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IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
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Hiotographic
Sciences
Corporation
33 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N. Y. M580
(71*) 8.»2-<503
-c^^. ^^'
■^
CIHM/ICMH
Microfiche
Sei'ies.
CIHIVI/ICMH
Collection de
microfiches.
Ccnadian Institute f.;r Historical Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques
Technical and Bibliographie Notes/Notes tachniques et bibliographiques
The Institute h'js attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of ihis
copy which may be bibliographicaily unique,
which may alter any of the images in the
reoroduction, or which may significantly change
the usual method of filming, are checked below.
nColoured covers/
Couverture de couleur
n Covers damaged/
Couverture endommagée
□ Covers restored ard/or laminated/
Couverture restaurée et/ou pelliculée
D
V
vj
□
n
Cover titre missing/
Le titre de couverture manque
□ Colourad maps/
Cartes géographiques en couleur
Coloured ink (i.e. other than blue or black)/
cre de couleur (i.e. autre que bleua ou noire)
□ Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
Bound with other matériel/
Relié avec d'autrc/s documents
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La reliure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines ^ages blanches ajoutées
lors d'une restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas éîé filmées.
Additional comments:/
Commentaires supplémentaires;
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procurer. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale d& filmage
sont indiqués ci-dessous.
n
n
n
n
n
n
n
Coloured pages/
Pages de couleur
Pages damaged/
Pages endommagées
Pages restored and/or )aminated/
Pages restaurées et/ou pelliculées
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
Pages detached/
Pages détachées
Show/through/
Transparence
Quality of print varies/
Qualité inégale de l'impression
Includes supplementary matériel/
Comprend du matériel supplémentaira
Only édition available/
Seule édition disponible
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à nouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
This item is filmed at the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci dessous.
10X
14X
18X
22X
26X
30X
y
12X
16X
20X
24X
28X
32X
The copy filmed hère has been reproduced thanks
to the generosity of:
National Library of Canada
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la
générosité de:
Bibliothèque nationale du Canada
The images appearing hère are the best qi*ality
possible considering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
filming contract spécifications.
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grand soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
fllmage.
Original copies in printed paper covers are filmed
beginning with the front cover and ending on
the last page with a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. AH
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the last page with a printed
or illustrated impression.
Les exemplaires originaux dont la couverture en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon Ij cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en commençant par la
première page qui comporte une empreints
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol ^^- (meaning "CON-
TINUED"), or the symbol V (meaning "END "),
whichever applies.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole —^ signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie "rIN".
Maps, plates, charts, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom, as many frames as
required. The following diagrams illustrate the
method:
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1
2
3
1
2
3
4
5
6
(
E
(ç>
'0
LE
CAIADA
sous L'UNION
1841-1867
PAR
LOUIS-P. TUEOOTTE
QUÉBEC
DES PRESSES MÉCANIQUES DU CAMADIEy,
No. 1, rue Saut-au-Matelot, Basse- Ville.
1871
^mmn*^
163521
'^\)u
011
^^- . z./.
1^72»
Enregistré conformément à l'actp ,1,. r.a.i x -. .
l'année J871 par l'aufp,,! f Parlement du Canada en
culture. ' ^" ^"''"" du ministre de l'Agri-
y
A LA JEUNESSE CANADIENNE
i Canada en
de l'Agri-
HOxMMAGE DE L'AuTEUR
s
A^
4.,
PREFACE
Le Canada a traversé sous l'Union une époque
tout à fait intéressante. Pendant les vingt-sept années
qu'a duré cette union, il s'est déroulé des événements
nombreux et importants. Un pas immense a été fait
dans le progrès moral et matériel, La population,
durant cette période, s'est doublée deux fois et de-
raie; l'agriculture, le commerce et l'industrie ont
reçu une impulsion considérable ; de grandes voies
ferrées et des routes publiques se sont ouvertes, et
sillonnent maintenant la province en tous sens ; grâce
à de nombreuses améliorations, le Saint-Laurent est
devenu une des plus belles voies de communication
du monde ; la liberté du commerce a été concédée à
la province ; les lois criminelles ont reçu des modi-
fications importantes ; d'après les institutions muni-
cipales qui lui ont été données, le peuple gouverne
lui-môme ses affaires locales ; la tenure seigneuriale
a été abolie ; l'instruction publique a fait des progrès
, ^ - -6- •
étonnants, et peut ôtro comparée avec celle dos
peuples les plus instruits de l'Europe ; on a vu s'éle-
ver des hommes d'état éminents, qui ont occupr
successivement lo pouvoir, des membres distingués
qui ont brillé dans la chaire et au barreau ; enfin
des écrivains de mérite se sont fait une belle repu
tation dans les sciences, les lettres et les arts.
Dans ce grand mouvement, la population fran
çaise n'a pas joué le rôle le moins important. Des-
tinée par la nouvelle constitution à perdre son in
fluence politique et sa nationalité, elle a déjouA
les plans médités contre elle, et conquis une
position noble et honorable. Elle a contraint ses
antagonistes d'autrefois à la traiter sur un pied
d'égalité et à partager avec elle le pouvoir politique.
Partout, en dépit des difficultés qui lui fermaient h
passage, elle s'est acquis une large part dans les
professions libérales, dans les arts, dans le commerce
et dans les diverses industries.
Les événements de cette époque sont présents à la
mémoire d'un grand nombre ; et la plupart des
hommes d'état qui ont administré la chose publique
durant cette période, sont encore au timon des af-
faires ou occupent des positions honorables. Relater
des faits aussi récents, porter des jugements sur des
actes dont les auteurs sont encore pleins de vie, c'est
/vil
c celle des
Il a vu s'éle-
011 1 occupi'
s distingués
reau ; enfin
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[plupart des
^e publique
non des ai-
lles. Relater
;nts sur des
le vie, c'est
une tâche qui peut paraître imprudente. En effet, il
est difficile d'écrire une histoire contemporaine sans
(]ue l'esprit de parti domine l'écrivain. Mais l'auteur
de cette étude trouve une raison puissante qui vient
détruire cette objection. Il y a actuellement dans
les écoles, dans les collèges, une foule de jeunes
gens qui se préparent à occuper les principales
fonctions publiques et à remplacer les hommes
d'état actuels. Cette jeunesse est à peu près igno-
rante de l'histoire de son pays pendant le der-
nier quart de siècle. Il n'existe réellement aucun
ouvrage donnant sur cette époque des renseigne-
ments historiques suffisants. (^) Les grands historiens
du pays s'arrêtent tous à l'Union. L'auteur a donc
(MU rendre un service à la jeunesse canadienne en
essayant de combler cette lacune, et en entrepre-
nant cet ouvrage, qu'il lui destine particulièrement.
Il n'a pas reculé devant l'immensité du travail ni
devant la tache ingrate qu'il s'est imposée, espérant
de l'indulgence pour les défauts tant littéraires
qu'historiques qui pourront se rencontrer.
Après avoir écrit l'histoire de sa terre natale,
rile d'Orléans, il a cru ne pouvoir mieux employer
les loisirs forcés que lui laisse une santé chancelante,
i^) Il a été publié dernièrement par M. Miles un intéres-
sant abrégé d'histoire du Canada en anglais, qui donne un résumé
très-aatisfaisant des événements passés sous l'Union.
, -8— ,
qu'à écrire, pour rutilitô do la jounossc cauadiennc,
cette partie de l'iiistoire du Canada si riche en événe-
ments remarquables.
Les faits seront relatés sans partialité : toutes les
questions, toutes les nuances politiques auront leur
part de mérite, de même qu'elles auront leur part de
blâme. L'auteur ue manquera pas de remplir ce de-
voir, étant certain d'avance d'avoir l'approbation de
ses compatriotes.
Il ne donne pour le moment que la première
partie de l'histoire du Canada sous l'Union, partie
qui s'étend de 1840 à 1847, et qui embrasse les ad-
ministrations de Sydenham, de Bagot, de Metcalfe et
deCathcart. Il soumet ces quelques pages au juge-
ment du public ; et, si ce jugement lui est favorable,
il continuera sans hésitation la tache ardue qu'il
s'est imposée. Dans ce cas, il donnera immédiate-
ment la deuxième partie, qui est presque terminée.
Quant aux documents où l'auteur a puisé les
renseignements nécessaires à cet ouvrage, il suffira
de citer les suivants : La Gazette Officielle^ Les Statuts
du Canada^ Les Journaux du Conseil Législatif et de
r Assemblée Législative avec les Appendices^ qui ren-
ferment une foule de documents officiels, les bro-
chures politiques, les principales publications pério-
diques du pays, etc., etc. Il ?< mis à profit les écrits
et les discor.rs des hommes d'état et des publicistes
Ni
.listiiigués du Canada ; il a hasû généralement sur eux
ses opinions et ses jugements dans les graves ques-
lions politiques et constitutionnelles, allant môme
jusqu'à emprunter assez souvent leurs propres pa-
rôles. f.es sources où il a puisé seront indiquées, au-
tant que possible, dans le cours de l'ouvrage. De
pins, il a consulté des personnes de connaissances et
d'une expérience reconnue, qui on^. bien voulu lui
donner leurs sages avis.
Enfm l'auteur a cru rendre service à un cer-
tam nombre de lecteurs en faisant précéder son ou-
vrage d'une introduction, où il donne un aperçu
général de l'histoire du Canada jusqu'à l'Union, et
surtout des détails assez considérables sur l'acte
d'nnion, et l'état général de la province à l'époque de
la constitution de 1841.
co
Fr
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dit
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bas
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poi
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litai
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^
INTRODUCTION
Aperçu gf^néral de l'histoire du Canada avant l'Union.
DOMINATION FRANÇAISE.
En 1603, quelques Français, sous la conduite de
Samuel de Champlain, fondaient à Québec une
colonie au sein du Canada ou plutôt de la NouvoUe-
France,que l'illustre Jacques Cartier avait découverte
trois-quarts de siècle auparavant (1534-5). Cet humble
établissement, bien qu'il ne progressât pas avec rapi-
dité, avait été, grâce à la sollicitude de son énergique
fondateur et de «es dignes successeurs, assis sur des
bases solides. Tous les soins avaient été pris pour
que son origine fût noble et pure. En elTet, cette
population primitive se composait d'honnêtes artisans
et de bourgeois, mêlés à un petit nombre de nobles,
choisis avec précaution au milieu des fiers et robustes
enfants de la Normandie, du Poitou, du Perche et
de la Bretagne.
Dans les premières années do la colonie, le gou-
verneur avait seul la haute juridiction civile et mi-
litaire. De 1648 à 1663, un conseil de cinq membres,
12
'i
llll
II-
INTRODUCTION.
souslaprésidence du gouverneur, posséda les pouvoirs
législatifs, exécutifs et judiciaires. En 1663, le Ca-
nada, qui ne comptait encore que 2500 âmes environ,
sortit des langes de l'enfance, et subit des change-
ments importants. Depuis 1627, il avait été sous le
contrôle des cent-associés, compagnie qui, se voyant
incapable de remplir ses devoirs, remit ses privilèges
au roi de France. Un conseil souverain, composé du
gouverneur, de l'éveque, de l'intendant, etc., fut créé,
et eut juridiction dans les causes civiles et crimi-
nelltîs pour les juger en dernière instance, d'après la
coutume de Paris et les édits et ordonnances du
royaume ; il posséda le pouvoir de régler l'emploi
des deniers publics, de décider les affaires de police,
les affaires publiques et particulières, etc. Ce conseil
fut, surtout dans les premières années, le théâtre de
divisions intestines ; cependant sa création fut un
grand bienfait pour les Canadiens : sous son exis-
tence, qui dura jusqu'à la conquête (en 1760), le pays
prospéra considérablement, et vit s'accomplir les
événements historiques les plus remarquables.
Dès le début, une ambition sublime anima les zélés
fondateurs de la colonie : celle de répandre le chris-
tianisme et la civilisation parmi les peuplades indi-
gènes. Aussitôt de dévoués religieux, les Récollets
d'abord (1615), suivis peu après par les Jésuites (1625),
quittent la France, et pénètrent jusqu'aux contrées
les plus éloignées. Ilsy répandent l'évangile au prix
môme de leur sang, dont ils fécondent le sol avec
amour et générosité, pendant qr'Us rendent service
à la patrie en découvrant de nouveaux pays et en
donnant de nouveaux alliés à la France, A la mémo
liii
,v
3s pouvoirs
)63, le Ga-
es environ,
es change-
été sous le
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RécoUets
1 tes (1625),
X contrées
le au prix
e sol avec
ni service
ays et en
^ la môme
INTRODUCTION. 13
époque, des hommes zélés et de saintes femmes
dotent la colonie d'institutions dignes des pays po-
puleux et avancés en civilisation, et fondent (de 1635
à 1077) le collège des Jésuites, le Séminaire de
Québec, le Séminaire de Saint-Sulpice, les Ursulines
(H la Congrégation de Montréal. Ces institutions, qui
vont à l'avenir procurer aux Canadiens une éducation
solide et presque gratuite, subsistent et se maintien-
nent grâce à des dons particuliers, grâce au travail et
au dévouement de leurs membres, et ne doivent que
peu de faveurs au gouvernement, si ce n'est la dota-
tion de quelques concessions de terres alors incultes
et de peu de valeur.
A part les privations qui accompagnent tout éta-
blissement à sa naissance, les Canadiens curent à
soutenir une lutte formidable et presque continuelle
contre les féroces Iroquois, qu'encouragèrent les co-
lons anglais et hollandais de l'Amérique. Ces en
nemis avaient juré la perte des Hurons et des Al-
gonquins, alliés naturels des Français. Champlain,
de concert avec ces derniers, porta ses armes dans
le pays iroquois avec assez d'avantage. Plus tard,
après avoir détruit presque complètement la nation
huronne (1648-9), ces barbares tournèrent leur fureur
contre les Français, qu'ils avaient généralement res-
pectés jusqu'alors; leurs bandes meurtrières por-
tèrent partout le carnage et la dévastation. Le mas-
sacre de Lachine (1689) fut un de leurs plus cruels
exploits. Mais ils furent beaucoup affaiblis et humi-
liés par les expéditions heureuses du marquis de
Tracy et celles de MM. de Denonville et de Frontenac.
Les Canadiens eurent encore à subir les invasions
réitérées d'une puissance jalouse de leur bonheur,
14
INTRODUCTION.
Dès IG'28, une flotl.o anglaise, sous le commandement
des frères Kertk, A-enait sommer la faible colonie de
?e rendre. La noble attitude de M. de Champlain
sembla d'abord la sauver. Malheureusement, l'année
suivante, elle fut contrainte de se rendre à l'ennemi,
lorsque les Kerlk se furent emparés de l'escadre
française commandée par de Roquemont et chargée
de colons et de provisions pour les Canadiens. Trois
ans après, le Canada était rendu à ses premiers pos-
sesseurs. Plus tard, en 1090, l'amiral Pliipps se pré-
sentait devant Québec avec une Ilolte nombreuse, et
commençait hi siège de cette ville. M. de Frontenac
sut si bien pre'uîre ses précautions, qu'il lui fit
essuyer une défaite signalée. L'.-imiral repartit subi-
tement, laissant aux Canadiens son pavillon comme
trophée de leur vicloire.
La lutte se continua entre les deux nations rivales.
Les Canadiens, bien que peu nombreux et laissés
presque à leurs propres forces, ne se contentèrent
pas de se défendre; dans leur pays ; leurs bandes
commandées par d'Ailleboust, LeMoine, Hertel, de
Portnouf, se portèrent (1690) sur le sol des colonies
voisines, semant ])artout l'effroi et l'épouvante.
Peu après, le célèbre d'Iberville se signalait à l'en-
trée du Saint-Laurent et à la baie d'Hudson (1694-7),
dotait son pays de nouvelles conquêtes, et assurait
à la France la possiîssion de la Louisiane (1697 à
1706.)
Une dernière mais terrible lutte s'engagea de 1754
à 1760 entre les deuy. peuples, et décida entre eux
de la victoire. Ce fut un duel à mort, pendant lequel
les milices canadiennes, aidées seulement de quel-
iil
iidemeiit
olonic de
larnpiain
t, l'année
'ennemi,
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|del754
Itre eux
lequel
le quel-
INTRODUCTION.
15
(pies bataillons français, combattirent avec un cou-
rage inouï contre les nombreuses phalanges anglaises.
A la rivière Monongahéla, sous le commandement
de M. de Beaujeu, à William-Henry, à Oswego, à
Carillon, sous celui du valeureux Montcalm, elles
remportèrent les victoires les plus éclatantes contre
(les forces de beaucoup plus considérables. Cha-
que victoire, malheureusement, épuisait les forces de
la colonie ; car, malgré leurs revers successifs, les
armées anglaises reparaissaient de plus en plus
nombreuses.
Epuisés à la suite de plusieurs combats, délaissés
de leur mère-patrie, qui ne semblait plus digne
de commander à des cœurs si généreux, les Cana-
diens succombent enfin sur les Plaines d'Abraham,
après un combat acharné dans lequel les deux
généraux Wolfe et Montcalm payent de leur vie
leur égale bravoure. Avant de se soumettre à
leur vainqueur, ils se rassemblent sous le com-
mandement de Lévis, et prennent une éclatante
revanche, sur le même 'héâtre de leur défaite de
l'année précédente, et remportent une dernière
victoire, comme pour montrer à leurs nouveaux
maîtres qu'ils étaient dignes de vivre avec eux sur
un pied d'égalité parfaite.
DOMINATION ANGLAISE.
Par la capitulation de Montréal et le traité de
1763, les Canadiens obtinrent des conditions libé-
rales. Le libre exercice de leur religion fut garanti ;
les communautés religieuses, les établissements des
IG
INTRODUCTION.
ii ,11
M !
Jésviitos exceptes, furent rontinoces dans la jouis
sanco de leurs propriétés, de leurs lois et de leurs
coutumes, et purent jouir à l'avenir des droits et des
privilèges de sujets anglais ; mais les troupes, les offi-
ciers et les employés reçurent ordre de retourner en
France. Ainsi fut transmise à la Grande-Bretagne la
vaste colonie du Canada, que la France avait pos-
sédée un siècle et demi, et qu'elle i)erdit par l'indiffé-
rence de son gouvernement corrompu.
A cette époque malheureuse, en 1760, les Cana-
diens comptaient environ G5,000 âmes. La conquête
du pays les avait laissés dans une position très-
critique : la plupart d'entre eux étaient ruinés. Ils
se virent abandonnés par un grand nombre de nobles,
de citoyens influents, d'ofîiciers et de lettrés, et per-
dirent, par cette émigration forcée ou volontaire, une
population précieuse par ses connaissances et son
expérience. Malgré tous ces malheurs, ils ne se
laissèrent pas décourager. Avec l'aide du clergé
ils s'isolèrent de leurs conquérants pour s'occu-
per de la culture de leurs terres dévastées, et tra-
vaillèrent avec énergie à réparer leurs pertes.
Après la conquête, un conseil purement mili-
taire administra d'abord les affaires du pays. Il fut
remplacé, en 17G4, par un autre conseil, composé
des Anglais les i)lus influents et d'un Canadien
obscur. Ces deux conseils gouvernèrent les Cana-
diens d'une manière arbitraire et despotique. D'a-
bord traités avec indulgence par le général Mur-
ray, ils furent dans la suite, contrairement aux
traités établis, privés do leurs coutumes et de
leurs lois les plus chères, que l'on remplaça par une
N'\\
INTRODUCTION.
17
iiiridiction iiicoiinue à eux ; ils fui(3nt éloignés de
toute participation aux affaires publiques, parce que,
comme catholiques, ils ne prêtèrent pas le serment du
test qu'on exigeait d'eux. Leur religion même ne fut
plus que tolérée. La justice fut administrée par des
hommes obscurs qui ignoraient la langue française ;
mais les Canadiens n'eurent presque pas recours aux
tribunaux anglais ; ils réglaient leurs différends à
l'amiable, prenant leurs curés ou les officiers de
milice pour arbitres. Jamais ils ne furent plus me-
nacés de perdre leurs institutions et leur nationalités
Plusieurs fois ils manifestèrent à la métropole leurs
nombreux griefs, en réclamant les droits que leur
garantissaient les traités, le rétablissement de leurs
anciennes lois et coutumes. De leur côté, les Anglais
demandaient une forme de gouvernement d'où les
Canadiens seraient exclus.
L'Angleterre se voyait alors grandement menacée
de perdre ses autres colonies de l'Amérique, qu'elle
avait mécontentées en essayant de prélever sur elles
desimpôts. Lesdifficultés quefitnaître cette démarche,
la portèrent à ménager les Canadiens et à se les atta-
cher par des faveurs. La charte de 1774, appelée
" Acte de Québec," fut octroyée. Cet acte garantis-
sait aux Canadiens le libre exercice de leur religion,
les dispensait de prêter le serment du test., rétablissait
les lois françaises en matière civile, et laissait en
force les lois criminelles anglaises. Il instituait un
conseil législatif, nommé par la couronne et compo-
sé en premier lieu' d'un tiers de Canadiens. Cette
concession de la part de l'Angleterre fut récom-
pensée. Peu après, les colonies anglaises étaient en
18
INTRODUCTION.
■
1
!
pleine révolte, et, portant la guerre sur le sol du
Canada, cherchaient h entraîner les habitants de C(
dernier pays dans la même voie. Ceux-ci montrr
rent peu de sympathie pour les Américains, qui
avaient, quelque temps auparavant, blâmé l'Angle
terre de leur avoir garanti leur religion, et repous
seront leurs promesses et leur séductions. Le clergé,
les seigneurs et une partie de la population se mon
trèrent fidèles à la métropole, tandis que le reste
garda la neutralité, ou se montra indifférent. Après
quelques revers, le général Carleton se vit assiégé
dans Québec par l'armée américaine. A la suite d'un
combat sanglant, dans lequel périt le général Mont-
gomery, la ville fut délivrée de ses ennemis, grâce à
la bravoure des miliciens canadiens et des soldats
anglais.
L'acte de Québec, accordé pour attacher les Cana-
diens à l'empire, avait excité des rivalités entre eux
et les Anglais. Depuis la révolution américaine, ces
derniers avaient augmenté en nombre par l'émigra-
tion de plusieurs milliers de loyalistes des Etats-Unis
dans la partie supérieure de la province. Ils auraient
voulu conserver exclusivement le pouvoir entre
leurs mai'.is et faire adopter les lois anglaises. A cette
époque, il se glissait de nombreux abus dans le gou-
vernement et dans l'application des lois ; et la con-
duite despotique du gouverreur ITaldimand contri-
buait à exciter de plus en plus le mécontcntonicnt
des deux races. Ces difficultés nécessitèrent bientôt
un changement, qui fut demandé par une j)artie des
deux populations. L'Angleterre se décida à accorder
un gouvernement constitutionnel, à peu près sem-
INTRODUCTION.
H)
iir le sol du
bitaiits de ce
x-ci montrc'-
ôri^ains, qui
amé l'Angle-
n, et repous-
s. Le clergé,
lion se nion-
qiie le reste
erent. Après
G vit assiégé
la suite d'un
ânéral Mont-
rais, grâce à
t des soldais
er les Gana-
s entre eux
ricaine, ces
lar l'émigra-
Etats-Unis
-Is auraient
ivoir entre
ses. A cette
ins le gou-
et la con-
and contri-
ntentpriient
eut bientôt
2 partie des
à accorder
i près sem-
l)Iable à celui de la métropole, moins la responsabi-
lité des conseillers exécutifs envers les chambres.
La charte de 1791, préparée par le célèbre Pitt,
divisait la colonie en deux provinces, le Haut-Canada
et le Bas-Canada, et accordait à chacune d'elles un
conseil législatif et une chambre élective. En sépa-
rant ces deux provinces, l'auteur de cette constitu-
tion avait pour but de faire cesse les rivalités
entre lesCanadiens et les Anglais, etde leur donner
respectivement, une grande majorité dans la partie
({u'ils habitaient. Maigre plusieurs imperfections, dont
la plusgrave consisi;aitence que le conseil exécutif n'é-
tait pas responsable à la législature, la constitution ac-
cordait au peuple un gouvernement dans lequel
il put manifester ses opinions par la voix des repré-
sentants, et faire connaître à la métropole les abus
qu'il fallait redresser. Elle garantissait, une seconde
fois, aux habitants du Bas-Canada leurs vieilles
lois françaises et le libre exercice de leur religion: les
lois anglaises furent le partage de la province supé-
rieure.
Le résultat pacifique qu'attendait l'auteur do l'acte
de 1791, ne fut pas atteint quant au Bas-Canada. Le
parti anglais, qui, en demandant une nouvelle consti-
tution, avait espéré obtenir l'exclusion des Canadiens
de la représentation, fut bien trompé, lorsqu'il vit
qu'il allait être en minorité dans l'assemblée légis-
lative. Perdus au milieu de la population française,
les marchands et les fonctionnaires se donnèrent la
main pour se soutenir et dominer les Canadiens. Ils
commandaient dans l'administration et dans le con-
seil législatif, nommés par la couronne et composés
mmm.
20
inti\oduct;on,
d'hommes dévoués au gouvernement, tandis que les
Canadiens ne régnaient que dans la chambre d'as-
semblée. Dès le début, les représentanta du peuple se
trouvèrent donc en opposition directe avec les deux
autres branches de la législature. Une lutte achar-
née s'engagea entre les deux partis : l'un pour domi-
ner et conserver le pouvoir administratif, l'autre pour
revendiquer ses droits, mettre en pratique les pri-
vilèges précieux que lui accordait la nouvelle cons-
titution, et maintenir intactes ses institutions et sa
langue.
Le premier parlement était à peine convoqué, que
les députés anglais, en proposant la nomination d'un
président de leur origine et l'aboli» ion de la langue
française, montrèrent à nu leur haine et leur in-
gratitude envers les Canadiens qui avaient eu la
générosité de les élire. Cette proposition fut rejetée
après des débats animés. Plus lard, une longue dis-
cussion roula sur l'exclusion des juges de la repré-
sentation, mesure très-juste, qui fut d'abord repoussée
parle conseil, mais que le gouverneur sanctionna
dans la suite à contre-cœur, d'après la recomman-
dation du gouvernement impérial. La province gé-
missait alors sous le despotisme de l'administration
Graig. Ce gouverneur cassa à sa volonté la législa-
ture, destitua les officiers de milice, jeta dans les
cachots les vaillants défenseurs de la chambre,
Bédard, Papineau senior, Taschoreau,Blanchet, etc.,
et nlla jusqu'à vouloir empiéter sur les droits de
l'église de Rome.
Un gouverneur honnête et libéral. Sir G. Prévost,
succéda à ce dernier, et sut gagner la confiance du
INTRODUCTION.
21
clergé et du peuple. La puerre de 1812 interrompit
pour un moment les lutt» s politiques, et prouva une
seconde fois l'attachement des Canadiens à la mé-
tropole. Gomme en 1775, ils prodiguèrent leur sang
à côté des bataillons anglais, rer portèrent une
victoire éclatante à Châteauguay, sous le com-
mandement du brave colonel de Salaberry, et, par
leur bravoure et leur fidélité, contribuèrent beau-
coup à repousser une invasion qui aurait éloigné
pour toujours l'autorité anglaise du sol américain.
Après cette guerre, les animosités recommencèrent
entre les deux partis. La chambre d'assemblée, où
dominaient les Canadiens, combattit avec une ardeur
soutenue contre les abus criants que l'on commit
envers elle ; elle lit des efforts inouïs pour sortir de
l'état humiliant où la tenait l'oligarchie anglaise, et
demanda sans cesse des réformes justes et néces-
saires à son existence. Elle réclamait le contrôle
exclusif des subsides, l'indépendance des juges,
l'exclusion des employés publics des deux chambres,
la réformation du conseil législatif ; elle revendi-
quait les propriétés nationales, voulait la réforme
judiciaire et administrative, et la responsabilité à la
législature des membres du gouvernement. Le parti
anglais lutta avec une égale activité pour conserver
la prépondérance sur la population française, refusant
les demandes de justice qu'elle réclamait avec bon
droit, paralysant enfin tous les efforts qu'elle faisait
pour améliorer la condition politique du pays. Le
bureau colonial, à part quelques légères concessions,
le soutenait et l'encourageait dans cette voie, qui
devait amener finalement de si tristes résultats. Dans
22
INTUODUGTIOX.
ces discussions orageuses, on vit briller des hommes
remaniuablos [tar leur iulelligence et leurs lumières :
M. Papineau, lils, orateur populaire, élu présideut de
la chambre d'assemblée à 20 ans, M, Neilson, véri-
table patriote, (jui, (luoiqne d'origine écossaise, ser-
vit avec ardeur la bonne cause, M. Vallières de SaiiU-
Réal, M. Bourdage, M. D.-B. Viger, etc. Des réclama-
tions r'ùtérées furentfaitesà la métropole par les Cana-
diens ; la dernière, connue sous le nom de ''92 Réso
lutions," renfermait touslesgrielsdelacolonie. L'An-
gleterre, tout en reconnaissant leur cause bonne,
persista dans le refus de la plupart de leurs demandes.
Le mécontentement devint général, lorsqu'ils virent
que leur sort ne s'améliorait guère, pendant que la
séparation entre les deux partis devenait chaque jour
plus profonde. Dans quelques comtés du district de
Montréal, les habitants commencèrent à se soulever,
et les discours devinrent plus violents dans les as-
semblées publiques. Quelques centaines de patriotes,
poussés il l'extrême, se portèrent môme aux armes,
et engagèrent une lutte sanglante contre leurs anta-
gonistes, aidés des troupes anglaises. D'abord vain-
queurs à Saint-Denis, ils succombent à Saint-Charles,
à Saint-p]ustache, à Napierville (1837-8), victimes de
leur trop grand patriotisme, accablé> par le nombre
et privés d'armes et de munitions. Mais leur sang ne
coula pas en vain pour la cause qu'ils défendaient. Ce
scnlèvement prouva que les Canadiens n'étaient pas
décidés à subir le jou^ de leurs adversaires, et qu'ils
étaient capables, lorsqu'ils le voudraient, de repous-
ser l'oppression et l'injustice.
Les vainqueurs profitèrent de cette occasion pour
INTRODUCTION.
23
IX armes,
assouvir leur vengeance. Kilo l'ut terrible. La torche
ih) l'incendie consuma des paroisses presque entières,
les biens furent confisqués, les prisons regorgèrent de
prévenus politiques. Bien plus, réclialaud fut dressé,
ft, pour faute polili(iue, de nobles existences furent
immolées ou transportées dans les colonies pénales,
comme des voleurs et des scélérats.
La punition avait été très-sévère, bien rpril n'y
eut qu'une partie de la province qui eut pris part à
la rébellion. La masse des Canadiens était altacliée
à la métropole par ses institutions et ses couluniep.
Jusqu'alors cette population n'avait jamais pensé ù
une émancipation ou à une indépendance complète
et encore moins à l'annexion à la républiqui^ voisine,
car elle avait de la répugnance pour les institutions
américaines. Ces troubles étaient donc le fruit d'une
lutte politiqu'3 prolongée à outrance, et non une dé-
termination de rompre avec la métropole ; nuls pré-
paratifs n'avaient été faits, et les insurgés n'avaient
ni armes ni munitions. On peut plutôt accuser le
gouvernement d'avoir été par sa conduite la cause
première de ces troubles. Les Canadiens ne récla-
maient, comme ils l'avaient toujours fait, que justice
de la part de l'Angleterre, la jouissance des droits
qui leur appartenaient comme sujets anglais, confor-
mément aux traités et à la constitution établie.
La nouvelle des troubles civils fit sensation en
Angleterre et dans les autres pays. C'était la pre-
mière fois que les Canadiens se portaient à la révolte.
Le gouvernement impérial saisit cette occasion pour
réunir les deux Canadas sous une même constitu-
tion, en donnant la prépondérance aux Anglais, dans
i ,;!ai!i
i
24
INTRODUCTION.
le but de mettre fin aux dissensions qui existaient à
cette époque. Il désirait depuis longtemps la réali-
sation de cette mesure importante. F.n 1822, pousse
par le parti anglais, il avait déjà travaillé dans ce
sens, quoiqu'il eût alors échoué, à cause de la pro-
testation d'une pa'-tie de la population du Haut-
Canada et do toute la population franco-canadienne.
Depuis lors, il n'avait cessé de tendre ses elToj-ts pour
amener ce résultat. En attendant raccomx)lissement
de l'Union, la métropole décréta la suspension de
la constitution de 1791. Elle donna instruction à
Sir John Golborne, alors administrateur de la pro-
vince, de former un conseil spécial, composé de
vingt-deux membres, pour expédier les affaires les
plus importantes. (*)
l'acte d'union.
■ I
Lord Durhani fut envoyé au Canada afin de tenir
une enquête sur l'état du pays, et de suggérer k la
métropole les mesures qui lui sembleraient les plus
propres à la prospérité des habitants. Sa ligne do
conduite avait été arrêtée d'avance; son rapport fui
fait évidemment dans le but de justifier l'objet que
le gouvernement avait en vue. Après avoir dissous
le conseil spécial, Lord Durham en forma un autre
omposé des personnages de sa suite, des juges et de
quelques Anglais du pays. Il organisa ensuite plu
sieurs commissions pour s'enquérir de l'éducation.
;
(i) Pour cette partie do l'introduction, nous avons consulté les
histoires du Canada du MM. Garnear. La-^^dière, Miles et
|!^afrancc. Cette dernière a étë publit'e dans La iifemaine.
N'
'M
i n;
INTRODUCTION.
25
des institutions municipales, de l'émigration, des
1 terres de la couronne. Il soumit au gouvernement
impérial un rapport volumineux, dans lequel il se
Ipiononçait en faveur de ranglification de la race fran-
■aise et du dépouillement de son influence. Le noble
[lord désirait changer le caractère de la province et
h'ii faire une province anglaise. Il approuva cepen-
dant les principes qu'avait défendus l'assemblée lé-
jgislative, en réclamant les pouvoirs qui lui étaient
k^ssentiels d'après la nature même du gouvernement
roi»résentatif. I' s'arnMa d'abord à une union fédé-
rale des colonies de l' Amérique du Nord, confédé-
btion qui pourrait s'effectuer dans la suite, mais
Irpii ne devait commencer qu'un quart de siècle
)lus tard. Pour ie moment, il conseilla l'union des
leux Canadas sous un seul gouvernement, en don-
kiaiit à chacun d'eux le même nombre de représen-
(ants, et suggéra de reviser la constitution du con-
feil législatif, d'assurer l'indépendance des juges,
abandonner à la législature tous les revenus de la
binonne, moins celui des terres publiques, pour la
loncession d'une liste civile, de rendre les ofTiciers
lu gouveriement responsables à la législature, etc.
Le parlement impérial adopta ces recommanda-
ions, malgré l'opposition d'un certain parti qui
jonssa le fanatisme jusqu'à vouloir priver la popu-
ilion ancienne du Canada de ses droits politiques.
>ans le mois de juin 1839, un projet de loi fut intro-
[nit pour opérer l'union sur les bases ci-dessus
lenlionnées, et pour prolonger l'existence du conseil
)pcial. La loi fut ajournée à la session suivante,
fin (le la faire adopter dans l'intervalle par les Ca-
26
INTRODUCTION.
!
iiiii
iiii
nadiens. L'Hon. Poulett Thompson, nommé goiivei-
neur-génlral, fut chargé d'accomplir cette mission
difficile. M. Tliompson, président du bureau de
commerce à Londres, était remarquable par ses la
lents et son énergie.
Le nouvePii gouverneur assembla le conseil spécial
du Bas-Canada au mois de novembre 1839, et lui
soumit la question de l'Union. Le conseil approuVa lo
projet, recommanda la, création d'une liste civile des-
tinée au soutien du gouvernement, et consentit à ce
que la partie de la dette du Haut-Canada contractée
pour des améliorations utiles aux deux provinces, fui
portée sur le revenu du Canada-Uni, mais il se pro-
nonça pour une représentation égale (adéquate)
dans chaque province. Trois membres seulement,
MM. Quesnel, Neilson etCuthbert, eurent le courago
de ne pas approuver par leur vote une mesure si in-
juste envers les Bas-Canadiens, (i)
Le gouverneur-général se rendit ensuite dans le
Haut-Canada ; il y convoqua la législature pour
obtenirson consentement sur l'union projetée. H lui
soumit des résolutions si avantageuses, qu'il gagna
du coup une grande majorité en laveur de ses vues.
Après une discussion assez animée, l'union fut ac
ceptée à condition que la représentation du Haut-Ca-
nada serait égale à celle du Bas, que toute la dette!
publique serait portée sur le revenu commun de laj
province-unie, qu'il serait voté une liste civile pouiv
l'indépendance des juges et de l'exécutif, et que lai
(^) Les membres qui votèrent en faveur de l'Union furent lesj
Hon. MM. Stuart, Pothier, DeLéry, Moflfat, McGill, de Rochc-
blave, Gerrard, Christie, Walker, Molson, Harwood et Haie, j
(Journal du Conseil Spécial.)
A
INTRODUCTION.
27
lajjitale serait placé o dans le Haut-Canada. L'assem-
]\ée législative demanda on outre, dans une adres-
à la reine, que la langue française fût abolie
[ans les procédés législatifs. Plusieurs membres,
(ntre autres, MM. Merritt, Small et McDonald de
rlengarry, votèrent contre cette dernière injustice,
jndant que d'autres, tels que MM. Sherwood et
ilartwright, demandaient pour le Haut-Canada une
|lus forte rcpréseatalion que dans la province infé-
lieure.
Une union conclue sur ces bases était certaine-
lent une affaire de spéculation pour les Haut-
lanadiens : leur dette s'élevait alors à près de
[ix millions de piastres : leurs revenus ne sufTi-
lient plus pour en payer l'intérêt et pour conti-
luer les grandes améliorations qu'ils avaient entre-
prises : enfin, de leur propre aveu, leurs finances
taicut dans un état si embarrassé, que la hi-
[euso banqueroute se présentait à leurs regards. Ce
[ui manquait à leur prospérité, ils allaient le
:ouver dans leur union avec le Bas Canada, qui
l'avait presque pas de dettes, et retirait des re-
[eiuis considérables : leur embarras financier allait
llors disparaître. De plus, les réformistes furent
|éduits par l'établissement du régime de la respon-
ibilité du gouvernement envers le peuple, que leur
Irometlait lord John Russell dans une dépêche en
|atedu16 octobre, et par les déclarations du gou-
(erneur-général, qui annonça que, suivant les in-
tructions rerues du bureau colonial, il gouvernerait
l'avenir le pays selon les vœux et les intérêts du
[euple, et qu'il aurait pour les sentiments tels qu'ex-
l'iniés par les représentants les égards qui leur
il
li iii!
28
INÏIIODUCTION.
étaient justement dus. Les membres du Haut-Canada
se montrèrent très-exigeants envers leurs futurs 1
alliés. Ils ne se contentèrent pas de les piller, en les]
rendant responsables de la dette publique, de dc-j
mander une représentation plus forte, eu égard à
leur population ; ils poussèrent l'injustice jusqu'àj
proscrire la langue française.
Dès que les Canadiens-Français connurent les dé-
tails du projet d'union, ils protestèrent énergique-
ment contre cette mesure, qui comportait envers euxl
des conditions injustes, et qu'on leur imposait sansj
les consulter. On avait bien, il est v^'ai, obtenu |
le consentement du conseil spécial ; mais ce conseil
nommé par la couronne, ne représentait ni lesl
vœux ni les sentiments du peuple, et l'on ne pouvait
faire passer son opinion pour celle de la population!
de la province ; en outre, il avait été convoqué avecj
tant de précipitation, que plusieurs membres éloi-
gnés n'avaientpas eu le temp? de se rendre à l'heure du |
vote sur cette question. Les Canadiens des districtsj
de Québec et des Trois-Rivières, soutenus par leurj
clergé et un bon nombre d'Anglais influents, récla-
mèrent alors contre cet acte inique, et demandèrent
le maintien de la constitution de 1791. Une adresse!
exposant ces réclamations fut signée par 40,000 ci
toyens,etenvoyéeau parlement impérial.(i)Une autre!
à peu près dans le môme sens fut signée par le
(') Un^ assemWée eut lieu à Québec le 24 janvier 1840, dans!
laquelle les Canadiens adoptèrent cette adresse qui fut envoyé* j
ensuite dans les campagnes pour être signée par la population.}
Parmi les signatairiîs, étaient : l'Hon. John Neilson, T.-C AylwinJ
lA. Borne, Thomas Wilson, le colonel J.-W. Woolsey, Konaldl
Macdonald, R.-E. Caron, Ls. Massue, Et. Parent, A. Berthelot,"
V. Têtu, etc.
iNtnODtJCTIO.S.
29
cierge do Montréal ; mais les citoyens de ce der-
nier district, bien qu'opposés à l'union, ne purent
s'entendre pour protester contre cet acte. (M Une
chose bien certaine, c'est que toute la population fran-
çaise et une partie des Ai^^lais du Bas-Canada étaient
opposés à l'union. Mais M. Thompson, dans ses dé-
pêches, montra sous un faux jour l'état des esprits et
des opinions, en écrivant (jue le nombre des Cana-
diens opposés à la mesure n'était pas aussi considé-
rable qu'on s'y attendait, que les trois-quarts des
signatures étaient des croix, tandis qu'une portion
trtîs-petite appartenait à des personnes d'extraction
britannique. Il appuyait surtout sur cette prétention
que l'assemblée unioniste tenue à Québec le 2 fé-
vrier, exprimait les sentiments de la très-grande
majorité de la population loyale du Bas-Canada;
enfin il terminait en annonçfmt qu'une grande tran-
Iquillité régnait dans la province. Il écrivait en même
temps que le clergé catholique n'exprimait pas ses
vœux réels lorsqu'il demandait la continuation de
jracte de 1791 ; le désir du clergé était, à ce qu'il lui
[paraissait, de voir le maintien du conseil spécial. Il
)révenait le secrétaire des colonies de ne pas ajouter
[beaucoup de poids à la pétition du clergé. (=)
Ces dépêches, remplies d'assertions erronées ou
( ') Les citoyens de Montréal s'assemblèrent le 21 février 1840,
idoptèrent, sur la proposition de M, La Fontaine, une adresse
lu parlement impérial, pour protester contre l'union ; un grand
lombrede personnes y apposèrent leurs signatures. {U Aurore des
'.'anadas). -l)'au très assemblées eurent lieu, sans obtenir cependant
ie succès. L'adresse ne fut pas envoyée en Angleterre.
(*) Dépêches du gouverneur-général, en novembre et en dé-
cembre 1839 et en janvier 1840.
H
1 1
■
30 IN'TU0DUCTI0:<.
liasarclées,forti fièrent le gouvernement impérial dans
son projet. D'ailleurs, le conseil spécial et la légis-
lature du Haut-Canada ayant donné leur consente-
ment de la manière qu'on vient de voir, il se trouva
pleinement rassuré, et présenta immédiatement l'acte
d'union, qui avait été auparavant rédigé par M.
Thompson ave: l'aide du juge en chef, Sir James
Stuart. L'acte fut voté presque sans opposition dans
la chambre des Communes, et reçut l'approbation do
Sir Robert Peel et de M. Gladstone. O'Connell se pro-
nonça avec force contre la proscription de la race
française. Il s'opposa à la mesure, parce qu'elle sanc-
tionnait l'inégalité de la représentation, tout en assu-
rant le paiement de la dette du Haut-Canada à même
les revenus de la province-unie, et parce qu'on vou-
lait la faire adopter dans un temps où les habitants
du Bas Canada, privés de leur constitution, ne pou-
vaient exprimer leur opinion. M. W.-S. O'Brien pro-
testa également contre l'injustice que l'on faisait au
Bas-Canada, en ne lui donnant qu'un nombre de
représentants égal à celui da Haut.
De son côté, M. Hume fut d'avis que la mesure
n'aurait pas le résultat qu'on en attendait, vu que
les habitants du Bas-Canada n'avaient pas été con-
sultés. Elle ne présentait pas assez de garantie
à l'élément populaire, et il n'en attendait pas de
succès, à moins que l'on concédât aux Cana-
diens le droit de se gouverner eux-mêmes. L'hono-
rable membre trouvait trop haute la qualification
des députés, et proposa môme de réduire la liste
civile. Il suggéra aussi de publier r ne amnistie géné-
rale avant de passer le projet d'union. Il ne voulut
pas cependant s'opposer à la mesure, qui était, dans
son opinion, préférable à l'état de choses actuel.
INTRODUCTION.
31
Dans la chambre des lords, l'acte d'union ren-
contra nne assez vive opposition. Les Canadiens
trouvèrent là de nobles défenseurs de leurs droits.
liOrd Melburne, un des ministres, en proposant le
projet d'union, s'attacha à démontrer l'importance
et la nécessité d'étouffer le mécontentement qui avait
éclaté dans les deux Canadas. C'étaient de semblables
mécontentements qui avaient f-^it perdre à l'Angle-
terre ses anciennes colonies de l'Amérique et le ter-
ritoire qu'elle avait possédé en France. Il était
impossible d'ajourner le règlement des 'afaires
(lu Canada, et le rétablissement de l'ancienne con-
slitution ne pouvait avoir lieu : la mesure propo-
sée était le meilleur plan à adopter. Dans un autre
discours, le noble lord avoua que le Bas-Canada n'a-
vait pas été consulté ; et dit que la conduite de la
chambre d'assemblée et la révolte qui avait éclaté,
avaient mis les ministres dans la situation de légis-
later pour le peuple sans son consentement. Le prin-
cipal argument que le ministère impérial présenta
en faveur de la mesure était que la population du
Haut-Canada s'accroîtrait plus rapidement que celle
(lu Bas, et qu'elle égalerait bientôt cette dernière.
Le duc de Wellington lui répondit que le temps
iréta'tpas encore arrivé de régler la question ; on
devait attendre que les Canadiens fassent calmés et
ios Etats-Unis moins disposés à les encourager à la
1 vvolte ; il fallait de plus faire convoquer de nouveau
la législature dans le Haut-Canada. La chambre
n'avait pas de preuves suffisantes du désir des Cana-
diens, pour la justifier de passer le projet. Le noble
orateur trouva injustes les moyens que le gouverne-
ment avait employés pour obtenir le consentement
n
îN'rnoDtîCTioK.
du Haut-Canada à la mesure, et dit que la popdla'
tion française s'était généralement déclarée contre
l'union.
Lord Ellenborougli fut d'avis qu'en passant ce
projet de loi, «qui était la mesure lapins fraudu-
leuse et la plus injuste qui eût jamais été pré-
sentée au parlement, on rendiiit beaucoup plus difTi-
cile la législation future pour l'avantage réel de
la colonie. La loi n'atteindrait pas le but de ses
auteurs ; car quel était son objet pratique ? Ce
n'était réellement pas de donner des institJitions
libérales aux Bas-Canadiens, mais de défranchiser
sous ce prétexte la population française ; c'était
de mettre la grande masse du peuple du Bas-
Canada sous la domination absolue de la majorité
des Haut-Canadiens et d'une petite minorité du Bas-
Canada ; c'était de punir par le défranchissement
électoral toute une population, pour la faute d'une
petite portion de cette même population, commise il
y a deux ans.» Le noble lord proposa plusieurs
amendements, dont un devait donner au Bas-Canada
une plus forte représentation. Dans son protêt, qu'il
fit enregistrer, comme le furent ceux du duc de Wel-
lington et du comte de Gosford, il disait: «Si
l'on veut priver les Canadiens Français d'un gouver-
nement représentatif, il vaudrait mieux le faire d'une
manière ouverte et franche, que de chercher à éta-
blir un système permanent de gouvernement sur
une base que le monde entier s'accorde à qualifier
de fraude électorale. Ce n'est pas dans l'Amérique du
Nord qu'on peut en imposer aux hommes par un
faux sembhmt de gouvernement représentatif, ou
i ■* m\
INTIIODUCTION.
33
kuu' faire a-^croire qu'ils no sont qu'en minorité de
votes, lorsqu'ils sont de fait défranchisés.»
Lord Broughani considérait le consentement des
colons à la mesure comme absolument nécessaire.
Personne ne pouvait nier que, si la chambre d'as-
semblée eut été consultée, elle aurait unanimement
repoussé l'union. Il craignait que la mesure ne
créât de la division entre les Canadiens, et n'excitût
des mécontentements continuels entre eux et la mé-
tropole.
Le Comte de Hardwicke, en proposant de ren-
voyer à six mois la prise en considération du projet
d'union, soutint que le plan de donner à la minorité
anglaise une prépondérance dans la législation sur
la majorité, qui appartenait à la race française, y per-
pétuerait des discordes, et qu'on ne pouvait ijar au-
cune union établir un gouvernement juste envers
tous. Son amendement n'eut l'appui que de dix voix.
Lord Seaton (Sir John Colborne), tout en expri-
mant les i:>lus grandes appréhensions au sujet des
résultats probables de l'union, croyait que, dans
l'état actuel du Canada, il serait préférable de laisser
l'union des provinces s'effectuer.
Lord Gosford, ancien gouverneur du Canada,
(1835-8) parla ensuite. Son opinion devait être res-
pectée : personne ne connaissait plus parfaitement
les sentiments et l'état des divers partis. Voici un
extrait du discours remarquable qu'il prononça sur
ce sujet important « Je ne puis m'empôcher
de regarder l'union des provinces comme un acte
(les plus injustes et des plus tyranniques, privant la
province inférieure do sa constitution, pour les actes
de quelques hommes malintentionnés, et la livrant
34
INTRODUCTION.
! il
pour ùtro noyée par ceux qui, sans cause, lui ont
montré tant de haine; car ce projet de loi doit la
noyer. Vous donnez à 300,000 ou 400,000 ;\nies la
même représentation qu'au Bas-Canada, qui a inie
population d'au moins 700,000 Ames ; ensuite vous
imposez ia dette de la province supérieure, qui, dit-
on, excède un million de louis, à une province
qui n'a presque aucune dette. Peut-il y avoir rien
de plus arbitraire et de plus déraisonnable ? En
vérité, la légalité d'un pareil acte peut être mise
en question : car j'apprends qu'aucune parde de
*la dette de la province supérieure n'a été sanc-
tionnée par le gouvernement de ce pays lorsqu'elle
fut contractée. Je dois déclarer de nouveau la con-
viction où je suis que tout cela a pris origine dans
une intrigue mercantile. Je dis que la population
française désire vivre sous la protection britannique,
comme dans l'alliance britannique, et que la très-
grande majorité des habitants des deux Canadas est
opposée à l'union Je ne puis donc consentir
à une mesure fondée, comme je le crois conscien-
cieusement, sur de fausses informations et sur l'in-
justice. Tant que je vivrai, j'espère n'approuver
jamais une mesure semblable à CbUe qui est sou-
mise à la considération de vos seigneuries. J'ai dit
ce que je crois fermement être la vérité, et ce qui
pourrait être appuyé du témoignage de tout esprit
calme dans les deux Canadas.» (i)
Mais ces représentations et ces protestations de la
(^) Ces débats ont été tirés du Canadien, et la traduction dos
discours a été empruntée à ce journal. La Gazette de QiiAbec ;i
aussi été consultée pour ce qui a trait aux détails sur la question
4e l'union,
INTHODICTJON.
