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WEBSTER, N. Y. 14580
(716) 872-4503
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/iCMH
Collection de
microfiches.
Canadian Institute for Historical Microreprod jetions / Institut canadien de microreproductions historiques
1
m
1981
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
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L'Institut a microfilmé le mailleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
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sont indiqués ci-dessous.
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I I Covers damaged/
n
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I — I Cover title missing/
D
D
D
D
D
D
Le titre de couverture manque
Coloured maps/
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.e. other than blus or black)/
Encre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
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Relié avec d'autres documents
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along interior margin/
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distortion ie Song de la marge intérieure
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Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
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□ Pages damaged/
Pages endommagées
□ Pages restored and/or laminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
sj
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Pages décolorées, tachetées ou piquées
□ Pages detached/
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Showthrough/
Transparence
I I Quality of print varies/
D
QuaSité inégale de l'impression
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Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been rsfilmed to
ersure the best possible image/
Les pagas totalement ou partiellement
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etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
n
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10X 14X 18X 22X
C
12X
16X
_7_
20X
26X
30X
D
24X
28X
32X
lils
du
difier
jne
lage
The copy filmed hère has been reproduced th^nks
to the generosity of :
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Archives of Canada
The images appearing hère are the beat quality
possible conuidering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
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Original copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cover and ending on
the last page with a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. AH
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or Ulustrated impression.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol — <^ (meaning "CON-
TINUED"), or the symbol V (meaning "END ";.
whichever applies.
Maps, plates, chnrts, etc., may be filmed et
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many f rames as
required. The following diagrams illustrate the
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publiques du Canada
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plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
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Les exemplaires originaux dont la couvorture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
pai le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon ie cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui i;omporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — ► signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie "FIN".
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour ôtre
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
rrata
o
3elure,
1 à
n
32X
1
2
3
1
2
3
4
5
6
ESQUISSE
D'UNE
GRAMMAIRE DE LA LANGUE INNOK <''
ÉTUDIÉE DANS LE DIALECTE DES TCHIGLIT DU MA(ÎHENZIE, D'APRÈS LA
GRAMMAIRE ET LE VOCABULAIRE TCHIGLIT DU R. P. PETÎTOT (2)
Quelque témérité qu'il puisse y avoir à aborder l'étude
méthodique de la phonétique et de la morphologie d'une
langue d'après l'inspection grammaticale d'un seul des
nombreux dialectes qu'elle a pu former, ce travail devait
être tôt ou tard entrepris pour la langue innok. Il se
passera bien du temps, en effet, jusqu'à ce que nous
possédions, pour chacun des dialectes qui en sont issus,
une grammaire et un vocabulaire semblables â ceux que
le R. P. Petitot a consacrés à l'idiome des TchigUt du
Mackenzie. J'ai donc pensé qu'il y avait quelque intérêt à
soumettre à l'analyse linguistique, à essayer de présenter
dans un ordre scientifique les précieux documents que
son zèle éclairé nous a procurés. Cette étude nous per-
mettra peut-être de saisir, sinon avec une certitude
(1) Le nom à'Eskimau n'étant que la corruption d'une appellation
impropre appliquée aux Innoit par les Algonqi ins, je crois qu'il est
expédient de leur rendre le nom par lequel "Is se désignent eux-
mêmes : Innoit, hommes, au singulier innok.
(2) R. P. Pelitot, Vocabulaire français-esqu.mau, précédé d'une
notice et d'une grammaire. (Bibliothèque américaine de M. Â. Pinard.)
Paris et San-Francisco, 1876.
i
absolue, du moins avec une probabilité satisfaisante, les
linéaments généraux de la langue mère, sans toutefois
nous autoriser dès à présent à la ranger dans aucune des
familles dont la science du langage a reconnu l'existence.
C'est là un point sur lequel j'insiste dès le début. Si
disposé que je sois, à rencontre de l'opinion émise par le
P. Pelitot, à faire des langues hyperboréennes une classe
à part, sans lien asec les familles ouralo-altaïque et
maléo-polynésienne, je me garderai de formuler aucune
conclusion à cet égard, ne pensant pas qu'en l'état pré-
sent de la science une pareille question puisse être utile-
ment discutée. Je me bornerai à signaler^ aussi impar-
tialement qu'il me sera possible, chacune des particularités
linguistiques qui seraient de nature à confirmer ou à
infirmer la thèse soutenue par l'auteur à qui j'emprunte les
éléments de ce travail.
Section I^^. — Phonétique.
Le matériel phonique de l'innok peut évidemment
différer beaucoup d'un dialecte à l'autre. Je dois donc me
borner ici à étudier les principaux éléments de ia phoné-
tique des Tchight, indispensable pour la complète intelli-
gence de la morphologie.
^^ '-'^S'ilA .-'ï /■ § !"• — Voyelles. :
Les voyelles de l'innok sont au nombre de dix, savoir :
sept simples et trois nasales.
Les sept voyelles simples sont:
1» a, a pur; ^;:^. ;';■.; ■••:v'i;-\"T^5--
permutant très-aisément ensemble (2).
2» é, é fermé, très-fréquent ; ,
3» h, è ouvert ;
4)0 t, i pur, permutant avec les deux précédents (1 ) ;
5o 0, 0
6" w, u allemand
7« il, ô allemand, assez rare.
Les trois nasales, an^ en, on, seront transcrites respec-
tivement d, ê, ô. La deuxième est fort rare ; les deux autres
assez fréquentes.
Les nasales sont nécessairement toujours longues ; cha-
cune des voyelles simples peut être prononcée longue ou
brève : la longueur sera indiquée, s'il y a lieu, par un
accent circonflexe.
Les permutations indiquées plus haut sont absolument
les seules qu'on rencontre en innok ; elles s'effeciuent,
on le remarquera, entre des sons très-voisins les uns des
autres, aisés à confondre, et ne paraissent soumises à
aucune règle. De distinction entre deux ordres de voyelles
fortes et faibles, lourdes et légères, de substitution régu-
lière d'un son faible à un son fort, ou réciproquement,
l'innok n'en connaît point, et jamais on n'y voit la
voyelle d'un suffixe s'adoucir ou se renforcer pour se
mettre en harmonie avec le ton du thème auquel il
s'agglutine.
On voit où tend cette remarque : l'innok, langue d'ail-
(1) V. g, amè-rk, peau, plur. ami-t; mais cette forme pourrait être
la contraction d'un pluriel régulier amè-it. Une pareille permutation
se rencontre parfois dans les radicaux : èrklo, boyau, plur. irklot.
(2) V. g. iglu, maison, iglo-rpôk, grande maison ; innok, homme,
innu-lik, spectre. Mais c'est surtout, comme on le verra, devant les
affixes de conjugaison que o et w permutent avec une extrême facilité.
leurs singulièrement euphonique, ne possède aucun élé-
ment d'harmonie vocalique ; et si, comme je le crois avec
M. L. Adam (i), l'harmonie vocalique doit être consi-
dérée comme le caractère typique et distinctif de la famille
ouralo-altaïque, une première présomption bien grave
s'élèverait contre l'hypothèse qui rattache l'innok à cette
famille. Il est vrai que le vocalisme n'est pas, dans tous
les idiomes qui la composent, parvenu à un égal degré
de développement, et que plusieurs n'en offrent que des
vestiges rudJmentaires ; mais, en supposant même que
l'innok se fût détaché du tronc ouralo-altaïque à l'époque
très-ancienne où l'harmonie vocalique n'existait pas encore,
il serait vraiment étrange qu'il n'accusât bon origine par
aucune tendance à l'adoption de ce procédé grammatical,
que la plupart de ses prétendus congénères ont amené à
une si riche floraison. , - , ^ . .,
§ 2. — Consonnes. ' ^r'::-' :■.■:"-■' ^'■..■■i:
MOMENTANÉES,
CONTINUES.
NON ASPIRÉES.
ASPIRÉES.
SPIRANTES,
NASALES.
VIBRANTES.
Gutturales. . .
Sourdes.
Sonores.
9
Sourdes.
Sonores
Sourdes.
Sonores.
Sonores.
Sonores.
k
>
gh
h
X
h
r
Palatales. . . .
c
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»
»
»
y
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Ih
Linguales . . .
»
»
B
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iV
»
9
»
Dentales
i
à
»
»
s
z
n
l
!-abiales ....
V
b
»
•
»
V, w
m
»
(1) L. Adam, L'harmonie vocalicpic Paris, Maisonneuve, 1874.
— 5 —
Le matériel consonnantique de l'innok n'est pas à
beaucoup près aussi riche que ce tableau le ferait sup-
poser au premier abord ; pluiiieurs des articulations qui
y sont indiquées, notamment la plupar? des spirantes, se
présentent si rarement qu'on pourrait les négliger sans
cesser d'être exact.
