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Full text of "Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne [microforme]"

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TEST  TARGET  (MT-3) 


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Sciences 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTEKN.Y.  14SS0 

;/t6)  873-4503 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/ICMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Instituts  for  Historical  Microreproductions  /  institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


Thei 
toth 


The  Institute  has  attempted  to  obtain  the  best 
original  copy  available  for  filming.  Features  of  this 
copy  which  may  be  bibliographically  unique, 
which  may  alter  any  of  the  images  in  the 
reproduction,  or  which  may  significantly  change 
the  usual  method  of  filming,  are  checked  below. 


L'Institut  a  microfilmé  le  meilleur  exemplaire 
qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
point  de  vue  bibliographique,  qui  peuvent  modifier 
une  image  reproduite,  ou  qui  peuvent  exiger  une 
modification  dans  la  méthode  normale  de  filmage 
sont  indiqués  ci-dessous. 


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Coloured  covers/ 
Couverture  de  couleur 


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Couverture  endommagée 


Covers  restored  and/or  laminated/ 
Couverture  restaurée  et/ou  pelliculée 


I      I    Cover  title  missing/ 


Le  titre  de  couverture  manque 


□    Coloured  maps/ 
Cartes  géographiques  en  couleur 


Coloured  ink  (i.b.  other  than  blue  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 

Coloured  plates  and/or  illustrations/ 
Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 

Sound  with  other  matériel/ 
Relié  avec  d'autres  documents 

Tight  binding  may  cause  shadows  or  distortion 
along  interior  margin/ 

La  re  liure  serrée  peut  causer  de  l'ombre  ou  de  la 
distortion  le  long  de  la  marge  intérieure 

Blank  leaves  added  during  restoration  may 
appear  within  the  text.  Whenever  possible,  thèse 
hâve  been  omitted  from  filming/ 
Il  se  peut  que  certaines  pages  blanches  ajoutées 
lors  d'une  restauration  apparaissent  dans  le  texte, 
mais,  lorsque  cela  était  possible,  ces  pages  n'ont 
pas  été  filmées. 


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D 


Coloured  pages/ 
Pages  de  couleur 

Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

Pages  restored  and/or  laminated/ 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 

Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 

Pages  detached/ 
Pages  détachées 

Showthrough/ 
Transparence 

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Qualité  inégale  de  l'impression 

Includes  supplementary  matériel/ 
Comprend  du  matériel  supplémentaire 

Only  édition  available/ 
Seule  édition  disponible 

Pages  wholly  or  partiatly  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  refilmed  to 
ensure  the  best  possible  image/ 
Les  pages  totalement  ou  partiellement 
obscurcies  par  un  feuillet  d'errata,  une  pelure, 
etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
obtenir  la  meilleure  image  possible. 


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Additional  comments:/ 
Commentaires  supplémentaires: 


This  item  is  filmed  at  the  réduction  ratio  checked  below/ 

Ce  document  est  filmé  au  taux  de  réduction  indiqué  ci-dessous. 

10X  14X 18X 2X 

I    I    I    I    I    I    I    I    l/l    I    I    I    I 


26X 


30X 


12X 


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20X 


24X 


28X 


32X 


The  copy  ffilmad  hero  ha*  baan  reproducad  thanks 
to  tha  ganarotity  of  : 

University  of  British  Columbia  Library 


L'axamplaira  filmé  fut  raproduit  grflca  à  la 
généroaité  da: 

University  of  British  Columbia  Library 


Tha  imagaa  appaaring  hara  ara  tha  baat  quality 
poaaibla  conaidaring  tha  condition  and  lagibility 
of  tha  original  copy  and  in  kaaping  with  tha 
filming  contract  «pacifications. 


Las  imagas  suivantes  ont  été  raproduitas  avac  la 
plus  grand  soin,  compta  tanu  da  la  condition  et 
da  la  netteté  de  l'exemplaire  filmé,  et  en 
conformité  avec  les  conditions  du  contrat  da 
filmaga. 


Original  copies  in  printed  papar  covars  are  filmed 
beginning  with  the  front  cover  and  atiding  on 
the  lest  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, or  the  back  cover  when  appropriata.  AH 
other  original  copies  are  filmed  beginning  on  the 
f  irst  page  with  a  printed  or  illustrated  impres- 
sion, and  ending  on  the  lest  page  with  a  printed 
or  illustrated  impression. 


Les  exemplaires  originaux  dont  la  couverture  en 
papier  est  imprimée  sont  filmés  en  commençant 
par  le  premier  plat  et  en  terminant  soit  par  la 
dernière  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration,  soit  par  la  second 
plat,  selon  le  cas.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  en  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustration  et  en  terminant  par 
la  dernière  page  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 


The  lest  recorded  frame  on  each  microfiche 
shall  contain  the  symbol  — »■  (meaning  "CON- 
TINUED"),  or  the  symbol  V  (meaning  "END"), 
whichever  applies. 


Un  des  symboles  suivants  apparaîtra  sur  la 
dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  symbole  — *>  signifie  "A  SUIVRE  ",  le 
symbole  V  signifie  "FIN". 


Maps,  plates,  charte,  etc.,  may  be  filmed  at 
différent  réduction  ratios.  Those  too  large  to  be 
entirely  included  in  one  exposure  are  filmed 
beginning  in  the  upper  left  hand  corner,  left  to 
right  and  top  to  bottom,  as  many  f  rames  as 
required.  The  following  diagrams  illustrate  the 
method: 


Les  cartes,  planches,  'ableaux,  etc.,  peuvent  être 
filmés  à  des  taux  de  réduction  différents. 
Lorsque  le  document  est  trop  grand  pour  être 
reproduit  en  un  seul  cliché,  il  est  filmé  à  partir 
de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


1  2  3 


1 

2 

3 

4 

5 

6 

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11 


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ESSAI  POLITIQUE 

SUR  LE  ROYAUME 


DE  LA 


NOUVELLE -ESPAGNE. 


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ESSAI  POLITIQUE 


SUR  LE  ROYAUME 


DE   LA 


NOUVELLE  -ESPAGNE, 


PAR  AL.  DE  HUMBOLDT. 


TOME    TROISIÈME. 


m- 


A    PARIS, 

Chez  F.  SCHOELL,    Libraire,  rue    iîes   Fosses- 
Saint- Gi;rmain-i.'Auxerrois,  k."  3cj. 

1811. 


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LIVRE   IV. 

Etat  de  l'Agriculture  de  la  Nouvelle- 
Espagne.  —  Mines  métalliques. 


CHAPITRE  IX. 

Prodiictioîis  végétales  du  territoire  mejcicain. 
—Progrès  de  la  culture  du  soi. — lîijiuence 
des  mines  sur  le  défrichement,— Plantes 
qui  setvent  à  lu  nourriture  de  llionune, 

IN  ous  venons  de  parcourir  l'immense  étendue 
de  terrain  que  Ton  comprend  sous  la  déno- 
mination de  royaume  de  la  Nouvelle-Espagne. 
Nous  avons  décrit  rapidement  les  limites  de 
chaque  province  ,  l'aspect  pLjsique  du  pays, 
sa  température,  sa  fertilité  naturelle,  et  les 
progrès  d'une  population    naissante.    Il  est 
temps  de  nous  occuper  plus  spécialement  de 
l'état  de  l'agriculture  et  de  la  richesse  territo- 
riale du  Mexique. 

III.  . 


'«.- 


MVIU.    IV 


Un  empire  cpii  s'iHcnd  depuis  le  sei/ième 
jusqu'au   Ireule-scptiènie  dcf,^ré  de  lalilude, 


Oiire  (IcjU  ,  par  sa  |)osiliou  geo;4ra[)lu([ne  , 
tuules  les  uiodifîcalions  de  eliuiat  que  l'on 
Ifouveroit ,  eu  se  lransj)ortaul  des  rives  du 
Séu('^^i;lcii  Espa«^nie  ,  ou  des  coles  du  Malabar 
aux  s{(  ppes  de  la  Grande-Bucharie.  Cette 
variété  de  cliuiats  au«^uiente  eneore  par  la 
consliluliou  géolo<;ique  du  pays  ,  par  la 
niasse  et  la  lorn»e  extraordinaire  des  nion- 
lairnes  mexicaines  ,  dont  le  tableau  a  été 
tracé  de' us  le  troisième  chapitre.  Sur  le  dos 
et  sur  la  pente  des  Cordillères^  la  lempéra- 
ture  de  chaque  plateau  est  différente,  selon 
qu'il  est  pUisou  moins  élevé.  Ce  ne  sont  pas 
des  pics  isolés  dont  lessouimets,  rapprochés 
de  la  liniile  des  neiges  perpétuelles ,  se  cou- 
vrent de  pins  el  de  chèues.  Des  provinces 
entières  produisent  spontanément  des  plantes 
alpines,  et  le  cultivateur  habitant  de  la  zone 
torride  y  perd  souvent  l'espérance  des  mois- 
sons; ,  par  Teffet  des  gelées  ou  par  l'abondance 
de  la  neige. 

Telle  est  l'admirable  distribution  de  la 
chaleur  sur  le  globe  ,  que  ,  dans  l'Océan 
aérien,  on  rencontre  des  couches  plus  froides  à 


CllAPITUi:    IX.  3 

nipsure  que  l'on  sVlcve  ;  tandis  fjuc  dans  la 
profondeur  des  mers  la  tenipéiiilure  diminue 
à  mesure  que  l'on  s'éloij^nc  de  la  surface  des 
eaux.  Dans  les  deux  élémens ,  une  niénie 
latitude  réunit  ,  pour  ainsi  dire  ,  tous  les 
elimats.  A  des  distances iné^^ales  de  la  surface 
de  l'Océan  ,  mais  dans  le  même  plan  vertical, 
on  trouve  des  couches  d'air  et  des  couches 
d'eau  de  la  même  température.  Il  en  résulte 
que,  sous  les  lropi([ues  ,  sur  la  pente  des 
Cordillères,  et  dans  l'abîme  de  l'Océan  ,  les 
plantes  de  la  Laponie ,  comme  les  animaux 
marins  voisins  du  pôle  ,  trouvent  le  <le^^ré  de 
ohaleur  nécessaire  au  développement  deleurs^ 
or<^anes. 

D'après  cet  ordre  de  choses  établi  par  la 
nature ,  on  conçoit  que  dans  un  pa^s  mon- 
tueux  et  étendu  comme  le  Mexique,  la 
variété  des  productions  indij^ènes  doit  être 
immense,  et  qu'il  existe  à  peine  une  plante 
sur  le  reste  du  globe  qui  ne  seroit  susceptible 
d'être  cultivée  dans  quelque  partie  de  la  Nou- 
velle-Espagne. Malgré  les  recherches  pénibles 
de  trois  botanistes  distingués,  MM.  Sessé, 
Mociîïo  et  Cervantes,  chargés  par  la  cour 
d'examiner  les  richesses  végétales  du  Mexi- 


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4  T.iviii:  îr, 

«jno,  il  sVn  fiditdc  !>Oim<Mnj|>  que  Ton  piii'^se 
*(•  I1;illcr  (lo  connoilro  loiilos  les  pLiiiUs  ([111 
se;  troinciil  on  ôp^irscs  sur  dos  rimes  isoKcs, 
on  prossL'Os  les  nnrs  ronhc  les  anlres  dans 
do  v.Mslcs  forèls  an  pied  des  Cordillères.  Si 
l'on  déeonvrr  encore  jonriiellenieiil  de  nou- 
velles espèces  herbacées  sur  le  plalean  central, 
même  <lans  le  voisina«^e  de  la  ville  de3Ic.\ico, 
fpie  de  plantes  arborescentes  ne  se  seront 
]>as  dérobées  anx  yeux  des  botanistes,  dans 
cette  région  liuuiide  et  clumdo  qui  s'étend 
le  long  des  cotes  orientales,  depuis  la  pro- 
vince de  Tabaseo  et  les  rives  fertiles  du 
Gnasacualco  jusqu'à  Colipa  et  à  Papanlla,  le 
long  des  cotes  oceidenlales  ,  depuis  le  port  de 
San  Blas  et  la  Sonora  jusqu'aux  plaines  de 
la  province  d'Oaxaca  !  Jusqu'ici  aucune  es- 
pèce de  quinquina  (  Ginchona  )  ,  aucune 
mémo  de  ce  petit  groupe  <pii  a  les  étamines 
plus  longues  que  la  corolle  ,  et  qui  forme  le 
genre  Exostema  ,  n'a  été  reconmie  dans  la 
partie  équinoxiale  de  la  Nouvelle-Espagne.  Il 
est  probable  cependant  que  celte  découvert© 
précieuse  sera  faite  un  jour  sur  la  pente  des 
Cordillères  ,  où  abondent  les  fougères  en 
arbre  ,    et    où    commence    la    région   des 


CIIVPITRr.    T\. 


5 


vc'ritahlcs    f[iiinquiiia    l'ibrilii^'os   à    ctuiiiincs 
très-cou rlos^  et  ù  corolles  >clucs'. 

]Nous  ne  nous  jiroposous  point  ici  de  «Ic- 
crire  l'iniiornlu'ahlc  varicic  tic  Nc^claux  dont 
lu  nature  a   eniiclii    la   \asle   clcndue  de   la 


*  Voyez  ma    (h'-ographie  dis  pliiutcs ,   p.  ()i — ()f>  , 
et  un   ÎVli'iiioir»!  ([uc  j'ai   {)ii1)llc  en  alliMiiaiid  ,  coii- 
ttiinnl   des  obst  rvalions    physiques  sur    les  ilivers(;s 
csp('C(!s  «1<;  (linclioiut  t[iii  croissent  dans  les  deux  con- 
tlnens.  (  Afi-nioin's  de  la  S  iri  îà  d'/ils/oirc  naturelle  de 
Jii'i'lin  ,  1807,  n.  1  el  '2.  )  On  cioil  au  Mexique  ([ue  le 
Portlaiulia  niexieana ,  dtcouvtit  par  Ai.  Sf'SiC,  pourruit 
remplacer  le  quinquina    de  l.oxa  ,  comme  le  lont^ 
jii.s(pi'à    im    certain    puint  ,    le    Portlandia   hexandra 
(Coularea  Aul)h;l  )   à  Tayenne,   le  Bonpiandia   Irifo- 
llata  Willd.  ,  ou  l«;  Cusj»aié,au  bord  de  l'Orôuoquo 
Cl  le  Switenia   febriluiia  Koxh.   aux  (Grandes  Indes. 
Il  est  à  dt'sirer  que  l'on  examine  aussi  les  vertus  médi- 
cinales du  Puïkneya  pubens  de  Michaux  (  Mussaenda 
bractcolata  Barlram  )  qui   croît  dans  la  (Icorgicj  et 
c^ui  a  tant  d'analogie  avec  lesCimhona.  En  Jetant  le» 
yeux  sur  la  propriété  des  genres  Portlandia  ,  Coutarea 
et  lîonpiandia,  ou  sur  l'airmilé  naturelle  que  présente 
le  véritable  Cinchona  épineux   et  rampant ,  «lécouvert 
à  Guayaquil  par  M.  Talalla  ,  avec  les  genres  Pa^deria 
et  Danals,  on  reconnoit  que  le  principe  fébrifuge  du 
quinquina  réside    dans  beaucoup    de   rubiacées.    Da 
même  le  Caoutchouc  n'est  pas  seulement  extrait  iliJ^ 


il 


O  LIVRE    IV, 

JVoiivelle-Espagne  ,  et  dont  les  proprielés 
uliles  seront  mieux  connues  à  mesure  que 
la  civilisation  fera  des  progrès  dans  ce  pays. 
Nous  ne  parlerons  pas  des  divers  genres  de 
culture  qu'un  gouvernement  éclairé  pourroit 
introduire  avec  succès.  Nous  nous  bornerons 
à  examiner  les  productions  indigènes  qui 
fournissent  en  ce  moment  des  objets  d'expor- 
tation, et  qui  forment  la  base  principale  de 
l'agriculture  mexicaine. 

Sous  les  tropiques  ,  surtout  aux  Indes 
Occidentales,  qui  sont  devenues  le  centre 
de  l'activité  commerciale  des  Européens  , 
le  mot  agriculture  est  pris  dans  un  sens 
bien  différent  de  celui  qu'on  lui  donne 
en  Europe.  Lorsqu'à  la  Jamaïque  ou  à  l'île 
de  Cuba,  on  entend  parler  de  l'état  floris- 
sant de  l'agriculture ,  cette  expression  offre 
à  l'imagination ,  non  l'idée  de  récoltes  qui 
servent  à  la  nourriture  de  l'homme ,  mais 
l'idée  de  terrains  qui  produisent  des  objets 

l'Ilevea  ,  mais  aussi  de  l'UicpoIa  clastica ,  tlu  Com- 
niiphora  maf^agascaicnsls,  et  d'un  grand  nombre 
d'avitrt'S  planlos  de  la  famille  des  euphorbes ,  des 
orti»  s  (Ficus  Ceci opia),  des  cucurbilacées  (Carica), 
€l  descanipanulacées  (Lobclia). 


CHAPITRE    IX.  -J 

iréchan^eau  commerce, et  des  nialières  brûles 
à l'iiuluslrie manufacturière.  De  plus,  qucl<pie 
riche  et  fertile  que  S(nt  la  caîïipagne  ,  par 
exemple  la  vallée  des  Guines,  au  sud-est  de 
la  Havane,  un  des  siles  les  plus  délicieux  du 
Nouveau-Monde  ,  on  y  voit  des  plaines  soi- 
gneusement plantées  en  cannes  à  sucre  et  en 
café  ;  mais  ces  plaines  sont  arrosées  de  la 
sueur  des  esclaves  africains!  La  vie  des  champs 
perd  ses  attraits,  lorsqu'elle  est  inséparable 
de  l'aspect  du  malheur  de  notre  espèce. 

Dans  l'intérieur  du  Mexique  ,  le  mot  agri- 
culture rappelle  des  idées  moins  pénibles  et 
moins  attristantes.  Le  cultivateur  indien  est 
pauvre,  mais  il  est  libre.  Son  état  est  bien 
préférable  à  celui  des  paysans  dans  une 
grande  partie  de  l'Europe  septentrionale.  Il 
n  y  a  ni  corvées,  ni  servage  dans  la  Nouvelle- 
Espagne;  le  nombre  des  esclaves  y  est  pres- 
que nul  :  le  sucre,  pour  la  plus  grande  partie , 
est  produit  par  des  mains  hbres.  Les  objets 
principaux  de  l'agriculture  n'y  sont  pas  de 
ces  productions  auxquelles  le  bjxc  des  Euro- 
péens a  assigné  une  valeur  variable  et  arbi- 
traire :  ce  sont  des  céréales  ,  des  racines 
nourrissantes,  etl'agave,  qui  est  la  vigne  des 


I 


8  LIVRE    IV, 

indigènes.  La  vue  des  champs  rappelle  an 
voyageur  que  le  sol  y  nourrit  celui  qui  le 
cultive ,  et  que  la  véritable  prospérité  du 
peuple  mexicain  ne  dépend  ni  des  chances 
du  commerce  extérieur,  ni  de  la  politique 
inquiète  de  TEnrope. 

Ceux  qui  ne  connoissent  l'intérieur  des 
colonies  espagnoles  que  parles  notions  vagues 
et  incertaines  publiées  jusqu'à  ce  jour,  auront 
de  la  peine  à  se  persuader  que  les  sources 
principales  de  la  richesse  du  Mexique  ne 
sont  pas  les  mines  ,  mais  une  agriculture  qui 
a  été  sensiblement  améliorée  depuis  la  fin 
du  dernier  siècle.  Sans  réfléchir  à  l'inmiense 
étendue  du  pays,  et  surtout  au  grand  nombre 
de  provinces  qui  paroissent  entièrement  dé- 
pourvues de  métaux  précieux,  on  s'imagine 
communément  que  toute  l'activité  de  la  po- 
pulation mexicaine  est  dirigée  vers  l'exploi- 
tation des  mines.  De  ce  que  l'agriculture  a 
fait  des  progrès  très -considérables  dans  la 
capitanla  gênerai  de  Caraccas ,  dans  le 
royaume  de  Guatimala  ,  dans  l'île  de  Cuba, 
et  partout  où  les  montagnes  sont  censées 
pauvres  en  productions  du  règne  minéral , 
on  a  cru  pouvoir  en  inférer  que  c'est  aux 


CHAPITRE    IX. 


9 


travaux  des  mines  qu'il  faut  attribuer  le  peu 
de  soin  donné  à  la  culture  du  sol  dans  d'  'ulres 
parties  des  colonies  espagnoles.  Ce  raison- 
nement est  juste,  lorsqu'on  ne  l'applique  qu'à 
de  petites  portions    de  terrains.   Sans  doute 
dans  les  provinces  du  Ghoco  et  d'Antioquia  , 
et  sur  les  cotes  de  Barbacoas,  les  habitans 
aiment   mieux  chercher  de  l'or  de  lava<»'e 
dans  les  ruisseaux  et  les  ravins ,  que  de  dé- 
fricher  une    terre  vierge   et    fertile   :   sans 
doute  au  commencement  de  la  conquête ,  les 
Espagnols  qui  abandonnoient   la  péninsule 
ou  les  lies  Ganaiies  pour  s'établir  au  Pérou 
et  au  Mexique,  n'avoient  d'autre  intérêt  que 
celui   de    découvrir    des   métaux   précieux. 
«<   Juri  rabida  sitis  a  cultura  Hisparws  di- 
«  vertu  »  j    dit   un    écrivain    de   ce  temps , 
Pedro  Martyr  ',   dans  son   ouvrage    sur  la 
découverte    du   Yucatan  et  la   colonisation 
des  Antilles.  Mais  ce  raisonnement  ne  peut 
aujourd'huiservir  à  expliquer  pourquoi  dans 
des  pays  qui  ont  trois  ou   quatre  fois  plus 
d'étendue  que    la  France,  l'agriculture  est 


II 


'  De  însulis  nuper  repertis,  et  de  moribus  incolaruni 
carum.   Grynœi  novus  Orbis ,  i555,^.5ii. 


! 


10 


LIVRE    IV 


dans  un  état  de  langueur.  Les  mêmes  cause» 
physiques  et  morales  qui  entravent  tous  les 
progrès  de  l'industrie  nationale  dans  les 
colonies  espagnoles  ,  ont  été  contraires  à 
l'amélioration  de  la  culture  du  sol.  Il  n'est 
pas  douteux  que  si  l'on  perfectionne  les 
institutions  sociales  ,  les  contrées  les  plus 
riches  en  productions  minérales  seront  tout 
aussi  bien  ,  et  peut-être  mieux  cultivées  que 
celles  qui  paroisscnl  dép  airvnes  de  métaux. 
Mais  le  désir  naturel  à  rhonui)  ^  de  rnuiener 
tout  à  des  causes  très-simples,  a  i;it>oduit 
dans  les  ouvrages  d'économie  politique  une 
manière  de  raisonner  qui  se  perpétue  parce 
qu'elle  flatte  la  paresse  d'esprit  do  la  mullilude. 
La  dépopulation  de  l'Amérique  espag'iule, 
l'état  d'abandon  dans  lequel  sV  trouvent  les 
terres  les  plus  fertiles ,  le  manque  d'industrie 
manufacturière ,  sont  attribués  aux  richesses 
métalliques ,  à  l'abondance  de  l'or  et  de 
Taro^ent  ;  comme  ,  d'après  cette  même  logi- 
que ,  tous  les  maux  de  l'Espagne  dérivent  ou 
de  la  découverte  de  l'Amérique,  ou  de  la  vie 
nomade  des  mérinos  ,  ou  de  l'intolérance 
reh«'ieuse  du  clero-é  ! 

On  n'observe  guère  que  l'agriculture  soit 


CIlAPITnE    IX. 


lï 


plus  négligée  au  Pérou  qu'elle  ne  l'est  dans 
la  province  de  Cuinana   ou  à  la  Guayane , 
dans  lesquelles  cependant  il  n'existe  aucune 
mine  en  exploitation.  Au  Mexique,  les  champs 
les  mieux  cullivés,    ceux  qui   rappellent  à 
l'esprit   des  voyageurs  les   plus  belles  cam- 
pagnes de  la  Fra..ce ,   sont  les  plaines  qui 
s'étendent    depuis    Salamanca    jusque    vers 
Silao ,  Guanaxuato ,  et  la  Villa  de  Léon ,  et 
qui  entourent  les  mines  les  plus  riches  du 
monde  connu.  Partout  où  des  fdons  métal- 
liques ont  été  découverts  dans  les  parties  les 
plus  incultes  des  Cordillères,  sur  des  plateaux 
isolés  et  déserts,  l'exploitation   des  mines, 
bien  loin  d'entraver  la  culture  du  sol,  la 
singulièrement  favorisée.  Les  voyages  sur  le 
dos  des  Andes  ou  dans  la  partie  montueuse 
du  Mexique,   oiï'rent  les  exemples  les  plus 
frappans  de  cette  influence  bienl'aisante  des 
mines  sur  l'agriculture.  Sans  les  établissemens 
formés  pour  l'exploitation  des  mines,  que  de 
sites  seroient  restés  déserts ,  que  de  terrains 
non  défrichés  dans  les  quatre  intendances  de 
Guanaxuato,   de  Zacatecas,    de    San    Luis 
Potosi  et  de   Durango,  entre  les  parallèles 
de  31  et  de  25  degrés,  où  se  trouvent  réunies 


■'  .p 


12 


LIVRE    IV 


les  richesses  métalliques  les  plus  coiisidcraliles 
de  la  JNouveile-Espagne  !  La  l'ondalion  d'une 
\ille  suit  imniédialeuient  la  découverte  d  une 
mine  considérable.  Si  la  ville  est  placée  sur 
le  flanc  aride  ou  sur  la  crête  des  Cordillères, 
les  nouveaux  colons  ne  peuvent  tirer  cjue  de 
loin  ce  qu'il  faut  pour  leur  subsistance  et 
pour  la  nourriture  du  grand  nombre  de  bes- 
tiaux employés  dans  l'épuisement  des  eaux , 
dans  le  tira^ie  et  ramal;>amation  du  minerai. 
Bientôt  le  besoin  réveille  l'industrie  :  on  com- 
mence à  labourer  le  sol  dans  les  ravins  et  sur 
les  pentes  des  montagnes  voisines  ,  partout  où 
le  roc  est  couvert  de  terreau  ;  des  fermes 
s'établissent  dans  le  voisinage  de  la  mine; 
la  cherté  des  vivres,  le  prix  considérable 
auquel  la  concurrence  des  acheteurs  maintient 
tous  les  produits  de  l'agriculture,  dédom- 
magent le  cultivateur  des  privations  auxquelles 
l'expose  la  vie  pénible  des  montagnes.  C'est 
ainsi  que  par  le  seul  espoir  du  gain ,  par  les 
motifs  d'intérêt  mutuel  qui  sont  les  liens  puis- 
sans  de  la  société,  et  sans  que  le  gouvernement 
se  mêle  de  la  colonisation  ,  une  mine  qui 
paroissoit  d'abord  isolée  au  milieu  de  mon- 
tagnes désertes  et  sauvages,  se  rattache  en 


2S 

le 

le 
ir 

'y 

e 


ciiAriTRE  r\.  i3 

peu  de  temps  anx  terres  anciennement  la- 
bon  rétîvS. 

Il  y  a  pl.is  encore;  celte  inflnence  des  nn'nes 
snr  le  dérrichemeiit  progressif  du  pays  est 
plus  durable  qu'elles  ne  le  sont  elles-mêmes. 
Lorscpie  les  fdons  sont  épuisés  et  qu'on  ahan- 
doime  lestiavaux  souterrains,  la  popuL.tiou 
du  canton  diminue  sans  doute,  parce  que  les 
«nneurs  vont  chercher  fortune  ailleurs;  mais 
le  colon  est  relenu  par  l'attachement  qu'il  a 
pris  pour  le  sol  qui  l'a  vu  naître,  et  que  ses 
pères  ont  défriché  de  leurs  mains.  Plus  le  site 
de  la  ferme  est  isolé,  et  plus  il  a  d'attrait  pour 
l'habitant  des  montagnes.  Au  commencement 
de  la  civilisation,  comme  vers  son  déclin, 
rhom.ne  paroît  se  repentir  de  la  génc  qu'il 
s'est  imposée  en  entrant  dans  la  saciété.  Il 
*ime  la  solitude,  parce  qu'elle  le  rend  à  son 
antique  liberté.  Cette  tendance  morale,  ce 
désir  de   l'isolement,  se  manifeste    surtout 
parmi  les  indigènes  de  la  race  cuivrée ,  qu'une 
longue  et  triste  expérience  a  dégoûtés  de  la 
vie  sociale,  et  particuhèrement  du  voisinacr^ 
des   blancs.  Semblables  aux  Arcadiens,  les 
peuples  de  la  race  aztèque  aiment  à  habiter 
les  cimes  et  le  fluuc  de*  montagnes  les  plus 


i!:' 


I 


l 


)  4 


i 


l4  LTVnE    TV, 

cscarpcos.  Celrail  parlicnlicr  do  luurs  mœurs 
conlrihiie  slngnlicremeiit  à  éleiHlre  la  [)opu- 
lali(>n  clans  la  rr^^ion  luon laineuse  du  Mexi(|ue. 
Qu'il  esl  inlércssaul  pour  le  voyageur  de  suivre 
tes  conquèlcs  paisibles  de  l'aj^riculturc,  de 
voir  ces  nombreuses  cabanes  iudieimeséparses 
dans  les  ravins  les  plus  sauvages,  ces  langues 
de  terre  cultivées,  qui  s'avancent  dans  un 
pays  désert,  entre  des  bancs  de^  roc  nus  et 
arides  ! 

Les  plantes  qui  sont  l'objet  de  la  culture 
dans  ces  régions  élevées  et  solitaires ,  dilTï'rent 
essentiellement  de  celles  que  Ton  cultive  sur 
les  plateaux  moins  élevés,  sur  la  pente  et  au 
pied  des  Cordilliîres.  Je  pourrois  traiter  de 
l'ag'icullure  de  la  Nouvelle-Rspagne ,  eu  sui- 
vant les  grandes  divisions  que  j'ai  exposées 
plus  haut ,  en  ébauchant  le  tableau  physique 
du  tciritoire  mexicain  ;  je  pourrois  suivre  les 
lignes  de  culture  qui  sont  tracées  sur  iwesprofiU 
géologiques,  et  dont  les  hauteurs  ontété  indi- 
quées en  partie  au  troisième  chapitre  '  :  mais  il 
faut  observer  que  ces  lignes  de  culture,  comme 
celle  des  neiges  perpétuelles,  à  laquelle  elles 


Voyez  T.  I ,  p-  ajji  j  et  T.  H,  p.  Z^G* 


CHAPITRK    IX. 

OS,  s'aJ>iiissc'iU  vers  le 


iLf 


nord ,  ft 


sont  parallèle 

que  les  inclines  cé,ralescîui,s(,us  la  IalilM<|< 
des  villes  (K  ) 


a 


Ijoiul 


nxaea  et  tie  M 


ainment  qu'à  la  liaiiteur  <| 


v\Ho,  ne  vénv(eul 


seize  cents  n.èlies  ,  se  trouvent  dans   I 
vinc/cis  inti^mas,  sous  la  zone  { 


e  <|n!fi/v.'  ou 


les  i)| 


plaines  les  moins  élew'es.  La  I 


es  fjro' 
enipr''rée,'djns 


sol  que  requièrent  les  div 
tnre,  dépend  ei 


i.iuleur  du 
ers  o-eines  de  eul- 
.  ^éfu  rai  de  la  latitude  des 

-ux,.  mais  la  ilevibilité  d'organisation  est 
^lle  dans  les  plantes  cultivées,  cpi'aidées 
par  le  soin  de  l'Iiomme,  elles  IVanelussent 
souvent  les  limites  que  le  plijsieicn  a  osé 
leur  assigner. 

Sous  lequateur ,  les  phénomènes  météoro- 
io8-.ques ,  connue  cenv  de  la  géographie  des 
P':'"'*'^  et  des  animaux,  sont  assujétis  à  des 
lo.s   numuables  et  lacilcs  à  reeo.moitre  :  le 
chmat  n>  est  mo.lifié  que  par  la  hauteur  ,ln 
•eu,  et  la  température  y  est  presque  cons- 
tante, malgré  la  diflérence  des  saisons.  En 
selo.gnant  de  l'équateur,   surtout  eniro   le 
<IiMnz.èn,e  degré   et    le  tropique,  le  clin.at 
dépend  d  un  grand  no.nhre  de  cireonstances 
loeales;  d  varie  à  la  n.émc  hauteur  absolue 
"""'  '"  '"'^•'"e  latitude  géographique.  Celle 


îfi  LIVRE    IV, 

influence  tics  localilés,   dont  rélntlc   est  sî 
importante  pour  le  cultivateur,  se  nianii'este 
bien  plus  encore  dans  rhéniisphcre  bnrcal 
quç  dans   riicniisplièflic    austral.  La  grande 
largeur  du  nouveau  continent ,  la  proximité 
du  Canada,  les  vents  qui  souillent  du  nord, 
et  d'autres  causes  qui  ont  été   dcveloppces 
plus  haut ,  donnent  à  la  région  équinoxiale 
du  Mexique  et  de  File  de  Cuba  un  caractère 
particulier.  On  diroit  que  dans  ces  régions, 
la  zone  tempérée ,  celle  des  climats  variables , 
s'élargit  vers  le  sud,  et  dépasse  le  tropiq»ie  du 
Cancer.  Il  sufflt  de  rappeler  ici  que,  dans  les 
environs  de  la  Havane  (la t.  2o'^  8') ,  à  la  pelile 
hauteur  de  80  mètres  au-dessu.-.  du  niveau  de 
l'Océan ,  on  a  vu  descendre  le  thermomètre 
jusqu'au  point  de  la  congélation  ' ,  et  qu'il  a 

*  M.  Robrcdo  a  vu  de  la  glace  formée  clans  une 
auge  de  hois  ^  au  mois  de  janvier ,  au  village  d'Ubajas, 
ruinze  milles  au  sud-ouest  de  la  Havane,  à  74  mètres 
l'élévation  absolue.  J'ai  vu,  le  4  janvier  1801  ,  le 
malin  à  huit  heures  ,  à  Rio  Blanco,  le  thermomètre 
centigrade  à  7**, 5  au-dessous  de  zéro:  penrlant  la  nuit, 
un  malheureux  nèçre  étoit  mort  de  froid  dans  une 
prison.  C<  pendant  les  températures  moyennes  des 
mois  de  déco!n!)re  et  do  janvier  sont,  dans  les  plaines 


m  A  PUR  K  IX.  l'j 

tombé  de  la  neige  pirsde  Valladulid  (latitude 
19*' /f2'),  ù  i9ooiuèlres  de  liauleiir  absolue; 
tandis  que,  sous  l'équateur,  on  n'obser>e  ce 
dernier  phénomène  qu'à  des  élévations  deux 
fois  plus  grandes. 

Ces  considérations  nous  prouvent  que  vers 
le  tropique,  là  où  la  zone  loriide s'approche 
de  la  zone  tenqiérée  (  je  me  sers  de  ces  noms 
impropres  consacrés  par  l'usage) ,  les  plantes 
cultivées  ne  sont  pas  assujéties  à  des  hauteurs 
fixes  et  invariables.  On  pourroit  être  tenté  de 
les  distribuer  d'après  la  tenq^érature  moyenne 
des  lieux  dans  lesquels  elles  végètent.  On 
observe,  à  la  vérité,  qu'en  Europe  le  mi- 
niffiu/n  de  la  température  moyenne  qu'exige 
une  bonne  culture  est ,  pour  la  canne  à  sucre, 
de  19^  à  20";  pour  Je  calier,  de  18'*;  pour 
l'oranger,  de  17";  pour  l'olivier,  de  i5",5 
à  i4";  pour  la  vigne  donnant  du  vin  potable, 
de  10**  à  11"  centigrades.  Cette  échelle  ther- 
mométrique d'agriculture  es^  assez  exacte, 
lorsqu'on  n'embrasse  les  phénomènes  que  dans 
leur  plus  grande  généralité  :  mais  des  excep- 

de  l'ile  de  Cuba  ,  de  17"  et  18".  Toutes  ces  détermi- 
nations ont  été  faites  avec  d'excelteas  lhernïouiètr..'S 
do  Nairne. 


fî 


m. 


[■(i 


18  Ï.TVr.E    IV  ^ 

lions  nonibieuses  so  présciiteiU,  si  Ton  con- 
Mclcie  tics  pa^'s  dont  la  chaleur  mo}t' iiiic  «le 
l'année  est  la  nienic ,  tandis  que  les  lenipé- 
ratures movennes  des  niuis  dilïï'rent  hcaiinnip 
les  unes  des  autres.  (J'esl,  coininc  Ta  très-J)i(Mi 
prouve  M. Decandollc  ',  la  répartition  iné«^ale 
de  la  chaleur  entre  les  dillcrentes  saisons  de 
l'année,  qui  influe  principalement  sur  le  genre 
de  culture  qui  convient  à  telle  ou  telle 
latitude.  Plusieurs  plantes  annuelles ,  surtout 
les  graminées  à  semences  farineuses,  sont  assez 
indifférentes  aux  rigueurs  de  l'hiver;  mais, 
semblables  aux  arbres  fruitiers  et  à  la  vigne  , 
elles  ont  besoin  d'une  chaleur  considérable 
pendant  l'été.  Dans  une  partie  du  Marv  land  , 
et  surtout  en  Virginie  ' ,  la  température 
moyenne  de  l'année  est  égale ,  peut-être  même 
su[)éricure  a  celle  de  la  Lond^ardie;  et  ce- 
pendant les  frimas  de  l'hiver  ne  permettent 
guère  d'y  cultiver  les  mêmes  v  égétaux  dont 

*  Flore  française ,  troisième  édition  ,  T.  II  ,  p.  10. 

^A  Umc5,  eu  Westro-Botuie  (lat.  63*' '19' ) ,  les 
extrêmes  du  thermomètre  centigrade  étoient,eQ  1801, 
en  été -f  35",  en  hiver — ^^j'*,?'  M.  Acerbi  se  plaint 
beaucoup  des  grandes  chaleurs  de  l'été  dans  la  partie 
ieptentrionalti  de  la  Laponie. 


CHAPÎTRF,    I\.  If) 

s«>nl  ornées  le  plaines  du  Milancz.  Dans  la 
l'ctjion  é(|uinoxiale  tlu  Pérou  ou  du  Mexique, 
le  seiifle ,  et  hicn  moins  eneore  le  froment,  ne 
viennent  point  à  maturité  dans  des  plat(îaux 
de  35oo  ou  de  ^|Ooo  mètres  d'elévati/>n, 
cjuoi(jue  la  elialenr  movemie  de  ees  eontrées 
alpines  soit  au-dessus  tle  eelle  des  parties  de  la 
Norwège  et  de  la  Sibérie  dans  lesquelles  les 
céréales  sont  eullivées  a\  ee  succès.  Mais  pen- 
dant une  trentaine  de  jours  ^  rol>li([uité  de  la 
sphère  el  la  courte  durée  des  nuits  rendent 
très-eoubi«léial)les  les  chaleurs  estivales  dans 
les  pa_ys  les  plus  voisins  du  j)ole  ;  tandis  que, 
sous  les  tropiques,  sur  le  plateau  des  Cor- 
dillères, le  thernionièlre  ne  se  soutient  jamais 
un  jour  entier  au-dessus  de  dix  ou  douze 
degrés  cenlii''rados. 

Pour  ne  pas  niélcr  des  idées  théoriques  et 
peu  susceptibles  d'une  exaelilude  ri^^oureuse, 
à  l'énoncé  des  l'uits  certains,  nous  ne  divise- 
rons les  plantes  culli>  ées  d  ins  la  Nouvelle- 
Espagne  ,  ni  d'après  la  hauteur  du  sol  sur 
lequel  elles  N<'^ètcnt  le  plus  abondaumient , 
ni  d'après  les  de<;rés  de  température  moyenne 
qu'elles  paroisscnt  exiger  pour  leur  dévelop- 
pcmcjit  :  nous  les  rangerons  plutôt  d'après 


''■M 


il 


il 

^1 


20 


lAVVxT.    IV 


rulilité  qu'elles  oll'ieiit  à  la  société.  Nous 
coimheneerons  jjar  les  végétaux  qui  font  la 
hase  ])riuci})ale  de  la  nouniluic  du  peuple 
rnexicaiu  ;  puis  nous  traittions  de  la  culture 
des  plantes  qui    j^iésmlent  des  jiiatériaux  à 


rindustrie 


ifacti 


UKUisine  nianuiaciin  lere.  iMous  leinuiieions 
ces  recherches  en  (h'criviuit  les  productions 
végétales  qui  sont  l'objet  d'un  conuncrce  im- 
portant avec  la  métropole. 

Ce  que  les  graminées  céréales,  le  froînent, 
l'orge  et  le  seigle  sont  pour  l'Asie  occidentale 
et  pour  l'Europe  ;  ce  que  les  nond>reuses 
variétés  de  riz  sont  pour  les  pays  situés  au  delà 
de  rindus,  surtout  pour  le  Bengale  et  la  Chine, 
le  BananierVefit  pour  tous  les  habitans  de  la 
zone  torride.  Dans  les  deux  continens ,  dans 
les  îles  (pie  renlerme  l'immense  étendue  des 
mers  équinoxiales  ;  partout  où  la  chaleur 
moyenne  de  l'année  excède  vingt-quatre  de- 
grés centigrades,  le  fruit  du  bananier  est  un 
objet  de  culture  du  plus  grand  intérêt  pour  la 
subsistance  del'homuie.  Le  célèbre  voyageur 
George  Forster,  et  d'autres  naturalistes  après 
lui,  ont  prétendu  que  celte  plante  précieuse 
n'existoit  point  en  Américjue  avant  l'arrivée 

mais  qu'elle  Y  avoit  ( 


Espagnols 


I* 


'V 


poj 


cHApnr.F.  IX.  -yi 

cîcs  îles  Canaries  au  commencement  du  sei- 
zième siècle.  En  effet,  Ovledo,  qui,  dans  son 
histoire  naturelle  des  Indes,  disting-ue  avec 
soin  les  vccrétaux  indio-ènes  de  ceux  qui  y  ont 

été  introduits,  dilposili\euientquelespieiuiers 
bananiers  ont  été  plantés  en  loiG,  à  l'ile  de 
Saint-Domino'ue  ,  par  un  religieux  de  l'ordre 
des  frères  prêcheurs,  Thomas  de  Berlangas  ". 
Il  assure  avoir  vu  lui-méine  le  Musa  culti>^é  en 
Espagne,   près   de    la    ville  d'Arnieria ,    en 
Grenade,  et  dans  le  couvent  des  franciscains , 
à  l'ile  de   /a  Grau  Canari  a  y   où    Berlangas 
avoit  pris  les  drageons  qui  furent  transpor-tés 
à   Hispaniola,    et  de  là  successi\ement  aux 
autres  îles  et  à  la  Terre-Ferme.  On  pourroit 
rapporter  à  l'appui  de  l'opinion  de  M.  Forster , 
que,  dans  les  premières  relations  des  voyages 
de  Colond> ,  d'Alonzo  Negro ,  de  Pinzon  ,'de 
Vespucci  ^  et  de  Gortez  ,  il  est  souvent  ques- 

•  Deplantis  esculentiH  vommentatio  hotaniva,  1786, 
p.  28.  IlhLoire  naturelle  el  g -^m- raie  des  LUe^  H  Terre- 
Ferme  de  la  grande  mer  Océane,  i^^ii,^.  ii2-ii4. 

'  Chrislopliori  Coluaibi  navigatio.  De  genlibus  al> 
Alonzo  repertis.  De  n..vigalione  Pinzor.i  socii  admi- 
rantis.  JN'avigalio  Alhorici  Vesputii.  Voyez  (hynœi 
Orbis  nou. ,  ecliiio  i555  ,  p.  64,  8i,  85  ,  87 ,  211. 


u 


22  LIVRE    IV, 

lion  du  maïs,  du  papayer,  du  Jatroplia  nia- 
iiiiiot  et  de  l'agave,  niijis  jamais  du  bananier- 
Cependant  le  silenee  de  ces  premiers  voya- 
geurs ne  prouv  e  que  le  peu  d'attention  (jii'ils 
portoient  aux  productions  naturelles  du  sol 
de  l'Amérique.  ïlernandez  ,  qui,  outie  les 
plantes  jnédicinales  ,  décrit  un  grand  nofnbre 
d'autres  végétaux  mexicains,  ne  fait  pas  men- 
tion du  Musa  :  or,  ce  botaniste  vivoit  un  demi- 
siècle  après  Oviedo  ;  et  ceux  qui  regardent  le 
Musa  conmic  étranger  au  nouveau  continent, 
ne  mettent  pas  en  doute  que  sa  culture  ne  lût 
très-comniune  au  Mexi([uc  ,  vers  la  fin  du 
seizième  siècle,  à  une  époque  à  laquelle  une 
ioule  de  végétaux  moins  utiles  à  l'honnne  y 
avoient  déjà  été  portés  de  l'Espagne,  desilcs 
Canaries  et  du  Pérou.  Le  silence  des  auteurs 
n'est  donc  pas  une  preuve  suffisante  en  faveur 
de  l'opinion  de  M.  Forster. 

11  en  est  peut-être  de  la  véritable  patrie  des 
bananiers  comme  de  celle  des  poiriers  et  des 
cerisiers.  Le  nierisier  (  Prunus  avium  ),  par 
exemple ,  est  indigène  en  Allemagne  et  en 
Fiance  :  il  existe  dans  nos  forêts ,  de  toute 
antiquité  ,  comme  le  chêne  rouvre  et  le 
tilleul;  tandis  que  d'autres  espèces  de  cerisiers, 


CHAIMTI\F.    IX. 


:..3 


que  Ton  regarde  coinine  des  variétés  devenues 
constantes  ,  et  dont  les  fruits  sont  plus  savou- 
reux que  ceux  du  merisier ,  nous  sont  venues, 
par  les  Romains,  de  l'Asie  mineure  ' ,  et  par- 
ticulièrement du  royaume  de  Pont.  De  même 
on  cultive,  sous  le  nom  de  bananiers,  dans  les 
Tct^ions  équinoxiales ,  et  jusqu'au  parallèle  de 
55  ou  54  degrés,  un  grand  nombre  de  plantes 
qui  diffèrent  essenliellement  par  la  forme  de 
leurs  fruits,  et  qui  conslltuent  peut-être  de 
véritables  espèces.  Si  c'est  une  opinion  peu 
prouvée  jusqu'à  ce  jour,  que  tous  les  poiriers 
cultivés  descendent  du  poirier  sauvage  comme 
d'une  souche  commune,  il  sera  plus  permis 
encore  de  douter  que  le  grand  nombre  de 
variétés  constantes  du  bananier  descend  du 
Musa   troglodytarum    cultivé  aux  îles   Mo- 
luques,    qui,   lui-même,  d'après   Gacrtner, 
n'est  peut-être  pas  un  Musa,  mais  une  espèce 
du  genre  Ravenala  d'Adanson. 
On  ne  connoît  point,  aux  colonies  espagnoles. 


^  Tii'sfoîitdinifs ,  Histoire  des  arbres  et  arbrisseaux 
€jui  peuvent  être  ciiltiuc'H  sur  le  sol  de  la  France  ,  iSoij . 
T.  II,  p.  208,  ouvrage  qui  contionl  «U-  savantes  et 
curieuses  nîcherches  sur  la  pairie  tles  végétaux  utiles) 
€t  sur  l'époque  Ue  leur  première  culture  enEuiopc. 


1 


s 


24  LIVRE    IV, 

tons  Ics^Insa  ou  Pistm^^  dccriis  par  Rumpliiii» 
et  iUieede  :  on   y  tlislingiie  cependant  trois 
espèces,  cpie  les  botanistes  n'ont  encore  que 
très -imparfaitement    cU'lemiinèes ,    le    vrai 
Platano  ou  Arton  (  Musa  paradisiaca  Linn.), 
le  Camhuvi  (  Musa  sapientium  Linn.) ,  et  le 
Dominico  (Musa  regia  Runiph.).  J'ai  vu  cul- 
tiver au  Pérou,  une  cpiatrièine  espèce,  d'un 
goût  très-exquis,  le  Meiya'Ae  la  mer  du  Sud, 
qu'au  marché  de  Lima  on  appelle  Platano  de 
J)////^  parce  que  la  frégate  Agiiila  en  a  porté 
les  premiers  pieds  de  l'ile  d'Otahiti.  Or,  c'est 
une  tradition  constante  au  Mexique,  et  sur 
toute  la  Terre-Ferme  de  l'Amérique  méridio- 
nale, que  le  Platano  arton  et  le  Dominico  y 
étoient  cultivés  long-temps  avant  l'arrivée  des 
Espagnols,  mais  qu'une  variété  du  Camhuri y 
le  Guinco y  comme  son  nom  même  le  prouve, 
est  venu  des  cotes  d'Afrique.  L'auteur  qui  a 
marqué  avec  le  plus  de  soin   les  différentes 
époques  auxquelles  l'agriculture  américaine 
s'est  enrichie  de  productions  étrangères,  le 
Péruvien  Garcilasso  de  la  Vega  ',  dit  expres- 

•  Cojnentarios  real's  de  los  In  cas,  Vol.  I ,  p.  282. 
lifl  prtilc  l)anane  musquée  ,  le  Dominico ,  dont  le  fruit 
m'a  paru  le  plus  savoureux  dans  la  province  de  Jacn 


CHAPITRK    IX. 


25 


sèment  que,  du  temps  des  Incas,  le  maïs,  le 
quinoa,  les  pommes  de  terre,  et,  daus  les 
régions  chaudes  et  tempérées,  les  bananes 
faisoient  la  base  de  la  nourriture  des  naturels: 
il  décrit  le  Musa  des  vallées  des  Antis;  il  dis- 
tingue même  l'espèce  plus  rare  à  petit  fruit 
sucré  et  aromatique,  le  DoDiinico ,  de  la  ba- 
nane commune  ou  Avion.  Le  père  Acosta  ' 
affirme  aussi,  quoique  moins  positivement, 
que  le  Musa  étoit  cultivé  par  les  Américains 
avant  l'arrivée  des  Esyiagnols.  La  banane, 
dil-il,  est  un  fruit  que  l'on  trouve  dans  toutes 
les  Indes  ,  quoiqu'il  y  ait  des  gens  qui  pré- 
tendent  qu'il  est  originaire  d'Ethiopie,  et 
qu'il  est  venu  de  là  en  Amérique.  8ur  les 
rives  de  l'Orénoque,  du  Cassiquiaré  ou  du 


<lc  Bracamorros ,  sur  les  rivrs  de  l'Auiaxono  vX.  tlu 
Chamttya  ,  paroîl  itlenlkjue  avec  le  jMusa  niaculaia  tle 
Jacqiiin  (  Ilortus  scliœnbninnensis,  Tab.  446),  tl 
avec  le  Musa  régla  de  Bumpliius.  La  dernière  espèce 
n'est  peut-èlre  elle-nième  r[u'une  variété  du  INIusa 
mensaria.  Il  existe,  et  ce  fuit  est  très-curirux,  dans 
les  forets  d'Auàboine ,  un  bananier  saiivage  dont  le 
fruit  est  sans  graines  ,  le  Pisang  jacki.  (  litimph.  F, 
p.  i38.  ) 

^  Historia  nalural  de  liidias  ^  1608^  p.  25o. 


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11 

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26  IIVRE    IV, 

Béni ,  entre  les  montagnes  de  TEsmcraya  et 
les  sources  du  ileuvc  Carony ,  au  milieu  de* 
forels  les  plus  épaisses ,  presque  partout  où 
l'on  découvre  des  peuplades  indiennes  qui 
n'ont  pas  eu  desrelalionsaveclesétablisseniens 
européens,  on  rencontre  des  plantations  de 
maniocs  et  de  bananiers. 

Le  père  Thomas  de  Berlangas  ne  pouvoit 
transporter,  des  iles  Canaries  à  S.-Doniingue, 
d'autre  espèce  de  Musa  que  celle  que  l'on  y 
cullive ,  qui  est  le  Camhwi  (  caule  nigrescente 
striato,  fructu  minore  ovato-elongato  ) ,  et  non 
le  Pldtano  avion  ou  zapalotc  des  Mexicains 
(caule  albo-virescente  Lnevi,  fructu  longiore, 
apicem  versus  subarcuato ,  acute  trigono).  Il 
n'y  a  que  la  première  de  ces  deux  espèces  qui 
vienne  dans  les  climats  tempérés,  aux  îles 
Canaries  ,  à  Tunis ,  à  Alger,  et  sur  la  côte  de 
Malaga.  Aussi ,  dans  la  vallée  de  Caraccas , 
placée  sous  les  io<*  5o'  de  latitude,  mais  à 
900  mètres  de  hauteur  absolue ,  on  ne  trouve 
que  le  Camhuri  et  le  Dominico  (  caule  albo- 
virescente  ,  fructu  minimo  obsolète  trigono  ) , 
et  non  le  Platano  arton ,  dont  les  fruits  ne 
mûrissent  que  sous  l'influence  d'une  tempé- 
rature très-élevée.  D'après  ces  preuves  nom- 


r  V 


cHAPiiT.r:  IX. 


37 


brcnses  on  ne  peut  douter  ([uc  le  bananier, 
qno    |>lMsieurs   vovarreurs   prétendent   avoir 
trouvé  sauvage  à  Andi(jina,à  Gilolo  et  aux 
îles  Mariaiies,  n'ait  été  cultivé  en  Amérique, 
lon--ietnps  avant  l'arrivée  des  Européens.  Ces 
flerniers  n'ont  fait  qu'au-iuenter  le  nombre 
<îcs  espèces  indigènes.  TouteCois  on  ne  doit  pas 
s  étonner  de  voir  qu'il  n'existoil  pas  de  Musa 
àJ'ile  de  Saint-Domino ue,  avant  l'année  i5i6. 
Semblables  à  certains  auimaux ,  les  sauvages 
lie  tirent  le  plus  souvent  leur  nourriture  que 
d'une  seule  espèce  déplante.  Les  Ibréls  delà 
Cuajane  offrent  de  nombreux  exemples  de 
tribus  dont  les  plantati(jns   (  comicn.s  )  ren- 
forment  du  manihot,  des  armu  ou  des  dios- 
corca  ,  et  pas  un  pied  de  bananier. 

Malgré  la  grande  étendue  du  plateau 
mexicain,,  et  la  hauteur  des  montagnes  qui 
avuisfncnî  les  cotes,  l'espace  dont  la  tempé- 
rature est  fa>orable  à  la  culture  du  Musa,  est 
de  plus  de  5o,ooo  lieues  carrées,  et  habité  ù 
]Hnj  près  par  \m  million  et  demi  d'habitans. 
1>  H)s  les  vallées  chaudes  et  humides  de  l'in- 
tendance de  Vcra-Cruz,  au  pied  de  la  Cor- 
dillère <rOrizaba,  le  huit  du  Platmio  arton 
e^Yccdc  quelquehDis  trois  décimètres,  souvent 


28 


LIVT.E    IV 


W:,  !i 


vin^i  à  vinivi-dcux  cciilinu'lrrs  (7  ;'i  8  poiirrs) 
de  lon^iiCMii-.  Dans  ces  rru-ions  fcrlilcs,  surloiit 
dans  Icsonvimiis  d  Acapulco,  de  S.:ii  Blas,  et 
du  Rit)  Guasacuidco  ,  un  tvi^^iine  de  bananes 
contient  de  160  à  180  lïuils,  et  pèse  5o  à  /|0 ki- 
logrammes. 

Je  doule  qu'il  exisie  une  autre  plante  sur  le 
globe,  qui,  sur  un  petit  espace  de  terrain, 
puisse  produire  une  masse  de  su])Slance  nour- 
rissante aussi  considérable.  Huit  ou  1  euf  mois 
après  que  le  drageon  est  planté,  le  bananier 
commence  à  développer  son  régime  :  le  fruit 
peut  être  cueilli  le  dixième  ou  onzième  mois. 
Lorsqu*on  coupe  la  tige,  on  trouve  constam- 
ment parmi  les  nombreux  jets  qui  ont  poussé 
des  racines,  un  rejeton  {pimpotlo)  qui,  ayant 
deux  tiers  de  lahauteur  delà  plante-mère,  porte 
du  fruit  trois  mois  plus  tard.  C'est  ainsi  qu'une 
plantation  de  Musa,  que,  dans  les  colonies 
espagnoles,  l'on  appelle  /;/r//r//tV//(l>ananerie), 
se  perpétue  sans  que  riionime  y  mette  d  autre 
soin  que  de  couper  les  liges  dont  le  fruit  a 
mûri,  et  de  donner  à  la  terre,  une  ou  deux 
fois  par  an,  un  léger  labour  en  piochant 
autour  des  racines.  Iju  terrain  de  i  eut  mètres 
carrés  de  surface  peut  renfermer  au  moins 


CHAPITRE    IX.  20 

trente  à  quarante  pieds  de  bananiers.  Dans 
l'espaec  d'un  an,  ce  même  terrain,  en  ne 
comptant  le  poid'>  d'un  régime  f[ue  d^  ([uiii/e 
à  vin;^l  kilogrannnes ,  donne  plus  de  deux 
milles  kilogrammes,  ou  quatre  mille  livres 
en  poids,  de  substance  nourrissante.  Quelle 
diiïerence  entre  ce  produit  et  celui  des  *^ra- 
minées  céréales  dans  les  parties  les  plus  i'orliles 
de  l'Europe!  Le  froment,  eii;  le  supposant 
semé  et  non  planté  d'aprt'sla  jnétliode  chinoise, 
et  en  calculant  sur  la  base  d'une  recolle  dé- 
cuple, ne  produit,  sur  un  terrain  decentjnètres 
carrés, quequinzekilo;L5*'rammes  ou  trente  livres 
pesant  de  crains. En  France  ,  par  exemple,  le 
demi-hectare  ou  l'arpent  lé;^al  de  i344-^  toises 
carrées,  est  ensemencé  à  la  volée,  en  terres 
excellentes,  avec  iGo  livres  de  qrains ,  en 
terres  médiocres  ou  mauvaises,  avec  200  ou 
22olivres  :  le  produitvarie  de  1000  à  2000  liv. 
Tarpent.  La  ponmie  de  terre,  d'après  M.  Tes- 
sier,  donne  en  Europe,  sur  cent  mètres  carrés 
de  terre  bien  cultivée  et  bien  fumée  y  une 
récolte  de45liilog  tmmes  ou  de  goliNres  de 
racines  :onen  compte  quatre  à  six  mille  livres 
par  arpent  légal.  Le  produit  des  bananes  est 
par  conséquent  à  celui  du  froment  comme 


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LIVRE    IV 


133  :  I  ;  à  celui  des  poiiiiucs  de  Icrrc,  roinnie 
4/i  :  r. 

Les  personnes  c|ui  en  Eurojie  onl  goùh'*  des 
bananes  njuries  dans  les  sTMies,  uni  de  la 
peine  à  eoneevoir  cpi'un  IVuit  qui ,  |),ir  sa 
grande  douceur ,  ressend)le  nn  peu  à  une 
fig-ue  scelle,  puisse  elre  la  l)îise  de  la  nour- 
rilure  de  plusieurs  millions  d'honnnes  «pii 
iiabitent  les  deux  Indes.  On  oublie  aisément 
cpie,  dans  l'acte  de  la  véjt^étation  ,  les  mêmes 
élémcns,  selon  (pi'ils  se  combinent  ou  se 
séparent,  forment  des  mélang-es  chiniirpies 
très-did'érens.  En  eiîct,  reconnoîtroit-on  dans 
le  mucilaj^e  laiteux  que  renferrîient  les  graines 
des  graminées  avant  que  l'épi  mûrisse,  ce 
périsperme  farineux  des  tîéréalcs,  qui  nourrit 
la  plupart  des  peuples  de  la  zone  tempérée? 
Dans  le  Musa,  la  formation  de  la  matière 
amylacée  précède  l'époque  de  la  maturité. 
Il  faut  bien  distinoucr  entre  le  fruit  du  bana- 
nier cueilli  vert  et  celui  qu'on  laise  jaunir  sur 
le  pédoncule.  Dans  le  second,  le  sucre  est 
tout  formé;  il  s'y  trouve  mêlé  à  la  pulpe ,  et  en 
telle  abondance  (pic  si  la  canne  à  sucre  n'étoit 
pas  c(dli\  ée  dans  la  région  des  bananiers  ,  on 
pourroil,  du  fruit  de  ce  dernier,  extraire  le 


CHAPITRE    IX, 


3 


)liis  d( 


>fit 


le  fil 


sucre  avec  plus  de  prolit  cju  on  ne  le  lait  en 
Luropc ,  tk'H  beltera\  es  eldu  raisin.  La  banane 
cueillie  veile  conlientleuiéinc  principe  nour- 
rissant que  l'on  observe  dans  le  blé,  le  riz,  les 
racines  tubéreuses  et  le  sa<^ou;  savoir,  la  l'écuJe 
amylacée  unie  à  une  très-petite  portion  de 
gluten  végéttil.  En  pétrissant  sous  l'eaii  de  la 
farine  de  bananes  séchées  au  soleil,  je  n'ai 
pu  obtenir  que  quelques  atomes  de  cette  masse 
ductile  et  visqueuse  qui  réside  en  abondance 
dans  le  périsperme,  et  surtout  dans  l'embryon 
des  céréales.  Si,  d'un  coté,  le  glutineux,  qui  a 
tant  d'analogie  avec  les  matières  animales,  et 
qui  se  boursoufle  par  la  chaleur,  est  d'une 
grande  utilité  pour  lu  confection  du  pain;  de 
l'autre,  sa  présence  li'est  pas  indispensable 
pour  rendre  une  racine  ou  un  fruit  nourris- 
sant. M.  Proust  a  reconnu  du  gluten  dans  les 
ieves,  les  ponmies  et  les  coings;  il  n'en  a  pas 
découvert  dans  la  farine  des  ponnnes  de  terre. 
Les  gommes,  par  exemple,  celle  du  3Iimosa 
nilotica  (  Acacia  vera  Willd.  ) ,  dont  se  nour- 
rissent plusieurs  peuplades  africaines  pendant 
leur  passage  par  le  désert,  prouvent  qu'une 
substance  végétale  peut  être  un  aliment  uu- 


1 


ViM 


3a 


LIM\E    IV 


I . 


Irilif,   sans  ronlcnir   ni  ^liucn,    ni  inalièic 
iunylacrc. 

il  scruit  <lirf:ri!o  de  dcrTirc  1rs  nonihicMiscs 
prrpainlions  par  les(|nc'il('S  les  Anuricains 
rendtMîl  le  IViiil  du  Musa,  soil  a\anl,  soil  a]>rès 
sa  iiiMlurilé,  un  niels  sain  el  ai;iéal)le.  J'ai  vu 
souvent ,  en  renionlant  les  rivièies,  que  les 
naturels,  exposés  à  de  lon«^ucs  rali«^ues,  font 
lin  dùuT  eoniplel  a^ee  une  très-pelile  portion 
de  manioc  et  trois  hananes  {Plataiio  di-ton) 
de  la  ;^randc  espè(X\  Du  temps  d'Alcxandie, 
si  toutefois  l'on  doil  en  croire  les  anciens,  les 
philosophes  de  l'Indoustau  étoienl  jdus  sobres 
encore.  «  Âvboii  nomcn  j)ahe,  poino  arienie, 
«  aiio  sdpicntcs  hulonmi  iu\'i(nt.  Fructus 
«  admlrahiUs  siiccl  dulci^dine  iil  iino  (jua- 
«  tcrnns satlet.  »  (Plin.  XII.  12.)  En  général, 
dans  les  pavs  chauds,  le  peuple  regarde  les 
substances  sucrées  non-seulement  comme  un 
mets  qui  rassasie  pour  le  monjent,  mais  comme 
vraiment  nutritives.  J'ai  obser\  é  souvent  que , 
sur  les  côtes  de  Garaccas,  les  muletiers  qui 
conduisoient noë  bagages,  préléroicnt,  pour 
leur  dîner ,  le  sucre  brut  (  papclun  )  à  la 
viande  fraîche. 


i 


cHM'iii'.i;  i\. 


.13 


Ta's  j)îi^siul();^islcs  ii'onl  poini  crirorc  (It'lor- 
iiiiiH'  jncc  j)rt'ri>l()n  cv.  ([iii  cafacU'iiso  iiiuî 
siil)st;m('e  cinincmiiinil  noiiiiissanle.  (Jalim;r 
1  .:i|)]>t  lil  en  sliiniilaiil  les  neils  du  svslcme 
<^'asli  icjuc.  ou  lournir  au  n»rps  des  niatière?* 
<[ui  [)eu\ettl  s'assimiler'  raeilenieiil ,  sont  des 
modes  craelioii  Irès-dilli'iens.  Le  tahae  ,  les 
feuilles  de  ri']i'vlliro\vlon  eoeea,  mêlées  à  la 
eliaux  \ive,  ro[)iuui,  doul  les  natifs  du  Ben- 
lyale  se  sonl  souvonl  sei •^  i  avec  sueeès  pendant 
des  mois  cnlicrs,  dans  des  Icmps  de  disette, 
appaisenl  la  ^iolenee  de  la  daim  ;  mais  ces 
suljslances  agissent  ])ien  ijutix^ncnt  que  le 
pain  de  froment,  la  racine  du  Jalroplia,  la 
j^(^nune  arahirpie ,  le  lichen  d'Islande,  ou  la 
chair  de  poisson  pourii,  c[ui  est  la  nourriture 
princijiale  de  plusienr^  tribus  de  nègres  afri- 
cains. Il  ne  paroîl  pas  douteux  ([u*à  volume 
égal  les  matières  si/nizntc'rs  on  animales  nour- 
rissent mieux  cpie  les  matières  végétales  :  il 
paroit  que,  parmi  ces  dernières,  le  gluten  est 
plus  nourrissant  ([ue  l'amidon ,  et  ramidoii 
plus  que  le  muedage;  mais  il  faut  bien  se 
garder  d'attribuer  à  ces  principes  isolés  ce 
qui,  <lans  l'aclion  de  l'aliment  sur  le  corps 
vivant,  dépend  du  mélange  varié  derhvdrc- 

JXT.  3 


IMi 


34 


LIVHE    IV 


I  ' 


^,''ène,  du  carbone  et  de  l'oxigTiie.  C'est  ainsi 
qu'une  niaticre  devient  éniinennnent  nuuriis- 
sante,  si  elle  renferme;  connne  la  fè\e  du 
cacoyer  (Theobroma  cacao),  outre  la  matière 
amylacée,  un  piincipe  aromatique  qui  excite 
et  fortifie  le  système  nerveux. 

Ces  considérations  ,  auxquelles  nous  ne 
pouvons  donner  plus  de  développement  ici, 
serviront  à  répandre  quelque  joi:r  sur  les 
comparaisons  que  nous  avons  faites  plus  haut 
des  produits  de  di/Térentes  cultures.  Si  l'on 
récolte  sur  le  même  espace  de  terrain,  en 
poids,  trois  fois  autant  de  pommes  de  terre 
que  de  froment,  il  ne  faut  pas  en  conclure 
que  la  culture  des  plantes  tubéreuses  peut,  à 
surface  égale ,  nouirir  trois  fois  autant  d'indi- 
vidus que  la  culture  des  céréales.  La  pomme 
de  terre  est  réduite  au  quart  de  son  poids, 
étant  séchée  à  une  douce  chaleur,  et  l'amidon 
sec  qu'on  séparerait  de  2f\x^)o  kilogrammes 
récoltés  sur  un  demi-hectare  de  terrain,  éga- 
leroit  à  peine  la  quantité  de  celui  que  [leuvent 
fournir  800  kilogranmies  de  froment.  Il  ta 
est  de  même  du  fruit  du  bananier ,  cpii ,  avant 
sa  maturité ,  même  à  l'état  dans  lequel  il  est 
très-farineux,  contient  beaucoup  plus  d'eau 


CHAPITRE    IX. 


3:1 


lent 
ea 

iant 
est 

leau 


et  Je  pulpe  sucrée  que  les  semences  des  gra- 
minées.  Nous  avons  vu  que  la  même  étendue 
de  terrain  peut,  sous  un  climat  favorable, 
produire  106,000  kilogrammes  de  bananes, 
24.00  kilogrammes  de  racines  tubéreuses,  et 
800  kilogrammes  de  froment.  Ces  quantités 
ne  sont  pas  proportionnelles  au  nond)re  d'in- 
dividus qui  pourroient  se  nourrir  par  ces 
différentes  cultures  sur  le  même  terrain.  Le 
mucilage  aqueux  que  contient  la  banane  ou  la 
racine  tubéreuse  du  Solanum,  a  sans  doute 
des  propriétés  nutritives.  La  pulpe  farineuse, 
telle  que  la  nature  la  présente ,  offre  sans  doute 
plus  d'aliment  que  l'amidon ,  qui  en  est  séparé 
par  l'art  :  ma's  les  poids  seuls  n'indiquent  pas 
les  quantités  absolues  de  maîière  nutritive; 
et  pour  faire  sentir  combien,  sur  le  même 
espace  de  terrain  ,  la  culture  du  Musa  u)urnit 
plus  d'i  liment  à  l'homme  que  la  oulture  du 
fiomeiit,  on  devroit  calcule-  plutôt  d'après  la 
niasse  de  substance  végéiale  nécessaire  pour 
rassasier  un  individu  adulte.  On  trouve,  d'après 
ce  dernier  principe,  et  ce  fait  est  très-curieux  , 
(fue  dans  un  pajs  éminemment  fertile  ,  ua 
dcmi-liectare  ,  ou  un  arpent  légal  ,  cultivé  en 
b.-nanes  de  la  grande  espèce  (  L^lala*io  arlon)^ 


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livrj:  IV 


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is  qu  en  lliUrope  le  ni«jnie  aipcnl  ne  don- 
iieioit  j)aran,  en  supposant  lehuiliènie  ^rain, 
cpie  .)yG  kiloi.j'i'annncs  dc^  fùiine  defionient, 
quanlilé  qui  n'es!  pas  siilusanle  pour  lasuh- 
sistanee  de  dvirx  indhidus  '  :  aussi  rien  ne 
frappe  pins  1  européen  rérennnent arrivé  dans 
la  zone  torride,  que  l'exlrème  pelilessc  des 
lerriins  eulliv/'s autour  d'une  cabine  qui  ren- 
ferjue  une  ransille  nonibreuse  d'ijidi^ènes. 

Le  fruit  inùr  du  Musa,  lorsqu'il  est  exposé 
au  soleil,  se  conserve  connue  nos  fi«^ues;  ii< 
peau  devient  noire,  et  prend  une  odeur  par- 
ticulière, qui  ressemble  à  celle  du  jamboa 
fume.  Dans  cet  étal,  le  fruit  s'appelle  Platano 
passado y  et  devient  un  objet  de  com  erce 
dans  la  piovinee  de  Alccboaciin.  Celle  banane 
sèclie  est  un  aliment  d'un  goui  a^-réable  et  , 
très-sain;  mais  les  Européens  nouvellement 
débarqués  regardent  connue  très-indigeste  le 

*  On  a  calculé  sur  1rs  principes  suivons  :  loo  kilo- 
grammes (le  froment  doiuient  iz  kilogrammes  tle 
fariue  ,  et  1 6  kilogrammes  de  larine  sl  (H)riverlissent 
en  21  kilogrammes  de  paiii.  La  nourriture  d'un  indi- 
vidu est  comptée  en  raison  de  547  kilogrammes  de 
pain  par  au. 


CHAPITP.E    IX. 


fruit  du  Platano  arlnn  mur  et  fraîchement 
eueiUi.  Cette  opiiiion  est  très-ancienne,  car 
PJine  rapporte  cprAlexandre  ordonna  à  ses 
soldats  de  ne  pas  toucher  aux  IjcUianes  qui 
eroissent  sur  les  bords  de  riljphase.  On 
extrait  de  la  farine  du  Musa,  en  coupant  le 
fruit  vert  en  tranches,  en  le  séchant  au  soleil 
sur  des  oîacis,  et  en  le  pilant  lorscpi'il  est 
devenu  friiiblc.  Celle  farine,  moins  usilëe  au 
Mexicfue  qu'aux  ilcs  ' ,  peul  servir  aux  mêmes 
usag-es  que  les  farines  de  riz  ou  de  maïs. 

La  facilité  avec  laquelle  le  bananier  renaît 
de  ses  racines,  lui  donne  un  avantage  extraor- 
dinaire  sur  les  arbres  fruitiers  ,    mcine  sur 
l'arbie  à  pain,    qui,  pendant  huit  mois    de 
l'année,  est  charo-é  de  fruits  farin-^ux.  Lorsque 
des  peuplades  se  font  la  -uerre  .  et  qu'elles 
détruisent   les    arbres,    ce  jualheur    se    fait 
sentir  pendant   Ion,;  temps.   Une  olantation 
de  bananes  se  renouvelle  par  dc^s  ara-eons, 
dans  respjiee  de  peu  de  mois. 

On  entend  souvent  rcp(''(er  dans  les  colo- 
nies espagnoles,  que  les  habitans  de  la  r^^ion 

»  Voyez  rintcressa.u  Mêu.oiro  de  M.  de   Tussae 
dans  sa  Flore  de^  Anùlks^  p.  Go. 


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38 


LIVRE    IV 


chmiclc  (ticira  calirnh')    ne  pourront  sortir 
(le  l\ial  d'apalliie  dans  lequel  ils  sont  plongés 
depuis  des  siècles,  que  lorsqu'une  r<?V////r/'o^  y/ /<? 
ordonnera  la  deslruclion  des  banancries  (plu- 
tanaj-es).  Le  remède  est  violent,  et  ceux  qui 
Je  proposent  avec   tant  de  chaleur,  ne  dé- 
ploient généralement  pas  plus  d'activité  que 
le  has-peuple  qu'ils  veulent  forcer  au  travail, 
en  augmentant  la  masse  de  ses  besoins.  Il  faut 
espérer  r   ^  'industrie  Fera  <les  progrès  parmi 
lesMexicaii    ,  sans  qu'on  emploie  des  movens 
de  destruction.    En  considérant  d'ailleurs  la 
facilité  avec  laquelle  l'iiomme  se  nourrit  dans 
\\n  climat  où  croissent  les  bananiers,  on  ne 
doit  pas  s'étonner  que,  dans  la  région  équi- 
noxiale  du  nouveau  continent,  la  civilisation 
ait  commencé  dans  les  montagnes,  sur  un  sol 
moins  fertile,  sous  lin  ciel  moins  favorable  au 
développement  des  êtres  organisés  ,    où  le 
besoin  même  réveille  l'industrie.  Au  pied  cle 
la  Cordillère,  dans  les  vallées  humides  des 
intendances   de  Vera-Cruz,   de   Valladolid 
ou  de  Guadalaxara,  un  homme  qui  emploie 
seulement   deux  jours   de   la  semaine   à  un 
travail  peu  pénible ,  peut  fournir  de  la  sub- 
sistance  à    une    famille  entière  j    et  tel    est 


CHAPITRE    IX. 


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1 


cependant  l'anionr  du  sol  nalal ,  rpie  l'iiabi- 
tant  des  nionla^nes  ,  aiiquol  la  gelée  d  inie 
nuit  ravit  sc)n^ent  l'espi^ir  de  1.  léeolte,  ne 
descend  pas  dans  ces  plaines  l'ertiles,  niais 
dépeuplées,  où  la  nature  étale  en  vain  ses 
bienfaits  et  ses  richesses. 

La  même  région  dans  la(juelle  le  banj.nier 
est  cultivé,  pioduit  aussi  la  plante  précieuse 
dont  la  racine  ofi'ie  la  laiine  de  manioc  ou 
itKignoc.  Le  fruit  vert  du  Musa  se  mange  cuit 
ou  rôti,  comme  le  finit  de  l'arbre  à  pain  ,  ou 
comme  la  racine  tubéreuse  de  la  pomme  de 
terre.  La  farine  de  manioc  et  celle  du  maïs, 
au  contraire,  sont  converties  en  pain;  elles 
fournissent  aux  habitans  des  pays  chauds  ce 
que  les  colons  espagnols  appellent  pan  de 
tievra  calicnte.  Le  maïs,  comme  nous  le  ver- 
rons bientôt,  présente  le  grand  avantage  de 
pouvoir  être  cultivé  sous  les  tropiques ,  depuis 
le  niveau  de  IX^céan  jusqu'à  des  élévations 
qui  égalent  celles  des  plus  hautes  cimes  des 
Pyrénées  :  il  jouit  de  celte  flexibilité  d'orga- 
nisation extraordinaire  qui  caractérise  les 
végétaux  de  la  famille  des  graminées  ;  il  la 
possède  même  dans  un  plus  haut  degré  que 
les  céréales  de  Tancien  continent,  qui  souIlVenl 


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!\0  LIVRE    I\  , 

SOUS  un  ciel  l^rùlanl,  landis  rjuc  le  maïs  vr;j;x'le 
\i<^'OUJt'useuicnl  dans  les  ]>iiNS  les  ])lus  chauds 
de  la  terre.  La  plante  dont  la  racine  d(!inie 
la  fécule  nourrissante  du  indiiioc,  est  désignée, 
d'après  un  mot  tiré  de  la  langue  à'Jhtïlj  y  ou 
de  l  lie  de  Saint-Domingue,  sous  le  nom  de 
Juca.  Elle  ne  se  cullive  pas  avec  succès  hors 
des  tropiques;  sa  culture,  dans  la  paitie  mon- 
tagneuse du  jMexi(jue ,  ne  s'élève  généralement 
pas  au-dessus  de  la  hauteur  absolue  de  six  ou 
huit  cent  mètres  :  elle  est  surpassée  de  beau- 
coup par  celle  du  Camlniri  ou  Bananier  des 
Canaries,  plante  qui  se  rapproche  davantage 
du  plateau  central  des  Cordillères. 

Les  Mexicains,  comme  les  naturels  de  toute 
l'Amérique  équinoxiale,  cultivent,  depuis  la 
plus  haute  antiquité,  deux  espèces  de  Juca ^ 
que  les  botanistes,  dans  leur  inventaire  des 
species ,  ont  réunies  sous'le  nom  de  Jatropha 
manihot.  On  distingue ,  dans  la  colonie  espa- 
gnole ,  la  Juca  douce  (dulcc)  de  la  Juca  acre 
ou  amère  {amarga),  La  racine  de  la  pre- 
mière, qui  à  Gayenne  porte  le  nom  de  cûnia- 
gnoc ,  peut  être  mangée  sans  danger,  tandis 
que  celle  de  l'autre  est  un  poison  assez  actif. 
Les  deux  peuvent  servir  à  faire    du  pain; 


CHAPITRE    I\. 


4l 


cependant  on  n'emploie  o'c'iiércilen.ont  à  eet 
usage  que  Ja  raeine  de  Ja  Jiiea  aiiuMe,  doni  io 
sue  vénéneux  est  sé])aié  sui-neusenieul  de  Ja 
feeule  avant  de  Taire  le  pain  de  inaniue ,  appelé 
cazini  ou  cassave.  Celle  s<''paralion  s'upi«re 
eneompiiniant  la  raeine  làpée  dans  le  cihuvan, 
qui  est  une  espèce  de  sae  allonoé.  Jl  p.<roit, 
d'après  un  passaoe  crOviedo  (LiJ).  Vil,  e.  2  ), 
que  la  Juca  dulee ,  qu'il  appelle  Boniuta ,  et 
qui  cstIe//;/r/c^/wo^^'des:Mevieains,  ne  se  hou- 
voit  pas  onoinaircnienl  dans  les  îles  Aniilles, 
et  qu'elle  j  a  été  transplantée  (\\\  eonlinent 
voisin.  <c  L(^Boniata,  dit  Oviedo,  esl  send)laljlc 
«  à  eelui  de  la  Terre-Fenne;  il  n'est  point  vé- 
«  néneux,  et  peut  étremano-é  avee  son  jus,  soit 
«  cru ,  soit  cuit  ou  rôti.  ^>  Les  naturels  séparent 
avec  soin,  dans  leurs  champs  {conucos) ,\q.% 
deux  espèces  de  Jalropha. 

11  est  très-remarquable  que  des  piaules 
dont  les  propriétés  chimiques  sont  si  ^M^~ 
rentes ,  soient  si  diniciles  à  distinoucr  par 
leurs  caractères  extérieurs,  l^rown  S  dans 
son  Histoire  naturelle  de  la  Jamaïque,  a  cru' 


^  Hist.  ofJamaica,  p.  3 '19  et  35o.    Yojez   aussi 
A.'osta,  Lil).  n^^  c.  17. 


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/|  2  I.IVKE    TV  , 

trouver  ces  caractères  dans  la  découpure  des 
feuilles.  Il  noinine  la  Juca  douce,  sn>ool  cas- 
sada ,  Jalroplia  foliis  palruatis  lobis,  incerlis; 
cl  la  Jiica  a  mère  ou  acre  ,  common  rnssin'fi , 
Jalroplia  roliispalmalis  pentadactjlibus.  Mais 
ayant  examiné  beaucoup  de  plantations  de 
manihot  y  j'ai  vu  que  les  deux  espèces  de 
Jatropha,  comme  toutes  les  plantes  cultivées 
à  feuilles  lobées  ou  palmées,  varient  prodi- 
gieusement dans  leur  aspect.  J'ai  observé  que 
les  naturels  distinaruoient  le  manioc  doux  du 
manioc  vénéneux,  moins  par  la  plus  grande 
blancheur  de  la  tige  et  la  couleur  rougeatre 
des  feuilles ,  que  par  le  goût  de  la  racine,  qui 
n'est  point  acre  ou  amère.  Il  en  est  du  Jatropha 
cultivé  conmie  de  Toranger  à  fruit  doux,  que 
les  botanistes  ne  savent  pas  distinguer  de 
l'oranger  à  fruit  amer,  et  qui  cependant, 
d'après  les  belles  expériences  de  M.  Galesio  , 
est  une  espèce  primitive  qui  se  propage  de 
graine  comirie  l'orangeramer.  Quelques  natu- 
ralistes, à  l'exemple  du  docteur  Wright,  de  la 
Jamaïque  ,  ont  pris  la  Juca  dulce  pour  le  vrai 
Jatropha  janipha  de  Linné  ,  ou  le  Janipha 
frutescens  de  LofHing  '  :  mais  celte  dernière 
*  Rcza  til  Spanska  Lœnderna ,  1758,  p.  .^oy. 


ï 


CHAPITRE    IX.  4^ 

rspèce ,  qui  est  le  Jalroplia  carflinf^inensis 
de  Jaoqiiin  ,  en  diflere  essentiellement  par  la 
forme  des  feuilles  (lol)is  iiliinque  siniiatis),  qui 
ressemblent  à  eellesdu  Papajer.  .le  donle  Tort 
que  le  Janipha  puisse  se  transformer  par  la 
culture  en  Jatropha  maniliot.  Il  paroît  toit 
aussi  peu  probable  que  la  Juea  douce  soit  un 
Jatropha  vénéneux  ,  qui ,  par  les  soins  de 
riiomme  ou  par  l'ciret  d'une  lon^^ue  culture» 
ait  perdu  peu  à  peu  l'acreté  de  ses  sucs.  La 
Juca  affiarqa  des  champs  américains  est  restée 
la  même  depuis  des  siècles,  quoiqu'elle  soit 
plantée  et  soignée  comme  la  Juca  dulce.  Rien 
n'est  plus  mystérieux  que  cette  différence  d'or- 
g-anisalion  intérieure  dans  des  végétaux  cul- 
tivés, dont  les  formes  extérieures  sont  presque 
les  mêmes. 

Rajnal  '  a  avancé  que  le  manioc  a  été 
transporté  d'Afrique  en  Amérique  pour  servir 
àlar.ourriture  des  Nègres,  et  que ,  si  toutefois 
il  existoit  sur  la  Terre-Fenne  avant  l'arrivée 
des  Espagnols ,  les  naturels  des  Antilles  ne 
le  connoissoient  pas  du  temps  de  Colond^. 
Je  crains  que  cet  auteur  célèbre ,  qui  décrit 


*  Histoire  philosophique  j  T .  III ,  p.  2 1  a-  2 1 4. 


;t; 


44  i.rvRi:  IV, 

d'ailleurs  assez  cxacleincnl  les  oLjels  d'Iiis- 
toiro  natuielle,  n'ait  eoiilondn  le  manioc  a\  te 
les   ignames;    e'esl-à-dirc  ,  le  Jalroplia   iwcc 
une  espèce  de  Dioscorea.  .fe  dcsiierois  sa\()ir 
par  quelle  aiilorilc  on  pcul  prouNCi"   (|uc  le 
manioc  ait  été  eullivé  en  Guinée  depuis  les 
temps  les  ]>lus  reculés.  Plusieurs  voJa^eurs 
ont  aussi  prétendu  que  le  maïséloil  sauvage 
dans  celle  partie  de  l'Afi  iqne  ;  et  cependant 
il  est  bien  certain  qu'il  y  a  été  trans|)Oi  té  par 
les  PortUii'ais  au   seizième  siècle.  Rien  n'est 
plus   dillicile  à  résoudre  que  les  problèmes 
de  la  migration  des  plantes  uliles  à  l'iionnuc, 
surtout  dc])uis  que  les  comnumications  sont 
devenues  si  Iréquentes  entre  tous  les  continens. 
Fernandez  de  0\iedo,  qui  déjà  en  i5i5  avoit 
passéàl'iled'liispaniola  ou  de  Sl.-Domingue  , 
et  qui,  pendant  plus  de  vingt  ans,  a^  oit  habité 
différentes  parties    du    nouveau  continent  , 
])arle  du  manioc  comme  d'une  culture  très- 
ancienne  ,   et  propre  à  rAmérique.   Si,   au 
contraire ,  les  Nègres  esckn  es  avoicnt  porté 
le  manioc  avec  eux ,  Oviedo  auroit  vu  de 
ses  yeux  le  commencement  de  cette  branche 
iniportantc   de  l'agriculture    des    tropiques. 
S'il  avoit  cru  que  le  Jatropha  no  Tût  point 


riTAPÏTRE    IX.  /|5 

imligcuccn  Aiik  ricjjio,  il  iiiiroil  cilrlVpoque 
à  l.i<|iir!l(^  on  j)lanla  les  premiers  pieds  do 
iiKiiiioe  ,  eoiiimc  il  r.ipporlc,  dans  le  pins 
grand  dét.iil  ,  la  première  inlrodiielic^n  de  la 
canne  à  snere  ,  du  l)[;nanicr  des  Canaries, 
de  Tolixier  et  dn  tlallier.  Amerieo  \  espneei 
rappoile,  dans  sa  lellre  adressée  au  due  de 
l.orraine',  (pj'il  vil  l'aire  du  pain  de  manioc 
sur  la  eolc  de  Paria  ,  en  i/njj.  «  Les  nalifs,  » 
dit  cet  avenlurier,  d'ailleurs  peu  exact  d.ms 
son  récit,  «  ne  eonnoisscnt  pas  notre  l)lé  et 
«  nos  grains  fa rineuA';  ils  lirent  K'uv  suhsis- 
«  tance  piincij)ale  d'une  laeine  rpi'ils  rédui- 
«  sent  en  larinc  ,  el  qu'ils  appcllenl,  les  uns 
«  /urha  ,  d'autres  chambi y  d'aulres  ii^uame.  » 
Il  est  facile  de  reconnoilrc  ^e  mot  de  iticca 
dans  celui  de  incita j  rpjant  au  mot  i^j^iimnc  ^ 
il  désigne  aujourd'hui  la  racine  A\\  Dinscovca 
alata,  que  Colomb  "  décrit  sous  le  nom  à\i^vSj 
et  dont  nons  parlerons  plus  bas.  Les  naturels 
de  laCuajane espagnole,  qui  ne  rcconnoissent 
pas  la  domination  des  Euiopéens,  cultivent 
aussi  le  manioc,  de  toute  antiquité.  Manquant 


*  Grynœus ,  p.  21 5. 


Ibid. 


66. 


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il 


lit! 


rr 


46  Mvnr:  iv , 

tloNÎvros  en  rrpassanl  les /v//>/V/o  do  rOré- 
i)()<]ii(*  ,  lois  (lo  noire  rcloiir  du  iUo  No'^ro, 
nous  nous  adicssiuucs  à  la  Irihu  dis  fudiens 
Piraoas  ,  (jui  \i>cul  à  l'csl  do  Mavpurôs,  et 
ils  nous  fouinirenl  du  pain  de  Jalroplia.  Il 
ne  peut,  par  conséipient ,  rosier  aucun  d<»ulo 
que  le  manioc  ne  soit  une  piaule  dont  la 
cullurc  est  de  beaucoup  plus  ancienne  que 
l'arrivée  des  Européens  et  des  Africains  eu 
Auioiiquc. 

Le  pain  de  manioc  est  très  nourrissaul , 
pcul-otrc  à  cause  du  sucre  qu'il  conlieut,  et 
d'une  matière  visqueuse  qui  réunit  les  nio- 
lécides  Farineuses  de  la  cassave.  Cotte  malièi  c 
paroît  avoir  quelque  analogie  avec  le  caoul- 
cliouc  ,  qui  est  si  cojnmun  dans  toutes  les 
plantes  du  groupe  des  Tithyinaloïdes.  Ou 
doune  à  la  cassave  une  forme  circulaire.  Les 
disques,  qu'on  appelle /«//^/a  ou  xaiixauy  dans 
l'ancieime  langue  d'IIaïly,  ont  un  diamètre 
de  cinq  à  six  décimètres  sur  trois  millimèlros 
d'épaisseur.  Les  naturels ,  qui  sont  bien  plus 
sobres  que  les  blancs ,  mangent  génc  ralcmont 
moins  d'un  demi-kilogramme  de  manioc  par 
jour.  Le  manque  de  gluten  mêlé  à  la  matioi  e 
amv lacée,  et  le  peu  d'épaisseur  du  pain,  le 


CHAPITRE    IX. 


47 


rciuleiit  lrôs-cass;mt  et  «lirruilcà  liansporifr. 
(x'I  iiiconvi'nienl  se  [\\h  siirluiit  sonlir  diiiis 
de  loM«^ues  na\i;^^;jtinns.  La  i'éeule  du  manioc 
lapêe ,  séelire  et  boucanée ,  est  j>re.s(|ue 
inallérable.  Les  iiiseclcs  et  les  vers  ne  l'aUa- 
qucnt  pas,  et  tous  les  voy.igeurs  connoisscnt 
dans   rAmcri(iuc   équinoxiale  les   aNanla<^cs 

«lu  i'OU(l(jUl\ 

Ce  n'est  pas  seulement  la  fécule  de  la  Jiica 
fi/mu'i^u  (pii  sert  de  nourriture  aux  ludiens; 
ils  emploient  aussi  le  suc  exprimé  de  la  ra- 
cine, qui,  dans  sou  état  naturel,  est  unpt)isoa 
actif.  Ce  suc  se  décompose  par  le  léu.  Tenu 
long-temps  en  ébullition ,  il  perd  ses  pro- 
priétés vénéneuses  à  mesure  qu'on  l'écume. 
(  )n  l'emploie  sans  danger  connue  sauce  ,  et 
moi-même  j'ai  pris  souvent  de  ce  suc  bru- 
nâtre, qui  ressendïleà  unbouillon  très-nour- 
rissant. A  Gayenne  '  on  l'épaissit  pour  en 
faire  le  cabùni ,  qui  est  analogue  au  souy 
qu'on  apporte  de  la  Chine,  et  qui  sert  pour 
assaisonner  les  mets.  Ils  arrive  de  temps  en 
temps   des  accidens    très-graves ,    si  le   jus 


*  Auhlet,  Iliat.  des  plantes  de  la  Guayane  fraiiçohc , 
T.  II,  p.  72. 


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cxpiiiiu'  Il  il  p:j,s  (''le  c\[){)S('  assez,  long-lcmps 
i\    la   ('lial(Mir.  (Tcsl   un    l'ail    trôs-CDiinu   .iux 

ihrc  (les  iiahiicls 
lircuHMil  par  le 


ii< 


lies,  (nie  «adis  un  l'a'and  ncini 


1 


iViL 


!lv  se  sont  lues    vo 


lonli 


P 


sue  non  bouilli  delà  racine  de  V^iJncdanar^a. 
Oviedo  rappoi'lc  ,  connne  kMuoin  ocul  ire, 
nue  ces   malheureux  «jui,   comme  plusieurs 


tribus  afr 


•i; 


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âmes  ,  prcieroieni 
travail  lorec' ,  se  rc^'unissoient  par  cin(]uan- 
taines  pour  avaler  ensemble  le  jus  vihii'uoux 
du  Jatropha.  Ce  nu'pris  extraordinaire  de  la 
vie  ,  caracli^rise  l'iiomme  sauva«;'e  dans  l(\s 
parues  les  plus  éloignées  du  «^lobe. 

