\ 


850 

m 


PAGE 

Ouellette,  (rénéalogie 186 

"         Elie 203 

'^         Isaac   203 

T.  P 229 

P 250 


Page,  Joseph 230 

Pageut,  Joseph  Thomas 187 

Pafdi,  Angel 226 

Paradis,  j;  B 324 

Paré,  Jean-Baptiste 188 

"     CL 250 

"      Alpho-  se,  236, 240,  324, 326, 333,  334 

Parent,  famille 160,  171 

Joseph 298 

Pauli,  Albert  J,  notice .       302 

Pauluâ,  Auguste. 233 

Payette.  Pierre 230 

Patry,  Edouard 230 

•'      Jean  230 

Péan,  Hughes  Jacques 127 

Pellerin,  Louis 230 

Pelletier,  famille 81,  152 

"         Baptiste,     T.,    Alexis, 

Jacques  et  Charles.  . .      182 
"         Louis,  Isidore,  François     203 

Antoine..  .   208 

Charles 213 

Samuel 280 

Charles 2?0,233 

Perreault,  Louis 19^ 

Jean-Baptiste 196,  202 

Petit,  Anselme 206 

"      Edouard 206 

Perrot,  Nicolas, .  .20,  37,  49,  56,  64,  70,  71 

Picard,  famille 160 

"    .    Joseph 230 

Picoté .' (voir  Bellestre) 

Pierson,  Rév.  Père  Philippe 28 

Pilet,  famille 160 

Pinet,  Rév.  Père 1C8 

Pitre,  Jean-Baptiste 188 

(harles 188 

Pizftu,  John 230 

Plamondon,  Jean 120 

Fiante,  Franvois 187 

Poniainville,  Michel 2oO 

Porlier,  famille 167 

"      Joseph 184,202,205 

Ph teret,  Pierre 37 

Potier,  Rév.  Père  Nicolrs 34 

"       Rév.  Père  Pierre ....  176, 177,  1^3 

"      Toussaint 98,201 

Pot:lln,  L.  J  210 

Potiget,  famille 167 

Pou  part,  famille 190 

Poupart,  Charles 184 

Pratte,  François 187 


PAGE 

Prieur,  Xavier 2.î0 

Primeau,  François 184 

Pierre 282 

^'         Henri 291 

l'abbé  J.B 333 

Prud'homme,  famille 1C6 

"  E 324,326,333 


Q 


Quesnel,  Jacques. 
Quiné,  Eusëbe. . . . 


187 
230 


Racine,  Etienne 230 

Racottelle,  Jean-Baptiste 207 

Raln ville,  Joseph 205 

Rasclo,  François 230 

Ravadoux,  l'abbé 191 

Raymbault,  Rév.  Père 2,  3 

Raymond,  Joseph 139 

Réaume,  famille 109 

Charles 184 

"        Robert 224 

Adolphe 330 

Remonvllle,  le  sieur  de 103 

Renaud,  Laurent 98 

"       Piumarals 98 

famille 185 

Adolphe 230 

Repentlgny.  Louis  Legardeur  de .      140 

Resé,  Mgr  .  rédéric 211,  217,  262 

Richard,  l'abbé  Gabriel,  191, 193,  202, 209 
Ricliardie,    Rév.    Charles   de    la 

119, 129,  176 

Richardville (voir  Drouet) 

Riopelle,  famille 187 

Toussaint 102 

Riou.x,  Samuel,  notice 288 

Rivar.i,  famille 166 

"      CharU  s,    Michel,    Jean- 

Bapti.ste  et  Pierre 192 

Rivf  t,  Chiir  es 2:i6 

Rolieit,  Prosper,  notice 277 

Kochelea'i,  tamille 167 

Kocoux.  faniillc 161 

Roi(i liant ,  Pierre. ...   92 

Kobiliarii,  Antoine 202 

Robitaille,  Jo^eph 230 

Rolette,  J.  seph 201,  205 

liosi'tte,  François 184 

Rouleau,  Charles    192 

"         Félix,  notice 290 

Rousseau,  Charles  M 228,  230,  234 

235,  240,  326,  333 

l'abbé,  notice 283 

Roussel,  famille 101 


348 


LES   CANADIENS    DU   MICHIGAN 


PAGE 

Roussel,  Auguste 230 

Roy,  famille 161 

'^   Pierre 81 

"    André 182 


S 


Saint- Aubin,  Gabriel 192 

"     Georges,  Pierre 203 

"     Germain (voir  Lamoureux) 