Mais ce qui frappe dans ce tableau, au moins autant
que l'abondance des consonnes, c'est leur inégale réparti-
tion entre les divers ordres : défaut de momentanées
aspirées, richesse de la classe des gutturales et de celle
des dentales, étonnante indigence de celle des linguales,
enfin bizarre classification des vibrantes, où manque Vr
lingual et où Vr guttural et VI palatal constituent une
singularité caractéristique du langage innok. Abordons les
détails. . '^
A. Momentanées. — Les non-aspirées n'offrent aucune
difficulté, sauf les palatales : r est le c croate ou c italien
devant les voyelles faibles; fjesi\ej anglais ou djim arabe.
Le P. Petitot nous avertit « qu'il faut prononcer ces deux
consonnes les dents serrées, comme sons mixtes entre
tch et ^5, ctj et dz », en sorte qu'elles rentreraient peut-
être aussi bien dans la classe des linguales que dans celle
des palatales. '
Il n'existe qu'une seule momentanée aspirée, une
sonore, gh {g' du P. Petitot), et encore cette transcrip-
tion n'est-elle peut-être pas fort exacte pour désigner
le g accompagné d'une aspiration laryngale qui, lors-
qu'elle est isolée, est rendue par x et dont il va être
question.
B. Spirantes. — La gutturale sourde h est fortement
aspirée, mais très-rare. Plus rare encore est la sonore x,
,--**■
- 6
quî semble n'avoir d'autre fonction que de s'unir au g ou
à IV pour les transformer en gutluralisalions profondes.
Cette double affinité permet, je crois, de rapprocher le x
innok du ai/n arabe, qui est aussi une laryngale sonore, et
qui, par reniorcement, a engendré le rhayn, sorte de gh
ou rh fortement grasseyé. Je reviendrai plus loin sur ce.tle
assimilation. . ,
11 n'y a rien à dire des autres spiranles : la palatale //
est le /' allemand ; la linguale s, le s croate ; elle est
très-rare, ainsi que les deux dentales, surtout la sonore ;
enfin v et iv, rares aussi, ont respectivement la même
valeur qu'en anglais. . - ..;'--
C. Nasales. — La seule nasale qui requière quelque
développement est la gutturale l'i, ng allemand, saghyr
noim des Ottomans ; elle ne se présente jamais qu'après
une voyelle nasale et paraît, dans la plupart des cas,
comme le saghy noiin, provenir d'un h primitif adouci.
C'est du moins ce qu'on pourrait induire de nombreux
exemples, tels que celui-ci : nuna, terre, mina-k, deux
terres, avec l'affixe locatif mé, devrait faire nuna-L-mé,
dans les deux terres, tandis que la forme usuelle est
nunà-oï-mé. Cette hypothèse est d'autant plus plausible
qu'il est constant que k final s'adoucit en g devant
l'affixe possessif (v. g. cikHk, marmotte ; Cikcig-a, sa
marmotte) : il n'y aurait dès lors rien d'étonnant à ce qu'il
subît, dans certaines circonstances, un second degré
d'affaiblissement en n guttural nasalisant la voyelle précé-
dente. L'analogie de l'ottoman montre que ce processus
phonétique n'a rien d'anormal.
D. Vibrantes. — Cet ordre comprend un r et deux l.
m dental est le nôtrî. Le palatal doit, si je comprends
i<
i
\
:!
— 7 —
bien la description qu'en donne l'auteur, présenter une
certaine analogie avec VI dur des langues slaves, l barré
des Polonais, l russe devant les voyelles fortes ; il s obtient
de même, en contournant la langue dans la bouche; il est
I» d'ailleurs fort rare.
L'r lingual manque. L'r guttural, semblable au rhayn
des Arabes, lient sa place. Il est très-fréquent ; on le
rencontre souvent isolé, plus souvent encore lié avec le k,
qu'il précède ou qu'il suit. Cette circonstance, jointe à la
possibilité de renforcer cette gutturale par l'adjonction de
l'aspiration sonore représentée par x (assemblage qui
sera transcrit rh), est de nature à faire supposer que cet
r n'est autre chose qu'une variation dialectale, un simple
renforcement que l'idiome des Tchiglit fait subir à un /c
primitif. Cette hypothèse, que je hasarde avec réserve, se
corrobore de divers faits aisément observables, savoir :
1® L'extrême facilité avec laquelle les deux consonnes k
et r, accolées l'une à l'autre, soit dans les affixes, soit
même dans le thème, se fondent en une seule sans raison
apparente, par un simple adoucissement de prononcia-
tion : V. g. (disparition de l'r) tiipè-rkr, tente, plur. tup-
kréit ; (disparition du A) nérkrè, viande ; nérrè-yoark, il
- mange.
2» L'attraction qu'exercent au contraire l'une sur l'autre
ces deux gutturales, de telle manière que parfois la pré-
sence du k dans une désinence y appelle Vr, alors que
grammaticalement ce dernier est épenthétique : uyarak,
pierre, plur. uyark-rat, au lieu de uyark-at.
3» L'identité de fonction des quatre gutturales, dont
l'une ou l'autre, à l'exclusion de toute autre consonne,
est caractéristique de l'affixe possessif de la première per-
— 8 —
sonne du singulier. Ainsi : omân, cœur, omat-iga, mon
cœur ; umit, barbe, umit-ka ; awk, sang, awk-âna ; amè,
femme, arna-ra.
4« Comme le k s'adoucit en g, ainsi IV peut par-
fois subir ce même affaiblissement, même dans les
thèmes : a§im-rk, main, plur. a^iga-it. Le renforcement
inverse se renconlrej^également : kigut, dent, plur. kirut-it.
5» La phonétique comparée des divers dialectes achè-
verait sans doute d'établir le caractère non primitif de
Vr des Tchiglit : c'est ainsi que leur mot « lampe », kro-
lèrk, est, chez les Innoit du Gronland, kotliik, et chez
ceux de la baie d'Hudson, kidlek. Si ces trois mots pro-
viennent d'une forme commune, ce qui est fort probable,
on voit que celui des Tchiglit contient deux vibrantes
gutturales qui lui sont exclusivement propres. Mais je ne
dois pas insister sur ce dernier argument, dont je ne suis
pas en mesure de contrôler la valeur.
Chez les Arabes, qui possèdent aussi Vr guttural, arti-
culation très-rare dans les diverses langues des hommes,
cet r n'est pas non plus primitif. Le ayin sémitique, aspi-
ration sonore comme Vx des Innoit, a engendré en se
renforçant une sorte de gh qu'une nouvelle évolution
phonétique a transformé en rh guttural et grasseyé.
D'autre part, le kheth sémitique, hhé arabe, s'est adjoint en
se renforçant une sorte d'r^ de manière que le khé des
Arabes de l'Afrique se prononce presque comme khr.
Preuves manifestes de la tendance des gutturales pro-
fondes à se renforcer par un r épenthétique et de la
possibilité d'une semblable évolution chez les în loit.
De ces considérations, il résulterait : l» que 'innok,
analogue en ce point au chinois et à plusieurs langues
é
A
- 9 — '" "■;'
polynésiennes, ne posséderait point dV; 2» que l'évolu-
tion de ses deux gutturales primitives pourrait, jusqu'à
plus ample informé, être représentée par le tableau suivant,
dont les recherches postérieures éclairciront les points
douteux:
Primillte.. > V \_Mm»emnU. Renforcement,.
• î * J^ " • r rh,kr
De ce court aperçu de la phonétique de l'innok, il ne
me paraît se dégager aucun caractère particulier d'aûinité
avec la famille ouralo-altaïque.
Section II. — Morphologie. 1
Dans l'impossibilité absolue où nous nous trouvons de
remonter aux éléments radicaux d'une langue à peine
connue, i .us devons nous borner à prendre pour points de
départ les thèmes les plus simples, dits par hypothèse
thèmes primaires, et à descendre d'agglutinations en agglu-
tinations jusqu^aux formes les plus compliquées.
§ 1er. — Thèmes primaires.
Les thèmes primaires, rarement monosyllabiques, comme
awk, sang; kw% rivière, so, t ordinairement dissylla-
biques et terminés, soit par une voyelle, soit par l'une
des gutturalisations r, rk, k, kr (1). Ils ont tous un sens
(1) Il y a d'autres désinences, mais fort rares, et l'on peut poser en
règle générale que jamais un de ces thèmes simples ne se termine par
une momentanée sonore, ni par une spiranle, ni par une vibrante
autre que r.