35
part d'amis désintéressés du Canada et de la métro
pôle n'eurent aucun succès : la mesure fut voléo
dans la chambre des lords. Le sort du Canada fran-
çais était fixé d'avance : depuis longtemps ses ad-
versaires suggéraient l'union comme un moyen de
faire cesser les dissensions politiques, en diminuant
rinfluence de l'ancienne population du pays, et en
accordant la prépondérance aux Anglais. j)e plus,
un parti puissant était vivement intéressé à faire
passer celte mesure. Le Haut-Canada devait près de
six millions de piastres, dont la plus grande partie
était payable à la maison Baring, de Londres. Un des
associés de cette puissante maison était alors ministre
des finances en Angleterre. (M Voyant que sa cré-
ance était en danger, à cause de l'état embarrassé
des finances du Haut-Canada, elle fit tous ses efforts
pour opérer la réunion des deux provinces — parce
que le Bas-Canada possédait de grands revenus, et
n'avait presque pas de dettes. Au moyen de l'influ-
ence des capitalistes, des marchands anglais, des
rapports erronés du gouvernement sur l'état du pays,
de la pressante demande de la mesure par les
Haut-Canadiens et une partie de la population an-
glaise du Bas-Canada, et d'autres intérêts divers, l'u-
nion dut triompher ; et les Bas-Canadiens furent
enfin sacrifiés à la cupidité et aux caprices d'hommes
appelés à vivre avec eux dans une même société.
L'acte d'union reçut la sanction royale le 23 juil-
let 1840. Cet acte établissait nn conseil législatif
d'au moins vingt membres nomm.és à vie, et une
chambre d'assemblée de quatre-vingt-quatre dépu-
tés élus par le peuple, dont quarante-deux pour
(') Gazette de Québec.
il
36
INTRODUCTION.
clia«iue province. Il lixait la durée de clia(ii\e parle-
ment à quatre années, et exi^^eait le vole des deux
tiers des députés pour changer le chiffnî de la repré-
sentation et les divisions électorales. La qualification
des députés était portée à X500, et le quorum de la
chambre représentative à vingt membres. La con-
stitution changeait les divisions des comtés, fixait de
nouvellesdivisions élcctorales,etaccordait à l'exécutif
seul l'initiative pour les votes d'argent. Une liste civile
de £45,000 était établie permancmment pour payer
le salaire du gouverneur et des juges, et une autre
de £30,000 pour couvrir celui des fonctionnaires
publics, seulement pendant la vie du souverain.
Le même acte stipulait que la langue anglaise
serait la seule langue parlementaire, et que l'intérêt
de la dette publique dos deux provinces, lors de leur
union, serait perçu sur les revenus du'Oanada-
Uni. Le choix du siège du gouvernement était
laissé à la disposition du gouverneur.
Gomme on le voit, cette constitution était
loin d'être favorable aux habitants du Bas-Canada.
Elle accordait à la nouvelle alliée, i;)enplée alors d(>
450,000 âmes au plu'' un nombre de représentants
égal à celui du Ba? Cnada, qui renfermait une po-
pulation de 650,000 ; elle dôfrancliissait, par de nou-
velles divisions électorales, une partie de la popula-
tion française, en accordant aux Anglais de la pro
vince-unie plus des deux-tiers de la représentation :
car des comtés populeux, habités par des Canadiens-
Français, furent réunis, tandis que des comtés an-
glais moins peuplés conservèrent leurs limites, cl
que le droit de représentation fut accordé à plu
lili
lia
INTRODUCTION.
37
sieurs petites villes de (luelques mille Ames. (MLa
même constitution proscrivait dans les procédés élec-
toraux et législatifs la langue do la moitié de la
[loiiulation du pays, et contraignait enfin le Bas-Ga
nada, qui n'avait qu'une dette insignifiante, à parta-
ger celle de la province supérieure, — la partie con-
tractée pour des travaux purement locaux, comme
celle encourue pour des améliorations utiles aux
deux provinces. Deux autres clauses injustes, mais
regardant également les deux populations, étaient
celle qui donnait aux membres de l'exéculif l'initia-
tive dans les votes d'argent, et colle qui imposait une
liste civile de £75,000, sans le consentement des re-
présentants du peuple. Cette liste laissait les employés
I)ublics indépendants des chambres, et allait ab-
sorber, avec l'intérêt de la dette publique, presque
tout le revenu de la province.
En imposant l'union, le parlement impérial dé-
crétait donc en réalité l'abaissement de la race fran-
çaise, et la plaçait dans une infériorité politique
vis-à-vis de l'autre population. Les Canadiens-Fran-
çais ne méritaient certainement pas un sort sembla-
ble. Sans leur fidélité héroïque et inébranlable,
( ' ) Pour donner une preuve convaincante de l'inégalité de
la représentation, telle que la donnait l'acte d'union, il suffit de
comparer la population des divisions électorales suivantes :
Kingston 6,292 âmes. Huntingdon 36,204 âmes,
t'ornwall 1,407 " Dorchester 34,817
Niagara 2,287 " Berthier 26,859
London 2,078 " Deux-Montagnes.. 26,835
Bytown en v. 3,000 " Beauharnais. 28,746
15,064 153,401
(!omme on le voit, ces cinq villes, avec une population de 15,-
_0G4 âmes, avaient le même nombre de représentants que cinq
jComtés, qui comptaient 153,461 habitants.
M
38
INTRODUCTION.
l'Angleterre ne posséderait pas un seul pouce de terre
en Amérique. En effet, dans deux occasions mémo-
rables, ils avaient, comme on Ta déjà vu, repoussé
avec bravoure les luvasions américaines. Si, à la
suite de vives luttes parlementaires et de persistantes
i justices, quelques centaines d'entre eux s'étaient
montrés rebelles à l'autorité établie, ils en avaient
été, avouons-le, sévèrement punis. Mais, dans le
moment, la masse de cette population avait, par
de nombreuses adresses, prouvé sa parfaite loy-
auté. Une cbose bien certaine, c'est que si la dé-
pôclie de lord John Russell, établissant le gouverne
ment responsable, eût été publiée deux ans plus tôt,
elle aurait prévenu tous ces malheurs.
Pour la faute d'une poignée de Canadiens, la mé-
tropole punissait toute une province, en lui enle-
vant sa constitution, pour lui en donner une autre
qui comportait des clauses aussi vexatoires. Elle n'a-
vait cependant pas puni le Haut-Canada, qui s'était
également engagédans desmouvements insurrection-
nely. La révolte de cette dernière province était loin
d'être justifiable, car elle n'avait pas été maltraitée
comme le Bas ; elle n'avait pas eu à se plaindre d'aussi
grands griefs. Bien loin de la punir, on lui accordait,
par l'acte d'union, les plus grands avantages ; on la
récompensait pour ainsi dire, en lui laissant son goi;-
vernement représentatif, et en lui permettant de déli-
bérer sur le projet d'union, mesure d'un intérêt vital
pour les deux provinces, mais d'une importance ma-
jeure pour le Bas-Canada. L'Angleterre se montrait
donc ingrate envers l'ancienne population du paj's ;
elle commettait envers elle un acte injuste, acte que
l'opinion publique a flétri comme étantd'une oppres-
INTRODUCTION.
30
sioii inouïe. On peut dire sans exagération qu'elle
viola le droit des gens, parce qu'elle détruisit l'équi-
libre entre les deux populations et favorisa l'une plus
que l'autre.
L'avenir se montrait aux Canadiens-Français cou-
vert de sombres nuages : leurs institutions et leur
nationalité recevaient un grave échec, et semblaient
(Hre menacées plus que jamais. Pour conjurer l'orage
iiioaaçant, ils suivront l'exemple donné par leurs
ancêtres dans les moments critiques, et resserreront
(Mitre eux les liens de l'union la plus parfaite. Ils
combattront ces nouvelles tentatives faites en fa-
v(3\u' de leur abaissement; ils contraindront enfin
Ilmu's adversaires à leur rendre justice et à les regar-
der comme des frères, Le métropole, de son côté,
reconnaîtra leur "mérite et rappellera les clauses
vexatoires de l'acte d'union. A mesure que la race
anglaise viendra en contact avec les Canadiens, elle
reconnaîtra la magnanimité de leur caractère, leur
grandeur d'âme ; et ses préjugés d'autrefois dispa-
raîtront peu à peu. De temps en temps, de grands
orages viendront troubler l'harmonie et la paix
entre les deux peuples, si différents par leur na-
tionalité, leur religion et leurs coutumes. Mais, en
somme, la politique ancienne fera place à une poli-
tique plus juste, plus modérée ; les chefs les plus
avancés de chaque parti se donneront la main et for-
meront des coalitions puissantes. On verra alors les
descendants des deux grandes nations qui président
à la civilisation du monde, fraterniser ensemble, et
réunir leurs efforts pour procurer le bien être et la
prospérité du pays. C'est ^q que l'histoire de l'union
va nous prouver.
40
LNTHODUGTION.
Les auteurs de la constitution de 1840, qui vou-
laient anglifier le Bas-Canada, ont donc manqué leur
but. Cette province est restée française par sa religion,
son langage et ses mœurs. Toutes les tentatives en-
treprises pour lui faire renier son passé et perdre ses
institutions et sa nationalité, ont échoué. En effet,
cette nationalité, dont les racines remontent à deux
siècles et demi, ne saurait périr : la trace qu'elle
a laissée dans le sol est trop profonde pour qu'elle
puisse disparaître. D'ailleurs, la population française
est trop nombreuse aujourd'hui ; elle occupe d'une
manière trop compacte le territoire possédé par °o
ancêtres, pour qu'il en soit autrement. Comptant à
peine 60000 âmes à l'époque de la conquête, elle at-
teignait, en 1840, le chiffre d'un demi-million. Au-
jourd'hui elle forme un peuple d'un million d'âmes,
toujours prêtes à s'unir contre l'oppression et l'injus-
tice.
C'est de ses propres forces que ce peuple s'est ac-
cru, malgré môme une émigration considérable de
ses enfants dans la République Américaine ; c'est de
ses propres ressources qu'il a prospéré. A la surprise
de ses antagonistes, il a su vaincre toutes les tenta-
tives que ces derniers ont faites pour diminuer son
influence. Il a conservé intact le caractère national
transmis par ses ancêtres. Ce caractère distinctif lui
est maintenant acquis ; il est inébranlable, et jamais
on ne pourra le lui ravir.
Mais peut-on avec raison blâmer, comme on l'a
souvent fait, ces mêmes Canadiens d'entourer de leur
tendresse, de leur ardente sollicitude, cette langue,
ces institutions et cette nationalité, qui sont leur im-
mortel héritage et les gardiens de leurs droits, do
INTRODUCTION.
41
leur existence, de leur liberté ? Non ; on ne le peutj
puisqu'ils n'ont fait que suivre l'exemple tracé pai*
les autres peuples. Chez toutes les nations, l'imagé
de la patrie ne s'efface jamais, la gloire des ancêtres
est toujours vivante à la mémoire : ce sont des sou-
venirs agréables qui restent gravés dans le cœur
humain. Tous les peuples aiment à conserver cettd
physionomie nationale qui leur est si chère.
Depuis la conquête, le Haut-Canada avait énorme»
ment progressé. Avant 1770, il n'y avait que quel-
ques familles françaises établies dans le voisinage
de Kingston et du Détroit. Pendant les années
suivantes, quelques milliers de loyalistes quittèrent
les colonies anglaises qui venaient de rompre leurs
relations avec la métropole, et vinrent fixer leur
résidence dans les cantons limitrophes de la fron-
tière. Lors de l'établissement de la constitution de
1791, la population ne s'élevait pas encore à 50,000
Ames; en 1824, elle atteignait 151,097, en 1834,
320,693. (1)
Cette province voyait, en 1840, sa population se
,.:ui^r au chiffre de 400,000 environ. (^) C'était l'é-
'^r-^tion européenne qui lui avait valu ce grand
acc; ^'ssement. La fertilité de ses terres et la douceur
de son climat y avaient attiré de préférence les co-
lons étrangers.
Comparativement au Bas-Canada, cette province
avait été traitée par la métropole avec bienveillance
( ') Extrait de l'Appendice B des Journaux de VAsssemblée Lé-
'lislativeàe 1849.
(') Le recensement de 1842 lui donne une population de 486,059
âmes.
42
INTRODUCTION.
et modération. Jusqu'aux dernières années delà con
stitution de 1791, on peut dire qu'elle avait été satis-
faite du régime qui l'avait gouvernée et sous lequel
elle avait tant progressé. Une longue lut'e à peu
près semblable à celle qui avait existé dans la pro
vinro-sœur, avait eu lieu entre le parti conserva-
teur, communément appelé «Family Compact, » et
le parti réformiste ou libéral. La différence cou
sistait vn ce que l'une et l'autre appartenaient
à la même origine. Le «Family Compact, » com
me le parti oligarchique du Bas - Canada, s'était
emparé du'pouvoir, possédait les emplois publics,
et dominait dans le conseil législatif. Mais, dans l'as-
semblée législative, il se trouva tantôt en majorité,
tantôt en minorité. Il cassa à sa volonté les parle-
ments, et refusa plusieurs mesures de réformes de-
mandées avec instance par les libéraux. Au nombre
de ces réformes, étaient la responsabilité du gouver-
nement envers la législature et la question des ré-
serves du clergé. La lutte devint à son apogée sous
l'administration de Sir Francis Bond Head ; et les
mécontents, sous la conduite de M. McKenzie, sym-
pathisèrent avec les libéraux du Bas-Canada, et se
portèrent même à la révolte. Comme dans la pro-
vince inférieure, le gouvernement sévit avec la plus
grande rigueur, et le pays rentra bientôt dans le
calme.
ASPECT CtI^NÉRAL DU CANADA EN 1841.
A l'époque de l'Union, le Canada comptait une
population d'environ 1,050,000 âmes, dont la moitié
INTRODUCTION.
43
appartenait ù rorigine française. De ce nombre,
650,000 habitaient le Bas-Canada. (M
Les Canadiens s'occupaient alors essentiellement
d'agriculture. Comparativement à l'époque actuelle,
ils se livraient peu aux diverses industries. Les manu-
factu X es étaient en très-petit nombre ; elles consistaient
principalement dans l'exploitation des mines de fer,
la construction des navires et la préparation des bois
pour l'exportation à l'étranger. On ne retirait aussi
que peu de iovenus des immenses pêcheries du golfe.
Dans le Bas-Canada, l'agriculture était pratiquée
par l'ancienne population d'après le vieux système
français. Il faut excepter cette partie des Cantons de
l'Est où les émigrés vouaient d'y introduire des amé
liorations nouvelles. Dans le Haut-Canada, au
contraire, les colons européens avaient apporté les
systèmes améliorés d'agriculture en usage dans leur
pays respectif. En outre, le sol était plus nouveau,
le climat plus doux : ces circonstances firent que
cette province put jouir d'une prospérité un peu plus
grande.
Les deux provinces étaient en général prospères.
Le sol, qui y est d'une grande richesse, est propre à
produire les grains de toutes sortes et une grande
variété de fruits, malgré un climat un peu sévère
( ' ) Cette population des deux Canal^s est calculée d'après les
statistiques suivants, qui ont été publiés dans l'Appendice B.
Journal de V Assemblée Législative, 1849 :
Haut-canada.
BAS-CANADA.
1825 423,630
1831 511,422
1844 690,782
1811 77,000
1824 151,097
1834 320,693
1842 486,055
(*) Galette de Québec,
■1'.
. il!
44
INTllOÛUGTIOÎ^.
pendant les froids de son long hiver, climat qui est
cependant des plus salubres et des pins agréables
dans la saison tempérée.
Deux villes se distinguaient déjà par leur popu-
lation et leur état florissant : Québec, ancienne
capitale du Bas-Ganada, qui comptait environ 35,000
âmes, et qui, par sa position, était le centre principal
du commerce d'outre-mer; Montréal, entrepôt du
commerce intérieur, ville qui allait surpasser de
beaucoup son aînée par son accroissement en richesse,
l'extension de son commerce et sa population, qui
était alors de 40,000 âmes.
Les villes de Toronto, de Kingston, d'Outaouais et
d'Hamilton,aujourd'huipros]3ères,n'étaiont alors que
des villages d'à peine quelques mille âmes.
Jusqu'à cette époque, la colonisation, chose si
essentielle au progrès matériel du pays, avait été
presque entièrement négligée par les législateurs.
Les chemins manquaient, le prix des terres était
trop élevé, et l'accès en était, pour ainsi dire, inacces-
sible. De plus, ces terres appartenaient à un certain
nombre de grands propriétaires, qui semblaient ne
les avoir acquises que dans un but de spéculation.
La liberté de commerce n'avait pas encore été con-
cédée, de sorte que les vaisseaux des nations autres
que l'Angleterre ne pouvaient naviguer dans les
eaux du Canada, et qu'il n'y avaitréellementaucune
relation commerciale directe entre la colonie et les
vieux pays de l'Europe. Le libre échange des pro-
duits canadiens avec ceux des Etats-Unis n'existait
pas non plus. Gomme aujourd'hui, le commerce
d'exportation consistait principalement en bois de
construction et en céréales.
r |p!
Pi"
INTRODUCTION.
45
Les finances dn Bas-Canada étaient dans un état
très-prospère, et le gouvernement n'avait été obligé
d'imposer que de très-légères taxes, puisque le
revenu total ne s'élevait, en 1840, qu'à £1CG,000. Il
eût cependant mieux valu que l'administration pré-
levât des impôts plus élevés, afin de faire des amé-
liorations locales, et d'encourager surtout la coloni-
sation. Le revenu du Haut-Canada ne s'élevait qu'à
£75,000 environ. Le gouvernement avait cependant
commencé de grands travaux, et par là grevé son
crédit d'une dette de $5,458,523.09, fardeau que le
Bas-Canada était appelé à partager d'après une clause
de l'acte d'union.
Les canaux de la province, bien que commencés
depuis plusieurs années, n'étaient pour ainsi dire
qu'ébauchés : il fallait des sommes considérables
pour les améliorer et les achever. Ces travaux ter-
minés allaient faire du Saint-Laurent le plus beau
fleuve du monde parla facilité qu'il offrirait au com-
merce.
Il n'existait encore aucune ligne télégraphique.
Aucune voie ferrée ne sillonnait la vaste province.
Les postes étaient sous le contrôle de la métropole ;
le taux des lettres était très-élevé, et le service ne se
faisait qu'à des intervalles éloignés.
Dans le Bas-Canada, la tenure seigneuriale existait
dans toute sa force, comme au temps de sa création,
tandis que, dans la province-sœur, le système de franc
cl commun soccage était en pleine vigueur.
L'éducation élémentaire était, à la vérité, peu ré-
pandue dans la province, surtout dans le Bas-Canada,
où il n'y avait que 57,00'0 enfants environ qui, sur
les 170,000 en Age de s'instruire, fréquentaient
I
46
INTROnUCTION
les diverses écoles élémentaires ou supérieures. Lo
Haut-Gauada, quoique un peu plus favorisé sous ce
rapport, n'en avait environ que 55,000 sur 130,0^^
D'un autre côté, l'éducation supérieure était plus
répandue dans le Bas-Canada. Un nombre assez con-
sidérable de collèges ou d'écoles supérieures dou-
blaient une éducation des plus soignées à la popula-
tion canadienne.
Au nombre des institutions scientifiques^ on ne re-
marquait que la Société Littéraire et Historique de
Québec, fondée en 1824, et la Société d'Histoire Na-
turelle de Montréal. L'Hôtel-Dieu et l'Hôpital-Géné-
ral des ^^lles de Québec et de Montréal étaient près
que les seules institutions de bienfaisance et de cha-
rité. (1) On peut dire sans exagération que l'éduca-
tion élémentaire était trop peu répandue, et que les
institutions existantes ne suffisaient pas aux besoins
du pays.
Quant à la littérature, aux sciences et aux arts, ils
étaient peu cultivés et peu encouragés. Le goût litté-
raire ne s'était presque pas encore fait sentir. Une pièce
de poésie, une brochure littéraire ou historique, était
presque un événement remarquable. M. Michel Bi-
baud avait déjà publié le premier livre de poésies
canadiennes, une histoire du Canada sous la domi-
nation française et quelques autres ouvrages d'un
mérite réel, eu égard au temps où ils ont été
(') L'Hôtel-Dieu de Québec fut fondé, en 1639, parla duchesse
d'Aiguillon ;
L'Hôtel-Dieu de Montréal, en 1642, par Mlle Mance et Madame
de Bouillon ;
L'Hôpital-Général de Québec, en 1693, par Monseigneur de
Saint- Valier ;
L'Hôpital-Général de Montréal, en 1694, par MM. Charon, Le
Ber et Frédin,
INTRODUCTION.
47
publiés ; M. Jos. Bouchette publia sa « Descrip-
tion topographique du Bas-Canada, » ouvrage très-
utile et estimé ; M. J.-F .Perrault rédigea aussi di-
vers ouvrages classiques etagricoles; le Dr. \'eilleur
publia ses t. Lettres sur l'Education » et son k Cours
de Chimie ; » l'Hon. D.-B. Viger, divers Mémoires in-
téressants ; M. P.-A. De Gaspé, son « Roman de Mœurs
canadiennes;» M. J.-B. Faribault, sou « Catalogue
d'ouvrages sur l'Histoire de l'Amérique. »
Durant les dernières années, la poésie avait fait
quelques progrès. Plusieurs jeunes poètes avaient
donné au public quelques pièces intéressantes et de
goût ; nous nommerons, entre autres, MM. F.-X.
Garneau, P.-J.-O. Chauveau, F.-M. Derome, P. La-
violette, J.-G. Barthe et P. Petitclair.
La littérature anglaise ne semblait guère moins
avancée. Plusieurs ouvrages de mérite avaient été ce-
pendant publiés de temps à autre.
D'autre part, la presse périodique avait une assez
grande circulation dans les deux provinces. Il y
avait alors environ cinquante journaux. Parmi ceux
qui défendaient la cause libérale, on remarquait Le
Canadien^ rédigé depuis 1831, avec talent et patrio-
tisme, par M. Etienne Parent, un des publicistes les
plus renommés du pays ; La Gazette de Québec dans
les deux langues, depuis de longues années sous la di-
rection de l'Hon. John Neilson, doyen des membres
de la presse ; U Aurore des Canadas, publiée à Mont
réal, et VExaminer de Toronto, rédigé, par M.
Francis Hincks, jeune publiciste de mérite. Dans la
presse conservatrice, on distinguait le Mercury, publié
à Québec, et rédigé par M. W. Kimlin ; le Herald^ le
Courrier et la Gazette^ journaux anglais publiés à
48
INTIIODUCTIOX.
Montréal ; le Kingston Herald^ le Globe de Toronto,
etc. (^) On pent ajouter Le Fantasque^ journal hu-
moriste, publié à Québec par le spirituel M. N.
Aubin, et Les Mélaiiges Religieux^ recueil périodique,
publié à Montréal dans les intérêts de la religion
catholique, et sous la direction du Rév M. Prince,
sulpicien.
En 1841, le Bas-Canada était divisé en deux dio-
cèses catholiques : celui de Québec, dont le siège
était occupé, depuis 1833, par Mgr. Josegh Signay,
ayant pour coadjuteur Mgr. P-.F. Turgeon, èvéque
de Sidyme ; et celui de Montréal, qui, depuis un au
(') Le OatMdien, Québec, foudé en 1806 par M. P. Bëdanl et
autres.
The Mercury, Québec, fondé en 1805 par M. T. Cary.
La Oazette de Québec dans les deux langues, fondée en 1764
par MM. Brown et Gilmore.
Le Fantasque, Québec, fondé en 1837 par M. Aubin.
L'Aurore des Canadas, Montréal, fondée en 1838 par M. F.
Cinq-Mars.
Tiie Morning Courrier, Montréal.
The Gazette qf Montréal, établie en 1 778.
The Montréal Herald.
Les Mélanges Religieux, Montréal, fondés en 1841 par le Rév.
M. Prince.
The Canada Times, Montréal, fondé en 1840.
The Commercial Messenger, Montréal, fondé en 1840.
The Times <fc Commercial Advertiser, Montréal, fondé en 1841.
TVte Transcript, Montréal.
The SJierbrooke Gazette.
The Bytovm Gazette.
The Kingston Chronicle.
The Kingston Herald.
The Examiner, Toronto, rédigé par M. F. Hincks.
The Globe, Toronto.
ThePatriot, Toronto.
The Toronto Christian Guardian.
The St. Catherine Journal.
The Brockmlle Recorder.
The London Examiner.
La Miner re, fondée en 1827 car M. Moiiu avait cessé d'ôtre
pabliée pendant les troubles insurrectionnels. Ce fut en 1842
qu'elle parut de nouveau.
INTRODUCTION.
49
avait pour chef Mgr. Ignace Bourget. L'église d'An-
gleterre était dirigée par lord G.-J. Mountain, D.
D., évoque de Montréal, qui administrait en môme
temps le diocèse de Québec, dont le siège était alors
vacant.
Dans le Haut-Canada, il n'y avait qu'un diocèse ca-
tholique, celui de Kingston, qui avait à sa tête Mgr.
Rémi Gaulin, et un seul diocèse anglican, celui de
Toronto, dont le siège était occupé par le lord évoque
John Strachan.
Il y avait pour le Bas-Canada une cour d'appel,
une cour du banc de la reine à Québec, une autre à
Montréal, une troisième aux Trois-Rivières. Il exis-
tait aussi "une cour provinciale dans les districts in-
férieurs de Gaspé et de Saint-François, et une cour
de vice-amirauté à Québec. (*)
(*) La cour d'appel, établie par l'acte passé dans la 34e année
du règne de George III, se composait du gouverneur, du lieute-
nant-gouverneur, des membres du conseil exécutif, du juge en
chef de la province et du juge en chef de la cour du banc delà
reine de Montréal.
La cour du banc de la reine ayant juridiction dans les causes
criminelles, se composait, pour le district de Québec, des juges
suivants :
Juge en chef. — Hon. Sir James Stuart;
( Hon. Ed. Bowen,
Juges puînés < Hon. Ph. Panet,
( Hon. Elz. Bédard.
Four le district de Montréal,
Juge en chef
Juges puînés
Hon. George Pyke,
Hon. J.-R. Rolland,
Hon. Samuel Gale.
Le district des Trois-Rivières avait pour juge l'Hon, Jos.-R.
Vallières de St. Real ; celui de St. -François, THon Fletcher, et
celui de Gaspé, John-G. Thompson, Ecr. L'Hon. Henry Blacl^
était juge de la cour d'amirauté. ' i '*
3
50
INTRODUCTION.
9'
Dans le Haut-Canada, on comptait une cour d'appel
à peu près semblable à celle du Bas-Canada, une
cour de chancellerie, quelques cours du banc de
la reine et de vérification des testaments.
On pouvait considérer comme trop restreint le
nombre des cours de justice dans les deux provinces.
Les habitants étaient obligés do parcourir à grands
frais des distances considérables, pour obtenir des
tribunaux le redressement de leurs griefs ; la justice
en souffrait beaucoup. En outre, la législation cri-
minelle était très-sévère : la peine du pilori sq trouvait
encore en force, et la punition des délits de deuxième
ordre était trop grande. Cette législation, au lieu
de corriger les criminels, pouvait avoir l'effet de les
décourager et de les plonger de plus en plus da'^s
la voie du vice. Elle avait donc besoin d'une réfo:
sérieuse.
Après avoir parcouru rapidement l'histoire du pays
jusqu'à l'Union, après avoir examiné les divers cir-
constances qui ont imposé aux Canadiens la consti-
tution de 1841, et jeté un coup d'œil sur l'état du
pays à cette époque, le lecteur pourra suivre, avec
plus de satisfaction ot d'intérêt, le grand progrès
religieux, politique, industriel, commercial, etc., qui
va se dérouler sous ses yeux pendant les vingt-sept
années qui vont s'écouler.
LE CANADA SOUS L'UNION
18U-1867
PREMIERE PARTIE
1841-1847
CHAPITRE I
ADMINISTRATION DE LORD SYDENHAM.
MINISTÈRE DRAPER-OGDEN.
1841.
Proclamation de l'Union. — Formation du ministère. — Elections.
— Observations sur les représentants du peuple. — Conseil lé-
gislatif.— Ouverture de la législature. — Débats sur la réponse
au discours du trône. — Gouvernement responsable. — Elections
contestées. — Sonunes votées pour améliorations publiques. —
Exilés politiques. — L'acte des écoles, lois criminelles, actes
des municipalités du Haut-Canada, etc. — Résultat de la ses-
sion.— Mort de Lord Sydenhara, jugement çur sa politique. —
Difficultés internationales. — Chapitre de Montréal. — Monsei*
gneur de Nancy et M. Vattemarre. — Décès des Canadiens re-
marquables.
Le 5 février 1841, l'Hon. M. Thompson, qui venait
d'être nommé baron de Sydenham et de Toronto,
lança une proclamation annonçant que l'union des
provinces du Haut et du Bas-Canada serait en force
le 10 du même mois. Il prêta serment ce jour-là, 10
hfévrier, comme gouverneur de la nouvelle province,
[entre les mains du juge en chef Sir James Stuait, à
52 aYDENHAM. [1841
rhôtel du gouvernement, à Montréal. Une salve de
19 coups de canons fut tirée pour la circonstance.
Dvans l'après-ir idi, le gouverneur tint un lever, et
les réjouissances se terminèrent par un bal à son
château.
Le même jour. Lord Sydenham publia une se-
conde proclamation, dans laquelle il ani^onçait que,
conformément aux ordres de Sa Majesté, il prenait
les rênes du gouvernement de la province-unie. Voici
un extrait de cette proclamation, qui nous indiquera
quels sentiments éprouvait le gouverneur à l'égard
des habitants de chaque province :
« Par l'acte impérial qui fixe l'Union, le gou-
vernement représentatif est rétabli (pour le Bas-
Canada), et le contrôle du peuple sur ses propres
affaires, qui est regardé comme le plus haut privi-
lège des Anglais, lui est encore une fois rendu.
L'acte qui pourvoit à cela, attache à cet octroi cer-
taines conditions sur lesquelles la législature pro-
vinciale ne peut exercer aucune autorité, tandis
qu'il laisse à l'arbitrage définitif de la législature
toutes questions autres que celles ':^ue le parlement
impérial, dans sa sagesse, a cru essentiel de déci-
der lui-môme : la réunion législative, l'établissement
d'une administration sûre et ferme du gouvernement,
et le maintien des relations convenables entre la
colonie et la métropole. On s'est étudié à tromper
sur ce point les ignorants, et particulièrement quel-
ques-uns de nos co-sujets d'origine française ; à re-
présenter ces dispositions comme injustes, à les
f.raiter comme susceptibles de changement ici, et ù
exciter une opposition qui ne pourrait qu'être aussi
malfaisante qu'elle sera nécessairement inutile.
B i
1841]
SYDENHAM.
53
« Je me flatte cependant que ces efforts seront in-
fructueux, et j'en appelle à la loyauté et au bon
sens des habitants du Bas-Canada, de quelque ori-
gine qu'ils soient, dans l'assurance qu'ils useront du
pouvoir qui leur est maintenant remis entre le3
mains, de manière à justifier la confiance que notre
souveraine et le parlement impérial ont reposée en
eux, et à participer cordialement à un effort pour
avancer les intérêts communs de la province- unie.
« Dans le Haut-Canada, le sentiment du peuple a
été pleinement et librement exprimé par ses organes
constitutionnels, sur la grande question de l'union
elle-même, et sur les principes sur lesquels elle
devait être basée. Ces principes ont été adoptés par
le parlement impérial ; et ce sera toujours pour moi
un sujet de la plus grande satisfaction que mes hum-
bles efforts aient aidé à l'accomplissement d'une me-
sure qui, comme je le crois fermement, assure à
cette province (le Haut-Canada), pour laquelle j'é-
prouve des sentiments d'affection aussi bien que
d'intérêts, des avantages qu'elle n'aurait pu autre-
ment atteindre.
« Habitants de la province du Canada, puissiez-
vous dorénavant être unis de sentiments comme,
de ce jour, vous l'êtes de nom ! Qui pourrait visiter,
comme j'ai eu la bonne fortune de le faire, les ré-
gions étendues qui sont maintenant réunies sous
une dénomination commune, et ne pas reconnaître
les immenses ressources qu'elles présentent pour
tout ce qui peut contribuer au bien-être et au bon-
heur de i'homme ^ Faisant partie du puissant em-
pire de l'Angleterre, protégés par ses armes, aidés
de ses trésors, admis à tous les bénéfices du corn-
54 SYDENHAM. [\M\
merce comme ses citoyens, la liberté vous est garantie
par ses lois, et vos droits soutenus par la sympathie
de ses habitants vos co-sujets ; aucun pays du monde
ne jouit d'une meilleure position que celle du Canada.
« C'est à vous, ses liabitants, de cultiver ces avan-
tages, de profiter de l'ère nouvelle qui s'ouvre devant
vous. Notre gracieuse souveraine et le peuple d'An-
gleterre attendent avec anxiété le résultat du grand
changement qui vient de s'opérer aujourd'hui. Le
premier vœu de la reine est de régner dans les cœurs
de ses sujets, et de sentir qu'ils sont contents et
qu'ils prospèrent sous son gouvernement doux et
juste ; son parlement et son gouvernement, en vous
conférant de nouvelles institutions, n'ont cherché
que votre bonheur et votre avantage. En vos mains
est maintenant votre sort ; et de la manière dont
vous aurez profité de l'occasion dépend vptre des-
tinée » (1)
Le 13 du môme mois, Lord Sydenham organisa
son ministère, qu'il composa d'abord de huit mem-
bres, et dont les chefs ou leaders étaient MM. Draper
et Ogden, ci-devant procureurs-généraux dans leur
province respective. Cinq des ministres apparte-
naient au Haut-Canada, et trois au Bas. Voici leurs
noms :
Haut-Canada.
L'Hon. W.-H. Draper, procureur-général, FI. C.
« R.-B. Sullivan, président du conseil exécutif,
« J.-H. Dunn, receveur-général,
( ' ) Traduction de la Gazette de Québec. Nous devons déclarer
que les traductions faites par les journaux de cette époque ne
sont pas toujours fidèles ; on peut en dire autant de la traduc-
tion des documents officiels. Kous avons cependant préféré de
donner ces traductions telles qu'elles sont.
1841]
SYDENHAM.
55
L'Hon. J.-B, Harrison, secrétaire-provincial, H.-G.
« R -Baldwin, solliciteur-général, H.-G.
Bas-Canada.
L'Hon. G.-R. Ogden, procureur-général, B.-G.
« D. Daly, secrétaire-provincial, B.-G.
« G.-D. Day, solliciteur-général, B.-G.
Le 17 mars suivant, l'hon. H. Killaly entra au mi-
nistère comme président du bureau des travaux-
publics. (^)
Cette administration était composée d'hommes ap-
partenant à des nuances politiques tout à fait oppo-
sées. MM. Baldwin et Dunn étaient de sincères libé-
raux, possédant, grâce à leur conduite passée, l'en-
tière confiance du parti réformiste du Haut-Canada.
MM. Harrison et Killaly étaient considérés comme
ayant aussi des principes libéraux, sans avoir précé-
demment rendu de grands services à la cause popu-
laire. Quoique M. Daly ne fût pas réformiste, il
avait une certaine sympathie pour 'es Bas-Cana-
diens ; il était le seul des ministres qui fût ca-
tholique. De son côté, M. Sullivan avait des principes
conservateurs très-modérés, et était un orateur de
première force. Enfin, on considérait MM. Draper,
( ■ ) Liste de quelques-uns des principaux employés du gouverne-
ment en 1841 :
F.-W.-C. Mardoch, secrétaire du gouverneur;
John Davidson, commissaires des terres de la couronne;
F. Vassal de Monviel, adjudant-général de la milice, rem-
placé le 14 mars par B.-C.-A. Gugy;
Ths. Parke, arpenteur-général;
Jos. Bouchette, député arpenbeur-général;
R. -A. Tucker, registrateur provincial;
F. -G. Heriot, aide-de- camp du gouverneur;
G. -A. Ryland, greffier du conseil exécutif;
J. Monk, greffier-en-chef, bureau du procureur-général, B. C;
T. Bouthilïier, aasist. -commissaire des terres de la couronne;
T. Amiot, greffier de la couronne en chancellerie.
56
SYDENHAM.
[1841
Ogden et Day comme des conservateurs avancés
et opposés à l'introduction des réformes libérales.
Les plus remarquables d'entre ces ministres, par
leurs connaissances parlementaires et leurs talents
oratoires, étaient, sans contredit, MM. Draper, Bald-
win et Sullivan.
Pris dans son ensemble, ce ministère ne repré-
sentait certainement pas la confiance de la majorité
du peuple canadien, surtout en ce qui regardait le Bas-
Canada. La popularité de MM. Ogden, Day et Daly
n'était pas proverbiale. Par leurs antécédents, surtout
par leur conduite dans les dernières années, ces mi-
nistres étaient loin de mériter l'approbation de la ma
jorité des habitants de cette province : on peut môme
dire qu'ils étaient impopulaires. On remarquait que,
dans ce conseil, il n'y avait pas un seul ministre pos-
sédant la confiance du grand parti libéral du Bas-
Canada.
LordSydenham avait cependant essayé d'engager
M. La Fontaine à accepter un portefeuille ; mais ce
dernier refusa cet honneur, parce qu'il n'entendait
pas le gouvernement responsable de la même ma-
nière que Son Excellence. Il n'avait pas de confiance
dans les membres de l'administration, et se serait
ainsi trouvé presque sans influence au milieu de col-
lègues qu'il considérait comme ses ennemis politi-
ques. Il préféra conserver son indépendance.
Si Lord Sydenham eût voulu rendre justice au
parti libéral du Bas-Canada, surtout à la population
française, il aurait peut-être trouvé des Cana-
diens qui eussent approuvé sa politique. Ces hom-
mes n'eussent pas été plus justifiables d'accepter
des emplois, mais le gouverneur aurait montré
1841]
8Y0ENHAM.
57
qu'il ne voulait pas mépriser tout un peuple qui
formait la moitié de la population du Canada.
C'eût été accomplir une ombre de justice en leur
faveur.
Lord Sydenham, en agissant ainsi, s'éloignait du
système du gouvernement responsable, qu'il avait
mission d'inaugurer dans la province. Il faussait la
déclaration publique qu'il venait de faire, « d'ad^
ministrer les affaires suivant les vœux et les inté-
rêts bien entendus du peuple et de montrer pour ses
sentiments tels qu'exprimés par ses représentants les
égards qui leur étaient dus. » Il lui était facile de pré-
voir que, sans le concours des députés libéraux du
Bas-Canada, le gouvernement ne posséderait ni force
ni stabilité.
Les brefs d'élections furent lancés le 19 février, et
la province fut aussitôt plongée dans une excitation
extrême.
Les habitants du Bas-Canada, quoique maltraités
par l'acte d'union, privés de la moitié de la repré-
sentation à laquelle ils avaient droit, ne se laissèrent
aller au découragement ni aux incertitudes. Au
contraire, ils se levèrent comme un seul homme,
et comprirent que le pays avait besoin du talent
et de l'énergie de ses enfants. Il leur fallait conquérir
le peu de liberté que leur laissait entrevoir la nou-
velle constitution, et travailler à rendre leur situation
meilleure. Ils étaient prêts à tendre la main aux auto-
rités, si justice leur était rendue ; sinon, ils agiteraient
le rappel de la constitution. Des hommes éminents
ne tardèrent pas à faire connaître leurs vues, et à éclai-
rer le peuple dans leurs adresses électorales. AQuébec,
58 SYDENHA^f. [1841
les Canadiens s'assemblèrent, à l'appel de MM. Neil-
son et Morin, pour jeter les bases d'un programme
électoral, qui fut adopté dans presque tous les
comtés du Bas-Canada. Dans ce programme, on con-
seillait aux électeurs de n'élire que des représentants
qui désapprouvassent l'acte d'union, consentissent à
en demander le rappel ou l'amendement, et s'oppo-
sassent à toute levée de taxes et à tout emploi des
deniers publics par le gouvernement sans le con-
cours des représentants du peuple. De son côté, M.
La Fontaine avait déjà, dans son adresse aux élec-
teurs du comté de Terrebonne, expliqué les prin-
cipes du gouvernement responsable. Il traita cette
question avec des vues larges, comme on pratiquait
ce système dans la mère-patrie. Il annonçait aussi
l'alliance très-probable des libéraux avec les réfor-
mistes du Haut-Canada. (*)
( ' ) Nous croyons devoir donner presque en entier cette magni-
fique adresse, qui parle assez d'elle-même, sans la faire suivre
de commentaires.
" Les événements que l'avenir prépare à notre pays,
seront de la plus haute importance. Le Canada est la terre de
nos ancêtres ; il est notre patrie, de même qu'il doit être la patrie
adoptive des différentes populations qui viennent, des diverses
parties du globe, exploiter ses vastes forêts dans la vue de s'y
établir et d'y fixer permanemment leur demeure et leurs inté-
rêts. Comme nous, elles doivent désirer, avant toutes choses, le
bonheur et la prospérité du Canada. C'est l'héritage qu'elles
doivent s'efforcer de transmettre à leurs descendants sur cette
terre jeune et hospitalière. Leurs enfants devront être, comme
nous, et avant tout, Canadiens.
En Amérique, le plus grand bienfait dont jouissent ses habi-
tants, c'est l'égalité sociale ; elle y règne au plus haut degré. Si,
dans quelques vieilles sociétés d'un autre hémisjphère, elle semble
sufiB.re à leurs jouissances et à leurs besoins, il n'en saurait être
ainsi pour les populations vigoureuses et fortes de ce nouveau
continent. Outre l'égalité sociale, il nous faut la liberté poli-
tique. Sans elle, nous n'aurions pas d'avenir ; sans elle, nos
??*J
1841]
SYDENHAM.
59
D3 fait, il était pour les libéraux de la plus haute
importance de se créer des amis politiques dans la
province supérieure, afin do ne pas se trouver isolés
et sans influence dans la nouvelle chambre. Ils
étaient parfaitement d'accord sur plusieurs points
constitutionnels. Ces deux partis entretenaient des
besoins ne pourraient êti'e satisfaits ; sans elle, nous ne pourrions
atteindre ce bien-être que nous promet la nature si vaste en
Amérique. Avec des efforts constants et dirigés avec fermeté et
prudence vers ce but essentiel à notre prospérité, nous obtien-
drons cette liberté politique. Pour nous empêcher d'en jouir, il
faudrait détruire l'égalité sociale, qui forme le caractère distinctif
tant de la population du Haut-Canada que de celle du Bas-Canada.
Car cette égalité sociale doit nécessairement amener notre liberté
fiolitique. C'est le besoin irrésistible des colonies anglaises d^uis
'Amérique du Nord. Les mœurs sont plus fortes que les lois, et
rien ne saurait nous soustraire à leur puissance. Il ne peut exis-
ter en Canada aucune caste privilégiée, en dehors de la masse de
ses habitants. L'on peut créer des titres un jour : le lendemain,
vous voyez les enfants traîner le parchemin dans la boue.
" Mais le moyen d'obtenir cette liberté politique, si essen-
tielle à la paix et au bonheur de ces colonies, et au développement
de leurs vastes ressources ? Le moyen, c'est la sanction de la vo-
lonté populaire à l'adoption des lois ; c'est le consentement à
voter l'impôt et à régler la dépense ; c'est encore sa participa-
tion efficace à l'action de son gouvernement, c'est son inâuence
légitime à faire mouvoir les rouages de l'administration, et son
contrôle effectif et constitutionnel sur les individus plus immé-
diatement préposés à faire fonctionner cette administration ;
c'est, en un mot, ce qui fait la grande question du jour : le gou-
vernement responsable, tel qu'on l'a avoué et promis à l'assem-
blée du Haut-Canada, pour obtenir son consentement au prin-
cipe de l'union, et non tel que peut-être on l'explique maintenant
dans certain quartier.
' ' Ce principe ne constitue pas une théorie nouvelle. Il est le
principal moteur de la constitution anglaise. Lord Durham, eu
reconnaissant la nécessité de son application aux colonies dans
leurs affaires locales, a touché à la racine du mal et a recom-
mandé le seul remède efficace. Dans les circonstances actuelles,
l'importance de cette question est telle, qu'un candidat qui a
des principes politiques et qui y attache quelque prix, ne doit
Sas hésiter à exprimer son opinion sur ce sujet. Je ne suis pas
u nom1»re de ceux qui reposent une confiance aveugle dans les
promesses du gouverneur-général à cet égard. Loin de là. Je
60
SYDENHAM.
[1841
idées libérales, désiraient une réforme honnête, un
gouvernement responsable envers le peuple. Jus-
qu'alors ils avaient lutté contre la faction tory pour
contrecarrer son influence. De plus, les réformistes,
quoique favorables à l'union, étaient opposés à cer
tainesclauses de Tacte, entre autres, à celle quiimpo-
crois que dans la pratique il ne concédera pas ce principe de bon
cœur, et je pense que le plus ou le moins d'étendue où il entend
aller, dépendra beaucoup de la composition de la nouvelle
Chambre d'Assemblée. Pour moi, je n'hésite pas à dire que je
suis i 1 faveur de ee principe anglais de gouvernement respon-
sable. Je vois, dans son opération, les seules garanties que nous
puissions avoir d'un bon gouvernement constitutionnel et effec-
tif. Les colons doivent avoir la conduioc de leurs propres affaires.
Ils doivent diriger tous leurs efforts dans ce but ; et, pour y par-
venir, il faut que l'administration coloniale soit formée et dirigée
par et avec la majorité des Représentants du peuple, comme
étant le seul moyen " d'administrer le gouvernement de cette
*' province selon les désirs et les intérêts du peuple, et d'avoir
*' pour ses sentiments, tels qu'exprimés par ses Représentants, la
" juste déférence qui leur est due."
** Une autre question non moins importante, c'est celle qui ré-
sulte même de l'union des deux provinces. Elle est un acte d'in-
justice et de despotisme, en ce qu'elle nous est imposée sans
notre consentement ; en ce qu'elle prive le Bas-Canada du nombre
légitime de ses représentants ; en ce qu'elle nous prive de l'usage
de notre langue dans les procédés de la Législature, contre la
foi des traités et la parole du gouverneur-général ; en ce qu'elle
nous fait payer, sans notre consentement, une dette que nous
n'avons pas contractée ; en ce qu'elle permet à l'exécutif de
s'emparer illégalement, sous le nom de liste "civile, et sans le
vote des représentants du peuple, d'une partie énorme des reve-
nus du pays.
S'ensuit-il que les représentants du Bas-Canada doivent s'en-
gager d'avance et sans garanties à demander le rappel de
Funion ? Non, ils ne doivent pas le faire. Ils doivent attendre,
avant d'adopter une détermination dont le résultat immédiat
serait peut-être de nous rejeter, pour un temps indéfini, sous la
législation liberticide d'un Conseil Spécial, et de nouo laisser sans
représentation aucune. C'est une erreur trop générale c^ la part
des partis politiques, dans les colonies, que de croire qu'ils ont
de la sympathie à attendre de tel ou tel ministère impérial.
Que le ministère, à Londres, soit tory, whig ou radical, cr'a ne
fera aucune différence dans la situation poRtique des colonies.
JiO passé est là pour nous en convaincre.
1841)
SYDENIiAM.
61
sait à la province une énorme liste civile sans le con
sentement des représentants du peuple. Il fut donc
facile aux chefs des deux partis de s'entendre, et de
jeter les bases d'une alliance qui devait produire
les résultats les plus satisfaisants.
Au grand mécontentement des conservateurs, M.
La Fontaine, dans l'été de 1840, se mit en communi-
cation intime avec M. Baldwin, homme d'état au
cœur honnête et aux vues larges, et avec M. Hincks,
jeune publicisie d'un grand talent ; tous trois tom-
bèrent d'accord sur la manière d'interpréter le gou-
vernement responsable et sur certains amendoniRnls
à faire à la constitution.
Pendant le temps des élections, le pays fut livré aux
plus grandes agitations. Dans le Bas-Canada, la lutte
s'engagea entre les partisans de l'union et ceux qui
•* Les réformistes, dans les deux provinces, forment une majo-
rité immense. Ce sont ceux du Haut-Canada, ou au moins leurs
représentants qui ont assumé la responsabilité de l'acte d'union,
et de to'.itea ses dispositions injustes et tyranniques, en s'en rap-
portant, pour tous les détails, à la discrétion du gouverneur-
général. Ils ne sauraient, ils "" peuvent pas approuver le traite-
ment que cet acte fait aux habitants du Bas-Canada. S'ils ont
été trompés dans leur attente, ils doivent réclamer contre des
dispositions qui asservissent leurs intérêts politiques et les nôtres
aux caprices de l'exécutif. S'ils ne le faisaient pas, ils mettraient
les Réformistes du Bas-Canada dans une fausse position à leur
égard, et s'exposeraient ainsi à retarder les progrès de la ré-
forme pendant de longues années. Eux, cùmmû nous, auraient
à souffrir des divisions intestines, qu'un pareil état de choses
ferait inévitablemet naître. Cependant notre cause est commune.
Il est de l'intérêt des réformistes des devix provinces de se ren-
contrer sur le terrain législatif, dans un esprit de paix, d'union,
d'amitié et de fraternité. L'unité d'action est nécessaire plus que
jamais. Je n'ai aucun doute que, comme nous, les réformistes
du Haut-Canada en sentent le besoin, et que, dans la première
session de la législature, ils nous en donneront des preuves non
équivoques ; ce qui, j'espère, sera le gtvge d'une confiance récir
proque et durable "—Tiré du Ccmadien.
62
feYDENHAM.
[1841
étaient opposés à cet acte ou qui voulaient l'amender.
