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Full text of "Esquisse d'une grammaire de la langue innok [microforme] : étudié e dans le dialecte des Tchiglit du Mackenzie, d'après la grammaire et le vocabulaire Tchiglit du R.P. Petitot"

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WEBSTER,  N.  Y.  14580 

(716)  872-4503 


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CIHM/ICMH 

Microfiche 

Séries. 


CIHM/iCMH 
Collection  de 
microfiches. 


Canadian  Institute  for  Historical  Microreprod  jetions  /  Institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


1 


m 


1981 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notes  techniques  et  bibliographiques 


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□    Coloured  envers/ 
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I      I    Covers  damaged/ 


n 


Couverture  endommagée 

Covers  restored  and/or  laminated/ 
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I — I    Cover  title  missing/ 


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Le  titre  de  couverture  manque 

Coloured  maps/ 

Cartes  géographiques  en  couleur 

Coloured  ink  (i.e.  other  than  blus  or  black)/ 
Encre  de  couleur  (i.e.  autre  que  bleue  ou  noire) 

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Planches  et/ou  illustrations  en  couleur 

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distortion  ie  Song  de  la  marge  intérieure 

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Pages  de  couleur 

□    Pages  damaged/ 
Pages  endommagées 

□    Pages  restored  and/or  laminated/ 
Pages  restaurées  et/ou  pelliculées 


sj 


Pages  discoloured,  stained  or  foxed/ 
Pages  décolorées,  tachetées  ou  piquées 


□    Pages  detached/ 
Pages  détachées 


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Transparence 


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D 


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Comprend  du  matériel  supplémentaire 

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Pages  wholly  or  partially  obscured  by  errata 
slips,  tissues,  etc.,  hâve  been  rsfilmed  to 
ersure  the  best  possible  image/ 
Les  pagas  totalement  ou  partiellement 
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etc.,  ont  été  filmées  à  nouveau  de  façon  à 
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n 


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10X  14X  18X  22X 


C 


12X 


16X 


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20X 


26X 


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32X 


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et  de  haut  en  bas,  en  prenant  le  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrent  la  méthode. 


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1  à 


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5 

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ESQUISSE 


D'UNE 


GRAMMAIRE  DE  LA  LANGUE  INNOK  <'' 


ÉTUDIÉE    DANS    LE    DIALECTE    DES    TCHIGLIT    DU    MA(ÎHENZIE,    D'APRÈS    LA 
GRAMMAIRE  ET  LE  VOCABULAIRE  TCHIGLIT  DU  R.   P.  PETÎTOT  (2) 


Quelque  témérité  qu'il  puisse  y  avoir  à  aborder  l'étude 
méthodique  de  la  phonétique  et  de  la  morphologie  d'une 
langue  d'après  l'inspection  grammaticale  d'un  seul  des 
nombreux  dialectes  qu'elle  a  pu  former,  ce  travail  devait 
être  tôt  ou  tard  entrepris  pour  la  langue  innok.  Il  se 
passera  bien  du  temps,  en  effet,  jusqu'à  ce  que  nous 
possédions,  pour  chacun  des  dialectes  qui  en  sont  issus, 
une  grammaire  et  un  vocabulaire  semblables  â  ceux  que 
le  R.  P.  Petitot  a  consacrés  à  l'idiome  des  TchigUt  du 
Mackenzie.  J'ai  donc  pensé  qu'il  y  avait  quelque  intérêt  à 
soumettre  à  l'analyse  linguistique,  à  essayer  de  présenter 
dans  un  ordre  scientifique  les  précieux  documents  que 
son  zèle  éclairé  nous  a  procurés.  Cette  étude  nous  per- 
mettra  peut-être   de    saisir,   sinon    avec  une    certitude 

(1)  Le  nom  à'Eskimau  n'étant  que  la  corruption  d'une  appellation 
impropre  appliquée  aux  Innoit  par  les  Algonqi  ins,  je  crois  qu'il  est 
expédient  de  leur  rendre  le  nom  par  lequel  "Is  se  désignent  eux- 
mêmes  :  Innoit,  hommes,  au  singulier  innok. 

(2)  R.  P.  Pelitot,  Vocabulaire  français-esqu.mau,  précédé  d'une 
notice  et  d'une  grammaire.  (Bibliothèque  américaine  de  M.  Â.  Pinard.) 
Paris  et  San-Francisco,  1876. 

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absolue,  du  moins  avec  une  probabilité  satisfaisante,  les 
linéaments  généraux  de  la  langue  mère,  sans  toutefois 
nous  autoriser  dès  à  présent  à  la  ranger  dans  aucune  des 
familles  dont  la  science  du  langage  a  reconnu  l'existence. 
C'est  là  un  point  sur  lequel  j'insiste  dès  le  début.  Si 
disposé  que  je  sois,  à  rencontre  de  l'opinion  émise  par  le 
P.  Pelitot,  à  faire  des  langues  hyperboréennes  une  classe 
à  part,  sans  lien  asec  les  familles  ouralo-altaïque  et 
maléo-polynésienne,  je  me  garderai  de  formuler  aucune 
conclusion  à  cet  égard,  ne  pensant  pas  qu'en  l'état  pré- 
sent de  la  science  une  pareille  question  puisse  être  utile- 
ment discutée.  Je  me  bornerai  à  signaler^  aussi  impar- 
tialement qu'il  me  sera  possible,  chacune  des  particularités 
linguistiques  qui  seraient  de  nature  à  confirmer  ou  à 
infirmer  la  thèse  soutenue  par  l'auteur  à  qui  j'emprunte  les 
éléments  de  ce  travail. 

Section  I^^.  —  Phonétique. 

Le  matériel  phonique  de  l'innok  peut  évidemment 
différer  beaucoup  d'un  dialecte  à  l'autre.  Je  dois  donc  me 
borner  ici  à  étudier  les  principaux  éléments  de  ia  phoné- 
tique des  Tchight,  indispensable  pour  la  complète  intelli- 
gence de  la  morphologie. 


^^ '-'^S'ilA .-'ï  /■  §  !"•  —  Voyelles.  : 

Les  voyelles  de  l'innok  sont  au  nombre  de  dix,  savoir  : 
sept  simples  et  trois  nasales. 
Les  sept  voyelles  simples  sont: 
1»  a,  a  pur;  ^;:^. ;';■.; ■••:v'i;-\"T^5-- 


permutant  très-aisément  ensemble  (2). 


2»  é,  é  fermé,  très-fréquent  ;        , 

3»  h,  è  ouvert  ; 

4)0  t,  i  pur,  permutant  avec  les  deux  précédents  (1  )  ; 

5o  0,  0 

6"  w,  u  allemand 

7«  il,  ô  allemand,  assez  rare. 

Les  trois  nasales,  an^  en,  on,  seront  transcrites  respec- 
tivement d,  ê,  ô.  La  deuxième  est  fort  rare  ;  les  deux  autres 
assez  fréquentes. 

Les  nasales  sont  nécessairement  toujours  longues  ;  cha- 
cune des  voyelles  simples  peut  être  prononcée  longue  ou 
brève  :  la  longueur  sera  indiquée,  s'il  y  a  lieu,  par  un 
accent  circonflexe. 

Les  permutations  indiquées  plus  haut  sont  absolument 
les  seules  qu'on  rencontre  en  innok  ;  elles  s'effeciuent, 
on  le  remarquera,  entre  des  sons  très-voisins  les  uns  des 
autres,  aisés  à  confondre,  et  ne  paraissent  soumises  à 
aucune  règle.  De  distinction  entre  deux  ordres  de  voyelles 
fortes  et  faibles,  lourdes  et  légères,  de  substitution  régu- 
lière d'un  son  faible  à  un  son  fort,  ou  réciproquement, 
l'innok  n'en  connaît  point,  et  jamais  on  n'y  voit  la 
voyelle  d'un  suffixe  s'adoucir  ou  se  renforcer  pour  se 
mettre  en  harmonie  avec  le  ton  du  thème  auquel  il 
s'agglutine. 

On  voit  où  tend  cette  remarque  :  l'innok,  langue  d'ail- 


(1)  V.  g,  amè-rk,  peau,  plur.  ami-t;  mais  cette  forme  pourrait  être 
la  contraction  d'un  pluriel  régulier  amè-it.  Une  pareille  permutation 
se  rencontre  parfois  dans  les  radicaux  :  èrklo,  boyau,  plur.  irklot. 

(2)  V.  g.  iglu,  maison,  iglo-rpôk,  grande  maison  ;  innok,  homme, 
innu-lik,  spectre.  Mais  c'est  surtout,  comme  on  le  verra,  devant  les 
affixes  de  conjugaison  que  o  et  w  permutent  avec  une  extrême  facilité. 


leurs  singulièrement  euphonique,  ne  possède  aucun  élé- 
ment d'harmonie  vocalique  ;  et  si,  comme  je  le  crois  avec 
M.  L.  Adam  (i),  l'harmonie  vocalique  doit  être  consi- 
dérée comme  le  caractère  typique  et  distinctif  de  la  famille 
ouralo-altaïque,  une  première  présomption  bien  grave 
s'élèverait  contre  l'hypothèse  qui  rattache  l'innok  à  cette 
famille.  Il  est  vrai  que  le  vocalisme  n'est  pas,  dans  tous 
les  idiomes  qui  la  composent,  parvenu  à  un  égal  degré 
de  développement,  et  que  plusieurs  n'en  offrent  que  des 
vestiges  rudJmentaires  ;  mais,  en  supposant  même  que 
l'innok  se  fût  détaché  du  tronc  ouralo-altaïque  à  l'époque 
très-ancienne  où  l'harmonie  vocalique  n'existait  pas  encore, 
il  serait  vraiment  étrange  qu'il  n'accusât  bon  origine  par 
aucune  tendance  à  l'adoption  de  ce  procédé  grammatical, 
que  la  plupart  de  ses  prétendus  congénères  ont  amené  à 
une  si  riche  floraison.       ,    -    ,  ^  .  ., 

§  2.  —  Consonnes.        ' ^r'::-' :■.■:"-■' ^'■..■■i: 


MOMENTANÉES, 

CONTINUES. 

NON  ASPIRÉES. 

ASPIRÉES. 

SPIRANTES, 

NASALES. 

VIBRANTES. 

Gutturales. . . 

Sourdes. 

Sonores. 

9 

Sourdes. 

Sonores 

Sourdes. 

Sonores. 

Sonores. 

Sonores. 

k 

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gh 

h 

X 

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Palatales. . . . 

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Linguales . . . 

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Dentales 

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V 

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V,  w 

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» 

(1)  L.  Adam,  L'harmonie  vocalicpic  Paris,  Maisonneuve,  1874. 


—  5  — 

Le  matériel  consonnantique  de  l'innok  n'est  pas  à 
beaucoup  près  aussi  riche  que  ce  tableau  le  ferait  sup- 
poser au  premier  abord  ;  pluiiieurs  des  articulations  qui 
y  sont  indiquées,  notamment  la  plupar?  des  spirantes,  se 
présentent  si  rarement  qu'on  pourrait  les  négliger  sans 
cesser  d'être  exact. 

