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f^^.
IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
1.0
1.1
1.25
d IM 12.5
2.2
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14 II 1.6
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Hiotographic
Sciences
Corporation
23 WEST MAIN STREET
WEBSTEKN.Y. 14SS0
;/t6) 873-4503
\
S>
4
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICMH
Collection de
microfiches.
Canadian Instituts for Historical Microreproductions / institut canadien de microreproductions historiques
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
Thei
toth
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or which may significantly change
the usual method of filming, are checked below.
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
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sont indiqués ci-dessous.
Thei
possi
of th
fiimii
D
Coloured covers/
Couverture de couleur
I I Covers damaged/
□
D
D
D
D
D
Couverture endommagée
Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
I I Cover title missing/
Le titre de couverture manque
□ Coloured maps/
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.b. other than blue or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Sound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La re liure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
D
D
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0
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Coloured pages/
Pages de couleur
Pages damaged/
Pages endommagées
Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
Pages detached/
Pages détachées
Showthrough/
Transparence
Quality of print varies/
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary matériel/
Comprend du matériel supplémentaire
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Seule édition disponible
Pages wholly or partiatly obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
Origi
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10X 14X 18X 2X
I I I I I I I I l/l I I I I
26X
30X
12X
lex
20X
24X
28X
32X
The copy ffilmad hero ha* baan reproducad thanks
to tha ganarotity of :
University of British Columbia Library
L'axamplaira filmé fut raproduit grflca à la
généroaité da:
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poaaibla conaidaring tha condition and lagibility
of tha original copy and in kaaping with tha
filming contract «pacifications.
Las imagas suivantes ont été raproduitas avac la
plus grand soin, compta tanu da la condition et
da la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat da
filmaga.
Original copies in printed papar covars are filmed
beginning with the front cover and atiding on
the lest page with a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriata. AH
other original copies are filmed beginning on the
f irst page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the lest page with a printed
or illustrated impression.
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par la second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
The lest recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol — »■ (meaning "CON-
TINUED"), or the symbol V (meaning "END"),
whichever applies.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — *> signifie "A SUIVRE ", le
symbole V signifie "FIN".
Maps, plates, charte, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many f rames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
Les cartes, planches, 'ableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1 2 3
1
2
3
4
5
6
" 1 nr-
11
^
i
ESSAI POLITIQUE
SUR LE ROYAUME
DE LA
NOUVELLE -ESPAGNE.
1
«
f
ESSAI POLITIQUE
SUR LE ROYAUME
DE LA
NOUVELLE -ESPAGNE,
PAR AL. DE HUMBOLDT.
TOME TROISIÈME.
m-
A PARIS,
Chez F. SCHOELL, Libraire, rue iîes Fosses-
Saint- Gi;rmain-i.'Auxerrois, k." 3cj.
1811.
f
miÊÊmmmiÊÊsi^ÊÊti^;.
\.^-'^iS"r
''-»^« -:.
V / / /' V
f
r
;\ :; :
*'v^/».^%>%/% «/%/%/*./%/«/^'*/«/«. <
»■»-•/*/% */^ ».
LIVRE IV.
Etat de l'Agriculture de la Nouvelle-
Espagne. — Mines métalliques.
CHAPITRE IX.
Prodiictioîis végétales du territoire mejcicain.
—Progrès de la culture du soi. — lîijiuence
des mines sur le défrichement,— Plantes
qui setvent à lu nourriture de llionune,
IN ous venons de parcourir l'immense étendue
de terrain que Ton comprend sous la déno-
mination de royaume de la Nouvelle-Espagne.
Nous avons décrit rapidement les limites de
chaque province , l'aspect pLjsique du pays,
sa température, sa fertilité naturelle, et les
progrès d'une population naissante. Il est
temps de nous occuper plus spécialement de
l'état de l'agriculture et de la richesse territo-
riale du Mexique.
III. .
'«.-
MVIU. IV
Un empire cpii s'iHcnd depuis le sei/ième
jusqu'au Ireule-scptiènie dcf,^ré de lalilude,
Oiire (IcjU , par sa |)osiliou geo;4ra[)lu([ne ,
tuules les uiodifîcalions de eliuiat que l'on
Ifouveroit , eu se lransj)ortaul des rives du
Séu('^^i;lcii Espa«^nie , ou des coles du Malabar
aux s{( ppes de la Grande-Bucharie. Cette
variété de cliuiats au«^uiente eneore par la
consliluliou géolo<;ique du pays , par la
niasse et la lorn»e extraordinaire des nion-
lairnes mexicaines , dont le tableau a été
tracé de' us le troisième chapitre. Sur le dos
et sur la pente des Cordillères^ la lempéra-
ture de chaque plateau est différente, selon
qu'il est pUisou moins élevé. Ce ne sont pas
des pics isolés dont lessouimets, rapprochés
de la liniile des neiges perpétuelles , se cou-
vrent de pins el de chèues. Des provinces
entières produisent spontanément des plantes
alpines, et le cultivateur habitant de la zone
torride y perd souvent l'espérance des mois-
sons; , par Teffet des gelées ou par l'abondance
de la neige.
Telle est l'admirable distribution de la
chaleur sur le globe , que , dans l'Océan
aérien, on rencontre des couches plus froides à
CllAPITUi: IX. 3
nipsure que l'on sVlcve ; tandis fjuc dans la
profondeur des mers la tenipéiiilure diminue
à mesure que l'on s'éloij^nc de la surface des
eaux. Dans les deux élémens , une niénie
latitude réunit , pour ainsi dire , tous les
elimats. A des distances iné^^ales de la surface
de l'Océan , mais dans le même plan vertical,
on trouve des couches d'air et des couches
d'eau de la même température. Il en résulte
que, sous les lropi([ues , sur la pente des
Cordillères, et dans l'abîme de l'Océan , les
plantes de la Laponie , comme les animaux
marins voisins du pôle , trouvent le <le^^ré de
ohaleur nécessaire au développement deleurs^
or<^anes.
D'après cet ordre de choses établi par la
nature , on conçoit que dans un pa^s mon-
tueux et étendu comme le Mexique, la
variété des productions indij^ènes doit être
immense, et qu'il existe à peine une plante
sur le reste du globe qui ne seroit susceptible
d'être cultivée dans quelque partie de la Nou-
velle-Espagne. Malgré les recherches pénibles
de trois botanistes distingués, MM. Sessé,
Mociîïo et Cervantes, chargés par la cour
d'examiner les richesses végétales du Mexi-
I j
(
!
i
4 T.iviii: îr,
«jno, il sVn fiditdc !>Oim<Mnj|> que Ton piii'^se
*(• I1;illcr (lo connoilro loiilos les pLiiiUs ([111
se; troinciil on ôp^irscs sur dos rimes isoKcs,
on prossL'Os les nnrs ronhc les anlres dans
do v.Mslcs forèls an pied des Cordillères. Si
l'on déeonvrr encore jonriiellenieiil de nou-
velles espèces herbacées sur le plalean central,
même <lans le voisina«^e de la ville de3Ic.\ico,
fpie de plantes arborescentes ne se seront
]>as dérobées anx yeux des botanistes, dans
cette région liuuiide et clumdo qui s'étend
le long des cotes orientales, depuis la pro-
vince de Tabaseo et les rives fertiles du
Gnasacualco jusqu'à Colipa et à Papanlla, le
long des cotes oceidenlales , depuis le port de
San Blas et la Sonora jusqu'aux plaines de
la province d'Oaxaca ! Jusqu'ici aucune es-
pèce de quinquina ( Ginchona ) , aucune
mémo de ce petit groupe <pii a les étamines
plus longues que la corolle , et qui forme le
genre Exostema , n'a été reconmie dans la
partie équinoxiale de la Nouvelle-Espagne. Il
est probable cependant que celte découvert©
précieuse sera faite un jour sur la pente des
Cordillères , où abondent les fougères en
arbre , et où commence la région des
CIIVPITRr. T\.
5
vc'ritahlcs f[iiinquiiia l'ibrilii^'os à ctuiiiincs
très-cou rlos^ et ù corolles >clucs'.
]Nous ne nous jiroposous point ici de «Ic-
crire l'iniiornlu'ahlc varicic tic Nc^claux dont
lu nature a eniiclii la \asle clcndue de la
* Voyez ma (h'-ographie dis pliiutcs , p. ()i — ()f> ,
et un ÎVli'iiioir»! ([uc j'ai {)ii1)llc en alliMiiaiid , coii-
ttiinnl des obst rvalions physiques sur les ilivers(;s
csp('C(!s «1<; (linclioiut t[iii croissent dans les deux con-
tlnens. ( Afi-nioin's de la S iri îà d'/ils/oirc naturelle de
Jii'i'lin , 1807, n. 1 el '2. ) On cioil au Mexique ([ue le
Portlaiulia niexieana , dtcouvtit par Ai. Sf'SiC, pourruit
remplacer le quinquina de l.oxa , comme le lont^
jii.s(pi'à im certain puint , le Portlandia hexandra
(Coularea Aul)h;l ) à Tayenne, le Bonpiandia Irifo-
llata Willd. , ou l«; Cusj»aié,au bord de l'Orôuoquo
Cl le Switenia febriluiia Koxh. aux (Grandes Indes.
Il est à dt'sirer que l'on examine aussi les vertus médi-
cinales du Puïkneya pubens de Michaux ( Mussaenda
bractcolata Barlram ) qui croît dans la (Icorgicj et
c^ui a tant d'analogie avec lesCimhona. En Jetant le»
yeux sur la propriété des genres Portlandia , Coutarea
et lîonpiandia, ou sur l'airmilé naturelle que présente
le véritable Cinchona épineux et rampant , «lécouvert
à Guayaquil par M. Talalla , avec les genres Pa^deria
et Danals, on reconnoit que le principe fébrifuge du
quinquina réside dans beaucoup de rubiacées. Da
même le Caoutchouc n'est pas seulement extrait iliJ^
il
O LIVRE IV,
JVoiivelle-Espagne , et dont les proprielés
uliles seront mieux connues à mesure que
la civilisation fera des progrès dans ce pays.
Nous ne parlerons pas des divers genres de
culture qu'un gouvernement éclairé pourroit
introduire avec succès. Nous nous bornerons
à examiner les productions indigènes qui
fournissent en ce moment des objets d'expor-
tation, et qui forment la base principale de
l'agriculture mexicaine.
Sous les tropiques , surtout aux Indes
Occidentales, qui sont devenues le centre
de l'activité commerciale des Européens ,
le mot agriculture est pris dans un sens
bien différent de celui qu'on lui donne
en Europe. Lorsqu'à la Jamaïque ou à l'île
de Cuba, on entend parler de l'état floris-
sant de l'agriculture , cette expression offre
à l'imagination , non l'idée de récoltes qui
servent à la nourriture de l'homme , mais
l'idée de terrains qui produisent des objets
l'Ilevea , mais aussi de l'UicpoIa clastica , tlu Com-
niiphora maf^agascaicnsls, et d'un grand nombre
d'avitrt'S planlos de la famille des euphorbes , des
orti» s (Ficus Ceci opia), des cucurbilacées (Carica),
€l descanipanulacées (Lobclia).
CHAPITRE IX. -J
iréchan^eau commerce, et des nialières brûles
à l'iiuluslrie manufacturière. De plus, qucl<pie
riche et fertile que S(nt la caîïipagne , par
exemple la vallée des Guines, au sud-est de
la Havane, un des siles les plus délicieux du
Nouveau-Monde , on y voit des plaines soi-
gneusement plantées en cannes à sucre et en
café ; mais ces plaines sont arrosées de la
sueur des esclaves africains! La vie des champs
perd ses attraits, lorsqu'elle est inséparable
de l'aspect du malheur de notre espèce.
Dans l'intérieur du Mexique , le mot agri-
culture rappelle des idées moins pénibles et
moins attristantes. Le cultivateur indien est
pauvre, mais il est libre. Son état est bien
préférable à celui des paysans dans une
grande partie de l'Europe septentrionale. Il
n y a ni corvées, ni servage dans la Nouvelle-
Espagne; le nombre des esclaves y est pres-
que nul : le sucre, pour la plus grande partie ,
est produit par des mains hbres. Les objets
principaux de l'agriculture n'y sont pas de
ces productions auxquelles le bjxc des Euro-
péens a assigné une valeur variable et arbi-
traire : ce sont des céréales , des racines
nourrissantes, etl'agave, qui est la vigne des
I
8 LIVRE IV,
indigènes. La vue des champs rappelle an
voyageur que le sol y nourrit celui qui le
cultive , et que la véritable prospérité du
peuple mexicain ne dépend ni des chances
du commerce extérieur, ni de la politique
inquiète de TEnrope.
Ceux qui ne connoissent l'intérieur des
colonies espagnoles que parles notions vagues
et incertaines publiées jusqu'à ce jour, auront
de la peine à se persuader que les sources
principales de la richesse du Mexique ne
sont pas les mines , mais une agriculture qui
a été sensiblement améliorée depuis la fin
du dernier siècle. Sans réfléchir à l'inmiense
étendue du pays, et surtout au grand nombre
de provinces qui paroissent entièrement dé-
pourvues de métaux précieux, on s'imagine
communément que toute l'activité de la po-
pulation mexicaine est dirigée vers l'exploi-
tation des mines. De ce que l'agriculture a
fait des progrès très -considérables dans la
capitanla gênerai de Caraccas , dans le
royaume de Guatimala , dans l'île de Cuba,
et partout où les montagnes sont censées
pauvres en productions du règne minéral ,
on a cru pouvoir en inférer que c'est aux
CHAPITRE IX.
9
travaux des mines qu'il faut attribuer le peu
de soin donné à la culture du sol dans d' 'ulres
parties des colonies espagnoles. Ce raison-
nement est juste, lorsqu'on ne l'applique qu'à
de petites portions de terrains. Sans doute
dans les provinces du Ghoco et d'Antioquia ,
et sur les cotes de Barbacoas, les habitans
aiment mieux chercher de l'or de lava<»'e
dans les ruisseaux et les ravins , que de dé-
fricher une terre vierge et fertile : sans
doute au commencement de la conquête , les
Espagnols qui abandonnoient la péninsule
ou les lies Ganaiies pour s'établir au Pérou
et au Mexique, n'avoient d'autre intérêt que
celui de découvrir des métaux précieux.
«< Juri rabida sitis a cultura Hisparws di-
« vertu » j dit un écrivain de ce temps ,
Pedro Martyr ', dans son ouvrage sur la
découverte du Yucatan et la colonisation
des Antilles. Mais ce raisonnement ne peut
aujourd'huiservir à expliquer pourquoi dans
des pays qui ont trois ou quatre fois plus
d'étendue que la France, l'agriculture est
II
' De însulis nuper repertis, et de moribus incolaruni
carum. Grynœi novus Orbis , i555,^.5ii.
!
10
LIVRE IV
dans un état de langueur. Les mêmes cause»
physiques et morales qui entravent tous les
progrès de l'industrie nationale dans les
colonies espagnoles , ont été contraires à
l'amélioration de la culture du sol. Il n'est
pas douteux que si l'on perfectionne les
institutions sociales , les contrées les plus
riches en productions minérales seront tout
aussi bien , et peut-être mieux cultivées que
celles qui paroisscnl dép airvnes de métaux.
Mais le désir naturel à rhonui) ^ de rnuiener
tout à des causes très-simples, a i;it>oduit
dans les ouvrages d'économie politique une
manière de raisonner qui se perpétue parce
qu'elle flatte la paresse d'esprit do la mullilude.
La dépopulation de l'Amérique espag'iule,
l'état d'abandon dans lequel sV trouvent les
terres les plus fertiles , le manque d'industrie
manufacturière , sont attribués aux richesses
métalliques , à l'abondance de l'or et de
Taro^ent ; comme , d'après cette même logi-
que , tous les maux de l'Espagne dérivent ou
de la découverte de l'Amérique, ou de la vie
nomade des mérinos , ou de l'intolérance
reh«'ieuse du clero-é !
On n'observe guère que l'agriculture soit
CIlAPITnE IX.
lï
plus négligée au Pérou qu'elle ne l'est dans
la province de Cuinana ou à la Guayane ,
dans lesquelles cependant il n'existe aucune
mine en exploitation. Au Mexique, les champs
les mieux cullivés, ceux qui rappellent à
l'esprit des voyageurs les plus belles cam-
pagnes de la Fra..ce , sont les plaines qui
s'étendent depuis Salamanca jusque vers
Silao , Guanaxuato , et la Villa de Léon , et
qui entourent les mines les plus riches du
monde connu. Partout où des fdons métal-
liques ont été découverts dans les parties les
plus incultes des Cordillères, sur des plateaux
isolés et déserts, l'exploitation des mines,
bien loin d'entraver la culture du sol, la
singulièrement favorisée. Les voyages sur le
dos des Andes ou dans la partie montueuse
du Mexique, oiï'rent les exemples les plus
frappans de cette influence bienl'aisante des
mines sur l'agriculture. Sans les établissemens
formés pour l'exploitation des mines, que de
sites seroient restés déserts , que de terrains
non défrichés dans les quatre intendances de
Guanaxuato, de Zacatecas, de San Luis
Potosi et de Durango, entre les parallèles
de 31 et de 25 degrés, où se trouvent réunies
■' .p
12
LIVRE IV
les richesses métalliques les plus coiisidcraliles
de la JNouveile-Espagne ! La l'ondalion d'une
\ille suit imniédialeuient la découverte d une
mine considérable. Si la ville est placée sur
le flanc aride ou sur la crête des Cordillères,
les nouveaux colons ne peuvent tirer cjue de
loin ce qu'il faut pour leur subsistance et
pour la nourriture du grand nombre de bes-
tiaux employés dans l'épuisement des eaux ,
dans le tira^ie et ramal;>amation du minerai.
Bientôt le besoin réveille l'industrie : on com-
mence à labourer le sol dans les ravins et sur
les pentes des montagnes voisines , partout où
le roc est couvert de terreau ; des fermes
s'établissent dans le voisinage de la mine;
la cherté des vivres, le prix considérable
auquel la concurrence des acheteurs maintient
tous les produits de l'agriculture, dédom-
magent le cultivateur des privations auxquelles
l'expose la vie pénible des montagnes. C'est
ainsi que par le seul espoir du gain , par les
motifs d'intérêt mutuel qui sont les liens puis-
sans de la société, et sans que le gouvernement
se mêle de la colonisation , une mine qui
paroissoit d'abord isolée au milieu de mon-
tagnes désertes et sauvages, se rattache en
2S
le
le
ir
'y
e
ciiAriTRE r\. i3
peu de temps anx terres anciennement la-
bon rétîvS.
Il y a pl.is encore; celte inflnence des nn'nes
snr le dérrichemeiit progressif du pays est
plus durable qu'elles ne le sont elles-mêmes.
Lorscpie les fdons sont épuisés et qu'on ahan-
doime lestiavaux souterrains, la popuL.tiou
du canton diminue sans doute, parce que les
«nneurs vont chercher fortune ailleurs; mais
le colon est relenu par l'attachement qu'il a
pris pour le sol qui l'a vu naître, et que ses
pères ont défriché de leurs mains. Plus le site
de la ferme est isolé, et plus il a d'attrait pour
l'habitant des montagnes. Au commencement
de la civilisation, comme vers son déclin,
rhom.ne paroît se repentir de la génc qu'il
s'est imposée en entrant dans la saciété. Il
*ime la solitude, parce qu'elle le rend à son
antique liberté. Cette tendance morale, ce
désir de l'isolement, se manifeste surtout
parmi les indigènes de la race cuivrée , qu'une
longue et triste expérience a dégoûtés de la
vie sociale, et particuhèrement du voisinacr^
des blancs. Semblables aux Arcadiens, les
peuples de la race aztèque aiment à habiter
les cimes et le fluuc de* montagnes les plus
i!:'
I
l
) 4
i
l4 LTVnE TV,
cscarpcos. Celrail parlicnlicr do luurs mœurs
conlrihiie slngnlicremeiit à éleiHlre la [)opu-
lali(>n clans la rr^^ion luon laineuse du Mexi(|ue.
Qu'il esl inlércssaul pour le voyageur de suivre
tes conquèlcs paisibles de l'aj^riculturc, de
voir ces nombreuses cabanes iudieimeséparses
dans les ravins les plus sauvages, ces langues
de terre cultivées, qui s'avancent dans un
pays désert, entre des bancs de^ roc nus et
arides !
Les plantes qui sont l'objet de la culture
dans ces régions élevées et solitaires , dilTï'rent
essentiellement de celles que Ton cultive sur
les plateaux moins élevés, sur la pente et au
pied des Cordilliîres. Je pourrois traiter de
l'ag'icullure de la Nouvelle-Rspagne , eu sui-
vant les grandes divisions que j'ai exposées
plus haut , en ébauchant le tableau physique
du tciritoire mexicain ; je pourrois suivre les
lignes de culture qui sont tracées sur iwesprofiU
géologiques, et dont les hauteurs ontété indi-
quées en partie au troisième chapitre ' : mais il
faut observer que ces lignes de culture, comme
celle des neiges perpétuelles, à laquelle elles
Voyez T. I , p- ajji j et T. H, p. Z^G*
CHAPITRK IX.
OS, s'aJ>iiissc'iU vers le
iLf
nord , ft
sont parallèle
que les inclines cé,ralescîui,s(,us la IalilM<|<
des villes (K )
a
Ijoiul
nxaea et tie M
ainment qu'à la liaiiteur <|
v\Ho, ne vénv(eul
seize cents n.èlies , se trouvent dans I
vinc/cis inti^mas, sous la zone {
e <|n!fi/v.' ou
les i)|
plaines les moins élew'es. La I
es fjro'
enipr''rée,'djns
sol que requièrent les div
tnre, dépend ei
i.iuleur du
ers o-eines de eul-
. ^éfu rai de la latitude des
-ux,. mais la ilevibilité d'organisation est
^lle dans les plantes cultivées, cpi'aidées
par le soin de l'Iiomme, elles IVanelussent
souvent les limites que le plijsieicn a osé
leur assigner.
Sous lequateur , les phénomènes météoro-
io8-.ques , connue cenv de la géographie des
P':'"'*'^ et des animaux, sont assujétis à des
lo.s numuables et lacilcs à reeo.moitre : le
chmat n> est mo.lifié que par la hauteur ,ln
•eu, et la température y est presque cons-
tante, malgré la diflérence des saisons. En
selo.gnant de l'équateur, surtout eniro le
<IiMnz.èn,e degré et le tropique, le clin.at
dépend d un grand no.nhre de cireonstances
loeales; d varie à la n.émc hauteur absolue
"""' '" '"'^•'"e latitude géographique. Celle
îfi LIVRE IV,
influence tics localilés, dont rélntlc est sî
importante pour le cultivateur, se nianii'este
bien plus encore dans rhéniisphcre bnrcal
quç dans riicniisplièflic austral. La grande
largeur du nouveau continent , la proximité
du Canada, les vents qui souillent du nord,
et d'autres causes qui ont été dcveloppces
plus haut , donnent à la région équinoxiale
du Mexique et de File de Cuba un caractère
particulier. On diroit que dans ces régions,
la zone tempérée , celle des climats variables ,
s'élargit vers le sud, et dépasse le tropiq»ie du
Cancer. Il sufflt de rappeler ici que, dans les
environs de la Havane (la t. 2o'^ 8') , à la pelile
hauteur de 80 mètres au-dessu.-. du niveau de
l'Océan , on a vu descendre le thermomètre
jusqu'au point de la congélation ' , et qu'il a
* M. Robrcdo a vu de la glace formée clans une
auge de hois ^ au mois de janvier , au village d'Ubajas,
ruinze milles au sud-ouest de la Havane, à 74 mètres
l'élévation absolue. J'ai vu, le 4 janvier 1801 , le
malin à huit heures , à Rio Blanco, le thermomètre
centigrade à 7**, 5 au-dessous de zéro: penrlant la nuit,
un malheureux nèçre étoit mort de froid dans une
prison. C< pendant les températures moyennes des
mois de déco!n!)re et do janvier sont, dans les plaines
m A PUR K IX. l'j
tombé de la neige pirsde Valladulid (latitude
19*' /f2'), ù i9ooiuèlres de liauleiir absolue;
tandis que, sous l'équateur, on n'obser>e ce
dernier phénomène qu'à des élévations deux
fois plus grandes.
Ces considérations nous prouvent que vers
le tropique, là où la zone loriide s'approche
de la zone tenqiérée ( je me sers de ces noms
impropres consacrés par l'usage) , les plantes
cultivées ne sont pas assujéties à des hauteurs
fixes et invariables. On pourroit être tenté de
les distribuer d'après la tenq^érature moyenne
des lieux dans lesquels elles végètent. On
observe, à la vérité, qu'en Europe le mi-
niffiu/n de la température moyenne qu'exige
une bonne culture est , pour la canne à sucre,
de 19^ à 20"; pour Je calier, de 18'*; pour
l'oranger, de 17"; pour l'olivier, de i5",5
à i4"; pour la vigne donnant du vin potable,
de 10** à 11" centigrades. Cette échelle ther-
mométrique d'agriculture es^ assez exacte,
lorsqu'on n'embrasse les phénomènes que dans
leur plus grande généralité : mais des excep-
de l'ile de Cuba , de 17" et 18". Toutes ces détermi-
nations ont été faites avec d'excelteas lhernïouiètr..'S
do Nairne.
fî
m.
[■(i
18 Ï.TVr.E IV ^
lions nonibieuses so présciiteiU, si Ton con-
Mclcie tics pa^'s dont la chaleur mo}t' iiiic «le
l'année est la nienic , tandis que les lenipé-
ratures movennes des niuis dilïï'rent hcaiinnip
les unes des autres. (J'esl, coininc Ta très-J)i(Mi
prouve M. Decandollc ', la répartition iné«^ale
de la chaleur entre les dillcrentes saisons de
l'année, qui influe principalement sur le genre
de culture qui convient à telle ou telle
latitude. Plusieurs plantes annuelles , surtout
les graminées à semences farineuses, sont assez
indifférentes aux rigueurs de l'hiver; mais,
semblables aux arbres fruitiers et à la vigne ,
elles ont besoin d'une chaleur considérable
pendant l'été. Dans une partie du Marv land ,
et surtout en Virginie ' , la température
moyenne de l'année est égale , peut-être même
su[)éricure a celle de la Lond^ardie; et ce-
pendant les frimas de l'hiver ne permettent
guère d'y cultiver les mêmes v égétaux dont
* Flore française , troisième édition , T. II , p. 10.
^A Umc5, eu Westro-Botuie (lat. 63*' '19' ) , les
extrêmes du thermomètre centigrade étoient,eQ 1801,
en été -f 35", en hiver — ^^j'*,?' M. Acerbi se plaint
beaucoup des grandes chaleurs de l'été dans la partie
ieptentrionalti de la Laponie.
CHAPÎTRF, I\. If)
s«>nl ornées le plaines du Milancz. Dans la
l'ctjion é(|uinoxiale tlu Pérou ou du Mexique,
le seiifle , et hicn moins eneore le froment, ne
viennent point à maturité dans des plat(îaux
de 35oo ou de ^|Ooo mètres d'elévati/>n,
cjuoi(jue la elialenr movemie de ees eontrées
alpines soit au-dessus tle eelle des parties de la
Norwège et de la Sibérie dans lesquelles les
céréales sont eullivées a\ ee succès. Mais pen-
dant une trentaine de jours ^ rol>li([uité de la
sphère el la courte durée des nuits rendent
très-eoubi«léial)les les chaleurs estivales dans
les pa_ys les plus voisins du j)ole ; tandis que,
sous les tropiques, sur le plateau des Cor-
dillères, le thernionièlre ne se soutient jamais
un jour entier au-dessus de dix ou douze
degrés cenlii''rados.
Pour ne pas niélcr des idées théoriques et
peu susceptibles d'une exaelilude ri^^oureuse,
à l'énoncé des l'uits certains, nous ne divise-
rons les plantes culli> ées d ins la Nouvelle-
Espagne , ni d'après la hauteur du sol sur
lequel elles N<'^ètcnt le plus abondaumient ,
ni d'après les de<;rés de température moyenne
qu'elles paroisscnt exiger pour leur dévelop-
pcmcjit : nous les rangerons plutôt d'après
''■M
il
il
^1
20
lAVVxT. IV
rulilité qu'elles oll'ieiit à la société. Nous
coimheneerons jjar les végétaux qui font la
hase ])riuci})ale de la nouniluic du peuple
rnexicaiu ; puis nous traittions de la culture
des plantes qui j^iésmlent des jiiatériaux à
rindustrie
ifacti
UKUisine nianuiaciin lere. iMous leinuiieions
ces recherches en (h'criviuit les productions
végétales qui sont l'objet d'un conuncrce im-
portant avec la métropole.
Ce que les graminées céréales, le froînent,
l'orge et le seigle sont pour l'Asie occidentale
et pour l'Europe ; ce que les nond>reuses
variétés de riz sont pour les pays situés au delà
de rindus, surtout pour le Bengale et la Chine,
le BananierVefit pour tous les habitans de la
zone torride. Dans les deux continens , dans
les îles (pie renlerme l'immense étendue des
mers équinoxiales ; partout où la chaleur
moyenne de l'année excède vingt-quatre de-
grés centigrades, le fruit du bananier est un
objet de culture du plus grand intérêt pour la
subsistance del'homuie. Le célèbre voyageur
George Forster, et d'autres naturalistes après
lui, ont prétendu que celte plante précieuse
n'existoit point en Américjue avant l'arrivée
mais qu'elle Y avoit (
Espagnols
I*
'V
poj
cHApnr.F. IX. -yi
cîcs îles Canaries au commencement du sei-
zième siècle. En effet, Ovledo, qui, dans son
histoire naturelle des Indes, disting-ue avec
soin les vccrétaux indio-ènes de ceux qui y ont
été introduits, dilposili\euientquelespieiuiers
bananiers ont été plantés en loiG, à l'ile de
Saint-Domino'ue , par un religieux de l'ordre
des frères prêcheurs, Thomas de Berlangas ".
Il assure avoir vu lui-méine le Musa culti>^é en
Espagne, près de la ville d'Arnieria , en
Grenade, et dans le couvent des franciscains ,
à l'ile de /a Grau Canari a y où Berlangas
avoit pris les drageons qui furent transpor-tés
à Hispaniola, et de là successi\ement aux
autres îles et à la Terre-Ferme. On pourroit
rapporter à l'appui de l'opinion de M. Forster ,
que, dans les premières relations des voyages
de Colond> , d'Alonzo Negro , de Pinzon ,'de
Vespucci ^ et de Gortez , il est souvent ques-
• Deplantis esculentiH vommentatio hotaniva, 1786,
p. 28. IlhLoire naturelle el g -^m- raie des LUe^ H Terre-
Ferme de la grande mer Océane, i^^ii,^. ii2-ii4.
' Chrislopliori Coluaibi navigatio. De genlibus al>
Alonzo repertis. De n..vigalione Pinzor.i socii admi-
rantis. JN'avigalio Alhorici Vesputii. Voyez (hynœi
Orbis nou. , ecliiio i555 , p. 64, 8i, 85 , 87 , 211.
u
22 LIVRE IV,
lion du maïs, du papayer, du Jatroplia nia-
iiiiiot et de l'agave, niijis jamais du bananier-
Cependant le silenee de ces premiers voya-
geurs ne prouv e que le peu d'attention (jii'ils
portoient aux productions naturelles du sol
de l'Amérique. ïlernandez , qui, outie les
plantes jnédicinales , décrit un grand nofnbre
d'autres végétaux mexicains, ne fait pas men-
tion du Musa : or, ce botaniste vivoit un demi-
siècle après Oviedo ; et ceux qui regardent le
Musa conmic étranger au nouveau continent,
ne mettent pas en doute que sa culture ne lût
très-comniune au Mexi([uc , vers la fin du
seizième siècle, à une époque à laquelle une
ioule de végétaux moins utiles à l'honnne y
avoient déjà été portés de l'Espagne, desilcs
Canaries et du Pérou. Le silence des auteurs
n'est donc pas une preuve suffisante en faveur
de l'opinion de M. Forster.
11 en est peut-être de la véritable patrie des
bananiers comme de celle des poiriers et des
cerisiers. Le nierisier ( Prunus avium ), par
exemple , est indigène en Allemagne et en
Fiance : il existe dans nos forêts , de toute
antiquité , comme le chêne rouvre et le
tilleul; tandis que d'autres espèces de cerisiers,
CHAIMTI\F. IX.
:..3
que Ton regarde coinine des variétés devenues
constantes , et dont les fruits sont plus savou-
reux que ceux du merisier , nous sont venues,
par les Romains, de l'Asie mineure ' , et par-
ticulièrement du royaume de Pont. De même
on cultive, sous le nom de bananiers, dans les
Tct^ions équinoxiales , et jusqu'au parallèle de
55 ou 54 degrés, un grand nombre de plantes
qui diffèrent essenliellement par la forme de
leurs fruits, et qui conslltuent peut-être de
véritables espèces. Si c'est une opinion peu
prouvée jusqu'à ce jour, que tous les poiriers
cultivés descendent du poirier sauvage comme
d'une souche commune, il sera plus permis
encore de douter que le grand nombre de
variétés constantes du bananier descend du
Musa troglodytarum cultivé aux îles Mo-
luques, qui, lui-même, d'après Gacrtner,
n'est peut-être pas un Musa, mais une espèce
du genre Ravenala d'Adanson.
On ne connoît point, aux colonies espagnoles.
^ Tii'sfoîitdinifs , Histoire des arbres et arbrisseaux
€jui peuvent être ciiltiuc'H sur le sol de la France , iSoij .
T. II, p. 208, ouvrage qui contionl «U- savantes et
curieuses nîcherches sur la pairie tles végétaux utiles)
€t sur l'époque Ue leur première culture enEuiopc.
1
s
24 LIVRE IV,
tons Ics^Insa ou Pistm^^ dccriis par Rumpliiii»
et iUieede : on y tlislingiie cependant trois
espèces, cpie les botanistes n'ont encore que
très -imparfaitement cU'lemiinèes , le vrai
Platano ou Arton ( Musa paradisiaca Linn.),
le Camhuvi ( Musa sapientium Linn.) , et le
Dominico (Musa regia Runiph.). J'ai vu cul-
tiver au Pérou, une cpiatrièine espèce, d'un
goût très-exquis, le Meiya'Ae la mer du Sud,
qu'au marché de Lima on appelle Platano de
J)////^ parce que la frégate Agiiila en a porté
les premiers pieds de l'ile d'Otahiti. Or, c'est
une tradition constante au Mexique, et sur
toute la Terre-Ferme de l'Amérique méridio-
nale, que le Platano arton et le Dominico y
étoient cultivés long-temps avant l'arrivée des
Espagnols, mais qu'une variété du Camhuri y
le Guinco y comme son nom même le prouve,
est venu des cotes d'Afrique. L'auteur qui a
marqué avec le plus de soin les différentes
époques auxquelles l'agriculture américaine
s'est enrichie de productions étrangères, le
Péruvien Garcilasso de la Vega ', dit expres-
• Cojnentarios real's de los In cas, Vol. I , p. 282.
lifl prtilc l)anane musquée , le Dominico , dont le fruit
m'a paru le plus savoureux dans la province de Jacn
CHAPITRK IX.
25
sèment que, du temps des Incas, le maïs, le
quinoa, les pommes de terre, et, daus les
régions chaudes et tempérées, les bananes
faisoient la base de la nourriture des naturels:
il décrit le Musa des vallées des Antis; il dis-
tingue même l'espèce plus rare à petit fruit
sucré et aromatique, le DoDiinico , de la ba-
nane commune ou Avion. Le père Acosta '
affirme aussi, quoique moins positivement,
que le Musa étoit cultivé par les Américains
avant l'arrivée des Esyiagnols. La banane,
dil-il, est un fruit que l'on trouve dans toutes
les Indes , quoiqu'il y ait des gens qui pré-
tendent qu'il est originaire d'Ethiopie, et
qu'il est venu de là en Amérique. 8ur les
rives de l'Orénoque, du Cassiquiaré ou du
<lc Bracamorros , sur les rivrs de l'Auiaxono vX. tlu
Chamttya , paroîl itlenlkjue avec le jMusa niaculaia tle
Jacqiiin ( Ilortus scliœnbninnensis, Tab. 446), tl
avec le Musa régla de Bumpliius. La dernière espèce
n'est peut-èlre elle-nième r[u'une variété du INIusa
mensaria. Il existe, et ce fuit est très-curirux, dans
les forets d'Auàboine , un bananier saiivage dont le
fruit est sans graines , le Pisang jacki. ( litimph. F,
p. i38. )
^ Historia nalural de liidias ^ 1608^ p. 25o.
bil
i:
11
■J '
1^;
1
26 IIVRE IV,
Béni , entre les montagnes de TEsmcraya et
les sources du ileuvc Carony , au milieu de*
forels les plus épaisses , presque partout où
l'on découvre des peuplades indiennes qui
n'ont pas eu desrelalionsaveclesétablisseniens
européens, on rencontre des plantations de
maniocs et de bananiers.
Le père Thomas de Berlangas ne pouvoit
transporter, des iles Canaries à S.-Doniingue,
d'autre espèce de Musa que celle que l'on y
cullive , qui est le Camhwi ( caule nigrescente
striato, fructu minore ovato-elongato ) , et non
le Pldtano avion ou zapalotc des Mexicains
(caule albo-virescente Lnevi, fructu longiore,
apicem versus subarcuato , acute trigono). Il
n'y a que la première de ces deux espèces qui
vienne dans les climats tempérés, aux îles
Canaries , à Tunis , à Alger, et sur la côte de
Malaga. Aussi , dans la vallée de Caraccas ,
placée sous les io<* 5o' de latitude, mais à
900 mètres de hauteur absolue , on ne trouve
que le Camhuri et le Dominico ( caule albo-
virescente , fructu minimo obsolète trigono ) ,
et non le Platano arton , dont les fruits ne
mûrissent que sous l'influence d'une tempé-
rature très-élevée. D'après ces preuves nom-
r V
cHAPiiT.r: IX.
37
brcnses on ne peut douter ([uc le bananier,
qno |>lMsieurs vovarreurs prétendent avoir
trouvé sauvage à Andi(jina,à Gilolo et aux
îles Mariaiies, n'ait été cultivé en Amérique,
lon--ietnps avant l'arrivée des Européens. Ces
flerniers n'ont fait qu'au-iuenter le nombre
<îcs espèces indigènes. TouteCois on ne doit pas
s étonner de voir qu'il n'existoil pas de Musa
àJ'ile de Saint-Domino ue, avant l'année i5i6.
Semblables à certains auimaux , les sauvages
lie tirent le plus souvent leur nourriture que
d'une seule espèce déplante. Les Ibréls delà
Cuajane offrent de nombreux exemples de
tribus dont les plantati(jns ( comicn.s ) ren-
forment du manihot, des armu ou des dios-
corca , et pas un pied de bananier.
Malgré la grande étendue du plateau
mexicain,, et la hauteur des montagnes qui
avuisfncnî les cotes, l'espace dont la tempé-
rature est fa>orable à la culture du Musa, est
de plus de 5o,ooo lieues carrées, et habité ù
]Hnj près par \m million et demi d'habitans.
1> H)s les vallées chaudes et humides de l'in-
tendance de Vcra-Cruz, au pied de la Cor-
dillère <rOrizaba, le huit du Platmio arton
e^Yccdc quelquehDis trois décimètres, souvent
28
LIVT.E IV
W:, !i
vin^i à vinivi-dcux cciilinu'lrrs (7 ;'i 8 poiirrs)
de lon^iiCMii-. Dans ces rru-ions fcrlilcs, surloiit
dans Icsonvimiis d Acapulco, de S.:ii Blas, et
du Rit) Guasacuidco , un tvi^^iine de bananes
contient de 160 à 180 lïuils, et pèse 5o à /|0 ki-
logrammes.
Je doule qu'il exisie une autre plante sur le
globe, qui, sur un petit espace de terrain,
puisse produire une masse de su])Slance nour-
rissante aussi considérable. Huit ou 1 euf mois
après que le drageon est planté, le bananier
commence à développer son régime : le fruit
peut être cueilli le dixième ou onzième mois.
Lorsqu*on coupe la tige, on trouve constam-
ment parmi les nombreux jets qui ont poussé
des racines, un rejeton {pimpotlo) qui, ayant
deux tiers de lahauteur delà plante-mère, porte
du fruit trois mois plus tard. C'est ainsi qu'une
plantation de Musa, que, dans les colonies
espagnoles, l'on appelle /;/r//r//tV//(l>ananerie),
se perpétue sans que riionime y mette d autre
soin que de couper les liges dont le fruit a
mûri, et de donner à la terre, une ou deux
fois par an, un léger labour en piochant
autour des racines. Iju terrain de i eut mètres
carrés de surface peut renfermer au moins
CHAPITRE IX. 20
trente à quarante pieds de bananiers. Dans
l'espaec d'un an, ce même terrain, en ne
comptant le poid'> d'un régime f[ue d^ ([uiii/e
à vin;^l kilogrannnes , donne plus de deux
milles kilogrammes, ou quatre mille livres
en poids, de substance nourrissante. Quelle
diiïerence entre ce produit et celui des *^ra-
minées céréales dans les parties les plus i'orliles
de l'Europe! Le froment, eii; le supposant
semé et non planté d'aprt'sla jnétliode chinoise,
et en calculant sur la base d'une recolle dé-
cuple, ne produit, sur un terrain decentjnètres
carrés, quequinzekilo;L5*'rammes ou trente livres
pesant de crains. En France , par exemple, le
demi-hectare ou l'arpent lé;^al de i344-^ toises
carrées, est ensemencé à la volée, en terres
excellentes, avec iGo livres de qrains , en
terres médiocres ou mauvaises, avec 200 ou
22olivres : le produitvarie de 1000 à 2000 liv.
Tarpent. La ponmie de terre, d'après M. Tes-
sier, donne en Europe, sur cent mètres carrés
de terre bien cultivée et bien fumée y une
récolte de45liilog tmmes ou de goliNres de
racines :onen compte quatre à six mille livres
par arpent légal. Le produit des bananes est
par conséquent à celui du froment comme
M
îïi
!.
'V:
;ii
fi 'h
r !
4 ; :J '
3o
LIVRE IV
133 : I ; à celui des poiiiiucs de Icrrc, roinnie
4/i : r.
Les personnes c|ui en Eurojie onl goùh'* des
bananes njuries dans les sTMies, uni de la
peine à eoneevoir cpi'un IVuit qui , |),ir sa
grande douceur , ressend)le nn peu à une
fig-ue scelle, puisse elre la l)îise de la nour-
rilure de plusieurs millions d'honnnes «pii
iiabitent les deux Indes. On oublie aisément
cpie, dans l'acte de la véjt^étation , les mêmes
élémcns, selon (pi'ils se combinent ou se
séparent, forment des mélang-es chiniirpies
très-did'érens. En eiîct, reconnoîtroit-on dans
le mucilaj^e laiteux que renferrîient les graines
des graminées avant que l'épi mûrisse, ce
périsperme farineux des tîéréalcs, qui nourrit
la plupart des peuples de la zone tempérée?
Dans le Musa, la formation de la matière
amylacée précède l'époque de la maturité.
Il faut bien distinoucr entre le fruit du bana-
nier cueilli vert et celui qu'on laise jaunir sur
le pédoncule. Dans le second, le sucre est
tout formé; il s'y trouve mêlé à la pulpe , et en
telle abondance (pic si la canne à sucre n'étoit
pas c(dli\ ée dans la région des bananiers , on
pourroil, du fruit de ce dernier, extraire le
CHAPITRE IX,
3
)liis d(
>fit
le fil
sucre avec plus de prolit cju on ne le lait en
Luropc , tk'H beltera\ es eldu raisin. La banane
cueillie veile conlientleuiéinc principe nour-
rissant que l'on observe dans le blé, le riz, les
racines tubéreuses et le sa<^ou; savoir, la l'écuJe
amylacée unie à une très-petite portion de
gluten végéttil. En pétrissant sous l'eaii de la
farine de bananes séchées au soleil, je n'ai
pu obtenir que quelques atomes de cette masse
ductile et visqueuse qui réside en abondance
dans le périsperme, et surtout dans l'embryon
des céréales. Si, d'un coté, le glutineux, qui a
tant d'analogie avec les matières animales, et
qui se boursoufle par la chaleur, est d'une
grande utilité pour lu confection du pain; de
l'autre, sa présence li'est pas indispensable
pour rendre une racine ou un fruit nourris-
sant. M. Proust a reconnu du gluten dans les
ieves, les ponmies et les coings; il n'en a pas
découvert dans la farine des ponnnes de terre.
Les gommes, par exemple, celle du 3Iimosa
nilotica ( Acacia vera Willd. ) , dont se nour-
rissent plusieurs peuplades africaines pendant
leur passage par le désert, prouvent qu'une
substance végétale peut être un aliment uu-
1
ViM
3a
LIM\E IV
I .
Irilif, sans ronlcnir ni ^liucn, ni inalièic
iunylacrc.
il scruit <lirf:ri!o de dcrTirc 1rs nonihicMiscs
prrpainlions par les(|nc'il('S les Anuricains
rendtMîl le IViiil du Musa, soil a\anl, soil a]>rès
sa iiiMlurilé, un niels sain el ai;iéal)le. J'ai vu
souvent , en renionlant les rivièies, que les
naturels, exposés à de lon«^ucs rali«^ues, font
lin dùuT eoniplel a^ee une très-pelile portion
de manioc et trois hananes {Plataiio di-ton)
de la ;^randc espè(X\ Du temps d'Alcxandie,
si toutefois l'on doil en croire les anciens, les
philosophes de l'Indoustau étoienl jdus sobres
encore. « Âvboii nomcn j)ahe, poino arienie,
« aiio sdpicntcs hulonmi iu\'i(nt. Fructus
« admlrahiUs siiccl dulci^dine iil iino (jua-
« tcrnns satlet. » (Plin. XII. 12.) En général,
dans les pavs chauds, le peuple regarde les
substances sucrées non-seulement comme un
mets qui rassasie pour le monjent, mais comme
vraiment nutritives. J'ai obser\ é souvent que ,
sur les côtes de Garaccas, les muletiers qui
conduisoient noë bagages, préléroicnt, pour
leur dîner , le sucre brut ( papclun ) à la
viande fraîche.
i
cHM'iii'.i; i\.
.13
Ta's j)îi^siul();^islcs ii'onl poini crirorc (It'lor-
iiiiiH' jncc j)rt'ri>l()n cv. ([iii cafacU'iiso iiiuî
siil)st;m('e cinincmiiinil noiiiiissanle. (Jalim;r
1 .:i|)]>t lil en sliiniilaiil les neils du svslcme
<^'asli icjuc. ou lournir au n»rps des niatière?*
<[ui [)eu\ettl s'assimiler' raeilenieiil , sont des
modes craelioii Irès-dilli'iens. Le tahae , les
feuilles de ri']i'vlliro\vlon eoeea, mêlées à la
eliaux \ive, ro[)iuui, doul les natifs du Ben-
lyale se sonl souvonl sei •^ i avec sueeès pendant
des mois cnlicrs, dans des Icmps de disette,
appaisenl la ^iolenee de la daim ; mais ces
suljslances agissent ])ien ijutix^ncnt que le
pain de froment, la racine du Jalroplia, la
j^(^nune arahirpie , le lichen d'Islande, ou la
chair de poisson pourii, c[ui est la nourriture
princijiale de plusienr^ tribus de nègres afri-
cains. Il ne paroîl pas douteux ([u*à volume
égal les matières si/nizntc'rs on animales nour-
rissent mieux cpie les matières végétales : il
paroit que, parmi ces dernières, le gluten est
plus nourrissant ([ue l'amidon , et ramidoii
plus que le muedage; mais il faut bien se
garder d'attribuer à ces principes isolés ce
qui, <lans l'aclion de l'aliment sur le corps
vivant, dépend du mélange varié derhvdrc-
JXT. 3
IMi
34
LIVHE IV
I '
^,''ène, du carbone et de l'oxigTiie. C'est ainsi
qu'une niaticre devient éniinennnent nuuriis-
sante, si elle renferme; connne la fè\e du
cacoyer (Theobroma cacao), outre la matière
amylacée, un piincipe aromatique qui excite
et fortifie le système nerveux.
Ces considérations , auxquelles nous ne
pouvons donner plus de développement ici,
serviront à répandre quelque joi:r sur les
comparaisons que nous avons faites plus haut
des produits de di/Térentes cultures. Si l'on
récolte sur le même espace de terrain, en
poids, trois fois autant de pommes de terre
que de froment, il ne faut pas en conclure
que la culture des plantes tubéreuses peut, à
surface égale , nouirir trois fois autant d'indi-
vidus que la culture des céréales. La pomme
de terre est réduite au quart de son poids,
étant séchée à une douce chaleur, et l'amidon
sec qu'on séparerait de 2f\x^)o kilogrammes
récoltés sur un demi-hectare de terrain, éga-
leroit à peine la quantité de celui que [leuvent
fournir 800 kilogranmies de froment. Il ta
est de même du fruit du bananier , cpii , avant
sa maturité , même à l'état dans lequel il est
très-farineux, contient beaucoup plus d'eau
CHAPITRE IX.
3:1
lent
ea
iant
est
leau
et Je pulpe sucrée que les semences des gra-
minées. Nous avons vu que la même étendue
de terrain peut, sous un climat favorable,
produire 106,000 kilogrammes de bananes,
24.00 kilogrammes de racines tubéreuses, et
800 kilogrammes de froment. Ces quantités
ne sont pas proportionnelles au nond)re d'in-
dividus qui pourroient se nourrir par ces
différentes cultures sur le même terrain. Le
mucilage aqueux que contient la banane ou la
racine tubéreuse du Solanum, a sans doute
des propriétés nutritives. La pulpe farineuse,
telle que la nature la présente , offre sans doute
plus d'aliment que l'amidon , qui en est séparé
par l'art : ma's les poids seuls n'indiquent pas
les quantités absolues de maîière nutritive;
et pour faire sentir combien, sur le même
espace de terrain , la culture du Musa u)urnit
plus d'i liment à l'homme que la oulture du
fiomeiit, on devroit calcule- plutôt d'après la
niasse de substance végéiale nécessaire pour
rassasier un individu adulte. On trouve, d'après
ce dernier principe, et ce fait est très-curieux ,
(fue dans un pajs éminemment fertile , ua
dcmi-liectare , ou un arpent légal , cultivé en
b.-nanes de la grande espèce ( L^lala*io arlon)^
tl:i
l'i
r 1 il
i'(.i
36
livrj: IV
pCMt nourrir plus de (.in([uanle ini
Inid
us
tandi
is qu en lliUrope le ni«jnie aipcnl ne don-
iieioit j)aran, en supposant lehuiliènie ^rain,
cpie .)yG kiloi.j'i'annncs dc^ fùiine defionient,
quanlilé qui n'es! pas siilusanle pour lasuh-
sistanee de dvirx indhidus ' : aussi rien ne
frappe pins 1 européen rérennnent arrivé dans
la zone torride, que l'exlrème pelilessc des
lerriins eulliv/'s autour d'une cabine qui ren-
ferjue une ransille nonibreuse d'ijidi^ènes.
Le fruit inùr du Musa, lorsqu'il est exposé
au soleil, se conserve connue nos fi«^ues; ii<
peau devient noire, et prend une odeur par-
ticulière, qui ressemble à celle du jamboa
fume. Dans cet étal, le fruit s'appelle Platano
passado y et devient un objet de com erce
dans la piovinee de Alccboaciin. Celle banane
sèclie est un aliment d'un goui a^-réable et ,
très-sain; mais les Européens nouvellement
débarqués regardent connue très-indigeste le
* On a calculé sur 1rs principes suivons : loo kilo-
grammes (le froment doiuient iz kilogrammes tle
fariue , et 1 6 kilogrammes de larine sl (H)riverlissent
en 21 kilogrammes de paiii. La nourriture d'un indi-
vidu est comptée en raison de 547 kilogrammes de
pain par au.
CHAPITP.E IX.
fruit du Platano arlnn mur et fraîchement
eueiUi. Cette opiiiion est très-ancienne, car
PJine rapporte cprAlexandre ordonna à ses
soldats de ne pas toucher aux IjcUianes qui
eroissent sur les bords de riljphase. On
extrait de la farine du Musa, en coupant le
fruit vert en tranches, en le séchant au soleil
sur des oîacis, et en le pilant lorscpi'il est
devenu friiiblc. Celle farine, moins usilëe au
Mexicfue qu'aux ilcs ' , peul servir aux mêmes
usag-es que les farines de riz ou de maïs.
La facilité avec laquelle le bananier renaît
de ses racines, lui donne un avantage extraor-
dinaire sur les arbres fruitiers , mcine sur
l'arbie à pain, qui, pendant huit mois de
l'année, est charo-é de fruits farin-^ux. Lorsque
des peuplades se font la -uerre . et qu'elles
détruisent les arbres, ce jualheur se fait
sentir pendant Ion,; temps. Une olantation
de bananes se renouvelle par dc^s ara-eons,
dans respjiee de peu de mois.
On entend souvent rcp(''(er dans les colo-
nies espagnoles, que les habitans de la r^^ion
» Voyez rintcressa.u Mêu.oiro de M. de Tussae
dans sa Flore de^ Anùlks^ p. Go.
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38
LIVRE IV
chmiclc (ticira calirnh') ne pourront sortir
(le l\ial d'apalliie dans lequel ils sont plongés
depuis des siècles, que lorsqu'une r<?V////r/'o^ y/ /<?
ordonnera la deslruclion des banancries (plu-
tanaj-es). Le remède est violent, et ceux qui
Je proposent avec tant de chaleur, ne dé-
ploient généralement pas plus d'activité que
le has-peuple qu'ils veulent forcer au travail,
en augmentant la masse de ses besoins. Il faut
espérer r ^ 'industrie Fera <les progrès parmi
lesMexicaii , sans qu'on emploie des movens
de destruction. En considérant d'ailleurs la
facilité avec laquelle l'iiomme se nourrit dans
\\n climat où croissent les bananiers, on ne
doit pas s'étonner que, dans la région équi-
noxiale du nouveau continent, la civilisation
ait commencé dans les montagnes, sur un sol
moins fertile, sous lin ciel moins favorable au
développement des êtres organisés , où le
besoin même réveille l'industrie. Au pied cle
la Cordillère, dans les vallées humides des
intendances de Vera-Cruz, de Valladolid
ou de Guadalaxara, un homme qui emploie
seulement deux jours de la semaine à un
travail peu pénible , peut fournir de la sub-
sistance à une famille entière j et tel est
CHAPITRE IX.
.-io
1
cependant l'anionr du sol nalal , rpie l'iiabi-
tant des nionla^nes , aiiquol la gelée d inie
nuit ravit sc)n^ent l'espi^ir de 1. léeolte, ne
descend pas dans ces plaines l'ertiles, niais
dépeuplées, où la nature étale en vain ses
bienfaits et ses richesses.
La même région dans la(juelle le banj.nier
est cultivé, pioduit aussi la plante précieuse
dont la racine ofi'ie la laiine de manioc ou
itKignoc. Le fruit vert du Musa se mange cuit
ou rôti, comme le finit de l'arbre à pain , ou
comme la racine tubéreuse de la pomme de
terre. La farine de manioc et celle du maïs,
au contraire, sont converties en pain; elles
fournissent aux habitans des pays chauds ce
que les colons espagnols appellent pan de
tievra calicnte. Le maïs, comme nous le ver-
rons bientôt, présente le grand avantage de
pouvoir être cultivé sous les tropiques , depuis
le niveau de IX^céan jusqu'à des élévations
qui égalent celles des plus hautes cimes des
Pyrénées : il jouit de celte flexibilité d'orga-
nisation extraordinaire qui caractérise les
végétaux de la famille des graminées ; il la
possède même dans un plus haut degré que
les céréales de Tancien continent, qui souIlVenl
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!\0 LIVRE I\ ,
SOUS un ciel l^rùlanl, landis rjuc le maïs vr;j;x'le
\i<^'OUJt'useuicnl dans les ]>iiNS les ])lus chauds
de la terre. La plante dont la racine d(!inie
la fécule nourrissante du indiiioc, est désignée,
d'après un mot tiré de la langue à'Jhtïlj y ou
de l lie de Saint-Domingue, sous le nom de
Juca. Elle ne se cullive pas avec succès hors
des tropiques; sa culture, dans la paitie mon-
tagneuse du jMexi(jue , ne s'élève généralement
pas au-dessus de la hauteur absolue de six ou
huit cent mètres : elle est surpassée de beau-
coup par celle du Camlniri ou Bananier des
Canaries, plante qui se rapproche davantage
du plateau central des Cordillères.
Les Mexicains, comme les naturels de toute
l'Amérique équinoxiale, cultivent, depuis la
plus haute antiquité, deux espèces de Juca ^
que les botanistes, dans leur inventaire des
species , ont réunies sous'le nom de Jatropha
manihot. On distingue , dans la colonie espa-
gnole , la Juca douce (dulcc) de la Juca acre
ou amère {amarga), La racine de la pre-
mière, qui à Gayenne porte le nom de cûnia-
gnoc , peut être mangée sans danger, tandis
que celle de l'autre est un poison assez actif.
Les deux peuvent servir à faire du pain;
CHAPITRE I\.
4l
cependant on n'emploie o'c'iiércilen.ont à eet
usage que Ja raeine de Ja Jiiea aiiuMe, doni io
sue vénéneux est sé])aié sui-neusenieul de Ja
feeule avant de Taire le pain de inaniue , appelé
cazini ou cassave. Celle s<''paralion s'upi«re
eneompiiniant la raeine làpée dans le cihuvan,
qui est une espèce de sae allonoé. Jl p.<roit,
d'après un passaoe crOviedo (LiJ). Vil, e. 2 ),
que la Juca dulee , qu'il appelle Boniuta , et
qui cstIe//;/r/c^/wo^^'des:Mevieains, ne se hou-
voit pas onoinaircnienl dans les îles Aniilles,
et qu'elle j a été transplantée (\\\ eonlinent
voisin. <c L(^Boniata, dit Oviedo, esl send)laljlc
« à eelui de la Terre-Fenne; il n'est point vé-
« néneux, et peut étremano-é avee son jus, soit
« cru , soit cuit ou rôti. ^> Les naturels séparent
avec soin, dans leurs champs {conucos) ,\q.%
deux espèces de Jalropha.
11 est très-remarquable que des piaules
dont les propriétés chimiques sont si ^M^~
rentes , soient si diniciles à distinoucr par
leurs caractères extérieurs, l^rown S dans
son Histoire naturelle de la Jamaïque, a cru'
^ Hist. ofJamaica, p. 3 '19 et 35o. Yojez aussi
A.'osta, Lil). n^^ c. 17.
\ ■ i
/| 2 I.IVKE TV ,
trouver ces caractères dans la découpure des
feuilles. Il noinine la Juca douce, sn>ool cas-
sada , Jalroplia foliis palruatis lobis, incerlis;
cl la Jiica a mère ou acre , common rnssin'fi ,
Jalroplia roliispalmalis pentadactjlibus. Mais
ayant examiné beaucoup de plantations de
manihot y j'ai vu que les deux espèces de
Jatropha, comme toutes les plantes cultivées
à feuilles lobées ou palmées, varient prodi-
gieusement dans leur aspect. J'ai observé que
les naturels distinaruoient le manioc doux du
manioc vénéneux, moins par la plus grande
blancheur de la tige et la couleur rougeatre
des feuilles , que par le goût de la racine, qui
n'est point acre ou amère. Il en est du Jatropha
cultivé conmie de Toranger à fruit doux, que
les botanistes ne savent pas distinguer de
l'oranger à fruit amer, et qui cependant,
d'après les belles expériences de M. Galesio ,
est une espèce primitive qui se propage de
graine comirie l'orangeramer. Quelques natu-
ralistes, à l'exemple du docteur Wright, de la
Jamaïque , ont pris la Juca dulce pour le vrai
Jatropha janipha de Linné , ou le Janipha
frutescens de LofHing ' : mais celte dernière
* Rcza til Spanska Lœnderna , 1758, p. .^oy.
ï
CHAPITRE IX. 4^
rspèce , qui est le Jalroplia carflinf^inensis
de Jaoqiiin , en diflere essentiellement par la
forme des feuilles (lol)is iiliinque siniiatis), qui
ressemblent à eellesdu Papajer. .le donle Tort
que le Janipha puisse se transformer par la
culture en Jatropha maniliot. Il paroît toit
aussi peu probable que la Juea douce soit un
Jatropha vénéneux , qui , par les soins de
riiomme ou par l'ciret d'une lon^^ue culture»
ait perdu peu à peu l'acreté de ses sucs. La
Juca affiarqa des champs américains est restée
la même depuis des siècles, quoiqu'elle soit
plantée et soignée comme la Juca dulce. Rien
n'est plus mystérieux que cette différence d'or-
g-anisalion intérieure dans des végétaux cul-
tivés, dont les formes extérieures sont presque
les mêmes.
Rajnal ' a avancé que le manioc a été
transporté d'Afrique en Amérique pour servir
àlar.ourriture des Nègres, et que , si toutefois
il existoit sur la Terre-Fenne avant l'arrivée
des Espagnols , les naturels des Antilles ne
le connoissoient pas du temps de Colond^.
Je crains que cet auteur célèbre , qui décrit
* Histoire philosophique j T . III , p. 2 1 a- 2 1 4.
;t;
44 i.rvRi: IV,
d'ailleurs assez cxacleincnl les oLjels d'Iiis-
toiro natuielle, n'ait eoiilondn le manioc a\ te
les ignames; e'esl-à-dirc , le Jalroplia iwcc
une espèce de Dioscorea. .fe dcsiierois sa\()ir
par quelle aiilorilc on pcul prouNCi" (|uc le
manioc ait été eullivé en Guinée depuis les
temps les ]>lus reculés. Plusieurs voJa^eurs
ont aussi prétendu que le maïséloil sauvage
dans celle partie de l'Afi iqne ; et cependant
il est bien certain qu'il y a été trans|)Oi té par
les PortUii'ais au seizième siècle. Rien n'est
plus dillicile à résoudre que les problèmes
de la migration des plantes uliles à l'iionnuc,
surtout dc])uis que les comnumications sont
devenues si Iréquentes entre tous les continens.
Fernandez de 0\iedo, qui déjà en i5i5 avoit
passéàl'iled'liispaniola ou de Sl.-Domingue ,
et qui, pendant plus de vingt ans, a^ oit habité
différentes parties du nouveau continent ,
])arle du manioc comme d'une culture très-
ancienne , et propre à rAmérique. Si, au
contraire , les Nègres esckn es avoicnt porté
le manioc avec eux , Oviedo auroit vu de
ses yeux le commencement de cette branche
iniportantc de l'agriculture des tropiques.
S'il avoit cru que le Jatropha no Tût point
riTAPÏTRE IX. /|5
imligcuccn Aiik ricjjio, il iiiiroil cilrlVpoque
à l.i<|iir!l(^ on j)lanla les premiers pieds do
iiKiiiioe , eoiiimc il r.ipporlc, dans le pins
grand dét.iil , la première inlrodiielic^n de la
canne à snere , du l)[;nanicr des Canaries,
de Tolixier et dn tlallier. Amerieo \ espneei
rappoile, dans sa lellre adressée au due de
l.orraine', (pj'il vil l'aire du pain de manioc
sur la eolc de Paria , en i/njj. « Les nalifs, »
dit cet avenlurier, d'ailleurs peu exact d.ms
son récit, « ne eonnoisscnt pas notre l)lé et
« nos grains fa rineuA'; ils lirent K'uv suhsis-
« tance piincij)ale d'une laeine rpi'ils rédui-
« sent en larinc , el qu'ils appcllenl, les uns
« /urha , d'autres chambi y d'aulres ii^uame. »
Il est facile de reconnoilrc ^e mot de iticca
dans celui de incita j rpjant au mot i^j^iimnc ^
il désigne aujourd'hui la racine A\\ Dinscovca
alata, que Colomb " décrit sous le nom à\i^vSj
et dont nons parlerons plus bas. Les naturels
de laCuajane espagnole, qui ne rcconnoissent
pas la domination des Euiopéens, cultivent
aussi le manioc, de toute antiquité. Manquant
* Grynœus , p. 21 5.
Ibid.
66.
■^:
J
♦•■
il
lit!
rr
46 Mvnr: iv ,
tloNÎvros en rrpassanl les /v//>/V/o do rOré-
i)()<]ii(* , lois (lo noire rcloiir du iUo No'^ro,
nous nous adicssiuucs à la Irihu dis fudiens
Piraoas , (jui \i>cul à l'csl do Mavpurôs, et
ils nous fouinirenl du pain de Jalroplia. Il
ne peut, par conséipient , rosier aucun d<»ulo
que le manioc ne soit une piaule dont la
cullurc est de beaucoup plus ancienne que
l'arrivée des Européens et des Africains eu
Auioiiquc.
Le pain de manioc est très nourrissaul ,
pcul-otrc à cause du sucre qu'il conlieut, et
d'une matière visqueuse qui réunit les nio-
lécides Farineuses de la cassave. Cotte malièi c
paroît avoir quelque analogie avec le caoul-
cliouc , qui est si cojnmun dans toutes les
plantes du groupe des Tithyinaloïdes. Ou
doune à la cassave une forme circulaire. Les
disques, qu'on appelle /«//^/a ou xaiixauy dans
l'ancieime langue d'IIaïly, ont un diamètre
de cinq à six décimètres sur trois millimèlros
d'épaisseur. Les naturels , qui sont bien plus
sobres que les blancs , mangent génc ralcmont
moins d'un demi-kilogramme de manioc par
jour. Le manque de gluten mêlé à la matioi e
amv lacée, et le peu d'épaisseur du pain, le
CHAPITRE IX.
47
rciuleiit lrôs-cass;mt et «lirruilcà liansporifr.
(x'I iiiconvi'nienl se [\\h siirluiit sonlir diiiis
de loM«^ues na\i;^^;jtinns. La i'éeule du manioc
lapêe , séelire et boucanée , est j>re.s(|ue
inallérable. Les iiiseclcs et les vers ne l'aUa-
qucnt pas, et tous les voy.igeurs connoisscnt
dans rAmcri(iuc équinoxiale les aNanla<^cs
«lu i'OU(l(jUl\
Ce n'est pas seulement la fécule de la Jiica
fi/mu'i^u (pii sert de nourriture aux ludiens;
ils emploient aussi le suc exprimé de la ra-
cine, qui, dans sou état naturel, est unpt)isoa
actif. Ce suc se décompose par le léu. Tenu
long-temps en ébullition , il perd ses pro-
priétés vénéneuses à mesure qu'on l'écume.
( )n l'emploie sans danger connue sauce , et
moi-même j'ai pris souvent de ce suc bru-
nâtre, qui ressendïleà unbouillon très-nour-
rissant. A Gayenne ' on l'épaissit pour en
faire le cabùni , qui est analogue au souy
qu'on apporte de la Chine, et qui sert pour
assaisonner les mets. Ils arrive de temps en
temps des accidens très-graves , si le jus
* Auhlet, Iliat. des plantes de la Guayane fraiiçohc ,
T. II, p. 72.
: I
S
AS
T.TVr.E ÎV
'n
î»:; :
cxpiiiiu' Il il p:j,s (''le c\[){)S(' assez, long-lcmps
i\ la ('lial(Mir. (Tcsl un l'ail trôs-CDiinu .iux
ihrc (les iiahiicls
lircuHMil par le
ii<
lies, (nie «adis un l'a'and ncini
1
iViL
!lv se sont lues vo
lonli
P
sue non bouilli delà racine de V^iJncdanar^a.
Oviedo rappoi'lc , connne kMuoin ocul ire,
nue ces malheureux «jui, comme plusieurs
tribus afr
•i;
it h
âmes , prcieroieni
travail lorec' , se rc^'unissoient par cin(]uan-
taines pour avaler ensemble le jus vihii'uoux
du Jatropha. Ce nu'pris extraordinaire de la
vie , caracli^rise l'iiomme sauva«;'e dans l(\s
parues les plus éloignées du «^lobe.