Le gouvernement, ou plutôt le gouverneur lui-môme,
pour faire élire ses partisans et obtenir une majo-
rité, tint une conduite peu digne. Il employa sur
une grande échelle la corruption, le dé franchisse-
ment direct et indirect de plusieurs divisions élec-
torales. Par une proclamation, il priva de son droit
politique le plus précieux la plus grande partie de la
population française des villes de Québec et de
Montréal, (i) Les bureaux de votation furent fixés à
rextr(f mité des demeures des habitants et loin des
centres populeux afin de favoriser l'élection des
candidats ministériels. Pas moins de six élections du
Bas-Canada furent emportées par la violence, et plu-
sieurs candidats importants durent céder devant la
force armée. {^) De ce nombre, étaient M. La Fon-
taine, chef reconnu des libéraux, M. Leslie et M. L. M.
Viger, autres citoyens importants. Des troubles égale-
ment sérieux se produisirent dans le Haut-Canada.
Ajoutons encore l'immense ])atronage mis à la dispo-
sition du gouvernoment, par le grand nombre d'em-
plois à distribuer, et l'on aura une idée de la cor-
ruption électorale de 1841. Jamais, depuis 1791, une
(') Une clause de l'acte d'union permettait au gouverneur
d'assigner aux villes d'autre.s limites que les anciennes fixées par
les vieilles lois depuis de longues années.
(') Voici ces comtés, avec les noms des candidats :
Beauharnais, candidat élu, J. - W. Dunscomb, contre, J. Dewit.
Vaudreuil, '* J. Simpson, " A. Jobin.
B ou ville,, ** M.-A. deSalaberry, '
Montréal, comté, " A. -M. Delisle
Chambly '* J. Yule
Terrebonne, '* M. McCuUoch,
T. Franche re
J. Leslie.
L.-M. Viger.
L.-H. La Fon-
taine.
N
1841]
8YÛENHAM.
63
«îlectioii ne s'«Hait faite avec autant do désordres et
d'indignités.
Dans une lettre qu'il adressa à ses électeurs., M.
La Fontaine protesta publiquement contre les vio-
lences exercées dans son comté. Voici un passage de
ce fameux document :
«Un fait patent ([ue personne ne peut nier,
(lui résulte des actes mêmes de LordSydenham, c'est
(ju'il s'est identifié personnellement dans la lutte
électorale de notre district, dont il a pris un soin
particulier à changer les places de poil ; et que, dans
ces comtés, la lutte a été accompagnée de violence,
de l'effusion de sang et de meurtres.
"*( En fixant pour votre comté le lieu de l'élection à
New-Glasgow, dans les bois, à l'extrémité des limites
de ce comté, Lord Sydenham a commis une injustice
flagrante ; il a voulu défranchiser virtuellement
votre comté ; et un fait important à constater, c'est
que là, lui. Lord Sydenham, est descendu dans l'arène
pour combattre corps à corps avec un simple indi-
vidu. C'est lui qui engageait la lutte avec moi ; le
Dr. McCulloch n'était qu'un prete-nom. Il m'a vain-
cu ; mais il y a de ces défaites qui sont plus hono-
rables que la victoire, surtout quand, pour remporter
cette victoire, il faut marcher dans le sang de ses
concitoyens amis ou ennemis. » (M
Malgré tant de fraudes, les Bas-Canadiens soutin-
rent la dignité de leur caractère. Presque partout où
la franchise électorale fut observée, ils élirent des
députés opposés à l'union, condamnant par là la poli-
tique du gouvernement. Vingt-trois députés libé-
{') Cette lettre a été publiée dans le Canadien du 2 avril 1841,
64
6YDENHAM.
[1841
*^l
raux ou aati-unionistes sortirent de l'urne électo-
rale; et dix-neuf unionistes, la plupart conservateurs
anglais, supportèrent le gouvernement. Au nombre
de ces derniers, six durent leur élection à la violence,
trois, au défranchissement des faubourgs des villes
de Québec et de Montréal, et sept tenaient des em-
plois du gouvernement.
Le Bas-Canada remportait réellement une vie»
toire éclatante. Ce résultat était magnifique ; il dé
mentait l'assertion du gouverneur, que cette province
était en faveur de l'Union.
Dans le Haut-Canada, les élections ne se firent pas
Bur le principe de l'Union ; on était en général satisfait
de cet acte, qui avait procuré à cette province de si
grands avantages. La lutte eut lieu entre les conser-
vateurs, qui étaient opposés au fonctionnement du
gouvernement responsable et désiraient en res-
treindre l'application, et les réformistes ou libé-
raux, qui voulaient, au contraire, une réforme aussi
importante et en étendre l'application aussi loin que
possible. Ces derniers désiraient encore l'amende-
menl de certaines clauses de l'acte constitutionnel.
Les réformistes restèrent victorieux et élirent vingt-
six députés ; les conservateurs, seize seulement. (M
sous
(') Liste des députés élus pour le 1er parlement canadien
us l'Union :
HAUT-CANADA.
Divisions électorales.
Représentante.
Professions.
Brockville (ville)
George Sherwood
Avocat.
Bytown (ville)
S. Derbishire
Journaliste.
1841] 8YDSNHAM. 65
Le résultat de l'électioii fut favorable au gouver-
nement. Une majorité fut assurée en faveur r'e l'acte
d'union. Lord Sydenham avait travaillé dans ce
sens ; il réussit. Mais ce succès n'était pas beaucoup
honorable pour lui, puisqu'il lui avait fallu em-
ployer des moyens inconstitutionnels pour l'obtenir.
Pour le succès de sa politique, Lord Sydenham
Divisions électorales.
Représentante.
Professions.
Carleton
James Johnston
Comwall (ville)
S. -Y. Chesley
Dundas
John Cook ,
Durham
J.-T. Williams
Essex
John Prince
Avocat.
Frontenac
Henrv Smith, inr
Avocat.
Glencarrv
J. Sandfield Macdonald..
Samuel Crâne
Avocat.
Grenville
Haldimand
David Thompson
Haiton (est)
* Caleb Hopkins
Halton (ouest)
* James Durand
Hamilton (ville)
*Sir AllanN. MacNab..
* Hon. R. Baldwin
J. McGill Strachan. .
Avocat.
Hastings
Avocat.
t Huron
Avocat.
Kent
Joseph Wood
+ Kinffston (ville)
* Ant. Manahan
Lauark
* Malcolm Caroeron
* James Morris
Marchand.
Leeds
Marchand.
Lennox et Addington
Lincoln (nord)
* J.-S. Cartwright
Avocat.
♦ W.-H. Merrit
Lincoln (sud)
* David Thorburn
Marchand.
London (ville)
Hon. H. -H. Killaly
Middlesex
* Thomas Parke
Journaliste.
* Anciens membres de la chambre d'assemblée du Haut-Ca-
nada.
t M. Strachan fut prié, par le comité des élections, de remettre
son siège à M. W. Dunlop, qui fut déclaré dûment élu pour le
comté de Huron.
î L'hon. S.-B. Harrison fut élu po^'.r la ville de Kingston, à la
place de M. Manahan, qui avait accepté la place de collecteur de
la douane à Toronto.
>
66
SYDENHAM.
[1841
appela à son aide les conservateurs du Bas-Canada,
dont il avait, comme on l'a vu précédemment, favo-
risé l'élection par tous les moyens possibles. Dans le
Haut-Canada, au contraire, il travailla à diminuer
l'infiaence du Family Compact^ et à se débarrasser des
chefs les plus avancés de ce parti. Il avait commencé
sa perte en nommant à une place de juge M. Hager-
man, ci-devant procureur-général de cette province,
un des plus habiles champions du torysme. Il essaya
en'îiiite d'exclure de la représentatien Sir Allan
McNab, autre chef influent, en lui suscitant dans la
ville d'Haniilton, poui' adversaire politique, M. Har-
risGii, secrétaire-provincial. Sir Allan sortit victo-
rieux de la lutte électorale.
Divisions électorales.
Représentants.
Professions.
Niagara f ville)
E.-C. Campbell
Avocat.
Norfolk
J.-W. Powell
Marchand.
Northumberland (sud)
Northumberland (nord)..
Oxford
G- -M. Boswell
* John Gilchrist
Avocat.
Médecin.
FrfwTiCis Eincks
Journaliste.
Prescott
Dc'iald McDonald
Prince Edouard
John P. -Roblin
Russell
*Hon. W.-H. Drap3r,...
Elmes Steele
Avocat.
Simcoe
Stormont
* Alex. McLean
Toronto (cité)
Hon. J.-H. Dunn
(( ((
[saac Buchanan
Marchand.
Wentworfcli
* Hermanus Smith
J.-H. 7?rice
G. Dussan
Médecin.
York ière division
Solliciteur.
York 20 "
A vocat
Y'rkSe "
*J.-E. Small
*Ho». K. Baldwin
Avocat.
York 4e "
Avocat.
* Anciens membres de la chambre d'&ssemblée du Haut-Ca-
nada.
^.
1841]
SYDENHAM.
67
Sachant que, dans les dernières années, le parti
libéril avait acquis une grande influence, le gou-
vp ur s'attacba à le choyer et à gagner ses fa-
veurs par des promesses d'emplois et d'améliorations
publiques. Dans l'été précédent, il avait visité le
Haut-Canada pour préparer l'élection d'hommes de
ce parti qui lui seraient dévoués. Partout ses parti-
sans furent acceptés !
BAS-CANADA.
Divisions électorales.
Représentants.
Professions.
Rpauhamais
John-Wm. Dunscomb. . . .
Augustin-G. Ruel
Marchand.
Bellechasse
Notaire.
Berthier
D. -M. Armstrong
Marchand.
Bonaventura
* John-R. Hamilton
John Yule
Avocat»
Ohamblv
Champlain
* René- Joseph Kimber...
Colin Robertson
Médecin.
Deux-Montaffnes
Dorches nr
Druininond.
* Ant.-Chs. Taschereau..
R.-N. Watts
Seigneur.
Employé civ
Avocat.
Gaspé
Robert Christie
Huntinsdon
* Austin Cuvillier
* Amable Berthelot
* J.-M. Raymond
Marchand.
Kamouraska
Avocat.
Leinster
L'Islet
Et. -P. Taché
Médecin.
Lotbinière
* J.-B.-I. Noël
Médecin.
Mégantic
Hon. D. Daly
Avocat.
Missisouoi
Hon. Robert Jones
*Hon. F. -A. Quesnel....
Hon. G.MofFatt
Ex-con. lég.
Avocat.
Montmorency
Montréal (cité)
Marchand.
.1 <(
Ben' . Holmes
Caissier B M.
•' (comté)
A. -M. Delisle
Gref.de la p.
Avocat.
Nicolet
* A. -N. Moriu
Outaouaîs
Hon. C.-D. Day
Avocat.
Portneuf
T.-C. Aylwin
Avocat.
Québec (cité)
<« <(
Hon. H. Black
David Burnet
Avocat.
Marchand.
" (comté)
* Hon. John Neilson
* Hon. D.-B. Viger
Michel Borne
Journaliste.
Richelieu
Avocat.
Rlmouski
Marchand.
Rou ville
M. -A. de Salaberry
A. D. C.
68
SYDEXHAM.
ri84i
Dss réformistes da Haut-Canada et les conser-
vateurs du Bas, Lord Sydenham se fit une majo-
rité propre à soutenir ses vues. Il avait auparavant
constitué sou administration sur les mômes bases. Il
respecta réellement les principes du gouvernement
CDUstitulionnel dans le Haut-Canada, eu demandant
le concours des membres possédant la confiance de
Dlviihna électorales.
Si3a9nay
Siiat-Hyacinthe ....
Saiab-Maurica
Shefford
Sherbrooke (comté),
(ville)...
Stanstead
Terrabonne
Trois-Rivières
Vaadreail
Verchèrea
Yamaska
Etienne Parent
* Thomas Boutillier.
Jo3.-Ed. Turcotte...
8. -S. Foster
* John Moore
Hon. Ed. Haie
* Marcus Child
Michel McCulloch . . .
Hon. C.-R. Ogden...
* John Simpson
Henri Desrivières...
Jos.-G. Barthe
Professions.
Avocat.
Médecin.
Avocat.
Médecin.
Médecin.
Avocat.
Collecteur.
Avocat.
Avocat.
* Anciens membres de la Chambre d'assemblée du Bas-Canada.
Parmi les membres élus en 1841 et qui vivent encore, se trou-
vent les suivants :
Hon. Sir Francis Hîncks, aujourd'hui ministre des finances ;
Hon. John Sandfiald Macdonald, premier ministre, Prov. Ont ;
Hon. T.-C. Aylwin, ex-juge de la CourB. R. de Québec ;
Hon. C.-D. Day, juge de la cour supéri«ure de Montréal ;
Hon. Henry Black, juge de la cour d'amirauté, Québec ;
Etienne Parent, écr, , asst. sec. du conseil privé à Ottawa ;
John-W. Dunscomb, collecteur de la douane, Québec ;
Hon. Ed. Haie, conseiller législatif, Québec ;
Hon. D.-M. Armstrong, conseiller législatif, Québec ;
Hou. Robert Jones ;
Hon. Malcolm Cameron, ex-imprimeur de la reine ;
Hon. Isaac Buchanan ;
A. -M. Dalisle, écr., collecteur de la douane, Montréal ;
J.-G. Barthe, écr. ;
A. -G. Ruel, écr. j
Donald McDonald, écr.
1841]
SYDENHAif.
ôâ
la majorité de la population ; mais il violait ces prin-
cipes pour le Bas-Canada, où le parti conservateur
était en grande minorité. Son but paraissait être do
hriser les diverses nuances politiques, de lutter plutôt
avec les individus qu'avec les partis, et de prendre
lui-môme la direction des affaires et la responsabi-
lité des actes ministériels.
Parmi les membres du parti libéral du Bas-Canada,
se trouvaient plusieurs champions des luttes de l'an-
cienne chambre d'assemblée. C'était l'Hon. D.-B.
Viger, respectable vieillard, qui avait défendu les
droits des Canadiens avec tant de patriotisme, pen-
dant près d'an demi-siècle, et dont le nom était lié
aux événements les plus mémorables du pays ;
l'Hon. John Neilson, autre défenseur de la cause po-
pulaire, et l'un des hommes politiques les plus sa-
vants et les plus expérimentés ; M. A.-N. Morin,
citoyen éclairé et intègre, modèle des hommes politi-
ques; l'Hon. F.-A. Quesnel et M. Berthelot, citoyens
également de mérite. M. Guviliier et M. Christie,
anciens députés, étaient difficiles à classer, bien qu'ils
fussent opposés à la réunion '^s Canadas.
Parmi les jeunes députés, on remarquait MM.
Et. Taché, T.-C. Ayl -in. Et. Parent et J.-E. Turcotte,
qui étaient appelés a iouer un rôle brillant sous la
nouvelle constitution.
Les députés marquants du parti conservateur du
Bas-Ganada,ùpartMM.OgdenetDay,raembresderad-
ministration,étaientrHon.M.Blake, conservateur mo-
déré, juge de la cour d'amirauté, l'Hon. M. Moffatt,
député de Montréal, un des conservateurs les plus
avancés, et l'Hon. M. Haie, député de Sherbrooke.
iniPii
70
SYDENHAM.
[1841
Les principaux clieis du parti conservateur du
Haut-Canada étaient Sir Alian McNab, chef du
Family Compact^ M. Cartwright et le Colonel Prince,
tous hommes de talents remarquables, mais d'une
politique trop conservatrice. On peut ajouter le nom
de M. John Sandfield Macdonald, jeune député, qui
se fit élire comme conservateur, mais qui avait plu-
tôt des principes libéraux.
Les réformistes comptaient parmi leurs membres
distingués, outre les ministres, MM. Killaly, Dunn
et Harrison ; M. Merritt, déjà renommé par la
part active qu'il avait prise à l'amélioration et à la
propagation des travaux publics, et au progrès des
affaires commerciales ; MM. Buchanan, Steele et
Boswell, autres députés de mérite, qui tous suppor-
tèrent l'administration ; MM. Hincks, Price, Small
et Durand, qui allaient former une alliance avec les
libéraux du Bas-Canada, afin de combattre le parti
ministériel.
En général, on peut dire que les électeurs avaient
été heureux dans le choix de leurs représentante. Il
y avait réellement plusieurs membres qualifiés à
remplir leurs mandats et à travailler à la prospérité
du pays.
Le neuf du nioisde juin, quelques jours seulement
avant la session, un conseil législatif do vingt-quatre
membres fut constitué, (i) Dans ce nombre, on en
(*) Liste des vingt -quatre conseillers législatifs ;
Hon. MM. Robert S. Jameison, Hon. MM. Peter McGill,
P. -B. de Blaquières, '* Il.-E. Caron,
R.-B. Sullivan, ** Geo. Pembertoii,
Wm. Morris, '^ James Crooks.
** Alexauder Fraser •' John Fraser,
1841]
SYDENHAM.
71
comptait huit d'origine française, entre autres, l'Hon.
R.-E. Garon, alors maire de Québec, appelé cà jouer
un rôle brillant au commencement de la constitu-
tion et à défendre la cause libérale dans le conseil
législatif ; l'Hon. B. Joliette, citoyen riche et entre-
prenant, et l'Hon. F.-P. Bruneau. (i) Parmi les con-
seillers d'origine anglaise, étaient l'Hon. R.-S. Ja-
meison, qui fut nommé président du conseil légis-
latif, l'Hon. Sullivan, président des ministres, l'Hon.
P. McGill, de Montréal, lesHon. John Fraser et G.
Pemberton, marchands de Québec, les Hon. Morris
et Hamilton, du Haut-Canada. Il y avait parmi les
conseillers législatifs plusieurs hommes de talents
et de mérite ; cependant, le choix en eût pu être
meilleur.
Le parlement fut convoqué pour le 14 juin, à
Kingston, petite ville que Lord Sydenham choisit, de
préférence à plusieurs autres villes plus considé-
rables, pour être la capitale de la nouvelle province.
Il agit ainsi afin de s'assurer l'appui des Haut-Cana-
diens, dont il avait besoin pour obtenir une majorité.
Le premier jour de la session, le gouverneur ne se
rendit pas, suivant l'usage parlementaire, au conseil
Hon. MM. Barthélémy Joliette, Hon. MM. (*) Et. Mayrand,
" Jules Quesnel, *' Adam Ferrie,
Adam Fergusson, " (*) 01. Berthelot,
John McCauly, " (*) Aug. Baldwin,
•• John Hamilton " J.-B. Taché,
" Frs.-P. Bruneau, " Thomas McKay.
" John McDonald, '« P. -H. Knonlton.
(*) MM. Mayrand, Berthelot et Baldwin refusèrent pour des
motifs personnels d'accepter cette place honorable.
( ' ) M. Gabriel Roy fut appelé au conseil législatif le 14 juin,
et M, P..-H. Moore, le 7 septembre 1841.
72
SYDENHAM.
[1841
r !!
i
1
législatif pour y ouvrir les chambres. Après avoir
été assermentés, les députés s'assemblèrent pour
choisir leur président. Avant cette élection, le gref-
fier avait lu la proclamation de convocation des
chambres. M. Guvillierfut élu à l'unanimité orateur
de la chambre d'assemblée. (M II était qualifié pour
remplir ce poste important, possédant parfaitement
les deux langues, et ayant de grandes connaissances
parlementaires. Tous les partis fureiiL unanimes à
applaudira cette nomination.
Les conseillers législatifss'assemblèrent également
pour prêter le serment voulu par la loi.
Cette manière d'ouvrir un parlement était abso-
lument contraire aux règles parlementaires : car la
présence du représentant de la reine y était obliga-
toire, ainsi que celle des autres branches de la légis-
lature. Les procureurs-généraux se trouvaient dans
l'erreur en maintenant, contre l'avis de plusieurs
membres libéraux, que la clause de l'acte d'union
( ' ) Liste des principaux employés du conseil législatif:
James Fitz Gibbon, ^effier;
Charles De Léry, assistant-greflBer;
John-F, Taylor, assistant-greffier;
Rév. W. Adamson, chapelain;
F. -S. Jarvis, huissier de la verge noire;
01. Vallerand, sergent d'armes.
Liste des principaux employés de rassemblé3 législativa :
W.-B. Lindsay, greffier;
G.-B. Faribault, assistant-greffier;
G.-W. Wicksteed, traducteur anglais;
Henri Voyer, traducteur français;
Wm.-P. Patrick, greffier en chef des bureaux;
Wm. Ross, greffier en chef des comités;
G. -M. Muir, greffier des journaux anglais;
P.-E. Gagnon, greffier des journaux français;
Ç.-K. Chisholm, sergent d'armes.
l! : I
1341]
6YDKNHAM.
73
qui autorisait la chambre à élira son président sans
qu'elle eu eût reçu l'ordre du chef de l'exécutif,
avait mis de côté l'ancien usage.
Le lendemain, Lord Sydenham se rendit en grande
pompe au conseil législatif pour y lire le discours
d'ouverture. Il annonça que des améliorations avaient
été faites dans le service des postes, et qu'elles de-
vaient se continuer ; il recommandait l'adoption des
mesures propres à développer les ressources du pays
par des travaux publics et par l'amélioration de la
navigation intérieure. Le gouvernement impérial
offrait dfi venir en aide à la province, en se rendant
responsable pour un emprunt d'un million et demi
de louis. Il pria aussi la législature d'adopter un
système efficace d'instruction élémentaire pour le
peuple.
L'adresse en réponse au discours du trône fut pro-
posée par M. Gameron. Elle était, comme d'ordi-
naire, l'écho fidèle de ce discours, et contenait le
paragraphe suivant, qui était une certaine approba-
tion de la nouvelle constitution :
« Nous remercions humblement Votre Excellence
de l'expression de sa confiance en nous, pour régler
les divers objets importants gai devront nécessaire-
ment venir devant nous ; et nous nous efforcerons
de conduire nos délibérations de manière que le
Canada-Uni sous une constitution établie par le par-
lement impérial, avec le désir sincère de promouvoir
le bien-être de cette partie de l'Empire Britannique,
et sujette aux modifications que l'expérience pourra
exiger par la suite, ne puisse manquer de prospérer.»
Les libéraux du Bas-Canada ne pouvaient pas
4
74
SYDENHAM.
[1841
I i
i
sanctionner par leur vote une semblable opinion.
Ils profilèrent de cette occasion pour protester, comme
c'était leur devoir, contre l'acte constitutionnel. M.
Neilson, se faisant leur interprète, présenta uno
contre-adresse, qui se terminait ainsi : *
« Votre Excellence peut être persuadée qu'en rem
plissant nos devoirs envers Sr. Majesté et nos commet
tants, nous veillerons constamment à ce que tous
nos procédés soient marqués au coin de la sagesse ol
de la prudence. Conformément à nos obligations
comme sujets do la couronne britannique, et tenus
à la fidélité par les liens les plus sacrés, nous nous
sommes réunis en obéissance à un acte du parlement
impérial et aux writs de Sa Majesté, pour donner
notre avis et notre consentement aux lois qui seront
jugées nécessaires pour la paix, le bien-être et le
gouvernement du Canada ; quoique nous ne puis-
sions faire autrement que de regretter que la partie
la plus populeuse de la province, qui constituait ci
devant la province du Bas-Canada, en vertu de l'acte
du parlement de 1791, n'ait pas été consultée sur la
constitution du gouvernement que l'on substitue
maintenant à celle qui était établie en vertii de ce
même acte ; et qu'il y ait des traits dans l'acte qui
constitue maintenant le gouvernement du Canada,
qui sont incompatibles avec la justice, et répugnent
aux droits communs des sujets britanniques.»
M. Neilson, dans un discours modéré, exprima son!
regret de voir qu'en conscience il ne pouvait voter
l'adresse ministérielle. Personne n'oserait nier que
les affaires de la province avaient été conduites
d'une manière qui ne correspondait nullement avec
il •il
nion.
immi!
il M.
L uni;
1 rem-
mmei-
e tous
esse ol
Talions
t tenus
LS nous
-lemeiU
donner
A seronl
•e et le
pe puis-
a partie
uait ci-
de l'acte
>e sur Ui
substitue
tii de ec
acte qui
Canada,
^pugnent
. »
Irinia son
lait voler!
nier que
•onduiles
lent avec
1841]
&YDENHAM.
76
le langage du gouverneur à la conclusion de son
discours ; savoir, que le peuple canadien était con-
tent et prospère. Au contraire, tous ceux qui con-
naissaient l'état du pays savaient que les affaires
avaient été mal conduites, et que le peuple était mé-
content. L'honorable orateur espérait cependant quo
l'on prendrait les moyens propres à effectuer la paix
et la prospérité de la province ; il ferait lui-même
tout ce qu'il pourrait afin de promouvoir une fin si
désirable. On avait cité, continua-t-il, le gouverne-
ment responsable comme un remède aux maux exis-
tants, et lui-môme en désirait de tout son cœur l'in-
troduction ; mais ce gouvernement devait être diffé-
rent de celui qui avait existé jisqu'alors ; c'est
pourquoi il était plus facile de le proposer que de
l'obtenir.
M. Baldwin, venant de laisser les bancs de la
trésorerie, donna ensuite des explications sur sa
conduite. A. la proclamation de l'Union, il avait
été appelé à faire partie du ministère, sans cepen-
dant former de coalition avec ses collègues. Il avait
constamment agi avec un parti qui leur était opposé,
leur avait réitéré son attachement à ses anciennes
[opinions. M. Baldwin ajouta que la province était
[alors sans législature. Lorsque le résultat de l'élection
fut connu, il avait informé le gouverneur que le mi-
^listère ne possédait pas la confiance de la chambre
l'assemblée, et l'avait prié de faire des changements
lans son conseil. Gomme cet avis ne fut pas adopté,
|1 donna alors sa démission, qui fut acceptée.
M. le solliciteur-général Day exposa la conduite de
)n ex-collègue dans un jour assez défavorable. M.
76
SYDEXHAM.
[1841
I tfl
Baldvvhi lui ropondit, pièces en main, et à la grande
satisfaction de ses amis pcfli tiques.
M. llincks était convaincu qu'une majorité de la
chambre était opposée à l'ensemble de l'acte d'union.
Le Bas-Canada, on le savait parfaitement, n'avait
pas été consulté sur cette mesure, et aucun réfor-
miste ne voterait pour un tel acte, qui permet-
tait à la législature impériale de prendre les deniers
du peuple sans leur consentement, principe que per-
sonne n'oserait défendre ni justifier.
De son côté, le colonel Prince croyait que les
mesures annoncées dans le discours de Lord Syden-
ham procureraient l'avantage de la province, et que
les ministres étaient disposés à les mettre à exécu-
tion ; pour cette raison, il le donnerait tout l'appui
possible. Il déclara cependant que l'acte d'union de-
mandait des changements ; qu'il n'aurait pas voté
pour une semblable mesure, s'il eût été présent
lorsqu'elle fut soumise à la législature du Haut-
Canada. Il serait toujours prêt à aider les membres
du Bas-Canada dans la réclamation de leurs droits et
privilèges, qu'on avait méprisés à un degré alar-
mant.
Plusieurs réformistes déclarèrent être disposés à
rendre justice aux Bas-Canadiens, lorsque l'occasion
s'en j)résenterait. Ce n'était pas, disaient-ils, un temps
favorable pour protester contre l'union. Ils voulaient
donner un temps d'épreuve {fuir trial) au gouverne-
ment. Ce fut en vain que MM. Baldwin, Hincks et
Viger s'efforcèrent de leur démontrer ce qu'il y avait
d'injuste et de dégradant dans certaines clauses de la
constitution ; les ministres insistèrent pour que ces
_ Mc(A.
Lean,
Priiict
^ood,
et Yu!
184I| 8YDENHAM. 77
membres leur donnassent leur appui; ils employèrent
les intrigues et même les menaces pour obtenir d'eux
un vote favorable à Funion. La plupart des réformistes
se laissèrent donc séduire par des promesses d'argent
pour des améliorations publiques, par des promesses
de situation, etc. Les seuls d'entre eux qui se pro-
noncèrent en faveur de l'amendement de M. Neilson^
furent MM. Baldvyin, Hincks, Small, Price et Du-
rand. Le nombre en était petit, il est vrai ; mais ces
membres, par leur talent et leur caractère, possé-
daient à un haut degré l'estime de leurs concitoyens.
La petite phalange des Canadiens-Français (à l'excep-
tion de deux employés du gouvernement, MM. Delisle
et de Salaberry), et cinq députés libéraux d'origine
anglaise, se firent un dv?voir d'enregistrer leurs votes
contre les clauses iniques de l'acte d'union.
Ces voix réunies n'atteignirent que le chiffre de
vingt-cinqsursoixante-quinze députésprésrnts lors de
la prise du vote. (M Mais ces vingt-cinq députés repré-
sentaient la majorité des Canadiens de toute origine ;
ils étaient les mandataires des comtés les plus popu-
leux. Ce résultat était, malgré tout, assez satisfaisant.
MM. Baldwin et Hincks proposèrent d'autres amen
(') Pour l'amendement de M. Neilson : Arnistrong, Aylwin,
Baldwin, Barthe, Berthelot, Boutillier, Christie, Des Rivières,
Durand, Hamilton, Hincks, Hopkins, Kimber, Morrin, Neilson,
Noël, Parent, Price, Quesnel, Raymond, Ruel, Small, Tasche-
reaii, Turcotte et Viger. 25.
Contre: Black, Boswell, Buchanan, Burnet, Cameron, Camp-
bell, Cartwright, Chesly, Cook, Crâne, Daly, Day, Delislo,
Derbishire, De Salaberry, Draper, Dunn, Dunscomb, Duggan,
Poster, Gilchrist, Haie, Holmes, Johnston, Jones, KiUaly,
McCulloch, McDonald (Prescott). McDonald (rrlengarry), Mc-
Lean, McNab, Merritt, Moffatt, Moore, Morris, Ogdeu, Powell,
Prince, Robertson, Roblin, Simpson, Smith (Frontenac), Sher-
wûod, Steele, Strachan, Thompson, Watts, Williams, Woode
et Yule. 50.
■ 11!
In
I IIM
7S
iyo8:tHAM.
[1841
demenU pour protester également contre l'acte d'u-
nion tel qu'il existait. Ils n'eurent guère plus do
succès.
Dans le conseil législatif, l'adresse fut votée à une
plus grande majorité. M. Jules Quesnel fut le seul
qui protestât contre l'acte d'union. Un autre amende-
ment qui exprimait un léger doute sur l'opération de
cet acte, ne réunit que trois voix : celles de MM. Jo
liette, Quesnel et Bruneau. M. Garon n'avait pas
encore pris son siège au conseil.
La question de la responsabilité du gouvernement
fut un sujet de discussion pendant l'adresse.
Lorsque l'Angleterre accorda au Canada la consti-
tution de 1840, elle concéda en même temps la forme
de gouvernement généralement connu sous le nom
de gouvernement responsable. Jusqu'à cette époque, le
gouverneur n'avait été que le représentant ou l'agent
du* ministère impérial et du bureau colonial ; ses
conseillers n'avaient été responsables qu'à lui même
et non aux chambres, et avaient conservé leurs em-
plois durant bonne conduite. Ce fut la non-responsa-
bilitédeces derniers à la législature qui fut la cause
des anciennes luttes parlementaires. Ce faux système
empêcha les trois branches de la législature de pos
séder entre elles l'entente tout à fait nécessaire à un
corps législatif. Les conservateurs, dans la craintt?
de perdre le pouvoir qu'ils possédaient à perpétuité,
se refusèrent toujours à concéder le gouvernement
responsable, qui était demandé avec instance par la
voix des représentants du peuple. Cette lutte retarda
la colonie dans la voie du progrès, et la législation
souffrit beaucoup de cet état alarmant. A la fin, les
difficultés s'envenimèrent au point qu'une révolte
tS41] KYDESMAM. 79
ensanglanta les deux provinces. Si l'insurrection hâta
Tunion des deux Canadas, elle accéléra la conces*
sion du gouvernement constitutionnel ; car l'ancien
système ne pouvait plus fonctionner. Il fallait un
changement.
Lord Durham, dans son rapport sur l'état de la co-
lonie, avait recommandé co système comme le seul
remède pour éviter les malheurs du passé, et insista
à ce qu'on l'adoptât. Le noble lord s'exprimait ainsi
dans un passage de ce rapport.
» La responsabilité à la législature-unie de tous les
olliciers du gouvernement, à l'exception du gouver-
neur et de son secrétaire, devrait être assurée par
tons les moyens connus à la constilution britannique.
liO gouverneur, comme représentant delà couronne,
devrait recevoir instruction de conduire son gouver-
nement par le moyen de chefs de départements, qui
devront posséder la confiance de la législature-unie,
et qu'il ne doit attendre des autorités impériales
aucun appui dans ses contestations avec la législa-
ture, si ce n'est sur les points qui embrasseront
strictement des intérêts impériaux. »
Dans un autre endroit. Lord Durham disait : « Lors-
qu'un ministère cesse de commander une majorité
dans le parlement sur les grandes questions poli-
tiques, son sort est immédiatement fixé ; et il nous
paraîtrait aussi étrange de faire marcher, pendant
un temps, un gouvernement par le moyen de minis-
tres perpétuellement en minorité, qu'il le serait de
passer des lois avec une majorité de votes contre
elles.... Si le gouverneur désirait retenir des con-
seillers qui ne posséderaient pas la confiance de l'as-
semblée, il pourrait en appeler au peuple ; et, s'il ne
r
80 SYDENHAM. [1841
réussissait pas. il pourrait ùtre forcé par le refus des
subsides, ou ses conseillers seraient effrayés par la
perspective d'une accusation parlementaire.»
Dans une dépêche au gouverneur-général, en date
du 16 oclobre 1833, Lord John Russe) 1, secrétaire des
colonies, donnait comme suit les premières notions
du gouvernement responsable.
«Je désire appeler votre attention sur la manière
dont les cnarges publiques à la disposition de la cou-
ronne sont possédées dans les colonies britanniques.
Je vois que le gouverneur lui-même et toutes les
personnes qui servent sous lui, sont nommés du-
rant bon plaisir, maio avec cette différence impor-
tante, que la commission du gouverneur est de fait
révoquée toutes les fois que les inté''\b du service
public paraissent exiger un tel changement dans
l'administration des affaires locales ; mais les com-
missions de tous les autres officiers publics sont
rarement révoquées, excepté dans le cas de mauvaise
conduite... Il est temps d'introduij-e une marche
différente Vous devez donc comprendre, et vous
ferez connaître généralement qu'à l'avenir les char-
ges dans la colonie, qui sont possédées duiant le bon
plaisir de Sa Majesté, ne seront plus considérées
comme des charges devant être occupées durant
bonne conduite, et que non-seulement les officiers
seront tenus dose rolirer du service public toutes
les fois que des motifs suffisants d'expérience publi-
que pourront en suggérei la convenance, mais qu'un
changement dans la personne du gouverneur sera
considéré comme une raison suffisante par son suc
cesseur de faire tous les changemsnts qu'il jugera
convenables dans le personnel des fonctionnaires
1841] SYDENHAM. 81
publics, sujets comme de raison à l'approbation du
souverain.
(( Ces remarques ne s'appliquent pas aux charges
judiciaires, et ne doivent pas s'entendre non plus des
charges qui sont purement ministérielles, et qui
n'imposent pas à leurs possesseurs des devoirs dont
l'accomplissement fidèle ou infidèle implique direc-
tement le caractère et la politique du gouvernement.
Elles doivent s'adresser plutôt aux chefs des départe-
ments qu'aux personnes qui seiv^ent sous eux en
qualité de clercs (secrétaire-colonial, receveur-gé-
néral, procureur et solliciteur-général, etc.).... A cette
liste il faut ajouter les membres du conseil exécutif,
surtout dans les colonies où les conseils législatif et
exécutif sont des corps distincts...»
Le 14 janvier 1840, THon. Poulett Thompson s'ex-
primait ainsi dans sa réponse à une adresse de l'as-
semblée législative du Haut-Canada : « Le gouver-
neur-général a reçu ordre de Sa Majesté d'adminis-
trer le gouvernement de ces provinces conformé-
ment aux vœux et aux intérêts bien entendus du
peuple, et d'avoir pour leurs sentiments exprimés par
l'entremise de leurs représentants les égards qui
leur sont dus à juste titre. »
Dans une lettre subséquente, le gouverneur ex-
pliquait assez habilement au ministre des colonies
la manière dont il entendait faire fonctionner le gou-
vernement responsable.
Voilà à peu près les seuls documents qui nous
donnent des détails sur la concession de cette grande
réforme par la mère-patrie.
Pendant la discussion de l'adresse, M. Buchanan
s'adressa aux membres du ministère pour avoir des
1t I
n m
'■-¥
82 SYDENHAM. [1841
explications sur la manière qu'ils entendaient le gou-
vernement responsable. « Les ministres, dit-il, recon-
naissent-ils leur responsabilité à l'opinion publique,
telle qu'exprimée par la majorité des membres de
cette chambre ; ou reconnaissent-ils le principe de
demeurer en charge, quand ils ne pourront main-
tenir une majori' ' dans la même chambre ? »
Le premier ministre, M. Draper, répondit au nom
de l'administration et entra dans de grands détails.
Il dit qu'il ne demeurerait dans le ministère qu'aussi
longtemps qu'il pourrait donner un appui conscien-
cieux aux mesures soumises à la chambre par le
gouverneur ; qu'il ne pouvait y avoir de bon gouver-
nement tant que l'harmonie n'existerait pas entre
l'exécutif et le peuple. Tl était du devoir du repré-
sentant de ia reine de conserver cette harmonie par
tous les moyens possibles, parce que c'est à lui de
rendre compte de sa conduite au gouvernement de
la mère-patrie. Enfm M. Draper donna à entendre
qu'il n'était responsable qu'au gouverneur et ron
au peuple.
Ces déclarations furent loin de satisfaire les réfcw-
mistes, qui étaient disposés à donner leur appui au
ministère. MM. Merritt, Gameron, Steele, etc., s'éle-
vèrent avec force contre les restrictions que voulait
faire le premier ministre ; MM. Baldwin et Hincks
entendaient encore moins le gouvernement respon-
sable do cette manière. Enfin, M. Boswell posa aux
ministres cette question simple et nette : « Si les mi
nistres ne peuvent obtenir une majorité dans cette
chambre de manière à ne pouvoir faire adopter leurs
mesures, et s'ils voient qu'ils ne possèdent pas la
1841
gou-
con-
que,
s de
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îtails.
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l)ui au
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oulait
1841]
SYDENHAM.
83
confiance de la majorité des représentants du peuple,
résigneront-ils, ou auront-ils recours à la dissolution
(le la chambre ? »
Les ministres, se voyant menacés de perdre l'appui
d'un grand nombre de membres, répondirent affir-
mativement. On applaudit à cette réponse, qu'on
avait obtenue par contrainte, et on s'écria : « Nous
avons enfin le gouvernement responsable. »
Vers la fin de la session, M. Baldwin, secondé
par M. Viger, proposa plusieurs résolutions qui
établissaient d'une manière claire et précise le véri-
table gouvernement responsable. Elles furent rem.-
placées par d'autres que proposa M, Harrison, et qui
contenaient à peu près le même sens. Ces dernières
furent adoptées à l'unanimité, à part la troisième,
qui se rapportait à la responsabilité des ministres
envers les représentants du peuple et contre laquelle
votèrent quelques membres conservateurs avancés,
entre autres, Sir AUan McNab, MM. Gartwright,
Moffat, Sherwood et McLean. Ces conservateurs
s'étaient toujours opposés à un principe destiné à
rétablir la confiance du peuple et ia tranquillité in-
térieure. Ils s'apercevaient qu'ils ne pourraient,
comme par le passé, possédera perpétuité le pouvoir
'et les principales fonctions publiques. En effet, leur
ancienne influence recevait un choc considérable •
ils auront beaucoup de difficulté à la reconquérir;
pour cela, ils devront changer de principes, et recon-
naître eux-mêmes cette forme de gouvernement,
seule praticable pour rendre justice égale ;'. tous les
partis et procurer le bonheur du peuple.
Voici le texte de ces magnifiques résolutions :
«Résolu —Que le plus important et le plus incon-
84
SYDENHAM.
[1841
i
testable des droits ijolitiques du peuple de cette pro-
vince est celui d'avoir un parlement provincial pour
la protection de ses libertés, pour exercer une in-
fluence constitutionnelle sur les départements exé-
cutifs de son gouvernement, et pour législater sur
toutes les matières du gouvernement intérieur.
H Que le chef du gouvernement exécutif de la pro-
vince étant, dans les limites de son gouvernement,
représentant de son souverain, est responsable aux
autorités impériales seules ; mais que néanmoins
nos affaires locales ne peuvent être conduites par lui
qu'avec l'assistance et au moyen, par l'avis et d'après
les informations d'officiers subordonnés dans la pro-
vince.
« Que, pour maintenir entre les différentes bran-
ches du parlement provincial l'harmonie qui est
essentielle à la paix, au bien-être et au bon gouver-
nement de la province, les principaux conseillers du
reorésentant du souverain, constituant sous lui une
administration provinciale, doivent être des hommes
qui possèdent la confiance des représentants du
peuple, offrant ainsi une garantie que les vœux et les
intérêts bien entendus, que notre gracieuse sou
veraine a déclaré devoir être en toutes occasions la
règle du gouvernement provincial, seront fidèlement
représentés et défendus.
« Que le peuple de cette province a de plus le droit
d'attendre de telle administration provinciale qu'elle
emploiera tous ses efforts à ce que l'autorité impé
riale, dans ses limites constitutionnelles, soit exercé(^
de la manière la plus conforme à ses vœux et inténMs
bien entendus. ,>
1841
pro-
pour
B in-
exé-
• sur
i prô-
nent,
e aux
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a pro-
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c et les
e sou
ons la
ement
1841] SYDENHAItf. 85
Ces résolutions étaient appelées à jouer un rôle
important dans l'histoire politique du pays, par les
conséquences heureuses qu'elles devaient avoir.
En effet, le gouvernement responsable sera main-
tenant l'âme de la chambre élective, et les re-
présentants formeront le grand conseil du pays.
Cette chambre ne sera plus, comme autrefois, une
simple chambre délibérante. Lorsqu'elle voudra une
mesure, lorsqu'elle demandera une réforme, elle
l'obtiendra. Le pouvoir sera entre ses mains, ou
plutôt entre les mains du peirple qu'elle représente ;
et le gouvernement agira d'après sa volonté. La
chambre aura seule le droit d'imposer des taxes ;
elle sera encore la dépositaire des deniers du peuple,
et on s'adressera à elle seule pour obtenir ce qu'on
appelle les subsides.
Le gouverneur, représentant la reine elle-même,
choisira ses conseillers parmi les personnes honorées
de la confiance du peuple ; il devra admin.strer les
affaires publiques d'après leur avis ; et, lorsqu'ils per-
dront celle confiance, il les déchargera et en nom-
mera d'autres plus populaires. Il aura encore le droit
de consulter le peuple au moyen d'une élection. En
un mot, le gouvernement provincial devra être, dans
lapratique, une copie assez fidèle de celui de l'Angle-
terre, abstraction faite de notre dépendance comme
colonie, et de certaines prérogatives appartenant au
souverain : telles que conclure des traités et des al-
liances, faire la paix et la guerre, battre monnaie,
etc.
C'était donc une concession importante que la mé-
tropole faisait au Canada, en lui remettant la gestion
directe de ses propres affaires locales. Cependant
#-^'vi
' !
1^
86 SYDENHAM. [1841
il s'écoulera plusieurs années avant que le go verne-
ment responsable fonctionne d'une manière eiiuctive
et honnête. Pour obtenir ce résultat, les gouverneurs
devront choisir leurs ministres parmi les hommes
d'état possédant réellement la confiance du peuple,
laisser à ces ministres la plus grande latitude dans
toute mesure ou réforme à adopter pour le bien-être
du peuple et dans les emplois à distribuer. Ils ne de-
vront s'identifier avec aucun parti, ni se jeter dans
l'arène politique pour faire élire des personnes de
leur choix. L'indépendance des deux chambres sera
aussi nécessaire, afin que les employés publics ne
puissent à l'avenir briguer les suffrages du peuple.
Quand ces cessions seront faites, alors le gouverne-
ment responsable sera appliqué dans toute sa pléni-
tude.
La majorité ministérielle de 1841 ne possédait
pas toutes ces qualités, par la raison qu'elle se com-
posait en partie de députés élus par la violence et
d'officiers du gouvernement, et que le droit de vote
avait été enlevé à un nombre considérable d'élec-
teurs des villes.
On se rappelle que plusieurs membres, surtout
dans le district de Montréal, avaient été élus par la
force et la corruption. Leurs élections furent con-
testées par les électeurs ; mais la plupart des pé-
titionnaires, étant sous l'impression que les lois
des élections étaient expirées, n'observèrent pas les
formalités requises par ces lois. Les actes concernant
les élections contestées devaient être en force jus-
qu'au mois de mai 1836, et do cette date jusqu'à la
session suivante. D..ns la suite, le parlement fut con-
voqué dans deux occasions ; et ces assemblées furent
appelées sessions dans le? documents officiels. Les
1841
3rne-
ctive
leurs
limes
luple,
dans
i-ôtre
ne de-
dans
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Lcs ne
leuple.
vcrne-
pléni-
ssédait
e com-
snce et
le vote
d'élec-
1841] SYDENHAM. 87
actes des élections n'ayant pas été continués par la
législature, on les regarda comme expirés. De
plus, aucune mesure ou loi ne fut adoptée dans ces
deux sessions. Pour cette dernière raison, la majo-
rité de la chambre décida qu'il n'y avait pas eu de
sessions, et que les actes des élections étaient encore
en force.
Mais, afin de rendre justice aux pétitionnaires et
de ne pas les priver de l'occasion de présenter de
nouvelles pétitions. Sir Allan McNab présenta un
projet de loi qui leur accordait un délai raisonnable
pour se conformer aux lois. Ce projet fut passé par
une majorité de la chambre, malgré une opposition
violente de la part du ministère. Presque tous les
réformistes se firent un devoir de voter pour cette
mesure de justice. Malheureusement, le conseil lé-
gislatif ne montra pas des disx^ositions aussi bien-
veillantes. Encouragé et poussé par le gouvernement,
il rejeta la mesure, et laissa cent cinquante mille élec-
teurs sans représentants pour défendre leurs intérêts,
ou plutôt les laissa représentés par des personnes qui
ne possédaient pas leur confiance. Il fut résolu à
l'unanimité que la chambre, à la prochaine session,
ferait une enquête sur ces élections.
La chambre vota la somme de £1,659,682 sterling
pour diverses améliorations publiques. Sur ce mon-
tant, £450,000 étaient destinés au canal Welland,
£696,182 à l'amélioration de la navigation du Saint-
Laurent (canal Cornwall, celui de Lachine. etc..)
£58,500 au creusement du lac Saint-Pierre, £45,000
au canal de Burlington, £25,000 aux chemins des
Cantons de l'Est et de la baie des Chaleurs, et la
balance fut employée à divers autres travaux et che-
mins publics, en grande partie dans le Haut-Canada.
88
SYDENHAM.
[1841
Au moyen de ces sommes d'argent, on complétait
presque entièrement une série de travaux qui de-
vaient ouvrir une communication facile entre les
grands laca et l'Océan à des bûtinients de trois cents
tonneaux, et attirer le commerce de l'ouest par la
voie du Saint-Laurent. Pour subvenir à ces dépen-
ses considérables, pour diminuer l'intérêt de la dette
publique et liquider celte dette, une loi fut passée
afin de faciliter la négociation en Angleterre d'un
emprunt d'un million et demi de louis sterling.
Les députés ne s'allouèrent que £65 pour indem-
nité. Cette somme était très-modérée.
Avant de concourir au vote de l' emprunt ci-dessus
mentionné, M. Neilson proposa un amendement par
lequel on ne devait reconnaître aucune dette publi-
que contractée sans le consentement des représen-
tants du Bas-Canada. Cet amendement ne fut sou-
tenu que par seize députés, y compris MM. Baldwiu
et Price du Haut-Canada.
M. Neilson proposa encore, avant le vote des sub-
sides, la résolution suivante, afin de protester contre
la liste civile :
« Que tous les octrois et subsides accordés à Sa
Majesté sont le pur don de l'assemblée, et que cette
chambre ne procède à délibérer sur l'aide ou les
subsides à accorder à Sa Majesté que dans le seul
espoir qu'il sera rendu justice aux habitants de cette
province, à l'égard d'une appropriation qui a été
faite par le parlement du royaume-uni de la Grande-
Bretagne et de l'Irlande, pour le soutien du gouver-
nement civil de cette province, à môme les deniers
prélevés sur les sujets en icelle. »
1841
était
L de-
3 les
cents
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épen-
delte
)assée
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ideni-
iessus
nt par
publi-
)résen-
it sou-
ddwiu
sub-
contre
1841] SVDENH.Wt. 89
Tous les libéraux, à l'exception de M. Tascliereau,
votèrent en faveur de cet amendement. Ils reçurent
le concours de plusieurs réformistes, entre autres,
de MM. Baldwin, Merritt, Hincks, Gameron, et des
conservateurs Sir Allan McNab et M. Sherwood.
M. Draper proposa en amendement qu'il n'était pas
expédient de se prononcer sur la question des sub-
sides pendant cette session, amendement qui fut
adjpté par 35 contre 29.
La chambre décida d'élever les droits sur les mar-
chandises sèc/if 5 de 2^ à 5 par cent; elle augmenta
ceux des vins, des spiritueux et du sucre, mais les di-
minua sur le sel. On espérait retirer au moyen de
ces nouveaux impôts une somme de £40,000. Une
taxe d'un par cent fut aussi prélevée sur les billets
Je banques en circulation dans les provinces, et le
droit sur les spiritueux distillés dans le Bas-Canada
fat fixé à trente-six sous le gallon, (i)
La chambre d'assemblée pria le gouverneur de
nommer des commissaires pour reviser les statuts et
les ordonnances du Bas-Canada, qui étaient alors en
force. Cette mesure était désirée depuis longtemps.
MM. A. Buchanan, H. Heney et G.-W. Wicksteed
furent chargés de ce travail ; ils le terminèrent en
1841.
(^) Voici, d'après le nouveau tarif, les -^euls droits qui étaient
imposés en 1841, en exceptant les spiritueux : droits très-légers,
si on les conij)aie avec ceux d'aujouixVhui :
s.d. a.d.
Vin de Madèr3, le gallon. ... 1 0 Sel, le tonneau 1 0
Autres vin3 ' 0 6 Mêlasse par 100 livres.... 1 6
Thé, la livre. 0 3 Café vert, la livre 0 2
Tabac non fabriqué, la livre.. 0 1 Café moulu, '* 0 4
Tabac fabriqué " 0 2 Sucre raffiné, " 0 2
Sel par 280 livres 0 2 Sucre de Moscouade '• 0 1
Marchandises sèches, 5 par cent.