Mais  ce  qui  frappe  dans  ce  tableau,  au  moins  autant 
que  l'abondance  des  consonnes,  c'est  leur  inégale  réparti- 
tion entre  les  divers  ordres  :  défaut  de  momentanées 
aspirées,  richesse  de  la  classe  des  gutturales  et  de  celle 
des  dentales,  étonnante  indigence  de  celle  des  linguales, 
enfin  bizarre  classification  des  vibrantes,  où  manque  Vr 
lingual  et  où  Vr  guttural  et  VI  palatal  constituent  une 
singularité  caractéristique  du  langage  innok.  Abordons  les 
détails.  .     '^ 

A.  Momentanées.  —  Les  non-aspirées  n'offrent  aucune 
difficulté,  sauf  les  palatales  :  r  est  le  c  croate  ou  c  italien 
devant  les  voyelles  faibles;  fjesi\ej  anglais  ou  djim  arabe. 
Le  P.  Petitot  nous  avertit  «  qu'il  faut  prononcer  ces  deux 
consonnes  les  dents  serrées,  comme  sons  mixtes  entre 
tch  et  ^5,  ctj  et  dz  »,  en  sorte  qu'elles  rentreraient  peut- 
être  aussi  bien  dans  la  classe  des  linguales  que  dans  celle 
des  palatales.        ' 

Il  n'existe  qu'une  seule  momentanée  aspirée,  une 
sonore,  gh  {g'  du  P.  Petitot),  et  encore  cette  transcrip- 
tion n'est-elle  peut-être  pas  fort  exacte  pour  désigner 
le  g  accompagné  d'une  aspiration  laryngale  qui,  lors- 
qu'elle est  isolée,  est  rendue  par  x  et  dont  il  va  être 
question. 

B.  Spirantes.  —  La  gutturale  sourde  h  est  fortement 
aspirée,  mais  très-rare.  Plus  rare  encore  est  la  sonore  x, 


,--**■ 


-  6 


quî  semble  n'avoir  d'autre  fonction  que  de  s'unir  au  g  ou 
à  IV  pour  les  transformer  en  gutluralisalions  profondes. 
Cette  double  affinité  permet,  je  crois,  de  rapprocher  le  x 
innok  du  ai/n  arabe,  qui  est  aussi  une  laryngale  sonore,  et 
qui,  par  reniorcement,  a  engendré  le  rhayn,  sorte  de  gh 
ou  rh  fortement  grasseyé.  Je  reviendrai  plus  loin  sur  ce.tle 
assimilation.  .       , 

11  n'y  a  rien  à  dire  des  autres  spiranles  :  la  palatale  // 
est  le  /'  allemand  ;  la  linguale  s,  le  s  croate  ;  elle  est 
très-rare,  ainsi  que  les  deux  dentales,  surtout  la  sonore  ; 
enfin  v  et  iv,  rares  aussi,  ont  respectivement  la  même 
valeur  qu'en  anglais.  .     -  ..;'-- 

C.  Nasales.  —  La  seule  nasale  qui  requière  quelque 
développement  est  la  gutturale  l'i,  ng  allemand,  saghyr 
noim  des  Ottomans  ;  elle  ne  se  présente  jamais  qu'après 
une  voyelle  nasale  et  paraît,  dans  la  plupart  des  cas, 
comme  le  saghy  noiin,  provenir  d'un  h  primitif  adouci. 
C'est  du  moins  ce  qu'on  pourrait  induire  de  nombreux 
exemples,  tels  que  celui-ci  :  nuna,  terre,  mina-k,  deux 
terres,  avec  l'affixe  locatif  mé,  devrait  faire  nuna-L-mé, 
dans  les  deux  terres,  tandis  que  la  forme  usuelle  est 
nunà-oï-mé.  Cette  hypothèse  est  d'autant  plus  plausible 
qu'il  est  constant  que  k  final  s'adoucit  en  g  devant 
l'affixe  possessif  (v.  g.  cikHk,  marmotte  ;  Cikcig-a,  sa 
marmotte)  :  il  n'y  aurait  dès  lors  rien  d'étonnant  à  ce  qu'il 
subît,  dans  certaines  circonstances,  un  second  degré 
d'affaiblissement  en  n  guttural  nasalisant  la  voyelle  précé- 
dente. L'analogie  de  l'ottoman  montre  que  ce  processus 
phonétique  n'a  rien  d'anormal. 

D.  Vibrantes.  —  Cet  ordre  comprend  un  r  et  deux  l. 
m  dental  est  le  nôtrî.  Le  palatal  doit,  si  je  comprends 


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—  7  — 

bien  la  description  qu'en  donne  l'auteur,  présenter  une 
certaine  analogie  avec  VI  dur  des  langues  slaves,  l  barré 
des  Polonais,  l  russe  devant  les  voyelles  fortes  ;  il  s  obtient 
de  même,  en  contournant  la  langue  dans  la  bouche;  il  est 
I»  d'ailleurs  fort  rare. 

L'r  lingual  manque.  L'r  guttural,  semblable  au  rhayn 
des  Arabes,  lient  sa  place.  Il  est  très-fréquent  ;  on  le 
rencontre  souvent  isolé,  plus  souvent  encore  lié  avec  le  k, 
qu'il  précède  ou  qu'il  suit.  Cette  circonstance,  jointe  à  la 
possibilité  de  renforcer  cette  gutturale  par  l'adjonction  de 
l'aspiration  sonore  représentée  par  x  (assemblage  qui 
sera  transcrit  rh),  est  de  nature  à  faire  supposer  que  cet 
r  n'est  autre  chose  qu'une  variation  dialectale,  un  simple 
renforcement  que  l'idiome  des  Tchiglit  fait  subir  à  un  /c 
primitif.  Cette  hypothèse,  que  je  hasarde  avec  réserve,  se 
corrobore  de  divers  faits  aisément  observables,  savoir  : 

1®  L'extrême  facilité  avec  laquelle  les  deux  consonnes  k 
et  r,  accolées  l'une  à  l'autre,  soit  dans  les  affixes,  soit 
même  dans  le  thème,  se  fondent  en  une  seule  sans  raison 
apparente,  par  un  simple  adoucissement  de  prononcia- 
tion :  V.  g.  (disparition  de  l'r)  tiipè-rkr,  tente,  plur.  tup- 
kréit  ;  (disparition  du  A)  nérkrè,  viande  ;  nérrè-yoark,  il 
-  mange. 

2»  L'attraction  qu'exercent  au  contraire  l'une  sur  l'autre 
ces  deux  gutturales,  de  telle  manière  que  parfois  la  pré- 
sence du  k  dans  une  désinence  y  appelle  Vr,  alors  que 
grammaticalement  ce  dernier  est  épenthétique  :  uyarak, 
pierre,  plur.  uyark-rat,  au  lieu  de  uyark-at. 

3»  L'identité  de  fonction  des  quatre  gutturales,  dont 
l'une  ou  l'autre,  à  l'exclusion  de  toute  autre  consonne, 
est  caractéristique  de  l'affixe  possessif  de  la  première  per- 


—  8  — 

sonne  du  singulier.  Ainsi  :  omân,  cœur,  omat-iga,  mon 
cœur  ;  umit,  barbe,  umit-ka  ;  awk,  sang,  awk-âna  ;  amè, 
femme,  arna-ra. 

4«  Comme  le  k  s'adoucit  en  g,  ainsi  IV  peut  par- 
fois subir  ce  même  affaiblissement,  même  dans  les 
thèmes  :  a§im-rk,  main,  plur.  a^iga-it.  Le  renforcement 
inverse  se  renconlrej^également  :  kigut,  dent,  plur.  kirut-it. 

5»  La  phonétique  comparée  des  divers  dialectes  achè- 
verait sans  doute  d'établir  le  caractère  non  primitif  de 
Vr  des  Tchiglit  :  c'est  ainsi  que  leur  mot  «  lampe  »,  kro- 
lèrk,  est,  chez  les  Innoit  du  Gronland,  kotliik,  et  chez 
ceux  de  la  baie  d'Hudson,  kidlek.  Si  ces  trois  mots  pro- 
viennent d'une  forme  commune,  ce  qui  est  fort  probable, 
on  voit  que  celui  des  Tchiglit  contient  deux  vibrantes 
gutturales  qui  lui  sont  exclusivement  propres.  Mais  je  ne 
dois  pas  insister  sur  ce  dernier  argument,  dont  je  ne  suis 
pas  en  mesure  de  contrôler  la  valeur. 

Chez  les  Arabes,  qui  possèdent  aussi  Vr  guttural,  arti- 
culation très-rare  dans  les  diverses  langues  des  hommes, 
cet  r  n'est  pas  non  plus  primitif.  Le  ayin  sémitique,  aspi- 
ration sonore  comme  Vx  des  Innoit,  a  engendré  en  se 
renforçant  une  sorte  de  gh  qu'une  nouvelle  évolution 
phonétique  a  transformé  en  rh  guttural  et  grasseyé. 
D'autre  part,  le  kheth  sémitique,  hhé  arabe,  s'est  adjoint  en 
se  renforçant  une  sorte  d'r^  de  manière  que  le  khé  des 
Arabes  de  l'Afrique  se  prononce  presque  comme  khr. 
Preuves  manifestes  de  la  tendance  des  gutturales  pro- 
fondes à  se  renforcer  par  un  r  épenthétique  et  de  la 
possibilité  d'une  semblable  évolution  chez  les  în  loit. 

De  ces  considérations,  il  résulterait  :  l»  que  'innok, 
analogue  en  ce  point  au  chinois  et  à  plusieurs  langues 


é 


A 


-  9  —  '"  "■;' 

polynésiennes,  ne  posséderait  point  dV;  2»  que  l'évolu- 
tion de  ses  deux  gutturales  primitives  pourrait,  jusqu'à 
plus  ample  informé,  être  représentée  par  le  tableau  suivant, 
dont  les  recherches  postérieures  éclairciront  les  points 
douteux: 

Primillte..    >         V      \_Mm»emnU.  Renforcement,. 

•      î         *  J^  "  •  r  rh,kr 

De  ce  court  aperçu  de  la  phonétique  de  l'innok,  il  ne 
me  paraît  se  dégager  aucun  caractère  particulier  d'aûinité 
avec  la  famille  ouralo-altaïque. 

Section  II.  —  Morphologie.  1 

Dans  l'impossibilité  absolue  où  nous  nous  trouvons  de 
remonter  aux  éléments  radicaux  d'une  langue  à  peine 
connue,  i  .us  devons  nous  borner  à  prendre  pour  points  de 
départ  les  thèmes  les  plus  simples,  dits  par  hypothèse 
thèmes  primaires,  et  à  descendre  d'agglutinations  en  agglu- 
tinations jusqu^aux  formes  les  plus  compliquées. 

§  1er.  —  Thèmes  primaires. 

Les  thèmes  primaires,  rarement  monosyllabiques,  comme 
awk,  sang;  kw%  rivière,  so,  t  ordinairement  dissylla- 
biques et  terminés,  soit  par  une  voyelle,  soit  par  l'une 
des  gutturalisations  r,  rk,  k,  kr  (1).  Ils  ont  tous  un  sens 

(1)  Il  y  a  d'autres  désinences,  mais  fort  rares,  et  l'on  peut  poser  en 
règle  générale  que  jamais  un  de  ces  thèmes  simples  ne  se  termine  par 
une  momentanée  sonore,  ni  par  une  spiranle,  ni  par  une  vibrante 
autre  que  r. 


10  — 


nominal  :  nwnfl,  terre  ;  iglii,  maison  ;  innok,  homme  ; 
talèrk,  bras,  etc. 