En rcVflc'clùssant sur la rcMinion de circons-
tances accidentelles ipii onl pu dt'lerminer
les ])euples à se livrer à Ici ou tel gemc d^
culture , on est entonné de voiries A ni(^iicains,
au milieu d'une nature si riche ^ chercher
dans la racine vénéneuse d'un euphorbe
( litlijmaloide) , cctl(; même substance amv-
iîiece que d'autres peuples ont trouvée dans la
famille des graminées , dans celles des bana-
niers , des asperges (Dioscorca alata) , des
aroides (Arum macrorrhi/on , Diacontiimi
polvphvUum) , des solanées , des lizerons
( Convolvulusbatalas , C. chrvsc>rhizus ) , des
>: I
CHAPITRE IX. 49
narcisses (Tacca pinnatilidii) , des polygonces
(P. fagopjrum), des orties (Artocarpus) ,
des légumineuses et des Ibuj^ères arbores-
centes ( Cjcas circinnalis ). On se demande
comment le sauvage qui découvrille Jatropha
manihot, ne rejeta pas une racine dont une
triste expérience de voit lui indiquer les
propriétés vénéneuses , avant qu'il pût en
reconnoître les propriétés nutritives? Mais
peut-être la culture de la Juca dulco. , dont le
suc n'est pas nuisible, a-t-elle précédé celle
delà J ncu ai/LirgUy dont on retire aujourd'hui
le manioc. Peut-être aussi le même peuple
qui, le premier, eut le courage de se nourrir
de la racine du Jatropha nuuiihot avoit-il
auparavant cultivé les ])lantes analogues aux
Arum et aux Diacontium ^ dont le suc est
acre sans être vénéneux. Il étoit aisé de
remarquer que la fécule extraite de la racine
d'un aroïdc est d'un goût d'autant plus
agréable qu'on la lave plus soigneusement
pour la priver de son suc laiteux. Cette
observation trcs-simple devoit conduire na-
turellement à l'idée d'exprimer les fécules
et de les préparer de la même manière que
le manioc. On conçoit qu'un peuple qui
m. 4
r:
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LTVT^E TV
1 '
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s.'iNoit (hilcipcr les i'.kmiu.s (Fiin iiroïdc ^
])<)H\(>il ( ii!i ( ^ïrcMîclrc (!c se nourrit* d'iinc
pîtnJe (lu ^'»'rin!|)e ilt's euphorbes. Le passage
est l'aeilc , (jur.iuiie le danger aille Iruijoui'S
en aii.^tnenlanl. Vax elTel , les naturels des
îles do la Soeiélé el des Mokujues, qui ne eon-
noissenl pas le Jalroplta rnaniliot, cnlli>ent
l'Arum niaerorriiizon el le l'aeeapinnalilida.
La raeine de eelte dernière ])lanle néeer^silo
les nicnies préeaulions que le nirnioe , et
cependanllepaiiide taeeaiivalise, au inarelié
de Banda , avee le pain du sa<;oulier.
La ejdlure du nianioe néeessile plus de
soin que eelle des l);??ianiers ; elle ressendjle
à celle des poninies de Jerrc , el la réeolle
ne se Tailquc sejfl à neuf mois après (jueles
l^ouluies onl élé mises en lerre. Un ])euple
qui sail [)lanler le Jairopha , a déjà l'ail un
certain pas \ers la. i'i\ilisalion. 11 v a nième
des variéks de nianioe, par exemple celles
qu'à Cavennc on appelle nuuiiov hois hUiiic »
et manioc inai-poiirn-roiti^c , dont les l'aeines
ne ])euvenl être ariaehees (pj'au boul de
quinze mois. I^c sau^a«;■e de la Nouvelle-
Zélande n'auroit sans doule ]>as la patience
d'altcndic une réeolle si tardive.
niAPiTnr t\.
:)r
Dos ])lanloli<)ns de Jaliopha nuuilliot se
Irouvciit anjoiird Imi le long* des cotes, depuis
l'einhuuchiirc de la rivière de Guasaciialea
juscju'au nord de Saiitaiider , et depuis Te-
huantepee juscpi'à San J5las et Sinaloa , dans
les ré«^ions basses et eliaudcs des intendances
de\era-Cruz^ d'Oaxaca, de Puebla , de
Mexico, de Valladolid et de Guadalaxara.
Un botaniste judicieux , cpii lieureuserncnt n'a
pas dédaigné dans ses voyages de s'occuper
<le l'agriculture des tropiques , ]\[. Aublet ,
dit avec raison « que le manioc est une des
« plus ])elles et uîiles pi'oduc lions du soi
« aniéiiciùn ,et(pravec cette plante l'iiabitant
w cie la zone torride pouri-oit se passer du
« riz et de l(^ulcs sorics (\c IVoinens , ainsi
« que de toutes lesra(Mn«^^ <•! (Vu ilscpii, servent
« à nourrir rcspèco hum. m ne. »
Le maïs occupe la méuie n ,.;ion que le
bananier et le manioc; mais sa culture; est
encore plus imporlaule et surtout plusétcn<lue
que celle des deux plantes f\\\c nous vcions
de décrire. Eu montant vers le plalcau central,
on rencontre des clianqis de maïs d(^puis I* s
côtes jusqu'à la vallée de Toluca , cpii a
2800 mètres d'élévation au-dessus du niveau
4
^
^
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I
1 ' 1
52
LIVRE IV
derOccan. L'année où manque la réoolle '? J
mais est une année de lamine et de uusère
pour les habitans du Mexique.
Il n'est plus douteux parmi les botanistes
que le maïs ou blé turc est un véritable blé
américain, et que c'est le nouveau continent
qui l'a donné à l'ancien. Il paroît aussi que
la culture de cette plante a précédé de beau-
coup en Espagne celle des pommes de terre.
Oviedo ', dont le premier essai sur l'iiisloire
naturelle des Indes fut imprimé à Tolède
en i525, dit avoir vu du maïs cultivé en
Andalousie , et près de la chapelle d'Atocha ,
dans les environs de Madrid. Cette assertion
est d'autant plus remarquable qu'un passage
d'Hernandez (livre 7, cliap. 4o), pourroit
faire croire que le maïs é^ii encore inconnu
en Espagne du temps de Philippe 11, vers la
fin du seizième siècle.
Lors de la découverte de l'Amérique par
les Européens, le Zea maïs (en langue aztèque
tlaolli y en haïtien malnz , en quichua caru),
étoit déjà cultivé depuis la partie la plus
\W'
* JXerum medicarum Novcc Hispaniœ thcaaurus,
iC5i, Lil). Vil, c. 4o, p. ui/.
CHAPITRE IX.
53
mérulionale du Chili jusqu'en Pensylvanie.
D'aprcs une tradition des peuples aztèques,
ce sont les Toultccpies qui , au septi ine sièele
de notre ère, ont introduit au Mexique la
culture du maïs, du coton et du piment. Il
se pourroit cependant que ces difFérenles
branches d'a^-Micnlturc existassent avant les
Toullèques , et que cette nation, dont tous
les historiens ont célébré la «grande civili-
sation, n'eut Tait que les élendre avec succès,
llernandcz nous a[)prend que les Otomites
méiaes , qui n'éloient qu'un peuple nomade
et barbare , plantoient du mais. La culture
de celte «>'raminée s'étcndoit par conséquent
jusqji'au delà du /i/o Oraiulc de Santiago ^
appelé jadis Tololotlan.
Le maïs, introduit dans le nord de l'Europe,
souflre du froid , partout où la tenqicraturc
moyenne n'atteint pas sept ou huit degrés
centigrades. J)e même, sur le dos des Cor-
dillères, on voit le seigle et surtout l'orîje
végéter vigoureusement à des hauteurs qui,
à cause de rinlempérie du climat, ne sont
pas propres à la culture du maïs. Mais en re-
vanche , ce dernier descend jusqu'aux régions
les plus chaudes de la zone torride , et jusque
il
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54 LIVRE TV ,
dans des plaines où l'épi du froment , de
l'orge et du seigle ne parviennent ])as à se
développer. Il en résulte que sur l'éelielîe
des différens genres de eullure , le maïs
occupe aujourd'hui, dans la partie cqui-
noxiale du Mexique , une étendue beaucoup
plus considérable que les céréales de Tancien
continent. Le maïs est aussi celle, de toutes
les graminées utiles à riiomme , dont le péri-
sperme farineux aie plus de volume.
On croit communément que cetle plante
est la seule espèce de blé que les Américains
aient connue avant l'arrivée des Européens.
Il paroît cependant assez certain qu'au Chili
on culli\ oit , au quinzième siècle , et bien
avant, outre le Zca maïs et le Zea curagua,
deux graminées appelées mai^ii, et tuca ,
dont, selon l'abbé Molina, la première étoit
une espèce de seiglt , et la seconde une espèce
d'oj'ge. Le pain l'aii de ce blé araucain étoit
désigné sous la dénominutinn de cokhjuc ,
mot qui a passé , dans la suite, o\\ pain fait
avec le blé d'iiurope '. Hernandez prétend
même avoir trouvé chez les Indiens de Me-
f
* lUoUnaj Ilintuire naturelle du, Chili j, p. 101.
CIIAPITAE IX.
:) )
de
cl
loacan une os])
)C(C de Irtîineni rnii , cl i\uns
V
cF
T
su desciiplion U'ès-suriiiiclo, se rappruclie
du ùle d\iù(>/i(fa/i((^ (Trillcuni coniposiliini ),
que l'on croil originaire d'Iilgypte. 3Ial;j;Tt'
toutes les infonnalions c[ue j'ai]iîiscs pendant
mon séjour dans l inlendanee de V^alladolid ,
il m'a élé impossihje d'éelaii'cir ee poiîjt
lut
poi
tant nour
ihisl.
lI
one des eere.
;les. V
er-
u
sonne n'y connoit un IVomenl piopie a
pajs, cl je soupeonne cpie llernandez a
nomme
TriL
'h
u'iini rmchiKuuuK'iisc
A
ucique
['
vai'iélé du l)lé (rEnrt)pe devenu sauvage, et
croissant, sur mi sol lrès-f'Mlilv\
La freondilé du llaolli ou nîaïs mexicain ,
est au delà de tout eeque l'on v)eiit iinati'iner
en Europe. La plante , l'avoriséepar de fortes
elial(
qui
eurs et par beaneou
d'I
nnmti
lilé
ac-
!rt une hauteur de deux à Irois mi'lt
Dans les ]>e]!es plaines qui s'étendent depuis
San Juan del \\\o à (^>uerelaro , [)ar exemple
ms les terres lîe
la
l'Eï
pei
(
ranza, une lanegue ae laais eu jirot
ii'i-ande metaiiie de
tluit
r>
quelquefois huit eenls ; des ter rains fertiles
en dorment, aiuiéo commune, trois à (jualie
* Ilôriiandez ,\i. 7 , 43. Clai^igero , 1 ^ p. 56 , uulc /'.
56
LIVRE IV
r i
II
w
cents. Dans les environs de Vailadolitl , on
regarde comme mauvaise une récolte qui ne
donne que i5o ou i5o fuis la semence. Là
où le sol est le plus stérile , on compte encore
soixante ou quatre-vingts grains. On croit
qu'en général le produit du maïs peut ctre
évalué, dans la région équinoxiale du royaume
de la Nouvelle - Espagne , à cent cinquante
pour un. La seule vallée deToluca en récolle
par an plus de 600,000 faneras ', sur une
étendue de trente lieues carrées, dont une
très-grande partie est cultivée en agave.
Entre les parallèles de 18 et 22 degrés, les
gelées et les vents froids rendent celte culture
peu lucrative sur les plateaux dont la hauteur
excède trois mille mètres. Le pr uit annuel
du maïs, dans l'intendance de o^uadalaxara ,
est , connne nous l'avons obsc ^é plus haut ,
de plus de quatre-vingts millions de kilo-
grammes.
Sous la zone tempérée , entre les 00 et 58
degrés de latitude , par exemple dans la
Nouvelle-Calirornie^ le mais ne produit en
' Une fanega pèse 4 arobcs ou 100 livres ; (îans
quelques provinces 120 livres (5o à 60 kllograinnies).
CHAPITRE IX.
^^1
%
g'éiiériil, année coninjune, que 70 à 80 grains
pour un. En comparant les niémoires ma-
nuscrits que je possède du pore Fermiii
Lassuen, avec les tableaux stalisliqut s publiés
dans la relation liistoricjne du voyage de
M. de Galeano , je serois en état d'indiquer ,
village par village, les quantités «le niaïssemécs
et récoltées. Je trouve qu'en 1791 , douze
missions de la Nouvelle-Californie ' récol-
lèrent yQ2Ô Jhncgas sur un terrain ([ui avoit
été ensemencé avec 96. En 1801 , la récolte
de seize missions a été de 4^6 1 fancîrues ,
tandis que la quantité qu'on avoit semée ne
montoitqu'à 66. lien résulte, pour la première
année, un produit de 79, pour la seconde de
70 grains pour un. En général , cette cote ,
comme tous les pays froids, paroît plusproprc
à la culture des céréales d'Europe. Cependant
les mêmes tableaux que j'ai sous les yeux ,
•ouvent que, dans quelques parties de la
iNouvelle-Californie , par exemple, dans les
champs qui appartiennent aux villages de
San Buenaventura et de Capistrano , le maïs
a donné souvent de i8o à 200 fois sa se-
mence.
il
ê
» Fnrgc ne la Sa/i/j p. 168.
r)8
Livnn IV
•ne-' i
Quoique Ton rulûvc au Mexique une
graudi^ (juanlilé de 1)1('' , le maïs duit èlie
regardé couinie la uourrilurc priueipale du
peuple : il est arssi eellc de la j)Iu|>arl des
aniiiuuLvdoij.esliques. Le j)rix de celle denrée
in(ulifie celui de lonlcslcs autres , dont il est
])(.>ur ainsi dire la mesure naluielle. Lorsque
la recolle est pauvre, soit par manque de
pluie , soit par des j^elces précoces, la disclle
est générale, et a les ellcls les plus funestes.
Les ponles, les dindons cl même les grands
l)csli;nixen soi!nVenlé<j;alement. L^n voyageur
qui traverse une pro>ince dans laquelle le
mi'/is, a gelé, ne lron\e ni (culs, ni ^olaille ,
ni pain tWu'rpa , ni l'aiine ponr Taire Vatolliy
qui est une bonillie nourrissante et agréable.
La cherté des vivres se fait surtout sentir aux
CMn irons des nîines mexicaines; dans celles
de Guanaxnato, par exemple, où quatorze
lîiille mulets nécessaii'cs aux alcliers d'amal-
gamation consonnnent amuielleinent une
énorme quantité de maïs. Nous avons déjà
cité plus liaiît rinfiuence que les disettes ont
eue pé'iodiqnemcnt sur les progrés de la
po|)ulation delà Nouvelle-Espagne. La disette
affreuse de l'aniiéo 178/1 fut l'cliot d'une forte
I
f:H\iMTP.r. îx.
59
gel ce f|
ui
fit
1 se lit senlii' a une ('[kmjiic ou I ou
r
dovoille nioins s'v alleiulic sous la /oiic lor-
ride, le 2S août, et à la IjauU-ui' peu eoubidc-
ilile de hiv-liuil
pe
di
raDie de iji\-liujt cents uicties au-dessus du
niveau de l'i^ecan.
De toutes les ^^r.iuiiuf-es cpie l'iiounne cul-
tive , aucune u'est aussi im''^•.^le dans son
produit. Cc])i'oduit, dans le inènie terrain,
selon les cliangenieiis d'humidité et de tem-
pérature moyenne de rarince , \arie de 4'> il
200 ou 5oo grains pour un. Si la rc-colle est
bonne, le colon Tait une Fortune ])lus ra[)ide
avec le maïs qu'uACc le IVonieiit , et l'on peut
dire que celle culture participe aux avantages
et aux désa\antagcs de celle de la ^ignc. Le
prix du maïs varie de 2 liv. 10 sous à 2S liv.
\d faite i^iw. Le prix moyen est de cinq li\ res
dans l'inléi'ieur du i)avs, mais le (Vèt 1 tiu*»-
mente tellement que, pendmt mon séjour
dans l'intendimce de Guaruixuato , \;\J(!;uy^{fcf
coûtoit , à Salamauca (), à ()uerclaro 12, et
à San Luis Putosi 22 livres. Diins un pays où
il n'y a p;is de magasin , cl où les naturels
ne vi\ent qu'au jour le jour, le pcuplesoud're
immensément, lo.rs<|uc le maïs se soutient
pendant lon^-temps au prix de deux piastres
fa.
H
'"Ji
md
i
r
ï
^'
i
i
Go
LIVRE IV
Oïl 10 livres la fanè^uc : alors les naturels se
nourrissent de IfuiLs d'arbres non mûris , de
baies de cartnsctde racines. Celte nianvaise
nonrrilure fait naître elie/ eux des maladies;
et l'on observe ({ue les disettes sont ordinai-
rement accompaf;'nces d'une grande mortalité
parmi les en fans.
Dans les ré^^ions ehaudes et très-humides,
le maïs peut donner deux à trois récoltes
par an ; mais généralement on n'en fait qu'une
seule : on le sème depuis la mi -juin jusque
vers la iîn d'août. Entre les nombreuses va-
riétés de celle graminée nourrissante, il y
en a nue dont l'épi miuit deux mois après
que le grain a été semé. Celle variété précoce
est très-connue en Hongrie, et M. Parinentiep
a essayé d'en propager la cul lu re en France.
Les Mexicains qui habitent les cotes de la
mer du Sud en préfèrent une autre que
déjà Oviedo ' assuic avoir vue dans la pro-
vince de Nicaragua , et qui se récolle en
moins de trente à quarante jours. Je me
souviens aussi de l'avoir observée près de
ïomependa, sur les bords de la rivière des
I
» Lib. TII, c. 1 , p. io2f.
«'
CMIAPITRE IX.
Gl
Anifizones : riKiis l(ju!cs ces v a ri i* tes de mais,
doiil la véî^étatioii esl si rapide, [)aroissenl
avoir le grain in(>iiisrarincii\ et ])resque aussi
petit (jue le Zea eura;^na du Chili.
L'utilité que les Aiiicricaiiis tirent du maïs
est trop connue pour que j'aie besoin de
m'y arrêter ici. L'usage du riz est à peine
aussi varié en Chine et aux Grandes Lides.
l)n mange l'épi cuit dans l'eau , ou rôti. Le
grain écrasé donne un pain nourrissant (arcpd)
(|uoique non fermenté et piileux, à cause de
la petite quantité de gluten qui est mêlée à
la fécule amylacée. La farine est employée
comme le gruau , pour faire les bouillies que
les Mexicains appellent atolli, et auxquelles
on mêle du sucre , du miel , quelquefois
même de la pomme de terre broyée. Le
botaniste Ilernandez ' décrit seize espèces
di atolli qu'il vit faire de son tem])s.
Un chimiste auroit de la peine à préparer
cette innombrable variété de boissons spiri-
tueuses, acides ou sucrées que les Indiens
savent faire avec une adresse particulière ,
en mettant en infusion le grain de maïs dans
*■ Lib. yil, c. 4o, p. 244.
I
'i-
1
6?. LIVRE IV,
dans lequel la nialicic sitcrée commence à se
clcvclopj)er par la j^orniinalio^i. Ces baissons,
que Ton clé>i^ne communément par le mot
cliicha y ressemblent les mies à la bière , les
antres au citlie. Sous le gouvernement mo-
nastique (les Incns, il n'éloit pas permis au
Pé»"oii de fabriquer des liqueurs enivraiilcs,
surtout celles que l'on appelle rinapi( et sova^
Les despotes mexicains s'intéressoient moins
aux nsœurs publiques et pri\ ('es ; aussi Tivro-
gnerie éiGil-elle déjà très-commune parmi les
Indiens, du temps de la dynastie aztèque.
Mais les Européens ont mulliplié les jouis-
sances du bas -peuple, en introduisant la
culture de la canne à sucre. Aujourd bui
chaque hauteur ofTre à l'Indien des boissons
particulières. Les plaines voisines des cotes
lui fournissent l'cau-de-vie de canne à sucre
{p;i(arnpo ou agnardieute de caîia), et la
clncha de manioc. Sur la pente des Cordillères
abonde la tJiîclia de maïs. Le plateau central
est le pays des vig-nes mexicaines : c'est là
que se trouvent les. plantations d'agave qui
^ Garcilasso, Llh. VIII, c. 9 (T. ï, p 277). JccsLa,
I/ib. IV , c. i(.>
238.
CTIAPITUE IX.
)J
fournissent la l)oisson ravoritc des n^ïtmcls,
\ç. puhjuti de map;u(n\ L Indien aisé ajoule à
ces nroc
lucl
ioris c
lu sol
anieiican) une
^q
iieur
qui est ])lns chère et plus rare, l'eau-t!e-\ie
de l'aisin ( agiuird'u'ulc da CdstilLi ) , (mi partie
fourme par le coinuierce de TEuiope , en
partie distillée dans le pays même. Voilà de
nondireuses ressources pour un peuple (pii
aime les liqueurs lorles jusqu'à l'excès.
Avant l'arrivée des Européens , les Mexi-
cains et les Péruviens exprimoient le suc de la
tige du maïs pour en iaire du sucre. On ne
se conlenloit pas <le concentrer ce suc par
évaporalion; on savoit ])réparer le sucre hrut
en faisant refroidir le siro}) épaissi. Cortèz,
en décrivant a l'Enipereur Charles -(Juint
toutes les denrées (uie l'on vendoit au «^-rand
marclié de l'Ialeloico , lors de son entrée à
Ténochlillau , nouiinc exprcssémeni le sucre
mexicain. ^< On vend , dil-il, du miel d'abeilles
« et de la cire , du miel de fii^es de niais , qui
« sont aussi douces que les canues à sucre, et
•f du miel d'un arbuste que le peuple appelle
« maiiuey. Lv^s naturels Ibut du sircre de ces
« plantes, et ce sucre ils le verKlcnt aussi. »
Le chaume de toutes les ^raujinées contient
si^
m
j, iï
M
f
t^!
64 LIVRE IV,
la matière sucrée , surtout près des nœuds.
La quanlité de sucre que peut fournir le maïs
dans la zone tempérée, paroît cependant très-
peu considérable : sous les tropiques, au con-
traire, sa tige fistuleuse est tellement sucrée,
que j'ai TU souvent les Indiens la sucer, comme
les Nègres sucent la canne à sucre. Dans la
vallée de ïoluca, on écrase le chaume du njaïs
entre des cylindres, et on pré])are, de son suc
fermenté , une liqueur spiritueuse appelée
puhjue de rnaliis ou de iLaoUl y liqueur qui
est un objet de commerce assez important.
Des tableaux statistiques dressés dans l'in-
tendance deCuadalaxara , dont la population
est de plus d'un demi-jnillion d'iiabilans,
rendent probable, qu'année moyenne, la pro-
duction actuelle du maïs est, dans toute la
Nouvelle-Espagne , de plus de dix-sept mil-
lions de fanègues, ou de plus de huit cent
ïuillions de kilogrammes en poids. Ce grain
se conserve au Mexique, dans les climats
tempérés, pendant trois ans , dans la vallée
de Toluca ; et dans tous les plateaux dont la
tenrpérature moyenne est au-dessous de qua-
torze degrés centigrades , pendant cinq ou
six ans, surtout si on ne coupe pas le chauiiîe
I
tî
CHAPITRE iX,
es
sec avant que le grain niùr ait été un peu
frappé de la gelée.
Dans les bonnes années , le royaume de la
Nouvelle-Espagne produit beaucoup plus de
maïs qu'il n'en peut consommer. Gomme le
pays réunit dans un pelit espace une grande
variété de climats, et que le mais ne réussit
presque jamais à la fois dans la région chaude
( ticrras calicntes ) , et sur le plateau central,
dans les tierras jiias y le transport de ce grain
vivifie singulièrement le commerce intérieur.
Le maïs, comparé au blé d'Europe , a le désa-
vantage de contenir une moindre quantité de
substance nourrissante sous un volume plus
grand. Cette circonstance, et la difficulté des
chemins sur la pente des montagnes, s'op-
posent à son exportation. Elle sera plus
fréquente lorsqu'on aura terminé la cons-
truction de la belle chaussée qui doit mener
de Vera - Cruz à Xalapa et à Perote. En
général les îles , et surtout celle de Cuba ,
consomment une énorme quantité de maïs.
Ces iles en manquent soiTvent, parce que
l'intérêt de leurs habitans est fixé presque
exclusivemenv sur la culture de la canne à
sucre et du Cifé; quoique des agriculteurs
iir. y
'à
m
m
s; '■
GG LIVRE ÎV,
iiislruits aient observé depuis long-temps qiie ,
dans le district contenu entre la Havane , le
port de Batabano et Matanzas, des champs
cultivés en maïs, et par des mains libres,
donnent plus de revenu net qu'une plan ta lion
de cannes à sucre : cette dernière culture'
exige des avances énoniies pour l'achat des
esclaves, leur entretien, et la construction
des ateliers.
S'il est probable qu'on semoit jadis au
Chili, outre le maïs, deux autres granimées
à semences farineuses , et qui appartenoient
au même genre que notre orge et notre
froment, il n'en est pas moins cerlain qu'avant
l'arrivée des Espagnols en Amérique , on n'y
connoissoit aucune des céréales de l'ancien
continent. En supposant que les hommes sont
tous descendus d'une même souche, on poui-
roit être tenté d'admettre que les Américains,
comme les Atlantes ', se sont sépaié's du reste
du genre humain, avant que le froment fut
cultivé sur le plateau central de l'Asie. Mais
doit-on se perdre dans des temps fabuleux.
* Voyez l'opinion énoncée par Diodore de Siciio,
Xib. 111; p. Rhodoiu. 186.
f
:. lï
lo,
^
CHAPITRE IX. G7
pour expliquer d'anciennes communications
qui paroissent avoir existé entre les deux
conlinensV Du temps d'Hérodote, toute la
partie septentrionale de l'Afrique n'olfroit
encore d'autres peuples agritulteurs que les
Egyptiens et les Carthaginois '.Dans l'intérieur
de l'Asie , les tribus de race mongole , les
Ilionji-nu , les Burattes , les Kalkas et les
Sifanes , ont constamment vécu en nomades
pasteurs. Or , si ces peuples de l'Asie centrale,
ou si les Ljbiens de l'Afiique avoient pu
passer dans le nouveau continent , ni les uns
ni les autres n'y auroient introduit la culture
des céréales. Le manque de ces graminées ne
prouve donc ni contre l'origine asiatique des
peuples américains , ni contre la possibilité
d'une transmigration assez récente.
L'introduction du blé d'Europe ayant eu
l'inlluence la ])lus heureuse sur le bien-être
des naturels du Mexique, il est intéressant de
rapporter à quelle époque cette nouvelle
branche d'aoricullure a commencé. Un nèore,
esclave de Cortez, avoil trouvé trois ou quatre
grains de froment parmi le riz quiservoil de
* Jleiren ilber AJiica, p. 4i.
5*
•' ;'
t- 1
jt;
68 LIVRE IV ^
nourriture à l'armée espagnole : ces grains
furentsemés, àeequiparoit, avant l'année i55o.
La culture du blé est par conséquent un peu
plus ancienne au Mexique qu'au Pérou. L'his-
toire nous a conservé le nom d'une dame
espagnole, Marie d'Escobar, femme de Diego
de Chaves, qui porta la première quelques
grains de froment à la ville de Lima , appelée
alors Rimac. Le produit des récoltes qu'elle
obtint de cts grains fut distribué pendant
trois ans entre les nouveaux colons ; de
manière que chaque fermier en reçut vingt
ou trente grains. Carcilasso se plaint déjà de
Tingratitude de ses compatriotes , qui con-
noissoientàpeine le nom de Marie d'Escobar.
Nous ignorons l'époque précise à laquelle
commença la culture des céréales au Pérou:
mais il est certain qu'en 1047 on ne connoissoit
point encore le pain de Iroment à la ville de
Cuzco '. A Quito, le premier blé européen
a été semé près du couvent de Saint-François,
> Comentarios reaies j IX, 24, T. II, p. ?>7>^.
u Maria de Escohar , digna. de un gran estado , lleiKi
« el tri go al Perîi. Par otro tan ta adoraron los Gen-
« tilea a Ceres por Diosa y de enta matrona no hicieron
u Gumita los de mi tierra, »
i
CHArrn\E ix. G<j
par le P. JoseRixi, natif de Gand, en Flandre.
Les moines y montrent encore avec intérêt le
vase de terre dans lequel le premier froment
est venu de l'Europe , et qu'ils regardent
comme une relique précieuse '. Que n'a-t-on
conservé partout le nom de ceux qui , au lieu
de ravager la terre , l'ont enrichie les premiers
de plantes utiles à l'honmie!
La région tempérée, surtout les climats où
la chaleur moyenne de l'année n'excède pas
dix-huit à dix-neuf degrés centigrades, paroît
le plus favorable à la culture des céréales , en
n'embrassant, sous cetle dénomination, que les
graminées nourrissanles connues des anciens;
savoir : le froment, l'épcautre, Forge, l'avoine
et le seigle ^. En effet , dans la partie équi-
noxiale du Mexique, les céréales de l'Europe
il
Si
If
* Voyez mes Tableaux de la Nature , T. Il , p. \()f^,
* Trilicum (Tvpoç) , Spolia {Isci) , Ilordcum (xf/Sfi;),
Avena {f^^çaixos de IJioscoritle , et non le (tçoy.o^ de
Théophrasle ) , et Secale (t/^»). Jo n'examinerai
point ici si l'avoine et le seigle ont été vraiment cul-
tivés par les Romains , et si Thcopliraste et Pline ont
connu noire Secale céréale. Comparez Dioscor. , Il ,
ii6jIV,iio, pag. S;3racen. 12601294, avec Colu-
mella,ll, io,etTéoplir.,\llI, i-4^ avecPlin, 11, 126.
li
1
■1
o
Livi\r, IV
M'
7
no sonl nillivros nulle pari dans des ])latcaux
donl l'élévalion est au-dessons de Iniilà neuf
cents mètres ; et nous avons ohseivé plus haut,
cpie sur la penle des Cordillères, entre Vera-
Crnz et Aeapuleo , on ne voit généralement
rommeneer celle culture quii la hauteur de
douze ou treize cents mètres. Une longue
expéiienec a pron>é aux hahilans de Xalapa,
que le froment semé autour de leur ville
\égèle vigoureusement, mais qu'il ne monte
pas en épi. On le cullive parce que son
cliaume et son feuilhiire succulens servent de
fourrage (zi/ctilf) aux bestiaux. Il est très-
certain cependant que , dans le royaume de
Guatimala , et par conséquent phis près de
Téquateur, le blé mûrit à des hauteurs qui
sont beaucoup moindres que celles de la
Aille de Xalapa. Une exposition particulière ,
des venls frais qui soufllent dans la direction
du riord, et d'autres causes locales peuvent
jnodiiicr rinlluence du climal. J'ai vu, clans la
province de Caracas . les plus belles moissons
de froment, près de la Victoria (lai. lo" lo') , ù
cinq ou six cents mètres de hauteur absolue, et
il paroît que les chanq)s de blé qui entourent les
Qiuitro Villas, dans l'ile de Cuba (lat. 2 1"58' ) ,
^
il
îfl
CHAPiinF, i\. 71
ont !inc (léviilion encore iiionidre. A ITsle do
J^'anec ( hit. 2u** xo' ) , 011 nilli\e du iVomcnt
sui" un terrain qui Cbt presijue au niveau de
l'Océan.
Les eoliins européens n'oni jioint assez varié
leurs expéi'ienees pour sa>oir cpiel est le iniiii-
muni de hauteur à laquelle h:s eéirales peu\ eut
venir dans la r(\.;ion écpiinoxiale du Mexiqjic.
J^e manque ahsoln de phiie ])endant les mois
d'été y est d'antani plus contraire au IVomenl,
que la chaleur du climat est plus ^rande. Il est
vrai que la sécheresse et les chaleurs sont aussi
lri's-consid(''rai)h.'s en iSvrieetciéh];^jple; mais
ce dei'iiier }>a^s, si riche en hic, a un climat
qui dillcre essenlicllcmenl de celui delà zone
torride: le sol y conserve (oujours im certain
degré d humidité *[ui est du auK inondations
bienfaisantes du Nil. D'ailleurs, les végétaux
qui appartiennent aux mêmes genres que nos
céréales, ne se trouvent sauvages que dans des
climats tem])érés , et mémo dans ceux de
l'ancien continent. A l'exception de ([uelqucs
arundinacéesgiganlesques,quisonldes/>/^////r.v
À'OdvV/A^f^ hîs graminées paroiss(;nt, en général,
iniiniment plus raies dans la zone t(^)rride que
dans la zone tempérée, où elles dominent pour
\
! hî
I i
\
l
'Jl LIVRE IV,
ainsi dire sur les autres vro-claux. Nous ne
devons donc pas nous étonner que les céréales,
malgré la grande JlcjibUilé d'organisation
qu'on leur attribue, et ([uileur est commune
avec les animaux domestiques, viennent mieux
sur le plateau central du Mexique , dans la
partie montueuse où elles trou^ent le climat
tle Rome et de Milan, que dans les plaines qui
avoisinent l'Océan équinoxial.
Si le sol de la Nouvelle-Espagne étoit ar-
rosé par des pluies plus fréquentes, il seroit
l'un des terrains les plus i'erliles que les
hommes aient défrichés d.'ns les deux hémi-
sphères. Le héros ' qui, au milieu d'une guerre
sanglante, eut les yeux fixés sur toutes les
branches de l'industrie nationale , Hernan
Cortez, écrivoit à son souverain, peu après
le siège de Ténochtitlan : « Toutes les plantes
«* d'Espagne viennent admirablement bien
« dans cette terre. Nous ne ferons point ici
«c ce que nous avons fait aux îles, où nous
«< avons négrlig^é la culture et détruit les
«c habitans. Une triste expérience doit nous
« rendre plus prudens. Je supplie votre majesté
^ Lettre à V empereur Charles - Quint , datée de la
grande ville, de Témixlilafi j le \5 octobre i524.
m
CIlAPriT\E IX.
I
[rordoni
la r
(le Co
de
itvntacwn
« 8éville, ({iraiicun baliiiuMil ne puisse mettre
« à la voile pour ce pays, sans charger une
« certaine quantité de yilanles et de graines. »
La grande lerlilité du sol mexicain est incon-
testable , mais le manque d'eau dont nous
avons parlé au troisième chapitre, diminue
souvent l'abondance des récolles.
On ne connoît que deux saisons dans la
région équinoxiale du Mexique, même jus-
qu'au 28.'"' degré de latitude boréale : la saison
des pluies ( estacion de las aguds ) , qui com-
mence au mois de juin ou de juillet , et finit au
mois de septembre ou d'octobre ; et la saison
des sécheresses {cl cstlo) , qui dui e huit mois,
dej)uis octobre jusqu'à la fin de mai. Les
premières pluies se font généralement sentir
sur la pente orientale de la Cordillère. La
formation des nuages et la précipitation de
l'eau dissoute dans l'air, commencent sur
les cotes de Veia-Cruz. Ces phénomènes sont
accompagnés de fortes explosions électriques;
ils ont lieu successivement à Mexico, à Gua-
dalaxara, et sur les cotes occidentales. L'ac-
tion chimique se propage de l'est à l'ouest, dans
la direction des vents alises, et les pluies
i
w
l
• I'!
i
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V
71 LIVRE TV ,
toin])cnt quinze cm vin^l jours plnlol à Vcra-
(auz une sur le plalcaii feutrai. ( )u('lMui;rois
DU Mnl dans les uuuïlaiiiies el rurine au-
dessous (le deux uiille mèlres de liauleur
;il>S()lue, des pluies uièlées de ^^résil elde iieii;e,
daus l(*s mois de novembre, de déceud)reetde
uivier : uiais ees i)luies stmt très-eourtcs ,
]•
I
elles m; diiieul (|Uo qualre ii euKj nmis; et
queicjue IVoitles cpielles soient, on les rei»arde
couimc 1res -utiles pour la végétation du
froment et pour les palura<;es. En *^énéral ,
au Mexique eomine en Europe , les pluies sont
plus (Véqucutes dans la région mi)ntueusc ,
surtout dans ecttc partie des (Jordillères qui
s'étend depuis le pie d'Orizaba, par Gua-
iiaxuato, Sierra de Pinos, ZaeateeasetBolanos,
jusqu' aux mines de G uarisamey cl du Rosario.
La prospérité de la Nouvelle-Espague dé-
pend de la proportion établie entre la durée
des deux saisons de pluie et de sécheresse. Il
est très-rare que Tagriculteur ait à se plaindre
d'une trop grande humidité ; et si quelquel'ois
le maïs et les eéiéales d'Europe sont exposés
à des mondations partielles da^sles plii'.eaux ,
dont plusieurs forment des ba;vùiis eii ciilaires
fermés par des montagnes, le blé semé sur les
aiAI»ÎTl\F, T\'.
'.')
ponrrs (les rollinos en M'';;rlo avcr <1';nil;int
phis de. vij^iioiir. Depuis le paiallèle iU' 2V*
jusqu'à eeliii de ."(.>" les pluies smil plus rnres
ri Irès-eourles. lïeureuscuienl les neiges, dont
l'ahondanee est assez- eonsidiTahle depuis les
20" de lalilude, suppléent à ee niancpie de
pluie.
L'extreuic séclieresse à laquelle este\]>osée
la Nouvelle-l']spa;^ne, depuis le uiois <le juin
jusqu'au nioisde septembre, loree leshahilaus,
dans une ^lantle partie de ec vaste [>a} s, à des a 1-
roseuïens arlifîeiels. 11 n'y a de lielies moissons
de IVoment (pi'autant qu'on a fait des sai»^ru''es
aux rivières, et qu'on a mené les eaux de
très-loin par des eanaux d'iriii;'alion. Ce sys-
tème de ri;iolcs est surtout suivi dans les belles
plaines qui bordent la rivière de Santiago,
appelée li/o (traudcy et dans eelles que 1 on
trouve entre Salamanea, Irapuato et la Villa
de Léon. Des canaux d'arrosenient(^/r^vyr/^/V/5),
des réservoirs d'eau [pi'cstis), et des roues à
godets {norias) y sont des objets de lapins
grande importance pour ragrieullure mexi-
caine. Semblable à la Perse et à la partie basse
du Pérou, l'intérieur delà Nouvelle-Espagne
est infiniment productif en graminées nour-
i!
"I
M!
irUT
^6 LIVRE IV,
lissantes, partout où l'industrie de Hiomrae
a diminnc la sécheresse naturelle du sol et
de l'air ^
Nulle part aussi le propriétaire d'une <^'rande
ferme ne sen". plus souvent le besoin d'em-
plojer des ingénieurs qui sachent niv<.Ier le
terrain , et qui ronnoissent les principes
des constructions li^drauliques. Cependant^ à
Mexico connue partont ailleurs, on a préféré
les arts qui plaisent à l'imagination, à ceux qui
sont indi pensables aux besoins de la \ ie do-
mestique. On est parvenu à former des archi-
tectes qui jugent savamment de la beauté et
de l'ordonnance d'un édifice; mais rien n'y
est plus rare enco: ? que des personnes ca-
pables de construire des machines , des digues
et des canaux. Heureusement le sentiment du
besoin a excité l'industrie nationale et une
certaine sagacité propre à tous les peuples
montagnards, supplée en quelque sorte au
manque d'instruclion.
Dans les endroits qui ne sont pas arrosés
artificiellement, le sol mexicain n'offre des
pâturages que jusqu'au;: mois de mars et
! Voyez T. II , p. ia8 et 253.
CHAPITRE IX. 7*7
d'avril. A celle époque, où souffle frcqucni-
ment le vent de sud -ouest (incfifo du la
mistcca ) , qui est sec et chaud , toute verdure
disparoît, les graniinces et les autres plantes
herbacées se sèchent peu à peu. Ce change-
ment est d'autant plus sensible, que les pluies
de l'année précédente ont été moins ubo i-
dantes , et que l'été est plus chaud. C'est alors ,
et surtout au mois de mai, que le iVonient
souffre beaucoup, s'il n'est point arrosé arti-
ficielle nie o t. La pluie ne réveille la végétation
qu'au mois de juin : aux premières ondées les
champs te couvrent de verdure ; le TeniHage
des arbres se renouvelle, et l'Européen, qui se
rappelle sans cesse le climat de son pavs natal,
se réjouit doublement de cette saison des
pluies^ parce qu'elle lui offie llniage du
printemps.
En indiquant les mois de sécheresse et de
pluie, nous avons décrit la marche que suivent
communément les j)hénomènes météorolo-
giques. Depuis quelques années, cependant,
ces phénomènes ont paru dévier de la loi
^'^énérale^ et les exceptions ont été malheu-
rensemeni au désavantage de l'abri culture.
Les pluies sont devenues plus raies et surtout
t
7»
LIVRE IV
r n
|)li!S lai'divcs. L'année où j'ai visilé le volcafi
d(; .lonillo , la saison des pluies relaî'îa de
trois mois entiers : elle comrnenea an mois
de seplendiie, cl ne dura que jusque vers lu
mi-noveml)re. On observeau Mexique , que le
maïs, qui souffre des gelées de l'autoiiine bien
plus (jue le froment^ a l'avantage de se rétablir
plus (acilement après de lonj^ues sécheresses.
Dans l'intendance de Yalladolid, entre Sala-
nianca et le lae de Cuizeo , j'ai vu des clianqis
de maïs que l'on crovoit perdus, végéter a\ec
une vigueur étonnante après deux ou tiois
jours de pluie. La grande largeur des l'euilles
contribue sans doute beaucoup à la nutrition
et à la force végétali\e de cette graniinée
américaine.
Dans les termes [hacieîidds de trigo) dans
Jcsquelles le système d'irrigation est l)ien
établi, parexenq)le, près de Léon, Silao cl;
Trapualo, on arrose le i'roment à deux époques:
la première fois, dès que la jeune plante sort
de terre, au mois de jan\ier ; et la seconde^ au
conmiencement de mars^ lorsque l'épi est
près de se développer : quelquefois même
Livant de semer on inonde le clianqi entier.
Ou observe qu'en v laissant séjourner les
"\wf
CHAPITRE JX.
79
eaux pendant phisiouis semaines, le sol s'ini-
])iè<^ne tellement criiumldilé, ([ne le froment
résiste pins faeilement à de l(m;^nes scclie-
rcsses. On sème à la volée, au moment même
où Ton a fait éeonler les eanx en ouvrant
les ri<(oles. Celte méthode rappelle laeultnte
du froment dans la Hasse-Egyple, et ces
inondations prolongées diminuent en même
temps l'abondance des herbes parasites qui se
mêlent à la récolte en fiuchant, et dont une
partie a malheureusement passé en Amériqne
avec le blé d'Europe.
La richesse des récoltes est surprenante
dans les terrains cultivés avec soin , surtout
dans ceux ipjc l'on arrose , ou qui sont
amen])]is par plusieurs labours. La partie la
])!us fertile du plateau est celle qui s'étend
depuis Quei'claro jusqu'à la ville de Léon.
Ces plaines élevées ont trente lieues de lonj^-
kur huit à dix de large. On y récolte en fro-
ment 7)6 à /jo fois la semence ; j)lusieurs
grandes feruics peuvent compter sur 5o ou
(;o grains. J'ai trou\é la même fertilité dans
les champs qui s'étendent depuis le village
de Santiago jusqu'à Yurirapundaro, dans fin-
tendunce de \ alladolid. Dans les cuv ironie de
'Mi
l'il
8o
IJVRE IV
Piiebla, trAllisco cl deZelaya, dans une grande
partie des ci\èeliés de Meelioacan et de (aia-
dalaxara , le piodnit est de 20 à oo o-iainspoiir
un. Un ehani[) y est considéré comme peu
fertile, lorsqu'une fanègue de froment semée
ne rend, année moyenne, (jue seize ranègues.
A Cliolula , la réoohe (X)nunune est de .lo il
4.0 grains; mais elle excède souvent 70 à 80.
Dans la vallée de Mexico, on compte 200 grains
pour le maïs , et 18 ou 20 pour le IVoment.
J'ol)ser\e que les nond)res rapportés ici ont
toute l'exactitude que l'on peut désii er dans
un objet aussi important pour la connois-
sance des richesses teriitoriales. Désirant
vivement connoître les produits delagrieul-
turc sous les tropiques, j'ai pris tous les
rcnseignemens sur les lieux mêmes ; j'ai
conl'ronté les données qui m'ont été l'ournies
par des colons intelligens , et qui liabitoient
des provinces très -éloignées les imes des
autres. J'ai porté d'autant plus de précision
dansée travail, que, né dans un pays oii le
blé donne à peine le quatrième on le cin-
quième grain, j'étois disposé plus qu'aucun
autre à me méfier des exaspérations des ai'io-
rlom<^s; exagérations qui sont les mêmes au
CIlAPITr.K IX.
8i
^[exitjne , en Cliinc , el j),irloi]t où rjmoiir-
pi'opic des lial)i(ans Nout profiler do la cié-
diilité des ^^.)ya«^•eurs.
Je irii^iioro pas (pi'à cause de la grande
iné«^alilé avee hupiellc on sème daiis les dif-
lercns pays, il auroil mieux valu coniparer le
pioduil des récoltes à l'élcndue du lorrain
ensenieiicé. Mais les mesures agraiiTs sonl si
inexac^les, et il y a si peu do l'ernies au
Mexique dans lescpielles on connoisse avec
précision le nombre de toises ou de >ares
carrées qu'elles embrassent, qu'il a fallu m'en
tenir à la simj)lc comparaison du froment
récollé a^ec le froment semc. Les Techerches
auxquelles j(* m'étois li\ré pendant mon
séjour au Mexique, m avoient donné poue
résultat, qu'année coimnune , le produit
moyen de tout le pays est de 22 à 25 grains
pour un. llelourné en lilurope , j'avois
formé de n(»uveau queUpies doutes sur la
précision de ce rési.'llat imporlant, et j'aurois
peut-être hésité de le pu1)lier, si je n'av«MS
pu consulter sur cet objet, tout récemment,
et à Paiis iiiéme, une personne respectable et
éclairée qui h.J»ite les colonies espagnoles
dcnuis Ironie ans, et qui > y est livrée avec
li i. ^J
â"^
M
î
82
ITVIŒ IV
heaiicoup tic succès à l'af;iiciilliirc. .^î. Ahnd ,
clianoinc de l'cglise niélropolitaine de / a/-
ladolul de Mcchoiican , m'a assuré que,
d'apiès ses calculs, le produit uioycu du
1
ronient mexicain , loin
d'cl
re au
-d
CSSOtlS
do ^iu«^i-deux grains, est probahlcmcnt de 2;5
à 5o; ce qui, d'après les calculs de La\oisicr
l1(
fois 1<
(luit
etdejNecker, exceci
moyen de la France.
Pics dcZelaya, les a^^Ticulleurs rn'onl fait
voir la différence énorme de produit (pi il
y a entre les terres arrosées arti'icicllemeut,
et celles qui ne le sont pas. Lesprennères, < ui
reçoivent les eaux du Rio Grande , distiibuées
par des saignées dans plusieurs étangs ,
donnent l^o à 5o fois le grain semé; tandis
que les champs qui ne jouissent pas du bien-
fait de l'irrigation , n'en reitdcnt que quinze
ou vin^'t. On a ici ie même défaut dont les
Agronomes se plaignent dans presque toutes
les pallies de l'Europe, celui d'cmplojer
trop de se/uaille j de sorte que le grain se
perd et s'étouflé. Sans cet usage, le produit
des récoltes paroîlroil plus giaud encore que
nous ne venons de liiKliqucr.
Il sera utile de consigner ici une observa-
il^
I'"
CHAl>trl\E l\.
8:î
lion ^ laite près de Zclaya , par une personne
diii'ne de confiance et trës-accoutiimce à des
recherclies de ce ;^enre. M. Abad prit au
hasard , dans une belle pièce de blé de plu-
sieurs arpens d'clendue , quarante plant<îs de
froment ( Trilicuni hybernum) : il plongea
les racines dans l'eau pour les dépouiller de
toute terre , et il trouva que chaque graine
avoit de une naissance à quarante, soixante,
et même à soixante-dix tiges ; les épis étoient
presque tous également bien garnis : on
compta le nombre des grains qu'ils conte-
noient, et on trouva que ce nond^re excédoit
souvent cent, et même cent vingt; le terme
mojen parut de qjatre-vingt-dix : quelques
épis contenoient jusqu'à cent soixante grains.
Voilà sans doute un exenjple de Fertilité bien
frappant ! On remarque , eu général , que le
froment talle énormément djns les champs
mexicains; qu'un seul grain y pousse un
grand nondjre de chaumes, et que chaque
plante a des raciiies extrêmement longues
s :!
* Sobre la fcrtilidad de las tierras en la Nue^'a
Etipaha , pvr Don Manuel Abad y Queipo, (IN oie
nutnuscritt'. )
G*
84
LIM.i: IV
n
el louiTues. Los colons cs[)aynols iippellciit
cet cilel de la a i;^iicur de la vc*^élaUou , cl
macoLiar dcl irino.
Ali nord de ce district éinincnnnenl ier-
tile de Zelaja, îSi;laiHaiicif et Léon, le pays
es
td'
une aïK
lité
exliènie, sans ri\jcics, sans
sources, etolljant, sur de vastes étend ue;i ,
des croûtes d'ari^ile endurcie (^ti'iK'tdtc) ^ îjiie
les cnlti'. aleurs appellent des terrains dids et
froids y et à lra>eis lesquels les racines des
plantes herbacées pénèlient diliicilenient.
Ces couches d'argile, cpie j'ai aussi retrouvées
dai.b. le royaume de Ouito , ressendjlent de
loin à des bancs de rochers dénués de toute
végétation : elles appartiennent à h> for/fialio/i
fm/tpcc/i/w , el accompagnent constannnenl,
sur le dos des Andes du Lérou et du Mexi< jue ,
les basaltes, les grtinstein, les amygdaloïdes
et les porphyres amphibuliques. Dans d'au-
tres parties de la jN ou \ elle - Espagne , au
contraire, dans la belle vallée de Santiago,
et au sud de la \iile de Vidladolid, les ba-
saltes et les auiygdaloïdes décomposés ont
foriiié, par la suite des siècles, un terreau noir
et très-productit": aussi les champs leitiles cpii
entourent l'Alberea de Sauliago rappcllenl-ils
ciiM'irr.r. ix.
f^.-;
les terrains basalliqiicstln '.[i!tcli^cl)i'ir^e de la
]3<>l
u'ine.
Nons axnvs créeril plus liant ', en traitant
(le la slalistirpie particnlière du ])ays, les
déserts sans eau «jni sej)arent la JNouvelle-
Biscayedn \()n\ean-\le\i(jne. Tont le plateau
Icnd d(
Sallilli
qui s elend depuis ooinhrerefiî au oallilio ,
et de là vers la Pnnla de Lanipazos, est une
plaine nue et ari(]e d.nis lacpielle ne végètent
que des eaeluset d'autres plantes épineuses :
il n'y a aiieun vestijic de cnlline , si ee n'est
sur quelques points où , eonnne autour de
la ville du Scdtillo , 1 industrie de rhoinnie a
réuni un peu d'eau pour arroser les rliamps.
Nous a\()ns éiralenient traeé le tableau de la
Vieille-Calirornie % dont le sol est un roc
dénué à la fois de terieau et de souree».
Toutes ces considérations s'accordent à
prouver ce que nous avons avancé dans lo
livre précédent , qu'à cause de son extrénic
sécheresse une paitie considérable de la
Nouvelle - Espagne , située au nord du tro-
pique , n'est pas susce])tibie' d'une grande
^!si
iiTî;-'
»Cliap. VJJl, T. Il, p. 4o3.
« Ibid. , p. 42^.
I
8r,
Livrr ïv
popnlntion : nnssi (jmcI contniste frappant
rnhc la pli^sioiiomle de (îciix pji>s Noisins,
rntrc le Mexique el les Ktaîs-liiis de l'Amé-
rique septentrionale! Dans ecs deiïiiers, le
sol n'est qu'iMie vaste lorèt sillonnée par un
grand nond)re de rivières qui débouehent
dans des «^j-oires spaeieiix. Le iMexique , au
contraire , offre à l'est et à l'ouest un littoral
boisé , et dans son centre un ni.issif énorme
de montajines colossales^ sur le dos desquelles
se prolongent des plaines déjioniv nés d'arbres,
et d'autant plus arides , que la température
de l'air ambiant y est augnjentée par la ré-
\erbération des rayons solaires. Dans le nord
de la Nouvelle-Espagne, comme au Thibet ,
en Perse , et dans toutes les régions mon-
ILueuses , une partie du pajs ne sera rendu
propre à la culture des céréales que lorsqu'une
population concentrée et parvenue à un haut
degré de civilisation aura vaincu les obstacles
que la nature oppose aux progrès de l'éco-
nomie rurale. Mais cette aridité , nous le
répétons ici , n'est pas générale ; elle est
compensée par l'extrême fertilité cjiie l'on
observe dans les contrées méridionales ,
même dans cette partie des ptwi/icias iiUemas
r!i\îMrnF. i\,
8-
qiî
i nvoisînc les rivioics, tlaiis les bassins du
J^u) (lel 'Notte, (lu Gila, de riîia([ijl, du
]Mî»y() , du Ciuliaeaii , du Hio del Kosarit) ,
du JUo de Ctjuelius ^ du Kio de ^>anlallde^,
du Ti,;rc , el des noudiicux lorrcns de Li
pro\inec de Te\as.
Dans rexlréiiiilé la plus septentrionale du
rovaunic, sur les eûtes de la jNouvelle-Cali-
furnie , le produit du IVoinent est de iG à
17 g-rains ])(!iir un , en ])renant le ternie
iDoyen entie les reeoltes de dix-liuît \illa;4'es
peîïdant deux îuis. Je enns que les a;^Tonoines
verront a^ec intérêt le détail de ces réeoUes
dans un ]>ays silué sous le nièine parallèle
qu' Vli^er , Tcuiis et la Palestine , entre les
r>2" 59' el 37'» 48' de latitude.
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88
LIVRE IV ,
i:\ .'
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N O Al S
DES VILLAGES
de la
Nouvelle-Californie
!San Diego
San Li'is Rey nr,
Francia
San Juan Catistra-
NO
San Gauiuel
San Fekna.ndo. . . .
San Bl'enaventura
Santa Raiii!aiia. . .
La l'URlSSlMA CON-
CEl'CION
San Luis Onisi'o. . .
San Miguel
SoLEtiAD
San Antonio de Pa-
dua
San Caulos
San Juan BArTisTA.
Santa Ckuz
Santa Claka
San José
San Francisco. . . .
1791.
F A X k G U E s
de froment.
semé.
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Il parojt que la parlie la })lus septentrionale
de cette cote est moins favorable à la cullnie
i
j<St)?,.
12
28 A
28
5G .'-
8.
0^
CHAPITRE IX. 89
du froment qnc celle qui s'élend depuis San
Die^^^o jusqu'à San Miguel. D'ailleurs, dans
dc5> terrains réeenniient dclrielus le produit
du sol est plus inégal que dans des pa^^^s
aneiennemcnt cultivés, <pioi(ju'on n'observe
dans aucune partie de la Nouvelle - Espagne
celte diminution progressise de lerlilitc qui
alïlige les nou^eaux colons partout où l'on
a abattu les forets pour les converliren terres
labourables.
Les personnes qui ont réfléchi sérieusement
sur les richesses du sol mexicain , saM^Uquc,
par le niojen d'une culture plus soignée, et
sans supposer des travaux: extrac)rdinaircs
pour l'irrigation des champs , la portion de
terrain déjà défrichée pourroit fournir de la
subsistance pour une population huit à dix
fois plus nombreuse. Si les plaines l'ertiles
d'Atliseo , de Cholula et de Puebla ne pro-
duisent pas des récoltes plus abondantes ^ la
cause principale doit en être cherchée dans
le manque de consonnnaleurs , et dans les
entraves que les inégalités du sol opposent
au conmierce intérieur des grains, surtout à
leur transport vers les cotes ([ui sont baignées
par la mer des Antilles. jNous re\iendrons
*4
i
90 T.IVRK IV,
])lus hns sur ccl objet iiiUTCssnnl , C!i traitant
de rc.\|)orlaliori de la Vera-(îiii/.
(Quelle est aeliielleincnl la iceoliecn «^Taiii."*
dans toute la NonvelJe-Mspa'rne V On sent
combien ee problcMnc doit clie dillieile à
résoudre dans un ])ajs où le ^•ou^el•neInent,
depuis la mort du eomle de lle\illai;i^edo ,
a si peu favorisé les re<'lierehes sl.uislitpies.
l^juFranee même, les eslimaiioiis de (JueNuay,
de Lavoisieretd'Arihur Voun;parionldequa-
r;mte-ein(Jeleinquanle,jns(p^às()i\anle-(|Min/e
millions de seliers, à 117 kilo<;ra m nies pesant.
Je n'ai pas de données j>osili>essnr les quan-
lilés de seit^le et d'orge récoltés au Mexique,
mais je crois pouvoir calculer approximali-
\ement la ])roduction moyenne eu froment.
En Europe, l'estimation la plus sure est celle
qui se fonde sur la consonunatitîn évaluée
de chaque individu : c'est le moyen employé
avec succès par MM. Lavoisier et Arnould j
mais celte méthode ne peut être suivie ,
lorsqu'il s'agit d'une population c. Mnoséc
d'éléniens très - hétérogènes. L'Jndie- jt le
ïTiétis , habitans de la campagne, ne se .su-
rissent que de pain de maïs et de manioc.
Les blancs créoles qui vivent dans les gL:iudes
i!
riIAPITRK ÎX.
9>
villes . ronsommciil hicii plus rlc pnin de
frt>rii('nl <|ue ctiiix (|ii[ scjournciit Ihibitiiellc-
rnciil dans les lernies. lj.'MM[)i(iil(\ c|iii rornptc
pins de ^T),ooo Indiens, e\i;^e anniielleiiieiit
]»rès de dix-neii( ntillions de kilo;^" ranimes
de liirine. Celle eonsonnnalion est presque
1(1 uiènie cpie eclle des villes tl'Kiiropc <"*:^a-
lenienl penplécs; el si, tl^ipirs celle hase,
on V(.)uloit ealeuler la eonsoinnialion de loul.
le royainiic de la INOuvelle-Kspa^ne, cm par-
viendroil à un résultat ([\n seroil plus <Ie cinq
ft)is trop ;^rand.
D'après ecs considérai ions , je préfère la
mclh(jde qui se (onde sui* des eslinialions
partielles. La quantité de froment récolte eu
1802 , dans Tinlendance de Guadalaxara ,
éloit , selon le tableau stalisticpie cpie l'in-
tendaut de cette province a conununupiéà la
cliamhre de commerce de Vera-(^ruz, de
43,000 carqns j ou de G,4«^o,ooo kiIo<;rammes.
Or, la population de rinlcndancc de Guada-
laxara est à peu pri's un neuvième de la
population totale. Il J a , dans cette partie du
Mexique , un grand nombre d'Indiens qui
jiian«j;'enl du pain de mais ^ et l'on y coi.pte
peu de villes populeuses habitées par des
1!
Ili
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'lll'i
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■I;
l!
n^
LIVRE TV
LLincs aisés. D'oprôs l'analoolo do celle ré-
colle jiarlielle , la recolle ;^«"iic r;ile de la
]Nouvclle-l^s|>a;^iie nesei'oitqne de ;k) millions
de kilograiiuiies: mais en ajoutant 3() millions
de kiloii'rannnes, à (*ause de Tiniluenee bien-
faisante qu'a la coiisonniialion des villes ' de
» Vojcz Cliap. \JII, T. H , p. iS3 et 279. J'ai
forinù , il'après des uialérlaux exacts ([ue je possède , le
tnbkau suivant , dans Icqiud la consonimalion en
farine est conipan^e avec le uonibin des habilans.
VILLLS.
1
CONSOMMATION
de Caiiiie.
Pf)PULATION.
Mr.xico
rui:i;L.v
liA IIavank. . . .
1 Paris
k.logl.
19,100,000
7,790,000
5,23o,ooo
7 G, 000, 000
hab.
1.37,000
67,300
80,000
547 ,000
Sur les consommations de l\nris, voyez les recherches
curieuses que M. Peuehet a co:r 'ailées dans sa Statis-
tique élémentaire de la France, p. .'572. Le bas-peuple,
à la Havane , njanj;c beaucoup de cassave et d'arepa.
La consommation annuelle de la Havane est, en pre-
nant le terme moyen de quatre ans, de 427,018 ar-
robcs, ou de 68,899 batriles. [Papel periodico de la
JLwana, 1801 , u. 12, p. 46. )
1^
m
(:hapiti\e IX. r)3
Mt'xico , tic rnel)la v[ de (ùian.ixuiilo , sur la
culliire (iesdislrirls circonvoisiiis , et à cause
des pnwincias intcrnds , tlonl les habikins
vivent presque e\clu;,ivemcMt de pain de
IVrnjient, un tiuuve , pour tout le royaume,
près de dix millions de nivria;j;rainn;cs , ou
plus de 8ooy.)oo sclicrs. Celle cslinialion
donne un résultat trop loible, parce que, dans
le calcul que nous \enons de ])résenler, on
n'a pas séparé convena!)lenient les provinces
septentrionales delà région équinoxiale. Cette
séparation est cependant dictée parla nature
de la population même.
Dans les provtncius inierims , le plus grand
nombre des habitans sont blancs ou réputes
tels ; on en compte /|00,ooo. En supposant
leur consonmiation en Croment proportion-
nelle à celle de la ville de Puebla , on la
trouve de 6 millions de myriagrannnes. On
peut admettre , en calculant d'après la récolle
annuelle de l'intendance de Guadalaxara , que
dans les régions méridionales de la Nouvelle-
Espagne, dont la population mixte est évaluée
à 5,4^7,000, laconsonnnalion delromentdans
lescampagiies,estdeo/Soo,ooomyriagrammes.
En ajoulant 5,6oO;Ooo myriagrammes pour
il
C)\ LIVRE IV,
laconsoiiiinatloii tlesuTaiules villes iiilci ieurcs
de Mexico, de Pucbla et de Guanaviiiilo,
on trouve, ])our la consoiiiniation totale de la
IVouvelle - Kspat;nc, au delà de lo nûllions
de iiijriagTanunes, ou 1^280,000 seliers de
2/jo livres pesant.
Onpourroit être étonné de trouver, d'après
ce calcul , que les prosùncias internas , dont
la population n'est qu'un quatorzième de la
population totale, consonnnent plus que le
tiers de la réculte du Mexique : mais i! ne
faut pas oublier que , dans ces provinces
Si'ptentrionales , le nombre des blancs est à
la niasse totale des Espagnols ( ciéoles et
Européens) comme 1 ù o, et que c'est piin-
cipalement cette caste qui consomme les
farines de froment. Des 800,000 blancs qui
habitent la région équinoxiale de la Nouvelle-
Espagne , près de i5o,ooo vivent sous un
climat excessivement chaud , dans les plaines
voisines des eûtes , et se nourrissent de
manioc et de bananes '. Ces résultats, je le
répète , ne sont que de simples approxima-
tions; mais il m'a paru d'autantplus intéressant
* Voirez plus liant, p. a6
tlHAF'lTKi: 1\.
9'ï
cîc les publier, fjne^ tirjà peiwlanl mon séjour
à Mexico, ils ont fixé ralieutioii du vrou-
\ernemcnl. Ou est sur d exciter l'esprit de
reolierehes , lorscpi'ou avance un fait qui
interesse la nalion entière, et sur lequel on
n'a point encore hasardé de calculs.
1^11 France , la récolte totale en grains ,
c est-à-dire en froment, en seigle et en orge,
ctoit, selon Lavoisier , avant la révolution,
et par conséquent à une époque où la popu-
lation du rojaiune niontoit à 20 niillions
d'iiahitans , de 58 millions de scliers , ou
de()78() millions de kilogrannnes.Or, d'après
les auteurs de la Fcu/l/e dii, Cultivateur, le
fromciit récollé est en France, à toute la masse
<les grains, comme 0 : 17. Il en résulte que le
produit en froment seul étoil, avant 1780,
tie ij millions de setiers , ce qui est, en
s'arrèlant aux quantités absolues, et sans
considérer les populations des dejix empires,
à peu près treize fois plus que le froment
récolté au Mexique. Cette comparaison s'ac-
corde assez bien avec les bases de moa
estimation antérieure; car le nombre d'ha-
bltans de la Nouvelle -Espagne qui se nour-
iissent habituellement de pain de froment,
;
I -
il!
'
f
m
M
:i
I
nvi'.r îv
î/> - ,
nV'xrÎMh; p:is i ,.')4)(),(k>() ; cl il csl cIo plus
conmi , (jiie les L'iancois coiisoinmeiit plus
<le pain <|uc les ])(Mij)le.s <le race csjïa^nolc ,
surldut ceiiv ([iii liabilciit rVinéii<(uc.
IMais à cause de rexlrènie l'erlililé du sol,
les qunizc millions de nijria^ianinies de
fronienl ([ue [>!'oduil annuellenieul la JNou-
\clle-l*]sj).'.i;ne, sruîl rcci>lléssur une étendue
de leirain ([uatre à cinq lois plus pelile cpie
celle que la même récolle exi^eroilen France.
On doit s'atlcndie , il est vrai , à niesuie <jue
la popidalion mexicaine fera des pr()i>rès, à
voir diminuer celle fcrlililc (jue l'on peut
appeler moyciuic , et qui indiipie les a in<^t-
quatre <;Tains pour un, comme le produit
total des réeolles. Partout les lionunes com-
mencent par cultiver les teVres les moins
arides, et le produit ujoven doit diminuer
naturellement , lors(pie Tagrieulture embrasse
une plus grande étendue , et par conséquent
une plus grande variété de terrains. Mais
dans un vaste empire connue le Mexique ,
cet elTct ne se manileste que très-tard , et
l'industrie des liabitans aui»nienle avec la
population et avec le nombre des besoins.
Nous allons réunir dans un même tableau
cHApnnF. IX. 97
los ooiim)issaiice.s cjiie nous avons acquises
sur le produit luojen des céréales dans les
deux conlinens. Il ne s'agit ici ni des exemples
d'une ferlililé extraordinaire observée dans
une petite étendue de terrain , ni du blé
j)lanlé selon la pratique des Chinois. Le
produit seroit à peu près le même sous toutes
les zones, si, en (îhoisissant le terrain, oa
cullivoit les céréales avec le même soin
<pi'on donne aux plantes potagères. Mais en
traitant de l'agriculture en général , il ne
peut être question que de grands résultats,
de calculs dans lesquels la récolte totale d'un
pays est regardée comme multiple de la
quantité de IVoment semé. On trouve que
ce multiple , que l'on peut regarder comme
un des premiers élémens de la prospérité
des peuples , varie de la manière suivante :
5 à 6 grains pour un , en France , d'après
Lavoisier et Necker. On évalue, d'après
M. Peuchet , que 4,/|.oo,ooo arpens semés
en froment, donnent annuellement 528omil-
lions de livres pesant , ce qui fait 1 170 kilo-
grammes par hectare. C'est aussi le produit
moyeu dans le nord de l'Allemagne , en
111. 7
98
Lnnr. iv
t
PolDj^-nc, ot, selon M. lUilis , cii Suède.
Eli l^'rancc , on compte, clans cfiiclqnes
disU'icts éininoninient Ici lilcs clos dcparle-
niens de l'Escaut et du Nortl, ui pou»' un;
dans les bonnes terres de Picardie et de
risle de France, 8 à lo pour un, et dans
les terres les moins fertiles , 4 à 5 crains '.
8 à lorrains pour un , en llotii^iic , en Croalic
et en Kschwonie^ d'après les recherches de
M. Svvarlner.
12 grains pour un, dans le rojaunw de la
Plat(( , surtout dans les environs de Mon-
tevideo , d'après Don Félix Azara. Près de
la ville de Buenos- Ajres, on coniple jus-
qu'à i6 grains. Dans le Paraguay, la culture
des céréales ne s'étend pas au nord, vers
l'équateur, au delà du parallèle de 2/1 de-
grés ^
17 grains pour un, dans la partie septentrionale
du Mexique y et à la même distance de
l'équateurque le Paraguay etBuenos-Ayres.
24 grains pour un, dans la région équinoxiale
du Mexique , à deux ou trois mille mètres
* Peuchet, Statisiîque , p. 290.
* Voyage d' Azara j T. J, p. i4o.
1
riFAPiTRr IX. 99
de hauteur au-dessus du niveau de l'Océan.
On y compte 5ooo kilogrammes par hec-
tare. Dans la province de Pasto , que j'ai
traversée au mois de novembre 1801, et
qui fait partie du royaume de Santa-Fe ,
les plateaux delà Vega deSanLorenzo , de
Pansitara et d'Alrnaj^uer ' produisent com-
munément 25, dans des années très- fer-
tiles 35 , dan« des années froides et sèches,
12 grains pour un. Au Pérou, dans la
hclle plaine de Caxamarca "^ , arrosée par
les rivières de Mascon et Utusco , et cé-
lèbres par la défaite de l'Inca Atahualpa,
le froment donne 18 à 20 grains.
Les farines mexicaines entrent en concur-
rence, au marché de la Havane, avec les
iarines dçs Etats-Unis. Quand le chemin que
l'on construit depuis le plateau de Perote
jusqu'à Vera-Gruz, sera entièrement achevé,
le blé de la Nouvelle-Espagne sera exporté
pour Bordeaux , Hambourg et Bremcn. Les
* Lat. 1** 54' bor. Hauteur abolue , a3oo mèU'es,
' Lat. 7° 8' austr. Hauteur absolue , '^86u nièu-es.
Voyez mon Recueil d' Obseri^ations aatrononiiquas ,
VJ. I, p 3i6.