T"
!■
00 lYOlXKAM. [1841
L'abolition de la teriUi*e ôeigiieitriale dailà le Bas
Canada était une des réformes les plus désirées par
le peuple. Aussi les députés s'empressèrent-ils de la
discuter. Ils passèrent, à une grande majorité, des
résolutions par lesquelles ils déclaraient la néces-
sité d'adopter des mesures efficaces pour faire dis-
paraître les charges seigneuriales, tout en ayant
égard au.x droits des partis intéressés. MM. Neilson
et Viger s'opposèrent à ces résolutions. Sur la re-
commandation de la chambre, le gouverneur insti-
tua, en 1842, une commission destinée à faire une
enquête sur cette question. Les commissaires sou-
mirent, deux ans après, un rapport donnant des dé-
tails importants pour amener cette réforme à bonne
fin. (M
Sur motion de Sir Allan McMab, une adresse fut
votée à la reine, pour la prier de consentir à ce que
le siège du gouvernement fût tranféré alternative-
ment à Québec et à Toronto. Cette démarche n'eut
pas de succès.
La chambre vota aussi une adresse au gouverneur
général, dans laquelle elle lui recommandait d'exer-
cer la clémence royale envers les personnes impli-
quées dans les troubles politiques, en autant que cela
serait compatible avec la sûreté de la couronne et
la tranquillité publique. Les Canadiens de toutes
origines se rappelaient avec douleur qu'un certain
nombre de leurs frères gémissaient depuis deux ans
sur une terre lointaine. Déjà leur faute était plus
( ' ) MM. Vanfelson, McCord et Doucet furent d'abord nom-
més commissaires ; ils furent presque aussitôt remplacés par MM.
Buchanan, Smith et A. Taschereau. Ce furent ces derniers qui
firent le rapport.
1841]
aVÛÊNHAM.
Si
qu'expiée, et leur pnrdon était reconnu juste et
nécessaire. Malheureusement, le gouvernement ca-
nadien et la métropole ne crurent pas devoir so
rendre immédiatement à une demande si raison-
nable. Ils laissèrent encore des années entières
ces infortunés sur la terre de l'exil, avant de leur
permettre l'entrée dans leur patrie. (*)
Plusieurs mesures importantes furent passées pen-
dant cette longue session. En premier lien, vient
celle qui établissait dans la province-unie des écoles
élémentaires sous le contrôle de commissaires éligi-
bles par le peuple et des districts municipaux. Le de-
voir des commissaires étaitde prendre la direction des
écoles sous leur contrôle, de nommer les instituteurs
et dépasser des règlements ; celui des districts muni-
cipaux consistait à diviser les paroisses en arrondisse-
ments d'écoles, à distribuer à chacun d'eux sa part du
fonds des écoles et à transmettre au Furintendant un
rapport annuel. Par cette même loi, plusieurs bu-
reaux d'examinateurs furent institués dans les princi-
pales villes, et trois surintendants eurent la direction
générale de l'éducation. L'Hon. R.-Simpson Jameison
fut nommé président, M. le Dr. Meilleur, député-
surintendant pour le Bas-Canada, et le Rév. M.
Murray, député-surintendant pour le Haut-Canada.
Ces nominations furent bien accueillies, surtout
celle du Dr. Meilleur, qui avait en tout temps mon-
tré un zèle éclairé pour la cause de l'éducation.
Une clause de cet acte allouait, pour aider au
C^) Le 28 .septembre 18.39, 141 prisonniers politiques avaient
été embarqués à borddu J5M^a/o, pour la Nouvelle-Galle du Sud,
en Australie. De ce nombre 58 étaient du Bas-Canada, et 83 du
Haut-Canada.
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SYDENHAM.
[1841
1,
soutien des écoles, une somme annuelle de cinquante
mille louis, dont trente mille furent accordés au Bas-
Canada, et vingt mille à la province supérieure. Pour
avoir part à l'allocation, les habitan ts de chaque arron-
dissement étaient obligés de se mettre scus le contrôle
des commissaires, et de contribuer pour une somme
égale k i'octroi du gouvernement. Le système de
cotisation déplut d'abord aux Canadiens. Ils avaient
les taxes en horreur, et ils auraient préféré soutenir
leurs écoles au moyen de contributions volontaires.
Cette difficulté retarda pendant quelque temps le
progrès de l'instruction publique, et contraignit le
gouvernement d'obliger les habitants à se cotiser.
Ceux-ci reconnurent plus tard que c'était le moyen
le plus propre à propager l'éducation.
Le clergé catholique protesta d'abord contre le
projet de loi, parce qu'il lui enlevait le contrôle
qu'il aurait désiré conserver sur les écoles. Quelques
modifications ayant été faites, il l'accepta cependant,
faute d'une meilleure loi. Bien que cette mesure ne
fût pas parfaite dans tous ses détails, elle était des-
tinée à faire progresser la cause de l'éducation.
L'allocation donnée pour le soutien des écoles
était très-libérale. Le ministère suivait une tout
autre marche que Tancien gouvernement du Bas-Ca-
nada, qui avaitadopté peu de mesures pour propager
l'éducation populaire. En 1801, avait été fondée
V Institution Royale dans le dessein d'anglifier la popu-
lation primitive du pays ; et chaque gouverneur
reçut instruction de travailler à atloindre ce but
inique. Cette institution fut repoussôo presque par-
tout. Dans sa plus grande prospérité, le nombre
1841] SYDKNHAAf. 93
d'écoles placées sous sa direction atteignit à peine le
chiffre de quarante. Pour y suppléer, le clergé ou-
vrit quelques rares écoles de campagnes. A plusieurs
reprises, cependant, les représentants du peuple pro-
posèrent des projets de loi d'éducation, mais ils
furent rejetés les uns après les autres par le conseil
législatif.
Dans la session de 1823-4, la législature passa la
loi des écoles de fabriques, qui permettait aux Cana-
diens d'appliquer jusqu'au quart du revenu des fa-
briques pour le soutien des classes dirigées par elles.
Un certain nombre d'écoles furent établies d'après
cet acte.
En 1829, le parlement passa la première loi gé-
nérale d'éducation. Elle fut révoquée et remplacée
par une autre en 1831. Cette dernière expira en 1836,
Mais, sous l'empire de ces diverses lois, l'éducation po-
pulaire fit peu de progrès, bien que dans les dernières
années quelques sommes d'argent fussent accordées
par la législature aux sociétés d'éducation des villes,
à certains collèges et à l'institution royale. Voilà l'en-
couragement donné jusqu'en 1841 pour le déveloi)-
pement de l'instruction élémentaire des Canadiens.
Mais, par bonheur, le clergé prit en main la cause
de l'éducation de la jeunesse canadienne. Sous la
domination française, elle avait été confiée princi-
palement aux soins des Jésuites, qui possédaient un
vaste collège à Québec (transformé depuis de nom-
breuses années en casernes). Ce collège, après avoir
rendu les plus grands services au pays, fut, lors de
la conquête, fermé aux lettres et aux sciences. Le
gouvernement supprima l'ordre, et s'empara de se?
m
94
SYDENHAM.
[1841
biens, qu'il possédait encore en 184t. Les Récollets,
qui s'étaient un peu occupés de l'éducation élémen-
taire, laissèrent le Canada à la conquête, pour n'y
plus revenir.
Jusqu'alors, le séminaire de Québec, fondé en
1663 par Mgr. du Laval, d'heureuse mémoire, et celui
de Saint-Sulpice, établi en 1677 par la compagnie do
Montréal, s'étaient, conformément à leur constitu-
tion, exclusivement occupés à préparer des sujets
pour le sanctuaire. Ils n'hésitèrent pas ;\ faire les
plus grands sacrifices, afin de continuer la belle
œuvre commencée par les institutions qui venaient
d'être supprimées. Ils modifièrent donc leurs règle-
ments et établirent chacun un collège sur le môme
pied que celui des Jésuites. Beaucoup de Canadiens
puisèrent dans ces deux institutions une éducation
des plus soignées, et se préparèrent à jouer, sous la
constitution de 1791, un rôle sinon brillant du moins
utile, soit dans la politique, soit dans les professions
libérales. «
Plus tard, de 1804 à 1832, d'autres étabhssements,
rivalisant de zèle avec ces derniers, furent fondés
par de dignes et sincères amis de l'éducation, la
plupart pauvres curés de la campagne : c'étaient les
collèges de Nicolet, de Saint-Hyacinthe, de Sainte-
Thérèse, de Ghambly, de Sainte-Anne et de l'As-
somption.
L'éducation des jeunes filles avaient été donnée
par quelques communautés religieuses. Le mo-
nastère des Ursulines de Québec, fondé en 1639^
par Mme. de la Peltrie. et le couvent de la Congré-j
gation de Notre-Dame, établi à Montréal en 1653 par*
m
1841
llets,
men-
' n'y
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celui
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l'As-
>nnée
mo-
1639
[ngré-
f3 par
1841]
SYDENHAM.
95
la sœur Bourgeois, remplirent envers les jeunes Cana-
diennes la mrme tâche que les institutious ci-dessus
nommées envers les jeunes Canadiens. Les Dames
Ursulnies élaLlirent, en 1697, une autre maison aux
Trois-Rivières, et les Dames de la Congrégation une
douzaine d'autres établissements, à différentes épo-
ques, daus les campagnes du Bas-Canada, (i)
(^) Liste des principales maisons d'éducation en opération
dans le Canada en 1841 :
Année de la
fondation.
1639..
1653..
im'à..
1677..
1689..
1697..
1773..
1804..
1811..
1825..
1826..
1827..
1827..
1832..
1835..
1837..
1837 . .
NOMS DES INSTITUTIONS,
Ursulines de Québec
Congrégation de N. D., Mont-
réal
Séminaire de Québec
Séminaire de Saint-Sulpice,
Montréal
Sœurs d8 la Congrégation, Qué-
bec
Ursulines des Trois-Rivières . .
Collège de Montréal
vSéminaire de Nicolet
Collège de Saint-Hyacintl e. . . .
Collège de Sainte-Thérèse
Collège de Chambly
Collège de Sainte- Anne
Université de Toronto
Collège de l'Assomption
Collège McGill, Montréal. . . .
Collège de Kingston
Ecoles Chrétiennes, Montréal.
FONDATEURS.
Mme. de la Peltrie ...
Sœur Marg. Bourgeois
Mgr. de Laval
Comp. de Montréal..
Mgr. de Saint- Valier .
Mgr. de Saint- Valier .
M. Curratteau, Sulpic
M. Brassard, curé. , .
M. Girouard, curé . .
M. Ducbarrae, curé..
M. Migiiault, ^uré..
M. Painchaud, curé.
M. Labelle, curé, Dr
Meillei": etc.
Hon. P. McGill
Mgr. McDonell
MM. les Sulpicians..
Histoire du Canada en tableaux, par Mgr. Langevin.
La Congrégation do Montréal établit plusieurs missions : à la
Montagne (1676), transférée plus tard au lac des Deux-Mon-
tagnes, à la Sainte-Famille, lie d'Orléans (1685), quelques an-
nées après, au Château-Richer, à La Chine et à la lointe-aux-
Trembles (Montréal), à Boucherville (1703), L la Prairie de la
Magdeleine (vers 1703), à la Pointe aux-Trembles, Québec, (1715),
à Saint-Laurent, lie de Montréal (1732), à Saint-Denis (1783), à
la Pointe-Claire, ile de Montréal (1784), à Saint-Eustache (1833).
(Histoire de la Sœur Bourgeois. )
96
SVDENHAM.
[1841
A mesure que la poxjulation augmentait, et que le
besoin se faisait sentir, surgissait un de ces magni-
fiques établissements, qui font aujourd'hui la gloire
du Canada catholique. Ces institutions ont imprimé
aux Canadiens un caractère religieux et moral, qu'ils
ont su assez bien conserver jusqu'aujourd'hui, et
qu'il est désirable de voir se perpétuer. On doit
donc une reconnaissance éternelle à ces prêtres
désintéressés, à ces femmes remplies de charité et
de zèle, qni sacrifièrent à l'éducation de la jeunesse
leur santé et leurs épargnes, dans les moments si
critiques de notre histoire. Si les Canadiens eussent
dépendu uniquement de l'ancien gouvern ment, ils
se seraient trouvés presque sans moyens d'éducation.
Ils auraient manqué d'hommes caiDables de défendre
leurs droits politiques et leur nationalité. Ils auraient
été sans influence et n'auraient pu conquérir leurs
droits et leur privilèges.
Pour nous résumer, disons qu'en 1841 l'instruc-
tion classique était très-répandue. Dans le Bas-
Canada, elle pouvait être comparée avec avantage
à celle des peuples les plus instruits de l'Europe,
eu égard à la population. L'instruction populaire se
développait assez rapidement dans les villes et dans
quelques paroisses privilégiées, mais elle manquait
presque totalement, à part féducation religieuse,
dans le plus grand nombre de nos campagnes. Flus
de la moitié de la population canadienne e.i était
privée complètement.
Dans le Haut-Canada, on avait passé diverses lois
d'éducation en 1816, en 1820eten 1833. Ces mesures,
de l'aveu des membres de cette province, avaient été
trouvées insuffisantes ; elle avaient manqué de pro-
11841
^ue le
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ligieuse,
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lesures,
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de pro-
1841] SYDENHAM. 97
duire des résultats satisfaisants. La nouvelle loi fut
donc bien vue de tous les partis. L'éducation élé-
mentaire était passablement répandue parmi le peu-
ple : cependant pius de la moitié des enfants était
privée des bienfaits de l'instruction. Un certain
nombre d'écoles supérieures appelées écoles de gram-
maire étaient en opération. Gomme institutions de
preinière classe, il n'y avait que l'Université de To-
ronto, établie en 1827 et liée avec l'église d'Angle-
terre, et le collège catholique de Kingston, fondé en
1837 par Mgr. McDonell. V Académie du Haut-Canada^
(]ui existait depuis cinq ans, fut, incorporée en 1841,
sous le nom de Collège Victoria de Gobourg. Au mois
de septembre 1841, une charte royale fut octroyée au
Queen's Collège^ de Kingston. Gette institution, .[ui
était liée à l'église presbytérienne, ouvrit ses classes
l'année suivante. Le collège McGill, établi en 1835
par la générosité de l'Hon. M. Peter Mf^Gill, était
dans le Bas-Ganada la seule institution anglaise de
premier ordre.
Une autre mesure importante fut celle qui éta-
blissait dans le Haut-Ganada des corporation'» muni-
cipales, au moyen desquelles le peuple pourrait gérer
à l'avenir ses affaires locc^les. Plusieurs réformistes
s'opposèrent à certaines clauses, entre autres, à
cellesquilaissaientiÀ l'exécutif la nomination des pré-
sidents et des trésoriers. Les libéraux du Bas-Ganada
les appuyèrent, tout en profitant de cette occasion
pour essayer d'amender l'ordonnance que le conseil
spécial avait imposée à cette province, et qui était
en plusieurs points semblable ù la loi que l'on voulait
établir dans le Haut-Ganada. Ils désiraient enlever
5)
98
SYDENHAM.
[1841
au gouvernement la nomination des officiers muni-
cipaux, clianger les divisions des districts, et les chefs-
lieux, que le gouvernement avait fixés d'une ma-
nière arbitraire. Ils ne s'opposaient pas aux institn
lions municipales, mais ils voulaient les établir sur
un pied satisfaisant pour le peuple, qui les avait en
aversion.
La loi fut discutée avec chaleur pendant plusieurs
jours. M. Viger prononça un discours énergique, que
nous reproduisons en partie : c J'ai examiné, disait-il,
avec la plus stricte attention l'ordonnance du Bas-Ca-
nada, et je suis fâché de dire que le caractère decetti^
mesure ne peut être approuvé par personne. Elle a
été passée par des personnes qui ne représentaient
pas le peuple. Elle a établi un mécanisme de gou
vernement inconnu jusqu'à présent du monde civi
lise Le gouverneur divise à sa volonté la province,
qu'il morcelle en districts; il nomme certains offi-
ciers des conseils ; il contrôle les assemblées de ces
conseils, et a le pouvoir de les dissoudre à sa vo-
lonté : c'est ce qu'on appelle des corporations muni-
cipales ! des institutions par lesquelles le peuple se
gouverne lui-même ! Si la chambre peut se laisser
prendre à un semblable piège, j'en serai bien
étonné. Oh ! mais le système est bien bon pour les
pauvres Canadiens, diront certains membres, pour
ces Canadiens à demi civilisés, qui n'ont aucun droit
de se gouverner eux-mêmes ! Je ne veux pâs que
l'on me croie opposé aux institutions municipales ;
mais celles qu'on nous offre ne sont pas ce qu'elles
devraient être. Si l'ordonnance du Bas-Canada eût
été soumise au peuple, elle ne serait pas devenue
1841)
SYDBNHAM.
09
loi ; parce que c'est une loi i„in,,„ p,
De telles lois, Dieu loin ,{! ' '^ '"'" ««mple....
verne,nent, „'e p.nJZ^'^^Zu "^ ""^ «°"-
-non.e du peuple. J'esn Je au o 1 r '""' " '''''■'^-
a» reste de la province eZ^TJ^'T' ''''''^'''
SU.S assez égoïste pour mC'e •fct ""'^' J«
heaux et grands avautaffessofenf/ .'^"'' '""''=«'
Canadiens „ '^«^"^^^-oicnt accordés aux Haut-
Si. le secrétaire Harrism. i„
--, dit que la r^^Zim^Tl'" ""^ '"«•
reposait sur ce projet de Ini , , e°"*'oruement
l'avait présenté l?sw''/' 'ï"'' ^ '«"«" '«1 qu'il
avec l'ordonnance duTasc'nal'^r'"' '" '"-"p''-^'
"ière loi venait d'entrer en !■. """' ''''"<' •J-"'-
J-'e de ne pas l'anS pour if^"' " '^°"-''
penence démontrait au'pll«. moment. Si l'e.x-
''e vicieux, i, serauï,; ' ,3" vt-^^î'^^-^ose
ments nécessaires '*" ^ ^»"'e les change-
'■ordonnance des mun i^; ^3"^;^^ ' ''^'"-^-
-anière qu'on gagnerait l'atcuL T '" ',' '"'''
je croyais un seul instant .7. ^""P'''- « S*
-embre, que le peup du "hW °" '""? ''honorable
i agir injustement envers"eB?r'.'^''' ^^' "'^Po^é
dVHre son représentant. Tant (jn'on'!f, t',:"'™"^'''»'^
Wables distinctions c'est p,?, """"■« «^^ sem-
lion nous dira qu'e'llo désire n'" ^"^ ''''"■"'nislra.
BaMwin engagea forieme "le mLn'- "'"^•••■" «■
"^poser une mesure contraire auTdéf!, " "" P««
mais plutôt à l'amender de ;?;"■' <!" Peuple,
•■«le et efficace "''"""'"^ ^ 'a rendre
^l^AllanMcNabetquelquesautres conservateurs
100
SYDENUAM.
[1841
§
parlèrent contre la mosnre, parce qu'ils étaient op-
posés aux institutions municipales ; ils ne voulaient
pas concéder au peuple de si grands pouvoirs. Une
majorité de quelques voix se prononça en faveur de
l'acte du Haut-Ca)iada, et refusa en même temps
d'amender l'ordonnance du Bas-Canada. On re-
marqua avec cha:?rin M. llincks et quelques dé-
putés d'origine française appuyer le parti minis-
tériel dans celte question si importante pour l'ave
nir du peuple (M-
La législation criminelle reguide grandes modifi-
cations, grâce à trois lois qui furent rédigées par M.
Black, député de Québec. Le premier de ces actes
avait rapport au crime de larcin, le deuxième vv-
gardait les injures malicieuses et le troisième trai-
tait des offenses contre les personnes. Ces change-
ments adoucissaient la sévérité des lois criminelles,
en réduisant de beaucoup les offenses capitales. La
peine du jnlori fut aussi abolie, et l'on substi-
tua le pénitencier à la déportation. Les anciennes
lois, par leur sévérité, répugnaient aux mœurs de ce
siècle ; d'ailleurs, leur excès de rigueur assurait assez
souvent l'impunité des coupables. Cette nouvelle
législation mettait le Canada sur le mémo pied que
l'Angleterre, qui avait déjà adopté la même réforme.
Le savant juge de l'amirauté reçut des Canadiens
les plus grandes félicitations pour les changements
qu'il venait d'introduire dans la législation cana-
dienne.
Des amendements furent faits aux lois qui régis-
saient les cours de districts et à celles qui conccr-
( ' ) MM. Ruel, Queanel, Taschereau et Raymond,
11841
511 1 Op-
Lilaienl
s. Unt3
;ciu' de
1 temps
On re-
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ces actes
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nciennes
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Irait assez
nouvelle
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réforme,
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igemciit^
Ion cana-
[[ul rcgis-
li cou ce r
1841]
SYDENHAM.
loi
liaient le recouvrement des petites dettes dans le
Haut-Canada. Une autre loi établissait dans le Bas-
Canada des cours de districts ayant juridiction dans
les affairts civiles au-dessons de £20 (M, et des conrs
de divisions pour affaires an-dessous de £6 5 0. Cet
acte, qui resta en force jusqu'en 1844, remplaça les
cours de shérifs érigées par le conseil spécial.
Au nombre des auti-es actes importants étaient
ceux qui pourvoyaient à la traduction des lois en
fnu cais, à la fixation du cours monétaire et à
la création d'un bureau des Travaux-Publics, dont
la nécessité se faisait vivement sentir. Un jirojet de
loi ayant pour but de perfectionner les actes des élec-
tions, fut aussi passé par les deux chambres, malgré
l'opposition du gouvernement. Le gouverneur le ré-
serva à la sanction royale : c'était vouloir qu'il ne
devint pas loi. C'est ce qui eut lieu en effet.
Le conseil législatif refusa son concours à dix-huit
projets de loi soumis par l'assemblée. De ce nombre
était celui qui accordait aux pétitionnaires des élec-
tions contestées un délai pour se conformer aux ré-
quisitions voulues par la loi, un autre était relatif
à l'indépendance des juges, un troisième devait
rendre électif le conseil de ville de Québec. En re-
jetant des mesures si nécessaires et si justes, le con-
seil s'exposait à renouveler les anciennes divisions
qui avaient existé entre les deux chambres et à
s'aliéner l'esprit du peuple.
On peut dire qu'en général cette session porta de
bons fruits ; elle vit passer plusieurs mesures de la
( ' ) Conformémeut à cette loi, vingt-deux districts furent éri-
gés dans le Bas-Canada et cinq jugea furent nommés : MM. H.
Guy, Wm. Power, A.-N. Morin, C.-E. Mondelet et C. McKay.
■J i..Jl.. JIJJU^
102 SVDENHAM. [184
plus grande utilité. Le commerce allait recevoir
ime nouvelle impulsion par les travaux qui devaient
rtre exécutés; la législation criminelle avait été dé-
pouillée de son ancienne sévérité ; la loi des écoles
était destinée à répandre les bienfaits de l'éducation
par tout le pays, jusque dans les rangs les plus obscurs
de la population. Ces mesures d'intérêt général, pro-
posées par le gouvernement, furent accueillies avec
plaisir par les libéraux, qui leur donnèrent un appui
cordial. Ils auraient été pleinement satisfaits, s'ils
enssentobtenu certaines réformes qu ils réclamaient
à bon droit. Quoique en minorité, ils protestèrent
chaque fois que l'on refusa de leur rendre justice, et
restèrent fidèles à leur devoir. Quelques-uns d'entre
eux, dans une ou deux circonstances importantes,
se rangèrent, il est vrai, à la politique ministérielle ;
mais ils ne tardèrent pas à être condamnés sévère-
ment par leurs constituants, qui allèrent jusqu'à leur
demander de remettre leur mandat. L'opposition du
ministère à l'amendement de l'ordonnance des mu-
nicipalités, à l'examen des pétitions des élections con-
testées, à l'adoption du projet de loi des élections,
était guère de nature à calmer la population libé-
rale du Bas-Canada. Elle aggravait encore la posi-
tion de ce parti, qui était déjà assez pénible.
Vers la fin de la session. Lord Sydenliam tomba
grièvement malade des suites d'une chute de cheval.
Cet accident hâta la fin de la session. Le 18 sept-
embre, le parlement fut prorogé par le major général
Glitherow, nommé à cet effet député-gouverneur. Le
lendemain, le gouverneur mourut à Kingston, n'é
tant âgé que de 42 ans. Cette mort si inattendue
m^i
1184
3CevOir
DvaieiU
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Le cheval
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1841]
SYD]iNl!..M.
i03
causa un grand regret malgré les divergences d*opl
nion au sujet de sa politique. Il fut inhiuné le
•21, dans la capitale, avec tous les iionneurs dus à
son rang. Le même jour, le général Jackson prêta
serment ccmmc administrateur de la province.
Lord Sydenham (connu d'abord sous le nom de
(Charles Poulett Tliomi)son), est né en Angleterre en
1799. La réputation qu'il avait acquise dans les
aiïaires commerciales le firent bientôt connaître des
hommes d'état de la métropole, qui le placèrent à la
présidence du bureau de commerce. Il occupa ce
poste élevé pendant plusieurs années En 1839, il
fut appelé à remplace»' Sir John Golborne, comme
gouverneur-général des Provinces Britanniques,
r/année suivante, on le créa pair du Royaume-Uni
avec le titre de Baron de Sydenham et de Toronto, et,
quelques jours avant sa mort, il recevait les insignes
de l'ordre du Bain.
Lord Sydenham était remarquable par ses pro-
fondes connaissances. Il était surtout très-versé dans
les affaires parlementaires, et possédait les qualités
nécessaires pour la conduite d'un corps représentatif.
Doué d'une énergie extrême, amateur du travail, il
s'occupa sans interruption de la tâche que le gouver-
nement impérial lui avait imposée. Dans la vie privée,
il gagna par ses belles manières l'affection de ceux
qui furent admis dans son intimité.
Pour première mission, il reçut ordre de préparer
les voies à l'union des deux provinces. C'était une
lâche très-difficile à remplir : les partis étaient divi-
sés plus que jamais : ils se ressentaient encore de la
secousse des troubles insurrectionnels. Lord Syden-
.A
!S f
m
194
SYDEiNHAM.
[1841
m
ham arracha au conseil spécial du Bas-Canada un si-
mulacre de conscntementau projet d'union, et ne s'oc-
cupa nullement de la protestation de toute une popu-
lation contre cet acte injuste. Dans le Haut-Canada,
il parvint, à force d'habileté et d'intrigues, à gagner
une majorité de la législature en faveur de ses vues.
Fier de ce succès, il rédigea à la hâte, avec l'aide de
quelques amis, l'acte constitutionnel; il parvint, grâce
à son influence et à des moyens plus ou moins hon-
nêtes, à le faire adopter par le parlement impérial.
Sans attendre la proclamation de l'Union et la con-
vocation de la nouvelle législature, il fit passer par
le conseil spécial, composé de ses créatures, plu-
sieurs ordonnances dont le:;' unes étaient bonnes dans
leurs principes, mais mauvaises dans certaines de
leurs dispositions ; les autres étaient iniques dans
toute leur teneur. Ces ordonnances faisaient peser
des taxes considérables sur les habitants du pays et
changeaient plusieurs de leurs anciennes coutumes.
Une autre mission de Lord Sydenhani fut de
faire fonctionner l'acte d'union et d'administrer les
af aires d'après les principes du gouvernement res-
ponsable. Il pouvait rétablir la tranquillité publique,
et être le régénérateur du pays, en rendant justice
égale à tous les Canadiens, sans distinction d'origine ;
par une conduite libérale, il eût posé les fondements
d'une nouvelle ère de bonheur. Au contraire, il s'ap-
pliqua à briser les partis, afin de n'en laisser aucun
gagner une position saillante Fur la scène politique,
et de conduire lui-même les affaires publiques (i). Il
(i) Dans une lettre privée en date du 27 juin 1841, Lord Sy-
denham écrivait ce qui 8uit : *' My ofïieers (rainisters),
1841
m si-
! s'oc-
}opu-
aada,
igner
vues.
de de
grâce
3 hon-
péi'ial.
^ con-
3r par
s, pUi-
3S dans
nés de
s dans
t peser
ays et
tûmes.
fut de
rer les
nt res-
Uque,
iustice
igine ;
ments
il s'ap-
aucun
tique,
(1). Il
[iord Sy-
listers),
1841] SYDENHAM. 105
se plut surtout à exclure la moitié de la population
francjaise de toute participation aux affaires politi-
ques et aux principaux emplois, et il la tint dans une
position humiliante. Il donna une preuve de son
mépris pour cette origine dans la proclamation de
rUnion, où il exprimait pour le Haut-Canada « des
sentiments d'affection aussi bien que d'intérêt,» lais-
sant à supposer par son silence quels sentiments il
éprouvait pour l'autre province.
Il lui fallait cependant une majorité représenta-
tive pour faire approuver l'Union. Comme nous
l'avons déjà vu, il obtint cette majorité par la vio-
lence, les intrigues, et priva les électeurs de leur
droit de vote, moyens tout à fait inconstitutionnels.
Mais cette majorité ne représentait pas les vœux du
peuple. Plusieurs fois elle lui fit défaut et mit ses
projets en grand danger: preuve, son projet d'émet-
tre de papier-monnaie, qui fut repoussé ; les actes
concernant les élections, qui furent adoptés malgré
le gouvernement ; l'acte des municipalités du Haut-
Canada, qui ne passa qu'à la majorité de quelques
voix.
C'est à tort qu'on a vanté les succès de cette admi-
nistration : ces succès ne furent qu'apparents. On
crut que IjOrd Sydenham était parvenu à rétablir la
through the best men, I beliove, for their departments that can
be found, were unfortunately, many of them, unpopular from
their previous coiiduct, and none of them .sufficieutly acquaiated
with the manner in which a governement through parliament
should be conducted to render me any assistance in thia matter.
1 had therefore to fight the whole battle myself ; and it has been
a considérable pull on both one's address and temper — particu-
larly as I had a ministerial crisis ou my hands on the very day
of the meeting. The resuit, however, has been complète suq-
cegs '^ {Life of Lord Sydenham.)
w
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■:
if m
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•^1
M -'
lï
106
SYDENHAM.
[1841
l)aix ; cependant le mécontentement était presque gé-
néral parmi le peuple. Ce gouverneur déclara lui-
même qu'il ne pouvait laisser partir un seul soldat
de la nombreuse armée que l'Angleterre entretenait
à grands frais depuis les troubles. Il laissa donc à son
successeur des embarras et des obstacles nombreux ;
les affaires étaient dans un état de confusion. Les
mesures importantes qu'il fit passer, ne pourront
jamais faire oublier la politique tyrannique qu'il
suivie à l'égard de la population libérale : il ne lui
laissa pas même une étincelle de confiance dans son
cœur. Les faits sont là ; l'écrivain fidèle doit les con-
signer dans l'histoire de son pays tels qu'ils se sont
produits. Jamais nn Canadien-Français ne pourra
louanger cette administration qui, dans le temps, a
été honnie par tous ses compatriotes.
Cette politique si injuste ne pouvait subsister long-
temps. En effet, on verra bientôt le parti qui l'a ap-
prouvée s'éteindre rapidement, et le parti libéral, si
grandement outragé, sortira victorieux et plus puis-
sant que jamais.
Quant aux Haut-Canadiens, ils furent générale
ment satisfaits de l'administration Sydenham, qui
leur avait été favorable sous tant de rapports. Ils
étaient devenus les maîtres du pouvoir ; ils avaient
obtenu une représentation considérable, leurs finan-
ces étaient prospères,
le siège
du
gouvernement et
enfin une large part dans la distribution des deniers
publics leur étaient accordés.
Les relations amicales entre TAugleterre et les
Etats-Unis faillirent être rompues h cette époque, par
[1841
legé-
i lui-
ioldat
tenait
à sou
reux ;
:. Les
arront
î qu'il
ne lui
,ns sou
es cou-
se sont
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3mps, a
iv long-
, l'a ap-
>éral, si
s puis-
que rale-
lin, qui
'ts. Ils
ivaient
finau-
ïient et
leniers
et les
tue, par
1841] « SYDENHAM. 107
deux graves difficultés. La première, la question des
frontières entre la République Américaine et les
Possessions Britanniques, dans les environs de la
rivière Madawaska, existait depuis quelque temps, et
fut sur le point de conduire à des hostilités ouvertes.
Une partie du territoire en litige avait été occupée
par les troupes anglaises à Madawaska. L'Etat du
Maine considéra cette prise de possession comme
une violation directe et flagrante des arrangements
qui existaient alors. Cette question devait bientôt se
régler paisiblement par des arbitres que nommèrent
les deux pays.
La seconde difTiculté s'éleva au sujet d'un Cana-
dien du Haut-Canada, nommé Alexander McLeod,
qui fut pris, au mois de janvier 1841, sur le territoire
américain, et incarcéré par les autorités de l'Etat de
New-York, sous l'accusation d'avoir participé au dé-
sastre du bateau à vapeur « Caroline, » lors des trou-
bles insurrectionnels. Le gouvernement anglais
condamna amèrement cet acto, et demanda la mise
en liberté du prisonnier McLeod. Il allégua que
l'acte de l'incendie de la «Caroline» avait un
caractère public ; que cet acte avait été comploté et
exécuté par des personnes dûment autorisées, par le
gouvernement colonial, à prendre les mesures jugées
nécessaires pour la protection de la vie et des pro-
priétés dfîs sujets anglais ; et, comme ces personnes
avaient accompli un acte de devoir public, elles ne
devaient pas être jugées par un tribunal étranger.
Le gouvernement américain ne tint pas compte de
ces remontrances : il laissa régler la question par
l'Etat de New-York. L'Angleterre souffrit cette hu-
!S"
1 ;* M"
i'il
m
^i|
%
108 SYDENHAM. . [1841
miliation. McLeod eut sou procès à Utica ; mais le
jury, faute de preuves suffisantes, acquitta le prison-
nier, qui fut libéré après environ un an de ré-
clusion.
Ce fut le 21 janvier 1841 qu'eut lieu l'installation
du chapitre de Montréal, institué pour le ser-
vice de la cathédrale, afin d'aider l'évêque dans le
gouvernement de son diocèse. Cette cérémonie, faite
au milieu d'un grand concours, fut présidée par
Mgr. de Nancy. Le chapitre se composa d'abord des
chanoines titulaires A. Manseau, V. G , H. Hudon,
J.-G. Prince, A.-F. Trudeau, Et. Lavoie et J.-O. Paré,
et des Chanoines honoraires, les vicaires-généraux
du diocèse, V. Quiblier, Vian, F. Deniers, P. Ar-
chambault et J.-Z. Caron. Cette institution n'était
pas nouvelle dans l'église du Canada. Un chapitre
avait au 1 refois existé dans j 'ancienne capitale de la
colonie ; et ce ne fut que par le malheur des temps
que ce corps si utile s'éteignit {^).
Quelques missionnaires de la société des Oblats
vinrent, en 1841, se fixer à Montréal, d'après la
demande de Mgr. Bourget. Le Rév. Père Honorât,
déjà connu par sa piété et ses connaissances, était
le supérieur de la mission. Cet ordre s'est répandu
ensuite dans plusieurs endroits du Canada, il a
rendu à la religion de grands services par les pré-
dications et le zèle apostolique de ses membres.
Les Canadiens reçurent, en 1840 et en 1841, la
visite du comte Forbin-Janson, évoque de Nancy et
de Toul, primat de Lorraine. Cet illustre prélat
rendit son séjour remarquable par ses nombreuses
(i) Mélanges Religieux de 1841.
[1841
lais le
irison-
le ré-
llatioii
[e ser-
[ans le
e, faile
ée par
ord des
Hudon,
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P. Ar-
1 iV était
chapitre
le de la
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Oblats
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les, était
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La, il <'i
les pré-
kres.
11841, la
fancy el
prélat
ibreuses
1841] SYDENHAM. 109
et savantes prédications. Son éloquence fit une im-
pression profonde sur toute la populatien catholique :
aussi en reçut-il des marques touchantes d estime,
et son souvenir est-il resté vivace dans son cœur.
Un autre personnage éminent, M. Vattemare, visi-
tait aussi le pays, dans un but tout à fait pliilan-
thropique : c'était de réaliser et de propager entre
les diverses nations un système d'échange de livres,
d'objets d'art, de science, etc. Le généreux et célèbre
voyageur parvint à créer, dans les principales villes
de l'Â.mériquc, une noble émulation pour réaliser ce
but excellent. Son plan fut adopté par les deux
populations du pays.
Les Canadiens-Français eurent à déplorer, en 1841 ,
la mort de Thon. M. Josex)h Papineau, doyen des
notaires du Bas-Canada, et un des premiers membres
de l'ancien parlement provincial. Ce citoyen, aussi
distingué par son caractère et son patriotisme, que
par ses vertus et son grand âge (88 ans), était le père
de l'hon. M. Louis-Joseph Papineau. On remarque
aussi le décès du colonel Joseph Bouchette, arpen-
teur-général du Bas-Canada, auteur du magni-
fique ouvrage intitulé « Description Topographique
du Canada» et de précieuses cartes de la province.
On peut ajouter à ces deux noms celui de M. l'abbé
Jean Raimbault, supérieur de Nicolet depuis de
longues années. M. Raimbault, français de naissance,
avait été contraint de fuir le flot révolutionnaire de
1793; il était arrivé deux ans après au Canada, qu'il
adopta pour sa patrie et dont il fut une des gloires
par ses talents et son intelligence (i).
(1) Moururent auseien 1841 M. J.-L.-M. Sauvage du Chatil-
lonnet, autre prêtre, français de naissance, de la maison Jq
CHAPITRE II
ADMINISTRATION DE SIR CHARLES BAGOT
1842-1843
h:
3SS
CONTINUATION DU MINISTERE DRAPKR-OGDEN
AVENEMENT DU MINISTÈRE LA FONTAINE BALDWIN.
Arrivée de Sir Charles Bagot. — Acte de réparation envers les
Canadiens-Français. — Mécontentement excité par les ordon-
nances du conseil spécial. — Convocation des chambres. — Mo-
tion d'un vote de non-confiance. — Nouveau ministère, apprt'-
ciation. — Lois des céréales, des élections, ordonnance de judi-
cature, de chemins d'hiver, etc. — Résultat de la session.
Mort de Sir Charles Bagot, sa vie et sa conduite politique. -
Question des frontières. — Arrivée des JôBuites. — Célébration
de la Saint-Jean-Baptiste, etc.
Sir Charles Bagot, baronnet, fut appelé à rempla-
cer Lord Sydenham. Arrivé à Kingston le 10 jan
vier 1842, il prêta serment deux jours après comme
gouverneur du Canada. Le général Jackson, pre-
mier officier de l'armée, avait administré la province
depuis la mort de Lord Sydenham.
Sir Charles n'avait- peut-être pas la réputation
Saint-Sulpice, et M. Jacques Odelin, curé de Saint-Hilaire de
Rou ville, tous deux renommés par leur science et leurs I vertus.
Quelques sœurs de la Congrégation de Montréal se rendirent à
Kingston, à la demande de l'évêque de ce diocèse, pour y établir
une communauté.
A Montréal, deux institutions de bienfaisance furent incor-
porées : l'Asile Catholique des Orphelins et la Maison de la Pro-
vidence, hospice destiné aux femmes âgées et infirmes.
Le 16 mai, une énorme masse se détacha du cap Diamant, à
Québec, emportant avec elle une partie du mur des fortifications.
Environ vingt-cinq personnes furent tuée» dans ce pénible acci-
dent.
1842]
BAGOT.
111
AGOT
IN
iWIN.
avers les
:3 ordon-
res. — Mo-
•e, appré-
} de judi-
session. —
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élébratiou
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ro^ince
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•s ! vertus.
ndirent à
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lut incor-
le la Pro-
iamant, à
[ficatious.
[ble acci-
d'homnie politique do son prédécesseur, mais il était
reconnu pour être très-modéré, laborieux et plein
de conciliation. Il avait rempli avec beaucoup d'habi-
leté plusieurs ambassades en Amérique et dans les
cours européennes ; il s'était surtout distingué dans
les négociations de la question hollando-belge. Les
(Canadiens attendaient de lui une administration
juste. Ses premiers actes firent augurer favorable-
ment de sa conduite future ; ils prouvèrent que de
bons gouverneurs seraient encore donnés au pays.
Aux nombreuses adresses qui lui furent présentées,
lors de son arrivée, par toutes les classes et les dif-
férentes origines do la province, il répondit qu'il ne
reconnaîtrait aucune distinction de races ni aucun
parti politique, et que son vœu le plus ardent était
de se concilier à la fois l'approbation et l'appui de
tous les sujets du pays.
Il travailla d'abord en silence à se mettre au cou^
rant des affaires générales du pays. Il put bientôt
constater qu'il existait des mécontentements parmi
une partie considérable de la population, et que
cette population avait à se plaindre de nombreux et
justes griefs, dont un des principaux était son éloi-
guement du conseil exécutif, où ses intérêts n'étaient
nullement représentés. Il montra tout de suite des
dispositions bienveillantes envers les Canadiens-
Français ; il leur distribua plusieurs places impor-
tantes, entres autres, celle de surintendant de l'édu-
cation pour le Bas-Canada à M. le Dr. Meilleur, et
colle de juge en chef de Montréal à M. Vallicres de
Saint-Réal, homme qui faisait la gloire et l'orgueil de
ses compatriotes. M. Vallières fut le premier cana-
dien appelé à remplir une charge aussi élevée. La
112
BAGOT.
[184-2
nomination des juges de paix et des membres des
bureaux d'examinateurs pour les écoles, qui eut lieu
dans le même temps, rencontra l'approbation géné-
rale des Canadiens. Aussi, lorsque, au mois de juin,
Sir Charles visita le Bas-Canada, le peuple lui mon-
tra-t-il sa reconnaissance en lui faisant une récep-
tion très-cordiale.
Malgré ces quelques actes de réparation envers la
population libérale, il restait encore beaucoup à faire
pour lui rendre pleine justice. A sa mort. Lord Syden-
liam avait laissé àson successeurdes embarras affreux
à surmonter, des lois iniques à détruire, des injustices
révoltantes à redresser. Plusieurs des lois imposées
par ce gouverneur étaient alors en opération, ou al-
laient le devenir sous peu de temps. Au nombre de
ces ordonnances était celle des municipalités, qui
divisait la province en vingt-deux districts, dont les
pr'ncipaux officiers, syndics, trésoriers, etc., nommés
par le gouvernement, avaient le droit de taxer \v
peuple, et dontles chefs-lieux étaient placés,en divers
endroits, loin des centres habités. Celle des bureaux
d'enregistrement tendait à changer les institutions
garanties par la métropole, et devait faire encourir
aux habitants des dépenses exorbitantes : le peu-
ple ne croyait pas en avoir besoin ; car les anciennes
lois, étant un peu modifiées, offraient la sécurité né-
cessaire aux acquéreurs doués d'une prudence ordi-
naire. Il y avait aussi l'ordonnance des chemins d'hi-
ver, qui changeait les anciennes habitudes de la po-
pulation, et qui n'était pas praticable dans le district
de Québec, par la quantité considérable de neige
qui s'amoncelle dans les chemins; et celle de la po-
lice embarrassante, dispendieuse, était dans les villes
[184-2
s des
t lieu
géné-
îjuhi,
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récep-
vers la
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ns d'hi-
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district
neigo
Le la pô-
les villes
[1842 BAGOT. 113
et les campagnes une source de démoralisation et de
mesures vexatoirc
Les Canadiens ne pouvaient tolérer l'impôt pré-
lové par des employés sur lesquels ils n'avaient
ancnn contrôle. Ils avaient même une aversion pro-
noncée pour la taxe imposée par leurs représentants ; à
plus forte raison devaient-ils s'y opposer lorsqu'elle
était imposée par des officiers du jouvernemcnt.
Pour ce motif, presque tous les conseils munici-
paux refnsèrent de procéder aux affaires tel que le
voulait l'ordonnance ; ils bornèrent leurs procédés à
dresser des requêtes pour condamner cette mesure.
La presse libérale prêcha une croisade contre ces
ordonnances iniques et contre les clauses injustes de
Tacte d'union. Elle conseilla an peuple de se réunir
et de dresser des pétitions pour les rappeler ou les
amender de manière à les rendre acceptables. C'est
ce qui se fit dans presque tous les comtés du Bas-
Canada : partout Ton demanda par des requêtes à
la législature le redressement de ces griefs. Nous
(levons en justice mentionner ici les services émi-
nents que rendit à la cause libérale M. Etienne Pa-
rent, rédacteur du Canadien. Ce publiciste distingué,
par son patriotisme, par ses écrits énergiques et ses
vastes connaissances, sut guider les Canadiens dans
cette époque si critique ; il contribua beaucoup à
leur faire concéder les réformes demandées, et à
amener les changements qui devaient bientôt s'opérer
dans leur situation.
Nous donnons ici un extrait d'un de ses articles,
qui montrera l'état des esprits dans le Bas-Canada
à cette époque.
« Nos réclamations son t générales et particu-
i
H4 DAGOT. [1842
Hères. Les nues, telles que l'appropriation faite pour la
liste civile et l'initiative desbills d'argent pour l'exé-
cutif, regardent les deux sections de la province ;
d'autres sont particulières à la section-est, comme la
répartition entre les deux sections et le paiement de
la dette du Haut-Canada par la province-unie ;
d'autres enfin sont particulières à la population ca-
nadienne-française, qui, jusque dans ses propres li-
mites, s'est vue traitée de la manière la plus indigne
par le satrape élionté qui s'est trouvé chargé d'exécu-
ter l'acte d'nnion qu'il avait lui-même dressé. Per-
sonne n'ignore qu'il n'y a aucune proportion entre
la représentation des comtés anglais et celle des
comtés français. On n'ignore pas non plus que les
chefs-lieux ont été, partout où cela pouvait servir
les vues malveillantes de l'administration, placés à
l'extrémité des habitations, loin des centres de popu
lation ; on n'a pas oublié le défranchissement en
bloc de plus de la moitié des électeurs qualifiés de
Québec et de Montréal, et la proscription de la langue
de la majorité ou pour le moins de la grande moitié
de la population du Canada-Uni, comme langue parle-
mentaire et légale. Tous ces points particuliers soiU
des sujets sur lesquels nous pouvons nous adressera
Tadministration pour en recevoir son appui soit dans
la législature locale, soit auprès des autorités impé
riales. Et, si cette administration nous refuse cet ap-
pui, elle n'a pas droit à notre confiance ; et nous
nous ravalerions au-dessous de l'esclave africain,
nous nous rendrions justement méconnaissables aux
yeu-i mômes du pouvoir, si nous lui accordions
notre concours constitutionnel pour le maintien d'un
état de choses qui est une insulte constante pour
nous.
[[m
ourla
l'exô-
àiice ;
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-unie ;
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langn(>
1842]
BAGOT.
il,
« On peut nous niainlenir dans un étal d'infériorité
[lolitique, on peut non^ piller, on peut nous oppri-
mer : on a l'appui d'un, ' armée cl de toutes les forces
de l'empire à sa disposition pour cela ; mais, certes,
non, jamais nous ne prêterons la i^^ain à notre asser-
vissement, à notre dégradation. On nous avertit de
bien tout considérer avant de décider. Nous pouvons
assurer que nos réflexions sont toutes faites. Nous
avons bu la coupe jusqu'à la lie ; depuis un demi-
siècle, nous sommes abreuvés d'amertume ; on peut
nous faire endurer plus que nous avons souffert ;
nous sommes familiers avec les souffrances, et nous
les redoutons' moins que le déshonneur. Ces réfle-
.\ions ne sont pas les divagations d'une imagination
échauffée ; c'est l'expression fidèle et réfléchie du
sentiment qui anime un demi-million d'iiommes
dans le Bas-Canada. L'appât des faveurs a pu amollir
quelques courages, mais la masse de la population
ne fléchira jamais ; le soleil du pouvoir pourra des-
sécher quelques branches, mais l'arbre conservera
toujours sa sève et sa verdeur.
((Nous n'attendons nullement par ces remarques
jeter aucun doute sur les bonnes dispositions d'une
administration qui s'annonce avec des vues concilia-
trices, dont les premiers pas sont des actes de répara-
tion ; mais elles sont destinées à ceux qui voudraient
faire fléchir cette administration dans la voie de jus-
tice où elle semble disposée à marcher, en lui fai-
sant entrevoir des obstacles à sa marche vers une
justice pleine et entière »
Il se commettait encore envers le Bas-Canada des
abus extrêmes. Cette province fut plusieurs mois
sans aucun ministre pour prendre soin de ses in té-
i
1 ^i;!
116 BAGOT. [1842
rôts : toute radiniiiistratioii était laidséo aux mains
d'un jeune clerc du secrétaire-provincial. Les arran-
gements ministériels qui précédèrent l'ouverture
des chambres, se firent sans la présence des ministres
du Bas-Canada. M. Day venait d'être nommé juge du
banc de la reine, MM. Ogden et Daly étaient alors
en Angleterre. Mais, en revanche, le liant -Canada
avait acquis deux ministres de plus, ministres qui
avaient cependant une politique tout opposée : l'Hon.
M G.Shervvood,membre conservateur,(]iii devint sol-
liciteur-général le 23 juillet, et l'Hon. M.KHincks,qui
s'adjoignit au ministère, le 0 juin, comme inspecteur-
général des comptes publics. L'on se rappelle qiie M.
Hincks, avec quelques autres réformistes, avait
souvent soutenu le parti libéral lors de la première
session. Il crut devoir abandonner ses amis et
accepter un portefeuille, tout en déclarant qu'il
n'avait rien cédé de ses principes en entrant dans le
ministère.
Sir Charles Bagot convoqua les chambres le 8 sep-
tembre !842. Dans le discours du trône, il mention-
nait la naissance du Prince de Galles, la garantie
par l'Angleterre d'un emprunt d'un million <3t demi
de louis. Il recommandait une nouvelle organisation
de la milice, et des changements à faire dans les lois
concernant les écoles et les municipalités. Il était
heureux de. voir la confiance dont jouissait le pays
et le rétablissement de la tranquillité intérieure.
Le ministère se trouvait presque incapable de
commander une majorité de la chambro représenta-
tive. En effet, Lord Sydenham l'avait laissé dans
une pénible situation. Pendant son administration,
il avait trouvé les moyens de lui procurer une ma-
[1842
mains
arrau-
3rture
listres
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t alors
Canada
es qui
l'Hon.