Mais  si  l'on  examine  de  plus  près  cette  gutturalisation 
finale,  on  s'aperçoit  de  l'étonnante  facilité  avec  laquelle 
elle  disparaît  dans  bien  des  cas  en  présence  des  affixes. 
Quand,  de  Vr  et  du  k  ainsi  accolés,  l'un  vient  à  tomber 
et  l'autre  demeure,  ce  peut  n'être  qu'un  phénomène 
purement  phonique,  qu'on  a  tenté  d'expliquer  plus  haut  ; 
mais  que  dire  quand  la  gutturalisation  tout  entière  s'efface 
sans  laisser  de  trace?  Et  ici  les  exemples  abondent  :  inno-k, 
homme,  plur.  inno-it;  kraléyua-rk,  livre,  plur.  Icraiéytia-t ; 
uhlu-rk,  jour,  plur.  ubhi-t. 

L'hypothèse  la  plus  simple  qui  se  présente  immédiate- 
ment à  l'esprit,  c'est  que  les  thèmes  de  ces  noms  sont 
respectivement  inno,  kraléyua,  iiblu^  et  que  le  k  ou  rk 
qui  les  affecte  au  nominatif  singulier  n'est  qu'un  thème 
démonstratif  affixé,  destiné  à  leur  donner  un  sens  nomi- 
nal. Ainsi,  Ys  final  indo-européen  transforme  en  noms 
des  thèmes  qui,  autrement,  ne  sauraient  jouer  aucun  rôle 
dans  la  phrase.  La  seule  différence  entre  les  deux 
langues,  c'est  que  l'indo-européen  use  toujours  et  obli- 
gatoirement de  ce  procédé,  tandis  que  l'innok  emploie 
parfois  le  thème  brut  et  sans  affixe  comme  sujet  de  la 
phrase.  ^v:     ' 

Il  est  toutefois  des  cas  où  l'une  au  nioi'^.s  des  deux 
gutturales  persiste  au  pluriel  ou  devant  les  affixes  de 
relation  ;  alors  la  gutturalisation  finale  semble  bien  faire 
partie  du  thème  :  v.  g.  ikargork,  falaise  ;  plur.  ikar- 
gorui,  thème  e7ca?'gror- (?).  D'autres  fois  la  désinence  guttu- 
rale disparaît  devant  certains  affixes  et  persiste  devant 
d'autres  :  innok,  plur.  mnoit,  mais  innok-tay  son  homme. 


i> 


i 


u 


Ces  cas  sont  embarrassants  et  feraient  supposer  que, 
dans  cette  langue  insensiblement  corrompue,  faute  de 
grammaire  et  de  littéralure,  l'aftixe  nominal  soudé  au 
thème  a  fini  par  être  confondu  avec  lui  et  pris  pour  une 
partie  intégrante  du  nom  (4).  Mais  lorsqu'on  voit  la  guttu-* 
raie  finale  tomber  régulièrement  devant  presque  tous  les 
affixes,  tandis  que  les  autres  consonnes  finales  subsistent, 
on  ne  peut  s'empêcher  de  songer  à  une  formation  ana- 
logue à  celle  de  l'indo-européen  :  akva,  cheval,  akva-s, 
h  cheval  ;  iibhi-,  jour,  iihlu-rk,  le  jour.  La  ressemblance 
de  ce  thème  démonstratif  rk  de  l'innok  avec  celui  du 
nahuatl  tl  est  encore  plus  frappante  :  tous  deux  se 
retranchent  déviant  les  affixes;  comme  l'un  est  entièrement 
guttural,  ainsi  l'autre  est  entièrement  dental,  et  enfin  tous 
deux  se  composent  d'une  momentanée  et  d'une  vibrante, 
mais  différemment  disposées.  <  ; 

Pénétrons  plus  avant  dans  la  morphologie  de  l'innok  : 
nous  y  verrons  que,  dans  la  conjugaison  des  verbes,  cette 
même  gutturalisation  rk  est  l'indice  régulier  de  la  troi- 
sième personne  du  singulier.  C'est  donc  bien  là  un  thème 
démonstratif  comparable  à  celui  de  l'indo-européen  sa  ou 
ta,  qui  sert  à  la  fois  à  la  formation  du  nominatif  des 
noms  et  à  la  conjugaison  des  verbes  :  afct'a-sa  (d'où  ukvas), 
le  cheval  ;  bhar-a-sa  (d'où  bharasi),  tu  portes  ;  bhar-a-ta 
(d'où  bharati),  il  porte,  etc.  Eien  plus,  pour  rendre  ce 
fait  plus  palpable,  il  ne  manque  pas  en  innok  de  forma- 


(1)  On  sait  que  uolre  langue  cultivée  et  lettrée  présente  des  ano- 
malies du  même  genre,  le  thème  démonstratif  (article)  qui  précède  le 
nom  finissant  par  faire  corps  avec  lui  :  le  Herre  pour  Vhierre,  le  len- 
demain pour  l'en  demain;  et  les  patois  nous  en  fourniraient  bien 
à  autres. 


•■     :    __    12    ~        ■.'-■ 

lions  secondaires  en  r/c,  qui  remplissent  à  volonté  la 
fonction  de  substantif  et  de  troisième  personne  du  singu- 
lier du  verbe  :  vaviliortoark,  forgeron,  il  forge  ;  itkralèr- 
kréyoark,  pécheur,  il  pêche,  etc.  Une  donnée  aussi  hypo- 
Ihétiquene  saurait  comporter  un  plus  long  développement, 
mais  l'étude  morphologique  qui  va  suivre  tendra  peut-être 
à  la  corroborer. 

_  ,       •  '        s 

,-         -        ..  '■/■-'■''  '"''' 

§  2.  —  AJ fixes  numéraux. 

L'indice  invariable  du  duel  est  A;  ;  celui  du  pluriel  est 
/.  On  observera,  comme  un  exemple  curieux  de  logique 
du  langage,  que  la  désinence  du  nom  du  nombre  4  est 
celle  d'un  nominatif  singulier  (ataoéirkr),  que  celle  du 
nombre  2  est  k  (aypak,  mallùrok),  et  que  tous  les  autres 
noms  de  nombre  se  terminent  en  /. 

Le  terme  qui  signifie  «  plusieurs,  un  grand  nombre  », 
est  xiwil.  Le  t  plural  provient-il  d'une  agglutination  con- 
tractée du  thème  singulier  avec  ce  mot  (1)  ?  ou  celui-ci 
n'est-il  lui-même  que  la  forme  plurielle  d'un  thème  sin- 
gulier disparu?  C'est  ce  que,  pour  cause,  je  m'abstiendrai 
de  décider. 

Si  les  affixes  k  et  t  sont  absolument  invariables  comme 
indices  des  nombres,  il  n'en  est  pas  ainsi  de  la  manière 
dont  ils  s'agglutinent  au  thème  :  les  pluriels  et  les  duels 
revêtent  les  formes  les  plus  diverses  et  les  plus  désespé- 
rantes pour  qui  chercherait  à  les  ramener  à  un  type 
unique.  Tantôt  les  indices  se  suffixent  purement  et  simple- 
ment au  thème  du  nom  :  imna,  terre,  nuna-k,  nuna-t  ; 

'  (1)  En  sorte  que,  par  exemple,  ublu-t,  les  jours,  serait  une  compo- 
sition emboîtante  pour  mWu-uwiÏ.        i:::...u.s:.:-..,--^:^4^^->-^'.'^-' 


k 


—  13  -  ' 

érrè~rk,  montagne,  érrè-k,  érrè-t.  Tantôt  ils  empruntent 
le  secours  d'une  voyelle  euphonique,  devant  laquelle  la 
voyelle  finale  du  thème  peut  subsister,  se  modifier  ou 
même  disparaître  :  arnèy  femme,  arné-ik,  arné-it  ;  ciglè- 
rk  (nom  de  leur  tribu),  plur.  cigl-it.  Parfois  la  gutturali- 
sation  rk,  qui  nous  a  semblé  être  l'indice  du  nominatif 
singulier,  se  maintient  au  pluriel  en  tout  ou  en  partie,  et 
tout  une  syllabe  épenthétique  vient  se  placer  entre  elle 
et  l'afiixe  du  nombre  :  iglè-rk,  lit,  iglè-rk-li-k.  Enfin, 
quand  le  thème  singulier  se  termine  par  une  gutturale, 
celle-ci  peut  s'affaiblir  ou  se  renforcer  suivant  le  cycle  de 
permutations  qui  a  été  établi  dans  la  phonétique.  On  se 
perd  dans  un  labyrinthe  d'anomalies. 

Pourtant,  lorsqu'on  sera  parvenu,  [)ar  la  comparaison 
du  tchiglerk  avec  les  autres  dialectes  innoit,  à  isoler  avec 
certitude  les  thèmes  piimaires  de  leurs  affixes  nominaux, 
on  découvrira  probablement  que  ces  nombreuses  irrégula- 
rités sont  dues  à  des  intercalations  euphoniques,  dont  il 
sera  dès  lors  possible  de  trouver  la  loi. 


§  3.  —  Affixes  de  relation. 


L'innok  est  une  langue  puissamment  agglutinante,  et 
toutes  les  relations  qui  affectent  le  nom  y  sont  exprimées 
par  des  postpositions,  dont  l'énumération  sérail,  inutile  et 
fastidieuse.  Il  suffira  de  faire  connaître  ici  les  plus  usuelles, 
c'est-à-dire  celles  qui  correspondent  aux  relations  casuelles 
des  langues  flexives. 

1"  La  relation  active  (cas  nominatif)  a  pour  indice,  on 
Ta  vu,  une  désinence  gutturale,  mais  cette  règle  n'est  pas 
absolue,  puisque  .lombre  de  thèmes  bruts  jouent  le  rôle 


if. 

t 

-.1 

■i 


''  '..-■■>■"" 


'    ■■^-  -14- 

(ie  noms.  En  ce  cas,  le  sujet  de  la  proposition  se  distingue 
par  un  procédé  qui  ne  relève  que  de  la  syntaxe  :  il  précède . 
toujours  le  verbe. 

2«  La  relation  passive  (accusatif)  a  pour  caractéristique 
la  syllabe  mik,  mnik,  suffixée  au  thème,  soit  directe- 
ment, soit  par  l'intermédiaire  de  voyelles  ou  consonnes 
euphoniques.  V.  g.  sing.  nnna,  terre,  nima-mik  ;  duel 
nuna-k,  nunà-ù-mik,  par'  affaiblissement  du  k  en  n  ; 
plur.  nima-t,  niina-g-mik,  forme  où  la  permutation  de  la 
dentale  en  gutturale  me  paraît  inexplicable.  Au  reste,  les 
formes  plurielles  sont  presque  toutes  fort  irrégulières  ;  les 
formes  duelles  s'expliquent  au  contraire  très-aisément  par 
la  permutation  de  k  en  n,  qui  se  produit  à  tous  les  cas,  sauf 
au  génitif. 

3"  La  relation  possessive  (génitif)  s'exprime  par  une 
double  suffixation  :  l'une  au  nom  du  possesseur,  l'autre  à 
celui  de  l'objet  possédé.  C'est  un  procédé  fort  simple, 
que  connaissent  aussi  les  langues  ouralo-altaïques  ;  par 
exemple  :  le  lard  de  renne,  tuktu-b  orkcor-a,  littérale- 
ment tuktu,  renne,  b  (aftixe),  orkcor-k,  graisse,  a  (affixe), 
«  renne  de  lard  sien  »,  comme  diraient  aussi  les  Basques. 