10 —
nominal : nwnfl, terre ; iglii, maison ; innok, homme ;
talèrk, bras, etc.
Mais si l'on examine de plus près cette gutturalisation
finale, on s'aperçoit de l'étonnante facilité avec laquelle
elle disparaît dans bien des cas en présence des affixes.
Quand, de Vr et du k ainsi accolés, l'un vient à tomber
et l'autre demeure, ce peut n'être qu'un phénomène
purement phonique, qu'on a tenté d'expliquer plus haut ;
mais que dire quand la gutturalisation tout entière s'efface
sans laisser de trace? Et ici les exemples abondent : inno-k,
homme, plur. inno-it; kraléyua-rk, livre, plur. Icraiéytia-t ;
uhlu-rk, jour, plur. ubhi-t.
L'hypothèse la plus simple qui se présente immédiate-
ment à l'esprit, c'est que les thèmes de ces noms sont
respectivement inno, kraléyua, iiblu^ et que le k ou rk
qui les affecte au nominatif singulier n'est qu'un thème
démonstratif affixé, destiné à leur donner un sens nomi-
nal. Ainsi, Ys final indo-européen transforme en noms
des thèmes qui, autrement, ne sauraient jouer aucun rôle
dans la phrase. La seule différence entre les deux
langues, c'est que l'indo-européen use toujours et obli-
gatoirement de ce procédé, tandis que l'innok emploie
parfois le thème brut et sans affixe comme sujet de la
phrase. ^v: '
Il est toutefois des cas où l'une au nioi'^.s des deux
gutturales persiste au pluriel ou devant les affixes de
relation ; alors la gutturalisation finale semble bien faire
partie du thème : v. g. ikargork, falaise ; plur. ikar-
gorui, thème e7ca?'gror- (?). D'autres fois la désinence guttu-
rale disparaît devant certains affixes et persiste devant
d'autres : innok, plur. mnoit, mais innok-tay son homme.
i>
i
u
Ces cas sont embarrassants et feraient supposer que,
dans cette langue insensiblement corrompue, faute de
grammaire et de littéralure, l'aftixe nominal soudé au
thème a fini par être confondu avec lui et pris pour une
partie intégrante du nom (4). Mais lorsqu'on voit la guttu-*
raie finale tomber régulièrement devant presque tous les
affixes, tandis que les autres consonnes finales subsistent,
on ne peut s'empêcher de songer à une formation ana-
logue à celle de l'indo-européen : akva, cheval, akva-s,
h cheval ; iibhi-, jour, iihlu-rk, le jour. La ressemblance
de ce thème démonstratif rk de l'innok avec celui du
nahuatl tl est encore plus frappante : tous deux se
retranchent déviant les affixes; comme l'un est entièrement
guttural, ainsi l'autre est entièrement dental, et enfin tous
deux se composent d'une momentanée et d'une vibrante,
mais différemment disposées. < ;
Pénétrons plus avant dans la morphologie de l'innok :
nous y verrons que, dans la conjugaison des verbes, cette
même gutturalisation rk est l'indice régulier de la troi-
sième personne du singulier. C'est donc bien là un thème
démonstratif comparable à celui de l'indo-européen sa ou
ta, qui sert à la fois à la formation du nominatif des
noms et à la conjugaison des verbes : afct'a-sa (d'où ukvas),
le cheval ; bhar-a-sa (d'où bharasi), tu portes ; bhar-a-ta
(d'où bharati), il porte, etc. Eien plus, pour rendre ce
fait plus palpable, il ne manque pas en innok de forma-
(1) On sait que uolre langue cultivée et lettrée présente des ano-
malies du même genre, le thème démonstratif (article) qui précède le
nom finissant par faire corps avec lui : le Herre pour Vhierre, le len-
demain pour l'en demain; et les patois nous en fourniraient bien
à autres.
•■ : __ 12 ~ ■.'-■
lions secondaires en r/c, qui remplissent à volonté la
fonction de substantif et de troisième personne du singu-
lier du verbe : vaviliortoark, forgeron, il forge ; itkralèr-
kréyoark, pécheur, il pêche, etc. Une donnée aussi hypo-
Ihétiquene saurait comporter un plus long développement,
mais l'étude morphologique qui va suivre tendra peut-être
à la corroborer.
_ , • ' s
,- - .. '■/■-'■'' '"'''
§ 2. — AJ fixes numéraux.
L'indice invariable du duel est A; ; celui du pluriel est
/. On observera, comme un exemple curieux de logique
du langage, que la désinence du nom du nombre 4 est
celle d'un nominatif singulier (ataoéirkr), que celle du
nombre 2 est k (aypak, mallùrok), et que tous les autres
noms de nombre se terminent en /.
Le terme qui signifie « plusieurs, un grand nombre »,
est xiwil. Le t plural provient-il d'une agglutination con-
tractée du thème singulier avec ce mot (1) ? ou celui-ci
n'est-il lui-même que la forme plurielle d'un thème sin-
gulier disparu? C'est ce que, pour cause, je m'abstiendrai
de décider.
Si les affixes k et t sont absolument invariables comme
indices des nombres, il n'en est pas ainsi de la manière
dont ils s'agglutinent au thème : les pluriels et les duels
revêtent les formes les plus diverses et les plus désespé-
rantes pour qui chercherait à les ramener à un type
unique. Tantôt les indices se suffixent purement et simple-
ment au thème du nom : imna, terre, nuna-k, nuna-t ;
' (1) En sorte que, par exemple, ublu-t, les jours, serait une compo-
sition emboîtante pour mWu-uwiÏ. i:::...u.s:.:-..,--^:^4^^->-^'.'^-'
k
— 13 - '
érrè~rk, montagne, érrè-k, érrè-t. Tantôt ils empruntent
le secours d'une voyelle euphonique, devant laquelle la
voyelle finale du thème peut subsister, se modifier ou
même disparaître : arnèy femme, arné-ik, arné-it ; ciglè-
rk (nom de leur tribu), plur. cigl-it. Parfois la gutturali-
sation rk, qui nous a semblé être l'indice du nominatif
singulier, se maintient au pluriel en tout ou en partie, et
tout une syllabe épenthétique vient se placer entre elle
et l'afiixe du nombre : iglè-rk, lit, iglè-rk-li-k. Enfin,
quand le thème singulier se termine par une gutturale,
celle-ci peut s'affaiblir ou se renforcer suivant le cycle de
permutations qui a été établi dans la phonétique. On se
perd dans un labyrinthe d'anomalies.
Pourtant, lorsqu'on sera parvenu, [)ar la comparaison
du tchiglerk avec les autres dialectes innoit, à isoler avec
certitude les thèmes piimaires de leurs affixes nominaux,
on découvrira probablement que ces nombreuses irrégula-
rités sont dues à des intercalations euphoniques, dont il
sera dès lors possible de trouver la loi.
§ 3. — Affixes de relation.
L'innok est une langue puissamment agglutinante, et
toutes les relations qui affectent le nom y sont exprimées
par des postpositions, dont l'énumération sérail, inutile et
fastidieuse. Il suffira de faire connaître ici les plus usuelles,
c'est-à-dire celles qui correspondent aux relations casuelles
des langues flexives.
1" La relation active (cas nominatif) a pour indice, on
Ta vu, une désinence gutturale, mais cette règle n'est pas
absolue, puisque .lombre de thèmes bruts jouent le rôle
if.
t
-.1
■i
'' '..-■■>■""
' ■■^- -14-
(ie noms. En ce cas, le sujet de la proposition se distingue
par un procédé qui ne relève que de la syntaxe : il précède .
toujours le verbe.
2« La relation passive (accusatif) a pour caractéristique
la syllabe mik, mnik, suffixée au thème, soit directe-
ment, soit par l'intermédiaire de voyelles ou consonnes
euphoniques. V. g. sing. nnna, terre, nima-mik ; duel
nuna-k, nunà-ù-mik, par' affaiblissement du k en n ;
plur. nima-t, niina-g-mik, forme où la permutation de la
dentale en gutturale me paraît inexplicable. Au reste, les
formes plurielles sont presque toutes fort irrégulières ; les
formes duelles s'expliquent au contraire très-aisément par
la permutation de k en n, qui se produit à tous les cas, sauf
au génitif.
3" La relation possessive (génitif) s'exprime par une
double suffixation : l'une au nom du possesseur, l'autre à
celui de l'objet possédé. C'est un procédé fort simple,
que connaissent aussi les langues ouralo-altaïques ; par
exemple : le lard de renne, tuktu-b orkcor-a, littérale-
ment tuktu, renne, b (aftixe), orkcor-k, graisse, a (affixe),
« renne de lard sien », comme diraient aussi les Basques.