En  rcVflc'clùssant  sur  la  rcMinion  de  circons- 
tances accidentelles  ipii  onl  pu  dt'lerminer 
les  ])euples  à  se  livrer  à  Ici  ou  tel  gemc  d^ 
culture  ,  on  est  entonné  de  voiries  A  ni(^iicains, 
au  milieu  d'une  nature  si  riche  ^  chercher 
dans  la  racine  vénéneuse  d'un  euphorbe 
(  litlijmaloide)  ,  cctl(;  même  substance  amv- 
iîiece  que  d'autres  peuples  ont  trouvée  dans  la 
famille  des  graminées ,  dans  celles  des  bana- 
niers ,  des  asperges  (Dioscorca  alata)  ,  des 
aroides  (Arum  macrorrhi/on  ,  Diacontiimi 
polvphvUum)  ,  des  solanées  ,  des  lizerons 
(  Convolvulusbatalas  ,  C.  chrvsc>rhizus  )  ,  des 


>:  I 


CHAPITRE    IX.  49 

narcisses  (Tacca  pinnatilidii) ,  des  polygonces 
(P.  fagopjrum),  des  orties  (Artocarpus)  , 
des  légumineuses  et  des  Ibuj^ères  arbores- 
centes (  Cjcas  circinnalis  ).  On  se  demande 
comment  le  sauvage  qui  découvrille  Jatropha 
manihot,  ne  rejeta  pas  une  racine  dont  une 
triste  expérience  de  voit  lui  indiquer  les 
propriétés  vénéneuses ,  avant  qu'il  pût  en 
reconnoître  les  propriétés  nutritives?  Mais 
peut-être  la  culture  de  la  Juca  dulco. ,  dont  le 
suc  n'est  pas  nuisible,  a-t-elle  précédé  celle 
delà  J ncu ai/LirgUy dont  on  retire  aujourd'hui 
le  manioc.  Peut-être  aussi  le  même  peuple 
qui,  le  premier,  eut  le  courage  de  se  nourrir 
de  la  racine  du  Jatropha  nuuiihot  avoit-il 
auparavant  cultivé  les  ])lantes  analogues  aux 
Arum  et  aux  Diacontium ^  dont  le  suc  est 
acre  sans  être  vénéneux.  Il  étoit  aisé  de 
remarquer  que  la  fécule  extraite  de  la  racine 
d'un  aroïdc  est  d'un  goût  d'autant  plus 
agréable  qu'on  la  lave  plus  soigneusement 
pour  la  priver  de  son  suc  laiteux.  Cette 
observation  trcs-simple  devoit  conduire  na- 
turellement à  l'idée  d'exprimer  les  fécules 
et  de  les  préparer  de  la  même  manière  que 
le  manioc.  On  conçoit  qu'un  peuple  qui 
m.  4 


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s.'iNoit  (hilcipcr  les  i'.kmiu.s  (Fiin  iiroïdc  ^ 
])<)H\(>il  (  ii!i  (  ^ïrcMîclrc  (!c  se  nourrit*  d'iinc 
pîtnJe  (lu  ^'»'rin!|)e  ilt's  euphorbes.  Le  passage 
est  l'aeilc  ,  (jur.iuiie  le  danger  aille  Iruijoui'S 
en  aii.^tnenlanl.  Vax  elTel  ,  les  naturels  des 
îles  do  la  Soeiélé  el  des  Mokujues,  qui  ne  eon- 
noissenl  pas  le  Jalroplta  rnaniliot,  cnlli>ent 
l'Arum  niaerorriiizon  el  le  l'aeeapinnalilida. 
La  raeine  de  eelte  dernière  ])lanle  néeer^silo 
les  nicnies  préeaulions  que  le  nirnioe  ,  et 
cependanllepaiiide  taeeaiivalise,  au  inarelié 
de  Banda  ,  avee  le  pain  du  sa<;oulier. 

La  ejdlure  du  nianioe  néeessile  plus  de 
soin  que  eelle  des  l);??ianiers  ;  elle  ressendjle 
à  celle  des  poninies  de  Jerrc  ,  el  la  réeolle 
ne  se  Tailquc  sejfl  à  neuf  mois  après  (jueles 
l^ouluies  onl  élé  mises  en  lerre.  Un  ])euple 
qui  sail  [)lanler  le  Jairopha  ,  a  déjà  l'ail  un 
certain  pas  \ers  la.  i'i\ilisalion.  11  v  a  nième 
des  variéks  de  nianioe,  par  exemple  celles 
qu'à  Cavennc  on  appelle  nuuiiov  hois  hUiiic  » 
et  manioc  inai-poiirn-roiti^c  ,  dont  les  l'aeines 
ne  ])euvenl  être  ariaehees  (pj'au  boul  de 
quinze  mois.  I^c  sau^a«;■e  de  la  Nouvelle- 
Zélande  n'auroit  sans  doule  ]>as  la  patience 
d'altcndic  une  réeolle  si  tardive. 


niAPiTnr  t\. 


:)r 


Dos  ])lanloli<)ns   de  Jaliopha   nuuilliot  se 
Irouvciit  anjoiird  Imi  le  long*  des  cotes,  depuis 
l'einhuuchiirc  de  la  rivière  de  Guasaciialea 
juscju'au  nord  de  Saiitaiider  ,  et  depuis  Te- 
huantepee  juscpi'à  San  J5las  et  Sinaloa  ,  dans 
les  ré«^ions  basses  et  eliaudcs  des  intendances 
de\era-Cruz^    d'Oaxaca,  de    Puebla  ,    de 
Mexico,  de   Valladolid  et  de  Guadalaxara. 
Un  botaniste  judicieux  ,  cpii  lieureuserncnt  n'a 
pas  dédaigné  dans  ses  voyages  de  s'occuper 
<le  l'agriculture  des  tropiques  ,    ]\[.  Aublet , 
dit  avec  raison  «   que  le  manioc  est  une  des 
«    plus    ])elles   et  uîiles    pi'oduc  lions   du  soi 
«   aniéiiciùn  ,et(pravec cette  plante  l'iiabitant 
w   cie  la  zone  torride  pouri-oit  se   passer  du 
«   riz  et   de  l(^ulcs  sorics  (\c   IVoinens  ,  ainsi 
«   que  de  toutes  lesra(Mn«^^  <•!  (Vu ilscpii, servent 
«   à  nourrir  rcspèco  hum.  m  ne.  » 

Le  maïs  occupe  la  méuie  n  ,.;ion  que  le 
bananier  et  le  manioc;  mais  sa  culture;  est 
encore  plus  imporlaule  et  surtout  plusétcn<lue 
que  celle  des  deux  plantes  f\\\c  nous  vcions 
de  décrire.  Eu  montant  vers  le  plalcau  central, 
on  rencontre  des  clianqis  de  maïs  d(^puis  I*  s 
côtes  jusqu'à  la  vallée  de  Toluca  ,  cpii  a 
2800  mètres  d'élévation  au-dessus  du  niveau 


4 


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52 


LIVRE    IV 


derOccan.  L'année  où  manque  la  réoolle '?  J 
mais  est  une  année  de  lamine  et  de  uusère 
pour  les  habitans  du  Mexique. 

Il  n'est  plus  douteux  parmi  les  botanistes 
que  le  maïs  ou  blé  turc  est  un  véritable  blé 
américain,  et  que  c'est  le  nouveau  continent 
qui  l'a  donné  à  l'ancien.  Il  paroît  aussi  que 
la  culture  de  cette  plante  a  précédé  de  beau- 
coup en  Espagne  celle  des  pommes  de  terre. 
Oviedo  ',  dont  le  premier  essai  sur  l'iiisloire 
naturelle  des  Indes  fut  imprimé  à  Tolède 
en  i525,  dit  avoir  vu  du  maïs  cultivé  en 
Andalousie  ,  et  près  de  la  chapelle  d'Atocha  , 
dans  les  environs  de  Madrid.  Cette  assertion 
est  d'autant  plus  remarquable  qu'un  passage 
d'Hernandez  (livre  7,  cliap.  4o),  pourroit 
faire  croire  que  le  maïs  é^ii  encore  inconnu 
en  Espagne  du  temps  de  Philippe  11,  vers  la 
fin  du  seizième  siècle. 

Lors  de  la  découverte  de  l'Amérique  par 
les  Européens,  le  Zea  maïs  (en  langue  aztèque 
tlaolli y  en  haïtien  malnz  ,  en  quichua  caru), 
étoit  déjà  cultivé  depuis    la   partie  la  plus 


\W' 


*  JXerum  medicarum  Novcc  Hispaniœ  thcaaurus, 
iC5i,  Lil).  Vil,  c.  4o,  p.  ui/. 


CHAPITRE    IX. 


53 


mérulionale  du  Chili  jusqu'en  Pensylvanie. 
D'aprcs  une  tradition  des  peuples  aztèques, 
ce  sont  les  Toultccpies  qui ,  au  septi  ine  sièele 
de  notre  ère,  ont  introduit  au  Mexique  la 
culture  du  maïs,  du  coton  et  du  piment.  Il 
se  pourroit  cependant  que  ces  difFérenles 
branches  d'a^-Micnlturc  existassent  avant  les 
Toullèques  ,  et  que  cette  nation,  dont  tous 
les  historiens  ont  célébré  la  «grande  civili- 
sation,  n'eut  Tait  que  les  élendre  avec  succès, 
llernandcz  nous  a[)prend  que  les  Otomites 
méiaes  ,  qui  n'éloient  qu'un  peuple  nomade 
et  barbare  ,  plantoient  du  mais.  La  culture 
de  celte  «>'raminée  s'étcndoit  par  conséquent 
jusqji'au  delà  du /i/o  Oraiulc  de  Santiago  ^ 
appelé  jadis  Tololotlan. 

Le  maïs,  introduit  dans  le  nord  de  l'Europe, 
souflre  du  froid  ,  partout  où  la  tenqicraturc 
moyenne  n'atteint  pas  sept  ou  huit  degrés 
centigrades.  J)e  même,  sur  le  dos  des  Cor- 
dillères, on  voit  le  seigle  et  surtout  l'orîje 
végéter  vigoureusement  à  des  hauteurs  qui, 
à  cause  de  rinlempérie  du  climat,  ne  sont 
pas  propres  à  la  culture  du  maïs.  Mais  en  re- 
vanche ,  ce  dernier  descend  jusqu'aux  régions 
les  plus  chaudes  de  la  zone  torride  ,  et  jusque 


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54  LIVRE    TV  , 

dans  des  plaines  où  l'épi  du  froment  ,  de 
l'orge  et  du  seigle  ne  parviennent  ])as  à  se 
développer.  Il  en  résulte  que  sur  l'éelielîe 
des  différens  genres  de  eullure  ,  le  maïs 
occupe  aujourd'hui,  dans  la  partie  cqui- 
noxiale  du  Mexique  ,  une  étendue  beaucoup 
plus  considérable  que  les  céréales  de  Tancien 
continent.  Le  maïs  est  aussi  celle,  de  toutes 
les  graminées  utiles  à  riiomme  ,  dont  le  péri- 
sperme  farineux  aie  plus  de  volume. 

On  croit  communément  que  cetle  plante 
est  la  seule  espèce  de  blé  que  les  Américains 
aient  connue  avant  l'arrivée  des  Européens. 
Il  paroît  cependant  assez  certain  qu'au  Chili 
on  culli\  oit ,  au  quinzième  siècle ,  et  bien 
avant,  outre  le  Zca  maïs  et  le  Zea  curagua, 
deux  graminées  appelées  mai^ii,  et  tuca , 
dont,  selon  l'abbé  Molina,  la  première  étoit 
une  espèce  de  seiglt  ,  et  la  seconde  une  espèce 
d'oj'ge.  Le  pain  l'aii  de  ce  blé  araucain  étoit 
désigné  sous  la  dénominutinn  de  cokhjuc  , 
mot  qui  a  passé  ,  dans  la  suite,  o\\  pain  fait 
avec  le  blé  d'iiurope  '.  Hernandez  prétend 
même  avoir  trouvé  chez  les  Indiens  de  Me- 


f 


*  lUoUnaj  Ilintuire  naturelle  du,  Chili  j,  p.  101. 


CIIAPITAE    IX. 


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loacan  une  os]) 


)C(C  de  Irtîineni    rnii  ,  cl  i\uns 


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su  desciiplion  U'ès-suriiiiclo,  se  rappruclie 
du  ùle  d\iù(>/i(fa/i((^  (Trillcuni  coniposiliini  ), 
que  l'on  croil  originaire  d'Iilgypte.  3Ial;j;Tt' 
toutes  les  infonnalions  c[ue  j'ai]iîiscs  pendant 
mon  séjour  dans  l  inlendanee  de  V^alladolid  , 
il    m'a    élé    impossihje    d'éelaii'cir  ee    poiîjt 


lut 


poi 


tant  nour 


ihisl. 


lI 


one  des  eere. 


;les.  V 


er- 


u 


sonne    n'y   connoit  un    IVomenl    piopie    a 
pajs,    cl    je   soupeonne   cpie    llernandez  a 


nomme 


TriL 


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u'iini    rmchiKuuuK'iisc 


A 


ucique 


[' 


vai'iélé  du  l)lé  (rEnrt)pe  devenu  sauvage,  et 
croissant,  sur  mi  sol  lrès-f'Mlilv\ 

La  freondilé  du  llaolli  ou  nîaïs  mexicain  , 
est  au  delà  de  tout  eeque  l'on  v)eiit  iinati'iner 
en  Europe.  La  plante  ,  l'avoriséepar  de  fortes 
elial( 
qui 


eurs    et  par   beaneou 


d'I 


nnmti 


lilé 


ac- 


!rt  une  hauteur  de  deux  à  Irois  mi'lt 


Dans  les  ]>e]!es  plaines  qui  s'étendent  depuis 
San  Juan  del  \\\o  à  (^>uerelaro  ,  [)ar  exemple 


ms    les   terres   lîe 


la 


l'Eï 


pei 


( 


ranza,  une  lanegue  ae  laais  eu  jirot 


ii'i-ande    metaiiie  de 

tluit 


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quelquefois   huit  eenls  ;   des  ter  rains  fertiles 
en  dorment,  aiuiéo  commune,  trois  à  (jualie 


*  Ilôriiandez  ,\i.  7  ,  43.  Clai^igero  ,  1  ^  p.  56  ,  uulc  /'. 


56 


LIVRE    IV 


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II 


w 


cents.  Dans  les  environs  de  Vailadolitl ,  on 
regarde  comme  mauvaise  une  récolte  qui  ne 
donne  que  i5o  ou  i5o  fuis  la  semence.  Là 
où  le  sol  est  le  plus  stérile  ,  on  compte  encore 
soixante  ou  quatre-vingts  grains.  On  croit 
qu'en  général  le  produit  du  maïs  peut  ctre 
évalué,  dans  la  région  équinoxiale  du  royaume 
de  la  Nouvelle  -  Espagne  ,  à  cent  cinquante 
pour  un.  La  seule  vallée  deToluca  en  récolle 
par  an  plus  de  600,000  faneras  ',  sur  une 
étendue  de  trente  lieues  carrées,  dont  une 
très-grande  partie  est  cultivée  en  agave. 
Entre  les  parallèles  de  18  et  22  degrés,  les 
gelées  et  les  vents  froids  rendent  celte  culture 
peu  lucrative  sur  les  plateaux  dont  la  hauteur 
excède  trois  mille  mètres.  Le  pr  uit  annuel 
du  maïs,  dans  l'intendance  de  o^uadalaxara , 
est ,  connne  nous  l'avons  obsc  ^é  plus  haut , 
de  plus  de  quatre-vingts  millions  de  kilo- 
grammes. 

Sous  la  zone  tempérée  ,  entre  les  00  et  58 
degrés  de  latitude ,  par  exemple  dans  la 
Nouvelle-Calirornie^  le  mais  ne  produit  en 


'  Une  fanega  pèse  4  arobcs  ou   100  livres  ;   (îans 
quelques  provinces  120  livres  (5o  à  60  kllograinnies). 


CHAPITRE    IX. 


^^1 


% 


g'éiiériil,  année  coninjune,  que  70  à  80  grains 
pour  un.  En  comparant  les  niémoires  ma- 
nuscrits que  je  possède  du  pore  Fermiii 
Lassuen,  avec  les  tableaux  stalisliqut  s  publiés 
dans  la  relation  liistoricjne  du  voyage  de 
M.  de  Galeano  ,  je  serois  en  état  d'indiquer  , 
village  par  village,  les  quantités  «le  niaïssemécs 
et  récoltées.  Je  trouve  qu'en  1791  ,  douze 
missions  de  la  Nouvelle-Californie  '  récol- 
lèrent yQ2Ô  Jhncgas  sur  un  terrain  ([ui  avoit 
été  ensemencé  avec  96.  En  1801  ,  la  récolte 
de  seize  missions  a  été  de  4^6 1  fancîrues  , 
tandis  que  la  quantité  qu'on  avoit  semée  ne 
montoitqu'à  66.  lien  résulte,  pour  la  première 
année,  un  produit  de  79,  pour  la  seconde  de 
70  grains  pour  un.  En  général ,  cette  cote  , 
comme  tous  les  pays  froids,  paroît  plusproprc 
à  la  culture  des  céréales  d'Europe.  Cependant 
les  mêmes  tableaux  que  j'ai  sous  les  yeux , 
•ouvent  que,  dans  quelques  parties  de  la 
iNouvelle-Californie ,  par  exemple,  dans  les 
champs  qui  appartiennent  aux  villages  de 
San  Buenaventura  et  de  Capistrano ,  le  maïs 
a  donné  souvent  de  i8o  à  200  fois  sa  se- 
mence. 


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»  Fnrgc  ne  la  Sa/i/j   p.  168. 


r)8 


Livnn  IV 


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Quoique  Ton  rulûvc  au  Mexique  une 
graudi^  (juanlilé  de  1)1('' ,  le  maïs  duit  èlie 
regardé  couinie  la  uourrilurc  priueipale  du 
peuple  :  il  est  arssi  eellc  de  la  j)Iu|>arl  des 
aniiiuuLvdoij.esliques.  Le  j)rix  de  celle  denrée 
in(ulifie  celui  de  lonlcslcs  autres  ,  dont  il  est 
])(.>ur  ainsi  dire  la  mesure  naluielle.  Lorsque 
la  recolle  est  pauvre,  soit  par  manque  de 
pluie  ,  soit  par  des  j^elces  précoces,  la  disclle 
est  générale,  et  a  les  ellcls  les  plus  funestes. 
Les  ponles,  les  dindons  cl  même  les  grands 
l)csli;nixen  soi!nVenlé<j;alement.  L^n  voyageur 
qui  traverse  une  pro>ince  dans  laquelle  le 
mi'/is,  a  gelé,  ne  lron\e  ni  (culs,  ni  ^olaille  , 
ni  pain  tWu'rpa ,  ni  l'aiine  ponr  Taire  Vatolliy 
qui  est  une  bonillie  nourrissante  et  agréable. 
La  cherté  des  vivres  se  fait  surtout  sentir  aux 
CMn irons  des  nîines  mexicaines;  dans  celles 
de  Guanaxnato,  par  exemple,  où  quatorze 
lîiille  mulets  nécessaii'cs  aux  alcliers  d'amal- 
gamation consonnnent  amuielleinent  une 
énorme  quantité  de  maïs.  Nous  avons  déjà 
cité  plus  liaiît  rinfiuence  que  les  disettes  ont 
eue  pé'iodiqnemcnt  sur  les  progrés  de  la 
po|)ulation  delà  Nouvelle-Espagne.  La  disette 
affreuse  de  l'aniiéo  178/1  fut  l'cliot  d'une  forte 


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1  se  lit  senlii'  a  une  ('[kmjiic  ou  I  ou 


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dovoille  nioins  s'v  alleiulic  sous  la  /oiic  lor- 
ride,  le  2S  août,  et  à  la  IjauU-ui'  peu  eoubidc- 


ilile  de  hiv-liuil 


pe 


di 


raDie  de  iji\-liujt  cents  uicties  au-dessus  du 
niveau  de  l'i^ecan. 

De  toutes  les  ^^r.iuiiuf-es  cpie  l'iiounne  cul- 
tive ,  aucune  u'est  aussi  im''^•.^le  dans  son 
produit.  Cc])i'oduit,  dans  le  inènie  terrain, 
selon  les  cliangenieiis  d'humidité  et  de  tem- 
pérature moyenne  de  rarince  ,  \arie  de  4'>  il 
200  ou  5oo  grains  pour  un.  Si  la  rc-colle  est 
bonne,  le  colon  Tait  une  Fortune  ])lus  ra[)ide 
avec  le  maïs  qu'uACc  le  IVonieiit ,  et  l'on  peut 
dire  que  celle  culture  participe  aux  avantages 
et  aux  désa\antagcs  de  celle  de  la  ^ignc.  Le 
prix  du  maïs  varie  de  2  liv.  10  sous  à  2S  liv. 
\d  faite i^iw.  Le  prix  moyen  est  de  cinq  li\  res 
dans  l'inléi'ieur  du  i)avs,  mais  le  (Vèt  1  tiu*»- 
mente  tellement  que,  pendmt  mon  séjour 
dans  l'intendimce  de  Guaruixuato  ,  \;\J(!;uy^{fcf 
coûtoit ,  à  Salamauca  (),  à  ()uerclaro  12,  et 
à  San  Luis  Putosi  22  livres.  Diins  un  pays  où 
il  n'y  a  p;is  de  magasin  ,  cl  où  les  naturels 
ne  vi\ent  qu'au  jour  le  jour,  le  pcuplesoud're 
immensément,  lo.rs<|uc  le  maïs  se  soutient 
pendant  lon^-temps  au  prix  de  deux  piastres 


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LIVRE    IV 


Oïl  10  livres  la  fanè^uc  :  alors  les  naturels  se 
nourrissent  de  IfuiLs  d'arbres  non  mûris ,  de 
baies  de  cartnsctde  racines.  Celte  nianvaise 
nonrrilure  fait  naître  elie/  eux  des  maladies; 
et  l'on  observe  ({ue  les  disettes  sont  ordinai- 
rement accompaf;'nces  d'une  grande  mortalité 
parmi  les  en  fans. 

Dans  les  ré^^ions  ehaudes  et  très-humides, 
le  maïs  peut  donner  deux  à  trois  récoltes 
par  an  ;  mais  généralement  on  n'en  fait  qu'une 
seule  :  on  le  sème  depuis  la  mi -juin  jusque 
vers  la  iîn  d'août.  Entre  les  nombreuses  va- 
riétés de  celle  graminée  nourrissante,  il  y 
en  a  nue  dont  l'épi  miuit  deux  mois  après 
que  le  grain  a  été  semé.  Celle  variété  précoce 
est  très-connue  en  Hongrie,  et  M.  Parinentiep 
a  essayé  d'en  propager  la  cul  lu  re  en  France. 
Les  Mexicains  qui  habitent  les  cotes  de  la 
mer  du  Sud  en  préfèrent  une  autre  que 
déjà  Oviedo  '  assuic  avoir  vue  dans  la  pro- 
vince de  Nicaragua  ,  et  qui  se  récolle  en 
moins  de  trente  à  quarante  jours.  Je  me 
souviens  aussi  de  l'avoir  observée  près  de 
ïomependa,  sur  les  bords  de  la  rivière  des 


I 


»  Lib.  TII,  c.  1 ,  p.  io2f. 


«' 


CMIAPITRE    IX. 


Gl 


Anifizones  :  riKiis  l(ju!cs  ces  v  a  ri  i*  tes  de  mais, 
doiil  la  véî^étatioii  esl  si  rapide,  [)aroissenl 
avoir  le  grain  in(>iiisrarincii\  et  ])resque  aussi 
petit  (jue  le  Zea  eura;^na  du  Chili. 

L'utilité  que  les  Aiiicricaiiis  tirent  du  maïs 
est  trop  connue  pour  que  j'aie  besoin  de 
m'y  arrêter  ici.  L'usage  du  riz  est  à  peine 
aussi  varié  en  Chine  et  aux  Grandes  Lides. 
l)n  mange  l'épi  cuit  dans  l'eau ,  ou  rôti.  Le 
grain  écrasé  donne  un  pain  nourrissant  (arcpd) 
(|uoique  non  fermenté  et  piileux,  à  cause  de 
la  petite  quantité  de  gluten  qui  est  mêlée  à 
la  fécule  amylacée.  La  farine  est  employée 
comme  le  gruau ,  pour  faire  les  bouillies  que 
les  Mexicains  appellent  atolli,  et  auxquelles 
on  mêle  du  sucre ,  du  miel ,  quelquefois 
même  de  la  pomme  de  terre  broyée.  Le 
botaniste  Ilernandez  '  décrit  seize  espèces 
di  atolli  qu'il  vit  faire  de  son  tem])s. 

Un  chimiste  auroit  de  la  peine  à  préparer 
cette  innombrable  variété  de  boissons  spiri- 
tueuses,  acides  ou  sucrées  que  les  Indiens 
savent  faire  avec  une  adresse  particulière , 
en  mettant  en  infusion  le  grain  de  maïs  dans 


*■  Lib.  yil,  c.  4o,  p.  244. 


I 


'i- 


1 


6?.  LIVRE    IV, 

dans  lequel  la  nialicic  sitcrée  commence  à  se 
clcvclopj)er  par  la  j^orniinalio^i.  Ces  baissons, 
que  Ton  clé>i^ne  communément  par  le  mot 
cliicha y  ressemblent  les  mies  à  la  bière  ,  les 
antres  au  citlie.  Sous  le  gouvernement  mo- 
nastique (les  Incns,  il  n'éloit  pas  permis  au 
Pé»"oii  de  fabriquer  des  liqueurs  enivraiilcs, 
surtout  celles  que  l'on  appelle  rinapi(  et  sova^ 
Les  despotes  mexicains  s'intéressoient  moins 
aux  nsœurs  publiques  et  pri\  ('es  ;  aussi  Tivro- 
gnerie  éiGil-elle  déjà  très-commune  parmi  les 
Indiens,  du  temps  de  la  dynastie  aztèque. 
Mais  les  Européens  ont  mulliplié  les  jouis- 
sances du  bas -peuple,  en  introduisant  la 
culture  de  la  canne  à  sucre.  Aujourd  bui 
chaque  hauteur  ofTre  à  l'Indien  des  boissons 
particulières.  Les  plaines  voisines  des  cotes 
lui  fournissent  l'cau-de-vie  de  canne  à  sucre 
{p;i(arnpo  ou  agnardieute  de  caîia),  et  la 
clncha  de  manioc.  Sur  la  pente  des  Cordillères 
abonde  la  tJiîclia  de  maïs.  Le  plateau  central 
est  le  pays  des  vig-nes  mexicaines  :  c'est  là 
que  se  trouvent  les. plantations  d'agave  qui 


^  Garcilasso,  Llh.  VIII,  c.  9  (T.  ï,  p   277).  JccsLa, 


I/ib.  IV  ,  c.  i(.> 


238. 


CTIAPITUE    IX. 


)J 


fournissent  la  l)oisson  ravoritc  des  n^ïtmcls, 
\ç.  puhjuti  de  map;u(n\  L  Indien  aisé  ajoule  à 


ces  nroc 


lucl 


ioris  c 


lu  sol 


anieiican)  une 


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iieur 


qui  est  ])lns  chère  et  plus  rare,  l'eau-t!e-\ie 
de  l'aisin  (  agiuird'u'ulc  da  CdstilLi  )  ,  (mi  partie 
fourme  par  le  coinuierce  de  TEuiope ,  en 
partie  distillée  dans  le  pays  même.  Voilà  de 
nondireuses  ressources  pour  un  peuple  (pii 
aime  les  liqueurs  lorles  jusqu'à  l'excès. 

Avant  l'arrivée  des  Européens  ,  les  Mexi- 
cains et  les  Péruviens  exprimoient  le  suc  de  la 
tige  du  maïs  pour  en  iaire  du  sucre.  On  ne 
se  conlenloit  pas  <le  concentrer  ce  suc  par 
évaporalion;  on  savoit  ])réparer  le  sucre  hrut 
en  faisant  refroidir  le  siro})  épaissi.  Cortèz, 
en  décrivant  a  l'Enipereur  Charles -(Juint 
toutes  les  denrées  (uie  l'on  vendoit  au  «^-rand 
marclié  de  l'Ialeloico ,  lors  de  son  entrée  à 
Ténochlillau ,  nouiinc  exprcssémeni  le  sucre 
mexicain.  ^<  On  vend  ,  dil-il,  du  miel  d'abeilles 
«  et  de  la  cire  ,  du  miel  de  fii^es  de  niais ,  qui 
«  sont  aussi  douces  que  les  canues  à  sucre,  et 
•f  du  miel  d'un  arbuste  que  le  peuple  appelle 
«  maiiuey.  Lv^s  naturels  Ibut  du  sircre  de  ces 
«  plantes,  et  ce  sucre  ils  le  verKlcnt  aussi.  » 
Le  chaume  de  toutes  les  ^raujinées  contient 


si^ 


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t^! 


64  LIVRE    IV, 

la  matière  sucrée ,  surtout  près  des  nœuds. 
La  quanlité  de  sucre  que  peut  fournir  le  maïs 
dans  la  zone  tempérée,  paroît  cependant  très- 
peu  considérable  :  sous  les  tropiques,  au  con- 
traire, sa  tige  fistuleuse  est  tellement  sucrée, 
que  j'ai  TU  souvent  les  Indiens  la  sucer,  comme 
les  Nègres  sucent  la  canne  à  sucre.  Dans  la 
vallée  de  ïoluca,  on  écrase  le  chaume  du  njaïs 
entre  des  cylindres,  et  on  pré])are,  de  son  suc 
fermenté ,  une  liqueur  spiritueuse  appelée 
puhjue  de  rnaliis  ou  de  iLaoUl y  liqueur  qui 
est  un  objet  de  commerce  assez  important. 

Des  tableaux  statistiques  dressés  dans  l'in- 
tendance deCuadalaxara ,  dont  la  population 
est  de  plus  d'un  demi-jnillion  d'iiabilans, 
rendent  probable,  qu'année  moyenne,  la  pro- 
duction actuelle  du  maïs  est,  dans  toute  la 
Nouvelle-Espagne ,  de  plus  de  dix-sept  mil- 
lions de  fanègues,  ou  de  plus  de  huit  cent 
ïuillions  de  kilogrammes  en  poids.  Ce  grain 
se  conserve  au  Mexique,  dans  les  climats 
tempérés,  pendant  trois  ans  ,  dans  la  vallée 
de  Toluca  ;  et  dans  tous  les  plateaux  dont  la 
tenrpérature  moyenne  est  au-dessous  de  qua- 
torze degrés  centigrades ,  pendant  cinq  ou 
six  ans,  surtout  si  on  ne  coupe  pas  le  chauiiîe 


I 


tî 


CHAPITRE   iX, 


es 


sec  avant  que  le  grain  niùr  ait  été  un  peu 
frappé  de  la  gelée. 

Dans  les  bonnes  années  ,  le  royaume  de  la 
Nouvelle-Espagne  produit  beaucoup  plus  de 
maïs  qu'il  n'en  peut  consommer.  Gomme  le 
pays  réunit  dans  un  pelit  espace  une  grande 
variété  de  climats,  et  que  le  mais  ne  réussit 
presque  jamais  à  la  fois  dans  la  région  chaude 
(  ticrras  calicntes  )  ,  et  sur  le  plateau  central, 
dans  les  tierras  jiias y  le  transport  de  ce  grain 
vivifie  singulièrement  le  commerce  intérieur. 
Le  maïs,  comparé  au  blé  d'Europe ,  a  le  désa- 
vantage de  contenir  une  moindre  quantité  de 
substance  nourrissante  sous  un  volume  plus 
grand.  Cette  circonstance,  et  la  difficulté  des 
chemins  sur  la  pente  des  montagnes,  s'op- 
posent à  son  exportation.  Elle  sera  plus 
fréquente  lorsqu'on  aura  terminé  la  cons- 
truction de  la  belle  chaussée  qui  doit  mener 
de  Vera  -  Cruz  à  Xalapa  et  à  Perote.  En 
général  les  îles ,  et  surtout  celle  de  Cuba , 
consomment  une  énorme  quantité  de  maïs. 
Ces  iles  en  manquent  soiTvent,  parce  que 
l'intérêt  de  leurs  habitans  est  fixé  presque 
exclusivemenv  sur  la  culture  de  la  canne  à 
sucre  et  du  Cifé;  quoique  des  agriculteurs 
iir.  y 


'à 


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GG  LIVRE    ÎV, 

iiislruits  aient  observé  depuis  long-temps  qiie , 
dans  le  district  contenu  entre  la  Havane  ,  le 
port  de  Batabano  et  Matanzas,  des  champs 
cultivés  en  maïs,  et  par  des  mains  libres, 
donnent  plus  de  revenu  net  qu'une  plan  ta  lion 
de  cannes  à  sucre  :  cette  dernière  culture' 
exige  des  avances  énoniies  pour  l'achat  des 
esclaves,  leur  entretien,  et  la  construction 
des  ateliers. 

S'il  est  probable  qu'on  semoit  jadis  au 
Chili,  outre  le  maïs,  deux  autres  granimées 
à  semences  farineuses ,  et  qui  appartenoient 
au  même  genre  que  notre  orge  et  notre 
froment,  il  n'en  est  pas  moins  cerlain  qu'avant 
l'arrivée  des  Espagnols  en  Amérique  ,  on  n'y 
connoissoit  aucune  des  céréales  de  l'ancien 
continent.  En  supposant  que  les  hommes  sont 
tous  descendus  d'une  même  souche,  on  poui- 
roit  être  tenté  d'admettre  que  les  Américains, 
comme  les  Atlantes  ',  se  sont  sépaié's  du  reste 
du  genre  humain,  avant  que  le  froment  fut 
cultivé  sur  le  plateau  central  de  l'Asie.  Mais 
doit-on  se  perdre  dans  des  temps  fabuleux. 


*  Voyez  l'opinion  énoncée  par  Diodore  de  Siciio, 
Xib.  111;  p.  Rhodoiu.  186. 


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CHAPITRE    IX.  G7 

pour  expliquer  d'anciennes  communications 
qui  paroissent  avoir  existé  entre  les  deux 
conlinensV  Du  temps  d'Hérodote,  toute  la 
partie  septentrionale  de  l'Afrique  n'olfroit 
encore  d'autres  peuples  agritulteurs  que  les 
Egyptiens  et  les  Carthaginois  '.Dans  l'intérieur 
de  l'Asie ,  les  tribus  de  race  mongole ,  les 
Ilionji-nu ,  les  Burattes  ,  les  Kalkas  et  les 
Sifanes ,  ont  constamment  vécu  en  nomades 
pasteurs.  Or ,  si  ces  peuples  de  l'Asie  centrale, 
ou  si  les  Ljbiens  de  l'Afiique  avoient  pu 
passer  dans  le  nouveau  continent ,  ni  les  uns 
ni  les  autres  n'y  auroient  introduit  la  culture 
des  céréales.  Le  manque  de  ces  graminées  ne 
prouve  donc  ni  contre  l'origine  asiatique  des 
peuples  américains ,  ni  contre  la  possibilité 
d'une  transmigration  assez  récente. 

L'introduction  du  blé  d'Europe  ayant  eu 
l'inlluence  la  ])lus  heureuse  sur  le  bien-être 
des  naturels  du  Mexique,  il  est  intéressant  de 
rapporter  à  quelle  époque  cette  nouvelle 
branche  d'aoricullure  a  commencé.  Un  nèore, 
esclave  de  Cortez,  avoil  trouvé  trois  ou  quatre 
grains  de  froment  parmi  le  riz  quiservoil  de 


*  Jleiren  ilber  AJiica,  p.  4i. 


5* 


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68  LIVRE    IV  ^ 

nourriture  à  l'armée  espagnole  :  ces  grains 
furentsemés,  àeequiparoit,  avant  l'année  i55o. 
La  culture  du  blé  est  par  conséquent  un  peu 
plus  ancienne  au  Mexique  qu'au  Pérou.  L'his- 
toire nous  a  conservé  le  nom  d'une  dame 
espagnole,  Marie  d'Escobar,  femme  de  Diego 
de  Chaves,  qui  porta  la  première  quelques 
grains  de  froment  à  la  ville  de  Lima ,  appelée 
alors  Rimac.  Le  produit  des  récoltes  qu'elle 
obtint  de  cts  grains  fut  distribué  pendant 
trois  ans  entre  les  nouveaux  colons  ;  de 
manière  que  chaque  fermier  en  reçut  vingt 
ou  trente  grains.  Carcilasso  se  plaint  déjà  de 
Tingratitude  de  ses  compatriotes ,  qui  con- 
noissoientàpeine  le  nom  de  Marie  d'Escobar. 
Nous  ignorons  l'époque  précise  à  laquelle 
commença  la  culture  des  céréales  au  Pérou: 
mais  il  est  certain  qu'en  1047  on  ne  connoissoit 
point  encore  le  pain  de  Iroment  à  la  ville  de 
Cuzco  '.  A  Quito,  le  premier  blé  européen 
a  été  semé  près  du  couvent  de  Saint-François, 

>  Comentarios  reaies  j  IX,  24,  T.  II,  p.  ?>7>^. 
u  Maria  de  Escohar ,  digna.  de  un  gran  estado ,  lleiKi 
«  el  tri  go  al  Perîi.  Par  otro  tan  ta  adoraron  los  Gen- 
«  tilea  a  Ceres  por  Diosa y  de  enta  matrona  no  hicieron 
u  Gumita  los  de  mi  tierra,  » 


i 


CHArrn\E  ix.  G<j 

par  le  P.  JoseRixi,  natif  de  Gand,  en  Flandre. 
Les  moines  y  montrent  encore  avec  intérêt  le 
vase  de  terre  dans  lequel  le  premier  froment 
est  venu  de  l'Europe  ,  et  qu'ils  regardent 
comme  une  relique  précieuse  '.  Que  n'a-t-on 
conservé  partout  le  nom  de  ceux  qui ,  au  lieu 
de  ravager  la  terre ,  l'ont  enrichie  les  premiers 
de  plantes  utiles  à  l'honmie! 

La  région  tempérée,  surtout  les  climats  où 
la  chaleur  moyenne  de  l'année  n'excède  pas 
dix-huit  à  dix-neuf  degrés  centigrades,  paroît 
le  plus  favorable  à  la  culture  des  céréales  ,  en 
n'embrassant, sous  cetle  dénomination,  que  les 
graminées  nourrissanles  connues  des  anciens; 
savoir  :  le  froment, l'épcautre,  Forge,  l'avoine 
et  le  seigle  ^.  En  effet ,  dans  la  partie  équi- 
noxiale  du  Mexique,  les  céréales  de  l'Europe 


il 


Si 

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*  Voyez  mes  Tableaux  de  la  Nature  ,  T.  Il ,  p.  \()f^, 

*  Trilicum  (Tvpoç)  ,  Spolia  {Isci) ,  Ilordcum  (xf/Sfi;), 
Avena  {f^^çaixos  de  IJioscoritle ,  et  non  le  (tçoy.o^  de 
Théophrasle )  ,  et  Secale  (t/^»).  Jo  n'examinerai 
point  ici  si  l'avoine  et  le  seigle  ont  été  vraiment  cul- 
tivés par  les  Romains  ,  et  si  Thcopliraste  et  Pline  ont 
connu  noire  Secale  céréale.  Comparez  Dioscor. ,  Il  , 
ii6jIV,iio,  pag.  S;3racen.  12601294,  avec  Colu- 
mella,ll,  io,etTéoplir.,\llI,  i-4^  avecPlin,  11,  126. 


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Livi\r,  IV 


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7 

no  sonl  nillivros  nulle  pari  dans  des  ])latcaux 
donl  l'élévalion  est  au-dessons  de  Iniilà  neuf 
cents  mètres  ;  et  nous  avons  ohseivé  plus  haut, 
cpie  sur  la  penle  des  Cordillères, entre  Vera- 
Crnz  et  Aeapuleo  ,  on  ne  voit  généralement 
rommeneer  celle  culture  quii  la  hauteur  de 
douze  ou  treize  cents  mètres.  Une  longue 
expéiienec  a  pron>é  aux  hahilans  de  Xalapa, 
que  le  froment  semé  autour  de  leur  ville 
\égèle  vigoureusement,  mais  qu'il  ne  monte 
pas  en  épi.  On  le  cullive  parce  que  son 
cliaume  et  son  feuilhiire  succulens  servent  de 
fourrage  (zi/ctilf)  aux  bestiaux.  Il  est  très- 
certain  cependant  que ,  dans  le  royaume  de 
Guatimala  ,  et  par  conséquent  phis  près  de 
Téquateur,  le  blé  mûrit  à  des  hauteurs  qui 
sont  beaucoup  moindres  que  celles  de  la 
Aille  de  Xalapa.  Une  exposition  particulière  , 
des  venls  frais  qui  soufllent  dans  la  direction 
du  riord,  et  d'autres  causes  locales  peuvent 
jnodiiicr  rinlluence  du  climal.  J'ai  vu,  clans  la 
province  de  Caracas .  les  plus  belles  moissons 
de  froment,  près  de  la  Victoria  (lai.  lo"  lo') ,  ù 
cinq  ou  six  cents  mètres  de  hauteur  absolue,  et 
il  paroît  que  les  chanq)s  de  blé  qui  entourent  les 
Qiuitro  Villas,  dans  l'ile  de  Cuba  (lat.  2 1"58'  ) , 


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CHAPiinF,  i\.  71 

ont  !inc  (léviilion  encore  iiionidre.  A  ITsle  do 
J^'anec  (  hit.  2u**  xo'  ) ,  011  nilli\e  du  iVomcnt 
sui"  un  terrain  qui  Cbt  presijue  au  niveau  de 
l'Océan. 

Les  eoliins européens  n'oni  jioint  assez  varié 
leurs expéi'ienees  pour  sa>oir  cpiel  est  le  iniiii- 
muni  de  hauteur  à  laquelle  h:s  eéirales  peu\  eut 
venir  dans  la  r(\.;ion  écpiinoxiale  du  Mexiqjic. 
J^e  manque  ahsoln  de  phiie  ])endant  les  mois 
d'été  y  est  d'antani  plus  contraire  au  IVomenl, 
que  la  chaleur  du  climat  est  plus  ^rande.  Il  est 
vrai  que  la  sécheresse  et  les  chaleurs  sont  aussi 
lri's-consid(''rai)h.'s  en  iSvrieetciéh];^jple;  mais 
ce  dei'iiier  }>a^s,  si  riche  en  hic,  a  un  climat 
qui  dillcre  essenlicllcmenl  de  celui  delà  zone 
torride:  le  sol  y  conserve  (oujours  im  certain 
degré  d  humidité  *[ui  est  du  auK  inondations 
bienfaisantes  du  Nil.  D'ailleurs,  les  végétaux 
qui  appartiennent  aux  mêmes  genres  que  nos 
céréales,  ne  se  trouvent  sauvages  que  dans  des 
climats    tem])érés ,  et  mémo   dans  ceux   de 
l'ancien  continent.  A  l'exception  de  ([uelqucs 
arundinacéesgiganlesques,quisonldes/>/^////r.v 
À'OdvV/A^f^  hîs  graminées  paroiss(;nt,  en  général, 
iniiniment  plus  raies  dans  la  zone  t(^)rride  que 
dans  la  zone  tempérée,  où  elles  dominent  pour 


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'Jl  LIVRE    IV, 

ainsi  dire  sur  les  autres  vro-claux.  Nous  ne 
devons  donc  pas  nous  étonner  que  les  céréales, 
malgré  la  grande  JlcjibUilé  d'organisation 
qu'on  leur  attribue,  et  ([uileur  est  commune 
avec  les  animaux  domestiques,  viennent  mieux 
sur  le  plateau  central  du  Mexique ,  dans  la 
partie  montueuse  où  elles  trou^ent  le  climat 
tle  Rome  et  de  Milan,  que  dans  les  plaines  qui 
avoisinent  l'Océan  équinoxial. 

Si  le  sol  de  la  Nouvelle-Espagne  étoit  ar- 
rosé par  des  pluies  plus  fréquentes,  il  seroit 
l'un  des  terrains  les  plus  i'erliles  que  les 
hommes  aient  défrichés  d.'ns  les  deux  hémi- 
sphères. Le  héros  '  qui,  au  milieu  d'une  guerre 
sanglante,  eut  les  yeux  fixés  sur  toutes  les 
branches  de  l'industrie  nationale ,  Hernan 
Cortez,  écrivoit  à  son  souverain,  peu  après 
le  siège  de  Ténochtitlan  :  «  Toutes  les  plantes 
«*  d'Espagne  viennent  admirablement  bien 
«  dans  cette  terre.  Nous  ne  ferons  point  ici 
«c  ce  que  nous  avons  fait  aux  îles,  où  nous 
«<  avons  négrlig^é  la  culture  et  détruit  les 
«c  habitans.  Une  triste  expérience  doit  nous 
«  rendre  plus  prudens.  Je  supplie  votre  majesté 

^  Lettre  à  V empereur  Charles  -  Quint ,  datée  de  la 
grande  ville,  de  Témixlilafi j  le  \5  octobre  i524. 


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CIlAPriT\E    IX. 


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[rordoni 


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(le  Co 


de 


itvntacwn 
«  8éville,  ({iraiicun  baliiiuMil  ne  puisse  mettre 
«  à  la  voile  pour  ce  pays,  sans  charger  une 
«  certaine  quantité  de  yilanles  et  de  graines.  » 
La  grande  lerlilité  du  sol  mexicain  est  incon- 
testable ,  mais  le  manque  d'eau  dont  nous 
avons  parlé  au  troisième  chapitre,  diminue 
souvent  l'abondance  des  récolles. 

On  ne  connoît  que  deux  saisons  dans  la 
région  équinoxiale  du  Mexique,  même  jus- 
qu'au 28.'"'  degré  de  latitude  boréale  :  la  saison 
des  pluies  (  estacion  de  las  aguds  ) ,  qui  com- 
mence au  mois  de  juin  ou  de  juillet ,  et  finit  au 
mois  de  septembre  ou  d'octobre  ;  et  la  saison 
des  sécheresses  {cl  cstlo)  ,  qui  dui  e  huit  mois, 
dej)uis  octobre  jusqu'à  la  fin  de  mai.  Les 
premières  pluies  se  font  généralement  sentir 
sur  la  pente  orientale  de  la  Cordillère.  La 
formation  des  nuages  et  la  précipitation  de 
l'eau  dissoute  dans  l'air,  commencent  sur 
les  cotes  de  Veia-Cruz.  Ces  phénomènes  sont 
accompagnés  de  fortes  explosions  électriques; 
ils  ont  lieu  successivement  à  Mexico,  à  Gua- 
dalaxara,  et  sur  les  cotes  occidentales.  L'ac- 
tion chimique  se  propage  de  l'est  à  l'ouest,  dans 
la  direction    des   vents  alises,  et  les  pluies 


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V 


71  LIVRE    TV  , 

toin])cnt  quinze  cm  vin^l  jours  plnlol  à  Vcra- 
(auz  une  sur  le  plalcaii  feutrai.  (  )u('lMui;rois 
DU  Mnl  dans  les  uuuïlaiiiies  el  rurine  au- 
dessous  (le  deux  uiille  mèlres  de  liauleur 
;il>S()lue,  des  pluies  uièlées  de  ^^résil  elde  iieii;e, 
daus  l(*s  mois  de  novembre,  de  déceud)reetde 
uivier  :  uiais   ees    i)luies    stmt  très-eourtcs , 


]• 


I 


elles  m;  diiieul  (|Uo  qualre  ii  euKj  nmis;  et 
queicjue  IVoitles  cpielles  soient,  on  les  rei»arde 
couimc   1res -utiles  pour  la    végétation    du 
froment  et  pour  les  palura<;es.  En  *^énéral , 
au  Mexique  eomine  en  Europe ,  les  pluies  sont 
plus  (Véqucutes   dans  la  région  mi)ntueusc  , 
surtout  dans  ecttc  partie  des  (Jordillères  qui 
s'étend  depuis  le  pie   d'Orizaba,  par  Gua- 
iiaxuato,  Sierra  de  Pinos,  ZaeateeasetBolanos, 
jusqu' aux  mines  de  G  uarisamey  cl  du  Rosario. 
La  prospérité  de  la  Nouvelle-Espague  dé- 
pend de  la  proportion  établie  entre  la  durée 
des  deux  saisons  de  pluie  et  de  sécheresse.  Il 
est  très-rare  que  Tagriculteur  ait  à  se  plaindre 
d'une  trop  grande  humidité  ;  et  si  quelquel'ois 
le  maïs  et  les  eéiéales  d'Europe  sont  exposés 
à  des  mondations  partielles  da^sles  plii'.eaux  , 
dont  plusieurs  forment  des  ba;vùiis  eii  ciilaires 
fermés  par  des  montagnes,  le  blé  semé  sur  les 


aiAI»ÎTl\F,    T\'. 


'.') 


ponrrs  (les  rollinos  en  M'';;rlo  avcr  <1';nil;int 
phis  de.  vij^iioiir.  Depuis  le  paiallèle  iU'  2V* 
jusqu'à  eeliii  de  ."(.>"  les  pluies  smil  plus  rnres 
ri  Irès-eourles.  lïeureuscuienl  les  neiges,  dont 
l'ahondanee  est  assez-  eonsidiTahle  depuis  les 
20"  de  lalilude,  suppléent  à  ee  niancpie  de 
pluie. 

L'extreuic  séclieresse  à  laquelle  este\]>osée 
la  Nouvelle-l']spa;^ne,  depuis  le  uiois  <le  juin 
jusqu'au  nioisde septembre,  loree  leshahilaus, 
dans  une  ^lantle  partie  de  ec  vaste  [>a}  s,  à  des  a  1- 
roseuïens  arlifîeiels.  11  n'y  a  de  lielies  moissons 
de  IVoment  (pi'autant  qu'on  a  fait  des  sai»^ru''es 
aux  rivières,  et  qu'on  a  mené  les  eaux  de 
très-loin  par  des  eanaux  d'iriii;'alion.  Ce  sys- 
tème de  ri;iolcs  est  surtout  suivi  dans  les  belles 
plaines  qui  bordent  la  rivière  de  Santiago, 
appelée  li/o  (traudcy  et  dans  eelles  que  1  on 
trouve  entre  Salamanea,  Irapuato  et  la  Villa 
de  Léon.  Des  canaux  d'arrosenient(^/r^vyr/^/V/5), 
des  réservoirs  d'eau  [pi'cstis),  et  des  roues  à 
godets  {norias) y  sont  des  objets  de  lapins 
grande  importance  pour  ragrieullure  mexi- 
caine. Semblable  à  la  Perse  et  à  la  partie  basse 
du  Pérou,  l'intérieur  delà  Nouvelle-Espagne 
est  infiniment  productif  en  graminées  nour- 


i! 


"I 


M! 


irUT 


^6  LIVRE    IV, 

lissantes,  partout  où  l'industrie  de  Hiomrae 
a  diminnc  la  sécheresse  naturelle  du  sol  et 
de  l'air  ^ 

Nulle  part  aussi  le  propriétaire  d'une  <^'rande 
ferme  ne  sen".  plus  souvent  le  besoin  d'em- 
plojer  des  ingénieurs  qui  sachent  niv<.Ier  le 
terrain ,   et   qui    ronnoissent    les   principes 
des  constructions  li^drauliques.  Cependant^  à 
Mexico  connue  partont  ailleurs,  on  a  préféré 
les  arts  qui  plaisent  à  l'imagination,  à  ceux  qui 
sont  indi  pensables  aux  besoins  de  la  \  ie  do- 
mestique. On  est  parvenu  à  former  des  archi- 
tectes qui  jugent  savamment  de  la  beauté  et 
de  l'ordonnance  d'un  édifice;  mais  rien  n'y 
est  plus  rare  enco:  ?  que  des  personnes  ca- 
pables de  construire  des  machines ,  des  digues 
et  des  canaux.  Heureusement  le  sentiment  du 
besoin  a  excité  l'industrie  nationale    et  une 
certaine  sagacité  propre  à  tous  les  peuples 
montagnards,  supplée    en   quelque  sorte  au 
manque  d'instruclion. 

Dans  les  endroits  qui  ne  sont  pas  arrosés 
artificiellement,  le  sol  mexicain  n'offre  des 
pâturages  que    jusqu'au;:  mois  de   mars  et 


!  Voyez  T.  II ,  p.  ia8  et  253. 


CHAPITRE    IX.  7*7 

d'avril.  A  celle  époque,  où  souffle  frcqucni- 
ment  le  vent  de  sud -ouest  (incfifo  du  la 
mistcca  ) ,  qui  est  sec  et  chaud ,  toute  verdure 
disparoît,  les  graniinces  et  les  autres  plantes 
herbacées  se  sèchent  peu  à  peu.  Ce  change- 
ment est  d'autant  plus  sensible,  que  les  pluies 
de  l'année  précédente  ont  été  moins  ubo  i- 
dantes ,  et  que  l'été  est  plus  chaud.  C'est  alors , 
et  surtout  au  mois  de  mai,  que  le  iVonient 
souffre  beaucoup,  s'il  n'est  point  arrosé  arti- 
ficielle nie  o  t.  La  pluie  ne  réveille  la  végétation 
qu'au  mois  de  juin  :  aux  premières  ondées  les 
champs  te  couvrent  de  verdure  ;  le  TeniHage 
des  arbres  se  renouvelle,  et  l'Européen,  qui  se 
rappelle  sans  cesse  le  climat  de  son  pavs  natal, 
se  réjouit  doublement  de  cette  saison  des 
pluies^  parce  qu'elle  lui  offie  llniage  du 
printemps. 

En  indiquant  les  mois  de  sécheresse  et  de 
pluie,  nous  avons  décrit  la  marche  que  suivent 
communément  les  j)hénomènes  météorolo- 
giques. Depuis  quelques  années,  cependant, 
ces  phénomènes  ont  paru  dévier  de  la  loi 
^'^énérale^  et  les  exceptions  ont  été  malheu- 
rensemeni  au  désavantage  de  l'abri  culture. 
Les  pluies  sont  devenues  plus  raies  et  surtout 


t 


7» 


LIVRE     IV 


r  n 


|)li!S  lai'divcs.  L'année  où  j'ai  visilé  le  volcafi 
d(;  .lonillo  ,  la  saison  des  pluies  relaî'îa  de 
trois  mois  entiers  :  elle  comrnenea  an  mois 
de  seplendiie,  cl  ne  dura  que  jusque  vers  lu 
mi-noveml)re.  On  observeau  Mexique ,  que  le 
maïs,  qui  souffre  des  gelées  de  l'autoiiine  bien 
plus  (jue  le  froment^  a  l'avantage  de  se  rétablir 
plus  (acilement  après  de  lonj^ues  sécheresses. 
Dans  l'intendance  de  Yalladolid,  entre  Sala- 
nianca  et  le  lae  de  Cuizeo ,  j'ai  vu  des  clianqis 
de  maïs  que  l'on  crovoit  perdus,  végéter  a\ec 
une  vigueur  étonnante  après  deux  ou  tiois 
jours  de  pluie.  La  grande  largeur  des  l'euilles 
contribue  sans  doute  beaucoup  à  la  nutrition 
et  à  la  force  végétali\e  de  cette  graniinée 
américaine. 

Dans  les  termes  [hacieîidds  de  trigo)  dans 
Jcsquelles  le  système  d'irrigation  est  l)ien 
établi,  parexenq)le,  près  de  Léon,  Silao  cl; 
Trapualo,  on  arrose  le  i'roment  à  deux  époques: 
la  première  fois,  dès  que  la  jeune  plante  sort 
de  terre,  au  mois  de  jan\ier  ;  et  la  seconde^  au 
conmiencement  de  mars^  lorsque  l'épi  est 
près  de  se  développer  :  quelquefois  même 
Livant  de  semer  on  inonde  le  clianqi  entier. 
Ou   observe   qu'en    v   laissant   séjourner  les 


"\wf 


CHAPITRE    JX. 


79 


eaux  pendant  phisiouis  semaines,  le  sol  s'ini- 
])iè<^ne  tellement  criiumldilé,  ([ne  le  froment 
résiste  pins   faeilement  à  de  l(m;^nes  scclie- 
rcsses.  On  sème  à  la  volée,  au  moment  même 
où  Ton  a  fait  éeonler  les  eanx  en    ouvrant 
les  ri<(oles.  Celte  méthode  rappelle  laeultnte 
du  froment  dans  la    Hasse-Egyple,    et   ces 
inondations  prolongées  diminuent  en  même 
temps  l'abondance  des  herbes  parasites  qui  se 
mêlent  à  la  récolte  en  fiuchant,  et  dont  une 
partie  a  malheureusement  passé  en  Amériqne 
avec  le  blé  d'Europe. 

La  richesse  des  récoltes  est  surprenante 
dans  les  terrains  cultivés  avec  soin ,  surtout 
dans   ceux    ipjc    l'on   arrose  ,   ou    qui  sont 
amen])]is  par  plusieurs  labours.  La  partie  la 
])!us  fertile  du  plateau  est  celle   qui  s'étend 
depuis  Quei'claro  jusqu'à  la  ville  de  Léon. 
Ces  plaines  élevées  ont  trente  lieues  de  lonj^- 
kur  huit  à  dix  de  large.  On  y  récolte  en  fro- 
ment  7)6    à  /jo   fois  la   semence  ;   j)lusieurs 
grandes  feruics  peuvent  compter  sur  5o  ou 
(;o  grains.  J'ai  trou\é  la  même  fertilité  dans 
les  champs  qui  s'étendent  depuis  le  village 
de  Santiago  jusqu'à  Yurirapundaro,  dans  fin- 
tendunce  de  \  alladolid.  Dans  les  cuv  ironie  de 


'Mi 

l'il 


8o 


IJVRE    IV 


Piiebla,  trAllisco  cl  deZelaya,  dans  une  grande 
partie  des  ci\èeliés  de  Meelioacan  et  de  (aia- 
dalaxara  ,  le piodnit  est  de  20  à  oo  o-iainspoiir 
un.  Un  ehani[)  y  est  considéré  comme  peu 
fertile,  lorsqu'une  fanègue  de  froment  semée 
ne  rend,  année  moyenne,  (jue seize  ranègues. 
A  Cliolula  ,  la  réoohe  (X)nunune  est  de  .lo  il 
4.0  grains;  mais  elle  excède  souvent  70  à  80. 
Dans  la  vallée  de  Mexico,  on  compte  200  grains 
pour  le  maïs  ,  et  18  ou  20  pour  le  IVoment. 
J'ol)ser\e  que  les  nond)res  rapportés  ici  ont 
toute  l'exactitude  que  l'on  peut  désii  er  dans 
un  objet  aussi  important  pour   la  connois- 
sance    des   richesses    teriitoriales.    Désirant 
vivement  connoître  les  produits  delagrieul- 
turc   sous   les    tropiques,   j'ai   pris   tous   les 
rcnseignemens    sur    les    lieux    mêmes  ;    j'ai 
conl'ronté  les  données  qui  m'ont  été  l'ournies 
par  des  colons  intelligens  ,  et  qui  liabitoient 
des   provinces  très -éloignées   les   imes    des 
autres.  J'ai  porté  d'autant  plus  de  précision 
dansée  travail,  que,  né  dans  un  pays  oii  le 
blé  donne  à  peine  le  quatrième  on  le  cin- 
quième grain,  j'étois  disposé  plus  qu'aucun 
autre  à  me  méfier  des  exaspérations  des  ai'io- 
rlom<^s;  exagérations  qui  sont  les  mêmes  au 


CIlAPITr.K     IX. 


8i 


^[exitjne  ,  en  Cliinc  ,  el  j),irloi]t  où  rjmoiir- 
pi'opic  des  lial)i(ans  Nout  profiler  do  la  cié- 
diilité  des  ^^.)ya«^•eurs. 

Je  irii^iioro  pas  (pi'à  cause  de  la  grande 
iné«^alilé  avee  hupiellc  on  sème  daiis  les  dif- 
lercns  pays,  il  auroil  mieux  valu  coniparer  le 
pioduil  des  récoltes  à  l'élcndue  du  lorrain 
ensenieiicé.  Mais  les  mesures  agraiiTs  sonl  si 
inexac^les,  et  il  y  a  si  peu  do  l'ernies  au 
Mexique  dans  lescpielles  on  connoisse  avec 
précision  le  nombre  de  toises  ou  de  >ares 
carrées  qu'elles  embrassent,  qu'il  a  fallu  m'en 
tenir  à  la  simj)lc  comparaison  du  froment 
récollé  a^ec  le  froment  semc.  Les  Techerches 
auxquelles  j(*  m'étois  li\ré  pendant  mon 
séjour  au  Mexique,  m  avoient  donné  poue 
résultat,  qu'année  coimnune ,  le  produit 
moyen  de  tout  le  pays  est  de  22  à  25  grains 
pour  un.  llelourné  en  lilurope  ,  j'avois 
formé  de  n(»uveau  queUpies  doutes  sur  la 
précision  de  ce  rési.'llat  imporlant,  et  j'aurois 
peut-être  hésité  de  le  pu1)lier,  si  je  n'av«MS 
pu  consulter  sur  cet  objet,  tout  récemment, 
et  à  Paiis  iiiéme,  une  personne  respectable  et 
éclairée  qui  h.J»ite  les  colonies  espagnoles 
dcnuis  Ironie  ans,  et  qui  >  y  est  livrée  avec 
li  i.  ^J 


â"^ 


M 


î 


82 


ITVIΠ   IV 


heaiicoup  tic  succès  à  l'af;iiciilliirc.  .^î.  Ahnd  , 
clianoinc  de  l'cglise  niélropolitaine  de  /  a/- 
ladolul  de  Mcchoiican ,  m'a  assuré  que, 
d'apiès    ses  calculs,   le  produit    uioycu   du 


1 


ronient  mexicain  ,    loin 


d'cl 


re   au 


-d 


CSSOtlS 


do  ^iu«^i-deux grains,  est  probahlcmcnt  de  2;5 
à  5o;  ce  qui,  d'après  les  calculs  de  La\oisicr 


l1( 


fois  1< 


(luit 


etdejNecker,  exceci 
moyen  de  la  France. 

Pics  dcZelaya,  les  a^^Ticulleurs  rn'onl  fait 
voir  la  différence  énorme  de  produit  (pi  il 
y  a  entre  les  terres  arrosées  arti'icicllemeut, 
et  celles  qui  ne  le  sont  pas.  Lesprennères,  <  ui 
reçoivent  les  eaux  du  Rio  Grande ,  distiibuées 
par  des  saignées  dans  plusieurs  étangs  , 
donnent  l^o  à  5o  fois  le  grain  semé;  tandis 
que  les  champs  qui  ne  jouissent  pas  du  bien- 
fait de  l'irrigation ,  n'en  reitdcnt  que  quinze 
ou  vin^'t.  On  a  ici  ie  même  défaut  dont  les 
Agronomes  se  plaignent  dans  presque  toutes 
les  pallies  de  l'Europe,  celui  d'cmplojer 
trop  de  se/uaille  j  de  sorte  que  le  grain  se 
perd  et  s'étouflé.  Sans  cet  usage,  le  produit 
des  récoltes  paroîlroil  plus  giaud  encore  que 
nous  ne  venons  de  liiKliqucr. 

Il  sera  utile  de  consigner  ici  une  observa- 


il^ 


I'" 


CHAl>trl\E    l\. 


8:î 


lion  ^  laite  près  de  Zclaya  ,  par  une  personne 
diii'ne  de  confiance  et  trës-accoutiimce  à  des 
recherclies  de  ce    ;^enre.  M.  Abad   prit  au 
hasard  ,  dans  une  belle  pièce  de  blé  de  plu- 
sieurs arpens  d'clendue  ,  quarante  plant<îs  de 
froment  (  Trilicuni   hybernum)  :  il  plongea 
les  racines  dans  l'eau  pour  les  dépouiller  de 
toute  terre ,  et  il  trouva  que  chaque  graine 
avoit  de  une  naissance  à  quarante,  soixante, 
et  même  à  soixante-dix  tiges  ;  les  épis  étoient 
presque    tous    également    bien   garnis  :  on 
compta  le  nombre  des  grains  qu'ils  conte- 
noient,  et  on  trouva  que  ce  nond^re  excédoit 
souvent  cent,  et  même  cent  vingt;  le  terme 
mojen  parut  de  qjatre-vingt-dix  :  quelques 
épis  contenoient  jusqu'à  cent  soixante  grains. 
Voilà  sans  doute  un  exenjple  de  Fertilité  bien 
frappant  !   On  remarque  ,  eu  général ,  que  le 
froment  talle  énormément  djns  les  champs 
mexicains;   qu'un   seul    grain    y  pousse    un 
grand  nondjre  de  chaumes,  et  que  chaque 
plante  a  des   raciiies    extrêmement  longues 


s  :! 


*  Sobre  la  fcrtilidad  de  las  tierras  en  la  Nue^'a 
Etipaha  ,  pvr  Don  Manuel  Abad  y  Queipo,  (IN oie 
nutnuscritt'.  ) 

G* 


84 


LIM.i:    IV 


n 


el  louiTues.  Los  colons  cs[)aynols  iippellciit 
cet  cilel  de  la  a  i;^iicur  de  la  vc*^élaUou ,  cl 
macoLiar  dcl  irino. 

Ali   nord  de  ce  district   éinincnnnenl  ier- 
tile  de  Zelaja,  îSi;laiHaiicif  et  Léon,  le  pays 


es 


td' 


une  aïK 


lité 


exliènie,  sans  ri\jcics,  sans 


sources,  etolljant,  sur  de  vastes  étend ue;i , 
des  croûtes  d'ari^ile  endurcie  (^ti'iK'tdtc) ^  îjiie 
les  cnlti'. aleurs  appellent  des  terrains  dids  et 
froids  y  et  à  lra>eis  lesquels  les  racines  des 
plantes  herbacées  pénèlient  diliicilenient. 
Ces  couches  d'argile,  cpie  j'ai  aussi  retrouvées 
dai.b.  le  royaume  de  Ouito  ,  ressendjlent  de 
loin  à  des  bancs  de  rochers  dénués  de  toute 
végétation  :  elles  appartiennent  à  h>  for/fialio/i 
fm/tpcc/i/w  ,  el  accompagnent  constannnenl, 
sur  le  dos  des  Andes  du  Lérou  et  du  Mexi<  jue , 
les  basaltes,  les  grtinstein,  les  amygdaloïdes 
et  les  porphyres  amphibuliques.  Dans  d'au- 
tres parties  de  la  jN  ou \  elle  -  Espagne  ,  au 
contraire,  dans  la  belle  vallée  de  Santiago, 
et  au  sud  de  la  \iile  de  Vidladolid,  les  ba- 
saltes et  les  auiygdaloïdes  décomposés  ont 
foriiié,  par  la  suite  des  siècles,  un  terreau  noir 
et  très-productit":  aussi  les  champs  leitiles  cpii 
entourent  l'Alberea  de  Sauliago  rappcllenl-ils 


ciiM'irr.r.  ix. 


f^.-; 


les  terrains  basalliqiicstln  '.[i!tcli^cl)i'ir^e  de  la 


]3<>l 


u'ine. 


Nons  axnvs  créeril  plus  liant  ',  en  traitant 
(le  la  slalistirpie  particnlière  du  ])ays,  les 
déserts  sans  eau  «jni  sej)arent  la  JNouvelle- 
Biscayedn  \()n\ean-\le\i(jne.  Tont  le  plateau 


Icnd  d( 


Sallilli 


qui  s  elend  depuis  ooinhrerefiî  au  oallilio , 
et  de  là  vers  la  Pnnla  de  Lanipazos,  est  une 
plaine  nue  et  ari(]e  d.nis  lacpielle  ne  végètent 
que  des  eaeluset  d'autres  plantes  épineuses  : 
il  n'y  a  aiieun  vestijic  de  cnlline  ,  si  ee  n'est 
sur  quelques  points  où  ,  eonnne  autour  de 
la  ville  du  Scdtillo  ,  1  industrie  de  rhoinnie  a 
réuni  un  peu  d'eau  pour  arroser  les  rliamps. 
Nous  a\()ns  éiralenient  traeé  le  tableau  de  la 
Vieille-Calirornie  %  dont  le  sol  est  un  roc 
dénué  à  la  fois  de  terieau  et  de  souree». 
Toutes  ces  considérations  s'accordent  à 
prouver  ce  que  nous  avons  avancé  dans  lo 
livre  précédent ,  qu'à  cause  de  son  extrénic 
sécheresse  une  paitie  considérable  de  la 
Nouvelle  -  Espagne  ,  située  au  nord  du  tro- 
pique ,   n'est    pas  susce])tibie'  d'une   grande 


^!si 


iiTî;-' 


»Cliap.  VJJl,  T.  Il,  p.  4o3. 
«  Ibid. ,  p.  42^. 


I 


8r, 


Livrr  ïv 


popnlntion  :  nnssi  (jmcI  contniste  frappant 
rnhc  la  pli^sioiiomle  de  (îciix  pji>s  Noisins, 
rntrc  le  Mexique  el  les  Ktaîs-liiis  de  l'Amé- 
rique septentrionale!  Dans  ecs  deiïiiers,  le 
sol  n'est  qu'iMie  vaste  lorèt  sillonnée  par  un 
grand  nond)re  de  rivières  qui  débouehent 
dans  des  «^j-oires  spaeieiix.  Le  iMexique  ,  au 
contraire  ,  offre  à  l'est  et  à  l'ouest  un  littoral 
boisé  ,  et  dans  son  centre  un  ni.issif  énorme 
de  montajines  colossales^  sur  le  dos  desquelles 
se  prolongent  des  plaines  déjioniv  nés  d'arbres, 
et  d'autant  plus  arides ,  que  la  température 
de  l'air  ambiant  y  est  augnjentée  par  la  ré- 
\erbération  des  rayons  solaires.  Dans  le  nord 
de  la  Nouvelle-Espagne,  comme  au  Thibet , 
en  Perse ,  et  dans  toutes  les  régions  mon- 
ILueuses  ,  une  partie  du  pajs  ne  sera  rendu 
propre  à  la  culture  des  céréales  que  lorsqu'une 
population  concentrée  et  parvenue  à  un  haut 
degré  de  civilisation  aura  vaincu  les  obstacles 
que  la  nature  oppose  aux  progrès  de  l'éco- 
nomie rurale.  Mais  cette  aridité ,  nous  le 
répétons  ici  ,  n'est  pas  générale  ;  elle  est 
compensée  par  l'extrême  fertilité  cjiie  l'on 
observe  dans  les  contrées  méridionales  , 
même  dans  cette  partie  des  ptwi/icias  iiUemas 


r!i\îMrnF.   i\, 


8- 


qiî 


i  nvoisînc  les  rivioics,  tlaiis  les  bassins  du 


J^u)  (lel  'Notte,  (lu  Gila,  de  riîia([ijl,  du 
]Mî»y()  ,  du  Ciuliaeaii ,  du  Hio  del  Kosarit)  , 
du  JUo  de  Ctjuelius  ^  du  Kio  de  ^>anlallde^, 
du  Ti,;rc  ,  el  des  noudiicux  lorrcns  de  Li 
pro\inec  de  Te\as. 

Dans  rexlréiiiilé  la  plus  septentrionale  du 
rovaunic,  sur  les  eûtes  de  la  jNouvelle-Cali- 
furnie  ,  le  produit  du  IVoinent  est  de  iG  à 
17  g-rains  ])(!iir  un  ,  en  ])renant  le  ternie 
iDoyen  entie  les  reeoltes  de  dix-liuît  \illa;4'es 
peîïdant  deux  îuis.  Je  enns  que  les  a;^Tonoines 
verront  a^ec  intérêt  le  détail  de  ces  réeoUes 
dans  un  ]>ays  silué  sous  le  nièine  parallèle 
qu'  Vli^er  ,  Tcuiis  et  la  Palestine  ,  entre  les 
r>2"  59'  el  37'»  48'  de  latitude. 


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IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


1.0 


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Ptotpaphic 

Sciences 

Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  14580 

(716)  872-4503 


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88 


LIVRE    IV  , 


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N  O  Al  S 
DES    VILLAGES 

de  la 
Nouvelle-Californie 


!San  Diego 

San    Li'is    Rey    nr, 

Francia 

San  Juan  Catistra- 

NO 

San  Gauiuel 

San  Fekna.ndo.  .  . . 
San  Bl'enaventura 
Santa  Raiii!aiia.  . . 

La    l'URlSSlMA    CON- 
CEl'CION 

San  Luis  Onisi'o. . . 

San  Miguel 

SoLEtiAD 

San  Antonio  de  Pa- 

dua 

San  Caulos 

San  Juan  BArTisTA. 

Santa  Ckuz 

Santa  Claka 

San  José 

San  Francisco.  . . . 


1791. 

F  A  X  k  G  U  E  s 

de  froment. 


semé. 


Go 


8u 


17.S 


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G.') 


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HG 


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Ile. 


90 


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Go 


«74 


1802. 

r  A  N  i;  G  i  E  s 

(le  iVuuient. 


I      K  1;  C  «  J .  T  E 

CDii.'.iiliric 
(  nmine  iii'illiiilr 
(1,1    "IMlll    ■  rlllr. 


seme. 


récolté. 


002 1 


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1200 

2(Jo8 

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2800 
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287G 

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4  000 

1600 

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1200 
210 

1200 
550 

2000 

1200 

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1802. 


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Il  parojt  que  la  parlie  la  })lus  septentrionale 
de  cette  cote  est  moins  favorable  à  la  cullnie 


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j<St)?,. 


12 

28  A 

28 

5G  .'- 

8. 


0^ 


CHAPITRE    IX.  89 

du  froment  qnc  celle  qui  s'élend  depuis  San 
Die^^^o  jusqu'à  San  Miguel.  D'ailleurs,  dans 
dc5>  terrains  réeenniient  dclrielus  le  produit 
du  sol  est  plus  inégal  que  dans  des  pa^^^s 
aneiennemcnt  cultivés,  <pioi(ju'on  n'observe 
dans  aucune  partie  de  la  Nouvelle  -  Espagne 
celte  diminution  progressise  de  lerlilitc  qui 
alïlige  les  nou^eaux  colons  partout  où  l'on 
a  abattu  les  forets  pour  les  converliren  terres 
labourables. 

Les  personnes  qui  ont  réfléchi  sérieusement 
sur  les  richesses  du  sol  mexicain  ,  saM^Uquc, 
par  le  niojen  d'une  culture  plus  soignée,  et 
sans  supposer  des  travaux:  extrac)rdinaircs 
pour  l'irrigation  des  champs ,  la  portion  de 
terrain  déjà  défrichée  pourroit  fournir  de  la 
subsistance  pour  une  population  huit  à  dix 
fois  plus  nombreuse.  Si  les  plaines  l'ertiles 
d'Atliseo  ,  de  Cholula  et  de  Puebla  ne  pro- 
duisent pas  des  récoltes  plus  abondantes  ^  la 
cause  principale  doit  en  être  cherchée  dans 
le  manque  de  consonnnaleurs ,  et  dans  les 
entraves  que  les  inégalités  du  sol  opposent 
au  conmierce  intérieur  des  grains,  surtout  à 
leur  transport  vers  les  cotes  ([ui  sont  baignées 
par  la  mer  des   Antilles.  jNous  re\iendrons 


*4 


i 


90  T.IVRK    IV, 

])lus  hns  sur  ccl  objet  iiiUTCssnnl  ,  C!i  traitant 
de  rc.\|)orlaliori  de  la  Vera-(îiii/. 

(Quelle  est  aeliielleincnl  la  iceoliecn  «^Taiii."* 
dans  toute  la  NonvelJe-Mspa'rne  V  On  sent 
combien  ee  problcMnc  doit  clie  dillieile  à 
résoudre  dans  un  ])ajs  où  le  ^•ou^el•neInent, 
depuis  la  mort  du  eomle  de  lle\illai;i^edo  , 
a  si  peu  favorisé  les  re<'lierehes  sl.uislitpies. 
l^juFranee  même,  les  eslimaiioiis  de  (JueNuay, 
de  Lavoisieretd'Arihur  Voun;parionldequa- 
r;mte-ein(Jeleinquanle,jns(p^às()i\anle-(|Min/e 
millions  de  seliers,  à  117  kilo<;ra  m  nies  pesant. 
Je  n'ai  pas  de  données  j>osili>essnr  les  quan- 
lilés  de  seit^le  et  d'orge  récoltés  au  Mexique, 
mais  je  crois  pouvoir  calculer  approximali- 
\ement  la  ])roduction  moyenne  eu  froment. 
En  Europe,  l'estimation  la  plus  sure  est  celle 
qui  se  fonde  sur  la  consonunatitîn  évaluée 
de  chaque  individu  :  c'est  le  moyen  employé 
avec  succès  par  MM.  Lavoisier  et  Arnould  j 
mais  celte  méthode  ne  peut  être  suivie , 
lorsqu'il  s'agit  d'une  population  c.  Mnoséc 
d'éléniens  très  -  hétérogènes.  L'Jndie-  jt  le 
ïTiétis  ,  habitans  de  la  campagne,  ne  se  .su- 
rissent que  de  pain  de  maïs  et  de  manioc. 
Les  blancs  créoles  qui  vivent  dans  les  gL:iudes 


i! 


riIAPITRK    ÎX. 


9> 


villes .  ronsommciil  hicii  plus  rlc  pnin  de 
frt>rii('nl  <|ue  ctiiix  (|ii[  scjournciit  Ihibitiiellc- 
rnciil  dans  les  lernies.  lj.'MM[)i(iil(\  c|iii  rornptc 
pins  de  ^T),ooo  Indiens,  e\i;^e  anniielleiiieiit 
]»rès  de  dix-neii(  ntillions  de  kilo;^" ranimes 
de  liirine.  Celle  eonsonnnalion  est  presque 
1(1  uiènie  cpie  eclle  des  villes  tl'Kiiropc  <"*:^a- 
lenienl  penplécs;  el  si,  tl^ipirs  celle  hase, 
on  V(.)uloit  ealeuler  la  eonsoinnialion  de  loul. 
le  royainiic  de  la  INOuvelle-Kspa^ne,  cm  par- 
viendroil  à  un  résultat  ([\n  seroil  plus  <Ie  cinq 
ft)is  trop  ;^rand. 

D'après  ecs  considérai  ions  ,  je  préfère  la 
mclh(jde  qui  se  (onde  sui*  des  eslinialions 
partielles.  La  quantité  de  froment  récolte  eu 
1802  ,  dans  Tinlendance  de  Guadalaxara  , 
éloit ,  selon  le  tableau  stalisticpie  cpie  l'in- 
tendaut  de  cette  province  a  conununupiéà  la 
cliamhre  de  commerce  de  Vera-(^ruz,  de 
43,000  carqns  j ou  de G,4«^o,ooo  kiIo<;rammes. 
Or,  la  population  de  rinlcndancc  de  Guada- 
laxara est  à  peu  pri's  un  neuvième  de  la 
population  totale.  Il  J  a  ,  dans  cette  partie  du 
Mexique  ,  un  grand  nombre  d'Indiens  qui 
jiian«j;'enl  du  pain  de  mais  ^  et  l'on  y  coi.pte 
peu  de  villes  populeuses   habitées  par  des 


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LIVRE    TV 


LLincs  aisés.  D'oprôs  l'analoolo  do  celle  ré- 
colle jiarlielle  ,  la  recolle  ;^«"iic  r;ile  de  la 
]Nouvclle-l^s|>a;^iie  nesei'oitqne  de  ;k)  millions 
de  kilograiiuiies:  mais  en  ajoutant  3()  millions 
de  kiloii'rannnes,  à  (*ause  de  Tiniluenee  bien- 
faisante  qu'a  la  coiisonniialion  des  villes  '  de 

»  Vojcz  Cliap.  \JII,  T.  H  ,  p.  iS3  et  279.  J'ai 
forinù  ,  il'après  des  uialérlaux  exacts  ([ue  je  possède  ,  le 
tnbkau  suivant  ,  dans  Icqiud  la  consonimalion  en 
farine  est  conipan^e  avec  le  uonibin  des  habilans. 


VILLLS. 

1 

CONSOMMATION 
de  Caiiiie. 

Pf)PULATION. 

Mr.xico 

rui:i;L.v 

liA  IIavank.  .  .  . 
1  Paris 

k.logl. 
19,100,000 
7,790,000 

5,23o,ooo 
7  G,  000, 000 

hab. 

1.37,000 
67,300 
80,000 

547 ,000 

Sur  les  consommations  de  l\nris,  voyez  les  recherches 
curieuses  que  M.  Peuehet  a  co:r  'ailées  dans  sa  Statis- 
tique élémentaire  de  la  France,  p.  .'572.  Le  bas-peuple, 
à  la  Havane  ,  njanj;c  beaucoup  de  cassave  et  d'arepa. 
La  consommation  annuelle  de  la  Havane  est,  en  pre- 
nant le  terme  moyen  de  quatre  ans,  de  427,018  ar- 
robcs,  ou  de  68,899  batriles.  [Papel  periodico  de  la 
JLwana,  1801 ,  u.  12,  p.  46.  ) 


1^ 


m 


(:hapiti\e  IX.  r)3 

Mt'xico  ,  tic  rnel)la  v[  de  (ùian.ixuiilo  ,  sur  la 
culliire  (iesdislrirls  circonvoisiiis ,  et  à  cause 
des  pnwincias  intcrnds  ,  tlonl  les  habikins 
vivent  presque  e\clu;,ivemcMt  de  pain  de 
IVrnjient,  un  tiuuve  ,  pour  tout  le  royaume, 
près  de  dix  millions  de  nivria;j;rainn;cs  ,  ou 
plus  de  8ooy.)oo  sclicrs.  Celle  cslinialion 
donne  un  résultat  trop  loible,  parce  que,  dans 
le  calcul  que  nous  \enons  de  ])résenler,  on 
n'a  pas  séparé  convena!)lenient  les  provinces 
septentrionales  delà  région  équinoxiale.  Cette 
séparation  est  cependant  dictée  parla  nature 
de  la  population  même. 

Dans  les  provtncius  inierims  ,  le  plus  grand 
nombre  des  habitans  sont  blancs  ou  réputes 
tels  ;  on  en  compte  /|00,ooo.  En  supposant 
leur  consonmiation  en  Croment  proportion- 
nelle à  celle  de  la  ville  de  Puebla  ,  on  la 
trouve  de  6  millions  de  myriagrannnes.  On 
peut  admettre  ,  en  calculant  d'après  la  récolle 
annuelle  de  l'intendance  de  Guadalaxara  ,  que 
dans  les  régions  méridionales  de  la  Nouvelle- 
Espagne,  dont  la  population  mixte  est  évaluée 
à  5,4^7,000,  laconsonnnalion  delromentdans 
lescampagiies,estdeo/Soo,ooomyriagrammes. 
En  ajoulant  5,6oO;Ooo  myriagrammes  pour 


il 


C)\  LIVRE    IV, 

laconsoiiiinatloii  tlesuTaiules  villes  iiilci  ieurcs 
de  Mexico,  de  Pucbla  et  de  Guanaviiiilo, 
on  trouve,  ])our  la  consoiiiniation  totale  de  la 
IVouvelle  -  Kspat;nc,  au  delà  de  lo  nûllions 
de  iiijriagTanunes,  ou  1^280,000  seliers  de 
2/jo  livres  pesant. 

Onpourroit  être  étonné  de  trouver,  d'après 
ce  calcul ,  que  les  prosùncias  internas  ,  dont 
la  population  n'est  qu'un  quatorzième  de  la 
population  totale,  consonnnent  plus  que  le 
tiers  de  la  réculte  du  Mexique  :  mais  i!  ne 
faut  pas  oublier  que ,  dans  ces  provinces 
Si'ptentrionales ,  le  nombre  des  blancs  est  à 
la  niasse  totale  des  Espagnols  (  ciéoles  et 
Européens)  comme  1  ù  o,  et  que  c'est  piin- 
cipalement  cette  caste  qui  consomme  les 
farines  de  froment.  Des  800,000  blancs  qui 
habitent  la  région  équinoxiale  de  la  Nouvelle- 
Espagne  ,  près  de  i5o,ooo  vivent  sous  un 
climat  excessivement  chaud  ,  dans  les  plaines 
voisines  des  eûtes  ,  et  se  nourrissent  de 
manioc  et  de  bananes  '.  Ces  résultats,  je  le 
répète  ,  ne  sont  que  de  simples  approxima- 
tions; mais  il  m'a  paru  d'autantplus  intéressant 


*  Voirez  plus  liant,  p.  a6 


tlHAF'lTKi:    1\. 


9'ï 


cîc  les  publier,  fjne^  tirjà  peiwlanl  mon  séjour 
à  Mexico,  ils  ont  fixé  ralieutioii  du  vrou- 
\ernemcnl.  Ou  est  sur  d  exciter  l'esprit  de 
reolierehes ,  lorscpi'ou  avance  un  fait  qui 
interesse  la  nalion  entière,  et  sur  lequel  on 
n'a  point  encore  hasardé  de  calculs. 

1^11    France  ,  la  récolte   totale   en  grains , 
c  est-à-dire  en  froment,  en  seigle  et  en  orge, 
ctoit,  selon  Lavoisier ,  avant  la  révolution, 
et  par  conséquent  à  une  époque  où  la  popu- 
lation  du    rojaiune  niontoit  à    20    niillions 
d'iiahitans  ,    de    58   millions  de  scliers ,  ou 
de()78()  millions  de  kilogrannnes.Or,  d'après 
les  auteurs  de  la  Fcu/l/e  dii,  Cultivateur,  le 
fromciit  récollé  est  en  France,  à  toute  la  masse 
<les  grains,  comme  0  :  17.  Il  en  résulte  que  le 
produit  en   froment  seul  étoil,  avant    1780, 
tie  ij  millions   de  setiers  ,    ce   qui  est,  en 
s'arrèlant    aux    quantités    absolues,   et  sans 
considérer  les  populations  des  dejix  empires, 
à  peu  près  treize  fois   plus  que  le  froment 
récolté  au  Mexique.  Cette  comparaison  s'ac- 
corde  assez  bien    avec   les   bases   de   moa 
estimation   antérieure;  car  le  nombre  d'ha- 
bltans  de  la  Nouvelle -Espagne  qui  se  nour- 
iissent  habituellement  de  pain  de  froment, 


; 

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nV'xrÎMh;  p:is  i  ,.')4)(),(k>()  ;  cl  il  csl  cIo  plus 
conmi  ,  (jiie  les  L'iancois  coiisoinmeiit  plus 
<le  pain  <|uc  les  ])(Mij)le.s  <le  race  csjïa^nolc  , 
surldut  ceiiv  ([iii  liabilciit  rVinéii<(uc. 

IMais  à  cause  de  rexlrènie  l'erlililé  du  sol, 
les  qunizc    millions    de    nijria^ianinies    de 
fronienl  ([ue  [>!'oduil  annuellenieul  la  JNou- 
\clle-l*]sj).'.i;ne,  sruîl  rcci>lléssur  une  étendue 
de  leirain  ([uatre  à  cinq  lois  plus  pelile  cpie 
celle  que  la  même  récolle  exi^eroilen  France. 
On  doit  s'atlcndie  ,  il  est  vrai ,  à  niesuie  <jue 
la  popidalion  mexicaine  fera  des  pr()i>rès,  à 
voir  diminuer  celle  fcrlililc    (jue    l'on   peut 
appeler  moyciuic  ,  et  qui  indiipie  les  a  in<^t- 
quatre    <;Tains  pour  un,    comme  le  produit 
total  des  réeolles.  Partout  les  lionunes  com- 
mencent   par   cultiver  les    teVres  les   moins 
arides,  et  le  produit  ujoven   doit  diminuer 
naturellement ,  lors(pie Tagrieulture embrasse 
une  plus  grande  étendue  ,  et  par  conséquent 
une  plus  grande    variété   de  terrains.    Mais 
dans  un  vaste   empire  connue  le  Mexique , 
cet  elTct  ne  se  manileste    que  très-tard ,  et 
l'industrie    des    liabitans   aui»nienle  avec    la 
population  et  avec  le  nombre  des  besoins. 
Nous  allons  réunir  dans  un  même  tableau 


cHApnnF.  IX.  97 

los  ooiim)issaiice.s  cjiie  nous  avons  acquises 
sur  le  produit  luojen  des  céréales  dans  les 
deux  conlinens.  Il  ne  s'agit  ici  ni  des  exemples 
d'une  ferlililé  extraordinaire  observée  dans 
une  petite  étendue  de  terrain  ,  ni  du  blé 
j)lanlé  selon  la  pratique  des  Chinois.  Le 
produit  seroit  à  peu  près  le  même  sous  toutes 
les  zones,  si,  en  (îhoisissant  le  terrain,  oa 
cullivoit  les  céréales  avec  le  même  soin 
<pi'on  donne  aux  plantes  potagères.  Mais  en 
traitant  de  l'agriculture  en  général ,  il  ne 
peut  être  question  que  de  grands  résultats, 
de  calculs  dans  lesquels  la  récolte  totale  d'un 
pays  est  regardée  comme  multiple  de  la 
quantité  de  IVoment  semé.  On  trouve  que 
ce  multiple ,  que  l'on  peut  regarder  comme 
un  des  premiers  élémens  de  la  prospérité 
des  peuples ,  varie  de  la  manière  suivante  : 


5  à  6  grains  pour  un  ,  en  France  ,  d'après 
Lavoisier  et  Necker.  On  évalue,  d'après 
M.  Peuchet ,  que  4,/|.oo,ooo  arpens  semés 
en  froment,  donnent  annuellement  528omil- 
lions  de  livres  pesant ,  ce  qui  fait  1 170  kilo- 
grammes par  hectare.  C'est  aussi  le  produit 
moyeu  dans  le  nord  de  l'Allemagne ,  en 
111.  7 


98 


Lnnr.  iv 


t 


PolDj^-nc,  ot,  selon  M.  lUilis  ,  cii  Suède. 
Eli  l^'rancc  ,  on  compte,  clans  cfiiclqnes 
disU'icts  éininoninient  Ici  lilcs  clos  dcparle- 
niens  de  l'Escaut  et  du  Nortl,  ui  pou»' un; 
dans  les  bonnes  terres  de  Picardie  et  de 
risle  de  France,  8  à  lo  pour  un,  et  dans 
les  terres  les  moins  fertiles ,  4  à  5  crains  '. 

8  à  lorrains  pour  un  ,  en  llotii^iic ,  en  Croalic 
et  en  Kschwonie^  d'après  les  recherches  de 
M.  Svvarlner. 

12  grains  pour  un,  dans  le  rojaunw  de  la 
Plat(( ,  surtout  dans  les  environs  de  Mon- 
tevideo ,  d'après  Don  Félix  Azara.  Près  de 
la  ville  de  Buenos- Ajres,  on  coniple  jus- 
qu'à i6 grains.  Dans  le  Paraguay,  la  culture 
des  céréales  ne  s'étend  pas  au  nord,  vers 
l'équateur,  au  delà  du  parallèle  de  2/1  de- 
grés ^ 

17  grains  pour  un,  dans  la  partie  septentrionale 
du  Mexique  y  et  à  la  même  distance  de 
l'équateurque  le  Paraguay  etBuenos-Ayres. 

24  grains  pour  un, dans  la  région équinoxiale 
du  Mexique ,  à  deux  ou  trois  mille  mètres 


*  Peuchet,  Statisiîque ,  p.  290. 

*  Voyage  d' Azara j  T.  J,  p.  i4o. 


1 


riFAPiTRr  IX.  99 

de  hauteur  au-dessus  du  niveau  de  l'Océan. 
On  y  compte  5ooo  kilogrammes  par  hec- 
tare. Dans  la  province  de  Pasto ,  que  j'ai 
traversée  au  mois  de  novembre  1801,  et 
qui  fait  partie  du  royaume  de  Santa-Fe , 
les  plateaux  delà  Vega  deSanLorenzo  ,  de 
Pansitara  et  d'Alrnaj^uer  '  produisent  com- 
munément 25,  dans  des  années  très- fer- 
tiles 35 ,  dan«  des  années  froides  et  sèches, 
12  grains  pour  un.  Au  Pérou,  dans  la 
hclle  plaine  de  Caxamarca  "^ ,  arrosée  par 
les  rivières  de  Mascon  et  Utusco ,  et  cé- 
lèbres par  la  défaite  de  l'Inca  Atahualpa, 
le  froment  donne  18  à  20  grains. 

Les  farines  mexicaines  entrent  en  concur- 
rence, au  marché  de  la  Havane,  avec  les 
iarines  dçs  Etats-Unis.  Quand  le  chemin  que 
l'on  construit  depuis  le  plateau  de  Perote 
jusqu'à  Vera-Gruz,  sera  entièrement  achevé, 
le  blé  de  la  Nouvelle-Espagne  sera  exporté 
pour  Bordeaux ,  Hambourg  et  Bremcn.  Les 


*  Lat.  1**  54'  bor.  Hauteur  abolue  ,  a3oo  mèU'es, 
'  Lat.  7°  8' austr.  Hauteur  absolue  ,  '^86u  nièu-es. 