Nous  retrouverons  l'affixe  de  l'objet  possédé  parmi  les 
possessifs  proprement  dits.  Celui  du  possesseur,  qui 
correspond  au  génitif  des  langues  flexives,  est  au  singu- 
lier une  des  quatre  labiales  m,  b,  p,  v,  qui  s'agglutine  au 
thème  pur  :  nuna,  nuna-m  ;  inno-k,  inno-m.  Au  duel,  le 
k  du  nominatif  se  renforce  en  r  ou  s'affaiblit  en  g,  peut- 
être  en  se  fondant  avec  la  labiale  dure  ou  douce  qui 
vient  s'y  affixer  :  ainsi  nuna-g  serait  pour  nuna-k-m; 
nuna-r  pour  mma-k-p  (?).  Quant  au  génitif  pluriel,  il 
présente  tant  d'anomalies  qu'il  faut  renoncer  à  l'analyser. 


«:. 


—  15  — 

4^  La  relation  locative  a  pour  indice  une  nasale  suivie 
de  é  ou  î,  me,  mi,  né,,  ni.  Ces  affixes  se  substituent  les 
uns  aux  autres  suivant  des  règles  assez  arbit;aires  et  sans 
doute  purement  euphoniques. 

Le  propre  de  l'innok,  comme  de  toutes  les  langues 
dénuées  de  précision,  enfantines  et  grossières,  c'est  de 
posséder  un  grand  nombre  d'aftixes  pour  désigner  la 
même  relation.  Il  en  est  ainsi  du  locatif  et  des  cas  sui- 
vants, dont  je  me  borne  à  indiquer  les  désinences  les  plus 
communes. 

5"  Illatif  :  nun,  mit,  nulu.  *  ; 

6»  Ablatif  :   luin,  niu,  mêâmin. 

7»  Instrumental  :  nik,  minik. 

On  remarquera  le  rôle  important  que  jouent  les  nasales 
dans  les  affixes  de  relation. 

Je  donne  maintenant,  à  titre  d'exemple,  l'une  des 
déclinaisons  citées  par  le  P.  Petitot.  Je  me  plais  à  croire 
qu'elle  est  une  des  plus  irrégulières  de  la  langue  ; 
autrement  il  faudrait  désespérer  d'y  jamais  rien  com- 
prendre. 

Duel. 

tnparkr. 

tupânmik. 

tupar. 

tvpdnné. 

tupdimun. 

tupànnin.  tupèrmin.  / 

tupânnik.  '    '  ' 


Sinjjulier. 

Nom. 

tiipèrkr. 

Ace. 

tiipèrmik. 

Gén. 

turkib. 

Loc. 

iupèrmé. 

lil. 

îupèrmun. 

Abl. 

tupèrmin. 

iDStr. 

tupèrminik. 

Plurie!. 

lupkréit. 

turkit. 

turket. 

turkimné. 

tupèrmnn. 

tupèrmin. 

turkimnik. 


Je  ne  chercherai  pas  à  expliquer  cette  série  de  formes 
dont  le  disparate  déconcerte  toute  analyse  et  qui  semblent 
se  rapporter  successivement  à  des  thèmes  tiipèr-,  tupkré-, 
turk-.  Mais,  jusque  dans  ces  permutations  capricieuses,  il 


^i 


f 


—  16  — 

y  a  une  ombre  de  régularité,  et  peut-être  parviendrions- 
nous  à  la  dégager  si  nous  possédions  un  nombre  suffisant 
de  paradigmes  de  déclinaisons  que  nous  pussions  comparer 
entre  eux. 


§  4'.  —  Pronoms  et  af fixes  possessifs. 

11  ne  faut  qu'énumérer  les  pronoms  personnels,  dont 
l'emploi  est  nécessairement  bien  restreint  dans  une  langue 
riche  comme  l'innok  en  conjugaisons  objectives,  mais  dont 
la  connaissance  est  nécessaire  à  l'analyse  de  ces  conjugai- 
sons elles-mêmes. 


Singulier. 

Dnel. 

Pluriel. 

1"  personne. 

uvâa. 

uvaruk. 

uvarut 

2e  personne. 

illuit. 

illiptik. 

illipli. 

orna, 
tabioma. 

okkoak. 

okkoa. 

y*-  personne. 

tapkoajc. 

tapkoa 

Toutefois  ces  deux  derniers  mots,  employés  pour  dési- 
gner, l'un  une  personne  présente,  l'autre  un  absent,  ne 
paraissent  pas  être  des  pronoms  proprement  dits,  mais 
des  noms  usités  pronominalement.  Tandis,  en  effet,  que 
les  pronoms  de  la  première  et  de  la  deuxième  personne 
s'agglutinent  en  forme  abrégée  au  thème  verbal  et  sont 
presque  toujours  parfaitement  reconnaissables  dans  la 
conjugaison,  la  caractéristique  de  la  troisième  personne 
est  la  finale  rk,  qui  provient  sans  doute  d'un  thème 
démonstratif  disparu,  sans  rapport  possible  avec  orna. 

Le  duel  et  le  pluriel  des  deux  premiers  pronoms,  sans 
être  parfaitement  réguliers,  n'offrent  point  d'anomalie  cho- 
quante. Quant  aux  affixes  de  relation,  ils  sont  les  mêmes 
que  pour  les  noms.  ^        - 


'• 


l 

il- 


-  47  — 

Le  pronom  personnel  devient  affixe  possessi  en  s'agglu- 
'tinant  en  forme  très-abrégée,  parfois  même  méconnais- 
sable, au  nom  de  l'objet  possédé.  Les  noms  ainsi  pourvus 
d'affixes  possessifs  peuvent  d'ailleurs  être  affectés  d'une 
double  relation  duelle  ou  plurielle,  suivant  que,  soit  le 
pos!:',esseur,  soit  l'objet  possédé,  est  unique,  double  ou 
multiple.  C'est  ce  que  le  schème  suivant  représentera  par 
les  lettres  S,  D  ou  P  pour  l'objet  possédé,  S',  D'  ou  P' 
pour  le  possesseur. 


nuna 


nuna-k 


nuna-t 


L'affixe  possessif  de  la  première  personne  du  singulier 
est,  comme  on  le  voit,  un  a  précédé  ordinairement  d'une 
gutturale.  Cela  posé,  l'analyse  des  formes  qui  précèdent 
n'offre  pas  de  difficulté  sérieuse.  On  peut  en  dire  autant 
des  suivantes  : 


2«  personne  {indice  n). 

S  S'  nuna-an  (nundn), 

S  D'  nuna-rtik, 

S  P'  nuna- r ci, 

D  S'  nuna-k-lin, 

D  D'  nuna-r-igtik, 

D  P'  nuna-r-icé, 

P  S'  nnna-t-in, 

P  D'  nuna-t-icik, 

P  P'  nuna-t-ikH, 


Z*  personne  (indice  a). 

nuna-a. 

nuna-ak. 

nuna-at. 

nuna-dk. 

nuna-g-ak. 

nuno'g-at. 

tiuna-ât. 

nuna-ik. 

nuna-it. 


I     I 


i  ! 


S  S' 

ma  terre, 

nuna-ra. 

SD' 

la  terre  de  nous  deux, 

nuna-rivuk. 

1  > 

'      ! 

SP' 

la  terre  de  nous  plusieurs. 

nuna-rivîit. 

•       '     il- 

DS' 

mes  deux  terres. 

nuna-g-a. 

,        i      ' 

DD' 

les  deux  terres  de  nous  deux, 

nuna-r-hvnk. 

1      - 

DP' 

les  deux  terres  de  nous  plusieurs. 

nuna-r-iwut. 

f 

PS' 

mes  terres, 

nnna-l-ka. 

I 

( 

1      « 

PD' 

les  terres  de  nous  deux, 

nuna-t-iwuk. 

'      ( 

pp. 

les  terres  de  nous  plusieurs. 

nuna-t-iivut. 

.    .     ii, 

I  l'î 


i 


m 


_  18  — 

La  forme  D  S'  de  la  troisième  personne  devrait  être 
nuna-g-a  ;  mais  elle  se  confondrait  ainsi  avec  la  forme 
D  S'  de  la  première  personne.  Faut-il  voir  là  un  phéno- 
mène de  dissiinilalion?  (juant  aux  trois  dernières  formes, 
qui  devraient  être  respectivement  nunu-i-a,  -t-ak,  -l-at, 
je  les  considère  comme  inexplicables.  A  part  ces  excep- 
tions, il  régne  dans  les  combinaisons  possessives  une 
remarquable  régularité.  Toutefois  il  s'en  faut  de  beau- 
coup qu'elles  présentent  toujours  la  clarté  de  ce  para- 
digme ;  les  mêmes  lois,  euphoniques  ou  autres,  qui 
régissent  la  déclinaison,  se  rencontrent  ici  et  engendrent 
des  complications  dans  le  détail  desquelles  je  dois  m'abs- 
tenir  d'entrer. 

il  va  sans  dire  que  les  affixes  de  relation  qui  s'agglu- 
tinent au  thème  nominal  afïectent  également  le  nom 
pourvu  du  suffixe  possessif,  et  qu'on  peut  dire  en  un 
seul  mol,  en  innok  comme  dans  les  langues  ouralo-altaï- 
ques,  comme  dans  les  idiomes  agglutinants  en  général  : 
«  dans  ma  maison,  sous  les  deux  lentes  de  vous  deux, 
avec  les  nombreuses  baïques  d'eux  plusieurs  (1)  »,  etc.  Des 
constructions  bien  plus  complexes  encore  nous  attendent 
à  la  fin  de  cette  étude. 


§  5.  —  Thèmes  verbaux. 


y 


Tout  thème  primaire  peut  jouer  le  rôle  de  thème 
verbal  en  s'adjoignant  les  suffixes  de  conjugaison,  qui 
sont  de  trois  sortes  :  temporaux,  modaux  et  personnels. 
Ainsi  le  mot  nérkrè,  chair,  est  le  thème  du  verbe  «  man- 

(I)  Théoriquement:  iglo-ra-mi,  tupâ-n-igtik-atânf  umia-t-it-minik. 


\    I 


•■^Js-J}J/. 


.;>'(: 


—  19  - 

ger  »  :  impératif  nérrb-n,  mange  ;  présent  de  l'indicatif 
nérrè-yoark,  il  mange,  décomposable,  comme  on  va  le 
voir,  en  nérrè,  thème  ;  y,  indice  du  présent  ;  o,  indice  de 
l'indicatif,  et  ik,  ark,  thème  démonstratif,  iudice  de  la 
troisième  personne  du  singulier.  De  même  immè-  est  à  la 
fois  le  thème  du  nom  immè-rk,  eau,  et  du  verbe  imniè- 
rloark,  il  boit.  On  pourrait  multiplier  les  exemples  de  ce 
procédé  morpho'ogiqi  ^,  qui  d'ailleurs  n'a  rien  que  de 
parfaitement  normal. 