"     Jacques  Emmanuel 298 

"     Jean,  Ludger 250 

"     Lusson,  Simon-Daumont  de 

14,  20,  21,  m 

"     Onge (voir  Chesne) 

"   Jacques 230 

"     Ours,  Deschaillons. . .  .114,  120,  121 

"     Pé,  Rév.  Pèie  Jean 119 

"     Pierre,  LeGardeur  de,  114, 125,  132 

"      Joseph 230 

Sabrevois,  Jacques  Charles,  109, 114,  IP 

124,  lar, 

Sage,  Michel 240 

Salleneuve,  Rév.  Père 176 

Samson,  l'abbé 267 

Sanguinet,  Joseph 182 

Sandriette,  Alexandre 208 

Sanspitié,  Antoine 208 

Sauver,  Emile 230 

Schutzes,  l'abbé  J.  H 222 

Seguin (voir  Laderouta) 

Seneeal,  Alphonse 2.)0 

Sicolte (Voir  Cicotte) 

Soffers,  M.  l'abbé 228,  230 


Tibeau,  Baptiste 182 

Tellier,  famille 190 

Tessier,  Paul 98 

Testard (voir  Forville  et  Montigny) 

Tétreau,  Alexandre 2:W 

Thibeault,  Joseph 192 

Tonti,  le  chevalier  de,  44,  45,  46,  53,  109 


VAGE 

Tonti,  Alphonse  de,  72,  73,  79,  81,  91,  92 

113. 119 

Tremblay,  famille 165 

Baptiste 192 

"         Léon,  Joseph,  Médard      2«i7 

Hypolite 230 

Trottier,  famille 153 

Trudel,  François 187 

"      Jean-B^ptisto..  ....      207 

Turpin,  Jean-Baptiste 96 

Turcotte,  Joseph 230 

V 

Vailaiit,  Rév.  Père 79,  83 

Vaillancourt,  Joseph 202 

Franvois 202 

Jean 202 

Henri 202 

Vallée,  Pierre 184 

Jean-Baptiste 217 

Vandame,  Gustave 234 

Vr.ndyke,  A 227 

Vanier,  J.  A.,  notice 281 

Vaudreuil,  Rigaud  de 139 

Vermet,  famille 187 

Antoine 192,203 

Vesina,  Samuel 226 

Louis 230 

Vessière (voir  Laferté) 

Viger,  Joseph  Pascal 187 

Villiers,  Coulon  de 111, 126, 139 

Vincelette  (voir  Amyot) 

Vincennes,  Bissot  de 72,  90,  103,  105 

108, 114 

Visger,  Jacob 192 

"       Jacques 300 

Voyer,  Josué 192, 193 

W 

Whiteford,  docteur  E.  D 

228,  230,  236,  240,  241 
Willemin,  Désiré 248 


193 
1335    4 


/. 


PAGE 

r2,  73,  79,  81,  91,  92 
113, 119 

165 

192 

ph,  Médard     2(»7 

230 

153 

187 

....      207 

s 96 

230 


...79,83 

202 

< 202 

202 

202 

184 

217 

234 

227 

281 

139 

187 . 

192,203 

226 

230 

. . .  (voir  Laferté) 

187 

111,126,139 

—  (voir  Amyot) 

...72,90,  103,  105 
108,  114 

192 

300 

192, 193 


D 

230,  236,  240,  241 
248