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quc M.
, avait
remière
LiTiis et
it qu'il
dans le
1842]
BAGOT.
117
jorilé ; mais cette majorité diminua bien vite après
l'arrivée de son successeur. Le ministère fut alors
laissé à ses propres forces. Composé de membres aux
opinions opposées, il ne possédait aucun chef in-
lluent, capabln de commander la confiance publique.
L'adhésion do MM. Hincks et Sherwood ne l'avait
pas rendu plus populaire. Les ministres avaient
avoué leur propre faiblesse, en engageant quelques
libéraux influents à faire partie du ministère. Dans
l'été de 1842, M. Sullivan avait vu M. La Fontaine et
M. Morin dans ce but. On s'était aussi adressé ;\ M.
Girouard et à M. Gartwrigbt. Aucune de ces démar-
ches n'eut de succès.
Le but ùc? ministres était d'empêcher l'alliance
(ju'ils redouiaient, entre les libéraux du Bas-Canada
ot les conservateurs Sir Allan McNab et autres, qui
avaient fait une opposition au gouvernement à la
dernière session.
D'un autre côté, une grande réaction s'était faite
en faveur de la politique libérale. Les électeurs
avaient élu presque partout des députés libéraux. (*)
( ' ) Liste des nouveaux députes ëlus depuis la fin de la pre-
mière session :
W. Walker, élu pour Roiiville, à, la place de A. -M De Sala-
berry;
James Leslie, Verclière, à la place de H. Desrivières ;
C, - J. Forbes, Deux-Montagnes, à la place de C. Robertson ;
L.-H. La Fontaine, York {4e division), à la place de Ro-
bert Baldwin;
L,-M. Viger, Nicolet, k la place de A.-N. Morin;
A. Turgeon, Bellechasse, à la place de A, -G. Kuel;
J. DeWitt, Leinster, à la place de J.-M, Raymond;
D.-B. Papineau, Ottawa, à la place de C.-D. Day;
L'Hon. H.-J. Boulton fut déclaré élu pour la ville do Nia-
gara en remplacement de M. Campbell, et prit son siège au
milieu de la session.
Sept nouveaux conseillers législatifs furent'nojiunés le 19 août
1842 : les bon. MM. R. Dickson, Amable Dionno, Joseph Dionne,
P. -a Gooâhvo, g. Washbum, L.-P. Sherwood ut W. Walker,
118
BAGOT.
[1842
m
Au nombre des nouveaux leprésentants étaient M. La
Fontaine, que les réfoiinistes du Haut-Canada éli-
rent dans le comté de Ilastings, pour montrer leur
sympathie envers les Canadiens-Français ; M. Denis-
Benjamin Papineau, frère du grand patriote cana-
dien, élu à la place de M. Day par le comté d'Outa-
ouais, où la majorité des électeurs était d'origine an-
glaise ; M. L.-M. Viger, nui succéda dans le comté de
Nicolet à M. Morin, nommé jnge du district de Ka-
mouraska ; M. James Leslie, autre ami dévoué de la
cause libérale, que la violence avait également em-
pêché dïHre élu aux élections de 1851.
Avec l'aide des nouveaux députés, l'opposition
était en état de livrer au ministère un rude combat
lors de la discussion de l'adresse au discours du
trône. La victoire Tattendait indubitablement. Elle
comptait en outre sur l'appui de presque tous les ré-
formistes, dont la plupart étaient disposés à rendre
justice au Bas-Canada.
Sir Charles était convaincu depuis longtemps
que le ministère ne possédait pas la confiance de
la majorité des Canadiens. Il résolut de le reconsti-
tuer en y appelant des hommes éminents et popu-
laires. Dès les premiers jours de la session, il s'a-
dressa à M. La Fontaine, lui offrit le portefeuille
de procureur-général du Bas-Canada et deux autres
pour ses amis libéraux. Comme M. Draper n'avait
pas d'objection à remettre son siège, il était prêt à le
donner à M, Baldwin. Une pension de retraite devait
être r "cordée à MM. Ogden et Davidson.
M. La Fontaine ne crut pas devoir accepter ces
offres, d'ailleurs assez avantageuses quant à son parti.
11842
t M. La
da éli-
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Le devait
pter ces
Ion parti.
184-2) BAGOT. 119
Ce n'était pas tout pour lui d'entrer dans le minis-
tère; il lui fallait la certitude de pouvoir être dans
une position indépendante, et de se maintenir dans le
ministère un temps raisonnable. Il avait à se ména-
ger l'estime et l'appui des libéraux du Haut-Canada,
surtout de son ami fidèle, M. Baldwin, qui avait
rendu à la dernière session de grands services aux
libéraux du Bas-Canada. De fait, M. Baldwin refu-
sait de se joindre à un ministère dont quelques-uns
des membres ne possédaient pas sa confiance. Les
objections de M. La Fontaine se réduisaient à trois :
la stipulation d'une pension pour MM. Ogden et Da-
vidson, comme étant un précédent dangereux, la
présence de M. Sherw^ood dans le conseil exécutif,
l'insistance de M. Baldwin à avoir avec lui dans le
conseil un de ses partisans. Ces conditions n'ayant
pas été acceptées, les négociations furent rompues.
La discussion de l'adresse commença alors. Après
le discours de M. Forbes et de M. McDonald, moteurs
de l'adresse, M. Draper, le premier ministre, prit la
parole. Il donna communication d'une lettre du
gouverneur à M. La Fontaine, au sujet des chan-
gements ministériels. Son but était de justifier sa
conduite devant b. chambre, de faire voir qu'il avait
agi avec désintéressement et que les libéraux refu-
saient desoffres avantageuses. Dans son discours, qui
Tut très-modéré, il manifesta, tron tard peut-être, des
sentiments bienveillants envers la population fran-
çaise. « Deijuis que l'Union est devenue un fait ac-
compli, dit l'honorable membre, j'ai toujours été
proiondément convaincu que les principes qui ser-
vent de base à l'Union, ne pouvaient pas être
observés tant qu'une grande partie de la population
, .'fï')
•• I
120
BAGOT.
[1842
serait excluse de toute parti cipatiou aux affaires pu-
!jllques ; et celte opinion, je l'ai exprimée dans toutes
les occasions. Mais, pour agir suivant mes convic-
tions, il s'esb rencontré des ditïicultés insurmonta-
bles ; et j'informe maintenant la chambre que, loin
d'avoir tenu à me maintenir au pouvoir pendant
que je faisais partie du gouvernement, j'ai, en trois
occasions diffr rentes, placé mon portefeuille à la
disposition du gouverneur. J'ai agi ainsi, afin de
ne pas mettre obstacle à la mise en pratique de ces
principes que j'ai toujours pratiqués, .le suis par-
faitement convaincu que cette opinion est juste non-
seulement en principe, mais encore que c'est la seule
en vertu de laquelle le gouvernement du pays
puisse se maintenir.
«Je dois cependant avouer une chose : c'est que,
lorsque pour la première fois j'ai rencontré en cham-
bre les honorables membres du Bas-Canada, je con-
servais encore certains préjugés à leur égard ; mais,
grâce aux bons rapports que j'ai eus avec eax pen-
dant la dernière session, grâce à cette courtoisie que
j'ai trouvée en eux, courtoisie qui est le signe dis-
tinctif de la grande et chevaleresque nation de
laquelle ils descendent, ces préjugés ont disparu. »
M. Draper avoua qu'il lui était impossible de faire
partie d'un ministère dont M. Baldwin serait un des
membres ; c'était pour cette raison qu'il avait mis
son siège à la disposition du gouverneur, afin detJe
pas empêcher le succès des négociations. Il tenait
aussi beaucoup 'à ce que son collègue, M. Ogdeii,
fût récompensé des services qu'il avait rendus au
pays depuis de longues années.
M. Baldwin proposa une contre-adresse qui se ter
1842J
BAGOT.
ramait par un vofp rin "^^I
'-'ion. Apre avoir co^m^r'^""" ^"^^'^ ^'^-^-i"--
^onduite, il dirigea „e au '"' "' '''''''' ^"'- ^«
politique du minis^rïftn 'r'''''"^'^°"'^«l^
Hmcks d'avoir abandonné enf,r,'t'"'=°''« ^ M.
---V, „c parler en anelai, ;i i..- - '•yant de-
'I^'honoraWe memW A ! "' ''^'"^'^ ainsi :
■■'IPrésenté comme ami doTâ? "T ^ ^' ^«"^o"'
■Y"" °"Wiéguej>appa ietï/eT''""" '"""f^i^e.
Moment maltraitée parTade ';"^°'''«'"o «i horri-
«^. je le regretterait beaucÔun "n"°" ' ^' ''''''' ^^
prononcer dans «ne autre Hn' ""^ "^^""«"de de
™te'-"elle, le premier dLri^"°"' '"«-"a langue
•i-'B cette chambre .' Je ^ fs^V'"' ' P''''°°"'o'-
Pfier la langue angla.-crM '•'*' ""^^ ^«''oe^ û
•l'onorable membre,^ î^^al!'^ .^^ '>°i« informer
''■■es et le public du senumenf ; ^^'^^^W^^ mem-
»e crains pas d'en apprr„"!'J"'"'=^ "^^q^el je
naissance delà langue a' Tal*^"""" "'^''"«^« «O"-
""i'.ere que celle de la '"f 1 f f ' '''■^" «"^«i fa-
W pas moins mon premèf!-"^^'"'' J^ "'«"
S"e de mes compatriotes r^l!.r''°"''' '^«n= ia lan-
- que pour Protestei sotS:""''™"f^'^' "« «'"
™el e i„j„3ii,^ ^^ cett parlLÏT".' """"-^ ^«"«
'«d a proscrire la hnm,; ^ ^ "•='« d'union oui
f /^ P°P"iatio„ du GTadr^Tl^. '''""« -"'^^
patriotes, je le dois à moi m' 1°'' ^ "«« <=<>«•
fia part que doiven^vo;L?r" ^''''"^ «°«"i'o
^»s e gouvernement, il s'eVnL ""'"'''"^•^^^"Cai^
"f^'lionorable procureur ténf^" "'"'' '
nreur.gon6ralreconnaîtqu'ilfaut
\f.]M}
122
BAGOT.
[1842
.»i i^-i;
au gouvernement, pour rétablir la paix et le conten-
tement général, la coopération active des Canadiens-
Français. Non-seulement ce serait là un acte de jus-
tice, mais c'est encore un appui que la nécessité ap-
pelle. Oui, cette coopération est absolument néces
saire au gouvernement, Oui, il la lui faut; oui, il
nous faut la lui donner, mais à des termes qui ne
puissent en rien diminuer ni affaiblir notre honneur
et notre caractère. L'acte d'union, dans la pensée do
son auteur, a été d'écraser la population française ;
mais l'on s'est trompé, car les moyens employés ne
sont pas calculés pour produire ce résultat. Les deux
populations du Haut et du Bas-Canada ont des inté-
rêts communs, et elles finiront par sympathiser en-
semble.
« Oui, sans notre coopération active, sans notre par-
ticipation au pouvoir, le gouvernement ne peut
fonctionner de manière à rétablir la paix et la con-
fiance qui sont essentielles au succès de toute admi-
nistration. Placés par l'acte d'union dans une situa-
tion exceptionnelle et de minorité dans la distri-
bution du pouvoir politique, si nous devons succom-
ber, nous sncconiberons du moins en nous faisant
respecter. Je ne recule pas devant la responsabilité
que j'ai assumée, puisque dans ma personne le gou-
verneur-général a choisi celui par lequel il voulait
faire connaître ses vues de libéralité et de justice
envers mes compatriotes. Mais, dans l'état d'asservis- 1
sèment où la main de fer de Lord Sydenham a
cherché à tenir la population française, en présence
des faits qu'on voulait accomplir dans ce but, jej
n'avais, comme Canadien, qu'un devoir à remplir,]
celui de maintenir le caractère honorable qui a dis
mlo
[1842
B conten-
iiiadieiis-
te de jiis-
3ssité ap-
nt néces-
t; oui, il
s qui ne
honnem-
)ensée de
'ançaise ;
îloyés lie
Les deux
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thiser en-
lotre par-
ne peut
3t la con-
ute admi-
me situa-
la distri-
[1842
^AGOT.
caractère, Af jp r, . //&^s de rendre h nmrv,
""<^ injusticp rn^ Circonstance m.i ^^^
^« "'est pas là unp °'f ^ Pas accepter d'emnl^ '
'•'•ai, nous ne vonlLT ' ™«^ «""« et .no? ^ '
:-"--• mais pu""/;;:" --P'e,.sa„r ; ' T
'■es noms francaiV poT ,r ''' ^'"' "'«uvé Jue "
même pour assister 1 u '*^«'' <^^"s ie cnnV '
^ai-ontainesenlii»,,-. ,
^-^ servaient de la 7 f'^'S"" de ce que les min- ,
"e compromettre II m f^''.' ^'="'- On voulakn,
"»"s qui avaient eulln '"'"''^ ^'écitdes „é " ^"'
*ctiv.me„r^^°"«--."-'Va4e%S--
IWHincks défendit sa ....
'"■VPOur lesquelles i 4-,^ "'' '' ""«"a les rai
"•, Aylwin m ensu te ^n ' r''^" "" PortefeuilTe
Cr '" """-'Ïe '"^°"'^ ^'«ï-^ent co t
'^^ position des ministres étai, .
''^''■'"---"M-ieme^r:^^^^^^^^^^^
124
BAGOT.
[1842
Charles Bagot demanda-t-il une dernière entrevue à
M. La Fontaine, afin de tirer le ministère de l'em-
barras où il se trouvait.
Les négociations furent cette fois couronnées d'un
plein succès. La question des pensions qu'on dési-
rait accorder à MM. Ogden et Davidson resta ou-
verte pour le moment (1). M. Sherwood et M. Ogden,
quoique absents, furent sacrifiés ; ils furent mémo
démis de leur position.
Le 15 septembre, MM. La Fontaine et Baldwin
prêtaient serment comme procureurs-généraux et
chefs de la nouvelle coalition. Quelques jours après,
M. Aylwin devenait solliciteur-général du Bas-(la-
nada, et M. Smail, réformiste, solliciteur-général du
Haut-Canada. Un siège dans le cabinet fut réservé
à M. Morin, qui devint, le 10 octobre, commissaire
des terres de la couronne. Ce portefeuille avait été
offert à M. Girouard, qui l'avait refusé pour des
motifs personnels. La place de greffier du conseil
exécutif fut donnée à M. Parent, député du Sague-
nay ; ce dernier abandoima son comté à M. Morin.
Les ministres qui restaient dans le cabinet étaient
MM. Sullivan, Daly, Harrison, Dunn, Hincks etKil-
laly. Ils conservaient leur siège à la condition de se
conformer à la politique de leurs nouveaux chefs,
Le ministère, étant au complet, se composait de onze
membres, savoir :
BAS-CANADA.
L'Hon. L.-H. La Fontaine, premier ministre, procu-
reur-général, B. C.
(') M. Ogden retourna en Angleteno, et fut nommé en IJ
procureur-général de l'Ile de Man. M. Davidson fut appelé i
poste de collecteur de la douane à Hamilton.
a
(842J
BÀGOT.
couronne, ' '""'""^^an-e des terres de la
1/Hon R n , , """T-CANADA. ' '
" P- Hincis, inlpt? J""' P'-ovincial, B C
vauxpÏÏÏr'^-^^'''-"'»i^u.eaudestra-
P""cipes politigaes diSem"" "?!"'^'«''e dont Jes
''«/on prédécesseur Sa Z, ^""^'■«'"ent de ceuv
seion les vœux d„ .,'""« était de £rnnl
"" droit égal à la ZLcLIT^'' '°"^^^ Snt'
voulait mettre réellement» " P""^"'--- Par [l^
"«« responsable, qTi " wf ''"«"^ ^« ^«"'e t ''
,, 7? 'e «Finistère ^réSe te;/'"'' ^"« '^^ »om
„t ^''"'^ "'ensionlllr^r à «e principe
«nadienne, telle qu'elle énf, ^^ ^'^'^inistration
'^«"fiance de toulia' o2,-'°"'"'"'''' P^^^^S
?'Me parti ultra-conservate,f "' '' '"''" «^««ple Te
Nraux des deux prov S-V '^"' .^' "^«««««n d s
'«puissance. Elle re-ZmaU 7"'" '^ ^^^"'re à
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IP'fî
II:
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sic:-
126
DAGOT.
[1842
politiques. Doué d'une belle intelligence et de talents
remarquables, il s'était toujours montré l'énergique
défenseur des droits du peuple. C'était à lui que re-
venait le mérite de l'heureuse alliance des libéraux
des deux provinces.
En sa qualité de chef le plus influent et le plus
respecté des libéraux du Haut-Canada, M. Baldwin
avait droit à la conduite d'^s affaires dans sa pro
vince. Cœur probe et honnête, il sera maintenaiU
l'ami inséparable de M. La Fontaine : ces deux
hommes d'état distingués étaient dignes de comman-
der aux destinées du pays. M. Baldwin a\ ait invoqué,
il est vrai, l'union des Canadas, mais une union
juste envers tous les Canadiens. Aussi avait-il dé-
fendu les droits des libéraux du Bas-Canada chaque
fois que l'ex-ministère les avait blessés.
M. Morin laissa le banc judiciaire pour venir
occuper un emploi auquel le portait le vœu public.
Humble et modeste à l'extrême, il se montrait éner-
gique lorsqu'il s'agissait de défendre un principe.
Toute la vie de cet homme laborieux et intègre avait
été employée au bien de ses concitoyens. Sa nomi-
nation fut donc accueillie favorablement.
M. Ay^win avait aussi mérité sa nouvelle position
par ses lumières et ses principes politiques. On
pouvait en dire autant de M. Small, qui était du petit
nombre des Hauts-Canadiens restés fidèles aux libé-
raux du Bas-Canada. MM. Dunn, Killaly et Harri
son, membres de l'ex-ministère, appartenaient aii|
grand parti réformiste. Il ne restait plus que M.
Daly, qui n'était d'aucun parti, et M. Sullivan, con-
servateur modéré. On verra ce dernier adopter àj
l'avenir une politique tout à fait libérale.
1842J
BAGOT.
127
«ve"', de liberté et de boï !• T' ' ^'«^P°ird'"n
omme „„ malheur le Z?"^' ', ^"'^'^ ''Savdé
f''ançais d'entrer dans le 'inL '' '^''^' «^«"•''liens-
'•""■ était permis d'en orZ' '' '""°"' 'o'-5'I"'iI
^•^"' l'ours principes Céu.t h^ V''"' «" '=''"^er.
'lue es eanadiens se trouva 1'',°^ '" ^'"'^'"'«re Ws
position, leur rôle (0121 '^^"' ""« semblable
é'ô forcément celui feiW^f.'^"' «^«"' toujours
f"^^- C'était la pr m fet°V" «°"^«™emen"
J"- leur approbation 1^'^,!^°" ""'«"' ««cor-
■eprésentantde la reine ï,ln."^''"''^'^P°"«'ï"e du
«eule espérance de vo"r ado„. f""' ''"''^ «ï'-e la
eonséguence de la doclrit 1?. "^ '"='"' <=°">"'e
Ponsabilité, et ils ^'e^ essatn,'^'"'''^ "' '^ ^^-
W-quement leur plus yfye'Zf. r' "'"°''«"«r P»"
'"f ""«vel.ement accompS '"'°" ^ ''^««^«l ^es
;-4^ÏÏ^"C:"£o^„"T"''^-^"«-ca-
«KM.LaFontare tnrT'.'' '^ ^«"^ nofveau
«tati^nsà MM. Baldvvta' Tn^n^'^^^^'^^^^^fé i
Jfns le ministère avèrMMr^ '" '^"^ «""-ée
e' leur témoignèrem lem. ' ^""'"'"^ «' Ayl^in
««"•vices signalés r.-i "Reconnaissance pour 1„ '
«"Jas-Canï^ '"''^ '»'^'«"' rendus aup'a^vaï
'■^rocEli^*" :".' '■'^«-eux résultat de
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BAGOTi
[I84'i
prospérité commune de la province et à la conquête
de leurs droits constitutionnels. Elle démontrait de
plus que, la constitution étant mise en pratique dans
un esprit de justice, les Canadiens d'origine française
devaient avoir une grande influence dans la repré-
sentation. Ils ne formaient pas la majorité, mais ils
pouvaient la donner à tout parti un peu considé-
rable. De plus, l'acceptation du pouvoir par MM. La
Fontaine et Morin réfutait mieux que es meilleurs
arguments les fausses imputations si souvent por-
tées contre les Français du Bas-Canada, savoir :
que leur lutte était une lutte Ce race, qu'ils étaient
des hommes intraitables, guidés par leur seule haine
contre le gouvernement établi, et qu'il était im-
possible de former une administration contre la-
quelle ils ne fussent prôts à se ranger-
Comme on le voit, la politique de Lord Sydenham
suivit de près son auteur dans la tombe. Elle fut
rejetée, parce qu'elle était fondée d'un côté sur l'in-
justice, de l'autre sur le favoritisme. Dès son ar-
rivée. Sir Charles Bagot suivit une conduite con-
traire, en pratiquant une politique modérée et juste.
Il fit preuve de la plus grande libéralité dans la réor-
ganisation du ministère ; il montra qu'il avait un
cœur noble. Ses rapports avec M. La Fontaine ne fai-
saient voir que le désir ardent de rendre justice à nos
compatriotes. Cette conduite ne lui fut pas seulement
dictée par l'équité, mais encore par les règles d'une
politique éclairée et habile. D'ailleurs, il ne fit que
suivre les ordres qu'il avait reçus du gouvernement
impérial. Il se rendit cher aux Canadiens, et les at-
tacha davantage aux institutions britanniques.
Le pays en général approuva les changements
1842J
DAGOT.
fait' dans le cabinet. Tous Ip, r '^^
heureux, surtout, de voir L >. r"'""^'""" «'aient
ta.se parvenusaupouvorL.t'''' •^'""«'"^ ^'•^■^
P'us acharnés du nom fZ^tlT"''' ™^^""' '<=«
iwi'ver ce changement a! ,""°"'™"'' d'an-
^""at de dimi„„!.t"mssen^'"'" ''°''' ^'^'^^ '•'
fentes races. La nres.P , f f'^'^''^ entre les diffé-
S-nde modératiordLsfl"' """"•« ""« P'"s
aue trop tard, que, par leurs n'n"' °' ''"'"'' ^'«n
"oWe caractère, i; Ca.iad e^ "'^'' -""^'«^ «' 1«'"-
'ongtemps faire partie drcireiî?"' ^"^ «^«P"'"
^^'administration possédait ! T^""^'^ <'''
Près générale des ro'^ZitnTV' T'''"""^ ''P""
presque à l'unanimité uôeTdt, ' ^'""'"''^^ -"'«
Pourle féliciter de sa conduite p7 '" «""verneur,
appelé les Canadiens F an " '''■''"«'•«■•«■■ l'avoi,:
Plusieurs dos dénm^ -''" ""'"'^'ère.
«. Dunscomb nZe et^"'?-'^" «-^-^^a,
'«" appui à l'ei-miniTtère t 9»', avaient donné
''?"e des nouveaux Sr;sir"°?'"' ''' J">»-
'ons les réformistes du hIu, r /"' ^^ '"«'"e de
ne se composait que des conse;?:'"^'- ^' "'"'«"'é
v-ces, avec MM^McNab et ST "''^ ^'^ -Je" Pro-
'e nombre en était si petU aut r"'' '^'^'- «ais
«lence et ne purent plus air " ("'"' '"^'^^i'^ au
de partisans. Ce fut en vaT^ „? î"^'' "' ^««"'er -
"ada, après la session "lie"! '^""^ '^ Ha„t-Ca-
P-ion publique en leu'rfe "'";:' ' .^""'«^^ ''»-
'WwMe//e qu'ils formèrent !r ^"'""""'^on consti-
^-""at ; elle tomb^'i^ '"'' "'"" -«•»
f
130 BAGOT. [1842
Après des changements aussi considérable3 dans
le gouvernement, la session devait être nécessaire-
ment courte. Les ministres avaient à s'occuper de
leur réélection et à préparer leurs mesures. On
jugea donc impossible de prendre en considération
les sujets do réforme contenus dans le discours du
trône, et ceux demandés par le peuple ; ils furent
ajournés à la session suivante. Les chambres se bor-
nèrent, pour le moment, à passer quelques lois qui
ne souffraient pas de délai.
La session ne dura guère plus d'un mois, et se
termina le 12 octobre.
Le temps ne permit pas aux représentants de cou
tinuer l'enquête sur les élections contestées du dis
trict de Montréal. Des résolutions furent passées à
une grande majorité (40 contre 20) pour déclarer quo
la ville de Kingston n'était pas C( uvenable pour être
la capitale. On commençait à être fatigué de siéger
dans ce petit bourg, qui était alors digne d'avoir le
siège du gouvernement.
Il fut passé une loi qui imposait sur le blé améri-
cain importé au Canada un droit de trois cheliiis
sterling pour chaque quarter de ce grain ; le blô
importé pour l'usago ;ies pêcheurs était exempté de
ce droit. Cette mesure était demandée avec instance
par la classe agricole, qui désirait être protégée
contre l'introduction des produits des fermiers* amé-
ricains, avec lesquels elle ne pouvait soutenir la
concurrence. Elle fut réservée à la sanction royale,
et devint loi quelques mois après.
Une autre loi fut passée pour prévenir la violence
et la corruption dans les élections. Cette mesure im-
portante établissait un bureau de votation {poil) dans
[1842
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1842J
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antérieurs. G'é aiM? ' ''^ ^^ ^«"ipare aurl.
^'-"ée précéden^Vettr* ^"^ ^'^ ^^^^'^^^^^^^^^^^^
^^S faubourgs r?oa „-n
i- ordonnance de ind.v!^ ^° '^'^= ^'"es
'es cours, et qu'elle donm > ° . ' "''^'^ établi dan,
-'Chef de la province "" '™'' '' P°'-<">s au ju^
^ordonnance de? ,.h„ •
f"'; le district de MonSr,'^''^''^'- ^»' «-«endée
.'^"^ dans les districrdê Ou 'h '"'P'^"'^"« Pow deux
«"egistrement des hvooth^''= «"^« G^sp/; celle d'
"^■nps axé pour 1 wT '^'"" ^"' «"dif ée etl
«^'^en.;^ ^r cï ::i 'sl^r — ''e Lord
«amendées, de manSl'sa/' '"'"'"' <=" '«PPelées
J
132
BAGOT.
fl842
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été faites. Les Canadiens rendirent au gouvernement
un témoignage éclatant d'approbation dans les nom
breuses adresses qu'ils lui présentèrent.
Cette politique si sage souleva contre le gouverneur
de l'opposition et même de graves injures de la pari,
d'un certain nombre d'ultra-conservateurs, jaloux de
la perte du pouvoir. Les orgones de ce parti abreu
vèrent d'amertume et d'outrages ce sage administra
leur, bien qu'ils l'eussent déjà approuvé d'avoir en-
gagé les Canadiens-Français à participer au pouvoir.
Ils s'élevèrent contre l'influence française, lorsque,
sur les onze ministres, il n'y en avait que deux
de cette origine, et sur les 84 députés, 20 seule-
ment. Mais l'approbation sincère de la grande ma-
jorité des deux populations le rassura pleinement
sur sa conduite. Peu après, il vit avec plaisir le
ministère impérial approuver sa politique et con-
firmer les nominations qu'il avait faites. C'étail
l'intention réelle du ministère Peel de maintenir
dans cette province le gouvernement responsable
tel qu'il existait en Angleterre. Dans une discussion
concernant le Canada, le ministre des colonies, Lord
Stanley, déclara que les instructions données à
Sir Charles Bagot, à son départ, portaient que, dans
l'application des lois et dans le choix des per-
sonnes que le gouverneur jugerait à propos d'appeler
à son conseil, il ne serait fait aucune distinction
d'origine ni de race ; que le gouverneur devait
oublier les trar^sactions et les animosités récentes.
Lord Stanley croyait que Sir Charles avait depuis sa
nomination mérité l'approbation entière et cordiale
du gouvernement de Sa Majesté ; et cela, ijar suite de
l£i politique qui lui avait été trapétjj çlp ^^e f(^ire au-
nient
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1842]
BAGOT.
133
cune distinction entre ceux qui auraient la volonté
de coopérer cordialement avec le gouvernement
pour l'avantage de la colonie. Phisieurs^des princi-
paux journaux de la métropole virent également
d'un bon œil l'avènement des libéraux au pouvoir.
Ce fut pendant l'administration de Sir Charles Ba-
got que la question des frontières américaines, qui
avait failli amener une rupture entre l'Angleterre et
les Etats-Unis, fut réglée après plusieurs années
de négociations, par un traité signé à WashUigton le
9 août 1842. Par ce traité, l'Angleterre cédait des
millions d'acres de terre qui appartenaient incon-
testablement au Canada et au Nouveau-Brunsvvick.
Elle abandonnait, dans la vallée de Madawaska, pi us
de deux mille Canadiens-Français et Acadiens, qui
auraient préféré continuer vivre sous la constitution
anglaise. Outre la fixation des limites entre les
Etats-Unis et les Possessions Britanniques, ce traité
supprimai!, entièrement le commerce des esclaves
africains^, et pourvoyait à l'extradition, dans certains
cas, des criminels fuyant la jusîice. Les plénipoten-
tiaires nommés pour négocier et conclure le traité,
furent Lord Ashburton de la part de l'Angleterre, et
M. Daniel Webster, secrétaire d'état des Etats-Unis.
L'année 1842 voyait revenir au Crnada les Pères
de la Société de Jésus. Ce fut avec un grand plaisir
que les catholiques saluèrent, après une longue ab-
sence, le retour des membres de cet ordre si distin-
gué par sa science et son zélé apostolique. Les Jé-
suites avaient rendu d'immenses services au pays
jusqu'à la suppression de leur ordre, lors de la con-
quête, Ils avaient instruit la populat^oï) française,
134 BAGOT. [1842
6vangélisé les nations indigènes, découvert des pays
nouveaux, enfin aidé à maintenir la bonne intelli-
gence entre les Français et les natifs du, sol amé-
ricain.
C'est en 1842 que fut organisée pour la première
J'ois, à Québec, la société nationale de Saint-Jean-
Baptiste, dont le Dr. P. M. Bardy fut le premier pré-
sident. Le 24 juin, la fête du patron des Canadiens
Français fut célébrée dans l'ancienne capitale ?vec
pompe et enthousiasme: — procession, messe solen-
nelle, banquet, discours patriotiques. — L'année sui-
vante, on imita le môme exemple à Montréal et dan
plusieurs autres endroits. A Montréal, on réorganisa
l'association de la Saint-Jean-Baptiste, qui avait été
fondée quelques années auparavant par M. Ludger
Duveruay (1). Ces belles sociétés devaient resserrer
entre les Canadiens-Français les liens d'une union
intime, faire disparaître les préjugés et les méfian-
ces, etconserver plus intacts les caractères distinctifs
de leur nationalité.
( ' ) C'est en 1834 qu'eut lieu la première réunion pciriotiquo
(lies Canadiens d'origine française pour célébrer la fête 8t.
J ean-Baptiste, leur patron national. La fête se borna & un ban-
quet auquel prirent part une soixantaine de convives. M. Jac-
ques Viger, premier maire de Montréal, fut élu président dfc la
société. Le but de cette fête était de cimenter entre les Cana-
diens des sentiments d'union, de sympathie et de fraternité. On
renouvela cette fête en 1836 et 1837. {Mmerve de 1834.)
Au nombre des citoyens remarquables que le Bas-Canada
Serdit en 1842 furent l'Hon. M. Jules Quesnel, ci-devant membre
u conseil spécial, et conseiller législatif depuis l'Union, et l'Hon.
M. Charles-E. Chaussegros de Léry, colonel et quartier-maltro
général de la milice.
Au mois de juillet, le bateau à vapeur Shamrock, qui voyageait
entre Montréal et Kingston, périt par l'explosion de sa cnau-
dière. A. peu près cinquante personnes perdirent la vie dans cet
accident.
[1842
1842]
BAGOT.
135
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Le Canada commençait à peine à ressentir les
effets d'une administration si juste, lorsqu'une grave
maladie s'empara du gouverneur, et le ravit bientôt
à l'affection des Canadiens. Cet événement déplo-
rable contrista gravement le cœur de ses fidèles
sujets, qui demandèrent à genoux sa prompte gué
rison. De toutes les parties du pays, s'élevèrent des
concerts de prières pour obtenir le rétablissement de
sa santé, et de nombreuses adresses de condoléance
lui furent présentées par toutes les classes du peu-
ple (1). Voyant aue sa santé ne s'améliorait pas,
Sir Charles demanda à la métropole la nomi-
nation d'un successeur : il ne voulait pas que sa
maladie nuisît aux affaires du pays. Au mois de mars
1843, il remit les rênes du pouvoir entre les mains
de Sir Charles Metcalfe. Sa santé s'affaiblit peu à
peu, et, îe dix-neuf mai suivant, il rendit le dernier
soupir entre les bras de son épouse éplorée. Quel-
ques jours après, Lady Bagot partait pour PEurope
avec les restes mortels de cet excellent gouverneur (2).
Sir Charles Bagotétaitné en 1781. Il appartenait à
■':'\pt des familles les plus illustres de l'Angleterre par
', - )U journal d'alors s'exprimait ainsi : "On vit un étrange
specicK ^e présentant d'un côté le dévergondage et l'inhixmanité
avec lesquels, dans leur emportement, les torys ont outragé le re-
présentant de la reine jusque sur son lit de douleur, et les me-
naces de séparation qu'ils ont imprudemment adressées à l'An-
gleterre en conséquence de l'adoption de sa politique ; de l'autre
côté, les unanimes et touchants témoignages de sympathie pour
le noble invalide, et de loyauté franche et cordiale pour le -gou-
vernement anglais, qui ont été comme le cri du cœur d'une po-
pulation morale, religieuse et trop longtemps maltraitée.
(*) Voici les belles et touchantes paroles que prononça Sir
Charles Bagot sur son lit de mort, en prenant congé des mem-
bres du conseil exécutif :
" Je vous ai réunis, messieurs, pour vous faire mes derniers
fe;i
136 BAGOT. [1842
son antiquité et par ses alliances avec les maisons les
plus nobles du royaume. Elu membre du parle-
ment en 1807, il fut nommé l'année suivante sous-
secrétairo d'état au bureau des affaires étrangères.
Au rétablissement de la paix avec les Etats-Unis, en
1815, il fut désigné ministre plénipotentiaire dans ce
adieux, et pour voua remercier de la manière la plus publique
3 ne je puisse le faire, pour le précieux appui que vous m'ave:?
onné pendant une époque importante de la crise politique. Jo
vous remercie aussi pour la sympathie et la bienveillance que
vous m'avez t; .loignées au milieu de mes angoisses ; par ce moyen
les affaires publiques ont pu avancer, et l'attention la plus en-
tière être accordée aux intérêts du pays, sans me charger que du
trouble le plus minime possible. Ceci m'a été d'un grand soula-
gement personnel. Messieurs, je m'étais rendu garant à la mère-
patrie de la ferme loyauté de ce pays ; et j'ai le plus grand plaisir
de reconnaître que vous-mêmes, messieurs, et le pays, avez am-
plement justifié la garantie. S'il en eut été autrement, je serais
descendu au tombeau avec la réputation d'un insensé. Tel que
sont les choses, je sens que je n'ai rien dont je doive me repentir;
tout ce que j'ai fait, je le ferais encore sous de semblables cir-
constances. Nous ne sommes que des instruments entre les
mains de l'Etre-Suprême, et nous ne pouvons prévoir les des-
seins de la Providence ; mais mon jugement est fort de la con-
viction que ce que nous avons fait sera, par la suite, prouvé être
ce qu'il y avait de mieux à faire. Il peut y avoir des individus
qui soient désappointés de la marche qui a été suivie, qui pen-
sent que d'autres mesures auraient été préférables, et qui nous
reprochent et à vous et à moi ce que nous avons fait sous la
dictée de nos consciences. Je ne le puis empêcher. Je le recette,
et pardonne leurs injures. Je n'étais pas ic* pour leur plaire, ni
pour plaire à aucune coterie par le sacrifice des principes consti-
tutionnels. Je le répète, je me réjouis de tout ce que j'ai fait, et
me chagrine seulement de ce que je n'ai pu faire davantage. Je
cesse d'être votre gouverneur et vous laisse le soin de défendre
ma mémoire ; ce que vous ne sauriez mieux faire qu'en vous pré-
valant de la position que nous avons gagnée pour pousser vers
sa consommation, par tous les moyens à votre disposition, l'œuvre
que nous avons commencée, et que nous avons acheminée jus'
qu'où les circonstances nous l'ont permis. Et je me félicite de la
pensée que votre tâche sera d'autant plus aisée, que je suis rem-
placé par un homme dont les dispositions sont semblables aux
miennes, mais dont les talents sont plus grands. — Mélanges Re-
ligieux de 1843.
1842
19 les
Darle-
sous-
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is, en
ans ce
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intre les
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luvé être
idividua
qui pen-
qui nous
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^i fait, et
itage. Je
défendre
DUS pré-
^sser vers
L, l'œuvre
inée jus*
iite de la
Isuis rem-
tbles aux
mges H^-
1842]
bagôt.
137
pays. Son souverain lui témoigna sa haute satisfac-
tion pour l'habileté avec laquelle il avait rempli sa
mission, en le créant, à son retour en Angleterre,
en 1820, chevalier grand' croix de l'ordre du Bain.
Il avait déjà été élevé à la dignité de membre du
conseil privé. On lui confia ensuite le poste éminent
d'ambassadeur à la cour de Russie. Nommé en 1814
ambassadeur à La Haye, il se distingua dans les négo-
ciations de l'arbitrage des frontières des Pays-Bas.
Depuis plusieurs années, il s'était retiré de la vie
politique, lorsqu'il fut appelé à succéder à Lord Sy-
denham comme gouverneur du Canada.
Si sa conduite dans les différentes missions diplo
matiques avait été honorable, celle qu'il tint dans ce
pays ne fut pas moins loyale. Il se montra juste en-
vers tous les partis. Il se rendit par là extrêmement
populaire. Mais ce qui lui valut la grande popularité
dont il a joui pendant sa courte administration, ce
ne sont pas seulement les changements qu'il a in-
troduits dans le gouvernement, c'est plutôt la cor-
dialité et la franchise qui ont brillé dans ses actes ;
c'est la vive et sincère affection qu'il a témoignée
pour une population que ses prédécesseurs avaient
traitée avec mépris.
Quel singulier contraste n'offre pas cette adminis-
tration avec celle qui l'a précédée, surtout pour ce qui
regarde le Bas-Canada. Au temps de Lord Syden-
ham, le peuple manifestait les plus grands mécon-
tentements, à cause de la conduite vexatoire de ce
gouverneur. Il s'était trouvé blessé de l'adoption
de certaines mesures qui avaient changé ses lois et
ses habitudes, de la violation de la franchise élec-
Ml
138
BAGOT.
[1842
I: |i
torale, de l'exclusion des chefs libéraux du ijou-
voir politique. Sir Charles Bagot n'est pas plus
tôt arrivé dans le pays, que ce même peuple, mé
prisé et abattu la veille, se livre à une joie toute lé-
gitime. Fidèle apôtre de la liberté anglaise, il trouve
le remède aux maux du passé, en appliquant d'une
manière efficace le principe du gouvernement res
ponsable. Les chefs aimés des Canadiens reçoivent
des places d'honneur, auxquelles ils ont droit par
leurs talents et leur intégrité ; les lois tyranniques
sont abrogées ou amendées ; les électeurs recouvrent
leur droit de vote ; une loi électorale est passée do
manière à empêcher, autant que possible, les excès
commis aux dernières élections. Enfin, les dissen-
sions font place à la paix et au bonheur. Aussi Sir
Charles est-il béni ùe ce peuple, parce qu'il lui rend
parfaite justice. 11 laisse à la postérité un nom hono-
rable, une renommée sans tache. Il doit être ajoutr
à la liste trop courte des gouverneurs anglais qui,
par leur conduite noble et impartiale, ont été viv(>
ment regrettés des Canadiens.
CHAPITRE III
ADMINISTRATION DE LORD METGALFE
1843-1845
CONTINUATION DU MINISTÈRE LA FONTAINE-BALDWIN
AVlNEMENT DU MINISTÈRE VIGER-DRAPER.
Arrivée de Sir Charles Metcalfe. — Tâche du ministère La Fon-
taine-BalaA\rin. — Ouverture de la 3e session. — Débats au sujet
de l'adresise. — Siège du gouvernement. — Liste civile. — Elec-
tions contestées de 184L — Actes judiciaires, actes de sociétés
secrètes, dî l'indépendance de l'assemblée législative, des ico-
les du Haut-Canada, etc. — Résignation du ministère La Fon-
taine-Baldwin. — Question des emplois. — Conduite du minis-
tère approavée. — MM. Viger, Draper et Daly ministres pro-
visoires, olservations sur M. Viger. — Conduite de Sir Charles
Metcalfe." — Ministère Viger-Draper. — Dissolution du parle-
ment.— Elections générales. — Nouveaux députés. — Première
session du second parlement, discours d'ouverture. — Débats
sur l'adres ie. — Exiles politiques. — Adresse à la reine deman-
dant le rétablissement de la langue française. — Projet de loi
de rUnivsrsité du Haut-Canada. — Indemnité des pertes souf-
fertes dai s les troubles de 1837-8. — Travaux publics. — Lois des
municipa ités et des écoles, — Résultat de la session. — Change-
ments m nistériels. — Erection de la province ecclésiastique de
Québec. — Jlecensement. — Incendie des faubourgs de Québec.
— Canadiens décédés. — Institutions, mouvement littéraire. —
Départ de Lord Metcalfe, sa vie, et sa politique.
Sir Charles Metcalfe, baronnet, fut nommé succès
seur de Sir Charles Bagot dans le gouvernement du
Canada. Il arriva à Kingston le 29 mars 1843, et prit
le lendemain les renés du pouvoir. Le nouveau gou-
verneur s était distingué par ses services aux Indes
Occidentales et surtout par sa sage administration à
la Jamaïque, île où il avait réussi à rétablir la paix et
la confir.nce parmi une population composée de
I
Uô
METCÂLF£.
[1843
I
différentes races. A en juger par la réputation
qu'il avait acquise jusqu'à cette époque, on devait
présumer qu'il continuerait la politique libérale de
son prédécesseur.
A part M. Baldwin, les ministres furent réélus par
acclamation, ou par do fortes majorités. Les conser-
vateurs employèrent toute leur influence contre le
procureur-général du Haut-Canada, et lui firent per-
dre coup sur coup deux élections (i). Les libéraux du
Bas-Canada furent heureux d'accueillir cet homme
distingué et de l'élire par acclamation dans le
comté de Rimouski. Ils s'acquittèrent parla d'une
dette d'honneur contractée envers M. Baldwin, qui
avait rendu le môme service à M. La Fontaine,
lorsque celui-ci avait été contraint, en 1841, d'aban-
donner le comté de Terrebonna.
Plusieurs mesures importantes devaient attirer
l'attention du ministère. Il y avait les lois des écoles
et des municipalités à amender, le système judiciaire
à réformer, la tenure seigneuriale à abolir. M. La
Fontaine^ comme représentant les intérêts des Ca-
nadien:, d'origine française, devait s'occuper de plu-
sieurs questions qui concernaient ses compatriotes.
L'acte d'union existait avec toutes ses clauses arbi-
traires. Le rappel de cet acte était impossible. Avant
d'en venir à cette nécessité, il fallait épuiser tous les
moyens d'obtenir justice. L'Union était toujours un
mal, mais un mal d'où pouvait résulter le, bien : car
(i) La chambre annula l'élection de M. ^Iurney, qui s'était
opposé à M. Baldwin dans le comté de. Hasting, La violence et
le tumulte qui s'étaient manifestés d'une manière extraordinaire
dans ce comté, avaient nécessité la présence, des troupes et rendu
impossible ou dangereuse la votation de la pirt des électeurs. M.
Mumey se présenta de nouveau et fut réélu
* ^
1843]
MKTCALFE.
141
le gouvernement responsable donnait au peuple un
élément suffisant de réparation pour le passé et pour
le présent et de garantie pour l'avenir. D'ailleurs,
avec les concessions faites par Sir Charles Bagot,
l'Union pouvait otre tolérée par les Canadiens-Fran-
çais, tout en travaillant à l'amender autant que pos
sibie. Les clauses de la constitution concernant la
proscription de lu langue française et la liste civile
devaient être nécessairement rappelées; mais celle
qui se rattachait à la dette du Haut-Canada ne pou-
vait l'être sans exciter le mécontentement général
de cette section de la province. La clause concernant
l'égalité de la représentation dans le Haut et le Bas-
Canada commençait à être envisagée sous un autre
point de vue. Pendant les années précédentes, la
province supérieure avait augmenté rapidement en
population, grâce à l'immigration qui s'était portée
à flots pressés sur ses terres fertiles. En continuant à
progresser sur le même pied, la population de cette
province devait égaler bientôt et même dépasser
celle du Bas-Canada. C'était donc faire preuve d'une
sage politique que de ne pas penser à amender cette
clause. D'ailleurs, il était impossible de réunir les
deux-tiers des représentants (chiffre nécessaire pour
changer la représentation) en faveur de ce change-
ment, car les Haut-Canadiens n'y cciisentiraient
jamais.
Les chambres furent convoquées le 28 septembre.
Au nombre des nouveaux députés étaient M. Henry
Sherw^ood, conservateur influent et possédant des ta-
lents remarquables, M.Jean Chabot, avocat distingué,
élu à la place de M. Burnet, pour la ville de Québec,
■#
BP
ï» "•Il
m
w*
142
METCALFE.
[1843
et M. E.-J. Wakefleld, député du comté de Beauhar-
nais. MM. Draper, Massue et W. B:ildwiu étaient du
nombre des sept conseillers législatifs ne rames en
1843 (M.
Sir Charles Metcalle ouvrit la troisième session du
premier parlement par un discours remarquable.
Après avoir mentionné avec regretta mort de son
illustre prédécesseur, il attira l'attention des cham-
bres sur l'amélioration du système de juc icature et
du jury, des lois municipales et de l'éducation. Il
annonça que le parlement impérial avait passé un
acte qui facilitait l'introduction du blé et d ) la farine
du Canada dans les ports du Royaume-Ui i, en ré
duisant d'un chelin par mesure impéria t de huit
boisseaux le droit sur le blé du Canada et en dimi-
nuant en proportion le droit sur la farine.
Ce fut M. D.-B. Viger qui proposa l'adresse en ré-
ponse au discours du trône. Ce noble véttu-an de la
politique rendit hommage à la mémoi 'O de Sir
Charles Bagot. Il repassa l'une après 'autre les
( ' ) Liste des nouveaux députés élus depuis la den ière session,
non compris les membres du ministère :
Ed. -G. Wakefield, élu pour le comté de Beauharrais, en rem-
placement de J.-W. Dunscomb ;
Henry Sherwood, Toronto, en remplacement de J Buchanan ;
H. Judah, Champlain, " R.-J, Kimber ;
Jean Chabot, Québec, ** D. Bumet ;
Wm. Stuart Russell, " W. H. Draper ;
T. Franchère, Rou ville, " Wei. Walker.
Les membres suivants furent élus pendant la session :
Louis Lacoste, Chambly, à la place de John Yule
A. Jobin, Montréal, (comté), " A. -M. Délit le ;
E, Mumey, Hasting, •' R. Baldwin ;
Pierre Beaiibien, Montréal (ville), à la place de G. MofFatt.
Les nouveaux conseillers législatifs étaient les Hon. MM.
W.-H. Draper, P.-B. DeBoucherville, A. Irving, R, G. Kimber,
Louis Massue, C. Widmer et W.-W. Baldwin.
1843]
METCALFE
143
en re-
de la
le Sir
.re les
khanan ;
limber ;
jiet ;
)raper ;
lalker .
ratt.
MM,
timber,
mesures d'intérêt public mentionnées dans le dis-
cours, et en félicita le gouverneur ainsi que les mi-
nistres.
M. Merritt seconda l'adresse, et appuya principale-
ment sur les quiîstions de commerce, de revenu et
des travaux publics, sujets qui lui étaient familiers.
M. Henry Sherwood désapprouva presque tous les
sujets de l'adress e, et fit un sombre tableau du pays.
Suivant lui, la province ne s'était jamais trouvée
dans une si pénible position: les cultivateurs man-
quaient de chemins, le revenu avait beaucoup dimi-
nué, l'intérêt de la dette augmentait. Le peuple du
Haut-Canada était sur le qui-vive : c'est ce que les
élections générales prouveraient.
Sir AUan McNab condamna l'administration pour
les actes qui regardaient le Haut-Canada. Il se
plaignait de ce que les rebelles étaient récompensés,
tandis qu'on aéprisait les loyaux ! Les ministres,
disait-il, ne r ; résen talent pas les vœux de cette pro-
vince ; pourpVeuve, M. Baldwin avait été contraint
de se faire élire dans le Bas-Canada. L,e noble che -
valier raconta des scènes désagréables de 1837-8,
attaquant surtout gravement; le caractère de M.
Baldwin. Sir AUan fut blâmé par plusieurs de ses
amis.
Après les discours de MM. Aylwin, Hincks et La
Fontaine, qui défendirnt leur politique, M. Baldwin
se lava des accusations portées contre lui par Sir
AUan. « J'ai été souvent désigné, dit il, comme un
rebelle et un traître mais je re m'occupe pas de
ces bas outrages. J'ai, Dieu merci, une réputation,
et je ne crains pas de la soumettre à l'épreuve du
verdict de mon pays... Qu'est-il résulté de toutes leg
144 METCALFE. [1843
injures portées contre moi ? J'ai eu Thon leur d'être
nommé à des emplois de haute conflance par trois
différents représentants de ma souveraire, et cette
confiance en moi m'est continuée par le ;hef actuel
du gouvernement. Voilà ma justification .. Je puis,
cependant, invoquer d'autres raisons à mo i appui. Ne
suis-je pas approuvé par cette chambre dont le brave
et preu.x chevalier attaque les membres en m'atta
quant ? Que l'honorable membre regardt au.x régis
très de cette chambre, il y trouvera un vote de 5')
contre 5 en revendication de ma conduite publique ;
ce qui prouve également que je jouis de la confianci^
de mon pays. »
L'opposition se voyait si faible, qu'elb n'o? 's
même provoquer une seule division. L'adresse lUt
votée sans amendement.