Plus  nombreux  encore  sont  les  thèmes  verbaux  dérivés 
au  moyen  d'aflixes  de  diverse  nature,  qui  s'ajoutent  au 
thème  primaire  :  apâ,  père  ;  apa-ri-,  thème  du  verbe 
«  être  :^ère  »  {apariyoark,  il  est  père)  ;  —  iglu,  maison  ; 
iglii-li',  bâtir  (ighditoark)  ;  —  immè-rk,  eau  ;  immè-rko-, 
couler  (immèrkoktoark)  ;  —  innii-lik,  spectre  ;  innu-lik- 
ciij-,  évoquer  des  spectres,  etc.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
d'examiner  la  valeur  fonctionnelle  de  ces  affixes,  qui, 
pour  quelques-uns  du  moins,  est  fort  obscure.  Il  suffit  de 
constater  que  tout  thème  primaire,  ou  même  toute  forma- 
tion secondaire,  comme  innu-lik,  dérivé  de  inno-k,  peut, 
en  se  les  agglutinant,  se  tranformer  en  verbe  et  recevoir 
les  suffixes  de  conjugaison. 

Etant  donné  maintenant  un  thème  verbal,  soit  primaire 
comme  nérrè-,  soit  secondaire  comme  igluli-,  soit  tertiaire 
comme  innuUkcùj-,  examinons  les  diverses  modaUtés  qui 
peuvent  l'affecter. 


■    -:4 


§  6.  —  Modes  et  temps. 

L'affixe  temporal  se  joint  immédiatement  au  thème 
du  verbe,  puis  vient  l'indice  modal  que  suit  la  désinence 


—  20  — 

personnelle.  Mais  comme  l'affixe  propre  à  chaque  temps 
éprouve  des  variations  suivant  le  mode  auquel  on  l'em- 
ploie, il  est  nécessaire  de  bien  se  fixer  sur  la  nature 
de  l'indice  modal  avant  d'entreprendre  toute  autre  déter- 
mination. 

Le  verbe  innok  possède  se|it  modes. 

I.  Indicatif  (1).  —  A  tous  les  temps  de  l'indicatif,  sauf 
un,  l'analyse  phonétique  permet  de  reconnaître  l'exis- 
tence d'un  0  précédant  la  désinence  personnelle  oa  se 
fondant  avec  elle.  En  aucun  autre  mode,  sauf  en  un  temps 
de  l'interrogatif,  cet  o  ne  se  retrouve.  Y  a-t-il  là  une 
présomption  suffisante  pour  considérer  cette  voyelle  comme 
l'indice  modal  de  l'indicatif?  Je  le  crois,  et  j'espère  que 
ceux  qui  liront  les  explications  qui  vont  suivre  partageront 
ma  conviction. 

Je  me  hâte  d'ajouter,  pour  n'être  point  taxé  d'inexacti- 
tude, que  cet  o  n'est  point  constant.  A  la  première  per- 
sonne du  singulier  il  se  nasalise  en  ô,  permutation  qui 
s'explique  aisément  par  l'agglutination  abrégée  du  pronom 
nasal  uvâa.  A  d'autres  personnes  il  permute  souvent  en  u, 
changement  purement  phonique  et  tout  à  fait  insignifiant 
pour  qui  a  observé  l'étroite  parenté,  j'allais  dire  l'identité 
de  ces  deux  sons  en  innok. 

L'indicatif  comprend  six  temps  :  un  présent,  trois  passés 
et  deux  futurs.  " 

1»  Présent.  Je  mange,  nérrè-y-ô-a  ;  je  bâtis,  igluli- 
t'ô-a,  etc.  L'indice  du  présent  est  ordinairement  la  con- 
sonne y  ou  /,  placée  entre  le  thème  et  l'indice  modal. 


(1)  Il  ne  sera  question  ici  que  des  verbes  les  plus  communs,  dits 
réguliers.  Je  traite  des  autres  dans  le  §  7. 


il 


•'  1 


-  21  — 

Parfois  le  t  se  complique  d'une  gulturalisalion  qui  le  lie 
au  thème  kt,  ri,  rkt.  Parfois  l'intlice  temporal  semble 
manquer,  par  exemple  dans  les  verbes  formés  au  moyen 
de  rafdxc  ci{/  :  inmdikriij'ô-a  ;  mais  ici  il  est  facile 
de  restituer  la  palatale  y  qui  s'est  fondue  dans  la  pala- 
talisation  précédente  {j.  Somme  toute,  on  peut  considérer 
y  ou  t  comme  l'indice  invariable  du  présent  dans  les 
verbes  réguliers.  - 

2°  Passé  immédiat.  Je  viens  de  manger,  nérrè-manikt- 
o-a.  La  caractéristique  est  le  suffixe  manikt-  suivi  de 
l'indice  modal. 

3»  Passé  défini.  Je  mangeai,  nérrè-yot-ka.  Ici  manque 
l'indice  o  ;  mais  aussi  celte  forme  n'apparlient-elle  pas  à 
proprement  parler  au  mode  indicatif,  comme  le  prouve 
bien  le  suffixe  personnel  ka,  qui  s'y  agglutine  et  qui 
n'est  pas  un  affixe  de  conjugaison,  mais  un  affixe  possessif. 
On  retrouvera  ce  nérrè-yot-  parmi  les  gérondifs  et  parti- 
cipes; il  signifie  «  ayant  mangé  »,  et  c'est  par  extension 
de  sens  que,  de  l'acception  «  moi  ayant  mangé  »,  le  mot 
nérrèyotka  a  pu  passer  à  celle  de  l'indicatif  «  je  mangeai  ». 

4»  Passé  indéfini.  J'ai  mangé,  néirè-luarl-û-a.  Caracté- 
ristique :  /i/ar^;  indice  modal  0. 

5"  Futur  immédiat.  Je  vais  manger,  nérrè-yéarht-û-a. 
Indice  du  temps  yéarkt-. 

6°  Futur  indéfini.  Je  mangerai,  nérrè-néart-ô-a.  Indice 
temporal  néart-  ;  indice  modal  o. 

Ainsi,  à  tous  les  temps  de  l'indicatif,  sauf  une  exception 
qui  n'est  qu'apparente,  on  trouve  cette  voyelle  o  précé- 
dant l'affixe  personnel;  nulle  part  ailleurs,  sauf  en  un  temps 
de  l'interrogalif,  on  ne  la  rencontrera.  Dès  lors  ce  doit 
être  là  l'indice  du  mode. 


1*  i 


-  22  — 

Quoi  qu'il  en  soit  des  autres  modes,  on  observera  sur 
celui-ci,  le  moins  rebelle  à  l'analyse,  que  les  alïixes  de 
conjugaison  suivent  le  Ibème  dans  l'ordre  que  voici  : 
temporal,  modal,  personnel;  autrement  dit,  que  le  schéme 
de  la  conjugaison  innok  est  T  +  t  +  m  +  p.  C'est  aussi 
celui  de  la  conjugaison  indu-européenne  :  hhar-a-ja-mi 
(optatif),  grec  yc/jotpu,  donne  à  l'analyse  hliar,  thème  verbal; 
a,  signe  du  présent  ;  ja,  signe  de  l'optatif  ;  mi,  affixe  de 
la  première  personne  du  singulier.  Tel  ne  me  parait  pas 
être  l'ordre  dans  lequel  se  présentent  les  affixes  de  con- 
jugaison des  langues  ouralo-altaïques  :  soit,  par  exemple, 
en  ottoman,  le  nécessitatif  du  vorbe  baq-muq,  voir;  présent 
baqrnaloû-my  passé  baq-malou-id-im.  Le  scbème  de  celle 
dernière  agglutination  est  T  +  m  +  t  +  p.  Ces  dilïerences 
syntactiques  me  semblent  d'une  haute  valeur  quand  on 
discute  la  question  de  savoir  si  deux  idiomes  remontent  à 
une  origine  commune. 

II.  Interrogatif.  —  Ce  mode  n'a  point  de  présent, 
mais  trois  passés  et  un  futur.  Aucun  de  ces  temps  n'a 
de  première  personne.  Bien  que  les  indices  de  conju- 
gaison ne  s'y  présentent  pas  avec  la  même  netteté  que 
dans  l'indicatif,  on  peut  considérer  comme  caractéristique 
modale  la  consonne  labiale  /;  ou  v  suivie  d'une  voyelle. 
C'est  du  moins  ce  qui  résulterait  de  l'analyse  de  toutes  les 
formes  du  mode,  moins  la  première. 

lo  Passé  immédiat.  As-tu  fini  de  manger?  ncrrè-léral' 
u-lin.  Cette  forme,  par  analogie  de  celles  de  l'indicatif, 
indiquerait  une  forme  thématique  -léral-o- ;  indice  tem- 
poral levai-  (comparer  l'indice  du  passé  indéfini  de  l'indi- 
catif luarl')  ;  indice  modal  o.  Pourquoi  ce  temps  est 
pourvu  de  l'indice  de  l'indicatif  et  manque  de  celui  de 


—  23  - 

l'intcrrogalif,  c'est  ce  que  je  ne  saurais  môme  tenter  d'ex- 
pliquer. L'anomalie  est  grave  s;''is  cloute,  et  de  nature  à 
jeler  quoique  incerlilude  sur  le  résultat  de  nos  analyses. 

2»  Passé  indéfini.  As-tu  manj^é  ?  nérrc-vé-it  ;  avez-vous 
mangé?  iiérrc-v-iéi  ;  a-t-il  mangé?  nénè-pè-rlut  ;  ont-ils 
mangé?  ncirè-pè-rkel.  Formiition  [U'ohable  :  lliénie  -|-  syl- 
labe labiale  indice  du  mode  +  affixe  personnel.  Point 
d'indice  temporal. 

3»  Passé  défini.  Mangeas-tu?  nérrè-laor-vé-it.  Même 
composition,  avec  insertion  après  le  tlième  de  l'indice 
temporal  laor-,  le  môme  peut-être  que  celui  du  passé  de 
l'indicatif  laarl-.    ' 

A°  Futur.  \euxAuYii:in^evl  nérrè-ymdour-pn'tin  ;  veut- 
il  manger?  nérrè-yuaUiar-pa-k.  Décomposable  en:  lliéme 
+  yualoar  (cpr.  à  rindicaliC  yéurkl),  inilice  du  tem|)s 
+  pu,  syllabe  labiale  indice  du  mode  +  allixe  personnel. 

m.  Négatif.  —  L'indice  de  ce  mode  consiste  dans 
l'insertion  d'une  négation  cuit,  uikt,  entre  l'indice  tem- 
poral et  l'indice  modal  des  formes  de  l'indicatif.  Ainsi,  de 
la  forme  tbémalique  nérrè-y-o,  on  lire  le  tbème  négatif 
nérrè-yiiikt-o-,  en  conjugaison  nérrèyiiiktoa ;  je  ne  mange 
pc3,  nérrèyuiktudn,  etc. 

Le  P.  Pelilot  rapproche  cet  infixe'négaiif  de  la  négation 
usitée  en  innok,  cuilor,  non.  Ce  rapprochement  me  paraît 
aussi  parfaitement  légitime. 

Le  négatif  a  probablem.ent  les  mômes  temps  que  l'indica- 
tif, temps  dont  l'analyse,  à  supposer  que  nous  en  possédions 
les  formes,  ne  nous  apprendrait  sans  doute  rien  de  nouveau. 

IV.  Impératif.  —  Un  seul  temps.  Exemples  :  nérrè-n, 
mange  ;  nérrè-g-itik,  nérrè-g-ici,  mangez.  Cette  forme  est 
la  plus  commune,  mais  non  la  seule  usitée. 