Voyez  mon  Recueil  d' Obseri^ations  aatrononiiquas , 

VJ.  I,  p  3i6. 


ÏOO 


LIVRE    IV 


Mexicains  auront  alors  un  douille  avantage 
sur  les  habitans  des  Etats-Unis,  celui  d'une 
plus  grande  fertilité  du  terroir,  et  celui  d'une 
main-d'œuvre  moins  chère.  Il  seroit  bien  inlé- 
ressantjsous  ce  rapport,  de  pouvoir  comparer 
ici  le  produit  moyen  des  différentes  provinces 
de  la  confédération  américaine  avec  les  ré- 
sultats que  nous  avons  obtenus  pour  le 
Mexique  ;  mais  la  fertilité  du  sol  et  l'industrie 
dçs  babitans  varient  si  fort  de  province  à 
province,  qu'il  est  difficile  de  trouver  le 
terme  moyen  qui  correspond  à  la  récolte 
totale.  Quelle  différence  entre  la  belle  cul- 
ture des  environs  de  Lancaster  et  de  plusieurs 
partie  de  la  Nouvelle-Angleterre ,  et  celle  de 
la  Caroline  septentrionale!  «  Un  fermier 
«  anglois  >j,  dit  l'immortel  Washington  dans 
une  de  ses  lettres  à  Arthur  Young,  «  doit 
«  avoir  une  opinion  extrêmement  désavan- 
«  tageuse  (  a  horrid  idea  )  de  l'élat  de  notre 
«  agriculture,  ou  de  la  nature  de  notre  sol, 
«  s'il  apprend  qu'un  acre  ne  produit  chez 
«  nous  que  huit  ou  dix  Lusliels,  IMais  il  ne 
«  doit  pas  oublier  que  dans  tous  les  pajs 
«  où  les  terres  sont  à  bon  marché ,  et  où  la 
«  main-d'œuvre  est  clièi  e ,  on  aime  mieux 


1'^ 


CHAPITRE    IX.  lOt 

«  cultiver  beaucoup  que  cultiver  bien.  Ou 
•<  n  j  (aitgénéraleuient  quc^/wi^6v'  la  terre, 
«  au  lieu  de  la  labourer  avec  soin.  »  D'après 
les  recherches  récentes  de  M.  Blodget,  que 
l'on  peut  regarder  comme  assez  exactes  ,  on 
trouve  les  résultats  suivans  ; 


Par  acre. 

Par  hectare. 

Dans    les    provinces 

atlantiques,  à  l'est 

des  montagnes  Al- 

- 

Icgljanys  , 

en  terres  riches. 

32  Ijushels. 

i788kilogr. 

en     terres    mé- 

diocres   

9 

5o3 

Dans  le  territoire  de 

l'ouest,    entre    les 

i 

Alléghanjs    et    le 

Mississipi , 

en  terres  riclics. 

4o 

2235 

en     terres    mé- 

diocres  

25 

i%7 

*  «  Much  ground  lias  been  scvatched  over ,  and 
«  none  cultivaled  as  it  ouglit  to  hâve  b«en.  »  (]elte 
lettre  iutéressaute  a  été  publiée  dans  le  StuLisUcul 


102 


LIVRK    IV 


On  voit  par  ces  donnces,  que  dans  les  in- 
tendances mexicaines  de  PuehJa  el  de  Gua- 
naxualo,  où  rè^^ne,  snr  le  dos  des  Cordillères, 
le  climat  de  Rome  et  de  Naples,  le  lerroir 
est  plus  riche  et  plus  productif  que  dans  les 
parties  les  plus  fertiles  des  Etats-Unis. 

Comme  depuis  la  mort  du  général  Was- 
hington les  progrès  de  l'agriculture  ont  été 
très-considérables  dans  la  région  de  Vouest^ 
surtout  dans  le  Kentuckj,  le  Tennessee  et  la 
Louisiane^  je  crois  que  l'on  peut  regarder 
i5  à  i4  hushcls  cojnme  le  terme  moyen  des 
récoltes  actuelles,  ce  qui  ne  fait  cependant 
encore  que  700  kilogrammes  par  hectare , 
ou  moins  de  quatre  grains  pour  un.  En 
Angleterre,  on  évalue  communément  larécolte 
en  froment  de  19  à  20  bushels  par  acre,  ce 
qui  donne  1100  kilogrammes  par  hectare. 
Cette  comparaison  _,  nous  le  répétons  ici , 
n'annonce  pas  une  plus  grande  fertilité  du 
sol  de  la  Grande-Bretagne.  Loin  de  nous 
donner  une  idée  effrajante  de  la  stérilité 
des  provinces  atlantiques  des  Etats-Unis,  elle 

Manuel  for  tJie  United  States  y  1806,  p.  96.  Un  acre 
a  5368  mètres  carrés.  Un  bushel  de  froment  pèse 
3o  kilogrammes. 


^ 


Il 


CTiAprrnr  ix. 


o3 


prouve  seulement  que  ]>artoiil  où  le  colon  est 
jiiaîlic  d'une  vasle  étendue  de  terriiin,  l'art 
de  cultiver  le  sol  ne  se  pert'eclionne  cfu'avec 
une  extrême  lenteur.  Aussi  les  mémoires  de  la 
Société  d'a^FÎculture  de  Pliiladelpliie  offrent 
différens  exemples  de  récolles  qui  ont  excédé 
58  à  /|0  hitslirls  par  acre ,  chaque  l'ois  qu'en 
Pensylvatiic  les  cliiiinps  ont  élé  labourés  avec 
les  mêmes  s;)ins  qu'en  Irlande  et  en  Flandre. 
Après  avoir  comparé  le  produit  moyen  des 
terres  au  Blexique,   à  Btienos- Ayres,   aux 
Etals-Unis  et  en  France ,  jetons  un  coup-d'œil 
rajiide  sur  le   piix   de  la   journée  dans  ces 
diffch'cns  pays.  Au  3Iexique,   on  la  compte 
de  deux  rcales  Je  pltita  (  de  26  s.)us)  dans  les 
régions   froides,  et  de  deux  réaux   et  demi 
(de  02  sous)  dans  les  régions   chaudes,  où 
l'on  manque  de  bras  et  où  les  habitans  sont 
en   général  très  -  paresseux.    Ce  prix  de  la 
main-do  livre  doit  paroîlre  assez  modique, 
lorsqu'on   considère   la  lichesse  métallique 
du  pays,  et  la  quanlité    d'ar^^ent    qui   y  est 
constamment  en  circulation.  Aux  Etals-Unis, 
où   les    blancs   ont   repoussé    la   population 
indienne  au  delà  de  l'Ohio  et  du  Mississipi , 
la  journée  est  de  5  livres  10  sous  à  4  fiiuics  : 


[i 


104  LIVRE    IV, 

en  France ,  on  peut  IV'vahicr  de  ôo  à  /|0  sous  ; 
el  au  Bengale,  d'après  M.  Tilzini»-,  à  6  sous. 
Aussi,  malgré  l'énorme  différence  du  fret,  le 
sucre  des  Grandes  Indes  est  à  meilleur  marché 
à  Philadelphie  que  celui  de  la  Jamaïque. 
Il  sésulte  de  ces  données,  qu'actuellement  le 
prix  de  la  journée,  au  Mexique,  est  au  prix 
de  la  journée 

en  France,  ==^  10  :  12 
aux  Etats-Unis,  =  10  :  23 
au     Bengale,      =  10  :     2 

Le  prix  moyen  du  froment  est,  dans  la 
Nouvelle-Espagne,  de  quatre  à  cinq  piastres, 
ou  de  20  à  20  francs  la  charge  (carga) ,  qui 
pèse  i5o  kilogranuiies.  C'est  le  prix  auquel 
on  achète  dans  les  campagnes,  chez  le  fermier 
même.   A  Paris,    depuis   plusieurs   années, 
i5o  kilogrammes  de  froment  coûtent  5o  fr, 
A  la  ville  de  Mexico,  la  cherté  du  transport 
renchérit  tellement  le  blé  ,  que  le  prix  or- 
dinaire y  est  de  9  à   10  piastres  la  charge. 
Les  extrêmes  ,  aux  époques  de  la  plus  granc'^ 
ou  de  la  moindre  ferlililé,  y  sont  de  8  et 
i4  piastres.  Il  est  facile  de  prévoir  que  le 
prix  du  blé  mexicain  baissera  considérable- 


CTIAPITT\r    IX. 


iof> 


ment,  lorsque  les  chemins  serf)nt  conslruils 
sur  la  pente  des  Cordillères,  et  qu'une  plus 
grande  liberté  de  eoinMicrcc  linorisera  les 
progrès  de  i'agrieulture. 

Le  froment  mexicain  est  de  la  meilleure 
qualité;  on  peut  le  comparer  au  plus  heaii 
blé  '''Andalousie  :  il  est  supérieur  à  celui  de 
Montevideo,  qui,  selon  M.  A/ara,  a  le  grain 
moitié  plus  petit  que  le  blé  rl'Iispagne.  Au 
Mexique  ,  le  grain  est  très-gros,  très-blanc  et 
très-nourrissant,  surtout  dans  les  fermes  où 
l'arrosage  est  employé.  On  observe  que  le 
froment  des  montagnes  (  tn'^n  de  sierra  )  , 
c'est-à-dire  celui  qui  croît  à  de  hvs-grandes 
hauteurs,  sur  le  dos  des  Cordillères,  a  le  grain 
couvert  d'une  pellicule  plus  épaisse ,  tandis 
que  le  blé  des  régions  teujpérées  abonde  en 
matière  glutineuse.  La  qualité  des  farint^s 
dépend  principalement  de  la  proportion  qui 
existe  entre  le  gluten  et  l'amidon  ;  et  il  paroît 
naturel  que,  sous  un  climat  qui  favorise  la 
végétation  des  graminées,  l'embryon  et  le 
réseau  celluleux  '  de  l'albumen,  quelesphy- 

*  Mirhel  ,  sur  la  gcrrninalion  des  grainint'<s. 
{^Annales  du  Muifeitm  d'histoire  naturelle ,  Vol.  Xlll, 
p.  i47.) 


W' 


loG 


iiVRi:  IV 


H 


siolo^'islesieg-ardent  comme  le  siège  principal 
du  gluten,  de>iennent  plus  volumineux. 

Au  Mexique,  le  blé  se  conserve  diflicile- 
nicnl  au  delà  de  deux  ou  trois  ans,  surtout 
dans  les  climats  tempérés ,  et  l'on  n'a  point 
assez  réfléchi  sur  les  causes  de  ce  phénomène. 
Il  seroit  prudent  d'établir  des  magasins  dans 
les  parties  les  plus  froides  du  pays.  On  trouve 
d'ailleurs   un  préjugé   établi  dans   plusieurs 
porls  de  l'Amérique  espagnole,  celui  que  les 
farines  des  Cordillères  se  conservent  moins 
long-temps  que  les  farines  des  Etals- Unis.  La 
cause  de  ce  préjugé,  qui  a  été  surtout  très- 
nuisible  à  l'agriculture  de  la  Nouvelle-Gre- 
nade ,   est  facile  à  deviner.   Les  négocians 
qui   habitent   les   côtes    opposées   aux    îles 
Antilles,  et  qui  se   trouvent  gênés  par   des 
prohibitions   de  commerce ,  ceux    de  Car- 
thagène  ,  par  exemple ,  ont  un  grand  intérêt 
d'entretenir  des  liaisons  avec  les  Etats-Unis. 
Les   douaniers   sont    assez  indulgens   pour 
prendre  quelquefois  un  bâtiment  de  la  Ja- 
maïque pour  un  bâtiment  des  Etats-Unis. 

Le  seiiile  et  surtout  l'or^je  résistent  mieux 
au  froid  que  le  froment  :  on  les  cultive  sur 
les  plateaux  les  plus  élevés.   L'orge  donne 


CH\riTT\E    1\. 


107 


encore  des  récoltes  abondantes  à  des  hauteurs 
où  le  thermomètre  se  souliont  rarement,  de 
jour,  au  delà  de  quatorze  dej^rés.  Dans  la 
Nouvelle -Galirornic,  en  prenant  le  terme 
moyen  des  récoltes  de  Ircizc  villaacs,  Force 
a  produit,  en  1791,  vinql-cpiulre,  en  1802, 
dix-huit  g-rains  pour  un. 

L'avoine  est  très-peu  cullivée  au  Mexique; 
on  la  voit  même  assez  rarement  en  Espa«,^ne, 
où  les  chevaux  sont  nourris  avec  de  l'orge, 
comme  du  temps  des  Grecs  et  des  Romains. 
Le  seigle  et  l'orge  sont  rarement  attaqués 
d'une  maladie  que  les  Mexicains  appellent 
chcujitistle ,  et  qui  détruit  souvent  les  plus 
belles  récoltes  de  froment ,  lorsque  le  prin- 
temps et  le  conmiencemcnt  de  l'été  ont 
été  très-chauds,  et  que  les  orages  sont  fré- 
quens.  On  croit  communément  que  cette 
maladie  du  grain  est  causée  par  de  petits 
insectes  qui  remplissent  l'intérieur  du  chaume , 
et  qui  empêchent  le  suc  nourricier  de  monter 
jusqu'à  l'épi. 

Une  plante  à  racine  nourrissante ,  qui  appar- 
tient originairement  à  l'Amérique,  h  pomme 
de  terre  (  Solnnwn  tiiberosum  )  ,  paroît  avoir 
été  introduite  au  Mexique ,  à  peu  près  à  la 


io8 


LIVRE    IV 


même  époque  que  les  céréales  de  l'ancicii 
conlinenl.  Je  ne  tlécideiai  point  ia  question 
si  les  papas  (  c'est  l'ancien  nom  péruvien  sous 
lequel  les  poumies  de  lerrô  sont  aujourtriiui 
connues  dans  toutes  les  colonies  espagnoles  ) 
sont  venues  au  Mexique  conjointement  avec 
le  Scliinus  molle  '  du  Pérou,  et  par  consé- 
quent par  la  voie  de  la  mer  du  Sud;  ou  si 
les  premiers  conquérans  les  ont  apportées  des 
montagnes  de  la  Nouvelle -Grenade.  Quoi- 
qu'il en  soit,  il  est  certain  qu'on  ne  les  con- 
noissoit  pas  du  temps  de  Montezuma,  et  ce 
fait  est  d'autant  plus  important,  qu'il  est  un 
de  ceux  dans  lesquels  l'histoire  des  migra- 
tions d'une  plante  se  lie  à  Tliistoire  des 
migrations  des  peuples. 

La  prédilection  qu'ont  certaines  tribus  pour 
la  culture  de  certaines  plantes,  indique  le  plus 
souvent,  soit  une  identité  de  race,  soit  d'an- 
ciennes connnunicalions  entre  des  hommes 
qui  vivent  sous  des  climats  divers.  Sous  ce 
rapport ,  les  végétaux ,  comme  les  langues  et 
les  ti\iits  de  la  physionomie  des  nations, 
peuvent  devenir  des  monumens  historiques. 

>  Hernandezj  Lit.  lU;  c.  \5,  p.  54. 


-I 


CHAPITRE    IX.  109 

Ce  ne  sont  pas  scMileiucrit  les  peuples  pasleiirs, 
on  ceux  qui  vivenl  uiiiqueineiil  de  lâchasse, 
qui,  poussés  par  un  cspiiliuquielel guerrier, 
ciitrcprenuent  de  lunjiÇS  voja«^es  :  les  hordes 
«l'oii^inc  «germanique,  cet  essaim  de  peuples 
qui,  de  l'intérieur  de  l'Asie  se  porta  sur  les 
rives  du  Boryslhène  et  du  Danube  ;  les  san- 
vagesde  la  Guajane  nous  offrent  de  nombreux 
exemples  de    tribus    qui,    se    (ixant    pour 
quelques  années  ,  défrichent  de  petites  éten- 
dues d^  terrain ,  y  sèment  les  grains  qu'elles 
ont  récoltés  ailleurs;  et  abandonnent  ces  cul- 
tures à  peine  ébauchées,  dès  qu'une  mauvaise 
année  ou  quelque  autre  accident  les  dégoûte 
du   site  récemment  occupé.  C'est  ainsi  que 
des  peuples  de  race  mongole  se  sont  portés, 
depuis  le   mur  qui  sépare  la  Chine  de  la 
Tarlarie,  jusqu'au  centre  de  l'Europe;  c'est 
ainsi  que,  du  nord  de  la  Californie  et  des 
bords  du  fleuve   Gila,   des  peuples  améT-i- 
cains  ont   reflué    jusque    dans   l'hémisphère 
austral.  Partout  nous  voyons  des  torrens  de 
hordes  errantes  et  beHiqueuses  se  frayer  un 
chemin  au  milieu    de   peuples  paisibles   et 
afjriculleurs.  Immobiles    comme  le  riva«^e, 
ces  derniers  réunissent  et  conservent  avec 


I 


•H 


I  10 


LIVRE    IV 


soin  les  plantes  nourrissantes  et  les  animaux 
doniesli(]ues  qui  ont  aceonipii«^rné  les  tribus 
nomades  dans  leurs  courses  lointaines.  Sou- 
vent la  culture  d'un  petit  nombre  de  végétaux, 
de  même  que  des  mots  étrangers  mêlés  à  des 
langues  d'une  origine  différente,  sert  à  dé- 
signer la  route  par  laquelle  une  nation  a  passé 
d'une  e-\tr(Mnité  du  continent  à  Fautre. 

Ces  considérations,  auxquelles  j'ai  donné 
plus  de  développement  dans  mon  Essai  sur 
la  Géograj)hic  des  phintes ,  suffisent  pour 
prouver  combien  il  est  important  pour  l'iiis- 
loire  de  notre  espèce ,  de  connoître  avec 
précision  jusqu'où  s'étendoil  primitivement  le 
domaine  de  certains  végétaux,  avant  que  l'es- 
prit de  colonisation  des  Européens  fut  parvenu 
à  réunir  les  productions  des  climats  les  plus 
éloig-nés.  Si  les  céré  les,  si  le  riz  '  des  Grandes 
Indes  étoient  inconnus  aux  premiers  habitans 
de  l'Amérique,  en  revanche,  le  maïs,  la 
pomme  de  terre  et  le  quinoa  ne  se  trouvoient 
cultivés  ni  dans  l'Asie  orientale ,  ni  dans  les 

*  Qu'est-ce  que  le  riz  sauvage  dont  parle  M.  Mac- 
lenzie  ,  gramiiiée  qui  ne  croît  pas  au  Jeta  des  5o"  tic 
latitude ,  et  dont  les  naturels  du  Canada  se  nourrissent 
pendant  riûvcr?  {Voyage  de  Mackenzie  ,\j  p.  i56.  ) 


I 


r.llAIM'mE    IX.  III 

lies  de  la  mer  du  Sud.  Le  niaïb  a  clé  liilioduit 
au  Jiijxjii  'par  lesCliiuuis,  (|ui,  selon  l  asser- 
tion de  quelques  auteurs,  doi\eiil  l'avoir 
connu  depuis  les  temps  les  plus  reeulés. 
Celle  assertion,  si  elle  étoit  rondce,  jelleioit 
du  jour  sur  les  anciennes  eonuiiunieations 
que  l'on  suppose  avoir  ex-isté  entre  les  liabitans 
des  deux  eonlinens.  Mais  où  sont  les  nionu- 
mens  qui  attestent  que  le  mais  ait  éli'^  cullivé 
en  Asie  avant  le  seizième  siècle?  i3'après  les 
recherches  savantes  du  père  Gaubil  \  il 
paroît  même  douteux  que  mille  ans  plutôt 
les  Chinois  eussent  visité  les  cotes  occiden- 
tales de  l'Amérique,  connue  un  historien 
justement  célèbre,  M.  de  Guignes,  l'avoit 
avancé.  Nous  peisistons  à  croire  que  le  maïs 
n'a  point  été  transplanté  du  plateau  de  Li 
Tartarie  à  celui  du  Mexique,  et  qu'il  est 
tout  aussi  peu  probable  qu'avant  la  décou- 
verte   de  l'Amérique    par    les    Européens, 


i 


•  77iunbtrg ,  Flora  Japoniva ,  p.  ctj.  Le  maïs 
s'appelle  en  japonois  Sjo  Kuso ,  et  Ton  KlblL  Le 
mot  kuHo  indique  une  plante  herbaeée,  et  le  mol  too 
aunoDce  une  production  exotique. 

'■'  IManiuciils  astronomiques  des  pères  jésuites, 
couservés  au  bureau  des  longitudes,  à  P^ris. 


I 


1 11 


rivRff 


IV 


rcll*'  ;;n»miiu'f  |>r»'i'UMiso   iiil  ('le  poflie  du 
iioii\(Mii  conrniciil  en  Asie. 

liii  poiniiir  lie  li'i-rc  nous  pit'vsrnlc  un  aiili-(; 
nrohiriiic  hTs-<'iii  it'ux  ,  si  on  IVin  isjoc  sons 
lin  rapport  liisloiicpie.  Jl  ]);it'oil  (  iM-lain  , 
conuno  nons  linons  rapporté  pins  liant  ,  (|nr; 
rcilc  j)lanlo,  dont  la  onitnic  a  en  la  pins 
Jurande  iniliienee  snr  les  pro;^ivs  de  la  po|>n- 
lalion  en  hairope,  n'étoit  pas  eonnne  au 
IMexixpie  avant  l'airivée  des  l']s])ai;iio's.  Mlle 
fut  rulliM'e  à  celle  époqne  au  (iliili,  au 
J\'rou,  à  Quito,  dans  le  royaunie  di;  la 
Nouvelle-Grenade,  sur  lonU;  la  (lordillère 
des  Andes,  depuis  les  /|(>'»  de  latitude  australe 
juscpie  vers  les  5o*'  de  latitude  boiéale.  Les 
botanistes  snpposent  qu'elle  eioît  sjMnitané- 
uient  dans  la  j>arlie  numtueuse  du  Pérou. 
D'un  autre  coté,  les  savans  (pii  ont  fait  des 
reelicrchcs  sur  1  inlroduetion  des  ponnnes 
de  terre  en  Eurojîc,  assnient  qu'elle  fut  aussi 
trouvée  en  V  infinie  ,  paj' les  preiuiers  colons 
que  Sir  Walter  Ralei«;'li  y  envoya  en  likS/,. 
()r_,  eouîuient  concevoir  c[u'une  plante  qu'on 
dit  appiirtenir  orioinaireuient  à  riu'inisplièrc 
austral,  se  trouvoit  cultivée  au  pied  des  monts 
AJléylianys ,   tandis  qu'on   ne   la  connoissoit 


r.iiwirnr.  ix, 


til 


point  an  M(*xi(]no  ri  dans  les  r/'j^ions  mou- 
tueuses  cl  UMiipcrces  <les  ilrs  Aiiliiles?  Ilsl-il 
prol>iil)le  que  «les  Irihus  p('*ru>  i(>nnes  îuent 
pénétré  verslenor<l,  jusqu'aux:  rives  du  lla- 
paliannoe,en  Vir«^iui(î ,  ou  les  pouinies  do 
terre soiil-elles  venues  du  nord  au  su<l,  eonirne 
les  peuples  qui ,  depuis  le  seplièine  siî'cle,  ont 
))aru  sueecssivemenlsur  le|)laleau  d  \naliu;ie? 
Dans  l'une  el  Taulre  dtî  ces  hjpollièses,  eoui- 
Dient  celle  cullure  ne  s'csl-elh;  pas  introduite 
ou  conservée  au  Mcîxiquc?  Voilà  des  questions 
peu  agitées  jusqu'ici,  el  cepeiidanl  hien  dignes 
de  fixer  l'allenlion  du  ])liysicien  ,  qui,  ca 
oi]d)rassanl  d'un  couj)-d'(eil  l'iidluencc  de 
riioinine  sur  la  nature  ,  el  la  réaction  du 
mondes  physique  sur  riioniuic,  croil  liie  dans 
la  dislrihulion  des  vt''«^élaux  riiisloire  des 
premières  mi;^'rulions  de  notre  espèce. 

J'o]>scrve  d  abord,  pour  ne  consigner  ici 
que  des  faits  cxacls,  *pi(;  la  ponmuî  de  terre 
n'est  pas  indigène  au  Pt'ron,  et  qu'elle  ne  se 
trouve  nulle  pail  sauvage  dans  la  partie  des 
Cordillères  ([ui  est  situt'e  sous  les  tropiques. 
Nous  avons,  M.  Jjonpland  et  moi ,  lierhorisé 
sur  le  dos  et  sur  la  pente  des  Andes,  dej)uis 


1( 


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es  :)"  nord  juscpiaux  12' 


sue 


1 


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nous  avons 
8 


1 1  \  i.îvnE  IV , 

pris  <!os  infornuilions  clie/  ck.'S  personnes  qui 
ont  (  vaiifim''  celte  cliaînc  de  înonlagnes  co- 
lossales jusqu'à  la  Piî/  et  k  Oriiro,  et  nous 
sonnnes  SUIS  (pie,  daiîs  cette  vaste  éîenclue  de 
terrain  ,  il  ne  végète  spontanénicnl  aucune 
espèce  de  solanées  à  racines  nourrissante^.  Il 
est  vrai  qu'il  y  a  des  endroits  peu  accessibles 
et  très-froids,  que  les  naturels  appellent  Prt- 
ramos  de  las  papas  (  plateaux  déserts  des 
poiuiiies  de  terre  )  ;  mais  ces  dénominations , 
dont  il  est  diificile  de  deviner  l'orioine , 
n'indi(pient  guère  que  ces  grandes  hauteurs 
produisent  la  plante  dont  elles  portent  le 
nom. 

En  passant  plus  au  sud ,  au  delà  du  tropique, 
on  la  trouve ,  selon  Molina  ' ,  dans  toutes  les 
canqjagnes  du  Chili.  Lcsnattirels  y  distinguent 
la  pomme  de  terre  sauvage,  dont  les  tuber- 
cules sont  petits  et  un  peu  amers ,  de  celle  qui 
y  est  cultivée  depuis  une  longue  se  lie  de 
siècles.  La  première  de  ces  plantes  ]iorte  le 
nom  de  inai^lia ,  et  la  seconde  celui  àcpogiij. 
On  cultive  aussi ,  au  Chili ,  une  autre  espèce  de 
solanum,  qui  appartient  au  même  groupe,  à 

*  Jliat.  nal.  du  Chi'i ,  p.  102. 


\ 


i 


CHAPITRE    IX. 


l\5 


ieuilles  j^nnccs  el  non  épineuses  ,  et  qui  a  la 
racine  très-douce ,  et  d'une  forme  cylindrique. 
C'est  le  Solatimn  cari ,  qui  est  encore  inconnu 
non-senlenient  en  Europe,  mais  même  à 
Quito  et  au  Mexique. 

On  pourvoit  demander  si  ces  plantes  utiles 
à  l'homme,  sont  vraiment  ori<i»inaircs  du 
Chili,  ou  si,  par  l'eflet  d'une  longue  culture, 
elles  y  sont  devenues  sauvages.  La  même 
question  a  été  laite  aux  voyageurs  qui  ont 
trouvé  les  céréales  croissant  spontanément 
dans  les  montagnes  de  l'Inde  et  du  Caucase. 
MM.  Piuiz  et  Pavon  ,  dont  l'autorité  est  d'un 
grand  poids,  disent  avoir  trouvé  la  pomme  de 
terre  dans  les  terrains  cultivés,  in  ciiltis,  et  non 
dans  les  forêts  et  sur  le  dos  des  montagnes. 
Mais  on  doit  observer  que  chez  nous,  le 
Solanum  et  les  dilïéren  les  espèces  de  blé  ne  se 
propagent  pas  d'elles-mêmes  d'une  manière 
durable ,  lorsque  les  oiseaux  en  transportent 
les  graines  dans  les  prairies  et  dans  les  bois. 
Partout  où  CCS  plantes  paroissent  devenir  sau- 
vages sous  nos  )eux,  loin  de  se  mnltiplier 
con)me  l'Iilrigeron  canadense  ,  l'Oenothera 
biennis,  et  d'autres  colons  du  règne  végétal, 
elles  disparoissent  dans  uu  court  espace  de 

8* 


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ii6 


LIVRE    IV 


temps.  T.e  lua'j^lia  du  Chili,  le  blé  tics  rives dn 
Teiek  '  et  le  froment  de  montagnes  i^Hlll- 
,  wlwal  )  du  Bon  tan  ,  que  M.  Banks  "'  vient 
de  faire  connoîtrc,  ne  seroient-ils  pas  plutôt 
le  type  primitif  du  Sulanum  et  des  céréales 
cultivées? 

Il  est  probable  que  des  montagnes  du  Cliili, 
la  culture  des  pommes  de  terre  a  avancé  peu 
ù  peu  vers  le  nord,  parle  Pérou  et  le  rojamne 
de  Quito,  jusqu'au  plateau  de  Bogota,  l'an- 
cien Cundinamarca.  C'est  là  aussi  la  marche 
qu'ont  tenue  les  Incas  dans  la  suite  de  leurs 
conquêtes.  On  conçoit  aisément  pourquoi , 
long-temps  avant  l'arrivée  de  Manco-Gapac  , 
dans  ces  temps  reculés  où  la  province  du 
Collao  et  les  plaines  de  Tiahuanacu  étoient 
le  centre  de  la  première  civilisation  des 
hommes  ^,  les  migrations  des  peuples  de 
1  Amérique  méridionale  dévoient  plutôt  se 
faire  du  sud  au  nord ,  que  dans  une  direction 
opposée.  Partout  dans  les  deux  hémisphères, 
les   peuples  montagnards   ont   manifesté  le 

*  j\Iai\^c]iall  dti  Biheratein,  sur  les  bords  occldeniaiix 
de  la  mer  Caspieiine ,  1798  ,  p.  65  et  io5. 
"  Hibl.  hriU. ,  1809,  "•  ^22  ,  p.  8G. 
'^  Pedro  C'u'çade  Leou ,   v.  io5.  Garcildsso  j  III,  i. 


CTIAl'ÎTRr     1\ 


I  1 


7 


111 


désir  de  se  rapprocher  de  l'cqualenr,  ou  du 
moins  de  la  zone  torride,  qui,  à  de  grandes 
hauteurs,  offre  la  douceur  du  clinial  et  les 
autres  avantages  de   la   zone  tempérée.  En 
longeant  les  Corddlères  ,  soit  depuis  les  boids 
du  Gila   jusqu'au  centre    du  Mexique ,   soit 
depuis   le  Chili  jusqu'aux  belles    vallées  de 
Quito  ,  les  indigènes  trouvèrent  aux  mêmes 
élévations ,  et  sans  descendre  ve^s  les  piaines, 
une  végétation  plus  vigoureuse,   des  gelées 
moins  précoces,  des  neiges  moins  abondantes. 
Les  plaines  de  Tiahuanacu  (lat.  17»  10'  sud), 
couvertes   de  ruines  (Wme  grandeur   impo- 
sante, les  bords  du  lac  de  Chueiiito,  bassin 
qui  ressejuble  à  une  petite  mer  intérieure  , 
sont  l'Himala   et   le   Thibet  de   l'Amérique 
méridionale.  C'est  là  que  les  hommes ,  ««ou- 
vernés  par  des  lois  ,   et  réunis  sur  un  sol  peu 
fertile,  se  sontadoimés  les  premiers  à  l'agri- 
culture.  C'est  de  ce  plateau  remarquable  , 
situé  entre  les  villes  de  Cuzco  et  la  Paz ,  que 
sont   descendus  des    peuples    nombreux  et 
puissans,  qui   ont  poi  té  leurs   armes  ,   leur 
lapgue  et  leurs  arts  jusque  dans  l'hémisphèie 
boréal. 

Les  végétaux  qui  éloicnt  l'oLjct  de  l'agri- 


ii8 


LIVRE    IV 


culture  (les  Andes,  ont  rcfhié  vers  le  norfî, 
de  deux  manières,  on  pnr  les  eonq'iètes  des 
Incas,  qui  éloicnt  suivies  de  rélaMisscuient 
de  quelques  eolnnie;  périn  ieniies  dans  le 
pays  oceupé  .,  c.\i  par  les  eoJî.nuniiealions 
lentes,  niais  paisibles,  qui  ont  toujouis  lieu 
entre  des  peuples  voisins.  Les  souverains  de 
Cuzco  ne  poussèrent  pas  leurs  eonqujtes  au 
delà  de  la  rivière  de  Mayo  (lat.  i<*  34'  bor.)  , 
qui  coule  au  nord  de  la  ville  de  Pasto.  Les 
pommes  de  terre ,  que  les  Espagnols  trou- 
vèrent culliv/'es  chez  les  penples  ]Mi]yseas , 
dans  le  royaume  du  Zaque  de  Bogota  (  lati- 
tude /|*»  G'  bor.  ) ,  ne  peuvent  donc  y  être 
vennes  du  Pérou  que  p<ir  l'efTet  de  ces  rapports 
qui  s'établissent  peu  à  peu  ,  même  cTitre 
des  peuples  montagnards  séparés  les  uns  des 
autres  par  des  déserts  couverts  de  neige  ,  ou 
par  des  vallées  qu'on  ne  peut  francLir.  Les 
Cordillères,  après  avoir  conservé  une  hauteur 
imposante,  depuis  le  Chili  jusqu'à  la  province 
d'Antioquia,  s'abaissent  tout  d'un  coup  vers 
les  sources  du  grand  Rio  Atraeto.  Le  Clioeo 
et  le  Darien  ne  présentent  qu'un  groupe  de 
collines  qui,  dans  l'isthme  de  Panama ,  a  seu- 
lement quelques  centaines  de  toises  de  hauteur. 


CTTAPÎTRE    IX. 


ïiO 


La  culture  de  lu  poniiue  de  len  o  ne  réussit 
bien  entre  les  tropiques  que  sur  des  plaîeaux 
Irès-élevés  ,  dans  un  clinial  IVoid  cl  hrucneux. 
.L'Indien  des  pays  chauds  préfère  le  uiaïs  ,  le 
manioc  et  la  banane.  En  outre  ,  le  Gîioco  , 
le  Darien  et  Tistliine  ,  couverts  d  é])aisses 
forets  ,  ont  été  habités  de  tout  temps  par  «les 
bordes  de  sauvages  et  de  cliasseui\s,  ennemis 
de  toute  culture.  Il  ne  faut  donc  pas  s'éionner 
que  la  réunion  de  ces  causes  physiques  et 
morales  ait  empêché  la  pomme  de  terre  de 
pénétrer  jusqu'au  jMexique. 

Nous  ne  cou  Moissons  j)as  un  seul  fait  par 
lequel  Ihistoire  de  rAinéri<[iie  méridionale 
soit  liée  à  celle  de  l'Amérique  septenlrioualc. 
Dans  la  Nouvelle  -  Espajvne  ,  comme  n<)us 
l'avons  déjà  observé  plusieurs  fois,  le  mou- 
vement des  peuples  va  toujours  du  nord  au 
sud.  On  croit  reconnoître  '  une  gran(ie  ana- 
logie de  mœurs  et  de  civilisation  en  lie  les 
Toulléques,  qu'une  peste  j)aroit  avoir  chass(\s 
du  plateau  d'vVnahuae,  au  miheudu  douzième 

*  J'ai  disculé  ccUe  liypollièsc  rurii-uso  du  c1u'vali(  r 
Boluriiil  jdaiis  nn)n  Mémoire  sur  les  pnsuicrs  liahitaiis 
<1e  rAm«''ri(]uc.  (  LùiT  die  ti\-'Ukei.  )  Xcuf  /i./iifi:. 
Monalac/uifl ,  1806,   p.  2o5. 


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120 


LIVRE    IV 


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1 


siècle  ,  et  les  Péruviens  gouvernes  parManco- 
Capac.  Il  se  peut  que  des  peuples  sortis 
d'Aztlan  se  soient  avancés  jusqu'au  delà  de 
Fisthme  ou  du  golfe  de  Panama;  mais  il  est 
peu  probable  que ,  par  des  migrations  du 
sud  vers  le  nord,  les  productions  du  Pérou, 
de  Quito  et  de  la  Nouvelle-Grenade,  aient 
jamais  passé  au  IMexique  et  au  Canada. 

Il  résulte  de  toutes  ces  considérations,  que 
si  les  colons  envoyés  par  Raleigh  ont  effec- 
tivement trouvé  des  pommes  de  terre  parmi 
les  Indiens  de  Virginie  ,  il  est  difficile  de  se 
xefuser  à  l'idée  que  cette  plante  n'ait  été 
originairementsauvage  dans  quelque? contrées 
de  l'hémisphère  boréal,  comme  elle  l'étoit 
au  Chih.  Les  recherches  intéressantes  faites 
par  M3I.  Beckmann  ,  Banks  et  Dryander  ' 
prouvent  que  des  vaisseaux  qui  revenoient 
de  la  b.iie  d'Albemarle  ,  en  i586,  portèrent 
les  premières  pommes  de  terre  en  Irlande, 

*  Bechinauns  Griindacetze  der  teutschen  Landwirth- 
scli afl ,  iHo6  ,  p.  uHi).  Sir  Joseph  Banks  f  an  attempt 
to  aster lain  the  tiine  oflhe  introduction ofpotatos,  :  808, 
La  pomme  de  terre  est  cultivée  en  grand  dans  î^.  Lan-> 
caslïire,  depuis  1  <'84  ;  en  Saxe,  depuis  17 17  j  eu£cosse, 
depuis  1728  j  en  Prusse,  depuis  1738. 


i 


CHAPITRE    IX. 


121 


et 


Thoiiiîis  IL 


>t,  nli 


Mi 


comme 

iiiulliématicien  que  comme  na\i^aleur,  dé- 
crivit cette  racine  nourii.ssaiile  scms  le  nom 
d'opcnaw/i,  GcrarJ,  dans  son  7A'/'///// publié 
en  1697,  la  nomme  patate  de  Virginie  ,  ou 
nore/ti6ega.  On  ponrroit  être  tenté  de  croire 
que  les  colons  anglois  ra\  oient  reçue  de 
l'Amérique  espa;^nole.  Leur  établissement 
cxisloit  depuis  le  mois  de  juillet  de  l'année 
i584.  Les  navigateurs  de  ce  temps,  pour 
attérir  sur  les  cotes  de  l'Amérique  septen- 
trionale ,  ne  l'aisoient  point  roule  dirccle  vers 
l'ouest  :  ils  étoient  encore  dans  l'usaiie  de 
suivre  le  chemin  indiqué  par  Colomb,  et  de 
profiter  des  vents  alises  de  la  zone  torride. 
Ce  trajet  facililoit  les  communications  avec 
les  îles  Antilles,  qui  éloient  le  centre  du 
commerce  espagnol.  Sir  Francis  Drake,  qui 
\enoit  de  parcourir  ces  mêmes  îles  et  les 
cotes  de  la  Terre-Ferme  ,  a  voit  touché  à 
Roanoke  ',  en  Virginie.  Il  paroît  donc  assez 


I! 


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*  Roanoke  el  Albpiiiarle  ,  où  Antldas  et  Barlov 
avoirnt  fait  lour  prtmiior  élabtissemeut,  apparlieunent 
au;Oiir(riiui  à  l'étal  de  la  Caroline  septentrionale.  Sur 
la  colonie  de  Ralci^h  ,  consultez  MarohaWa  Life  of 


122 


LIVRE    IV 


I'  'k 


nalurcl  de  supposer  que  les  An^lois  ciix- 
nHjines  avoientporlé  les  patjiles  de  rAiiiéri(|ue 
jiiériclionalc  ou  du  Me.viipie  vn  Virginie. 
Lorsqu'elles  fiirent  envoyées  âo,  Vir«»iiïic  en 
Angleterre ,  elles  éloient  déjà  coinniunes  en 
Espii^ne  et  en  lUilie.  11  ne  l'audroit  donc  pas 
s'élonner  qu'une  production  qui  avoit  passé 
d'un  conlinenl  à  l'autre,  ait  pu  parvenir,  en 
Amérique  descolonies  espagnoles  aux  colonies 
angloises.  Le  noin  seul  sous  lequel  Ilarriot 
décrit  la  pomme  de  terre  paroit  prouver  son 
orioine  virjTi-inienne.  Les  sauvay^es  auroient-ils 
eu  un  mot  pour  une  plante  étrangère,  et 
Ilarriot  n'auroit-il  pas  connu  le  nom  de 
Papas  P 

Les  cultures  qui  appartiennent  à  la  partie 
la  plus  élevée  et  la  plus  froide  des  Andes  et 
Cordillères  mexicaines  ,  sont  celles  de  la 
pomme  de  terre,  du  ïropocolum  esculentum  '. 

*  Celte  nouvelle  espèce  de  capucine ,  voisine  du 
Tropaeoluni  peregrinum ,  est  cultivée,  clans  les  pro- 
vinces de  Popayan  et  de  Paslo ,  sur  dos  plateaux  de 
3ooo  mètres  de  hauteur  absolue.  Elle  sera  décrite  dans 
un  ouvrage  que  nous  publierons,  M.  Bonpland  et 
moi ,  sous  le  titre  de  .Noi>a  gênera  et  specles  plantarum 
cL'quinocliaUum, 


: 


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Cn\?ITl\F.    1\. 


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3 


et  du  Clienopodiiini  qiiino.»  ,   dont  la  ;;^raiiip 
est  un  aliment  aussi  agrr;il>l(!  ([«m^  sain.  Dans 
la   Nouvelle  -  Kspagnc ,    la  première»  de  ees 
cultures  est  d'autant  plus  importante  et  d'au- 
tant plus  étendue  ,   qu'elle  ne  doinamle  pas 
un  sol  très-liumide.  Les  JMexieai'iS,  comme 
les  Péruviens  ,  sa>ent  conserver  les  pommes 
de  terre  pendant  des  années  entières  ,  en  les 
exposant  à  la  gelée,    et  en   les  séchant  au 
soleil.  La  racine  durcie  et  piivée  de  son  eau, 
s'appelle  cJiuiiii ,  d'après  un  mot  de  la  langue 
quieliiia.il  seroitsans  doute  Irès-ntde  d'imiter 
cette  préparation  en  Europe,  où  un  commen- 
cement de  germination  Lit  perdre  souvent 
les  provisions   d'hi>er.    Mais   il   seroit   plus 
important  encore  de  se   procurer  la  graine 
des  pommes   de  terre  cultivées  à  (^)uiîo   et 
sur  le  plateau  de  Santa-Fe.  J'en  ai  vu  d'une 
forme  spliérique,  de  plus  de  trois  décimètres 
(  douze  ù  treize   pouces  )   de    diamètre ,    et 
d'un  goût  beaucoup  meilleur  que  celles  de 
notre  continent.  On  sait  que  certaines  plantes 
herbacées  qu'on  a  pendant  long-temps  mid- 
tipliées  de  racines,  finissent  par  dégénérer, 
surtout  lorsqu'on  a  la  mauvaise  habitude  d« 
couper  ces  racines  en  plusieurs  pièces.  L'ex- 


II 


'.  vM 


/fil;  I 


I2/|.  LIVRE    IV, 

pt  rience  a  prouvé,  clans  quelques  parties  de 
rAIlcnia«,nie,  que,  de  toutes  les  pommes  de 
terre,  celles  venues  de  graines  sont  les  plus 
savoureuses.  On  parviendra  à  améliorer  Tes- 
pcce  ,  en  faisant  recueillir  la  graiue  dans  son 
pajs  natal,  et  en  choisissant,  sur  la  Cordillère 
des  Andes  même,  les  variétés  les  plus  recom- 
mandables  par  le  volume  et  la  saveur  de 
leurs  racines.  Nous  possédons  depuis  long- 
temps en  Europe  une  patate  que  les  agro- 
nomes connoissent  sous  le  nom  de  patate 
rouge  deBedrordsliire,  et  dont  les  tubercules 
pèsent  aîi  delà  d'un  kilogranmie  ;  mais  cette 
varié  le  (^  con^lonicratedpotatoc)  est  d'un  goût 
fade  ,  et  ne  sert  presque  qu'à  la  nourriîure 
des  bestiaux;  tandis  que  \ixpapa  de  Bogota ^ 
qui  L^rilicnt  moins  d'eau,  est  très-farineuse, 
légèrement  sucrée,  et  d'une  saveur  infiniment 
agréable. 

Parmi  le  grand  nombre  de  productions 
utiles  que  les  migrations  des  peuples  et  les 
navigations  lointaines  nous  ont  fait  connoître, 
aucune  plante,  depuis  la  décou^erte  des  cé- 
réales, c'est-à-diie ,  depuis  un  temps  immé- 
morial, n'a  eu  une  influence  aussi  marquante 
sur  le  bieu-ètre  des  haniuies ,  que  la  pomme 


'iî 


CHAPITRE    IX. 


1:2:1 


de  leiTC.  Cette  culliire,  (raprès  les  eaKuiU 
de  Sir  Jolin  SiiicLûr  ,  pcul  nourrir  neuf  in- 
dividus par  acre  de  5jGS  mètres  carrés,  lîllle 
est  devcuue  couiniune  dans  la  Nouvelle-Zé- 
lande ',  au  Japon,  à  l'ile  de  Java,  dans  le 
Boulan  et  au  Bengale,  où,  selon  le  témoi- 
gnage de  M.  Bockford ,  les  patates  sont 
regardées  connue  plus  utiles  que  l'arbre  à 
pain  introduit  à  Madras.  Leur  culture  s'étend 
depuis  l'eivlrémilé  de  l'AIrique  jusqu'au  La- 
brador y  en  Islande  et  en  Laponie.  C'est  un 
spectacle  bien  intéressant  que  de  voir  une 
plante  descendue  des  montagnes  placées  sous 
l'équaleur,  s'avancer  vers  le  pùle  ,  et  résister 
plus  que  les  graminées  céréales,  à  tous  les 
frimas  du  nord! 

Nous  venons  d'examiner  successivement 
les  productions  végétales  qui  sont  la  base  de 
la  nourriture  du  peuple  mexicain  ,  la  banane , 
le  manioc  y  le  maïs  et  les  céréales.  Nous  avons 
taché  de  répandre  quelqu(^  intérêt  sur  cet 
objet,  en  comparant l'agricr-lture  des  région^ 
équinoxiales  avec  celle  des  climats  tempères 
de  l'Europe ,  et  en  liant  l'histoire  de  la  mi- 


■  o 


I  •■  4 


1  •« 


*  JohnSavagsaccountof  Ntii^v  ZeaLanJ,  1807,  p.  18. 


Il 


l'id 


LIVRE    IV  , 


^ration  des  vcgélaux  aux  évciicineiis  qui  ont 
fait  rcHucr  le  yciirc  humain  d'une  partie  du 
^lobe  vers  l'autre.  Sans  entrer  dans  des  détails 
Lotani<]ues  ([ui  scroienl  élian^ers  an  but 
priui'ipal  de  cet  ouvrage  ,  nous  terminerons 
ce  cliapitre  en  indiquant  sucrinetement  les 
autics  plantes  alimentaires  qui  se  cultivent  au 
Mexique. 

Un  <»rand  nond)re  de  ces  plantes  a  été 
introduit  depuis  le  seizième  siècle.  Les  Iwhilans 
de  l'Kurope  occidentale  ont  déposé  en  Amé- 
rique ce  qu'ils  a  voient  reçu  ,  dcj)uis  deux 
mille  ans  ,  par  leurs  communications  avec 
les  Grecs  cl  les  Romains  ,  par  l'iriuption  des 
]ior<lcs  de  l'Asie  centrale  ,  par  les  conquêtes 
des  Arabes,  ])ar  les  croisades  et  par  les  navi- 
gations des  Portugais.  Tous  ces  trésors  vé- 
gétaux ,  accumulLS  dans  une  extrémité  de 
l'ancien  continent,  par  le  mouAcment  constant 
des  peuples  vers  l'ouest  ,  conservés  sous 
rinnuence  heureuse  d'une  civilisation  toujours 
cr(3issaiUc  ,  sont  devenus  presque  à  la  lois 
riicrilai^e  du  Mexique  et  du  Pérou.  Plus  tard, 
nouslcsvo^y  ODS  augmentés  par  les  productions 
de  rAiîiéiique  ,  passer  plus  loin  encore,  aux 
îles  de  la  mer  du  Sud  ,  à  ces  établissemens 


(.11 A  PU  ri:  IX.  li'j 

cuniii  |)tMi[)lc  puissant  \i('iit  dt;  f<irin(.'r  sur 
les  colt's  tic  la  ^cm^t•llo-IJ^^II;m(lc.  C'tîsl  ainsi 
tjno  le  plus  pclit  coin  tic  la  Icric ,  s'jl<lc\icnl 
le  tloniainc  tics  colons  cnrtipccns  ,  snilout 
s'il  j)i  cscnlc  nnc  «^lantlc  variclc  de  cliinals  , 
allcslc  l'aclivilc  tpic  noire  espèce  a  (hplovéc 
tlcpiiis  tics  siècles.  Une  colonie  rcunil  tlans 
ini  espace  c-lroil  ce  tpie  l'honnnc  crraut  a 
dccouverl  tic  [)lus  piccieux  sur  toute  la  sur- 
face du  j^lobc. 

L'Ame rifpie  est  cxlrtjmenicnt  riche  en 
véj^ctaux  à  racines  nourrissantes.  Après  le. 
manioc  et  les  papas  ou  pommes  de  terre  , 
il  n'y  en  a  pas  de  ])lus  utiles  pour  la  subsistance 
du  pei]]>le  tpie  ïoca  (  Oxalis  tuberosa) ,  la 
hatdlr  et  ï/i^fi(t/no.  La  première  de  ces  p"  .- 
duclious  ne  vient  ([ue  tlans  les  pays  Croitls 
et  tempérés,  sur  la  cime  et  la  ])cnle  des 
Cordillères;  les  deux  autres  apparliennent  à 
la  région  chaude  du  Mexitpie.  Les  historiens 
espagnols  qui  ont  décrit  li  découverte  de 
FAniérinue ,  confondent  '  les  mots  d'd.ic^s  et 
de  bâtâtes  j  quoique  l'un  désigne  une  plante 
du  groupe  des  asperges,  et  l'autre  un  con- 
^olvulus. 

*  Gufnara j  Lib.  111,  c.  yi. 


1 


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128  LIVRE    tV, 

JJigname  ou  Dioscorea  alata  y  comme  lo 
bananier ,   paroît   propre  à  toute  la   région 
équinoxiale  du  globe.  La  relation  du  voyage 
d'Alojsio  Cadamusto  '    nous    apprend   que 
cette  racine  étoit  connue   des  Arabes.    Son 
nom  américain  peut  même  jeter  quelque  jour 
sur  un  fait  très-important  pour  l'histoire  des 
découvertes  géographiques ,  et  qui  ne  paroît 
pas  avoir  fixé  jusqu'ici  l'attention  des  savans. 
Cadamusto  rapporte  que  le  roi  de  Portugal 
avoit  envoyé,  en  l'année    i5oo,  une  flotte 
de  douze  vaisseaux  autour  du  cap  de  Bonne- 
Espérance  ,  à   Galecut ,    sous  les  ordres  de 
Pedro  AHares.  Cet   amiral,  après  avoir  vu 
les  îles  du  cap  Vert,  découvrit  une  grande 
terre  inconnue  ,  qu*il  prit  pour  un  continent. 
Il  j  trouva  des  hommes  nus,  bruns,  peints 
en  rouge  ,  a  cheveux  très-longs ,  s'arrachant 
la   barbe ,  se  perçant  le  menton ,  couchant 
dans  des    hamacs ,  et  ignorant  entièrement 
l'usage  des  métaux.  A  ces  traits ,  on  reconnoît 
facilement  les  indigènes  de  l'Amérique.  Mais 
c£  qui  rend   surtout  probable  qu'Alia.^es  a 

^  Cadamufttl  Nawiijatio  ad  terras  incogmtas.  (  Gry- 
tiœus  Orh.  nov.,  p.  47.) 


a 


CHAPITRE    IX.  129 

aborde,  soit  à  lu  cote  de  Paria,  soit  à  celle 
de  la  Guajane,  c'est  qu'il  dit  j  avoir  trouvé 
cultivé  UQC  espèce  de  millet  (du  maïs)  ,  et 
une  racine  dont  on  fait  du  pain ,  et  qui  porta 
le  nom  d'igname..  Vespucci ,  trois  ans  avant 
Aliares ,  avoit  entendu  prononcer  ce  méine 
mot  par  les  habitans   de   la  cote  de  Paria. 
Le  nom  haïtien  du  Dioscorea  alata  est  axes 
ou  ajes.  C'est  sous  cette   dénomination  que 
QoXonih  àécTÏiY igname  y  dans  la  relation  de 
son  premier  voyage;  c'est  celle  aussi  qu'elle 
avoit  du   temps  de  Garcilasso ,  d'Acosta  et 
d'Ovicdo  '  ,   qui  ont  très-bien   indiqué  les 
caractères  par  lesquels  les  axes  se  distinguent 
des  bâtâtes. 

Les  premières  racines  du  Dioscorea  ont 
été  transportées  en  Portugal,  en  1596,  de 
la  petite  île  de  Saint-ïhomas  ,  qui  est  située 
près  des  cotes  d'Afrique ,  presque  sous  lé- 
quateur  \  Un  vaisseau  qui  conduisoit  des 
esclaves  à  Lisbonne,  avoit  embarqué  ces 
ignames  pour  servir  de  nouriiture  aux  Nègres 

*  C/u'istophori  Columbi  Navlgatio ,  c.  89.  Comeri' 
tarios  P^eaU's ,  T.  I,  p.  278.  Historla  natural  de 
Jndias  ,  p.  242.    Oviedo ,  Lib.  III,  c.  7. 

^  Clusil  rarioiitm plantarum  hist. ,  Lib.  IV,  p.  77, 


lii. 


i'ti 


iir. 


9 


i3o 


LTVRK    IV 


pendant  la  traversée.  Par  des  circonstances 
senihlaLlcs ,  plusieurs  plantes  alimenlaires  de 
la  Guinée  ont  été  introduites  aux  Indes  occi- 
dentales :  on  les  a  propa^^jées  avec  soin  pour 
fournir  aux  esclaves  la  nourriture  a  laquelle 
ils  sont  accoutumés  dans  leur  pavs  natal.  On 
observe  que  la  mélancolie  de  ces  êtres 
infortiniés  diminue  sensiblement,  lorsque, 
débarqués  dans  une  terre  nur.vcllc  ,  ils  re- 
connoissent  les  plantes  qui  ont  entouré  leur 
berceau. 

Dans  les  ré«^ions  cliaudc^  c\  colonies 
espagnoles ,  les  babitans  distinguent  Vajre 
des  Tidmas  de  Guinea.  Ces  derniers  sont 
venus  des  cotes  d'Afi'i([ue  aux  îles  Antilles , 
et  le  nom  à' igname  y  a  j^révab;  peu  à  peu 
sur  celui  d'ri;re.  Ces  deux  plantes  ne  sont 
peut-être  que  des  variétés  du  Dioscorea  alata, 
quoique  Brown  ait  cbe  cbé  à  les  élever  au 
rang  d'espèces  ,  oubliant  que  .la  l'ornK-  Jr  s 
feuilles  des  ityiianies  change  sinyulicn  ;  fiiï 
par  la  culture.  Nous  n'avons  nulle  part  trouvi 
la  plante  que  Linné  appelle  D.  sativa  '  ;  elle 


*  Thunborg  assure  cepeiulant  l'avoir  vue  cultivée  au 
Japon.  Il  existe  uue  giaiicle  coufusiuu  dans  le  gcnr« 


la  ta, 
au 

Jns 

Li  V  é 

elle 
îe  au 


CHAPITRE    IX. 


i3 


n'existe  pas  non  plus  dans  les  îles  de  la  nier 
du  Sud,  où  la  racine  du  D.  alata,  mêlée  au 
blanc  de  la  noix  de  cocos  et  à  la  pulpe  de 
la  banane  ,  est  le  mets  favori  du  peuple 
taïtieii.  La  racine  de  l'igname  acquiert  un 
volume  énorme,  lorsqu'elle  se  trouve  dans  un 
terrain  fertile.  Dans  les  vallées  d'Aragua  >  dans 
la  province  de  Caracas  ,  on  en  a  vu  qui 
pesoient  de  25  à  oo  kilogrammes. 

Les  bâtâtes  sont  désignées  au  Pérou  sous 
le  nom  à'apichu  ,  iui  Mexique  sous  celui  de 
cnmotcs  y  nom  qui  est  une  corruption  du  mot 
aztèque  cacamotic  '  :  on  en  cultive  plusieurs 
variétés  à  racines  blanches  et  jaunes;  celles 
de  Queretaro ,  qui  croissent  dans  un  climat 
analogue  à  celui  de  l'Andalousie  ,  sont  les 
plus  recherchées.  Je  doute  fort  que  les  bâtâtes 
.aient  jamais  été  trouvées  sauvages  par  les 

Dîoscorea ,  et  il  seroit  à  désir  '  qu'on  en  fit  une  mono- 
graphie. Nous  avons  rapporté  un  grand  nombre  de 
nouvelles  espèces ,  qui  se  trouvent  en  partie  décrites 
dans  le  Species  plaritaruTti  publié  par  M.  WîUdenow, 
T.  IV,  P.  I.,  p.  794-796. 

'  *  Le  Cacamotic  -  tlanoquiloni  ou  Caxtlatlapan  , 
figuré  ^ans  Ilernandez  ,  c.  54,  paroît  être  le  Convol- 
vulus  jalapa.  >      ..  ,,•    ^mx^, 

9* 


4 


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LIVRE    ÏV 


navigateurs  espagnols,  quoique  Clusius  Tait 
avancé.  J'ai  vu  cullivé  dans  les  colonies,  outre 
le  Coiwolvuhis  hatatas  y  le  C.  platanifolius 
de  Valil ,  el  j'incline  à  croire  que  ces  deux 
plantes,  XUniuva  de  Tahiti  (C  clu'ysorrhizus 
de  Solander  '  )  et  le  C.  ediilis  de  Thunberg  , 
que  les  Portugais  ont  introduit  au  Japon  , 
sont  des  variétés  devenues  constantes ,  et 
descendent  d'une  même  espèce.  Il  seroit 
d'autant  plus  intéressant  de  savoir  si  les  bâ- 
tâtes cultivées  au  Pérou ,  et  celles  que  Cook 
a  trouvées  dans  l'île  de  Pâques ,  sont  les 
mêmes,  que  la  position  de  cette  terre  et  les 
monumens  qui  y  ont  été  découverts,  ont  fait 
soupçonner  à  plusieurs savans  qu'il  apu  exister 
d'anciens  rapports  entre  les  Péruviens  et  les 
habitans  de  l'île  découverte  par  Roggeween. 
Gomara  raconte  que  Colomb,  après  son 
retour  en  Espagne  ,  lorsqu'il  parut  la  pre- 
mière fois  devant  la  reiri^  Isabelle,  lui  offrit 
des  {j^rains  de  maïs ,  des  racines  d'ignames  et 
des  bâtâtes  :  aussi  la  culture  de  ces  dernières 
étoit-elle  déjà  commune  dans  la  partie  mé- 
ridionale de    l'Espagne ,   vers  le  milieu  du 


*  Forutar j  Plantœ  eseuîentœ ,  p.  5a. 


'!  • 


! 


CHAPITRE    IX. 


33 


ba- 


seizièine  siècle  ;  en  i%)i  ,  on  en  vcndilnicine 
au  niiircbc  à  Londres  '.  On  croit  conniiu- 
nénient  que  le  célèbre  Drake  ou  Sir  John 
Hawkinsles  ont  Tait  connoîlre  en  Angleterre  , 
où  on  leur  attribua  pendant  lon«^-tcm])s  les 
propriétés  mystérieuses  pour  lescpielles  les 
Grecs  reconimaudoientles  or^nons  de  Méofare. 
La  culture  des  halulcs  réussit  très-bien  dans 
le  midi  de  la  France.  Elle  a])esoin  de  moins  de 
chaleur  que  l'igname  ,  qui  d'ailleurs,  à  cause 
de  l'énorme  masse  de  matière  nourrissante 
que  fournissent  ses  racines ,  seroit  de  beau- 
coup préférable  à  la  pomme  de  terre ,  si 
elle  pou  voit  être  cultivée  avec  succès  dans 
les  pays  dont  la  température  moyenne  est 
au-dessous  de  dix-huit  deicréscenli^rades. 

Il  faut  encore  compter  parmi  les  plantes 
utiles  propres  au  Mexique,  le  Cacoiuite  ou 
YOccloxocJiîll  y  espèce  de  Tigridia,  dont  la 
racine  donuoit  une  faiine  nourrissante  aux 
habilans  de  la  vallée  tle  Mexico;  les  nom- 
breuses variétés  de  ponmies  d'amour  ou 
Tofitdll  (  Solanum  lycopersicum) ,  que  l'on 
semoit  jadis  entremêlées  au  mais  ;  la  pistache 


ici 


*  ciusiu^ , m,  c 5i. 


i[^ 


l34  LIVRE    IV  5       . 

de  Icrrc,  ou  mani  '  (  Aracliis  hvpogca  ),  dont 
le  fmit  se  eaclie  dans  la  terre,  et  qui  paroît 
avoir  exisié  en  AlViqnc  el  en  Asie ,  surtout 
en  Coehineîiine  %  long-temps  avant  la  dé- 
couverte de  TAniérique  ;  enfin  les  différentes 
espèces  de  piment  (  Capsieuni  baecatum  ^ 
C.  annuum  ,  et  C.  frulescens  )  ,  que  les 
Mexicains  appellent  chiUl j  et  les  Péruviens 
itchii ,  et  dont  le  finit  est  aussi  indispensa- 
blement  nécessaire  aux  indigènes ,  que  le 
sel  l'est  aux  blancs.  Les  Espagnols  nomment 
le  piment  clu'lc  ou  a:ri  (  ahi  ).  Le  premier 
mot  déri>e  de  (junnh-cJiilli ,  le  second  est 
im  mot  haïlicn  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  luvo ,  qui ,  comme  nous  l'avons  observe 
plus  haut,  désigne  le  Dioscorea  alata. 

.le  ne  me  souviens  pas  d'avoir  vu  cultiver  , 
dans  aucune  parlic  des  coloiiies  espagnoles, 
les  topincnihours  (  ffelianllîus  luberosus  )  , 
qui .  d'après  j\[.  Correa  ,  ne  se  trouvent  pas 
même  au  Brésil,  quoique  dans  tous  nos  ou- 

*  Lo  mol  tle  INlani,  comme  la  plupart  tle  ceux  que 
les  colons  espagnols  tlonneut  aux  plantes  cultivées  , 
csl  lire  tîc  la  langue  (Vllaïll,  qui  csl  aujounrhut  une 
langue  morte.   Au  Pérou,  l'Arachis  s'appela  inchic. 

'  Lvuniro ,  lïora  Coc/ùnc/iitiehsiti  ^  p.  522. 


<;iiAPiTr.r  i\. 


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(lu  pays  (les  lîiésilieiis  Topiiuinihas.  Le  cJti- 
nKildll  ou  soleil  à  «îraiides  llems  (  lii^'liantlius 


) 


niniius  ) ,  est  venu  ( 


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eroii  a 
lis  (1: 


la  N 


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Ue- 


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igne  :  on  le  seinoit  )ailis  dans  jiiusieurs 
parties  de  l' Aniéricjiie  espagnole  ,  non-seu- 
Icnicnl  j.'onr  lirei*  de  1  linile  de  ses  «graines, 


mais  ponr  les  rolir  et  en  laire  un  nain  Ires- 


r 

nourrissant. 


l'ail 


1 


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rvza  saliva 


)   éloit 


P 


nieonnu   aux 


peuj 


►les  d 


u  nouveau  continent  eonnne,  aux: 


hahitans  des  îles  de  la  mer  du  Sud.  Chaque 
fois  que  les  premiers  historiens  se  servent  de 
l'expression  petit  riz  du  Pérou  (  arroz  pc^ 
queno^)  ,  ils  veulent  désigner  le  Chcnopodiiim 
(ji/ifioa  ^  que  j'ai  trouvé  très-conunun  au  Pérou 
et  dans  la  belle  vallée  de  J3ogota.  La  culture 
du  riz,  que  les  Arabes  ont  introduite  en  Eu- 
rope ',  et  les  Espa«^*nols  en  Amérique  ,  est  de 
peu  d'imporlanee  dans  la  Nouvelle-Espagne. 
La  grande  sécheresse  qui  règne  dans  l'inté- 
rieur du  pays,  paioîl  s'opposer  à  ce  genre  de 

*  I^es  Groos  roiinoissoiciit  le  riz  sans  le  cultiver. 
Arislobule  (.lie/  Slrahun,  IJ1).XV,  pag.  Ca^auh.  lOii. 
—  T'i.ophr.,  Lib.  IV,  c.  5. — Vioscur. ,  Lib.  IJ,  c.  ii6, 
p.  Sarac.  i'Jlj, 


l  i 


II 


l> 


l36  LIVRE    IV, 

culture.  On  n'est  pas  d'accord  à  Mexico ,  sur 
l'utililé  que  Ton  ])ourroit  tirer  de  l'intro- 
duction du  riz  (le  inoîitdgne y  qui  est  commun 
en  Chine  et  au  Japon  ,  et  que  connoissenttous 
les  Espa«»'nols  qui  ont  habité  les  îles  Philip- 
pines. Il  est  certain  que  ce  rh  de  montagne  y 
tant  vanté  dans  ces  derniers  temps,  ne  vient 
que  sur  la  pente  des  collines  qui  sont  arrosées 
ou  par  des  torrens  naturels  ,  ou  par  des 
canaux  d'irrigation  '  creusés  à  de  grandes 
hauteurs.  Sur  les  côtes  du  Mexique,  surtout 
au  sud-est  de  Vera-Cruz ,  dans  les  terrains 
fertiles  et  marécageux  situés  entre  les  em- 
bouchures des  rivières  d'Alvarado  et  de 
Goasacualco,  la  culture  du  riz  commun  pourra 
un  jour  devenir  aussi  importante  quelle  l'est 
depuis  long-temps  pour  la  province  de  Guaja- 
quil,  pour  la  Louisiane  et  la  partie  méridio- 
nale des  Etats-Unis. 

Il    seroit   d'autant  plus  à   désirer   qu'on 

*  Crescit  Oryza  Japonica  in  collibus  et  raontibus, 
artifuio  singulari.  Thunherg ,  Flora  Japon,  j-^.  \k'j, 
M.  Titzing  ,  qui  a  vécu  long- temps  au  Japon  ,  et  qui 
prépare  une  description  intéressante  de  «son  voyage, 
assure  ausvi  que  le  riz  de  montagne  est  arrosé  ,  mais 
qu'il  e*igc  moins  d'eau  que  le  ri/  des  plaines. 


on 


CHAPITRE    IX.  1.37 

s'adonnât  avec  ardeur  à  celle  Jiranche  d'agri- 
culture ,  que  de  graudcs  sécheresses  et  des 
gelées   précoces    font  souvent  niancjuer  les 
récoltes  du  !)lé  et  du   mais   dans  la  rémon 
niontueuse,  et  que  le  peuple  mexicain  soufTrc 
périodiquement    des    suites    funestes   d'une 
famine  générale.  Le  riz    contient  beaucoup 
de  substance  alimentaire   dans   un   très-petit 
volume.    Au  Bengale  ,    où  l'on    en  achetle 
quarante  kilogrammes  pour  trois  francs  ,   la 
consommation  d'une  famille  de  cinq  individus 
consiste  journellement  en  quatre  kilogrammes 
de  riz,  deux  de  pois,  et  deux  onces  de  sel  '. 
La  frugalité  de  l'indigène  aztèque  est  presque 
aussi  grande  que  celle  de  l'Hindou  ;  et  l'on 
évileroit  les  disettes  fréquentes  au  Mexique , 
en  multipliant   les  objets  de  culture ,  et  en 
dirigeant  l'industrie  sur  des  productions  vé- 
gétales plus  faciles  à  conserver  et  à  transporter 
que   le  maïs   et   les    racines  farineuses.   En 
outre  ,  et  je  l'avarice  sans  toucher  au  fameux 
problème  de  la  population  de  la  Chine ,  il 
ne  paroît  pas  douleu\  qu'un  terrain  cultivé 


ii 


I 


^  Bochford' s  Indiau  Récréations.   Calcutta^  1807, 
p.    18, 


rv; 


i38 


LIVRE    IV 


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^  I' 


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I  i 


en  riz  nourrit  un  plus  j^iand  nombre  de 
familles  que  Ja  même  étendue  cultivée  en 
froment.  A  la  Louisiane,  dans  le  bassin  du 
Mississipi  ',  on  compte  qu'un  arpent  de  terre 
produit  comnuniément,  en  riz  18  barils ,  en 
Jroment  et  en  ai>oine  8,  en  iiKtis  20,  et  en 
pommes  de  terre  26.  En  Virginie,  on  compte, 
d'après  M.  Blodget,  qu'un  arpent  (acre')  rend 
20  à  00  hiishels  de  riz,  tandis  que  le  froment 
n'en  donne  que  iJ  à  16.  Je  n'ignore  pas 
qu'en  Europe  les  rizières  sont  regardées 
comme  très-nuisibles  à  la  santé  des  habitans; 
mais  une  longue  expérience  faite  dans  l'Asie 
orientale  seudjle  prouver  que  leur  effet  n'est 
pas  le  même  sous  tous  les  climats.  Quoiqu'il 
en  soit,  on  ne  doit  pas  craindre  que  l'irri- 
gation des  rizières  n'ajoute  à  l'insalubrité 
d'un  pays  qui  est  déjà  rempli  de  marécages 
et  de  palétuviers  (  Rliizophora  mangle  ) ,  -et 
qui  forme  un  véritable  Delta  enlre^  les  ri- 
vières d'Alvarado,  de  San  Juan  et  de  Goa- 


sacualco. 


*  Note  manuscrite  sur  ht  valeur  ch.'s  terres  dans  la 
./yo///.s/n!Wé',  qui  m'a  été  coramuniquée  par  le  gém'a'al 
NVilckinsoii, 


CHAPITRE    IX.  l39 

Les  3Iexicains  possèdent  anjourd'hui  toiilcs 
\qs plantes polai^èrcs cl  tons  los  nrhrcsjniiticrs 
de  l'Enropc.  Il  n'est   pas   facile   d'indiquer 
lesquelles    de    ces  piennÏMcs    c\isloient    au 
nouveau  continent  avant  l'arrivée  des  Espa- 
gnols. Cette  jiiènjc  incerlitude    rèf^nc  panni 
les  botanistes,  sur  les  espèces  de  navets,  do 
salades  et  de  choux  qui  étoient  cullivcs  par 
les  Grecs  et  les  Romains.  Nous  savons  avec 
certitude  que  les  Américains  connoissoient 
de    tout  temps   les   o;^nons   (  en  mexicain , 
ciconacaif) ,  les  haricots  (en  mexicain,  ajacot/i, 
en  péruNien  ou  en  langue  (pûcliua, /^///'«///), 
les  calebasses  (en  péruvien,    capallu)^    et 
quelques  variétés    de  pois   ihichcs  (  Ciccr , 
Linn.).  Corlez    ,  en  parlant  des  comestibles 
qui  se  vendoient  journellement  au  mai  clié  de 
Fancien  Ténochtillan,  dit  expressément  qu'on 
y  trouvoit  toute  espèce  de  légume,  particu- 


,  :».: 


^  Lorenzana  ,  p.  io3.  Carcilas.so ,  p.  278  et  33G. 
Acostt,  p.  245.  Les  ognons  cloienl  inconnus  an  Pérou, 
et  les  chochos  <le  l'Amérique  n'étoicnt  pas  chs  gar- 
vanzos  (  Cicer  ariclinum).  J'ignore  si  1rs  fameux 
frisolitoH  de  fcra-Cniz ,  qui  sont  devenus  un  ol)j(  t 
(l'exportation,  (.lescevulout  d'un  P/ianeolus  d'Espagne, 
ou  s'ils  sont  une  variélc  dj  Vayacolll  nuxicuin. 


y. 


. . 


l/fO  LIVRE    IV, 

lièremcnt  des  oi;^nons  ,  des  porcaiix  ,  <?« 
l'ail ,  du  cresson  aléiiois  et  du  cresson  de  l'on- 
taine  {luosluerzo  j  hciro) ,  de  la  bourrache, 
<le  l'oseille  et  des  cardons  [cardoy  Ids^arninas). 
Il  paroîl  qu'aucune  espèce  de  clioux  et  de 
navels  (Brassica  etRaplianus)  n'étoit  cullivce 
en  AuicF'ique,  quoique  les  indigènes  aimassent 
beaucoup  les  herlies  cuiles.  Ils  mcloient  en- 
semble toutes  sortes  de  feuilles  ,  et  nicme  de 
fleurs,  et  ce  mets  s'appeloit  ivaca.  Il  paroît 
que  les  3Iexicains  n'ont  pas  eu  on<^inairement 
des  pois^  et  ce  fait  est  d'autant  plus  remar- 
quable ,  que  l'on  croit  notre  pisum  sathiuii 
sauvage  sur  la  côte  nord-ouest  de  '  Vmérique  '. 
En  général ,  si  l'on  jette  le  ax  sur  les 
plantes  potagères  des  A/.tèques ,  et  sur  le 
grand  nombre  de  racines  farineuses  et  sucrées 
qu'on  cultivoit  au  Mexique  et  au  Pérou,  on 
voit  que  l'Amérique  n'éloit  pas,  à  beau- 
coup près ,   si  pauvre   en   plantes   alimen- 

*  Aux  îles  (le  la  Reine  Charlolle  ,  et  dans  la  haie  de 
Korlolk  ou  Tchinkilané.  (  Voyage  de  Marchand,  T.  I , 
p.  226  et  36o.  )  Ces  pois  n'y  auroient-i!s  pas  été  semés 
par  quelque  navigateur  européen?  Nous  savons  que 
tlepuis  peu  les  choux  sont  devenus  sauvajjcs  à  la  JNour 
vellc-Zéelande. 


CHAPITRE    IX.  1  'l  I 

taircs  qu'un  faux   esprit  de  système  l'a  fait 
avancer  à  des  savans,  qui  ne  eonnoissenl  le 
nouveau    oonlinent    que    par    les   ouvraj;^es 
d'Herrera  et  de  Solis.  Le  degré  de  civilisation 
d'un  peuple  n'est  dans  aucun  rapport  avec 
la  variélc  des  productions  qui  sont  l'objet  de 
son  agriculture  ou  de  son  jardinage.  Cette 
variété  est  plus  ou  moins  grande,  selon  que 
les  conununications  entre  des  récrions  cloi- 
gnées  ont  été  fréquentes,  ou  que  des  nations 
séparées  du  reste  du  genre  liumain,  dans  des 
temps  très-reculés ,  se  sont  trouvées ,  par  leur 
situation  loc;  le,  dans  un  isolement  parfait.  IJ 
ne  faut  pas  s'étonner  de  ne  point  rencontrer 
chez  les   Mexicains,  au  seizième  siècle,  les 
richesses  végétales  que  nos  jardins  d'Europe 
renferment  aujourd'hui.   Les  Grecs    et  les 
Romains  mêmes ,  ne  connoissoient  ni  les  épi- 
«ards,  ni  les  choux-fleurs,  ni  les  scorsonères, 
ni  les  artichauts ,  ni  un  grand  nombre  d'autres 
légumes. 

Le  plateau  central  de  la  Nouvelle-Espagne 
produit,  avec  la  plus  grande  abondance, des 
cerises,  des  prunes,  des  pèches,  des  abricots, 
des  figues,  des  raisins,  des  melons,  des  pommes 
et.  des  poires.  Dans  les  environs  de  Mexico , 


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1  4  ?  LIVRE    IV  , 

les  villaîrcs  de  San  Anj^iislin  de  las  Ciievris  et 
de  Tacubaja  ,  le  fameuse  jardin  du  couvent 
des  Carmes,  à  San  Aiigcl ,  cl  celui  de  la  famille 
de  Fagoaga  ,  à  Tanepantla ,  donnent  aux  mois 
de  juin ,  de  juillet  et  d'août,  une  innombrable 
quanlilé  de  fruits,  et  la  plupart  d'un  goût 
exquis,  quoique  les  arbres  soient  en  général 
assez  m;'l  soignés.  Le  voyageur  est  frappé  de 
voir,  au  Mexique  comme  au  Pét.^u,  et  dans 
la  Nouvelle-Grenade ,  les  tables  de  l'iiabitant 
aisé,  chargées  à  la  fois  des  fruits  de  l'Europe 
tempérée  ,  d'ananas  ' ,  de  grenadilles  (  diffé- 
rentes espèces  de  Passijlova  et  Tacsonia  )  de 
•sapotes  ,  de  mameis ,  de  goyaves ,  d'anones , 
de  cliilimoyes,  et  d'autres  produc  ions  pré- 
cieuses de  la  zone  lorridc.  Cette  variété  de 

*  Les  Espagnols ,  dans  leurs  preraiôres  navigations , 
nvoiont  coiitmnn  cVcmbarquerdes  ananas ,  qui ,  lorsque 
la  tiT.vcrsée  éloil  courle  ,  éloient  mangés  en  Espagne. 
On  en  présenta  Jéjà  à  l'empereur  Charles- Quint,  qui 
trouA'a  le  fruit  très-beau  ,  mais  ne  voulut  pas  en  goûter. 
Nous  avons  troi.vé  l'ananas  sauvag'  et  tlu  goût  le 
plus  exquis  ,  au  pied  de  la  grande  montagne  de  Duida  , 
sur  les  bords  do  l'Alto  Oriiioco.  Les  graines  ne  sont 
pas  eonstamment  toutes  avortées.  En  1594,  l'ananas 
l'ut  delà  cultivé  en  Chine,  où  il  éloit  venu  du  Pérou. 
\Kircher,  China  illisiraia,  ^.  188.) 


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CHAPITRE    IX. 


i43 


kl  1er. 
lût  le 
>i  Ja , 
sont 
laiias 
Jroii, 


fruits  se  trouve  presque  dans  tout  le  pays, 
depuis  Guaîiuiala  jusrpi'à  la  ÎNouvelle-Cali- 
foriiie.  En  étudiant  l'histoire  de  lu  conquête  , 
on  admire  l'aelivité  extraordinaire   avee  la- 
quelle les  Espai]fnols  du  seizième  siècle  ont 
répandu  la  culture  des  végétaux  européens 
sur  le  dos  des  Cordillères,  d'une  extrémité 
du  continent  à  l'autre.  Les  ecclésiastiques,  et 
surtout  les  religieux  missionnaires,  ont  con- 
tribué à  ces   progrès  rapides  de  l'industrie. 
Les  jardins  des  couvens  et  des  curés  ont  été 
autant  de  pépinières  d'où  sont  sortis  les  vé- 
gétaux utiles  récemment -acclimatés.  Les  con- 
quistadores  mêmes,   que  l'on    ne  doit  pas 
regarder  tous  comme  des  guerriers  barbares, 
s'adonnoient ,  dans  leur  vieillesse,  à  la  Aie  des 
champs.  Ces  hommes  simples ,  entourés  d'In- 
diens dont  ils  ignoroient  la  langue,  cultivoient 
de  préférence ,  comme  pour  se  consoler  de 
leur  isolement,  les  plantes  qui  leur  rappeloient 
le   sol    de    l'Estrimadurc    et    des   Caslilles. 
L'époque  à  laquelle  un  fruit  d'S'lurope  mû- 
rissoit  pour  la  première  fois,  éloit  signalée 
par  une  fête  de  famille.  On   ne  sai-roit  lire 
sans  intérêt  ce  que  l'Inca  Gai  cilasso  rapporte 
sur  la  manière  de  vivre  de  ces  premiers  colons. 


iV'i 


LIVRF    IV 


Jl  raconic,  Jivec  une  naïvolé  loiiclianle,  ooiii- 
meiil  son  père,  le  valciacux  yi mires  de  la 
}'('i>;iij  rrimissoil  lous  ses  vieux  (•um])a<;n()iis 
cl'aiiiics  pou  r])a  Plaider  avec;  eux  trois  aspei'i^es, 
les  premières  «pii  lussenl  venues  sur  le  plateau 
du  Couzeo. 

Avant  l'aiiivée  des  Espa^j^-nols ,  le  Mexique 
cl  les  Cordillères  de  l'Aïuériquc  niéritliouah^ 
produisoient    plusieurs   IVuils    (pii   ont    une 
grande  analo|L;ie  ave(!  eeux  «les  (*linia(s  leni- 
pérés  de  Taneien  (H)uliuent.  La  pliysionoinie 
des  végétaux  olPre des  liaits  de  ressenihlanee, 
partout  où  la  tenr|jératine  et  l'huniidité  sont 
lesniènies.  La  partie  niontueuse  de  rAniéri(]ue 
é(|uino\iale  a  des  ecrisieis  (  l*adus  eapjili), 
des  nojers  ,  des  ponnniers,  des  mûriers,  <les 
l'raisiei's,  des  lUibus,  et  des  groseiMiers  (pii 
]uisont  ]>i'opres,  et  <jue  nous  ferons eonnoîtie, 
M.  lîonpland  et  moi ,  dans  la  ])arlie  l)otani(pie 
de  nt)tie  voyage.  Corlez  raeonle  avoir  vu, 
lors  de  son  ariivée  à  Mexieo,  outre  les  eerises 
indigènes,  <pii  sont  assez  aeidcs  ,  des  prunes, 
ciriK'ltis.  \\  ajoute  qu'elles  resscnd)loient  en- 
tièrement à   eclles    d'1'.spagne.  .le  doute  de 
rexislenee  deees  pi  unes  nu'xieaincs,  ([uoi([ue 
l'abbé    Cluvi;:ero    eu    fasse    aussi    mention. 


CHAPITRE    ÏX. 


l/,!> 


Pont-iHrc  les  preiniors  l^spa^n()ls])rcnoiont-ils 
\v  finit  <lu  S/io/if/ids ,  <|ni est  un  drupa  ovoïde , 
pour  (les  prunes  d'P^urope. 

Qnoi(|ue  les  rôles  oeeidentales  de  la  Nou- 
Velle-I^s[)ii^'ne  soient  baignées  par  le  Grand 
Océan,  el  <ju»»;(pie  IMendafia,  Gaetano , 
(^)uiros,  et(raiJlresnavit^''aleursespaj^''nolsaient 
été  It.'s  prcnniers  à  visllcM*  les  îles  situées  enlrc 
rAnieri(|ue  et  l'Asie  les  pi'o<luefions  les  [>lus 
utiles  de  ees  eonirées,  rarl)ie  à  pain  ,  le  lin  de 
la  Nouvelle-Zéel ande  (  Phoriniuni  tenax)  et 
la  eanno  à  sueie  d'Otaliiti,  sont  restés  incon- 
nus aux  liahitans  du  IMexique.  (]cs  végétaux, 
après  avoir  presque  fait  le  tour  du  ^lobe,  leur 
arriveront  jhmi  à  peu  des  îles  Antilles.  Déposés 
par  le  ca])itaine  Bli«;li  à  la  .laniaï(pic,  ils  se 
sont  propai;és  i;ipidenieiit  à  l'île  de  Cuba, 
à  la  Trinil         et  sut-   la   cote   de    (Jaraeas. 


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j'ai  vu  d(.\s  plantations  considérables  dans  l;i 


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sur  les  cotes  luinûdes  et  (^bandes  de  Tabasco, 
de  Tuslla  et  de  San  JUas.  Il  est  peu  probable 
cependant  que  eetle  cultures  puisse;  jamais 
faire  abandonner  aux  naturel  vclle  des  ba- 
naniers ,  tpii,  sur  la  même  étendue  de  terrain 


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LIVRE    IV 


fournissent  J)Ilis  de  siibsJance  noiiriLssanlc. 
Il  esl  V  rai  que  l'Ai  tocarpus^  pendant  huit  mois 
de  rannée,  est  conîinuclienieut  chargé  de 
li'uits,  et  que  trois  ai b*  es  suffisent  pour  nour- 
rir un  individu  adulte  '  :  mais  aussi  un  arpent 
ou  un  demi-hectare  de  le  nain  ne  peul  contenir 
que  oC  à  4.0  arbres  à  pain  '  ;  car  ils  sont  moi'.? 
charges  de  fruits  lorsqu'on  les  phuilc  trop 
près  les  uns  des  autres ,  et  que  leurs  racines 
se  rencontrent. 

L'extrciie  lenteur  a\ec  laquelle  se  fait  le 
trajet  des  iles  Philippines  et  Mariaiics  à 
Acapulco,  la  nécessité  dans  laquelle  se  trou- 
vent les  galions  de  Manille  de  s'élever  à  de 
grandes  latitudes  pour,  prcndie  les  vents 
nord-ouest,  rendent  très-difficile  l'introduc- 
tion des  végétaux  de  l'Asie  orientale  :  aussi 
ne  trou\e-ï-'  .:,  sur  les  cotes  occidentales  ^lu 
Mexique,  aucune  planîe  de  la  Cline  ou  des 
îles  Philippines,  si  ce  n'est  le  Triplutsia  nii- 
raniiola  {  Liinoniu  irij'olinla  ),  arbiisseau 
élégant  dont  on  confit  les  fruits,  et  qui,  d'après 

*  Geor^  Forster  vom  Brodhanme  ,  fft'*,   S.  23. 

*  Comparez  ce  qui  a  été  dit  pins  l)aiil  tlu  ]>roduit  des 
bananes,  du  tVonient  et  des  pommes  de  Itire,  p.  28 
et  3'5. 


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CHAPITRE    IX. 


47 


Lourciro  ,  est  idonliqiic  avec  le  Gitrus  trit'o- 
liala  ,  ou  Karatats-batiiia  de  Karnpfer.  Quant 
aux  orangers  et  aux  citronniers^  cjui  dans 
l'Europe  australe  suppoi  tent,  sans  en  souffrir, 
un  TrOâd  de  cinq  à  six  degrés  au-dessous  dezéro, 
on  les  cullive  aujourd'hui  dans  toute  la  Nou- 
^elle-Espagne,  même  sur  le  plateau  central. 
On  a  sou\ent  agité  la  question  si  ces  arbres 
ont  existé  dans  les  colonies  espagnoles  avant 
la  déeouverle  de  l'Amérique ,  ou  si  les  Eu- 
ropéens les  ont  portés  des  îles  Canaries ,  de 
l'île  S.-Tliomas  ou  des  côtes  d'Ai'rique.  Il  est 
certain  qu'un  oranger  à  fruit  petit  et  amer, 
et  un  citronnier  très-épineux,  donnant  un  fruit 
vert,  rond,  à  écorce  singulièrement  huileuse , 
et  qui  a  souvent  à  peine  la  grandeur  d'une 
grosse  noix,  est  sauvage  dans  l'île  de  Cuba  etsur 
les  cotes  de  la  Terre-Ferme.  Mais  malgré 
toutes  mes  recherches,  je  n'en  ai  jamais  trouvé 
un  seul  pied  dans  l'intérieur  des  forêts  de  la 
Guayane ,  entre  l'Orénoqiie ,  le  Cassiquiare  et 
les  frontières  du  Brésil.  Peut-rHre  le  citronnier 
à  petit  fruit  vert  {Limoncîto  verde)  étoit-il 
anciennement  cultivé  par  les  naturels,  et 
peut-être  n'est -il  devenu  sauvage  que  là  où 
la  population,  et  par  conséquent  l'étendue 

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l48  LIVRE    IV, 

des  terrains  cultivés,  étoient  le  plus  consi- 
dérables. J'incline  à  croire  que  seulement  le 
citronnier  à  grand  fruit  jaune  {Limon  sittil) 
et  l'oranger  à  fruit  doux ,  ont  été  introduits 
par  les  Portugais  et  les  Espagnols  '.  Sur  les 
rives  de  l'Orénoque ,  nous  n'en  avons  vu  que 
là  où  les  jésuites  avoient  établi  leurs  niissions. 
L'oranger,  lors  de  la  découverte  de  l'Amé- 
rique, n'existoit  même  en  Europe  que  depuis 
peu  de  siècles.  S'il  y  avoit  eu  d'anciennes 
communications  entre  le  nouveau  continent 
et  les  îles  de  la  mer  du  Sud ,  le  véritable 
Citrus  aurantium  auroit  pu  arriver  au  Pérou 
ou  au  Mexique  par  la  voie  de  l'ouest;  car 
cet  arbre  a  été  trouvé  par  M.  Forster  aux 
îles  Hébrides,  où  Quiros  i'avoit  vu  long- 
temps avant  lui  '. 


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>  Oificdo,  Lib.  VIII,  c.  i. 

^  Plantée  esc  Uentœ  IriHularuin  mistraliiim ,  p.  35. 
L'oranger  coir  iiiun  des  îles  du  Grand  Océan  est  le 
Citrus  decumana.  Le  manguier  (  Garcbtia  mangos- 
tana) ,  dont  les  innombrahlc^s  "variétés  sont  cultivées 
avec  tant  de  soin  aux  Grandes  Indes  et  dans  l'arcbipel 
des  mers  d'Asie  ,  est  très-répandu  depuis  dix  ans  dans 
les  lies  Antilles.  Il  n'es^istoit  pas  encore  de  mon  temps 
au  Mexique. 


CHAPlTBt    IX.  l49 

La  grande  analogie  qu'offre  le  climat  du 
plateau  de  la  Nouvelle-Espagne  avec  celui 
de  l'Italie ,  de  la  Grèce  et  de  la  France  méri- 
dionale,  devroit  inviter  les  Mexicains  à  la 
culture  de  l'olivier.  Cette  culture  a  été  tentée 
avec  succès  dès  le  commencement  de  la  con- 
quéte;mais  le  gouvernement,  parune  politique 
injuste,  loin  de  la  favoriser,  a  cherché  plutôt  à 
rempêcher  indirectement.  Il  n'existe  pas ,  à  ce 
que  je  sache,  de  prohilntion  formelle,  mais 
les  colons  n'ont  pas  hasardé  de  s'adonner  à 
une  branche  de  l'industrie  nationale  qui  auroil; 
bientôt  excité  la  jalousie  de  la  métropole.  La 
cour  de  Madrid  a  toujours  vu  d'un  mauvais 
oeil  la  culture  de  l'olivier,  du  mûrier,  du 
chanvre,  du  lin  et  de  la  vigne  dans  le  nouveau 
continent.  Si  au  Gliiïi  et  au  Pérou  elle  a  toléré 
le  commerce  des  vins  et  des  huiles  indi^:ènes, 
ce  n'est  que  parce  que  ces  colonies ,  situées  au 
delà  du  cap  de  Horn,  sont  souvent  mal  ap- 
provisionnées par  l'Europe,  et  qu'on  craint 
l'effet  de  mesures  vexatoires  dans  des  pro- 
vinces aussi  éloignées.  Le  système  de  prohi- 
bition le  plus  odieux  a  été  suivi  avec  ténacité 
dans  toi.tes  les  colonies  dont  les  cotes  sont 
baignées  par  l'Océan  Atlantique.  Le  vice-roi. 


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l5o  LIVRE    IV  5 

pendant  mon  séjour  à  Mexico  ,  reçut  l'ordre 
de  la  cour  de  faire  arracher  les  vignes  (arancar 
las  cepas)  dans  les  provinces  septentrionales 
du  Mexique,  parce  que  le  commerce  de  Cadix 
se  plaignoit  d'une  diminution  dans  la  consom- 
mation des  vins  d'Espagne.  Heureusement  cet 
ordre  ,  comme  beaucoup  d'autres  donnés  par 
les  ministres,  ne  fut  point  exécuté.  Qn  sentit 
que,  malgré  l'extrt^me  patience  du  peuple 
mexicain ,  il  pouvoit  être  dangereux  de  le 
réduire  au  désespoir,  en  dé  stant  ses  pro- 
priétés, et  en  le  forçant  d'acLcter  aux  mo- 
nopolisles  de  l'Europe  ce  que  la  nature 
bienfaisante  produit  sur  le  sol  mexicain. 

L'olivier  est  très-rare  dans  toute  la  Nouvelle- 
Espagne;  il  n'en  f  :  iste  qu'une  seule  plantation, 
mais  très-bell  ,  celle  de  Farchevêque  de 
Mexico,  siluée  \  deux  lieues  au  sud-est  de  la 
capitale.  Cet  oll\?ar  ciel  arzohispo  produit 
annuellement  200  arrobes  (  à  peu  près 
2000  kilogrammes)  d'huile  d'une  très-bonne 
qualité.  T^ous  avons  déjà  parlé  plus  haut  (T.  Il, 
p.  441  )  de  l'olivier  cultivé  par  les  mission- 
naires  dans  la  Nouvelle-Californie ,  surtout 
près  du  village  de  San  Diego.  Le  Mexicain , 
occupé  librement  de  la  cullure  de  son  sol, 


CHAPITRE    IX. 


K^I 


pourra  se  passer,  avec  le  temps,  del'liuile, 
(lu  vin,  du  chanvre  et  dn  lin  d'Iùirope. L'olivier 
d'Andalousie,  introduit  par  Corlez,  souflVe 
(juchpiclois  du  IVoid  sur  le  plateau  central  ; 
caries  gelées,  sans  être  forles  ,  y  sont  fré- 
quentes et  très-prcîionf^'ées.  Il  seroit  utile  de 
planter  au  Mexiqu?  l'olivier  de  Corse,  qui, 
plus  qu'aucun  autre,  résiste  à  l  intempérie  du 
climat. 