La question du siège du gouvernement fat une des
premières agitées. A la dernière session, la majorité
des représentants avait déclaré la viile de Kingston
impropre comme capitale. Le gouvernement impé-
rial, que l'on avait consulté, ne voulait paii en venir à
une décision sans avoir l'avis de la législature. Le
ministère se prononça en faveur de Montréal, et fit
de cette mesure une question ministérielle. M. Hai-
rison donna sa démission de membre cLu cabini^t,
parce qu'il ne voulait pas consentir à un caangemeiU
qui allait priver ses électeurs du siège di" gouverne-
ment.
Il ne fut pas question de la cité de Québec, qui
avait des droits légitimes à devenir la capitale de la |
province. Il s'agissait de décider entre Montréal et
Kingston. Montréal était comme aujourd'hui la ville
'T?.
1843]
METCALFE.
145
la plus populouso (40,000 Ames en 1842), et la plus
riche du Canada. Elle est le centre commercial entre
les deux sections de la province, l'entrepc* où finit la
navigation par mer et où commence la navigation par
canaux, le centre des communications avec les Etats-
Unis par le lac Ghamplain et la rivière Iludson. On
pouvait la cjaaidérer avec Québec comme la ville
la mieux qualifiée pour devenir le siège du gouverne-
ment. Kingston n'était qu'un petit bourg insigni-
fiant comparé à ces deux villes. Le projet ministé-
riel passa à une majorité de vingt-quatre voix dans
i;i chambre d'assemblée et de quelques votes au con-
seil législatif. Une adresse fut votée à I. eine pour
la pr'viY de se rendre aux vœux de la législature.
Quelques mois après, l'assentiment royal fut donné à
la mesure, et Montréal devint la capitale du Canada.
Les conservateurs s'opposèrent avec force à la
mesure, et s'en servirent pour en faire du capital
politique Ils dirent qu'ils avaient consenti à l'Union
des Canadas à condition que le siège du gouverne-
ment restât dans le Haut-Canada ; d'ailleurs. Lord
Sydenham le leur avait promis. Ils étaient con-
vaincus que la translation de la capitale hors du
Haut-Canada nuirait au fonctionnement de la con-
stitution, et retarderait l'accomplissement du but
politique de l'Union : l'anglification du Bas-Canada.
Ce fut pour ces raisons que M. Moffatt, député de
Montréal, remit son mandat ; ses électeurs lui avaient
demandé de voter pour la mesure ministérielle.
MM. Harrison et Merritt, réformistes, votèrent aussi
contre Montréal.
C'est aussi à la suite du vote sur cette question,
7
II
146
METCA.LFE.
[1843
dans le Conseil Législatif, que M. Jameison résigna
son siège de président, et que treize autres conseil-
lers laissèrent leurs fauteuils, et ne les reprirent que
plus tard. Au commencement de la session, le con
seil avait, dans un temps où presque tous les con
seillers du Bas Canada étaient absents, passé des
résolutions pour conserver la capitale dans les limites
du Haut-Canada. M. A. Dionne demanda un délai do
quelques jours pour examiner une question aussi
importante ; il voulut aussi qu'un appel nominal des
conseillers fût fait. On ne l'écouta pas ; on lui refusa
même la traduction des résolutions dans sa propre
langue. Le conseil précipita donc le vote contraire-
ment à tout esprit de justice et de loyauté. Lorsque
la chambre d'assemblée demanda plus tard le con-
cours du conseil législatif sur le projet ministériel,
les membres qui avaient voté en faveur des réso-
lutions s'y opposèrent de toutes leurs forces, allé-
guant qu'ils s'étaient déjà prononcés sur cette ques-
tion. M. Caron fut appelé à remplacer M. Jamei-
son comme président du conseil législatif. Homme
de talent, ami dévoué de son pays, M. Caron avait un
droit acquis à ce poste élevé {^).
La chambre d'assemblée vota à la reine une adresse
lui demandant d'abroger la liste civile, que l'on con-
sidérait incoiistitutionnelle telle qu'établie par l'acte
d'Union. La chambre reconnaissait à elle seule le
droit de voter les deniers publics ; elle s'enga-
geait cependant à passer une loi pour défrayer les
(^) Sir Charles Metf/\lfe avait, paraît-il, offert en premier lieu
la présidence du conseil à M. L. -P. Sherwood, conservateur, sans
avoir consulté les ministres. La même offro avait été faite aussi ix
M. McGill et À M. Neilson. Aucun d'eux ne l'avait acceptée.
rd,.
[1843
a résigna
s conseil-
irent quo
n, le con
s les cou-
passe deii
les limites
m délai do
ition aussi
ominal des
L lui refusa
s sa propre
î contraire^
Lé. Lorsque
,ard le con-
ministériel,
lir des réso-
'orces, ailé-
cette ques-
M. Jamcl-
if. Homme
on avait un
lune adresse
le l'on cou-
le par l'acte
[le seule le
aie s'enga-
léfrayer les
In premier lieu
lervateur, sans
bé faite aussi a
It acceptée.
1843)
METCALFE
147
salaires des juges et des officiers, lorsque la liste
civile serait abrogée. Le gouvernement s'était déjà
mis en communication avec la métropole au sujetde
cette liste.
Un comité fut chargé de s'enquérii des meilleurs
moyens à prendre pour favoriser la colonisation et
rimmigration. Un autre fut choisi afm de continuer
l'enquête sur les élections coutestées de 1841, mais
elle ne fut pas complétée ; un grand nombre de
tén^-oignages furent enregistrés dans les journaux de
la chambre, et ils dévoilèrent beaucoup de moyens
illégaux dont s'était servie l'administration de 1841
pour assurer l'élection des candidats ministériels.
Plusieurs des membres dont les sièges étaient con-
testés, avaient déjà remis leurs mandats; ensuite
eurent lieu les élections générales en 1844, de sorte
que cette enquête n'eut pas de suite.
Les chambres adoptèrent à une grande majorité,
malgré l'opposition des députés orangistes, un projet
de loi pour détruire les sociétés secrètes. On voulait
par cette mesure empocher les orangistes de renou-
veler des actes de vengeance qu'ils avaient souvent
exercés contre les Irlandais catholiques. Ce projet
fut réservé à la sanction royale ; mais elle lui fut re-
fusée. On allégua que cette loi plaçait une classe de
citoyens hors de la protection des lois ; et comme la
législature du Canada avait passé, dans la même
session, des lois pour restreindre les démonstrations
tendant à troubler la paix publique, il était plus
juste et plus constitutionnel de s'en reposer sur le
3uvcrnement, afin de prévenir les excès des sociétés
secrètes.
Un autre acte fut réservé à la sanction royale :
148
METCALFE.
[1843
celui qui était destiné à mieux assurer l'indépen
dance de l'assemblée législative. La métropole le
sanctionna, et il devint loi peu après. Cette mesure
rendait inéligibles la plupart des employés publics,
à moins qu'ils ne résignassent leurs fonctions sala-
riées (1). Elle fit le plus grand honneur au minis-
tère, qui sacrifiait ainsi de puissants moyens d'in-
fluence qu'il aurait pu conserver. Elle donnait une
preuve frappante de son honnête et parfait désinté-
ressement. Un autre acte rendait les juges indépen-
dants de la couronne. Les juges ne devaient plus
subir le contrôle absolu et souvent arbitraire du
gouvernement. L'exclusion des employés publics de
la représentation et l'indépendance du corps judi-
ciaire étaient pour les Canadiens deux réformes de la
plus haute importance. Autrefois la chambre d'as-
semblée du Bas-Canada avait fait d'énergiques mais
inutiles efî'orts pour les obtenir ; le parti anglais s'é-
tait toujours opposé à les concéder.
M. La Fontaine rédigea et introduisit trois projets
de loi destinés à réformer l'administration de la
justice dans le Las-G?.nada. Le premier concernait
la cour du banc de la reine, et laissait dans leurs an-
ciennes limites les quatre districts de Québec, de
Montréal, des Trois-Rivières et de Saint-François. 11
établissait dans les campagnes une vingtaine de.
cours de circuits, qui remplacèrent les cours de dis-
tricts érigées en 1841. Le district de Gaspé reçut
une législation séparée. Le deuxième instituait des
( ' ) Ces fonctionnaires étaient les jugea, les shérifs, les proto-
notaires, les greflS.ers, les reeistrateurs, les oflSciers de douane et ,
d'accise, les sous-employés des départements publics, les maîtres j
de postes dans les villes, etc., etc.
[1843
' l'indépen
étropole le
tte mesure
rés publics,
îtions sala-
au minis-
Dyens d'in-
onnait une
ait désinté-
3s indépen-
i^aient plus
bitraire du
1 publics de
corps judi-
ormes de la
imbre d'as-
fiques mais
anglais s'é-
rois projets
ition de la
concernait
îs leurs an-
Québec, de
^'rançois. 11
.ngtaine de.
Durs de dis-
Jaspé reçut
istituait des
18431
Murs de commissaires pou. la H..- • ""
au-dessous de £6 5 0 Le Zn '°" "^"^ ««ses
»"« cou., d'appel composée dT:f't"^«^°'«'-éait
cour du banc de la reine T. ? '"' J"&«^ ^e la
''a"s la 34e année d„ .^ Inf J!7''^"'' ^''""^ P^^^é
»a" û la nouvelle courts n^ "'^^ "^' «' ^on-
La cour d'appel devaTs éÏerCilT' ^' ''^"'='«°"«-
Montréal et à Québec luZlT. ^'' "°"^«' ^
e cet acte empêchait les "ut?™'"' ^"' «'^"^o
Jonné un jugement dans ui f ?"' "^'''''^'" déjà
"ouveau en appel dans iL" ^°'''' ^^ ^'^ger de
ffent les bases dune^li'jir""^^- ^es mesures
"e la justice. Elles reçulu '"'! «'iministration
'1"^ unanimité des chambres 'PP''°''^«°" '^^ 'a près-
p-^d^ïsSs^rpLHti;;'"'^^---
communes dans le Haut Can, /-.?'''""'"' '*'^'=°'««
cernant des titres etZmht^'; ^^ "'"'^«""«nce con-
cations. Une autre loi ilpo^JtT' T'- ' '^''^ '"°'^'fl-
»au« vivants et sur leTnrn. f '^™"' '"■• ^«« ^ni-
fns la province. Cette dernr"^ ^ '^"'°''' ^P'»-'^^
dée par la classe agSle ' "''"'■" ^'«" deman!
'aienVpt"d1UTn^"tlro!'' '"'""""^^^ 'î" P^^^ "'é-
:,<"« d'argent pour c?nti„,?r' "" ^'"^'^ «"<="«
Uiques. oontmuer les améliorations pu-
^0 nombre et l'utiliiéH„„
œtte session démontrent cue"?r''''.P'^''''^f«''dant
'*sté inactif. Ces mesures f,! !"'"'''^''« n'était pas
f-'s opposition, ou avec u„l f?? '"""'^ «doptées ou
«sdesdeuïChambres Ci '^'""'''^"^ ■"«'"-
^' l'opposition dans plus eu' '''''"'■' '''""«■«
H"t toujours sans s.fccè ; . <'''"'''"'^'^' "^^''^
^"cces , Ils ne montrèrent que
150
METCALFÈ.
[1843
leur impuissance : c'est à peine s'ils réunirent une
quinzaine de voix. On avait donc une preuve con-
vaincante de l'immense popularité dont jouissait le
ministère LaFontaine-Baldwin. En effet, on a peine
à trouver dans notre histoire parlementaire une ad-
ministration, qui ait déployé autant de force, d'éner-
gie et de talent que celle-ci. La représentation du
Bas-Canada lui était exclusivement dévouée. L'an-
cien parti conservateur avait été désorganisé, et
avait disparu entièrement. Il en était de même de la
grande majorité des représentants du Haut-Canada :
le parti réformiste ne formait qu'un seul corps, qui
appuya toujours le ministère.
L'administration était donc puissante et populaire.
Elle possédait la confiance presque générale dos
Canadiens des deux sections de la province ; mais
elle n'abusa pas de son pouvoir, et fut fidèle à sa
devise : rendre justice égale à tous les partis et à
toutes les origines, administrer les affaires suivant
les vœux du peuple. Elle put donc sans peine faire
passer ses grandes mesures, qui furent accueillies
favorablement du public. Il suffit de nommer les
lois de judicature, de l'indépendance des juges et de
l'assemblée législative, des écoles du Haut-Canada,
les résolutions concernant le changement de la capi-
tale et l'abrogation de la liste civile, pour avoir une
preuve de l'ardent désir qu'avait le ministère de
procurer le bonheur et la prospérité de la province.
Il restait encore les lois des écoles et des municipa-
lités du Bas-Canada et quelques autres mesures d'une
moindre importance, qui étaient sous la considéra-
tion des chambres lorsque le ministère résigna su-
[1843
rent une
uve con-
aissait le
Il a peino
e une ad-
;e, d'éncr-
tatioii du
lée. L'an-
;anisé, et
)me de la
-Canada :
orps, qui
)opulaire.
érale des
ce ; mais
dèle à sa
artis et à
s suivant
3ine faire
ccueillics
mmer les
iges et de
t-Ganada,
le la capi-
avoir une
listèro -c'e
province,
municipa-
ires d'une
considéra-
ésigna su-
1843]
i>iteinentJe2t novp h
'"«n^ d'existence. oTvlT^ ^K^'f '"^'^ ""«'^ ««"'e-
Kres furent prorogées le nj '"^"^''' '' ^''^ «'>«■"-
l'a question defemn, """''''= ^""'a"'-
;eîuellesn,i„•tXt;eS"^^^"' '« "-'^^ Pour
'""lé à administrer le" Tff' ^''Ir'^^'""- Accou-
^olonies où le gouvernem! Publiques dans dos
P- été introduit ShcTar;'"f-"""°""''^ "'-^
f"e, depuis son'ar véefu r ''f ' ^°""'^ «^««^
de consulter ses rainiltres en ?"'?'' " '" "^'''«^^•'é
Avant lacriso ministSe i a'v? '' "^'^''"^'^'nces.
des colonies qu'il étai tfr -T'f" ™"'^'r°
vues de ses conseiller, \; s abandonner auv
^' «oigner leur dv^rsaTreT?" ' ^^" '''-■^«"
«ondnite qui nuUiflaU 3 'onv. ""P'°" P"Wics
"u Canada. Plusieurs fetsTî""""^* '^ ^«ine
"orainations politiques sfn! n ?" "''" ^^"'e des
™"BeiI ; i, avL acco dé ou offe*;^ r ''"^'^ "' =""
personnes qui étaient rernnn.i'''' ^"'P^O'^ à des
('^•Powell.non.m SL;:,^'""''^^'^^^"'-
'^°od, à qui fut oifert la nrT«-^ ^'"^' " W. Sl,er-
f «f> étaient du nom rt H ;"er: '" """" '^«-^■
'û gouverneur avait résolu Z ?'''°""«^)- En outre,
'•"S'ale une mesure Tulonv. '"'"''' " '« ^'''"«ion
sociétés secrètes sans 1^7 """'"'' '« '«i des
0" prétend que Sr^arlet"!^!: "'^ T ™'"'^'-^
e son secrétaire, M. ffiSeLon ./!,""' ''"""«"<=«
"S'nis du cabinet, entrf a !! ' t ''ill^elques en-
P"'é de BeauharnaTs, et M rn ^'"'''^°''^' 'l^"
"■•^ngistes du Ilaut-Can df nT"/ "" «^^^ «hefs
^Mconstances montré de ,, ! ' "" P'"^'«"'-s
-dateurs, alo. memV: dlrCïtioT ^^ '''
isi
METCALFE.
[1843
Cette conduite de la part de Sir Charles Metcalfe
avait mis les ministres dans une étrange situation.
Ils considérèrent comme contraires aux principes du
gouvernement constitutionnel les derniers actes du
gouverneur, et eurent avec lui des entrevues pour
demander des explications.
Sir Charles prétendit n'être pas obligé de consulter
ses conseillers sur les nominations aux emplois pu-
blics. C'était, suivant lui, dégrader le caractère de sa
charge et violer son devoir que de faire un tel aban-
don de la prérogative royale. Il était opposé au sys-
tème d'exercer exclusivement le patronage dans des
vues de parti, et voulait conférer des charges aux
hommes les plus capables de rendre service au pays,
sans distinction politique. Il était étonné de voir que
cette question fût attribuée à une prétendue diffé-
rence d'opinion sur la théorie du gouvernement
responsable. Il souscrivait entièrement aux résolu-
tions de 1841, et considérait comme impraticable en
cette province tout autre système de gouvernement
que celui qui admet la responsabilité envers le peuple
et envers l'assemblée législative. Mais il n'enten-
dait pas que le conseil fût suprême et l'autorité du
gouverneur une nullité.
Les ministres, de leur côté, ne niaient pas au gou-
verneur le droit de nommer les employés publics ;
mais ils prétendaient avoir celui d'être consultés sur
ces nominations ou au moins d'en être avertis, afin
de ne pas se trouver dans une fausse position. Ils ré-
clamaient ce privilège, se croyant responsables en-
vers les chambres et le peuple des nominations aux
emplois publics comme des autres actes ministériels.
Cette question était donc, suivant eux, liée aux réso-
1843
calfe
ition.
es du
es du
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oir que
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nement
résolu-
able en
•netnent
peuple
.'enteu-
lorité du
1«431
METCALFE.
153
luttons du gouvernement responsable ; et le gouver-
neur, en refusant de les consulter sur ce point, ne se
conformait pas aux principes de ces résolutions.
Lorsque les ministres virent qu'il y avait entre le
gouverneur et eux une si grande différence d'opi-
nion et de vues, et que môme un esprit d'antago-
nisme existait entre eux depuis longtemps, comme
le fit remarquer Sir Charles dans cet entiocien, ils
donnèrent aussitôt leur démission. Leur position
n'était plus soutenable ; il n'était plus possible à des
hommes d'honneur de conserver le pouvoir dans
ces circonstances, sans s'exposer aux plus graves
reproches de la part de leurs amis.
La crise ministérielle causa une surprise extra-
ordinaire, et fit une sensation profonde dans la
chambre. On demanda copie de la correspondance
échangée sur cette question entre le gouverneur et
ses ministres. Une discussion orageuse s'engagea
au sujet de la conduite du ministère. M. Baldwin et
M. Hincks expliquèrent, dans des discours tout à fait
remarquables, les motifs qui les avaient fait agir
ainsi.
M. Viger blâma les ministres sur la manière dont
ils donnaient leurs explications. Ils ne pouvaient pas
dévoiler des procédés qui avaient eu lieu privément
dans le conseil sans les inconvénients les plus graves
et sans un grand danger de saper la constitution
dans sa base. La chambre ne devait pas non plus
tolérer les explications que les ministres donnaient
d'une manière aussi inconstitutionnelle, et en bles-
sant les règles et les précédents parlementaires. M.
Viger ne toucha pas à la question principale, celle
des emplois publics et de la pratique du gouverne-
4f
154
METCALFE
[1843
ment responsable. Il fut le seul de son avis, et per»-
sonne ne se leva pour lui donner raison.
M. Baldwin répondit à M. Viger qu'il avait du
gouverneur la perr/ission de défendre la conduite
du ministère. D'après le principe de la constitution
britannique, les ministres pouvaient se présenter à
lacbambre représentative pour y donner leurs ex-
plicalions.
MM. Cameron, Holmes, Boul'on, Price, Durand
et le colonel Prince approuv'>rent la conduite du
ministère et sa manière d'envisager le gouverne-
ment responsable. Sir AUan McNab, M. Gartwriglit
et quelques autres conservateurs prirent la défense
du gouverneur, et approuvèrent ses opinions, dans
le but évident de parvenir au pouvoir. Mais la grande
majorité des représentants adopta les vues des minis-
tres sur cette grave question constitutionnelle, dans
une adresse qu'elle vota au gouverneur, et que nous
reproduisons en partie :
« Nous, fidèles et loyaux sujets de Sa Majesté, les
Communes du Canada, réunies en parlement provin-
cial, exprimons humblement le vif regret que nous
éprouvons en conséquence de la retraite de certains
membres de l'administration provinciale sur la ques-
tion du droit qu'ils réclament d'être consultés rela-
tivement aux nominations aux emplois, que nous
déclarons sans hésiter appartenir à la prérogative de
la couronne ; et pour assurer Votre Excellence que
la défense de ce principe leur donne droit à n,jtre •
confiance en ce qu'elle est strictement conforme aux
principes émis dans les résolutions qui ont été adop-
tées par cette chambre le 3 septembre 1841 ...»
Quarante-six députés se prononcèrent en faveur
1843
per-
.t du
duite
uUon
lier à
rs ex-
Lirand
Lte du
verne-
wriglit
Léfense
i, dans
grande
5 minis-
le, dans
\G nous
1843]
METCALFE.
155
de cette adresse, et vingt- trois, contre (*). Trois-Bas-
Ganadiens, MM. Denis-B. Viger, Neilson et Noël,
étaient au nombre de ces derniers.
L'approbation de la conduite des ministres par la
masse de la population du Canada vint appuyer
celle de la grande majorité des représentants. Les
principes qui les civaient guidés furent trouvés
justes. En remettant leurs portefeuilles pour défen-
dre les principes si précieux de la constitution, les
ministres avaient fait preuve d'une noble indépen-
dance. Sans vouloir aucunement gêner l'indubitable
prérogative qu'a le gouverneur de suivre ou de
rejeter les avis des ministres, ceux-ci avaient certai-
nement droit de donner leur opinion et d'être con-
sultés sur les emplois publics comme sur les autres
questions ; ils en étaient responsables devant le
peuple, conformément aux résolutions établissant le
gouvernement responsahio. Ils étaient entrés dans
le ministère, sous Sir Charles Bagot, à cette condition
expresse ; et du moment que le gouverneur persis-
tait à faire les nominations en opposition à leurs vues,
ils n'avaient pas d'autre alternative que de résigner.
On tombait dans l'erreur en prétendant que concéder
ce point, c'était avilir l'autorité du gouverneur. Ce
(^) Pour l'adresse : — MM. Armstrong, Aylwin, Baldwin, Bar-
the, Berthelot, Boswell, Boulton, Bouthiràer, Beaubien, Cameron,
Chabot, Child, Christie, Crâne, Derbisb.ire, DeWitt, Dunn, Du-
rand, Gilchrist, Hàrrison, Hincks, Hop.kins, Jobin, Lacoste, La
Fontaine, Leslie, D. McDonald, J. -S. McDonald, Merritt, Moore,
Morin, Morris, Papineau, Parke, Powelî, Price, Quesnel, Small,
Harmanus Smith, Steele, ïaché, Tliompson, Therburer, Tur-
cotte et L.-M. Viger.— (46)
Contre : — MM. Black, C&rtwrigt, Chesby, Dunlop, Forbes,
Foster, Haie, Homiltou, Jobnston, McNab, McLean, Murray,
Neilson, Noël, Roblin, Simpson, Henry Smith, G. Sherwood,
Stowt, D.-B. Viger, Wakefield, Williams et Woods.— (23)
15G
M£TCALF£.
[1843
qui ne déshonorait pas la couronne en Angleterre
no devait pas la déshonorer dans une colonie. Il était
reconnu que dans la métropole les ministres exer-
çaient le patronage public dans des vues de parti.
C'est une des conséquences du gouvernement consti-
tutionnel. Une autre raison qui devait porter les
gouverneurs à imiter cet exemple, c'est que, étran-
gers au pays, ils étaient censés ne pas connaître
d'eux-mêmes les personnes compétentes aux divers
emplois, et devaient, en conséquence, consulter leurs
ministres. On blâma à tort les ministres d'avoir agi
avec trop de promptitude, en résignant dans un temps
inopportun. L'origine des difficultés, leur dit-on, ne
consistait pas dans la question des emplois ; mais
les ministres s'en étaient servis parce qu'ils crai-
gnaient d'être en minorité sur les projets de lois
concernant les taxes municipales de l'Université du
Haut-Canada, mesures qui rencontrèrent une vive
opposition dans cette province.
Les événements ont prouvé que le gouverneur
avait tort en refusant de recevoir sur ce point les
avis de ses ministres. Aujourd'hui l'on trouverait ab-
surde une semblable conduite.
Le vote de M. Neilson contre l'approbation de la
conduite du ministère ne nous paraît pas trop étrange,
bien que ce vétéran de la politique eût combattu
toute sa vie pour obtenir les libertés constitution-
nelles que le pays possédait depuis deux ans. M.
Neilson avait montré peu de confiance dans le minis-
tère, et sa feuille, The Québec Gazette, ne lui avait
offert qu'un appui partiel. Il avait souvent eu
des paroles de blâme â lui donner. Mais le vote de
M. Viger nous parait extraordinaire. En se séparant
m
rre
tait
xei-
arti.
nsti-
■ les
tran-
aitre
ivers
leurs
ir agi
iemp»
m, ne
, mais
i crai
Le lois
ité du
e vivo
1843]
METCALFE.
157
de ses anciens amis politiques, M. Viger assumait
envers son pays une grande responsabilité, et cher-
chait à diviser le parti libéral, qui avait toujours été
fort uni depuis 1841. Il ne différait pas d'opinion avec
les ministres sur la manière d'interpréter le gouver-
nement responsable ; il borna son opposition à des
questions de forme, points tout à fait secondaires
dans cette grave question.
M. Viger ne s'arrêta pas là : il consentit à être
le conseiller principal de Sir Charles Metcalfc. Il ne
craignait pas de former une alliance politique avec
M. Draper, chef du ministère sous Lord Sydenham,
et de l'accepter pour collègue, après l'avoir combattr
jusqu'alors avec acharnement. Le 13 décembre, seize
jours après la résignation du ministère La Fontaine-
Baldwin, M. Viger fut assermenté comme conseiller
exécutif, avec M. Draper.
Ces deux ministres formèrent un conseil exécutif
provisoire avec M. Daly, secrétaire-provincial. Pen-
dant la crise ministérielle, M. Daly, le seul des
membres de l'ex-ministère qui n'eût pas résigné,
avait été l'unique conseiller du gouverneur.
Il fallait à M. Viger des motifs très-puissants pour
le déterminer à accepter l'héritage de ses amis au
risque de sa popularité. Il craignit que le gouver-
nement responsable, qu'il avait demandé toute sa
vie et qui ne venait que d'être concédé, ne fût dans
un grand danger ; que le pouvoir abandonné par
ses amis ne passât entièrement aux conservateurs et
ne mît la cause de ses compatriotes en péril. Il était
persuadé que le gouverneur voulait maintenir la res-
ponsabilité ministérielle, et qu'il était animé des
meilleurs sentiments envers les Canadiens. Il pensait
; I
I
158
METCALFE.
[1843
I
que Sir Charles concéderait sans peine à un minis-
tère qui aurait sa confiance ce qu'il aurait refusé à
des hommes dont il se défiait. Dans ces circon-
stances, il ne crut pas, par son refus, contraindre le
gouverneur à s'entourer de conseillers ennemis
qui, par leurs intrigues, le feraient dévier de la con-
duite libérale qu'il avait commencé à tenir. En nr-
ceptant un portefeuille, il pourrait veiller aux in 1*3-
rôts de ses compatriotes.
M. Viger voyait donc un danger planer sur ses con-
citoyens, et voulut les sauver de ce péril. Il exagéra
sans doute ses devoirs ; l'excès de sa vertu le perdit.
Il ne fut pas compris des libéraux du Bas-Canada.
Malgré sa popularité, malgré le respect dont on
aimait à entourer son viel âge, il n'a pu échapper
à la condamnation presque générale de ses con-
citoyens et de la presse libérale. On alla môme jus-
qu'à l'accuser d'ambition personnelle, et de trahison
envers son parti. Sa conduite était sans aucun doute
dictée par des sentiments purs et élevés ; il voulait
le bien de ses compatriotes. Pour s'en convaincro,
écoutons-le : «Je puis paraître devant ceux qui
m'ont fait l'honneur de m'accorder des marques de
leur confiance dans des temps critiques, sans crainte
d'être convaincu de les avoir trahis. L'homme capable
d'être resté dix-neuf mois derrière les verrous pour
ne pas souscrire à des conditions qui n'étaient pas
d'accord avec l'honneur de son pays, ni reconnaître
un principe dangereux pour les droits comme pour
les libertés de ses concitoyens, n'a pas souillé ses che-
veux blancs par des démarches contraires à son
devoir. Le temps fera voir que ma conduite est de
f*;
[1843
[Tiinis-
fusô à
îircon-
îdre lo
inemis
la con-
En nr-
ax iiVtô-
scs con-
exagéra
3 perdit.
Canada,
dont on
échapper
ses con-
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rques de
ls crainte
capable
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ient pas
■onnaitre
[me pour
ses che-
s à son
[1844 METCALFE. 159
nature à soutenir le système du gouvernement res-
ponsable au lieu de le restreindre. »
Sa brochure sur la crise ministérielle, o\i il ex-
pliquait longuement les raisons qui devaient justi-
fier sa conduite, parut au mois de janvier 1844. Elle
ne changea pas l'opinion de ses compatriotes, qui
regrettaient beaucoup l'erreur dans laquelle il était
tombé. M. Viger se borna à discuter, comme il l'a-
vait fait en chambre, des questions de forme, sans
entrer dans la considération du sujet principal : le
gouvernement responsable et la résignation des mi-
nistres. Il ne donna aucune raison pour expliquer
les motifs qui l'avaient porté à accepter l'héritage
do ses amis politiques. M. Viger avait évidemment
fait fausse route en formant partie d'un gouverne-
ment provisoire, en acceptant par cette conduite la
manière de penser du gouverneur sur cette ques-
tion constitutionnelle. Il dut être extrêmement dou-
loureux pour lui de se voir abandonné de ses amis
du peuple, après en avoir été si longtemps l'idole.
Sir Charles Metcalfe se trouva placé dans une
position critique par la résignation de ses ministres.
Il voyait que la majorité de la chambre et du peuple
canadien était opposée à ses vues et adoptait celle de
ses ministres. Etant incapable de former un cabinet
avec l'opposition, qui ne se composait que d'une
vingtaine de députés, il essaya à diviser les membres
du parti libéral pour former avec les conservateurs
une administration qui pût commander une majorité
suffisante. Il ne réussit pas. C'est alors qu'il appela
MM. Viger et Draper à former avec M. Daly un con-
seil provisoire.
En suivant les voies constitutionnelles en usage dans
160 METCALFE. ^1844
de semblables difTicultés, Sir Charles aurait dû soit
dissoudre les chambres pour consulter le peuple sur
la question ouverte, soit encore rappeler ses anciens
ministres qui possédaient la confiance de la majorité
des représentants. Il ne suivit aucun de ces moyens.
Il temporisa avec son conseil provisoire, qui était
censé ne pas posséder la confiance publique, puis-
que aucun des trois ministres ne se présenta devant
les électeurs pour se faire réélire. Le gouverneur
déviait donc de la coutume constitutionnelle. En
Angleterre, un souverain qui aurait suivi une sem-
blable conduite, se serait rendu coupable d'un coup
d'état. Gela n'empêcha pas la métropole d'approuver
IcF actes de Sir Charles. Elle se confia dans la capa-
cité et l'énergie de ce dernier, et ne voulut pas in-
tervenir dans le différent survenu au Canada.
Se voyant appuyé par l'A-ngleterre, Sir Charles
Metcalfe tint encore plus ferme à ses principes. Au
môme moment, il recevait les félicitations des cham-
bres du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-
Ecosse et d'un grand :iombre de localités du Haut-
Canada. Il descendit alors dans l'arène politique,
défendant sa propre cause contre celle de ses ex-
ministres, et se constitua chef de son parti. Une lutte
tout à fait désagréable s'engagea alors entre lui et ses
ci-devant ministres. Sir Charles définit sa conduite
et donna ses opinions sur la question agitée, le gou-
vernement constitutionnel. A l'adresse des conseil-
lers munipaux du district de Brock, il répondit qu'il
ne recourrait pas à r.ne élection (générale avant le
temps fixé par 1p loi. Il ajouta que, pendant son
administration, il s'était toujours conformé aux prin-
cipes du gouvernement responsable ; il donnait une
[1844
dû soît
iple sur
anciens
najorité
[ïioysns.
iii était
lie, puis-
1 devant
ivernenr
lelle. En
jne sem-
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da.
ir Charles
îipes. Ail
es cham-
^îouvelle-
du Hant-
lOlitique,
ses ex-
ne lutte
lui et ses
conduite
1844]
METCALFE.
161
preu /e de son adhésion à ces principes dans le délai
qu'' mettait à compléter son conseil, conduite qui
proavait son désir de former un conseil qui ohtînt
l'appui du peuple canadien. Il avait déjà des con-
seillers qui possédaient son entière confiance ainsi
que celle du pays, et qui continueraient, suivant son
espoir, à en jouir lorsqu'ils seraient unis à d'autres
conseillers qui restaient à nommer.
Le gouverneur expliqua de la manière suivante le
gouvernement constitutionnel, dans sa réponse à
l'adresse des conseillers du district de Gore : « Si
vous entendez que le gouvernement devrait être
administré d'accord avec les vœux bien entendus et
les intérêts du peuple ; qu'on devrait adhérer fidèle-
ment aux résolutions passées en septembr»^ 1841 ;
que le conseil devrait pouvoir offrir son avia en tou-
tes circonstances, soit qu'il s'agisse de patronage ou
d autres choses, et que le gouverneur devrait le rece-
voir avec l'attention due à ses conseillers constitu-
tionnels, et les consulter dans tous les cas d'une im-
portance suffisante ; qu'il devrait y avoir une sym-
pathie et une coopération cordiale entre lui et eux ;
que le conseil devait être responsable au parlement
provincial et au peuple, et que, lorsque les actes du
gouverneur sont tels que les conseillers ne veulent
pas en être responsables, ils devraient être libres de
résigner, alors je suis parfaitement d'accord avec
vous, et je ne vois aucun obstacle au fonctionne-
ment du gouvernement responsable, pourvu que les
parties respectives soient guidées parla modération,
le sens commun, des vues honnêtes et des dispositions
équitables et exemptes d'esprit de parti. >»
Dans d'autres circonstances, Sir Charles s'exprima
lè-^
MÊtCALf^È."
[1844
ainsi : «... Nul gouverneur ne pourrait songer à
administrer le gouvernement de cette province sans
prendre constamment l'avis de son conseil... Agir
en consultation cordiale avec le conseil exécutif et
en coopération harmonieuse avec la législature, rem
plir les fonctions de mon office avec équité et bien-
veillance envers tous, sans distinction de classe, do
croyance et d'origine, et avancer l'industrie, la pros-
périté, le bonheur de la province, tels ont été inva-
riablement et tels seront toujours les objets de mon
ambition. »
Le gouverneur était revenu peu à peu de la posi-
tion qu'il avait assumée lors de la résignation du mi-
nistère La Fontaine-Baldwin. Il concédait en dernier
lieu justement ce que ses ministres avaient demandé,
savoir : que les ministres pouvaient offrir leur avis
lorsqu'il s'agissait de patronage comme des autres
affaires, que le gouverneur ne pourrait administrer
le pays sans consulter constamment les membres
de son conseil. Ses dernières délarations étaient très
libérales et fort sensées. Elles lui acquirent daiTs
le Haut-Canada des partisans qui devinrent de plus
en plus nombreux. Mais le délai qu'il mit à com-
pléter son cabinet était loin de satisfaire le peuple ;
les diverses branches de l'administration se trou-
vaient sans chefs depuis plusieurs mois. Les affaires
en souffraient beaucoup. Cette tactique était sans
précédent dans le pays, et môme en Angleterre.
L'opposition en fit son profit.
Les libéraux des deux provinces firent tous les
efforts possibles pour conserver leur influence et dé-
fendre la politique de leurschefs. Dans le Bas-Canada,
ils furent unamines dans leur approbation envers
1844]
METCALFE.
16^
les principes qu'avaient défendus M. La Fontaine et
ses collègues : il ne fut pas possible de les diviser. On
en eut une preuve dans l'élection qui se fit à Mont-
réal, au mois d'avri] 1814. Tl s'agissait de remplacer
M.Holmes. Cette électionse fit au milieud'une grande
excitation. M Drummond, candidat libéral, fut élu
ù une majorité de 900 voix contre M. Molson, can-
didat ministériel.
Le parti libéral ou réformiste du Haut-Canada for-
ma Vassociation de réforme et tint plusieurs assem-
blées. La première réunion, qui eut lieu à Toronto
le 6 février, fut une grande démonstration en fa-
veur de la politique du ci-u3vant ministère. Un grand
nombre de députés et de citoyens influents s'y trou-
vaient. On adopta un manifeste qui fut publié et
adressé au peuple de la province. Mais ces démon-
strations durent s'effacer devant l'influence croissante
et les intrigues du parti conservateur. Le change-
ment de la capitale et les lois contre les sociétés se-
crètes avaient beaucoup agité le Haut-Canada. On y
avait aussi répudié deux projets de loi introduits par
M. Baldwin à la l'^rnière session : ceux qui corfcer-
liaient l'Universiti le Toronto et les taxes munici-
pales. Une gronde ^ u*tie de la population de cette
section de la province était donc mécontente des
membres de l'ex-ministère. Les conservateurs sai-
sirent cette occasion pour refaire leur influence
sur les ruines de celle de M. Baldwin.
Enfin, après neuf mois de crise ministérielle, pen-
dant lesquelles Sir Charles Metcalfe n'eut qu'un ou
trois conseillers provisoires, le ministère fut orga-
nisé le 3 septembre 1844, et se composa comme suit :
BHK
i64
MEtCALFE.
[1844
BAS-CANADA.
L'Hon. D.-D. Viger, président du conseil exécutif ;
«( James Smith, procureur-général, B. G. ;
« D.-B. Papineau, commissaire des terres de la
couronne ;
« D. Daly, secrétaire-provincial.
HAUT-CANADA.
L'Hon. W.-R. Draper, procureur-général, H. G. ;
« W. Morris, receveur-général.
Le 20 décembre suivant, M. W.-B. Robin son, con-
servateur du Haut-Canada, se joignit au ministère
comme inspecteur-général des comptes publics. M.
Henry Sherwood, autre conservateur, avait été aupa-
ravant nommé solliciteur-général du Haut-Ganada,
sans siège dans le cabinet.
Les chefs de Tadministration, M. Viger et M. Dra-
per, occupaient le premier rang parmi les hommes
d'état canadiens par leurs talents et leurs profondes
connaissances. Tous deux avaient une longue expé-
rience dans les affaires politiques. M. Draper était
encore un orateur distingué. Ses principes politiques
étaient plus modérés qu'autrefois ; il finit par ad-
mettre le gouvernement constitutionnel comme l'en-
tendaient les chefs libéraux.
M. Papineau dut son élévation au poste de com-
missaire des terres de la couronne, non à ses talents
ni à ses connaissances, qui étaient médiocres, mais à
son origine française et à son alliance avec une fa-
mille respectée des Ganadiens. M. Smith était un avo-
cat assez remarquable du barreau de Montréal, MM.
Morris et Robinson étaient des homm3s intègres et
respectés des Haut-Ganadiens. Ces trois derniers
1844
le la
[1844
METCALFE.
iU
, con-
listère
es. M.
I aupa-
anada,
L Dra-
)mmes
fondes
expé-
était
tiques
ar ad-
e Ten-
com-
Lalents
lais à
me fa-
In avo-
MM.
;res et
irniers
étaient nouveaux dans la politique, sans connais-
sances parlen"entaires et sans influence.
Après avoi • organisé son ministère, Sir Charles
Metcalfe se d îcida à dissoudre le parlement. Le 23
septembre, ui e proclamation sortit à cet effet, et les
brefs d'élections furent aussitôt émanés.
Deux grands partis se dessinèrent dans la lutte élec-
torale. L'un, composé des libéraux des. deux sections
de la province, devait faire triompher les principes
défendus par ] es membres du ministère La Fontaine-
Baldwin, leui manière d'entendre le gouvernement
responsable, tout en condamnant le gouverneur dans
son retard à former le ministère ; l'autre, composé
principalei nt des conservateurs du Haut et du
Bas-Canada, approuvait sans restriction les actes du
gouverneur.
La cause eribrassée par les ex-ministres triompha
dans le Bas-Canada. Les libéraux élirent une ma-
jorité écrasante de leurs partisans. MM. La Fontaine,
Aylwin et A^orin furent élus par acclamation, ce
dernier dans deux comtés ; tandis que MM. Viger,
Neilson et Cavillier perdirent leurs élections. M.
Viger fut battu dans deux comtés ; cette double dé-
faite ne l'enipecha pas de garder son portefeuille.
D'un autre côté, MM. Moffatt et de Bleury, candidats
ministériels, remportèrent à Montréal une faible
majorité sur MM. Drummond etBeaubien. Cette vic-
toire fut duc! à la violence et à l'influence des so-
ciétés secrète^'.
Dans le Haut-Canada, ce fut le cont^-aire : MM.
Hincks et Dunn, membres du ministère La Fontaine-
Baldwin, perdirent leurs élections, et les réformistes
purent à peine élire une dizaine de leurs partisans.
166 METCA.LFE. [1844
Le ministère avait employé tous les moyens d'in-
fluence qu'il avait à sa disposition : le gouverneur
était intervenu lui-même dans la lutte, et avait fait
pencher la balance en faveur du parti conservateur.
On doit remarquer que les Haut Canadiens ont de
tout temps montré de l'inconsistance en politique :
à chaque élection, les partis devenaient tour à tour
en majorité. Jl suffisait qu'un gouverneur montrât
de la sympathie envers la minorité pour que cette
minorité devînt la majorité : c'est ce qui a fait
souvent la faiblesse et l'embarras des gouverne-
ments. Les Bas-Canadiens étaient bef.ucoup ijIus
fidèles à leurs principes ; ils ne se laissaient jamais
influencer (i). En somme, une majorité de quelques
voix fut acquise au ministère dans ces élections.
(') Liste des députés élus aux électious générales de 1844 :
Bas-Canada.
Beauharnais E. Colville.
Bellechasse Hon. A.-N. Moriu.
Bertnier T). -M. Armstronj;,
Bonaventure J. Le Bouthillier.
Chambly Ls. Lacoste.
Champlain Ls. Guillet.
Deux-Montagnes W. -H. Scott.
Dorchester P.-Elz. Taschereau.
Druramond R. -N. Watts.
Gaspé Robert Christie.
Huntington B. -H. Lemoine.
Kamouraska A. Berthelot.
Leinster Jacob De Witt .
L'Islet Et. -P. Taché,
Lotbinière Joseph Laurin.
Mégantic Hon. D. Daiy.
Missisquoi Hon. James Smith.
Montmorency Joseph Cauchon.
Montréal (cité) Hon. G. MoflFat.
Hon. C.-C.-S. DeBleury.
Montréal (comté) André Jobin.
Nicolet A. -P. Méthot.
Outaouais Hon. D.-B. Papineau.
[is^i
18441
METCALFE.
La nouvelle chambre était . ^^^
"ombre de nouveau dén, ,4 '""P^'^e d'un grand
'"«rquait MM. Smith Hob^!' ^T' '«^•ï"^'» on "e
f,l Bleury, Gowan, dutn?";'"'^"-^- "^^^on^l
Chauveau, Cauchon, Drumm " '"«'^"«1 ; et Mm
^=0" d„ parti libéral, ''"""""«"d et A^ -fred Nel-'
Le 30 novembre MM r^j. x,
Portneuf ' ^^"^ ^^
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Québec-Ccoirtéj::: J««? CUbot^^^»-
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?°"^^«e î;«- Bertrand.
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S^erbrookei^jj^j- ^^Jos^r.^'^''-
Sherbrooke (comié) f^' ^^le.
Stanstead... .: '^^ Samuel Brooks
Samt-Maurice V"^' ^àumier
ierrebonne ^^. Besaulnier»
Trois-RivièrPK ^on. L -R t il
Vaudreiïï'""' Ed. Greive ^^^«»**i«e.
X^rchères V;.;; J-P-Untier.
J^amaska f «mes Leslie
■ ^oû Rousseau.
BrockviUe. ' ^^^-^a^aba.
M°yû :;;;;; ^««'ge Sherwood
^a^leton Wm. Stewart
i^ornwaU.... James Jolin«fA«
gssex J.-T. Wiliiaml
ÎVontenac...:: John Prince '
Wengarry «^nry Smith
hS^,:;;:::::;---:.:^
*^' Thompson,
168 METCALFE. [1844
prononcer le discours d'ouverture, Sou Excellence
pria la chambre d'assemblée de choisir son président.
M. le procureur-général Smith proposa Sir AUan
McNab comme candidat ministériel. Le colonel
Prince s'opposa à cette nomination pitrce que Sir
Allan ne parlait pas le français, et proposa le nom de
M. Morin, qui avait l'avantage de connaître égale-
ment bien les deux langues. M. Gauchou et M. Ghau
veau se prononcèrent fortement en faveur de M.
Morin et dirent qu'en justice pour les Canadiens
d'origine française, le président devait parler b lan-
Halton est G. Chalmers.
Halton ouest James W' ebster.
Hamilton Sir A.-N. McNab.
Hastings E. Murney .
Huron Wm. Dunlop.
Kent Hon. S.-B. Harrison.
Kingston John-A. MacDoDald.
Lanark Malcolm Cameren.
Leeds Ogle-R. Gowan.
I Lenox et Addington B. Sey mour.
Lincoln nord W.-H. Merritt.
Lincoln sud James Cummings,
London Lawrence Lawrason.
Middlesex Ed. Ennatinger.
Niagara W.-H. Dickson.
Norfolk L-W. Powell.
Northumberland sud G. -B. Hall.
Northumberland nord A. -H. Meyers,
Oxford K. Riddell.
Prescott N. Stewart.
Prince Edward J.-P. Roblin.
Russell A. Pétrie.
8imcoe W.-B. Robinson.
Stormont D.-A. MacDonelL
Toronto Hon. -H. Sherwood.
Wm.-B. Boulton,
Winworth Hermanus Smith,
York, 1ère Division J.-H. Price.
York, 2me " ....G. Duggan.
York, 3me " Hon. J.-E. Small.
York, 4me " Hon. R. Baldwin.
1844]
METCALFE.
161)
gue des deux populations. C'est pendant ce débat
(in'uu député du Haut-Canada, M. Ermatinger, dé-
clara que, dans le parlement d'une province anglaise,
il n'était pas nécessaire que le président connût la
langue Tranyaisq : il considérait que la chambre
devait être anglaise de fait comme de nom. Le nom
de ce membre mérite de passer à la postérité. Sir
Allan l'emporta de trois voix sur M. Morin.
Sir Allan avait certainement les qualités requises
[)Our remplir la charge de président de la chambre,
si l'on excepte toutefois son ignorance de la langue
française. Il était mi des membres les plus remar-
quables, et avait autrefois occupé avec habileté le
môme poste dans l'ancienne charr.bre du Haut-Cana-
da. Mais il faut avouer qu'on montrait peu de justice
en faveur des Canadiens-Français, en élisant pour
président de la chambre un membre ne parlant pas
leur langue. On ne prenait pas le moyen de les atta-
cher à la constitution, et de se concilier leur esprit.
Le lendemain, le gouverneur vint prononcer le
discours du trône. Il attira l'attention des deux
chambres sur la nécessité d'améliorer l'éducation du
peuple, en amendant l«f lois existantes suivant le
besoin de chaque section de la province ; sur les in-
stitutions municipales, dont plusieurs dispositions
avaient été reconnues mauvaises et impraticables ;
sur la nécessité de renouveler l'acte de milice, qui
était expiré dans le Bas-Canada, et sur l'établissement
d'une loi générale de milice dans toute la province. Il
annonça que la reine avait reçu l'adresse de la
chambre d'assemblée au sujet de la liste civile, et
qu'elle était disposée à recommander au parlement
impérial le rappel de la partie de l'acte d'union qui
' - ' ' 8
170
METCALFE.
[I84i
se rattachait à la liste civile, lorsque la législaturo
du Canada aurait pris les mesures suffisantes pour
pourvoir à une rémunération équitable des officiers
publics. Dans la dernière partie du discours, il s'ex
prima ainsi sur le gouvernemenf responsable et lii
formation du ministère :
« Je continuerai à exercer la charge qui m'a été
donnée par notre souveraine, suivant les principes
reconnus de notre constitution provinciale, et do
manière h rencontrer les vœux et les besoins du
peuple.
«Aussitôt que plusieurs des emplois les plus im
portants de Tadministration sont devenus vacants,
j'ai essayé de les remplir e lommant des Canadiens
qui étaient censés jouir de la confiance du peuple.
Des obstacles extraordinaires ont suscité des retards
dans la réalisation de ce projet, malgré mes efforts
incessants pour atteindre ce but. »
La réponse au discours du trône donna lieu pendant
plusieurs jours à une chaude discussion entre le parti
ministériel et Topposition. M. Baldwin proposa plu-
sieurs amendements, dont l'un exprimait le regret
qu'avait la chambre de ce que Son Excellence avait
été avisée de conduire les affaires de la province
pendant plusieurs mois sans former une nouvelle
administration, conduite, ajouta-t-il, qui était con-
traire aux principes de la constitution.
M. Baldwin démontra qu'il n'y avait en Angleterre
aucun précédent qui pût être cité pour justifier les
actes du gouvernement. La dernière session s'était
terminée sans qu'on eût formé de ministère : la
province avait été neuf mois sans chefs de départe-
mer, ts ; on avait ensuite convoqué la législature à
PII
[184i
islaturc
es pour
officiers
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I.S44I
METCALFK.
"'f/;POf,ue trop éloignée r-n- il > ^^*
-^>«^des ^io votés pourrie nnsn^'''^'^ ^'' ^'
«'ours mesures in poHanU ? ''' ^^"- ' ^^ P'"-
•jnencedoM.Papineau r/ "''" "^^ ^'"^^onsé-
'i-s cJ.efs libérai ;rs?r^^ '^^^^"^^' '^^ ^«traite
•i^'^f^ait montré j;~::;:;;^^
"'ont constitutionnel ''^"^^^«'^'^^ ^1" f,'onverne-
-^1. Papmeau diton'nn l'o. -,
•'voir approuvés loisnii'illT '^'"""1"««. après les
'io" ; mais, en les ,1 ,1 ! ™®''""^ '«'"• "émis-
"'-', il avait, om^rnn" ''"''"'''" '^•"•"-r "'o-
''"division; il n'avait fâw'n. " "° P^^ «causer
P-séos aloz; par ,/^, J^é ZTT '"' "«-"-«^
"'a accusé, continua-tTaïvo p n. '''"'"''■ " ^'«n
'^'Po«, de les avoir J^, IZ, '^^"^6 mes pri„.