■    -  ■  ■'     __  24  —      -'...■ 

V.  Prohibitif.  —  Ce  mode  est  à  l'impératif  ce  que  le 
négatif  est  à  l'indicatif;  il  se  forme  donc  au  moyen  ie 
l'infixé  uikt,  mais  il  a  des  désinences  peu  régulières. 
Parfois  il  est  le  résultat  d'une  agglutination  tout  à  fait 
indécomposable,  comme  nérrèvânùret,  ne  mange  pas, 
que  le  P.  Petitot  traduit  analytiquement  par  «  je  ne  veux 
pas  que  tu  manges  »,  en  admettant  que  vânùr-  est  mis 
pour  pinnâa,  je  ne  veux  pas  (?). 

VI.  Participes.  —  Présent.  En  mangeant,  nérrè-khmè. 
Ce  klunè  est  une  postposition  locative  :  inark,  côté  ; 
inarklunè,  sur  le  côté.  Ncrrè-klunè  signifie  donc  «  dans  le 
manger  »,  et  peut  jouer  dans  la  phrase  le  rôle  d'adjectif 
ou  d'adverbe.  C'est  ainsi,  en  effet,  que  les  Innoit  forment 
leurs  adverbes  ;  l'adjectif  innok  n'est  autre  chose  que  la 
troisième  personne  du  singulier  du  présent  de  l'indicatif 
d'un  verbe  ;  nakoyork,  bon,  signifie  aussi  «  il  est  bon  », 
et  de  ce  thème  secondaire  dérive  l'adverbe  nakoyorklunè, 
bien,  analytiquement  «  dans  le  être  bc^i  ». 

Passé.  Ayant  mangé,  nérrè-yot-ka.  On  a  vu  la  double 
fonction,  adjective  ou  verbale,  que  peut  r'^mplir  ce  temps  : 
je  mangeai,  nérrè-yot-ka  ;  moi  qui  ai  mangé,  nérrè-yol-ka ; 
de  moi  qui  ai  mangé,  nérre-yot-ka-ni,  forme  semblable  à 
celles  que  présente  parfois  le  vieux  dravidien,  sârndaykku, 
à  loi  qui  t'es  approché. 

VII.  Nom  VERBAL.  —  Le  manger,  l'action  de  manger, 
nérrè-nèrk,  se  déclinant  comme  les  participes. 

§  7.  —  Conjugaisons  ordinaires. 

Je  donne  d'abord  le  paradigme  de  la  conjugaison  régu- 
lière, c'est-à-dire  de  la  conjugaison  des  temps  dont  le 
thème  finit  en  o  permutant  avec  u. 


25  — 


ANALYSE. 

FORME   APOCOPEE. 

S.  1. 

nérrè-y- 

o-uvna. 

nérrèy-ôa. 

2. 

— 

-illuit. 

—    -utin. 

3. 

— 

-?  rk. 

—    -oark. 

D.  1. 

— 

-uvaruk. 

—    -ovuk. 

2. 

— 

-illiptik. 

—    -otik. 

3, 

— 

-?  k. 

—    -ul. 

P.  1. 

— 

-uvarut. 

—    -orvut. 

2. 

— 

-iWpH. 

—    -orci. 

3. 

— 

-?  t. 

—    -ut. 

Le  parallélisme  entre  les  formes  des  pronoms  per- 
sonnels et  les  désinences  verbales  esi.  frappant,  sauf  pour 
les  troisièmes  personnes,  où  nous  ne  restituons  que,  par 
hypothèse,  les  thèmes  démonstratifs  rk,  k,  t.  On  remar- 
quera en  même  temps  que  les  affixes  de  conjugaison  régu- 
lière diffèrent  sensiblement  des  affixes  possessifs,  lesquels 
sont  pourtant  aussi  dérivés  des  pronoms  personnels. 

Soumettons  maintenant  à  l'analyse  les  formes  irrégu- 
lières, c'est-à-dire  celles  qui  n'ont  pas  la  troisième  personne 
du  singulier  en  oark,  uark,  et  qu'on  ne  peut  par  consé- 
quent faire  rentrer  à  première  vue  dans  le  cadre  des 
verbes  qui  ont  le  thème  de  l'indicatif  en  o. 


lo  kapiyork. 

2»  nalugapcarklunè. 

3° 

aypariluyo. 

Il  perce. 

Il  agit  sans  réflexion. 

II 

accompagne 

S.  1.  icapiy-ôa. 

nalugapcarklôa. 

ayparilôa. 

2.    —  -utin. 

— 

Mutin. 

—    lutin. 

3.    —   -ork. 

— 

klunè. 

—    lugo. 

D. 1.    —   -ovuk. 

— 

klunuk. 

—    lunuk 

2.    —    -otik. 

— 

kluniki 

—    lunik. 

3.    —    -uk. 

— 

klutik. 

—    lutik. 

P.  i.    —   -ovut. 

— 

kluta. 

—    luta. 

2.    —    -oôi. 

— 

kluld. 

-    lutu. 

8.    -"   -ut. 

— 

klulit.       : 

—    lutu. 

I!   4h 


^  \  -  '  ■   ■:         .     '         —  26  — 

Le  premier  paradigme  montre  que  les  verbes  dils  en 
ork  ne  différent  pas  en  réalité  des  verbes  en  oark  et  ont  par 
conséquent  le  même  tbcme  de  conjugaison. 

Le  deuxième  paradigme  (verbes  en  klunè)  ne  nous 
embarrassera  guère.  Celte  terminaison  klunè  nous  indique 
que  nous  avons  atTaire  à  un  participe  présenL  conjugué  au 
moyen  d'alfixes  personnels,  autrement  dit  à  une  conju- 
gaison périphrastique  :  nalugapcarklôa,  par  exemple, 
équivaut  à  nalugapcarkhmè  iivila,  je  (suis)  dans  le  agir 
inconsidérément,  et  amsi  des  autres  personnes,  l'affixe 
personnel  ne  manquant  qu'à  la  troisième  personne  du 
singulier.  Ce  n'est  pas  audeinenl  que  se  conjugue  le 
verbe  basque,  et  c'est  de  même  que  les  Anglais  disent 
/  am  a-fulling,  je  suis  dans  le  tomber,  je  tombe.  D'après 
cela,  le  thème  de  ce  verbe  est  nalugapcar,  et  le  thème 
restitué  du  présent  de  l'indicatif  non  périphrastique  serait 
nahigapcar-t-o.  Nous  voici  encore  en  présence  d'un  thème 
indicatif  en  o. 

La  forme  en  lugo,  iigo,  n'est  pas  aussi  claire  que  la 
précédente.  Toutefois  la  parfaite  ressemblance  de  ses  dési- 
nences avec  celles  de  l'autre  doit  nous  amener  à  penser 
que  lugo  est,  comme  klunè,  une  sorte  de  postposition 
transformant  le  verbe  en  gérondif  ou  participe,  et  que  cette 
conjugaison  est  également  périphrastique. 

La  curieuse  irrégularité  des  deux  premières  personnes 
du  pluriel,  dans  ces  deux  paradigmes,  fait  tache  en  pré- 
sence de  la  parfaite  régularité  de  toutes  les  autres  :  elle  ne 
peut  guère  s'expliquer  que  par  une  dégradation  des  formes 
primitives.  -  ,,..., 

iMais  d'autres  irrégularités  nous  attendent. 


\ 


i 


27  — 


1*'  nalugark. 

2»  nalùiigUa. 

3°  akitilik. 

Il  jette  du  feu. 

Il  le  devine. 

Il  repose  sa  tôte 

S.  1.  naluga-ra. 

nalôngit-ara. 

akitil-igné. 

2.     —    -ran. 

—      -aren. 

—   -irkin. 

3.     -    -rk. 

—      -a. 

—   -ik. 

D.  1.     — ■    -rpuk. 

—      -arpuk. 

—    -âgné. 

2.     -    -rtik. 

—      -ariik. 

—    -ê(jnê. 

3.     -    -k. 

—      -ark. 

—   -iak. 

P.  1.     —    -rpiit. 

—      -arput. 

—    -agné. 

2.     -    -rci. 

—      -arH. 

—    -igné. 

3.     -    -^ 

—     -at. 

—    -/a<. 

Ce  qui  frappe  dans  le  premier  paradigme,  c'est  que  ses 
affixes  personnels  tenuent  à  se  rapprocher  de  la  forme 
des  affixes  possessifs.  Cet  air  de  famille  devient  une 
ressemblance  entière  dans  le  deuxième  paradigme,  qui  est 
un  genre  de  combinaison  objective.  Il  y  aurait  donc  en 
innok  deux  séries  de  verbes  :  les  uns  en  o,  se  conjuguant 
à  l'aide  des  afiixes  personnels  proprement  dits  ;  les  autres 
à  désinence  thématique  arbitraire,  se  suffixant  purement 
et  simplement  les  désinences  possessives.  Allant  plus  loin, 
ou  serait  tenté  d'admettre  que  les  verbes  en  o  sont  les 
seuls  véritables,  et  que  les  autres  sont  de  simples  thèmes 
nominaux  augmentés  des  affixes  possessifs  et  prenant  acci- 
dentellement un  sens  verbal.  Si,  en  elfet,  par  exemple, 
lia§unara  signifie  «  ma  pensée  »,  il  est  bien  aisé  de  lui 
faire  signifier  c  je  pense  »,  ne  fût-ce  qu'au  moyen  d'un 
tour  elliptique  que  l'esprit  imagine  spontanément,  «  ma 
pensée  (est  que)  »,  et  alors  ce  nom  affectera  l'appaicnce 
d'un  verbe  conjugué  h  l'aide  des  affixes  possessifs.  C'est  un 
procédé  linguistique  commun  à  beaucoup  de  langues  ag- 
glutinantes ;  plusieurs  n'en  connaissent  pas  d'autre,  les 
affixes  de  conjugaison  s'y  confondant  avec  les  possessifs, 
et  il  serait  étonnant  qu'il  manquât  à  l'innok. 


1 1 


I 


Il  'iC 


'  .         —  28  — 

Quant  à  la  conjugaison  akitiUk,  je  dois,  dans  l'état  pré- 
sent de  nos  connaissances  morpliologiques,  renoncer  à 
l'analyser,  tant  elle  paraît  anormale. 

Tel  est  le  tableau  de  la  conjugaison  innok.  S'il  fortifie 
ou  s'il  iudrme  mon  hypothèse,  que  tout  véritable  thème 
indicatif  de  verbe  a  pour  caractéristique  la  voyelle  o  (u), 
je  le  laisse  au  lecteur  à  juger.  Quant  aux  afiixes  person- 
nels de  l'interrogatif  et  de  l'impératif,  on  les  a  vus  dans 
le  paragraphe  précédent,  et  ils  n'offrent  point  de  difficulté 
sérieuse. 


§  8.  —   Conjugaisons  objectives. 

La  conjugaison  objective  a  atteint  en  innok  un  incom- 
parable degré  de  développement  ;  elle  y  est  plus  riche 
qu'en  aucune  langue  ouralo-altaïque  à  ma  connaissance  ; 
car  toutes  les  relations  personnelles  de  sujet  à  objet  peu- 
vent s'incorporer  au  verbe,  je  te...,  je  le....,  tu  me..,  tu 
le...,  il  me...,  il  te... y  en  tout  six  formes  objectives,  indé- 
pendamment de  la  conjugaison  réfléchie,  dont  il  sera 
question  plus  loin.  Et  comme  dans  chaque  forme,  soit  le 
pronom-sujet,  soit  le  pronom-objet,  peut  se  présenter  au 
singuher,  au  duel  ou  au  pluriel,  ce  serait  un  total  formi- 
dable de  cinquante-quatre  combinaisons  objectives.  Toute- 
fois, il  faut  croire  que  les  formes  duales  du  pronom- 
objet  qui,  sans  aucun  doute,  devaient  exister  primitive- 
ment, sont  tombées  en  désuétude  ou  se  sont  confondues 
avec  les  formes  corrélatives  du  pluriel,  car  le  P.  Petitot 
n'en  donne  aucune  ;  et,  bien  qu'il  m'eût  été  aisé  de 
les  suppléer  par  l'analyse,  je  n'ai  pas  cru  pouvoir  m'en  • 
arroger  le  droit  ;  autrement  dit,  représentant  par  S,  D, 


\ 


% 


-  29  - 

P  le  nombre  du  pronom -sujet,  par  S',  D',  P'  le  nombre 
du  pronom-objet,  les  trois  combinaisons  S  D',  D  D',  P  D' 
manqueront  dans  la  nomenclature  qui  va  suivre. 