Nous retrouverons l'affixe de l'objet possédé parmi les
possessifs proprement dits. Celui du possesseur, qui
correspond au génitif des langues flexives, est au singu-
lier une des quatre labiales m, b, p, v, qui s'agglutine au
thème pur : nuna, nuna-m ; inno-k, inno-m. Au duel, le
k du nominatif se renforce en r ou s'affaiblit en g, peut-
être en se fondant avec la labiale dure ou douce qui
vient s'y affixer : ainsi nuna-g serait pour nuna-k-m;
nuna-r pour mma-k-p (?). Quant au génitif pluriel, il
présente tant d'anomalies qu'il faut renoncer à l'analyser.
«:.
— 15 —
4^ La relation locative a pour indice une nasale suivie
de é ou î, me, mi, né,, ni. Ces affixes se substituent les
uns aux autres suivant des règles assez arbit;aires et sans
doute purement euphoniques.
Le propre de l'innok, comme de toutes les langues
dénuées de précision, enfantines et grossières, c'est de
posséder un grand nombre d'aftixes pour désigner la
même relation. Il en est ainsi du locatif et des cas sui-
vants, dont je me borne à indiquer les désinences les plus
communes.
5" Illatif : nun, mit, nulu. * ;
6» Ablatif : luin, niu, mêâmin.
7» Instrumental : nik, minik.
On remarquera le rôle important que jouent les nasales
dans les affixes de relation.
Je donne maintenant, à titre d'exemple, l'une des
déclinaisons citées par le P. Petitot. Je me plais à croire
qu'elle est une des plus irrégulières de la langue ;
autrement il faudrait désespérer d'y jamais rien com-
prendre.
Duel.
tnparkr.
tupânmik.
tupar.
tvpdnné.
tupdimun.
tupànnin. tupèrmin. /
tupânnik. ' ' '
Sinjjulier.
Nom.
tiipèrkr.
Ace.
tiipèrmik.
Gén.
turkib.
Loc.
iupèrmé.
lil.
îupèrmun.
Abl.
tupèrmin.
iDStr.
tupèrminik.
Plurie!.
lupkréit.
turkit.
turket.
turkimné.
tupèrmnn.
tupèrmin.
turkimnik.
Je ne chercherai pas à expliquer cette série de formes
dont le disparate déconcerte toute analyse et qui semblent
se rapporter successivement à des thèmes tiipèr-, tupkré-,
turk-. Mais, jusque dans ces permutations capricieuses, il
^i
f
— 16 —
y a une ombre de régularité, et peut-être parviendrions-
nous à la dégager si nous possédions un nombre suffisant
de paradigmes de déclinaisons que nous pussions comparer
entre eux.
§ 4'. — Pronoms et af fixes possessifs.
11 ne faut qu'énumérer les pronoms personnels, dont
l'emploi est nécessairement bien restreint dans une langue
riche comme l'innok en conjugaisons objectives, mais dont
la connaissance est nécessaire à l'analyse de ces conjugai-
sons elles-mêmes.
Singulier.
Dnel.
Pluriel.
1" personne.
uvâa.
uvaruk.
uvarut
2e personne.
illuit.
illiptik.
illipli.
orna,
tabioma.
okkoak.
okkoa.
y*- personne.
tapkoajc.
tapkoa
Toutefois ces deux derniers mots, employés pour dési-
gner, l'un une personne présente, l'autre un absent, ne
paraissent pas être des pronoms proprement dits, mais
des noms usités pronominalement. Tandis, en effet, que
les pronoms de la première et de la deuxième personne
s'agglutinent en forme abrégée au thème verbal et sont
presque toujours parfaitement reconnaissables dans la
conjugaison, la caractéristique de la troisième personne
est la finale rk, qui provient sans doute d'un thème
démonstratif disparu, sans rapport possible avec orna.
Le duel et le pluriel des deux premiers pronoms, sans
être parfaitement réguliers, n'offrent point d'anomalie cho-
quante. Quant aux affixes de relation, ils sont les mêmes
que pour les noms. ^ -
'•
l
il-
- 47 —
Le pronom personnel devient affixe possessi en s'agglu-
'tinant en forme très-abrégée, parfois même méconnais-
sable, au nom de l'objet possédé. Les noms ainsi pourvus
d'affixes possessifs peuvent d'ailleurs être affectés d'une
double relation duelle ou plurielle, suivant que, soit le
pos!:',esseur, soit l'objet possédé, est unique, double ou
multiple. C'est ce que le schème suivant représentera par
les lettres S, D ou P pour l'objet possédé, S', D' ou P'
pour le possesseur.
nuna
nuna-k
nuna-t
L'affixe possessif de la première personne du singulier
est, comme on le voit, un a précédé ordinairement d'une
gutturale. Cela posé, l'analyse des formes qui précèdent
n'offre pas de difficulté sérieuse. On peut en dire autant
des suivantes :
2« personne {indice n).
S S' nuna-an (nundn),
S D' nuna-rtik,
S P' nuna- r ci,
D S' nuna-k-lin,
D D' nuna-r-igtik,
D P' nuna-r-icé,
P S' nnna-t-in,
P D' nuna-t-icik,
P P' nuna-t-ikH,
Z* personne (indice a).
nuna-a.
nuna-ak.
nuna-at.
nuna-dk.
nuna-g-ak.
nuno'g-at.
tiuna-ât.
nuna-ik.
nuna-it.
I I
i !
S S'
ma terre,
nuna-ra.
SD'
la terre de nous deux,
nuna-rivuk.
1 >
' !
SP'
la terre de nous plusieurs.
nuna-rivîit.
• ' il-
DS'
mes deux terres.
nuna-g-a.
, i '
DD'
les deux terres de nous deux,
nuna-r-hvnk.
1 -
DP'
les deux terres de nous plusieurs.
nuna-r-iwut.
f
PS'
mes terres,
nnna-l-ka.
I
(
1 «
PD'
les terres de nous deux,
nuna-t-iwuk.
' (
pp.
les terres de nous plusieurs.
nuna-t-iivut.
. . ii,
I l'î
i
m
_ 18 —
La forme D S' de la troisième personne devrait être
nuna-g-a ; mais elle se confondrait ainsi avec la forme
D S' de la première personne. Faut-il voir là un phéno-
mène de dissiinilalion? (juant aux trois dernières formes,
qui devraient être respectivement nunu-i-a, -t-ak, -l-at,
je les considère comme inexplicables. A part ces excep-
tions, il régne dans les combinaisons possessives une
remarquable régularité. Toutefois il s'en faut de beau-
coup qu'elles présentent toujours la clarté de ce para-
digme ; les mêmes lois, euphoniques ou autres, qui
régissent la déclinaison, se rencontrent ici et engendrent
des complications dans le détail desquelles je dois m'abs-
tenir d'entrer.
il va sans dire que les affixes de relation qui s'agglu-
tinent au thème nominal afïectent également le nom
pourvu du suffixe possessif, et qu'on peut dire en un
seul mol, en innok comme dans les langues ouralo-altaï-
ques, comme dans les idiomes agglutinants en général :
« dans ma maison, sous les deux lentes de vous deux,
avec les nombreuses baïques d'eux plusieurs (1) », etc. Des
constructions bien plus complexes encore nous attendent
à la fin de cette étude.
§ 5. — Thèmes verbaux.
y
Tout thème primaire peut jouer le rôle de thème
verbal en s'adjoignant les suffixes de conjugaison, qui
sont de trois sortes : temporaux, modaux et personnels.
Ainsi le mot nérkrè, chair, est le thème du verbe « man-
(I) Théoriquement: iglo-ra-mi, tupâ-n-igtik-atânf umia-t-it-minik.
\ I
•■^Js-J}J/.
.;>'(:
— 19 -
ger » : impératif nérrb-n, mange ; présent de l'indicatif
nérrè-yoark, il mange, décomposable, comme on va le
voir, en nérrè, thème ; y, indice du présent ; o, indice de
l'indicatif, et ik, ark, thème démonstratif, iudice de la
troisième personne du singulier. De même immè- est à la
fois le thème du nom immè-rk, eau, et du verbe imniè-
rloark, il boit. On pourrait multiplier les exemples de ce
procédé morpho'ogiqi ^, qui d'ailleurs n'a rien que de
parfaitement normal.