"■Hrer au ministère H ° '«'"^^.e» consentant à
prédécesseurs qui aura enf n''"''"' '^""^ 1"e «es
"i^lration sans abjurer ié"rr '"""■ «^^"^ ''admi-
,î"'«ux qui p.ssem avôrd^'']?'^'''''^^'"™"-"
honnêteté, des talents? La ZIL '""''^'""«e, de
■<"> qu'ils assument en me foisan T"""" '^'^ ^' P"^'"
io substituer une question déni '''^•'°'=^'«' ««rait
"0" de principes , ce serait rf^"""'' ^ ""« l^es-
^ent faire le bien du nav ^^ '^"""^ ^«"'^ P^"-
Permis à personne de tra™;^ '''"' ""* " "e sera
promouvoir les intérêts de 'n'' "' "' '°°'"^''«'' à
J'espère que mes commtr ot '' """""""'^ P^"-ie...
h/etirerleurconSette r"'""""' ''"'" "« P-«
[jetions. „ "^^ "^ "" méjuger que par mes
172
METCALFE.
[1 84 '♦
M. Sherwood avoua qu'il avait été un ardent
.'Adversaire du gouvernement responsable, parce qu'il
avait craint (|ue sou application dans la colonie
n'eut un mauvais résultat. Mais puisque ce système»
avait été concédé et mis en pratique, il était de son
devoir comme membre du gouvernement et de la
chambre de l'accepter et de le mettre à exécution, il
défendit Sir Charles Metcalfe, et cita l'exemple du
duc de Wellington, qui, en l'absence de Sir Roboil
Peel, avait retenu plusieurs portefeuilles pendant
q uelques semaines. M. Sherwood ridiculisa l'associa
tionde la réforme que les libéraux avaient organisée
dans le but de soulever le peuple en leur faveur ;
cependant une majorité approuvant le gouvernement
avait été élue par le même peuple, ce qui montrait
que les actes du gouverneur avaient reçu l'approba-
tion des Canadiens.
MM. Aylwin, Cameron (Malcolm), Chauveau, par-
lèrent en faveur de l'amendement de M. Baldwin ;
MM. Gow^an, Colville, etc., appuyèrent l'adresse mi-
nistérielle. L'amendement fut rejeté sur une divi-
sion de 3G contre 42 (i). Comme on le voit, la majo-
rité en faveur du ministère n'était pas très-forte.
Un des premiers actes des députés fut de voter
unanimement, sur motion de M. La Fontaine, une
adresse à la reine, la priant d'accorder une amnistie
( ' ) Pour les amendements : — MM. Armstrong, Aylwin, BaLl-
win, Berthelot, Bertrand, Bouthillier, Cameron, Cauchon, Cha-
bot, Chauveau, Christie, Desaulnier, DeWitt, Drummond, Fran-
chère, Jobin, Lacoste, La Fontaine, Lantier, Laurin, Le Moine,
Leslie, MacDonald (de Glengarry), MacDonald (de Stormont),
Méthot, Morin, Nelson, Powell, Frice, Roblin, Roubaeau, Suiall,
Smith (de Wentworth), Taché, Taschereau, Tliompson — 36.
Contre : — MM. Boulton, Books, Chalmers, ColviÛe, Cummings,
[184'»
irdevil
e qu'il
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Lion. H
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faveiu- ;
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ipproba-
iô45)
kiiîtCÀLfii.
m
générale pour toutes les olïenses politiques com-
mises dans les troubles de 1837-38; cette amnistie
ne fut accordée qu'en 1840. Cependant, dès 1843, la
métropole, à la sollicitation de Sir Charles Metcalfo
et de ses ministres, avait consenti à accorder la li-
berté aux détenus politiques, lorsque la demande
en aurait été faite par leurs parents. C'est ce qui eut
lieu en effet. On fit, dans le même moment, un appel
à la générosité publique ; et des sommes considéra-
bles furent recueillies pour procurer aux exilés l'oc-
casion de revenir dans leur patrie.
En 1845, presque tous ces infortunés eurent le bon-
lieur de revoir, après une absence de six longues an-
nées, le foyer paternel, leurs familles, leurs parents
et leurs amis. Il est difficile de peindre les privations,
les sensations cruelles qu'ils avaient endurées sur la
terre de l'exil. Ils avaient d'abord été traités avec
flnreté et soumis à une serveillance continuelle, à
un travail abrutissant. Plus tard on leur avait laissé
plus de liberté ; on leur avait même permis de s'éta-
blir et de travailler pour leur propre compte. Les
exilés reçurent leur pardon avec une joie inexpri-
mable ; mais le bonheur qu'ils éprouvèrent d'abord
futmtdé de chagrins amers, lorsque la plupart d'en
tre eux virent leurs familles plongées dans la mi-
Daly, DeBleiiry, Dickson, Duggan, Dunlop, Ermatinger, Fosto*,
Gowan, Grieve, Giiillet, Haie, Hall, Jessup, Johnston, Lawa-
son,MacDonald(de Cornwall), MacDonald (de Kingston, ) McCon-
nell, Meyers, MofFatt, Murney, Papineau, Pétrie, Ridcell,
Robinson, Scott, Seymour, Sherwood (de Brockville), Shenrood
(de Toronto), Smith (de Frontenac), Smith (de Missiskoui), Ste-
wart (de Bytowu), Stewart (de Prescott), Watts, W^ster,
Williams, MacDonell (de Dunda») — 42.
Ne votèrent pas : Sir Allan McNab, président ; MM. Harri-
8011, Le Bouthillier, Menitt, Prince, étaient absents.
174
AtETCÀL^Ê.
(1845
sère, leurs propriétés portant encore les traces de
iHncendie et de la dévastation. Les Canadiens sa-
luèrent avec le plus grand plaisir l'arrivée de ces
victimes d'un trop grand patriotisme, que l'on avait
punies avec beaucoup trop de sévérité.
Les procès politiques commencés depuis long
temps contre MM. Papineau, O'Gallaghan et Brown,
avaient aussi été aba/idonnés en 1843. M. La Fon-
taine avait même offert sa démission pour obtenir
cette faveur, que le gouverneur avait d'abord lié-
site à accorder. Des lettres de grâce avaient été en
môme temps accordées à plusieurs chefs de l'insur
rection réfugiés aux Etats-Unis ( ). L'Hon. M.Louis-
Joseph Papineau quitta la France pour le Canada
en 1845. A son arrivée, l'illustre patriote reçut do
l'élite de la société canadienne et anglaise les témoi-
gnages de la plus vive sympathie. Tous les Cana-
diens s'empressèrent d'aller le saluer et de lui sou-
haiter une cordiale bienvenue. M. Papineau était
alors âg5 de cinquante an-; et avait conservé toulo
sa vigueur.
Nous devons en toute justice mentionner que si
les exilés revirent aussi vite leur patrie, le mérite on
ïevenait principalement à Sir Charles Metcalfe, qui
cvait employé toute son influence pour obtenir leur
pirdon. Il avait été activement secondé dans ses dé
mircries par les membres du ministère La Fontaino
Ba'dwin et ceux de l'administration Viger-Drapor.
(^,L93 Docterrs JolmRolph, Charles Dunscomb et W. Nul-
son, MM. Gibson, Moutgomery, Bouchette et îi. Duvernay
étaieit au nombre de ceux qui revinrent au Canada à cette époque.
En 18k», il y avait encore en Australie onze Canadiens . ils
avaiem reçu leur pardon en même temps que les autres, mais ils j
continiftrent d'eux-mêmes à séjourner dans cet endroit.
='«5"iUa reconnaissance dT« '"'"''''^' '"' l"i
clieta soi, vote en f.ln . f ""'"PaWotes et ra
^''^Nab à ]aprés!de,t deIo° ^ ""'""" ''° «r A ,a„
-"•/» gouverner,. 1 1^" t. "P™^°-' -
•■•d <.sse pour rappeler la m? " ^* Majesté une
;;^". proscrivait Ia?a„gÛe?ran'T' f ''"^ -^'^'on
'egislatifs. Celte motion fif"'^ '^''"^ ^es procécif.s
j;-> ot l'adresse Tu ïée ';";'!!,'"''= '^^''"'^'•-'de
fe applaudissements de t, fe T"°" ='«'"'"««
pûtes anglais, en agissim ! . ''''''"""'■e- Les dé-
j '■?"' "" acte de juslce ê , ' '°7*^-'"ent, accompli-
1/ ' 'entre eux, entre autres M M f °''°^"^- ^^'^S^
V rétractèrent ce qu'ils avLÏnf'" "' ^^ O''' D"nlop
'■«gue française et d'cw! f"-«^oi« dit contrat'
'•«wdelavoirsuVie„,C',^.° V^""^ ^'^''^'ent heu
sue française ne fut r^t^h. ^f " '*"' ''^ '«»'■• I-alan
f ' ft 3»-ûlasessio" de 'ÏÏV'r^ !'^' ^'''''"^ «ÏÏ-
J«'a. considérable à rlpl] t H f "'"-^ «PP""» «"
'>'»» qui proscrivait celS, 1'"'" «^"^ ''^«'e «l'u-
sai conseillée lorscruv ! ?"'''• ^""^ «^»i' été bie^
';'J"^'o, qui avatb'Lséda?' ''"■''' ""« «<" "n si
«'■ors la majorité de h ^ ' ^' ''"'^'•'^'s les nlus
^«■■"V' croiio Plu? t TSîff ''''■ O" --
Canad,e„.Français une coni ,i,' ''"" ""^«'"^ J««
'" "« "'avaient certai„e„.en ," '"''' «'^^^^'r",
, Los élections confe^M ^'" '"^"'«e,
'«^semblée penda un ?! ''""'^'''"' '» «Cambre
"»» le M. 4ial fut décuT "«"''''«'■ablo. L^
^^'"■MlMunro, le " ^^^^ <=' ^on adver
m
iim^Li-ji.
[mh
forte majorité (M- Plusieurs pétitions contre Télec-
lion des députés du Bas-Canada furent renvoyées,
parce que les membres ministériels décidèrent que
les pétitionnaires ne s'étaient pas conformés à la loi ;
les libéraux é eut d'un avis contraire.
Au commencement de l'année 1845, les chambres
apprirent que le gouverneur avait été créé pair du
Royaume-Uni, sous le nom de Baron Metcalfe de
FernhiJl, au comté de Berks. Elles lui votèrent, à
cette occasion, une adresse de félicitation.
Au milieu de la session, M. Draper laissa le con-
seil législatif pour venir diriger lui-même les mesu-
res ministérielles dans la chambre d'assemblée. Ses
collègues s'étaient montrés d'une incapacité complète
et d'une grande iguorance du droit constitutionnel.
M. Draper s'était fait élire par la petite ville do
London à la place de M. Lavvrason, qui avait résigné
en sa faveur. Il introduisit alors un projet de loi nour
créer une institution qu'on appellerait «L'Université
du Haut-Canada». L'église anglicane possédait depuis
1828 un établissement nommé Kings Collège ou Uni-
versité de Toronto, qui avait été largement doté par
l'Angleterre à môme les terres du Canada. Depuis
quelques années, les autres sectes protestantes ré-
clamaient leur part du revenu de ces terres, préten-
dant que la métropole en avait fait l'octroi pour
l'éducation de tous les sujets appartenant à n'im-
porte quelle dénomination religieuse. Les membres
( ' ) L'Hon. M. Morin, ayant été élu dans deux comtés, coliii
du Saguenay et celui de Bellechasse, choisit ce dernier conitô.
L'Hon. P. de Sales Laterrière fut élu au Saguenay. Pendant la
session, l'Hon. S. -B. Harrison accepta une charge de juge de dis-
trict, H. C ; il fut remplacé par M. Wood dans Te comté de Kent,
wmam
élec-
yées,
t quo
a loi ;
mbres
air du
Ife de
L'ent, à
le cou-
. mesu-
ée. Ses
)inplèU;
tionnel.
ville di;
résigné
Loi Tiour
i 'ersité
depuis
u Uni-
oté par
Depuis
11 tes ré-
pré ten-
i pour
n'im-
embres
Ités, celui
ar coittto.
jndant la
re de di3-
Tde Kent.
18451
METCALFE.
177
de l'église anglicane avaient joui exclusivement
jusqu'à cette époque» du revenu de ces terres, et pré-
tendaient do leur côté qu(î la dotation u'avait été
faite qu'en leur faveur. Pour régler la difficulté, le
ministère piv^posa de mettre toutes les sectes protes-
tantes sur un pied d'égalité, et de leur donner une
partdansladistribution dos terres faite au collège royal.
Pour cela, il voulut reconstituer le collège royal en
une université qui porterait le nom d'Université du
Haut Canada ; mais ce même collège ne cessait pas
d'exister, il devenait un collège affilié à l'Université,
;iinsi que le Collège de la Reine de Kingston et celui
(le Victoria.
Cette mesure, qui était à peu près la même que
celle que M. Baldwin avait introduite à la session
précédente, rencontra une vive opposition dans le
Haut-Canada. Elle était considérée conmie injuste
par beaucoup de personnes. Le ministère allait être
battu sur cette question sans la défection de sept ou
huit réformistes. M. Draper ne crut pas devoir aller
plus loin que d'en faire voter la seconde lecture : il
s'aperçut qu'elle n'était pas populaire, et qu'elle
mettait le ministère en danger. Déjà M. Robinson
avait donné sa démission, et le solliciteiur-général
Sherwood menaçait d'en faire autant, si la mesure
passait dans toutes ses phases.
Une somme de ^500,800 fut votée pour continuer
les travaux publics déjà commencés, améliorer la
navigation intérieure, et surtout encourager la colo-
nisation par des chemins. La chambre approuva un
montant assez considérable que le gouvernement
avait avancé les années précédentes, pour la conti-
nuation de certains ouvrages. De toutes ces sommes,
178
METCALFE.
[1845
Ifl Haut-Canada eut, comme en 1841, la plus grande
part. Les députés du Bas-Canada trouvèrent injuste
cette conduite : car le gouvernement devait favo-
riser également toutes les parties du pays. M. Taché,
dans un discours remarquable, prouva par des faits
et des chiffres que le Bas-Canada avait été sacrifié
depuis l'Union aux intérêts du Haut-Canada, et n'a-
vait pas reçu sa part des deniers publics ; que les
districts de Québec et de Gaspô avaient été surtout
privés de toute amélioration, bien qu'ils contri-
buassent autant que toute autre partie de la pro
vince à la prospérité du pays. M. Taché prenait
rarement la parole ; mais chaque fois qu'il le faisait,
il ne manquait jamais de faire sensation par une vé-
ritable éloquence et par un langage raisonné. M.
Dewitt fit aussi, à la môme occasion, un discours
magnifique, défendant les intérêts du Bas-Canada.
On alloua, de plus, une somme de £40,000 au Haut
Canada, pour l'indemniser des pertes qu'il avait souf-
fertes pendant les troubles civils, Des débenturcs
devaient être émises pour ce montant, et les deniers
provenant des licences dans cette province étaient
destinés à payer ces débentures. Le revenu des li-
cences dans le Bas-Canada devait être aussi appli-
qué à des lins locales ; mais ce revenu était de beau-
coup moindre dans cette partie de la province que
dans le Haut-Canada. M. La Fontaine, au nom do
l'opposition, se prononça contre cette mesure, parce
que le gouvernement refusa d'accorder le même
avantage au Bas-Canada. On allégua sans raison
que le Haut-Canada avait passé avant l'Union une
loi pour indemniser ceux qui avaient souffert dan s les
troubles, parce que cette province était alors dans nu
1845
aride
juste
favo-
aché,
; faits
.criflé
;t n'a-
ie les
jrtoiii
iontri-
a pro
n'cnait
faisait,
me ve-
iné. M.
iscours
lada.
1845]
METCALFE.
170
embarras financier, et que l'acte d'union n'avait pas
pourvu à cette dette. M. Papineau répondit que le
gouvernement n'était pas prék à indemniser le Bas-
Canada, parce que le montant de ses jjertes n'était
pas connu ; mais il s'engagea à le faire à la prochaine
session, et à nommer une commission pour consta-
ter les dommages qu'avait éprouvés cette province.
La mesUiB fut passée à une majorité de treize voix
(43 contre 30).
La législature passa deux actes pour encourager
ragricullure dans les deux sections de la province,
par le moyen d'associations agricoles qui seraient
établies dans les comtés etdans les districts. Le gouver-
nement s'engageait à tripler les sommes souscrites
par les sociétés, et cet argent devait être employé en
prix décernés dans deux exhibitions annuelles, ainsi
qu'à l'importation d'animaux et de grains d'une
espèce améliorée.
Une compagnie fut incorporée sous le nom de
Compagnie de chemin à lisses du Saint-Laurent et de
l'Atlantique ; elle s'obligeait à construire un chemin
de fer de Montréal à Portland. C'est de cette année
que datent les- premières démarches faites pour la
construction des chemins de fer en cette province.
Dans le Haut-Canada, on projeta en même temps
plusieurs voies ferrées devant relier les principales
villes.
Un acte fut passé pour faciliter la commutation vo-
lontaire de la tenure des terres, dans les seigneuries.
Par cette loi, les propriétaires pouvaient s'entendre
avec les seigneurs pour libérer leurs terres de toutes
charges seigneuriales. Une autre loi pourvoyait à
1
l!
W '
180 METCALFE. [1845
une exploration géologique de la province On rendit
aussi aux membres du clergé le droit de voter
aux élections, chose très-juste, à laquelle la loi di;
1843 n'avait pas songé. Les lois concernant les cours
de districts dans le Haut-Canada furent amendées et
consolidées.
Les deux in-incipales lois de la session étaient celles
qui concernaient les municipalités et les écoles
du Bas-Canada. En principe, ces deux actes étaient
les mêmes que ceux qu'avait introduits M. Morin à la
session précédente. Le mérite de la présentation
restait toujours à l'administration actuelle, et M
Papineau, qui les prépara, montra un véritable désir
de prendre les intérêts de ses concitoyens. Ces actes
n'étaieni'.pas sans défauts, et la rédaction en était sur-
tout défectueuse ; mais ils jetaient les bases d'un
système préférable à l'ancien.
L'acte des municipalités rappelait l'ordonnancu
passée par le conseil spécial, et pourvoyait à ce que
chaque paroisse ou canton (township) form;U uiu^
corporation municipale représentée par un conseil
de sept membres élus par le peuple. Chaque conseil
devait élire un président appelé mairc^ et avait à peu
près les mêmes pouvoirs que les conseils de dis-
tricts créés par Lord Sydenhani. Cette organisation
par paroisse convenait mieux au peuple canadien,
qui était habitué à régler en famille ses affaires
locales. Enfin, l'acte contenait les changements que
l'on avait demandés si énergiquementà l'ancien no
ordonnance. Si cette dernière loi n'avait pas bien
fonctionné, si elle avait excité tant de mécontente-
ment, c'est qu'elle avriu été imposée par im corps
législatif non élu par le peuple, à la veille de la convo
1845]
METCAUE.
calion du paiement SOUS rrjni^n ■ ^^'
plusieurs clauses injustes eir.T ' '^"""^ '""'^'^^H
a"e l'administratiorde S s"v?'f "^'■''"''''W««.
•'";e à amende,, comme le vouSuf "" ''''''' '''
'"e des députés du Bas-Canada "' " '''"''' "«J-
- -rcSr„V/:L- --oipal a at. pour
.] procuré la gestion do TeTT"""" '*■'«''• ^"«'"i
'"»"« les moyens de fair danf "^ '"''''''' ^"' »
P "S grandes amélioration 'et de d^'^ ''"''""« '^^
'«! -gence par la discussio , des affv' T '"^ '"" "'-
seil. '"" aes affaires dans le con-
L'acle des écoles étiit a i
'ance. Il devait hâter 'eJL P'"^ grande inipor-
mentaire : car le prircip^rS' '"'"^''•"«"O"'^-
<"abl,ssait, était le moven f» f ^"'^"''""'•"l"'"
'■«:• l'éducation au S" ^ r "'"'=' '" I»-'^"'
^■"entcependantle droit dese cm- "^''"' '='">«er. .
I-^wvuque le montan a-ÏÏ r^,r''''°"'''"'^'"«"',
»cçordô par le gouvernem „ 7t" .'^?"^' ''°<="-<'i
volontairement, la loi exilai ■.,',•"?'''"'«"' P«s
^",'vant la valeur des pîÔprîé i r -'"? «'"'^''^'e
v«'ont maintenant indéoendllt f "=°''^' ^° "-O"-
"'<^!P«les ; les commissaires élu, n.'"'°""^ "'"■
:--^antdel.éducati;„%t:re^„^a:etle
Quelques progrès s*«5fn:«„.
-- l'opératfon V la lïde' «n'"^' "^°^«"''
, ^«^oles lui s'étaient mises ,r„!i ^^ "«mbre des
' «'■•es et qui avaieméu naw IV"""'^''' ''«^ '^«"niis.
»ent, n'avait été g^ de L. °'"■fo'"^''"^«™e■
7■7nte,ilye„avait m^Si/eUnl, ?'' '■ ''^""^«
^'^'-^^a.a„teretombait'tt"lï:S-;S
Dir
182
METCALFE.
[1843
V f %
I
paux, qui avaient refusé de seconder les vues du
gouvernement. Nous devons mentionner en justice
que le surintendant du Bas-Canada, M. le Dr. Meil
leur, montra le plus grand zèle dans l'accomplisse
ment de sa charge et fit tout en son pouvoir pour
faire progresser l'éducation. Il l'ut grandement se-
condé par les membres du clergé, qui, ayant et»'»
nommés presque partout commissaires, avaient pris
une part active à l'établissement de nouvellr's
écoles.
La législature fui prorogée le 29 mars, après quatre
mois de session. Cent sept lois reçurent la sanc-
tion du gouverneur; la plupart d'entre elles cou
cernaient le Haut-Canada, et étaient d'une nature pri-
vée. Quelques-unes des mesures adoptées par les
chambres, telles que les actes des écoles et des muni-
cipalités du Bas-Canada, des cours de districts du
Haut-Canada, l'adresse à la reine concernant le réta-
blissement de la langue française, étaient très-impor-
tantes et faisaient le plus grand honneur au gouv(n'
nement. Il faut dire, à l'avantage de l'opposition,
qu'elle seconda le ministère pour faire adopter ces
mesures. Le gouvernement négligea cependant iL'
s'occuper de plusieurs sujets importants mentionnés
dans le discours du trône : les lois de milice, de jury,
ainsi que la liste civile, furent laissées de côté. Ou
continua l'ancienne loi de milice du Bas-Canada, qui
venait d'expirer. Une nouvelle nomination d'ofTiciers
fut faite en 1845; mais elle fut d'une manière peu
libérale. Leshabitants canadiens-français des villes et
des campagnes ne reçurent presque partout que des
grades inférieurs. La nomination des juges de paix,
[1840
nés fin
justice
r. Meil-
Liplisso
ir pour
ent se
ant été
ent pii>
îS quai II"
la sano
lies con
iturc pii-
par It's
les muni-
tri cts du
t le réla-
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gouvor
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opter CCS
ndant ([■'
ntionuw
, de jury,
côté. Ou
ada, qui
'officiers
ière pcn
s villes et
t que des
de p:^i^i
1845]
METCALFE.
183
qui eut lieu vers le môme temps, ne rendit pas plus
de justice à la population française. Cette conduite
aggrava encore le mécontentem£nt des libéraux
contre le ministère.
Le parti libéral du Bas-Canada avaiteu à se plaindre
de plusieurs injustices commises à son égard par le
gouvernement pendant la session. La somme de
£40,000 votée au Haut-Canada pour l'indemniser des
pertes souffertes pendant la rébellion, avait été
accordée contre sa volonté. On lui avait encore refusé
d'amender la loi concernant les élections, afin d'évi-
ter les scènes de désordres commises dans les élec-
tions générales de 1844 ; de fortes sommes d'argent
avaient été votées pour des améliorations dans la
province supérieure, au détriment du Bas-Canada,
tandis qu'on avait refusé d'accorder les mêmes avan-
tages à cette dernière province. Les ministres du Haut-
Canada, forts de leur influence, en profitèrent pour
passer des lois favorables à leurs constituants. MM.
Papineau, Smith et Daly les laissèrent tenir une
conduite injuste envers ia population qu'ils repré-
sentaient. Ces hommes politiques n'avaient été ap-
prouvés que par quelques députés anglais et deux
Canadiens-Français. Au lieu de remettre leurs
portefeuilles à d'autres plus populaires, ils se cram-
ponnèrent au pouvoir, et administrèrent les affaires
avec une majorité des représentants du Haut-Canada.
Au mois d'août 1845, M. Caley devint inspecteur-
général des comptes publics, et M. Joseph-André
[Taschereau, juge de la cour de circuit, fut nommé
solliciteur-général du Bas-Canada, sans siège dans le
ministère. M. Caley était un citoyen respectable,
mais peu connu ; quant à M, Taschereau, il était un
'i*âi
184 METOALFE. [184.")
hornmo de grands talents. Sa conduite ne fut pas,
cependant, approuvée par ses concitoyens dans ccttt!
circonstance. Etifm, M. Viger obtint un siège dans
la chambre d'assemblée, en se faisant élire par l;i
ville des Trois-Rivières.
Si les libéraux du Bas-Canada ovaient eu à se
plaindre de la conduite du ministère à leur égard,
ils n'étaient pas moins mécontents de plusieurs ré-
formistes du Haut Canada (MM. Merrilt, Roblin, ct('.\
leurs alliés naturels, qui avaient voté en plusieurs
circonstances avec le parti ministériel. MM. Baldwin
et Price étaient presque les seuls qui leur fussent
restés fidèles. La défection de ces réformistes devait
naturellement aliéner la confiance des libéraux en-
vers eux, délier ceux-ci de leurs obligations ot
les mettre dans la nécessité de les abandonne!'
s'ils trouvaient ailleurs plus d'avantages. Voyant
combien il fallait peu compter sur le parti ré-
formiste, la presse du Bas-Canada commença à
discuter une question très-importante, savoir : s'il
ne serait pas possible de convenir d'un arrange-
ment au moyen duquel chacune des majorités du
Haut et du Bas-Canada pourrait gouverner sa pro
vince respective, l'administration des affaires de-
vant être laissée aux ministres de chaque section de
la province. Ce moyen était constitutionnel, et pou-
vait être mis en pratique comme essai. Dès lors les
députés du Bas-Canada pouvaient sans crainte s'allier
au parti conservateur, dont les chefs avaient considé-
rablement modifié leur ancienne politique : car, à la
dernière session, ils avaient mis en pratique les prin-
cipes du gouvernement constitutionnel. On devait,
aussi conclure que le gouverneur, d après ses derniè-
[1845
ut pas,
lis celtt'
>o dans
3 par la
3U à se
r égard,
eurs y(i-
lin,ctc.S
ilusieius
Baldwin
• fussent
os devait
îraux cn-
i lions ot
indonnor
Voyant
parti ré-
:nença ;i
oir : s'il
arrangc-
iorités du
îr sa pi'O-
lires dc-
lection de
II, et pon-
Is lors Ic^
Ite s'allier
It considtv
]: car, à la
les prin-
)n devait.
3S derniè-
IS48]
Àtli'faL^iJ.
iS8
res déclarations, avait abandonné on quehiuo sorte la
l)Osition qu'il avait d'abord prise do diminuer la
responsabilité do ses ministres, en ne les consultant
pas sur toutes les affaires de la province. Mais, pour
opérer un rapprochement entre les libéraux et les
conservateurs, il fallait des changements complets
dans le ministère en ce qui concernait le Bas-
Canada. H n'était pas possible à MM. La Fontaine et
Morin de supporter l'administration tant que MM.
Daly, Papineau, etc., en feraient partie. Ils n'avaient
pas d'objection, cependant, à ce que les ministres du
Haut-Canada conservassent leurs portefeuilles, vu
que ceux-ci étaient approuvés par la majorité de leurs
concitoyens.
Lord Metcalfe comprit donc que, s'il pouvait faire
consentir quelques membres inlluents du parti libé-
ral à entrer dans le ministère, il formerait une admi-
nistration forte, puisoante, et qu'il ferait cesser la
lutte et l'agitation politique entre deux partis à peu
près d'égale force. Ce fut alors que M. Draper s'adressa
ù M. Garon. Une correspondance s'échangea entre eux
pour obtenir le rapprochement désiré. Mais le départ
(lo Lord Metcalfe mit fin aux négociations.
Avant de donner unn appréciation de la politique
(le Lord >fetcalfe, nous raconterons les quelques
autres événements arrivés sous son administration.
C'est en 1844 qu'eut lieu l'érection de la pro-
vince ecclésiastique de Québec. Le diocèse de Qué-
bec, érigé en 1674, comprenait ^oute la partie
(le l'Amérique Septentrionale située au nord des
Etats-Unis. Il renfermait ces limites, si l'on excepte
Terreneuve, qui en fut détachée en 179G, lorsque
Mgr. Plessis prit la direction du diocèse en 1806. Cet
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180 utUGkirÉi [1845
illustre prélat cônlprit quHl liii était iiiipossible d'ad*
lîlinistrer avec soin les affaires religieuses d'un
diocède qui s'étendait depuis le lac Supérieur jus
qu'au golfe Saint-Laurent, et qui renfermait une
population de plus de 200,000 catholiques. Il le divisa
en plusieurs parties, et fit nommer des évoques suf-
fragants. Mgr. MacDonell devint, en 1820, administra-
teur du diocèse de Kingston, qui comprit d'abord
tout le Haut-Canada. Mgr. Lartigue eut l'année
suivante la direction du diocèse de Montréal, et Mgr.
Provencher, celle r'.u Territoire du Nord-Ouest, en
1822. Déjà, dès 1817, la Nouvelle-Ecosse avait été
érigée en vicariat apostolique. Les évoques suffra-
gants devinrent dans la suite titulaires. L'évêché
de Toronto fut aussi érigé en diocèse l'année 1842,
et Mgr. Power en devint le premier évoque titu
laire.
On désirait depuis longtemps former en Canada
une province ecclésiastique, dont Québec serait la
métropole ; mais ce projet avait rencontré des obsta-
cles insurmontables. En 1819, le Saint-Siège avait
déjà
érigé
le Canada en archevêché ; mais Mgr.
Piessis s'était abstenu de prendre le titre d'arche-
vêque, parce qu'il avait, croyons-nous, rencontré de
l'opposition de la part de l'Angleterre. Les obstacles
furent enfin vaincus, et, le 12 juillet 1844, une bulle
du Souverain-Pontife réunit les quatre diocèses du
Canada, ceux de Québec, de Montréal, de Kingston
et de Toronto, en province ecclésiastique, sous le titre
do province métropolitaine de Québec. La même
bulle conférait le titre d'archevêque à Mgr. Josepli
Signai, qui occupait le siégo de cette dernière ville.
Le palUum lui fut remis solennellement dans la
m
1845]
ilBfCALfï.
<8Î
Cathédrale par Mgl*. de Montréal, le 24 novembre de
la môme année. Tous les catholiques virent avec joie
cet événement, qui fait époque dans les annales reli-
gieuses de la province.
Le recensement fait en 1844 dans le Bas-Canada
porta la population au chiffre de 698,782 âmes : celui
de 1851 indiquait 511,919, ce qui donnait en treize
ans une augmentation de 18o,863. Il fut reconnu que
le recensement de 1844 était bien au-dessous de la
réalité, les Canadiens s'étant refusés de répondre
exactement aux commissaires. En 1842, on avait
aussi fait dans le Haut-Canada un recensement, qui
avait donné à cette partie de la province une popula-
tion de 486,055 âmes.
Au nombre des Canadiens remarquables décédés
en 1843 étaient le Révd. M. N. Dufresne, curé de
Saint-Gervais ; l'Hon. M. R.-J. Kimber, conseiller
législatif, et l'adjudant-général Vassal de Monviel, un
des rejetons de la vieille noblesse française ; en
1844, FHon. W.-W. Baldwin, conseiller législatif,
l'Hon. Huges Henry, l'Hon. R. McKensie, tous deux
anciens conseillers législatifs avant l'Union; le Rév.
M. J.-Z. Caron, vicaire-général, et le Rév. M. J.-O.
Leprohon, curé de Nicolet ; en 1845, M. P. E. Tasche-
reau, député de Dorchester, et l'Hon. M. Cartwright,
de Kingston.
Au mois de juin 1845, mourut subitement à Mont-
réal Sir Richard Jackson, commandant en chef des
troupes anglaise dans l'Amérique du Nord. Le géné-
ral Jackson était âgé de 67 ans ; il en avait passé
cinquante dans l'armée, et s'était distingué dans
plusieurs occasions. H avait administré la province
I
! ■
l8â
ÀtÈÏGÀiif'i
[im
depuis la mort de Lord Syr^enliam jusqu'à l'arrivée
de Sir Charles Bagot.
Une grande catastrophe affligea, en 1845, les ci-
toyens de Québec. Dans la nuit du 28 mai, un tiers do
cette ville fut consumé par les flammes. Ij'incendi(3
se déclara dans la rue Saint-Valier, et se répandit
avec rapidité dans le populeux faubourg Saint-RocJi,
qu'il réduisit presque entièrement en cendres ; il
continua ensuite sa course dévastatrice dans le quar-
tier du Palais, qui se relevait à peine de ses ruines,
et s'arrêta dans la rue Saint-Paul, vis-à-vis la porte
Hope^ après avoir détruit plusieurs quais et chantiers
de construction ; il atteignit aussi le faubourg Saint-
Jean, où une soixantaine de maisons furent brûlées.
Le feu se communiqua avec une telle rapidité qu'il
fut impossible de sauver les effets, et que les citoyens
s'échappèrent à peine des flammes ; plusieurs mal-
heureux môme y perdirent la vie.
Les Québecquois commençaient à peine à oublier
les horreurs de la conflagration du 28 mai, lors-
qu'une semblable et môme plus grande calamité vint
fondre sur eux le 28 juin suivant. Cette fois-ci l'in-
cendie dévastait la partie du faubourg Saint-Jean
qu'avait épargnée le premier feu, et presque tout le
faubourg Saint-Louis. Québec se vit alors réduit à la
Haute-Ville, en dedans des murs, et à la Basse-Ville.
depuis l'endroit situé vis-à-vis la porte Hoxje jusqu'au
Cap-Blanc, c'est-à-dire, que les deux-tiers de cette
ville infortunée avaient disparu sons l'élément des-
tracteur. Jamais aucune cité du Canada n'avait
éprouvé un si grand malheur. Les quartiers brûlés
dans cns deux incendies contenaient une population
de vingt mille âmes, presque tous Canadiens-Fran
ltô4a
1845)
METCALFE.
189
l'arrivée
), les ci-
1 tiers de
'incendie
répandit
inl-B-Och,
ndres ; il
s le quav-
es raines,
Ls la porte
chantiers
urg Saint-
it brûlées.
)idité qu il
3S citoyens
,ieurs mal-
çais ;
plusieurs étaient riches, et la plupart proprié-
taires des maisons qu'ils habitaient, — la population
lotaie de la ville était de 35,000 âmes. — Les cito-
yens de Québec se hâtèrent de venir au secours de
tant d'infortunes : des sommes considérables furent
souscrites par les institutions religieuses et commer-
ciales : les marchands des deux origines, surtout les
marchands anglais, donnèrent des sommes énor-
mes avec un empressement et une libéralité tout à
l'ait louables. La législature du Canada vota aussi une
somme de sept mille louis, et le parlement impérial,
une autre de vingtmille. Dans toutes les localités du
Canada et dans les principales villes de l'Angleterre,
on fit des collectes considérables. Avec des secours
aussi généreux et une somme de cent mille louis que
le gouvernement canadien émit plus tard en dében-
tures pour être prêtée aux incendiés, Québec put se
relever assez yite de ses ruines (i).
Plusieurs grandes institutions furent fondées pen-
dant l'administration de Lord Metcalfe : le séminaire
anglican de Lennoxville, établi en 1843 par le lord
évoque Mountain, le Iligh School de Québec, par le
Rôv. Dr. Cook. Cette dernière institution fut incor-
porée en 1845 en même temps que le High School de
Montréal, qui avait été établi auparavant. En 1843, le
Collège McGill fut érigé en Université. Les collèges
(') Le 20 juin 1843, le joli village de boucherville était aussi
devenu la proie des flammes. Cet incendie avait consumé l'église,
deux écoles et environ cent cinquante autres bâtisses. L'établis-
sement de ce village datait de 1667.
Des troubles sérieux s'élevèrent, en 1843, entre les entrepreneurs
du Canal de Beauhamais et les ouvriers. Ceux-ci se portè-
rent aux derniers excès, et une vingtaine de personnes mrent
tuées dans les rixes qui eurent lieu. Il n'y eut que la présence
des troupes qui pût rétablir la paix.
190
METCALFE.
(184:
de médecine de Québec et de Montréal furent aussi
incorporés en 1845.
Le goût littéraire commença vers cette époque ;i
se réveiller un peu parmi la jeunesse d'origine fran-
çaise. A Québec furent fondées, en 1843, la Société de
Discussion et la Société Canadienne et Scientifique ;
l'année suivante, la jeunesse de Montréal jetait les
hsises de Vfnsti tut Canadien. Ces institutions portaient
les jeunes gens à s'instruire et à développer leur in-
telligence par la discussion et par le travail. Des
lectures publiques furent dans le même temps don
nées par MM. Morin, Ghauvean, Bertlielot, Pain
chaud. Bardy, etc.
Quelques bons ouvrages avaient été livrés au pu
blic pendant les dernières années : «Les Notions élé-
mentaires de physique,)) par M. Gauchon, «Les lois
criminelles anglaises, » par M. Jacques Grémazic,
«L'histoire du Ganada sous la domination anglaise,»
par M. M. Bibaud, et le premier volume de « L'histoire
du Ganada, » par M. Garneau. M. Ghauvean avait
commencé en 1842, dans le Courrier des Etats-Unis^
une série de belles correspondances sur la politianc
du Ganada. L'ouvrage de M. Garneau fait surtout
époque : c'est un monument national qui a fait do
cet écrivain une des gloires du Ganada. Ecrite avec
talent, avec des vues larges, avec patriotisme, Diis-
toire de M. Garneau a été reconnue supérieure à tous
les ouvrages du môme genre qui ont été écrits jus-
qu'à ce jour en Ganada.
Lord Metcalfe l£tisa subitement le Ganada le 2G
novembre 1845. Une déplorable maladie affaiblissait
depuis longtemps sa santé^ et le contraignit enfin à
H
18451
METCALFE.
191
demander à la métropole son rappel. Vn grand nom-
bre de citoyens raccompagnèrent à son départ, et
donnèrent ta rilliistre malade des marques de respect
et de sympathie. Les dernières paroles qu'il prononça
on laissant le pays furent une supplique au ciel,
pour qu'il répandît ses bénédictions sur ceux qu'il
avait gouvernés. Il avait l'espoir de rétablir sa santé
en changeant de climat ; mais, en arrivant en Angle-
terre, son mal prit un caractère plus dangereux, et
il expira au milieu des plus grandes souffrances, le
5 septembre 1 846.
Né en 1785, Sir Charles Metcalfe entra, à l'âge de
quinze ans, au service de la compagnie des Indes
Orientales. Il avait occupé, pendant les trente-sept
années qu'il passa aux Indes, plusieurs situations
élevées, entre autres celle de gouverneur d'Agra et
de gouverneur-général des Indes après l^ord W.
Bentinck. De 1839 à 1842, il avait rempli, dans un
moment très-critique, la charge de gouverneur de
la Jamaïque. Il avait eu là à envisager une guerre
de race causée par la mauvaise administration des
derniers gouverneurs. Il était parvenu à rétablir la
paix et la confiance parmi la population. Ses biogra-
phes s'accordent à dire que sa carrière politique aux
Indes et à la Jamaïque fut marquée de succès non
interrompus.
Sir Metcalfe fut appelé à succéder à Sir Charles
Bagot dans b gouvernement du Canada. Il prit les
rênes de l'administration de cette province le 30
mars 1843, et les conserva jusqu'au 26 novembre
1845. Cette administration constitue, sans contredit,
une époque remarquable dans notre histoire, par
plusieurs mesures importantes qu'elle vit passer.
V,ili
192
METCALFE.
[184:
C'est sous elle qu'eut lieu le chxangement du siég{>
du gouvernement de Kingst^^n à Montréal, que la
législature demanda l'abrogation de la liste civile,
que furent votées les lois do judicature du Bas-Cn
nada, de l'indépendance de l'assemblée législative
et des juges et celle des écoles du Haut-Canada. Ces
questions furent résolues pendant que MM. La Fou
taine et Baldwin étaient au pouvoir.
C'est encore pendant la môme administration,
Rous le ministère Viger-Draper, que les lois des
écoles et des municipalités du Bas-Canada et des
cours de districts du Haut-Canada virent le jour, que
le rétablissement de la langue française fut deman-
dé à la métropole, et que les exilés politiques eurent
le bonheur de fouler le sol do la patrie, faveur due
principalement aux sollicitations de Lord Metcalfo :
car toutes les démarches faites avant lui pour obte-
nir le retour des exilés étaient demeurées infruc-
tueuses. Tel est le résumé des actes qui forment lo
beau côté de cette administration.
A son arrivée. Lord Metcalfe avait trouvé la pro
vince paisible, un ministère fort, populaire et jouis-
sant de la confiance des deux sections du Canada.
C'était l'heureux résultat de la conduite deSirCharlos
Bagot, qui s'était entièrement conformé aux prin-
cipes du gouvernement constitutionnel. Lord Met-
calfe avait été accoutumé ailleurs à pratiquer un
plus grand pouvoir, et il s'occupa peu de consulter
sur toutes les questions les ministres du Canada. De
là sa détermination à vouloir nommer seul les em-
ployés publics : l'appui qu'il reçut do plusieurs
membres ennemis du ministère le rassura dans sa
prétention. Cette conduite amena naturellement lai
•'I
(1845
iu siégi'
, que la
c civile,
Bus-Cil
gislalivi!
ada. Ces
.La Fou
istvalioii,
lois (les
la et des
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Lit deman-
jes eurent
aveur due
, MetcaUe :
pour obte-
^es iufrue-
fortnent le
lYÔ lapvo
re et jouis-
hi Canada.
iSirCharlcs
aux prin-
Lord Mcl-
•atiquer un
e consuUev
jcaiiada. De
iul les em-
plusieurs
Lira dans sa
îUement la'
1845J
MKTCALFE.
103
résignation du ministère LaFontaine-Baldwin. Lord
Mclcalfe ne put réussir à former un autre conseil,
parce qu'il ne trouva pas dans l'opposition des
hommes assez populaires. Que fit-il alors ? Au lieu
(le se conformer aux coutumes coustituLionnelles,
c'est-à-dire, de dissoudre les chambres pour en
appeler au peuple sur le différend qui existait
entre lui et ses ministres, ou bien de rappeler
auprès de lui ses anciens conseillers, il gouverna le
pays pendant neuf mois sans ministère responsable,
sans chefs de départements; il viola, pendant neuf
mois, les principes du gouvernement constitutionnel
tels qu'établis par les résolutions de 1841. Il se fit
lui-même chef politique, descendit dans l'arène
l)0ur défendre sa conduite et gagner des partisans.
Il parvint à la fin à former nn conseil de six minis-
tres, dont plusieurs étaient des hommes nouveaux
dans la politique et impopulaires, puis il se décida
à dissoudre les chambres. Le résultat des élec-
tions générales donna cinq ou six voix de majo-
rité au ministère, et ce faible résultat fut obtenu
grâce à l'intervention du gouverneur. En prenant
une part aussi active dans la lutte politique, Lord
Metcalfe déviait de la coutume constitutionnelle que
devait observer le représentant de la couronne. Ce
n'est pas le fait d'un gouverneur de favoriser plus
un parti qu'un autre ; il doit se tenir à l'écart de
toutes les luttes et appeler au pouvoir les hommes
qui possèdent la confiance de la majorité du peuple.
Si Lord Metcalfe eût tenu cette conduite, on n'aurait
pas eu le triste spectaclo d'une lutte de deux
années entre des partis de forces à peu près égales ; on
m
194
METCALFE.
fl8i.1
n'aiirait pas vu lo i>ays il-ius uikî agitation conti-
nuelle, et nnc section do la province gon>erner
l'autre par sa majorité, et se servir de cette majorité
pour lui imposer u'.ie politique injuste. Aussi à son
départ laissa-t-il lo Canada, (ju'il avait trouvé pai
sible et heureux à son arrivée, dans une triste posi
tien ; il lui légua un ministère sans force, sans
inîlnencc, obligé de se maintenir par des change-
ments continuels. Lord Metcalfe s'était donc ironiix*.
Il ne comprit pas le gouvernement constitutionnel
ou, s'il le comprit, il ne le mit pas en pratique
Aujourd'hui, un gouverneur ([ui essaierait d'admi
nistrer le pays d'une semblable manière, ne réussi-
rait certainement pas.
Malgré les erreurs que nous v(nions de signaler,
Lord Metcalfe avait de belles qualités ; il montra
surtout un excellent cœur; il en fit preuve par sa
conduite envers les exilés politiques et par nue géné-
rosité digne de tout éloge qu'il exerça abondamment
envers les catholiques comme envers les protestants.
Contrairement à Lord Sydenham, il prit soin de ik»
blesser les sentiments d'aucune partie de la popula-
tion : les Canadiens-Français eurent leur part dans
la distribution du pouvoir. Seulement, ceux qu'il
choisit n'étaient pas les plus populaires ; il essaya
plusieurs fois, ccpeiulant, de nommer pour ses con-
seillers ceux qui possédaient une certaine influence.
3»a.*;
•' - 'mm
on coiili-
;oii >crn«M-
( majorité
iissi à sou
ouvé pai
risto posi
u'co, sans
s cliangt -
ic trompe.
iUilioniicl
pratiqii''.
it cVadiiii
ne réussi-
3 signaler,
il montra
Ave par sa
'iine géné-
ndanimcnl
)rotestanls.
soin de no
la popnla-
[• part dans
cenx qu'il
; il essaya
mr ses con-
3 inflncnce.
CHAPlTjfK IV
■"""'■'■""'™'""='-""av,„c«,.n
1855-1847
'SKlérations
Lord Oath-
forecs militaires du r-,,,, ' "-'^^iiandant des
f ■■■ A^t „o„„„1 pi? "'^''f ^^«ï" •' <=« qu'un succc
te '-dations entrrrÂnlL? " ^'«'«' '-"«^ant
«"déparia question du tir f '^ ^'=«^-Unis,
^^ "0 gouvernement imp ., 'Tf '' ''^''-^gon, déci:
"0" du Canada entre losZ'ul v ''"" ''«d-ninislra-
»;o''nion de cette d S ' De7 ? r""'" J"^^J"''i
f" nommé Souverneur-'énéra? 1 .^^°'''' ^''^'^'^
Nta Je serment d'usaliM ^^ mars 184G, et
ht. La reine lufs fnlfia 0^?""'''"; ^' ^^ ■''^'"' = »-
ta>es lesplus flatteurs et n """""^"o" "ans les
I ""'"'"' «s^^'a qne la réunion
1%
CATHCART.
[184(
fie l'autorité civile et militaire dans sa personiii'
n'était pas l'efTDt d'une combinaison due aux cir-
constances, mais d'une conviction mûre et mù-
dit6e de sa haute capacité pour l'administration de
l'une et de Tautre. Lord Gathcait était un officier
distingué et rempli de mérites : il était arrivé eu
Canada, au mois de juillet 1845, [lur y prendre le
commandement en chef des trou )es britanniques à
la place de Sir Richard Jackson. Son élévation au
gouvernement civil lui donnait un surcroît de travail
considérable, et lui imposait surtout une grande
responsabilité.
L'Angleterre était à celte époque en difficulté avec
la République Américaine, au suj(!t des limites et do
la possession du grand territoire de l'Orégon. Ce loi-
ritoire, situé entre les Montagnss Rocheuses ot
l'Océan Pacifique, est arrosé par li rivière Golombia,
Il avait été habité par des sujets anglais longtemps
avant qu'un citoyen américain eu .mis le pied sur son
sol. La compagnie de la Baie d'Hudson avait établi
et possédait sur la Golombia des comptoirs fortifiés,
où près de mille employés faisaient, en 1845, le com-
merce des fourrures. Les Américains avaient aussi
une colonie assez considérable établie dans la vallée
de la rivière Williamctte, affluent de la Golombia.
Le reste du territoire était peuplé de tribus indiennes
au nombre d'environ 80,000 âmes.
Depuis nombre d'années l'Orégon avait été habité
en commun par les deux colonies. En 1818, un traité
avait été signé entre les deux parties pour r' ler la
frontière septentrionale du territoire et déterminer |
pour 10 ans l'occupation conjointe. Le traité cle^
1^27 conflrraait celui cjuq nous vouons de citer, pour
lUX cii-
cl niù-
aviou (!•'
i offlCUM'
rrivô ou
•cudve It'
niques à
alion au
ae travail
e grandi'
:uU6 avec
lites et do
)n. Ce ler-
diouses et
Golombia.
longtcmF
iedsurson
vait établi
s fortifiée,
5,1e com-
ient aussi
s la vallt^^
Golombia.
indiennes
été habile
Ib, un traité
ir r ■ dei' ^^
Létermiuci"
traité do
citer, po^^vi
1846 1
CATHCAUT.
197
un temps iiuléQni, à la volonté desdenx parties, sauf
à régler la question plus tard. Un des premiers actes
du président Polk fut de n)uvrir le litige, eu annon-
rant à sou peuple qu'il était du devoir du gouverne-
ment de maintenir sur tout le territoire son droit de
propriété, ({ui était incontestable selon lui, et qu'il
fallait protéger les citoyens qui iraient s'y établir. Il
signifia quelque temps après à la Graude-Bretagne
l'abrogation du traité de 1827, et la cessation de l'oc-
cupation commune du territoire à l'expiraMon d'une
année. Gomme dans toutes difficultés internationales,
le gouvernement américain ne considéra pas si ces
réclamations au sujet de ce territoire étaient j;isteset
honnêtes ; mais il ne chercha qu'à contenter son
ambition et son esprit d'agrandisseinent. I/Angle-
tcrre, de son côté, n'était pas disposée à abandonner
un si vaste pays et ses sujets qui l'habitaient ; elle
avait un droit clair et certain, et ses hommes d'état
voulaient le maintenir à tout prix. Mais, avant d'en
venir à des difficultés, elle proposa de diviser le ter-
ritoire par la Golombia et de laisser la navigation de
celte rivière libre aux deux peuples. Ges propositions,
pourtant si sages, furent d'abord refusées par le gou-
vernement américain. Les négociations furent repri-
ses dans l'été de 1846, et couronnées de succès. Le
territoire fut partagé entre les deux puissances, et la
libre navigation du Golombia fut concédée à la com-
[Pagnie delaBaied'Hudson et auxsujets britanniques.