En  terminant  la  liste  des  plantes  alimen- 
taires, nous  jetterons  un  coup -d'œil  rapide 
sur  les  végétaux  qui  rournisseiit  des  boissons 
au  peuple  mexicain.  Nous  verrons  que,  sous 
ce  rapport,  l'histoire  de  l'agriculture  aztèque 
offre  un  trait  d'autant  plus  curieux  qu'on  ne 
trouve  rien  d'analogue  chez  un  j^^rand  nombre 
de  nations  beaucoup  plus  avar^cées  dans  la 
civilisation  que  les  anciens  habitans  d'Ana- 
huac. 

A  peine  existe-t-il  une  tribu  de  sauvages 
sur  le  globe  ,  qui  ne  sache  préparer  quelque 
boisson  tirée  du  rëj^ne  vé^^étal.  Les  hordes 
misérables  qui  errent  dans  les  forets  de  la 
Guayane,  font,  avec  dilFérens  fruits  de  pal- 
miers ,  des  ém..lsions  aussi  agréables  que 
l'orgeat  que  l'on  prépare    eu   Europe.  Les 


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1S2  LIVRE    IV, 

habitans  de  Fîle  de  Paqiics ,  relégués  sur  un 
amas  de  rochers  arides  et  sans  sources  , 
boivent,  outre  l'eau  de  mer,  le  jus  exprimé 
de  la  canne  à  sucre.  La  plupart  des  peuples 
-civilisés  tirent  leurs  boissons  des  mômes 
plantes  qui  l'ont  la  base  de  leur  nourriture , 
et  dont  les  racines  ou  les  semences  contien- 
nent le  principe  sucré  uni  à  la  substance 
am\lacée.  Dans  l'Asie  australe  et  orientale, 
c'est  le  riz;  en  xifrique,  c'est  la  racine  des 
ignames  et  de  quelques  arums;  dans  le  nord 
de  l'Europe ,  ce  sont  les  céréales  ,  qui  four- 
nissent des  liqueurs  fcrmentées.  Il  existe  peu 
<le  peuples  qui  cultivent  de  certaines  plantes 
simplement  dans  le  but  d'en  faire  des  boissons. 
L'ancien  continent  ne  nous  oflre  des  plan- 
tations de  vignes  qu'à  l'ouest  de  l'Indus.  Dans 
les  beaux  temps  de  la  Grèce,  cette  cul- 
ture étoit  même  restreinte  aux  pays  situés 
entre  l'Oxus  et  l'Euphrate,  à  l'Asie  mineure 
et  à  l'Europe  occidentale.  Sur  le  reste  du 
globe,  la  nature  produit  des  espèces  de  7ntis 
sauvage,  mais  nulle  autre  part  l'homme  n'a 
tenté  de  les  réunir  autour  de  lui  pour  les 
améliorer  par  la  culture. 
Le  nouveau  continent  nous  présente  l'exem- 


ll!^r.:i 


CHAPITr.K    IX. 


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pic  d'nn  peuple  qui  ne  reliroit  pas  seulement 
des  boissonsde  la  subslaiice  (Mil ylacce  et  sucrée' 
du  maïs,  du  manioc  et  des  hannnes ,  ou  de  la 
pulpe  de  quelques  espèces  de  mimosa,  mais  qui 
cultivoit  tout  exprès  une  plante  de  la  famille 
des  Ananas,  pour  en  convertir  le  suc  en  une 
liqueur  spiritueuse.  Sur  le  plateau  intérieur, 
dans  l'intendance  de  la  Puchla  et  dans  celle 
de  Mexico^  on  parcourt  de  grandes  étendues 
de  pays  où  l'œil  ne  repose  que  sur  des  champs 
plantés  en  pite  ou  magney.  Cette  plante,  à 
feuilles  coriaces  et  épineuses,  qui,  avec  le 
Cactus  opuntia  ,  est  devenue  sauvage  depuis  le 
seizième  siècle  ,  dans  toute  l'Europe  australe, 
aux  îles  Canaries  et  sur  les  cotes  d'Afrique, 
donne  un  caractère  particulier  au  paysage 
mexicain.  Quel  constrasie  de  formes  végé- 
tales que  celui  qu'offre  un  champ  de  blé  , 
une  plantation  d'agave ,  ou  un  groupe  de 
bananiers  dont  les  feuilles  lustrées  sont  cons- 
tamment d'un  vert  tendre  et  délicat!  Sous 
toutes  les  zones,  riiommc,  en  multipliant 
certaines  productions  \égélalcs,  modide  à 
son  gré  l'aspect  du  pays  soumis  à  la  culture! 


*  Voyez  ci-dessus,  p.  Gi. 


p  : 


1S4  LIVRE    IV, 

Il  existe,  dans  les  colonies  espagnoles, 
pinsienrs  espèces  <le  rnnf*rirr  (jui  nicritcnt 
d'être  examinées  avec  soin  ,  et  dont  cjnelques- 
iines,  à  cause  de  la  division  de  leur  corolle, 
de  la  lonj:^nenr  des  ctaniincs,  et  de  la  i'ornie 
de  leur  stigmate ,  paroissent  appartenir  à  des 
l^enres  dilTérens.  Les  ntaguey  ou  metl  que 
l'on  cultive  au  Mexique,  sont  de  nombreuses 
variétés  de  Yy^gm>e  anwricana y  devenu  si 
commun  dans  nos  jardins,  à  fleurs  jaunes, 
fasciculées  et  droites ,  à  étamines  deux  fois 
plus  longues  que  les  découpures  de  la  corolle. 
Il  ne  faut  pas  confondre  ce  metl iwecVJ gave 
cubeîisis  '  de  Jacquin  (  floribus  ex  albo  viren- 
tibus  ,  longe  paniculatis  ,  pendulis,  slaminibus 
coroUa  duplo  brevioribus  ) ,  que  M.  Laui.irok 
a  appelé  A.  mexicana,  et  que  quelques  bota- 
nistes, j'ignore  pourquoi ,  ont  cru  être  l'objet 
principal  de  la  culture  des  Mexicains. 

Les  plantations  du  maguey  de  pnlciue 
s'étendent  aussi  loin  que  la  langue  aztèque. 

*  Dans  les  pro\inccs  do  Caracas  et  de  Cumana, 
l'Agave  cubensis  (  A.  otlorala  P»  rsoon  )  s'appelle 
Maguey  de  Cocuy.  J'en  ai  vu  des  lianipi  s  cliargrrs 
de  fleurs,  de  12  a  i4  mètres  de  hauleur,  A  Caracas, 
VjdjTava  amerii'una  est  nommé  Maguey  du  Cocuiza. 


CTIAPlTT^n    IX. 


1 5.) 


Les  peuples  do  nice  oloinile,  IdIo'  upie  et 
inislèipie  ne  sont  pas  adonnes  à  l'or///,  <pii;  Ks 
EspagJïoIs  appellent  /y///////r.  Sur  le  plateau 
eenlral,  on  trouve  à  peine  le  nia«^uey  ruilivé 
lin  nord  de  Salanianea.  l^es  plus  belles  cul- 
tures (jue  j'ai  eu  oeeasion  de  voir,  sont  dans 
la  vallée  de  'J'oluea  et  dans  les  plaines  do 
Cholula.  Les  pieds  d'agave  y  sont  plantés  par 
rangées,  à  quinze  décimètres  de  disianieles 
uns  des  autres.  Les  plantes  ne  eoniniencent  à 
donner  le  sue,  que  l'on  désigne  par  le  nom 
de  miel j  à  cause  du  piincijîe  sucré  dont  il 
abonde,  que  lorsque  la  lianipc  est  sur  le 
point  de  se  développer  :  c'est  pour  cela  qu'il 
est  du  plus  grand  intérêt  pour  le  cultivateur, 
de  connoître  exîictenic  I  l'époque  de  la  flo- 
raison. Sa  proximités'annonce  parla  direction 
des  feuilles  radicales,  que  l'Indien  obserN  e  avec 
beaucoup  d'attention.  Ces  feuilles,  qui  jusque 
là  étoient  penchées  vers  la  terre,  s'élèvent 
tout  d'un  coup;  elles  tendcfU  à  se  rapprocher 
comme  pour  couvrir  la  hampe  qui  est  prête 
à  se  former.  Le  faisceau  des  feuilles  centrales 
{el  coraznn)  devient  en  même  temps  d'un 
vert  plus  clair,  et  s'allonge  sensiblement.  Les 
indigènes  m'ont  assuré  qu'il  est  difQcile  de 


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LIVRE    IV 


se  tromper  sur  ces  sio-nes ,  mais  qu'il  y  en  a 
d'autres  non  moins  iinportans  qu'on  ne  peut 
rendre  avee  précision,  parce  qu'ils  appar- 
tiennenl  simplement  au  port  de  la  plante.  Le 
cultivateur  parcourt  journellement  ses  plan- 
tations d'agave ,  pour  marquer  les  pieds  qui 
s'approchent  de  la  floraison  :  s'il  lui  reste 
quelque  doute,  il  s'adresse  aux  experts  du 
village,  à  de  vieux  Indiens,  qui,  à  cause 
d'une  longue  expérience,  ont  le  jugement  ou 
plutôt  le  tact  plus  sûr. 

Près  deCholula,  et  entre  Toluca  et  Caca- 
numacan  ,  un  ?nagiiey  de  huit  ans  donne  déjà 
des  signes  du  développement  de  sa  hampe. 
C'est  le  moment  où  commence  la  récolte  du 
suc  dont  on  fait  le  pulcjue.  On  coupe  le 
corazon  ou  le  faisceau  des  leuilles  centrales , 
on  élargit  insensiblement  la  plaie,  et  on  la 
couvre  par  les  feuilles  latérales,  qu'on  relève  , 
en  les  rapprochant  et  en  les  liant  aux  extré- 
mités. C'est  dans  cette  plaie  que  les  vaisseaux 
paroissent  déposer  tout  le  suc  qui  devoit 
former  la  hanqie  c(»îossale  chargée  de  fleurs. 
C'est  une  véritable  source  végétale  qui  coule 
pendant  deux  ou  Irois  mois,  et  à  laqueHe 
l'Indien  puh>Q  trois  fois  par  jour.  On  peut 


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CHAPITRE    TX. 


1^7 


juger  du  mouvemenl  plus  ou  moins  lent  de 
la  sève,  ].;:r  la  quantité  de  miel  que  l'on  tire  du 
magiicj  à  différentes  époques  du  jour.  Com- 
munément un  pied  donne,  en  vingt-quatre 
heures,  quatre  décimètres  cubes  ou  200  pou  ces 
cubes  ,  qui  égalent  huit  quartillos.  De  cette 
quantité  totale,  on  obtient  trois  quartillos  au 
lever  du  soleil ,  deux  à  midi,  et  encore  trois  à 
si.\  heures  du  soir.  Une  plante  très-vigoureuse 
fournit  quelquefois  jusqu'à  i5  quartillos,  ou 
075  pouces  cubes  par  jour,  pendant  quatre  à 
^^  cinq  mois,  ce  qui  fait  le  volume  énorme  de 
plus  de  1100  décimètres  cubes.  Celte  abon- 
dance de  suc ,  produite  par  im  niui^ueY  qui  a 
à  peine  un  mètre  et  demi  de  haut,  est  d'au- 
Idiit  plus  étonnante,  que  les  phmtatious  d'agave 
se  trouvent  dans  les  terrains  les  plus  arides  _, 
souvent  sur  des  bancs  de  rochers  à   peine 
couverts  de  terre  végétale.  La  valeur  d'un 
pied  de  moguej  qui  est  près  de  sa  floraison , 
est,  àPachuca,  de  5  piastres,  ou  de  25  francs. 
Dans  un  terrain  ingrat ,  l'Indien  ne  compte 
que    i5o   bouteilles   par  magiiey ,   et   10   à 
i?<  sous  la  valeur  du  puhiuc  l'ourni  dans  un 
jour.  Le  produit  est  inégal  comme  celui  de  la 
vigne,   qui   est   tantôt   plus,    tantôt    moins 


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LIVRE    IV 


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chargée  de  grappes.  J'ai  cité  plus  haut,  au 
sixième  chapitre ,  l'excinple  d'une  Indienne 
tie  Ghoiula,  qui  laissoit  à  ses  enfans  des  plan- 
tations de  maguey  cpie  l'on  estimoit  à  soixante- 
dix  ou  quatre-vingt  mille  piastres. 

La  culture  de  l'a^-ave  a  des  avantag-es  réel» 
sur  la  culture  du  mais,  du  blé  et  des  pommes 
de  terre.  Cette  plante,  à  feuilles  roides  et 
charnues,  ne  craint  ni  la  sécheresse,  ni   la 
grêle,  ni  l'excès  du  IVoid  qui  règne  en  hiver 
sur  les  hautes   Cordillères  du  Mexique.  La 
tige  périt  après  la  Jîoraison.  Si  on  lui  a  ôté  le 
faisceau  des  feuilles  centrales,  elle  sèche  après 
que  le  suc  que  la  nature  paroissoit  avoir  des- 
tiné à  l'accroissement  de  la  hampe  est  entiè- 
lement   épuisé.   Une    infinité    de    drageons 
naissent  alors  de  la  racine  du  pied  qui  vient 
de  périr;  car  il  n'y  a  pas  de  plante  qui  se 
multiplie  plus  racilement.  Un  arpent  de  terrain 
renferme  douze  a  treize  cents  pieds  de  mûgiwr. 
Si  le  champ  est  d'ancienne  culture,  on  peut 
estimer  qu'annuellement  un  douzième  ou  un 
quatorzième  de  ces  plantes  donne  du  7?ncL 
Un  propriétaire  qui  plante  5o  à  4o,ooo  //ki- 
^Kc)  y  est  sur  de  fonder  la  richesse  de  ses 
^urans;  mais  il  faut  delà  paîience  et  du  cou- 


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CHAPITRE    IX. 


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rage  pour  s'adonner  à  une  culture  qui  ne 
commence  à  devenir  lucrative  que  dans 
l'espace  de  quinze  ans.  Dans  un  bon  terrain , 
l'agave  entre  en  floraison  après  cinq  ans;  dans 
un  terrain  très-maigre,  on  ne  peut  s'attendre  à 
la  recolle  qu'au  bout  de  dix-huit  ans.  Quoi- 
que la  rapidité  de  la  végétation  soit  du  plus 
grand  intérêt  pour  les  cultivateurs  mexicains, 
ils  ne  tentent  cependant  pas  d'accélérer  ar- 
tiQciellement  le  développement  de  la  hampe 
en  mutilant  les  racines,  ou  en  les  arrosant 
avec  de  l'eau  chaude.  On  a  reconnu  que  par 
ces  moyens ,  qui  aflbiblissent  la  plante ,  on 
diminue  sensiblement  l'alïluence  du  suc  vers 
le  centre.  Un  pied  de  magiiej  est  perdu,  si, 
trompé  par  de  fausses  apparences ,  l'Indien 
fait  la  plaie  long-temps  avant  que  les  fleurs  se 
seroient  développées  naturellement. 

Le  ffilcl  ou  suc  de  l'agave  est  d'un  aigre- 
doux  assez  agréable.  Il  fermente  facilement,  à 
cause  du  sucre  et  du  mucilage  qu'il  contient. 
Pour  accélérer  cette  lérmentalion ,  on  y  ajoute 
cependant  un  peu  de  pulijiw  vieux  et  acide: 
l'opération  se  termine  dans  l'espace  de  trois 
ou  quatre  jours.  La  boisson  vineuse ,  qui 
ressemble  au  cidre,  a  une  odeur  de  viande 


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iGo  LIVRE    IV, 

pourrie,  excessivement  désagréable.  Les  Eu- 
ropéens qui  sont  parvenus  à  vaincre  le  dégoût 
qu'inspire  cette  odeur  fclide^  préfèrent  le 
ptilqiw  à  toute  autre  boisson  :  ils  le  regardent 
comme  stomachique,  fortiQanl,  et  surtout 
comme  très-nourrissant.  On  le  recommande 
aux  personnes  trop  maigres.  J'ai  vu  des 
blancs  qui,  comme  les  Indiens  mexicains, 
s'abstenoient  totalement  de  l'eau ,  de  la  bière 
et  du  vin,  pour  ne  boire  d'autre  liquide  que 
le  suc  de  l'agave.  Les  connoisseurs  parlent 
avec  enthousiasme  du  puhiuc  qu'on  j)répare 
au  villajre  d'Hocolillan  ,  situé  au  nord  de  la 
ville  de  Toluca ,  au  pied  d'une  montagne 
presque  aussi  élevée  que  le  Nevada  de  ce 
nom.  Ils  assurent  que  l'excellente  qualité  de 
ce  fHilqiia  ne  dépend  pas  seulement  de  l'art 
avec  lequel  la  l)oisson  est  préparée ,  mais 
aussi  d'un  goût  du  terroir  que  prend  le  suc , 
selon  les  champs  dans  lesquels  la  plante  est 
cultivée.  II  y  a  près  d'IIocolitlan  des  planta- 
tions de  maguey  (  haciendas  de  puhfue  )  qui 
rapportent  annuellement  pkis  de  4<),ooo  livres 
de  rente.  Les  hid)itans  du  pays  sont  très- 
partages  dans  leurs  opinions  sur  la  véritable 
cause  de  l'odeur  fétide  que  répand  le  pidque. 


CHAPITRE    IX. 


l6l 


On  assure  ^^cnéraleincnt  que  celle  odeur,  qui 
est  analogue  à  celle  des  nmlières  animales, 
est  due  aux  outres  dans  lesquelles  on  renferme 
le  suc  Irais  de  l'agave  :  mais[)lusieurs  personnes 
instruiles  prétendent  que  le  pulque  prcj)aré 
dans  des  pois  a  la  inemeodeui",  et  que  si  on 
ne  la  trouve  pas  dans  celui  de  Toluca,  c'est 
que  le  grand  froid  du  ])laleau  y  modifie  la 
inarclie  de  la  l'ernientalion.  Je  n'ai  eu  con- 
noissance  de  celle  derni(;rc  opinion  qu'à 
l'époque  de  mon  d('j)art  de  Mexico;  de  sorte 
que  je  dois  legreller  de  n'avoir  pu  éclaircir, 
par  des  expériences  directes,  ce  point  curieux 
de  la  (^liniie  végétale.  Peut-étie  cette  odeur 
provient-(,'lle  de  la  décomposilion  d'une  ma- 
tière T'égélo-animale  ,  analogue  au  glulen  , 
conlenue  dans  le  suc  de  l'agave. 

La  cullure  du  maguey  est  un  objet  si  im- 
portant pour  le  fisc  ,  (fueles  droits  d'entrée 
payés  d;msles  trois  villes  de  Mexico  /J\>luca 
et  Puebla,  montèrent ,  en  ijç)'^  ,  à  la  sonnne 
de  817,70^)  piastres.  Les  frais  de  j)erceplion 
cLoient  alors  de  ;)G,6o8  piastres  ;  de  sorte  que 
le  gouvernement  tira  du  suc  d'agave  un  profit 
net  de  7(1,131  piastres,  ou  de  plus  de 
5,800,000  francs.  Le  désir  d'augmenter  les 
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LIVRE    IV 


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revenus  delà  couronne  a  fait,  dans  ces  derniers 
temps ,  surcharger  la  l'abricalion  du  pulque 
d'unemanière  aussi  vexatoire  qu'inconsidérée. 
Il  est  temps  que  l'on  change  de  sjslènie  à  cet 
égard,  sans  cela  ,  il  est  à  présumer  que  cette 
culture  ,  une  des  plus  anciennes  et  des  plus 
lucratives,  déclinera  insensiblement,  mal'Te 
la  prédilection  décidée  qu'a  le  peuple  pour  le 
suc  fermente  du  maguej. 

On  reùre  du  pulque,  par  distillation,  une 
eau  -  de  -  vie  très  -  enivrante  ,  qu'on  appelle 
mexical  oti  a^uardiente  de  nui^uey.  On 
m'a  assuré  que  la  plante  que  l'on  cultive 
pour  en  dis  iller  le  suc,  diffère  essentiellement 
du  maguej  commun  ou  niagucj  de  pulque. 
Ella  m'a  paru  plus  petite  ,  et  à  feuilles  moins 
glauques  :  ne  l'ayant  pas  vue  en  fleur ,  je  ne 
puis  juger  de  la  différence  des  deux  espèces. 
La  canne  à  sucre  présente  aussi  une  variété 
particulière  à  tige  violette,  qui  est  venue  des 
côtes  d'Afrique  (  Caha  de  Guniea)y  et  que  , 
dans  la  province  de  Caracas ,  on  préfère  , 
pour  la  fabrication  du  rhum,  à  la  canne  à 
sucre  d'Otahiti.  Le  gouvernement  espagnol, 
et  surtout  la  real  hacienda  ,  sévit  depuis 
long-temps  contre  le  mexical ^  qui  est  sévè- 


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CHAPITRE    IX. 


l63 


rement  prohibé ,  parce  que  son  usage  nuit 
au  commerce  des  eaux-de-vie  d'Espagne.  On 
fabrique  cependant  une  énorme  quantité  de 
cette  eau-de-vie  de  maguey  dans  les  inten- 
dances de  Valladolid  ,  de  Mexico  et  de 
Durango  ,  si.rlout  dans  le  nouveau  royaume 
de  Léon.  On  peut  juger  de  la  valeur  de  ce 
trafic  illicite,  en  considérant  la  dii^proportioii 
qui  règne  entre  la  pup'jl.ilion  dii  Mexique 
et  l'importation  des  eaux-de-v  ie  d'Europe , 
qui  se  fait  annuellement  par  la  Vera-Gruz. 
Toute  celte  importation  ne  s'élève  qu'à 
52,ooo  barils.  Dans  quelques  parties  du 
royaume ,  par  exemple  dans  les  pro\nncias 
internas ,  et  dans  le  district  de  Tuxpan ,  ap- 
partenant à  l'intendance  de  Guadalaxara  ,  on 
a  commencé  depuis  quelque  temps  à  per- 
mettre la  vente  publique  du  niexical ,  en 
chargeant  cette  liqueur  d'un  léger  impôt. 
Cette  mesure,  qu'on  devroit  rendre  générale, 
a  été  profitable  au  fisc ,  en  même  temps  qu'elle 
a  fait  cesser  les  plaintes  des  habita  us. 

Mais  le  maguey  n'est  pas  seulement  la  vigne 
des  peuples  aztèques ,  il  peut  aussi  remplacer 
le  chanvre  de  TAsie  et  le  roseau  à  papier 
(Cyperus  papyrus)  des  Egyptiens.  Le  papier 

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164  LIVRE    IV, 

sur  lequel  les  aucieus  Mcxicaius  pcignoicnt 
leurs  ligures  hiéroglyphiques  ,  étoit  fail  des 
fibres  (les  feuilles  d'agave,  niaeérées  dans  de 
l'eau,  et  collées  par  couches  comme  les  libres 
du  Cvperus  de  l'ICgyple  et  du  Diùrier  (Brous- 
souelia)  des  îles  de  la  mer  du  Sud.  J'ai 
rapporté  plusieurs  tVagmeus  de  manuscrits 
aztèques  '  écrits  sur  du  papier  de  inaguey,  et 
d'une  épaisseur  si  différente  ,  <pie  les  uns  res- 
sendilent  au  carlon  ,  et  les  autres  au  papier 
chinois.  Ces  Tragniens  sont  d'autant  plus  in- 
téressans ,  que  les  seuls  hiéroglyphes  qui 
existent  il  Vienne,  à  Rome  et  à  Veletri,  sont 
écrits  sur  des  peaux  de  cerfs  mexicains.  Le 
fd  que  l'on  relire  des  feuilles  du  maguey  est 
connu  en  Europe  sons  le  nom  de  111  de  pite , 
et  les  physiciens  le  préfèrent  à  tout  autre, 
parce  qu'il  est  moins  sujet  à  se  tordre  :  il 
résiste  moins  cependant  que  celui  que  l'on 
prépare  avec  les  libres  du  Phormium.  Le  suc 
(xiigode  coeur zn^  que  donne  l'agave  lorsqu'il 
est  encore  éloigné  de  l'époque  de  sa  lloraison, 
est  très-acre  ,  et  employé  avec  succès  comme 
caustique,  pour  neltoyer  les  plaies.  Les  épines 

»  Voyez  Chap.  VI,  T.  I,  p.  4i5. 


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ciiapithe  IX. 


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qui  terminent  les  feuilles  servoient  jadis  , 
coniine  eelles  des  eaetus ,  d'é[)in<^'les  et  de 
clous  aux  Indiens.  Les  piètres  mexieains 
s'en  pereoient  les  hi  as  et  la  jioilrine ,  dans 
des  aetes  d'exj)ialion  analof^ues  à  ceux  des 
Buddlîistes  de  l'Indouslan. 

On  peut  conclure  de  tout  ce  que  nous 
venons  de  rapporter  sur  l'usaj^e  des  diffère  nies 
parties  du  niaguey,  qu'aptes  le  maïs  et  la 
pomme  de  terre,  celle  ])lanle  est  la  plus  utile 
de  toutes  les  produclions  que  la  natme  a 
accordées  aux  peuples  montagnards  de  l'Amé- 
lique  équinoxiale. 

Quand  les  entraves  que  le  gouvernement 
a  mises  jusqu'ici  à  plusieurs  brandies  de  l'in- 
dustrie nationale  seront  écartées  ;  quand 
l'agrieullure  mexicaine  ne  sera  plus  enchaînée 
par  un  système  d'administration  c|ui  appauvrit 
les  colonies  sans  enrichir  la  métropole ,  les 
plantations  de  maguey  seront  peu  èi  peu  rem- 
placées  par  des  vignobles.  La  culture  de  la 
vigne  augmenteia  surtout  avec  le  nombre  des 
blancs,  qui  consomment  une  grande  quantité 
de  vins  d'Espagne  ,  de  France ,  de  Madère 
et  des  des  CJanaries.  Mais  dans  l'état  actuel, 
des  choses ,  la  vigne  ne  peut  presque  pas  ctrc 


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166  LIVRE   TV,' 

comptée  parmi  les  richesses  territoriales  du 
Mexicpe^  tant  la  récolle  en  est  peu  considé- 
rable. Le  raisin  de  1»  meilleure  qualité  est  celui 
de  Zapolillan,  dans  l'intendance  d'Oaxaca.  Il 
y  a  aussi  des  vignobles  près  de  Dolores  et 
San  Luis  de  la  Paz,  au  nord  de  Guanaxuato, 
et  dans  Xe^proviiicias  iiitctnas ,  près  de  Parras 
et  du  Passo  ch  1  Norte.  Le  inn  du  Passa  est 
très-eslimé  ,  surlout  celui  des  terres  du  mar- 
quis de  San  Miguel.  Il  se  conserve  pendant 
un  grand  nond^re  d'années  ,  quoiqu'il  soit 
préparé  avec  peu  de  soin.  On  se  plaint  dans 
le  pays  de   ce   qne  le  moût  récolté  sur  le 
plateau  fc     enle  difiicilement.  On  a  la  cou- 
tume d'ajouter  au  suc  du  raisin  ,  de  Varope ^ 
c'est-à-dire  une  petite  quantité  de  vin  auquel 
on  a  mêlé  du  sucre,  et  qui,  parle  moyen  de 
la  cuisson,  a  été  réduit  en  sirop.  Ce  procédé 
donne  aux  vins  mexicains  un  petit  goût  de 
moût  qu'ils  perdroient  si  l'on  étudioit  davan- 
tage l'art  de  faire  le  vin.  Lorsque ,  par  la  suite 
des  siècles  ,  le  nouveau  continent ,  jaloux  de 
son  indépendance ,  voudra  se  passer  des  pro- 
ductions de  l'ancien  ,  les  parties  montueuses 
et  tempérées  du  Mexique ,    de   Guatiniala , 
de  la  Nouvelle  -  Grenade  et  de    Caracas , 


CHAPITRE    IX.  167 

pourront  fournir  du  vin  à  toute  rAmérique 
septentrionale  :  elles  deviendront  pour  celte 
dernière  ,  ce  que  la  France ,  l'Italie  et  l'Es- 
pagaie  sont  depuis  long-temps  pour  le  nord 
de  TEurope. 


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LIVRE    IV, 


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cnAPiraE  x. 


Plantes  qui  fournissent  les  matières  premières 
aux  manufactures  et  au  commerce.  — 
Education  des  Itestimix. — Pêche.  —  Pro- 
duit de  V agriculture ,  estimé  d'après  la 
valeur  des  dimes. 


\^uoTQUE  ragricnllure  mexicaine ,   comme 
celle    de   tous   les  pays  qui  siilDscnt    cux- 
mènies  aux  besoins  de  leur  population,  soit 
dirigée  principalement  vers  les  plantes  ali- 
mentaires, la  Nouvelle-EspajT^ne  n'en  est  pas 
moins  riche  en  denrées  appelées  exclusive- 
ment ^^o/ow/Vr/e^  y  c'est-à-dire  en  productions 
qui  Iburnissenl  des  matières  brutes  au  com- 
merce et    à    l'industrie    manufacturière    de 
l'Europe.  Ce  vaste  royaume  réunit,  sous  ce 
point  de  vue ,  les  avantages  de  la  Nouvelle- 
Angleterre  à  ceux  des  îles  Antilles.  Il  com- 
mence surtout  à  rivaliser  avec  ces  îles  ,  depuis 
que  la  guerre  civile  de  Saint-Domingue  et 


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rîT\PiTî\E  \.  i(>r) 

la  fl('vnslnlion  des  sucrcri(\s  franroiscs  tml 
rciuhi  plus  piofllablc  la  cnllmc  «lus  deinvrs 
coloni.ilcs  sur  le  conliiicnl  de  l'Amérique. 
On  ohservc  même  qu'au  Mexique  celle  cul- 
ture a  l'ail  des  pro^^ni'S  bien  plus  considérahles 
que  celle  des  céréales.  Dans  ces  climats ,  la 
même  étendue  de  terrain  ,  un  arpent  de 
5o()8  mètres  carres,  par  cxenqde  ,  rend  au 
cnllivaleur  pour  80  à  100  francs  de  froment , 
pour  260  de  coton ,  et  pour  /|/)o  de  sucre  '. 
D'.;près  cette  énorme  dift'érence  dans  la 
valeur  des  ix'colles  ,  on  ne  doit  pas  s'étonner 
que  le  colon  mexicain  préfère  les  denrées 
coloniales  à  l'orge  et  au  froment  de  l'Europe. 
Mais  celle  prédilection  ne  parviendra  pas  à 
troubler  l'équilibre  qui  existe  jusqu'à  ce  jour 
entre  les  difFérentes  branches  de  ragrieulture, 
parce  que  ,  lieureusement ,  une  grande  partie 
de  la  Nouvelle-Espagne,  située  sous  un  climat 

*  Colle  évalua  lion  est  celle  que  les  colons  reganîeiit 
comme  la  plus  exaclo  à  la  Louisiane,  clans  les  terres 
quiavoisinent  la  ville  dulNouvel-Orléans.  On  y  compte 
20  biishels  de  froment ,  260  livres  de  coton  ,  1000  iiv. 
de  sucre  \n\v  acre.  C'est  le  produit  moyen;  mais  l'on 
conçoit  facilement  ccmibicn  les  circonstances  locales 
doivenl  modiller  ces  résultats. 


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170 


lïVTtE    IV 


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plus  froid  que  tempéré ,  n'est  pas  propre  à 
produire  du  sucre  ,  du  café ,  du  cacao  ,  de 
l'indigo  et  du  coton. 

La  culture  de  la  canne  à  sucre  a  fait  des 
progrès  si  rapides  dans  ces  dernières  années, 
que  l'exportation  du  sucre  par  le  port  de 
Vera  -  Gruz  est  actuellement  de  plus  d'un 
demi-million  d'arrobes,  ou  de  6,200,000  kilo- 
grammes ,  qui  ,  à  trois  piastres  l'arrobe  , 
équivalent  à  sept  millions  et  demi  de  francs. 
JNous  avons  déjà  observé  plus  haut  que  les 
anciens  Mexicains  ne  connoissoient  que  le 
sirop  de  miel  d'abeilles ,  celui  du  /7/e// (agave), 
et  le  sucre  de  la  canne  de  maïs.  La  canne  à 
sucre,  dont  la  culture  est  de  la  pais  haute 
anlii|jité  aux  Grandes  Jndes,  en  (Jhine  '  et 
dans  les  îles  de  la  mer  du  Sud,  fut  introduite 
par  les  Espagnols,  des  îles  Canaries  à  l'île  de 

*  Je  suis  même  porté  à  croire  qup  le  procède;  i  jtit 
nous  nous  servons  pour  IViire  le  sucre  ,  nous  est  veau 
de  l'Asie  ori(;nta!e.  J'ai  reconnu  à  Lima,  dans  des 
pciiitures  chinoises  qui  représentent  les  arts  et  métiers, 
les  cylindres  posés  de  cliamp  ,  et  mis  en  mouvement 
par  une  narlilne  à  molette ,  les  équipages,  de  chau- 
dières ,  et  des  purgeries  telles  que  i'ou  cr,  voit  aujour- 
tl'hui  dans  les  iles  Antilles, 


'i 


CHAPITHE    X. 


Snint-Domiiignc  ,  d'où  elle  pa«sn  sneeessnc- 
ineiil  à  riledeCuba  el  à  la  iNoiivelle-Mspaj^ne. 
Pierre  d'Atienza  ])l;!nta  les  pi  emières  cannes 


a  su ère  ,  a 


peu  pi 


1 


res  en  l  année  1020 


dans 


les  environs  de  la  ville  de  la  Gonceplion  de 
la  Ve^^'a.  Gonz^lo   de   Velosa  eonslruisil  les 


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L1VI\E    IV 


Eii  i5i)5  ,  rahondance  du  sucre  ctoit  déjà 
si^ninde  au  Mexique  ,  qu'on  en  exporta,  de 
Vera-Cruz  et  d'Aeapulco  ,  en  Espagne  et  au 
Pérou  '.  Cette  dernière  exportation  a  cessé 
depuis  Jong-tenips ,  le  Pérou  produisant  au- 
jourd'hui plus  de  sucre  qu'il  n'en  faut  pour 
sa  consommation.  Comme  la  population  de 
la  Nouvelle  -  Espag-ne  est  concentrée  dans 
l'intérieur  du  pays  ,  on  trouve  moins  de 
sucreries  le  lono-  des  cotes ,  où  les  grandes 


*  «'  Outre  l'or  et  l'argent,  le  Mexique  fournit  aussi 
«  beaucoup  de  sucre  et  de  coclienille,  deux  mareltan- 
«  dises  très-précieuses,  des  plumes  et  du  coton.  Peu 
«  de  bâtimens  d'Espagne  retournent  sans  chargement, 
<(  ce  qui  n'est  pas  le  cas  au  Pérou ,  qui  cependant  a  la 
«  fausse  réputation  d'être  plus  riche  que  le  Mexique  : 
<(  aussi  cette  dernière  région  a  conservé  un  plus  grand 
<c  nombre  de  ses  habitans.  C'est  un  beau  pays ,  t!  cs- 
«f  populeux  ,  auquel  rien  ne  nianqucroit  s'il  y  pleuvoit 
«  plus  souvent.  La  Nouvelle-Espagne  envoie  au  Pérou 
«  des  chevaux,  de  la  viande  de  bœuf  et  du  sucre.  )> 
Ce  passage  remaïquablc,  de  Lopez  de  Goniara;  qui 
peint  si  bien  l'état  des  colonies  espagnoles  au  milieu 
du  seizième  siècle,  ne  se  trouve  que  dans  l'édition  de 
la  ConqiÙHta  de  Mexico  ,  publiée  à  Médina  del  Canipo  , 
1553  ,  fol.  i3().  Il  manque  dans  la  traduction  franeoise, 
imprimée  à  Paris  eu  i587,  p.  itji. 


eu  A  PITRE    X. 


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chaleurs  el  l'abondance  tics  pluies  pourroicnt 
favoriser  la  culture  de  la  canne  à  sucre,  que 
sons  la  pente  des  Cordillères  ,  et  dans  les 
parties  plus  élevées  du  plateau  central.  Les 
plantations  principales  sont  dans  l'intendance 
de  Vera-Cruz  ,  près  des  villes  d'Orizaba  et 
de  Cordova  ;  dans  l'intendance  de  Pucbla  , 
près  de  Guautla  de  las  Amilpas,  au  pied  du 
volcan  de  Popocatepetl  ;  dans  l'intendance 
de  Mexico  ,  à  l'ouest  du  Nevado  de  Toluca, 
et  au  sud  de  Guernavacca,  dans  les  plaines 
de  San  Gabriel;  dans  l'intendance  de  Gua- 
naxuato ,  près  de  Cela^a ,  Salvatierra  et 
Penjamo ,  et  dans  la  vallée  de  Santiago  ;  dans 
les  intendances  de  Valladolid  et  de  Guada- 
lax'J.ra  ,  au  sud  -  ouest  de  Pazcuaro  et  de 
Tecolotlan.  Quoique  la  température  moyenne 
qui  convient  le  mieux  à  la  canne  à  sucre  soit 
de  24*^  ou  20^^  centigrades,  cette  plante  peut 
encore  être  cultivée  avec  succès  dans  des 
endroits  où  la  chaleur  moyenne  de  l'année 
n'excède  pas  19''  ou  2o'\  Or,ledécroissenient 
du  calorique  étant  à  peu  près  d'un  degré  du 
ihermoniètre  centigrade  ',  pour  200  mètres 

*  Voyez  mon  Mémoire  sur  los  réfractions ,  clans  mou 
Recueil  d'Obucrvations  antionutniqueti ,  T.  l,   p.  107. 


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LIVRE    IV 


(rél(!'Viilion  ^  on    I  oiive   ^éiiéiMlenicnt ,  sons 

les  Iropiqnes  ,  sur  la  poule  raj)i(le  des  niou- 

tyg-nes ,   celle  lempéralure  nioyenne  de  20** 

à  loooinclrcs  d'élcxalion  an-dessns  du  iii\eau 

de  l'Océan.  Sur  des  plàleaux  d'une  grande 

étendue,  la  réveibération  du  sol  aii-^niienle 

lellemenl  la   chaleur  ,    que  la   len)péralure 

moyenne  de  la  \ille  de  Mexico  csl  de    17** 

au  Heu  de  i»^",  7;  celle  de  Quito  ^  de  j5"»,8 

au  lieu  de  ii.**,5.  Il  résulte  de  ces  données, 

que,  sur  le  plateau  central  du  Mexique,  le 

ma.rimiiijt  de  hauteur  à  laquelle  la   canne  à 

sucre  végète  vigoureusement  sans  souffrir  par 

les  gelées  d'hi\er  ,   n'est  pas  de  1000,  mais 

de  i/|00  à  i5oo  mètres.  Dans  des  expositions 

favorables,  surtout  dans  les  vallées  abritées 

par  des  montagnes  contre  les  vents  du  nord, 

la  limite  supérieure  de  la  culture  du   sucre 

s'élève  même  jusqu'au  delà  de  2000  mètres. 

En  effet,  si  la  hauteur  des  plaines  de  San 

Gabriel  ,    qui  contiennent   plusieurs  belles 

sucreries,  n'est  que  de 980  mètres,  d'un  autre 

côté,  les  environs  de  Celaja,  Salvatierra,  Ira- 

puato  et  Santiago  ont  au  delà  de  1800  mètre 

d'élévation  absolue.  On  m'a   assuré  que  les 

plantations  de  cannes  à  sucre  de  Rio  V^rde  , 


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CHAPITRE    X. 


175 


situées  au  nord  de  Guanaxuato  ,  sous  les 
22<^5o'  de  latitude,  setrouveiità  2200-iiièlres 
d'élévation  ,  dans  une  vallée  étroite,  entourée 
de  hautes  Cordillères ,  et  si  chaude  que  les 
habitans  y  soufïrent  souvent  de  fièvres  in- 
termittentes. J'ai  découvert,  en  exanunant 
le  testament  de  Corlez  ',  que  du  temps  de 
ce  grand  honjnie ,  il  y  avoit  des  sue  reries 
près  de  Cuyoaean  ,  dans  la  vallée  de  Mexico. 
Ce  fait  cuiienx  pron\e,  ce  qui  est  indiqué 
par  plusieurs  autres  phénomènes  ,  que  cette 
vallée  est  plus  l'roide  de  nos  jours  qu'elle  ne 
l'étoit  au  conimonceinent  de  la  conquête , 
parce  qu'alors  un  <^'rand  nombre  d'arbres 
diminnoient  l'effet  des  vents  du  nord,  qui 
soufflent  aujourd'hui  avec  inipéluosilé.  Les 
personnes  accoutumées  à  voir  les  plantations 
de  cannes  à  sucre  dans  les  iles  Antilles  ,  ap- 


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*  «  J'ordonne  que  l'on  examine  si  dans  mrs  enlados 
<(  on  a  pris  des  terres  aux  naturels  pour  les  planter 
<f  en  vignes  j  je  veux  aussi  qiae  l'on  fasse  des  perqui- 
«  sitions  sur  le  terrain  que  j'ai  donné  ,  dans  ces  der- 
«  nières  années,  à  mon  dom^'slique  Beiiiardino  del 
«  Caslillo ,  p»ur  y  établir  une  sucrerie  près  île  Cujoa- 
«  «an.  »  (  Testament  manuscrit  de  Hernan  Curiez  , 
J^it  à  Sévi  lie  f  U  18  août  i5i8  ,  art.  i8.  ) 


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170  LIVRE    IV, 

])iciidront  avec  le  niùriio  étonneincnt  que  , 
dans  le  lojaume  de  la  Nomello-Gienade , 
la  plus  grande  quanlilé  de  sucre  est  récollée 
uon  ilans  les  plaines ,  sur  les  Lords  de  la  rivière 
de  la  Madeleine,  mais  sur  la  peu  le  des  Cor- 
dillères, dans  la  vallée  de  Guaduas,  sur  le 
clieniin  de  Honda  à  Santa-Fe,  dans  un  terrain 
qui,  selon  mes  mesures  barométri<piCs,  a 
depuis  1200  jusqu'à  1700  mèlrcs  de  hauteur 
au-dessus  du  niveau  de  la  ujcr. 

L'introduction  des  ISc^^rcs  n'a  lieureusc- 
mentpas  augmenté  au  Mexique  diins  la  même 
proportion  que  la  production  du  sucre. 
Quoiqu'il  j  ait  dans  l'intendance  dePuchla, 
près  de  Guaulla  de  las  Aniilpas,  des  plan- 
tations {liacieitchis  de  caîia)  qui  en  l'ouî'nissent 
par  an  au  delà  de  vingt  ou  trente  mille  ar- 
robes  '  (  5oo,ooo  à  700,000  kilogrammes), 
presque  tout  le  sucre  mexicain  est  l'abriqué 
par  les  Indiens ,  et  par  conséquent  par  des 

^  Ce  produit  est  Irès-conslJérahle  :  il  n'existe  dans 
l'ik-  de  Cuba  qu'une  seule  planlalion,  celle  du  marquis 
di'l  Arcos ,  appelée  Rio  iUanco ,  entre  Xarueo  et 
Matanzas,  qui  produise  aniiuellemenl  4o,ooo  anobes 
tîe  sucre.  Il  n-^  en  pas  huit  qui ,  dix  aimées  de  suiie  j 
aient  fourni  35. 000. 


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CHAPITRE    X.  l'y  y 

mains  libres.  Il  est  facile  de  prévoir  que  les 
petites  îles  Antilles ,  nial<^ré  leur  position 
favorable  au  commerce,  ne  pourront  pas 
lonj^-temps  soutenir  la  concurrence  des  co- 
loniescontincntales,  si  ces  dernières  continuent 
à  se  livrer  avec  la  même  ardeur  à  la  culture 
du  sucre  ,  du  calé  et  du  colon.  Dans  le  monde 
phjsi([ue ,  comme  dans  le  monde  moral , 
*out  finit  par  rentrer  dans  l'ordre  prescrit 
par  la  nature  ;  et  si  de  petits  îluls,  dont  on 
a  exterminé  la  population  ,  ont  fait  jusqu'ici 
un  commerce  plus  actif  de  leurs  productions 
que  le  continent  voisin ,  ce  n'est  que  parce 
que  les  habHans  de  Gumana ,  de  Caracas, 
de  la  Nouvelle-Grenade  et  du  I\îexique  ont 
commencé  très-tard  à  profiter  des  avantages 
immenses  que  la  nature  leur  a  accordés. 
Sorties  d'une  lélhargie  de  plusieurs  siècles , 
débarrassées  des  entraves  qu'une  fausse  poli- 
tique mettoit  aux  progrès  de  l'agriculture, 
les  colonies  espagjioles  du  continent  s'em- 
pareront peu  à  peu  des  différentes  branches 
de  commerce  des  îles  Antilles.Ge  changement, 
préparé  par  les  événemens  de  St.-Domingue, 
aura  l'inlluence  la  plus  heureuse  sur  la  dimi- 
nution de  la  traite  des  Nègres.  L'humanité 


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1^8  i-ivr.i:  IV, 

soufriaiilc  devra  à  la  marclic  nnlurclli;  des 
choses  ce  (jii'elle  iiiiroil  eu  droit  d'atleiidrc 
de  la  sagesse  d(îs  «*"OMV(M'neiiieiis  eiirojx'ens. 
Aussi  les  colons  de  la  Havane,  tiès-inslinils 
snrlenrs  Mh-ilablcs  inlén'ts,  cnil  les  veuv  fixés 
sur  les  pro*^rès  de  la  cuUurv  du  sucre  au 
Me\i(jue  ,  et  de  celle  tlu  cafierà  (Caracas,  fis 
craignent  dc]>uis  lf)ng  -  tenij)s  la  rivalité  <lu 
continent,  surtout  depuis  (juc  le  inan([ue  de 
con)l)ustil)les  et  l'excessive  clicrlé  des  ^  ivres, 
des  esclaves  ,  des  ustensiles  métal li([ucs  et  des 
bestiaux  nécessaires  à  une  su("rerie ,  ont 
diminué  considérablement  le  revenu  net  des 
plantations. 

La  Nouvelle  -  Espagne  ,  outre  l'avanlage 
de  sa  ])oj)ulalion ,  en  a  cîicore  un  autre  très- 
im])oi'lant  ,  celui  d'une  niasse  énorme  tle 
capitaux  amoîicel('s  cliez  los  ])ro]>rié! aires 
des  mines  ,  ou  entre  les  mains  de  né<4'Oci;ms 
fjni  se  sont  retirés  du  comnierce.  Pour  sentir 
l'importance  do  cet  avantage,  il  fautserap- 
])«  kr  qu'à  l'île  de  Cuba  l'élablissement  d'une 
gr.mde  sucrej'ie  ,  cpii  par  le  travail  de  ooo 
Nègres,  rend  annuellement  i)oo,ooo  kilo- 
grammes de  sucre,  e>dge  des  avances  de 
deux  iiiiUions  de  livres  tournois,  et  qu'elle 


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ClIAriTRF.    X. 


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rapporte  .)0o,oo()  a  0)0,000  livres  de  revenus. 
Le  eoloii  mexicain  peut  cliuisir  le  ioii^"  des 
eoles  cl  dans  des  vallées  j)liis  on  moins  pro- 
fondes, le  eliniat  qui   eonvienl  à  la  enlUire 


de  I 


a  eanne  à  sneie  :  il  a   moins  à   re( 


dont 


er 


Te^/'et  (les  <^elées  que  le  eulon  de  la  Louisiane. 
Mais  la  eonfi;:;nr,ili()n  cxli'aoïdiuaire  du  sol 
delà  iNouvelle-lv.pa*,*'ne  met  de  Tories  enlraves 
aux:  Iransporls  du  snere  à  la  Vcra-Grn/.  Les 
piiUdations  qui  exislcint  aujourd'lmi,  soid  la 
j?lnp..;'t  Irès-éloi^aiées  de  la  eule  o])posée  à 
riMir'ope.  Le  ])a^s  n'ayant  eneore  ni  eanaux 
ni  roule  prrvpre  an  eliarria^e ,  le  fret  des  mules 
au;^"menle  le  prix:  dn  sueie  à  la  Vera-Cruz, 
d'une  piastre  par  ar»'o])e,  on  de  huit  sous  ])ar 
kiloLTiamme.  Ces  enlraves  seront  diminuées 


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lesel 


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de  beaneoupparlesehenniis  (piel  on  construit 
en  ee  moment  de  Mexico  à  la  Vcra-Giuz,  par 
Oiizaba  et  par  Xrlapa,  le  lon«^'  de  la  pente 
Oîientalc   des    Ci»r(lillères.   Il    est    probable 


au^sl  (jee  les  progrès  de  J  agrieulluic  colo- 
iiiiile  eoiitt  ibueront  à  j)eupler  le  litioral  de  la 
iNon\elle-r]spa«;rie ,  qiii,  depuis  des  siècles , 
est  res[('  inculte  et  désert. 

On    o5. serve  au  Mexique  qne   le  i^ezon , 
ouïe  s  Lie  e.xpriiiié  de  la  canne  à  sucre,  est 


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LIVRE    IV 


plus  OU  moins  sucre,  selon  que  la  plante  croît 
dans  la  plaine  ou  sur  un  plateau  élevé.  La 
jnènie  clilfércnce  exisle  entre  la  canne  ciillivée 
à  Malaxa  ,  aux  iles  Canaries  et  à  la  Havane. 
Partout  l'élévation  du  sol  produit  les  mêmes 
elTets  sur  la  végétation  ,  cpie  la  (lidcrence  de 
lalilude  géograpliirpic.  Le  climat  influe  aussi 
sur  la  proportion  qui  existe  entre  les  quan- 
tités de  sucre  licpiidc  et  de sucie  cristiiUisable 
contenus  dans  le  jus  de  canne;  car  quelquefois 
le  vazou  a  une  saveur  très-douce,  et  ne  cris- 
tallise cependant  que  Irès-diflicilcjnent.  Ija 
composition  chimique  du  7'ezou  n'est  pas 
toujours  la  même  ,  et  les  belles  expériences 
de  M.  Proust  ont  répandu  un  grand  jour  sur 
des  phénomènes  que  présentent  les  atelii'rs 
de  l'Amérique  ,  et  dont  plusieurs  font  le 
désespoir  des  raffineurs  de  s)'<"rc. 

D'après  des  calculs  exacts  que  j'ai  foils  à 
l'île  de  Gaba_,  je  trouve  ([u'un  hectare  de 
terrain  donne,  en  terme  mojen, douze  mètres 
cubes  de  i^ezoïi  ,  dfint  on  retire ,  par  les 
procédés  usités  jusqu'à  ce  jour  ,  et  dans 
lesquels  beaucoup  de  matière  sucrée  est  dé- 
composée par  le  feu ,  tout  au  plus  dix  à  douze 
pour  cent,  ou   i5oo  kilo<^ rammes  de  sucre 


CHAPITÏÏK    X, 


8 


I»I 


hnit.  On   com|)le   à  la   Havane  et  dons  les 
parties  eliaiules   cl   rctiiirs  de  la   iNouvelle- 


E 


sp,' 


airne  ,  rni  nue   eu 


lo    von 


hlcs    ( 


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le   te 


ne  qui  a 


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) 


i   2/|  luinis  )    en    eari-e 
1 


ou 


DO^oij  mètres  carres  ,  rend  annuellement 
2000  (ii'i'ohes  ,  ou  2!),oou  kilotirainnies.  Le 
pioduit  înovcn  n'est  cependant  que  de 
i5oo  arrobes,  ce  qui  l'ait  l 'joo  kilograinnies 
de  sucre  par  lieetaie.  A  Sainl-Doniin<,nie  , 
on  évalue  le  produit  d'un  carmin  de  terre 
quia  5/|()5  toises,  ou  12,900  mètres  carrés , 
à  4ooo  livies,  ce  cpii  l'ail  aussi  i;)oo  kilo- 
graunnes  par  hectare.  Telle  est,  en  général, 
la  Ibrlilité  du  sol  de  l'Amérique  équinoxiale  , 
que  tout  le  sucre  consonnné  en  France ,  et 

kiloL''rammes', 


que] 


Lions 


pourroit  être  produit  sur  un  terrain 


de  sept 


1 


leues    carrées 


'tend 


ue    qui    n  est  pas 


la 


I,  r 

if' 

lu 


>      ij 


;  VI 


*  La  Franor  liroit  de  ses  colonies ,  en  1788 ,  un  total 
de  872, 86'7  fjuinlaiix  (le  sucre  Lriit,  7()8,5G6  de  sucre 
terré  ,  et  212, 07 4  <le  sucre  lêlc.  Sur  cette  quantité  ,  on 
me  consomiMoit,  (i  après  M.  Peucliet,  dans  le  royaume 
■iême  ,  que  h'Si.oi.to  quiiuaux  de  sucre  raffiné.  Les 
fcrfos  publiées  sous  le  ininisUre  do  AI.  Chaplal ,  nous 
ap[«rennent  que  l'imjioilalion  du  sucre  s'élcvoit  en 
France,  en  l'an  9,  à  01  j^  100  quintaux. 


É 


IMAGE  EVALUATION 
TEST  TARGET  (MT-3) 


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1.0 


1.1 


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12.2 


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1.25  II  1.4   II  1.6 

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Sciences 
Corporation 


33  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.Y.  MSSO 

(716)  873-4503 


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II 


Cv 


182  TJVTIE   IV, 

trentième  partie  du  plus  petit  départemetit 
de  la  Fraiîce. 

Dans  des  torr;»ins  qui  peuvent  être  arroses, 
et  dans  lesquels  des  plantes  à  raeines  tubé- 
reuses, par  exemple  des  balaies  et  des  ignames, 
ont  préeédé  la  culture  de  la  Ccinne  à  sucre, 
le  produit  annuel  s'élève  jusqu'à  trois  ou 
quatre  mille  nimlcs  par  cabdUaui ,  ou  à 
2100  et  2800  kilofij-raunnes  de  sucre  brut  par 
hectare.  Or.  en  évaluant  une  avroLa  à  trois 
piastres ,  ce  qui  est  le  prix  nioven  à  Yera- 
Cruz ,  on  trouve,  d'.  près  ces  données  ,  qu'un 
hectare  de  terrain  arrosé ,  ])eut  rendre  pour 
2600  ou  5400  livres  tournois  de  sucre  ;  tandis 
que  le  même  hectare  neproduiroit  que  pour 
260  livres  de  froment  ,  en  supposant  une 
récolte  décuple,  et  la  valeur  de  cent  l^ilo- 
grammes  de  rronieut  à  seize  livres  tournois. 
En  comparant  ces  deux  genres  de  culture, 
il  ne  faut  pas  oublier  que  les  avantages  qu'ofïVe 
la  canne  à  sucre  sont  «•ingulièrement  diminués 
par  les  avances  énormes  qu'exige  l'établisse- 
ment d'une  sucrerie. 

La  majeure  partie  du  sucre  que  produit  la 
Nouvelle-Espagne,  est   consommée  dans  le 
même.  Il  est  probable  Que  celte 


paj 


que 


CHÂPTXnE    X. 


83 


îSoniTnalion  s'clcve  à  plus  de  16  millions  de 
kilo«^Tanmics;  car  relie  de  lile  de  Cu])a  est 
indubilableJiieiit  de  20  à  jo,oo()  caisses  (r^/jv/o) 
à  16  arrobcs  ou  200  kilogrammes.  Ceux  qui 
n'ont   pas  vu   de  leurs  jeux  (pielle  énorme 
quantité  de  sucre  on  consomme  dans  l'Amé- 
rique  espagnole,   mèjue  dans  les  familles  les 
moins   aisées,   doivent  être  étonnés   que  la 
France  entière  exige,  pour  ses  propres  besoins 
seulement,  trois  ou  quatre  fois  autant  de  sucre 
que  lile  de  Cuba ,  dont  la  population  libre 
n'excède  pas  le  nombre  de  040,000  liabitans. 
J'ai  taché  de  réunir  dans  un  seul  tableau 
l'exportation  du^ucrc  de  la  Nouvelle-E  .pagne 
et  celle  des  Antilles.  Il  m'a    c'^tc  impossible 
de  réduire  toutes  les  données  à  une  même 
époque.  Je  n'ai  pu  me  procurer  des  notions 
certaines  sur  le  produit  actuel  des  sucreiies 
des   îles   angloises  ,   qui  a  prodigieusement 
augmenté.  L'ile  de  Cuba  a  exporté  en  i8o5, 
parle  port  de  la  Havane,    i58,ooo  caocas; 
par  le  port  de  la  Trinité  et  par  Santiago  de 
Cuba,  j  compris  la  contrebande ,  lyooo  cuaas; 
d'où  il  résulte  : 


M' 


I 


,  ; 


} 


î84  LIVRE    IV  5 

Exportation  totale  du  sucre  de  i;,„j,. 

l'île  de  Cuba 37,600,000 

Exportation   du  sucre    de   la 

Nouvelle-Espagne,  5oo,ooo 

arrohas ,  en  i8o3 6,260,000 

Ex  porta  lion  de  la  Jamaïque  , 

en  1788 42,000,000 

Exportation  des   îles  Vierges 

angloises  et  d'Antigua,    en 

1 788 49)6oo,ooo 

Exportation  de  St.-Domingue , 

en  1 788 82,000,000 

en  1 799 2o,4oo,ooo 

Je  pense  que  l'on  peut  admettre  que  toutes 
les  îles  de  l'Amérique  fournissent  actuelle- 
ment à  l'Europe  au  delà  de  200  millions  de 
kilogranirnes  de  sucre  brut ,  dont  la  valeur, 
dans  les  colonies  mêmes  ,  est  de  4o  millions 
de  piastres ,  ou  de  plus  de  200  millions  de 
livres  tournois ,  en  évaluant  chaque  caisse 
(  cûjca  )  à  4o  piastres  fortes.  Trois  causes  ont 
concouru  à  empêcher  que  le  prix  de  cette 
denrée  coloniale  n'ait  augmenté  depuis  la 
destruclion  des  plantations  de  St.-Domingue; 
savoir  :  l'introduction  de  la  canne  à  sucre 


CHAPITRE    X.  l85 

tl'Otahiti ,  qui ,  sur  la  même  étendue  de 
teirain  y  donne  im  liers  de  oh^zou  de  plus 
que  la  canne  commune  ;  les  pro;^rès  de 
l'agriculture  sur  les  cotes  du  Mexique ,  de 
la  Louisiane,  de  Caracas,  de  la  Guayane 
hollandoise  et  du  Brésil  ;  enfin  riniporlation 
du  sucre  des  Grandes  Indes  en  Europe. 

C'est  cette  importation  surtout  qui  mérite 
de  fixer  lattention  de  ceux  qui  réfléchissent 
sur  la  direction  future  du  commerce.  Il  y  a 
à  peine  dix  ans  que  le  sucre  du  Ben^-ale  étoit 
auësi  peu  connu  au  grand  marché  de  l'Europe, 
que  le  sucre  de  la  Nouvelle  -  Espagne  ,  et 
déjà  l'un  et  l'autre  rivalisent  avec  le  sucre  des 
Antilles. 

Les  Etats  -  Unis  ont  reçu  du  sucre  de 
l'Asie  : 


En  1800. 

En  1801. 

En  1802. 

De  Manille 

ki'i.gi-. 
216,452 

3 10,020 

4o3,389 
387,2o4 

kilogr. 

646,46 1 
574,939 

De  la  Chine  et 
Graiulcs  \m 

(les 
les 

Total. 

•    ■    • 

5:xiiÀT2 

790,593 

l,22l,4oO 

l86  LIVRE    IV, 

La  grande  fertililé  du  sol,  jointe  à  une 
population  immense ,  donne  ou  Ijcnî^ale  dtf 
si  grands  avanlages  sur  tous  les  autres  pays 
du  globe,  que  le  sucre  exporté  de  Calcutta  , 
après  avoir  fait  un  trajet  de  6200  lieues ,  est 
encore  à  Nevv-Yorck  à  plus  bas  prix  que  le 
sucre  de  la  Jamaïque ,  qui  p'a  à  parcourir 
qu'une  dislance  de  860  lieues.  On  sera  moins 
étonné  de  ce  phénomène ,  sil'on  jette  les  yeux 
sur  le  tableau  que  j'ai  présenté  plus  haut , 
du  prix  de  la  journée  '  dans  les  dilFérentes 
parties  du  monde,  et  si  l'on  se  rappelle  que 
le  sucre  de  l'Indoustan  ,  qui  cependant  n'est 
pas  d'une  grande  pureté  ,  est  fabriqué  par 
des  mains  libres ,  tandis  qu'aux  îles  Antilles 
(  à  l'ile  de  Cuba ,  par  exemple  )  il  faut ,  pour 
produire    260,000    kilogrammes    de   sucre 


*  D'après  M.  VlayîùXr  [Slatistical  Brei-nary ,\d>o\  , 
p.  60.  )  ,  le  prix  de  la  journée  {^price  of  labour^  au 
Bengale  est  comme  il  suit  :  un  simple  ouvrier  gagne 
par  mois  1 2  shelling  ;  un  porteur ,  1 5  ;  un  maçon ,  18}; 
jjirt  forgeron  ou  un  cliarpenlitr^  '-^'^{'i  "i^  soklat  in- 
dien ,  20  ;  le  tout  dans  les  environs  de  Caleulla  ,  et 
en  comptant  le  shelling  anglois  à  aS  sous  de  France, 
et  la  roupie  à  2  \  sliellings.  (  Voyez  plus  haut ,  T.  II4 
p.  3i3 ,  et  p.  io3  de  ce  volume.  ) 


¥  \ 


M 


CHAPITr.E    X. 


8' 


brut,  200  Nègres,  tionl  l'achat  coiile  pins 
de  000,000  francs.  Dans  cetic  inènio  île 
l'enlrclien  d'un  esclave  s'cUne  à  plus  de  20 
IVancs  par  mois. 

D'après   les   renscigneinens   curieux   que 
M.  Bockford  a  donnés  dans  ses  liccrédlions 
indiennes  f  imprimées  à   CalcutUi ,  la  canne 
à  sucre  est  eullivée  principalement  au  Ben- 
gale ,    dans  les  distiicls   de  Peddapore  ,   de 
Zeniindar,  dans  le  Delta  de  Godavery,  et  sur 
les  rives  du  fleuve  Eljseram.  On  y  arrose  les 
plantations,  comme  c'est  aussi  Tusage  dtU'S 
plusieurs  parties  du  Mexicpie  et  dans  la  vallée 
des  Guines ,  au  sud-est  de  la  Havane.  Pour 
empêcher  que  le  sol  ne  soit  épuisé,  on  fait 
alterner  la  culture  des  plantes  légumineuses 
avec  celle  de  la  canne  à  sucre  ,  qui  a  géné- 
ralement trois  mètres  d'élévation  ,  et  trois  à 
quatre  centimètres  de  grosseur.  Au  Bengale, 
un  acre  (  de  5568  mètres  carrés  )  rend  2000 
kilogrammes  de  sucre,  ce  qui  fuit  /|6oo  kilo- 
grammes par  hectare  :  le  produit  du  sol  est 
par  conséquent  plus  grande  du  douhle  qu'aux 
îles  Antilles;  tandis  que  le  prix  de  la  journée 
de  l'Indien  libre  est  presque  trois  fois  moindre 
que  le  prix  de  la  journée  du  JNègre  esclave 


w 


m 


m-. 


188 


LIVRE    IV 


de  l'ile  de  Cuba.  Au  Bengale,  six  livres  de 

jus  de  canne    donnent   une  livre  de  sucre 

cristallisé,  tandis  qu'à  la  Jamaïque  il  en  faut 

huit  livres  pour,  produire  la  même  quantité 

de  sucre.  En  considérant  le  i^czou  connne 

un  liquide  chargé  de  sel,  on   trouve  qu'au 

Bengale  ce  liquide  contient  iG,  à  la  Jamaïque 

12   pour   cent  de   matière  sucrée  :  aussi  le 

sucre  des  Grandes  Indes  est  à  si  bas  prix ,  que 

le  cultivateur  le  vend  à  4  ^  mifpies  le  quintal, 

ou  à  26  centimes  le  kilogramme,  ce  qui  est 

à  peu  près  le  tiers  de  la  valeur  de  celte  denrée 

au  marché  de  la  Havane.  Quoique  la  culture 

de  la  canne  à  sucre  se  propage  au  Bengale 

avec  une  rapidité  étonnante,  le  produit  total 

en  est  encore  beaucoup   moindre  que  celui 

du  Mexique.    M.   Bockford  suppose  que  la 

récolte  de  la  Jamaïque  est  quadruple  de  celle 

du  Bengale. 

Le  coton  est  une  de  ces  plantes  dont  la 
culture  ,  parmi  les  peuples  aztèques,  est  aussi 
ancienne  que   celle  de  la  pite  ,    du  maïs  et 


du  quinoa.  Il  y  en  a  de  la  plus  belle  qualité 
sur  les  cotes  occidentales,  depuis  Acapulco 
jusqu'à  Golima  ,  et  au  port  de  Guautlan  ,  sur- 
tout au  sud  du  volcan  de  JoruUo  ,  entre  les 


f'I 


CHAPITRE    X.  i8q 

villiïgcs  clc   Pelallau  ,    Tcipa    et  Atojaiine. 
Coiinnc    un    n'y   connoit   poiul  encore   les 
machines  qui  servent  à  séparer  le  colon  de 
sa  graine ,  la  cherté  du  fret  entrave  beaucoup 
cette    branche    de    l'aoriculture   mexicaine. 
Une  lUTobc  de  coton  (  (il^^odou  cou  pcppa  ) , 
dont  le  ])T'ix  à  Tcipa  &st  de  8  Francis ,  en  coûte 
i5  à  Valladolid  ,  à  cause  du  transport  à  dos 
de  mulels.  La  parlie  de  la  cole  orientale  qui 
s'étend  depuis  les   bouches   des  rivières  de 
Guasacualco  et  d'Alvarado  jusqu'à  Panuco , 
pourroit  fournir  au  commerce  de  Vera-Gruz 
une    énorme    quantité    de   coton  ;    mais  ce 
littoral   est  presque  inhabité,  et  le  manque 
de  bras  y  cause  une  cherté  de  vivres  contraire 
à  tout  établissement  d'agriculture.  La  Nou- 
velle -  Espagne  ne  fournit   annuellement  à 
l'Europe  que  25,ooo  arrohcSj  ou  5 1 2,000  kilo- 
grammes de  coton.    Celle  quantité  ,    quoi- 
que peu    considérable   en  elle-même,  est 
cependant    déjà   le    sextuple   de   celle   que 
(  d'après   des  renseignemens  que  je  dois  à 
l'oblijifeante  bonté  de  M.  Gallalin  ,  ministre 
des  finances  à  Washington  )  ,  les  Etats-Unis 
exportoient  en  1791,   de   leur  propre  cru. 
Mais  la  rapidité  avec  laquelle  augmente  l'iris 


!  !" 


n 


l 


i 


if)o  Livr.t  IV, 

diislrie  chez  un  peuple  libre  et  sagement 
j.»;ouverné  ,  est  si  grande  _,  cpie  ,  d'après  une 
noie  cpii  m'a  élc  fournie  par  cenicnie  lionnne 
cl'élal,  les  poils  des  Elals-Unis  oui  exporté  : 

Coton  indii^ène  Coton  étranger. 

En  1797,  2,5oo,ooo  liv.  .  . .  1,200,000  liv. 

j8oo,  5,6Go,ooo i/i,i2o,ooo 

1802 ,  5400,000 24,100,000 

1803,  5,495,544 57,712,079 

Il  résulte  de  ees  données  de  M.  Gallalin  , 
qu'en  douze  ans  la  production  du  coton  est 
devenue  577  fois  plus  grande.  En  comparant 
la  position  physique  du  Mexique  à  celle  des 
Elals-Unis  ,  on  ne  peut  douter  que  ces  deux 
pavs ,  à  eux  seuls ,  pourront  un  jour  produire 
tout  le  coton  en  laine  que  l'Europe  emploie 
dans  ses  manufactures.  Les  néfçocians  éclairés 
qui  composent  la  chambre  de  commerce  de 
Paris ,  ont  affirmé,  dans  un  mémoire  imprimé 
il  y  a  peu  d'années ,  que  l'importation  totale 
tlu  colon  en  Europe  est  de  trente  millions 
de  kilogrammes.  J'incline  à  croire  que  cette 
évaluation  est  de  beaucoup  trop  foil)ie  ;  car 
Içi  Etats-Unis  seuls  exportent  annuellement 


CHAPITAK    X.  ^9' 

plus  (le  vintj^l-tlcnx  millions  de  kilogrammes 
do  rotoii  en  laine,  qni  équivalent  à  7,920,000 
dollars  ,  ou  à  près  de  quarante  millions  de 
livres  tournois. 

Le  ////  et  le  chambre  ponrroient  être  <ul- 
livés  a\cc  avantaj^e  partout  où  le  climat  ne 
permet  pas  la  culture  du  coton,  comme  dans 
]cs provincias  ifitcrnas,  et  même  dans  la  région 
cquinoxiale  ,  sur   des  plateaux  dont  la  tem- 
pérature moyenne  est  au-dessous  de  quatorze 
degrés  du  thermomètre  centigrade.  L'abbé 
Clavigero  avance  que  le  lin  est  sauvage  dans 
l'intendance  de  Valladolid  et   au  Nouveau- 
Mexique  ;  mais  je  doute  fort  que  cette  as- 
sertion soit  fondée  sur  l'observation  exacte 
d'un  botfiniste  voyageur.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  est  bien  certain  que  jusqu'à  ce  jour  ni  le 
chanvre  ni  le  lin  ne  sont  cultivés  au  Mexique. 
L'Espagne  a  eu   quelques  ministres  éclairés 
qui  ont  voulu  favoriser  ces  deux  branches 
de    l'industrie    coloniale  :   cependant    cette 
faveur  n'a  jamais  été  que  passagère.  Le  conseil 
des  Indes ,  dont  l'inlluence  est  durable  comme 
celle  de  tout  corps  dans  lequel  les  mêmes 
principes  se  perpétuent,  a  constamment  voulu 
que  la  métropole  s'opposât  à  la  culture  du 


:  5 


1  ■ 


il! 


M'- 

î 
jiijijii 

f.'-Si 


igi  LIVRE    IV, 

chanvre ,   du  lin ,  do  la  \ignc ,  de  l'oliviep 
ot  du  mûrier.  Peu  éclairé  sur  ses  vrais  intérêts, 
le  «j^ouvernonienl  a  mieux  aimé  voir  vêtu  le 
peuple  mexicain  de  toiles  de  colon  achetées 
à  3Ianille  et  à  Canton,  ou  importées  à  Cadix 
par  des  vaisseaux  ani;lois ,  que  de  protéger 
les  manufactures  de  la  JNouvclle-Espaj^ne.  On 
peut  espérer  que  la  partie  monlueuse  de  la 
Sonora  ,  l'intendance  de  Duranijo  et  le  Non- 
veau-Mexique,  rivaliseront  un  jour  dans  la 
production  du  lin  avec  la  Gah(^e  et  les  As- 
turics.  Quant  au  chanvre,  il  seroit  important 
de  ne  pas  introduire  au   Mexique  l'espèce 
européenne  ,  mais   celle  qui  est  cultivée  en 
Chine  [Catuiahis  indica)  ^    et   dont  la  tige 
acquiert  cinq  à  six  mètres  de  hauteur.  Il  est  à 
présumer  d'ailleurs  que  la  culture  du  chanvre 
et  du  lin  ne  s'étendra  que  trcs-difficilement 
dans  cette  région  du  Mexique  où  le  cotonnier 
donne  en  abondance.  Le  roui  exige  plus  de 
soin  et  de  travail  que  la  séparation  du  coton 
de  sa  graine  ;  et  dans  un  pays  où  il  y  a  peu 
de  bras  et  beaucoup  de  paresse,  le  peuple 
préfère  une  culture  dont  le  produit  est  d'un 
emploi  prompt  et  facile. 
Xu  culture  du  cajler  n'a  commencé  à  Tile 


CHAPITRr    X.  Kji 

<?e  Cuba  cl  dans  les  colonies  ospog-noles  du 
continent,  que  depuis  la  destruction  des  plan- 
tations de  Saint-Doniini^nc  '.  Kn  iiSo.'l  ,  l'île 
de  Cuba  produisit  déjà  1 2,000  ;  la  province 
de  Caracas  près  de  5ooo  quintaux.  La  Nou- 
velle-Espa«jne  a  des  sucreries  plus  multipliées 
et  })lus  considérables  que  la  Terre-Ferme  ; 
mais  la  production  du  café  y  est  encore  nulle, 
quoiqu'on  ne  puisse  douter  que  cette  culture 
réussiroit  parfaitement  dans  les  régions  tem- 
pérées, surtout  à  la  hauteur  des  villes  de 

'  La  partie  Françoise  de  Saint-Domingue  ne  pro- 
duisit, en  1783 ,  que  445, 734  quintaux  de  café  ;  mais, 
cinq  ans  plus  tard  ,  elle  en  produisit  762,8()5.  Cepen- 
dant le  prix  ,  en  1783,  éloit  de  5o  fr.  le  quintal ,  et 
en  1788  ,  de  94  fr.  *,  ce  qui  prouve  combien  l'usag«du 
café  s'est  étendu  en  Europe ,  malgré  l'augmentation 
du  prix.  L'Yemen  fournit  annuellement  ,  d'après 
Raynal,  i3o,ooo^  d'après  M.  Page,  i5o,ooo  quin- 
taux ,  qui  sont  exportés  presque  tous  en  Turquie ,  en 
Perse  et  aux  Indes.  Les  îles  de  France  et  de  Bourbon 
en  donnent  45,ooo  quintaux.  Il  me  paroît,  d'après  les 
notions  que  j'ai  tâché  de  me  procurer,  que  FEurope 
entière  consomme  actuellement  par  an  près  de  cin- 
quante-trois  millions  de  kilogrammes  de  café.  Un 
cailer  donne ,  en  bonne  terre,  1  kilogramme  de  café^ 
çt  Ton  plante  c)6o  pieds  sur  un  hectare  de  terrain, 

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194  LIVRE    IV, 

Xalapa  et  de  Cliilpansingo.  L'usage  du  café 
est  encore  si  rare  au  Mexique,  que  tout  le 
pays  n'en  consomme annuelleaienl  que  quatre 
ou  cinq  cents  quintaux;  tandis  que  la  con- 
sommation de  la  France,  dont  la  population 
est  à  peine  cinq  fois  plus  grande  que  celle 
<Ie  la  Nouvelle-Espagne ,  s'élève  à  ])eu  près 
à  25o,ooo  quintaux. 

La  culture  du  cacaoyer  (  cacavi  ou  caciwa 
qiKiJntitl  )  éloit  déjà  très  -  répandue  au 
Mexique  du  temps  de  Montezuma  ;  et  c'est  là 
que  les  Espagnols  apprirent  à  connoîtrc  cet 
arbre  précieux  qu'ils  ont  transplanté  dans  la 
suite  aux  lies  Canaries  et  aux  Philippines. 
Les  Mexicains  préparoient  une  boisson  ap- 
pelée chocolall y  dans  laquelle  un  peu  de 
farine  de  maïs,  de  la  vanille  {tlllxocliitl)  et 
le  fruit  d'une  espèce  de  piment  {meca.iochitl) 
étoient  mêlés  au   cacao   (  cacaluiatl  '  ).  Ils 

^  Heinandez ,  Llh.  II,  c.  i5;  Lib.  III,  c.  46; 
Lib.  V,  c.  i3.  On  tlislinguoit,  du  temps  tl'Hernaiulcz, 
qualre  variétés  de  cacao,  appelées  quauhcaliuaU , 
mecacaliuatl ,  xochicucahuatl  et  tlalcavahuail.  Celle 
dernière  variété avoil  le  grain  très-petit:  rarl)re  qui  la 
produisoilétoit  sans  doute  analogue  au  cacaoyer  que 
nous  avons  trouvé  sauvage  sur  les  rives  de  l'Orénoque , 


m 


CHAPITRE    X. 


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savoient  même  réduire  le  chocolat  en  ta- 
blettes, et  cet  art,  les  inslrunieiis  dont  on  se 
servoit  pour  moudre  le  cacao,  de  même  que 
le  mot  de  dincolutly  ont  passé  du  Mexique 
en  Europe.  On  en  est  d'autant  plus  étonné 
de  voir  aujourd'hui  la  culture  du  cacaoyer 
pres(|ue  totalement  né<jligée.  A  peine  trouve- 
t-on  quelques  pieds  de  cet  arbre  dans  les 
environs  de  Colima  et  sur  les  rives  du  Gua- 
sacualco.  Les  plantations  de  cacaoyers ,  dans 
la  province  de  Tabasco  ,  sont  peu  considé- 
rables, et  le  Mexique  tire  tout  le  cacao  qui 
est  nécessaire  à  sa  consommation ,  du  royaume 
de  Guatiniala  ,  de  Maracaybo,  de  Caracas 
et  de  Guayaquil.  Cette  consommation  paroît 
s'élever  annuellement  à  3o,ooo  faneras  j 
chacune  du  poids  de  5o  kilograjnmes  :  l'abbé 
Hervas  prétend  que  toute  l'Espagne  con- 
somme 90,000  fanegas  \  Il  résulte  de  cette 

à  Tosl  de  l'emboucliure  du  Yao.  Le  cacaoyer  cultivé 
depuis  des  siècles,  a  le  grain  plus  ^ros,  plus  doux  et 
plus  huileux.  Il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  Theo- 
hroma  cacao  le  T.  bicolor ,  dont  j'ai  donné  le  dessin 
dans  nos  Planten  équinoxialea  (T.  I ,  PI.  XXX  aeX  b  , 
p.  io4  ),  et  qui  est  propre  à  la  province  du  Choco. 
»  Ideadel  Universo ,  T.  V,  p.  174. 

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196  LIVRE    IV, 

évaluation  ,  qui  me  paroît  un  peu  trop  basse, 
que  l'Espagne  ne  consomme  que  le  tiers  du 
cacao  importé  annuellement  en  Europe. 
Mais  d'après  les  recherches  que  j'ai  faites 
sur  les  lieux,  depuis  1799  jusqu'en  i8o5,  j'ai 
trouvé  que  l'exportation  annuelle  du  cacao 
étoit  : 

Dans  les  provinces  de  Venezuela  {«^r^n». 

et  de  Maracajbo  ,  de izi5,ooo 

Dans  la  province  de  la  Nouvelle- 
Andalousie  (Gumana)  ,  de,.  .      18,000 

Dans  la  province  de  la  Nouvelle- 
Barcelone  ,  de 5,000 

Dans  le  royaume  de  Quito ,  du 

port  de  Guayaquil ,  de 60,000 

La  valeur  de  ces  onze  millions  et  demi  de 
kilogrammes  de  cacao  ,  s'élève  en  Europe , 
en  temps  de  paix  ,  et  en  n'évaluant  hxfanega 
qu'à  quarante  piastres  ,  à  la  somme  de 
45,600,000  livres  tournois.  Dans  les  colonies 
espagnoles ,  le  chocolat  n'est  p^s  considéré 
comme  un  objet  de  luxe ,  mais  comme  une 
denrée  de  première  nécessité  :  c'est,  en  effet, 
un  aliment  sain ,  très-nourrissant ,  et  surtout 


I 


CHAPITRE   X.  197 

d'un  grand  secours  pour  les  voyageurs.  Le 
chocolat  que  l'on  fabrique  à  Mexico  est  d'une 
qualité  supérieure ,  paice  que  le  commerce 
de  la  Vera-Gruz  et  d'AcapuIco  fait  refluer 
dans  la  Nouvelle-Espagne  le  fameux  cacao 
de  Soconusco  (  XoconocJico  )  ,  des  coles  de 
Guatimala;  celui  de  Gualan ,  du  golfe  de 
Honduras,  près  d'Omoa;  celui  à'Urituciiy 
près  Saint-Sébastien  ,  dans  la  province  de 
Caracas  ;  celui  de  Cajnriqual,  de  la  province 
de  Nueva  Barcelona ,  et  celui  de  YEsmeralda^ 
du  royaume  de  Quito. 

Du  temps  des  rois  aztèques,  des  grains 
de  cacao  servoient  de  monnoie  au  grand 
marché  de  Tlatelolco ,  comme  les  coquilles 
aux  îles  Maldives.  On  emplojoit  pour  le 
chocolat,  le  cacao  de  Soconusco  ,  cultivé  à 
l'extrémité  orientale  de  l'empire  mexicain  , 
et  les  petits  grains  appelés  tlalcacahuatl.  Les 
espèces  de  qualité  inférieure  étoient  réservées 
pour  servir  de  monnoie.  «  Sachant ,  »>  dit 
Cortez ,  dans  sa  première  lettre  à  l'empereur 
Charles  -  Quint ,  «  que,  dans  la  province  de 
«  Malinaltebeque,  il  y  avoit  de  l'or  en  abon- 
«  dance ,  j'engageai  le  seigneur  Monlezuma 
«  d'y  établir  une  ferme  pour  votre  majesté. 


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198  LIVRE    IV, 

«  Il  j  mit  tant  de  zèle  ,  qu'en  moins  de  deux 
«  mois  on  y  avoit  déjà  semé  soixante  fa- 
«  ncg'ues  de  maïs,  et  dix  de  fèves.  On  y  avoit 
«  planté  anssi  deux  niille  pieds  de  cacap 
«  (cacaoyer)  ,  qui  donne  un  Fruit  semidable 
«  à  l'amande,  et  q«ie  l'on  A^end  après  l'avoir 
«  moulu.  Celle  graine  est  si  estimée,  que  dans 
«  tout  le  pavs  on  l'emploie  comme  monnoie, 
«  et  qu'on  achète  avec  elle  dans  les  marchés 
«  et  partout  ailleurs '.  j>  Encore  aujourd'hui 
le  cacao  sert  de  billon  à  Mexico  :  comme  la 
plus  petite  monnoie  des  coloiûes  espagnoles 
est  un  demi-réal  {un  j?iedio)  ,  équivalant  à 
douze  sous  ,  le  peuple  trouve  de  la  commo- 
dité dans  l'emploi  du  cacao  comme  monnoie  : 
un  sou  est  représenté  par  siv  grains. 

L'usage  de  la  i^aniHe  a  passé  des  Aztèques 
aux  Espagnols.  Le  chocolat  mexicain ,  comme 
nous  l'avons  observé  plus  haut ,  étoit  parfumé 
de  plusieurs  aromates  ,  parmi  lesquels  la 
glousse  de  la  vanille  occupoit  Iç  premier  rang. 
Aujourd'hui  les  Espagnols  ne  fout  le  com- 
merce de  cette  production  précieuse  que  pour 


*  Lorenzana ,  p«  91  ,  ^.  26.   Clavi^sro  ,  I^  p.  4  j  II, 
p.  219  j  IV,  p.  207. 


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CHAPITRE    X. 


Ï99 


la  vendre  aux  autres  peuples  de  l'Europe.  Le 
choeolat  cspa«;noi  ne  contient  pas  de  vanille; 
et  à  Mexico  même  on  a  le  préjugé  de  regarder 
ce  parfmn  comme  nuisi!)le  à  la  santé,  surtout 
pour  les  personnes  cpii  ont  le  système  nerveux 
Irès-irrilahle.  On  entend  dire  gravement  que 
la  vanille  cause  des  maux  de  nerfs  (  la  Itày- 
nllla  da  pasmo  ).  Il  y  a  peu  d'années  qu'à 
Caracas  on  disoit  la  m«'me  cliose  de  l'usage 
du  café  ,  qui  comnience  cependant  à  s'y  ré- 
pandre parmi  les  indigènes. 

Lorsqu'on  considère  le  prix  excessif  auquel 
se  soutient  constamment  la  vanille  en  l'Europe, 
on  est  étonné  de  l'incurie  des  habitans  de 
l'Amérique  espagnole  ,  qui  négligent  la  cul- 
ture   d'une    plante    que    la   nature   produit 
spontanément   entre   les  tropiques  ,  presque 
partout  où  il  y  a  de  la  chaleur,  de  l'ombre 
et  beaucoup    d'humidité.   Toute   la   vanille 
que  consomme  l'Europe,  vient  du  Mexique , 
et  par  la  seule  voie  de  la  Yera-Cruz.    On  la 
récolte  sur  une  étendue  de  terrain  de  quel- 
ques lieues  carrées.   Il  n'y  a   pas  de  doute 
cependant  que   la  cote  de  Caracas  et  même 
la  Havane  pourroient  en  faire  un  conuiierce 
très-considérable. Nous  avons  trouvé,  pendant 


1200  tlVKE   IV,' 

le  cours  de  nos  herborisations ,  des  gousses  de 
vanille  Ircs-aromatiques ,  et  d'une  grandeur 
extraordinaire,  dans  les  montagnes  de  Garipe, 
à  la  cote  de  Paria;  dans  la  belle  lallée  de 
Bordones ,  près  de  Cumana  ;  dans  les  environs 
de  Portocabello  et  de  Cuaiguaza  ;  dans  les 
forets  de  Turbaco,  près  de  Carthagcne  des 
Indes  ;  dans  la  province  de  Jaen ,  sur  les 
bords  de  la  rivière  des  Amazones ,  et  dans 
la  Guayane  ,  au  pied  des  rochers  granitiques 
qui  forment  les  grandes  cataractes  de  l'Oré- 
noque.  Des  habitans  de  Xalapa  ,  qui  font  le 
commerce  de  la  belle  vanille  mexicaine  de 
Misantia,  ont  été  frappés  de  l'excellence  de 
celle  que  M.  Bonpland  a  rapportée  de  l'Oré- 
noque  ,  et  que  nous  avions  cueillie  dans  les 
bosquets  qui  entourent  le  Raudal  de  Maj^ 
pure,  A  l'ile  de  Guba  ,  on  trouve  des  plantes 
de  vanille  (  Epidendrum  vanilla)  sur  les 
cotes  de  Buhia  Honda  et  au  Mariel.  Gelle  de 
Saint-Domingue  a  le  fruit  très-long ,  mais 
peu  odoriférant;  car  souvent  une  grande 
humidité ,  en  favorisant  la  végétation  ,  est 
conlraire  au  développement  de  l'aromate. 
D'ailleurs,  lesbotanistes  voyageurs  ne  doivent 
pas  juger  de  la  bonté  de  la  vanille  d'après 


CHAPITRE    X. 


201 


l'odeur  que  celte  liane  répand  dans  les  forets 
derAmériquc  :  cette  odeur  est  due,  en  grande 
partie  ,  à  la  fleur  ,  qui,  dans  les  vallées  pro- 
fondes et  humides  des  Andes ,  est  quelquefois 
longue  de  quatre  ou  cinq  centimètres. 

L'auteur  de  Vllisloire  pliUosopliique  des 
deux  Indes  '  se  plaint  du  peu  de  notions 
qu'il  a  pu  se  procurer  sur  la  culture  de  la 
vanille  au  Mexique.  Il  ignore  même  le  nom 
des  districts  qui  la  produisent.  Ayant  été  sur 
les  lieux ,  j'ai  été  à  même  de  prendre  des 
renseignemens  plus  détaillés  et  plus  exacts. 
J'ai  consulté  ,  à  Xalapa  et  à  Vera  -  Cruz  , 
des  personnes  qui ,  depuis  trente  ans ,  font 
le  commerce  des  vanilles  de  Misantla ,  de 
Colipa  et  de  Papantla.  Voici  le  résultat  de 
mes  recherches  sur  l'état  actuel  de  celte 
branche  intéressante  de  l'industrie  nationale. 

Toute  la  vanille  que  le  Mexique  fournit  à 
l'Europe ,  est  recueillie  dans  les  deux  inten- 
dances de  Vera  -  Cruz  et  d'Oaxaca.  Celte 
plante  abonde  principalement  sur  la   pente 

»  Raynnl ,  T.  II,  p.  68,  J.  iG.  Thiery  de  Menon- 
çillej  de  lu  culiiire  du  Nopal,  p.  i42.  On  cullive  aussi 
un  peu  de  Viinille  à  la  Jamaïque  ,  dans  les  paroisses 
de  Sainte- Anne  et  de  Sainte-Marie.  Broi,çnj  p.  326. 


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207.  LIVRE    IV, 

orientale  de  Ja  Cordillère  d'Analiuac ,  entre 
les  19"  et  20°  de  latitude.  Les  indi^^ènes 
ayant  reconnu  de  bonne  heure  combien, 
malg-ré  cette  abondance  ,  la  récolte  étoit 
difficile,  à  cause  de  la  vaste  étendue  des 
terrains  qu'il  falloit  parcourir  annuellement, 
ils  ont  propagé  l'espèce  en  réunissant  un 
grand  nombre  de  plantes  dans  un  espace  plus 
étroit.  Cette  opération  n'a  pas  exigé  beaucoup 
de  soin  :  il  a  suffi  de  netto)  er  un  peu  le  sol , 
et  de  planter  deux  boutures  d'Epidendruin 
au  pied  d'un  arbre ,  ou  bien  de  fixer  des 
parties  coupées  de  la  tige  au  tronc  d'un 
Liquidambar ,  d'un  Ocotea  ou  d'un  Piper 
arborescent. 

Les  boutures  ont  généralement  quatre  a 
cinq  décimètres  de  longueur.  On  les  attache 
avec  des  lianes  ,  aux  arbres  sur  lesquels  la 
nouvelle  tige  doit  monter.  Chaque  bouture 
donne  du  fruit  la  troisième  année.  On  compte, 
pendant  trente  à  quarante  ans,  jusqu'à  cin- 
quante gousses  par  pied,  surtout  si  la  végé- 
tation de  la  vanille  n'est  pas  arrêtée  par  la 
proximité  d'autres  lianes  qui  l'étouffent.  La 
haynilla  cimarona  ou  sauvage,  qui  n'a  point 
été  plantée  par  la  main  de  l'homme ,  et  qui 


CHAPITUF.    X.  20.1 

croît  dans  un  terrain  couvert  d'arbnslos  cl 
d'autres  plantes  griinpanics  ,  porte,  au  Mexi- 
que ,  des  Truils  très-secs,  et  eu  hès  -  pelile 
cpiautité. 

Dans  l'intendance  de  Vera  -  Cruz ,  les 
districts  célèbres  par  le  couinierce  de  la  va- 
nille, sont  la  siibdidegaciou  de  MisantLiy  avec 
les  villages  indiens  de  Misantla ,  Golipa  , 
Yacuatla  (près  de  la  Sierra  de  Chicunquiatoj , 
et  Nautla,  appartenant  tous  jadis  à  XAlculdla 
major  du  La  Aiili^iia  ;  la  jurisdiccion  de 
Papantla  y  et  celles  de  Santiago  et  San  Audres 
Tuoctla,  Misantla  est  à  trente  lieues  de  dis- 
tance de  la  Vera-Cruz ,  au  nord-ouest  ^  et  à 
douze  lieues  des  côtes  de  la  nier  :  c'est  un 
endroit  charmant ,  dans  lequel  on  ne  connoît 
pas  le  fléau  des  mosquilos  et  des  g("g('n  ,  qui 
sont  si  nombreux  au  port  de  Nautla  ,  sur  les 
bords  du  Rio  de  Quilate ,  et  à  Colipa.  Si  la 
rivière  de  Misantla ,  dont  l'embouchure  est 
près  de  la  Barra  dePalmas,  étoit  rendue  na- 
vigable, ce  district  parviendroit  en  peu  de 
temps  à  un  haut  degré  de  prospérité. 

Les  naturels  de  Misantla  recueillent  la 
vanille  dans  les   montagnes  et  les  forets  de 


lO/f  LIVRE    IV, 

Quilatc.  La  plante  fleurit  dans  les  mois  de 
février  et  de  mars.  La  récolte  est  mauvaise 
si ,  à  celte  époque  ,  les  vents  du  nord  sont 
fréquens  et  accompagnés  de  beaucoup  de 
pluie.  La  fleur  tombe  sans  donner  du  fruit , 
lorsque  l'humidité  est  trop  grande.  Une  sé- 
cheresse extrême  est  également  nuisible  à 
l'accroissement  de  la  gousse.  D'ailleurs,  aucun 
insecte  n'attaque  le  fruit  vert ,  à  cause  du 
lait  qu'il  contient.  On  commence  à  le  couper 
aux  mois  de  mars  et  d'avril ,  lorsque  le  suh- 
délégué  a  publié  par  ban  que  la  récolte  est 
permise  aux  Indiens  :  elle  dure  jusqu'à  la  fin 
de  juin.  Les  naturels  ,  qui  restent  huit  jours 
de  suite  dans  les  forets  de  Qailale  ,  vendent 
la  vanille  fraîche  et  jaune  à  la  gente  de  razon  , 
qui  sont  des  blancs,  des  métis  et  des  mulâtres: 
ceux-ci  connoissent  seuls  3  heneficio  de  la 
haynillay  c'est-à-dire  la  manière  de  la  sécher 
avec  soin,  de  lui  conserver  un  lustre  argenté, 
et  de  la  ficeler  pour  le  transport  en  Europe. 
On  étend  les  fruits  jaunes  sur  des  toiles ,  et 
on  les  met  au  soleil  pendant  quelques  heures. 
Lorsqu'ils  sont  suffisamment  chauffés  ,  on  les 
enveloppe  dans  des  draps  de  laine  pour  les 


205 


CHAPITRE    X. 

faire  suer  :  la  vanille  noircit  alors,  et  l'on  finit 
parla  sécher  en  l'exposant,  depuis  le  matin 
jusqu'au  soir ,  à  l'ardeur  du  soleil. 