Plus nombreux encore sont les thèmes verbaux dérivés
au moyen d'aflixes de diverse nature, qui s'ajoutent au
thème primaire : apâ, père ; apa-ri-, thème du verbe
« être :^ère » {apariyoark, il est père) ; — iglu, maison ;
iglii-li', bâtir (ighditoark) ; — immè-rk, eau ; immè-rko-,
couler (immèrkoktoark) ; — innii-lik, spectre ; innu-lik-
ciij-, évoquer des spectres, etc. Ce n'est pas ici le lieu
d'examiner la valeur fonctionnelle de ces affixes, qui,
pour quelques-uns du moins, est fort obscure. Il suffit de
constater que tout thème primaire, ou même toute forma-
tion secondaire, comme innu-lik, dérivé de inno-k, peut,
en se les agglutinant, se tranformer en verbe et recevoir
les suffixes de conjugaison.
Etant donné maintenant un thème verbal, soit primaire
comme nérrè-, soit secondaire comme igluli-, soit tertiaire
comme innuUkcùj-, examinons les diverses modaUtés qui
peuvent l'affecter.
■ -:4
§ 6. — Modes et temps.
L'affixe temporal se joint immédiatement au thème
du verbe, puis vient l'indice modal que suit la désinence
— 20 —
personnelle. Mais comme l'affixe propre à chaque temps
éprouve des variations suivant le mode auquel on l'em-
ploie, il est nécessaire de bien se fixer sur la nature
de l'indice modal avant d'entreprendre toute autre déter-
mination.
Le verbe innok possède se|it modes.
I. Indicatif (1). — A tous les temps de l'indicatif, sauf
un, l'analyse phonétique permet de reconnaître l'exis-
tence d'un 0 précédant la désinence personnelle oa se
fondant avec elle. En aucun autre mode, sauf en un temps
de l'interrogatif, cet o ne se retrouve. Y a-t-il là une
présomption suffisante pour considérer cette voyelle comme
l'indice modal de l'indicatif? Je le crois, et j'espère que
ceux qui liront les explications qui vont suivre partageront
ma conviction.
Je me hâte d'ajouter, pour n'être point taxé d'inexacti-
tude, que cet o n'est point constant. A la première per-
sonne du singulier il se nasalise en ô, permutation qui
s'explique aisément par l'agglutination abrégée du pronom
nasal uvâa. A d'autres personnes il permute souvent en u,
changement purement phonique et tout à fait insignifiant
pour qui a observé l'étroite parenté, j'allais dire l'identité
de ces deux sons en innok.
L'indicatif comprend six temps : un présent, trois passés
et deux futurs. "
1» Présent. Je mange, nérrè-y-ô-a ; je bâtis, igluli-
t'ô-a, etc. L'indice du présent est ordinairement la con-
sonne y ou /, placée entre le thème et l'indice modal.
(1) Il ne sera question ici que des verbes les plus communs, dits
réguliers. Je traite des autres dans le § 7.
il
•' 1
- 21 —
Parfois le t se complique d'une gulturalisalion qui le lie
au thème kt, ri, rkt. Parfois l'intlice temporal semble
manquer, par exemple dans les verbes formés au moyen
de rafdxc ci{/ : inmdikriij'ô-a ; mais ici il est facile
de restituer la palatale y qui s'est fondue dans la pala-
talisation précédente {j. Somme toute, on peut considérer
y ou t comme l'indice invariable du présent dans les
verbes réguliers. -
2° Passé immédiat. Je viens de manger, nérrè-manikt-
o-a. La caractéristique est le suffixe manikt- suivi de
l'indice modal.
3» Passé défini. Je mangeai, nérrè-yot-ka. Ici manque
l'indice o ; mais aussi celte forme n'apparlient-elle pas à
proprement parler au mode indicatif, comme le prouve
bien le suffixe personnel ka, qui s'y agglutine et qui
n'est pas un affixe de conjugaison, mais un affixe possessif.
On retrouvera ce nérrè-yot- parmi les gérondifs et parti-
cipes; il signifie « ayant mangé », et c'est par extension
de sens que, de l'acception « moi ayant mangé », le mot
nérrèyotka a pu passer à celle de l'indicatif « je mangeai ».
4» Passé indéfini. J'ai mangé, néirè-luarl-û-a. Caracté-
ristique : /i/ar^; indice modal 0.
5" Futur immédiat. Je vais manger, nérrè-yéarht-û-a.
Indice du temps yéarkt-.
6° Futur indéfini. Je mangerai, nérrè-néart-ô-a. Indice
temporal néart- ; indice modal o.
Ainsi, à tous les temps de l'indicatif, sauf une exception
qui n'est qu'apparente, on trouve cette voyelle o précé-
dant l'affixe personnel; nulle part ailleurs, sauf en un temps
de l'interrogalif, on ne la rencontrera. Dès lors ce doit
être là l'indice du mode.
1* i
- 22 —
Quoi qu'il en soit des autres modes, on observera sur
celui-ci, le moins rebelle à l'analyse, que les alïixes de
conjugaison suivent le Ibème dans l'ordre que voici :
temporal, modal, personnel; autrement dit, que le schéme
de la conjugaison innok est T + t + m + p. C'est aussi
celui de la conjugaison indu-européenne : hhar-a-ja-mi
(optatif), grec yc/jotpu, donne à l'analyse hliar, thème verbal;
a, signe du présent ; ja, signe de l'optatif ; mi, affixe de
la première personne du singulier. Tel ne me parait pas
être l'ordre dans lequel se présentent les affixes de con-
jugaison des langues ouralo-altaïques : soit, par exemple,
en ottoman, le nécessitatif du vorbe baq-muq, voir; présent
baqrnaloû-my passé baq-malou-id-im. Le scbème de celle
dernière agglutination est T + m + t + p. Ces dilïerences
syntactiques me semblent d'une haute valeur quand on
discute la question de savoir si deux idiomes remontent à
une origine commune.
II. Interrogatif. — Ce mode n'a point de présent,
mais trois passés et un futur. Aucun de ces temps n'a
de première personne. Bien que les indices de conju-
gaison ne s'y présentent pas avec la même netteté que
dans l'indicatif, on peut considérer comme caractéristique
modale la consonne labiale /; ou v suivie d'une voyelle.
C'est du moins ce qui résulterait de l'analyse de toutes les
formes du mode, moins la première.
lo Passé immédiat. As-tu fini de manger? ncrrè-léral'
u-lin. Cette forme, par analogie de celles de l'indicatif,
indiquerait une forme thématique -léral-o- ; indice tem-
poral levai- (comparer l'indice du passé indéfini de l'indi-
catif luarl') ; indice modal o. Pourquoi ce temps est
pourvu de l'indice de l'indicatif et manque de celui de
— 23 -
l'intcrrogalif, c'est ce que je ne saurais môme tenter d'ex-
pliquer. L'anomalie est grave s;''is cloute, et de nature à
jeler quoique incerlilude sur le résultat de nos analyses.
2» Passé indéfini. As-tu manj^é ? nérrc-vé-it ; avez-vous
mangé? iiérrc-v-iéi ; a-t-il mangé? nénè-pè-rlut ; ont-ils
mangé? ncirè-pè-rkel. Formiition [U'ohable : lliénie -|- syl-
labe labiale indice du mode + affixe personnel. Point
d'indice temporal.
3» Passé défini. Mangeas-tu? nérrè-laor-vé-it. Même
composition, avec insertion après le tlième de l'indice
temporal laor-, le môme peut-être que celui du passé de
l'indicatif laarl-. '
A° Futur. \euxAuYii:in^evl nérrè-ymdour-pn'tin ; veut-
il manger? nérrè-yuaUiar-pa-k. Décomposable en: lliéme
+ yualoar (cpr. à rindicaliC yéurkl), inilice du tem|)s
+ pu, syllabe labiale indice du mode + allixe personnel.
m. Négatif. — L'indice de ce mode consiste dans
l'insertion d'une négation cuit, uikt, entre l'indice tem-
poral et l'indice modal des formes de l'indicatif. Ainsi, de
la forme tbémalique nérrè-y-o, on lire le tbème négatif
nérrè-yiiikt-o-, en conjugaison nérrèyiiiktoa ; je ne mange
pc3, nérrèyuiktudn, etc.
Le P. Pelilot rapproche cet infixe'négaiif de la négation
usitée en innok, cuilor, non. Ce rapprochement me paraît
aussi parfaitement légitime.
Le négatif a probablem.ent les mômes temps que l'indica-
tif, temps dont l'analyse, à supposer que nous en possédions
les formes, ne nous apprendrait sans doute rien de nouveau.
IV. Impératif. — Un seul temps. Exemples : nérrè-n,
mange ; nérrè-g-itik, nérrè-g-ici, mangez. Cette forme est
la plus commune, mais non la seule usitée.
■ - ■ ■' __ 24 — -'...■
V. Prohibitif. — Ce mode est à l'impératif ce que le
négatif est à l'indicatif; il se forme donc au moyen ie
l'infixé uikt, mais il a des désinences peu régulières.