3°  Tu  me  pares. 


jo  Je  te  pare. 
S  S'  iavaikré-yvgin. 
S  P'      —      -yaucé. 
DS'      —      -yarvugin 
DP'      —      -yoHUé. 

PS'       —      -yavugin. 

P  P'      —      -yovucé. 

Ao  Tu  le  pares. 
S  S'  cavarkré-yarkin. 
S  P'       —      -yatin. 
D  S'       —      -yaigné. 
DP'       —      -yaiiHli. 


PS' 

PP'       - 


i  -tjaine 


yarci. 
yatiH. 


2"  Je  le  pare. 
favarkré-yagara. 

—  -yagarat 

—  -yaagné. 

—  -yativuk. 
t  -yadné. 

~  \  -yarput. 

—  -yativut. 

5"  11  me  pare. 
Lavarkré-yâna. 

—  -jiarut. 

—  -yaka. 

—  -yoakput. 

—  -yata. 

—  -yoatigut. 


cavarkré-ynrma. 

—  -yarkut. 

—  -yartëa. 

—  -yorligut. 

—  yarcêa. 

—  yorciput. 

6"  Il  te  pare. 
cavarkré-yotln. 

—  -ynré. 

—  -jjakin. 

—  -yaklé. 

—  -yadtin. 

—  -yoacé. 


Le  procédé  morphologique  est  aisément  saisissable, 
surtout  dans  les  deux  derniers  paradigmes.  L'indice  r^u 
temps  y  demeure  dans  toutes  les  combinaisons  ;  l'indice 
modal,  au  contraire,  disparaît  la  pbipart  du  temps,  se 
fondant  dans  la  désinence  peisonnelle  ;  celle-ci  se  com- 
pose, en  premier  lieu,  du  pronom-sujet,  affecté,  s'il  y  a 
lieu,  de  l'indice  dual  ou  plu^^l,  puis  du  pronom-objet  ; 
cete  agglutination  des  deux  pronoms  ne  s'effectue  pas 
d'ailleurs  sans  un  certain  emboîtement,  qui  les  déforme 
plus  ou  moins,  surtout  le  premier.  V.  g.:  il...,  yoark ;  il 
me...,  yâ-na,  il  te...,  y  a-lin  ;  eux  deux...,  yoark;  eux 
deux  me...,  yak-a ;  eux  deux  te...,  yak-in.  Il  n'y  a  pas 
un  article  de  ces  paradigmes,  sauf  les  quelques  formes 
irrégulières  en  né,  qui  ne  puisse,  en  tenant  compte  de 


U 


î'i 


-  30  — 

remboîtement,  et  peut-être  aussi  parfois  de  l'insertion 
d'une  gutturale  épentliétique,  s'analyser  de  cette  manière  : 
thème  +  indice  temporal  +  sujet  +  objet. 

Dans  la  conjugaison  réfléchie  le  phénomène  d'emboîte- 
ment est  encore  bien  plus  accentué  ;  le  pronom-sujet  et 
le  pronom-objet,  éteint  identiques,  se  fondent  l'un  dans 
l'autre  jusqu'à  ne  former  qu'un  seul  affixe,  en  sorte 
que  la  forme  réfléchie  diflère  très-peu  de  la  forme  non 
réfléchie  et  doit  même,  dans  certains  cas,  se  confondre 
entièrement  avec  elle.  Il  est  facile  d'établir  la  compa- 
raison. 


S.  1.  ratar^-re-yôrt,  je  pare. 

cavarkré-yoa-mé,  je  me  pare. 

2.        —     -yutin. 

—     -yotin. 

3.        —     -yunrk. 

—     -yoark. 

D.  i.       —     -yiivuk. 

—     -yovuk. 

2.        —     -yutik. 

~      -yotik. 

3.       —     -yunk. 

—      -yoak. 

?.  1.       —     -yiwut. 

—     -yovut. 

2.       —     -yutit. 

—     -yotit. 

3.        —     -yuat. 

—      -yoal. 

On  voit  que,  dans  la  forme  réfléchie,  l'indice  modal 
est  toujours  o,  tandis  que  dans  l'autre  il  peut  perm.uter  en 
u  ;  mais  si  le  verbe  cavarkrc-  se  conjuguait  comme  nérrè-, 
il  ferait,  par  exemple,  à  la  troisième  personne  du  singu- 
lier èavarkréyoark,  et  alors  les  deux  formes  seraient 
absolument  identiques. 

L'innok  n'a  pas  de  conjugaison  objective  double,  c'est- 
à-dire  englobant  à  la  fois  dans  le  verbe  le  régime  direct 
et  le  régime  indirect,  disant,  par  exemple,  en  un  seul 
mot  :  «  je  te  le  demande,  il  te  l'a  donné  »,  comme  cer- 
taines langues  ouralo-altaïques.  Il  ne  possède  pas  non  plus 
de  voix  passive.        .  . 


—  31  — 

Section  III.  —  Lexiologie  élémentaire. 

Je  donne  sous  ce  titre,  non  pas  un  exposé  complet  et 
mélliodique  îles  procédés  lexiologicjues  de  l'innok,  les 
documents  m'ayant  complètement  fait  défaut  pour  une 
semblable  étude,  mais  une  simple  et  rapide  énuméralion 
des  principales  formations  nominales  et  verbales  de  cette 
langue,  encore  trop  peu  connue  pour  qu'il  soit  possible 
de  se  prononcer  sur  son  véritable  caractère. 

I.  Dérivation.  —  A.  Thèmes  nominaux.  —  1°  Augmen- 
tatifs :  ^Ak,  fik,  pôk,  par,  vâk,  suffixes  caractérisés  par 
une  labiale  initiale  et  une  gutturale  finale,  avec  parfois 
une  gutturale  épenthélique  servant  de  ligature  :  iglo-r-pôk, 
grande  maison;  tuktu,  renne;  luktu-vâk,  renne  des  bois, 
grand  renne. 

2"  Diminutifs  :  aluk,  iark,  ark  :  umia-rk,  barque, 
umia-r-ahik,  canot  ;  itkralu-k,  poisson,  itkralo-ark,  fretin. 

3«  Contenance,  usage,  instrument  :  vik  :  krork,  urine, 
kror-vik,  vase  de  nuit  ;  irha,  cuisine,  irha-vik,  four  de 
cuisine  ;  lujigia-rk,  il  pèse  (thème  uyig-),  ogèr-vik,  ba- 
lance. Ce  dernier  exemple  ofïre  la  triple  permutation  d'w 
en  0,  i  en  è,  g  en  r. 

4»  Nom  d'action  (nom  verbal)  :  nèrk^  ainsi  qu'on  l'a  vu 
dans  la  conjugaison  du  verbe. 

5»  Communauté,  ressemblance  :  kat,  rkat  :  mma-rkat, 
compatriote. 

6»  Appropriation,  destination  :  en,  on  :  nérrén,  couteau 
de  table  ;  kraléyii-ark-to-rkj  il  écrit,  kraléyu-on^  crayon, 
plume. 

B.  Thèmes  nomino-verhaux.  —  Nous  nommons  ainsi 


il  ; 


II 


:j 


;■-.:::.  "-"  ..  —   32   —     .' 

ceux  qui  peuvent  à  volonté  se  conjuguer  et  se  décliner,  ceux 
qui  jouent  indilTéremment  dans  la  phrase  le  rôle  de  nom, 
d'adjectif  ou  de  verbe. 

1«  Nom  d'agent  :  semblable,  on  Ta  vu,  à  la  troisième 
personne  du  singulier  du  présent  de  l'indicatif  du  verbe  : 
(avili or- to-ark,  forgeron,  il  forge. 

2»  Qualité,  propriété,  possession  :  ark,  iark  :  inno- 
r-iark,  humain  ;  nuna-r-iark,  terrestre.  Ces  mots  se 
conjuguent  d'après  le  paradigme  des  verbes  en  ark^ 
qu'on  a  vu  :  innoriara,  je  suis  humain  ;  innoriaran,  inno- 
riark,  etc. 

3*»  Habitation,  demeure  :  mcork  :  immè-rk,  eau,  immè- 
rméorky  aquatique  ;  de  môme  iglo-rmcork,  casanier. 
Conjugaison  :  iglorméôa,  je  suis  casanier  ;  iglorméutin, 
iglorméork,  etc. 

Puisque  la  troisième  personne  du  verbe  peut  h  l'occasion 
remplir  la  fonction  que  dans  nos  langues  nous  assignons  à 
l'adjeclil,  elle  est,  comme  lui,  susceptible  de  degrés  de 
comparaison.  On  a  donc: 

40  Comparatif  :  ilùra.  V.  g.  Ciéyork^  grand,  troisième 
personne  du  singulier  du  verbe  âèyo-,  thème  âê-,  d'où 
âé-ilùra,  par  emboîtement  âilura,  plus  grand,  et  proba- 
blement âilùra-rk,  il  est  plus  grand.  De  même  tuina-rk, 
mauvais  ;  ôuina-ilùra  (sans  emboîtement),  pire. 

50  Superlatif  :  otkrcya.  V.  g.  âé-olkréga,  et  par  emboî- 
tement iJotkréi/a,  gigantesque.  De  même,  sans  emboîte- 
ment, ôîiina-otkréya,  détestable. 