La  préparation  que  l'on  donne  à  la  vanille, 
à  Golipa,  est  bien  supérieure  au  beiujicio  usité 
àMisanlla.  On  assure  qu'en  déballant  les  pa- 
quets de  vanille  à  Cadix,  on  trouve  dans  celle 
de  Colipa  à  peine  six  pour  cent  de  déchet , 
tandis  que ,  dans  la  vanille  de  Misantla ,  le 
nombre  des  pousses  pourries  ou  gâtées  s'élève 
au  double.  Cette  dernière  variété  est  plus  dif- 
ficile à  sécher ,  parce  qu'elle  a  le  fruit  plus 
grand  et  plus  aqueux  que  celle  de  Colipa, 
qui ,  récoltée  dans  des  savanes ,  et  non  sur 
des  montagnes,  est  appelée  hajnilla  de  aca- 
giiales.  Lorsque  le  temps  pluvieux  ne  permet 
pas  aux  habitans  de  Misantla  et  de  Colipa 
d'exposer  la  vanille  aux  rayons  du  soleil  , 
jusqu'à  ce  qu'elle  ait  acquis  une  couleur  noi- 
râtre et  qu'elle  se  couvre  de  stries  argentées 
(inanchas  plaie  atlas)  ^oi\  est  obligé  de  recouHr 
à  l'emploi  d'une  chaleur  artificielle. On  forme, 
au  moyen  de  petits  tuyaux  de  roseaux,  un 
cadre  suspendu  par  des  cordes ,  et  couvert 
d'une  toile  de  laine,  sur  laquelle  on  étend 
les  gousses.  Le  feu  est  placé  au-dessous,  mais 


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2oG  LIVRE    IV, 

à  une  dislance  considériible.  On  sôclic  les 
pousses  en  donnant  un  lé^^er  mouvement  au 
cadre,  et  en  chanir.mt  peu  à  peu  les  roseaux 
et  la  toile.  Il  faut  beaucoup  de  soin  et  une 
Jon<^iie  expérience  pour  réussir  à  hienséclier 
la  vanille  par  celte  méthode,  que  l'on  appelle 
Ixmrjîcio  de  pnscojoL  Les  perles  sont  ji^éné- 
ralement  Ircs-fï'randes,  lorsqu'on  emploie  la 
chaleur  arlificielle. 

A  Misantla,  on  réunit  les  fruils-de  vanille 
en  paquets ,  appelés  tnazns  :  un  mazo  ren- 
ferme cinquante  gousses;  par  eonséqjient, 
un  millier  (fniilttr)  a  vingt  niazos.  Quoique 
toute  la  vanille  qui  entre  dans  le  commerce, 
paroisse  être  le  produit   d'une  seule  espèce 
d'Epidendrum  (^tlilxochitl)  ,  on   divise  ce- 
pendant le    Fruit  récolté  en  quatre    classes 
différentes.  La  nature  du  sol,  l'humidité  de 
l'air  et  la  chaleur  du  soleil  influent  singuliè- 
rement sur  la  grandeur  des  gousses  et  sur  la 
quantité  de  parties  huileuses  et  aromatiques 
qu'elles    contiennent.  Ces  quatre  classes  de 
vanille  sont  les  suivantes  ,  à  commencer  par 
celles  d'une  qualité  supérieure  :  bajnilla  fina, 
dans  laquelle  on    distingue    de  nouveau    la 
grande  fina  et  la  chlça  fina  ou  inancucraa ; 


.      CHAPITRE    X.  20'] 

le  zdciite  ;  le  rezucate  y  et  la  basura.  Ciiiique 
rljjssc  est  racile  à  reconnoîlro  en   Kspa«'ne  , 
par  la  manière  dont  les  paquets  sont  fMelcs. 
La,i,'/v///^/<^///zrt a  coniniunénient 2  2  eenlinu'ties 
de  loni^uenr  ,  et  chaque  niazo  en  pèse,  à  !Mi- 
sanlla ,  dix  onces  et  tienne  ;  à  Colipa  ,  neuf  ù 
dix.  La  chica  Jina  est  de   cinq  centimètres 
plus  courte  que  la  précédente  ,  et  on  racLèle 
la  nioilié  moins  cher.  Le   zacfite  est  une  va- 
cille très-longue,  mais  extrêmement  mince, 
et  très-aqueuse.  La  hasum ,  dont  im  paquet 
a  cent  gousses  ,  ne  sert  qu'à  remplir  le  l'ond 
des  caisses  que  l'on  expédie  pour  Cadix.  La 
plus  mauvaise  qualité  delà  vanille  deMisanlla 
s'appelle   haynilla   clninroria  (  sauvage  )  ou 
hdjniUapalo :  elle  est  très-mince,  et  j)res(pie 
dépourvue  de   sue.    Lue  sixième  variété,  la 
haynilla  pompona  y  a   le   iVuit  très-grand  et 
très-beau  :  on  l'a  expédiée  à  différentes  re- 
prises en  Europe,  et  par  le  moyen  des  né- 
gocians   de  Gènes  ,    pour  le  Levant  ;    mais 
comme  son  odeur  est  différente  tle  la  vanille 
ixppeiée  grande Jlna  y  elle  n'y  a  trouvé  aucun 
débit  jusqu'ici. 

On  voit,  d'après  ce  que  nous  venons  de 
rapporter  sur  la  vanille,  qu'il  en  est  de  la 


iii 


r  a 


II"' 


'^ 


208 


LIVRE    IV 


bonté  de  celte  production  comrae  de  celle 
du  quinquina  ,  qui  ne  dépend  pas  seulement 
de  Tespèce  de  cincliona  dont  il  provient , 
mais  aussi  de  la  hauteur  du  sol,  de  l'expo- 
sition de  l'arbre,  de  l'époque  de  la  récolte, 
et  du  soin  avec  lequel  l'écorce  a  été  séchée. 
Le  commerce  de  la  vanille  et  celui  du  quin- 
quina ,  se  trouvent  également  entre  les  mains 
de  quelques  personnes  que  l'on  appelle  habi- 
litadores  y  parce  qu'ils  avancent  de  l'argent 
aux  cosecheros y  c'est-à-dire  aux  Indiens  qui 
font  la  récolte,  et  qui  se  mettent  par  là  sous 
la  dépendance  des  entrepreneurs.  Ce  sont  ces 
derniers  qui  tirent  presque  seuls  tout  le  profit 
de  cette  branche  de  l'industiie  mexicaine. 
La  concurrence  des  acheteurs  est  d'autant 
plus  petite  à  Misantla  et  à  Colipa,  qu'il  faut 
une  longue  expérience  pour  ne  pas  se  laisser 
tromper  dans  l'achat  de  la  vanille  préparée. 
Une  seule  gousse  tachetée  (  nianchada) ,  peut 
faire  perdre ,  pendant  la  traversée  d'Amé- 
rique en  Europe,  une  caisse  entière.  On 
désigne,  par  des  noms  particuliers  (  mojo 
negro  y  mojo  hlanco  ^  garro  ) ,  les  défauts  que 
l'on  découvre,  soit  à  la  gousse,  soit  au  pétiole 
{garganta).  Aussi  un  acheteur  prudent  exu- 


i'  1 


:  ' 


CHAPITRE    X.  209 

mine  plusieurs  fois  les  paquels  qu'il  réunit 
dans  le  même  envoi. 

Les  habilitadores  ont  acheté  ,  clans  l'es- 
pace des  derniers  douze  ans ,  le  millier  de 
vanille  de  la  première  classe,  prix,  moyen, 
à  26  ou  55  piastres;  le  millier  de  zacatc  à  10  , 
et  celui  de  rezacalc  à  4.  piastres.  En  i8o5  ,  le 
prix  de  Xà  grande  Jliia  a  été  de  5o,  et  celui 
àxxzacatii  de  i5  piastres.  Les  acheteurs,  loin 
de  payer  les  Indiens  en  argent  comptant ,  leur 
fournissent  en  échange,  et  à  très-haut  prix, 
de  l'eau-de-vie ,  du  cacao  y  du  vin ,  et  surtout 
des  toiles  de  coton  fabriquées  à  la  Puebla. 
C'est  dans  cet  échange  que  consiste  une 
grande  partie  du  profit  des  accapareurs. 

Le  district  de  Papatitla  y  qui  étoit  jadis  une 
alcaldia  major  j  se  trouve  à  18  lieues  au  nord 
du  Misantla  :  il  produit  très-peu  de  vanille , 
qui,  en  outre,  est  mal  séchée  ,  quoique  très- 
aromatique.  On  accuse  les  Indiens  de Papantla, 
comme  ceux  de  Nautla  ,  de  s'introduire  furti- 
vement dans  les  forêts  de  Qnilale,  pour 
recueillir  le  fruit  de  l'Epidendrum  planté  par 
les  naturels  de  Misantla.  Dans  l'intendance 
d'Oaxaca ,  c'est  le  village  de  Teutlla  qui  est 
célèbre  par  la  qualité  supérieure  de  la  vanille 
III.  ^     i4 


! 


!M 


210 


LIVRE    IV 


que  produisent  les  forets  voisines.  Il  paroît 
que  celte  variété  a  été  la  première  introduite 
en  Espag-ne,,  au  seizième  siècle;  car  encore 
aujourd'lini  la  haynilla  de  Tciitila  est  re- 
gardée, à  Cadix  ,  comme  préférable  à  toutes 
les  autres:  on  la  sèche,  en  eflet,  avec  beau- 
coup de  soin,  en  la  piquant  avec  des  épingles, 
et  en  la  suspendant  par  des  fils  de  pite  ;  mais 
elle  pî'se  à  peu  près  un  neuvième  de  moins 
que  celle  de  Misantla.  J'ignore  la  quantité  de 
vanille  qui  est  récoltée  dans  la  province  de 
Honduras,  et  exportée  annuellement  par  le 
petit  port  de  Truxillo  -,  mais  il  paroît  qu'elle 
est  peu  considérable. 

Les  forets  de  Quilate  donnent,  dans  dt^ 
années  très-abondantes,  800  milliers  de  vanille  : 
une  mauvaise  récolte,  dans  des  années  très- 
pluvieuses,  ne  s'élève  qu'à  200  milliers.  On 
évalue  ,  en  terme  moven  ,  le  produit 

de  Misantla  et  de  Colipa  ,  à  700  """^'^"• 

de  Papantla ,  à 100 

de  Teulila,  à 110 

La  valeur  de  ces  910  milliers  cst^  à  Vera- 
Cruz ,  de  00  à  /|0,ooo  piastres.  Il  faudroit  y 
ajouter  le  produit  des  récoltes  de  Santiago  et 
Saa  Andres  ïuxtla,  sur  lesquelles  je  manque 


chapitre:  X.  211 

cte  données  suflîsammcnt  exactes.  Souvent  la 
récolte  d'une  année  ne  passe  pas  en  entier  en 
Europe  ;  mais  ou  en  réserve  une  ])arlie  pour 
la  réunir  à  celle  de  Tannée  suivante.  Eu  1802, 
il  sortit  du  port  de  Vera  -  Cruz  1790  nnllares 
de  vanille.  Ou  doit  être  étonné  de  voir  que  la 
consonuiialion  de  toute  l'Europe  n'est  pas 
plus  grande. 

La  même  pente  orientale  de  la  Cordillère 
sur  laquelle  on   récolte  la   vanille  ,  produit 
aussi    la  salsepareille  (  zarza  ),   dont   on  a 
exporté  de  la  Vera-Cruz,  en  iSo5  ,  près  de 
25o,ooo  kilogrammes  ',  et  \e  Jalap  {Purga 
de  Xalapa),  qui  est  la  racine  non  du  Mira- 
bilis jalapa  ,  du  M.  longiflora,  ou  du  M.  à\- 
chotoma,  mais  du  Com>ohnlus  jalapa.   Ce 
liseron   végète  à   une    hauteur    absolue    de 
treize  à  quatorze  cents  mètres ,  sur  toute  la 
chaîne  de  montagnes  qui  s'étend  depuis  le 
volcan  d'Orizaba  jusqu'au  Coffre  de  Perote. 
Nous  ne  l'avons  pas  trouvé  dans  nos  lier- 


*  lia  salseparcilli'  Ju  commerce  provient  de  phisieurs 
espèces  (le  Smilax ,  trcs-difl'érentes  du  S.  Sarsaparilla. 
Voyez  la  description  de  dix  espèces  nouvelles,  que 
nousavonsrapporléesdansle  Species  de  M.  Willdenow, 
T.  IV,  P.  1,  p.  773. 

4* 


212 


LIVRE    IV 


M 


Lorisations  aulour  tic  la  ville  de  Xalapa 
même  ;  mais  les  Indiens  qui  Labilent  les 
villa<»'es  voisins ,  nous  en  ont  apporté  de 
belles  racines  recueillies  près  de  la  Bande- 
rilla ,  à  l'est  de  San  Miguel  el  Soldado.  Ce 
remède  précieux  est  récolté  dans  la  subdcle- 
gacioti  de  Xidajxi  j  autour  des  villages  de 
Santiago ,  Tlaclii ,  Tiliuacan  de  los  Rejes , 
Tlacoluîa,  Xicochimalco ,  Tatatila,  Yxhua- 
can  ,  et  Ayaliualulco  ;  dans  la  jiinsdiccîon  de 
San  Juan  de  los  Llanos ,  près  de  San  Pedro 
Chilcliotla  et  Quimixtlan;  dans  les  partidos 
des  villes  de  Cordai  a ,  A'Ovhaba  et  àe  San 
Andres  Tuxlla,  La  vraie  Purga  de  Xalapa 
ne  se  plaît  que  sous  un  climat  tempéré, 
presque  froid,  dans  des  vallées  ombragées, 
et  sur  la  pente  des  montagnes.  J'ai  été  d'autant 
plus  étonné  d'apprendre,  depuis  mon  retour 
en  Europe  ,  qu'un  voyageur  instruit,  et  qui  a 
montré  le  plus  grand  dévouement  pour  le  bien 
de  sa  patrie,  Tliiery   de  Menon\ille  ',  ait 

*  Thiery  y  p.  5().  Ce  jalap  de  Vera-Cruz  paroît 
d'ailleurs  identique  avec  celui  que  M.  Michaux  a 
trouvé  daus  la  Floride.  Voyez  le  Mémoire  de  M.  Des- 
fonlaines ,  sur  le  Coiivolvulus  jalapa ,  dans  les  Annales 
du  Muséum  d'Histoire  naturelle ,  T.  Il,  p.  120. 


'  'i 


chapithe  X. 


2i3 


r.ssiiré  avoir  trouvé  le  jalap  en  grainlc  al)on- 
dance  dans  les  terres  arides  etsablonnenses  qni 
entourent  le  port  de  V^era-Cruz ,  par  consé- 
quent sous  un  climat  excessivement  chaud, 
et  au  niveau  de  la  nier. 

Rajnal  '  avance  que  l'Europe  consomme 
annuellement  7000  quintaux  de  jalap  :  cette 
évaluation  paroît  plus  du  double  trop  forte; 
car,  d'après  des  rensei<^nemens  exacts  que  j'ai 
pu  prendre  à  la  Vera-Cruz,  il  n'a  été  exporté 
de  ce  port  ^  en  1802  ,  que  292 1 ,  el  en  i8o3  , 
que  2281  quintaux  de  jalap.  Son  pi ix  est,  à 
Xalapa,  de  120  à  100  francs  le  quintal. 

Nous  n'avons  point  vu,  pendant  notre 
séjour  dans  la  Nouvelle -Espagne,  le  liseron 
qui,  à  ce  que  l'on  prétend,  donne  la  racine 
de  Mcclioacan  (le  tacuache  des  Indiens  Ta- 
rasques,  le  ilalantlacidtlapilll  àes  K7Xcc[\\çs)  : 
nous  n'en  avons  pas  même  entendu  parler 
pendant  le  AOjage  que  nous  avons  fait  dans 
l'ancien  rovaume  de  Michoacan,  qui  fait 
partie  de  l'intendance  de  Valladolid.  L'abbé 
Clavif^^ero  "  raconte  qu'un  médecin  du  dernier 
roi  de  Tzintzontzan   apprit  à  connoître  ce 

»  Hist.  philoii.  y  T.  JI,  p.  08. 

•  Sloria  antica  di  Messico,  T.  II,  p.  212. 


i^' 


w 


2l4         .  LIVKE    IV, 

remède  aux  religieux  missionnaires  qui  avoient 
suivi  l'cxpcdilion  de  Coitcz.  E\iste-l-il,  en 
effet,  une  ruine  qui,  sous  le  nom  de  f/ic- 
choacan y  est  exportée  de  la  Vera-Gruz, 
ou  ce  remède,  qui  est  identique  avec  le 
jelivucv  de  Marco-rave  ',  nous  vient-il  des  cotes 
du  Brésil?  Il  paroît  même  qu'anciennement  le 
vrai  jalap  étoit  nommé  mcchoacan^  et  que,  par 
une  de  ces  méprises  si  connnu nés  dans  l'îiis- 
toire  des  drogues ,  celte  dénominalion  a  passé 
dans  la  suite  à  la  racine  d'une  autre  plante. 
La  culture  du  tabac  mexicain  pourroit  deve- 
nir une  branche  d'agriculture  de  la  plus  haute 
importance,  si  le  commerce  en  étoit  libre;mais 
depuis  l'introduction  dumonopîe,  ou  depuis 
l'établissement  de  \'a  ferme  royale  {  elestanco 
reaide  /^^Z'rti^o)  par  le  insitador  Don  Joseph  de 
Galvcz,  en  1764,  non-seulement  il  faut  une 
permission  spéciale  pour  planter  le  tabac; 
non-seulement  le  cultivateur  est  tenu  de  le 
vendre  à  la  ferme  y  au  prix  que  celle-ci  fixe 
arbitrairement ,  selon  la  bonté  du  produit; 
mais  la  culture  en  est  restreinte  aux  seuls 
environs  des  villes  d'Orizaba  et  de  Cordova, 

^  Li'nn.  ,   Mat.    mcdica ,    1749,   p.  28.    Marvay , 
Appuratus  madicainiuum ,  T.  I,  p.  62, 


CHAriTRE    X. 


2l3 


el  aux  parlidos  de  IIiiatus'?o  et  <le  Songoliea  , 
situés  dans  l'intendanee  de  \cra-Cn]z.  \)cs 
coiiiniis ,  qui  portent  le  titre  de  s^nanhis  de 
tabaco  j  parcourent  le  ])ays  pour  arraelier  le 
tabac  plante  hors  de  ces  districts  cpie  nous 
venons  de  nommer,  et  pour  mettre  à  Tamende 
les  l'erinieis  qui  sinisent  de  cnltiA  er  ce  qdi  est 
nécessaire  à  leur  propre  consonmialion.  On  a 
cru  diminuer  la  contrebande,  en  bornant  la 
culture  à  une  élendue  de  lerruin  de  quatre  on 
cinq  lieues  carrées.  Avant  rélablissemcnl  de 
\à  p'i'iue ,  l'inlendance  de  (niadiilaxaia,  sur- 
tout les  parlidos  d'Autlan ,  d'Ezatlan  ,  d'Aliux- 
catlan,  Tepie  ,Santixpac  et  Acaponeta,  cloient 
célèbrcspar  l'abondance  et  l'excellenle  qualité 
du  tabac  qu'ils  produisoient.  Ces  contrées, 
jadis  heureuses  et  fîori.'^santes,  ont  diminué  de 
population ,  depuis  que  les  plantations  ont  élc 
transférées  à  la  pente  orientale  de  la  Cor- 
dillère. 

C'est  aux  îles  Antilles  c\\\c  les  Espagnols  ont 
appris  à  connoître  le  tabac.  Ce  mot,  qui  u 
été  adopté  par  tous  les  peuples  de  l'Europe  , 
est  de  la  langue  d'Uayti  ou  de  St.-Donïingue  ; 
car  les  Mexicains  appelèrent  la  plante  jctl , 


2l6 


LIVRE    IV 


les  Péruviens  ç/t;'/'/'.  Au  Mexique  et  au  Pérou, 
les  inclig"cnes  fumoient  et  prenoient  du  tabac 
en  poudre.  A  la  cour  de  Montezuma,  les 
grands  seigneurs  emploj oient  la  fumée  de 
tabac  comme  un  narcotique,  non-seulement 
pour  faire  la  sieste  après  le  dîner,  mais  aussi 
pour  dormir  le  matin ,  immédiatement  après 
le  déjeuner,  comme  c'est  encore  l'usage  dans 
plusieurs  parties  de  l'Amérique  équinoxiale. 
On  rouloit   les   feuilles  sèches  du  jetl  en 


h] 


^  Hernandaz ,  Lîb.  V,  c.  5i  ,  p.  175.  Clnvigero , 
T.  11 ,  p.  227.  Garcilasso,  Lih.  II,  c.  25.  Déjà  les 
anciens  i\2cxicnins  recoviiinaiuloieiit  le  tabac  comme 
lin  rcmÎHle  contre  le  mal  ('e  clenls,  le  rhume  de  cer- 
veau et  la  colque.  Les  Garibes  se  servoient  tle  feuilles 
de  tabac  niàché  comme  contre-poison.  Dans  notre 
voyage  sur  l'Oréncque,  nous  avons  vu  appliquer  avec 
succès  le  tahac  niachéaux  morsures  de  couleuvres  veni- 
meuses. A[)ièsli  fan»eux/V/«cof/e^  Gï^rtco,  dont  on  doit 
la  connois.sance  à  M.  Mutis,  le  tuliac  est  aana  doute  le 
conlre-poison  le  plus  actif  de  rAuiérique.  La  culture 
du  tabac  s'est  propag»'e  avec  uiic  si  grande  rapidité  , 
qu'en  i559  on  Icsemoit  déià  en  roriugal,  et  qu'au 
commenccajtnl  du  di\-.septième  siècle  on  le  planta 
aux  Grandes  Indes,  fieckmanns  Geschichte  der  Erfin-_ 
duiigeii,  B.  3,  p.  366. 


: 
fil 


CHAPITPiE    X.  217 

Cigares  y  et  on  les  encliassoil  clans  tics  tuyaux 
cl'aro'ent,  de  bois  ou  de  roseau  :  souvent  on 
y  nièluil  la  résine  du  Li^juidunibarst}  nicifhta, 
et  d'autres  matières  aromatiques.  On  tenoit 
d'une  main  le  tuyau ,  et  de  l'autre  on  se  bou- 
choit  les  narines  pour  avaler  plus  facilement 
la  fmnce  du  tabac  ;  plusieurs  pe^'sonnes  se 
contentoient  même  d'aspirer  la  fumée  par  le 
nez.  Quoique  le  Piciell  (Nicoliana  ruslica) 
fût  beaucoup  cullivé  dans  l'ancien  Analiuac, 
il  paroît  pourtant  que  les  personnes  aisées 
faisoient  seules  usage  du  tabac;  car  nous 
voyons  aujourd'hui  que  cet  usage  est  entière- 
mentinconnu  aux  Indiens  de  race  pure,  parce 
qu'ils  descendent  presque  tous  de  la  dernière 
classe  du  peuple  aztèque  '. 

On  évalue  à  la  V  era-Gruz  la  quantité  de 
tabac  récolté  dans  les  districts  d'Orizaba  et 
de  Cordova,  à  huit  ou  dix  mille  tcvcios  (à 
8  arrobes) ,  qui  font  1,600,000  ou  2,000,000 
de  livres  pesant;  mais  celle  évaluation  paroit 
un  peu  trop  basse.  Le  roi  paye  au  cultiva  leur 
la  livre  de  tabac  à  deux  réaux  et  demi,  c'est-à- 
dire  à  21  sous  le  kilogramme.  Nous  veiTons 

*  Voyez  cl~cîcssus,  Chap.  VI,  T.  I ,  p.  ^cjg. 


i  Ir 


;'. 


IJ: 


!2ï8 


MVBE    IV 


dans  la  suite  de  cet  ouvra^ii^c  ,  et  d'après  des 
renscigneniens  ([iie  j'ai  lires  de  pièces  olïi- 
ciclles,  ([ii'en  général  la  l'cniic  du  Mexique 
Tend  annucllenienl,  dans  le  pavs  même,  pour 
plus  de  58  millions  de  francs  de  tabaeàrumer 
et  en  poudre,  et  rprelle  rend  au  roi  un  profit 
net  de  plus  de  20  millions  de  livres  tournois. 
Cette  consommation  de  tabac  dans  la  Nou- 
velle-Espagne doit  pîiroître  énoi'me,  d'autant 
plus  que  sur  une  population  de  5, 800,000 
âmes  ,  il  faut  décompter  deux  millions  et  demi 
d'indigènes  qui  ne  fument  pi>s.  D'ailleurs ,  au 
Mexique  la  ferme  est  un  objet  beaucoup  plus 
important  pour  le  fisc  qu'au  Pérou,  j>arce 
que,  dans  le  premier  de  ces  pays  ,  le  nombre 
des  blancs  est  plus  considérable,  et  que  l'usage 
de  fumer  des  cigares  y  est  plus  répandu  , 
même  parmi  les  femmes  et  les  enfans  en  bas 
âge.  En  France  ,  où,  d'après  des  reclierches 
de  M.  Fabre  de  l'Aude,  il  y  a  buit  millions 
d'babitans  qui  prennent  du  ta])ac  ,  la  con- 
sonuîiation  totale  est  de  plus  de  quarante 
millions  de  livres  pesant;  mais  la  valeur  des 
importations  de  tabac  étranger  ne  s'y  est 
élevée,  en  1787, qu'à  izi,i/|.2,ooo  liv.  tournoie  '. 
*  Peuchutj  p.  3i5  et  4oc). 


CHAPITHE    X.  9.19 

La  Noiivcllc-Esp.igiic ,  loin  d'oxporlti'  <lo 
son  labiK"  indifi^t'iic  ,  en  lire  encore  annnc;!- 
Icnicnt  j)!L's  (le  5G,ooo  livies  ])esant  de  la 
Havane,  ijcs  v(  v;tlitM)S  (|u'on  l'ail  éprouver 
aux  planteurs,  joinlcs  à  la  préféienec  donnce 
à  la  cullure  du  calé,  ont  cependant  beaucoup 
diminué  le  produit  de  la  ('ernie  à  lile  de  Cid)a. 
Aujourd'hui  cette  ile  fournit  à  peine  liio.ooo 
arrobas  y  tandis  qu'avant  179I  ,  dans  de 
bonnes  années  ,  on  évaluoit  la  récolte  à 
010, 000  airobits  (  7,87.^1,000  li\res  ])csanl') , 
dontiGo,ooo  arrobas  étoicnl  consonnnées  dans 
l'île,  et  i2(S,ooo  envoyées  en  l^l^pa^ne.  Cette 
branche  de  l'industrie  coloniale  est  de  la 
phis  haute  importance  ,  même  dans  son  état 
actuel  de  monopole  et  de  contrainte.  La 
venta  de  tabaco  de  la  péninsule  donne  un 
revenu  net  de 6  millions  de  piastres,  revenu 
qui  est  du  en  grande  partie  à  la  vente  du 
tabac  de  l'île  de  Cuba  envové  à  Séville.  Les 
ma<^'asins  de  cette  dernière  ville  contiennent 
quelquefois  des  provisions  de  18  ou  19  millions 

*  Raynal  (T.  lil,  p.  afiS)  n'évaliioil  la  récolle  qtéà 
4.675,000  livres  pesant.  La  \  lrt:,iiiie  proiluisoit,  avant 
1775,  annuellement  plus  de  55,000  hogs/iedd.s ,  ou 
Zà  millions  de  livres  de  luLac.  JeJJeravn ,  p.  3u3. 


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220  LIVRE    IV, 

de  livres  pesant ,  scnleinent  en  liibac  en 
poudre  ,  dont  la  valeur  monte  à  la  sonirne 
exorbitante  de  deux  eenls  millions  do  livres 
tournois. 

La  culture  de  yin(li)j;n  ,  très-efendue  dans 
le  rojaume  de  GualimaLi  et  dans  la  provinee 
de  Caraeas ,  est  extrêmement  négligée  au 
Mexique.  Les  plantalions  que  l'on  trouve  le 
long  des  coles  occidentales  ,  ne  sulusent  pas 
même  pour  le  peu  de  fabriques  de  toile  île 
colon  indij^cnc.  On  importe  annuellement  de 
l'indigo  du  royaume  de  Guatim.da,  où  le 
produit  total  des  plantalions  s'élève  à  la 
valeur  de  12  millions  de  livres  lournois.  Cette 
substance  coloraïUe  ,  sur  laquelle  M.  Beck- 
mann  a  fait  de  savantes  lei.herches ,  ëtoit 
.connue  àcs  Grecs  et  des  Piomains  ,  sous  le 
nom  ixludicwn.  Le  mot  à'aiiil y  qui  a  passé 
dans  la  langue  espa:,'nole  ,  vient  du  mot  arabe 
nir  ou  nil.  Ile  mandez  ,  en  parlant  de  l'indigo 
mexicain  ,  l'appelle  unir.  Les  Grecs  ,  du 
temps  de  Dioscoride,  tirèrei't  l'indigo  delà 
Gédrosie  ;  et  aiî  treizième  siècle,  Marco  Polo 
décrivit  avec  soin  sa  préparation  dans  l'In- 
dostan.  C'est  à  tort  que  Kaynal  prétend  que 
les  Européens  ont  introduitla  culture  de  cette 


CHAPITRE    X. 


221 


plante  précieuse  en  Ainérujiie.  Plusieurs  es- 
pèces iïîiidiij^<yj('ra  sont  propres  au   nouveau 
continent.  Ferdinand  Colonil) ,  dans  la  vie  de 
son  pèi'C  ,    non  une  l'indigo  parmi  les  pro- 
ductions de  l  îled'Hi'jli.  llernandez  rapporte 
le  procédé  par  lecjnel  les  naturels  du  Mexique 
séparoient  la  fécule  du  suc  de  la  plante,  pro- 
cédé qui  diîJere  de  celui  que  nous  enïployons 
aujourd'hui.  Les  pelits  puins  d'indigo  sèches 
au  feu  s'appeloient   ninluiilli  ou    tlciioluiillL 
La  plante  étoit  même  désignée  sous  le  nom 
de  ocinliquili/)itzahiiac.  Hernandez  '  proposa 
à  la  cour  d'introduire  la  culture  de  l'indigo 
dans   la   partie    méridionale   de    l'Espa^^ne. 
J'ignore  si  son  conseil  fut  suivi ,  mais  il  est 
certain   que   l'indigo  étoit  assez  conunun  à 
Malte   jusque  vers  la  fin  du  dix -septième 
siècle.  Les  espèces  d'//2^//^o/c*/vi  dont  on  retire 
aujourd'hui  l'indigo  dans  les  colonies ,  sont  : 
rindigofera  tinctoria ,  L  anil ,  L  disperma  et 
L   argentea ,    comme  le   prouvent  les  plus 
anciennespeiutures  hiéroglyphiques  des  Mexi- 


Il     M 


I 


*  Hernandez j  Lib.  IV,  c.  12 ,  p.  108.  Clavigerr,  II, 
189.  Beckmann ,  L  c. ,  IV,  474-532,  Berthollet,  Élé- 
meiu  de  l'art  de  la  teinture ,  II,  Zj, 


ii 


I  ; 


2  2  À 


LIVRE    IV 


cains;  même  trente  ans  aprîs  la  conquête, 
les  Espagnols  ,  qui  n'a  voient  p;i.s  encore 
trouvé  des  malériau7v  pour  faire  de  l'encre, 
écrivoient  avec  de  l'indigo  ,  comme  le  prou- 
vent les  papiers  conservés  dans  les  archives 
du  duc  de  Monte  Leone,  qui  est  le  dernier 
rejeton  de  la  famille  de  Gorlez.  A  Santa-Fe, 
on  écrit  encore  aujourd'liui  avec  le  suc  cx- 
primédesfruilsderuvilla(Cr'i.Y/7////  tinclnniim), 
et  il  y  exisle  un  ordre  de  la  cour  qui  enjoint 
aux  vice-rois  de  n'employer  pour  les  pièces 
officielles  que  ce  bleu  d'uvilîa  ,  parce  qu'on  a 
reconnu  qu'il  est  plus  indestructible  que  la 
meilleure  encre  de  l'Europe. 

Après  avoir  examiné  avec  soin  les  végétaux 
qui  sont  des  objets  importans  de  l'agriculture 
et  du  commerce  du  Mexique  ,  il  nous  reste 
à  jeter  un  coup  -  d'œil  rapide  sur  les  pro- 
ductions du  rèqrw  animal.  Quoique  la  plus 
reeliercliée  de  ces  productions ,  la  cochenille, 
ienne    oriiiinairement  à  la   Nouvelle- 


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gne ,  1 


1  est 


certain 


fiant 


cepennant  que  celles 


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quisontlesplus  intéressantes  pour  le  bien-être 
des  habitans,  v  ontélé  introduites  de  l'ancien 


continent.  Les  Mexicains  n'avoient  point  es- 
sayé de  réduire  à  l'état  de  domesticité  les  deux 


CHAPITRE    X. 


223 


espèces  de  bœufs  sauvages  (Bos  americanus 
et  B.  nioschatus  )  qui  errent  par  troupeaux 
dans  les  pLiines  voisines  de  la  rivière  du  Nord. 
Ils  ne  connoissoierit  pas  le  llama ,  qui ,  dans  la 
Cordillère  des  Andes,  ne  dépasse  pas  la 
limite  de  l'iiémisphère  austral.  Ils  ne  savoient 
tirer  parti  ni  des  brebis  sauvages  de  la  Ci>ii- 
fornie  ",  ni  des  chèvres  des  montagnes  de 
Monterey.  Parmi  les  nombreuses  variétés  de 
chiens  "  qui  sont  propres  au  Mexique,  une 
seule,  le  te  chichi  ,  servoit  à  la  nourriture  des 
liabitans.  Sans  doute  le  besoin  d'animaux 
domestiques  se  faisoit  moins  sentir  avant  la 
conquête,  à  une  époque  où  chaque  famille 
ne  cullivoic  qu'une  petite  étendue  de  terrain, 

^  Sur  les  brebis  et  les  clicvres  sauvag-s  des  mon- 
tagnes de  l'ancienne  et  de  la  Nouvelle-Californie , 
voyez  ci-dessus ,  Chap.  YIU  ,  T.  IJ  ,  p.  42,?. 

»  Voyez  mes  Tableaux  de  la  xNalure,  T.  I ,  p.  i24- 
12^  Une  tribu  des  provinces  septentrionales,  celle 
des  Cumancbes ,  se  sert  de  chiens  mexicains  pour 
le  transport  des  tentes,  comme  plusieurs  peuples  de 
la  Sibérie.  Voyez  ci-dessus  ,  T.  11 ,  p.  377.  Les  Péru- 
viens deSausa  (Xauxa)  et  Iluanca  mangeoient  leurs 
chiens  (mm//ro),  et  les  Aztèques  vendoient  au  marché 
la  chair  du  chien  muet  techlvhi ,  qu'on  châtroit  pour 
i'engi-aisser.  Lormzana  ,  p.  io3. 


I  !i:) 


224  LIVRE    IV, 

et  où  une  grande  partie  du  peuple  se  nour- 
rissoit  presque  exclusivement  de  végétaux. 
Cependant  le  manque  de  ces  animaux  i'orçoit 
une  classe  nombreuse  des  habitans,  celle  des 
Tlamama  y  à  faire  le  mélier  de  bétes  de 
somme ,  et  à  passer  leur  vie  sur  les  grandes 
routes.  Ils  étoient  chargés  de  grosses  caisses 
de  cuir  (  eu  mexicain  pctlacalll  j  en  espagnol 
petacas),  qui  cootenoient  des  marchandises 
d'un  poids  de  trente  à  quarante  kilogrammes. 
Depuis  le  milieu  du  seizième  siècle  les 
animaux  les  plus  utiles  de  l'ancien  conl.ne  ' , 
ies  bœufs,  les  chevaux  ,  les  brebis  et  les 
porcs ,  se  sont  multipliés  d'une  manière  sur- 
prenante dans  toutes  les  parties  de  la  Nou- 
velle-Espagne, surtout  dans  les  v?  '^es  plaines 
que  renferment  les  provincias  internas.  Il 
seroit  superflu  de  réfuter  '  ici  les  assertions 
hasardées  de  M.  de  Buffon  sur  la  prétendue 
dégénération  des  animaux  domestiques  in- 
troduits dans  le  nouveau  continent.  Ces  idées 
se  sont  propagées  facilement,  parce  qu'en 


ouvrage 


'  Cette  réfutation  se  trouve  dans  l'excell. 
fie  M.  Jt'Jferson ,  sur  la  Virginie ^  p.  109-166.  Vojxz 
aussi  Clavigero,  T.  IV,  p.  io5-i6o.  , 


CHAPITRE    X. 


flaltantlii  vanité  des  Européens,  elles  se  lioient 
à  des  hjpollièscs  brillantes  sur  l'ancien  état 
de  noire  planète.  Depuis  que  l'on  examine  les 
faits  avec  soin ,  les  physiciens  reconnoissent 
de  riiarnioiiie  où  l'écrivain  élorpient  n'an- 
noncoit  cpre  des  contrastes. 

Il  j  a  une  «grande  abondance  de   l/étes  a 
cornes  le  long  des  cotes  orientales  du  Mexi- 


l'embc 


des 


que,  surtout  a  iemi>oucnure  des  rivières 
d'Alvarado ,  de  Guasacualco  et  de  Panuco, 
où  de  nombreux  troupeaux  trouvent  des 
pâturages  constamment  verts.  La  capitale  du 
Mexique  et  les  grandes  villes  qui  en  sont 
voisines ,  tirent  cependant  leurs  provisions 
en  viandes  de  l'intendance  de  Durango.  Les 
naturels ,  comme  la  plupart  des  peuples  de 
l'Asie  à  lest  du  Gange  ',  se  soucient  très-peu 

*  Par  exemple  ,  dans  le  sud-est  de  l'Asie  ,  les  Chi- 
nois et  les  liabitans  de  la  Cucliincliine.  Les  derniers 
ne  Iraient  jamais  Ir*  rs  Taches,  quoique  le  lait  soit 
excellent  sous  les  tropiques  et  d-^ns  js  parties  les 
plus  chaudes  de  la  terre.  Voyage  de  Macartney , 
Vol.  Il,  p.  i53-,  et  Vol.  IV,  p.  59.  Même  les  Grecs 
et  les  Romains  n'apprirent  à  luire  du  beurre  que  par 
leurs  communications  avec  les  Scythes,  les  Thraces 
et  les  peuples  de  race  germanique.  Beckmann,  l.  c, 
B.  III ,  p.  289, 

ITI.  l5 


■;'i 


220 


LIVRE    IV 


du  lait,  du  beurre  et  du  fromag-e.  Ce  dernier 
est  fort  recherché  par  les  casles  de  sang-mélé , 
et  il  forme  mie  branche  de  commerce  inté- 
rieur assez  considérable.  Dans  le  tableail 
statistique  que  l'intendant  de  Guadalaxara  a 
dressé  en  1802,  et  que  j'ai  eu  occasion  de 
citer  plusieurs  fois,  la  valeur  annuelle  des 
cuirs  corroyés  est  évaluée  à  4i9»ooo  piastres  ; 
celle  du  suif  et  du  savon,  à  649,000  piastres. 
La  seule  ville  de  la  Puebla  fabrique  annuel- 
len.i  00,000  arrohas  de  savon  ,  et  82,000 
cuirs  de  vaches;  mais  l'exportation  de  ces  deux 
articles  par  le  port  de  Vera-Cruz  a  été  peu 
importante  jusqu'ici.  En  i8o5  ,  elle  s'est  à 
peine  élevée  à  la  valeur  de  1^0,000  piastres. 
Il  paroît  même  qu'au  seizième  siècle,  avant 
que  la  consommation  intérieure  eût  augmenté 
avec  le  nombre  et  le  luxe  des  blancs ,  la  Nou- 
velle-Espagne foumissoit  à  l'Europe  plus  de 
cuirs  qu'elle  n'en  fournit  aujourd'hui.  Le  père 
Acosta  '  rapporte  qu'une  Hotte  qui ,  en  1687, 
entra  àSéville ,  portoit  64,o4o  cuirs  mexicains. 
Les  chevaux  des  provinces  septentrionales . 
surtout  ceux  du  Nouveau-Mexique,  sont  aussi 


^Lib.  IV,  c.  3. 


CHAPITRE    X. 


227 


célèbres  par  leurs  excellentes  qualités  ciue 
les  ehevaux  du   Chili  ;  les  uns  et  les  autres 
descendent,  à  ce  que  l'on  prétend,  de  race 
arabe  ;  ils  errent  par  bandes  devenues  sau- 
vages ,  dans  les  savanes  àespiwncias  internas 
^'exportation  de  ces  chevaux  à  Natchez  et  à 
la  Nouvelle -Orléans,   devient  d'année  en 
année   plus  considérable.  Plusieurs  familles 
du  Mexique  possèdent  dans  leurs  hatos  de 
ganado  trente  à  quarante  mille  têtes  de  bœufs 
et  de  chevaux.  Les  mulets  seroient  plus  nom- 
breux encore,   s'il  n'en  périssoit  beaucoup 
sur  les  grandes  routes,  par  les  fatigues  dont 
ils  sont  excédés  après  des  voyages  de  plu- 
sieurs mois.  On  compte  que  le  commerce  de 
Vera-Gruz  seul  occupe  ,   par  an  ,  près   de 
70,000  mulets.   Plus  de  cinq  mille   en  sont 
employés  comme  un  objet  de  luxe  dans  les 
attelages  '  de  la  ville  de  Mexico. 

L'éducation  des  moutons  a  été  singulière- 
ment négligée  dans  la  Nouvelle  -  Espagne  , 
comme  dans  toutes  les  colonies  espagnoles  de 
l'Amérique.  Il  est  probable  que  les  premières 

'  La   Havane  a  25oo  calèches,  appelées  volantes, 
dont  le  service  exige  plus  de  3ooo  mulets.  En  1S02 
on  comptoil  à  Paris  35;Ooo  chevaux.  ' 

*5* 


228 


LIVRE    IV 


bêles  à  laine  introduites  ;iu  seizième  siècle, 
n'étoient  pas  de  la  race  des  mérinos  voyageurs, 
et  surtout  qu'elles  n'étoient  pas  de  la  race 
léoncse,  ségovienne  ou  soriane.  Depuis  celte 
époque  on  ne  s'est  pas  occupe  d'améliorer  la 
race.  Dans  la  partie  du  Mexique  qui  est  située 
hors  des  tropiques  ,  il  seroit  facile  cependant 
d'introduire  le  régime  des  troupeaux  ,  que 
l'on  désigne  en  Espagne  par  le  nom  de  mcsia  , 
régime  d'après  lequel  les  brebis  changent  de 
climat  a\ec  les  saisons,  et  se  trouvent  toujours 
en  harmonie  avec  elles.  On  n'auroit  pas  à 
craindre, pendant  des  siècles ,  que  ces  voyages 
des  troupeaux  lussent  contraires  à  l'agriculture 
mexicaine.  Aujourd'hui  les  laines  que  l'on 
regarde  comme  les  plus  belles,  sont  celles'  de 
l'intendance  de  Valladolid. 

Il  est  digne  de  remarque  que  ni  te  porc 
commun  ',  ni  les  poules  que  l'on  trouve  dans 

'  Pedro  de  Cirça  et  Garcilasso  de  la  Vcga ,  ont 
conservé  dans  leurs  ouvragt  s  les  noms  des  colons  qui , 
les  premiers  en  Amérique  ,  onl  élevé  des  animaux 
domestiques  de  l'Europe,  lis  rapportent  qu'au  milieu 
du  seizième  sièele  deux  porcs  coûloient,  au  Pérou, 
8000  livres  tournois;  un  chameau,  35,ooo-,  im  âne, 
7700 j  une  vache,    1200 j    un  mouton,  200  livres. 


CHAPITRE    X.  329 

toutes  les  îles  de  la  mer  du  Sud,  n'ont  été 
connus  des  Mexicains.  Le  Pécari  {Sustajassu), 
que  l'on  renconlre  souvent  dans  les  cabanes 
des  naturels  de  l'Amérique  méridionale,  auroit 
pu  être  facilement  réduit  à  l'état  de  domes- 
ticité ;  mais  cet  animal  n'est  propre  qu'à  la 
région  des  plaines.  Des  deux  variétés  de  porc 
qui  sont  aujourd'hui  les  plus  communes  au 
Mexique,  l'une  a  été  introduite  de  l'Europe  , 
et  l'autre  des  îles  Philippines  :  elles  se  sont 
extrêmement  multipliées  sur  le  plateau  cen- 
tral ,  où  la  vallée  de  Toluca  fait  un  commerce 
de  jambon  très-lucratif. 

Avant  la  conquête ,  il  existoit  très  -  peu 
d'oiseaifœ  de  hasse-cour  chez  les  indigènes 
du  nouveau  continent.  L'entretien  de  ces 
oiseaux  exige  des  soins  parliculiers  dans  des 
pajs  récemment  défrichés,  et  dont  les  forêts 


Cieça ,  Chromca  del  Perù  (Anvers,  i554),  p.  G5. 
Garcilasso,  T.  J  ,  p.  328.  Ces  prix  cu'onufcS  prouvent, 
outre  la  rartté  tics  ohjels  à  vendre,  labontiatice  des 
métaux  précieux.  Le  général  Bt,Ialcazar,  qui  avoit 
aclieté  à  Btiga  une  truie  pour  4ooo  francs  ,  re  put 
résister  à  la  lenlalion  t!e  la  manger  dans  un  fesûn. 
Tel  éloit  le  luxe  qui  régnoit  à  l'armée  des  conquis- 
tadores. 


23o  LIVRE    IV, 

abondent  en  quadrupèdes  carnassiers  de  toute 
espèce.  D'ailleurs,  l'habitant  des  tropiques 
sent  moins  le  besoin  des  animaux  domestiques 
que  Tiiabitant  de  Ja  zone  tempérée  ,  parce 
que  la  ferlililé  du  sol  le  dispense  de  labourer 
une  grande  étendue  de  terrain,  et  parce  que 
les  lacs  et  les  rivières  sont  couverts  d'une 
innombrable  quantité  d'oiseaux  faciles  à 
prendre,  et  qui  fournissent  une  nourriture 
al)ondante.  Un  voyageur  européen  est  étonné 
de  voir  que  les  sauvages  de  l'Amérique  mé- 
ridionale se  donnent  une  peine  extrême  pour 
apprivoiser  des  singes ,  des  mamwivi  (  IJrsus 
caudivolvula  ),  ou  des  écureuils,  tandis  qu'ils 
ne  cherchent  pas  à  réduire  à  l'état  de  domes- 
ticité un  grand  nombre  d'animaux  utiks  que 
renferment  les  forets  environnantes.  Cepen- 
dant les  peuples  les  plus  civilisés  du  nouveau 
continent  élevoient  déjà  dans  leurs  basses- 
cours^  avanll'arrivée  des  Espagnols,  plusieurs 
gallinacées,  connue  des  Hoccos  (Crax  nigra, 
G.  globicera  et  G.  pauxi),  des  dindons  (Me- 
leagris  gallo  -  pavo  )  ,  plusieurs  espèces  de 
faisans ,  de  canards ,  et  de  poules  d'eau ,  des 
\acous  ou  guans  ( Pénélope , /^^/i^a  démonte), 
et  des  aras  (  Psittuci  maciouri  ) ,   qui  sont 


CHAPITRE    X. 


23  I 


regardés  comme  un  mets  délicat ,  lorsqu'ils 
sont  jeunes.  A  cette  époqnc,  le  coq,  originaire 
des  Grandes  Indes ,  et  commun  aux  îles 
Sandwich  ,  étoit  totalement  inconnu  en  Amé- 
rique. Ce  tl;it  important  sons  le  rapport  de 
la  migralion  des  peuples  de  la  race  malajc, 
a  été  con lesté  en  Espagne,  des  la  fin  du 
seizième  siècle.  De  savans  élymologistes  prou- 
voient  que  les  Péruviens  dévoient  avoir  eu 
des  poules  avant  la  découverte  du  Nouveau- 
Monde,  parce  que  lalan^i^ue  de  l'inca  dési;^iie 
le  co  s  par  un  mot  particulier,  celui  de  j^'7/Y///;^^ 
Ils  i<;'noroient  que  ^luUpa  ou  huallpa  est  une 
contraction  ^Atahuallpa  ,  et  que  les  naturels 
du  Couzco  avoient  donné  par  dérision  le  nom 
d'un  prince  détesté  à  cause  des  cruautés  qu'il 
exercoit  contre  la  famille  de  Iluescar ,  aux 
coqs  apportés  par  les  Espagnols ,  s'imaginant, 
ce  qui  par  oit  assez  étrange  à  l'oreille  d'un 
Européen ,  trouver  de  la  ressemblance  e.  Ire 
le  chant  de  cet  oiseau  et  le  nom  d'Ataliuallpa. 
Cette  anecdote ,  consignée  dans  l'ouvrage  de 
Cûf'ciliisso  {T.  I^  p.  S5i),  m'.:  été  racontée 
en  1802  ,  à  Gaxamarca ,  où  j'ai  vu,  dans  la 
faiiiilic  des  Astorpiico  j  les  descendans  du 
dernier  Inca  du  Pérou.  Ces  pauvres  Indiens 


232 


LIVRE    IV 


habitent  les  ruines  du  palais  d'Ataliuallpa. 
Garcilasso  rapporte  que  les  Indiens  imitoieut 
le  chant  du  coq ,  en  prononçant  d'une  nui 
nière  cadencée  des  mois  de  quatre  syllabes. 
Les  partisans  de  Iluescar  avoient  composé 
des  chants  hurlesques  pour  se  moquer  d'Ata- 
huallpa,  et  de  trois  de  ses  généraux,  appelés 
Quilliscacha ,  Chalchuchima,  et  Rumiriavi.  En 
consultant  les  langues  comme  des  monumens 
historiques,  il  faut  distinguer  avec  beaucoup 
de  soin  ce  qui  est  ancien  ,  et  ce  qui  a  été  na- 
turalisé par  l'usage.  Le  mot  péruvien  micilu  ^ 
qui  désigne  le  chat ,  est  tout  aussi  moderne 
que  celui  àliuallpa.  Les  Péruviens  ont  formé 
micitu  du  radical /7i/;3^  parce  qu'en  observant 
que  les  Espagnols  l'emplojoient  en  appelant 
le  chat ,  ils  crurent  que  miz  étoit  le  nom  de 
l'animal. 

C'est  nn  phénomène  physiologique  très- 
curieux,  que  sur  le  plateau  de  la  ville  de 
Cou/co ,  qui  est  phis  élevé  et  plus  froid  que 
ceuii  de  Mexico  ,  les  poules  n'ont  commencé 
à  s'acclimater  et  à  se  propager  qu'après 
l'espace  de  trente  ans.  Jusqu'à  cette  époque 
tous  les  poulets  périrent  en  sortant  de  l'œuf. 
Aujourd'hui  les  diverses  variétés  de  poules. 


CHAPITRE    X. 


:33 


surtout  celles  de  Mosambiqiie  ,  cjui  ont  la 
chair  noire,  sont  (icvcnues  communes  clans 
les  deux  hcniisplièics,  partout  uù  les  peuples 
de  l'ancien  conlinenl  ont  pénétré.  Plusieurs 
tribus  d'Indiens  sanva<^es  qui  vivent  dans 
le  voisinage  des  élablissemens  européens  , 
ont  su  s'en  procurer.  Lorsque  nous  lûmes  à 
Tomcpenda,  sur  les  bords  de  la  rivière  des 
Amazones  ,  nous  vîmes  quelques  familles 
d'Indiens  Xibaros  qui  se  sont  établies  à  Tu- 
tumbero,dans  un  endroit  presque  inaccessible, 
entre  les  cataractes  de  Yariquisa  et  Patorumi; 
c*est  dans  les  cabanes  do  ces  sanva^^es  qu'on 
avoit  vu  des  poules  ,  lorsqu'on  les  visita  pour 
la  première  l'ois  ,  il  y  a  quelques  années. 

La  Nouvelle-Espagne  a  fourni  à  l'Europe 
le  plus  gros  et  le  plus  utile  des  gallinacées  do- 
mestiques, le  dindon  (^totolin  ou  fiiifwolotl) , 
qui  jadis  a  été  trouvé  sauvage  sur  le  dos 
des  Cordillères,  depuis  l'isthme  de  Panaina 
jusqu'à  la  Nouvelle -Angleterre.  Gortez  ra- 
conte que  plusieurs  milliers  de  ces  oiseaux, 
qu'il  appelle  des  poules  [f^allinds)  ,  étoieut 
nourj'is  dans  les  b;isses-cours  des  châteaux  de 
Montezuma.  Du  Mexique  ,  les  Espagnols  les 
portèrent  au  Pérou,  à  la  Terre-Ferme  {Cas- 


234 


lIVRE    IV 


tilla  (Ici  oro  ) ,  et  aux  îles  vVnllllcs  ^  où  Oviedo 
les  décrivit  en  i5i5.  Ilernondez  observa  dt-jà 
très-bien  que  les  dindons  sauvages  du  Mexi- 
que étoient  beaucoup  plus  grands  que  les 
dindons  domestiques.  On  ne  trouve  aujour- 
d'hui les  premiers  que  dans  les  provinces 
septentrionales.  Ils  se  retirent  vers  le  nord  ,  à 
mesure  que  la  population  augmente,  et  que, 
par  une  suite  nécessaire,  les  f'oréls  deviennent 
plus  rares.  Un  voyageur  inslrnit ,  auquel  nous 
devons  une  description  très-intéressante  dos 
pays  situés  à  l'ouest  des  monts  Alléghanjs  ', 
M.  Michaux,  nous  apprend  que  le  dindon 
sauvage  du  Kentucky  pèse  quelquefois  jus-  A 
quarante  livres,  poids  énorme  pour  un  oic.v..ui 
dont  le  vol  est  très-rapide,  surtout  quand  il 
se  voit  poursuivi.  Lorsque  les  Anglois ,  en 
i584,  abordèrent  en  Virginie ,  les  dindons 
existoient  déjà  depuis  cinquante  ans  en  Espa- 
gne ,  en  Italie  et  en  Angleterre  ^  Ce  n'est  donc 
pas  des  Etats-Unis  que  cet  oiseau  a  passé  la 
première  fois  en  Europe ,  comme  plusieurs 
naturalistes  l'ont  faussement  avancé. 


*  Voyage  de  Michaux  ,  p.  1 90. 

*  Peckmann  f  l,  c.  T.  Ill,  p.  238-270. 


cHAPrmii  X. 


i3.^ 


Les  pintades  (  immida  Molca^^ris  ) ,  (jik^  1rs 
anciens  clcsi<^iienl  si  bien  sous  le  nom  cl'//iv'.« 
miltaliv ^  sonl  Ircs-rarcs  au  Mexi((ue,  tiin<lis 
qu'elles  sont  devenues  sauvages  clans  1  ile  de 
Cuba.  Quant  au  cdnard  mus<jué  {Atnis  nios- 
chulu)  y  que  les  Allemands  appellent  canard 
turc,  et  qui  est  devenu  si  commun  dans  nos 
basses-cou is,  l  Europe  le  doit  aussi  au  nou- 
veau continent  :  nous  l'avons  trouvé  sauva^j'e 
sur  les  bords  de  la  riv  ière  de  la  Madeleine ,  où 
le  maie  accpiicrt  une  grandeur  extraordinaire. 
Les  anciens  Mexicains  avoient  des  canards 
domestiques,  auxquels  ils  arrachoient  tous 
les  ans  les  plumes,  qui  étoicut  un  objet  de 
connnerce  inq^ortaiit.  Ces  canards  paroissent 
s'être  mêlés  à  l'espèce  introduite  d'Europe. 
L'oie  est  le  seul  de  nos  oiseaux  de  basse- 
cour  que  l'on  ne  trouve  presque  nulle  part 
dans  les  colonies  espagnoles  du  nouveau 
continent. 

La  culture  du  mûrier  et  l'éducation  des 
7.>ers  a  soie  avoient  été  introduites  par  les 
soins  de  Cortez,  peu  d'années  après  le  siège 
de  Ténoclititlan.  Il  existe  sur  le  dos  des  Cor- 
dillères un  mûrier  propre  aux  régions  équi- 
noxialcs,  le  Morus  acuminata  Jjoupl. ,   qu« 


236 


LIVRE    IV 


nous  avons  trouvé  sauvage  dans  le  royaume 
de  Ouilo^  près  des  villages  de  Fifo  et  de 
Pueniho.  La  feuille  de  ce  mùiier  est  moins 
dure  que  celle  du  mûrier  rou^^e  {M.  ruùra) 
des  Eti^Jts-Unis,  et  les  vers  à  soie  la  nangent 
comme  celle  du  mûrier  blanc  de  la  Cliine. 
Ce  dernier  arbre  ,  qui ,  d'après  Olivier  de 
Serres  ,  n'a  été  planté  en  France  que  sous  le 
règne  de  Charles  viii,  à  peu  près  l'année  1/19'î, 
étoit  déjà  assez  commun  au  Mexique  vers  le 
milieu  du  seizième  siècle.  On  récoltoit  alors 
une  quantité  de  soie  assez  considérable  dans 
l'intendance  de  la  Pucbla,  dans  les  environs 
de  Paruco  ',  et  dans  la  province  d'Ouxaca  ^ 
où  quelques  villages  de  la  Misteca  portent 
encore  les  noms  de  Tcpexe  de  la  Soda  (soie) , 
et  àeSan  Francisco  de  ht  Seda.'\ynn  coté,  la 
politique  du  conseil  des  Indes,  constamment 
contraire  aux manuraclu:  es  du  "Mexique;  d'un 
autre,  le  commerce  plus  aciiT  cînoc  la  Chine, 
et  l'intérêt  qu'a  la  conqiagnie  des  Philippines, 
de  vendre  aux  Mexicains  les  soieries  de 
l'Asie,  paroissent  être  les  causes  principales 


^  La  Florida  dd  Inca   (  Matlritl,    1/23),  T.  I, 


p.  :j58. 


CHAPITRE    X.  2.37 

qui  ont  anéanti  peu  à  peu  celte  Lranclie  de 
l'industrie  coloniale.  Il  y  a  peu  d'années  qu'à 
Queretaro,  un  particulier  a  proposé  au  g-ou- 
verneinent  de  iaite  de  grandes  plantations 
de  mûriers  dans  une  des  plus  belles  vallées 
du  Mexique,  la  Canada  des  bains  de  Saa 
Pedro  ^  liabilée  par  plus  de  trois  mille  In- 
diens. L'éducation  des  vers  à  soie  demande 
moins  de  soin  que  celle  de  la  cochenille,  et 
le  caractère  des  naturels  les  rend  très-propres^ 
à  tous  les  travaux  qui  exigent  une  extrême 
patience  et  des  soins  minutieux.  La  Canada  , 
qui  est  à  deux  lieues  de  Queretaro^  vers  le 
nord -est,  jouit  constamment  d'un  climat 
doux  et  tempéré.  On  n'y  cultive  aujourd'hui 
que  des  avocatiers  (  Lauriis  persea  ) ,  et  les 
vice-rois ,  qui  craignent  de  blesser  ce  que 
dans  les  colonies  on  appelle  les  droits  de  la 
métropole ,  n'ont  pas  voulu  permettre  que 
l'on  remplaçât  cette  culture  par  celle  des 
mûriers. 

La  Nouvelle-Espagne  olFre  plusieurs  espèces 
de  chenilles  indigènes,  qui  filent  de  la  soie 
semblable  à  celle  du  Bombyx  mon  de  la 
Chine,  mais  qui  n'ont  pas  encore  été  suffi- 
samment examinées  par  les  entomologistes. 


i 


2.38 


LIVRÉ    IV 


C'est  de  CCS  insectes  que  vient  la  soie  de  la 
Misleca,  qui  déjà  du  temps  de  Monlezunia 
étoit  un  objet  de  commerce.  On  fabrique 
encore  (aujourd'hui  dans  l'intendance  d'Oa- 
xaca  des  hiouchoirs  de  cette  soie  mexicaine. 
]Sous  en  avons  acheté  sur  la  route  d'Acapulco 
à  Chilj)anzint»'0.  L'étoffe  est  rude  au  toucher, 
comme  certaines  soieries  de  l'Inde  qui  sont 
également  le  produit  d'insectes  très-différens 
du  ver  à  soie  du  mûrier. 

Dans  la  province  de  Mechoacan  et  dans  les 
montagnes  de  Santa  Rosa ,  au  nord  de  Gua- 
naxuato,  on  voit  suspendus  à  différentes 
espèces  d'arbres ,  surtout  aux  branches  de 
XAvhutus  niadroTiOy  des  sacs  de  forme  ovale, 
qui  ressemblent  aux  nids  des  Troupiales  et 
des  Caciques.  Ces  sacs,  appelés  capullos  de 
madrono,  sont  l'ouvrage  d'un  grand  nombre 
de  chenilles  du  genre  Bombyx  de  Fabricius , 
insectes  qui  vivent  en  société,  et  qui  fdent 
ensemble.  Chaque  cajmllo  a  18  à  20  centi- 
iiictres  de  long  sur  dix  de  large.  Ils  sont  d'une 
blancheur  éclatante,  et  formés  par  couches 
que  l'on  peut  séparer  les  unes  des  autres.  Les 
couches  intérieures  sont  les  plus  minces,  et 
d'une  transparence  extraordinaire.  La  matière 


CHAPITRE    X.  23g 

dont  ces  grandes  poches  sont  formées,  res- 
semble au  papier  de  la  Chine  :  le  tissu  en  est 
si  dense,  qu'on  n'y  reconnoît  presque  pas  les 
fils  qui  sont  colles  transversalement  les  uns 
sur  les  autres.  J'ai  trouvé  un  grand  nombre 
de  ces  capnllos  de  madrono ,  en  descendant 
du  Coffre  de  Perote  vers  las  Vigas,  à  une 
Lauleur  absolue  de  0200  mètres.  On  peut 
écrite  sur  les  couches  intérieures  de  ces 
cocons ,  sans  leur  faire  subi'^  aucune  espèce 
de  préparation.  C'est  un  véritable  papier 
naturel,  dont  les  anciens  Mexicains  savoient 
tirer  parti,  en  collant  ensemble  plusieurs 
couches,  pour  en  former  un  carton  blanc 
et  lustré.  Nous  avons  fait  venir,  par  le  courrier, 
des  chenilles  vivantes  du  Bomhjx  madrono , 
de  Santa  Rosa  à  Mexico  :  elles  sont  d'une 
couleur  olivâtre ,  tirant  sur  le  iioii ,  et  garnies 
de  poils  ;  leur  longu*  a  est  de  20  à  28  milli- 
mètres. Nous  n'avons  point  vu  leui*  mélnmoi- 
phose,  mais  nous  avons  reconnu  que,  ni  ilgré 
la  beauté  et  le  lustre  extraordinaire  de  cette 
soie  de  madrono,  il  sera  presque  impossible 
d'en  tirer  parti ,  à  cause  de  la  difficulté  que 
l'on  trouve  à  la  dévider.  Comme  plnsif  irs 
çheuilles  travaillent  ensemble,  leuis  uls  se 


,11, 


■1 

M 


£   , 


n\o 


LIVRE    IV 


croisent  cl  s'entrelacent  niiiliicllcnient.  J'ai 
cm  devoir  enlrer  dans  ces  déluiis,  parr  e  que 
de«;  personnes  plus  zélées  f[u'instr;ules,  ont 
fixé  ,  il)  a  T)cu  de  temps,  l'atten'ion  du  gou- 
vernement Iraucois  sur  la  soie  indigène  du 
Mexifpie. 

La  c/rc  est  Uii  objet  de  la  plus  liaule  im- 
portance ])our  un  pajs  où  il  règne  beaucoup 
de  maiinificence  dans  le  culle  extérieur.  Il 
s'en  consomme  une  énorme  quantité  dans  les 
l'êtes  d'églises,  tant  dans  la  capitale  que  dans 
les  chapelles  des  plus  petits  villages  indiens. 
Les  rnclics  sont  d'un  grand  produit  dans  la 
péninsule  de  Yucalan ,  surtout  aux  environs 
du  porl  de  Campeclie,  qui,  en  i8o5,  expédia 
682  arroôas  de  cire  pouf  la  V  era-Cruz.  Ou 
compte  de  six  à  sept  cents  ruches  réunies  dans 
im  colmrnar.  Celle  '^".e  du  Yueatan  provient 
d'une  apiaire  propre  au  nouveau  continent , 
que  l'on  dit  dépourvue  d'aiguillon ,  sans 
doute  parce  que  son  arme  est  très-foible  et 
peu  sensible.  C'est  cette  circonstance  qui  a 
fait  donner,  dans  les  colonies  espagnoles, 
le  nom  de  petits  atigcs  (  ani^ciilos  )  aux 
;ibeilles  que  MM.  lUiger,  Jurinc  et  Latreille 
'Ont  décrites  sous  le  nom  de  IMélipone  et  de 


CHAPITRE    X. 


341 


Trigone.  J'ignore  siTabeille  de  Gampechc  est 
différente  du  Melipona  fasciata  que  M.  Bon- 
pland  a  trouvé  sur  la  pente  orientale  des 
Cordillères  '.  Il  est  certain  que  la  cire  des 
apiaires  américaines  est  plus  difdcile  à  blan- 
chir que  la  cire  des  abeilles  domestiques  de 
l'Europe.  La  Nouvelle-Espagne  tire  annuel- 
lement près  de  26,000  airobas  de  cire  de 
la  Havane,  importation  dont  la  valeur  s'élève 
à  plus  de  deux  millions  de  livres  tournois. 
Cette  cire  de  Tîle  de  Cuba  ne  provient  ce- 
pendant qu'en  petite  partie  des  Trigones 
sauvages  qui  habitent  les  troncs  du  Cedrela 
odorata;  la  majeure  partie  en  est  due  à 
Tabeille  originaire  du  nord  de  l'Europe 
{Apis  mellijica)  f  dont  la  culture  s'est  fort 
étendue  depuis  l'année  1772.  L'île  de  Cuba 
a  exporté  en  i8o3,  y  compris  la  contre- 
bande, 42,670  arrobas  de  cire.  Le  prix  d'une 
arroha  s'élevoit  alors  à  20  ou  21  piastres  ; 
mais  le  prix  moyen  n'est ,  en  temps  de  paix , 
que  de  i5  piastres ,  ou  de  76  livres  tournois» 

'  Voyez  les  insectes  recueillis  dans  le  cours  de 
notre  expédition,  et  décrits  par  M.  La  treille  ;  dan» 
notre  Recueil  d'observations  de  Zoologie  et  d'Ana» 
tomie  comparée,  T.  I. 

m.  ,  16 


A 


I 


242  LIVRE    IV, 

En  Amérique,  le  voisinage  des  sucreries  fait 
beaucoup  de  mal  aux  abeilles:  ces  insectes, 
très-avides  de  miel ,  se  noient  dans  le  jus  de 
canne,  qui  les  met  dans  un  état  d'immobilité 
et  d'ivresse  ,  lorsqu'elles  en  boivent  à  l'excès. 
L'éducation  de  la  cochenille  (qmnay  ?io- 
chiztli)  est  d'une  haute  antiquité  dans  hi 
Nouvelle-Espagne  :  il  est  probable  qu'elle 
remonte  au  delà  de  l'incursion  des  peuples 
Toltèques.  Du  temps  de  la  dynastie  des  rois 
aztèques,  la  cochenille  étoit  plus  commune 
qu'aujourd'hui.  Il  y  avoit  des  nopcileiies , 
non-seulement  dansle  Mixtecapan  (  la  Misteca  ) 
et  dans  la  province  de  Huaxjacac  (  Oaxaca  ) , 
mais  aussi  dans  l'intendance  de  laPuebla,  aux 
environs  de  Cholula  et  de  Huejolzingo.  Les 
vexations  auxquelles  les  naturels  ont  été  ex- 
posés au  commencement  de  la  conquête  ,  le 
bas  prix  auquel  les  encomenderos  forcoient 
les  cultivateurs  de  leur  vendre  la  cochenille, 
ont  fait  que  cette  branche  de  l'industrie 
indienne  a  été  négligée  partout ,  excepté 
dans  l'intendance  d'Oaxaca.  Il  y  a  à  peine 
quarante  ans  que  la  péninsule  de  Yucatan 
avoit  encore  des  nopaleries  considérables. 
Dans  une  seule  nuit  tous  les  nopals  sur  lesquels 


CHAPITRE    X.  243 

vit  la  cochenille  ,  furent  coupés.  Les  Indiens 
prétendent  que  le  gouvernement  se  porta  à 
cette  mesure  violente ,  pour  iaire  monter  le 
prix  d'une  denrée  dont  on  vouloit  assurer 
la  propriété  exclusive  aux  liabitans  de  la 
Mistcque.  Les  blancs  assurent,  au  contraire, 
que  les  naturels,  irrités  et  mécontens  du  prix 
que  les  négocians  lixoient  à  la  cochenille  ,  ont 
détruit  à  la  fois,  et  d'un  commun  accord» 
l'insecte  et  les  nopals. 

La  quantité  de  cochenille  que  l'intendance 
d'Oaxaca  fournit  à  l'Europe ,  peut  être 
évaluée,  année  commmie,  en  y  comprenant 
les  trois  sortes  de  grani  .  granilla  et  polvos 
dcgvana ,  à  4  000  zurrones  ^  ou  3  2 ,000  arrobas; 
ce  qui,  en  comptant  Xarroha  à  76  piastres 
fortes,  fait  2,400,000  piastres,  ou  12  millions 
de  livres  tournois.  Il  a  été  exporté  par  la 
Vera-Cruz,  en  cochenille: 

en  1802, 46,964. arrobas,  ou  pour  3,368,557  p. 


i8o3,  29,610 2,238,67 


5 


Mais  une  partie  de  la  récolte  d'une  année 
se  réunissant  souvent  à  la  récolte  de  l'année 
suivante ,  ce  n'est  pas  par  l'exportation  seule 
qu'il  faut  juger  des  progrès  de  la  culture.  Il 

16* 


'M 


m 


i. 


\ 


i' 


244  LIVRE    IV, 

paroît  qu'en  général  les  nnpnleri.es  augmentent 
très-lentement  dans  la  Misteca.  Dans  l'inten- 
dance de  Gnadalaxara,  on  récolte  annuelle- 
ment à  peine  800  arrohas  de  cochenille. 
Raynal  '  évalue  toute  l'exportation  de  la 
Nouvelle-Espagne  à  4ooo  quintaux,  évalua- 
tion qui  est  de  moitié  trop  basse.  Les  Grandes 
Indes  ont  aussi  commencé  à  verser  de  la 
cochenille  dans  le  commerce,  mais  la  quantité 
en  est  peu  considérable.  Le  capitaine  Nelson 
a  enlevé  l'insecte  à  Rio  Janeiro ,  en  1  95. 
Des  nopaleries  ont  été  établies  dans  les  c  1- 
virons  de  Calcutta,  de  Chittagong  et  de 
Madras.  On  y  a  trouvé  beaucoup  de  difficulté 
pour  se  procurer  l'espèce  de  Cactus  propre 
à  la  nourriture  de  l'insecte-  Nous  ignorons 
si  cette  cdchcnille  brasi'*  *^ne,  transportée 
en  Asie ,  est  l'espèce  farineuse  d'Oaxaca ,  ou 
la  cochenille  cotonneuse  ygrana  sibestve^. 

Je  ne  répéterai  point  ici  ce  que  Thiery 
de  Mfinonville  et  d'autres  naturalistes  après 
lui,  ont  publié  sur  la  culture  du  nopal  et 
sur  l'éducation  de  l'insecte  précieux  qu'il 
nourrit.  M.  Thiery  a  mis  autant  de  sagacité 


»  T.  II ,  p.  78. 


CHAWTRE    X.  a 45 

dans  ses  recherches ,  qu'il  a  déployé  de  cou- 
rage dans  l'exécution  de  ses  projets.  Ses 
observations  sur  la  cocher Jlle  introduite  à 
St.-Domingue  ^  sont  sans  doute  très-exactes; 
mais  ignorant  la  langue  du  pays ,  et  craignant 
d'exciter  la  méfiance  en  montranJ  une  cu- 
riosité trop  active ,  il  n'a  pu  recueillir ,  pen- 
dant son  séjour  dans  l'intendance  d'Oaxaca, 
que  des  notions  assez  imparfaites  sur  les 
nopaleries  mexicaines.  J'ai  eu  occasion  d'ob- 
server la  cochenille  silvestre  dans  le  royaume 
de  \à  Nouvelle 'Grenade ,  à  Quito ,  au  Pérou 
et  au  Mexique  :  je  n'ai  pas  été  assez  heureux 
pour  voir  la  cochenille  fine  ;  mais  ayant  con- 
sulté des  personnes  qui  ont  vécu  long-temps 
dans  les  montagnes  de  la  Misteca,  et  ayant 
eu  à  ma  disposition  des  extraits  de  plusieurs 
mémoires  manuscrits  que  le  comte  de  Tepa 
avoit  fait  dresser  pendant  son  séjour  à 
Mexico ,  par  des  alcades  et  des  ecclésiastiques 
de  l'évéché  d'Oaxaca,  je  me  flatte  de  pouvoir 
donner  quelques  renseignemens  utiles  sur  un 
insecte  qui  est  devenu  un  objet  de  la  plus 
haute  importance  pour  les  manufactures  de 
l'Europe. 

La  cochenille  yî^^//^e^^5e,  fine  ou  mistèque 


nu 


f 


r, 


246  LIVRE    IV,' 

{granafina)y  est-elle  spécifiquement  diflerente 
de  la    cochenille   cotonneuse    ou    silvestre 
(^grana  silvestre),  ou  celte  dernière  est-elle 
la  souche  primitive  de  la  première,  qui,  par 
conséquent,  ne  seroit  que  le  produit  d'une 
dégénération  due  à  l'éducation  et  aux  soins 
de  l'homme  ?  Ce  problème  est  aussi  difficile 
à  résoudre  que  la  question  si  la  brebis  do- 
mestique descend  du  moufflon ,  le  chien  du 
loup ,  et  le  bœuf  de  V Aurochs,  Tout  ce  qui 
tient  à  l'origine  des  espèces ,  à  l'hjpolhèse 
d'une  variété  devenue  constante,  ou  d'un  type 
qui  se  perpétue ,  appartient  à  des  problèmes 
de  zoonomie,  sur  lesquels  il  est  sage  de  ne 
pas  prononcer  affirmativement. 

La  cochenille  fine  diffère  de  la  silvestre , 
non-seulement  par  la  grandeur  ,  mais  aussi  en 
ce  qu'elle  est  farineuse  et  couverte  d'une 
poudre  blanche;  tandis  que  la  silvestre  est 
enveloppée  d'un  coton  épais,  qui  empêche 
de  distinguer  ses  anneaux  rlesmétamorphoses 
des  deux  insectes  sont  d'ailleurs  les  mêmes. 
Dans  les  parties  de  l'Amérique  méridionale 
où  l'on  s'occupe,  depuis  des  siècles,  à  élever 
la  cochenille  silvestre,  on  n'est  pas  parvenu 
à  lui  faire  perdre  son  duvet.  A  St.-Domingue, 


CHAPITRE    X.  2\'] 

il  est  vrai  ,  on  a  cru  observer  fions  les  nopa- 
leries  étiiblies  par  M.  Thierj,  que  rinsccte 
soigné  par rinduslrie  dclhonuiie  aut,nnentoit 
de  volume,  el  qu'il  éprouvoit  un  changement 
sensible  dans  l'épaisseur  de  son  enveloppe 
cotonneuse  :  mais  un  savant  enlumologisle  , 
M.  Latreille  ,  qui  incline  à  regarder  la  coclie- 
nille  siheslre  connue  une  espèce  diflerente 
delà  cochenille  fine,  croit  que  celle  dimi- 
nution du  duvet  n'a  élé  qu'apparente  ,  et 
qu'il  faut  l'altribuer  à  répaississcMuenl  du 
corps  de  l'insecte.  Les  anneaux  du  dos  de  la 
femelle  étant  plus  dilatés  ,  les  poils  qui  re- 
couvrent celte  partie  doivent  paroître  moins 
rapprochés,  et  par  cela  même  plus  clairs. 
Quelques  personnes  qui  ont  séjourné  long- 
temps dans  les  en\ irons  delà  ville  d'Oaxaca, 
m'ont  assuré  que  Ton  observe  quelquefois 
parmi  les  petits  coccus  qui  viennent  de  naître, 
des  individus  couverts  de  poils  assez  longs. 
On  pourroit  être  tenté  de  regarder  ce  fait 
comme  une  preuve  que  la  nature  ,  lorsqu'elle 
a  dévié  du  type  primilil,  y  revient  de  temps 
en  temps  :  c'est  ainsi  que  la  graine  du  Fragaria 
monophylla  de  M.  Duchéne  ,  produit  cons- 
tamment quelques  fraisiers  communs  à  feuilles 


I 


348  LIVRE    IV,' 

divisées.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  la 
cochenille  fine,  en  sortant  du  corps  de  sa 
mère,  a  le  dos  ridé  et  couvert  de  douze  soies 
qui  sont  souvent  très-longues ,  mais  qui  dis- 
paroissent  dans  l'insecte  adulte.  Des  personnes 
qui  n'onlpas  comparé  attentivementla  semaille 
delà  cochenille  fine  avec  celle  delà  cochenille 
silvestre^  sont  naturellement  frappées  de  la 
présence  de  ces  poils.  La  cochenille  fine  paroît 
poudreuse  dix  jours  après  sa  naissance,  dès 
qu'elle  s*est  débarrassée  de  sa  robe  frangée  de 
petites  soies  :  la  cochenille  silvestre  ,  au  con- 
traire ,  se  couvre  de  plus  de  poils  à  mesure 
qu'elle  avance  en  a^-e;  son  duvet  s'épaissit, 
et  l'insecte  ressemble  à  un  petit  flocon  blanc, 
à  l'époque  qui  précède  l'accouplement  des 
deux  sexes. 

Oii  observe  quelquefois ,  dans  les  nopaleries 
d'Oaxaca ,  que  le  mâle  ailé  de  la  cochenille 
fine  s'accouple  avec  la  femelle  de  la  cochenille 
silvestre.  Ce  fuit  a  été  cité  comme  une  preuve 
évidente  de  l'identité  de  l'espèce  ;  mais  nous 
voyons  s'accoupler  conmiunément  en  Europe 
des  coccinelles  qui  diffèrent  essentiellement 
par  leur  forme ,  par  leur  taiUe  et  par  leur 
couleur.  Lorsque  deux  espèces  d'insectes  sont 


CHAPITRE    X.  ^49 

voisines ,  cet  accouplement  ne  doit  pas  nous 
étonner. 

La  cochenille  fine  et  la  plante  sur  laquelle 
on  l'élève,  se  trouvent-t-elles  toutes  deux  à 
l'état  sauvage  au  Mexique  ?  M.  Thiery  a  cru 
pouvoir  répondre  négativement  à  cette  ques' 
tion.  Ce  naturaliste  paroît  admettre  que  l'in- 
secte et  le  nopal  des  plantations  d'Oaxaca  ont 
été  insensiblement  modifiés  dans  leur  forme , 
par  l'effet  d'une  longue  culture.  Cette  suppo- 
sition me  paroît  cependant  aussi  gratuite  que 
celle  d'après  laquelle  on  regarderoit  le  blé  , 
le  maïs  et  le  bananier  comme  des  plantes  dé- 
générées ,  ou ,  pour  citer  un  exemple  tiré  du 
règne  animal,  Icllama,  que  l'on  ne  connoît 
pas  à  l'état  sauvage  ,  comme  une  variété  de  la 
vigogne  des  Hautes-Andes.  Le  coccus  cacti  a 
une  infinité  d'ennemis  parmi  les  insectes  et  les 
oiseaux.  Partout  où  la  cochenille  cotonneuse 
se  propage  d'elle-même,  on  ne  la  trouve  que 
peu  abondamment  :  or,  il  est  facile  de  conce- 
voir que  la  cochenille  farineuse  a  dû  être  plus 
rare  encore  dans  son  pays  natal ,  parce  qu'elle 
est  plus  délicate ,  et  que,  n'étant  pas  couverte 
de  duvet,  elle  est  plus  sensible  au  froid  et  à 
l'humidité  de  l'air.  En  agitant  la  question  si  la 


t 


■  I 


2!  O  LIVRE    IV  5 

cochenille  fine  peut  se  propager  snns  le  soin 
de  l'homme ,  ^e  snhdélégué  de  la  province 
v'Ouxaca ,  Rwz  de  JMonloya',  cile  dans  son 
mémoire,  le  fait  très-remarquable  «  qu'à  sept 
«  lieues  de  distance  du  village  de  Nexapa ,  il 
«  existe  un  endroit  dans  lequel,  favorisée  par 
«  des  circonstances  particulières,  la  plus  belle 
ce  firûîia  Juia  se  recueille  sur  des  nopals  sau- 
ce vages  très-liauls  et  très-épineux,  sans  que 
«  l'on  se  soit  jamais  donné  la  peine  de  nettoyer 
ce  les  phuites,  ou  de  renouveler  la  seuiaille  de 
«  la  cochenille.  »  En  outre,  il  ne  faudroitpas 
s'étonner  que,  même  dans  un  pays  oii  cet 
inscte  seroit  indigène  ,  il  cessât  presque  en- 
tièrement de  se  trouver  à  l'état  sauvage  ,  dès 
que  les  habitans  commcnceroient  à  le  recher- 
cher et  à  l'élever  dans  des  nopaleries.  Il  est 
probable  que  les  Toltèques  ,  avant  d'entre- 
prendre une  culture  aussi  pénible,  auront 
recueilli  la  cochenille  fine  sur  les  nopals  qui 
croissoient  spontanément  sur  le  flanc  des 
montagnes  d'Oaxaca.  En  récoltant  les  femelles 
avant  qu'elles  eussent  pondu  -  l'espèce  devoit 
se  trouver    bientôt  détruite  ,  et   c'est  pour 


*  Gazeta  de  Utaratura  de  3Icxico ,  179^  ,  p.  228. 


CHAPITRE    X. 


IJI 


obvier  à  celte  flestructlon progressive,  cl  pour 
empêcher  le  mélange  des  cochenilles  coton- 
neuses et  farineuses  sur  le  même  cactus  (les 
premières  enlevant  toute  nourriture  aux  se- 
condes ) ,  que  les  naturels  ont  établi  des 
nopaleries. 

Les  plantes  sur  lesquelles  se  propagent  les 
deux  espèces  de  cochenilles,  sont  essentiel- 
lement diir^'rentes  :  ce  fait,  très-certain,  est 
un  de  ceux  qui  indiquent  une  dilTérence  pri- 
mitive et  spécifique  entre  la  ^vana  Jina  et  la 
grana  sihestrn.  Est-il  probable  que  la  coche- 
nille farineuse  ,  si  elle  étoit  une  simple  variété 
de  la  cochenille  cotonneuse,  périroit  sur  les 
mêmes  cactus  qui  servent  de  nourriture  à  celle- 
ci,  et  que  les  botanistes  désignent  sous  les 
noms  de  Cactus  opuntia,  C.  tuna  et  G.  ficus 
indica?  M.  Thierj,  dans  l'ouvrage  '  que  nous 
avons  eu  occasion  de  citer  souvent ,  assure 
qu'à  Saint-Domingue  ,  dans  la  plaine  du  Cul- 
de-sac,  la  cochenille  cotonneuse  ou  sylvestre 
ne  vient  pas  sur  le  Cactus  tuna  ,  mais  sur 
leC.pereskia,  qu  il  range  parmi  lesraquelles 
ariiculét'S,    Je  crains  ([ue  ce  bolanèile  n'ait 


P.  2j5-'jS'2. 


252  LIVRE   IV,' 

confondu  une  variété  d'opuntia  avec  le  vrai 
pereskia ,  qui  forme  un  arbre  à  feuilles  larges 
et  grasses  ,  et  sur  lequel  je  n'ai  jamais  trouvé 
de  cochenille.  Je  regarde  aussi  comme  très- 
douteux  que  la  plante  que  Linné  a  appelée 
Cactus  coccinellijor,  et  que  nous  cultivons  en 
Europe,  soit  le  nopal  sur  lequel  les  Indiens 
d'Oaxaca  élèvent  la  cocheirille  farineuse. 
M.  Decandolle  ' ,  qui  a  répandu  beaucoup  de 
jour  sur  cette  matière ,  paroît  partager  mon 
opinion  ;  car  il  cite  comme  synonyme  de  la 
raquette  à  cochenille  le  nopal  silvcstrc  de 
Thiery  de  Menonville ,  qui  est  entièrement 
différent  de  celui  des  plantations.  En  effets 
Linné  avoit  donné  le  nom  de  Cactus  cocci- 
nellifer  à  la  raquette  avec  laquelle  plusieurs 
jardins  botaniques  de  l'Europe  avoient  reçu 
la  cochenille  cotonneuse,  espèce  à  fleur  pour- 
prée (  Ficus  indlca  i^eriniculos  proferens  de 
Plukenet  ),  qui  est  sauvage  à  la  Jamaïque ,  à 
l'île  de  Cuba ,  et  presque  partout  dans  les 
colonies  espagnoles  du  continent.  J'ai  montré 
ce  Cactus  à  des  personnes  très -éclairées, 


*  Plantes  grasses  de  MM,  Redouté  et  Decandolle , 
livraison  24. 


CHAPITRE    X. 


253 


qui  avoient    examiné  'avec  soin    les  nopa- 
leries  d'Oaxaca  :  elles  m'ont  constamment 
assuré  que  le  nopal  des  plantations  en  diffère 
essentiellement ,  et  que  ce  dernier ,  comme 
l'indique  aussi  M.  Tliierj,  ne  se  trouve  pas  à 
l'état  sauvage.  De  plus ,  l'abbé  Clavigero  ' , 
qui  a  vécu  pendant  cinq  ans  dans  la  Misteca, 
dit  expressément  que  le  iruit  du  nopal ,  sur 
lequel  on  propage  la  cochenille  fine ,  est  petit , 
peu  savoureux  et  blanc ,  tandis  que  le  fruit 
du  Cactus  coccinellifer  Linn.  est  rou^e.  Le 
célèbre  Ulloa  avance  dans  ses  ouvrages,  que  le 
vrai  nopal  est  sans  épines  ;  mais  il  paroi t  avoir 
confondu  cette  plante  avec  une  raquette  que 
nous  avons  trouvée  souvent  dans  les  jardins 
(coniicos)  des   Indiens    du   Mexique   et  du 
Pérou ,  et  que  les  créoles,  à  cause  de  sa  taille 
gigantesque  ,  de  l'excellence  de  ses  fruits ,  et 
de  la  beauté  de  ses  articles ,  qui  sont  d'un 
vert  bleuâtre  ,  et  dépourvus  d'épines ,   dé- 
signent par  le  nom  de  Tuna  de  Castilla.  Ce 
dernier  nopal,  le  plus  élégant  de  tous  les 
opuntia ,  est  en  effet  propre  à  nourrir  la  co- 
chenille farineuse,  surtout  lorsqu'elle  vient  de 

»T.  I,p.  ii5. 


254  LIVRE    IV, 

naître  ;  on  ne  le  trouve  cependant  que  très- 
peu  dans  les  nopaleries  d'Oaxaca.  Si ,  d'après 
l'opinion  de  quelques  botanistes  distingués  , 
le  Tuna  ou  Nopal  de  Castilla  n'est  qu'une 
variété  du  Cactus  opuntia  ordinaire,  due  à  la 
culture,  on  doit  être  surpris  que  les  raquettes 
cultivées  depuis  des  siècles  dans  nos  jardins 
botaniques  ,  et  celles  des  nopaleries  de  la 
Nouvelle  -  Espagne  ,  n'aient  pas  également 
perdu  les  épines  dont  leurs  articles  sont  armés. 
Les  Indiens  de  l'intendance  d'Oaxaca  ne 
suivent  pas  tous,  dans  l'éducation  delà  coche- 
nille ,  la  même  méthode  que  M.  Thiery  de 
Menonville  a  vu  pratiquer  lors  de  son  passage 
rapide  par  San  Juan  del  Rè ,  San  Antonio  et 
Quicatlan.  Ceux  du  district  de  Sola  et  de 
Zimatlan  '  établissent  leurs  nopaleries  sur  la 
pente  des  montagnes ,  ou  dans  des  ravins 
éloignés  de  deux  ou  trois  lieues  de  leurs  vil- 
lages. Ils  plantent  les  nopals  après  avoir 
coupé  et  brûlé  les  arbres  qui  couvroient  le 
terrain.  S'ils  continuent  à  nettoyer  le  sol  deux 
Cois  par  an ,  les  jeunes  plantes  sont  en  état  de 


'  InfoiTue   de  Don  Francuco  Ibahez  de    Corvera» 
(  Manuscrit.  ) 


CHAPITRE    X.  2^)5 

nourrir  la  cochenille  dès  la  troisième  année. 
Pour  cetcfTet,  le  propriétaire  d'une nopalerie 
acliète ,   au    mois   d'avril    on    de   mai ,   des 
liranclies  on  articles  de  Tuf? as  de  Castilla , 
charges    de    petites    cochenilles   (  scmilln  ) , 
récemment  nées.  Ces  articles  ,  dépourvus  de 
racines ,  et  séparés   des  troncs ,  conservent 
leur  sue  pendant  plusieurs  mois  :  ils  se  vendent 
à  peu  près  trois  francs  le  cent,  au  marché 
d'Oaxaca.  Les  Indiens  conservent  la  semaille 
de  la  cochenille  pendant  vinfi-t  jonrs ,  dans  des 
cavernes ,    ou  dans    l'intérieur  de  leurs  ca- 
bannes  :  après  cette  époque  ils  exposent  les 
jeunes  coccus  à  l'air  libre.   On   sus])end  les 
articles  sur  lesquels  l'insecte  est  fixé ,   sous 
un  hangar  couvert  d'un  toit  de  paille.  L'ac- 
croissement de  la  cochenille  est  si  rapide, 
qu'au  mois  d'août  ou  de  septembre  on  trouve 
déjà  des  mères  grosses  avant  que  les  petits 
soient  éclos.  On  place  ces  cochenilles-mères 
dans  des  nids  faits  d'une  espèce  de  Tillandsia , 
appelé  Paxtle.  C'est  dans  ces  nids  qu'on  les 
porte  à  deux  ou  trois  lieues  du  village,   et 
qu'on  les  distribue  dans  les  nopaleries  ,  où 
les  jeunes  plantes  reçoivent  la  semaille  La 
ponte  des  cochenilles -mères  dure  treize  à 


\\ 


2S6  LIVRE    IV, 

quinze  jours.  Si  le  lieu  dans  lequel  la  planta- 
tion se  trouve,  n'est  pas  très-élevé ,  on  peut 
compter  sur  la  première  récolte  en  moins  de 
quatre  mois.  On  observe  que,  dans  un  climat 
plus  (bid  que  tempéré,  la  couleur  de  la  coche- 
nille est  également  belle  ,  mais  que  la  récolte 
y  est  beaucoup  plus  tardive.  Dans  la  plaine, 
les  cochenilles-mères  grossissent  davantage, 
mais  elles  y  trouvent  aussi  plus  d'ennemis 
dans  l'innombrable  quantité  d'insectes  {xica- 
ritas  jpcrrUos  y  ara  dore  s  ^  agitjas  ^  armad'illos  , 
ciilcbrUas)y  de  lézards,  de  rats  et  d'oiseaux 
qui  les  dévorent.  Il  faut  un  soin  infini  pour 
nettoyer  les  articles  des  nopals  :  les  femmes 
indiennes  se  servent  pour  cela  d'une  queue 
d'écureuil  ou  de  cerf;  elles  sont  accroupies 
des  heures  entières  auprès  d'un  seul  plant  ;  et, 
malgré  le  prix  excessif  de  la  cochenille,  on 
pourroit  douter  que  cette  culture  fût  très- 
profitable  dans  des  pays  où  Ton  sauroit  tirer 
parti  du  temps  et  du  travail  de  l'homme,  A 
Sola,  où  il  tombe  des  pluies  très-froides,  et 
même  souvent  de  la  grêle  au  mois  de  janvier, 
les  naturels  conservent  les  jeunes  cochenilles 
en  couvrant  les  nopals  avec  des  nattes  de  jonc  : 
aussi  le  prix  delà  semaille  de  granajlnuy  qui 


CHAPITRE    X. 