ÏOO
LIVRE IV
Mexicains auront alors un douille avantage
sur les habitans des Etats-Unis, celui d'une
plus grande fertilité du terroir, et celui d'une
main-d'œuvre moins chère. Il seroit bien inlé-
ressantjsous ce rapport, de pouvoir comparer
ici le produit moyen des différentes provinces
de la confédération américaine avec les ré-
sultats que nous avons obtenus pour le
Mexique ; mais la fertilité du sol et l'industrie
dçs babitans varient si fort de province à
province, qu'il est difficile de trouver le
terme moyen qui correspond à la récolte
totale. Quelle différence entre la belle cul-
ture des environs de Lancaster et de plusieurs
partie de la Nouvelle-Angleterre , et celle de
la Caroline septentrionale! « Un fermier
« anglois >j, dit l'immortel Washington dans
une de ses lettres à Arthur Young, « doit
« avoir une opinion extrêmement désavan-
« tageuse ( a horrid idea ) de l'élat de notre
« agriculture, ou de la nature de notre sol,
« s'il apprend qu'un acre ne produit chez
« nous que huit ou dix Lusliels, IMais il ne
« doit pas oublier que dans tous les pajs
« où les terres sont à bon marché , et où la
« main-d'œuvre est clièi e , on aime mieux
1'^
CHAPITRE IX. lOt
« cultiver beaucoup que cultiver bien. Ou
•< n j (aitgénéraleuient quc^/wi^6v' la terre,
« au lieu de la labourer avec soin. » D'après
les recherches récentes de M. Blodget, que
l'on peut regarder comme assez exactes , on
trouve les résultats suivans ;
Par acre.
Par hectare.
Dans les provinces
atlantiques, à l'est
des montagnes Al-
-
Icgljanys ,
en terres riches.
32 Ijushels.
i788kilogr.
en terres mé-
diocres
9
5o3
Dans le territoire de
l'ouest, entre les
i
Alléghanjs et le
Mississipi ,
en terres riclics.
4o
2235
en terres mé-
diocres
25
i%7
* « Much ground lias been scvatched over , and
« none cultivaled as it ouglit to hâve b«en. » (]elte
lettre iutéressaute a été publiée dans le StuLisUcul
102
LIVRK IV
On voit par ces donnces, que dans les in-
tendances mexicaines de PuehJa el de Gua-
naxualo, où rè^^ne, snr le dos des Cordillères,
le climat de Rome et de Naples, le lerroir
est plus riche et plus productif que dans les
parties les plus fertiles des Etats-Unis.
Comme depuis la mort du général Was-
hington les progrès de l'agriculture ont été
très-considérables dans la région de Vouest^
surtout dans le Kentuckj, le Tennessee et la
Louisiane^ je crois que l'on peut regarder
i5 à i4 hushcls cojnme le terme moyen des
récoltes actuelles, ce qui ne fait cependant
encore que 700 kilogrammes par hectare ,
ou moins de quatre grains pour un. En
Angleterre, on évalue communément larécolte
en froment de 19 à 20 bushels par acre, ce
qui donne 1100 kilogrammes par hectare.
Cette comparaison _, nous le répétons ici ,
n'annonce pas une plus grande fertilité du
sol de la Grande-Bretagne. Loin de nous
donner une idée effrajante de la stérilité
des provinces atlantiques des Etats-Unis, elle
Manuel for tJie United States y 1806, p. 96. Un acre
a 5368 mètres carrés. Un bushel de froment pèse
3o kilogrammes.
^
Il
CTiAprrnr ix.
o3
prouve seulement que ]>artoiil où le colon est
jiiaîlic d'une vasle étendue de terriiin, l'art
de cultiver le sol ne se pert'eclionne cfu'avec
une extrême lenteur. Aussi les mémoires de la
Société d'a^FÎculture de Pliiladelpliie offrent
différens exemples de récolles qui ont excédé
58 à /|0 hitslirls par acre , chaque l'ois qu'en
Pensylvatiic les cliiiinps ont élé labourés avec
les mêmes s;)ins qu'en Irlande et en Flandre.
Après avoir comparé le produit moyen des
terres au Blexique, à Btienos- Ayres, aux
Etals-Unis et en France , jetons un coup-d'œil
rajiide sur le piix de la journée dans ces
diffch'cns pays. Au 3Iexique, on la compte
de deux rcales Je pltita ( de 26 s.)us) dans les
régions froides, et de deux réaux et demi
(de 02 sous) dans les régions chaudes, où
l'on manque de bras et où les habitans sont
en général très - paresseux. Ce prix de la
main-do livre doit paroîlre assez modique,
lorsqu'on considère la lichesse métallique
du pays, et la quanlité d'ar^^ent qui y est
constamment en circulation. Aux Etals-Unis,
où les blancs ont repoussé la population
indienne au delà de l'Ohio et du Mississipi ,
la journée est de 5 livres 10 sous à 4 fiiuics :
[i
104 LIVRE IV,
en France , on peut IV'vahicr de ôo à /|0 sous ;
el au Bengale, d'après M. Tilzini»-, à 6 sous.
Aussi, malgré l'énorme différence du fret, le
sucre des Grandes Indes est à meilleur marché
à Philadelphie que celui de la Jamaïque.
Il sésulte de ces données, qu'actuellement le
prix de la journée, au Mexique, est au prix
de la journée
en France, ==^ 10 : 12
aux Etats-Unis, = 10 : 23
au Bengale, = 10 : 2
Le prix moyen du froment est, dans la
Nouvelle-Espagne, de quatre à cinq piastres,
ou de 20 à 20 francs la charge (carga) , qui
pèse i5o kilogranuiies. C'est le prix auquel
on achète dans les campagnes, chez le fermier
même. A Paris, depuis plusieurs années,
i5o kilogrammes de froment coûtent 5o fr,
A la ville de Mexico, la cherté du transport
renchérit tellement le blé , que le prix or-
dinaire y est de 9 à 10 piastres la charge.
Les extrêmes , aux époques de la plus granc'^
ou de la moindre ferlililé, y sont de 8 et
i4 piastres. Il est facile de prévoir que le
prix du blé mexicain baissera considérable-
CTIAPITT\r IX.
iof>
ment, lorsque les chemins serf)nt conslruils
sur la pente des Cordillères, et qu'une plus
grande liberté de eoinMicrcc linorisera les
progrès de i'agrieulture.
Le froment mexicain est de la meilleure
qualité; on peut le comparer au plus heaii
blé '''Andalousie : il est supérieur à celui de
Montevideo, qui, selon M. A/ara, a le grain
moitié plus petit que le blé rl'Iispagne. Au
Mexique , le grain est très-gros, très-blanc et
très-nourrissant, surtout dans les fermes où
l'arrosage est employé. On observe que le
froment des montagnes ( tn'^n de sierra ) ,
c'est-à-dire celui qui croît à de hvs-grandes
hauteurs, sur le dos des Cordillères, a le grain
couvert d'une pellicule plus épaisse , tandis
que le blé des régions teujpérées abonde en
matière glutineuse. La qualité des farint^s
dépend principalement de la proportion qui
existe entre le gluten et l'amidon ; et il paroît
naturel que, sous un climat qui favorise la
végétation des graminées, l'embryon et le
réseau celluleux ' de l'albumen, quelesphy-
* Mirhel , sur la gcrrninalion des grainint'<s.
{^Annales du Muifeitm d'histoire naturelle , Vol. Xlll,
p. i47.)
W'
loG
iiVRi: IV
H
siolo^'islesieg-ardent comme le siège principal
du gluten, de>iennent plus volumineux.
Au Mexique, le blé se conserve diflicile-
nicnl au delà de deux ou trois ans, surtout
dans les climats tempérés , et l'on n'a point
assez réfléchi sur les causes de ce phénomène.
Il seroit prudent d'établir des magasins dans
les parties les plus froides du pays. On trouve
d'ailleurs un préjugé établi dans plusieurs
porls de l'Amérique espagnole, celui que les
farines des Cordillères se conservent moins
long-temps que les farines des Etals- Unis. La
cause de ce préjugé, qui a été surtout très-
nuisible à l'agriculture de la Nouvelle-Gre-
nade , est facile à deviner. Les négocians
qui habitent les côtes opposées aux îles
Antilles, et qui se trouvent gênés par des
prohibitions de commerce , ceux de Car-
thagène , par exemple , ont un grand intérêt
d'entretenir des liaisons avec les Etats-Unis.
Les douaniers sont assez indulgens pour
prendre quelquefois un bâtiment de la Ja-
maïque pour un bâtiment des Etats-Unis.
Le seiiile et surtout l'or^je résistent mieux
au froid que le froment : on les cultive sur
les plateaux les plus élevés. L'orge donne
CH\riTT\E 1\.
107
encore des récoltes abondantes à des hauteurs
où le thermomètre se souliont rarement, de
jour, au delà de quatorze dej^rés. Dans la
Nouvelle -Galirornic, en prenant le terme
moyen des récoltes de Ircizc villaacs, Force
a produit, en 1791, vinql-cpiulre, en 1802,
dix-huit g-rains pour un.
L'avoine est très-peu cullivée au Mexique;
on la voit même assez rarement en Espa«,^ne,
où les chevaux sont nourris avec de l'orge,
comme du temps des Grecs et des Romains.
Le seigle et l'orge sont rarement attaqués
d'une maladie que les Mexicains appellent
chcujitistle , et qui détruit souvent les plus
belles récoltes de froment , lorsque le prin-
temps et le conmiencemcnt de l'été ont
été très-chauds, et que les orages sont fré-
quens. On croit communément que cette
maladie du grain est causée par de petits
insectes qui remplissent l'intérieur du chaume ,
et qui empêchent le suc nourricier de monter
jusqu'à l'épi.
Une plante à racine nourrissante , qui appar-
tient originairement à l'Amérique, h pomme
de terre ( Solnnwn tiiberosum ) , paroît avoir
été introduite au Mexique , à peu près à la
io8
LIVRE IV
même époque que les céréales de l'ancicii
conlinenl. Je ne tlécideiai point ia question
si les papas ( c'est l'ancien nom péruvien sous
lequel les poumies de lerrô sont aujourtriiui
connues dans toutes les colonies espagnoles )
sont venues au Mexique conjointement avec
le Scliinus molle ' du Pérou, et par consé-
quent par la voie de la mer du Sud; ou si
les premiers conquérans les ont apportées des
montagnes de la Nouvelle -Grenade. Quoi-
qu'il en soit, il est certain qu'on ne les con-
noissoit pas du temps de Montezuma, et ce
fait est d'autant plus important, qu'il est un
de ceux dans lesquels l'histoire des migra-
tions d'une plante se lie à Tliistoire des
migrations des peuples.
La prédilection qu'ont certaines tribus pour
la culture de certaines plantes, indique le plus
souvent, soit une identité de race, soit d'an-
ciennes connnunicalions entre des hommes
qui vivent sous des climats divers. Sous ce
rapport , les végétaux , comme les langues et
les ti\iits de la physionomie des nations,
peuvent devenir des monumens historiques.
> Hernandezj Lit. lU; c. \5, p. 54.
-I
CHAPITRE IX. 109
Ce ne sont pas scMileiucrit les peuples pasleiirs,
on ceux qui vivenl uiiiqueineiil de lâchasse,
qui, poussés par un cspiiliuquielel guerrier,
ciitrcprenuent de lunjiÇS voja«^es : les hordes
«l'oii^inc «germanique, cet essaim de peuples
qui, de l'intérieur de l'Asie se porta sur les
rives du Boryslhène et du Danube ; les san-
vagesde la Guajane nous offrent de nombreux
exemples de tribus qui, se (ixant pour
quelques années , défrichent de petites éten-
dues d^ terrain , y sèment les grains qu'elles
ont récoltés ailleurs; et abandonnent ces cul-
tures à peine ébauchées, dès qu'une mauvaise
année ou quelque autre accident les dégoûte
du site récemment occupé. C'est ainsi que
des peuples de race mongole se sont portés,
depuis le mur qui sépare la Chine de la
Tarlarie, jusqu'au centre de l'Europe; c'est
ainsi que, du nord de la Californie et des
bords du fleuve Gila, des peuples améT-i-
cains ont reflué jusque dans l'hémisphère
austral. Partout nous voyons des torrens de
hordes errantes et beHiqueuses se frayer un
chemin au milieu de peuples paisibles et
afjriculleurs. Immobiles comme le riva«^e,
ces derniers réunissent et conservent avec
I
•H
I 10
LIVRE IV
soin les plantes nourrissantes et les animaux
doniesli(]ues qui ont aceonipii«^rné les tribus
nomades dans leurs courses lointaines. Sou-
vent la culture d'un petit nombre de végétaux,
de même que des mots étrangers mêlés à des
langues d'une origine différente, sert à dé-
signer la route par laquelle une nation a passé
d'une e-\tr(Mnité du continent à Fautre.
Ces considérations, auxquelles j'ai donné
plus de développement dans mon Essai sur
la Géograj)hic des phintes , suffisent pour
prouver combien il est important pour l'iiis-
loire de notre espèce , de connoître avec
précision jusqu'où s'étendoil primitivement le
domaine de certains végétaux, avant que l'es-
prit de colonisation des Européens fut parvenu
à réunir les productions des climats les plus
éloig-nés. Si les céré les, si le riz ' des Grandes
Indes étoient inconnus aux premiers habitans
de l'Amérique, en revanche, le maïs, la
pomme de terre et le quinoa ne se trouvoient
cultivés ni dans l'Asie orientale , ni dans les
* Qu'est-ce que le riz sauvage dont parle M. Mac-
lenzie , gramiiiée qui ne croît pas au Jeta des 5o" tic
latitude , et dont les naturels du Canada se nourrissent
pendant riûvcr? {Voyage de Mackenzie ,\j p. i56. )
I
r.llAIM'mE IX. III
lies de la mer du Sud. Le niaïb a clé liilioduit
au Jiijxjii 'par lesCliiuuis, (|ui, selon l asser-
tion de quelques auteurs, doi\eiil l'avoir
connu depuis les temps les plus reeulés.
Celle assertion, si elle étoit rondce, jelleioit
du jour sur les anciennes eonuiiunieations
que l'on suppose avoir ex-isté entre les liabitans
des deux eonlinens. Mais où sont les nionu-
mens qui attestent que le mais ait éli'^ cullivé
en Asie avant le seizième siècle? i3'après les
recherches savantes du père Gaubil \ il
paroît même douteux que mille ans plutôt
les Chinois eussent visité les cotes occiden-
tales de l'Amérique, connue un historien
justement célèbre, M. de Guignes, l'avoit
avancé. Nous peisistons à croire que le maïs
n'a point été transplanté du plateau de Li
Tartarie à celui du Mexique, et qu'il est
tout aussi peu probable qu'avant la décou-
verte de l'Amérique par les Européens,
i
• 77iunbtrg , Flora Japoniva , p. ctj. Le maïs
s'appelle en japonois Sjo Kuso , et Ton KlblL Le
mot kuHo indique une plante herbaeée, et le mol too
aunoDce une production exotique.
'■' IManiuciils astronomiques des pères jésuites,
couservés au bureau des longitudes, à P^ris.
I
1 11
rivRff
IV
rcll*' ;;n»miiu'f |>r»'i'UMiso iiil ('le poflie du
iioii\(Mii conrniciil en Asie.
liii poiniiir lie li'i-rc nous pit'vsrnlc un aiili-(;
nrohiriiic hTs-<'iii it'ux , si on IVin isjoc sons
lin rapport liisloiicpie. Jl ]);it'oil ( iM-lain ,
conuno nons linons rapporté pins liant , (|nr;
rcilc j)lanlo, dont la onitnic a en la pins
Jurande iniliienee snr les pro;^ivs de la po|>n-
lalion en hairope, n'étoit pas eonnne au
IMexixpie avant l'airivée des l']s])ai;iio's. Mlle
fut rulliM'e à celle époqne au (iliili, au
J\'rou, à Quito, dans le royaunie di; la
Nouvelle-Grenade, sur lonU; la (lordillère
des Andes, depuis les /|(>'» de latitude australe
juscpie vers les 5o*' de latitude boiéale. Les
botanistes snpposent qu'elle eioît sjMnitané-
uient dans la j>arlie numtueuse du Pérou.
D'un autre coté, les savans (pii ont fait des
reelicrchcs sur 1 inlroduetion des ponnnes
de terre en Eurojîc, assnient qu'elle fut aussi
trouvée en V infinie , paj' les preiuiers colons
que Sir Walter Ralei«;'li y envoya en likS/,.
()r_, eouîuient concevoir c[u'une plante qu'on
dit appiirtenir orioinaireuient à riu'inisplièrc
austral, se trouvoit cultivée au pied des monts
AJléylianys , tandis qu'on ne la connoissoit
r.iiwirnr. ix,
til
point an M(*xi(]no ri dans les r/'j^ions mou-
tueuses cl UMiipcrces <les ilrs Aiiliiles? Ilsl-il
prol>iil)le que «les Irihus p('*ru> i(>nnes îuent
pénétré verslenor<l, jusqu'aux: rives du lla-
paliannoe,en Vir«^iui(î , ou les pouinies do
terre soiil-elles venues du nord au su<l, eonirne
les peuples qui , depuis le seplièine siî'cle, ont
))aru sueecssivemenlsur le|)laleau d \naliu;ie?
Dans l'une el Taulre dtî ces hjpollièses, eoui-
Dient celle cullure ne s'csl-elh; pas introduite
ou conservée au Mcîxiquc? Voilà des questions
peu agitées jusqu'ici, el cepeiidanl hien dignes
de fixer l'allenlion du ])liysicien , qui, ca
oi]d)rassanl d'un couj)-d'(eil l'iidluencc de
riioinine sur la nature , el la réaction du
mondes physique sur riioniuic, croil liie dans
la dislrihulion des vt''«^élaux riiisloire des
premières mi;^'rulions de notre espèce.
J'o]>scrve d abord, pour ne consigner ici
que des faits cxacls, *pi(; la ponmuî de terre
n'est pas indigène au Pt'ron, et qu'elle ne se
trouve nulle pail sauvage dans la partie des
Cordillères ([ui est situt'e sous les tropiques.
Nous avons, M. Jjonpland et moi , lierhorisé
sur le dos et sur la pente des Andes, dej)uis
1(
>v>
es :)" nord juscpiaux 12'
sue
1
m.
nous avons
8
1 1 \ i.îvnE IV ,
pris <!os infornuilions clie/ ck.'S personnes qui
ont ( vaiifim'' celte cliaînc de înonlagnes co-
lossales jusqu'à la Piî/ et k Oriiro, et nous
sonnnes SUIS (pie, daiîs cette vaste éîenclue de
terrain , il ne végète spontanénicnl aucune
espèce de solanées à racines nourrissante^. Il
est vrai qu'il y a des endroits peu accessibles
et très-froids, que les naturels appellent Prt-
ramos de las papas ( plateaux déserts des
poiuiiies de terre ) ; mais ces dénominations ,
dont il est diificile de deviner l'orioine ,
n'indi(pient guère que ces grandes hauteurs
produisent la plante dont elles portent le
nom.
En passant plus au sud , au delà du tropique,
on la trouve , selon Molina ' , dans toutes les
canqjagnes du Chili. Lcsnattirels y distinguent
la pomme de terre sauvage, dont les tuber-
cules sont petits et un peu amers , de celle qui
y est cultivée depuis une longue se lie de
siècles. La première de ces plantes ]iorte le
nom de inai^lia , et la seconde celui àcpogiij.
On cultive aussi , au Chili , une autre espèce de
solanum, qui appartient au même groupe, à
* Jliat. nal. du Chi'i , p. 102.
\
i
CHAPITRE IX.
l\5
ieuilles j^nnccs el non épineuses , et qui a la
racine très-douce , et d'une forme cylindrique.
C'est le Solatimn cari , qui est encore inconnu
non-senlenient en Europe, mais même à
Quito et au Mexique.
On pourvoit demander si ces plantes utiles
à l'homme, sont vraiment ori<i»inaircs du
Chili, ou si, par l'eflet d'une longue culture,
elles y sont devenues sauvages. La même
question a été laite aux voyageurs qui ont
trouvé les céréales croissant spontanément
dans les montagnes de l'Inde et du Caucase.
MM. Piuiz et Pavon , dont l'autorité est d'un
grand poids, disent avoir trouvé la pomme de
terre dans les terrains cultivés, in ciiltis, et non
dans les forêts et sur le dos des montagnes.
Mais on doit observer que chez nous, le
Solanum et les dilïéren les espèces de blé ne se
propagent pas d'elles-mêmes d'une manière
durable , lorsque les oiseaux en transportent
les graines dans les prairies et dans les bois.
Partout où CCS plantes paroissent devenir sau-
vages sous nos )eux, loin de se mnltiplier
con)me l'Iilrigeron canadense , l'Oenothera
biennis, et d'autres colons du règne végétal,
elles disparoissent dans uu court espace de
8*
m
m
f
1
m
H ■■;
ii6
LIVRE IV
temps. T.e lua'j^lia du Chili, le blé tics rives dn
Teiek ' et le froment de montagnes i^Hlll-
, wlwal ) du Bon tan , que M. Banks "' vient
de faire connoîtrc, ne seroient-ils pas plutôt
le type primitif du Sulanum et des céréales
cultivées?
Il est probable que des montagnes du Cliili,
la culture des pommes de terre a avancé peu
ù peu vers le nord, parle Pérou et le rojamne
de Quito, jusqu'au plateau de Bogota, l'an-
cien Cundinamarca. C'est là aussi la marche
qu'ont tenue les Incas dans la suite de leurs
conquêtes. On conçoit aisément pourquoi ,
long-temps avant l'arrivée de Manco-Gapac ,
dans ces temps reculés où la province du
Collao et les plaines de Tiahuanacu étoient
le centre de la première civilisation des
hommes ^, les migrations des peuples de
1 Amérique méridionale dévoient plutôt se
faire du sud au nord , que dans une direction
opposée. Partout dans les deux hémisphères,
les peuples montagnards ont manifesté le
* j\Iai\^c]iall dti Biheratein, sur les bords occldeniaiix
de la mer Caspieiine , 1798 , p. 65 et io5.
" Hibl. hriU. , 1809, "• ^22 , p. 8G.
'^ Pedro C'u'çade Leou , v. io5. Garcildsso j III, i.
CTIAl'ÎTRr 1\
I 1
7
111
désir de se rapprocher de l'cqualenr, ou du
moins de la zone torride, qui, à de grandes
hauteurs, offre la douceur du clinial et les
autres avantages de la zone tempérée. En
longeant les Corddlères , soit depuis les boids
du Gila jusqu'au centre du Mexique , soit
depuis le Chili jusqu'aux belles vallées de
Quito , les indigènes trouvèrent aux mêmes
élévations , et sans descendre ve^s les piaines,
une végétation plus vigoureuse, des gelées
moins précoces, des neiges moins abondantes.
Les plaines de Tiahuanacu (lat. 17» 10' sud),
couvertes de ruines (Wme grandeur impo-
sante, les bords du lac de Chueiiito, bassin
qui ressejuble à une petite mer intérieure ,
sont l'Himala et le Thibet de l'Amérique
méridionale. C'est là que les hommes , ««ou-
vernés par des lois , et réunis sur un sol peu
fertile, se sontadoimés les premiers à l'agri-
culture. C'est de ce plateau remarquable ,
situé entre les villes de Cuzco et la Paz , que
sont descendus des peuples nombreux et
puissans, qui ont poi té leurs armes , leur
lapgue et leurs arts jusque dans l'hémisphèie
boréal.
Les végétaux qui éloicnt l'oLjct de l'agri-
ii8
LIVRE IV
culture (les Andes, ont rcfhié vers le norfî,
de deux manières, on pnr les eonq'iètes des
Incas, qui éloicnt suivies de rélaMisscuient
de quelques eolnnie; périn ieniies dans le
pays oceupé ., c.\i par les eoJî.nuniiealions
lentes, niais paisibles, qui ont toujouis lieu
entre des peuples voisins. Les souverains de
Cuzco ne poussèrent pas leurs eonqujtes au
delà de la rivière de Mayo (lat. i<* 34' bor.) ,
qui coule au nord de la ville de Pasto. Les
pommes de terre , que les Espagnols trou-
vèrent culliv/'es chez les penples ]Mi]yseas ,
dans le royaume du Zaque de Bogota ( lati-
tude /|*» G' bor. ) , ne peuvent donc y être
vennes du Pérou que p<ir l'efTet de ces rapports
qui s'établissent peu à peu , même cTitre
des peuples montagnards séparés les uns des
autres par des déserts couverts de neige , ou
par des vallées qu'on ne peut francLir. Les
Cordillères, après avoir conservé une hauteur
imposante, depuis le Chili jusqu'à la province
d'Antioquia, s'abaissent tout d'un coup vers
les sources du grand Rio Atraeto. Le Clioeo
et le Darien ne présentent qu'un groupe de
collines qui, dans l'isthme de Panama , a seu-
lement quelques centaines de toises de hauteur.
CTTAPÎTRE IX.
ïiO
La culture de lu poniiue de len o ne réussit
bien entre les tropiques que sur des plaîeaux
Irès-élevés , dans un clinial IVoid cl hrucneux.
.L'Indien des pays chauds préfère le uiaïs , le
manioc et la banane. En outre , le Gîioco ,
le Darien et Tistliine , couverts d é])aisses
forets , ont été habités de tout temps par «les
bordes de sauvages et de cliasseui\s, ennemis
de toute culture. Il ne faut donc pas s'éionner
que la réunion de ces causes physiques et
morales ait empêché la pomme de terre de
pénétrer jusqu'au jMexique.
Nous ne cou Moissons j)as un seul fait par
lequel Ihistoire de rAinéri<[iie méridionale
soit liée à celle de l'Amérique septenlrioualc.
Dans la Nouvelle - Espajvne , comme n<)us
l'avons déjà observé plusieurs fois, le mou-
vement des peuples va toujours du nord au
sud. On croit reconnoître ' une gran(ie ana-
logie de mœurs et de civilisation en lie les
Toulléques, qu'une peste j)aroit avoir chass(\s
du plateau d'vVnahuae, au miheudu douzième
* J'ai disculé ccUe liypollièsc rurii-uso du c1u'vali( r
Boluriiil jdaiis nn)n Mémoire sur les pnsuicrs liahitaiis
<1e rAm«''ri(]uc. ( LùiT die ti\-'Ukei. ) Xcuf /i./iifi:.
Monalac/uifl , 1806, p. 2o5.
;>j
If
ÎH
" :^.:l
U\
i
I
i
120
LIVRE IV
» Il
1
siècle , et les Péruviens gouvernes parManco-
Capac. Il se peut que des peuples sortis
d'Aztlan se soient avancés jusqu'au delà de
Fisthme ou du golfe de Panama; mais il est
peu probable que , par des migrations du
sud vers le nord, les productions du Pérou,
de Quito et de la Nouvelle-Grenade, aient
jamais passé au IMexique et au Canada.
Il résulte de toutes ces considérations, que
si les colons envoyés par Raleigh ont effec-
tivement trouvé des pommes de terre parmi
les Indiens de Virginie , il est difficile de se
xefuser à l'idée que cette plante n'ait été
originairementsauvage dans quelque? contrées
de l'hémisphère boréal, comme elle l'étoit
au Chih. Les recherches intéressantes faites
par M3I. Beckmann , Banks et Dryander '
prouvent que des vaisseaux qui revenoient
de la b.iie d'Albemarle , en i586, portèrent
les premières pommes de terre en Irlande,
* Bechinauns Griindacetze der teutschen Landwirth-
scli afl , iHo6 , p. uHi). Sir Joseph Banks f an attempt
to aster lain the tiine oflhe introduction ofpotatos, : 808,
La pomme de terre est cultivée en grand dans î^. Lan->
caslïire, depuis 1 <'84 ; en Saxe, depuis 17 17 j eu£cosse,
depuis 1728 j en Prusse, depuis 1738.
i
CHAPITRE IX.
121
et
Thoiiiîis IL
>t, nli
Mi
comme
iiiulliématicien que comme na\i^aleur, dé-
crivit cette racine nourii.ssaiile scms le nom
d'opcnaw/i, GcrarJ, dans son 7A'/'///// publié
en 1697, la nomme patate de Virginie , ou
nore/ti6ega. On ponrroit être tenté de croire
que les colons anglois ra\ oient reçue de
l'Amérique espa;^nole. Leur établissement
cxisloit depuis le mois de juillet de l'année
i584. Les navigateurs de ce temps, pour
attérir sur les cotes de l'Amérique septen-
trionale , ne l'aisoient point roule dirccle vers
l'ouest : ils étoient encore dans l'usaiie de
suivre le chemin indiqué par Colomb, et de
profiter des vents alises de la zone torride.
Ce trajet facililoit les communications avec
les îles Antilles, qui éloient le centre du
commerce espagnol. Sir Francis Drake, qui
\enoit de parcourir ces mêmes îles et les
cotes de la Terre-Ferme , a voit touché à
Roanoke ', en Virginie. Il paroît donc assez
I!
:M
m
* Roanoke el Albpiiiarle , où Antldas et Barlov
avoirnt fait lour prtmiior élabtissemeut, apparlieunent
au;Oiir(riiui à l'étal de la Caroline septentrionale. Sur
la colonie de Ralci^h , consultez MarohaWa Life of
122
LIVRE IV
I' 'k
nalurcl de supposer que les An^lois ciix-
nHjines avoientporlé les patjiles de rAiiiéri(|ue
jiiériclionalc ou du Me.viipie vn Virginie.
Lorsqu'elles fiirent envoyées âo, Vir«»iiïic en
Angleterre , elles éloient déjà coinniunes en
Espii^ne et en lUilie. 11 ne l'audroit donc pas
s'élonner qu'une production qui avoit passé
d'un conlinenl à l'autre, ait pu parvenir, en
Amérique descolonies espagnoles aux colonies
angloises. Le noin seul sous lequel Ilarriot
décrit la pomme de terre paroit prouver son
orioine virjTi-inienne. Les sauvay^es auroient-ils
eu un mot pour une plante étrangère, et
Ilarriot n'auroit-il pas connu le nom de
Papas P
Les cultures qui appartiennent à la partie
la plus élevée et la plus froide des Andes et
Cordillères mexicaines , sont celles de la
pomme de terre, du ïropocolum esculentum '.
* Celte nouvelle espèce de capucine , voisine du
Tropaeoluni peregrinum , est cultivée, clans les pro-
vinces de Popayan et de Paslo , sur dos plateaux de
3ooo mètres de hauteur absolue. Elle sera décrite dans
un ouvrage que nous publierons, M. Bonpland et
moi , sous le titre de .Noi>a gênera et specles plantarum
cL'quinocliaUum,
:
ï -f
f
Cn\?ITl\F. 1\.
lo»
3
et du Clienopodiiini qiiino.» , dont la ;;^raiiip
est un aliment aussi agrr;il>l(! ([«m^ sain. Dans
la Nouvelle - Kspagnc , la première» de ees
cultures est d'autant plus importante et d'au-
tant plus étendue , qu'elle ne doinamle pas
un sol très-liumide. Les JMexieai'iS, comme
les Péruviens , sa>ent conserver les pommes
de terre pendant des années entières , en les
exposant à la gelée, et en les séchant au
soleil. La racine durcie et piivée de son eau,
s'appelle cJiuiiii , d'après un mot de la langue
quieliiia.il seroitsans doute Irès-ntde d'imiter
cette préparation en Europe, où un commen-
cement de germination Lit perdre souvent
les provisions d'hi>er. Mais il seroit plus
important encore de se procurer la graine
des pommes de terre cultivées à (^)uiîo et
sur le plateau de Santa-Fe. J'en ai vu d'une
forme spliérique, de plus de trois décimètres
( douze ù treize pouces ) de diamètre , et
d'un goût beaucoup meilleur que celles de
notre continent. On sait que certaines plantes
herbacées qu'on a pendant long-temps mid-
tipliées de racines, finissent par dégénérer,
surtout lorsqu'on a la mauvaise habitude d«
couper ces racines en plusieurs pièces. L'ex-
II
'. vM
/fil; I
I2/|. LIVRE IV,
pt rience a prouvé, clans quelques parties de
rAIlcnia«,nie, que, de toutes les pommes de
terre, celles venues de graines sont les plus
savoureuses. On parviendra à améliorer Tes-
pcce , en faisant recueillir la graiue dans son
pajs natal, et en choisissant, sur la Cordillère
des Andes même, les variétés les plus recom-
mandables par le volume et la saveur de
leurs racines. Nous possédons depuis long-
temps en Europe une patate que les agro-
nomes connoissent sous le nom de patate
rouge deBedrordsliire, et dont les tubercules
pèsent aîi delà d'un kilogranmie ; mais cette
varié le (^ con^lonicratedpotatoc) est d'un goût
fade , et ne sert presque qu'à la nourriîure
des bestiaux; tandis que \ixpapa de Bogota ^
qui L^rilicnt moins d'eau, est très-farineuse,
légèrement sucrée, et d'une saveur infiniment
agréable.
Parmi le grand nombre de productions
utiles que les migrations des peuples et les
navigations lointaines nous ont fait connoître,
aucune plante, depuis la décou^erte des cé-
réales, c'est-à-diie , depuis un temps immé-
morial, n'a eu une influence aussi marquante
sur le bieu-ètre des haniuies , que la pomme
'iî
CHAPITRE IX.
1:2:1
de leiTC. Cette culliire, (raprès les eaKuiU
de Sir Jolin SiiicLûr , pcul nourrir neuf in-
dividus par acre de 5jGS mètres carrés, lîllle
est devcuue couiniune dans la Nouvelle-Zé-
lande ', au Japon, à l'ile de Java, dans le
Boulan et au Bengale, où, selon le témoi-
gnage de M. Bockford , les patates sont
regardées connue plus utiles que l'arbre à
pain introduit à Madras. Leur culture s'étend
depuis l'eivlrémilé de l'AIrique jusqu'au La-
brador y en Islande et en Laponie. C'est un
spectacle bien intéressant que de voir une
plante descendue des montagnes placées sous
l'équaleur, s'avancer vers le pùle , et résister
plus que les graminées céréales, à tous les
frimas du nord!
Nous venons d'examiner successivement
les productions végétales qui sont la base de
la nourriture du peuple mexicain , la banane ,
le manioc y le maïs et les céréales. Nous avons
taché de répandre quelqu(^ intérêt sur cet
objet, en comparant l'agricr-lture des région^
équinoxiales avec celle des climats tempères
de l'Europe , et en liant l'histoire de la mi-
■ o
I •■ 4
1 •«
* JohnSavagsaccountof Ntii^v ZeaLanJ, 1807, p. 18.
Il
l'id
LIVRE IV ,
^ration des vcgélaux aux évciicineiis qui ont
fait rcHucr le yciirc humain d'une partie du
^lobe vers l'autre. Sans entrer dans des détails
Lotani<]ues ([ui scroienl élian^ers an but
priui'ipal de cet ouvrage , nous terminerons
ce cliapitre en indiquant sucrinetement les
autics plantes alimentaires qui se cultivent au
Mexique.
Un <»rand nond)re de ces plantes a été
introduit depuis le seizième siècle. Les Iwhilans
de l'Kurope occidentale ont déposé en Amé-
rique ce qu'ils a voient reçu , dcj)uis deux
mille ans , par leurs communications avec
les Grecs cl les Romains , par l'iriuption des
]ior<lcs de l'Asie centrale , par les conquêtes
des Arabes, ])ar les croisades et par les navi-
gations des Portugais. Tous ces trésors vé-
gétaux , accumulLS dans une extrémité de
l'ancien continent, par le mouAcment constant
des peuples vers l'ouest , conservés sous
rinnuence heureuse d'une civilisation toujours
cr(3issaiUc , sont devenus presque à la lois
riicrilai^e du Mexique et du Pérou. Plus tard,
nouslcsvo^y ODS augmentés par les productions
de rAiîiéiique , passer plus loin encore, aux
îles de la mer du Sud , à ces établissemens
(.11 A PU ri: IX. li'j
cuniii |)tMi[)lc puissant \i('iit dt; f<irin(.'r sur
les colt's tic la ^cm^t•llo-IJ^^II;m(lc. C'tîsl ainsi
tjno le plus pclit coin tic la Icric , s'jl<lc\icnl
le tloniainc tics colons cnrtipccns , snilout
s'il j)i cscnlc nnc «^lantlc variclc de cliinals ,
allcslc l'aclivilc tpic noire espèce a (hplovéc
tlcpiiis tics siècles. Une colonie rcunil tlans
ini espace c-lroil ce tpie l'honnnc crraut a
dccouverl tic [)lus piccieux sur toute la sur-
face du j^lobc.
L'Ame rifpie est cxlrtjmenicnt riche en
véj^ctaux à racines nourrissantes. Après le.
manioc et les papas ou pommes de terre ,
il n'y en a pas de ])lus utiles pour la subsistance
du pei]]>le tpie ïoca ( Oxalis tuberosa) , la
hatdlr et ï/i^fi(t/no. La première de ces p" .-
duclious ne vient ([ue tlans les pays Croitls
et tempérés, sur la cime et la ])cnle des
Cordillères; les deux autres apparliennent à
la région chaude du Mexitpie. Les historiens
espagnols qui ont décrit li découverte de
FAniérinue , confondent ' les mots d'd.ic^s et
de bâtâtes j quoique l'un désigne une plante
du groupe des asperges, et l'autre un con-
^olvulus.
* Gufnara j Lib. 111, c. yi.
1
^1
#
SB
M
U
128 LIVRE tV,
JJigname ou Dioscorea alata y comme lo
bananier , paroît propre à toute la région
équinoxiale du globe. La relation du voyage
d'Alojsio Cadamusto ' nous apprend que
cette racine étoit connue des Arabes. Son
nom américain peut même jeter quelque jour
sur un fait très-important pour l'histoire des
découvertes géographiques , et qui ne paroît
pas avoir fixé jusqu'ici l'attention des savans.
Cadamusto rapporte que le roi de Portugal
avoit envoyé, en l'année i5oo, une flotte
de douze vaisseaux autour du cap de Bonne-
Espérance , à Galecut , sous les ordres de
Pedro AHares. Cet amiral, après avoir vu
les îles du cap Vert, découvrit une grande
terre inconnue , qu*il prit pour un continent.
Il j trouva des hommes nus, bruns, peints
en rouge , a cheveux très-longs , s'arrachant
la barbe , se perçant le menton , couchant
dans des hamacs , et ignorant entièrement
l'usage des métaux. A ces traits , on reconnoît
facilement les indigènes de l'Amérique. Mais
c£ qui rend surtout probable qu'Alia.^es a
^ Cadamufttl Nawiijatio ad terras incogmtas. ( Gry-
tiœus Orh. nov., p. 47.)
a
CHAPITRE IX. 129
aborde, soit à lu cote de Paria, soit à celle
de la Guajane, c'est qu'il dit j avoir trouvé
cultivé UQC espèce de millet (du maïs) , et
une racine dont on fait du pain , et qui porta
le nom d'igname.. Vespucci , trois ans avant
Aliares , avoit entendu prononcer ce méine
mot par les habitans de la cote de Paria.
Le nom haïtien du Dioscorea alata est axes
ou ajes. C'est sous cette dénomination que
QoXonih àécTÏiY igname y dans la relation de
son premier voyage; c'est celle aussi qu'elle
avoit du temps de Garcilasso , d'Acosta et
d'Ovicdo ' , qui ont très-bien indiqué les
caractères par lesquels les axes se distinguent
des bâtâtes.
Les premières racines du Dioscorea ont
été transportées en Portugal, en 1596, de
la petite île de Saint-ïhomas , qui est située
près des cotes d'Afrique , presque sous lé-
quateur \ Un vaisseau qui conduisoit des
esclaves à Lisbonne, avoit embarqué ces
ignames pour servir de nouriiture aux Nègres
* C/u'istophori Columbi Navlgatio , c. 89. Comeri'
tarios P^eaU's , T. I, p. 278. Historla natural de
Jndias , p. 242. Oviedo , Lib. III, c. 7.
^ Clusil rarioiitm plantarum hist. , Lib. IV, p. 77,
lii.
i'ti
iir.
9
i3o
LTVRK IV
pendant la traversée. Par des circonstances
senihlaLlcs , plusieurs plantes alimenlaires de
la Guinée ont été introduites aux Indes occi-
dentales : on les a propa^^jées avec soin pour
fournir aux esclaves la nourriture a laquelle
ils sont accoutumés dans leur pavs natal. On
observe que la mélancolie de ces êtres
infortiniés diminue sensiblement, lorsque,
débarqués dans une terre nur.vcllc , ils re-
connoissent les plantes qui ont entouré leur
berceau.
Dans les ré«^ions cliaudc^ c\ colonies
espagnoles , les babitans distinguent Vajre
des Tidmas de Guinea. Ces derniers sont
venus des cotes d'Afi'i([ue aux îles Antilles ,
et le nom à' igname y a j^révab; peu à peu
sur celui d'ri;re. Ces deux plantes ne sont
peut-être que des variétés du Dioscorea alata,
quoique Brown ait cbe cbé à les élever au
rang d'espèces , oubliant que .la l'ornK- Jr s
feuilles des ityiianies change sinyulicn ; fiiï
par la culture. Nous n'avons nulle part trouvi
la plante que Linné appelle D. sativa ' ; elle
* Thunborg assure cepeiulant l'avoir vue cultivée au
Japon. Il existe uue giaiicle coufusiuu dans le gcnr«
la ta,
au
Jns
Li V é
elle
îe au
CHAPITRE IX.
i3
n'existe pas non plus dans les îles de la nier
du Sud, où la racine du D. alata, mêlée au
blanc de la noix de cocos et à la pulpe de
la banane , est le mets favori du peuple
taïtieii. La racine de l'igname acquiert un
volume énorme, lorsqu'elle se trouve dans un
terrain fertile. Dans les vallées d'Aragua > dans
la province de Caracas , on en a vu qui
pesoient de 25 à oo kilogrammes.
Les bâtâtes sont désignées au Pérou sous
le nom à'apichu , iui Mexique sous celui de
cnmotcs y nom qui est une corruption du mot
aztèque cacamotic ' : on en cultive plusieurs
variétés à racines blanches et jaunes; celles
de Queretaro , qui croissent dans un climat
analogue à celui de l'Andalousie , sont les
plus recherchées. Je doute fort que les bâtâtes
.aient jamais été trouvées sauvages par les
Dîoscorea , et il seroit à désir ' qu'on en fit une mono-
graphie. Nous avons rapporté un grand nombre de
nouvelles espèces , qui se trouvent en partie décrites
dans le Species plaritaruTti publié par M. WîUdenow,
T. IV, P. I., p. 794-796.
' * Le Cacamotic - tlanoquiloni ou Caxtlatlapan ,
figuré ^ans Ilernandez , c. 54, paroît être le Convol-
vulus jalapa. > .. ,,• ^mx^,
9*
4
'^rt .
u
I m
i f ; ■ .
ÎS'iJ
,i3:
LIVRE ÏV
navigateurs espagnols, quoique Clusius Tait
avancé. J'ai vu cullivé dans les colonies, outre
le Coiwolvuhis hatatas y le C. platanifolius
de Valil , el j'incline à croire que ces deux
plantes, XUniuva de Tahiti (C clu'ysorrhizus
de Solander ' ) et le C. ediilis de Thunberg ,
que les Portugais ont introduit au Japon ,
sont des variétés devenues constantes , et
descendent d'une même espèce. Il seroit
d'autant plus intéressant de savoir si les bâ-
tâtes cultivées au Pérou , et celles que Cook
a trouvées dans l'île de Pâques , sont les
mêmes, que la position de cette terre et les
monumens qui y ont été découverts, ont fait
soupçonner à plusieurs savans qu'il apu exister
d'anciens rapports entre les Péruviens et les
habitans de l'île découverte par Roggeween.
Gomara raconte que Colomb, après son
retour en Espagne , lorsqu'il parut la pre-
mière fois devant la reiri^ Isabelle, lui offrit
des {j^rains de maïs , des racines d'ignames et
des bâtâtes : aussi la culture de ces dernières
étoit-elle déjà commune dans la partie mé-
ridionale de l'Espagne , vers le milieu du
* Forutar j Plantœ eseuîentœ , p. 5a.
'! •
!
CHAPITRE IX.
33
ba-
seizièine siècle ; en i%)i , on en vcndilnicine
au niiircbc à Londres '. On croit conniiu-
nénient que le célèbre Drake ou Sir John
Hawkinsles ont Tait connoîlre en Angleterre ,
où on leur attribua pendant lon«^-tcm])s les
propriétés mystérieuses pour lescpielles les
Grecs reconimaudoientles or^nons de Méofare.
La culture des halulcs réussit très-bien dans
le midi de la France. Elle a])esoin de moins de
chaleur que l'igname , qui d'ailleurs, à cause
de l'énorme masse de matière nourrissante
que fournissent ses racines , seroit de beau-
coup préférable à la pomme de terre , si
elle pou voit être cultivée avec succès dans
les pays dont la température moyenne est
au-dessous de dix-huit deicréscenli^rades.
Il faut encore compter parmi les plantes
utiles propres au Mexique, le Cacoiuite ou
YOccloxocJiîll y espèce de Tigridia, dont la
racine donuoit une faiine nourrissante aux
habilans de la vallée tle Mexico; les nom-
breuses variétés de ponmies d'amour ou
Tofitdll ( Solanum lycopersicum) , que l'on
semoit jadis entremêlées au mais ; la pistache
ici
* ciusiu^ , m, c 5i.
i[^
l34 LIVRE IV 5 .
de Icrrc, ou mani ' ( Aracliis hvpogca ), dont
le fmit se eaclie dans la terre, et qui paroît
avoir exisié en AlViqnc el en Asie , surtout
en Coehineîiine % long-temps avant la dé-
couverte de TAniérique ; enfin les différentes
espèces de piment ( Capsieuni baecatum ^
C. annuum , et C. frulescens ) , que les
Mexicains appellent chiUl j et les Péruviens
itchii , et dont le finit est aussi indispensa-
blement nécessaire aux indigènes , que le
sel l'est aux blancs. Les Espagnols nomment
le piment clu'lc ou a:ri ( ahi ). Le premier
mot déri>e de (junnh-cJiilli , le second est
im mot haïlicn qu'il ne faut pas confondre
avec luvo , qui , comme nous l'avons observe
plus haut, désigne le Dioscorea alata.
.le ne me souviens pas d'avoir vu cultiver ,
dans aucune parlic des coloiiies espagnoles,
les topincnihours ( ffelianllîus luberosus ) ,
qui . d'après j\[. Correa , ne se trouvent pas
même au Brésil, quoique dans tous nos ou-
* Lo mol tle INlani, comme la plupart tle ceux que
les colons espagnols tlonneut aux plantes cultivées ,
csl lire tîc la langue (Vllaïll, qui csl aujounrhut une
langue morte. Au Pérou, l'Arachis s'appela inchic.
' Lvuniro , lïora Coc/ùnc/iitiehsiti ^ p. 522.
<;iiAPiTr.r i\.
iJ!>
1
vraiTCs t
le l)t)ti
uiiriiie on
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isc oriiiinniies
(lu pays (les lîiésilieiis Topiiuinihas. Le cJti-
nKildll ou soleil à «îraiides llems ( lii^'liantlius
)
niniius ) , est venu (
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spî
I
eroii a
lis (1:
la N
ouvc
Ue-
>li
igne : on le seinoit )ailis dans jiiusieurs
parties de l' Aniéricjiie espagnole , non-seu-
Icnicnl j.'onr lirei* de 1 linile de ses «graines,
mais ponr les rolir et en laire un nain Ires-
r
nourrissant.
l'ail
1
,e /•/
z (O
rvza saliva
) éloit
P
nieonnu aux
peuj
►les d
u nouveau continent eonnne, aux:
hahitans des îles de la mer du Sud. Chaque
fois que les premiers historiens se servent de
l'expression petit riz du Pérou ( arroz pc^
queno^) , ils veulent désigner le Chcnopodiiim
(ji/ifioa ^ que j'ai trouvé très-conunun au Pérou
et dans la belle vallée de J3ogota. La culture
du riz, que les Arabes ont introduite en Eu-
rope ', et les Espa«^*nols en Amérique , est de
peu d'imporlanee dans la Nouvelle-Espagne.
La grande sécheresse qui règne dans l'inté-
rieur du pays, paioîl s'opposer à ce genre de
* I^es Groos roiinoissoiciit le riz sans le cultiver.
Arislobule (.lie/ Slrahun, IJ1).XV, pag. Ca^auh. lOii.
— T'i.ophr., Lib. IV, c. 5. — Vioscur. , Lib. IJ, c. ii6,
p. Sarac. i'Jlj,
l i
II
l>
l36 LIVRE IV,
culture. On n'est pas d'accord à Mexico , sur
l'utililé que Ton ])ourroit tirer de l'intro-
duction du riz (le inoîitdgne y qui est commun
en Chine et au Japon , et que connoissenttous
les Espa«»'nols qui ont habité les îles Philip-
pines. Il est certain que ce rh de montagne y
tant vanté dans ces derniers temps, ne vient
que sur la pente des collines qui sont arrosées
ou par des torrens naturels , ou par des
canaux d'irrigation ' creusés à de grandes
hauteurs. Sur les côtes du Mexique, surtout
au sud-est de Vera-Cruz , dans les terrains
fertiles et marécageux situés entre les em-
bouchures des rivières d'Alvarado et de
Goasacualco, la culture du riz commun pourra
un jour devenir aussi importante quelle l'est
depuis long-temps pour la province de Guaja-
quil, pour la Louisiane et la partie méridio-
nale des Etats-Unis.
Il seroit d'autant plus à désirer qu'on
* Crescit Oryza Japonica in collibus et raontibus,
artifuio singulari. Thunherg , Flora Japon, j-^. \k'j,
M. Titzing , qui a vécu long- temps au Japon , et qui
prépare une description intéressante de «son voyage,
assure ausvi que le riz de montagne est arrosé , mais
qu'il e*igc moins d'eau que le ri/ des plaines.
on
CHAPITRE IX. 1.37
s'adonnât avec ardeur à celle Jiranche d'agri-
culture , que de graudcs sécheresses et des
gelées précoces font souvent niancjuer les
récoltes du !)lé et du mais dans la rémon
niontueuse, et que le peuple mexicain soufTrc
périodiquement des suites funestes d'une
famine générale. Le riz contient beaucoup
de substance alimentaire dans un très-petit
volume. Au Bengale , où l'on en achetle
quarante kilogrammes pour trois francs , la
consommation d'une famille de cinq individus
consiste journellement en quatre kilogrammes
de riz, deux de pois, et deux onces de sel '.
La frugalité de l'indigène aztèque est presque
aussi grande que celle de l'Hindou ; et l'on
évileroit les disettes fréquentes au Mexique ,
en multipliant les objets de culture , et en
dirigeant l'industrie sur des productions vé-
gétales plus faciles à conserver et à transporter
que le maïs et les racines farineuses. En
outre , et je l'avarice sans toucher au fameux
problème de la population de la Chine , il
ne paroît pas douleu\ qu'un terrain cultivé
ii
I
^ Bochford' s Indiau Récréations. Calcutta^ 1807,
p. 18,
rv;
i38
LIVRE IV
Vi
^ I'
i:l
? ■
i-
i
I
i
I i
en riz nourrit un plus j^iand nombre de
familles que Ja même étendue cultivée en
froment. A la Louisiane, dans le bassin du
Mississipi ', on compte qu'un arpent de terre
produit comnuniément, en riz 18 barils , en
Jroment et en ai>oine 8, en iiKtis 20, et en
pommes de terre 26. En Virginie, on compte,
d'après M. Blodget, qu'un arpent (acre') rend
20 à 00 hiishels de riz, tandis que le froment
n'en donne que iJ à 16. Je n'ignore pas
qu'en Europe les rizières sont regardées
comme très-nuisibles à la santé des habitans;
mais une longue expérience faite dans l'Asie
orientale seudjle prouver que leur effet n'est
pas le même sous tous les climats. Quoiqu'il
en soit, on ne doit pas craindre que l'irri-
gation des rizières n'ajoute à l'insalubrité
d'un pays qui est déjà rempli de marécages
et de palétuviers ( Rliizophora mangle ) , -et
qui forme un véritable Delta enlre^ les ri-
vières d'Alvarado, de San Juan et de Goa-
sacualco.
* Note manuscrite sur ht valeur ch.'s terres dans la
./yo///.s/n!Wé', qui m'a été coramuniquée par le gém'a'al
NVilckinsoii,
CHAPITRE IX. l39
Les 3Iexicains possèdent anjourd'hui toiilcs
\qs plantes polai^èrcs cl tons los nrhrcsjniiticrs
de l'Enropc. Il n'est pas facile d'indiquer
lesquelles de ces piennÏMcs c\isloient au
nouveau continent avant l'arrivée des Espa-
gnols. Cette jiiènjc incerlitude rèf^nc panni
les botanistes, sur les espèces de navets, do
salades et de choux qui étoient cullivcs par
les Grecs et les Romains. Nous savons avec
certitude que les Américains connoissoient
de tout temps les o;^nons ( en mexicain ,
ciconacaif) , les haricots (en mexicain, ajacot/i,
en péruNien ou en langue (pûcliua, /^///'«///),
les calebasses (en péruvien, capallu)^ et
quelques variétés de pois ihichcs ( Ciccr ,
Linn.). Corlez , en parlant des comestibles
qui se vendoient journellement au mai clié de
Fancien Ténochtillan, dit expressément qu'on
y trouvoit toute espèce de légume, particu-
, :».:
^ Lorenzana , p. io3. Carcilas.so , p. 278 et 33G.
Acostt, p. 245. Les ognons cloienl inconnus an Pérou,
et les chochos <le l'Amérique n'étoicnt pas chs gar-
vanzos ( Cicer ariclinum). J'ignore si 1rs fameux
frisolitoH de fcra-Cniz , qui sont devenus un ol)j( t
(l'exportation, (.lescevulout d'un P/ianeolus d'Espagne,
ou s'ils sont une variélc dj Vayacolll nuxicuin.
y.
. .
l/fO LIVRE IV,
lièremcnt des oi;^nons , des porcaiix , <?«
l'ail , du cresson aléiiois et du cresson de l'on-
taine {luosluerzo j hciro) , de la bourrache,
<le l'oseille et des cardons [cardoy Ids^arninas).
Il paroîl qu'aucune espèce de clioux et de
navels (Brassica etRaplianus) n'étoit cullivce
en AuicF'ique, quoique les indigènes aimassent
beaucoup les herlies cuiles. Ils mcloient en-
semble toutes sortes de feuilles , et nicme de
fleurs, et ce mets s'appeloit ivaca. Il paroît
que les 3Iexicains n'ont pas eu on<^inairement
des pois^ et ce fait est d'autant plus remar-
quable , que l'on croit notre pisum sathiuii
sauvage sur la côte nord-ouest de ' Vmérique '.
En général , si l'on jette le ax sur les
plantes potagères des A/.tèques , et sur le
grand nombre de racines farineuses et sucrées
qu'on cultivoit au Mexique et au Pérou, on
voit que l'Amérique n'éloit pas, à beau-
coup près , si pauvre en plantes alimen-
* Aux îles (le la Reine Charlolle , et dans la haie de
Korlolk ou Tchinkilané. ( Voyage de Marchand, T. I ,
p. 226 et 36o. ) Ces pois n'y auroient-i!s pas été semés
par quelque navigateur européen? Nous savons que
tlepuis peu les choux sont devenus sauvajjcs à la JNour
vellc-Zéelande.
CHAPITRE IX. 1 'l I
taircs qu'un faux esprit de système l'a fait
avancer à des savans, qui ne eonnoissenl le
nouveau oonlinent que par les ouvraj;^es
d'Herrera et de Solis. Le degré de civilisation
d'un peuple n'est dans aucun rapport avec
la variélc des productions qui sont l'objet de
son agriculture ou de son jardinage. Cette
variété est plus ou moins grande, selon que
les conununications entre des récrions cloi-
gnées ont été fréquentes, ou que des nations
séparées du reste du genre liumain, dans des
temps très-reculés , se sont trouvées , par leur
situation loc; le, dans un isolement parfait. IJ
ne faut pas s'étonner de ne point rencontrer
chez les Mexicains, au seizième siècle, les
richesses végétales que nos jardins d'Europe
renferment aujourd'hui. Les Grecs et les
Romains mêmes , ne connoissoient ni les épi-
«ards, ni les choux-fleurs, ni les scorsonères,
ni les artichauts , ni un grand nombre d'autres
légumes.
Le plateau central de la Nouvelle-Espagne
produit, avec la plus grande abondance, des
cerises, des prunes, des pèches, des abricots,
des figues, des raisins, des melons, des pommes
et. des poires. Dans les environs de Mexico ,
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1 4 ? LIVRE IV ,
les villaîrcs de San Anj^iislin de las Ciievris et
de Tacubaja , le fameuse jardin du couvent
des Carmes, à San Aiigcl , cl celui de la famille
de Fagoaga , à Tanepantla , donnent aux mois
de juin , de juillet et d'août, une innombrable
quanlilé de fruits, et la plupart d'un goût
exquis, quoique les arbres soient en général
assez m;'l soignés. Le voyageur est frappé de
voir, au Mexique comme au Pét.^u, et dans
la Nouvelle-Grenade , les tables de l'iiabitant
aisé, chargées à la fois des fruits de l'Europe
tempérée , d'ananas ' , de grenadilles ( diffé-
rentes espèces de Passijlova et Tacsonia ) de
•sapotes , de mameis , de goyaves , d'anones ,
de cliilimoyes, et d'autres produc ions pré-
cieuses de la zone lorridc. Cette variété de
* Les Espagnols , dans leurs preraiôres navigations ,
nvoiont coiitmnn cVcmbarquerdes ananas , qui , lorsque
la tiT.vcrsée éloil courle , éloient mangés en Espagne.
On en présenta Jéjà à l'empereur Charles- Quint, qui
trouA'a le fruit très-beau , mais ne voulut pas en goûter.
Nous avons troi.vé l'ananas sauvag' et tlu goût le
plus exquis , au pied de la grande montagne de Duida ,
sur les bords do l'Alto Oriiioco. Les graines ne sont
pas eonstamment toutes avortées. En 1594, l'ananas
l'ut delà cultivé en Chine, où il éloit venu du Pérou.
\Kircher, China illisiraia, ^. 188.)
!■■ ,1!
CHAPITRE IX.
i43
kl 1er.
lût le
>i Ja ,
sont
laiias
Jroii,
fruits se trouve presque dans tout le pays,
depuis Guaîiuiala jusrpi'à la ÎNouvelle-Cali-
foriiie. En étudiant l'histoire de lu conquête ,
on admire l'aelivité extraordinaire avee la-
quelle les Espai]fnols du seizième siècle ont
répandu la culture des végétaux européens
sur le dos des Cordillères, d'une extrémité
du continent à l'autre. Les ecclésiastiques, et
surtout les religieux missionnaires, ont con-
tribué à ces progrès rapides de l'industrie.
Les jardins des couvens et des curés ont été
autant de pépinières d'où sont sortis les vé-
gétaux utiles récemment -acclimatés. Les con-
quistadores mêmes, que l'on ne doit pas
regarder tous comme des guerriers barbares,
s'adonnoient , dans leur vieillesse, à la Aie des
champs. Ces hommes simples , entourés d'In-
diens dont ils ignoroient la langue, cultivoient
de préférence , comme pour se consoler de
leur isolement, les plantes qui leur rappeloient
le sol de l'Estrimadurc et des Caslilles.
L'époque à laquelle un fruit d'S'lurope mû-
rissoit pour la première fois, éloit signalée
par une fête de famille. On ne sai-roit lire
sans intérêt ce que l'Inca Gai cilasso rapporte
sur la manière de vivre de ces premiers colons.
iV'i
LIVRF IV
Jl raconic, Jivec une naïvolé loiiclianle, ooiii-
meiil son père, le valciacux yi mires de la
}'('i>;iij rrimissoil lous ses vieux (•um])a<;n()iis
cl'aiiiics pou r])a Plaider avec; eux trois aspei'i^es,
les premières «pii lussenl venues sur le plateau
du Couzeo.
Avant l'aiiivée des Espa^j^-nols , le Mexique
cl les Cordillères de l'Aïuériquc niéritliouah^
produisoient plusieurs IVuils (pii ont une
grande analo|L;ie ave(! eeux «les (*linia(s leni-
pérés de Taneien (H)uliuent. La pliysionoinie
des végétaux olPre des liaits de ressenihlanee,
partout où la tenr|jératine et l'huniidité sont
lesniènies. La partie niontueuse de rAniéri(]ue
é(|uino\iale a des ecrisieis ( l*adus eapjili),
des nojers , des ponnniers, des mûriers, <les
l'raisiei's, des lUibus, et des groseiMiers (pii
]uisont ]>i'opres, et <jue nous ferons eonnoîtie,
M. lîonpland et moi , dans la ])arlie l)otani(pie
de nt)tie voyage. Corlez raeonle avoir vu,
lors de son ariivée à Mexieo, outre les eerises
indigènes, <pii sont assez aeidcs , des prunes,
ciriK'ltis. \\ ajoute qu'elles resscnd)loient en-
tièrement à eclles d'1'.spagne. .le doute de
rexislenee deees pi unes nu'xieaincs, ([uoi([ue
l'abbé Cluvi;:ero eu fasse aussi mention.
CHAPITRE ÏX.
l/,!>
Pont-iHrc les preiniors l^spa^n()ls])rcnoiont-ils
\v finit <lu S/io/if/ids , <|ni est un drupa ovoïde ,
pour (les prunes d'P^urope.
Qnoi(|ue les rôles oeeidentales de la Nou-
Velle-I^s[)ii^'ne soient baignées par le Grand
Océan, el <ju»»;(pie IMendafia, Gaetano ,
(^)uiros, et(raiJlresnavit^''aleursespaj^''nolsaient
été It.'s prcnniers à visllcM* les îles situées enlrc
rAnieri(|ue et l'Asie les pi'o<luefions les [>lus
utiles de ees eonirées, rarl)ie à pain , le lin de
la Nouvelle-Zéel ande ( Phoriniuni tenax) et
la eanno à sueie d'Otaliiti, sont restés incon-
nus aux liahitans du IMexique. (]cs végétaux,
après avoir presque fait le tour du ^lobe, leur
arriveront jhmi à peu des îles Antilles. Déposés
par le ca])itaine Bli«;li à la .laniaï(pic, ils se
sont propai;és i;ipidenieiit à l'île de Cuba,
à la Trinil et sut- la cote de (Jaraeas.
1/arl
)i'e a nain
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oeai'ous nieisa
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), d
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j'ai vu d(.\s plantations considérables dans l;i
C
uavani* esnaiinole , veiicleroit avec vii»'ueur
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sur les cotes luinûdes et (^bandes de Tabasco,
de Tuslla et de San JUas. Il est peu probable
cependant que eetle cultures puisse; jamais
faire abandonner aux naturel vclle des ba-
naniers , tpii, sur la même étendue de terrain
'•!
111.
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LIVRE IV
fournissent J)Ilis de siibsJance noiiriLssanlc.
Il esl V rai que l'Ai tocarpus^ pendant huit mois
de rannée, est conîinuclienieut chargé de
li'uits, et que trois ai b* es suffisent pour nour-
rir un individu adulte ' : mais aussi un arpent
ou un demi-hectare de le nain ne peul contenir
que oC à 4.0 arbres à pain ' ; car ils sont moi'.?
charges de fruits lorsqu'on les phuilc trop
près les uns des autres , et que leurs racines
se rencontrent.
L'extrciie lenteur a\ec laquelle se fait le
trajet des iles Philippines et Mariaiics à
Acapulco, la nécessité dans laquelle se trou-
vent les galions de Manille de s'élever à de
grandes latitudes pour, prcndie les vents
nord-ouest, rendent très-difficile l'introduc-
tion des végétaux de l'Asie orientale : aussi
ne trou\e-ï-' .:, sur les cotes occidentales ^lu
Mexique, aucune planîe de la Cline ou des
îles Philippines, si ce n'est le Triplutsia nii-
raniiola { Liinoniu irij'olinla ), arbiisseau
élégant dont on confit les fruits, et qui, d'après
* Geor^ Forster vom Brodhanme , fft'*, S. 23.
* Comparez ce qui a été dit pins l)aiil tlu ]>roduit des
bananes, du tVonient et des pommes de Itire, p. 28
et 3'5.
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I i «j
CHAPITRE IX.
47
Lourciro , est idonliqiic avec le Gitrus trit'o-
liala , ou Karatats-batiiia de Karnpfer. Quant
aux orangers et aux citronniers^ cjui dans
l'Europe australe suppoi tent, sans en souffrir,
un TrOâd de cinq à six degrés au-dessous dezéro,
on les cullive aujourd'hui dans toute la Nou-
^elle-Espagne, même sur le plateau central.
On a sou\ent agité la question si ces arbres
ont existé dans les colonies espagnoles avant
la déeouverle de l'Amérique , ou si les Eu-
ropéens les ont portés des îles Canaries , de
l'île S.-Tliomas ou des côtes d'Ai'rique. Il est
certain qu'un oranger à fruit petit et amer,
et un citronnier très-épineux, donnant un fruit
vert, rond, à écorce singulièrement huileuse ,
et qui a souvent à peine la grandeur d'une
grosse noix, est sauvage dans l'île de Cuba etsur
les cotes de la Terre-Ferme. Mais malgré
toutes mes recherches, je n'en ai jamais trouvé
un seul pied dans l'intérieur des forêts de la
Guayane , entre l'Orénoqiie , le Cassiquiare et
les frontières du Brésil. Peut-rHre le citronnier
à petit fruit vert {Limoncîto verde) étoit-il
anciennement cultivé par les naturels, et
peut-être n'est -il devenu sauvage que là où
la population, et par conséquent l'étendue
10*
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m
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■:! 1
l48 LIVRE IV,
des terrains cultivés, étoient le plus consi-
dérables. J'incline à croire que seulement le
citronnier à grand fruit jaune {Limon sittil)
et l'oranger à fruit doux , ont été introduits
par les Portugais et les Espagnols '. Sur les
rives de l'Orénoque , nous n'en avons vu que
là où les jésuites avoient établi leurs niissions.
L'oranger, lors de la découverte de l'Amé-
rique, n'existoit même en Europe que depuis
peu de siècles. S'il y avoit eu d'anciennes
communications entre le nouveau continent
et les îles de la mer du Sud , le véritable
Citrus aurantium auroit pu arriver au Pérou
ou au Mexique par la voie de l'ouest; car
cet arbre a été trouvé par M. Forster aux
îles Hébrides, où Quiros i'avoit vu long-
temps avant lui '.
i^fl
> Oificdo, Lib. VIII, c. i.
^ Plantée esc Uentœ IriHularuin mistraliiim , p. 35.
L'oranger coir iiiun des îles du Grand Océan est le
Citrus decumana. Le manguier ( Garcbtia mangos-
tana) , dont les innombrahlc^s "variétés sont cultivées
avec tant de soin aux Grandes Indes et dans l'arcbipel
des mers d'Asie , est très-répandu depuis dix ans dans
les lies Antilles. Il n'es^istoit pas encore de mon temps
au Mexique.
CHAPlTBt IX. l49
La grande analogie qu'offre le climat du
plateau de la Nouvelle-Espagne avec celui
de l'Italie , de la Grèce et de la France méri-
dionale, devroit inviter les Mexicains à la
culture de l'olivier. Cette culture a été tentée
avec succès dès le commencement de la con-
quéte;mais le gouvernement, parune politique
injuste, loin de la favoriser, a cherché plutôt à
rempêcher indirectement. Il n'existe pas , à ce
que je sache, de prohilntion formelle, mais
les colons n'ont pas hasardé de s'adonner à
une branche de l'industrie nationale qui auroil;
bientôt excité la jalousie de la métropole. La
cour de Madrid a toujours vu d'un mauvais
oeil la culture de l'olivier, du mûrier, du
chanvre, du lin et de la vigne dans le nouveau
continent. Si au Gliiïi et au Pérou elle a toléré
le commerce des vins et des huiles indi^:ènes,
ce n'est que parce que ces colonies , situées au
delà du cap de Horn, sont souvent mal ap-
provisionnées par l'Europe, et qu'on craint
l'effet de mesures vexatoires dans des pro-
vinces aussi éloignées. Le système de prohi-
bition le plus odieux a été suivi avec ténacité
dans toi.tes les colonies dont les cotes sont
baignées par l'Océan Atlantique. Le vice-roi.
;,!l
' Il
i H
l5o LIVRE IV 5
pendant mon séjour à Mexico , reçut l'ordre
de la cour de faire arracher les vignes (arancar
las cepas) dans les provinces septentrionales
du Mexique, parce que le commerce de Cadix
se plaignoit d'une diminution dans la consom-
mation des vins d'Espagne. Heureusement cet
ordre , comme beaucoup d'autres donnés par
les ministres, ne fut point exécuté. Qn sentit
que, malgré l'extrt^me patience du peuple
mexicain , il pouvoit être dangereux de le
réduire au désespoir, en dé stant ses pro-
priétés, et en le forçant d'acLcter aux mo-
nopolisles de l'Europe ce que la nature
bienfaisante produit sur le sol mexicain.
L'olivier est très-rare dans toute la Nouvelle-
Espagne; il n'en f : iste qu'une seule plantation,
mais très-bell , celle de Farchevêque de
Mexico, siluée \ deux lieues au sud-est de la
capitale. Cet oll\?ar ciel arzohispo produit
annuellement 200 arrobes ( à peu près
2000 kilogrammes) d'huile d'une très-bonne
qualité. T^ous avons déjà parlé plus haut (T. Il,
p. 441 ) de l'olivier cultivé par les mission-
naires dans la Nouvelle-Californie , surtout
près du village de San Diego. Le Mexicain ,
occupé librement de la cullure de son sol,
CHAPITRE IX.