Parfois il est le résultat d'une agglutination tout à fait
indécomposable, comme nérrèvânùret, ne mange pas,
que le P. Petitot traduit analytiquement par « je ne veux
pas que tu manges », en admettant que vânùr- est mis
pour pinnâa, je ne veux pas (?).
VI. Participes. — Présent. En mangeant, nérrè-khmè.
Ce klunè est une postposition locative : inark, côté ;
inarklunè, sur le côté. Ncrrè-klunè signifie donc « dans le
manger », et peut jouer dans la phrase le rôle d'adjectif
ou d'adverbe. C'est ainsi, en effet, que les Innoit forment
leurs adverbes ; l'adjectif innok n'est autre chose que la
troisième personne du singulier du présent de l'indicatif
d'un verbe ; nakoyork, bon, signifie aussi « il est bon »,
et de ce thème secondaire dérive l'adverbe nakoyorklunè,
bien, analytiquement « dans le être bc^i ».
Passé. Ayant mangé, nérrè-yot-ka. On a vu la double
fonction, adjective ou verbale, que peut r'^mplir ce temps :
je mangeai, nérrè-yot-ka ; moi qui ai mangé, nérrè-yol-ka ;
de moi qui ai mangé, nérre-yot-ka-ni, forme semblable à
celles que présente parfois le vieux dravidien, sârndaykku,
à loi qui t'es approché.
VII. Nom VERBAL. — Le manger, l'action de manger,
nérrè-nèrk, se déclinant comme les participes.
§ 7. — Conjugaisons ordinaires.
Je donne d'abord le paradigme de la conjugaison régu-
lière, c'est-à-dire de la conjugaison des temps dont le
thème finit en o permutant avec u.
25 —
ANALYSE.
FORME APOCOPEE.
S. 1.
nérrè-y-
o-uvna.
nérrèy-ôa.
2.
—
-illuit.
— -utin.
3.
—
-? rk.
— -oark.
D. 1.
—
-uvaruk.
— -ovuk.
2.
—
-illiptik.
— -otik.
3,
—
-? k.
— -ul.
P. 1.
—
-uvarut.
— -orvut.
2.
—
-iWpH.
— -orci.
3.
—
-? t.
— -ut.
Le parallélisme entre les formes des pronoms per-
sonnels et les désinences verbales esi. frappant, sauf pour
les troisièmes personnes, où nous ne restituons que, par
hypothèse, les thèmes démonstratifs rk, k, t. On remar-
quera en même temps que les affixes de conjugaison régu-
lière diffèrent sensiblement des affixes possessifs, lesquels
sont pourtant aussi dérivés des pronoms personnels.
Soumettons maintenant à l'analyse les formes irrégu-
lières, c'est-à-dire celles qui n'ont pas la troisième personne
du singulier en oark, uark, et qu'on ne peut par consé-
quent faire rentrer à première vue dans le cadre des
verbes qui ont le thème de l'indicatif en o.
lo kapiyork.
2» nalugapcarklunè.
3°
aypariluyo.
Il perce.
Il agit sans réflexion.
II
accompagne
S. 1. icapiy-ôa.
nalugapcarklôa.
ayparilôa.
2. — -utin.
—
Mutin.
— lutin.
3. — -ork.
—
klunè.
— lugo.
D. 1. — -ovuk.
—
klunuk.
— lunuk
2. — -otik.
—
kluniki
— lunik.
3. — -uk.
—
klutik.
— lutik.
P. i. — -ovut.
—
kluta.
— luta.
2. — -oôi.
—
kluld.
- lutu.
8. -" -ut.
—
klulit. :
— lutu.
I! 4h
^ \ - ' ■ ■: . ' — 26 —
Le premier paradigme montre que les verbes dils en
ork ne différent pas en réalité des verbes en oark et ont par
conséquent le même tbcme de conjugaison.
Le deuxième paradigme (verbes en klunè) ne nous
embarrassera guère. Celte terminaison klunè nous indique
que nous avons atTaire à un participe présenL conjugué au
moyen d'alfixes personnels, autrement dit à une conju-
gaison périphrastique : nalugapcarklôa, par exemple,
équivaut à nalugapcarkhmè iivila, je (suis) dans le agir
inconsidérément, et amsi des autres personnes, l'affixe
personnel ne manquant qu'à la troisième personne du
singulier. Ce n'est pas audeinenl que se conjugue le
verbe basque, et c'est de même que les Anglais disent
/ am a-fulling, je suis dans le tomber, je tombe. D'après
cela, le thème de ce verbe est nalugapcar, et le thème
restitué du présent de l'indicatif non périphrastique serait
nahigapcar-t-o. Nous voici encore en présence d'un thème
indicatif en o.
La forme en lugo, iigo, n'est pas aussi claire que la
précédente. Toutefois la parfaite ressemblance de ses dési-
nences avec celles de l'autre doit nous amener à penser
que lugo est, comme klunè, une sorte de postposition
transformant le verbe en gérondif ou participe, et que cette
conjugaison est également périphrastique.
La curieuse irrégularité des deux premières personnes
du pluriel, dans ces deux paradigmes, fait tache en pré-
sence de la parfaite régularité de toutes les autres : elle ne
peut guère s'expliquer que par une dégradation des formes
primitives. - ,,...,
iMais d'autres irrégularités nous attendent.
\
i
27 —
1*' nalugark.
2» nalùiigUa.
3° akitilik.
Il jette du feu.
Il le devine.
Il repose sa tôte
S. 1. naluga-ra.
nalôngit-ara.
akitil-igné.
2. — -ran.
— -aren.
— -irkin.
3. - -rk.
— -a.
— -ik.
D. 1. — ■ -rpuk.
— -arpuk.
— -âgné.
2. - -rtik.
— -ariik.
— -ê(jnê.
3. - -k.
— -ark.
— -iak.
P. 1. — -rpiit.
— -arput.
— -agné.
2. - -rci.
— -arH.
— -igné.
3. - -^
— -at.
— -/a<.
Ce qui frappe dans le premier paradigme, c'est que ses
affixes personnels tenuent à se rapprocher de la forme
des affixes possessifs. Cet air de famille devient une
ressemblance entière dans le deuxième paradigme, qui est
un genre de combinaison objective. Il y aurait donc en
innok deux séries de verbes : les uns en o, se conjuguant
à l'aide des afiixes personnels proprement dits ; les autres
à désinence thématique arbitraire, se suffixant purement
et simplement les désinences possessives. Allant plus loin,
ou serait tenté d'admettre que les verbes en o sont les
seuls véritables, et que les autres sont de simples thèmes
nominaux augmentés des affixes possessifs et prenant acci-
dentellement un sens verbal. Si, en elfet, par exemple,
lia§unara signifie « ma pensée », il est bien aisé de lui
faire signifier c je pense », ne fût-ce qu'au moyen d'un
tour elliptique que l'esprit imagine spontanément, « ma
pensée (est que) », et alors ce nom affectera l'appaicnce
d'un verbe conjugué h l'aide des affixes possessifs. C'est un
procédé linguistique commun à beaucoup de langues ag-
glutinantes ; plusieurs n'en connaissent pas d'autre, les
affixes de conjugaison s'y confondant avec les possessifs,
et il serait étonnant qu'il manquât à l'innok.
1 1
I
Il 'iC
' . — 28 —
Quant à la conjugaison akitiUk, je dois, dans l'état pré-
sent de nos connaissances morpliologiques, renoncer à
l'analyser, tant elle paraît anormale.
Tel est le tableau de la conjugaison innok. S'il fortifie
ou s'il iudrme mon hypothèse, que tout véritable thème
indicatif de verbe a pour caractéristique la voyelle o (u),
je le laisse au lecteur à juger. Quant aux afiixes person-
nels de l'interrogatif et de l'impératif, on les a vus dans
le paragraphe précédent, et ils n'offrent point de difficulté
sérieuse.
§ 8. — Conjugaisons objectives.
La conjugaison objective a atteint en innok un incom-
parable degré de développement ; elle y est plus riche
qu'en aucune langue ouralo-altaïque à ma connaissance ;
car toutes les relations personnelles de sujet à objet peu-
vent s'incorporer au verbe, je te..., je le...., tu me.., tu
le..., il me..., il te... y en tout six formes objectives, indé-
pendamment de la conjugaison réfléchie, dont il sera
question plus loin. Et comme dans chaque forme, soit le
pronom-sujet, soit le pronom-objet, peut se présenter au
singuher, au duel ou au pluriel, ce serait un total formi-
dable de cinquante-quatre combinaisons objectives. Toute-
fois, il faut croire que les formes duales du pronom-
objet qui, sans aucun doute, devaient exister primitive-
ment, sont tombées en désuétude ou se sont confondues
avec les formes corrélatives du pluriel, car le P. Petitot
n'en donne aucune ; et, bien qu'il m'eût été aisé de
les suppléer par l'analyse, je n'ai pas cru pouvoir m'en •
arroger le droit ; autrement dit, représentant par S, D,
\
%
- 29 -
P le nombre du pronom -sujet, par S', D', P' le nombre
du pronom-objet, les trois combinaisons S D', D D', P D'
manqueront dans la nomenclature qui va suivre.