M. James Buchanan, secrétaire d'Etat des Etats-Unis,
l'Hon, M. Richard Packenhan. membre du conseil
[privé de la reine, furent nommés pour régler le traité.
Lord («athcart convoqua les chambres le 20 mars
198 CATHCART. [(846
184G (M- Il ouvrit la deuxième session du second parle-
ment par un discours dans lequel il recommanda de
voter une liste civile pour remplacer celle qui avait
été établie par l'acte d'union, de réorganiser immé-
diatement la n.ilice canadienne par une loi efficace,
d'émettre des débenlaires pour une certaine somme
destinée aux incendiés de Québec, afin de les aider à
reconstruire les propriétés détruites, etc. Il s'exprima
ainsi sur le départ de Lord Metcalfe : « Tout en vous
annonçant que je suis devenu le successeur de Lord
Metcalfe, vous vous joindrez à moi, j'en suis con-
vaincu, pour exprimer de sincères regrets sur la
cause pénible qui a forcé ce personnage distingué à
abandonner un poste dont il a rempli les devoirs
avec le môme zèle et la même habileté qui lui ont
valu, en toute occasion, la haute approbation de sa
Souveraine, ainsi que le respect et la reconnaissance
du peuple au gouvernement duquel il a présidé
comme son représentant. »> i ,
L'adresse en réponse à ce discours contenait les
mômes sentiments au sujet de Lord Metcalfe. Le
colonel Prince, qui la proposa, se plut à louanger la
conduite de l'ex-gouverneur, et à reconnaître en lui
le meilleur administrateur que le Canada eût ou
jusque-là. Il avait cependant approuve la conduilo
des chefs libéraux, et voté avec eux à la dernière
session.
Les membres du parti libural étaient loin d'ap
( ' ) Les députés élus depuis la dernière session étaient s
D, -B. Viger, Trois-Rivières, à la place de Ed. Greive ;
J.-A. Taschereau, Dorchester, à la place deP.-E Taschereau;
Wm. Caley, Huron, t la place de Wni. Dunlop ;
George Munro, 3e division York, à la place ae J.-E. Small.
[1846
Iparle-
iida do
li avait
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ifficace,
somme
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dernière
loin d'ap-
lient t*
îive ;
I Taachcreau ;
184G]
Cathcart.
190
prouver Ui politique de Lord Metcalfe, et ne pou-
vaient voter la partie de l'adresse qui s'y rapportait.
Ce parti, qui avait combattu son administration, exis-
tait encore ; il professait les mêmes principes et
formait une opposition imposante. L'IIon. M. Baldwin
proposa de retrancher cette partie et de la remplacer
par une autre qui exprimerait cimplement le regret
qu'avait la chambre de la cause pénible qui avait
forcé Lord Metcalfe à abai: donner un poste aussi
éminent. M. Baldwin regrettait de proposer cet
amendement, il respectait chaque gouverneur de la
province ; mais ses amis et lui ne pouvaient pas
accepter les résolutions de l'adresse telles qu'elles
étaient proposées, et ils n'étaient pas plus capa-
bles d'approuver la conduite de Lord Metcalfe qu'ils
ne l'avaient été l'année précédente. Il approuvait
lui-même cependant le reste de l'adresse, désirant
mcHre la milice sur un pied effectif, et espérant que
la liste civile serait facilement réglée.
Dans le cours des débats sur l'adresse, M. Viger
fut plusieurs fois l'objet d'attaques de la part des
n;.embres de l'opposition, surtout de M. Aylwin, qui
lui demanda des explications sur sa persistance à
garder si longtemps son siège dans le cabinet sans
•Hre élu par la peuple et sur la position qu'il occu-
pait envers ses compatriotes.
M. Viger, au lieu de répondre directement, défen-
dit dans un long discours la conduite de Lord Met-
calfe et la sienne. «Il dit que le peuple devait
foclroi du gouvernement responsable en Canada à
Lord Metcalfe que l'on n'avait cessé de alomnier,
et à lui, son ministre, bien qu'on les eût accusés tous
deux d'en être les eRnemis, pendant qu'ils en avaient
gMM
200
CATHCART.
[1840
été les plus fermes &oii tiens. Lord Melcalfe s'était
mis dans Fimpossibilité de pouvoir l'ébranler en
prenant les résolutions de 1841 pour sa règle de con-
duite ; lui-même (M. Viger) avait discuté le gouver-
nement constitutionnel d'une manière plus claire et
plus précise ; il en avait présenté l'étendue et les con-
séquences sous des points de vue plus favorables aux
libertés publiques, que la majorité de rass(?mblée no
l'avait fait dans son adresse aux ci-devant ministres.
Pendant neuf mois le gouverneur avait suspendu la
cassation du parlement pour offrir à la majorité de
reconstituer le ministère avec les mêmes matériaux,
et cependant on les avait dénoncés tous deux comme
ennemis du gouvernement responsable. Comment
alors les honorables membres pourraient-ils croire
le gouverneur et son ministre capables de pousser
l'extravagance jusqu'à vouloir détruire un gouver-
nement qu'ils établissaient sur une base inébran-
lable. Les faits étaient accomplis, et l'histoire dira
que, pour soutenir cette accusation d'avoir voulu
renverser ce système de gouvernement, on avait jeté
la province dans une grande effervescence, et qu'on
l'avait tenue dans cet état depuis 'plus de deux ans.
On avait grossièrement calomnié Lord Metcalfe, dit
encore M. Viger ; on l'avait représenté comme le plus
mauvais de nos gouverneurs. Il ne fallait pas oublier
sa conduite envei's les ex^^és politiques et ses généro-
sités en tous genres. Quant à lui-même, on lui avait re-
proché d'être l'objet de la haine de ses compatriotes;
mais cette haine avait été allumée par d'atroces ca-
lomnies. Ce n'était pas la première fois qu'il subis-
sait une pareille épreuve: en 1812, on avait porté
contre lui de graves accusations au sujet d'un acte
11840
18461
CATUCART.
201
5 s'étail
Liler en
I de con-
gouver-
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IX comme
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le pousser
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3 inébran-
sloire dira
voir voulu
avait jelé
, et qvvon
deux ans.
[etcaUe, dit
me le plus
,as oublier
de milice ; on reconnut plus tard qull avait eu raison
et on lui avait rendu justice. Il comptait trop sur
TéquiLé de ses compatriotes pour désespérer de l'ob-
tenir encore cette fuis. »
Rien dans ce discours ne doiniait les raisons qui
avaient déterminé M. Viger à accepter le pouvoir
et à demeurer deux années entières dans la position
la plus anormale et la moins constitutionnelle. C'est
ce que lui fit remarquer M. Cauchon dans un dis-
cours où il prit à parti tous les ministres du Bas-
Canada, démontra la position humiliante qu'ils occu-
paient dans le cabinet et les actes injustes envers
leurs compatriotes qu'ils avaient sanctionnés de
leurs votes. M. Chauveau s'appliqua à prouver que
l'administration n'était pas numériquement aussi
forte qu'elle le paraissait, que moralement et poli
tiquement elle était faible, et que le pays ne devait
aucune reconnaissance à Lord Metcalfe pour lui
avoir légué un tel ministère. D'autres discours furent
prononcés par MM. Drummond, Robinson, etc. ; et le
vote fut pris sur l'amendement, qui fut perdu par
une minorité de seize voix. Plusieurs membres qui
étaient de l'opposition à la session précédente soutin-
rent le ministère, entre autres M. Christie et le
colonel Prince.
La chambre s'occupa, au commencement de la
session, delà correspondance qui avait eu lieu entre
M. Draper et M. Caron dans le but de reconstituer le
ministère et dont nous avons déjà dit un mot. M,
Cameron proposa une adresse au gouverneur pour
le prier de produire cette correspondance. Le minis-
ière s'opposa à cette proposition qu'il croyait i^^'
I
202
CATHGAHT.
[184G
à.
m k
convenante; il se considérait en droit do consulter
confidentiellement des amis, quoique membres d(»
l'opposition, au sujet de quelques actes ministériels.
Sans vouloir admettre ni nier l'existence de la cor-
respondance, il crut qu'il était de son devoir de res-
pecter l'inviolabilité du secret. Les membres de l'op
position étaient d'avis qu'il n'était ni constitutionnel
ni parlementaire de la part d'une administration
de faire à des membres de l'opposition des ou-
vertures en apparence siiicères,et cela dans le
but de connaître les plans et les idées de ce
parti. Ils citèrent des précédents en Angleterre qui
autorisaient le parlement à s'enquérir même des
bruits politiques. S'il existait réellement une corres-
pondance semblable, elle ne pouvait être d'une
nature privée et l'on devait la mettre au jour. La
proposition de M. Cameron fut perdue par une mino-
rité de six voix.
Les amis de M. Draper s'assemblèrent alors pour
discuter cette question. On reconnut qu'ils repré-
sentèrent la conduite des chefs libéraux sous un faux
jour. Les libéraux se réunirent de leur côté, prieront
M. La Fontaine de leur faire part de la correspon-
dance qu'il avait entre les mains et résolurent de la
livrer à la publicité. Quelques jours après, ^I. La Fon-
taine, afin de se justifier etde défendre sa position.
lisait en chambre une partie des lettres qui avaient
fait le sujet de cette correspondance devenue cé-
lèbre. Voici le résumé fidèle des principales lettres
qui avaient été échangées sur ce sujet.
Aux mois de juillet et d'août 1845, M. Draper avait
eu avec M. Caron des entrevues dans le but de faci-
liter un arrangement au moyen duquel, en adjoi-
[184G
lUHuUor
ibres de
stériels.
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de res-
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istration
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i jour. La
ne mino-
1846] CATUCART. 203
gnant au ininistère quelr{iies Catiadiens-Fraiiçais, la
majorité du Bas-Canada serait représentée comme
celle du Haut-Canada. M. Caron, dans une lettre en
date du 7 septembre, communiquait à M. I^a Fon-
taine la substance de ces entretiens. M. Draper lui
avait déclaré (iu'il serait très-flatté de voir quelques
Canadiens-Français, autres que ceux qui y étaient
déjà, faire partie de l'administration. Il insistait
fortement sur les a\antages que le public et surtout
la population française retirerait de compter dans le
cabinet des personnes connaissant les besoins de
tous et en état d'y pourvoir. Il se présentait de gra-
ves difficultés pour opérer ce changement, mais il
fallait s'assurer s'il n'y avait pi.s moyen de les sur-
monter. Il espérait pouvoir décider M. Viger à se
retirer ; quant à M. Papineau, il ne demandait pas
mieux que de remettre son portefeuille. Ces deux
situations de .lient C)\,ve remplies par des Canadiens-
Français. Une autre difficulté que M. Draper lui
avait signalée concernait M. La Fontaine lui-même,
parce que le gouverneur ne pouvait pas se rencontrer
avec lui tant que Lord Metcalfe serait au pouvoir.
Mais il était injuste de sacrifier un homme de son
importance et de son mérite, et M. Draper était prêt à
faire disparaître cette difficulté en le plaçant de ma-
nière à le satisfaire. Il priait M. Caron de communi-
quer ces détails à ses amis et de faire tout en son
pouvoir pour effectuer un rapprochement, et engager
les Canadiens-Français à prendre dans le conseil
les sièges qui pouvaient devenir vacants pour le mo-
ment. M. Caron terminait cette lettre en disant à
M. La Fontaine que, d'après son opinion, cette ouver-
ture valait la peine qu'on y rçHéchît et U l'engageait
204
CATHCART.
[\m\
à communiquer la chose uses amis; enfin, qu« l'état
dans lequel était le Bas-Canada ne pouvait durer
longtemps,
M. La Fontaine répondit à celtiî lettre le 8 du
même mois. Il déclarait que la voie qu'avait prise
M. Draper pour obtenir le résultat qu'il désirait, lui
paraissait inconstitutionnelle ; car personne n'étail
responsable de la démarche qui avait donné lieu
à la correspondance, personne n'étail chargé do
réorganiser le ministère. Cette circonstance le fai
sait hésiter à donner son entière opinion. M. Dra
per admettait que la section bas- canadienne du
ministère ne représentait pas le Bas Canada. Pour
quoi alors la maintenir ? Pourquoi ne pas former,
quant à cette section de la province, une nouvelle
administration à l'aide de quelqu'un qu'on charge-
rait constitutionnellement de le faire ? une adiui-
nistration ainsi formée serait forte de l'influcuci'
que lui donnerait l'appui de la majorité des reprô-
sentanls, et ferait prévaloir cette influence légitinu3
dans le conseil. En introduisant dans le mùnistèn»
deux nouveaux ministres canadiens-français à la
place de MM. Viger et Papineau, ainsi que le voulaiL
M. Draper, on cherchait à diviser et à affaiblir le
parti libéral un peu plus que ne l'avaient fait ces
deux hommes politiques. Puisque l'on voulait retirer
ces derniers, pourquoi ne pas congédier en même
temps MM. Daly et Smitu, qui ne représentaient
pas plus qu'eux le Bas-Canada. On cherchait évidem-
ment à jeter nos compatriotes dans une division et
dans une faiblesse mortelle. M. La Fontaine résu
mait ainsi ses remarques à M. Caron : «J'en viens
donc à une conclusion sur laquelle vous ne pouvez
EW(S^%
[1840
M Vclal
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ivision el
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'en viens
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184GJ
CATHCAIIT.
205
pas vous méprendre : c'est qu'en fait d'administra-
tion, le Bas-Canada doit avoir ce qui est accordé au
liant-Canada; rien de plus, mais aussi rien de
moins. Voilà l'expression sincère de mes vues. Si je
me trompe, l'erreur est mienne. Je 1(* regretterai
sans doute ; mais advienne que pourra ; je désire
avant tout rester en paix avec mes convictions qui
sont ma conscience.
«(Je ne puis terminei* saus vous dire un mot sur
ma position à l'égard de mes amis politiciues. Je l'ai
souvent dit et je le répéterai encore, c'est qu'aucune
considération qui me soit personnelle, ne doit les
empêcher déformer partie d'une administration qui,
pour le Bas-Canada, serait organisée d'après les prin-
cipes constitutionnels qui doivent diriger notre con-
duite.
« Je ne servirai pas d'instrument pour diviser mes
compatriotes. Si l'on forme une administration qui
mérite ma confiance, je la soutiendrai de bon cœur.
Si cette administration n'a pas ma confiance, mais
qu'elle possède celle de la majorité de mes compa-
triotes, ne pouvant la soutenir, je me retirerai volon-
tiers de la représentation, plutôt que de jeter la
division dans nos rangs. Si, sous le système d'accep-
ter des places à tous prix, il est des personnes qui,
pour un avantage personnel et momentané, ne crai-
gnent pas de détruire le seul bien qui fait notre
force, l'union entre nous, je ne veux pas être et ne
serai jamais de ce nombre. »
M. Caron, après avoir eu l'opinion de M. La Fon
taine, de M. Morin et de quelques autres membres
libéraux, rendit compte de ses démarches à M. Dra-
per, dans une lettre en date du 17 septembre. Il lui
206
CATHCART.
[184(;
(lit que tous ses amis étaient d'accord sur la néces-
sité d'un changement, el que ce changement, pour
être durable et satisfaisant, ne pouvait s'opérer (lu'au
moyen de l'union des deux partis les plus nombreux
et les plus influents dans chaque section de la pro-
vince. La direction des alîaires devait être entre les
mainsdesdeux partis dominants dans chaque section ;
et l'administration ne devait pas plus conduire le
Bas-Canada au moyen d'une majorité prise dans le
Haut, qu'elle ne devait imposer la loi à la majorité
du Haut-Canada par suite de l'aide que lui donne-
rait le Bas, et qu'une administration quelconque ne
devait durer que tant qu'elle serait soutenue par uni'
majorité respective dans chacune des sections de l-i
jjrovince. Ils n'avaient aucune objection quant à la
manière dont l'administration était composée dans le
Haut-Canada, parce qu'elle était soutenue par la
majorité ; mais il n'en était pas de mémo dans h
Bas-Canada, où une faible minorité soutenait 1 »
ministère. Les ministres de cette dernière section cb.'
la province ue devaient pas être un obstacle à l'ar-
rangement projeté, puisque, d'après le système du
gouvernement responsable, en acceptant des porte-
feuilles, ils avaient dû s'attendre à les céder du mo-
ment que d'autres seraient en état de conduire les
affaires du pays d'une manière plus avantageuse. Il
était nécessaire d'effectuer un plus grand nombre de
vacances que celles dont il avait déjà été question,
et de les remplir par ceux qui jouissaient de
Ja confiance de la majorité. On devait charger
quelqu'un d'élaborer et de proposer les bases du
nouvel arrangement, et de soumettre les noms de
ceux que l'on voudrait faire eutrçr dans le ministère.
1 840]
CATHCART.
207
Quant à M. La Fontaino, il avait déclaré qu'il sup-
porterait iino adininistration composée d'honiiiKîs pos-
sédant la confiance dn pays, et dont il approuverait
1(}S principes. M. Caron terminait cette lettre en
disant qu'il no fallait pas songer à ne faire entrer
dans le cabinet qu'un ou d'^ux membres, ce sinq>le
cliangement n'aurait aucun résultat effectif : il fal-
lait que l'administration du Bas Canada fut entière-
ment reconstruite : c'était là l'opinion de tous ceux
qu'il avait consultés. La réalisation de cet objet n'é-
lait pas sans difficulté, mais elle était ijoasible ; et, si
c'était le seul moyen d'établir la paix et la satisfac-
tion dans le pays, il fallait l'obtenir à tout prix.
M. Draper répondit à cette lettre le 19 novembre.
Il déclara à M. Caron qu'il a^ait beaucoup réfléclii
sur le sujet en question avec un vif désir d'effectuer
im rapprochement avec le parti libéral. La maladie
de Lord Metcalfe l'avait empêché de lui soumettre la
question. Il allait cependant donner sans réserve le
résultat de ses propres vues. Quant à lui, il était prêt
à céder sa place s'il était nécessaire ; il n'appréciait
pas assez la vie publique pour se cramponner au
pouvoir, et il considérait que M. Viger devait faire
lui abandon de la sienne : MM. Daly et Papineau
ne tenaient pas non plus à garder leurs places
pour embarrasser le gouverneur dans la formation de
son conseil. Il était d'opinion que les charges d'opa-
tour du conseil législatif et de président du conseil
exécutif pouvaient être réunies comme moyen d'éco-
nomie publique. Maintenant que M. Draper, possé-
dait l'exposé franc et intéressant des vues de M.
Caron et de ses amis, il pouvait aller de l'avant et sou-
mettre la question au gouverneur et à ses collègue^.
208
CATUCART.
[1841)
!'•■
Ni''
Intr
(!
m
Quelques jours après, M. Draper anuouçait à M.
Garon le départ de Lord Metcalfe. Il lui dit que ce
départ iuiluait sur la position dans laquelle il se
trouvait cl encoi-e plus sur les pouvoirs qu'il avaitpour
clTectuer quehjue chose d'avantageux, mais il no
changeait pas son opinion quant à la nécessité de
renforcer l'administration locale. Il se hûtait de lui
donner cette information qui pouvait changer ses
propres opinions dans cette ailainî.
M. Caron répondit à M. Draper que le départ d»i
Lord Metcalfe devait en ellot changer la nature des
choses. Il torniina les négociations par les mots sni
vants :
« Dans les communications que nous avons eues
ensemble, vous savez que je ne me suis jamais donné
pour chef de parti ; je me suis seulement prêté, et
cola je l'ai fait bien volontiers, à servir d'intermé-
diaire entre ceux que notre parti regarde comme ses
chefs et vous-même, afin de leur faire parvenir les
communications que vous avez bien voulu me faire,
et aussi pour vous transmettre leurs vues et leurs
idées sur le sujet qui nous occupait. En m'acquittant
de cette tache, je ne vous ai pas caché mes propres
opinions ; mais cette partie n'étant que secondaire,
toujours j'ai voulu vous faire connaître ce que vou-
laient et exigeaient les guides du parti avec lequel
vous voulez négocier un rapprochement. Je n'ai
prêté mon ministère à cette fin que parce que je
savais qu'il existait des obstacles momentanés qui
empochaient que les communications pussent aisé-
ment se faire d'une manière directe entre l'adminis-
tration actuelle et ceux auxquels il fallait s'adresser
pour atteindre le but clôairé. Les ohâtftclesi ce m
r,;„ - „ S.
1846]
CATHCART.
'209
semble, n'existent plus et ne doivent i)lus exister, et
[)ar conséquent nui mission doit cesser avec les cau-
ses qu'il Tout fait naître.
« Je serais fâché pourtant cpic vous conclussiez de
ceci que je refuse d'auler à un rait^rochenient que
nous paraissons tous deux désirer ; tout au contraire,
je suis prêt à faire tout en mon pouvoir [)0ur en faci-
liter la conclusion. Mais, comme vous avez sur les
lieux ceux de qui dépend en grande partie le succès
do l'arrangement, il me paraît plus convenable, plus
facile et plus expédif de traiter directement avec
(!ux, tout en vous invitant à ne vous gêner aucune-
ment avec moi, et à m'indiquer librement de quelle
manière je puis être utile. "
Le reste de la corrcspoudance consiste en quelques
lettres échangées entre MM. La Fontaine et Garon,
au sujet de la publication de cette même correspon-
dance. Les négociations s'étaient terminées sans
amener aucun bon résultat, seulement M. Draper
avait réussi à connaître les vues des membres in-
lUients du parti libéral, et avait mis fln à la corres-
pondance sans dire s'il rejetait ou acceptait les
propositions de M. Caron. Son but était d'unir les
doux majorités, afui de tenter cette union par la
suite, lorsqu'il reverrait le pouvoir lui échapper des
inains. Evidemment il voulait jouer M. Caron et ses
amis : il manqua de sincérité et de franchise à leur
égard. Le départ de Lord Metcalfe n'était pas une
laison pour faire cesser subitement les négociations
entre les deux partis : les mômes causes de faiblesse
continuaient à exister dans le ministère. De plus, M.
Draper avait fait ces démarches à Tinsu des autres
ministres ; il voulait évidemment sacrifier M. Viger
210
CATHCART.
[1840
et M. Papinoaii ; mais il tenait à consorvor MM. Daly
et Smith. Il mettait M. Viger, son collègue, dans une
étrange position. M. Viger aurait dCi remettre inmié-
diatemcnt son portefeuille, et mépriser un homme
qui avait voulr lo jouer ainsi.
D'un autre côté, on voit par les lettres do MM. La
Fontaine et Garon que les libéraux auraient été dis-
posés à s'allier aux conservateurs du Haut-Canada
et à accepter, comme essai, le système de la doubl»;
majorité. Il leur était douloureux de se séparer d(;
M. Baldwin et de M. Price, qui leur avaient toujours
été fidèles ; mais ils avaient des devoirs à remplir
envers leurs compatriotes ; et, pour faire cesser l'agi-
tation politique qui existait depuis plus de deux ans,
ils éWaicnt prêts à faire des sacrihces personnels en
s'alliant à un parti auquel ils avaient été opposés.
La conduite des chefs libéraux fut honorable;
elle leur acquit l'estime de leurs amis et même de
leurs adversaires. Celle de M. Caron fut louable et
remplie de patriotisme ; ses intentions étaient certai-
nement pures, et il ne fut guidé que par le désir d'ef-
fectuer un utile rapprochement entre les deux partis.
Quant à M. La Fontaine, il montra, comme dans les
circonstances précédentes, de nobles sentiments,
et le désir de s'effacer, s'il était nécessaire, pour K;
bien de son parti. Les mêmes éloges peuvent être
adressés à M. Morin.
La publication de la correspondance fut la cause
d'un refroidissement passager entre M. La Fon-
taine et M. Caron. M. La Fontaine insista à mettre
au jour quelques lettres, afui d'en tirer parti au
profil des libéraux. M. Caron se trouva alors dans
une situation critique, parce que M. Draper l'accusa
lii
[1840
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1840)
ÉATHCART.
211
d'abord d'avoir mis au jour les lottrds échangées
entre eux et môme d'avoir fait reconaaître leurs in-
tentions, qui étaient d'une nature privée; mais le
bltlme retombait plutôt sur M. La Fontaine qui avait
compromis M. Garon en publiant la correspondance
malgré ce dernier. D'un autre côté, il faut dire que
la publication des lettres était devenue d'une grande
nécessité au parti libéral.
La législature passa une loi autorisant le gouver-
neur à prélever, au moyen d'un emprunt de cinq
par cent, nue somme de cent mille louis pour être
[nétée à trois par cent aux citoyens de Québec dont
les propriétés avaient été détruites par le feu. Les in-
("(Midié« furent près de deux ans avant de toucher au-
cun denier. Le gouvernement ne put d'abord emprun-
ter la somme au taux fixé. La loi fut amendée à la
session de 1847 ; on porta l'intérêt à si^ par cent, et
l'on augmenta d'un par cent l'intérêt payable par
les propriétaires. Mais, au lieu de donner de l'ar-
gent, le gouvernement remit directement aux incen-
diés des débentures, qui furent vendues, en partie
avec de gi'andes pertes, au profit des spéculateurs.
Les libéraux blâmèrent avec raison la conduite peu
généreuse du gouvernement à l'égard des incendiés.
Le gouvernement proposa une loi pour établir une
liste civile permanente, afin de rémunérer les fonc-
tionnaires publics de la province. Cette liste devait
remplacer celle que le gouvernement impérial avait
établie par l'acte d'union, aussitôt que la métropole
l'aurait rappelée. Elle diminuait le salaire de plu-
sieurs employés, qui était trop élevé, et augmentait
celui de quelques autres. Tous les partis se réuni-
rent pour voter cette mesure : c'était une grande
victoire que la chambre venait de remporter, vie-
I
;f •
lî
i
1
îiî CATHCAUT. [|S4G
toire qui était le fruit des libertés constitutionuelles.
Il y avait longtemps que la chambre élective récla-
mait le droit de disposer des deniers publics. Sou
but fut réalisé par cette loi, bien que la ditîereuco
entrp la liste civile constituée par l'acte d'union et
celle qui venait d'être votée pour la remplacer ne so
trouvât pour ainsi dire que dans la forme. Dans le
premier cas, le gouvernement impérial s'était arrogé
le droit de disposer à son gré de l'argent public,
tandis que dans le deuxième il reconnaissait solen-
nellement ce principe : qu'on ne peut toucher aux
deniers publics sans le consentement du peuple. Col
acte fut sanctionné l'année suivante. Pour qu'il devînt
valable, la métropole annula (par acte [)assé la 11 <^ et
la 12g Vict. ch. 61) les clauses de l'acte d'union qui
établissait la première liste civile. La clause concer-
nant la proscription de la langue française fut abroger
en môme temps. C'étaientdeux réformes que les Cana-
diens avaient désirées avec empressement depuis le
fonctionnement de la constitution de 1841. Degré
ou de force, l'Angleterre donna satisfaction à une
partie des griefs dont les Canadiens avaient ou à so
plaindre. C'était de sa part une justice tardive, mais
qui méritait certainement la parfaite ir connaissance
de ses sujets.
La question des biens des Jésuites fut aussi réglée
par une mesure que proposa le gouvernement. La
loi pourvoyait à ce que le revenu de ces biens, qui
se montait annuellement à£j,500 environ, fût appli-
qué à l'éducation commune dans le Bas Canada. Poui'
l'année ISiO, £5,493 furent distribués aux institu-
tions et aux collèges catholiques et protestants de
premier ordre. Mais ces biens ne se trouvaient pas
appropriés au Bas-Canada seul ; on les avait réel-
1846] CATHCART. 213
Icraoïi t donnés r,ux catholiques et aux protestants dos
deux provinces, puisque les allocations qui furent,
en 184G et plus tard, portées sur le revenu de ces
biens, avaient été jusque-là puisées à même le fonds
consolidé de lu province. Aussitôt que la mesure du
gouvernement fut connue du public, les évoques
catholiques du Bas-Canada réclamèrent ces biens
dans une pétition à la législature. Ces biens, disaient-
ils, avaient été donnés par les rois de France et par
certains particuliers pour être employés à l'éducation
des Français et à la propagation de la foi catholique
parmi les sauvages, objets qui ne pouvaient élrt'
remplis que par le ministère des évèques catholiques,
et le parlement ne pouvait pas en changer la destina
tion sans commettre une injustice envers les catholi-
ques. Si ces biens leur étaient rendus, les évoques
s'engageaient à fonder une haute institution où des
chaires pour le droit, la médecine et les arts seraient
établies, et à rendre compte à la législature de l'em-
ploi des revenus de ces biens. Leur réclamation fut
inutile.
Ce fut en vain que M. Morin proposa de mettre
CCS biens à la disposition du clergé catholique du
Bas Canada pour les fins de l'éducation, et qu'il
parla f^rlyment en faveiu" de cette cause, comme ie
firent aussi MM. La Fontaine, Drummond, Ghauveau
et Gauchon ; tout le parti ministériel, à l'exception
do M. de Bleury, vota en corps pour la loi. Do plus,
tous les membres du Haut-Canada, y compris M Bald.
win, s'unirent pour enlever à l'église de Rom.c ce
qu'elle considérait à bon droit comme sa propriété.
MM. Viger, Papineau et Taschereau furent sévère-
ment blûmés d'avoir voté pour une mesure si peu
libérale envers leurs coreligionnaires. Puisqu'ils n'a.
214
CATHCART.
[I84G
valent pas assez d'iiifluL'uce pour en empêcher Tintro-
duction dans la chambre, ils auraient dii se retirer :
c'était la seule ligne de conduite qu'il eussent à tenir.
Au conseil législatif, MM. Bruneau et Massue pro-
testèrent aussi contre la mesure.
Une somme de £539,833 fut volée pour continuer
les grands travaux de la province et pour la confec-
tion de chemins et d'autres améliorations publiques.
Sur ce montant £201,531 étaient destinés à l'.ichève
ment du canal Welland, £8 1 ,925 aux canaux du Sain I -
Laurent, £19,000 pour la construction de phares et de
stations dans le fleuve et le golfe Saint-Laurent, £24,
889 pour le grand chemin des cantons de l'Est, £10,-
761 pour celui d'Arthabaska et £9,500 pour h;
creusement du lac St. Pierre. Un acte fut passé pour
négocier un emprunt de £500,000 afin de se procurer
les fonds pour ces travaux ; car les revenus de la pro-
vince n'étaient pas suffisants pour rericontrer les
déx)enses civiles et pour exécuter les améliorations
publiques. Ce nouvel emprunt allait porter la dette
de la province à environ quatre millions de louis.
La loi de milice proposée par le gouvernement
passa sans opposition II n'y avait des deux côtés de
la chambre qu'un désir unanime de mettre la milice
sur un pied efïïcace. L'appui ferme et sincère qui fut
donné à cette mesure parlementaire était un dé-
menti à toutes les calomnies portées contre la loyauté
des Canadiens-Français depuis quelques années,
surtout depuis les troubles de 1837-8. Ils étaient
cependant peu satisfaits de l'état politique actuel du
pays; le ministère qui avait introduit la loi était
impopulaire, les dernières nominations faites dans la
milice avaient été injustes envers eux. Mais, à la per-
spective d'une guerre entre la métropole et les Etats-
1846]
CATHCART.
215
Unis, occnsioniié par Li question de lOrégon, ils
oubliaient leurs griefs et tout esprit tie parti ; ils
étaient les premiers à vouloir organiser la milice
pour la défense du territoire contre Tinvasion étran-
gère. Le D'". Taché fit à celte occasion un dis-
cours rempli de patriotisme : il rappela les exploits
(le ses compatriotes en 1812, et il assura qu'ils étaient
prêts à tenir une conduite aussi héroïque et aussi
honorable lorsque l'occasion s'en présenterait.
Voici un extrait de ce discours :
«...Si une bonne organisation delà milice est si
nécessaire, pourquoi le gouvernement a-t-il, depuis
nos malheureux troubles de 1837 et 38, laissé tomber
cette arme de la défense nationale ? Si le gouverne-
ment a cru voir un symptôme de désaffection géné-
rale chez nos compatriotes dans l'acte de quelques
centaines d'hommes qui ont pris les armes, poussés
au désespoir par des administrations flétries et con-
damnées par les premiers hommes d'Angleterre, le
gouvernement s'est trompé : quatre-vingt-dix à cent
mille hommes composant la milice canadienne
étaient là et n'ont pas bougé ; ils ont continué à souf-
frir, à attendre, à espérer. Si la masse eût été entière-
ment désaffectionnée, comme nos ennemis se sont
plu charitablement à le publier, il s'en fût suivi des
conséquences incalculables. Il serait à désirer que
le gouvernement voulût enfin, tout de bon, ouvrir les
yeux et nous rendre justice ; et, oubliant et notre
origine et l'imijatience de quelques-uns des nôtres,
ne plus se ressouvenir que des services réels que
nous lui avons rendus ; ne plus se ressouvenir que
(le ces jours de gloire oh t^qi^s avoirs con^battu pouf
i;
i
I!. «I
II
w
216
CATHCAKT.
[184G
le maintien de ses possessions sur ce continent ; que
de ce jour mémorable où trois ou quatre cents honi
mes, tous Canadiens-Français, depuis le comnian^
dant jusqu'au dernier trompette, se couvrirent d'unu
gloire immortelle en repoussant les elTorts d'une
colonne de plus de huit mille combattants, préservant
par là le sol de la patrie de la souillure de la trace
des pas de l'étranger. Ce que nos pères ont fait, ce
que nous avons fait nous-mêmes pour la défense de
cette colonie, nos enfants seraient encore prêts à le
faire, si l'on voulait rendre justice an pays. Notre
loyauté à nous n"est pas mie loyauté de spéculation,
de louis, schellings et deniers, nous ne l'avons pas
constamment sur les lèvres, nous n'en faisons pas
un trafic. Nous sommes dans nos habitudes, par nos
lois, par notre religion, comme l'a très-bien remar-
qué mon honorable ami pour la cité de Québec, mo-
narchistes et conservateurs. Tout ce que nous deman-
dons, c'est que justice nous soit faite ; et, si un ennemi
se présente, vous verrez nos légers et joysux batail-
lons voler à sa rencontre comme à un jour de fèto
et présenter hardiment leurs poitrines au fer de l'as-
saillant. Mais, diront nos détracteurs, vous êtes des
mécontents; un membre qui n'est pas à sa place
nous disait, il y a'quelques jours, vous ôtr3s intraita-
bles ; vous êtes des rébelles, nous diront les ultra ;
nous possédons seule la loyauté par excellence !
Mille et mille pardon3,messieurs, traitez-nous comme
les enfants d'une même mère et non comme des
bâtards ; un peu plus de justice égale, non dans les
mots, mais dans les actes ; et je réponds que si ja-
mais ce pays cesse un jour d'être britannique, le
dernier coup de canon tiré pour le maintien de la
it; qiuî
Is ho 111-
)nimau-
it (l'uiiu
s d'uiu;
îscrvanl
la li'HCiï
i fait, ce
fense do
)rùls à le
,^g. Notre
culalion,
ivons pas
isons pas
5, par nos
;n reniar-
^ébec, mo-
is demaii-
n ennemi
lUX hatail-
ur de fêle
"cr de l'as-
ôtes clos
sa place
s in traita-
Iles nllra;
cellencc !
us comme
,mme des
iii dans les
que si ja-
[mique, le
Uieu de la
1846)
CATHCART.
217
puissance anglaise en Amérique le sera par un bras
canadien. Mais si tout le monde convient que la
milice est nécessaire, je dois dire que pour rendre
cette arme efTicace et telle qu'elle doit être un bou-
levard impénétrable contre l'agression étrangère,
il importe de faire quelque chose pour le peuple,
pour ce peuple qui souffre depuis si longtemps.
Il faut que l'administration, quelle qu'elle soit, agisse
de manière à ce que l'on ne voie plus, dans cette
immense province du Canada, qu'une grande fa-
mille connue sous le nom de sujets britanniques,
ayant dans chacun de ses membres, quelles que
soient son origine et sa croyance, les mômes droits
aux faveurs et à la protection du gouvernement...»
L'acte des écoles du Bas-Canada passé à la session
précédente fut rappelé et remplacé par un autre q ai
contenait presque toutes les mômes clauses, à l'excep-
tion de quelques amendements, dont les principaux
étaient de faire cesser tout à fait les cotisations volon-
taires. Au lieu de faire payer une rétribution men-
suelle aux enfants qui fréquentaient les écoles, on
obligeait tous les enfants de sept à quatorze ans à
payer le môme montant, soit qu'ils assistassent ou
iiou aux classes. Ces changements furent mal ac-
cueillis dans certaines paroisses. On s'opposa au
fonctionnement de la loi dans plusieurs localités, et
ces ennemis de l'éducatiou reçurent avec raison le
nom à'éteignoirs.
L'acte des écoles du Haut-Canada passé en 1843
fut aussi rappelé et remplacé par lui autre à peu
près semblable, avec quelques amendements Impor
tanls. Les auteurs de ces lois avaient pour but de les
rendre moins embarrassantes et plus claires pour
10
m
\â
218 CATHCART. [1846
le peuple, en renfermant la loi et les amendements
dans une seule mesure plutôt que de les avoir épars
dans divers actes.
Il fut résolu que dorénavant les dépenses de l'ad-
ministration de la justice dans le Haut-Canada se-
raient payées, d'abord en partie et ensuite au total,
à môme les revenus de la province comme dans
le Bas-Canada. Ces dépenses, qui se montaient à
environ dix-huit mille louis annuellement, avaient
été payées avant cette époque au moyen d'une taxe
locale. Les ministres du Bas-Canada et tous les
membres du Haut-Canada votèrent en faveur de
cette mesure de spoliation envers le Bas Canada. Les
libéraux de cette dernière province s'y opposèrent
seuls, alléguant avec raison que l'Angleterre, en pro-
clamant l'Union, avait laissé à chaque province ses
charges particulières sur le revenu public. Ce qui
avait été payé à même le revenu dans l'une ou dans
l'autre province devait l'être après l'Union, et ce qui
étaii payé par des taxes locales devait continuer à
l'être de la môme manière.
La chambre d'assemblée vota à la reine une
adresse pour la prier de prendre des mesures afin
d'assurer une transmission régulière des malles ca-
nadiennes en Angleterre tous les quinze jours au
lieu d'une fois par mois, et de diminuer le taux des
lettres qui était trop élevé : c'est ce qui fut accor-
dé dans la suite. Une autre adresse fut aussi votée
pour prier le gouvernement impérial d'admettre
les produits canadiens aans les ports anglais sans
payer de droits, et d'entamer des négociations pour
que le gouvernement des Etats-Unis admît dans
ses ports les produits canadiens aux mômes condi-
1846]
CaTHCART.
219
lions que les leurs l'étaient dans les ports de l'An-
gleterre et du Canada. L'adresse faisait remarquer
que le gouvernement canadien venait de passer une
loi pour abroger les droits sur les produits améri-
cains traversant le Canada pour être exportés si le
changement avait lieu.
Telles sont les prircipales mesures que la législa-
ture passa pendant cette session , qui fat prorogée
le 9 juin. Comme on le voit, il y en avait peu d'im-
portantes, si l'on excepte la loi do la milice et celle
établissant une liste civile, et les sommes votées
pour terminer les canaux canadiens et pour l'ouver-
ture des grands chemin de colonisation. En outre,
plusieurs compagnies avaient été incorporées pour
construire une ligne de chemins de fer devant tra-
verser le Haut-Canada. Mais le ministère avait né-
gligé plusieurs mesures utiles qu'il avait promis de
présenter à cette session, telles qu'une loi pour régler
les élections du Bas-Canada et une autre pour in
demniser ceux qui avaient souffert dans les troubles,
politiques. Le rapport d'une commission que le gou-
vernement avait nommée, suivant la i)i'omesse faite
l'année précédentes, pour s'enquérir des pertes, avait
été cependant soumis à la chambre ; mais on ne fit
rien pour cette masse de malheureux dont les pro-
priétés avaient été brûlées ou saccagées. Bien plus,
on accorda une somme de £9000 pour indemniser
un certain nombre de favoris et de privilégiés qui
avaient été recommandés par une ancienne com-
mission nommé par le conseil spécial. M. Draper
avait pour ainsi dire abandonné la question épi-
neuse de l'Université du Haut-Canada, introduite
l'année précédente et rnise cle côté après sa 2e lec-
i'
I '.
:»'
220
CATHCART.
[1846
ture ; car, au lieu d'en faire à cette session une ques-
tion ministérielle, il la présenta comme mesure libre,
sans responsabilité pour les ministres : c'était évi-
demment vouloir qu'elle ne devînt pas loi; en effet,
la mesure fut perdue. M. Draper, en adoptant cette
conduite, mécontenta les conservateurs modérés
qui étaient favorables à la mesure, tandis que le
«high church party))lui en voulait toujours pour
avoir compromis l'existence d'une institution qui
faisait sa force. Les ministres du 13as-Ganada étaient
également placés dans une mauvaise position à l'é-
gard du clergé catholique, à cause de la manière in-
juste dont la question des biens des Jésuites avait été
réglée. On leur reprochait aussi d'avoir voté la loi
qui prévoyait à ce que les frais de l'administration
de lajustice dans le Haut-Canada fussent portés sur
le revenu public. En approuvant ces deux mesures
injustes, ils avaient sanctionné le principe de spolia-
tion du Bas-Canada par le Haut, et, ils ava-ent
aussi montré combien peu d'influence ils exerçaient
dans le cabinet. Le ministère avait perdu réellement
beaucoup de son influence dans cette session, bio'i
qu'il n'en eût jamais eu beaucoup. Il s'était vu en
plusieurs circonstances dans une minorité, et M.
Draper dut plusieurs fois assembler les membres du
Haut-Canada et les menacer de remettre son porte-
feuille s'ils ne continuaient pas à le supporter. Il
était facile de prévoir que le ministère allait subir
une crise après la session.
M. Viger commença par donner sa démission au
mois de juin, sans qu'on sût pour quelles raisons il
agissait ainsi. M. Sherwood cessa en même temps
d'être soiiiciteur-général du Haut-Canada. 11 fut
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184G]
CATHCART.
n{
remplacé par M. John-H. Cameron, membre conser-
vateur (*). On parla de plusienrs antres changements
qui n'eurent pas lieu dans le moment.
Loin d'avoir acquis de la gloire et de l'estime dans
sa carrière ministérielle, M. Viger vit son prestige et
son influence diminuer aux yeux de son ancien parti.
Entré au pouvoir en opposition à l'opinion publique,
dans le dessein de défendre les intérêts de ses com-
patriotes, il s'était rallié à la politique de Lord Met-
calfe, que ces derniers avaient repoussée d'une
commune voix. Il avait violé les règles les plus élé-
mentaires du gouvernement constitutionnel en con-
servant son portefeuille, lorsque pendant neuf mois
il ne put être formé d'administration complète. Bien
plus, après s'être vu refusé par deux des comtés les
plus populeux du Bas-Canada, il avait continué à
rester plusieurs mois dans le cabinet, jusqu'à ce que
la ville des Trois-Rivières voulût bien l'élire en 1845.
Il ne posséda pas un moment la confiance de la
majorité des membres du Bas-Canada, condition
essentielle d'existence pour lui dans le ministère. Au
lieu de céder sa place aux chefs populaires, il fut la
cause que les Bas-Canadiens furent gouvernés pen-
dant deux ans par une m.ajorité du Haut-Canada : ce
qui le mettait sans influence pour faire passer des
(A). Au nombre des principales nominations faites en 1846, on
remarque les suivantes :
W.-B. Robinson, premier commissaire des travaux publics,
C.-E. Cafegrain, second " " "
P. Young, adjudant-général de la milice,
E.-P. Taché, député adjudant-général de la milice, B. C.
Donald McDonell •• " " H. C.
E. -H. Bowen, juge du district de Gaspé,
J.-G, Barthe, grefiSer de la cour d'appel.
Ed. Burroughs et Louis Fiset, protonotaires du district de
Québec.
ÏF
I
U> - £]
222 CATHCART. [1840
mesures favorables àsesconcitoveiis. Au^si vit-on It^
Haut-Canada profiter de ses forces pour piller le Bas-
Canada, témoin les mesures concernant les biens
des Jésuites et l'administration de la juslicc dans la
province supérieure, et le refiis d'indemniser le Bas-
Canada des pertes qu'il avait soulïertes en 1837-8.
M. Viger s'était donc trompé grandement. On p(.'ui
à peine comprendre qu'une conduite si contraire
aux usages parlementaires ait été tenue par ce
patriote qui avait rendu, avant l'Union, les services
les plus éminents à son pays dans une carrière toute
remplie d'honneur et de patriotisme. Ses derniers
actes ne devaient pas cependant mettre en oubli co
qu'il avait fait par le passé, et lui laisser au moins
le bénéfice de bonnes intentions pour le bien de ses
concitoyens.
Au mois de juillet, quelque temps après la démis-
sion de M. Viger, M. Draper fut chargé par I.ord
Cathcart de s'adresser à quelques Canadiens-Fran-
çais pour les engager à entrer dans le cabinet. 11
écrivit à MM. Morin et Cf.ron, leur disant que le
gouverneur ne leur demaixdait pas de former une
administration, mais qu'il leur offrait le choix sur
trois portefeuilles dans le conseil exécutif. Cette
démarche ne réussit pas plus que celle qu'on avait
tentée en 1845. Les chefs libéraux ne voulaient pas
consentir à siéger avec certains membres du ca-
binet ; ils refusaient d'accepter des portefeuilles
seulement parce qu'ils étaient Canadiens-Français:
'ils réclamaient le pouvoir comme parti, d'après les
principes du gouvernement constitutionnel, vu qu'ils
possédaient la confiance de la grande majorité de la
population du Bas-Canada. En s'associant à des
11840
•it-on It^
• le Bas-
î8 biens
dans la
l' le Bas-
On innU
•ontiaire
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derniers
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Len de ses
840]
CATHCAIVT.
223
hommes auxquels ils ne pouvaient se fier, ils n'au-
raient eu alors aucune garantie pour faire adopter
l(.'s mesures qu'ils croyaient favorables aux intôrèts
(lu pays; ils se seraient trouvés dans la mrnie posi-
tion que MM. Viger et Papineau.
Au nouibre des autres événements arrivés en
ISiO, est rincendic du théâtre Saint-Louis. Il v avait
;\ peine un an que les deux tiers de Québec avaient
clé détruits par l'incendie, lorsqu'un autre malheur
venait, en 18 iC, plonger ses habitants dans un deuil dé-
l'iorablc. Dans la soirée du 12 juin, un grand nombre
(le citoyens se rcndaieut au théâtre Saint-Louis pour
assister à l'exhibition des diora7nas de M. llarrison.
Au moment où les spectateurs commençaient à se re-
tirer, le feu prit dans les scènes par une lampe à
huile camphrée qui se détacha du plafond. La salle
fut en un momeut dans un trouble, une confusion
indicible. Ceux qui se trouvaient encore à Fintérieur
se portèrent en masse vers la seule issue connue, qui
était très-étroite. Les premiers, poussés violemment
dans l'obscurité, furent écrasés sous la pression de
ceux qui les suivaient, et tous se trouvèrent accu-
mulés en masse compacte les uns sur les autres. Il
ne leur fut pas possible de sortir ou de reculer, et on
ne put les arracher à la mort, malgré les efforts qui
furent faits par plusieurs citoyens zélés. C'est alors
({u'eut lieu une scène terrible. Dans ce moment
désespéré, plusieurs de ces infortunés, voyant tout
secours humain impossible et n'espérant quAui se-
cours divin, crièrent à un prêtre alors présent sur la
scène de leur donner l'absolution. Le ministre de
consolation leva les mains pour les bénir et les
"lU
CAtMCART.
[184'
\ £
absoudre. Environ quarante personnes trouvèrent
la mort dans ce triste accident (*).
Gomme la question de l'Orégon fut réglée d'une
manière paisible, il n'y avait plus de raison pour la
métropole de laisser l'administration civile du Ca-
nada entre les mains d'un gouverneur militaire.
A.ussi Lord Elgin fut-il appelé à succéder à Lord
Gathcart ; il prit les rênes du pouvoir le 30 janviin-
1847.
L'administration de Lord Gathcart fut peu bril-
lante. On ne remarque que le règlement de la liste
civile, l'organisation de la milice, la question des
biens des Jésuites et l'incendie du Ghâteau Saint-
Louis.
Pendant son administration, Lord Gathcart no
lit pas grand bruit. Homme paisible et conciliant,
il laissa à ses conseillers la conduite des affaires
publiques. Il avait pu exercer sur eux une certaine
pression afln de les faire consentir à reconstituer
l'administration d'une manière forte et constitution-
nelle. Il ne lo voulut pas, laissant cette tâche à son
f''k '■*:
( ' ) Au noml'î des victimes étaient MM. A. -S. Scott, avocat,
J. -J. Sims, apothicaire, H. Carwell, marchand, Mme. John
Gibb, Mme. Louise Lavallée, épouse de M. Ronald McDonald,
rédacteuî du Canadien, et sa fille, Mme. Rigobert Angers.
Au moiy damai, un incendie ccu'''".Ti:a les deux villages de
Chicoutinii et de la baie des Ha ! Ha ! , détruisant bâtisses, pro-
visions, animaux, etc. Près de 3000 pereonnes se virent dépour-
vues de tout par cet accident. Au mois d'août, c'était le village
de Laprairie qui disparaissait à son tour sous l'élément destruc-
teur. Environ 300 propriétés furent détruites dans ce dernier
incendie. Dans ces deux désastres, la population reçut des secours
abondants.
L'Hon. M. James Kerr fut au nombre des citoyens décédés
en 1846. Il avait été de nombreuses années conseiller législatif
et exécutif du Bas-Canada, et en dernier lieu juge de la cour du
bano de, la reine.
4 là
''i:.^'^^^
1847]
cathcart.
225
"me de tour "s "ar i .'.'°"'"^°"' "''"^"^ '«»-
pays une ZtiXZ'To:!^ .^l^'^ ""•» '«
servaqiie QuehmÀ mn i ^athcart ne con-
taire, et part J^r l'Zl ' ^^"!'^^"^«"^«nt mili-
) partit pour 1 Angleterre dans l'été de 1847.
m DK LA PRKMliRE PARTIE.
SB