K^I
pourra se passer, avec le temps, del'liuile,
(lu vin, du chanvre et dn lin d'Iùirope. L'olivier
d'Andalousie, introduit par Corlez, souflVe
(juchpiclois du IVoid sur le plateau central ;
caries gelées, sans être forles , y sont fré-
quentes et très-prcîionf^'ées. Il seroit utile de
planter au Mexiqu? l'olivier de Corse, qui,
plus qu'aucun autre, résiste à l intempérie du
climat.
En terminant la liste des plantes alimen-
taires, nous jetterons un coup -d'œil rapide
sur les végétaux qui rournisseiit des boissons
au peuple mexicain. Nous verrons que, sous
ce rapport, l'histoire de l'agriculture aztèque
offre un trait d'autant plus curieux qu'on ne
trouve rien d'analogue chez un j^^rand nombre
de nations beaucoup plus avar^cées dans la
civilisation que les anciens habitans d'Ana-
huac.
A peine existe-t-il une tribu de sauvages
sur le globe , qui ne sache préparer quelque
boisson tirée du rëj^ne vé^^étal. Les hordes
misérables qui errent dans les forets de la
Guayane, font, avec dilFérens fruits de pal-
miers , des ém..lsions aussi agréables que
l'orgeat que l'on prépare eu Europe. Les
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1S2 LIVRE IV,
habitans de Fîle de Paqiics , relégués sur un
amas de rochers arides et sans sources ,
boivent, outre l'eau de mer, le jus exprimé
de la canne à sucre. La plupart des peuples
-civilisés tirent leurs boissons des mômes
plantes qui l'ont la base de leur nourriture ,
et dont les racines ou les semences contien-
nent le principe sucré uni à la substance
am\lacée. Dans l'Asie australe et orientale,
c'est le riz; en xifrique, c'est la racine des
ignames et de quelques arums; dans le nord
de l'Europe , ce sont les céréales , qui four-
nissent des liqueurs fcrmentées. Il existe peu
<le peuples qui cultivent de certaines plantes
simplement dans le but d'en faire des boissons.
L'ancien continent ne nous oflre des plan-
tations de vignes qu'à l'ouest de l'Indus. Dans
les beaux temps de la Grèce, cette cul-
ture étoit même restreinte aux pays situés
entre l'Oxus et l'Euphrate, à l'Asie mineure
et à l'Europe occidentale. Sur le reste du
globe, la nature produit des espèces de 7ntis
sauvage, mais nulle autre part l'homme n'a
tenté de les réunir autour de lui pour les
améliorer par la culture.
Le nouveau continent nous présente l'exem-
ll!^r.:i
CHAPITr.K IX.
1 r>5
pic d'nn peuple qui ne reliroit pas seulement
des boissonsde la subslaiice (Mil ylacce et sucrée'
du maïs, du manioc et des hannnes , ou de la
pulpe de quelques espèces de mimosa, mais qui
cultivoit tout exprès une plante de la famille
des Ananas, pour en convertir le suc en une
liqueur spiritueuse. Sur le plateau intérieur,
dans l'intendance de la Puchla et dans celle
de Mexico^ on parcourt de grandes étendues
de pays où l'œil ne repose que sur des champs
plantés en pite ou magney. Cette plante, à
feuilles coriaces et épineuses, qui, avec le
Cactus opuntia , est devenue sauvage depuis le
seizième siècle , dans toute l'Europe australe,
aux îles Canaries et sur les cotes d'Afrique,
donne un caractère particulier au paysage
mexicain. Quel constrasie de formes végé-
tales que celui qu'offre un champ de blé ,
une plantation d'agave , ou un groupe de
bananiers dont les feuilles lustrées sont cons-
tamment d'un vert tendre et délicat! Sous
toutes les zones, riiommc, en multipliant
certaines productions \égélalcs, modide à
son gré l'aspect du pays soumis à la culture!
* Voyez ci-dessus, p. Gi.
p :
1S4 LIVRE IV,
Il existe, dans les colonies espagnoles,
pinsienrs espèces <le rnnf*rirr (jui nicritcnt
d'être examinées avec soin , et dont cjnelques-
iines, à cause de la division de leur corolle,
de la lonj:^nenr des ctaniincs, et de la i'ornie
de leur stigmate , paroissent appartenir à des
l^enres dilTérens. Les ntaguey ou metl que
l'on cultive au Mexique, sont de nombreuses
variétés de Yy^gm>e anwricana y devenu si
commun dans nos jardins, à fleurs jaunes,
fasciculées et droites , à étamines deux fois
plus longues que les découpures de la corolle.
Il ne faut pas confondre ce metl iwecVJ gave
cubeîisis ' de Jacquin ( floribus ex albo viren-
tibus , longe paniculatis , pendulis, slaminibus
coroUa duplo brevioribus ) , que M. Laui.irok
a appelé A. mexicana, et que quelques bota-
nistes, j'ignore pourquoi , ont cru être l'objet
principal de la culture des Mexicains.
Les plantations du maguey de pnlciue
s'étendent aussi loin que la langue aztèque.
* Dans les pro\inccs do Caracas et de Cumana,
l'Agave cubensis ( A. otlorala P» rsoon ) s'appelle
Maguey de Cocuy. J'en ai vu des lianipi s cliargrrs
de fleurs, de 12 a i4 mètres de hauleur, A Caracas,
VjdjTava amerii'una est nommé Maguey du Cocuiza.
CTIAPlTT^n IX.
1 5.)
Les peuples do nice oloinile, IdIo' upie et
inislèipie ne sont pas adonnes à l'or///, <pii; Ks
EspagJïoIs appellent /y///////r. Sur le plateau
eenlral, on trouve à peine le nia«^uey ruilivé
lin nord de Salanianea. l^es plus belles cul-
tures (jue j'ai eu oeeasion de voir, sont dans
la vallée de 'J'oluea et dans les plaines do
Cholula. Les pieds d'agave y sont plantés par
rangées, à quinze décimètres de disianieles
uns des autres. Les plantes ne eoniniencent à
donner le sue, que l'on désigne par le nom
de miel j à cause du piincijîe sucré dont il
abonde, que lorsque la lianipc est sur le
point de se développer : c'est pour cela qu'il
est du plus grand intérêt pour le cultivateur,
de connoître exîictenic I l'époque de la flo-
raison. Sa proximités'annonce parla direction
des feuilles radicales, que l'Indien obserN e avec
beaucoup d'attention. Ces feuilles, qui jusque
là étoient penchées vers la terre, s'élèvent
tout d'un coup; elles tendcfU à se rapprocher
comme pour couvrir la hampe qui est prête
à se former. Le faisceau des feuilles centrales
{el coraznn) devient en même temps d'un
vert plus clair, et s'allonge sensiblement. Les
indigènes m'ont assuré qu'il est difQcile de
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î56
LIVRE IV
se tromper sur ces sio-nes , mais qu'il y en a
d'autres non moins iinportans qu'on ne peut
rendre avee précision, parce qu'ils appar-
tiennenl simplement au port de la plante. Le
cultivateur parcourt journellement ses plan-
tations d'agave , pour marquer les pieds qui
s'approchent de la floraison : s'il lui reste
quelque doute, il s'adresse aux experts du
village, à de vieux Indiens, qui, à cause
d'une longue expérience, ont le jugement ou
plutôt le tact plus sûr.
Près deCholula, et entre Toluca et Caca-
numacan , un ?nagiiey de huit ans donne déjà
des signes du développement de sa hampe.
C'est le moment où commence la récolte du
suc dont on fait le pulcjue. On coupe le
corazon ou le faisceau des leuilles centrales ,
on élargit insensiblement la plaie, et on la
couvre par les feuilles latérales, qu'on relève ,
en les rapprochant et en les liant aux extré-
mités. C'est dans cette plaie que les vaisseaux
paroissent déposer tout le suc qui devoit
former la hanqie c(»îossale chargée de fleurs.
C'est une véritable source végétale qui coule
pendant deux ou Irois mois, et à laqueHe
l'Indien puh>Q trois fois par jour. On peut
:^;^;
CHAPITRE TX.
1^7
juger du mouvemenl plus ou moins lent de
la sève, ].;:r la quantité de miel que l'on tire du
magiicj à différentes époques du jour. Com-
munément un pied donne, en vingt-quatre
heures, quatre décimètres cubes ou 200 pou ces
cubes , qui égalent huit quartillos. De cette
quantité totale, on obtient trois quartillos au
lever du soleil , deux à midi, et encore trois à
si.\ heures du soir. Une plante très-vigoureuse
fournit quelquefois jusqu'à i5 quartillos, ou
075 pouces cubes par jour, pendant quatre à
^^ cinq mois, ce qui fait le volume énorme de
plus de 1100 décimètres cubes. Celte abon-
dance de suc , produite par im niui^ueY qui a
à peine un mètre et demi de haut, est d'au-
Idiit plus étonnante, que les phmtatious d'agave
se trouvent dans les terrains les plus arides _,
souvent sur des bancs de rochers à peine
couverts de terre végétale. La valeur d'un
pied de moguej qui est près de sa floraison ,
est, àPachuca, de 5 piastres, ou de 25 francs.
Dans un terrain ingrat , l'Indien ne compte
que i5o bouteilles par magiiey , et 10 à
i?< sous la valeur du puhiuc l'ourni dans un
jour. Le produit est inégal comme celui de la
vigne, qui est tantôt plus, tantôt moins
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LIVRE IV
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chargée de grappes. J'ai cité plus haut, au
sixième chapitre , l'excinple d'une Indienne
tie Ghoiula, qui laissoit à ses enfans des plan-
tations de maguey cpie l'on estimoit à soixante-
dix ou quatre-vingt mille piastres.
La culture de l'a^-ave a des avantag-es réel»
sur la culture du mais, du blé et des pommes
de terre. Cette plante, à feuilles roides et
charnues, ne craint ni la sécheresse, ni la
grêle, ni l'excès du IVoid qui règne en hiver
sur les hautes Cordillères du Mexique. La
tige périt après la Jîoraison. Si on lui a ôté le
faisceau des feuilles centrales, elle sèche après
que le suc que la nature paroissoit avoir des-
tiné à l'accroissement de la hampe est entiè-
lement épuisé. Une infinité de drageons
naissent alors de la racine du pied qui vient
de périr; car il n'y a pas de plante qui se
multiplie plus racilement. Un arpent de terrain
renferme douze a treize cents pieds de mûgiwr.
Si le champ est d'ancienne culture, on peut
estimer qu'annuellement un douzième ou un
quatorzième de ces plantes donne du 7?ncL
Un propriétaire qui plante 5o à 4o,ooo //ki-
^Kc) y est sur de fonder la richesse de ses
^urans; mais il faut delà paîience et du cou-
m
ici.
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CHAPITRE IX.
1%
rage pour s'adonner à une culture qui ne
commence à devenir lucrative que dans
l'espace de quinze ans. Dans un bon terrain ,
l'agave entre en floraison après cinq ans; dans
un terrain très-maigre, on ne peut s'attendre à
la recolle qu'au bout de dix-huit ans. Quoi-
que la rapidité de la végétation soit du plus
grand intérêt pour les cultivateurs mexicains,
ils ne tentent cependant pas d'accélérer ar-
tiQciellement le développement de la hampe
en mutilant les racines, ou en les arrosant
avec de l'eau chaude. On a reconnu que par
ces moyens , qui aflbiblissent la plante , on
diminue sensiblement l'alïluence du suc vers
le centre. Un pied de magiiej est perdu, si,
trompé par de fausses apparences , l'Indien
fait la plaie long-temps avant que les fleurs se
seroient développées naturellement.
Le ffilcl ou suc de l'agave est d'un aigre-
doux assez agréable. Il fermente facilement, à
cause du sucre et du mucilage qu'il contient.
Pour accélérer cette lérmentalion , on y ajoute
cependant un peu de pulijiw vieux et acide:
l'opération se termine dans l'espace de trois
ou quatre jours. La boisson vineuse , qui
ressemble au cidre, a une odeur de viande
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iGo LIVRE IV,
pourrie, excessivement désagréable. Les Eu-
ropéens qui sont parvenus à vaincre le dégoût
qu'inspire cette odeur fclide^ préfèrent le
ptilqiw à toute autre boisson : ils le regardent
comme stomachique, fortiQanl, et surtout
comme très-nourrissant. On le recommande
aux personnes trop maigres. J'ai vu des
blancs qui, comme les Indiens mexicains,
s'abstenoient totalement de l'eau , de la bière
et du vin, pour ne boire d'autre liquide que
le suc de l'agave. Les connoisseurs parlent
avec enthousiasme du puhiuc qu'on j)répare
au villajre d'Hocolillan , situé au nord de la
ville de Toluca , au pied d'une montagne
presque aussi élevée que le Nevada de ce
nom. Ils assurent que l'excellente qualité de
ce fHilqiia ne dépend pas seulement de l'art
avec lequel la l)oisson est préparée , mais
aussi d'un goût du terroir que prend le suc ,
selon les champs dans lesquels la plante est
cultivée. II y a près d'IIocolitlan des planta-
tions de maguey ( haciendas de puhfue ) qui
rapportent annuellement pkis de 4<),ooo livres
de rente. Les hid)itans du pays sont très-
partages dans leurs opinions sur la véritable
cause de l'odeur fétide que répand le pidque.
CHAPITRE IX.
l6l
On assure ^^cnéraleincnt que celle odeur, qui
est analogue à celle des nmlières animales,
est due aux outres dans lesquelles on renferme
le suc Irais de l'agave : mais[)lusieurs personnes
instruiles prétendent que le pulque prcj)aré
dans des pois a la inemeodeui", et que si on
ne la trouve pas dans celui de Toluca, c'est
que le grand froid du ])laleau y modifie la
inarclie de la l'ernientalion. Je n'ai eu con-
noissance de celle derni(;rc opinion qu'à
l'époque de mon d('j)art de Mexico; de sorte
que je dois legreller de n'avoir pu éclaircir,
par des expériences directes, ce point curieux
de la (^liniie végétale. Peut-étie cette odeur
provient-(,'lle de la décomposilion d'une ma-
tière T'égélo-animale , analogue au glulen ,
conlenue dans le suc de l'agave.
La cullure du maguey est un objet si im-
portant pour le fisc , (fueles droits d'entrée
payés d;msles trois villes de Mexico /J\>luca
et Puebla, montèrent , en ijç)'^ , à la sonnne
de 817,70^) piastres. Les frais de j)erceplion
cLoient alors de ;)G,6o8 piastres ; de sorte que
le gouvernement tira du suc d'agave un profit
net de 7(1,131 piastres, ou de plus de
5,800,000 francs. Le désir d'augmenter les
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LIVRE IV
- -"si
revenus delà couronne a fait, dans ces derniers
temps , surcharger la l'abricalion du pulque
d'unemanière aussi vexatoire qu'inconsidérée.
Il est temps que l'on change de sjslènie à cet
égard, sans cela , il est à présumer que cette
culture , une des plus anciennes et des plus
lucratives, déclinera insensiblement, mal'Te
la prédilection décidée qu'a le peuple pour le
suc fermente du maguej.
On reùre du pulque, par distillation, une
eau - de - vie très - enivrante , qu'on appelle
mexical oti a^uardiente de nui^uey. On
m'a assuré que la plante que l'on cultive
pour en dis iller le suc, diffère essentiellement
du maguej commun ou niagucj de pulque.
Ella m'a paru plus petite , et à feuilles moins
glauques : ne l'ayant pas vue en fleur , je ne
puis juger de la différence des deux espèces.
La canne à sucre présente aussi une variété
particulière à tige violette, qui est venue des
côtes d'Afrique ( Caha de Guniea)y et que ,
dans la province de Caracas , on préfère ,
pour la fabrication du rhum, à la canne à
sucre d'Otahiti. Le gouvernement espagnol,
et surtout la real hacienda , sévit depuis
long-temps contre le mexical ^ qui est sévè-
,'V
'i '.
CHAPITRE IX.
l63
rement prohibé , parce que son usage nuit
au commerce des eaux-de-vie d'Espagne. On
fabrique cependant une énorme quantité de
cette eau-de-vie de maguey dans les inten-
dances de Valladolid , de Mexico et de
Durango , si.rlout dans le nouveau royaume
de Léon. On peut juger de la valeur de ce
trafic illicite, en considérant la dii^proportioii
qui règne entre la pup'jl.ilion dii Mexique
et l'importation des eaux-de-v ie d'Europe ,
qui se fait annuellement par la Vera-Gruz.
Toute celte importation ne s'élève qu'à
52,ooo barils. Dans quelques parties du
royaume , par exemple dans les pro\nncias
internas , et dans le district de Tuxpan , ap-
partenant à l'intendance de Guadalaxara , on
a commencé depuis quelque temps à per-
mettre la vente publique du niexical , en
chargeant cette liqueur d'un léger impôt.
Cette mesure, qu'on devroit rendre générale,
a été profitable au fisc , en même temps qu'elle
a fait cesser les plaintes des habita us.
Mais le maguey n'est pas seulement la vigne
des peuples aztèques , il peut aussi remplacer
le chanvre de TAsie et le roseau à papier
(Cyperus papyrus) des Egyptiens. Le papier
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164 LIVRE IV,
sur lequel les aucieus Mcxicaius pcignoicnt
leurs ligures hiéroglyphiques , étoit fail des
fibres (les feuilles d'agave, niaeérées dans de
l'eau, et collées par couches comme les libres
du Cvperus de l'ICgyple et du Diùrier (Brous-
souelia) des îles de la mer du Sud. J'ai
rapporté plusieurs tVagmeus de manuscrits
aztèques ' écrits sur du papier de inaguey, et
d'une épaisseur si différente , <pie les uns res-
sendilent au carlon , et les autres au papier
chinois. Ces Tragniens sont d'autant plus in-
téressans , que les seuls hiéroglyphes qui
existent il Vienne, à Rome et à Veletri, sont
écrits sur des peaux de cerfs mexicains. Le
fd que l'on relire des feuilles du maguey est
connu en Europe sons le nom de 111 de pite ,
et les physiciens le préfèrent à tout autre,
parce qu'il est moins sujet à se tordre : il
résiste moins cependant que celui que l'on
prépare avec les libres du Phormium. Le suc
(xiigode coeur zn^ que donne l'agave lorsqu'il
est encore éloigné de l'époque de sa lloraison,
est très-acre , et employé avec succès comme
caustique, pour neltoyer les plaies. Les épines
» Voyez Chap. VI, T. I, p. 4i5.
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f'-v-a
ciiapithe IX.
iG3
qui terminent les feuilles servoient jadis ,
coniine eelles des eaetus , d'é[)in<^'les et de
clous aux Indiens. Les piètres mexieains
s'en pereoient les hi as et la jioilrine , dans
des aetes d'exj)ialion analof^ues à ceux des
Buddlîistes de l'Indouslan.
On peut conclure de tout ce que nous
venons de rapporter sur l'usaj^e des diffère nies
parties du niaguey, qu'aptes le maïs et la
pomme de terre, celle ])lanle est la plus utile
de toutes les produclions que la natme a
accordées aux peuples montagnards de l'Amé-
lique équinoxiale.
Quand les entraves que le gouvernement
a mises jusqu'ici à plusieurs brandies de l'in-
dustrie nationale seront écartées ; quand
l'agrieullure mexicaine ne sera plus enchaînée
par un système d'administration c|ui appauvrit
les colonies sans enrichir la métropole , les
plantations de maguey seront peu èi peu rem-
placées par des vignobles. La culture de la
vigne augmenteia surtout avec le nombre des
blancs, qui consomment une grande quantité
de vins d'Espagne , de France , de Madère
et des des CJanaries. Mais dans l'état actuel,
des choses , la vigne ne peut presque pas ctrc
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166 LIVRE TV,'
comptée parmi les richesses territoriales du
Mexicpe^ tant la récolle en est peu considé-
rable. Le raisin de 1» meilleure qualité est celui
de Zapolillan, dans l'intendance d'Oaxaca. Il
y a aussi des vignobles près de Dolores et
San Luis de la Paz, au nord de Guanaxuato,
et dans Xe^proviiicias iiitctnas , près de Parras
et du Passo ch 1 Norte. Le inn du Passa est
très-eslimé , surlout celui des terres du mar-
quis de San Miguel. Il se conserve pendant
un grand nond^re d'années , quoiqu'il soit
préparé avec peu de soin. On se plaint dans
le pays de ce qne le moût récolté sur le
plateau fc enle difiicilement. On a la cou-
tume d'ajouter au suc du raisin , de Varope ^
c'est-à-dire une petite quantité de vin auquel
on a mêlé du sucre, et qui, parle moyen de
la cuisson, a été réduit en sirop. Ce procédé
donne aux vins mexicains un petit goût de
moût qu'ils perdroient si l'on étudioit davan-
tage l'art de faire le vin. Lorsque , par la suite
des siècles , le nouveau continent , jaloux de
son indépendance , voudra se passer des pro-
ductions de l'ancien , les parties montueuses
et tempérées du Mexique , de Guatiniala ,
de la Nouvelle - Grenade et de Caracas ,
CHAPITRE IX. 167
pourront fournir du vin à toute rAmérique
septentrionale : elles deviendront pour celte
dernière , ce que la France , l'Italie et l'Es-
pagaie sont depuis long-temps pour le nord
de TEurope.
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LIVRE IV,
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ï > Il :
cnAPiraE x.
Plantes qui fournissent les matières premières
aux manufactures et au commerce. —
Education des Itestimix. — Pêche. — Pro-
duit de V agriculture , estimé d'après la
valeur des dimes.
\^uoTQUE ragricnllure mexicaine , comme
celle de tous les pays qui siilDscnt cux-
mènies aux besoins de leur population, soit
dirigée principalement vers les plantes ali-
mentaires, la Nouvelle-EspajT^ne n'en est pas
moins riche en denrées appelées exclusive-
ment ^^o/ow/Vr/e^ y c'est-à-dire en productions
qui Iburnissenl des matières brutes au com-
merce et à l'industrie manufacturière de
l'Europe. Ce vaste royaume réunit, sous ce
point de vue , les avantages de la Nouvelle-
Angleterre à ceux des îles Antilles. Il com-
mence surtout à rivaliser avec ces îles , depuis
que la guerre civile de Saint-Domingue et
llj'
rîT\PiTî\E \. i(>r)
la fl('vnslnlion des sucrcri(\s franroiscs tml
rciuhi plus piofllablc la cnllmc «lus deinvrs
coloni.ilcs sur le conliiicnl de l'Amérique.
On ohservc même qu'au Mexique celle cul-
ture a l'ail des pro^^ni'S bien plus considérahles
que celle des céréales. Dans ces climats , la
même étendue de terrain , un arpent de
5o()8 mètres carres, par cxenqde , rend au
cnllivaleur pour 80 à 100 francs de froment ,
pour 260 de coton , et pour /|/)o de sucre '.
D'.;près cette énorme dift'érence dans la
valeur des ix'colles , on ne doit pas s'étonner
que le colon mexicain préfère les denrées
coloniales à l'orge et au froment de l'Europe.
Mais celle prédilection ne parviendra pas à
troubler l'équilibre qui existe jusqu'à ce jour
entre les difFérentes branches de ragrieulture,
parce que , lieureusement , une grande partie
de la Nouvelle-Espagne, située sous un climat
* Colle évalua lion est celle que les colons reganîeiit
comme la plus exaclo à la Louisiane, clans les terres
quiavoisinent la ville dulNouvel-Orléans. On y compte
20 biishels de froment , 260 livres de coton , 1000 iiv.
de sucre \n\v acre. C'est le produit moyen; mais l'on
conçoit facilement ccmibicn les circonstances locales
doivenl modiller ces résultats.
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170
lïVTtE IV
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plus froid que tempéré , n'est pas propre à
produire du sucre , du café , du cacao , de
l'indigo et du coton.
La culture de la canne à sucre a fait des
progrès si rapides dans ces dernières années,
que l'exportation du sucre par le port de
Vera - Gruz est actuellement de plus d'un
demi-million d'arrobes, ou de 6,200,000 kilo-
grammes , qui , à trois piastres l'arrobe ,
équivalent à sept millions et demi de francs.
JNous avons déjà observé plus haut que les
anciens Mexicains ne connoissoient que le
sirop de miel d'abeilles , celui du /7/e// (agave),
et le sucre de la canne de maïs. La canne à
sucre, dont la culture est de la pais haute
anlii|jité aux Grandes Jndes, en (Jhine ' et
dans les îles de la mer du Sud, fut introduite
par les Espagnols, des îles Canaries à l'île de
* Je suis même porté à croire qup le procède; i jtit
nous nous servons pour IViire le sucre , nous est veau
de l'Asie ori(;nta!e. J'ai reconnu à Lima, dans des
pciiitures chinoises qui représentent les arts et métiers,
les cylindres posés de cliamp , et mis en mouvement
par une narlilne à molette , les équipages, de chau-
dières , et des purgeries telles que i'ou cr, voit aujour-
tl'hui dans les iles Antilles,
'i
CHAPITHE X.
Snint-Domiiignc , d'où elle pa«sn sneeessnc-
ineiil à riledeCuba el à la iNoiivelle-Mspaj^ne.
Pierre d'Atienza ])l;!nta les pi emières cannes
a su ère , a
peu pi
1
res en l année 1020
dans
les environs de la ville de la Gonceplion de
la Ve^^'a. Gonz^lo de Velosa eonslruisil les
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L1VI\E IV
Eii i5i)5 , rahondance du sucre ctoit déjà
si^ninde au Mexique , qu'on en exporta, de
Vera-Cruz et d'Aeapulco , en Espagne et au
Pérou '. Cette dernière exportation a cessé
depuis Jong-tenips , le Pérou produisant au-
jourd'hui plus de sucre qu'il n'en faut pour
sa consommation. Comme la population de
la Nouvelle - Espag-ne est concentrée dans
l'intérieur du pays , on trouve moins de
sucreries le lono- des cotes , où les grandes
* «' Outre l'or et l'argent, le Mexique fournit aussi
« beaucoup de sucre et de coclienille, deux mareltan-
« dises très-précieuses, des plumes et du coton. Peu
« de bâtimens d'Espagne retournent sans chargement,
<( ce qui n'est pas le cas au Pérou , qui cependant a la
« fausse réputation d'être plus riche que le Mexique :
<( aussi cette dernière région a conservé un plus grand
<c nombre de ses habitans. C'est un beau pays , t! cs-
«f populeux , auquel rien ne nianqucroit s'il y pleuvoit
« plus souvent. La Nouvelle-Espagne envoie au Pérou
« des chevaux, de la viande de bœuf et du sucre. )>
Ce passage remaïquablc, de Lopez de Goniara; qui
peint si bien l'état des colonies espagnoles au milieu
du seizième siècle, ne se trouve que dans l'édition de
la ConqiÙHta de Mexico , publiée à Médina del Canipo ,
1553 , fol. i3(). Il manque dans la traduction franeoise,
imprimée à Paris eu i587, p. itji.
eu A PITRE X.
ir3
,:1l
chaleurs el l'abondance tics pluies pourroicnt
favoriser la culture de la canne à sucre, que
sons la pente des Cordillères , et dans les
parties plus élevées du plateau central. Les
plantations principales sont dans l'intendance
de Vera-Cruz , près des villes d'Orizaba et
de Cordova ; dans l'intendance de Pucbla ,
près de Guautla de las Amilpas, au pied du
volcan de Popocatepetl ; dans l'intendance
de Mexico , à l'ouest du Nevado de Toluca,
et au sud de Guernavacca, dans les plaines
de San Gabriel; dans l'intendance de Gua-
naxuato , près de Cela^a , Salvatierra et
Penjamo , et dans la vallée de Santiago ; dans
les intendances de Valladolid et de Guada-
lax'J.ra , au sud - ouest de Pazcuaro et de
Tecolotlan. Quoique la température moyenne
qui convient le mieux à la canne à sucre soit
de 24*^ ou 20^^ centigrades, cette plante peut
encore être cultivée avec succès dans des
endroits où la chaleur moyenne de l'année
n'excède pas 19'' ou 2o'\ Or,ledécroissenient
du calorique étant à peu près d'un degré du
ihermoniètre centigrade ', pour 200 mètres
* Voyez mon Mémoire sur los réfractions , clans mou
Recueil d'Obucrvations antionutniqueti , T. l, p. 107.
! ■'.
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'74
LIVRE IV
(rél(!'Viilion ^ on I oiive ^éiiéiMlenicnt , sons
les Iropiqnes , sur la poule raj)i(le des niou-
tyg-nes , celle lempéralure nioyenne de 20**
à loooinclrcs d'élcxalion an-dessns du iii\eau
de l'Océan. Sur des plàleaux d'une grande
étendue, la réveibération du sol aii-^niienle
lellemenl la chaleur , que la len)péralure
moyenne de la \ille de Mexico csl de 17**
au Heu de i»^", 7; celle de Quito ^ de j5"»,8
au lieu de ii.**,5. Il résulte de ces données,
que, sur le plateau central du Mexique, le
ma.rimiiijt de hauteur à laquelle la canne à
sucre végète vigoureusement sans souffrir par
les gelées d'hi\er , n'est pas de 1000, mais
de i/|00 à i5oo mètres. Dans des expositions
favorables, surtout dans les vallées abritées
par des montagnes contre les vents du nord,
la limite supérieure de la culture du sucre
s'élève même jusqu'au delà de 2000 mètres.
En effet, si la hauteur des plaines de San
Gabriel , qui contiennent plusieurs belles
sucreries, n'est que de 980 mètres, d'un autre
côté, les environs de Celaja, Salvatierra, Ira-
puato et Santiago ont au delà de 1800 mètre
d'élévation absolue. On m'a assuré que les
plantations de cannes à sucre de Rio V^rde ,
:*■■ II,
ri . ^
t
! .'y
CHAPITRE X.
175
situées au nord de Guanaxuato , sous les
22<^5o' de latitude, setrouveiità 2200-iiièlres
d'élévation , dans une vallée étroite, entourée
de hautes Cordillères , et si chaude que les
habitans y soufïrent souvent de fièvres in-
termittentes. J'ai découvert, en exanunant
le testament de Corlez ', que du temps de
ce grand honjnie , il y avoit des sue reries
près de Cuyoaean , dans la vallée de Mexico.
Ce fait cuiienx pron\e, ce qui est indiqué
par plusieurs autres phénomènes , que cette
vallée est plus l'roide de nos jours qu'elle ne
l'étoit au conimonceinent de la conquête ,
parce qu'alors un <^'rand nombre d'arbres
diminnoient l'effet des vents du nord, qui
soufflent aujourd'hui avec inipéluosilé. Les
personnes accoutumées à voir les plantations
de cannes à sucre dans les iles Antilles , ap-
■I i!l
..^ H
* « J'ordonne que l'on examine si dans mrs enlados
<( on a pris des terres aux naturels pour les planter
<f en vignes j je veux aussi qiae l'on fasse des perqui-
« sitions sur le terrain que j'ai donné , dans ces der-
« nières années, à mon dom^'slique Beiiiardino del
« Caslillo , p»ur y établir une sucrerie près île Cujoa-
« «an. » ( Testament manuscrit de Hernan Curiez ,
J^it à Sévi lie f U 18 août i5i8 , art. i8. )
\H
170 LIVRE IV,
])iciidront avec le niùriio étonneincnt que ,
dans le lojaume de la Nomello-Gienade ,
la plus grande quanlilé de sucre est récollée
uon ilans les plaines , sur les Lords de la rivière
de la Madeleine, mais sur la peu le des Cor-
dillères, dans la vallée de Guaduas, sur le
clieniin de Honda à Santa-Fe, dans un terrain
qui, selon mes mesures barométri<piCs, a
depuis 1200 jusqu'à 1700 mèlrcs de hauteur
au-dessus du niveau de la ujcr.
L'introduction des ISc^^rcs n'a lieureusc-
mentpas augmenté au Mexique diins la même
proportion que la production du sucre.
Quoiqu'il j ait dans l'intendance dePuchla,
près de Guaulla de las Aniilpas, des plan-
tations {liacieitchis de caîia) qui en l'ouî'nissent
par an au delà de vingt ou trente mille ar-
robes ' ( 5oo,ooo à 700,000 kilogrammes),
presque tout le sucre mexicain est l'abriqué
par les Indiens , et par conséquent par des
^ Ce produit est Irès-conslJérahle : il n'existe dans
l'ik- de Cuba qu'une seule planlalion, celle du marquis
di'l Arcos , appelée Rio iUanco , entre Xarueo et
Matanzas, qui produise aniiuellemenl 4o,ooo anobes
tîe sucre. Il n-^ en pas huit qui , dix aimées de suiie j
aient fourni 35. 000.
•[','f
CHAPITRE X. l'y y
mains libres. Il est facile de prévoir que les
petites îles Antilles , nial<^ré leur position
favorable au commerce, ne pourront pas
lonj^-temps soutenir la concurrence des co-
loniescontincntales, si ces dernières continuent
à se livrer avec la même ardeur à la culture
du sucre , du calé et du colon. Dans le monde
phjsi([ue , comme dans le monde moral ,
*out finit par rentrer dans l'ordre prescrit
par la nature ; et si de petits îluls, dont on
a exterminé la population , ont fait jusqu'ici
un commerce plus actif de leurs productions
que le continent voisin , ce n'est que parce
que les habHans de Gumana , de Caracas,
de la Nouvelle-Grenade et du I\îexique ont
commencé très-tard à profiter des avantages
immenses que la nature leur a accordés.
Sorties d'une lélhargie de plusieurs siècles ,
débarrassées des entraves qu'une fausse poli-
tique mettoit aux progrès de l'agriculture,
les colonies espagjioles du continent s'em-
pareront peu à peu des différentes branches
de commerce des îles Antilles.Ge changement,
préparé par les événemens de St.-Domingue,
aura l'inlluence la plus heureuse sur la dimi-
nution de la traite des Nègres. L'humanité
'4
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1
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12
« -1
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1^8 i-ivr.i: IV,
soufriaiilc devra à la marclic nnlurclli; des
choses ce (jii'elle iiiiroil eu droit d'atleiidrc
de la sagesse d(îs «*"OMV(M'neiiieiis eiirojx'ens.
Aussi les colons de la Havane, tiès-inslinils
snrlenrs Mh-ilablcs inlén'ts, cnil les veuv fixés
sur les pro*^rès de la cuUurv du sucre au
Me\i(jue , et de celle tlu cafierà (Caracas, fis
craignent dc]>uis lf)ng - tenij)s la rivalité <lu
continent, surtout depuis (juc le inan([ue de
con)l)ustil)les et l'excessive clicrlé des ^ ivres,
des esclaves , des ustensiles métal li([ucs et des
bestiaux nécessaires à une su("rerie , ont
diminué considérablement le revenu net des
plantations.
La Nouvelle - Espagne , outre l'avanlage
de sa ])oj)ulalion , en a cîicore un autre très-
im])oi'lant , celui d'une niasse énorme tle
capitaux amoîicel('s cliez los ])ro]>rié! aires
des mines , ou entre les mains de né<4'Oci;ms
fjni se sont retirés du comnierce. Pour sentir
l'importance do cet avantage, il fautserap-
])« kr qu'à l'île de Cuba l'élablissement d'une
gr.mde sucrej'ie , cpii par le travail de ooo
Nègres, rend annuellement i)oo,ooo kilo-
grammes de sucre, e>dge des avances de
deux iiiiUions de livres tournois, et qu'elle
i .'I-
'I*
ClIAriTRF. X.
li
^79
(1(
rapporte .)0o,oo() a 0)0,000 livres de revenus.
Le eoloii mexicain peut cliuisir le ioii^" des
eoles cl dans des vallées j)liis on moins pro-
fondes, le eliniat qui eonvienl à la enlUire
de I
a eanne à sneie : il a moins à re(
dont
er
Te^/'et (les <^elées que le eulon de la Louisiane.
Mais la eonfi;:;nr,ili()n cxli'aoïdiuaire du sol
delà iNouvelle-lv.pa*,*'ne met de Tories enlraves
aux: Iransporls du snere à la Vcra-Grn/. Les
piiUdations qui exislcint aujourd'lmi, soid la
j?lnp..;'t Irès-éloi^aiées de la eule o])posée à
riMir'ope. Le ])a^s n'ayant eneore ni eanaux
ni roule prrvpre an eliarria^e , le fret des mules
au;^"menle le prix: dn sueie à la Vera-Cruz,
d'une piastre par ar»'o])e, on de huit sous ])ar
kiloLTiamme. Ces enlraves seront diminuées
Lie b<
lesel
r
de beaneoupparlesehenniis (piel on construit
en ee moment de Mexico à la Vcra-Giuz, par
Oiizaba et par Xrlapa, le lon«^' de la pente
Oîientalc des Ci»r(lillères. Il est probable
au^sl (jee les progrès de J agrieulluic colo-
iiiiile eoiitt ibueront à j)eupler le litioral de la
iNon\elle-r]spa«;rie , qiii, depuis des siècles ,
est res[(' inculte et désert.
On o5. serve au Mexique qne le i^ezon ,
ouïe s Lie e.xpriiiié de la canne à sucre, est
m
i
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■ -tu
12
r
ir^
i8o
LIVRE IV
plus OU moins sucre, selon que la plante croît
dans la plaine ou sur un plateau élevé. La
jnènie clilfércnce exisle entre la canne ciillivée
à Malaxa , aux iles Canaries et à la Havane.
Partout l'élévation du sol produit les mêmes
elTets sur la végétation , cpie la (lidcrence de
lalilude géograpliirpic. Le climat influe aussi
sur la proportion qui existe entre les quan-
tités de sucre licpiidc et de sucie cristiiUisable
contenus dans le jus de canne; car quelquefois
le vazou a une saveur très-douce, et ne cris-
tallise cependant que Irès-diflicilcjnent. Ija
composition chimique du 7'ezou n'est pas
toujours la même , et les belles expériences
de M. Proust ont répandu un grand jour sur
des phénomènes que présentent les atelii'rs
de l'Amérique , et dont plusieurs font le
désespoir des raffineurs de s)'<"rc.
D'après des calculs exacts que j'ai foils à
l'île de Gaba_, je trouve ([u'un hectare de
terrain donne, en terme mojen, douze mètres
cubes de i^ezoïi , dfint on retire , par les
procédés usités jusqu'à ce jour , et dans
lesquels beaucoup de matière sucrée est dé-
composée par le feu , tout au plus dix à douze
pour cent, ou i5oo kilo<^ rammes de sucre
CHAPITÏÏK X,
8
I»I
hnit. On com|)le à la Havane et dons les
parties eliaiules cl rctiiirs de la iNouvelle-
E
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airne , rni nue eu
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hlcs (
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ne qui a
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i 2/| luinis ) en eari-e
1
ou
DO^oij mètres carres , rend annuellement
2000 (ii'i'ohes , ou 2!),oou kilotirainnies. Le
pioduit înovcn n'est cependant que de
i5oo arrobes, ce qui l'ait l 'joo kilograinnies
de sucre par lieetaie. A Sainl-Doniin<,nie ,
on évalue le produit d'un carmin de terre
quia 5/|()5 toises, ou 12,900 mètres carrés ,
à 4ooo livies, ce cpii l'ail aussi i;)oo kilo-
graunnes par hectare. Telle est, en général,
la Ibrlilité du sol de l'Amérique équinoxiale ,
que tout le sucre consonnné en France , et
kiloL''rammes',
que]
Lions
pourroit être produit sur un terrain
de sept
1
leues carrées
'tend
ue qui n est pas
la
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lu
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* La Franor liroit de ses colonies , en 1788 , un total
de 872, 86'7 fjuinlaiix (le sucre Lriit, 7()8,5G6 de sucre
terré , et 212, 07 4 <le sucre lêlc. Sur cette quantité , on
me consomiMoit, (i après M. Peucliet, dans le royaume
■iême , que h'Si.oi.to quiiuaux de sucre raffiné. Les
fcrfos publiées sous le ininisUre do AI. Chaplal , nous
ap[«rennent que l'imjioilalion du sucre s'élcvoit en
France, en l'an 9, à 01 j^ 100 quintaux.
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(716) 873-4503
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Cv
182 TJVTIE IV,
trentième partie du plus petit départemetit
de la Fraiîce.
Dans des torr;»ins qui peuvent être arroses,
et dans lesquels des plantes à raeines tubé-
reuses, par exemple des balaies et des ignames,
ont préeédé la culture de la Ccinne à sucre,
le produit annuel s'élève jusqu'à trois ou
quatre mille nimlcs par cabdUaui , ou à
2100 et 2800 kilofij-raunnes de sucre brut par
hectare. Or. en évaluant une avroLa à trois
piastres , ce qui est le prix nioven à Yera-
Cruz , on trouve, d'. près ces données , qu'un
hectare de terrain arrosé , ])eut rendre pour
2600 ou 5400 livres tournois de sucre ; tandis
que le même hectare neproduiroit que pour
260 livres de froment , en supposant une
récolte décuple, et la valeur de cent l^ilo-
grammes de rronieut à seize livres tournois.
En comparant ces deux genres de culture,
il ne faut pas oublier que les avantages qu'ofïVe
la canne à sucre sont «•ingulièrement diminués
par les avances énormes qu'exige l'établisse-
ment d'une sucrerie.
La majeure partie du sucre que produit la
Nouvelle-Espagne, est consommée dans le
même. Il est probable Que celte
paj
que
CHÂPTXnE X.
83
îSoniTnalion s'clcve à plus de 16 millions de
kilo«^Tanmics; car relie de lile de Cu])a est
indubilableJiieiit de 20 à jo,oo() caisses (r^/jv/o)
à 16 arrobcs ou 200 kilogrammes. Ceux qui
n'ont pas vu de leurs jeux (pielle énorme
quantité de sucre on consomme dans l'Amé-
rique espagnole, mèjue dans les familles les
moins aisées, doivent être étonnés que la
France entière exige, pour ses propres besoins
seulement, trois ou quatre fois autant de sucre
que lile de Cuba , dont la population libre
n'excède pas le nombre de 040,000 liabitans.
J'ai taché de réunir dans un seul tableau
l'exportation du^ucrc de la Nouvelle-E .pagne
et celle des Antilles. Il m'a c'^tc impossible
de réduire toutes les données à une même
époque. Je n'ai pu me procurer des notions
certaines sur le produit actuel des sucreiies
des îles angloises , qui a prodigieusement
augmenté. L'ile de Cuba a exporté en i8o5,
parle port de la Havane, i58,ooo caocas;
par le port de la Trinité et par Santiago de
Cuba, j compris la contrebande , lyooo cuaas;
d'où il résulte :
M'
I
, ;
}
î84 LIVRE IV 5
Exportation totale du sucre de i;,„j,.
l'île de Cuba 37,600,000
Exportation du sucre de la
Nouvelle-Espagne, 5oo,ooo
arrohas , en i8o3 6,260,000
Ex porta lion de la Jamaïque ,
en 1788 42,000,000
Exportation des îles Vierges
angloises et d'Antigua, en
1 788 49)6oo,ooo
Exportation de St.-Domingue ,
en 1 788 82,000,000
en 1 799 2o,4oo,ooo
Je pense que l'on peut admettre que toutes
les îles de l'Amérique fournissent actuelle-
ment à l'Europe au delà de 200 millions de
kilogranirnes de sucre brut , dont la valeur,
dans les colonies mêmes , est de 4o millions
de piastres , ou de plus de 200 millions de
livres tournois , en évaluant chaque caisse
( cûjca ) à 4o piastres fortes. Trois causes ont
concouru à empêcher que le prix de cette
denrée coloniale n'ait augmenté depuis la
destruclion des plantations de St.-Domingue;
savoir : l'introduction de la canne à sucre
CHAPITRE X. l85
tl'Otahiti , qui , sur la même étendue de
teirain y donne im liers de oh^zou de plus
que la canne commune ; les pro;^rès de
l'agriculture sur les cotes du Mexique , de
la Louisiane, de Caracas, de la Guayane
hollandoise et du Brésil ; enfin riniporlation
du sucre des Grandes Indes en Europe.
C'est cette importation surtout qui mérite
de fixer lattention de ceux qui réfléchissent
sur la direction future du commerce. Il y a
à peine dix ans que le sucre du Ben^-ale étoit
auësi peu connu au grand marché de l'Europe,
que le sucre de la Nouvelle - Espagne , et
déjà l'un et l'autre rivalisent avec le sucre des
Antilles.
Les Etats - Unis ont reçu du sucre de
l'Asie :
En 1800.
En 1801.
En 1802.
De Manille
ki'i.gi-.
216,452
3 10,020
4o3,389
387,2o4
kilogr.
646,46 1
574,939
De la Chine et
Graiulcs \m
(les
les
Total.
• ■ •
5:xiiÀT2
790,593
l,22l,4oO
l86 LIVRE IV,
La grande fertililé du sol, jointe à une
population immense , donne ou Ijcnî^ale dtf
si grands avanlages sur tous les autres pays
du globe, que le sucre exporté de Calcutta ,
après avoir fait un trajet de 6200 lieues , est
encore à Nevv-Yorck à plus bas prix que le
sucre de la Jamaïque , qui p'a à parcourir
qu'une dislance de 860 lieues. On sera moins
étonné de ce phénomène , sil'on jette les yeux
sur le tableau que j'ai présenté plus haut ,
du prix de la journée ' dans les dilFérentes
parties du monde, et si l'on se rappelle que
le sucre de l'Indoustan , qui cependant n'est
pas d'une grande pureté , est fabriqué par
des mains libres , tandis qu'aux îles Antilles
( à l'ile de Cuba , par exemple ) il faut , pour
produire 260,000 kilogrammes de sucre
* D'après M. VlayîùXr [Slatistical Brei-nary ,\d>o\ ,
p. 60. ) , le prix de la journée {^price of labour^ au
Bengale est comme il suit : un simple ouvrier gagne
par mois 1 2 shelling ; un porteur , 1 5 ; un maçon , 18};
jjirt forgeron ou un cliarpenlitr^ '-^'^{'i "i^ soklat in-
dien , 20 ; le tout dans les environs de Caleulla , et
en comptant le shelling anglois à aS sous de France,
et la roupie à 2 \ sliellings. ( Voyez plus haut , T. II4
p. 3i3 , et p. io3 de ce volume. )
¥ \
M
CHAPITr.E X.
8'
brut, 200 Nègres, tionl l'achat coiile pins
de 000,000 francs. Dans cetic inènio île
l'enlrclien d'un esclave s'cUne à plus de 20
IVancs par mois.
D'après les renscigneinens curieux que
M. Bockford a donnés dans ses liccrédlions
indiennes f imprimées à CalcutUi , la canne
à sucre est eullivée principalement au Ben-
gale , dans les distiicls de Peddapore , de
Zeniindar, dans le Delta de Godavery, et sur
les rives du fleuve Eljseram. On y arrose les
plantations, comme c'est aussi Tusage dtU'S
plusieurs parties du Mexicpie et dans la vallée
des Guines , au sud-est de la Havane. Pour
empêcher que le sol ne soit épuisé, on fait
alterner la culture des plantes légumineuses
avec celle de la canne à sucre , qui a géné-
ralement trois mètres d'élévation , et trois à
quatre centimètres de grosseur. Au Bengale,
un acre ( de 5568 mètres carrés ) rend 2000
kilogrammes de sucre, ce qui fuit /|6oo kilo-
grammes par hectare : le produit du sol est
par conséquent plus grande du douhle qu'aux
îles Antilles; tandis que le prix de la journée
de l'Indien libre est presque trois fois moindre
que le prix de la journée du JNègre esclave
w
m
m-.
188
LIVRE IV
de l'ile de Cuba. Au Bengale, six livres de
jus de canne donnent une livre de sucre
cristallisé, tandis qu'à la Jamaïque il en faut
huit livres pour, produire la même quantité
de sucre. En considérant le i^czou connne
un liquide chargé de sel, on trouve qu'au
Bengale ce liquide contient iG, à la Jamaïque
12 pour cent de matière sucrée : aussi le
sucre des Grandes Indes est à si bas prix , que
le cultivateur le vend à 4 ^ mifpies le quintal,
ou à 26 centimes le kilogramme, ce qui est
à peu près le tiers de la valeur de celte denrée
au marché de la Havane. Quoique la culture
de la canne à sucre se propage au Bengale
avec une rapidité étonnante, le produit total
en est encore beaucoup moindre que celui
du Mexique. M. Bockford suppose que la
récolte de la Jamaïque est quadruple de celle
du Bengale.
Le coton est une de ces plantes dont la
culture , parmi les peuples aztèques, est aussi
ancienne que celle de la pite , du maïs et
du quinoa. Il y en a de la plus belle qualité
sur les cotes occidentales, depuis Acapulco
jusqu'à Golima , et au port de Guautlan , sur-
tout au sud du volcan de JoruUo , entre les
f'I
CHAPITRE X. i8q
villiïgcs clc Pelallau , Tcipa et Atojaiine.
Coiinnc un n'y connoit poiul encore les
machines qui servent à séparer le colon de
sa graine , la cherté du fret entrave beaucoup
cette branche de l'aoriculture mexicaine.
Une lUTobc de coton ( (il^^odou cou pcppa ) ,
dont le ])T'ix à Tcipa &st de 8 Francis , en coûte
i5 à Valladolid , à cause du transport à dos
de mulels. La parlie de la cole orientale qui
s'étend depuis les bouches des rivières de
Guasacualco et d'Alvarado jusqu'à Panuco ,
pourroit fournir au commerce de Vera-Gruz
une énorme quantité de coton ; mais ce
littoral est presque inhabité, et le manque
de bras y cause une cherté de vivres contraire
à tout établissement d'agriculture. La Nou-
velle - Espagne ne fournit annuellement à
l'Europe que 25,ooo arrohcSj ou 5 1 2,000 kilo-
grammes de coton. Celle quantité , quoi-
que peu considérable en elle-même, est
cependant déjà le sextuple de celle que
( d'après des renseignemens que je dois à
l'oblijifeante bonté de M. Gallalin , ministre
des finances à Washington ) , les Etats-Unis
exportoient en 1791, de leur propre cru.
Mais la rapidité avec laquelle augmente l'iris
! !"
n
l
i
if)o Livr.t IV,
diislrie chez un peuple libre et sagement
j.»;ouverné , est si grande _, cpie , d'après une
noie cpii m'a élc fournie par cenicnie lionnne
cl'élal, les poils des Elals-Unis oui exporté :
Coton indii^ène Coton étranger.
En 1797, 2,5oo,ooo liv. . . . 1,200,000 liv.
j8oo, 5,6Go,ooo i/i,i2o,ooo
1802 , 5400,000 24,100,000
1803, 5,495,544 57,712,079
Il résulte de ees données de M. Gallalin ,
qu'en douze ans la production du coton est
devenue 577 fois plus grande. En comparant
la position physique du Mexique à celle des
Elals-Unis , on ne peut douter que ces deux
pavs , à eux seuls , pourront un jour produire
tout le coton en laine que l'Europe emploie
dans ses manufactures. Les néfçocians éclairés
qui composent la chambre de commerce de
Paris , ont affirmé, dans un mémoire imprimé
il y a peu d'années , que l'importation totale
tlu colon en Europe est de trente millions
de kilogrammes. J'incline à croire que cette
évaluation est de beaucoup trop foil)ie ; car
Içi Etats-Unis seuls exportent annuellement
CHAPITAK X. ^9'
plus (le vintj^l-tlcnx millions de kilogrammes
do rotoii en laine, qni équivalent à 7,920,000
dollars , ou à près de quarante millions de
livres tournois.
Le //// et le chambre ponrroient être <ul-
livés a\cc avantaj^e partout où le climat ne
permet pas la culture du coton, comme dans
]cs provincias ifitcrnas, et même dans la région
cquinoxiale , sur des plateaux dont la tem-
pérature moyenne est au-dessous de quatorze
degrés du thermomètre centigrade. L'abbé
Clavigero avance que le lin est sauvage dans
l'intendance de Valladolid et au Nouveau-
Mexique ; mais je doute fort que cette as-
sertion soit fondée sur l'observation exacte
d'un botfiniste voyageur. Quoi qu'il en soit,
il est bien certain que jusqu'à ce jour ni le
chanvre ni le lin ne sont cultivés au Mexique.
L'Espagne a eu quelques ministres éclairés
qui ont voulu favoriser ces deux branches
de l'industrie coloniale : cependant cette
faveur n'a jamais été que passagère. Le conseil
des Indes , dont l'inlluence est durable comme
celle de tout corps dans lequel les mêmes
principes se perpétuent, a constamment voulu
que la métropole s'opposât à la culture du
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igi LIVRE IV,
chanvre , du lin , do la \ignc , de l'oliviep
ot du mûrier. Peu éclairé sur ses vrais intérêts,
le «j^ouvernonienl a mieux aimé voir vêtu le
peuple mexicain de toiles de colon achetées
à 3Ianille et à Canton, ou importées à Cadix
par des vaisseaux ani;lois , que de protéger
les manufactures de la JNouvclle-Espaj^ne. On
peut espérer que la partie monlueuse de la
Sonora , l'intendance de Duranijo et le Non-
veau-Mexique, rivaliseront un jour dans la
production du lin avec la Gah(^e et les As-
turics. Quant au chanvre, il seroit important
de ne pas introduire au Mexique l'espèce
européenne , mais celle qui est cultivée en
Chine [Catuiahis indica) ^ et dont la tige
acquiert cinq à six mètres de hauteur. Il est à
présumer d'ailleurs que la culture du chanvre
et du lin ne s'étendra que trcs-difficilement
dans cette région du Mexique où le cotonnier
donne en abondance. Le roui exige plus de
soin et de travail que la séparation du coton
de sa graine ; et dans un pays où il y a peu
de bras et beaucoup de paresse, le peuple
préfère une culture dont le produit est d'un
emploi prompt et facile.
Xu culture du cajler n'a commencé à Tile
CHAPITRr X. Kji
<?e Cuba cl dans les colonies ospog-noles du
continent, que depuis la destruction des plan-
tations de Saint-Doniini^nc '. Kn iiSo.'l , l'île
de Cuba produisit déjà 1 2,000 ; la province
de Caracas près de 5ooo quintaux. La Nou-
velle-Espa«jne a des sucreries plus multipliées
et })lus considérables que la Terre-Ferme ;
mais la production du café y est encore nulle,
quoiqu'on ne puisse douter que cette culture
réussiroit parfaitement dans les régions tem-
pérées, surtout à la hauteur des villes de
' La partie Françoise de Saint-Domingue ne pro-
duisit, en 1783 , que 445, 734 quintaux de café ; mais,
cinq ans plus tard , elle en produisit 762,8()5. Cepen-
dant le prix , en 1783, éloit de 5o fr. le quintal , et
en 1788 , de 94 fr. *, ce qui prouve combien l'usag«du
café s'est étendu en Europe , malgré l'augmentation
du prix. L'Yemen fournit annuellement , d'après
Raynal, i3o,ooo^ d'après M. Page, i5o,ooo quin-
taux , qui sont exportés presque tous en Turquie , en
Perse et aux Indes. Les îles de France et de Bourbon
en donnent 45,ooo quintaux. Il me paroît, d'après les
notions que j'ai tâché de me procurer, que FEurope
entière consomme actuellement par an près de cin-
quante-trois millions de kilogrammes de café. Un
cailer donne , en bonne terre, 1 kilogramme de café^
çt Ton plante c)6o pieds sur un hectare de terrain,
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194 LIVRE IV,
Xalapa et de Cliilpansingo. L'usage du café
est encore si rare au Mexique, que tout le
pays n'en consomme annuelleaienl que quatre
ou cinq cents quintaux; tandis que la con-
sommation de la France, dont la population
est à peine cinq fois plus grande que celle
<Ie la Nouvelle-Espagne , s'élève à ])eu près
à 25o,ooo quintaux.
La culture du cacaoyer ( cacavi ou caciwa
qiKiJntitl ) éloit déjà très - répandue au
Mexique du temps de Montezuma ; et c'est là
que les Espagnols apprirent à connoîtrc cet
arbre précieux qu'ils ont transplanté dans la
suite aux lies Canaries et aux Philippines.
Les Mexicains préparoient une boisson ap-
pelée chocolall y dans laquelle un peu de
farine de maïs, de la vanille {tlllxocliitl) et
le fruit d'une espèce de piment {meca.iochitl)
étoient mêlés au cacao ( cacaluiatl ' ). Ils
^ Heinandez , Llh. II, c. i5; Lib. III, c. 46;
Lib. V, c. i3. On tlislinguoit, du temps tl'Hernaiulcz,
qualre variétés de cacao, appelées quauhcaliuaU ,
mecacaliuatl , xochicucahuatl et tlalcavahuail. Celle
dernière variété avoil le grain très-petit: rarl)re qui la
produisoilétoit sans doute analogue au cacaoyer que
nous avons trouvé sauvage sur les rives de l'Orénoque ,
m
CHAPITRE X.
iqS
savoient même réduire le chocolat en ta-
blettes, et cet art, les inslrunieiis dont on se
servoit pour moudre le cacao, de même que
le mot de dincolutly ont passé du Mexique
en Europe. On en est d'autant plus étonné
de voir aujourd'hui la culture du cacaoyer
pres(|ue totalement né<jligée. A peine trouve-
t-on quelques pieds de cet arbre dans les
environs de Colima et sur les rives du Gua-
sacualco. Les plantations de cacaoyers , dans
la province de Tabasco , sont peu considé-
rables, et le Mexique tire tout le cacao qui
est nécessaire à sa consommation , du royaume
de Guatiniala , de Maracaybo, de Caracas
et de Guayaquil. Cette consommation paroît
s'élever annuellement à 3o,ooo faneras j
chacune du poids de 5o kilograjnmes : l'abbé
Hervas prétend que toute l'Espagne con-
somme 90,000 fanegas \ Il résulte de cette
à Tosl de l'emboucliure du Yao. Le cacaoyer cultivé
depuis des siècles, a le grain plus ^ros, plus doux et
plus huileux. Il ne faut pas confondre avec le Theo-
hroma cacao le T. bicolor , dont j'ai donné le dessin
dans nos Planten équinoxialea (T. I , PI. XXX aeX b ,
p. io4 ), et qui est propre à la province du Choco.
» Ideadel Universo , T. V, p. 174.
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196 LIVRE IV,
évaluation , qui me paroît un peu trop basse,
que l'Espagne ne consomme que le tiers du
cacao importé annuellement en Europe.
Mais d'après les recherches que j'ai faites
sur les lieux, depuis 1799 jusqu'en i8o5, j'ai
trouvé que l'exportation annuelle du cacao
étoit :
Dans les provinces de Venezuela {«^r^n».
et de Maracajbo , de izi5,ooo
Dans la province de la Nouvelle-
Andalousie (Gumana) , de,. . 18,000
Dans la province de la Nouvelle-
Barcelone , de 5,000
Dans le royaume de Quito , du
port de Guayaquil , de 60,000
La valeur de ces onze millions et demi de
kilogrammes de cacao , s'élève en Europe ,
en temps de paix , et en n'évaluant hxfanega
qu'à quarante piastres , à la somme de
45,600,000 livres tournois. Dans les colonies
espagnoles , le chocolat n'est p^s considéré
comme un objet de luxe , mais comme une
denrée de première nécessité : c'est, en effet,
un aliment sain , très-nourrissant , et surtout
I
CHAPITRE X. 197
d'un grand secours pour les voyageurs. Le
chocolat que l'on fabrique à Mexico est d'une
qualité supérieure , paice que le commerce
de la Vera-Gruz et d'AcapuIco fait refluer
dans la Nouvelle-Espagne le fameux cacao
de Soconusco ( XoconocJico ) , des coles de
Guatimala; celui de Gualan , du golfe de
Honduras, près d'Omoa; celui à'Urituciiy
près Saint-Sébastien , dans la province de
Caracas ; celui de Cajnriqual, de la province
de Nueva Barcelona , et celui de YEsmeralda^
du royaume de Quito.
Du temps des rois aztèques, des grains
de cacao servoient de monnoie au grand
marché de Tlatelolco , comme les coquilles
aux îles Maldives. On emplojoit pour le
chocolat, le cacao de Soconusco , cultivé à
l'extrémité orientale de l'empire mexicain ,
et les petits grains appelés tlalcacahuatl. Les
espèces de qualité inférieure étoient réservées
pour servir de monnoie. « Sachant , »> dit
Cortez , dans sa première lettre à l'empereur
Charles - Quint , « que, dans la province de
« Malinaltebeque, il y avoit de l'or en abon-
« dance , j'engageai le seigneur Monlezuma
« d'y établir une ferme pour votre majesté.
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198 LIVRE IV,
« Il j mit tant de zèle , qu'en moins de deux
« mois on y avoit déjà semé soixante fa-
« ncg'ues de maïs, et dix de fèves. On y avoit
« planté anssi deux niille pieds de cacap
« (cacaoyer) , qui donne un Fruit semidable
« à l'amande, et q«ie l'on A^end après l'avoir
« moulu. Celle graine est si estimée, que dans
« tout le pavs on l'emploie comme monnoie,
« et qu'on achète avec elle dans les marchés
« et partout ailleurs '. j> Encore aujourd'hui
le cacao sert de billon à Mexico : comme la
plus petite monnoie des coloiûes espagnoles
est un demi-réal {un j?iedio) , équivalant à
douze sous , le peuple trouve de la commo-
dité dans l'emploi du cacao comme monnoie :
un sou est représenté par siv grains.
L'usage de la i^aniHe a passé des Aztèques
aux Espagnols. Le chocolat mexicain , comme
nous l'avons observé plus haut , étoit parfumé
de plusieurs aromates , parmi lesquels la
glousse de la vanille occupoit Iç premier rang.
Aujourd'hui les Espagnols ne fout le com-
merce de cette production précieuse que pour
* Lorenzana , p« 91 , ^. 26. Clavi^sro , I^ p. 4 j II,
p. 219 j IV, p. 207.
m
':,"
CHAPITRE X.
Ï99
la vendre aux autres peuples de l'Europe. Le
choeolat cspa«;noi ne contient pas de vanille;
et à Mexico même on a le préjugé de regarder
ce parfmn comme nuisi!)le à la santé, surtout
pour les personnes cpii ont le système nerveux
Irès-irrilahle. On entend dire gravement que
la vanille cause des maux de nerfs ( la Itày-
nllla da pasmo ). Il y a peu d'années qu'à
Caracas on disoit la m«'me cliose de l'usage
du café , qui comnience cependant à s'y ré-
pandre parmi les indigènes.
Lorsqu'on considère le prix excessif auquel
se soutient constamment la vanille en l'Europe,
on est étonné de l'incurie des habitans de
l'Amérique espagnole , qui négligent la cul-
ture d'une plante que la nature produit
spontanément entre les tropiques , presque
partout où il y a de la chaleur, de l'ombre
et beaucoup d'humidité. Toute la vanille
que consomme l'Europe, vient du Mexique ,
et par la seule voie de la Yera-Cruz. On la
récolte sur une étendue de terrain de quel-
ques lieues carrées. Il n'y a pas de doute
cependant que la cote de Caracas et même
la Havane pourroient en faire un conuiierce
très-considérable. Nous avons trouvé, pendant
1200 tlVKE IV,'
le cours de nos herborisations , des gousses de
vanille Ircs-aromatiques , et d'une grandeur
extraordinaire, dans les montagnes de Garipe,
à la cote de Paria; dans la belle lallée de
Bordones , près de Cumana ; dans les environs
de Portocabello et de Cuaiguaza ; dans les
forets de Turbaco, près de Carthagcne des
Indes ; dans la province de Jaen , sur les
bords de la rivière des Amazones , et dans
la Guayane , au pied des rochers granitiques
qui forment les grandes cataractes de l'Oré-
noque. Des habitans de Xalapa , qui font le
commerce de la belle vanille mexicaine de
Misantia, ont été frappés de l'excellence de
celle que M. Bonpland a rapportée de l'Oré-
noque , et que nous avions cueillie dans les
bosquets qui entourent le Raudal de Maj^
pure, A l'ile de Guba , on trouve des plantes
de vanille ( Epidendrum vanilla) sur les
cotes de Buhia Honda et au Mariel. Gelle de
Saint-Domingue a le fruit très-long , mais
peu odoriférant; car souvent une grande
humidité , en favorisant la végétation , est
conlraire au développement de l'aromate.
D'ailleurs, lesbotanistes voyageurs ne doivent
pas juger de la bonté de la vanille d'après
CHAPITRE X.
201
l'odeur que celte liane répand dans les forets
derAmériquc : cette odeur est due, en grande
partie , à la fleur , qui, dans les vallées pro-
fondes et humides des Andes , est quelquefois
longue de quatre ou cinq centimètres.
L'auteur de Vllisloire pliUosopliique des
deux Indes ' se plaint du peu de notions
qu'il a pu se procurer sur la culture de la
vanille au Mexique. Il ignore même le nom
des districts qui la produisent. Ayant été sur
les lieux , j'ai été à même de prendre des
renseignemens plus détaillés et plus exacts.
J'ai consulté , à Xalapa et à Vera - Cruz ,
des personnes qui , depuis trente ans , font
le commerce des vanilles de Misantla , de
Colipa et de Papantla. Voici le résultat de
mes recherches sur l'état actuel de celte
branche intéressante de l'industrie nationale.
Toute la vanille que le Mexique fournit à
l'Europe , est recueillie dans les deux inten-
dances de Vera - Cruz et d'Oaxaca. Celte
plante abonde principalement sur la pente
» Raynnl , T. II, p. 68, J. iG. Thiery de Menon-
çillej de lu culiiire du Nopal, p. i42. On cullive aussi
un peu de Viinille à la Jamaïque , dans les paroisses
de Sainte- Anne et de Sainte-Marie. Broi,çnj p. 326.
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m
207. LIVRE IV,
orientale de Ja Cordillère d'Analiuac , entre
les 19" et 20° de latitude. Les indi^^ènes
ayant reconnu de bonne heure combien,
malg-ré cette abondance , la récolte étoit
difficile, à cause de la vaste étendue des
terrains qu'il falloit parcourir annuellement,
ils ont propagé l'espèce en réunissant un
grand nombre de plantes dans un espace plus
étroit. Cette opération n'a pas exigé beaucoup
de soin : il a suffi de netto) er un peu le sol ,
et de planter deux boutures d'Epidendruin
au pied d'un arbre , ou bien de fixer des
parties coupées de la tige au tronc d'un
Liquidambar , d'un Ocotea ou d'un Piper
arborescent.
Les boutures ont généralement quatre a
cinq décimètres de longueur. On les attache
avec des lianes , aux arbres sur lesquels la
nouvelle tige doit monter. Chaque bouture
donne du fruit la troisième année. On compte,
pendant trente à quarante ans, jusqu'à cin-
quante gousses par pied, surtout si la végé-
tation de la vanille n'est pas arrêtée par la
proximité d'autres lianes qui l'étouffent. La
haynilla cimarona ou sauvage, qui n'a point
été plantée par la main de l'homme , et qui
CHAPITUF. X. 20.1
croît dans un terrain couvert d'arbnslos cl
d'autres plantes griinpanics , porte, au Mexi-
que , des Truils très-secs, et eu hès - pelile
cpiautité.
Dans l'intendance de Vera - Cruz , les
districts célèbres par le couinierce de la va-
nille, sont la siibdidegaciou de MisantLiy avec
les villages indiens de Misantla , Golipa ,
Yacuatla (près de la Sierra de Chicunquiatoj ,
et Nautla, appartenant tous jadis à XAlculdla
major du La Aiili^iia ; la jurisdiccion de
Papantla y et celles de Santiago et San Audres
Tuoctla, Misantla est à trente lieues de dis-
tance de la Vera-Cruz , au nord-ouest ^ et à
douze lieues des côtes de la nier : c'est un
endroit charmant , dans lequel on ne connoît
pas le fléau des mosquilos et des g("g('n , qui
sont si nombreux au port de Nautla , sur les
bords du Rio de Quilate , et à Colipa. Si la
rivière de Misantla , dont l'embouchure est
près de la Barra dePalmas, étoit rendue na-
vigable, ce district parviendroit en peu de
temps à un haut degré de prospérité.
Les naturels de Misantla recueillent la
vanille dans les montagnes et les forets de
lO/f LIVRE IV,
Quilatc. La plante fleurit dans les mois de
février et de mars. La récolte est mauvaise
si , à celte époque , les vents du nord sont
fréquens et accompagnés de beaucoup de
pluie. La fleur tombe sans donner du fruit ,
lorsque l'humidité est trop grande. Une sé-
cheresse extrême est également nuisible à
l'accroissement de la gousse. D'ailleurs, aucun
insecte n'attaque le fruit vert , à cause du
lait qu'il contient. On commence à le couper
aux mois de mars et d'avril , lorsque le suh-
délégué a publié par ban que la récolte est
permise aux Indiens : elle dure jusqu'à la fin
de juin. Les naturels , qui restent huit jours
de suite dans les forets de Qailale , vendent
la vanille fraîche et jaune à la gente de razon ,
qui sont des blancs, des métis et des mulâtres:
ceux-ci connoissent seuls 3 heneficio de la
haynillay c'est-à-dire la manière de la sécher
avec soin, de lui conserver un lustre argenté,
et de la ficeler pour le transport en Europe.
On étend les fruits jaunes sur des toiles , et
on les met au soleil pendant quelques heures.