257 


gcncralcmcnt  ne  coûte  que  5  francs  la  livre  , 
y  monte  souvent  jusqu'à  18  et  20. 

Dans  plusieurs  districts  de  la  province 
d'Oaxaca,  on  fait  trois  récolles  de  cochenille 
par  an  ,  dont  la  première  (celle  qui  donne  la 
scm(ff7/e)  n  est  ])ds  lucrative,  parce  que  Li 
mèi  e  ne  conserve  que  trts-peU  de  suc  colo- 
rant ,  si  elle  périt  naturellement  après  avoir 
mis  bas.  Cette  première  récolle  fournit  la 
grana  depastle  ou  cochenille  des  nids  j  appe- 
lée ainsi,  parce  qu'on  trouve  les  mères  après 
la  ponte,  dans  ces  mêmes  nids  qui  ont  été 
suspendus  aux  nopals.  Près  delà  ville  d'Oaxa- 
ca, on  sèincX'à  coclienille  au  mois  d'août  ;  dan^ 
le  district  de  Chontale,  cette  opération  ne  se 
fait  qu'au  mois  d'octobre  ;  sur  les  plateaux  les 
plus  froids,  en  novembre  et  en  décembre. 

La  cochenille  cotonneuse  ou  silvestre  qui 
s'introduit  dans  les  nopaleries,  et  dont  le 
mâle ,  d'après  l'observation  de  M.  Alzate  , 
n'est  guère  plus  petit  que  le  mâle  de  la 
cochenille  farineuse  ou  fine ,  fait  beaucoup 
de  tort  aux  no[)als  :  aussi  les  Indiens  la  tuent 
partout  où  ils  la  trouvent,  quoique  la  couleur 
qu'elle  donne  soit  très-solide  et  très-belle.  Il 
paroît  que  non-seulement  les  fruits  ,  mais 
IH.  17 


23 


8 


LIVRE    IV 


■■w  ,1 


I  i''i 
t  i 


aussi  les  arlicles  verts  de  plusieurs  espèces 
de  Cactus  pourroient  servir  pour  teindre  le 
coton  en  violet  et  en  rouge ,  et  cpie  lu  couleur 
delà  cochenille  n'estpas  entièrement  due  à  un 
procédé  ai  anlmallsation  des  sucs  végétaux 
dans  le  corps  de  l'insecte. 

A  Nexapa ,  on  compte  que  dans  de  bonnes 
années  une  livre  de  remaille  de  coclicniile 
farineuse  placée  sur  les  nopals  au  mois  d'oc- 
tobre, donne  au  mois  de  janvier  une  récolte 
de  12  livres  de  cochenilles-mères,  en  laissant 
sur  la  plante  la  semaille  suffisante  ;  c'est-à-dire, 
en  ne  commençant  la  récolle  que  lorsque  les 
mères  ont  fait  la  moitié  de  leurs  petits.  Cette 
nouvelle  semaille  produit  jusqu'au  mois  de 
mai  encore  56  livres.  A  Zimatlan ,  et  dans 
d'autres  villages  de  la  Misteca  et  du  Xicayan , 
on  récolte  à  peine  trois  à  quatre  fois  la  quan- 
tité de  cochenille  semée.  Si  le  \ent  du  sud, 
qui  est  très-pernicieux  à  l'accroissement  de 
l'insecte  ,  n'a  pas  soufflé  long-temps,  et  que  la 
cochenille  ne  soit  pas  mêlée  de  tlasole ,  c'est- 
à-dire  ,  des  dépouilles  des  maies  ailés ,  elle 
ne  perd  que  deux  tiers  de  son  poids  ,  séchée 
au  solei 

Les  deux  espèces  de  cochenilles  (  la  fine 


CHAPITRE    X.  aSc) 

et  la  silvestre  )  paroissent  contenir  plus  de 
principe  colorant  dans  les  climats  tempérés, 
surtout  dans  les  régions  où  la  tenipérature 
moyenne  de  l'air  est  de  18  ou  20  degrés 
centigrades.  La  corlienille  line  peut  résister  à 
des  froids  très-considérables  :  elle  se  cultive 
encore  dans  la  province  d'Oaxaca ,  sur  des 
plateaux  où  le  tliernioniètre  est  presque  cons* 
taniinent  à  10  ou  12  de^'Tcs  centiLirades. 
QuaTit  à  la  cochenille  silvestre,  nous  l'avons 
trouvée  abondamment  dans  les  climats  les 
plus  opposés,  dans  les  montagnes  de  Rio- 
bamba ,  à  2900  mètres  de  hauteur  absolue , 
et  dans  les  plaines  de  la  province  de  Jaen  de 
Bracamoros ,  sous  un  ciel  brûhuit ,  entre  les 
villages  de  Tomependa  et  Ghamaja. 

Autour  de  la  ville  d'Oaxaca ,  et  surtout 
près  d'Ocotlan ,  il  y  a  des  plantations  (  ha- 
ciendas) qui  renferment  5o  à  60,000  nopals 
plantés  en  lignes  comme  despites  ou  maguejs 
de  pulque,  La  plus  grande  partie  de  la  co- 
chenille qui  entre  dans  le  couimerce  ,  est 
cependant  fournie  par  de  petites  nopaleries 
qui  appartiennent  à  des  Indiens  extrêmement 
pauvres.  On  ne  laisse  généralementpass' élever 
le  nopal  au-dessus  de  douze  décimètres ,  afîo 

17* 


1 


/ 


aGo  LIVRE    IV, 

qu'on  puisse  le  dépouiller  plus  facilement 
des  insectes  qui  dévorent  la  jochenille.  On 
préfère  même  les  ^  ariélés  de  Cactus  qui  ont 
plus  d'épines  el  de  poils  ,  parce  que  ces  armes 
servent  à  protéger  la  coclienille  contre  les 
insectes  volans ,  et  l'on  a  soin  de  couper  la 
fleuretle  fruit  pour  empêcher  queces  derniers 
11 'j  déposent  leurs  œufs. 

Les  Indiens  qui  élèvent  la  cochenille  ,  et 
que  l'on  désigne  parle  nom  de  nnpa'f'rns y 
ceux  surtout  qui  vivent  autour  de  la  ville 
d'Oaxaca,  suivent  une  pratique  très-ancienne 
et  très-extraordinaii  celle  de  faire  7H)ra^er 
la  cochenillii.  Dans  cette  partie  de  la  zone 
torride  ,  il  pleut  dans  les  plaines  et  dans  les 
vallées,  depuis  le  mois  de  mai  jusqu'au  mois 
d'octobre;  tandis  que  dans  la  chaîne  de  mon- 
tagnes voisines,  appelée  Sierra  de  Lstcpcje  y 
les  pluies  ne  sont  fréquentes  que  depuis  déî- 
cemhre  jusqu'en  avril.  Au  lieu  de  conserver 
l'insecte  pendant  la  saison  des  pluies,  dans 
l'intérieur  des  cabanes ,  les  Indiens  placent 
les  coclienilles-nières,  couvertes  de  i'euilles 
de  palmiers,  couche  par  couche  ,  dans  des 
paniers  faits  avec  des  lianes  très-flexibles.  Ces 
paniers  (canastos)  sont  portés  à  dos  d'Indiens, 


« 


C:ilAPlTÎ\K    X, 


26 


et  le  plus  m'Ic  possi])le,  d;uis  les  niontujj^ncs 
(l'Islepojc,    îui  -  dessus  du  >ill;igc   de  Satila 


(^atalj 


iVOi 


iataijua  ,  a  9  lieues  de  dislauee  <l  uaxaca. 
Les  eoclienilles  -  inèies  ioiit  leurs  j)elils  eu 
chemiu.  Eu  ouvraut  les  canasloSy  on  les  trouve 
remplis  de  jeunes  roccns  y  (pie  l'on  distribue 
sur  les  nopals  de  la  S/crru  :  ils  v  séjouiMieut 
jusqu'au  mois  d'oelohre,  où  les  pluies  finissent 
dans  les  régions  mt)ins  élevées  ;  alors  les 
Indiens  retournent  à  la  nion[a;^nc  pour  elier- 
clier  la  eoelienille  et  pour  la  replaeer  dans 
les  nopalerics  d'Oaxaca.  C'est  ainsi  que  le 
Mexieain  l'ait  ^ova^•er  des  inseetes  pour  les 
soustraire  aux  efl'els  pernieieux  de  l'humidité, 
comme  l'Espagnol  fait  voja<^er  les  iiieruws 
pour  é\itcr  le  froid. 

A  l'époque  des  recolles,  les  Indiens  tuent 
les  eoclienilles  -  mères  ,  recueillies  dans  na 
plat  de  bois  appelé  ch'iU  alpell  y  en  les  jetant 
dans  de  l'eau  bouillanle ,  ou  en  les  amoncelant 
couche  par  couche  au  soleil,  ou  en  les  plaçant 
sur  des  nattes  dans  ces  mêmes  Tours  de  l'orme 


circulaire  (  tcniazcni 


{t^ 


Ui  )  q 


ni  servent  aux  bains 


de  vapeurs  et  d'air  chand  dont  nous  avons 

parlé  plus  liaut  '.  La  dernière  méthode,  qui 

*  Voyi'z  ci-ùessiis,  ï.  11 ,  p.  4jo.  M.  Al/ale  ,  cj[iv> 


262  LIVRE    IV, 

est  la  moins  en  iJSiif;c ,  conserve  au  corps  cic 
Fiisecle  celte  poudre  I)ldncliàtre  dont  il  est 
couvert ,  et  qui  rehausse  son  prix  à  Vera- 
Cruz  et  à  Cadix.  Les  acheteurs  prélèrentla 
cochenille  blanche,  parce  qu'elle  est  moins 
sujette  à  être  mêlée  frauduleusement  avec 
des  parcelles  de  gomme ,  de  bois ,  de  maïs  ' 
et  de  terre  rouge.  Il  existe  au  Mexique  des 
lois  très-anciennes  (des  aimces  1^92  et  i^q/j), 
tendant  à  empêcher  la  Calsificalion  de  la  co- 
chenille. Depuis  l'année  ijGo,  on  s'est  même 
vu  forcé  d'établir  à  la  ^ille  d'Oaxaca  un  jury 
dei'ea(lorcsc[ui  exauiinentles  sacs  (zurrones) 
avant  qu'on  les  envoie  hors  de  la  province. 
On  a  ordonné  que  la  cochenille  mise  en 
vente  aille  i^ntin  séparé,  afin  que  les  Indiens 
ne  puissent  pas  introduire  des  matières  étran- 
gères dans  ces  masses  agglutinées  appelées 
bodoques.  Cependant  tous  ces  moyens  n'ont 
pas  suffi  pour  éviter  la  fraude.  Celle  qui  se 
fait  au  Mexique  ,  par  les  tùuigueros  ou  zan-^ 
ganos  {fdisijicadores) ,  est  cependant  peu  Con- 

a  donné  une  bonne  figure  tîu  Icmazcalli  (  Gazeta  de 
literatiira  de  Mexico  y  T.  IH ,  p.  252.  ) ,  assure  que  la 
chaleur  ordinaire  des  vapeurs  dans  lesquelles  se  baigite 
rindien  mexicain,  est  de  G6"  centigrades. 


i  'i; 


ClIAPIXnR    X. 


,r>3 


sîclcrable  en  comparaison  de  celle  à  laquelle 
celle  Hiarcliiinclise  esl  exposée  clans  les  porls 
de  la  péninsule  (;l  dans  le  i  esle  de  TEurope. 
Pour  acliever  le  lahicau  des  productions 
animales  de  la  Nouvelle- Espagne ,  nons  devons 
encore  jeler  un  conp-d'(cil  rapide  sur  la  pécbe 
des  perles  j  el  sur  celle  de  la  haleine.  Il  est 
probable  que  ces  deux  branches  de  pèches 
deviendronl  un  jour  des  objets  d'une  haule 
imporlance  pour  un  pays  qui  embrasse  imc 
élendue  de  côles  de  plus  de  1700  lieues 
marines.  Long-temps  avanl  la  découverte  de 
l'Amérique  ,  les  perles  éloienl  très-eslimées 
des  naturels.  Hernando  de  Solo  en  trouva 
une  quantité  immense  dans  la  Floride ,  sur- 
tout dans  les  provinces  d'Ichiaca  et  de  Con- 
fachiqui ,  où  les  tombeaux  des  princes  en 
étoient  ornés  '.  Parmi  les  prt'sens  que  Mon- 
tezuma  fit  à  Cortez  avanl  son  entrée  à  Mexico, 
et  que  celui-ci  envoya  à  l'empereur  Charles- 
Quint  ,  il  y  avoit  des  colliers  garnis  de  rubis, 
d'émeraudes  et  de  perles  \  Nous  ignorons  si 

^  La  Florida  del  Inca  y  Madrid,  17^3,  p.  129, 
i35  el  i4o. 

^  Cromara  ,  Conquisla  de  Mexico  (  Mcdiiia  del 
Campo,  i553) ,  fol.  25. 


■n^  ■ 


264  LTVRE    IV  5 

les  rois  aztèques  recevoient  une  partie  de  ces 
dernières  par  la  voie  du  coirjmerce  avec  les 
peuples  barbares  et  nomades  qui  (rcquentoient 
le  golfe  de  Californie.  Il  est  plus  certain  qu'ils 
faisoient  pécher  des  perles  sur  les  rotes  qui 
s'étendent  depuis  Colinia  ..  limite  septentrio- 
nale de  leur  empire^  jusqu'à  la  province  de 
Xocoiïoclico  ou  Soconusco,  surtout  près  de 
Tototepec  ,  entre  Acapulco  et  le  golfe  Je 
Tehuanlepec,  et  dans  le  Giullrtecapan.  Les 
Incas  da  Pérou  attachoient  une  grande  valeur 
aux  perles;  mais  les  lois  de  Manco  -  Capac 
défendoient  aux  Péruviens  le  métier  de  plon- 
geur ,  comme  peu  utile  à  l'état ,  et  dangereux 
pour  ceux  qui  s'y  livrent  '. 

Les  parages  qui ,  depuis  la  découverte  du 
nouveau  continent,  ont  fourni  le  plus  abon- 
damment des  perles  aux  Espagnols  ,  sont  les 
suivans  :  le  bras  de  mer  entre  les  îk.î  Cubagua 
et  Coche,  et  la  ente  de  Cumana;  l'embou- 
chure du  Rio  de  la  Hacha  ;  le  golfe  de 
Panama ,  près  de  Jslas  de  las  Perlas  j  et  les 
côtes  orientales  de  la  Californie-  En  1587, 
on  emporta  à  Séville   5 16  kilogrammes  de 


*  GarcHanso ,  Llb.  VllI,   c.  23. 


CHAPITRE    X. 


a63 


perles ,  parmi  lesquelles  il  y  en  avoit  cinq 
kilograimncs  '  de  la  plus  grande  beauté, 
destinées  pour  le  roi  Pliilij)j)e  n.  Les  pcehes 
de  perles  de  Cubagua  et  de  Rio  de  la  Hacha 
ont  été  très  -  productives ,  mais  de  peu  de 
durée.  Depuis  le  commencement  du  dix- 
sepliëme  siècle,  surtout  depuis  les  na\  igations 
d'Yturbi  et  de  Pinadero  ,  les  perles  de  la 
Californie  ont  >  ommencé  à  rivaliser  dans  le 
comnierce  avec  celles  du  liolfe  de  Panama. 
A  cette  époque  on  envoya  les  plongeurs  hs 
plus  haijiles  sur  les  cotes  de  la  mer  de  Corle/  : 
cepend;uit  la  péclîe  lut  bientôt  négligée  de 
nouveau  ;  el  si  du  ter.îps  de  Fei^pédition  de 
Galvez  on  a  essayé  de  la  relever,  cette  ten- 
tati\  e  a  été  rendue  inbuctucuse  par  les  causes 
que  nous  avons  exposées  plus  haut  "' ,  en 
donnant  la  description  de  la  Calilornie.  Ce 
n'est  qu'en  1 8o5(pi'un  ecclésiastique  espagnol, 
résidant  à  Mexico  ,  a  fixé  de  nouveau  l'allen- 
tion  du  gouvernement  sur  les  perles  de  la 
côte  de  Ceralvo  ,  en  Calirornie.  Comme  les 
plongeurs  (/;z/;:i;A) perdent  beaucoup  de  temps 


^jlcosta,  L!b.  IV,  r.  i5. 

•  Vo^^cz  ci-tiessus j  Clir.p.  Vlil,  T.  Il,  p.  'i2(i. 


266 


LIVRE    IV 


fî    !' 


\ê 


î 


à  venir  respirer  l'air  à  la  surface  de  l'eau  ,  et 
qu'ils  se  fatiguent  inutilement  en  descendant 
à  plusieurs  reprises  au  fond  de  la  mer ,  cet 
ecclésiastique  a  proposé  d'employer  à  la  pêche 
des  perles  une  cloche  de  ph)ngeur  qui  doit 
servir  comme  un  réservoir  d'air  atmosphé- 
rique, et  sous  laquelle  le  plongeur  se  réfugiera 
chaque  fois  qu'il  aura  besoin  de  l'cspircr. 
Muni  d'un  masque  et  d'un  tujau  flexible  , 
il  pourra  se  promener  au  fond  de  l'Océan , 
en  inspirant  l'oxigène  fourni  par  la  cloche  à 
laquelle  aboutit  le  tuvau.  Pcndnit  mon  séjour 
dans  la  Nouvelle-Espagne ,  j'ai  vu  f;dre  dans 
un  petit  étang ,  près  du  château  de  Ghopol- 
tepec ,  une  série  d'expériences  t*  js-curieuses, 
tendant  à  e?^éciilrr  ce  projet.  G'étoit  sans 
doute  la  première  lois  fpVujK)  cloche  de 
plongeur  avoit  été  couîftruile  à  la  hatUeur  de 
2.^00  mètres  ,  c'est-à-dire  à  une  liauteur  qui 
égale  celle  du  pasaa^e  du  Simplon.  J'ignore 
si  les  expériences  faites  dans  la  vallée  de 
Mexico  ont  été  répétées  dans  le  golfe  de 
Californie,  et  si  la  pèche  des  perles  y  a  été 
reconmiencée  après  une  interruption  de  plus 
de  trente  ans  ;  car  jusqu'à  ce  moment  prestpie 
toutes  les  perles  que  fournissent  les  colonies 


(,: 


CHAPITRE    X.  267 

espagnoles  à  l'Europe  ,  viennent  du  golfe  de 
Panama. 

Parmi  les  coquilles  pélagiques  de  la  Non- 
velIe-Espagne ,  je  dois  encore  nommer  ici 
le  Murex  de  la  cole  de  Teluiantepec,  dans  la 
province  d'Oaxaca,  dont  le  manteau  transsude 
une  liqueur  colorante  de  couleur  pourpre^ 
et  la  fameuse  coquille  de  Monteivj,  qui  res- 
semble aux  plus  beaux  Haliotis  de  la  Nouvelle- 
Zélande.  Celte  dernière  se  trou\  e  sur  les  cotes 
delà  Nouvelle-Californie,  surtout  entre  les 
ports  de  Mon  1ère j  et  de  San  Francisco.  Elle 
est  employée,  conmie  nous  l'avons  observé 
plus  haut,  dans  le  commerce  des  fourrures 
avec  les  habitans  de  Noutka.  Quant  au  gasté- 
ropode  dcTeliuantepec,  les  femmes  indiennes 
en  recueillent  la  liqueur  pourprée ,  en  suivant 
le  rivage  et  en  frottant  le  manteau  du  Murex 
avec  du  coton  dépouillé  de  sa  graine. 

Les  cotes  occidentales  du  Mexique,  surtout 
la  partie  du  (^rand  Océan  située  entre  le 
golfe  de  Bajonna,  les  trois  îles  Maries  et  le 
cap  Saint-Lucas,  abondent  en  cachalots^ 
dont  la  pèche,  à  cause  de  Textréme  cherté 
du  blanc'de-baleine  (adi[)0cire),  est  devenue  , 
pour  les  Anglois  et  pour  les  habilans  des  Etals- 


ï!3 


I 


2 63  LIVRE    IV  , 

Unis,  un  des  objels  les  plus  importons  de 
spéculalion  mercantile.  Les  Espagnols  mexi- 
cains.voient  arm  ersur  lenis  cotes  despe'chenrs 
de  cacJialots  cjni  sont  obliges  de  iaire  une 
navigation  de  plus  de  5ooo  lieues  marines  ,  et 
que  l'on  désigne  assez  improprement  sous  le 
nom  de  hallcneros  (  wlialers  )  ;  mais  ils  ne  sont 
point  tentés  deprendiepail  à  la  chasse  de  ces 
grands  mammifères  cétacés.  jM.  Sclmeider , 
aussi  bon  physicien  que  savant  helléniste  , 
MM.  de  Lacépcde  et  Fleurieu  ',  ont  donné  des 
renseignemens  très-exacts  sur  les  pèches  de 
la  baleine  et  des  cachalots  (hms  les  deux  hé- 
misphères. Je  consignerai  ici  les  notions  plus 
récentes  que  j'ai  pu  recueillir  pendant  mon 
séjour  sur  les  côtes  de  la  mer  du  Sud. 

Sans  la  pêche  des  cachalots  ,  sans  le  com- 
merce des  fourrures  de  loutres  marines  de 
Noutka ,  le  Grand  Océan  ne  seroit  presque 
pas  fréquenté  par  les  Anglo- Américains  et 
les  nations  de  l'Europe.  Malgré  l'économie 
extrême  que  l'on  met  dans  les  expéditions  de 
pèche  ,  celles  qui  se  font  au  delà  du  cap  de 
Horn  sont  trop  coûteuses  pour  que  la  baleine 


*  ï^oyage  de  Manhaml .  ï,  II ,  p.  Goo,  G4i. 


m 


CHAPITJIE    X. 


de 
ne 


26g 

(  hlack-whale)  puisse  en  cire  l'objel.  Les  fiiiis 
de  ces  navigations  lointaines  ne  peuvent  cire 
compenses  que  par  le  haut  prix  qne  le  besoin 
ou  le  luxe  attachent  aux  niarchandises  de 
retour.  Or,  de  lou^:  les  liquides  huileux  qui 
entrent  dans  le  commerce,  il  y  en  a  peu  qui 
soient  plus  chers  que  le  blanc-de-baleine,  ou 
la  substance  particulière  renfcrfiiée  dans  \e> 
énormes  cavités  du  nuiseau  des  cachalots.  Lu 
sculindividu  de  ces  cétacés  gi<^'antesques  donne 
jusqu'à  125  barils'  anglois  (à  02 -^  gallons 
chacun  )  de  spcrma  ccti.  Lu  tonneau  conte- 
nant huit  de  ces  barils,  ou  1024  pintes  de 
Paris ^  s'est  vendu  à  Londres,  avant  la  paix 
d'Aïuicns,  700U80,  el,pendanllaguerre,  95 
et  100  livres  sterlings. 

Ce  n'est  pc  s  la  troisième  expédition  de  Gook, 
dirigée  aux  cotes  noi'd-ouest  du  nouveaii  con- 
tinent j  c'est  le  voyage  de  James  Colhiet  aux 
îles  Gailapagos,  qui  a  faitconnoître  aux  Euro- 
péens et  aux  Anglo-Aniéricaifis  l'abondance 
de  cachalots  qui  existe  dans  le  G  rand  Océan , 

*  T.!il>aril  a  i/iS  h»îcu4îtres,  ou  environ  178  l  pintes 
de  Paris.  [  Reiherchs  .sur  la  ric/ieoic  des  natuMii , 
par  AJiifti  Smith,  iratUiciion  de  M.  Garni  ;r,  T.  V, 

p.    tDl.) 


4 


m' 


l'X 


:| 


270  LIVRE    IV  5 

au  nord  de  l'équateur.  Jusqu'en  1788  les 
pèelieurs  de  baleine  ne  fréquenloienl  que  les 
cotes  du  Chili  et  du  Pérou.  On  ne  comptoit 
alors  que  douze  ou  quinze  vaisseaux  qui  pas- 
soientannuellenient  le  cap  de  Horn  pour  faire 
la  pèche  du  cachalot;  tandis  qu'à  l'époque  où 
i'étois  dans  la  mer  du  Sud  ,  il  y  en  avoit  plus 
de  soixante  sous  pavillon  anglois. 

Le  Physeter  macrocephalus  n'habite  pas 
seulement  les  mers  Arctiques  entre  les  côtes 
du  Grœnland  et  le  détroit  de  Davis  ;  on  ne  le 
trouve  pas  seulement  dans  l'Océan  Atlantique, 
entre  le  banc  de  Terre  Neuve  et  les  îles  Açores , 
où  les  Anglo-Américains  en  l'ont  quelquefois  la 
pèche  :  ce  cétacé  se  présente  aussi  au  sud  de 
l'équateur  ,  sur  les  côtes  du  Brésil  et  de  la 
Guinée.  Il  paroît  que,  dans  ses  voyages  pério- 
diques, il  se  rapproche  plus  du  continent  de 
l'Afrique  que  de  celui  d'Amérique  ;  car  dans 
les  environs  du  Rio  Janeiro  et  de  la  Bahia  on 
ne  jH'cnd  que  des  baleines.  Cependant  la  pêche 
du  cachalot  a  beaucoup  diminué  sur  les  côtes 
de  la  Guinée  ,  depuis  que  les  navigateurs 
craignent  moins  de  doubler  le  cap  de  Horn, 
et  depuis  qu'on  est  devenu  plus  attentif  aux 
cétacés  qui  abondent  dans  le  Grand  Océan. 


CHAPITRE    X.  2^1 

On  trouve  des  physelères ,  et  par  bandes  assez 
considérables ,  dans  le  canal  de  Mozambique, 
et  au  sud  du  cap  de  Bonne-Espérance  ;  mais 
l'animal  y  est  génériilement  petit,  et  la  mer, 
constamment  houleuse  et  a^ilée ,  n'y  favorise 
pas  la  manœuvre  des  havf)onneuvs. 

Le  Grand  Océan  réunit  toutes  les  circon- 
stances qui  peuvent  rendre  la  pèche  du  cacha- 
lot liicile  et  lucrative  :  plus  riche  eu  mol- 
lusques, en  poissons ,  en  marsouins,  en  tortues 
et  en  phoques  de  toute  espèce,  il  offre  plus 
de  nourriture  aux  cétacés  souffleurs  que 
l'Océan  Atlantique  ;  aussi  ces  derniers  y  sont- 
ils  en  plus  grand  noivbre ,  plus  gras ,  et  d'une 
taille  plus  considérable.  Le  calme  qui  règne 
pendant  une  grande  partie  de  l'année  dans  la 
région  équinoxiale  de  la  mer  du  Sud ,  facilite 
singulièrement  la  poursuite  des  cachalots  et 
des  baleines.  Les  premiers  s'éloignent  peu  des 
cotes  du  Chili,  du  Pérou  et  du  Mexique, 
parce  qu'elles  sont  taillées  à  pic  (  acantiladus  ) 
et  baignées  par  des  eaux  d'une  gi'ande  pro- 
fondeur. C'est  une  règle  générale  que  le 
cachalot  fuit  les  bas-fonds ,  tandis  que  la  ba- 
leine les  cherche.  C'est  par  cette  raison  que 
ce  dernier  c4tacé  est  très- fréquent  sur  les 


2^2  TIVi\i;    IV, 

côle!>  basses  du  13 ((''mI;  tandis  que  le  premier 
abonde  pics  de  celles  de  la  Guinée,  qui  sont 
plus  élevées  cl  pai  tout  accessibles  pour  les 
plus  <>randsbàliuiens.  Telle  est,  enoénéral,  la 
constitution  géolo^itpje  des  deux  continens, 
que  les  cotes  occidentales  de  l'Aniéiique  et 
de  l'AIVique  se  ressendjîent  ;  tandis  que  les 
cotes  orientales  et  occidentales  du  nouveau 
continent  ofTrent  le  contraste  le  plus  remar- 
quable sous  le  rapport  de  leur  élévation  au- 
dessus  dvi  Tond  de  l'Océan  voisin. 

La  plupart  des  vaisseaux  îuii;lois  ou  an^^lo- 
an)éricains  qui  entrent  dans  le  Grand  Océan , 
ont  le  douille  but  delà  pèche  du  cachalot  et  du 
commerce  illicite  avec  les  colonies  espagnoles. 
Ils  doublent  le  cap  de  Ilorn  ,  après  avoir 
tenté  de  laisser  des  marchandises  de  contre- 
bande à  l'embouchure  de  la  rivière  de  la 
Plata,  ou  au  préside  des  îles  Malouines.  Ils 
commencent  àlairelapêche  du  cachalot  près 
des  petites  îles  désertes  de  Mocha  et  de  Santa 
Maria  ,  au  sud  de  la  Goneepcion  du  Chili.  A 
Mocha,  il  y  a  des  chevaux  sauvag^es  que  les 
habitans  de  la  cote  voisine  y  ont  introduits, 
et  qui  servent  quelquefois  de  nourriture  aux 
navigateurs.  L'île  de  Santa  Maria  a  des  sources 


\  '"' 


CHAPITRE    X.  2y3 

très-belles  et  très- abondantes  :  on  y  trouve 
des  cochons  devenus  sauvages  _,  et  une  espèce 
de  navets  très-gros  et  très-nourrissans,  que  l'on 
croit  propre  à  ces  climats.  Après  avoir  sé- 
journé dans  ces  parages  pendant  l'espace  d'un 
mois ,  et  après  avoir  fait  le  commerce  de 
contrebande  à  1  ile  de  Ghiloe ,  les  bâtimens 
pêcheurs  (  balleneros)  ont  coutume  de  longer 
les  côtes  du  Chili  et  du  Pérou  jusqu'au  cap 
Blanc,  situé  sous  le?  4**  18'  de  latitude  aus- 
trale. Le  cachalot  est  partout  très-commun 
dans  ces  parages ,  jusqu'à  quinze  ou  vingt 
lieues  de  distance  du  continent.  Avant  l'expé- 
dition du  capitaine  GoUnet ,  la  pêche  finissoit 
au  cap  Blanc  ou  près  de  l'équateur;  mais, 
depuis  quinze  à  vingt  ans ,  les  balleneros  la 
continuent  au  nord  ,  jusqu'au  delà  du  Gabo 
Gorientes  ,  sur  les  côtes  mexicaines  de  l'inten- 
dance de  Guadalaxara.  G'est  autour  de  l'ar- 
chipel des  Galapagos,  sur  lesquels  il  est  très- 
dangereux  d'atterrir ,  à  cause  de  la  force  des 
couraps,  et  autour  des  îles  de  las  très  Marias, 
que  les  cétacés  sont  le  plus  fréquens  et  d'une 
taille  gigantesque.  Au  printemps,  les  envi- 
rons des  Galapagos  sont  le  rendez-vous  de 
tous  les  cachalots  macrocéphales  des  côtes  du 
m.  tS 


K|l'-  iN 


I!  HJ 


274  LIVRE    ÏV, 

Mexique,  de  celles  du  Pérou  et  du  golfe  de 
Panama  ,  qui  viennent  s'y  accoupler  :  à  cette 
époque,  M.  GoUnet  y  a  vu  de  jeunes  indi- 
vidus de  deux  mètres  de  longueur.  Plus  au 
nord  des  îles  Marias  y  dans  le  golfe  de  Cali- 
fornie, on  ne  trouve  plus  dephysetères,  mais 
seulement  des  baleines. 

Les  pêcheurs  baleiniers  distinguent  facile- 
ment de  loin  les  cachalols  des  baleines  ;  par 
la  manière  dont  les  premiers  fonl  jaillir  l'eau 
par  leurs  évents.  Les  cacliulots  peuvent  rester 
plus  lono^- temps  sous  l'eau  que  la  baleine 
franche  :  lorsqu'ils  viennent  à  la  surface,  leur 
respiration  est  plus  souvent  interrompue;  ils 
laissent  moins  séjourner  l'eau  dans  les  poches 
membraneuses  placées  au-dessus  des  narines  ; 
les  jets  sont  plus  fréquens  ,  plus  dirigés  en 
avant,  et  plus  élevés  que  dans  les  autres  souf- 
Jleurs.  La  femelle  du  cachalot  est  quaue  à 
cinq  fois  plus  petite  que  le  maie  ;  sa  tête  ne 
fournit  que  25  barils  anglois  à' a  clip  oc  ire  y 
quand  la  tète  du  maie  en  donne  de  100  à  1 26. 
Ln  grand  nombre  de  femelles  (  cow-whales) 
voyagent  généralement  ensemble  ,  conduites 
par  deux  ou  trois  mâles  (  bull-whales  ) ,  qui 
décrivent  perpétuellement  des  cercles  autour 


CHAPITRE    X.  2^5 

de  leur  troupeau.  Les  femelles  très-jeunes ,  qui 
ne  donnent  que  1 2  à  i  C  l>iirils  de  matière  adipo- 
cireuse  ,  et  que  les  pécheurs  an^lois  appellent 
écolières  (  school-whales  ) ,  nagent  si  près  les 
unes  des  autres,  qu'elles  sortent  souvent  à 
mi-corps  de  l'eau.  Il  est  presque  superflu 
d'observer  ici  que  l'adlpocire,  qui  ne  Tait  pas 
partie  du  cerveau  de  l'animal ,  se  trouve  non- 
seulement  dans  toutes  les  espèces  connues  des 
cachalots  (  Catado?ites  Lac.  ) ,  mais  aussi  dans 
touslesphysaleset  les  physetères.  Le  hlanc-de- 
baleine  tiré  des  cavités  du  museau  du  cachalot, 
cavités  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  celle 
du  crâne,  n'est  que  le  tiers  de  l'huile  épaisse 
et  adipocireuse  que  fournit  le  reste  du  corps. 
Le  sperma  cell  de  la  tête  est  de  première 
qualité  ;  on  l'emploie  à  la  fabrication  des 
chandelles  :  celui  du  corps  et  de  la  queue  ne 
sert,  en  Aiiglelerre,  qu'à  donner  du  lustre 
aux  draps. 

Cette  pêche  ,  pour  être  profitable,  doit  se 
faire  avec  la  plus  grande  économie  :  on  y  em- 
plo^ie  des  bàtimens  de  1 80  a  3oo  tonneaux  ; 
l'équipage  ne  consiste  qu'en  16  ou  24  indi- 
vidus, y  compris  le  capitaine  et  le  maître ,  qui 
iujt-iuêmes  sont  forcés  de  jeter  le  harpon 

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TSST  TARGET  (MT-3) 


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2.0 


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11.25  i  1.4 


1.6 


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V 


Fhotograpnic 

Sciences 
Corporation 


23  WEST  MAIN  STREET 

WEBSTER,  N.  Y.  14SS0 

(716)  873-4503 


L17 


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276  LIVRE    IV  5 

comme  les  simples  matelots.  On  évalue,  à 
Londres ,  les  frais  d'armement  d'un  bâtiment 
de   180    tonneaux,    doublé   en   cuivre,  et 
approvisionné  pour  une  campagne  de  deux 
ans  ,  à  7000  livres  sterlings.  Chaque  bâtiment 
pêcheur  de  la  mer  du  Sud  a  deux  canots  : 
Tarmement  de  chaque  canot  exige  quatre  ma- 
telots ,  un  mousse,  un  timonier,  un  cable 
de  100  brasses  de  long,  trois  lances,  cinq 
harpons,  une  hache  et  une  lanterne  pour  se 
faire  voir  de  loin  pendant  la  nuit.  L'armateur 
ne  donne  aux  matelots  que  la  nourriture ,  et 
une  somme  très -modique   d'argent  à  litre 
d'avance  :  leur  paye  dépend  du  produit  de 
la  pêche;  car,  connue  tout  l'équipage  y  prend 
part,  chaque  individu  a  droit  au  profit.  Le 
capitaine  reçoit -,'g,  le  maître  d'équipage^, 
le  second  maître  3^,  le  contre-maître  ^j^,  le 
matelot  g^  de  tout  le  produit.  On  regarde  la 
pêche    comme  bonne  ,   si  un   bâtiment  de 
200  tonneaux  retourne  dans  le  port ,  chargé 
de  800  ùarils  de  blanc-de-baleine.  Le  cachalot, 
persécuté    sans   cesse ,    commence ,    depuis 
quelques  années,  à  devenir  plus  farouche  et 
plus  dii'fîcile  à  prendre.  Mais  pour  favoriser 
lu  navigation  dans  la  mer  du  Sud ,  le  gouver- 


iii?' 


CHAPITRE    X.  277 

nement  britannique  accorde  des  avances  à 
chaque  balimenl  qui  sort  pour  la  péclie  du 
cachalot  :  ces  avances  sont  de  5oo  à  800  livres 
sterlings,  selon  le  tonnelage  du  bâtiment.  Les 
Anglo -Américains  font  celte  pèche  avec  plus 
d'économie  encore  que  les  Anglois. 

Les  anciennes  lois  espagnolesdéfendent  aux 
vaisseaux  baleiniers,  comme  aux  autres  bati- 
mens  étrangers,  d'entrer  dans  les  poris  de 
rAmérique ,  si  ce  n'est  dans  les  cas  de  détresse 
ou  de  manque  d'eau  et  de  vivres.  Les  îlesGala- 
pagos,  sur  lesquelles  les  pécheurs  débarquent 
quelquefois  leurs  malades,  ont  des  sources, 
mais  ces  sources  sont  très-pauvres  et  très-in- 
constantes. L'île  des  Cocos  (lat.  5"  35'  bor.  ) 
est  très-riche  en  eau  :  mais  en  cinglant  des 
Galapagos  au  nord ,  cette  petite  île  isolée  est 
difficile  à  trouver,  à  cause  de  la  force  et  de 
l'irrégularité  des  courans.  Les  baleiniers  ont 
des  motifs  puissans pour  préférer  de  faire  l'eau 
à  la  côte  :  ils  cherchent  des  prétextes  pour 
entrer  dans  les  ports  de  Goquimbo,  Pisco, 
ïumbez^  Payta ,  Guayaquil ,  Realejo,  Sonzo- 
nate  et  San  Blas.  Quelques  jours ,  souvent 
même  quelques  heures  ,  suffisent  à  l'équipage 
des   bâlimens  pêcheurs  ,   pour  former    des 


m 

I'* 


i      •' 


378  LIVRE   IV,' 

liaisons  avecleshabltans,  pour  leur  vendre  des 
marchandises  a ngloises,  et  pour  y  prendre  des 
chargemens  de  cuivre,  de  vigogne,  de  quin- 
quina ,  de  sucre  et  de  cacao.  Ce  commerce  de 
contrebande  se  Lit  parmi  des  personnes  qui 
ne  parlent  pas  la  même  langue  ,  souvent  par 
signes ,  et  avec  une  bonne-loi  très-rare  parmi 
les  peuples  policés  de  l'Europe. 

Il  seroil  superflu  d'énumérer  les  avantages 
qu'auroient  les  habitans  des  colonies  espa- 
gnoles sur  les  Anglois  et  sur  les  Américains 
des  Etals-Unis ,  s'ils  vouloient  prendre  part  à 
la  pèche  du  cachalot.  De  Guayaquil  et  de 
Panama,  on  se  rend  en  dix  ou  douze  jours  dans 
les  parages  où  ce  célacc  abonde.  La  naviga- 
tion de  San  Blas  aux  îles  IMarias  est  à  peine 
de  trente-six  heures.  Les  Espagnols  Mexicains, 
en  s'adonnant  à  la  pêche ,  auroient  à  faire 
4ooo  lieues  de  moins  que  les  Anglo-Améri- 
cains ;  ils  auroien  t  les  vivres  à  meilleur  marché  ; 
ils  trouveroient  partout  des  ports  dans  les- 
quels ils  seroient  reçus  en  amis ,  et  qui  leur 
fourniroient  de  nouvelles  provisions.  Le  blanc- 
de-baleine,  il  est  vrai,  est  encore  peu  recher- 
ché sur  le  continent  de  l'Amérique  espagnole. 
Le  clergé  s'obstine  à  confondre  Tadipocire 


CHAPITRE    X. 


le  suif,  et  les 


^79 

ont 


nvec  le  suit,  et  les  eveques  américains 
déclaré  que  les  cierges  qui  brûlent  sur  les 
autels ,  ne  peuvent  être  que  de  cire  d'abeilles  : 
cependant  à  Lima  on  a  commencé  à  tromper 
la  vigilance  des  évêques,  en  mêlant  le  blanc- 
de-baleines  à  Ja  cire.  Des  négocians  qui  ont 
acheté  des  prises  angioises,  en  ont  eu  de 
grandes  quantités  ^  et  l'adipocire  employée 
aux  l'êtes  d'église  est  devenue  une  nouvelle 
branche  de  commerce  très-lucrative. 

Ce  n'est  pas  le  manque  de  bras  qui  pour- 
roit  empêcher  les  habitans  du  Mexique  de  se 
livrer  à  la  pêche  du  cachalot;  il  ne  faudroit 
que  deux  cents  hommes  pour  armer  dix  bâ- 
timens  pêcheurs,  et  pour  recueillir  annuelle- 
ment près  de  mille  tonneaux  de  blanc -de- 
baleine  :  cette  substance  pourroit  devenir, 
avec  le  temps  ,  un  article  d'exportation 
presque  aussi  important  que  le  cacao  de 
Guayaquil  et  le  cuivre  de  Goquimbo.  Dans 
l'état  actuel  des  colonies  espagnoles  ,  la  pa- 
resse des  habitans  s'oppose  à  Téxécution  de 
ces  projets  :  comment  trouver  des  matelots 
qui  consentent  à  embrasser  un  métier  aussi 
rude  ,  une  vie  aussi  misérable  que  celle  d(  " 
pêcheurs  de  cachalot  ?  comment  les  trouver 


aSo  LIVRE   IV, 

dans  un  pays  où ,  d'après  les  idées  du  bas- 
peuple  ,  il  ne  faut  que  des  bananes ,  de  la 
viande  salée,  un  hamac  et  une  guitare  pour 
être  heureux  ?  L'espoir  du  gain  est  un  stimu- 
lant trop  l'oible  spus  une  zone  où  la  nature 
bienfuisante  offre  à  l'homme  mille  moyens  de 
se  procurer  une  exislence  aisée  et  paisible  , 
sans  quitter  son  pays ,  et  sans  lutter  contre 
les  monstres  de  l'Océan. 

Depuis  long-temps  le  gouvernement  espa- 
gnol a  vu  d'un  mauvais  œil  la  pêche  du 
cachalot ,  qui  attire  les  Anglois  et  les  Anglo- 
Américains  '  sur  les  cotes  du  Pérou  et  du 
Mexique.  Avant  que  celte  pêche  fiit  établie, 
les  habitans  des  cotes  occidentales  de  l'Amé- 
rique n'a  voient  vu  flotter  dans  ces  mers 
d'autre  pavillon  que  le  pavillon  espagnol. 
Des  raisons  politiques  auroient  pu  engager 


'i  I' 


*  D'après  des  renseignemens  officiels  que  je  dois  à 
M.  Gallalin,  niinislre  des  finances  à  Washington,  il 
y  a  eu  dans  la  mer  du  Sud ,  en  1800,  1801  et  1802 , 
annuellement  dix-huit  à  vingt  bâliraens  baleiniers  (de 
2800  à  3200  tonneaux  )  des  Etats-Unis.  Un  tiers  de 
ces  bâtimens  sortent  du  port  de  Nantucket.  En  i8o5 , 
Timportation  du  blanc-de-baleine,  dans  ce  port^  étoit 
de  11 46  barils. 


'M 


■!i'i, 


CHAPITRE    X. 


281 


la  métropole  n  ne  rien  éparfj^ner  pour  encou- 
rager les  pèches  nationales,  moins  peul-elre 
clans  le  but  d'un  profit  direct  ,  que  pour 
exclure  la  conçu  irencc  des  étran<»ers ,  et 
Tjour  empêcher  leurs  liiiisons  avec  les  natu- 
rels. Des  p]*i>  ilcges  accordes  à  une  compagnie 
qui  résidoit  en  Europe,  et  qui  n'a  jamais 
existé  que  de  nom  ,  ne  pouvoicnl  pas  donner 
la  première  impulsion  aux  xMexicains  et  aux 
Péruviens.  Les  arméniens  pour  la  pèche 
doivent  se  faire  en  Amérique  mcme ,  à  Guaya- 
quil,  à  Panama  ou  à  San  Blas.  Il  exisle  cons- 
tamment sur  ces  cotes  un  certain  nombre  de 
matelots  anglois,  qui  ont  abandonné  les  bati- 
mens  baleiniers,  soit  par  mécontentement, 
soit  pour  chercher  foilune  dans  les  colonies 
espagnoles.  Les  premières  expéditions  pour- 
roient  se  faire  en  mêlant  ces  matelots,  qui 
ont  une  longue  expérience  de  la  pcche  du 
cachalot,  aux  ziunbos  de  rAmérique ,  qui 
osent  attaquer  corps  à  corps  les  crocodiles. 

Nous  venons  d'examiner  dans  ce  chapitre 
la  \éritable  richesse  nationale  du  Mexique  ; 
car  les  produits  de  la  terre  sont  en  effet  la 
seule  base  d'une  opulence  durable.  Il  est 
consolant  de  voir  que  le  travail  de  rhomme. 


aS: 


LIVRE    IV 


depuis  un  demi-siècle,  a  été  plus  dirigé  vers 
cette  source  féconde  et  inépuisable,  que  vers 
Texploitalion  des  mines ,  dont  les  richesses 
n'influent  pas  directement  sur  lu  prospérité 
publique  ,  et  ne  changent  que  la  valeur  f?onii' 
nale  du  produit  annuel  de  la  terre.  L'impôt 
territoiiai  que  le  clergé  perçoit  sous  le  nom 
de  dîme,  mesure  la  quantité  de  ce  produit; 
il  indique  avec  précision  les  progrès  de  l'in- 
dustrie agricole ,  si  toutefois  l'on  compare  des 
époques  dans  l'intervalle  desquelles  le  prix 
des  denrées  n'a  pas  sensiblement  changé. 
Voici  le  tableau  de  la  valeur  de  ces  dîmes  \  en 
prenant  pour  exemple  deux  séries  d'années, 
de  1771  à  1780,  et  de  1780  à  17S9. 


*  J'ai  tiré  ce  tableau  (l'un  mémoire  manuscrit  de 
JA,  Maniao ,  fait  sur  des  pièces  oflictellcs,  et  portant 
le  titre  d*Estado  de  la  Renta  de  Real  HaMenda  de 
Nue\>a  Espana  en  un  ano  commun  del  qiiinquenio 
de  1784  hasta  1789.  Les  nombres  que  contient  ce 
tableau  diffèrent  un  peu  de  ceux  qui  ont  été  publiés 
par  M.  Pinkerton  (Vol.  III,  p.  234),  d'après  l'ouvrage 
d'£$taUa  ,  que  je  u'ai  pu  me  procurer  jusqu  ici. 


CHAPITRE   X. 


i83 


NOMS 

des 
mocÈsi.  s. 

ÉPOQUES. 

V  A  1,  t  U  11 
de» 

D  i  M  £  S 
"Il  |»iastifi"î. 

KPOQUIiS. 

V  A  L  K  U  H 

de» 

I>i»I  ES 

en  piasiies. 

\Ie\ico 

.771—1780 

1770—1779 

1770-1779 
1771 — 1780 
1771-1780 
1770—1779 

4,i32,63o 
2,965,601 

2,710,200 
715,974 

i,88.).724 
9i3,o2H 

1781 — 1790 

1780—1789 

1780—1789 
1781  —  1790 
1781 — 1790 
1780 — 1789 

7,082,879 

3,5o8,884 

3,759,400 

803,237 

2,579,108 

1, 080,3 1 5 

Puebla    de   lus    An- 
2eles 

Valhululid    de    IMe- 
choacan 

Oaxnca 

Guadalaxara 

Duran^o 

Il  résulte  de  ce  tableau  ,  que  les  dîmes  de  la 
Nouvelle- Espagne  se  sont  élevées  dans  ces 
six  diocèses , 


de  1771  à  1779?   à  15,357,157 
1779       1789?       18,355,821 


piadres  forte*. 


Par  conséquent,  Taugmentation  totale  a 
été,  dans  les  derniers  dix  ans,  de  cinq  mil- 
lions de  piastres,  ou  de  deux  cinquièmes  du 
produit  total.  Ces  mêmes  données  indiquent 
aussi  combien  les  progrès  de  l'agriculture 
sont  plus  rapides  dans  les  intendances  de 
Mexico,  de  Guadulaxara,  de  Puebla  et  de 


II. 


ZtU 


lAXWV.    IV, 


Vnll.ulolîd,  cjiio  <l;ins  l;i  province  «rO.'ixaca 
cl  <l;ms  la  iNoincllc-lîisciix'.  Les  dîmes  ont 
pres(|ne  <lonl)l('  <l;in,sriii(lie>r(  Ik'  de  Meviro; 
car  celles  (|ui  ont  viv.  perçues  pend. ml,  les  dix 
années anlétienresà  i  7S0,  onleleà celles <|u'oii 
a  perçues  dix  ans  après,  dans  la  jïroporlion  de 
10  à  17.  Dans  TinUMidance  de  Diirango  ou 
de  la  JN'ouvelKî-IJisca^e,  celle  auj^nicnlalioii 
n'a  été  qu'en  raison  de   10  à  11. 

Le  célèhrc  auteur  des  licclicrrlirs  sur  la 
richesse  des  ludions  * ,  a  évalué  le  produit 
territorial  de  la  Gran<lc  -  iîrelagncî  d'après 
le  produitde  la  laxe  l'oncière.  Dans  le  Tableau 
politifpie  de  la  Nouvelle- lîlspagne  ,  que  j'ai 
présenté  à  la  cour  de  Madrid  en  i8o5  ,  j'avois 
hasardé  une  évaluation  send)lal)le  d'après  la 
valeur  des  dîujes  payées  au  cler<^^é:  il  résultoit 
de  ce  travail,  qu'au  Mexique  le  produit  an- 
nuel des  terres  est  au  moins  de  2/1  millions  de 
piastres.  Les  résultats  auxquels  je  nie  suis 
arrêté  en  rédigeant  ce  premier  tableau ,  ont 
été  discutés  avec  beaucoup  de  sagacilé ,  dans 
un  mémoire  que  le  corps  municipal  de  la  ville 


*  Adam  Smith  j  traduclittfi  du  M.  Garnicr,  T.  IV, 
p.  a'ib. 


CHAPITRE    X. 


2nty 


de  Viill-'ulolid  (U;   INIcclioiu  .m  ;i  piVsciifô  au 


roi,   an   mois  clVutobie   iSoj  ,  à  I 


une  ordiMiiiiiiioe  reiidiK!  sur 


cle 


r^i 


\y 


inics  re    inniiDire,  < 


les  I 
lonl 


copi 


l 


le  sons    les  veux  ,    i 


y 


il   l'jiil 


orr.isMui 
>ieiis   <lu 
j'ai  une 


ajoulei'    à    ees 


24  millions  de  plaslies  5  millions  pour  le 
produit  de  la  eoelieiiille,  de  la  vanille,  du 
jalap,  du  piment  de  T.ihaseo  et  de  la  salse- 


areiiie 


11< 


lui  ne 


pa> 


•vent    pas  < 


le  d 


îmes  ,  et 


K)ur  le  suere  et  l'indi^^cj,  cpji,  au 


2  millions 

imes  entières  ,  ne  rendent 


m  eK^rii'c 


illi 
lieu  de 

qu'un  impôt  de  quatre  pour  cent.  En  adop- 
tant ces  données,  on  trouve  que  le  ftnuliiit 
total  de  l'agriculture  s'élève  aimnellement  à 
29  millions  de  piastres ,  ou  à  plus  de  i/|;>  mil- 
lions de  rranes,qui,  en  les  réduisant  à  une 
mesure  naturelle  ,  et  en  prenant  pour  hase  le 
prix  actuel  du  froment  au  Mexique,  <pii  est 
de  i5  francs  par  loniyriaj^rammes' ,  écpiiva- 
lent  à  96  millions  de  ni)  ria^rainmes  de  froment. 
La  masse  des  métaux  précieux  exploités  an- 
nuellement dans  le  royaume  de  la  INouvelle- 
Espagne ,  représente  à  peine  74  millions  de 


'  Voyez  ci-dessus  ;  p.  io4. 


T^ 


!|u 


286  LIVRE    IV, 

mjriof^rammcs  de  Jronwnt ;  ce  qui  prouve  le 
fait  iiilércssant  que  la  valeur  de  l'or  et  de 
l'argent  des  mines  du  Mexique  est  presque 
d'un  quart  pins  petile  que  la  valeur  du  pro- 
duit territorial. 

La  culture  du  sol,  malgré  les  entraves  qui 
la  gênent  de  toutes  parts  ,  a  fait  dans  ces 
derniers  temps  des  progrès  d'autant  plus 
considérables,  que  d'immenses  capitaux  ont 
été  placés  en  terres  par  les  familles  qui 
s'étoient  enricljies,  soit  par  le  commerce  de 
la  Vera-Cruz  et  d'Acapulco,  soit  par  l'exploi- 
tation des  mines.  Le  clergé  mexicain  possède 
à  peine  des  biens-fonds  (  bicncs  raices  )  pour 
la  valeur  de  deux  à  trois  millions  de  piastres; 
mais  les  capitaux  que  les  couvens,  les  cha- 
pitres ,  les  confréries ,  les  hospices  et  les  hôpi- 
taux ont  placés  sur  des  terres ,  s'élèvent  à  la 
somme  de  44  millions  et  demi  de  piastres,  ou 
de'jjplus  de  222  millions  de  livres  tournois. 
Voici ,  d'après  une  pièce  officielle  ',  le  tableau 

*  Representacion  de  los  vecinos  de  Valladolid  al 
Excellentisf>imo  Senor  Virrey  en  fecha  del  24  oc- 
tubre  del  ano  i8o5.  (Manuscrit.) 


CHAPITRE    X.  287 

de  ces  c.ipitaux ,  que  l'on  désigne  sous  le  nom 
de  Capitales  de  captllanias  j  obras  de  lajuriS' 
die  c ion  ordinaria  : 

Archevêché  de  Mexico 9,000,000 

Evéchc  de  Puebla 6,5oo,ooo 

Evèché  de  ValladoHd  (éva- 
luation très-exacte) 4,^00,000 

Evêché  de  Guadalaxara.  . . .      5,ooo,ooo 

Evéchés  de  Durango ,  JMon- 

terey  et  Sonora 1,000,000 

Evéchés  d'Oaxaca  et  de  Me- 

rida 2,ooo>ooo 

Obraspias  du  cier<^é  régulier .      2,5oo,ooo 

Fonds  dotal  des  églises  et  des 
communautés  de  religieux 
et  de  religieuses iG,ooo,ooo 

44)^00,000 


Celte  somme  immense,  qui  se  trouve  entre 
les  mains  des  propriétaires  (haciendados) , 
et  qui  est  hypothéquée  sur  des  biens-fonds ,  a 
manqué  d'être  enlevée  à  l'agriculture  mexi- 
caine en  l'année  i8o4.  Le  ministère  d'Espagne 
ne  sachant  plus  comment  éviter  une  banque^ 
route  nationale ,  amenée  par  la  surabondance 


288 


LIVRE    IV 


■if'l! 


du  papier  monnoie  (vales)f  tenta  nne  opé- 
rai* on  très-hasardée.  Un  décret  royal  rendu 
le  2G  décembre  i8o4,  ordonna  non-seule- 
ment de  vendre  les  biens-fonds  du  clero'é 
mexicain ,  mais  aussi  de  réunir  tous  les  capi- 
taux appartenant  aux  ecclésiastiques,  pour  les 
envoyer  en  Espagne,  et  pour  les  verser  dans 
une  caisse  d'amortissement  des  billets  royaux 
i^caxa  de  consolidacion  de  vales  reaies).  Le 
conseil  des  finances,  qui  est  présidé  par  le 
vice-roi ,  et  qui  porte  le  titre  de  Junta  supe^ 
rior  de  Real  Hacienda  y  au  lieu  de  réclamer 
contre  ce  décret ,  et  de  rej^résenter  au  sou- 
verain combien  l'exécution  en  seroit  préju- 
diciable à  l'agriculture  et  au  bien-être  générai 
des  liabitans,  commença  hardiment  à  faire 
des  recouvremens.  La  résistance  fut  si  forte 
de  la  part  des  propriétaires ,  que  depuis  le 
mois  de  mai  i8o5  jusqu'au  mois  de  juin  1806, 
la  caisse  d'amortissement  ne  perçut  que  la 
somme  modique  de  1,200,000  piastres.  On 
peut  espérer  que  des  administrateurs  éclairés 
sur  les  véritables  intérêts  de  l'état,  auront, 
depuis,  fait  cesser  une  opération  dont  les 
effets  funestes  se  seroient  fait  sentir  dans  la 
suite. 


CHAPITRE    X.  389 

En  lisant  l'excellent  ouvrage  sur  les  lois 
agralws  y  qui  a  été  présenté  au  conseil  de 
Gastilleen  1796  ',  on  reconnoît  que,  malgré 
la  différence  de  climat ,  et  d'autres  circons- 
tances locales  ,  l'agiiculture  mexicaine  est 
gênée  par  les  mêmes  causes  politiques  qui 
arrêtent  les  progrès  de  l'industrie  dans  la 
péninsule.  Tous  les  vices  du  gouvernement 
féodal  ont  passé  d'un  hémisphère  à  l'autre  ; 
et  au  Mexique  ,  les  abus  ont  été  d'autant  plus 
dangereux  dans  leurs  effets ,  qu'il  a  été  plus 
difficile  à  Tautorité  suprême  de  remédier  aa 
mal ,  et  de  déployer  son  énergie  dans  un 
ëloignemenl  immense.  Le  sol  de  la  Nouvelle- 
Espagne  ,  comme  celui  de  l'ancienne,  se 
trouve  en  grande  partie  entre  les  mains  de 
quelques  familles  puissantes  qui  ont  absorbé 
peu  à  peu  les  propriétés  particulières.  En 
Amérique,  comme  en  Europe,  de  grandes 
communes  sont  condamnées  au  pâturage  des 
bestiaux  et  à  une  stérilité  perpétuelle.  Quant 
au  clergé  et  à  son  influence  sur  la  société, 
les  circonstances  ne  sont  pas  les  mêmes  dans 

*  M.  de  Laborde  vient  de  donner  la  traduction  de 
ce  Mémoire  de  M.  Jovellanoa,  dans  le  qualriènie  tome 
de  son  Itinéraire  de$criptif  de  l'Espagne  y  p.  103-294* 
III.  19 


290  LIVRE    IV, 

les  deux  continens  :  le  clergé  est  beaucoup 
moins  nombreux  dans  l'Amérique  espagnole 
que  dans  la  péninsule.  Les  religieux  mission- 
naires y  ont  contribué  à  étendre  les  progrès 
de  l'agriculture  parmi  des  peuples  barbares. 
L'introduction  des  majorais  ,  l'abrutissement 
et  la  pauvreté  extrême  des  Indiens  y  sont  plus 
contraires  aux  progrès  de  l'industrie  que  la 
mainmorte  des  ecclésiastiques. 

L'ancienne  législature  de  Caslille  défend 
aux  couvens  de  posséder  en  propre  des 
biens-fonds  ;  et  quoique  cette  loi  si  sage  ait 
été  souvent  enfreinte,  le  clergé  n'a  pu  ac- 
quérir des  propriétés  très-considérables  dans 
un  pays  où  la  dévotion  n'exerce  pas  sur  les 
esprits  le  même  empire  qu'en  Espagne ,  en 
Portugal  et  en  Italie.  Depuis  la  suppression 
de  l'ordre  des  jésuites,  peu  de  terres  appar- 
tiennent au  clergé  mexicain  :  sa  véritable 
richesse,  comme  nous  venons  de  l'indiquer, 
consiste  dans  les  dîmes  et  dans  les  capitaux 
placés  sur  les  fermes  des  petits  cultivateurs. 
Ces  capitaux  sont  dirigés  vers  un  emploi 
utile,  et  qui  augmente  la  puissance  productive 
du  travail  natiouiil. 
.    On  peut  d'ailleurs  être  surpris  de  voir  que 


VI 


CHAPITRE    X. 


291 


le  grand  nombre  de  couvens   fondés  depuis 
Je  seizième  siècle  dans  toutes  les  parties  de 
l'Amérique  espagnole  ,  aient  été  tous  amon- 
celés dans  l'intérieur  des  villes.  Épars  dans 
les  campagnes,  placés  sur  le  dos  des  Cor- 
dillères, ils  auroient  pu  avoir  sur  la  culture 
cette  influence  bienfaisante  dont  les  efTets  se 
sont  fait  sentir  dans  le  nord  de  l'Europe, 
sur  les  bords  du  Rhin  et  dans  la  chaîne  des 
Alpes.  Ceux  qui  ont  étudié  l'histoire ,  savent 
que  du  temps  de  Philippe  11 ,  les  moines  ne 
ressembloient  plus  à  ceux  du  neuvième  siècle. 
Le   luxe  des  villes  et  le  climat  des  Indes 
s'opposent  à  l'austérité  de  mœurs,  à  l'esprit 
d'ordi  e  qui  caractérisoient  les  premières  ins- 
titutions monastiques  ;  et  lorsqu'on  traverse  les 
déserts  monlueux  du  Mexique ,  on  regrette 
de  ne  pas  y  trouver ,  comme  en  Europe  et 
en  Asie ,  ces  asiles  solitaires   dans   lesquels 
une  hospitalité  religieuse  offre  des  secours 
aux  voj^ageurs. 


19 


292 


LIVRE    IV 


CHAPITRE  XI. 


tiiiis  ' 


v.im' 


Etat  des  mines  de  la  Nouvelle- Espagne, — 
Produit  en  or  et  en  argent.  —  Richesse 
moyenne  des  minerais.  —  Consommation 
annuelle  de  mercure  dans  le  procédé  de 
l'amalgamation.  —  Quantité  de  métaux 
précieux  qui  y  depuis  la  conquête  du 
Mexique  j  ont  rejlué  d'un  continent  dans 
l'autre. 


Après  avoir  examiné  Tagriculture  mexicaine 
comme  la  première  source  de  la  richesse 
nationale  et  de  la  prospérité  des  habitans,  il 
nous  reste  à  tracer  le  tableau  des  productions 
minérales  qui ,  depuis  deux  siècles  et  demi , 
sont  l'objet  de  l'exploitation  des  mrnes  de  la 
Nouvelle  -  Espagne.  Ce  tableau  ,  infiniment 
brillant  aux  yeux  de  ceux  qui  ne  calculent 
que  d'après  la  valeur  nominale  des  choses, 
l'est  bien  moins  si  l'on  considère  la  valeur 


CHAPITRE    XI.  293 

intrinsèque  des  métaux  exploites ,  leur  uti- 
lité relative  et    l'influence    qu'ils    exercent 
sur   l'industrie   manufacturière.    Les    mon- 
tagnes du  nouveau  continent,  comme  celles 
de  l'ancien,  contiennent  du  fer,  du  cuivre, 
du   plomb ,    et  un   grand  nombre   d'autres 
substances  minérales  indispensables  aux  be- 
soins de  l'agriculture  et  des  arts.  Si  en  Amé- 
rique  le   travail  de    l'homme  a  élé  dirigé 
presque  exclusivement  vers  l'extraction  de 
l'or    et   de  l'argent  ,    c'est  parce    que  les 
membres  d'une  société  agissent  d'après  des 
considérations  très-différentes  de  celles  qui 
devroient  faire  agir  la  société  entière.  Partout 
où  le  sol  peut  produire  à  la  fois  de  l'indigo 
et  du  mais ,  la   première  culture  l'emporte 
sur  la   dernière  ,  quoiqu'il  soit   de  l'intérêt 
général  de  préférer  les  végétaux  qui  servent 
à  la  nourriture  de  l'homme ,  à  ceux  qui  four- 
nissent des  objets  d'échange  avec  l'étranger. 
De  même ,  sur  le  dos  des  Cordillères  ,  des 
mines  de  fer  ou  de  plomb,  quelque  riches 
qu'elles  soient ,  restent  abandonnées,  parce 
que   l'attention  des    colons    se   porte   toute 
entière  sur  les  filons  d'or  et  d'argent  ,  lors 
même  qu'ils  ne  présentent  dans  leurs  offlca- 


i 


294  LIVRE    IV, 

remens  que  de  foibles  indices  de  richesse. 
Tel  est  l'appât  de  ces  métaux  précieux  qui , 
par  une  convention  g-énéiaie  ,  sont  devenus 
les  signes  représentatifs  des  subsistances  et 
du  travail. 

Le  peuple  mexicain  est  sans  doute  à  même 
de  se  procurer,  par  le  commerce  extérieur , 
tontes  les  choses  qui  ne  lui  sont  pas  fournies 
par  le  pays  qu'il  habite  :  mais  au  milieu  d'une 
grande  richesse  en  or  et  en  argent,  le  besoin 
se  fait  sentir  chaque  fois  que  l'échange  avec 
la  métropole  ou  avec  d'autres  parties  de 
l'Europe  et  de  l'Asie  est  interrompu  ;  chaque 
fois  qu'une  guerre  entrave  les  connnunicalions 
maritimes.  Vingt -cinq  à  trente  millions  de 
piastres  se  trouvent  quelquefois  accumulés  à 
Mexico  ,  tandis  que  les  fabriques  et  l'exploi- 
tation des  mines  sont  gênées  par  le  manque 
d'acier ,  de  fer  et  de  mercure.  Peu  d'années 
avant  mon  arrivée  à  la  Nouvelle-Espagne , 
le  prix  du  fer  étoit  monté  de  20  francs  le 
quintal  à  24o;  celui  de  l'acier,  de  80  francs 
à  i3oo.  Dans  ces  temps  d'une  stagnation  totale 
du  commerce  extérieur,  l'industrie  mexicaine 
se  réveille  momentanément  :  c'est  alors  que 
l'on  commence  à  fabriquer  de  l'acier,  à em- 


CHAPITRE    XI. 


595 


ployer  les  minerais  de  fer  et  de  mercure  que 
recèlent  les  montagnes  de  l'Amérique  ;  c'est 
alors  que  la  nation,  éclairée  sur  ses  propres 
intérêts,  sent  que  la  véritable  richesse  consiste 
dans  l'abondance  des  objets  de  consommation, 
dans  celle  des  choses  ,  et  non  dans  Taccunm- 
lation  d'un  signe  qui  les  représente.  Pendant 
l'avant  -  dernière  guerre  entre  l'Espagne  et 
TAngleterre ,    on   essaya  l'exploitation   des 
mines  de  fer  de  Tecalitan,  près  de  Golima , 
dans  l'intendance  de  Guadalaxara.  Le   Tri- 
bunal de  minevia  dépensa  plus  de  1 5o,ooo  fr. 
pour  extraire  le  mercure  des  filons  de  San 
Juan  de  la  Cliica  ;  mais  les  eflets  d'un  zèle  si 
louable  ne  furent  que  de  courte  durée  :  la 
paix  d'Amiens  mit  fin  à  des  entreprises  qui 
sembloient  donner  aux  travaux  des  mineui^ 
une  direction  plus  utile  pour  la  prospérité 
publique.  A  peine  les  communications  mari- 
times furent-elles  rétablies,  que  l'on  préféra  de 
nouveau  d'acheter  dans  les  marchés  de  l'Eu- 
rope ,  le  fer ,  l'acier  et  le  mercure. 

A  mesure  que  la  population  augmentera 
au  Mexique  ,  et  que  ses  habitans,  moins  dé- 
pendansde  l'Europe,  commenceront  à  fixer 
leur  attention  sur  la  grande  variété  de  pro- 


i 


296  LIVRE    IV, 

ductions  utiles  que  renferme  le  sein  de  la 
terre ,  le  sjslème  de  l'exploilatiun  des  mines 
changera  de  fiice  ;  uneadininistralion  éclairée 
encouragera  les  travaux  qui  sont  diriges  vers 
Textraclion  des  substances  minérales  d'une 
valeur  intrinsèque  j  les  particuliers  ne  sacri- 
fieront pins  leurs  propres  intérêts  et  ceux 
de  la  chose  publique  à  des  préjugés  invétérés  ; 
ils  sentiront  que  l'exploilation  d'une  mine  de 
houille,  de  Ter  ou  de  plomb,  peut  devenir 
aussi  profitable  que  l'exploitation  d'un  filon 
d'argent.  Dans  l'étal  actuel  du  Mexique ,  les 
métaux  précieux  occupent  presque  seuls 
l'industrie  des  colons;  et  lorsque,  dans  la 
suite  de  ce  chapitre,  nous  emploierons  le 
mot  de  mine  (  real ^  real  de  minas  )  ,  il  faut 
sous-en tendre  ,  à  moins  que  le  contraire  ne 
soit  expressément  énoncé,  qu'il  s'agit  d'une 
mine  d'or  ou  d'argent. 

M'étant  occupé ,  dès  ma  première  jeunesse, 
à  étudier  l'art  de  l'exploitation  ,  et  ayant 
dirigé  moi-même ,  pendant  plusieurs  années , 
les  travaux  souterrains  dans  une  partie  de 
l'Allemagne  qui  contient  une  grande  variété 
de  minerais,  j'ai  dû  être  doublement  inté- 
ressé à  examiner  avec  soin  l'état  des  mines 


CHAPITRE   XI. 


•^97 


cl  des  usines  de  la  Nouvelle  -  Espagne.  J'ai 
eu  occasion  de  visiter  les  célèbres  mines  de 
Tasco,  de  Pacliuca  et  de  Guanaxuato  :  j'ai 
réside  plus  d'un  mois  dans  ce  dernier  endroit, 
dont  les  filons  excèdent  en  richesse  tout  ce 
qui  a  été  découvert  dans  les  autres  parties  du 
monde,  et  j'ai  pu  comparer  les  différenics 
espèces  â! ouvrages  d' exploitation  du  Mexique 
avec  ceux  que  j'avois  observés  l'année  pré- 
cédente dans  les  mines  du  Pérou;  mais  le  grand 
nombre  de  matériaux  que  j'ai  rassemblés  sur 
ces  objets,  ne  pouvant  être  utilement  employés 
que  réunis  à  la  description  géologique  du 
pays ,  je  dois  en  réserver  le  détail  pour  lu 
relation  historique  de  mon  voyage  dans  Tifî- 
lérieur  du  nouveau  continent  r^ainsi,  sans 
entrer  dans  des  discussions  minutieuses  et 
purement  techniques ,  je  vais  me  borner  à 
examiner  dans  cet  ouvrage ,  ce  qui  peut 
conduire  à  des  résultats  généraux. 

Quelle  est  la  position  géographique  des 
mines  qui  fournissent  l'énorme  masse  d'argent 
que  le  commerce  de  la  Vera-Cruz  lait  refluer 
annuellement  en  Europe?  Cette  masse  d'ar- 
gent est-elle  le  produit  d'un  grand  nombre 
de  petites  exploitations  éparses,  ou  peut-on  la 


I 


!'   '1 


29^  riVRE    IV, 

considérer  comme  fournie  presque  en  entier 
par  trois  on  quatre  filons  métallilcrcs  d'une 
richesse  et  d'une /7///.s.ç^///c<?  extraordinaire? 
Quelle  est  la  quantité  de  métaux  précieux 
exploités  annuellement  au  Mexique?  Quel 
est  le  rapport  de  cette  quantité  avec  le 
produit  des  mines  de  toute  l'Amérique  espa- 
gnole? A  combien  d'onces  par  quintal  peut-on 
évaluer  la  richesse  moyenne  des  minerais 
d'argent  du  Mexique  ?  Quelle  est  la  propor- 
tion entre  la  quantité  de  minerais  soumis  à 
la  fonte,  et  celle  dont  l'or  et  l'argent  sont 
extraits  par  la  voie  de  l'amalgamation?  Quelle 
est  rinfluence  dn  prix  du  mercure  sur  les 
progrès  de  l'exploitation  ,  et  quelle  est  la 
masse  de  mercure  que  l'on  regarde  comme 
perdue  dans  le  procédé  de  l'amalgamation 
mexicaine?  Peut-on  connoîtr  avec  précision 
la  quantité  de  méteaux  précieux  qui ,  depuis 
la  conquête  de  Ténochtitlan ,  ont  passé  du 
royaume  de  la  Nouvelle-Espagne  en  Europe 
et  en  Asie  ?  Est-il  probable  ,  d'après  l'état 
actuel  des  travaux  d'exploitation ,  et  d'après 
la  constitution  géologique  du  pays ,  que  le 
produit  annuel  des  mines  du  Mexique  puisse 
augmenter  ,    ou   doit  -  on  admettre  ,    avec 


niAPITRF    M. 


^0!) 


plusieurs  écrivains  céli'hrcs  ,  f|nc  I  ex[)or- 
tation  de  l'argent  de  l'Ajnéiiqne  a  déjà  alU  int 
son  nia.riDiiiniF  Voilà  des  (jiieslioiis  n(''néiales 
dont  la  solution  v;i  nous  oeru[)er  dans  ert 
ouvrage  :  elles  sont  lires  aux  prohli.ines  les 
plus  iujportans  de  réeononiie  politique. 

Lon^-lrnjps  a^ant  l'arrixée  des  Espagnols, 
les  indigènes  du  Mexique  ,'  comme  ceux  du 
Pérou ,  connoissoient  l'usage  de  plusieurs 
métaux  :  ds  ne  se  conlentoient  pas  de 
ceux  qui ,  à  l'état  nalil ,  se  trouvent  à  la 
surface  du  sol,  surtout  dans  le  lit  des  fleuves 
et  dans  des  ravins  creusés  par  les  torrens; 
ils  se  livroient  aussi  à  des  travaux  souterrains 
pour  exploiter  des  fdons;  ils  savoient  creuser 
des  galeries  ,  percer  ^les  puits  de  commu- 
nication et  d'airage  ;  ilsavoientdesinstrumens 
propres  à  entailler  la  roche.  Corlez  nous 
apprend,  dans  la  relation  historique  de  son 
expédition  ,  qu'au  grand  marché  de  Ténocli- 
tidan  on  vojoit  vendre  de  l'or,  de  l'argent, 
du  cuivre ,  du  plomb  et  de  l'étain.  Les  ha- 
bitans  de  la  Tzapoteca  et  de  IMixtecapan  ', 
deux  provinces  qui  font  aujourd'hui  partie 

*  Surlout    les   habilans    tles   anciennes    villt's  <1e 
Iluaxyucac  (Oaxaca),  Cojolajian  et  Allacutchahuayan. 


:  4 


PHP 


I 

1/ 


*  .■ 


300  LIV1\E    IV, 

de  l'inlcndance  d'Oaxaca,  srj 'iroicnt  l'or  au 
moyen  du  lavage  des  terrains  d  .''mion.  Ces 
peuples  pa)'oient  leurs  iribnls  de  deux  ma- 
nières ,  soit  en  réunissant  dans  dos  sacs  de 
cuir  ou  dans  de  petits  paniers  tissus  de  joncs 
très-minces  les  paillettes  ou  crains  d'or  natif, 
soit  en  fondant  le  métal  en  barres.  Ces  barres 
semblables  à  celles  que  l'on  trouve  encore 
aujourd'hui  dans  le  commerce,  sont  figurées 
dansles  anciennes  peintures  mexicaines.  Déjà 
du  temps  de  Montezuma,  les  naturels  tra- 
vailloient  les  filons  ar;^entifères  de  Tlachco 
(  Tasco  ) ,  dans  la  province  de  Coluiixeo , 
et  ceux  qui  traversent  les  montagnes  de 
Tzumpanco  ^ 

Dans  toutes  les  grandes  villes  d'Anahuac  on 
fabriquoit  des  vases  d'or  et  d'argent,  quoique 
ce  dernier  métal  fut  beaucoup  moins  estimé 
des  Américains  que  des  peuples  de  l'ancien 
continent.  Les  Espagnols,  lors  de  leur  pre- 
mier séjour  à  Ténochtitlan  ,  ne  pouvoient 
assez  admirer  l'habileté  des  orfèvres  mexi- 
cains, parmi  lesquels  on  regardoit  comme 
les  plus  célèbres  ceux  d'Azcapozalco  et  de 

»  Clavîgero,  I,  43  j  II,  125,  i65;  IV,  2o4. 


CHAPITRE    XI. 


3oi 


Clioluîa.  Lorsque  ]>it^nlczuiiia  ,  st'tluil  par  une 
extrême  crédulité  ,  reconnut  dans  l'arrivée 
des  Ijonniies  blancs  et  barbus  l'acconiplis- 
senient  de  la  prophétie  mystérieuse  de 
Quctzalcoall .,' ,  et  qu'il  força  la  noblesse 
aztèque  de  prêter  hommage  au  roi  d'Espagne, 
la  quantité  de  métaux  précieux  offerte  à  Gortez 
fut  évaluée  ù  la  valeur  de  162,000  pesos  de 
oro.  «  Outre  la  grande  masse  d'or  et  d'argent,  » 
dit  le  conquistador ,  dans  sa  première  lettre 
à  l'empereur  Charles-Quint  %  «»  on  me  pré- 
c<  senta  des  ouvrages  d'orfèvrerie  et  de  bi- 

*  jouterie  si  précieux  ,  que  ,  ne  voulant  pas 
«  les  laisser  fondre ,  j'en   séparai  pour  plus 

*  de  cent  mille  ducats  pour  les  offrir  à  votre 
«  altesse  impériale.  Ces  objets  étoient  de  la 
«  plus  grande  beauté ,  et  je  doute  qu'aucun 
«  autre  prince  de  la  terre  en  ait  jamais  pos- 
«  sédé  de  semblables.  Afin  que  votre  altesse 
«  ne  puisse  croire  que  j'avance  des  choses 


*  Voyez  mon  ouvrage  inlitulé  :  Vues  des  Cordillères 
des  Andes  f  et  Mouiunens  des  peuples  indigènes  </# 
l'Amérique ,  p.  3o. 

*  Lorenzana ,  p.  99.  Le  butin  en  or  que  les  Espa- 
gnols firent  après  la  prise  de  Ténochtillan ,  ne  fut 
évalue  qu'à  i3o,ooo  castellanos  de  oro  {Le,  p.  3oi), 


m 


3o:î 


i.ivr.E  IV, 


fabuleuses,  j'ajoute  que  tout  ce  que  pro- 
duisent la  terre  et  l'Oocan,  et  dont  le  roi 
Monlezumu  pouvoit  avoir  connoissance  , 
il  l'avoit  faitimiler  en  or  et  en  arijent,  en 
pierres  fines  et  en  plumes  d^^iseaux,  et  le 
!out  dans  une  perCeclion  si  grande  ,  que 
Ton  croyoit  voir  les  objets  mêmes.  Quoi- 
qu'il m'en  ciil  donné  une  grande  partie 
pour  votre  altesse^  je  fis  exécuter  par  les 
naturels  plusieurs  autres  ouvrages  d'orfè- 
vrerie en  or,  d'après  des  dessins  que  je 
leur  fournis,  comme  des  images  de  saints, 
des  crucifix  ,  des  médailles  et  des  colliers. 
Comme  le  (juinly  ou  le  droit  sur  l'argent 
pajé  à  votre  altesse  ,  fît  plus  de  cent  marcs  , 
j'ordonnai  ([ue  les  orfèvres  indigènes  les 
convertissent  en  jjlats  de  diveiscs  grandeurs, 
en  cuillères,  en  tasses  et  autres  vases  à  boire. 
Tous  ces  ouvrages  furent  imités  avec  la 
plus  grande  exactitude.  »  En  lisant  ce  pas- 
sage ,  on  croit  entendie  le  récit  d'un  ambas- 
sadeur européen  envoyé  à  la  Cliine  ou  au 
Japon.  Il  seroit  cependant  difficile  d'accuser 
d'exagération  le  général  espagnol,  quand  on 
considère  que  l'empereur  Charles  -  Quint 
pouvoit  juger  par  ses  propres  yeux  de  la 


CHAPITRE    XI. 


3o3 


perfection   ou  de  rimperfection  des  objets 
qui  lui  furent  envojés. 

L'art  de  la  fonte  a  voit  aussi  fait  des  progrès 
considérables  parmi  les  Muyscas  ,  dans  le 
royaume  de  la  Nouvelle-Grenade ,  parmi  les 
Péruviens  et  les  habitans  de  Quito.  Dans  ce 
dernier  pavs ,  on  a  conservé  ,  pendant  plu- 
sieurs siècles,  dans  la  trésorerie  royale  {en 
caxas  reaies  ) ,  des  ouvrages  précieux  de 
l'ancienne  orfèvrerie  américaine.  C'est  depuis 
un  petit  nombre  d'années  seulement,  que  , 
par  un  système  d'économie  que  Ton  peut 
appeler  barbare ,  on  a  fondu  ces  ouvrages, 
qui  prouvoient  que  plusieurs  peuples  du 
nouveau  continent  étoient  parvenus  à  un 
degré  de  civilisation  bien  supérieur  à  celui 
qu'on  leur  attribue   généralement. 

Les  peuples  aztèques  tiroient,  avant  la 
conquête ,  le  plomb  et  Xétain  des  filons  de 
ïlaciiCo  (Tasco) ,  au  nord  de  Chilpansingo 
et  Izmiquilpan  ;  le  cinabre ,  qui  servoit  de 
couleur  aux  peintres ,  leur  étoit  fourni  par 
les  mines  de  Chilapan.  De  tous  les  métaux , 
le  cid\>re  étoit  celui  qui  étoit  employé  le  plus 
communément  dans  les  arts  mécaniques  ;  il 
remplacoit  jusqu'à  un  certain  point  le  fer  et 


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3o4  LIVRE    IV, 

l'acier  :  les  armes ,  les  haches ,  les  ciseaux , 
tous  les  oiilils  ëloient  faits  avec  le  cuivre  tiré 
des  montagnes  de  Zacatollan  et  de  Gohuixco. 
Partout  sur  le  globe  l'usage  de  ce  dernier 
métal  paroît  avoir  précédé  celui  du  Cer,  et 
l'abondance  du  cuivre  à  l'état  natif,  dans  les 
parties  les  plus  septentrionales  de  l'Amérique, 
peut  avoir  contribué  à  la  prédilection  extraor- 
ilinaire  avec  laquelle  les  peuples  mexicains , 
issus  de  ces  mêmes  régions,  l'ont  constamment 
employé.  La  nature  offroit  aux  Mexicains  ' 
d'énormes  masses  de  fer  et  de  nickel  :  ces 
masses  ,  qui  se  rencontrent  éparses  sur  la 
surface  du  sol ,  sont  fibreuses ,  malléables  et 
d'une  ténacité  si  grande ,  que  l'on  ne  parvient 
qu'avec  beaucoup  de  difficulté  à  en  séparer 
quelques  fragmens  à  l'aide  de  nos  outils 
d'acier.  Le  vrai  fer  natif,  celui  auquel  on  ne 
peut  pas  attribuer  une  origine  météorique  ^ 
et  qui  est  constamment  mêlé  de  plomb  et  de 
cuivre ,  est  infiniment  rare  dans  toutes  les 
parties  du  globe  ;  par  conséquent ,  il  ne  faut 
pas  s'étonnner  qu'au  commencement  de  la 
civilisation,  les  Américains ,  comme  la  plupart 

»  Voyez  ci-ilcssus ,  T.  II ,  p.  384. 


CHAPITRE    XI. 


3o3 


des  autres  peuples ,  aient  Rxé  leur  attention 
plutôt  sur  le  cuivre  que  sur  le  fer.  Mais  com- 
ment ces  mêmes  Américains,  qui  traitoient  par 
le  feu  '  une  grande  variété  de  minerais , 
n'ont-ils  pas  été  conduits  à  la  découverte  du 
fer  par  le  mélange  des  substances  combus- 
tibles avec  les  ocres  rouges  et  jaunes  ^,  extrê- 
mement communs  dans  plusieurs  parties  du 
Mexique?  Si,  au  contraire,  comme  j'incline 
à  le  croire ,  ce  métal  leur  étoit  connu  ,  com- 
ment ne  sont-ils  pas  parvenus  à  l'apprécier  à 
sa  juste  valeur  ?  Ces  considérations  paroissent 
indiquer  que  la  civilisation  des  peuples  aztè- 
ques ne  datoit  pas  de  très-loin.  Nous  savons 

*  D'après  des  traditions  que  j'ai  recueillies  près  de 
Biobamba  ,  parmi  les  Indiens  du  village  de  Lican ,  les 
anciens  babitans  de  Quito  fondoient  des  minéraux 
d'argent ,  en  les  stratifiant  avec  des  charbons ,  et  en 
souillant  le  feu  avec  de  longs  roseaux  de  bambou. 
Un  grand  nombre  d'Indiens  étoient  placés  en  cercle 
autour  du  trou  qui  renfermoit  le  minerai;  de  sorte 
que  les  courans  d'air  sortoient  de  plusieurs  roseaux 

à  la  fois. 

2  L'ocre  iaune,  appelée  tecozahuhl ,  servoit  pour 
la  peinture ,  de  même  que  le  cinabre.  L'ocre  faisoit 
partie  des  objets  qui  composoient  la  liste  des  tributs 
de  Matinal tepec. 

ni.  20 


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3oG  Liviir  IV, 

que,  d  lis  les  temps  liumériques,  l'usa^^e  du 
cuivre  ]>réviiluil  encore  sur  celui  du  Ter, 
quoique  ce  dernier  lut  connu  depuis  long- 
temps. 

Plusieuis  savaus  distingués  ,  mais  étrangers 
aux  connoissances  chimiques  ,  ont  prélendu 
que  lis  IMexicaiiis  et  \c6  Péruviens  avoicnt 
un  secret  parliculier  j)our  donnerune  trenq^e 
au  cuivre  ,  et  pour  le  co/ivc^rlir  vn  ticicr.  Il 
n'es!  j)as  douieiix  que  les  liaches  et  d'autres 
outils  mexicains  ne  russenl  j)resque  aussi 
tranchans  (pjc  des  iiistruniens  d'acier;  mais 
c'est  à  l'clliage  avec  l'élain  et  non  à  la  trempe, 
qu'ils  dévoient  leui'  extrême  dureté.  Ce  que 
les  prenùers  liisloriens  de  la  conquête  ap- 
pellent cni\>rc  dur  nu  tranchant  y  ressembloit 
au  >'aÂ;.'of  des  Grecs  et  à  Xœs  des  Pioniains. 
Les  scidpleurs  mexicains  et  péruviens  exé- 
cutoient  de^rands  ouvrages  dans  le  îininstcia 
et  le  porphyre  basaltique  le  plus  dur.  Les 
joailliers coupoient et  percoient  lescnieraiides 
et  d'autres  pierres  fines  ,  en  se  servant  à  lu 
fois  d'un  oulil  de  métal  et  d'une  poudre 
siliceuse.  J'ai  rapporté  de  Lima  un  ciseau 
des  anciens  Péruviens,  dans  lequel  IM.  Vau- 
quelin  a  trouvé  0,94  de  cuivre ,  et  0,06  d'étain. 


CîlAPÎTr.F    \T. 


3o7 


Cet  alliage  avoit  été  si  hioii  forgé,  que,  par 
le  rapprochement  des  molécules,  sa  pesanteur 
spécifique  éloit  devenue  S,8i5;  tandis  que, 
d'après  les  expériences  de  M.  Biiclie  ',  les 
chimistes  n'obtiennent  ce  ma.rimtini  de  den- 
sité ({u'en  alliant  16  parties  d'étain  à  100  par- 
ties de  cuivre.  Il  paroit  que  les  Grecs  se 
servoient,  pour  durcir  le  cuivre,  de  Tétain 
et  du  Fer  à  la  lois.  Même  une  h;iche  «j-auloise 
trouvée  en  France  par  M.  Dupont  de  Nemours, 
et  qui  coupe  le  bois  ,  comme  une  haclie 
d'acier ,  sans  se  casser  ni  se  rebrousser , 
contient,  d'après  i'an:)lyse  de  M.  Vauquelin, 
0,87  de  cuivre  ,  o,o5  de  fer  et  0,09  d'étain. 

Ce  dernier  nîétal  étant  un  des  moins  ré- 
pandus sur  le  globe  ,  on  doit  être  surpris  de 
trouver  dans  les  deux  continens  l'usaîie  de 
durcir  le  cuivre  par  l'addilion  de  l'étain.  [Jn 
seul  minerai ,  et  qui  n'a  encore  été  trouvé 
qu'à  Wheal-Rock ,  en  Cornouaille ,  la  mine 
d'étain  sulfurée  {zinnkics),  contient  du  cuivre 
et  de  l'étain  à  la  fois  et  à  parties  égales.  Nous 
ignorons  si  les  peuples  mexicains  exploitoient 
dos  filons  dans   lesquels  étoient   réunis   des 


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*  Journal  des  minus ,  an  5 ,  p.  88 1 . 


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3o8 


LIVRK    IV 


iiiinerais  de  cuivre  et  (rétain  oxldé ,  ou  si  ce 
dernier  métal ,  que  l'on  rencontre  dans  les 
terrains  d'alluvion  de  l'intendance  de  Gua- 
naxuato  ,  sons  la  i'ornie  globuleuse  et  fibreuse 
du  holz-ziiiti y  lut  ajouté  au  cuivre  pur  dans 
une  proportion  constante.  Quoi  qu'il  en  soit , 
il  est  certain  que  le  manque  de  ler  se  laisoit 
moins  sentir  chez  les  nations  qui  savoient 
allier  d'autres  métaux  d'une  manière  aussi 
avantageuse.  Les  outils  Iranclians  des  Mexi- 
cains étoient  les  uns  de  cuivre  ,  les  autres 
d'obsidienne  (itztii).  Cette  dernière  substance 
étoit  même  l'objet  de  grandes  exploitations , 
dont  on  reconnoit  encore  les  traces  dans  une 
innombrable  quantité  de  puits  creusés  dans  la 
monta ^iw  des  couteaux ,  près  du  village  indien 
d'Atotonilco  el  Grande  '. 

Outre  des  sacs  de  cacao,  dont  chacun  con- 
tenoit  trois  xuiuipilli ,  ou  24ooo  grains; 
outre  les  patolquachtli  ^  ou  petits  ballots  de 
toile  de  coton  ,  quelques  métaux  étoient 
employés  parmi  les  anciens  Mexicains  comme 
monnoie,  c'est-à-dire,  comme  signes  repré- 
sentatifs des  choses.  Dans  le  grand  marché 


»  Voyez  ci-dessus ,  T.  II,  p.  i58. 


ClIAPlTRi:    \T. 


3  00 


de  Tônoclilillan  on  aclicloil  tontes  sortes  de 
denrées  ,  en  les  échangeant  contre  de  la 
poudre  d'or  contenue  dans  des  tuyaux  de 
plumes  d'oiseaux  aquatiques.  On  exigeoit  que 
ces  tuyaux  fussent  transparens  ,  pour  pouvoir 
reconnoître  la  grosseur  dos  grains  d'or.  Dans 
plusieurs  provinces  on  se  servoit,  ]>our  m^^n- 
noie  courante,  de  pièces  de  cuivre  auxquelles 
on  avoit  donné  la  forme  d'un  ï.  Corlez  rap- 
porte qu'ayant  entrepiis  de  faire  fondre  des 
canons  au  Mexique ,  et  ayant  envoyé  des 
émissaires  pour  découvrir  des  mines  d'étain 
et  de  cuivre,  il  apprit  que  dans  les  environs 
dé  Tachco  (  Tlachco  ou  Tasco  ) ,  les  naturels 
se  servoient ,  dans  leurs  échanges ,  de  pièces 
d'étain  '  fondues,  qui  étoient  minces  comme 
les  plus  petites  mon  noies  d'Espagne. 

Telles  sont  les  notions  imparfaites  que  les 

*  Cortez  se  plaint  dans  sa  tlcrnlcre  letlrc  à  Charles- 
Quint  ,  qu'après  la  prise  de  la  capilale  on  le  laissa  sans 
artillerie  et  sans  armes,  a  Rien  ,  dil-il,  ne  donne  plus 
«  d'essort  au  génie  de  l'homme  [no  hay  cosa  <jiie  nias 
«  los  ingenio'i  de  Ion  /lotubren  ai->iva)  que  le  senlinienfe 
«  du  danger.  Me  voyant  dans  le  cas  de  perdre  ce  qui 
u  nous  avoit  coûté  tant  de  fatigues  à  acquérir,  je 
«   dçvois  chercher  les  movcus  de  fabriquer  des  cano»« 


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IJVKE    IV 


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premiers  historiens  nojs  ont  transmises  sur 
l'usage  que  les  naturels  du  IMexiqne  l'aisoient 
de  l'or  ,  de  l'argent ,  du  cuivre  ,  de  l'élain  , 
du  plomb  et  des  mines  de  mercure.  J'ai  cru 
devoir  entrer  dans  ce  détail,  non-seulement 
pour  répandre  quelque  jour  sur  l'ancienne 
culture  de  ces  contrées,  mais  surtout  pour 
faire  voir  que  les  colons  européens  ,  dans  les 
premières  années  qui  ont  succédé  à  la  des- 
truction de  Ténochtitlan ,  n'ont  fait  que  suivre 
les  indications  de  mines  qui  leur  étoient  don- 
nées par  les  indigènes. 