C.  Thèmes  verbaux.  —  La  transformation  des  thèmes 
quelconques  en  thèmes  verbaux,  par  la  simple  adjonction 
des  affixes  de  conjugaison,  a  déjà  été  étudiée.  Mais  ce  ne 
sont  pas  seulement  les  thèmes  primaires  ou  dérivés  qui 


w 


I 


—  33  .- 

peuvent  par  ce  procédé  recevoir  un  sens  verbal  et  se 
conjuguer  ;  des  formations  grammaticales  complexes,  des 
mots  tout  faits,  pourvus  de  suffixes  de  relation  ou  de 
possession,  jouissent  de  la  môme  propriété.  Ainsi,  comme 
on  dit  innori-yo-,  être  homme  ;  apa-ri-yûa,  je  suis  père, 
on  dit  également  ighi-mi-to-ark  (maison  +  dans  +  affixe 
du  présent  de  l'indicatif  +  thème  démonstratif),  maison 
dans  être  lui,  il  est  dans  la  maison.  Et  l'on  doit  par 
analogie  poiivoir  dire  aussi  :  amama-put-iyo-ark,  elle  est 
notre  mère  ;  nimarkal-a-ri-yôa,  je  suis  son  compatriote. 
Poussant  plus  loin  la  puissance  agglulinative  de  l'innok 
et  ne  tenant  pas  compte  des  emboîtements  multiples  qui 
ûC  produisent  probablement  dans  d'aussi  longues  forma- 
tions, nous  voyons  que  l'on  doit  théoriquement  pouvoir 
dire,  en  un  seul  verbe,  qui  se  conjugue  à  tous  les  temps, 
modes  et  personnes  :  iglo-r-aviU-mi-to-ark,  il  est  dans 
les  deux  maisons  de  nous  plusieurs.  Comme  d'ailleurs 
les  particules  que  nous  nommons  conjonctions  sont  en 
innok  des  poslpositions  qui  s'affîxent  au  verbe,  on  pourra, 
toujours  théoriquement,  former  des  mots  tels  que  celui- 
ci  :  iglo-r-avut-mi-liiarl-ôa-pân,  lorsque  je  fus  dans  les 
deux  maisons  de  nous  plusieurs.  Mais  il  existe  encore 
des  formations  verbales  plus  compliquées,  obtenues  au 
moyen  d'infixés  insérés  entre  le  thème  et  la  désinence  de 
Cv  njugaison  : 

1»  Impersonnel  :  ôa,  âa  :  torkroyark,  il  meurt  ;  tor- 
krôayak,  on  meurt.  On  remarquera  l'aifaiblissement  du 
thème  démonstratif  rk,  indiquant  sans  doute  que  l'action 
exprimée  par  le  verbe  ne  s'applique  plus  à  un  sujet 
déterminé. 

2»  Négatif  :   ùgilak,  ngilar.  Cet  infixe,  qui  appartient 

.3        ■;.; 


I:  I 


m 


-  34  — 

inconleslableinent  à  la  langue  innok,  est  en  tchiglerk  Irés- 
rare  et  tout  à  fait  exceptionnel  :  tu6ao-maijerpiU,  sensé  ; 
tuèaomdngitarpiU,  sot. 

3*  Causalif  :  èùj  :  nérrèyoark,  il  mange  ;  nérrèôùjoark, 
il  fait  manger. 

4»  Intensif  :  mi,  miyar,  nasalisant  la  voyelle,  soit  radi- 
cale, soit  euphonique,  qui  le  précède  :  immèrtoark,  il  boit; 
immèrômiyoark,  ivrogne. 

5»  Simulatif  :  loyar:  nérrètoyartuark,  il  feint  de  manger. 

Que  l'on  combine  ces  divers  infixés,  les  seuls  dont  la 
fonction  me  paraisse  hors  de  ,doute,  avec  les  aggluti- 
nations reconnues  jusqu'à  présent,  et  l'on  se  convaincra 
que  la  langue  innok  est  une  des  plus  puissamment  agglu- 
tinantes qu'il  soit  donné  au  linguiste  d'étudier. 

II.  Composition.  —  C'est  sur  ce  dernier  point  que  les 
documents  me  manquent  le  plus,  par  la  raison  que  le 
vocabulaire  du  P.  Pelitot  n'est  pr.3  et  ne  pouvait  pas 
être,  d'après  les  intentions  mêmes  de  l'auteur,  un  dic- 
tionnaire étymologique.  Or,  ce  n'est  pas  seulement  quel- 
ques données  étymologiques,  c'est  la  connaissance  des 
racines  mêmes  de  la  langue,  au  moins  des  plus  usuelles, 
qu'il  faudrait  posséder,  pour  reconnaître  les  éléments 
des  compositions  probablement  emboîtantes  qui  pourraient 
exister  dans  la  langue  innok.  La  lexiologie  comparée  de 
deux  de  ses  dialectes  jetterait  quelque  lumière  sur  bien 
des  points  obscurs  ;  mais  celui  des  Tchiglit  pris  isolément 
ne  nous  révélera  pas  le  secret  de  sa  structure.  Je  n'ai 
donc  pu  déterminer  si  l'innok  est  ou  non  caractérisé  par 
le  procédé  lexiologique  de  la  composition.  Ce  qui  est 
certain,  c'est  que  les  Innoit  expriment  volontiers  par  des 
procédés  purement  grammaticaux  les  rapports  d'idées  et 


•  —  35  — 

de  mots  qui,  dans  d'autres  langues,  se  rendraient  par  la 
composition  :  le  lard  de  renne,  liiktub  orkfora,  et  non 
tttktorkfork.  Ce  qui  n'est  pas  moins  inc«  itcstable,  c'est, 
en  sens  inverse,  que  certains  mois,  par  leur  longueur,  par 
la  multiplicité  des  idées  qu'ils  expriment  en  les  associant, 
paraissent  formés  à  l'aide  d'un  procédé  de  composition 
fortement  emboîtante.  Mais  dans  ces  mots  le  thème 
initial  seul  est  reconnaissable  ;  tous  les  autres,  si  tant  est 
qu'ils  existent,  sont  tellement  fondus  ensemble,  contractés 
ou  dégradés,  que  l'analyse  la  plus  minutieuse  ne  saurait 
les  retrouver,  en  sorte  qu'il  est  impossible  de  décider 
si  l'on  a  affaire  à  une  véritable  formation  synthétique 
ou  à  une  simple  dérivation  verbale  à  l'aide  d'affixes. 
C'est  ce  que  fera  voir  un  exemple,  où  j'accumule 
quelques-unes  des  principales  modifications  de  l'ai  ion 
d'  «  aller  ». 

Il  va aulao-rk. 

—      à  lâchasse luktu-léa-rk. 


à  la  mer 

chercher  le  gibier  tué. 

à  la  voile 

ramasser  des  fruits.  . 
au  large  (à  pied).  .  . 
au  large  (en  canot).  . 


unu-léar-to-ark. 

ncrkrètar-lo-ark. 

lingùlar-mitar-to-ark. 

aëi(Jar-to-ark. 

iôuk-a-yo-ark. 

icuk-ài-to-ark. 


Séparant  de  ces  mots  les  thèmes  initiaux  tuktu,  renne  ; 
unu  (?)  ;  nérkrèy  viande  ;  tingïilara,  voile  ;  aôiyark,  fruit  ; 
itkra,  haute  mer,  exisle-t-il  ensuite,  en  dehors  des  affixes 
de  conjugaison,  un  élément  commun  à  toutes  ces  forma- 
tions, une  seule  consonne  que  l'on  puisse  rapporter,  soit 
au  thème  aulaork,  soit  à  un  autre  quelconque  exprimant 


Il  ,! 


—  30  — 

la  même  idée?  Evidemment  non,  sauf  peut-ôtre  cet  alïixe 
léa^  léar,  commun  aux  d-'ux  premiers  verbes.  Ce  n'est 
pas  sur  ce  laible  indice  que  nous  pouvons  nous  guider. 
Bien  plus,  dans  les  deux  derniers  verbes  de  celle  liste, 
exprimant  tous  deux  la  mémo  action,  il  est  impossible  de 
découvrir,  non  seulement  pourquoi  l'idée  de  mouvement, 
de  déplacement,  s'y  trouve  enfermée,  mais  encore  pour- 
quoi l'un  signifie  que  le  dé[)lacement  s'elfeclue  à  l'aide 
d'un  canot,  tandis  que  l'autre  renferme  le  sens  d'  t  aller 
à  pied  ». 

Voici  maintenant  quelques-unes  des  modifications  de 
l'idée  d'  «  eau  »  : 

Eau immèrk,  imark. 

—  bouillante -  yoratoark. 

—  froide kùjcr&imâitoark. 

—  courante ôarvartoark. 

—  stagnante orkèoartoark. 

Dans  aucun  de  ces  quatre  mots  on  ne  retrouve  le 
tbcme  immèy  ima  (1)  ;  ce  ne  sont  pas  là  des  noms  com- 
posés, mais  de  simples  formations  verbales  dérivées.  Ta 
première  est  la  troisième  personne  du  singulier  du  pré- 
sent de  l'indicatif  du  verbe  yorato-,  bouillir  ;  l'analogie 
doit  no^'s  faire  penser  qu'il  en  est  de  même  des  deux 
suivan' 'i-,  bien  que  nous  n'en  connaissions  pas  le  thème 
primai  e.  Quant  au  verbe  orkèoarlo-,  il  dérive  de  orkèork, 
graisse,  et  signifie  par  conséquent  «  être  graisseux,  vis- 
queux, stagnant  ».  On  pourrait  multiplier  les  exemples  de 
ce  genre.  Ceux-ci  suffiront  pour  faire  voir  que  la  dériva- 

(1)  Sauf  peut-être  dans  ft'îfert'-itJô-iïoarfc.        ^       ,,       ,»     ..  -      ^ 


de 


—  37  — 

lion  explique  aussi  bien  et  mieux  que  la  composition  les 
formes  les  plus  compliquées  de  la  langue  innok. 

Ce  n'est  pas  que  le  vocabulaire  du  P.  Petitot  ne  ren- 
ferme quelques  formes  qui  paraîtraient  dues  k  un  procédé 
de  composition,  mais  ce  sont  des  cas  isolés  et  douteux. 
On  lit,  par  exemple  :  «  algues,  crkloyaluit  (intestins  de 
l'eau)  >.  Le  mot  «  intestins  »  (èrklo)  se  retrouve  très- 
bien  dans  cette  prôtendue  composition,  mais  non  point  le 
mot  «  eau  »,  et  cette  forme  n'est  que  dérivée.  En  effet, 
èrkloyalu-it  est  évidemment  un  pluriel  dont  le  singulier 
serait  èrkloyalu-k,  et  cette  désinence  aliik  nour-  indique 
un  diminutif:  ce  mot  signifie  donc  a  petits  boyaux  »,  nom 
qui  convient  à  merveille  à  l'aspect  tubulaire  et  encbevèlré 
des  algues  marines. 

Ailleurs  nous  trouvons  korëork,  résine,  que  l'auteur 
nous  donne  comme  composé  de  kréyuk,  arbre,  et  orkëork, 
graisse;  «  graisse  d'arbre  »,  c'est  pour  la  résine  une 
appellation  très-convenable.  Voilà  donc  une  formation 
composée,  caractérisée  de  plus  par  un  fort  emboîtement  ; 
mais  rien  ne  nous  '"épond  de  l'exactitude  de  cette  analyse, 
et  il  faudrait  évidemment  plusieurs  étymologies  semblables 
pour  la  corroborer. 

Maintenant,  lorsqu'on  se  trouve  en  présence  d'un  mot 
tel  que  amarkrènùroyark,  renne  tué  par  les  loups,  bien 
qu'on  n'y  puisse  découvrir  que  l'élément  amarorkr,  loup, 
et  que  les  mots  «  renne,  tuer,  proie  »,  etc.,  y  soient 
absolument  invisibles,  il  est  difficile,  je  l'avoue,  de  ne 
pas  songer  à  une  polycom position  assez  compliquée.  Mais 
cette  conclusion  est  entièrement  conjecturale,  tant  que  l'on 
n'est  point  parvenu  à  reconnaître  et  à  isoler  avec  certitude 
chacun  des  éléments  significatifs  de  cette  formation. 


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—  38  — 
En  résumé,  la  langue  innok,  telle  qu'elle  nous  apparaît 
étudiée  dans  le  dialecte  des  Tcliiglit,  me  semble  être  très- 
puissamment  agglutinante  et  user  largement  du  procédé 
d'emboîtement  entre  le  tbème  et  les  suffixes.  Mais  rien,  je 
crois,  n'autorise  jusqu'à  présent  à  la  ranger  parmi  les 
langues  polycomposantes. 

Y.  Henry. 


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