Lorsqu'ils sont suffisamment chauffés , on les
enveloppe dans des draps de laine pour les
205
CHAPITRE X.
faire suer : la vanille noircit alors, et l'on finit
parla sécher en l'exposant, depuis le matin
jusqu'au soir , à l'ardeur du soleil.
La préparation que l'on donne à la vanille,
à Golipa, est bien supérieure au beiujicio usité
àMisanlla. On assure qu'en déballant les pa-
quets de vanille à Cadix, on trouve dans celle
de Colipa à peine six pour cent de déchet ,
tandis que , dans la vanille de Misantla , le
nombre des pousses pourries ou gâtées s'élève
au double. Cette dernière variété est plus dif-
ficile à sécher , parce qu'elle a le fruit plus
grand et plus aqueux que celle de Colipa,
qui , récoltée dans des savanes , et non sur
des montagnes, est appelée hajnilla de aca-
giiales. Lorsque le temps pluvieux ne permet
pas aux habitans de Misantla et de Colipa
d'exposer la vanille aux rayons du soleil ,
jusqu'à ce qu'elle ait acquis une couleur noi-
râtre et qu'elle se couvre de stries argentées
(inanchas plaie atlas) ^oi\ est obligé de recouHr
à l'emploi d'une chaleur artificielle. On forme,
au moyen de petits tuyaux de roseaux, un
cadre suspendu par des cordes , et couvert
d'une toile de laine, sur laquelle on étend
les gousses. Le feu est placé au-dessous, mais
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2oG LIVRE IV,
à une dislance considériible. On sôclic les
pousses en donnant un lé^^er mouvement au
cadre, et en chanir.mt peu à peu les roseaux
et la toile. Il faut beaucoup de soin et une
Jon<^iie expérience pour réussir à hienséclier
la vanille par celte méthode, que l'on appelle
Ixmrjîcio de pnscojoL Les perles sont ji^éné-
ralement Ircs-fï'randes, lorsqu'on emploie la
chaleur arlificielle.
A Misantla, on réunit les fruils-de vanille
en paquets , appelés tnazns : un mazo ren-
ferme cinquante gousses; par eonséqjient,
un millier (fniilttr) a vingt niazos. Quoique
toute la vanille qui entre dans le commerce,
paroisse être le produit d'une seule espèce
d'Epidendrum (^tlilxochitl) , on divise ce-
pendant le Fruit récolté en quatre classes
différentes. La nature du sol, l'humidité de
l'air et la chaleur du soleil influent singuliè-
rement sur la grandeur des gousses et sur la
quantité de parties huileuses et aromatiques
qu'elles contiennent. Ces quatre classes de
vanille sont les suivantes , à commencer par
celles d'une qualité supérieure : bajnilla fina,
dans laquelle on distingue de nouveau la
grande fina et la chlça fina ou inancucraa ;
. CHAPITRE X. 20']
le zdciite ; le rezucate y et la basura. Ciiiique
rljjssc est racile à reconnoîlro en Kspa«'ne ,
par la manière dont les paquets sont fMelcs.
La,i,'/v///^/<^///zrt a coniniunénient 2 2 eenlinu'ties
de loni^uenr , et chaque niazo en pèse, à !Mi-
sanlla , dix onces et tienne ; à Colipa , neuf ù
dix. La chica Jina est de cinq centimètres
plus courte que la précédente , et on racLèle
la nioilié moins cher. Le zacfite est une va-
cille très-longue, mais extrêmement mince,
et très-aqueuse. La hasum , dont im paquet
a cent gousses , ne sert qu'à remplir le l'ond
des caisses que l'on expédie pour Cadix. La
plus mauvaise qualité delà vanille deMisanlla
s'appelle haynilla clninroria ( sauvage ) ou
hdjniUapalo : elle est très-mince, et j)res(pie
dépourvue de sue. Lue sixième variété, la
haynilla pompona y a le iVuit très-grand et
très-beau : on l'a expédiée à différentes re-
prises en Europe, et par le moyen des né-
gocians de Gènes , pour le Levant ; mais
comme son odeur est différente tle la vanille
ixppeiée grande Jlna y elle n'y a trouvé aucun
débit jusqu'ici.
On voit, d'après ce que nous venons de
rapporter sur la vanille, qu'il en est de la
iii
r a
II"'
'^
208
LIVRE IV
bonté de celte production comrae de celle
du quinquina , qui ne dépend pas seulement
de Tespèce de cincliona dont il provient ,
mais aussi de la hauteur du sol, de l'expo-
sition de l'arbre, de l'époque de la récolte,
et du soin avec lequel l'écorce a été séchée.
Le commerce de la vanille et celui du quin-
quina , se trouvent également entre les mains
de quelques personnes que l'on appelle habi-
litadores y parce qu'ils avancent de l'argent
aux cosecheros y c'est-à-dire aux Indiens qui
font la récolte, et qui se mettent par là sous
la dépendance des entrepreneurs. Ce sont ces
derniers qui tirent presque seuls tout le profit
de cette branche de l'industiie mexicaine.
La concurrence des acheteurs est d'autant
plus petite à Misantla et à Colipa, qu'il faut
une longue expérience pour ne pas se laisser
tromper dans l'achat de la vanille préparée.
Une seule gousse tachetée ( nianchada) , peut
faire perdre , pendant la traversée d'Amé-
rique en Europe, une caisse entière. On
désigne, par des noms particuliers ( mojo
negro y mojo hlanco ^ garro ) , les défauts que
l'on découvre, soit à la gousse, soit au pétiole
{garganta). Aussi un acheteur prudent exu-
i' 1
: '
CHAPITRE X. 209
mine plusieurs fois les paquels qu'il réunit
dans le même envoi.
Les habilitadores ont acheté , clans l'es-
pace des derniers douze ans , le millier de
vanille de la première classe, prix, moyen,
à 26 ou 55 piastres; le millier de zacatc à 10 ,
et celui de rezacalc à 4. piastres. En i8o5 , le
prix de Xà grande Jliia a été de 5o, et celui
àxxzacatii de i5 piastres. Les acheteurs, loin
de payer les Indiens en argent comptant , leur
fournissent en échange, et à très-haut prix,
de l'eau-de-vie , du cacao y du vin , et surtout
des toiles de coton fabriquées à la Puebla.
C'est dans cet échange que consiste une
grande partie du profit des accapareurs.
Le district de Papatitla y qui étoit jadis une
alcaldia major j se trouve à 18 lieues au nord
du Misantla : il produit très-peu de vanille ,
qui, en outre, est mal séchée , quoique très-
aromatique. On accuse les Indiens de Papantla,
comme ceux de Nautla , de s'introduire furti-
vement dans les forêts de Qnilale, pour
recueillir le fruit de l'Epidendrum planté par
les naturels de Misantla. Dans l'intendance
d'Oaxaca , c'est le village de Teutlla qui est
célèbre par la qualité supérieure de la vanille
III. ^ i4
!
!M
210
LIVRE IV
que produisent les forets voisines. Il paroît
que celte variété a été la première introduite
en Espag-ne,, au seizième siècle; car encore
aujourd'lini la haynilla de Tciitila est re-
gardée, à Cadix , comme préférable à toutes
les autres: on la sèche, en eflet, avec beau-
coup de soin, en la piquant avec des épingles,
et en la suspendant par des fils de pite ; mais
elle pî'se à peu près un neuvième de moins
que celle de Misantla. J'ignore la quantité de
vanille qui est récoltée dans la province de
Honduras, et exportée annuellement par le
petit port de Truxillo -, mais il paroît qu'elle
est peu considérable.
Les forets de Quilate donnent, dans dt^
années très-abondantes, 800 milliers de vanille :
une mauvaise récolte, dans des années très-
pluvieuses, ne s'élève qu'à 200 milliers. On
évalue , en terme moven , le produit
de Misantla et de Colipa , à 700 """^'^"•
de Papantla , à 100
de Teulila, à 110
La valeur de ces 910 milliers cst^ à Vera-
Cruz , de 00 à /|0,ooo piastres. Il faudroit y
ajouter le produit des récoltes de Santiago et
Saa Andres ïuxtla, sur lesquelles je manque
chapitre: X. 211
cte données suflîsammcnt exactes. Souvent la
récolte d'une année ne passe pas en entier en
Europe ; mais ou en réserve une ])arlie pour
la réunir à celle de Tannée suivante. Eu 1802,
il sortit du port de Vera - Cruz 1790 nnllares
de vanille. Ou doit être étonné de voir que la
consonuiialion de toute l'Europe n'est pas
plus grande.
La même pente orientale de la Cordillère
sur laquelle on récolte la vanille , produit
aussi la salsepareille ( zarza ), dont on a
exporté de la Vera-Cruz, en iSo5 , près de
25o,ooo kilogrammes ', et \e Jalap {Purga
de Xalapa), qui est la racine non du Mira-
bilis jalapa , du M. longiflora, ou du M. à\-
chotoma, mais du Com>ohnlus jalapa. Ce
liseron végète à une hauteur absolue de
treize à quatorze cents mètres , sur toute la
chaîne de montagnes qui s'étend depuis le
volcan d'Orizaba jusqu'au Coffre de Perote.
Nous ne l'avons pas trouvé dans nos lier-
* lia salseparcilli' Ju commerce provient de phisieurs
espèces (le Smilax , trcs-difl'érentes du S. Sarsaparilla.
Voyez la description de dix espèces nouvelles, que
nousavonsrapporléesdansle Species de M. Willdenow,
T. IV, P. 1, p. 773.
4*
212
LIVRE IV
M
Lorisations aulour tic la ville de Xalapa
même ; mais les Indiens qui Labilent les
villa<»'es voisins , nous en ont apporté de
belles racines recueillies près de la Bande-
rilla , à l'est de San Miguel el Soldado. Ce
remède précieux est récolté dans la subdcle-
gacioti de Xidajxi j autour des villages de
Santiago , Tlaclii , Tiliuacan de los Rejes ,
Tlacoluîa, Xicochimalco , Tatatila, Yxhua-
can , et Ayaliualulco ; dans la jiinsdiccîon de
San Juan de los Llanos , près de San Pedro
Chilcliotla et Quimixtlan; dans les partidos
des villes de Cordai a , A'Ovhaba et àe San
Andres Tuxlla, La vraie Purga de Xalapa
ne se plaît que sous un climat tempéré,
presque froid, dans des vallées ombragées,
et sur la pente des montagnes. J'ai été d'autant
plus étonné d'apprendre, depuis mon retour
en Europe , qu'un voyageur instruit, et qui a
montré le plus grand dévouement pour le bien
de sa patrie, Tliiery de Menon\ille ', ait
* Thiery y p. 5(). Ce jalap de Vera-Cruz paroît
d'ailleurs identique avec celui que M. Michaux a
trouvé daus la Floride. Voyez le Mémoire de M. Des-
fonlaines , sur le Coiivolvulus jalapa , dans les Annales
du Muséum d'Histoire naturelle , T. Il, p. 120.
' 'i
chapithe X.
2i3
r.ssiiré avoir trouvé le jalap en grainlc al)on-
dance dans les terres arides etsablonnenses qni
entourent le port de V^era-Cruz , par consé-
quent sous un climat excessivement chaud,
et au niveau de la nier.
Rajnal ' avance que l'Europe consomme
annuellement 7000 quintaux de jalap : cette
évaluation paroît plus du double trop forte;
car, d'après des rensei<^nemens exacts que j'ai
pu prendre à la Vera-Cruz, il n'a été exporté
de ce port ^ en 1802 , que 292 1 , el en i8o3 ,
que 2281 quintaux de jalap. Son pi ix est, à
Xalapa, de 120 à 100 francs le quintal.
Nous n'avons point vu, pendant notre
séjour dans la Nouvelle -Espagne, le liseron
qui, à ce que l'on prétend, donne la racine
de Mcclioacan (le tacuache des Indiens Ta-
rasques, le ilalantlacidtlapilll àes K7Xcc[\\çs) :
nous n'en avons pas même entendu parler
pendant le AOjage que nous avons fait dans
l'ancien rovaume de Michoacan, qui fait
partie de l'intendance de Valladolid. L'abbé
Clavif^^ero " raconte qu'un médecin du dernier
roi de Tzintzontzan apprit à connoître ce
» Hist. philoii. y T. JI, p. 08.
• Sloria antica di Messico, T. II, p. 212.
i^'
w
2l4 . LIVKE IV,
remède aux religieux missionnaires qui avoient
suivi l'cxpcdilion de Coitcz. E\iste-l-il, en
effet, une ruine qui, sous le nom de f/ic-
choacan y est exportée de la Vera-Gruz,
ou ce remède, qui est identique avec le
jelivucv de Marco-rave ', nous vient-il des cotes
du Brésil? Il paroît même qu'anciennement le
vrai jalap étoit nommé mcchoacan^ et que, par
une de ces méprises si connnu nés dans l'îiis-
toire des drogues , celte dénominalion a passé
dans la suite à la racine d'une autre plante.
La culture du tabac mexicain pourroit deve-
nir une branche d'agriculture de la plus haute
importance, si le commerce en étoit libre;mais
depuis l'introduction dumonopîe, ou depuis
l'établissement de \'a ferme royale { elestanco
reaide /^^Z'rti^o) par le insitador Don Joseph de
Galvcz, en 1764, non-seulement il faut une
permission spéciale pour planter le tabac;
non-seulement le cultivateur est tenu de le
vendre à la ferme y au prix que celle-ci fixe
arbitrairement , selon la bonté du produit;
mais la culture en est restreinte aux seuls
environs des villes d'Orizaba et de Cordova,
^ Li'nn. , Mat. mcdica , 1749, p. 28. Marvay ,
Appuratus madicainiuum , T. I, p. 62,
CHAriTRE X.
2l3
el aux parlidos de IIiiatus'?o et <le Songoliea ,
situés dans l'intendanee de \cra-Cn]z. \)cs
coiiiniis , qui portent le titre de s^nanhis de
tabaco j parcourent le ])ays pour arraelier le
tabac plante hors de ces districts cpie nous
venons de nommer, et pour mettre à Tamende
les l'erinieis qui sinisent de cnltiA er ce qdi est
nécessaire à leur propre consonmialion. On a
cru diminuer la contrebande, en bornant la
culture à une élendue de lerruin de quatre on
cinq lieues carrées. Avant rélablissemcnl de
\à p'i'iue , l'inlendance de (niadiilaxaia, sur-
tout les parlidos d'Autlan , d'Ezatlan , d'Aliux-
catlan, Tepie ,Santixpac et Acaponeta, cloient
célèbrcspar l'abondance et l'excellenle qualité
du tabac qu'ils produisoient. Ces contrées,
jadis heureuses et fîori.'^santes, ont diminué de
population , depuis que les plantations ont élc
transférées à la pente orientale de la Cor-
dillère.
C'est aux îles Antilles c\\\c les Espagnols ont
appris à connoître le tabac. Ce mot, qui u
été adopté par tous les peuples de l'Europe ,
est de la langue d'Uayti ou de St.-Donïingue ;
car les Mexicains appelèrent la plante jctl ,
2l6
LIVRE IV
les Péruviens ç/t;'/'/'. Au Mexique et au Pérou,
les inclig"cnes fumoient et prenoient du tabac
en poudre. A la cour de Montezuma, les
grands seigneurs emploj oient la fumée de
tabac comme un narcotique, non-seulement
pour faire la sieste après le dîner, mais aussi
pour dormir le matin , immédiatement après
le déjeuner, comme c'est encore l'usage dans
plusieurs parties de l'Amérique équinoxiale.
On rouloit les feuilles sèches du jetl en
h]
^ Hernandaz , Lîb. V, c. 5i , p. 175. Clnvigero ,
T. 11 , p. 227. Garcilasso, Lih. II, c. 25. Déjà les
anciens i\2cxicnins recoviiinaiuloieiit le tabac comme
lin rcmÎHle contre le mal ('e clenls, le rhume de cer-
veau et la colque. Les Garibes se servoient tle feuilles
de tabac niàché comme contre-poison. Dans notre
voyage sur l'Oréncque, nous avons vu appliquer avec
succès le tahac niachéaux morsures de couleuvres veni-
meuses. A[)ièsli fan»eux/V/«cof/e^ Gï^rtco, dont on doit
la connois.sance à M. Mutis, le tuliac est aana doute le
conlre-poison le plus actif de rAuiérique. La culture
du tabac s'est propag»'e avec uiic si grande rapidité ,
qu'en i559 on Icsemoit déià en roriugal, et qu'au
commenccajtnl du di\-.septième siècle on le planta
aux Grandes Indes, fieckmanns Geschichte der Erfin-_
duiigeii, B. 3, p. 366.
:
fil
CHAPITPiE X. 217
Cigares y et on les encliassoil clans tics tuyaux
cl'aro'ent, de bois ou de roseau : souvent on
y nièluil la résine du Li^juidunibarst} nicifhta,
et d'autres matières aromatiques. On tenoit
d'une main le tuyau , et de l'autre on se bou-
choit les narines pour avaler plus facilement
la fmnce du tabac ; plusieurs pe^'sonnes se
contentoient même d'aspirer la fumée par le
nez. Quoique le Piciell (Nicoliana ruslica)
fût beaucoup cullivé dans l'ancien Analiuac,
il paroît pourtant que les personnes aisées
faisoient seules usage du tabac; car nous
voyons aujourd'hui que cet usage est entière-
mentinconnu aux Indiens de race pure, parce
qu'ils descendent presque tous de la dernière
classe du peuple aztèque '.
On évalue à la V era-Gruz la quantité de
tabac récolté dans les districts d'Orizaba et
de Cordova, à huit ou dix mille tcvcios (à
8 arrobes) , qui font 1,600,000 ou 2,000,000
de livres pesant; mais celle évaluation paroit
un peu trop basse. Le roi paye au cultiva leur
la livre de tabac à deux réaux et demi, c'est-à-
dire à 21 sous le kilogramme. Nous veiTons
* Voyez cl~cîcssus, Chap. VI, T. I , p. ^cjg.
i Ir
;'.
IJ:
!2ï8
MVBE IV
dans la suite de cet ouvra^ii^c , et d'après des
renscigneniens ([iie j'ai lires de pièces olïi-
ciclles, ([ii'en général la l'cniic du Mexique
Tend annucllenienl, dans le pavs même, pour
plus de 58 millions de francs de tabaeàrumer
et en poudre, et rprelle rend au roi un profit
net de plus de 20 millions de livres tournois.
Cette consommation de tabac dans la Nou-
velle-Espagne doit pîiroître énoi'me, d'autant
plus que sur une population de 5, 800,000
âmes , il faut décompter deux millions et demi
d'indigènes qui ne fument pi>s. D'ailleurs , au
Mexique la ferme est un objet beaucoup plus
important pour le fisc qu'au Pérou, j>arce
que, dans le premier de ces pays , le nombre
des blancs est plus considérable, et que l'usage
de fumer des cigares y est plus répandu ,
même parmi les femmes et les enfans en bas
âge. En France , où, d'après des reclierches
de M. Fabre de l'Aude, il y a buit millions
d'babitans qui prennent du ta])ac , la con-
sonuîiation totale est de plus de quarante
millions de livres pesant; mais la valeur des
importations de tabac étranger ne s'y est
élevée, en 1787, qu'à izi,i/|.2,ooo liv. tournoie '.
* Peuchutj p. 3i5 et 4oc).
CHAPITHE X. 9.19
La Noiivcllc-Esp.igiic , loin d'oxporlti' <lo
son labiK" indifi^t'iic , en lire encore annnc;!-
Icnicnt j)!L's (le 5G,ooo livies ])esant de la
Havane, ijcs v( v;tlitM)S (|u'on l'ail éprouver
aux planteurs, joinlcs à la préféienec donnce
à la cullure du calé, ont cependant beaucoup
diminué le produit de la ('ernie à lile de Cid)a.
Aujourd'hui cette ile fournit à peine liio.ooo
arrobas y tandis qu'avant 179I , dans de
bonnes années , on évaluoit la récolte à
010, 000 airobits ( 7,87.^1,000 li\res ])csanl') ,
dontiGo,ooo arrobas étoicnl consonnnées dans
l'île, et i2(S,ooo envoyées en l^l^pa^ne. Cette
branche de l'industrie coloniale est de la
phis haute importance , même dans son état
actuel de monopole et de contrainte. La
venta de tabaco de la péninsule donne un
revenu net de 6 millions de piastres, revenu
qui est du en grande partie à la vente du
tabac de l'île de Cuba envové à Séville. Les
ma<^'asins de cette dernière ville contiennent
quelquefois des provisions de 18 ou 19 millions
* Raynal (T. lil, p. afiS) n'évaliioil la récolle qtéà
4.675,000 livres pesant. La \ lrt:,iiiie proiluisoit, avant
1775, annuellement plus de 55,000 hogs/iedd.s , ou
Zà millions de livres de luLac. JeJJeravn , p. 3u3.
I
t
1"
I
s
Il i'
220 LIVRE IV,
de livres pesant , scnleinent en liibac en
poudre , dont la valeur monte à la sonirne
exorbitante de deux eenls millions do livres
tournois.
La culture de yin(li)j;n , très-efendue dans
le rojaume de GualimaLi et dans la provinee
de Caraeas , est extrêmement négligée au
Mexique. Les plantalions que l'on trouve le
long des coles occidentales , ne sulusent pas
même pour le peu de fabriques de toile île
colon indij^cnc. On importe annuellement de
l'indigo du royaume de Guatim.da, où le
produit total des plantalions s'élève à la
valeur de 12 millions de livres lournois. Cette
substance coloraïUe , sur laquelle M. Beck-
mann a fait de savantes lei.herches , ëtoit
.connue àcs Grecs et des Piomains , sous le
nom ixludicwn. Le mot à'aiiil y qui a passé
dans la langue espa:,'nole , vient du mot arabe
nir ou nil. Ile mandez , en parlant de l'indigo
mexicain , l'appelle unir. Les Grecs , du
temps de Dioscoride, tirèrei't l'indigo delà
Gédrosie ; et aiî treizième siècle, Marco Polo
décrivit avec soin sa préparation dans l'In-
dostan. C'est à tort que Kaynal prétend que
les Européens ont introduitla culture de cette
CHAPITRE X.
221
plante précieuse en Ainérujiie. Plusieurs es-
pèces iïîiidiij^<yj('ra sont propres au nouveau
continent. Ferdinand Colonil) , dans la vie de
son pèi'C , non une l'indigo parmi les pro-
ductions de l îled'Hi'jli. llernandez rapporte
le procédé par lecjnel les naturels du Mexique
séparoient la fécule du suc de la plante, pro-
cédé qui diîJere de celui que nous enïployons
aujourd'hui. Les pelits puins d'indigo sèches
au feu s'appeloient ninluiilli ou tlciioluiillL
La plante étoit même désignée sous le nom
de ocinliquili/)itzahiiac. Hernandez ' proposa
à la cour d'introduire la culture de l'indigo
dans la partie méridionale de l'Espa^^ne.
J'ignore si son conseil fut suivi , mais il est
certain que l'indigo étoit assez conunun à
Malte jusque vers la fin du dix -septième
siècle. Les espèces d'//2^//^o/c*/vi dont on retire
aujourd'hui l'indigo dans les colonies , sont :
rindigofera tinctoria , L anil , L disperma et
L argentea , comme le prouvent les plus
anciennespeiutures hiéroglyphiques des Mexi-
Il M
I
* Hernandez j Lib. IV, c. 12 , p. 108. Clavigerr, II,
189. Beckmann , L c. , IV, 474-532, Berthollet, Élé-
meiu de l'art de la teinture , II, Zj,
ii
I ;
2 2 À
LIVRE IV
cains; même trente ans aprîs la conquête,
les Espagnols , qui n'a voient p;i.s encore
trouvé des malériau7v pour faire de l'encre,
écrivoient avec de l'indigo , comme le prou-
vent les papiers conservés dans les archives
du duc de Monte Leone, qui est le dernier
rejeton de la famille de Gorlez. A Santa-Fe,
on écrit encore aujourd'liui avec le suc cx-
primédesfruilsderuvilla(Cr'i.Y/7//// tinclnniim),
et il y exisle un ordre de la cour qui enjoint
aux vice-rois de n'employer pour les pièces
officielles que ce bleu d'uvilîa , parce qu'on a
reconnu qu'il est plus indestructible que la
meilleure encre de l'Europe.
Après avoir examiné avec soin les végétaux
qui sont des objets importans de l'agriculture
et du commerce du Mexique , il nous reste
à jeter un coup - d'œil rapide sur les pro-
ductions du rèqrw animal. Quoique la plus
reeliercliée de ces productions , la cochenille,
ienne oriiiinairement à la Nouvelle-
'''PP
Ej
>pa
gne , 1
1 est
certain
fiant
cepennant que celles
Ih
quisontlesplus intéressantes pour le bien-être
des habitans, v ontélé introduites de l'ancien
continent. Les Mexicains n'avoient point es-
sayé de réduire à l'état de domesticité les deux
CHAPITRE X.
223
espèces de bœufs sauvages (Bos americanus
et B. nioschatus ) qui errent par troupeaux
dans les pLiines voisines de la rivière du Nord.
Ils ne connoissoierit pas le llama , qui , dans la
Cordillère des Andes, ne dépasse pas la
limite de l'iiémisphère austral. Ils ne savoient
tirer parti ni des brebis sauvages de la Ci>ii-
fornie ", ni des chèvres des montagnes de
Monterey. Parmi les nombreuses variétés de
chiens " qui sont propres au Mexique, une
seule, le te chichi , servoit à la nourriture des
liabitans. Sans doute le besoin d'animaux
domestiques se faisoit moins sentir avant la
conquête, à une époque où chaque famille
ne cullivoic qu'une petite étendue de terrain,
^ Sur les brebis et les clicvres sauvag-s des mon-
tagnes de l'ancienne et de la Nouvelle-Californie ,
voyez ci-dessus , Chap. YIU , T. IJ , p. 42,?.
» Voyez mes Tableaux de la xNalure, T. I , p. i24-
12^ Une tribu des provinces septentrionales, celle
des Cumancbes , se sert de chiens mexicains pour
le transport des tentes, comme plusieurs peuples de
la Sibérie. Voyez ci-dessus , T. 11 , p. 377. Les Péru-
viens deSausa (Xauxa) et Iluanca mangeoient leurs
chiens (mm//ro), et les Aztèques vendoient au marché
la chair du chien muet techlvhi , qu'on châtroit pour
i'engi-aisser. Lormzana , p. io3.
I !i:)
224 LIVRE IV,
et où une grande partie du peuple se nour-
rissoit presque exclusivement de végétaux.
Cependant le manque de ces animaux i'orçoit
une classe nombreuse des habitans, celle des
Tlamama y à faire le mélier de bétes de
somme , et à passer leur vie sur les grandes
routes. Ils étoient chargés de grosses caisses
de cuir ( eu mexicain pctlacalll j en espagnol
petacas), qui cootenoient des marchandises
d'un poids de trente à quarante kilogrammes.
Depuis le milieu du seizième siècle les
animaux les plus utiles de l'ancien conl.ne ' ,
ies bœufs, les chevaux , les brebis et les
porcs , se sont multipliés d'une manière sur-
prenante dans toutes les parties de la Nou-
velle-Espagne, surtout dans les v? '^es plaines
que renferment les provincias internas. Il
seroit superflu de réfuter ' ici les assertions
hasardées de M. de Buffon sur la prétendue
dégénération des animaux domestiques in-
troduits dans le nouveau continent. Ces idées
se sont propagées facilement, parce qu'en
ouvrage
' Cette réfutation se trouve dans l'excell.
fie M. Jt'Jferson , sur la Virginie ^ p. 109-166. Vojxz
aussi Clavigero, T. IV, p. io5-i6o. ,
CHAPITRE X.
flaltantlii vanité des Européens, elles se lioient
à des hjpollièscs brillantes sur l'ancien état
de noire planète. Depuis que l'on examine les
faits avec soin , les physiciens reconnoissent
de riiarnioiiie où l'écrivain élorpient n'an-
noncoit cpre des contrastes.
Il j a une «grande abondance de l/étes a
cornes le long des cotes orientales du Mexi-
l'embc
des
que, surtout a iemi>oucnure des rivières
d'Alvarado , de Guasacualco et de Panuco,
où de nombreux troupeaux trouvent des
pâturages constamment verts. La capitale du
Mexique et les grandes villes qui en sont
voisines , tirent cependant leurs provisions
en viandes de l'intendance de Durango. Les
naturels , comme la plupart des peuples de
l'Asie à lest du Gange ', se soucient très-peu
* Par exemple , dans le sud-est de l'Asie , les Chi-
nois et les liabitans de la Cucliincliine. Les derniers
ne Iraient jamais Ir* rs Taches, quoique le lait soit
excellent sous les tropiques et d-^ns js parties les
plus chaudes de la terre. Voyage de Macartney ,
Vol. Il, p. i53-, et Vol. IV, p. 59. Même les Grecs
et les Romains n'apprirent à luire du beurre que par
leurs communications avec les Scythes, les Thraces
et les peuples de race germanique. Beckmann, l. c,
B. III , p. 289,
ITI. l5
■;'i
220
LIVRE IV
du lait, du beurre et du fromag-e. Ce dernier
est fort recherché par les casles de sang-mélé ,
et il forme mie branche de commerce inté-
rieur assez considérable. Dans le tableail
statistique que l'intendant de Guadalaxara a
dressé en 1802, et que j'ai eu occasion de
citer plusieurs fois, la valeur annuelle des
cuirs corroyés est évaluée à 4i9»ooo piastres ;
celle du suif et du savon, à 649,000 piastres.
La seule ville de la Puebla fabrique annuel-
len.i 00,000 arrohas de savon , et 82,000
cuirs de vaches; mais l'exportation de ces deux
articles par le port de Vera-Cruz a été peu
importante jusqu'ici. En i8o5 , elle s'est à
peine élevée à la valeur de 1^0,000 piastres.
Il paroît même qu'au seizième siècle, avant
que la consommation intérieure eût augmenté
avec le nombre et le luxe des blancs , la Nou-
velle-Espagne foumissoit à l'Europe plus de
cuirs qu'elle n'en fournit aujourd'hui. Le père
Acosta ' rapporte qu'une Hotte qui , en 1687,
entra àSéville , portoit 64,o4o cuirs mexicains.
Les chevaux des provinces septentrionales .
surtout ceux du Nouveau-Mexique, sont aussi
^Lib. IV, c. 3.
CHAPITRE X.
227
célèbres par leurs excellentes qualités ciue
les ehevaux du Chili ; les uns et les autres
descendent, à ce que l'on prétend, de race
arabe ; ils errent par bandes devenues sau-
vages , dans les savanes àespiwncias internas
^'exportation de ces chevaux à Natchez et à
la Nouvelle -Orléans, devient d'année en
année plus considérable. Plusieurs familles
du Mexique possèdent dans leurs hatos de
ganado trente à quarante mille têtes de bœufs
et de chevaux. Les mulets seroient plus nom-
breux encore, s'il n'en périssoit beaucoup
sur les grandes routes, par les fatigues dont
ils sont excédés après des voyages de plu-
sieurs mois. On compte que le commerce de
Vera-Gruz seul occupe , par an , près de
70,000 mulets. Plus de cinq mille en sont
employés comme un objet de luxe dans les
attelages ' de la ville de Mexico.
L'éducation des moutons a été singulière-
ment négligée dans la Nouvelle - Espagne ,
comme dans toutes les colonies espagnoles de
l'Amérique. Il est probable que les premières
' La Havane a 25oo calèches, appelées volantes,
dont le service exige plus de 3ooo mulets. En 1S02
on comptoil à Paris 35;Ooo chevaux. '
*5*
228
LIVRE IV
bêles à laine introduites ;iu seizième siècle,
n'étoient pas de la race des mérinos voyageurs,
et surtout qu'elles n'étoient pas de la race
léoncse, ségovienne ou soriane. Depuis celte
époque on ne s'est pas occupe d'améliorer la
race. Dans la partie du Mexique qui est située
hors des tropiques , il seroit facile cependant
d'introduire le régime des troupeaux , que
l'on désigne en Espagne par le nom de mcsia ,
régime d'après lequel les brebis changent de
climat a\ec les saisons, et se trouvent toujours
en harmonie avec elles. On n'auroit pas à
craindre, pendant des siècles , que ces voyages
des troupeaux lussent contraires à l'agriculture
mexicaine. Aujourd'hui les laines que l'on
regarde comme les plus belles, sont celles' de
l'intendance de Valladolid.
Il est digne de remarque que ni te porc
commun ', ni les poules que l'on trouve dans
' Pedro de Cirça et Garcilasso de la Vcga , ont
conservé dans leurs ouvragt s les noms des colons qui ,
les premiers en Amérique , onl élevé des animaux
domestiques de l'Europe, lis rapportent qu'au milieu
du seizième sièele deux porcs coûloient, au Pérou,
8000 livres tournois; un chameau, 35,ooo-, im âne,
7700 j une vache, 1200 j un mouton, 200 livres.
CHAPITRE X. 329
toutes les îles de la mer du Sud, n'ont été
connus des Mexicains. Le Pécari {Sustajassu),
que l'on renconlre souvent dans les cabanes
des naturels de l'Amérique méridionale, auroit
pu être facilement réduit à l'état de domes-
ticité ; mais cet animal n'est propre qu'à la
région des plaines. Des deux variétés de porc
qui sont aujourd'hui les plus communes au
Mexique, l'une a été introduite de l'Europe ,
et l'autre des îles Philippines : elles se sont
extrêmement multipliées sur le plateau cen-
tral , où la vallée de Toluca fait un commerce
de jambon très-lucratif.
Avant la conquête , il existoit très - peu
d'oiseaifœ de hasse-cour chez les indigènes
du nouveau continent. L'entretien de ces
oiseaux exige des soins parliculiers dans des
pajs récemment défrichés, et dont les forêts
Cieça , Chromca del Perù (Anvers, i554), p. G5.
Garcilasso, T. J , p. 328. Ces prix cu'onufcS prouvent,
outre la rartté tics ohjels à vendre, labontiatice des
métaux précieux. Le général Bt,Ialcazar, qui avoit
aclieté à Btiga une truie pour 4ooo francs , re put
résister à la lenlalion t!e la manger dans un fesûn.
Tel éloit le luxe qui régnoit à l'armée des conquis-
tadores.
23o LIVRE IV,
abondent en quadrupèdes carnassiers de toute
espèce. D'ailleurs, l'habitant des tropiques
sent moins le besoin des animaux domestiques
que Tiiabitant de Ja zone tempérée , parce
que la ferlililé du sol le dispense de labourer
une grande étendue de terrain, et parce que
les lacs et les rivières sont couverts d'une
innombrable quantité d'oiseaux faciles à
prendre, et qui fournissent une nourriture
al)ondante. Un voyageur européen est étonné
de voir que les sauvages de l'Amérique mé-
ridionale se donnent une peine extrême pour
apprivoiser des singes , des mamwivi ( IJrsus
caudivolvula ), ou des écureuils, tandis qu'ils
ne cherchent pas à réduire à l'état de domes-
ticité un grand nombre d'animaux utiks que
renferment les forets environnantes. Cepen-
dant les peuples les plus civilisés du nouveau
continent élevoient déjà dans leurs basses-
cours^ avanll'arrivée des Espagnols, plusieurs
gallinacées, connue des Hoccos (Crax nigra,
G. globicera et G. pauxi), des dindons (Me-
leagris gallo - pavo ) , plusieurs espèces de
faisans , de canards , et de poules d'eau , des
\acous ou guans ( Pénélope , /^^/i^a démonte),
et des aras ( Psittuci maciouri ) , qui sont
CHAPITRE X.
23 I
regardés comme un mets délicat , lorsqu'ils
sont jeunes. A cette époqnc, le coq, originaire
des Grandes Indes , et commun aux îles
Sandwich , étoit totalement inconnu en Amé-
rique. Ce tl;it important sons le rapport de
la migralion des peuples de la race malajc,
a été con lesté en Espagne, des la fin du
seizième siècle. De savans élymologistes prou-
voient que les Péruviens dévoient avoir eu
des poules avant la découverte du Nouveau-
Monde, parce que lalan^i^ue de l'inca dési;^iie
le co s par un mot particulier, celui de j^'7/Y///;^^
Ils i<;'noroient que ^luUpa ou huallpa est une
contraction ^Atahuallpa , et que les naturels
du Couzco avoient donné par dérision le nom
d'un prince détesté à cause des cruautés qu'il
exercoit contre la famille de Iluescar , aux
coqs apportés par les Espagnols , s'imaginant,
ce qui par oit assez étrange à l'oreille d'un
Européen , trouver de la ressemblance e. Ire
le chant de cet oiseau et le nom d'Ataliuallpa.
Cette anecdote , consignée dans l'ouvrage de
Cûf'ciliisso {T. I^ p. S5i), m'.: été racontée
en 1802 , à Gaxamarca , où j'ai vu, dans la
faiiiilic des Astorpiico j les descendans du
dernier Inca du Pérou. Ces pauvres Indiens
232
LIVRE IV
habitent les ruines du palais d'Ataliuallpa.
Garcilasso rapporte que les Indiens imitoieut
le chant du coq , en prononçant d'une nui
nière cadencée des mois de quatre syllabes.
Les partisans de Iluescar avoient composé
des chants hurlesques pour se moquer d'Ata-
huallpa, et de trois de ses généraux, appelés
Quilliscacha , Chalchuchima, et Rumiriavi. En
consultant les langues comme des monumens
historiques, il faut distinguer avec beaucoup
de soin ce qui est ancien , et ce qui a été na-
turalisé par l'usage. Le mot péruvien micilu ^
qui désigne le chat , est tout aussi moderne
que celui àliuallpa. Les Péruviens ont formé
micitu du radical /7i/;3^ parce qu'en observant
que les Espagnols l'emplojoient en appelant
le chat , ils crurent que miz étoit le nom de
l'animal.
C'est nn phénomène physiologique très-
curieux, que sur le plateau de la ville de
Cou/co , qui est phis élevé et plus froid que
ceuii de Mexico , les poules n'ont commencé
à s'acclimater et à se propager qu'après
l'espace de trente ans. Jusqu'à cette époque
tous les poulets périrent en sortant de l'œuf.
Aujourd'hui les diverses variétés de poules.
CHAPITRE X.
:33
surtout celles de Mosambiqiie , cjui ont la
chair noire, sont (icvcnues communes clans
les deux hcniisplièics, partout uù les peuples
de l'ancien conlinenl ont pénétré. Plusieurs
tribus d'Indiens sanva<^es qui vivent dans
le voisinage des élablissemens européens ,
ont su s'en procurer. Lorsque nous lûmes à
Tomcpenda, sur les bords de la rivière des
Amazones , nous vîmes quelques familles
d'Indiens Xibaros qui se sont établies à Tu-
tumbero,dans un endroit presque inaccessible,
entre les cataractes de Yariquisa et Patorumi;
c*est dans les cabanes do ces sanva^^es qu'on
avoit vu des poules , lorsqu'on les visita pour
la première l'ois , il y a quelques années.
La Nouvelle-Espagne a fourni à l'Europe
le plus gros et le plus utile des gallinacées do-
mestiques, le dindon (^totolin ou fiiifwolotl) ,
qui jadis a été trouvé sauvage sur le dos
des Cordillères, depuis l'isthme de Panaina
jusqu'à la Nouvelle -Angleterre. Gortez ra-
conte que plusieurs milliers de ces oiseaux,
qu'il appelle des poules [f^allinds) , étoieut
nourj'is dans les b;isses-cours des châteaux de
Montezuma. Du Mexique , les Espagnols les
portèrent au Pérou, à la Terre-Ferme {Cas-
234
lIVRE IV
tilla (Ici oro ) , et aux îles vVnllllcs ^ où Oviedo
les décrivit en i5i5. Ilernondez observa dt-jà
très-bien que les dindons sauvages du Mexi-
que étoient beaucoup plus grands que les
dindons domestiques. On ne trouve aujour-
d'hui les premiers que dans les provinces
septentrionales. Ils se retirent vers le nord , à
mesure que la population augmente, et que,
par une suite nécessaire, les f'oréls deviennent
plus rares. Un voyageur inslrnit , auquel nous
devons une description très-intéressante dos
pays situés à l'ouest des monts Alléghanjs ',
M. Michaux, nous apprend que le dindon
sauvage du Kentucky pèse quelquefois jus- A
quarante livres, poids énorme pour un oic.v..ui
dont le vol est très-rapide, surtout quand il
se voit poursuivi. Lorsque les Anglois , en
i584, abordèrent en Virginie , les dindons
existoient déjà depuis cinquante ans en Espa-
gne , en Italie et en Angleterre ^ Ce n'est donc
pas des Etats-Unis que cet oiseau a passé la
première fois en Europe , comme plusieurs
naturalistes l'ont faussement avancé.
* Voyage de Michaux , p. 1 90.
* Peckmann f l, c. T. Ill, p. 238-270.
cHAPrmii X.
i3.^
Les pintades ( immida Molca^^ris ) , (jik^ 1rs
anciens clcsi<^iienl si bien sous le nom cl'//iv'.«
miltaliv ^ sonl Ircs-rarcs au Mexi((ue, tiin<lis
qu'elles sont devenues sauvages clans 1 ile de
Cuba. Quant au cdnard mus<jué {Atnis nios-
chulu) y que les Allemands appellent canard
turc, et qui est devenu si commun dans nos
basses-cou is, l Europe le doit aussi au nou-
veau continent : nous l'avons trouvé sauva^j'e
sur les bords de la riv ière de la Madeleine , où
le maie accpiicrt une grandeur extraordinaire.
Les anciens Mexicains avoient des canards
domestiques, auxquels ils arrachoient tous
les ans les plumes, qui étoicut un objet de
connnerce inq^ortaiit. Ces canards paroissent
s'être mêlés à l'espèce introduite d'Europe.
L'oie est le seul de nos oiseaux de basse-
cour que l'on ne trouve presque nulle part
dans les colonies espagnoles du nouveau
continent.
La culture du mûrier et l'éducation des
7.>ers a soie avoient été introduites par les
soins de Cortez, peu d'années après le siège
de Ténoclititlan. Il existe sur le dos des Cor-
dillères un mûrier propre aux régions équi-
noxialcs, le Morus acuminata Jjoupl. , qu«
236
LIVRE IV
nous avons trouvé sauvage dans le royaume
de Ouilo^ près des villages de Fifo et de
Pueniho. La feuille de ce mùiier est moins
dure que celle du mûrier rou^^e {M. ruùra)
des Eti^Jts-Unis, et les vers à soie la nangent
comme celle du mûrier blanc de la Cliine.
Ce dernier arbre , qui , d'après Olivier de
Serres , n'a été planté en France que sous le
règne de Charles viii, à peu près l'année 1/19'î,
étoit déjà assez commun au Mexique vers le
milieu du seizième siècle. On récoltoit alors
une quantité de soie assez considérable dans
l'intendance de la Pucbla, dans les environs
de Paruco ', et dans la province d'Ouxaca ^
où quelques villages de la Misteca portent
encore les noms de Tcpexe de la Soda (soie) ,
et àeSan Francisco de ht Seda.'\ynn coté, la
politique du conseil des Indes, constamment
contraire aux manuraclu: es du "Mexique; d'un
autre, le commerce plus aciiT cînoc la Chine,
et l'intérêt qu'a la conqiagnie des Philippines,
de vendre aux Mexicains les soieries de
l'Asie, paroissent être les causes principales
^ La Florida dd Inca ( Matlritl, 1/23), T. I,
p. :j58.
CHAPITRE X. 2.37
qui ont anéanti peu à peu celte Lranclie de
l'industrie coloniale. Il y a peu d'années qu'à
Queretaro, un particulier a proposé au g-ou-
verneinent de iaite de grandes plantations
de mûriers dans une des plus belles vallées
du Mexique, la Canada des bains de Saa
Pedro ^ liabilée par plus de trois mille In-
diens. L'éducation des vers à soie demande
moins de soin que celle de la cochenille, et
le caractère des naturels les rend très-propres^
à tous les travaux qui exigent une extrême
patience et des soins minutieux. La Canada ,
qui est à deux lieues de Queretaro^ vers le
nord -est, jouit constamment d'un climat
doux et tempéré. On n'y cultive aujourd'hui
que des avocatiers ( Lauriis persea ) , et les
vice-rois , qui craignent de blesser ce que
dans les colonies on appelle les droits de la
métropole , n'ont pas voulu permettre que
l'on remplaçât cette culture par celle des
mûriers.
La Nouvelle-Espagne olFre plusieurs espèces
de chenilles indigènes, qui filent de la soie
semblable à celle du Bombyx mon de la
Chine, mais qui n'ont pas encore été suffi-
samment examinées par les entomologistes.
i
2.38
LIVRÉ IV
C'est de CCS insectes que vient la soie de la
Misleca, qui déjà du temps de Monlezunia
étoit un objet de commerce. On fabrique
encore (aujourd'hui dans l'intendance d'Oa-
xaca des hiouchoirs de cette soie mexicaine.
]Sous en avons acheté sur la route d'Acapulco
à Chilj)anzint»'0. L'étoffe est rude au toucher,
comme certaines soieries de l'Inde qui sont
également le produit d'insectes très-différens
du ver à soie du mûrier.
Dans la province de Mechoacan et dans les
montagnes de Santa Rosa , au nord de Gua-
naxuato, on voit suspendus à différentes
espèces d'arbres , surtout aux branches de
XAvhutus niadroTiOy des sacs de forme ovale,
qui ressemblent aux nids des Troupiales et
des Caciques. Ces sacs, appelés capullos de
madrono, sont l'ouvrage d'un grand nombre
de chenilles du genre Bombyx de Fabricius ,
insectes qui vivent en société, et qui fdent
ensemble. Chaque cajmllo a 18 à 20 centi-
iiictres de long sur dix de large. Ils sont d'une
blancheur éclatante, et formés par couches
que l'on peut séparer les unes des autres. Les
couches intérieures sont les plus minces, et
d'une transparence extraordinaire. La matière
CHAPITRE X. 23g
dont ces grandes poches sont formées, res-
semble au papier de la Chine : le tissu en est
si dense, qu'on n'y reconnoît presque pas les
fils qui sont colles transversalement les uns
sur les autres. J'ai trouvé un grand nombre
de ces capnllos de madrono , en descendant
du Coffre de Perote vers las Vigas, à une
Lauleur absolue de 0200 mètres. On peut
écrite sur les couches intérieures de ces
cocons , sans leur faire subi'^ aucune espèce
de préparation. C'est un véritable papier
naturel, dont les anciens Mexicains savoient
tirer parti, en collant ensemble plusieurs
couches, pour en former un carton blanc
et lustré. Nous avons fait venir, par le courrier,
des chenilles vivantes du Bomhjx madrono ,
de Santa Rosa à Mexico : elles sont d'une
couleur olivâtre , tirant sur le iioii , et garnies
de poils ; leur longu* a est de 20 à 28 milli-
mètres. Nous n'avons point vu leui* mélnmoi-
phose, mais nous avons reconnu que, ni ilgré
la beauté et le lustre extraordinaire de cette
soie de madrono, il sera presque impossible
d'en tirer parti , à cause de la difficulté que
l'on trouve à la dévider. Comme plnsif irs
çheuilles travaillent ensemble, leuis uls se
,11,
■1
M
£ ,
n\o
LIVRE IV
croisent cl s'entrelacent niiiliicllcnient. J'ai
cm devoir enlrer dans ces déluiis, parr e que
de«; personnes plus zélées f[u'instr;ules, ont
fixé , il) a T)cu de temps, l'atten'ion du gou-
vernement Iraucois sur la soie indigène du
Mexifpie.
La c/rc est Uii objet de la plus liaule im-
portance ])our un pajs où il règne beaucoup
de maiinificence dans le culle extérieur. Il
s'en consomme une énorme quantité dans les
l'êtes d'églises, tant dans la capitale que dans
les chapelles des plus petits villages indiens.
Les rnclics sont d'un grand produit dans la
péninsule de Yucalan , surtout aux environs
du porl de Campeclie, qui, en i8o5, expédia
682 arroôas de cire pouf la V era-Cruz. Ou
compte de six à sept cents ruches réunies dans
im colmrnar. Celle '^".e du Yueatan provient
d'une apiaire propre au nouveau continent ,
que l'on dit dépourvue d'aiguillon , sans
doute parce que son arme est très-foible et
peu sensible. C'est cette circonstance qui a
fait donner, dans les colonies espagnoles,
le nom de petits atigcs ( ani^ciilos ) aux
;ibeilles que MM. lUiger, Jurinc et Latreille
'Ont décrites sous le nom de IMélipone et de
CHAPITRE X.
341
Trigone. J'ignore siTabeille de Gampechc est
différente du Melipona fasciata que M. Bon-
pland a trouvé sur la pente orientale des
Cordillères '. Il est certain que la cire des
apiaires américaines est plus difdcile à blan-
chir que la cire des abeilles domestiques de
l'Europe. La Nouvelle-Espagne tire annuel-
lement près de 26,000 airobas de cire de
la Havane, importation dont la valeur s'élève
à plus de deux millions de livres tournois.
Cette cire de Tîle de Cuba ne provient ce-
pendant qu'en petite partie des Trigones
sauvages qui habitent les troncs du Cedrela
odorata; la majeure partie en est due à
Tabeille originaire du nord de l'Europe
{Apis mellijica) f dont la culture s'est fort
étendue depuis l'année 1772. L'île de Cuba
a exporté en i8o3, y compris la contre-
bande, 42,670 arrobas de cire. Le prix d'une
arroha s'élevoit alors à 20 ou 21 piastres ;
mais le prix moyen n'est , en temps de paix ,
que de i5 piastres , ou de 76 livres tournois»
' Voyez les insectes recueillis dans le cours de
notre expédition, et décrits par M. La treille ; dan»
notre Recueil d'observations de Zoologie et d'Ana»
tomie comparée, T. I.
m. , 16
A
I
242 LIVRE IV,
En Amérique, le voisinage des sucreries fait
beaucoup de mal aux abeilles: ces insectes,
très-avides de miel , se noient dans le jus de
canne, qui les met dans un état d'immobilité
et d'ivresse , lorsqu'elles en boivent à l'excès.
L'éducation de la cochenille (qmnay ?io-
chiztli) est d'une haute antiquité dans hi
Nouvelle-Espagne : il est probable qu'elle
remonte au delà de l'incursion des peuples
Toltèques. Du temps de la dynastie des rois
aztèques, la cochenille étoit plus commune
qu'aujourd'hui. Il y avoit des nopcileiies ,
non-seulement dansle Mixtecapan ( la Misteca )
et dans la province de Huaxjacac ( Oaxaca ) ,
mais aussi dans l'intendance de laPuebla, aux
environs de Cholula et de Huejolzingo. Les
vexations auxquelles les naturels ont été ex-
posés au commencement de la conquête , le
bas prix auquel les encomenderos forcoient
les cultivateurs de leur vendre la cochenille,
ont fait que cette branche de l'industrie
indienne a été négligée partout , excepté
dans l'intendance d'Oaxaca. Il y a à peine
quarante ans que la péninsule de Yucatan
avoit encore des nopaleries considérables.
Dans une seule nuit tous les nopals sur lesquels
CHAPITRE X. 243
vit la cochenille , furent coupés. Les Indiens
prétendent que le gouvernement se porta à
cette mesure violente , pour iaire monter le
prix d'une denrée dont on vouloit assurer
la propriété exclusive aux liabitans de la
Mistcque. Les blancs assurent, au contraire,
que les naturels, irrités et mécontens du prix
que les négocians lixoient à la cochenille , ont
détruit à la fois, et d'un commun accord»
l'insecte et les nopals.
La quantité de cochenille que l'intendance
d'Oaxaca fournit à l'Europe , peut être
évaluée, année commmie, en y comprenant
les trois sortes de grani . granilla et polvos
dcgvana , à 4 000 zurrones ^ ou 3 2 ,000 arrobas;
ce qui, en comptant Xarroha à 76 piastres
fortes, fait 2,400,000 piastres, ou 12 millions
de livres tournois. Il a été exporté par la
Vera-Cruz, en cochenille:
en 1802, 46,964. arrobas, ou pour 3,368,557 p.
i8o3, 29,610 2,238,67
5
Mais une partie de la récolte d'une année
se réunissant souvent à la récolte de l'année
suivante , ce n'est pas par l'exportation seule
qu'il faut juger des progrès de la culture. Il
16*
'M
m
i.
\
i'
244 LIVRE IV,
paroît qu'en général les nnpnleri.es augmentent
très-lentement dans la Misteca. Dans l'inten-
dance de Gnadalaxara, on récolte annuelle-
ment à peine 800 arrohas de cochenille.
Raynal ' évalue toute l'exportation de la
Nouvelle-Espagne à 4ooo quintaux, évalua-
tion qui est de moitié trop basse. Les Grandes
Indes ont aussi commencé à verser de la
cochenille dans le commerce, mais la quantité
en est peu considérable. Le capitaine Nelson
a enlevé l'insecte à Rio Janeiro , en 1 95.
Des nopaleries ont été établies dans les c 1-
virons de Calcutta, de Chittagong et de
Madras. On y a trouvé beaucoup de difficulté
pour se procurer l'espèce de Cactus propre
à la nourriture de l'insecte- Nous ignorons
si cette cdchcnille brasi'* *^ne, transportée
en Asie , est l'espèce farineuse d'Oaxaca , ou
la cochenille cotonneuse ygrana sibestve^.
Je ne répéterai point ici ce que Thiery
de Mfinonville et d'autres naturalistes après
lui, ont publié sur la culture du nopal et
sur l'éducation de l'insecte précieux qu'il
nourrit. M. Thiery a mis autant de sagacité
» T. II , p. 78.
CHAWTRE X. a 45
dans ses recherches , qu'il a déployé de cou-
rage dans l'exécution de ses projets. Ses
observations sur la cocher Jlle introduite à
St.-Domingue ^ sont sans doute très-exactes;
mais ignorant la langue du pays , et craignant
d'exciter la méfiance en montranJ une cu-
riosité trop active , il n'a pu recueillir , pen-
dant son séjour dans l'intendance d'Oaxaca,
que des notions assez imparfaites sur les
nopaleries mexicaines. J'ai eu occasion d'ob-
server la cochenille silvestre dans le royaume
de \à Nouvelle 'Grenade , à Quito , au Pérou
et au Mexique : je n'ai pas été assez heureux
pour voir la cochenille fine ; mais ayant con-
sulté des personnes qui ont vécu long-temps
dans les montagnes de la Misteca, et ayant
eu à ma disposition des extraits de plusieurs
mémoires manuscrits que le comte de Tepa
avoit fait dresser pendant son séjour à
Mexico , par des alcades et des ecclésiastiques
de l'évéché d'Oaxaca, je me flatte de pouvoir
donner quelques renseignemens utiles sur un
insecte qui est devenu un objet de la plus
haute importance pour les manufactures de
l'Europe.
La cochenille yî^^//^e^^5e, fine ou mistèque
nu
f
r,
246 LIVRE IV,'
{granafina)y est-elle spécifiquement diflerente
de la cochenille cotonneuse ou silvestre
(^grana silvestre), ou celte dernière est-elle
la souche primitive de la première, qui, par
conséquent, ne seroit que le produit d'une
dégénération due à l'éducation et aux soins
de l'homme ? Ce problème est aussi difficile
à résoudre que la question si la brebis do-
mestique descend du moufflon , le chien du
loup , et le bœuf de V Aurochs, Tout ce qui
tient à l'origine des espèces , à l'hjpolhèse
d'une variété devenue constante, ou d'un type
qui se perpétue , appartient à des problèmes
de zoonomie, sur lesquels il est sage de ne
pas prononcer affirmativement.
La cochenille fine diffère de la silvestre ,
non-seulement par la grandeur , mais aussi en
ce qu'elle est farineuse et couverte d'une
poudre blanche; tandis que la silvestre est
enveloppée d'un coton épais, qui empêche
de distinguer ses anneaux rlesmétamorphoses
des deux insectes sont d'ailleurs les mêmes.
Dans les parties de l'Amérique méridionale
où l'on s'occupe, depuis des siècles, à élever
la cochenille silvestre, on n'est pas parvenu
à lui faire perdre son duvet. A St.-Domingue,
CHAPITRE X. 2\']
il est vrai , on a cru observer fions les nopa-
leries étiiblies par M. Thierj, que rinsccte
soigné par rinduslrie dclhonuiie aut,nnentoit
de volume, el qu'il éprouvoit un changement
sensible dans l'épaisseur de son enveloppe
cotonneuse : mais un savant enlumologisle ,
M. Latreille , qui incline à regarder la coclie-
nille siheslre connue une espèce diflerente
delà cochenille fine, croit que celle dimi-
nution du duvet n'a élé qu'apparente , et
qu'il faut l'altribuer à répaississcMuenl du
corps de l'insecte. Les anneaux du dos de la
femelle étant plus dilatés , les poils qui re-
couvrent celte partie doivent paroître moins
rapprochés, et par cela même plus clairs.
Quelques personnes qui ont séjourné long-
temps dans les en\ irons delà ville d'Oaxaca,
m'ont assuré que Ton observe quelquefois
parmi les petits coccus qui viennent de naître,
des individus couverts de poils assez longs.
On pourroit être tenté de regarder ce fait
comme une preuve que la nature , lorsqu'elle
a dévié du type primilil, y revient de temps
en temps : c'est ainsi que la graine du Fragaria
monophylla de M. Duchéne , produit cons-
tamment quelques fraisiers communs à feuilles
I
348 LIVRE IV,'
divisées. Mais il ne faut pas oublier que la
cochenille fine, en sortant du corps de sa
mère, a le dos ridé et couvert de douze soies
qui sont souvent très-longues , mais qui dis-
paroissent dans l'insecte adulte. Des personnes
qui n'onlpas comparé attentivementla semaille
delà cochenille fine avec celle delà cochenille
silvestre^ sont naturellement frappées de la
présence de ces poils. La cochenille fine paroît
poudreuse dix jours après sa naissance, dès
qu'elle s*est débarrassée de sa robe frangée de
petites soies : la cochenille silvestre , au con-
traire , se couvre de plus de poils à mesure
qu'elle avance en a^-e; son duvet s'épaissit,
et l'insecte ressemble à un petit flocon blanc,
à l'époque qui précède l'accouplement des
deux sexes.
Oii observe quelquefois , dans les nopaleries
d'Oaxaca , que le mâle ailé de la cochenille
fine s'accouple avec la femelle de la cochenille
silvestre. Ce fuit a été cité comme une preuve
évidente de l'identité de l'espèce ; mais nous
voyons s'accoupler conmiunément en Europe
des coccinelles qui diffèrent essentiellement
par leur forme , par leur taiUe et par leur
couleur. Lorsque deux espèces d'insectes sont
CHAPITRE X. ^49
voisines , cet accouplement ne doit pas nous
étonner.
La cochenille fine et la plante sur laquelle
on l'élève, se trouvent-t-elles toutes deux à
l'état sauvage au Mexique ? M. Thiery a cru
pouvoir répondre négativement à cette ques'
tion. Ce naturaliste paroît admettre que l'in-
secte et le nopal des plantations d'Oaxaca ont
été insensiblement modifiés dans leur forme ,
par l'effet d'une longue culture. Cette suppo-
sition me paroît cependant aussi gratuite que
celle d'après laquelle on regarderoit le blé ,
le maïs et le bananier comme des plantes dé-
générées , ou , pour citer un exemple tiré du
règne animal, Icllama, que l'on ne connoît
pas à l'état sauvage , comme une variété de la
vigogne des Hautes-Andes. Le coccus cacti a
une infinité d'ennemis parmi les insectes et les
oiseaux. Partout où la cochenille cotonneuse
se propage d'elle-même, on ne la trouve que
peu abondamment : or, il est facile de conce-
voir que la cochenille farineuse a dû être plus
rare encore dans son pays natal , parce qu'elle
est plus délicate , et que, n'étant pas couverte
de duvet, elle est plus sensible au froid et à
l'humidité de l'air. En agitant la question si la
t
■ I
2! O LIVRE IV 5
cochenille fine peut se propager snns le soin
de l'homme , ^e snhdélégué de la province
v'Ouxaca , Rwz de JMonloya', cile dans son
mémoire, le fait très-remarquable « qu'à sept
« lieues de distance du village de Nexapa , il
« existe un endroit dans lequel, favorisée par
« des circonstances particulières, la plus belle
ce firûîia Juia se recueille sur des nopals sau-
ce vages très-liauls et très-épineux, sans que
« l'on se soit jamais donné la peine de nettoyer
ce les phuites, ou de renouveler la seuiaille de
« la cochenille. » En outre, il ne faudroitpas
s'étonner que, même dans un pays oii cet
inscte seroit indigène , il cessât presque en-
tièrement de se trouver à l'état sauvage , dès
que les habitans commcnceroient à le recher-
cher et à l'élever dans des nopaleries. Il est
probable que les Toltèques , avant d'entre-
prendre une culture aussi pénible, auront
recueilli la cochenille fine sur les nopals qui
croissoient spontanément sur le flanc des
montagnes d'Oaxaca. En récoltant les femelles
avant qu'elles eussent pondu - l'espèce devoit
se trouver bientôt détruite , et c'est pour
* Gazeta de Utaratura de 3Icxico , 179^ , p. 228.
CHAPITRE X.
IJI
obvier à celte flestructlon progressive, cl pour
empêcher le mélange des cochenilles coton-
neuses et farineuses sur le même cactus (les
premières enlevant toute nourriture aux se-
condes ) , que les naturels ont établi des
nopaleries.
Les plantes sur lesquelles se propagent les
deux espèces de cochenilles, sont essentiel-
lement diir^'rentes : ce fait, très-certain, est
un de ceux qui indiquent une dilTérence pri-
mitive et spécifique entre la ^vana Jina et la
grana sihestrn. Est-il probable que la coche-
nille farineuse , si elle étoit une simple variété
de la cochenille cotonneuse, périroit sur les
mêmes cactus qui servent de nourriture à celle-
ci, et que les botanistes désignent sous les
noms de Cactus opuntia, C. tuna et G. ficus
indica? M. Thierj, dans l'ouvrage ' que nous
avons eu occasion de citer souvent , assure
qu'à Saint-Domingue , dans la plaine du Cul-
de-sac, la cochenille cotonneuse ou sylvestre
ne vient pas sur le Cactus tuna , mais sur
leC.pereskia, qu il range parmi lesraquelles
ariiculét'S, Je crains ([ue ce bolanèile n'ait
P. 2j5-'jS'2.
252 LIVRE IV,'
confondu une variété d'opuntia avec le vrai
pereskia , qui forme un arbre à feuilles larges
et grasses , et sur lequel je n'ai jamais trouvé
de cochenille. Je regarde aussi comme très-
douteux que la plante que Linné a appelée
Cactus coccinellijor, et que nous cultivons en
Europe, soit le nopal sur lequel les Indiens
d'Oaxaca élèvent la cocheirille farineuse.
M. Decandolle ' , qui a répandu beaucoup de
jour sur cette matière , paroît partager mon
opinion ; car il cite comme synonyme de la
raquette à cochenille le nopal silvcstrc de
Thiery de Menonville , qui est entièrement
différent de celui des plantations. En effets
Linné avoit donné le nom de Cactus cocci-
nellifer à la raquette avec laquelle plusieurs
jardins botaniques de l'Europe avoient reçu
la cochenille cotonneuse, espèce à fleur pour-
prée ( Ficus indlca i^eriniculos proferens de
Plukenet ), qui est sauvage à la Jamaïque , à
l'île de Cuba , et presque partout dans les
colonies espagnoles du continent. J'ai montré
ce Cactus à des personnes très -éclairées,
* Plantes grasses de MM, Redouté et Decandolle ,
livraison 24.
CHAPITRE X.
253
qui avoient examiné 'avec soin les nopa-
leries d'Oaxaca : elles m'ont constamment
assuré que le nopal des plantations en diffère
essentiellement , et que ce dernier , comme
l'indique aussi M. Tliierj, ne se trouve pas à
l'état sauvage. De plus , l'abbé Clavigero ' ,
qui a vécu pendant cinq ans dans la Misteca,
dit expressément que le iruit du nopal , sur
lequel on propage la cochenille fine , est petit ,
peu savoureux et blanc , tandis que le fruit
du Cactus coccinellifer Linn. est rou^e. Le
célèbre Ulloa avance dans ses ouvrages, que le
vrai nopal est sans épines ; mais il paroi t avoir
confondu cette plante avec une raquette que
nous avons trouvée souvent dans les jardins
(coniicos) des Indiens du Mexique et du
Pérou , et que les créoles, à cause de sa taille
gigantesque , de l'excellence de ses fruits , et
de la beauté de ses articles , qui sont d'un
vert bleuâtre , et dépourvus d'épines , dé-
signent par le nom de Tuna de Castilla. Ce
dernier nopal, le plus élégant de tous les
opuntia , est en effet propre à nourrir la co-
chenille farineuse, surtout lorsqu'elle vient de
»T. I,p. ii5.
254 LIVRE IV,
naître ; on ne le trouve cependant que très-
peu dans les nopaleries d'Oaxaca. Si , d'après
l'opinion de quelques botanistes distingués ,
le Tuna ou Nopal de Castilla n'est qu'une
variété du Cactus opuntia ordinaire, due à la
culture, on doit être surpris que les raquettes
cultivées depuis des siècles dans nos jardins
botaniques , et celles des nopaleries de la
Nouvelle - Espagne , n'aient pas également
perdu les épines dont leurs articles sont armés.
Les Indiens de l'intendance d'Oaxaca ne
suivent pas tous, dans l'éducation delà coche-
nille , la même méthode que M. Thiery de
Menonville a vu pratiquer lors de son passage
rapide par San Juan del Rè , San Antonio et
Quicatlan. Ceux du district de Sola et de
Zimatlan ' établissent leurs nopaleries sur la
pente des montagnes , ou dans des ravins
éloignés de deux ou trois lieues de leurs vil-
lages. Ils plantent les nopals après avoir
coupé et brûlé les arbres qui couvroient le
terrain. S'ils continuent à nettoyer le sol deux
Cois par an , les jeunes plantes sont en état de
' InfoiTue de Don Francuco Ibahez de Corvera»
( Manuscrit. )
CHAPITRE X. 2^)5
nourrir la cochenille dès la troisième année.
Pour cetcfTet, le propriétaire d'une nopalerie
acliète , au mois d'avril on de mai , des
liranclies on articles de Tuf? as de Castilla ,
charges de petites cochenilles ( scmilln ) ,
récemment nées. Ces articles , dépourvus de
racines , et séparés des troncs , conservent
leur sue pendant plusieurs mois : ils se vendent
à peu près trois francs le cent, au marché
d'Oaxaca. Les Indiens conservent la semaille
de la cochenille pendant vinfi-t jonrs , dans des
cavernes , ou dans l'intérieur de leurs ca-
bannes : après cette époque ils exposent les
jeunes coccus à l'air libre. On sus])end les
articles sur lesquels l'insecte est fixé , sous
un hangar couvert d'un toit de paille. L'ac-
croissement de la cochenille est si rapide,
qu'au mois d'août ou de septembre on trouve
déjà des mères grosses avant que les petits
soient éclos. On place ces cochenilles-mères
dans des nids faits d'une espèce de Tillandsia ,
appelé Paxtle. C'est dans ces nids qu'on les
porte à deux ou trois lieues du village, et
qu'on les distribue dans les nopaleries , où
les jeunes plantes reçoivent la semaille La
ponte des cochenilles -mères dure treize à
\\
2S6 LIVRE IV,
quinze jours. Si le lieu dans lequel la planta-
tion se trouve, n'est pas très-élevé , on peut
compter sur la première récolte en moins de
quatre mois. On observe que, dans un climat
plus (bid que tempéré, la couleur de la coche-
nille est également belle , mais que la récolte
y est beaucoup plus tardive. Dans la plaine,
les cochenilles-mères grossissent davantage,
mais elles y trouvent aussi plus d'ennemis
dans l'innombrable quantité d'insectes {xica-
ritas jpcrrUos y ara dore s ^ agitjas ^ armad'illos ,
ciilcbrUas)y de lézards, de rats et d'oiseaux
qui les dévorent. Il faut un soin infini pour
nettoyer les articles des nopals : les femmes
indiennes se servent pour cela d'une queue
d'écureuil ou de cerf; elles sont accroupies
des heures entières auprès d'un seul plant ; et,
malgré le prix excessif de la cochenille, on
pourroit douter que cette culture fût très-
profitable dans des pays où Ton sauroit tirer
parti du temps et du travail de l'homme, A
Sola, où il tombe des pluies très-froides, et
même souvent de la grêle au mois de janvier,
les naturels conservent les jeunes cochenilles
en couvrant les nopals avec des nattes de jonc :
aussi le prix delà semaille de granajlnuy qui
CHAPITRE X.
257
gcncralcmcnt ne coûte que 5 francs la livre ,
y monte souvent jusqu'à 18 et 20.
Dans plusieurs districts de la province
d'Oaxaca, on fait trois récolles de cochenille
par an , dont la première (celle qui donne la
scm(ff7/e) n est ])ds lucrative, parce que Li
mèi e ne conserve que trts-peU de suc colo-
rant , si elle périt naturellement après avoir
mis bas. Cette première récolle fournit la
grana depastle ou cochenille des nids j appe-
lée ainsi, parce qu'on trouve les mères après
la ponte, dans ces mêmes nids qui ont été
suspendus aux nopals. Près delà ville d'Oaxa-
ca, on sèincX'à coclienille au mois d'août ; dan^
le district de Chontale, cette opération ne se
fait qu'au mois d'octobre ; sur les plateaux les
plus froids, en novembre et en décembre.
La cochenille cotonneuse ou silvestre qui
s'introduit dans les nopaleries, et dont le
mâle , d'après l'observation de M. Alzate ,
n'est guère plus petit que le mâle de la
cochenille farineuse ou fine , fait beaucoup
de tort aux no[)als : aussi les Indiens la tuent
partout où ils la trouvent, quoique la couleur
qu'elle donne soit très-solide et très-belle. Il
paroît que non-seulement les fruits , mais
IH. 17
23
8
LIVRE IV
■■w ,1
I i''i
t i
aussi les arlicles verts de plusieurs espèces
de Cactus pourroient servir pour teindre le
coton en violet et en rouge , et cpie lu couleur
delà cochenille n'estpas entièrement due à un
procédé ai anlmallsation des sucs végétaux
dans le corps de l'insecte.
A Nexapa , on compte que dans de bonnes
années une livre de remaille de coclicniile
farineuse placée sur les nopals au mois d'oc-
tobre, donne au mois de janvier une récolte
de 12 livres de cochenilles-mères, en laissant
sur la plante la semaille suffisante ; c'est-à-dire,
en ne commençant la récolle que lorsque les
mères ont fait la moitié de leurs petits. Cette
nouvelle semaille produit jusqu'au mois de
mai encore 56 livres. A Zimatlan , et dans
d'autres villages de la Misteca et du Xicayan ,
on récolte à peine trois à quatre fois la quan-
tité de cochenille semée. Si le \ent du sud,
qui est très-pernicieux à l'accroissement de
l'insecte , n'a pas soufflé long-temps, et que la
cochenille ne soit pas mêlée de tlasole , c'est-
à-dire , des dépouilles des maies ailés , elle
ne perd que deux tiers de son poids , séchée
au solei
Les deux espèces de cochenilles ( la fine
CHAPITRE X. aSc)
et la silvestre ) paroissent contenir plus de
principe colorant dans les climats tempérés,
surtout dans les régions où la tenipérature
moyenne de l'air est de 18 ou 20 degrés
centigrades. La corlienille line peut résister à
des froids très-considérables : elle se cultive
encore dans la province d'Oaxaca , sur des
plateaux où le tliernioniètre est presque cons*
taniinent à 10 ou 12 de^'Tcs centiLirades.
QuaTit à la cochenille silvestre, nous l'avons
trouvée abondamment dans les climats les
plus opposés, dans les montagnes de Rio-
bamba , à 2900 mètres de hauteur absolue ,
et dans les plaines de la province de Jaen de
Bracamoros , sous un ciel brûhuit , entre les
villages de Tomependa et Ghamaja.
Autour de la ville d'Oaxaca , et surtout
près d'Ocotlan , il y a des plantations ( ha-
ciendas) qui renferment 5o à 60,000 nopals
plantés en lignes comme despites ou maguejs
de pulque, La plus grande partie de la co-
chenille qui entre dans le couimerce , est
cependant fournie par de petites nopaleries
qui appartiennent à des Indiens extrêmement
pauvres. On ne laisse généralementpass' élever
le nopal au-dessus de douze décimètres , afîo
17*
1
/
aGo LIVRE IV,
qu'on puisse le dépouiller plus facilement
des insectes qui dévorent la jochenille. On
préfère même les ^ ariélés de Cactus qui ont
plus d'épines el de poils , parce que ces armes
servent à protéger la coclienille contre les
insectes volans , et l'on a soin de couper la
fleuretle fruit pour empêcher queces derniers
11 'j déposent leurs œufs.
Les Indiens qui élèvent la cochenille , et
que l'on désigne parle nom de nnpa'f'rns y
ceux surtout qui vivent autour de la ville
d'Oaxaca, suivent une pratique très-ancienne
et très-extraordinaii celle de faire 7H)ra^er
la cochenillii. Dans cette partie de la zone
torride , il pleut dans les plaines et dans les
vallées, depuis le mois de mai jusqu'au mois
d'octobre; tandis que dans la chaîne de mon-
tagnes voisines, appelée Sierra de Lstcpcje y
les pluies ne sont fréquentes que depuis déî-
cemhre jusqu'en avril. Au lieu de conserver
l'insecte pendant la saison des pluies, dans
l'intérieur des cabanes , les Indiens placent
les coclienilles-nières, couvertes de i'euilles
de palmiers, couche par couche , dans des
paniers faits avec des lianes très-flexibles. Ces
paniers (canastos) sont portés à dos d'Indiens,
«
C:ilAPlTÎ\K X,
26
et le plus m'Ic possi])le, d;uis les niontujj^ncs
(l'Islepojc, îui - dessus du >ill;igc de Satila
(^atalj
iVOi
iataijua , a 9 lieues de dislauee <l uaxaca.
Les eoclienilles - inèies ioiit leurs j)elils eu
chemiu. Eu ouvraut les canasloSy on les trouve
remplis de jeunes roccns y (pie l'on distribue
sur les nopals de la S/crru : ils v séjouiMieut
jusqu'au mois d'oelohre, où les pluies finissent
dans les régions mt)ins élevées ; alors les
Indiens retournent à la nion[a;^nc pour elier-
clier la eoelienille et pour la replaeer dans
les nopalerics d'Oaxaca. C'est ainsi que le
Mexieain l'ait ^ova^•er des inseetes pour les
soustraire aux efl'els pernieieux de l'humidité,
comme l'Espagnol fait voja<^er les iiieruws
pour é\itcr le froid.
A l'époque des recolles, les Indiens tuent
les eoclienilles - mères , recueillies dans na
plat de bois appelé ch'iU alpell y en les jetant
dans de l'eau bouillanle , ou en les amoncelant
couche par couche au soleil, ou en les plaçant
sur des nattes dans ces mêmes Tours de l'orme
circulaire ( tcniazcni
{t^
Ui ) q
ni servent aux bains
de vapeurs et d'air chand dont nous avons
parlé plus liaut '. La dernière méthode, qui
* Voyi'z ci-ùessiis, ï. 11 , p. 4jo. M. Al/ale , cj[iv>
262 LIVRE IV,
est la moins en iJSiif;c , conserve au corps cic
Fiisecle celte poudre I)ldncliàtre dont il est
couvert , et qui rehausse son prix à Vera-
Cruz et à Cadix. Les acheteurs prélèrentla
cochenille blanche, parce qu'elle est moins
sujette à être mêlée frauduleusement avec
des parcelles de gomme , de bois , de maïs '
et de terre rouge. Il existe au Mexique des
lois très-anciennes (des aimces 1^92 et i^q/j),
tendant à empêcher la Calsificalion de la co-
chenille. Depuis l'année ijGo, on s'est même
vu forcé d'établir à la ^ille d'Oaxaca un jury
dei'ea(lorcsc[ui exauiinentles sacs (zurrones)
avant qu'on les envoie hors de la province.
On a ordonné que la cochenille mise en
vente aille i^ntin séparé, afin que les Indiens
ne puissent pas introduire des matières étran-
gères dans ces masses agglutinées appelées
bodoques. Cependant tous ces moyens n'ont
pas suffi pour éviter la fraude. Celle qui se
fait au Mexique , par les tùuigueros ou zan-^
ganos {fdisijicadores) , est cependant peu Con-
a donné une bonne figure tîu Icmazcalli ( Gazeta de
literatiira de Mexico y T. IH , p. 252. ) , assure que la
chaleur ordinaire des vapeurs dans lesquelles se baigite
rindien mexicain, est de G6" centigrades.
i 'i;
ClIAPIXnR X.
,r>3
sîclcrable en comparaison de celle à laquelle
celle Hiarcliiinclise esl exposée clans les porls
de la péninsule (;l dans le i esle de TEurope.
Pour acliever le lahicau des productions
animales de la Nouvelle- Espagne , nons devons
encore jeler un conp-d'(cil rapide sur la pécbe
des perles j el sur celle de la haleine. Il est
probable que ces deux branches de pèches
deviendronl un jour des objets d'une haule
imporlance pour un pays qui embrasse imc
élendue de côles de plus de 1700 lieues
marines. Long-temps avanl la découverte de
l'Amérique , les perles éloienl très-eslimées
des naturels. Hernando de Solo en trouva
une quantité immense dans la Floride , sur-
tout dans les provinces d'Ichiaca et de Con-
fachiqui , où les tombeaux des princes en
étoient ornés '. Parmi les prt'sens que Mon-
tezuma fit à Cortez avanl son entrée à Mexico,
et que celui-ci envoya à l'empereur Charles-
Quint , il y avoit des colliers garnis de rubis,
d'émeraudes et de perles \ Nous ignorons si
^ La Florida del Inca y Madrid, 17^3, p. 129,
i35 el i4o.
^ Cromara , Conquisla de Mexico ( Mcdiiia del
Campo, i553) , fol. 25.
■n^ ■
264 LTVRE IV 5
les rois aztèques recevoient une partie de ces
dernières par la voie du coirjmerce avec les
peuples barbares et nomades qui (rcquentoient
le golfe de Californie. Il est plus certain qu'ils
faisoient pécher des perles sur les rotes qui
s'étendent depuis Colinia .. limite septentrio-
nale de leur empire^ jusqu'à la province de
Xocoiïoclico ou Soconusco, surtout près de
Tototepec , entre Acapulco et le golfe Je
Tehuanlepec, et dans le Giullrtecapan. Les
Incas da Pérou attachoient une grande valeur
aux perles; mais les lois de Manco - Capac
défendoient aux Péruviens le métier de plon-
geur , comme peu utile à l'état , et dangereux
pour ceux qui s'y livrent '.
Les parages qui , depuis la découverte du
nouveau continent, ont fourni le plus abon-
damment des perles aux Espagnols , sont les
suivans : le bras de mer entre les îk.î Cubagua
et Coche, et la ente de Cumana; l'embou-
chure du Rio de la Hacha ; le golfe de
Panama , près de Jslas de las Perlas j et les
côtes orientales de la Californie- En 1587,
on emporta à Séville 5 16 kilogrammes de
* GarcHanso , Llb. VllI, c. 23.
CHAPITRE X.
a63
perles , parmi lesquelles il y en avoit cinq
kilograimncs ' de la plus grande beauté,
destinées pour le roi Pliilij)j)e n. Les pcehes
de perles de Cubagua et de Rio de la Hacha
ont été très - productives , mais de peu de
durée. Depuis le commencement du dix-
sepliëme siècle, surtout depuis les na\ igations
d'Yturbi et de Pinadero , les perles de la
Californie ont > ommencé à rivaliser dans le
comnierce avec celles du liolfe de Panama.
A cette époque on envoya les plongeurs hs
plus haijiles sur les cotes de la mer de Corle/ :
cepend;uit la péclîe lut bientôt négligée de
nouveau ; el si du ter.îps de Fei^pédition de
Galvez on a essayé de la relever, cette ten-
tati\ e a été rendue inbuctucuse par les causes
que nous avons exposées plus haut "' , en
donnant la description de la Calilornie. Ce
n'est qu'en 1 8o5(pi'un ecclésiastique espagnol,
résidant à Mexico , a fixé de nouveau l'allen-
tion du gouvernement sur les perles de la
côte de Ceralvo , en Calirornie. Comme les
plongeurs (/;z/;:i;A) perdent beaucoup de temps
^jlcosta, L!b. IV, r. i5.
• Vo^^cz ci-tiessus j Clir.p. Vlil, T. Il, p. 'i2(i.
266
LIVRE IV
fî !'
\ê
î
à venir respirer l'air à la surface de l'eau , et
qu'ils se fatiguent inutilement en descendant
à plusieurs reprises au fond de la mer , cet
ecclésiastique a proposé d'employer à la pêche
des perles une cloche de ph)ngeur qui doit
servir comme un réservoir d'air atmosphé-
rique, et sous laquelle le plongeur se réfugiera
chaque fois qu'il aura besoin de l'cspircr.
Muni d'un masque et d'un tujau flexible ,
il pourra se promener au fond de l'Océan ,
en inspirant l'oxigène fourni par la cloche à
laquelle aboutit le tuvau. Pcndnit mon séjour
dans la Nouvelle-Espagne , j'ai vu f;dre dans
un petit étang , près du château de Ghopol-
tepec , une série d'expériences t* js-curieuses,
tendant à e?^éciilrr ce projet. G'étoit sans
doute la première lois fpVujK) cloche de
plongeur avoit été couîftruile à la hatUeur de
2.^00 mètres , c'est-à-dire à une liauteur qui
égale celle du pasaa^e du Simplon. J'ignore
si les expériences faites dans la vallée de
Mexico ont été répétées dans le golfe de
Californie, et si la pèche des perles y a été
reconmiencée après une interruption de plus
de trente ans ; car jusqu'à ce moment prestpie
toutes les perles que fournissent les colonies
(,:
CHAPITRE X. 267
espagnoles à l'Europe , viennent du golfe de
Panama.
Parmi les coquilles pélagiques de la Non-
velIe-Espagne , je dois encore nommer ici
le Murex de la cole de Teluiantepec, dans la
province d'Oaxaca, dont le manteau transsude
une liqueur colorante de couleur pourpre^
et la fameuse coquille de Monteivj, qui res-
semble aux plus beaux Haliotis de la Nouvelle-
Zélande. Celte dernière se trou\ e sur les cotes
delà Nouvelle-Californie, surtout entre les
ports de Mon 1ère j et de San Francisco. Elle
est employée, conmie nous l'avons observé
plus haut, dans le commerce des fourrures
avec les habitans de Noutka. Quant au gasté-
ropode dcTeliuantepec, les femmes indiennes
en recueillent la liqueur pourprée , en suivant
le rivage et en frottant le manteau du Murex
avec du coton dépouillé de sa graine.
Les cotes occidentales du Mexique, surtout
la partie du (^rand Océan située entre le
golfe de Bajonna, les trois îles Maries et le
cap Saint-Lucas, abondent en cachalots^
dont la pèche, à cause de Textréme cherté
du blanc'de-baleine (adi[)0cire), est devenue ,
pour les Anglois et pour les habilans des Etals-
ï!3
I
2 63 LIVRE IV ,
Unis, un des objels les plus importons de
spéculalion mercantile. Les Espagnols mexi-
cains.voient arm ersur lenis cotes despe'chenrs
de cacJialots cjni sont obliges de iaire une
navigation de plus de 5ooo lieues marines , et
que l'on désigne assez improprement sous le
nom de hallcneros ( wlialers ) ; mais ils ne sont
point tentés deprendiepail à la chasse de ces
grands mammifères cétacés. jM. Sclmeider ,
aussi bon physicien que savant helléniste ,
MM. de Lacépcde et Fleurieu ', ont donné des
renseignemens très-exacts sur les pèches de
la baleine et des cachalots (hms les deux hé-
misphères. Je consignerai ici les notions plus
récentes que j'ai pu recueillir pendant mon
séjour sur les côtes de la mer du Sud.
Sans la pêche des cachalots , sans le com-
merce des fourrures de loutres marines de
Noutka , le Grand Océan ne seroit presque
pas fréquenté par les Anglo- Américains et
les nations de l'Europe. Malgré l'économie
extrême que l'on met dans les expéditions de
pèche , celles qui se font au delà du cap de
Horn sont trop coûteuses pour que la baleine
* ï^oyage de Manhaml . ï, II , p. Goo, G4i.
m
CHAPITJIE X.
de
ne
26g
( hlack-whale) puisse en cire l'objel. Les fiiiis
de ces navigations lointaines ne peuvent cire
compenses que par le haut prix qne le besoin
ou le luxe attachent aux niarchandises de
retour. Or, de lou^: les liquides huileux qui
entrent dans le commerce, il y en a peu qui
soient plus chers que le blanc-de-baleine, ou
la substance particulière renfcrfiiée dans \e>
énormes cavités du nuiseau des cachalots. Lu
sculindividu de ces cétacés gi<^'antesques donne
jusqu'à 125 barils' anglois (à 02 -^ gallons
chacun ) de spcrma ccti. Lu tonneau conte-
nant huit de ces barils, ou 1024 pintes de
Paris ^ s'est vendu à Londres, avant la paix
d'Aïuicns, 700U80, el,pendanllaguerre, 95
et 100 livres sterlings.
Ce n'est pc s la troisième expédition de Gook,
dirigée aux cotes noi'd-ouest du nouveaii con-
tinent j c'est le voyage de James Colhiet aux
îles Gailapagos, qui a faitconnoître aux Euro-
péens et aux Anglo-Aniéricaifis l'abondance
de cachalots qui existe dans le G rand Océan ,
* T.!il>aril a i/iS h»îcu4îtres, ou environ 178 l pintes
de Paris. [ Reiherchs .sur la ric/ieoic des natuMii ,
par AJiifti Smith, iratUiciion de M. Garni ;r, T. V,
p. tDl.)
4
m'
l'X
:|
270 LIVRE IV 5
au nord de l'équateur. Jusqu'en 1788 les
pèelieurs de baleine ne fréquenloienl que les
cotes du Chili et du Pérou. On ne comptoit
alors que douze ou quinze vaisseaux qui pas-
soientannuellenient le cap de Horn pour faire
la pèche du cachalot; tandis qu'à l'époque où
i'étois dans la mer du Sud , il y en avoit plus
de soixante sous pavillon anglois.
Le Physeter macrocephalus n'habite pas
seulement les mers Arctiques entre les côtes
du Grœnland et le détroit de Davis ; on ne le
trouve pas seulement dans l'Océan Atlantique,
entre le banc de Terre Neuve et les îles Açores ,
où les Anglo-Américains en l'ont quelquefois la
pèche : ce cétacé se présente aussi au sud de
l'équateur , sur les côtes du Brésil et de la
Guinée. Il paroît que, dans ses voyages pério-
diques, il se rapproche plus du continent de
l'Afrique que de celui d'Amérique ; car dans
les environs du Rio Janeiro et de la Bahia on
ne jH'cnd que des baleines. Cependant la pêche
du cachalot a beaucoup diminué sur les côtes
de la Guinée , depuis que les navigateurs
craignent moins de doubler le cap de Horn,
et depuis qu'on est devenu plus attentif aux
cétacés qui abondent dans le Grand Océan.
CHAPITRE X. 2^1
On trouve des physelères , et par bandes assez
considérables , dans le canal de Mozambique,
et au sud du cap de Bonne-Espérance ; mais
l'animal y est génériilement petit, et la mer,
constamment houleuse et a^ilée , n'y favorise
pas la manœuvre des havf)onneuvs.
Le Grand Océan réunit toutes les circon-
stances qui peuvent rendre la pèche du cacha-
lot liicile et lucrative : plus riche eu mol-
lusques, en poissons , en marsouins, en tortues
et en phoques de toute espèce, il offre plus
de nourriture aux cétacés souffleurs que
l'Océan Atlantique ; aussi ces derniers y sont-
ils en plus grand noivbre , plus gras , et d'une
taille plus considérable. Le calme qui règne
pendant une grande partie de l'année dans la
région équinoxiale de la mer du Sud , facilite
singulièrement la poursuite des cachalots et
des baleines. Les premiers s'éloignent peu des
cotes du Chili, du Pérou et du Mexique,
parce qu'elles sont taillées à pic ( acantiladus )
et baignées par des eaux d'une gi'ande pro-
fondeur. C'est une règle générale que le
cachalot fuit les bas-fonds , tandis que la ba-
leine les cherche. C'est par cette raison que
ce dernier c4tacé est très- fréquent sur les
2^2 TIVi\i; IV,
côle!> basses du 13 ((''mI; tandis que le premier
abonde pics de celles de la Guinée, qui sont
plus élevées cl pai tout accessibles pour les
plus <>randsbàliuiens. Telle est, enoénéral, la
constitution géolo^itpje des deux continens,
que les cotes occidentales de l'Aniéiique et
de l'AIVique se ressendjîent ; tandis que les
cotes orientales et occidentales du nouveau
continent ofTrent le contraste le plus remar-
quable sous le rapport de leur élévation au-
dessus dvi Tond de l'Océan voisin.
La plupart des vaisseaux îuii;lois ou an^^lo-
an)éricains qui entrent dans le Grand Océan ,
ont le douille but delà pèche du cachalot et du
commerce illicite avec les colonies espagnoles.
Ils doublent le cap de Ilorn , après avoir
tenté de laisser des marchandises de contre-
bande à l'embouchure de la rivière de la
Plata, ou au préside des îles Malouines. Ils
commencent àlairelapêche du cachalot près
des petites îles désertes de Mocha et de Santa
Maria , au sud de la Goneepcion du Chili. A
Mocha, il y a des chevaux sauvag^es que les
habitans de la cote voisine y ont introduits,
et qui servent quelquefois de nourriture aux
navigateurs. L'île de Santa Maria a des sources
\ '"'
CHAPITRE X. 2y3
très-belles et très- abondantes : on y trouve
des cochons devenus sauvages _, et une espèce
de navets très-gros et très-nourrissans, que l'on
croit propre à ces climats. Après avoir sé-
journé dans ces parages pendant l'espace d'un
mois , et après avoir fait le commerce de
contrebande à 1 ile de Ghiloe , les bâtimens
pêcheurs ( balleneros) ont coutume de longer
les côtes du Chili et du Pérou jusqu'au cap
Blanc, situé sous le? 4** 18' de latitude aus-
trale. Le cachalot est partout très-commun
dans ces parages , jusqu'à quinze ou vingt
lieues de distance du continent. Avant l'expé-
dition du capitaine GoUnet , la pêche finissoit
au cap Blanc ou près de l'équateur; mais,
depuis quinze à vingt ans , les balleneros la
continuent au nord , jusqu'au delà du Gabo
Gorientes , sur les côtes mexicaines de l'inten-
dance de Guadalaxara. G'est autour de l'ar-
chipel des Galapagos, sur lesquels il est très-
dangereux d'atterrir , à cause de la force des
couraps, et autour des îles de las très Marias,
que les cétacés sont le plus fréquens et d'une
taille gigantesque. Au printemps, les envi-
rons des Galapagos sont le rendez-vous de
tous les cachalots macrocéphales des côtes du
m. tS
K|l'- iN
I! HJ
274 LIVRE ÏV,
Mexique, de celles du Pérou et du golfe de
Panama , qui viennent s'y accoupler : à cette
époque, M. GoUnet y a vu de jeunes indi-
vidus de deux mètres de longueur. Plus au
nord des îles Marias y dans le golfe de Cali-
fornie, on ne trouve plus dephysetères, mais
seulement des baleines.
Les pêcheurs baleiniers distinguent facile-
ment de loin les cachalols des baleines ; par
la manière dont les premiers fonl jaillir l'eau
par leurs évents. Les cacliulots peuvent rester
plus lono^- temps sous l'eau que la baleine
franche : lorsqu'ils viennent à la surface, leur
respiration est plus souvent interrompue; ils
laissent moins séjourner l'eau dans les poches
membraneuses placées au-dessus des narines ;
les jets sont plus fréquens , plus dirigés en
avant, et plus élevés que dans les autres souf-
Jleurs. La femelle du cachalot est quaue à
cinq fois plus petite que le maie ; sa tête ne
fournit que 25 barils anglois à' a clip oc ire y
quand la tète du maie en donne de 100 à 1 26.
Ln grand nombre de femelles ( cow-whales)
voyagent généralement ensemble , conduites
par deux ou trois mâles ( bull-whales ) , qui
décrivent perpétuellement des cercles autour
CHAPITRE X. 2^5
de leur troupeau. Les femelles très-jeunes , qui
ne donnent que 1 2 à i C l>iirils de matière adipo-
cireuse , et que les pécheurs an^lois appellent
écolières ( school-whales ) , nagent si près les
unes des autres, qu'elles sortent souvent à
mi-corps de l'eau. Il est presque superflu
d'observer ici que l'adlpocire, qui ne Tait pas
partie du cerveau de l'animal , se trouve non-
seulement dans toutes les espèces connues des
cachalots ( Catado?ites Lac. ) , mais aussi dans
touslesphysaleset les physetères. Le hlanc-de-
baleine tiré des cavités du museau du cachalot,
cavités qu'il ne faut pas confondre avec celle
du crâne, n'est que le tiers de l'huile épaisse
et adipocireuse que fournit le reste du corps.
Le sperma cell de la tête est de première
qualité ; on l'emploie à la fabrication des
chandelles : celui du corps et de la queue ne
sert, en Aiiglelerre, qu'à donner du lustre
aux draps.
Cette pêche , pour être profitable, doit se
faire avec la plus grande économie : on y em-
plo^ie des bàtimens de 1 80 a 3oo tonneaux ;
l'équipage ne consiste qu'en 16 ou 24 indi-
vidus, y compris le capitaine et le maître , qui
iujt-iuêmes sont forcés de jeter le harpon
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276 LIVRE IV 5
comme les simples matelots. On évalue, à
Londres , les frais d'armement d'un bâtiment
de 180 tonneaux, doublé en cuivre, et
approvisionné pour une campagne de deux
ans , à 7000 livres sterlings. Chaque bâtiment
pêcheur de la mer du Sud a deux canots :
Tarmement de chaque canot exige quatre ma-
telots , un mousse, un timonier, un cable
de 100 brasses de long, trois lances, cinq
harpons, une hache et une lanterne pour se
faire voir de loin pendant la nuit. L'armateur
ne donne aux matelots que la nourriture , et
une somme très -modique d'argent à litre
d'avance : leur paye dépend du produit de
la pêche; car, connue tout l'équipage y prend
part, chaque individu a droit au profit. Le
capitaine reçoit -,'g, le maître d'équipage^,
le second maître 3^, le contre-maître ^j^, le
matelot g^ de tout le produit. On regarde la
pêche comme bonne , si un bâtiment de
200 tonneaux retourne dans le port , chargé
de 800 ùarils de blanc-de-baleine. Le cachalot,
persécuté sans cesse , commence , depuis
quelques années, à devenir plus farouche et
plus dii'fîcile à prendre. Mais pour favoriser
lu navigation dans la mer du Sud , le gouver-
iii?'
CHAPITRE X. 277
nement britannique accorde des avances à
chaque balimenl qui sort pour la péclie du
cachalot : ces avances sont de 5oo à 800 livres
sterlings, selon le tonnelage du bâtiment. Les
Anglo -Américains font celte pèche avec plus
d'économie encore que les Anglois.
Les anciennes lois espagnolesdéfendent aux
vaisseaux baleiniers, comme aux autres bati-
mens étrangers, d'entrer dans les poris de
rAmérique , si ce n'est dans les cas de détresse
ou de manque d'eau et de vivres. Les îlesGala-
pagos, sur lesquelles les pécheurs débarquent
quelquefois leurs malades, ont des sources,
mais ces sources sont très-pauvres et très-in-
constantes. L'île des Cocos (lat. 5" 35' bor. )
est très-riche en eau : mais en cinglant des
Galapagos au nord , cette petite île isolée est
difficile à trouver, à cause de la force et de
l'irrégularité des courans. Les baleiniers ont
des motifs puissans pour préférer de faire l'eau
à la côte : ils cherchent des prétextes pour
entrer dans les ports de Goquimbo, Pisco,
ïumbez^ Payta , Guayaquil , Realejo, Sonzo-
nate et San Blas. Quelques jours , souvent
même quelques heures , suffisent à l'équipage
des bâlimens pêcheurs , pour former des
m
I'*
i •'
378 LIVRE IV,'
liaisons avecleshabltans, pour leur vendre des
marchandises a ngloises, et pour y prendre des
chargemens de cuivre, de vigogne, de quin-
quina , de sucre et de cacao. Ce commerce de
contrebande se Lit parmi des personnes qui
ne parlent pas la même langue , souvent par
signes , et avec une bonne-loi très-rare parmi
les peuples policés de l'Europe.
Il seroil superflu d'énumérer les avantages
qu'auroient les habitans des colonies espa-
gnoles sur les Anglois et sur les Américains
des Etals-Unis , s'ils vouloient prendre part à
la pèche du cachalot. De Guayaquil et de
Panama, on se rend en dix ou douze jours dans
les parages où ce célacc abonde. La naviga-
tion de San Blas aux îles IMarias est à peine
de trente-six heures. Les Espagnols Mexicains,
en s'adonnant à la pêche , auroient à faire
4ooo lieues de moins que les Anglo-Améri-
cains ; ils auroien t les vivres à meilleur marché ;
ils trouveroient partout des ports dans les-
quels ils seroient reçus en amis , et qui leur
fourniroient de nouvelles provisions. Le blanc-
de-baleine, il est vrai, est encore peu recher-
ché sur le continent de l'Amérique espagnole.
Le clergé s'obstine à confondre Tadipocire
CHAPITRE X.
le suif, et les
^79
ont
nvec le suit, et les eveques américains
déclaré que les cierges qui brûlent sur les
autels , ne peuvent être que de cire d'abeilles :
cependant à Lima on a commencé à tromper
la vigilance des évêques, en mêlant le blanc-
de-baleines à Ja cire. Des négocians qui ont
acheté des prises angioises, en ont eu de
grandes quantités ^ et l'adipocire employée
aux l'êtes d'église est devenue une nouvelle
branche de commerce très-lucrative.
Ce n'est pas le manque de bras qui pour-
roit empêcher les habitans du Mexique de se
livrer à la pêche du cachalot; il ne faudroit
que deux cents hommes pour armer dix bâ-
timens pêcheurs, et pour recueillir annuelle-
ment près de mille tonneaux de blanc -de-
baleine : cette substance pourroit devenir,
avec le temps , un article d'exportation
presque aussi important que le cacao de
Guayaquil et le cuivre de Goquimbo. Dans
l'état actuel des colonies espagnoles , la pa-
resse des habitans s'oppose à Téxécution de
ces projets : comment trouver des matelots
qui consentent à embrasser un métier aussi
rude , une vie aussi misérable que celle d( "
pêcheurs de cachalot ? comment les trouver
aSo LIVRE IV,
dans un pays où , d'après les idées du bas-
peuple , il ne faut que des bananes , de la
viande salée, un hamac et une guitare pour
être heureux ? L'espoir du gain est un stimu-
lant trop l'oible spus une zone où la nature
bienfuisante offre à l'homme mille moyens de
se procurer une exislence aisée et paisible ,
sans quitter son pays , et sans lutter contre
les monstres de l'Océan.
Depuis long-temps le gouvernement espa-
gnol a vu d'un mauvais œil la pêche du
cachalot , qui attire les Anglois et les Anglo-
Américains ' sur les cotes du Pérou et du
Mexique. Avant que celte pêche fiit établie,
les habitans des cotes occidentales de l'Amé-
rique n'a voient vu flotter dans ces mers
d'autre pavillon que le pavillon espagnol.
Des raisons politiques auroient pu engager
'i I'
* D'après des renseignemens officiels que je dois à
M. Gallalin, niinislre des finances à Washington, il
y a eu dans la mer du Sud , en 1800, 1801 et 1802 ,
annuellement dix-huit à vingt bâliraens baleiniers (de
2800 à 3200 tonneaux ) des Etats-Unis. Un tiers de
ces bâtimens sortent du port de Nantucket. En i8o5 ,
Timportation du blanc-de-baleine, dans ce port^ étoit
de 11 46 barils.
'M
■!i'i,
CHAPITRE X.
281
la métropole n ne rien éparfj^ner pour encou-
rager les pèches nationales, moins peul-elre
clans le but d'un profit direct , que pour
exclure la conçu irencc des étran<»ers , et
Tjour empêcher leurs liiiisons avec les natu-
rels. Des p]*i> ilcges accordes à une compagnie
qui résidoit en Europe, et qui n'a jamais
existé que de nom , ne pouvoicnl pas donner
la première impulsion aux xMexicains et aux
Péruviens. Les arméniens pour la pèche
doivent se faire en Amérique mcme , à Guaya-
quil, à Panama ou à San Blas. Il exisle cons-
tamment sur ces cotes un certain nombre de
matelots anglois, qui ont abandonné les bati-
mens baleiniers, soit par mécontentement,
soit pour chercher foilune dans les colonies
espagnoles. Les premières expéditions pour-
roient se faire en mêlant ces matelots, qui
ont une longue expérience de la pcche du
cachalot, aux ziunbos de rAmérique , qui
osent attaquer corps à corps les crocodiles.
Nous venons d'examiner dans ce chapitre
la \éritable richesse nationale du Mexique ;
car les produits de la terre sont en effet la
seule base d'une opulence durable. Il est
consolant de voir que le travail de rhomme.
aS:
LIVRE IV
depuis un demi-siècle, a été plus dirigé vers
cette source féconde et inépuisable, que vers
Texploitalion des mines , dont les richesses
n'influent pas directement sur lu prospérité
publique , et ne changent que la valeur f?onii'
nale du produit annuel de la terre. L'impôt
territoiiai que le clergé perçoit sous le nom
de dîme, mesure la quantité de ce produit;
il indique avec précision les progrès de l'in-
dustrie agricole , si toutefois l'on compare des
époques dans l'intervalle desquelles le prix
des denrées n'a pas sensiblement changé.
Voici le tableau de la valeur de ces dîmes \ en
prenant pour exemple deux séries d'années,
de 1771 à 1780, et de 1780 à 17S9.
* J'ai tiré ce tableau (l'un mémoire manuscrit de
JA, Maniao , fait sur des pièces oflictellcs, et portant
le titre d*Estado de la Renta de Real HaMenda de
Nue\>a Espana en un ano commun del qiiinquenio
de 1784 hasta 1789. Les nombres que contient ce
tableau diffèrent un peu de ceux qui ont été publiés
par M. Pinkerton (Vol. III, p. 234), d'après l'ouvrage
d'£$taUa , que je u'ai pu me procurer jusqu ici.
CHAPITRE X.
i83
NOMS
des
mocÈsi. s.
ÉPOQUES.
V A 1, t U 11
de»
D i M £ S
"Il |»iastifi"î.
KPOQUIiS.
V A L K U H
de»
I>i»I ES
en piasiies.
\Ie\ico
.771—1780
1770—1779
1770-1779
1771 — 1780
1771-1780
1770—1779
4,i32,63o
2,965,601
2,710,200
715,974
i,88.).724
9i3,o2H
1781 — 1790
1780—1789
1780—1789
1781 — 1790
1781 — 1790
1780 — 1789
7,082,879
3,5o8,884
3,759,400
803,237
2,579,108
1, 080,3 1 5
Puebla de lus An-
2eles
Valhululid de IMe-
choacan
Oaxnca
Guadalaxara
Duran^o
Il résulte de ce tableau , que les dîmes de la
Nouvelle- Espagne se sont élevées dans ces
six diocèses ,
de 1771 à 1779? à 15,357,157
1779 1789? 18,355,821
piadres forte*.
Par conséquent, Taugmentation totale a
été, dans les derniers dix ans, de cinq mil-
lions de piastres, ou de deux cinquièmes du
produit total. Ces mêmes données indiquent
aussi combien les progrès de l'agriculture
sont plus rapides dans les intendances de
Mexico, de Guadulaxara, de Puebla et de
II.
ZtU
lAXWV. IV,
Vnll.ulolîd, cjiio <l;ins l;i province «rO.'ixaca
cl <l;ms la iNoincllc-lîisciix'. Les dîmes ont
pres(|ne <lonl)l(' <l;in,sriii(lie>r( Ik' de Meviro;
car celles (|ui ont viv. perçues pend. ml, les dix
années anlétienresà i 7S0, onleleà celles <|u'oii
a perçues dix ans après, dans la jïroporlion de
10 à 17. Dans TinUMidance de Diirango ou
de la JN'ouvelKî-IJisca^e, celle auj^nicnlalioii
n'a été qu'en raison de 10 à 11.
Le célèhrc auteur des licclicrrlirs sur la
richesse des ludions * , a évalué le produit
territorial de la Gran<lc - iîrelagncî d'après
le produitde la laxe l'oncière. Dans le Tableau
politifpie de la Nouvelle- lîlspagne , que j'ai
présenté à la cour de Madrid en i8o5 , j'avois
hasardé une évaluation send)lal)le d'après la
valeur des dîujes payées au cler<^^é: il résultoit
de ce travail, qu'au Mexique le produit an-
nuel des terres est au moins de 2/1 millions de
piastres. Les résultats auxquels je nie suis
arrêté en rédigeant ce premier tableau , ont
été discutés avec beaucoup de sagacilé , dans
un mémoire que le corps municipal de la ville
* Adam Smith j traduclittfi du M. Garnicr, T. IV,
p. a'ib.
CHAPITRE X.
2nty
de Viill-'ulolid (U; INIcclioiu .m ;i piVsciifô au
roi, an mois clVutobie iSoj , à I
une ordiMiiiiiiioe reiidiK! sur
cle
r^i
\y
inics re inniiDire, <
les I
lonl
copi
l
le sons les veux , i
y
il l'jiil
orr.isMui
>ieiis <lu
j'ai une
ajoulei' à ees
24 millions de plaslies 5 millions pour le
produit de la eoelieiiille, de la vanille, du
jalap, du piment de T.ihaseo et de la salse-
areiiie
11<
lui ne
pa>
•vent pas <
le d
îmes , et
K)ur le suere et l'indi^^cj, cpji, au
2 millions
imes entières , ne rendent
m eK^rii'c
illi
lieu de
qu'un impôt de quatre pour cent. En adop-
tant ces données, on trouve que le ftnuliiit
total de l'agriculture s'élève aimnellement à
29 millions de piastres , ou à plus de i/|;> mil-
lions de rranes,qui, en les réduisant à une
mesure naturelle , et en prenant pour hase le
prix actuel du froment au Mexique, <pii est
de i5 francs par loniyriaj^rammes' , écpiiva-
lent à 96 millions de ni) ria^rainmes de froment.
La masse des métaux précieux exploités an-
nuellement dans le royaume de la INouvelle-
Espagne , représente à peine 74 millions de
' Voyez ci-dessus ; p. io4.
T^
!|u
286 LIVRE IV,
mjriof^rammcs de Jronwnt ; ce qui prouve le
fait iiilércssant que la valeur de l'or et de
l'argent des mines du Mexique est presque
d'un quart pins petile que la valeur du pro-
duit territorial.
La culture du sol, malgré les entraves qui
la gênent de toutes parts , a fait dans ces
derniers temps des progrès d'autant plus
considérables, que d'immenses capitaux ont
été placés en terres par les familles qui
s'étoient enricljies, soit par le commerce de
la Vera-Cruz et d'Acapulco, soit par l'exploi-
tation des mines. Le clergé mexicain possède
à peine des biens-fonds ( bicncs raices ) pour
la valeur de deux à trois millions de piastres;
mais les capitaux que les couvens, les cha-
pitres , les confréries , les hospices et les hôpi-
taux ont placés sur des terres , s'élèvent à la
somme de 44 millions et demi de piastres, ou
de'jjplus de 222 millions de livres tournois.
Voici , d'après une pièce officielle ', le tableau
* Representacion de los vecinos de Valladolid al
Excellentisf>imo Senor Virrey en fecha del 24 oc-
tubre del ano i8o5. (Manuscrit.)
CHAPITRE X. 287
de ces c.ipitaux , que l'on désigne sous le nom
de Capitales de captllanias j obras de lajuriS'
die c ion ordinaria :
Archevêché de Mexico 9,000,000
Evéchc de Puebla 6,5oo,ooo
Evèché de ValladoHd (éva-
luation très-exacte) 4,^00,000
Evêché de Guadalaxara. . . . 5,ooo,ooo
Evéchés de Durango , JMon-
terey et Sonora 1,000,000
Evéchés d'Oaxaca et de Me-
rida 2,ooo>ooo
Obraspias du cier<^é régulier . 2,5oo,ooo
Fonds dotal des églises et des
communautés de religieux
et de religieuses iG,ooo,ooo
44)^00,000
Celte somme immense, qui se trouve entre
les mains des propriétaires (haciendados) ,
et qui est hypothéquée sur des biens-fonds , a
manqué d'être enlevée à l'agriculture mexi-
caine en l'année i8o4. Le ministère d'Espagne
ne sachant plus comment éviter une banque^
route nationale , amenée par la surabondance
288
LIVRE IV
■if'l!
du papier monnoie (vales)f tenta nne opé-
rai* on très-hasardée. Un décret royal rendu
le 2G décembre i8o4, ordonna non-seule-
ment de vendre les biens-fonds du clero'é
mexicain , mais aussi de réunir tous les capi-
taux appartenant aux ecclésiastiques, pour les
envoyer en Espagne, et pour les verser dans
une caisse d'amortissement des billets royaux
i^caxa de consolidacion de vales reaies). Le
conseil des finances, qui est présidé par le
vice-roi , et qui porte le titre de Junta supe^
rior de Real Hacienda y au lieu de réclamer
contre ce décret , et de rej^résenter au sou-
verain combien l'exécution en seroit préju-
diciable à l'agriculture et au bien-être générai
des liabitans, commença hardiment à faire
des recouvremens. La résistance fut si forte
de la part des propriétaires , que depuis le
mois de mai i8o5 jusqu'au mois de juin 1806,
la caisse d'amortissement ne perçut que la
somme modique de 1,200,000 piastres. On
peut espérer que des administrateurs éclairés
sur les véritables intérêts de l'état, auront,
depuis, fait cesser une opération dont les
effets funestes se seroient fait sentir dans la
suite.
CHAPITRE X. 389
En lisant l'excellent ouvrage sur les lois
agralws y qui a été présenté au conseil de
Gastilleen 1796 ', on reconnoît que, malgré
la différence de climat , et d'autres circons-
tances locales , l'agiiculture mexicaine est
gênée par les mêmes causes politiques qui
arrêtent les progrès de l'industrie dans la
péninsule. Tous les vices du gouvernement
féodal ont passé d'un hémisphère à l'autre ;
et au Mexique , les abus ont été d'autant plus
dangereux dans leurs effets , qu'il a été plus
difficile à Tautorité suprême de remédier aa
mal , et de déployer son énergie dans un
ëloignemenl immense. Le sol de la Nouvelle-
Espagne , comme celui de l'ancienne, se
trouve en grande partie entre les mains de
quelques familles puissantes qui ont absorbé
peu à peu les propriétés particulières. En
Amérique, comme en Europe, de grandes
communes sont condamnées au pâturage des
bestiaux et à une stérilité perpétuelle. Quant
au clergé et à son influence sur la société,
les circonstances ne sont pas les mêmes dans
* M. de Laborde vient de donner la traduction de
ce Mémoire de M. Jovellanoa, dans le qualriènie tome
de son Itinéraire de$criptif de l'Espagne y p. 103-294*
III. 19
290 LIVRE IV,
les deux continens : le clergé est beaucoup
moins nombreux dans l'Amérique espagnole
que dans la péninsule. Les religieux mission-
naires y ont contribué à étendre les progrès
de l'agriculture parmi des peuples barbares.
L'introduction des majorais , l'abrutissement
et la pauvreté extrême des Indiens y sont plus
contraires aux progrès de l'industrie que la
mainmorte des ecclésiastiques.
L'ancienne législature de Caslille défend
aux couvens de posséder en propre des
biens-fonds ; et quoique cette loi si sage ait
été souvent enfreinte, le clergé n'a pu ac-
quérir des propriétés très-considérables dans
un pays où la dévotion n'exerce pas sur les
esprits le même empire qu'en Espagne , en
Portugal et en Italie. Depuis la suppression
de l'ordre des jésuites, peu de terres appar-
tiennent au clergé mexicain : sa véritable
richesse, comme nous venons de l'indiquer,
consiste dans les dîmes et dans les capitaux
placés sur les fermes des petits cultivateurs.
Ces capitaux sont dirigés vers un emploi
utile, et qui augmente la puissance productive
du travail natiouiil.
. On peut d'ailleurs être surpris de voir que
VI
CHAPITRE X.
291
le grand nombre de couvens fondés depuis
Je seizième siècle dans toutes les parties de
l'Amérique espagnole , aient été tous amon-
celés dans l'intérieur des villes. Épars dans
les campagnes, placés sur le dos des Cor-
dillères, ils auroient pu avoir sur la culture
cette influence bienfaisante dont les efTets se
sont fait sentir dans le nord de l'Europe,
sur les bords du Rhin et dans la chaîne des
Alpes. Ceux qui ont étudié l'histoire , savent
que du temps de Philippe 11 , les moines ne
ressembloient plus à ceux du neuvième siècle.
Le luxe des villes et le climat des Indes
s'opposent à l'austérité de mœurs, à l'esprit
d'ordi e qui caractérisoient les premières ins-
titutions monastiques ; et lorsqu'on traverse les
déserts monlueux du Mexique , on regrette
de ne pas y trouver , comme en Europe et
en Asie , ces asiles solitaires dans lesquels
une hospitalité religieuse offre des secours
aux voj^ageurs.
19
292
LIVRE IV
CHAPITRE XI.
tiiiis '
v.im'
Etat des mines de la Nouvelle- Espagne, —
Produit en or et en argent. — Richesse
moyenne des minerais. — Consommation
annuelle de mercure dans le procédé de
l'amalgamation. — Quantité de métaux
précieux qui y depuis la conquête du
Mexique j ont rejlué d'un continent dans
l'autre.
Après avoir examiné Tagriculture mexicaine
comme la première source de la richesse
nationale et de la prospérité des habitans, il
nous reste à tracer le tableau des productions
minérales qui , depuis deux siècles et demi ,
sont l'objet de l'exploitation des mrnes de la
Nouvelle - Espagne. Ce tableau , infiniment
brillant aux yeux de ceux qui ne calculent
que d'après la valeur nominale des choses,
l'est bien moins si l'on considère la valeur
CHAPITRE XI. 293
intrinsèque des métaux exploites , leur uti-
lité relative et l'influence qu'ils exercent
sur l'industrie manufacturière. Les mon-
tagnes du nouveau continent, comme celles
de l'ancien, contiennent du fer, du cuivre,
du plomb , et un grand nombre d'autres
substances minérales indispensables aux be-
soins de l'agriculture et des arts. Si en Amé-
rique le travail de l'homme a élé dirigé
presque exclusivement vers l'extraction de
l'or et de l'argent , c'est parce que les
membres d'une société agissent d'après des
considérations très-différentes de celles qui
devroient faire agir la société entière. Partout
où le sol peut produire à la fois de l'indigo
et du mais , la première culture l'emporte
sur la dernière , quoiqu'il soit de l'intérêt
général de préférer les végétaux qui servent
à la nourriture de l'homme , à ceux qui four-
nissent des objets d'échange avec l'étranger.
De même , sur le dos des Cordillères , des
mines de fer ou de plomb, quelque riches
qu'elles soient , restent abandonnées, parce
que l'attention des colons se porte toute
entière sur les filons d'or et d'argent , lors
même qu'ils ne présentent dans leurs offlca-
i
294 LIVRE IV,
remens que de foibles indices de richesse.
Tel est l'appât de ces métaux précieux qui ,
par une convention g-énéiaie , sont devenus
les signes représentatifs des subsistances et
du travail.
Le peuple mexicain est sans doute à même
de se procurer, par le commerce extérieur ,
tontes les choses qui ne lui sont pas fournies
par le pays qu'il habite : mais au milieu d'une
grande richesse en or et en argent, le besoin
se fait sentir chaque fois que l'échange avec
la métropole ou avec d'autres parties de
l'Europe et de l'Asie est interrompu ; chaque
fois qu'une guerre entrave les connnunicalions
maritimes. Vingt -cinq à trente millions de
piastres se trouvent quelquefois accumulés à
Mexico , tandis que les fabriques et l'exploi-
tation des mines sont gênées par le manque
d'acier , de fer et de mercure. Peu d'années
avant mon arrivée à la Nouvelle-Espagne ,
le prix du fer étoit monté de 20 francs le
quintal à 24o; celui de l'acier, de 80 francs
à i3oo. Dans ces temps d'une stagnation totale
du commerce extérieur, l'industrie mexicaine
se réveille momentanément : c'est alors que
l'on commence à fabriquer de l'acier, à em-
CHAPITRE XI.
595
ployer les minerais de fer et de mercure que
recèlent les montagnes de l'Amérique ; c'est
alors que la nation, éclairée sur ses propres
intérêts, sent que la véritable richesse consiste
dans l'abondance des objets de consommation,
dans celle des choses , et non dans Taccunm-
lation d'un signe qui les représente. Pendant
l'avant - dernière guerre entre l'Espagne et
TAngleterre , on essaya l'exploitation des
mines de fer de Tecalitan, près de Golima ,
dans l'intendance de Guadalaxara. Le Tri-
bunal de minevia dépensa plus de 1 5o,ooo fr.
pour extraire le mercure des filons de San
Juan de la Cliica ; mais les eflets d'un zèle si
louable ne furent que de courte durée : la
paix d'Amiens mit fin à des entreprises qui
sembloient donner aux travaux des mineui^
une direction plus utile pour la prospérité
publique. A peine les communications mari-
times furent-elles rétablies, que l'on préféra de
nouveau d'acheter dans les marchés de l'Eu-
rope , le fer , l'acier et le mercure.
A mesure que la population augmentera
au Mexique , et que ses habitans, moins dé-
pendansde l'Europe, commenceront à fixer
leur attention sur la grande variété de pro-
i
296 LIVRE IV,
ductions utiles que renferme le sein de la
terre , le sjslème de l'exploilatiun des mines
changera de fiice ; uneadininistralion éclairée
encouragera les travaux qui sont diriges vers
Textraclion des substances minérales d'une
valeur intrinsèque j les particuliers ne sacri-
fieront pins leurs propres intérêts et ceux
de la chose publique à des préjugés invétérés ;
ils sentiront que l'exploilation d'une mine de
houille, de Ter ou de plomb, peut devenir
aussi profitable que l'exploitation d'un filon
d'argent. Dans l'étal actuel du Mexique , les
métaux précieux occupent presque seuls
l'industrie des colons; et lorsque, dans la
suite de ce chapitre, nous emploierons le
mot de mine ( real ^ real de minas ) , il faut
sous-en tendre , à moins que le contraire ne
soit expressément énoncé, qu'il s'agit d'une
mine d'or ou d'argent.
M'étant occupé , dès ma première jeunesse,
à étudier l'art de l'exploitation , et ayant
dirigé moi-même , pendant plusieurs années ,
les travaux souterrains dans une partie de
l'Allemagne qui contient une grande variété
de minerais, j'ai dû être doublement inté-
ressé à examiner avec soin l'état des mines
CHAPITRE XI.
•^97
cl des usines de la Nouvelle - Espagne. J'ai
eu occasion de visiter les célèbres mines de
Tasco, de Pacliuca et de Guanaxuato : j'ai
réside plus d'un mois dans ce dernier endroit,
dont les filons excèdent en richesse tout ce
qui a été découvert dans les autres parties du
monde, et j'ai pu comparer les différenics
espèces â! ouvrages d' exploitation du Mexique
avec ceux que j'avois observés l'année pré-
cédente dans les mines du Pérou; mais le grand
nombre de matériaux que j'ai rassemblés sur
ces objets, ne pouvant être utilement employés
que réunis à la description géologique du
pays , je dois en réserver le détail pour lu
relation historique de mon voyage dans Tifî-
lérieur du nouveau continent r^ainsi, sans
entrer dans des discussions minutieuses et
purement techniques , je vais me borner à
examiner dans cet ouvrage , ce qui peut
conduire à des résultats généraux.
Quelle est la position géographique des
mines qui fournissent l'énorme masse d'argent
que le commerce de la Vera-Cruz lait refluer
annuellement en Europe? Cette masse d'ar-
gent est-elle le produit d'un grand nombre
de petites exploitations éparses, ou peut-on la
I
!' '1
29^ riVRE IV,
considérer comme fournie presque en entier
par trois on quatre filons métallilcrcs d'une
richesse et d'une /7///.s.ç^///c<? extraordinaire?
Quelle est la quantité de métaux précieux
exploités annuellement au Mexique? Quel
est le rapport de cette quantité avec le
produit des mines de toute l'Amérique espa-
gnole? A combien d'onces par quintal peut-on
évaluer la richesse moyenne des minerais
d'argent du Mexique ? Quelle est la propor-
tion entre la quantité de minerais soumis à
la fonte, et celle dont l'or et l'argent sont
extraits par la voie de l'amalgamation? Quelle
est rinfluence dn prix du mercure sur les
progrès de l'exploitation , et quelle est la
masse de mercure que l'on regarde comme
perdue dans le procédé de l'amalgamation
mexicaine? Peut-on connoîtr avec précision
la quantité de méteaux précieux qui , depuis
la conquête de Ténochtitlan , ont passé du
royaume de la Nouvelle-Espagne en Europe
et en Asie ? Est-il probable , d'après l'état
actuel des travaux d'exploitation , et d'après
la constitution géologique du pays , que le
produit annuel des mines du Mexique puisse
augmenter , ou doit - on admettre , avec
niAPITRF M.
^0!)
plusieurs écrivains céli'hrcs , f|nc I ex[)or-
tation de l'argent de l'Ajnéiiqne a déjà alU int
son nia.riDiiiniF Voilà des (jiieslioiis n(''néiales
dont la solution v;i nous oeru[)er dans ert
ouvrage : elles sont lires aux prohli.ines les
plus iujportans de réeononiie politique.
Lon^-lrnjps a^ant l'arrixée des Espagnols,
les indigènes du Mexique ,' comme ceux du
Pérou , connoissoient l'usage de plusieurs
métaux : ds ne se conlentoient pas de
ceux qui , à l'état nalil , se trouvent à la
surface du sol, surtout dans le lit des fleuves
et dans des ravins creusés par les torrens;
ils se livroient aussi à des travaux souterrains
pour exploiter des fdons; ils savoient creuser
des galeries , percer ^les puits de commu-
nication et d'airage ; ilsavoientdesinstrumens
propres à entailler la roche. Corlez nous
apprend, dans la relation historique de son
expédition , qu'au grand marché de Ténocli-
tidan on vojoit vendre de l'or, de l'argent,
du cuivre , du plomb et de l'étain. Les ha-
bitans de la Tzapoteca et de IMixtecapan ',
deux provinces qui font aujourd'hui partie
* Surlout les habilans tles anciennes villt's <1e
Iluaxyucac (Oaxaca), Cojolajian et Allacutchahuayan.
: 4
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I
1/
* .■
300 LIV1\E IV,
de l'inlcndance d'Oaxaca, srj 'iroicnt l'or au
moyen du lavage des terrains d .''mion. Ces
peuples pa)'oient leurs iribnls de deux ma-
nières , soit en réunissant dans dos sacs de
cuir ou dans de petits paniers tissus de joncs
très-minces les paillettes ou crains d'or natif,
soit en fondant le métal en barres. Ces barres
semblables à celles que l'on trouve encore
aujourd'hui dans le commerce, sont figurées
dansles anciennes peintures mexicaines. Déjà
du temps de Montezuma, les naturels tra-
vailloient les filons ar;^entifères de Tlachco
( Tasco ) , dans la province de Coluiixeo ,
et ceux qui traversent les montagnes de
Tzumpanco ^
Dans toutes les grandes villes d'Anahuac on
fabriquoit des vases d'or et d'argent, quoique
ce dernier métal fut beaucoup moins estimé
des Américains que des peuples de l'ancien
continent. Les Espagnols, lors de leur pre-
mier séjour à Ténochtitlan , ne pouvoient
assez admirer l'habileté des orfèvres mexi-
cains, parmi lesquels on regardoit comme
les plus célèbres ceux d'Azcapozalco et de
» Clavîgero, I, 43 j II, 125, i65; IV, 2o4.
CHAPITRE XI.
3oi
Clioluîa. Lorsque ]>it^nlczuiiia , st'tluil par une
extrême crédulité , reconnut dans l'arrivée
des Ijonniies blancs et barbus l'acconiplis-
senient de la prophétie mystérieuse de
Quctzalcoall .,' , et qu'il força la noblesse
aztèque de prêter hommage au roi d'Espagne,
la quantité de métaux précieux offerte à Gortez
fut évaluée ù la valeur de 162,000 pesos de
oro. « Outre la grande masse d'or et d'argent, »
dit le conquistador , dans sa première lettre
à l'empereur Charles-Quint % «» on me pré-
c< senta des ouvrages d'orfèvrerie et de bi-
* jouterie si précieux , que , ne voulant pas
« les laisser fondre , j'en séparai pour plus
* de cent mille ducats pour les offrir à votre
« altesse impériale. Ces objets étoient de la
« plus grande beauté , et je doute qu'aucun
« autre prince de la terre en ait jamais pos-
« sédé de semblables. Afin que votre altesse
« ne puisse croire que j'avance des choses
* Voyez mon ouvrage inlitulé : Vues des Cordillères
des Andes f et Mouiunens des peuples indigènes </#
l'Amérique , p. 3o.
* Lorenzana , p. 99. Le butin en or que les Espa-
gnols firent après la prise de Ténochtillan , ne fut
évalue qu'à i3o,ooo castellanos de oro {Le, p. 3oi),
m
3o:î
i.ivr.E IV,
fabuleuses, j'ajoute que tout ce que pro-
duisent la terre et l'Oocan, et dont le roi
Monlezumu pouvoit avoir connoissance ,
il l'avoit faitimiler en or et en arijent, en
pierres fines et en plumes d^^iseaux, et le
!out dans une perCeclion si grande , que
Ton croyoit voir les objets mêmes. Quoi-
qu'il m'en ciil donné une grande partie
pour votre altesse^ je fis exécuter par les
naturels plusieurs autres ouvrages d'orfè-
vrerie en or, d'après des dessins que je
leur fournis, comme des images de saints,
des crucifix , des médailles et des colliers.
Comme le (juinly ou le droit sur l'argent
pajé à votre altesse , fît plus de cent marcs ,
j'ordonnai ([ue les orfèvres indigènes les
convertissent en jjlats de diveiscs grandeurs,
en cuillères, en tasses et autres vases à boire.
Tous ces ouvrages furent imités avec la
plus grande exactitude. » En lisant ce pas-
sage , on croit entendie le récit d'un ambas-
sadeur européen envoyé à la Cliine ou au
Japon. Il seroit cependant difficile d'accuser
d'exagération le général espagnol, quand on
considère que l'empereur Charles - Quint
pouvoit juger par ses propres yeux de la
CHAPITRE XI.
3o3
perfection ou de rimperfection des objets
qui lui furent envojés.
L'art de la fonte a voit aussi fait des progrès
considérables parmi les Muyscas , dans le
royaume de la Nouvelle-Grenade , parmi les
Péruviens et les habitans de Quito. Dans ce
dernier pavs , on a conservé , pendant plu-
sieurs siècles, dans la trésorerie royale {en
caxas reaies ) , des ouvrages précieux de
l'ancienne orfèvrerie américaine. C'est depuis
un petit nombre d'années seulement, que ,
par un système d'économie que Ton peut
appeler barbare , on a fondu ces ouvrages,
qui prouvoient que plusieurs peuples du
nouveau continent étoient parvenus à un
degré de civilisation bien supérieur à celui
qu'on leur attribue généralement.
Les peuples aztèques tiroient, avant la
conquête , le plomb et Xétain des filons de
ïlaciiCo (Tasco) , au nord de Chilpansingo
et Izmiquilpan ; le cinabre , qui servoit de
couleur aux peintres , leur étoit fourni par
les mines de Chilapan. De tous les métaux ,
le cid\>re étoit celui qui étoit employé le plus
communément dans les arts mécaniques ; il
remplacoit jusqu'à un certain point le fer et
- \
il/ '!
.1!
•y
3o4 LIVRE IV,
l'acier : les armes , les haches , les ciseaux ,
tous les oiilils ëloient faits avec le cuivre tiré
des montagnes de Zacatollan et de Gohuixco.
Partout sur le globe l'usage de ce dernier
métal paroît avoir précédé celui du Cer, et
l'abondance du cuivre à l'état natif, dans les
parties les plus septentrionales de l'Amérique,
peut avoir contribué à la prédilection extraor-
ilinaire avec laquelle les peuples mexicains ,
issus de ces mêmes régions, l'ont constamment
employé. La nature offroit aux Mexicains '
d'énormes masses de fer et de nickel : ces
masses , qui se rencontrent éparses sur la
surface du sol , sont fibreuses , malléables et
d'une ténacité si grande , que l'on ne parvient
qu'avec beaucoup de difficulté à en séparer
quelques fragmens à l'aide de nos outils
d'acier. Le vrai fer natif, celui auquel on ne
peut pas attribuer une origine météorique ^
et qui est constamment mêlé de plomb et de
cuivre , est infiniment rare dans toutes les
parties du globe ; par conséquent , il ne faut
pas s'étonnner qu'au commencement de la
civilisation, les Américains , comme la plupart
» Voyez ci-ilcssus , T. II , p. 384.
CHAPITRE XI.
3o3
des autres peuples , aient Rxé leur attention
plutôt sur le cuivre que sur le fer. Mais com-
ment ces mêmes Américains, qui traitoient par
le feu ' une grande variété de minerais ,
n'ont-ils pas été conduits à la découverte du
fer par le mélange des substances combus-
tibles avec les ocres rouges et jaunes ^, extrê-
mement communs dans plusieurs parties du
Mexique? Si, au contraire, comme j'incline
à le croire , ce métal leur étoit connu , com-
ment ne sont-ils pas parvenus à l'apprécier à
sa juste valeur ? Ces considérations paroissent
indiquer que la civilisation des peuples aztè-
ques ne datoit pas de très-loin. Nous savons
* D'après des traditions que j'ai recueillies près de
Biobamba , parmi les Indiens du village de Lican , les
anciens babitans de Quito fondoient des minéraux
d'argent , en les stratifiant avec des charbons , et en
souillant le feu avec de longs roseaux de bambou.
Un grand nombre d'Indiens étoient placés en cercle
autour du trou qui renfermoit le minerai; de sorte
que les courans d'air sortoient de plusieurs roseaux
à la fois.
2 L'ocre iaune, appelée tecozahuhl , servoit pour
la peinture , de même que le cinabre. L'ocre faisoit
partie des objets qui composoient la liste des tributs
de Matinal tepec.
ni. 20
'■'K'
Il
;'ï)
J:
i:l'
'i;il[
1/(1
3oG Liviir IV,
que, d lis les temps liumériques, l'usa^^e du
cuivre ]>réviiluil encore sur celui du Ter,
quoique ce dernier lut connu depuis long-
temps.
Plusieuis savaus distingués , mais étrangers
aux connoissances chimiques , ont prélendu
que lis IMexicaiiis et \c6 Péruviens avoicnt
un secret parliculier j)our donnerune trenq^e
au cuivre , et pour le co/ivc^rlir vn ticicr. Il
n'es! j)as douieiix que les liaches et d'autres
outils mexicains ne russenl j)resque aussi
tranchans (pjc des iiistruniens d'acier; mais
c'est à l'clliage avec l'élain et non à la trempe,
qu'ils dévoient leui' extrême dureté. Ce que
les prenùers liisloriens de la conquête ap-
pellent cni\>rc dur nu tranchant y ressembloit
au >'aÂ;.'of des Grecs et à Xœs des Pioniains.
Les scidpleurs mexicains et péruviens exé-
cutoient de^rands ouvrages dans le îininstcia
et le porphyre basaltique le plus dur. Les
joailliers coupoient et percoient lescnieraiides
et d'autres pierres fines , en se servant à lu
fois d'un oulil de métal et d'une poudre
siliceuse. J'ai rapporté de Lima un ciseau
des anciens Péruviens, dans lequel IM. Vau-
quelin a trouvé 0,94 de cuivre , et 0,06 d'étain.
CîlAPÎTr.F \T.
3o7
Cet alliage avoit été si hioii forgé, que, par
le rapprochement des molécules, sa pesanteur
spécifique éloit devenue S,8i5; tandis que,
d'après les expériences de M. Biiclie ', les
chimistes n'obtiennent ce ma.rimtini de den-
sité ({u'en alliant 16 parties d'étain à 100 par-
ties de cuivre. Il paroit que les Grecs se
servoient, pour durcir le cuivre, de Tétain
et du Fer à la lois. Même une h;iche «j-auloise
trouvée en France par M. Dupont de Nemours,
et qui coupe le bois , comme une haclie
d'acier , sans se casser ni se rebrousser ,
contient, d'après i'an:)lyse de M. Vauquelin,
0,87 de cuivre , o,o5 de fer et 0,09 d'étain.
Ce dernier nîétal étant un des moins ré-
pandus sur le globe , on doit être surpris de
trouver dans les deux continens l'usaîie de
durcir le cuivre par l'addilion de l'étain. [Jn
seul minerai , et qui n'a encore été trouvé
qu'à Wheal-Rock , en Cornouaille , la mine
d'étain sulfurée {zinnkics), contient du cuivre
et de l'étain à la fois et à parties égales. Nous
ignorons si les peuples mexicains exploitoient
dos filons dans lesquels étoient réunis des
P'1
«4I
1'
9
k!''
* Journal des minus , an 5 , p. 88 1 .
20'
mw ■
3o8
LIVRK IV
iiiinerais de cuivre et (rétain oxldé , ou si ce
dernier métal , que l'on rencontre dans les
terrains d'alluvion de l'intendance de Gua-
naxuato , sons la i'ornie globuleuse et fibreuse
du holz-ziiiti y lut ajouté au cuivre pur dans
une proportion constante. Quoi qu'il en soit ,
il est certain que le manque de ler se laisoit
moins sentir chez les nations qui savoient
allier d'autres métaux d'une manière aussi
avantageuse. Les outils Iranclians des Mexi-
cains étoient les uns de cuivre , les autres
d'obsidienne (itztii). Cette dernière substance
étoit même l'objet de grandes exploitations ,
dont on reconnoit encore les traces dans une
innombrable quantité de puits creusés dans la
monta ^iw des couteaux , près du village indien
d'Atotonilco el Grande '.
Outre des sacs de cacao, dont chacun con-
tenoit trois xuiuipilli , ou 24ooo grains;
outre les patolquachtli ^ ou petits ballots de
toile de coton , quelques métaux étoient
employés parmi les anciens Mexicains comme
monnoie, c'est-à-dire, comme signes repré-
sentatifs des choses. Dans le grand marché
» Voyez ci-dessus , T. II, p. i58.
ClIAPlTRi: \T.
3 00
de Tônoclilillan on aclicloil tontes sortes de
denrées , en les échangeant contre de la
poudre d'or contenue dans des tuyaux de
plumes d'oiseaux aquatiques. On exigeoit que
ces tuyaux fussent transparens , pour pouvoir
reconnoître la grosseur dos grains d'or. Dans
plusieurs provinces on se servoit, ]>our m^^n-
noie courante, de pièces de cuivre auxquelles
on avoit donné la forme d'un ï. Corlez rap-
porte qu'ayant entrepiis de faire fondre des
canons au Mexique , et ayant envoyé des
émissaires pour découvrir des mines d'étain
et de cuivre, il apprit que dans les environs
dé Tachco ( Tlachco ou Tasco ) , les naturels
se servoient , dans leurs échanges , de pièces
d'étain ' fondues, qui étoient minces comme
les plus petites mon noies d'Espagne.
Telles sont les notions imparfaites que les
* Cortez se plaint dans sa tlcrnlcre letlrc à Charles-
Quint , qu'après la prise de la capilale on le laissa sans
artillerie et sans armes, a Rien , dil-il, ne donne plus
« d'essort au génie de l'homme [no hay cosa <jiie nias
« los ingenio'i de Ion /lotubren ai->iva) que le senlinienfe
« du danger. Me voyant dans le cas de perdre ce qui
u nous avoit coûté tant de fatigues à acquérir, je
« dçvois chercher les movcus de fabriquer des cano»«
I
i !|
iï\'
3io
IJVKE IV
ii^j
premiers historiens nojs ont transmises sur
l'usage que les naturels du IMexiqne l'aisoient
de l'or , de l'argent , du cuivre , de l'élain ,
du plomb et des mines de mercure. J'ai cru
devoir entrer dans ce détail, non-seulement
pour répandre quelque jour sur l'ancienne
culture de ces contrées, mais surtout pour
faire voir que les colons européens , dans les
premières années qui ont succédé à la des-
truction de Ténochtitlan , n'ont fait que suivre
les indications de mines qui leur étoient don-
nées par les indigènes.
Le lojaume de la Nouvelle-Espagne , dans
son étal actuel , oflre près de cinq cents
endroits {reaies j j'ealitos) célèbres par les
exploitations qui se trouvent dans leurs alen-
tours. Plus des deux tiers de ces endroits
sont indiqués dans la carte générale du pays.
« avec les nialériaux trouvés clans le pays même. »
Je consignerai ici le passage remarquable clans lequel
Coriez parle île l'ctaiu comme monnoie : « Topé entre
« los nalurales de una provincia que se tlice Tachco
« ciertas piecezuelas de esfano a manera de moneda
(( muy tlelijada y procediendo en mi pescjuisa halle
« que en la dicha provincia y aun en otras se tralaba
u por nionn/(c. » [Lorenzcuia , p, 57g, ^. XVII.)
CHAPITRE XI.
3n
placée à la tête de mon Allas rnrxicain. îl est
probable que ces 5oo rcdlcs coin])rciinent
piès de trois mille mines ( niinns ) , en dé-
sii^nant par ce nom l'enscndjle des n/fvnif;rs
souterrains qui servent à l'exploilalion d'un
ou de plusieurs gïlcs métalliques , et qui
communiquent les uns auM autres. Ces 'nines
sont divisées en ^y districts ou arrondissemcns,
auxquels sont préposés autant de conseils
des mines, appelés Dipulucinncs de mincria.
Nous réunirons dans un même tableau les
noms de ces D/pu/acioncs j et celui des Rra/rs
de minas qui se trouvent dans les douze
intendances de la Nouvellc-Jlspagr.o. Les
matériaux qui ont servi pour ce travail , sont
tirés en partie d'un mémoire manuscrit que
le directeur du conseil supérieur des mines,
Don Fausto d'Elhuyar, a di cssé pour le vice-
roi comte de Re^ illa^ii^edo.
3l2
LIVRE IV
TABLEA.U GÉNLRAL
DES MINES
DE LA NOUVELLE-ESPAGNE.
H J
I. INTENDANCE DE GUANAXIJATO,
Depuis les 20** 55' jusqu'aux 21** 3o' de lati-
tude boréale, et depuis io2<» 3o' jusqu'aux
io5o45' de longitude occidentale.
Diputaciones de rnineria y ou arrondissemens»
1. GuANAXUATO.
JReales j ou endroits environnés de mines :
Guanaxuato. Villalpando. Monte de San
Nicolas. Santa Rosa. Santa Ana. San
Antonio de las Minas. Comanja. Capulin.
Comanjilla. Giganle. San Ijuis de la Paz.
San Ptai'ael de los Lobos. Durasno. San
Juan de la Chica. Rincon de Centeno.
San Pedro de los Pozos. Palmar de Vega.
San Miguel el Grande. San Felipe.
CHAPITRE XI.
3i3
II. INTENDANCE DE ZACAÏECAS,
Depuis les 22" 20' jusqiriiiix 2\^ ôô' de lati-
tude boréale, et depuis jo3" 12' jusqu'aux
io5" ()' de longitude oeeideulale.
Diputaciones de mineria^ ou arrondissemens.
2. Zacatecas.
5. sombrerete.
4* Fresnillo.
5. Sierra de Pinos.
Reaies y ou endroits ejwironnés de mines :
Zacateeas. Guadalupe de Veta Grande.
San Juan Bauptista de Panuco. La Blanca.
Sombre rete. Madroho. San Pantaleon de
la Noria. Fresnillo. San Demetrio de los
Piateros. Cerro de Santiajjo. Sierra de
Pinos. La Sauceda. Cerro de Santiago.
Mazapil.
III. INTENDANCE DE SAN LUIS POTOSI ,
Depuis les 22** 1 ' jusqu'aux 27° 1 1 ' de latitude
boréale, et depuis les 100'' 55' jusqu'au*
100^ 20' de longitude occidentale.
■U
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: t
m
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f
|t I:
3i4
iJVr.F !V
Dipntacioncs de mineria^ nu arroudisspmens.
6. C\T()RCE.
7. San Luis Potosi.
8. ClIAUCAS.
9. Ojocaliente.
10. San Nicolas de Croix.
\'\
■•' !,•
Renies , ou endroits environnés de mines :
La Purissiina Conccpcion tic Alanios de
Calorce. Matcliuala. Ccrro del Polosi.
San Martin Bcrnalcjo. Sierra Ncgra. Tnlc.
San Martin. Santa Maria de las Gharcas.
Ramos. Ojocaliente. Cerro de San Pedro.
Matanzillas. San Garlus de Vallecillo.
San Anlonio de la Ygnana. Sanlia«^o de
las Sabinas. Montercy. Jésus de Rio Rlanco.
Las Salinas. Coeca de Leones. San JNicolas
de Croix. Rorbon. San Joseph Taman-
lipan. Nuestra Senora de Guadalnpe de
Sihue. La Purissiina Concepeion de Re-
villagigedo. EH/enado. L. Tapona. Gua-
dalcazar.
CHAPITRE XI.
B-'^
o
IV. INTENDANCE D F. MI. MCO.
Depuis les 18" 10' jiisqu'aiiK 2 r'.")i)'(lclatlliide
boréale, et (li'jniis les 100" 12' lus^u'anx:
io5o 25' (le luii;'itudc occiciciilale.
Diputaciones de niiiwrid , ou avroiidàscmens.
11. PACHirCA.
12. El Doctor.
15. ZiMAPAN.
a 4. Tasco.
i5. Zacualpan.
16. SlJLTErEC.
17. Temascaltepec.
Jieales , ou endroits e/i,>ironncs de mines :
Pachiica. Real del Monte. Moran. Alo-
lonileo el Chico. Aloloiiiloo el Grande.
Zimapan. Lomo del Toro. Las Caiîas. San
Joseph del Oro. Verdozas. Gapiila. Santa
Bosa. El Potosi. Las Plomosas. El Doctor.
Las Alpujarras. El Pinal, ou los Anioles.
lîuascazoluya. San Miguel del Rio Blanco.
Las Aguas. Maconi. San Christobal. Car-
donuK Xacala. Jutchitlan el Grande. San
3i6
Livnr. TV
Joseph dcl Obraje Viefo. Cerro Blanco.
Cerro dcl Sotolar. San Francisco Xichii.
Jésus Maria de la Targea. Coroniila , ou la
Purissima Concepcion de Tetela del Rio.
Tcpanlidan. San Vicente. Tasco. Tehuilo-
tepec. Goscallan. Haucingo. Huauda. So-
chipala. Tedilco. San Esteban. Real del
Limon. San Geroninio. Temascaltepec.
Real de Ariba. La Albarrada. Yxtapa. Oco-
tepec. Chalchilepèque, Zacualpan. Tecica-
pan. Ghontalpa. Santa Cruz de Azulacpes.
Sultepec. Juluapa. Papaloapa. Los Ocotes.
Capulalengo. Alcozauca. TotomixUahuaca.
'■! .
liL
V. INTENDANCE DE GUADALAXARA,
Depuis les 19^0' jusqu'aux 25^ 12 ' de latitude
boréale, et depuis les loô*^ 5o' jusqu'aux
108" o' de longitude occidentale.
Diputaciones de mlneria , eu arroridissemens.
18. BoLANOS.
19. AsiENTOS DE IbARRA.
20. HOSTOTIPAQUILLO.
Reaies y ou endroits environnés de mines : Bola-
fios. Xalpa. San Joseph de G uichichila. Santa
CHAPITRE XI. 3l7
Maria deGuadalupe, oudelaYesca. Asieu-
tosde Ibarra. San Nicolas de los Angeles. La
Baliena. Talpan. Hoslolipaquillo. Copala.
Guaxacatan. Aniaxac. Limon. Tepante-
ria. locotan. Teoonialan. Ahuacatancillo.
Guilotitan. Plalanarilo. Santo Domingo,
luchipila. Mezquital. Xalpa. San Joseph
Tepostitlan. Guacliinango. San Nicolas del
Roxo. Amatlan. Nalividad. San Joaquin.
Santissima Trinidad de Pozole. Tule.
Motage. Frontal. Los Aillones. Ezallan.
Posession. La Seiranilla. Aquilapilco.
Eliso. Chimallitan. Siinta Fe. San Kafael.
San Pedro Analco. Sanla Ciuz de los
Flores.
î; i
W
VI. INTENDANCE DE DURANGO.
Depuis les 23» 55' jusqu'aux 29*^ 5' de latitude
boréale, et depuis les io4" 4o' jusqu'aux
j. lo^o' de Jongitude occidentale.
Dîputaciones de mincria y ou airondissemcns.
21. Chihdahua.
22. Parbal.
20. guarisamey.
24' cosiguiuiachi,
26. Batopilas.
il
\ ;-f.|r •
■
11' !
3l8 LIVT\E IV,
llcdlcs , nu. endroils cjivironncs de mines :
S;;n l*c<lm(lcl^utopiIas. Uruarlii. Gujuiii lii,
(Niicslra SoiiOra de Lorclo. San Joaquin
<lc \os Ai'iioros. El Oro de Topago. San
•liian INcpoiinieeno. JNueslia Senora del
Monsenale del Z.ipolc. Lriqnlllo. San
AiJiiiisrin. INiicslra Scfiora del Monserrale
de Uriqiie. Guaiisainey. San Vieenlc.
Gnadahipc. Cavilanes. San Antonio de las
Venlanas. San Dinias. San JoseplideTavol-
lita. Cosiguiriac lii. Rio de San Pedro*
Cliilinalnia el Viejo. San Juan de la Cî^nc
giiilla. IMa^*'nai ielii. Caxurieln. San Jost dci
Panai'. Indeliè. Los Sanees.Nnestra Senora
de la JMereeddclOro. Real deTodosSantos.
San Franciseo del Oi'o. Santa Barbara.
Sr.n Pedro. II.iejoqMilla. Los Peiioles. La
Cadena. Cneneaniè. S;.n Nieolas de Yei«
vabnena. La Concepeion. San la Maria de
" Sur fjiiolqiu's épreuves <1c ma carie générale de
la TN'onvoIlc-Espngno , le nom Je Parral se trouve
confondu avec celui du villajic; de Valle San Jîarlo-
o
lonie. C'est le signe par l( qtuîl est désigné le clief-lieu
d'un conseil provincial des mines, qui inf'iqiit. ..t vraie
position du Parral , telle qu'on la trouve déjà sur la
carte lllnrrairej PI. 7 de l'Atlas mexicain.
t
CHAPITRE XI.
3
19
las Nieves. Clialtliiliiiites. Sanla Gatallna.
San Miguel dcl Mezquilal. Nuestta Senora
de los Dolores del Orito. San Juan del Rio.
San Lucas. Panuco. Avinito. San Francisco
de la Silla. ïexamen. Nueslra Senora de
Guadalupc de Ttixanie. San Miguel de
Conelo. Sianori. Ganclas. Las Mesas. Saba-
tinipa , ou Malabacas. Topia. San Uafael
de las Flrjres. 1^1 ALicran. La Tjagartija.
San Ranion. Santiago de Mapinii.
VII. INTENDANCE DE SONORA,
Depuis les 2^^ i5' jusqu'aux ôio 20' de lati-
tude boréale, et de{)iiisles iiro/|5' jusqu'aux
1 15" 20' de longitude occivien'.ale.
Dlpiitacioncs de mincrlu y ou arrondisscniens,
26. Alamos.
27. CoPALA.
28. GOSALA.
2g. San Francisco Xavier de la Huerta.
3o. GuADALUPiï DE LA PuERTA.
01. Santissima Trimpad dePe!\a Blanca.
02. San Fancisco Xavier de Allsos.
m-
IIM
320 LIVKE IV,
Realcs , ou endroits environnés de mines :
San Joseph de Gopala. Real del Rosaiio.
Plomosas. Santa Kosa , ou las Adjuntas.
Apomas. San Nicolas de Panuco. Santa
Rita. Trancito. Charcas. Limon. Santa Rosa
de las Lagunns. Tocuislita. Corpus. Reyes.
Cosala. Palo Blanco. El Caxon. Santiago
de los Caballeros. San Antonio de Alisos.
San Roque. Tabahueto. Norotal. Los Moli-
nos. Surutato. Los Garcamos. San Juan
Ne >'^muceno. Bacatopa. Lorelo. Teuoriba.
Agua. lente. Monserrate. Sivirijoa. Ba-
royeca.Yecorato. Zataque. Cerro Colorado.
Los Alamos. Guadalupe. Rio Gliico. La
Concepeion de Haygamè. Santissinia Tri-
nidad. La Ventana, ou Guadalupe. Sara-
cachi. San Antonio de la Huerta. San
Francisco Xavier. Hostimuri. Quisuani. El
Aîi'uag-e. Hii'ane. San José de Gracia. El
Gabilan. El Populo. San Antonio. Todos
Santos. El Carizal. Nacatabori. Rac>.ach.
San Ildefonsode Cieneguilla. San Lorenzo.
Nacumini. Cupisonora. Tetuachi. Baso-
chuca. Nacosari. Bacamuchi. Cucurpe.
Motepore.
CHAPITRE XI.
321
VIII. INTENDANCE DE VALLADOLID,
Depuis les 18° 25' jusqu'aux 19*^ 5o' de latitude
boréale, et depuis les 102** lo' jusqu'aux
io4"5o' de longitude occidentale.
Diputaciones de mineria y ou arrondissemeiis.
53. Angangueo.
34- Inguaran.
35. ZiTAQUARO.
36. Tlalpujahua.
! i^ li
Reaies ^ ou endroits environnés de mines :
Angangueo. El Oro. Tlapaxahua. San Au-
gustin de Ozumatlan. Zitaquaro. Istapa. Los
Santos Reyes. Santa Rita de Ghirangangeo.
El Zapote. Chachiltepec. Sanchiqueo. La
Joya. Paquaro. Xerecuaro. Gurucupaseo.
Sinda. Inguaran. San Juan Guetanio. Ario.
Santa Clara. Alvadeliste. San Nicolas Apu-
pato. Rio del Oro. Axuchitlan. Santa Maria
del Garnnen del Sombrero. Favor. Chi-
chindaro.
m.
2L
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32!2
LIVRE IV
7
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IX. INTENDANCE D'OAXACA,
Depuis les 16^ 55' jusqu'aux 17*» 55' de lati-
tude boréale, el depuis les 98** 1 5 ' jusqu'aux
100" o' de longitude oecidenlale.
o
Diputaciones do mincvia y ou arrondissemens.
07. Oaxaca.
Rcalcs y ou endroits environnés de mines :
Zolaga. Talea. llucplotitlan. La Aurora de
Ixlepexi. VillaUa. Ixtlaii. Tatolatia. Ilui-
lepèque. Piio de San Antonio. Totomistla.
San Pedro Nesicho. Santa Catalina. Laclia-
teo. San Miguel Amallan. Santa Maiia
lavecia. San Mateo Capulalpa. San Miguel
de las Feras.
X. INTENDANCE DE PUEBLA,
Depuis les 18** i5' jusqu'aux 20" 25' de lati-
tude boréale, et depuis les 99" 45' jusqu'aux
100*» 5o' de longitude occidentale.
Mines éfjcirses : La Canada. Tulincingo. San
Miguel Tenango. Zautla. Barrancas. Alat-
lanquetepec. Temetzla. Ixtacniaztitlan.
CHAPITRE XI.
323
XI. INTENDANCE DE VERA-CRUZ,
Depuis les 20'' o' jusqu'aux 21** i5' de latitude
boréale, et depuis les 99** o' jusqu'aux
101'* 5' de longitude oceideutale.
Mines eparsf'S : Zomelaliuacan. Giliapa. San
Antonio de Xaeala.
XII. ANCIENNE CALIFORNIE,
Mine : Pveal de Sanla Ana.
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Ceux qui ont étudié la constitution géolo-
gique d'un pays de mines trës-étendu , savent
qu'il est presque impossible de réduire à des
idées générales les observations faites sur
une grande variété de couches et de filons
métallifères. Le physicien peut distinguer
l'ancienneté relative des diverses formations :
il parvient à découvrir des lois dans la strati-
fication des roches , dansl'identité des couches,
souvent même dans l'angle que l'ont ces der-
nières, soit avec l'horizon, soit avec le méri-
dien du lieu ; mais comment reconnoître les
lois qui ont déterminé la disposition des mé-
21
11
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I
„.._ I
324 LIVRE IV,
taux dans le sein de la terre, la puissance, la
direction et l'inclinaison des filons, la natnre
de leur masse ^ et leur structure particulière ?
Comment tirer des résultats généraux de
l'observation d'une mulliludo de petits phé-
nomènes qui ont été modifiés par des c:tuses
purement locales, et qui paroissent être les
effets d'un jeu d'affinités chimiques , dont
l'action étoit circonscrite sur un très -petit
espace? Ces difficultés augmentent lorsque,
comme dans les montagnes du Mexique, les
Jilons , les couches et les amas [stochiverke)
>. $e trouvent épars dans une infinité de roches
de mélange et de formation très-différentes.
Si Ton possédoit 'jne description exacte des
quatre ou cinq mille filons qui sont actuelle-
ment exploités dans la Nouvelle-Espagne , ou
qui l'ont été depuis deux siècles, on recon-
noîtroit sans doute, dans la masse et dans la
structure de ces filons , des analogies qui indi-
queroient une origine simultanée : on trou-
veroit que ces masses (gangausjiilluiîgen)
sont en partie identiques avec celles que
présentent les filons de la Saxe et de la Hon-
grie , et sur lesquels le premier minéralogiste
dju siècle, M. Werner, a répandu tant de
'S
CHAPITRE XI.
325
lumières. Mais nous sommes bien loin encore
de connoîlre les montagnes métallifères du
Mexique , et , mal<^ré le grand nombre d'ob-
servations que j'ai pu recueillir par moi-même,
en parcourant le | a^s dans différentes direc-
tions , sur une longueur de plus de qualre
cents lieues, je ne hasarderai point d'esquisser
le tableau général dos mines mexicaines con-
sidéré sous des rapports géologiques. Je me
bornerai à indiquer les roches qui fournissent
la majeure partie des richesses de la Nouvelle-
Espagne.
Dans l'état actuel du pays , les filons sont
l'objet des exploitations les plus considérables:
lès minerais disposés en couches ou en amas
y sont assez rares. Les filons mexicains
se trouvent, pour la plupart, dans des
roches primiWes et dans celles de transition
( /^/"-und ûhevgangs-gcl/irge ) , moins com-
munément dans les montagnes de formation
secondaire , qui n'occupent une vaste étendue
de terrain qu*au nord du tropique <' i cancer,
à l'est du Rio del Norte , dans le bassin du
Mississipi , et à l'ouest du Nouveau-Mexique
dans les plaines qui sont arrosées par les
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326 LIVRE IV,
rivières de ZagUtinanas et de San Buenaven-
lura, et qui abondent en sels muriatiques.
Dans l'ancien continent , le granitc , le
gneiss et le schiste micacé ( i^lintrncr'scliiejej')
constituent la crùle des liaulcs chaînes de mon-
tagnes. Ces nicnies roches paroissent rarement
an jour sur le dos des Cordillères de l'Amé-
rique , particulièrement dans la partie centrale
conlenue entre les 18 et 22 degrés de latitude
boréale : des couches d'une épaisseur énorme
de porphyre aniphibolique , de griinstein ,
d'amjgdaloïde, de basalte, et d'autres for-
mations trapéennes, j recouvrent le granité,
et le cachent aux yeux du géologue. Les côtes
d'Acifpulco sont formées de roches grani-
tiques. En montant vers le plateau de Mexico ,
on voit ces dernières percer le porphyre pour
lu dernière fois , entre Zumpango et Sopilote :
plus à l'est , dans la province d'Oaxaca , le
granité et le gneiss s'élèvent dans des plateaux
d'une étendue considérable , et qui sont tra-
versés par des liions aurifères. L'étain, qui est ,
après le titane , le schéelin et le molybdène ,
le métal le plus ancien du globe , n'a cepen-
dant , que je sache , pas encore été observé
CHAPITRE XI. 027
dans les jrraiiilcs du Mexique ; car rétain
fibreux ( ironr///// ) du Giî^tiule iipparlienl à
des terrains d'alhnion , elles filons d'éliûn
de la Sierra de Guana.xualo sctrouvciît dans
des iiionlt!i;nes de porphyre. Dans les mines
de Coinanja, un syêniie qui paroît d'aneicnnc
fornialion , renCtiîJie un lîlon argenliCerc:
celui de Guanaxuato, le plus riche de toute
rAinériquc , traverse un schiste primitif
[tlionscliicjer) qui passe souvent au sclnsle
talqucux ( talkscliicfcr ) : la serpentine de
Ziinapan paroît dénuée de métaux.
Les porphyres dîi Mexique peuvent être
considérés en grande partie comme des roches
éminemment riches en mine:, d'or et d'argent.
C'est un des problèmes de géologie les plus
difficiles à résoudre , que de déterininet leur
ancienneté relative', ce qui les caractérise tous,
c'est la présence constante de l'amphibole et
l'absence du quartz , si commun dans les
porphyres primitifs de l'Europe , surtout dans
ceux qui forment des couches dans les gneiss.
\jÇ', feldspath commun se présente rarement
dans les porphyres mexicains ; il n'est propre
qu'aux formations les plus anciennes , à celles
de Pachuca , de Real del Mente et de Moran,
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328 LIVRE IV,
dont les filons fournissent deux fois autant
d'argent que la Saxe entière. Le plus souvent
on ne découvre , dans les porphyres de
l'Amérique espa<,mole, que du feldspath vi^
ireujc. La roche qui est traversée par le riche
filon aurifère de Villalpando , près de Gua-
naxuato , est un porphyre dont la base se
rapproche du /J/ngstctn ( phonolile ), et dans
lequel l'amphibole est extrêmement rare.
Plusieurs de ces terrains de la Nouvelle-
Espagne offrent de grandes analogies avec
les roches problématiques de la Hongrie ,
que M. de Born a désignées par la dénomina-
tion très-vague de sajciiin metalUjerinn, Les
filons de Zhnapan, qui sont les plus instruc
tifs sous le rapport de la théorie des ^/fe5 de
minerais, traversent des porphyres à base de
griuisieiUf poiphyres qui paroissent appar-
tenir aux roches trapéennes de nouvelle
formation. Ce sont ces mêmes filons du
district de Zimapan, qui offrent aux collec-
tions oryctognostiques une grande variété de
minéraux intéressans , tels que la zéolithe
fibreuse , la stilbite , la grammatite , la pyc-
nile , le soufre natif , le spath fluor , la
baryte; l'asbesle subériforme, les grenats
CHAPITRE XI. 829
verts, le carbonate et le chromate de plomb,
rorpiinent , la chrjsoprase , et une nou-
velle espèce d'op.jlc de la pins rare beauté,
que j'ai fait connoître en Europe , et que
MM. Karsten et Klaprolli ont décrite sous
le nom de Feucr-Opal.
Parmi les roches de transition qui ren-
ferment des minerais d'argent, on peut citer
le calcaire de transition ( ûbcrgangskalk-
steln) du Real del Cardonal , de Xacala et
de Lomo del Toro , au nord de Zimapan,
Dans le dernier de ces endroits, ce ne sont
pas des filons que l'on exploite, mais des am^r^
de galène, dont quelques nids ont donné,
dans un court espace de temps , d'après
l'observation de M. Sonneschmidt , plus
de i24jOOO quintaux de plomb. La grau-
wakke, alternant iwecle graiavakken-schiefer,
n'est pas moins riche en métaux au Mexique
que dans plusieurs parties de l'Allemagne.
C'est dans cette roche, dont la formation a
précédé immédiatement celle des roches
secondaires, que paroissent se trouver plu-
sieurs filons de Zacatecas.
A mesure que le nord du Mexique sera
parcouru par des géologues instruits , on
m
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ji
33o
LIVRE IV
reconnoitra que les ricliesses inéîalliqnes du
Mexique n'appurliennent pas exclusivement
aux terrains primitifs et aux nu)iita<i;'nes de
transition , nniis qu'elles s'étendent aussi à
celles ôe fornifi^'on sncandaire. J'ii]^nc/re si le
plo'.nb qui s'exploite dans la partie orientale
de l'intendance de San Luis Potcsi se trouve
en filons ou en couches ; mais il p: roit certain
que les filons d'argent du Real de Gatorce ,
comme ceux du Doctor et de Xaschi, près de
Zimapan , traversent la pierre, calcaire alpine
( alpenkalkstein) : cette roche repose sur un
poudingue à ciment siliceux , que l'on peut
regard ~r comme la plus ancienne des forma-
tions secondaires. Le calcaire alpin et le cal-
caire du Jura {jiirakalkstein) rcnferm?nt
les célèbres mines d'argent de Tasco et celles
deTehuilotepec , dans l'intendance de Mevico ;
et c'est dans ces roches calcaires que les nom-
breux filons qui sont d:uis ce pavs I objet
d'une exploitation très-ancienne, ont montre-
le plu.« de richesse. Ilsso'tt plus stériles d : s
les strates de schiste \ivmÀ\ii {ur'fuojiscJiiejer)^
qui , comme on le reconnoît daris le Cerro de
San Ignacio , sert de base aux formation*
sec ondaires.
CHAPITBE XI.
33 I
Il résulte de cet aperçu ^encrai des gîtes
métallifères {^ erzfiihreiide la^crstatte) , que
les Cordillères du Mexique ofïVcut des filons
dans une grande \ariélé de roches, et que
celles qui fournissent dans le uionienl actuel
la presque totalité de l'argent exporté annuel-
lement de la Vera-Gruz, sont le schiste primi^
tif, la grauwakke et \à pierre calcaire alffiiie j,
traversés par les/lions principaux de Gua-
naxuato, de Zacatecas et de Catorce. C'est
aussi dans un schiste primitif (ur-thoiischiejer),
sur lequel repose du porphyre argileuxconte-
nant des grenals , que sont reniermées les
richesses du PoA95/ , dansle royaunie de Bue-
nos-Ayres. Au Pérou , au contraire, c'est dans
la pierre calcaire alpine que se trouvent les
mines de Gualg-avoc ou de Chota , et celle de
Yauricocha ou de Pasco , qui, ensemble,
rendent annueilenient deux fois autant d'ar-
gent que toutes les mines de l'Allemagne. Plus
on étudie en grand la constitution géologique
du globe , et plus on reconnoît qu'il existe
à peine une roche qui, dans de certaines
contrées ^ n'ait été trouvée éminemment mé-
tallifère. Le plus souvent la richesse des filons
k
i
332 LIVRE IV,
est indépendante de la nature des couches que
ces filons traversent.
On observe dans les mines les plus célèbres
de l'Europe, que les travaux souterrains se
dirigent ou sur une multitude de filons peu
puissans, comme dans les montagnes primi-
tives de la Saxe, ou sur un très-petit nombre
de gîtes de minerais d'une puissance extraor-
dinaire , comme à (jlausthal , au Harz , et près
de Scliemnitz, en Hongrie. Les Cordillères du
Mexique offrent de fréquens exemples de ces
deux genres d'exploitation ; cependant les
districts de mines dont la richesse a été la plus
constante et la plus considérable , ceux de
Guanaxuato , de Zacatecas , et de Real del
Monte , ne p.^ésentent chacun qu'un seul filon
principal (i^eta madré). On cite àFreiberg,
comme im phénomène remarquable, le filon
appelé halsbrûhier spath , dont \a puissance
est de deux mètres^ et qui a été reconnu dans
une longueur de 6200 mètres. La veta madré
de Guaxanuato , dont il a été extrait dans les
derniers dix ans plus de six millions de marcs
d'argent , a une puissance de 4o à 4*^ mètres :
elle est exploitée depuis Santa Isabella et San
CHAPITRE XI.
333
Bruno, jusqu'à Buenavista , sur une longueur
de plus de 12,700 mètres.
Dans l'ancien continent , les filons de Frei-
berg et de Glauslhal, qui traversent des mon-
tagnes de gneiss et de grauwakkc j viennent
QMJoiir dans des plateaux dont l'élévation au-
dessus du niveau de la mer, n'est que de
35o et 670 mètres : cette élévation peut être
regardée comme la hauteur moyenne des
mines les plus abondantes de TA iemagne.
Dans le nouveau continent , les richesses mé-
talliques sont déposées par la nature , sur le
dos même des Cordillières , quelquefois dans
des sites peu éloignés de la limite des neiges
perpétuelles. Les exploitations lespluscélèbres
du Mexique se trouvent à des hauteurs abso-
lues de 1800 à 5ooo mètres. Dans les Andes,
les districts des mines de Potosi, d'Oruro, de
la Paz, de Pasco et de GMalL;'ayoc, appar-
tiennent à une région dont l'élévalioM surpasse
celle des plus hautes cimes des P vréné( s. Près
de la petite ville de Micuipampa , dont la
grande place, d'après ma mesure, est élevôe
de 36i 8 mètres au-dessus du niveau delà mer,
un amas de minerai d'argent, connu sous le
nom du Cerro de Gualgajoc ^ a offert d'im-
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nienses ri (liesses dans ses aftleuremeiis , à une
hantenr absolue de 4 loo mètres.
Nous avons exposé dans un autre enî'.rbit ',
combien il est avantageux pour l'exploitation
des mines du Mexique , rpie les gîtes métal-
lifères les plus importans se trouvent dans
«ne région niojeniie dont le climat ne s'op-
pose pas à l'agriculture et au développement
de la végétation. La grande ville de Gua-
naxuato est placée dans un ravin dont le fond
est un peu au-dessous d;i niveau des lacs que
renferme la vallée de Ténoclititlan. Nous
ignorons les hauteurs absolues de Zacatecas
et du Real de Catorce. Ces deux endroits
sont situés sur des plateaux qui paroissent
plus élevés que le sol de Guanaxuato : ce-
pendant le climat tempéré de ces villes
mexicaines, qui sont cp^^ arées des mines les
plus riches du monde , contraste avec le climat
excessivement froid et désagréable de Micui-
pampa , de Pasco, de liuancavelica, eld'autres
villes péruviennes.
Lorsque , dans un district de peu d'étendue,
» Voyrz ci-dessus, Chap. Ilï, T. I, p. 2()3 ; et
Chap, IX , p. 1 1 tic ce volumu.
CHAPITRE XI.
335
par exemple dans celui de Freiherg, en
Saxe , on compare la qnanlilé d'ar^^ent livré
annuellement à la monnoie, au grand nombre
des mines qui soià en exploitation , on s'aper-
çoit au plus léger examen que ce produit
n'est dû qu'à une petite partie des travaux
souterrains , et que lei: neuf dixièmes des
mines n'influent presque en rien sur la masse
totale des minerais arrachés du sein de la
terre. De même au Mexique, ce n*est que
d'un très-petit nombre de mines que sont
tirés les 2,5oo,ooo marcs d'iirgent qui passent
annuelleaient en Europe et en Asie par les
ports de Vera-Gruz et d'Acapulco. Le;j trois
districts que nous avons eu occasion de
nommer souvent, ceux de Guanaxuato , Za-
catecas et Gatorce , fournissent plus de la
moitié de cette somme. Un seul filon , celui
de Guanaxuato , donne près du quartde tout
l'argent mexicain , et la sixième partie du
produit de l'Amérique entière.
Dans le tableau général qui a été présenté
plus haut , les mines principales sont confon-
dues avec celles dont on ne retire qu'une
très-petite quantité de métal. La disproportion
qu'offrent ces deux classes est sigrande, que plus
11
\\ '.
m
336 LIVRE IV,
de ~ des mines mexicaines appartiennent à la
dernière, dont le produit total ne s'élève pro-
bablement pas à la somme de 200,000 marcs.
De même en Saxe, les niines qui environnent
la ville de Freiberg fournissent annuellement
près de 5o,ooo marcs d'argent ; tandis que
tout le reste de VErzgebirge n'en donne que
sept à huit mille marcs. Voici l'ordre dans
lequel se suivent les districts des mines les plus
riches de la Nouvelle-Espagne, e vi les rangeant
d'après la quantité d'argent qu'on en extrait
actuellement :
—
GUANAXUATO, dans l'intendance du même
nom.
CATORGE, dans l'intendance de San Luli
Potosi.
ZAGATECAS, dans l'intendance du même
nom.
Real del Monte , dans l'intendance de
Mexico.
BoLANOs , dans l'intendance de Guadalaxara.
GuARisAMEY , dans l'intendance de Durango.
SoMBRERETE , daus l'intendaucc de Zacatecas.
Tasco , dans l'intendance de Mexico.
CHAPITRE XI. 337
Bntopilas y dans l'iuleudance de Durango.
Zhnapany dans l'intendance de Mexico.
Fresnillo y dans l'intendance de Zacatecas.
Ramos y dans l'intendance de San Luis Potosi.
Parral , dans l'intendance de Durango.
,*,.,■■-■ • -
On manque absolument de matériaux exacts
pour tracer l'iiistoire de l'exploitation des
mines de la Nouvelle - Espagne. Il paroît
certain que de tous les filons, ceux de Tasco,
de Zultepèque, de Tlapujahua et de Pachuca
ont été travaillés les premiers par les Espa-
gnols. C'est près de Tasco , 3. l'ouest de
ïchuilotepec, dans le Cerro de la Compcina,
que Gorlez a percé une galerie d'écoulement
à travers le schiste micacé auquel est super-
posé, comme nous l'avons indiqué plus haut,
du calcaire alpin. Celte galerie , appelée el
socahon del rej y fut commencée dans des
dimensions si grandes, qu'on peut la parcourir
à cheval , sur une longueur de plus de 90 mè-
tres : elle vient d'être aclievée par le zèle
patriotique d'un mineur de Tasco , Don Vi-
cente de Anza, qui est parvenu à couper le
filon principal à la distance de 55o mètres
^p' V embouchure de la galerie. L'exploitation
*.'m
lU.
22
338
LIVRE IV
des mines de Zacatccas a suivi de près celle
des gîtes de mi ne rai s de Tasco et de Puehuca.
Le filon deSan Barnabe fut attaqué dès l'année
i548, par conséquent vingl-liuit ans après la
mort de Monlezunia; circonstance qui doit
paroîlre d'aulant plus remarquable, que la
ville de Zacatecas est éloignée en ligne droite
de plus de loo lieues de Ja vallée de Ténoch-
tillan. On assure que des muleliers qui voja-
geoient de Mexico à Zacatecas, découvrirent
les minerais d'argent du district de Gu. -
naxuato. C'est dans ce district que, pics de
la colline basaltique du Cuhilete , la mine de
San Barnabe offre les travaux souterrains les
plus anciens. Le filon principal deGuanaxuato
{la vctamndre) fut découver .lus tard, en
creusant les puits de Melluuo et de Rayas,
Le premier de ces puits fut jmmencé le i5,
le second, le 16 avril de l'année i558. Les
mines de Comanjjs sont sans doute plus
anciennes encore que celles de Guanaxuato.
Comme le produit total des nnnes du Mexique
n'a été, jusqu'au commencement du dix-
huitième siècle , que de 600,000 marcs d'or
et d'argent par an , on peut en conclure qu'au
seizième, ou ne ^.ravailla pas avec une très-
Cll.VPITilE XI. 339
ara iule activité à l'extraction des minerais.
ri
Les filons de Tasco , Tlapu jaliua , Zultepèque,
Moran , Pacbuca et Real dcl Monte ; ceux
de Sombrerete , Bolafîos , Batopilas et du
Rosario, ont offert de temps en temps d'im-
menses richesses ; mais leur produis' a été moins
unilorme que celui des mines de Guanaxuato,
de Zacatecas et de Gatorce.
L'argent extrait dans les 07 districts des
înines dans lesquels est divisé le royaume de
la Nouvelle - Espagiîc , est versé dans des
caisses de trésoreries provinciales , établies
dans les chefs-lieux des intendances. C'est
par la recette de ces caxas reaies , que l'on
peut juger de la quantité d'argent que four-
nissent les différentes parties du pays. Voici
le tableau de onze trésoreries provinciales :
H
340 LIVRE IV,
De 1785 à 1789, il est entré dans les caxas
reaies de
marcs d'iirgpnt.
GiianaxuatOé 2^469)000
San LuisPotosi (Gatorce, Cliarcas,
San Luis Potosi ) i;5i5,ooo
Zacatecas (Zacatecas, Fresnillo,
' Sierra de Pinos) i,2o5,ooo
Mexico ( Tasco , Zacualpa , Zulle-
pèque) i,o55;000
Durango (Cliihuahua,Parral, Gua-
risamey, Cosiguiriachi ) 922,000
Mosario (Rosario, Cosala, Copala,
Alamos) 668,000
Guadalaxara ( Hostotipaquillo ,
Asientos dp Ybarra ) 609,000
Pachuca (Real del Monte, Mo-
ran ) 4^5,000
Bolanos 064,000
i Sombrerete 32o,ooo
Zimapan ( Zimapan , Doctor ). . . . 248,000
Somme de cinq ans, 9,760,000
La partie des montagnes mexicaines qui
produit aujourd'hui la plus grande quantité
d'afgent, est contenue entre les parallèles
CHAPITRE M,
31 1
de vinf^t-un et de vingl-quatrc déférés et demi.
Les célèbres mines de Gnanaxuato ne sont
éloignées , en ligne droite , de celles de San
Lnis Potosi que de oo lieues : de San LuisPotosi
à Zacatecas il y a 34 ; de Zacatecas à Gatorcc
01 , et de Catorce à Durango 74 lieues. Il est
assez remarquable que les richesses métalliques
delà Nouvelle-Espagne et du Pérou se trou-
vent placées dans les deux hémisphères,
presque à égale distance de Téquateur.
Dans la vaste étendue qui sépare les gîtes
de minerais de Potosi et de la Paz de ceux
du Mexique , il ny a d'autres mines qui
mettent en circulation une grande masse de
métaux précieux que celles de Pasco et de
Chola. En avançant depuis le Cerro de Gual-
ga} oc au nord, on ne trouve que les /r^i^r/^e^
d'or du Choco , ceux de la province d'Antio-
quia , et les filons d'argent récemment dé-
couverts de la Vega de Supia. Il en est de la
Cordillère des Andes comme de toutes les
montagnes de l'Europe dans lesquelles les mé-
taux se trouvent inégalement répandus. La
province de Quito et la partie orientale du
royaume de la Nouvelle - Grenade , depuis-
les 3*^ de latitude australe jusqu'aux 7** de
i,i;:
342 LIVRE IV,
lutitude boréale ; rislhiiie de Panama , cl les
montagnes de Guatiniala , offrent , sur nnc
longueur de Goo lieues, de vastes étendues
de terrain , dans lesquelles jusqu'ici aueun
filon n'a été exploité avee succès. Il seroit
peu exact cependant d'avancer que ces pa^^s,
qui en grande partie ont été bouleversés
par les volcans, sont entièrement dénués de
minerais d'or et d'argent. De nombreux ^ç/V^^
métallifères y peu^ent être cachés par la
superposition des .v//y//^.ç de basalte , d'amyg-
daloïde , de porphyre à base de grûnstcin y
et d'autres roches que les géologues em-
brassent sous le nom général i\e Jonnatiori
(le trapp.
Quant aux mines mexicaines en particulier,
on peut les considérer comme formant huit
groupes ( erz-refœre ) qui sont presque tous
placés ou sur le dos , ou sur la pente occi-
dentale delà Cordillère d'Anahuae. IjQ premier
de ces groupes est celui dont le produit est
le plus considérable : il embrasse les districts
conligus de Guanaxuato, San Luis Potosi ,
Charcas, Catorce, Zacatecas, Asientos de
Ybarra , Fresnillo et Sombrerete. Au second
appartiennent les mines situées à l'ouest de
CIlAriTRE XI.
3;3
la ville (le Durango , de mcMiie que celles de
la province de Cinaloa; car les e\i>loilalions
de Guarisamey,G()pala, Cosala et du Kosario,
sont assez rapprochées les unes des autres
pour qu'on doive les réunir sous une même
division géologique. Le troisième groupe,
le plus septentrional de la Nouvelle-Espagne,
est celui du Parral , qui comprend les mines
de Cliihualiua et de Gosiguiriachi. Il s'étend
depuis les 27 jusqu'aux 29 degrés de latitude.
Au nord- nord- est de iMexico se trouvent
le (juatrième et le cinfjuicnic groupe, celui
de lleal del Monte ou de Pachuca , et celui de
Zimapan ou du Doctor. lîolaîios ( dans l'in-
tendance deGuadalaxara), Tasco et Oaxaca,
sont les points ccnlraux du sixième ^ du
septii'me et du /f/z/V/V///*" groupe des mines de
la Nouvelle - Espagne. Get aperçu général
suffît pour prou; er que ce royaume, comme
l'ancien continent, renlerme de vastes éten-
duesdepajsquiparoisscnt presque totalement
dépourvues de filons métaliiieres. Jusqu'à ce
jour aucune expluilalion considérable n'a été
entreprise, ni dans l'intendance de la Puebla,
ni dans celle de Vera - Cruz, ni dans les
plaines de formation secondaire situées sur
■H
Â
w
■M
I .
II
344 'LIVRE IV,
la rive gauche du Rio del Norte , ni dans le
Nouveau-Mexique.
Le tableau suivant indique non la richesse
relative j ou la distribution iiicgale des métaux,
considérée sous un point de vue géographique,
mais la quantité d'argent que, dans l'état
acîtîel des mines, on extrait des différentes
parties du royaume de la Nouvelle-Espagne.
On a classé les mines d'après l'ordre qui vient
d'être exposé plus haut , en indiquant le nom
du chet-îieu qui est k point central du groupe,
et la surface du pays dans lequel se trouvent
les diverses exploitations. Quelques groupes
se partagent naturellement en plusieurs dis-
tricts , qui forment autant de subdivisions ou
de systèmes parliculiers.
1/
v?
«Minia
CHAPITRE XI.
3;^
[^
MINES PRINCIPALES
Hu Mexique ,
llVlSlîr.S EV HUIT OROUPIiS.
ETENDUE
Ull PAYS
(|ul rst occupée
par
chaque (•roupo
il« ininrs,
(eiiliciicscurr.)
mm
ENDROITS
que l'on peut reg-iider
comme
lei points crnlraiix
de CCI
1.*^'' Groupe ( Groupe \
central ) , de 21° o' à
■.».4" jo' de latit. bor, , cl
de 102° 3o' à loS" i5'
de longit. occid.
•i." Groupe { Groupe de^
Purangoei daSonora), I
de 20" o' à at" 45' de
lallt. boc.eide ioG"5o'
à ii>g"5o'del«)ngil. occ.
3.*^ Groupe ( Groupe de \
CAi/iuahun),de-2b"bo' I
à 29" 10' de latil. bor. , )
H de 106" 45' à 108"
5o' de longit. occid. '
i/' Groupe ( Groupe d-.
la Biscaina), de 2o"5'
A 20" i5' de lalit. bor. ,
ei de 100" 45' à 100"
02' de lt»n<;it. occid.
v" Groupe ( Gr, upe de\
Zimapa\ ), de 20" 4o' I
à 21" 5(»' de Ir^ut. bor. , )
et de 100" 5o' à 102° o' I
<e lon^ii. occid. -^
'1.'' Groupe ( Groupe de^^
la Nouveiie-Galice ) ,
de 21° 5' à 22° 3o' de
lat. bor. , et de io5" o'
à U)6°3o' de long. occ.
,^ Groupe ( Groupe de .
Taxro). de 18" 10' à
ig" 20' de lat bor. , et
de loi" 3o' ;'« 102" 45'
(le longit. occi<
i.'' Groupe ( Groupe •
d'Oax'ica) , de 10" 4o'
\ i8"o' de latil. bor.,'
et i\: 98" i5' à 99° 5o'
Je loniV't- occid.
1000
2<''no
.0100
25
7:>i>
io5o
1200
i4oo
Guanaxuato.
Calorcc.
Zacatecas.
Guni isamey ,
(Diirango).
Rusario ,
( Copala ).
Cosigniriachi.
Panai.
Buiopiias.
Bo'aîlos.
Zacnalpa.
Oaxaca.
Villalta.
PRODUIT
ANNUI'.I,
<lo
rliaquegro;ipr
exprimé
en
in.Ti'c» d'ariîenl
ï
\ i,3oo,ooo
''t0O,OOO
Dunteux.
Real de! ]\lonte. }
( Pachuca ;. |
i
Zimapa.
Ternascaltepec. i
Tasco. »,
i
6o,o«o
200,000
260,000
}"
onteux.
PRODUIT MOYEN dos mities de la INouvelle-E-spagne ,
idel
y coinp' i-i les n>ii\es de la nai lie septenlnonale
le la mnrcid arjÇBnl
IvT
on VI''! >■
-Bisr.ne, et rtllci d'i^axaca , an delà de 2,
îoo.ono.
i:ï
« n- ; f
MIHIIIi'TIW
346 LIVRE IV,
Nous comparerons plus tard le produit
des mines d'argent du Mexique à celui des
différentes mines de l'Europe : il su (fît pour
le moment d'observer que les deux millions
et demi de marcs d'argent exporlés annuel-
lement de la Vcra-Gruz écjuû'alent aux dcujc
tiers de l^ar^cnt qui est annuellement extrait
sur le î^loùe entier. Les huit groupes dans
lesquels nous avons divisé les mines de la
Nouvelle-Espagne, occupent une surface de
12,000 lieues carrées, ou un dixième de toute
rélendue du royaume. En fixant les jeux sur
la richesse imnicnse d'un très-petit nombre
d'exploitations, par exemple sur la mine de
la Valenciana , et sur celle de Rayas , à Gua-
naxualo , ou sur les filons principaux ( lu'tas
madrés) de Calorce, de Zacatecas et de
Real del Monte, on reconnoît aisément que
plus de i,4oo,ooo marcs d'argent sont pro-
duits par une étendue de terrain qui n'égale
pas en grandeur celle du district des mine^
de Freiberg:.
Si la quaniité à' argent tiré annuellement
des mines exploitées au Mexique est dix fois
pins grande que celle qui est fournie par
toutes les mines de l'Europe, Yor, au con-
CHAPITRE XI. 3\'J
traire, n'est pas de beaucoup plus abondant
à la Nouvelle - Espagne qu'il ne l'est en
FTonsfrie et en Transilvanie. Ces deux derniers
pajs en font entrer annuellement en circu-
lation près de 52oo marcs ; tandis que l'or
livré à la mon noie de Mexico ne s'élève ,
année moyenne, qu'à 7000 marcs. On peut
compter qu'en temps de paix , lorsque le
manque de mercure ne rallenlit pas les pro-
cédés de l'amalgamation , le produit annuel
de la Nouvelle-Espagne est
en argent j de 22 millions de piastres,
en or^ ... 1
20
L'or mexicain provient , pour la plus grande
partie , de terrains d'ail uvion dont on l'extrait
par des lavages. Ces terrains sont fréquens
dans la province de la Sonora, (jui, comme
nous l'avons observé plus haut ', peut être
considérée comme le Ghoco de l'Amérique
septentrionale. On a recueilli beaucoup d'or
disséminé dans les sables qui remplissent le
u:i.ap. vm, T. lî, p. :5yi.
i«
!:■ r
M- ,
' 1 viii
348 LIVRE IV,
fond de la vallée du Rio Hiaqui, à l'est des
missions de la Tarahuniara. Plus au nord,
dans la Pimeria Alta , sous les Si** de latitude^
on a trouvé des grains {pépites ) d'or natif
du poids de cinq à six livres. L'extraction de
l'or, dans ces régions désertes , est entravée
par les incursions des Indiens sauvages , par
l'excessive cherté des vivres, et par le manque
de Teau nécessaire aux lavages.
Une autre partie de l'or mexicain est ex-
traite des filons qui traversent les montagnes
de roches primitives. C'est dans la province
d'Oaxaca que les filons d'or natif sont le plus
fréquens, soit dans le gneiss, soit dansle schiste
micacé [glimmerschiejffèr). La dernière roche
est surtout très-riche en or dans les mines célè-
bres de Rio San Antonio. Ces filons, dont la
^w/7^î/e est du quartz laiteux,ont plus d'un demi-
mètre d'épaisseur , mais leur richesse est fort
inégale : ils se trouvent souvent étranglés , et
l'extraction de l'or dans les mines d'Oaxaca ,
est en général très-peu considérable. Le même
métal se présente, soit pur, soit mêlé aux
minerais d'argent , dans la plupart des filons
qui sont exploités au Mexique : à peine y
e-xiste-t-il une mine d'argent qui ne soit au-
CHAPITRE XI. 349
riiere. On reconnoît souvent de l'or natif
cristallisé en octaèdres , ou en lames , ou sous
forme tricotée . dans les minerais d'arirent
des mines de Villalpando et de Rajas, près
de Guanaxuato^ dans celles du Sombrero
( intendance de Valladolid ) , de Guarisamej,
à l'ouest de Durango et du Mezquital , dans
la province de G uadalaxara. L'or du Mezquital
est regardé comme le plus pur , c'est-à-dire
comme celui qui est le moins allié d'argent,
de fer et de cuivre. A Villalpando , dans la
mine de la Santa-Gruz, que j'ai visitée au
mois de septembre i8o5, le filon principal
est traversé par un grand nombre de petits
filons pourris { kilos del desposorio ) qui sont
d'une richesse extrême. Le limon argîlleux
dont ces y/Zé?^^ sont remplis, contient une si
grande quantité d'or disséminé en parcelles
impalpables , que l'on force les mineurs ,
lorsqu'ils sortent presque nus de la mine,
de se baigner dans de grandes cuves, pour
les empêcher d'emporter l'argile aurifère qui
s'attache à leur corps. Les minerais d'argent
de Villalpando ne contiennent communément
par charge ( carga de 1 3 arrobas) , que deux
onces d'or; mais souvent leur richesse s'élève à
i !
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3fîo
LIVllE IV
huit ou dix onces par charge , ou à i —-, d'onces
par cjuiiilal. Il est utile de rappeler ici qu'au
Harz les p^yrites du Haninielsberg ne contien-
nent qu'un vingt-neuf-niillionièiiie d'or, qui en
est cependant retiré avec profit '.
Le district des mines de Guanaxuato a
fourni , selon les registres de la trésorerie
provinciale ',
KPOQtTES.
aiARCS
d'or.
MARCS
D ARGENT.
OR
contenu dans
i.'arobnt.
De 1766 à 177.5
1776 1785
1786 3795
1796 i8o3
en ;>8 ans ,
9,044
1 3,254
7,376
i5,556
3,422,4i4
5,281,214
5,6of),35fi
4,410,555 .
45,o3o
18,723,537
0,0026
0,0025
o,o(>i3
0,002g
0,0020
Il résulte de ce tableau , que Targen t retiré
du filon de Guanaxuato contient en or, d'un
à trois millièmes de son poids.
' Brongniart , Minéralogie ^ T. Il, p. 345.
' Estadodela Tresoreriaprincipal de Real Hacienda
de Guanaxuato, del nx de novembre de i"] 2^. (Ma-
nuscrit.) *
CHAPITRE XI. 35 1
On a faussement annoiiCL' rexislcncc du
platine dans les sables aurileres de la Sonora.
Ce métal n'a point encore élé découvert au
nord de l'isLlnne de Pan.un.i.^ sur le continent
de rAméri(ji]c seplenlrionalc. Le platine en
graii]s ne se trouve que dans deux endroits
du monde connu; savoir, au Clioco, Tune
des pro'.inces du royaume de la Nouvelle-
Grenade , et près des cotes de la mer du Sud,
dans la province de t|arbacoas , entre les
2" et 6" de làiilude boréale. H est propre à
des terrains d'alluvion qui occupent une sur-
face de. Goo lieues carrées, et dont l'étendue
égale à peine celle de deux déparlemens de la
France. Les lavaderos (lavages) qui donnent
aujourd'hui le plus de .platine , sont ceux de
Condoto , de Santa .lUla,.ou V^iroviro, et de
Santa Lucia, comme aussi le ravin {ijuchradn)
d'Iro,. entre les villa«i;es de Noyitaet du Taddô.
Il existe au Choco [)Uisieurs lavages d'or ( par
exemple ceux des districts dé San Augustin
et de Guaicama), où les dvpaîlleurs ne trouvent
aucune trace de platine. Le prix de ce métal
en grain est, sur les lieux, de huit piastres,
ou de 4o francs la livre, tandis qu'à Paris
il est communément de i5o à i5o francs.
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3!j2 livre IV 5
J'examinerai dansuii autre endroit la quantité
de platine que , dans l'état actuel des mines
du Choco,rAmériquepeut fournir à l'Europe.
Il est aussi absolument faux que le platine ait
jamais été trouvé près de Garthagène , près
de Santa-Fe , à l'ile de Portorico, à celle de
la Barbade et au Pérou ', quoique ces divers
gisewens soient indiqués dans les ouvrages les
plus estimés et les plus répandus : peut-être
i'analjse chimique nous prouvera-t-elle un
jour qu'il existe du platine dans quelques
minerais d'argent du Mexique , comme dans
lefahlerz (cuivre gris) de Guadalcanal, en
Espagne.
■i'..f;
'■/ùyj '~i<,i\\'.i]
.^Haûyy Minéralogie, T. III, p. Zjo. Dans un
mémoire inséré dans \c& Anales de ciencias naturaUs,
publiées par l'abbé CaVanilles , on lit que le platine se
trouve au Chopo (Clioco) , à Barbadon (Bàrbacoas),
et à Carlhagène, port de mrr éloigné de cent trente
lieues dçs lavages d'or du Taddo. 11 y a; cependant
plus de dix-huit ans que M. BtrthoUet a donué une
notice très-exacte des lieux qui fournissent le platine.
^Annales de chimie, juillet 1792.) J'ai rapporté (în
Europe une/3<?yj/Ve 'de platine d'une grandeur extraor-
dinaire ; |elle pèse 1088 ~ grains j soïi poids spécifique
est, d'après M. Tràlles , 18.947. {^Karaten , Miner,
Taixe/Ze» , 1808, p. 9^.) > >i i." -^iJ-ii:;» -• i'..'^ .-
m
CHAPITRE XI.
353
L'argent que fournissent les filons du Mexi-
que, est tiré d'une fi^rande variété de minerais,
qui , par la nature de leur mélange, sont ana-
logues à ceux qu'offrent les gitcs métallifères
de la Saxe , du Harz et de la Hongrie. Un
voyageur ne doit point s'attendre à trou\ er à
l'école des mines de Mexico une collection
complète de ces minerais. Les exploitiitions
étant toutes entre les mains des particuliers, et
le gouvernement mexicain n'exerçant encore
qu'une l'oible influence sur l'administration
des mines , il n'a pas dépendu des professeurs
de réunir tout ce qui a rapport à la structure
àesfilnns, des couches et des amas de minerais,
A Mexico, comme à Madrid, les collections
publiques offrent les minéraux les plus rares
de la Sibérie et de l'Ecosse ; tandis qu'on y
cherche inutilement ce qui peut répandre du
jour sur la géographie minéralogique du pays.
Il faut espérer que le cabinet de l'école des
mines s'enrichira à mesure que les élèves de
ce bel établissement auront été envoyés dans
les provinces les plus éloignées de la capitale ,
et qu'ils feront sentir aux propriétaires des
mines, combien il est de leur intérêt de
faciUter les moyens d'instruction. Sans une
III. 23
il
t
I
.:j
i '!*
(H.
354 LIVRE IV,
connoissnncc individuelle ihF, localités, sans
Télude «pprolondie des miiK rabv qui com-
po^^ent la ffffs.sf des Hlons , on le nniitvnu
des aii'ds et dis eonclies, {t)us les clian;^eniens
qne l'on proposera pour peilectionner le
procédé de l'amalgamation , ne seront que
des proicls chimériques.
Au Péjon , la inajeuie partie de l'argent
extrait du sein de la terre est fournie par
les paros , minerais d'apparence terreuse ,
que M. Klaprolii ' a bien voulu analyser, à
ma prière, et qui consistent dans un mélange
intime de parcelles prr jue imperceptibles
d'araent natif avec l'oxide brun de fer. Au
Mexique, au contraire, la plus grande quantité
d'argent qui est mise annuellement en circu-
lation , est due à ces mêmes niiuerais que le
mineur saxon désigne par le nom de durre
erze y ou minerais maigres % surtout à V argent
sulfuré ( ou vitreux , glascrz ) , au cuivre gris
arsénié (fahlerz ) et antiinunié ( grau - ou
* Klaproth y Beitiuge zur cheminchen Kewitniss der
Mineral-Kurper y B. IV, S. 4.
" Voyez l'ouvrage très-inslructlf de M. Daubuisson^
qui porte le litre de Dencriptlun des mines de Fniberg*
J'ai suivi dans le courant de ce chapitre^ pour les
■■ I
CHAPITRE XI.
355
schwarzgiltigerz)y à Y argent nfurinte(hnrfwrz),
à X argent noir pristnatùjiie ( sprôdglaserz ) ,
et à ïargent rouge ( rothgiltigerz ). Nous ne
nommons pas, parmi ces minerais, l'argent
natif, parce qu'il ne se trouve pas en assez
grande abondance pour que l'on puisse lui
attribuer une partie très - considérable du
produit total des mines de lu Nouvelle-Es-
pagne.
L'argent sulfure et l'argent noir prisma-
tique sont très-communs dans les filons de
Guanaxuato et de Zacatecas, de même que
dans la veta biscaina de Real del Monte.
L'arirent extrait des minerais de Zacatecas
présente cette particularité remarquable de
ne pas contenir de l'or. Le fahlerz le plus
riche est celui de Sierra de Pinos et des
mines de Ramos. Dans ces dernières, \q fahlerz
est accompagné de glaserz y de cuivre pyri-
teux hépatique ( bunt kiipfererz ) , de blende
brune ( zinc sulfuré) , et de cuivre vitreux
(^kupjerglas) y que l'on n'exploite que pour
objets qui sont relatifs à l'art de rexploltation et au
gisement des minerais, la terminoloj^ie de MM. Bro-
chant; Daubuissou et Ërongniart.
25*
33G
LIVRE IV
en extraire Targent sans tirer parli du cuivre.
Le ^mngillif;erz, ou cuivre j^ris antiinonié ,
décrit par M. Karsten , se trouve à Tasco ,
et dans la mine de Ra^'as , au sud-est de Va-
lenciana. L'argent muriaté qui se présente si
rarement dans les fdons en Europe, est au
contraire très - abondant dans les mines de
Catorce^ de Fresnilio, et du Cerro do San
Pedro , près de la ville de San Luis Pott>si.
Celui de Fresnilio est souvent d'un verl olive
qui passe au vert poireau. De superbes échan-
tillons de celte même couleur ont été trouvés
dans les mines de Vallorecas, qui appartiennent
au district de los Alamos, dans l'intendance
de Sonora. Dans les liions de Gatorce, l'argent
muriaté est accompagné de plomb molybdaté
(gelb-hleicrz) , et de plomb phosphaté {grûn-
hleierz). D'après les dernières analyses de
M. Klaproth, il paroît que l'argent muriaté '
d'Amérique est un mélange pur d'argent et
d'acide muriatique, tandis que le hornerz
* Les minéralogistes dlslingucnt auiourd'hui quatre
espèces d'argent muriaté ; savoir , le commun , le
terreux, le conchoide et le rayonné. Les deu\ der-
nières espèces, qui sont de la plus grande Leauté,
ont été décrites par M. Karslen : elles se trouvent
CHAPITRE XI. 357
d'Europe contient de Toxide de fer , de l'idu-
niine , et surtout un peu d'acide sulfurique.
La mine d'argent rou^ife fait une partie prin-
cipale des richesses de Soudirercle , dc(]osala
et de Zolaga , près de Villalta , dans la province
d'Oaxaca. C'est de ce minerai qu'on a extrait,
dans la fameuse mine de la vcta negra ', près
de Somhrerete , plus de 700,000 marcs d'ar-
gent, dans l'espace de cinq à six mois. On
assure que V ouvrage à gradins monlans qui
a donné cette énorme masse de métal , la plus
grande que jamais filon ait présentée sur un
même point de sa tuasse , n'avoit pas trente
mètres de longueur. La véritable mine à'ar-
gerit blanc {weissgiltigerz) est très-rare au
Mexique. Sa variété bhmc grisâtre , très-riche
en plomb , se trouve cependant dans l'inten-
dance de la Sonora , dans les filons de Gosala ,
où elle est accompagnée de galène argentifère,
d'argent rouge , de blende brune , de quartz
et de baryte sulfatée. Cette dernière substance,
parmi les miaéraux que j'ai rapportés du Pérou.
( Kirslen, dans le Magazin der Berliner GeHellschaft
Naturfornchender Freunde , B. I, S. i56. Klaprotlis
Beitràse, B. IV , S. 10. )
* Voyei Chap. VU , T. II, p. 27.
t.^\y.'
: y.
m
358 LIVRE IV,'
tk^ës - peu commune parmi les f^angues du
Mexique, se présente aussi au Real del Doclor,
près de la Baranca de las Tinajas ^ el à Som-
brerele , surtout dans la mine ;ippcjée la
Campechana. Le spalh-fluor n'a encore été
trouvé que dans les filons de Lonio del Toro,
près de Ziniapan , h Polaîios et à Guadalcazar,
près de Gatorce. Il y est constamment ou ver|
de pré , ou bleu violet.
Dans quelques parties de la Nouvelle-Es-
pag-ne le travail du mineur est dirigé sur un
mélange d'oxidc de fer brun et d'argent natif,
disséminé en molécules iniperceptihles à la
¥uc simpie. Ce mélange ocreux , qu'au Pérou
on appelle pctco _, -^t dont nous avons eu oc-
casion de parler plus haut , est l'objet d'une
exploitation considérable dans les mines d'An-
gangueo , dans l'intendance de Yalladolid ,
de même qu'à Yxtepexi , dans la province
d'Oaxaca.Les minerais d'Angangueo , connus
sous le nom de colorados , ont l'aspect
terreux. Près du jour y le fer oxidé brun y
est mêlé d'argent natif, d'argent sulfuré et
d'argent noir prismal'qiie {sjjrôdglaserz) ,
tous trois dans un état de décomposition. A
de grandes profondeurs, le filon d'Ai:gangueo
f
CHAPITRE XI. 3f)g
ii'ofFrc pins que de la galène et des pyrites
de fer peu ricbes en aroent : aussi les pacns
noirâtres de la raine de l'Aurora d'Vxlepexi,
rju'il ne faut pas confondre avec les nciç'illns
du Pérou , doivent leur richesse plutôt au
glaserz qu'aux JUainens imperceptibles de
l'argent natif /Yi//'7//t'//.r. Le lilon est très-iné-
gal dans son produit, tantôt stérile et tantôt
abondant, l^es cnlonuJus de Gatoree , surtout
ceux de la mine de la Concepcion, sont d'un
rouge de brique, et mélangés de niuriate
d'ar[>ent.En générai , on observe au Mexique,
comme au Pérou, que ces masses oxidées
de fer, contenant de l'argent, sont propres
à la partie des filons qui est plus voisine de
la surface de la terre. Aux \ eux des i2éolo.9ues
les pncos du Pérou olTrent une analogie très-
frappante avec les masses terreuses qu'en
Europe les mineurs appellent le chapeau de
fer des filons ( ciseviw h ut h ).
U argent n/iuf\ beaucoup moins abondant
en Amérique qu'on ne le suppose générale-
ment, s'est trouvé en masses Cijns'dérables ,
quelquefois du poids de plus de i^eux cents
kilogrammes , dans les filons de Batopilas ,
Mil
i ■'■
'■■l'i
ii
36o
LIVRE IV
situés dans la Nouvelle-Biscaye. Ces mines,
foibleinent exploitées aujourd'hui, sont au
nombre des plus septentrionales de la Nou-
velle-Espagne. La nature y présente les
mêmes minerais qu'on trouve dans le filon de
Kongsberg, en Norwège. Ceux de Batopilas
contiennent de l'argent filiforme , dendritique
et tricoté , traversant des couches de chaux
carI)onatée. D'ailleurs , le glaserz accom-
pagne constamment l'argent natif dans les
filons du Mexique , comme dans ceux des
montagnes d'Europe. On trouve ces deux
minéraux fréquennnent réunis dans les mines
extrêmement riches de Sombrerete, de Ma-
drono, de Ramos , de Zacatecas, de Tlapu-
jaliua et de Sierra de Pinos. On reconnoît
aussi de temps en temps de petits rameaux ou
des filamens cylindriques d'argent natif dans
le cjièbre filon de Guanaxuato ; mais ces
masses n'ont jamais été si considérables que
celles qu'on a tirées anciennement de la mine
del Encino , près de Pachuca et de Tasco ,
où l'argent natif est renfermé quelquefois dans
des feuillets de sélénite. A Sierra dePiros,
près de Zacatecas , ce dernier métal est cons-
CHAPITRE XI.
36 1
tamment accompagné de cuivre bleu rayonné
i^slvahlige kupfcrlazur)^ cristallisé en petits
prismes à quatre laces.
Une très -grande partie de l'argent que
fournit annuellement l'Europe, est due au
plomb sulfuré argentifère ( silùerhalliger ùlei-
glanz ) qui se trouve tantôt sur les filons qui
traversent les montagnes primitives et de tran-
sition , tantôt sur des couches particulières
( erzfloze ), dans des roches de formation
secondaire. Dans le royaume de la Nouvelle-
Espagne , la plupart des filons offrent aussi
un peu de galène argentifère ; mais il ny a
qu'un très-petit nombre de mines dans les-
quelles les minerais de plomb soient l'objet
particulier de l'exploitAtion On nepeutcornp-
ter parmi ces dernières que les mines des dis-
tricts de Zimapan , du Farral , et de San
Nicolas de Croix. J'ai observé qu'à Gua-
naxuato , comme dans plusieurs autres mines
du Mexique ', et comme partout en Saxe , les
* On peut citer coiurae des galènes éminemment
riches en argent, et à Irès-petlls grains , celles de la
nouvelle mine de Talpan, dans le Cerro de las Yigas ,
appartenant au district de Hostotipaquillo. Cette ga-
lène, qui }pass(i cjueicuieîo'is àxx plomb sulfuré compact
'\: ï
'fil
llii'ie:
i' I'
uiM.i
302 LIVRE IV 5
galènes contiennent d'aiilant plus d'argent,
qu elles ont le grain plus pelit.
Une quantité d'argent très-considérable est
fournie par la fonic des pyrites martiales
(^emeine schwefel/acse) , dont la Nouvelle-
Espagne offre des variétés quelquefois plus
riches que le g/aserz même. On en a trouvé à
Real del Monte, sur le fdon de la Biscaina,
près du puits de San Pedro, dont le quintal
contenoit jusqu'à trois marcs d'argent. A
Sombrerete, la grande abondance de pyrites
disséminées dans la mine d'argent rouge ,
entrave beaucoup le procédé de l'amalga-
mation.
Nous venons d'indiquer les minerais qui
fournissent l'argent mexicain ; il nous reste
à examiner quelle est la nchcsse tucyemie de
ces minerais, en les considérant tous mêlés
ensemble. C'est un préjugé très-répandu en
Europe, que de grandes masses d'argent natif
sont extrêmement cojumunes rai Mexicpie et
au Pérou, et qu'en générai les mines d'argent
minéralisé, destinées à l'amalgamation ou à
et antimonial ( hleisc/ui^'eif), est accompagnée de heau-
coiip de pyrites cuivreuses, et do chaux, carbonalée.
3
m
CHAPITRE XI.
363
la fonte , y contiennent plus d'onces ou plus
de marcs d'arfij-eit au quintal , que les minerais
maipres de la Saxe et de la Honjjrie. Imbu de
ce même préjugé, j'aiélé doublement surpris,
à mon arrivée dans les Coro Jlères , de trouver
que le nombre des mines pmwrcs surpasse de
beaucoup celui des mines que nous désignons
en Europe par le nom de riches. Un voyai^'-eur
quivisile la fameuse mine delaVulenciana, au
Mexique , après avoir examiné les gîtes métal-
lifères de Chiusihul, deFreiberg et de Schem-
nitz^ a de la peine à concevoir comment un
filon qui , dans une grande partie de sd puis-
sance y renferme 1 argent sulfuré, disbénûné
dans] a gangue vu parcelles presque impercep-
tibles , peut fournir régulièrement par mois
trente'mille marcs , c'est-à-dire , une quantité
d'argent égale à la moilié de celui que four-
nissent toutes les mines de la Saxe dans l'espace
d'une année.
Il n'est pas douteux qu'on n'ait extrait des
mines de Batopilas , au Mexique, et de celles
de Guantabajo, au Pérou , dis biocs d'^//;ir'"Aï^
natif (papas de plata) d'un poids énorme;
mais en étudiant attentivement l'histoire des
principales minos de l'Europe, on trouve que
ili
;-y II
r.'
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I :'
I
11: I
MÉÊk
364 LIVRE IV,
les filons de Kongsberg , en Norwège, ceux
de Schneeberg , en Saxe, et le fameux amas
de minerais du Schlangenberg, en Sibérie,
ont offert des masses beaucoup plus considé-
rables. En général , ce n'est pas par lu
grandeur des blocs que l'on peut juj»'er de la
richesse des mines de différenspays : la France
entière ne produit par an que 8000 marcs
d'argent ; et cependant il y existe des fdons
(ceux de Sainte-Marie-aux-Mines ) dont on
a tiré des masses informes d'argent natif, du
poids de trente kilogrammes.
Il paroît que sous tous les climats , lors de
la formation des filons, l'argent a été inéga-
lement réparti; tantôt concentré sur un même
point, tantôt disséminé dans la gangue, et
allié à d'autres métaux. Quelquefois au milieu
des minerais les plus pauvres , on trouve de*^
masses d'argent natif très-considérables; phé-
nomène qui paroît dépendre d'un jeu par-
ticulier des affinités chimiques dont nous
ignorons le mode d'action et les lois. L'ar-
gent , au lieu d'être caché dans des galènes
ou dans des pyrites peu argentifères ; au lieu
d'être réparti dans toute la masse du Jilon^
sur une étendue très-grande, est réuni dans
un
pe
P
CHAPITRE XI.
36i
un seul bloc : alors la ricliebse d'un point
peut cire considérée comme la causse princi-
pale de la pauvreté des minerais voisins; et
l'on conçoit , d'après cet aperçu , pourquoi
les parties les plus riches d'un filon se trouvent
séparées les unes des autres par des portions
de gfinguc qui sont presque dénuées de
métaux. Au Mexique, comme en Hongrie,
de grandes masses d'argent natif et Aeglaserz,
ne paroissent que par routions : les roches
composées présentent les mêmes phénomènes
que les tuasses de liions. En examinant avec
soin la structure des granités, des syénites et
des porphyres , on découvre les effets d'une
attraction particulière dans les cristaux de
mica , d'amphibole et de feldspath , dont un
grand nombre sont accumulés dans un même
point, tandis que les parties ^ oisines en sont
presque entièrement dépourvues.