Le  lojaume  de  la  Nouvelle-Espagne ,  dans 
son  étal  actuel  ,  oflre  près  de  cinq  cents 
endroits  {reaies  j  j'ealitos)  célèbres  par  les 
exploitations  qui  se  trouvent  dans  leurs  alen- 
tours. Plus  des  deux  tiers  de  ces  endroits 
sont  indiqués  dans  la  carte  générale  du  pays. 


«  avec  les  nialériaux  trouvés  clans  le  pays  même.  » 
Je  consignerai  ici  le  passage  remarquable  clans  lequel 
Coriez  parle  île  l'ctaiu  comme  monnoie  :  «  Topé  entre 
«  los  nalurales  de  una  provincia  que  se  tlice  Tachco 
«  ciertas  piecezuelas  de  esfano  a  manera  de  moneda 
((  muy  tlelijada  y  procediendo  en  mi  pescjuisa  halle 
«  que  en  la  dicha  provincia  y  aun  en  otras  se  tralaba 
u  por  nionn/(c.  »  [Lorenzcuia ,  p,  57g,  ^.  XVII.) 


CHAPITRE    XI. 


3n 


placée  à  la  tête  de  mon  Allas  rnrxicain.  îl  est 
probable  que  ces  5oo  rcdlcs  coin])rciinent 
piès  de  trois  mille  mines  (  niinns  )  ,  en  dé- 
sii^nant  par  ce  nom  l'enscndjle  des  n/fvnif;rs 
souterrains  qui  servent  à  l'exploilalion  d'un 
ou  de  plusieurs  gïlcs  métalliques ,  et  qui 
communiquent  les  uns  auM  autres.  Ces  'nines 
sont  divisées  en  ^y  districts  ou  arrondissemcns, 
auxquels  sont  préposés  autant  de  conseils 
des  mines,  appelés  Dipulucinncs  de  mincria. 
Nous  réunirons  dans  un  même  tableau  les 
noms  de  ces  D/pu/acioncs  j  et  celui  des  Rra/rs 
de  minas  qui  se  trouvent  dans  les  douze 
intendances  de  la  Nouvellc-Jlspagr.o.  Les 
matériaux  qui  ont  servi  pour  ce  travail ,  sont 
tirés  en  partie  d'un  mémoire  manuscrit  que 
le  directeur  du  conseil  supérieur  des  mines, 
Don  Fausto  d'Elhuyar,  a  di  cssé  pour  le  vice- 
roi  comte  de  Re^  illa^ii^edo. 


3l2 


LIVRE    IV 


TABLEA.U    GÉNLRAL 


DES    MINES 


DE  LA  NOUVELLE-ESPAGNE. 


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I.   INTENDANCE  DE  GUANAXIJATO, 

Depuis  les  20**  55'  jusqu'aux  21**  3o'  de  lati- 
tude boréale,  et  depuis  io2<»  3o'  jusqu'aux 
io5o45'  de  longitude  occidentale. 

Diputaciones  de  rnineria  y  ou  arrondissemens» 

1.    GuANAXUATO. 


JReales  j  ou  endroits  environnés  de  mines  : 
Guanaxuato.  Villalpando.  Monte  de  San 
Nicolas.  Santa  Rosa.  Santa  Ana.  San 
Antonio  de  las  Minas.  Comanja.  Capulin. 
Comanjilla.  Giganle.  San  Ijuis  de  la  Paz. 
San  Ptai'ael  de  los  Lobos.  Durasno.  San 
Juan  de  la  Chica.  Rincon  de  Centeno. 
San  Pedro  de  los  Pozos.  Palmar  de  Vega. 
San  Miguel  el  Grande.  San  Felipe. 


CHAPITRE    XI. 


3i3 


II.    INTENDANCE   DE   ZACAÏECAS, 

Depuis  les  22"  20'  jusqiriiiix  2\^  ôô'  de  lati- 
tude boréale,  et  depuis  jo3"  12'  jusqu'aux 
io5"  ()'  de  longitude  oeeideulale. 

Diputaciones  de  mineria^  ou  arrondissemens. 

2.  Zacatecas. 
5.  sombrerete. 
4*  Fresnillo. 
5.  Sierra  de  Pinos. 

Reaies  y  ou  endroits  ejwironnés  de  mines  : 
Zacateeas.  Guadalupe  de  Veta  Grande. 
San  Juan  Bauptista  de  Panuco.  La  Blanca. 
Sombre rete.  Madroho.  San  Pantaleon  de 
la  Noria.  Fresnillo.  San  Demetrio  de  los 
Piateros.  Cerro  de  Santiajjo.  Sierra  de 
Pinos.  La  Sauceda.  Cerro  de  Santiago. 
Mazapil. 

III.  INTENDANCE  DE  SAN  LUIS  POTOSI , 

Depuis  les  22**  1  '  jusqu'aux  27°  1 1  '  de  latitude 
boréale,  et  depuis  les  100''  55'  jusqu'au* 
100^  20'  de  longitude  occidentale. 


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3i4 


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Dipntacioncs  de  mineria^  nu  arroudisspmens. 

6.    C\T()RCE. 

7.  San  Luis  Potosi. 

8.    ClIAUCAS. 

9.  Ojocaliente. 
10.  San  Nicolas  de  Croix. 


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Renies  ,  ou  endroits  environnés  de  mines  : 
La  Purissiina  Conccpcion  tic  Alanios  de 
Calorce.  Matcliuala.  Ccrro  del  Polosi. 
San  Martin  Bcrnalcjo.  Sierra  Ncgra.  Tnlc. 
San  Martin.  Santa  Maria  de  las  Gharcas. 
Ramos.  Ojocaliente.  Cerro  de  San  Pedro. 
Matanzillas.  San  Garlus  de  Vallecillo. 
San  Anlonio  de  la  Ygnana.  Sanlia«^o  de 
las  Sabinas.  Montercy.  Jésus  de  Rio  Rlanco. 
Las  Salinas.  Coeca  de  Leones.  San  JNicolas 
de  Croix.  Rorbon.  San  Joseph  Taman- 
lipan.  Nuestra  Senora  de  Guadalnpe  de 
Sihue.  La  Purissiina  Concepeion  de  Re- 
villagigedo.  EH/enado.  L.  Tapona.  Gua- 
dalcazar. 


CHAPITRE    XI. 


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IV.  INTENDANCE  D  F.  MI.  MCO. 

Depuis  les  18"  10'  jiisqu'aiiK  2  r'.")i)'(lclatlliide 
boréale,  et  (li'jniis  les  100"  12'  lus^u'anx: 
io5o  25'  (le   luii;'itudc  occiciciilale. 

Diputaciones  de  niiiwrid ,  ou  avroiidàscmens. 

11.  PACHirCA. 

12.  El  Doctor. 

15.  ZiMAPAN. 

a 4.  Tasco. 

i5.  Zacualpan. 

16.  SlJLTErEC. 

17.  Temascaltepec. 

Jieales ,  ou  endroits  e/i,>ironncs  de  mines  : 
Pachiica.  Real  del  Monte.  Moran.  Alo- 
lonileo  el  Chico.  Aloloiiiloo  el  Grande. 
Zimapan.  Lomo  del  Toro.  Las  Caiîas.  San 
Joseph  del  Oro.  Verdozas.  Gapiila.  Santa 
Bosa.  El  Potosi.  Las  Plomosas.  El  Doctor. 
Las  Alpujarras.  El  Pinal,  ou  los  Anioles. 
lîuascazoluya.  San  Miguel  del  Rio  Blanco. 
Las  Aguas.  Maconi.  San  Christobal.  Car- 
donuK  Xacala.  Jutchitlan  el  Grande.  San 


3i6 


Livnr.  TV 


Joseph  dcl  Obraje  Viefo.  Cerro  Blanco. 
Cerro  dcl  Sotolar.  San  Francisco  Xichii. 
Jésus  Maria  de  la  Targea.  Coroniila  ,  ou  la 
Purissima  Concepcion  de  Tetela  del  Rio. 
Tcpanlidan.  San  Vicente.  Tasco.  Tehuilo- 
tepec.  Goscallan.  Haucingo.  Huauda.  So- 
chipala.  Tedilco.  San  Esteban.  Real  del 
Limon.  San  Geroninio.  Temascaltepec. 
Real  de  Ariba.  La  Albarrada.  Yxtapa.  Oco- 
tepec.  Chalchilepèque,  Zacualpan.  Tecica- 
pan.  Ghontalpa.  Santa  Cruz  de  Azulacpes. 
Sultepec.  Juluapa.  Papaloapa.  Los  Ocotes. 
Capulalengo.  Alcozauca.  TotomixUahuaca. 


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V.  INTENDANCE  DE  GUADALAXARA, 

Depuis  les  19^0'  jusqu'aux  25^  12  '  de  latitude 
boréale,  et  depuis  les  loô*^  5o'  jusqu'aux 
108"  o'  de  longitude  occidentale. 

Diputaciones  de  mlneria ,  eu  arroridissemens. 

18.  BoLANOS. 

19.  AsiENTOS   DE  IbARRA. 

20.  HOSTOTIPAQUILLO. 

Reaies  y  ou  endroits  environnés  de  mines  :  Bola- 
fios.  Xalpa.  San  Joseph  de  G  uichichila.  Santa 


CHAPITRE    XI.  3l7 

Maria  deGuadalupe,  oudelaYesca.  Asieu- 
tosde  Ibarra.  San  Nicolas  de  los  Angeles.  La 
Baliena.  Talpan.  Hoslolipaquillo.  Copala. 
Guaxacatan.  Aniaxac.  Limon.  Tepante- 
ria.  locotan.  Teoonialan.  Ahuacatancillo. 
Guilotitan.  Plalanarilo.  Santo  Domingo, 
luchipila.  Mezquital.  Xalpa.  San  Joseph 
Tepostitlan.  Guacliinango.  San  Nicolas  del 
Roxo.  Amatlan.  Nalividad.  San  Joaquin. 
Santissima  Trinidad  de  Pozole.  Tule. 
Motage.  Frontal.  Los  Aillones.  Ezallan. 
Posession.  La  Seiranilla.  Aquilapilco. 
Eliso.  Chimallitan.  Siinta  Fe.  San  Kafael. 
San  Pedro  Analco.  Sanla  Ciuz  de  los 
Flores. 


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VI.  INTENDANCE  DE  DURANGO. 

Depuis  les  23»  55'  jusqu'aux  29*^  5'  de  latitude 
boréale,  et  depuis  les  io4"  4o'  jusqu'aux 
j.  lo^o'  de  Jongitude  occidentale. 

Dîputaciones  de  mincria  y  ou  airondissemcns. 

21.  Chihdahua. 

22.  Parbal. 

20.  guarisamey. 
24'  cosiguiuiachi, 
26.  Batopilas. 


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3l8  LIVT\E    IV, 

llcdlcs  ,  nu.  endroils  cjivironncs  de  mines  : 
S;;n  l*c<lm(lcl^utopiIas. Uruarlii.  Gujuiii  lii, 
(Niicslra  SoiiOra  de  Lorclo.  San  Joaquin 
<lc  \os  Ai'iioros.  El  Oro  de  Topago.  San 
•liian  INcpoiinieeno.  JNueslia  Senora  del 
Monsenale  del  Z.ipolc.  Lriqnlllo.  San 
AiJiiiisrin.  INiicslra  Scfiora  del  Monserrale 
de  Uriqiie.  Guaiisainey.  San  Vieenlc. 
Gnadahipc.  Cavilanes.  San  Antonio  de  las 
Venlanas.  San  Dinias.  San  JoseplideTavol- 
lita.  Cosiguiriac  lii.  Rio  de  San  Pedro* 
Cliilinalnia  el  Viejo.  San  Juan  de  la  Cî^nc 
giiilla.  IMa^*'nai  ielii.  Caxurieln.  San  Jost  dci 
Panai'. Indeliè.  Los Sanees.Nnestra Senora 
de  la  JMereeddclOro.  Real  deTodosSantos. 
San  Franciseo  del  Oi'o.  Santa  Barbara. 
Sr.n  Pedro.  II.iejoqMilla.  Los  Peiioles.  La 
Cadena.  Cneneaniè.  S;.n  Nieolas  de  Yei« 
vabnena.  La  Concepeion.  San  la  Maria  de 

"  Sur  fjiiolqiu's  épreuves  <1c  ma  carie  générale  de 
la  TN'onvoIlc-Espngno  ,  le  nom  Je  Parral  se  trouve 
confondu  avec  celui  du  villajic;  de  Valle  San  Jîarlo- 

o 

lonie.  C'est  le  signe  par  l(  qtuîl  est  désigné  le  clief-lieu 
d'un  conseil  provincial  des  mines, qui  inf'iqiit.  ..t  vraie 
position  du  Parral ,  telle  qu'on  la  trouve  déjà  sur  la 
carte  lllnrrairej  PI.  7  de  l'Atlas  mexicain. 


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CHAPITRE    XI. 


3 


19 


las  Nieves.  Clialtliiliiiites.  Sanla  Gatallna. 
San  Miguel  dcl  Mezquilal.  Nuestta  Senora 
de  los  Dolores  del  Orito.  San  Juan  del  Rio. 
San  Lucas.  Panuco.  Avinito.  San  Francisco 
de  la  Silla.  ïexamen.  Nueslra  Senora  de 
Guadalupc  de  Ttixanie.  San  Miguel  de 
Conelo.  Sianori.  Ganclas.  Las  Mesas.  Saba- 
tinipa ,  ou  Malabacas.  Topia.  San  Uafael 
de  las  Flrjres.  1^1  ALicran.  La  Tjagartija. 
San  Ranion.  Santiago  de  Mapinii. 

VII.  INTENDANCE  DE  SONORA, 

Depuis  les  2^^  i5'  jusqu'aux  ôio  20'  de  lati- 
tude boréale,  et  de{)iiisles  iiro/|5'  jusqu'aux 
1 15"  20'  de  longitude  occivien'.ale. 

Dlpiitacioncs  de  mincrlu  y  ou  arrondisscniens, 

26.  Alamos. 

27.  CoPALA. 

28.  GOSALA. 

2g.  San  Francisco  Xavier  de  la  Huerta. 

3o.    GuADALUPiï  DE  LA  PuERTA. 

01.  Santissima  Trimpad  dePe!\a  Blanca. 

02.  San  Fancisco  Xavier  de  Allsos. 


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320  LIVKE    IV, 

Realcs ,   ou  endroits  environnés  de   mines  : 

San  Joseph  de  Gopala.  Real  del  Rosaiio. 

Plomosas.  Santa    Kosa ,  ou  las  Adjuntas. 

Apomas.  San    Nicolas  de  Panuco.  Santa 

Rita.  Trancito.  Charcas.  Limon.  Santa  Rosa 

de  las  Lagunns.  Tocuislita.  Corpus.  Reyes. 

Cosala.  Palo  Blanco.  El  Caxon.  Santiago 

de  los  Caballeros.  San  Antonio  de  Alisos. 

San  Roque.  Tabahueto.  Norotal.  Los  Moli- 

nos.   Surutato.  Los  Garcamos.  San  Juan 

Ne  >'^muceno.  Bacatopa.  Lorelo.  Teuoriba. 

Agua.     lente.  Monserrate.   Sivirijoa.   Ba- 

royeca.Yecorato.  Zataque.  Cerro  Colorado. 

Los  Alamos.    Guadalupe.  Rio  Gliico.  La 

Concepeion  de  Haygamè.  Santissinia  Tri- 

nidad.  La  Ventana,  ou  Guadalupe.  Sara- 

cachi.  San  Antonio   de    la    Huerta.   San 

Francisco  Xavier.  Hostimuri.  Quisuani.  El 

Aîi'uag-e.  Hii'ane.  San  José  de  Gracia.  El 

Gabilan.  El  Populo.  San  Antonio.  Todos 

Santos.  El  Carizal.  Nacatabori.  Rac>.ach. 

San  Ildefonsode  Cieneguilla.  San  Lorenzo. 

Nacumini.    Cupisonora.    Tetuachi.    Baso- 

chuca.    Nacosari.    Bacamuchi.    Cucurpe. 

Motepore. 


CHAPITRE    XI. 


321 


VIII.  INTENDANCE  DE  VALLADOLID, 

Depuis  les  18°  25'  jusqu'aux  19*^  5o'  de  latitude 
boréale,  et  depuis  les  102**  lo'  jusqu'aux 
io4"5o'  de  longitude  occidentale. 

Diputaciones  de  mineria  y  ou  arrondissemeiis. 

53.  Angangueo. 
34-  Inguaran. 

35.    ZiTAQUARO. 

36.  Tlalpujahua. 


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Reaies  ^  ou  endroits  environnés  de  mines  : 
Angangueo.  El  Oro.  Tlapaxahua.  San  Au- 
gustin de  Ozumatlan.  Zitaquaro.  Istapa.  Los 
Santos  Reyes.  Santa  Rita  de  Ghirangangeo. 
El  Zapote.  Chachiltepec.  Sanchiqueo.  La 
Joya.  Paquaro.  Xerecuaro.  Gurucupaseo. 
Sinda.  Inguaran.  San  Juan Guetanio.  Ario. 
Santa  Clara.  Alvadeliste.  San  Nicolas  Apu- 
pato.  Rio  del  Oro.  Axuchitlan.  Santa  Maria 
del  Garnnen  del  Sombrero.  Favor.  Chi- 
chindaro. 


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LIVRE    IV 


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IX.  INTENDANCE  D'OAXACA, 

Depuis  les  16^  55'  jusqu'aux  17*»  55'  de  lati- 
tude boréale,  el  depuis  les  98**  1 5  '  jusqu'aux 

100"  o'  de  longitude  oecidenlale. 

o 

Diputaciones  do  mincvia  y  ou  arrondissemens. 
07.  Oaxaca. 

Rcalcs  y  ou  endroits  environnés  de  mines  : 
Zolaga.  Talea.  llucplotitlan.  La  Aurora  de 
Ixlepexi.  VillaUa.  Ixtlaii.  Tatolatia.  Ilui- 
lepèque.  Piio  de  San  Antonio.  Totomistla. 
San  Pedro  Nesicho.  Santa  Catalina.  Laclia- 
teo.  San  Miguel  Amallan.  Santa  Maiia 
lavecia.  San  Mateo  Capulalpa.  San  Miguel 
de  las  Feras. 


X.  INTENDANCE  DE  PUEBLA, 

Depuis  les  18**  i5'  jusqu'aux  20"  25'  de  lati- 
tude boréale,  et  depuis  les 99" 45'  jusqu'aux 
100*»  5o'  de  longitude  occidentale. 

Mines  éfjcirses  :  La  Canada.  Tulincingo.  San 
Miguel  Tenango.  Zautla.  Barrancas.  Alat- 
lanquetepec.  Temetzla.  Ixtacniaztitlan. 


CHAPITRE    XI. 


323 


XI.   INTENDANCE  DE  VERA-CRUZ, 

Depuis  les  20'' o'  jusqu'aux  21**  i5'  de  latitude 
boréale,  et  depuis  les  99**  o'  jusqu'aux 
101'*  5'  de  longitude  oceideutale. 

Mines  eparsf'S  :  Zomelaliuacan.  Giliapa.  San 
Antonio  de  Xaeala. 

XII.  ANCIENNE  CALIFORNIE, 

Mine  :  Pveal  de  Sanla  Ana. 


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Ceux  qui  ont  étudié  la  constitution  géolo- 
gique d'un  pays  de  mines  trës-étendu ,  savent 
qu'il  est  presque  impossible  de  réduire  à  des 
idées  générales  les  observations  faites  sur 
une  grande  variété  de  couches  et  de  filons 
métallifères.  Le  physicien  peut  distinguer 
l'ancienneté  relative  des  diverses  formations  : 
il  parvient  à  découvrir  des  lois  dans  la  strati- 
fication des  roches ,  dansl'identité  des  couches, 
souvent  même  dans  l'angle  que  l'ont  ces  der- 
nières, soit  avec  l'horizon,  soit  avec  le  méri- 
dien du  lieu  ;  mais  comment  reconnoître  les 
lois  qui  ont  déterminé  la  disposition  des  mé- 


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324  LIVRE    IV, 

taux  dans  le  sein  de  la  terre,  la  puissance,  la 
direction  et  l'inclinaison  des  filons,  la  natnre 
de  leur  masse ^  et  leur  structure  particulière  ? 
Comment  tirer  des  résultats  généraux  de 
l'observation  d'une  mulliludo  de  petits  phé- 
nomènes qui  ont  été  modifiés  par  des  c:tuses 
purement  locales,  et  qui  paroissent  être  les 
effets  d'un  jeu  d'affinités  chimiques  ,  dont 
l'action  étoit  circonscrite  sur  un  très -petit 
espace?  Ces  difficultés  augmentent  lorsque, 
comme  dans  les  montagnes  du  Mexique,  les 
Jilons  ,  les  couches  et  les  amas  [stochiverke) 
>.  $e  trouvent  épars  dans  une  infinité  de  roches 
de  mélange  et  de  formation  très-différentes. 
Si  Ton  possédoit  'jne  description  exacte  des 
quatre  ou  cinq  mille  filons  qui  sont  actuelle- 
ment exploités  dans  la  Nouvelle-Espagne ,  ou 
qui  l'ont  été  depuis  deux  siècles,  on  recon- 
noîtroit  sans  doute,  dans  la  masse  et  dans  la 
structure  de  ces  filons ,  des  analogies  qui  indi- 
queroient  une  origine  simultanée  :  on  trou- 
veroit  que  ces  masses  (gangausjiilluiîgen) 
sont  en  partie  identiques  avec  celles  que 
présentent  les  filons  de  la  Saxe  et  de  la  Hon- 
grie ,  et  sur  lesquels  le  premier  minéralogiste 
dju  siècle,  M.  Werner,  a  répandu  tant  de 


'S 


CHAPITRE    XI. 


325 


lumières.  Mais  nous  sommes  bien  loin  encore 
de  connoîlre  les  montagnes  métallifères  du 
Mexique  ,  et ,  mal<^ré  le  grand  nombre  d'ob- 
servations que  j'ai  pu  recueillir  par  moi-même, 
en  parcourant  le  |  a^s  dans  différentes  direc- 
tions ,  sur  une  longueur  de  plus  de  qualre 
cents  lieues,  je  ne  hasarderai  point  d'esquisser 
le  tableau  général  dos  mines  mexicaines  con- 
sidéré sous  des  rapports  géologiques.  Je  me 
bornerai  à  indiquer  les  roches  qui  fournissent 
la  majeure  partie  des  richesses  de  la  Nouvelle- 
Espagne. 

Dans  l'état  actuel  du  pays ,  les  filons  sont 
l'objet  des  exploitations  les  plus  considérables: 
lès  minerais  disposés  en  couches  ou  en  amas 
y  sont  assez  rares.  Les  filons  mexicains 
se  trouvent,  pour  la  plupart,  dans  des 
roches  primiWes  et  dans  celles  de  transition 
(  /^/"-und  ûhevgangs-gcl/irge  ) ,  moins  com- 
munément dans  les  montagnes  de  formation 
secondaire  ,  qui  n'occupent  une  vaste  étendue 
de  terrain  qu*au  nord  du  tropique  <'  i  cancer, 
à  l'est  du  Rio  del  Norte ,  dans  le  bassin  du 
Mississipi ,  et  à  l'ouest  du  Nouveau-Mexique 
dans  les  plaines  qui  sont   arrosées  par  les 


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326  LIVRE    IV, 

rivières  de  ZagUtinanas  et  de  San  Buenaven- 
lura,  et  qui  abondent  en  sels  muriatiques. 

Dans  l'ancien  continent  ,  le  granitc  ,  le 
gneiss  et  le  schiste  micacé  (  i^lintrncr'scliiejej') 
constituent  la  crùle  des  liaulcs  chaînes  de  mon- 
tagnes. Ces  nicnies  roches  paroissent  rarement 
an  jour  sur  le  dos  des  Cordillères  de  l'Amé- 
rique ,  particulièrement  dans  la  partie  centrale 
conlenue  entre  les  18  et  22  degrés  de  latitude 
boréale  :  des  couches  d'une  épaisseur  énorme 
de  porphyre  aniphibolique  ,  de  griinstein  , 
d'amjgdaloïde,  de  basalte,  et  d'autres  for- 
mations trapéennes,  j  recouvrent  le  granité, 
et  le  cachent  aux  yeux  du  géologue.  Les  côtes 
d'Acifpulco  sont  formées  de  roches  grani- 
tiques. En  montant  vers  le  plateau  de  Mexico , 
on  voit  ces  dernières  percer  le  porphyre  pour 
lu  dernière  fois ,  entre  Zumpango  et  Sopilote  : 
plus  à  l'est ,  dans  la  province  d'Oaxaca  ,  le 
granité  et  le  gneiss  s'élèvent  dans  des  plateaux 
d'une  étendue  considérable ,  et  qui  sont  tra- 
versés par  des  liions  aurifères.  L'étain,  qui  est , 
après  le  titane ,  le  schéelin  et  le  molybdène , 
le  métal  le  plus  ancien  du  globe ,  n'a  cepen- 
dant ,  que  je  sache ,  pas  encore  été  observé 


CHAPITRE    XI.  027 

dans  les  jrraiiilcs  du  Mexique  ;  car  rétain 
fibreux  (  ironr///// )  du  Giî^tiule  iipparlienl  à 
des  terrains  d'alhnion  ,  elles  filons  d'éliûn 
de  la  Sierra  de  Guana.xualo  sctrouvciît  dans 
des  iiionlt!i;nes  de  porphyre.  Dans  les  mines 
de  Coinanja,  un  syêniie  qui  paroît  d'aneicnnc 
fornialion  ,  renCtiîJie  un  lîlon  argenliCerc: 
celui  de  Guanaxuato,  le  plus  riche  de  toute 
rAinériquc  ,  traverse  un  schiste  primitif 
[tlionscliicjer)  qui  passe  souvent  au  sclnsle 
talqucux  (  talkscliicfcr  )  :  la  serpentine  de 
Ziinapan  paroît  dénuée  de  métaux. 

Les  porphyres  dîi  Mexique  peuvent  être 
considérés  en  grande  partie  comme  des  roches 
éminemment  riches  en  mine:,  d'or  et  d'argent. 
C'est  un  des  problèmes  de  géologie  les  plus 
difficiles  à  résoudre  ,  que  de  déterininet  leur 
ancienneté  relative',  ce  qui  les  caractérise  tous, 
c'est  la  présence  constante  de  l'amphibole  et 
l'absence  du  quartz  ,  si  commun  dans  les 
porphyres  primitifs  de  l'Europe ,  surtout  dans 
ceux  qui  forment  des  couches  dans  les  gneiss. 
\jÇ',  feldspath  commun  se  présente  rarement 
dans  les  porphyres  mexicains  ;  il  n'est  propre 
qu'aux  formations  les  plus  anciennes  ,  à  celles 
de  Pachuca  ,  de  Real  del  Mente  et  de  Moran, 


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328  LIVRE   IV, 

dont  les  filons  fournissent  deux  fois  autant 
d'argent  que  la  Saxe  entière.  Le  plus  souvent 
on  ne  découvre ,  dans  les  porphyres  de 
l'Amérique  espa<,mole,  que  du  feldspath  vi^ 
ireujc.  La  roche  qui  est  traversée  par  le  riche 
filon  aurifère  de  Villalpando ,  près  de  Gua- 
naxuato  ,  est  un  porphyre  dont  la  base  se 
rapproche  du  /J/ngstctn  (  phonolile  ),  et  dans 
lequel  l'amphibole  est  extrêmement  rare. 
Plusieurs  de  ces  terrains  de  la  Nouvelle- 
Espagne  offrent  de  grandes  analogies  avec 
les  roches  problématiques  de  la  Hongrie , 
que  M.  de  Born  a  désignées  par  la  dénomina- 
tion très-vague  de  sajciiin  metalUjerinn,  Les 
filons  de  Zhnapan,  qui  sont  les  plus  instruc 
tifs  sous  le  rapport  de  la  théorie  des  ^/fe5  de 
minerais,  traversent  des  porphyres  à  base  de 
griuisieiUf  poiphyres  qui  paroissent  appar- 
tenir aux  roches  trapéennes  de  nouvelle 
formation.  Ce  sont  ces  mêmes  filons  du 
district  de  Zimapan,  qui  offrent  aux  collec- 
tions oryctognostiques  une  grande  variété  de 
minéraux  intéressans ,  tels  que  la  zéolithe 
fibreuse ,  la  stilbite  ,  la  grammatite ,  la  pyc- 
nile  ,  le  soufre  natif ,  le  spath  fluor ,  la 
baryte;  l'asbesle  subériforme,  les  grenats 


CHAPITRE    XI.  829 

verts,  le  carbonate  et  le  chromate  de  plomb, 
rorpiinent  ,  la  chrjsoprase  ,  et  une  nou- 
velle espèce  d'op.jlc  de  la  pins  rare  beauté, 
que  j'ai  fait  connoître  en  Europe  ,  et  que 
MM.  Karsten  et  Klaprolli  ont  décrite  sous 
le  nom  de  Feucr-Opal. 

Parmi  les  roches  de  transition  qui  ren- 
ferment des  minerais  d'argent,  on  peut  citer 
le  calcaire  de  transition  (  ûbcrgangskalk- 
steln)  du  Real  del  Cardonal ,  de  Xacala  et 
de  Lomo  del  Toro  ,  au  nord  de  Zimapan, 
Dans  le  dernier  de  ces  endroits,  ce  ne  sont 
pas  des  filons  que  l'on  exploite,  mais  des  am^r^ 
de  galène,  dont  quelques  nids  ont  donné, 
dans  un  court  espace  de  temps ,  d'après 
l'observation  de  M.  Sonneschmidt ,  plus 
de  i24jOOO  quintaux  de  plomb.  La  grau- 
wakke,  alternant  iwecle  graiavakken-schiefer, 
n'est  pas  moins  riche  en  métaux  au  Mexique 
que  dans  plusieurs  parties  de  l'Allemagne. 
C'est  dans  cette  roche,  dont  la  formation  a 
précédé  immédiatement  celle  des  roches 
secondaires,  que  paroissent  se  trouver  plu- 
sieurs filons  de  Zacatecas. 

A  mesure  que  le  nord  du  Mexique  sera 
parcouru   par   des   géologues  instruits  ,  on 


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33o 


LIVRE    IV 


reconnoitra  que  les  ricliesses  inéîalliqnes  du 
Mexique  n'appurliennent  pas  exclusivement 
aux  terrains  primitifs  et  aux  nu)iita<i;'nes  de 
transition  ,   nniis  qu'elles  s'étendent  aussi  à 
celles  ôe  fornifi^'on  sncandaire.  J'ii]^nc/re  si  le 
plo'.nb  qui  s'exploite  dans  la  partie  orientale 
de  l'intendance  de  San  Luis  Potcsi  se  trouve 
en  filons  ou  en  couches  ;  mais  il  p:  roit  certain 
que  les  filons  d'argent  du  Real  de  Gatorce , 
comme  ceux  du  Doctor  et  de  Xaschi,  près  de 
Zimapan ,  traversent  la  pierre,  calcaire  alpine 
(  alpenkalkstein)  :  cette  roche  repose  sur  un 
poudingue  à  ciment  siliceux  ,  que   l'on  peut 
regard ~r  comme  la  plus  ancienne  des  forma- 
tions secondaires.  Le  calcaire  alpin  et  le  cal- 
caire   du  Jura    {jiirakalkstein)   rcnferm?nt 
les  célèbres  mines  d'argent  de  Tasco  et  celles 
deTehuilotepec ,  dans  l'intendance  de  Mevico  ; 
et  c'est  dans  ces  roches  calcaires  que  les  nom- 
breux  filons   qui  sont  d:uis  ce  pavs  I  objet 
d'une  exploitation  très-ancienne,  ont  montre- 
le  plu.«  de  richesse.  Ilsso'tt  plus  stériles  d  :  s 
les  strates  de  schiste \ivmÀ\ii {ur'fuojiscJiiejer)^ 
qui ,  comme  on  le  reconnoît  daris  le  Cerro  de 
San   Ignacio  ,   sert  de  base  aux  formation* 
sec  ondaires. 


CHAPITBE    XI. 


33  I 


Il  résulte  de  cet  aperçu  ^encrai  des  gîtes 
métallifères   {^  erzfiihreiide  la^crstatte) ,  que 
les  Cordillères  du  Mexique  ofïVcut  des  filons 
dans  une  grande  \ariélé  de  roches,  et  que 
celles  qui  fournissent  dans  le  uionienl  actuel 
la  presque  totalité  de  l'argent  exporté  annuel- 
lement de  la  Vera-Gruz,  sont  le  schiste  primi^ 
tif,  la  grauwakke  et  \à  pierre  calcaire  alffiiie  j, 
traversés  par  les/lions  principaux  de  Gua- 
naxuato,  de  Zacatecas  et  de  Catorce.  C'est 
aussi  dans  un  schiste  primitif  (ur-thoiischiejer), 
sur  lequel  repose  du  porphyre  argileuxconte- 
nant  des  grenals ,   que  sont  reniermées  les 
richesses  du  PoA95/ ,  dansle  royaunie  de  Bue- 
nos-Ayres.  Au  Pérou ,  au  contraire, c'est  dans 
la  pierre  calcaire  alpine  que  se  trouvent  les 
mines  de  Gualg-avoc  ou  de  Chota ,  et  celle  de 
Yauricocha  ou  de  Pasco  ,  qui,   ensemble, 
rendent  annueilenient  deux  fois  autant  d'ar- 
gent que  toutes  les  mines  de  l'Allemagne.  Plus 
on  étudie  en  grand  la  constitution  géologique 
du  globe ,  et  plus  on  reconnoît  qu'il  existe 
à  peine   une    roche   qui,  dans  de   certaines 
contrées  ^  n'ait  été  trouvée  éminemment  mé- 
tallifère. Le  plus  souvent  la  richesse  des  filons 


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332  LIVRE    IV, 

est  indépendante  de  la  nature  des  couches  que 
ces  filons  traversent. 

On  observe  dans  les  mines  les  plus  célèbres 
de  l'Europe,  que  les  travaux  souterrains  se 
dirigent  ou  sur  une  multitude  de  filons  peu 
puissans,  comme  dans  les  montagnes  primi- 
tives de  la  Saxe,  ou  sur  un  très-petit  nombre 
de  gîtes  de  minerais  d'une  puissance  extraor- 
dinaire ,  comme  à  (jlausthal ,  au  Harz ,  et  près 
de  Scliemnitz,  en  Hongrie.  Les  Cordillères  du 
Mexique  offrent  de  fréquens  exemples  de  ces 
deux  genres  d'exploitation  ;  cependant  les 
districts  de  mines  dont  la  richesse  a  été  la  plus 
constante  et  la  plus  considérable  ,  ceux  de 
Guanaxuato ,  de  Zacatecas ,  et  de  Real  del 
Monte  ,  ne  p.^ésentent  chacun  qu'un  seul  filon 
principal  (i^eta  madré).  On  cite  àFreiberg, 
comme  im  phénomène  remarquable,  le  filon 
appelé  halsbrûhier  spath  ,  dont  \a  puissance 
est  de  deux  mètres^  et  qui  a  été  reconnu  dans 
une  longueur  de  6200  mètres.  La  veta  madré 
de  Guaxanuato  ,  dont  il  a  été  extrait  dans  les 
derniers  dix  ans  plus  de  six  millions  de  marcs 
d'argent ,  a  une  puissance  de  4o  à  4*^  mètres  : 
elle  est  exploitée  depuis  Santa  Isabella  et  San 


CHAPITRE    XI. 


333 


Bruno,  jusqu'à  Buenavista ,  sur  une  longueur 
de  plus  de  12,700  mètres. 

Dans  l'ancien  continent ,  les  filons  de  Frei- 
berg  et  de  Glauslhal,  qui  traversent  des  mon- 
tagnes de  gneiss  et  de  grauwakkc  j  viennent 
QMJoiir  dans  des  plateaux  dont  l'élévation  au- 
dessus  du  niveau   de  la  mer,  n'est  que  de 
35o  et  670  mètres  :  cette  élévation  peut  être 
regardée    comme  la  hauteur  moyenne  des 
mines  les  plus  abondantes  de  TA  iemagne. 
Dans  le  nouveau  continent ,  les  richesses  mé- 
talliques sont  déposées  par  la  nature  ,  sur  le 
dos  même  des  Cordillières ,  quelquefois  dans 
des  sites  peu  éloignés  de  la  limite  des  neiges 
perpétuelles.  Les  exploitations  lespluscélèbres 
du  Mexique  se  trouvent  à  des  hauteurs  abso- 
lues de  1800  à  5ooo  mètres.  Dans  les  Andes, 
les  districts  des  mines  de  Potosi,  d'Oruro,  de 
la  Paz,  de  Pasco  et  de  GMalL;'ayoc,  appar- 
tiennent à  une  région  dont  l'élévalioM  surpasse 
celle  des  plus  hautes  cimes  des  P vréné(  s.  Près 
de  la  petite  ville  de  Micuipampa  ,   dont  la 
grande  place,  d'après  ma  mesure,  est  élevôe 
de  36i  8  mètres  au-dessus  du  niveau  delà  mer, 
un  amas  de  minerai  d'argent,  connu  sous  le 
nom  du  Cerro  de  Gualgajoc  ^  a  offert  d'im- 


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3.'34  ..:vivfc:  iv, 

nienses  ri  (liesses  dans  ses  aftleuremeiis ,  à  une 
hantenr  absolue  de  4  loo  mètres. 

Nous  avons  exposé  dans  un  autre  enî'.rbit  ', 
combien  il  est  avantageux  pour  l'exploitation 
des  mines  du  Mexique ,  rpie  les  gîtes  métal- 
lifères les  plus  importans  se  trouvent  dans 
«ne  région  niojeniie  dont  le  climat  ne  s'op- 
pose pas  à  l'agriculture  et  au  développement 
de  la  végétation.  La  grande  ville  de  Gua- 
naxuato  est  placée  dans  un  ravin  dont  le  fond 
est  un  peu  au-dessous  d;i  niveau  des  lacs  que 
renferme  la  vallée  de  Ténoclititlan.  Nous 
ignorons  les  hauteurs  absolues  de  Zacatecas 
et  du  Real  de  Catorce.  Ces  deux  endroits 
sont  situés  sur  des  plateaux  qui  paroissent 
plus  élevés  que  le  sol  de  Guanaxuato  :  ce- 
pendant le  climat  tempéré  de  ces  villes 
mexicaines,  qui  sont  cp^^  arées  des  mines  les 
plus  riches  du  monde ,  contraste  avec  le  climat 
excessivement  froid  et  désagréable  de  Micui- 
pampa ,  de  Pasco,  de  liuancavelica,  eld'autres 
villes  péruviennes. 

Lorsque ,  dans  un  district  de  peu  d'étendue, 

»  Voyrz  ci-dessus,  Chap.  Ilï,  T.  I,  p.  2()3  ;  et 
Chap,  IX  ,  p.  1 1  tic  ce  volumu. 


CHAPITRE    XI. 


335 


par  exemple  dans  celui  de  Freiherg,  en 
Saxe  ,  on  compare  la  qnanlilé  d'ar^^ent  livré 
annuellement  à  la  monnoie,  au  grand  nombre 
des  mines  qui  soià  en  exploitation ,  on  s'aper- 
çoit au  plus  léger  examen  que  ce  produit 
n'est  dû  qu'à  une  petite  partie  des  travaux 
souterrains ,  et  que  lei:  neuf  dixièmes  des 
mines  n'influent  presque  en  rien  sur  la  masse 
totale  des  minerais  arrachés  du  sein  de  la 
terre.  De  même  au  Mexique,  ce  n*est  que 
d'un  très-petit  nombre  de  mines  que  sont 
tirés  les  2,5oo,ooo  marcs  d'iirgent  qui  passent 
annuelleaient  en  Europe  et  en  Asie  par  les 
ports  de  Vera-Gruz  et  d'Acapulco.  Le;j  trois 
districts  que  nous  avons  eu  occasion  de 
nommer  souvent,  ceux  de  Guanaxuato ,  Za- 
catecas  et  Gatorce ,  fournissent  plus  de  la 
moitié  de  cette  somme.  Un  seul  filon ,  celui 
de  Guanaxuato  ,  donne  près  du  quartde  tout 
l'argent  mexicain ,  et  la  sixième  partie  du 
produit  de  l'Amérique  entière. 

Dans  le  tableau  général  qui  a  été  présenté 
plus  haut ,  les  mines  principales  sont  confon- 
dues avec  celles  dont  on  ne  retire  qu'une 
très-petite  quantité  de  métal.  La  disproportion 
qu'offrent  ces  deux  classes  est  sigrande,  que  plus 


11 


\\  '. 


m 


336  LIVRE    IV, 

de  ~  des  mines  mexicaines  appartiennent  à  la 
dernière,  dont  le  produit  total  ne  s'élève  pro- 
bablement pas  à  la  somme  de  200,000  marcs. 
De  même  en  Saxe,  les  niines  qui  environnent 
la  ville  de  Freiberg  fournissent  annuellement 
près  de  5o,ooo  marcs  d'argent  ;  tandis  que 
tout  le  reste  de  VErzgebirge  n'en  donne  que 
sept  à  huit  mille  marcs.  Voici  l'ordre  dans 
lequel  se  suivent  les  districts  des  mines  les  plus 
riches  de  la  Nouvelle-Espagne,  e  vi  les  rangeant 
d'après  la  quantité  d'argent  qu'on  en  extrait 
actuellement  : 


— 


GUANAXUATO,  dans  l'intendance  du  même 

nom. 
CATORGE,  dans  l'intendance  de  San  Luli 

Potosi. 
ZAGATECAS,  dans  l'intendance  du  même 

nom. 

Real   del    Monte  ,    dans   l'intendance   de 

Mexico. 
BoLANOs ,  dans  l'intendance  de  Guadalaxara. 
GuARisAMEY ,  dans  l'intendance  de  Durango. 
SoMBRERETE ,  daus  l'intendaucc  de  Zacatecas. 
Tasco  ,  dans  l'intendance  de  Mexico. 


CHAPITRE    XI.  337 

Bntopilas  y  dans  l'iuleudance  de  Durango. 
Zhnapany  dans  l'intendance  de  Mexico. 
Fresnillo  y  dans  l'intendance  de  Zacatecas. 
Ramos  y  dans  l'intendance  de  San  Luis  Potosi. 

Parral ,  dans  l'intendance  de  Durango. 

,*,.,■■-■  •    - 

On  manque  absolument  de  matériaux  exacts 
pour  tracer   l'iiistoire  de  l'exploitation   des 
mines   de    la  Nouvelle  -  Espagne.   Il  paroît 
certain  que  de  tous  les  filons,  ceux  de  Tasco, 
de  Zultepèque,  de  Tlapujahua  et  de  Pachuca 
ont  été  travaillés  les  premiers  par  les  Espa- 
gnols.   C'est   près  de  Tasco ,    3.   l'ouest   de 
ïchuilotepec,  dans  le  Cerro  de  la  Compcina, 
que  Gorlez  a  percé  une  galerie  d'écoulement 
à  travers  le  schiste  micacé  auquel  est  super- 
posé, comme  nous  l'avons  indiqué  plus  haut, 
du  calcaire  alpin.  Celte  galerie  ,  appelée  el 
socahon  del  rej  y    fut  commencée  dans  des 
dimensions  si  grandes,  qu'on  peut  la  parcourir 
à  cheval ,  sur  une  longueur  de  plus  de  90  mè- 
tres :  elle  vient  d'être   aclievée  par  le  zèle 
patriotique  d'un  mineur  de  Tasco ,  Don  Vi- 
cente  de  Anza,  qui  est  parvenu  à  couper  le 
filon   principal  à  la  distance  de  55o  mètres 
^p'  V embouchure  de  la  galerie.  L'exploitation 


*.'m 


lU. 


22 


338 


LIVRE    IV 


des  mines  de  Zacatccas  a  suivi  de  près  celle 
des  gîtes  de  mi  ne  rai  s  de  Tasco  et  de  Puehuca. 
Le  filon  deSan  Barnabe  fut  attaqué  dès  l'année 
i548,  par  conséquent  vingl-liuit  ans  après  la 
mort  de  Monlezunia;   circonstance  qui  doit 
paroîlre  d'aulant  plus  remarquable,   que  la 
ville  de  Zacatecas  est  éloignée  en  ligne  droite 
de  plus  de  loo  lieues  de  Ja  vallée  de  Ténoch- 
tillan.  On  assure  que  des  muleliers  qui  voja- 
geoient  de  Mexico  à  Zacatecas,  découvrirent 
les   minerais  d'argent  du    district  de  Gu.  - 
naxuato.  C'est  dans  ce  district  que,  pics  de 
la  colline  basaltique  du  Cuhilete ,  la  mine  de 
San  Barnabe  offre  les  travaux  souterrains  les 
plus  anciens.  Le  filon  principal  deGuanaxuato 
{la  vctamndre)  fut  découver     .lus  tard,  en 
creusant  les  puits  de  Melluuo  et  de  Rayas, 
Le  premier  de  ces  puits  fut    jmmencé  le  i5, 
le  second,  le  16  avril  de  l'année  i558.  Les 
mines   de    Comanjjs   sont   sans   doute    plus 
anciennes  encore  que  celles  de  Guanaxuato. 
Comme  le  produit  total  des  nnnes  du  Mexique 
n'a  été,    jusqu'au  commencement  du   dix- 
huitième  siècle ,  que  de  600,000  marcs  d'or 
et  d'argent  par  an  ,  on  peut  en  conclure  qu'au 
seizième,  ou  ne  ^.ravailla  pas  avec  une  très- 


Cll.VPITilE    XI.  339 

ara  iule  activité  à   l'extraction   des  minerais. 

ri 

Les  filons  de  Tasco ,  Tlapu  jaliua ,  Zultepèque, 
Moran  ,  Pacbuca  et  Real  dcl  Monte  ;  ceux 
de  Sombrerete ,  Bolafîos  ,  Batopilas  et  du 
Rosario,  ont  offert  de  temps  en  temps  d'im- 
menses richesses  ;  mais  leur  produis'  a  été  moins 
unilorme  que  celui  des  mines  de  Guanaxuato, 
de  Zacatecas  et  de  Gatorce. 

L'argent  extrait  dans  les  07  districts  des 
înines  dans  lesquels  est  divisé  le  royaume  de 
la  Nouvelle  -  Espagiîc  ,  est  versé  dans  des 
caisses  de  trésoreries  provinciales  ,  établies 
dans  les  chefs-lieux  des  intendances.  C'est 
par  la  recette  de  ces  caxas  reaies ,  que  l'on 
peut  juger  de  la  quantité  d'argent  que  four- 
nissent les  différentes  parties  du  pays.  Voici 
le  tableau  de  onze  trésoreries  provinciales  : 


H 


340  LIVRE    IV, 

De  1785  à  1789,  il  est  entré  dans  les  caxas 
reaies  de 

marcs  d'iirgpnt. 

GiianaxuatOé 2^469)000 

San  LuisPotosi  (Gatorce,  Cliarcas, 

San  Luis  Potosi  ) i;5i5,ooo 

Zacatecas  (Zacatecas,  Fresnillo, 

'    Sierra  de  Pinos) i,2o5,ooo 

Mexico  (  Tasco ,  Zacualpa ,  Zulle- 

pèque) i,o55;000 

Durango  (Cliihuahua,Parral,  Gua- 

risamey,  Cosiguiriachi ) 922,000 

Mosario  (Rosario,  Cosala,  Copala, 

Alamos) 668,000 

Guadalaxara    (  Hostotipaquillo , 

Asientos  dp  Ybarra  ) 609,000 

Pachuca  (Real  del  Monte,  Mo- 

ran  ) 4^5,000 

Bolanos 064,000 

i    Sombrerete 32o,ooo 

Zimapan  (  Zimapan ,  Doctor  ). . . .      248,000 

Somme  de  cinq  ans,  9,760,000 

La  partie  des  montagnes  mexicaines  qui 
produit  aujourd'hui  la  plus  grande  quantité 
d'afgent,  est  contenue  entre  les  parallèles 


CHAPITRE    M, 


31 1 


de  vinf^t-un  et  de  vingl-quatrc  déférés  et  demi. 
Les  célèbres  mines  de  Gnanaxuato  ne  sont 
éloignées ,  en  ligne  droite ,  de  celles  de  San 
Lnis  Potosi  que  de  oo  lieues  :  de  San  LuisPotosi 
à  Zacatecas  il  y  a  34  ;  de  Zacatecas  à  Gatorcc 
01 ,  et  de  Catorce  à  Durango  74  lieues.  Il  est 
assez  remarquable  que  les  richesses  métalliques 
delà  Nouvelle-Espagne  et  du  Pérou  se  trou- 
vent placées  dans  les  deux  hémisphères, 
presque  à  égale  distance  de  Téquateur. 

Dans  la  vaste  étendue  qui  sépare  les  gîtes 
de  minerais  de  Potosi  et  de  la  Paz  de  ceux 
du  Mexique ,  il  ny  a  d'autres  mines  qui 
mettent  en  circulation  une  grande  masse  de 
métaux  précieux  que  celles  de  Pasco  et  de 
Chola.  En  avançant  depuis  le  Cerro  de  Gual- 
ga} oc  au  nord,  on  ne  trouve  que  les /r^i^r/^e^ 
d'or  du  Choco  ,  ceux  de  la  province  d'Antio- 
quia ,  et  les  filons  d'argent  récemment  dé- 
couverts de  la  Vega  de  Supia.  Il  en  est  de  la 
Cordillère  des  Andes  comme  de  toutes  les 
montagnes  de  l'Europe  dans  lesquelles  les  mé- 
taux se  trouvent  inégalement  répandus.  La 
province  de  Quito  et  la  partie  orientale  du 
royaume  de  la  Nouvelle  -  Grenade ,  depuis- 
les  3*^  de  latitude  australe  jusqu'aux  7**  de 


i,i;: 


342  LIVRE    IV, 

lutitude  boréale  ;  rislhiiie  de  Panama ,  cl  les 
montagnes  de  Guatiniala ,  offrent ,  sur  nnc 
longueur  de  Goo  lieues,  de  vastes  étendues 
de  terrain ,  dans  lesquelles  jusqu'ici  aueun 
filon  n'a  été  exploité  avee  succès.  Il  seroit 
peu  exact  cependant  d'avancer  que  ces  pa^^s, 
qui  en  grande  partie  ont  été  bouleversés 
par  les  volcans,  sont  entièrement  dénués  de 
minerais  d'or  et  d'argent.  De  nombreux  ^ç/V^^ 
métallifères  y  peu^ent  être  cachés  par  la 
superposition  des  .v//y//^.ç  de  basalte ,  d'amyg- 
daloïde  ,  de  porphyre  à  base  de  grûnstcin  y 
et  d'autres  roches  que  les  géologues  em- 
brassent sous  le  nom  général  i\e  Jonnatiori 
(le  trapp. 

Quant  aux  mines  mexicaines  en  particulier, 
on  peut  les  considérer  comme  formant  huit 
groupes  (  erz-refœre  )  qui  sont  presque  tous 
placés  ou  sur  le  dos ,  ou  sur  la  pente  occi- 
dentale delà  Cordillère  d'Anahuae.  IjQ premier 
de  ces  groupes  est  celui  dont  le  produit  est 
le  plus  considérable  :  il  embrasse  les  districts 
conligus  de  Guanaxuato,  San  Luis  Potosi , 
Charcas,  Catorce,  Zacatecas,  Asientos  de 
Ybarra ,  Fresnillo  et  Sombrerete.  Au  second 
appartiennent  les  mines  situées  à  l'ouest  de 


CIlAriTRE    XI. 


3;3 


la  ville  (le  Durango  ,  de  mcMiie  que  celles  de 
la  province  de  Cinaloa;  car  les  e\i>loilalions 
de  Guarisamey,G()pala,  Cosala  et  du  Kosario, 
sont  assez  rapprochées   les  unes  des  autres 
pour  qu'on  doive  les  réunir  sous  une  même 
division    géologique.   Le    troisième  groupe, 
le  plus  septentrional  de  la  Nouvelle-Espagne, 
est  celui  du  Parral ,  qui  comprend  les  mines 
de  Cliihualiua  et  de  Gosiguiriachi.  Il  s'étend 
depuis  les  27  jusqu'aux  29  degrés  de  latitude. 
Au  nord- nord- est  de  iMexico  se    trouvent 
le  (juatrième  et  le  cinfjuicnic  groupe,  celui 
de  lleal  del  Monte  ou  de  Pachuca ,  et  celui  de 
Zimapan  ou  du  Doctor.    lîolaîios  (  dans  l'in- 
tendance deGuadalaxara),  Tasco  et  Oaxaca, 
sont    les   points    ccnlraux    du    sixième  ^  du 
septii'me  et  du  /f/z/V/V///*"  groupe  des  mines  de 
la  Nouvelle  -  Espagne.  Get   aperçu  général 
suffît  pour  prou; er  que  ce  royaume,  comme 
l'ancien  continent,   renlerme  de  vastes  éten- 
duesdepajsquiparoisscnt  presque  totalement 
dépourvues  de  filons  métaliiieres.  Jusqu'à  ce 
jour  aucune  expluilalion  considérable  n'a  été 
entreprise,  ni  dans  l'intendance  de  la  Puebla, 
ni  dans  celle    de  Vera  -  Cruz,  ni   dans  les 
plaines  de  formation  secondaire    situées  sur 


■H 

 


w 

■M 


I  . 


II 


344  'LIVRE    IV, 

la  rive  gauche  du  Rio  del  Norte ,  ni  dans  le 
Nouveau-Mexique. 

Le  tableau  suivant  indique  non  la  richesse 
relative  j  ou  la  distribution  iiicgale  des  métaux, 
considérée  sous  un  point  de  vue  géographique, 
mais  la  quantité  d'argent  que,  dans  l'état 
acîtîel  des  mines,  on  extrait  des  différentes 
parties  du  royaume  de  la  Nouvelle-Espagne. 
On  a  classé  les  mines  d'après  l'ordre  qui  vient 
d'être  exposé  plus  haut ,  en  indiquant  le  nom 
du  chet-îieu  qui  est  k  point  central  du  groupe, 
et  la  surface  du  pays  dans  lequel  se  trouvent 
les  diverses  exploitations.  Quelques  groupes 
se  partagent  naturellement  en  plusieurs  dis- 
tricts ,  qui  forment  autant  de  subdivisions  ou 
de  systèmes  parliculiers. 


1/ 


v? 


«Minia 


CHAPITRE    XI. 


3;^ 


[^ 


MINES    PRINCIPALES 

Hu  Mexique , 

llVlSlîr.S   EV  HUIT   OROUPIiS. 


ETENDUE 
Ull    PAYS 

(|ul  rst  occupée 

par 
chaque  (•roupo 

il«  ininrs, 
(eiiliciicscurr.) 


mm 


ENDROITS 

que  l'on  peut  reg-iider 

comme 

lei  points  crnlraiix 

de  CCI 


1.*^''   Groupe    (  Groupe  \ 
central  ) ,  de  21°  o'   à 
■.».4"  jo'  de  latit.  bor, ,  cl 
de  102°  3o'  à  loS"  i5' 
de  longit.  occid. 

•i."  Groupe  {  Groupe  de^ 
Purangoei  daSonora),  I 
de  20"  o'  à  at"  45'  de 
lallt.  boc.eide  ioG"5o' 
à  ii>g"5o'del«)ngil.  occ. 

3.*^  Groupe  (  Groupe  de  \ 
CAi/iuahun),de-2b"bo'  I 
à  29"  10'  de  latil.  bor.  ,  ) 
H  de   106"  45'    à  108" 
5o'  de  longit.  occid.        ' 

i/'  Groupe  (  Groupe  d-. 
la  Biscaina),  de  2o"5' 
A  20"  i5'  de  lalit.  bor.  , 
ei  de  100"  45'  à  100" 
02'  de  lt»n<;it.  occid. 

v"  Groupe  (  Gr,  upe  de\ 

Zimapa\  ),  de  20"  4o'  I 

à  21"  5(»'  de  Ir^ut.  bor.  ,  ) 

et  de  100"  5o'  à  102°  o'  I 

<e  lon^ii.  occid.  -^ 

'1.''  Groupe  (  Groupe  de^^ 
la  Nouveiie-Galice  )  , 
de  21°  5'  à  22°  3o'  de 
lat.  bor.  ,  et  de  io5"  o' 
à  U)6°3o'  de  long.  occ. 
,^  Groupe  (  Groupe  de . 
Taxro).  de  18"  10'  à 
ig"  20'  de  lat  bor. ,  et 
de   loi"  3o'  ;'«  102"  45' 


(le  longit.  occi< 


i.''     Groupe     (    Groupe  • 
d'Oax'ica) ,  de  10"  4o' 
\  i8"o'   de   latil.   bor.,' 
et  i\:  98"  i5'  à  99°  5o' 
Je  loniV't-  occid. 


1000 


2<''no 


.0100 


25 


7:>i> 


io5o 


1200 


i4oo 


Guanaxuato. 

Calorcc. 

Zacatecas. 

Guni  isamey , 
(Diirango). 

Rusario  , 
(  Copala  ). 

Cosigniriachi. 

Panai. 

Buiopiias. 


Bo'aîlos. 


Zacnalpa. 


Oaxaca. 

Villalta. 


PRODUIT 

ANNUI'.I, 

<lo 

rliaquegro;ipr 

exprimé 

en 

in.Ti'c»  d'ariîenl 


ï 

\  i,3oo,ooo 


''t0O,OOO 


Dunteux. 


Real  de!  ]\lonte.  } 
(  Pachuca  ;.        | 

i 


Zimapa. 


Ternascaltepec.     i 
Tasco.  », 


i 


6o,o«o 


200,000 


260,000 


}" 


onteux. 


PRODUIT  MOYEN  dos  mities  de  la  INouvelle-E-spagne  , 


idel 


y  coinp'  i-i  les  n>ii\es  de  la  nai  lie  septenlnonale 


le  la       mnrcid  arjÇBnl 


IvT 


on  VI''!  >■ 


-Bisr.ne,  et   rtllci  d'i^axaca  ,  an  delà  de     2, 


îoo.ono. 


i:ï 


«  n-  ;  f 


MIHIIIi'TIW 


346  LIVRE    IV, 

Nous  comparerons  plus  tard  le  produit 
des  mines  d'argent  du  Mexique  à  celui  des 
différentes  mines  de  l'Europe  :  il  su  (fît  pour 
le  moment  d'observer  que  les  deux  millions 
et  demi  de  marcs  d'argent  exporlés  annuel- 
lement de  la  Vcra-Gruz  écjuû'alent  aux  dcujc 
tiers  de  l^ar^cnt  qui  est  annuellement  extrait 
sur  le  î^loùe  entier.  Les  huit  groupes  dans 
lesquels  nous  avons  divisé  les  mines  de  la 
Nouvelle-Espagne,  occupent  une  surface  de 
12,000  lieues  carrées,  ou  un  dixième  de  toute 
rélendue  du  royaume.  En  fixant  les  jeux  sur 
la  richesse  imnicnse  d'un  très-petit  nombre 
d'exploitations,  par  exemple  sur  la  mine  de 
la  Valenciana ,  et  sur  celle  de  Rayas  ,  à  Gua- 
naxualo ,  ou  sur  les  filons  principaux  (  lu'tas 
madrés)  de  Calorce,  de  Zacatecas  et  de 
Real  del  Monte,  on  reconnoît  aisément  que 
plus  de  i,4oo,ooo  marcs  d'argent  sont  pro- 
duits par  une  étendue  de  terrain  qui  n'égale 
pas  en  grandeur  celle  du  district  des  mine^ 
de  Freiberg:. 

Si  la  quaniité  à' argent  tiré  annuellement 
des  mines  exploitées  au  Mexique  est  dix  fois 
pins  grande  que  celle  qui  est  fournie  par 
toutes  les  mines  de  l'Europe,  Yor,  au  con- 


CHAPITRE    XI.  3\'J 

traire,  n'est  pas  de  beaucoup  plus  abondant 
à  la  Nouvelle  -  Espagne  qu'il  ne  l'est  en 
FTonsfrie  et  en  Transilvanie.  Ces  deux  derniers 
pajs  en  font  entrer  annuellement  en  circu- 
lation près  de  52oo  marcs  ;  tandis  que  l'or 
livré  à  la  mon  noie  de  Mexico  ne  s'élève  , 
année  moyenne,  qu'à  7000  marcs.  On  peut 
compter  qu'en  temps  de  paix ,  lorsque  le 
manque  de  mercure  ne  rallenlit  pas  les  pro- 
cédés de  l'amalgamation ,  le  produit  annuel 
de  la  Nouvelle-Espagne  est 

en  argent  j  de  22  millions  de  piastres, 
en   or^    ...      1 


20 


L'or  mexicain  provient ,  pour  la  plus  grande 
partie  ,  de  terrains  d'ail uvion  dont  on  l'extrait 
par  des  lavages.  Ces  terrains  sont  fréquens 
dans  la  province  de  la  Sonora,  (jui,  comme 
nous  l'avons  observé  plus  haut  ',  peut  être 
considérée  comme  le  Ghoco  de  l'Amérique 
septentrionale.  On  a  recueilli  beaucoup  d'or 
disséminé  dans  les  sables  qui  remplissent  le 

u:i.ap.  vm,  T.  lî,  p.  :5yi. 


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348  LIVRE    IV, 

fond  de  la  vallée  du  Rio  Hiaqui,  à  l'est  des 
missions  de  la  Tarahuniara.  Plus  au  nord, 
dans  la  Pimeria  Alta ,  sous  les  Si**  de  latitude^ 
on  a  trouvé  des  grains  {pépites  )  d'or  natif 
du  poids  de  cinq  à  six  livres.  L'extraction  de 
l'or,  dans  ces  régions  désertes ,  est  entravée 
par  les  incursions  des  Indiens  sauvages  ,  par 
l'excessive  cherté  des  vivres,  et  par  le  manque 
de  Teau  nécessaire  aux  lavages. 

Une  autre  partie  de  l'or  mexicain  est  ex- 
traite des  filons  qui  traversent  les  montagnes 
de  roches  primitives.  C'est  dans  la  province 
d'Oaxaca  que  les  filons  d'or  natif  sont  le  plus 
fréquens,  soit  dans  le  gneiss,  soit  dansle  schiste 
micacé  [glimmerschiejffèr).  La  dernière  roche 
est  surtout  très-riche  en  or  dans  les  mines  célè- 
bres de  Rio  San  Antonio.  Ces  filons,  dont  la 
^w/7^î/e  est  du  quartz  laiteux,ont  plus  d'un  demi- 
mètre  d'épaisseur  ,  mais  leur  richesse  est  fort 
inégale  :  ils  se  trouvent  souvent  étranglés  ,  et 
l'extraction  de  l'or  dans  les  mines  d'Oaxaca  , 
est  en  général  très-peu  considérable.  Le  même 
métal  se  présente,  soit  pur,  soit  mêlé  aux 
minerais  d'argent ,  dans  la  plupart  des  filons 
qui  sont  exploités  au  Mexique  :  à  peine  y 
e-xiste-t-il  une  mine  d'argent  qui  ne  soit  au- 


CHAPITRE    XI.  349 

riiere.  On  reconnoît   souvent  de  l'or   natif 
cristallisé  en  octaèdres ,  ou  en  lames ,  ou  sous 
forme  tricotée  .  dans  les  minerais  d'arirent 
des  mines  de  Villalpando  et  de  Rajas,  près 
de  Guanaxuato^   dans  celles  du  Sombrero 
(  intendance  de  Valladolid  ) ,  de  Guarisamej, 
à  l'ouest  de  Durango  et  du  Mezquital  ,  dans 
la  province  de  G  uadalaxara.  L'or  du  Mezquital 
est  regardé  comme  le  plus  pur ,  c'est-à-dire 
comme  celui  qui  est  le  moins  allié  d'argent, 
de  fer  et  de  cuivre.  A  Villalpando ,  dans  la 
mine  de  la  Santa-Gruz,  que  j'ai  visitée  au 
mois  de  septembre  i8o5,  le  filon  principal 
est  traversé  par  un  grand  nombre  de  petits 
filons  pourris  {  kilos  del  desposorio  )  qui  sont 
d'une  richesse  extrême.  Le  limon  argîlleux 
dont  ces y/Zé?^^ sont  remplis,  contient  une  si 
grande  quantité  d'or  disséminé  en  parcelles 
impalpables ,    que  l'on  force  les  mineurs  , 
lorsqu'ils  sortent   presque  nus  de  la    mine, 
de  se  baigner  dans  de  grandes  cuves,  pour 
les  empêcher  d'emporter  l'argile  aurifère  qui 
s'attache  à  leur  corps.  Les  minerais  d'argent 
de  Villalpando  ne  contiennent  communément 
par  charge  (  carga  de  1 3  arrobas) ,  que  deux 
onces  d'or;  mais  souvent  leur  richesse  s'élève  à 


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LIVllE    IV 


huit  ou  dix  onces  par  charge ,  ou  à  i  —-,  d'onces 
par  cjuiiilal.  Il  est  utile  de  rappeler  ici  qu'au 
Harz  les  p^yrites  du  Haninielsberg  ne  contien- 
nent qu'un  vingt-neuf-niillionièiiie  d'or,  qui  en 
est  cependant  retiré  avec  profit  '. 

Le  district  des  mines  de  Guanaxuato  a 
fourni ,  selon  les  registres  de  la  trésorerie 
provinciale  ', 


KPOQtTES. 


aiARCS 

d'or. 


MARCS 


D  ARGENT. 


OR 

contenu  dans 
i.'arobnt. 


De  1766  à  177.5 
1776  1785 
1786  3795 
1796   i8o3 


en  ;>8  ans , 


9,044 
1 3,254 

7,376 
i5,556 


3,422,4i4 
5,281,214 
5,6of),35fi 
4,410,555  . 


45,o3o 


18,723,537 


0,0026 
0,0025 
o,o(>i3 
0,002g 


0,0020 


Il  résulte  de  ce  tableau ,  que  Targen  t  retiré 
du  filon  de  Guanaxuato  contient  en  or,  d'un 
à  trois  millièmes  de  son  poids. 


'  Brongniart ,  Minéralogie ^  T.  Il,  p.  345. 

'  Estadodela  Tresoreriaprincipal  de  Real  Hacienda 
de  Guanaxuato,  del  nx  de  novembre  de  i"] 2^.  (Ma- 
nuscrit.) * 


CHAPITRE    XI.  35 1 

On  a  faussement  annoiiCL'  rexislcncc  du 
platine  dans  les  sables  aurileres  de  la  Sonora. 
Ce  métal  n'a  point  encore  élé  découvert  au 
nord  de  l'isLlnne  de  Pan.un.i.^  sur  le  continent 
de  rAméri(ji]c  seplenlrionalc.  Le  platine  en 
graii]s  ne  se  trouve  que  dans  deux  endroits 
du  monde  connu;   savoir,   au  Clioco,  Tune 
des  pro'.inces  du  royaume  de  la   Nouvelle- 
Grenade  ,  et  près  des  cotes  de  la  mer  du  Sud, 
dans   la   province  de  t|arbacoas ,  entre  les 
2"  et  6"  de  làiilude  boréale.  H  est  propre  à 
des  terrains  d'alluvion  qui  occupent  une  sur- 
face de.  Goo  lieues  carrées,  et  dont  l'étendue 
égale  à  peine  celle  de  deux  déparlemens  de  la 
France.  Les  lavaderos  (lavages)  qui  donnent 
aujourd'hui  le  plus  de  .platine  ,  sont  ceux  de 
Condoto  ,  de  Santa  .lUla,.ou  V^iroviro,  et  de 
Santa  Lucia,  comme  aussi  le  ravin  {ijuchradn) 
d'Iro,. entre  les  villa«i;es  de  Noyitaet  du  Taddô. 
Il  existe  au  Choco  [)Uisieurs  lavages  d'or  (  par 
exemple  ceux  des  districts  dé  San   Augustin 
et  de  Guaicama),  où  les  dvpaîlleurs  ne  trouvent 
aucune  trace  de  platine.  Le  prix  de  ce  métal 
en  grain  est,  sur  les  lieux,  de  huit  piastres, 
ou  de  4o  francs  la  livre,  tandis  qu'à  Paris 
il  est   communément  de  i5o  à  i5o  francs. 


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3!j2  livre    IV  5 

J'examinerai  dansuii  autre  endroit  la  quantité 
de  platine  que ,  dans  l'état  actuel  des  mines 
du  Choco,rAmériquepeut  fournir  à  l'Europe. 
Il  est  aussi  absolument  faux  que  le  platine  ait 
jamais  été  trouvé  près  de  Garthagène ,  près 
de  Santa-Fe  ,  à  l'ile  de  Portorico,  à  celle  de 
la  Barbade  et  au  Pérou  ',  quoique  ces  divers 
gisewens  soient  indiqués  dans  les  ouvrages  les 
plus  estimés  et  les  plus  répandus  :  peut-être 
i'analjse  chimique  nous  prouvera-t-elle  un 
jour  qu'il  existe  du  platine  dans  quelques 
minerais  d'argent  du  Mexique  ,  comme  dans 
lefahlerz  (cuivre  gris)  de  Guadalcanal,  en 
Espagne. 


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.^Haûyy  Minéralogie,  T.  III,  p.  Zjo.  Dans  un 
mémoire  inséré  dans  \c&  Anales  de  ciencias  naturaUs, 
publiées  par  l'abbé  CaVanilles ,  on  lit  que  le  platine  se 
trouve  au  Chopo  (Clioco)  ,  à  Barbadon  (Bàrbacoas), 
et  à  Carlhagène,  port  de  mrr  éloigné  de  cent  trente 
lieues  dçs  lavages  d'or  du  Taddo.  11  y  a;  cependant 
plus  de  dix-huit  ans  que  M.  BtrthoUet  a  donué  une 
notice  très-exacte  des  lieux  qui  fournissent  le  platine. 
^Annales  de  chimie,  juillet  1792.)  J'ai  rapporté  (în 
Europe  une/3<?yj/Ve  'de  platine  d'une  grandeur  extraor- 
dinaire ;  |elle  pèse  1088  ~  grains  j  soïi  poids  spécifique 
est,  d'après  M.  Tràlles ,  18.947.  {^Karaten ,  Miner, 
Taixe/Ze» ,  1808,  p.  9^.)   >      >i   i."  -^iJ-ii:;»    -•    i'..'^    .- 


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CHAPITRE    XI. 


353 


L'argent  que  fournissent  les  filons  du  Mexi- 
que, est  tiré  d'une  fi^rande  variété  de  minerais, 
qui ,  par  la  nature  de  leur  mélange,  sont  ana- 
logues à  ceux  qu'offrent  les  gitcs  métallifères 
de  la  Saxe ,  du  Harz  et  de  la  Hongrie.  Un 
voyageur  ne  doit  point  s'attendre  à  trou\  er  à 
l'école  des  mines  de  Mexico  une  collection 
complète  de  ces  minerais.  Les  exploitiitions 
étant  toutes  entre  les  mains  des  particuliers,  et 
le  gouvernement  mexicain  n'exerçant  encore 
qu'une  l'oible  influence  sur  l'administration 
des  mines  ,  il  n'a  pas  dépendu  des  professeurs 
de  réunir  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  structure 
àesfilnns,  des  couches  et  des  amas  de  minerais, 
A  Mexico,  comme  à  Madrid,  les  collections 
publiques  offrent  les  minéraux  les  plus  rares 
de  la  Sibérie  et  de  l'Ecosse  ;  tandis  qu'on  y 
cherche  inutilement  ce  qui  peut  répandre  du 
jour  sur  la  géographie  minéralogique  du  pays. 
Il  faut  espérer  que  le  cabinet  de  l'école  des 
mines  s'enrichira  à  mesure  que  les  élèves  de 
ce  bel  établissement  auront  été  envoyés  dans 
les  provinces  les  plus  éloignées  de  la  capitale , 
et  qu'ils  feront  sentir  aux  propriétaires  des 
mines,    combien    il  est  de   leur  intérêt  de 
faciUter  les  moyens  d'instruction.  Sans  une 
III.  23 


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354  LIVRE    IV, 

connoissnncc  individuelle  ihF,  localités,  sans 
Télude  «pprolondie  des  miiK  rabv  qui  com- 
po^^ent  la  ffffs.sf  des  Hlons  ,  on  le  nniitvnu 
des  aii'ds  et  dis  eonclies,  {t)us  les  clian;^eniens 
qne  l'on  proposera  pour  peilectionner  le 
procédé  de  l'amalgamation  ,  ne  seront  que 
des  proicls  chimériques. 

Au  Péjon  ,  la  inajeuie  partie  de  l'argent 
extrait  du  sein  de  la  terre  est  fournie  par 
les  paros  ,  minerais  d'apparence  terreuse , 
que  M.  Klaprolii  '  a  bien  voulu  analyser,  à 
ma  prière,  et  qui  consistent  dans  un  mélange 
intime  de  parcelles  prr  jue  imperceptibles 
d'araent  natif  avec  l'oxide  brun  de  fer.  Au 
Mexique,  au  contraire,  la  plus  grande  quantité 
d'argent  qui  est  mise  annuellement  en  circu- 
lation ,  est  due  à  ces  mêmes  niiuerais  que  le 
mineur  saxon  désigne  par  le  nom  de  durre 
erze  y  ou  minerais  maigres  %  surtout  à  V argent 
sulfuré  (  ou  vitreux ,  glascrz  )  ,  au  cuivre  gris 
arsénié  (fahlerz  )    et   antiinunié  (  grau  -  ou 

*  Klaproth y  Beitiuge  zur  cheminchen  Kewitniss  der 
Mineral-Kurper y  B.  IV,  S.  4. 

"  Voyez  l'ouvrage  très-inslructlf  de  M.  Daubuisson^ 
qui  porte  le  litre  de  Dencriptlun  des  mines  de  Fniberg* 
J'ai  suivi  dans  le  courant  de  ce  chapitre^  pour  les 


■■  I 


CHAPITRE    XI. 


355 


schwarzgiltigerz)y  à  Y  argent  nfurinte(hnrfwrz), 
à  X argent  noir  pristnatùjiie  (  sprôdglaserz  )  , 
et  à  ïargent  rouge  (  rothgiltigerz  ).  Nous  ne 
nommons  pas,  parmi  ces  minerais,  l'argent 
natif,  parce  qu'il  ne  se  trouve  pas  en  assez 
grande  abondance  pour  que  l'on  puisse  lui 
attribuer  une  partie  très  -  considérable  du 
produit  total  des  mines  de  lu  Nouvelle-Es- 
pagne. 

L'argent  sulfure  et  l'argent  noir  prisma- 
tique sont  très-communs  dans  les  filons  de 
Guanaxuato  et  de  Zacatecas,  de  même  que 
dans  la  veta  biscaina  de  Real  del  Monte. 
L'arirent  extrait  des  minerais  de  Zacatecas 
présente  cette  particularité  remarquable  de 
ne  pas  contenir  de  l'or.  Le  fahlerz  le  plus 
riche  est  celui  de  Sierra  de  Pinos  et  des 
mines  de  Ramos.  Dans  ces  dernières,  \q  fahlerz 
est  accompagné  de  glaserz  y  de  cuivre  pyri- 
teux  hépatique  (  bunt  kiipfererz  )  ,  de  blende 
brune  (  zinc  sulfuré)  ,  et  de  cuivre  vitreux 
(^kupjerglas)  y  que  l'on  n'exploite  que  pour 


objets  qui  sont  relatifs  à  l'art  de  rexploltation  et  au 
gisement  des  minerais,  la  terminoloj^ie  de  MM.  Bro- 
chant; Daubuissou  et  Ërongniart. 

25* 


33G 


LIVRE    IV 


en  extraire  Targent  sans  tirer  parli  du  cuivre. 
Le  ^mngillif;erz,  ou  cuivre  j^ris  antiinonié  , 
décrit  par  M.  Karsten ,  se  trouve  à  Tasco , 
et  dans  la  mine  de  Ra^'as ,  au  sud-est  de  Va- 
lenciana.  L'argent  muriaté  qui  se  présente  si 
rarement  dans  les  fdons  en  Europe,  est  au 
contraire  très  -  abondant  dans  les  mines  de 
Catorce^  de  Fresnilio,  et  du  Cerro  do  San 
Pedro  ,  près  de  la  ville  de  San  Luis  Pott>si. 
Celui  de  Fresnilio  est  souvent  d'un  verl  olive 
qui  passe  au  vert  poireau.  De  superbes  échan- 
tillons de  celte  même  couleur  ont  été  trouvés 
dans  les  mines  de  Vallorecas,  qui  appartiennent 
au  district  de  los  Alamos,  dans  l'intendance 
de  Sonora.  Dans  les  liions  de  Gatorce,  l'argent 
muriaté  est  accompagné  de  plomb  molybdaté 
(gelb-hleicrz) ,  et  de  plomb  phosphaté  {grûn- 
hleierz).  D'après  les  dernières  analyses  de 
M.  Klaproth,  il  paroît  que  l'argent  muriaté  ' 
d'Amérique  est  un  mélange  pur  d'argent  et 
d'acide  muriatique,  tandis   que  le   hornerz 

*  Les  minéralogistes  dlslingucnt  auiourd'hui  quatre 
espèces  d'argent  muriaté  ;  savoir  ,  le  commun  ,  le 
terreux,  le  conchoide  et  le  rayonné.  Les  deu\  der- 
nières espèces,  qui  sont  de  la  plus  grande  Leauté, 
ont  été  décrites  par  M.  Karslen  :  elles  se  trouvent 


CHAPITRE    XI.  357 

d'Europe  contient  de  Toxide  de  fer ,  de  l'idu- 
niine ,  et  surtout  un  peu  d'acide  sulfurique. 
La  mine  d'argent  rou^ife  fait  une  partie  prin- 
cipale des  richesses  de  Soudirercle ,  dc(]osala 
et  de  Zolaga ,  près  de  Villalta ,  dans  la  province 
d'Oaxaca.  C'est  de  ce  minerai  qu'on  a  extrait, 
dans  la  fameuse  mine  de  la  vcta  negra  ',  près 
de  Somhrerete ,  plus  de  700,000  marcs  d'ar- 
gent, dans  l'espace  de  cinq  à  six  mois.  On 
assure  que  V ouvrage  à  gradins  monlans  qui 
a  donné  cette  énorme  masse  de  métal ,  la  plus 
grande  que  jamais  filon  ait  présentée  sur  un 
même  point  de  sa  tuasse ,  n'avoit  pas  trente 
mètres  de  longueur.  La  véritable  mine  à'ar- 
gerit  blanc  {weissgiltigerz)  est  très-rare  au 
Mexique.  Sa  variété  bhmc  grisâtre  ,  très-riche 
en  plomb  ,  se  trouve  cependant  dans  l'inten- 
dance de  la  Sonora ,  dans  les  filons  de  Gosala , 
où  elle  est  accompagnée  de  galène  argentifère, 
d'argent  rouge ,  de  blende  brune  ,  de  quartz 
et  de  baryte  sulfatée.  Cette  dernière  substance, 

parmi  les  miaéraux  que  j'ai  rapportés  du  Pérou. 
(  Kirslen,  dans  le  Magazin  der  Berliner  GeHellschaft 
Naturfornchender  Freunde ,  B.  I,  S.  i56.  Klaprotlis 
Beitràse,  B.  IV  ,  S.  10.  ) 

*  Voyei  Chap.  VU ,  T.  II,  p.  27. 


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358  LIVRE    IV,' 

tk^ës  -  peu  commune  parmi  les  f^angues  du 
Mexique,  se  présente  aussi  au  Real  del  Doclor, 
près  de  la  Baranca  de  las  Tinajas  ^  el  à  Som- 
brerele ,  surtout  dans  la  mine  ;ippcjée  la 
Campechana.  Le  spalh-fluor  n'a  encore  été 
trouvé  que  dans  les  filons  de  Lonio  del  Toro, 
près  de  Ziniapan  ,  h  Polaîios  et  à  Guadalcazar, 
près  de  Gatorce.  Il  y  est  constamment  ou  ver| 
de  pré  ,  ou  bleu  violet. 

Dans  quelques  parties  de  la  Nouvelle-Es- 
pag-ne  le  travail  du  mineur  est  dirigé  sur  un 
mélange  d'oxidc  de  fer  brun  et  d'argent  natif, 
disséminé  en  molécules  iniperceptihles  à  la 
¥uc  simpie.  Ce  mélange  ocreux  ,  qu'au  Pérou 
on  appelle  pctco  _,  -^t  dont  nous  avons  eu  oc- 
casion de  parler  plus  haut ,  est  l'objet  d'une 
exploitation  considérable  dans  les  mines  d'An- 
gangueo ,  dans  l'intendance  de  Yalladolid , 
de  même  qu'à  Yxtepexi ,  dans  la  province 
d'Oaxaca.Les  minerais  d'Angangueo ,  connus 
sous  le  nom  de  colorados  ,  ont  l'aspect 
terreux.  Près  du  jour  y  le  fer  oxidé  brun  y 
est  mêlé  d'argent  natif,  d'argent  sulfuré  et 
d'argent  noir  prismal'qiie  {sjjrôdglaserz) , 
tous  trois  dans  un  état  de  décomposition.  A 
de  grandes  profondeurs,  le  filon  d'Ai:gangueo 


f 


CHAPITRE   XI.  3f)g 

ii'ofFrc  pins  que  de  la  galène  et  des  pyrites 
de  fer  peu  ricbes  en  aroent  :  aussi  les  pacns 
noirâtres  de  la  raine  de  l'Aurora  d'Vxlepexi, 
rju'il  ne  faut  pas  confondre  avec  les  nciç'illns 
du  Pérou  ,   doivent  leur  richesse   plutôt  au 
glaserz    qu'aux  JUainens    imperceptibles  de 
l'argent  natif /Yi//'7//t'//.r.  Le  lilon  est  très-iné- 
gal dans  son  produit,  tantôt  stérile  et  tantôt 
abondant,  l^es  cnlonuJus  de  Gatoree  ,  surtout 
ceux  de  la  mine  de  la  Concepcion,  sont  d'un 
rouge  de  brique,    et  mélangés  de  niuriate 
d'ar[>ent.En  générai ,  on  observe  au  Mexique, 
comme  au  Pérou,   que   ces   masses  oxidées 
de  fer,  contenant  de  l'argent,  sont  propres 
à  la  partie  des  filons  qui  est  plus  voisine  de 
la  surface  de  la  terre.  Aux  \  eux  des  i2éolo.9ues 
les  pncos  du  Pérou  olTrent  une  analogie  très- 
frappante  avec  les   masses    terreuses   qu'en 
Europe  les  mineurs  appellent  le  chapeau  de 
fer  des  filons  (  ciseviw  h  ut  h  ). 

U argent  n/iuf\  beaucoup  moins  abondant 
en  Amérique  qu'on  ne  le  suppose  générale- 
ment, s'est  trouvé  en  masses  Cijns'dérables , 
quelquefois  du  poids  de  plus  de  i^eux  cents 
kilogrammes ,  dans  les  filons  de    Batopilas , 


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36o 


LIVRE    IV 


situés  dans  la  Nouvelle-Biscaye.  Ces  mines, 
foibleinent  exploitées  aujourd'hui,  sont  au 
nombre  des  plus  septentrionales  de  la  Nou- 
velle-Espagne. La  nature  y  présente  les 
mêmes  minerais  qu'on  trouve  dans  le  filon  de 
Kongsberg,  en  Norwège.  Ceux  de  Batopilas 
contiennent  de  l'argent  filiforme ,  dendritique 
et  tricoté  ,  traversant  des  couches  de  chaux 
carI)onatée.  D'ailleurs ,  le  glaserz  accom- 
pagne constamment  l'argent  natif  dans  les 
filons  du  Mexique ,  comme  dans  ceux  des 
montagnes  d'Europe.  On  trouve  ces  deux 
minéraux  fréquennnent  réunis  dans  les  mines 
extrêmement  riches  de  Sombrerete,  de  Ma- 
drono,  de  Ramos  ,  de  Zacatecas,  de  Tlapu- 
jaliua  et  de  Sierra  de  Pinos.  On  reconnoît 
aussi  de  temps  en  temps  de  petits  rameaux  ou 
des  filamens  cylindriques  d'argent  natif  dans 
le  cjièbre  filon  de  Guanaxuato  ;  mais  ces 
masses  n'ont  jamais  été  si  considérables  que 
celles  qu'on  a  tirées  anciennement  de  la  mine 
del  Encino  ,  près  de  Pachuca  et  de  Tasco  , 
où  l'argent  natif  est  renfermé  quelquefois  dans 
des  feuillets  de  sélénite.  A  Sierra  dePiros, 
près  de  Zacatecas ,  ce  dernier  métal  est  cons- 


CHAPITRE   XI. 


36 1 


tamment  accompagné  de  cuivre  bleu  rayonné 
i^slvahlige  kupfcrlazur)^  cristallisé  en  petits 
prismes  à  quatre  laces. 

Une  très -grande  partie  de  l'argent  que 
fournit  annuellement  l'Europe,  est  due  au 
plomb  sulfuré  argentifère  (  silùerhalliger  ùlei- 
glanz  )  qui  se  trouve  tantôt  sur  les  filons  qui 
traversent  les  montagnes  primitives  et  de  tran- 
sition ,  tantôt  sur  des  couches  particulières 
(  erzfloze  ),  dans  des  roches  de  formation 
secondaire.  Dans  le  royaume  de  la  Nouvelle- 
Espagne  ,  la  plupart  des  filons  offrent  aussi 
un  peu  de  galène  argentifère  ;  mais  il  ny  a 
qu'un  très-petit  nombre  de  mines  dans  les- 
quelles les  minerais  de  plomb  soient  l'objet 
particulier  de  l'exploitAtion  On  nepeutcornp- 
ter  parmi  ces  dernières  que  les  mines  des  dis- 
tricts de  Zimapan ,  du  Farral ,  et  de  San 
Nicolas  de  Croix.  J'ai  observé  qu'à  Gua- 
naxuato ,  comme  dans  plusieurs  autres  mines 
du  Mexique  ',  et  comme  partout  en  Saxe ,  les 

*  On  peut  citer  coiurae  des  galènes  éminemment 
riches  en  argent,  et  à  Irès-petlls  grains  ,  celles  de  la 
nouvelle  mine  de  Talpan,  dans  le  Cerro  de  las  Yigas , 
appartenant  au  district  de  Hostotipaquillo.  Cette  ga- 
lène, qui  }pass(i  cjueicuieîo'is  àxx  plomb  sulfuré  compact 


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302  LIVRE    IV  5 

galènes  contiennent  d'aiilant  plus  d'argent, 
qu  elles  ont  le  grain  plus  pelit. 

Une  quantité  d'argent  très-considérable  est 
fournie  par  la  fonic  des  pyrites  martiales 
(^emeine  schwefel/acse) ,  dont  la  Nouvelle- 
Espagne  offre  des  variétés  quelquefois  plus 
riches  que  le  g/aserz  même.  On  en  a  trouvé  à 
Real  del  Monte,  sur  le  fdon  de  la  Biscaina, 
près  du  puits  de  San  Pedro,  dont  le  quintal 
contenoit  jusqu'à  trois  marcs  d'argent.  A 
Sombrerete,  la  grande  abondance  de  pyrites 
disséminées  dans  la  mine  d'argent  rouge , 
entrave  beaucoup  le  procédé  de  l'amalga- 
mation. 

Nous  venons  d'indiquer  les  minerais  qui 
fournissent  l'argent  mexicain  ;  il  nous  reste 
à  examiner  quelle  est  la  nchcsse  tucyemie  de 
ces  minerais,  en  les  considérant  tous  mêlés 
ensemble.  C'est  un  préjugé  très-répandu  en 
Europe,  que  de  grandes  masses  d'argent  natif 
sont  extrêmement  cojumunes  rai  Mexicpie  et 
au  Pérou,  et  qu'en  générai  les  mines  d'argent 
minéralisé,  destinées  à  l'amalgamation  ou  à 


et  antimonial  (  hleisc/ui^'eif),  est  accompagnée  de  heau- 
coiip  de  pyrites  cuivreuses,  et  do  chaux,  carbonalée. 


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CHAPITRE    XI. 


363 


la  fonte ,  y  contiennent  plus  d'onces  ou  plus 
de  marcs  d'arfij-eit  au  quintal ,  que  les  minerais 
maipres  de  la  Saxe  et  de  la  Honjjrie.  Imbu  de 
ce  même  préjugé,  j'aiélé  doublement  surpris, 
à  mon  arrivée  dans  les  Coro  Jlères ,  de  trouver 
que  le  nombre  des  mines  pmwrcs  surpasse  de 
beaucoup  celui  des  mines  que  nous  désignons 
en  Europe  par  le  nom  de  riches.  Un  voyai^'-eur 
quivisile  la  fameuse  mine  delaVulenciana,  au 
Mexique  ,  après  avoir  examiné  les  gîtes  métal- 
lifères de  Chiusihul,  deFreiberg  et  de  Schem- 
nitz^  a  de  la  peine  à  concevoir  comment  un 
filon  qui ,  dans  une  grande  partie  de  sd  puis- 
sance y  renferme  1  argent  sulfuré,  disbénûné 
dans]  a  gangue  vu  parcelles  presque  impercep- 
tibles ,  peut  fournir  régulièrement  par  mois 
trente'mille  marcs  ,  c'est-à-dire  ,  une  quantité 
d'argent  égale  à  la  moilié  de  celui  que  four- 
nissent toutes  les  mines  de  la  Saxe  dans  l'espace 
d'une  année. 

Il  n'est  pas  douteux  qu'on  n'ait  extrait  des 
mines  de  Batopilas  ,  au  Mexique,  et  de  celles 
de  Guantabajo,  au  Pérou ,  dis biocs  d'^//;ir'"Aï^ 
natif  (papas  de  plata)  d'un  poids  énorme; 
mais  en  étudiant  attentivement  l'histoire  des 
principales  minos  de  l'Europe,  on  trouve  que 


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364  LIVRE    IV, 

les  filons  de  Kongsberg ,  en  Norwège,  ceux 
de  Schneeberg ,  en  Saxe,  et  le  fameux  amas 
de  minerais  du  Schlangenberg,  en  Sibérie, 
ont  offert  des  masses  beaucoup  plus  considé- 
rables. En  général  ,  ce  n'est  pas  par  lu 
grandeur  des  blocs  que  l'on  peut  juj»'er  de  la 
richesse  des  mines  de  différenspays  :  la  France 
entière  ne  produit  par  an  que  8000  marcs 
d'argent  ;  et  cependant  il  y  existe  des  fdons 
(ceux  de  Sainte-Marie-aux-Mines )  dont  on 
a  tiré  des  masses  informes  d'argent  natif,  du 
poids  de  trente  kilogrammes. 

Il  paroît  que  sous  tous  les  climats ,  lors  de 
la  formation  des  filons,  l'argent  a  été  inéga- 
lement réparti;  tantôt  concentré  sur  un  même 
point,  tantôt  disséminé  dans  la  gangue,  et 
allié  à  d'autres  métaux.  Quelquefois  au  milieu 
des  minerais  les  plus  pauvres ,  on  trouve  de*^ 
masses  d'argent  natif  très-considérables;  phé- 
nomène qui  paroît  dépendre  d'un  jeu  par- 
ticulier des  affinités  chimiques  dont  nous 
ignorons  le  mode  d'action  et  les  lois.  L'ar- 
gent ,  au  lieu  d'être  caché  dans  des  galènes 
ou  dans  des  pyrites  peu  argentifères  ;  au  lieu 
d'être  réparti  dans  toute  la  masse  du  Jilon^ 
sur  une  étendue  très-grande,  est  réuni  dans 


un 
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CHAPITRE    XI. 


36i 


un  seul  bloc  :  alors  la  ricliebse  d'un  point 
peut  cire  considérée  comme  la  causse  princi- 
pale de  la  pauvreté  des  minerais  voisins;  et 
l'on  conçoit ,  d'après  cet  aperçu ,  pourquoi 
les  parties  les  plus  riches  d'un  filon  se  trouvent 
séparées  les  unes  des  autres  par  des  portions 
de  gfinguc  qui  sont  presque  dénuées  de 
métaux.  Au  Mexique,  comme  en  Hongrie, 
de  grandes  masses  d'argent  natif  et  Aeglaserz, 
ne  paroissent  que  par  routions  :  les  roches 
composées  présentent  les  mêmes  phénomènes 
que  les  tuasses  de  liions.  En  examinant  avec 
soin  la  structure  des  granités,  des  syénites  et 
des  porphyres ,  on  découvre  les  effets  d'une 
attraction  particulière  dans  les  cristaux  de 
mica ,  d'amphibole  et  de  feldspath ,  dont  un 
grand  nombre  sont  accumulés  dans  un  même 
point,  tandis  que  les  parties  ^  oisines  en  sont 
presque  entièrement  dépourvues. 