3° Tu me pares.
jo Je te pare.
S S' iavaikré-yvgin.
S P' — -yaucé.
DS' — -yarvugin
DP' — -yoHUé.
PS' — -yavugin.
P P' — -yovucé.
Ao Tu le pares.
S S' cavarkré-yarkin.
S P' — -yatin.
D S' — -yaigné.
DP' — -yaiiHli.
PS'
PP' -
i -tjaine
yarci.
yatiH.
2" Je le pare.
favarkré-yagara.
— -yagarat
— -yaagné.
— -yativuk.
t -yadné.
~ \ -yarput.
— -yativut.
5" 11 me pare.
Lavarkré-yâna.
— -jiarut.
— -yaka.
— -yoakput.
— -yata.
— -yoatigut.
cavarkré-ynrma.
— -yarkut.
— -yartëa.
— -yorligut.
— yarcêa.
— yorciput.
6" Il te pare.
cavarkré-yotln.
— -ynré.
— -jjakin.
— -yaklé.
— -yadtin.
— -yoacé.
Le procédé morphologique est aisément saisissable,
surtout dans les deux derniers paradigmes. L'indice r^u
temps y demeure dans toutes les combinaisons ; l'indice
modal, au contraire, disparaît la pbipart du temps, se
fondant dans la désinence peisonnelle ; celle-ci se com-
pose, en premier lieu, du pronom-sujet, affecté, s'il y a
lieu, de l'indice dual ou plu^^l, puis du pronom-objet ;
cete agglutination des deux pronoms ne s'effectue pas
d'ailleurs sans un certain emboîtement, qui les déforme
plus ou moins, surtout le premier. V. g.: il..., yoark ; il
me..., yâ-na, il te..., y a-lin ; eux deux..., yoark; eux
deux me..., yak-a ; eux deux te..., yak-in. Il n'y a pas
un article de ces paradigmes, sauf les quelques formes
irrégulières en né, qui ne puisse, en tenant compte de
U
î'i
- 30 —
remboîtement, et peut-être aussi parfois de l'insertion
d'une gutturale épentliétique, s'analyser de cette manière :
thème + indice temporal + sujet + objet.
Dans la conjugaison réfléchie le phénomène d'emboîte-
ment est encore bien plus accentué ; le pronom-sujet et
le pronom-objet, éteint identiques, se fondent l'un dans
l'autre jusqu'à ne former qu'un seul affixe, en sorte
que la forme réfléchie diflère très-peu de la forme non
réfléchie et doit même, dans certains cas, se confondre
entièrement avec elle. Il est facile d'établir la compa-
raison.
S. 1. ratar^-re-yôrt, je pare.
cavarkré-yoa-mé, je me pare.
2. — -yutin.
— -yotin.
3. — -yunrk.
— -yoark.
D. i. — -yiivuk.
— -yovuk.
2. — -yutik.
~ -yotik.
3. — -yunk.
— -yoak.
?. 1. — -yiwut.
— -yovut.
2. — -yutit.
— -yotit.
3. — -yuat.
— -yoal.
On voit que, dans la forme réfléchie, l'indice modal
est toujours o, tandis que dans l'autre il peut perm.uter en
u ; mais si le verbe cavarkrc- se conjuguait comme nérrè-,
il ferait, par exemple, à la troisième personne du singu-
lier èavarkréyoark, et alors les deux formes seraient
absolument identiques.
L'innok n'a pas de conjugaison objective double, c'est-
à-dire englobant à la fois dans le verbe le régime direct
et le régime indirect, disant, par exemple, en un seul
mot : « je te le demande, il te l'a donné », comme cer-
taines langues ouralo-altaïques. Il ne possède pas non plus
de voix passive. . .
— 31 —
Section III. — Lexiologie élémentaire.
Je donne sous ce titre, non pas un exposé complet et
mélliodique îles procédés lexiologicjues de l'innok, les
documents m'ayant complètement fait défaut pour une
semblable étude, mais une simple et rapide énuméralion
des principales formations nominales et verbales de cette
langue, encore trop peu connue pour qu'il soit possible
de se prononcer sur son véritable caractère.
I. Dérivation. — A. Thèmes nominaux. — 1° Augmen-
tatifs : ^Ak, fik, pôk, par, vâk, suffixes caractérisés par
une labiale initiale et une gutturale finale, avec parfois
une gutturale épenthélique servant de ligature : iglo-r-pôk,
grande maison; tuktu, renne; luktu-vâk, renne des bois,
grand renne.
2" Diminutifs : aluk, iark, ark : umia-rk, barque,
umia-r-ahik, canot ; itkralu-k, poisson, itkralo-ark, fretin.
3« Contenance, usage, instrument : vik : krork, urine,
kror-vik, vase de nuit ; irha, cuisine, irha-vik, four de
cuisine ; lujigia-rk, il pèse (thème uyig-), ogèr-vik, ba-
lance. Ce dernier exemple ofïre la triple permutation d'w
en 0, i en è, g en r.
4» Nom d'action (nom verbal) : nèrk^ ainsi qu'on l'a vu
dans la conjugaison du verbe.
5» Communauté, ressemblance : kat, rkat : mma-rkat,
compatriote.
6» Appropriation, destination : en, on : nérrén, couteau
de table ; kraléyii-ark-to-rkj il écrit, kraléyu-on^ crayon,
plume.
B. Thèmes nomino-verhaux. — Nous nommons ainsi
il ;
II
:j
;■-.:::. "-" .. — 32 — .'
ceux qui peuvent à volonté se conjuguer et se décliner, ceux
qui jouent indilTéremment dans la phrase le rôle de nom,
d'adjectif ou de verbe.
1« Nom d'agent : semblable, on Ta vu, à la troisième
personne du singulier du présent de l'indicatif du verbe :
(avili or- to-ark, forgeron, il forge.
2» Qualité, propriété, possession : ark, iark : inno-
r-iark, humain ; nuna-r-iark, terrestre. Ces mots se
conjuguent d'après le paradigme des verbes en ark^
qu'on a vu : innoriara, je suis humain ; innoriaran, inno-
riark, etc.
3*» Habitation, demeure : mcork : immè-rk, eau, immè-
rméorky aquatique ; de môme iglo-rmcork, casanier.
Conjugaison : iglorméôa, je suis casanier ; iglorméutin,
iglorméork, etc.
Puisque la troisième personne du verbe peut h l'occasion
remplir la fonction que dans nos langues nous assignons à
l'adjeclil, elle est, comme lui, susceptible de degrés de
comparaison. On a donc:
40 Comparatif : ilùra. V. g. Ciéyork^ grand, troisième
personne du singulier du verbe âèyo-, thème âê-, d'où
âé-ilùra, par emboîtement âilura, plus grand, et proba-
blement âilùra-rk, il est plus grand. De même tuina-rk,
mauvais ; ôuina-ilùra (sans emboîtement), pire.
50 Superlatif : otkrcya. V. g. âé-olkréga, et par emboî-
tement iJotkréi/a, gigantesque. De même, sans emboîte-
ment, ôîiina-otkréya, détestable.
C. Thèmes verbaux. — La transformation des thèmes
quelconques en thèmes verbaux, par la simple adjonction
des affixes de conjugaison, a déjà été étudiée. Mais ce ne
sont pas seulement les thèmes primaires ou dérivés qui
w
I
— 33 .-
peuvent par ce procédé recevoir un sens verbal et se
conjuguer ; des formations grammaticales complexes, des
mots tout faits, pourvus de suffixes de relation ou de
possession, jouissent de la môme propriété. Ainsi, comme
on dit innori-yo-, être homme ; apa-ri-yûa, je suis père,
on dit également ighi-mi-to-ark (maison + dans + affixe
du présent de l'indicatif + thème démonstratif), maison
dans être lui, il est dans la maison. Et l'on doit par
analogie poiivoir dire aussi : amama-put-iyo-ark, elle est
notre mère ; nimarkal-a-ri-yôa, je suis son compatriote.