Cependant, quoique le nouveau continent
n'ait pas offert jusqu'ici l'argent natif en blocs
aussi considérables que l'ancien , ce métal se
trouve plus abondamment dans un état de
pureté parfaite au Pérou et au Mexique,
que partout ailleurs sur le globe. En énon-
çant cette opinion, je ne considère pas
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JMl
366
LIVRE IV
rargcnt natif qui se présente sous la forme
de lames , de rameaux, ou de niamcris cylia-
driques , dans les mines de Guantabajo, de
Potosi et de Gualgayoc, ou dans celles de
Batopilas , de Zacalecas et de Ramos ; je me
fonde plutôt sur l'énorme abondance des mi-
nerais apjjclés pacos cX coloradns , dans les-
quels l'argent n'est pas minéralisé , mais
disséminé en parcelles si petites , qu'elles ne
peuvent être aperçues qu'au moyen du mi-
croscope .
Il résulte des recherches qui ont été faites par
le directeur général des mines du Mexique,
Don Fausto d'Elhuyar , et par plusieurs
membres du conseil supérieur des mines, qu'en
réunissant tous les minerais d'argent qui sont
annuellement extraits, on trouveroit après le
mélange , que leur richesse mojenne est de
0,0018 à 0,0026 d'argent, c'est-à-dire , pour
parler le langage commun des mineurs, qu'un
quintal de minerai ( de cent livres ou de
1600 onces) contient trois a quatre onces d'ar-
gent. Ce résultat important est confirmé par le
témoignage d'un habitant de Zacatecas, qui a
dirigé de grandes opérations métallurgiques
dans plusieurs districts de mines de la Nouvelle-
CHAPITRE XI.
SC)'
Espagne, el c[ui vienl de publier un ouvrii^^'-e
très-ijit; rcssant sur l'aiiuil<»aaialiuii ituiéri-
caine. M. Garces ' , que nous avons déjà eu
oecasion de citer plus liaut, ditcxpressénient,
« que la grande niasse des minerais mexicains
« est si pauvre , que les Irois millions de
« marcs d'argent que produit le royaume
« dans de bonnes années , sont extraits de dix
K millions de quintaux de minerais traités en
te partie parla Conte , en partie par le procédé
« de l'aiiialganiation. » D'après ces nombres,
la richesse moyenne ne s'éleveroit qu'à
2 y onces par quintal, résultat qui contraste
singulièrement avec l'assertion d'un voya-
geur ' d'ailleurs très-es';imable, qui rapporte
que les fdons de la Nouvelle- Espagne sont
d'une richesse si extraordinaire que les indi-
gènes en négligent l'exploitation , lorsque les
minerais contiennent moins du tiers de leur
poids en argent, ou soixante-dix marcs par
* Nueva Theoriva del heneficio de los inetalen , par
Don Joseph Garces y Egiiia ^ Perilo facullativo de
minas y Primario de benejicios de la inineria de Zaca-
tecas. (Mexico , 1802) , p. 121 el 12/).
* Le jésuite Och. ( Murr's Nac/mc/iteu vom spa-
nischen ^merika, T. I, p. 236. )
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368
LIVRE IV
quintal. Comme on a répandu en Europe les
idées les plus erronées sur le contenu des
minerais de l'Amérique, je vais donner des
notions plus détaillées sur les districts de
mines de Guanaxuato , de Tasco et de Pu-
cliuca, que j'ai visités.
A Guanaxuato , la mine du comte de
la Yalenciana a fourni , depuis le i.^'^ janvier
i']Sj jusqu'au ii juin 1791, la somme de
1,737,0^2 marcs d'argent qui ont été extraits
de 84,568 montones de minerais. Dans le ta-
bleau ' qui présente l'état général de la mine ,
un monton est évalué à 52 quintaux , ou
à 9 THô cargas; d'où il résulte que la richesse
* Estado de fa mina Valenciana, remitido por mano
del Excel lentiss. Senor Vlrey de Nuepa Espana al
Secretario de Estado Don Antonio Valdès. (Manus-
crit) J'ai suivi les nombres que présente ce tabl> u
formé par l'administrateur de la Valenciana , Don
Joseph Quixano. On compte d'ailleurs un monton
(umas de minerais réduit en poudre), à Guanaxuato ,
à 35j à Real del Monte, Pacliuca, Zullepèque et
Tasco , à 3o; à Zacatecas et à Sombrerete , à 20 ; à
Fresnillo , à 18 j et à Bolanos, à i5 quintaux. A Giia-
naxuato , la carga est évaluée généralement à i4 ar-
robas ; de sorte que 10 cargas y forment un monton.
( Garces , p. 92.) Comme on détermine la rithcsse
CHAPITRE XI. 369
moyenne des niincruis (t >it, il y a vrn<rt ans^
de 5 ~ onces (l';ir^ent pir (|iiliiial. En laisunt
le njcnie cakiil siir le produit de la seule
année 1791, on trouve 9 - onces par quintal.
A cette cpixpje, où la mine ctoit dms l'étak
le plus ilorissant, il y avoit sur la niasse totale
des minerais :
rsW de minerais riches {polvillos et ,„„,,. „„„,.
xabotics), contenant au quintal, 22 3
-~r, de minerais riches {apolinl-
l(lfio), g 3
"Too'o ^^ minerais riches ( blanco
biieno ), 5 1
y-'jfo de minerais pauvres {granzas ,
tierras ordinanas f etc.), 3
La quantité des minerais riches étoit par
caiirMÎquent _, à ct Ile des minerais pauvres, à
peu près en raison de 3 à i/|. Les minerais qui
ne contenoient que trois onces au quintal,
fournissoient , en 1791 ( nous ne parlons tou-
jours que de la seule mine de Yalenciana), plus
des rainerais d'après le contenu du monton , la con-
noissancc exacte de ceUe mesure est d'une grande
importance f^ \\\s les calculs métallurgiques.
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SyO LIVRE IV,
de 20(),O()fHiK(r( s (l'aident , l.indi^qii'ily a\uit
assez de minerais lielies ( de 5 à 22 marcs au
cjiiiiital ) pour donner un produit de j)lus
de 4oo,oou marcs, .injour-d'hui la richesse
fimycntw de loul le filon tle Guanaxualo ])eut
^*lie évaluée à (pialie onces d'arf^rnl jiar
cpiinlal de minerais. I.a parlic sud-ouest du
lllon, celle cpii lra\erse la mine de Rayas,
présenle cc[>endanl des iiiiiierais donl le ro//-
ti'iiu s'élè\e eummuiiément au tlelà de trois
mares.
Dans le district des mines de Paeliuca , on
divise, sur les hdni'sdclrid'^c^ les ])roduilsdu
filon de la Biseaina en trois classes, dont la
jicliesse vaiioil en i8o5^ de /j à 20 marcs le
jtionton de ôo cpiintaux. Les minerais de la
premiÎ3re classe , rpii sont les plus ri(;lies , con-
licnncnt 18 à 20; ceux delà seconde classe,
y à 10 marc.". Les mines les plus pauvres,
qui forment la troisicMue classe^ ne sontéva-
•luées qu'à /| marcs d 'a i< «eut par nionlan. Il en
résulle que dans le triage , le hoit est de /|. /^,
à 5 ;'' : ; le jnédincvc , de 1 7- à 2 ^, ; et le
mnin(Jr('y de 1 " onces d'arf^ent par quintal.
Dans le district des mines de Tasco , les
wiiucruis de Tchuilolepec cuutieaiicut , dans
l
Au
CHAPITRE XI.
371
\iiio tarcn dcqiialre moDloncfi on de 100 quin-
taux , 2.) marcs J'ar^cnt ; ceux de Giianlla ea
doimetit 45 : leur 1 ichessc inf^yenue est par
conséqueul de 2 à o j~ onces d'argent par
quintal de nn'nerais.
Ce n'est donc" pas, comme on l'a cru trop
long'-temps, par la richesse intrinsèque des
minerais, c'est ])lulot par la «grande abon-
dance dans laquelle ils se trouAcnt au sein de
la terie , et par la facilité de 'eur exploitalion ,
que les mines de l'Ainérique f;e distinguent '
de celles de 1/ Europe. Les trois districts de
mines que nous venons de citer, fournissent
eux seuls annuellement plus d'un million de
marcs d'argent ; et d'apri's l'ensemhle de ces
données , nous ne pouvons douter que le
contenu moven des minerais mexicains ne
s'élève , connue nous l'avons annoncé plus
* Les minerais trargcnt Ju Pérou ne pnroîssent en
général pas plus riclu-s que ceux tlu Mexique : on
évalue leur continu , non par nionfon , mais par
caxon ( caisse) , qui a yt cargas , en comptant cliaque
cat-ffu à 10 arrohas, ou à deux quintaux et demi.
Au Potosi , la ric/u'stie moyenne des minerais est de
•^~j -y dans les mines de Pasco , de 1 3^ onces par
quintal.
î4'
\
if
!: li
372 LIVIDE IV,
haut, à trois ou quatre onces d'argent par
quintal. Il en résulle en outre que ces mine-
rais sont un jieu plus riches que ceux de Frei-
berg, mais qu'ils cunliennent beaucoup moins
d'argent que les minerais d'Annaberg , de
Johann -Ceorgenstadt, de Marienberg et
d'autres districts du Ohcr^cbir^c , en Saxe.
Depuis 17S9 jusqu'en 1799, on a extrait' des
filons i\\\ district de Frcibcrg, année com-
mune , i56,7J2 quintaux, qui ont donné
48,952 marcs d'argent ; de sorte que le con-
tenu mnjen a élé de 2 f^ onces par quintal de
minerais. Dans les imites niéiallifircs du Obcr-
gcbir^c, au contraire, la richesse moyenne
s'est élevée a 10, cl, à des époques très-heu-
reuses , jusqu'à 10 onces par quintal.
Nous avons jeté un coup-d'œil général sur
les roches dans lesquelles se trouvent les prin-
cipales mines de la Nouvelle-Espagne ; nous
venons d'examiner sur quels points , à quelles
latitudes , et à quelles hauteurs au-dessus du
nive.iu de la mer , la nature a réuni les plus
grandes richesses métalliques ; nous avons
indiqué les minerais qui fournissent l'immense
* Daiibuisson , T. II; p. 128.
%
CHAPITRE XI. 373
quantité d'arq-ent qni reflue annuellement
d'un conlinenl à i'aulre : il nous reste à donner
quelques détails sur les exploitations les plus
considérables. Nous nous bornerons à trois
de ces frmtipcs de mines que nous avons
décrits plus haut , au i^roupe central, et à
ceux de Tascoel de la liiscaina. Les personnes
qui connoissent l'état des exploitations de l'Eu-
rope , seront frappées du contraste qu'offrent
les orandes mines du Mexique , par exemple
celles de la Valenciana , de Riiyas et de Te-
reros , avec les mines que l'on considère
comme trcs-riclies en Saxe, au Harz et en
Hongrie. Si ces dernières pouvoient être
transportées au milieu des grandes exploita-
tions de Gnanaxnato , de Catorce , ou de
Realdel Monte; leur richesse et la quantité
de leur produit paroilroient aux lia])itans de
l'Amérique tout aussi peu remarquables que
la hauteur des P^^rénées, comparée à celle
des Cordillères.
Le groupe central des mines de la Nouvelle-
Espagne , la portion de terrain la jdus abon-
dante en argent que l'on connoisse sur le
globe , est situé sur un même parallèle avec
le Bengale, sous une latitude où la zone
M
' t '
374 LIVRE IV,
ëiiiiinoxiiile se (onfoiul i»vcc la zone tcm-
pcMcc. Ce fj'i'oiipc eiuhriissc les trois disli icls
<lc iniiit'S (le CiiaïuiXMiilo , tie Catorrc cl de
ZiUiih'cas, dont !;; premiei- a une élejKliie de
le sceuiid de 7^)1», el le lioisièiiie de
220
1
l 1(
l'i
7.30 Jicjies c.tnces, e.i r;îK. .:iil les siiil;>ees
d'aprc'sla posilivM des niies ,s )l(''es ( rctililos)
qui sonl les plus éi^'àgiiéos i\\.{ eliel-lieu de
rarriUMli^seuienl.
Le district de Cm naiiarnnio , le ])lus uu'il-
ll()U<
il de et" ;^r<)U|)e, esl aussi leuiarcpKihle
l)I<
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iiar sa ruliesse lUKUinit
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les t
l'aviiux
'LUiiijies t)ul exeeulcs
r
^i«;'anles(uies que les 1
dans le sein ii*^^ niontaii'ues. Pour se lornier
une iilée plus exacte de la position de ces
mines, nous insilonsle lecteur à se rappeler
ce que nous r.vons dit ])lus liant', en (km-
nant îa description particulière des provinces.
* Cliap. VIIÏ , T. 11, p. 1285. J'ai dressé une carte
géologique des environs île la viîle de rfuanaxualo ,
qui paroitradans la Relation historique de mon voj.'igc
aux régions équinoxiaîes de l'Amérique : celte carte
est levée en partie au moyen de hases perpt^diiuilains,
qui ont été mesurées Iwrométriqurnient. Voyz plus
haut, T. I , p. i(), et mon Recueil (TobsetvaLofis
astronomiques , Vol. I, p. 3jp..
'îHi
niNPMT.r. \i.
t
rt à jck'i* les veux sur !(' I;i]»1(Mm |»]n^i<[iio
chi plalcau rciihal rjiio présmlc l;i ([iialor-
zirmi' planclie <lc IVllas mexicain.
Danslcccnlic (lcl'iii!(inlaiMX'<lo(iiiaii;!\(i,i-
to , sur le (]<;s (îc la (i'ordilK'ird'Aiialiiiac ,
s'rlt'vc un i^i'oiJjie tir cimes porpln rilicjiKS
t'oiimies sous le nom de la Sicini tic Saiild
Itosd. Ce ^"iuiij)e de iiionla^nes , en ])atlie
aiides , en parlic; eomcrles d'arUonsieis et
de eluMies toujours ^elis, est eiivironuc de
]>laiiies l'er ides el lahources avee soin. Au nor d
<le la àSiena s\ leudeul , à j^erlc de vue, les
]J<inos de San l*\'lij)e; au su<l, les plaines
«rirapualo et de Saîaujanta onVeul le spee-
laele riaul d uiî pavs rielie el peuplé. J^e Cvrro
(le Ins Llanitos , el le P ne via de Snuhf ïtosd ,
sont les e'uics les plus élevées de ce groupe
de uionUignes. Li ur liauliun' rdisolue esl de
2S00 à 2()Oo uièlres ; mais connue li^s j>Liines
voisines qui foui parlie du grand /^////r»/// r/ //-
//v// du Mexi(|uc , sont élevées de ))lus i\o.
JL 1
1800 niclres i.u-<,lessus du niveau de I (,)eéan ,
ces sommets poiplijrilicpies ne paroisseni, aux
yeux du voyageur accoutumé àraspc("l imj)o-
sanl des Cordillères , que des collines peu
considérables. Le fameux fdon de Cuanaxuato
\ !'
376 LIVRE IV,
qui, à lui seul , depuis la fin du sci viorne siècle,
a produit une niiisse d'ar;^''ent équivalant à
quatorze cent uiillious de francs, traverse la
pente méridionale de la Sierra de Santa Rosa.
En allant de Salanianca à Burras et à Te-
niascatio, onapercoil un rideau de nionta^icnes
qui bornent les plaines en se prolonf»-eant du
sud-est au nord-ouesl. C'est celte même direc-
tion que suit la créle du filon. Lorsqu'on se
trouve au pied de la Sierra , après avoir passé
la ferme deXalapila, Ton découvre unra\in
étroit , et dun<j;ereux à passer à l'époque des
grandes crues, la Caîiadd de Minjil, qui con-
duit à la >ille de Guanaxuato. La population
de celle \illc, comuie nous l'avons observé
plus liant, est au-dessus de 70,000 âmes. On
est étonné de voir, dans ce lieu sauvage, de
grands et beaux édifices au milieu de misé-
ral)lcs cabanes d'Indiens. La maison du colonel
Don Diego Rul , qui est un des propriétaires
de la mine de la V alenciana , pourroit orner
les plus belles rues de Paris et de Naples : sa
fac.de oiF; e des colonnes d'ordre ionique ;
rarcliilccture en est simple et remarquable
par une grande pureté de sfjle : la construc-
tion de cet édifice, qui est presque inhabité,
èllAPlTRE X!. 3^7
a coûté pins de 8ou,ooo livnics, somme roii-
siilérable clans iMi pa^s où le prix de la jouriuc
et celui des malciiaiix sont assez modiques.
Le nom de Guanaxuato est à ])eine connu
en Europe ; cependint la licliesse des mines
de ce disliicl est bien su[>érieure à celle du
gîte inétalli l'ère de Potosi. Ce dern'er, d(';-
couvert en lo^j, par l'Indien Die^o Ilualca ,
a fourni, d'après des renscig^nemens ' qui
n'ont jamais été publiés, dans l'espace de deux
cent trente -trois ans, 788,208,012 piastres
forles, ou , en comptant liuil piastres et demie
par marc, la somme de 92,706,294 ï^i^^i'cs
d'argent ; savoir : ^
De i5o6 à 1578, 49.011,280 ou 5, 766,035
1679 1706, 611,099,401 71,929,347
1737 1789, 127,847,776 ii),o4o,9i4
788,258,512 92,736,294
* Extrait du livre de compte de la trésorerie royale
de Potosi , fait sur les lieux par M. rrédiric Molhei.
(^Razou de los reaies derevlws que se han cohrado en
lan caxas real s, de la plala que haproducido el Cerro
de Potosi.^ Ce mémoire manuscrit, qju' io possède,
donne le produit du l\nosi , aunce par auiiée, depuis
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LIVRE IV
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movemie ,
lilin < il'.i nrnl.
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De lôôG k lïijH 2()2,o()2 OU 2,227^7X2
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ijôy i7«^9? • • • • 289,2/18 2. 'i.)8,()«.f)
I.c produit du filon de Guaiiijxualo e^t
pres([ue le douljle de celui du (lerro de
Potosi. On tiic aeluellenicnl de ec filon, eai
c'estluiseul cpii Couriiil loull'ar^enldes nnue;»
du district de Guanaxualo, année connnunc,
cinij à si.v cent mille nKirrs (rdii^cutj et
ijuùizc à seize cents nuircs d'or.
i558 iiisqu'en 1789. Les livres de la trésorerie ne
rapportent rien sur les années antérieures à 10.^)6 ,
quoique tlcux mineurs tie Porco , Juan de Viliaroel et
Diego Centciio , aient attaqué ec filon dès l'année 1 5 i 5.
c.îiAPrmi: xi.
rnoDi'iT i:n on,
mr nisTRiCT \ns minks nr. <,i' an wiato.
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LIVRE IV
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38
J'ai indiqué dans ces Uibleanx , année par
l'or et 1'
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année, i or cr i ar^^eru tjuc ils mines
naxuato ont fournis depuis 17GG jusqu'en i8o5.
On a distingué les métaux qui sont relirés des
mineriîis au moyen de ramalgamalion , dQ
ceux qui sont obtenus parla fonte. Lu mare
d'or contient 5o cdstcUunas , qui équivalent
à 4oo tontines ou à 48oo granos. Il résulle de
ces tableaux , fondés sur des pièces olficielles ',
que le disiriet des mines de Guanaxuato a
fourni, en trente-huit ans, pour i65 millions
de piastres en or et en argent, et que depuis
1786 jusqu'en i8o5 ^ le produit a été, année
conmnjue , de 006,000 marcs d'argent, qui
équivalent à 4,727,000 piastres. Tous les
filons de la Honj^rie et de la Transilvanie
ensemble ne donnent que 80,000 marcs
d'argent.
En prenant les moyennes de quatre années,
IS
* Razon de los castellanos de oro de Icy 22 quîlates
y marcos de plata , de \'2 dineros de Ion benejlcios de
azogue y fufigo , manifestados en la tresoreria prin-
cipal de Real Hacienda de Guanaxuato , desde i." de
enero ij66 hasta 3.1 de deciembre i8o3. (Manuscrit.)
On a compté le marc d'argent à 8 * piaslros , et le marc
cl*or à i36 piastres (la piastre à 5 livres 5 sous).
T^ ' m
38:
LIVRE IV
dont trois (lo cinq et une de huit ans, on
troine les résultats suivaus :
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AKGKNT
V A 1. 1, l R
DU l'or
Kl'OQCES.
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ET im: i/aucknt
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à une année
et
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idrif piulniil
(les militas
(le Ciiiaiiiixuato.
moyenne.
a une année
inoyiMine.
])i.i«lr ■1.
niiirc'.
piasl rc.s.
17(16—1775
3o,3'2o,5o5
542, 24 1
5,o32,o5o
I77G— I7S5
■iG, (192, 865
528,121
4,669,286
lySG — 1795
iH,GS2,GG2
5fio,g56
4,868,266
i-yf) — i8o3
3fj,5oG,ii7
55 1,5 19
4,913,265
Quelle est la nature du fitte mélnllifcre qui
a fourni ces immenses rlcliesses, et que l'on
peut considérer comme le Potoside l'hémis-
phère boréal? Quel est le g'isement du rocher
qui traverse le filon de Guanaxuato ? Ces
questions sont trop importantes pour que je
ne trace pas ici le tableau géologique d'un
pays si remarquable.
La roche la plus ancienne que l'on con-
noisse dans le distiict de Guanaxuato , est
le tJionscliif^fer (schiste argileux) , qui repose
sur les roches g-raniliqucs de Zacalccas et du
CHAPITRE XI.
183
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noir* - gt'is;Urc , Iraversé souvent "par une
infinité de petits liions de (piai tz , passant,
à de grandes profondeurs , au tdlhsclu'cfcr
( seliiste tahjuenx ) et à la cltlnrile srliistcnsc.
Je re^f'arde ce thnnsclu'rfrr connue de for-
mation priniitivc , quoicpie des couelies à
feuillels très-uiinces qu'il contient, et qui
sont surchargées de carbone , paroissent le
rapprocher du thonsclùejer de tninsitlon. Ces
couches ( oja de lihro ) se trouvent le plus
souvent ^ près du jour ; quelquefois elles se
montrent ^ à des profondeurs considérables.
En creusant le grand puits {tiro gênerai) de
Valenciana, on a découvert des bancs de
sjénile , de schiste amphiholique (liovnhlend-
sc]iiefej)el de \ raie serpentine^ alternant entre
elles, et formant des couches subordonnées
dans le thonschiefer. Ce phénomène extraor-
* Sonneschjïiidt , BescJireihungderBergiverks-Refiere
von Mexico , p. ig4 et 292.
^ Dans Xaquehnida de San Koquito, qui commu-
nique au ravin d'Acabuca.
3 Dans la raine de Valenciana,
* Dans les mines de Meliado , d'Animas et de
R:
a vas.
I ■■(
II; S
38
LIVRE IV
dinaire d'une sycnite qui alterne avec la
serpcnlinc , se présente aussi à File de Cuba,
près du village de Re^^la , où la dernière
roche abonde en diulLige cJiatnyante [scJUl-
lerspath). Le même thonschwjcv de Gua-
naxuato , que l'on observe au fondée la mine
de V^alenciana, reparoît nu jour, huit cents
mètres plus haut , sur le dos de la Sierra de
Santa Rosa : je donte qu'on l'ait trouvé à des
élévations plus grandes. Ces strates sont
dirigés très - régulièrement h. 8 à 9 de la
boussole du mineur ' ; ils sont inclinés de 4^
* Ou tlu sud-est au nord-ouest. J'ai été frappé ,
depuis l'année 1791, de cotte grande loi à\i parallé-
lisme des couches j que l'on découvre dans d'immenses
étendues de pays , et que l'on peut regarder comme
un des phénomènes les plus curieux de la géologie.
Je n'ai pas cessé , dans mes écrits , d'appeler i'attentiou
des voyageurs vers un objet sur lequel il scroit facile
de réunir, ea très-peu de temps , un grand nombre
d'observations. Voyez mes Expériences sur l'irritation
de la fibre musculaire et nerveuse (^cn allemand), Vol. I,
p. 8 ; ma. Lettre à M, de Fourcroy, endatedu 5 pUwîôae
an 6 ; mon Tableau géologique de C Amérique méridio^
na/.:^( Journal de physique, 1800); et ma Géographie
des plantes , p. 1 1 7. La direction des hautes chaînes de
montagnes paroît exercer la plus grande influence sur
la directioD des couches, même à des éloigaemeus
CHAPITRE XI. 385
à 5o de*» Tes an sud-ouest. Cette direction est
celle que suivent la plupart des roches très-
anciennes du Mexique.
Sur le thonschiejer reposent deux forma-
tions très-différentes : l'une, de porphyre ,
à des hauteurs considérables, à l'est de la
yallée deMarfil, et au nord-est de Valenciana;
l'autre , de grès ancien y dans les ravins et sur
des plateaux peu élevés.
Le porphyre forme des masses pierieuses
gigantesques , qui se présentent de loin sous
l'aspect le plus étrange , souvent comme des
ruines de murs et de bastions. Ces masses ,
taillées à pic_, et élevées de trois à quatre
cents mètres sur les plaines environnantes ,
portent dans le pays le nom de ï^uffci.
D'énormes boules à couches concentriques
reposent sur des rochers isolés. Ces por-
phyres donnent aux environs de la ville de
considérables «le la crote centrale. Cette influence se
manifeste dans les Pyrénées, au Mexique , et surtout
dans les llaates-Alpes. Voyez 1rs observations judi-
cieuses qu'un savant minéralogiste , M. Ebel, vient de
publier à ce sujet, dans un ouvrage qui a ponr titre :
Sur la vonatrucUon de In chaîne des Alpes (en alle-
mand), Vcl.lj p. 2aa-, Vol. II, p. 20i-2i5; et p. Z!^j.
iir. 3^
II
I
A >;
386 LIVRE IV,
Guanaxuato un caractère sauvage, propre
à étonner le voyageur européen, qui s'ima-
gine que la nature n'a déposé de grandes
richesses métalliques que dans les montagnes
à croupes arrondies , et dans les lieux où le
terrain offre un mouvement doux et uniforme.
Ce porphyre, qui constitue la majeure partie
de la Sierra de Sauta Basa , a généralement
une teinte verdàtre : il varie singulièrement
d'après la nature de sa base et des cristaux
qu'il renferme. Les couches les plus anciennes
paroissent être celles dont la base est du
silex corné ' ( hornsiein ) ^ ou du feldspath
compacte. Les plus récentes , au contraire ,
offrent du feldspath vitreux, enchâssé dans
une masse qui fait passage tantôt au petrosilex
* Élève tic Werner et de l'école tic Frciherg , je
nomme partout dans mes ouvrages hornstein , un
minéral qui forme des passages au quarlz , à la calcé-
doine et awfeuerstein (pyromaque). Les /lornsiein des
mint^ralogisles allemands sont : les quartz -agalhes
gronsiem et xylvïcîes tle M. Ilaiiy, les iiéopètres de
Saussure , et l^s sIIpx cornés de M. Brongniart. Cette
note m'a paru indisponsaLle , à cause de la synon}^mie
confuse des iiidïïoxmnaiûons protoailex , pierre de corne,
et roche de corner
vd
CHAPITRE XI. 387
jadien, tantôt âu y^lionoMlc ou It/i/iqstein de
VVerner. Ces dernitres présenlcnt la plus
grande analu;;ie avec le porphyrschicfer
( schiste porpliyi i([ue ) du Miitc/i>vhûro(' de
la Buhcnie. On seroit lenlé de les compter
parmi les l'oclics de la Jorniation de trupp ,
si ces mêmes couches ne reni'ermoient , à
Villalpando, les mines d'or les plus riches.
Touscesporpliyresdu district de Guanaxuato
ont cela de commun que l'amphibole y est
presque aussi rare que le quartz et le mica.
La direction et V inclinaison de leurs couches
sont les mêmes que celles du thonschiefer.
A la pente méridionale de la Sierra^ géné-
ralement à de moindres hauteurs que celle
à laquelle se présente le porphyre dans les
plaines de Burras et de Cuevas, surtout entre
Marfil, Guanaxuato et Valénciana , le thon-
schiefer est recouvert de ^rès d'ancienne for-
mation. Ce grès {^wjelsconglonœrat) est une
brèche à ciment argileux, mêlé d'oxide de
Ter , dans lequel sont enchâssés des fragmens
anguleux de quartz, de pierre lydique, de
syénite, de porphyre et de hornstein écailleux.
Des couches contenant des fragmens de six
à huit centimètres d'épaisseur , alternent
25*
388
LIVRE IV
quelquefois ( près de Cuevas) avec d'autres
couches dans lesquelles des g-rains de quartz
sont aotj;'lutinés par uu ciment ocrcux. D'autres
fois (au ravin de Marfîl et dans le chemin de
Salgado ) le ciment devient si abondant, que
les morceaux enchâsses disparoissenl entière-
ment , et que l'on trouve des bancs d'argile
schisteuse, brun - jaunâtre, de huit à neuf
mètres d'épaisseur , alternant avec la brèche
à gros cailloux. Cette formation de grès
ancien, identique avec celle qui, dans l'Amé-
rique méridionale , paroît au jour dans les
plaines de la rivière des Amazones, et qui,
en Suisse , s'élève à plus de mille jnètres de
hauteur absolue dans l'Ollenhorn et les Dia-
blerets , n'offre pas de régularité dans la
direction de ses couches. Leur inclinaison est
généralement opposée à celle des strates du
thouschiojer. Près de Guanaxuato , la forma-
tion de grès est adossée au porphyre de la
buffa; mais près de A^illalpando, le porphyre
même sert de base à la brèche ancienne, qui
y paroît nu jour à une hauteur absolue de
deux mille six cents mètres.
Il ne faut pas confondre cette brèche, quî
enchâsse des fragmens de roche primitive et
CHAPITRE XT. SSq
de transition , avec un autre grès que l'on
peut désigner sous le nom iWif^q/o/ncntt feld-
spiitliùjue y qui , à la montagne de la Cruz de
Serc'iia y est supeiposé à la hicclie ancienne
(i/rfchcongloniciw'f) . et qui , par conséquent,
est d*une formation plus rc(*ente. Cet agglo-
mérat {Inzcro) , dont on lire les plus belles
pierres de taille , est conjposé de grains de
quartz^ de petits Iragmens de schiste, et de
cristaux de feldspath , en partie brisés et eu
partie restés intacts. Ces substances sont liées
ensemble par un ciment argilo-ferrugineux.
Il est probable que la destruction des por-
phyres a eu la plus grande influence sur la
formation de ce i^rès ffldspallilcjua, 11 con-
traste avec les grès de l'ancien continent,
dans lesquels on a trouvé quelques cristaux
de grenats et d'amphi])ole , mais jamais , que
je sache , du feldspath en abondance. 3^e
minéralogiste le plus exercé , avant d'avoir
examiné le <iisement des lozero de Gua-
naxuato , seroit tenté de le prendre , au
premier abord, pi»ur ini porphyre à base
argileuse ,ou j>our une brèche porphvrilique
(triimmcr- porphjr). Près do Villalpando,
une trentaine de bancs très-minces d\irg/7o
LIVRE IV
schisteuse. ( schieferthnn) , de couleur bnin-
noiralre , alternent avec V agglomérat jeld^
spathiqiie.
Ces formations de grès anciens de Gua-
naxuato servent de base à d'autres couches
secondaires, qui, dans leur gisement ^ c'est-
à-dire dans V ordre de leur superposition y
ofirent la plus grande analogie avec les roches
secondaires de l'Europe centrale. Dans les
plaines de Temascatio ( à lo de Sierra) , on
observe une pierre calcaire compacte {dicJitcr
kalkstein) , souvent remplie de cavités hui-
leuses, qui sont tapissées de spath calcaire
et de mine de mang-anèse soit terreuse soit
rajonnée. Cette pierre calcaire, qui, par sa
cassure unie y presque conclioïde y ressemble
ix Information du Jura y est recouverte, en
quelques points, de bancs de ^t/as6» fibreux
et mêlé d'argile endurcie.
Nous venons de faire l'énumération des
roches nombreuses qui reposent sur le thon-
schiefer de Guanaxuato , et qui sont , d'un
coté, des formations secondaires de grès, de
pierre calcaire et de gvpse; de l'autre, des
formations de porphyre^ de syénite , de ser-
pentine et de schiste amphibolique. Le raviu
'>
CHAPITRE XT. 3ç)l
deMarlîl, qui, des plaines de Biirras, conduit
à la ville de Guanaxiiato , sépare ponr ainsi
dire la région porphyrilirpic de celle dans
laquelle la sjénitc et le i^rnnstcin prédomi-
nent. A l'est du ravin s'élèvent des nionla'-ncs
de porphyre très-escarpées _, et qui , par leur
déchirement, offrent îes formes les plus bi-
zarres : à l'ouest on découvre un terrain dont
la surface, légèrement ondulée, est couverte
de cùnes basaltiques.
Depuis la mine de l'Esperanza, située au
nord-ouest de Guanaxuato , jusqu'au village
de Gomangillas, célèbre par ses eaux ther-
males , sur une étendue de plus de vingt
lieues carrées, le thnnschieihr sert de base à
des couches de syénite qui alternent avec
du griinstcin ( diahasc ) ch transition. Ces
couches n'ont généralement que quatre à
cinq décimètres d'épaisseur; elles sont in-
clinées par groupes , tantôt au nord - est ,
tantôt à l'ouest, toujours sous des angles de
5o à 60 degrés. En voyageant de Valencianaà
Ovexeras, on peut compter plusieurs milliers
de ces bancs de f^riuistcin , alternant avec
une syénite dans laquelle le quartz est quel-
quefois plus abondant f|ue le feldspath et
il!
iiî
392 LIVRE IV,
Tamphibole. On trouve, dans cette sjcnite,
des filons de griinslein , et , dans les couches
du grïinstein , des fentes remplies de s) énite.
Celte idenlité de la musse des filons avec les
roches superposées , est un fait curieux cpii
parle en faveur de la théorie de l'ori^^ine des
filons , exposée par M. Werni;r '. Près de
Chichinjecpiillo , un porphyre colonnaire
paroît reposer sur la sjénile. Il est recouvert
de basalte et de brèches basalliques, des-
quelles sortent des sources dont la tempé-
rature est de gG",^ du thermomètre centigrade.
Il me reste à indiquer deux forniatums
partielles qui n'occupent qu'une très-petite
étendue : une pierre calcaire compacte ( cl
caliche) , gris-noiratre , appartenant peut-
être aux roches de transition ', et une brèche
calcaire {frijollilo ). Ce. te dernière , que j'ai
vue dans la mine d'Animas , à plus de
l5o mètres de profondeur , est composée de
fragmens arrondis de pierre calcaire coni-
* Neue Tlieorie von der Entstehung der Gange, 1791,
*p. 60.
^ Entre les ravins de Secbo et d'Acabuca , les lianes
iiixx caliche ont la même direction et la nsènie inclinaison
que les strates du thonschiefer.
CHAPITRE XI. 3(k'>
pacte , liés ensemble par un ciinenl calca'uc.
Le thonschicfer de Valenciana seil de base
à ces deux i'ormalions parliclles, dont l'une
paroît devoir son origine à la destruction
de l'autre.
Telle est , d'après les observalions que j'ai
faites sur les lieux, la constitution p;ëolop;i,'iiit',
du sol de Guanaxuato. Le filon {peta wadiv)
traverse à la fois le schiste argileux [thon-
Schiffer) et le porphyre. Dans l'une et l'autre
de ces roches , il a présente des richesses
métalliques trt;s-considérablcs. Sa direction
moyenne est h. 8 1 de la boussole du mineur ';
elle est à peu près la même que celle de la
iwla grande de Zacatecas. et des filons de
Taseo et deMoran, qui sont tous des filons
occidentaux ( spaihgânge ). L'inclinaison du
filon de Guanaxuato est de /^6 ou 4^ degrés
au sud-ouest. Nous avons déjà indiqué plus
haut qu'il a été travaillé sur une longueur de
plus de 12,000 mètres : cependant l'énorme
masse d'argent qu'il a fournie depuis deux
cents ans, et qui à elle seule auroit suffi pour
produire un changement dans le prix des
' Ou :n'. 52" o.
[:
[•I
.y
3<)4 LIVRE IV,
denrées en Europe , a ('lé cxlroite <le la seule
parlio du filon eonlenue cuire les pnils de
l'Espcranzii el de Santa Anila , sur une étendue
moindre de 2G00 niclres. C'est dans retle
partie que se trouvent les mines de Valen-
ciana , Tepcjac, Cata , San Lorenzo , Animas ,
Mclhido , Fraustros , Rayas et Sîmla Anila ,
qui, à difTérentes époques, ont joui d'une
grande eélébritc.
La vcta madiv de Cuanaxuato présente
beaucoup de rcssenddance avec le célèbre
filon de spUnl de Sclicinnitz, en llong-rie.
Les mineurs curopi'cns qui ont eu occasion
d'examiner l'un et 1 autre de ces i^ilos de
minerais, ont a^itc la queslion si l'on doit les
considérer comme de vrais filons , ou comme
des coud tes mélallifivos ( crzhi^^cr). En n'ob-
servant la veta mndrc de Cuanaxuato que
dans les mines de Valenciana ou de Rajas ,
01.1 le toit et le mur sont de liions chic fer y on
seroit tente d'adinellre la dernière de ces
opinions ; car loin de couper ou de croiser
les strates de la roche ( que/'gestcin ) , la l'cta
a exactement la même direction et la même
inclinaison que ses strates : mais une couche
mélcdlifèro y qui a été Ibraiée à la même
cTiAPirnE XI.
.Mj5
époque que toute la masse de la monla«;iie
dans laquelle elle se trouve, peul-elle passer
d'une roeliesupri ioure à une l'iK'he inférieure,
du porphyre au srliisle argileux? Si la iwta
madve étoit réellement une conclu; , on ne
tfouveroit pas renfermés dans sa masse des
l'ragniens anguleux de son toit , comme on
l'observe eommunément sur des j)oinLs où
le toit est un schiste chargé de cavhouc , et
le. mur un schiste t(il<niri(.r. Dans un iilon ,
le toit et le iniir sont censés antérieurs à la
Connalion de la feiite et aux minéraux (pit
l'ont successivement remplie; mais une couche
a préexisté induhilablement aux strates de l.i
roche qui forment son toit : il en résulte
que l'on peut découvrir dans une couche
des fragniens du w///'^ mais jamais des mor-
ceaux détachés du toit.
La vota madré de Ciuanaxuato offre
Texeniple extraordinaire ' d'une fente qui
s'est formée selon la direction et l'inclinaison
» M. Wcrner , Jans l'a Théorie îles filons ( J. 2) , Hit
expressément « que les giies de minerais coupent
« pranque toujours les bancs fie la roche. » Ce grand
miaéralogislc paroit avoir voulu iiu!i(iucr par ais
Jli
3g6 LIVRE IV,
des strates de la roche : vers le sud-est,
depuis le ravin de Serena , ou depuis les
miues folblement travaillées de Belgrado et
de San Bruno jusqu'au delà des mines de
Marisanehez, elle parcourt des montagnes
porph jritiques ; au nord-est, à partir dès le
puits de Guanaxuato jusqu'au Gerro de
Buenavisla et à la Canada de la Virgen , elle
tr.iverse le thonschicfcr ou schiste argileux :
sa puissance varie comme celle de tous les
filons de l'Europe : lorsqu'elle n'est pas
ramifiée y elle n'a commiménient que 12 à
i5 mètres de largeur; quelquefois elle est
étranglée ' même jusqu'à un demi-mètre de
puissance : le plus souvent on la trouve par-
tagée en trois masses ( cuerpos ), qui sont
séparées ou par des bancs de roche {caballos) ,
ou par des parties de la gangue presque
dépourvues de métaux. Dans la mine de
Valenciana, la veta madré a été trouvée
sans ramification y et de 7 mètres de largeur,
mois , qu'il peut exister «Je vrais filons qui soient
parallèles aux feuillets d'un schiste argileux ou
micacé.
^ A \di plues d'assemblage du puits de Sinio ChrUto
de Burgos , dans la mine de Valenciana.
%
I;
CHAPITRE XI. 3f)7
depuis la siirHice du sol jusqu'à la profondeur
de 170 mètres. A ce point elle se di\ise
en trois branches , et sa puissance , en comp-
tant du tiiur au toit de la massa entière y est
de 5o , quelquefois même de 60 mètres. De
ces trois branches du filon, il n'y en a gé-
néralement qu'une seule qui soit riche en
métaux : quelquefois, lorsque toutes les trois
se joignent et se traînent y comme à Valen-
ciana , près du puits de San Antonio , à
T)00 mètres de profondeur, le filon offre
d'immenses richesses , sur une puissance de
plus de 25 mètres. Dans la pertinencia de
SarUa Leocadia y. on observe quatre branches.
Un trwn , dont l'inclinaison est de 65", se
sépare de la branche inférieure ( cnerpo
haxo) , et coupe les feuillets de la roche du
mur. Ce phénomène, et le grand nombre de
druses garnies de cristaux d'améthyste que
Ton trouve dans les mines de Rayas, et qui
affectent les directions les plus différentes,
suffiroient pour prouver que la i^eta madré
est un filon et non une coiicJie. D'autres
preuves, non moins convaincantes, pour-
roient être tirées de l'existence d'un filoi^
( vêla del caliche ) exploité dans la pierre^
3<j8 LIVRE IV,
calcaire compacte irAnimas, et qui , parallèle
au filon principal de Guanaxuato, a présenté
les mêmes minerais d'argent. Trouve-t-on
jamais celte îchnlité de formation entre deux
couches métallifères qui appartiennent à des
roches d'une ^//<:/W/W6?/c' très-différente?
Les pelils ravins dans lesquels se divise la
vallée delMarfil paroissent avoir une influence
marquante sur la richesse de la vcta madré
de Guanaxuato. Cette dernière a donné le
plus de métaux là où la direcdon des ravins '
et la pente des montagnes (Jlaqueza delceiro)
ont été parallèles à la direction et à l'incli-
naison du filon. Quanti on est placé sur la
hauteur de Mellado, près du puils qui a été
creusé en i558, on observe qu'en général la
veta madré est la plus abondante en minerais
vers le nord-ouest, vers les mines de Cata
et de Valenciana; et qu'au sud-est^ vers
Rayas et Santa Anita, les produits ont été
à la fois plus riches, plus rares et plus
inconstans. Il existe en outre, dans ce célèbre
filon, une certaine région moyenne, que
Ton peut regarder comme un dépôt de
> Ceux d'Acabuca , de Ravas et de Seclio.
CHAPITRE XI. 399
grandes richesses ; car au-dessus et au-dessous
de cette région, les minerais ont été d'un
contenu d'argent peu consiiiérable. A Valen-
ciana, les nii/teniis riches ont été les plus
abondans eiilre 100 et 5/|0 mètres de pro-
fondeur au-dessous de l'embouchure de la
galerie. A Rayas , cette al)ondance s'est
montrée dès la surface du sol ; mais aussi
la «galerie de Valenciana, d'après mes me-
sures ' , est percée dans un plan cpii est de
106 mètres plus élevé que l'embouchure de
la galerie d'écoulement de l\ayas ; ce qui
pourroit faire croire que le dépôt des grandes
richesses de Guanaxuato se trouve , dans cette
partie du filon , entre 2100 et 1890 mètres
de hauteur absolue au-dessus du niveau de
l'Océan. Les ombrages d'exploitation les plus
profonds de la mine de Piajas ( los planes )
n'ont pas encore atteint la limite inférieure de
cette région moyenne-, tandis que le fond
( das tiefste ) de la mine de Valenciana , la
galerie de San Bernardo , a malheureuse-
ment déjà dépassé cette limite de plus de
* Voyez mon Recueil d' Observations astronomiques ,
Vol. I, p. 3a4; n.*» 332-357.
400 LIVKE IV,
yo mèlres : aussi la mine de Rayas continue-
t-elle de l'ournir des minerais extrêmement
liclies, tandis qu a Valenciana on cherche
depuis quelques années à suppléer, par l'ex-
traction d'une plus grande quantité de
minerais, au défaut de leur valeur intrinsèque.
Les snhslanres minérales ( i constituent
la masse du filon de Guanaxnalo sont du
quartz commun j de l'améthyste, du carbonate
de chaujCy du spath perlé, du hornstein
écailleux , de Wirgcnt sulfuré, de ï argent natif
ramuleux, de l'argent noir prismatique, de
l'argent rouge foncé, de For natif^ de la
galène argentifère , de la blende brune, du
ferspatliique et des pjrites de cuivre et de fer.
On observe en outre, quoique Inen plus
rarement , du feldspath cristallisé ( le quartz
rhomboïdal des minéralogistes mexicains ) ,
de la calcédoine, de pelites masses de spath-
lluor , du quartz filamenteux ( haarfôrmiger
(juartz)y du fahlerz , et du plomb carbonate
bacillaire. L'absence du sulfate de baryte et
de l'argent muriaté distingue la formation du
iîlon de Guanaxuato de celle de Sombrerete,
de Gatorce, de Fresnillo et de Zacatecas.
Lçs iiiinéralogistcs qui s'occupent de l'élude
CHAPITRE XI. 40I
des formes régulières trouvent dans les mines
de Guanaxuato une grande variété de cris-
taux, surtout parmi Içs minés d'argent sulfuré,
rouge et noir, parmi les spaths calcaires
et le bmunspnth ' (chaux carbonatée bru-
nissante ).
Labondand.j des eaux qui filtrent à travers
les fentes de la roche et de la gano-ue,
varie singuUcrement sur les difFérens points
du filon. Les mines d'Animas etdela Valen-
ciana sont entièrement sèches , quoique
les ouvrages d'exploitation de la dernière
occupent une étendue horizontale de i5oo
et une profondeur perpendiculaire de
5oo mètres. Entre ces deux mines , dans
lesquelles le mineur est incommodé par la
poussière et par une chaleur extrême % se
trouvent les mines de Gâta et de Tepejac ,
> Sur le spath perlé de Guanaxuato, V. Klaprotlis
Beitràge, B. IV, p. 198. Cette variété de hraunspath
présente des cristaux microscopiques, imbriqués et
réunis en baguettes très-minces. L'enlacement de ces
baguettes {parUlas) est si régulier, qu'elles forment
constamment des triangles équilatéraux.
2 De 22" à 27" centigrades j la température de l'air
extérieur étant à i/**.
m. 26
;.
il
s Hli
il
402 I^ÏVBE IV,
qui sont restées inondées, parce qu'on a
manqué de forces mécaniques pour puiser
les eaux. A Rayas, l'épuisement se fait d'une
manière très-dispendieuse, par des haviteh
à mulets, placés dans l'inlcrieur des tra-
çersesj et soulevant l'eau, non par des
pompes, mais par le jeu de chapelets à
caissons, d'une construction très-imparfaite.
On est étonné de voir que des mines d'une
richesse aussi considérable n'ont pas de
galerie d'écoulement ' , tandis que les ravins
voisins de Gâta et de Mardi, et les plaines
de Temascatio, qui sont plus basses que le
fojid de Valenciana , paroissent inviter les
mineurs à entreprendre des ouvrages qui
serviroient à la fois à l'écoulement des eaux,
au roulage et au transport des minerais vers
les usines de fonte et d'amalgamation.
La Falenclcina offre l'exemple presque
1 Dans le dlstrîcl des mines Je Freiberg , qui cepcn-
liant ne fournissent annuellement pas la s(?ptième
partie de l'argent qu'on extrait de la seule mine de
Valenciana, on est parvenu à percer deux galeries
d'écoulement, donll'une a 63,2i3 mètres (32,433 » ) ;
l'autre , 57,3io riièlres ( 29,5o4 t. ) de longueur.
(Voycï CUap. YIH, T. Il, p. 210.)
CHAPITRE XI. 4o3
unique d'une mine qui , depuis quarante ans,
nu jamais donné à ses propriétaires moins
de deux à trois millions de francs de profit
annuel. Il paroit qne la partie du filon de
Guanaxuato qui s'étend de Tepeyac au nord-
ouest, avoit été foiblement exploitée vers la
fin du seizième siècle. Depuis cettu époque y
toute cette contrée étoit restée déserte, et
ce ne fut qu'en 1760, qu'un Espagnol, qui
avoit passé très-jeune en Amérique, attaqua
le filon dans un de ces points que Ion avoit
cru jusque-là dépourvu de métaux {emboras^
cado). M. Obregon ' (c'étoitle nom de cet
Espagnol) étoit sans fortune; mais jouissant
de la réputation d'un homme de bien , il
trouva des amis qui lui avancèrent de temps
en temps de petites sommes pour continuer
ses travaux. En 1766 les ouvrages d'exploita-
tion avoioî^ déjà plus de 80 mètres de
profondeur, et encore les frais surpassoient
de beaucoup la valeur du produit métallique.
Passionné pour les mines, comme d'autres le
sont pour le jeu , M. Obregon aimoit mieux
s'imposer toutes sortes de privations que
»Yo)'ez Chap. Vir, T. II, p. 27.
26'
h
4o4 LIVRE IV,
d'abandonner son entreprise. L'année 1767
il entra en soeiété avec un petit marchand
de Ravas, îippelé Otero : pou voit-il espérer
alors que, dans l'espace de quelques années,
lui et son ami seroient les particuliers les
plus riches du Mexique et peut-être du monde
entier? En 1768 on commença à extraire de
la mine de Valenciana une quantité de mi-
ner.ûs d'argent assez considérable. A mesure
que le puits gagna en profondeur, on s'ap-
procha de cette région que nous avons
décrite plus haut comme le dépôt des grandes
richesses métalliques de Guanaxuato.En 1771
on retira de h perlinencia de Dolores des
masses énormes d'argent sulfuré, mêlé d'ar-
gent natif et d'argent rouge. Depuis cette
époque jusqu'en i8o4, où je quittai la
Nouvelle-Espagne, la mine de Valenciana n'a
cessé de fournir annuellement un produit
d'argent de plus de quatorze millions de
livres tournois. Il y a eu des années si pro-
ductives , que le profit net des deux pro-
priétaires de la mine s'est élevé à la sonnne
de six millions de francs.
M. Obregon, plus connu sous le nom de
comte de la Valenciana, conserva, au milieu
!
CHAPITRE XI. 4o5
d'une richesse immense , cette simplicité de
mœurs et cette franchise de caractère qui le
distinguo iont dans des temps moins heureux.
Lorsfpi'il attaqua le fdon de Guanaxuato ,
au-dessus du ravin de San Xavier, les
chèvres paissoient sur celte même colline
où, dix ans après, il vit se l'ormer une ville
de sept à huit mille habitans. Depuis la
mort du vieux comte et de son ami Don
Pedro Luciano Otero, la proprièlé de la
mine est partagée entre plusieurs (amilles '.
J'ai connu à Guanaxuato deux fils mineurs
de M. Otero, dont chacun possédoit , en
argent comptant, un capital de six millions
et demi, sans compter le revenu annuel de
la mine, qui s'élevoit à plus de 4oo,ooo francs.
On doit être d'autant plus étonné de la
constance et de l'égalité du produit de
la mine de Vi:lenciana , que l'abondance
des mines riches a considérablement dimi-
nué, et que les frais d'exploitation ont
augmenté dans une progression effrayante,
* La propriété de Valenciana est divisée en vingt-
quatre actions , appelées havres, dont dix appartiennent
aux descendans du comte de la Valenciana , douzo à
la famille d'Oloro, et deux à celle de Sanlana.
i
!!
4o6 LIVRE IV,
depuis que les oiivrasycs ont atteint une
profondeur perpendiculaire de 5oo mètres.
Le percement et le muraillemenl des trois
anciens puits de tirage ont coûté au vieux
comte de la Valenciana près de six millions
de francs ; savoir :
Le puits carré de San Antonio,
o\xtiroinejo,qai a 227 mètres de
profondeur perpendiculaire , et piètres.
quatre haritels a chevaux y 096,000
Le puits carré de Sanlo Ghristo
deBurgos, qui a i5o mètres de
profondeur, et deux baritels à
chcK^aux y. . . 95,000
Le puits hexag-one de Nuestra
Senora de Guadalupe {tifo nuevo) ,
qui a 545 mètres de profondeur
perpendiculaire, et six baritels à
chevaux y 700,000
Frais des trois puits 1,191,000
Depuis douze ans on a commencé à creuser
en plein roc, dans le toit du filon , un nouveau
puits de tirage ( tiro gênerai ) , qui aura
l'énorme profondeur perpendiculaire de
CIIAPITUE \I. /|07
5i4 mètres ', en aboiilissant ^wfond ailuel
lie la mine ou aux planvs du San Bevnurdo,
Ce puits, qui se trouvera placé vers le cenlic
des travaux, dimimiera considérahloment le
noud)rc dos 900 mineurs (/tv//7^*/'o.v) empli)} es
comme bètes de somme pour ])ortcr les
minerais kww jfluccs d\ifiscmhla*^(' supérieures.
Le liro geiwral , qui coûtera plus d'un million
de piastres, est octogone, ayant 2G",8 do
circonférence. Son muraillement est de la
plus grande beauté. On croit qu'en 181 5 il
pourra atteindre le fdon , quuiqu'au mois de
septembre i8o5 il n'eût encore que 184. mètres
de profondeur. Le percement de ce puits de
tirage est une des entreprises les plus grandes
I'!
* Je réduis les varas mexicanas d'après le principe
qu'une uara est égale à o"'-,839 ou uneloise:^2.33:ifa-
ras mexicanas. (Voyez ci-dessus, T. H, p. 244.) On
regarde dans le pays la mine de Talenciana comme la
plus profonde que les hommes aient creusée. A la
même époque où je mesurai les planes de San Ber-
nardo , la mine Berchert Gluck , à Freibcrg , en Saxe ,
avoil atteint 44/ mètres de profondeur pcrpendicu"-
laire. On croit qu'au seizième siècle les travaux des
mineurs saxons, sur le filon Jller Thurmhof ^ alloient
jusqu'à 545 mètres de profondeur.
Jà
4o8 LIVRE IV,
et les plus courageuses que présente Thistoire
de l'exploitation des mines. On pourroit
cependant révoquer en doute si, pour di-
minuer les frais de transport et de lirao-e , il
a été utile de recourir à un remède qui est
lent à la fois, dispendieux et incertain.
Les frais d'exploitation de la mine de
Valenciana ont été, année commune.
De 1787 à 1791» de 4io,ooo piastres.
1794. 1802, 890,000
Quoique les frais aient doublé , le profit des
actionnaires est à peu près resté le même. Le
tableau suivant donne l'état ' de la mine dans
les derniers neuf ans.
* Estado que manifieata elvalor de losfrutos que ha
producido la mina de Valenciana , costa de sus memo'
rias y liquida producto , a favo^ de sus duenos ; lo
présenta Don Joseph Antonio del Maso , al Excellent
tissimo Senor Virey de Nueva Espaha Don Joseph de
Yturigarray , el 3 dejulio i8o3. (Manuscrit. )
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Il résulte tic ce tableau , que le profit net
des actionnaires a été dans ces derniers temps,
année commune, de 64o,ooo piastres '. Eu
l'an 1802, les circonstances ont été singu-
lièrement déflivorables ; la majeure partie
des minerais étoient très-pauvres, et leur ex-
traction infiniment coûteuse; en outre, les
produits se vendoient à des prix très - bas ,
parce que le manque de mercure entravoit
l'amalgamation , et que toutes les mines
étoient encombrées de minerais. L'année
j8o3 promettoit plus d'avantages aux pro-
priétaires , et l'on comptoit sur un profil net
de plus d'un demi-million de piastres. J'ai vu
vendre, par semaine , à Valenciana , pour
27,000 piastres de minerais d'argent : les irais
s'élevoient à 17,000. A Rayas, le profit du
propriétaire étoit plus grand, quoique la
production fût moindre : cette mine four-
nissoit, par semaine, pour i5,ooo piastres de
minerais , tandis que les frais d'exploitation
ne montoient qu'à 4ooo piastres ; effet de la
> Au delà tle 3,3fio,ooo livres tournois. Le bénéfice
distribué annuellement aux actionnaires du district de
Freiberg (le profit net des propriétaires des miaes)
ne s^'ilève qu'à 260,000 livres.
CHAPITRE XI.
/m
richesse des minerais, de leur concentration
dans le lilon , du peu de profondeur de la
mine , et d'un tirage moins coûteux.
Pour se former une idée des avances énor-
mes qu'exige l'exploitation de la mine de Va-
lenciana , il suffit de rappeler ici que , dans
son état actuel , il faut compter annuellement
,. {en iournt^es de imiiieuis,
liv 1 '
3/ ) trieurs, maçons, et autres
,4oo,ooo< . ^ , '
1 ouvriers employts uan»
( la mine.
'^cii poudre , suif, bois.
cuir
acier
et autres
ï,100,000{ , ,
1 matériaux dont la mme
a besoin.
Total de dépense. ^i,5oOjOqo
La consonmiation de la poudre seule a été
de /|Oo,ooo livres par an; celle de l'acier
destiné à la fabrication des ponilroles et des
Jlcurets , de i5o,ooo livres. Le nombre des
ouvriers qui travaillent dans l'intérieur de la
mine de Valenciana s'élève à dix-huit cents :
en y ajoutant treize cents personnes (hommes,
femmes et enfans) qui travaillent aux havhcls
a chevaux y au transport des minerais et aux
bancs de triage y on trouve que trois mille
cent individus sont employés aux divers tra-
vaux de la mine. La direction de la mine est
II
4l2 LIVRE IV, *
confiée àun administiateur, quia 60,000 llv.
de rente , et entre les mains duquel il passe
par an plus de 6 millions de francs. Cet ad-
ministrateur, qui n'est contrôlé par personne,
a sous ses ordres un obersteiger (ininero), trois
imtersteîger ( sottomineros ) et neuf maitreS'
mineurs ( mandoncs). Ces chefs visitent jour-
nellement les travaux souterrains , portés par
des hommes ' qui ontune sorte de selle attachée
au dos, et que l'on désigne par le nom de
petits chevaux {cc<i>allit os).
Nous terminerons cette notice sur li T'-ie
de Valenciana, en présentant, dans un tableau
comparatif, l'état de cette exploitation mexi-
caine et celui de la célèbre mine de Him-
melsfûrst'' , située dans le district d^ Freiberg*.
Je crois pouvoir me flatter que ce tableau
fixera l'attention de ceux qui considèrent
l'étude de l'administration des m'nes comme
un objet important de l'économie politique.
> Sur la manière extraordinaire de voyager ci dos
d'Jiojnme , voyez mes Vues des Cordillères , PI. V.
^ Tout ce qui , dans le tableau suivant , « '•apport à
cette mine, que j'ai eu occasion de visiter souvenv
en 1791, "Pst tiré de l'ouvrage de M. JDaubuis&on ,
T. 111, p. 6-45.
t
CHAPITRE XI. Z|^l3
Tableau comparatif des mines de V Amérique et de l'Europe.
?rodiiit métal tique.
Frais et dépenses
delaniine(sonmie
totale)
A M É K 1 Q L L.
[INE HE VALENCIANA,
plus ri c lie des mines
du Mtxicjtie.
(' Hiiiil. de la .suil';uc <lii, sol
a II -lie.. s II -i (lu niviaii du lu
iiii-r . Q.ïjo lnl■t^l■^. )
56o,ooo marcs d'argeni.
5,000,000 de liv. tournois
Profit net des ac-)rr ,.
tionnaires J3,ooo,ooo liv.
Le quintal de mi
nerai contient en ^4 onces
argent
Vombre des ou
vriers
joioo Indiens et Métis ,i 700 mineurs , dont 55o
/ dont 1800 dans l'nité- > dans riniérieur de Ja
( rieur de la mine I mine.
tu nu E.
MINE DE HIM.MELSFÏÏRST
la pi
US riclie
des m
mes
le Saxe.
( ll^iiil. (!,. la suilai^e du s >l
.iu-(Ir--iiH du iiiv'iiii dr !..
iii'T , 110 m- lii-s. )
10,000 marcs d'argent.
24o,ooo liv. tournois.
90,000 liv.
6 à 7 onces d'argent.
'rix de la iournéf) c - /: i-
du mineur [5 a 6 liv. tournois,
18
10 sous.
(+00,000 livres tournois, 27,00' livres tournoi
'epense en poudre./ (à peu prè^ xGoo quin-V ( .. peu près 270 quin
f taux) . \ taux).
Quantiit' de mine-\
rais livr«:s à la f
fonte et à ramal-/'72'*'*'°° quaitaux.
gamation j
i4,ooo quintaux.
Un fîi'n souvent divisé vr-- n • •
, en trois branches j^ * "q f'ons .principaux ,
P''ons l 4o à 5o mènes depuis. V.- ^*'"'' ^ "■"'" ^^'
sance ( dans le thon- i «""♦"•'•^s de puissance
schu'ftr ) I y '^""* '«^ ^«t^i6-5 ).
Huit pieds cubes pat
minute. Deux roues hy-
drauliques.
au.
Vo fondeur de Ja
mine
Pas d'eau .
5i4 mètres
33o mèfes.
4l4 LIVRE IV,
On comptoit , en 1 8o5 , dans loiitle district
des mines de Giianaxuato, cinq mille mineurs
et ouvriers employés au triage , à la fonte
et à l'amalgamation ; dix-huit cent quatre-
\in<H'Seize arastres ou machines pourréduire
les minerais en poudre , et quatorze mille
six cent dix-huit mulets destinés à mouvoir
les baritels et à fouler , dans des usines
d'amalgamation , la farine des minerais mêlés
iH > le mercure. Les arastves de la \ille de
Gui. axnato broient , lorsqu'il y a abondance
de mercure, onze mille trois cent soixante-
dix quintaux de minerai par jour. Si l'on
se rappelle que le produit en argent est
annuellement de cinq à six cent mille marcs,
on trouve de nouveau y par cette donnée ,
que le contenu mojen des minerais est ex-
trêmement petit.
Les célèbres mines de Zacatecas , que
Roberlson ' nomme , j'ignore par ,uel motif,
Sacotecas , sont , comme nous l'avons déjà
observé , plus anciennes que les mines de
Guanaxuato : leur exploitation a commencé
immédiatement après celle des filons de
* HhtQry of America , Vol. II, p- 38*1.
CHAPITRE XI. 4^5
Tasco , Ziiltepèqiie , Tlapujahua et de Pa-
chuca.Ellessont placées su rie plateau central
des Cordillères qui s'abaisse rapidement vers
la Nouvelle-Biscaye et vers le bassin du Rio
del Norte. Le climat de Zacatecas , de même
que celui de Catorce , est sensiblement plus
l'roid que le climat de Guanaxuato et de
Mexico. Des mfîsures barométriques décide-
ront un jour si cette différence est due à une
position plus septentrionale, ou bien à l'élé-
vation des montagnes,
La nature des premiers a été examinée
par deux minéralogistes très-instruits, l'un
Saxon et l'autre Mexicain, par MM. Son-
neschmidt ' et Valencia. D'après l'ensemble
de leurs observations, il paroît que le district
<les mines de Zacatecas ressemble beaucoup,
quanta sa constitution géologique, à celui
de Guanaxuato. Les roches les plus anciennes
qui se montrent au jour sont syénitiques :
sur elles repose du thonschiefcr , qui, par
les couches de pierre lydique , de graïiwakka
et de roche verte (gninstein ) qu'il renferme,
> Beschreibung der Begu^erks-Refiere von Mexico ,
|ï. 166-237. Descripcion geognostica del Real de Zaca-
tecas, perDun Ficente Valencia. (Manuscrit.)
4i6
LIVRE IV
i.*
se rapproche du schiste argileux ^^ transition.
C'est dans ce thonschicfer que se trouvent
Ja phipart des filons de Zacatecas. La veta
grande, ou le filon principal^ a la même
direction que la veta madré de Guanaxuato :
les autres sont g-énéralemeti* dirigés de lest
à l'ouest '. Un porphyre dépourvu de métaux,
et formant de ces rochers nus et tailMs à pic,
que les indig-ènes appellent huffas , couvre
en plusieurs endroits le thojischlefer ^ surtout
du côté de la Pailla de Xeres , où s'élève,
du sein de ces formations porphyritiques ,
une montagne en forme de cloche, le cône
basaltique de la Campa"a de Xeres, Parmi
les roches secondaires de -?^cicatecas on ob~
serve, près de l'usine de la Sauceda , de la
pierre calcaire compTtcte, dans laquelle M. Son-
neschmidt a aussi découvert de la pierre
Ijdique, un grès ancien {urfelsconglomerat)
enchâssant des fragmens de granité % et un
agglomérat argileux et feldspathique , que ^
Ton confond facilement avec le grauwakke
* Sohre laformacion de las vetas , per Do?i Andics
del Rios. (Gazetade Mexico, T. XI, ii. 5i. )
• Dans le ravin qui conduit de Zacalccas au cou-
vent de Guadalupc.
^mmmimiim
CHAPITRE Xï. 4i^
des minéralogistes iillemands. La présence
de lu pierre Indique dans la pierre Cidcaire
pourroit faire croire que cette dernière roche
appartenoit au calcaire de transition ( ûùer^
gangskalksteiii ) qui paroît se montrer au
jour dans le Cerro de la Tinaja ^ à huit lieues
au nord de Zacatecas ; mais je dois rappeler
ici que sur les cotes de rAniérique méridio-
nale , près du Morro de Nueva Barcclona ,
j'ai trouvé du A/6'AW.sr/f/e/é'/- formant des cou-
ches subordonnées dans un calcaire qui est
indubitablement secondaire. , , ,
L'aspect sauvage des montagnes métalli-
fères de Zacatecas contraste singulièrement
avec la grande richesse des fdons qu'cHcs
renferment : cette richesse s'est montrée,
et ce fait est très-remarquable, non dans-
les ravins et là où les filons parcourent la
pente douce des montagnes, mais le plus
souvent sur les sommets les plus élevés ,
sur des points où la surface du sol paroit
avoir été déchirée tumultueusement dans les
anciennes révolulious du globe. Les mines
de Zacatecas produisent, année commune,
2000 à 3ooo barres d'argent, à i54 marcs-
chacune.,
tu,.
t A.
27
Il
1 I
II
4i8 iivue IV,
La masse des filons de ce district renferme '
une grande variété de métaux; savoir : le
quartz , le hornstein écailleux , le spath cal-
caire , un peu de sulfate de baryte et de
braunspath s largent noir prismatique, ap-
|)elé dans le pays azul acerado j l'argent
sulfuré ( azul plomilloso ) , mêlé d'argent
natif ; l'argent fuligineux ( silhersckwàrze des
Allemands, ;?o^or///a des Mexicains); l'argent
rhuriaté gris de perle , bleu , violet et vert
poireau {plata parda azul et verde ) , à des
profondeurs peu considérables ; un peu d'ar-
gent rouge {petlanque ou rosicler) et d'or
natif, surtout au sud-ouest de la ville de
Zacatecas; le plomb sulfuré argentifère {so-
roche plomoso reluciente et tesertote ) ; le
plomb carbonate ; le zinc sulfuré noir , brun
* Sonneschmidt , p. i85. Les minerais que lesliabl-
tans de Zacatecas appellent copatillo, métal cenizo et
métal azul de plata , paroissent à ce savant des mé-
langes de galène, d'argent sulfuré et d'argent natif.
J'ai cru devoir consigner ici cette synonymie des
minerais mexicains , parce que la connoissance en est
très-importante pour le minéralogiste voyageur. Voyez
Onrcès, JVueua Teoria del bénéficia de los metales j
p. 87, ia4et i38.
Lka
ii'Ster':-
^i"
CHAPITRE XI, /flQ
et jaune ( estoraque et ojo de vivora) ; la
pyrite de cuivre et de fer ( bronze nochistle
ou dorado et bronze chino ) ; le fer oxidulé
magnétique ; le cuivre carbonate bleu et vert,
et l'antimoine sulfuré. Les métaux les plus
abondans du célèbre filon appelé la iwta
gî^ande sont l'argent noir prismatique {sprod-
glaserz), l'argent sulfuré ou vitreux, mêlé
d'argent natif, et le silberschwârze.
4»i
1^
,^
I
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS CE VOLUME.
.1
I
Pag,
JiVRE IV. État de l* agriculture de la Nou-
rell€-E.spagne. — Mines métalliques.
CuAP. IX. FreductioDS végétales du territoire i '-^
mexicain. — Progrès de l» culture du sol,-^
Influence des mines sur le défrichement.
— Plantes c^ui servent à la nourriture de
r homme. \
Cmaf. X. Plantes qui fournissent les ma-
tières premières aux manufactures et au
commerce. — éducation des bestiaux. —
rèche. — Produit de l'agriculture, estimé
d'après la valeur des dîmes. 168:
CriAp. XI. Etat des mines de la Nouvelle-
Espagne. — Produit en or et en argent. —
Bichesse moyenne des minerais. — Consom-
mation annuelle de mercure diins le procédé '
de Tamalgamation. — Quantité de roétau::
précieux qui depuis la conquête du Mexique
ont reflué d'un continent dans l'autre. ^293
UN 1>U TROISIEME VOLUME.
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