Cependant,  quoique  le  nouveau  continent 
n'ait  pas  offert  jusqu'ici  l'argent  natif  en  blocs 
aussi  considérables  que  l'ancien ,  ce  métal  se 
trouve  plus  abondamment  dans  un  état  de 
pureté  parfaite  au  Pérou  et  au  Mexique, 
que  partout  ailleurs  sur  le  globe.  En  énon- 
çant cette   opinion,    je    ne    considère    pas 


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366 


LIVRE    IV 


rargcnt  natif  qui  se  présente  sous  la  forme 
de  lames ,  de  rameaux,  ou  de  niamcris  cylia- 
driques ,  dans  les  mines  de  Guantabajo,  de 
Potosi  et  de  Gualgayoc,  ou  dans  celles  de 
Batopilas ,  de  Zacalecas  et  de  Ramos  ;  je  me 
fonde  plutôt  sur  l'énorme  abondance  des  mi- 
nerais apjjclés  pacos  cX  coloradns ,  dans  les- 
quels l'argent  n'est  pas  minéralisé  ,  mais 
disséminé  en  parcelles  si  petites ,  qu'elles  ne 
peuvent  être  aperçues  qu'au  moyen  du  mi- 
croscope . 

Il  résulte  des  recherches  qui  ont  été  faites  par 
le  directeur  général  des  mines  du  Mexique, 
Don  Fausto  d'Elhuyar  ,  et  par  plusieurs 
membres  du  conseil  supérieur  des  mines,  qu'en 
réunissant  tous  les  minerais  d'argent  qui  sont 
annuellement  extraits,  on  trouveroit  après  le 
mélange ,  que  leur  richesse  mojenne  est  de 
0,0018  à  0,0026  d'argent,  c'est-à-dire  ,  pour 
parler  le  langage  commun  des  mineurs,  qu'un 
quintal  de  minerai  (  de  cent  livres  ou  de 
1600  onces)  contient  trois  a  quatre  onces  d'ar- 
gent. Ce  résultat  important  est  confirmé  par  le 
témoignage  d'un  habitant  de  Zacatecas,  qui  a 
dirigé  de  grandes  opérations  métallurgiques 
dans  plusieurs  districts  de  mines  de  la  Nouvelle- 


CHAPITRE    XI. 


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Espagne,  el  c[ui  vienl  de  publier  un  ouvrii^^'-e 
très-ijit;  rcssant  sur  l'aiiuil<»aaialiuii  ituiéri- 
caine.  M.  Garces  ' ,  que  nous  avons  déjà  eu 
oecasion  de  citer  plus  liaut,  ditcxpressénient, 
«  que  la  grande  niasse  des  minerais  mexicains 
«  est  si  pauvre  ,  que  les  Irois  millions  de 
«  marcs  d'argent  que  produit  le  royaume 
«  dans  de  bonnes  années ,  sont  extraits  de  dix 
K  millions  de  quintaux  de  minerais  traités  en 
te  partie  parla  Conte ,  en  partie  par  le  procédé 
«  de  l'aiiialganiation.  »  D'après  ces  nombres, 
la  richesse  moyenne  ne  s'éleveroit  qu'à 
2  y  onces  par  quintal,  résultat  qui  contraste 
singulièrement  avec  l'assertion  d'un  voya- 
geur '  d'ailleurs  très-es';imable,  qui  rapporte 
que  les  fdons  de  la  Nouvelle- Espagne  sont 
d'une  richesse  si  extraordinaire  que  les  indi- 
gènes en  négligent  l'exploitation ,  lorsque  les 
minerais  contiennent  moins  du  tiers  de  leur 
poids  en  argent,  ou  soixante-dix  marcs  par 

*  Nueva  Theoriva  del  heneficio  de  los  inetalen ,  par 
Don  Joseph  Garces  y  Egiiia  ^  Perilo  facullativo  de 
minas  y  Primario  de  benejicios  de  la  inineria  de  Zaca- 
tecas.  (Mexico  ,  1802) ,  p.  121  el  12/). 

*  Le  jésuite  Och.  (  Murr's  Nac/mc/iteu  vom  spa- 
nischen  ^merika,  T.  I,  p.  236.  ) 


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368 


LIVRE    IV 


quintal.  Comme  on  a  répandu  en  Europe  les 
idées  les  plus  erronées  sur  le  contenu  des 
minerais  de  l'Amérique,  je  vais  donner  des 
notions  plus  détaillées  sur  les  districts  de 
mines  de  Guanaxuato ,  de  Tasco  et  de  Pu- 
cliuca,  que  j'ai  visités. 

A  Guanaxuato  ,  la  mine  du  comte  de 
la  Yalenciana  a  fourni ,  depuis  le  i.^'^  janvier 
i']Sj  jusqu'au  ii  juin  1791,  la  somme  de 
1,737,0^2  marcs  d'argent  qui  ont  été  extraits 
de  84,568  montones  de  minerais.  Dans  le  ta- 
bleau '  qui  présente  l'état  général  de  la  mine , 
un  monton  est  évalué  à  52  quintaux  ,  ou 
à  9  THô  cargas;  d'où  il  résulte  que  la  richesse 


*  Estado  de  fa  mina  Valenciana,  remitido por  mano 
del  Excel lentiss.  Senor  Vlrey  de  Nuepa  Espana  al 
Secretario  de  Estado  Don  Antonio  Valdès.  (Manus- 
crit) J'ai  suivi  les  nombres  que  présente  ce  tabl>  u 
formé  par  l'administrateur  de  la  Valenciana  ,  Don 
Joseph  Quixano.  On  compte  d'ailleurs  un  monton 
(umas  de  minerais  réduit  en  poudre),  à  Guanaxuato  , 
à  35j  à  Real  del  Monte,  Pacliuca,  Zullepèque  et 
Tasco  ,  à  3o;  à  Zacatecas  et  à  Sombrerete  ,  à  20  ;  à 
Fresnillo  ,  à  18  j  et  à  Bolanos,  à  i5  quintaux.  A  Giia- 
naxuato ,  la  carga  est  évaluée  généralement  à  i4  ar- 
robas  ;  de  sorte  que  10  cargas  y  forment  un  monton. 
(  Garces ,  p.  92.)  Comme  on  détermine  la  rithcsse 


CHAPITRE    XI.  369 

moyenne  des  niincruis  (t  >it,  il  y  a  vrn<rt  ans^ 
de  5  ~  onces  (l';ir^ent  pir  (|iiliiial.  En  laisunt 
le  njcnie  cakiil  siir  le  produit  de  la  seule 
année  1791,  on  trouve  9  -  onces  par  quintal. 
A  cette  cpixpje,  où  la  mine  ctoit  dms  l'étak 
le  plus  ilorissant,  il  y  avoit  sur  la  niasse  totale 
des  minerais  : 

rsW  de  minerais  riches  {polvillos  et  ,„„,,.    „„„,. 

xabotics),  contenant  au  quintal,  22        3 
-~r,  de  minerais   riches  {apolinl- 

l(lfio), g  3 

"Too'o  ^^  minerais   riches  (  blanco 

biieno  ), 5       1 

y-'jfo  de  minerais  pauvres  {granzas  , 

tierras ordinanas f  etc.), 3 

La  quantité  des  minerais  riches  étoit  par 
caiirMÎquent _,  à  ct  Ile  des  minerais  pauvres,  à 
peu  près  en  raison  de  3  à  i/|.  Les  minerais  qui 
ne  contenoient  que  trois  onces  au  quintal, 
fournissoient ,  en  1791  (  nous  ne  parlons  tou- 
jours que  de  la  seule  mine  de  Yalenciana),  plus 

des  rainerais  d'après  le  contenu  du  monton ,  la  con- 
noissancc  exacte  de  ceUe  mesure  est  d'une  grande 
importance  f^  \\\s  les  calculs  métallurgiques. 

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(716)872-4503 


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SyO  LIVRE    IV, 

de  20(),O()fHiK(r(  s  (l'aident ,  l.indi^qii'ily  a\uit 
assez  de  minerais  lielies  (  de  5  à  22  marcs  au 
cjiiiiital  )  pour  donner  un  produit  de  j)lus 
de  4oo,oou  marcs,  .injour-d'hui  la  richesse 
fimycntw  de  loul  le  filon  tle  Guanaxualo  ])eut 
^*lie  évaluée  à  (pialie  onces  d'arf^rnl  jiar 
cpiinlal  de  minerais.  I.a  parlic  sud-ouest  du 
lllon,  celle  cpii  lra\erse  la  mine  de  Rayas, 
présenle  cc[>endanl  des  iiiiiierais  donl  le  ro//- 
ti'iiu  s'élè\e  eummuiiément  au  tlelà  de  trois 
mares. 

Dans  le  district  des  mines  de  Paeliuca  ,  on 
divise,  sur  les  hdni'sdclrid'^c^  les  ])roduilsdu 
filon  de  la  Biseaina  en  trois  classes,  dont  la 
jicliesse  vaiioil  en  i8o5^  de  /j  à  20  marcs  le 
jtionton  de  ôo  cpiintaux.  Les  minerais  de  la 
premiÎ3re  classe  ,  rpii  sont  les  plus  ri(;lies  ,  con- 
licnncnt  18  à  20;  ceux  delà  seconde  classe, 
y  à  10  marc.".  Les  mines  les  plus  pauvres, 
qui  forment  la  troisicMue  classe^  ne  sontéva- 
•luées  qu'à  /|  marcs d 'a i< «eut  par  nionlan.  Il  en 
résulle  que  dans  le  triage  ,  le  hoit  est  de /|. /^, 
à  5  ;'' :  ;  le  jnédincvc ,  de  1  7-  à  2  ^,  ;  et  le 
mnin(Jr('y  de  1    "   onces  d'arf^ent  par  quintal. 

Dans  le  district  des  mines  de  Tasco  ,  les 
wiiucruis  de  Tchuilolepec  cuutieaiicut ,  dans 


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Au 


CHAPITRE    XI. 


371 


\iiio  tarcn  dcqiialre  moDloncfi  on  de  100  quin- 
taux ,  2.)  marcs  J'ar^cnt  ;  ceux  de  Giianlla  ea 
doimetit  45  :  leur  1  ichessc  inf^yenue  est  par 
conséqueul  de  2  à  o  j~  onces  d'argent  par 
quintal  de  nn'nerais. 

Ce  n'est  donc"  pas,  comme  on  l'a  cru  trop 
long'-temps,  par  la  richesse  intrinsèque  des 
minerais,  c'est  ])lulot  par  la  «grande  abon- 
dance dans  laquelle  ils  se  trouAcnt  au  sein  de 
la  terie ,  et  par  la  facilité  de  'eur  exploitalion  , 
que  les  mines  de  l'Ainérique  f;e  distinguent  ' 
de  celles  de  1/ Europe.  Les  trois  districts  de 
mines  que  nous  venons  de  citer,  fournissent 
eux  seuls  annuellement  plus  d'un  million  de 
marcs  d'argent  ;  et  d'apri's  l'ensemhle  de  ces 
données ,  nous  ne  pouvons  douter  que  le 
contenu  moven  des  minerais  mexicains  ne 
s'élève ,   connue  nous  l'avons  annoncé  plus 

*  Les  minerais  trargcnt  Ju  Pérou  ne  pnroîssent  en 
général  pas  plus  riclu-s  que  ceux  tlu  Mexique  :  on 
évalue  leur  continu  ,  non  par  nionfon ,  mais  par 
caxon  (  caisse)  ,  qui  a  yt  cargas ,  en  comptant  cliaque 
cat-ffu  à  10  arrohas,  ou  à  deux  quintaux  et  demi. 
Au  Potosi ,  la  ric/u'stie  moyenne  des  minerais  est  de 
•^~j  -y  dans  les  mines  de  Pasco ,  de  1  3^  onces  par 
quintal. 

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372  LIVIDE    IV, 

haut,  à  trois  ou  quatre  onces  d'argent  par 
quintal.  Il  en  résulle  en  outre  que  ces  mine- 
rais sont  un  jieu  plus  riches  que  ceux  de  Frei- 
berg,  mais  qu'ils  cunliennent  beaucoup  moins 
d'argent  que  les  minerais  d'Annaberg ,  de 
Johann -Ceorgenstadt,  de  Marienberg  et 
d'autres  districts  du  Ohcr^cbir^c ,  en  Saxe. 
Depuis  17S9  jusqu'en  1799,  on  a  extrait'  des 
filons  i\\\  district  de  Frcibcrg,  année  com- 
mune ,  i56,7J2  quintaux,  qui  ont  donné 
48,952  marcs  d'argent  ;  de  sorte  que  le  con- 
tenu mnjen  a  élé  de  2  f^  onces  par  quintal  de 
minerais.  Dans  les  imites  niéiallifircs  du  Obcr- 
gcbir^c,  au  contraire,  la  richesse  moyenne 
s'est  élevée  a  10,  cl,  à  des  époques  très-heu- 
reuses ,  jusqu'à  10  onces  par  quintal. 

Nous  avons  jeté  un  coup-d'œil  général  sur 
les  roches  dans  lesquelles  se  trouvent  les  prin- 
cipales mines  de  la  Nouvelle-Espagne  ;  nous 
venons  d'examiner  sur  quels  points ,  à  quelles 
latitudes ,  et  à  quelles  hauteurs  au-dessus  du 
nive.iu  de  la  mer ,  la  nature  a  réuni  les  plus 
grandes  richesses  métalliques  ;  nous  avons 
indiqué  les  minerais  qui  fournissent  l'immense 


*  Daiibuisson ,  T.  II;  p.  128. 


% 


CHAPITRE    XI.  373 

quantité   d'arq-ent   qni   reflue   annuellement 
d'un  conlinenl  à  i'aulre  :  il  nous  reste  à  donner 
quelques  détails  sur  les  exploitations  les  plus 
considérables.   Nous  nous  bornerons  à  trois 
de  ces  frmtipcs  de  mines   que    nous   avons 
décrits  plus  haut  ,  au   i^roupe    central,  et  à 
ceux  de  Tascoel  de  la  liiscaina.  Les  personnes 
qui  connoissent  l'état  des  exploitations  de  l'Eu- 
rope ,  seront  frappées  du  contraste  qu'offrent 
les  orandes  mines  du  Mexique  ,  par  exemple 
celles  de  la  Valenciana  ,   de  Riiyas  et  de  Te- 
reros  ,  avec   les   mines   que  l'on    considère 
comme  trcs-riclies  en  Saxe,  au  Harz  et  en 
Hongrie.   Si    ces    dernières   pouvoient   être 
transportées  au  milieu  des  grandes  exploita- 
tions de   Gnanaxnato  ,  de  Catorce ,  ou  de 
Realdel  Monte;  leur  richesse  et  la  quantité 
de  leur  produit  paroilroient  aux  lia])itans  de 
l'Amérique  tout  aussi  peu  remarquables  que 
la  hauteur  des  P^^rénées,    comparée  à  celle 
des  Cordillères. 

Le  groupe  central  des  mines  de  la  Nouvelle- 
Espagne  ,  la  portion  de  terrain  la  jdus  abon- 
dante en  argent  que  l'on  connoisse  sur  le 
globe ,  est  situé  sur  un  même  parallèle  avec 
le  Bengale,  sous  une   latitude  où  la  zone 


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374  LIVRE    IV, 

ëiiiiinoxiiile  se  (onfoiul  i»vcc  la  zone  tcm- 
pcMcc.  Ce  fj'i'oiipc  eiuhriissc  les  trois  disli  icls 
<lc  iniiit'S  (le  CiiaïuiXMiilo  ,  tie  Catorrc  cl  de 
ZiUiih'cas,  dont  !;;  premiei- a  une  élejKliie  de 
le  sceuiid  de  7^)1»,  el  le  lioisièiiie  de 


220 


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7.30  Jicjies  c.tnces,  e.i  r;îK. .:iil  les  siiil;>ees 
d'aprc'sla  posilivM  des  niies  ,s  )l(''es  (  rctililos) 
qui  sonl  les  plus  éi^'àgiiéos  i\\.{  eliel-lieu  de 
rarriUMli^seuienl. 

Le  district  de  Cm  naiiarnnio ,  le  ])lus  uu'il- 


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il  de  et"  ;^r<)U|)e,   esl  aussi  leuiarcpKihle 


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^i«;'anles(uies  que  les  1 
dans  le  sein  ii*^^  niontaii'ues.  Pour  se  lornier 
une  iilée  plus  exacte  de  la  position  de  ces 
mines,  nous  insilonsle  lecteur  à  se  rappeler 
ce  que  nous  r.vons  dit  ])lus  liant',  en  (km- 
nant  îa  description  particulière  des  provinces. 


*  Cliap.  VIIÏ ,  T.  11,  p.  1285.  J'ai  dressé  une  carte 
géologique  des  environs  île  la  viîle  de  rfuanaxualo , 
qui  paroitradans  la  Relation  historique  de  mon  voj.'igc 
aux  régions  équinoxiaîes  de  l'Amérique  :  celte  carte 
est  levée  en  partie  au  moyen  de  hases  perpt^diiuilains, 
qui  ont  été  mesurées  Iwrométriqurnient.  Voyz  plus 
haut,  T.  I  ,  p.  i(),  et  mon  Recueil  (TobsetvaLofis 
astronomiques  ,  Vol.  I,  p.  3jp.. 


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niNPMT.r.  \i. 


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rt  à  jck'i*  les  veux  sur  !('  I;i]»1(Mm  |»]n^i<[iio 
chi  plalcau  rciihal  rjiio  présmlc  l;i  ([iialor- 
zirmi'  planclie  <lc  IVllas  mexicain. 

Danslcccnlic  (lcl'iii!(inlaiMX'<lo(iiiaii;!\(i,i- 
to  ,    sur  le  (]<;s  (îc  la  (i'ordilK'ird'Aiialiiiac  , 
s'rlt'vc  un  i^i'oiJjie   tir  cimes   porpln  rilicjiKS 
t'oiimies  sous  le  nom  de  la  Sicini  tic  Saiild 
Itosd.  Ce  ^"iuiij)e  de   iiionla^nes  ,  en   ])atlie 
aiides  ,  en    parlic;    eomcrles  d'arUonsieis  et 
de  eluMies  toujours   ^elis,  est  eiivironuc  de 
]>laiiies  l'er  ides  el  lahources  avee  soin.  Au  nor  d 
<le   la  àSiena  s\  leudeul ,  à  j^erlc  de  vue,  les 
]J<inos   de  San  l*\'lij)e;   au   su<l,  les  plaines 
«rirapualo  et  de  Saîaujanta  onVeul   le  spee- 
laele  riaul  d  uiî  pavs  rielie  el  peuplé.  J^e  Cvrro 
(le  Ins  Llanitos  ,  el  le  P  ne  via  de  Snuhf  ïtosd  , 
sont  les  e'uics  les  plus  élevées  de  ce  groupe 
de  uionUignes.  Li  ur  liauliun'  rdisolue   esl  de 
2S00  à  2()Oo  uièlres  ;  mais  connue  li^s  j>Liines 
voisines  qui  foui  parlie  du  grand /^////r»///  r/ //- 
//v//  du  Mexi(|uc  ,    sont    élevées  de  ))lus  i\o. 

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1800  niclres  i.u-<,lessus  du  niveau  de  I  (,)eéan  , 
ces  sommets  poiplijrilicpies  ne  paroisseni,  aux 
yeux  du  voyageur  accoutumé  àraspc("l  imj)o- 
sanl  des  Cordillères ,  que  des  collines  peu 
considérables.  Le  fameux  fdon  de  Cuanaxuato 


\      !' 


376  LIVRE    IV, 

qui,  à  lui  seul ,  depuis  la  fin  du  sci  viorne  siècle, 
a  produit  une  niiisse  d'ar;^''ent  équivalant  à 
quatorze  cent  uiillious  de  francs,  traverse  la 
pente  méridionale  de  la  Sierra  de  Santa  Rosa. 
En  allant  de  Salanianca  à  Burras  et  à  Te- 
niascatio,  onapercoil  un  rideau  de  nionta^icnes 
qui  bornent  les  plaines  en  se  prolonf»-eant  du 
sud-est  au  nord-ouesl.  C'est  celte  même  direc- 
tion que  suit  la  créle  du  filon.  Lorsqu'on  se 
trouve  au  pied  de  la  Sierra  ,  après  avoir  passé 
la  ferme  deXalapila,  Ton  découvre  unra\in 
étroit ,  et  dun<j;ereux  à  passer  à  l'époque  des 
grandes  crues,  la  Caîiadd  de  Minjil,  qui  con- 
duit à  la  >ille  de  Guanaxuato.  La  population 
de  celle  \illc,  comuie  nous  l'avons  observé 
plus  liant,  est  au-dessus  de  70,000  âmes.  On 
est  étonné  de  voir,  dans  ce  lieu  sauvage,  de 
grands  et  beaux  édifices  au  milieu  de  misé- 
ral)lcs  cabanes  d'Indiens.  La  maison  du  colonel 
Don  Diego  Rul ,  qui  est  un  des  propriétaires 
de  la  mine  de  la  V  alenciana ,  pourroit  orner 
les  plus  belles  rues  de  Paris  et  de  Naples  :  sa 
fac.de  oiF; e  des  colonnes  d'ordre  ionique  ; 
rarcliilccture  en  est  simple  et  remarquable 
par  une  grande  pureté  de  sfjle  :  la  construc- 
tion de  cet  édifice,  qui  est  presque  inhabité, 


èllAPlTRE    X!.  3^7 

a  coûté  pins  de  8ou,ooo  livnics,  somme  roii- 
siilérable clans iMi  pa^s  où  le  prix  de  la  jouriuc 
et  celui  des  malciiaiix  sont  assez  modiques. 

Le  nom  de  Guanaxuato  est  à  ])eine  connu 
en  Europe  ;  cependint  la  licliesse  des  mines 
de  ce  disliicl  est  bien  su[>érieure  à  celle  du 
gîte  inétalli l'ère  de  Potosi.  Ce  dern'er,  d(';- 
couvert  en  lo^j,  par  l'Indien  Die^o  Ilualca  , 
a  fourni,  d'après  des  renscig^nemens  '  qui 
n'ont  jamais  été  publiés,  dans  l'espace  de  deux 
cent  trente -trois  ans,  788,208,012  piastres 
forles,  ou ,  en  comptant  liuil  piastres  et  demie 
par  marc,  la  somme  de  92,706,294  ï^i^^i'cs 
d'argent  ;  savoir  :  ^ 

De  i5o6  à  1578,  49.011,280  ou  5, 766,035 
1679  1706,  611,099,401  71,929,347 
1737     1789,  127,847,776       ii),o4o,9i4 

788,258,512       92,736,294 

*  Extrait  du  livre  de  compte  de  la  trésorerie  royale 
de  Potosi ,  fait  sur  les  lieux  par  M.  rrédiric  Molhei. 
(^Razou  de  los  reaies  derevlws  que  se  han  cohrado  en 
lan  caxas  real  s,  de  la  plala  que  haproducido  el  Cerro 
de  Potosi.^  Ce  mémoire  manuscrit,  qju'  io  possède, 
donne  le  produit  du  l\nosi ,  aunce  par  auiiée,  depuis 


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3-8 


LIVRE    IV 


Diuis  CCS  trois  rpoqurs  i]c  temps,  il  .1 
donr  été  extrait  du  (Jcrio  de  Polosi ,  aiméo 
movemie , 


lilin  <  il'.i  nrnl. 


}il  i«li 


De  lôôG  k  lïijH 2()2,o()2  OU  2,227^7X2 

I  ;")-[)      1  j7)G ,  ....  4  ,)8, 1 48         '^'99  h  -  •  >'^ 
ijôy      i7«^9?  •  •  •  •  289,2/18  2. 'i.)8,()«.f) 

I.c  produit  du  filon  de  Guaiiijxualo  e^t 
pres([ue  le  douljle  de  celui  du  (lerro  de 
Potosi.  On  tiic  aeluellenicnl  de  ec  filon,  eai 
c'estluiseul  cpii  Couriiil  loull'ar^enldes  nnue;» 
du  district  de  Guanaxualo,  année  connnunc, 
cinij  à  si.v  cent  mille  nKirrs  (rdii^cutj  et 
ijuùizc  à  seize  cents  nuircs  d'or. 

i558  iiisqu'en  1789.  Les  livres  de  la  trésorerie  ne 
rapportent  rien  sur  les  années  antérieures  à  10.^)6  , 
quoique  tlcux  mineurs  tie  Porco  ,  Juan  de  Viliaroel  et 
Diego  Centciio ,  aient  attaqué  ec  filon  dès  l'année  1 5  i  5. 


c.îiAPrmi:  xi. 
rnoDi'iT  i:n  on, 

mr  nisTRiCT  \ns  minks  nr.  <,i' an wiato. 


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PAIl  i/amai-(,amati()\. 


citsieluiii       imii. 


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LIVRE    IV 


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81172 

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\, 


ClIAPITHE    XI. 


38 


J'ai  indiqué  dans  ces  Uibleanx  ,  année  par 


l'or  et  1' 


1( 


lIu  Cl 


année,  i  or  cr  i  ar^^eru  tjuc  ils  mines 
naxuato  ont  fournis  depuis  17GG  jusqu'en  i8o5. 
On  a  distingué  les  métaux  qui  sont  relirés  des 
mineriîis  au  moyen   de  ramalgamalion  ,  dQ 
ceux  qui  sont  obtenus  parla  fonte.  Lu  mare 
d'or  contient  5o  cdstcUunas ,  qui  équivalent 
à  4oo  tontines  ou  à  48oo  granos.  Il  résulle  de 
ces  tableaux ,  fondés  sur  des  pièces  olficielles  ', 
que  le   disiriet  des  mines  de  Guanaxuato  a 
fourni,  en  trente-huit  ans,  pour  i65  millions 
de  piastres  en  or  et  en  argent,  et  que  depuis 
1786  jusqu'en  i8o5  ^  le  produit  a  été,  année 
conmnjue ,  de  006,000  marcs  d'argent,  qui 
équivalent   à   4,727,000   piastres.   Tous   les 
filons  de  la  Honj^rie  et  de  la  Transilvanie 
ensemble    ne    donnent   que    80,000   marcs 
d'argent. 

En  prenant  les  moyennes  de  quatre  années, 


IS 


*  Razon  de  los  castellanos  de  oro  de  Icy  22  quîlates 
y  marcos  de  plata ,  de  \'2  dineros  de  Ion  benejlcios  de 
azogue  y  fufigo ,  manifestados  en  la  tresoreria  prin- 
cipal de  Real  Hacienda  de  Guanaxuato ,  desde  i."  de 
enero  ij66  hasta  3.1  de  deciembre  i8o3.  (Manuscrit.) 
On  a  compté  le  marc  d'argent  à  8  *  piaslros ,  et  le  marc 
cl*or  à  i36  piastres  (la  piastre  à  5  livres  5  sous). 


T^  '  m 


38: 


LIVRE    IV 


dont  trois  (lo   cinq  et  une  de  huit  ans,  on 
troine  les  résultats  suivaus  : 


V,M.l'.i,- J! 

ilu  pruduit   total 

AKGKNT 

V  A  1. 1,  l  R 
DU    l'or 

Kl'OQCES. 

ni:  i.'on 
ET  im:  i/aucknt 

roirospnndiUit 

à  une  année 

et 

nn  l'akgent 

idrif  piulniil 

(les  militas 
(le  Ciiiaiiiixuato. 

moyenne. 

a  une  année 
inoyiMine. 

])i.i«lr  ■1. 

niiirc'. 

piasl  rc.s. 

17(16—1775 

3o,3'2o,5o5 

542, 24 1 

5,o32,o5o 

I77G— I7S5 

■iG, (192, 865 

528,121 

4,669,286 

lySG — 1795 

iH,GS2,GG2 

5fio,g56 

4,868,266 

i-yf) — i8o3 

3fj,5oG,ii7 

55 1,5 19 

4,913,265 

Quelle  est  la  nature  du  fitte  mélnllifcre  qui 
a  fourni  ces  immenses  rlcliesses,  et  que  l'on 
peut  considérer  comme  le  Potoside  l'hémis- 
phère boréal?  Quel  est  le  g'isement  du  rocher 
qui  traverse  le  filon  de  Guanaxuato  ?  Ces 
questions  sont  trop  importantes  pour  que  je 
ne  trace  pas  ici  le  tableau  géologique  d'un 
pays  si  remarquable. 

La  roche  la  plus  ancienne  que  l'on  con- 
noisse  dans  le  distiict  de  Guanaxuato  ,  est 
le  tJionscliif^fer  (schiste  argileux)  ,  qui  repose 
sur  les  roches  g-raniliqucs  de  Zacalccas  et  du 


CHAPITRE    XI. 


183 


enon 


Bl 


inco 


Il  est 


cl 


iïvïs   tie  ccndte  ou 


11 


noir*  -  gt'is;Urc  ,  Iraversé  souvent  "par  une 
infinité  de  petits  liions  de  (piai  tz  ,  passant, 
à  de  grandes  profondeurs  ,  au  tdlhsclu'cfcr 
(  seliiste  tahjuenx  )  et  à  la  cltlnrile  srliistcnsc. 
Je  re^f'arde  ce  thnnsclu'rfrr  connue  de  for- 
mation  priniitivc ,  quoicpie  des  couelies  à 
feuillels  très-uiinces  qu'il  contient,  et  qui 
sont  surchargées  de  carbone ,  paroissent  le 
rapprocher  du  thonsclùejer  de  tninsitlon.  Ces 
couches  (  oja  de  lihro  )  se  trouvent  le  plus 
souvent  ^  près  du  jour  ;  quelquefois  elles  se 
montrent  ^  à  des  profondeurs  considérables. 
En  creusant  le  grand  puits  {tiro gênerai)  de 
Valenciana,  on  a  découvert  des  bancs  de 
sjénile  ,  de  schiste  amphiholique  (liovnhlend- 
sc]iiefej)el  de  \ raie  serpentine^  alternant  entre 
elles,  et  formant  des  couches  subordonnées 
dans  le  thonschiefer.  Ce  phénomène  extraor- 

*  Sonneschjïiidt ,  BescJireihungderBergiverks-Refiere 
von  Mexico ,  p.  ig4  et  292. 

^  Dans  Xaquehnida  de  San  Koquito,  qui  commu- 
nique au  ravin  d'Acabuca. 

3  Dans  la  raine  de  Valenciana, 

*  Dans  les  mines  de  Meliado  ,  d'Animas   et  de 


R: 


a  vas. 


I  ■■( 


II;  S 


38 


LIVRE    IV 


dinaire  d'une  sycnite  qui  alterne  avec  la 
serpcnlinc  ,  se  présente  aussi  à  File  de  Cuba, 
près  du  village  de  Re^^la ,  où  la  dernière 
roche  abonde  en  diulLige  cJiatnyante  [scJUl- 
lerspath).  Le  même  thonschwjcv  de  Gua- 
naxuato  ,  que  l'on  observe  au  fondée  la  mine 
de  V^alenciana,  reparoît  nu  jour,  huit  cents 
mètres  plus  haut ,  sur  le  dos  de  la  Sierra  de 
Santa  Rosa  :  je  donte  qu'on  l'ait  trouvé  à  des 
élévations  plus  grandes.  Ces  strates  sont 
dirigés  très  -  régulièrement  h.  8  à  9  de  la 
boussole  du  mineur  '  ;  ils  sont  inclinés  de  4^ 

*  Ou  tlu  sud-est  au  nord-ouest.  J'ai  été  frappé  , 
depuis  l'année  1791,  de  cotte  grande  loi  à\i parallé- 
lisme des  couches  j  que  l'on  découvre  dans  d'immenses 
étendues  de  pays ,  et  que  l'on  peut  regarder  comme 
un  des  phénomènes  les  plus  curieux  de  la  géologie. 
Je  n'ai  pas  cessé ,  dans  mes  écrits ,  d'appeler  i'attentiou 
des  voyageurs  vers  un  objet  sur  lequel  il  scroit  facile 
de  réunir,  ea  très-peu  de  temps ,  un  grand  nombre 
d'observations.  Voyez  mes  Expériences  sur  l'irritation 
de  la  fibre  musculaire  et  nerveuse  (^cn  allemand),  Vol.  I, 
p.  8  ;  ma.  Lettre  à  M,  de  Fourcroy,  endatedu  5  pUwîôae 
an  6  ;  mon  Tableau  géologique  de  C  Amérique  méridio^ 
na/.:^(  Journal  de  physique,  1800);  et  ma  Géographie 
des  plantes ,  p.  1 1 7.  La  direction  des  hautes  chaînes  de 
montagnes  paroît  exercer  la  plus  grande  influence  sur 
la  directioD  des  couches,  même  à  des  éloigaemeus 


CHAPITRE    XI.  385 

à  5o  de*» Tes  an  sud-ouest.  Cette  direction  est 
celle  que  suivent  la  plupart  des  roches  très- 
anciennes  du  Mexique. 

Sur  le  thonschiejer  reposent  deux  forma- 
tions très-différentes  :  l'une,  de  porphyre  , 
à  des  hauteurs  considérables,  à  l'est  de  la 
yallée  deMarfil,  et  au  nord-est  de  Valenciana; 
l'autre  ,  de  grès  ancien  y  dans  les  ravins  et  sur 
des  plateaux  peu  élevés. 

Le  porphyre  forme  des  masses  pierieuses 
gigantesques  ,  qui  se  présentent  de  loin  sous 
l'aspect  le  plus  étrange  ,  souvent  comme  des 
ruines  de  murs  et  de  bastions.  Ces  masses , 
taillées  à  pic_,  et  élevées  de  trois  à  quatre 
cents  mètres  sur  les  plaines  environnantes , 
portent  dans  le  pays  le  nom  de  ï^uffci. 
D'énormes  boules  à  couches  concentriques 
reposent  sur  des  rochers  isolés.  Ces  por- 
phyres donnent  aux  environs  de  la  ville  de 

considérables  «le  la  crote  centrale.  Cette  influence  se 
manifeste  dans  les  Pyrénées,  au  Mexique  ,  et  surtout 
dans  les  llaates-Alpes.  Voyez  1rs  observations  judi- 
cieuses qu'un  savant  minéralogiste  ,  M.  Ebel,  vient  de 
publier  à  ce  sujet,  dans  un  ouvrage  qui  a  ponr  titre  : 
Sur  la  vonatrucUon  de  In  chaîne  des  Alpes  (en  alle- 
mand), Vcl.lj  p.  2aa-,  Vol.  II,  p.  20i-2i5;  et  p.  Z!^j. 
iir.  3^ 


II 


I 


A       >; 


386  LIVRE    IV, 

Guanaxuato  un  caractère  sauvage,  propre 
à  étonner  le  voyageur  européen,  qui  s'ima- 
gine que  la  nature  n'a  déposé  de  grandes 
richesses  métalliques  que  dans  les  montagnes 
à  croupes  arrondies  ,  et  dans  les  lieux  où  le 
terrain  offre  un  mouvement  doux  et  uniforme. 
Ce  porphyre,  qui  constitue  la  majeure  partie 
de  la  Sierra  de  Sauta  Basa ,  a  généralement 
une  teinte  verdàtre  :  il  varie  singulièrement 
d'après  la  nature  de  sa  base  et  des  cristaux 
qu'il  renferme.  Les  couches  les  plus  anciennes 
paroissent  être  celles  dont  la  base  est  du 
silex  corné  '  (  hornsiein  )  ^  ou  du  feldspath 
compacte.  Les  plus  récentes ,  au  contraire , 
offrent  du  feldspath  vitreux,  enchâssé  dans 
une  masse  qui  fait  passage  tantôt  au  petrosilex 


*  Élève  tic  Werner  et  de  l'école  tic  Frciherg ,  je 
nomme  partout  dans  mes  ouvrages  hornstein ,  un 
minéral  qui  forme  des  passages  au  quarlz  ,  à  la  calcé- 
doine et  awfeuerstein  (pyromaque).  Les  /lornsiein  des 
mint^ralogisles  allemands  sont  :  les  quartz -agalhes 
gronsiem  et  xylvïcîes  tle  M.  Ilaiiy,  les  iiéopètres  de 
Saussure  ,  et  l^s  sIIpx  cornés  de  M.  Brongniart.  Cette 
note  m'a  paru  indisponsaLle ,  à  cause  de  la  synon}^mie 
confuse  des  iiidïïoxmnaiûons protoailex  , pierre  de  corne, 
et  roche  de  corner 


vd 


CHAPITRE    XI.  387 

jadien,  tantôt  âu  y^lionoMlc  ou  It/i/iqstein  de 
VVerner.  Ces  dernitres  présenlcnt  la  plus 
grande  analu;;ie  avec  le  porphyrschicfer 
(  schiste  porpliyi  i([ue  )  du  Miitc/i>vhûro('  de 
la  Buhcnie.  On  seroit  lenlé  de  les  compter 
parmi  les  l'oclics  de  la  Jorniation  de  trupp  , 
si  ces  mêmes  couches  ne  reni'ermoient  ,  à 
Villalpando,  les  mines  d'or  les  plus  riches. 
Touscesporpliyresdu  district  de  Guanaxuato 
ont  cela  de  commun  que  l'amphibole  y  est 
presque  aussi  rare  que  le  quartz  et  le  mica. 
La  direction  et  V inclinaison  de  leurs  couches 
sont  les  mêmes  que  celles  du  thonschiefer. 

A  la  pente  méridionale  de  la  Sierra^  géné- 
ralement à  de  moindres  hauteurs  que  celle 
à  laquelle  se  présente  le  porphyre  dans  les 
plaines  de  Burras  et  de  Cuevas,  surtout  entre 
Marfil,  Guanaxuato  et  Valénciana ,  le  thon- 
schiefer est  recouvert  de  ^rès  d'ancienne  for- 
mation. Ce  grès  {^wjelsconglonœrat)  est  une 
brèche  à  ciment  argileux,  mêlé  d'oxide  de 
Ter  ,  dans  lequel  sont  enchâssés  des  fragmens 
anguleux  de  quartz,  de  pierre  lydique,  de 
syénite,  de  porphyre  et  de  hornstein  écailleux. 
Des  couches  contenant  des  fragmens  de  six 
à   huit    centimètres    d'épaisseur  ,    alternent 

25* 


388 


LIVRE    IV 


quelquefois  (  près  de  Cuevas)  avec  d'autres 
couches  dans  lesquelles  des  g-rains  de  quartz 
sont aotj;'lutinés par  uu  ciment ocrcux.  D'autres 
fois  (au  ravin  de  Marfîl  et  dans  le  chemin  de 
Salgado  )  le  ciment  devient  si  abondant,  que 
les  morceaux  enchâsses  disparoissenl  entière- 
ment ,  et  que  l'on  trouve  des  bancs  d'argile 
schisteuse,  brun  -  jaunâtre,   de  huit  à  neuf 
mètres  d'épaisseur ,  alternant  avec  la  brèche 
à  gros  cailloux.    Cette    formation   de    grès 
ancien,  identique  avec  celle  qui,  dans  l'Amé- 
rique méridionale ,  paroît  au  jour  dans  les 
plaines  de  la  rivière  des  Amazones,  et  qui, 
en  Suisse ,  s'élève  à  plus  de  mille  jnètres  de 
hauteur  absolue  dans  l'Ollenhorn  et  les  Dia- 
blerets ,   n'offre    pas   de   régularité  dans  la 
direction  de  ses  couches.  Leur  inclinaison  est 
généralement  opposée  à  celle  des  strates  du 
thouschiojer.  Près  de  Guanaxuato  ,  la  forma- 
tion de  grès  est  adossée  au  porphyre  de  la 
buffa;  mais  près  de  A^illalpando,  le  porphyre 
même  sert  de  base  à  la  brèche  ancienne,  qui 
y  paroît  nu  jour  à  une  hauteur  absolue  de 
deux  mille  six  cents  mètres. 

Il  ne  faut  pas  confondre  cette  brèche,  quî 
enchâsse  des  fragmens  de  roche  primitive  et 


CHAPITRE    XT.  SSq 

de  transition ,  avec  un  autre  grès  que  l'on 
peut  désigner  sous  le  nom  iWif^q/o/ncntt  feld- 
spiitliùjue  y  qui  ,  à  la  montagne  de  la  Cruz  de 
Serc'iia  y  est  supeiposé  à  la  hicclie  ancienne 
(i/rfchcongloniciw'f)  .  et  qui ,  par  conséquent, 
est  d*une  formation  plus  rc(*ente.  Cet  agglo- 
mérat {Inzcro)  ,  dont  on  lire  les  plus  belles 
pierres  de  taille  ,  est  conjposé  de  grains  de 
quartz^  de  petits  Iragmens  de  schiste,  et  de 
cristaux  de  feldspath  ,  en  partie  brisés  et  eu 
partie  restés  intacts.  Ces  substances  sont  liées 
ensemble  par  un  ciment  argilo-ferrugineux. 
Il  est  probable  que  la  destruction  des  por- 
phyres a  eu  la  plus  grande  influence  sur  la 
formation  de  ce  i^rès  ffldspallilcjua,  11  con- 
traste avec  les  grès  de  l'ancien  continent, 
dans  lesquels  on  a  trouvé  quelques  cristaux 
de  grenats  et  d'amphi])ole  ,  mais  jamais  ,  que 
je  sache  ,  du  feldspath  en  abondance.  3^e 
minéralogiste  le  plus  exercé ,  avant  d'avoir 
examiné  le  <iisement  des  lozero  de  Gua- 
naxuato  ,  seroit  tenté  de  le  prendre  ,  au 
premier  abord,  pi»ur  ini  porphyre  à  base 
argileuse  ,ou  j>our  une  brèche  porphvrilique 
(triimmcr- porphjr).  Près  do  Villalpando, 
une  trentaine  de  bancs  très-minces  d\irg/7o 


LIVRE    IV 


schisteuse.  (  schieferthnn)  ,  de  couleur  bnin- 
noiralre  ,  alternent  avec  V agglomérat  jeld^ 
spathiqiie. 

Ces  formations  de  grès  anciens  de  Gua- 
naxuato  servent  de  base  à  d'autres  couches 
secondaires,  qui,  dans  leur  gisement ^  c'est- 
à-dire  dans  V ordre  de  leur  superposition  y 
ofirent  la  plus  grande  analogie  avec  les  roches 
secondaires  de  l'Europe  centrale.  Dans  les 
plaines  de  Temascatio  (  à  lo  de  Sierra) ,  on 
observe  une  pierre  calcaire  compacte  {dicJitcr 
kalkstein) ,  souvent  remplie  de  cavités  hui- 
leuses, qui  sont  tapissées  de  spath  calcaire 
et  de  mine  de  mang-anèse  soit  terreuse  soit 
rajonnée.  Cette  pierre  calcaire,  qui,  par  sa 
cassure  unie  y  presque  conclioïde  y  ressemble 
ix  Information  du  Jura  y  est  recouverte,  en 
quelques  points,  de  bancs  de  ^t/as6»  fibreux 
et  mêlé  d'argile  endurcie. 

Nous  venons  de  faire  l'énumération  des 
roches  nombreuses  qui  reposent  sur  le  thon- 
schiefer  de  Guanaxuato  ,  et  qui  sont ,  d'un 
coté,  des  formations  secondaires  de  grès,  de 
pierre  calcaire  et  de  gvpse;  de  l'autre,  des 
formations  de  porphyre^  de  syénite ,  de  ser- 
pentine et  de  schiste  amphibolique.  Le  raviu 


'> 


CHAPITRE    XT.  3ç)l 

deMarlîl,  qui,  des  plaines  de  Biirras,  conduit 
à  la  ville  de  Guanaxiiato  ,  sépare  ponr  ainsi 
dire  la  région  porphyrilirpic  de  celle  dans 
laquelle  la  sjénitc  et  le  i^rnnstcin  prédomi- 
nent. A  l'est  du  ravin  s'élèvent  des  nionla'-ncs 
de  porphyre  très-escarpées  _,  et  qui ,  par  leur 
déchirement,  offrent  îes  formes  les  plus  bi- 
zarres :  à  l'ouest  on  découvre  un  terrain  dont 
la  surface,  légèrement  ondulée,  est  couverte 
de  cùnes  basaltiques. 

Depuis  la  mine  de  l'Esperanza,  située  au 
nord-ouest  de  Guanaxuato  ,  jusqu'au  village 
de  Gomangillas,  célèbre  par  ses  eaux  ther- 
males ,  sur  une  étendue  de  plus  de  vingt 
lieues  carrées,  le  thnnschieihr  sert  de  base  à 
des  couches  de  syénite  qui  alternent  avec 
du  griinstcin  (  diahasc  )  ch  transition.  Ces 
couches  n'ont  généralement  que  quatre  à 
cinq  décimètres  d'épaisseur;  elles  sont  in- 
clinées par  groupes  ,  tantôt  au  nord  -  est , 
tantôt  à  l'ouest,  toujours  sous  des  angles  de 
5o  à  60  degrés.  En  voyageant  de  Valencianaà 
Ovexeras,  on  peut  compter  plusieurs  milliers 
de  ces  bancs  de  f^riuistcin ,  alternant  avec 
une  syénite  dans  laquelle  le  quartz  est  quel- 
quefois plus   abondant  f|ue  le    feldspath  et 


il! 


iiî 


392  LIVRE    IV, 

Tamphibole.  On  trouve,  dans  cette  sjcnite, 
des  filons  de  griinslein ,  et ,  dans  les  couches 
du  grïinstein ,  des  fentes  remplies  de  s)  énite. 
Celte  idenlité  de  la  musse  des  filons  avec  les 
roches  superposées ,  est  un  fait  curieux  cpii 
parle  en  faveur  de  la  théorie  de  l'ori^^ine  des 
filons  ,  exposée  par  M.  Werni;r  '.  Près  de 
Chichinjecpiillo  ,  un  porphyre  colonnaire 
paroît  reposer  sur  la  sjénile.  Il  est  recouvert 
de  basalte  et  de  brèches  basalliques,  des- 
quelles sortent  des  sources  dont  la  tempé- 
rature est  de  gG",^  du  thermomètre  centigrade. 
Il  me  reste  à  indiquer  deux  forniatums 
partielles  qui  n'occupent  qu'une  très-petite 
étendue  :  une  pierre  calcaire  compacte  (  cl 
caliche)  ,  gris-noiratre  ,  appartenant  peut- 
être  aux  roches  de  transition  ',  et  une  brèche 
calcaire  {frijollilo  ).  Ce. te  dernière ,  que  j'ai 
vue  dans  la  mine  d'Animas  ,  à  plus  de 
l5o  mètres  de  profondeur ,  est  composée  de 
fragmens  arrondis  de  pierre  calcaire  coni- 

*  Neue  Tlieorie  von  der  Entstehung  der  Gange,  1791, 
*p.  60. 

^  Entre  les  ravins  de  Secbo  et  d'Acabuca ,  les  lianes 
iiixx  caliche  ont  la  même  direction  et  la  nsènie  inclinaison 
que  les  strates  du  thonschiefer. 


CHAPITRE    XI.  3(k'> 

pacte  ,  liés  ensemble  par  un  ciinenl  calca'uc. 
Le  thonschicfer  de  Valenciana  seil  de  base 
à  ces  deux  i'ormalions  parliclles,  dont  l'une 
paroît  devoir  son  origine  à  la  destruction 
de  l'autre. 

Telle  est ,  d'après  les  observalions  que  j'ai 
faites  sur  les  lieux,  la  constitution  p;ëolop;i,'iiit', 
du  sol  de  Guanaxuato.  Le  filon  {peta  wadiv) 
traverse  à  la  fois  le  schiste  argileux  [thon- 
Schiffer)  et  le  porphyre.  Dans  l'une  et  l'autre 
de  ces  roches ,    il  a  présente  des   richesses 
métalliques  trt;s-considérablcs.  Sa  direction 
moyenne  est  h.  8 1  de  la  boussole  du  mineur  '; 
elle  est  à  peu  près  la  même  que  celle  de  la 
iwla  grande  de  Zacatecas.  et  des   filons  de 
Taseo  et  deMoran,  qui  sont  tous  des  filons 
occidentaux  (  spaihgânge  ).  L'inclinaison  du 
filon  de  Guanaxuato  est  de  /^6  ou  4^  degrés 
au  sud-ouest.  Nous  avons  déjà  indiqué  plus 
haut  qu'il  a  été  travaillé  sur  une  longueur  de 
plus  de  12,000  mètres  :  cependant  l'énorme 
masse  d'argent  qu'il  a  fournie  depuis  deux 
cents  ans,  et  qui  à  elle  seule  auroit  suffi  pour 
produire  un  changement  dans  le  prix  des 

'  Ou  :n'.  52"  o. 


[: 


[•I 


.y 


3<)4  LIVRE    IV, 

denrées  en  Europe  ,  a  ('lé  cxlroite  <le  la  seule 
parlio  du  filon  eonlenue  cuire  les  pnils  de 
l'Espcranzii  el  de  Santa  Anila ,  sur  une  étendue 
moindre  de  2G00  niclres.  C'est  dans  retle 
partie  que  se  trouvent  les  mines  de  Valen- 
ciana ,  Tepcjac,  Cata ,  San  Lorenzo ,  Animas , 
Mclhido  ,  Fraustros  ,  Rayas  et  Sîmla  Anila  , 
qui,  à  difTérentes  époques,  ont  joui  d'une 
grande  eélébritc. 

La  vcta  madiv  de  Cuanaxuato  présente 
beaucoup  de  rcssenddance  avec  le  célèbre 
filon  de  spUnl  de  Sclicinnitz,  en  llong-rie. 
Les  mineurs  curopi'cns  qui  ont  eu  occasion 
d'examiner  l'un  et  1  autre  de  ces  i^ilos  de 
minerais,  ont  a^itc  la  queslion  si  l'on  doit  les 
considérer  comme  de  vrais  filons ,  ou  comme 
des  coud  tes  mélallifivos  (  crzhi^^cr).  En  n'ob- 
servant la  veta  mndrc  de  Cuanaxuato  que 
dans  les  mines  de  Valenciana  ou  de  Rajas , 
01.1  le  toit  et  le  mur  sont  de  liions  chic  fer  y  on 
seroit  tente  d'adinellre  la  dernière  de  ces 
opinions  ;  car  loin  de  couper  ou  de  croiser 
les  strates  de  la  roche  (  que/'gestcin  )  ,  la  l'cta 
a  exactement  la  même  direction  et  la  même 
inclinaison  que  ses  strates  :  mais  une  couche 
mélcdlifèro  y  qui    a  été  Ibraiée  à  la  même 


cTiAPirnE  XI. 


.Mj5 


époque  que  toute  la  masse  de  la  monla«;iie 
dans  laquelle  elle  se  trouve,  peul-elle  passer 
d'une  roeliesupri  ioure  à  une  l'iK'he  inférieure, 
du  porphyre  au  srliisle  argileux?  Si  la  iwta 
madve  étoit  réellement  une  conclu; ,  on  ne 
tfouveroit  pas  renfermés  dans  sa  masse  des 
l'ragniens  anguleux  de  son  toit ,  comme  on 
l'observe  eommunément  sur  des  j)oinLs  où 
le  toit  est  un  schiste  chargé  de  cavhouc ,  et 
le.  mur  un  schiste  t(il<niri(.r.  Dans  un  iilon , 
le  toit  et  le  iniir  sont  censés  antérieurs  à  la 
Connalion  de  la  feiite  et  aux  minéraux  (pit 
l'ont  successivement  remplie;  mais  une  couche 
a  préexisté  induhilablement  aux  strates  de  l.i 
roche  qui  forment  son  toit  :  il  en  résulte 
que  l'on  peut  découvrir  dans  une  couche 
des  fragniens  du  w///'^  mais  jamais  des  mor- 
ceaux détachés  du  toit. 

La  vota  madré  de  Ciuanaxuato  offre 
Texeniple  extraordinaire  '  d'une  fente  qui 
s'est  formée  selon  la  direction  et  l'inclinaison 

»  M.  Wcrner ,  Jans  l'a  Théorie  îles  filons  (  J.  2) ,  Hit 
expressément  «  que  les  giies  de  minerais  coupent 
«  pranque  toujours  les  bancs  fie  la  roche.  »  Ce  grand 
miaéralogislc    paroit    avoir  voulu  iiu!i(iucr  par  ais 


Jli 


3g6  LIVRE  IV, 

des  strates  de  la  roche  :  vers  le  sud-est, 
depuis  le  ravin  de  Serena ,  ou  depuis  les 
miues  folblement  travaillées  de  Belgrado  et 
de  San  Bruno  jusqu'au  delà  des  mines  de 
Marisanehez,  elle  parcourt  des  montagnes 
porph jritiques ;  au  nord-est,  à  partir  dès  le 
puits  de  Guanaxuato  jusqu'au  Gerro  de 
Buenavisla  et  à  la  Canada  de  la  Virgen ,  elle 
tr.iverse  le  thonschicfcr  ou  schiste  argileux  : 
sa  puissance  varie  comme  celle  de  tous  les 
filons  de  l'Europe  :  lorsqu'elle  n'est  pas 
ramifiée  y  elle  n'a  commiménient  que  12  à 
i5  mètres  de  largeur;  quelquefois  elle  est 
étranglée  '  même  jusqu'à  un  demi-mètre  de 
puissance  :  le  plus  souvent  on  la  trouve  par- 
tagée en  trois  masses  (  cuerpos  ),  qui  sont 
séparées  ou  par  des  bancs  de  roche  {caballos) , 
ou  par  des  parties  de  la  gangue  presque 
dépourvues  de  métaux.  Dans  la  mine  de 
Valenciana,  la  veta  madré  a  été  trouvée 
sans  ramification  y  et  de  7  mètres  de  largeur, 

mois  ,  qu'il  peut  exister  «Je  vrais  filons  qui  soient 
parallèles  aux  feuillets  d'un  schiste  argileux  ou 
micacé. 

^  A  \di  plues  d'assemblage  du  puits  de  Sinio  ChrUto 
de  Burgos ,  dans  la  mine  de  Valenciana. 


% 
I; 


CHAPITRE    XI.  3f)7 

depuis  la  siirHice  du  sol  jusqu'à  la  profondeur 
de  170  mètres.  A  ce  point  elle  se  di\ise 
en  trois  branches ,  et  sa  puissance  ,  en  comp- 
tant du  tiiur  au  toit  de  la  massa  entière  y  est 
de  5o ,  quelquefois  même  de  60  mètres.  De 
ces  trois  branches  du  filon,  il  n'y  en  a  gé- 
néralement qu'une  seule  qui  soit  riche  en 
métaux  :  quelquefois,  lorsque  toutes  les  trois 
se  joignent  et  se  traînent  y  comme  à  Valen- 
ciana ,  près  du  puits  de  San  Antonio ,  à 
T)00  mètres  de  profondeur,  le  filon  offre 
d'immenses  richesses ,  sur  une  puissance  de 
plus  de  25  mètres.  Dans  la  pertinencia  de 
SarUa  Leocadia y.  on  observe  quatre  branches. 
Un  trwn ,  dont  l'inclinaison  est  de  65",  se 
sépare  de  la  branche  inférieure  (  cnerpo 
haxo) ,  et  coupe  les  feuillets  de  la  roche  du 
mur.  Ce  phénomène,  et  le  grand  nombre  de 
druses  garnies  de  cristaux  d'améthyste  que 
Ton  trouve  dans  les  mines  de  Rayas,  et  qui 
affectent  les  directions  les  plus  différentes, 
suffiroient  pour  prouver  que  la  i^eta  madré 
est  un  filon  et  non  une  coiicJie.  D'autres 
preuves,  non  moins  convaincantes,  pour- 
roient  être  tirées  de  l'existence  d'un  filoi^ 
(  vêla  del  caliche  )  exploité   dans  la  pierre^ 


3<j8  LIVRE    IV, 

calcaire  compacte  irAnimas,  et  qui ,  parallèle 
au  filon  principal  de  Guanaxuato,  a  présenté 
les  mêmes  minerais  d'argent.  Trouve-t-on 
jamais  celte  îchnlité  de  formation  entre  deux 
couches  métallifères  qui  appartiennent  à  des 
roches  d'une  ^//<:/W/W6?/c' très-différente? 

Les  pelils  ravins  dans  lesquels  se  divise  la 
vallée  delMarfil  paroissent  avoir  une  influence 
marquante  sur  la  richesse  de  la  vcta  madré 
de  Guanaxuato.  Cette  dernière  a  donné  le 
plus  de  métaux  là  où  la  direcdon  des  ravins  ' 
et  la  pente  des  montagnes  (Jlaqueza  delceiro) 
ont  été  parallèles  à  la  direction  et  à  l'incli- 
naison du  filon.  Quanti  on  est  placé  sur  la 
hauteur  de  Mellado,  près  du  puils  qui  a  été 
creusé  en  i558,  on  observe  qu'en  général  la 
veta  madré  est  la  plus  abondante  en  minerais 
vers  le  nord-ouest,  vers  les  mines  de  Cata 
et  de  Valenciana;  et  qu'au  sud-est^  vers 
Rayas  et  Santa  Anita,  les  produits  ont  été 
à  la  fois  plus  riches,  plus  rares  et  plus 
inconstans.  Il  existe  en  outre,  dans  ce  célèbre 
filon,  une  certaine  région  moyenne,  que 
Ton  peut   regarder    comme    un    dépôt    de 


>  Ceux  d'Acabuca ,  de  Ravas  et  de  Seclio. 


CHAPITRE    XI.  399 

grandes  richesses  ;  car  au-dessus  et  au-dessous 
de  cette  région,  les  minerais  ont  été  d'un 
contenu  d'argent  peu  consiiiérable.  A  Valen- 
ciana,  les  nii/teniis  riches  ont  été  les  plus 
abondans  eiilre  100  et  5/|0  mètres  de  pro- 
fondeur au-dessous  de  l'embouchure  de  la 
galerie.  A  Rayas  ,  cette  al)ondance  s'est 
montrée  dès  la  surface  du  sol  ;  mais  aussi 
la  «galerie  de  Valenciana,  d'après  mes  me- 
sures ' ,  est  percée  dans  un  plan  cpii  est  de 
106  mètres  plus  élevé  que  l'embouchure  de 
la  galerie  d'écoulement  de  l\ayas  ;  ce  qui 
pourroit  faire  croire  que  le  dépôt  des  grandes 
richesses  de  Guanaxuato  se  trouve ,  dans  cette 
partie  du  filon  ,  entre  2100  et  1890  mètres 
de  hauteur  absolue  au-dessus  du  niveau  de 
l'Océan.  Les  ombrages  d'exploitation  les  plus 
profonds  de  la  mine  de  Piajas  (  los  planes  ) 
n'ont  pas  encore  atteint  la  limite  inférieure  de 
cette  région  moyenne-,  tandis  que  le  fond 
(  das  tiefste  )  de  la  mine  de  Valenciana ,  la 
galerie  de  San  Bernardo ,  a  malheureuse- 
ment déjà  dépassé   cette  limite  de  plus  de 


*  Voyez  mon  Recueil d' Observations  astronomiques , 
Vol.  I,  p.  3a4;  n.*»  332-357. 


400  LIVKE    IV, 

yo  mèlres  :  aussi  la  mine  de  Rayas  continue- 
t-elle  de  l'ournir  des  minerais  extrêmement 
liclies,  tandis  qu  a    Valenciana  on  cherche 
depuis  quelques  années  à  suppléer,  par  l'ex- 
traction   d'une     plus    grande    quantité    de 
minerais,  au  défaut  de  leur  valeur  intrinsèque. 
Les  snhslanres  minérales  (    i   constituent 
la   masse  du   filon  de   Guanaxnalo  sont  du 
quartz  commun  j  de  l'améthyste,  du  carbonate 
de  chaujCy    du   spath  perlé,    du   hornstein 
écailleux ,  de  Wirgcnt  sulfuré,  de  ï argent  natif 
ramuleux,  de  l'argent  noir  prismatique,  de 
l'argent  rouge   foncé,  de  For   natif^    de  la 
galène  argentifère ,  de  la  blende  brune,  du 
ferspatliique  et  des  pjrites  de  cuivre  et  de  fer. 
On   observe  en  outre,   quoique   Inen   plus 
rarement ,  du  feldspath  cristallisé  (  le  quartz 
rhomboïdal  des  minéralogistes  mexicains  ) , 
de  la  calcédoine,  de  pelites  masses  de  spath- 
lluor ,  du  quartz  filamenteux  (  haarfôrmiger 
(juartz)y  du  fahlerz  ,  et  du  plomb  carbonate 
bacillaire.  L'absence  du  sulfate  de  baryte  et 
de  l'argent  muriaté  distingue  la  formation  du 
iîlon  de  Guanaxuato  de  celle  de  Sombrerete, 
de  Gatorce,  de  Fresnillo  et   de  Zacatecas. 
Lçs  iiiinéralogistcs  qui  s'occupent  de  l'élude 


CHAPITRE    XI.  40I 

des  formes  régulières  trouvent  dans  les  mines 
de  Guanaxuato  une  grande  variété  de  cris- 
taux, surtout  parmi Içs  minés  d'argent  sulfuré, 
rouge  et  noir,  parmi  les  spaths  calcaires 
et  le  bmunspnth  '  (chaux  carbonatée  bru- 
nissante ). 

Labondand.j  des  eaux  qui  filtrent  à  travers 
les  fentes  de  la  roche  et  de  la  gano-ue, 
varie  singuUcrement  sur  les  difFérens  points 
du  filon.  Les  mines  d'Animas  etdela  Valen- 
ciana  sont  entièrement  sèches  ,  quoique 
les  ouvrages  d'exploitation  de  la  dernière 
occupent  une  étendue  horizontale  de  i5oo 
et  une  profondeur  perpendiculaire  de 
5oo  mètres.  Entre  ces  deux  mines ,  dans 
lesquelles  le  mineur  est  incommodé  par  la 
poussière  et  par  une  chaleur  extrême  %  se 
trouvent  les  mines  de  Gâta  et  de  Tepejac , 

>  Sur  le  spath  perlé  de  Guanaxuato,  V.  Klaprotlis 
Beitràge,  B.  IV,  p.  198.  Cette  variété  de  hraunspath 
présente  des  cristaux  microscopiques,  imbriqués  et 
réunis  en  baguettes  très-minces.  L'enlacement  de  ces 
baguettes  {parUlas)  est  si  régulier,  qu'elles  forment 
constamment  des  triangles  équilatéraux. 

2  De  22"  à  27"  centigrades j  la  température  de  l'air 
extérieur  étant  à  i/**. 

m.  26 


;. 


il 


s       Hli 


il 


402  I^ÏVBE    IV, 

qui   sont  restées   inondées,  parce  qu'on  a 
manqué  de  forces  mécaniques  pour  puiser 
les  eaux.  A  Rayas,  l'épuisement  se  fait  d'une 
manière  très-dispendieuse,  par  des  haviteh 
à  mulets,    placés   dans   l'inlcrieur  des  tra- 
çersesj    et    soulevant  l'eau,    non    par    des 
pompes,    mais  par    le   jeu   de  chapelets  à 
caissons,  d'une  construction  très-imparfaite. 
On  est  étonné  de  voir  que  des  mines  d'une 
richesse   aussi   considérable    n'ont    pas    de 
galerie  d'écoulement  ' ,  tandis  que  les  ravins 
voisins  de  Gâta  et  de  Mardi,  et  les  plaines 
de  Temascatio,  qui  sont  plus  basses  que  le 
fojid  de  Valenciana ,  paroissent  inviter  les 
mineurs  à  entreprendre    des    ouvrages  qui 
serviroient  à  la  fois  à  l'écoulement  des  eaux, 
au  roulage  et  au  transport  des  minerais  vers 
les  usines  de  fonte  et  d'amalgamation. 
La   Falenclcina  offre   l'exemple    presque 

1  Dans  le  dlstrîcl  des  mines  Je  Freiberg ,  qui  cepcn- 
liant  ne  fournissent  annuellement  pas  la  s(?ptième 
partie  de  l'argent  qu'on  extrait  de  la  seule  mine  de 
Valenciana,  on  est  parvenu  à  percer  deux  galeries 
d'écoulement,  donll'une  a  63,2i3  mètres  (32,433  »  )  ; 
l'autre  ,  57,3io  riièlres  (  29,5o4  t.  )  de  longueur. 
(Voycï  CUap.  YIH,  T.  Il,  p.  210.) 


CHAPITRE    XI.  4o3 

unique  d'une  mine  qui ,  depuis  quarante  ans, 
nu  jamais  donné  à  ses  propriétaires  moins 
de  deux  à  trois  millions  de  francs  de  profit 
annuel.  Il  paroit  qne  la  partie  du  filon  de 
Guanaxuato  qui  s'étend  de  Tepeyac  au  nord- 
ouest,  avoit  été  foiblement  exploitée  vers  la 
fin  du  seizième  siècle.  Depuis  cettu  époque  y 
toute  cette  contrée  étoit  restée  déserte,  et 
ce  ne  fut  qu'en  1760,  qu'un  Espagnol,  qui 
avoit  passé  très-jeune  en  Amérique,  attaqua 
le  filon  dans  un  de  ces  points  que  Ion  avoit 
cru  jusque-là  dépourvu  de  métaux  {emboras^ 
cado).  M.  Obregon  '  (c'étoitle  nom  de  cet 
Espagnol)  étoit  sans  fortune;  mais  jouissant 
de  la   réputation  d'un  homme   de   bien ,  il 
trouva  des  amis  qui  lui  avancèrent  de  temps 
en  temps  de  petites  sommes  pour  continuer 
ses  travaux.  En  1766  les  ouvrages  d'exploita- 
tion   avoioî^    déjà   plus  de   80   mètres    de 
profondeur,  et  encore  les  frais  surpassoient 
de  beaucoup  la  valeur  du  produit  métallique. 
Passionné  pour  les  mines,  comme  d'autres  le 
sont  pour  le  jeu ,  M.  Obregon  aimoit  mieux 
s'imposer  toutes    sortes  de   privations  que 


»Yo)'ez  Chap.  Vir,  T.  II,  p.  27. 


26' 


h 


4o4  LIVRE    IV, 

d'abandonner  son  entreprise.  L'année  1767 
il  entra  en  soeiété  avec  un  petit  marchand 
de  Ravas,  îippelé  Otero  :  pou  voit-il  espérer 
alors  que,  dans  l'espace  de  quelques  années, 
lui  et  son  ami  seroient  les  particuliers  les 
plus  riches  du  Mexique  et  peut-être  du  monde 
entier?  En  1768  on  commença  à  extraire  de 
la  mine  de  Valenciana  une  quantité  de  mi- 
ner.ûs  d'argent  assez  considérable.  A  mesure 
que  le  puits  gagna  en  profondeur,  on  s'ap- 
procha de  cette  région  que  nous  avons 
décrite  plus  haut  comme  le  dépôt  des  grandes 
richesses  métalliques  de  Guanaxuato.En  1771 
on  retira  de  h  perlinencia  de  Dolores  des 
masses  énormes  d'argent  sulfuré,  mêlé  d'ar- 
gent natif  et  d'argent  rouge.  Depuis  cette 
époque  jusqu'en  i8o4,  où  je  quittai  la 
Nouvelle-Espagne,  la  mine  de  Valenciana  n'a 
cessé  de  fournir  annuellement  un  produit 
d'argent  de  plus  de  quatorze  millions  de 
livres  tournois.  Il  y  a  eu  des  années  si  pro- 
ductives ,  que  le  profit  net  des  deux  pro- 
priétaires de  la  mine  s'est  élevé  à  la  sonnne 
de  six  millions  de  francs. 

M.  Obregon,  plus  connu  sous  le  nom  de 
comte  de  la  Valenciana,  conserva,  au  milieu 


! 


CHAPITRE    XI.  4o5 

d'une  richesse  immense ,  cette  simplicité  de 
mœurs  et  cette  franchise  de  caractère  qui  le 
distinguo iont  dans  des  temps  moins  heureux. 
Lorsfpi'il  attaqua  le  fdon   de  Guanaxuato , 
au-dessus    du  ravin    de    San    Xavier,    les 
chèvres  paissoient  sur   celte   même   colline 
où,  dix  ans  après,  il  vit  se  l'ormer  une  ville 
de  sept  à   huit   mille   habitans.   Depuis   la 
mort  du  vieux  comte   et  de  son  ami  Don 
Pedro  Luciano  Otero,   la  proprièlé    de   la 
mine  est  partagée  entre  plusieurs  (amilles  '. 
J'ai  connu  à  Guanaxuato  deux  fils  mineurs 
de  M.  Otero,   dont   chacun    possédoit ,  en 
argent  comptant,   un  capital  de  six  millions 
et  demi,  sans  compter  le  revenu  annuel  de 
la  mine,  qui  s'élevoit  à  plus  de  4oo,ooo  francs. 
On  doit  être  d'autant  plus   étonné  de  la 
constance    et    de    l'égalité    du   produit    de 
la    mine    de   Vi:lenciana  ,    que    l'abondance 
des  mines  riches  a  considérablement  dimi- 
nué,    et   que   les    frais   d'exploitation    ont 
augmenté  dans  une  progression  effrayante, 

*  La  propriété  de  Valenciana  est  divisée  en  vingt- 
quatre  actions ,  appelées  havres,  dont  dix  appartiennent 
aux  descendans  du  comte  de  la  Valenciana  ,  douzo  à 
la  famille  d'Oloro,  et  deux  à  celle  de  Sanlana. 


i 


!! 


4o6  LIVRE    IV, 

depuis  que  les  oiivrasycs  ont  atteint  une 
profondeur  perpendiculaire  de  5oo  mètres. 
Le  percement  et  le  muraillemenl  des  trois 
anciens  puits  de  tirage  ont  coûté  au  vieux 
comte  de  la  Valenciana  près  de  six  millions 
de  francs  ;  savoir  : 

Le  puits  carré  de  San  Antonio, 
o\xtiroinejo,qai  a  227  mètres  de 
profondeur   perpendiculaire  ,    et  piètres. 

quatre  haritels  a  chevaux  y 096,000 

Le  puits  carré  de  Sanlo  Ghristo 
deBurgos,  qui  a  i5o  mètres  de 
profondeur,  et  deux  baritels  à 
chcK^aux  y. .  .    95,000 

Le  puits  hexag-one  de  Nuestra 
Senora  de  Guadalupe  {tifo  nuevo) , 
qui  a  545  mètres  de  profondeur 
perpendiculaire,  et  six  baritels  à 
chevaux  y 700,000 

Frais  des  trois  puits 1,191,000 

Depuis  douze  ans  on  a  commencé  à  creuser 
en  plein  roc,  dans  le  toit  du  filon ,  un  nouveau 
puits  de  tirage  (  tiro  gênerai  ) ,  qui  aura 
l'énorme    profondeur   perpendiculaire     de 


CIIAPITUE    \I.  /|07 

5i4  mètres  ',  en  aboiilissant  ^wfond  ailuel 
lie  la  mine  ou  aux  planvs  du  San  Bevnurdo, 
Ce  puits,  qui  se  trouvera  placé  vers  le  cenlic 
des  travaux,  dimimiera  considérahloment  le 
noud)rc  dos  900  mineurs  (/tv//7^*/'o.v)  empli)}  es 
comme    bètes    de  somme   pour    ])ortcr   les 
minerais  kww  jfluccs  d\ifiscmhla*^('  supérieures. 
Le  liro  geiwral ,  qui  coûtera  plus  d'un  million 
de  piastres,   est  octogone,   ayant  2G",8  do 
circonférence.   Son   muraillement  est  de  la 
plus  grande  beauté.  On  croit  qu'en  181 5  il 
pourra  atteindre  le  fdon  ,  quuiqu'au  mois  de 
septembre  i8o5  il  n'eût  encore  que  184.  mètres 
de  profondeur.  Le  percement  de  ce  puits  de 
tirage  est  une  des  entreprises  les  plus  grandes 


I'! 


*  Je  réduis  les  varas  mexicanas  d'après  le  principe 
qu'une  uara  est  égale  à  o"'-,839  ou  uneloise:^2.33:ifa- 
ras  mexicanas.  (Voyez  ci-dessus,  T.  H,  p.  244.)  On 
regarde  dans  le  pays  la  mine  de  Talenciana  comme  la 
plus  profonde  que  les  hommes  aient  creusée.  A  la 
même  époque  où  je  mesurai  les  planes  de  San  Ber- 
nardo  ,  la  mine  Berchert  Gluck  ,  à  Freibcrg ,  en  Saxe , 
avoil  atteint  44/  mètres  de  profondeur  pcrpendicu"- 
laire.  On  croit  qu'au  seizième  siècle  les  travaux  des 
mineurs  saxons,  sur  le  filon  Jller  Thurmhof  ^  alloient 
jusqu'à  545  mètres  de  profondeur. 


Jà 


4o8  LIVRE    IV, 

et  les  plus  courageuses  que  présente  Thistoire 
de  l'exploitation  des  mines.  On  pourroit 
cependant  révoquer  en  doute  si,  pour  di- 
minuer les  frais  de  transport  et  de  lirao-e  ,  il 
a  été  utile  de  recourir  à  un  remède  qui  est 
lent  à  la  fois,  dispendieux  et  incertain. 

Les   frais   d'exploitation   de   la  mine    de 
Valenciana  ont  été,  année  commune. 

De  1787  à  1791»  de  4io,ooo  piastres. 
1794.       1802,         890,000 

Quoique  les  frais  aient  doublé ,  le  profit  des 
actionnaires  est  à  peu  près  resté  le  même.  Le 
tableau  suivant  donne  l'état  '  de  la  mine  dans 
les  derniers  neuf  ans. 


*  Estado  que  manifieata  elvalor  de  losfrutos  que  ha 

producido  la  mina  de  Valenciana ,  costa  de  sus  memo' 

rias  y  liquida  producto  ,  a  favo^  de  sus  duenos  ;    lo 

présenta  Don  Joseph  Antonio  del  Maso ,  al  Excellent 

tissimo  Senor  Virey  de  Nueva  Espaha  Don  Joseph  de 

Yturigarray ,  el  3  dejulio  i8o3.  (Manuscrit.  ) 


CHAPITRE    xr. 


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4lO  LIVRE    TV, 

Il  résulte  tic  ce  tableau  ,  que  le  profit  net 
des  actionnaires  a  été  dans  ces  derniers  temps, 
année  commune,    de  64o,ooo  piastres '.  Eu 
l'an    1802,  les  circonstances  ont  été  singu- 
lièrement déflivorables  ;  la    majeure  partie 
des  minerais  étoient  très-pauvres,  et  leur  ex- 
traction infiniment  coûteuse;  en  outre,  les 
produits  se  vendoient  à  des  prix  très  -  bas , 
parce  que  le  manque  de  mercure  entravoit 
l'amalgamation  ,    et   que    toutes   les   mines 
étoient    encombrées    de    minerais.    L'année 
j8o3  promettoit  plus  d'avantages  aux  pro- 
priétaires ,  et  l'on  comptoit  sur  un  profil  net 
de  plus  d'un  demi-million  de  piastres.  J'ai  vu 
vendre,  par  semaine ,  à  Valenciana  ,  pour 
27,000  piastres  de  minerais  d'argent  :  les  irais 
s'élevoient  à  17,000.  A  Rayas,  le  profit  du 
propriétaire   étoit   plus   grand,  quoique  la 
production  fût  moindre  :  cette  mine  four- 
nissoit,  par  semaine,  pour  i5,ooo  piastres  de 
minerais ,  tandis  que  les  frais  d'exploitation 
ne  montoient  qu'à  4ooo  piastres  ;  effet  de  la 

>  Au  delà  tle  3,3fio,ooo  livres  tournois.  Le  bénéfice 
distribué  annuellement  aux  actionnaires  du  district  de 
Freiberg  (le  profit  net  des  propriétaires  des  miaes) 
ne  s^'ilève  qu'à  260,000  livres. 


CHAPITRE   XI. 


/m 


richesse  des  minerais,  de  leur  concentration 
dans  le  lilon  ,  du  peu  de  profondeur  de  la 
mine  ,  et  d'un  tirage  moins  coûteux. 

Pour  se  former  une  idée  des  avances  énor- 
mes qu'exige  l'exploitation  de  la  mine  de  Va- 
lenciana ,  il  suffit  de  rappeler  ici  que ,  dans 
son  état  actuel ,  il  faut  compter  annuellement 

,.     {en  iournt^es  de  imiiieuis, 
liv  1  ' 

3/  )  trieurs,  maçons,  et  autres 

,4oo,ooo<         .         ^    ,  ' 

1  ouvriers  employts    uan» 

(  la  mine. 

'^cii    poudre  ,     suif,    bois. 


cuir 


acier 


et    autres 


ï,100,000{  ,         , 

1  matériaux  dont  la  mme 

a  besoin. 

Total  de  dépense.  ^i,5oOjOqo 

La  consonmiation  de  la  poudre  seule  a  été 
de  /|Oo,ooo  livres  par  an;  celle  de  l'acier 
destiné  à  la  fabrication  des  ponilroles  et  des 
Jlcurets ,  de  i5o,ooo  livres.  Le  nombre  des 
ouvriers  qui  travaillent  dans  l'intérieur  de  la 
mine  de  Valenciana  s'élève  à  dix-huit  cents  : 
en  y  ajoutant  treize  cents  personnes  (hommes, 
femmes  et  enfans)  qui  travaillent  aux  havhcls 
a  chevaux  y  au  transport  des  minerais  et  aux 
bancs  de  triage  y  on  trouve  que  trois  mille 
cent  individus  sont  employés  aux  divers  tra- 
vaux de  la  mine.  La  direction  de  la  mine  est 


II 


4l2  LIVRE    IV,  * 

confiée  àun  administiateur,  quia  60,000  llv. 
de  rente ,  et  entre  les  mains  duquel  il  passe 
par  an  plus  de  6  millions  de  francs.  Cet  ad- 
ministrateur, qui  n'est  contrôlé  par  personne, 
a  sous  ses  ordres  un  obersteiger  (ininero),  trois 
imtersteîger  (  sottomineros  )  et  neuf  maitreS' 
mineurs  (  mandoncs).  Ces  chefs  visitent  jour- 
nellement les  travaux  souterrains  ,  portés  par 
des  hommes  '  qui  ontune  sorte  de  selle  attachée 
au  dos,  et  que  l'on  désigne  par  le  nom  de 
petits  chevaux  {cc<i>allit os). 

Nous  terminerons  cette  notice  sur  li  T'-ie 
de  Valenciana,  en  présentant,  dans  un  tableau 
comparatif,  l'état  de  cette  exploitation  mexi- 
caine et  celui  de  la  célèbre  mine  de  Him- 
melsfûrst'' ,  située  dans  le  district  d^  Freiberg*. 
Je  crois  pouvoir  me  flatter  que  ce  tableau 
fixera  l'attention  de  ceux  qui  considèrent 
l'étude  de  l'administration  des  m'nes  comme 
un  objet  important  de  l'économie  politique. 


>  Sur  la  manière  extraordinaire  de  voyager  ci  dos 
d'Jiojnme ,  voyez  mes  Vues  des  Cordillères ,  PI.  V. 

^  Tout  ce  qui ,  dans  le  tableau  suivant ,  «  '•apport  à 
cette  mine,  que  j'ai  eu  occasion  de  visiter  souvenv 
en  1791,  "Pst  tiré  de  l'ouvrage  de  M.  JDaubuis&on , 
T.  111,  p.  6-45. 


t 


CHAPITRE    XI.  Z|^l3 

Tableau  comparatif  des  mines  de  V  Amérique  et  de  l'Europe. 


?rodiiit  métal  tique. 

Frais  et  dépenses 
delaniine(sonmie 
totale) 


A  M  É  K  1  Q  L  L. 

[INE  HE  VALENCIANA, 

plus  ri c lie  des  mines 
du  Mtxicjtie. 

('  Hiiiil.  de  la  .suil';uc  <lii,  sol 
a  II -lie.. s  II -i  (lu  niviaii  du  lu 
iiii-r  .   Q.ïjo  lnl■t^l■^.  ) 


56o,ooo  marcs  d'argeni. 
5,000,000  de  liv.  tournois 


Profit  net  des   ac-)rr  ,. 

tionnaires J3,ooo,ooo  liv. 


Le  quintal  de  mi 
nerai  contient  en  ^4  onces 
argent 


Vombre     des    ou 
vriers 


joioo  Indiens  et  Métis  ,i  700  mineurs ,  dont  55o 
/  dont  1800  dans  l'nité- >  dans  riniérieur  de  Ja 
(   rieur  de  la  mine I    mine. 


tu  nu    E. 


MINE  DE  HIM.MELSFÏÏRST 


la  pi 


US  riclie 


des  m 


mes 


le  Saxe. 

(  ll^iiil.  (!,.  la  suilai^e  du  s  >l 
.iu-(Ir--iiH  du  iiiv'iiii  dr  !.. 
iii'T  ,    110  m-  lii-s.  ) 


10,000  marcs  d'argent. 
24o,ooo  liv.  tournois. 

90,000  liv. 

6  à  7  onces  d'argent. 


'rix  de  la  iournéf)  c  -  /:  i- 

du  mineur [5  a  6  liv.  tournois, 


18 


10  sous. 


(+00,000  livres  tournois,  27,00'    livres    tournoi 
'epense  en  poudre./    (à  peu  prè^  xGoo  quin-V  ( ..  peu  près  270  quin 
f   taux) .  \   taux). 


Quantiit'  de  mine-\ 
rais    livr«:s    à    la  f 
fonte  et  à  ramal-/'72'*'*'°°  quaitaux. 
gamation j 


i4,ooo  quintaux. 


Un  fîi'n  souvent  divisé  vr--       n  •     • 

,   en    trois   branches   j^    *    "q  f'ons  .principaux , 

P''ons l    4o  à  5o  mènes  depuis.  V.-    ^*'"''  ^    "■"'"    ^^' 

sance    (  dans  le  thon-  i  «""♦"•'•^s   de    puissance 
schu'ftr  ) I   y  '^""*  '«^  ^«t^i6-5  ). 

Huit  pieds  cubes  pat 
minute.  Deux  roues  hy- 
drauliques. 


au. 


Vo fondeur    de    Ja 
mine 


Pas  d'eau  . 
5i4  mètres 


33o  mèfes. 


4l4  LIVRE    IV, 

On  comptoit ,  en  1 8o5  ,  dans  loiitle  district 
des  mines  de  Giianaxuato,  cinq  mille  mineurs 
et  ouvriers  employés  au  triage  ,  à  la  fonte 
et  à  l'amalgamation  ;   dix-huit   cent  quatre- 
\in<H'Seize  arastres  ou  machines  pourréduire 
les  minerais  en  poudre  ,  et  quatorze   mille 
six  cent  dix-huit  mulets  destinés  à  mouvoir 
les  baritels    et   à  fouler ,    dans   des   usines 
d'amalgamation ,  la  farine  des  minerais  mêlés 
iH    >  le  mercure.  Les  arastves  de  la  \ille  de 
Gui.   axnato  broient ,  lorsqu'il  y  a  abondance 
de  mercure,  onze  mille  trois  cent  soixante- 
dix  quintaux  de  minerai  par   jour.  Si  l'on 
se  rappelle  que  le    produit   en    argent  est 
annuellement  de  cinq  à  six  cent  mille  marcs, 
on  trouve  de  nouveau  y  par  cette  donnée , 
que  le  contenu  mojen  des  minerais  est  ex- 
trêmement petit. 

Les  célèbres  mines  de  Zacatecas  ,  que 
Roberlson  '  nomme ,  j'ignore  par  ,uel  motif, 
Sacotecas  ,  sont ,  comme  nous  l'avons  déjà 
observé ,  plus  anciennes  que  les  mines  de 
Guanaxuato  :  leur  exploitation  a  commencé 
immédiatement   après    celle  des  filons    de 


*  HhtQry  of  America  ,  Vol.  II,  p-  38*1. 


CHAPITRE    XI.  4^5 

Tasco ,  Ziiltepèqiie ,  Tlapujahua  et  de  Pa- 
chuca.Ellessont  placées  su  rie  plateau  central 
des  Cordillères  qui  s'abaisse  rapidement  vers 
la  Nouvelle-Biscaye  et  vers  le  bassin  du  Rio 
del  Norte.  Le  climat  de  Zacatecas ,  de  même 
que  celui  de  Catorce  ,  est  sensiblement  plus 
l'roid  que  le  climat  de  Guanaxuato  et  de 
Mexico.  Des  mfîsures  barométriques  décide- 
ront un  jour  si  cette  différence  est  due  à  une 
position  plus  septentrionale,  ou  bien  à  l'élé- 
vation des  montagnes, 

La  nature  des  premiers  a  été  examinée 
par  deux  minéralogistes  très-instruits,  l'un 
Saxon  et  l'autre  Mexicain,  par  MM.  Son- 
neschmidt  '  et  Valencia.  D'après  l'ensemble 
de  leurs  observations,  il  paroît  que  le  district 
<les  mines  de  Zacatecas  ressemble  beaucoup, 
quanta  sa  constitution  géologique,  à  celui 
de  Guanaxuato.  Les  roches  les  plus  anciennes 
qui  se  montrent  au  jour  sont  syénitiques  : 
sur  elles  repose  du  thonschiefcr ,  qui,  par 
les  couches  de  pierre  lydique  ,  de  graïiwakka 
et  de  roche  verte  (gninstein  )  qu'il  renferme, 

>  Beschreibung  der  Begu^erks-Refiere  von  Mexico , 
|ï.  166-237.  Descripcion  geognostica  del  Real  de  Zaca- 
tecas,  perDun  Ficente  Valencia.  (Manuscrit.) 


4i6 


LIVRE    IV 


i.* 


se  rapproche  du  schiste  argileux  ^^  transition. 
C'est  dans  ce  thonschicfer  que  se  trouvent 
Ja  phipart  des  filons  de  Zacatecas.  La  veta 
grande,  ou  le  filon   principal^  a   la  même 
direction  que  la  veta  madré  de  Guanaxuato  : 
les  autres  sont  g-énéralemeti*  dirigés  de  lest 
à  l'ouest  '.  Un  porphyre  dépourvu  de  métaux, 
et  formant  de  ces  rochers  nus  et  tailMs  à  pic, 
que   les  indig-ènes  appellent  huffas ,  couvre 
en  plusieurs  endroits  le  thojischlefer ^  surtout 
du  côté  de  la  Pailla  de  Xeres ,  où  s'élève, 
du  sein   de  ces  formations  porphyritiques  , 
une  montagne  en  forme  de  cloche,  le  cône 
basaltique  de  la  Campa"a  de  Xeres,  Parmi 
les  roches  secondaires  de  -?^cicatecas  on  ob~ 
serve,  près  de  l'usine  de  la  Sauceda ,  de  la 
pierre  calcaire  compTtcte,  dans  laquelle  M.  Son- 
neschmidt  a  aussi   découvert  de  la   pierre 
Ijdique,  un  grès  ancien  {urfelsconglomerat) 
enchâssant  des  fragmens  de  granité  %  et  un 
agglomérat  argileux  et  feldspathique  ,  que  ^ 
Ton  confond  facilement  avec  le  grauwakke 

*  Sohre  laformacion  de  las  vetas ,  per  Do?i  Andics 
del  Rios.  (Gazetade  Mexico,  T.  XI,  ii.  5i.  ) 

•  Dans  le  ravin  qui  conduit  de  Zacalccas  au  cou- 
vent de  Guadalupc. 


^mmmimiim 


CHAPITRE    Xï.  4i^ 

des  minéralogistes  iillemands.  La  présence 
de  lu  pierre  Indique  dans  la  pierre  Cidcaire 
pourroit  faire  croire  que  cette  dernière  roche 
appartenoit  au  calcaire  de  transition  (  ûùer^ 
gangskalksteiii  )  qui  paroît  se  montrer  au 
jour  dans  le  Cerro  de  la  Tinaja ^  à  huit  lieues 
au  nord  de  Zacatecas  ;  mais  je  dois  rappeler 
ici  que  sur  les  cotes  de  rAniérique  méridio- 
nale ,  près  du  Morro  de  Nueva  Barcclona  , 
j'ai  trouvé  du  A/6'AW.sr/f/e/é'/- formant  des  cou- 
ches subordonnées  dans  un  calcaire  qui  est 
indubitablement  secondaire.     ,  ,   , 

L'aspect   sauvage   des  montagnes  métalli- 
fères de  Zacatecas  contraste  singulièrement 
avec  la  grande    richesse   des  fdons  qu'cHcs 
renferment  :  cette  richesse  s'est   montrée, 
et  ce  fait  est  très-remarquable,    non  dans- 
les  ravins  et  là  où  les  filons  parcourent  la 
pente  douce  des  montagnes,  mais  le   plus 
souvent  sur  les  sommets   les    plus  élevés , 
sur  des  points  où  la  surface  du  sol  paroit 
avoir  été  déchirée  tumultueusement  dans  les 
anciennes  révolulious  du  globe.  Les  mines 
de  Zacatecas  produisent,  année  commune, 
2000  à  3ooo  barres  d'argent,  à  i54  marcs- 
chacune., 
tu,. 


t  A. 


27 


Il 


1       I 

II 


4i8  iivue  IV, 

La  masse  des  filons  de  ce  district  renferme  ' 
une  grande  variété  de  métaux;  savoir  :  le 
quartz  ,  le  hornstein  écailleux ,  le  spath  cal- 
caire ,   un  peu  de  sulfate   de  baryte  et  de 
braunspath s  largent  noir  prismatique,  ap- 
|)elé  dans  le  pays  azul  acerado  j   l'argent 
sulfuré  (  azul  plomilloso  )  ,   mêlé    d'argent 
natif  ;  l'argent  fuligineux  (  silhersckwàrze  des 
Allemands,  ;?o^or///a des  Mexicains);  l'argent 
rhuriaté  gris  de  perle ,   bleu ,  violet  et  vert 
poireau  {plata  parda  azul  et  verde  ) ,   à  des 
profondeurs  peu  considérables  ;  un  peu  d'ar- 
gent rouge  {petlanque  ou  rosicler)  et  d'or 
natif,  surtout  au   sud-ouest  de   la  ville  de 
Zacatecas;  le  plomb  sulfuré  argentifère  {so- 
roche  plomoso  reluciente  et  tesertote  )  ;  le 
plomb  carbonate  ;  le  zinc  sulfuré  noir  ,  brun 

*  Sonneschmidt ,  p.  i85.  Les  minerais  que  lesliabl- 
tans  de  Zacatecas  appellent  copatillo,  métal  cenizo  et 
métal  azul  de  plata ,  paroissent  à  ce  savant  des  mé- 
langes de  galène,  d'argent  sulfuré  et  d'argent  natif. 
J'ai  cru  devoir  consigner  ici  cette  synonymie  des 
minerais  mexicains  ,  parce  que  la  connoissance  en  est 
très-importante  pour  le  minéralogiste  voyageur.  Voyez 
Onrcès,  JVueua  Teoria  del  bénéficia  de  los  metales  j 
p.  87,  ia4et  i38. 


Lka 


ii'Ster':- 


^i" 


CHAPITRE    XI,  /flQ 

et  jaune  (  estoraque  et  ojo  de  vivora)  ;  la 
pyrite  de  cuivre  et  de  fer  (  bronze  nochistle 
ou  dorado  et  bronze  chino  )  ;  le  fer  oxidulé 
magnétique  ;  le  cuivre  carbonate  bleu  et  vert, 
et  l'antimoine  sulfuré.  Les  métaux  les  plus 
abondans  du  célèbre  filon  appelé  la  iwta 
gî^ande  sont  l'argent  noir  prismatique  {sprod- 
glaserz),  l'argent  sulfuré  ou  vitreux,  mêlé 
d'argent  natif,  et  le  silberschwârze. 


4»i 


1^ 


,^ 


I 


TABLE    DES   MATIÈRES 


CONTENUES  DANS  CE  VOLUME. 


.1 


I 


Pag, 


JiVRE  IV.  État  de  l* agriculture  de  la  Nou- 
rell€-E.spagne.  —  Mines  métalliques. 

CuAP.  IX.  FreductioDS  végétales  du  territoire  i '-^ 
mexicain.  —  Progrès  de  l»  culture  du  sol,-^ 
Influence  des  mines  sur  le  défrichement. 
— Plantes  c^ui  servent  à  la  nourriture  de 
r  homme.  \ 

Cmaf.  X.  Plantes  qui  fournissent  les  ma- 
tières premières  aux  manufactures  et  au 
commerce.  —  éducation  des  bestiaux.  — 
rèche.  —  Produit  de  l'agriculture,  estimé 
d'après  la  valeur  des  dîmes.  168: 

CriAp.  XI.  Etat  des  mines  de  la  Nouvelle- 
Espagne. —  Produit  en  or  et  en  argent. — 
Bichesse  moyenne  des  minerais.  —  Consom- 
mation annuelle  de  mercure  diins  le  procédé  ' 
de  Tamalgamation.  —  Quantité  de  roétau:: 
précieux  qui  depuis  la  conquête  du  Mexique 
ont  reflué  d'un  continent  dans  l'autre.  ^293 


UN    1>U   TROISIEME    VOLUME. 


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