Poussant plus loin la puissance agglulinative de l'innok
et ne tenant pas compte des emboîtements multiples qui
ûC produisent probablement dans d'aussi longues forma-
tions, nous voyons que l'on doit théoriquement pouvoir
dire, en un seul verbe, qui se conjugue à tous les temps,
modes et personnes : iglo-r-aviU-mi-to-ark, il est dans
les deux maisons de nous plusieurs. Comme d'ailleurs
les particules que nous nommons conjonctions sont en
innok des poslpositions qui s'affîxent au verbe, on pourra,
toujours théoriquement, former des mots tels que celui-
ci : iglo-r-avut-mi-liiarl-ôa-pân, lorsque je fus dans les
deux maisons de nous plusieurs. Mais il existe encore
des formations verbales plus compliquées, obtenues au
moyen d'infixés insérés entre le thème et la désinence de
Cv njugaison :
1» Impersonnel : ôa, âa : torkroyark, il meurt ; tor-
krôayak, on meurt. On remarquera l'aifaiblissement du
thème démonstratif rk, indiquant sans doute que l'action
exprimée par le verbe ne s'applique plus à un sujet
déterminé.
2» Négatif : ùgilak, ngilar. Cet infixe, qui appartient
.3 ■;.;
I: I
m
- 34 —
inconleslableinent à la langue innok, est en tchiglerk Irés-
rare et tout à fait exceptionnel : tu6ao-maijerpiU, sensé ;
tuèaomdngitarpiU, sot.
3* Causalif : èùj : nérrèyoark, il mange ; nérrèôùjoark,
il fait manger.
4» Intensif : mi, miyar, nasalisant la voyelle, soit radi-
cale, soit euphonique, qui le précède : immèrtoark, il boit;
immèrômiyoark, ivrogne.
5» Simulatif : loyar: nérrètoyartuark, il feint de manger.
Que l'on combine ces divers infixés, les seuls dont la
fonction me paraisse hors de ,doute, avec les aggluti-
nations reconnues jusqu'à présent, et l'on se convaincra
que la langue innok est une des plus puissamment agglu-
tinantes qu'il soit donné au linguiste d'étudier.
II. Composition. — C'est sur ce dernier point que les
documents me manquent le plus, par la raison que le
vocabulaire du P. Pelitot n'est pr.3 et ne pouvait pas
être, d'après les intentions mêmes de l'auteur, un dic-
tionnaire étymologique. Or, ce n'est pas seulement quel-
ques données étymologiques, c'est la connaissance des
racines mêmes de la langue, au moins des plus usuelles,
qu'il faudrait posséder, pour reconnaître les éléments
des compositions probablement emboîtantes qui pourraient
exister dans la langue innok. La lexiologie comparée de
deux de ses dialectes jetterait quelque lumière sur bien
des points obscurs ; mais celui des Tchiglit pris isolément
ne nous révélera pas le secret de sa structure. Je n'ai
donc pu déterminer si l'innok est ou non caractérisé par
le procédé lexiologique de la composition. Ce qui est
certain, c'est que les Innoit expriment volontiers par des
procédés purement grammaticaux les rapports d'idées et
• — 35 —
de mots qui, dans d'autres langues, se rendraient par la
composition : le lard de renne, liiktub orkfora, et non
tttktorkfork. Ce qui n'est pas moins inc« itcstable, c'est,
en sens inverse, que certains mois, par leur longueur, par
la multiplicité des idées qu'ils expriment en les associant,
paraissent formés à l'aide d'un procédé de composition
fortement emboîtante. Mais dans ces mots le thème
initial seul est reconnaissable ; tous les autres, si tant est
qu'ils existent, sont tellement fondus ensemble, contractés
ou dégradés, que l'analyse la plus minutieuse ne saurait
les retrouver, en sorte qu'il est impossible de décider
si l'on a affaire à une véritable formation synthétique
ou à une simple dérivation verbale à l'aide d'affixes.
C'est ce que fera voir un exemple, où j'accumule
quelques-unes des principales modifications de l'ai ion
d' « aller ».
Il va aulao-rk.
— à lâchasse luktu-léa-rk.
à la mer
chercher le gibier tué.
à la voile
ramasser des fruits. .
au large (à pied). . .
au large (en canot). .
unu-léar-to-ark.
ncrkrètar-lo-ark.
lingùlar-mitar-to-ark.
aëi(Jar-to-ark.
iôuk-a-yo-ark.
icuk-ài-to-ark.
Séparant de ces mots les thèmes initiaux tuktu, renne ;
unu (?) ; nérkrèy viande ; tingïilara, voile ; aôiyark, fruit ;
itkra, haute mer, exisle-t-il ensuite, en dehors des affixes
de conjugaison, un élément commun à toutes ces forma-
tions, une seule consonne que l'on puisse rapporter, soit
au thème aulaork, soit à un autre quelconque exprimant
Il ,!
— 30 —
la même idée? Evidemment non, sauf peut-ôtre cet alïixe
léa^ léar, commun aux d-'ux premiers verbes. Ce n'est
pas sur ce laible indice que nous pouvons nous guider.
Bien plus, dans les deux derniers verbes de celle liste,
exprimant tous deux la mémo action, il est impossible de
découvrir, non seulement pourquoi l'idée de mouvement,
de déplacement, s'y trouve enfermée, mais encore pour-
quoi l'un signifie que le dé[)lacement s'elfeclue à l'aide
d'un canot, tandis que l'autre renferme le sens d' t aller
à pied ».
Voici maintenant quelques-unes des modifications de
l'idée d' « eau » :
Eau immèrk, imark.
— bouillante - yoratoark.
— froide kùjcr&imâitoark.
— courante ôarvartoark.
— stagnante orkèoartoark.
Dans aucun de ces quatre mots on ne retrouve le
tbcme immèy ima (1) ; ce ne sont pas là des noms com-
posés, mais de simples formations verbales dérivées. Ta
première est la troisième personne du singulier du pré-
sent de l'indicatif du verbe yorato-, bouillir ; l'analogie
doit no^'s faire penser qu'il en est de même des deux
suivan' 'i-, bien que nous n'en connaissions pas le thème
primai e. Quant au verbe orkèoarlo-, il dérive de orkèork,
graisse, et signifie par conséquent « être graisseux, vis-
queux, stagnant ». On pourrait multiplier les exemples de
ce genre. Ceux-ci suffiront pour faire voir que la dériva-
(1) Sauf peut-être dans ft'îfert'-itJô-iïoarfc. ^ ,, ,» .. - ^
de
— 37 —
lion explique aussi bien et mieux que la composition les
formes les plus compliquées de la langue innok.
Ce n'est pas que le vocabulaire du P. Petitot ne ren-
ferme quelques formes qui paraîtraient dues k un procédé
de composition, mais ce sont des cas isolés et douteux.
On lit, par exemple : « algues, crkloyaluit (intestins de
l'eau) >. Le mot « intestins » (èrklo) se retrouve très-
bien dans cette prôtendue composition, mais non point le
mot « eau », et cette forme n'est que dérivée. En effet,
èrkloyalu-it est évidemment un pluriel dont le singulier
serait èrkloyalu-k, et cette désinence aliik nour- indique
un diminutif: ce mot signifie donc a petits boyaux », nom
qui convient à merveille à l'aspect tubulaire et encbevèlré
des algues marines.
Ailleurs nous trouvons korëork, résine, que l'auteur
nous donne comme composé de kréyuk, arbre, et orkëork,
graisse; « graisse d'arbre », c'est pour la résine une
appellation très-convenable. Voilà donc une formation
composée, caractérisée de plus par un fort emboîtement ;
mais rien ne nous '"épond de l'exactitude de cette analyse,
et il faudrait évidemment plusieurs étymologies semblables
pour la corroborer.
Maintenant, lorsqu'on se trouve en présence d'un mot
tel que amarkrènùroyark, renne tué par les loups, bien
qu'on n'y puisse découvrir que l'élément amarorkr, loup,
et que les mots « renne, tuer, proie », etc., y soient
absolument invisibles, il est difficile, je l'avoue, de ne
pas songer à une polycom position assez compliquée. Mais
cette conclusion est entièrement conjecturale, tant que l'on
n'est point parvenu à reconnaître et à isoler avec certitude
chacun des éléments significatifs de cette formation.
r ; ./' :
îf ^
— 38 —
En résumé, la langue innok, telle qu'elle nous apparaît
étudiée dans le dialecte des Tcliiglit, me semble être très-
puissamment agglutinante et user largement du procédé
d'emboîtement entre le tbème et les suffixes. Mais rien, je
crois, n'autorise jusqu'à présent à la ranger parmi les
langues polycomposantes.
Y. Henry.
>.-■ "I',, j"!
ît
S-
ié
je
es
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■»^: