IMAGE EVALUATION
TEST TARGET (MT-3)
1.0
l.l
1.25
■- Ihh 12 2
1^
iii2.0
1.4
6"
1.6
0
<%
/;
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-él
^
#7
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-«
^'4V^
^-y
Photographie
Sciences
Corporation
23 WEST MAiN STREFT
WEBSTER, N.Y. MS80
(716) S72-4S03
CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIKM/ICIVIH
Collection de
microfiches.
Canedian Instituts for Historica! Microreproductions / Institut canadien de microreproductions historiques
Technical and Bibliographie Notes/Notes techniques et bibliographiques
The Institute has attempted to obtain the best
original copy available for filming. Features of this
copy which may be bibliographically unique,
which may alter any of the images in the
reproduction, or whioh may significantly change
the usual method of filming, are checked below.
L'Institut a microfilmé le meilleur exemplaire
qu'il lui a été possible de se procure?. Les détails
de cet exemplaire qui sont peut-être uniques du
point de vue bibliographique, qui peuvent modifier
une image reproduite, ou qui peuvent exiger une
modification dans la méthode normale de filmage
sont indiqués ci-dessous.
□ Cotoured covers/
Couverture de couleur
□ Coloured pages/
Pages de couleur
□ Covers damaged/
Couverture endommagée
□ Pages damaged/
Pages endommagées
□ Covers restored and/or laminated/
Couverture restaurée et/ou peiliculée
□ Pages restored and,'or laminated/
Papes restaurées et/ou pelliculées
D
Cov3r title missing/
Le titre de couverture /nanque
0
Pages discoloured, stained or foxed/
Pages décolorées, tachetées ou piquées
I j Coloured mars/
D
Carxes géographiques en coubur
Coloured ink (i.e. oth«r th&n blue or black)/
Ennre de couleur (i.e. autre que bleue ou noire)
j I Pages detached/
Pages détachées
Showthrough/
Transparence
I I Showthrough/
□ Coloured plates and/or illustrations/
Planches et/ou illustrations en couleur
□ Quality of print varies/
Qualité inégale de l'impression
□
Bound with other matériel/
Relié avec d'autres documents
D
Includes supplementary material/
Comprend du matériel supplémentaire
□
□
Tight binding may cause shadows or distortion
along interior margin/
La retiure serrée peut causer de l'ombre ou de la
distortion le long de la marge intérieure
Blank leaves added during restoration may
appear within the text. Whenever possible, thèse
hâve been omitted from filming/
Il se peut que certaines pages blanches ajoutées
lors d'unft restauration apparaissent dans le texte,
mais, lorsque cela était possible, ces pages n'ont
pas été filmées.
D
D
Only édition available/
Seule édition disponible
Pages wholly or partially obscured by errata
slips, tissues, etc., hâve been refilmed to
ensure the best possible image/
Les pages totalement ou partiellement
obscurcies par un feuillet d'errata, une pelure,
etc., ont été filmées à r^ouveau de façon à
obtenir la meilleure image possible.
n
Additional comments:/
Commentaires supplémentaires;
This item is filmed aï the réduction ratio checked below/
Ce document est filmé au taux de réduction indiqué ci-dessous.
10X
14X
18X
22X
26X
30X
7
1
12X
16X
20X
24X
28X
32X
ails
du
idifier
une
nage
The copy filmed hère has been reproduced thanks
to the generosity of :
Library of the Public
Archives of Canada
The images appearing hère are the best quality
possible considering the condition and legibility
of the original copy and in keeping with the
filming contract spécifications.
L'exemplaire filmé fut reproduit grâce à la
générosité de:
La bibliothèque des Archives
publiques du C&Dada
Les images suivantes ont été reproduites avec le
plus grarid soin, compte tenu de la condition et
de la netteté de l'exemplaire filmé, et en
conformité avec les conditions du contrat de
filmage.
Original copias in printed paper covers ."^re filmed
be^inning with the front cover and endirig on
the iasi: page with a printed or illustrated impres-
sion, or the back cover when appropriate. AH
other original copies are filmed beginning on the
first page with a printed or illustrated impres-
sion, and ending on the lest page with a printed
or illustrated impression.
The last recorded frame on each microfiche
shall contain the symbol — ^> (meaning "CON-
TINUED"), or the symbol V (meaning "END ").
whichever applief
Maps, plates, charte, etc., may be filmed at
différent réduction ratios. Those too large to be
entirely included in one exposure are filmed
beginning in the upper left hand corner, left to
right and top to bottom. as many frames as
required. The follov» ing diagrams illustrate the
method:
Les exemplaires originaux dont la couvertuie en
papier est imprimée sont filmés en commençant
par le premier plat et en terminant soit par la
dernière page qui comporte ura empreinte
d'impression ou d'illustration, soit par le second
plat, selon le cas. Tous les autres exemplaires
originaux sont filmés en comrp>ençant par la
première page qui comporte une empreinte
d'impression ou d'illustration et en terminant par
la dernière page qui comporte une telle
empreinte.
Un des symboles suivants apparaîtra sur la
dernière image de chaque microfiche, selon le
cas: le symbole — »- signifie "A SUIVRE", le
symbole V signifie "FIN".
Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
filmés à des taux de réduction différents.
Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
de l'angle supérieur gauche, de gauche à droite,
et de haut en bas, en prenant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
-rata
o
leiure,
1 à
1
2
3
/
32X
1
2
3
4
5
6
LA
GUERRE DE SEPT ANS
DU MÊME A ITEUR
Louis XV et le Renversement des Alliances. — Pioliminaires
fie ]a (Tiiene de Sept Ans (1754-1756). 1 vol '"n-S".
La Guerre de Sept Ans. — Histoire diiiloraatiqiic et militaire.
Vol. I. Les Débuts. — Vol. II. Crel'eld et Zorndort.
broUs de reproduction cl de t radial ton n'aereés
pour Ions les ptnjfi,
y cunipris la i^ardc cl In JSurwijc.
TYI'(l(il;WMIIK rillMIN-DIDOT Kl C'\ — MKSMI, (Kl IIK),
fZl?
RICHARD WADDINGTON
I.A
DE SEPT ANS
HISTdIRE DIPLOMATIQliE ET MIIJTAIHE
TOMI'] III
MINDEN — KUNERSDORF — QUÉBEC
? ^'
LIBRAIRIE DE PARIS
FIRMIN-DIDOT ET C-, IMPRIMEURS-ÉDITEURS
56, RUE JACOB, PARIS
LA
r.UERRE DE SEPT ANS
CIIAPITKK PKEMIEK
BERGEN
INfURSIOX DKS irVXOVRIKXS EN KRANCONIK. — IKRDIN'AM) MARCIII.
SrU IRANCFORT. — RATAII.LK DK RKR(iKX. LK l'RIXCK
UKNKI l)K PRISSK A UAMUKR(i.
A '1
D'npi'i's lo pi'oii'i'ainmo »''lalK)i'<'' à Paris 1 ), lo roiniuoiico-
iiiciil (lo la cainpaiiiic (rAllcniatiiio avait ôlô lixr an iii<»is
(le juin; à cotte ôpocjiio, lo niai'ôchal do Contados, à la
lôlo (lo la i"raii(lo arniôo, l'oi'to do 80.000 lionmios, (lo-
vait onvahir la Wostplialio, l'aii'o les si(\«os do Lip[)sladt
et Mmistor. pousser (U^vaut lui lo prinoo Ferdinand au-
quel on alti'ij)uait un eiroctirdo ÔIl.OOO o()nd)altaids, et lo
i'(\jotei' au delà du Wesor, tandis ({u'un cor[)S in(l(''pon-
daut de 20.000 lionuuos, aux ordres du duc do Tiroiilio.
opiM'orait on Wottei'avio et on liesse. Kn attendant la Ix'llo
saison, les troupes lVan('aises consoi'voi'aiont leurs can-
toniienients actuels, travailleraient à leuis r(''parations et
rosteraiout sur la d('d'eusive. M;illiouroust>nient pour lo
r(>pos des (|uartiors d'iiivor et pour la ti'an(|uillit('; dos
(1) Coniï'renra clic/, le nian'clial de Rclleisle, 18 f(îvrier l'.Mt. Ardiivca de
la fiuiMio. Allemagne, 3.")I2.
CtElUlK DE SKPT ANS. — T. III. 1
L.\ GlIKIinE DK SEPT ANS — CIIAP. I.
iioinbrnix pcniiissiomiaircs l'ovciius «mi Kraiicc. \o pi-iiico
Kn'diiwiiHl ir<''liiit |»as un •)l)S('rval<Mii' (idric des Itorincs
tr'adilioiis d ii[)i'("'S l('s<(iirll('s les iiiaiHiMlvi'cs de giin'i'c dô-
l)Ulai«Mil cl liiiissaicid avec les Itcaiix jours.
Ccpoiidaiil les mois de janvier, l'évi'ier et trois semaines
de mars s'écoulèrent sans incident sérieux. L'éclian.nc des
prisonniers l'ut oU'ectué de pari et d'autre et lit consta-
ter, iiu crédit des llanovriens, un excédent (Ij de '200 ol-
ficiers et V.UOO soldats tranchais ([ui lurent reJAciiés [•!)
moyennant une rançon d(! S'i- francs par liomnie, et à la
condition de ne pas servir pendant le cours de la fiuerre
contre le roi de l*russc et ses alliés. D'un accord com-
mun, les hostilités lurent i)res(|ue tolalenvent suspendues,
et des arrangements conclus entre les counnandauts lo-
caux permirent de neutraliser durant l'hiver, au grand
l»tin''lic<! des habitants, certains terrihn'res de la rive droite
du Rhin. Otto trêve tacite l'ut rompue par lo dépai'l de
Ferdinand qui «piitta Munster le 22 mars, et se rendit en
liesse où il s'était l'ait devancer par une partie de ses
forces. Il annon(;ait l'intention (3) do chasser l'ennemi de
Fulde, de refouler l'année du duc de Deux-Ponts sur la
Kranconic et peut-être jusqu'à Band)erg', puis de se re-
tourner contre les Fran(;ais de Broglie en marchant droit
sur Francfort, et de leur enlever rinq)ortanf magisin de
Fi'iedherg « par quoi ils seront fort arriérés dans leur
campagne ».
En esquissant ce plan d'opérations, Ferdinand repro-
duisait les projets dont il caressait l'exécution depuis la
lin de l'année 1758 et pour lesquels il n'avait pu ob-
tenir [k) le concours du roi de Prusse. L'occupation de
-I
..*■■'■
(1) Redon, l'cklziigr (1er allirrtcn Année, vol. II. Ilainhoiirg, 180f>.
(2) Conladcs à Helleislfi, 21 novembre 1758. Archives de la Guerre, 3487.
(3) Ferdinand i\ Iloldernesse. Mun.sler, 21 mars l/.Mi. Record Oflice.
(i) Frédéric à Ferdinand. Rreslau, li janvier 17."»9. Correspondance poli-
tique. XVIII, p. 22.
IKRDINAND FAIT UNR INCUIISION KN FRANCONIK. 3
Ki-niK l'orl, (|ui assurait aux Fraii<;ais un solide point d'ap-
piii sur le Mein, l'ut une nouvelle cause d'ajouinenient ;
mais Tavis «l'une inrui'sion des Impériaux suc Kulde et
la ciainle «le v«»ip ltr«)uiie s«' Jet«'i' sur le c'«»rps isid«''
(lu i»i'in««' «riss«'ml»in',i;' en liesse, «|«'Mi«|<'renl le L:«''n«''i'al
lianovrien à «•«)ninien«'«'r son m«)uv«'menl. Vers la lin «lu
mois, il avait r«''uni à C.assci environ 27,000 c«»nibatlants,
r'«''pailis en lr<»is <livisi«)ns, sous les ordres des princes d<;
UiunsNvitdv, «riloisfein et d'Isseinhurii. L'expédition «lé-
bula pai' la prise «l«> p«)ssession de Fultle et Meininp'u,
«[ue ruvant-s;ar«le «lo l'aruiée des Cercles «lut éva«u«M'.
laissant l)on nombre «l«> ju'isouniers enti-e les mains «l«'s
confédérés. l»rès «le M«'inin,i;«Mi, deux bataillons du con-
lin,i;«'nt de l'Electeur «le C«>lo,i;ne uiirent l)as les armes, et
à Wassiuficu un autre l)ataill«)U d«* rKmi)ir<' lit do même ;
le général Arbei'i;', (pii accourait à son secours, fut l'e-
[xuissé. Tu p«'U plus loin, l«'s r(\L:im«Mits autriclii«Mis
Savoie et l{r«'tla«li t'nr«'nt sur[)ris pendant <]n'ils étaient
à la messe et culbutés par les liussar«ls bessois avec perte,
pour le [)remier, «le ses étendards. Ces l'ésultats désas-
treux étaient «lus t(»ul autant au mauvais esprit «les s«)l-
dats de lEmpin' et au man«[ue d'entente entre leur gé-
néral eu chef et Serbelloni, commandant «le la «livision
autrichienne, «ju'à la distribution défectueuse «les cant«)U-
nements,
A la suite des écbe«'s (|u"il venait d«' subir, Deux-Ponts
supplia le «lue «le Broglie(l) de faire une «liversion «jui
lui «lonuîlt le temps «lo concentrer ses tr«)upi'S enc«>i'e
disséminées, A cet appel le général franc^'ais resta sourd ;
menacé «lirectement, il ne p«>uvait aider son voisin.
«Je «lois croire (2), i'épon«l-il, «jne toutes les f«n'ces des
(1) Dcux-Ponls ^ Broglie. Nuremberg, 2 avril 17.VJ. ArcLives de la Gi'erre,
35 li.
('}.) Hroglie à Deux-Ponts. Francfort, -i avril 1759. Archives de la Guerre.
351i.
Il
4 LA GUI'RUE DE SEPT ANS. — CIIAP. I.
t'iiiicmis se soiil jxirircs ni liesse où le |>i'iiu'e l-'er*-
(liiiaïKJ esl venu liii-iiièiiie Il <i jxdissé un corps en
avant aux ordres dn [M'inee «le llolslein enli-e Kulde el
iterstein ; il a l'iiit l'aire des ionrs el il a assendtlé Ix'an-
ronp de niaiiasins el de eliariols à Kulde ; il a Iteaii-
(•oii|» d'arlillerie avec Ini. " |{r(i,i;lie écrit (I) à Helleish'
dans le même espril. Il lanl l'avom-r, les rappoi-ls re-
<;ns sni" l'armée de |)en\-l'oiils n'étaient pas de nature à
ren<lre souliailahle la coopéi-ation. Inleri'oiié sui- le noin-
In'c et le moral des lioiipes impériales et sur la liiîne pro-
l)al)le de leur r<>lraite, le ministre l'ram^ais (Joei-lz avait
mandé (pie l'aiméi» de rKni[)ii'(> était dans le |)lus mau-
vais étot et (pi'il ne l'allait [)as compter sur " plus de
10.000 liommes sans olliciers, mal armés, mal lia!)illés,
mal payés et de mauvaise volonté » ; cpie les troii|)es aiitri-
cliieniies étaient neilleures, mais (pi'elles ne dépassuient
pas 12 ou IV. 000 liommes, el (pie ([iianî au point surleijuol
M. le mince de Deux-Ponts rétrouraderait. il é'
1'
V
(jue ce serait dans la direction de ]a |{(»lièine. n Je suis
convaincu, ajoute l'ort sa.sement Hroplie, (pie tout cela est
dans l'exacte vérité, et c'est une nouv(dle raison |)oiir ne
pas s'aventurer et s*ex])osor à eu être abandonnés. » Il
ii'étail d'ailleurs rien moins ([uo rassuré sur les inlenlioiis
du princi^ Ferdinand : >> Si le mouvement des ennemis
nous rej^arde, il est certain (ju'ils vont ])en(laiit «pichpies
jours rassembler des siii>sislauccs derrière eux, en char-
ger des chariots, et de là ils seront sur nous en deuv
marches \ives, selon leur coutume, » Il a peine à croire
à une atta(pie contre le poste de HeruïMi (»ii il veut réu-
Ji
ir sou monde, mais par [)recaulion, il a])pelle a lui les
Saxons et invite ArnuMilières à l'aire une diversior, du côté
de hyllemherg. Ce dernier, en hou camarade, et (|Uoi(|u'il
(1) Bioglie à Iklleisle. FraiicforI, 3 el .'< avril 1759. Ardiives de la Guerre,
3514.
FERrUNAM) SK RETOURNE CiiNTRE LES i RA>TAIS. 5
fût <r«>|»iiii«»ii. ir.'i|>i'rs les i'n|)|M»i'ls (le ses rspions, (\[\o Kn*-
<lillilliil rhiil lie rrloiif l'i MnilsItT, tu <1<>ll\ ilrt.-lrlM'IlUMlls
• le H l»jilfiill<tiis sur Allkirclicii «•! Si(•^lHM'^^ h'juid'o purJ,
r»liii/j'l avec :J.(MK) lioiiiiiirs »!(> lrnM|K'S' lry("'r<'s s'avain'ii
jiisfju'.'i l''riiii»l\»'nl»ci',ii'. occupa F rit /.lai-, cf puiir imjir'cs-
sidiinci' rciiiiciiii ciivitya sctiiiincr la \ illc de (lasscl.
Ces (Icmniisfr'aliMns ne (l'ompci-ciif pas l'ctal-majoi' des
CMtilV'dciV'S (pii se liMi'iia à diriger 2 Italailluns coiili'o
Silai/(d. La itrciiiicrc parlio <Iii prouraiiiiiic riait accom-
plie; restait le second chapitre «pii coiisislait à tomher
Mir le cirps de Uroulie avant cpi'il pût èlnî secrmi'ii et
à le refouler sur le Uliiii. Dans ce luit, l''erdinan<l fit l'c-
venir ses troupes de la Kraiicoiiie, les concentra à Kulde
le 7 avril, en partit le 10, et après s'être assuré de Freyens-
ternaii et l'Iriclislein dont il -liassa h's avant-postes fran-
çais, niai'clia en <Ii'oife li^ue sni" Ki'anrfort; le 12iivi'il, il
était un |)eii au nord de llaiinu, sur* Inri' i- re de la N'iddi,
à Windeken, d'où il expulsa le réiiinient de Uoyal Hoiis-
sillon. avec perte de ses bauaii'es et de cpielcpies pi'ison-
niers,
Maliiré la l»rus([uerie de ratta<|ue, lîronlje ne fut pas
pris au dépourvu, l'i-évcnu de la rentrée des »(»nfédérés
à'Kuldc, il activa les nu»uvenioids des Saxons, donna or-
(IrtN'i Saint-tlerniain de les remplacera l-ind>urii", lit venir
son parc d'ai-lillerie et indicpui le villa.n'e de Uer^'en, à
i lieues d(> Kr'ancfort, comme |)oint de l'assemldenienl tré-
lierai. Voici en (pnds termes il rend com[)t(> (l)de la si
lnati(»n à helleisN» : " ("omme cela m'a paru pressant, jo
suis monté aujourd'hui à che\al a\ant le joui*; je mo
suis porté à Willtel où depuis plusieurs joui-s j'avais fait
conduire la jirosse artillerie et des pontons. J'ai l'ait je-
ter deux ponts sur la Mdda et j'ai attendu avec cpud-
(1) Broi^lic à Belleislo. Bei'};»'!!, 8 tieures soir, 13 avril 175',». Arcliivcs de
la Guerre, 35li.
-^iU-U 15
«PISiiiHMii
LA GUPJtKE DE SEPT ANS. — CIIAIV I
(|ii<' mipnhi liée I ;ii'I'iv(M' <I(>s iroupcs (|iii so'-l. ii
I (lin
Kl -
Icinriil (l(>s ('.'UiioniKMiHMils. Kiiliii vci's midi cllrs mit
(■oimnoncr A jiri'ivci' de Ions cùIrs <>! elles le soiii toutes
aeluelleiiiei;! M. «le (lasli'ies est reveim Jivec toutes
les ti
roiiiKs qii II iiNJiM avec mi, et il me ra
l|)|)0|'l
e (jii ou
lie peut |)i'es(jue |)lus donler (|ue les emieiiiis ne mar-
cliont sur trois cohinnes. Le seul i'éi;imeiil de lloyal
Uoussillon (|iii était à \Vind(>l\en a perdu ses é'|uipai;'es
(Mie les hussards noirs o
ut pi
is.
occupe est trouve
Tort
Le poste (p!(> l'arme*
l'li(
MOU par l(»us les olliciers géné-
raux el |)ariiciiliers; nous avons eu le lemps
le t(
d'v |)l
icer
les troupes aujourd'hui et tout est en ir.ule. Si les enne-
mis uous y alta(|ueut, il me semlde (pie tout l«> mond(> a
beaucoup (reini( de taire son devoir. J'ai |)r('>vei»u M. do
Sair.l-tîei'iiiaiii de l(Uil ce (pii se passe; je crois (pi'il vien-
dra le plus diligemment (ju'il pourra. Il aurai! ('tt' à
souhaiter cpi'il eut r\t' en\(>y('' (pie!(pi(>s jours phis \ù\...
(liesseii a tout ce (pi'il I"au1 pour ui:(> hoiine (h'-l'ense;
enihij'ai lîUdn'' de ne ri(>i« ouhlie'-. Le mai^iisiii de Fried-
hei'u sera vrais(Muhlal>lemeiit perdu. »
Nous en pruiitons à la relation de l'Ktal-Major Iraii-
(•ais (I) la description suivante du lh('At!'e «le l'action (pii
allai! s'en,i;at!«M' : <> Le poste de IJei'ii'eu ([u'il lie i\{U' de
lîroulie) avait reconnu il y avait l«)iii:temps «^1 «pi'il avait
mand«'' à la cour «Mre excellent, est d'une petite (''t<Mi-
diie. La dr«»ite appuie au villaii'e (hr IJer,i;(Mi (pii est plac('^
1;
sur le !)«)r«l «lu ruisseau (jiii c«»niiiuie depuis la jus<pi Ji
l'ranclorl. o\ est tivs escai'pi'* proche de lîeriren, ipii (>sl
j iilouiv de \«M'j;«M's t'eriiu's d'une haie vive, a' ;'c heaii-
coup de pommiers on avant dont «m l'orma un ahatis. A
la liauche (Mail un hois dans l(>(|uel se trouve aussi ui
escarp(^'.ieut Lrs raide (pii tourne ius«|U(> vis-à-vis >Vil-
(!) Kolalioii (ti! l'Ktal-Majoi' l'iaiii ;ais. Aicliives «h; lu Giiuie. vol. 3:il i. (Voir
la ciL^to à la lin dti vuliiine.)
DKSCUIPTION DU LA l'OSIilON UK ItERUKN. 7
Ix'l et qui se IcM'litinr .'i la iN'idda. hr In (iruilc au ('«Mlll'o,
le (ri'i'aiu va ni uioulanf iusi>itsil)l(Mn(Mit jusiprà unt> au-
cicniic lour, tjui csf le pm'nt le plus rlcNr Au pays, cl il
rcdcsccud dr là di' uirnic juscpi'à la iiauciic. l/cufre-
iW{]<. du 'iilai^c au 'ois, csl une plaiuc lîrs rase coupro
Irausvci'salcruout pai- un faviu. (Icllc posiliou oMiiicait
n(''f('ssi;ir(MU('ul Irs (uiuniiis à attaipus' un<* des deux ailes,
et UKUUc les deux, a vaut de pouvdii- ruarclici' à la Iftur
cl de se uu'llrc daus Iv iMMilranl. »
(louiuic t»H le voil. la (-li>r d(> la di-IVusc rlail !<• Jxuîric
de H(M';;<>u. Kutout'é d'uu uiur de dou/c à dix-liiiil pieds
de liauleui' el de trois pieds d'épaisseui', uiuiii d'uu ehà-
leau el d'une (\i;lis<> (|ui p(>u\ai<'ul servir de ivduil, IJer-
iicu élail un posiez lorl i'esp(>clalde, eapahle d'uise resis-
lauee sérieuse; Nuil a» .oins un assaiil <1i"'ii;é eoiilre lui
devi'-'il-il être précédé du l'eu de l'aflillerie, (ju'ii sérail
d'ailleurs facile d'(»u\ r!i'd(> réniiuence V(<isiue « \ni iiolieu
SIeiu », siluée à uii kil<»uu''lre «Mivirou de l'eiicciulo.
1.0 pelil plaleau où la Italaillc l'ut livrée n'a, daus sa
parlie découverte, (|u'uue lariicur de 1.100 uu'Mres; la
l'orèl de Wi'.'oei à i^auclie, le villai;,'e do itevij'oii à droite,
le olieuiiu creux (|ui faisait couiuiuiiiijuer ces deux loca-
lités au ceuire, reudaieul peu aocessihle la jxisitiou choi-
sie par Uro.ulie. Kii outre, taudis (|ue de la tour de lîer-
jUiM'-Warte ou douiiuail les foruialionsdu prince Kerdiuaud
et (pi'ou était à pm'muc de suivre f<Mites ses uiana'uvres, la
nature du leri-aiu p(>ruu'ilali :vi ooutraire aux Krau(;ais
de dissimuler !e ui'os de leui's tritupcsdaiis la forêt, dei--
ricre la crête on dans les ru(>s et maisons de Her.yen.
li infériorité sup|)osé(> de l'adversaire expli<pio la précipi-
tatiiui des mouvements de Kerdinaud el le [)eu dcnioyei
ÎS
([U il ci'ut utile d'y atlecter.
Dans Hei'geu même, le t-éuéral fraiu;ais plai.-a huit ba-
taillons allemands et srisscssous les ordres du harou île
(llu'en; eu dehors (le la Uiuraille et à [lortée, onze liatail-
WÊmm
8 LA ciKumî m: skpï ans. — ciiai». i
lotis IVniK.'nis cl (l(Mi\ l>;il;iilloiis suisses, sous la dircclinii
siipri iciirc (lu |)rinc(' (Iniiiillc <lr L»»i'f;iin(', Jissisir des iiiii-
irchaiix de cimii) d'Orlick el Siiiiil-(lli;iniiiiis; d(«rr!èi'(' le
)MlS (
le \Vill»el. le eoiitiliiiciil s;i\nii e|. eii l'ései'Ve, li'dis
Id'i.miides IViUM'aises. An centre, eiilrc les deux ailes cl en
arrièi'c de \< l<»iir' de IJei",i;or-\Vai'le, la .urosse cavalerie
sur trois li.uiies; les dra.iioiis scrvaid de soutien au ceidre
et à la uanchc; cnlin rartilierie, conimandée par le che-
valier INdl(>lier. sur le Iront de halaille. hél'alcalion laite
(U\s fiarnis<»ns de llanati, (''rancloi-t et autres villes, les
l''rau(;ais avaieid présents à Taction 'iS hataillons, V2 os-
cadrt»ns et d(>s ti'oupes léiiV-res, soit 2!>. ()()() à .'M).(KK) coni-
liattants. l/arnM''e du pi'inc<* Kerdinand (oniptail (1) -l'y ba-
taillons l'éiiuliers, .'{!> escadr(tns et :{..")()(> des ( orps i'rancs,
soit en tout -11 AHH) lioninies. Les eU'ectils étaierd à peu près
cf;au\ de |)art et d'autre; les Kran(;ais avaieid j)lus di^
fantassins et de canons, tandis (|ue l<'s coid'édéi'és l'eiu-
porlaienf (2) en cavalerio.
Aussitôt (pie Kerdinand eut connaissance des mesures
pris<>s ])ar Hro.ylie pour la concentration de s(»n ariin-e à
IJerifen, il (l(''cida de l»rus(pier ren.yaiicnient : « (^oiiimo
toute l'.ioii expédition exigeait lieaucoup de C(''l('M'it('', (''cril-
il Cli. je n'^solus de niarclier à eux sans perdre de t( nips. <>
Mali;iv la fatiiiiie des lrou[»(>s ([ui veiiai("nl de l'aire trois
('tapes |orc('>es, ordre lut (Ioiiik'' aux divisions de se iiiettri^
en roule a\aiit le jour et de se porter le plus rapide-
iiient possilde sur le plateau de lieriieii.
Vers huit heures du inatiii, l'allaire d(d)ula (4) par des
(I) iiodiMi, vol. u, |). i;.
('i) li(;s cireclifs (l(!s itaiilons ol escadrons confédérés étaient plus forts
(|ue ceux des iinilés f iraiscs corrcsiiondantes.
(:t) Fi-rdiiiand à llo^ rni-ssc. Wind.kcn, li avril 175'.». Hocord Oflicc.
Il) Lo récil di' la balaillr de llor^-rn est tiré des rappoils (li> Hro^lii', du
liriine l'"<'r(liiiaml, de \Viil};cnaii, de la (iiscliirlilr i/cv Sichnijiiln iijcn h'iir-
fjcs, vol. III, Ht-rlin. I.S28; Sodenstern, UicSchladil bei lirrgcn, Kassel, IHCi ;
«f
AI'TAQIIK DU VILLAGE DK HER(.r,N.
rscarinoiU'Iics dans 1(' }t(»is ilc WilIx'I nilrc les troupes
leurres des deux iii'inées, el par la |»rise de possession du
pont de celte localité par les llano\ riens, bientôt, lent*
avanf-.uai'd'' , sous Jes ordi-es du jn'ince héréditaire de,
Urunswieli, couronna, la liautcuir Ani liolien Stein, ouvril
la canonnade avec les trois pièces de f^i-os calihre (pi'fdlo
avait anieiMM's et lan«;a des c(»lonnes d'assaut sur Iteriicn.
(liions le récit <pie l'ait le princ(> Keivlinand (\) de la
|)rernière atta(|ue du v'lla,L:e : .' Lorscpu^ j'arrivais avec
lavant -li'arde, consistant en trois hataillons de i;renadiei's
et les troupes léyéres, soutenus par on/e escadr-ons et sept
Italaillons avec du .uros canon, les eniienns n'étaient pas
encore formés; je reniar(piai niêine de la confusion |)arnil
eux. ...le nrapei(;us par le tei-rain <|U( je pouvais décou-
vrir, (pie je devais coininencer par [)rendr'e le \illa.î:(> de
Heriien, paur p^ngiior la hauteur' (jui est derrière ce vil-
la,sie, (>l (,ù je ne <lécouvris alors <[u'un coi'ps d'à peu
près V.OOO ho'unies. Leur canon conun(n<;a à jouer-, mais
t'aildement. .le l'ésolus d'atla'prer' le villaj;*' et lis pr-esser
la mar'clK' des colonnes. Kn attendant, les gi'enadiei'S s'é-
taient por'tés avec uiu' valeur- tout e.xti-aordinaire contr-C!
le villapc, (pioi(iue un peu Ir-oj) tôt; ils chassèi-ent l'en-
n«Mni des jar-dins <'t le poussèrent dans le villa.ue. << iTa-
pr-ès le pr-in(-e, l'épuisement des munitions tit avoi-ter la
tentative : « Ayant tir-é tous les (W) coups ([iiils avaient, ils
conimencèr-enf à se r-eplier dans le même temps (pie le
|)rince d'Issernhui'i;' s'avari(;ait pour- les soulenii-. "
L'assaut des llanovriens, à la tète d(>s(|iiels marchaient les
,i:r'(Miadiei-s des hatailloiis llehn (>t (Ir-amirr, fut viveinerrt
mené et eut p(»iir' r-ésultal de rerouler les (léf(Miseur*s der--
i-ièr-e les mur-s du Ixuiri:. lîr-oiilie iîppuya ceux-ci des r-étîi-
menls de l'iémont, Koyal l»oiissill(»n et Alsace, el r'erd'or-(;a
\V('st|iliali'ii, Crsrhivlilf (Icr Feldz-lii/cdcs llerzoï/s l'vnUnand v. Ilraiinsch-
ii-eiy, ll(Mliii, 1S7I ; Hrdt'ri, Tiigehiirli, i'\c., etc ...
(1) rcidiiiaiid il Iloldcnicssf. Lic^aûiayn, "2:1 iiviil I7.V.». Ikcoid Ollicc.
10
LA r.L'ERUE DE SEPT ANS.
CIIAP. I.
I I'
SOI) f'xti'ônio droite dos rég'inicnts suisses do CnstoUa ot ^\('
Hioshiicli. Ofto niJiiMi'iivi'o foivji roiiuoini à la rotraito;
mais sur oos oiili'oraifos, voi-s dix houros, la division d'Is-
soiuhuri;' oiilcait on lioo; ses proiuiors lialaiiloiis s'ôlaiicô-
l'ouf aussilôt au socoui's des assaillants, tandis (|uo le reste
se déploya sur le [)lateaii. La seconde tentaliv<' des ronfé-
dérés eut d'altord le même sueeès (jue la |)remière et lit
l'oculer le.; Kraneais Jus([ue dans l'intéi'ieur de litM'.uen.
C'est à ee moment (|ue se place la confro-attacpn' victo-
rieuse ([uo raconte la relation de rEtJit-Major français (1) :
« Alors M. le duc de IJrof^lic mena le régiment de Holian
le Inn^ des vcrj^ers, fit cidrer celui de Beauvoisis par la
rue du villa.ee et ordonna <[u'ils fussent soutenus par Dau-
pin'n et Knpliien. Ces troupes réunies atta(|uèrenl l'ennemi
avec tant de couraîj;c qu'elles le chassèrent et le mirent
en jirand désordre. » Le prinsc d'Issend)uri;' (jui accou-
rait avec du renfort, fut entraîné dans la déroute et tué en
cherchant à rassend>ler son monde. Extrayons du rapport
du prince Ferdinand le passage consacré à cet épisode : « Ce
mouvement opposé des uns et des autres y mit la confu-
sion, rpii augmenta à mesure ([ue le feu des ennemis de-
vint plus fort. Le prince (rissend)urg fut tué et tous ses
bataillons revinrent en si grande confusion ({uc j'eus une
peine iidinie de les rallier. Us perdirent cinq pièces de
canon qui restèrent dans le village et qu'il n'y avait pas
moyen de rattraper. Les ennemis sortirent du village avec
des grands cris, en poursuivant notre infanterie; je cou-
rus aloi's à la cavalerie pour la faire avancer. Le régiment
hessois du (>orps (hinna ; les Français furent renverses et
renvoyés dans le village dans un instant. Nous fîmes à
cette occasion 150 prisomiiers. On réussit à la fin de ral-
lier l'infanterie, et elle fut ramenée sur la hauteur vis-à-
vis de celle qui était occupée par les Français. »
(!) Relation de l'Élal-Major. Aicliivcs de la Guerre, vol. 3hli.
CONTHE-ATTAQUK DES FRANÇAIS.
11
Coinplf'foiis fc ivcit par les docuiiionts fraïuais : ha
conti'('-alta(jii(' à la(|uollp fail allusion le prince, avail ('lé
laite par l(>s rét;iineiils de Uoliaii et de Heauvoisis. ('.(>lte
brigade. eiitralné(> par son ardeur, s'était mise, en dépit
des oj'di'es donnés, à la poni'suile des l'uyards. Mal lui en
pi'it; elle lut chai'iiée par les cuirassiei's hessois et forcée
de reg'aitner, avec des perles sensibles, l'abri des murs de
Hei'uen. A leur tour, les Hessois furent arrêtés pai" le feu
do l'arlillei'ie (>t l'entrée en scène de dix escadrons (pie
liro.ulie détaclirt contre eux. Il n'y eut pas au coui's de la
journée d'autre rencontre de cavalerie, et cependant, il
semblerait (pie le désordre des confédérés, après la mort
d'Issemburp', aurait pu être transformé en déroute, si le
fiénéral fran(;ais eût fait appel à cette arme.
Uéfiai^és par le succès des Hessois, les bataillons du
prince béréditaire furent ralliés [)ar leur vaillant clief et
tirent un nouvel effort pf>ur s'em])nrcr de IJcriicu; ils
furent repoussés, l/infanterie française s'avam-a derecbef
et, en dé|)it des démonstrations de la cavalerie ennemie,
fit nn'ne d'aborder la crête sur lafjuelle s'était retirée l'ar-
mée de Ferdinand. « Les clioscs paraissaient très péi'il-
leuses pour nous, écrit (1) le narrateur banovrien; par
bonbeur, le tiénéral-lieutenant Wuttienau arriva avec six
bataiUons (pii avaient couru près d'une lieure et i)erdu
pres(jue la respiration. » L'apparition fort opporlnm^ de
cette division fraîcbe permit aux alliés de reformer leurs
unités fort éprouvées pa?" le cond)at du matin. A partir de
ce moment, l'ensia^iement dégénéra en une lutte d'artil
lerie. « Nous restAmes ainsi, dit la relation allemande,
sur le tei'rain (jue nous avions soutenu, en essuyant jiis-
(pi'à liuit beures du soir la plus terrible canonnade (|u'<tn
eût jamais entendue; les ennemis ne montrèr<>nt point
l'envie de nous atta(]uer... Nous avions planté deux cents
(1) Rapport de Wulgenau. Windfkea, 14 avril 1759. Archives de la Guerre.
il
«^i^«^
12
I.A OUERHK DK SKPT ANS. — CIIAP. I.
/'
|)fis (loviiiil los rr.ii'iinoiils .ros liiiit ,ei'(»s fiinoiis avoc les
pirccs (!<• n'.iiiinciils. (Icllcs-ci lircul l'en sur loiil (•(> (|iii
so piTscnlîiil (les ciiiMMiiis, Ijiiulis que les aulres lii'jiieut
(•(»ulinu<'lleuieul vers les ligues des euueuiis el vers Her-
jien; les euiieuiis ne l'esl.iieut pas eu arrièi-e, leurennou-
uade fui luèni" plus forte et on n'en a jamais vu si opiniA-
Ire, (pii a dni'é 12 heures de siiile. n [.a retraite coinnieiu'a
à 10 heures du soir; le prince l''er<linaiul, <pii resta l'un des
derniers sur le champ de bataille, ne rentra à Windekeu
qu'à 2 heures du matin.
Ainsi que le prouve ce récit, les dispositions ([ue jirit
le général hauovrien après l'an'ivcc de NVuti^'enau en im-
posèrent au duc de Urofjlie (pii craitinit une reprise du
C()ud)at. Revenu à la tour de |{ei;i;er-\Varte et coinplète-
ujent rassuré du côté de Willxd, il renl'ori.-a son centre d'une
iii'osse l'éserve d'infanterie (Mnprnntée à sa tiauche. h II
attendit ainsi à quoi allaient aboutir les maïueuvres des
ennemis, mais tout se passa eu canonnades e\tréuu>ment
vives qui firent beaucoup souH'rirles brigades qui étaient
à la tète du village, ayant tiré à cartouche avec de
iiivtsses pièces et à une portée qu'on croyait inqiossible,
mais cpii était ce[)endant ti'ès meurtrière... l'n moment
avant la nuit, les alliés portèrent [)lus d'infanterie vers
le villafie comme pour l'econnnencer une nouvcdle at-
taque, et à II heures du soir, ils tirent leur retraite et
marchèrent tonte la nuit. »
Maijiré leur bonne altitude, les confédérés étaient en
fort piteux état. " Nous avons passé la nuit, écrit Wutge-
nau. sans feu, sans eau, sans pain, la [)lui)art des régi-
ments ayant laissé leurs havresacsà Windeken. » Ils em-
pf»rtèr<Mit cependant du clunnp de l'action leurs blessés,
dont les plus gravement att<Mnts furent abiuidonnés dans
les villages des environs. Leur perte, évaluée* à (i.OOO par
le duc de lîroglie, s'éleva d'après le rapport ofliciel de l''er-
diuand à 122 officiers et 2.V93 soldats tués, blcssésou pris;
IMPORTANCE DE LA IIATAILLE DE IIEIIGEN.
13
colle (les Fraiirais fut égale sinon supérieure. I^e maréchal
(le Coiilades ^1) donne le cliilIVe de .'l.VOO el 1<> cuniniis-
saii'e des guerres Duniouriez parle de -2. 000 idessés dans
les liùpilaux de Fi'ancCort, dont (pi(d<pM>H-uns app.irlenaid
à l'armée conledéive. hans celle de Hi'oglie, les hal. ni-
ions qui avaient coniribué à la défense de lterg<Mi sup-
portèrent à (>ux seuls tout le poids de l'alfaire; ils y lai^;-
sèrent pres(pie le (juai't de leui' ellectif. La cavalerie n'eut
<jue 13 (tfliciers et soldats lioi-s de cond>at; dans le coi'ps
saxon, le seul oflicier i'rap|)é fut le lieutenant généi-al
Dylieru (]ui mourut de ses blessures. Cimj canons restèrent
au pouvoir du vaincjueur.
Au surplus, la victoire de Rergen, médiocre comme
résultats si l'on n'envisage que ceux de l'engagement,
eut p(»ur ell'et de mettre lin à l'enti'eprise du pi'ince Fer-
dinand <i L'événement est bien inijxu'tant, écrit Soubise
de Vei'sailles (2). un succès différent entraînant la perte
de i'Knqjire et nous faisant honteusement repasser le
Uhin. » GrAcc à sa prévoyance et à la rapidité de sa con-
centration, Hroglie avait conjuré le péril, et c'est avec
une satisfaction légitin e (|ue le rédacteur du i'a|)port
fram^ais j)ouvait dire : u Lorsqu'on se rappellera <(u'on
n'a pu avoir de nouvelles cei'taines de la marche des
ennemis que le 11 au soir, que l'armée était séparée de
plus de 80 (juartiers, ([u'elle a été rassemblée et a gagné
la bataille en 3H heui'es, (jue tous les magasins ont été
conservés et (pi'il a été pourvu aux garnisons et à la
sûreté des villes de llanan, de (Jiess<Mi et de Mayence, on
trouvera qu'il n'y a point eu de tenq)s perdu et ([u'il
fallait que toutes les précautions fussent !)ien prises d'a-
vance. I)
Si le choix du cluunp de bataille, si les dispositions
(t) Conladcs i\ Belleisle. Francfort, 2G avril I7.V.». Arcliives de la Guerre,
351 i.
(2) Soubise à "Castries, 29 avril 1759. Archives de la Guerre.
i^^m
14
LA GIJKRRE DE SEPT ANS. — CIIAP. I.
< 1
i
sur lo tcri'uiii pour la (IrTcnsc l'onl honneur au général
l'i-uncais, il faut avoiU'i* i|U(> pendant le coniUat il péclia
par liinidilé ou e.\<-ès de pi'u<ience. Ferdinand au eon-
Iraire eonnnil des fautes «l'ordre o])posé; la liAte et le
décousu ^hi son attn({uo lo ccMidainnaient à une dél'aito
poui' peu «ju'il l'encontrAt uiu> l'ésistanee sérieuse. Il se
trompa sur les forces de so'.i adversaire, u«; lit pas pré-
céder l'assaut <l«! rinlanteri(^ d'une action suffisante de
l'artillerie, crut inènie ([u'clle n'était [)as indispensable,
et exposa eu conséquence son armée à un échec (jui au-
rait pu tourner en désas'iro. Sur les 2i pièces de gros
canou que Ferdinand avait emmenées de (lassel, il n'en
utilisa que 11, et encore la plupart n(; commencèrent
à tirer qu'à (> heures <lu soir; par contre, il oui beau-
coup à souffrir des batteries supérieures des Fran(;ais,
sui' 'Ut de celles qui, i''tal)lies sur la lisière du bois {\v.
Wilbcl, enfilaient ses lignes. La le(;on ne l'ut pas perdue;
elle l'ut d'ailleurs soulignée par le roi de l'riîsse, «pii
dans sa correspondance avec Ferdinand n'hésite pas à at-
tribuer l'insuccès au manque d'artillerie. Dès le len<le-
main de la bataille, le prince porta ses efforts sur l'aug-
mentation et la réorganisation <le cette arme, avec <les
résultats que nous aurons l'occasion de constater dans le
cours de la Cumpagnc.
Dans le canq) fran(;ais on sut gré au général <le sa
victoire. « M. le duc de Broglie, écrit Dumouriez (1), fait
donner une gratification en vin et en viande à ses trou-
pes; elles l'ont bien méritée. Il en a tonte la confiance et
la plus naïvement exprimée. » A Versailles, <lans le cercle
intinu.' du Koi, on ne partagea pas l'enthousiasme <lu sol-
dat, u M. le duc de iiroglie, mande Soubise (2), n'obtien-
(1) Dumouriez à Fumeron. Fraiicfoil, ti avril 1759. Archives de la Guerre,
3514. Le futur iiiini.slre tt général de la république était alors commissaire
des guerres à l'année d<; Hroglie.
(2) Soubise à Castriez, 29 avril 1759. Archives de la Guerre.
^)l
RROOUE MAL VU A LA COm.
15
(Ira pas la fii'Ace «loiit il pourrait se flaffri*. Srs lettres ne
iV'ussisseiit pas; je crains inêmc ([ii'clh's ne fass«'nt tort
aux réeonqu'nses (|u"il demande pour les ol'lieiers pîirli-
cnliet'S. » Iteeonnaissons néanmoins ([ne Sonhise remi
justice* aux (jualités de son ancien lieutenant : « ' ussi je
pense oi je dis... ([ue M. le duc de hi'ojilie mérite heau-
coup... ([uil faut s'en servir et lui passer les défauts de
son caractère. » Helleisle, tout en adressant au vaincjueur
l<>s félicitations ohlinatoires, y joiiinit (1) des criii(]ues au
sujet de la faiblesse de la poursuite et de la cipture pîir
l'ennemi de l'jiôpital d"llanau dont le bruit était parvenu
au ministère. Pour le coup, liro^lie, d'ordinaire très froid,
se i'Aclio et emprunte pour sa réplicpu» (2) le ton et la viva-
cité de son frère, l'ex-andiassadeur de Dresde et de Vai'-
sovio : « Pr<'miè)'ement, monsieui' le maréchal, le fait est
faux; rin')pital n'a j)oint été pris et les ennemis n'en oui
j)oint approché; •i°<[uand ils l'auraient pris, cela aurait
été peu étonnant et très pardonnable pour deux rai-
sons : la première ([ue la vie des hommes étant pré-
cieuse, il vaut toujoui-s mieux laisser prendre un hôpi-
tal que de faire périr dans le transport les malades qui
ne sont pas transportahles... Entin, Monsieur le maré-
chal, je n'ij^nore point que le Koi doit être averti du
mal comme du hien, et vous pouvez être sur que je
ne lui cacherai jamais rien. Je suis plus capable qu'un
autre de faire des fautes, mais j'espère que la franchise
avec la({uelle je les avouerai me méritera rimlulgence
de Sa Majesté. Vous sentirez cependant qu'il est bien
atl'reux qu'il y ait des particuliers dans une armée, au-
torisés, par la confiance (|ue le ministre leur donne, à
mander des niensoniies et à chei'cher des toi'ts inventés
à leur général, quand ils ne peuvent <;n trouver de réels. »
(1) Relleislc à Hroglie, 19 avril 1759. Aichivps de la Guerro.
(2) liroj^lic i Belleisle. l'iuncforl, 22 avril 1759. Archives de la Guerre.
I
c
<l
1 I
v; LA r.lIERHE DE SEPT ANS. — CIIAP. I.
(Icllc (''i»lli'(' se croisa .ivcc uiip Icllrc aulograplic <lu Koi
cl iiii l>ill<>t lirs aiiiiahlc de liollcislc (I i : c Le Koi vous
rci-anlc comiiie un des lirulcnnuls ^vurrauv de ses ni*-
uiôcs Ir |»lus eu état de coiMUiaiidiM- daus la suit<> »; enfin
l'octi'oi (le (|u<'l(|ues-uu('s «los lî'i'iU'cs soUicitrcs vint [»aci-
licr les esprits.
Pelletier, (|ui était à la tète <le l'aitillerie, et d'Orlick
lurent proniiis lieut<'nanls i;énéran.\, et le prince de Uolian
devint niaréclial de camp. Du hîUou de maréchal de
^'l'anc(^ [K»nr le vain(|ueur il ne l'ut pas (|uostion; cepen-
dant le pour et le contre avaient été fort discutés à Ver-
sailles. In mut intime de Soultiso à son ami [il) Castries y
l'ait allusion : Tout d'abord les compliments sur les succès
des ai'Uies ([u'ou associe, selon la mode de répo(|ue. à
ceux d(î la palanti'rie : " C'est un heau momeid (|ue le re-
tour d'une Itataille f;ai;née. .le ne me i'a[)j)ell(! pas M""' de
Tanuerat qui u le bonheur do vous plaire; Je crains
(piellc ne soit de la seconde noblesse. Fi donc, Monsieur le
iiém''ral de la cavalerie, m* >()us abaissez j)oint... Je viens
de voir la duchesse de Hrofilie (jui demamie avec instance
le biUon. » Quebjues joui's après, rappréciati<tn llatteuse
que nous avons extrait*^ de la coi'respondance de Soubise
est suivie di; ces mots : k Je vous répète (|u"on n'est pas
dans la résolution de le faire maréchal de Franc<». » Uro-
glie en ed'et dut attendre quel(|ues mois la distinction su-
prême de sou pays; mais il l'ut mieux traité par b. M. Im-
périales de Vienne <|ui, reconnaissantes au sauveur de
l'Allemagne du sud, voulurent lui décerner le titre de
princcî de l'Enqiire. Consultée à ce sujet, la cour de Ver-
sailles, malgré ses sentiments peu favorables pour le
destinataire d'un bonneur qu'elle trouvait excessif, ne
put que remercie l'Euqjercur avec cll'usiou et accepter
sou olf're gracieuse.
(1) Belloisle à Broglift, 22 avril 1759. Archives de la Guorro.
(2) Soubise à Castries, 19 avril 1759. Archives île la Guerre.
a
«ETRAITE DE FERDINAND.
17
Si le ,«(''n(''rnl IVain;!iis so mollira peu iMitrcprciiiMit sur
IcMliiimp (l<> hiilaillc, il le lut oucoro moins apivs sa vic-
foirc (joui il ncsuJ pas tirer tout le parti [jossildc. Ccpcu-
«lant l'adjonction, W lendemain de TaU'aire, des IV l»alail-
lons et V escadrons de Sainl-(iei'niain lui assurait sur le
pi'ince Ferdinand une supériorité nuniéri((ue ({ui sjijou-
lait au |)resti,i;e moi-al du succès. Kn dépit de ces avan-
tages, |{i'o;;lie se borna à l'aire suivre» l'ennemi par ses
vidontaires et par sa cavalerie légère, et <'iK^ore les ins-
tructions poiM' la ])oursuite étaienf-(dl(>s empi'eintes d'une,
pindence <pii inditiue ou peu dc^ conllaïu'e dans les su-
bordonnés, ou un respect exauéi-é pour l'acUcrsaire : u J'ai
l'cconunandé à M. d'Obenheim, écrit-il à IJelleish^ i 1), de
ne point s'aventurei* et en cas que les ennemis marchas-
sent ce inatin, d'aller à la suite des draj;<)ns Jus([u'à llun-
ficn, mais de n<' jjoint le dépasser, (juclque chose qui put
arriver... On en peut refuser l)eaucoup de louanj^es au
prince Ferdinand de la iirandeur du projet et de la vi-
vacité de sa mai'clie; c'est un ennemi danyei'eux et aux
mouvements du(|u«d on ne saurait donner trop d'atten-
tion... Je ne pense pas qu'il l'aille s'erulornur; l'ennemi
est hattu mais il n'est pas détruit ; il va changer son projet
et tîU'her de reprendre sa revanche. »
Après un séjour de deux jours à Windeken, et de
deux autres à Marienhorn, Ferdinand continua à se re-
])lier sur la liesse. Le 18, il transféra son ([uartier gé-
néral à (irnnherg, puis à Alsfeld et enlin le -2;$, à Zic-
genhayn. l>ans uiuî lettre à Ihtldernesse (2) il justifie ce
recul : « Ayant un ennemi beaucoup plus fort en front,
les Autrichiens sur mon flanc .aanche, le corps de M. de
Blaisclsur madioitc et une distance de vingt milles d'Al-
lemagne entre rennemi et Casscl d'où je tire toutes mes
(1) Uroglio à Bellcisle. Francfort, 1',» avril 1759. Arcliives de la Guorrt'.
(2) Ferdinand à Holdernessc. /ie^-eniiayn, 27 avril 17o'J. Record Oflice.
GUEUnE DR SEPT ANS. — T. III. 2
rjFmr~-r,
l.H
LA Gl EURE DE SEI'T ANS. — CIIAP. I.
siibsistaïKcs, il jiiii'ait (Aî' une fausse; lioiifo qin' in» vou-
loir |>i'is l'ain' mil retraite. » Peiidaiil la niarcJK' rétro-
grade des ("oiilV'déi'és, lllaisel. ([ui avait la dii-eeliou sujié-
rieiii'c des tr(»ii|M's ié.yèi'es IVaiK-aises, liuvi. un <'ond)al
heureux: inl'oruié, |)ar une dépêche trouvée sur un <»rii-
eiei' pi'isonnier. du voisinage d'un détaciuMuenl einuMui,
il ralla(|ua (d lui tua ou prit heaucoup de monde, dont
1 1 ofliciers et '1\'>\ dra.^'ous du réj^iment |)russien de j-'in-
ekenslein. La, l'afipue des hommes el des eln'vaux, la pé-
nurie d(; vivres et de Ion rra,i;('s tirent arrêter la poui'suite ;
les réiiiments réj^uliers de Broglio étaient déjà de retour
dans leurs cantoniu'uuMits.
Le 25 avril, Contadt^s ([ui revenait de Krance arriva
à Francloit; il apportait avec lui la nouv(dle distrii)U-
tion de l'armé*' d'après la([uelle llroylie vcjyait sou corps
réduit à ;IS hataillons et :il escadrons. 1. (»()() troujx's
léiièi'eset 18 canons, (loutre ccdte diminution, Ui'o,yli(! pro-
testa par un mémoire (l) où il exposait que s(jn ell'ectil'
dinuMué iM' serait pas eu état do re[»ousscr une seconde
tentative de Ferdinand. Il ne fallait pas compter sur le
duc de Deux-Ponts ; (( M. le maréchal de Contades sait
le peu de fonds ({u'on doit faire sur rarnu''e do l'Empire,
sa faihlesse, sa composition, son penchant à rentrer en
Itohême. Il est aisé de ju.i^er de là du [)eu d(; forces (ju'il
faudia au prince Henri pour la mas(pu'r. » Le docunuMit
concluait à une auiinientatiou indispensahlo pour résister
à un eir(n't cond)iné dos j)rinces llonri et Ferdinand. Quel-
ques joure après, notre général marque sou niécouteu-
tcment eu aunonç.int à Belleislc (2) qu'il va, avec la
permission de Contades, faire une cure de lait à Oher In-
gelheim et ([u'il cède 1(> conunandouiout au chevalier de
Muv. Avant de s'absenter, il attire derechef l'attention du
(1) Mémoire de IJroglic, 29 avril 1759. Archives de la Guerre.
(2l Broglie à Belieisle. Franeforl, 3 mai 1759. Arcliives de la Guerre.
LK PRINCE IIKNRI ENTRi: KN niANCONIE.
10
niiiiisli'csiii- le diiiiure' d'uiu' iiituisioii (h>s (•(mlV'dt'rrs <|iii
n'iiMi'iKlrniil pas pour ii.^ii* !<' 10 Juin, d.ili' iiidi(|iii'><' par
Coiitildcs (>t XoiitcviiiH'd connue ccllt; d<> lii iiiohilisiilioii
griM'i'alt', Mèiin" liiiiyatic à Coiifadcs I) (\n"\\ pi-ir de l'aire
une diversion : « .le dois vous (»l»sei'ver de nouveaii (|n il
nie >enil(le <pn' V(tus n'avez pas un nionienf à perdre
et penf-èlre même (|n'en donnant sur-le-champ ordi' • aux
troupes (lue vous vous êtes proposé d'asscMuhler à (lolo-
pne. de se port<'r à Lindiour,:;. elles y arriveront à peiin'
à t( :mJ)s. » |{ient«'»t une demande d'aide de révè(|ne de
NVurlzInu'i: vint eonlirmer les craintes du duc; puis ce l'ut
l>eu\-l'onls ([ui appela au secours !'2) ! Le prince Henri
niarclie contre lui avec :J(>.(M)(> hommes; les llanovriens
en ont 10.000 à HischoU'sheim. localité au sud de Kulde;
rarnu''o dos Cordes va l'étroiii'ader sur llamherii.
Ces hruits, ou ce (jui concerne le détachenn'nt t\o l'ar-
mée du [H'ince Ferdinand, étaient exagérés. Celui-ci n'a-
vait participé à l'entreprise du princ(> lleni-i ([ue par l'en-
voi de .') (»u (i.OOO hoiunu's, sous le .nénéral IrH'. dans la
partie supérieure de la vallée de la \V<M'ra. Le 10 mai,
cette division était j)arv«înuo à Utindiild près de Ki'ini.iisho-
l'en;elle j)oussa ses éclaireurs jus([u'à Schweinl'urt sur
le Mein, mais m' prit aucuiu' part aux enuaiioments ipii
eurent lieu entre Prussiens et Impériaux et retourna peu
après (Ml liesse.
Quant au mouvenu'ut du prince Henri, il eut une autre
importance; l'opération déhuta le 8 mai par uiuî ren-
contre près de Hoir outre Finck et l'Autrichien Mac Cuire ;
ce dernier, hattu et coupé, ne [»ut rejoindre rarniée de
rEinpire (ju'à INuremher,!;- ajuès nu loiii; détour par la
Hohème. Deux-Ponts dont h' (piartier général était à
Culmhach, très ému de l'apprcjcln^ des Prussiens et des
(I) Broglie à Conlades. Franc tu il, ."> mai IT.'.O. Aicliivcs de la Guerre.
(:!) Deux-Ponts à Broglie, 10 mai 1750. Archives de la tiuerre.
Wf
i^"»"
■■^■■■■i
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I
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50
II
LA r.lIKlUlK DE SEPr ANS. — CIIAP. I.
movnciis, ne pîirl.'iil de l'icii moins (|U(' de se l'clii'ci*
sur le Itantilx'. Lit ToiicIk* (|iic nous nvoiis vu niinisti'<i
IV;ui(;ais à llcrlin .-l (|ui rîail cliai'.uv d'une nussion eu
AlIcMiauiic (1) cl iW^vvVf. oMiiiiTuI avec ra|>|)ui de lla-
(lick. le r<>ni|tla(;anl de Scrlx-lloni, (|u<> la rcirailc lui di-
rigée sur l'an d»!'r,i;. Kllc coula <*licr au\ luipci'iaux : ^ Nos
lroup«'S s «'itai'inllciil, raconlc (ioci
Iz (2),
sans pour anisi
(lire lirci' un cou]> <lc fusil. » Ucnscijincnu'nls idcidiciiu's
iW \a\ 'louclic (.'{) : " Le rcfiiincnl (rinfanlcric d<' (li-onaicli
(lu cercle (le TrancoiuC, alla(|U('' ce malin ywv :2()0 Inis-
sai'ds, a nus l)as les armes sans tirer un coup de fusil el
;{ escadrons de draiions palalins n oui pas l'ail une nieil-
leU'T d(''fense el se sont (lis|»ers(''s. Que peul-on es[»(''rer
de pareilles !roU])es (pii ne peuveni (jnc d ('•(•(, urau'cr el
(Muharrasser les Aulricliiens? » Ou u'alleitinil Hainheri;' lo
\\ mai (|ue poui' fuir à i\urend)eri; où iiuil la reculade.
Les l'i'ussiens suivireni «i loisir, ramassanl les Irainai-ds,
reciieillani les d(''serleui's el s'(Mnparaid des majuasins (pw
les Imp(';jriu\ n'axaieni pas eu le lemps de deiruire; le
H) mai. ils enlr''>renl à llandteri; el auraient [)n conlinuer
l(
eiii' course \ icloruMise, s ils n axaient ]>as ele rap|)eles
par les nouvelles de la diversion du ,U(''U('M'al autrichien
(leiuminii'en sur les fronli('M'es de Saxe el des promirs
des [tusses vers Poseii.
Dans toute la Kranconie et .jus(pi;> dans r(''\ècli('' de
Wurizhui'ii' la pa!ii(pie fui ,:;('• m'- raie parmi les auloril(''s;
la po[uilalion, par contre, lit Itou accueil aux Prussiens.
(' L'ennemi, «'•cril Uyliinci* ('i.), a lrouv('' le iu(»yen de metiro
l(S p(Miples dans ses inl(''j'('''ls; ils se l(»uent (l(i la disci-
jdino, du peu de Ion ipiil occasionne j)ar son s(''jour, et
pai'aissent (l(',L;dùl(''s de 'a mauulention et des proC(''(l(''s d(»
(1) LaTouclu' i\ li(!llcislc. Ciilinltuch, |o in;ii l".V.). Arcliivcs tic la CutMie.
(2) (iocrlz à llroKlic. Cassciulorl', Il mai 17.">i). Arcliivcs do la (lu(^i'r(!.
(3) r,a Touche à Hcllcisjp. Casscndorf, Il mai 17.")!». Aifliivos de la riiii'rro.
['\\ Ujhiner a licllcisli'. \Viiil/.biirn, 17 mai 175'>t. Aichivcs de la (Uierrc.
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LI'S PRr.SSIKNS A IJ.VMIÎI.nn.
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l'aniH'»' (le IKiiipiit'. » Wiiflzlmri;' lui .sauvr pai- l'arrivi'c
(»j)|)(H'(uin' «lu ui'Im''!'.".! aulricliini Saiiii-.\ii(liv, Sr|i\\ciii-
fiirl par (•«•Ile «In partisan Kisclici' (|iir IW'niîlic avait dr-
prclir avant son d'-parl ptmr les eaux. Apivs f» jours de
l'cpos à l'.ainiK'i'.i;, le pi'incM' llniri lit prnidn> les dc\an!s
à son pan- d'artillerie le il mai, et 'iH heures plus tai-d se
mit en roule |>oiir la Saxe; le r'etour ne fut si;.tiialé par
d'autre ineid<'iit (pi'uii eoinliat d'arrière-uarde où I' s Prus-
siens repoiissèi'eiit les hussards et les pandoiirs et leui' en-
levèrent -1 canons. \ en croire le i-apport de (ioerl/, (I ,
leur conduite pendant la retraite l'ut heaiicoiip moins
.'xeiiiplaire qu'au déhut <le l'expédition. « Ils (h''\aslenl
le pays partout où ils passent, en eniuièneiit les suhsistaii-
ces et tout l'ariient <iu'ils peuvent ramasser. Ils malli'aitent
cnieileiiieut les haillil's et surtout h's pMis d'église. » A
ISaniheri;' ils réclanièrent au chapitre une coiitril)uti(tii de
700. (MM> é<us et déliiii'enl des olaues poui' en .i^surei' le
|iaieiii( ni. Maraiiiville (|ni était rentré comme attaché mi-
litaire au (juarti<*r,néiiéral du ducde lieux-Ponts, donne (i)
les niènies inrormatious : •■ Les Prussiens ont emmené les
cliexanx. les IxiMil's, les vaches et tout ce (pii pourrait l'a-
cililerles niouvemeiils de celte armée. »
A propos de l'iucui'siftn du pi'inee lîenri en Krancoiiie,
les cours de Vienne et dr Versailles échan.uèrent des l'é-
ci'iniinati»>ns où chacune i-ejetait sur I auti-e la resjxmsa-
hilité des malh(Mirs survenus au dur de Deux-lNnits. Aux
plaintes transmises par l{o\er, (|ui faisait l'intéi-ini de lam-
liassade de Vienne, sur rinaetion des l''ram;ais. Cdioiseul
réplicpie ['.]) en allrihuaut h^s succès du pi'ince Henri à
deux causes : « La première, que M. le ju-ince de Peux-
Pom-. est le plus ine|»le de tous les hommes; la secoinle,
(1) riocrl/. A lii'llcislc. NuioinIirr;{, '.!('> mai I7.i',>. Arrliivcs de la ("iiicrrc.
('!) Mfiraiiivillc à lli-lltiislc. Krliin;;i'ii, ;t() mai IT.V.i. Anliivcs (le la Cucirc.
(3) riioiscul i\ Hi)yer, 28 mai 17.".'.». AU'aircs KlraiiniTt's. Aiihiclif.
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22
LA OUEUUE DK SEPT ANS. — CIIAP. I.
(]U<' L's Autricliioiis laissciif lfaii(|iiilleiii<'nt l<' |)riiict'
ll<'iiri (''VJU'uer la Saxe jiniii' se ji^rtcr eu Fraucoiiio
Ufinandoz iiii pou à M. de KatiiiiJz ce; (]ue sont devcMius les
;U).()00 lioiiiincs (le troupes auti'icliicnnes (pii devaient
être avec laruiée des (lercles le nrattends qu'il dira
(pie tous ces liieoiivéTiieiits iiariiveiit ([iw par iKtlre faille,
mais avee sa [X'riiiissioii nous eroyons <}u<' c'esl i)ar celle
de la cour de Vienne. » Quelle (pie lut la raison de llieu-
reuse issue de l'entn'prise, nous devons constatei'([iio l'ev-
pédition du prince tieui'i remplit le but propos(''; elle mit
l'arnuje des Cercles liors <r(''tat de rien accomplir Jus(pi'au
mois de juiliet. nailleurs ri;;;pératrice Ueine. m(''Con-
tenle à l)on di-oit du duc de lïeu.\-l*onts. rappela la plus
tirande [)arlie de ses nationaux et irduisit à 'i '•(\uimenls
de cavaleri(> et Ip.OOO Croates le contiiiyeut allecté' à l'ar-
mée de rKmpire.
Uelournons maintenant à rarm<''o l"ran(;aise : Peu de
jours après la hataillc de Beriicn, Ferdinand avait l'ait
part au roi de l*russc (1) de ses iii(jui(''tudes pour Munster
et de son intention de rentrer en Westplialie; n(''anmoins
il maintint son (piartier i:én(''ral à Zie.uenliayn jiis(praii
15 mai, et ne se rendit à Lippstadt ([ii(> le 18, laissant
Imlioir avec sa division pour couvrir la liesse. Avec »[uel-
<]ue v(''rit('' il put se lV'licit(>r (2) d'avoir tenu les Fram^ais
en suspens pendant plus d'un mois. De leur côt(!', ceux-ci,
revenus de l'alerte <pie leur avait occasit>mi(''e l'incursion
des contVMl(''r(''s, avaient r<''int(\i;r('' leurs ([uartiers et ('taient
occupi's aux travaux de r(''parati(»n (jui, en avance sur
raiiu«''e pr(''C(''dente, (''taient cependant e, retai'd hur ceux
(l(! rennemi. Les r(''j;iments l'ran(;ais et suisses avaient
re(;u et incorpor(3 leurs jeunes soldais, mais le recrute-
(t) Ferdinand à Frédéric. Ziegenliayn, 23 avril Î759. Correspondance
politique, vol. XVIII, p. ■.>02.
(2) Ferdinand à llolderncsse. /iogenliayn, 15 mai 1759. Record OHice.
Ht,::
ESSAIS DE IIECUUTEMENT A HANAU.
:>3
iiK'iil dos corns .•ilIcinaïKls nu soi-vicc de Louis \V «Icvc-
ii.'iit (le plus <Mi plus (liriirilr. Ou avilit cIumtIk'' à iniitcr les
iii:iss('iu<Mils <!(' ri'ôdrric en Saxe et au Mcckiciuhoui'i;' eu
iu'nti(|Minil des levées dans lo, eouité de llauau. Les [)re-
luières teutatives u'ayauf pas réussi, Itelleisle iusiste(l) :
« J'espère pourtant que nous en vieudi'ons à J)Out avee
de la suite et toute la rigueur prussieune. » Le secoud
essai fut aussi inlructuenv ([ue le premier. Le chevalier
de -Muy s'excuse (2) de son insuccès : <( iNous ne tirerions
pas de ces hommes, quand même nous les aurions, uu
usaii'c aussi i;rand que le roi de J'russe. Nos troupes étran-
gères mêmes, quoique mieux disciplinées (jne les natio-
nales, n'ont pas la vii:ilance (|ui l'ait chez ce prince de
cha(pie réiiiuieiit, soit en marche, soit (>n canq)a,i:ne, soit
en (piartiei', une espèce de prison où les scjldats sont ob-
servés sîiiis cesse. »
Sans jious inscrire en faux contre une appréciation ({U(!
cojiiirnitMit les témoi,nnaii'es de plusieurs contenq)oi'ains
sur la Sévérité du régime prussien, nous devons recomiaî-
tre(pie les procédés arhiti'aires de recrufeiueut aux([uels
Frédéric avait recours étaient facilités par lacouMunnanfé
de lauLiue et de ndiiiicn, et peut-être aussi parle senti-
ment uational inconscient nniis vivace qui confondait la
cause du roi de l^i'usso avec celle de la patrie allemande.
(i) n('ll"isle i\ Conladcs, 7 mai 17:.9. Aicliives di; la (liio.rrc, 3515.
(2) Muy à IJiilleisle. Francfort, 22 mai 1751). Archives de la Guerre, 3510.
-V!
imm^^^'^^ffKmfm
II
il
CHAPITRE II
MINDEN
l'aRMKI: I)H COXTADES DÉBOUCIIK par la HESSK. — RETR\ITE
DE FERIUNAXI). — SURPRISE I>E MIXDEX. — CAPITL'LVTIOX
DE Ml'NSTER. — I5ATA1LLE DE MIXDEX. — COMBAT DE
COEFELD.
Pendant rintcrvalle de repos qui précéda la reprise des
hostilités, le cabinet de Versailles apporta une modifica-
tion importante au plan concerté avec Contades. Confor-
mément à l'avis de quelques membres du conseil, et aussi
SOUS rinflucnce des mémoires qu'inspirait à Broglie la
crainte d'une nouvelle pointe du prince Ferdinand sur
Francfort, Belleisle proposa (1) de faire déboucher la
grande armée par la Wetteravie et par la liesse, au lieu de
la Westphalie, comme on le voulait d'abord. Dans l'esprit
du ministre, il serait ] "éférable de dégarnir le Bas-Rhin
qui n'était pas menacé et de renforcer les corps chargés de
la défense du Moin et de la Lahn, dont le recul, envisagé
comme possible lors de l'adoption du projet primitif, au-
rait été mal interprété par l'opinion. Ce changement « de-
vait empêcher le cri général et prévenir le ton et les écrits
avantageux que les cours de Berlin et de Londres ne man-
queront pas de prendre par cette retraite dans nos places
qu'ils qualifieront peut-être de fuite, et effaceront avec
(1) Belleisle à Contades, 7 mai 1751). Archivcâ de la Guerre, 3515.
in
EFFECTIF DE L'ARMÉE DE CONTADES.
25
une sorte de vraisemblance l'avantage réel remporté le
i;i avril ». De plus, on demanda à Contades d'avancer son
mouvement de quelques jours et de laisser provisoire-
ment la division de Saint-Germain à la disposition de liro-
glie pour le cas d'une entreprise du prince Ferdinand
contre (iiesson ou Hanau.
CiOutades s'Inclina devant les suggestions do Versailles,
informa Broglie (1) ([ue la marche du gros de l'armée serait
dirigée sur Giessen et l'invita î\ faire ses préparatifs en
conséquence. A cette époque, c'est-à-dire au milieu de
mai, Broglie, ou pendant son. absence aux eaux, son rem-
plaçant Muy, avait sous ses ordres, *ant autour de Franc-
fort qu'en Wetteravie, sans compter les garnisons, (JO ba-
taillons, 57 escadrons et 2.200 troupes légères, dont, une
fois la campagne commencée, il ne garderait qu'à peu
près la moitié. Sur le Bas-Uhin, le marquis d'Armentières
devait opérer avec un corps indépendant de 19 batail-
lons, 2'» escadrons et 2.000 hommes des corps francs; le
reste de la grande armée était échelonné sur le Bhin de-
puis Wesel jusqu'à Coblentz. Le total, en y ajoutant ce
qui était alloué aux places fortes, se montait à 136 batail-
lons, 12i escadrons et 5 à 6.000 troupes légères, soit en-
viron 90.00') combattants. Contades (2) annonce à Muy qu'il
espère arriver le 31 à Giessen : « J'y aurai le 1"' juin 100
bataillons et 100 escadrons, en y comprenant la réserve
que je laisse à M. le duc de Broglie. » Ce dernier, d'abord
fort mécontent de la diminution de l'effectif qui lui était
confié, en avait refusé le commandement sous prétexte de
santé, puis il se ravisa, et promit de rejoindre aussitôt sa
cure achevée.
La concentration s'accomplit sans incident autre que
(1) Contades à Hroglie, 14 mai 1759. Archives de la Guerre. Allemagne,
3rii5.
(2) Contades i\ Muy. Dusseldorf, 17 mai 1759. Archives do la Guerre.
Allemagne, 351 G.
w^
«■
2G
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
il!'
la iatigue des étapes; le 30 mai, Contades (1) mande à
Bellcisle des environs de (liesscn, qu'il avait réuni au-
tour de cette ville et auprès de Marburg 82 bataillons et
5'i. escadrons. Muy avait affecté G bataillons à Francfort et
:i à llanau; avec le surplus, 18 bataillons et 20 escadrons,
il était à llomburg; les carabiniers et gendarmes dont
la mobilisation avait été retardée étaient encore en ar-
rière; l'armée traînait avec elle 74 canons de position
dont 12 au corps de réserve. Contades se loue de l'esprit
et de la tenue des troupes (2) : « Je ne les ai jamais vues
entrer en campagne en aussi bon état. » Il attribue ce
bon résultat à l'augmentation du traitement d'hiver qui
avait permis d'améliorer la nourriture du soldat, et aux
facilités accordées aux capitaines pour le recrutement de
leurs compagnies. Le 10 juin, le quartier général était à
Corbach dans la principauté de Waldeck; le même jour,
lîroglie qui avait rejoint son corps de réserve, occupa, sans
coup férir, Casscl et le lendemain Mundcn. Dans ces deux
villes, les Français s'emparèrent de magasins considérables
que l'ennemi n'avait pu ni enlever ni détruire. Le 13 juin,
Contades avise (3) lielleisle de son arrivée à Stadtberg :
« Je suis très obligé à M. le prince Ferdinand d'avoir bien
voulu que je passasse par ici; il était bien le maître de
m'en empêcher. Dix mille hommes placés dans ces délilés
ne seraient pas forcés par une armée. » Jusqu'alors on
n'avait rencontré aucune résistance; on n'avait même pas
pris le contact avec l'arrière-garde du général Imliolf qui
était demeuré le dernier en liesse; à Stadtberg les Fran-
çais se retrouvèrent en face des confédérés dont le gros
était campé à liuren.
(1) Contades à Bellcisle. Heuchclelin, 30 mai 1759. Archives de la Guerre,
3516.
(2) Contades à Bellcisle. Nieder Walcheren, 3 juin 1759. Archives de la
Guerre, 3517.
(3) Contades à Bellcisle. Stadtberg, 13 juin 1759. Archives de la Guerre.
OCCUPATION DE LA IIESSE PAR LES FHANÇAIS
27
Ferdinand, qui depuis le 18 mai était rentré en Wcst-
phalie, parait s'être attendu à voir son adversaire déhou-
clicr (le Wesel et de Dusseldorf et ne s'être rendu compte
que tardivement de la marche des Français par (iiessen;
tout au moins ne rcdoute-t-il pas une vigoureuse ofl'en-
sive de leur pari. « Le maréchal de Contades, écrit-il (1) le
20 mai, s'est éloigné du Rhin k peu pi<"'S au même moment
que je m'en suis rapproché; les all'aires de Franconie et
mon séjour à Ziegenhayn peuvent lui avoir donné l'idée de
se porter avec la plus i;rande partie de ses troupes sur la
Lalin... Cet éloignemen.t du maréchal du Rhin m'offre
une belle occasion de tenter quelque chose sur Dussel-
dorf. » iMais l'artillerie lui fait défaut pour un sièg-e même
de courte durée et il devra se borner à « une diversion
qui obligera peut-être le maréchal de revenir sur le Rhin. »
En exécution de ce projet, le prince de Brunswick fut
chargé d'une expédition contre les détachements français
de la rive droite du fleuve ; il culbuta les avant-postes des
villages d'Elverfeld et Niedmann en leur infligeant une
perte de 200 hommes tués ou pris, parmi lesquels leur
chef, le lieutenant-colonel de Montfort, et poussa une re-
connaissance jusque sous les murs de Dusseldorf. Cette
pointe hardie jeta l'alarme dans la ville. Sourches, qui
y commandait, fait part de son émotion (2) au ministre :
« Je prépare tout ici pour la défense de la place en cas de
besoin... Ma plus grande inquiétude est pour les magasins
prodigieux de fourrages qui sont restés ici et que l'on a
placés malheureusement hors de l'enceinte des fortifica-
tions, comptant qu'ils seraient consommés avant le départ
de l'armée. » Torcy, le gouverneur de Cologne, fut saisi
également de panique et prévint Contades de ses prépara-
(1) Ferdinand à Holdernesse. Ileike, 29 mai 175'.». Record onice. Londres.
(?) Sourches à Belleisle. Dusseldorf, 5 juin 1759. Archives de la Guerre,
3517.
.-u
28
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
m
tifs [lour l'évacuation des approvisionnements et des hoii-
ciies à feu dcDeutz, tôle de pont sur la rive droite du Rhin.
Cet avis lui valut une verte semonce (1) : « Il me parait
que vous comptez abandonner les retranchements de
Deutz, si Tennemi s'y portait; mon intention n'est point
du lout telle, et je ne les ai pas fait construire pour être
abaidonnés A l'approche de l'ennemi Il est nécessaire
qu'en tout vous ne preniez rien sur vous et que vous exé-
cutiez tout ce qui sera prescrit. » Contades, on le voit, eut
le mérite de ne pas attacher trop d'importance à l'incur-
Mon du prince de lirunswick et de ne pas se laisser détour-
ner de son but par celte iversion. Les événements lui
donnèrent raison, car le mouvement des Français sur Gies-
sen suffit pour déterminer Ferdinand à concentrer son
armée, à rappeler à lui ImholT et fi céder la Hesse à l'en-
val isseur. En prenant position à Buren avec le gros de ses
tro jpes, il espérait à la fois barrer le passage de l'Ems et
du Weser, couvrir ses forteresses de Munster et de Lipps-
tadt et maintenir le contact a-vec Wangenheim, aflecté
avec sa division à la garde de la Westphalie.
Pour arracher cette province aux confédérés, il devenait
urgent de faire entrer en ligne le corps d'Armentières;
aussi Contades engage-t-il (2) ce dernier à se mettre en
caripagne tout en le renseignant sur ses propres projets :
« Les ennemis, étonnés de la rapidité de notre marche, se
rassemblent à Lippstadt et paraissent incertains du parti
qu'ils vont prendre. Je vais profiter de leur étonnement.
.le lîompte marcher avec l'armée le 14 à Stadtberg et le 15
passer les défilés pour entrer dans la plaine de Pader-
boin ou bien tenir ces défilés suivant les circonstances
pour être le maître de déboucher
» Broglie doit aller de
Cassel k Warburg oî il arrivera le 15
« Je serai obligé
(1) Contades à Torcy. Corbacli, 11 juin 1759. Archives de la Guerre. 3517.
(2) Contades à Armenlières. Corbacli, 12 juin 175'J. Arcliives de la Guerre.
35i:'.
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FERDINAND ADANDONNE SA POSITION I)K BUREN.
29
do séjouiner queliiuo temps au delà des défilés de Stadt-
berg afin de donner le temps aux munitionnaires de for-
mer leur établissement de Corbach, car il a fallu forcer
tous les moyens pour nous faire vivre au delà de Stadt-
berg. Nous allons voir ce que ce mouvement en avant va
produire sur M. le prince Ferdinand ; il est vraisemblable
ou qu'il se rapprochera de moi, ou qu'il se portera vers
Hielefcldt, ou qu'il prendra une position à Lippstadt; ses
mouvements décid'^ront les vôtres et le siège de Munster.
Je ne doute pas aussi que la marche (jue vous allez faire
en avant ne l'embarrasse beaucoup, et peut-être le déter-
minera-t-ellc à abandonner iMunster. Quoi qu'il en soit,
Monsieur, il est nécessaire que vous vous portiez à une
marche en avant de Wesel, et que vous poussiez des déta-
chements dans tout le pays afin que votre mouvement
fasse plus d'effet. »
Pendant cinq jours, les deux armées restèrent en obser-
vation, les Français à Meerhof, les confédérés à Buren ; il y
eut des escarmouches insignifiantes où chacun s'attribua
l'avantage, et des reconnaissances où les deux états-ma-
jors se rencontrèrent et où M. d'iïennevy, aidc-maréchal
des logis de l'armée, eut une conversation avec le duc de
Uichmond. Dans le camp français, on fut fixé le 17 juin
sur la présence de Ferdinand par une lettre datée du matin
et signée de lui, par laquelle il demandait pour deux de ses
officiers malades un passeport à l'efTet de faire une cure
aux eaux de Giesmar. A ce moment, le maréchal prétait (1)
à l'ennemi le dessein de se maintenir dans « la position de
Buren qui n'est attaquable que par sa gauche, manœuvre
qui rendra difficile son ravitaillement par Corbach » , où
il fait établir ses fours. Les Hanovriens le tirèrent d'em-
barras en levant leur camp le surlendemain à la pointe du
jour et en se retirant sur Lippstadt. Pour expliquer ce re-
(1) Conlades à Belleisle. Meerhof, 17 juin 1759. Archives de la Guerre,
3517.
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80
LA GL'ERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
cul, Ferdinand ailùgua (1) !<" doiihlc risque (ju'il courrait,
en séjournant trop longtemps à Huren, de perdre sa ligne
de ravitaillement, ou, pour la conserver, d'ôtre contraint
d'accepter une bataille dans un poste peu propice. « Il ne
me parait i)as encore décidé si Tennemi commencera par
faire le siège de iJppstadt ou s'il voudra m'obliger à lui
livrer combat. S'il s'attache à la ville de I.ippstadt, il se
porrriit «pie Munster fût assiégé en môme temps par le
marquis d'Armentières. (<omme l'ennemi est fort supé-
rieur en troupes, je ne puis empùclie r ni l'un ni l'autre.
Et si je ne vois pas jour à secourir ces deux places, je
crains fort que je ne sois forcé d'abandonner une partie
de mes magasins, pour sauver l'autre, et de passer le
Weser. »
Mais dans ce cas, quelle direction faudra-t-il prendre?
Ferdinand interroge (2) le roi (ieorge à ce sujet : « il peut
arriver, Sire, que je me trouve obligé de passer le Weser;
la question sera alors vers oii j'aurai à me replier. Si je
descends le long du Weser, je m'écarte du secours que je
peux obtenir de Sa Majesté prussienne, mais si je me replie
vers le Hrandebourp-eois, je dois abandonner la forteresse
de Stade à sa propre force. » Pour résoudre le dilemme,
il sollicite des instructions précises. Le Roi lui lit répon-
dre (3) qu'il le laissait libre d'agir selon ses vues propres
et qu'il avait toute confiance en son jugement. Dans le
camp lianovrien, on supposait aux Français des eilcctifs qui
dépassaient de beaucoup la réalité. Westphalen, le perspi-
cace secrétaire du prince Ferdinand, partageait lui-même
cette opinion (V) : « M. le duc de Broglie qu'on croit moins
gascon que ses compatriotes, a dit à Cassel que l'armée
(1) Ferdinand à Holdernesse. Ritlbcrg. 21 juin 1759. Record OITice.
(2) Ferdinand à George. Rittberg, 21 juin 1759. Newcastle Papers, 32892.
(3) Holdernesse à Ferdinand, 30 juin 1759. Record Office.
('i) Westphalen h Iloenichen. RiUberg, 26 juin 1759. Newcastle Papers,
vol. 32892. ._ .,_, .. ^
ÉLOr.ES ADRESSKS A CONTADES.
•1
française était composée de 100.000 combattants, (jue
pas un homme n'y manquait. Le landgrave qui nous l'a
mandé en est persuadé et si; croit perdu sans ressource. »
Retardé pai- la nécessité de transporter ses approvision-
nements de Irancfort h cinquante lieues de distance, tlon-
tades ne put exploiter les appréhensions de son adversaire
et ne déhoucha de Meerhof que le 2V juin. « Pei-sonnc,
écrit-il i\ Armenticres (1), sachant que je tire ma matière
du Mein, ne me reprochera mes séjours forcés à Meerhof et
Padeiborn; il verra qu'on ne peut pas aller plus vite sur
tous les objets et h tous les égards. » Armentières aura à
entreprendre les sièges de Munster et de Lippstadt, mais
ne doit pas s'engager avant que la grande armée n'ait fait
de nouvelles étapes vers le Weser : « Je pense donc que le
moment de vos opérations ne viendra que lorsque le prince
Ferdinand sera à Bielefeldt ou même l'aura dépassé. Jus-
que-là vous devez vous contenter d'observer le camp de
Diilmen... Ainsi vous voyez que c'est à peu près à l'époque
du r' juillet qu'il faut que vous soyez préparé à marcher
en avant. »
A Versailles, la prompte mobilisation et les progrès
comparativement rapides de l'armée avaient produit une
excellente impression : « Je donnerais, écrit Belleisle (2),
une bonne somme de ma poche pour que vous eussiez
50 fours à Corbach, faits et parfaits depuis le 13, avec
30.000 sacs de farine pour vous mettre en état de tour-
ner cette gauche de M. le prince Ferdinand comme vous
le proposez, mais à l'impossible nul n'est tenu. » Quel-
ques jours après, c'est une conversation (3) entre Louis XV
et le ministre que celui-ci rapporte : « Je répondis au
Roi que votre volonté était telle (de marcher à l'ennemi)
(1) Contades à Armentières. Meerhof. 23 juin 1759. Archives de la Guerre
3517.
(2) Belleisle à Contades, 20 juin 1759. Archives de la Guerre, 3517.
(3) Belleisle à Contades, 25 juin 1759. Archives de la Guerre, 3517.
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83
LA GUEIUIE DK SEPT ANS. - CIIAI'. II.
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M .
([uc VOUS l'aviez inspirée iV toute volro année. Vous avez
en cllct la satisfaction (|iie toutes les lettres (|ui en vien-
nent chantent vos louantes, et l'ordre et la discipline (|ui
y régnent. »
Aus8it(^t les vivres assurés, Contadcs reprit sonoH'ensive,
ne s'accorda (ju'un court repos à l'aderhorn et en re[)artit
le 29, laissant dans la ville V à 500 malades ou éclopés; le
lendemain l'avant-gai'de de Hroglie s'empara de llittberg
où elle captura le poste de ."iO grenadiers, un iK'ipital do
(52 Anglais et un convoi de U:^ voitures attelées à V che-
vaux. Enfin le 2 juillet, Hioglie et Fischer annoncèrent
leur entrée lï Hieleleldt que l'ennemi avait évacué après
avoir distribué aux habitants le contenu du magasin; ils
ignoraient encore si le ^irince Ferdinand s'était retiré sur
OsnabiUck ou sur Warendorf. Depuis le séjour de Buren
il y avait eu entre les troupes légères des belligér.ints une
succession d'escarmouches avec résultats \ariés, mais peu
importants; les confédérés avaient ellectué leur retraite
en bon ordre, ne perdant en route que des déserteurs
d'ailleurs nombreux. D'après le rapport fait au maré-
chal (1), en trois semaines on avait délivré 1.500 passe-
ports aux transfuges du camp hanovrien.
Après un arrêt de cinq jours à Dissen, petit bourg situé
à égale distance de Munster ,^t d'IIervorden, Ferdinand
transporta son quartier g<^i:,}rdl à Osnabriick. Les forces
dont il avait disposé jusqu'f lors ne comptaient, par suite
du maintien en Westphalie de la division Wangenheim,
que 45 bataillons, 68 escadrons et quelques troupes
légères, soit environ 45.000 hommes, et étaient donc très
inférieures à celles des Français. Pour rétablir la propor-
tion numérique, le prince rappela les 8 bataillons et les
8 escadrons de Wangenheim; en conséquence, ce général
(1) Contades à Belleisle. Bielefeldl, 5 juillet I7ô9. Archives de la Guerre,
3M8. . , ■ ■ . ._ _,..: ...^^.-....-..v-.
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> àjmim
JONdlON DE NVANGENIIKIM AVKC I EHDINAXD.
33
quitta Dalmcii, et aprî-s avoir passé par Mimsler dont il
rcnfnrra la garnison, rejoignit l'armée coniéiléréo à Osna-
l)rHck le î) juillot. Le départ do Wangonheiin laissait au
pouvoir des Français toute la région comprise entre le
Uliin <'t l'Knis, j\ l'exception des places de Munster et de
Ijppstadt.
l'nc retraite ininterrompue depuis le début tle la cam-
pagne avait attiré h Ferdinand des critiques sévères de la
part de s.»n ancien chef le roi de Prusse. Kn cherchant à
se disculper, le prince rend hommage (1) à la stratégie et
h la taciicpic de son adversaire : « Le maréchal do Con-
tadcs marche avec de grandes précautions, et se tient ex-
trêmement serré. La manœuvre qu'il a jusqu'à présent
exécutée, consiste k pousser un corps en avant sut sa droite,
pour déborder ma gauche, mais ce corps ne s'éloigne ja-
mais du gros que d'une heure de chemin, et les positions
qu'il prend sont toujours très fortes, et il parait qu'il ne
veut agir cpi'à coup sûr. V. M. voit par le que je dois être
un peu embarrassé ; je ne vois d'issue à ce jeu que de livrer
bataille, et je ne saurais livrer bataille qu'en attendant
beaucoup de la fortune. » i*ourquoi Ferdinand adopta-t-il
la direction excentrique d'Osnabr(\ck'.' Sans doute pour
faciliter la jonction de Wangenheim et pour être à même
de secourir Munster; mais, en revanche, il courait le ris-
que d'être devancé sur le Weser. Il semblerait d'ailleurs
que la cause immédiate du mouvement fût un rapport
d'Imhotr(2) qui annonçait la présence de gros partis fran-
çais dans les environs de Melle. La marche de Dissen à
Osnabrûck fut laborieuse; la chaleur était intense et le
pays difficile; aussi l'étape commencée à cinq heures du
matin ne se termina-t-elle pour la plupart des régiments
confédérés que dans la nuit ou le lendemain matin. Le
(1) Ferdinand à Frédéric. Dissen, 0 juillet 1759. Westphalen, III, p. 328.
(2) Reden, l'cldziige (1er allicrtcn Armée, II, p. SU.
CUER'.E DE SLPT ANS. — T. III. 8
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84
I,A (UJERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. II.
9 juillet, [)eiidant (juc Ferdinand se reposait ù Osnabriick,
Contades s'installait îVUervordcn, ctBroçIic avec son corps,
qui, malgré son titre de réserve, servait d'avant-çarde,
s'emparait par un lienreu.v coup do main de la forteresse
de iMindon.
Une première sommation faite au gouverneur de la
place, le général Zastrow, n'ayant pas produit d'effet, Bro-
glie allait attendre les renforts et le canon qu'il avait ré
clamés, quand arriva Fischer avec ses volontaires. Voici
en quels termes le duc raconte l'aventure (1) : « Je l'ai
chargé (Fischer) ai si que les hussards de Nassau, de cher-
cher un gué; ils n'en ont pas trouvé, mais ils ont vu un
bac de l'autre côté duWeser; au moyen de (jnelques louis
mon frère a fait passer à la nage un grenadier qui a ra-
mené le bac dans lequel il a fait passer au.ssitAt le corps de
Fischer et a été avec lui. J'ai fait en même temps tourner
la ville à M. le Baron de Closen, avec huit compagnies de
grenadieivs et huit piquets, pour aller se placer devant la
porte de Nienbourg et empêcher que la garnison ne piU
s'échapper par li\. Les Fischers ont marché à l'ouvrage de
la tète du pont; il y a eu quehjues coups de fusil, j'ai fait
tirer 7 ou 8 coups de canon de ce cO>té-ci de la rivière sur
cet ouvrage et sur le pont, ce qui a si fort intimidé ceu.v qui
legardaif nt ([u'ils se sont enfuis dans la ville sans achever
de lever le pont-levis. Les grenadiers de Fischer ont suivi
Cl sont entrés api'ès les ennemis dans la ville et ont été sui-
vis de presque tout le corps qui ont pressé les ennemis de
rue en rue et pris presque tout sur les remparts où ils se
sont réfugiés. Mon frère y e.st entré avec eu.\ et s'est occupé
de sauver la ville du pillage. J'y ai couru de mon côlé et
je suis entré dans la ville avec G compagnies de grenadiers
français avec lesquels nous avons fermé toutes les rues et
mis dehors tous les Fischers (jui ont un peu pillé mais
(1) Uroglie à Conludcs. Minden, 9 juillet 1759. Arcliivcs de la Guerre, 3518.
SUUPIUSE 1)K MINDEN PAU UROGME.
35
beaucoup moins (lue dans pareille circonstance on ne de-
vait le craindre. Il n'y a pas, à ce que m'a dit M. Tisclier,
un homme de son corps tué, mais seulement des blessés,
et très peu de;> ennemis — M. de Zastrow est pris ainsi (pie
tous les officiers et soldats; j'en aurai demain l'état (jne
j'aurai l'honneur de vous envoyer, ainsi que celui des ma-
gasins de yrains qu'on dit qu'il y a. Ils ont jeté aujour-
d'hui un petit mai^asin de foin, et en ont brûlé un de i)aille
au nioinent de l'attaque. » Toute la garnison , compo-
sée de l.VOO à 1 .500 réguliers et miliciens, fut faite p''ison-
nièrc. Dans Minden les Français ti'ouvérent de gros appro-
visionnements de farine et d'avoine «jui facilitèrent le
ravitaillement.
AussitAt(|ue Ferdinand eut vent de la pointe de l'avant-
garde de (boutades sur Minden, il délacha successivement,
le 10 juillet le prince de Brunswick et le général Wan-
genheim avec des forces considérables, pour devancer, si
possible, les Français auv défilés de Hille et Lûbbecke, et
suivit lui-même dans la nuit avec le gros. En cours de
route, on apprit la chute de Minden. Pour l'armée du
prince, comme le fait remarquer son adjudant Ueden (1),
les consécjucnces pouvaient être des plus graves; rien
n'empêchait (^.ontades de Jescendre le cours du Wescr, de
s'emparer de Nienbourg qui n'était défendu que par (juel-
ques invalides, et de lui disputer le passage du lleuve.
« 11 me fallut, écrivit Ferdinand (2), choisir alors entre
deux choses qui avaient chacune ses risques : ou de re-
brousser tout de suite chemin vers Munster pour tfVcher de
dégager cette ville qui venait d'être atta(|uée par le mar-
quis d'Armentières, ou de m'approcher du Weser pour
tâcher de sauver Nienbourg avec les magasins, et pour
(1) Ucden. vol. II, p. 12.
(2) l'crdiiirtiid à lioldernessi!. i'plersiiagcii, 21 juillel 1T5'J. WcslpluiliMi,
(Jcscliiclile lier FcIdsUgi' des Hcrzoys Ferdinand r. llr(iunseh(rei(j, \Ur-
lin, 1871, vol. III, p. ,180.
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. II.
empêcher de n'être pas totalement coupé des états de
Sa Majesté et de ceux de ses alliés, » i
Avant de s'arrêter à ce dernier parti, le prince avait
consulté ses principaux officiers, Sackville, Sporcken et
Imhoff, et échangé force billets avec son homme de
confiance Westphalen. Il faut lire cette correspondance
pour se rendre compte de l'influence qu'exerçaient sur
la conduite du général en chef les conseils de sou secré-
taire. Aucun mouvement de troupes ne s'accomplit, au-
cune mesure administrative ou politique n'est adoptée
sauî qu'il ait donné son opinion. Parfois, c'est Westphalen,
le stratège civil, comme l'appellent quelques écrivains
militaires, qui assume l'initiative, qui suggère avec beau-
coup de déférence et non moins de précision une entre-
prise à tenter, une précaution à prendre, un détachement
à faire, une manœuvre à exécuter. Presque toujours la
proposition est retenue et son auteur chargé de préparer
les instructions de détail. Quelquefois Westphalen fait la
leçon à son maître, qu'il trouve trop indécis et trop porté
à écouter son entourage; un mémoire (1) qu'il lui adressa
pendant le séjour à Osnabriick est tout à fait typique :
« J'approuve infiniment que V. A. S. demande l'avis aux
autres, mais, si elle me permet de le dire, je souhaiterais
quelle méditât elle-même ses projets Si, au lieu de
cela, V. A. S. dit à tel et tel : Dites-moi votre sentiment
sur ce que je doive faire, celui-ci dira à la vérité son sen-
timent ; mais puisqu'il ne remplit pas la sphère du géné-
ral en chef et qu'il n'est pas non plus au fait de tout ce
qui entre dans la situation de l'armée, tant par rapport
à sa position locale que par rapport aux magasins, ce sera
un pur hasard s'il rencontre juste Il en est de même
si V. A. S. demande i plusieurs personnes à la fois ce
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i
(1) Westphalen à Ferdinand. Osnabriick, 9 juillet 1759. Westphalen, 111,
p. 350.
ii\
FERDINAND SE DÉCIDE A GAGNER LE BAS W ESER. 37
qu'elles pensent. Et si l'on est d'un sentiment contraire,
alors V. A. S. n'en sera que plus eml)arrassée. »
Dans la conférence qui eut lieu les 11 et 12 juillet,
Westphalen se prononça énergiquement pour la marche
au Weser, et ce concept prévalut. De liomto où était le
quartier général, Ferdinand, qui éprouvait des inquiétudes
pour Brome, y envoya le général Dreves avec quatre ha-
taillons prendre possession de la ville, de gré ou de force;
dans le cas où l'armée retournerait à Osnabriick et en
\Vesti)lialie, Dreves était autorisé îl se retirer à Stade. D'au-
tre part, dès l'arrivée à Bomte le 11 juillet au soir, Estorll",
avec 400 fantassins et autant de cavaliers, avait été ex-
pédié sur Nienburg pour en renforcer la garnison ot pro-
téger les magasins. Ce fut seulement le 12 au soir que
Ferdinand fit connaître sa résolution d'abandonner pour
le moment Munster à son sort et de gagner le bas Weser;
en conséquence, les ordres furent donnés de se diriger
sur Stolzenau, localité située sur le fleuve entre Nienburg
et Minden.
Auv environs de Diepenau, les éclaireurs du prince hé-
réditaire, qui faisaient avant-garde, avaient repris le con-
t? ivec ceux de Broglie. Un coup de main hardi du
p ' ■!' Luckner releva le moral des confédérés, un peu
<^b(V^.f -ar la prise de Minden. A une heure du matin le
12 juitj", 200 hussards pénétrèrent, sans être aperçus du
poste français, dans la bourgade d'iïolzhauscn où étaient
cantonnés quatre escadrons de carabiniers sous les ordres
du marquis des Salles, (irâce aux indications des paysans
qui, munis de lanternes, leur désignèrent les maisons où
étaient logés les officiers, ils s'emparèrent de Salles qui
fut grièvement blessé en se défendant, et de plusieurs au-
tres. Évc'llés par le bruit, les carabiniers se ressaisirent,
s embusquèrent dans les habitations et derrière les haies,
tirent feu sur l'ennemi et parvinrent ù rendre la liberté à
quelques-uns de leurs camarades. Néanmoins les hus-
38
LA GUEr.RE DE SEPT ANS.
CHAP. IL
u
i
sards purent se replier avec perte infime, emmenant une
dizaine de prisonniers, parmi lesquels ï officiers, ïO che-
vaux et du butin. De Ilolzhausen, l'alarme fut donnée aux
hameaux voisins où étaient des détachements de cava-
lerie et de dragons. Le lieutenant-colonel de Scepeaux
réunit son monde aux carabiniers, et aussitôt le jour venu,
se porta à toute allure et sans reconnaître le terrain à la
poursuite des hussards. Cette course folle le conduisit à
un village où il se heurta à l'avant-garde hanovrienne
et essuya « une décharge d'infanterie assez roulante et
suivie de plusieurs coups de canon. J'en jugeai i pièces,
écrit Scepeaux (1), dont le rapport possède au moins le
mérite de la franchise, ce qui nous fit penser au rétro-
grade. Les hussards attentifs à nos manœuvres parurent,
mais leur feu ni leur approche n'en imposa point à mes
carabiniers pendant une petite heure. Le tout se retirait
par échelles, le plus en ordre, en faisant feu par divisions.
Leur bonne contenance s'est so. tenue pendant une lieue
et sans perte d'hommes ni de chevaux; mais par une
fatalité imaginaire ils se sont crus coupés. Cette opinion est
devenue si générale que toutes les troupes ont pris, mal-
gré les efforts de messieurs les officiers et les miens, la
fuite avec un ensemble qui avait l'air si concerté que les
hussards ont profité du désordre général, et ont pris, pen-
dant la course qui n'a pas pu se ralentir pendant un bon
quart d'heure se culbutant les uns les autres, environ 180
hommes et autant de chevaux; et sans une troupe de
dragons que M. d'Apchon avait envoyés à notre secours,
le reste des carabiniers galoperait encore. Il n'y a pas eu
6 carabiniers de tués. » Nos cavaliers avaient eu affaire (2)
à quelques escadrons prussiens appuyés par 300 chasseurs
à pied et 2 canons de campagne.
(1; Rapport de Scepeaux, 14 juillet 1759. Archives de la Guerre, 3518.
(2) Lettre du caïup hanovrien. Slolzenau, 15 juillet 1759. Ncwcastle Papers,
vol. 32893.
SUCCÈS DES PARTISANS LUCKNER ET FREYTAG.
39
Cette défaite, humiliante pour le corps d'élite qui en
fut la victi.uc, donne de la vigilance des grand'gardes de
l'armée d3 Contades une mauvaise impression que con-
firme une échauftburée du môme genre dans le pays de
liesse. Peu de jours auparavant, le colonel hanovrien Frey-
tag avait fait une incursion sur les bords du haut Weser
et y avait enlevé plusieurs détachements des volontaires
d'Alsace, y compris leur colonel Beyerlé et le lieutenant-
colonel. Le récit de l'escarmouche (1) ne fait pas hon-
neur aux surpris : « La troupe était à la distribution de la
viande; quatre mille hommes avaient déjà entouré le vil-
lage et y entrèrent sans qu'on sût que c'était l'ennemi; on
n'a tiré d'autres coups de fusil que sur ceux qui cher-
chaient leur salut à la nage et dans un petit vadelin cuii
coula à fond, force d'être chargé de fugitifs. M. Beyerlé tut
pris dans sa chambre où il entra de son jardin lorsqu'il
apprit ce désastre et s'y fît prendre à son tour; cette expé-
dition ne dura que 10 minutes. De là les ennemis s'en allè-
rent sur Burfeld où était M. de Bercamp , se coiffant de
casques de leurs prisonniers ; ils arrivent devant la porte
du couvent, où logeait cet officier supérieur avec toute sa
troupe, qu'ils trouvent fermée; ils commencent à l'ouvrir
à coups de hache; la sentinelle qui était en dedans jure et
peste bi^aucoup contre ceux qui y faisaient ce bruit; la
porte saute et les ennemis entrent, demandent la chambre
à coucher du lieutenant-colonel qu'ils trouvent couché
encore, et le font prisonnier dans son lit. »
Cette affaire, suivie de la capture d'un autre poste à
Wittenhausen, fit croire à un retour offensif de l'ennemi
sur Munden et Cassel. Pour parer au danger qui menaçait
sa base de ravitaillement, Contades renvoya en liesse la
brigade suisse de Castella, les volontaires étrangers et un
régiment de dragons.
;i) Lellro (le Munden du 6 juillet 1739. Archives de la Guerre, 3518.
I (
40
LA GUERRE DIÎ SEPT ANS. — CHAP. 11.
En prêtant à Contades le dessein de lui disputer la pos-
session du Weser inférieur, Ferdinand avait siniS"uli«! rement
e.Kagéré la iiardiesse des conceptions de son adversaire.
Le général français n'avait qu'un objectif beaucoup moins
ambitieux. « Avant de passer le Weser, écrit-il à Hroglie (1) ,
qui plein d'ardeur songeait au siège d'Hameln, il fallait
obliger M. le prince Ferdinand de le repasser le plus bas
qu'il serait possible, pour l'éloigner toujours davantage de
la Hesse et de ses places, tant de celles de Westphalie que
de celles du NVeser. La prise de Minden nous donne un
avantage infini par son pont sur le Weser qui nous met
en état d'y passer ce lleuve et de resserrer M. le prince
Ferdinand sur l'Aller en le séparant d'Hameln et d'Hano-
vre. 11 faut profiter d'un si grand avantage, et je pense
comme vous que la réserve y serait très bien placée en at-
tendant que j'aie obligé M, le prince Ferdinand de quitter
les environs d'Osnabriick et de gagner le bas Weser. »
Par malheur, les difficultés d'approvisionnement le re-
tiennent sur place : « M. de Peyre m'a assuré hier qu'il ne
pouvait plus fournir l'armée plus loin k cause de l'éloigne-
ment de ses établissements et de l'inexactitude des voitures
qui amènent les farines de Francfort à Cassel et Pader-
born. Je me vois donc arrêté malgré moi et obligé à laisser
gagner tranquillement le bas Weser à M. le prince Ferdi-
nand sans pouvoir le suivre plus loin... Ce que vous me
proposez sur Hameln est digne de vous, et vous pouvez,
Monsieur le duc, vous occuper de cet objet auquel je con-
courrai pour quelques brigades à la rive gauche du Weser
si vous en avez besoin. Je n'ai pas depuis hier matin de
nouvelles des ennemis ; nos troupes légères excédées dor
ment sans doute, je vais les réveiller. »
Sur ces entrefaites, Broglie apprend la marche de Ferdi-
(1) Contades à Hroglie. Ilervorden, 11 juillet 1759. Archives de la Guerre,
3518.
â
COÎSTADES CAMPE AUX ENVIRONS DE MINDEN.
41
nand dans la direction de Nienhiirg". « Il fait sagement,
inande-t-il au maréchal (1), car s'il avait tardé davantage,
je vous aurais proposé d'aller insulter Nienburs qui est
insultable... la prise de Minden aura toujours fait l'eflet
d'accélérer le passage du Weser au prince Ferdinand. »
L'avis transmis par son lieutenant fit renoncer Contades à
la course sur Osnabrûck par Uamsel et Melle pour laquelle
il avait fait réparer les chemins par des corvées de paysans.
(1 .le vais porter l'armée sur Minden, écrit-il à Belleisle, et
me mettre à cheval sur le Weser. » Il espère s'y établir le
15 juillet avec le gros sur la rive gauche et le corps de Bro-
glie sur la rive droite. En effet, k la date indiquée, le quar-
tier général est à Minden, l'armée campée sur deux lignes,
la droite à la forteresse, la gauche près de la montagne;
pour faciliter les communications entre les deux rives, au
pont de pierre de la ville on ajoute un second pont de ba-
teaux.
Pendant que les Français s'installaient à Minden, Fer-
dinand qui avait abandonné toute intention de passer sur
la rive droite du fleuve, se rapprochait rapidement; le 14 il
est à Stolzenau sur la rive gauche et y jette trois ponts sur
le fleuve. Puis, informé qu'une partie de l'armée française
s'était avancée jusqu'à Petershagen, petite ville au nord
de Minden, et croyant le corps de Broglie (2) occupé au
siège d'Hameln, il adopte, sur la suggestion de Westpha-
len (3), l'idée de profiter de la division de Tarmée de Con-
tades en deux tronçons, pour frapper un coup décisif. Dans
ce but (4), il g?gne Oberstadt dans la nuit du 15 au IC, et
; Ferdi-
(1) lîioglie à Contadvis. Minden, 12 juillet 1759. Archives de la Guerre,
3318.
(2) Sackville à Holdernesse. Oberstadt, 10 juillet 1759. Newcastle Papers,
vol. 32893.
(3) Westphalen à Ferdinand. Stolzenau, 15 juillet 1759. Westphalen, 111,
p. 370.
(i) Ferdinand à Holdernesse. Petershagen, 21 juillet 1759. Newcastle Pa-
pers, vol. 32893.
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42
LA GUERRE DE SEPT ANS. - CIIAP. II.
à minuit se remet en route « avec tous les piquets de l'ar-
mée <|ui suivit elle-même le 17 avec le jour ». I.es Fran-
çais avaient éventé la mèche; ils déclinèrent le combat en
resserrant leurs lignes de manière A placer le marais de
Minden entre eux et l'ennemi. « Plus j'examin , rapporte
Contades (1), la position de l'armée dans ce camp où je
pense qu'elle est inattaquable, et plUs je pense que M. le
prince Ferdinand espérait que les démonstrations d'at-
taquer qu'il fît hier m'engageraient à marcher à lui, et
qu'il pourrait m'attaquer avec avantage avant que l'armée
fût formée... J'ai fait repasser le Weser aujourd'hui à la ré-
serve de M. de Hroglie qui appuie sa gauche au Weser; je
compte dans cette position, si 31. le prince Ferdinand ne fait
pas de mouvements qui m'obligent d'en changer, laisser
faire à M. d'Arraentières les sièges de Munster et de Lipp-
stadt, faire les préparatifs pour celui d'Hameln, et pen-
dant ce temps faire travailler à l'établissement des fours
commencés ici, et y faire apporter des farines. »
A partir du 17 juillet jusqu'à la fin du mois, les deux
partis restèrent immobiles s'observant l'un l'autre. « Je
ne puis pas passer le Weser avec l'armée, écrit Contades (2),
tant que M. le prince Ferdinand sera de ce côté-ci; j'es-
père que je serai instruit du moment où il le passera pour
le passer tout de suite. » On pouvait attendre sans grand
inconvénient, car l'abondance régnait dans le camp
français : (( Les paysans nous apportent, mande Cornil-
lon (3), toutes sortes de légumes, des œufs, des poulets et
des pigeons... Je fais faire tous les jours dans cette ville
20 pièces de bière à 6 livres la pièce qu'on délivre à cha-
que régiment sur le billet que je donne; par ce moyen
elle ne revient pas à un sol le pot au soldat. » Cependant,
(1) Contades à Belleisle. Minden, 18 juillet 1759. Archives de la Guerre,
vol. 3519.
(2) Contades à Delleisle. Minden, 22 juillet 1759. Archives de la Guerre.
(3) Cornillon à Belleisle. Minden, 22 juillet 1759. Archives de la Guerre.
SIKOE ET PRISE DE MUNSTER PAR ARMENTIERES.
43
sans doute A la suite des marches et du mauvais temps, il
y avait beaucoup de malades. Malgré cela, le moral s'était
maintenu bon au cours de la campagne et à en croire la
correspondance échangée avec Belleisle, la gaieté fran-
çaise était poussée à des extrêmes qui ne laissaient pns
d'inquiéter le vieux ministre. Averti par un de ses cor-
respoiulants, il demande des explications. La justification
de Conlades (1) jette quelque jour sur les habitudes des
jeunes ol'liciers : «< Vous jugez très bien du caractère de
celui qui l'a écrite, qui est sans doute un atrabilaire qui
trouve mauvais que la jeunesse s'amuse. Il est vrai qu'au
camp de MeerholF les jeunes gens de l'armée se choisirent
un chef qu'ils appelèrent le chef de la calotte. On me
rendit compte le matin qu'ils avaient fait beaucoup de
bruit pendant la nuit au camp; j'ordonnai à M. de Cornil-
lon de dire aux majors, et je le dis moi-même aux com-
mandants des corps, que je ne m'opposais point à ce que
la jeunesse s'amusât, mais que j'exigeais deux choses : la
première, que la retraite battue on ne fit plus de bruit au
camp, et la seconde, que messieurs les lieutenants, quand
ils s'assembleraient pour jouer aux barres à la tète du
camp, ne s'écartassent jamais du respect qu'ils devaient
aux anciens officiers, et que si ces deux conditions n'étaient
pas remplies, je mettrais toute cette jeunesse dans le cas
d'avoir besoin de se reposer en leur faisant monter la garde
à la tétc du camp de deux jours l'un, et en punissant encore
plus sévèrement ceux qui seraient les chefs; je n'ai pas ouï
parler qu'il soit rien arrivé qui intéresse la discipline. »
Pour reprendre l'offensive, Contades, on vient de le voir,
attendait l'issue des opérations dont avait été chargé le
marquis d'Armentières. Ce général avec un corps de 19 ba-
taillons et de 20 escadrons devait poursuivre la conquête
(1) Conlades à Belleisle. Minden, 22 juillet 1759. Archives de la Guerre,
3519.
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44
LA GUEHRE DK SEPT ANS. — CHAI». II.
de la NVcstphalic, tâche (iiii, par suite du rappel de la di-
vision lianovrienne, se réduisait A la prise de Munster et
Lippstadt. A la suite d'un long- séjour à Schirmbeck, en
avant de Wosel, il s'ébranla le 5 juillet et parvint devant
Munster quelques jours après le départ de Wangenlieim,
L'investissement, effectué sans retard, intercepta toute com-
munication avec le prince Ferdinand et amena la capture
du colonel de la Chevalerie, qui apportait au g-ouverncur
l'ordre de se défendre à outrance. Armentières, dont la
grosse artillerie était encore en arrière, voulut se rendre
maître de la place par un coup de main. Dans la nuit
du 12 au 13 juillet, il tenta l'escaladt ; des instructions mal
comprises ou mal exécutées firent échouer l'assaut qui
coûta à l'assaillant 41 officiers et 534 soldats tués ou bles-
sés, et il fallut se résigner k un siège méthodique. Les
travaux une fois amorcés ne traînèrent pas; la tranchée
fut commencée dans la soirée du 19; le 22 le défenseur
évacua la ville et se retira dans la citadelle. Le 25 dès
l'aube, les batteries ouvrirent le feu et à 8 heures et de-
mie (1) le gouverneur hanovrien hissa le drapeau blanc.
La garnison, commandée par le général Zastrow (2'i et
forte de 3.594 hommes de tous rangs, mit bas les armes.
Dans la forteresse les Français trouvèrent beaucoup d'ef-
fets, et, en outre du canon de la place, 2 pièces de cam-
pagne enlevées à Crefeld aux régiments d'Enghien et de
la Marine. Le 31 juillet Armentières était sous les murs de
Lippstadt, prêt à en entreprendre l'attaque, et si siir du
résultat qu'il consultait déjà le général en chef sur la des-
tination à donner à la garnison quand elle serait entre ses
mains.
Du côté de la grande armée la tranquillité ne fut trou-
(1) Armentières à nelleisle. Sous Munster, 25 juillet 1759. Archives de la
Guerre. Allemagne, 3519.
{?.) Ne pas confondre avec le général Zastrow fait prisonnier à Mindcn.
REPIUSE D'OSNAUIIUCK PAU LES CONFÉDEUÉS.
4r>
|)léc, en dehors cVaffaircs d'avant-postos sans importance,
(lue par deux expéditions des confédérés; la première eut
pour ellet de déloger de Liibbecke les hussards do IJer-
cliinv et les volontaires de Muret. (]ette pointe, diriijée
sur la ligne de retraite de l'armée française, occasionna à
l'état- major d'autant plus de souci qu'on attendait de
llervorden un convoi considérable de pain et un trésor de
•i.'iOO.OOO livres sous l'escorte d'un régiment de cava-
lerie. Afin d'en assurer l'arrivée, Contades dépêcha le
'26 juillet au secours de Hcrchiiiy (1), qui dans l'intervalle
avait été rejoint par les irréguliers de Turpin et les gre-
nadiers de Prague, 3.000 hommes soiis les ordres du duc
de Hrissac. Ce détachement, composé de 20 compagnies
de grenadiers, de 20 piquets d'infanterie empruntés à
17 régiments ditlerents, de 1.000 chevaux et 5 pièces de
canon, alla prendre position entre Liibbecke et Engeren
à l'eCTet de protéger la route d'IIervorden. Le mouvement
fut appuyé par Danlezy avec une division de 3.000 hom-
mes; à l'approche de ce dernier, l'ennemi évacua Liib-
becke où nos troupes rentrèrent sans opposition, et Dan-
lezy revint au quartier général. Le second incident se passa
k Osnabrilck; cette ville avait été occupée le iV juil-
let par M. de Comeiras avec ses troupes légères; il s'y
était emparé d'un hôpital anglais et d'un gros magasin
de fourrages évalué à un million de rations; mais le
succès ne fut qu'éphémère. Le 28 au matin, le général
Drèves, de retour de sa course à Brème avec 4 bataillons
d'infanterie, un régiment de dragons et quelques chas-
seurs, recouvra la ville après un combat qui lui coûta
une centaine d'hommes; les volontaires de Clermont qui
constituaient la garnison française, y perdirent une pièce
de canon, plus de 200 tués, blessés ou pris et leurs équi-
(1) Contades à Belleisle. Mimlen, 28 juillet 1759. Archives de la Guerre.
Allemagne, 3519.
4P.
LA GIERRE DK SKPT ANS. — CIIAP. II.
[)îiges. Le stock de foiirrngc.s était resté intact. Drôves,
|)lus diligent (]uo le commandant l'ranrais, s'employa ac-
tivement h !e mettre en sth'et*' au deliV du Weser.
Dans l'esprit de Kerdinaud, les aU'aircs de Llibherke et
d'Osnabrtlck n'étaient que le prélude d'une opération dont
le l)Ut serait de déterminer (>)ntades, en coupant sa base
do ravitaillement, ii abandonner sa position sous Minden,
puis, ce résultat obtenu, de secourir la ville de Munster.
Pour assurer l'exécution de ce plan, il avait confié au
prince béréditaire (1) 0 bataillons, 10 escadrons de dra-
gons et de bussards et les cbasseurs banovriens. soit 5 A
6.000 combattants, que renforceraient les :{.(K)0 de Urè-
ves. La nouvelle de la capitulation de Munster vint sim-
plilicr le projet et le réduire à une manœuvre dont les elTets
furent des plus décisifs.
Cbez les Français, les petits combats que nous venons
de relater semblent avoir excité les cerveaux; on aspi-
rait il une véritable bataille; on reprocbait au maré-
chal de ne pas l'engager, et on contrastait sa prudence
excessive avec la hardiesse heureuse de son principal lieu-
tenant : « Il se tient à l'armée beaucoup de propos, rap-
porte Cornillon (2), qui prouvent que l'on souhaiterait
que M. le Maréchal voulût aller plus vite î\ l'ennemi, ce
qui leur fait désirer pour chef M. le duc de Broglie. Cela
se dit hautement partout. » Ue son côté, Belleisle ne ces-
sait d'insister (3) sur la nécessité de faire la guerre au
coût des alliés : « Je ne vois de ressources, pour nos dé-
(1) Instructions pour le prince liéréditaire. Pctershagen , 24 juillet 1759.
Westphalen, III, 392.
(2) Cornillon à Belleisle. Minden, 29 juillt't 175"j. Archives de la Guerre.
Allemagne, 3519.
(3) Belleisle à Contadcs, 23 juillet 1759. Archives de la Guerre, Allemagne,
3519. Cette dépOche, tombée entre les mains de l'ennemi avec la correspon-
dance de Contades, quelques jours après la bataille de Minden, fut publiée
en Hollande et en Angleterre; son contenu lit sur l'opinion une impression
défavorable.
v
CONTADES SK DKCIDE A MVUEU HATAIM.E.
47
penses les plus ui>;erifes et pour la réparation «les trou-
pes, «pie dans l'argent que nous pourrons avoir «1«!S pays
ennemis d'où il faudia également lever des subsistances
de toutes espèces, indt-pendaninuînt de l'argent, c'est-î\-
dire des foins, des pailles, des avoines pour l'hiver, «lu
l)l('', «les bestiaux, des elievîuix et ni«^me des hommes p«)ur
recruter toutes nos troupes 6trang«>res. I.a guerre ne
doit pas Clive proiongi'C, et peut-«Hre faudra-l-il, suivant
les cv(înements (pii arriveront d'ici à la lin de septembre,
faire un v«';ritable désert en avant de la ligne des (piar-
tiers que l'on jugera à propos de tenir pen«lant l'hiver,
alin que l'ennemi se trouve dans une impt)ssibilité réelle
d'en pouvoir approcher. » Avant d'appliquer me mé-
thode dont la première partie tout au moins était emprun-
tée aux procédés du roi de Prusse, il convenait d'imiter
ce souverain en remportant des victoires et en se rendant
maître des contrées où on voulait toucher «les contribu-
tions. C'est ainsi «{ue, stimulé du dehors et du dedans,
Contades se décida ù modifier la sage tactique «ju'il avait
pratiquée jusqu'alors et à attaquer le prince Ferdinand;
il annonça cette décision à Bellcisle par un billet daté
du ai juillet.
Kn prenant cette initiative, il allait combler le vœu de
son habile adversaire. « Notre situation ici est des plus
intéressantes, écrivait (1) une semaine avant l'action Lord
Sackville, le commandant du contingent anglais, le
prince fait tout ce qu'il peut pour amener l'ennemi à une
ailaire décisive, mais le maréchal de Contades jusqu'à
présent persiste à ne pas livrer bataille. Votre Crûce esti-
mera, je crois, que la prudence du maréchal lui fait
grand honneur, car en agissant ainsi, il sert les intérêts
de son maître et il conserve intacte son armée. Contades
(1) Sackville à Kewiastle. Pelershagen, 24 juillet 1759. Newcaslle Papers,
328'J3.
48
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
IWi^'''
f !
attend évidemment la chute de Munster avant de repren-
dre l'oHensive. 11 pourra alors rallier à lui le corps de
troupes i^celi.i d'Armentières), et il aura alors une grande
supériorité en nombre. En ce moment, rien n'est plus à
souhaiter qu'une bataille, mais je doute que tout le génie
de notre général puisse trouver une occasion assez fa-
vorable pour justifier l'entreprise Le pvince a trop
contre lui, et si quelque événement favorable ne permet
pas au roi de Prusse de nous aider taut soit peu, je ne*
vols pas comment cette campagne peut finir heureuse-
ment. »
Ferdinand, en etfet, était très désireux de mettre lin
aux progrès des Français qui lui :_ valent fait perdre tout le
territoire compris entre le Hhin et le Weser et qui mena-
çaient de le refouler sur l'Elbe; il avîiit à cœur do prendre
sa revanche de la retraite continuelle qu'il s'était cru forcé
de faire depuis la réouverture des hostilités. La position
de Contades sous les murs de Minden était, il est vrai,
inexpugnable, mais il espérait l'obliger à la quitter en
agissant sur sa ligne de ravitaillement. « Si je réussis,
écrit-il la veille de la bataille au roi de Prusse (1), à éta-
blir le corps du pi'ince héréditaire à Kirchlinnlger, près
de llervordcn, je suis à dos de l'ennemi et sur la route de
ses convois. Il me semble qu'aloi's, il ne lui reste d'autre
parti à prendre que de nous eu déloger, et, s'il n'y réus-
sit point, de repasser les montagnes ou de déboucher
dans la plaine pour me combattre, où il sera pris par
ma position actuelle en flanc au moment même qu'il
débouche. » Pour profiter de la faute dr.it, en grand
capitaine, il venait de prévoir l'éventualité, Ferdinand
s'était porté à llille avec le gros de son armée, laissant à
Petershagon le général Wangenheim avec un corps de
10.000 hommes.
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(1) Ferdinand à Frédéric. Uiilc, 31 juillet 1750. Wostplialcn, 111, p. 4i'2.
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DESPRIPTION DI' CHAMP DE BATAILLE.
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Essayons de décrire le champ de l)ataillc (1) où allaient
se rencontrer les armées rivales, et plaijons-nous, pour
l'étude des lieux, sur le Wittekinds-Berg où a été érigée la
statue colossale de l'Empereur (luillaume. A nos pieds,
les villages de Barkhausen et Bolhorst, autour desquels
les Français étaient campés le 31 juillet; vis-à-vis de nous,
à quelque distance, se découvrent les bastions de Minden
transformés en promenades ombragées. Plus près vers la
gauche, le marais de Minden aménagé en prairies, coupé
par des digues plantées d'arbrisseaux; l'aspect des lieux
laisse deviner des difficultés de traversée qui, très sé-
rieuses encore à l'heure présente, le rendaient infranchis-
sable à l'époque de l'action. Au delà, le village delîahlen,
entouré de plantations qui s'égrènent jusqu'au marais.
A la sortie de la zone marécageuse, un rideau de végétation
crayonne le cours du ruisseau de Bastau qui sert de fossé
aux vieilles fortifications de Minden avant de se jeter dans
le Weser. Au-dessous de nous, à droite, le Ueuve s'échappe
du défilé de Porta-Westfalica après s'ètr<> frayé un passage
entre les Wiehen (îebirge, sur l'extrémité desquels nous
nous tenons, et les Weser Gebirge qui leur font face; puis,
suivant un chenal à peu près direct, il sépare Minden de
son faubourg de la rive droite et disparait à l'horizon sous
la feuillée sombre du Ileisterholz. Plus loin que la ville,
entre elle et llahlon, s'étend la plaine ou bruyère de Minden,
aujourd'hui cultivée dans presque toute son étendue, par-
semée de maisons, de jardins, de bosquets qui obstruent
la vue et empochent de distinguer les hameaux de Maul-
bcorkamp, de Stemmer et de Kutenliausen dont nous
aurons à parler dans le récit do la bataille. En 1759, le
terrain, beaucoup plus ouvert aux abords de l'enceinte,
(1) \'oir la carte à la (in du volume. Le ri'cit de la bataille est tiré dos
rapiiorls de Coiitades et de Uroglie, des lettres d'ofliciers (Archives de la
Guerre), des rapports du prince Ferdinand, des dépositions au conseil de
Kuerre de Sackville, de Wesiplialen, Uenouard, Schaeter, etc., etc.
GiEiuu: ne ski't ans. — t. m. 4
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50
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
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se revêtait à trois ou quatre kilomètres du glacis de Mindeu
d'un fouillis de haies et de vergers. Derrière cette l)ar-
ricre de verdure les grands bois qui emprisonnent la
plaine de toute part s'estompent au fond du tableau. Du
pied du glacis, le sol monte en pente presque insensible
jusqu'à une crête de faible relief, assez élevée cependant
pour dérober des mouvements de troupes au regard de
l'approchant. Du côté de Stemmer, le point culminant
se discerne entre le moulin et le cimetière du hameau;
près de Hahlen, sur la route qui conduit aujourd'hui au
champ de manœuvres, un petit mamelon dépasse le voisi-
nage de deux à trois mètres de hauteur. En résumé, une
contrée plate, sans accidents importants, assez favorable
à l'emploi de la cavalerie.
Le village de llille où le prince Ferdinand avait son
quartier général, est situé sur le bord du marais de Min-
den à environ six kilomètres en amont de Hahlen; quant
à Todtenhausen ou Thonhausen qui, dans quek[ues récits,
donne son nom à la bataille, c'est un village adossé à la
forêt d'IIeisterholz, qui le sépare de la ville de Petersha-
gen; il se trouve un peu en arrière de Kutenhausen et
à faible distance du Weser.
Tandis que les Français, leurs flancs appuyés aux murs
de Minden à droite, à la montagne à gauche, leur front
couvert par le marais, paraissaient bénéficier d'une posi-
tion à peu près inaccessible, la ligne des confédérés,
très étendue, semblait plus vulnérable. Le corps de Wan-
genheim à Todtenhausen était bien loin du quartier géné-
ral de liille. Ne serait-il pas possible de l'écraser avant
que le gros put venir à son aide? Telle fut la pensée de
Contades et l'idée dominante qui inspira ses conceptions.
Voici en quels termes l'ordre général (1) définit la tâche
de la droite française, chargée de l'action décisive : « La
réserve de M. le duc de Brogiie fera la droite de tout, se
(1) Ordre d'attaque. Miiiden, .'{l juillet 1759. Archives de la Guerre.
i'
PLAN DATTAQUE DE CONTADES.
51
portera au village de Todtenhaiisen, et de là sur le camp
de M. de Bevcrn(l) sur le chemin de Petershagen. L'attaque
que fera cotte réserve doit ùtre vive et rapide Pour
assurer le succès de cette attaque, il faut qu'elle soit forte
en nombre de troupes et surtout en infanterie et en artil-
lerie; on joindra à l'infanterie de la réserve les régiments
des grenadiers de France et Royaux (8 bataillons), et on
joindra à l'artillerie de cette réserve 6 pièces de canon
de 12 et V obusiers Pendant que cette réserve sera occu-
pée sur cet objet, l'armée achèvera de se former et mar-
chera ensuite en bataille devant elle. »
Le commandant de l'aile droite, le duc de Broglie, avait
ainsi à sa disposition 22 bataillons et 18 escadrons. Immé-
diatement à sa gauche, deux brigades d'infanterie, Picar-
die et Belzunce, sous les ordres du lieutenant général Nico-
laï, devaient « combiner leur mouvement avec la gauche
de la réserve » ; elles étaient appuyées elles-mêmes en se-
conde ligne par deux autres brigades sous Saint-Germain.
Le reste de l'armée française se déploierait sur l,i circon-
férence d'un secteur dont la ville de Minden aurait été le
point central. A la gauche, le flanc extérieur protégé par
le grand marais, marcherait le comte de Guerchy avec les
briga^les de Champagne et du Roy; il devait dépasser le
bois de Hummelbeck et s'arrêter à la hauteur du village
de llahlen dont il se rendrait maître. Continuant le front
de l)ataille, venait après la division Guerchy celle du ma-
réchal de camp Maugiron, composée des brigades d'Aqui-
taine et de Condé. Derrière ces deux corps et leur ser-
vant de soutien, les Saxons sous leur prince, le comte de
Lusace, forts de 13 bataillons. Le centre n'était formé que
de cavalerie sur trois lignes, de longueur à peu près égale ;
en première les brigades de Colonel général, Cravate et
Mestrc de camp , en seconde les brigades du Roy , Royal
(t) C'est par erreur que Beveru avait été désigné comme commandant de
ce coté.
52
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
il
Étranger et Bourgogne, et, en troisième, en guise de ré-
serve, les 18 escadrons des gendarmes et des carabiniers,
en tout 63 escadrons. A la droite des premiers rangs de la
cavalerie et à leur hauteur, le lieutenant général de Heau-
préau, avec les brigades de Touraine et de Rouergue, se
reliait aux divisions Nicolaï et Saint-Germain. Tout à fait î\
l'ouest, à la digue qui d'Eickhorst mène à travers le ma-
rais à llille, le duc d'Havre avec les quatre bataillons de
Navarre et la plupart des corps francs, était chargé d'une
fausse attaque contre le quartier général et l'extrême droite
des confédérés. Quatre pièces empruntées au parc lui
étaient adjointes et devaient entretenir une canonnade vio-
lente contre la position ennemie ; enfin, la garde de Mindcn
était confiée à une brigade tout entière, celle de Lowen-
dahl.
En résumé, Contades allait engager 80 bataillons (l) et
81 escadrons, soit environ 42.000 fantassins, 10.000 cava-
liers et 2.000 artilleurs, soutenus par 170 canons de tout
calibre. A ces forces, le prince Ferdinand pourrait oppo-
ser M) bataillons et 61 escadrons, soit un effectif de près de
31.000 fantassins (2), 9.000 cavaliers et 2.500 artilleurs,
appuyés par 187 pièces. Le 31 juillet, son armée était divi-
sée en deux tronçons inégaux; le général Wangenheim,
avec 15 bataillons et 19 escadrons, garnissait les villages
de Todtenhausen et Kutenhauscn, dont les approches
étaient défendues par des redoutes munies de 32 canons
répartis en trois batteries; le gros était campé depuis llille
jusqu'à Fricdewalde, le front couvert par un petit ruisseau
qui se jette dans le marais, les avant-postes aux villages
de llortum et de llolzhausen, le tout caché derrière le ri-
deau de bois qui borde la plaine de Minden.
(1) Dans ces cliiffros ne sont pas comptés la garnison de Minden et le
détachement du duc de Brissac.
(21 Y compris les trois bataillons du général Gilsa et non compris le corps
du prince héréditaire de Brunswiciv.
FERDINAND PRÉVOIT L ATTAQUE.
53
le ri-
Conformémentaux instructions de Contades, les troupes
s'ébranlèrent vers minuit. Distribuées en huit colonnes,
elles franchirent le ruisseau de Bastau au moyen de dix-
huit ponts qu'on y avait jetés, se formèrent sur les pentes
douces qui viennent mourir au pied du glacis de Minden
et y attendirent le jour et des ordres ultérieurs. La réserve
de Broglie, qui constituait la neuvième colonne et qui
était campée sur la rive droite du Weser, traversa le fleuve
et la ville pour prendre l'extrême droite. Au dire de cer-
tains auteurs allemands (1), il y eut de la confusion dans
Ici marche et on perdit beaucoup de temps avant d'occu-
per les emplacements définitifs.
i'resque à la même heure, les confédérés étaient en
mouvement; d'après une tradition locale (2), Ferdinand
aurait été prévenu des intentions du maréchal; un paysan,
chargé de remettre au duc de Brissac un modèle de sou-
lieis, avait eu des soupçons sur le contenu de son paquet
et l'avait porté au quartier général du prince ; on l'ou-
vrit et on trouva, caché dans la semelle, un billet annon-
çant l'engagement du lendemain. Que cette anecdote soit
authentique ou non, il est certain que le général hano-
vrien prévoyait l' offensive des Français. D'après la décision
donnée le 31 juillet à cinq heures du soir, les troupes de-
vaient être sous les armes à une heure du matin; dans le
cas d'une attaque (3), l'armée devait marcher en huit
colonnes vers la bruyère de ftiinden et s'établir la droite
au moulin à vent de Hahlen, la gauche à Stemmer où
elle se reherait au corps de Wangenheim. A l'inverse de
l'ordre de bataille de Contades, la cavalerie, sous la con-
duite de Sackville et du prince de Holstein, était sur les
ailes, l'infanterie et l'artillerie au centre. Averti à trois
(1) Brci}?. Ali. Milit. Zeitung, 1889, Schlaclit von Minden.
(2) Bornlmiim. Sclilachl hci Minden, Miudi'n.
(3) Ordre du 31 juillet 1759. Hille, cinq heures du soir. Weslplialen, vol. III,
p. 587.
M
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. II.
i *
lU
i!
heures du matin, par le rapport de deux déserteurs du
régiment de Picardie, de la manœuvre de l'adversaire,
Ferdinand (1) lança les officiers de son état-major pour
mettre en route ses divisions, et, accompagné de son pi-
queur et dun paysan qui lui servait de guide, poussa jus-
qu'à la lisière de la plaine pour recounaitre les Français
dont il put voir « une grande partie formée en bataille et
s'avaiiçant sur Kutenhausen. » 11 ordonna au prince d'An-
halt, qui commandait les avant-postes, d'enlever le village
d'IIahlen dont les Français avaient pris possession, et allait
se rendre à Todtenhauscii qu'il sentait menacé, quand le
feu de l'artillerie éclata en arrière et sur la droite. C'était
le canon du lue d'Havre qui tirait sur le village d'Hille.
Le prince ne se laissa pas tromper par ce qui étal' évi-
demment une fausse attaque; il se borna à renforcer sa
batterie de deux pièces, à recommander aux piquets de
garde de tenir ferme et au général Gilsa, détaché avec
trois bataillons de l'autre côté du marais, d'inquiéter les
communications d'IIavré. En retournant à son armée, le
prince rencontra les têtes de colonnes de la cavalerie
d'IIolstein et de l'infanterie d'Imhoff qui constituaient la
gauche du corps de bataille ; il enjoignit aux généraux d'ac-
célérer leur marche sur Stemmer et regagna sa droite où
les régiments de Sporcken commençaient à se déployer.
Du côté de Todtenhausen, point indiqué pour le pre-
mier effort français , le canon s'était fait entendre, vers 4
heures du matin selon les uns, vers 5 heures selon les
autres. Dès la veille, à la réunion des officiers généraux
assemblés pour recevoir leurs instructions, Broglie avait
déclaré qu'il ne pourrait assaillir la position de Todten-
hausen qu'autant qu'il serait appuyé et flanqué par la di-
vision Nicolaï. L'observation ne fut pas relevée ou ne par-
vint pas aux oreilles du maréchal de Contades; toujours
(1) Relation du prince Ferdinand adressée à Iloldernesse. Paderborn,
3 février 1760. Westphalen, vol. III, p. 579.
^1
HESITATIONS DE BROGLIK.
55
cst-il que rien ne fut changé aux ordres primitifs. Broglie,
une fois sur le terrain, au lieu de Jjrusquer une attafjue qui
aurait peut-être réussi, attendit, sans dépasser Poggeu-
rnûhle, l'entrée en ligne de Nicolaï qui, lui non plus, ne
voulut pas scngager sans son voisin de gauche. Un en-
tretien eut lieu entre le duc, Saint-dlerniain et Nicolaï, à
la suite duquel les brigades do Picardie et de Belzunce
qui composaient la division Nicolaï firent un mouvement
en avant. Broglie en profita pour chasser les vedettes de
l'ennenn d'une petite crête, et y installa son artillerie pour
battre les redoutes que celui-ci avait élevées près de Tod-
teniiauscii; de sa personne, il s'avança pour reconnaître.
Mais laissons-lui la parole (1) : « En y arrivant, je découvris
les ennemis en bataille sur deu.v lignes dont l'une en avant
des haies qui joignent le village de Kutenhausen avec la
censé de Todtenhausen, et l'autre derrière au dedans des
haies. La première ligne marchait en avant, fort vite, lors-
que je l'aperçus; elle avait à sa droite une colonne de
cavale ie dont je ne voyais pas le front et qui se dévelop-
pait a galop ; leur front était beaucoup plus étendu que
le mien et leurs dispositions semblaient absolument offen-
sives. Cela me fit revenir promptement à ma cavalerie
pour la former sur deux lignes, afin d'être en état de rece-
voir celle des ennemis que je croyais devoir venir me
charger en flanc. Le canon alors commença à tirer sur
la redoute et sur le front de la ligne des ennemis et ils y
répondirent par un feu très vif et très supérieur. Les bri-
gades de Picardie et de Belzunce arrivèrent un moment
après à la hauteur de moi. Je fis part à M. le chevalier de
Niolaï de la disposition des ennemis qui me paraissaient,
ainsi qu'à M. le chevalier de Muy qui était avec moi, être
trop en force dans cette partie, et dans une position trop
avantageuse pour que je dusse seul les attaquer. »
(IJ Broglie à Belleisle, i août 1709. Archives de la Guerre. Allemagne,
vol. 3520.
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;:'iï
se
LA GUERRE DE SEPT ANS. — ClIAP. II.
Là-dessus survient un officier du maréchal avec mission
de demander quand l'aile droite s'engagerait ; Hrogjie de
répliquer qu'il attendait l'action de Nicolaï sur Kutenhau-
sen. Enfin apn'^s un temps précieux gaspillé en allées et ve-
nues, Broglie finit par rejoindre Contades, lui expose la
situation, et réclame de nouvelles instructions. « Comme
M. le maréchal allait prononcer, on lui fil remarquer que
les ennemis, qui depuis quelques moments canonnaient la
gauche, commençaient à déboucher dans la bruyère, et il
y découvrit effectivement de l'infanterie rouge s'avançant
extrêmement vite et se formant. M. le comte de Noailles lui
dit que, cette attaque paraissant sérieuse, il fallait en avoir
le succès avant de songer à l'autre. Presque en même temps
il (le maréchal) vit la cavalerie de la gauche aller charger
cette infanterie, y entrer, et en être ensuite repoussée.
Alors il me dit de ne songer qu'à contenir les ennemis vis-
à-vis de moi jusqu'à ce qu'il vit ce que cela allait devenir,
et, en cas que l'affaire tournât mal, de favoriser la retraite
de l'armée le mieux que je pourrais. »
Pendant les hésitations de notre droite, que se passait-il
dans les autres quartiers du champ de bataille? Au centre,
la cavalerie était au poste qui lui avait été désigné, mais
une bonne partie de l'infanterie de la gauche n'était pas en
ligne à six heures du matin. Profitant du répit qui lui était
laissé, Ferdinand avait accéléré la marche de ses colon-
nes, dont les tètes s'apercevaient au bord de la plaine. Il
n'était pas huit heures que l'armée principale, sous les or-
dres directs du prince, avait pris ses emplacements de
combat, la droite à Hartum près du marais, la gauche à
Stemmer où elle se raccordait avec l'infanterie de Wan-
genheim placée dans les vergers de Kutenhausen; ce
mouvement avait pu s'accomplir sans la moindre inter-
vention de la part des Français, qui avaient ainsi perdu
tout le bénéfice de leur départ nocturne,
A re.\trême droite des confédérés, une escarmouche
I II
lïçîtia'iièi',:
L'INFANTERIE ANGLAISE DÉBOUCHE AU CENTRE.
57
eut lieux pour la possession du village de Hahlcn occupé
par un détachoment de la division Gucrchy; il fut facile-
ment enlevé par le prince d'Anhalt jï la tète des piquets
des avant-postes; les défenseurs, deux bataillons de Cham-
pagne que ne fit pas soutenir leur divisionnaire, évacuè-
rent les maisons en y mettant le feu. Il était neuf heures
du malin. 3Iaitre de cette importante position qui assurait
son flanc droit, Ferdinand établit successivement auprès
du moulin de Hahlen les batteries anglaises et hanovrien-
nes au fur et à mesure de leur entrée en scène ; bientôt
'Mi canons y furent installés avec le double objectif de
tirer sur les masses françaises et de protéger le déploiement
des troupes de Sporcken.
(l'était une 'encontre entre l'infanterie de ce général
et la cavalerie de Contades qui allait trancher le sort de la
journée. Les six régiments (1) anglais et trois bataillons
hanovriens, commandés par les généraux \Valdegrave et
Kingsley, sortirent des bois entre Hartum et Ilolzhausen et
se formèrent à la lisière en deux lignes. Puis, à la suite
d'un ordre mal interprété, cette division, sans attendre
l'appui de la cavalerie encore en arrière, se porta en avant
dans la bruyère de Minden; elle s'y trouva exposée au feu
croisé de deux batteries françaises et souffrit beaucoup,
sans cependant suspendre sa marche. C'est l'apparition de
ces bataillons qui avait empoché Contades de renouveler
à Broglie l'injonction de donner l'assaut aux retranche-
ments de Todtenhausen.
Revenons maintenant au récit de cet épisode tel qu'il
est présenté dans la relation officielle (2) : « Pendant le
temps que M. le duc de Broglie prenait les ordres de M. le
maréchal, on lui fit voir de l'infanterie ennemie qui dé-
bouchait des bois vis-ti-vis de notre centre, qui était
(1) Les lé^iinenls anglais présents à la bataille n'avaient qu'un bataillon.
Ci) Relation de la bataille de Minden. Archives de la Guerre. Allemagne.
3520.
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58
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. 11.
soutenue de quelque cavalerie; lorsque ces troupes furent
ù une demi-portée de canon, l'infanterie se forma sur
deux lienes avec une prompl'tude incroyable et marcha
en avant sur la gaucho de la cavalerie, »
D'après un témoin oculaire, l'officier d'état-major Plain-
champ (1), le maréchal fut « comme étonné de voir qu'ils
(les ennemis) avaient beaucoup d'infanterie et que nous
n'en avions pas assez pour leur opposer, et dit en propres
termes : Est-ce que nous n'avons pas plus d'infanterie? »
On peut se demander en ellet ce que faisaient en ce mo-
ment les 29 bataillons du comte de Guerchy et du comte
de Lusace.
Nous l'avons déjà fait observer, le centre français était
composé uniquement des 63 escadrons de cavalerie de
la grande armée, disposés sur trois lignes, appuyés par
30 bouches à feu réparties en 2 l)atteries, mais sans troupes
d'infanterie comme soutien. Pour arrêter les progrès des
Anglais et des Hanovriens, le duc de Filzjaraes, comman-
dant en chef de la cavalerie, n'avait d'autre moyen que de
les charger. « Il le fit par 11 escadrons aux ordres de M. le
marquis de Castries. L'attaque fut vigoureuse, mais les
ennemis ne s'en étonnèrent point; ils attendirent notre
cavalerie i\ dix pas, lui firent le feu le plus vif et le plus
nourri , et reçurent à coups de baïonnettes ceux qui s'a-
vançaient jusqu'aux premiers rangs. » Durant la charge
de Castries, le maréchal « ordonna à M. le marcjuis de
Beaupréau d'occuper, avec les brigades de l'infanterie de
Touraino et de llouergue et huit canons de huit .juelques
maisons entourées de haies, qui étaient en avant de la
droite de notre cavalerie, pour la protéger et prendre à
revers cette infanterie ennemie qui s'avançait avec tant
d'audace. »
Pendant que Beaupréau marchait ainsi sur le hameau
(1) Plainchanip à X. MinJen, 1" août 1750. Archives de la Guerre. Aile-
magne, 3520.
3
CHARGES DE LA CAVALEKIE FRANÇAISE.
59
(\o Maull)ei'^cn(l), Mnngirnn. avec les brigades de Condé et
(rA<juitfiine, l'aisail un iiioiivemcut analogue sur la gau-
che; culiu les batteries françaises reprenaient leur tir (|ui
l)attait on échnrpe les bataillons anglais. A la suite de
cette canonnade le second échelon de la cavalerie (•barj2;'ea
à son four, il y eut du flottement parmi les Anglais de la
première ligne, mais Ferdinand les lit soutenir pai" la
dfuxiômo, augmenta ses batteries du moulin de Hahlen
et euv()\a ollicier sur officier à Lord SacUville, conmian-
oant des 2V escadrons de l'aile droite, pour l'invitor à
accourir sans retard au .secours de l'infanterie. L'appel
ne fut pas entendu, mais 'es autres mesures amenèrent
ICfTet désiré,
La seconde charge de la cavalerie française ne produisit
pas plus de résultat que la promicrc, aussi le nia.'échal
eut-il recours à sa réserve composée des 18 escadrons de
gendaruies et carabiniers. Cette masse de 2.000 cavaliers
d'élite, lancée à fond de train, aborda l'infanterie ennemie
de flanc et à revers et remporta quelque succès; elle perça
la première ligne, mais échoua contre la deuxième que
venaient de renforcer les 0 bataillons du général Scheele
et une partie de ceux de Wutgenau. Secondée par des
troupes fraîches, peut-être cette charge eùt-elle réussi;
mais il n'en fut rien; toute la cavalerie avait donné, et les
légiments qui avaient livré les piemiers combats n'étaient
pas en état d'en tenter un autre. Les gendarmes cl les cara-
biniers furent très maltraités; 3L de Poyannc, qui les com-
mandait, reçut plusieurs blessures; sur 778 gendarmes pré-
sents à l'affaire, 153 furent tués ou pris, 205 blessés; des
huit escadrons, il ne restait, le soir de la bataille, que 315
soldats armés, montés, et prêts à servir. L'action des 63
escadrons du centre se termina par un dernier assaut de
M. de Vogué sur la droite, aussi infructueux que les autres.
(1) Ou Maulbeorkamp.
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LA GUEIUIE DE SEPT ANS. — CIIAP. II.
'( 1
Si, h ce momtnt, les 2V escadrons do Suckville avaient
paru sur le champ de bataille, il est probalilc que la
déroule de Contades eiU été aussi complète (|ue celle de
Soubise lors de la néfaste journée de Uossbach. Même sans
celte intervention, la situation était fort critique; les en-
treprises de Ueaupréau et Mauf:iron n'avaient pas mieux
réussi que les charges de leurs camarades de la cavalerie.
Les brigades de Tourainc et Uouerguc trouvèrent le ha-
meau de Maulbergen occupé par les fantassins ennemis
cl furent accueillies par une fusillade qui les arrêta net;
rhésitation que cette réception occasionna fut transformée
en débandade par la cavalerie hessoise du prince de llols-
lein, qui tomba sur elles à l'improvistc. Leur général
« Beaupréau fut blesse de plusieurs coups de sabre, le
brigadier Monty de deux coups de feu, et elles se repliè-
rent sur les brigades d'Auvergne et d'Anhalt que M. le
maréchal plaça à la hâte dans les haies en arrière do la
bruyère. » Profitant de cet avantage, les confédérés instal-
lèrent auprès de Maulbergen une batterie qui tira avec
beaucoup d'activité.
L'échec de la division Beaupréau fut dii, parait-il, à une
erreur de son chef. Ce dernier, soucieux de se maintenir
en ligne avec N'icolaï, qui de son côté cherchait à se rap-
procher de Broglie, <( ordonna de rompre par quart de
rang ». La manœuvre fut exécutée si près de la cavalerie
ennemie que celle-ci pénétra dans les intervalles de nos
bataillons avant qu'ils fussent remis en bataille. Cette sur-
prise semble les avoir privés de tous moyens de défense,
aussi furent-ils sabrés à l'exception de 2 bataillons de la
gauche que la brigade de cavalerie de droite (Mestre de
Camp) dégagea par un mouvement en avant. Le seul ré-
giment de Touraine perdit, dans cette malheureuse affaire,
en tués et pris, 45 officiers et 86i sous-olficicrs et soldats
sur un effectif de 1.230.
La défaite de Beaupréau eut pour corollaire le recul de la
DKI'AITE DK M.VUdIRON ET DES SAXONS.
01
' avaient
division Nirolaï <;t la capturo dos haftcrios fiaiiçaiscs ôta-
l»lics eu face de Maulbergen. Ces deriuùres, vainement afta-
(|n»''es h plusieurs reprises par l'infanterie du wnéral hn-
lioir, furent enfin enlevées yrAce à une évolution habile
des escadrons du prince de llolstein qui enfoncèrent les
troupes de soutien. Dans ces rencontres, qui doivent avoir
eu lieu entre Kutenhauscn et Maulbcr^en et aux abords
de ce hameau, lic^urôrent non seulement les 19 escadrons
(le llolstein, mais aussi les 18 de Wangenheim ; les dra-
gons de llolstein et deux régiments hanovriens, Hammers-
tein et du Corps, s'y distinguèrent et subirent des pertes
sérieuses. Ce fut probablement dans la mêlée avec la bri-
gade de Mestre de Camp que le colonel du régiment du
Corps fut fait prisonnier. Sauf cette exception, la cavalerie
fr;mriiise ne croisa pas le fer sur cette partie du hamp de
bataille.
Pendant que ces incidents se passaient au c nirc et à la
droite de l'armée de Contades, à sa gauche oUensivc de
Maugirou avait également échoué : ce gêné al fut blessé
de deux coups de feu. Ses deux brigades, i epoussées par
les Anglo-IIanovriens de Sporcken e^ u^Sc leele auxquels
s'étaient joints quelques bataillor . de lu division >Vut-
genau, tombèrent sous les feux d la batterie du moulin
de llahlenet de celle que le colon' 1 Braun venait d'amener
sur les positions conquises; r!,oS reculèrent en désordre
et entraînèrent une partie du corps du comte de Lusace
accouru à leur aide. Quelques bataillons saxons, ayant
formé le carré, sans doute dans la crainte d'une charge de
cavalerie, qui d'ailleurs ne se produisit pas, souffrirent
Ijeaucoup des boulets et de la mitraille que les canons
ennemis firent pleuvoir sur leurs rangs serrés.
Il était à peine neuf heures, et Contades était complète-
ment battu. Presque toute la cavalerie française, et deux
divisions d'infanterie, celle» d<e Beaupréau et Maugiron,
étaient en pleine déroute: U^ brigades de Nicolaï et la
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — ClIAP. II.
moitié des Saxons avaient «Hé entamées. Les Anglais et lla-
novrions qui constituaient la droite de l'armée confédérée
gagnaient du terrain; les batteries françaises si efficaces
au début de l'action avaient été prises ou retirées de la
zone de feu ; l'artillerie du prince Ferdinand, dont la su-
périorité n'était plus contestée, accablait de ses projectiles
l3s masses confuses des Français. Guerchy, dont les troupes
étaient encore intactes, n'avait plus participé au combat
depuis l'abandon du village d'IIahlen et se contentait d'é-
clianger quelques coups de fusil avec les tirailleurs en-
nemis. Du côté de Todtenbausen, en dépit des pertes que
lui infligeait le canon ennemi, supérieur en nombre et en
calibre, Broglie se maintenait ferme. Seuls de ses troupes,
les grenadiers de France envoyés au secours de Nicolaï
avaient été sérieusement engagés. D'après le rapport du
général, ces soldats d'élite se distinguèrent par leur
fermeté; ils perdirent deux de leurs colonels tués et
300 liommes hors de combat.
Dans de pareilles conditions, il n'y avait d'autre parti à
prendre que celui de la rentrée au camp ; aussi Contades
dut-il en donner le signal. Elle fut couverte par le corps de
Broglie. « Toute la réserve, rapporte ce dernier, se retira
sur deux lignes, protégeant la retraite de Picardie et de
Belzunce; les ennemis débouchèrent alors sur (5 colonnes
et montèrent le rideau d'où ils canonnèrent la réserve
avec beaucoup de vivacité, et de très grosses pièces, jus-
que dans les haies de Minden; elle (la réserve) s'arrêta
vingt fois depuis le champ de bataille jusque-là et ne
borda la haie qu'après que toute l'armée eut repassé le
ruisseau. Alors voyant que les troupes étaient inutiles dans
cette position, et qu'elles allaient y être très maltraitées
par la canonnade des ennemis oui commençaient à leur y
faire du mal, je les fis repasser par la ville et fis jilacer
quelques pièces de gros canon sur un cavalier pour empê-
cher les ennemis d'en approcher. On vint alors nie cher-
PEUTRS DES DEIX ARMEES.
63
cher de la part de M. le marchai; je lo joignis sur une
butte entre la gorge du Weser et Minden. ■
Remettons pour le moment le récit du conciliabule qui
détermina l'orientation de la marche rétrograde, et cons-
tatons la situation respective des deux combattants. La
bataille avait pris lin entre 10 et 11 heures du matin;
l'armée de (^ontades avait repassé les ponts du Bastau,
et après les avoir coupés pour arrêter toute velléité de
poursuite, s'était réfugiée dans son camp de la veille où
les projectiles ennemis lui laissèrent peu de repos. Les
confédérés s'étaient avancés jusqu'au glacis de Minden,
à faihle distance du ruisseau; ils y restèrent toute l'après-
midi, puis dressèrent leurs tentes entre Hahlen et Frie-
dewald.
Durant la matinée du l" août, le rôle du corps de Wan-
geidieim fut plutôt passif; quelques escadrons de sa cava-
lerie prêtèrent, il est vrai, leur concours au pi'ince de
Holstein et prirent part aux engagements entre Stenmicr
et Maulbergen, mais ses quinze bataillons ne quittèrent
les retranchements qu'ils avaient garnis au cours de l'ac-
tion que sur les ordres formels du prince Ferdinand ; ils
se bornèrent à suivre de loin le corps de Broglie sans
essayer de l'entamer.
Du côté franc^ais, le déficit fut considérable; évalué pav
certains correspondants à 11.000 ou 12.000 h'^n.ues, il
s'éleva, d'après les états officiels, à 7.086 tués, blessés ou
pris, parmi lesquels six généraux et h',\H officiers. La cava-
lerie, fort éprouvée, compta VC officiers tués, 102 blessés
ou pris, 1.935 sous-officiers et cavaliers mis hors de com-
bat; les 63 escadrons du centre perdirent à peu près
28 % de leurs ellectifs. L'infanterie et l'artilierie eurent un
déchet d'environ 200 officiers et 4.800 hommes, qui porta
principalement sur la division des grenadiers, les régi-
ments de Touraine, Aumont, Houergue, Aquitaine et le
corps saxon. Les confédérés accusèrent une perte totale
64
LA GUERRE DE SEPT ANS. - CHAP, II.
H
de 2.7t32 de tous rangs, dont 1.392 appartenaient aux six
bataillons anglais (1), soit 30 ^ de leur elFeetif, La divi-
sion Wangenhcim n'eut que 502 mis hors de combat, dont
moitié pour les 18 escadrons qui formaient sa cavalerie.
Les vainqueurs recueillirent comme trophées 43 canons,
10 drapeaux et 7 étendards.
En résumé, la bataille de Minden, si elle n'égala pas la
honte de Kossbach, ne lit honneur ni au maréchal ni à ses
principaux lieutenants. Pourquoi l'avoir livrée? Sans doute
Contades, quoiqu'il n'eût pas reçu d'instructions positives
à cet égard, n'ignorait pas le désir de sa cour de le voir
remporter un succès qui le rendit maitrc du Hanovre ; sans
doute il était au courant des préparatifs de descente en
Angleterre et connaissait l'obligation dans laquelle il se
trouverait de fournir des contingents au corps expédition-
naire; mais fort de la confiance du souverain et du mi-
nistre, il était libre de diriger les opérations k son gré. Au
lieu de risquer un engagement offensif dont le sort était
nécessairement douteux, n'avait-il pas tout bénéfice, en
gardant une position pour ainsi dire inexpugnable, à atten-
dre le résultat du siège de Lippstadt qu'Armentières allait
commencer? Cette ville prise, ce qui ne demanderait que
quelques jours, il aurait été rejoint par son lieutenant et
aurait pu oe servir d'une supériorité numérique fort ac-
crue, pour forcer son adversaire à la retraite, ou, le cas
échéant, pour combattre avec plus de chauces en sa fa-
veur. Si cependant l'alfaiblissement dci conféc' l'rés par le
détachement du prince héréditaire explique dans une cer-
taine mesure la résolution de Contades, que de fautes com-
mises sur le champ de bataille! L'avantage acquis grAce
à la marche de nuit qui avait amené les troupes sur le ter-
rain au point du jour, fut perdu pendant la matinée. Deux
ou trois heures passées dans l'inaction ou gaspillées en
(1) Ces régiments portent encore sur leurs drapeaux le nom de Minden
en souvenir de leur belle conduite.
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:'¥.
CRITIQUE DE BROOLIE ET DE CONTADES.
es
canonnade donnèrent au prince Ferdinand le temps de
manœuvrer à son aise et de remédier au vice d'une ligne
beaucoup trop étendue. Au duc de Broglie incombe la res-
ponsabililc du reta d apporté à l'attaque de Todtenbau-
sen; ce général qui dans plusieurs occasions avait montré
du coup d'œil et de l'initiative, en manqua complètement
à l'all'aire du 1"' août; il prête 20.000 hommes à Wangen-
heim qui en avait tout au plus 13.000, et n'ose pas tenter
un ell'ort qui n'eût pis coûté il ses hommes plus cher que le
feu d'artillerie auquel ils restèrent inutilement exposés
pendant des heures entières.
Westphalen est sévère pour le commandant du corps de
réserve. Voici en quels termes il commente ( l) la relation
publiée par les amis de ce dernier : <• Le raisonnement de
Broglie est faux, et si jamais la bataille pouvait être ga-
gnée, cela aurait été en s'emparant de Kutenhausen, et en
délogeant le général Wangenheim. Si Broglie pouvait
l'attaquer à 4 heures du matin, et s'il ne l'a pas fait, il est
bien simple qu'il est cause delà perte de la bataille. Ceci
me fait penser que M. de Broglie pourrait fort bien ne
pas être aussi habile qu'on le 'it. »
Mais si le lieutenant est en défaut, que dire du général
en chef qui, pendant la longue attente, ne pense pas à
faire ce que fit le prince Ferdinand, à se transporter à sa
droite pour veiller en personi à l'exécution de ses ordres?
Pourquoi ne s'être pas servi d« >a gauche demeurée inac-
tive dans l'expectative d'un m^ ivement de la droite qui
ne se produisait pas? Pourquoi n'avoir pas occupé en force
le village de Hahlén et s'être laissé devancer à Maulber-
gen? Pourquoi n'avoir pas comblé au centre le vide qui
permit à l'ennemi de percer après la défaite de la cava-
lerie? De la part des Français il n'y eut au cours de l'ac-
il) Westphalen à Ferdinand, 2S août 1750. Arch. de l'Etat-Major général.
Uerlin, C. X. 324.
GlERRE DE SEPf ANS. — T. III. 5
.bi^ïyùv
66
LA GUEHHE DE SEPT ANS. — CIIAP. II.
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Il I
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tion aucune unité de direction; chaque divisionnaire agit
pour son propre compte et se préoccupe trop ou trop peu
de son voisin. liroglie pousse la timidité jusqu'à la déso-
béissance; Mcolaï se décide à soutenir le corps de réserve,
quand l'échec du centre allait décider du sort de la ba-
taille. Beaupréau, par ses mauvaises dispositions, trans-
forme en désastre une opération qui n'était que liasar-
deuse ; Guerchy ne sait tirer aucun parti des troupes qui
lui avaient été confiées.
Quant à la cavalerie, elle fut piteusement battue par une
infanterie qui ne paraît pas môme lui avoir fait l'honneur
de former les carrés pour recevoir la charge. C'est avec
raison que Belleisle écrivait à son ami Castries (1) : « Il
ne m'entre pas dans l'esprit que 60 escadrons en plaine
ne puissent pas rompre et fouler aux pieJs 9 ou 10 batail-
lons; tandis que je vois que dans le même lieu, et un mo-
ment après, une poignée de cavalerie ennemie a sabré,
renversé et mis en déroute i de nos brigades d'infanterie
qui composaient en nombre un tiers de plus de combattants
que les bataillons anglais qui ont repoussé notre cavale-
rie. » Les pertes des régiments qui prirent une part eft'ec-
tive à l'engagement sont la meilleure preuve du courage
déployé; aussi faut-il attribuer leur malheur au manque
d'ensemble dans la charge et à l'intrépidité et au sang-
froid des fantassins ennemis. Ceux-ci (2), sur trois rangs et
formés sur deux lignes, arrêtèrent par leur feu, non seule-
ment les attaques successives de front, mais aussi un assaut
plus dangereux des genf^-^rmes et des carabiniers, qui
porta sur leur flanc et partiellement à revers. L'infanterie
fran(;aise ne fut pas plus heureuse; la défaite des briga-
des de Touraine et de Rouergue rappelle celle des batail-
lons de Soubise A Rossbach; par contre, les grenadiers de
(1) Belleisle à CasI ries. Lettre citée par Pajol, Gue7-resd('.LouisXV, vol. IV,
p. 407.
(2) Voir Pajol, Guerres de Louis XV, t. IV.
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DÉSOBfilSSANCK DK LORD SACKVILLK
C7
France et les lloyaux, ainsi que plusieurs régiments tlu
corps de Broglie, soutinrent le feu des J)atteries confédé-
rées avec une fermeté digne d'un meilleur sort. L'artille-
rie, quoique servie avec bravoure, se montra, au point de
vue et de l'efficacité et de la mobilité, inférieure à celle
des alliés, tant à lodtenbausen (|u'au centre. Au surplus
les appréciations du vainqueur sur le vaincu ne sont pas
flatteuses : « Jamais, écrit Reden dans son journal (1), une
armée ne s'est battue plus mollement que les Fran-
çais dans cette journée. >, La relation (2) détaillée du
prince Ferdinand explique la faiblesse de ses pertes par le
(( peu de résistance et contenance de l'ennemi et sa subite
manu'uvre rétrogradante. » La même impression se re-
trouve dans les récits rapportés du champ de bataille par
les officiers chargés de dépêches. « L'affaire, écrit Lady
Varmouth (3 1 à la suite d'entretiens avec eux, n'a pas été
à beaucoup près si meurtrière que celle de Crevelt; les
Français ont très mal fait. »
Selon toute probabilité, la déconfiture de Contades eùi
été plus complète encore sans la défaillance de Lord George
Sackville qui commandait la cavalerie à l'aile droite des
confédérés. Au lieu d'exécuter les ordres répétés que lui
remirent plusieurs aides de camp du prince Ferdinand,
et de mener ses escadrons à la poursuite de la cavalerie
française en désordre, il hésita, demanda de nouvelles ins-
tructions et laissa échapper le moment favorable. Le prince,
fort mécontent, dans l'ordre du jour du lendemain lit
allusion à l'incident (il en disant que si le marquis de
Granby, commandant en second, avait eu la direction de
la cavalerie anglaise, les résultats de la journée eussent
(1) Reden. FcUlziiije der nllii'ricn Arvtec, vol. H, p. 63.
(2) Relation détaillée de la victoiic du 1" aortl. Newrastie Papers,
vol. 3289 i.
(:5) Lady Vanncuth àNe\vcastlo,0 août 1759. Newcaslle Papers, vol. 32894.
{i) Aiinual Rcgislcr l"."j9. State Papers.
f.8
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
' ! 'i;
été plus brillants. Sackville ainsi visé se fit accorder la
permission de rentrer en Angleterre; peu de temps après
son retour, ayant été privé par le Roi de tous ses grades et
honneurs, il obtint do passer devant un conseil de guerre.
En fin de com|)le et A la suite de longs débats, il fut déclaré
coupable de désobéissance et exclu de tout emploi mili-
taire. Par contre, Ferdinand prodigua des éloges à l'infan-
terie et à l'artillerie anglaises; il alloua môme, selon la
coutume de l'époque, à plusieurs officiers de cette dernière
arme des gratifications en ai'gent. A titre do récompense
pour sa victoire, Ferdinand reçut du roi George l'ordre
de la Jarretière et im don de 20.000 livres sterling.
Nous avons laissé l'armée de Contades réintégrée dans
ses camps de la veille où elle fut rejointe par la brigade
d'IIavré, qui sous la menace d'être pris à dos par le géné-
ral Gilsa, avait dû renoncer à sa fausse attaque. C'est à ce
moment que le maréchal eut avis de la défaite et de la
retraite précipitée du duc de Brissac. Ce général, nous l'a-
vons dit, avait été envoyé de Minden le 28 juillet avec un
détachement de 3.000 honmies dont un tiers cavaliers,
pour protéger un convoi de pain et d'espèces qui s'ache-
minait sur iMinden et pour veiller sur la ligne de ravitail-
lement de liervorden. La première partie du programme
fut heureusement accomplie : argent et pain gagnèrent
sans accident le quartier français; quant aux communica-
tions, elles furent assurées par un combat livré sur les
bords du ruisseau l'Elze, le 30 juillet, à la suite duquel
Hrissac, qui avpit rallié à lui les hussards de Turpin et de
Berchiny ainsi que quelques centaines de volontaires, eut
la satisfaction de voir le prince héréditaire s'éloigner dans
la direction de Kimsel. Le lendemain confoi'mément aux
ordres de Contades, il se posta à Coefeld pour couvrir les
équipages de l'armée.
Entre temps le prince de Brunswick, renforcé de 3 ba-
taillons arrivés d'Osnabrûck sous le général Drèves, était
mmi^^mm^^^^^^r^
COMBAT DE COEFELD.
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,'itail-
3 ba-
. était
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revenu le 1" août, avant le jour, à la rencontre des P'ran-
cais; il avait avec lui 10 bataillons, l'i. escadrons, soit
presque 10.000 combattants, et 30 canons dont 10 de i;ros
calibre. H repartit ses troupes en trois fractions, dont
l'une destinée à tourner la position de Brissac. Ce dernier
essaya de parer le coup en perçant le centre ennemi qu'il
lit attaquer par sa cavalerie; la. charge, conduite par le
comte de La (iuiche, eut d'abord quelque succès, mais le
feu d'une réserve d'infanterie placée fort à propos aiTéta
les escadrons français et leur fit faire demi-tour. Force
fut au petit corps de Brissac de battre en retraite ; le mou-
vement se fit d'abord avec ordre, mais tout h coup une
fusillade des plus chaudes éclata sur la droite ; c'était la
cavalerie et l'artillerie qui étaient aux prises avec une des
colonnes hanovriennes. Les cavaliers s'enfuirent et les
5 pièces de canon tombèrent aux mains de l'ennemi; l'in-
fanterie, qui composait l'autre colonne, put retiagner le
camp de Minden. Toute l'affaire ne coûta que .'}.'{ hommes
aux vainqueurs. On peut s'imaginer l'effet produit sur les
esprits déjà démoralisés de l'État-Major français par le
retour des débris de la division Brissac; la défaite de ce
détachement par un ennemi fort supérieur en nombre
n'était pas en elle-même un fait très important, mais les
conséquences du combat se présentaient avec une portée
infiniment plus grave. Le prince héréditaire, avec un
corps de troupes dont l'effectif était grossi par des cer-
veaux excités, était établi sur la ligne de ravitaillement;
maître de Hervordcn, il interceptait les communications
avec Armentières et les magasins de l'armée.
iievenons au conseil de guerre (1) tenu après la ba-
taille. Broglie qui y arriva un des derniers trouva le ma-
réchal à peu près décidé pour la marche par les gorges
de la rive gauche du Weser. Très opposé à ce projet, il
(I) Ce récit est empiiinlé ii la dt'ptVhe do Bioglic à Hi>lleisle déjà citée et
au Bulletin de l'armée, rédigé par Monleynard ou sous sa direction.
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LA GUKRRE DE SEPT ANS.
CHAI». II.
représenta à son chef qu'il serait « moralement impossible
de passer sur le dos des 12.000 hommes qu'on prétait au
prince héréditaire, que le passage de la NVerra dont les
ponts étaient rompus ou en possession de l'ennemi, serait
une opération des plus épineuses, que si toute l'armée,
embarrassée d'un nombre prodigieux d'équipag'es et dans
un grand désordre, s'enfermait une fois dans la gorge où
elle serait sûrement suivie par l'armée ennemie qui la
canonnait encore et semblait vouloir se mettre en mou-
vement, et que l'attaque de Coefeld ne réussit pas, l'armée
entière serait perdue sans ressource et sans qu'il en revint
personne. Il (Contades) convint du danger de ce parti et
me fit l'honneur de me demander si J'en savais un autre.
Je lui répondis que dans la position où il se trouvait il
n'y avait rien à proposer qui ne fût sujet à de grands
inconvénients, n^ais qu'il me paraissait qu'il y en avait
beaucoup moins à repasser le Weser, qu'il y avait trois
ponts et des gués, que la cavaleri», pourrait passer à gué,
et l'infanterie et les gros équipages sur les ponts, et que
quand on serait une fois enfourné dans la gorge d'Hameln
qui est assez étroite, on pourrait avec l'infanterie seule y
arrêter l'armée des ennemis et y assurer la retraite. »
Quelques généraux soutinrent au contraire « que les enne-
mis ne pourraient défendre la sortie des gorges et la rivière
de la Werra en môme temps » ; que la traversée d'un cours
d'eau « plein de gués jusqu'à son embouchure » était
facile, et qu'on était on nombre plus que suffisant « pour
se faire jour et passer sur le ventre au corps du prince
héréditaire... M. le maréchal alla aux voix, et recueillit
toutes celles des officiers généraux qui étaient présents et
qui étaient, je crois, MM, le prince de Condé, d'Anlezy, duc
de Fitzjames, comte de Noailles, Dumesnil, de Vogué, duc
de Laval, de Saint-Chamans, de Castries et de Monteynard,
et quelques autres encore dont je ne me rappelle point les
noms. A la réserve de M. de Castriez et de M. de iMontey-
CONTADES ABANDONNE LA VILLE DE MINDEN. 71
nard, tous les autres furent pour repasser le Wesor, et
M. le maréchal l'ordonna. »
Malheureusement, des instructions avaient été trans-
mises pour l'itinéraire par la rive gauche du Wescr; les
gros équipages avaient déjà franchi la gorge de Hackui-
sen. l)e là des contre-ordres qui ne furent que partielle-
ment exécutés. « On fut, écrit Monteynard (1), depuis
10 heures du matin jusqu'au lendemain 2 aoiU à la pointe
du jour, pour passer le Weser; toute cette partie-là était si
inconnue que l'armée resta amoncelée toute la journée du
lendemain et qu'il fallut ce temps-là pour la mettre en
ordre de marche. ;> Aussitôt la rivière traversée, les ponis
furent brûlés et à trois heures du matin on s'ébranla dans
la direction de Buckeburg sur la rive droite du Weser, l'a-
vant-uarde auv ordres de Saint-(iermain, l'arrière-garde
sous Nicolaï et Broglie. A Minden, on laissa un détachement
de 300 hommes chargé de remettre au prince Ferdinand
la ville et les nombreux malades et blessés qu'on dut aban-
donner à ses bons soins. L'ennemi ne fit aucun ell'ort pour
inquiéter la retraite ; il prit possession de xMinden, le 2 août,
à la suite d'un arrangement en vertu duquel la petite
garnison se rendit prisonnière, recueillit les transfuges
qui, par bandes de 50 et 80 hommes, désertaient leurs
drapeaux, et chanta le Te Denm traditionnel. Ce ne fut
que le 3 août que Ferdinand envoya le général Urlf avec
les grenadiers de larmée et la cavalerie hessoise pour
appuyer les troupes légères de Luckner qui s'étaient déjà
attachées aux pas des Français, Le V aoùi, le prince héré-
ditaire, avec sa division renforcée de quelque cavalerie,
fut dirigé sur Rinteln pendant que le gros des confédé-
rés gagnait le village de Coefeld. En arrivant à l'étape,
Ferdinand eut la satisfaction d'apprendre que le partisan
Freytag avait capturé les gros bagages de l'armée fran-
(I) Bulletin de l'année. Archives de la Guerre. Allemagne, 3520.
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(j
>• ; .
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'■( 1
72
LA GrERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. ir.
raise, les équipages de Contades, du prince du Condé et
de la plupart des généraux, ainsi que la correspondance
du maréchal. Le convoi n'avait pu «Ure rappelé en temps
utile et avait continué sa marche, harcelé par les troupes
légères des alliés, jusqu'à la petite ville de IJetniold, où
l'escorte, trop l'aihle pour prolonger la résistance, dut
capituler.
londé et
andance
a temps
troupes
lold, où
ice, dut
CHAPITRE III
FIN DE LA CAMPAGNE DE 1759 EN ALLEMAGNE
HKTIIAITE DE CONTADKS. — AHAJiHON DE CASSEL. — .MISSION
A l'armée du MARÉCUAL d'eSTRÉES. — LONG SÉJOUR DES
ARMÉES RIVALES SUR LA LAIIN. — NOMINATION DE IIKO-
(il.lK AU COMMANDEMENT E> CIIEE. — CAPITULATION DE
MI'NSTER. — MOUVEMENT 01 I ENSII' DE IIROGLIE. — QUAR-
TIERS d'hiver.
La situation de l'armée fr8.n(;aise au début do la retraite
(|ui suivit la défaite de Minden, ne laissait pas d'être cri-
tique. Isolée sur la rive droite du Weser, coupée de sa
base de ravitaillement, sans magasins, réduite bientôt aux
ressources que fournirait le pays traversé, traînant avec
elle un parc d'arlillcrie et une quantité de voi^ires dont
la marche serait retardée par les mauvais chemins, fort
ébranlée dans son moral, sans confiance dans ses chefs,
comment accomplirait-elle les longues et difficiles étapes
qui la séparaient de Cassel? Avant d'atteindre cette ville,
ne serait-elle pas devancée par le prince Ferdinand ou tout
au moins par le prince de Brunswick? Quel parti prendre
si, en arrivant en liesse, on trouvait la route barrée par
un ennemi victorieux? Fort heureusement pour Contades
et ses soldats, ces éventualités, qui semblaient si dangereu-
sement probables, ne se produisirent pas. Grâce iV la ra-
pidité du mouvement, à la bonne attitude de l'armée, qui
parait s'être ressaisie, grâce surtout à la nonchalance de
11
7i
LA C.UERRE [)K SEPT ANS. — CIIAP. III.
' l
l'adversuir(î qui, satisfait du succès, ne terjta rien pour le
rendio plu.s complet, it; retour de Mindeu, qui auniit pu
êlie un tlésastro, s'accomplit dans des conditions [)rcsque
normales, et contribua h relever, dans une certaine me-
sure, le prestige fort compromis des armes françaises.
Rassurés par l'inactivité des confédérés, lli'0!j;lie et Mon-
teynard, cette fois d'accord, proposèrent à Contades de re-
passer le Weser dans les environs d'Hameln, en utilisant
des gués connus des on.^iers qui avaient fait dans ce pavs
les campagnes de 1757 et 17r)8, de se diriger sur l»ader-
born et d'y ell'ectuer la jonction avec Armcntièrcs. Le
maréchal opposa à cette idée des raisons tirées du retard
qu'entraînerait la traversée du fleuve et de la difliculté de
nourrir l'armée (jiii n'aurait assez de pain qu'à la condi-
tion de pous.sor droit sur Cassel.
Cependant, malgré la hiVte de parvenir à destination, on
accorda aux hommes un repos d'un jour à Oldendorf. « .le
n'ai pas voulu porter l'armée plus loin, écrit Contades (1),
afin de donner le ten)i)s aux écpupages, (jui m'ont beau-
coup incommodé dans les marches d'hier et d'avant-hier,
de prendre les devants. J'ai môme pris le parti pour ce
même objet de faire séjourner ici l'armée, et aussi pour
faire une distribution de pain et de viande jusqu'au 6 in-
clus, jour que je compte que l'armée arrivera à Imbeck
(Einîi)eck). M. Cayot a envoyé des mandements ù Imbeck,
Guttingen ot tous les lieux principaux ;\ portée, pour ras-
sembler tout le pain qu'il sera possible. Ces mandements
sont accompagnés des menaces les j;»lus sévères s'ils ne
sont pas obéis. Je compte aussi qu'il pourra m'arriver un
convoi de pain de Cassel à Imbeck si les ordres qui ont
été donnés ont été reçus. L'arrière-garde de l'armée aux
ordres de M. le chevalier de Nicolaï est arrivée hier au soir
Il ! U
(1) Contades il IJelleisle. Camp d'Oldondorf, 4 août 1759. Archives delà
Guerre, 3520.
HKTRAITE DE CONTADES LE LOMi DU \VE8E«.
"5
;ï 9 heures; il n'a rien luissc derrière; elle n'a été suivie
iiue par des chasseurs; nous avons eu une vingtaine
dliommi'S hlessés qui ont tous étr rapportés; il n'y a eu
personne <1<* tué, » Le niaré* liai était sans avis d'Armcn-
tiéres, Chevronse 1) et He^enval (2), mais il no dositait pas
que, conformément au\ instructions, ils so fussent dirigés
sur Warhury et Casscl. Citons un détail (jui prouve la coui*-
toisic des relations entre les belligérants : « M. le comte
de Liitzeihurg ([ui avait été pris dans l'action est revenu
hior au s<»ir. M. lo [, ince Ferdinand lui a permis de vc-
prcndre ses fonctions en attendant (pi'il fût échangé
Les :J(»0 honnnes que j'avais laissés k Minden pour y capi-
hilcr so sont rendus prisonniers do guerre. M. le prince
Keriiinand nrannonce (|u'il va me les renvoyer. »
Si le flegmati(|uc (lonfades se tran(piillisait déjà sur la
suite des événements, il n'en était pas de même à Casscl
où l'on était dans les transes au sujet de l'armée. < Rien
n'est si dangereux que notre position, mande Dumouriez (:i)
qui s'acquittait avec beaucoup de zèle et d'intelligence de
ses fonctions de commissaire. Nous ne savons pas encore
de nouvelles de l'armée et ne pouvons asseoir de conjec-
tures jusqu'à ce que nous apprenions (ju'elle ait gagné
Eimheck, mais depuis le f^nous n'en avons pas la moindre
nouvelle ni de ce qui s'est passé Si elle (l'armée) était à
Kiinbeck je la regarderais comme sauvée; jusque-là il n'y
a rien à envisager que de terrible. Elle doit être sans pain,
.l'en fais faire nuit et jour, j'assemble quantités de chariots
et au premier avis ils voleront. Nous avons eu la première
nouvelle hier à 8 heures du malin. M. de liezenval va arri-
ver avec la brigade de Castella et llericy (V) ; nous on avons
(t) Chevreiisfi avait été chargé de mas(iuer Lippstadt.
(2) Commandant des troupes françaises en liesse.
(3) Dumouriez au Ministre. Casse!, 'i et C août 1759. Archives de la Guerre,
3520.
(4) Le régiment de cavalerie d'Hericy.
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;o LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. 111.
grand besoin n'ayant ici que deu.v bataillons et le seul
canon de Courten... Le point d'appui est la Hesse, mais
l'année a pris une route bien scabreuse pour y parvenir. »
Deux jours plus tard le ton devient rassurant : <( M. le ma-
réchal est à Eimbeck et sera sans doute demain à Northeim.
J'aurai demain VOO.OOO rations de pain à Gottingen et je
vois que ce secours sera bien nécessaire. Les ordres qu'on
avait envoyés pour en faire dans cette ville pour le 5 n'y
sont parvenus que le 6. Je voudrais pouvoir faire voler les
caissons. Nous ignorons encore tout détail, mais je ne
puis imaginer ce qu'est devenu le prince Ferdinand
Demain nous en saurons davantage, mais nous respirons
du moins et il était temps, » La nouvelle de l'arrivée de
Contades à Eimbeck était prématurée, cai il n'y fut rendu
que le 7 août au soir.
•Jusqu'à Oldendorf, les progrès de l'armée avaient été sin-
gulièrement lents, aussi Hroglie qui s'appropriait de plus en
plus le rôle de mentor officieux du maréchal, prit-il our lui
d'appeler (1^ son attention sur les dangers d'un plus grand
retard : « Je crois, Monsieur le maréchal, et iM. de Saiiit-
(iermain le pense comme moi, qu'il n'y a pas de temps à
perdre pour vous déterminer à faire marcher légèrement
votre armée à Cassel, sans quoi vous vous commettriez au
plus grand malheur qui serait celui d'être prévenu en
Hesse, et le salut de l'armée semble mériter la préférence
sur toute autre considération. C'est par attachement pour
vous et pour le Roi que j'ai l'honneur de vous parler ainsi ;
songez, je vous prie, que vous n'avez fait que 8 lieues
depuis le 2 au matin ; il vous en reste 2S pour aller à Cas-
sel. Le prince Ferdinand a été hier avec son armée à Her-
vorden, il peut facilement être le 10 ou le 11 à Cassel ou à
Munden; il faut donc ([u'une partie de votre armée force
(1) liro^^lie à Contades. Pics d'IIamuln, 5 août 1759. Archives de la Guerre.
Alleinas^iie, vol. 3520.
PRIVATIONS ET DÉSORDRE DE LA RETRAIT!:.
77
de marches pour y arriver et y soit le î> au plus tard. »
Le conseil parut bon, aussi Coufades conlia-t-il à lîroplie
une avant-garde, composée de sa division et de colle de
Saint-Germain et forte de 26 bataillons et 38 escadrons,
avec ordre de gagner (>assel au plus vite, de rejoindre
Armentières et de déblayer le terrain pour l'approche du
gros qui rainèuerait avec lui les équipages, les caissons
de vivres et le parc d'arfillerie. Ku lisant les p' intes du
maréchal sur ses embarras de transport, on se demande
si ce no fut pas un bonheur pour l'armée d'avoir perdu
son principal convoi à Detmold. Le défilé des voitures par
les détestables routes du Hanovre tlurait un temps consi-
dérable et entravait le mouvement des troupes, « La file
en était si longue, écrit Conlades (1), que quoique j'eusse
mis trois brigades d'iufantei'ie et une de cavalerie, il y a
eu quelques équipages pillés qui s'étaient écartés. » Quand
on entra à P^imbeck, on commençait à manquer de pain,
les réquisitions ne produisant que peu de chose. « .l'espère
qu'il en arrivera demain matin qui nous donnera le temps
d'attendre celui de Cassel. Les marches que j'ai été <tbligé
de faire, et la nuit, ont occasionné de la maraude que je
ne pourrai arrêter que quand j'aurai pu mettre l'armée
ensemble. Les esrortes des équipages, et plus encore les
valets et les vivandiers, ont fait le plus de désordre. » Ces
mauvais procéd 'S avaient pour consé(juences des repré-
sailles de la part des habitants : « Les paysans se mettent
de la partie, rapporte un officier d'état-major (2) ; l'on en
a déjà arrêté plusieurs qui ont tué des soldats, » Quel-
(j'cfois les indigènes, attirés par le butin, prenaient l'ini-
ti.itive en dévalisant les voitures, comme l'indique un
aiticL' de la capitulation de Detmold : « Ou ne pourra faire
(1) Contades i\ Belleislc Au ciiini» (i'KiinliecN, 7 août 1759. Archives de la
(liiiTie, vol. ;)r)20.
■!i Plaiiirhami» au Ministre. Oldendorf, 4 août 1759. Archives delà C.iierrc.
All(>iiia;^iie, 352<».
1^
lï^.
I )
78
L\ GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. III.
Il ,'
I il.
iiucune recherche sous prétexte d'indiscipline, vu que si
quelques sokh\ts déiacliés ont commis des désordres dans
le pays, les paysans en ont fait encore davantage dans
nos éijuipages. »
Enfin l'annonce des vivres rassemblés par Dumouriez
vint réconforter les esprits ; << D'aujourd'hui, Monsieur le
maréchal, mande Contades (1), je commence à respirer;
je suis assu''é des subsistances de l'armée; il est arrivé ce
soir à (iottingen u:i convoi de VOO.OOO rations de pain
qui sera distribué demain; les troupes ont soulTert
avec beaucoup de patience; je ne prétends pas dire qu'il
n'y ait pas eu beaucoup de désordres. » En sortant d'Eim-
beck où il avait fallu laisser le général de Beaupréau à
cause de la gravité de se» blessures, il y avait ôu une
affaire d'arrière-garde, mais l'ennemi avait été repoussé
dans un combat qui nous avait coûté nnn cinquantaine
de tués et blessés. A partir de ce moment, le mouvement
se continua sans encombre. Le 9 août, r?cglie informait
la coui de son entrée à Casscl après une escarmouche
avec les éclaireurs ennemis dans les défilés de Munden ; il
déclarait ses troupes fatiguées par les marches forcées,
« mais en très bon ordre et presque sans traineurs ». Le 12
il fut rejoint par Cortades. L'armée qui avait repris le
contact avec Arracntières, occupa les positions suivantes :
le corps principal avec l'ctat-major en avant d'î Cassel et
à la rive gauche de la Fulda; Saiut-Ciernain, avec trois
brigades d'infantciie, î\ Lutzelberg sur la r'^e droite; Bro-
glie à Oberfelmar, Armcntières et Chevreuse à Woifha-
geu.
Au demeurant, la retraite des Français par un pays où
il n'existait ni fours, ni magasins, et où rien n'avait été
préparé pour le service des provisions, n'eut pas pour eux
(1) Contades à Rellcisle. Parnsen, 8 août 1759, Archives de la Guerre.
Allemagne, 3520,
LENTEUR DES MOUVEMENTS DE FERDINAND.
79
les conséquences désastreuses qu'on aurait pu craindre;
leurs pertes furent restreintes à des déserteurs fort nom-
breux dans les régiments allemands et parmi les Saxons,
aux éclopés, aux malades et blessés trop gravement atteints
pour être transportés, enfin aux voitures prises ou aban-
données. Le prince béréditaire qui, avec sa division ren-
forcée, avait été affecté à la poursuite de l'armée de Con-
tades, dut avouer (1) le peu de résultats obtenus : « Malgré
toute mon application et toute la bonne volonté des dif-
férents cbefs des corps, et particulièrement de M. Luckner,
la fortune ne nous a pas été propice. Qu'Elle (S. A.) ne
m'impute pas, si je n'ai pas rempli en tout son attente ; la
difficulté du terrain, les bonnes mesures de l'ennemi, et
particulièrement sa diligence inconcevable, sont cause
que nous n'avons pas fait davantage. »
Ferdinand ne fit aucur. etlbrt sérieux pour entamer son
adversaire; il se borna à le faire surveiller à distance,
tandis qu'avec le gros de ses forces il gagnait successive-
ment Bielefeldt. Paderborn et Stadtberg où il établit son
quartier général le 12 août. Cet itinéraire correspondait ù
la première partie du programme dressé par Westplialen.
« De Paderborn, disait (2) le mémoire de ce dernier, il faut
jeter l'oeil sur Cassel pour voir s'il est possible d'y pré-
venir l'ennemi. Si non, il faut se contenter d'occuper les
défilés du Dymel et procéder tout de suite par un détache-
ment au siège de Munster. » In instant, le prince Ferdi-
nand et son secrétaire avaient espéré devenir maîtres de
cette importante ville sans subir les lenteui's d'un siège.
A celte fin, le colonel anglais Boyd, avec trois bataillons
et quelques canons et mortiers, fut cliargé de se rendre de
l.ippstadtà Munster etde bombardci' la place. L'entreprise
[\) Prince hérédilairp à Ferdinand. Walleron, Il aoùl l/ôO. Newcastlc
Tapers, 328!t'».
\!; Idée générale des mouvemenls à faiio, 4 août 17.VJ. Archives de l'K-
lalMajor général, Berlin, C. X. n" 324.
■M
80
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. III.
a.
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\i; i\\
ïO-
échoua : trois mortiers ciyvèrent, la garnison ne se laissa
pas intimider et Boyd dut se retirer à Warendorf sans
avoir rien accompli.
Il nous faut maintenant dire quelques mots des agisse-
ments d'Armentières, que nous avons vu devant Lippstadt
se préparant à en faire l'attaque. Le 2 août, c'est-à-dire le
lendemain de la bataille de Minden, il avait été invité par
Contades(l)à diriger son parc de siège sur ^Yesel, à ren-
forcer de dix bataillons la garnison de cette place et celle
de Uus-seldorf, et à se rendre avec le reste de son corps
à Warburgàla rencontre delà grande armée. 11 prévient
HcUeisle de ces injonctions, auxquelles il va se confor-
mer, tout en regrettant de ne pouvoir se transporter sur
le Bas-Rhin pour veiller sur les mouvements que fv .•!!'
l'ennemi de ce côté. Dans sa dépêche Contades n'ava^o iuit
mention que des deux forteresses du Rhin et n'avait pas
parlé de Munster. Armentières aussitôt d'interpréter cette
omission dans le sens de l'évacuation et de ne comporter
en conséquence. Cependant il n'est pas sûr d'avoir bien
fait, et avec une franchise un peu naïve il avoue à Bel-
leisie (2) son embarras : « Le lendemain, faisant réflexion
que l'ordre d'évacuer Munster n'était pas expressément
donné, et ne connaissant que l'obéissance stricte, j'ai en-
voyé (contrariant sra* cela ma façon de penser) ordre à
M. de tiayon d'y tenii*. » Il ajoute qu'il ne serait pas fâ-
ché que le second messager ne parvint pas à destination.
En passant à Paderborn le 4 août, Armentières fut averti
de la situation critique du convoi et des gros équipages
de l'armée; les notions qu'il professait sur l'exécution de
ses instructions ne lui permirent pas de modifier son itiné-
raire : M Comme il était 11 heures du soir quand je l'ap-
(I) Arinenlic-iv s à Uelloislc. Dovaiit Lipi'slailt, 2 aortt ITr)9. Arcliives de
la r. lierre, Xt'lO
{:Vj Armcnlières à Bclleisle. Warluirg, 5 août 1759. Aicii'ves de la Guerre,
vol. 3520.
MUNSTER RKOCCUPE PAU LES FRANÇAIS.
81
pris, que mon infanterie avait fait 7 lieues, devant me
rendre le lendemain t\ Warhurg, dont la direction de
Detmold m'éloignait de 10 lieues, je n'ai pas cru devoir me
porter à Detmold pour essayer d'en tirer ([uelques équipa-
ges. » I/opération semblait délicate; en fait elle eût pro-
bablement réussi; quelques escadrons de cavalerie soute-
nus par de l'infanterie qu'on aurait pu transporter en
chariots, eussent suffi sans doule pour chasser le détache-
ment du colonel Freytag- qui était encore seul à Detmold, et
pour sauver une partie des voitures. Le lendemain Armen-
tières changea d'opinion comme il l'avait fait pour Muns-
ter, et envoya Melfort qui revint avec l'avis que l'ennemi
était en force et qu'il avait enlevé son butin.
En ce ({ui concerne Munster, Comeiras montra 1res heu-
reusement plus d'initiative que son chef; cet officier gé-
néral qui rétrogradait après son échec d'Ôsnabruck, en
passant à Munster le IJ août, trouva la ville dégarnie do
troupes; il la fit réoccuper par son infanterie qu'il y amena
en chariot. Il était temps; deux heures après, les hussards
hessois se présentaient aux portes. Le 7, (iayon revint avec
la garnison, reprit possession de la ville et la mit ainsi à
l'aljri (lu coup de main du colonel Hoyd. Quoiqu'on fût
bien loin de l'ennemi, ou tout au moins de son corps prin-
cipal, l'évacuation de la Westphalie avait été signalée par
la confusion et l'incurie qui étaient à cette époque les ca-
ractéristiques d'une armée française en retraite. Le com-
missaire â" Crancé nous raconte (1) ses expériences. Parti
de Munster le 3 avec Gayon, il se rend le V à Dulmen; il n'y
rencontre ni soldats ni employés; personne n'avait songé
h déblayer le magasin de farines dont les habitants s'étaient
emparés; grAce à des perquisitions dans les maisons parti-
culières, il retrouve 1.480 sacs qu'il fait portera Wesel;
(1) Cianco à Uelleisle. Munster, 8 août l'59. Archives de la Guerre. Alle-
■:.. ',ne, 3520.
r.tEKiiE nE sr.i'T ans. t. m. 6
m
82
LA GUEURIi; DE SEPT ANS. — CIIAIV 111.
le 7 il rentre k Munster avec la garnison : « Je ne puis vous
exprimer, Monseigneur, avec quelle douleur j'ai vu le dé-
sordre qui s'est nasse depuis notre départ de cette ville
dans les magasins de toute espèce que nous y avions lais-
ses. Le magasin des eilets d'iiabilloment et équipement
abandonné par les llanovriensa été totalement pillé, celui
des fourrages a été considérablement altéré, les maga-
sins des vivres ont été pillés en grande partie; j'y ai re-
trouvé deux emplacements .seulement qui n'ont point été
toucliés où il y a deux mille sacs de Carine non endom-
magés. J'ai fait à ce sujet 'es repvésenlatiois les plus vives
il Messieurs de la Régen.:e; ils . j'ont répondu et assuré
qu'en partant de Munster, M. de Gayon leur avait envoyé
un officier avec permission verbale de distribuer aux pau-
vres les fai'ines que nous laissions dans la ville, ce qui
avait été fait aussitôt après notre départ. »
Le séjour du quartier général de Contades à Cassel ne
fut que de courte durée; dès le 15 août, c'est-à-dire deux
jours après son arrivée dans la capitale de l'Klectorat, le
général français annonce son intention d'évacuei' la ville,
ce qui coûtera à l'armée 12.000 sacs de farine et bon nom-
bre de malades et de blessés qu'on ne peut transporter.
La crainte d'être tourné par les confédérés le contraint à
ce sacrifice. <( En voulant tenir Ca.ssol, écrit-il (1), je per-
drais toute communication avec le Mein et le Bas-Rhin. »
Le leiademain, sur l'avis de la victoire des Russes à Ku-
nersiàirf, il reprend courage et informe Relleisle (2) qu'il
va essayer de conservai' Cassel; il lui fallut déchanter. Le
17 août, une manœuvre combinée des alliés contre le corps
d'Armentiières détermina un nouveau recul des Français.
Tandis que le prince héréditaire de Rrunswick qui ('tait
(liConladns à Belleislo. Cassil, l.i août 1759. Archives de la Guerre.
Allemagne, 35'2U.
('2) Contades à Hclleisic. Cassel, 10 aoiH 17,v,t. Archives de la Guerre.
Allemagne, 3521.
■1: ^H
M
CONTADES ÉVACUE CASSEL.
83
repassé sur la rive gauche du Weser et avait rejoint Tar-
méc de son oncle, rejetait les avant-postes de Fischer en
arrière de Wolfshagen, le prince de Holsteiii débouchait
de Corbach sur Naumbourg- où il enlevait presque à la
barbe d'Armentières le bataillon de grenadiers Narbonne
qui y avait été envoyé la veille. Cet échec, dû à un manque
d'entente entre les commandants de la première ligne fran-
çaise, fut suivi de la retraite d'Armentières sur Hreiden-
bacli où il (»[)éra sa jonction avec Broglie. Ce dernier, après
une reconnaissance effectuée de concert avec son collègue,
fit au maréchal deContadcs un rapport où il ne dissimulait
[)as sou opinion sur la nécessité de continuer le mouvement
rétrograde (1) : « Il parait urgent^ Monsieur le nuiréchal,
que vous preniez un parti; il semble qu'ils se réduisent
toujours à deux, le premier de porter ici toute votre armée
pour marcher sur le prince Ferdinand, s'il dépasse les
débouchés qui sont ici devant moi, ou de songer à rega-
gner promptement une position qui assure votre commu-
nication avec le Mein et à ne pas vous laisseï' prévenir sur
-Marbourg. J'ignore lequel des deux partis doit être préféré;
il n'appartient qu'A vous d'en juger. Les inconvénients et
les dangers du premier ne vous échapperont pas, non plus
que la promptitude ([u'il est nécessaire d'employer si vous
vous décidez au second; je me tiendrai prêt à exécuter tout
ce que vous me prescrirez; si j'étais le maître ou que je
formasse votre gauche, je vous avoue que j'aurais cru de-
voir faire marcher promptement le corps que je conuuande
à Fritzlar, pour être sûr de n'y être pas prévenu ci assurer
votre communication avec Marbourg; mais après ce (pii a
été résolu hier de garder Cassel cl de prendre une position
pour n'en être point séparé, je n'ai pas osé le prendre sur
moi. »
1^
(Il liro^lie à Contades. Hrcidoiibiiih, i licuros 1 2 du soir. Sans dale, mais
évideinineul, 17 août. Arcliives de la Guerre. Allemagne, 3.521.
84
LA GUERRK DE SEPT ANS. - CHAP. III.
i ' ' <
i\ I
Un avis de ce frcnre, appuyé des conseils toujours pessi-
mistes de Saiut-dermain (1), suffit pour mettre fin aux
hésitations de Coutades. I^e 18 août, le gros de l'armée
sortit de Cassel et franchit l'Kder derrière lequel Broglie et
Armentiéres reçurent l'ordre do rejoindre. La marche
continua jusqu'au 2V août, date à laquelle le quartier gé-
néral s'installa à (Iross Selheim sur les bords de la Lahn,
iY faible distance de la place de Marburg. Ce recul coûta
aux Français, sans compter beaucoup d'éclopés, la ville
de Cassel et le fort de Ziegenhayn. Dans la première le
maréchal avait dû laisser un détachement pour protéger
son liùpital; la capitulation qui eut lieu le lî> fît tomber
entre les mains de l'ennemi VOO hommes valides et
1.100 blessés ou malades. Le gouverneur de Ziegenhayn,
prévenu trop tard, ne put rallier l'armée et se rendit
le 2î) avec ses 300 hommes, après avoir essuyé quelques
coups de canon.
A Marburg, Contades trouva le maréchal d'Estrées qui
avait été envoyé en mission spéciale pour se rendre compte
de la situation des alfaires, de l'état des troupes et pour, le
cas échéant, en prendre le commandement. La nouvelle de
la défaite de Minden avait été apportée à Versailles par
deux dépèches de Contades en date dos 2 et 4 août, et par
une troisième que Broglie avait expédiée le 3 du même
mois avec l'autorisation de son chef. Un procédé aussi con-
traire aux principes de la hiérarchie militaire avait attiré à
son auteur un blâme du Uoi, mais le récit de Broglie, très
populaire depuis sa victoire de Bergen, n'avait pas laissé de
produire un grand effet qu'étaient venues grossir les corres-
pondances particulières de l'armée. Du rapport de Broglie
<( il a été fait, écrit Belleisle (2), des copies qui courent
1
r:i
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(1) Saint-Gonnain à Belleisle. Gross Zeilen, 2i août 1759. Archives de la
Guerre. Allemagne, 3521.
(2) Uclleisle à Contades, 12 aorti 1759. Archives de la Guerre. Allemagne,
3520.
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POLÉMIQUE AU SUJET DE imOGLIE.
85
cr ge-
toiitesles maisons de Paris et de Versailles, et l'on y dit que
c'est M. de liroglie qui a sauvé et qui a couvert et lacilité
la retraite de l'armée dont il a fait l'arrière-garde. Cela se
porte dans les cafés, l'on a même l'ait des placards, et
comme tout cela se fait sans connaissance des auteurs,
que l'on n'ignore pourtant pas mais que l'on ne peut
prouver, il en résulte une clameur contre vous. Je n'y suis
pas épargné et l'on y dit que la rancune que je garde
contre .M. de Broglie i\ cause de tout ce qui s'est passé en
Bohème ot à Prague, est la cause que j'ai empêché qu'il
ne fût maréchal de France et qu'il ne commandîVt l'armée,
et de là on continue tout ce que vous pouvez imaginer de
plus insolent. »
La Daupliine, fille du roi de Pologne, en correspon-
dance léglée avec le comte de liroglie, ancien and)assa-
deur que nous avons vu à l'œuvre à Dresde et à Varsovie,
avait épousé ouvertement la cause du duc. Helleisle, au
contraire, avait pris avec chaleur la défense du général
malheureux; nous empruntons à sa lettre un exposé com-
plot des incidents survenus : « J'avais fait lire cet ordre du
."51 juillet (l'ordre pour la biitaille de Mindcn) à M. le Dau-
phin on particulier, ainsi qu'au maréchal d'Estrées, à M. de
Souhiso et à M. de Choiseiil. Vos dispositions ont eu l'ap-
prchation générale, et M. le maréchal d'Kstrées a dit avec
la franchise que vous luy connaissez qu'il se ferait grand
honneur d'en avoir fait de pareilles Je ne vous rendrai
pas ici le discours que j'ai tenu au Koy après cette lec-
ture; j'ai parlé au moins une bonne demi-heure avec
toute la force, l'onction et la tendresse j'ose me servir de
ce terme) que j'ai pour le Uoy. Je crois n'avoir rien
omis, et je puis vous dire que j'ai ému tout le conseil, dont
tous les membres m'ont embrassé quand nous en sommes
sortis. J'ai supplié le lioy de trouver bon que je ne fusse
pas le juge d'une (jueslion où il s'agissait de M. le duc de
Broglie dans la prévention où pouvait être le public, qu'y
~ ",'"^■10 i;i.ai. ■» 111,11 .u i<mt-
*-*■■ ■■>ii»^ji.»- fm-v'u.iimn'm-^
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LA r.UERUK DE SEPT ANS.
CIIAP. III.
ayant doux marccliaux de Franco dans lo conseil, il était
tout naturel do charger M. lo inaréclial d'Estrécs, qui est
l'ancien, de voir tout cela par Iny-môme; <[u'il était bien
diflicilc à Versailles d'approfondir la conduite et les intri-
liuos. Que quant au fait principal, il était entièrement con-
tre M, de l{roi;lie, qui avait eu ordre d'attaquer et n'en avait
rien fiùi, d'où était néanmoins résulté la perte de la ha-
tnillo. L'nrficle sur lequel jui lo plus appuyé, est l'impossi-
l)ilité que (jui que ce soit puisse aujourd'liuy commander
une armée avec la tolérance des propos, des écritures, des
inlrig-ues et des cabales; qu'il fallait que le général, quel
(ju'il fût, fût non seulement le maître absolu sur tous ceux
({ui sont dans son armée, mais aussi qu'il fût assuré de
toute la confiance du Uoy, et d'être soutenu do toute: son
autorité. C'est sur cet article, où j'ose dire que je n'ai rien
oublié, que j'ai fait impression. » Après un débat où les
deux maréchaux membres du Conseil, d'Estrées et Sou-
bise, se j)rononcèrent dans le môme sens que le ministre,
il fui décidé que le premier irait à l'armée sous prétexte
des plans à adopter pour la fin de la saison, et pour « les
concilier avec la politique et avec le projet maritime qui
subsiste toujours et qui affaiblira votre armée au moins
de 'lï bataillons, quand vous aurez fini votre campagne. »
Pour le public, « il sera donc dit, comme cela est en effet,
que le Roy envoyé M. le maréchal d'Estrées s'aboucher
avec vous pour concerter les opérations de tout le reste de
la campagne, ce qui serait trop long et presque impossible
à faire par écrit. Cela satisfera les cours de Vienne et de
Russie, et produira, je crois, un très grand bien, en ce
(ju'il aura ordre de dire à toute l'armée l'estime et la
confiance que le Roy a en vous, et il prêchera mieux que
tout autre contre les intrigues et les cabales des écrivains. »
iîelloisle termine sa lettre a Contades par quelques mots
sur le compte de Broglie, où son antipathie personnelle
lutte avec le loyal désir de tout subordonner à l'intérêt
!i&^
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CIUTIQ» ES DK LA CONDUITE DE COMADES A MINDEN
«T
(lu service du lloi : " ("''est un Iton militaire, il n'y eu a pas
beaucoup i\ choisir, il faut (|uc le Floy s'en serve; mais il
l'aut en n)ènie temps le tenir clans sa place en attendant
(pi'on puisse l'employer seul dau-. (jueUjue partie. Je veux
même éloigner de moy foute idée qu'il ait été capable de
rester dîi us l'iiiactioule 1 " d'aoust pou!" l'aire échouer voire
îill.Hpie l'action serait trop noire et trop criminelle, et je
ne l'en juis pas croire capable. Quoy qu'il en soit, j'ay crû
devoir ne taire sur son sujet, et toutes les fois que le Uoy
l'enqdoyera en particulier, je me mettray par dessus la
tète pour l'ayder de tous mes moyens et de toutes mes
forces pour le faire réussir, parce (jue je ne veux que le
bien, et après les malheurs <]ue j'ay éprouvés je me suis
voué au Uoy et à ses alfaires sans aucune autre espèce
de VI e particulière, quelle (ju'elle puisse être »
Qi oi qu'en pût dire Helleisle, l'opinion était en géné-
ral défavorable à Contades qu'elle rendait responsable du
mal. leur de Minden. On lui reprochait d'avoir all'aibli
son armée par de trop nombreux détachements, d'avoir
mai choisi le terrain de la bataille, de n'avoir pris aucune
pr<;caution pour la retraite en cas d'échec, enllu d'avoir
permis k l'ennemi de couper ses communications avec
le corps d'Armenticres, et de s'être laissé acculer à la
désastreuse nécessité de se retirer par la rive droite du
Vy'eser en sacriliant ses magasins et ses équipages. D'après
Slarhemberg, qui reproduit ces accusations (1), Louis XV
se montrait plus irrité et plus troublé qu'il ne l'avait ja-
mais été; le ministère était divisé en deux camps : tandis
que Helleisle et Soubise donnaient raison à Coptades et
attribuaient la défaite à la désobéissance de son lieute-
nant, la plupart de leurs collègues ne voyaient d'autre re-
mède que la m. aination de Hroglie au commandement
en chef. La Pompadour et Choiseul, quoique résignés au
II
(1) Slarhemberg à Kaunilz, 10 août l'59, Arcliives de Vienne,
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. III.
rappel de (^ontades, étaient très mal disposés pour le rem-
plaçant désigné. Dans ces conditions, à titre de mezzo-
terminc, la cour se rangea à l'idée de la mission du maré-
chal d'Estrées. Le seul à a.oir confiance dans le délégué
extraordinaire était son vieil ami Belleisle; ni Choiseul
ni la favorite ne faisaient grand cas de 2?. capacité mili-
taire; aussi dans un billet intime le ministre des Affaires
Etrangères ne cachc-t-il pas à Kaunitz (1) sou découra-
gement et son peu d'espoir pour l'avenir : « .le rougis
quand je parle de notre armée. Je ne peux pas me mettre
dans la tête et moins encore dans le cœur qu'un ramas-
sis d'Hanovricns, etc.. batte l'armée du Roi. Je ne sais
pas où cette armée est à présent, je la crois dans la com-
munication de Marbourg à Francfort; le maréchal d'Es-
trées y est arrivé ; nous attendons ses premières relations
d'après lesquelles nous nous déterminerons à donner
un ordre positif pour combattre de nouveau le prince
Ferdinand i Du moins c'est mon avis ainsi que celui de
M. de lîelleisle, car quand môme selon notre usage nous
perdrions la bataille, il ne peut nous arriver rien de pis
que ce qui arrive, au lieu que si nous la gagnons, nous
contenons le prince Ferdinand de façon qu'il ne fera pas
de détachements en Saxe, et nous rétablissons l'opinion
de Tios armes en Europe et eu Allemagne particulière-
ment. ))
Ce fut le 25 août que le maréchal d'Estrées rejoignit
l'armée; ses premières impressions furent mauvaises : (( Je
ne puis encore revenir de ma surprise, écrit-il (2) à un
ami, quand je fais attention que dans moins de deux
mois, l'armée française forte d'environ 100.000 hommes
soit diminuée de près de moitié; on peut L peine recon-
naître les plus beoux régiments de France, les Royaux et
(1) riioiseul à Kaiinilz, 28 aoiU 1759. Archives de Vienne.
(2) LeUre ittterceplée J'Estrées du 28 août 1759. Wesliilialen, III, 7i8.
pi n
MISSION DÉSIRÉES A L'ARMÉE.
89
fleux OU trois autres régiments étrangers. Pour ménager
le pauvre Contatlos contre (jui le duc de Broglie, le comte
Saint-Germain et Saint-Pern orient hautement, j'ai fait à
la cour le portrait le moins touchant qui m'a été possible;
mais malgré cela la lecture seule serait capable de le faire
rappeler sur-le-champ, sans la protection de celle dont
je vous ai parlé bien des fois. »
Si Belleisle avait tablé sur l'énergie et l'initiative de
dEstrécs pour réparer les atïaires en Allemagne, il faut
avouer qu'il connaissait bien mal son homme ou ipi'il se
laissait aveugler par l'amitié. Par son action, ou plutôt par
son inaction, le commissaire spécial de la cour justifia le
propos que M. de Puyseulx avait tenu sur son compte (1) :
« Le maréchal d'Kstréesaune réputation faite qu'il ne doit
pas risquer de perdre on se chargeant d'uue besogne in-
certaine. » Il n'av.iit pu refuser de se rendre en Allemagne,
mais arrivé au quartier général, il repoussa le commande-
ment que Contades lui offrit dès le premier abord, et se
borna à donner des conseils qui, à en juger par ses épitres,
durent être empreints du pessimisme le plus outré. Dans
ses lettres t\ Bellcislj (2) on ne relève pas une parole d'es-
poir ou de confiance; l'esprit de l'armée est détestable,
les officiers de troupes sont ruinés, les malades augmentent
à vue d'oeil, Munster sera pris, d'Armentières ne pourra
sauver la place. « Vous me trouvères ne voyant pas en cou-
leur de rose, mais je suis obligé d'arrêter mes yeux, et
dj régler mon jugement sur ce que je vois, et ceux qui
vous diront le contraire vous tromîteront, et par consé-
quent le Uoy. Si cette armée est détruite i)ar la fatigue
ou souffre quelque échec, je ne vois pas où S. M. en prendra
une autre; de telles circonstances méritent de grandes
E IH
Mi Slarhembers à Kaunitz, 14 siplombre 1759. Archives de Vienne.
(•>1 Estrécs à Bellcisle, 30 acit, 3 septembre 1759. Archives de ia Guerre,
vol. 3y.>2.
l
''i
90
LA GIIEIIRE ni-: SEPT ANS. — CIIAP. III.
'I
réflexions. » Le post-scriptnm vise s;v propre responsabilité
qu'il entend dégager : « Je vous p/éviens une fois pour
tout, monsieur h\ maréchal, que je n'entrcray dans aucun
détail des opérations journalières de l'armée, et je m'en
raporte ù ce que monsieur le mareschal de Contadcs vous
en écrira. » A lire ces extraits on constate qu'an lieu de
la fermeté et de l'entrain nécessaires j[)our ranimer les
courages, d'Estrées fournit une note de plus au concert
de lamentations et de plaintes que révèlent les correspon-
dances.
Il faut le reconnaître, la tâche, toujours difficile quand
il s'agit de rétablir le moral d'une troupe battue, était
d'autant plus lourde que le changement dans la direction
ne s'elï'ectuait qu'un mois après la défaite. « Il trouvera,
écrivait un officier (1) qui avait vu le maréchal lors oe son
passage à Francfort, des circonstances incroyables de l'in-
consistance actuelle. L'armée n'existe plus, c'est une sortie
d'Egypte dans la plus grande conl'usion. Les officiers s'en
vont sans ordres, sans permission, se disant blessés et cou-
rent les villes. On leur rol'use icy le logement, et ils se plai-
gnent fort. Les opinions Liont toujours dans le môme par-
tag-e Il faudrait, pour tout remettre, ou la présence du
maître, ou celle d'un prince du sang-, ou celle du maré-
chal d'Estrées comme général C'est un miracle si nous
sommes icy et s'il existe une armée. Au bout de 25 lieues
non seulement on n'a pas été remis, mais on a été pis
qu'au premier moment. En voicy 35 autres qui ont encore
empiré les dispositions. » Que d'Estrées comme comman-
dant en chef eût porté remède aux maux signalés, cela est
fort douteux; (juant à son inefficacité comme conseiller
non responsable d'un général discrédité, elle fut bientôt
démontrée.
Le i septembre, après avoir passé près de deux sc-
(1) Leltre non signée. FrancforI, 2i août 1759. Archives de la Guerre, 3521.
DISCUSSION' SUR LA CONSERVATION DK MUNSTER.
01
niîiincs dans la région de Marburg, les Franruis, sur l'avis
d'un mouvement tonnant de l'ennemi sur Wetziar, se
rotirèront sur (iiessen et se cantonnèi'cnt sur les bords de
la babn où ils demeurèrent jusqu'au commenceme.it de
décembre. Marburi;', abandonné à son sort, capitula le
11 septembre après deu\ jours d'une canonnade qui ne
coûta à la garnison que quelques hommes tués et blessés,
et personne à l'assiégeant; le lieutenant-colonel Duplcs-
sis et ses 800 hommes se rendirent prisonniers de guerre.
Pendant le séjour des armées rivales aux environs de Mar-
burg, il n'y avait ou que des affaires cVavant-postes ; la
seule de quelque importance fut la surprise à \Velter du
corps de Fischer qui s'en tira avcf une perte de 300 à
VOO hommes. Par contre, on avaii fait de part et d'autre
des détachements considérables pour la Westphalie; le
20 août, le général Imboil' était parti (1) avec cinq batail-
lons et deux régiments de cavalerie pour renforcer lo petit
corps de Boyd chargé du blocus de Munster. Le 27 du
même mois, Armentières avait quitté le quartier général
pour prendre le commandement des troupes du lias-Uhin,
fortes de l.'J.OOO hommes environ, dont moitié milices. De
son nouveau camp sous les murs de Giosscn Contades lui
envoya huit bataillons choisis parmi ceux (|ui avaient été
les plus éprouvés à Minden et dont le total ne dépassait
pas 3. VOO fusils.
Fallait-il essayer de se maintenir à Munster? Les deux
maréchaux et Voyer d'Argenson qui servait sous Armen-
tières étaient de cet avis; aux yeux de lîelleisle, au con-
traire, ce projet ne pouvait se concilier avec la décision
prise de faire hiverner la grande armée entre la Lahn et
le Mein. « Le point délicat, écrivait le ministre (2), et qui
mérite d'être exécuté bien à propos, cstdc névacuei Muns-
(1) Redon, Fcldzug der allierlcn Année, vol. II, p. 75.
(î) Relleislc à Contades, 10 st:|ileiubre i'.td. Archives de la Guerre, 3r)22.
92
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. III.
v
ter ni trop tôt ni trop tard; il serait à désirer qu'on fit
croire à M. le prince Ferdinand que nous voulons occuper
Munster en force pendant l'hiver. »
De son côté, Ferdinand attachait trop d'importance à la
possession de la ville pour ne pas persévérer dans ses efforts
tendant à la recouvrer. Le siège ou plutôt le blocus eu
avait été commencé après Minden par le colonel Boyd avec
ce (juon avait prélevé sur les garnisons de Lippstadt et
de Hameln, et avait été continué par le général ImhoU".
(le dernier, dès son arrivée sous les murs de la place, se
montrii convaincu de l'impossibilité de la tâche qui lui
avait été confiée. « Estorfl", écrit \Ves*;;\'alen (l),'a vu, en
passant près de Munster, M. d'Imhofï', Cet homme voit
noir; il désespère, puisqu'il a trouvé vis-à-vis de lui un
moulin à vent retranché. Le duc lui a écrit dans les
termes les plus forts le duc est bien à plaindre avec
ces gens-là. C'est le meilleur général que nous ayons; ju-
gez du reste. » Le pronostic de Weslphalen était fondé; à
l'approche d'Armentières, Imholf leva son camp et se retira
à Telligt. Le général français (2) entra à Munster sans op-
positiou, y séjourna du 6 au 11 septembre et retourna à
Wesel après avoir renforcé la garnison de (iOO hommes.
D'après Westphalen (3), Imhoff aurait reculé jusqu'au We-
ser sans les ordres positifs qu'il reçut de rester enWest-
phalie. Aussitôt Armentières parti, le blocus fut rétabli;
il fut troublé le 16 octobre par une sortie heureuse des
Français; les Jianovriens, surpris, perdirent un canon, un
drapeau, pins de 200 hommes dont moitié prisonniers et
beaucoup de bagages et d'armes Ce ne fut qu'aux pre-
û
(1) Weslplialon ù Ilai'nichon. Wetter, 2 septembre 1759. Weslphalen, III,
755.
(2) Armenlièies ù Relleislc. Munster, 6 septembre 1759. Arcliives tle la
Guerre, .3522.
(3) Weslplialen à Ilaeniciien. Nleder-Weymar, IG septembre 175'.». Wesl-
phalen, III, 773.
'(' ',
LES DEl.X ARMÉES SUR LES BORDS DE LA LAHN.
•»3
miers jours de novembre que les opérations furent sérieu-
sement reprises; celle du siège fut transférée au comte de
Buckeburg-, tandis (ju'Iraboir fut relégué ou commande-
ment de l'armée d'observation.
Kevenous à la Lahn où, à la lin de septembre, les ai-
mées principales étaient postées vis-tY-vis l'une de l'autre
sur les bords opposés de la rivière, les Français depuis
Dudenboven jusqu'à Giessen avec un fort détacbement en
garde tlauc à Wctzlar; les confédérés, en face, éclielonnés
de liotbeim jusqu'à StaufTcuberg-, couverts à droite par les
divisions Wangenheim et lievern, à gauche par le prince
de Holstein. De part et d'autre, on travaillait sans relAche
aux batteries, redans et tranchées, de manière à rendre
toute attaque sinon impossible au moins fort coûteuse.
Malgré ces préparatifs de défense, Contades et Kstrées,
préoccupés de la question des subsistances qu'il fallait tirer
de Francfort, parlaient (1) de battre en retraite sur Fried-
bcrg. Broglie, continuant son rôle de mentor du général
en chef, avait produit un mémoire préconisant la destruc-
tion des fortifications de Giessen; la proposition fut ap-
prouvée à Paris et reçut un commencement d'exécution,
A l'armée française on n'était pas d'accord sur la situa-
tion numérique : à eu croire les états du major général Cor-
nillon, malgré le départ des Saxons renvoyés se refaire <\
Francfort et des bataillons détachés sur le Bas-Uhin, l'in-
fanterie seule comptait 42.000 présents sous les armes;
au dire des maréchaux (2), ces chiffres étaient exagérés;
les bataillons, l'un dans l'autre, ne devaient pas être éva-
lués à plus de 'i.50 hommes ; on ne pouvait tabler sur un
•îll'ectifde plus de 50.000 comprenant infanterie, cavalerie,
artillerie et troupes légères ; les confédérés au contraire,
(1) Cotilatk's àUelIcisle, IS. 20, 2!) seplembie 1759. Archives de la Guerre.
(2) Coiilades à Belleisle. Klein Lines, 25 septembre 1"J'J. Mémoire de la
uirnie dale.
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94
LA GUEUHE DE SKPT ANS. - CHAP. III.
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gi'Ace il l'arrivée des recrues et à la désertion des soldats
allemands du Roi, atteignaient le chiffre de 58.000.
Si, du quartier ii^énéral de Contades, nous nous trans-
portons dans celui de Ferdinand, nous relèverons dans la
correspondance de ce dernier les mômes complaintes sur
la supériorité de son adversaire. C'est cette raison qu'il in-
voque pour ajourner le concours, ne serait-ce que de .'>.000
hommes, dont le roi de Prusse ne cessait de solliciter l'en-
voi en Saxe. Et cependant le nouvel appel que lui adressa
Frédéric (1), après la capitulation de Dresde, était bien
pressant : « Si vous ne pensez pas promptemcnt me secou-
rir, songez qu'il n'en sera plus temps, et à quoi serviront
vos progrès si vous me laissez accabler, .le ne grossis point
les objets, je vous mande la pure vérité, je vous prie d'y
faire des réflexions sérieuses; à moins d'un miracle ou de
vos secours, je suis perdu sans ressource. » Ferdinand fait
la sourde oreille et (2) se confond en excuses : « La prise
de Dresde me fait une peine infin'9, et ce qui l'augmente,
c'est que V. iM. parait croire que je ne fais pas en cette ren-
contre ce que je devais faire.... Si je détache 4 à 5.000
hommes, puis-je espérer d'arrêter l'armée ennemie, (|ui de-
puis l'arrivée de M. d'Estrées cherche tous les moyens d'a-
vancer de nouveau?... J'ai fait des petits détachements en
Saxe pour alarmer et pour partager l'attention du prince
de Deux-Ponts. Si la saison est plus avancée, je pourrai
faire davantage et agir avec vigueur. » Le véritable motif
du refus était le désir de recouvrer Munster avant toute
expédition excentrique. « Après la prise de Munster, écrit (3 )
Westphalen au prince, on verra s'il sera possible de faire
(1) Frédéric à Ferdinand, Waldow, 7 septembre 1759. Correspondance
politique, XVIII, p. 523.
(2) Ferdinand à Frédéric, Nieder Weymar, 13 septembre 1759. ^VeslI)ha-
len, III, ]). 7()7.
(3) Westphalen à Ferdinand, 28 septembre 1759. État-major général, Ber-
lin, C. X, 325.
■;■(
BROGLIG nÉSIGNÉ POLll LK COMMANDEMENT EN CIIEI'
'.».".
une diversion en laveur du roi de Prusse ou non. » En effet,
la faiblesse de ses clVectifs (lu'alléguait le prince Ferdi-
nand, ne l'empêcha pas de renforcer Iniliolf (1) de cinq
ré,L;inîerits de cavalerie, six bataillons et un train de grosse
artillerie, I^e blocus de Munster, dont ce général était
chargé, n'était rien moins (ju'eflicace; Armentières restait
en communication avec la ville et avait pu y faire entrer
un convoi de vivres et de nu. .allons. D'autre part, les
Français avaient acquis sur le Kliin un solide point d apjini
par l'occupation de la forteresse d'Elirenbreitstein dont
les portes venaient de leur être ouvertes après de longs
pourparlers qu'avait tranchés en leur faveur l'apparition
d'un parti hanovrien.
Vers cette môme époque, c'est-à-dire dans les derniers
jours de septembre, une importante décision fut adoi)tée
à Versailles. Au sein du gouvernement le mécontentement
devenait de plus en plus marqué; Clioiseul ne dissimu-
lait (2) pas A Starhemberg le souci que lui causait la con-
duite des opérations en Allemagne : (( Je crains fort qu'a-
vant la fm de la campagne les ennemis ne soient maîtres
de Landau et notre armée chassée au-delà du Uhin; dans
ce cas, nous ne repasserons plus cette rivière de toute
la guerre, et il faudra regarder la guerre d'Allemagne
comme Unie pour nous. » Si on abandonnait la ligne du
Mein,il était résolu î\ donner sa démission. Interrogé sur
les motifs d'un pareil abattement, le ministre se répandit
en plaintes sur le compte d'Estrées, et finit par prier Star-
hemberg de lui écrire un billet qu'il pourrait montrer au
lloi et dans lequel l'ambassadeur conseillerait la nomina-
tion de Broglie à la tète de l'armée. Bien que l'Autrichien
se fût refusé à une démarche aussi compromettante sans
(1) Ferdinand à Frédéric. Kroftdorf, il octobre 1"5'J. Weslpbalcii, 111,
p. 831.
(2) Starlicmberg à Kaunilz, '2i) septembre I75"j. Archives de Vienne.
00
LA GUERRE DE SEl'T ANS.
cn.vp. Ht.
instruction positive de sa cour, il s'employa (1) à vaincre
la résistance que la toute-puissante M""' de Pompadour
faisait encore au choix de ilroglie. Il y réussit d'autant
mieux (ju'elle avait toujours été hostile à d'Estrées, que
Contades demandait lui-mémo à être relevé de ses fonc-
tions, et que Souhise, le candidat préféré, avait été all'ecté
il la grande entreprise projetée contre l'Angleterre et n'était
pas disponible pour l'xVllemagne; ces personnages écartés,
il ne restait que Hroglie au(juel la favorite se résigna mal-
gré la méfiance qu'elle professait pour son caractère et
pour son entourage.
La résolution prise, il fallut la communicpiei- aux deux
maréchaux, iielleisle eut à se charger d'une tâche (|ui dut
lui sembler particulièrement ingrate; aussi avec quelles
circonlocutions et précautions oratoires leur annonce-
t-il (2) leur rappel et leur remplacement prochain par le
duc de Broglie : « Je sçais, monsieur le maréchal, écrit-il
à d'Estrées, que vous n'ignorés pas toutes les menées ([ue
r(m a mises en œuvre pour d'une part accabler M. le maré-
chal de Contades, et de l'autre exalter M. de Broglie jus-
qu'aux quatrièmes cieux; il est parti des lettres de l'armée
qui ont pullulé au centuple A Paris et même à Versailles.
La fermentation était déjà assez grande avant votre départ ;
mais depuis elle a augmenté à l'infini; on ne s'en est pas
tenu là, on a fait agir à Vienne, à Pétersbourg, à Stock-
holm, à Copenhague, et dans toutes les autres cours d'Al-
lemagne, d'où il est venu également des lettres par les
ministres du Uoy, ou ceux des Princes qui sont en France,
qui demandent tous que le Roy fasse commander son ar-
mée par M. le duc de Broglie. M. de Starhemberg a eu à ce
sujet mission en forme de M. le comte de Kaunitz, » Mal-
gré les précédents du prince Charles de Lorraine et du ma-
(1) SUrhemberfi à Kaunil/., 20 septembie 1750. Aicliives de Vienne.
(2) Bclleisle à Estrées, 27 septembre 1759. Archives de la Guerre, 3523.
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UAI'PEL DESTRKES ET DE CONTADES.
97
réchal Apraxin iV propos desquels les cours alliées étaient
intervenues, le Hoi n'oiU pas cédé <■ si M. de Contades
comme un tn's lionncHc homme et un zélé serviteur du
lloy n'était venu do luy-méme au-devant par des lettres
particulières (lu'il a écrites il M"'" de Pompadour et à moy,
où il oUrc et demande mémo de cjuitter le commandement
de l'armée, ne désirant autre chose que de conserver
l'estime et les bontés du Roy. »
Alin de sauver les apparences et de ménager Tamour-
propre de Contades et des lieutenants généraux plus an-
ciens que Brog'.ic, ce dernier était appelé il Paris pour re-
cevoir ses instructions et ne rejoindrait son poste <[ue vers
la lin d'octobre « <[ui est à peu près le temps où l'on songe
sérieusement aux (quartiers d'hyver. » Belleisle s'occupe
ensuite d'Estrées : « Quant à ce qui vous regarde, Mon-
sieur le Maréchal, votre situation est fort différente de celle
de M. de Contades, vous n'avez eu qu'une commission mo-
mentanée avec pleine liberté d'abréger ou de prolonger
votre séjour suivant (juc vous le jugeriez le plus utile;
votre zèle vous a porté à le prolonger jus([u'à la fin de la
campagne; ainsi il sera tout naturel que vous reveniez en
même temps que le maréchal de Contades après avoir
concerté le plan général des quartiers d'hyver, où vous ne
pouvez estre que très utile on ce que vous otes bien plus
eu état d'en imposer à M. le duc de Broglie que M. de Con-
tades et que tout autre »>
A la suite de cette décision, Broglie se rendit à Paris,
et les deux maréchaux restèrent au quartier général. F^e
mois d'octobre se passa sans incidents importants, les
deux armées séparées par la Lahn et détachant des troupes
l'une et l'autre au secours d'Imholl' et d'Armentières. Alors
(jue Broglie, quand il se trouvait sur les lieux, avait sou-
tenu le démantèlement de Giessen, depuis son arrivée en
France il était d'accord avec la cour pour le maintien des
fortifications. Au ministre qui insiste dans ce sens, Conta-
GUEUnE DE SEPT ANS. — T. III.
«H
LA (iUEHUK I)K SEPT ANS. — CIIAP. III
des répond (1) non sans ironie : « Sur la proposition do
M. de nrof;lie, nous vous avons |)ro|)osé, M. le marrchal
d'Estrées et moi, d'évacuer et démolir (iiessen. Il pense
aujourd'hui ([u'il faut conserver la place. Qu'il vienne donc
ici le plus tAt possible. » D'F^strées a liAtc de partir (2) :
(( Vraisemblablement M. de Hroglie sera ici avant le 1"',
je n'y aurai i)lus all'aire, étant trrs déterminé à n'avoir
d'autre avis (|ue le sien. »
Enfin, le !2 novembre tard dans la journée, le nouveau
généi-al en chef arriva au quartier général de Klein Lines;
l'entretien entre son prédécesseur et lui ne se prolon-
gea pas longtemp.s, car Contades était déjà en route îc
lendemain î'' six heures du matin. Son dépai t avait été pré-
cédé par ceux du maréchal d'Estrées, des ducs de Hrissac,
rVievreuse et Fit/james, du prince de Heaulfrcmont, du
marquis de Sourches, du chevalier de Nicolaï, et des com-
tes de Noailles et d'Anlezy, tous lieutenanlo généraux plus
anciens de grade (juc Hroglie. A l'état-major, Monteynard,
maréchal des logis général, Cornillon, major général de
l'infanterie, Fumel, major général de la cavalerie, furent
remplacés dans leurs fonctions respectives par le comte de
Jlroglie, l'ancien ambassadeur, Belzunce et Lameth. D'a-
près un témoin impartial, le prince Ferdinand (3), Broglie
aurait été bien accueilli par la troupe. « Le soldat ennemi
paraît fort content du nouveau général ; il n'en est pas de
même des officiers et surtout des généraux. »
Si l'on peut s'en rapporter aux états mensuels dont nous
avons vu contester l'exactitude par Contades et Estrées,
l'armée française campée sous (Iiessen, sans compter par
conséquent les garnisons de la Wetteravie et des bords du
iMein, donnait comme elTectif présent sous les armes un peu
(1) Contades à Bolleislo, Klein Lines, 19 octobre 1759. Archives Guerre, :{524.
(2) Estrées àHelleisle, Klein Lines, 1!) ocloi)re 1759. Archives Guerre, 3.524.
(3) Ferdinand à Iloldernesse, Kroffdorf, 8 novembre 1759, Military Expé-
ditions. Record Olïice.
J ,
DISCUSSION SIR LA CONSKnVATION DE MUNî-TKR.
nit
plus (le VO. ()()() fantassins (ît 11.000 cavaliers montés, soit
on y ajoutant les troupes h'gùres, d'ailleurs fort délabrées,
un grand total de ÔV.OOO coiuliall'Jits. Son adversaire
n'en avait pas autant : « La supériorité de l'armée fran-
çaise, écrivait Ferdinand au commencement de novem-
bre (1), sur celle de S. .M. est avouée de tout le monde. On
sait le nondire des bataillons et des escadrons de l'un et
de l'autre le pied de l'armée alliée ne surpasse pas
5i.n00 hommes et il m'a fallu en employer une bonne
partie pour les garnisons de iMinden, de Lippstadt et de
llameln. » Dans une lettre du 11 octobre (2), Ferdinand
évaluait à 17.000 hommes les troupes servant en West-
phalie; depuis lors, il avait expédié à ImhoU' un nouveau
détachement de 3.000; aussi en faisant la part d'atténua-
tions de calcul nécessaires pour justifier la demande de
renforts (pi'il adressait au cabinet anglais, est-il difficile
de lui attribuer plus de VO.OOO hommes sur la Lahn. Les
deux armées soulfraient du froid et du mauvais temps,
les chevaux beaucoup plus que les hommes ('.)) qui avaient
du bois en abondance et étaient bien baraqués. Un des
premiers soins de Hroglie avait été de faire venir des ca-
potes et des gilets en magasin à Francfort pour les dis-
tribuer aux soldats.
Jusqu'à quelle époque serait-il possible de conserver
(liossen et Munster.' Telle était la question qui se débat-
tait entre le ministre de la (luerre à Versailles et lesgéné-
laux des armées d'Allemagne. « Nous connaissons tous,
écrivait Belleisle Ci.), combien il eût été utile de pou-
voir occuper en force Munster pendant l'hiver. » Mais des
w^
IW
I
(1) Ferdinantlà IloUlernesso, KrofTdorf, 7 novembre 17r)9. Record Office.
(2) Ferdinand à Hohiernesse, Kroll'dorf, 11 octobre 175!». Record Office.
(3) Brot!,lic à Belleisle, Klein Lines, 5 novembre l'.VJ. Archives Guerre
Granby à Holdernesse, Kroff'dorf, i;t novembre 17ô9. Record Office.
(4) Belleisle à Broglie, 10 novembre 17.59. Archives Guerre. Allemagne,
33'25.
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I
100
LA GUERKE 1)K SEPT ANS. — CIIAP. III.
f^
1"
nisons politiques avaient fait (iéeider le muiution <!ii gros
de l'année dvi c6té dit Mein et de la Kalin, aussi Itien
(|uc le renvoi de 2'i. bataillons en Kranc»*. (ïela étant, « il
n'y a pas assés d'étoile pour tenir Munster avec une garni-
son suffisante, avec hupielle inéme il serait impossible de
communiquer; d'y en laisser une médiocre, c'est l'exposer
à une perte certaine. Les ennemis ont acluelleineiit l> .1
7.000 prisonniers à nous. Il serait bien imprudent d'en
augmenter encore* le nombre p:'es(|ue avee certitude, c'est
ce qui m'a déterminé à mander A M. d'Armentières de se
borner à mettre dans Munster les munitions et les vivres
nécessaires pour jusqu'au mois de janvier, afin de pouvoir
tenir dans celte place jusqucs à la lin de cette campagne. »
Pour effectuer ce ravitaillement partiel, Armentières aurait
besoin d'être su|)érieur A ImliolF; aussi si le prince Ferdi-
nand envoyait de nouveaux détachements en Wcstphalie,
lU'oglie était-il invité il faire de môme, tout en choisis-
sant pour ce renfort ce qui restait des ik bataillons des-
tinés à rentrer en Krance. Mais le commandant en chef
n'entendait pas acquiescer à, cette demande; hypnotisé
pjir l'ennemi qu'il avait en lace de lui, il craignfiit de s'af-
fîùblir et écrivait à Armentières qu il ?ie pourrait lui l'aire
parvenir des secours qu'après la dislocation de r:a propre
armée.
Ce moment qui était en réalité encore loin paraissait
proche, car les intempéries de la saison et les diflicultés
d'approvisionnement rendaient la situation des t.oupcs
cantonnées le long de la L.ibn de, plus en plus pénible.
<( Vous avez, Monsieur, écrivait (lucrchy (l), depuis (juel-
ques jours les pieds bien chauds; il n'en est pas de môme
des nôtres qui sont bien humides depuis que vous nous
avez quilles et que vous avez été remplacé par une pluie
(I) i. 'jrdiy A un t^mi, Klein Liiies, 13 novembre 17.'>U Aicliivus (lueiTC.
Allemagne, :)525.
SODI TRANCKS DES DEUX *I\MKF,S
101
«sso/- confilanto, parfois un peu do ncigo. » Au dii'o do
Hrof^lio (1), Ifî [)iiin arrivait on relard, les haracjuosôlaiont
pleines d'oan; le soldat niancpiait de paille, et pour cond)le
do malheurs le trésorier, à bout do fonds vA sam; crédit,
ne trouvait plus A osconipler ses traites chez les iiancpiicrs
de Franefort. Hroglij résume ainsi ses doléances : « La be-
sogne devient encore plus difficile lorsqu'il (le ijénéral) a
en tête un ennemy (jui a jiisiju'icy donné l'ordre, dont
l'armée est plus iiouïhreuso (pie celle du Uoy, et qui paye
tout argent comptant. <'/est à regret que je fais lY Sa Ma-
jesté un exposé aussy pou agréable Je vous prie de luy
répéter encore ce que j'ay e(i l'honneur de lui dire, que jo
suis extrêmement éloigné de me croire les talons nécessai-
res pour sup|)léer à tant do ciuises qui manquent icy, et
commander son armée dav^ des circonstances aussi criti-
(jucs. » ('.omm(> conclusion, il annonce son <lessein de lover
son camp actuel, do laisser dans (iicssen une garnison de
2.0(K) l'ommerj et de se retirer sur Friedberg.
Néanmoins, l'exécution de cette décision fut itjonrnée
jusqu'au 5 décembre. IVudautles trois dernières semaines
du séjour sur la Lahn, la situation ne s'était guère amé-
liorée; « Urogiie, écrit Wostphalen (2), a mis la plus
grande partie de sa cavalerie en cantonnement derrière le
camp; il ne veut céder; nous ne voulons céder non plus;
celui qui peut supporter le mieux la faim sera appareiu-
mcnt le dernier. Il a fait bien mauvais temps; dix jours
de pluie? continuelles avaient lollomont rompu les che-
uîinsquo tous les transports manquaient tout d'un couj».
Songez si nous avons été (embarrassés. » Chez les l''i'iincais
les jtrivatiouK étaient pareilles, mais les difficultés comuju-
nes étaient aggravées parle maiupie d'argent, tant pour
:
{l)nroRliR h BnlIcislR, Kkin Linos, ir> novembre 17.VJ. Arcliivcs fiiirrro.
AlItMiiajçnc, ;irr.>5.
('?.) NVcslplialon A Ilaoiiic)i(>n , Krofftîorf, '}.0 novcmlir»' t7l.<). \Vi»sl|>lialon,
111, 1». 8<V'.
103
L\ GUERRE DE SEPT ANS. — CHAI», III.
0
1"^
les l)esoins inim/kliats que pour l'jichal des approvision-
nements d'hiver; l'état de la caisse était devenu le prin-
cipal souci de Broglic : « Je vous répète (1) que le prêt va
manquer pour le soldat et la solde de l'officier, que l'en-
trepreneur de la viande est sur le point de n'en plus four-
nir, que le munilionnaire est dans le même cas pour le
pain, que l'artillerie n'a pas de quoy acheter de l'avoine
pour ses chevaux, et que les achats et rentrées des four-
rages vont totalement cesser faute d'arqent. Si, comme
j'ay eii l'honneur de vous le mander, il n'est pas pourvu à
l'argent d'icy à huit jours, il faut licencier l'armée Il
y a beaucoup de mauvaises positions à la guerre dont
avec de l'activité, des soins et du courage, on peut se ti-
rer; mais dans le cas présent, il n'y a de remède que de
l'argent et sans cela il faut que cette armée périsse vrai-
semblablement même avant la fin de l'année. »
Une opération heureuse des confédérés contre les Wur-
tembourgeois ne fut pas sans influence sur la détermina-
tion d'abandonner les lignes de (îiesscn. A la suite d'une
convention passée avec la cour de Versailles, le duc de
Wurtemberg avait remis à la disposition de la France Ips
troupes qui avaiert fait la campagne de 1758 et qui
étaient rentrées chez elles à la fin de cette année. Ce corps
d'un effectif réel de 10 à 11.000 hommes était venu, fort
à propos, remplacer les Saxons très diminués par la déser-
tion, qu'il avait fallu reléguer sur les derrières de l'armée.
Aussitôt les Wurtembourgeois mobilisés, Broglie, dans le
but d'iuquiéter la gauche du prince Ferdinand, les avait
dirigés sur Fulde. Arrivé dans celte ville le 20 novembre,
le duc de Wurtemberg, qui commandait en personne, en-
voya ses hussards Icvrr des contributions dans les vallées
de la Fulde et de la W i-ra; il se préparait à les suivre vers
Alsfela quand il fut 1 usquement surpris par une contre-
(1) Broglie à IJelleisle. Klein Lines, 27 novembre 1759. Archives de la
Guerre, 3525.
I;
^;
K .
SL'RPKISE ET DÉFAITE DES WUUTEMBOURC.EOIS.
in;j
attaque de l'ennemi. Le prince de Hrunswick, à la tôtede
neuf bataillons et de douze escadrons, avait filé droit sur
Lauterbach, en avait chassé un parti de cavalerie fran-
çaise, et débouchait le 30 novembre en vue de Fulde. Le
duc de Wurtemberg, averti trop tard de l'approche du
prince, n'avait pas eu le temps de rassembler son contin-
gent éparpillé de tous les côtés; il essaya de résister dans
la ville, mais l'infanterie confédérée, soutenue par son ca-
non, s'empara des ponts, força les portes et coupa la l'e-
traite au\ défenseurs dont la majeure partie, bousculée par
la cavalerie, fut obligée de se rendre. Le reste se retira
à Bruckenau et Uieneck près de Gemunden; de son côté,
le prince de Brunswick, après un séjour de trois jours à
Fulde, rallia l'armée du prince Ferdinand, Cette all'aire
coûta aux Wurtembourgeois 1.500 hommes tués ou pris et
deux canons. Le secret de l'expédition avait été si bien
gardé que le jour même du combat, Broglic écrivait (1) au
duc : « Je n'ai aucune nouvelle que ce corps (celui du
prince hérédilaii'^) ait effectivement marché, quoique j'aie
beaucoup d'espions et de détachements qui ont éclairé la
partie d'Alsfeld. »
Pour la pointe sur Fulde, le général du roi George avait
utilisé des troupes qui devaient renforcer la division d'Im-
holf ; l'avis de la capitulation de Munster, apporté le 2.'J no-
vembre, avait permis de les afTecter à une autre destination.
Voici ce qui s'était passé en Westphalie : Armenticres n'a-
vait à sa disposition qu'environ 9.000 fantassins et 2.000 ca-
valiers, forces qui lui parurent insuffisantes pour la relève
de Munster. Il annonce bien (2) son intention de tenter l'en-
treprise, mais les réserves dont il accompagne sa résolution
ne sont pas de bon augure pour la réussite : « J'ose vous
(1) IJroglie à Wurtemberg. Klein Lines, 30 novembre 1759. Archives de la
Guerre.
(2) Armentiéres H Belleisle, Dosstein, 15 novembre I75y. Archives de la
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104
LA GUKllRK DE SEPT ANS.
CHAP. IM.
affirmer que je marche avec la volonté d'un homme de
g-uerre déterminé à se conduire relativement à ce qui sera
possible. Le combat ne sera engagé qu'avec grande appa-
rence de succès et le désagrément de revenir sans rien faire
ne me fera point compromettre mal k propos les troupes
du Koi. » Armentières s'approcha en elfet de la place assié-
gée, eut le 19 novembre une affaire d'avant-postes avec
Imhoff(iui lui barrait le chemin, mais croyant ce dernier
bien décidé à lui tenir tète, il renonça à toute idée de
forcer la ligne de circonvallation et dépêcha à Goyon, le
gouverneur de Munster, l'ordre de le rejoindre avec sa
garnison dans la nuit du 19 au 20; puis, après quelques
heures d'attente inutile, il se retira sur Dorstein. Un peu
plus de persévérance de la part d'Armentières aurait peut-
être amené la retraite d'Imhoff dont la fermeté laissait à
désirer.. « .l'ai mauvaise opinion de notre homme, écrivait
Westphalen (1), depuis qu'Armentières a passé la Lippe;
il dit qu'il faut avoir une bonne confiance en Dieu pour
croire qu'on puisse être sauvé. Cet honnête homme dé-
courage tout le monde. Il est si rempli de peur que tout ce
qu'il dit et tout ce qu'il fait s'en ressent Le pèlerin se
croit sur d'être battu. » Goyon, après avoir pris l'avis de
son second, Boisclereau, qui avait joué un rôle brillant
dans la défense, jugea impraticable la sortie proposée et,
livré à ses propres ressources, entra en pourparlers avec
l'ennemi; il obtint les honneurs de la guerre et la liberté
de la garnison qui fut dirigée sur Wesel. Quoique le blocus
de Munster se fût prolongé longtemps, les travaux réels
du siège avaient été de courte durée, les tranchées ayant
été ouvertes dans la nuit du 8 au 9 et le feu des batteries
ayant commencé le 17 seulement.
Il était à prévoir qu'une partie de l'armée assiégeante
irait renforcer celle du prince Ferdinand; aussi Broglie
(!) Westphalen à Haenichen, Kroildorf, 20 novembre 175".». Weslplialwi,
III, 862.
CAPITULATION DE MUNSTEll.
105
fit-il (1) à Armcntières une demande de diversion que
celui-ci accepta; mais les g-laces et la nécessité de re-
plier les ponts sur le Rhin firent retarder l'opération
jusqu'aux derniers jours de décembre. Ce fut seulement
le 25 de ce mois que Voyer put mander (2) son arrivée
avec 6.000 hommes à Sieg-burg, et son intention de franchir
la Sieg et de gagner Hackenburg. Entre temps, Vogué,
avec une division de la grande armée, avait pris position
h Limburg d'où il lui serait facile de donner la main à
son collègue. Ces moavemenis se rattachaient à un retour
offensif de Broglie à qui le moment avait paru pro-
pice pour recouvrer le terrain perdu en Wettcravie dans
la première semaine de décembre. Fidèle à sa promesse,
Ferdinand avait détaché le prince de Brunswick en Saxe
au secours du roi de Prusse, avec une forte division de
13 bataillons et 19 escadrons sur lesquels près de la moi-
tié avait été fournie par le corps d'imhoffen Westphalie.
Broglie, dont le service de renseignements était très dé-
fectueux, n'eut vent que le 17 ;^3) d'une expédition qui avait
débuté le 9. Dans sa correspondance avec Belieisle, il se
demande ce qu'était devenu le prince héréditaire depuis
les incidents de Fuldc ; il ne comprend pas pourquoi lo
prince Ferdinand n'a pas commencé le siège de Giessen que
le recul des Français avait abandonné à ses propres forces,
mais il ne soupçonne la vérité que plu; ieurs jours après
Tévéncment. Enfin, quand le doute n'est plus permis, il
se décide à reprendre l'offensive : il invite Wurtemberg
ù couvrir le flanc droit, lui annonce pour le 21 décembre la
marche en avant sur Giessen, et insiste auprès d'Armentiè-
res pour la prompte exécution de l'opération suspendue.
pi
(1) Broglie à Armenliùrcs, Fiiedberg, 8 décembre 1759. Archives Guerre,
3526.
{'2) Voyer à Muy, Siegburg, 25 décembre 17.")9. Arcliives Guerre, 352G.
(3) Broglie à Wurtemberg, Friedberg, 17 décembre 1759. Archives de la
Guerre, 3526.
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LV GUEURK DE SEPT ANS.
CHAP. m.
Avant (le quitter Friedberg, Broglie avait rec-ii de Ver-
sailles le biVton de maréchal do France, que réclamaient
pour lui ses amis depuis la victoire de liergen. Cette pro-
motion, en donnant au duc un rang supérieur, devait avoir
pour conséquence soit la mise d'Armentières sous ses
ordres soit le rappel de ce dernier. Ce fut à ce parti que
s'arrêta la cour : Armentières qui s'était rendu à Cologne
pour liAterles préparatifs de l'expédition sur la rive droite
du Rhin, y apprit à la fois la venue de son successeur, le
chevalier du Muy, et la nomination de Broglie au grade
de maréchal de France. A Belleisle, il ne cache pas le dé-
pit que lui cause l'avancement de son collègue : « Il me
pavait (1) que sous un maréchal de France, ministre de la
(îuerre, l'on n'aurait pas dû s'attendre que de deux lieu-
tenants généraux commandant en même temps deux ar-
mées séparées, le cadet fût fait maréchal de France et l'an-
cien laissé. Cependant, cet ancien. Monseigneur, pourrait,
je crois, demander le parallèle entre lui et son cadet. »
La nmtation n'apporta d'ailleurs aucun nouveau retard
dans la diversion concertée avec Broglie; le 25 décembre,
comme nous l'avons dit plus haut, Voyer était à Siegburg,
et malgré les mauvaises routes, l'inondation et les ponts
coupés, espérait être à Ilackenburg pour le 30. De son côté,
Muy qui dirigeait le deuxième échelon, devait partir de
Cologne le 27.
Ainsi mises en train, les affaires parurent prendre une
tournure favorable pour les Français. Le 2 janvier 17G0,
Voyer, après une marche des plus pénibles, opéra sa
jonction avec Vogué qui était à la tète de l'extrême gauche
de la grande armée; leurs forces réunies se montaient à
environ 11.000 hommes. Dès le lendemain, ils commencè-
rent leur entreprise contre la ligne de communication
du prince Ferdinand; Vogué enleva le bourg de Herborn
(1) Armentières à Belleisle, Cologne, 25 décembre 1759. Archives de la
Guerre, 3526.
vv
COMBAT DE DILLENIUJRG.
107
avec sa petite garnison do 120hoinnies; Fischer et Dau-
vet prirent possession de la ville de Dillenburg et bloquè-
rent la citadelle qui refusa de capituler. Ce m»' me jour,
Muy entrait à lîackenburg où il attendit les insti actions
du général on chef. Le mouvement de Voyer contre la
droite des confédérés, les démonstrations de Saint-Ger-
main et des Wurtembourgeois sur leur gauche, enfin la
marche des Français sur C.iessen , déterminèrent le prince
Ferdinand à lever le blocus de la place puis à abandonner
la position sur la Lahn qu'il occupait depuis le 19 septem-
bre. La retraite s'eil'ectua le 5 janvier sans être inquiétée
par Broglie qui se contenta de remplacer l'adversaire dans
les cantonnements évacués.
Du côté de la Dille, peut-être Voyer eùt-il été plus en-
treprenant sans un échec qu'il essuya à Dillenburg. Peu
soucieux de voir le château tomber entre les mains des
Français, le prince Ferdinand dirigea sur ce point une
partie de la division Wangenheim; l'opération fut si heu-
reusement conduite que non seulement la forteresse fut
débloquée, mais que le détachement français chargé de
l'investissement fut détruit ou fait prisonnier. Les Suisses
du régiment de Waldner qui le composaient se défendirent
avec bravoure, mais leur commandant, le brigadier Para-
vicini, qui avait l'ordre de se retirer devant un ennemi
supérieur, se laissa envelopper bien que l'approche des
confédérés eût lieu dans l'après-midi; mortellement blessé,
il expira une demi-heure après l'action et paya ainsi de sa
vicia faute commise. Le môme 7 janvier, à. peu de distance
de Dillenburg, un avant-poste de cent dragons du régi-
ment de Beauffremont fut enlevé par un parti de chas-
seurs hanovriens et d'Écossais sous les ordres de Luckner.
Cet officier dont la réputation grandissait de jour en jour
venait de se distinguer quelques jours auparavant en sur-
prenant et capturant le lieutenant-colonel de Muret avec
une centaine d'hommes. Ces revers et la reculade de Fis-
10«
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. MI.
(i
cher, chasse'" de Oher et Nieder Schuden, impressionnèrent
Voyer qui se liilta de rassembler son monde à Trudorf et
appela Muy à son secours. Au surplus, la pointe des llano-
vriens, en dehors des pertes matérielles infligées aux Fran-
çais, n'eut d'autre suite que celle d'arrêter l'offensive de
Voyer et de ses lieutenants.
De son côté, Broglie, qui avait repris son ancien quar-
tier général de Giessen, n'était pas disposé à recommencer
la campagne; pour débusquer le prince Ferdinand des
environs de Marburg où il s'était posté, il aurait fallu un
effort sérieux. Le nouveau maréchal prépara, à la vérité,
un projet d'attaque combinée sur les cantonnements en-
nemis, mais il y renonça sur les observations de Saint-Ger-
main qui poussa la franchise jusqu'à déclarer « décousu »
le plan de son supérieur et à lui refuser toute chance de
succès. Le 11 janvier, les ordres furent lancés pour la dis-
location t.e l'armée; le 13, Broglie (1) quittait Giessen de
nouveau, et après un séjour de quelques jours à Fried-
berg, rentrait à Francfort. Muy et Voyer, avec leurs divi-
sions respectives, repassèrent sur la rive gauche du Khin ;
Tarméc principale s'établit sur la ligne du Mein et de la
Lahn; les Saxons et Wurtembourgeois depuis Wurtzburg
jusqu'à Hanau, l'aile droite sous Saint-Germain autour
d'Aschaffenburg, Vogué à Limburg avec l'aile gauche. Aus-
sitôt informé de ces mouvements, le prince Ferdinand se
hâta de renvoyer ses troupes dans leurs quartiers d'hiver;
Marburg, Dillenburg, Ilomburg furent munis de garnisons
et servirent d'avant-postes, la division anglaise gagna le
territoire d'Osnabriick, les confédérés allemands se répar-
tirent entre la Westphalie, la Hesse et l'cvéché de Pader-
born. Vers la lin de février, le prince de Brunswick , de
retour de Saxe, rejoignit l'armée et à partir de ce moment,
la tranquillité fut complète.
(1) Broglie à Belleisle. Friedberg, ir. janvier 1760. Archives de la Guerre,
vol. 3550.
i
FIN DE LA CAMPAGNE.
109
Ainsi se termina cette longue et dure campagne si bril-
lamment commencée, si péniblement achevée, La sauté
des troupes était excellente ; le soldat avait montre de la
confiance en son nouveau chef, de l'entrain dans les dei -
nières opérations; il avait supporté avec bonne humeur
les épreuves du froid et de la fatigue. Depuis sa prise du
commandement, Bro^lie avait fait preuve de décision et
de volonté; forcé par les difficultés de ravitaillement d'a-
bandonner (iicssen, il avait su profiter de la première oc-
casion pour y rentrer; dans la lutte de ténacité engagée
sur les bords de la Lahn entre les généraux rivaux, il
avait eu le dessus et pouvait, en dépit de quelques revers
partiels dont la responsabilité ne lui incombait pas, se tar-
ituer du recul de son adversaire. Au point de vue général,
la campagne de 1759 n'avait rapporté à la France aucun
profit, car l'hiver de 1760 retrouvait l'armée à peu près
dans les quartiers qu'elle avait occupés pendant la mau-
vaise saison de 1759. Les troupes avaient beaucoup mar-
ché, remporté quelques succès, enlevé des magasins, des
places fortes, mais en fin de compte elles étaient revenues
au point de départ; des conquêtes éphémères de l'été, rien
n'avait été conservé. Le prince Ferdinand, avec ses soldats,
véritable amalgame de nationalités diverses, avait repoussé
l'invasion, sauvé le terri*oire des princes alliés, repris ses
quartiers d'hiver eu pays ennemi; bien plus, il avait pu
détacher au secours du roi de Prusse une division impor-
tante tout en tenant tête à l'ennemi et en lui infligeant
même des échecs. Depuis la bataille de Minden, comme le
reconnaissaient Belleisle et Broglie, c'était le général ha-
novrien qui faisait la loi en Allemagne aux armées du Roi
Très Chrétien. Ce triste résultat apportait une nouvelle
atteinte au prestige militaire de la France, déjà compro-
mis aux yeux de l'Europe par les revers de 1757 et 1758.
ufnmf^.l^^im
, CHAPITRE IV
KUNERSDORF
PLAN i)K (:ami>a(;xk comiuxk par lks «ussks kt lks autui-
CIIIKNS. — COMMENCKMENT TARDIF DKS HOSTILITÉS. — IKR-
MOR REMPLACÉ PAR SOLTIKOFF. — RATAILLK DK PALTZIG, —
JONCTION DK LAUDON AVEC LES RUSSES — BATAILLE DE KV-
NERSDORF. — DÉTRESSE DE FRÉDÉRIC. — INACTIVITÉ ET
DÉFAIT d'entente DES GÉNÉRAUX ALLIÉS. — SÉPARATION
DES DEUX ARMÉES. — DAl N EN LUSACE ET EN SAXE. —
RUSSES EN S1LÉSIE. — REPRISE DES QUARTIERS DIIIVKR SUR
LA VISTULE.
f
Pour suivre jusqu'au bout les opérations des armées
françaises en Allemagne, nous avons négligé momentané-
ment les incidents beaucoup plus graves de la lutte que
soutenait le Roi de Prusse contre les Autrichiens et les
Russes. Le défaut de simultanéité qui en résulte dans le
récit a d'autant moins d'importance que l'action du second
groupe de belligérants se développa sur des théîUres dis-
tincts très éloignés de ceux que nous venons de visiter, et
n'eut qu'une répercussion purement morale sur la cam-
pagne de Ferdinand contre les généraux de Loui." XV.
Frédéric avait passé à Breslau la plus grande partie de
l'hiver 1758-1759. To 't en appliquant son énergie et son
esprit de méthode à la réorganisation de son armée, se-
lon l'habitude, il consacra ses loisirs à la politique exté-
rieure. Il est impossible de feuilleter la volumineuse cor-
l!
POLITIQUE KTnVNGKRE DK l'RKDKlUC.
Itl
respoiuKince échangée avec les ministres et les représen-
tants prussiens à l'étranger, sans découvrir A chaque ins-
tant la trame des combinaisons lussi subtiles (|ue mysté-
rieuses (ju'il essaie d'ourdir auprès des cours de l'Kurope,
dans le but d'embarrasser ou de diviser ses adversaires.
Uu'il s'agisse de susciter un nouvel ennemi il l'Autriche ou
do nouer des négociations pacifiques destinées plus à com-
promettre celui (|ui s'y prêtera, qu'à terminer la guerre,
nous le voyons déployer la môme activité, la même fer-
tilité de conception. Mais ces qualités par leur exagéra-
tion nuisent souvent au succès; la mobilité de son esprit, la
conliance dans son étoile, lui font constamment déserter
robjectif de la veille, pour en viser un autre qui parait
plus avantageux. Jamais ministre des Allaires Étrangères
ne fut plus difficile à suivre ou à deviner, qu'il ne se révèle
dans ses instructions à ses agents diplomatiques. Tout à
l'idée du moment, il se soucie peu d'être conséquent, ce
qui ne l'empêche pas de se montrer peu indulgent pour le
malheureux dont la compréhension n'est pas assez souple
pour saisir au vol la nouvelle pensée. Il se plait d'ailleurs
dans les voies détournées, et ne dédaigne pas la corruption
pour arriver à ses fins.
C'est ainsi que pondant le mois de janvier 1759, Frédé-
ric s'ingénie à fomenter des troubles en Suède contre le
parti au pouvoir, à pousser la Porte ottomane contre l'Im-
pératrice Reine, à escompter les conflits en Espagne et eu
Italie que pourrait occasionner la mort du roi d'Espagne,
à intriguer à, Varsovie, et à découvrir les moyens de déta-
cher la Russie de l'alliance. Le résident anglais en Pologne,
bord Stormont, dont on se rappelle la démarche en 1756,
lors de l'entrée des Prussiens en Saxe, avait réussi h inté-
resser la cour de Saint-James au sort du roi Auguste et de
sa famille, et s'était évertué à élaborer un traité de paix
tnlre la Saxe et son puissant voisin. Lu arrangement de
celte nature n'aurait guère convenu à Frédéric qui tirait
ii
i'ii
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112
LA GUERRK DE SEPT ANS. - CHAP. IV.
j I
(le l'hllectoi'at un revenu annuel de (5 millions de couronnes
et de nondu'euses recrues pour ses régiments; aussi rcc^ut-
il froidement la communication (|ue .Mitchell (1 ) lui fit de la
corresijondance éclian^^ée entre liOndres et Varsovie. Il
avait drjà désavoua une négociation engagée par Wolkei'S-
dorf, grand veneur du roi électeur, avec le général Schmet-
tau et n'admettait de convention avec la cour de Saxe,
qu'autant que la Russie y partici[)erait. Uue intervention
du roi (îeorgo en faveur du prince électoral et de la prin-
cesse n'eut pas meilleure fortune; à la plaidoirie, d'ailleurs
peu convaincue de Mitchell (2), demandant pour eu.v la
faculté de se retirer soit à Varsovie soit à Munich, Frédéric
répondit que son interlocuteur savait mieux que personne
l'importance pour les Prussiens de se maintenir î\ Dresde,
et « qu'accorder à la famille royale et électorale la per-
mission de partir serait faire table rase des fortifications
de la ville. »
C'était surtout du côté de la Russie que le Roi ei\t voulu
obtenir des résultats. Serait-il possible de battre en brèche
l'influence autrichienne, de déterminer une révolution de
palais qui donnerait l'ascendant à la jeune cour et entraî-
nerait le désistement de la puissance, devenue, grAce au
courage et à l'endurance de ses soldats, le plus formidable
des ennemis de la Prusse? Pour travailler dans ce sens, il
avait compté sur le crédit de Keith, successeur de \ViIliams
à l'ambassade anglaise. Malheureusement il était nul de
l'aveu même de l'envoyé : « Je suis ici depuis presqu'un an,
écrivait (3j le diplomate, sans grande satisfaction person-
nelle et ce qui est pire, sans être d'une utilité quelconque
pour le service de S. M., et à en juger d'après les appa-
ii;
(1) Mitchollù Stormont. Rreslau, tOjanv. 1"5'J. Mitchell Papers. Musée bri-
tannique.
(2) Mitchell à lloldernesse très secret. Breilau, 21 janv. 1759. Mitcliell Pa-
pers.
(3) Keith à Newcaslle, T' janv. 1759. Newcaslle Papers, vol. 32887.
INTRIGUES I'HUSSIENNES AUPUKS DU SCLTAN.
lt:t
rencos, je n'ai pas grande clifuice d'être plus utile dans
l'avenir. » Les lenseignenienls tr«'s précis, cpjc possédait
Frédéric sur les intrigues de lu cour de l'étershourg, con-
lirnièrent hiontAt l'exactitude de cette (i[)préciation et force
lut de reconnaître que, pour l'heure actuelle, il était im-
possible de lutter contre les sentiments hostiles (pie lu Tza-
rine et son entourage professaient a son égard.
Un moment le roi de Prusse crut être plus heureux
auprès de la l*orte. Hexin, son envoyé ù Constantitiople,
tpii de ;oncert avec Porter, le ministre hritannicpie, cher-
chait il gagner la Turquie, avait eu avec le grand Vizir (1)
un entretien secret. Ce dernier avait fait les [)romesses
les plus catégoriques; il s'était engagé à obtenir du Sultan
la signature d'un traité d'alliance avec la Prusse, et l'en-
trée en lice contre l'Impératrice, mais lous la réserve
formelle que la Grande-Bretagne apposerait son sceau au
l)as de la convention, l-a proposition, transmise à Londres,
fait tout d'abord la joie de Newcastle (2) : « Nous avons
une oilre directe du Vizir de Constantinople d'accomplir
tout et plus que nous désirons; il ne f.îit pas les choses à
moitié. » Mais la première satisfaction passée, le cabinet
anglais envisagea les conséquences de la garantie et l'el-
i'ct qu'elle produirait î'i Pétersbourg. Après mûre réflexion,
on décida de s'en tenir à une déclaration verbale, qui ne
laisserait pas de traces; en conséquence Pitt informa {',])
Porter que « S. M. britannique mettrait en œuvre ses bons
ofp es auprès du roi de Prusse pour assurer l'exécution
intégrale des conditions stipulées entre S. M. prussienne
et la Porte. » Une formule aussi vague ne convint pas au
gouvernement turc qui renonça ù, ses projets belliqueux;
et ainsi finit un incident qui avait fort inquiété les cours
(1) Frédéric à Knyphauseii. Landshut, '20 mai 17r>s». Correspondance
palUiquc. .Wni, p. 241.
(2) Newcastle à Hardwiike, Ti mai IT.')». Newcaslle Papers, vol. :v.>89l.
13) PiU à Porter, très secrci, Î2 juin 1759. Newcaslle Papers, vol. 32892.
GUEnRE ns SEI'Ï AN.S. — T. ill. 8
ift
tl'
/(!
m fi.
Ili
i,A (;iJ3:i«UK \y.i skpt ans. — ciiap. iv.
alli«;cs ot donnô lieu i"uJ(^ loii^q-iiosdisserlafions entre l'iun-
l)ussiuleiu' IViinçais <;( le cliaiicelier Kaunit/..
I*'ut-ee risolement dans lequel il se réfugiait depuis la
uiorl de sa suuir hien-aiuiéc, l'insucctVs de ses tentatives
au|>i'ès des nuissaïu'es neutres, ou le découragement en-
gendré par les revers de fin d«! campagne, toujours est-il
<|ue l'i'édéric insista plus <|ue d<î <u)utunu' sur l'obligation
dans la<piell<' il se trouverait de terminer uni? lutte qui
épuisait les rtîssources de son royaume. A la suit»? d'unes
conversation avec le iloi après diner, le 18 mai, Mitchell lit
un rap^port k son chef liiérarcliique Holdernesse et aux
principaux personnages du cabinet, Newcastle et l'ilt. A ses
trois correspondants il l'elate presque dans les mêmes
l'M'mes l 'S propos du Itoi et l'impression (pi'il a ressentie :
« Jamais c(^ prince (1) ne m'a parle «mi langage aussi éner-
gi<pie de la nécessité de l'aire la |»aix; il a affirmé avec
beaucoup de fiaiicbise que c'était un nnracle si les affaires
avaient été si bien jusqu'i'i présent. » Dans la <léi)éclie
adressé(^ à l'itt, on lit «jueUpics <lélails (-2) «pji dévoilent la
pensée intime du souverain : « Vos ininistr(>s peuvent-ils
faire la paix, avait dit Frédéric, h^s circonstances le per-
metti'aient-ellcs encore?» A Mitchell (pii se porte fort des
dispositions conciliantes de son gouvi'rnement, le Hoi de
ré|)li(pier : « .l'espère (jue l'on ne m'oubliera pas », puis se
leprenanl : « Non, je ne cours aucun dang(!r, M. I*itt (!st un
honnête homme; il est ferme; mes intéi'ôts .sont assurés
dans s«vs mains. » (les questions, le soiqx-on «pii les inspire,
la confiance exprimée indiipjent bien la double préoccu-
pation d(i mettre fin h la guerre et de n'être pas la dupe
de son allié dans les négociations qui précéderaicmt la paix.'
Il est superilu de constater (|ue le souci de la politi(]ue
(1) Milchcll à N(>>vrastl*'. I.andshut, 20 mai I7.V.). Noxcastli; l'n|ior8,
vol. 3'2H<JI.
(2) MUcliuli à l'iU. Lamlshul, 20 mai (70'.). iMitchcIi rupors.
ri\
STIUTKGIK DKKKNSIVK I)K KIlKDl'HîC.
115
«;\lt'ri(Mir»; n'(Mn|)(^chji pus Kriklùric <le pivpnmr avec soin
la campafii'iH! (jiii allait s'ouvrir. L'anniM» 1759 se sii,-naIo
|)ai' un chan^^eiin'ut radical dans la sti-atéf^ie loyale : jus-
«lu'alors le roi «le Prusse avail pris l'ollensive contre ses
iiomi)reux ennemis. Kn 175(1, il se rend maître de la Saxe,
entre en Uohôme, et sans la résistanc»; inattendue des
Sa.xons, aurait écrasé les Autrichiens avant (pi'ils n'cnsseut
eu le temps de se; rassembler. Kn 1757, les opérations dé-
hulcnt j)ar l'invasion de la Uohénie, la victoire de Praj^nie
et pai' une poussée (pli n'est arrêtée» (pie par le <lésastre do
Kolin. Au |)riulcnips d<> 175H, Krédéi'ic porte ses arujes en
Moravie, l'ail le siè^-e d'Olmill/. et ne cache pas son inlen-
(iou de poursuivre ses avjintaf^es jusqu'au Danuhe. Kn
I75î>au contraire, peiulanl les premiers mois de la saison
il resti^ sur la défensive, refuse de coopérer A l'attaijue (1)
(pie 1<; prince l'erdinand voudi-ait enti'<'prendre eonire les
{"lançais, et se contente de retarder la marche des Hussck
et des Autrichiens, en détruisant lcu."s -na;.;asins et en
menaçant leurs communications.
A (juel motif faut-il attribuer l'adoptieui d'une mélhode
<(ui semble, iV première vue, si op[)osëe au tempérament
de l'homme et au nénie du capitaine? Kvidemment à l'état
d(î son armée et à l'expérience du passé. La campagne do
1758 ix'avait pas été JieunMise; l'écluîc devant OlmUtz. la
bataille san,:;lante <le Zdrudorf, la surprise d'Ilochkirch,
avai(!nt non s(;ulement coûté au roi de IM'Usse ses meilleurs
soldats, mais lui avaient appris la valeur ^""ran (lissante
(rennemis tenus jus'jiraiors en mince estime. Il faut liro
la longue lettre [i) à Fou(pu^ sur la tacti(pi(î des Autri-
chiens et notamment sur leur emploi (h; l'artillerie, pour
se conv ,incre de l'impression fait(î par les [)ro4;'rès d«^
(1) Fr(^(lfii«; à FcnlinniKi, 14 jaiivicr i7.">9. Corirspottiianci- i>o/ittquf.
XVIII. p. :>2.
{'.>.) l-rédéi'ir à La .Mollo l'oiii|iii>. Ui-llcxions sur i(U(*l(iU('s cliangcinenls
dans la forme iI-î luii(î la guerre, 21 décembre 17r>H.
lift
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. IV.
.1 lll'
l'armée rivale. Au surplus, la nécessité de remplir les vides
dans les régiments suffit pour expliquer l'inaction momen-
tanée des Prussiens. Afin de trouver les 30.000 recrues que
ne pouvaient fournir en totalité les états r(>yaux, il fal-
lait lever de force des contingents dans les pays occupés,
la Saxe, le Mecklembourg, la Poméranie suédoise, les du-
chés d'Anhalt, et ramasser dans toute l'Allemagne et en
Pologne des hommes que la renommée du grand monar-
que, et peut-être encore plus l'appAt d'une prime de
10 thalers, attiraient sous les drapeaux; pour compléter
les corps irréguliers on s'adressait à l'élément déserteur et
prisonnier. Mais si par ces moyens empiriques on recons-
tituait le nombre, il n'en élait pas de même de la qualité
qui laissait fort à désirer; aussi Frédéric, comme plus
tard Napoléon dans les dernières années de son rogne,
cherche-t-il à augmenter son artillerie. Les 130.000 Prus-
siens dont se compose l'armée active en 1759 , trahient
avec eux 580 canons, tunt de parc que de bataillon, soit
une proportion de 4 canons par 1.000 hommes, et malgré
cet appui, Frédéric reconnaît que l'infanterie «abâtardie
par les pertes trop fréquentes, ne doit point être com-
mise à des entreprises difficiles; ce serait la mettre à de
trop grandes épreuves que de la risquer à des attaques qui
demandent une constance et une fermeté inébranlables. »
C'était parler en sage; malheureusement, comme nous le
verrons, la pratique ne répondit pas à la thi'orie.
Vers la lin de l'hiver, les forces du Roi étaient distri-
buées comme suit : En basse Silésie 48.000 hommes sous
ses ordres directs; 20.000 avec Fouqué dans la haute Silé-
sie; 37.000 sous le commandement du prince Henri en
Saxe; enfin les 25.000 des corps de Dohna, Wobersnow
et Platen, opposés aux Russes et aux Suédois. En tenant
compte de la cavalerie détachée à l'armée du prince Ferdi-
nand, des dépôts, des convalescents et des varnisons do
Magdebourg, Stettin, Berlin, Dresde, des places de l'Oder
ÉVALUATION DES FORCES RESPECTIVES.
117
et de la Silésie, on arrive à un total que Mitchell évalue (1)
eu chilles ronds à 200.000 combattants. D'après l'envoyé
i)ritannique, ces troupes, surtout la cavalerie, étaient en
très bon état, et contrastaient favorablement, au point de
vue de la discipline, du physique et de la tenue, avec
l'armée qui avait pris part à la campagne de 1758.
Aux masses prussiennes, comparons celles des puissances
alliées directement engagées contre elles. Les Autrichiens
avaient en ligne environ (2) 1 GO. 000 baïonnettes et sa-
bres, répartis de la manière suivante : Sur les confins de la
Bohème et de la Silésie 92.000 combattants sous les ordres
de Daun et de ses lieutenants Laudon, Beck et Harsch.
Dans la haute Silésie, De Ville tenait tête à Fouqué avec
30.000 hommes. La frontière de Saxe était gardée par
les 17.000 soldats de (icnimingen et d'Arenberg. Enfin, le
duc de Deux-Ponts couvrait la Franconie et la Thuringe
avec 20.000 Autrichiens et à peu près autant de troupes des
Cercles. Les Russes, qui n'avaient pas dépassé la Vistule,
pouvaien' être évalués à OO.OOO de toutes armes, dont une
bonne partie en arrière ; enfin les Suédois, à peine 12.000
en nombre, étaient encore enfermés û Stralsund et dans
l'ile de Rugen. En résumé, quand tout le monde serait
dans le rang, les alliés auraient à leur service un effectif de
250.000 soldats, pour combattre les 130.000 du Roi.
Au cours du printemps, en fait d'événements militaires,
à signaler l'incursion du prince Henri en Bohême, la des-
trrction des magasins autrichiens et la marche victo-
rieuse contre l'armée de Deux-l*onts. Une opération du
même genre fut confiée à Wobersnow : ce général pénétra
eu Pologne, et, sans s».uci d'une neutralité d'ailleurs assez
mal observée, débuta par l'enlèvement du prince Sulkow-
sky, (jui avait la réputation d'être inféodé ;Y la cause
(t) Mitclioll i\ Holdernesse. Landshut, i mai 1759. Musée hrilaiiniquc.
(2) Répartition des troupes aulricliiennes, 6 mai 17r)9. Archives de la Guerre,-
vol. 3515.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CîiAP. IV.
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autrichienne; le chAteau de ce seigneur fut cerné, lui-
môme fut interné k (llogau et sa petite troupe incorporée
dans l'armée prussienne. Après ce coup d'intimidation, les
soldats de Wobersnow parcoururent la Posnanie, s'empa-
rèrent sans coup férir des approvisionnements de vivres
et de fourrages que l'intendance russe avait réunis pour
les opérations futures, et détruisirent tout ce qu'ils ne
purent pas emporter. Du côté autrichien, le général Beck
se distingua en capturant la ville de Greifenberg et en
faisant prisonnier le bataillon qui y tenait garnison.
Entre temps, la mobilisation s'eil'ectuait de part et d'au-
tre, et vers la fin de mars, les armées prussiennes et au-
trichiennes étaient en présence sur les frontières de la
Silésie et de la Saxe. Néanmoins, l'inaction se prolongea
pendant les mois d'avril, de mai et une partie de juin.
Les Autrichiens attendaient l'entrée en ligne des Russes,
auxquels il fallait laisser le temps d'arriver sur l'Oder.
Dès le mois de janvier, des pourparlers s'étaient noués
à Saint-Pétersbourg (1) pour régler et imposer aux géné-
raux la coopération qui avait si complètement fait défaut
dans la campagne précédente. Après quatre mois de cor-
respondance et de conversation, on se mit d'accord pour
désigner les rives de l'Oder, entre Breslau et Glogau,
comme point de réunion, et le 18 juillet comme date de
la rencontre probable des doux armées. Kaunitz, au cou-
rant de mai, écrivit à Ferniur, commandant en chef des
Russes, une lettre où il insistait sur la nécessité de mettre
ses troupes en marche en temps utile, en sorte que le pre-
mier échelon, dont l'effectif avait été fixé à 30.000 hom-
mes, fût rendu à Posen pour la fin de mai, et que le reste
suivit sans retard. Fermor répondit, le 16 mai, que son
(1) Trolha, Riissisclie Œsicrcicliisclie h'ooperntion iin Feidzugc 17 '>U,
Hannover, 1888, donne des extraits et l'analyse de la correspondance échan-
gée entre les camps russe et autrichien pendant la campagne.
COOPÉRATION DES RUSSES ET DES AUTRICHIENS.
119
mouvement commencerait à la date du 21 et qu'il en avi-
sait le maréchal Daun.
Ce dernier avait quitté Vienne le 26 mars pour prendre
le commandement de la graude armée impériale ; malgré
le peu de résultat de la dernière campagne, il avait con-
servé le nrestige que lui avaient valu ses victoires de Ko-
lin et Hochkirch ; aussi son départ fut-il annoncé par des
odes où ses futurs exploits étaient célébrés en vers dont le
fond et là forme, s'il faut s'en rapporter à la traduction
envoyée par Boyer à son ministre, étaient aussi ridicules
que médiocres :
« Daim court a» combat ;
« Berlin en frémit;
« Ij'Allemagne endormie se réveille au bruit des armes ;
« La Moldau s'en réjouit, l'Oder en tremble, etc., etc.. »
A son quartier général en liohèmc, le feld-maréchal
reçut communication de l'arrangement des deux cours
par l'entremise du général Tillier, qui avait représenté le
gouvernement de Marie-Thérèse dans les conférences de
Pétersbourg. A la suite de réflexions qui durèrent quelques
jours, Daun proposa par l'intermédiaire de l'attaché russe,
le général Springer, do substituer comme point de jonc-
tion et de traversée de l'Oder, la localité de Crossen ù celle
de Glogau que suggéraient les Russes. Springer alla sou-
mettre cette modification à Fermor qu'il trouva en marche
sur Posen. Le général russe ne voulut pas accepter Cros-
sen, et, à titre de compromis, mit en avant le village de
Karolath, situé à 23 kilomètres en aval de Clogau; quant
à passer le fleuve avant l'arrivée des Autrichiens, il s'y
refusait absolument; tout au plus s'engagerait-il à les at-
tendre pendant dix jours sur la rive droite. Springer, <[ui
revint avec cette réponse au camp impérial, rencontra de
la part de Daun de vives objections aux réserves de Fer-
mor. De là, entre les deux généraux, un nouvel échange
msBsamam
120
LA GUERRE DE SEPT ANS. — ClIAP. IV.
de lettres qui n'eut d'autre ellct que d'envenimer le dé-
bat, à en juger pnr la dépêche de Fermor (1) à la Tzarine :
« Daun soulève difliculté apros difficulté et s'ell'orce de
faire porter sur l'armée russe tout le poids de la campagne
qui va s'ouvrir; il cherche des motifs pour excuser son
manquement probable au rendez-vous sur l'Oder ». Fort
heureusement pour l'enlente cordiale, les deux cabinets
mirent fin à la controverse, celui de Vienne en invitant
Daun à commencer les opérations, celui de Pétersbourg en
envoyant à son général des instructions détaillées sur le
rôle à jouer vis-à-vis de son collègue autrichien. Le res-
crit impérial, qui était daté du iï juin (2), ne tranche
pas les questions débattues et se borne à poser des hypo-
thèses successives et à conseiller des solutions pour cha-
cune d'elles. En cas de réunion des deux armées, quoique
les Russes ne fussent pas subordonnés à Daun , Fermor se
conduirait à l'égard du maréchal avec le respect et avec
la loyauté qui sied à l'alliance, il se conformerait à ses
avis, « non comme à des ordres, mais à titre de complai-
sance et déférence »; toutefois, cette condescendance ne
s'étendrait pas au cas où il serait exigé des troupes des
efforts au-dessus de leurs forces, ou à celui où elles seraient
exposées à un danger imminent; enfin, l'armée russe ne
devait pas s'éloigner de l'Oder de plus de trois journées
de route. En résumé, en dépit de toutes les précautions
prises et du désir évident d'accord dont les gouvernements
s'étaient inspirés , l'application de ces bonnes dispositions
allait dépendre des incidents de la guerre et plus encore
du caractère, du talent et du tempérament des comman-
dants en chef.
D'après le plan concerté, Daun ne devait entreprendre
son mouvement que quand il serait assuré de la présence
des Russes à Poson; aussi, préoccupé avant tout de la
(\) Fermor à Elisabeth, 16 juin 1759. Trollia, p. 14.
Cl) Instructions de la conférence pour le général en chef. Trolha, p. 15.
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INCURSION DU PRINCE HENRI EN BOHÊME.
121
coopération, ne se laissa-t-il pas troubler par les incursions
du prince Henri en Hohôme et contre l'armée des Cercles.
(Cependant, la première avait eu des suites fAcheuses pour
les Autrichiens; le prince Henri avait passé la frontière le
15 avril, détruit les magasins d'Aussig, Lowosilz et Leit-
meritz, iirùlé 150 bateaux i'jv l'Elbe ainsi que les ponts de
l'Eger, battu les avant-postes impériaux, fait prisonnier le
général Renard et 2.000 hommes, jeté l'alarme jusque sous
les murs de Prague, et était revenu en Saxe le 23 avril
après avoir infligé aux Autrichiens une perte que ceux-ci
évaluèrent (1) à plus de six millions de florins. Quant à
l'expédition des Prussiens contre l'armée des Cercles ra-
contée dans un chapitre précédent, il est inutile d'eu ré-
péter l'heureuse issue; elle détermina l'envoi de Vehla en
Lusace avec une faible division, et la diversion plus im-
portante de Gemmingen sur le territoire de la Saxe; elle
eut également pour conséquence le rappel de Hadick avec
le gros des troupes autrichiennes détachées sous les ordres
du duc de Deux-Ponts. Pendant ces événements, Daun de-
meura impassible dans son camp de Schurtz.
De son côté, le roi de Prusse ne bougea pas de son quar-
tier général de Landshut, si ce n'est pour prêter son con-
cours à Fouqué contre le général de Ville dans un coup de
main que ce dernier évita en rentrant en Bohême. Tou-
tefois, il fallait songer aux Russes, qui, malgré les len-
teurs inhérentes à leur organisation défectueuse et les
retards dus à la destruction de leurs magasins, se rassem-
blaient sur la Vistulc. ManteufFel, qui avait remplacé pro-
visoirement Dohna malade et en congé, reçut ordre de
confier la surveillance des Suédois à son lieutenant Kleist,
avec 5.000 hommes, et de marcher avec le reste vers Star-
gard. A cette époque, le Roi ne croyait pas (2) à la jonc-
(1) Boyer à Choiseul, 11 juin 1759. Aflaires Étrangères. Aulriilie.
('2) Frédéric à Manlcuffel. Landshut, 16 mai 1759. Correspondance j)oli-
lique. XVIII, 223.
122
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
tion des Husses et de Daim; à ces premiers il attribuait
l'intention d'employer au siège de Colberg une partie de
leurs forces et d'envahir le Brandebourg avec l'autre.
Dans le doute, Manteuffel eut pour instruction de se com-
porter d'après les progrès de l'ennemi, et de prendre en
attendant une position d'observation. Son corps d'armée
serait renforcé par une division de 10 bataillons et par
deux régiments de cavalerie, que lui enverrait le prince
Henri, aussitôt qu'il serait revenu de son raid en Franconie.
A Vienne, on était plein d'espoir dans la coopération des
alliés. Montazet, de retour dans la capitale, fait part (1)
à Belleisle de ses impressions, ci .e fois optimistes : « Le
plan de la dernière campagne doit être la base de celui-
ci, avec la dillérence que nous éviterons, à ce que j'es-
père, les fautes que nous avons faites l'année dernière, et
(pie le roi de Prusse sera obligé de faire les mêmes mou-
vements. Nous aurons de plus l'avantage d'avoir sur l'Elbe
le corps du général Hadick qui sera entièrement aux or-
dres de M. le marécbal Daun, et beaucoup plus en état de
faire de bonne besogne que ne l'était l'armée de l'Em-
pire l'année dernière. D'un autre côté, les Suédois feront
sans doute pour le moins ce qu'ils ont fait la campagne
passée, et obligeront le .'oi de Prusse à avoir un corps vis-
à-vis d'eux, de façon i[uc si nous manœuvrons comme il me
semble qu'on le veut ici, et que d'un autre côté les Russes
y aillent bon jeu, bon argent, comme on en est persuadé,
nous pourrons embarrasser le roi de Prusse, et je ne déses-
père pas que Berlin ne paye l'incendie de la Bohême. Ce
ne serait pas à la vérité un grand événement, mais avec
un ennemi comme celui que nous avons, il faut faire tout
le mal qu'on peut.... M. de Tillier, homme d'esprit et of-
ficier de distinction, qui a été à Pétersbourg, poui arran-
(1
(1) Montazet à Belloisle. Vienne, 27 mai 1759. Archives de la Guerre,
vol. 3.J16.
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ENTRÉE EN CAMPAGNE DES lU'SSKS.
123
gcr le plan de campagne, et qui n'avait nulle confiance
aux Russes, m'a assuré que leur armée serait de soixante
mille hommes, en bon état, et qu'il ne doutait point qu'elle
n'exécutât le plan projeté. L'assurance que m'en a donne
cet officier et sa confiance me font d'autant plus de plaisir,
que j'étais bien éloigne de croire qu'on piU tirer un grand
parti de cette armée. »
Hientôt les faits parurent justifier cette appréciation :
IJoisgelin , qui remplissait les fonctions d'attaché militaire
auprès de Daun, annonçait (1) l'arrivée au camp de Schurtz
d'un officier envoyé par Fermor, avec l'avis que la pre-
mière division moscovite serait à Posen le 1" juin, et que
toute l'armée y serait concentrée vers le 15 de ce mois.
Entre temps Monlazet avait rallié le quartier général, et
aussitôt le contact repris, adressait (2) son rapport au mi-
nistre : On était en correspondance avec le camp russe,
mais la discussion, encore ouverte sur le point de jonction
et sur la manière dont elle serait etl'ectuée empochait de
s'arrêter à un parti ferme. « M. de Daun n'en sait pas plus
aujourd'hui qu'au commencement de la campagne. » Dans
son embaTas il avait expédié le général de Lascy prendre
langue à Vienne. Quant au roi de Prusse, il semblait bien
décidé A ne pas sortir de l'attitude défensive qu'il avait
adoptée ; il augmentait son artillerie dont il venait d'or-
ganiser une batterie k cheval; « il préside lui-môme tous
les jours à ce nouvel exercice dont nous verrons sans doute
quelque échantillon avant de nous quitter. »
Avant d'entamer le récit de la campagne, il convient de
dire quelques mots des mouvements des Russes, et du
changement aussi brusque qu'inattendu de leur général
en chef, à la veille de la rencontre avec l'ennemi. Comme
II
(1) Boisgeliii à Belleislc. Schurtz, 1" juin l'.VJ. Archives de la Guerre,
vol. 3517.
(2) Monlazet à Belleislc. Scburlz, 15 juin 1759. Archives de la Guerre,
vol. S517.
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124
LA r.UERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. IV,
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d'habitiulo, les débuts avaient été difficiles. L'attaché
français Mesnager, mal disposé d'ailleurs pour Fernior,
voit (t) tout en noir. (( La jalousie et les cabales régnent
toujours entre les généraux, il y en a fort peu sur lesquels
on peut compter ; la perte des uns et la retraite forcée des
autres a donné lieu à une promotion qui ne se peut expri-
mer; en deux ans des lieutenants sont devenus brigadiers.
Tous les aides de camp, les employés dans les vivres ou
la secrétairoric, enfin, tous ceux qui ont accompagné le
général à la bataille sont colonels ou lieutenants-colo-
nels; la plus grande partie n'a pas les éléments du ser-
vice. Cependant l'armée entre en campagne; ce n'est à. la
vérité qu'une feinte que le passage de la Vistule, car cer-
tainement l'on y restera encore plus de six semaines. Le
fourrage manque absolument, la cavalerie et les chevaux
d'équipage sont ruinés avant de marcher à l'ennemi, les
munitions ne sont point arrivées, les réparations des régi-
ments ne sont pas faites, la grosse artillerie qu'on m'as-
sure être bien peu de chose, est encore à Memel; et la
seconde division n'a commencé à défiler de Riga qu'au
commencement d'avril. »
Le général en chef, allemand d'origine, luthérien de
religion, était jalousé des officiers et n'avait pas la con-
fiance du soldat, dont il s'occupait peu. Cet état de choses
était si connu, et le bruit de ses démêlés avec ses lieute-
nants si répandu dans le public, que Frédéric s'imagina
qu'il pourrait renouveler auprès de lui les tentatives de
corruption qu'il avait naguère employées avec le chance-
lier Bestuchew. A cet effet (2), un officier suisse au ser-
vice hollandais, désigné par le prince Louis de Bruns-
wick, fut chargé d'une mission délicate; il demanderait
m '.'1
(1) Mpsnaser à Belleisle. Marienwerder, 29 avril 1759. Archives de la Guerre,
3.) 14.
(2) Frédéric à Heciit. Ureslau, 21 mars 1759. Instructions caclielées. Cor-
n'spondanci- poli lique, Wlll, 120. , ;. ,
l'Ui
i-i- 1
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nOIINA MARCHE CONTRK LES RUSSES.
12.'i
une pince diuis rétat-mnjor <lo l'crmor et cliorchorait à
s'y faii'(« ayrcer. S'il réussissait lï établir des rapports inti-
mes avec ce général, il était autorisé à lui offrir, soit une
somme de 100.000 écus, soit le grade de feld-maréclial dans
l'armée prussienne, avecun** pension de 10 à 12.000 écus.
En paiement de ces avantages, le roi de l'russc serait in-
formé par l'intermédiaire de son émissaire, en temps utile,
(( de tout ce que les troupes de Uussie voudront entrepren-
dre. » Le mandataire n'oblint pas la permission sollicitée,
et n'eut pas par conséquent l'occasion de faire ù l'ermor
les oll'res dont il était porteur; l'eùt-il pu, rien dans la
conduite de co dernier, ne permet de supposer qu'il eiU
consenti il jouer le rcMe de traître.
Quoiqu'il fiU déjà question en haut lieu de sou rempla-
cement, Fernior présida aux opérations initiales de l'ar-
mée russe, et échangea avec Oaun les premières corres-
pondances au sujet de la jonctiju avec les Autrichiens.
Vers la mi-juin, le quartier général, l'avant- garde de
Mordwinow et le corps d'observation étaient à Posen, la
première divi.sion à llszes, sur la Netze, et la seconde à
Nakel, en tout 71 bataillons, .'{6 escadrons, 6 à 7.000 co-
saques ou irréguliers et 92 canons de gros calibre, soit
50 à 55.000 combattants. A la défense de la Prusse royale
et de la ligne de la Vistule, étaient affectés 8 régiments
d'infanterie ù effectifs incomplets, quelques escadrons do
cavalerie régulière et quelques sotnias de Cosaques sous
les ordres du général Frolow Bargrejew, qui succédait
îl Rumjanzew, nommé à la tète d'une division de l'armée
active. Ces troupes furent renforcées au cours de l'été,
mais ne participèrent pas aux événements de la cam-
pagne.
Pendant que les Russes effectuaient leur marche de la
Vistule à Posen et à la Netze, le général Dohna, qui avait
repris le commandement de son corps, avait débouché de
Stargard et s'était dirigé sur Lansberg, où il séjourna du
136
LA GUKHRK l)K SEPT ANS.
(IIAP. IV.
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12 au 23 juin. Si au lieu de perdre ainsi dix Jours il se
fût rendu directement sur Posen, il aurait pu infliger aux
20.000 Ilusses qui y étaient un écliec dont l'ellet eiU été
considérable pour la suite des hostilités. Kermor profita
du répit pour appeler k lui ses deux divisions encore en
arrière, et pour concentrer son armée qui se trouva réunie
k Posen le 2!) juin. De son côté, Dolma avait été rejoint
[lar le f^énéral llulsen avec les 10.000 hommes (10 ba-
taillons et 22 escadrons) détachés de l'armée du prince
Henri, et voyait ainsi ses effectifs portés à environ 28.000
fusils et sabres; il prit le 30, à Klein (Joslin, une position
qui lui permettait de menacer la lifine de ravitaillement
des Russes. Aussitôt qu'il eut connaissance de l'approche
des Prussiens de Dohna, Femor dépécha le 20 juin un
courrier il Daun, pour l'informer que l'attaque h laquelle
il était exposé le forçait de suspendre sa marche vers
l'Oder.
Presque à la môme date, jour pour jour, la grande armée
autrichienne avait commencé son mouvement; conformé-
ment aux ordres que Fiascy avait rapportés de Vienne, le
feld-maréchal venait de faire un pas en avant. Le 28 juin,
il quitta Schurtz où il était depuis si longtemps, laissant
aux généraux Harsch et de Ville le soin de couvrir la
Bohême avec 35.000 hommes; le G juillet, il s'établit dans
un camp avantageusement situé à Cerlachsheim, près de
Mark Lissa, sur la Queiss. A cette éj-oque, lladik, qui avait
été rappelé de l'armée de Deux-Ponts, s'apprêtait à fran-
chir l'Elbe, près de Toplitz; Wehla occupait Gcirlitz et
Lobau en Lusace, et (îemmingen surveillait le prince Henri
sur la frontière de la Saxe. Le 8 juillet, Daun convoqua un
conseil de guerre, et proposa de faire avancer l'armée au
delà de la Queiss ; malgré l'opposition de presque tous les
assistants, il allait exécuter son projet, quand une dépêche
de Fermer et les renseignements verbaux d'un de ses offi-
ciers, le marquis de Botta, qui rentrait d'une mission au
FEKMOH HEMPLACÉ PAR SOLTIKOFF.
127
quartier général russe, !«' firent chnnper d'avis. Hotta avait
eu une entrevue avec Soltikofl', le rempla<;ant de Fermor;
le nouveau général en chef informait son collègue autri-
cliieu « qu'il avait été obligé (1) de faire repasser la War-
tlia aux troupes qui étaient sur la rive gauche de cette ri-
vière, et de se fortifier dans une position sur la rive droite,
les Prussiens étant h portée de lui du môme cAté. Il ajoute
(ju'il va envoyer un gros détachement sur l'ennepii, pour
savoir vérilablement (jueiles sont ses forces et la fa(;on
dont il est campé, et que, lorsque tout sera disposé pour le
mieux, il lui (à Daun) en fera part afin de suivre le plan
projeté. » Les appréciations de l'Autrichien, flatteuses pour
l'armée moscovite, ne le sont guère pour leur chef: « M. de
itotta a trouvé l'armée russe, on ne peut pas plus belle.
Klle a une quantité prodigieuse de canons; s'il a rapporté
une bonne idée des troupes, il n'est pas trop bien prévenu
en faveur de M. de SoltikofT. 11 en a jugé le jour que les
l'russiens se montrèrent auprès de Posen, au nombre de
10.000 hommes, ce qui porta la plus grande confusion
dans le camp des Russes; et, malgré cela, ce général ne
se montra nulle part. Ce fut M. de Fermor qui fit toutes les
dispositions et qui tAcha de remettre l'ordre, de façon que
M. (le Botta a beaucoup meilleure opinion de M. de
Fermor que de M, de Soltikoif. » Et Montazet de conclure :
« Que devons-nous donc espérer de cette armée, si ce n'est
qu'elle occupe 30 ou 40.000 Prussiens toute la campagne?
et je trouve que ce sera beaucoup faire à elle, si elle rem-
plit cet objet jusqu'à la lin d'octobre sans recevoir d'é-
chec. 1)
A partir du 30 juin en effet, Fermor avait cessé d'exercer
le commandement suprême qu'il céda à Soltikoff, tout en
consentant à servir sous lui, et à lui prêter l'aide de son
(1) Montazet à Uclleisle. Gerlachsclieirn, î» juillet 1759. Archives de la Guerre,
3518.
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128
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CUAP. IV.
U ; ,
expérience et de ses conseils. Le nouveau commandant en
chef, Agé de 60 ans, encore très actif, sans grande expé-
rience de la guerre, devait sa nomination à la faveur dont
il jouissait à la cour; Kusse de la vieille école, orthodoxe
fervent, simple dans ses rapports, il sut gagner l'estime du
soldat et obtenir le concours obéissant de ses généraux.
Mesnager (1) fait son éloge : « Il se peut qu'il ne réunisse
pas toutes les qualités d'un général, mais il est heureux,
aifable, désire l'union, et s'il n'avait pas les mains liées par
ses instruclions, je crois qu'il entreprendrait volontiers. »
Sur le champ de bataiMe, Soltikolï' montra peut-être plus
de coup d'oeil que son prédécesseur, mais dans la conduite
générale des opérations, nous le verrons aussi timide,
aussi hésitant que lui.
Ce changement inattendu n'était pas de nature à aug-
menter la confiance déjà ébranlée des Autrichiens; aussi
Montazet, qui évidemment dans l'espèce est l'interprète de
la pensée de l'état-major impérial, ne croit pas à la coo-
pération efficace des alliés et préférerait laisser à chacun
son initiative. Telle devait être aussi la manière de voir
de Daun. Il venait d'apprendre par Botta (2) que les Rus-
ses n'étaient pas en état de faire campagne ; leur parc d'ar-
tillerie était encore en arrière, leur service do commis-
sariat très imparfait, et il sci'ait imprudent de compter
sur leur arrivée aux bords de l'Oder il la date indiquée.
Ces impressions répétées devant Springer et rapportées
aussitôt à Soltikoff, donnèrent lieu à de vives protesta-
tions (3) de la part de ce dernier. Il affirma derechef
son intention de remplir exactement le programme de
campagne concerté entre les deux cours, cita, comme
(1) Mesnager à Uelleisle. Fiancfoit, ) août IT.V.i. Ardiives de la Guerre,
3520.
(2) Rapport de Springer, 10 juillet i'V). Masslowski, III. Pièces annexes.
(3) Réponse de Sollikoff au rapport de Springer. Masslowski, III. Pièces
annexes.
i(i
FUÉDKRIC ET DAUN VIS-A-VIS LUN DK L'AUTRE.
129
preuve à l'appui, le mouvement sur 01)ornik qu'il venait
d'accomplir, et termina en se plaignant amèrement de
l'inaction des Autrichiens. Des récriminations pareilles
n'étaient pas de bon augure pour l'entente loyale des
deux armées. ; ,
Nous avons laissé Frédéric aux environs de Landshut,
attendant avec impatience les résultats des opérations de
Dohna, auquel il avait adjoint Wobersnow en guise de
conseiller. La nouvelle de la concentration des Russes à
Posen fut pour lui une grosse déception, aussi reproche-î il
à ses deux lieutenants, en termes vifs, la lenteur de leur
manœuvre. « Uohna, écrit-il au prince Henri (1), au lieu
d'exécuter son entreprise avec célérité, a rampé comme une
tortue pour avancer. Il est parti de Landsherg le 23 juin,
et il était le 29 à 5 milles de là; toute sa marche n'a
été que de 12 milles. Cette lenteur et le peu de précaution
qu'il a pris pour cacher sa marche, a donné à Fermor le
temps de joindre ses corps ». Le 5 juillet, l'armée royale
déboucha de Landshut où elle fut remplacée par Fouqué.
Il n'y avait plus de doute : Daun combinait ses mouve-
ments avec ceux des Russes, et cherchait une réunion à
laquelle il fallait à tout prix mettre obstacle. « La grande
allaire, mande le Roi à son frère (2), est d'empêcher (len-
nemi) d'envoyer du secours aux Russes par la Lusace,
ou de l'obliger de couvrir ses magasins de Zittau et de
(label, pour que toute sa force ne me tombe pas sur le
corps; mon camp est à un mille et demi de Lauban,
à un demi-mille de Greifenberg, et environ à un mille et
demi de Lœwcnberg; ma position est bonne et avanta-
geuse. Daun est encore àMarklissa; Laudon a marché au-
jourd'hui, les uns disent à Lauban, les autres vers Seiden-
(1) Frédéric à Henri. Rpich-IIfiiinorsdorf, 5 juillet 1739, Correspondance
puUliquc, XVIII, p. 357.
(2) Frédéric à Henri. Schmollseifen, 10 juillet 175'J. Correspondance poli-
tique, XVUI, p. 390.
CUEUnS DE SEPT ANS. — T. 111. 9
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^. Il
130
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
r<
herg ». En conséquence, le Roi demande au prince Henri
de se porter sur Bautzen et d'occuper Weissenberg-.
Jusqu'au 29 juillet, c'est-A-dirc pendant quinze jours,
Frédéric resta à Schiaottseifen, en face des Autrichiens
qui l'avaient suivi et qui étaient employés comme de cou-
tume à, se retrancher. « Daun, écrit-il à son frère (1), établit
des batteries, comme s'il voulait nous battre en brèche;
cela devient fol à force d'être outré. » Si le Roi ne pensait
pas à assaillir son adversaire, ce dernier était encore moins
disposé à tAter le camp prussien, dont remplacement
avait été admirablement choisi, et dont on pouvait dire
que « la nature s'était complue à faire une place de
guerre d'un terrain qui ne devait être qu'un champ la-
bouré. >y
Pendant que les commandants en chef se surveillaient
l'un l'autre sans en venir à une rencontre, au delà de l'O-
der, et sur les rives de la Wartha, il y avait eu une succes-
sion de marches et de contre-marches exécutées par l'ar-
mée de Dohna et par celle des Russes. Wobersnovv qui
commandait lavant-garde prussienne, après une recon-
naissance où il s'assura que toutes les forces de SoltikoU'
étaient concentrées à Posen, dut renoncer à une attaque
qui ne présentait aucane chance de succès. Dohna, avec
le gros, se porta sur la Wartha, aux environs d'Obornik,
dans l'espoir que les Russes, pour recouvrer leurs commu-
nications avec les places de la Vistule, abandonneraient leur
position actuelle. Cette attente fut trompée; le 7 juillet,
Soitikolf déboucha de Posen où il laissa ses gros bagages,
et couvert par un rideau de cosaques, gagna Tarnowo et
Winskowice, où il se trouvait plus rapproché de l'Oder que
son adversaire. Kn agissant ainsi, et en sacrifiant pour le
moment sa base de ravitaillement, le général russe prouvait
(I) Frédéric à Henri. Sclimoltseiren, IC juillet 17.1!). Correspondance poli-
tique, XVIII, |i. i07.
'■■M
LES RUSSES MARCHENT VERS LODER.
131
o et
que
|ur le
lu V ait
poli-
qu'il avait à cœur de remplir le programme convenu et de
donner la main aux Autrichiens. Il persévéra dans cette
ligne de conduite, et admirablement secondé par ses cosa-
ques groupés sous la direction de Todlebcn, déjoua les
manœuvres de l'adversaire et franchitle 20 juillet à Golt-
zen la frontière du Brandebourg. Entre temps Dohna, fort
gêné i)ar le manque de farine, qu'il ne pouvait obtenir des
Polonais sans des mesures de rigueur interdites dans un
pays neutre, avait perdu beaucoup de temps à transporter
ou à reconstruire ses fours ; puis, de plus en plus préoc-
cupé de la jonction qu'il avait ordre d'empêcher, avait
marché le 21 de Schwiebus il Zullichau, d'où il chassa un
détachement russe qui s'y était installé la veille. Le len-
demain, l'arrivée du général Wedell, muni de pouvoirs
extraordinaires pour le remplacer à la tête de l'armée,
mit fin à ses embarras.
Dans ses opérations en Posnanie, Dohna semble avoir
manqué de célérité et de décision; il laissa échapper des
occasions favorables d'engager l'ennemi et ne sut pas in-
terdire à SoltikofF l'approche de l'Oder. Wobersnow par-
tagea les erreurs de son chef, ou n'eut pas assez de crédit
pour 1ns prévenir. Frédéric, selon sou habitude, ne dis-
sinv; !);>s son mécontentement; une lettre à Wobers-
n V fcine du bhVme le plus sévère, se termine par
ces mol Votre campagne de Pologne mériterait d'être
imprimée comme exemple éternel des partis qu'un offi-
cier judicieux ne doit pas prendre. Vous avez fait toutes
les sottises qu'on peut faire à la guerre, et pas la moin-
dre chose qu'un homme avisé puisse approuver. » Quant à
Dohna, il reçut de son maître (2) le billet caractéristique
suivant : « Vous êtes trop malade pour vous charger du
(1; Frédéric à Wobersnow. Scliinollseifen, 19 juillet 1759. Correspondance
pitlHique. XVUI, p. 492.
(2) Frédéric à Dohna. Sciimollscifen, 20 juillet 17b9. Cortcxpondance
politique, XVllI, \\. 425.
132
L.\ GUERRE DE SEPT ANS. - CIIAP. IV.
commandement. Vous ferez bien de vous faire transporter
ou à lierlin, ou dans un endroit où vous pourrez remettre
votre santé. Adieu. » Avouons que si le ton méprisant et
brutal que Frédéric assumait à l'égard de ses généraux
malheureux ou incapables prête à la critique, ce genre
de procédés était plus fertile en résultats que celui des
compliments de condoléance adressés par la cour de Ver-
sailles aux uns, ou de l'indulgence bienveillante dont elle
savait couvrir les fautes des autres.
WedcU, le nouveau général de l'armée prussienne,
moins ancien de grade que qu'^lques collègues placés sous
ses ordres, avait reçu une commission le désignant comme
représentant du Roi, devant être auprès des troupes « ce
qu'un dictateur a été du temps des Romains.. » Ses instruc-
tions (1) lui enjoignaient d'arrêterles ennemis en choisis-
sant une bonne position, de les attaquer ensuite « à la ma-
nière du Roi, d'exiger de tous du zèle et de l'obéissance,
de faire passer au conseil de guerre tout officier qui com-
mettrait des lâchetés. »
Comme le démontrent des expériences multiples, le
remplacement d'un chef même médiocre, à la veille d'une
affaire, ne fut pas un avantage pour les Prussiens; Wedell,
il est vrai, avait signalé son arrivée par un petit succès,
en lan(;ant l'escorte de cavalerie venue à sa rencontre
contre les fourrageurs ennemis, et en leur prenant ou tuant
;{00 hommes; mais il n'eut le temps ni d'étudier le pays
ni de se rendre compte des projets de l'ennemi. Les Russes
profitèrent de la circonstance : Soltikofï, après une ins-
pection des lignes prussiennes, se décida à les tourner par
leur gauche; à cet efl'et, il mit son armée en branle et
bivouaqua avec le gros près de Ruckow et Tavant-garde
entre Schonborn et Nickern; le 2;J juillet, au petit jour il
continua le mouvement. Un témoin oculaire, le major russe
(1) InsUiiclions f/our Wedell. Correspondance politiqyr, XVIII, p. 424.
Ih
CHAMP DE BATAILLE DE PALT/JG.
133
de Tcttau, fait (1; des incidents de la matinée la descrip-
tion suivante : « Toute l'armée, excepté les k régiments,
sous les ordres du lieutenant général MordwinoU',... arri-
vait durant la nuit, et les deux chefs, ayant encore reconnu
si l'ennemi n'avait pas changé sa position, nous firent faire
un quart de conversion à droite et marcher le long des
montagnes, jusqu'au village de Paltzig, en deçà duquel l'on
s'arrêta, et ayant remarqué que l'ennemi marchait aussi
sur le penchant des montagnes opposées, on fit placer
quelque artillerie sur une hauteur devant notre droite,
d'où l'on incommodait sa cavalerie qui couvrait ses co-
lonnes. »
Les deux armées étaient séparées par un vallon maré-
cageux d'une largeur variant de 300 à 600 mètres, dans
lequel un petit affluent de l'Oder élargit de temps en temps
son cours, pour former des étangs ou retenues d'eau ali-
mentant les moulins de la contrée. Sur ce ruisseau, se suc-
cédaient les ponts du village de Nickern, de la Eichmiilile,
du village de Glogsen et de la lleidemuhle, ce dernier ser-
vant à la grande route de Posen à ZuUichau et Crossen. Au
nord, et sur la rive droite, s'élève entre le cours d'eau
et les chaumières de Paltzig la chaîne des hauteurs dont
parle Tettau. Ce fut sur ces mamelons que les généraux
russes rangèrent leurs troupes, quand ils eurent deviné
les inteniions offensives des Prussiens. La première divi-
sion, dont Fermor avait pris le commandement depuis
son. remplacement dans les fonctions de général en chef,
composait la droite; elle s'appuyait sur la route de Cros-
sen défendue par une batterie et un fossé que Fermor y
avait fait creuser; 2 régiments étaient repliés en équerrc,
parallèlement à la chaussée. La deuxième division, celle
de Villebois, s'alignait au centre devant le village de Pal-
(1) Journal des campagnes de 1758-60; Major v. TeUau. Archives de l'K-
lalniajor général, Uerlin, XXVII n" "1
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134
LA r.UERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
tzig; enfin le corps d'observation, sous le prince Galitzin,
formait la gauche et surveillait les abords de Nickcrn.
L'infanterie de la droite et du centre était en deu.\ lignes,
celle de la gauche en une seule; la cavalerie était sur les
ailes ou dans les intervalles; la grosse artillerie était ré-
partie en 8 groupes sui* le front de bataille. Déduction
faite de la garnison de Posen et des deu.x brigades Fast
et iMordwinow, laissées k Goltzen pour la garde des ba-
gages, ou en marche pour rejoindre, l'armée de Soltikofl"
comptait 'jV bataillons, 3'+ escadrons, 7 à. 8.000 cosaques
et irréguliers et 186 canons, y compris les pièces des régi-
ments, soit environ 46.000 combattants (1) dont 3'i..000
fantassins. A ce," forces, les Prussiens étaient à môme d'op-
poser 30 bataillons et 67 escadrons, soit près de 30.000 ef-
fectifs, dont 20.000 infanterie; en artillerie ils étaient très
inférieurs aux Russes,
Wcdell commença la matinée du 23 juillet par une re-
connaissance, pour laquelle il se fit accompagner de deux
régiments de dragons, de tous ses hussards et de quelque
infantei'ie; il parait ne pas s'être douté du proche voisi-
nage de l'ennemi, ni de ses projets aggressifs. D'ailleurs
i! ne pouvait découvrir le gros de l'armée russe, dont
la lorét qui s'étend derrière Paltzig lui dérobait la vue;
mais soupçonnant d'après les nuages de poussière un
mouvement de leur part, il se mit à la recherche d'une
nouvelle position pour ses propres troupes. Il était encore
à cette besogne, quand vers 11 heures, le canon de la bat-
terie que les Prussiens avaient dressée sur la colline de
l'Eichberg, entre Kaltzig et Schonborn, l'avorlit qu'on
était déjà aux prises de ce côté. WedcU s'empressa de ren-
(l) Masslowskl évalue l'armée russe à 40.000 hoinincs, mais il ne compte
les 54 bataillons qu'à ."lao lioinmes; ces eh ilTres semblent trop faibles. Teltau
donne pour son régiment (2 bat.) pendant l'aclion une perte de 703 tués et
blessés, ce qui suppose, vu les circonstances, un effectif bien suitérieur aux
diiffrcs de Massiowski.
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BATAILLE DE PALTZIC.
135
trcr au camp, où il trouva son monde sous les armes. II
devenait évident que les (lusses cherchaient à se g:lisser
entre lui et l'Oder, Pour déjouer cette raancï'uvre, il lui
fallait s'emparer de la route de Oossen, <[ui servirait de
débouché à Soltikofl", et partant livrer la bataille que lui
prescrivaient les instructions royales. Le dictateur s'arrêta
à ce parti, et résolut de combiittre les Flusses ur un ter-
rain qu'il n'avait pas pu parcou'rir, et dont il no soupçon-
nait pas les diflicultés.
Ses dispositions furent aussitôt prises : L'avant-garde
de cinq bataillons sous le général ManteufFel, Ja division
Hulsen de même force et la cavalerie de l'aile gauche, tra-
versèrent le village do Kay et se dirigèrent sur la (Iross
ou lleidemiihle; V bataillons étaient destinés aune atta-
que de flanc; le centre, conduit par Kanitz, devait franchir
le ruisseau en amont, tandis que la droite, composée uni-
quement de cavalerie, essaierait de passer à Nickern ; enfin,
Wobersnow, avec G bataillons et 8 escadrons, était en ré-
serve. L'affaire débuta par une démonstration de la ca-
valerie de droite, dans la direction de Nickern, que fît
échouer la nature marécageuse du terrain, tout autant
que les projectiles des batteries russes ; pour empêcher une
nouvelle tentative de ce côté, les cosaques incendièrent le
village et détruisirent le pont.
Vers deux heures, la canonnade (1) s'étendit sur toute
la ligne; malgré le feu des défenseurs, les Prussiens se
formèrent à l'abri des bois qui bordaient les deux rives
du ruisseau et, poussant à travers le marais, commencè-
rent, vers trois heures et demie, l'attaque de la droite de
Soltikofl'. Ce ûer.^ier, assisté de Fermor, avait eu tout le
loisir de faire ses préparatifs. Dans les rangs moscovites
(1) Le récit de la bataille est tirô de Masslowski; de la Grsc/iiclite des Sir'
licnj/lln it/cn h'rirf/cs. Berlin, 1828; de la relation du colonel saxon Riedesel.
Xcitsrhrifl fiir Kunst, etc. Berlin, 1855, du journal de Tettau, du rapport de
Mosnager, etc., etc. Voir la carte à la lin du volume.
138
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
OU ne prévit pas d'abord une action sérieuse : « On dési-
gna, écrit Tettau, les endroits où nous devions prendre
notre camp, ne croyant pas que l'ennemi s'approcherait
trop pour eu venir aux mains aujourd'hui. La chaleur
était excessive, et déjà on fit couper le blé sous nos pieds,
pour en donner à nos chevaux, et pour faire un vide h
dresser nos tentes. » Mais Fermor n'avait pas été trompé
par la tranquillité de la matinée; il avait placé ses batte-
ries sur et à C(Mé de la grande route, de manière à prendre
l'assaillant de front et en écharpe au débouché des bois
qui frangeaient la base de la position russe. Cependant
une circonstance favorisait l'attaque : à partir d'Eichmiihle
et devant le centre de Paltzi;:, le ruisseau fait un coude
vers le sud jusqu'au confluent du petit cours d'eau de
Kay,pour gagner ensuite sa direction primitive. Le renfle-
ment de la rive droite qui épouse les sinuosités du vallon ,
constitue ainsi un promontoire de forme triangulaire, dont
le sommet touche au pont de la grande route à, (îross-
midile, et l'un des côtés longe un marais à peu près in-
franchissable. Ce promontoire avait été laissé en dehors des
lignes russes, et quoique balayé par leur canon, offrait,
grâce aux bouquets de bois dont il était semé, des faci-
lités au déploiement des colonnes prussiennes. Pour pa-
rer iV cet inconvénient, le général Volkonsky vint occuper la
partie saillante jusqu'à la lisière du bois avec « le premier
régiment de grenadiers, celui de Sibérie, un bataillon de
Perm, et le régiment d'Uglitz. » Ce furent ces unités qui
reçurent le premier choc et éprouvèrent les plus grandes
pertes; aussi emprunterons-nous quelques détails de la ba-
taille au récit très mouvementé du major von Tettau, qui
servait au régiment de Sibérie.
L'attaque du général prussien se ressentit du défaut de
reconnaissance; elle se fit successivement, sans ensemble,
et avec un décousu qui ne fait pas honneur au tacticien
responsable. Manteuffel qui avec l'avant-garde devait don-
ATTAQUES DE MAMEUFFEL ET IIULSEN.
137
ncp le premier n'eut pas plus de succès qu'à la hafaille de
Zorndorf; ses bataillons franchirent le ruisseau et se por-
tèrent en avant, appuyés par leurs canons de campagne
et quelques grosses pièces qu'on avait ameuées à la rive
sud du vallon de (îlogsen; mais écrasés par le feu supé-
rieur des batteries russes, découragés par la blessure de
leur chef, ils reculèrent en désordre, sans avoir abordé
l'adversaire. Wodell, qui montra dans la journée autant de
bravoure que peu de capacité, sans attendre le concours
du détachement chargé d'agir sur le flanc droit des Russes,
fit appel aux troupes de soutien commandées par Hulsen.
Laissons la parole à Tetfau : « Le bois épais nous empo-
cha de les voir (les Prussiens) avancer; nos batteries en
arrière de nous sur la hauteur principale ne disconti-
nuaient pas à tirer, malgré le feu que l'ennemi y fit, mais
celle d'en bas fut rendue inutile par l'infanterie prus-
sienne qui s'était glissée sans être aperçue dans le bois, et
tirait d'abord tous les '^anonniers qui n'y prenaient pas
garde, et faisaient un feu ell'royable de front, sans voir
qu'on les rassommait de derrière les broussailles.... Ces
gens (les Prussiens) sortaient courbés du bois, comme des
chasseurs, mais sans perdre un moment, ils avançaient
d'une mine hardie et fière sous un feu si supérieur à celui
qui leur était opposé, que dans fort peu de temps le régi-
ment d'Uglitz, le bataillon de Perm, et le second de Si-
bérie lûchaient pied. » Pris en flanc par les Prussiens qui,
embusqués dans un chemin creux et cachés derrière les
arbres, le fusillaient à 30 pas de distance, l'autre batail-
lon de Sibérie recula à son tour; il fut sauvé de sa posi-
tion critique par le régiment de Nissowsky, de la seconde
ligne, qui chassa l'assaillant du bois et vint boucher la
trouée dans la première ligne des Russes. D'autre part
Soltikolf , voyant que l'efTort des Prussiens visait presque
exclusivement sa droite, l'avait renforcée de 2 régiments
d'infanterie empruntés à l'aile gauche. L'action continua
•188
LA r.UERRE DK SEPT ANS. — CIIVP. IV.
avec fureur; tous les l)iitaiUons de la gauche prussienne
s'engagèrent à l'exception de la r«'?serve de Wobersnow.
« L'infanterie prussienne, raconte Tettau, avait fait des
efforts pour renverser (|uel(jucs bataillons du cor[)S de (la-
litzin, (tirés par Soltikoll'do sa gauche) qui lui disputaient
le passage par l'intervalle du bois, d'où elle fut soutenue
toutes les fois qu'elle commençait i\ plier; il me semble
que je l'ai vu revenir ([uatre fois à la charge; la batterie
d'en haut les empocha trop. Enfui, leur cavalerie tenta
une attaque. »
C'était la division de Wobersnow qui entrait en ligne;
mais contrairement à ce qui s'était passé pour les assauts
antérieurs, la cavalerie y prit une large nart. Les 15 es-
cadrons de Schorlemmer quittèrent la route à (IrossmUhle,
descendirent la rive droite du ruisseau, traversèrent le
bois marécageux parallèle à la grande route, se formèrent
en bataille, malgré les difficultés du terrain, et se lancè-
rent contre l'extrôme droite des Russes. Cette explication
donnée, continuons notre citation : « Quelques escadrons
de Schorlemmer percèrent furieusement le régiment d'in-
fanterie de Kicw (1), entamèrent même la réserve, ren-
versèrent quelques cuirassiers de Kiew, mais le lieutenant
général de Demicow (2) arrivait avec quelques escadrons
de cuirassiers du régiment de S. A. L fort à propos; ils
(les Prussiens) furent ramenés rudement et furent régalés
par le feu de la seconde ligne dont le brave général Demi-
cow fut tué. Ils repassèrent néanmoins par le ventre de la
première ligne, bien qu'elle les reçut la bayonnette au bout
des fusils, et furent reconduits par nos escadrons jusqu'à
i\ i
(1) Teltau doit faire erreur; il n'y avait pas de régiment d'infanterie du nom
de Kiew, dans l'armée de Soltilioff. Riedesel cite le régiment Kyan, comme
très éprouvé par la charge de la cavalerie prussienne. Peut-être s'agil-ii
du régiment Wjatka, qui se trouvait dans cette partie du champ de bataille.
(2) Uemicoude, officier d'origine suisse qui s'était distingué à la bataille de
Zorndorf.
COMBAT SI R LA ROUTE DE CROSSEN.
13»
du nom
comme
s'agil-iî
bataille,
taille de
leur front. » Ici se place un retour ollensif au(jucl partici-
pèrent les hussards prussiens, et une série tle con)bats à
l'arme blanche entre eux et les dragons de Schorlcinmer,
d'une part, et la brigade dcJaropkin venue de la gauche,
et appuyée par les cosaques de Tschugujew de l'autre. Le
succès resta en définitive aux Russes. L'infanterie de \Vo-
bcrsnoNV se comporta beaucoup moins bien que la cava-
lerie; abîmée par la mousquetcrie et l'artillerie, abordée
en flanc par les escadrons de Panin, elle prit la fuite; Wo-
bersnnw fut tué en essayant de la rallier.
Le désir de suivre le récit de Tettau nous a amenés à
nous attacher plus particulièrement aux épisodes de la
partie du champ de bataille oit était posté le régiment
de notre narrateur, (^e fut d'ailleurs sur ce point que la
lutte fut la plus acharnée, mais pendant les assauts suc-
cessifs que les fantassins de Wedell livrèrent contre la
brigade Volkonsky et les renforts qui lui vinrent en aide,
il y eut un engagement des plus vifs aux abords de la grande
route de Crossen. Ici, le terrain plus dégarni était balayé
par le feu de la grande batterie que Fermor avait fait
établir; aussi, l'attaque prussienne fut-elle plus facilement
repoussée, et les régiments russes ne firent-ils pas de pertes
aussi sensibles que celles de leurs camarades. Le général
Stuttcnheim, (|ui tenta avec i bataillons de tourner la bat-
terie en passant par la plaine marécageuse, réussit à dé-
ployer le régiment de Bevern , mais ne put l'entraîner à
l'assaut; une charge de cuirassiers dirigée contre la bat-
terie échoua également; ils laissèrent aux mains des Rus-
ses leur colonel blessé et leurs étendards. De ce côté eut
lieu l'incident raconté par Tettau : <( Presque tout le
deuxième bataillon de Trcskow déserta dans les haies et
passa du côté du régiment de Moscou, prenant un drapeau
avec; ces gens étaient presque tous de la haute Silésie,
sujets de l'Impératrice-Reine. »
Il était plus de 7 heures quand la bataille se termina;
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140
L\ GUKIIRK DE SKPT ANS.
CIIAP. IV.
railc gauche des Prussiens, qui formait plus des deux tiers
de leiu' armëe, était eu pleine di'iroute. Seuls les 8 halail-
lo..s de Kanitz et ia cavalerie de la droite, dont le jùle
s'était borné iV des démonstrations inutiles du cùté d'Kicli-
mdhlc et de Niekern sans franchir le ruisseau, avaient
conservé leurs formations; ils couvrirent la retraite (jui
se fit jusqu'au cours d'eau de Mosau et se continua le len-
demain jus(ju'<\ l'Oder. L'armée battue fut assez molle-
ment suivie par les irré^uliers de Todleben qui ramassè-
rent des traînards et queUjues bagages.
Aux vaincus rallairc coiUa, d'après leurs états officiels,
1.428 officiers et soldats tués; V.556 blessés, 2.1(>'i. [irison-
niers ou disparus, en tout 238 officiers, et 7.910 soldats;
parmi les tués le général Wobersnow , au nombre des
blessés les généraux Manteull'el et (iablentz. Treize canons,
2 étendards et 2 drapeaux restèrent en possession des
vainqueurs. Ces chiffres, tout au moins pour le détail, ne
sont pas d'accord avec ceux des Kusses, d'après lesquels
ils auraient enterré sur le champ de bataille 'i..220 cada-
vres prussiens; par contre, ils n'auraient recueilli que
1.200 blessés et enregistré seulement l.'i.95 prisonniers ou
déserteurs. Les pertes de l'armée russe se montèrent à
900 tués (1), 3.90i blessés, soit environ 5.000 de tous rangs.
En résumé, la bataille de Paltzig ou de Kay, livrée mal
îY propos, sans étude suffisante du terrain, conduite sans
méthode pendant l'action, se réduisit à un engagement
des plus sanglants entre 20.000 Prussiens et 26,000 Kusses,
où les premiers perdirent kO 0/0, les seconds 20 0/0 de
leurs effectifs. Du côté des Russes, toutes les armes se dis-
tinguèrent, l'infanterie par sa solidité et sa puissance de
résistance, la cavalerie par la vigueur et l'opportunité de
ses charges, Tartilleric par l'intensité et la précision de
son tir. Soltikolf, bien secondé par Fermer, montra du
(r, Chifl'ies donnés iiar TeUau.
LliS lUJSSES OCCIPENT FRANCrOUT.
141
co.ip d'ci'il et de la décision sur I«î terruiu, mnis il no fira
pns pi'olit de sa vicfoirc F^a fatij,'-iie de ses lioinnics, et
plus encore le souvonir de Zorndorf, lui servirent d'ex-
cuse pour l'être resté juscju'au hout sur la défensive. Quant
aux Prussiens, à l'exception des cavaliers de Schorlemmcr,
ils ne lurent pas <ï la hauteur de leur réputation, Frédéric
ne sut pas mauvais gré à Wedell de son échec; peut-être
avait-il conscience de la part de responsabilité que lui
valaient des instructions trop impérieuses : ■■ J'avais le
pressentiment que l'affaire irait mal, écrit-il (1 ) à la récep-
tion de la nouvelle il ne faut plus y penser, mais aux
secours (ju'on peut réunir pour reprendre l'allaire à n<'uf.
Ce n'est pas votre faute si les canailles ont lAché pic si
honteusement. »
.Le 21. juillet, lendemain de la bataille, les Prussiens
passèrent l'Oder à Tschicherzig-, tandis que les Kusses em-
ployèrent la journée à enterrer les morts, à ramasser les
blessés et à remettre l'ordre dans les régiments les plus
éprouvés. Le 25, le prince VolkonsUy, avec un détachement
de V.OOO hommes, s'empara de Crossen d'où il chassa les
hussards prussiens et où il trouva des provisions de pain
et de farine; le 28, il fut rejoint par le gros de l'armée. On
jeta aussitôt quelques troupes légères sur la rive gauche
de l'Oder, et on commença à préparer des ponts pour la
traversée du fleuve. De Crossen, le général Villebois fut
envoyé avec 10.000 hommes sur Francfort; le 31 , il oc-
cuj)a !a ville sans grande difficulté, lit prisonnier le ba-
taillon de milice qui y tenait garnison, et prit possession
de magasins importants.
Dès le 29 juillet, les communications avaient été ouver-
tes avec les Autrichiens (2) grAce à l'arrivée d'un ofticier
rd
(0 Frédéric à Wedell. Sclimoltseifen, 2i juillet 175'J. Caircspandancr.
politi<lue, XVIII, 445.
(2) Rlcdesel à Bruiil. Crossen, 2!t juillet 1759. Zcitsc/iriff fiir Kunsi, etc.
Berlin, 1855.
142
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
! )}
expédie par Laudon, qui annonçait la présence de ce der-
nier à Muskau avec un corps de 20.000 hommes. Le 31,
nouveau mossaju^er (1) de ce général, venu de Sommerfeld,
et demandant qu'on lui indiquât le point de jonction avec
les Russes. On apprit à cette occasion que le roi de Prusse
(Hait le 29 à Bunzlau ; enfin, le soir, on reçut la visite du gé-
néral aiitriciiien Betlem, escorté de 200 hussards, q'ii con-
firma ces informations. A la réception de ces avis succes-
sifs, Solti'voli' convoqua un conseil de guerre et, sur son
vote conforme, ordonna la marche sur Francfort, qui fut
désigné à Laudoii comme endroit de réunion des deux
•trmées.
Avant de suivre les Russes dans l'"U' mouvement qui
ne fut pas inquiété par l'ennemi, il convient de nous re-
porter au.v quartiers généraux de Daun et de Frédéric.
Le feld-maréchal, quoiqu'il eût tout lieu de croire les Rus-
ses encore dans les parages de Posen, s'était déterminé,
non sans de longues hésitations, à envoyer au-devant
d'eux un fort détachement de son armée. Voici en quels
termes Montazet rend compte (2) de la décision prise :
« Pour moi je ne vois rien de mieux à faire aujourd'hui
que ce que M. le Maréchal a résolu. Le voici en quatre
mots : 1° Il ne laissera à M. d'Harsch que 15 à 20.000 hom-
mes pour faire la guerre défensive vis-à-vis de Land-
shut, puisqu'il trouve l'offensive si difficile; 2° Il mettra
20.000 hommes en Saxe vis-à-vis de M. le prince Henri,
afin de n'avoir aucune inquiétude sur la Hohême, ni sur ses
subsistances; 3° Il a donné des ordres à M. Hadick, pour
marcher après-demain avec 35.000 hommes sur le Bas-
Oder vers Ci'ossen, afin de prouver aux Russes l'envie
qu'on a de les seconder et de les engager par là à faire
(1) Riedcsel à Rrulil. Crossen, 31 juillet I7.VJ. Zeilsclirift fi'tr Ivinst, elc.
Berlin, 1855.
(2) Montazel à lîelleisle. (lorlitzlieiin, 21 juillet 1750. Archives de la Guerre,
M51"J.
W'
HADICK ET LAUDON A LA IlEXCONTRE DES RUSSES.
143
envie
faire
quelque tentative nerveuse. M. Hadick, au lieu de marcher
directement sur le Bas-Oder, a ordre de chasser première-
ment le prince Henri de la Lusace, qui depuis que nous
sommes ici se promène derrière nous, et menace nos sub-
sistances. » Selon les événements, le corps destiné à la
Saxe suivrait le Prince Henri ou tenterait un coup de main
sur Dresde. Si Hadick ne pouvait joindre les Russes, soit
que ces derniers eussent été forcés, par le défaut de pro-
visions ou par les manœuvres de l'ennemi à ne pas s'é-
loigner de Posen, soit pour un autre motif, il ferait une
incursion dans le. Brandebourg et se porterait sur Franc-
fort, Berlin , etc. Quant à Daun « à qui il resterait encore
50.000 hommes de bonnes troupes », il surveillerait le
Roi en occupant des positions avantageuses. « Ce plan d'o-
pérations, ajoute le Français, me plaît d'autant plus qu'il
ne m'offre aucun grand écueil, et qu'il doit embarrasser
considérablement le roi de Prusse. » Au dire de Montazet,
l'armée envoyée à la rencontre des Russes avait été com-
posée de ce qu'il avait « de mieux en troupes et en ofli-
ciers. »
En exécution du programme adopté, Hadick était à Lo-
bau le 2V juillet, son avant-garde à Hochkirch; il y reçut
l'avis (1) que Laudon, ([ui jusqu'alors avait été sous ses or-
dres, devait exercer un commandement indépendant avec
mission de se réunir aux Russes. Le 20 juillet, deux jours
plus tard que Frédéric, Daun avait eu les premières nou-
velles (2) de la balaills de Paitzig, par un officier accom-
pagné de quelques cavaliers habillés en uniformes prus-
siens, que Laudon lui avait dépêchés de Rotlienburg. Soit
qu'il ne crût pas à l'authenticité de la victoire attribuée à
Soltikotf, soit qu'il ne voulût pas quitter son camp de
(1) Boisseliii à Belleisle. Lobaii, 2G juillet 1759. Archives de la Guerre,
3519.
(2) Montazet à Belleisle. Gorlitzheini, '.!7 juillet 1759. Archives de la
Guérie, 3519. . »
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144.
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. IV.
Mark Lissa tant ([uc le Roi demeurerait vis-à-vis de lui,
Daun ne bougea pas. Ce ne fut que le 20 (1), après confir-
niatiou du succès des Russes, qu'il invita Laudon et Ha-
dick à faire toute diligence pour opérer leur jonction, et
qu'il se prépara à marcher le lendemain à Lauban avec
une partie de ses forces. Il y restera immobile pendant
12 jours, du 30 juillet au 11 août.
Examinons maintenant les dispositions de Frédéric. Il
apprend la défaite de Wedall le 24 juillet; à cette date, le
gros de l'armée royale, un peu plus de ï-0.000 hommes,
tenait en échec les 50.000 de Daun. En Lusace, le prince
Henri et Finck, le premier avec 20.000 hommes aux envi-
rons de Konigswartha, le second avec 9.000 à Bautzen; en
face d'eux en Saxe et en Lusace, Hadick à Lobau à la tète
de 25.000 combattants, Vehla à Rumburg, Macguire et
Hrcntano sur la rive gauche de l'Elbe, près de la frontière
de Roliéme avec un total d'ensemble de 12 à 15.000 hom-
mes. Laudon, dont le corps allait être porté à rcH'ectif de
20.000, mais qui n'en avait pas encore la moitié, était à
Rothenburg où le surveillaient les G. 000 hommes du
prince de Wurtemberg détachés à cet elfot du camp royal.
A Sawade, sur la rive gauche de l'Oder, Wedell et son ar-
mée sous le coup de leur désastre récent; sur la rive droite
du fleuve, les Russes maîtres de Crossen ou en marche
pour cette ville. Enfin, du côté de Landshut en Silésie,
Deville et Fouqué opposés l'un à l'autre; l'Autrichien, fort
de 2V. 000 soldats; le Prussien, un peu plus faihle.
Les premières dépêches de Frédéric sont adressées à son
frère et à Wedell. De ce dernier, il songe tout d'abord à
relever le moral; au prince, il dévoile le fond de sa pen-
sée (2) : (t -l'ai craint et prévu ce malheur; ainsi il ne reste
(1) Monlazi'l à IlL-lleisIt'. Gorlilzlieini, 29 juillet 1759. P. S. Archives de la
Guérie, 351'.».
(2) Frédéric à Henri. SchinoUseifcn, 24 juillet 1759. Correspondance
polUinue, XVIII, p. 445.
FRÉDÉRIC APPELLE A LUI LE PRINCE HENRI.
145
qu'à vous joindre le plus vite que vous pourrez au prince
de Wurtemberg. Je vous donnerai le conunandement de
mon armée pendant mon absence ici, et j'irai moi-môme,
dès que je saurai les troupes arrivées, pour voir comment
nous pourrons porter remède à cet inconvénient. Mandez-
moi bien vite quand vos troupes pourront être à Sagan. >•
Par une dépôcbe du lendemain (1), il s'annonce à Wedell
avec un renfort de 16 bataillons, 29 escadrons et 30 canons
de gros calibre pour le 2 ou 3 août. Le même jour, sur-
vient une lettre {^^ du prince Henri qui se plaint, non sans
quelque raison, des instructions simultanées et quelquefois
contradictoires adressées à Finck et iV lui-même. « Je me
vois également blAmable en suivant ses ordres et en ne les
suivant pas, et sujet au reproche d'avoir manqué à les
suivre, ou responsable d'un événement fâcheux qui en
peut être la suite. » On voit que l'écrivain n'avait pas ou-
blié les procédés royaux vis-à-vis du prince de Prusse k
l'occasion de la retraite de Bohème en 1757. Il ajoute :
<( Mon projet était de rester tranquille au delà do Dr' ^de,
afin que lladick y restât aussi pour pouvoir marcher promp-
tement, sans que ce dernier s'en aperçût, soit contre les
Russes, soit contre Laudon, tandis que le général de Finck,
qui devait couvrir ma marche à Marienstorn, aurait anmsé
l'ennemi, h La conclusion est pessimiste : « Je crois que si
on ne remédie pas promptement aux désordres que cause
l'armée de l'Kmpire (3) et à secourir le prince Ferdi-
nand Cl.), que les mêmes circonstances qui sont du côté des
Russes seront en peu de temps dans ce pays-là. J'attends
donc la réponse sur cette lettre pour savoir précisément,
de quel côté vous voulez que je me tourne. »
(1) l'iédéiic à Wedell, Sclinioltseifen, 'ITt iuWM. Correspondance politù/uc.
XVIII, p. lis.
(2) Henri à Frédéric. Rollinaiislit/,, 1.{ juillet 1759. Schiining, vol. IL p. \i:i.
(3) L'avanl-gardc des Cercles venait de lever des contributions à Halbers-
tadt.
(i) Le prince Ferdinand était en pleine retraite devant l'année de Contades.
GUERRE DE SEPT ANS. — T. III. 10
140
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. IV.
1 /
Dans sa réplique (1), Frédéric se montre à la fois net et
alfectueux : « Le principal est présentement de nous défaire
des Russes... Dès que nous en serons débarrassés, nous
serons toujours à même d'envoyer d'abord un corps de
troupes dans le Halberstadt, s'il en f st besoin. Je vous as-
sure, mon très cher frère, que jo ne vous mande pas tous
les embarras que je rencontre ici Ne me grondez pas,
je vous prie, ce n'est, Dieu sait, pas ma faute; je m'en rap-
porte aux chiffres. Si je vous parlais une demi-heure, je
vous expliquerais tout. »
Obéissant aux ordres donnés, le prince Henri parvint à
Sagan dans la nuit du 28 au 29 et y rallia la division du
prince de Wurtemberg ; il en repartit presque aussitôt
pour le quartier général de Schmottseifen, où il prit le
commandement des troupes affectées à la garde de la Silé-
sie. Frédéric, après une entrevue de 2 heures avec son
frère (2) auquel il laissa des instructions écrites, alla le
remplacer à Sagan ; il n'amenait avec lui que le général
Seydlitz, mais il y trouva 20 bataillons et 35 escadrons
prêts à se battre contre les Russes, 20 pièces de gros cali-
bre, et la batterie à cheval qu'il venait d'organiser. Il
était encore mal renseigné sur la distribution des diffé-
rents corps ennemis qui agissaient autour de lui, cardans
ses lettres à Wedell (3) et au prince Henri, il parle de Hadick
comme étant encore en Lusace et de Finck, comme « de-
vant couvrir Torgau contre Hadick et les entreprises des
Autrichiens. » Le 31 juillet seulement, Frédéric apprit (V)
par une dépèche interceptée, que Laudon était en route
(1) Frédéric à Henri. Schmottseifen, 25 juillet l"5ii. Correspondance poli-
tique, XVIH, p. WJ.
(2) Kalt. Journal, p. 393. Milcliell à liolderncsse. Scinnoltseifen, 2i juillet
17.')4. Mitchell Papers.
(3) Frédéric à Wedell et au prince Henri. Sagan, 30 juillet 1759. Corres-
pondance politique, XVIIl, 460, '402.
(4) Frédéric à Finck. Christianstadt, 31 juillet 1759. Correspondance poli-
tique, XMll, p. 4G4.
MARCHE DE FRÉDÉRIC SUR FRANCFORT.
147
pour rejoindre les Russes, et que Hadick le suivait de
près. Dans l'espoir de rattraper le premier, on doubla les
étapes, mais il était trop tard. Les deux généraux autri-
chiens étaient à Priebus di's le 29; le 30, Laudon, par des
marches forcées, avait gagné Sommerfeld puis Slarzed-
del; Hadick, encombré par son convoi et son artillerie,
n'avait pas dépassé Triebel et 2i heures après Pforten ; un
cordon de cavalerie légère avait dérobé ses mouvements
à la connaissance des Prussiens. A Sommerfeld, où il par-
vint à son tour le 1" août, Frédéric acquit le certitude de
la jonction de Laudon et de Hadick et de l'orientation
de leur itinéraire vers Francfort, mais ce qui était vrai
le 31 juillet ne l'était plus le lendemain. Hadick, qui jus-
qu'alors avait protégé Laudon en emboîtant ses pas, qui
avait même envoyé un aide de camp à Soltikolf pour le
prier de lui préparer les moyens de passer l'Oder, ému
du vr'sinage de l'armée royale et craignant d'être pris
entre deux feux, renonça à s'unir aux Russes et résolut de
se rapprocher de Daun: en conséquence, il se hâta de
rebrousser vers Spremberg. Pendant qu'il accomplissait
cette manœuvre, son arrière-garde se heurta en traver-
sant la Neisse à l'avant-garde du Roi; dans l'engagement
elle fut fortement entamée, laissa aux mains des Prus-
siens un bataillon entier, ï canons ot un convoi de 500 voi-
tures. Frédéric, qui cheminait en sens inverse, n'eut pas
le loisir de suspendre son mouvCinent pour poursuivre le
succès, et Hadick put s'installer à Spremberg, sans autre
aventure. Le soir de cette affaire, Frédéric écrivait (1) à
son frère : « Je suis informé postérieurement que les Russes
sont entrés avant-hier à Francfort; toute leur armée y
marche; je prends mon chemin par Reeskow; Finck est
à Seuftenberg, je lui mande de me joindre; Wedell est à
(1) Frédéric à Henri, 2 août 1759. Correspondance politique, XVIH,
p. iC9.
lis
LA GUERRE DE SEPT ANS, — ClIAP. IV.
Crossen et pousse l'arri ère-garde russe; il passera à Schicl-
]o\v. Dès que nous serons un peu en force, nous marche-
rons sur ces gens, et nous nous battrons per (sic) aris et
focis Je ne compte plus sur vos lettres, toute corres-
pondance sera interceptée par lladick. » Nouveau billet,
daté de iMiillrose le 6 août (1), où il annonce l'arrivée du
corps de WedcU. A partir de ce moment jusqu'au 25 août,
le prince Henri demeura sans nouvelles du Roi.
Il serait superflu de relater les marches et contre-
marches de Wedell, depuis le passage de l'Oder après la
bataille de Paltzig jusqu'à la r'-union de ses troupes avec
celles de Frédéric; il suffit de constater qu'il n'eut aucune
rencontre avec les Russes. Quant à Finck que nous avons
vu à Rautzen opposé à Hadick, après le départ de ce der-
nier, il se porta à Torgau pour arrêter les progrès que
faisait de ce côté l'armée des Cercles; il était même sous
les murs de cette place , quand il fut touché le 3 août
par la dépêche du Roi qui l'appelait à lui. Reparti dans
laprès-midi du 4, il parvint le 9 au camp royal, ayant
accompli en neuf jours une course de 260 kilomètres,
résultat tout à fait remarquable pour l'époque. Ainsi se
trouva accomplie la première partie du programme que
s'était tracé Frédéric : la concentration de forces considé-
rables contre les Russes. En effet, le soir du 9 août, il avait
assemblé sous ses ordres 63 bataillons et 106 escadrons
avec un parc important d'artillerie.
Laissons le faire ses préparatifs pour la traversée de
l'Oder et pour la bataille qu'il entendait livrer à l'armée
austro-russe, et voyons ce qui se tramait dans les quar-
tiers généraux ennemis.
Malheureusement pour la cause des alliés, l'unité de
direction qu'imposait aux armées prussiennes la volonté
(1) Frédéric à Henri. Miillrose, G août 1759. Correspondance politique.
XVIII, p. 476. . . ;
Û\
JONCTION DE LAUDON AVEC LES RUSSES.
140
du souverain, faisait défaut chez eux. Soltikoff, un peu
hésitant d'ahord, semble depuis son départ de Posen n'a-
voir eu qu'un but, la jonction avec les Autrichiens; après
sa victoire à Paltzifj;' et son arrivée à Crossen, à ce premier
objectif, il en avait ajouté un second, la marche sur Her-
lin. Le colonel saxon Uiedesel était bien l'interprète de
la pensée de l'état-major russe, quand il exprimait h
Bruhl (1) l'espoir de dater bientôt ses lettres de la capi-
tale. Aussi fut-ce une déception générale quand Laudon,
dans l'entrevue qu'il eut avec Soltikoff, le 2 août, fit part
du retour en arrière de son collègue Hadick, sur le bruit
d'une opéiation combinée du roi de Prusse et du prince
Henri contre le maréchal Daun, et sollicita l'envoi de
30.000 hommes au secours de ce dernier. A défaut de ce
détachement qui lui fut refusé, Laudon chercha (2) à
persuader au général en chef de faire passer son armée
sur la rive gauche de l'Oder. Soltikoff ne voulut rien écou-
ter; Laudon continua sa marche, et vint camper le 3 août
aux env ;'ons de Francfort; le lendemain il reçut les géné-
raux ru ?es avec tous les honneurs dus à leur rang, et
leur fit inspecter ses troupes, fortes de 14-. 000 fantassins,
4.500 cavaliers et 42 canons. La faiblesse comparative du
corps autrichien fut un motif de désappointement pour
les [lusses qui avaient compté sur les 45.000 hommes et
le parc d'artillerie dont avaient parlé les premiers mes-
sagers. Malgré les politesses respectives et les coups de
canon avec lesquels on avait salué le général en chef, il
n'y avait entre lui et Laudon que peu de sympathie (3).
Celui-ci avait, il est vrai, indisposé les Russes en éraet-
(1) Riedesel à Brulil. Crossen, 31 juillet 1759. Zeitsclirift fui- hiinst, etc.
(2) Masslowski prétend que le but réel de ces propositions élait de per-
mettre à Laudon d'arriver le premier à Francfort. Les dates de l'ilinéiaire
du général autrichien ne se prêtent guère à cette insinuation.
(3) Mesnager à Belleisle. Francfort, U aoiH 1739. Archives de la Guerre,
3520.
h. i
150
LA OUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
tant la prétention de partager de compte à demi avec eux
la contribution en argent dont ils avaient frappé la ville
de Francfort, ot d'avoir son lot dans les approvisionne-
ments capturés. Quant à entraîner les Russes sur la. rive
gauche de l'Oder, il fallut y renoncer; aussi les Autri-
chiens firent-ils traverser le fleuve « à leurs bagages (1) ,
mulets et femmes en grand nombre », et vinrent-ils cam-
per eux-mêmes à la droite de la cavalerie russe, un quart
de mille en deçà de la ville.
Pendant les jours suivants, les Russes et leurs alliés fu-
rent employés à fortifier les hauteurs de Kuncrsdorf, sur
lesquelles ils étaient établis. On traça des lignes, creusa
des fossés, construisit des batteries, coupa des arbres pour
en faire des abatis, en un mot on se prépara à bien rece-
voir le Roi, dont les cosaques et les piindours signalaient
à tout moment le voisinage. 11 y eut des escarmouches
entre les cavaleries rivales; il y eut même échange de bons
procédés. Frédéric ayant appris qu'un sous-officier russe,
placé avec quelques dragons comme sauvegarde dans un
village de la région, avait été blessé et pris par des hus-
sards prussiens, lui rendit sa liberté après avoir fait passer
par les baguettes, en sa présence, les soldats coupables.
Entre temps, les alliés essayaient de s'entendre sur la
conduite ultérieure des opérations. Lié par ses instruc-
tions qui le subordonnaient dans une certaine mesure au
commandant en chef des Impériaux, reconnaissant d'ail-
leurs que le mauvais état de ses chevaux et de ses équi-
pages lui interdisait un mouvement en masse sur Rerlin,
Soltikoff consentit à écouter les propositions que Daun lui
transmettait, par l'entremise de Laudon et de Springer,
pour la coopération des deux armées. En concordance avec
ces vues, il fut résolu, dans un conseil de guerre (2) tenu
(1) Journal du TeUaii.
(2) Relalion des opérations de l'armée combinée à la bataille de Franc-
fort. Archives de l'État-major général. Berlin, XXVIl, n" 408.
LES «USSES SE PRÉPARENT A MARCHER SUR CROSSEN. 151
le 10 août, que les Aiistro-Uusscs remonteraient l'Oder
pour donner la main aux Autrichiens; le point de traver-
sée devait être Schidlow ou Crossen; le convoi et les ba-
gages partiraient le 11, et les troupes suivraient le 14.
Frédéric se chargea de faire ajourner l'exécution de ce
projet; au cours de la nuit du 11 au 12, un avis de Todle-
bcn annonça que les Prussiens s'apprêtaient à franchir le
fleuve à Goritz. Il était évident qu'on allait être attaqué;
aussi lit-on tous les préparatifs en conséquence et écri-
vit-on à Hadick, qui se trouvait encore à Spremberg, d'ac-
courir au secours tout au moins avec sa cavalerie.
Daun était trop loin pour qu'on pût lui faire appel; à la
lin de juillet, les forces du maréchal étaient réparties entre
les camps de La ibaii et de Mark Lissa ; jusqu'au 10 août il
n'y eut dans cette distribution d'autre modification que
l'envoi du général Beck à Priebus avec une division de
7 à 8.000 hommes. Montazet qui rongeait son frein, s'en
prend, on ne sait pourquoi, aux généraux russes dont
l'esprit d'entreprise avait dépassé jusqu'alors celui du chef
auprès duquel il était accrédité : « Oui, Monseigneur (1).
Les Russes ont beau gagner des batailles, le soldat a beau
être brave à l'excès; il n'y a que la valeur de cette infan-
terie et la peur que les Prussiens en ont aujourd'hui qui
puisse nous en faire retirer certains avantages. Car n'est-il
pas déplorable que le jour de leur victoire ils n'aient pas
songé à faire suivre l'ennemi qui s'est retiré dans la plus
grande confusion? Mais rien n'a remué pendant le com-
bat et rien n'a remué après la bataille, de façon que les
Russes, ce jour-là, n'ont rien pris sur l'ennemi ; ce n'est que
le lendemain qu'ils ont trouvé dans les bois les canons,
drapeaux et étendards et plus de 1^.000 armes que les Prus-
siens avaient jetés enfuyant, quoique sans être suivis. Que
serait donc devenue cette armée si elle eût été harcelée? En
(1) Montazet à Bellcisle. Lauban, G aoiU 1759. Arch. de la Guerre, 3520.
Il
!l:
152
LA GUEURK DE SEPT ANS. — CHAI». IV.
vérité cela fait saiuner le Cd'iir. Que peut-on doue conclure
(lune pareille conduite, si ce n'est que les généraux rus-
ses n'y entendent rien, et que le .soldat est excellent? »
Le 10 août Daun montre au Français (1) un billet de
Laudon, relatant un entretien avec Soltikoff; le général
russe se déclarait pn>t à passer l'Oder, aussitôt son gros
canon arrivé de Posen, h la condition que la grande armée
autrichienne se rapprocherait de la rive gauche du fleuve
(( pour se prêter mutuel appui. » Le feld-maréchal promit
de se conformer à ce désir; il laisserait Buckow à Mark
laissa, où grAce à un prélèvement sur les troupes de De
Ville, on aurait assez de monde pour tenir en respect le
prince Henri. Montazet, au contraire, voudrait hïcher les
Russes et entrer en Saxe. « Quel heureux événement pour
délivi'er la Saxe; je ne cesse de le répéter... le Roi est à
Libus avec ses principales forces, et il n'y a personne en
Saxe. » Deux jours après, le quartier général des Impériaux
était installé à Rothenburg, mais Montazet qui partageait
les préjugés de l'état-major auquel il était associé, ne peut
croire (2) à une loyale coopération des Russes. La nouvelle
de la grande bataille qui parvint le 13 août au camp au-
trichien, vint donner un démenti éclatant à ces soupçons
injustifiés.
Pendant son séjour à Wulkow, Frédéric avait appris la
victoire de Minden de la bouche de Rulow, l'adjudant du
prince Ferdinand, et l'avis de la retraite de De Ville, que
le manque de provisions et les manœuvres de Fouqué
avaient forcé à réintégrer la Bohème. Délivré de soucis si
deux points de l'échiquier militaire, il s'adonna tout en-
tier à l'entreprise contre les Russes, La traversée de l'Oder
fut accomplie sans difficulté, et sans être troublée par l'en-
(1) Montazet à Bollcisle. Lauban, 10 août 1759. Archives de la Guerre,
3520.
(:!) Montazet à IJelleisle. Rothenburg, 12 août 1759. Archives de la Guerre,
."i520.
Û
fukdkrk; i'assë l'udëk.
I.i3
ncmi; on lit venir do Ciistrin, .ivec toutes sortes de précau-
tions pour garder le secret, un é(juipage de ponts; on éta-
blit dans la nuit du 10 au 11 août sur les trois liras que
forme l'Oder aux abords de (loritz, deux ponts, l'un de
bateaux, l'autre de pontons. L'infanterie et l'artillerie qui
avaient quitté le camp dès la veille au soir, y défilèrent
rapidement; la cavalerie passa la rivière à gué sans autre
incident que la chute de cheval de Seydlit/, qui fut en-
traîné par le courant, et faillit être noyé. Aussitôt le pas-
sage terminé, les troupes se formèrent près du hameau
d'Oetscher. Le général Flemming, avec un détachement de
7 bataillons, fut laissé k la garde des ponts; le général
Wunsch avec une division mixte de 3.000 hommes resta
sur la rive gauche pour faire diversion et pour protéger
les voitures. L'armée ainsi allaiblie d'environ G. 000 com-
battants s'avança en trois colonnes, précédée de la cava-
lerie légère qui poussait devant elle les Cosaques de Tod-
lebeu. A une heure de l'après-midi, elle avait atteint la
hauteur de Bischotl'see où elle campa, le corps de Finck
<'ntre Trettin et Lessow, le gros entre ce village et la route
(le Storkow. Le Koi se porta tout de suite en avant de Tret
tin, pour reconnaître la position austro-russe.
Essayons de nous rendre compte de la contrée qui fut le
théAtre d'une des luttes les plus sanglantes (1) du dix-
(l)Le récit de la bataille do. Kuncisdort' est tiré des sources suivantes :
Journal de l'arnii-c iinpéiialo russe. Etat-major général. Hurlin. XXVII.
n" 461. — Relation riisse de la bataille de l''ranct'ort. État-major {"énéral, Iler-
lin, XXVII, n" -iOS. — Journal du major russe v. Tettau. État-major géné-
ral, licrlin, XXVll, n" 71. — Relation du colonel saxon v. Kiodesel. Zcilsch ifl
fiir hunsi, Wissoisc/inlt uiul Gcschiclite îles hriri/s. \iei\\n, 1855. — Jour-
nal de Gaudy. État-major général, XXVII, 31. — Anccdotv ii ziir balaiUe
lici Kunersdorf. État-major général. Heriin, XXVII, 408. — Relation de
Mesnager et rapports russes envoyés par lui. Arcii. de la Guerre, 1759,
vol. 3.'«20. — Ouvrage de l'État-major prussien. Herlin, 1828. — Corrrspon-
<laiicc politique, vol. XVIII. — Stiehle. Die Schiaclil bci hunerstlorf.
Bcilmfl ziim Mililar W'oclicnhUill. IJerlin, 18.V.». — Lauliert. Die Selilaclil
Ix'i Kuncrsdorf. Berlin, litoo. — Massiowski, Dcr SiehcnjiUirigc Kric;/, vol.
III. — Rauibaud. Hussex et Prussiens, etc. Voir la carte à la fin du volume.
♦
• -■■— "'L • ■r.'-^'-"-^**^'^—^— -■»?:-
154
LA OUERHE DE SEPT ANS. — ClIAP. IV.
huitiôm'î siècle. U»<>i qu'en ait dit riiislorion (larlylc dans
un passayc souvent cité, l'aspect des lieux n'a pas subi
de telles modifications, fpi'il ne soit possible de suivre sur
place les phases de l'action, et de retrouver les accidents
de terrain cpii eurent une influence si grande sur le sort
de la bataille.
Pendant une partie de son parcours la vallée de l'Oder
est dominée par des hauteurs qui épousent tantôt l'une,
tantôt l'autre rive. En face de la villes de Francfort, les
collines qui escortent le fleuve sur la rive droite, s'écartent
sensiblement jusqu'à faire avec lui un angle presque droit,
et laissent par conséquent, entre elles et les berges, un es-
pace considérable. Du quai du port fluvial de Francfort,
on suit admirablement la crôte du massif, dont les der-
niers escarpements se baignent dans l'Oder, i\ notre droite,
vers Schwetig, et qui remonte vers l'ouest dans la di-
rection de Trettin dont l'église est un point de repère du
paysage.
Transportons-nous à ce village, par la chaussée qui tra-
verse une plaine naguère marécageuse, ^ ijourd'hui bien
drainée et généralement en culture. I.a roiue s'éloigne peu
à peu de l'Oder et court parallèle aux hauteurs dont le
village de Kunersdorf peut être considéré comme le cen-
tre. De Trettin au sommet du Fincksberg, le trajet est
bref; là, le spectateur se trouve à l'endroit même où Fré-
déric fit sa première reconnaissance la veille de la ba-
taille. A sa droite se déroulent les prairies qu'il vient de
parcourir, et qui, au milieu du dix-huitième siècle, étaient
infranchissables pour un corps de troupe; immédiatement
en face se dresse le Miihlberg, premier chaînon du massif,
actuellement planté de bois, mais butte dénudée à l'époque
de la mêlée. Au delà, nous distinguons le clocher pointu
de Kunersdorf, puis un plateau bosselé de mamelons qui
se prolonge jusqu'à l'Oder. A gauche du Miihlberg, et jus-
qu'au fond du tableau, la forêt s'étend à perte de vue, et
K
DESCRIPTION Di: MASSII- DE KlINKHSDORl'.
i:i5
couvre les deux tiers de la superficie. Kiitre nous et le
Mnhlberg-, une vallée profonde, celle du IliUnierlIicss, le
« ruisseau bourbeux » dont parle le Uoi dans son récit,
(ju'il faudra traverser pour aborder la position ennemie.
I.e llUhnerlliess dont les eaux se déchargent dans le ma-
rais prend sii source assez loin dans les bois et constitue
par son cours tortueux et encaissé le fossé naturel du
promontoire de Kunersdorf. Les bas-fonds du IKibncr-
fliess une fois dépassés, on accède sur le plateau par un
vallon à pente douce, le Becker-drund , qui sépare le
Mtthlberg de la colline voisine dont le nom de Pech-Stang
a été changé, en souvenir du soldat poète, en celui de Kleist-
berg. Sur l'autre liane du Milhlberg-, et s'étendant sur une
partie du marécage, existait alors un bois, le drosse Els-
busch, à peu près disparu aujourd'hui, qui rendait difficile
tout déploiement de ce côté.
Ce qu'on ne voit pas, et ce que Frédéric ne pouvait voir
du FincUsberg, ce sont les accidents intérieurs du massif
qui jouèrent, comme on le verra, un grand rôle dans les
épisodes de la journée. Ces hauteurs sont coupées par
un certain nombre de ravins descendant vers le marais
dans une direction perpendiculaire î\ la crête. Tout d'a-
bord nous pouvons négliger le premier qui frange le
Milhlberg; le second au contraire, le Kuh Grund, donne
passage à une route conduisant du village de Kuners-
dorf en bas; étroit, sinueux, i\ bord escarpé, surtout dans
la partie inférieure, il oppose un obstacle formidable à
toute troupe qui, descendant du Milhlberg, chercherait à
le franchir; (quelques centaines de mètres plus loin, dé-
vale un troisième ravin, le Tiefe Weg, qui présente les
mêmes caractéristiques que le Kuh (irund, et partant, les
mômes difficultés. Enfin, à deux ou trois kilomètres, en
gagnant vers le Judcberg à l'extrémité du plateau, nous
trouvons le Laudons Grund petite vallée plus large, s'é-
vasant en forme d'entonnoir, elle ne fut le 12 août le
I *
156
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. IV.
théâtre d'aucun combat. Afin de compléter notre descrip-
tion, transportons-nous à Kuncrsdorf, dont nous n'avons
lait jusqu'ici qu'apercevoir le clocher, (iomme dans beau-
coup da localités de la contrée, les maisons sont grou-
pées autour d'un élang, le Dorf See, mais cette pièce d'eau
n'est pas ^ )lée, elle n'est que la maille supérieure d'une
chainc de petits lacs qui s'égrènent jusque dans la forêt.
Pour franchir cette chaîne et pénétrer dans la partie
du plateau comprise entre Kunersdorf et le Judeberg du
côté de roder, il n'y a que des passages étroits, dont les
principaux sont situés entre le Dorf See, le Blank See, et
plus loin, entre ce dernier et la lisière des grands bois.
Ajoutons enfin, que par-ci par-là émergent quelques ma-
melons, le Seydlitzberg en deçà des étangs, le Spiîzberg
à un kilomètre environ au delà, le Falkensteinberg et
d'autres encore dont il est inutile d'encombrer une nomen-
clature déjà trop longue.
Sur les hauteurs que nous venons de décrire, les Russes
avaient élevé deux lignes de retranchements, la première,
la plus importante faisant face au sud-est, se développait
sans interruption du Miihlberg à l'Oder, à faible écartement
des bois, sur une longueur de 5 à (> kilomètres; l'ingénieur
moscovite y avait rattaché le Spitzbcrg et le Falkenstein-
berg, qu'il avait couronnés de redans et de batteries, et
transformés en bastions de sa forteresse. Du Spitzberg,
l'enceinte se prolongait jusqu'au Mïihlberg, et passait à
peu de distance du village de Kunersdorf, qu'on avait
laissé à l'extérieur. Après avoir contourné le Miihlberg qui
formait le dernier bastion de gauche, ces fortifications dé-
crivaient un retour en arrière et suivaient la crèle du côté
du marécage par un tracé à peu près parallèle à celui de la
première ligne. Ici la nature des lieux n'avait pas permis
la môme continuité de travaux, et sur plusieurs points on
s'était borné à établir des ouvrages de campagne non re-
liés les uns aux autres.
FORCES HESPECT1VES DES COMBATTANTS.
157
Ajoutons, pour l'intelligenoe de l' tction, que l'intervalle
entre les deux lignes oscillait, d'après le terrain, de 400 à
700 mètres. Retenons également que Kunersdorf, situé ù
l'origine des ravins qui dévalent vers le marais, est en con-
tre-bas d'uue vingtaine de mètres par rapport au Spitz-
berg, enfin que la différence de niveau entre le plateau de
Kunersdorf et la plaine de l'Oder varie de 25 à VO mètres.
Quelles étaient les forces respectives des armées en pré-
sence? Presque tous les écrivains sont d'accord pour éva-
luer celles des Prussiens entre 48 et 50.000 hommes.
Défalcation faite des bataillons affectés à la garde des
ponts, Frédéric put mettre en ligne environ VG.OOO com-
battants (1), dont 35.000 fantassins et 11.000 cavaliers; son
artillerie, en outre des 112 pièces régimcntaires, comp-
tait 114 canons de parc, quelques obusiers, et les 6 pièces
de la batterie à cheval. Dans l'armée royale, si la quan-
tité était respectable, la qualité, fort inégale selon les élé-
ments auxquels on avait eu recours, laissait à désirer. Les
divisions de Finck, du prince de Wurtemberg, l'ancien
corps du prince Henri, excellentes troupes, animées du
meilleur esprit, rompues aux fatigues, venaient de mon-
trer leur endurance dans les marches forcées qu'elles
avaient fournies pour arriver sur lOdcr ; elles avaient leurs
cadres à peu près complets. Il n'en était pas de même de
l'armée de Wedell, qui entrait pour lî).000 hommes d^us
l'effectif total, et dont l'infanterie avait été fort éprouvée
par trois mois d'étapes et de combats; sa défaite .'•écente,
en ravivant les souvenirs de Gross Jaegerdorf et de Zorn-
dorf, avait porté atteinte à son moral. Frédéric qui n'a-
vait aucune confiance dans ces bataillons recrutés pour la
plupart dans la Prusse orientale et auxquels, dans sa cor-
respondance intime, il donne le surnom de (( Baerenhau-
(1) y compris la brigade Wunscii, forte de près de 3.000 hommes, laissée
sur la rive gauche de l'Oder. »|ui |irit pari à l'alVaire en s'einparant de la
ville de Francfort.
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15«
LA GUEURE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
V}
ter » (1), les avait distribués de manière à les mélanger aux
détachements plus solides venus de Saxe ou de Silésie.
Cette mesure, bonne à certains égards, avait l'inconvénient
grave de mettre à la veille de la bataille, sous les ordres de
divisionnaires et de brigadiers nouveaux, des unités dont
ils ignoraient le fort et le faible.
Aussitôt la concentration opérée, le Roi avait fait de ses
forces la répartition suivante : une avant-garde de deux
brigades, composée de 8 bataillons de grenadiers, tirés, à
l'exception d'un seul, des meilleurs contingents de l'armée ;
le gros de l'infanterie formé comme d'habitude sur deux
lignes, chacune divisée en deux ailes, la première ligne de
22 bataillons commandée par les généraux Wedell et
llulsen, derrière celle-ci, la seconde ligne de 15 bataillons
provenant en grande majorité des vanicus de Paltzig, con-
duite par Kanitz et Itzenplitz; enfin un corps, dit de réserve,
de 8 bataillons et de 35 escadrons sous les ordres de Finck.
Le reste de la cavaler'.t, f>5 escadrons, était attaclé au
corps de bataille et servait sous Seydlitz, le prince de
Wurtemberg et Platen.
Les Autrichiens comptaient 14 bataillons de réguliers,
5 de Croates, IV compagnies de grenadiers et 6 régiments
de dragons et hussards, en tout un peu plus de 18.000 hom-
mes; la plupart des Croates restèrent sur la rive gauche de
l'Oder. En ce qui concerne les Russes, il est beaucoup plus
difficile d'estimer leur nombre, les auteurs qui ont traité
la matière ayant varié dans leurs calculs repuis 4-2.000
jusqu'à 02.000 hommes. Dans l'armée rassemblée à Ku-
nersdorf, figuraient les brigades Mordvinow et Fast qui
n'avaient pas pris part à la bataille de Paltzig; grâce à
leur présence et à la venue de quelques autres renforts,
Soltikoff disposait de ,32 régiments fournissant 68 batail-
lons (2) et 36 escadrons de cavalerie régulière; les effec-
(1) Peaux d'ours; au figuré, paresseux, laincanls.
(2) Masslowski parait avoir compté deux fois le régiment Wjalka, dont un
' -if
A./-
DISPOSITIONS DE LARMÉE AUSTRO-RUSSE.
159
tifs, diminués par les marches et par les pertes de l'airairc
du 23 juillet, ne devaient pas dépasser 37 à 38,000 fantas-
sins et '*.500 cavaliers; si à ces chilfres on ajoute 6.000 ir-
réguliers tant hussai Is que cosaques, on peut estimer à
48.000 le total des troupes moscovites. L'artillerie n'avait
guère été modifiée depuis la jonction de Mordvinow et de-
vait se monter à 253 pièces de gros calibre. En résumé,
Soltikolï et Laudon pouvaient opposer aux 40.000 régu^
liers prussiens et à leurs 250 pièces, (iS.OOO combat-
tants (1), tant réguliers qu'irréguliers, et 300 canons.
Ces forces imposantes étaient distribuées de la manière
suivante : Pour assurer les communications avec la rive
gauche de l'Oder où le bagage de l'armée avait été déposé
sous la garde de 3 bataillons, on avait établi en outre des
deux ponts de Francfort, au bas du Judcnberget dans le
voisinage de Schwetig, trois autres ponts défendus par des
redans dont la garnison se composait de 3 régiments de
Croates. Le long des retranchements qui couvraient le ter-
rain depuis le fleuve jusqu'au Falkensteinberg, était rangée
sur deux lignes la division Fermor forte de 18 bataillons;
derrière elle le gros de l'infanterie autrichienne ; les Russes
faisaient face à la forêt (Frankuirter Forst) et les Autri-
chiens à la ville de Francfort. Presque tou s ces troupes
occupaient la partie du massif appelé Judenberg, proba-
blement à cause de la proximit du cimetière des juifs, si-
tué au bas de la colline ; les con >agnies de grenadiers du
corps de Laudon étaient à l'abri lans le Laudons Crund.
Lu Falkensteinberg jusqu'au delà de Kunersdorf, les cour-
tines et le bastion naturel que formait la butte du (irosser
Spitzberg étaient gardés par 33 bataillons en deux lignes
bataillon était sur les hauteurs el l'autre à la garde des bagages; son ihiffre
de bataillons contesté par Laubert semble exact.
(1) Riedesel et la relation oflicielle russe donnent j)our les Russes, le chif-
fre de 39.411 et pour les Autrichiens 14.937. Soltikoff, dans sadéiiêche, parle
de son année, comme à peine forte de 60.000 hommes.
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I. ! V.
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160
LA GUEIIRE DE SEPT ANS. — CllAP. IV.
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SOUS les ordres des généraux Villebois et Rumjanzew, la
division du premier A droite, celle du second à gauche
du monticule. Enlin sur le Miihlberg, qui constituait la
gauche de la position russe, était posté le corps de réserve
commandé par le prince (ialitzin, et composé de 14 batail-
lons; le régiment de grenadiers qui défendait le point ex-
trême du camp retranché, était tourné vers le Hiihner
Fliess et les hauteurs de Trettin; les quatre autres régi-
ments, toujours en deux lignes, faisaient face à l'est comme
leurs camarades. La moitié de la cavalerie russe était à la
droite de Fcrmor, entre les collines et le fleuve; l'autre
moitié, ainsi que la cavalerie autrichienne, se tenaient au
pied du massif, entre le Rothes Vorwerk et le Grosse Els-
lîusch. Le commandant de l'artillerie moscovite avait su
tirer parti du beau malili'iel dont il disposait : le Juden-
berg était garni de cinq batteries dont les plus impor-
tantes découvraient la région des lacs de Kunersdorf, dont
les autres étaient orientées de manière à voir les débou-
chés de la forêt de Francfort. Sur le Spitzberg était établie
une batterie puissante qui en balayait les approches des
deux côtés; au Miihlberg quatre groupes d'artillerie plus
légère dirigeaient leur tir sur les collines voisines. Le long
des courtines qui reliaient les principaux ouvrages, on avait
ménagé des banquettes pour faciliter le feu de mous-
queterie; de place en place des ouvertures, masquées par
de petits redans, permettaient au défenseur de faire des
sorties. En résumé, toutes les précautions avaient été pri-
ses contre l'attaque de front à laquelle s'att mdaient les
alliés, et la journée du 11 août fui employée dans le camp
russe à achever les terrassements et à élever, en avant des
fortifications, des barricades pour lesquelles on avait uti-
lisé les arbres de la forêt; enfin dans la crainte que les
maisons de Kunersdorf laissées en dehors de l'enceinte ne
servissent d'abri pour l'assr.illant, on avait incendié le vil-
lage, dont il ne resta debout que l'église. ,
ORDRE D'ATTAQUE DES PRUSSIENS.
16!
Au cours de la soirée, Frédéric qui s'était fait accompa-
gner dans sa reconnaissance par des forestiers et par un
officier connaisseur d'un pays où il avait souvent chassé,
lanya ses ordres pour le lendemain. L'état-major prussien
croyait à une retraite des Austro-Russes dans la direc-
tion de Crossen, ausf". les dispositions comportèrent-elles
deux hypothèses ; nous négligerons celle de la retraite,
pour ne retenir que celle qui se réalisa, tout au moins en
partie. Les généraux Finck et Schorlemmcr, commandants
de la l'éserve, feraient sonner le réveil au petit jour, se
rendraient avec un gros état-major sur les collines en
face du Miihlberg, bien en vue de l'ennemi, et se con-
duiraient de manière à faire supposer la présence du Uoi.
Après une heure consacrée à ce manège, Finck avancerait
de la troupe et du canon, tout eu les maintenant hors de
portée; vers G heures il planterai! deux batteries sur les
hauteurs de Trettin et de IJischolfsee, mais il ne commen-
cerait son feu qu'après l'ouverture de celui de l'armée
royale; toute tentative de l'ennemi pour passer le lli'ihner
Fliess devait être éncrgiquement repoussée. Entre temps
le corps de bataille et l'avant-garde, précédés et éclairés
par le cavalerie de Seydlitz, s'ébranleraient en deux colon-
nes, suivraient les hauteurs qui bordent la rive droite du
ihihuer Fliess, franchiraient ce ruisseau, traverseraient les
bois et se déploieraient à la lisière. La première pensée
de Frédéric [)aralt avoir été d'engager l'action avec son
aile gauche qui aurait débouché de la forêt de Francfort,
au delà et uu sud de la chaîne des étangs do Kuncrsdorf ;
mais pendant la marche de ses troupes, et à la suite dune
nouvelle inspection des lieux, il moditia son plan, et réso-
lut de débuter par rattacjue du Mi'ihlberg. A cet ellet, il
donna l'ordre aux tètes de colonnes de faire une conver-
sion à droite.
L'armée royale, composée de l'avant-garde, des deux
lignes du corps de bataille et de la principale parti(! de
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162
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. IV.
la cavalerie, et traînant avec elle 80 canons de gros ca-
libre, s'était mise en route entre 2 et 3 heures du i.ia-
tin. Mais la nature du terrain, le passaj^e du ruisseau sur
lequel il n'y avait que deux ponts, la Faulc Brucke et la
Stroh Brucke, et surtout la profondeur des colonnes qui
atteignaient une longueur lie près de 8 kilomètres, avaient
ralenti la marche. Le changement de direction fut une
autre cause de retard; il fallut dételer les attelages de
12 chevaux attachés aux canons de 12, tourner les pièces
sur place, et ratteler de nouveau. D'autre part, comme
conséquence du changement de formation, l'infanterie
qui appuyait sa droite sur le Hiihner î^liess ne laissait plus
l'espace nécessaire à la cavalerie; aussi le prince de Wur-
temberg dut-il transférer ses escadrons à la gauche. Toutes
ces manœuvres prirent du temps, et il était déjà 11 heures
et demie, quand on ouvrit le feu des batteries que le co-
lonel MoUer, commandant de l'artillerie prussienne, avait
installées sur le Kleistberg et sur une autre butte à gauche
de la chaussée de Drossen. Ces pièces auxquelles vinrent
bientôt s'ajouter celles qu'on avait placées sur le Seydlitz-
berg, furent pointées sur le Mtilhberg et sur ses défen-
seurs. De son côté Finck avait commencé à tirer de deux
batteries, établies sur les mamelons qui aujourd'hui por-
tent son nom.
Jusqu'alors les mouvements des Prussiens n'avaient ren-
contré aucune opposition, et la tranquillité générale n'a-
vait été troublée que par quelques coups de canon sur
une patrouille de cosaques. A en juger par les récits des
alliés, Soltikoff pendant toute la matinée était demeuré in-
certain sur le point de l'attaque, et inclinait à croire qu'elle
serait dirigée sur le front et la droite de sa position; il
est juste de reconnaître qu'un brouillard qui dura jusqu'à
8 heures, favorisa l'approche de l'armée royale. Au sur-
plus, quelle que fût la raison de son immobilité, le géné-
ral en chef ne prit aucune mesure, ni pour inquiéter la
ATTAQUE ET PRISE DU MUHLBERG.
i6;t
marche des Prussiens, ni pour renforcer le corps de Ga-
litzin, chargé de la défense du Miihlherg-.
Au bout d'une demi-heuro, les 60 bouches à feu que
les artilleurs royaux avaient mises en action, acquirent une
supériorité marquée sur les 40 dont les Musses pouvaient
disposer. Les soldats de Galitzin, et surtout les grenadiers
postés au point saillant du Miihlberg, canonnés à bonne
portée, souffrirent beaucoup du tir convergent qui battait
leur front et enfilait leurs rangs. A midi, le Koi donna le
signal de l'assaut; la première brigade de l'avant-garde,
forte de 4 bataillons sous les ordres de Seckendorf, des-
cendit le versant du Kleistberg, traversa le Becker Grund,
où elle était momentanément à l'abri de l'artillerie russe
qui ne voyait pas le fond du vallon, et gravit la pente
opposée. Arrivés à 100 mètres des retranchements, les
Prussiens furent exposés à la mitraille et à la fusillade
des défenseurs; ils passèrent outre, franchirent le fossé,
sautèrent dans l'intérieur des lignes et tombèrent sur les
fantassins moscovites qui reculèrent en désordre. La ré-
sistance, si courte qu'elle fût, avait procuré à Galitzin
le temps d'amener à leur secours les 4 régiments de fusi-
liers qui, avec celui des grenadiers, composaient le corps
de réserve; il les forma le mieux qu'il put, au travers du
camp fortifié. A cet endroit il y eut un combat sanglant,
mais de peu de durée; Galitzin et Olitz furent blessés; les
fusiliers, pris en flanc parle canon du Kleistberg, mitraillés
de front par les pièces légères des bataillons prussiens,
cédèrent devant les grenadiers de Seckendorf que sou-
tenait la seconde brigade de l'avant-garde. Ils gagnèrent
en confusion le bas de la colline, vers le (irosse Elsbusch ;
là, ils se trouvèrent sous le feu du Finckberg, et repri-
rent leur fuite, entraînant avec eux le régiment des gre-
nadiers à cheval et abandonnant aux Prussiens toute leur
artillerie et bon nombre de j)risonniers.
Le premier acte de la bataille avait été joué. Le Roi
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164
L.V GUERRE DE SEPT ANS. - CIIAI». IV.
pouvait s'applaudir do son entrée en scène; avec 8 batail-
lons de son avant-garde et sans grands sacrifices, il avait
emporté une position redoutable, pris VO canons, mis bors
de combat l'aile gauche de l'ennemi, et ce qui était peut-
être plus important, pénétré dans son camp retranché.
En pos.iession du Mtihlberg, vainqueur de (ialitzin, comme
il l'avait été de Nadasdy àLeuthen, Frédéric dut entrevoir
une victoire égale à celle de cette mémorable journée.
Malheureusement pour eux, les Prussiens ne tirèrent pas
de leur premier succès tous les résultats qu'ils eussent pu
en espérer. Pour achever la destruction de la réserve
russe, il aurait fallu de la cavalerie; or toutes les unités
de cette arme appartenant au corps d'^ bataille ayant été
reportées à l'aile gauche, et les régiments de Schorlem-
mer n'ayant pas encore traversé le Iliibner Fliess, on
n'avait sous la main que 'i- escadrons des dragons de
Platen , qui finmt cjuelques charges, mais qui n'étaient pas
assez nombreux pour produire grande impression. Autre
lacune plus grave : des hauteurs conq-iises on voyait de
côté et à revers les masses russes qui garnissaient l'en-
ceinte du plateau, depuis Kuncrsdorf jusqu'au Judcnberg;
il était tout indiqué d'ouvrir sur elles un feu d'autant
plus efficace, qu'il enfilerait leurs formations et agirait
sur des profondeurs de plusieurs rangs. iMais les moyens
d'action firent défaut; les pièces régimentaires n'avaient
pas la portée nécessaire; avec beaucoup de difficulté on
hissa sur les pentes sablonneuses du Miiblberg ï canons
de 12 qui hrent beaucoup d'effet (1), mais ils curent bien-
tôt épuisé leurs munitions, et il fallut attendre les caissons
qui n'arrivèrent que tardivement. Quant aux pièces enle-
vées, aucun des narrateurs n'indique pourquoi les Prus-
siens ne les retournèrent pas contre leurs anciens proprié-
taires.
(1) L'Iiislorien Tciniiclhoff servait en qualité d'officier subalterne avec ces
pièces.
MANQUE D'AiniLM'JllK POI'U CO.VIPLKTKR LE SICCKS. 105
Au surplus, soit encombrement du Miihlberi; et de ses
approches, soit impossibilité d'y faii-e monter les pièces et
leurs caissons, on ne put pas, parait-il, remédier au cours
de la bataille à ce manque d'artillerie ; aussi Frédéric ne
profita-t-il pas de l'avantage d'une position distante sou
Icment de 1.100 mètres du plateau du Spitzberg- où l'on
se battit si longtemps, et (|ui, à 4 mètres près, est aussi
élevée que ce mamelon. lUen que partiel, le feu des gros-
ses pièces du Millilbcrg fut des plus meurtriers et ouvrit
bien des trouées sanglantes dans les formations serrées
de l'armée austro-russe; plus intense, peut-être eùt-il
fait pencher la balimce en faveur du Hoi.
Cependant, après le temps d'arrêt indispensable pour
rétablir l'ordre dans les unités, les Prussiens continuè-
rent à avancer; en tète les 8 bataillons de l'avaut-garde,
que venait de rejoindre un bataillon du régiment du
Markgraf Karl; derrière eux la plus grande partie de l'aih;
droite du gros et la g-auchc du corps de réserve. Le gé-
néral Finck en effet avait franchi le Iliihner Fliess et
s'était établi entre l'Elsbnsch et le Miihlberg-, sur le versant
nord-ouest de celte colline et sur le petit plateau qui la
couronne; par contre, la brigade Thiele, extrême droite du
corps de bataille, ne trouvant plus de place pour se dé-
ployer en haut de la butte, avait été forcée d'obli(juer
et de gagner l'Elsbusch, d'où elle ne sortit qu'une heure
et demie plus tard, pour renforcer la ligne de feu. Des
escadrons de Schorlemmer quelques-uns furent all'ectés
à la garde du camp, les autres se postèrent derrière l'in-
fanterie. En résumé, vers une heure et demie de l'après-
midi, plus de la moitié de l'infanterie prussienne était en-
tassée sur le haut et les déclivités du Mulilberg; seuls les
premiers rangs pouvaient agir; ceux de dei'rière restaient
inutilement exposés à la pluie de projectiles que les ca-
nons et obusiers à longue portée de Soltikolï commen-
çaient à faire tomber sur eux.
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ir.r.
LA GUERHK DE 8KPT ANS. — CHAP. IV.
Pour arrêter les progn-s de rarmce royale, les généraux
alliés (jui s'étaient placés sur le Spitzberg firent exécuter
une conversion aux deux régiments de gauche de la di-
vision Uumjan/ew, le deuxit-me grenadiers et Uostow, et
les firent soutenir par les bataillons suivants et par les
compagnies dos grenadiers autrichiens, accourues du
Laudons (irund. Kntre ces nouveaux venus que dirig<'aient
h's généraux Panin et Bruce, et lavant-garde prussienne,
appuyée [)ar quelques hatailljiis du corps de bataille, il
y eut un engagement qui se termina, grùce î\ l'entrée en
ligne de Kinck, par la retraite des Austro-Russes au delà
du Kuli Grund. Là on se fusilla des deux crêtes opposées;
l'avant-garde toujours la première, mais déj ort épui-
sée; derrière elle les régiments de Finck, et l aile droite
de l'armée royale presque entière dont une partie au
pied, et l'autre sur les pentes du Milhlherg, le tout fouetté
par les projectiles russes. L'aile gauche, ainsi que toute
la cavalerie, n'avait pas encore pris part au combat. Il
était deux heures; on avait gagné du terrain, mais on se
heurtait à une résistance de plus en plus opiniâtre, et il
devenait évident qu'il y aurait lieu de retirer du feu les
bataillons fatigués et de les remplacer par des troupes
fraîches. A cet etl'et, l'aile droite de l'armée royale, qui
jusqu'alors était restée en seconde ligne, tout en subissant
des pertes du fait de l'artillerie russe, fut appelée en pre-
mière pour remplir les vides. D'autre part, la brigade
Knobloch, forte de 3 bataillons, chassa les Russes du ci-
metière de Kunersdorf, gagna sur le plateau du cùté
du Kuh Grund, et prit en flanc les défenseurs de ce ravin.
Grâce ;i cette diversion , grAccï i.ussi à l'arrivée sous le
Kuhberg de la brigade Thiele, revenue du marais où elle
s'était égarée, les Prussiens parvinrent enfin à dépasser
l'obstacle qui les avait arrêtés si longtemps, enlevèrent les
canons de l'ennemi, et refoulèrent celui-ci jusqu'au Tiefe
Weg. D'après quelques récits, ils auraient même poussé
; »
LES PRl'SSIENS DEPASSENT LE KUH ORUND.
167
jusqii'A la butte du Spitzberg, et se seraient rendus mo-
mentanéuHMit maîtres de cette clef de la position. Si le fait
est exact, ce dont il est permis de douter, elle ne resta pas
en leur possession, et fut réoccupée par les régiments
moscovites du centre et de la droite.
En dépit du succès obtenu, les soldats prussiens, malgré
leur discipline et leur endurance, se montraient de plus en
plus las; éprouvés par des étapes presque inintcrrom[)ues,
ils n'avaient yoùté depuis deux jours qu'un repos insuffi-
sant; sur pied dès deux beures du matin, en marclie ou
aucoml)at depuis treize beures par une cbaleur torride, ils
montraient des signes visibles d'épuisement. Ktait-il rai-
.sonnable d'exiger d'eux de nouveaux efforts, ou fallait-il
se contenter des résultats d'ailleurs fort satisfaisants déjà
acquis.' l*lusieurs généraux étaient de ce dernier avis, et
l'un d'eux, Kinck, le dit au l\oi avec beaucoup de francliise :
« La victoire était gagnée, il suffisait de se maintenir sur
le terrain conquis, pour décider l'adversaire A abandonner
la partie et à. évacuer, pendant la nuit, ce qui lui restait
encore de sa position. »
Mais Frédéric, qui visait l'anéantissement de r.irmée aus-
tro-russe et qui comptait la culbuter dans l'Oder, ne voulut
pas écouter ces sages conseils, et donna l'ordre de pour-
suivre la lutte pour la conquête du plateau tout entier. A
ce moment de l'action, les généraux alliés avaient conservé
bien peu d'espoir (1) d'éviter la défaite. « Il était quatre
beures et demie, dit la relation autricbienne (2), quand
toutes les apparences commencèrent à nous persuader
l'affaire presque désespérée car plus de la moitié
du champ de bataille, et bonne partie du canon russe
étaient dans les mains de l'ennemi. » D'après le môme do-
(1) Piedescl à Bruhl. Relation de la bataille. Zeitschrift /'tir h'unsl, etc.
Berlin, 1855.
(2) Relation de la bataille du 12 août. Archives de la Guerre. Vienne.
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LA r.UKlUlE DE SEPT ANS. — CIIAIV IV.
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ciinient « lo soNWI, ht vent, la fiiin<'îo ot une poiissi^ro infi-
nie qui existe dans im terrain aussi sahlonueux (|uc celui-ci,
empêchaient de voir A la distance de trois pas » et consti-
tuaient un avanfaye pour l'assaillant. Il avait fallu i-ctirer
l'un api'ès l'autre des hauteurs du Tiefe Weg- les rég-iinenls
autrichiens I.audon et Haden, dont le pnunier avait perdu,
en trois (piarts d'heure, 'M) officiers et plus de 500 hommes
tués ou hiessés, et dont le second n'avait iiuère été mieux
traité. D'après le récit de Ho! tow (1), Soltikolf lui-même
aurait été si découragé <|u'il se serait mis à genoux devant
ses troupes et aurait imploré l'aide (h* Dieu pour détour-
ner un désastre ([ui paraissait alors imminent.
Toutefois leurs craintes sur l'issue de l'aU'aire n'empê-
chèrent pas Soltikofi'et Laudon de prendre toutes les me-
sures possibles pour mettre terme aux progrès de l'armée
prussienne. Aux régiments encore intacts d<ï Uumjanzew,
(jui étaient massés sur le Spitzherg, vinrent s'ajouter suc-
cessivement le deuxième échelon de la division Villebois
et la brigade de Bergqui appartenait à la division Fermer.
Sur la crête qui domine le Tiefe Wcg, le barrage humain
que formaient ces troupes fut prolongé par trois régiments
autrichiens, appelés de l'extrême droite pour remplacer
leurs camarades. De son côté, le commandant de l'artil-
lerie russe, Borosdin, accumula sur la butte du Spitzherg
et sur cette partie du plateau tout le matériel dont il dis-
posait encore ; pièces régimentaires, canons lourds, obu-
siers du modèle Schouvallow, tout fut amené sur la nou-
velle base de résistance. D'ailleurs l'approche de cette
formidable barrière empruntait h la nature du terrain des
difficultés particulières. Du village de Kunersdorf à la nais-
sance du Tiefe Weg, il y a à peine 500 mètres, aussi était-il
impossible sur un front si étroit d'appliquer la méthode
favorite du l\oi, l'attaque en échelons ou en lignes. Les
(1) Récit cité par Laubert, p. 80.
ASSAUTS DU SPITZHERG
Ifi'J
corps qui accouraient au feu ne pouvaient se déployer ef
n'avaient d'autre ressource ((ue de se masser derrière les
preuiiers cdiuliattants, dont ils tiipiaient ou quadruplaient
la profondeur. Dans les amas d'In^uimes ainsi entassés, les
|(()ul(^ls russes ouvraient à chaque coup des percées san-
f;lanles.
De l'aulie côté de Kunersdorf, entre c<; villa,i;e et le
Spitzberg, il y avait un peu plus d'espace, mais les décli-
vités nues qui s'y déroulent sur une longueur de près d'un
kilotnèti'e présentaient pour la défense les avantages d'un
glacis naturel, et offraient à l'artillerie moscovite un ad-
mirable eliainp de tir. Aux abords du Spitzberg, tous les
élans de l'infanterie prussienne allaient se briser, comme,
un siècle plus tard, ils devaient écliouer sur les pentes de
Saint-Privat.
(j'est contre cette position redoutable <pie Frédéric tenta
un suprême effort, qui devait décider le sort de la bataille.
Pendant <|ue la droite continuait A se fusiller avec les Au-
tricliicns sans pouvoir prendrez pied sur le coteau qui do-
mine le Tiefc Weg, la gauche prussienne mettait tout en
(euvre pour emporter le Spitzberg. « A peine notre infan-
terie, relate une des narrations (i), avait-elle dépassé h'
village de Kunersdorf, qu'elle reçut un feu de mitraille
épouvantable; il en résulta un tel désordre dans nos ba-
taillons, qu'ils se pelotonnèrent sur une profondeur qui
atteignait jusqu'à 10 rangs, et restèrent ainsi exposés au
feu sans qu'on essavAt de leur faire reprendre leurs forma-
tions ou de les retirer de la zone de feu. » C'est ainsi que
la brigade Knobloch et celle de la seconde ligne qui lui
servait de soutien, tout en se maintenant péniblenu>nt en
avant des ruines de Kunersdorf. ne purent déboucher sur
le plateau qui fait suite au village.
be Uoi disposait encore, comme réserve d'infanterie,
{V Relalioa aii|iarlcnaiit à la colicclion du duc de IJrunswick, citée par
Lauberl.
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170
LA GUmilE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
de l'ailo gaucho, soit environ 16 l)ataillons, composés il est
vrai pour les trois quarts des régiments de Weùell à ca-
dres incomplets, et dont le moral se ressentait encore de
récentes défaites; la cavalerie, à l'exception de celle du
corps de Kinck, était massée derrière les étangs de Ku-
ncrsdorf, entre la route de Drossen et la forôt, et n'avait
pas pris part à l'engagement. Seul le prince de Wurtem-
berg avait été détaciié pour faire des démonstrations vers
re.xtrôme droite des alliés, mais il avait trouvé le passage
de la Faulc lU-ucke coupé, et n'osant pas s'aventuror dans
les défilés de la forôt de Francfort, était revenu se joindre
aux régiments de Seydlitz.
A Kunersdorf, Frédéric montra une fois de plus qu'il
avait à la guerre le tempérament du joueur qui r'^que tout
sur une carte, dans l'espoir de doubler son bénélice. Peut-
être eût-il gagné la partie sans l'admirable ténacité des
soldats russes et sans l'initiative hardie du général au-
trichien, mais n'anticipons pas. Le Hoi jeta successivement
dans la bagarre tontes les brigadci: de l'aile gauche : Yung
Stutterheim, Grabow, Dericke, et enfin celle du général
Rebent'sch; stimulés par l'exemple d(^ leurs camarades,
« les peaux d'ours » paraissent avoir fait leur devoir, mais
leur courage fut dépensé en pure perte. Il n'y avait qu'un
seul chemin pour monter au Spitzberg; à gauche le chapelet
des lacs ferme la route, et les espaces étroits ([uc laissent
entre eux les étangs étaient réservés à la cavalerie ; aussi
fallait-il tout d'abord traverser les ruines fumantes de Ku-
nersdorf. A la sortie du village, les têtes de colonnes ve-
naient donner sur la cohue des troupes déjà engagées, et,
dans l'impossibilité de se frayer un passage, se confon-
daient avec elles et tourbillonnaient inutilement sous le
feu des batteries russes. Du côté du Spitzberg, comme sur
les pentes du Tiefc Weg, le spectacle était celui que nous
décrit Gaudi (1) : « Tous les régiments avaient soulfert,
(1) Journal deGaiidi, Archives de l'Elal-niajor général. Ilcrlin, .\XVII, n"31.
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FRÉDÉIUC A RECOURS A SA CAVALERIE.
171
il n'y avait plus de l'ormatious ; tout ce qui faisait encore
le coup tle feu était réparti en pelotons de 10 iV 12 hommes
de profondeur. »
Force fut de renoncer à enlever le Spitzberg par un as-
saut direct; réussirait-on mieux par une attaque de flanc?
Depuis queKiue temps déjà, le Koi, plein des souvenirs
du rôle glorieux joué îl Zorndorf par sa cavalerie, avait
demandé à Seydlitz si l'heure n'était pas venue ' ; la fain;
entrer en scène. Retenu lui-même au Kuhberg d'où il sur-
veillait les pi'ogrès de la droite, il ne pouvait se figurer
les obstacles (|ui s'opposeraient, au delà de Kunersdorf, à
l'action de ses escadrons. Au cours de l'après-midi, Se\d-
litz était allé auprè.s du souverain , lui avait rendu compte
de la situation et l'avait supplié de se contenter des ré-
sultats obtenus. Frédéric était resté sourd à cette prière,
comme il l'avait été au conseil de Finck, et Seydlitz dut
retourner au mamelon, qui depuis lors rappelle son nom,
(>t prendre ses dispo.silions pour l'attaque. Une blessure
grave (ju'il reçut vers ce moment l'empêcha d'en surveil-
ler l'exécution, et priva les escadrons prussiens d'un chef
dont le coup d'œil et la confiance qu'il savait inspirer
auraient été indispensables pour mener à bien une en-
treprise des plus épineuses. i*our se porter au delà des
étangs, la cavalerie se heurta aux mômes difficultés que
l'infanterie au débouché de Kunersdorf. Les deux prin-
cipaux lacs, le Uorfsoe et le IJlankensee, ne sont séparés
l'un de l'autre que par une langue de terre, large d'en-
viron 250 mètres, et coupée par le fossé qui sert de dé-
vc'soir au Dorfsee, dont le niveau est légèrement supé-
rieur. L'étroitesse de terrain i>o permettait le passage (ju'à
deux escadrons de front; aussi, pour se déployer, était-il
nécessaire que les premières unités attendissent les autres,
et que la manœuvre fût accomplie sous le feu de l'artil-
lerie ennemie. La charge s'exécutait-elle quand même,
elle était arrêtée par les abatis, les trous de loup et autres
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172
LA GUERRE I)i: SEPT A>'3.
CHAP. IV.
travaux dôfensifs, dont les abords du Spitzberg étaient
semés li y eut des succès pai'Hels, quelques pelotons péné-
trèrent assez loin, comme le prouvèrent les cadavres de
dragons et de cuirassiers prussiens ramassés le lende-
main tout près de la butte; mais, dans son ensemble, l'at-
taque de la cavalerie sur le S[)itzberg' ne fut pas plus
lieureusc que celle de l'infanterie.
De leur côté, les bataillons russes, assemblés autour du
mamelon, soutiraient eux :iussi du l'eu de la batterie du
Seydlitzberg et d'une autre qui avait été établie à l'est et
sur la berge du B!aukensee. « L'artillerie nombreuse de
l'ennemi, écrit le major Tettau, tirait pendant tout ce
temps et des grands cliemins (de Drossen) et des bauteurs
des abatis, et jetait sans cesse des tombes, ainsi que sar.-
la situation avantageuse du terrain que nous occupâmes,
nous aurions perdu une infinité de monde, nieme dans les
régiments les plus éloignés. »
Le combat, qui eut pour théîUre le plateau inr 'iué ealre
le Spitzberg et les étangs de Kunersdorf, ne fut pas le
seul au(juel prit part la cavalerie royale; au cours de l'a-
près-midi, a\ait eu lieu sur la droite un*- attaque du prince
de Wurtemberg, racontée (1) par tioetzen. Cet officier (pu
servait d'adjudant au Itoi, po'-ta l'ordre au prince de ga-
gner avec une partie de ses cavaliers le bas des prairies
i\ l'orée de l'Elsbuscli, et d'essayer de prendre à dos les
défenseurs des bauteurs qui bordent le ravin ai Tiefe
Weg. Wurtemberg qui était de retour de son mo'.vemeut
manqué dans la forêt de Fr.nicfort el dont les escadrons,
rangés à la lisière du bois, étaient en butte aux projectiles
ennemis, ne se lit pas prier; il défila par le Becker (irund,
lit le tour du SKUilberg, et avec (loetzen, se mit à la rc-
cberclie d'un endroit où il fiU possible d'escalader la pente.
(1) Gaîizeii. Anccdoten zur Bataille bei Kunersdorf. Arcliives de l'Élal-
iniijor gi^iK'ial. Herllii, XXVII, 408.
LES PRUSSIENS REPOUSSES AU SPITZIiERG.
173
Revenu de sa reconnaissance, il ne trouva plus son régi-
ment (le tôte, les dragons de Mciuecke, qui sur une dé-
charge du canon autrichien avaient fait demi- tour, fut
l)lcssé et eut quelque ])eine à se tirer des mains de l'en-
nenii. Une tentative du même genre confiée à PiittkaiiMuer,
avec ses hussards, n'eut pas une issue plus favorai)le et
coûta la vie au général.
C'était du reste aux a!)ordsduSpitzljcrg qu'allait se Iran-
cher le sort d'une action ([ui, victorieuse au début pour les
Prussiens, était devenue fort douteuse à cette heure. La
dernière brigade de l'aile gauche, celle du général Reben-
lisch, la suprèmo réserve de l'armée royale, venait d'en-
trer en ligne; elle eut d'abord quelque succès; le régiment
de Wied s'avança en l)on ordre à l'assaut du Spilzberg,
mais bientôt il tomba à son tour sous le feu de cette forte-
resse naturelle; les hommes s'arrêtèrent, les rangs se mê-
lèrent. A ce spectacle, le premier régiment de grenadiers
russes et les Autrichiens de Laudon ne purent se conte-
nir, sautèrent par-dessus le parapet, et se précipitèrent la
baïonuelte en avant et le sabre au poing sur les I*russiens.
Mal leur en prit, car ils furent ramenés avec perte par la
cavalerie. C'est probablement à ce moment que se place
l'incident relaté par (iœtzen : ce deraier, voyant l'occa-
sion propice, va droit au colonel Massow, commandant
un régiment de cuirassiers, lui indi([ue l'ennemi en dé-
sordre, et lui intime au nom du Roi l'ordre de chargei.
L'autre hésite, ne veut pas lancer un oa deuv escadrons
isolés, attend que son régiment tout entier ait franchi le
défilé des étangs, donne ainsi à reimemi le temps de ren-
trer dans ses retranchements, linit par ciiarger avec son
monde au complet, se comporte avec beaucoup de bra-
voure, échoue comme ses camarades et laisse 200 hom-
mes sur place.
Mais si, avec la brigade Rcbcnlisch, les dernières résol-
ves de Frédéric étaient épuisées, il n'en était pas de même
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174
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
de celles de son adversaire. Les grenadiers dont noas ve-
nons de raconter la sortie et la défaite appartenaient à la
brigade Volkonski, de la division Ferinor. Ces troupes fu-
rent successivement renforcées de tous les régiments de
Villobois et Fermer jusqu'alors affectés à la garde du Ju-
dcnberg. du Falkensteinberg, et de la courtine inter-
médiaire; Soltikoff, complètement rassuré sur sa droite,
en disposa pour repousser les etlbrts désespérés des Prus-
siens, et pour prendre contre eux l'offensive. Déjà Laudon
avait projeté une attaque de flanc contre la cavalerie
prussienne, que des échecs répétés avaient ébranlée; il
appela ù lui le général (^aramclli et deux régiments de dra-
gons, demeurés jusqu'alors dans la plaine près du Rothes
Vorwerk, les lit déboucher dans la clairière entre l'enceinte
de l'est et la forêt; à ces cavaliers se joignit le général russe
Gaugrabcn, avec les cuirassiers du prince héritier, que
nous avons vu se distinguer à Paltzig, des dragons, et des
grenadiers à cheval. Laudon se mit à leur tcte, se jota sur
les escadrons prussiens, que commandait, depuis la bles-
sure des deux premiers chefs, le général Platen, fut refoulé
par le fou du Seydlitzberg et du Blankensee, revint à la
rescousse, ot finit par l'emporter. La déroute fut complète;
la cavalerie royale disparut du champ de bataille, et,
bousculant tout sur son passage, alla se réfugier dans les
bois et de l'autre côté du Hûhner Fliess. Cette première
manche gagnée, Laudon se retourna contre l'infanterie,
qui faisait encore le coup de fusil aux abords de Kuners-
dorf, la fit charger, lui infligea de grosses pertes et la re-
jeta au delà du village.
L'aile gauche de l'armée royale était battue; restaient
la droite et le corps de Finck, dont les efl'ectifs réduits par
le feu et la fatigue se cramponnaient au versant ouest du
TiefeWegetdu platoau qui succède à la déprcssiozi de Ku-
nersdorf. Frédéric et ses .généraux firent tout au monde pour
entraîner leurs hommes à un dernier assaut; lo li.oi qui
CHARGES HEUREUSES DE LAUDON.
175
avait eu deux chevaux blessés sous lui et qui avait reçu
deux balles dans son Imbit, saisit un drapeau du régiment
du prince Henri, de la brigade Knobloch, et demanda un
dernier effort à ses troupes en s écriant : « Que tout brave
soldat me suive ! » Elles étaient incapables de répondre à
l'appel. Les lUisses, encouragés par les résultats obtenus à
la droite, et par l'abattement visible de leurs adversaires,
prirent à leur tour l'offensive. Le général de Herg, avec le
deuxième régiment de Moscou, celui de Kasan et un dé-
tachement de Nisow, soutenus par Villebois à la tête de
Narwa et Woronesch, aborda les Prussiens en flanc, re-
couvra les batteries dont quelques pièces avaient été en-
clouées, et repoussa l'assaillant jusqu'au Kuh Grund. Ce
retour offensif auquel participèrent d'autres régiments des
divisions Villebois et Fermor et ce qui restait de ceux de
Uumjanzew et de l'infanterie autrichienne, fut admirable-
ment secondé par une nouvelle charge de Laudon. Ce gé-
néral courut chercher les escadrons alliés qui n'avaient
pas quitté la plaine de l'Oder près de la Kleine Miihle, et
sous le couvert de la fumée, de la poussière et des acci-
dents du terrain, les mena au bas du Tiefe Weg, tomba sur
les bataillons de Finck, leur tua du monde, et les força à
reculer jusqu'au Miihlberg.
Ce fut sur cette hauteur que se rassemblèrent les dé})ris
prussiens; le Roi parvint à grouper quelques unités qui
avaient conservé leur formation; dans son récit, il fait une
mention spéciale de la bonne attitude du régiment Lese-
vitz, qui avaii pris part à l'attaque du Spitzberg et qui
s'était retiré sur le Miihlberg ; grAce à la résistance de ces
braves et au feu de l'artillerie, une première attaque des
Russes échoua; elle fut bientôt renouvelée avec le con-
cours des régiments de la droite, (pie Soltikoll' fit donner
jusqu'au dernier. Ces troupes fraîches eurent un plein suc-
:>'"!; elles emportèrent d'assaut le MiihlbLig, chassant de-
vin' elles le flot des fuyards. Avec la position reconqui::;e,
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170
LA (JUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. IV,
les Russes rentrèrent en possession du matériel qu'ils
avaient perdu vers le uiilieu de la journée, et rendirent la
liberté à un grand nouibre de prisonniers que les l*rus-
siens n'avaient pas eu le loisir d'emmener. Parmi les der-
niers à quitter la colline, fut Frédéric, que le capitaine de
Prittwitz et son escorte de hussards eurent quelque peine
i\ défendre contre les cosaques accourus, seloi) leur cou-
tume, pour ramasser du butin. La fin de la lutte fut mar-
quée par un combat sur la lisière des prairies de l'Oder,
où les ,i;ardes du corps du Roi, en essayant d'arrêter 1" in-
fanterie russe, furent assaillis par les dragons de Laudon
et les cosaques de Tschui^ujew ; As fui\ uf enfoncés et lais-
sèrent aux mains du vainqueur leur étendard, leur colonel
blessé et beaucoup des leurs. Du côté du Seydlitzberu. il
y eut aussi des rencontres : le général Hetlem avec les hus-
sards autrichiens surprit le régiment Diericke, cpii avait été
affecté à la protection du parc d'artillerie, et après une
défense désespérée, le captura presque en enlier.
Il était plus de sept heures quand se termina la ba-
taille; l'armée battue s'enfuit dans le désordre le plus
complet, les uns dans les bois, les autres vers Trettin et
Bischollsee; les liens de la discipline étaient brisés; cha-
cun ne pensait qu'à son propre salut, et ne songeait qu'à
mettre le lIuhnerFliess entre lui et l'ennemi. Pour comble
de malheur, un des ponts -^e roujpit sous le poids d'un
canon, et il ne resta qu'un seul passage pour tout le maté-
riel (1 artilleri'e; aussi une bonne [>artie fut-elle abandon-
née. HeureiasMMiieutpour les vaincus, ilsne furent pas pous-
sés à fond; il suffit de quelques coups de canon des bat-
teries du l'inksberg et de l'apparition des hussards et des
dragons allectésà la garde des camps, pour faire rebrousser
les partis de cavalerie autrichienne qui semblaient vou-
loir franchir le ruisseau. D'ailleurs, la nuit tond>ante et la
lassitude de la cavalerie régulière austro-russe expliquent
l'ajjsence d'une poursuite énergique. Todieben et sesirré-
LASSITUDE GÉNÉRALE DES COMBATTANTS.
177
guliers, qui s'étaient employés à suivre
sienne, r.imasséiM
ils ne dépassèrent pas
la
cava
le rie
des
et force butin.
j)riis-
prisonniei
ranzendorl. Ue cette troupe qui
n'avait pris qu'une faible part à l'action , on aurait pu
exiger un effort plus vigoureux, mais il n'entrait pas dans
les md'urs de l'époque de harceler la retraite do Tennenii
par des attaques en dehors du champ de bataille. Ni Solti-
koff, ni Laudonne paraissent avoir songé à rendre la vic-
toire plus complète.
Il faut, du reste, reconnaître que les alliés étaient
presque aussi exténués que les Prussiens; ils étaient sous
les armes depuis aussi longtemps; ils avaient souffert de
la chaleur comme eux; ils avaient été exposés au feu pen-
dant de longues heures, et avaient lourdement perdu. Le
maréchal Daun, dans son rapport 1 1 sur la participation il
i'aifaire du corps de Laudoii, fait la constatation suivante :
« Les ti^ois régiments de dragons qui y étaient sont écra-
sés; il y en a, où il n'est point d'ol'licier de resté (jui ne
soit blessé »; quant aux compagnies de grenadiiM's autri-
chiens qui avaient si héroïquement défendu le Kuh (irund,
« elles étaient réduites à 10 ou 12 hommes. » Beaucoup de
régiments russes n'avaient pas été mieux traités; sauf pour
ceux de la division Fermor, qui ne s'étaient engagés que
sur le tard, les unités étaient confondues, les cadres dis-
persés ou anéantis ; en attendant la réorganisation remise
au lendemain, le besoin de repos s'imposait à tous.
Au cours de la journée, il s'était produit un incident qui,
en cas de victoire de Frédéric, aurait eu de grosses con-
séquences. Le général prussien Wunsch, laissé, comme on
l'a vu, sur la rive gauche de l'Oder avec 2 bataillons d'in-
fanterie légère et 10 escadrons de hussards, s'empara pres-
que sans coup férir de Francfort, y fit prisonniers quelques
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il i\
(1) Daun à Deux-Ponts. Relalion de la bataille. Papiers du prince Henri.
B. III, w. Etal-major général, Berlin.
GUKHRi: I)i: SEPT ANS. — T. III. 12
178
LA GUERRli: DE SEPT ANS.
CIIAP. IV.
officiers blessés et un détachoment de 250 hommes qui y
avait été envoyé comme sauvegarde, sur la prière des
magistrats de la ville. Les Prussiens, devenus ainsi maîtres
d'une des lign(>s de retraite de l'armée russe, l)arricadèrent
les ponts et résistèrent aux premiers efforts qu'on fit pour
les débusquer; mais vers 11 heures du soir, ayant acquis la
certitude de la défaite de leur armée, ils évacuèrent la
ville et remirent en li])erté la troupe de sauvegarde.
Dans l'action qui avait duré huit heures de temps, les
pertes de part et d'autre furent ell'royables ; du cAté des
Prussiens, d'après les relevés de Stiehle et de Laubert,
elles se montèrent k 530 officiers et A environ 18.000 sol-
dats (i) tués, blessés, pris ou disparus; à ce total, si l'on
ajoute un certain nombre de déserteurs qui ne rejoigni-
rent pas les camps des alliés, on trouve que la bataille de
Kunersdorf coûta à larmée royale près de 20.000 hom-
mes. Le général l'iillkammer fut tué; itzenplitz et Klitzing
moururent de leurs blessures. Plusieurs autres généraux,
Seydlitz, le prince de Wurtemberg-, Wedell, Hulsen, Kno-
bloch, Stutterheim, Itzenpiilz second et Platen furent griè-
vement blessés; Finck fut légèrement atteint et le Roi reçut
une contusion. Comme trophées de leur victoire, les alliés
emportèrent 20 drapeau.v, 2 étendards, 172 canons, dont
85 de gros calibre et les 0 pièces de l'artillerie à cheval,
300 tambours, plus de 10.000 fusils, et une quantité de
caissons.
Chez les vainqueurs, le déficit, quoique fort élevé, fut
moindre; la perte totale des Russes, à en croire les docu-
ments les plus authentiques (2), fut de l'i-.GOO officiers et
(1) Le journal d'opération de l'armée rujse donne pour les Prussiens les
chiffres suivants : enterrés 7.G'27, prisL/Oi, déserteurs 2.400; si l'on ajoute à
ces totaux i à 5.000 blesL;és emportés et évacués sur Goritz ou Custrin, on
retrouve le total indiqué ci-dessus.
(2) Les chiffres ofiicicls (pie reproduit Stiehle ne comprennent pas les dis-
parus et les prisonniers (jue Tellau évalue à 940 hommes, appartenant pres-
que tous au corps de Galitzin.
fe,
Il
LOURDKS PERTES DES COMUATTANTS.
179
soldats; celle des Autrichiens, d'un peu plus de 2.300, soil
pour l'armée alliée, de 17.000 hommes en chiffres ronds.
L'Ktat-major coujptait 6 généraux blessés : les princes (ia-
litzin et Lubomirski , les généraux Olitz, Kssen, Lobel et
Bachmann. Après déduction des détachements laissés par
les deux combattants sur la rive gauche de l'Oder, ou à la
garde des ponts, on constate que V3.000 Prussiens et GO. 000
Austro-Russes furent opposés les uns aux autres dans la ba-
taille du 12 août; les premiers curent V3 p. 100, les se-
conds 2V p. 100 de leurs efl'ectifs hors de combat. Si l'on
réfléchit que les fusils de l'époque avaient à peine une p»n'tée
de 200 mètres et que la zone utile de tir du canon ne dé-
passait pas 1.200 mètres, on sera amené à conclure que le
perfectionnement du matériel, en rendant presque impos-
sibles les rencontres à l'arme blanche ou à faible distance,
a plutAt diminué qu'augmenté la proportion du déchet
parmi les belligérants.
Le soir de la bataille, le roi de Prusse gagna Oetscher,
village situé sur la rive droite de l'Oder, à proximité des
pf»nts; ce fut d'une chaumière de ce hameau (juil écrivit
à Finckenstein (l) un billet où il ne faisait aucun mystère
de l'étendue du désastre : « Notre perte est très considé-
rable; d'une armée de /i 8.000 hommes, je n'en ai pas
3.000. Dans le moment que je parle, tout fuit et je ne suis
plus maître de mes gens. On fera bien à Berlin de penser
à sa sûreté. C'est un cruel revers. Je n'y survivrai pas; les
suites de l'affaire seront pires que l'affaire elie-mème. ,1e
n'ai plus de ressources, et à ne point mentir, je crois tout
perdu; je ne survivrai point à la perte do ma patrie. Adieu
pour jamais. » L*» lendemain matin, nouvelle lettre (2) au
ministre pour l'engager à se retirer à Magdebourg : « L'en-
^;:
i
(1) Frédéric à Finckenstein. Oetscher, 13 août 17.">9. Correspondance
lioUUque, XVIU, p. 181.
{'!) Frédéric à Finckenstein. Oetsclier, 13 août 1759. Correspoudanci'
politique, XVIFl.p. 482.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. - CIIAP. IV.
:if.^ ;i?
( I
iiemi peut être à Herlin dans deux ou trois jours; vous y
enverrez tout ce <|ue vous jugerez devoir, et vous ferez
savoir sous mains aux f^eus aisés do s'en aller pendant ce
temps de crise, avec leurs meilleurs ellets et capitaux, à
Hambourg. »
Dès la matinée du 13 août, les généraux prussiens es-
sayèrent de remettre (juokjiie ordre dans la troupe, qui
n'était qu'un ramassis confus de soldats a[)partenant à
toutes les armes et à tous les corps; ;\ quatre heures de
l'après-midi, le passage de l'Oder, jusqu'alors rigoureuse-
ment interdit, fut commencé; il s"accom[>lit sans être trou-
blé par l'ennemi. Aussitôt l'opération achevée, les ponts
furent repliés et les débris de l'armée campèrent sur les
hauteurs de Reitwein. Ici, soit que sa constitution physi-
que n'eût pas pu supporter le contre-coup des émotions de
la journée de Kunersdorf, soit que l'alfaiblissement du mo-
ral eut fait renaître les idées de suicide qui le hantaient
dans les heures d'abattement, 1^'rédéric prit la résolution
de céder le commandement de l'armée au général Finck,
celui de ses lieutenants présents et valides qui lui inspi-
rait le plus de confiance. Le ton des instructions rédigées
pour Finck laisse voir (1) le plus profond découragement.
« L'armée infortunée, dans l'état où je la lui remets, n'est
plus en situation de se battre avec les Russes. Hadick va se
hâter d'aller à Berlin, peut-être Laudon aussi. Si le géné-
ral Finck les suit, les Russes lui viendront à dos; sïl reste
sur roder, il attirera Hadick de ce côté. Étant données
les circonstances, je crois que, si Laudon se décide pour
Berlin, on pourra l'attaquer en route et le battre. Un évé-
nement de ce genre, pourvu qu'il tourne en notre faveur,
serait un point d'arrêt dans nos malheurs, et suspendrait
le cours des all'aires. Du temps gagné est beaucoup dans les
(1) Instructions pour Finck, sans date. Correspondance i)olHi(/iie, XVIII,
l>. 483. L'éditeur de la correspondance attribue à cette pièce la date du 13
dans l'après-midi ou du 14 août dans la matinée.
il I '
FRÉDÉRIC CEDE Lt COMMANDEMENT \ l-INCK.
181
circonstiiuces désespérées : Cooper, mon secrétaire, lui (à
Finck) fei-a part des nouvelles de Torgau et de Dresde. Il
devra informer de fout mon l'rèro que je nomme généra-
lissime de l'armée. Il est impossible de réparer complète-
ment notre malheur; en attendant, ce (pic mon frère or-
donnera sera exécuté. L'armée devra jurer fidélité à mon
neveu. VoihV le seul avis que je suis en état de d<)uner dans
nos malheurs; si j'avais encore des ressources, j'aurais tenu
bon. ))
A ses intimes, l'attitude du Hoi inspire de grosses inquié-
tudes. Le 15 août Coeper, le secrétaire privé, les mani-
feste (1) à Kinckenstein : « S. M. se trouve dans un abat-
tement (|ui ne saurait (jue faire f[u'une peine inUnie il ceux
qui ont l'honneur de rai)[)rocher. Elle sest déchargée, au
moins pour le présent, du commandement sur le lieute-
nant général de Kinck. Je ne crois pas les choses dans la
crise qu'on pourrait se les figurer; cependant on les en-
visage quasi comme désespérées, et l'on agit en consé-
quence. » Kn s'exprimant ainsi, Coeper songeait aux ins-
tructions que son souverain (2) avait envoyées à Sehmettau,
gouverneur de Dresde. Cet officier était [irévenu qu'il
n'avait pas de secours à attendre. « Au cas donc que les
Autrichiens viennent il tenter ([uelque chose contre Dresde,
vous verrez s'il y a moyen de vous soutenir, sans quoi il
faudra que vous tâchiez d'obtenir une capitulation favo-
rable, savoir : à la fin de pouvoir vous retirer librement
avec la garnison entière, caisse, magasins, lazaret, et tout
ce que nous avons à Dresde. » Kn terminant, le Roi infor-
mait Sehmettau de la remise de l'autorité suprême à Mnck,
dont il aura à exécuter les ordres, « comme vous venant
directement de ma part. »
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1 I
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(1) Coeper à Finckonslein. Roilweiii, 15 août 1759. Conrapondancc poli-
tique, XVlll, i>. i85.
(2) Frédéric à Sclimellau. Reilweiii. li août 1759. Correspondais poli-
tique, XVIII, p. 483.
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LA GUERRE DE SEPT \SS. — CIIAP. IV.
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L'intcrini ne duva que quarante- huit heures ; drs le
15 août, Frédéric commence à se ressaisir et à prendre le
dessus de ses souHrîmces moralea et physiques. Des dépê-
ches conçues dans un tout autre esprit que celles de l'avant-
veille partent dans toutes les directions. Kleist qui était
resté avec quelques bataillons en Poméranie pour surveiller
les Suédois, est appt lé à la défense de la capitale; Hordt
qui opérait avec un détachement dans la Posnanie, rejoin-
dra le quartier général; Uochow, le gouverneur do Berlin,
fera parvenir à Furstenwalde 50 canons de gros calibre
tirés des arsenaux et destinés à remplacer le matériel perdu
à Kunersdorf. Le rescrit de cabinet adressé à Uochow (1)
contient quelques mots rassurants : « Quoique nos circons-
tances aient paru très dangereuses et désespérées, il sem-
ble que cette fois !e gros orage va passer encore une fois. »
A partir du 16, la correspondance reprend comme avant
l'événement, sans la moindre allusion à la suspension des
pouvoirs. Ce même jour, on apprit l'ariivée de Iladick à
Miillrose et le passage de Laudon sur la rive gauche de
roder. En conséquence de ces nouvelles, l'armée prus-
sienne recula jusqu'à Furstenwalde et Madlitz, dans une
position entourée de bois et de marais où l'immobilité
de ses adversaires lui permit de séjourner en paix jus-
(ju'au 29.
Transportons-nous dans le camp russe, et recherchons
les motifs de l'inaction inexplicable des vainqueurs de Ku-
nersdorf. Los journées des 13 et lï août avaient été em-
ployées à débarrasser le champ de bataille des morts et
dos blessés, à chanter le Te Dctim avec toute la mise on
scène usitée, à enlever les canons capturés, parmi lesquels
on comptait des spécimens de presque toutes les artille-
ries do« puissances engagées dans la guerre, à former les
convois de malades et do prisonniers, enfin à remettre de
(1) Orrlre pour Rochow. Correspondance politique, XVIII, \h 480.
INACTION' DES RUSSES APRÈS LA IIATAILLE.
183
l'ordre partout. Ces Jjesognes absorbèrent beaucoup de
temps, car une semaine après rail'aire, Mesnag-cr parle (1)
encore du transport des blessés et de l'artillerie comme
retardant la poursuite des Prussiens. Cependant il s'a-
gissait de voir (piel fruit on tirerait de la victoire, et
pour cela l'entente entre les généraux en chef devenait de
plus en plus indispensable. Apparemment le marôcbal
Daun prit les devants pour les pourparlers avec SoltikolF,
qui se continuèrent presque journellement; le premier
messager fut le prince Lobkowitz, venu dès le lendemain
de la mêlée apporter les félicitations de l'État-major au-
trichien, puis lui succédèrent lladick, ([ui était k Midlrose
depuis le 14 avec une fraction de son corps, enfin Lascy,
le quartier-maitre général de la grande armée. Ce dernier
débarqua au camp de Soltikoff le 15 et lui soumit le pro-
gramme de son chef; il consistait à se porter avec toutes
ses forces en Silésie, et ;\ entreprendre le siège des forte-
resses de Ih'ieg et de Neisse; on demandait aux Russes de
couvrir cette opération dans la partie du Brandebourg,
et de faire des démonstrations sur Herlin de manière à
occuper le Roi et l'empêcher de secourir les places atta-
quées. Soltikoff qui, à cette époque, était tout à fait opposé
au mouvement sur la Silésie, et qui avait écrit dans ce
sens à sa cour, voulut attendre la réponse avant de se pro-
noncer; il pria Daun de lui accorder une entrevue per-
sonnelle, qui fut fixé à (iuben au âV août.
Sur ces entrefaites, l'armée russe chassée de Kunersdorf
par les miasmes du charnier quêtait devenu son ancien
camp, avait suivi le corps de l^audon sur la rive gauche
de l'Oder, et avait pris position près de ï>assow, ne lais-
sant sur la rive droite que Todle])en et sa cavalerie lé-
gère pour garder les communications avec Posen. Daun,
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(1) Mesnager à Belleisle. Lassow, 19 août 1759. Arcli lie la Guerre, vol.
3521.
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184
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
de son côté, avait transporté son quartier général de Prie-
bus à Triebel, de manière à se rapprocher dos Kusscs dont
il était, malgré cette marche, encore éloigné d'environ
90 kilomètres.
Quand les deux généraux se rencontrèrent à (luben, on
avait déjà gaspillé douze jours des plus précieux; on allait
en perdre bien davantage. Montazet, dans une dépèche
du 15 août (1), cherche à expliquer le « commencement de
campagne au-dessous du modeste » des Autrichiens; il
n'est guère plus ambitieux pour le reste de la saison.
Après avoir constaté « par tous les rapports qui nous vien-
nent journellement qu'il (le roi de Prusse) n'a jamais été
si fortement battu que dans cette dernière occasion, » il
ajoute : « Pour moi je ne vois rien de mieux à faire aujour-
d'hui que de ne point quitter de vue les Russes, et de com-
mencer par dévaster le Brandebourg. L'on pourrait en
même temps dégager Dresden. puisque personne ne le
défend. Ces deux objets remplis, je marcherais avec la plus
grande partie des forces russes et autrichiennes en Silésie;
je la parcourrais depuis Crossen jusqu'à NeisSe, en prenant
hommes, iiestiaux, etc., jt brûlant les magasins du Roi
dont je ne pourrais faire profit. J'irais ensuite m'asseoir
devant Neisse pour en faire le siège, et ma campagne fini-
rait par cette opération Voilà en gros, monseigneur, ce
que je crois de plus utile, et où il y a le moins d'accidents
à craindre. Il s'agit de savoir si les Russes voudront se
prêter à nos besoins, mais je pense qu'il faut en tirer parti
à quelque prix que ce soit, puisque nous les tenons; et ce
n'est qu'en ne les perdant point de vue, que nous par-
viendrons à notre but. ^)
Cinq jours après, autre lettre (2); Lascy est revenu de sa
(1) Montazet à Relleisic. Piiebus, 15 août 1759. Aidiivos de la Guerre,
35'.>0.
(2j Montazet à Belleisle. Triebel, 20 aortt 1759. Archives de la Guerre,
3521.
CONFÉRENCE ENTRE DAUN ET SOLTIKOFF.
18.-.
mission et n'en a évidemment pas rapporté de bonnes im-
pressions : « Voilà les huit plus beaux jours de notre cam-
pagne que nous venons de perdre, parce que les Russes,
dit-on, ne veulent rien faire absolument. » Dans l'entre-
vue qu'il doit, avoir avec SoUikofF, Daun insistera proba-
blement sur la nécessité d'empêcher les Prussiens de ren-
forcer les faibles détacliements laissés en Saxe : « Il est
l)ien cruel de nous voir arrêt'^'r à propos de bottes, dans le
moment de recueillir le fruit de deux combats aussi meur-
triers Je commence donc à croire que le Brandebourg-
sera épargné; reste à savoir si nous prendrons Oresden
avant d'aller en Silésie w. L'absence de Montalembert (1)
est filcheuse; Soltikotf aurait pu être influencé « car l'on
dit que c'est un brave homme qui, à la vérité, n'entf>nd
rien à la besogne, mais aucjuel du moins on peut par-
ler. »
A Vienne, où la nouvelle de la victoire était parvenue
le 15 août, c'est-à-dire trois jours après la i)ataille, les avis
étaient très partagés sur la suite à donner aux opérations :
Kaunitz était partisan de la conquête de la Silésie que
l'ambassadeur Choiseul appelle « l'idole de se n cœur » ;
l'impératrice souhaitait avant tout la destruction du
grand cdversaire : « l^e roi de Prusse, disait-elle (2), était
l'ennemi commun, c'était lui, sa personne qu'il fallait
tâcher d'abattre ; quand on avait coupé un arbre par la
racine, on avait bientôt les feuilles. » Choiseul, au con-
traire, dès avant Kunersdorf, prêchait le recouvrement
do la Saxe; il avait cherché pour son projet favori l'appui
de l'envoyé saxon et avait été fort surpris de l'accueil peu
encourageant qu'il avait reçu; mis au pied du mur, Fle-
ming avait avoué (3) « que sa Cour ne désirait pas qu'on
h I
^
!
il.
(1) Monl'aleml)ert ne rejoi}.;nit la quarlier général russe que le 'lo août.
'2) Comte de Choiseul au Duc, 15 août 175!». Affaires Étrangères, Au-
triche.
^3; Comte de Choiseul au L>uc, 9 août ITûO, Affaires Étrangères, Autriche.
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18(',
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP IV,
lit aucune tentative pour la délivrance de la Saxe; qu'elle
craignait qu'au lieu de réussir, on n'achevîVt de ruiner
le pays. » iMalgré cette rebuffade du principal intéressé,
Choiseul poussa sa pointe et finit par l'emporter. Il fit dé-
cider le siège de Dresde et obtint pour le duc de Deux-
Ponts, chargé de rcntrepriso, le concours d'un fort contin-
gent autricliien et l'envoi d'un train d'artillerie formé à
Prague.
A en juger parles confidences laites à l'attaché fran(;ais,
Daun dut avoir gain de cause dans la conférence de (iuben.
« J'ai vu avec plaisir, écrit .Montazct (1), que depuis son
entrevue avec iM. de Soltikoll', il disp^'^ait tout pour faire
prendre Dresden, et qu'il espérait que l'armée des Cercles
commencerait cette opération dans les derniers jours de ce
mois : je ne doute pas non plus que le siège de Neisse ne
soit bien résolu après la prise de Dresden. » S'il faut s'en
rapporter au récit que fit SoltiUotf (2) de la conversation
de (juben, Daun aurait reconnu la nécessité d'accorder du
repos aux Russes et se serait borné à leur demander de
prolonger leur séjour dans les environs de Francfort jus-
(ju'à k, chute de Dresde, soit une dizaine de jours, et de
mettre le Boi dans l'impossiljilité d'envoyer du secours en
Saxe. Aussitôt la capitale do l'électorat tombée au pou-
voir des alliés, Daun, avec le gros de ses forces, s'unirait à
Soltikoll' pour envahir la Silésie, où on s'emparerait de
Neisse et do Liegnitz et où l'armée moscovite pourrait
établir ses quartiers d'hiver, à l'abri de ces places. A
cette dernière partie du programme, Soltikoff fit des ob-
jections basées sur l'éloignement dans lequel il se trou-
verait de Posen, de la Vistule et de la Prusse royale, d'où
il tirait ses ressources en hommes, en vivres et en mu-
nitions; mais il consentit i\ conserver sa position actuelle
(1) Monlazot au coinle de Choiseul. ïriebel, 23 août 175'J, Archives de la
Guerre 3521.
(2) Soltikoff à Elisabeth. Francfort, 21 août 1739. Trolha, p. 52.
MONTALEMBERT AU QUARTIER GÉNÉRAL RUSSE.
187
pendant deux semaines, sens la réserve que les Autri-
cliiens lui fourniraient une partie de l'avoine et des four-
ratées dont sa cavalerie aurait besoin. A la suite de cet
entretien, les deux j^énéraux firent part à leurs subordonnés
de leur accord sur les opérations relatives à l'entreprise
sur Dresde, et à l'invasion de la Silésie; puis, après un re-
pas magnifique, on se sépara et cbacun retourna à son
quartier général.
A la cour de Vienne, si l'on doit se fier à l'affirmation
de Choiseul, on se montra peu satisfait de l'entente de Gu-
ben : « Ce qu'il y a de plaisant, écrit l'ambassadeur (1),
c'est qu'après avoir donné deux i)atailles malgré eux
(comme M. de Soltikoff l'a avoué lui-même), ils (les Russes)
ne veulent pas poursuivre leurs avantages et marcher à
Berlin de peur d'en donner une troisième qu'ils n'auraient
sûrement pas, parce que le Roi de Prusse n'est pas en état
de la leur livrer, et ils préfèrent d'aller en Silésie où ils
auront probablement cette troisième bataille qu'ils veulent
éviter, car on ne prendra ni (Jlogau ni Neisse sans avoir
défait l'armée du prince Henri. »
Sur ces entrefaites, survint Montalembert qui avait été
retenu à Varsovie et à Saint-Pétersbourg^; il eut avec
Soltikoff et avec Daun, auprès duquel il se rendit sous cou-
leur d'une visite à Montazet, des conversations fort inté-
ressantes, dont il rendit compte (2) quelques jours plus
tard à Belleisle : « .l'ai trouvé en arrivant les Russes acca-
blés du poids de cette guerre; le comte de Soltikotrm'a ré-
pété ce que je me suis aperçu qu'il disait h tout le monde :
Que l'armée russe en avait assez fait, que, si le maréchal
Daun n'avait pas en vue de les sacrifier totalement, il ne
devait faire aucune difficulté de suivre le roi de Prusse,
i.i «
fl) Comte de Choiseul au Duc, 27 août 1739. Affaires Étrangères, Autriciu'.
(2) Montalembert à Relleisle. Lieberoso, 31 août 175'J. Arch. de la Guerre
3,521.
I ;
188
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
et que c'était k lui avec ses troupes fraîches il achever
une besogne si bien commencée; que pour lui il était prêt
à le soutenir, et à combattre encore une fois si le maré-
chal se trouvait dans une position où son secours fût né-
cessaire; qu'en attendant il était résolu de donner du repos
à son armée, qu'il marcherait sur (iuben, que de là il se
rapprocherait de l'Oder pour tirer plus facilement ses sub-
sistances de Posen; et qu'enfin il était décidé à conserver
le reste de ces braves gens qui avaient s! bien combattu à
Paltzig et il Francfort. Je lui ai inutilement représenté
qu'en ne suivant pas plus loin le roi de Prusse, il laissait
cueillir aux Autrichiens le fruit de ses Aictoires;il m'a
répondu qu'il n'en était point jaloux et qu'il leur souhai-
tait de fout son cœur les plus grands succès, qu'il en avait
assez fait. Je me suis aperçu à Pétersbourg, mais bien plus
distinctement à cette armée, que tout ce qui est russe est
intimement persuadé que la cour de Vienne se soucie fort
peu de les ménager, et que son intention est de leur faire
supporter tout le poids de cette guerre. Ils sont devenus
fort avantageux depuis leurs victoires et parlent des Au-
trichiens en ternies peu convenables. »
Des idées de Soltikolf, le Français passe à celles de Daun,
qui semble avoir produit sur lui une impression bien plus
favorable que son collègue : « Il (Daun) m'a expliqué ses
vues et j'ai reconnu toute l'étendue de sa prudence dans le
peu de cas (ju'il m'a paru faire d'une marche sur le roi de
Prusse et sur lier) in. Ce général suppose qu'elle serait insuf-
lisante pour accabler ce prince, qu'elle l'éloignerait trop
de la Silésie, qu'il peut plus sûrement délivrer la Saxe
en restant dans la position où il est, que le roi de Prusse
ne peut rien détacher pour la Saxe, qu'il ne peut rien en-
treprendre contre les Russes et qu'enfin le prince Henri
sera forcé de rester dans l'inaction en Silésie sur la Bober,
et que lorsque la prise de Dresde aura assuré la con-
(juéte de la Saxe, il marchera avec les Russes en Silésie
^â-...
MONTALEMUERT SOUTIKNT LES PIIOJKTS DE DALN.
189
assez tôt pour y pouvoir encore fair"i un siège considé-
rable, »
A ce plan qui reposait sur l'inaction du prince Henri,
aussi bien que sur celle du lloi, Montalembert fit (|uel(|U('S
-objections inspirées par la crainte « que l'un ou l'autre ne
t„nte encore une fois le sort des armes pour se tirer de la
crise où il se trouve et pour parer les grands coups qu'ils
sentent qu'on va leur portei. Le maréchal m'ayant paru
tranquille A. cet égard, » la conversation passa à d'autres
sujets.... « Le maréchal m'informa de plus, ajoute iMonta-
lembert, qu'il avait obtenu du comte de SoitikofT dans son
entrevue, qu'il resterait en deçà de l'Oder, lui ayant ollert
de fournir à son armée le pain et les fourrages qui lui se-
raient nécessaires, et qu'après la prise de Dresde, ils mar-
cheraient ensemble en Silésio où les Russes prendraient
des quartiers d'hiver, si le siège de Neisse qu'il avait en
vue pouvait réussir. Il m'a fort recommandé d'entretenir le
comte de Sollikolf dans ces sentiments, mais malgré les
présents dont le général en chef et plusieurs autres géné-
raux ont été gratifies, je vois régner beaucoup d'incerti-
tude dans tous les esprits, et môme dans celui du général
qui n'est point d'un caractère à conserver la môme ré-
solution un certain temps de suite. On parle quelquefois
d'aller attaquer le roi de Prusse, quelquefois de se retirer
pour se procurer des subsistances qui manquent; nous
avons marché le 28, le 29 et le ;{0 pour subsister plus com-
modément à ce qu'on dit. Enfin, je crains fort que la tem-
porisation nécessaire au projet du maréchal Daun ne soit
un obstacle à sa réussite, par la difficulté de placer les
Uusses et de les faire demeurer où il faudrait qu'il fus-
sent. » Montalembert avait bien jugé son homme : Sollikoll
ne laissait pas d'être inquiet du voisinage de Frédéric dont
l'armée se reconstituait X vue dœil; il pensait, non sans
raison, qu'il y aurait tout avantage à ne pas ajourner une
rencontre qui lui paraissait inévitable; il avait môme pro-
i:
r,
|.
i \\
190
LA CUERRK DE SEPT ANS. — CHAI». IV.
V 'H
pose h F)aun (1) uno attaque combinée contre les forces
royales. Nous verrons plus loin racquiescemcnt tardif que
donna l'Autrichien à ce projet, qui n'avait qu'un tort, ce-
lui d'être en contradiction avec le prograniUK; arixté à
Guhen.
Pendant qu'on discutait les opérations de l'avenir, un mo-
tif d'actualité, le défaut do fourra^ies dont on ne pouvait
plus se fournir dans un pays épuisé, obli,i.;ea les lUisses à
changer leurs cantonnements. L'armée quitta le camp de
Lasso'.v, qu'elle avait occupé '/Icpuis le 16, et se rendit [)ar
(irunau àLieberose, où elle arriva le :10. Par cette marche,
Soltikoff se rapprocha do Daun d'environ 30 kilomètres.
Frédéric suivit aussitôt ses adversaires, traversa laSprée à
Rrctschcn, et vint camper il Weldau entre Lubbau et Lie-
bcrose; dans ce nouveau poste qui se trouve à égale dis-
tance de Herlin et de Torgau, l'inconvénient d'être com-
plètement coupé de la Silésie était compensé par l'avantage
de conserver les communications avec la capitale et d'être
plus à portée de la Saxe.
Les armées de Soltikoff et de Daun (2), à 45 kilomètres
l'une de l'autre, interposaient une masse de plus de 90,000
hommes entre les ;{3.000 qui restaient au Uoi (3) et les
35.000 dont disposait le prince Henri. Leurs chefs ne surent
profiter ni de leur position centrale ni de leur supériorité;
ils ne bougèrent pas jusqu'au 14- septembre.
Ainsi qu'on l'a vu parla correspondance des attachés fran-
çais, la double préoccupation de Daun était d'empêcher
Frédéric d'envoyer des secours en Saxe et de s'opposer à sa
jonction avec le prince Henri. La suite nous apprendra que
ni l'un ni l'autre de ces objectifs ne fut atteint. Quant à
prendre l'offensive contre larmée royale, A achever l'œuvre
(1) Soltikoff il Daun. Lassow, 26 août 1759. Tiotha, p. 56.
('.!) Daun, d'après Montazet, avait 50.000 hommes, sans compter le corps
d'Hadick. Soltikoff et Laudon en avaient certainement plus de 40.000.
(3) Frédéric à Henri, Furstenwalde, 21 août 1759. Correspondanct poli-
lique, XVIII, p. 497.
DAUN FIDKf.E A SA TACTIQUE DÉFENSIVE.
l'.M
cnmmenrt'^e par les Uusscs. il n'en out jamais la pensée, on
s'il l'eut, il ne la ^arda [>as longtemps en l(Me. A ses yeux,
tenir en échec son entrepi-enant ennetni était déjà un beau
résultat; pour Tolitenir, le feld-njaréclial comptait sur une
guerre ([u'on pourrait appeler de positions; il est vrai «pi'il
s'entendait admirablement à les choisir et encore mieux ù
les fortifier. D'ailleurs, d'après Montazet (t), qui était qua-
lifié pour parler en connaissance de cause, cette allure dé-
fensive était tout à fait adaptée aux méthodes et au tem-
pérament des soldats de Marie-Thérèse. < Je connais le fort
et le faible des troupes (jue je vois depuis trois ans que je
fais la guerre, et je vous jure en honnête homme (|ue j'aime-
rais mieux attendre le roi de Prusse dans une bonne posi-
tion avec un tiers de monde de moins que de l'aller attaquer
avec une moitié de plus. »
l'ne des caractéristiques les plus marquées du génie mi-
litaire de Frédéric était de juger le tempérament de l'ad-
versaire, de baser sur cette appréciation ses prévisions pour
l'avenir et de savoir profiter des erreurs ou des fautes d'o-
mission qui lui paraissaient probables. Au lendemain de sa
défaite, nous avons vu Frédéric soucieux avant tout de la
défense de sa capitale; huit jours plus tard, il devine que
les alliés ne sauront pas compléter leur victoire ; aussi le
20 août, n*hésite-t-il pas à, détacher de sa faible armée pour
la Saxe le colonel Wunsch avec une brigade composée des
bataillons venus de Poméranie que renforceraient les gar-
nisons de Wittenberg, de Leipzig et de Torgau. Mais tout
en prenant ses précautions pour la conservation de l'Klec-
torat, le Roi est pendant plusieurs jours convaincu que
IJerlin était le point le plus menacé, tant il lui semble
impossible que les Autrichiens ne tirent pas parti de ses
embarras. « J'apprends, écrit-il le '2V (2), que Daun est ar-
li
(1) Montazet à Helleisle, 23 aoùl 175',». .\rchives de la Guerre,
;2) Fréiléric à Finckenslein, 2^ août 1759. Conespondunce politique,
XVIII, j), 498.
192
LA GUERRK DE SKPT ANS. — Cil Al». IV.
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rivé il (;iil)oii, que mon frère le cAtoic, sans (jue je snrlic
précisément où il se trouve. Les Russes attendent donc
cette jonction pour me tomber sur ie corps. Si mon frère
peut me joindre, nous aurons une all'aire décisive; si non,
je me ferai écraser, j'aurai la consolation de mourir l'épée
A la main. »
A Merlin, lorsqu'on connut les premières dépêches du
Uoi, l'alerte fut chaude; la cour et les ministi'cs se réfugiè-
rent iV Maydebourg"; les principau.v membres de la bour-
i^eoisie reçurent du lieutenant de police l'invitation dis-
crète de se retirer r Ilamboury. Toutefois, la picmière
émotion passée, il se tint une assemblée des banquiers et
du corps des marchands (1) où il fut décidé d'ajourner le
départ, et de députer près du Uoi un des leurs pour aller
au.v renseignements, (le délégué, du nom de (lotskofsky,
eut au camp de Keitwein une audience de Frédéric (ju'il
trouva l.igé dans la c.d)ane d'un paysan; il lui fit part du
sentiment de ses confrères, qui préféraient ne pas aban-
donner la capitale, sauf à payer une contribution à l'en-
nemi, plutôt (jue de s'e.xposerau pillage en s'absentant de
leurs maisons et de leurs magasins. Le monarque partagea
cette manière de voir, tout en engageant (lotskofsky à re-
gagner Berlin bien vite, « sans quoi vous risquez que les
cosaques vous prennent par le collet. » De Reitwein, le
délégué rapporta des avis rassurants : « F^'armée n'était
nullement découragée, mais plutôt remplie de bonne vo-
lonté, et du désir de prendre sa revanche, elle montait déjil
alors à 3'i..000 hommes elfectifs; après les canons pris par
les Russes et ceu.x qui étaient restés sur le champ de ba-
taille, le colonel Muller avait encore 92 pièces. » Depuis
l'affaire, on lui avait expédié 10.000 fusils et au delà de 100
canons.
Ce fut seulement le 30 août que Frédéric fut fi.xé, grâce
(1) LeUre de Berlin envoyée par Yorke à Newcastle. Newcastle Pajieis,
32894.
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MOUVEMKJiT m nilNCE I1EN«»I.
103
iï lu (lircction |)i'ise par les Musses, sur les intentions réelles
des alliés : >' Les Uusses et les .Vutricliicns, ëcrit-il (l),<)nt
tourné du cAté de la Lnsact. Vous vous imaginez (jue mon
étounenient n'en doit point être médiocre, d'autant plus
que pendant que je croyais qu'ils marcheraient à Iterlin,
ih prennent un parti tout contraire » Deux Jours après,
arrive une dépêche du prince Henri, la premier»^ tiepuis
la hataille. « J'ai reçu votre hillct du 20, lui ré[)ond le
Uoi (2), et je vous annonce le miracle de la maison de
Hrandehourg. Dans le temps que l'ennemi avait passé l'O-
der, et qu'en hasardant une seconde hataille, il pouvait
linir la fiuerre, il est marché de Mdllrose à Lieherose ».
Privé pendant plus de quinze jours de communications
avec le Uoi, \c prince Henri, ([u\ commandait l'armée de
Silésie depuis la fin de juillet, n'avait pas quitté le camp
de Schmottseifen; eulin, dans les derniers jours d'aoïU, il
essaya de se rapprocher de son frère. V cet eil'et, il prit
position k Sagan le 20 août, avec une avant-garde sous
Zieten îl Sorau; ce détachement compris, il avait sous .ses
ordres 30 bataillons et GO escadrons, soit un peu plus de
30.000 hommes d'excellentes troupes. Ti'ompé parce mou-
vemeni, Daun s'imagina (]ue le prince Henri allait franchir
le Doher et, pour le prévenir, porta son armée de Triehel
à Muskau, s'éloignant ainsi des Russes; puis sur l'avis que
Sorau n'était occupé que par la division de Zieten, il
poussa jusqu'à cette ville que les Prussiens évacuèrent juste
à temps, et y établit son quartier général le 3 septembre.
Une lettre de Montazet, datée de Sorau (3j, nous met au
courant de la situation : « Nous voilà donc assemblés ici,
il
Mil
(1) Frédéric à Finckenstein. Borne, M aoiU 1759. Coirespondriiicc poli-
Uque. XVIII, [i. 509.
(2) Fiédéric i Henri. \Valdow, l" se|iteinbre 1759. Carrcspondancc pâli-
tique, XVllI. |). 510.
(3) Montazet à Belleisle. Sorau, 3 septembre 1759. .Vrciilves de la Guerre,
3522.
CUCRUE DE SEPT ANS. — T. II!. 13
W '
104
LA CUEHUE DK SKPT ANS. — CIIAP. IV.
(:
/",
je ne sais t>'0[) ce que nous allons y faire, M. lo maréchal
ayant deux objets qui ne s'accordent nullement k mon
avis, le premier de ménag-cr les Russes, et le second de
faire la guerre. J'ai pris la liberté de lui dire que, moyen-
nant cela, nous ne ferions rien du tout, puisque les Russes
ne cherclieni que des prétextes pour s'en retourner, et
qu'ils n'ont que cet unique objet. Aussi voit-on ie qui
résulte des heureuses dispositions. Le roi de Prusse les
nargue au point qu'il est venu se camper à Lubeiî, après
avoir détaché 8 à 10. 000 hommes pour aller reprendre la
Saxe, et n'en ayant certainement pas plus de 30,000 avec
lui, tandis que les Russes et les Autricliiens, rassemblés à
Lieberose, composent une armée de 60.000 hommes pour
le moins. N'est-ce pas incroyable, et après de tels faits
peut-on se flatter de détruire cet ennem? aussitôt qu'on le
pense? >; On venait d'apprendre la prise deTorgau par l'ar-
mée des Cercles et l'incendie des faubourgs de Dresde :
u J'ai grande peur que le résultat de tout ceci ne sjit la
seule destruction de la Saxe, les Russes ne voulant aller ni
en avant, ni être séparés pour ainsi dire des Autrichiens.
Ces derniers d'un autre côté n'osent les contredire, espé-
rant toujours de les mener en Silésie; mais je parierais
bien que les Russes manqueront à tous leurs engagements
qu'ils ont pris et que la scène finira par un procès entre les
deux généraux. La pauvre Saxe sera donc la victime de
tout, et les deux batailles que les Russes ont gagnées ne
serviront qu'à nous couvrir de honte, et à avoir f it égor-
ger 50.000 hommes pour rien; en vérité c'est par trop
mal faire ia guerre, et le roi de Prusse a bien raison d'être
aussi confiant Pour moi je sèche sur mes pieas, car
j'ai beau faire des vœux et des plans, j'en suis toujours
pour mes peines; et ce qui m'afflige le plus, est qu'il est
bien difficile que cela soit autrement ».
Aussitôt qu'il fut ivisé du commencement des opér.itions
contre Dresde, Daun fit marcher, non sans quelques objec-
DIVERSION DU PRINCE HENRI EN LUSACE.
11(5
tions de la part des Russes, lladick sur cette ville pour prê-
ter assistance au duc de Deux-Ponts; de son cùté Frédéric
envoya, au secour.- de la capitale de la Saxe, le général
Finck avec un corps d'un peu plus de 10.000 honunes. Eu-
fin, le prince llenr" convaincu qu'il rendrait plus de ser-
vice au Uoi par une diversion en Lusace qu'en restant h
Sagaa, décampa de cette ville le 5 septembre, remonta la
rive droite du Bober, et gagna Kunzendorf, puis Giirlitz
où il parvint le 12 septembre. A la suite du prince, haun
détacha \i général Beck avec ordre de rallier De Ville,
({ui était chargé de la défense de la Lusace et de la protec-
tion des magasins de la frontière de Bohème, d'où les Au-
trichiens tiraient leurs approvisionnements. Ainsi renforcé,
De Ville aurait -20.000 liommes, force suffisante pour tenir
tête au prince Henri.
Ce» précitutions prises pour assurer ses derrières, Daun,
avec le gros de son armée, se porta le 9 sopteml)re à
Spremberg. Ce mouvement qui, d'après le dire du maré-
chal, était la première étape d'une opération offensive con-
tre le roi de Prusse, paraissait répondre au désir tant de
fois exprimé par Soldkoff. On savait depuis trois jours la
capitulation de Dresde; on avait donc les mains libres; il
fallait profiter de l'heure propice. Messager sur messager
furent expédiés au (juartier général russe, pour arriver à
une entente, sans grand résultat, ce semble, à en juger
par les rapports adressés (1) à la Tzarine. A Daun, qui lui
demande de faire une déniuii;:tvation vers Luben et d'oc
cuper l'attcnt'on du Roi, campé en avant de cette ville,
Soltikoff réplique en parlant d'aller à (luben, c'';st-i\-dire
du côté opposé, et de s'établir entre la Neisse et le Bober,
à l'effet d'empêcher la jonction du prince Henri avec son
frère. Une action combinée entre deux généraux dont l'ac-
cord durait à peine le temps nécessaire pour échanger
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{i) Soltikoff à Elisabeth. Lieberose, 13 septembre 1759. Trotha, p. 6i,etf.
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196
LA GLEHllE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
une correspondance, devenait de plus en plus improba-
ble. Dans l'espèce, il faut en convenir, ce ne fut pas l'op-
position de SoltikolF qui fit échouer le projet des Autri-
chiens.
Quand on apprit à Vienne le départ de la grande ar-
mée pour Sprcmbcrg et ses intentions belliqueuses, on fut
au comble de la joie : « Enfin, après bien des courriers et
des incertitudes, écrit le comte de Choiseul (1), le maréchal
.s'est détei'miné àfaire aujourd'hui ce qu'on aurait dû faire
le 13 août, c'est-à-dire à marcher au roi de Prusse et à
Berlin. » Il fallut déchanter lorsqu'on sut que Daun, au
lieu d'avancer sur Berlin, avait rétrogradé sur Bautzen et
opéré le 13 septembre sa réunion avec les divisions de De
Ville et de Heck. Un raid du prince Henri sur les maga-
sins impériaux et l'incapacité de De Ville avalant boule-
versé les combinaisons du généralissime. Citons le compte
rendu (2) de Montazet : « Voilà pourtant un changement
qui vient d'arriver, qui vous déplaira sans doute autant
qu'à moi, puisqu'il démont tout ce que j'ai eu l'honneur
de vous mander : car M. De Ville n'ayant pas fait un mot
de tout ce que M. le maréchal lui avait ordonné, et s'étant
retiré sur lindessin (3) avec une {)récipitation inconcevable
il : 1" laissé les postes de la Bohême à découvert, ce qui
a donné la facilité à l'ennemi non seulement d'y entrer
et d'y prendre (J ou 700 Croates à Kidelande (Fried-
land), mais même de nous enlever une quantité prodi-
gieuse de chariots de proviande [sic) qui portaient des
subsistances à l'armée. Bref, M. De Ville a mandé à M. le
maréchal qu'il .se retirait àBudessin, parce que l'ennemi
était sur ses talons. C'est sur cela que notre général assem-
(1) Coinlft de Clioiseul llelleisle. Vienne, 12 septembre IT.'i'J. Archives
(le la Guerre, 35'2i.
(2) Montazet à Clioiseul lludessin, 13 septembre 1".')9. Archives de la
Guerre, ;{.")22.
(3) Nom slave de Haulzen.
DAUN SUIT LE PRINCE HENRI.
197
bla à Sprembcrg- messieurs les Feldjacgermeisters qui
décidèrent avec lui qu'il fallait se porter ici. » Le Français
s'étend sur les embarras de Daun, et se console de l'aban-
don do la marche contre le Roi, en tombant sur les al-
liés : « Les Russes ne veulent rien faire dans le fond, ne
cherchent qu'à sauver les apparences, et ils exigent que
M. de Laudon avec son corps ne les quittera pas. » Moata-
lembert (1) partag-cait les impressions de son collùg'ue; il
pensait que les Russes n'accompliraient plus rien cette
campagne, i> moins d'ordres forniels de Saint-Pétersbourg.
Mcsnager (2) donne au contraire la note des militaires mos-
covites : '< Les lenteurs, les mouvements, la politique du
maréchal Daun ont excité une méfiance qui augmente tous
les jours, par la crainte que les arnées réunies, il n'en
ait le commandement en chef. » Scltikoif, qui venait d'i"»-
tre nommé feld-maréchal, à la suite de la bataille de Ku-
nersdorf, se soucierait peu de jouer un rùle de subalterne.
Au quartier général russe, on s'était à peu près résigné
à se charge." du siège d'une des places de l'Oder, et pen-
dant «jue durerait cette opération, on comptait être cou-
vert du cùté de Frédéric par l'armée de Daun ; aussi l'avis
du départ de ce dernier pour Bautzen, créa-t-il dans
l'état-major une émotion que Montalembcrt va nous dé-
crire : «J'ai trouvé ce général (Soltikoll) (;Ji déterminé à
se rapprocher de l'Oder et ne voulant rien entreprendre
qui pût l'en éloigner; dans de pareilles dispositions, je
n'ai pu lui proposer que la priiîe de Glogau », Après
quelques objections, le Russe avait accepté cet objectif
moyennant certaines conditions aussitôt transmises au
camp autrichien : « Mais la nouvelle qu'on a reçue ici
(1) Montaleiiibeit à Relleislc. Li('bero.sc, 9 snpteniliro l'.i'J. Archives de
la Giiorrc, :{52L>.
(2) Mpsnager à Belleisle. Lieberosc, 12 septembre 1759. Archives de la
Guerre, 352')!.
{!) Montalembcrt à Choiseul, Lieberose, 14 septembre l"."i9. Archives de la
Guerre, 3522.
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1 ifif'i
II
it
lîts
LA GL'ERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. IV.
hier vers les neuf heures du matin, que le marôchal Daun
avait marelle sur Budessin, au-devant du prince Henri,
après avoir mandé qu'il avait des ordres positifs de mar-
clier sur le roi de Prusse, a fait un si mauvais effet que le
comte de Soltikoff voulait absolument partir ce matin pour
s'en aller de son côté sur l'Oder, renonçant à tout concert
avec le maréchal Daun. H m'a paru très piqué de ce que
M. le maréchal avait chang-é la direction do ses marches
sans l'en avoir prévenu ; enfin, toute la journée d'hier a été
employée à remettre le calme et à rétablir les choses à peu
près sur le même pied; ce que j'ai obtenu de plus es-
sentiel, c'est qu'il n'y aura rien de changé au projet du
comte de Soltikoff dont j'ai fait part à Montazet par son
ordre Le comte de Romansof (Rumjanzew) est parti
ce matin pour aller au quartier général du maréchal Daun,
chargé de convenir avec lui des opérations qui restent à
faire. » Montalembert attache beaucoup d'importance à ga-
g'ner ce personnage « intéressé de vanité et d'ambition, »
ainsi que le général Panin. « Il ne faudra pas l'argent à
celui-là; ce serait même un très mauvais moyen auprès de
lui, mais la promesse du cordon bleu de Pologne ou celle
du grade de lieutenant général. »
Kn exécution du mandat qui lui avait été confié, Rum-
janzew se rendit à Bautzen et soumit à Daun les mesures
préparatoires que demandait son chef pour le siège de Glo-
gau; renfort de 10 à 1*2.000 Autrichiens, constitution près
de la ville d'un magasin contenant un mois de vivres, four-
niture du parc d'artillerie, protection de l'investissement
contre les entreprises du Roi et du prince Henri. La pre-
mière exigence des Russes pouvait recevoir satisfaction
immédiate; quant aux autres, il fallut se contenter des
promesses un peu vagues du feld-maréchal. Montazet
voyait de très mauvais œil (1) l'expédition de Silésic au
(1) Monla/.ct à Contailcs. Biidcssiii, 18 .septembre 1759. Archives de la
Guerre. Carton de 175'J.
RENFORT AUTRICHIKN ENVOYE AUX RUSSES.
t99
succès de laquelle il n'avait pas la moindre foi : « Ils (les
Russes) ont eu peur que le roi de Prusse ne les liarcelût
dans Icui' retraite, et ont voulu se faire cscorler par 25.000
Autrichiens que nous ne reverrons plus de la campagne,
s'ils passent une fois le Bober. » Cette prophétie se réalisa,
comme la suite nous l'apprendra. La division de renfort,
composée de 10 bataillons et de 30 escadrons, fut mise en
route sans perte de temps, et rallia les Austro-Russes dans
les environs de Christianstadt. A cette époque les forces de
rimpératrice-Reine étaient réparties de la manière sui-
vante : Daun avec 40.000 hommes à Baulzcn ; Iladick, Mac-
guire, Yehla avec le duc de Deux-Ponls, 25.000; en face
de Fouqué, sous Harsch à Trautenau 18.000; entre Gabel
et Rcichenberg' pour garder la frontière de Bohème 8.000;
eniin 30.000 à l'armée russe. Cette dernière, toujours ac-
compagnée du corps de Laudon, avait quitté son camp de
Lieberose où les subsistances et surtout le fourrage fai-
saient défaut, et avait marché par Cuben et Sommerfelt
à Christianstadt, où elle arriva le 21 septembre, et où elle
rencontra le nouveau détachement autrichien. C'était le
mouvement sur la, Silésie bien dessiné, et comme consé-
quence inévitable, la rupture du contact avec Daun.
A partir de ce moment, les opérations des alliés devin-
rent distinctes les unes des autres; celles des Russes et de
Laudon eurent pour théAtre la Slésie, tandis que Daun,
avec le gros des Autrichiens, agissait en Lusace et en Saxe.
En dépit des phrases courtoises et des politesses échan-
gées, on ne comptait plus de part et d'autre sur un résul-
tat pratique de la collaboration des deux armées. « M. de
Soltikoff, écritMontazet (1), suivant son nouveau plan, veut
faire des conquêtes en Silésie. L'armée de M. le maréchal
Daun sera donc destinée à protéger l'Elbe et l'Oder. Cha-
(1) Monlazet au comte de Choiseiil. Budessin, IC sept. 175'
la Guerre, vol. 3523.
Archives de
■
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200
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. IV.
(
t (1.
cun criera de son cAté que l'ennemi est sur ses talons ; nous
ne saurons alors auquel entcrnlre, et vraisemblablement il
arrivera ce qui résulte ordinairement de l'incertitude, qui
est d'arriver trop tard partout... Vouloir faire entrepren-
dre un sièg-e comme celui de (Uogau par des gens qui n'y
entendent rien, qui n'ont aucune envie de le faire, qui
seraient peut-être fâchés de réussir, et auxquels il faut en-
voyer un parc d'artillerie que l'armée de M. le mai^'échal
Daun doit escorter, si l'on veut qu'il ne soit pas enlevé;
s'obliger à leur fournir des subsistances dans un pays en-
nemi que deux ax'mées défendent, et où nous ne pourrons
peut-être pas faire passer un courrier; » s'engager de plus
à protéger l'investissement de Glogau, tout cela n'abouti-
rait à rien d'utile, et compromettrait le sort des armes en
Saxe, où le succès de Dresde avait été déjà suivi et com-
pensé par la reprise de Wittenberg, Torgau et Leipzig sur
l'armée des Cercles. Daun, à qui il en a fait la remarque
le matin même, a répondu qu'il partageait les craintes
exprimées. « Il me dit qu'il n'est pas le maitre et que sa
cour le croit en état de faire de nouvelles conquêtes dans
le cours de cette campagne, que d'ailleurs, il a des ordres
précis de ne rien faire de ce qui pourrait déplaire aux
Russes. »
Laissons Daun dans son camp de Bautzen où il va sé-
journer jusqu'aux derniers jours de septembre, et voyons
comment se termina la lutte entre Frédéric et les Austro-
Kusses. Ix premier avait été très ému du renfort fourni à
Soltikoif : « Mon frère a laissé passer, écrit-il (1), 12.000 Au-
trichiens qui ont joint les Russes à Christianstadt; ils veu-
lent faire le siège de Glogau. Je marche à tire d'aile pour
les en empêcher; mais je suis faible ; je n'ai que â'i-.OOO
hommes, gens deux fois battus, vous m'entendez. Je ne sais
(1) Frédt'iic A La MoUe Foiiqué près de Sorau, 20 sept. 1759. Correspon-
dance politique, XVlll, j). 55i.
1%''
FRÉDÉRIC SE PORTE AU SECOURS DE GLOGAU.
201
ni où vous êtes, ni dans quelles circonstances vous vous
trouvez, mais si vous le pouvez, envoyez-moi du secours...
Je ne souffrirai point qu'on assiège (llogau; ^e me battrai
plutôt, arrive ce qui en pourra. VoiM la façon de penser
dos preux chevaliers et la mienne, .le serai demain au delà
de Sagan, après-demain près de Glogau. Prompte réponse,
mon ami, et que le secours fasse de grands pas. » Vn appel
similaire avait été adressé au prince Henri, \otons-le en
passant : Durant les six semaines qui s'écoulèrent entre la
bataille de Kunersdorf et la fin do .-.eptembre, un des em-
barras, peut-être le plus gros, de Frédéric, fut la difficulté
de correspondre avec ses lieutenants, notamment avec le
prince Henri et avec Fouqué qui était à Landshut en Si-
lésie; beaucoup de courriers avaient été interceptés; ceux
qui parvenaient à bon port, mettaient 4 à 5 jours à accom-
plir le voyage. De là des instructions qui ne s'accordaient
plus avec les événements et nécessité pour les subordon-
nés de faire preuve d'initiative. Ce fut le cas du prince
Henri qui effectua sa diversion en Lusace au moment même
où le Uoi l'engageait (1) à conserver soigneusement son
camp de Schmottseifen.
Fouqué et Henri répondirent k l'invite de leur souve-
rain en lui expédiant l'un, 3 bataillons et 2 escadrons,
l'autre, 6 bataillons et quelques hussards. Ces petits déta-
chements que le Roi dénomme dans ses lettres « la col-
lecte de l'armée » rallièrent le camp royal à Haunau, le
26 septembre. Mais déjà, le danger était écarté : Frédéric,
par la rapidité de ses manœuvres, par le choix des posi-
tions et par sa ficre attitude, avait fait avorter le plan
des alliés, malgré la supériorité du nombre et le pres-
tige de la victoire récente. Pendant que les Austro-Russes
cheminaient sur Glogau par Freystadt, où ils étaient ren-
(1) Frédéric à Henri. Woliiau, 4 se[)lemi)re 1751t. Voir la correspondance
échangée entre les deux frères. Schcning, vol. II. Potsdam, 1H51.
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LA GUKRRE DK SEPT ANS. — CHAP. IV.
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dus le 2:< soptcmbre, le Uoi les gagna de vitesse en .s'éta-
blissantîl la môme date ilNeustaodtel. Quand Soltikoil' vou-
lut continuer sur (Jlogau, il trouva l'armée royale lui
barrant la route. Après reconnaissance du « poste à la
Daun » que les Prussiens avaient occupé, les généraux al-
liés renonc''rent à l'attaquer et campèrent avec l'intention
évidente de repasser sur la rive droite de l'Oder. Frédéric
est (1) complètement rassuré : « A présent que j'ai quel-
ques bonnes troupes, je ne crains rien du tout. J'avais dé-
taché pour la Saxe tout ce qu'il y avait de mieux dans
mes troupes; la campagne allait finir à (iuben; les Russes
voulaient partir; ne voilà-t-il pas ce malheureux détache-
ment (le 10 régiments de Daun (jui arrive. Ajoutez-y quel-
({ues corruptions, et ces misérables se déterminent au siège
de Glogau. Je crois que ce projet en est manqué. Il n'est
donc question à présent que de sauver le plat pays do la
ruine dont il est menacé; hier ces canailles ont brûlé deux
villages à nos yeux sans qu'on le put empêcher. »
Le 26 septend)re, les Austro-Russes commencèrent leurs
préparatifs pour la traversée de l'Oder qu'ils achevèrent
le 30 sans être inquiétés. « L'armée marche demain, écrit
Montalembert (2), pour aller à Kuttlau à un mille de Glo-
gau, ainsi nous pourrons dire en avoir vu les clochers. »
Il ne fut plus question d'entreprendre le siège pour lequel
on n'avait d'ailleurs pas l'artillerie nécessaire, et la cam-
l)agne se poursuivit sans entrain. Le 8 octobre, les deux
parties étaient en présence : les Russes à Gross-Osten,
le Roi, qui venait à son tour de franchir l'Oder, à Lub-
chen; elles y séjournèrent jusqu'au 22 octobre. Deux jours
après l'arrivée à Gross-Osten, le maréchal russe affirma
son intention de gagner ses quartiers d'hiver; depuis long-
(1) Frédéric à lu MoUc Fouqué. Haiinau, 2(1 septembre I7.">'.t. Carraspon-
dance polilique, XVIH, p, .'«ei.
(2) Montalembert i\ Bclleisle. Carolatli, 1" octobre 1759. Archives de la
Guerre, 352'i,
80LTIK0FF ANNONCE SON DEPART.
208
(1) Rescrit de la conférence de Pétcisbouig, Trolha, i>. 72 et 7i.
(2) Montaleinbert au comte de Ciioiscul. Gross-Osleii, 21 octobre IT.V.t. Ar-
chives ÉlrangiTcs. Russie.
(3) Montaleinbcrt au comte de Cholseul. TriebuscU et Punice, 'iô et 20 oc-
tobre 1759. Arctiives Étrangères. Russie.
(4) Procès-verbal du conseil de guerre. Trolba, p. 74 à 77.
î
temps, il avait fixé au 15 octoi)re le début de la disloca-
tion. Cette résolution allait priver la cause coniinune non
seulement du contingent russe, mais aussi des ."H). 000 hom-
mes de Laudon qui, complètement isolés du reste des for-
ces impériales, ne pourraient se maintenir en Silésie; de
plus, elle laisserait à Frédéric les mains libres pt..:r la re-
conquête de la Sa.xe. Aussi avait-on mis tout en jeu pour
faire revenir SoltikolF sur sa décision ; les instances de Lau-
don lui arrachèrent un sursis, tandis que les représen-
tations d'Ksterhazy et de Lhopital semblèrent avoir été
écoutées û Pétersbourg. Le 20 octobre, un courrier apporta
au général russe l'ordre de" prendre position (1) le long
de la rivière de la Warthe avec l'osen comme point cen-
tral. » Montalembert (2) de se féliciter des « cinq jours de
retard du 15 au 20 obtenus pour ainsi dire k la pointe de
l'épée » et grâce auxcjuels les nouvelles instructions
avaient eu le temps de parvenir. Mais le répit fut de courte
durée; quatre jours plus tard, l'attaché français est obligé
d'annoncer à Vienne (3) le départ définitif : les décisions
de Pétersbourg « ne produisent pas grand effet; il sest
tenu un conseil de guerre où l'on a protesté contre la
possibilité de leur exécution; nous sommes partis hier
pour venir camper ici sur l'extfème limite de la fron-
tière. » Pour justifier le retour à la Vistule, les généraux
russes invoquaient (Vi l'approche de l'hiver, l'épuisement
de la Posnanie, les inconvénients de la ligne de la Warthe,
enfin la rentrée probable de Daun en Hohême.
A Vienne on se montra très mécontent des tergiversa-
tions de l'état-major russe, et de ce sentiment Kaunitz
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204
LA GUKRRE DE SKl'ï AiNS. — CIIAP. IV.
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se lit l'interprète en rcrivant (I) h Starlicmherg : « Nous
aurions mieux fait si, depuis le 12 aoiit, nous nous étions
conduits comme s'il n'y avait point eu de Kussesau monde.
On ne peut pas trouver mauvais qu'elle (la cour de Péters-
bourii) pit donné l'ordre à ses généraux de ménager ses
troupes, mais ceux-ci n'ont pas fait de distinction entre
ménager les troupes et ne rien faire du tout. »
Si l'entente n'intervint pas, ce ne fut pns la faute de
Montalembert, (jui mit en («uvre toute sa diplomatie pour
éviter les froissements entre Soltikoll" et Laudon ; il cher-
cha même k gagner le premier en flattant des caprices (2),
lesquels, à en juger p.ir le spécimen suivant, étaient par-
fois difficiles à satisfaire : « Il veut absolument entre autres
une berline et une belle diligence, Tune et l'autre d'' ;
mieux conditionnées, avec quatre roues de rechange h
ciiacune », le tout d'un faiseur de Paris. Dans la discussion
Montalembert est en général du côté autrichien * « M. de
Laudon a presque toujours raison, écrit-il (3), excepté lors-
qu'il veut l'avoir vis-à-vis du général russe et qu'il cesse
d'être aussi doux et aussi patient qu'il convient de l'être
avec un tel général C'est un excellent homme de guerre,
mais il n'est poiiit assez politique, il devrait sentir qu'il
faut à quelque prix que ce soit, vivre en bonne intelligence
jusqu'à la fin de la campagne, afin de laisser à sa cour la
liberté de prendre les partis qui lui conviendront le mieux,
soit pendant cet hiver, soit pendant la campagne pro-
chaine. C'est ce que je prends la liberté de lui représenter
dans toutes les occasions, pensant plus que jamais que
les Russes seront inutiles la campagne prochaine, s'ils
restent seuls cet hiver. Je ne sais même si le général russe
(1) Kauiiit/. il Slarhemberg, 26 oclol)re 1759. Affaires Etrangères. Autriche.
(2) Monlaleinl)ert à h. 'ieisle. Carolath, 1" octobre 1759. Archives de la
Giierro, 3.")2i.
(3) Monlalcnibert au comte de Choiseul. Gross-Osten, 12 octobre 1759. Ar-
chives de la Guerre, 3524.
DISLOCATION DES Al'STIlO-RLSSES.
2or.
ne chcrcho point à dégoûter les Autrichiens dans la vue
de s'en séparer pour être plus libre. Ils ont des desseins
sur Dautzig", qui pourraient bien traverser à l'avenir toute
autre entreprise. »
D'après Cogniazzo (1) qui servait sous les ordres de Lau-
don, celui-ci aurait eu d'excellents rapports personnels
avec les générauv russes, à l'exception de Kermor et de
sa coterie, mais n'aurait pu surmonter une opposition qui
était raisonnée et voulue. Il obtint néanmoins de Soltikofl'
un second sursis de quelques jours ; sur l'avis que le roi de
Prusse avait repassé l'Oder, l'armée russe ([ui avait déjà
franchi la frontière polonaise le "20 octobre, prolongea son
séjour sur les confins de la Silésie jusqu'à la fin du mois.
Mais ce délai expiré (2), et à la suite d'une nouvelle déci-
sion en conseil de guerre, les Russes reprirent le chemin
de leurs quartiers d'hiver habituels, derrière la Vistule, et
force fut aux Autrichiens de Laudon, peu soucieux de s'é-
loigner de leur pays, de regagner la Moravie par Czens-
tochow et Cracovie, après une longue marche à travers la
Pologne qui leur coûta beaucoup de monde en déserteurs,
traînards et malades.
Frédéric n'avait pas attendu la dislocation des alliés
pour envoyer au secours de la Saxe ; il prit ses dispositions
pour diviser ses troupes en deux fractions, dont l'une sous
les ordres de Hulsen, forte de IV. 000 hommes, fit route
pour Torgau , emmenant avec elle un parc de 30 pièces
et un équipage de pontons, dont l'autre, provisoirement
chargée de surveiller le corps de Laudon, fut mise à la
disposition de Fouqué pour la défense de la Silésie, Le
Roi, très malade d'une attaque de goutte, ne put accom-
pagner ses soldats et dut remettre son départ au 7 novem-
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-'■i- !''■
(1) CeslOndnixse eines iistreicliisclirn Vétérans, vol. III, p. lo7 et sui-
vantes.
(2) Monlalembert au duc de Choiseul. Kawilz, 30 octobre 1"JU. Affaires
Étrangères. Russie.
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S06
LA r.UERRK DE SEPT ANS. — CIIAP. IV.
^1
bre. « .Ift partirai d'ici aprt-s-dpmain, écrit-il iï son firrc (1),
et j'aime mieux me rendre estropié et boiteux h mon
devoir que d'y mancpier le me souviens de l»liili[)pe II
auquel ses généraux écrivaient de ne point venir dans
l'armée comme un bagage à charge, 'nais pour y être
utile. Je mène au moins un ren^'ort avec moi, pour que
personne n'ait à se plaindre. »
Ainsi s'acheva cette campagne de 1759 où le soldat
russe se montra admirable de résistance, de ténacité et
(\c bravouve, et leur général si inférieur à sa tjVche. Deux
victoires décisives, des hécatombes de morts et de bles-
sés, une supériorité marquée acquise aux alliés, abouti-
rent i\ une fin piteuse, où nous voyons le vaincu dicter la
loi au vainqueur, et tenir en échec une armée de GO. 000
hommes, avec des troupes do moitié moins fortes, et com-
posées de ce qu'il y avait de pire dans les rangs prussiens.
De ce lamentable ef fond rement, sur qui faut-il faire poser
la responsabilité? Il est difficile de se prononcer H cet
égard. Si Daun, à, plusieurs reprises, manqua de résolu-
tion et d'initiative, il est juste do reconnaître qu'il ne fut
guère secondé par ses lieutenants; partagé entre le désir
de recouvrer la Saxe et de s'emparer des places de l'Oder, il
ne sut ni prendre parti en temps utile, ni déployer, dans
ses rapports avec les Uusses, la volonté et le doigté néces-
saire spour les entraîner à une action efficace.
L'ambassadeur français reflète bien l'opinion de la Cour
de Vienne sur le compte de Daun quand il plaide (2) en
sa faveur les circonstances atténuantes : « Ce malheureux
bomme a été toute la campagne dans une dépendance ab-
solue des Uusses, n'osant faire aucun mouvement sans leur
consentement qu'ils ne donnaient jamais, ayant sans cesse
^1) Frédt'ric à Henri. Glogau, 5 novembre 1759. Corrcxpondance poli-
tique, XVllI, p. G22.
(2) Coiiue de Clioiscul au Duc. 6 octobre 1759. Affaires Élrangt'ros. Au-
triche.
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IMPOSSIIULITK 1) L'NK C<)OI»l^:«ATION EFFICACE.
207
les mains liées par d(>s alliés tiniides, orgueilleux de leurs
succès, mal intentionnés, exigeants et impérieux parce
qu'ils sentent (pi'on a besoin d'eux ; enfin il a été toute la
campagne comme un écolier qui n'ose pas (juitter son pré-
cepteur. »
SoltiUoir, qui avant Kunersdoi'f avait fait preuve d'éner-
gie, d'«sprit de suite et de (pielcjue capacité au poi it de
vue tactique, devint plus que médiocre ai)rés la bataille.
Obéit -il ;ui sentiment très naturel do ménager ses soldats
ellroyaltlement éprouvés? Céda-t-il h l'idée, très répaiuliie
dans son état major, que c'était au tour des .Vutricliiens de
porter les coups? Fut-il influencé par des considérations
politi(|ues, à la fois d'ordre intérieur et extérieur? Il est
probable que toutes ces raisons furent pour quelque cliose
dans sa conduite. A dire vrai, 'a coopération des deu.x
armées était condamnée d'avance; en essayant d'imposer
la stratégie imaginée à Vienne ou à Pétersbourg, d'en-
traver les généraux par des instructions trop vagues pour
ne pas engager leur responsabilité, trop précises pour ne
pas restreindre leur liberté, en les forçant à des consul-
tations qui n'avaient d'autre résultat que de faire per-
dre du temps et manquer l'occasion, les cours impériales
avaient oublié qu'ils avaient en face d'eux un capitaine de
premier ordre, maître despotique de ses ressources, ca-
pable d'une décision énergique et pouvant la prendre sur
'.'heure. L'infériorité qui découlait d'un tel étal de choses
priva les alliés de prescjue toutes leurs chances de succès;
si un moment la victoire favorisa leur cause, ils le durent
à la valeur de leurs soldats, et à la témérité d'un prince,
qui, malgré son génie, n'était pas infaillible.
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CHAPITRE V
MAXEN
INVASION DE LA SAXE PAU LAKMÉE UKS CKRCÎ.ES. — l'RISE
DE DRESDE. — SUCCÈS DK WUXSCH ET DE FINCK. — PRINCE
HENRI ET DAUX EX SAXE. — RETRAITE DE DAUX SUR
DRESDE. — ARRIVÉE DU ROI DE PRUSSE. — CAPITULATION
r. : MAXEN. — DÉFAITE DE I)li:RICKE. INACTION DE DAUN.
— ARRIVÉE DU PRINCE DE RRUNSWICK. — DRESDE RESTE
AUX AUTRICHIENS. — DÉCOURAGEMENT DE FRÉDÉRIC, —
CAMPAGNE INUTILE DES SUÉDOIS.
Pendant la campagne de 1759, les événements de Saxe
se mêlent de telle façon à ceux qui se passèrent sur les
rives de l'Oder, qu'il devient fort difficile de raconter les
uns sans faire allusion aux autres; à maintes reprises, en
effet, des fractions des grandes armées impériale et royale
échangt'^rent leurs théâtres de lutte sans cesser d'exercer
sur l'ensemble des opérations une action qui, pour être
plus éloignée, n'en était pas moins très réelle. Cependant,
sous peine d'enlever toute clarté à un récit forcément con-
fus, il convenait de détacher l'historique des hostilités
entre Frédéric et les Austro-Russes, pour consacrer ensuite
quelques pages distinctes aux incidents de la Saxe.
Dans un chapitre précédent, nous avons ramené dans
l'Électorat le prince Henri, à la suite de son expédition
heureuse contre l'armée des Cercles. Après avoir détaché
Hulsen ù la tête d'une forte division pour renforcer l'armée
^v
PROGRES DU DUC DE DEIX-PONTS EN SAXE.
2iH)
d<i Dohna, avec les 26 bataillons et 15 escadrons qu'il avait
conservés, il réintégrait au commencement de juin ses can-
tonnements de Zwickau h Dresde, lladick, avec le iiros
des Autrichiens jusqu'alors aux ordres de Deux-Ponts, tra-
versait la Bohème pour rejoindre le maréchal Daun ; l'ar-
mée des Ceccles se réorganisait autour de Korcheim. Rien
ne vint trouhler la quiétude générale jusqu'à la fin du
mois. Au cours de juillet, le prince Henri se rapprocha
peu à peu de la Lusace; le ;J() de ce mois, il se vendit à
Schmottseifen pour assumer le commandement des troupes
laissées à la garde de la Silésie, pondant que le Roi pre-
nait la direction de celles qui étaient venues Je Saxe avec
le prince, pour les conduire contre les Russes. Un peu plus
tard, Finck, qui avait été envoyé du côté de T'orgau, fut
appelé a son tour à la grande armée, et il ne resta pour
défend rc la Saxe que les garnisons des places fortes dont
seule celle de Dresde, sous le général de Schmettau, pré-
sentait un ellectif respectable.
Le duc de Deux-Ponts, qui avait fait une cure pour se
remettre de la chaude alerte que l'incursion des Prussiens
en Franconie lui avait occasionnée, était, à la date du
IV juillet, de retour à son armée (1) qui s'ébranla aussitôt.
Les premières étapes furent courtes, car on mit treize
jours {\ gagner Erfurt; de là des partis allèrent lever des
contributions jusque dans le pays de Ilalberstadt; le -2 août,
on était à Marienburg, où le général de l'tmpire fut in-
formé de l'état d'abandon dans lequel se trouvait la Saxe
depuis le départ du prince Henri et de Finck. Il activa en
conséquence son mouvement, s'empara sans résistance de
Leipzig, dont la faible garnison fat autorisée à se retirer
avec armes et bagages, et fit sommer la ville de Torgau,
dont le commandant, Wolffersdorf, après quelques jours
11
i
(l) iMarainville à Delleisle, Schleisingeii, 14 juillet 175',). Archives Guerre,
vol. 3518.
CUEKIilî DE SKI'T ANS. — T. III. li
■N
îSlO
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
de défense énergique, fut obligé de capituler aux mêmes
conditions; Wittenberg se rendit également le 21 août.
Devenu ainsi maitre du cours inférieur de l'Elbe et d'une
partie importante de l'Électorat, Deux-Ponts se décida à
marcher sur Dresde (1), où il devait rencontrer les renforts
en hommes et en canons que les Autrichiens lui avaient
promis. Il confia la garde de ses conquêtes au général
Saint-André, que nous avons vu à Zorndorf et qui avait
sous ses ordres 10 à 12.000 Impériaux. En route, l'état-
major du duc visita (2) le château de Nischewitz, pro-
priété du ministre Bruhl, que Frédéric avait fait piller
l'année précédente; tout y était dévasté, tant à l'intérieur
que dans le parc ; les Prussiens s étaient conduits en véri-
tables iconoclastes; les statues avaient les bras et jambes
brisés; les boiseries avaient été démolies à coups de hache.
Sous les murs de Dresde, où on arriva le 29, Deux-Ponts
trouva les détachements de Brentano, Vehla et Macguire,
forts de 14.000 hommes, dont moitié Croates, qui étaient
au rendez-vous depuis deux jours; la grosse artillerie ex-
pédiée par eau de Prague était annoncée pour le 1°' sep-
tembre.
Pour la protection de Dresde, place régulièrement for-
tifiée quoique de second ordre, le gouverneur Schmettau
disposait de sept bataillons composés d'éléments peu sûrs,
de 600 convalescents et d'un escadron de cavalerie; ses
bouches à feu étaient nombreuses, mais il manquait de ser-
vants. Dès l'approche des Impériaux, les Prussiens avaient
évacué la ville nouvelle sur la rive droite de l'Elbe et in-
cendié un faubourg de la rive gauche où ils ne pouvaient
se maintenir. L'attitude énergique de Schmettau lor3 de
l'attaque par Daun après la bataille de Hochkirch, faisait
(1) MarainvilleàBelIeisle, Leipzig, 21 août 1759. Archives Guerre, vol. 3521.
(2) Murainville à Belleisle. Hiibersbiirg, 25 aoill 175f. Archiveâ Guerre,
vol. 3521.
CAPITULMFON DE DRESDE.
m
prévoir une résistance opiniâtre. Il n'en fut rien; depuis
quelques jours, le gouverneur avait en mai»is la dépê-
che (1), rédigée le surlendemain de Kunersdorf, dans la-
quelle le Roi le prévenait de l'impossibilité de le secourir
et l'autorisait, en cas de nécessité, à rendre la ville sous
réserve de pouvoir emmener sa garnison et enlever « les
canons, approvisionnements, caisses et possessions autres
du Roi. » De son côté, Deux-Ponts, qui venait d'appren-
dre l'apparition de la division prussienne de Wunsch aux
environs de Torgau et la reprise de cette place et de celle
de Wittenberg, avait hiUe de conclure. Dans ces condi-
tions, on se mit vite d'accord sur les termes de la capitu-
lation, qui fut arrêtée le 4 septembre , à neuf heures du
soir. En signant un arrangement (2) qui laissait à son sou-
verain non seulement G. 000 hommes de troupes, mais un
trésor de 5.600.000 thalers, des effets nombreux (^'habil-
lement, un équipage de pontons et une quantité considé-
rable de vivres, Schmettau croyait s'être bien acquitté de
son devoir; il fut détrompé le lendemain par l'avis de l'ap-
proche de ^Vdnsch et par une lettre de Frédéric. « Vous ne
sauriez me rendre, lui écrivait le monarque (3), de service
plus important dans la crise présente, qu'en vous conser-
vant dans la ville de Dresde. Les choses changeront pro-
bablement un peu de face, et vous devez vous attendre à
recevoir en peu et peut-être en quelques jours du secours
du côté de Torgau Conservez-nous Dresde et servez-
vous à cette fin de tous les moyens, quels qu'ils soient,
que vous pourrez mettre en usage. »
D'après Schmettau (V), dont le dire est confirmé par le
(1) Frédéric à Schmettau. Reitwoin, 14 août 1750. Correspondance poli-
tique. XVIII, p. 483.
(2) Schiining. Der siebenjOliriiie hriij, vol. II, p. 148.
(3) Frédéric à Schmettau. Fiirsteriwalde, 25 aoiH 17.":9. Correspoinlnnce
politique, -WIII, p. 501.
(4) Schmettau à Frédéric, Gross-Dobrilz, '.» septembre 1759. Correspon-
dance poliliq ne, XVIII, p. 529.
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212
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
témoignage de Marainville (1), attaché français auprès de
Deux-Ponts, la dépêche royale no lui aurait été remise que
le 5 septembre au matin. Quant à Wunsch , qui n'avait
que 5.000 à 6.000 hommes, il est plus que douteux qu'il
eût pu elfectuer quelque chose contre les 28.000 assié-
geants; en fait, son intervention se borna à un combat
d'avant-postes dans lequel chacun des partis s'attribua l'a-
vantage et à la suite duquel le général prussien, avisé de
la capitulation, se retira dans la direction de Torgau. A
l'occasion de l'occupation des portes par les Autrichiens,
il y eut du désordre; un officier prussien, le colonel Holl-
mann, pris de boisson, voukit s'y opposer et insulta l'of-
ficier et les soldats de garde; il s'en suivit une bagarre
dans laquelle il fut tué. Lors du défilé de la garnison,
qui eut lieu le 8, la désertion (2) se fit sur une grande
échelle : « 2.000 hommes, la plupart Saxons, avec des Au-
trichiens, Russes, Suédois, tous engagés forcés après avoir
été pris, abandonnèrent leurs drapeaux. » Enfin, les vain-
queurs furent accusés d'avoir violé la convention en rete-
nant une partie des pontons. Le 9 septembre, le corps de
Hadick, fort de neuf régiments d'infanterie et cinq de ca-
valerie, rallia l'armée de Deux-Ponts; le môme jour, Finck
et SOS 10.000 hommes, que Frédéric avait détachés de sou
camp de Waldow avec la double mission d'empêcher la
jonction de Hadick et di' secourir Schmettau, entrèrent à
Grossenhain. Informés de la prise de Dresde, ils continuè-
rent leur marche sur Torgau, où ils s'unirent au détache-
ment de Wunsch. ;
Ce brigadier, qui ne disposait que d'éléments disparates,
bataillons francs, renforts venus de Poméranie, troupes
de forteresse ramassées en route, avait fait merveille. A
(1) Marainville à Belleisic. devant Dresde, 5 septembre 1739. Archives
Guerre, 3522.
(2) Rulan à Belleisle, Dresde, 10 septembre 1759. Archives Guerre, 3522.
SUCCES DE WUNSCII CONTRE LES IMPERIAUX.
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peine de retour de sa course sur Dresde, il attaque. Saint-
André qui, avec 10.000 hommes des Cercles, faisait mine
de reprendre Torgau; quoique bien inférieur en force,
Wunscli battit les Impériaux, leur fit 300 prisonniers et
leur enleva huit pièces de canons et tout leur campement.
A la suite de cet échec, les régiments de Saint-André qui
avaient perdu leurs tentes furent appelés à Dresde, où ils
formèrent le fond de la garnison. Leipzig, abandonné à son
sort> retomba entre les mains des Prussiens ; puis Finck et
Wansch, qui avaient réuni leurs troupes, s'avancèrent par
Dobeln dans la direction de Dresde ; ils trouvèrent sur leur
chemin Hadick qui, appuyé par une partie des Impériaux
de Deux-Ponts était allé à leur rencontre. Les Prussiens
rétrogradèrent sur Meissen où ils occupèrent une forte
position, la gauche à l'Elbe, le front couvert par la vallée
encaissée de la Triebsche ; Hadick les y suivit et essaya de
les tourner. Le 21 septembre eut lieu un combat chaleu-
reusement disputé où chacun revendiqua la victoire et à
l'issue duquel les deux adversaires réintégrèrent leurs
cantonnements antérieurs. ■
Dans les derniers jours du mois, deux nouveaux géné-
raux parurent sur la scène en les personnes du maréchal
Daun et du prince Henri. Ce dernier, on se le rappelle,
dans l'espoir de venir en aide au Roi, avait marché de
Schmottseifen, qui était depuis longtemps ^e quartier gé-
néral, sur Sagan, où il était parvenu le 28 août. Là, il se
rendit compte de l'impossibilité de percer la barrière que
lui opposaient les armées ru«se et autrichienne, et résolut
de faire sur les frontières de Bohême une diversion dont
il se promettait un bon résultat. En conséquence, il se mit
en route le 5 septembre, remonta la rive droite du Bober
jusqu'à Bunzlau, et le lendemain à Kunzendorf. De là, il
envoya Zicten et Stutterheim détruire les magasins autri-
chiens à Friedland et Zittau; la première expédition eut un
plein succès, la seconde échoua devant la résistance éncr-
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21i
L\ GUERRE DE SEPT ANS. - CHAP. V.
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gique de la petite garnison impériale. Le général autri-
chien De Ville, charge de protéger le ravitaillement de
l'armée de Du un, s'était porté à Gorlitz où il avait trouvé
la division Beck que le maréchal lui avait expédiée. Quoi-
que depuis ce renfort il eût sous ses ordres une vingtaine
de mille hommes, il se laissa intimider par l'arrivée du
pririce Henri et par une démonstration de ce dernier dans
la direction de Bautzen; dans la nuit du U) au 11 sep-
tcmhre (1), il évacua Gcirlitz, gagna Bautzen par une
marche forcée et avisa Daun du parti qu'il venait de
prendre. ' ' ' " ' : :. • s
De Ville, en abandonnant Giirlilz, livrait à la merci de
l'ennemi la ligne d'approvisionnement des Autrichiens et
lui ouvrait l'accès de la Bohème; aussi son recul eut-il
une influence considérable sur la suite de la campagne.
Daun, qui reçut la nouvelle à Spremberg au début de son
mouvement contre le Roi, dut renoncer à toute idée d'of-
fensive et se rendit rapidement à Bautzen où il fit sa jonc-
tion le 13 septembre avec le corps de Ville. La manœu-
vre du prince Henri avait atteint le but proposé : la grande
armée autrichienne, définitivement séparée de celle des
Busses, ne pourrait plus contribuer à un effort commun
contre Frédéric, et celui-ci, débarrassé de toute crainte
d'être pris entre deux feux, avait désormais les mains
libres pour lutter contre les Austro-Russes de Soltikofl'. A
partir de ce moment, les opérations, jusqu'alors confon-
dues, se poursuivront sur deux terrains distincts : celui de
la Saxe et celui de la Silésie.
Avec quelque raison, Daun sut mauvais gré à son lieu-
tenant de la faute commise, et De Ville n'échappa à une
disgrAce officielle qu'en quittant l'armée sous prétexte
de maladie. C'est à propos de cet incident que Montazet
(1) Montrozard à Belleisle, Bautzen, Il septembre 175'.t. Archives de la
Guerre, 35:!2.
a Hl
DAL'N SE SEPARE DKS RUSSES.
215
passe (1) une revue peu flatteujc des principaux personna-
ges investis de commandements supérieurs sous le ma-
réclial : « Ce qu'il y a de pis, entre nous, est qu'il n'a pas
un officier général sur qui il puisse compter. MM. d'IIarscli
et De Ville sont ceux qui ont été jusqu'icy les plus accré-
dités et les plus employés : jetez les yeux sur ce qu'ils ont
fait dans le cours de cette campagne. Cela ne fait-il pas
pitié et trembler? Malgré cela, M. le maréchal me disait
encore hier, quoique furieux, qu'il n'en avait aucun en qui
il eût plus de confiance; jugez du reste. N'y a-t-il pas de
quoy frémir? C'est ce qui me fait regarder les entreprises
d'une certaine espèce avec autant d'etfroy. M. le maréchal
n'a donc icy que deux officiers généraux de distinction; il
me l'a dit cent fois luy-même; l'un est M. de Lacy, l'autre
est M. de F^audhon; le premier est son maréchal des logis,
et le dernier est avec les Russes. Par conséquent ny l'un
ny l'autre ne peuvent commander de corps. »
Du 13 au 23 septembre, Daun séjourna à Bautzen; il y
reçut la visite de Rumjanzew, sur la demande duquel il
affecta aux Russes un renfort de 10.000 hommes, et celle
du duc de Deux-Ponts, qui vint de Dresde (2) presque seul
dans la nuit du l'i- au 15, se concerter sur les opérations
de Saxe et apporter l'avis, d'ailleurs inexact, de la marche
d'un gros détachement que le prince Ferdinand de Bruns-
wick aurait envoyé sur l'Elbe à l'aide des Prussiens, Ce se-
cours, le Roi, il est vrai, l'avait sollicité à plusieurs reprises
et notamment avec instance après le désastre de Kuncrs-
dorf , mais le commandant de l'armée hanovrienne avait
toujours su trouver d'excellentes raisons pour ne pas faire
droit à la requête.
Le prince Henri avait profité de la fuite de De Ville
(1) Montazel au comle de Clioiseul, lUidissen, 13 septembre 175'J. Archives
de la Guerre, 3522.
(2) Rutaii à Belleisie, Wilsdriil, 18 septembre 17.")i). Arcliives Guerre,
3523.
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216
LA GUERHE I)E SEPT ANS. — CIIAP. V.
//'
pour le remplacer h (liirlitz où il demeura une dizaiuc de
jours. Durant ce laps d(> temps il y eut entre son firre et
lui échange actif de correspondance. Frédéric lui « re-
commande (1) Torgau qui, dans la situation présente, de-
vient de la plus grande conséquence ». Henri insiste pour
obtenir (2) des instructions précises : « Vous me recom-
mandez Torgau; je vous supplie de me dire si vous voulez
que je marche par Spremherg sur le liane gauche de l'ar-
mée de Daun; en ce cas, je puis soutenir l'Elbe et les
places de Saxe mais ici, ayant le dos contre la Silésie,
ii me sera impossible de couvrir l'un et l'autre; aussi je
vous prie en grAce de me fa .e connaître d'abord positi-
vement vos intentions là-dessus. » Le prince ne croit pas
nécessaire une tentative contre la capitale de l'Klectorat.
« Dresde tombera d'elle-même », parce que l'ennemi ne
pourra s'y maintenir s'il n'est pas maître de toute la Saxe;
le point essentiel est de l'empêcher d'arriver à ce résultat.
Le 22 septembre, il annonce son dessein (3) de se rendre
en Saxe à moins de contre-ordre : « Si je ne reçois point
de vos lettres, je me verrai obligé de prendre mon parti ;
je marcherai demain au soir et je tâcherai de gagner par
des marches forcées du côté de Hoyerswerda, afin d'être
en sûreté à l'égard des subsistances et pour avoir la com-
munication avec Finck, mais je ne puis plus vous être
responsable ni des montagnes ni du corps de Fouqué.
Je garantirai Berlin et l'Elbe, et si l'ennemi marche en
Silésie, je lui couperai les vivres de la Bohème et lui
marcherai au dos; je tâcherai encore d'aider Finck à re-
prendre Dresde. »
(1) Fréih'iiic à Henri, Forst, 19 septembre 1759. Correspondance. poUli-
qne, XVllI, [>. 55(t.
(2) Henri à Frédéric, Hermsdorf, 20 septembre 1759. Scboning, vol. H,
p. 157.
(3) Henri à Frédéric, Hermsdorf, 22 septembre 1739. Schoiiing, vol. H,
p. ICO.
f
LE PRLNCE IIENUI MAIICHE SUR LA SAXE.
2r
A ce progi-ammo Frédéric donna son nssentiment (1) : « Il
faut que je vous dise, sans vous flatlcr, (|ue j'ai trouvé tout
son contenu admirable, et je suis parfaitement d'accord
là-dessus avec vous. » Henri reçut-il en temps utile l'auto-
risation de son frère, qui est datée du 23? Cela est dou-
teux. Toujours est-il qu'il expédia ses bafVHges dans la jour-
née et qu'il mit en mouvement ses troupes dans la soirée
du même 23. Les étapes furent des plus pénibles, l'arrière-
garde et le « charriage » ne rejoignirent que le 28 sep-
tembre, 2'i. heu-es après l'arrivée du gros à Hoyerswerda.
Averti de la présence dans cette ville d'un détachement
autrichien qui ne se gardait pas, Henri avait forcé de vi-
tesse et pris ses dispositions pour le surprendre. Le succès
fut complet; les Impériaux, attaqués sur les deux flancs,
chargés de front par les cavaliers du colonel de Gers-
dorf. s'enfuirent laissant sur le champ de bataille plus de
300 des leurs et entre les mains des Prussiens leur général,
Vehla, et environ 1.500 prisonniers. Ce fut par les échap-
pés de cette déroute que Daun apprit positivement dans
quels parages se tenait le prince avec lequel, depuis son
brusque départ, il avait perdu le contact. En ell'et, quand
le maréchal, qui s'était avancé le 23 de Bautzen à Keichen-
bach, voulut reconnaître le lendemain la position de l'ad-
versaire, il l'avait trouvé déguerpi, et en attendant les
informations de ses patrouilles, avait occupé les canton-
nements de Gorlitz que les Prussiens venaient d'évacuer.
Aussitôt fixé sur leur itinéraire, il se dirigea fV marches for-
cées sur Dresde; le 29, il franchit l'Elbe et installa son
quartier général à Kesseldorf, sur la rive gauche où il
était à proximité de l'armée des Cercles. Il avait confié à
Beck la garde des magasins de Lusacc et de la frontière
de Bohème, et avait assuré la communication avec ce
l •
I i ;!
(I) Frédéric ;t Henri, Sucliow, 23 septembre 1759. Correspondance poli-
litjue, XVIII, p. r>57.
218
LA aUEUUE I)K SKPT ANS. — CHAP. V.
général par un tlétachenient sous les ordres de l'alfy h
IJautzcn.
Tout le mois d'octobre s'écoula eu manci'uvres entre
Daun et le prince Henri, où ce dernier eut le dessus. De
lloyerswerda, il avait gagné Klstcrwerda avec l'intention
de [)asser l'Klbe et de se joindre à KincU, (jui était cani[)é
entre Meissen et Dresde; faute d'un équipage de pouls
suffisant, il dut faire le détour par Torgau et ellectua la
réunion le V octobre à Strebla, sur la rive gaucbe de l'Klbe.
L'année prussienne, concentrée sous ses ordres, comptait
5;j bataillons et 103 escadrons, avec un effeclif d'environ
40.000 combattants. De son c(Mé, !>aun, stimulé par les dé-
pêciies qu'il recevait de Vienne, s'était porté lï sa rencon-
tre; il disposait de 64 bataillons et 75 escadrons, sam com-
prendre les irréguliers, soit d'une dizaine de mille hommes
de plus que son adversaire. Le 6 octobre, les avant-postes
des belligérants n'étaient séparés que par le ruisseau de
Dellnitz. « Le maréchal Dauu, écrit Henri (1), paroit avoir
des vues sur la Saxe qu'il n'abandonnera pas, je crois, à
moins que la fortune nous seconde singulièrement. Il est
venu se camper hier à un petit quart de mille de notre
armée. Je ne crois pas que son dessein soit de nous attaquer ;
cependant je suis prêt à tout événement et j'ai tout lieu
d'espérer qu'il me seroit favorable. J'appréhende bien plus
qu'il détache vers Leipzig , pour m'obliger à diviser mes
forces ce qui me meltroit dans d'étranges embarras. »
Ce fut précisément le parti que choisit l'Autrichien ; il
fit des démonstrations sur Leipzig qui décidèrent le prince
à envoyer successivement Rebentisch et Wunsch vers
Torgau et finalement à rétrograder lui-même sur cette
place : « Je doute, mande-t-il à son frère (2), à moins d'un
(1) lleini à Finckenslcin, Slrelfi, 10 octobre 1759. Berlin, Geh. Slaats.
Arcliiv., rep. 92.
(2) Henri à Frédéric, Slrela, 10 octobre 1759. Schoning, vol. I[, p. 17i,
HF.Nni ET DAUN MAN(i;UVRÊNT L'UN CONTRE LAI THE. 219
rvéïicmcnt impivvu. <|ne jo puisse mnintonir la Saxe. I/en-
neiui est trop supérieur, la situatiou du terrain enti'c
Torpiu et Leipzit;- trop désavantageuse... (l'est une triste
vérité, mais elle est exactement réelle comme je la repré-
sente. » Cette note décourai^ée lui valut une mercuriale (1)
du Hoi : « Je ne sais ce qui peut vous embarrasser tout
d'un coup, ayant la plus belle de mes armées... Si vous
ne voulez jamais rien basardor, il est impossible de faire
quelque cbosc... Kemettez-vous donc l'esprit, pour l'amour
de Dieu, et soyez bien en garde que dans une occasion
comme celle-ci la tête ne vous tourne pas. » Le 17 octo-
bre, Henri était aux environs de ïorgau, d'où il conti-
nua k adresser à son frère et au ministre Finckenstein des
dépécbes pessimistes : u Je ne puis vous cacber, écrit-il à
ce dernier (2), que nous sommes dans une crise très vio-
lente. I^'armée de l'Empire commence k manœuvrer de
l'autre côté de l'Elbe; Leip^'ii; est exposé et le marécbal
Daun occupe avec l'armée un terrain trop favorable pour
qu'on puisse seulement songer à l'attaquer. Je n'ai, grjVce
au ciel, rien perdu jusqu'ici et n'ai essuyé aucun écbec.
Je me repose sur l'esprit des gens d'honneur qui me ren-
dront la justice que je fais tout ce qui m'est bumainement
possible, pour parer aux événements fiVcbeux. » Nouvelle
remontrance de la part de Frédéric, qui lui annonce (3)
la fin des hostilités en Silésie et l'envoi en Saxe de Hulsen
avec 18 bataillons, 30 escadrons, 30 pièces de grosse ar-
tillerie et un équipage de 43 pontons. « Voulez-vous qu'il
marche droit sur Dresde ou à Torgau, ou qu'il se porte sur
les flancs des Autrichiens à Helgern pour les canonner?....
(1) Frédt'iic à Henri, Sophientlial, 20 octobre 1759. Correspondance,
polilùiut', XVIII, p. COI.
(2) Henri ii Fincivenstein, Torgati, 2i octobre 1759. Berlin, Gcli. Staats,
Arcbiv., rep. 92.
(3) Frédéric, à Henri, Sophienthal, 24 octobre 1759. Correspondance
politique. XVni, p. 604.
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I
no
LA (lUERHK l)K SEPT ANS. — CIIAP. V.
Depuis que vous avez pnssô i'Elhe, mon cIhu* fr«^i'e, vous
u'èti's plus le même; l'inck vous a rempli l'esprit d'idées
noires... car si vous voulez que je vous parle franchement,
je n'approuve point ce trou de Torgau (|ui ne vous c(»n-
vient pas; tout cela ne souffle ni froid, ni chaud. »
Si le prince Henri n'avait pas grande foi dans l'heurense
issue du duel engagé ei tre lui et Daun, ce dernier, à en ju-
ger par les lettres de Montazet, n'était guère plus désireux
de risquer une affaire déoisive. << J'ai vu, écrit le Kran-
vais (1), ({ue l'opinion de M. le maréchal n'était pas de
jouer à (juittc ou double. » Kn attendant des instructions
positives de la cour de Vienne, sans lesquelles Daun n'atta-
querait pas son adversaire, Montazet impute le décousu des
opérations i\ la division du commandement : « Il y a même
bien des gens qui pensent que quatre maréchaux, em-
ployés pour ainsi dire k la même besogne, savoir : Mes-
sieurs de Daun, Deux-Ponts, Marshall et Serhelloni, -ont
plus que suffisants pour la conduire, et qu'elle en irait
peut-être mieux, si un seul en était chargé. » C'était une
allusion jI la nomination récente de Marshall, le défenseur
d'Olmiitz, au poste de gouverneur de Dresde et à l'action
indépendante de l'armée des Cercles. Sur ces entrefaites,
la retraite des Prussiens sur Torgau encouragea Daun, qui
reprit les projets offensifs et reparla de livrer bataille.
A Vienne, on était très mécouif nt de la conduite du
maréchal qui, au cours de la c.ir.ipagne, n'avait su tirer
aucun parti de la belle armée qui lui avait été confiée.
Une dépêche (2) de l'ambassadeur Choiseul nous dépeint le
sentiment public : « La cour de Vienne désire qu'on s'em-
pare de toute la Saxe s'il est possible, soit en battant le
prince Henry soit en l'obligeant de passer l'Elbe, et elle
(1) Monlazel au comte de Choiseul, Hoff, 15 octobre 1769. Arcb. Guerre,
3.->2'i.
(2) Comte (le Choiseul àMontazel, Vienne, 24 octobre 1759. Arcii. Guerre,
3524. ,, .. _^,. __ ,^,, ,.- _;, „.__,... .y ,_.._,,.-._,,. ..,.^-.-
MÉCONTKMEMKM A VIKNNK C«)MTHK DAL'X.
221
est livs déterminée à la conscrvoi- cet hiver et il y employer
les forces nécessaires. Uiiant aux moyens d'y réussir, ce
n'est pas au cabinet il diri^^er les o^ érations militaires; io
j;énéral aurait raison de s'en plaindre; cette méthode n'a
jauiais réussi et a toujours été hlAmée. (hi dit à M. le ma-
réchal de Daun : « Monsieur, voilù cent mille hommes
avec lesquels nous voulons con([uérir et garder la Saxe,
l'ennemi en a 35 ou VO mille, vous êtes homn^e de guerre,
c'est à vous de prendre les moyens les plus prudeiis et les
plus silrs pour remplir notre objet. » On n'a i)oiut bldmé
M. le maréchal de Daun de n'avoir point attaqué le prince
Henry à Strehla, parce qu'on a dû penser que le poste était
inexpugnable, puisque le général et ses officiers généraux
le jugeaient ainsi; je ne sçais pas si le fait est bien cons-
tant, mais enfin nous devons le croire. Quoi qu'il en soit,
on a pensé que le poste jugé inattaipialde pouvait se tour-
ner, et que vous ne sçauriez disconvenir même que si l'on
avait marché droit A Torgau au lieu de rester 12 jours
devant Strehla, le prince Henry n'aurait rien eu de plus
pressé que de se retirer. Nous croyons encore que si M. le
maréchal était arrivé le 10 ou le il à Torgau, conmie
il le pouvait, s'il ne s'était pas arrêté à Strehla, il aurait
eu environ trois semaines pour manœuvrer et déposter le
prince Henry, supposé qu'il fiU dans un camp inattaqua-
ble, en poussant un gros détachement sur Berlin. Knlin,
monsieur, quand la cour de Vienne mande à M. le maré-
chal de Daun qu'elle ne prétend point bhlmer sa conduite,
mais qu'après lui avoir fait connaître ses vues et ses inté-
rêts politiques, elle lui demande un niémoire justificatif
qui contienne les raisons qui l'ont empêché d'agir et de
remplir ses intentions, pour le communiquer à ses alliés,
il me semble que c'est parler français et qu'on ne saurait
tenir un langage plus clair le ne vous cache pas
n)ôme, soit dit entre nous, qu'on est ici extrêmement mé-
content du tîUonnage de M. le maréchal, qu'on ne l'ap-
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222
LA GUERRE DV. SEPT ANS. — CHAP. V.
prouve pas davantage à Versailles... .l'ajouterai cocorc
qu'il nous est difficile de comprendre pourquoi l'armée
impériale met neuf jours pour arriver à Torgau tandis que
les ennemis s'y sont portés en une nuit. Je vous ai mandé,
monsieur, dans ma dernière lettre, que j'étais occupé de-
puis trois mois à faire le panégyrique de M. le Maréchal
dans toute l'Europe ; c'est la pure vérité. Je peux vous dire
que ce n'est pas une petite besogne, et je ne me flatte pas
d'y avoir réussi; mais depuis son entrée en Saxe, sa jus-
tification me parait impossible ; ce n'est pas que je manque
de bonne volonté, n ais je vous prie de m'en fournir les
moyens, car je ne les connais pas. »
Dans une autre dépêche (1) de la même époque, Choiseul
raconte l'anecdoto d'un bonnet de nuit qu'un mauvais plai-
sant aurait envoyé à la maréchale comme cadeau destiné
à son mari. Les dernières nouvelles de Saxe n'étaient pas
de nature à relever dans le public le prestige de Daun.
Arrivé devant Torgau où il avait suivi le prince Henri,
le maréchal avait détaché le duc d'Arenberg sur le che-
min de Wittenberg avec juission d'inquiéter les com-
munications des Prussiens, tandis qu'avec le gros il avait
choisi à Schilda une position qu'il se mit à fortifier avec
soin. Le prince résolut de prolicer de l'isolement du corps
d'Arenberg pour lui tomber' dessus; à cet effet, il fit re-
monter le cours de l'Elbe à Wunsch jusqu'à Wittenberg
où il devait franchir le fleuve et combiner avec Reben-
tisch une attaque sur les derrières d'xVrenberg, tandis que
Finck l'aborderait de front. Le 29 octobre, Wunsch et Ke-
bentisch marchèrent ensemble de Kemberg sur Pretzsch;
en route, ils se heurtèrent à l'avant-garde impériale déjà
aux prises avec Finck. Surpris par cette rencontre inatten-
due, les Autrichiens tirent, pour gagner le pont de Sack-
(t) Comle lie Choiseul à Belleisle, Vieniic, .>0 octobre 1759. Archivai* Guerre,
3524.
ARENBEilG HATTU A SACKNMTZ.
2'23
witz, une retraite qui se transforma bientôt en sauve-
qui-peut; ils perdirent près de 'i-.OOO liomnnes, dont 1.400
prisonniers, parmi lesquels le général Gemminuen. Sans
le manque de fourrage (1) qui avait forcé d'Arenbcrg à
changer de quartier avant le combat, il est probable (]ue
son corps tout entier eût été cerné et détruit.
Sous l'impression de cet échec, Daun leva son camp dans
la nuit du 2 au 3 novembre et commença à rétrograder sur
Dresde; à partir du 7, il occupa une ligne entre l'Elbe et la
Freyberger Mulde; l'armée des Cercles, dont Deux-Ponts
malade avait dû abandonner le commandement, était à
Meissiîn un peu en arrière et à droite des Autrichiens. A
Dresde, la garnison, composée en grande partie de soldats
de l'Empire, travaillait sous la direction de l'ingénieur fran-
çais (iribeauval à mettre la place en état de défense. Henri
vint s'établir k Dorschnitz derrière l.ommatch ; à sa droite
Finck cherchait à s'emparer de Nossen et à obliger, par ce
mouvement tournant, Daun à continuer son recul; Hulsen,
avec les renforts de Silésie, avait passé l'Elbe à Merschwitz
et venait de rallier l'armée du prince. Frédéric, qui avait
pris le dessus d'un fort accès de goutte dont il avait souf-
fert pendant la fin des hostilités en Silésie, annonçait (2)
de Spremberg sa venue pour lo 14 : « Ne trouvez-vous pas
que j'arrive chez vous comme Pompée? Lucullus avait
presque réduit iMithridate, lorsque l'autre arriva et lui ra-
vit l'honneur de cette expédition ; mais je suis plus juste
que cet orgueilleux Romain, et bien loin de rogner votre
réputation, je voudrais pouvoir accroître votre gloire en y
contribuant moi-même. «La suite des événements ne ré-
pondit guère b ce vœu.
De sa campagne de Saxe, le maréchal Daun sortait avec
une réputation singulièrement amoindrie; aussi la criticpie
]
(1) lletiri à Frodéric, Tor^au, .TO octobre 175'.). Scluining, vol. IF, p. is;!.
(2) Frédôric i\ lienri, Spremberg, 10 novembre 175'.), ('tirrcspundaiirc
poliliiiuc, XVIII, p. 025.
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
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V.
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avait-elle beau jeu : le comte de Choiseul (1) s'en fait l'or-
gane : « Je suis persuadé môme que les généraux russes
se justifieront sur l'inaction de M. de Daun, et qu'ils auront
mandé h leur cour qu'ils avaient jugé inutile de fatiguer
leur armée et de l'exposer aux rigueurs de Tarrière-saison,
puisqu'il était clair que ce général ne voulait rien faire.
Il est vrai que sa conduite est tout à fait inconcevable. »
L'ambassadeur fait un résumé détaillé des opérations de
la grande armée pendant le mois d'octobre, et conclut
ainsi : « Cette manœuvre de déposter l'ennemy en luy cou-
pant les subsistances peut estre bonne quand on a du tems
devant soi, mais il n'y a guères apparence que le prince
Henry qui a eu ses derrières libres jusqu'ù présent et qui
attend son frère d'un moment à l'autre, s'en aille faute de
vivres; il broutterait l'herijc et s'exposerait aux plus gran-
des extrémités plutôt que d'abandonner un poste si impor-
tant dans ce moment cy. »
A l'état-major de Daun, malgré les avantages des posi-
tions successives qu'il avait choisies, on était fort en peine
et on soupirait après les quartiers d'hiver : « Aussi avons -
nous grand besoin, écrit iMontazet (2), que la neige nous
sépare, car sans cela la tin de cette campagne ne sera pas
brillante pour nous ; peut-être même serait-elle orageuse. »
En attendant, la marche rétrograde des Autrichiens se
poursuivait ; ému de l'occupation de Nossen par le corps de
Finck, le maréchal reporta son armée à Wilsdruf dans la
nuit du 13 au IV novembre. Cette retraite ne s'accomplit
pas sans quelque désordre, surtout au corps de réserve
commandé par Sincère ; sans l'énergie du commandant en
chef qui paya de sa personne, on aurait perdu des canons.
(1) Coinle de Choiseul à Helleisle, 1"^ novembre 1759. (La date inscrite du
1" octobre est évidemment un lapsus.) Archives de la Guerre, 3524.
(2) Montazet à Belleisle. lleiuilz, lo novembre 175'.!. Anhivei de la Guerre,
3521.
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V.
DAUN SE UETIHE SUB DRESDE.
225
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« Je ne vous cache pas, Monseigneur, mande Montazet (1),
que je frémis de Vesprit qui règne dans l'armée; tout le
monde est dégoûté et ne désire que la fin de la campagne,
l'ennemy nous marche sans cesse sur les talons et nous ne
luy disputons rien, aussy entreprend-il des choses fortes
et ridicules, je ne sçais en vérité ou tout cecy nous mè-
nera. Je ne vois d'ailleurs aucunes dispositions pour ap-
provisionner Dresde qui manque de tout, et plus nous che-
minons et moins je vois de gens empressés à soutenir Dresde
et la Saxe... Il a déjà tombé beaucoup de neige; il est à
désirer qu'elle sépare les armées. Le roy de Prusse a joint
celle du prince Henry depuis quelques jours, il est main-
tenant plus nombreux que nous, ce qui n'augmente pas
notre audace. »
Ce fut précisément au moment où Frédéric escomptait
la reprise de Dresde, où les amis de Daun ne savaient
comment défendre leur héros, que ce dernier se releva
par une action d'éclat, par une entreprise aussi discrète-
ment préparée que brillamment exécutée. Le 17 novembre,
Daun évacua le camp de Wi'sdruf avec toute son armée,
pour s'établir dans une très forte position sur les hauteurs
de Plauen. Son front était couvert par le ravin encaissé
de VVeissritz; la droite, à l'extrémité de laquelle était cam-
,'.^^ -ri cavalerie, se reliait aux faubourgs de Dresde par
!' Cf lline qui servait de citadelle naturelle. A une atta-
qiLv ;r<îcte contre les Autrichiens, il ne fallait pas songer ;
aussi Frédéric, qui après une entrevue avec son frère le
13 novembre à Hirchstein, avait pris le commandement
des forces prussiennes en Saxe, résolut-il d'accentuer le
mouvement tournant dont Finck était chargé depuis le
commencement du mois et qui jusqu'alors avait si bien
réussi. Ordre fut en conséquence envoyé (2) à ce général
(1) Montazet à Bellcisle, WilsJruf, 15 novembre 17.59. Archives Guerre, 3524.
(2) Frédéric à Finck, Krogis, 14 novembre 1751». Correspondance poli-
Uque, XVJII, p. 034.
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226
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V,
de marcher sur Dippoldiswalda, de faire occuper Maxen
par un gros détachement et de jeter en Bohême une bri-
gade volante pour ruiner les magasins dont les Autrichiens
tiraient leurs approvisionnements. L'expédition était ris-
quée, car Maxen où il s'agissait de se poster, situé à peu
près à égale distance de Dippoldiswalda et de rEl])e en aval
de Pirna, se trouvait derrière le nouveau camp de Daun et
était partout beaucoup plus rapproché des Autrichiens
que des Prussiens dont le quartier général encore éloigné
ne fut installé à Wilsdruf qu'après le départ de Daun.
Finck, qui faisait de]^:uis longtemps la guerre en Saxe et
qui connaissait bien le pays, se permit de présenter quel-
ques observations au Roi sui 'a teneur de ses instructions.
Frédéric aurait sèchement répliqué (1) : « Vous savez que
je ne peux pas souffrir les objections ; arrangez-vous pour
exécuter mon ordre. »
Ainsi rabroué, Finck n'avait qu'à s'incliner; de Nossen
où il était depuis quelques jours, il gagna Freyberg et Dip-
poldiswalda où il entra avec son a'ant-garde le 16 novem-
bre, après en avoir chassé un détachement d'Impériaux au-
quel il enleva deux canons. Le lendemain, il rapporte (2)
au Roi que le brigadier Wunsch, avec six bataillons d'in-
fanterie et quelques cavaliers, a devancé les Autrichiens de
Brentano à Maxen, que lui Finck suivra avec le gros; le
général Lindstildt à Dippoldiswalda maintiendra les com-
munications avec l'armée royale. Le 18, nouvelles dépê-
ches (3) au Roi : il a appelé à lui lu brigade Lindstadt et
fait occuper le village de Dohna par Wunsch ; il ne laisse
que trois escadrons à Dippoldiswalda ; il vient d'être rejoint
(1) Guerre de Sept ans par l'Ktal-inajor gérerai prussien, Herlin, 1828.
Défense de Finck au Conseil de guerre, citée par Winter.
(2) Finck à Frédéric, Dippoldiswalda, 17 novembre 1759. Winter, Capitula-
tion de Maxen.
(3) Finck à Frédéric, Maxen, 18 novembre 17ô9. Winter, Capitulation
de Maxen.
FINCK ENVOYK A MAXEN.
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par un convoi de pain avec une escorte de deux bataillons ;
les corps autrichiens de Sincère et de Brentano le surveil-
lent : <. ie crois, malheureusement, ajoutc-t-il, que je vais
avoir une affaire générale avec ces gens. »
Jusqu'alors, les avis répétés (1) expédiés à Finck par
Frédéric considéraient la rentrée des Autrichiens en Bo-
hême comme un événement presque certain. « Quand Daun
apprendra, écrivait le Boi (2), qu'un fort détachement des
nôtres est posté à Maxen, il tombera nécessairement en dé-
sarroi et en confusion. » Le 17 (3), Frédéric parle de Daun
comme devant poursuivre sa retraite vers la Bohème par
Dresde et Peterswalde et espère que Finck pourra s'em-
parer des bagages de l'ennemi. La première dépêche du
18 (4) est très explicite. Il a reçu le rapport de Finck de la
veille, daté de Dippoldiswalda. « Je vous réponds que vous
avez bien fait d'y marcher avec tout votre corps, car ils
auraient pu venir en force et culbuter votre division déta-
chée. » Quoique le nom de Maxen ne figure pas dans cette
lettre, on ne peut se méprendre sur le sens, en c,ompa-
rant les expressions dont se sert l'écrivain royal avec le
billet de Finck qui annonce son intention de se rendre à
Maxen. D'ailleurs, sur le dos de la dépêche du général, le
secrétaire du cabinet Eichel avait écrit au crayon, proba-
blement sous la dictée du souverain : (( Il devra aller k
MaAcn avec tout son corps ». 11 n'y a donc nul doute sur
la pensée de Frédéric et sur l'interprétation des ordres
donnés à son lieutenant. Cependant, dans la lettre que
(1) La Correspondance politique contient deux di-pôches du 16, trois du 17
et trois du 18 novembre. Les rapports de Finck (lubliés par Wintcr sont en
nombre égal.
(2) Frédéric à Finck, Krogis, 16 novembre 1759. Correspondance poli-
tique, XVIII, p. 041.
(;i) Frédéric à Finck, Limbacii, 17 novembre 1759. Correspondance poli-
tique, XVIII, p. 6i;i.
("i) Fréiéric à Finck, Limbacb, 18 novembre 1759. Correspondance poli-
tique, XVIII, p. OiS.
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228
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CllAP. V.
nous venons de citer, il n'est plus question de la retraite
de Daun, mais seulement de celle de l'armée des Cercles;
d'autre part, Finck est prévenu que la division commandée
par Sincère n'est plus avec la grande armée et que Bren-
tano est allé le 17 à Possendorf (village à moitié route
entre Dresde et Dippoldiswalda), Le soir du 18, un mot daté
de Wilsdruf (1), le nouveau quartier général, dénote quel-
que inquiétude : Le Roi envoie un renseignement de Zieten
sur les mouvements de Sincère et de Brentano, s'en rap-
porte à Finck pour les dispositions à adopter, et ajoute :
« Vous aurez une sortie soit avec les Cercles, soit avec Sin-
cère. » A partir de ce moment, les communications furent
coupées, car si dans la Correspondance politique on trouve
encore un billet sans date, mais probablement du 19, qui
contient une allusion aux craintes exprimées la veille par
Finck relativement à une « affaire générale », aucune
réponse n'est faite à l'appel (2) adressé ce même 19 : « Si
contre mon attente ils m'entourent, je suis sûr que Votre
Majesté me dégagera. » D'ailleurs, dans la dépêche du Roi
datée du 20 qui annonce le départ de Hulsen avec des se-
cours, il est dit que cette mesure avait été prise sur les
informations de déserteurs et des coureurs prussiens.
Frédéric avait trop compté sur la démoralisation d'un
adversaire qui savait parfois corriger sa lenteur et son in-
décision habituelles par des entreprises aussi hardies qu'in-
attendues. Alors que dans l'entourage royal on était con-
vaincu que Daun ne songeait qu'à la rentrée en Bohême,
le maréchal décidait d'appuyot' le corps de Brentano, déjà
détaché contre Finck, par la réserve de Sincère portée à
un effectif de 15.000 hommes, et de diriger lui-même
l'attaque combinée à laquelle concourrait une division
(1) Frédéric à Finck, Wilsdruf, 18 novembre 1759. Correspondance 2)oli-
tique, XVIII, p. 057.
(2) Finck à Frédéric, Miixen, 19 novembre 1759. Cilé par WinJer.
MINMIP
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PROJETS DE DAUN CONTRE FINCK.
229
de l'armée des Cercles. « Je me mettrai en quatre, écrit
Montazet (1), pour donner sur les oreilles à M. Finck, si
nous le trouvons à Dippoldiswalda. M. le maréchal doit
y marcher de sa personne, M. de Lascy y sera aussi ; ainsi
il faut espérer que la besogne ira bien. »
Conformément à cette résolution, Sincère, renforcé de
trois régiments d'infanterie et deux rég.ments de cavale-
rie, s'ébranla de Ruppchen (près de Possendorf) dans la
matinée du 19 novembre, et marcha sur Dippoldiswalda;
Daun rejoignit ses troupes en chemin. Quand les têtes des
colonnes débouchèrent sur les hauteurs de Hefslich, on
aperçut des détachements prussiens sur la route de Dippol-
diswalda à Maxen ; on leur tira quelques coups de canon,
et comme il était trop tard pour rien entreprendre ce jour-
là, le maréchal fit occuper la ville de Dippoldiswalda que
l'ennemi avait abandonnée et camper entre Hefslich et
Matta le corps de Sincère. A ce dernier il donna ordre de
se mettre en route dès le matin sur Reinhardsgrimma, et
les préparatifs faits pour le lendemain, il retourna à son
quartier général de IMauen dans la banlieue de Dresde. Les
Prussiens qu'on avait fait canonner étaient l'escorte d'un
convoi de pain qui venait de Freyberg et dont l'arrivée à
Maxen fut assurée par les généraux Platen et Mosel qui se
portèrent à sa rencontre. Mais bientôt, le nombre toujours
grossissant des Autrichiens et la présence du maréchal,
qu'on apprit par des déserteurs, convainquirent Finck qu'il
devait s'attendre à quelque chose de plus sérieux qu'à
l'attaque d'un convoi. Il s'efforça sans succès, ainsi que
nous l'avons vu, d'instruire le Roi du danger qui le mena-
çait et prit ses dispositions pour tirer le mei'îeur parti
des 18 bataillons et 35 escadrons dont se composait son
corps. : .
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*
:i
(I) Montazet an comte de Choiseul. Sous Dresde, 18 novembre 1759. Ar-
chives de la Guerre, 3525.
Il
^!
230
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
Entre le cours de l'Elbe et les premières assises de la
chaîne de hauteurs qui se détachent des Erzgebirge vers
Nossen, s'étend un plateau vallonné dont le niveau s'abaisse
au fur et à mesure qu'on s'approche du fleuve ; il est coupé
par des ruisseaux dont la direction est presque perpendi-
culaire à celle de l'Elbe dans lequel ils se jettent. Deux de
ces affluents, le Rothe-Muglîtz et le Lockwitz-Bach , entou-
rent de leurs lits encaissés le terrain où allait s'engager la
lutte. Ces petites rivières, dans les environs de Maxen, ne
sont éloignées l'une de l'autre que de trois à quatre kilo-
mètres; dans cet espace restreint, se succèdent plusieurs
rangées de collines boisées séparées par des dépressions peu
profondes, mais dont les pentes extérieures deviennent de
plus en plus escarpées avec la descente et se terminent en
plusieurs endroits par des falaises rocheuses. De ces som-
mets, deux sont à noter : celui qui surplombe le vil-
lage de Hausdorf et qui porte aujourd'hui le nom de Hei-
deberg, un autre un peu plus élevé, le Maxernberg qui
atteint une altitude de 395 mètres au-dessus de la mer.
Pour gagner, de Hefslich où était le camp autrichien, le vil-
lage de Maxen, il faut passer le défilé du Lockwitz-Bach à
Reinhardsgrimma, traverser la forêt du même nom, sur-
monter les crêtes qui se dressent au-dessus du vallon de
Hausdorf, escalader la chaîne de Maxen, enfin dévaler sur
cette bourgade, bâtie dans un fond qui rejoint le Muglitz à
Muhlbach. Derrière Maxen et à l'ouest de cette localité, on
rencontre la colline de Schmorsdorf, mais entre le village
de ce nom et ceux de Dohna et de Ploschwitz, le pays est
plat jusqu'à la gorge du Muglitz, laquelle constitue un obs-
tacle formidable. A l'époque de la bataille, la route venant
de Dippoldiswalda perçait la forêt aux abords de Rein-
hardsgrimma, desservait le village de Hausdorf, gravissait
le massif à l'ouest, franchissait la ligne des hauteurs devant
Maxen par un col situé au milieu de la chaîne, descendait
au bourg et continuait au nord entre Wittgensdorf et Tro-
M
li
m
DESCRIPTION DES ENVIRONS DE MAXEN.
9tt
nitz en longeant tics prés marécageux avant de pénétrer
dans cette dernière localité.
Examinons les mesures que les généraux autrichiens
avaient concertées contre Finck. La première et la plus im-
portante attaque partant de la région de Dippoldiswalda,
devait suivre le chemin que nous venons de décrire; elle
était confiée au corps de Sincère fort de 25 bataillons, 27 es-
cadrons et d'un régiment de hussards, soit environ 19,000
hommes, et dirigée par Dauu en personne. Au nord et du
côté de l'Elbe, Brentano avec 6 bataillons, 5 compagnies
de grenadiers, 12 escadrons et quelques Croates débouche-
rait entre Wittgensdorf et Tronitz, sur le flanc droit des
Prussiens, tandis que le prince Stolberg, avec 7.000 hom-
mes des Cercles, les prendrait à dos du côté de Burkhardts-
walde et Weissenstein ; enfin Palfy et Kleefeld avaient mis-
sion de leur fermer la route de Dohna. En résumé, 35.000
Autrichiens ou Impériaux, appuyés d'une nombreuse artil-
lerie, étaient : fFectés à un effort concentrique contre les
13 à 14.000 combattants et les 70 canons que Finck pou-
vait leur opposer.
Voyons maintenant les dispositions de ce général : Sur
les mamelons qui constituent le Maxernberg et font vis-à-
vis aux collines de Hausdorf, il avait assigné une place à
5 bataillons et au gros de son artillerie; son aile droite,
formée de 19 escadrons et de 3 bataillons, ces derniers
postés sur les hauteurs de Schmorsdorf, faisait face à Bren-
tano ; un bataillon observait les débouchés de Weissenstein
et gardait les bagages assemblés entre Maxen et Schmors-
dorf. Platen, avec V bataillons et 13 escadrons, était en
position aux abords de Beinhardsgrimma, et Wunsch, avec
sa brigade de 5 bataillons et 3 escadrons, devait tenir tète
aux Impériaux de Stolberg et aux Autrichiens de Palfy.
De grand matin, le 20 novembre, Finck se rendit aux
environs de Beinhardsgrimma et fit une reconnaissance
des Autrichiens; comme rien ne bougeait dans ces pa-
MH
233
LA GUERRE DE SEPT ANS.
Cil A P. V.
',1
rages, il revint vei-s Rohrsdorf pour surveiller les agisse-
ments de Hrcntano, En route, il reçut de Platen dos avis
successifs que l'ennemi commençait à déboucher, que deux
colonnes marchaient sur Reinhardsgrimma, qu'un feu as-
sez vif s'échangeait entre ses tirailleurs et ceux de Sin-
cère, enfin que des Pandours en nombre considérable se
montraient près de llirschbach et faisaient mine de lui
couper la retraite. Finck lui envoya l'ordre de se retirer
sur la première crête de hauteurs iï droite (1 ) en descendant
la vallée de Hausdorf, et d'y rejoindre le bataillon do Gra-
bow qui y était déjà installé. Sur ces entrefaites, on apprit
par des patrouilles lancées dans la région de Klein Uohrs-
dorf que, de ce côté aussi, la division Lrentano se mettait
en branle; mais, à en juger par l'attitude des cavaliers,
qui n'étaient pas en selle, l'attaque n'était pas imminente,
Finck fit aussitôt monter sur les collines de Maxen les cinq
bataillons qui avaient été désignés pour ce poste ; peu de
temps après leur arrivée, la ligne fut renforcée par deux
bataillons et par la plupart des escadrons de Platen ap-
pelés pour barrer la route aux coureurs autrichiens qui,
de Hirschbach, avaient gagné les abords de Lungwitz.
Pour défendre les hauteurs de Hausdorf, il ne restait plus
que deux bataillons et les hussards du major Haugwitz
qui, après avoir fait le coup de feu contre l'avant- garde
autrichienne, s'étaient réunis à leurs camarades de l'in-
fanterie. De Ploschwitz, le général Wunsch mandait que
l'armée des Cercles avait ouvert la canonnade et que des
partis ennemis dessinaient un mouvement sur Dohna, Les
Prussiens allaient être assaillis de trois côtés à la fois, au
sud-ouest, au nord et à l'est.
Aussitôt revenu de Plauen, Daun avait pris la direction
(1) Dans les cartes de l'époque toutes ces hauteurs |iortent le nomd'llaus*
dorf. D'après la carie de l'élat-major, le sommet où Platen prit position
doit ôlre le lleideberg. Voir lu carte à la fin du volume.
V ;
■".\ *,
FINCK ATTAQUÉ DE TROIS COTÉS A LA FOIS.
>3;<
du corps (le Sincrre qn'il avait rattrape'' en marclio. Pen-
dant ([uc le gros franchissait le ravin de Ucinhards-
grimina, il se porta avec l'avant-garde et une partie de son
artillerie sur un dos d'âne peu éloigné de la forôt de Rein-
hardsgrimiua et perpendiculaire à la colline où étaient
postés les deux bataillons et les hussards de Platcn. Il y
établit, au fur et à mesure de la venue des pièces, deux
batteries d'obusierset de canons et fit ouvrir un feu qui ne
tarda pas à avoir le dessus, car les boulets autrichiens enfi-
laient les positions de Hausdorf et de Maxen, tandis que la
nature du terrain ne permettait pas au tir prussien d'avoir
grande efficacité. L'installation des batteries de Daun
n'avait pu être accomplie sans de grands efforts ; le mau-
vais état et l'escarpement des chemins, la couche de ver-
glas dont ils étaient couverts, les chutes des chevaux qui
n'étaient pas ferrés à glace, avaient fait douter de la pos-
sibilité d'amener les canons sur la hauteur; le rapport d'un
officier énergique, le major Fabri, avait décidé le maré-
chal à en donner l'ordre.
Au bout de quelques minutes, le tir autrichien obligea
Platen à abandonner son poste et à se retirer sur le
Maxernberg où il vint prendre la gauche de la ligne. Daun
profita de cette retraite pour occuper l'emplacement cédé
et pour y planter une troisième batterie de 26 pièces. La
canonnade continua, de plus en plus intense, et la supé-
riorité des 50 pièces autrichiennes sur les 11 prussiennes
devint si marquée que le maréchal crut le moment propice
pour lancer ses colonnes à l'attaque du Maxernberg. Cette
entreprise fut favorisée par une panicjue qui se produisit
dans les équipages que Finck avait réunis dans un fond
entre iMaxen et Schmorsdorf; beaucoup de projectiles
dépassant la crête que visaient les artilleurs de Daun,
tombèrent au milieu du camp et y mirent un désordre
qu'accrut le feu du canon de Brentano et que le cours
des événements ne fit qu'aggraver encore. Les obstacles
il-lr
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1 .1
234
LA nURRUE HE SEPT ANS. — ClIAP. V.
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11
qu'avaient rencontrés les Autrichiens dans leur marche,
les difficultrs (jui avaient accompagné le transport de leur
artillerie, ocmsionnèrent de tels retards qu'il était plus
d'une heuTii de l'après-midi quand l'assaut fut livré. En
tète étaient les urenadiers de Sisckowitz, soutenus par les
brigades du marquis d'Ainse et du général Dombasle et
flanqués par la cavalerie. A la droite prussienne l'attaque
échoua; les défenseurs refoulèrent l'assaillant et le pour-
suivirent jusqu'au pied de la montée ; mais accablés par
le feu des batteries autrichiennes, ils durent reculer jus-
qu'au point de départ; à la gauche, au contraire, les gre-
nadiers de Sisckowitz furent plus heureux, ils percèrent la
ligne de Finck, et, poussant devant eux les bataillons de
(irabow et de Zastrow, dévalèrent le revers de la montagne
et entrèrent dans le village de Maxen. Là, ils furent rejoints
par un parti des leurs qui s'y était glissé en contournant
les hauteurs. Les autres bataillons de Platen, qui jusqu'a-
lors avaient victorieusement résisté, pris à dos par les nou-
veaux venus, attaqués de front par les troupes fraîches
accourues pour appuyer leurs camarades battus, durent
abandonner le Maxernberg et refluer vers le bourg où la
lutte continua. Les Autrichiens qui s'étaient ainsi avancés
auraient probablement payé cher leur témérité s'ils avaient
été chargés par les dragons de Wurtemberg que Finck
avait postés en seconde ligne derrière son infanterie ; mal-
heureusement, pour les abriter du feu de l'artillerie, le
général Gersdorf les avait éloignés sans prévenir son chef;
aussi le moment opportun était-il passé quand on put les
faire donner. Leur attaque tardive et mal conduite par suite
de la blessure mortelle du colonel de Mûnchow ne réussit
pas et se termina par une retraite désordonnée.
Entre temps, Finck avait appelé au secours de sa pre-
mière ligne, dont une fraction occupait encore le Maxern-
i.^erg tandis que le reste se battait dans les ruelles de Maxen,
les grenadiers de Willemey, les deux bataillons de Reben-
1
LES AUTRKIIIENS KMPOUTENT LES IIAI TEURS DE MAXE.N. 235
tisch et les dragons de IMaten, qui étaient ( n réserve, l/in-
tervontion des grenadiers fut des plus utiles; elle dégagea
les bataillons Finck et Henkendorf (jui étaient presque
cernés, et fournit l'occasion de recouvrer une partie du
village. Les fusiliers de Uebentisch n'eurent pas la même
fortune; ce régiment, composé dans une forte proportion
de prisonniers russes et autrichiens, participa à la défaite
des bataillons Grabow et Zastrow, qu'il devait aider, fut
enfoncé par la cavalerie autrichienne, se laissa prendre
beaucoup de monde et finalement recula, entraînant dans
sa fuite les dragons de Platon.
Sur ces entrefaites, Brentano, qui ne devait s'engager
qu'après l'entrée dans la zone de feu des colonnes de Daun,
faisait mine de se joindre à l'action, en mar< ant sur les
hauteurs au nord de .>chmorsdorf ; pour arrêter ses pro-
grès, Finck ordonna au général de Bredow de se mettre à
la tète des cuirassiers et hussards de l'aile droite et de re-
pousser les Autrichiens de manière à donner de l'air sur
ce flanc et k permettre l'envoi à Maxen des quatre batail-
lons jusqu'alors opposés à Brentano. Soit faute des géné-
raux, soit mauvaise conduite des hommes, cette manœuvre
de cavalerie eut le même sort que la première; tout alla
bien d'abord, puis les escadrons prirent une fausse direc-
tion, s'empêtrèrent dans les fonds marécageux de Tronitz,
furent mis en désordre par le canon de Brentano, et mal-
gré les efforts de leurs officiers pour les rallier, finirent
par abandonner le champ de bataille où ils ne reparurent
plus de la journée.
Pendant que ces événements se passaient au nord de
Maxen, à l'ouest de la bourgade les Prussiens avaient perdu
beaucoup de terrain. Les dernières unités qui se crampon-
naient encore à la chaîne du Maxernberg avaient été for-
cées de se retirer pour n'être pas coupées. De leur côté, les
généraux autrichiens avaient rétabli l'ordre dans leurs ba-
taillons où l'entraînement de la poursuite avait apporté de
i
1411
236
L\ GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
/;
la confusion, les avaient rangés sur la position conquise
et les avaient renforcés des troupes demeurées jusqu'alors
sur les HausdorfKohe. Ces dispositions achevées, toute la
ligne se porta en avant pour chasser les Prussiens de Maxeu
où ils tenaient encore. Le combat reprit de plus belle dans
le village qui devint la proie de l'incendie ; cernés par le
vainqueur, les bataillons prussiens Finck , Benkendorf et
Willemey, dont nous avons raconté le retour olfensif,
eurent beaucoup de peine à se frayer un chemin à travers
les flammes et à rejoindre le reste de l'armée. Il en fut de
même des bataillons Kleist, BillerLeck, Heyden et Schon-
kendorf , qui luttaient au nord de Maxen; accablés par le
feu croisé des batteries de Daun et de celles de Brentano, qui
avaient profité de la fuite de la cavalerie de Bredow pour
se rapprocher, démoralisés par les échecs successifs de la
journée, ils reculèrent dans la direction de Schmorsdorf.
Fmck lit un dernier effort pour éviter le désastre qui le
menaçait; il essaya de rallier sur les collines de Schmors-
dorf les débris de son armée, y mit en batterie tout ce qu'il
put ramasser d'artillerie et y attendit de pied ferme une
nouvelle attaque. Elle ne tarda pas à se produire; unis-
sant sa gauche à la droite de Brentano, le maréchal Daun
exécuta contre les Prussiens un mouvement concentrique.
Ce fut en vain que Linstadt, avec ses trois bataillons encore
intacts, opposa aux Autrichiens un*» résistance acharnée ;
il dut céder à son tour. Schmorsdorf fut défendu long-
temps par le bataillon de Lehwald, qui tint en échec par
ses feux la cavalerie autrichienne ; mais la prise du village,
qui eut lieu vers la chute du jour, couronna la \ictoire de
Daun et ne laissa d'autre ressource à l'armée battue que
de se réfugier dans la plaine de Ploschwitz sous la protec-
tion de Wunsch. Ce général, qui avait eu affaire aux Impé-
riaux de Stolberg et aux Autrichiens de Palfy et de Klec-
feld, avait maintenu son terrain; l'engagement de ce côté
avait été limité à une canonnade active entre les Prussiens
:♦: V
DEFAITE ET CAPITULATION DE FINCK,
23T
et l'armée des Cercles et à quelques escarmouches aux
abords de Dohna, à la suite desquelles les cavaliers de
Palfy et les Croates de Klefeld avaient franchi le Muglitz
et avaient donné la main à Brentano pour poursuivre les
fuyards du corps de Finck,
Les commandants des deux armées mirent j\ profit la
nuit, Daun pour munir d'artillerie les positions enlevées et
pour préparer le renouvellement de l'action dès la matinée
du lendemain, Finck en cherchant un expédient pour sortir
d'une situation sans issue. Entouré de toutes parts par des
forces supérieures, dominé par les bouches à feu dont l'en-
nemi avait garni les hauteurs environnantes, il ne pou-
vait échapper à une capitulation qu'en perçant le cercle
de ses adversaires. Il y songea et proposa à cet effet à ses
brigadiers, réunis en conseil de guerre, d'essayer un coup
de désespoir pour la reprise de Schmorsdorf et de sa col-
line ; avant de s'y décider, on voulut savoir sur quels effec-
tifs on devait tabler. Un appel fait dans les régiments
d'infanterie du corps de Finck constata la présence sous les
armes de 2.836 fantassins seulement; en y ajoutant la bri-
gade Wunsch, ou avait 7.000 hommes d'infanterie et huit
canons à opposer aux masses autrichiennes. Avec de si
pauvres moyens, avec des soldats sur la bonne moitié des-
quels il ne fallait pas compter, assaillir un ennemi vic-
torieux et beaucoup plus nombreux, c'était tenter une
œuvre irréalisable et sacrifier inutilement ce qui restait de
meilleur dans les rangs; il fallut donc se résigner à entrer
en pourparlers avec le maréchal Daun. Cependant, si le
sort de l'infanterie paraissait scellé, peut-être serait-il pos-
sible de dérober la cavalerie à la honte d'une reddition.
Soit sur l'ordre de Finck, soit sur sa propre initiative,
Wunsch reçut mission de réunir les 35 escadrons de l'armée,
de se glisser, à la faveur de Tobscurité, à travers les avant-
postes de l'armée des Cercles vers Sirsen et do gagner
par un grand détour le (juartier général royal. Cette en-
I
î ■
i1fl
ÉÉÊÊk
238
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
treprise, dont la difficulté était fort ag-gravée par les défilés
à franchir et par l'éfat des chemins devenus impraticables
à cause de la glace et du verglas, était d'avance condam-
née à l'insuccès.
Dès l'aube du 21 novembre, les Autrichiens tirèrent quel-
ques coups de canon sur les débris de l'armée prussienne;
ils suffirent pour détruire le peu d'ordre qu'on avait pu ré-
tablir pendant la nuit; les soldats quittèrent les rangs pour
se réfugier parmi les voitures du convoi. Finck, bien con-
vaincu qu'il n'y avait rien à faire, dépêcha au maréchal
le général Rebentisch. Vers huit heures du matin, l'émis-
saire rentra accompagné de l'Autrichien Lascy et de quel-
ques officiers de son état-major; ils ne voulurent accorder
aux troupes de Finck d'autres conditions que celle de se
rendre prisonnières de guerre. Quant à la cavalerie, malgré
son départ nocturne, elle n'avait fait que peu de progrès
dans sa tentative de fuite ; il avait fallu conduire les che-
vaux à la bride, quelquefois un à un, pour leur faire tra-
verser la glace qui recouvrait les bas-fonds, et les premiers
escadrons de hussards avaient seuls passé le ravin quand
Lascy menaça de recommencer la canonnade si la cava-
iei'ic n'était pas comprise dans l'arrangement. Wunsch
dut revenir sur ses pas et mettre bas les armes j son
absence au moment de la signature et ses protestations
contre un acte dont il se prétendit la victime, le sauvèrent
du conseil de guerre devant lequel furent appelés la plu-
part de ses camarades.
A la suite de la capitulation ou au cours du combat de
Maxen, les Autrichiens s'emparèrent de neuf généraux, 5i9
officiers, environ 12.000 sous-officiers et soldats, 71 pièces
de canons, 4i caissons, 24 étendards et 96 drapeaux (1).
L'affaire leur avait coûté un millier de tués ou blessés et
presque le double aux Prussiens.
p:-;;:
(1) D'oprès Tielke, le cliiiTrc des prisonniers fut de 14.'.t22 de tous rangs.
"V^
SUITES DE LA CAPITULATION DE MAXEN.
239
A peine les troupes de Finck avaient-elles déposé les
armes qu'on entendit le canon dans la contrée de Dippol-
diswalda. C'était le secours sur lequel avait compté l'in-
fortuné général. Le 20 novembre, en effet, Frédéric, in-
quiet de voir interceptée toute communication avec son
lieutenant, envoya à la découverte le général Hulsen avec
une division de cinq bataillons et quinze escadrons. Parti
de grand matin, Hulsen ramassa en route le détachement
du général Schenkendorf , parvint a\ec son avant-garde
à Klingenberg et poussa de là une reconnaissance dans la
direction de Dippoldiswalda; on percevait très distincte-
ment le bruit de la canonnade qui s'éloignait du côté de
l'Elbe. Vers le soir, il fut rejoint par le colonel Kleist qui
rentrait de l'incursion en Bohème où il avait détruit des
magasins et fait des prisonniers, parmi lesquels deux
généraux qui faisaient une cure à Teplitz. Le lendemain,
Hulsen qui avait réuni, grAce à ces adjonctions, une force
de huit b neuf mille hommes, se porta sur Dippoldiswalda
où il se heurta au corps de Brentano que Daun y avait
fait marcher; la rencontre ne donna lieu qu i l'échange
de quelques coups de canon, car les Prussiens ayant appris
le désastre de Maxen, se rabattirent sur Freybcrg.
Pendant toute la journée du 21, des rapports inquiétants
se cpandirent au quartier général de Wilsdruf, mais ce
fut seulement vers le soir que l'étendue du malheur fut
connue par le récit de deux paysans venus de Maxen. Ce
fut un coup de massue pour Frédéric qui voyait dans cet
événement la mauvaise fortune persistante dont il souf-
frait depuis le commencement de la campagne. S'il faut
en croire les notes inscrites par Catt dans son Journal (1),
il aurait avoué sa part dans la défaite en écrivant au
prince Henri : « Plût au Ciel que j'eusse eu encore la goutte
cinq ou six bons jours! » 3Iais les grands capitaines n'ai-
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(1) Calt, Journal, j). 409.
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24(1
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
ment guère à assumer la responsabilité des mésaventures
dues î\ une obéissance trop scrupuleuse aux ordres qu'ils
ont donnés; Frédéric ne fit pas exception à la règle. Sur
un billet de Hulsen qui annonce la capitulation, il trace
ou fait tracer sous sa dictée ces mots significatifs : « C'est
un grand malheur, et presque sans précédent, mais ce
n'est pas ma faute. » Deux jours après, dans une dépê-
che à (1) l'envoyé Knyphausen, destinée sans doute à être
communiquée aux ministres anglais, il parle d'instructions
que Finck n'aurait pas suivies et d'après lesquelles il
aurait dû rétrograder sur Freyberg en cas d'attaque par un
ennemi supérieur. Mais si la raison d'état explique et justifie
dans une certaine mesure cette attitude vis-à-vis du public,
nous comprenons moins la persécution dont le général
vaincu fut la victime longtemps après les événements.
Resté comme prisonnier des Autrichiens jusqu'à la paix,
Finck fut traduit devant un conseil de guerre en 1763 ;
acquitté de l'accusation de lâcheté, il fut condamné pour
fautes militaires à être cassé de son grade et à subir un an
do détention. Aussitôt sa peine linie , Finck passa au ser-
vice du Danemark où il mourut en 1760. Dans sa disgrâce,
il garda les sympathies de la plupart de ses camarades, qui
appréciaient les qualités militaires quïl avait déployées et
la capacité dont il avait fait preuve pendant les campa-
gnes précédentes. Eichel, le confident du Roi , dans une
lettre (2) à Finckenstein datée du lendemain de la catas-
trophe, ne craint pas de plaider en sa faveur les circons-
tances atténuantes : « Le général Finck est malheureux
et apparemment innocent. Sa situation a été des plus sca-
breuses ». Le prince Henri, qui l'avait eu souvent sous ses
(1) Frédéric à Knypliausen. Wilsdruf, 23 novembre 1759. Correspondance
politùiue, XVIII, p. 6:,8.
(2) Eichel à Flncitenslein, Wilsdruf, 26 novembre 1758. Correspondance
politique, XVIII, p. GfiC.
RESPONSABILITÉ DE FHÉUtlUC DANS LE DÉSASTRE DE MAXEN. 2il
ordres, lui conserva son amitié (1) et le recommanda chau-
dement au gouvernement danois.
Certes, les dispositions prises par Finck pour la défense
de Ma.ven sont sujettes à critique, et il faut le blâmer de
n'avoir pas usé de la latitude que lui accordait le billet
royal du 18 novembre de se retirer d'un poste dont il avait
été le premier à signaler les dangers; mais le caractère im-
pératif des ordres antérieurs et la crainte de compromet-
tre le succès de l'ensemble, par un mouvement isolé de sa
propre initiative, ne devaient pas l'incliner à profiter d'une
autorisation dont la rédaction était trop vague pour le dis-
culper en cas d'échec. D'ailleurs, cette autorisation, il n'en
eut connaissance que le 19, date à laquelle il était déjà
bien tard pour échapper à la manœuvre enveloppante
des Autrichiens. Il semblerait, à lire la correspondance
échangée, que Finck, tout en se rendant compte du risque
qu'il courait sur les derrières de l'ennemi, ait partagé les
illusions du Uoi sur la retraite de Daun et n'ait cru à une
attaque du maréchal qu'au moment où il était impossible
de l'éviter. Au surplus, s'il y eut faute commise, elle in-
combe plutôt à l'auteur de l'occupation de Maxen qu'au
lieutenant chargé d'exécuter des instructions que, dans
l'état-major prussien, on était accoutumé à interpréter à
la lettre.
Dans une dépêche (2) où il s'attribue une large part dans
la victoire de Maxen, Montazct se montre sévère pour les
vaincus : « C'est un événement (pii doit porter une atteinte
mortelle à la gloire des armes de notre ennemi : 1'^ parce
que le plan du Roy était plus que téméraire; 2" parce que
la position qu'avaient choisie ses trois généraux de con-
fiance que nous avons fait prisonniers, était ridiculement
(1) Henri à Finck, Rolnsberg, 14 novembre 1764. Correspondance du
prince Henri, R. III, 16, Archives de Berlin.
(2) Montazet ù Belleisle. Dresde, 24 novembre ITaO. Archives de la Guerre,
vol. 3525.
.. GUERRE DE SEPT ANS. — T. III. 16
242
LA GUERHE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
prise; 3" pnrce que leurs dispositions ne valaient rien;
k° parce qu'ils se sont fort mal et fort mollement battus;
5" parce qu'ils ont fini par uiottie bas les armes et faire
une action indigne; car ils étaient encore extrêmement
nombreux, et s'ils avaient voulu, ils nous auraient donné
du fil à retordre. Mais nous les avons attaqués si vivement
et suivis si rapidement que réellement nous leur avons
toui'né la tête; nous sommes restés d'ailleurs pendant la
nuit à 500 pas les uns des autres, et le canon a recom-
mencé à tirer avant le jour, de façon qu'ils n'ont pas eu le
temps de rasseoir leur t-^to. »
A la capitulation de Maxen succéda, à quelques jours de
distance, un autre échec, moins retentissant il est vrai,
infligé à la division du général Diericke qui avait été îais-
sée sur la rive droite de l'Elbe, dans les environs de Meis-
sen. Daun, enhardi par sa victoire, résolut de profiter de
la situation fort en l'air où se trouvait le détachement
prussien et chargea Beck, qui était disponible en Lu-
sace, de le surprendre et d'essayer de l'enlever. L'entre-
prise ne réussit que partiellement; quelque hésitation de
la part des Autrichiens permit à la majorité des troupes de
Diericke de passer le fleuve en bateaux et d'échapper à la
captivité; mais le général lui-même, 1.500 hommes com-
posant le fond de trois bataillons et huit pièces de canon
tombèrent entre les mains du vainqueur. Cette affaire, qui
eut lieu le 3 décembre, fut la dernière de la saison; à par-
tir de cette date, la campagne se transforma en une lutte
de ténacité entre les deux généraux en chef, bien résolus
l'un et l'autre à ne pas abandonner la partie le premier.
Frédéric, qui au cours de ses embarras n'avait cessé de de-
mander au prince Ferdinand de l'assistance ou une diver-
sion en sa faveur, lui adressa un suprême (1) appel :
(1) Frédoiic à Ferdinand. Wilsdruf,
polUique, XVI II, p. f)"6.
décembre 1769. Correspondance
PRINCE DE UKUNSWICK ENVOYÉ AU SECOUHS DU ROI. 2i3
1
\
M Vous pénétrez très bien à quel point pareils revers doi-
vent me déranger, sans qu'il y ait de ma faute. Si vous
ôtes à même de m'aider, c'est à présent le moment de le
faire. Cinq ou six mille hommes de votre armée que vous
feriez marcher en Saxe dans le Voigtland me seront d'un
grand secours, uniquement pour me débarrasser ici. » Fer-
dinand se conforma, comme nous l'avons vu, au désir du
Roi en lui envoyant 12.000 hommes sous les ordres de son
meilleur lieutenant, le prince héréditaire de Brunswick.
Ce corps, qui venait de battre les Wurtembourgcois à
Fulde, se mit en route le 9 décembre, passa par Erfurt,
Cera et Ghemnitz et parvint à Freyberg le 28 du même
mois.
Quoiqu'il s'écoulât plus do cinq semaines entre la défaite
de Finck et l'entrée en scène du corps hanovrien, Daun ne
sut pas profiter de la supériorité morale et numérique que
lui avaient valu les combats de Maxen et de Meissen. Beck,
dont une pointe vers Torgau avait à bon droit inquiété (1)
le Roi, se contenta de longer l'Elbe, d'y couler des barques
et de détruire des magasins. Le maréchal manifesta, il est
vrai, à plusieurs reprises son dessein de tenter un coup de
main sur Freyberg, où Frédéric s'obstinait à se maintenir
malgré les dangers de cette position avancée ; mais ces vel-
léités d'oll'ensive ne se transformèrent pas en mesures ef-
fectives; quant au camp de Kesseldorf où était le gros de
l'armée royale, une attaque eût entraîné trop de risques.
iMontazet ne peut contenir son impatience : « Malheureu-
sement, écrit-il (2) à notre ambassadeur, il y a dans notre
machine une lenteur qui fait le salut de l'ennemi et qui
autorise en quelque sorte les idées gigantesques du Roi » ;
il supplie le comte de Choiseul d'obtenir de la cour de
(1) Frodéricà Finckcnstein. Freyberg, 12 décembre 1759. Correspondance
politique, XVIII, p. 693.
(2) Montazel au comte de Choiseul, Dresde, 7 décembre 175'J. Archives de
la Guerre, vol. 3526.
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TwsrpTÎWWWBOBRW^W"
mmm
344
LA GUEIIKE DE SEPT ANS.
CIIAP. V.
Vienne l'ordre de livrer l)alaillc à l'armce prussienne et
l'envoi de Laudon en Lusace avec les :roupes qu'il rame-
nait de Pologne.
Kntre temps les soldats, tenus continuellement en ha-
leine, souillaient cruellement des intempéries de la sai-
son : « La terre est couverte de neige ; mandait Montazct (1),
les chemins sont diaboliques; presque toutes les tentes de
l'armée sont pourries et ne peuvent plus servir.... ; les che-
vaux de l'artillerie sont sur les dents; tous les environs de
Dresde sont mangés de façon qu'il n'y reste pas une paille. »
Quinze jours plus tard, même langage (2) : Le froid est
excessif; les deux armées sont cantonnées, le gros des Prus-
siens à Wilsdruf et Kesseldorf avec un fort détachement A
Freyberg, les Autrichiens dans les faubourgs de Dresde
avec une division à Dippoldiswalda ; quant à l'armée des
Cercles, elle s'était refusée à continuer les hostilités et était
en pleine marche pour prendre ses quartiers d'hiver. Daun
n'avait d'autre ambition que de conserver la possession de
Dresde et de son territoire ; peut-être espérait-il une de ces
attaques téméraires dont son adversaire était coutumier et
partageait-il l'opinion de Montazet qui écrivait (3) vers
cette époque à l'ambassadeur Choiseul : « Le roi de Prusse
est un homme fait pour se détruire lui-même.... c'est une
tête bouillante, pleine de moyens violents, qui d'ailleurs
n'écoute personne, par mépris souverain qu'il a pour tous
ceux qui ont le bonheur de l'approcher. C'est ce môme
sentiment dont il nous honore qui lui a fait et lui fera tou-
jours entreprendre des choses au-dessus de ses forces et par
où naturellement il doit écrouler. » Il est curieux de voir
(1) Montazet au comte de Choiseul. Dresde, 2 décembre l'ôS). Arciiives de
la Guerre, vol. 3526.
(2) Montazet à Belleisle, Dresde, l."i décembre 1T59. Archives de la Guerre,
vol. 3526.
(3) Montazet au comte de Choiseul. Dresde, 4 décembre 1759. Archives de
la Guerre, vol. 3526.
INACTION ET SOUFFRANCES DES DEUX ARMKKS.
ri 5
le prince Henri, sous riuthience de la maladie et du pro-
fond abattement, émettre sur le compte de son frère un ju-
gement presque analogue. Dans les papiers originaux de
Berlin, se trouve une lettre de Frédéric du li décembre
sur le dos de laquelle le prince avait tracé (1) ces mots :
« Je ne me fie nullement à ces nouvelles, elles sont toujours
contradictoires et incertaines comme son caractère. H nous
a Jetés dans cette cruelle guerre; la valeur des généraux
et des soldats peut seule nous en tirer. C'est depuis le
Jour où il a joint mon armée qu'il y a mis le désordre et
le malheur; toutes mes peines dans cette campagne et la
fortune qui m'a secondé, tout est perdu par Frédéric, »
Si Diiun était bien résolu à rester sur la défensive, son
adversaire atait obligé de s'avouer à lui-même que la re-
prise de Dresde devenait de plus en plus improbable. Sans
doute, dans sa correspondance, le Hoi parle sans cesse de la
retraite plus ou moins volontaire des Autrichiens en Bo-
hême, mais on sent à la lecture que l'espoir, très vivace
d'abord, s'évanouit peu à peu avec le cours des événe-
ments. A Ferdinand qui, inquiet du retour oil'ensif do Br<i-
glie, redemandait Ja division du prince héréditaire, il
écrit (2) : « Je n'entreprendrai rien qui ne soit praticable,
ni ne commettrai rien à trop de hasard, mais je me flatte
de manœuvrer en sorte de serrer l'ennemi et de le fatiguer
tant, qu'il résoudra enfin de quitter la partie... Si je vois
que je ne saurais réussir par mon plan, je vous renverrai
vos troupes, sans les plus arrêter. " C'est ce qui arriva. A
la suite d'une reconnaissance faite de concert avec le jeune
prince de Brunswick, le Boi abandonna l'idée d'entamer la
position de Hadick à Dippoldiswalda et fit rentrer ses régi-
ments dans leur camp -^ù, malgré la rigueur de la saison ,
(1) Coripspondanct' poliligue, XVIII, p. C96,
(2) Frédéric à Ferdinand, Freyberg, 2".) décembre 1750. Correspondance
poUlique, XVHI, i». 728.
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1
I<«
LA GUEIinii DE SEPT ANS. — CIIAP. V.
ils étaient loj^és sous la Icutc. Quant aux Hanovriens, a[>rès
un court séjour à Frcyhcrg-, ils roprii-cnt le chemin de la
Hesse. Toutefois la diversion du prince héréditaire ne fut
pas inutile pour la cause royale ; sa venue en Saxe et les des-
seins af^ressifs qu'on lui prêtait sur les magasins de Bohême
alarmèrent le cahinetde Vienne. Laudon fut rappelé de Po-
logne où son corps d'armée était en route pour gagner la
Moravie, et envoyé en Bohême avec mission de réunir ce
qu'il y avait de disponible dans ce royaume et de repousser
l'incursion prévue. La garnison de Dresde fut renforcée (1)
de onze bataillons autrichiens et de deux régiments saxons
de cavalerie tirés de la Silésie. Loin de songer à évacuer la
Saxe, Kaunitz émettait l'avis qu'il fallait marcher contre
les Prussiens; mais ces velléités belliqueuses durent céder
aux raisons qui rendaient impraticable la continuation des
hostilités.
De guerre lasse, les deux armées mirent fin aux grandes
opérations et se cantonnèrent de leur mieux dans leurs
territoires respectifs. Dresde et sa banlieue furent acquis
aux Autrichiens; le reste de la Saxe demeura au pouvoir
des Prussiens. La prise et la conservation de la capitale de
l'Électorat furent donc le seul résultat, non sans importance
il est vrai, de cette longue campagne où Frédéric avait été
en deux occasions différentes si près de sa perte , et de la-
quelle il sortit amoindri A ses propres yeux tout autant
qu'à ceux de ses compatriotes et de ses adversaires. Sans
doute, par la hauteur de son courage moral, par son in-
domptable énergie, il avait su en imposera l'ennemi vic-
torieux, mais la sanglante défaite de Kunersdorf, la désas-
treuse capitulation de Maxen, avaient porté au prestige des
armes prussiennes, à la renommée de leur chef, des at-
teintes dont il était impossible de nier la gravité. La dé-
(1) Moiitrozard à Bellcisle. Dresde, 6 janvier 1760. Archives de la Guerre,
vol. 3550.
QUARTIEHS DIIIVER.
2i>
route de Kolin en 1757 avait été suivie des brillantes vic-
toires de Rosshach et de Leuthcn. Kn 1758, malgré réchec
devant Olniûtz, la lutte indécise de Zorndorf et la surprise
de Ilochkirch, le succès définitif était échu nu Hoi, qui
avait forcé ses ennemis à repasser la frontière. En 1759, il
n'en avait pas été de mémo ; non seulement les Prussiens
avaient été battus, mais ils avaient perdu du territoire, ils
avaient abandonné aux Autrichiens une ville qui était à la
fois le chef-lieu et la clef stratégique de la Saxo, f/avonir
s'annonçait bien sombre ; aussi ne peut-or. s'étonner de voir
le Rf>i et son frère échanger des vœux pour la réussite dos
ouvertures pacifiques dont l'Angleterre, avec l'assentiment
de son allié, avait pris l'initiative à La Haye.
Rien ne dépeint mieux l'état d'Ame de Frédéric que le
billet qu'il adressait (1) au prince Henri à l'occasion du
jour de l'an : « Les lettres de la France sont toutes favora-
bles à la paix, mais il ne nous suffit pas qu'elle se fasse,
il faut encore qu'elle soit prompte, ou c'est la moutarde
après diner... ; mon cœur est navré de chagrin, et ce qui
me décourage le plus, c'est que je suis à bout de tous mes
moyens et que je ne trouve plus de ressource. Je ne de-
vrais pas vous attrister le jour du nouvel an, mais vous
dérober ce tableau funeste, qui cependant est si présent
à tous les yeux qu'on ne saurait se le voiler; enfin, mon
cher frère, le passé, le présent et l'avenir me paraissent
également affligeants. » Les réponses du prince Henri sont
encore plus démoralisées ; en voici un spécimen : « Je ne
saurais nier (2) que j'envisage l'état présent et l'avenir du
même œil tel que vous daignez me confiv r que vous le
faites; si la paix ne se conclut vers le printemps, je crois
comme vous, mon très cher frère, que la catastrophe sera,
du moins à en juger suivant les probabilités humaines, iné-
j|*f^
(1) Frédéric à Henri, l" janvier 1760. Sclioning, II, p. 218.
(2) Henri à Frédéric. Unkersdorf, 11 janvier 1760. Scluining, II, p. 221.
M
3i8
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
u
f
i
Il
vitahle. Mais pour parler avec confiance... il me parait cjue
de pr«;voir ce nialliour est une raison sul'lisante pour faire
tout au monde pour obtenir cette paix à temps. Il n'y a
point de malliour, point de honte, ni de misère... plus
grande que celle de la perte de l'État entier... Vous avez
soutenu la guerre quatre années; (juelle que soit la paix
(pie vous fassiez, elle ne sera jamais déshonorante, et si
môme elle était désavantageuse, ce serait la vanité qui en
serait blessée mais non pas l'honneur. Dans une situation
aussi cruelle, je ne vous cache pas mes pensées. » Cette
paix, qu'appelaient de leurs souhaits tant de bons citoyens
des partis opposés, devait être ajournée plus de trois ans
encore. En attendant la réalisation de leurs espérances,
les deux frères s'employèrent de leur mieux à préparer et
soutenir la campagne prochaine.
Pour terminer le récit des opérations de 1759, il nous
reste à dire quelques mots de celles des Suédois, qui n'eu-
rent d'ailleurs pas plus d'eO'et utile que leurs mana-u-
vres des années précédentes. Leur entrée en ligne fut
particulièrement tardive; dans les derniers jours de juil-
let, la mobilisation n'était pas achever (1) et les troupes
destinées à la promenade annuelle, qui ne dépassaient pas
12.000 k 15.000 hommes, étaient encore sous les murs de
Stralsund. Quelle serait la destination de ce petit corps
d'armée? Montalembert qui, de représentant de France au
camp suédois était passé tV l'armée russe avec les mêmes
fonctions, aurait voulu l'atrecter au siège de Stettin et
chercha il faire prévaloir ses idées à Pétorsbourg, puis
auprès de Soltikofi'. Ce dernier, qui avait peu de confiance
dans les Suédois et qui professait un dédain justifié pour
leur organisation militaire, repoussa toute pensée de coopé-
ration. Peu satisfait d'une indépendance que réduisait sin-
gulièrement l'obligation de se conformer aux instructions
(1) Caulincourl à Belleisle. Stralsund, 24 juillet 175'.». Arcli. Guerre, 351',i.
CAMPAr.NE DES SUEDOIS.
249
(le Stockholm, le général I.antînghauscn ne voulut rien
entiepreiidre; la présence de la division prussienne de
Kleist, forte d'environ 5.000 hommes, suffit pour le tenir
en respect. Mais k la suite du départ de ce général appelé
au secours du Itoi après la hataille de Kunersdorf, les Prus-
siens ne conserv«>rent en Poméranie que cinq iiataillons et
(juelques troupes légères qui formaient la garnison de
Stettin et des lies de WoUiu et d'I'sedom à l'endjouchure
de roder. Le champ devenu libre, Lantinghausen occupa
sans résistance les villes de Demmin et Anklam et s'avan<;a
lentement dans la direction de Berlin; le 7 septembre, lo
quartier général était h Pasewalk avec une avant-garde à
Prenzlau, et des détachements avaient été poussés jusqu'à
Zehdenick et Oranienburg dans le but de lever des con-
tributions. A en croire Caulincourt, qui avait remplacé
Montalembert à l'état-major suédois, malgré (1) la valeur
incontestable du soldat, il était difficile d'obtenir une offen-
sive énergique d'une armée commandée par des généraux
incapables et par des colonels trop Agés. Le chef qui lui
était opposé était le duc de Bevern; fait prisonnier dans
une reconnaissance après sa défaite à Breslau vers la fin
de 1757, il avait recouvré sa liberté et quoique encore en
disgr<\ce, avait été nommé gouverneur de la forteresse de
Stettin. Il y déploya beaucoup d'activité, organisa des ba-
taillons avec les blessés convalescents revenus des affaires
contre les Russes, repoussa quelques incursions de l'en-
nemi dans la région de Stettin et créa une petite flottille
pour lui disputer le Gross-Haff. Mais sur la mer, la supério-
rité des Suédois était trop grande pour qu'il y eût chance
de succès; après un combat inégal qui eut lieu le 10 sep-
tembre, presque tous les bâtiments pi'ussiens furent pris
ou détruits. Grâce à cette victoire, le Suédois Fersen s'em-
.1,
I (I) Caulincourt à BeîToisle, Pasewalk, 6 spplembre 1759. Archives Guerre,
3522.
.-^lii.
np
11
250
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. V.
Il
II* •
para de la ville de Wollin avec sa garnison et devint maî-
tre des lies de l'embouchure de l'Oder. Le 1" octobre,
les Suédois étaient encore à Pasewalk où ils reçurent de
Vienne une proposition de coopération avec les Autri-
chiens en Saxe; mais une entreprise qui eût nécessité
la tra^' rsée du Brandebourg fut jugée (1) beaucoup trop
aventureuse pour les faibles moyens dont on disposait. A
cette époque, d'après les confidences de Lantinghausen,
les ctTectifs ne dépassaient guère 10,000 hommes, l'armée
manquait de fourrages et ne possédait aucun service de
boulangerie. Entre temps, le général Manteuffel, remis de
ses blessures de Paltzig, vint prendre la direction des dé-
pôts de recrues et de convalescents qui constituaient le
fond des forces opposées aux Suédois. Ces derniers con-
servèrent leur position à Pasewalk jusqu'à la fin d'octo-
bre sans autre incident que des escarmouches avec les
hussards prussiens. L'autorité du général en chef était pa-
ralysée en attendant les décisions de la Diète qui allait se
réunir à Stockholm. « Je crois voir de jour en jour plus
clairement, écrit Caulincourt (2), que l'armée suédoise ne
sera plus qu'un corps mort ou mourant d'ici à la première
Diète. »
Dans les premiers jours de novembre, la retraite com-
mença, d'abord ?ur Anklam, puis sur Greifswald. Le 18 no-
vembre, grAce à l'arrivée do renforts venus de Suède, l'ar-
mée, y compris les garnisons, était remontée au chilfre de
17.000 combattants; malgré sa supériorité sur les effectifs
de Manteuffel et Bevern qui lui tenaient tète, elle demeura
inactive, et vers la fin de l'année se cantonna derrière la
Peene sur une ligne allant d'Anklam à Triebsees; elle y
fut rejointe par les détachements qui avaient occupé les
(1) Caulincourt à Belleisie, Pasewalk, 1' et 0 octobre 1759, Archives
Guerre, 3524.
(2) Caulincourt à Helleislc, Pasewalk, 26 octobre 175S). Archives Guerre,
3524.
RETOUri DES SUÉDOIS A LA PEENE.
251
lies d'Usedom et de Wollin. En résumé, de leur campagne
les Suédois ne retirèreni d'autre avantage que d(; conser-
ver la possession de tout leur territoire au lieu d'être for-
cés de se réfugier, comme les années précédentes, dans la
place de Stralsund et l'Ile de Riigen.
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CHAPITRE VI
QUâBEG
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MISSION DE BOUGAIXVILLE EN IRAXCE. — EXPEDITION DE.
WOLKE COXTRK QUÉBEC. — BOMIJAHDKMKNT DE LA VILLE.
COMBAT DU SAUT DE MONTMORENCY. — DÉFAITE Di:
LIGNERIS ET PRISE DE NIAGARA. — REFRAITE DE BOURLA-
MAOUE A l'Ile aux noix. — embarras de wolfe. —
BATAILLE DABRAIIAM. — ABANDON DU CAMP DE BEAUPORT.
— TENTATIVES DE RAVITAILLEMENT. — CAPITULATION DE
QUÉBEC. — LES ANGLAIS MaItRES DV LAC CIIAMPLAIN.
Dans un chapitre précédent nous avons relaté la déci-
sion prise de charger Bougaiiiville et Doreil d'une mis-
sion en France à l'effet d'exposer la situation critique du
Canada et de solliciter les secours indispensables. Doreil
débarqua en Espagne et ne parvint que tardivement à
Versailles. Bougainville fut plus heureux; parti de Québec
le 11 novembre, arrivé à bon port après une traversée
de 52 jours, il alla directement à Paris e à Versailles où
il eut des audiences du Roi et des entrevues fréquentes
avec les ministres de la Marine et de la (iuerre, et avec
la toute-puissante favorite. « J'ai eu plusieurs fois, écrit-il
à M""" de Montcalm ( 1), occasion de peindre à M""" de Pom-
padour la position, les efforts et la bonne conduite de
M. votre fils et je crois, autant que dans ce pays on peut
(1) Bougainvilléi\ M"" de Montcalm. Paris, tC janvier 1759. Collection d»
famille. .,>.->/
A \
irSÀt'À^^Âàiê^vA^iniù^iùài
■
BOUGAINVILLE A VERSAILLES.
253
juger des apparences, qu'elle est très bien disposée en sa
faveur et qu'elle lui rend enfin toute la justice qu'il mérite. »
A l'appui de renseignements verbaux dont ses relations
intimes avec Xontcalm augmentaient le poids, il produisit
de nombreux mémoires sur l'état de la colonie, ses besoins
en troupes, munitions et vivres, les mesures proposées pour
sa protection; il soumit en outre des projets de débarque-
ment sur les côtes de la Virginie et de la Caroline, enfin
de retraite sur la Louisiane pour le cas de défaite sur les
bords du Saiàit-F^aurent. Ces pièces du plus haut intérêt
étaient complétées par des rapports sur les ressources du
Canada, l'organisation des milices, la possibilité de réduire
les dépenses, les abus de l'administration, et sur les dila-
pidations systématiques des fonctionnaires.
Bougainville signale (1) avec concision et vigueur les
points vulnérables par lesquels l'ennemi pouvait entamer
le Canada et les moyens dont on se servirait pour lui résis-
ter : « Trois frontières, Québec, le lac Champlain, le lac
Ontario. Québec est sans fortifications et nen est pas sus-
ceptible Carillon (qui couvre l'entrée du lac Cham-
plain), fortin de 54 toises sur le plus grand côté, ne peut
faire une défense honoi ble Saint-Frédéric, qui en est
à 5 lieues sur la rive gauche du lai n'est qu'une mauvaise
enceinte de pierres .ivec un donjon intérieur commandé à
la portée de fusil et hors d'état d'essuyer deux décharges
de canon. Saint-Jean t Chambly (situés sur la rivière
Sorel) ne peuvent ai oter un ennemi qui marcherait
avec seulement ï pièces <iO canon. » Le lac Ontario est ac-
cessible aux Anglais par la rivière de Chouagen ou par
Niagara. « Cette place, la meilleure sans contredit de tout
le Canada, peut avec 500 hommes de garnison, un com-
mandant ferme, intelligent et du métier, faire une bonne
défense. Mais Niagara pris, il n'est plus pour nous de sau-
(1) Situation du Canada en hommes, moyens, positions, 29 décembre 1758,
remis par M. de Hougainville. Archives des Colonies.
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254
LA GUERIŒ DE SEPT ANS. — CIIAP. VI.
vages; les seuls domiciliés nous restent ou peut-être se
sauvent. »
Pour repousser les trois attaques probables, sur quelles
forces pouvait-on compter? Bougainville évaluait les 8 ba-
taillons de terre à 3.500 hommes, l'infanterie de marine A
12 ou 1.500, les Canadiens A, 5 ou 6.000; en fait de sujets
appartenant aux armes spéciales, on ne possédait que deux
ingénieurs, quelques officiers d'artillerie, 70 canonniers ou
bombardiers et pas un seul mineur ou ouvrier d'artillerie.
Aux 60.000 Anglais ou provinciaux qu'emploierait l'en-
nemi on n'aurait donc à opposer que 10.000 hommes man-
quant de munitions de guerre et de bouche. Un renfort
de 10.000 hommes ne rétablirait pas la balance, et pour le
transporter il faudrait un armement qui serait au-dessus
des facultés de la France. « Il me parait donc, continue
Bougainville, que la cour doit traiter aujourd'hui le Canada
comme un malade qu'on soutient par des cordiaux, c'est-à-
dire n'y envoyer que l'absolu nécessaire à une défense plus
longue. Si nous sauvons la crise de cette année, on est en
droit d'espérer des lumières, des intentions du ministre
actuel de la Marine, de sa constance à suivre un projet,
d'espérer, dis-je, que le pays sera sauvé pour toujours. >>
Aprôs avoir justifié en détail ses demandes, Bougainville
les récapitule en un précis final : « La France ne pouvant
envoyer en Canada des forces capables d'établir, jo ne dis
pas l'égalité, mais une espèce d'équilibre, doit n'y envoyer
que l'absolu nécessaire, savoir : poudre en abondance, fu-
sils, cornes à poudre, un train d'artillcrio de 10 canons de
12, 10 mortiers, le tout en i^nte; des boulets et bombes en
grande quantité et du calibre; 150 canonniers bombar-
diers, ouvriers de tout genre et mineurs avec des outils de
leur métier de rechange pour être aux ordres des 6 offi-
ciers du corps royal déjà en Canada, et détachés à la suite
des troupes de terre. '» ingénieurs et 2 dessinateurs, des
vivres pour le compte du Hoi, de la poudre alimentaire
MÉMOIUES REMIS PAR HOUGAINVILLE.
2S&
des invalides, des marchandises à l'usage des sauvages;
favoriser le munitionnalre pour que ses vaisseaux aient des
équipages et examiner ensuite son marché ; au moins 1 .000
hommes de recrues, des miclets (1), des étrangers, k vais-
seaux commandés par des capitaines marchands dont les
carcasses défendront la descente à Québec et les équipages
formeront une marine nécessaire sur les lacs. »
Il est à présumer que la lecture de ces documents ne
modifia pas beaucoup des résolutions déjà arrêtées, carie
résumé (2) préparé pour le Koi par le département de la
Marine porte la date du 28 décembre et n'est postérieur
que de huit jours à. l'arrivée à Paris de Bougainville. Dans
cette pièce on écartait toute idée d'expédier une esca-
dre, soit au Canada, soit en diversion sur les côtes de la
Caroline. « L'état présent de la marine, raisonnait-on, ne
permet pas de songer à l'exécution d'un semblable projet
qui ne pourrait être rempli qu'autant que les escadres et
Hottes seraient prêtes pour la fin de février ou les premiers
jours de mars ; et d'un autre côté, quand même il serait pos-
sible de réunir les forces navales du Roi pour ce temps-là,
on se mettrait dans le cas de risquer la marine entière de
sa Majesté sans certitude de succès, en laissant les côtes du
royaume exposées à toutes les entreprises de l'ennemi. »
Le Canada serait nécessairement abandonné à ses propres
forces et ne recevrait que des munitions de guerre, des
armes, et les vivres que pourraient transporter, pour le
compte du munitionnaire, les armateurs de Bordeaux et
de Dunkerque.
D'une capitulation éventuelle, au sujet de laquelle Vau-
dreuil avait sollicité des instructions, il ne devait pas être
(juestion : « 11 parait donc qu'il convient de lui marquer
seulement que par la confiance que le Roi a en lui. Sa Ma-
(1) Chasseurs recrutés dans les provinces du midi.
(2) Rapport sommaire au Roi, 28 décembre 1758. Archives des Colonies.
Canada, 1758.
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LA GUEBRE DE SEPT ANS. - ClIAP. VI.
jestc est persuadée qu'il fera en sorte de conserver une
partie de la colonie avec toutes les forces qu'il pourra y
rassembler, se remettant à lui, suivant îos circonstances,
d'étendre ou de réduire le cercle de pays dans lequel il
pourra se maintenir jusques au temps où i'ou pourra, en
1760, lui faire passer de nouveaux ordres. On peut lui ob-
server sur l'objet de politique générale, que dans le cas où
les circonstances des affaires en Europe permettraient en
traitan* de la paix de demander la conservation du Canada
à la France, les conditions de paix seraient bien dif-
férentes, si les forces du Roi se maintiennent toujours dans
une partie du pays, si petite qu'elle soit. »
Comment trancher la rivalité du gouverneur général et
du commandant des troupes? Le ministre de la Marine
se prononçait pour la solution préconisée par Vaudreuil,
la nomination de Montcalm au grade de lieutenant géné-
ral, son rappel et son remplacement par Lévis promu
maréchal de camp. Cette conclusion fut modifiée proba-
blement en comité, comme l'indique la note suivante
portée en marge : « Tout bien réfléchi, cet arrangement
ne doit pas avoir lieu, M. de Montcalm étant nécessaire
dans la situation présente. » Le vainqueur de Carillon
fut confirmé dans sa fonction et en plus avancé au grade
de lieutenant général avec augmentation d'appointe-
ments et décoré du cordon rouge. Il eut aussi la satisfac-
tion de voir ratifier la plupart des propositions qu'il avait
faites en faveur de ses officiers : Lévis fut promu maré-
chal de camp, Bourlamaque et Sénezergues devinrent bri-
gadiers et Bougainville obtint le grade de colonel et la
croix de Saint-Louis. Enfin, point plus essentiel, Montcalm
voyait son rôle singulièrement agrandi : « L'intention de
Sa Majesté, écrivit Berryer (1), est que M. le marquis de
Montcalm soit non seulement consulté sur toutes les opéra-
it) Berryer à Vaudreuil et Bigot, 3 février 1759. Archives des Colonies.
,dÉÉâÉ^:.
■
MOMCALM OBTIENT GAIN DE CAUCE.
257
lions, mais encore sur toutes les parties d'administration
([ui auront rapport à la défense et à la conservation de la
colonie. Vous lui demanderez son avis en lui communi-
quant les lettres que je vous écris relativement à tous ces
objets, et vous le préviendrez de manière à gagner sa con-
fiance, comme il cherchera de son côté à se concilier la
vôtre. Vous ne devez jamais perdre cette union de vue, le
salut de la colonie en dépend plus que jamais et le Roi le
désire par-dessus tout. M. de Vaudreuil recevra une autre
lettre chiffrée de ma part, commune à lui et à M. de Mont-
calm auquel il communiquera celle-ci. »
Dans une lettre privée à Vaudreuil, le ministre de la
iMarine met les points sur les i, résout en faveur de iMont-
calm les questions en litige, donne à ce dernier la prépon-
dérance en matière militaire et fait un appel à la con-
corde : « Il me reste à vous recommander en particulier
la plus parfaite union avec lui et d'oublier, dans une cir-
constance qui exige le plus grand concert entre les chefs,
tous les petits sujets d'altercation qu'il peut y avoir eu
autrefois entre vous et lui Vous ne devez paraître
en campagne qu'autant qu'il serait question d'une affaire
absolument décisive, et que vous seriez obligé de faire
marcher toutes les milices du pays pour la défense géné-
rale de la colonie. Vous le pouvez encore après avoir con-
sulté M. de Montcalm sur le plus ou moins de nécessité
qu'il y aura de vous montrer, l'alTection que les Canadiens
ont pour vous et pour votre nom pouvant augmenter leur
nombre et leur courage, en vous voyant à leur tôte dans
une occasion qui déciderait du sort de la colonie; mais
hors ce cas de nécessité, vous ne devez pas quitter le cen-
tre de la colonie, pour être à portée de veiller à tout. »
En guise de fiche de consolation, Vaudreuil reçut le grand
cordon de l'ordre de Saint-Louis.
La lettre commune dont il s'agissait (1) insistait sur
(I) Rerryeri\ Vaudreuil et Montcalm, 3 février 1769. Archives des Colonies.
GUERRE UB SEPT ANS. — T. III. j;
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L;\. GUERRE DE SEPT ANS.
ClIAP. VI.
l'obligation de concentrer les forces de la colonie pour la
protection du noyau central de la province : « Vous ne
devez point vous llattor de la pai.x avant l'ouverture de la
campagne et vous devez faire toutes vos dispositions pour
la soutenir en vous tenant à la plus simple défensive, s'il
n'y a pas lieu de faire autrement, pour assurer au Uoi la
conservatiou du Canada, ou du moins la majeure partie.
Sa Majesté espère que vous pourrez y parvenir en réunis-
sant le plus que vous pourrez les forces qui restent dans
cette colonie et en repliant, suivant les cas de nécessité où
vous vous trouverez, tous les points dont la conservation ne
sera pas essentielle pour celle de la partie principale
En un mot vous devez tâcher de vous maintenir encore
cette campagne le mieux que vous pourrez, pour attendre
l'effet des négociations qui peuvent conserver le Canada,
ou des opérations qui peuvent le secourir. »
A la veille de ^'embarquer pour le retour, liougainville
rédigea pour Montcalm une note ciiilfrée (1) dans laquelle
il résume en style télégraphique les résultats de sa mission
et ses impressions de la cour et des personnages qu'il avait
fréquentés pendant un séjour de deux mois bien remplis :
« Pour vous seul : L'incorporation de la milice approuvée et
recommandée. Retraite à la Louisiane admirée, non ac-
ceptée Projet contre la Caroline approuvé, non suivi
faute d'argent. La magie des sauvages, leur caractère, ce-
lui des Canadiens, les lYneries, jalousies, intérêts, fripon-
neries, bien développés. La cour furieuse de la dépense ;
lettre forte à M. Bigot; M. Péan déconcerté. M. de Vau-
dreuil connu sans talent, sera soutenu par la marine, vous
doit la grande croix de Saint-Louis que j'ai demandée en
votre nom, ce qui vous a fait honneur; modération. Bat-
tez-vous jusqu'à extinction; mais si vous ne perdez pas
tout, prétendez à tout; vous êtes l'homme du jour
(1) Bougainville à Montcalin. Blaye, 18 mars 1759. LeUres de la cour. Col-
lection Lévis.
BOUGAINVILLE FAIT LE RKSUMÉ DE SA MISSION.
'2.VJ
Lo Roi nul; madame la marquise toute-puissante, premier
ministre, on lui avait dit que vous étiez trop vif; j'ai dé-
truit l'impression; a toute bonté pour moi. Le duc de
Choiseul grand crédit; votre ami; frondait système de
liernis; homme audacieux. M. Herryer intègre avec fracas,
dur, bon. Minos, mauvais ministre ; point de grandes vues ;
je pense tiendra peu M. le maréchal de Belleisle bon
homme, ne baisse point. Monsieur d'Aligre, considération;
M. deCrémille sans crédit, tous deux vos amis feront tout
pour vous M. le prince de Soubise au conseil sans
armée. Contades à la tète des armées sans considération.
Silhouette contrôleur-général, hardi, craint par la nation.
M. le prince de Conti sans crédit, furieux. M. le comte
d'Argenson, M. le marquis de Paulmy coulés à fond.
M. de Moras dans la boue. M. de Ghevert malade, à la
cour. Les jésuites en la plus critique position où jamais
ils aient été. Kn général nulle consistance dans le conseil
et la faveur. Nul crédit; dans les finances tout au ha-
sard. »
Dans un autre rapport (1) qui devait être communiqué au
gouverneur général, Bougainville fait le compte des ren-
forts dont le chiifre n'atteignait même pas celui des pro-
messes du gouvernement : « Pour toutes troupes 300 hom-
mes de recrue, V ingénieurs, 24 canonniers ou ouvriers.
Munitions de guerre, vivres dans deux vaisseaux mar-
chands partis deBayonne le 16 février; 20 autres partis de
Bordeaux avec moi; k frégates de Brest et Rochefort com-
mandées par capitaines corsaires; quelques autres parties
d'autre part; nul vaisseau de guerre. Le meilleur secours
est de pouvoir garder tous b;\timenls, équipages, officiers
pour défendre Québec et monter la marine des lacs. Qué-
bec sera attaqué, les autres frontières aussi. La cour ne
(1) Bou{;ainville à Monlcalm. Ulaye, 18 mars 1759. LeUies de la cour de
Versailles. Collection Levis.
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LA nUKURE DE SEPT ANS. — CIIAP. VI.
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veut auciino capitulation de votre part. Conserver un pied
en Canada à quclcpie prix que ce soit; mot sur ce point;
découragerait s'il était connu, »
Au siir[)lus, la mission de Bougainville eut surtout pour
résultat d'éclairer la cour de Versailles sur les circonstances
critiques du Canada, sur les bons services de iMontcalm
et de ses conipa;.^nons d'armes et sur l'injustice qu'il y aurait
■X les rendre responsables de la fin imminente de la Nou-
velle France. Le jeune colonel en jugeait bien ainsi; dans
une lettre (1) déjà citée, à la mère de son général, après
s'être étendu sur les secours matériels obtenus, il ajoute :
« Malheurfiisement il est bien tard, et je crois que c'est le
cas du médecin après la mort. Au nioii st-ce une chose
satisfaisante pour M. de Montcalm et pour ses parents, que
sa gloire est entièrement à couvert ot que la cour, bien
instruite de la position du Canada et de l'impuissance où
elle est d'y établir même une infériorité moins mons-
trueuse, saura uré à son général de tous les instants dont
il reculera la perte de celte colonie. »
Laissons Bougainville naviguer pour Québec, où il ar-
riva le 1-2 mai après avoir été retenu dans les glaces pen-
dant 22 jours, et reportons-nous au Canada où l'hiver de
1758 à 1759 ne fut signalé par aucun fait de guérie de
quelque importance. Montcalm et Vaudreuil échangèrent
comme de coutume des notes aigres-douces (2), le géné-
ral posant des questions ou faisant des suggestions en
prévision de la campagne à venir, et le gouverneur y ré-
pondant par des assertions empreintes d'un optimisme
exagéré. Les deux correspondants étaient d'accord pour
prévoir la principale attf.que du côté du lac Champlain,
mais tandis que Vaudreuil rêvait encore une diversion vers
(1) Bougainville à M'"° a&v^onrcalm. Paris, 10 janvier 17.M). CoUcclion de
fainillc.
(2) Mémoire. Réflexions de Monlcalin. Réponses de Vaudreuil. Montréal,
20 et 21 mars 175'J. Archives des Colonies.
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ON NL CROIT PAS A UNK ATrAQLE CONTIIE QUKHKC. ÏCI
rOhio, Montcalm était d'avis de s'en tenir tout au plus au
maintien du fort de Niae^ara. Ouant à Quélici , ni l'un ni
l'autie ne croyait à la probabilité d'une tentative des An-
glais sur la capitale. D'ailleurs le manque de vivres, ce mal
chronique de la colonie, avait empêche de réunir le per-
sonnel dont on aurai t eu besoin pour construire les ouvrages
nécessaires à la défense des rives du Saint-Laurent en aval
de la ville; on s'était limité aux fortitlcations intérieures.
Voici en quels termes Vaudreuil justifie fl) l'omission :
K Je ne présume pas que les Anglais entreprennent de venir
i\ Québec, mais quand bien même j'en serais convaincu, je
ne changerais pas ma destination A l'égard des tra-
vaux de l'extérieur de Québec, le défaut de vivres no me
permet pas d'y songer; il faudrait y employer 4.000 hom-
mes auxquels, n'ayant pas de farine à donner, jf sorais
obligé de fournir deux livres de viande à manger, c qui
serait une consommation de 1.000 à 1.200 botes à cornes
pour un mois, unique ressource que je réserve pour vivre
si nous avions le malheur que tous nos convois fussent
interceptés. Je me borne donc à laisser continuer tous
les approvisionnements, à la fermeture des portes de la
ville, à travailler A l'enceinte, h l'établissement de bat-
teries, enfin à tout ce que l'on peut faire sans une consom-
mation extraordinaire de vivres, et à procurer k l'habi-
tant, autant que je le pourrai, les moyens de faire les
semences. Sans cela les secours de France, quelque grands
(pi'ils puissent être, ne pourraient subvenir à la subsis-
tance d'environ 90.000 Ames qui sont dans cette colo-
nie. »
Contre une agression par le Saint-bauront, le gouver-
neur général se rassurait en indiquant les mesures qu'il
comptait prendre : « A la première nouvelle que j'aurai de
(1) Vaudreuil. Plandes opérations de la rampagne de 1759. 1" avril 1759.
Ministère des Colonies. Canada.
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LA (JUKHRK DK SEPT ANS, (MAP. VI.
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l'ennemi en riviric, Je [)oui'voirai à la sûreté des iVonti»^r»'S
de ce i,-()uvenien»ent. Je ilescentliai j)ersonnelleinent à Ouë-
l)ec avec tons les liahilants du gouvernement de Montréal
et des Trois llivi^res, tous ceux de celui de Québec depuis
Sainte-Anne jiis(|u'à cette ville. Je les ferai de suite tra-
vailler aux retranchements de lleauport en attendant que
les troupes et les milices que j'aurai mandées à (Carillon
aient pu m'y joindre. Alors suivant ce que j'aurai, tant en
troupes, milices, sauvage et gens de mer, je fei-ai mes
dispositions soit pour s'opposera la descente de l'ennemi,
dés Sainte-Anne h. l'Ile d'Orléans, ou prmr me réduire à
l'attendre au i)assagc de la rivière de Montmorency jusqu'il
Québec et depuis Québec jus(pi'il la rivière du Carrouge.
M. le marquis de Monicalm et le chevalier de l.évis seront
alors f\ Québec; j'aurai toujours grand plaisir A leur faire
part de tous les mouvements que j'ordonnerai; je serai à
même de faire usage dos réflexions que les circonstances
et les lieux leur suggéreront. »
Cette note dont le ton prétentieux ne rachetait pas l'ina-
nité, n'était pas de nature ii calmer les iiiquiéludes de-
Montcalm et de ses compagnons qui se plaignaient avec
quelque raison de n'être pas tenus au courant des ques-
tions relatives à la défense de la colonie. Malgré ses bons
rapports avec le gouverneur et tout en pratiquant la
conciliation, Lévis laisse voir dans sa correspondance les
mêmes griefs que fion général (1). « Nous vivons toujours
dans la plus grande intelligence, et nous maintenons le
plus d'ordre c[u'il est possible dans les troupes de terre.
Nous ne sommes consultés sur rien et nous sommes re-
gardés comme des troupes étrangères à la solde de la ma-
rine. Je suis encore celui des trois (2) à qui on parait avoir
(1) Lê?i8 à Argonson. Montréal, 13 avril 1759. Porlefnuille île Paulmy.
Bibliollitque do l'Arsenal.
(2) Monteahn, Lévis et noHrlama([ne.
PI.AINTKS DE MONTCALM Hl'U LA SITUATION DE LA COLOMK. 2(,:i
i
un pou plus de c<uilianct'; je n'en mésuse pas, je chcirlie
il être làen avec tout le monde, pensant cpie l'utiinn est
absolument nécessaire pour trouver des ressources dans
l'extiémité où nous sommes réduits. » Montcalm (jui n'a-
vait pas le tempérament philosopliitpie de son lieutenant
et ami, juf;'eait la situation en militaire et était loin de
partager l'oprimisme et les illusions de son chef hiérar-
chique : (( A moins d'un bonheur inattendu, écrit-il à Hel-
leisle (1), d'une .grande diversion sur les colonies des An-
glais par mer, ou de grandes fautes de l'ennemi, le Canada
sera pris cette camj)agne. Les Anglais ont (50. 000 hommes;
nous, au plus, de 10 à 11.000 hommes; notre gouverne-
ment ne vaut rien; le prêt et les vivres manqueront. Kaute
de vivres, les Anglais primeront; les terres <\ peine culti-
vées; les bestiaux manquent; les Canadiens se découra-
gent; nulle confiance en M. de Vaudreuil ni M. Bigot. »
Probablement sous l'impression des mémoires qu'il venait
d'échanger à propos des affaires militaires, Montcalm re-
vient sur ses démêlés avec le gouverneur et sur les dila-
pidations des fonctionnaires : « M. de Vaudreuil n'est pas
en étiit de faire un projet de guerre ; il n'a aucune activité,
il donne sa confiance à des empiriques plutAt (|u"au géné-
ral envoyé par le Roi. M. Bigot ne parait occupé que de
faire une grande fortune pour lui et ses adhérents et com-
plaisants. Fj'avidité a gagné les officiers, gardes-magasins,
commis, qui sont vers la rivière Saint-Jean ou vers l'Ohio,
ou auprès des sauvages dans les pays d'En-Haut, et qui
font des fortunes étonnantes; ce n'est que certificats faux
admis légalement. Si les sauvages avaient le quart de ce
qu'on suppose dépensé pour eux, le Roi aurait tous ceux
de l'Amérique et les .Vnglais aucuns. Cet intérêt influe sur
la guerre. M. de Vaudreuil A qui les hommes sont égaux
(1) Montcalm â Ik-lleislo. Montréal, 12 avril 1759. Ministère des Colonies,
Canada.
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TiL-uuiuuni
264
LA GUERRE DE SE! T ANS. — CHAP. VI.
confierait une grande opération à son frère ou à un autre
oîiicier de la colonie comme à M. le chevalier de Lévis. Con-
duit par un secrétaire fripon (1) et des alentours intéres-
sés. Le choix regarde ceux qui partagent le gâteau, aussi
on na jamais voulu envoyer M. Bourlamaque ou M. de Se-
nesergues commandant du bataillon de la Sarre, au fort
Duquesne. Je l'avais proposé, le Roi y eût gagné ; mais quels
surveillants dans un pays dont le moindre cadet et un ser-
gent, un canonnier, reviennent avec 20 et 30.000 francs
en certificats pour marchandises livrées pour les sauvages
pour le compte de Sa Majesté ! » Montcalm continue en pré-
disant la désertion probable des Indiens, la suprématie des
Anslais sur le lac Ontario où la flottille française est en-
core sur le chantier; il signale les préparatifs à Lydius et
Orange qui font prévoir une prompte ent.fc(^ en campagne
du cùté du lac Champlain et termine en insistant sur les
dangers qui menacent la capitale : (( A Québec l'ennemi
peut venir si nous navons pas d'escadre, et Québec pris,
la colonie est perdue. Cependant nulle précaution .. .lai
fait offre de mettre de l'ordre, une disposition pour em-
pêcher une fausse manœuvre à la première alarme ; la ré-
ponse : nous aurons le temps. »
Dans un milieu aussi insouciant, les renseignements ap-
portés par liougainville sur les desseins anglais durent pro-
duire l'effet d'un coup de tonnerre dans un ciel serein. Ine
des nombreuses dépêches dont il était chargé annonçait
le départ d'Angleterre du général Wolfe avec 8.000 hom-
mes pour Halifax où il devait ramasser le reste des troupes
destinées à l'expédition contre Québec et d'où il ferait voile
pour le Saint-Laurent. A cette information était joint un
document important saisi sur une prise anglaise, le pro-
jet d'attaque générale du Canada dressé pour le gouver-
neur général des colonies britanniques, le général Amherst.
(1) M. de Saint-Sauveur.
ARUIVKE DE BOUG AIN VILLE ET DU CONVOI.
2f)."i
Si Hougaiaville n'avait pour les autorités supérieures que
des avis alarmauts, il était pour la populatiou militaire et
civile le précurseur des navires de ravitaillement si im-
patiemment attendus. « Le 12 mai à 8 heures du soir, écrit
Folig'ny(l), arriva M. de Bougainville; son arrivée causa
tant de joie que dans l'mstant elle fut répandue par toute la
ville. Cette nouvelle était d'autant plus intéressante^ qu'elle
annonçait une flotte, dans peu, de 17 vaisseaux venant de
Bordeaux chargés de munitions de gur ; i et de bouche...
Jamais joie ne fut plus générale ; elle ranime le cœur de
tout un peuple qui pendant le cours d'un hiver des plus
durs, avait été réduit à un quarteron de pain et une demi-
livre de cheval. » Bougainville repartit le soir môme pour
Montréal où se trouvaient le itouvcrneur général et le
commandant des troupes. Quatre jours plus tard Montcalm
entrait à Québec « aux acclamations de joie de tout le
peuple. » Dès le lendemain il alla k la découverte du côté
de Beauport ; il n'était pas de retour à la ville quand il
apprit par un courrier dépêché de Saint-Barnabe l'appari-
tion de (( 15 vaisseaux anglais par le travers du Bic, lieu di >
tant de Québec de 60 lieues. » (înt avis fut confirmé par un
bâtiment venant de Brest qui avait navigué dans l'estuaire
du Saint-Laurent en compagnie de l'escadre anglaise sans
la reconnaître et sans avoir été inquiété par elle. Il n'y
avait p'us à douter, l'ennemi était à nos portes.
Quetics étaient les ressources à la disposition du gouver-
neur, et quelles mesures avait-il prescrites pour repousser
l'invasion? Contrairement à l'opinion du général, \au-
dreuil n'avait pu se résigner î\ l'abandon déliuitif de la ré-
gion de l'Ohio. Pouchot, capitaine de Béaru , avoi t été envoyé
avec un détachement composé de troupes de France, de la
marine et de Canadiens, prendre le commandement du
(1) Journal du siège de Qut'bec, tenu [lar M. de Foligny, oflicier de marine
coininaiidant la ball.erie de la droite des Ueuiparts. Archives des Colonies,
Canada, l'â'.t.
! :s
200
LA r.UERUE DE SEPT ANS.
CHAr. VI.
il
fort de Niagara à la reconstruction duquel il avait présidé
en qualité d'ingénipur auxiliaire. Il avait pourinstruciions,
dans le cas où il serait tranquillisé sur les mouvements de
Icnnemi du côté de Chouagen (Oswego), de renforcer,
avec tout ce qui no lui serait pas indispensable, l'arniée
en voie d'organisation dans TOuest. Celle-ci formée avec
les contingents des diftérents postes des pays d'En-lIaut
et de rilîinois, se réunirait à Presqu'île sur le lac Erié,
sous les ordres de Ligneri^î et essaierait de recouvrer la
rég-ion de la Belle Rivière (Ohio). Sur les rives de l'Ontario,
à l'endroit où ce lac se déverse à travers un archipel d'ilts
dans le Saint-Laurent, le chevalier de La Corne, avec un
corps raixle de 1.200 hommes, surveillait l'achèvement de
la flottille qui devait remplacer les bâtiments d'.'tî'uits l'au-
tomne précédent par Bradstreet, lors de la ca^jture de
Frontenac.
A la défense de Carillon et du lac (ïhamplain étaient des-
tinés 3 bataillons de France, des piquets des autres régi-
ments quelques coloniaux et des miliciens avec une cen-
taine de sauvages sous Bourlan.aque; cet officier avait
mission de tenir tête à Amherst le plus longtemps possible,
puis de se retirer lentement devant lui en laissant une ar-
rière-garde à Carillon chargée de Taire siiuter les ou-
vrages aussitôt que l'investissement semblorait menaçant.
En fin de compte !a petilc division française dont l'effectif
n'atteignait que 3.500 hommes devait ab.mdonner tout le
territoire qui bo:de le lac Champlain et s'^ retrancher, au
débouché nord du lac, dans le nouveau- fort de l'île aux
Noix dont on poussait les travnux avec activité.
Le reste des troupes françaises ou canadiennes disponi-
bles fut affecté à la protection de Québec ; elles consistaient
en 5 bataillons de l'armée de terre qui, défalcation faite
des détachements de Niagara et de Carillon, ne fourni-
raient l'un dans l'autre guère plus de 400 hommes, 1.200
hommes de la colonie, à peu près autant de matelots
DESCKIPTION DES ENVIRONS DE Ql ÉBEC,
;>67
débarqués, un peu plus de (i.OOO Canadiens appartenant
aux gouvernements de Québec, Trois Rivières et Montréal,
enfin 7 à 800 sauvages, au total un efTcctif sur le papier
d'environ 11.000 rationnaires, auxquels s'ajoutait la milice
urbaine de Québec, à laquelle était confiée la garde de la
ville.
Essayons de dépeindre la région qui allait devenir le
théîl're (1) de la lutte décisive. Le spectateur qui se place A
la Pointe de Lévis, en face de Québec, voit se dérouler
devant lui un admirable panorama qui ne diil'ère pas
beaucoup de ce qu'il était en 1759. A ses pieds coule le
Saint-Laurent qui dans sa partie la plus étroite conso"vc
à basse mer un cbenal d'au moins 800 mètres et dont la
nappe, étranglée par le cap Diamant, s'épand en aval et
en amont de cet obstacle. A gauche la hauteur d'Abraham
que termine un promontoire couronné par la haute ville,
à 200 pieds au-dessus du niveau de l'eau. Parmi les mo-
numents qui se détachent de la masse des maisons et des
jardins, on distingue le chiUeau Saint-Louis, la cathé-
drale, l'hospice et de noud:)reux couvents. Au ras du fleuve,
resserrée entre la colline et le rivage, la liasse ville, quar-
tier du peuple et du commerce. Au delà du cap Diamant,
mais cachée par cette pointe, la rive gauche remonte jus-
qu'au cap Uouge. Ici la cùte très escarpée est une succes-
sion de rochers à pic, de ])entes roides revêtues de bois;
deux ou trois ravins brisent la ligne des falaises et donnent
accès à l'intérieur. Le plateau , dont nous venons de dé-
crire le versant sud baigné par le Saint-Laurent, forme
l'I
(1) Voir la caitt! à la lin du volume. Li; récit des événeiuenls l'st tiré de la
Collection Lcvis : Journal de Mo.itrnlm, Journal de l.eris. Correspon-
dance de Vaudreuil, Boui/ainville c'c. Journal de l'oligni/. Johnslone.
Dialogue de Monleahn et W'olfe. Papiers de famille de HougiiinvilJe. Ca^-
grain, Kiiox. Ilislorirol Jourmil. Mante. Laie u'fir hiAnieriro. Parkman
Wriglil. Li/'e of yeneral U'olfe. Townshcnd' manu scripts. Archive.s de la
Guerre et des Colonies. Documents du Record Office. Rai>i>ort de l'amiral
Holmes, etc., etc.
v: ■ u
1 1
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268
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CllAP. VI.
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une sorte de rectangle iri'ég-ulier s'étendant à l'ouest jus-
qu'à l'échancrure de la rivière du cap Rouge; au nord il
est limité par la côte d'Abraham qui, à peu près parallèle
au grand fleuve, se prolonge jusqu'à la ville haute de
Québec; à la base du massif dont il ne s'écarte que peu,
le cours sinueux de la rivière Saint-Charles sert de fossé à
cotte forteresse naturelle. L'espace compris entre la rive
du Saint-Laurent et la côte d'Abraham est la plaine du
môme nom, célèbre par les batailles qui s'y livrèrent en
175!) et 1760. A cette époque l'extrémité du plateau vers
le cap Rouge était couverte de forêts qui entouraient et
dépassaient les villages de Sainte-Foy, Saint-Michel et
Sillery; dans les environs immédiats de Québec, le pays
était on général cultivé et parsemé d'habitations.
Après cette excursion dans l'au delà dont le ■ j; ra-
mant nous dérobe la vue, revenons à notre observatoire
de la Pointe de Lévis. Toujours à notre gauche, au pied
du promontoire do Québec, nous distinguons l'embouchure
du Saint-Charles, le faubourg Saint-Uoch, le palais de
l'Intendance; puis franchissant du regard la rivière, nous
apercevons les champs et les bAtiments de ferme du vil-
lage de Reauport encadrés par la forêt primordiale; enfin,
suivant la riv3 gauche qui, plate d'abord, s'élève graduel-
lement, nous devinons la rivière et le Saut de Montmorency ;
à notre droite enfin la pointe verdoyante de l'île d'Orléans
clAt le panorama.
Aux avantages naturels de la position l'art de l'ingénieur
avait peu ajouté; aussi la capitale du Canada n'avait-elle
guère de titres à la qualité de place fortifiée. Voici la des-
cription qu'en fait Foligny : « La vilie de Québec est située
sur uns montagne très escarpée, biUie en amphithéiUre,
ayant haute et basse ville devant laquelle passe le beau
fleuve Saint-Liurent, un des plus considérables du monde.
Son enceinte peut avoir 1.100 à J .200 toi ;es de circonfé-
rence, bornie au nord par la petite rivièir Saint-Charles c >^i
FORTIFICATIONS DE QUEHEC.
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se perd dans les terres, au sud par le fleuve qui |)eut avoir
7 à 800 toises de largeur à traverser devant la ville, à l'est
par le même fleuve où peuvent mouiller les vais-
seaux depuis les 28 brasses jusqu'à li avec un très bon
fond de sable vaseux ; l'eau est très claire et bonne à boire ;
à l'ouest par la grande terre et cbemin royal (jui conduit
à la ville de Montréal ».
Du cùté de la plaine d'Abraham existait un mur haut de
25 à 30 pieds, sans grande épaisseur, avec « des espèces de
fossés », mais sans ouvrages avancés, [.es remparts étaient
garnis de 52 canons fort mal distribués. Trois portes per-
cées dans l'enceinte s'ouvraient sur la banlieue; la pre-
mière, celle de Saint-Louis.^ conduisait à la cote d'Abra-
ham; la seconde, dite de Saint-Jean, donnait accès au
chemin de Sainte-Foy; enfin la troisième, la porte du Pa-
lais, faisait communiquer la ville avec le faubourg de
Saint-Uoch, l'hôpital général et les paroisses de Beauport
et de Cliarlcbourg, éloignées l'une et l'autre de deux lieues.
Les fronts autres que celui de terre n'étaient défenlus
que par des palissades et par des batteries en barbette, ar-
mées de G(> canons et 8 mortiers. La basse ville, édifiée le
long du fleuve, et « où se tient tout le commerce », était
protégée par ï batteries de gros calibre ayant vue sur la
rade. Enfin on avait érigé deux batteries à barbette de
k canons pour couvrir les voies qui reliaient la ville haute
à la ville basse.
Aussitôt arrivé à Québec, Montcalm ne perdit pas de
ten ;>s pour y appeler les 5 bataillons qui étaient encore
dans leurs quartiers d'hiver. Il fut rejoint le 23 mai par
Vaudreuil et peu après par Lévis ; d'un commun accord on
commença à organiser la résistance. Tout d'abord, on
pensa à s'opposer à la montée de la flotte ennemie, me-
sure qui semblait d'autant plus réalisable que, au dire des
experts de la rivière, la navip" 'ion du Saint- Laurent en
aval de Québec et notamment à la Traverse, présentait des
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270
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
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difficultés sérieuses. Ou résolut d'obstruer le passage; il
fut arrêté (1) dans un conseil où furent convoqués les offi-
ciers de mer, « que l'on coulerait 8 de nos navires dans la
Traverse. Cependant avant l'exécution de ce premier pro-
jet on voulut auparavant sonder ce qu'elle pouvait avoir
au juste de large. M. Pelegrin, lieutenant de port et prati-
que pour la rivière, reçut des ordres en conséquence. » La
reconnaissance démontra que la passe avait une largeur
de 1.000 toises, au lieu de celle de 250 cpii lui avait été
jusqu'alors attribuée. Il fallut renoncer à l'entreprise. Il en
fut de même des batteries projetées au cap des Tourmentes
qu'on n'eut pas le tei' pi d( construira. En foit la flotte
anglaise ne rencontra pour renionter le Saint-Laurent que
les dangers inhérents à un chenal peu connu. Malgré le
concours de pilotes canadiens qui! s'était procurés par sur-
prise, l'ennemi n'atteignit que le 27 juin le mouillage entre
l'Ile d'Orléans et la Pointe de Lévis. Il semblerait que pen-
dant l'intervalle de 5 semaines qui s'écoula entre la venue
de Vaudreuil et l'arrivée de l'escadre anglaise, il eût été
possible d'ébaucher quelque chose pour la protection des
abords de la rade de Québec.
Examinons maintenant les dispositions prises et les élé-
ments réunis par le gouvernement anglais pour la con-
quête du Canada. Comme l'avaient prévu les chefs civils
et militaires de la province, l'attaque devait être dirigée
sur trois points différents. L'eti'ort essentiel, confié au
général Amherst, serait tenté par la voie devenue clas-
sique des lacs George et Champlain ; à gauche, une ex-
pédition aurait pour objectif In prise de Niagara et la
suprématie sur le lac Ontario; elle devait être secondée
par une marche en avant des contingents rassem])lés à
l'ancien fort Duquesne. A droite une opération indépen-
dante serait poussée contre Québec. Bornons-nous, pour
(1) Jouin.il de Foligny déjà cilé.
rUEPAIlATlFS DES ANGLAIS CONTRE LE CANADA.
271
J "instant, à nous occuper do cette dcrnii^re qui d'accessoire
devint en réalité princi[)ale.
Une flotte considérable aux ordres de l'amiral Saunders,
à bord de laquelle était le général Wolfe, avait appareillé
de Portsmouth vers le milieu de février; elle fit un séjour
prolongé à Halifax et à Louisbourg où furent embarquées
les troupes destinées au siège de Québec. Saunders avait
été précédé par l'escadre du contre-amiral Durell qui
s'était établie en croisière dans l'estuaire du Saint-l.aurent.
Fort heureusement cet officier, parti seulement le ï mai de
Halifax, était arrivé trop tard pour intercepter le convoi
de France dont la capture eût singulièrement aggravé les
conditions précaires de la colonie; il s'empara toutefois de
deux bAtiments retardataires sur lesquels il trouva des
cartes marines excellentes qui furent utilisées pour la navi-
gation de la rivière.
Au départ de Louisbourg, le 6 juin, la flotte anglaise
comptait 22 vaisseaux de ligne et 5 frégates, escortant une
foule de bâtiments de transport. Le corps exj)éditionnairc
était commandé par le major général Wolfe qui s'était
distingué au siège de Louisbourg et que le ministre Pitt
avait choisi malgré sa jeunesse (il n'avait (jue trente-deux
ans) et son peu d'ancienneté; sous lui servaient en qua-
lité de brigadiers Monckfon, Townshend et Murray. Les
troupes se composaient de 10 bataillons d'infanterie ayant
hiverné en Amérique, d'un corps délite connu sous le
nom de grenadiers de Louisbourg, d'infanterie légère, de
rangers, et d'un fort détachement d'artillerie, en tout
près de 9.000 combattants. En outre de sa division, au
cours de la campagne Wolfe eut à sa disposition l'infan-
terie de marine attachée aux vaisseaux, V compagnies du
62" Régiment adjointes aux (( Marines » (1), 400 provitîciaux
qui rejoignirent le IV juillet, et les compagnies de débar-
(1) Infanterie servant à hord de la Motte anglaise.
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272
L\ GUERRE DE SKPT ANS. — CHAP. VI.
quement de la flotte qui furent employées comme artil-
leurs.
Comme instructions, NVolfe et SauQders avaient reçu de
l'itt la mission de prendre Québec; ce premier avantage
obtenu et une gai'nison laissée dans la ville, les comman-
dants des armées de terre et mer devaient remonter le
Saint-Laurent et combiner si possible leur incursion avec
Amberstqui assumerait la haute direction ; avant de rentrer
en Europe, l'amiral devrait tenter quelque chose contre
la Louisiane et spécialement contre le port de Mobile.
Dans sa correspondance intime, Wolfe se montre (1) aussi
bien renseigné sur les moyens des Français que confiant
dans le succès de son entreprise. « Les troupes régulières
au Canada comprennent 8 bataillons de vieille infanterie,
à peu près VOO par bataillon, 40 compagnies de troupes
coloniales, iO hommes par compagnie. Ils peuvent ras-
sembler 8 à 10. 000 Canadiens et peut-être 1.000 Indiens.
Comme ils sont atta(piés du côté de Montréal par un en-
nemi fort de 12.000 combattants, il leur faudra diviser
leurs forces. » Il compte avoir atlaire à Québec à une armée
i\ peu près égale à la sienne. Quoique reffeclif dont il dis-
pose soit inférieur à ce ([ui lui avait été promis, il a toute
satisfaction au point de vue de la qualité, à re,\ce])tion det;
rangers, « les plus mauvais soldats du monde », et des
officiers du génie qui sont <( médiocres et n'ont pas d'ex-
périence. » Il dépendra de la marine de s'assurer la supré-
matie sur le Saint-Laurent, en amont et en aval de Québec.
u Si je trouve l'ennemi fort, entreprenant et bien com-
mandé, j'agirai avec la plus grande circonspection et pru-
dence et je laisserai à M. Amherst le temps de profiter de
sa supériorité. Si l'ennemi est timide, faible et ignorant,
nous le pousserons avec plus de vivacité pour pouvoir don-
ner la main au général en chef avant la fin de lété. »
(1) Wolfe à son oncle. Louisbourg, 19 mai 1759. ]yri<jlit's life of gêne-
rai Wolfe.
DÉBARQUEMENT DES ANGLAIS SUR L'ILE D'ORLÉANS, 273
Ce fut, nous l'avons dit, le 27 juin que les Anglais com-
mencèrent leurs opérations en débarquant sur l'Ile d'Or-
léans qui avait été al)andonnée par ses habitants. J-,e capi-
taine Knox, qui a publié (1) un récit très intéressant des faits
et gestes de l'armée britannique, ne tarit pas en éloges sur
la beauté du site, la ferlilité du sol et la richesse du pays.
Dès le lendemain de la mise à terre, une violente tempête
assaillit l'escadre et les transports de l'amiral Saunders :
(( Beaucoup (2) d'embarcations furent brisées, toutes les
baleinières et la plupart des canots enfoncés, quelques ba-
teaux plats détruits et d'autres endommagés. » Pour entra-
ver la montée du fleuve et pour empêcher la descente à
terre, aucun ellbrt sé:ieux n'avait été tenté; cependant
le mois de répit qu'avait duré la navigation du Saint-
Laurent n'avait pas été perdu. Dès la fin de mai, les V fré-
gates venues de France comme bâtiments de transport
furent armées et mises en état; 8 navires de commerce
furent transformés en brûlots. Le surplus de la flottille
remonta avec ses cargaisons aux Trois Kivières, où elle
fut utilisée, sous la protection do deux frégates, comme
dépôt |)our les besoins de l'armée. Deux vaisseaux échoués
dans la rivière de Saint-Charles devinrent des batteri^^s
flottantes; i chaloupes carcassièrcs et 12 bateaux servi-
rent de canonnières; tous les matelots de la marine mar-
chande disponibles furent affectés, sous les ordres de leurs
officiers, aux batteries de Québec. Avec des hommes d'é-
lite empruntés aux milices, on organisa sous la Uoche
lieaumont un corps de 200 cavaliers destiné à porter les
dépêches, à courir rapidement d'une localité à une autre,
en un mot à faire le métier d'infanter-ie montée. Enfin de
nombreuses équipes d'ouvriers fournies par les réguliers
et par les Canadiens travaillèrent aux retranchements qui
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(1) Knox. Histoiicnl Journal.
(2) Wolfe à Holdernessc, ',) sept. 1759. WrUjIiVs lifc of général Wolfe.
CIKRIIE BE SKIT ANS. — ï. Iir. 18
si^Mwai
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27'»
LA r.UERHE DK SEPT ANS.
CHAP. M.
*-r
(lovaient border le Saint-C.harles, et à la redoute qui pro-
tégeait le ponf jeté sur cette rivière.
Au sujet de la position à prendre par l'armée française
pour couvrir la capitale, il y eut quelque hésitation dans
l'état-major. Montcalm aurait voulu occuper les hauteurs
d'Ahraham et d'oisir la rivière de Saint-Charles comme
ligue de défense; tout au plus acceptait-il d'étendre son
camp jusqu'au r.ivin de Heauport, à peu près à mi-chemin
entre le Saint-Cuaiîes et le Saut de Montmorency. I.évisau
contraire proposait de prolonger les lignes jusqu'au Saul.
Ce dernier avis fut adopté par Vaudreuil qui commandait
en chef. Lévis, avec les Canadiens du gouvernement de
Montréal, les Indiens et qnel(|ues piquets de réguliers, eut
la garde de l'aile gauche et s'appuya îi la rivière de Mont-
morency; le centre, sous les ordres directs de Montcalm,
composé en grande partie des ô bataillons de France, campa
autour de l'église et des maisons de Beauport ; à la droite
se tinrent les miliciens des gouvernements de Québec et
des Trois Rivières. Au moment de l'arrivée de Wolfe,
les forces du camp de Beauport s'élevaient à près de
10.000 hommes; la garnison de Québec formée d'éléments
très hétérogènes, réguliers, canonniers, matelots et mi-
liciens, comptait environ L-^OO effectifs. Au cours de l'été,
l'armée canadienne fut rejointe par de nombreux volon-
taires que leur jeunesse ou leur vieillesse exemptait du
service de la milice, mais qui avaient tenu à prendre les
armes pour la défense de leur pays.
Si, comme on l'a vu, les éléments infligèrent des dom-
mages à l'envahisseur, on ne saurait en dire autant des
engins inventés pour détruire les bâtiments anglais. Depuis
plusieurs semaines on travaillait à transformer en brû-
lots les navires prélevés sur le convoi; l'un d'eux fut in-
cendié par accident, enfin les 7 autres furent déclarés prêts
et la tentative eut lieu pendant la nuit du 27 au 28 juin,
quelques heures après le débarquement des Anglais. Elle
INSUCCES DES lUlULOTS CANADIENS.
275
('•clioua compl/'tcmcnf. « Nos chers brûlots, dit le journal do
Montcalm (1), cette épithùte convient fort, car ils coûtent
1.500.000 à 1.800.000 livres, sont partis hier au soir; on a
mis le l'eu à trois lieues «Je renncnii. » M. de Louche, à qui ou
avait confié la direction, man([ua de sang-froid et aban-
donna trop tôt ses bAtiments dont la plupart allèrent à la
dérive se consumer sur la rive de l'Ile d'Orléans où ils firent
plus de peur que de mal aux Anglais. Kuo\ décrit la pa-
nique produite parmi les avant-posics par les boulets et la
mitraille que projetaient les canons chargés d'avance au
fur et à mesure que la chaleur exerçait son action. Les ma-
rins de Saunders se distinguèrent par l'adresse avec laquelle
ils réussirent à saisir et à remorquer hors de la zone dan-
gereuse les brûlots encore .V tlot. Dans cette malheureuse
atfaire deux officiers de marine, M.M. de Milletière et son
second, qui étaient restés courageusement à leur bord,
perdirent la vie. l'ne deuxième tentative du même genre
faite plus tard avec des cayeux et des chaloupes sur les-
quels on avait entassé des matières intlammables, quoique
mieux conduite, n'eut guère plus de succès.
Entre temps, la mise à terre du corps expéditionnaire bri-
tannique se poursuivait presque sans opposition. Le 30 juin,
Monckton, qui s'était fait précéder la veille par un détache-
ment, débarqua avec sa brigade près de la pointe de Lévis
et se rendit maître du village après une escarmouche avec
les habitants. Il fit afficher aussitôt à la porte des églises
et sur les maisons une proclamation du général en chef.
Wolfe, dans le langage usuel des envahisseurs, prévenait
les Can;idiens qu'il ne faisait la guerre qu'à la France, ga-
rantissait la vie, la sécurité et l'exercice de leur religi>jn à
tous i.^ux qui ne prendraient pas les armes, menaçait les
combat 'ants de toutes les sévérités autorisées par les lois
de la gui'rre, et terminait en opposant les procédés humains
(1) Journal de Montcalm, 2V< juin 1759. Page 361. tollection de Lévis.
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276
L\ GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. VI.
tle SI nation aux cruautés autorisées par le t,-ouvernement
du Canada. Ces belles promesses, disons-le de suite, malgré
la bonne foi do celui qui les faisait, furent très mal tenues.
« Au cours de l'engagement de ce matin, écrit Kno.v (1),
nos troupes légères s'emparèrent d'une grande ferme où ils
trouvèrent beaucoup de provisions et de rùcbilier avec le
feu brûlant encore dans la cheminée... Entendant les voi.v
de personnes qui causaient, ils visitèrent la maison sans
rien découvrir; là-dessus ils résolurent d'y mettre le feu et
de retournera l'église. Aussitôt que les flammes eurent com-
mencé à gagner, ils furent effrayés d'entendre les cris d'an-
goisse de femmes et d'enfants qui s'étaient bêtement ca-
chés derrière des tas de bois dans les caves. Nos gens
avec beaucoup d'humanité ont essayé de secourir ces mal-
heureuses gens mais leurs efforts n'aboutirent pas; la
maison fut complètement incendiée et ces infortunés péri-
rent dans les flammes. Tels sont, hélas! les t'^rribles ell'ets
de la guerre. » Ce fut sans doute sous l'impression de ce
triste incident que Wolfe fit paraître une instruction dé-
fendant de brûler ou de détruire,, à moins d'ordre formel,
les églises, habitations ou bâtiments quelconques.
Les premiers jours de juillet s'écoulèrentsans événement
important : les Anglais employés à construire des batte-
ries à la pointe de Lévis, les Français à compléter leurs
travaux à Québec et le long de la plage de Beauport. Wolfe
s'était attendu à rencontrer les Français occupant Québec
ou cantonnés sur les hauteurs qui avoisinent la ville. C'était
sur cette hypothèse qu'était basé le projet d'attaque dont
il avait fait part à son oncle (2) : « La ville de Québec est
médiocrement fortifiée, mais le terrain qui l'entoure est
escarpé. Pour assiéger la place et intercepter toute com-
munication avec la colonie, il faudra camper notre droite
(1) Knox. Hisiarical Journfil, voi. I.
('2) Wolfe à son oncle. Louisbouig, 19 mai 1759. Wrvilil's llj'e of (jenernl
Wolfe.
COMMENCEMENT DL SIEGE DE QUÉUEC.
277
à la riviôrc Saint-Laurent et notre gauche à la rivière
Saint-Charles. Du Saint-Cliarles à Bcauport, la communi-
cation devra ôtre gardée par une chaîne de postes bien
retranchés et de redoutes, l'ennemi pouvant franchir la
rivière à basse mer. Il faudra aussi établir des petits pos-
tes forlifiés de la pointe de Lé vis à la Chaudière.,., .le
compte que nous aurons une chaude all'aire au passage de
la rivière Saint-Charles, à moins que nous ne puissions
glisser un détachement qui remontera le Saint-Laurent et
débarquera trois, quatre ou cinq milles au plus au-dessus
de la ville, et que nous ayons le temps de nous retrancher
si fortement que rennemi ne se souciera pas de nous at-
taquer. » Il était difficile d'exécuter la descente à Heauport
que prévoyait ce programme, mais la présence des Fran-
çais sur ce point n'était pas un motif suffisant pour aban-
donner l'idée d'opérer sur la rive gauche du Saint-Lau-
rent. Aussi, le 9 juillet, le gros du corps expéditionnaire
fut mis à terre au-dessous du Saut de Montmorency, s'y
installa et commença une batterie destinée à prendre à
revers les lignes françaises. A celte occasion les sauvages
se jetèrent su?.' les travailleurs anglais, leur tuèrent une
cinquantaine d'hommes, mais s'attardant à lever les che-
velures, furent repoussés avec une perte d'une quinzaine
des leurs; ils se vengèrent (1) en égorgeant 5 prisonniers
qu'ils avaient emmenés, à la suite de l'établissement du
camp anglais au Saut, la gauche de l'armée de iMontcalm
se trouva fort exposée : il fallut la renforcer d'une partie des
réguliers du centre et élever des ouvrages de campagne
pour se défder du feu incessant que rennemi entretenait
de l'autre côté de la ri\ièrc de Montmorency.
Trois jours après eut lieu une expédition aussi malheu-
reuse (|ue ridicule contre le camp anglais à la pointe de Lé-
vis. Voici le récit que fait de celte équipée le Journal de
I
(1) Journal de Foligiiy. Arrhivos des Colonies.
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278
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
Foligny (1) : « Ce môme jour 12 juillet, sur les 9 heures du
matin, tout le corps tle la bourg-eoisie, M. d'Aine juge de
Québec en tète, vinrent au camp représenter pour la troi-
sième fois à M. le général quelle allait être leur perte, s il
ne leur permettait de former entre eux un détachement de
12 à 1 .500 hommes pour passer dans la nuit prochaine à la
pointe de Lévis, afin d'essayer de culbuter la batterie des
ennemis qui leur avait paru ne pas tarder de jouer. M. le
général crut devoir accéder à leur juste demande, vu les
dispositions dans lesquelles ils paraissaient être pour sau-
ver leurs biens en ville. En conséquence M. Dumas, major
général des troupes de la colonie, reçut ordre de prendre
le commandement de ce détachement. » Montcalm eut la
précaution d'adjoindre aux Québécois 200 volontaires des
régiments de Sarre et Languedoc. Le tout traversa le Saint •
Laurent au Cap Rouge et se mit en marche en descendant la
rive droite. La nuit était des plus obscures; les miliciens,
divisés en deux colonnes, s'égarèrent dans les bois, se pri-
rent mutuellement pour l'ennemi et se tirèrent des coups
de fusil, H s'ensuivit une panique que Dumas ne put ar-
rêter. On se rembarqua avec précipitation et on revint à
Québec sans avoir aperçu ombre d'Anglais, mais avec
2 tués et 5 ou 6 blessés. Celte échauilburée reçut l'appella-
tion du « coup des écoliers » , sans doute à cause de la
présence d'un piquet de 30 élèves du séminaire (2) que les
plaisants avaient baptisé du nom de « Royal Syntaxe ».
Le bombardement qu'on avait voulu empêcher ou tout
au moins retarder commença dans la soirée du 12 juillet
et continua avec quelques intervalles de répit pendant le
reste du siège. (Certains jours et certaines nuits le tir de l'as-
siégeant fut des plus vifs; de leui's galiotes et des batteries
de la Pointe de Lévis les Anglais lancèrent sur les deux
<juartiers de Québec une pluie de boulets, de bombes et de
(1) Journal de Folignj". Archives tics Colonies.
(2) Casgrain, Montcalm et Lévis, "ol. II, p. 105.
nOMUAllDEMENT DW LA VILLK.
pots à fea qui n'endommagea pas beaucoup les batteries
françaises et infligea peu de pertes aux servants, mais qui
détruisit beaucoup d'habitations et d'édifices publics (1
« La cathédrale, une grande partie de la haute ville et
toute la ville basse devinrent la proie des flammes. On pou-
vait compter les maisons qui n'avaient pas été trouées par
les projectiles. »
A ce feu les Français répondirent avec le canon de Qué-
bec et celui des batteries flottantes, « le Dial)le » et ses deux
compagnes embossées à l'embouchure du Saint-Charles;
mais la crainte de manquer de poudre ou de munitions,
l'infériorité de leurs pièces et peut-être l'inexpérience du
personnel, ne rendirent pas la riposte aussi vigoureuse
qu'elle eût; dû l'être. C'est ainsi (jiie, grAce à la négligence
des factionnaires et à la maladresse des pointeurs, des bA-
timents de guerre anglais purent remonter en amont de
Québec : « Dans la nuit du 18 au 19 (2), entre 11 heures et
minuit, 4 navires (de l'escadre de Saunders) dont un vais-
seau de 50 canons, ont passé devant la ville et ont été se
mouiller à l'Anse des Mères (près de Sillery), après avoir
essuyé quelques coups de canon sans effet pendant une
nuit fort obscure. Plusieurs berges attachées aux vaisseaux
ont fait la même route. » Aussitôt parvenu à destination,
l'ennemi profita de sa position pour incendier le dernier
brûlot canadien qui était à l'ancre et sans garde. Quand
on pense que la largeur du fleuve, entre Québec et la rive
opposée, ne dépasse pas 1.000 à 1 .100 mètres dans le gou-
let franchi, le résultat négatif que nous venons d'enregis-
trer ne donne pas une haute idée de la [jrécision du tir
des défenseurs de Québec.
Cet événement était gros de dangers. Maîtres du Samt-
Laurent en amont et en aval, les Anglais pourraient couper
la ligne de ravitaillement et obliger l'armée de Montcalni
(1) Casgrain, Monlcalm cl Lcris, vol. II, p. 107.
("i) Journal de Monlcalm, \). fj"8.
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280
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. VI.
à la retraite SOUS peine de mourir de faim; aussi fut- il dé-
cidé d'envoyer à Sillery, sous les ordres de Dumas, 900
fantassins, quelques sauvages et les 200 cavaliers de la Ko-
che-Beaumont. Dumas arriva fort à propos pour faire dé-
guerpir un détachement anglais qui avait débarqué à la
Pointe au\ Trembles. Son commandant, le colonel Carlo-
ton, eut cependant le loisir d'emmener des bestiaux et une
centaine de vieillards, d'enfants et de femmes. Parmi ces
dernières se trouvaient quebjues dames de la société, à l'é-
gard desquelles Wolfe se montra fort galant; il les invita
à souper et les renvoya à Québec avec force politesses as-
saisonnées, il est vrai, de la promesse \ tout incendier
dans le pays s'il n'obtenait pas une prompte soumission.
En dépit de ces menaces, l'assaillant n'avait fait que des
progrès insignifiants; à la vérité il s'était rendu maître
d'une partie du gouvernement de Québec; il avait dévasté
de nombreuses propriétés, capturé beaucoup de femmes
et d'enfants, ruiné la capitale de la province, mais il n'a-
vait aucunement entamé l'armée de Montcalm, et tant que
celle-ci serait intacte, rien de durable n'aurait été accom-
pli. En effet du côté du Saut de Montmorency, malgré un
échange continuel de balles et de boulets entre les com-
î)attants qui n'étaient séparés que par la rivière, les An-
glais n'avaient acquis aucun avantage. Aussi Wolfe ré-
solut-il de frapper un coup de vigueur.
Le 31 juillet, à 9 heures du matin, le vaisseau anglais
de 6V canons le Centurion et 3 frégates vinrent s'embosscr
dans le chenal entre l'ilc d'Orléans et la rive gauche du
Saint-Laurent; ils furent bientôt suivis de deux transports
armés qui se rapprochèrent le plus près possible des re-
tranchements, dont le chevalier de Lévis avait la garde, de
la rivière de Montmorency à la Pointe de l'Essai. De l'artil-
lerie de ces bâtiments et des iO canons que Wolfe avait en
position de l'autre bord du Saut, les Anglais ouvrirent vers
midi un feu des plus violents sur les ouvrages français; ils
a-/
COMBAT DU SAl T DE MONTMORENCY.
281
feiîçnircnt mémo de vouloir traverser la rivière par un ,!:;ué
en amont de la chute, l'etidant la canonnade, une flottille
de plus de 150 berges prit, ù la pointe de Lévis, la brigade
Monckton composée de .'{ bataillons de ligne et des grena-
diers de Louisbourg. Soit hésitation sur le point do des-
cente, soit désir d'éviter les etlets de l'artillerie française,
ou intention de tromper le défenseur, les chaloupes an-
glaises manœuvrèrent pendant plusieurs heures dans la
rade. Enfin, vers 5 heures et demie, elles se dirigèrent vers
la plage à environ 2 kilomètres en amont de l'embouchure
de Montmorency. On était en plein jusant; les navires an-
glais, quoique échoués, continuaient à tirer pour protéger
le débarquement. Les troupes du camp du Saut, conduites
par les brigadiers Townshend et Murray, s'apprêtaient à
franchir la rivière de Montmorency par un gué qui découvre
à basse mer et à se joindre aux bataillons de Monckton.
Entre temps les Français et les Canadiens qui, grAce aux
traverses dont les tranchées étaient muiiies avaient peu
souffert de la canonnade, à l'approche des Anglais avaient
évacué la redoute Johnstone très voisine de l'eau ; après
avoir encloué les canons, ils s'étaient retirés dans les re-
tranchements qui frangeaient la crête du rivage, fort raide
dans cet endroit. Pour repousser l'attaque qui se dessinait,
Lévis avait laissé les Canadiens de Kepentigny en observa-
tion dans le haut de la rivière de Montmorency, et garni
les ouvrages établis le long du Saint-Laurent avec la milice
de Montréal, une partie des sauvages et 3 bataillons de ré-
guliers que Montcalm avait amenés à son aide. Le général
on efl'et n'avait pas été déçu par les démonstrations des
berges et s'était porté de sa personne au point menacé où
il fut reçu par les acclamations des soldats.
D'après les ordres de Wolfe, la brigade de Monckton de-
vais débarquer tout entière et attendre les camarades du
camp du Saut avant d'aborder les lignes françaises; mais
à peine mis à terre, les grenadiers et quelques pelotons du
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282
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
Uoyal Américain coururent en avant, occupèrent la redoute
abandonnée, et commencèrent à gravir la pente escarpée
qui faisait suite à la plage. Ils furent rerus par une fusil-
lade des plus nourries que dirigèrent contre eux les hom-
mes de Lévis abrités derrière leurs épaulements. Essoufflés
par la course, perdant beaucoup de monde, les g-renadiers
hésitèrent, puis reculèrent en désordre jusqu'au rivage,
où ils furent recueillis par les autres bataillons de Monck-
ton qui avaient débarqué à leur tour. A ce moment éclata
un orage épouvantable qui mit fin au combat; Wolfe ne
jugea pas à propos de le renouveler et donna le signal de
la retraite. Il n'y eut pas de poursuite; des Anglais les
uns regagnèrent les chaloupes, les autres reprirent le
chemin de leur camp du Saut après avoir mis le feu aux
deux transports que le flot en se retirant avait laissés à sec.
Le combat du Saut de Montmorency coûta à l'armée
britannique (1) 443 tués, blessés ou pris, parmi lesquels
'i- officiers tués et 29 blessés. Les i''rancais n'accusèrent
que 70 de tous rangs hors de combat. Il semblerait que
malgré la pluie, qui, en mouillant la poudre, aurait inter-
rompu le feu, le vainqueur eût pu tirer plus de parti de
son succès et troubler l'embarquement des vaincus. La tac-
tique défensive qu'avec beaucoup de raison les généraux
français avaient adoptée pour la campagne de Québec,
s'était emparée des esprits et parait avoir été étendue
sans motif aux opérations de détail. Quoi qu'il en fût, les
Anglais ne furent suivis que par quelques Indiens en quête
de chevelures. A cette occasion se possa un fait (2) à l'hon-
neur de nos troupiers. Un officier du Koyal Américain, dan-
gereusement blessé, était aux prises avec un sauvage qui
voulait l'achever; il fut délivré par un soldat de Guyenne
qui, au péril de sa vie, saisit l'Indien à bras le corps et
(1) Chifl'res donnés par Knox et Mante.
(2) Journal de Foligny et Casgrain. Montcalm et /.vois, vol. Il, |i.
cl 141.
i:{:
EXPKDITION DES ANGLAIS CONTRE NIAGARA.
283
reinpêcha de frapper. L'officier voulut marf[uer sa recon-
naissance en ofl'rant à son sauveur une Itourse de gui-
nées que ce dernier refusa. Wolfe, inforni<'i de cette belle
action, fit remettre à Vaudreuil une somme de vingt livres
sterling destinée a son auteur; mais le gouverneur général
la retourna avec la réponse que le soldat n'avait fait que
son devoir en obéissant aux ordres du commandement.
Durant les premiers jours u août, rien à signaler (pie la
reprise du bombardement de Québec et des tentatives de
descente à la pointe aux Trembles, facilement repoussées
par Hougainville, qui avait remplacé Dumas ù la tête du
corps volant et dans la surveillance du district en aniont de
Québec. Le 9 août, on reçut au quartier général la nou-
velle de la défaite des contingents français des pays d'En
Haut et de la prise de Niagara. Rien ne paraissait s'oppo-
ser à une incursion des vain([ueurs contre les postes du
Saint-Laurent supérieur, et même contre Montréal, aussi
fut-il décidé d'y envoyer le clievalicr de Lévis avec 800
bommes dont 100 réguliers.
Pour apprécier les dangers qui menaçaient la colonie,
il nous faut suspendre le récit de la campagne de Québec
pour relater brièvement les événements qui s'étaient pro-
duits dans les parages du lac Ontario. Revenant aux projets
élaborés pour la première fois en 1756 par l'un de ses
prédécesseurs, le gouverneur Sliirley, le général en chef
Amherst s'était réservé l'invasion du Canada par le lac
Champlain avec le gros des forces britanniques, et avait
confié à son subordonné, le brigadier Prideaux, l'entreprise
contre Niagara, fort important qui assurait la communica-
tion de la colonie avec Détroit, les grands lacs et la région
de rohio. Cet officier avait quitte Shcnectady le 20 mai
en route pour Oswcgo ou Chouagen, avec une division
d'environ 5.000 combattants composée de 3 bataillons
de ligne, 2 bataillons de provinciaux, un parc d'artillerie
et une bande de sauvages dont la plupart avaient servi
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LA GUERRE DK SEPT ANS.
CIIAP. M.
iiiigiK'rc SOUS les fleurs de lys, et que rinllucncc de John-
son, et surtout le prestige grandissant des Anglais, avaient
ralliés à la cause britannique. Prideaux laissa le colo-
nel Haldeniond à Oswego avec mission de rétablir les ou-
vrages détruits par Montcalni en 1756, et s'end)ai"qua le
r" juillet pour Niagara où il prit terre à (i milles à lest
du fort.
Le nouveau gouverneur de Niagara, Pouchot, était ar-
rivé le 30 avril au fort qu'il connaissait d'autant mieux
qu'il en avait dirigé les travaux de restauration ; s'ins-
pirant des vues optimistes du gouverneur général (1), il
crut à la fidélité des alliés sauvages et à la possibilité de
reprendre position sur l'Ohio. A cet effet, il renforça de ses
soldats disponibles l'ancien commandant du fort Duquesne,
1 jgneris, qui devait opérer de ce côté, et ne garda avec bai
qu'une troupe de 600 hommes. Ses illusions duraient en-
core f\ la fin de juin (2), quoiqu'il ne dût pas se méprendre
sur les mauvaises dispositions d'une partie des Indiens qui
avaient retenu les officiers envoyés chez eux. Il fut d'ail-
leurs aussi mal servi par ses propres éclaireurs que par
les sauvages; la fiottille dont la construction venait de
s'achever et qui avait pris la place des bîUiments incen-
diés par Bradstreet, quoique maîtresse du lac Ontario, ne
sut ni intercepter les berges qui transportaient les soldats
de Prideaux, ni même signaler leurs mouvements. Pouchot
n'apprit, le 6 juillet, la venue des Anglais que par les
coups de fusil qu'ils tirèrent sur les vedettes de la garnison
aux environs de Niagara. Dès le lendemain, il dépêcha un
courrier pour rappeler à son aide les détachements si ma-
lencontreusement expédiés sur l'Ohio. Le 9, le siège débuta
par l'ouverture de la tranchée (3) et fut poursuivi avec ac-
(1) Pouchot à Lévis. Niagara, 3 mai 1759. Manuscrils de Lévis. Québec,
1894.
(:>) Poucliot ù Lévis. Niagara, 27 juin 1759. Manuscrits de Lévis. Québec,
18'.>i.
(3) llaldemond ù Amherst, Oswego, 18 juillet 1759. Record Oftice.
DKI'AITE DE LKiNKRIS ET PUISE DE NIAOAUA.
•»85
tivité. Le "20 juillet, l*i'itleaux fut tué par une hoinlie qui
éclata en sortant du mortier et remplacé par Johnson (jue
nous avons vu commander rarmée coloniale en 1755 contre
Dieskau et([ui, bien (ju il ne fi\t pas militaire de profession,
était supérieur en yrade aux officiers de l'armée régulière.
Malgré une résistance énergique, Pouchot commençait A
ôtre réduit aux ahois, quand le 2.'J au matin quelques sau-
vages lui apportèrent des lettres de Ligneris et Auhry an-
non<;ant leur approche. Ces deux officiers, en puisant dans
les postes de l'Illinois et des tlrands Lacs, avaient réuni
une armée fo 'niée des éléments les moins homogènes ; dans
les rangs se confondaient des soldats de marine, des mili-
ciens du Canada, des colons de Détroit et de l'Illinois, des
métis tenant plus de leurs mères indiennes que do leurs
pères français, enfin des sauvages pur sang'. Pouchot con-
seilla aux commandants des troupes de secours de traverser
le Niagara, d'écraser un parti anglais de 200 hommes ins-
tallé sur la rive droite et d'attendre les canots qu'il enverrait
au-devant d'eux. Les chefs français ne voulurent rien mo-
difier à leurs projets, et après avoir campé auprès de la
Chute, reprirent le chemin qui conduisait au fort. Le lende-
main 2V juillet, leur détachement, fort de 12 à 1.300 hom-
mes, y compris les sauvages, se mit en route par le sen-
tier du portage et malgré toute l'expérience des officiers
en matière de combats dans les bois, vint tomber dans le
piège que lui avait tendu Johnson. Le général anglais
avait divisé ses forces; pour repousser une sortie des as-
siégés il avait laissé une partie de ses réguliers dissimulés
dans les tranchées; le reste, k l'exception de quelques hom-
mes commis à la garde des bateaux, composé de soldats de
ligne, de provinciaux et d'Indiens, fut disposé de manière à
aborder les Français en tète et en flanc pendant leur mar-
che. La rencontre fut précédée d'une conférence entre les
sauvages des deux partis qui ne produisit pas de résultat im-
médiat mais qui semble avoir découragé les partisans de la
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LA GUElUlK I)K SEPT ANS. — CIIAP. VI.
Kruncc. (îes derniers prirent peu de part à la bataille dont
tout le poids retomba sur les blancs ; l'action cjui eut lieu prAs
d'un endroit appelé « la Belle Famille » fut courte. I.es sol-
<lats d'Aubry et do Ligneris, écrasés par la sjipériorité du
nombre, fusillés à bout portant par leurs adversaires (|iii
s'abritaient derrière les arbres de la forêt, reculèrent en
désordre; la poursuit*' leur coûta plus cber encore, l'res-
<jue tous les soldats du détachement de la marine lurent
tués; sur HO officiers l\ seulement purent s'échapper, tous
les autres furent tués ou pris et |)armi eux les deux com-
mandants, Ligneris blessé mortellement et Vubry, ainsi
que les capitaines Mai'in, de Montigny et Villicrs. Les sau-
vages anglais levèrent 150 chevelures et firent î)() prison-
niers qui ne furent pas rachetés, ;l l'exception des officiers,
otqui se virent condamnés, selon l'usage féroce (1) du
vainqueur, aux tortures, à la mort ou à l'esclavage. Les
débris des contingents battus regagnèreat leurs canots et
se retirèrent au Détroit après avoir brûlé ou fait sauter
les forts de la Presqu'île, aux Bœufs et .Machault. Au Dé-
troit ils restèrent inactifs jusqu'à ce que la capitulation de
Montréal, en septembre 1700, eût scellé leur sort. Poucliot
qui avait assisté des remparts de Niagara à quelques-unes
des péripéties du combat et qui avait tenté une .sortie in-
fructueu.se, ne voulut pas croire à la défaite de ses amis;
pour l'en convaincre il lui fallut le rapport d'un de ses of-
ficiers qui visita dans le camp de Johnson ses camarades
prisonniers. Prolonger la résistance n'eût servi à rien,
aussi Pouchot dont la garnison avait été réduite par le
feu et par la maladie h 340 combattants, et qui n'avait
plus que 140 fusils en état de fonctionner, dut-il se rési-
(1) Amlierst, dans une leUre à Wolfe en date du 7 août à propos de ce
combat, fait IVIo^e de l'humanité des .soldais anglais qu'il oppose aux
cruautés habituelles des l'rançais; il ne parle pas de ses alliés staivages.
Johnson, dans .sa dépêche du'.) août à Amlierst, mentionne le départ des
Indiens avec leur butin, leurs prisonniers et leurs chevelures.
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KCHi:(3 DE L\ CORNE A CIIOUAfH'KN.
287
gner i\ hattie la cimmade. h'apW's la cnpitiiintion sijznro
le 25 juillet, la garnison obtint les honneurs de la guerre
et la protection contre les sauvages; clic lut emmenée
prisonni»''re A NeAV-York et hicntAl échangée, car dès l'hiver
suivant. Pouchot avait repris sa place dans les rangs de
son régiment. La défaite de I Jgncris et la prise de Nia-
gara assurèrent non seulement }\ l'Anglais la suprématie
sur les Grands Lacs et sur la région de l'Ohio dont la pos-
session avait été la cause de la guerre, mais elles ouvrirent
à l'envahisseur du Canada les portes de la colonie.
Pres(jue le même jour que Prideaux débarquait à Nia-
gara, le chevalier de la Corne (1) prenait terre près de
(ihouaguen avec un corps de 1.20C hommes dont 2V0 sol-
dats, 100 sauvages et le reste Canadiens. Le 5 juillet on se
mit en marche pour surprendre l'ennemi qui n'était pas sur
ses gardes; bientôt les éolaireurs indiens signalèrent des
travailleurs occupés k couper du bois. Il eiU été facile de les
enlever sans la panique de quelques mi'^'r iens qui s'enfui-
rent en criant : Sauve! Nous sommes cernés! Quand on les
rallia, ce qui demanda quelque temps, les Anglais s'étaient
aperçus du voisinage des Français et s'étaient retirés der-
rière les retranchements provisoires que le colonel llalde-
mond avait fait dresser. La Corne fît avec quel(|ues-uns de
ses officiers une reconnaissance dont le résultat fut de re-
noncer à l'attaque-. Cependant, malgré cette décision, on se
fusilla encore le lendemain; l'engagement coûta aux Fran-
çais une trentaine de tués et blessés et aux Anglais à peu
près la moitié de ce chiffre. La Corne rembarqua son monde,
descendit le Saint-Laurent avec les bAtiments de guerre, et
alla camper à l'ile des (ialots en amont des rapides qui
précèdent le lac Saint-François, renonçant ainsi h une en-
treprise qui, bien conduite, eut forcé les Anglaisa lever le
siège de Niagara. Les avis de cette place et l'échec qu'il
(1) Relation de la campagne de La Corne en 1759. Colleclion des manus-
crits Lé vis.
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288
LA GUEimB DK SEPT ANS.
CIIAP. VI.
venait de sub'r agircot sur l'pspiit de La Corne qai s'inia-
f;ina « que l'ennemi allait se pré.senter tout de suite à hi
tôte des Uapides », et qui annonc,'a son intention de re-
culer dans ce cas jus(ju'au coteau du Lac, dernier village
de la Colonie sur le Saint-Laurent supérieur. Aux préoccu-
pations causées par ces graves nouvelles vint s'ajouter la
difficulté de subvenir au.v besoins matériels de l'armée.
Ce fut dans ces conditions que Lévis fut nommé au com-
mandement de toutes les frontières du gouvernement de
Montréal, il partit (1) aussit(')t pour les Uapides; en passant
à Montréal, il se rendit compte que la question des vi-
vres primait toutes les autres et que pour le pain de lu
troupe il était urgent de récolter et de batti'e la récolte
qui fort heureusement promettait d'être abondante. A cette
lin, sur les 800 hommes qu'il amenait avec lui, il en mit
'U)Q à la disposition de la culture pour rentici* la moisson.
Puis il accomplit sa tournée avec son activité coutumière,
débuta par les Rapides et piu' le camp de La Corne, <'.ccé-
lera la mise à l'eau d'une barque sur chantier et expédia
les deux autres en croisière sur le lac Ontario pour obser-
ver les mouvements des Anglais. Cette besogne achevée, il
poussa jusqu'à i^'rontenac dont il évacua l'artillerie, redes-
cendit le Saint-Laurent jusqu'à la mission de l'abbé Piquet
à la Présentation, fit choix d'une ile pour la construction
d'un fort qui fut appelé de son nom, en surveilla les pre-
miers travaux, et était de retour à Montréal le •'i septembre
après une absence de trois semaines bien remplies. Deux
jours furent consacrés à organiser le service de ravitaille-
ment de l'armée et des postes; le 8 notre chevalier était en
route pour inspecter le corps de l»ourlamaque dar.s l'Ile
aux Noix où il s'était retiré; la visite faite et l'entente in-
tervenue pour la défense et pour la subsislance, Lévis re-
vint à Mon^eal où il reçut, le 15 au matin, la nouvelle de
(I) Journal des cainpugnos de Lévis, Collectibii des inunuscrils Lévis.
ENTHKE EN COMPAGNE D AMUEUST.
289
la défîiitc et de la mort de Montcalm, et l'ordre du gou-
verneur général le rappelant à l'armée.
Mais n'anticipons pas, et avant de retourner k Québec
disons quelques mot? de ce qui s'était passé du côté du lac
Cliamplain. Hourlamaque, chargé de cette partie, disposait
de 3. 500 hommes en Iron,dont l.VOO Canadiens et Indiens,
les autres réguliers. 11 av.ùt l'ordre de céder le terrain
aux Anglais dont on savait les forces très supérieures aux
siennes, de laisser à Carillon une garnison qui évacuerait le
fort après l'avoir fait sauter aussitôt « que l'ennemi aurait
établi des batteries pour le battre », d'agir de même pour
Saint Frédéric et de se retirer dans une île de la rivière de
Uichclieu, à peu de distance du débouché du lac Cliamplain.
Dans la correspondance échangée, Montcalm définissait (1)
dans son style nerveux et concis le rôle de Hour'.amaque :
« Votre besogne, dit)' . ite de la mienne, n'est pas de
battre mais de n'être pas battu; ajoutez que votre grande
besogne qui vous couvrira de gloire, sera de retarder par
des démonstrations, le plus que vous pourrez, l'ennemi...
Aussi ne négligez pas les travaux inutiles qui souvent en
imposent, et ne vous retirez que pied à pied, et le plus
tard que vous pourrez, à votre île aux Noix, puisque ce sera
li\ le dernier point de défense pour votre frontière et où il
faudra vaincre ou périr, et où il faut par conséquent arriver
le plus tard qu'il sera possible. »
Ainsi que nous l'avons vu plus haut, la principale atta-
(|ue contre le Canada devait se faire par la voie des lacs
(ieorge et Cliamplain ; elle eiuit dirigée par le général Ani-
lierst devenu commandant en chef des troupes britanni-
(liics et provinciales. La campagne ne débuta que tar-
divement; le 21 juin, Aniherst avait quitté le fort Kdward
(ou Lydius) sur l'Iludson avec 0.000 hommes; mais ce ne
fut que le 21 juillet qu'il s'embarqua sur le lac (leorge
(1) Monlcalm à hourlainaque.Québcc, 4 juin 1761). LeUres de Hourlainariiie
( /llection Lévis.
••!
i;UEnnK m: skpt a.vs. — y. iti.
19
290
LA GUERRK DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
pour se porter à la rencontre des Français campés en avant
de Carillon. Son armée se composait de 6 bataillons de
ligne et d'un détachement de l'artillerie royale, en tout
5.854 réguliers, et de .'). 279 provinciaux ; elle emmenait avec
elle un parc de 30 canons dont 10 de gros calibre, de 11
obusiers et de 13 mortiers. Le 22 au point du jour, l'avant-
garde anglaise coinmandée par le colonel Gage, débarqua
au Portage. Sur l'alerte donnée à Carillon, Bourlamaque,
à défaut de ses sauvages qui refusèrent de marcher, envoya
reconnaître l'ennemi par ses volontaires et ses Canadiens.
Ceux-ci n'arrivèrent à la Chute que pour voir les rangers
défiler au pas de course sur la passerelle qu'on n'avait pas
pris le soin de couper; il s'en suivit une escarmouche insi-
gnifiante où le régiment de lîerry perdit 4 soldats scalpés
sans doute par les rangers. Dès le soir de cette affaire à
minuit, Bourlamaque, qui avait déjà commencé à déblayer
le fort, mit sa division A bord de sa flottille et vogua vers
l'embouchure de la Barbue, petit affluent du lac Chain-
plain. Il laissait à Carillon une garnison de 'lOO hommes
sous le capitaine d'IIebécourt.
Amherst qui, à sa grande surprise, avait occupé sans
coup férir les retranchements derrière lesquels, il y avait
h peine un an, Montcalm avait repoussé les assauts répétés
d'Abercromby, entreprit sans ta^-der le siège de Carillon.
Il ouvrit les parallèles dans le terrain qui s'étendait entre
le fort bâti au bord de l'eau et les redoutes que l'on avait
construites après la bataille du 8 juillet 1758, poussa acti-
vement les terrassements et installa ses batteries. L'achè-
vement de ce travail devait être le signal de l'évacuation;
aussi dans la soirée du 27 juillet, llébécourt embarqua ses
hommes, ses bagages et ses canons, prépara les mines pour
faire sauteries fortifi itions et alla rejoindre le camp de
son général. Au moi nt du départ (1), il y eut du désor-
(1) Dcsandrouins, par l'abbé Gabriel, cl Manie, Late ivar in Ameriva,
p. 213.
<v^_.
SIEGE ET ÉVACUATION DE CARILLON.
291
dre ; « tous les soldats étaient y vres » ; on omit d'enlever
le drapeau qui flottait sur le fort et dont s'emparèrent,
le lendemain, malgré l'incendie, un sergent et quelques
Anglais du régiment de (iage; on faillit oublier un déta-
chement de 40 hommes et on no pensa pas à prévenir quel-
ques découvreurs qui, rentrant à Carillon qu'ils croyaient
encore une forteresse française, furent faits prisonniers
par l'ennemi.
Le général britannique avait été averti (1) par des dé-
serteurs de l'évacuation et de l'explosion imminente ; il leur
avait môme ofi'ert 100 guinées pour éteindre la mèche.
Cette proposition ne trouva pas preneur et les mines écla-
tèrent vers 11 heures du soir, quelques moments après
la sortie du commandant français; elles renversèrent un
bastion et deux courtines mais laissèrent intacts le chemin
couvert, les casemates, les murs de la caserne, et onze
fours qui furent utilisés par l'envahisseur. Le fort de Carillon
ou de Ticonderoga (nom indien adopté par les A nglais) était
un carré '\(i 4 bastions bâtis de pieux encastrés dans un
fond de roc et de maçonnerie; le front de terre était pro-
tégé par deux ra vélins; ces ouvrages ainsi que la con-
trescarpe du fossé étaient on maçonnerie. Au surplus,
Carillon eût été susceptible d'une défense plus prolongée;
les Français, grâce à leurs trois bâtiments armés, étaient
maîtres du lac et auraient pu retarder sans grand danger
leur départ de quelques jours; aussi la critique que Vau-
drcuil fit à Bourlamaque paralt-olle h première vue lo-
gique; mais ce dernier se justifia en invoquant la teneur
des instructions qu'il avcit reçues du gouverneur général
lui-même. Le sif''ge de Carillon coûta aux Anglais 1.") tués
ce une cinquantaine de blessés; au nombre des premiers
fut un officier de mérite, le colonel Roger Tovk^nshend,
emporté par un boulet de canon.
(1) Journal du colonel Aniherst, 1759. Record Ottice.
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L\ GUEHHE DE SEPT ANS. — CIIAP. VI.
Très méthodique dans ses opérations, Amhcrst se préoc-
cupa avant tout de consolider la position acquise et s'ap-
pliqua à la restauration du fort et à l'achèvement des
ouvrages adjacents dont les Français avaient éhauchc les
fondations. Il était campé a Carillon et avait l'intention d'y
séjourner encore une quinzaine (1) quand il apprit l'a-
gréable nouvelle de la destruction du fort Saint-Frédéric.
Bouilamaque, après une courte station sur les rives de la
Barbue, avait gagné Saint-Frédéric où il fut rejoint par la
garnison de Carillon. Le 31 juillet, les fourneaux de mines
étaient chargés ; l'armée, embarquée avec ses bagages, mu-
nitions et matériel de tout genre, n'attendait plus «pie la
mise du feu aux poudres. Le moulin situé à 150 toises du
fort sauta le premier et la secousse fit tomber la dernière
lance de feu; il fallut rallumer la mèche ; cette fois l'explo-
sion réussit et la petite flotte s'éloigna dans la direction de
l'Ile aux Noix qu'elle atteignit le 2 août. Dans l'espace de
onze jours on avait abandonné aux Anglais toute la région
du lac Champlain avec ses deux forteresses. Bourlamaque
trouva les travaux de l'Ile assez avancés mais pas encore
terminés; secondé par l'artilleur Desandrouins, il y em-
ploya tout son monde et fut bientôt à l'abri d'un coup de
main. D'une entreprise de ce genre le prudent Amherst
était d'ailleurs incapable ; très satisfait de ses faciles succès,
il passa l'été à rétabhr les forts détruits, h ouvrir ou h per-
fectionner les voies pour le passage de ses convois, enfin,
œuvre indispensable, à construire des biUiments qui pour-
raient lutter avec la flottille française. Ce ne fut qu'au mois
d'octobre qu'il songea à reprendre l'offensive.
Du côté d'Ontario, le danger, qui au lendemain de la prise
de Niagara paraissait des plus imminents, ne répondit pas
aux craintes qui avaient motivé la mission de Lé vis. Malgré
les invitations du général en chef, plus entreprenant pour
(1) Journal du colonel Arnlicrsl, 1759. Record Oltice.
GAGE INACTIl- A OSWEGO.
293
1
SCS lieutenants que pour Ini-mème, le brigadier Gage, qui
avait pris la succession de Johnson à la tête des forces bri-
tanniques dans ces parages, ne crut pas(l) pouvoir accom-
plir d'autre tâche que celle de la réédificatiou d'Osweg'o,
et se déclara dans l'impossibilité de tenter une descente
sur les bords du haut Saint-baurent. '
Revenons à Québec oïl nous avons laissé Montcalm vic-
torieux dans son camp de Heauport, mais préoccupé de ses
communications avec la rivière de Jacques Cartier et le
haut <lu Canada, Wolfc à cheval sur le Saint-Laurent, dé-
sireux de revanche mais incertain sur le point d'attaque.
Après le départ de Lévis, Montcalm s'installa de sa personne
au villag-e de l'Ange-Cardien pour surveiller les agissements
des Anglais toujours campés de l'autre côté du Saut de
Montmorency; on se livrait de part et d'autre à la fusillade
habituelle. Le 19 août, le général en chef reçoit avis que
l'ennemi avait débarqué à quatorze lieues au-dessus de
Québec, à Deschambault où on avait mis en dépôt les ba-
gages de l'armée. Grand émoi au quartier général ; Mont-
calm marche avec les grenadiers, mais en route il apprend
que les Anglais, sur la venue de Bougainville, avaient rega- "
gné le bord après avoir incendié la maison qui servait de
magasin. Pendant leur court séjour à Deschambault, les
olliciers de Wolfe avaient été informés par les habitants de
la capitulation ^e Niagara et de l'évacuation de Carillon
et Saint-Frédéric qu'ils ignoraient encore. Les relations
entre Wolfe et Amherst étaient en effet des plus difficiles;
deux officiers envoyés par ce dernier, déguisés et escortés
par quelques Indiens, étaient tombés entre les mains des
Abenaquis de Saint-François et avaient été conduits au
camp de lieauport.
Vers la fin d'août, l'isolement des bAtiments anglais (un
vaisseau de 50 canons et 3 frégates) au-dessus de la ville,
(1) Gage à Amherst, 11 septembre 1759. Record OUicc.
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LA GUERHE DE SEPT ANS. — CHAI». VI.
donna l'idée à l'officier Canon de les enlever à l'abordage ;
c'eût été renouveler l'exploit de la marine britannique ù
Louisbonrg; mais le projet adopté en principe fut ajourné
sous divers prétextes et dut être abandonné par suite de la
montée de 5 vaisseaux qui, malgré le feu des batteries
de Québec, purent rejoindre la petite escadre d'amont. Le
passage d'un nouveau renfort de 4 navires, le 31 août, et
l'évacuation du camp de Montmorency accrurent l'anxiété
de l'état-major français au sujet de la partie au delà de
Québec. « Enfin le camp du Sault a déblayé aujourd'bui,
écrit Montcalm... (1) Si j'avais voulu croire tout le monde
hier, il n'y aurait plus que 3 ou 400 hommes qu'il fallait
aller charger. Ce matin il n'y avait qu'à entrer dans le re-
tranchement; M. Wolfe nous tendait une embuscade avec
2.500 hommes qui ont descendu en bon ordre du Sault. La
pièce de ik les a salués joliment, coulé une berge et in-
commodé une autre, ce qui était déjà arrivé hier. Dès ce
soir, la droite est renforcée de 2.000 hommes; j'y passe de-
main et Poulhariez reste général depuis le Sault jusqu'à
l'église de Beauport. Nous avons 19 bâtiments au-dessus
de Québec, et Bougainville garde-côte toujours en l'air. Je
m'établis de ma personne à la maison de Salaberry pour
être en belle vue et à portée de tout. »
Voici le résumé que fait de la situation le général (2)
quelques jours plus tard : « Il s'en faut que la campagne
soit finie ici depuis le départ du Sault. Ainsi au contraire
augmentation de batteries et de feu sur la ville. Une petite
escadre de 20 bâtiments, 50 ou 60 berges, depuis 3 jours
vis-à-vis Sillery et le Cap Kouge ; Bougainville côtoyant ;
la ligne très longue. Hier, sur les 10 heures du soir, démons-
tration d'attaque, cent berges en bataille à mi-chenal. J'a-
voue que je vous voudrais ici et que je voulais que M. le
(1) Montcalm à Lévis. Camp du Sault, 3 septembre 1769. Collection Lévis.
(2) Montcalm à Lévis, 8 septembre 1759. Collection Levis.
I
LES ANGLAIS SE RENFORCENT EN AMONT DE QUÉBEC. 295
marquis de Vaudreuil vous en envoyât un ordre condition-
nel s'il n'y avait rien à craindre ot que tout fût bien. » Les
allées et venues des bâtiments anglais (1) qui passaient de-
vant Québec en plein jour sans se soucier des boulets et des
bombes que lançait le canon de la ville, entretenaient l'hé-
sitation dans l'entourage de Montcalm. Était-ce une feinte
pour détourner l'attention de Québec et du camp de lîeau-
port? Les Anglais avaient-ils le dessein de s'établir solide-
ment à la pointe aux Trembles, A Deschambault, j\ quelque
endroit situé sur le Saint-Laurent pour couper les commu-
nications do l'armée avec la base dont elle tirait ses vivres?
Bouga inville qui avait la surveillance du fleuve depuis
les portes de Québec jusqu'à la rivière de Jacques Cartier,
était sur un qui-vive perpétuel. « Le point important, mon
cher Bougainville, lui écrit Montcalm (2), est de bien sui-
vre le mouvement des corps que vous avez par eau vis-
à-vis de vous. Toutes les fois que vous arriverez à temps
pour leur débarquement, j'en ai bonne opinion, quand
même vous n'arriveriez pas avec tout votre monde, vous
les contraindriez assez pour que la queue joignit. » Vau-
dreuil était tout aussi perplexe (3) que Montcalm sur le
but des Anglais : « L'ennemi ne peut avoir que deux ob-
jets, mande-t-il à Bougainville, la diversion ou s'établir
en haut; à vous dire vrai, je crois plutôt le premier, et
le second ne leur réussira qu'autant qu'ils vous prévien-
dront. » Le 10 septembre, nouvelles recomnjandations (i)
de la part du général : « Il est toujours à craindre qu'é-
tant une fois établi du côté du sud, si on a de fréquentes
découvertes par eau, il (l'ennemi) no vous dérobe une
marche pour se porter sur Jacques Cartier ou Descham-
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(1) Journal de Montcalm, G septembre 1759.
(2) Montcalm à Bougainville, " septembre 1759, à midi. Papiers de fa-
mille.
(3) Vaudreuil à Bougainville, 8 septembre 1759. Papiers de famille.
(4) Montcalm à Bougainville, 10 septembre 1759. Papiers de famille.
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29fl
LA OUEHUK DE SEPT ANS. — CIIAIV VI.
bault OÙ ils ont déjA été. Je ne doute pas que dans votre
disposition vous n'ayez donné des ordres pour que d'un
poste à l'autre on file diligemment en se remplaçant
Prenez garde à Descliambault quand vous devriez rentbr-
cer Blau de peu, car d'un autre côté on craint pour le Cap
Rouge à cause de ses vivres. » Le lendemain c'est Remigny,
officier chargé du poste de Sillery, qui (1) fait part d'une
reconnaissance eli'ectuée la veille par l'élat-major anglais et
qui signale une frégate anglaise qui <( l'offusque beau-
coup ». A Jacques Cartier, le commandant, Blau, s'e.v-
cuse (2) d'avoir manqué M™" de Vienne qui lui avait été
recommandée par Bougainville : « J'ai fait courir après
elle moins dans l'espoir de réussir à lui être bon à quelque
chose que pour lui marquer, et à vous, mon cher colonel,
ma bonne volonté et mon zèle pour le service des dames,
et surtoi i de M""" de Vienne dont le mari vient de couvrir
le centre de mon individu et le mettre h l'abri du froid...
Hors, mon cher colonel, gardez bien vos moutons et ne
permettez pas qu'il s'en échappe, car s'ils entreprennent
de venir pâturer chez nous, nous leur mangerons, si
nous pouvons, la laine sur le dos; mais ils (les Anglais) res-
pectent diablement Jacques Cartier, car ils y ont passé et
repassé quatre fois au moins sans oser y mordre ; ce sont
des moutons bien timides. »
Pour garder la longue ligne du fleuve, Bougainville qui
avait été renforcé successivement de détachements de ré-
guliers, de quelques sauvages et de 2 pièces de canon, avait
250 hommes au Cap Rouge, 30 à Samos, 50 à Saint-Michel,
100 à Sillery et 100 entre l'Anse des Mers et l'Anse au Fou-
lon. Des garnisons, se montant à 570 hommes en tout,
occupaient les villages de Saint-Augustin, la Pointe aux
Trembles et Jacques Cartier; enfin un corps volant formé
(1) Rémigny à Bougainville. Sillery, 11 si-pleinbre 1759. Papiers de famille.
(2) Rlau à Hougainville. Jacques Carlier, 11 septembre 1759. Papiers de
famille.
BOUGAINVILLE SURVEILLIi LE SALNT-LAUHEM.
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presque en totalité de 1.100 grenadiers et vol(»ntaires des
bataillons de France devait se porter au secours dos postes
menacés. Le gros do rarmée de Montcalm, amoindri des dé-
tachements de Lévis et Bougainville, campait entre le vil-
lage de lieauport et la rivière Saint-Charles. 'I avait été
considérablement diminué par le départ des Canadiens,
surtout de la province de Québec, dont un grand nombre
avaient abandonné les lignes pour rentrer leur moisson.
« Il n'est pas de nuit, écrit Foligny (Ij, qu'il ne s'en sauve
plus de 5iOO, sans que M. le général y mit ordre, malgré
les plaintes de M. le marquis de Montcalm cpii craint que
les ennemis s'aperçoivent de cette désertion «pi'il estime i
plus de 2.000 hommes. »
D'autre part, le manque de vivres se faisait sentir ; malgré
la réduction de la ration de pain, le munitionnaire ne pou-
vait assurer que quelques jours d'approvisionnements. De-
jiuis la montée des navires anglais, les communications par
eau étaient fort exposées et il fallait se servir de la voie de
terre, mais ce mode de ravitaillement laissait fort A désirer.
« Toutes les charrettes sont rompues, écrit Higot (2),.... et
les chevaux ruinés depuis qu'on a fait des transports de
Jacques Cartier k Québec, de sorte qu'il ne nous est plus
possible d'en faire faire par terre. » L'incertitude du len-
demain avait uu'^ répercussion fiicheuse sur la discipline :
« Nous avons (3) grand besoin ici d'un renfort en farine;
car la troupe n'a ({ue trois quarterons de pain, ce qui la con-
firme dans le droit qu'elle s'était attribué de tuer bœufs,
vaches, cochons et volailles, et de prendre les pois et au-
tres légumes. Tout le voisinage à présent à deux lieues à la
ronde est ravagé. » Pas plus que Montcalm, l'intendant ne
se faisait illusion sur le rembarquement prochain de Wolfe
dont le bruit commençait à se répandre dans le camp fran-
\
(1) Journal de Foligny, 24 août 17i9. Archives des Colonies.
(2) Bigot à Lévis. Beauport, 11 septembre 1759. Collection Lévis.
(3) Bigot à Lévis, 8 septembre 1759. Collection Lévis.
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'298
LA GUEHUE I)E SKl'T ANS. — (HAP. VI.
çais. <( .le ponse bien différomnicnt que vous sur le départ
(les Anglais; je compte qu'ils seront encore ici le 15 octo-
bre, .l'aimerais bien à me flatter, mais je ne le peux •>.
Biyot ne se trompait pas. lUen ({ue découragé par sou
échec du 31 juillet, impressionné par les pertes que son ar-
mée avait éprouvées, souffrant d'une maladie dont il avait
apporté les germes d'Angleterre, Wolfe était bien décidé jI
tenter un dernier eiïort; mais se défiant de ses forces phy-
siques qui trahissaient son énergie morale , il consulta ses
lieutenants sur la direction j^i donner à l'attaque. A cet ef-
fet il communiqua ù ses brigadiers les instructions confi-
dentielles du gouvernement britannique et un mémoire (1)
où il exposait ses idées et les soumettait à leur appréciation.
D'après lui, c'était à l'armée de Montcalm qu'il fallait s'at-
tacher, parce que la défaite de celle-ci entraînerait la
chute de Québec et peut-être de tout le Canada. Trois
projets s'olï'raient au choix, mais ne différaient que par le
détail; tous les trois visaient les lignes de Beauport qui
seraient abordées soit en les tournant par derrière, soit en
les prenant de flanc, soit en renouvelant l'assaut de front
qui avait si mal réussi. Le général insistait en outre sur
la nécessité de ruiner toutes les campagnes des environs
de Québec.
A ce mémoire les trois brigadiers, Monckton, Townshend
et Murray répondirent par un avis motivé, daté du 29 août.
Ils étaient adversaires résolus de toute tentîitive nouvelle
du cAté de Montmorency, dont les chances de succès leur
semblaient plus que problémati^ es. L'opération s'accom-
plirait-elle, que Montcalm serait encore maître de se retirer
sur la rivière de Saint-Charles et d'en disputer le passage;
là il s'appuierait sur la ville et conserverait ses communi-
cations avec l'intérieii ' du pays dont il tirait ses approvi-
sionnements. '< Nous sommes dons d'opinion, déclaraient-
(1) Mante, Late war in America, p. 249,
WOLFE CONSILTK SES HRK'.ADIKRS.
900
ils, (jiio la manière la plus avantageuse de frapper un coup
décisir serait de transporter les troupes k la rive sud du
tlcuve et d'opérer en amont de la ville. Si nous prenons
pied sur la rive nord, le marquis de Montcalm sera obligé
de nous combattre sur le terrain que nous aurons choisi;
nous serons entre lui et ses provisions, entre lui et l'armée
opposée au général Amherst. S'il nous livre l)ataille et
que nous le battions, Québec et probablement tout le Ca-
nada seront il nous, résultat bien supérieur à tout avan-
tage que nous pourrions emporter du côté de Beauport.
Par contre, si l'ennemi passe la rivière Saint-Charles et nous
oppose des forces suffisantes pour faire échouer notre ma-
nœuvre, nous serons en état de nous rabattre sur le troi-
sième projet du général (qui d'après nous présente le plus
de chances de succès), ou d'entreprendre quelque chose
d'autre contre les lignes de Beauport, nécessairement dé-
garnies par l'envoi de détachements contre nous en amont
de la ville. »
Avec beaucoup de désintéressement, Wolfe se rallia au
plan de ses subordonnés et prit aussitôt les mesures
pour en assurer l'exécution. Une partie du programme,
celle de la dévastation du pays, avait déjà été appliquée
sur une vaste échelle. Les lettres des deux armées sont
remplies de récits d'incendies, de ravages, de cruautés
indignes de gens civilisés. i< Les ennemis sont présente-
ment occupés, écrit Bigot(l), au nombre de 1.000 ou 1.100
hommes, suivant le rapport des prisonniers, à brAler les
paroisses qui sont vis-à-vis la Pointe aux Trembles Il
n'y a rien de nouveau ici. M. Wolfe fait brûler dans plu-
sieurs paroisses. » Mêmes renseignements dans le journal
de Montcalm (2) : « Les Anglais, fidèles imitateurs de la fé-
rocité de nos sauvages, ont fait la chevelure à quelques
U
(1) Bigot à Lévis, 15 et 2G août 1759. Collection Lévis.
(2) Journal de Montcalm, 1" septembre 1759. Collection Lévis.
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300
LV ClKlinK l)K SEPT ANS. — CIIAI». VI.
Iiabilants do la côte du .sud. (Ifoiru-l-ou (ju'uik; nation
policôe s'acluirnc de sang-froid à niutdor dos cadavres.'
Oetle barbarie aurait été ab()li(î parmi les sauvages, s'il
était possible de les corriger. On leur paie fort cber les
prisonniers, bien peu les chevelures. On s'j est pris de
tontes les manières et sans fruit, mois on n'a [)as du moins
il se reprocher d'avoir suivi leur exemple. »
Aux débuts de la cam[)a,t,Mie, Wolfe s'était opposé aux
procédés inqualifiables en usa^e dans les guerres d'Amé-
rique. Dans son premier manifeste aux (Canadiens, tout
en alléguant « (pie les cruautés innommées » des Français
<( pourraient servir d'excuses aux représailles les plus sé-
vères », il avait affirmé que « l'Anglais dédaigne cette
méthode sauvage. La religion lui prêche l'humanité et son
cœur en suit avec plaisir les préceptes. » H avait plus tard,
par un ordre en date du 2V juillet, interdit <( la pratique
barbai'C de lever la chevelure, excepté quand l'ennemi est
un Indien ou un Canadien habillé en sauvage. » Mais en
fait, ces instructions philanthropiques ne furent guère
observées. Le capitaine Knox enregistre plusieurs exemples
d'atrocités qu'il n'hésite pas à bhlmer, malgré ses préjugés
enracinés contre tout ce qui n'appartenait pas i\ sa natio-
nalité. Tantôt ce sont des colonnes volantes qui rentrent
avec des familles entières de pauvres habitants qu'on a dé-
pouillées de toutes leurs possessions; tantôt c'est un prê-
tre, le curé de Portneuf, qui est massacré avec ses parois-
siens. Le malheureux avait écrit à un officier anglais que
puisque ce dernier « se battait pour son Uoi et pour la
gloire, il espérait être excusé s'il se battait pour la dé-
fense de ses paroissiens et de sa patrie. » Ce beau langage
ne l'empêcha pas d'être tué et scalpé avec 30 de ses con-
citoyens, sous prétexte qu'ils étaient déguisés en Indiens.
L'historien Parkman (1) cite, entre autres incidents, la
(1) Parkman, Monlrnlm et IVoIfe, vol. H, p. 201.
IMlUCKhkS (ilUELS DES ANdLAIS.
sot
houchcricdcs liahitants cloSuiiil-Joiichiin, faits prisonniers
iV la suite d'une rencontre, sur les ordres d'un cajutaine
du '$T de liijnc. Wolfc, il est vrai, avait sanctionné ces
mesures par une dernière proclamation où il avertissait
la population civile qu'en raison « des cruautés peu chré-
tiennes commises en toutes occasions contre ses trouiies,
il était obligé par égard pour elhs et pour lui-même de
les punir (les Canadiens) con)me ils le méritai(Mit. »
l'n des lieutenants de Woit'e, le brigadier Townsliend,
dans j<a correspondance intime (1), ne dissimule pas le
dégoût que lui inspirent les scènes dont il est le témoin
involontaire : « Je n'ai jamais servi dans une campagne
aussi peu satisfaisante que celle-ci. L'inégalité de nos
forces a réduit nos opérations à des épisodes d'escarmou-
ches, de massacres et de ruines. C'est la guerre sous la pire
forme. »
Mais laissons ces exécutions aust>i inutiles qu'indignes
de la réputation du général et de ses soldats, et revenons
aux événements militaires. Dans une dépêche à Pitt(2),
en date du •! septembre, Wolfe rend compte de l'état cri-
tique de son armée. Depuis le débarquement dans l'Ile
d'Orléans, il avait perdu parle feu 85V officiers et soldats,
à peu près le dixième de son effectif; à ce déchet s'ajoutait
celui des maladies qui devait être k peu près égal au pre-
mier. Au cours des deux mois qu'il est en campagne, il n'a
obtenu d'autres résultats que la destruction d'une grande
\ artic de Québec et la dévastation de la province ; mais
quant aiT but de l'expédition, la prise de la ville, il n'est
pas plus avancé qu'au début. Le général relate la consul-
tation de ses brigadiers et transmet leur avis qu'il a adopté.
Il est d'accord avec l'amiral et avec le commandant du
génie pour considérer comme impraticable l'assaut de
Jf .
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(1) ToNvnsliend à sa femme, 6 septembre 1759. Munuscript's of llie inar-
qucas Toirnsliend (Londres, 1887).
(?) Wolfe à PiU, 2 septembre 1759. Citée par Mante.
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302
LA GUEURi: DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
Quél)ec. « Aux avantages extraordinaires de la nature l'en-
uemi a ajouté, pour la défense du fleuve, un grand nom-
bre de batteries flottantes et de baleaux ; la bonne garde
de ces bAtimcnts et la vigilance des Indiens autour de nos
postes ont rendu toute surprise impossible. La situation
ofl're un tel cboix de difficultés que je m'avoue fort em-
barrassé sur le parti à prendre. Les affaires de la Grande
Bretagne exigent, je le sais, les partis les plus résolus,
mais on ne saurait avoir recours au courage d'une poi-
gnée de braves soldats que s'il y a quelque espoir d'une
issue favorable. Cependant vous pouvez être assuré que
j'emploierai, (autant que je le pourrai), le peu de temps
qui me reste de la saison pour l'honneur de Sa Majesté et
l'intér'H de la Nation. » Le ton de cette lettre ne dénote
guère la confiance dans le succès; toutefois l'écrivain, à
moitié guéri de sa fièvre, se mit énergiquement à l'œu-
vre. La première mesure fut l'évacuation du camp du
Saut; les troupes, débarquées d'abord à la Pointe de Lé-
vis, gagnèrent par la rive sud la rivière des Echemins et
furent logées au nombre de 3.G00 hommes sur les 22 bâ-
timents que le contre-amiral Holmes avait réunis en amont
de Québec. Le 7 septembre, il y eut une démonstration
devant le Cap Rouge qui fit accourir le corps volant de
Bougainville, l'infanterie montée de La Roche Beaucourt
en tête; puis, le mauvais temps intervenant, il fallut
mettre à terre les soldats anglais dont la santé souffrait
de leur entassement à bord.
Sur ces entrefaites Wolfe, aidé de Stobo, prisonnier (1)
échappé de Québec, avait reconnu toute la côte et choisi
pour son entreprise un des endroits entre l'Anse des mers
et le Cap Diamant où le falaise n'est pas inaccessible. Il
(1) stobo, oriicier colonial, avait été livré aux Français comme otage lors
de la capitulation du fort Nécessité en l"ô5 et retenu prisonnier à la suite
de la violation de l'arranucinent.
DERNIERES LETTRES DE WOLFE.
rembarqua son monde le 12 septeml)rc, appela à lui tout ce
qui n'était pas strictement nécessaire pour les postes de la
Poinle de Lévis et de l'ile d'Orléans, et lança un ordre du
jour où il annon(;ait son intention de prendre terre sur la
rive nord et de comljattre l'ennemi; il terminait par un ap-
pel au courage et à l'amour-propre de ses hommes. <( Offi-
ciers et soldats se rappelleront ce que le pays attend d'eux
et ce qu'un corps énergique de vétérans est capable de
faire contre cinq faibles bataillons français môit's à des
paysans indisciplinés. » Le général anglais se rendait fort
bien compte de la qualité supérieure do ses troupes : « Le
marquis de Montcalm, avait-il écrit (1), dans sa dernière
lettre à sa mère, est à la tête d'un grand nombre de mau-
vais, et moi à la tête d'un petit nombre d'excellents soldats
qui ne demandent qu'à se battre avec lui; mais le vieux
malin évite un engagement parce qu'il n'est pas bien sûr
de la bonne conduite de son armée. » Wolfe, d'ailleurs,
rendait justice à la tactique de son adversaire : « Si le
marquis de Montcalm, écrivait-il (2) quelques jours avant
sa mort, s'était renfermé dans la ville de Québec, nous
en serions maîtres depuis longtemps, parce que les fortifi-
cations n'ont pas grande valeur et notre artillerie est for-
midable, mais il a un corps nombreux d'hommes sous les
armes (je ne puis pas l'appeler une armée) et le pays peut-
être le plus difficile du monde, pour appuyer la défense
de la ville et de la colonie. » Dans cetve dépêche, la der-
nière (ju'il adressa au ministère anglais, il énumère les
obstacles que rer.contrera le débarquement en amont de
Québec, parmi lesquels la violence du courant de jusant,
qui dure sept et quelquefois huit heures, est peut-être le
plus grave; il se plaint beaucoup de sa santé et termine
par ces mots : « Ma constitution est complètement ruinée,
']>
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(1) Wolfe à sa mère, 31 août 1759. Lettre citée par Païkman.
(2) Wolfe à Iloldernesse, à hovàdiiSiitlieiiand ,'J septembre 1759. Wriijhl's
life of gênerai Wolfe.
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\h'
I '.
30'i
L\ GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. vr.
et cela sans la consolation d'avoir rendu à l'État un ser-
vice considérable et sans l'espoir de le faire. >>
Malgré ou peut-être à cause de la déférence qu'il a^ait
montrée à ses lieutenants, Wolfe ne semble pas avoir
fi'agné leur confiance; Townshend avait été jusqu'à met-
tre en doute (1) la capacité de son chef; Murray s'exprime
dans le même sens. D'après un projet rédigé par eux (2),
les brigadiers anglais auraient été partisans d'une des-
cente (3) plus rapprochée du Cap Rouge, tandis que leur
général (4) préférait l'anse du Foulon ; toujours est-il qu'ils
lui adressèrent (5) le 12 septembre, une lettre collective
se plaignant du manque de précision des instructions re-
çues et demandant un complément d'informations sur le
point désigné pour l'entreprise. Wolfe, sans se froisser de
ce procédé insolite, répondit aussitôt par un bille!, (G) daté
du même jour à 8 heures et demie du soir. Il se réfère aux
souvenirs de Monckton qui l'avait accompagné dans sa der-
nière reconnaissance : < L'endroit se nomme le Foulon; il
est à 2 ou 2 et demi milles de Québec, où vous devez vous
rappeler un camp de 12 à 13 tentes et un abatis plus bas. »
Monckton, comme le plus ancien, devait surveiller le dé-
barquement de i'avant-garde, à laquelle succéderait le
gros sous Townshend et Murray.
Enfm, les détails ainsi élucidés, dans la soirée du 12 sep-
tembre, on fit passer dans les chaloupes de la flotte 1.700
(!) Townshend à s;i femme, Camp Lévis, (> septembre 175'J; Murray à
Townshend, 5 octobre 1759. Maniiscript's of the. Martjuesn Toinishend.
(2) Plan of opérations by the Brigadiers. Newcastle Papers, vol. 32895.
(3) Rapport de l'amiral Holmes, à bord du Lowesto/ , 18 septembre 1759.
Newcastle Papers.
(4) Wolfe à Burton, à bord du Siillierland, 10 septembre 1759. Wright's
lift' of général Wolfe.
(5) Leller signed by the Brigadiers on board the l.oirestofl, 12 septembre
1769. Newcastle Papers.
(6) Wolfe à Monckton à bord du Sullicrland, 12 ."eptembre 1759. New-
castle Papers.
DÉBARQUE'dENT DES ANGLAIS PRÈS DE L'ANSE DU FOULON. 305
hommes coramamlés par le colonel llowe et destinés à mar-
cher les premiers. Cette opération s'accomplit devant le
Cap Kouge où Bougainvillo se trouvait en personne; puis,
après avoir feint de remonter le fleuve, les berges suivies
à trois quarts d'heure d'intervalle par les bâtiments de
transport et de guerre, à l'exception du Siitherland resté
devant le Cap Rouge, se laissèrent, vers 2 heures du matin,
dériver dans la direction de Québec. Uae circonstance im-
pfé 'ue favorisa l'entreprise. La difficulté des transports
par terre avait décidé les Français à revenir à la voie d'eau
pour l'acheminement des farines nécessaires au pain de
l'armée; à cet effet le munitionnaire Cadet avait prié Bou-
gainville (1) de faire partir dans la nuit du 12 au 13 sep-
tembre les bateaux chargés de cette denrée; les postes
de la côte avaient été prévenus et avaient reçu la consi-
gne de protéger la manœuvre. Le malheur voulut que
l'envoi de farines fût ajourné sans communication du con-
tre-ordre aux détachements intéressés, et que deux déser-
teurs de ces mêmes détachements allassent porter au gé-
néral Woîfe la nouvelle qu'ils avaient tout lieu de croire
exacte de la descente d'un convoi. Ainsi avertis, les An-
glais, quand leurs embarcations, arrivées à la hauteur de
Samos et de Sillery, furent hélées par les factionnaires, ré-
pondirent en français : « Convoi de vivres ; ne faites pas de
bruit, les Anglais nous entendraient ! » Grâce à cette ruse,
ils purent continuer leur route sans recevoir les coups de
fusil qui auraient éveillé l'attention.
Lvi courant très rapide entraîna la flottille un peu au
delà de l'endroit où le débarquement avait été prévu ; ac-
cident heureux pour les Anglais, car aucune sentinelle
n'était là pour dénoncer leur venue. On jeta à terre avant
le jour quelques grenadiers nvec ordre de gravir le sentier
!i..^
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(1) lUgot à Dougainville. Beauport, 12 septembre 1739. Papiers de fairi.'lo
de Bougainville.
CUERKK DE SEPT ANS. — T. III.
20
30(i
LA GUERRE DE SEPT ANS. - CHAP. M.
escarpé qui mène au haut de la falaise et de pousser en
avant jusqu'à l'ennemi. L'ascension ne fut retardée que
par les obstacles naturels du terrain ; parvenus au som-
met, ils essuyèrent quelques coups de fusil des Canadiens
de Vergor qui se gardaient fort mal. Cet officier qui
avait, prétend-on (1), permis à une partie de son monde
d'aller faire leur moisson au village voisin de Lorette, fut
blessé et pris; ses hommes s'enfuirent pour la plupart vers
le Cap Uouge. Pendant celte escarmouche, la mise à terre
se poursuivait eu bas; à peine vidées, les chaloupes al-
laient chercher les soldats restés à bord des bâtiments.
La fusillade d'en haut et les cris victorieux des grena-
diers anglais furent le signal qui décida de la continuation
de l'entreprise. A en croire certains récils (2), si l'assaut
de sa petite avant-garde n'eût pas réussi, Wolfe eût re-
noncé à une opérdtion sur le succès de laquelle on ne ta-
blait guère (3) dans son état-major. Vers 5 heures du matin,
quelques centaines de soldats britanniques avaient pris
pied sur le plateau; il commençait à faire jour. Wolfe en-
A'oya Murray s'emparer des batteries de Samos et Sillery
qui avaient ouvert le tir sur la flottille. Le brigadier put
accomplir sp. mission sans grande opposition des postes
de Douglas et Ilemigny qui ne comptaiek* pas plus de
150 hommes et qui se retirèrent après avoir encloué les
pièces. Entre temps les 1 'laillons anglais, au fur et à me-
sure de leurs formations, lirent une marche de flanc dans
la direction de Québec ; puis à la vue des Français donl les
premiers échelons garnissaient la colline des Buttes à Ne-
veu, ils se déployèrent en ligne dans la plaine d'Abraham.
La gauche anglaise était couverte par l'infanterie légère
(1) Johnslone. Dialogue (]e Montcnlm et Wolfe aux Champs-Elysées.
Ouvrage manuscrit. liibliothùque de la Guerre.
(2) Bigot au ministre, 15 octol)re l/.vj. Archives des Colonies. Bigot ré-
pète ce qu'il a entendu dire au\ oniciers anglais.
(3) Rapport de Holmes déjà cité.
WOLFE PRIÙND POSITION SUR LA PLAINE D AHRAIIAM.
307
du colonel Howe embusquée dans les maisons de Sillery
et dans celles qui bordent la route de ce village à Québec.
A la droite quelques feux de pelotou avaient fait rétrogra-
der un détachement français qui faisait mine de pousser
jusqu'à l'anse du Foulon. Bientôt, grâce à la venue des
dernières troupes débarquées, l'armée de Wolfe fut au
complet rangée en deux lignes, la première forte de
7 bataillons aux ordres de Monckton et Murray, la seconde
de '\ bataillons sous Townshend ; en réserve le VS* régi-
ment; un des bataillons de la seconde ligne replié en po-
tence devait assister llowe et ses chasseurs dans la tâche do
protéger le flanc gauche et les derrières de l'armée. Le»
Anglais avaient sur le champ de bataille 'i..500 combat-
tants de tous grades (1) et deux canons de campagne.
Pendant que Wolfe et le gros de ses troupes descendaient
le fleuve et se préparaient à prendre pied à l'anse du Fou-
lon, l'amiral Saunders détournait l'attention des Franc^ais
en canonnant la malheureuse ville de Québec, en plaçant
des bouées d'amarrage et en faisant manœuvrer devant
les lignes de Beauport de nombreuses embarcations plei-
nes de matelots et de « marines ». Montcalm, avisé de ces
démonstrations, fit aussitôt garnir les ti'anchées du rivage
et pas.>a la nuit en l'attente des événements. Au petit jour
il entendit (2) le canon de Samos et s'imagina que les An-
glais îivaient enlevé le convoi de provisions annoncé ; puis,
voyant tout tranquille, il renvoya les troupes à leur
camp, se restaura en buvant quelques tasses de thé avec
son aide de camp Johnstone, et se porta à cheval vers le
logement du gouverneur général. A partir de ce moment,
le récit que Johnstone met dans la bouche de son héros
(1) L'état de Iroupes engagées donné parKnox fait ressortir ■i.SlG présents
sans compter l'artillerie. Le rapport de Townshend donne le cliifFre de 4.484
ponr tous grades et corps.
(2) Johnstone. Dialogue de Montculm cl Wol/c.
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308
LA GUERRE DE SEPT ANS. — ClIAl». Vl.
dill'ère de celui de Vaudreuil. D'après ce dernier (1), Mont-
calm « fut le premier informé il ordonna tel mouve-
ment qu'il jugea à propos, sans m'en faire part, ni même
me voir; un seul billet que M. do Bernetz m'écrivit do
Québec à 6 heures moins un quart... m'apprit que l'en-
nemi était descendu au Foulon. » Johnstone au contraire
raconte qu'ils n'eurent connaissance de l'entreprise de
Wolfe qu'en apercevant les habits rouges sur les hauteurs
d'Abraham, qu'ils rencontrèrent le gouverneur général
sortant de son logis, et qu'après avoir causé avec celui-ci,
Montcalm ordonna à lui, Johnstone, de courir à Beau-
port, de dire à, Poulhariès qui y commandait d'y conserver
200 hommes et de faire partir tout le reste, le plus vite
possible, pour les hauteurs d'Abrahoui. 11 y aurait eu quel-
que discussion sur l'interprétation de cet ordre entre Johns-
tone, le brigadier Sénezergue, Poulhariès et Lotbinière, of-
ficier d'ordonnance de Vaudreuil; Poulhariès aurait même
montré un message signé du major général Montreuil et
apporté par Lotbinière « que pas un homme de la gauche
ne devait quitter son camp. » Quelle que fût la teneur des
instructions ou la responsabilité engagée pour leur trans-
mission, elles eurent pour résultat de laisser dans le camp
presque tous les Canadiens du gouvernement de Montréal.
Dans l'état-major français on fut quelque temps avant de
comprendre la gravité du fait qui s'était produit. Dans le
billet dont parle le gouverneur (2) , Bernetz, tout en annon-
çant la descente des Anglais, croit qu'ils se sont rembarques
et ne demande pour la ville de Québec qu'un renfort de
2 piquets, c'est-à-dire de 100 hommes. Vaudreuil dans une
lettre (3) a Bougain ville, expédiée à 6 heures trois quarts
du matin, s'exprime dans le même sens : « Il parait bien
(1) Vaudreuil au Ministre. Montréal, 5 octobre 1759. Récit de la campagne.
Archives des Colonies. Canada.
(2) Bernetz à Vaudreuil. Québec, 13 septembre 17.59. Archives des Colonies.
(3) Vaudreuil à Bougainville, 13 septembre 1750. Papiers de famille.
ALARME AU CAMP DE HEAUPORT.
809
certaiQ que rennemi a fait un débariiuement à l'Anse au
Foulon; nous avons mis bien du monde en mouvement;
nous entendons quelques petites fusillades. M. le marquis
de Montcalm vient de partir avec 100 hommes du gouver-
nement des Trois Rivières pour renforcer; sitôt que je sau-
rai posit' ,ement ce dont il sera question, je vous eu don-
nerai avis. » Montcalm tout d'abord se contenta d'envoyer
sur les hauteurs le régiment de Guyenne qui y avait été
posté au commencement du mois et qui en avait été retiré
fort mal à propos le 0 septembre. Quand il parvint lui-
même en haut et vit les bataillons anglais en ligne, il se
rendit compte de l'étendue du danger, et expédia officier
sur officier pour lui amener tout ce qu'il y avait de trou-
pes régulières et de milices disponibles. Les derniers pe-
lotons du gouvernement de Québec le joignirent vers
dix heures au moment du début de l'action.
Depuis déjà plus de deux heures on fusillait avec l'en-
nemi; un gros détachement de Canadiens, assisté de quel-
ques soldats de la colonie (1), s'était embusqué dans un
taillis et faisait sur les rangs serrés des Anglais un feu de
tirailleurs qui ne laissait pas de leur coûter du monde. De
leur côté, les deux canons anglais tiraient à mitraille sur
les unités françaises au fur et à mesure de leur formation
et leur causaient de la perte. Dès son arrivée sur le champ
de bataille, Montcalm avait demandé (2) au gouverneur
de Québec des pièces de campagne dont il y avait 25 dans
la batterie proche du palais. On ne lui en fournit que 5, sous
prétexte (3) que les autres étaient nécessaires à la défense
de la place; on les mit aussitôt en position sur les ailes de
l'armée. Jusqu'alors l'engagement n'avait été qu'une af-
faire d'avant-postes. Pouvait-on éviter une action décisive?
ou était-il impossible, comme l'affirme .lohnstone, de se re-
;i)Malartic. Campagnes au Canada, \<. 284.
(2) Jolinstone, Dialoguer île Montcalm et de Wolfe.
(3) Foligny. D'autres récils ne parlent «iiie de deux.
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310
LA GUERHE DE SEPT ANS. — ( HAP. VI.
tirer sans bataille, parce que les deux combattants étaient
trop rapprochés? Peut-être le général français craignit-il
pour sa droite que les Anglais semblaieut vouloir tourner
par un mouvement dirigé sur la maison de Borgia et le
moulin qui domine les prairies du Saint-Charles. Toujours
est-il qu'il tint une sorte de conseil de guerre improvisé
où la presque unanimité se prononça pour une attaque
immédiate. Comme raisons à l'appui de cette opinion, on
soutenait que les Anglais se renforceraient dans le courant
de h. journée en hommes et en canons et qu'ils achève-
raient les retranchements ébau nés. Montreuil seul aurait
fait quelques objections basées sur le faible effectif qu'on
pouvait mettre en ligne. Montcalm approuva l'avis de ses
officiers, parcourut les rangs, constata la bonne volonté
des soldats et commanda l'offensive.
De quelles forces disposait le général français à la ba-
taille d'Abraham? Dans le courant du mois de juillet, il
avait eu sous ses ordres près de 13.000 hommes, sans y com-
prendre les 2.000 de la garnison de Québec. Sur ce total
800 étaient partis avec Lévis, 2.200 avaient été détachés
sous Bougainville, 3.000 étaient morts, malades ou étaient
rentrés chez eux; enfin 2.000 avaient été laissés à la garde
du camp de Beauport. Restaient environ 5.000 combat-
tants à opposer au chiffre presque identique des Anglais,
mais l'égalité n'était qu'apparente ; tandis que les hommes
de Wolfe étaient tous des soldats disciplinés et éprouvés,
l'armée de Montcalm ne comptait guère que 2.000 régu-
liers appartenant à la colonie ou aux 5 bataillons de France.
Dans ces derniers, pour combler le déficit créé par l'envoi
de détachements, ou de piquets comme on disait alors, à
Niagara, à l'armée de Bourlamaque, au camp volant de
Bougainville, on avait versé quelques centaines de Cana-
diens dont les allures indépendantes au feu s'accommo-
daient mal avec les manœuvres compliquées en usage dans
les troupes de ligne. En outre, les bataillons, par suite du
MONTCALM SE DECIDK A ATTAQUEU LES ANGLAIS.
311
prélèvement des grenadiers et des volontaires pour le corps
de Bougainville, avaient perdu tout autant en qualité qu'en
quantité. Étant données la composition de ses forces et la
prépondérance de l'élément irrégulier, il est étrange que
le général français se soit décidé pour l'attaque, en plaine
découverte, d'un adversaire beaucoup plus solide que lui,
au lieu d'utiliser la nature des lieux et les accidents de ter-
rain pour mettre en valeur les aptitudes spéciales de ses
soldats, pour la plupart tireurs de premier ordre. Quels
que fussent les motifs qui déterminèrent Montcalm à sortir
de sa prudence habituelle et à abandonner la stratégie dé-
fensive appliquée avec succès depuis le commencement
de la campagne, il faut ajouter que ses dispositions tac-
tiques prêtent fort à la critique. Il n'essaya pas de com-
biner ses mouvements avec ceux de Bougainville qu'il
savait être sur les derrières des Anglais à Sillery, ou à
Sainte-Foy, à un peu plus de deux lieues de distance (1);
il n'eut recours ni au parc d'artillerie que possédait ia
ville de Québec , ni à l'appoint que la garnison aurait pu
lui fournir; enfin il ne constitua aucune réserve pour cou-
vrir la retraite en cas d'échec.
Vaudreuil n'assista pas î\ la bataille; cependant il était
au couiantde la situation dès 7 heures; il avait été informé
que Montcalm avec le gros était en face des Anglais; mais
il fut si lent à se mettre en route qu'il n'arriva sur le
champ de l'action qu'après la défaite. Il avait néanmoins
trouvé le loisir d'écrire îïson général un billet (2) le priant
« de ne rien prématurer » et de n'agir qu'avec le concours
de Bougainville et de la garnison de Québec. Vaudreuil af-
firme, nous ignorons sur quel témoignage, que la dépêche
fut remise à Montcalm en temps utile. Admettons comme
exacte cette assertion faite trois semaines après les événe-
I .
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(1) Journal tenu à l'armée. Archives des Colonies. Canada. L'auteur de ce
document est hostile à Montcalm.
(2) Récit de Vaudreuil. Montréal, 5 octobre 1769. Archives des Colonies.
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313
LA fiUERRK DE SEPT ANS.
CHAP. VI.
mcnts, alors que l'infortuné Montcalm n'était plus là pour
la contredite; au lieu de correspondre, le gouverneur gé-
néral eût été mieux inspiré en accélérant ses mouvements
et eu se portant de sa personne sur le théâtre du coujbat.
L'affaire (1) commença à 10 heures, F^es Friinçais for-
maient une ligne irrégulière sur trois rangs de profondeur;
ils avancèrent avec entrain, poussant des cris et tirant à
volonté. Oeux attaques se dessinèrent contre la gauche de
Wolfe, la troisième contre sa droite. Arrivés à VO pas des
Anglais, il y eut du flottement dans la troupe. Les Cana-
diens incorporés dans les bataillons de France se couchèrent
par terre selon leur habitude j)our recharger leurs armes,
pendant que leurs camarades français restaient debou'. La
mitraille des canons anglais cl une salve de mousqueterie
à courte distance augmentèrent le désordre. La petite ar-
mée de Montcalm fit volte-face et s'enfuit dans la direction
de la ville avec les Anglais à leurs trousses. La poursuite
fut arrêtée par le canon du rempart et par celui dos bat-
teries flottantes de Saint-Charles. Voici en quels termes Lé-
vis, qui dut recueillir peu de jours après les témoignages
des officiers présents, raconte la bataille : « 31. le marquis
de Montcalm qui n'avait pas eu le temps d'avertir M. de
Bougainvillc, qui était au Cap Kouge, comptait qu'il l'au-
rait été par ses postes. Il attendait d'apprendre qu'il était
à portée pour attaquer les ennemis dans le temps qu'il en
ferait de même. Mais il n'attendit que jusqu'à 10 heures, et
voyant alors que les troupes montraient beaucoup de fer-
meté et de zèle, lui disant continuellement que les ennemis
faisaient arriver du canon et prenaient poste en se retran-
chant, il résolut de tout tenter malgré la disproportion
des forces. L'ennemi s'était posté derrière de petites hau-
teurs. Le chemin pour aller à eux était difficile, embar-
(1) Voir pour le récit de la bataille la colleclion des papiers de Lévis,
Casgrain, Parkman, Knox, Mante, Manuscrit Johnstone, Journal de Foligny
Wrigbt, etc., etc.
I
BATAILLE D'AnnAUAM.
31»
rassô, inégal et rempli de bronssaillcs en certains endroits
ou de champs de l>lé. Notre armée se mit en mouvement,
ne consultant que son ardeur et connaissant peu l'ordre,
la plus ,'çrandc partie de ce qui la composait étant deri
habitants. Les bataillons mêmes étaient farcis d'un nom-
bre d'habitants qu'on avait incorporés parmi les soldats.
Le fond des cinq bataillons était sur une Hune à trois do
hauteur; à la droite était un corps composé de peu de
troupes de la colonie et de nombre d'habitants. Il est aisé
de concevoir que cette armée ne fit pas grand chemin
sans être en désordre. On commença k tirer de loin, ce
qui acheva d'y mettre la confusion de sorte que, lors-
qu'elle arriva à la demi-portée du fusil des ennemis, elle
n'eut nulle consistance. Les ennemis qui, il notre mouve-
ment, avaient gagné la crête des hauteurs, firent un feu
considérable. Notre droite plia et fut suivie successive-
ment de toute la gauche avec la plus grande confusion. »
Montc?>lm, en essayant de rallier les fuyards, fut blessé
mortellement au bas-ventre et à la cuisse Sénezergue qui
commandait en second eut le même sort. Sans chef, sans
direction, les vaincus coururent se réfugier derrière les
retranchements et le pont de la rivière Saint-Charles. Les
Canadiens furent les premiers ù. revenir de la panique ; 8 à
900 d'entre eux se maintinrent (1) dans un petit bois près
de la porte Saint-Jean et couvrirent la retraite; 200 autres
miliciens, rencontrés près de la boulangerie parVaudreuil
qui venait de quitter son quartier général , furent reportés
sur la hauteur et par leur belle contenance donnèrent le
temps aux débris de l'armée de s'écouler vers le Saint-
Charles.
Aux abords de la rivière et dans les ouvrages qui dé-
fendaient le pont, le désarroi et la démoralisation étaient
î\ leur comble. Des officiers de l'armée régulière apostro-
(1) Bigot au ministre, Montréal, ir> octobre 1759. Arcliives des Colonies.
Canada. ,
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAIV VI.
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phaient le gouverneur génrral et s'écriftient (1) i\ haute
voix qu'il n'y avait d'autre parti que celui de capituler
pour toute la colonie. Vaudreuil, qui A défaut d'énergie
montra du sang-froid, essaya de calmer les esprits et avec
le concours de Montreuil fit repasser la rivière aivi débris
des bataillons de France et de milices et mettre en état de
défense la redoute qui servait de tôte de pont. Les trou-
pes furent renvoyées dans leur camp, et les principaux
officiers appelés en conseil de guerre pour arrêter la dé-
cision k prendre.
Heureusement pour les Français, l'élan des vainqueurs
fut de courte durée et la poursuite ne fut pas poussée loin.
De môme que la blessure mortelle de Montcalm avait ag-
gravé les conséquences de la défaite, chez les Anglais la
mort de Wolfe paralysa l'action de leur armée et mit en
suspens les ell'ets de leur succès. Leur jeune <'t brillint
général qu'une première blessure n'avait pas «loigné de
la zone meurtrière fut frappé à la tète des grenadiers de
Louisbourg pendant le fort de la bataille; porté hors de
la ligne de feu, il eut le bonheur de vivre assez longtemps
pour apprendre sa victoire. Sa dernière parole fut une
invitatioii au colonel Burton de s'avancer sans retard jus-
qu'au pont du Saint-Charles afin d'intercepter la retraite
des Français. Presque en même teaiDS que son chef, le bri-
gadier Monckton fut blessé etlt cinmandement dévolut à
Townshend. Celui-ci (2), inquiet du désordre que la course
avait produit parmi les soldats anglais, ramena en arrière
ses régiments dont les rangs étaient à peine reformés quand
on vit déboucher sur les derrières le corps de Bougainville.
Townshend lui opposa deux bataillons et ses deu.v canons,
qui suffirent pour couper court à toute velléité d'attaque ;
rassuré de ce côté, le nouveau commandant en chef n'eut
(1) Johnstonc. Récit de la fiii de la campagne.
(2) Townshend à Pilt, camp devant Québec, 20 septembre 1759. Manuscripts
oftlie marquess Toirnsheml. ^
mimm
mM
MORT DE WOLIË.
3t5
d'autn' souci que tlo se couvrir do retranchomonfs, et de
lrans[)orter sur le plateau, des bîVtimcuts où elles étaient
encore, son artillerie et ses -aunitions.
A la bataille d' "ibraham, la perte des Anglais fut de 60 ol-
liciers et 5î)8 sous-officiers et soldats mis bors do combat;
c<;lle des Français n'a pas été constatée jiar un document
officiel; elle ne dut pas dépasser le cbillVe de 1.000 A
1.200, dans lequel la part des 5 bataillons do France fut on
officiers 1 1 tués ot 23 blessés, en soldats 137 tués et environ
300 blessés. Kn outre de 200 prisonniers faits sur le champ
de bataille, beaucoup de blessés restèrent entre les mains
des Anglais qui s'emparèrent aussi de deux pièces de ca-
non.
Quel fut le rùle de Bougainville dans la l)ataillo d'Abra-
ham? be reproche de lenteur qui lui a été adressé est-il
justifié? Sur ce point délicat les partisans et les détrac-
teurs du futur navigateur ne sont pas d'accord. Retenu au
Cap Houge par les démonstrations delà, flottille anglaise,
il dut néanmoins entendre le canon de Samos et être averti
de la descente par les fuyards des postes de Saint-Michel
et do Sillery. D'autre part, Knox (1) parle d'une escar-
mouche avec la cavalerie canadienne et d'une tentative
contre la seconde ligne anglaise par le corps <le Hougain-
ville, tentative qui aurait échoué, grAce aux bonnes dis-
positions de Townshend; le premier de ces incidents se
serait passé avant l'attaque de Montcalm, et par consé-
quent avant 10 heures. Au dire de Mante (2), le corps de
Bougainville composé de cavalerie, grenadiers et infan-
terie légère, s'était formé on arrière des Anglais et avait
conservé cette position à la lin de la bataille ; il ne men-
tionne aucun engagement. Jolmstone affirme (3) ([ue Bou-
il
i\i- /]
I il''
t '
(1) Knox, vol. II. Récit de la bataille d'Abraham.
(2) Mp.aie. J.ate irar in America.
(3) Johnstone. Dialogue aux Cliamps-Élijsées de Montcalm cl Ho//l?.
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■^^' ■' ' »*■ ■ Mil':-, y. 1 iJJPJigWfff^W^TWBggBgiW
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qainvillc, prtU'onu tîiitn» 7 et 8 heures, s'éhmnla nussitùt,
suivit la foute directe de Uuéhec, vint S(^ heurter l'i une
maison où s'était logé un détachement anglais, ne put se
servir de son canon faute de munitions oubliées au ('ap
llouge, perdit du temps [>our les taire venir et laissa ainsi
échapper le moment propice pour imo diversion contre
le liane ou les derrières d(^ l'ennemi. Le Journal du Lévis (1)
donne des opérati«)ns du corps volant le compte rendu sui-
vant : « M. de llougainville, n'ayant été averti que; tard (2)
du déharquemcnt des ennemis, commen(;a k se mettre en
mouvement avec envi" m 900 hommes (.'{) seulement, mar-
cha vers la n.tiison de Saint-Michel (pi'il trouva occupée.
Il la fit atta«juer par les volontaires d<^ Duprat, mais sans
succès, les ennemis y étant bien établis, et passa outre. Mais
ayant appris à une certaine distance de l'armée ennemie
que ia nôtre avait été battue, il se replia vers la Vieille !.o-
rette et envoya demander ti M. le marquis de Vaudreuil de
nouveaux ordres. »
De ces dill'érenles narrations il send)le possible de dé-
gager la vraisemblance des faits (V). Informé, probable-
ment entre 7 et 8 heures, de la gravité de ce qui se passait
du côté de Québec, Hougainvïlle employa deux heures A
réunir son monde et k francliir les 7 on 8 kilomètres (|ni
le séparaieni de Saint-Michel, gaspilla une demi-heure à la
tentative contre le post(! anglais et déboucha « sur le che-
min de Saint-Foy (5) k portée et en présence » de l'armée
anglaise alors que l'action se terminait et que l'interven-
tion de sa poignée (riiontmcs eut été plus dangereuse
qu'utile.
(Il .lournal dt* F.évis, |t. 210.
(2) KotiKaiiiviilc dit <|u'il ni; lui itvei'ii ipri^ 8 linurc». JournnI trnu j\ l'arn'.V.
(:i) Itdugaiiivillc avail plii.s ti*; S.OiXi hoiiuiiivs .sons st^s ordrt^.s, niais dans ce
total <>taitMil compris dv nondtnnix poslcs ijn'il m; pouvait do^arnii'.
(i) Voir i\ ct> sujet Kcraliain. « l.n ji'iinrssr de li.vgninviUe ».
(5) Monlroni! A Li'vis. .lacijucs Cartier, 15 septembre MVi. Collection I.é-
vis. D'après ce récit, llou^^ain ville ne serait arrivé qu'à midi ou t heure.
m CUNSKIL DK ('.(lËltUl:: DKCIDIi: L AKAMMIN \)K. QL'KIIKO. 3i:
Nous avons laissé les Anglais se retranchant dans leurs
lignes, Hougainville en retraite sur Loretle, le gros des
Français derrit>rc la rivière Suiut-Ciliarlcs; nous avons dé-
peint la démoralisation des chcls et relaté la détermination
de Vaudreuil de convotjuer un conseil de guerre. Il se tint
dans la redo;ite de la léte do pont et se termina j\ (î heures
du soir. Y assistèrent l'intendant Higot, le major général
Montreuil; Pontleroy, conmuindant du génie; hunuis, ins-
pecteur des troupes de la colonie; Poulhariès, lieut(mant-
colon(d du régiment de Uoyal Uoussillon; Alcpiier, lieute-
nant-colonel de IJéarn, et trois capitaines qui représv*ntuienl
pour les autres bataillons de France les colonels moi'ts ou
hlessés. Le gouverneur général consulta le conseil sur la
possibilité d'un retour oHensil" contre rennemi; cet avis,
soutenu par Vaudrtuiil etIJigot, lut, d'après le [»rocès-ver-
bal (1), « unanimement rejeté et par la faiblesse et par la
dispersion et par 1«î harassement des troupes. Se replier,
continue la pièce, a paru le seul parti militaire à prendre,
la position du camp de Heauport étant insoutenable, et pour
n'être séparé d'une armée victorieuse et supérieure en
force, tant par le nombre cpie par l'espèce^ et pour n'avoir
devant soi (ju'um! rivière guéable prcs(|ue partout à basse
nier et retranchée )\ 'a rive, sur la(|uelle rennemi pour-
rait se porter dès le soir. » Du moment que la présence
des Anglais sur la ligne de ravitaillement et de communi-
cation avec le reste de la colonie nécessitait l'abandon
de Québec, il ne restait d'auti'c solution (jue de se re-
tirer sur la rivière de Jacques Cartier où l'on retrouverait
avec le dépAt de vivres une nouvelle base d'opérations.
« Toutes ces raisons combinées ont déterminé a exécuter
dès le soir môme la retraite, <iuoi(iue forcé par la brièveté
du temps, par le man(pie de moyens et de ressources i\
\ï
(I) Conseil de guerre Itinii le i;t septembre I7.VJ. l'iùces aniiexî's au llécil
ùc la campagne par Vaudreuil.
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318
LA GUERRE DE SEPT ANS. - CHAP. VI.
faire quelque abandon. » Le procès-verbal fut signé de
tous les membres présents excepté Montreuil qui pour des
causes non expliquées refusa son adhésion. Le « quelque
abandon » dont parle la pièce se traduisit par l'enclouage
de toute l'artillerie des redoutes et batteries de la côte,
l'incendie des batteries flottantes, la destruction des mu-
nitions, la perte des tentes, des équipages 'et de vivres re-
présentant la nourriture de l'armée pour une période de
10 jours (1).
Au cours de l'après-midi, Vaudreuil avait consulté Mont-
calm, lont il connaissait l'état, surlesmesures à adopter. Le
général était resté à cheval malgré sa blessure; soutenu par
deux soldats, il avait pu gagner la maison du chirurgien
Arnoux où il apprit de la bouche du frère de celui-ci, mé-
decin lui-môme, qu'il n'avait plus que quelques heures à
vivre. Il reçut l'avis avec beaucoup de courage , se dé-
clara heureux de ne pas être témoin de la reddition de
Québec et ne voulut donner ni conseils ni ordres à Ha-
mezai, gouverneur de la ville, qui était venu en demander.
Cependant il aurait répondu à Vaudreuil, par l'inter-
médiaire de son aide de camp Marcel (2), qu'il y avait trois
partis ouverts : capituler pour toute la colonie, attaquer
à nouveau l'ennemi, battre en retraite sur Jacques Car-
tier. Le conseil de guerre terminé. Vaudreuil prit trois dé-
cisions graves : la première, la seule sensée, fut d'appeler
Lé vis au commandement des troupes; la seconde, conforme
d'ailleurs au vote du conseil, de mettre l'armée en marche
le soir môme à dix heures. La troisième avait trait au sort
de Québec : une lettre très brève (3), adressée au gouver-
neur de cette place, l'informait du départ de l'armée
(1) Bigot au Ministre. Montréal, 15 octobre 175".). Arcliives des Colonies.
Collection Moreau.
(2) Récit de la campagne par Vaudreuil. Montréal, 5 octobre 1759.
(3) Vaudreuil à Ramezai, 13 septembre 1759, à fi lieures du .soir. Copie
annexée au récit de Vaudreuil.
MOUÏ DU MOMCALM.
310
mo-
Copie
sans un détail quelconque, ni sur l'itinéraire qu'elle allait
suivre, ni sur les approvisionnements qu'elle laissait der-
rière elle. Au billet était joint « un mémoire (1) » de la
plus haute importance : « La position que Tennomi occupe
au-dessus de Québec, malgré les puissants efforts que
nous venons de faire pour l'eu déposter, devenant de mo-
ment en moment encore plus inaccessible par les retran-
chements qu'il y a faits, ce qui, joint à l'échec que nous
avons eu et au défaut des subsistances dont nous manquons
totalement, nous met dans l'absolue nécessité de faire
^ notre retraite, n'ayant point d'autre parti à prendre pour
nous maintenir dans la colonie, nous prévenons M. de Ra-
mezai qu'il ne doit pas attendre que l'ennemi l'emporte
d'assaut. Ainsi, sitôt qu'il manquera de vivres, il arborera
le drapeau blanc et enverra l'officier de sa garnison le plus
capable et le plus intelligent pour proposer la capitulation
conformément aux articles ci-après. »
(Iràce à une prévoyance qui surprend, le projet remis
au gouverneur de Québec avait été préparé par le gouver-
neur général et par Montcalm, dès la première apparition
des Anglais. Vaudreuil, qui tenait avant tout à dégager sa
responsabilité dans les malheurs de la journée, interrompit
1 -Ironie de son subordonné pour lui rappeler la part qu'il
:C ■, eue dans la rédaction de la pièce : « Je joins ici, Mon-
,,i' 0 , écrit-il au moribond (2), la lettre que j'écris d'après
cela ù M. de Ilaiiiezai avec l'instruction que je lui adresse
contenant les articles de la capitulation qu'il doit deman-
der à, l'ennemi. Vous verrez qu'ils sont les mêmes dont
j'étais convenu avec vous. Avez la bonté de lui faire tenir
le tout, après que vous l'aurez lu. Ménagez-vous, je vous
prie, ne pensez qu'à votre guérison. » A en croire les quel-
(1) 5'émoire pour servir d'inslruclioti à M. ilo Ilamcxai. Copie aniiext'-e un
récit de Vaudreuil.
(2) Vaudreuil à Montcalm, 13 seplcnibrc 1759, G iieures du soir. Archives
des Colonies. Collection Morcau.
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320
LA r.LElUlE DE SEPT ANS. — ClIAP. VI.
ques mots d'accusé de réception (1) de l'aide de camp da-
tés de di.v heures du soir, Montcalm, après avoir entendu
lecture des lettres, aurait tout approuvé. Le lendemain
IV septembre, eurent lieu (2), il quelques heures d'inler-
valle, le décès et les obsèques de l'infortuné général : « A
huit heures du soir, dans l'église des Ursulines fut enterré,
dans une fosse faite sous la chaire parle travail de la bombe,
M. le marquis de Montcalm décédé du matin à quatre heu-
res, après avoir reçu tous les sacrements. .Jamais générai
n'avait été plus aimé de la troupe et plus universellement
regretté. Il était d'un esj>rit supérieur, généreu.v, doux, af-
fable, familier à tout le monde, ce qui lui avait fait gagner
la confiance de toute la colonie, acquiesçât in pacc. » \
Il semble que la mort du héros qui, depuis plus de
trois ans, était l'Ame de la résistance, ait fait perdre la
tète à tous les survivants présents, car ils n'eurent d'au-
tre pensée que de se soustraire par la fuite à l'attaque
qu'ils croyaient imminente. D'ailleurs, sans exception, ils
étaient au-dessous de la tAche. Vaudreuil ne possédait ni
l'expérience militaire ni le talent que l'intensité de la crise
fait parfois jaillir, et encore moins le prestige pour en im-
poser à des esprits démoralisés. Montreuil, d'une médio-
crité reconnue, était incapable de prendre la direction;
Poulhariès et Alquier, bons commandants de bataillon, ne
pouvaient aspirer à un rôle plus important. Dans ces con-
ditions, la retraite conduite sans ordre et sans méthode de-
vint bientôt une débâcle (3) où chacun cherchait à devancer
son voisin, à courir au bout de l'étape pour \\^ jîas être coupé
par l'ennemi imaginaire que l'on voyait partout; les rangs
étaient mêlés, les corps confondus. Dans l'évacuation ni soin
(1) Marcel à Vaudreuil, 13 scpleinbre 1759, 10 heures du soir. Archives
des Colonies. Collection Morcau.
(2) Journal de Foligny.
(3) Journal de Johnslone. Ministère de la Guerre.
RËTIIAITE DE LARMEK JUSQU'A JACQUES-CARTIEU
39.1
ni souci de l'avenir; on se contenta do distribuer aux hom-
mes quatre jours de vivres, et ou abandonua le surplus dans
le camp. Du grand stock qui y avait été si péniblemeut
amasso, Bigot ne put faire passer à Québec, dont il connais-
sait le dépourvu, qu'une cinquantaine de quarts de farine.
Le reste fut pillé par les sauvages et par les habitants des
en'drons. Ni lui ni Vaudreuil n'avaient songé à avertir le
gouverneur Raniezai des richesses en munitions de guerre
et provisions de bouche (|u'il avait à ses portes, et pour le
transport desquelles il eût pu utiliser, tout au moins pen-
dant la nuit, les bateaux nombreux attachés au port de
Québec.
A neuf heures du soir, la tête de colonne s'ébranla. « Tout
le monde suivit la même route ; lerlésordre commença au
moment du départ, écrit le rédacteur des dernières pages
du Journal de Montcalm (1); les divisions et les équipages
se mêlèrent avec tant de confusion que 50 hommes au-
raient détruit tout le reste de notre armée. L(; soldai fran-
çais ne connaît plus de discipline et au lieu d'avoir formé
le Canadien, il en a pris tous les défauts..... La plus grande
partie des Canadiens de Québec profita du désordre et re-
gagna ses foyers, peu inquiète du maitre auquel elle ap-
partiendra désormais; et l'armée n'était plus, le iï au soir,
en arrivant à la Pointeaux Trembles, qu'un peloton confus
et njêlé des 5 bataillons et des Canadiens des trois gouver-
nements. » Le lendemain on poursuivit la marche jusqu'à
.lacques-Cartiei', à 12 lieues de Québec. Hougainville qui
avait repris le contact, couvrit la retraite en prenant posi-
tion le 14 à Saint-Augustin et le 15 à la Pointe aux Trem-
bles ; il avait conservé au Cap Ilouge et k Lorette de« avant-
postes que l'ennemi n'essaya pas d'insulter.
Par bonheur, le commandement allait être ressaisi par
des mains viriles : Lévis reçut le 15 septembre, à G heures
1
lu
(1) Journal de Montcalm, pa^es G15 ot 61G. Collection Lévis.
r.UEIinE DE SEPT ANS. — T. III.
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8)2
LA (lUERRE DE SEPT ANS. — CllAP. VI.
1
(lu matin, les dépêches de Vaudreuil lui annonçant la perte
de la bataille d'Abraham, la moit imminente de Montcalm,
la retraite sur Jacques-Cartier et le priant de se rendre
A Tarmée. Trois heures après il était en route, et quoique
attardé par les mauvais chemins, le 17 il rejoignit le gou-
verneur général. Durant, le trajet, il rencontra force fuyards
dont les propos et plus encore l'attitude lui apprirent l'éten-
due du désastre. Il adopta aussitôt des mesures énergiques
pour rétablir la discipline et fit comprendre k Vaudreuil
ravanta,::e, voire même la nécessité, d'un retour ofTensif
qui arrêterait la désertion et entraverait les opérations du
siège que les Anglais avaient sans doute commencé. Avant
tout, il fallait révoquer les instructions néfastes laissées au
gouverneur de Québec, ranimer l'esprit de la garnison et
faire entrer des provisions dans la ville. D'ailleurs Vau-
dreuil n'avait pas attendu la venue de Lévis pour essayer
de ravitailler la capitale, mais ce fut seulement après l'ar-
rivée de celui-ci qu'il intima l'ordre à Ramezai de ne pas
capituler et qu'il l'informa de la marche de l'armée pour
le secourir.
Passons maintenant du camp de Jacques-Cartier à la
place assiégée. La garnison de Québec se composait d'à peu
près 400 soldats des bataillons de terre ou de la marine,
d'environ 800 marins attachés au service des batteries et de
la milice urbaine, sorte de garde nationale sans autre ex-
périence de la guerre que celle du bombardement qu'elle
venait de subir. Au découragement produit par la défaite
et par la mort du général dans lequel on avait logé toute
sa confiance, s'ajoutait la pénurie de vivres qui menaçait
de se transformer en famine. En effet, depuis le 13 septem-
bre, la population à nourrir s'était accrue de près de /i-.OOO
réfugiés, pour la plupart femmes et enfants. En addition-
nant le civil au militaire il fallait compter 6.000 rationnaires
et pour faire face aux besoins de la consommation, on ne
possédait « que 15 à 16.000 livres de farine, pois, fèves ou
DKMORALISATION DE LA «lARNISON DE QUÉBEC.
323
riz, » La réduction de la ration îV un quarteron de pain,
rendue nécessaire par cette situation, avait soulevé des
protestations unanimes qui impressionnèrent au plus haut
degré le gouverneur Ramezai (1). Ce dernier était un vieil
officier des troupes coloniales; entré au service en 1720,
il s'était distingué dans les grades subr ternes et dans la
guerre des bois, mais ne possédait aucune des vertus du
haut commandement. Là où il aurait fallu un soldat résolu,
ayant de l'initiative, prêt à tout sacrifier pour remplir son
devoir jusqu'au bout, le sort de Québec, nous pourrions
dire du Canada, se trouva aux mains d'un militaire fatigué,
timide, effrayé de la responsabilité, esclave de la consi-
gne, incapable de se mettre au-dessus des criailleries de
son entourage, de fermer les yeux au spectacle de la dé-
tresse d'une population éprouvée par le bombardement et
la disette. Pour comble de malheur, ce faible était cou-
vert par les instructions de son supérieur.
Pendant les journées des IV et 15 septembre, les batte-
ries du front de terre ciierclièrent à entraver les travaux
de retranchement et d'approche des Anglais ; mais mal-
gré ce semblant de fermeté, l'émotion était grande dans
l'intérieur de la ville. « Les plaintes et les murmures contre
l'armée qui nous abandonna, écrit llamezai dans son mé-
moire (2), devinrent un cri public ; je ne pus dans un mo-
ment aussi critique empêcher les négociants, tous officiers
des milices de la ville, de s'assembler chez M. Daine, lieu-
tenant général de police et maire de la ville; là ils pri-
rent le parti de capituler et me présentèrent en consé-
quence ui.Q requête signée du dit sieur Daine el de tous
les principaux citoyens. » A la qualité des officiers répon-
dait celle des soldats, « tous artisans qui n'avaient jamais
(1) Ou Remezal, l'orthographe du nom varie.
(2) Mémoire de Ramezai. Archives des Colonies. Canada, 17G0. Le premier
extrait est reproduit dans Cassgrain. Monicalm et Léris, vol. II.
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32^1
LA GUERRK DE SEPT ANS. — CHAP. VF.
sorti (1), la plupart gens mariés et sur l'Age, exténués
d'ailleurs par le jeune rigoureux qu'on leur faisait obser-
ver depuis longtemps. » D'après Uamezai, l'élément mari-
time ne valait guère mieux; il comptait beaucoup de « ma-
telots plus occupés pendant le siège à piller les voûtes des
particuliers qu'à faire leur service. »
Sous l'influence des manifestations qui venaient de se
produire, sans confiance dans sa garnison, Ramezai eut
recours à la ressource habituelle des commandants en dé-
tresse et convoqua le 15 septembre un conseil de guerre.
Comme entrée en matière, il lui communiqua les dernières
lettres de Vaudreuil ainsi que le projet de capitulation; il
eut même soin d'ajouter, k titre de renseignement, que
cette pièce avait été rédigée de concert avec Montcalm, au
début de la campagne, pour le cas de la retraite de l'ar-
mée, et qu'une copie lui en avait été remise par le général
lui-même. Cette lecture faite, tous les membres du conseil,
à l'exception de Fiedmont, commandant de l'artillerie, se
prononcèrent pour un arrangement qui assurerait aux
habitants et aux troupes des conditions satisfaisantes.
Cependant Ramezai, il faut le reconnaître, ne voulut pas
se résigner à cette extrémité sans tenter un dernier effort
pour se procurer des vivres. Il commença par conclure
avec les Anglais une trêve (2) pour permettre le départ
pour la banlieue des femmes et enfants réfugiés dans la
ville ; il fit faire chez les tonneliers de Québec des perqui-
sitions qui ne rapportèrent que peu de chose, et ayant en-
fin eu connaissance des approvisionnements abandonnés
au camp de Reauport que l'ennemi n'avait pas encore oc-
cupé, y envoya un détachement dans la nuit du 15. Celui-
ci n'y trouva que les traces du pillage qui avait suivi l'éva-
cuation; mais, en revanche, il rencontra à la tête du pont
de Saint-Charles, M. de Rellecour avec une vingtaine de ca-
(1) Journal de Foligny.
(2) Knox. nistorical Journal, vol. H.
MISSION DE JOANNES.
325
valiers appartenant au corps de Bougainville. L'officier ra-
conta qu'il était chargé par le gouverneur général d'aver-
tir le commandant de Québec « que M. le chevalier de
Lévis, ayant gagné un combat aux Rapides, était de retour
à Jacques-Cartier ou à la Pointe aux Trembles, et que l'ar-
mée était rassemblée... pour tomber sur les ennemis et
pour dégager la ville. »
Sur ce rapport et à la réception d'un courrier (1) de
Vaudreuil promettant le prompt envoi de secours en vi-
vres, Ramezai lui expédia .loannès, capitaine de Langue-
doc, qui faisait fonction de major de place, pour lui faire
part de la situation critique et pour demander des ordres,
.loannès interrogea d'abord Bellecour qui fut beaucoup
moins affirmatif que la veille, puis continua sa route sur
la Pointe aux Trembles où il croyait trouver le quartier
général. En cours de route au village de Lorette, il apprit
que l'armée avait reculé jusqu'à Jacques Cartier, et ta-
lonné par les instructions du commandant qui lui avait
enjoint de rentrer à Québec avant la nuit, il ne poursuivit
pas sa course et se borna à écrire (2) de Loretle à Vau-
dreuil. Après le récit de ce qui s'était passé au conseil de
guerre et des propos de Bellecour, il termine son exposé
par un appel des plus pressants : « Je ne vous cacherai pas
que si nous ne recevons pas de vos nouvelles d'ici k 10 heu-
res du matin demain, je crois que les propositions se fe-
ront; je ne sais môme si l'on pourra attendre jusqu'à ce
temps et si, malgré ce que j'ai l'honneur de vous dire,
M. de Ramezai ne passera pas en avant pour faire des pro-
positions. Je ferai ce que je pourrai pour engager tout le
monde d'attendre une réponse qui puisse faire savoir vos
intentions et les remèdes que vous pouvez trouver à la fa-
i
V
'h ^
II
■1,
I
(1) Le mémoire de Ramezai fait menlioii de cette lettre qui a du lui par-
venir au plus lût le IG septembre au malin.
(2) Joannès à Vaudreuil, Lorette, 16 septembre à midi. Arctiives des Colo-
nies. Collection Moreau.
èl
3'.ff.
LA GUEIIRK DE SEPT ANS. — CMAP. M
It
1 'I
mine qui nous menace. Nous avons mis la ration à un quar-
teron de pain. Jugez do la bonne disposition des combat-
tants; tout est porté de la plus mauvaise volonté; l'on a
beau cncouraficr et leur faire voir des lueurs d'espérance,
tous demandent à capituler. M. Daine a remis au conseil
de guerre un mémoire en forme de requête du peuple, des
notables et miliciens, pour engager M. de Ramezai A ne
pas les exposer et à la famine et à l'escalade dont cette ville
est très susceptible. M. de Pontleroy connaît son état; les
travaux des ennemis avancent et ils sont établis sur la
butte à Neveu où ils ont une redoute et une batterie com-
mencée. Je ne finirais pas si je voulaij vous marquer tous
les traits du peu de volonté qui règne Soyez persuadé
de la douleur de tous les officiers des troupes, d'être
obligés de se rendre sans qu'on ait tiré un coup de canon
sur la place. Il ne peut y avoir que l'extrême disette qui
ait pu les obliger à un parti qui serait déshonorant sans
cela. »
Ce même 16 septembre, soit à la réception de la lettre
de Joannès, soit de son initiative personnelle, Vaudreuil (1)
prévint Bougainville, qui était à la Pointe aux Trembles,
d'avoir à escorter avec sa cavalerie un convoi de charrettes
qu'on réunissait à Saint-Augustin pour porter 00 quarts de
farine en ville. A cotte invitation Bougainville répondit eu
proposant de confier le ravitaillement à La Roche-Beau-
cour, qui avec son escadron était à Charlebourg. « J'ap-
prouve fort, lui écrit Vaudreuil f2), le projet que vous avez
d'aller au camp avec 7 à 800 hommes pour protéger le
passage à Québec du biscuit qui esta Charlebourg, dont la
cavalerie se chargera. » La Roche-Beaucour, devançant les
ordres de ses supérieurs (3), avait envoyé son lieutenant
(1) Vaudreuil h Kougainville, 16 septembre. Papiers de famille.
(2) Vaudreuil à Bougainville, 17 septembre. Papiers de fauiille.
(3) La Rochc-Beaucour à Bougainville, 17 .«septembre, 1 heui'^ après midi.
Papiers de famille.
TENTATIVES POUH RAVITAILLEII QUÉUEC
«27
Bellecour « dire à M. de Itamczai que sûrement je lui por-
terais ce soir 100 quintaux de biscuit. » Un billet de IJer-
netz(l), commandant en second de Québec, iVHougainville,
confirme la visite de Bellecour et donne des détails navrants
sur le moral de la garnison : « Votre arrivée ne |)eut être
trop prompte et c'est avec la plus vive douleur que je vous
appi'ends que tous les miliciens sont sans courage et sans
volonté; la plupart ont Jeté leurs armes; les batteries sont
presque sans servants; une désertion affreuse, plus de vi-
vres à peine pour quatre jours, le peuple, les enfants crient
famine... Opérez au plus t(H un remède, sans quoi. M. de
Hamezai ne veut pas se laisser emporter d'assaut et sacri-
fier le peuple. Les travaux do l'ennemi sont sous la place et
une batterie à la face de la courtine entre la porte Saint-
Jean et Saint-Louis... Envoyez-nous un ingénieur et le plus
prompt secours. Point un moment à perdre. La batterie que
fait l'ennemi ne peut être battue par notre canon faute
d'embrasures et le fusil n'y peut rien.... J'ai envoyé M. de
Bellecour exhorter et vcrtuser {sic) la batterie. »
A l'heure à laquelle Bernetz traçait ces lignes désespé-
rées Québec était perdu pour la France. Ni la mission de
Bellecour, ni l'entrée promise pour le soir même de La Ro-
che-Beaucour avec le premier convoi des provisions an-
noncées, n'eurent d'influence sur l'esprit timoré du gou-
verneur; il avait attendu deux jours des secours qui
n'étaient pas venus, il n'attendrait pas une heure de plus,
et le 17 septembre de triste mémoire, à 3 heures de l'a-
près-midi, il dépécha 2) Joannès auprès du général an-
glais avec le projet de capitulation qu'il avait re(,;u quatre
jours auparavant du gouverneur général. Au dire du
major, il aurait personnellement protesté contre l'idée de
(1) Bernetz à Bougitiiiville, Québec, 17 septembre. Papiers de famiUe.
(2) Rainezaià Vaudrcuil. Québec, 18 septembre. Archives des Colonies. Col-
lection Moreau.
i
' .'1
im
i <
t
m
328
LA (lUKUUK DE SKPT ANS. — CHAI», VI.
1.
traiter et aurait chcrclic, sans succès, i\ inspirer à Uame^ai
'ine conduite plus virile.
De la part ùes Anfrlais railaire se conclut vite : Townshend ,
trop hcuivux de sortir d'une situation (jui, malgré la vic-
toire d'Abraham, ne laissait pas d'ôtre épineuse, accepta
tout le texte qu'on lui soumettait, à l'exception de l'ar-
•icle 1" qui stipulait le renvoi de la garnison à l'armée; il
ne voulut consentir qu'au retour en France. Joannès qui
ne demandait (ju'à gagner du temps, objecta qu'il n'avait
pas de pouvoir pour introduire des modifications à la
rédaction, à quoi Townshend répliqua qu'il lui était facile
de consulter sou chef et d'être rentré au camp h 11 heures
du soir, « sans quoi il n'y aurait rien de fait ».
Kamezai acquiesça d'autant plus volontiers aux exigences
anglaises qu'il était fort éinu d'un incident qui venait de se
produire. Sur l'approche de ([uehpies berges du côté de la
basse ville et sur l'apparition d'un détachement anglais
venu pour débroussailler (1) le voisinage de l'enceinte, ou
crut à une attaque par mer et par terre et on battit la géné-
rale? En arrivant sur la place, le commandant fut avisé que
les miliciens refusaient de se battre. « Au même instant, re-
late-t-il (2), les officiers de milice vinrent me trouver et me
déclarèrent qu'ils n'étaient point d'humeur à soutenir un
assaut, qu'ils savaient même que j'avais des ordres con-
traires et qu'ils allaient rapporter leurs armes aux maga-
sins afin que l'ennemi qui allait entreries trouvant sans
armes ne les passât pas au fil de l'épée, que dans ce mo-
ment-ci ils ne se regardaient plus comme soldats mais
comme bourgeois, que si l'armée ne les avait pas aban-
donnés, ils auraient continué à donner les témoignages de
(1) Knox. Ifisloiical Journal, vol. II, |>. 83, etc.
(2) Mémoire de Ramezai. Anhives des Colonies. Canada, 1760. Cet inci-
dent que Kamezai, daccoid avec d'autres récits, fixe à 6 heures du soir, fut
postérieur au premier envoi de Joannè.s qui eut lieu entre 2 et 4 heures.
LA MII.ICK DE QrklIEC HKFUSE DE SE ItATTUE.
.S'il)
zèle (|u'ils s\Hftiot)t fait un devoir de montrer |)endant tout
le siège, mais que, ne voyant plus aucune ressource, ils ne
se croyaient point obligés à se faire massacrer en vain,
puisque le sacrifice qu'ils feraient de leur vie ne retar-
derait i)as d'une heures la prise de la ville )>. Kamezai no
dit pas ce qu'il répondit iV ce langage mutin, mais après
avoir consulté son second, Uornctz, (jui, à en juger par sa
correspondance, était aussi démoralisé que son chef, il
renvoya .loannès à 10 luMU'es et demie, avec plein pou-
voir [)our signer. Ce dernier fut retenu au camp des as-
siégeants, y passa la nuit et môme la journée du lendemain.
Pendant cette même nuit, La Koclie-Hoaucour, lidèle A
sa promesse, entra sans encombre dans Un /bec avec ses
100 cavaliers portant leurs 100 s.acs de bisi tiit. « Mon cher
camarade, maude-t-il (1) à Bougainville, je suis arrivé à la
ville dans le t(Mnps cjue M, de Joannès faisait signer les ar-
ticles de la capitulation. Quelques espérances (|ue M. de
llamezai m'a données m'ont fait laisser mon biscuit, mais
je vois bien par les mouvements de l'ennemi que tout est
l'ait. » Quoique ce billet ne soit pas daté, il est évident qu'il
fut écrit dans la matinée du 18.
Entre temps, soit au cours de la nuit ou de grand ma-
lin le 18, le gouverneur recevait une dépèche de Vaudreuil
de la veille, annonçant des secours, le retour offensif de
l'armée et lui enjoignant de tenir le plus longtemps pos-
sible. Kamezai lui répond ( 2) aussitôt ; il fait le récit du
conseil de guerre, de l'insubordination des milices, de la
mission auprès de Townshend, de l'échange d'otages avec
les Anglais. « 11 est à présent 10 heures (du matin); M. ùe
Joannès est encore au camp britannicjue; je désire de tout
mon cœur qu'il y ait matière à nouvelle difficulté; j'arrè-
I <
(1) La Roclie-Reaucourt à Bougainville S.-D. Papiers de famille.
('?.) Rainezai à Vaudreuil, 18 septembre 1T59. Archives des Colonies. Col-
lection Moreau.
N^ V\
330
LA GUKURE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
tcrai tout. C'est un malheur que M. de La Roche-Bcau-
cour 10 soit point arrivé plus tôt; je n'aurais sûrement
point été de l'avant. » Pour justifier sa conduite, il invoque
le voisinage de i ennemi campé à la Butte à Neveu, les l)at-
teries que celui-ci avait « formées, une à la cùte où était la
boulangerie », tandis qu'il n'a à lui opposer « qu'une bat-
terie d'aucune utilité », la porte Saint-Jean sans défense,
une ville dont l'enceinte n'est pas à l'abri d'up coup de
main en dillerents endroits où il n'y a que des palissades.
Enfin, comme dernier argument, il parle de « 8 gros vais-
seaux ([ui venaient de s'embosser à la rade » .
Le soir du 18 septembre, nouveau billet de Rame-
zai (1). .loannès est rentré à 7 heures du soir « avec les
réponses parlementaires conformes aux demandes que
vous m'aviez remises avec votre dernier ordre. Sur les let-
tres que j'ai reçues ce matin j'aurais fort désiré qu'il y eût
trouvé moyen de ne pas conclure ; mais il l'a fait et il a
fallu y souscrire, la chose était trop avancée pour pouvoir
en revenir. D'ailleurs pouvais-je différer? Vous en pouvez
juger par l'état des munitions de bouche qui me restaient. »
Suit une liste, à la vérité très réduite, des approvisionne-
ments. L'écrivain termine en explicjuant la modification
apportée à l'article 1 " du projet de capitulation, en pro-
testant de son zèle et de son activité et en offrant, si un
gros rhume dont il est incommodé ne met obstacle à son
départ, de se charger des lettres du gouverneur général
pour le ministre « dans lesquelles je vous prie de ne point
m'oublier. »
Daubespy, porteur de cette dépêche, trouv.i l'armée
française en pleine marche sur Loretle ; elle avait couché
la nuit (lu 18 à la Pointe aux Trembles. Le 19, le corps de
Bougainville (jui faisait avant-garde avait été dirigé sur U
rivière Saint-Charles. Sur l'avis de la signature de la cap'-
(1) Ramezr.i à Vauditniil, 18 .septembre 17.VJ. (Seconde lellre.)
<"!
LÉVIS MAKCllË AU SECOURS DE QUÉBEC.
331
tiilation, il rebroussa chemin. Lévis qui avait pris les de-
vants, apprit à son tour la reddition de Québec; il fit aus-
sitôt camper le corps principal à Saint-Augustin, et la
division de Hougainville au pont supérieur de la rivière du
Cap Rouge. Ces positions ne furent conservées que peu de
temps; l'armée, après un séjour de deux jours à la Pointe
aux Trembles, se concentra à Jacques-Cartier pour tra-
vailler à la construction d'un fort destiné à barrer l'accès
du pays qui restait encore au pouvoir de la France.
<* Le 17 à midi, deux ou trois jours avant qu'une seule
de nos batteries fut en état de tirer, nous avons reçu du
gouverneur des propositions de capitulation. » Tels sont
les termes dans lesquels l'ofticier du génie anglais, Mante,
rend compte de la chute de Québec. Kn effet, quoique les
travaux d'approche eussent été poussés avec vigueur^ l'ar-
mée anglaise, au moment de la mission de Joannès, était
loin d'avoir achevé ses l)atteries et ne songeait nullement
;\ livrer cet assaut dont la crainte avait décidé la capitula-
tion. Néanmoins, dans le camp britannique, on ne pré-
voyait pas une longue résistance; l'arrivée d'un parle-
mentaire !e 10 septembre fit môme croire à l'ouverture
des pourparlers, mais il ne s'agissait i|ue de l'autorisation
de faire sortir de Québec les femmes et les enfants qui s'y
étaient réfugiés. L'assiégeant profita de l'armistice pour
s'occuper de ses tranchées et de ses ouvrages, dont les
travaux étaient entravés par le feu très soutenu de l'en-
ceinte, auquel on ne pouvait répondre. Kn dépit de la dif-
ficulté (1) des transports, le 17 au matin, on avait amené
sur le plateau, pour les opéralions du siège, 17 canons de
gros calibre, sans coinptei' bon nond)re de pièces et de
mortiers d'un type plus faible. Des fortilications de cam-
pagne mettaient le camp à l'abri; une première batterie,
-m-'
II
(I) Hiipporl de l'amiral Holmes, à bord du Loircstofl, 18 seplembre 175».
Newcaslle Papers. 32895.
332
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
projetée près de la redoute la plus avancée, devait être
commencée dans l'après-midi; enfin, l'amiral Saunders
promettait d'attaquer avec ses vaisseaux. Mais tout était
encore à l'état de préparatifs;. seul le débarquement à la
ville basse était peut-être d'une réalisation plus immi-
nente, mais la possession de ce quartier, déjà ruiné par le
bombardement, n'entraînait pas celle de la haute ville,
complètement isolée grâce aux retranchements élevés pen-
dant le siège. De l'aveu même des Anglais, il eût été par-
faitement possible de prolonger la résistance de deux ou
trois jours et de gagner ainsi les quelques heures néces-
saires pour l'arrivée de l'armée que ramenaient Lévis et
Bougain ville. Le général britannique fut d'ailleur's le pre-
mier h reconnaître le peu d'efforts que lui avait coûté la
prise de Québec et à admettre implicitement que la dé-
fense eût pu être plus énergique. C'est ainsi que, dans un
rapport (1) à son gouvernement, pour justifier la libéra-
lité des conditions accordées aux assiégés, Townshend in-
voque « la présence de lenncnii qui se rassemblait sur
ses derrières, et ce qui est bien plus inquiétant, la saison
très pluvieuse et très froide qui aurait pu être une cause
de maladie pour les troupes et d'accident pour la flotte
l'avantage d'entrer dans la ville, alors que l'enceinte est
en état de défense, et la commodité d'y installer une gar-
nison assez forte pour empêcher une surprise. » Dans un
ordre du jour (2) adressé à ses soldats à l'effet d'interdire
le pillage d'une place appartenant désormais à S. M. Bri-
tannique, le chef anglais insiste sur la facilité de la con-
quête de Québec, « dont la prompte soumission, sans qu'il
ait été tiré un coup de canon, a évité aux troupes beaucoup
de fatigue et peut-être de maladie. » Quelle honte durent
éprouver Ramezai et ses officiers en lisant ces apprécia-
tions peu flatteuses !
• (1) Townshend à Pitt, Québec, 2(i septembre 1769. Newcastle Papers.
(2) Ordre du jour cité par Knox, vol. Il, p. 84.
CAPITULATION DE QUÉBEC.
333
rar-
Les Anglais ne perdirent pas de temps pour occuper
Québec; dés le soir du jour où avait été signée la capi-
tulation, le 18 septembre, le général Townshend entra à la
tête d'un détachement de grenadiers et d'artilleurs dans
la haute ville, tandis que des compagnies de débarque-
ment de la flotte s'installaient dans la basse ville.
La garnison française déposa les armes. D'après l'état
officiel (1), elle se composait de 25 officiers, 3i2 soldats
appartenant aux bataillons de ligne, a la colonie et à l'ar-
tillerie, de 550 marins et de 9'i.2 miliciens de la ville et de
la banlieue. Les réguliers et les marins furent embarqués
pour la France, les Canadiens renvoyés dans leurs foyers.
Presque à la même heure, se présentaient près du Pa-
lais de l'Intendance deux convois de vivres, l'un chargé
sur des charrettes, l'autre sur des bateaux. On n'eut que le
temps de les faire rétrograder pour éviter qu'ils ne tom-
bassent aux mains des Anglais. La cité était dans un triste
état : « La destruction dépasse l'imagination, écrit Knox (2).
Les maisons restées debout sont plus ou moins percées
par nos boulets; quant à la ville basse, elle est tellement
minée qu'il est presque impossible de circuler dans les
rues. La partie qui a le moins souffert est celle des rues qui
conduisent aux portes Saint-Louis, Saint-Jean et du Pa-
lai . » Les édifices religieux, fort nombreux à Québec, n'a-
vaient pns été épargnés : « L'église cathédrale a été entiè-
rement consumée, lit-on dans un appel (3) fait à la charité
française. Dans le séminaire il ne reste de logeable que la
cuisine où se retire le curé de Québec avec son vicaire...
L'église de la basse ville est entièrement détruite, celles des
RécoJcts, des Jésuites et du séminaire sont hors d'état de
service sans de très grosses réparations; il n'y a que celle
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(1) Newcaslle Pajters.
(2) Know. Hisiorical Journal, vol. II, \t. 94.
(3) M*" de Pontbriand. DescripUon iinpart'ailo de la misère du Canada.
Montréal, 5 novembre 1759, Archives des Colonies.
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33 i
LA (lUEURE DE SEPT ANS. — ClIAP. VI,
des Ui'sulines où l'on peut faire l'office avec une certaine
décence. » La ruine de tant d'immeubles rendait diffi-
cile le logement des soldats anglais : « Ils se sont em-
parés des maisons de la ville les moins endommagées ; ils
chassent même tous les jours de chez eux les bourgeois
qui, à force d'argent, ont fait raccommoder cpielques ap-
partements, ou les y mettent si à l'étroit que presque tous
sont obligés d'abandonner cette ville malheureuse.... Les
particuliers de la ville sont sans bois pour leur hiverne-
ment, sans pain, sans farine, sans viande, et ne vivent que
du peu de biscuit et de lard que le soldat anglais leur
vend de sa ration. »
Aux environs de Québec les paysans n'étaient pas mieux
partagés. Peu de jours après l'occupation de la place ,
Knox enregistre le retour d'un détachement de réguliers et
de rangers envoyés en expédition au bas du fleuve : « Ils
ont pris beaucoup de bestiaux et de moutons, ramassé
une quantité énorme d'objets pillés, ustensiles de ménage,
livres et vêtements; ils ont brûlé 1.100 maisons et détruit
plusieurs centaines d'acres de blé ainsi que quelques pê-
cheries. » Dans son mandement l'évoque de Québec signale
la détresse due aux ravages des Anglais ; « Toute la côte de
Beaupré et l'ile d'Orléans ont été détruites avant la fin du
siège ; les granges , les maisons des habitants, les presby-
tères ont été incendiés, les bestiaux qui restaient enlevés,
ceux qui avaient été transportés au-dessus de Québec ont
presque tous été pris pour la subsistance de notre armée,
de sorte que le pauvre habitant qui retourne sur sa terre
avec sa femme et ses enfants, sera obligé de se cabancr à
la façon des sauvages; leur récolte, qu'ils n'ont pu faire
qu'en en donnant la moitié, sera exposée aux injures de
l'air ainsi que leurs animaux. Les caches qu'on avait faites
dans les bois ont été découvertes par l'ennemi , et par là
l'habitant est sans bardes, sans meubles, sans charrues
et sans outils pour travailler la terre et couper le bois.
ÉTAT DE DÉVASTATION DE LA VILLE ET DE LA PROVLNCE, 335
Les églises au nombre de 10 ont été. conservées, mais les
fenêtres, les portes, les autels, les statues, les tabernacles,
ont été brisés De l'autre côté de la rivière au sud,
il y a environ 36 lieues de pays établi qui ont été à peu
près également ravagées, et qui constituaient 19 parois-
ses dont le plus grand nombre a été détruit. » Ce simple
exposé emprunté au journal du capitaine anglais et au
mandement de l'évêque canadien suffit amplement à prou-
ver qu'en fait de cruautés exercées sur la population civile,
le général Wolfe s'était montré le digne émule du gouver-
neur général Vaudreuil, quand il lançait ses bandes de
sauvages sur les frontières des colonies anglaises.
A partir de la prise de Québec, les généraux qui suc-
cédèrent à Wolfe dans le commandement et les soldats
anglais à leur exemple se conduisirent d'une façon hu-
maine à l'égard des malheureux habitants. D'autre part,
ces derniers, abreuvés de misère, s'empressèrent de rendre
leurs armes et de jurer fidélité provisoire au nouveau
gouvernement qui leur en sut gré ; ils furent encouragés
et au besoin aidés par les troupiers britanniques à ren-
trer ce qui restait de leurs récoltes.
Par une sorte d'accord tacite entre les armées il fut en-
tendu qu'il n'y aurait aucun événement de guerre dans la
région de Québec pendant l'automne. Le 18 octobre, la
flotte de l'amiral Saunders qui avait prolongé jusqu'u, cette
date son séjour dans les eaux du Saint-Laurent, leva l'ancre,
emportant à son bord, avec les généraux Monckton et
Townshend, une fraction du corps expé litionnaire. Après
quelques hésitations, on s'était décidé à laisser une forte
garnison à Québec; elle était commandée parle brigadier
Murray et se composait, à l'exception des provinciaux et
des grenadiers de Louisbourg, de tous les régiments qui
avaient pris part à la campagne ; son effectif atteignait le
chiffre de 7.313 de tous rangs. De leur côté, les Français
travaillaient activement au fort de Jacques-Cartier. Ce
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33G
LA GUERRK DE SEPT ANS. — CIIAP. M.
S'
poste et celui de la Pointe aux Trembles, furent munis
de garnisons do 000 hommes de troupes de terre et de
marine, aux ordres de Dumas et de IVepcntigny. Les Cana-
diens avaient déjà été liceneiés, et les débris des batail-
lons régiiliors furent cantonnés comme d'habitude chez
l'habitant.
Dans les parages du lac Champlain, depuis la retraite
de Bourlamaque à l'Ile aux Noix, jusqu'au commencement
d'octobre, la tranquillité ne fut troublée que par le raid
du partisan Rogers qui alla brûler le village de Saint-
François, habité par les Abenakis, sauvages domiciliés
et alliés de la France. Le but de l'expédition était de tirer
vengeance des nombreuses incursions fuites sur territoire
anclais, des non moins nombreuses chevelures levé jS aux
colons de la nou /elle Angleterre, et en dernierlieu, de la
capture dofficiers porteurs de dépôclies pour Wolfe. que
ces Indiens avaient arrêtés et conduits au quartier géné-
ral de Vaudreuil. Rogers, avec un détachement de 200 à
250 de ses rangers, partit de Saint-Frédéric vers le milieu
de septembre, traversa le lac, abandonna à la baie de Mis-
siscoui ses bateaux qui furent découverts par les éclaireurt
de Bourlamaque, et marcha droit sur la rivière Saint-Fran-
çois, affluent du Saint-Laurent, sur les bords de laquelle
était située la bourgade indienne. Déguisé en sauvage, le
partisan alla en personne reconnaître le village, trouva
tout le monde en fête, revint à son bivouac sain et sauf et
attaqua les Abenakis au point du jour. La surprise fut
complète et le massacre général (1). Quoique Rogers s'en
soit défendu, il est probable que des femmes et des enfants
furent parmi les victimes. Les rangers qui se savaient tra-
qués et à qui la retraite sur le lac Champlain était fermée,
(1) Rogers parle de 200 hommes tués et de 20 femmes et enfants prison-
niers. Mk' de Pontbriand dit ;{0 Indiens tués sur lesquels 20 femmes et en-
fants. Voir Parkman, vol. II, p. 2r)3 et suivantes. Casgrain, vol. II, p. 302 et
suivantes.
1
LES ANGLAIS MAITRES DU LAC CHAMPLAIN.
337
résolurent de rentrer par la rivière Connecticut; à bout de
provisions et rédu'ts à vivre de leur chasse, ils se divisè-
rent en petits pelotons dont quelques-uns tombèrent aux
mains des sauvages et d'autres moururent de faim ou de fa-
ligue. Rogers et les plus solides de la bande gagnèrent un
endroit où un renfort en hommes et en vivres devait les
attendre. Ils ne rencontrèrent ni les uns ni les autres; le
détachement ami était bien venu au rendez-vous, mais
après un séjour de deux jours, était reparti sans laisser la
moindre victuaille. A force d'énergie, Hogers parvint avec
un seul officier au premier poste anglais d'où il envoya au
secours de ses compagnons. Parmi les captifs faits aux
rangers, 10, ramenés à Saint- François, furent livrés aux
femmes indiennes qui leur firent expier dans les supplices
leur hardi mais sanglant exploit.
Depuis son arrivée à Saint-Frédéric, Amherst chez lequel
la hardiesse n'était pas la qualité dominante, s'était em-
ployé à rebâtir sur une plus grande échelle les forts fran-
0 is du Champlain, et à construire la flottille qui devait lui
a urer la suprématie sur les eaux du lac. Bourlamaque,
retiré à l'Ile aux Noix, dans la rivière de Richelieu, ou So-
rel, à 3 kilomètres de sa sortie du Champlain, avait profité
du répit pour achever les ouvrages de campagne et pour
commencer le fort d'hiver. Rassuré par l'inaction des An-
glais, il avait même congédié pour la moisson une partie
de ses Canadiens. A la surprise générale et malgré la saison
avancée, Amherst embarqua son armée et fît voile le
11 octobre de Crown Point ou Saint-Frédéric. I.es berges
qui portaient le corps expéditionnaire fort de 10 à 11.000
hommes, étaient escortées par les bâtiments récemment
lancés, un brigantin armé de 20 canons, un scnau et plu-
sieurs chaloupes munies d'artillerie. L'escadrille française,
sous les ordres de M. de Loubara, officier de la marine
royale, était inférieure tant en nombre qu'en puissance
des unités; elle se composait d'une goélette et de 3 che-
CUEIIRE DE SEPT ANS. — T. III.
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838
LA GUERRE DE SE1»T ANS. - CIIAP. VI.
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becs; la goélette fit route pour la baie de .Missiscoui; les
chebccs s'emparèrent d'abord d'une embarcation remplie
de soldats, puis attaqués par le brigantin et le senau an-
glais, se réfugièrent dans une anse où de LoubLra coula ses
trois navires et gagna Montréal avec ses équipages. L'o-
pération fut si imparfaitement accomplie que les Anglais
purent remettre à flot l'un des bâtiments dès le lendemain
et un autre dans le courant de l'automne; seule la goélette
française réussit à descendre la rivière de Sorel. La con-
duite de Loubara fut jugée sévèrement. « La perte desche-
becs est une énigme pour moi, écrit Bourlamaque (1). Cet
homme, aussi malheureu.v je crois qu'il est ignorant, a
coulé ses bâtiments sans essayer sa marche, sans avoir es-
suyé un coup de canon, et sans avoir cheiché à profiter de
l'obscurité pour se sauver. Il s'est rendu à Montréal et sans
doute il a des raisons, puisque M. de Vaudreuil me mande
qu'il n'a pas pu faire autrement. Je ne lui donnerais pas,
je crois, le commandement de la galiote de Saint-Cloud. »
Entravé par les vents contraires et le mauvais temps, Am-
herst fut obligé de renoncer à son entreprise et vint réin-
tégrer son camp de Saint-Frédéric d'où il ne bougea plus.
Vers le milieu de novembre, les deux armées prirent leurs
quartiers d'iiiver, laissant des garnisons dans leurs postes
avancés respectifs et la flottille anglaise maîtresse du lac
Champlain.
La campagne était terminée et dans pou de jours les gla-
ces interrompraient toute communication avec la France ;
heureusement le départ de la flotte anglaise permettait de
risquer l'envoi de dépèches à la cour; pour les porter,
Vaudreuil et Lévis firent choix de l'officier colonial Le
Mercier; ils lui confièrent tout un paquet de rapports. Dans
une des pièces adressées au maréchal de Bellcisle, Lévis
(1) Bourlamaque ù Lévis. Ile aux Noix, 25 octobre 173<J. Lctties de Bour-
lamaque. Colleclion Lévis.
DKPKCIIES I)K LÉVIS ET VAUDREUIL POUR LA COUR.
339
faisait en termes sol)ro3 et précis l'historique des événe-
ments depuis la mort de Montcalm et un court exposé de
la situation et des l)esoius de la colonie. « Il faut conve-
nir, écrit-il (1), que nous avons été Inen malheureux. Au
moment où nous devions espérer de voir finir la campa-
gne avec gloire, tout a tourné contre nous. Une bataille
perdue, une retraite aussi précipitée que honteuse, nous
ont réduits au point où nous en sommes. On impute à
M. de Montcalm d'avoir trop divisé l'armée, et d'avoir at-
taqué trop tôt les ennemis sans avoir rassemblé toutes les
forces qu'il aurait pu avoir. Je dois à sa mémoire, pour
assurer la droiture de ses intentions, de dire qu'il a cru
ne pouvoir faire mieux; mais malheureusement les géné-
raux ont toujours tort quand ils sont battus. Je ferai cer-
tainemeut tous mes efforts, conjointement avec M. de Vau-
dreuil, pour soutenir cet hiver le reste de cette malheureuse
colonie et attendre les secours qu'il plaira à Sa Majesté de
nous envoyer dans les premiers jours du mois de mai....
A l'égard de nos frontières, elles consisteront cet hiver,
au poste de Jacques Cartier, où il y aura mille hommes
dans le fort ou aux environs, pour observer la garnison de
Québec, à l'Ile aux Noix, Saint-Jean ou Chambly le même
nombre, et au fort qui est à la tète des Rapides 500 hom-
mes. Nous conserverons trois frégates, pour qu'au prin-
temps nous puissions garder le courant du Richelieu , pour
empêcher que les ennemis ne remontent le fleuve avec
leurs berges et d'autres biUimcnts jusqu'aux Trois Rivières
et même jusqu'à Montréal... Si le Pioi veut soutenir cette
colonie, elle n'est pas encore sans ressources, et s'il lui
plait d'envoyer au mois de mai une escadre qui devance
celle d'Angleterre et qui nous rende maîtres du fleuve avec
six mille hommes de troupes de débarquement et quatre
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(1) Lévis à Belleisie, 1" novembre 1759. Collection de Lévis.
840
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VF.
'/i.
mille hommes de recrues pour les bataillons et les troupes
de la Marine qui sont ici. Il faudrait aussi un train de grosse
artillerie avec des munitions tic toutes espèces comme du
fer, de l'acier, des outils de toutes sortes et 10.000 fusils,
la prise de Québec nous ayant dépourvus de toutes choses.
I.es troupes de débarquement que le Roi enverrait pour
prendre Québec pourraient s'en retourner en France avec
l'escadre. Nos forces seront peu considérables au prin-
temps. Les 8 bataillons ne feront pas plus de 2.400 com-
battants, et les troupes de la Marine 11 à 1.200; et s'il ne
nous arrive pas des secours, nous ne pouvons compter que
sur les habitants des gouvernements des Trois Rivières et
de Montréal, et encore auronc-nous de la peine à les ras-
sembler. A l'égard des sauvages, nous en aurons 1,000 ou
1.200, supposé qu'il nous arrive une escadre; car, sans
cela, nous serons fort heureux s'ils ne sont pas contre nous.
Si le Roi ne juge pas devoir nous donner du secours, je
dois vous prévenir qu'il ne faut plus compter sur nous à la
lin du mois de mai. Nous serons obligés de nous rendre par
misère; manquant de tout, il nous restera du courage sans
aucune ressource pour le mettre en usage. »
Lévis écrivit dans le même sens à Rerryer, ministre de
la marine, au duc de Choiseul et à M. de Crémille. Quant
h Vaudreuil, il employa ses loisirs, après son retour de
l'armée, à rédiger un récit des événements où il s'attribue
le mérite d'une prévoyance et d'une sagacité à toute
épreuve et où il rejette sur xMontcalm la responsabilité de
tous les désastres de la campagne, (oublieux des égards
dus à la mémoire du glorieux défunt, il lui impute (l)les
intrigues les plus mesquines contre son autorité et le désir
à peine déguisé de le remplacer dans ses fonctions de gou-
verneur général. Peut-être espéra-t-il découvrir dans les
(1) Voir dans Parkman, vol. II, p. 318, l'analyse île la dépêcbe de Vau-
dreuil à Berrjer,
ii
CANON FORCE LE ULOCUS AVKC LES DEPftCHKS.
341
%^
papiers de Montcaliii la prouve de cette accusation ridi-
cule; toujours est-il qu'il en demanda la communication
ô Lévis. Éconduit de ce cAté, il pria Amherst de lui re-
mettre des pièces que le f^énéral français aurait contiées
à un missionnaire en résidence chez les Abenakis et
dont le partisan Hogers se serait eujparé lors de son raid
à Saint -François. « Comme il (Montcalm), écrivit Vau-
dreuil (1), était peu instruit de l'administration de cette co-
lonie et qu'il ne pouvait la connaître que par des rapports,
je désirerais que V. K., si ces paquets lui sont parvenus par
le capitaine Kouers, voulût bien me les envoyei-. •> Les do-
cuments, ou n'existaient pas, ou ne furent pas retrouvés,
et l'aifaire n'eut pas de suite.
Le dernier messager du Canada français à la coin- de Ver-
sailles arriva heureusement à destination. F^e 22 novem-
bre, les navires du niunitionnaire qui retournaient en
France étaient à l'ancre au cap Rouge; un coup de vent
qu'ils essuyèrent au mouillage jeta à la côte trois petites
frégates et un navire de commerce. Les autres bAtiments,
aux ordres du capitaine Canon, franchirent avec succès le
défilé de Québec, malgré le canon britannique, et gagnè-
rent la haute mei'. lue tentative faite pour brûler les na-
vires échoués coûta la vie à plusieurs des marins anglais
et la perte d'une goélette dont ils s'étaient servis pour
l'entreprise. Ce fut l'ultime incident de la longue et dé-
sastreuse campagne de 1759.
Dans l'ancienne et la nouvelle Angleterre, l'avis de la
prise de la capitale du Canada donna lieu à des démons-
trations de joie d'autant plus vives que les dernières dépè-
ches de Wolfe ne faisaient guère prévoir une issue aussi
brillante. Dans la victoire d'Abraham et dans la capitula-
tion de Québec, les Anglo-Saxons des deux continents
saluèrent la lin des luttes plus que séculaires, dont l'Amé-
(1) Vandreuilà Aiiiherst. Rpcoril olTice.
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II
342
LA (lUERUE DE SEPT ANS. — CIIAP. VI.
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rique avait été le théAtrc, la revanche des humiliations
morales et des dommages matériels <jue les habitants et les
sauvages de la Nouvelle Franc»^ avaient infligés à leurs
colons et à leurs compatriotes. La mémoire du général vic-
torieux emprunta à sa mort glorieuse sur le champ de
bataille uoe auréole de héros qui vint rehausser l'éclat de
son triomphe; aussi, parmi les illustrations militaires de la
(irande-Hretagnc, Wolfe a-t-il conservé une place préémi-
n(!nte que la critique serait mal venue de vouloir lui
disputer. Le plan d'opérations des Anglais contre le Ca-
nada était bien conçu, et, d'après les probabilités, il de-
vait aboutir à la conquête de toute la province dès l'au-
tomne de 17r>9. Si le général Amherst et son lieutenant
(iage eussent déployé le quart de l'énergie et de la har-
diesse dont Wolfe fit preuve, Montréal eût succombé
comme Québec. Sans doute, on ne peut trop louer le
courage, la persévérance, l'activité de Lévis et de ses com-
pagnons, qui surent lutter jusqu'au bout, mais il faut re-
connaître que si le Canada resta français pendant toute une
année après la prise de Québec, ce i -sultat fut dû surtout
ù la lenteur et au.v fautes de l'envahisseur.
Quant î\ l'expédition contre Québec, qui était partie im-
portante, mais néanmoins secondaire de l'entreprise géné-
rale, elle fut conduite avec ténacité et entrain. Kiit-elle été
couronnée de succès sans la résolution funeste de Montcalm
de livrer bataille aux Anglais le 13 septembre? Cela est
fort douteux, mais par contre les conséquences de la faute
commise eussent été plus graves sans la mort de Wolfe ; ce
général eût certainement déployé, pour le parti à tirer de
la démoralisation des vaincus, des qualités qui firent com-
plètement défaut à son successeur.
Du cAté français, quelles furent les responsabilités en-
gagées? S'il y eut erreur de jugement de la part de iMont-
■calm lors de l'aflaire des plaines d'Abraham, elle fut par-
tagée par ses meilleurs officiers; elle s'explique par la
*.^*
REVUE DE LA CAMPAGNE.
841
situation critiqufi d(( la colonie et par l'excès de confiance
dû au souvenir des succrs antérieurs. A la guerre, l'obli-
gation de prendre une décision immédiate entraîne [»ar-
fois des échecs dont il serait injuste de charg"er la mé-
moire d(! leurs auteurs, surtout (|uand ils sont expiés par
une mort héroïque et rachetés par un passé illustre
Dans une période de platitudes et de défaillances, la
fip-ure loyale et chevaleresque de Monlcalm ressort avec
éclat; aussi presque tous les historiens, à quelque natio-
nalité qu'ils appartinssent, lui ont-ils conservé la sympa-
thie qu'il avait inspirée X ses frères d'arjnes de France et
du Canada.
Que dire des acteurs secondaires du drame? A l'excep-
tion du brave Lévis, qui se révéla homme d'énergie
et de caractère, tous furent piteusement au-dessous de
leur tâche : Vaudreuil , Uamezai , la plupart des officiers
supérieurs s'abandonnèrent à un découragement qui dé-
généra en pusillanimité morale frisant la lAcheté; chez
eux, à peine une lueur de bon sens bien vite elfacée par
l'exagération du danger qu'engendre l'hésitation; pas une
conception virile, aucun sentiment du devoir de tout
sacrifier à la défense du dépôt que la France leur avait
confié.
Mais si nous ne saurions être trop sévères dans notre
appréciation des hommes auxquels incombe la responsa-
bilité immédiate de la reddition de Québec, il ne faut pas
oublier la part cent fois plus lourde du cabinet de Ver-
sailles. Engager par des agressions irréfléchies une guerre
qu'on n'était pas en état de soutenir, gaspiller en Alle-
magne, pour des avantages illusoires, des forces qui eus-
sent été mieux employ^-es pour la conservation du Ca-
nada, se laisser réduire à la nécessité de refuser les deux
ou trois mille hommes de renfort dont la présence eût
sauvé la colonie. ^»bandonner à leur sort les soldats, les
paysans qui avaient sî vaillamment combattu, telles sont
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344
Lfi GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
les fautes successives dont le gouvernement de Louis XV
supporte tout le poids devant l'histoire. C'est à elles sur-
tout qu'il faut attribuer les douloureux événements que
nous venons de relater.
CÎLVPITRE Vil
MARINE ET COLONIES
m.
DESCKMKS AXJLAISES E\ XORM AXIHE ET E> HRETAGNE. COM-
BAT DE SAIXT-CAST. — PEIITE DU SKXKGAL ET DELA (Il AI>K-
LOUPE. — BATAILLES NAVALES DE LAGOS KT DES CARDINAUX.
— SUPRÉMATIE MARITIME DE l'aNGLKTERRK. — CAMPA-
GNES DE LALLY AUX IXUES. — SES PRF.MIEnS SUCCÈS. —
ENGAGEMENTS ENTRE LES ESCADRES, — SIÈGE DE MADRAS. —
PRISE DE MASSULIPATAM PAR LES ANGLAIS. — COMBAT NA-
VAL DE THANQUEBAR. — DÉMÊLÉS DE LALLY AVEC BUSSV ET
LEYRIT. — RÉVOLTE DES TROUPES.
Dans notre récit dos proniièros nnnôos do la (inorro de
Sept Ans, nous avons laissé de côté avec intention tout ce
(|ui a trait aux dél)arquciuents anglais sur la France con-
tinentale, aux combats entre les escadres des deux pays,
enfin aux incidents des Antilles et des Indes Orientales.
l*()ur éviter la confusion (juaurait engendrée riiisortion,
i\ leur place chronologique, de ces épisodes secondaires,
nous les avons négligés pour ne nous attacher (juaux faits
j^)lus importants de la lutter en Allemagne et en Amé-
rique. Il convient de coinhler cette lacune, et prmr cela
de remonter ([uelquo peu en arrière.
Malgré linsuccès <le la tentative contre le port de Uijche-
foi't en 1757, Pitt, jus([u"alor!- adversaire résolu do toute
participation des soldats hritaninques aux hostilités d'Al-
lemagne, avait obtenu le consentement du roi (joorge et
i î
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.1.1:
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346
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. VII.
il
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(le ses collègues du uiiuistère à uue nouvelle descente sur
les côtes frauraises. Vers la fin de mai 1758, un corj)s
expéditionnaire d'environ iV.OOO honiines, aux ordres du
duc de Marlborouerh, s'embarqua sur une flotte de plus
de 100 transports qui fit voile le 1"' juin (1) sous l'escorte
d'une escadre de 5 vaisseaux de lig-ne et de plusieurs fré-
gates et corvettes. Le V, on signala de Saint-Malo, l'appa-
rition de 115 hAtiments; le lendemain, la mise k terre eut
lieu dans la l>aie de Cancale, presque sans opposition de
la part des Fran<;ais qui n'étaient pas en force. Les 7 et 8,
les Anglais qui s'étaient approchés de Saint-Malo, incen-
dièrent à Saint-Servan, dans la rade du Solidor, 80 bâti-
ments de commerce de 150 à 300 tonneaux et 20 corsaires
désarmés ou sur chantier. L'alerte fut des plus vives dans
la ville où le duc d'Aiguillon, gouverneur de la Breta-
gne, avait réuni un bataillon de ligne, deux bataillons
de gardes-côtes, 480 miliciens et à peu près autant de
volontaires, mais .îariborough, satisfait de son œuvre de
destruction, ne tenta rien contre Saint-Malo et remit ses
troupes à bord le il. Ce ne fut que dix jours plus tard
(jue le convoi, retenu par les vents contraires, s'éloi-
gna délînitivement de la côte. De part et d'autre, les
pertes insignitiantes n'avaient pas dépassé une trentaine
d'hommes hors de condiat. Après de vaines démonstra-
tions devant le Havre et Cherbourg, l'expédition rentra
à Spithead le 1°' juillet. Le dommage cuusé aux armateurs
malouins n'avait pas altéré leur bo]. esprit, s'il faut en
croire le maire, M. Le Breton de la Vieuville, qui écrit à
Belle-Isle : « les ennemis en nous brùlaut 80 navires ont
enflammé noti'e zèle ». Il est vrai qu'à titre de récom-
pense pour la belle conduite de ses administrés, il demande
la franchise du port.
(1) Le récit dos descentes de Saint-Malo et Cherbourg est tiré des Archi-
ves de la Guerre et des Archives nationales. Marine, de Clowes, Royal
.Var// et de l'Animal lieyister, 1758, etc.
DESCENTE DES ANGLAIS A CHERBOURG.
347
Après un repos d'un mois que les troupes passèrent
dans l'île de Wiglit, on remit î'i la voilo dans les pr<>miei'S
jours d'août. L'ancien chef, le duc de Marlhoroufrh, avec
une partie (' ^s effectifs, était allé rejoindre le prince Fer-
dinand en Allemagne; il avait été remplacé par Bligh, vé-
téran dont l'Age avait amorti l'activité ; le nouveau géné-
ral avait sous ses ordres environ 6.000 iionimes. A bord
du vaisseau amiral servait, en qualité d'aspirant, le se-
cond fils du prince de Galles, frère du futur roi George 111.
Le but de l'expédition était Cherbourg, dont le port, en-
core très mal protégé du côté de la mer, n'avait d'autre
importance que d'offrir un refuge aux croiseurs français.
Quand on signala les bâtiments anglais, le commandant,
le comte de Raymond, était sur ses gardes contre une
atta(pie que la visite du mois de juin lui avait en quel-
que sorte annoncée. Pour la repousser il pouvait disposer
de 3 bataillons de ligne, dont 2 de formation récente,
de 3l)ataillons de gardes-côtes et de 250 dragons; mais il
éparpilla son monde le long des plages et ne put empê-
cher le débarquement des Anglais qui s'effeciua le 7 août,
à l'anse d'Urville, sous la protection du canon de la tlotte.
Impressionné par cet échec où il n'tavait eu que (piel(|ues«
hommes atteints par le feu, Rayn. m] perdit la tète; bien
({ne renforcé par ii i bataillon du régiment de Lorraine, il
abandonna (Miei'boui' sans coup férir, aux Anglais, éva-
cua les forts de Queri^ leville et des Autels, n'essaya pas
d'en retirer l'ai'tilleric oublia ses poudres et se réfu-
gia à trois lieues de la ville au camp du mont Espinguet,
où dans la nuit le duc d'IIarcourt vint se l'éunir à lui. Les
Anglais s'instaUèrent à h^ur î'ise et prépai'èirnt à loisir des
mines (ju'ils tirent jouer du 12 an l."> aont. << Ces jouiN
furent enq)loyés, écrit un témoin (1), à rend)rasement du
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(1) Manuscrit de M. de Gibourj^, coinmandunt de gardes-cùtes et lettres
particulières. Archives de la Guerre.
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848
LA GUKRRE DE SEPT ANS. — CHAI». VU.
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port, (les portos du bassin de rÉcluse et des vaissoau.x....
I)eu.\ jours lurent employés par les matelots à piller les
maisons, à défoncer les magasins et à enlever tout ce qui
rci^ardait la marine. » Les troupes de Bligh réintégrèrent
]e bord le 10, emportant avec eux une contril)ution en
argent de 00.000 livres, « 3 à 'i^.OOO bœufs ou vaches, 7 à
8.000 moutons, 1.000 chevaux, l)eaucoup de cochons et
une quantité prodigieuse de toutes espèces de volailles ».
Ilarcourt, dont les forces se conq)osaient en grande partie
do g-ardes-côtes dans les rang's desquels étaient enrôlés
l)eaucoup « d'estropiés, mendiants et enfants », ne lit rien
pour inquiéter le départ de l'ennemi. Kaymond, à la suite
d'une enquête officieuse faite par le Ministre, fut privé de
son commandement; il aurait, ce nous send)le, mérité
une punition plus sévère.
Sur les ordres de la cour de Saint-James, peu satisfaite
<les minces résultats obtenus, la flotte anglaise, après
une courte relAchc dans la baie de Portland , appareilla
cette fois pour les côtes de Bretagne. L'expédition contre
(>her])ourg avait jeté l'alarme et le désarroi partout. A
Brest (1), les départements do la (iuorrc et de la Marine se
disputaient le contrôle et l'armement des batteries de la
rade. En Normandie, le duc de Luxeml)ourg (2), gouver-
neur de la province, signalait la mauvaise organisation
dos gardes-côtes. Ces soldats improvisés n'avaient pas de
chemises et manquaient de nourriture; quoi(]u'ils eussent
reçu le ])aiu et la viande, ils désortaient par centaines à la
fois et cachaient leurs fusils, dont ils étaient d'ailleurs
incapables de se servir. Le '.i soptondire, les Anglais paru-
rent au large de Saint-Malo, et dès le lendemain mirent
une division de leurs troupes à terre à Saint-Briac.
(1) Aiguillon à Belleisle et Massiac, "28 juil'et 1750. Archives de la Guerre,
3i96.
(2) Luxembourg à Beaujeu et Belleisle, 5 septembre 1759. Archives de la
Guerre.
EXPEDITION DE BRETAGNE.
3i9
■ Pour la défense de la Bretagne le duc d'Aiguillon avait
sous ses ordres 22 bataillons de ligne, 3 bataillons de
Uiilice, ({uelques compagnies d'invalides o\ un régiment
de dragons; déduction laite des garnisons <le Belle-Isle,
Lorient et Brest, il put diriger sur le point d'atta((ue
13 bataillons <.e ligne et de milice, auxquels se joindraient
les 2 de Saint-Malo; il partit lui-même le 5 septembre de
Brest. Deux jours après, il est à Landjalle; grrtce à l'eni"
ploi de chariots pour transporter ses soldats, il compte
réunir le 9, en réguliei^, dragons, miliciens et gardes-
côtes, un corps de 10.000 honnnes avec un parc de 13 ca-
nons. Il ne croit pas que la descente à Saint-Briac soit une
feinte destinée à couvrir une tentative plus sérieuse con-
tre Brest ou Lorient. u La meilleure méthode, écrit-il [l)
à Belieisle, à ce que j'ai ouï dire, est de marcher droit et
vite aux ennemis lorsqu'on les sait quehpie part, de faire
de bonnes dispositions et de se tier un peu à la Provi-
dence. » Entre temps, les chefs anglais, après une recon-
naissance de Saint-Malo faite des rives de la Rance, avaient
renoncé à toute entreprise contre la ville et avaient dé-
cidé le rend)arquement des 11.. 000 honnnes mis à terre;
sur l'indication du commodore Howe, l'opération devait
avoir lieu dans la baie de Saint-Cast. Les Anglais perdirent
l)eaucoup de temps à gagner le rendez-vous; ce ne fut
((ue le 9 au soir, après avoir passé la rivière du (iuildo,
qu'ils apprirent le proche voisinage d'Aiguillon. La jour-
née du 10 fut cousacrée à des escarmouches sous le cou-
vert desquelles les troupes franijaises eurent le loisir de se
concentrer.
Voici en quels termes le rapport officiel (2) décrit l'ac-
tion du lendemain : « Le 11, les ennemis ipii, pen(hint la
i :l
■tm
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(1) Aiguillon à Helleisle. Laiiiballe, 7 .septembre 175.S. Archives de la
Guerre.
(2) Relation du combat de Sainl-Casl. Archives de la Marine. H. i, vol.
LXXVIU.
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360
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VU.
nuit, avaient fait leurs dispositions pour se retirer, coni-
nuMieèreiit à se replier à la pointe du jour sur Saiut-Cast.
M. de Broc se mit à leur suite o.l <;u donna avis à M. de Bal-
leroy, ([ui nuircha sur-le-champ pour le soutenir. M. le duc
d'Aiguillon se porta en avant au f^rand galop avec 1(î régi-
ment de drjig'ons de Marheuf, et joignit le détachement
de M. de Broc, dont la tète arrivait sur les hauteurs dv
Saint- Cast; il lit mettre sur-le-champ pied à terre aux dra-
gons, le terrain ne permettant pas qu'on en fit usage à
cheval. Il étoit environ 9 heures du nuitin; la Hotte enne-
mie était en ligne, et les chaloupes commençaient à porter
à bord les troupes qui étaient en bataille sur la plage dans
le fond de l'anse de Saint-Cast, derrière des dunes et des
retranchements qu'ils avaient faits pour protéger leur
rembarquement. Nos troupes arrivaient avec une vitesse
incroyal)le et se portaient sur la hauteur de Saint-Cast;
dès que les ennemis in aperçurent la tète, ils commencè-
rent à les canonner et bombarder de ï ou 5 frégates et
d'autant de galliotes à bondées qui étaient très près de
terre. Notre <anon arriva et commença à tirer sur les dix
heures. M. le duc d'Aiguillon décida sur-le-champ son atta-
que, il porta sur la droite de la plage M. le Comte de Balle-
roy, pour se longer par les hayes et une rampe de
sable qui conduisait à la gauche des retranchements des
ennemis, M. d'Aubi^viiy, à la gauche, pour dél)oucher sur la
droite des ennemis au-dessus du hameau de l'Isle, et M. de
Broc eut ordre de marcher avec son détachement droit
au centre des ennemis. » Deux bataillons, aux (U'dres
de M. de Saint-Pcrn, constituèrent la réserve. La colonne
de la gauche, dirigée par le chevalier <le Bedmond,
maréchal général des logis, qui s'était distingué déjà à
Minorcjue et en Allcnuigne, u déboucha la première vers
les onz(> heures et demie avec beaucoup de pronq)titude ;
elle fut bientôt suivie de celle du centre et de la droite.
Les troupes se portèrent avec une vitesse et une valeur
COMBAT DE SAIM-CASï.
351
siuffuliôrcs nu rotraiuliciiiciit dos (Miiiciiiis, inalgiv lo fou
prodigieux do l'artillorio i\o la flotto, taut du cauou ot dos
hoiuhes, ({uo Ai' la uious(|ucterio Av leurs huniers et do
plusieurs barques armées, qui étaient sur lo flanc. Les
ennemis voulurent marcher en avant et former une co-
lonne par leur centre, mais le feu de quelques pièces do
canon que M. de Villopatour, qui commandait l'artillerie,
porta à la droite, les dérangea et les fit bientôt retirer;
l'attaque devint iiénéralo et dura une heure et demie :
les ennemis furent forcés, notre artillerie leur tua beau-
coup de monde qui cherchait à rembarquer, trois do leurs
barques chargées de soldats furent coulées bas, ils en per-
dirent aussi beaucoup sur plusieurs autres qui gagnaient
la flotte. Le feu cessa vers les 2 heures après-midi ; les fré-
gates et galliotes commencèrent à s'éloigner, soit à cause
de l'arrivée de n'»tre grosse artillerie qu'ils pouvaient dé-
couvrir sur la hauteur, soit à cause que la marée descen-
dait. La grève étoit couverte de corps morts des ennemis;
il y en avait aussi une grande quantité qui flottait sur l'eau.
Il est resté sur la plage environ neuf cents hommes des
leurs, parmi lesquels plusieurs officiers de marque, en-
tr'autres le colonel et le licutenant-cijloncl des gardes,
sans ce qui a été tué sur les barques ou noyé; le général
Mury est du non»bre de ces derniers, i\ous avons plus de
six cents prisonniers et 30 officiers, dont quelques-uns des
premières maisons d'Angiotorre, 3 (ju V colonels, autant
do lieutenants-colonels, ot 'i^ capitaines de vaisseau qui
étaient restés sur la plage pour commander la manœuvre
du rend)ar((uement. I^eur porto peut aller en tout à trois
mille honunes; la nôtre monte à environ (]uatre cents tant
tués que blessés, colle <h's ol'liciers est par pi-oportion plus
considérable que celle dos soldats. Les régiments de Brie
et de Boulonnois ont ])eaucoup souffert, ayant été obligés
<Io traverser un terrain difficile sous le feu <les frégates
des ennemis. >»
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352
LA GUERKE DE SEPT ANS. — CIIAP. VII.
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Ai.tiiiillon l'ait l'éloiro <lo ses troupes qui (»iit attncjué
« avec une (lilif^euco incroyable malgré la fatigue dos
marches redoublées qu'elles avaient faites pour arriver;
la plus grande partie ayant fait |)rès de 50 lieues de Bre-
tagne en quatre jours. » Nous trouvons, dans une lettre
particulière (1) d'un officier du régiment de Qucrcy, le
même hommage à la conduite du militaire : « La l)onnc
volonté des troupes a surpris tout le monde, car il est rare
de voir le soldat faire h lieues à jeun, cond)attre, battre
et revenir encore à jeun sans se plaindre. »
Si les chiifres de la relation d'Aiguillon sont probable-
ment exagérés, il est difficile d'admettre ceux des récits
anglais (2) qui n'accusent que 8'i.7 tués, blessés ou pris,
appartenant tant à l'armée de terre qu'aux équipages de
la ilotte. Les pertes avaient porté surtout sur les régiments
des gardes, aussi est-il vraisend>la])le que le ministère bri-
tannique chercha, en atténuant la vérité, à échapper aux
reproches que lui valut l'insuccès de son expédition. New-
castle, qui devait être bien rciseigné, parle d'un déchet
de 1.400 officiers et soldats. Conformément aux errements
du cabinet de Saint-James impitoyal)le, comme on l'a vu,
pour ses généraux ou amiraux malheureux, le vieux Bligh
fut disgracié et privé de ses emplois. A en croire Ncw-
castle (3), il avait fait preuve d'incapacité : « Débarquer
10.000 hommes, décider aussitôt qu'il n'y avait rien à faire,
les promener dans un pays ennemi sans but reconnu, aller
à la recherche de la flotte pour se faire rend>arquer et, en
dernier lieu, laisser 10 ou 12 bataillons écraser 1.V00
hommes de nos meilleures troupes, tuer beaucoup de
braves officiers et de jeunes gens de qualité et d'avenir,
alors qu'en conservant à terre tout le corps d'armée, on
(1) Lettres d'un officier de Quercy. Arcliives do la Guerre.
(2) Clowes. Royal Savi/, vol. III.
(3) Newcastle à IlaidwicUe, 18 septembre 175".). Newcasile Pa[iers, vol.
32884.
Lpers, vol.
LES ANGLAIS S'EMPARENT DE SAINT-LOUIS ET DE CORÉE. 353
eût été eu force contre rcimenii, tout cela parait bien cx-
traordiuaire ».
Les prisonniers auf^lais furent traités avec é^anls et
iinniédiatenient échangés. Selon les traditions de bonne
compagnie en honneur entre les combattants du dix-hui-
tième siècle, Aiguillon entretint les ofiiciers à sa table.
<( Us me portèrent, écrit-il, hier à souper très honnête-
ment la santé du Roi, mais je vous avoue que je n'oserai
pas leur rendre la même politesse. »
Si la défaite de Saint-Cast mit fui pour quelque temps
aux descentes des Anglais sur les côtes de France, elle
donna un nouveau stimulant à leurs entreprises colo-
niales. Déjà un premier succès avait été remporté en
Afrique; au mois de mars 1758, une petite escadre de
deux vaisseaux et de quelques l){ltiments légers avait
été expédiée contre les étal)lissements fran<;ais du Séné-
gal. Malgré certaines difficultés pour franchir la l)arre,
le Commodore Mason put dél)arquer un détachement de
troupes et s'emparer de Saint-Louis et des postes en
amont. Une tentative contre le fort de Gorée ne fut pas
aussi heureuse ; les IjAtiments anglais, après une canon-
nade de deux heures et demie, furent repoussés avec une
perte d'une soixantaine d'hommes. Le gouvernement l)ri-
tannique ne voulut pas rester sous le coup de cet échec ;
le 11 novembre de la même année, le commodore Kep-
pelfit voile de Cork, où il avait end)arqué un corps de
troupes, avec cinq vaisseaux et six frégates ou corvettes;
un de ses vaisseaux se perdit sur la côte du Maroc, mais il
arriva avec les autres sur la rade de (iorée et commença
l'attaque le 29 décend)re. Cette fois, le canon anglais se
montra supérieur à celui des l)atteries de terre; le fort
fut obligé de capituler avec sa petite garnison de 300 Fran-
çais et d'auxiliaires nègres.
Cette facile conquête ne fut que le prélude d'opérations
plus importantes. L'infatigable Pitt reprit avec plus d'ar-
GUERRE DE SEPT ANS. — T. III. 23
il
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354
LA C.UKHRK DE SEPT ANS. — (IIAP. VII.
I♦i^
Heur ([uo jamais un projet (lu'il carossait dopui.s ({uol-
(|ue toinps (1) ot (jui consistait à dirificr contre les An-
tilles françaises une e.xpédition (pie l'endait aisée la
supériorité incontestée de la niarini» Itritannique. Le
général llopson, à peine de retour du siège de Louishourg,
reçut mission de tenter un coup de nuiin sur l'Ile de la
Martini(iu«^; il avait sous ses ordres si.\ l>atailIons de lig"ne,
sept compagnies dEcossaiset un détachement d'artilleurs,
en tout un peu plus de 0.000 hommes; son l>nt accouipli,
il devait envoyer ses Écossais dans l'Américjue du Nord et
revenir avec le reste.
Hopson mit à la voile de Spithead le 12 novembre 1758,
sous l'escorte de si.\ vaisseaux de lign )arviut le 3 jan-
vier 1759 à la Barhade où il rallia l'escadre du Commo-
dore Moore et eu repartit dix joui-s après pour la Martiui-
([ue; le 16 jauvier, on eflectua le dél»ar([uement à six
milles de Fort-Royal, sous la protection des douz<! vais-
seaux de ligne de la flotte. L'opération échoua; tout
d'abord les Anglais eurent quel(|ue avantage contre les
forces françaises, composées en grande partie de colons
et de nègres, mais rebutés par la nature du terrain coupé
{[u'ils avaient à traverser pour s'approcher de la ville,
dans l'impossibilité de faire avanciîr leur artillerie, ils
durent cesser rattac[ue et regagner le bord pendant la
nuit, après avoir sacrifié une centaine d'hommes.
Sur le conseil du Commodore, il fut décidé de renoncer
à l'entreprise contre la Martinique et de tàter l'île de la
(iuadeloupe, qui send)lait être de prise moins difficile.
Kn conséquence le 23 janvier, huit bîVtiments de la flotte
canonnèrent le fort S.iii.t-Charles et la ville de Basse-
Terre (2).
La résistance fut d'abord énergiquement soutenue; le
(1) Newcaslle à Hardwicke, 4 septembre 1758. Newca.sUe Papers, 32883.
(2) Clowes. The Royal Navy. Londres, 1898, vol. Ill, p. 202.
EXPFÎDITION CONTRE L:;S ANTILLES 1HANÇ;I8ES.
353
Imo ; le
32883.
vaifsoau le Hipon se jota sui un écueil et son «'M|iiipaj;(>
soutlVit ln-aucoup (lu tir <los hattei'ics de terre ; les Aii-
j^laispor<lir«Mit une centaine de matelots mis hors de com-
bat ; mais, vers ciiuj heures, le feu des Fran(;ais s étei^'uit,
et quand le len<lein;nn, après un homhardenicnt inutile de
la ville, les troupes (h; llopson déhanfuèrent, elles trou-
vèrent lesouvrag''s al)andonn«''s. Le commandant l"ran(;ais
I^eroi de la Polherie, hlrtmé pour une (h'feuse ju^ée trop
molle et pour une év'icuation eflectuée eu désordre et
sans autoris.ation, passa en conseil de guerre et fut cassé
de sou grade.
A la suite de la prise de Basse-Terre, les hostilités dé-
générèrent en escarmouches avec la garnison de l'île. Na-
dau-Dutreil, gouverneur de la Guadeloupe (1), n'.ivait à
sa disposition que 150 hommes de troupes de la marine
et 2.000 miliciens, flibustiers et nègres; mais en taisant
une g'uerre de chicane, il sut prolonger la lutte et haras-
ser les Anglais que décimaient des fièvres contagieuses;
elles emportèrent, vei's la lin de février, le général llopson.
Son successeur, le général Barrington, fait une triste pein-
ture (2) de la situation : « .l'ai le grand regret de vous in-
former que la maladie s'est glissée parmi nous, et je re-
grette encore plus de vous dire cjue n.us succond)ons si
vite que je ne puis nrenq)écher de craindre les consé-
([uences. L'armée ne compte plus que 2.790 combattants,
et encore faut-il déduire de ce cliill're les hommes affectés
à la garde du camp et les 250 ({u'il faudra envoyer pour
relever les c marines » à Fort Saint-Louis. Il ne restera que
bien peu de chose pour marcher contre l'ennemi. » Afin
de s'abriter contre les insultes des Fran<;ais, il fallut ins-
taller une chahie de petits postes sur une longueur de
3 milles; les fatigues de ce service, la mauvaise qualité
(1) Mémoire de Nadau-Dutreil, 1760. Arch. de la Marine, H. 4, vol. XCU.
(2) lîarrlngton à Pitt, Basse-Terre, 2 mars 1759. Military Expéditions. Re-
cord Office.
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368
LA GUERRE DE SEPT AN8. — CIIAP. VII.
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(le l'onii, l'iiisaluhrit*'* du camp, ôtaioiit autant «lo motifs
pour tormiiKM' ic srjour dr Bassc-Tcrir <> dont le pro'oii-
^omciit, sidoii toute |>rol)al)ilité mcttriiit hiiMitùt l'armcM^
Ikjts d'état de comiiattrc. »
Avec rasscntinu'ut du commodoi'o, Harrinf;tou se déter-
mina à chaii^ei' le thérttre de l'action et à se transporter
sur l'autre versant <le l'Ile. Laissant à Saint-dliarles uiu'
f^arnison de 500 hommes, il s'end)ar(pia avec ce «ju'il avait
encore de valide pour iC Kort Saint-Louis de la (irande-
Terre, dont l'escadre s'était emparée «[uehjues jours ai
|)aravant. Là, ou apprit la présence, dans les parages
des BarJtades, d'une escadre lran(;aise de 9 vaisseaux et
2 tVépat«>s. Moore se crut obligé de prendre une position
d'observation dans la baie de Saint -Kupert à l'Ile Domini-
que, et se sépjira du corps expéditioiuiaire a[)rès lui avoir
emprunté 300 soldats pour compléter ses é(juipa,iies, bien
éprouvés eux austii par l'épidémie. Barrington mit son
monde à terre, et jiassale reste du mois de nuirs et la plus
grande partie d'avril à ravager les plantations et à ])rùler
les habitations, sa.is venir à bout de la résistance. Enfin,
il tenta un dernier etl'ort; le brigadier Crump fut cliargé,
avec 1.300 réguliers et 150 volontaires recrutés dans l'Ile
anglaise d'Antigne, d'envahir le toi'ritoire encore au pou-
voir des Fram^ais. L'incui-sion réussit; Petit-Bourg, Sainte-
Marie, furent successivement eidevés, et les Anglais allaient
pénétrer dans le district de Cap de Terre, le plus riche de
Tîle, quand une déput.ation des principaux planteurs vint
olfrir une capitulation. On fut vite d'accord; entre le gé-
néral anglais et les liabitants intervint un arrangement
(jui, entre autres avantages, ouvrait à ceux-ci pour leurs
produits le marché de la Grande-Bretagne, et leur assu-
rait ainsi des débouchés nouveaux en remplacement de
ceux de la métropole et du Canada que la guerre maritime
avait presque fermés. Le jour même de l'entente, le mar-
quis de Beauhai'nais, gou>erneur des Iles du Vent, arri-
C\PITUL\TION DR LA CUADELOUPE.
357
vait à Sainte -Amie (jn<'l<[iios Ikhitcs ti'<tp tard pour iii-
torroiiipro los pourparh'rs.
Voici ce (jui s'était j>ass('' du cMv fi-aiirais : h» dépai't do
l'oscadi'o de Homp.u't, ù'ahoi'd lixr à la tlii de 175H, avait
été n'tai'dr par 1 ai'iuciunit de deux vaisseaux supplémen-
taires. Il tit \oile de Brest le il janvier 1759 avec huit
vaisseaux de lifiiie dont deux en tlùte et mouilla à Koi-t
Uoyal le 8 mars. A eett»' date, los Anglais étaient déjà
maîtres des villes principales de la (luadeloupo; à la Mar-
tinicpie même, tout était en désarroi. « Je les trouvai, écrit
Bompai't à Herryer(l), dans la plus jurande disette de
vivres les plus nécessaires, un peuple «'tl'rayé. l'ordre et la
subordination presijue anéantis le chef n'était ni con-
sulté ni prévenu sur les divei-s ()l)jots du service ; lui-ménu^
laissait af;ir et tout faire. » I/escadre demeura à l'ancre
pendant six semaines; onlin, après force conférences avec
Boauharnais et un conseil de jiuerre, on réunit environ
;i50 ré,suli<H's des troupes coloniales et quelques centai-
nes de volontaires et de nègres, et on appareilla pour la
(iua<leloupe. Le déharquemeut se fit le 27 avril à Sainte-
Anne (2), sous la protection des vaisseaux français; le
f.;ouvernour général envoya aussitôt un aide de camp
s'ahouclier avec Bcaulès, le conunandant de la (îi'ande-
Terre. En route (3), le messager rencontra un officier por-
teur du projet de convention préparé par Nadau ((ue ce
dernier faisait communiquer à Beaulès et aux habitants.
Malgré ce fîlcheux présage, il se rendit au camp où Boau-
harnais le rejoignit à 3 heures du matin. Ils essayèrent
en vain de prêcher la résistance; on leur répondit qu'on
ne voulait plus se battre. Découragé par cette attitude,
Bèauharnais se rend)ar({ua le 29 pour la Martinique,
(1) noinpartà Berryer, 20 mars 1759. Arcliives de la Marine, B. 4, vol. XCI.
{'}.] Mémoire justificatif de Boinpart, janvier 1760.
(3) Piguereau de Thumisseau au Ministre, 17 mai 1759. Arcliives de la
Guerre (cartons), 17.')9.
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LA GUERRE DE SEPi ANS. — CHAP. VII.
sans essayer de voii'(l) le gouverneur Nadau-Dutreil et
sans prévenir Bonipart, avec lequel il parait avoir été en
mauvais termes. Le jour ii.éme de son départ, la capitu-
lation fut signée.
Un peu d'entente entre les deux chefs et un peu plus
d'énergie de la part de Beauharnais, eussent probable-
ment sauvé l'île. Les Anglais étaient à bout. <( J'espère
(jue vous approuverez l'arrangement, écrit Barrington (2),
car je puis vous assurer que par force je n'aurais pu me
rendre maître de ces îles, ni même garder le fort Saint-
Louis ([ue j'aurais été ol)ligé de faire sauter après en avoir
retiré la garnison ; ainsi, pas un pouce du pays ne serait
resté à S. M. excepté le territoire de Fort-Royal (Basse
Terre) et cette place aurait succoml)é aussitôt l'armée
partie. » Que Nadau fut d'accord avec les planteurs, comme
l'aftirma Beauharniais, (pi'il voulût au contraire proloîi-
ger la lutte comme il le prétendit lui-même, toujoui*s est-il
qu'il porte la responsal)ilité dune convention datée du
i" mai, qui remettait aux et.vahisseurs la Guadeloupe
et ses dépendances, tout en assurant la liberté de ce qui
.Tstait de troupes régulières. Le 26 mai, un traité du
même genre livra aux Anglais l'île de Marie-Galante.
Barrington, ses conquêtes achevées, rentra en Angleterre
avec 3 bataillons réduits à un eifectif total de 600 hom-
mes; il laissait à la Guadeloupe le surplus de sonconnnan-
dement, dont il avait détaché pour l'Améritpie 350 Écos-
sais fort affaiblis par les maladies qui avaient fait tant de
victimes dans le corps expéditionnaire.
Bompart fît reUVche à la Martiràque pendant le mois de
mai, puis, après avoir pris tf>utes sortes de précautions
pour tromper la vigilance de Moorc, mit à la voile le
G juin, alla se ravitailler à lo Grenade, et termina sa cam-
(1) Mémoire de Nadau-Dutreil adressé au Roi en 1780. Archives de la
Marine.
(2) Barrington à Pilt, Guadeloupe, 9 mai 1759. Record OfTice.
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de la
DIFFICULTÉS DES PLANTEURS DES ILES FRANÇAISES. 359
pagiic à Saint-Domingue d'où il revint en France avec des
cargaisons de denrées coloniales en guise de lest. Il eut
la bonne fortune d'arriver sans encombre, le 7 noveml)re,
à Brest.
D'après le rapport de ce marin (1), qui connaissait bien
les Antilles, dont il avait été gouverneur, les colons
étaient très mal disposés pour le gouv( inement de la nié
tropolc : « La Dominique s'est soustraite à l'autorité du
Roi et a signé une neutralité avec les ._. j;lais. A ce moyen,
les Français qui bal)itent cette île jouissent d'un bien-être
réel; ils vendent à nos ennemis leurs denrées au mieux et
ne manquent d'aucune provision La faveur dont la
Guadeloupe est traitée fait fermenter les têtes qui habi-
tent la Martinique. Ces derniers n'ont aucun dél)ouché de
leurs denrées et manquent de provisions nécessaires. La
(irenade est surchargée de sucre. » La situation économi-
que était, en effet, devenue critique; les exportations au
Canada et au Cap Breton avaient cessé avec la perte de
Louisbourg", il ne restait pour le sucre et le café de t ' •;
planteurs d'autre marché que celui de la France, aVv.c
laquelle les conuuunications ne pouvaient avoir lieu la
plupart du temps que par vaisseaux hollandais ou danois.
Mais le pavillon neutre ne protégeait guère ces l)i\tiinents
de commerce que les navires de guerre et surtout les
corsaires anglais amarinaient sans scrupule, et <{ue Icstri-
l)unaux l)ritanniques n'hésitaient pas à déclarer de bonne
prise. Aussi, dans de pareilles conditions, faut-il rendre
Justice au patriotisme des ha])itants de la Guadeloupe qui
résistèrent pendant deux mois et demi aux forces impo-
santes de la Grande-Bretagne.
Beauharnais, qui ne s'était guère distingué dans les
événements survenus aux Antilhis, en rejeta la respon-
sabilité sur Nadau-Dutreil et sur ses sul)ordonnés, de la
(1) Boinpart à Beiryer, 22 mai 1759. Archives nationales.
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360
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. VU.
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Polhcl'ie et Baulès. Si la culpal)ilitô de ces derniers paraît
évidente, il n'en est pas de môme de celle du gouverneur
de la {Juadeloupe. Les accusés furent condanniés par un
conseil de guerre (1), comme coupables de lAcheté et
d'incapacité, à être cassés, dégradés et emprisonnés à per-
pétuité. Pour une fois que la cour do Versailles se décidait
à sévir, il semblerait qu'elle ait eu la main malheureuse.
C'était grâce à leur supériorité navale que les Anglais
avaient pu faire aboutir, ,ii dépit de fautes nond)reuses
et d'échecs répétés, leur entreprise contre la Guadeloupe
et ses dépendances. Toutefois, au cours de l'année 1758,
cette supériorité; quoique démontrée parles événements
de Loui .bourg, ne s'était traduite sur l'Océan que par la
prise de ])î\timents de gurrre isolés, succomb.ir't sous le
nombre, et par la capture de navires marchan»ls. Il en
fut autrement en 1759; l'année fut nwnr(pu\e par deux
actions navales dans les mers d'Europe qui établirent dé-
finitivement la suprématie de la marin- anglaise. La pre-
mière eut lieu sur les côtes de Portugal. Dès le dél)ut du
printemps, le ministère britannique, ému des armements
([u'on lui annonçait de Touloi», envoya l'amiral Boscawen
avec 6 vaisseaux de ligne et quelques ]>Atiments légei-s
renforcer l'escadre de la Méditerranée et en prendre le
commandement. Boscawen effectua sa jonction avec son
collègue, Broderick, devant Toulon le IG mai et maintini
le blocus jus([u'au commencement de juillet; mais, à
cette épojjue, le mnn([ue d'eau et de livres l'obligea à
l(>ver la croisière et à rallier Gibraltar. Les Fram^ais lais-
sèrent s'écouler un mois avant de profiter de ce départ.
Cependant le chef d'escadre, La Clue, avait eu le loisir
de faire ses préparatifs; bloqué longtenqis dans le port de
Carthagène, il avait réussi à regagner Toulon, vers la fin
(1) Proci's fait à Natlau-Dulieil, Polherie et IJaulès. Archives de la Marine.
n. 4, vol. XCH.
SORTIE DE L'ESCADRE DE TOULON.
3G1
(le mai 1758. Il en sortit le 5 août de l'année suivante, avec
12 vaisseaux de ligne et 3 frégates; «l'après les ordres
de la cour, il devait se joindre à la grande flotte qui s'ar-
mait à Brest en vue de l'expédition contre l'Angleterre ;
il était autorisé à faire relAche à Cadix et à y prendre des
provisions (1), La navigation se fit sans incident jusqu'au
détroit de (iihraltar. « Le 16 août à huit heures du soir,
éci t La Clue (2), je nie trouvois à portée de donner dans
le détroit; l'escadre niarchoit sur deux colonnes, le vent
u l'est et à l'est nord-est (jui augnientoit à niesure que
nous entrions; j'avois mes trois fanaux de poupe et chaque
chef de division en avoit un, nous nous conservâmes bien
jusques à deux heures après minuit, que nous eûmes
passé le cap Espartel, l'on compta tous les vaisseaux et
frégates. » Les vents étant contraires pour entrer à Cadix
et les voiles fram^aises ayant été signalées par les coups
de canon de la frégate le Gibraltar qui servait d'éclai-
reuraux Anglais, La Clue ne crut pas prudent de louvoyer
dans les parages du détroit, éteignit ses fanaux, et tint
pendant le reste de la nuit <( la bordée au large ». (irande
fut sa surprise au petit jour de ne plus apercevoir (|ue six
de ses vaisseaux. A six heures du matin, (( les gardes d'en
haut (3) l'avertirent ([u'on voyoit au vent à luy huit vais-
seaux ([u'il prit pour les siens; il les r.ttendit au plus près
du vent avec ses basses voiles, mais voyant de moment à
autre (jue leur nond)re augmentoit et que Ton eu comptoit
jusqu'à dix-huit, il ne douta plus que ce ne fussent les en-
nemis; il prit le parti d'arriver vent arrière en forçant de
voiles et il lit le signal aux vaisseaux qui étoient avec luy,
mais il fut obligé d'attendre le ^ aisseau le Souverain qui
(1) Piij^abry, consul de France à Cadix, au Ministre, 15 août 1759. Arciii-
ves de la Marine.
(2) Rapport de La Clue au Minisire, 21 décembre 1750. Archives de la
Marine. B. 4. XC.
(3) Journal de l'escadre. Lagon, 27 aoiU 1759. Archives de la Marine.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
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ne marchoit piis, ce qui fut cause que les enucniis le joigni-
rent plus tôt. » Laniiral Boscawen (1), averti dès la veille,
était sorti de la rade de Gibraltar avec il vaisseaux de
ligne et 2 ])rûlots; aussitôt l'escadre de La Clue recon-
nue, il lui donna la chasse. (( A deux heures et demie, le
vaisseau fran(;ais, le Centaure, qui faisoit l'arrière-garde,
fut attaqué par deux Anglais, l'un à ])!l])ord, l'autre à tri-
bord, le Guerrier le fut après, ensuite ÏOce'an et le Sou-
verain. Tout le fort du conil)at s'est passé entre ces qua-
tre vaisseaux, qui se sont ])attus, bâbord et tribord, sans
rchlche. L'amiral Boscawen, qui venoit en toutes voiles
sur y Océan, le joignit par son travers à la portée du fusil
sur les quatre heures; il Llcha le premier sa l)ordée qui
fut si violente, que (hms peu de temps Y Océan "■.•'> u—
gréé, mais il riposta avec tant de justesse, que i .ui^iral
anglois fut démâté de son mât d'artimon, » et subit de
graves avaries. Boscawen dut transférer son j>avillou sur
le Newark. Cet incident ralentit le condwit, qui, cepen-
dant, se prolongea jusqu'à la tond)ée de la nuit. Le Cen-
taure, successivement engagé par quatre Anglais, dut
amener son pavillon après une belle résistance qui lit
honneur à sou commandant, M. de Sabran-Grammont. Il
avait perdu 200 honnnestués ou l)lessés et reçu 80 boulets
« à Feau •, aussi les Anglais eurent-ils quelque peine à
ramener leur prise à Gibraltar. V Océan, que montait le
chef d'escadre, avait été également fort abîmé; La Glue
lui-même fut grièNicment blessé et dut remettre le com-
mandement à son capitaine, M. de Carné,
Pendant la nuit, deux vaisseaux francuiis, le Guerrier et
le Souverain, se séparèrent de leur amiral et, après une
tentative infructueuse pour entrer à Cadix, gag lièrent le
large et purent éventuellement rallier le port de Boche-
fort. Le l'iidemain, 10 août, Tamiral anglais ne découvrit
(1) Boscawen à Clevland à bord du \amur, 20 août 1759. Record C "icr
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COMBAT DE LaGOS.
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plus que quatre vaisseaux français qui essayaient de dou-
bler le cap Saint-Vincent. Vere 9 heures, YOcéan talla s'é-
chouer dans les rochers qui avoisinent le cap Lagos; le
Redoutable en lit autant ; les deux autres, le Téméraire et le
Modeste, jetèrent l'ancre dans les eaux portugaises et sous
le canon d'un fort. Les Anglais, sans le moindre souci de
la neutralité du Portugal, se liant (railleui-s aux relations
intimes qui existaient entre cette cour et la leur, ouvri-
rent le feu sur les l){\timents français. V Océan et le Redou-
table, qu'on ne put remettre à flot, furent brûlés; leurs
équipages, à l'exception de quelques hommes et de quel-
ques officiers de ÏOcean, pour la plupart blessés, avaient
pu se réfugier à terre; Sull'ren, le futur héros des guerres
des Indes, fut de ceux qui restèrent à l)ord; La Clue
avait été déljarqué l'un des premiers, (juant au Téméraire
et au Modeste, qui n'avaient pris qu'une part insignifiante
au cond)at de la veille, ils furent amarinés presque sans
résistance et leurs équipages faits prisonniers, sauf qurl-
(jues matelots qui s'étaient échappés.
Tel fut le coml)at de Lagos ; il coûta à la France 5 vais-
seaux de ligne, dont '.) aller' nt grossir les états de la ma-
rine lu'itannique et 2 furent détruits. La perte des Fran-
çais se monta k près de 500 tués et blessés; Boscawen
n'eut que 252 hommes mis hors de coml)at. La séparation
de l'escadre, cause première du désastre, donna lieu à une
longue polémique entre le Ministre, La Clue et les capi-
taines qui avaient abandonné leur chef et s'étaient réfu-
giés à Cadix. Ces derniers se justifièrent en alléguant le
rendez-vous fixé pour ce port, tant par écrit que par ins-
truction verbale; leur chef répli([ua en les accusant d'a-
voir changé de route sans ordre, et de n'avoir tenu aucun
comj)te des coups de canon et des fusées qu'il avait fait
tirer au cours de la nuit. Quoi (p-'il en soit (h* la valeur
de ces arguments, 5 vaisseaux dei escach'e, après être res-
tés mouillés pendant quelques heures à la Hotée, étaient
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAI». VII.
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ontirs à Cadi.v lo 19 août. Ils y r(M;uront rinjoiirtion do ral-
lier Brest à la promièro occasion favorable, mais surveillés
par lo vice-amiral Broderick, ils ne purent obéir et fini-
rent par faire voile pour Toulon où ils arrivèrent en sû-
reté au conunencement de 1760. Conformément aux inten-
tions de son g'ouvcrnement, Boseawen était reparti pour
la Grande-Bretagne peu de temps après sa facile vic-
toire (1).
La cour de Versailles, fort indulgente poiu' ses officiers
malheureux, ne tint rigueur ni au chef, ni aux comman-
dants de l'escadre battue. La Clue, qui fut longtemps à se
remettre de ses bles.sures, fnt retraité en ITCV avec les
provisions de lieutenant général. Castillon, le plus ancien
des capitaines qui s'étaient mis en sûreté à Cadix, fut
promu l)rigadier en 17()5. Le marquis de Saint-Aignan,
commandant du Redoutable, qui n'avait guère brillé dans
l'aflaire, parvint aux grades les plus élevés de la marine.
Malgré la mauvaise impression causée par lo condîat de
Lagos, le cabinet de Louis XV n'interrompit pas les pré-
paratifs de rciitreprise qui, sous lo titi^e mystérieux « d'ex-
pédition particulière >; (2) était dirigée contre l'Angle-
terre. l>'après la c<rnception primitive, le départ initiai
devait avoir lieu des ports do la Bretagne ; un corps expé-
ditionnaire do i() bataillons, \ escadrons, avec parc d'ar-
tillerie, d'un effectif do 20.(>(M) honmies, aux ordres du duc
d'Aiguillon, le vainqueur de Saint-Cast, devait s'embar-
([uor sur 90 navires de 200 à 'i.OO tonneaux et faire voile
sous l'escorte d'une division de 0 vaisseaux ; le projet était
de contoUi'iior l'irlando et do prer.dre terre en Ecosse,
(1) En réalito, l'action eut lieu entre 7 vaisi^eau.x f'ran'jais, dont 2 furent
à peine engagés, et 15 vaisseaux anglais sur lesquels 4 ne prirent pas part à
l'affaire. NV. L. Ciowes. The noyai Savy,\o\. (II, p. 212.
(2) Voir pour les événements maritimes de 17."<8- IT.'iO. Vie privée de
Louis XV. Londres, 1781. La marine militaire de la France sous le règne
de louis XV, par Lacour Gajel. Tlie Royal Xavy, by W. L. Clowes,
vol. Iir tlistnire maritime de In France, Guérin, vol. IV, etc.
L'EXPÉDITION PARTICULIÈRE.
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365
dans Ja l)aio lo laClydc. Kiitre temps, on espérait rénnir
à Brest, grûcc à la jonction avec l'escadre de la Méditer-
ranée, nne flotte de 28 vaisseaux de ligne assez forte pour
en imposer aux Anglais ou tout au moins pour détourner
leur attention du convoi. Aussitôt débarqué. Aiguillon
marcherait sur Edimbourg (1) et s'enjparerait du chAteau
de cette ville; on comptait sur le concours d'une fraction
de la nation écossaise et on estimait qu'il pourrait lever
dans le pays ï.OOO recrues qui grossiraient les régiments
étrangers de son corps, il était autorisé à entamer des
pourparlers avec le gouvernement bi-itannique, mais
il lui était défendu de se lier par aucun engagement avec
les partisans de la maison de Stuart. D'autre part, Choiscul
avait ouvert des négociations à Stockliolm pour l'envoi
de 10 à 12.000 Suédois qui viendraient rejoindre le corps
expéditionnaire en Ecosse. Le commandant de la divi.sion
d'escorte. Bigot de Morogues (2), avait la latitude de relâ-
cher en Irlande, juais de cette île il devait gagner l'Ecosse,
mettre les troupes à terre sur la côte occidentale ou, en
cas d'impossibilité, sur la côte orientale de ce royaume.
Deux autres corps d'armée, commandés par Soubise et
(Ihevert, seraient expédiés, le premier, des ports de la
Normandie, le second de ceux de Flainlre ; destinés à une
descente en Angleterre, ils devaient traverser la Manche
dans des flottilles de bateaux plats dont la construction se
poursuivait avec activité dans les chantiers de la côte.
Pour la réussite de ces projets audacieux, il eût fallu
une prom])te exécution qui n'était guère conqiatible avec
la faiblesse de notre marine, la j)énuri(^ de ses ressources,
la timidité de ses officiers et surtout le man([ue de fonds.
La coiu' de Saint-James, mise eu éveil par des préparatifs
i'ii
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(1) Instructions pour Aiguillon. Juillet 1759, Arcliives 'le la Marine H. 4.
L.XXXV.
(2) Instructions pour Bigot de Morogues. Archives de la Marine lî. i.
LXXXVI.
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36C
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
(ju'il ôtait impossihlo de tenir secrets, eu) tout le loisir de
concerter ses mesures de défense.
Nous avons déjà relaté la croisière de Boscawen dans la
Méditerranée et les événements (jui empêchèrent la jonc-
tion de l'escadre de Toulon avec celle de Brest. Le contre-
amiral Kodney, avec une division légère, fut chargé d'un
coup <le main sur les biUiments réunis au Havre et sur les
chantiei's de cette ville. Le ï juillet (1), 4 bombardes et
2 dogres, armés chacun de 2 mortiei's, ouvrirent le feu à
•2.800 toises; on ne put y répondre d'une façon efficace,
le canon des batteries de terre n'ayant qu'une portée de
1.800 toises. Au surplus, le bombardement n'eut d'autre
résultat que la destruction plus ou moins complète d'une
trentaine de inaisons, de trois corderies, de (pielques ba-
teaux et d'une grande ((uantité de planches; une tentative
des Anglais pour pénétrer en Seine fut repoussée, et dès
le 7 juillet, le travail avait repris dans les cales du Havre.
Mais c'était du côté de Brest que le danger paraissait le
j)lus imminent, aussi l'amiral Haw ke eut-il mission, avec
24 vaisseaux, de surveiller les côtes de Bretagne, le gros
devant Brest, ([uelqucs bâtiments détachés aux abords
d'Audierne et de Lorient, et une réserve à Plymouth pour
faciliter le ravitaillement successif. Avec la confiance
qu'engendre le succès, Hawke écrivait (2) à l'amirauté :
'<■ Cela m'est indifférent d'avoir à combattre l'ennemi, s'il
sort, à nombre égal ou avec un vaisseau de plus ou on
moins. »
Pendant l'automne, le cal)inet de Versailles activa de
son mieux les préliminaires de l'expédition. La première
difficulté fut de rasseml)ler le con\oi à Port-Louis, où le
rendez-vous avait été douné ; vei's le milieu de septendire,
00 uavires expédiés de Bordeaux et de Nîintes étaient arri-
(1) Récit du bombardement du Havre et lettre de Rouen. Archives de la
Marine. B. 4. XC.
(2) Hawke à Cievland, i août 1759. Record Office.
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PÉNURIE DB MATKLOTS POUR LA FLOTTE DE BREST. 3«7
vés; ou attendait encore ceux de La Rochelle et de Brest.
La fçraude escadre de Hrest, dont le couiinaudeuuMït avait
été coutié au maréchal de Coiiflans, ne |)()uvait compléter
son personnel, n .V l'exception <le (juehjues pécheurs, écri-
vait le ministre Berryer (1), fiens Agés ou enfants la plu-
part, et des faibles des équipages des l)ar(|ue cahotage,
tous les g'ens de mer du royaume sont actuellement em-
ployés au service du Hoi. »> Ce maïupie d'hommes n'em-
pêchait cependant pas le conflit traditionnel entre les
départements do. la (Juerre et de la Marine pour le partage
des batteries de la rade de Brest. Enlin, au dernier mo-
ment, une discussion s'engagea sur la répartition des ca-
bines entre les ofliciers de terre et de mer. Aiguillon, dont
il faut reconnaître le zèle et l'énergie, s'impatienti^ : >» J'é-
tais si éloigné rî) de vouloir donner iitteinte aux droits
de MM. les officiei's de la Marine et les incommoder que
j'irais coucher à la Sainte-Barbe ou à la fosse aux Lions
s'il (Conflansj le jugeait à propos, pour donner l'exemple. »
(Mioiscul, de son côté, s'inquiète du retard : « Vous êtes
aussi nerveux que bon citoyen, maude-t-il à Aiguillon (3).
liU Suède nous attend, je crains (ju'elle ne nous attende
longtenqts et <{ue le moment ne s(tit passé, si vous ne par-
t(>z |)as à la lin de ce mois. Les [jcames se font, les bateaux
plats sont pres(pie tinis. »
('ette lettre du ministre des -Pilaires étrangères se croisa
avec une dépèche de Contlans (ï) qui proposait une mo-
ditication profonde du projet. (Mi renoncerait à renq)loi
isolé do la division de Bigot de Morogues; la flotte tout
entière attaquerait Uawke av(>c 2-2 vaisseaux, puis se ra-
battrait sur Belle-lsle et détruirait ce (pi on pourrait y ren-
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(1) Berr.yer à Conllans, 1 1 juillet 1750. Archives de la Marine. B. 4. LXX.VVII.
(2) Aiguillon au Ministre, 13 octobre 17.")9. Archives de la Marine. B. 4.
LXXXVL
(3) Choiseul à Aiguillon, 3 octobre 1759. Arciiives de la Marine. B. 4. LXXXVI
(4;Conflans à Berryer, 3 octobre 1759. Archives de la Marine. B. 4. LXXXVI.
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368
LA GUERUE DE SEPT ANS. — ( IIAIV VII.
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contrer de vaisseaux ennemis. « Faire le tour de l'isle, pas-
ser en dedans de lledic et de llouat... les passafi'cs lii)i>cs,
conduire avec succès la tlotte du Morliiiian à sa destination
et aider la rentrée de nos vaisseauv soit de (ladix ( I , soit do
rAn)éi'it[ue. » Tel était le j)ro,arainnie de l'amiral; il fut
communiqué à Ai,i;uillon et appi'ouvé par le lloi en conseil.
Au commencemeni de noveiuhi'*', le mauvais t<'mps
obligea Hawke à lever le blocus et àse réfujuier dans la rade
de Tori)ay ; gnlce ;\ ce départ, l^a Maruière, de retour d'une
croisière dans l'Océan Paciticfue. put rallier 1(> port <le Brest
avec 1 vaisseau et 1 frégate, le 5 novendire ; il fut bient<^t
suivi de llompart (jui revenait de Saint-Domingue avec
7 vaisseaux dont 1 en tlùtc et 1 frégate, ('/étaient là des
rcidorts importants et il send)lerait (piil eût été possible
d'adjoimlre aux forces de Conflans, tout au moins pour le
premier eil'ort contre les Anglais, quelques-uns de ces bA-
timents. il n'en fut rien et tout le concours prêté fut l'en-
rôlement de 500 matelots des deux divisions qui, moyen-
nant la prime d'une pistole, servirent à compléter les
équipages.
Déjà Conflans avait perdu de son assurance; il attribuait
à l'ennemi 28 vaisseaux de ligne dont 6 à trois ponts, aussi
évitera-t-il un engagement. « Le but principal, écrit-il à
Aiguillon (2), est la sortie de notre flotte lor.s({ue la jonc-
tion sera faite et de la conduire avec toute la sécurité que
je pourrai vous procurer. »
Cutin, le IV novembre, Conflans appareilla de Brest
avec 21 vaisseaux et 5 frégates ou corvettes. Malgré le nom-
bre respectable des unités, l'escadre manquait de cobé-
sion et d'expérience ; les officiers éloignés de la nier de-
(1) L'escadre de Cadix se composait de.s vaisseaux de l'escadre La Clue ré-
fugiée dans ce port; celle d'Amérique était la division Uompart, attendue
journellement.
(2) Conllans à Aiguillon, 10 novembre 1759. Archives de la Marine. B. 4.
LXXXVI.
LA FLOriK DE CONILANS SOUi I)K HKEST.
30',t
Brest
llOlll-
cohé-
or de-
puis loii^ttMiips II <ivai(>lii plus rililliitlldr de la llUlIKriIvrr
<'t IK' coiitiiiissainit pus 1rs ipialités ou l<>s déraiils des liA-
tiuicnts (pi'il^ coiiiiii/uidairiit ; l<> persoiiiirl du Itoi'd, re-
cruté eu m'iiiide partie p.ii'iui les ouvriers de la culture et
les uardes-cAtes. ne jiossédait iii pi'aticpie de la. uavif;a-
tiou, ni instruction (mi iiiatièi-e de tir; l'ainiral, arrivé
prescpie au tenue de sa carrière, n'avait ni l'éner^i»", ni la
couipétence nécessaires pour tirer (pielcpie parti des élé-
ments disparates <pii lui avaient été conliés. Le plan de
rexpédilion. ou |dutôt la |)arf (pie Conllans s'y était tracée,
consistait à se rendre dii'ecteiueiit à lîelle-lsie, chasser
ou détruire la tlottille du coniuiodore lUilt'qui surveillait
les déhoucliés du Morluhan, délivrei- le convoi sur lecpud
seraient eiul»ai'<piés Aiuuillon et ses troupes, le uieltre
en route vers l'Kcosse et veilh'r à sa sùn'té pendant le
voyaiîc en l'accoiupai^'iiniit avec toutes ses forces ou avec
la division Hiiz'ot de Morouues. Au lieu de prendrez 1(^ clie-
iiiiii le plus court, (lontlans f;a,i;iia la jdeine mer et ne se
rapprocha de la terre <[ue le 19 novemlu'e. Le 'iO, i.u point
du .j<»ur. on aper(;ut ((uehpies voiles; c'étaient les l'réf^ates
de Dutl'; on leur d(tniui la chasse et on était sur le point
de les atteindre (piaud les vi.uies si.mialèreut une escadre
einiemie dans laquelle on distingua " au moins 'l'A \ais-
seau\ de li.iiiw dont |>lusieurs i)ai'aissaieiif à .'{ ponts ".
(lontlans (1), (]ui jus(ju"alors ■' re.uardait coiuiik^ impos-
sible que les ennemis eussent dans ces parafes des forces
supérieures, ni même éiiales ». comprit (ju'il était en juv-
seiice de toute la flotte aiiîilaise.
Ku etl'ef. Ilawke, après une courte rcdAche à Torhay. en
était reparti le \'t novemhre, Ir Joiir niéiiK^ de la sortie
de ('.ontlans; le 17, au lariic d'Oiiessanf. il appriMid i-l
(Il Ua|)[)oil 'le Conllaiis. Cioiiic, 24 novembre 1759. Aicliives de lit Ma-
rine II. 4. LXXXVI. VoIrOuérin, vol. IV. Notes.
('2J llavvkc à Clevland au larj;e d'OuessanI, 17 nu\ inbre 175'.). Record
Oincp.
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370
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VU.
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<|un l;s Franrais étaient on nier; sans nn instant d'hé-
sitation, il se dirige sur le Mor])ihan. « J'ai fait forces
de voiles toute la nuit, vent très violent, à lu poursuite
<le l'ennemi, et je ne doute pas que je le rattraperai ou
en mer ou dans la baie de Quil)eron... Mon escadre est
forte de 2.'l vaisseaux et d'une frégate ». Ix 20 noveni-
l)i'e, vei's neuf heures, on décou /i'it la flotte fran(;aise ; l'a-
miral anglais donna l'ordre (1) aux 7 vaisseaux les plus
avancés de se mettre en ligne et « d'essayer d'arrêtc r les
Fran(;ais jusqu'à l'arrivée du reste de l'escadre, qui se
formerait tout en continuant la chasse, de fa(;on à ne pas
perdre un moment pour la poursuite... Toute la journée,
nous efimes une l)rise très forte avec gros grains. M. de
Ointlans s'éloignait avec toutes les voiles que son escadre
pouvait porter sans se séparer; quant à nous, nous cou-
rions aj)rès lui avec toute la toile que nos vaisseaux
étaient capables de supporter. A 2 heures et d?niie, le feu
a commencé, je fis le signal de condiat ; nous étions alore
au sud de P'îUe-ïsle et l'amiral français en tôte; peu de
temps après, il doubla les Cardinaux, pendant que son
arrière-garde était engagée. »
Ecoutons maintenant le général français (2) : <( Le vent
était alors à l'ouest nord-ouest très A'iolent, la mer fort
grosse avec toutes les apparences d'un très gros temps. Ces
circonstances, jointes à l'objet que toutes vos lettres indi-
(piaient et la supériorité décidée des ennemis. .. tout enfin
me détermina à prendre la route du Morl)ihan .le n'a-
vais pas lieu de croii'e que si j'y entrais h premiei- avec
21 vaijseaux, les ennemis osassent m'y suivre malgré leur
supériorité qui devait elle-même eml)arrasscr leurs mou-
venuMits dans un endroit aussi resserré.... Alrn de mar
quer la l'oute, j'avais choisi l'ordre de marche sur une
(1; Hawke à CIcvland, 2i novembre 1759. Record Oflicp.
(ï) Rapport lie Conllans déjà ci'.é.
■■
sa
i^^
COMBAT DES CARDINAUX.
371
ligne ; dans cet ordre je marchais à la tôte et pour former
l'ordre naturel de ha taille, je n'avais qu'à me mettre an
centre de la ligne, ce ([ue je comptais faire sur le second
I)( rd unssitAt qu'elle serait tout entière dans la haie. »
Cionlhins tenta, en effet, d'exécuter la manœuvre prcrnie
et de se porter au secours de son arrière-garde fortement
enjïï^ajïée ; il ne réussit qu'à augmenter la confusion qui
existait déjà dans son escadre ; le -So/e// fioj/al qui hat-
tait son pavillon, ahorda deux de tes propres matelots,
échangea quelques l)ordées avec l'ennemi, chercha inuti-
lement à sortir de la haie et finit par jeter l'ancre au large
(hi Croisic. « Ce fut un désordre affreux, écrit un oïR-
clcv {i) (loi' In/lexibie, navire qui avait suivi de près le
Soleil Hoyal, quand l'avant-garde dont j'étais voulut virer
de hord, une partie ne le put; nous étions connue dans
un entonnoir tous les uns sur les autres, des rochers d'un
côté, des vaisseaux de l'autre, nous avons mouillé. »
A j)roprement parler, pet: de vaisseaux prirent part au
cumhat; ils appartenaient pour la plupart à la 3" division
<jui constituait l'arrière-garde. Le Héros, le Juste, le Ma-
gnifique^ le Formidable surtout (jui hattait la cornette du
chef d'escadre, Saint-André du Verger, eurent fort à souf-
frir; ce dernier vaisseau dut se rendre, après une lutte
héroïque où succomhèrent Saint-André et son frère, qui
commandait en second. Le Héros, conq)lètement dénu\té,
fut forcé d'en faire autant, mais l'état de la mer enq)êcha
les Anglais de l'anuiriner ; un retour offensif le dégagea et
son capitaine, M. de Sanzay, en profita j)our aller s'écliouer
sur la jdage du C^roisic, où il <h''har(jua ce qui restait de
son é(fuipage, parmi les(|uels 1 VO hlessés. Le Juste, dont
les deux commandants avaient été mortellement atteints,
essaya en vain (l'entrer dans le port de Saint-Nazaire; il
se perdit à 1 end)ouchure de la Loire avec une homu^ par-
à
(1) LeUre d'un officier. Archives de la Marine. B. 4. LXXXVI,
m
i
372
LA GUERRE DE SEPT ANS. — OlIAP. VII.
tic (le son monde. Le Magni/îqiie, côivmmulv: par Bigot
<le Morogues, iiit plus heureux; il refiauna Ja pleine nier
et !>e réfugia à Rochefort. Mais le désastre ne fut pas li-
mité à Tarrière-garde. Deux vaisseaux de la division du
centre, le Thés/Je monté par un officier distingué, Kei*saint
de Coëtnempreu, et XoSupei'be, furent surpris par un grain
avec leurs sabords ouverts et coulèrent à pic avec tous
leurs équipages, à l'exception de 'Î'I honnnes du Thésée
(]ui furent sauvés.
Il était un ])eu j)lns de cincj heures quand l'obscurité mit
lin à la mêlée. « Il faisait nuit, écrit Hawke (1), nous nous
trouvions sans pilote parmi des iles et des bas-fonds dont
nous n'avions pas la moindre connaissance, le vent pous-
sait à la cùte, je lis le signal de jeter l'ancre et nous monil-
lAmes à une profondeur de 15 brasses Le 21, à la
pointe du jour, nous aperçûmes un de nos vaisseaux dé-
niîlté et échoué au Four, de mênïc que le Héros , vaisseau
français. Le Soleil Honal, qui, à la faveur de la nuit, avait
jeté l'ancre au milieu de nous, coupa ses câbles et alla
s'échouer à l'ouest de ('roisic. Au mouvement de ce vais-
seau, je lis signal à VEssex de le poursuivre, mais il donna
malheureusement sur le Four et se perdit sans ressources.
Il en est de même de la Bésolulion, en (h'^pit du secours
<[ue le mauvais temps nous permit de leur envoyer. »
Les équipages des navires anglais furent recueillis sauf
80 hommes, (pii avec des prisonniers français transfé-
rés du Formidable, s'étaient embarqués sur un radeau.
Entraînés à la mer, ils périrent pour la plupart.
A la suite des avaries que lui avaient valu ses aborda-
ges successifs, le Soleil Royal s'était trouvé ramené du côté
des Cardinaux. Contlansfit mouiller sur place et, le lende-
main, fut très étonm'' de se voir, comme le constate Ilawke,
entouré des vaisseaux anglais et séparé des siens; il alla se
(1) Ilawlie à Clcvlantl, 2i novembre 1759, déjà' cité.
DEFAITE ET DISPERSION DE LA FLOTTE FRANÇAISE.
373
mettre à la côte près du Héros et dans les paraii^es du Croi-
sic. I^a flotte fran(;aiso était coniplètoMunit dispersi'o. Huit
vaisseaux, au cours de la nuit ou au petit jour, s'étaient dé-
gagés de la baie et avaient fait route pour Kochefort où ils
arrivèrent le soir du 21 novend)re. Le prince de Beauffre-
inont, chef d'escadre, qui avec son vaisseau le Tonnant ap-
partenait à ce groupe, fut accusé d'avoir abandonné son
amiral et de n'avoir pas ohéi aux signaux <1<^ ralliement;
il protesta vivement contre ces allégations et justifia sa
conduite. Nous devons reconnaître (jue plusieurs vaisseaux
anglais firent de même et gagnèrent sans ordres la mer,
pour échapper aux dangers de la l)aie. llawke, qui men-
tionne le faitdansson rapport, ne h iir inflige aucun hlîlme.
Au surplus, il est inutile de rechercher dans cette honteuse
affaire les responsal)ilités individuelles et nous ne pouvons
mieux faire qui de nous approprier le jugement sévère
d'un spectateur (t). « imbécillité, ineptie, maladresse,
ignorance de la maïueuvre et de toute tactique de mer,
sont les seules c uses (U> notre perte. »
Dans la soirét^ du jour qui succéda à cehii du cond)at,
7 vaisseaux et 4 'régates ou corvettes jetèrent l'ancre à l'em-
bouchure de .a Vilaine, et îiprès s'être allégés d'une partie
de leur a •♦"'erie, frandiirent la barre à la marée suivante.
Hawke voulut les pour.suivre mais(( le vent «pii soufflait en
tenq)ête l'en empêcha, et au lieu «h' démarrer il fut obligé
d'amener les perroquets. » Le 22 novendn'e, la mers'étant
un peu calmée, les Anglais s'occupèrent du Héros et du
Soleil Royal, échoués près du Croisic. A leur approche, les
Fram^ais mirent le feu au vaisseau amiral, ([u'ils avaient
évacué la veille : « J'ai fait ce matin, à mon Age, écrivait
Conflans (2j, un prodige de force en débar([uant le long de
\ \
I
11
%
(1) Correspondance de Vannes, 24 novembre 1759. Porleteuille d'Argcn-
son. Bibl. de l'ArscnaL
(2) Conilaiis à Aiguillon. Croisic, 21 novembre 1759. Archives de la Ma-
rine. B. 4. LXXXVI. '
Vi
"H
«74t
LA GUERRE DE SEPT ANS. - CIIAP. VII.
l'étravo. » Quant au Héros, il fut incendié parles Anglais.
Le l)ilan des journées désastreuses des 20 et 22 se tra-
duisit, pour la marine française, par la perte <le (> vais-
seaux, dont 1 pris, '.i naufragés et 2 détruits, et d'environ
2.500 hommes, dont la grande majorité noyés. Les Anglais
eurent 2 vaisseaux naufragés et, d'après leur relation of-
ficielle, 300 hommes hoi-s de cond)at auxquels il convient
d'ajouter une centaine de noyés ou de débarqués sur la
cùte fran<;aise et par conséquent prisonniei-s. Ilawke, après
reconnaissance de l'entrée de la Vilaine, fit transformer
quelques-unes de ses chaloupes en brûlots destinés à
mettre le feu aux bAtiments français qui s'j .'iaient retirés,
mais il dut renoncer à une entreprise <{ue la saison ren-
dait fort dang-ereuse et se contenter d'établir un blocus
rigoureux. Les vaisseaux réfugiés <lans la Vilaine y furent
détenus pendant de longs mois; ils n'en sortirent qu'en
17G1 et 1702, gnVce à l'énergie et à l'intelligence de deux
lieutenants de vaisseau, MM. Hector et de Terray. (jui ob-
tinrent comme réconqiense le grade de capitaine de vais-
seau.
Entre Hawke et Aiguillon, les premiei's rapports après
la bataille furent des plus courtois; un échange de prison-
niers j)ermit de renvoyer les survivants de l'équipage du
Fortnidabic, dont (piehiues-uns, transférés sur la Réso-
lution, avaient péri avec ce vaisseau. Mais bientôt l'a*
mirai anglais, grisé par sa victoire, émit des prétentions
inacceptables. Il revendiqua comme prisonniers les gens
du Héros, sous prétexte ({ue ce vaisseau avait amené son
pavillon et voulut s'emparer des canoiis du Soleil Royal.
Repoussé par les batteries de terre, il écrivit à Aiguillon (1)
une lettre pleine de menaces : « Je me vengerai sur tout le
littoral avec la dernière sévérité... Je suis venu il v a huit
(I) Hawke à Aiguillon, 12 décembre 1759. Archives de la Marine. B. 4,
vol. LXXXVl.
■■■■Pi
VAISSEAUX FRANÇAIS RKKLGIES DANS LA VILAINE. STr.
mois dans l'infcMitioii de trancher le sort dos doux nations
avoc M. do Conflans en pleine nier; il n'a pas voulu ni'at-
tendre.... et in'oi)lige à avoir recours à dos moyens fjui
répugnent à mes sentiments naturels et à mettre la contrée
à l'eu et à san;^'. » La controverse se termina pai* le refus
de remettre aux Aniilais les matelots du Héros et par le
lionihardemont inutile du hourfj- du Croisic.
En Aiif^leterre, l'émoi avait été faraud (piand on appi'it
la sortie de l'escadre de Brest, aussi dopècha-t-on A Ilawke
des renforts (fui n'arriv«îrent d'ailleurs qu'après l'action.
Ace propos, le zèle déployé par les commandants anglais
fait ressortir rexcellont esprit ([ui existait dans lotj rangs
supérieurs de leur mari?io. C'est ainsi que l'amiral Saun-
ders qui revenait du siège de Québec avec une partie de
son commandement, mis au courant do ce qui se passait
sur les côtes <le Bretagne, aloi's cpi'il nitrait en Manche,
n'hésita pas à faire route, sans relâche préalable, pour
rejoindre l'amiral Hawke, dont il rallia la flotte le 26 no-
vend)re, cinq jours après le cond)at. Il est impossible lU^
ne pas contraster cette initiative heureuse avec l'inertie
flegniaticjue de Bonq)art, dont les G vaisseaux, rentrés à
Brest le 7 novend)re, auraient pu par leur présence chan-
ger en victoire le désastre du 20.
En résumé, le combat des (cardinaux, ou la bataille de
iM. de Conflans, comme on l'appela à l'époque, fit peu
d'honneur à la marine do Louis XV. C'est à bon droit <pie
l'historion Mahan parle de rnfl'airo comme du Tr.iialgar
de la g-uerre de Sept ans. L'amiral français, s'il ne méritii
pas l'accusation de hVcheté (jui a. été (]uol([uof(tis lancée
contre lui, justilia le verdict d'incapacité <{ue lui a <lé-
cerné l'histoire. Bien ([u'infériour de ({uehjnes unités aux
Anglais, il aurait moins souffert dans un engagement au
large de Bolle-Isle que dans l'entonnoir f)îi il entraîna son
escadre. Hawke, qui avait 27 vaisseaux (l), dont ï de
(1) Clowes. Koi/al .\(ivij, vol. III, p. 218.
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L\ ci;k«rk i»k sept ans.
CHAI». VII.
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r>() Cillions, à opposer <iu\ '1\ ii<> CiOiitlaiis, sut tirer |)ui'ti <i<'
sa supériorité; il luontni liciiucoup (l'audace en jjoursui-
vunt son adversaire ef en pénétrant avec lui, par f^ros
temps, sans pilotes et avec, le vent soiirtlant à tern*, dans
des parafées inconnus et semés de récil's. De c(Mé <ît d'au-
tre, peu de vaisseaux prirent réelN'nient part à l'allaire;
dans l'escadre française, seuls, le Formidabtr, h» Maf/ni-
fiquc, \v. livras, le Juste, l<' Thésée, aiiparteuant pres-
{\W{\ tous à l'arrièie-iiarde <lu brave Du Verj^^er, furent
successiviuiiont en^apés. La plupart des liAtiments réfu-
giés à Hocliefort n'eurent (pie des pertes insiiiiiiliaiifes;
ceux(|ui étaient eiiti'és dans la Vilaim^ furent encoi'e iintiiis
éprouvés, (lomment. en l'occurrence, explitpier l'isole-
nienl dans lequel se trouva l'amiral fraii(;ais dans la niati-
né(î du 21 novembre? La cour de Versailles, bénif^ne selon
son babitude, ne soumit à aucune enquête les capitaines
(|ui avaient abaudoiiné leur clief; elle scî contenta (1«^
laisser sans commandement le pauvre (>)nflans et de
faire attendnî à HeaufVremont et à Villars de la Brosse (1)
leur promotion au .«rade supérieur. L'opinion des cou
temporains fut plus sévère : « Les circonstances de cett(ï
jouraée, écrivait un officier (1(> l'escadre (2), sont à la
boute de notn^ marine et ne prouvent que trop qu'elle a
|)eu d'officiers (|ui aient de la volonté, du courage et du
talent, et (pi'il est impossible de s'en servir à moins de la
refou(lr(î (Mitièrement et de lui donner des cbefs capalilcs
de la conduire. » Quaid aux matelots, en majorité iiretons,
des navires «pii avaient combattu, ils n'eurent i;uère à
se louer (le radministratioii ; le commissaire L(^ Brun se
|)laiut amèrement (3) de n'avoir pas de fonds « pour payer
11) Villars ilc la brosse était le plus uiicien capitaine des vaisseaux
réfugiés en Vilaine.
(:!) Rapport sur le combat du 20 novembre. Archives de la Marine. B. 4,
vol. LXXXVll.
(3) Le IJrun au Ministre. 59 novembre 1759. Archives de la Marine. B. i,
vol. L.XX.W.
MISÈRE DKS ÉQUIPAGES CONOÉDIKS.
377
au moins aux luutilrs unr conduite (jui Icuc est duo
et qui. par leur trist<' riat, leur (h'viciit ui'MM'ssaii'c <'t(|u'il
serait hctnteux pour l'Ktat de ne leur point accoi'der, alin
do les empêcher, ajirès l'avoir si vaillannnent servi, de
d<Mnandei' raumôue le lou^° des cliemius, ainsi ((ue le font
leurs camai'ades <|ue j'ai c(»n,i:é(liés hier et tous ceux du
Hrros (|ui s'en retournent <'hez ux. »> Aucun document ne
nous apprend si Le Urun. (pii avait été <d»liiié d'emprun-
ter ;{.()()0 livres pour donner une avance de vin,t;t sols aux
érpiipa^es du Ihb'os et du Soleil lioi/aL tut à même de
n:'^ux traiter les Messes du Formidable.
La défaite de ('onflans et la dispeision de la seule tlottc
(pii restAt à Louis XV détennim'-rent la cour à aWandoniier
l'expédition particulière. Le corps d'armée d'Aiguillon
fut ré|)arti dans les irai'nisons de la Hi'eta,t;ne et des côtes
de la Mancli(\
A l'occasion de la victoire, le ,i?ouvernement lu'itanni<pH'
se montra aussi fténéreux «[u'il avait été imi)itoyal)le jiour
les défaillances ou les erreurs du passé; les amiraux Hos-
cawen, Haxvke et Saunders reçurent ravancement et les
honneurs (pi'ils avaient hien mérités.
Aux tentatives (1(> descente dans les Iles Uritanni(iues.
se rattache l'entreprise ili du capitaine Tliurot. (let olli-
cier, qui s'était siiiualé dans la ,nuerre de courses, fut
chargé d'une diversion en Irlande. On lui contia, dans c(^
hut, trois frégates et trois corvettes sur lescpielles était
eml)ar(pu' un détachement <le l.-iOO hommes commandé
par le brigadier Flohert et fourni en |)arlie par les gard(»s
françaises et suisses. Thurot s'échappa de hunkei'(|ue le
15 octobre; dés sa première relAclie à (JotluMuhonrg. un
contlit s'éleva entre lui et son jK-rsonnel. Très brave,
jeune, — il n'avait qu<' 32 ans — autoritaire, violent de
tempérament, le chef de l'expédition n'admettait ni répli-
:; Mi?i
1
(1) Arcliivps de la Marine, B. i, vol. XO.
378
LA GUEIUIE DE SEPT ANS. — CHAI». VII.
«|u«', ni lirsitation <le la part «l<" ses suhonlorinrs; rotui'ici*
(roi'i^'iiio, irappartonniit pas à la. iiiariiir royale, il lui
l)i('iit(M dans les plus mauvais tenues avee les oflicieis
(1(5 l'année de terre. De (iotlieinhoui'i:, la tlottille tça^-^na
BerfACP. puis les îles Krroc'. où elle mouilla le *28 décem-
bre. An <-unrs de er'tf<'navij;ation, la (juerelle éclata de plus
belle eiiti'c Tliurot et Klobei't à propos de détails de sei'-
vice; les capitaines <le rleux i'réjLiates, las d'une croisièiu*
des plus fatigantes peruiani la(|uelle mat<'lots et soldats
avaient été fort éprouvés, prirent parti contre leur chef et
manifestèrent leur inti'ntion de rentrer en France; l'un de
ces bîHiments, VAmarant/ic, se sépai'.i en eti'el et rallia le
port de Saint-Malo. Thui'ot, après uiuï démonstration sans
utilité contre Londonderry et un court sé)(,ur à l'ile
(TlsLiy, dél)ar(|ua ses troupes en Irlande dans la baie de
(^arrickl'erj;us, où elles s'emp.irèrent de la ville de ce
nom et de sa garnison; elles y levèrent des récpiisitions
en nature et en arjient, mais (|Uiind Tliurot proposa d'îil-
ta<pier In ville importante de Helfast, Flobert s'y refusii
catéfi()ri(|nement. L'escîidrille. réduite à ."{ frégates, appa-
reilla le 'Ht lévrier 17()0; deux ,j(»ui's après, elle rencontrii
près de l'ile de .Man :l frégates anglaises <jui avaient été en-
voyées à sa ptinrsuite. Le bîHiment de Thurot (1) le Marr-
chal de lie/lc-h/e, dont une partie de l'artillerie avait été
démontée pour alléger sa marche, engagea deux anglais
l'un a])rès l'autre; un essai d'ahordage échoua par suite
(In bris du beaupré; Thurot fut tué et, après une lutte de
deux heures, la frégate, (|ui avait 5 pieds d'eau dans la
cale et avait beaucoup souliert, dut amener son pavillon.
Les compagnons du Maréchal de Delle-lsle, qui avaient fui
d'abord et mal niaïueuvré ensuit*', succombèrent tous les
d( ux après une faible résistance. Dans cette action, les
Anglais eurent une perte de 5 tués et 31 blessés. Celle des
(1) Journal de Bragelonne, major du corps d'expédilioii.
FIN DK L'EXPKDITION DK TIIUHOT.
379
Kraiiriiis l'ut de 90 lioiniiirs lii»rs (i(> conih.-it, poui' le seul
Man'cluil de Belle- fs/f.
Ainsi Huit iiiio expédition ({iii avilit ciiiisé lrsalariii<>s l«>s
[)Iiis vives dans l<' Uoyaunie-rni et dont les ju'oiiioteni's
s'étiiient promis des résultats hoi-s <le propoilion avec'les
moyens <re.\éeution. Sou elicf, l'intrépide Tliurot, eût
mérité une meilleure fortuiu'.
A p.'irlir de la défaite de (^ontlans, la suprématie na-
vale de l'Auiilelei're fut incontestée ; les désastres sueces-
sifs de Louisl)our^', de La^os, des Cardinaux avaient sinon
anéanti, tout ar. moins sin,uulièrenu'nt réduit la puissance
inai'itime<|e la France. Kn dehors des reuc(»ntres d'escadre
<]ue nous avons relatées, la balance des j)rises à l'occasion
d'euiiajienu'uts isolés faisait ressortir un(« lounh* dillé-
rence iiu préjudice de la marine de Louis XV. Dans ce
i^enre d'allaires, [)endant les <|uatre années <|ui s'étaient
écoulées depuis 175H, les Aufilais avaient capturé 8 vais-
seaux de ligne et 2'2 fréjiates, taudis (jue uous ne leur
avions enlevé cpu; '1 vaisseaux et ('» lultiments lé,'^ers. Kn
175(>, nf)us avons vu La (Jalissoiinière vaimpieur de Byn.u
et maitrt! de la Méditerranée; eu 1757, Duhois de la Motte
l'éuuit à Louisjjouri;' une Hotte imposante et la ramène
eu France sans pcu'te ; au commencement de 1758, les
<'scadres de d'Aché et de Frogier-rKguille sortent libre-
ment de nos ports et vofjuent sans op])osition vers TKx-
trème-Orient; H<'aussieret Duchallault se rendent à Louis-
Ixmrji;' sans accident. D'autre part, il est vrai, Toulon
est l)lo(pu'' et La (Hue n'eu écliaj>pe ((ue ])our aller sv.
renfermer à Cartlia^éne. Ku 1759, la situation s'aiivyrave :
nos escadres ne liaiiueut la pleiiu' mer <|ue pour livrei'
des combats où elb's succombent devant la supériorité
(lu iiond)re, et il faut le recounaitre, devant l'énergie et
la hardiesse des chefs ennemis. Enlin, l'année se termine
sur le triste spectacle de nos vaisseaux éparpillés, réfu-
,iiiés dans des rivières df)nt ils ne [)euvent déboucpier,
aapf»
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LA GUKURK OE SEPT AN3. - CHAI» Ml
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*>t iiiciipiihlt's d'iiiM' .'irtioii cniiild'iirc Nos cdIoiik's, pi'i-
V(>os «lo sccoui's, ('I)|||m'<(>s (I(> tonte coiniiuiiiiriitioii avec lu
inétropolc. sont à la merci de l'Aiiulais. I,a ^nerre maritime
est achevée e( laif place à <'elle du hlocils.
l*oiir ciimplétei' la l'eviie des événements lioi-s d'Kn-
l'ope ipii peséi'cnt d'nn |>i>i<ls apprécialtle dans le conflit
enuafi,^é eidre l'Anfilelerre et la Krance, il convient de
porter le reuard snr les Indes Orientales on se ponrsnivait
depnis 1<> délnit des hostilités une lutte des plus mouve-
mentées entre les dcMix coinpafiiiii's ipii repivsentaient Ifi-
l»as les pavillons ri\au\. l/arraniicincnt de fin 17."»V. con-
clu entre les liouNccneurs de Pondichéry et de Madras,
n avait été («ujum' tir\(' assez mal ol(ser\ée par les helli-
li'éi'ants. hèsTautonme de I7.')(>, la cour de Versailles avait
(!''-('idé d'envoyer dans l'extrême Orient une force navale et
Uii coi'ps de troupes destinés à soutenir la (Icunpajiuie des
Indes et à repousser les ell'orts ([U(^ les Anglais tentei'aii'ut
confi'e les postes et t'actoi'cries de la Société. Le choix du
ministère et d-i conseil <le la (lon^taunie tond)a sur le lieu-
tenant i^énéral d<' Kally Tollendal; il ne tut pas heureux.
Le nouveau commissaire i^'énéral n'avait aucune ex|)érience
du milieu où allait s'exercer son autorité. Urave s(»ldat,
actif, ph'in de zélé pour le service», mais imj)atient, iras-
cii)le jusepi'à perdre tout confrùh' de lui-même, dépourvu
de ju.uement, avec cela fantasipie, nn'*luint, Iku's des .yonds
(piand il aurait fallu du san,u-froid. plaisaidant sans mé-
na,ii«Muent et hors de saison, Lally n'avait pas les <pialités
\(»uliu's pour le poste diflicile ancpud il était a[)pelé. Les
instructions (juil emp(»rtait avec lui n'étaient pas de nature
à faciliter sa tAche; inspirées par les préoccupations linan-
cières des administrateurs, elles étaient faites pour Im"
rendre suspects la i)lup(irt de ses futurs collalxtrateurs. Il
lui était enjoint de (1) « mettre la (^ompaynio en état de
(I) Instructions de Lally, tl dpcombrc l'ôC. Archives de la Guerre. Indes
Orientales, vol. S'iTiS.
■#Œ^tr
LALLV NOMMÉ COMMISSAIRE nKNKHAL AI X (NI)KS
;iHi
M
|HI-
Ici'iiiiiM'i' les Irouhics ci de sr. i-clin'r «les «MiHJi^*'iii('iits où
elle «'sf «Mitiro jivi'r les piiissaïK'i's ilii piiVM, (|iii, coiniiir
lii friKM'i'c, sont rKiiNMiD'iit iMiiiK'iix *'\ |i!vjiiili('i<il>|<'s ;iii
«'oiiiincrrc. » Octtc invitation à <i|i|ili(|un' inir |)oliti(|n)'
alisoliMiMMit o|)|)osri> aux itiros «l'expansion ipi'avaicnt
snivi»-;, |)nj)l('ix rf son lieutenant llussy. était eoniplétée
par la latitinle de maintenir <<■ deniier dans le llecan, de
le i-appelei* on de le reniplaeei*. Kntin Lally anrait à sé\ir
(■(!ntr(> lu vénalité des t'onetionnaires loean.x. « (lonnne les
trnnides <!<> l'Inde ont été la soni'ee d'nn uivind nond>re
de lortiines pai'li<"nlièi'«'s proni|ites et snliit<'s. le nnMiie
système vènne lonjoni's <lans l'ondicdn'ry où eeiix <pii
n'oid point encore l'ait fortune espèiv-iil la faire pai' les
inèuM's moyens... Le sieni' de Lally aura Iteaueoup de
peine à y déi-aeiner cet espi'it de cupidité, et ce serait un
(l<'s |)lus liniiMJs services cpi'il j.ourrait rendi-e à la (loin-
pa.i^nie. » Comme ohjectit' militaire, on lui indiijuait la
prise <lc (londeloui' et «lu fort Saint-David; \l devait ou-
Idiei' pour un ti'inps «pie les Anglais |)ossè(|ent au«Mine
place dans lintérienr; tout son ohjet doit être de s'em-
parer des places mai'itinu'S. "
Le <-oi'ps e.\[)éditionnaire, d'ahord lixé à un cliilIVe plus
élevé, fut réduit aux <leux réuimeids «le L«»rraine et de
Lally. chacun fort «le i Lataillons «le ÔIO hommes, et à un
déta«h«'menl «le l'A) aitilh'Urs. Ces unités, «pii devaient se
join«lr«> aux forc«'s c«)l«»niales de la C«)m|)a,iini«'. fuivnt em-
hanjuées sur un«' «'s«-a«lre «lont le command«Mnent fut
«•!)ntié à M. «l'Aché. La |)reniièr«' «livisi«)n lit voih' le 'M) dé-
cemhro 175t), s«\journa à l'île de Kranc«>. à .Madai:as«'ar, «•!
l>arvint à Pondichéry le 8 se[)t<Mnl)re ll'û. Le ch«'valier
de Soupire qui était à la tét<* (l«>s troup«'s. aussit«"»t «léhai--
<pn''. entreprit le si«\!.:e «le ('ihilonp<'t. «|u'il emp«ii'la après
17 i«)urs de tranché*'. Il avait fallu remplir les vi«les dans
le r«''fiimeut «le Lorrain«\ dus à la l«)nt;ue travei-sée et aux
maladies (pii en étaient raccom[)a,i;n(Mnent. «>n faisant des
^^ ^
ri
382
LA GUERUE DE SEPT ANS.
CHAP. VU.
ii
pr'lèvonionis sur los soMats oolouiaiix; Sonpiro ho plaint
ilu physiquo de ces recrues, dont la taille ne dépass*»
jiuère cin«j pieds un i:iiuce.
On iTpr(»ciia avec raison au gouverneur fiV'uéral Leyrit
de s'être contenté de ce premier succès ef d'avoir perdu
}r(»is mois pendant les(juels il aurait pu proiiter de la su-
périorité de ses forces de terre. A cette <late, «mi ellV't, les
Aniilais (1) n'avaient (pie peu de troupes l>ianclies daijs
leurs places de la côte de Coromandel. S'il faut s'en rap-
porter à la correspondance de Soupire, l'inactioti avait été
causée par le maïupu* d'argent; à son arrivée il n'avait
pas trouvé (2) une roupie dans la caisse et n'aurait pu
entrer en campagne sans les l.OOO.OOO livres apportées de
l^'rance. Os espèces furent l)ient<M épuisées : « Si j'eusse
eu des fonds, écrit-il au nnnistre (3), et des muniti(nis...
J'eusse abrégé hien de la hesogne à M. de Lally : non seu-
lement je ne puis sortir, mais tous les ouvrages et ])répa-
ratifs pour les opérations de guerre sont suspendus;... les
dépenses excèdent de moitié les recettes. Si l'oi» n'envoie
pas de France dix millions par an, toutes les dépenses de
l'armement pour le transport des troupes seront infruc-
tueuses. »
D'Aché, avec le reste du corj)s expéditiomiaire, avait
(piitté Lorient dans les premievs jours de mai 1757; après
une interminalde navig.dion ([ui coûta la vie a 19 officiei's
et 307 matelots et soldais, il iit relAche à l'de de France,
n'en repartit (pu* le -28 janvier 175S et r..ouilla le 20 avril
à Kai'ikal; deux jours après, il était au large de (londe-
lour ou Cuddalore, avec son escadre de 9 vaisseaux, d<<nt 1
(1) Sou|)iie à Paulmy, Poiidichéry, 28 janvier 1758. .Arcliives de la Guerre,
vol. 3541.
(il Soiiinre à d'Argenson, Valdivore, l.> octobre 1757. Hibliolhèquc de
l'Arsenal
(3) Sou|iire à d'Argenson, Pondicliéry, 15 février 175h. Bibliothèque de
l'Arsenal.
H 0
COMBAT NAVAL DE CUDDALOKE.
383
(le liiniariiid l'oyalo, v\ los autres appart(Miaiit à la (^oinpa-
iinie. Il (Irlmta licurousonuMit ou coupant la rotraitc à deux
i'iryatcs anglaises (\m furent ohlii'ées de s'échouer, et
brûlées par leurs écpnpanes; mais il dut aU'aihlir ses
forces en détachant le vaisseau le Comte do Provence et la
fréi:ate la Diligente, p..ui' déposer Lally à Pondichéry.
Le "29, on apen-ut l'escadre anglaise de lauiiral Pocock,
forte de 7 vaisseaux: celui-ci avait été rejoint depuis cincj
jours seulement parle coimnodore Stevens, (jni lui ame-
nait d'Auiileterre et en dei'uierlieu de Hond)ay, un renfort
<le V vaisseaux. Cn peu plus de dilig-ence de la part de d'A-
< hé lui eût permis de «apiiersur les onze mois qu'il avait
cMiployés à faire le voyaiie (l'Europe; parvenu (ju<d([ues
jouis plus \(\\ sur la cùte, il >ùt pu empêcher !a réunion
<le ses advei-saii'es, ou peut-être battre Pocock avant la
venue de Stevens. Les tlott ne ciierchèrent pas à s'éviter,
et ractioiis'eniiaiiea pres(jue aussitôt; eUe dui'a 'X heures et
demie "t fut chaude sans être décisive; il y eut des dé-
faillances de part et d'autre : le Duc de lioiirgojne « ne
i;arda(l) ni ne fut jamais à s(/n poste; au contraire, dès le
commenccMuent de l'action, il arriva et ne combattit (ju'à
travers les niAts de nos vaisseaux, (huit il s'était mis à l'a-
l)ri. " n'Aché mit à i)ie(l le commandant La Préede Manne-
villette, navii;ateur distiiiîiué, mais pauvre mano'uvrier;
de son côté, Pocock lit passer en conseil de ,nuerre trois d«
ses capitaim^s (jui n'avaient pas obéi à ses signaux. Les An-
glais accusèrent une perte de 118 honnnes. tués (>• blessés;
['"scadre française, dont les ponts cl les batteries étaient
encondirésde soldats, eut VOV hommes atteints, i.es vais-
seaux le Zodiaque , le liien-Aimé et le Moras furen* les
l»lus épi'ouvés. Vers le soir, les Français cpii. après le com-
m
'\ !
v'
!
.• If
(t) D'.\(:htt. llapport sur la campagne. Port-Louis, 30 octolne 1758. Ar-
chives de la Guerre, vol. 3541.
CIowc. Royal l^avi/, vol. IIL Cainbiidge. Uur in Initia. Londres. 17(>1.
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^ÎWÎ'I^W
384
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
w
I ;'
bat , avaient «''t«^ ralliés par les b{\timents envoyés à
Pondichéry, allèrent mouiller à Lani[)ravy, tandis qucrad-
vei'saire iiafina Sadras dans le nord. Pen<Iant la nuit (jui
suivit l'eupanenient, le Bien- Aimé ((ni avait beaucoup
d'avaries, se mit à la cùte et fut perdu; on put en reti-
rer l'écpiipaee et les canons. I.e 7 mai, d'Acbé était en
rade de l*on<licliéiy et eonuncneait le (bdiarquemcnt des
U'oupes.
Avant de parler des opérations de terre, il importe de
jeter un coup d'teil sur la position des deux compagnies
rivales, ((ui depuis un «piart <b' siècle se disputaient la
dominiition (b' la iirande j)éninsule. I^a trêve <hi 31 <b''-
cembre 175V, sifrnéepiir les (bnix conunissaires, (iodeheu,
successeur <b» Dupleix, et Saunders, n'av.ait pas été de
longue durée; les bostilités avaient repris au printemps
de 1757. Les Anglais, qui venaient de s'enqiarcr (bî Cal-
cutta, attaquèrent le poste français <le (^landernagore
et le forcèrent à capituler le 2.'l mars, (le succès fut con-
lirmé par la victoire décisive de Cdive à Pifissey (jui assura
la suprématie bi'itanni({u<^ cbuis tout le Bengale. Sur la
cùte de Coronuuub'l, il n'y avait eu ([ue des affaires insi-
gnifiantes; diins le sud, Auteuil. <{ui commandait à She-
riî:gbam, près (b^ ïricbinopoli, avait évacué ce poste et
était renti'é à Pon(ncliéry. Eu plus de la capitale, les Fran-
çais étaient maîtres de Kiirikal <'t de Masulipatam, que
Siu.ssy iivait «'ulevé aux Anglais le -iV juin 1757. Les princi-
paux postes de la compagnie britaniii({ue étaient Madras,
(ion<b'lour, avec b' fort adjoint de Saint-David, à peu de
(bstance au sud (bi Pondicbéry. En debors de ces villes et
(b's territoires «pii en (b''pendaient, les sociétés rivales ne
possé(biient (|ue (juebjiies factoreries (buis l'intérieur ou
au bord de In mer. I) us la gramb' province du Decan,
grfh'e au prestige de 1' ssy, l'influence fran(;aise était pré-
pondérnute au moins pour le moment. D'ailleurs rien de
plus difficile à démêler ({ue ce tissu d'intrigues où nous
LALLY DKn.VRQUE A POiNDICHÉRY.
385
oyes a
lie l'ad-
luit qui
aucoup
Ml l'eti-
l'tait on
icut dos
^oi'to (le
pagnios
aient la
31 (lé-
fKlohou,
i été (le
intonips
(le Cal-
rnaproi'o
fut con-
li assura
Sur la
ros insi-
t à Sho-
[)()ste et
os Fran-
ni, ({ue
is princi-
M ad ras,
peu de
villes et
aies ne
lour ou
hocan,
ait pr('-
ieii de
)U nxHis
voyous les princes uialionM''tans, les aventuriers nialirattos
et les partisans paians s'associer tant(\t à l'une, tant(')t à
l'autre conipaf^nie, au fin'* dos (''V(''noniouts et do lour in-
t(''irt iniin(''(liat. A la date do la mise a terre du corps ox-
p('ditionuaire, les forces an,i,"laises sur la cùlv ne (h'pas-
saient giu're 1.800 n'f^'uliers europ(''ens et un nombre
considcM'aldo, mais variai)lo, do cipayos ou d'auxiliaires
plu» ou moins (lisciplin('s.
Lally avait d('d)ar(pi('' à l*on(li(li(''ry le jour in('''nio du
combat naval; il fut ro('U avec les bonnours dus à sabauto
situation. Le salut tin'* à cette occasion fut siuiiab'' pai'
un accident sin,i;ulier; les artilleui's dos batteries du front
do mer avaient oublié dans l'Ame de leurs pièces dos bou-
lots ({ui vinrent frapper le vaisseau le Comte de Provence,
à J)ord du(|uol ('tait le fién(''ral. Sans s'arivter à ce fAclunix
pivscïiio, Lally dès le loiuiomain partit jiour le camj) de-
vant (londelour, où il avait été i>i'écé(b'' [)ai' une avant-
.uardo sous les ordres du briiiadior d'Ksfaini;'. Le sièi^'o ra-
l)ideniont mené aboutit, le V mai, à la capitulation do la
liarnison auiilaiso. (k^tto opération n'avait été (]iie le pré-
lude d'une entreprise contre le fort Saint-David, « réta-
blissement européen le plus important do la côte ». Vn
premier combat beureux rendit les Krau(;ais maîtres des
ouvrages extérieurs, dcint ilscbassèi'(>nt le défenseur avec
une perte do « 150 blancs ou noirs. •! ofliciors anglais et
80 cipayes prisonniers. » Le jour suivant, on ouvrit les
trancbées et on se mit à bombarcb'r le fort; le *2(> mai (1),
«six pièces tirant à ricocbet sur le ro\(M's do ratta(|ue se-
condèrent les moi'tiors. Leur feu intorniittont (b'pondait
de l'arrivée dos munitions. Trois batteries, dont une do
8 pièces de canon et doux do V, connnoncèi'ont onllii le V
à détruii'o constamment les délcnsos do la place. Kilos
(1) Joluni»! des opérations depuis le '20 janvier jiisijiraii 4 aoûl 175S. Indes
orieulales. Archives de lu Guerre, vol. 3ri4).
(ÏUEnilE DE SEPT ANS. — T. III. 26
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Il li
386
LA GLEKUE DK SEPT ANS.
CHAP. VII.
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tiW'iviit avant d'otn^ achevées; 1*2 do ces pirces l)jitfai('iif
en ln'ôchc la face ^auclio du ]>astion do la luor; (juatt'o
dimiiiuaioiit lo fou do r<)iivraf;'o A conio. On apprit !<•
niôino joui' ((110 i'oscadi'o aufilaiso, après avoir rôjiarô uiio
parlio d.' sos [)ortos à trois lioiios <lo Madras, l'oiiioiitait
vorsPoiidicliôry. La iiAtro votait ond)ossôo : cotto position,
la plus sùro ot la plus lunnhlo (pio puisse pnMidro uno
tlotto (pii n'a j)oint été hattuo, avait été dô(i(|ô(> par un
oonsoil d(» niarino. Lo urand noinl)ro dos malades «mi était
cause ». Lally courut à Pondicliéry o1 usa do son autorité
pour contraindre d'.Kché à roiiaicnoi' 1«' large moyennant
U'i renfort d<' VOO soldats ot la distrihution do cpiolipios
roupies aux matelots. « L'ariicnt donné, les convalesci'nts
oublièrent ((u'ils l'étai(Mit : ils se crurent ,yuéris; lo Zo-
diaque fut armé de pli's de 700 liommes et la flotte mit à
la voile le surlondemaiîi. Les l>att<M'ies du sièp* faisaient
effet; colle des mortiers avait été ra})prochée {\q la place;
lo feu avait pris dans lo fort à un dé])At considérahlo de
poudn» ot de l)ond>(>s. Le premier chonun couvert était
abandonné, nos travaux avançaient; M. Winch, t^ouvor-
neur j)acifi(pio. ot .M. l*olior, commandant d<'s troui)es, se
trouvèrent suflisammont i>ris et demandèrent (le 2 Juin) à
capituler. Trop mat:nili({uos dans leur début, ot prodi-
t;uos do leur poudre, il no leur i^w restait j)lus (juo "20.000
(piartauts; cette (piantité aurait à poim* suffi à la consom-
mation do deux jours, houx capitaines des vaisseaux du
roi d'Angieferre et tous les Aniiiais ont été faits prison-
niers de g'uerre. » La liarnison fut écliantiéo contn^ '»00
!<'rançais détonus depuis loniitomps à Tricliino|>oli, (|ui
vinrent combler les vides dos bataillons i\o Lally.
Au cours dos opérations, les troupes avaient été très
éprouvées par la température et la mauvaise <[ualité des
vivres; « des veids brûlants ot périodicpios enlevaient un
sable pulvérisé par roxirème chaleur; ils détruisaient
pondant h» jour l'ouvraiio i\v la nuit et coud)laient la
l'RISE DU FORT SAINT-DAVID PAU LALLY.
387
te tl'ÔS
[t»'; dos
Mit un
IsaiiMit
l(M\t la
traiicliro. >' Dixna le journal du siè,u<5 nous i'elov<Mis (|U(*1-
<|ucs détails curioux : « La nourritui'o <los troupes ne con-
sistait ((ue dans du l)isci:it sans léiiunies, avec une [lortiou
nulleiuent attrayante d'un animal appelé ein'eii marron;
ee mets révoltait les soldats; ils regrettaient encore le
pain d'Kurope et le Itiscuit dos vaisseauv. Ati'aiWlis, ton
tinuellement de service, on no pouvait exi.U'or d'eux pen-
dant la nuit (ju'uii travail jnédioci-e; ils étaient dans l'im-
possibilité ih\ rien faire pendant le jour, l^es coups «U^
soleil produisaient le jnéme ell'et (jue ceux du (.•uion;ils
tuaient aussi sultitemcMit. (lot étrani:,e ficnn; de mort a
souvent eidevé plusieurs soldats dans la même tr'ancliée;
ceux <(ui, frappés à moitié, ne succombaient pas entière-
ment, étaient fuiieux ou sans connaissance. »
Conformément aux instructions de la cour, la dénndi-
tion du fort Saint-David fut décidée; ])endant (pu* l'ar-
mée était employée à ce travail, le j^énéral, de retour
à Pondichéry, [)roposa (I) de faire le sièu-e de Madras.
De l'aven des bistoriens aniilais. l'entreprise eut eu de
iirandes cbances de ;, accès ['î], la place étant en mauvais
état et la .narnison faible. MalbeurinisenuMit, tout le con-
seil s'y opposa en prétendant (jue l'expéib'tion était im-
praticable. Par contre, il fut résolu de mener l'armée
contre le prince de Tanjore k pour lui faire payer un bil-
let de 55lakbs (3) (ju'il devait à la Compagnie » <>t pour
faire vivre l'arnuM; aux dépcMis d(> ce potentat. On partit
de Pondicbéry voi-s la mi- juin.
Itès son arrivée aux Indes, l.,ally avait onti'otenu les
rapjjorts les plus aigres avec le i^onverneuruéiiéral Leyrit
et ses fonctionnaires, (pi'il accusait de n'av<tir rien pré-
(1} Mdinnire sur le choix d'un commandant dans l'Inde. Arcldves de la
Giierre, vol. ;{.5it.
'2) LeUro du gouverneur l'igott, mentionné par le mémoire. Voir aussi
Cambridge. Tlic war in India, p. 13G. Londres, 17(51.
(3) Le iakii valait à citle époque environ :{l?.()00 livres.
t-/;
il!
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••-■' n.i
388
LA GUEURE UE SEPT ANS. — ClIAP. VII.
IfÀ
-(!•-
pair pour los opérations iiiilifairos (lf^|)uis le (Irharquc-
iiicnt <l(' Soupire, et (!«' né^Huor los besoins do sos trou-
pes. F.<e 1.') niai, huit Jours après leur première rencon-
tre, il rej)i"oclie à Leyrit (I) son « indillerence létliarijicjuo
pour le sucrés de cette e.xpédition », et la perte des liuit
mois liasses à « disjiuter de ses prérofiatives avec M. do
Soupire;... il lui ahamlonnera toutes les siennes et lui
oll'ro son amitié pourvu ({u'il lui donuo sa couliauce et cpril
concoure au hien du service. » Ainsi amorcé, le com-
merce épistolaire continue, mélaufio de vivacités, de ré-
primandes, (piehpielois de plaisanteries; il indicpie un
liouime (pii désire vivre eu honiie intolli,i;'ouce avec son
coi'respondanf , mais dont l'impatience se traduit par
i< des propos <[ui dépassent los liornos de la déceuco. »
Pondant le sièg-e de Saint-David, furieux (pi'oii le laisse
mancpuM- de munitions, Lally « nuniace de sévir avo<' la
|)lus grande riiiueur et déclare qu'il houlevei'sera la (îom-
patinio avant de sortir de l'Inde ou «prolh' n'emploiera
(|ue d'honnêtes gens. » il n'en fallait pas plus pour faire
de Leyrit, caraclère froid, sournois, huroaucrate <lans
l'i^me, un ennemi irrécom'iiiahlo. Il en sera bientôt do
nuMue de Hussy, dont le coucours eût été dos plus utiles.
grAce à l'habileté (pi'il avait déployée dans los e.vpédi-
tions contre et surtout dans les uégociations avec les
princes indigènes.
(i'est ainsi (|ue le commissaii'o généi-al. peu au courant
des afi'airo intéi-ioures et bien déterminé à nécoulor
d'autres avir quo los siens, au moment do son départ
pour h' Tanjore. écrivit à Hussy, alors dans le IJocan, de
venir le rojoin<lr(> avec ce qu'il avait de troupes. Dans
cette lettre (2), il e.\posc son programme : « Ko Uoi et la
(lompag'uio m'ont envoyé dans l'Inde pour en chasser los
(1) Le mémoire ci-dessus cilé contient des extraits dos lettres de Lally
à Leyrit.
(2) Lally h Biissy. rondichéry, Ul juin 1758. Archives de la Guerre. Indes
Orientales, vol. 35il.
LEITUK DK LALLV A HLSSY.
381)
Aiifi'lais, ot c'osf l'ivoc les Aii,i:Iai.s (|uo nous avons la
guoi'i'c. Tout autre intérêt m'est éti-anfier; il ni'inipoife
peu (|u'un cadet dispute le Decan ù S(tn aine on ((ue tel el
tel raja se disputent telle ou telle iuil)al)ie. Uuand J'aurai
externiiiu'' les Anfilais de toute cett** cAte, Je s(>rai en état
<lc faire, et sans sortir de mon < al)in<'t, et à peu de Irais,
(les o
pérati
1>
ions l)oaucoup plus sures cjue celles (pu o
ni
(•oùt('' Jus(|u'ici tant de sujets an Uoi et tant de rou|)ies à
la C-ompa.tiiiie. » Suit un ('doiic (l(>s services rendus par
liussy et un appel à son |)atriotisme et à son aide p(»ur
les ojitrepi'ises proJet(''es : « l^es Anglais se sont concen-
trés à Madras, c'est là (ju'il l'aut les atta((nei' a\('c toutes
les l'orces l'ran(;aises réunies; le ])eu dariicnt, le |mmi
(riiommes et le peu de ci'édit J'el)uteraient peut-être un
autre (pie moi; mais puis(pie Je suis venu (1(^ si loin. Je ne
l'eculerai certainement j)as, et Je m'y prépare d;uis la
('(
)]dlan
ce que je ^rouNcrai en \<»us des ressijuices (
loiit
vou:î savez (pie l.i (lompa,:;nie ici est Icttalement dénuée,
c'est-à-dire liom nés, clievaux et ar.iiciit. » Madras pris, il
se port(M'a sur 1( (ian.uc soit [>ar terre, soit par mer. " ("/est
là où vos lumières me sont absolument nécessaires, c'est
là où vous parta,j;(M'ez avec moi les uloires de la réussite,
elle intluerait ])eiit-étre sur la, Irampiillité du Decan
Il ne me convient ])as de \(>ns rien presci'ire sur une poli-
ti(pie (pie vous |)ossé(lrz si s(tuverainemenl cl Je nw i»orne
seulement à V(jus retracer toute la mienne dans ces Irois
mots; ils sont sacramentaux : |)lus d'Aniilais d.ins la pé-
ninsule. >>
Kn parlant ainsi, I^illy, il l'aul le reconnaîti-e, ne faisait
(pi'ohéir aux instruclions de la coui' et de la (',ompa,i:nie.
hostiles toutes les deux au système d'expansion dont
Hussy s'était montré le pnrtisan convaincu et revéciitenr
heureux. Tout an plus [)oiivons-nous reprocher au i;éné-
ral de ne s'être |)as inspiré, pour l'a|)plicution i\\\ |>ro-
itrainme, de la situation locale. Dans l'espèce, le moment
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LA C.I'ERHK DK SI'.I'T ANS. — CHAI». VII.
(lu ra|>)K'l (le Hiissy rfiiit (U's plus inni «'iioisis. (Ici oHi-
cici'. «|ii' sci'vait (l('|>iiis plus de \ii\ii\ îiiis ;ui\ Indes, s'r-
l.'iil liiillr lin rôl<' tout à l'iiit s|M'>(-i.'il <i<ins les iiltairos
imli.m'iics. Il venait de l'élahlii' (1), auprès du vico-roi
<lu hecan, Salahel-Sini:. rinfluence IVaiicaise un instant
conipruinise à la suite d'intri.mies de palais aiix(|iielles les
.\n,i:iais n'avaient |)as été étrangers. Salahel avait, il est
vrai, conservé s(»n titre de soiihal), mais il avait été dé-
pouillé de tout pouvoir ellectit'. au ju'olit de ses frères
Nizaïu-Ali et Hassalet-Sinu-. Russy accourut au secours du
souverain, étroitement sui'veillé danssttn palais dWurun-
,i:al>ad, l'orca i\'izam-Ali à |)ren(li'e la l'uite. lia.una la fa-
veur de liassalot et redevint, ce (pi'ii avait été jjendant
plusieurs aimées, le maître virtuel i\n Decaii. Il était
en route pour lly(leral)a(l avec Salaltet ipiand il reçut
de Lally invitation de le rejoi:idre avec le tiros de ses
troupes, de ne laisser dans la province ([lie 1(^ nombre
iii(lispensal)lo de soldats pour y maintenir l'ordre, et iVvn
lUMiiettre le coiniuandement au marcpiis de CiOntlans,
jeune officier fraîchement d(''l»ai'((ué (rKuro[)e, (pii avait
été expédié à sa reiicoiiti'e.
liussy s'inclina de l>oiiiie ,uri\ce ci), tout en faisant valoir
le daiiiU'er d'ahaudonner Salabet et lo Decan : « CiOmme
je n'iiiiiore point la détresse où l'on vous laisse à Pondi-
cliéry pour l'arj^eut, je m'exécute pour vous aider. Si ma
fortune (pie l'envie au.îiinente si considéraMement et avec
des circonstances (fui nroiitraiient, si cette fortune, dis-je.
était ici, je la sacrifierais du meilleur de mon coMir, mais
elle est en France ou en chemin. N'importe je vends,
j'en,ua,t;e. je i)rio, je menace; enfin je vous envoie ci-joint
uiw lettre de channc de cent mille roupies, et je vous en
(1) Mallesson. Tlic Frencli in India, 1807. Traduit en français par M™' Le
Page, 1874.
(2) Bussy à Lally. l."> jnillcl 1758. Aiciiives de la Guerre. Indes Orienlale.s,
vol. 3541.
±
IJUSSV RAPPKLK DU DKCAN.
391
|M»i'(<M'.ii pnit-rfi'c (Micdfc deux cnil inillc, iiwiis sùi-cMiiciit
(■(Mil ('iii(|ii<iiil(> inillc. Je me vciidi'iiis nioi-iiHMiic si je
|M>inais ti-niivcr (|ii(>l({ii(M-|i()S(> de lion siii- (-cttc niiii'ch.-in-
(lisc. Voilii, nioiisiciii'. ce (|ii(' je |Miis l'aii'c pour le um-
MKMit. Mil \i(>, ni!) l'oi'fiiiic son! an |{(>y. » Cii ("•drc de
l'appel idi>iiti(pio fut traiisinis à Moranciii (|iii «'tait a Masiili-
pataii) avec (pichpK^s Fraii(;ais cl d(>s auxiliaires iiidip'iies.
L'exp(''(lili(ni du Tanjorc» ne donna pas de n'«snllals;
l'aniK-e mil plus d'un mois à arriici- devant la capilale
du |»ays. On mVocia à rellel d'oMeiiir le l'emhourse-
iiieiil des sommes dues à la (l(MiH)a,i:nie ; Lally se sérail
contente'' d'un acompte, mais les pourparlers rureiil l'om-
pus par renti'(''e en sc(''ne diin corps de Maliraltes, fort
sup(''rieur en nombre aux troupes l'ram.'aises, (pii JneiihM
rni'ent l>lo([ii<''es dans le.ir camp. (Cependant les op(''ra-
lioiis aAaienI cominenc('' et une hn'clie avait ('>t('' prati-
(|uée. mais sur l'avis du p(''ril ((ne le (h'part prochain
de Tescadro fraïK'aise allait l'aire coui'ir à l*ondicli(''ry et
surtout par (h'faut de vivres et de pi>udres. I.ally lut
oldiiié de le\ cr le si(\ii(\ laissant derri(''re lui î) pi(''ces de
canon tante de moyens de transport.
\n cours de rinvestisseinent de Tanjore, l'irascilde ijé-
U(''ral avait indisj)os('' ses ot'ticiers par son inampie de iih'--
tliode et [)ar le peu de mesure (pi'il apportait dans ses
rapj)orts (\) avec ses sul)or(lonn(''s. l'n Jour, il lait ai-n'-ter
le chef du .«éuie par une escouade de soldats; dans une
autre circonstance, à la suite d'une sortie où lesMahrattes
avaient enlev('' deux (''l(''phants à cùiv de sa tente. « il mit
tous les ofticiers d'artillerie aux arrêts, chacun à une pit'ce
de campagne, pour vous a|)preiidre. dit-il. à ne jamais
ahîindoiiner nos pièces. » *< Quand on (h'cida la retraite,
('crit de Theil. il y avait trois jours ({ue je ne inauficais
(l) A. Bnauinont de Tiieil à son frère. Pondichéry, 20 fioùl 1758. Raron de
Tlieil, Une famille militaire au di.r-liuilicme xii-cle. Paris, tS'JG.
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LA r.MERRK DE SKI'T AXS. CIIAP. VII.
<|m'iiii pni (le hisciiit tn>iii|)<'> (l.iiis de r(iri'a(|ii<' (|ui est
lliK* rs|)<'>r(> (l(> l)()iss()ii; l(> soldiit lir liiiiiipriiit (juc le cd'Ul'
«les <-(>c()ti(M's, il n'aviiit ni ri;^. ni pain, ni viando L<>s
soldats sont |)i('ds nus et point haliillrs. on dit pour l'iiison
(|n'il fait tropc iiand « Kn irsnnir, r<>\|)('>dition <!<> Tanjoi'r,
mal conduite, conta aux Français près de .'lOO hommes (I )
(^t lit perdre à I.ally le prestifio (|ue ses premiers succès
lui avaient valu.
A Pondichéi'v , l'année retrouva l'escailre. Aju-ès avoir
participé an,\ opérations contre le fort Saint-David et em-
pêché l'amiral l'ocock de secourir la |)la('e, d'Aché avait
(jesceiulu la côle juscpi'à Néiiapatam, ci'oisé dans les pa-
rafes de (leylan, puis sur les instances i\u Conseil supé-
l'ieur. il était revenu à INnidichéry où il mom'lla le 17 juil-
let. ni\ jours plus lard, on vit paraître à Thori/^on la (lotte
anglaise (|ui avait ré])aré lesdommaii'es du comhat de (ion-
delonr. Le lendemain, d'.\ché appareilla avec ses 8 vais-
seaux; l'amiral l'ocock n'en avait i\{W 7, mais son ai'lille-
rie, (|ni com]>tait hon nond)re de piéc<>s du calihre <|e
li'2 livres, était supérieure, et ses écpiipa.ues (pii appar-
tenaient tous à la mai'ine royale, étai<Mit plus homofiènes.
Le :} août. d'Aché [■■>) atta<pui l'ennemi au larye de Porto-
Novo. INMidanl l'allaire. à hord du Coiùlo iU' Provence et
du vaiss(>au amiral le Zodiaque éclatèi-ent des incendies
([u'on eut Iteaucoup de mal à éteindre. Les navires de la
(lomi)a,i;nie. le Condé et le Morns, à la suite d«> i;rav<'S
avaries, durent (piitter la liiiiie de condtat. L<^ Zodiaque,
à peine remis de l'alerte du feu, eut son pouvcrnail brisé,
(I) Lally ne parla que d'uni! perle de 100 hommes. De Tlieil l'évalue i\ 500
en Uips, l)les8é.s et déserteurs; ([uelques-uns de ces derniers allèrent renfor-
cer la garnison de Madras.
(21 D'Aché. Ilapport sur la Cc npafçne de l".')». 30 oclohie 1758. Archives
de la Guerre. Indes Orientales, vol. 3541. Voir aussi W. Clowes, Koynt
Nnvi), vol. III. Clowes donne ^O'i canons à l'ocock et 4!i(> à d'Aché; celui-ci,
d'après son ra|iporl, n'en aurait eu (|ue 436.
COMHAT NAVAL DK FORTO-NOVO.
:j9:»
nhonlîi le Dur d' Grimas o\ l'osta. (|U('l(Hi(' t(Mii])S en hulfc
jni\ coups (le l'Aiiulîtis siiiis puinoii' y rrnoiidrc. n'Achr
al>aM(lt)[iii<i lii partir, assrx iiioIltMiiciit poiii'snivi par l*o-
••ock cl alla se rcparcr à INmdiclicrx . Mans cet. (Mifia.uciiicnf
(pii dura deux lnMires et demie, les Kraiicais acciisèrenf
WH tués et Messes dont lî)V à hord t\\\ Zodiai/tw. l-es
Anfilais n'eui'cnt (|ue VM lioinnies mis lioi's {\i\ r(»ml)al.
Les deux amiraux furent Idessés. (lonlormément aux mé-
th
odes a
loi-s
en usa
i;e d
ans cliacune des mannes, le
l'eu
dc:-
Aniilais était diri.yésur le [)()nt et la co<jue, tainlis <|ueJes
français visaient surt<»ut à dénnUer l'adversaire;; aussi
dans pres(pie toutes les rencontres sui' mer- de répo([ue.
voyons-nous les pertes d«> ces dei'niers dépasser de Ix-au-
coup celles des premi<M'S.
Aussit(M l'escadre revenu*' à l'ondicliéry où les Anglais
ne vinrent j)as l'incpiiétei', les dénudés déjà latents entre
le commandant des troupes et le chef d'escadre repi'irenf
de |)lus helle. l)"A(dié donnait, il faut l'aNouer, d'assez
itonnes raisons ]>i>ur ramener son escadre à llle de France.
i< l.a |)lus urande pai'tie de mes mattdots, écrivait-il au
Conseil supéi'ieur de la (lompaiiiiie ( Ij, sont tués, Idessés
ou atta((ués du scorliut et flux de sani;', sans mat(dots on
ne peut manoînvrei' ni se hattre; toutes mes niîUures sont
totalement endommagées [)ar leshoulets (|ui les perc(>nt.
toutes mes mameuvres épissées et dans un triste état ; plu-
sieurs (le mes vaisseaux, dont le u'ouvernail est offensé et
d'autres (pii font beaucoup d'eau mon parti est pris
d'aller à l'Ile de France radoul>ei> mes vaisseaux et me
mettre en état d'attendre les secours d'Kurope. i Lally cl
le (lonsoil, avec le(ju(d il était cette fois d'accoi'd, récda-
niaient (2), au contraire, le maintien de l'escadre sur les
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(1) DAché au Conseil siii>ériciir, IS aoùl 17r>8. Archives de la Marine.
Indes Orientales, vol. LX.V.VI.
(2) Lally au Conseil supérieur, 31 août 17.">S. Avis adopté par le Conseil.
Archives de la Marine. Indes Oiienlaies, vol. LX.X.XI.
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cùfcs (le rindc. Sîiiis rllr. IStiMlicliri'y sfniit oxposr aux
iiisiihcs (l<'s .\ii,til.'iis; avrc clic, il se l'aisnil l'orl iW s'oiii-
|)iir(>i' <lc Miitlfiis. Pour lui pcniicltrc un Iroisicuu' couiluit
(|ui l'orcci'ail l'ucurk à s'cloiu'iicr, il oitVail LTiOd liuuiuics,
cin|>i'. Mites à 1 armée «le tern*. I.e -2 se|itcinl)i'c. nouvelle
insislance pour eouserver la flotte Jus ;u'au lô (Mf<»l»re;
ui>uveau relus de (IWclié. après consultation de ses capi-
I liucs. Les cvéïu'inents prouvèrent «pu*, dans la eircous-
tauc«\ Lally a\ail eu le sens de la situation.
h'.Xclic mil à la voile le \\ septend)r<> cl parvint sans
cucouilu'e, le CJ oetolu'c. à l'Ile de Ki'ancc, où il trouva le
rcnlort (pii lui avait été annoncé et entre autres une l'ré-
iiate (pi'il expédia à j'ondicliéry avec 1 million de livres
en numéraii-e. Ile l'Ile de Trauce, d'Aclié lit un i"ap|>ort il)
où il se plaignit tics " pro|>os in<lé<'ents et des eniporte-
uieiits du cdunnissaire tîénéi'al » ; ce derni«'r ne lui a pas
l'ait rendre les honneurs, n'a pas l'ait mctti'c de sentinelle à
sa porte ; c'était une faute d'avoir ^ tant de pouvoirs réu-
uis dans un seul liomme. despote, passionné et viol«>nt. »
.V eu croire le clici'd'esc'adre. ses blessés auraient été k lais-
sés sans secours siu' le Word de la m<'r; <pnd«pu's-uns sont
inoi'ts, faute d'assistauce. LeyofUciers l)l«'ssés ont niancpu'^
de palan(piins pour les porter à la ville... M. d<' Lally, dé-
festaid la marine, la croyant inutile ou du moins désirant
(pi 'elle le fût. n'a cessé de uie croiser dans nu's opéra-
tions et d(^ me contrarier. » l)'.\c!ié accuse Lally d'avoir
<'ssayé (( de le retenir à la cote et de la (l'escadre) faire
ris<puM" d'y suecoiulxM' sous les forces des ennemis ou d"y
périr.... Il assend)le un conseil, il Uicuace, il tonne, il dit
(|u'il <'st le maître, «pi'il empêchera les capitaines <le m'o-
héir. Je les assemhle, je leur fais voir l'autorité dont Je
suis rî'vétu dans uics instrurtioni>. dette démarche, humi-
ll) D'Achéà Mi>ras. Ile dn Frant^n. 30 octobre, 0 novembre 1758. Archives
(le la Guerre. Indes Orientales, vol. 35il.
se aux
s'oiii-
'(>iiil>at
milles,
nivelle
•(f»l)!'e;
•8 capi-
•ircons-
iit s;iiis
■oiiva l<»
me f'ré-
0 livres
iiiporte-
iii il piis
tiiielle il
)irs l'éii-
ioleiit. »
té » liiis-
IIIIS SDIlt
iMiiiupié
lly, (ié-
ésiriuit
(tpéi'ii-
<riiv(»ii'
(M la ire
s ou (1 y
, il (lit
(le iii'o-
(loiit je
, huiui-
r>8. Archives
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DKPAKT DK L'KSCADHK IIË I) ACIIK POUIt LII.E DK l'IlANl K 3'.)5
liiiiile il lit vérité pitiir moi. les rassure coiilre riinineiise
puinoii- el le eréilit éiioniie ([lie s'iiltriliiiiiit le (-(itiKiiis-
saire (In Itoy, eoiiiiiiaïKlaiit iiii\ Indes. « Déeidéiiieiil, L;i!ly
ii<' liiisiiil rien p(nir vivre en hoiiiie iiilelli.i:<>iM'e fivec ses
eollétiiies on fiiiniier leur conlianee. (î'est avec riiis(»n (piini
oriicier (lueorps expéditioiiiiiiire disiiit de lui (1) : " Notre
.nénérjil est plein d'activité. niiiisjiis(|iri"i présent il ne s'est
pi!S lissez attiîclié i"i ^imner les c(eurs. •>
L'iiccord entre le lirnncriienr et le c<tininissiiire du Koi
il propos de lii rétention de l'esciidre, ne s'étendit piis
iiu\ opéi-iitioiis militaires. (irtU-(> à une iiépx-iiition liiiln'le
on avait pris possession d'Arcot ; S(»iipire. pendiiiit l'iili-
seiice de l'année, iiviiit enlevé ipielipies postes. I.iilly voii-
lilit pojisser ces iiviintiiii'es et tenter le siéuc de Miidi'iis,
tiindis <pie Leyrit étiiit piirlisan d'une eqtéditioii contre
Tricliinopoli. diiiis le Sud. Le conseil se prononça pour
renfre|)rise de Madi'iis; il y l'nt déterminé piir l'ivposé
des emliiirras tiiiiniciers on se ti'ouvait lii c(donie. Ikms
d'étiit de payer la sctide des troupes «>t même de les fiiire
sulisister. <> Il Viiliiit mieux, s'étiiit écrié (2) le commissiiin^
(In l{oi. i)érir en détruisant rennemi <pi"expirer de Ite-
soin. ..
Peu de temjis iiprès cette décision, l'armée destinée i'i
ii.tïir contre Miidriis fut concentrée iï Conjevei'iim; elle se
composait de îJ.itiO Kuropéeus, environ V.(M)0 indii;éi>.'S
et d'un parc. d( 20 canons de siè.^o et 10 mortiers; elle
sr .nit eu marche le 29 novembre. Dèii le délnit de la ciim-
piiiiiie, on fit lii l'iiute de ne pjis s'assui'er de lii \'\\lr. de
('-liinf^el[)ut ; Lîilly. i"i lii suite (rniie visite des lieux, renoncii
il une îittiKjne (pii eût nécessité l'ouverture de triincliées
et, partiint, une pertes de temps. Il laissii iiinsi jiux Aiiiilîiis
(t) I.eUii! d'un oflicier, :> seplenibn; 1758. Archives de la Guerre. Indes
Orientales, vol. 3541.
('.?) Mémoire sur le choix d'un commandant. Archives de la Guorre. Indes
Oricnlalcn, vol. .'J541.
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LA gi;kiuU': dk skpt ans. — ciiap. vu.
lit. f.iriliff (Ir l'oiifnlTci' ce |K)str <'l dr sVmi sci'vir |)!»lll'
liarcclcr sos Iroupos ])OTi(laiil Ir siôiic cl .yriicr Iciii' ravi-
lailIciiKMit. I.c t'i (l('M-('inl»r<>, les rlicfs IVaiirais puront it-
coiniaiirc la. |>lar(> de Madras. Landivisiau (1), qui coin-
inaiidail la hriiiadr d<v; lr<»ii|)cs dos Indes, «mi l'ait la
(lcs('ri|)li«»ii siiivaiil<* : << Madras est coiiijKtsrc de doii.v villes.
\o lort '".aint-dcorti'c^, aiilrcmonl dit la vilN' hIanclH*, n'est
haliilée (|iM' par des Imii'ojx'mmis; c'est celle-là (|iii esl l'orti •
liée. L'autre, iioininée la ville ii(»ii'e, est (ruiie étciidtu^ iiu-
ineiise, luiltitée par j»liis de ôO.OOO Indiens, sans l'oi'tilica-
tion ci séparée i\i\ la vilh* Manche par un es|tace d'environ
MW à VOO luises aiil(»ur de la(jn(dle elle l'oi'ine un denii-
(•ercle doni les <lenx exlréniités ioiiclient à la. niei'. »
Le ccdonel Laurence élail cantonné av(>c le yros des for-
( es anglaises à. San-Tonn'' (Saint-Tiioinas Monnl , où élaienl
situés le palais du ,U(Miv<M'ncur cl les villas des l'onclion-
naires ef employés; à ra|»proclie des léles de colonnes de
Lidl\ . il se retira dans le l'ai-l Saint-deorycs. Deu.v .liiuis
après, le \ï (lécend>re, les |<'ran(;ais entrèrent sans coup
l"érir<lans la \ille noir<' et |)énéli'èrent pres(|ue sans résis-
tance jnscpi'à failde distance de renceinle. Mallieureuse-
nient. les soldats se Mn l'èi'cnt ai; pillage et donnèi'cnt le
temps aux .\n,i;'lais de se l'cssaisir ; une sortie de la narnis(»n
l'ut d'al)ord victorieuse, et l>ien ([wo délinitivem«>nt l'cpons-
sée avec une perte de .'100 hommes hoi'S de condiaf, coula
pres(|ne autant aux assiéyeauts; plusieu'"s (dliciers de Lor-
raine turent tués ou hiessés, et parmi eux Soultinet, un
desmeillenrs servitenrsde la (lompaiinie, hiessé mortelle-
nn-nt, et le colonel du ré,i:i;nent. d'Lstaini:', le l'ntur amiral
des jiiierres de Louis \VI, «pii l'ut hlessc et l'ait prisitu-
nier.
Maluré les premiers succès, la tAch(> à la(|nelle Lally
(I) Landivisiaii au MiriLshi', Ponilicliéry, iVi aviil I7.VJ. Aiciiivcs de la
OiieiTO, liuit's Oiiciilalcs.
II' pnui'
ir ravi-
•oiil vv-
li roin-
l'ail lii
^ villes .
n\ u'j'sl
«si foi'li
(liin iiii-
ortilifîi-
(Miviroii
Il <loiui-
dos l'or-
i rtaionl
"onclion-
>i!nos (le
u.v j(.urs
MIS <on|>
lis rvsis-
•iinMisc-
KM'Cnl 1*'
i;jirnis(»ii
n>|)oiis-
I, «'oùtn
(\o \a>\-
invl, un
Ktrlcll»'-
r amiral
trisoii-
!<« Kally
livRS de la
SIKOE DE MADRAS.
s'ôtait aftclô ôlaif lurl rpinciisc. DcjHiis la prise d*' la vilî<*
par La. Itoiirdoiiiiais pondant la i^iiorro do Siiccossion . los
forlilicalions t\o Madi'as avaioid ôtô aiiiiinoiilôos. Lo l'nri
Sain(-(;o()ri;<>s. prosipio (tiivoi-l vers la uiorsui" laipiollo il
s'appiiyaif, ôlaif |)i-otô,i;o du oolô ^]o la lori'<' par u:io sôrio
(\o hastions avoc i-avolins, lusses, controsoarpos, ojioinins
(••;uvorts ol f;la('is; sur lo IVoid 1" |)lus l'ajjproohô do la
villo noirn où lo l'ossô était à sor, los hasilons oxtôriouis
ôtaiont douldôs «l'un mur intôriour qui pormottait de |>i'<»-
l<>nf;;('r la dérenso. lia t;'ariiisi)ii, rentoreée <le|)uis le mois
do soj)foiiil)ro i\(' la moitié du réiiimont d<' Mraper, comp-
tait, avant la sortie de \ï déeomJ)rc, I.HOO blancs et :>.()()()
ou U.OOO cij>ayos; les soldats, stimulés par la promesse
d'une ,nratiticatioii de .'»(). 000 roupies vn cas d"écliec dos
Français, étaient prêts à l'aire leur di'voir; ù leur tète
étaient dos ol'liciers éneri;i(pios, Laurence, Draper, l'iii.ué-
nieur (lall, admirahlomoiil secondés par le tiouveriieur <i-
vil l'ipott. ho (;liin,i;(*l|uil, où ils s'étaiou! établis on force,
les Ai,i;-lais iiKpiiétaient les comniuiiicatioiis, cou|iaient l(>s
vivrosauv assié.ii-oants et interceptaient parfois les convois;
des expéditions fait(>s ou viu^ do les délmsipior no furent
pas poussées à fond (ît ils conservèrent leur |)osto juscpi'à
la k-véc du sièj^c. Lo ravitaillement en [)oudr(> et on mu-
nitions et l'évacuatiou dos blessés et ib's malades fin'ont
assurés, très irré,i;ulièr<MiM'nt il est vrai, par I;), V(»io <lo
moi". Kn oU'ot, PococU, dont b^s vaisseaux avaient bo-'.u-
cou]) souH'oi't dans los combats dv (iondelour et de Porto-
No vo et n'auraient pu rester sui- la cAte sans daniior |)en-
dant la mauvaise saison, était allé se ré|>aror à Uoiniiay;
la mer était donc libre ou [)liilot, par suite Av la |»i'é-
sence i.- diMix petites fréi;atos, au pouvoir des Krancais.
Tout alla bicMi d'abord; on cli(»isil pour point d'attacpie
le <iemi-bastion <pii termine le Iront do teire du côté do
la mer, et on travailla vijuourousomout aux apjn'ocjies.
(irAceau dévouement du cor[)s r(»ynl (d'artillerie '. on [tut,
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u -iiHin^^ «■ >■ ii> ■ . I ir^^^Jimfi '■■*it»WTsaa
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LA GIJKRRE DE SEPT ANS. — ClIAP. VII.
I(^ () jîiiivi'>i' 1759, ouvririez feu; W 11 de i(; iî'ois, los Jxit-
tcrios iii'iiK'cs (le IJ2 pièces iii'ai<Mit sur reiieeinte pendant
(|ue les luoi'tiers écrasiiieut la ville de leurs bombes;
enfin le 25, on elFectua un c loii'enient de 20 toises qui
aclieva d^Mubrasser l'angle saillant et (jui le couronna. »
l^e progrès était satisfaisant, mais le feu de l'assiégé était
encore soutenu ; i' les défenseurs (1), uni(piement occupés
du côté de la véritable attaque, rétablissoient les «M)d)ra-
sui'<'set remplac'oient les canons démontés avec une j)roinp-
titude iiK-royable. I.,e repos funeste dans lecjuel les ncMres
passoient toutes b's nuits, leur rendoit ces opérations fa-
ciles; dix ou douze lieures d'obscurité sembloient trop
courtes pour réparer nos i)ropres dommages, et l'on avoit
souvent pendîint le jour plus de tenq)s ([u'il n en falloit
pour consommer nos munitions. Nos soblats, accablés d(?
service, travailloient avec répugnance; l'ivresse couduisoit
à l'indiscipline; le pillag<' (ju'ils avoient fait ou vu faire
rendoit méprisable l'argent (pi'on leur otfroit pour les
animer. Plusieui's nn>is de solde étoi(Mit <lus; ce prétexte
leur paroissoit suflisaiit [)our se plaindi'e et j)our déserter;
<'ent cinquîinte ou <leux cents déserteurs, refusant ]'ain-
nistie cpi'on leur prodiguoit, étaient les plus zélés défen-
seurs d' Mach'as. »
>lalgré tout, on pouvait espérer un bourenx dénoue-
ment, ([uand le :{() janvier, on vit au large un navire <le
laconq)agnie anglaise. Il réussit à forcer le blocus, à dé-
bai'cjuer de l'argent, (piebpu's soldats et des jnunitions;
il ap|)ortait surtout la nouvelle de la venue procbaine
d'une escadre anglaise avec des troupes l(^ la métro-
pole. Kn dépit de cet incifb'nt (pii servit à relevei' b'
moral de la garnison, le sièg'e se poursuivait avec vigueur :
« l'ne partie (b' la contrescarpe (2) avoit sauté, le bas-
tion d'attacpuî étoit déti'iiit <'t la bi'èclie ouverte;; les
(t) .lounial des opéialions déjà cité.
(2) Aléiiioirt! sur le choix d'mi coininiiiidaiit, déjà cité.
^S l)ilt-
nnhcs;
SOS qui
mua. »
;r ('^tait
iccupôi
iMiibra-
[)i'(»ini)-
i nôtres
i:)ns fa-
ut trop
)ii avoit
1 lalloit
ihlôs (le
iidiiisoit
vu faire
^)()ur les
)réte\te
éscrter;
t î'am-
s (léfeii-
éiioue-
virc (!«'
à dé-
litions;
)eliaine
niétro-
ever le
liueur :
le l»as-
l'te; les
ly
LEVEE DU SIEGE.
3U9
Ijonilx's <|ue l'on avoit jetées dans la ville y avoient mis
le feu pres([ue tous les jours, eu sorte (pu' tous les édillces
étoient lu'ùléset détruits et cpie la ville n'étoit plus (ju'un
uioueeau d(^ ruines. M. de Lally assembla les principaux
ofliriers et j)rit l'avis de ceux de l'artilleri*' p<uu" savoir si
on donneriiit l'assaut. Ils déelarèrent (pie la hrèelie étoit
])rati('al)le, mais (pio les feux de la jilaci» (pic l'on n'avoit
pu éteindre, en rendroient race('s impossible; on s"et!'or(;a
(rétein(ire ces feux; mais nos haitei-ies. aussit<M ^léuîontées
((u'étaldies. U'' faisoient aueun etl'et; les es|)éran(es du
suecès s'évancuiissoient et le déeoura.ucnuMit s'éloit ré-
pandu ])!U'mi les soldats et mènu' les officiers, lors(pie
() vaisseaux vinrent mouiller dans la ra le et y déj>îir(piè-
ront un renfort de troupes considérable et de secours de
toute esj)èce. L'arrivée de ces vaisseaux fournit un pré-
texte lionnéte pour lever le sii'^e; mais l'impossihilité du
succès étoif alors pi'es(pie démontrée. « L'ai-mée battit en
retraite sans être in(piiétée, emmenant ses blessés, son ar-
tillerie de canipat;ne et tout ce qu'on put atteler de son
parc. Soupire, avec le i;ros, s'installa dans une des pa-
godes (le C.onjeverain ; Lally, avec sou ivaiment et la cava-
lerie euroj)éenue, se retira à Arcot. Le siège de Madras
avait c(u'ité au corps exj)éditionnaire 82 officiels tués ou
blessés sur un total de 2L"); la [)erte des soldats européens
se monta à, 11 ou l.'iOO morts, blessés, j)ris ou désertés.
Surî) offiders du cor[)s royal et 17 de l'artillerie de: rFnde,
les j.M'emiers eurent :j tués et 2 bless('s, les seconds I tue et
.'{ blessés. Les volontaires de l'île l'ourbon 'aissèrent de-
vant Madras Vî des leurs sur un effectif de (>0.
Kn résumé, l'entrepi'ise n'avait pas été bien menée. La
possession de (Miingcdput aurait facilité le ravitaillement
et rappi'ovisionnenient des battei'ie;-., (jui durent à maintes
reprises interrom|)re leur tir, faute de mmn'Iions; le ren-
dement des soldats cmploy(''s aux travaux ne fut pas tel
(pi'on pouvait l'attendre ; mais il semble surtout (pie la di-
• I
y
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Ui
lipfii nifciirniiii ^m«iiir"'B
400
LA GUKUUE DE Si:PT ANS.
CHAP. VII.
M
I ■'
ii:
roction de ratt.'ujuo, ('((iitiéc au cliovalicr d'Urro, coiu-
luaiKlniit (lo rartillerio, ait fourni niatiôrc à critique. Si
»»ii parcourt le journal de l'iuiiénieur anglais ('ail (1), on
est obligé de reconnaître que la construction des hattcries
françaises fut imparfaite, l'orientation des embrasures dé-
fectueuse, le tir inférieur à ce (ju'il aurait <lù être. Dans les
dei'niers jours du siège, ou fut forcé de cesser le feu de
la hattericî de brèche, établie sur le chemin couvert, pour
reprendre celui de la grande batterie située en arrière;
le fourneau de mine ((u*<»n lit éclater, près du bastion
attaqué, ne produisit pas letl'et voulu, et, pai' contre, on
n'empêcha [)as le mineur ennemi de boulevei-ser les tra-
vaux de sape.
(Connue on doit le penser, étant données les dispositions
du personnel militaire et civil, réchec que Lally venait
de subir devant Madras porta une nouvelle atteinte à son
prestig'c; on laccusa d'avoir compromis h\ succès par son
ingérence dans les détails du service de l'artillerie, par
l'ordre prématuré de comnienccr le tir des batteries (2'l
avant que I«Mir installation fut conq)létée, ou leur approvi-
sionnement assuré. Il ne lut pas atl'ecté par ces allég-ations.
<( N'allez pas croire. Monseigneur (3), écrivait-il (piel(|ue
tem])s après à Helleisle, que je suis honteux d'uvcjir man-
(pié Madras; c'est l'entreprise hi plus hardie (£ui ait jamais
été faite; j'ai gagné (piati batailles pendant ce siège et
j'ai écrasé une ville qui ne s'en relèvera de 15 ans. » Il est
vrai que, vers la tin des opérations, il tenait un tout autre
langag-e, où perçait à la fois son découragement et sou
dégoût des hommes et du pays. « Nous sommes toujours
dans la même position, mandait-il à Leyrit ('i-), la brèche
(1) Call. Joiiniiil (lu sivijc du fort Snint-Gcoff/Ps. Cambridge, p. 155.
(2) Conespondaricii de Theil et de lUissy.
(3) Lally à Helleisle. Pondicliéry, !<" aoilt 175'J, Archives de la Guerre.
Uide.s Oriuntale.s.
(4) Lally à Leyrit, camp devant Madras, 14 février 1759. Cambridge, p. 150.
N
DKCOURAtiEMENT DE LALLY.
4ni
|. 155.
Guerre.
I.', l). 150.
faite (lepiiii» «|uin/o jours, toujours à ({uiuzo toisos du uiur
(lo laplaop, ot jnuiais uc lovant la tôt»' |)our la rcf^ardoi'. Jo
couipto (|uVu arrivant à Pondiclirry nousclioi'cJKU'ons tous
à nppnMidr»' (iu<'l<|Uo autre nirtic!', car t-olui do la ,i:u<'rr('
oxifTo trop (1(1 ]>ati(Mico Vous u'iuiaj^'iuorez jamais (juc
ce sout cin<[uaute (h'-serteui-s trau(;ais et uuo ceutaiiK; de
Suisses (|ui tiennent eu arn^'t deux mille liouinies des trou-
pes du Hoi et de la Couipai^uie et vous serez encore
plus surpris si je V(jus disais, ({ue sans les deux coi.diats
et les (piah'e batailles (|ue nous avons essuy(''s et sans les
deux l)atteries qui ont (''t('' iMan({U(''es ou faites de travers,
pour parler plus elaireuieiit, nous n'aurions pas pei'du
ciucjuaute hommes depuis le eonnneneem(Mit du sièf^e,
jus(|u'aujour(rhui le renonce, connue je vous eu ai
d(''jà pr(''venu il y a plus d'un mois, à nie nuder directe-
ment ni indirectement de t(t>it ce (pii peut avoir rapport
à voti'e administration, soit civile soit militair(\ J'irai |)lu-
tôt connn;nider les (Satires de Madai^ascar (|ue do rester
dans cette Sodome, (ju'il n'est pas possible que le feu des
An,alais ne di'truise tôt ou tard au (h'd'aut de celui du
l>iel. — P. S. .le suis obligé' de vous pn'^venir (|ue M. de Sou-
pire ayant refus('' de prendre le commandement do cotte
arnu'Mi (jue je lui ai oll'ert , il faudra (]ue malien; vous,
îivec le conseil, vous vous en cliariiiez. .le lu'en.^ii.^e scîule-
ment à vous la ramener soit à Arcatte, soit à Sadrass; (en-
voyez-y vos ordres, ou portez-vous y vous-nuMne pour la
connnander, car je la (juitte en arrivant. » (letto lettre
tomba entr(> les mains des Anglais, (]ui durent «''tre (uli-
ti(''s sur le temp('rament de Lally et sur les aptitudes (|u'il
poss(''dait pour la haute direction.
Certes le moment ('tait mal choisi pour abandonn(M' son
poste ; raruK'o l'îtait dans un ti'iste ('-tat. « La caisse est vide,
l'crivait Landivisiau (1), toutes les ressources sont (''puis(3es,
(1) Landivisiau au ministre, 24 avril 1759, ûv]\ cil»'.
(iUEltllE IIE SI:PT ans. — T. III.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAI». VU.
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les rcvoims do la (;()mj)ii,:;nio sont inaii,ti(''s (Invaiico. Il est
<lù (l('|)iiis six mois le |)i'(M au soldat, les appoiiitcniciits à
rollicicr cl la paie à ce jmmi (riioiiimcs <|iii nous l'csiont...
Nous n'avons plus (le ressource cpu' dans l'an'ivéc de l'es-
cadre, et encore (pielle ressource! nous n'avons point de
vivres pour nous, nous n'en aurons point pour elle. »
Pour condile de niallieurs, on venait d'apprendre la
défaite d<' (lonllans. (jui avait l'cniplacé Hussy à la tète
«les troupes du Decan. J)«''ci(lénu'nt le rapj)el de Hussy
avait et»' une lourde f'ante. (let officier, roin[)u aux j)rocé-
dés des princes indiens dont il connaissait le fort et le
faible, très au courant de ce qu'il a])pelait la nn''tho(le
asiati([ue, était passé maître dans l'art d'exploiter, à l'a-
vantaji'e de la cause fi'an»;aise, les rivalités et les passions
du milieu oriental. Sans «loute, tout en servant avec zèle
et intelligence la (lompatinie dont il était remployé, il
n'avait pas ouldié ses propres intérêts; mais la fortune
({u'il avait ainsi iic(piise, et dont lepul)lic se plaisait à exa-
jU'érer le chiifre. n'était j)as le facteur le moins iujportant
de l'autorité qu'il exerçait autour de lui et du prestiye
dont il jouissait dans la ])lus t;raiule partie de l'Iiule.
Transforjner ce diphnnate de premier ordre en brigadier
de l'arnuM» européenne, l'enlever aux affaires indigènes
pour lui donner un commandenuMit actif auquel son
passé l'avait peu préparé, fut une erreur qui coûta cher à
la France.
Aussitôt le départ <le Hussy comiu, l'édifice si pénible-
ment élevé de l'intluence française dans le Decan s'écroula
«•ounne un chilteau de cartes. Un rajali local se révolta
contre Salabet Sinti', s'enqiara. de la pei-sonne du résident
traînais à Visagapatam (1), bissa les couleurs britanni<pH's
sur la factorerie et sollicita l'appui des Anglais. A cet appel,
(l}Caiiil)ritlgc. Udr in Iiidia helweenlhv English and tlie Frencli. Lon-
dres, 1701.
DÉFAITE DE CONFLANS.
iO'd
■e. Il est
llKMlts à
i'stout... .
(le IVs-
^K)iut (le
>. »
h la i»Mr
le Bussy
IX procé-
foi't ot le.
niôiliode
[or, à Ta-
s passions
avec zèle
iiployé, il
.a foi'tune
sait à exa-
iinpoi'tant
Il prestige
,lo l'Inde,
hriii'adier
indigènes
lupud son
ùta elier à
Il pènil)le-
i\ s'éeronla
se révolta
u résident
[itannicpies
cet appel,
Frencli. Lon-
lo .uouvernour (lliv(M'èp(»ii(Iit on envoyant de (ïalcntta pai'
la voie Ao nior lo colonel Kordo avec 500 Kuropéons, (jncl-
((iios artillcni's, l.iîOO cipaycs organisés cl nn parc de
siège. Fordè déharcpia le iO octobre 1758 à, Visagapatain,
s<' renforça dn contingent iinligéne dn rajah et marcha
à la rencontvc do Contlaiis dont le camp était situé près
<h' la rivière i\o Uajanmndry (1). Los forces de ce dernier
étaient à j)ou près égales en Knropéens, mais supérieures
<'u artillerie <'t eu anxiliaii'es indiens. L'action, livrée à Ta-
laj)olo le 3 décembre, débuta par une canonnade <|ui jeta
on <lésordro les trou|)es <lu rajah; les Anglais accoururent
à leur aide; Conflaus lan(;a ses blancs contre les cipayesde
Korde, ([u'il prit pour dos Anglais à cause de leurs unifor-
mes rouges; mais pendant cette charge, d'abord couronnée
do succès, les Français furent assaillis à leur tour ])ar les
soldats européens de l'adversaire et mis en déroute. Dans
cette ail'airo, C.ontlans [>erdit environ 150 do ses hommes,
son bagage et toute sa grosse artillerie '[ni, très mal att(i-
léo, n'était pas arrivée à temps pour prendre i)art au com-
bat; il se réfugia à Masnlipatam avec les débris de sa pe-
tite armée. Le (i mars 1759, connnon«;a le siège do cette
ville; après nn mois passé sans résultat en travaux d"a[>-
procho ot en boud)ardoment, Forde, ({ui avait épuisé ses
nuniitious et dont loscommum'catious étaient interceptées
par nn détachement fran(;ais posté sur lo Hajauumdry,
fut iidbrnn'' dos préparatifs pour secourir la place, et se
décida en consé([uonce à tenter contre elle une surprise
de nuit. A cet effet, il distribua son monde en plusioni's
fractions; pondant (|ue les auxiliaires attiraient l'attention
dos assiégés par do fausses atta([uos, deux colonnes com-
posées de réguliers anglais ot de cipayes s'emparèrent à
l'escalade iW deux bastions et j)énétrèrent dans l'enceinte.
Après une mêlée qui dura une partie de la nuit, (li/uflans
(I) Goilaveri des caries modernes.
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f\*imr
40t
LA OLEIIRE DE SEPT ANS. - - CIIAP. Vil.
(l<Miian(la à ('npiliilcr et mit Itns los Jiniios avec sa froupc,
({ui ctait oiicoi'o l'oi'lc de V()î> lioiiimcs sans coiniitcr 1rs
iiidiiiriics. La prise do Masulipatain ne fut à ['('lo.cc, ni du
coniniandant IVanrais ni de ses soldats, (|iii se laisseront
surprondro o\ onlovor par un oinnMni à poino supôriour ' 1 i
en n()nd)ro. Klh' ont dos snitos dôsastrousos : Lo vio<>-r<)i
du Docan, Salaliot Sinii'. (pii s'ôtait avancé avec uno ai'-
inôo à l'aido dv (lontlans ot <pii, dôjà ôltrardô par I'ôoIum-
de Lally <lovant Madras, attendait, on vôritahlo Oriental,
los v'vénenionts avant d'afiir, s'inclina devant le succès
des Aniilais «'t si.yna avec on lo IV mai, un traité par
locpiol il s'on.nati'oait à chasser les Kranrais de s<>s états,
à leur retirer los territoires do Visauapatani ot do Masuli-
j)atam, «pii leur avaient été attribués, ot à on transférer
la propriété à la conipajinio rivale. In pou plus d'énoi-uio
de la part do (lontlans eût évité ce malheur; lo 15 avril,
sept joui-s après la reddition do Masulij)atam, arrivèrent
sur la rade doux navires do Pondichéry avec VOO honinu's,
sous les ordres de Morancin, destinés à r<'nforcer la garni-
son. Mis au courant de la situation, los Franc^ais, qui no
pouvaient routrer à Pondichéry à cause <lo la mousson,
allèrent déhanpier à (loujam où ils restèrent jusfpi'à la
lin do rannéo.
IVndant cpio ces événements se passaient dans lo nord,
Hussy, dont rintluonce eût été si utile au[)rès do Salahet
Sing ot dont la présence eût sans doute sufti pour arrê-
ter les progrès des Anglais, avait rejoint Lal]y à Arcot.
D'abord bien accueilli, puis écarté des conseils du com-
missaire général, il avait servi au siège de Madras, en
premier lieu connue volontaire, ensuite connue rempla-
(;ant d'Kstaing' à la tête du réginuMit de Lorraine; tombé
(1) Cambridge, p. 212, donne à Forde, la nuit de l'assaut, un efl'ectif do
37'2 An(;lai$ ou blancs et de 700 Cipayes. Confiant, en plus de ses Européens,
aurait eu 2.039 indigènes. Les Indiens des rajalis qui accompagnaient Forde
n'entrèrent pas dans la ville.
PRISE DE MASILIPATAM PAU LES ANGLAIS.
'i05
malade vci-s la fin du si«>,tio. il avait dû sr> rotiror à l»oii-
dicliér) . Ses i'a|)pi)rts avec lo i:riM''i'al eu clicl' «'laiciit
devenus de plus en [)lus tendus. Hussy, loi't de son expé-
rience des princes indiens, voyait de très mauvais o^il
toute incursion de l.atly sur un terrain <|u'il considérait
comme le sien propre; tout au plus aurait-il consenti ù
être rinsj»irateui' de son chef. Ijilly, au contraire, très ja-
loux de son subordonné, ne pouvait entendre son élo^e
sans se mettrci en colère et sans tenir sur son compte des
|)ropos([ue <les tiers s'einpressai«'nt d'exajiérei'. De là, des
tiraillements (|ui déj;énérèrent bien vite en dissentiments
publics. Au reçu des nouvelles de la délaite de (lontlans,
le général en chef eut recours à Hussy; il parait avoir
eu le désir sincère de l'employer, soit dans le llecan, au-
près de Salabet Sint;', soit à l'armée ((iii était alors ras-
send)lée à Arcot, mais il s'y prit si mal, il l'indisjjosa de
telle façon, (|ue d'un frondeur il lit un adversaire inli'ai-
table. Kn écrivant au Ministre ( Ij, Bussy parle: de l'affront
((ue lui a infligé Lally, en envoyant Morancin à Masulipa-
tam en son lieu et place, et cependant, (ra[)rès son aveu,
ce serait lui (jui aurait décliné les propositions du géné-
ral : « Il vient de m'offrir !<■ commandement de son
année entièrement délabrée, mourant de faim, sans paie
depuis (i mois, méc!)ntente à l'excès et en face de l'en-
nemi. «) (^est un piège ([u'on lui tend, aussi a-t-il refusé
sous prétexte de santé. Un post-scriptum annonce la chute
de Masulipatam : « Nous voilà donc entièrement expulsés
du Nord ainsi ((ue du Rengale. D'un autre ccMé, nous ve-
nons de perdre Surate, dont les Anglais se sont aussi em-
parés depuis peu de temps. Ainsi de tant de riches posses-
sions, il ne nous reste |)lus (|ue nos établissenuMits à la
côte de Coromandel, encore sont-ils dans le plus pitoya-
ble état. C'est, Monseigneur, à quoi se réduit le fruit de
(1) Ilussy à Belleislc. Pondicliéry, 22 avril 1759. Archives de la Guerre.
Indes Orientales.
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LA GLElUnî [)K SKPT ANS.
CHAI'. VII.
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finit (Ir travaux, <li' (Irpciiscs et de saiif^" ir|iaii(lii depuis
15 ans. »
Les mois Ac mai et de juin se passèrent sans événenieni
iin[>()i'taiit ; les .\n;;lais. satisf'ails de l(Mirs |H'<)i;rès dans le
Nord, se eonteiifèi-eiif de surveiller l'armée IVam-aise |k»s-
tée dans les environs d'Ai'eot; Lally, api'ès mi eonrt sé-
jour au camp, revint sctutlVant à l'oiuiichéix . «l'on il expé-
dia à l'Ile de {''raïu-e un liiHiment cliariié de réclamer le
prom])t retour de l'escadre. (letfe précaution |>rise, le gé-
néral en chef l'ut saisi d'un de <"es accès de déc(»ui''i,i;-emenl
dont il était coutumier. «■ Il a résolu de clianiicr d'aii-, écrit
Soupire (1), et d'aller à Clialenihron, à 1 V lieues d'ici; il
me dit (|u'il ne veuf plusse mêler de rien et me renuittre
toutes les opérations et ;^énéralement toute la l>eso,"ue,
comme s'il était parti, disant (ju'il sv. dispose à partii' au
mois d'ocl(d)re. Si c<da est, il me laissera les atl'aii'es de
rind(> dans un état l)ien criti(pie. >
dépendant l'indisposition de Lally ne l'empêchait pas
de plaisanter Bussy sur les maladies successives <|ui sov-
vaient à celui-ci de l'aison ou de prétexte pour ne pas s<'
plier à toutes les exifiences de sou chef : « Vous êtes heu-
reux (:i), ^lonsicur, dans votre malheur; vous avez fait le
tour entier de la houssole des maux; la tîoutte en <»st tou-
joui-s le dei-nier rhumh. Pour moi, j'essuie le premier et
lo. cercle sera lou.ii' à parc(»urir. Si vous désirez de voir le
sol Jiatal. je ne le désire ])as moins et c'est là où nous nous
trouverons l'un et l'autre Ikm's de cour et de peines. Dieu
merci. » Peu do temps après cotte étrange épître, Lally
t'ait dire à Bussy do ne plus se présenter chez lui; à cette
injonction, ce dernier réplicpio (3) en demandant un «'oniié
pour rentrer en Franco : « Cet ordre inouï cpie je viens do
J(
(1) Soupire à Rclleisle, 28 juillet 1759. Archives de la (liicrrc. Indes Orien-
tales.
(2) Lally à Bussy, :M mai 1759. Mémoire de Bussy. Pièces justificatives.
(3) Bussy à Lally, 25 juin 1759. Mémoire de Bussy. Pièrns justilicatives.
imoL'ILMi; EMIIK nUSSV ET LA LIA.
4117
i'('(M'V(»ir cil me n'-diiisiiiit à Trlfit de Ituiiriicois I de
l'oiidirlirry me iiirt iiii lnvjn' |>i)iii' iiisistci* sur iiioii (|r|i.irl
polir rKiir(>|t(>. » La (|iiim-<'II<> ciiti'c deux lioiiinirs dont
l'union <>ùt rtr indis|M>iis<il>l(> pour le siilut d<- lu colonie
s'cnvcniiiH' de jour en jour. Hiins sa ( oi-rcspondaiirc ol-
licicUc (2), Lally ne uardc auciiiH- mesure : " l/oii a été
Itieii la An\u' en KuiNtpe de tons ees hauts laits et gestes
de M. de Kiissy ; (|nand nous l'aurez, vu <>t entendu, vous
le ju^ei'ez; car il ne peut être plus utile à la ('.ouipaiiiiic
à Paris (pi'il ne lui u été dans le Decan; il !i dévalisé le
pauvre Salaltet Siufi'; il a coûté «piatre inilli(*iis à la (loin-
pau'iiie depuis cinq ans; voilà tout ce (pie j'ai |)ii recueillir
depuis ((ue je suis dans le pays. » Haiis une autre dé-
pêche i:{i F^ally n'hésite pas à rendre son siiltordoniié
responsahle de tous les revers dans les piMtviiices du .Nord :
" U'iii'd aux noirceiii'set ahoniin.itioiis <pie j'ai éprouvées
de la part du sieur de Hussy. depuis <|ue je l'ai raj)pelé
du iJecaii et qu'il a refusé de in'oliéir en se poi-taiit à Ma-
siilipatain, ( Cst un procès criminel dans les règles ((ue je
soumettrai au Ministr*' etaucpiel aous me permettrez de
vous référer. Si je vous avois envoyé, il y a huit mois,
M. de liussy, |)ieds et |)niii,!:s liés à l'ai'is. cette colonie se-
roit aujourd'hui eu état de défense U'iîtid à M. d<'
lUissy (|ui savoit (|ue .M. do Clontlaiis devoit livrer hataille.
<{uoi(|ue je lui eusse défendu, et ([ui savoit <|ue Masulipa-
taui sei'oit pris, puiscpi'il av<»it pris la précaution <le se
munir d'un passe-port de M. l'iyott ('n. pour <'ii faire sor-
tir tousses elfets et les faire conduire» à Ti-aïKpieliar, j'ai
pris le ])ai'ti de ïo laisser là. Tous <'es faits s'éclairciront
avec le teins. Au reste, je n<' neux savoir <'xactemeut ce
Jéui
J«
pe
(1) Allusion il un passage d'une leUrc de Lally.
(2) Lally à HcHeisIe, 1" août 1759. Archives de la Guerro. Indes Orientales.
(3) Lally à la Compagnie des Indes, 1'"' août 17.")9. Archives de la Guerre.
Indes Orientales.
(i) Gouverneur de Madras.
Jl,
4IIH
LA (lUKUHK I)i: SI:PT ans. - CHAI'. VII.
(|ui s'est piissé dans le Nortl. mi <|iir M. <lr Itiissy nvoil
«IrlriKlii il M. (I<> (loiitlniis dr in'ni i-oiidrc (-(iiii|dr. »
l'ii ordiw de lii iiir'(i'(i|iMl(\ .-i|)|)i)i-|t'' par la t'irL'atr la
iUorirtisp, (ddiuca Lally à iiindilicr son altitiid*' à réiiai'd
de son licMitcnaiif . Sur les n'|in''s('iilali(>iis du roidrAlcui'
SillioiicMc, (|iii se itlaiuiiait des drpriiscs rxa^rit'cs de
l'Inde, la. coiir de Versailles avait déeidé le rappel d(> la
plus ]L:r<'inde partie du hi-illaiit mais <-(>ùteu\ état-niajoi-
• jue Lally a\ait eiuniené a\ee lui et la ré<lu<'tM>n des ca-
dres des ré.uinieids eni|d<>yés au\ Indes. Hussn. au eou-
Iraii'e, était nonnué coinniandant <>ii seeoml et désigné
par eonsérpient pour reniplaeer, le «-as érhéant. le etini-
niissaire .iiénéral.
lùdlii. le 15 août, l'eseadn l'raut-aise. dont le retour
«'tait attendu aveetaid d'inipatieuee. mouilla devant l'<»ndi-
chéry. .\«»us avons reconduit <r.\<'lié à l'Ile de Fi-ance où il
était arrivé le .'{ octidire IT.IS. et où il avait tn)U\é :{ vais-
seaux <lu lioi. (pii. api'ès une longue traversée et une re-
lilclie à l{io-de-.laneii'o. pour cause de maladies, étaient par-
M'uusà destination sous les ordi-esde !•' rosier de l'Kiiiiille.
.V c«dte é|)(Mpn». l'Ile de Kram-e, tpii dépendait de la (lom-
pa.niiie des Indes. oH'i'ait peu de ressources, aussi l'allut-il
se préoccupei- «les moyens «U' nourrir, eu plus de la i;arui-
son et «le la population civile, soit î),9.Vt) l»ou«di«'s, l<'sé«pii-
pap's «les vaiss«>au.\' «l«' (rA«'lié, a;i>',i hieu «pie c«mi\ «pii
\<>naient «le France. A la suite dw rec«Mis«'ment des vi-
M'csen maf.;asin (l), il l'ut résolu d'eMvoy«*r une l'i-action de
la tlolle hiverner à la «•oloni«' liolIandais«> du cap de lionne-
Kspérance, et s'y procurer «l«'s approvisi«)nnon»ents pour
la campaj;ne procliain«'. (le v«)yai;e s'accomplit heureuse-
uH'nt. mais il entraîna des retards et co ne fut que le
17 juill«>t 175!) «(ue res<'a«lre r«'constituée put ap|)areiller
de l*(trt-Louis. Kll«> se composait de V vaisseau.v de la marin«î
(1) Métnoirn pour lo comte d'Aclié. Paris, 1760.
IIKTOI'U AUX INDKS \)E LKSCAIIHI:: I)K I) ACIIK.
409
i(Aii!(' (le 7V et (>V tiiiiniis. de 7 Viiisscniix <•! «le •> ln"j.i\\r:.
.-)|)|>iit'l('iiiitit il lii ('.<)iii|)jiL:iiii>. li'.ii'iiiciiii'iit lie ces «Icniin-s
fixait (''t<'' iui.uiiiciilr (U' (|ii('l(jiu's |)i<"M\ s; io Comfr i/r Pro-
venu', <|iii .'iiitri-i<>iin>innit iir |>iii'(jiit (|ii<< .'>8 cjnions. m
avait moiitt" 7V; \v Vvnyour, aiilrclois dr .'iV. m aNait JiV
ni liatliM'ir. Smi* la cAti* ilr Ooroiiiaiidi'l. d'AcIi)'- retruma
rescadrc di* l'aiiiiral IN»c(ick, son aihcrsain- «le laiiiM'c
IXTcrdiMitc. I^<> 10 s<>|»t<>iiil>n>. au lariir dr riiiii(|iichar,
eut lii'ii iiiic liataillc saii.::laiit4> i|iii ne l'ut i|ui> la n'|M'o-
ijiictioii dos rciiroiitn's de 17r)H. l/avaiifa,i;<' rfail du vC\U\
iTAclir, (|iii avaif 1 1 vaissi'aiix à «»|»|»os<'i' aii\ \) de Pocock.
Il non sut |tas tinM* parti.
L'avaiit-uardc rram-nisc <!(• 5 vaissrauv n'eut à lutter
([lie contre :{ vaisseaux ennemis, tandis (|ue l'aiTière-
liiii'di!, eoniniandée pai* M. de Unis, sui' V Illustre, de la
marine l'oyale, l'ut enuauée avec; le rest<' de la fhtlte aii-
.ulaise. « A *i heui'es. écrit d'Aché (1), je lis le signal de
commencor le coinhat ; au même instant, l'atraire <le>iiit
liénéi'ale, et ce ne l'ut |)lns de jjai'f l't dautre (|u'un l'eu
li'ès vil'et très animé. Les premiers coups ne l'ui'ent pas à
l'avantage des ennemis, surttnit à la tète de la li,i:ne où
il ét(»it évident ipi'ils alloient être écrasés, mais il n en l'ut
pas <le même de l'arrière-aarde, <juel(ju<' su|)éri<»i'ité ipie
nos vaisseaux y «Missent sur ceux des Antilois. ((uelipie peu
maltraités (ju'ils pussent être; le Furluni: {{U^ (>V), ipii en
Taisait en partie la plus f;ran<le l'orco, arriva luinteuse-
inent une demi-heure aju'ès. sans avoii' reçu le moindre
domma^'e; il n'est sortes de moyens (pie M. de Moiiteil,
commandant la fréiiale, u'em[>loyiU p(tur ramener M. de
Heauliou; ni paroles, ni uuMiaces. pas même les<Mnips de
canon, rien ne put l'arracher au <léslionii«>ur et à une
i'iiite criminelle, puisiju'elle l'ut la source dos plus i;rands
malheurs. (^epoïKlant, nous avions décidément le dessus à
(1) D'Aclié. Rapport au Ministre. Port-Louis, 15 décembre 1759. Archives
de la Marinfi. H. 4, U'î.
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410
LA GL'EURE DK SKPT ANS.
CHAI». VH.
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l'avaiM-jAJinlc; apirs uik' Immu'c de coinltat, le Iroisiriiic
vaisseau do la liiiiic (Miiiciuii^ J'iit driiiAlr d( son iiiAI «l'ar-
UiiK.ii, et |)r('S((iU' aiissifùt, son Jirand \iu\l l'iit couix'- au-
dessus de la hune; relui (|ui le pivrédoit éfoit aussi aliso-
luuient hors Ao conihat, <'t, cnlhi. (|Uoi(|ue nous eussions
un vaisseau de moins, tout nous [u-oniettoit un avantaiïc
considérahle ; mais la contaiîion avctit lia.uiié les \ aisseaux
de la (jueue : le Centaure, sans ètie heaueoup plus mal-
traité que le Fortuné, ne tarda pas à arriver; le Duc de
Ifourr/of/ne en lit autant, et, en un moment, toute l'arrij're-
.H'arde s'éclipsa, (le fut alors (pu- j'admirai j)lus «pie ja-
mais la hraviiure et la fermeté du chevalier de Unis <pii
la <'omniandoit ; se voyant en proye à renneini parla lA-
cheté ou la mauvaise manceuvre de ceux cpii l'ein ii"on-
noient, il s'avança seul sous le l'eu de la nntitié de la li^ne
an.ylaise. et serra sur moy. Mais malhenreusiMiienl il était
hien tard; la défection de j)res(pi<' toute l'arrièi'e-.uarde et
dernièrement du Comte de Provence avoit donné heau jeu
à i'ennemy. Le Graweton [(iraflon) aloi's étant venu se
mettre |)ar mon travei-s. î'amii'al (pii le suivoit prit sa place
et l(^ Ti(/re (pii s'étoit laissé culer sui' moi, me tirait de
l'avant. <le façon (pi'en fort peu de teins, je fus déu'rayé au
point de ne pouvoir orientei* a.icune voih^ et mon vais-
seau ne ti'ouvernant plus, je lépassai mali^i'é moi h' Ven-
geur. Pendant ce teins, je me luVtois de l'emplacer (piehpii's
maineuvres; je tentai par <lifférents siiiiiaux de ramenei-au
comL>at ceux (|ui nous avoient ahandonnés, mais inutile-
uient... Il étoil alors envii'oii ."> iieures du ;;;)ir : les A ni; lais.
<pii, dans le fond, étoient plus maltraités (pi<> nous, te-
noient le vent autant (pie leur état le leur permettoit.
l*oni' nous, en attendant (pie la nuit vînt cacher nos mal-
heurs, nous inhiK^s en panne, et travaillAines à nous rr.c-
commoder; uu orayc (pii survint à six heures du soir imuis
lit perdre de vue les ennenii.->, et nous ne les l'evimes «pie
le l<>ii(lemaiii courant un hord opposé au luMre. .le me lis
COMBAT NAVAL DE TRANQUËIUR.
iil
roiidr*' compte alors de l'état où étoit rescadro, ot je vis
<|U(' <|ii('l(|ii<'s-niis (le nos viiissoaux rtoiciit en tort mau-
vais état, cîitrr autres Vlllustrr; j'appris en même teins
jivee <l«)uleur «pw le ehevali(M' de Unis, <pii eomniandoit.
avoii reeii une hlessui-e très dantîerense, et <pii le mettoil
id)Solnmenl hors de service. Pour moi. avant la lin du com-
bat. jav(»is été IVappé d'un c()n|) au jarret <pii m'avoil
pensé cîisser la cuisse; ci'pendant. maliii'é mou ac«'jd»le-
ineut. et l<i triste situation on j'étois alors, je vis hieii «pie
le seul parfy que j'eusse à prendi'e étoit de m<* rendre à
INtndichéi'V ; j(^ donnai les ordres eu conséipuMice et y
mouillai, en ed'et, le lô du mois. »
.\iusi (pie riu(li<pi(> c* récit, d'Aclié se plaint en termes
amers de la conduite de plusieurs de ses cajnîaines au
service de la (loinpa.iiiiie des Indes. Trehouart de Heanlieii.
commandant du Fortuné, se jnstilia en alléguant des ava-
ries dans sa niîltuiu^ et dans ses voiles (pii lui avaient l'ail
|»er(lre sa place dans la Ii,i:ne et (pii reinpéchérent de
la reprendre avant la fin de l'action. i< Tro|> de préci|>i-
tation, écrit-. I dj, trop d'éloinuemeiit de rarrière-j-arde
lors du cominoncement (lu comltat. et notre lii^ue tr(»p ser-
rée (pii ne nous p(M'mettait pas de mameuvrer, tontes ces
cliosesont orcasioiiné notre l'aute. » Uuelle (pie l'ut la raison
de l'écliec. (pi'il fût dû aux défaillances de certains olli-
■iers ou à la mauvaise direction de la hataille, il eut pour
la domination rran(;ais(^ aux Indes des suites rnin(;uses.
Dans la ItatailN^ du 10 septeiiiltre. les Anglais (2), dont
se|>f vaisseaux avaient été sérieusement en,^at;és, eurent
•">(;!> hommes tués<ni hiessés. |>arnii les(pi(ds plusieurs (»!'-
fl) Tiéliouiirl (Itî llcaulioii à la CDinpjif'iiii' des Imlcs, 18 déci'iiiltic 175',».
Archives du la Mariiut. H. 4, \('II. L(; lécil du ini'inoir); du d'Aclié, |)ul)lié
sepl ans api-ù.s lus (Hci)uin(>nts, diflùru l)(>aucou|) du celui d(t son ia|i|i()rl; il
nu fait pas incnlion du 1 ùpisodu du Forlinir.
(2) Camhridge. War in liulia, Loadre-s, 1701; Clowes. Royal .\nvtj,
vol. ni.
-■'1-
412
l.\ GIKUIU; DK SKI'T ANS.
CIIAIV VII.
'Il
liciers; trois «le Iciii's v.'iissofUi.\, \o Nrivcas/lr, Ir Tlgcr, l<;
(/unihcrlanil, iivjiicnt fcllciMciif soiill'ci-t, (|iril l'alliii leur
(l(»iiiM'r lji rciiioiNnic; .iiissi PococU liil-il dans l'iiii|K)ssi-
liilitr <l(' poursuivre rt im^ lit-il rien pour (•mpèchcr r«'sca-
(li'c fraïK-aisc de iia;;ii('r l*oii(li('li('M'y ; le 15, il était <'U radn
(le N(\!;apataiii, <»ii il s'«'m|d(>ya juscpi'au 2(» à rcuictti'c sos
\aiss(>au.\ en état de tenir la mer. L(> leiideiiiaiii, il était au
lai'.ye d<' l'oiidiehéry, olIVant à dAelié une occasion de re-
vanche d(tnt c<' dei'iii»'!' ne pi'olita pas; puis, après cette
hravado, sui' lavis de ses capitaines, il i-enonça à l'idée
d'une seconde affaire et vint inonillei' à Madras, d'où il lit
V(»ile le 17 octobre piMir hiverner à Itoinhay. t>ès le Jour
a|irés son dépai't. il rencontra l'aniiral (lornish, venu
d'An.iileterre avec une escadre de sept hAtinuMits, dont
(piatr*' de liiîne, et un renl'ort considérahie «le troupes.
Du cAté <les Kran«;ais, les pertes furent très lourdes;
elles se montèrent (1 ) à un total de 21î> tués dont M oi-
licierset (i(i7 hiessés dont "M) officiers. A eux seuls, les(|ua-
tre vaisseaux {\\\ l'oi axaient eu '•■">() atteints; |)ai'iniceu.v de
la (lom|)a,iinie, le Fortiinv ne liyiire (jue |>(tni' IT» Idessés,
perte trop légère pour \\v pas confirmer h's accusations de
d Aché. Comme dans les eniï'aii'cmeuts de 1758. le Zodia-
(/Uf; (jui hattait le pavillon du clwf d'escadre, fut fort
éprouvé : sur un é(piipa,iie (|ui ne devait pas dépasser 700
hommes de tous ran,u's, il en eut l(i(> mis hors de comhat.
Si l'amiral iVançais ne parait axoir été(|u'un tacticien mé-
diocre, il faut reconnaitre «pi'nne fois la hataille com-
mencée, il sa\ait payer de sa personne et montrer à ses
subordonnés un exemple ([ui ne fut pas toujours imité.
D'Aclié. aussitôt à l'ondichéry. y déharcpia " les secours
dont il était char,!^é en |)oudre, hoiilets et différentes muni-
lions de guerre... la |dnsi;rande partie des noirs de \\)s-
(i) D'AcIh'! à Henyfiv, l'oil-Loiiis, l.'i di'cornltnî 175'.!. Aicliivcs de la Ma-
rinp, Indos Oiicnlalcs.
OPPOSITION DU OONSKIL AU DH^ART DK D'ACIII':
'ils
ciidrc, 1H0 soldats (|iril avait à honi, <>t ciiliii, siii- los
i-i'|>irs<Mitati<>iis (|iii lui i'ui-<Mit lait(>s... (|ii<>l(|ii**s raisscs «le
piastres. >> (Ida l'ait, il annonça son intention de re|>rendre
le lend<>inain le clieinin de l'Ile de Krance. On jtent s'inia-
.u'iner réinotion (|ne souleva cette coniiniiiiication ; le (loii-
seil supérieur se réunit et cette lois, F^ally, L<'yrit et ses
collet; lies, oubliant leurs dissentiments, se ti'ouvèi'ent d'a<--
cord pour l'aii-e revenir d'Aclié sur sa décision. Ilans une
lettre signée de tous(l) on <'xposait le dan.ucr d'ahan-
donner la uiei- aux .Xn^lais et les consé(|uences de cette
«lésertion. <»ii rassurait le clie}" d'escadre sur les ris(pies
d'une nouvelle bataille (jiie l'enneiui, à moitié écrasé,
serait inca|)al)le de livrer; on lui |M'oiuettait tout ce dont
il avait besoin pour réparer ses vaisseaux, on l't'u^a.U'eait
à liivei-ner sur la cùte de l'Kst (probablement (leylan)ou
encore mi«Mix d<ins le (ianpc au lieu (b^ s'exposer à mourir
de l'aim à l'Ile de Kraiice. L'on faisait app<d à son patrio-
tisme ])our le salut de la nation; enlin, on le décbai-u'eail
de « tout accident, inconvénient ou malheur (|ni pour-
raient résnit.'r |)our sa flotte de son séj(»ui' à celte côte «.
D'Aché ne voulut rien entendi-e et. après avoir consulté
ses capitaines, mit à la voile le 17 se|)tend)re, deux Jours
apt -MM arrivée. Si l'on doit en croire les explications
<•<»! ' s au mémoire (pi'il ju'oduisit au pi'ocès de Lally,
\i ai; .1 '. I le dessein de remonter la côte et de faire une
lenlati\( pour l'ecouvi'er Masulipatam. <pii n'était occupé
<pie par une faible K<ii'>>i^<*<) Jinulaise. Toutefois il ne parait
pas avoir soumis ce proj<>l aux antoi-itésde la colonie.
A l'(»ndicbéry , (»n essaya un dernier ell'ort p inr retenir
la tiotte; le Jour même de son a|>pareilla,!.:e. un " conseil
national, » foi-mé du commissaire du Itoi, du .gouverneur,
(b'S oflieiei-s su|)érieurs de l'aiMuée, des pi-incipanx ecclé-
M>Hi
(1) llcpit'scnlalions faites par le Conseil supéiieiir, 10 sepleinbre 17.V.t.
Meinoiic de tl'Aché. Pières jiislilicalives.
).•
414
LA GUEHRE DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
siasti(|uo.s ot notJil>los do la ville, irdi^f'îi à l'adrossf ^\o
<rAcliô ot dos oapitainos (lo l'osoadro iiiio protostatioii (1)
K coiitro votro dôpai't prôoipitô, vous dôolarant soiil ros
poiisahlo do la poi'to i\c cotto colonio. Il a ôfô dôlihôrô ou
oousô([uoiK'o, ([u'il on sorait porto dos plaintos au Hoi ot au
Miuistro pour ou douiandor justico. la (lonipafiiiio n'ayant
jamais ou d'autros ohjots ou doinaudant dos vaissoau.x au
IU)i, quo colui do sauvor cos ôtahlissoiuouts au riscpio do
oos luôuies vaissoauK. »
h'Achô était dôjà à 12 ou 13 liouos au larpo quand il
l'oout la noto du (lousol! : il u'osa pas onoourir la rosponsa-
hilitô d'un rot'us ot rovint -i sou uiouilla.yo qu'il ([uitta pou
(U'^ Jours aprôs pour rôpoudro ;'; la bravade do Pocftok. Au
fond, ni colui-oi, ni lo Kranoais u'avaiout graiulo ouvio
<\o rououvolor l'o.vpôi'ionoo du 10; aussi se séparèrent-ils
hioutùt pour gagner lo premier Madras, le second Pondi-
chéry. Lo 28 septoud)ro, d'Aché descendit à terre malgré
sa blessure « pour savoir une bonne fois pour Joutes ce
dout M. de Lally avait besoiu » ; il y coûtera aussi avec
Loyrit et Bussy et, après quelque résistance, consentit à
débarquer un sui)plénieut do uiunitions ot un renfort de
500 blancs. Le 1" octobre, l'escadre mit détinitivemout à
la voile pour l'Ile do France où elle parvint sans accident ;
elle emportait avvc elle le chevalier de Soupire ot (pud-
<[Uos ofticiers rappelés on Franco par ordre do la cour ot
par uiosure d'économie. Au moment de lever l'ancre, ces
derniers eurent la satisfaction d'apprendre l'un dos dor-
nioi's succès reuq)ortés aux Indes pendant b" fîuorro.
I>uraut l'été de 1759, les deux arnu''es étaient restées
ou observation : les Frau<;ais à Arcf)t. Oinnée ot Vauda-
vachy (Wandewash), les Ang'lais à Conjoverani. Tue des
causes do cotte inactivité était l'absence des chefs; Lallv,
(I) Lellio du Conspil national à il'Acht". Pondicliéry, 17 septembre 1759.
Mémoire de d'Aché. Pièces justificatives.
>iS;:;
LES ANGLAIS REPOUSSES A VANDAVACHV.
415
iiiiilndo, (''tait, allr so roposcr à (Ihalomln'oii; son rniipla-
(•aiit Soiipiro avait à son tour <{uitt«'' lo camp pour prendre
passnij'e à ht-vA dv l'oscadi'e; de leur eAté, les coninian-
dants auiiliiis Lawrence, puis Draper, indisposés tous les
deux, aA'aient dû partir j»our l'An.iileteri'e, laissant la di-
rection <les opérations au major Brei'eton. (îet ol'licier. dé-
sireux <le se distiniiuer, voulut profiter d'un l'enfort de
;J00 réi^uliers (pii venaient d<' déhanpier à >fa(lras pour
entreprendre! <iuel([ue chose contre les postes français; il
essaya d'enlever la ville de Vandavaclix , défendue par une
ijarnison de (iOO Français. I^e capitaine (ieoiilieiian ({ui, à
défaut d'officier supérieur, était à la tète du détachement,
informé des projets de l'Anylais, fit appel aux canton-
iH'mcnts voisins et rassend)la à Vandavachy un effectif de
1.500 Idancs ( l.) sanscomptei' les indisiènes. Brereton, (jui
avait réuni environ 1.700 Européens, atta<jua dans la nuit
du 2(> septomhre; il eut d'aliord «piehjui' succès, s'empara
de « l'aidée » ou (piartier des noii's, mais il ne put rien
coidre le fort. Au jour, l'action reprit; après deux heur'. .-(
de lutte, les Aniilais furent chassés du villaite et se reti-
rèrent à (lonreveram, ahandonnant au vainqueur V canons
et «piel((ues [irisonniei-s; leur perte totale, (jue Lally éva-
lue à (100 réguliers, aurait été, d'après les récits hritan-
ni(pies, un p(ui supérieure à 200 ou à peu près éj-ale à
celle de»' Fram;ais. Otte petite victoire vint fort à propos
remonter le moral de Lally et de ses soldats. <■ Si j'avais
en, écrit le j^énéral (2), il y a luiit jours, les VVO hlancs
((ue .M. d'Aché me promet, l'ennemi serait actuellement
de l'autre côté du Paléar et il ne serait plus <|uestion de
lui d'ici à l'arrivée des 2.000 liommescpi'il attend. J'espère
!■■♦!
(t) Lally il Soupiro, 1" octobre 1750. Aicliivcs de la Guerre. Indes Oricn-
tale.s.
{2) Lally à Soupire, 1 " octobre 1759. Arcbives de la Guerre. Indes Orien-
tales. Lally s'exprime presque dans les Huâmes termes dans une dép<^clie de
môme dale à liclli>lsle.
^TBr*^
416
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VIF.
I I
que roii (lira dans Paris que c'est M. «I'AcIk'' ({ui n l)attu
l'emicini à Vaiidavachy ot ([uo cVst Jiioi (jiii ai perdu le
e()iid)at naval. >< C/étiiit, il tant ravoucr, se panT des plumes
(In paon, puis(iu'il n'avait pris aucune ])ai'l à la, Itataille.
Lally, on le voit, savait (jue les Antilais (hîvaient reee-
V(»ir de Jour en jour des renforts dont les preniiei-s avaient
(l(\jà rejoint leur nrnu'e; il est ('•tran^-'e (pi'il ait choisi ce
nionient pour df' tacher dans le sud, sous les ordres de
Crillon, une homu' nioitii; de ses troupes hlanches. Cette
exp(''(lition, (|ui ahoutit à la capture du poste de Serini^ani,
pr('s de Trichinoj)oli, (''tait tout à l'ait excentri(|ue et n'eut
d'autre r(''sultat (pw d'afl'aihlir les forces françaises du C(M(''
de Madrj's et de j)erniettre au colonel (!oote de s'emparer
successivement des villes de Vandavachy où la petite
iiarnison de 00 Krain;ais, ahandoum'^e par les auxiliaires
indiiiènes, dut se rendre à merci, et de ('aran.^oly où le
commandant O'Kennely obtint les honneuis de la g'ucrre
et la lihertt' pour ses hommes.
Kntre temps, le ii('Mi(''ral en chef s'(''tait r(''coucili('i avec
lUissy et l'avait chart;('î d'une mission (h'dicate auprès de
Bassalet Sinji'. (^e prince, frère de notre ancien allié Sala-
het Siui:', faisait des offres de concours et s'i'tait mis en
canq)agiie avec un corps consid(''ral)le de troupes; pour
prix de ses services, il demandait des avances en argent
et la nahahie d'Arcot. Malheureusement Lally, à bout
de ressources, avait promis cette seigneurie à un autre
potentat indigène, Kaja-Saeb, (pii lui avait prêté une
somme de 120.000 rou])ies (t). Il s'agissait de donner sa-
tisfaction à Bassalet Sing, sans aliéner Raja-Saeb, et tout
en nu''nageant Nisam-Aly, autre frère et rival du Souba du
Decan; Bussy devait prendre avec lui le gros de la ca-
valerie ap})uyé d'un détachement d'infanterie et njarcher
à la rencontre de Bassalet-Sing. Soit lenteur ou duplicité
(1) Méinoiic de Bussy, p. 92.
MISSION DE HUSSY DANS LE DECAN.
417
poiii'
argent
<lc la part du néuociatour, cnimuo l'affirmo Laliy, soit,
coimiuï le prétend Bussy, nialiidresse du .général dont
la mobilité et le décousu auraient irrité le prince in-
dien, les pourparlers n'ahoutirent pas. liussy vint camper
aui)rés de Hassalct le 10 novend)re, mais il ne put le déci-
der à épouser la cause franc-aise et dut se • ontcnter de
ramener avec son proj)re détachement ce cpii restait de
Français au Decan, 300 Catl'res (1), 2.000 cipayes qu'il avait
organisés lors de son séjour dans cette province et ({uel-
qucs cavaliers patans. A Arcot, où il arriva le 10 décem-
bre, Bussy trouva une lettre qui dépeint bien l'incohé-
rence de son chef: u Si je ne reçois point de vos nouvelles,
lui écrivait Lally (2), d'ici à deux ou trois jours, mon parti
est pris d'aller m'étal)lir dans le sud et de vous abandon-
ner les trois cpiarts de l'enqjire pour en disposer à votre
gré. Une ne puis-je vous céder le tout! »
Un événement des plus extraordinaires avait singulière-
ment entravé Bussy dans sa mission diplomaticpie. L'armée
française, dont la solde était en arrière de dix mois, s'était
révoltée. Le 17 octobre, le régiment de I^orraine, assem-
blé à l'insu (le ses ofticiei's, sortit du canq> avec armes et
l)agages et dressa ses tentes à une denii-lieuc de distance.
Ordres, menaces, supplications furent prodigués en vain.
Lorraine fut bientôt rejoint par les autres bataillons
d'infanterie, parla cavalerie et l'artillerie; les drapeaux
furent laissés à la garde des officiers. Ce que voulaient les
soldats, c'était leur solde; : « Nous attendrons ici quatre
jours, disaient-ils à leurs chefs (;{ , pour voir si on nous
satisfera. Ils j".î'<Mit ({u'ilsne prench'ont ni «piatre ni six mois,
qu'il leur faut h tout. Tantôt ils menacent de prench'c le
fort et tantôt d'aller à Pondichéry. Nous ne les quittons ni
(1) Nom donné aux nègres recrutés sur la côte de Zanzibar ou à Mada-
gascar.
(2) Lally à Ilussy. Pondichéry, 15 novembre 1759. Mémoire de Bussy.
(3) Allier à liussy. Vandavacby, 18 octobre 17ô9. Mémoire do IJussy.
(.Li:iiiii; iiK sr.i'T ans. — t. m. 27
ml f.
418
LA GUEP.Ri: DE SEPT ANS. — CHAI». VII.
\in
ï i:
(le Jour ni (le nuit, ('"cnvail Allier, nuijor du irf^inu'nt
(lo LalK . Les Aiij^lais ont déjà vent de tout eeci et tfklie-
ront d'en ])i'olitei', surtout les rivières lo permettant. J'ai
touché sur eette corde; ils ont tous crié : Nous vous de-
uianderons. Messieurs, et nous vous suivrons pai-lout. ■) Il
faut ajout<M'(|ue les iusurijés. (|ui avaient élu deux ser-
i;ents pour leurs chefs, ohservèrent Tordre le plus exact
et (pi'il n'y eut ui })illajie, ui dései'fir>n.
Instruit de la situation par les rapjxjrts oraux et écrits
des ofticiers, Lally convocpia aussitôt le conseil, en obtint
(juehjue arasent, y ajouta le sien et ce (pi'il put enipi'unter.
H expédia au camp le tout avec une lettre (1) où il s'at-
tachait à l'él'uter les calomnies (jui circulaient à son sujet
j)armi le militaire, en chariieant le iiouverueur et les
conseillers de Pondichéry : <« Je n'ai pas encore touché un
sol de la (iompagnie depuis que je suis aux Indes. Ce que
j'ai payé aux troupes depuis trois uiois, je ne l'ai arraché
que des valets noirs du tiouverneur et des conseillers, qui
ont fait passer tous leurs fonds en Europe et que je viens
d'ohli.iicr d'envoyer leur vaisselle à la Monnaie. Je vous
ordonne donc. Monsieur, sitôt lu j)résente re(;ue, de faire
battre l'ordre et de la lire en plein cercle. J'ai fait partir
tout ce que j'ai pu ranuisser d'argent dans la ville ce
matin, montant à près de 50.000 roupies ({ui sufliseut à
payer le demi-mois à l'ofticicr et tout le uiois au soldat,
si l'on ne donne rien à l'officier. » Lally consent à laisser
vérifier par des délégués des révoltés le compte des
sommes ajjportées j)ar la flotte ainsi (jue le produit des
côtes; il fait aussi appel au concours de l'armée (( pour
ni'aider à contraindre les habitants à se cotiser, pour
fournira la paie des troupes, d'ici à la récolte de janvier,
car je suis tout aussi prêt à me soulever que le soldat,
puis({u'il m'est dû ])ien plus qu'à lui. Voilà, Monsieur, tout
(1) LeUro citée dans le inémoiic du fils de Lally, p. 195.
nÉVDLTE DE L'ARMÉE IHANCAISE.
419
ce quo je peux faire pour siitisfaii'e le siildat, dont je con-
damne la conduite, sans pouvoir hlrtnier tout à t'ait les
motifs. » Le porteur de la lettre, M. de Fresncl, n'eut j)as
l'occasion de comniuni([uer à la troupe la pièce extraor-
dinaire dont nous venons de citer «juelques extraits. .V
peine eut-il ouvert la bouche, que sa voix fut couverte de
huées. Un second messager mieux choisi, le chevalier de
Grillon, eut plus de réussite; il était chargé d'une seconde
proclamation d'un ton plus so])i'c et d'une rédacticju plus
militaire. Lally parlait des mutins « qui ont entraîné
rarméc malgré elle dans cette faute énorme d'insubordi-
nation » ; il ne pouvait <( imaginer que des soldats sensés
renoncent de sang-froid à leur devoir envers le Roi, à
leur patrie, à leurs femmes et enfants. »
Fut-ce l'elfet de cet appel, le résultat de la rétlexion, ou
le nouvel appoint de 18.000 roupies dont (Irillon était
numi, toujours est-il qu'un arrangement fut ennclu.
(( L'armée, était-il <lit, réunie en une seule voix, accorde
de recevoir six mois à compte de la paie, en attendant jus-
qu'au 10 du mois prochain, pour Unir le reste. L'argent
sera délivré à l'aidée où nous sommes et ensuite on se
mettra ei marche pour Vandavachy, nos officiers à notre
tète. » Ainsi fut fait et de cette façon se termina cette
étrange aventure.
Quelques jours plus tard, on alla canq)er sous les murs
(i'Arcot et il est possible que le désir d'éloigner des
troupes royales l'élément le plus insubordonné ne fut pas
étranger à l'envoi dans le Sud du bataillon colonial des
Indes sous les ordres de (Grillon. Le 27 décend)re, n])rès
une abseiice de plusieurs mois, Lnlly vint rej)rendre le
commandement. Avant de (juittcr Pondichéry, il avait eu
de nouveaux démêlés avec le gouverneur à (]ui il repro-
chait, peut-être non sans raison, les désordres de l'admi-
nistration et la pénurie d'espèces dont soutfrait la co-
lonie. A la suite d'une scène violente où il avait été fort
il
■11'
"•'"■«■RW
420
LA GL'KnUE DE SKPT ANS. — CHAI». VII.
mnliiKMK'. Lcyi'it rcrivit au prnrral eu cher une Icllrc (1)
i)ii il afiirait son altciiJion sur les daiipors de la position :
<( Les oxct's aiix(jii('ls vous vous «Mos poi'tr contre' moi le V
«le ce niiois ne me peruiettont pas «le me pirsenter «levaut
vous et me meltcnf anjounllini dans le cas «le vous «'crire
pour vous faire parvenir les craintes et les in([ui<''tudes «le
la (!()loni«\ «'tl'ravi'e des pi'oifrès des ennemis. » La ré-
pfjnse (le Lally iii est caract«'>i'isti([ue : « Qu"«'st-c«> «jue
tout ce i-adotaiie, !\lonsi<'Ui' de Leyi'it? Il n'y a point encore
«le mal lait. Voulez-vous «{ue je vous aime? V'oulez-vous
«[uc je vous embrasse? Voulez-vous que je vous fasse des
excuses? Voulez-vous enlin vous battre avec moi? Finis-
sons et s<tyons bons amis. Votre fortune ainsi que la
mienne, sont actuellenuMit entre les mains de la (lompa-
unie La pert(> de ce comptoir n'entrainera-t-ellc j)as
notre ruine comnume. Je veux «{ue l'on m'improuve de
vous parl«>r durenuMit, ne vous improuvera-t-on pas de
ne me pas parler du tout?.... Encore une fois, mon cher
Monsieur de Leyrit, r(''unissons-nous; oublions le passé,
•le ne vous ai encore rien refusé; vous ne m'avez encore
rien demandt'. Ordonnez, disposez de moi; dites-moi ce
(\\w, vous voulez, j'y souscris. iN"«>tes-vous pas assez vengé?
Sauvons la (ilompagnie et nous nous sauverons tous deux. »
Arrêtons-nous à cette citation; elle fait ressortir les
défauts et les qualités de notre homme. Primesautier, in-
capable «le retenir sa langue, toujours ])r«>t à dire ou à
écrire les boutades «pie lui suggérait une pensée aussi vive
«[u'irréflléchie, Lally ne connaissait pas la rancune, ne de-
mandait pas mieux «|ue «le pardonner à ceux «{u'il avait
«)lfensés et s'étonnait «le ne pas les trouver aussi oublieux
qu'il l'était lui-même.
A la lin «le 1759, la situation «le l'hnle fram;aise était cri-
(1) Leyrit à Lally, 8 décembre 1759. Mémoire de Bussy.
(2) Lally à Leyrit, 9 décembre 1759. Mémoire de Bussy.
( ,
SITUATION curriout: mais non désespkrée.
121
fi([Uo sniis rtro (Irscspri-rc Malmr (ni<'l(|U(>s ('•cliccs, le
|)i'('sli,i:(' <los (•irmcs rlail ciicoi-c ;i peu |H'('s iiilad; sans
(loiitc on avait perdu le Dccan et Masulipatani. mais cot
ahandon rcnli'ait tr()|> dans les vues du (Conseil de hircc-
tion de la (lonipaiinic, pour (ju'il lût un sujet de i-curcts;
par ('«Mitre, sur la côte do Coroinandel, le l«'rrit(»ir(' de la
(!oni[)a,i;nii> avait été accru <>t la domination IVancaisc
consolidée par la destruction de Saint-David et |»ar l'occu-
}»ation d'Arcot <'t des postes avoisinants ; les forces de
ferre, pres(|ue égales à c«dles de renneini, sultiraient pour
maintenir le statu quo. Le retour de la flotte au ju'intemps
prochain, l'arrivée de «pielcpies renforts, pernu'ttraieni
de reprendre l'ollensive et de retrouver le «-oncours des
j)rinces indigènes toujours enclins à se mettre <lu cAté du
plus loi't ; seuls le nian«[ue d'arpent et l'impossibilité de
subvenir i'é,i;ulièi'<Mnent aux besoins de l'armée» étaient
une source d'incfuiélude. A celle-ci, nous devons en ajou-
ter une antre, la plus f;ravo de toutes, la désunion pro-
fonde (|ni existait entre le commissaire du ISoi et la
j)res(iue unanimité de ses collaborateurs tant civils (|ue
militair<»s.
I
i
Mfl
CIIAPITUE VIII
LES COURS D'EUROPE PENDANT LANNÉE 1759
Dl^MKI.KS l)K I.'aXII.KTKURK AVKC LA IIOIJ.ANDK Kl LK DANK-
MAllK. r.K KOI l)().\ CAIILOS. — OHUKS DK MKIIIATION
FAITHS PAU LKSPACiM-:. — LK TIIAITK 1)1 30 ni:(.I.MIIHK 1758.
LK CO.MTi; l)K CIlOISKUr A VIKXXi:. UKI.ATI()>S DKS COURS
i)K vii;>m: i:r m: vkusaillks. — la cour dk i'ktkiisbolkc;.
— «Ai'i'om.s i;miu: la klssik et la ihanck.
Au cours do l'aniir»? 1759, il n'y eut ni d;ins la vie inté-
rieure des cahinels européens ni dans les rapports inter-
nationauv aucun événement qui fi\t de nature à modifier
la balance dos partis. I^e décos, au mois de janvier, de la
princesse d'Oranue, fille du roi (loorcic et régente des Pays-
Bas pendant la minorité de son fils, napporta aucun chan-
gemont à l'orientation de la politi(|ue étraug'ére de la Hé-
publiqne. Dans les Provinces-Unies, l'opinion, en majorité
bien disposée pour la cause anglo-prussienne, était trop
influencée j)ar le voisinage de la I*'rance, et trop irritée des
agissements de la marine anglaise pour permettre au gou-
vernement de s'engager dans la lutte et pour ne pas l'o-
bliger à conserver les avantages de la neutralité. Toute
la diplomatie du général Yorke, ministre britanni(|ueî\ La
Haye, s'exerçait depuis longtemps à éviter un conflit à
propos de la détention des navires marchands que les
croiseurs, et surtout les corsaires anglais, capturaient sous
piétextc de commerce illicite avec les belligérants, et que
les tribunaux royaux déclaraient presque invariablement
TUAITKMKM' UE LA MAItlNE: IIOLLAMDAISK PAU LUS ANGLAIS. 4'.>3
(lo honiic prise, l'arfois mùm«', les rares hAlimonls iclAchés
il la suite de juuciiKMits favorables étaient saisis à pouvenu
à la sortie des ports anglais : « J'ai le regret de voiîs
iiilornier, écrit llolderncsse (li, (jue les vaisseaux «le Suri-
nam ont été repris pendant leur traversée de iMymoutli;
j'ai écrit iinniédiatenient au docleur llay (jui, je l'espère,
inventera ipiehpie movi'ii d'eniprcluM' d'infliger au Uoi un
allront aussi scandaleux (>el incident mettra avec rai-
son les Hollandais hors des gonds. » l>enx mois avant sa
mort, la princesse d'Orange avait adressé (2) h son père
un ardent ajjpel le suppliant de faire cesser ces mesures
arbitraires. I.e Uoi gratifia sa fille de quehjnes mots ainia-
l»les, mais lloldernesse, sans doute sous la pression des
armateurs anglais, loin de se montrer conciliant, mit à
l)rofit (3) l'occasion pour insister sur la nécessité de rendre
plus sévère îa visite des navires hollandais. (Irand désap-
pointement de la princesse ((ui s'était attendue à mieux :
« Vous savez aussi bien ([ue moi [k], mon bon Yorke, com-
bien sont déraisonnables les gens avec (pii nous avons A
faire; la semaine prochaine, tous nos ennemis sei'ont prêts
à prendre feu, si l'on n'offre pas quehiue csj)oir de répa-
ration. )'
Au sUi'plus, la Hollande n'était pas la seub; puissance à
souffrir des procédés anglais, l'ne lettre du premier minis-
tre danois llernstorf (5)indi{iue à quel diapason les esprits
étaient montés : « Depuis plus de deux ans, vous le savez,
Monsieur, et vous le voyez même de pi'ès, le pavillon du
Uoi se trouve exposé aux insultes et aux vexations les plus
dures de la part des Anglais... Ce principe orgueilleux
î!i
-:!»
(1) IIoldciDcsso il N'ewcasllo, li sept. 17ri8. Newcastle Papcrs, vol. 32883.
(2) l'iinct'^se d'Orange à George, 9 nov. 1758. NewcasUe l'aper.s, vol. 32885.
(3) lloldernesse à Yorke. '.iS novembre 1758. NewcaNlie Papers, 32886.
(i) Princesse d'Oranj-e à Yorkf, îi décembre 1758. Ncwcaslle Papers, 2;{88(i.
(5) licrnslorf àClieii.sse, Copenhague, 30 décembre 1758. Newcaslle Papers.
32880.
îlli:
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424
LA C.UKHUE DE SEPT ANS. — CIIAP. Mil.
et tyrapniqiio de ne consulter que ses propres intérêts et de
ruiner le commerce de tout le reste de l'Europe, soit par
des visilations et des enlèvements illégitimes, exercés par
ses armateurs, soit par les sentences plus injustes encore
prononcées par ses iniques tribunaux, l'a emporté
Aucun navigateur, de quelque pays (ju'il soit, et (|uelque
innocent (ju'ait pu être son négoce, n'a jamais obtenu une
sentence équitable devant ces Docteurs Gommons dont le
nom va descendre en horreur k la postérité. Pas un seul,
Monsieur! La sentence la plus favorable est toujours ac-
compagnée u'ime condamnation aux frais et dépens, qui,
par un nouveau trait d'injustice, montent si haut qu'ils
absorjjent presque ordinairement la valeur de la charye
du navire Cette môme nation britannique, qui se dit
armée pour la liberté de l'Europe et qui n'a ({ue ce mot
sacré il la bouche, ne répand ainsi partout que ruine et
destruction, et s'airoge un despotisme plus dur mille fois
et moins tolérable que celui auquel elle prétend s'oppo-
ser... Douze navires revenant des Indes danoises de l'A-
mérique sont devenus leur proie dans cet automne. Tous,
quoi(iue munis des papiers les plus authentiques faisant
foi qu'ils appartiennent à des Danois et qu'ils ont été
chargés à Saint-Thomas et à Sainte-Croix, ont été traînés
dans les ports anglais. Tous y éprouvent les lenteurs et les
chicanes les plus odieuses, et lorsque le comte de lioth.mer
a fait contre un procédé si cruel qui porte un préjudice
mortel au commerce national du Itanemark, par ordre
exprés (lu Roi et en son nom, des remontrances aussi
mesurées que sérieuses, il n'a reçu du comte Holdernesse
qu'une réponse dont la dureté et la hauteur ajoutent en-
core A l'injustice et à la vexation. »
Pour mettre fm à ces abus de pouvoir, l'entente des
puissances (Il était indiquée ; aussi Bernstorf engage-t-il
(1) Voir à c«> sujet Boiirgin-l. Duc de Clioiseul et la Hitlhinilv. tleviie
llislorique, l'JO.î.
PROTESTATIONS DANOISES CONTRE LES PROCEDES ANGLAIS. 425
Clieiisse, sou ministre i\ La Haye, à sonder les sentiments
des magistrats de la Ilépublique, de la province de Hol-
lande et des négociants des villes d'Amsterdam et de Rot-
terdam, et à se renseigner discrètement sur la possiijilité
d'une action commune. La dépèche danoise l'ut prohahle-
Mient communiquée à Yorke par son collègue qui avait or-
dre de l'enf retenir de la cpiestion; toujours est-il ([u'elle
passa sous les yeux des principaux ministres anglais et
qu'elle contribua certainement, avec l'avis désarmements
(|ue faisaient la Hollande et le Danemark, à amener un
changement dans la politique du cabinet de Saint-James.
Cielui-ci, comprenant (pi'il était allé trop loin, fit voler au
parlement, malgré une vive opposition des armateurs,
une loi punissant les excès des corsaires et permettant aux
propriétaires des navires saisis d'obtenir leur libération
moyennant le dépAt d'une caution en argent. Celte mesure
et quelques jugements en faveur des neutres produisirent
une détente dans le monde commercial. Sur ces entrefai-
tes, une commission composée de délég;;és hollandais
était venue à Londres négocier un arrangement définitif,
mais les pourparlers traînèrent en longueur, et nous ap-
prenons par une note de Newcastle (t) qu'au commence-
ment de juillet, il y avait encore en détenti(«n provisoire
110 bùtimeuts.sur lesquels 50 avaient été arrêtés au cours
d'une navigation dont le point de départ était un port des
colonies hollandaises.
Ce conflit n'était p.is apaisé que des diflicullés surgirent
à l'occasion du 'ransit d(! canons que le ministère français
avait achetés en Suède et fait débartpier à Amsterdam;
une main-mise sur ce jnatériel, elfectuée à la re(|uète de
Yoïke (*2), fut l'objet dune protestation de l'ambassadeur
II!
j>
If M
( ;
Ut'viie
(1) Enlievue des (lopulos liollanJais avec llardwiclvc, 5 juilkl 17511. Ncw-
cixMii l'apcrs, vol. 32892.
(2) Méuioiro iirésciilé aux Liais gciiérau.v par le général Yorke, 28 sept.
t7r)"J. Annual Regisfer.
I
AU
L\ GLI'RHE DE SEPT ANS. — CIIAP. Mil.
français. Dan.s son méinoii'e (1) aux Hautes Puissances,
Alfry invoquait à l'appui de sa plainte les précédents de
l'évacuation en 1757, par la Hollande, do l'artillerie prus-
sienne de la place de >Vescl, et la violation du territoire
néerlandais par le prince Ferdinand, lors de son passage
du Jlhin en 1758. Malgré ces raisons qui no manquaient
pas d'à-propos, les Hautes Puissances résistèrent ei le litige
s'envenima au point de devenir menaçant; Choiseul alla
jusqu'à parler i2 d'cmpioyor la voie des armes pour se
l'aire livrer les canons, dont on ne pouvait se passer pour
les opérations en Allemagne. En iin de compte, la Ré-
publique se lira d'afTaire très habilement par une décla-
ration (3) où on priait Sa Majesté Britanni(jue « de ne
point prendre mauvais que les Hautes Puissances, en con-
sidération do leur situation qui ne leur .saurait permettre
de favoriser l'une des puissances en guerre plus que l'au-
tre, ou de refuser à celle-ci ce qui a été permis à celle-
lA, fassent dil'liculté de donner qucl(|ue ordre contre le
transport de l'artillerie que M. le conito d'AUry déclare
appartenir en propriété à la couronne de France et qui est
entrée ici à rexemple de plusieurs transports semblables
faits pour les alliés de Sa Majesté Britannique. » H était dif-
licile de l'éfuter cette argumentation ; aussi Yorkc n'in-
sista-t-il pas (V) et la cour de Versailles put prendre livrai-
son de ses canons, non sans de nouveaux retards, dus
cette fois à la nécessité de trouver les fonds pour l'acquit-
tement des factures.
En dépit de la satisfaction donnée, les rapports restèrent
fort tendus entre la Hollande et la France; un moment,
le langage de Choiseul à l'envové Herkenrode et l'attitude
(1) Mémoire présenté par le comte d'Affry, 19 oct()l)rc 1750. Annual lie-
gister.
(2) Slarhemberg à Kaunitz, 30 novembre 175!». Archives de Vienne.
(3) Réponse des Étals sénérauv à Yorke, ît novembre 1750. Record Oflice.
(4) Yoïke à Holdernosse, 27 novembre 1750. Record Olïice.
RAPPORTS TENDUS ENTRE LA FRANCE ET LA HOLLANDE. 427
d'AUVy ;l La Haye firent croire que la cour de Versailles
cherchait un prétexte de rupture; la proposition d'un
congrès formulée par les rois d'Angletei-re et de Prusse
et surtout les sages conseils de l'Impératrice-Reine, (jui
(lisait avec raison ne pas vouloir augmenter le nombre
de ses ennemis, empêchèrent l'orage d'éclater.
En résumé, iiiali^ré le penchant incontestable des chefs
de la faction orangiste pour ce qu'ils appelaient la cause
protestante, la République maintint assez correctement la
neutralité t\ lacjuclle elle s'était engagée. Il en fut de môme
du Danemark qui, bien que sollicité des deux côtés, refusa
de prendre parti et se contenta de former une armée d'ob-
servation à l'entretien de laquelle le cabinet de Versailles
contribua par des subsides consentis en vertu du traité
du ï mai 1758.
Les incidents d'Espagne eurent une tout autre impor-
tance j)our la suite des événements. Le décès du roi Ferdi-
nand, (jui eut lieu le iO août 1759, en faisant monter sur
le trône un ami dévoué de la France, devait avoir phis tard
une répercussion capitale sur le groupement des [)uissan-
ces. Pendant la (in du règne, le ministre ^Vall, qui jouissait
de la confiance absolue de son maître, avait dirigé la poli-
tique extérieure de son pays dans un sens favorable ;l la
wraudc- 'îretagne ; aussi, ajjrès avoir essayé en vain d'entraî-
ner les Bourbons d'Espagne dans la querelle de la branche
aînée, le cabinet de Versailles avait-il dû reconnaître l'ina-
nité de ses efforts et laisser son ambassadeur à Madrid jouer
un rôle effacé. Pendant l'automne de 1758, il est vrai, le
cardinal de P»ernis avait songé à recourir aux bons offices
de l'Espagne pour entamer avec l'Angleterre les négocia-
tions pacilicpies qu'il avait en vue; mais sa disgrîYce et l'a-
vènement de Choiseul avaient interromj)u ces pourparlers
que l'état de sanlé de Sa Maj(>sté Catholi(iue n'aurait d'ail-
leurs pas permis de continuer.
Durant les derniers mois de son existence, le roi Ferdi-
>,
+ (
i!
V
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■M
428
LA 01 ERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VIII.
nand était tombé dans une espèce de folie coupée par de
rares intervalles de lucidité; il abandonna la direction dos
affaires à ses ministres avec lesquels il n'entretint plus de
rapports, et comme il n'y avait entre eu.\ aucune solida-
rité, l'Kspagnc fut livrée à lanarcliie. Chaque ministre
conduisait à sa guise la besogne de son département : Val-
paraiso administrait les finances sans contrôle; (( M. Araga,
le secrétaire d'Klat pour la marine, écrit l'ambassadeur
anglais (1), passe beaucoup de temps en prières comme
d'habitude, il ne fait rien aujourd'hui et ne s'est jamais
beaucoup occupé d'afl'aiies, car ses dévotions ne lui lais-
sent que peu de loisir. » Seul le minisire des Affaires
Étrangères, pour sauver les apparences, faisait toutes les
semaines un séjour à Villaviciosa auprès du souverain,
mais il ne l'avait pas vu depuis le mois de novembre. En
attendant, il était aussi dévoué que jamais au système
britannique; quelques jours avant la mort du Koi, Lord
Bristol avait recueilli (2 de la bouche de Wall les assertions
les plus rassurantes : « S'il voyait quelque chance pour la
France de reconquérir son ancien crédit dans les conseils
de l'Espagne, il abandonnerait toute participation au gou-
vernement du pays; mais il ne se retirerait pas avant d'a-
voir essayé de convaincre les partisans d'une subordina-
tion servile à la cour de Versailles, que le seul moyen
qu'eût Sa Majesté Catholique de prendre la situation qui
lui appartenait en Europe consistait à repous.ser toute
coopération avec la France, et à unir fermement les inté-
rêts de sa couronne à ceux de l'Angleterre. »
l*our maintenir cette entente cordiale, la cour de Saint-
.lamcs n'avait que dcu.x choses à faire : donner quelques
satisfactions aux réclamations constantes du gouvernement
de Madrid au sujet des agissements des vaisseaux do
(1) ririslol à PiU, 4 juin 1759. Ri^cord Oriice. Spaiii.
(2) Bristol à Pilt, 18 juillet 175<>. Ilecord Oflice.
1 in
l'OLlE DE TERUlNAiNl), UOl DESPAO.NE.
429
guerre et des corsaires britanniques et avoir recours, en
cas de négociations pour la paix, à la médiation du roi de
iNaplcs qui succéderait l>ientùt au trône d'Espagne. « Ce
nest qu'un compliment que vous lui ferez, disait Wall (1),
mais cela lui causera le plaisir le plus sensible il est
honnête bomme, et tout ce qu'il faut, c'est de le persua-
der que voire confiance et la loi que vous avez dans sa
discrétion sont égales à celles que vous avez toujours mon-
trées à son frère Ferdinand L'Espagne est en ce mo-
ment séparée de la France; elle le restera tant que j'au-
rai ici de l'influence, si vous voulez bien m'aidcr. Prenez
garde par de la négligence de nous rejeter entre les
mains de nos voisins. »
Ces avis, que Bristol s'empressa de transmettre à son
chef hiérarchique Pitt, ne furent guère écoutés à Londres,
i^cs procédés des marins anglais, que nous avons déjà
signalés à propos des Pays-Iîas et du Danemark, faisaient
naiirc avec l'Espagne des incidents d'autant plus nom-
breux que le contact était plus fréquent ; la correspondance
d'Abreu, ambassadeur espagnol à Londres, avec Pitt n'est
(ju'une longue énumération de captures de bâtiments
espagnols dans toutes les mers des deux mondes, de prises
françaises enlevées dans la zone côtière, d'insultes au pa-
villon, de brutalités et de rapines.
Tout anglophile qu'il s'affirmAt, tout sensible qu'il fut
aux compliments du Vnn et des ministres britanniques,
Wall savait insister pour obtenir des réparations tangi-
bles. A Abreu qui venait de lui envoyer le récit d'une
conversation avec le duc de Kcwcastle, il réplique (2i avec
aigreur : « J'aurais souhaité que vous nous fassiez rendre
compte si M. Pitt (qui est en fait le ministre) pense de
. , î
ià
^
H^
Cl) Bristol à Pilt, 30 juillet 1759. Record Or(ice.
(2) Wall à Abreu, 9 juillet 1759 (Lettre inlorceptéc). Miscellancous Papers,
"Jl. Record Office.
î
430
LA GUEimE DE SEPT ANS. — CHAP. VIII.
\ ;
môme que le duc. Si vraiment ils veulent vivre en bon
accord avec nous, ils ont bien assez d'occasions de mani-
fester leur amitié, au lieu des bonnes paroles dont ils sont
si prodigues, en nous rendant le grand nombre de navires
qu'ils détiennent indignement dans leurs ports au grand
détriment de nos nationaux. » Mais le cabinet de Saint-
James, à cheval sur les prétendus droits que lui assurait
sa suprématie maritime, n'entendait racheter par aucune
concession les bénéfices qu'il tirait de la neutralité espa-
gnole; aux plaintes qui lui étaient transmises, il répondait
la plupart du temps en opposant les jugements de ses tri-
bunaux, qui donnaient presque toujours gain de cause à
leurs concitoyens. Au cours de ces discussions intermina-
bles, il se produisit un incident d'un caractère ph s fâ-
cheux que d'habitude. Une frégate anglaise avait amariné
en pleine mer un bâtiment français qu'un vaisseau es-
pagnol, le Guerrero, avait pris sous sa protection, et la-
vait enlevé pendant la nuit malgré les vives protestations
du commandant. Au lieu de saisir l'occasion de flatter
l'amour-propre castillan, Pitt refusa (1) toute satisfaction
en s'appuyant sur l'inconvénient de créer un précédent an
profit du pavillon neutre. Le môme procédé fut appliqué,
comme nous le verrons, aux oli'res de médiation que le mi-
nistre anglais déclina en phrases dont la politesse cherchée
dissimulait à peine la sécheresse orgueilleuse qui lui était
familière.
Peu de jours après les entretiens entre Wall ctP>ristol que
nous venons de relater, l'interrègne se termina par la mort
du roi Ferdinand. La cour de Versailles pouvait-elle at-
tendre du nouveau souverain un revirement favorable à sa
fortune? Don Carlos, roi des Deux-Siciles, frère et succes-
seur de Ferdinand, avait la réputation de vouloir se rap-
procher de son cousin de France, et passait pour n'avoir
(1) PiU à nrislol, 31 août 1759. Ilccord Oflice.
MORT DE FEIIDINAND.
«1
pas pardonné aux Anglais l'humiliation (juils lui avaient
infligée pendant la guerre do Succession en l'obligeant,
sous menace de bombardement, à retirer de la haute
Italie les troupes napolitaines. Les rapports du inanjuis
d'Ossun, ministre français k la ccur de Naples, étaient
encourageants; il trac^Niit (1) de ce prince auquel il était
dévoué un portrait élogienx : « 11 a des lumières, de la
pénétration, beaucoup de justesse dans le raisonnement et
dans les combiuaisons. Il est instruit à fond des phis petits
détails et jaloux de son autorité S, M. Catholique parait
à présent revenir aux vrais principes qui sont l'intime union
des dill'érentes branches de l'auguste maison de France. »
L'expression de ces sentiments devait être d'autant mieux
accueillie à Versailles que l'on s'y demandciit avec quelque
inquiétude, si le mécontentement hautement manifesté
contre l'impératrice-lieine, k la suite de la rupture du ma-
riage de l'archiduc Joseph avec une princesse de iXaples, ne
s'étendrait pas à la personne de Louis XV, dont la petite-iîlle
allait remplacer sa cousine comme future épouse du fils
de ' u'ie-Thérèse. D'autre part, depuis quelque temps, il
n'étaii plus question d'un projet d'après lequel Don Carlos
traverserait le midi de la France pour se rendre à Madrid,
et profiterait du voyage pour avoir une entrevue avec le
chef de la famille de Bourbon. Enfin, à s'en rapporter aux
dires de la cour de Vienne, il fallait se délier de Tannucci,
premier ministre de Naples, qu'on dépeignait comme hos-
tile à l'alliance.
Si, au moment de la succession, le cabinet français con-
servait encore des doutes sur l'attitude du nouveau roi
d'Espagne, ils s'évanouirent bientôt devant la franchise de
ses déclarations, et devant l'empressement qu'il mit à ac-
tiver les négociations avec l'Angleterre. Conformément
ai,x instructions de son souverain, l'envoyé na[)olitain, le
prince de San Severino, avait sondé le terrain en vue
(1) Ossiin à Clioiseiil, 10 scpliMiibro 17.VJ. Atliiires Etrangères, Xaples.
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432
I.A C.UEURE DK SEPT ANS. — CIIAP. VIII.
d'une intervention entre les belligérants, et avait eu à cet
effet avec Pitt, vers la fin d'aoïU, deux conversations dont
le compte rendu (1) fut aussitôt transmis à Versailles.
Comme San Scverino avait débuté en parlant d'une dé-
marche faite à Madrid, au nom du roi de Prusse, par le
lord Maréchal , Pitt de répliquer « qu'il ne pouvait pas
croire que le roi de Prusse eût autorisé son ministre à
faire une pareille ouverture sans en avoir informé
son allié, et que ce préalable ne se trouvant pas rempli,
il ne pouvait s'agir que de l'c-xprcssion d'idées particu-
lières au Maréchal. » L'envoyé, sans se laisser démonter
par cette rebull'ade, explicjua « qu'il était expressément
chargé de savoir comment lui, M. Pitt, penserait person-
nellement sur l'offre » d'intervention. A cette question,
l'Anglais répondit qu'il « avait constamment regardé
comme un principe fondamental de la monarchie anglaise
jon union intime et inébranlable avec l'E-spagne; lui, Pitt,
inclinait entièrement à accepter la médiation de S. M, Ca-
tholique, » mais (ju'étant donnée la situation avantageuse
où se trouvait le roi d'Angleterre vis-à-vis de la France,
ce n'était pas à ce prince « à rechercher le premier une
médiation; enfin il ne pourrait jamais accepter une pro-
position de ce genre sans en avoir prévenu ses alliés. »
IJ'un commun assentiment, il fut entendu que le roi
(ieorge serait informé des intentions conciliatrices du roi
Carlos.
Dans le second entretien, Pitt annonça que son maître
était d'accord avec lui sur la nécessité de transmettre à ses
alliés le projet espagnol, et sur la confiance dans <( l'im-
partialité, l'équité, les lumières » de S. M. Catholique, dont
on « désire de cultiver l'amitié par tous les moyens pos-
sibles. )' H convenait d'ailleurs d'attendre les nouvelles du
Canada avant d'entamer une négociation quelconque. Le
(1) Ossun à Clioiscul, 18 spplcnibre 1759. Afl'aircs Étrangères, Naples.
CONVEIISATION Dh SAN SEVKRINO AVKC l'I II .
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liés. »
e roi
du roi
maître
•e A ses
l'iin-
c, dont
is pos-
illes du
uc. Le
les.
récit que faitPift de la conversation (1) no diflÏTo guère
d<> celui do son interlocuteur. Il qualifie les ouvertuies de
San Severino « d'extrèinemcnt délicates pour le fond et
encore plus embarrassantes par leur caractère mal défini,
tenant à moitié de la communication officielle et d'un en-
tretien privé. » Quand Bristol soiunit (2) le contenu de la
lettre de son chef à Wall, ce dernier chercha h atténuer
la gravité de la démarche faite à Londres : Le roi de; Naples
ne s'élait pas présenté en médiateur, ne sachant pas si en
assumant ce rôle, il entrerait dans les vues du roi (ieorge,
il avait voulu seulement rinforinor que, le cas échéant et
sur la demande des parties, il ne se refuserait pas tV
essayer de réconcilier les helligérants.
Eu fait, le roi 'utholiquo s'était avancé beaucoup plus
que ne le croyait son ministre dos affaires étrangères.
Déjà, sans é'.rc fixé sur le résultat des entrevues de Lon-
dres, il avait proposé son concours ii son cousin Louis XV
et celui-ci l'avait accepté dans les termes suivants (.'{) : « Le
Uoi mon maitro ne demande pas que V. M. se déclare pour
la France, mais il saisit avec empressement la médiation
(jue V. M. lui a offerte... surtout si V. M., après avoir em-
ployé inutilement le langage do la douceur et de l'amitié,
([u'Ello parait préférer dans ce moment, fait signifier à la
l''ranco et à l'Angleterre qu'elle se charge do la médiation;
qu'Elle entend que cette médiation soit armée, et que vu le
préjudice que le commerce de l'Espagne et les possessions
espagnoles peuvent souffrir de la continuation do la guerre
entre ces deux couronnes, et considérant aussi combien il
est essentiel à l'I^^spagne que l'ôijuilibre dos possessions
on Amérique établi par le traité d'Utrecht no soit point
altéré, S. M. se verra obligée de se déclarer contre la pat-
(l) PiU à nrislol, li s(<iilembrc l'.M). Record Olllcc.
[•.i) ISiistol il l'iU, !•■■ octobre 17VJ. Rpcoril Omce.
(3) Mémoire délivré au roi d'Espagne [lar Ossuii, 'il sept. 175',». Afl'aires
Etranf;ères. Naples.
(.IIEIIUF, DE SEI'T ANS. — T. III. 28
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43 i
LA CUEHHK DE SKPT ANS. — CHAP. VIII.
fie hoUimér.intc qui refuserait de souscrire aux proposi-
lioiis rnisonuabU's qu'elle aura suggérées pour h; rétablis-
sement de la pai.v. )) Suivent les condilionsqui constituaient
rultiniatuni de la Kranre. Ueniise de la délimitation des
teii'îtoires de l'Acadie et de l'Ohio à l'arbitrage du roi
d'Kspagne. Restitution de l'Ile de Minorfjue en échange du
droit d<^ rétablir les fortilications de Dunkerque... Démo-
lilion de Louisbour.u et engagement de ne pas rééditier
de forteresse dans le même endroit... évacuation des villes
et contrées occupées en Allemagne par les Français. Dis-
location des armées confédérées et interdiction de les em-
ployer contre les alliés de la France. Liberté prtur les deux
puissances d'accorder dos subsides eu argent à rimpéra-
trice-Ucine et au roi de Prusse. Abandon de toute réclama-
tion relative aux navires marchands confisqués avant la
déclaration de guerre. Kestitution do toutes les conquêtes
faites sur la France par les Anglais en Améri(jue ou ail-
leurs. Le mémoire qui contenait ces bases de pacification
fut remis au roi d'Espagne lo 21 septembre, et six jours
après, Ossun annonçait (1) à Choiseul que Tannucci avait
écrit à Londres « pour oll'rir formellement la médiation
du lloi son maître, et il le fait dans les termes de l'amitié,
mais en faisant sentir on mémo temps que le roi d'Espagne
se flatte de ne pas éprouver un refus. »
Ce fut seulement deux mois après, qu'Ossun pût trans-
mettre (2) à Choiseul le résultat de cette nouvelle dé-
marche. S'il faut croire le récit que Don Carlos fit à l'am-
bassadeur, voici ce (jui s'était passé : Pitt « avait témoigné
avec assez de liauteur, qu'il n'était pas temps tie songer
à la paix, que les grands succès de l'Angletorrc; exi-
geaient (lu roi britannique qu'il s'occupât uniquement du
(1) Ossun à Choiseul, 27 sept. 1".')9. Aflaires Élrangères. Naplos.
(2) Ossun à Choiseul. Saragosse, 2i novcm'ue 1759. AlVairt's Étrangt'res.
Es])agnc.
NOUVEL KMTUETIKN DE SAN SEVEUINO AVEC PITT.
W,
spagne
ti-ans-
llc dé-
à Tam-
moigné
songer
soin (l(« les conserver, et môinc de les augmenter. » Kii
réjionse, Sun Séverine, tout eu aflirniant (\uo la proposiliou
de sou uialtre < avait eu pour prlucip.il ohjcl de convaincre
S. M. Hritanni(jue (|ue son auiilié pour KUe n'était ni moins
solide, ni moins sincère que celles (pi'il avait pour le lUii
son cousin, » ajouta « que S, M. (ïatlioli(pic ne pouvait [ins
voir avec indillerencc les progrès considérables des An-
glais en Amérique, ni soull'rir tranquillement que i'écpiili-
hre des possessions établi par le traité dTtrecht dans ce
continent fût altéré ou renversé. » l*itt parut « fra[>pé de
cette déci.'iri'tion, et après avoir resté un instant avec un iiii-
décontenancé, il avait dit que lintention de rAnglcterre
n'était pas de garder toutes les concpiôtes qu'elle avait
faites, et qu'il s'en fallait bien <jue le Uoi son maître fût
éloigné de conclure une paix solide et raisonnable, que
S. M. Ih'itannique mettrait incessamment Milord Iliristol eu
état de conférer sur cette matière avec les ministres de
S. M. Catlioliipie, et môme de donner de grandes facilités
pour parvenir à une conciliation avec la France. » Ainsi
qu'on le voit, tout en restant parfaitement C(»urtoise, l'at-
titude du cabinet de Saint-.lames avait [cbangé depuis la
première entrevue avec l'envoyé napolitain. Dans rintei*i«
valle, on avait reçu à Londres l'avis de la capitulation de
Uuébec, et on cscompait l'occupation procliaine de tout le
(Canada, (^boiseul lui aussi comprenait bi<Mi la portée de
ces événements quand il esquissait la situation à Ossun (1).
« Voilà donc, Monsieur, la perte du Canada constatée, et
nous avons des craintes bien fondées qu'elle ne soit bientôt
suivie de celle de la Louisiane et de la Martinique. » Ce
n'était pas tout; des Indes, on venait d'apprendre ll'écbec
de Lally devant Madras; en Afrique, les établissements
du Sénégal étaient tombés entre les mains des Anglais.
Heureusement, au fur et à mesure des malbeurs qui
(I) Choiseul à Ossun, 22 octobre 1759. Affaires Etrangères. Espagne.
4
43C
LA CJUERHK l»K SKPT ANS. CIIAP. Mil.
s'appesantissaient .sur |ji Kraiice, plus le Ion du roi (larlos
se montrait syinpatliicpn' et s'atlirniait énergicpie. Le nou-
veau souverain, (prune escadre cspaj,Miolc était allée cher-
cher à Naples, avait d«'!bai([ue à Barcelone et s'acheminait
lentement vers la capitale; dans ce voyaj^e, il avait été
acconipuiiiié'par Ossuii, dési.yné comme « pcr.sona grata »
pour remplacer !\ Madrid le manpiis d'Auhoterre. Kn cours
de route, il y eut de iioinhnMix enireliens entre le lloi et
l'ambassadeur; à pro|)os de la prise de Québec, Carlos dé-
clai'a II ((ue cette nouvelle " lui avait glacé U' sang;
convaincu (juc si la France succombait vis-à-vis de l'Angle-
terre, l'Kspa.yne aurait bientôt son tour... il était très dis-
posé à venir à notre secours le plus promptement et le
plus efficacement qu'il lui serait possible; » mais il lui
fallait le temps d'agir, de se rendre compte du budget du
royaume, de rétablir son armée et sa flotte, de restaurer
les fortifications coloniales. Quelques jours après, le l\oi
fait part à Ossun (2) des instructions expédiées à Abreu.
« Si les Anglais ne veulent pas so prêtera un accommode-
ment raisonnable vis-à-vis de la I<i ince, il prendra son
parti. » Déjà, il s'occupe de metti-e la marine sur un pied
respectable et a donné oidre d'armer VO vaisseaux de
guerre pour le printemps.
Le cortège royal était arrêté par la pluie et la neige à
Torija, quand arriva un rapport de Wall i'.i) relatant la
communication ([ue Bristol, conformément à la promesse de
Pitt, venait de lui|faire. L'envoyé anglais avait été chargé
d'informer S. M. Catholique que les difficultés inhérentes
à une médiation « lorsqu'il y a des alliés », avaient décidé
(1) Ossun à ClioLseul, Saragosso, 6 novembre 17J9. AlVaircs F.lrangères
Espaj^iie.
(2) Ossiiu à Clioiscul, Sal•agos^:e, li novembre t/.TJ. AlVaires Klrangères.
£.S|iagne.
(3) Ossun à Choiseul, Torija, 7 décembre 1759, Affaires Étrangères. Es-
pagne.
. Carlos
iO noii-
e cluM'-
ciniuait
.ait été
g rata »
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D Uoi «'t
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• sang;
l'Angle-
li'és dis-
!nt et le
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i, le Uoi
. Abreu.
inmode-
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messe de
chargé
lérentes
it décidé
Uraiigcrps
Clraiigéres.
inuères. Ls-
IlONNES DISPOSITIONS DU HOI CAHLOS POUR LA IRANCi: 437
le roi (leorgcî à faire, par r(Mifr<'inise du |)rincc Louis do
Urunswick, des propositions directes aux puissances helli-
géi-antcs en vued'un congrès où serait discutée la pacilica-
tion générale. Le cabinet l)ritainii(pu' se plaisait à croire
que S. M. (1. << n'entendra en aucune uianièi-e ipu) ses bons
offices n'eussent pas mérité la plus amph; acceptation de
la part de S. M. IL »> Nous reviendions plus loin sur la
genèse et l'historicpie de la déclaration anglo-prussienne;
pour le moment, envisageons-la au point de vue espagnol
et bornons-nous il constater (jue cette procédure constituait
vis-îï-vis du roi (larlos une véritable fin de non-recevoir et
n'était pas pour lui plaire; aussi afiirma-t-il îi l'ambassa-
deur français son dessein de passer outre et de persister i\
servir d'intermédiaire entre la France et l'Angleterre.
En s'cxprimant ainsi, Carlos était en contradiction lla-
grante avec la politi(jue de Wall (pii, retenu auprès de la
Ueine-Mére, n'avait pu se rendre au-devant de son nouveau
maître. Les instructions datées de Saragosse portaient la
signature de S(piillacci, Napolitain (pic le Koi avait amené
avec lui et auquel il destinait le portefeuille des finances;
la dépêche, rédigée sur un ton très diH'th'ent de celui de
Wall ou même de San Severino, était adressée à Abreu,
le représentant officiel de Sa Majesté Catholiijue à Londres,
(ic diplomate, dont la correspondance interceptée avait fait
connaître les sentiments peu favorables à la cause britan-
nique, était mal vu à la cour de Saint-.lames; aussi la déli-
cate proposition qui lui était confié(; ne gagnait-elle guère
à être transmise par son canal. Il remit à Pitt une note
écrite (Il dans laquelle le désir de son souverain était for-
mulé dans les termes les plus explicites : « Tous les sou-
haits du Koy se bornent A ce (ju'oii ajuste de bonne foi les
différends qui ont causé une i;uerre si cruelle entre l'An-
gleterre et la France, toutes deux alliées et toutes deux
(1) Abreu à Pill, 5 déc(!inb*e IT3«. Record Oflice.
1^^
438
LA OUEllRE DE SEPT ANS.
CIIAP. Mil.
I
Ib'J
V
amies de Sa Majesté, et ([u'on vienne à une paix raisonna-
ble. A cet efl'et le Koy s'offre avec candeur et l'iulention la
l)lus pure h y travailler de la manière qu'on croira la plus
convenable. » A tilrc de préambule, l'ambassadeur avait
fait suivre ses protestations d'ainilié et ses félicitations,
sur le succès récents des armes anglaises en .\mérique
et aux Indes, d'une pbrase empruntée à la piume de Cboi-
Sl;u1 et qui devait éveiller la susceptibilité britannique :
« Le Hoy ne peut pas regarder avec indifférence le déran-
gement que ces conquêtes portent à ré(juilibre établi par
le traité d'I'trecht. » Dans sa réponse (1), l*ift, pour se
dérober à une ouverture qu'il ne se souciait pas d'en-
courager, invoqua la raison, du reste plausible, de la dé-
claration relative au congrès qu'on venait de faire : <- La
démarcbe publique que le Uoi vient de faire, conjointement
avec Sa Majesté Prussienne et dont la cour d'Kspagne aura
eu d'avance la communication confidentielle, <i fait voir
d'une manière si insigne la disposition de Sa Majesté à
entrer en négociation pour parvenir au but salutaire de
la paix, que jusqu'il ce que les autres puissances belligé-
rantes aient de leur côté fait savoir clairement leurs inten-
tions à cet égard. Sa Majesté se trouve dans l'impossibilité
de rien ajoutera ce sujet, sinon (prelle mettra toujours au
plus baut prix les désirs pui's de Sa Majesté (^Ttlioliciue
pour le rétablissement de la ti'an(|uillité publique et parti-
culièi'ement pour le maintien de la bonne barnionie entre
la (irande-Hretagneet l'Espagne. » Le ministre anglaisent
soin de relever le passage sur la balance de pouvoir créée
en Améri((ue par le traité d'IUreclit : « i)n observera sim-
plement là-dessus combien il est évident, par les circons-
tances oîi la monarcbic française se trouva lors dudit traité,
qu'il n'y fut nullement (juestion alors d'établir, dans l'A-
mérique septentrionale, l'équilibre entre la lirande-Bre-
(1) Pitt à Abrcu, 13 décembre 176,t. Uecord ol'(i(n S|uiin.
m
4
' '■'.
'lligé-
LANdLETKUHE SE Di^UUHE A LA MÉDIATION ESPAGNOLE. 43'J
tagnc et la Fraiice, que d'ailleurs il n'a tcnucju'à la Krance
que les droits respectifs des Jeux nations, dans cette partie
du monde, ne tussent constaninieut demeurés sans at-
teinte, sur le pied dudit traite, qui les avait si claii-enient
énoncés et dont les infractions perpétuelles et si criantes
peuplant une longue suite d années ont été l'unique cause
de la guerre présente entre les deu\ couronnes. » Kn en-
voyant à Hristol copie de la note d'Ahreu et de sa ré-
ponse, Pitt demande [i; des explications sur la contradic-
tion entre le langage de Wall et le ton de la dépèche de
Saragosse. Pourquoi était-elle signée de Squillacci et pour
quel motif avait-elle été expédiée avant que le roi (lliarlos
eût pris contact avec son ministre des affaires étrangè-
res? Il invite Bristol à faire la lumière et à surveiller le
nouvel ambassadeur français, dont il sou[)ronne l'ingé-
rence. Interrogé sur ce point délicat ('2), Wall ne put dis-
simuler son embarras et laissa entendre qu'il dégageait sa
responsabilité de l'incident.
Entre temps, des relations en apparence amicales s'é-
taient nouées entre le ministre espagnol et le représen-
tant de Louis XV. Aussitùt ari'ivé i\ Madrid, Ossun tint sa
[)remièrc conversation avec Wall (.'i). ('omme il fallait s'y
attendre, celui-ci ne s<^ déclara pas partisan de l'inter-
vention; il estimait que l'Angleterre ne traiterait pas uiu;
paix distincte avec la France, mais insisterait pour faire
participer aux négociations le roi de Prusse; il se montrait
indifférent à la question du Canada, dont la conquête par
les Anglais n'atfecterail (|ue peu « la sûreté des posses-
sions de l'Kspagne » ; au surplus, celte puissance n'avait
|)ns un intérêt suffisant eu jeu pour «-iierclier à imposer à
l'Ar leterre une médiation <(ui sûrement ne serait pas ac-
ceptée. Peu de temps après cet échange de vues, Wall eut
U
ià
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{{] put il Uiis'ol, î i dtveinbiv 17.V.t. Hecord Oïïwv. S|paiii.
(2) llristol à PitI, 7 janvier 17(>0. |{<;coid Office.
(3j Ossun à Citoiseul, 15 déceinl)rft 175». Affaires Élraiigùres. Esi)a;înt'.
.'■ H
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LA r.Ui:iUlE Dli SEPT ANS.
CIIAP. Mil.
■ r'' '■
de son nouveau souvorain uno audience qui parait avoir
nioilifié SCS idées : S. M. Catholique avait déelaré, dit-il à
0.ssnn, vouloir persister « dans le dessein de presser le roi
d'An.ulcterre d'accepter ses bons onicos », mais il eut soin
d'ajouter (pic, d'après son propre sentimc:it, « on ne pour-
rait pas employer, de la part de lEspiiirne, des expres-
sions trop modérées et que les menaces pourraient pro-
duire un Tort mauvais ell'et; qu'il était toujours persuadé
({ue l'Angleterre ne conscnlirait jamais à séparer les inté-
rêts du roi de Prusse des siens. » L'année 1750 finit par une
entrevue entre Wall et Hristol (1), où l'Anglais aurait re-
connu que les échecs essuyés par Frédéric étaient un sé-
rieux obstacle à la conclusion de la paix: [)eut-ètre met-
trait-on les parties d'accord en indemnisant l'Impératrice
de la perte de la Silésie par l'acquisition de l'évèché de
Salzhourg-. A l'entendre, Wall aurait plaidé avec l'ardeur
d'un néophyte la thèse de la pacification maritime et co-
loniale.
Sur les avantage.; de la médiation espagnole ^-2) , (Mioiseul
rédigea à cette époipieun véritable cours de politique con-
temporaine à l'usage de la diplomatie h'ançaise. Nous y re-
levons, exposés tout au long, les inconvéïdentsde l'alliance
autrichienne, le danger pour l'écpiilibre euroi)éen de l'é-
crasement de la Prusse, une plaidoirie pour la paix sé-
parée avec l'Angleterre comme seul moyen d'arriver tV une
entente générale et équitable, enfin la nécessité, pour at-
teindre ces résultats, d'une union intime avec l'Espagne.
« Il est certain que nous ne voulons pas manquer à l'al-
liance de Vienne pendant le cours de cette guerre ; nous
sommes persuadés de la sûreté des sentiments de l'Impé-
ratrice, mais nous connaissons que notre alliance avec
la cour de Vienne ne peut pas «Hre regardée comme une
alliance de famille, qui doit être sans nulle variation
(1) O.ssun à Choi.seul, 31 dpccinhie IT.iSt. Aflaires Klninnirrs. K.spa^nc.
(!>) Choiseul à Ossiin, :i\ décembre IT.VJ. Allaiies Klian;5('rfs. Ks|iayni'.
\ i
w
1)
EXPJSÉ I)K LA POLITIQI E DIC CIIOISKI L.
441
pormancnto. Llnipih'atrico peut mourir, ses enfiinls peu-
vent penser dillere minent d'elle, au lieu (jue la maison
de France régnera, j'espère, toujours eu l'rauce en Espa-
gne et k Napie , et son intérêt v«h'itable ne sera jamais de
se désunir. Nous connaissons <pie la cour de Vienne, n'a
ni d'autre but, d'autre pensée, d'autre pression que celle
d'écraser le roi de Prusse et qu'elle saurait trancpiillement
sacrifier à cet objet toutes les possessions de ses alliés.
Nous sentcms qu'après celte guerre, le roi de Prusse
étant écrasé, la maison d'Autriche [)ourrait reprendre ses
liaisons avec l'Angleterre et un ton avec les puissances
de l'Europe, qui ne nous conviendrait pas plus qu'ù. l'Es-
pagne. C'est d'après toutes ces réilexions qui auraient
été aussi bonnes il y a trois ans <,a'à présent, mais aux-
((uelles il faut revenir, que nous connaissons parfaitement
que le roi de Prusse est assez abaissé et qu'il n'est pas
de notre intérêt que ce prince le soit totalement. » Pour
le sauver d'une ruine complète, « il n'y a pas d'autre moyeu
que celui d'engager l'Angleterre à l'aire sa paix séparée
avec la France par la médiation de l'Espagne. » A l'ap-
pui de cette assertion, Clioiseul tient le raiscmnement sui-
vant : « Lorsque l'on coni. lit l'esprit (jui gouverne la coui'
de Vienne, ce serait s'abuser d'imagier que l'Impératrice
mettra bas les armes volontairement avant l'entière des-
truction du roi de Prus-o. Il serait dangereux en même
temps pour la France di vouloir forcer cette princesse à
la paix. » Ces prémisse> posées, voici la conclusion :
« Après avoir étudié touto les façons possibles de parve-
nir à réconcilier la Prusse et l'Autriche, nous avons cru
que notre paix avecrAuyleterre une fois faite, ou les pi'é-
liminaires arrôlés à Madrid, le Koi et le roi d'Angleterre^
unis à l'Espagne dans un congrès, auraient une force
coactive pour déterminer l'accommodement de l'Allema-
gne, d'autant plus facilement que... le Uoi consentait, dès
que les préliminaires avec l'Angleterre seraient signés, à
11
I
"fT
442
LA GIEUUE DE SEPT ANS. - CIIAP. Mil.
m
retirer toutes ses troupes d'Allemagne. Dans cette situa-
tion, le roi de Prusse sans doute ne se refusera pas à la
paix. Il ne restera que l'Impératrice à persuader, et elh*
ne pourra pas résister à l'influence de l'Espagne, de la
France et de l'.Vngleterre, qui s'uniraient pour procurer la
paix à l'Allemagne. » Au contraire, le congrès proposé
par l'Angleterre et la Prusse serait nuisible aux intérêts
de la France (|ui, durant les négociations, perdrait le reste
de ses colonies, tandis que l'Autriche poursuivrait sur le
continent ses succès sans se soucier du sort de son allié,
A la lecture: de cette dépêche, où se révèle la pensée
intime de Choisoul, on découvre le germe du pacte de
famille et la volonté de recouvrer, vis-à-vis de l'Autriche,
une indépendance que ses prédécesseurs avaient sacrifiée
en signant les traites de 1756 et de 1757, et que restrei-
gnait encorô la convention plus récente, dont il était lui-
même responsable.
Aucune réplique ne fut faite par la cour de Madrid à la
note déclinatoire de Pitt, et il ne fut plus question, tout
au moins à Londres, de l'intervention pendant les premiers
mois de 1760. Par contre, Choiseul eut grand soin de com-
muni<|uer au roi Carlos toutes les phases des pourparlers
de La Haye, de le consulter sur la suite à donner aux ou-
vertures ang-laises, et de lui soumettre le projet de réponse
des puissances alliées à la déclaration pacifique des rois
d'Angleterre et de Prusse. Conséquent avec le système dont
il avait fait l'exposé à Ossun, le ministre de Louis XV ne
manque pas une occasion de cultiver les bonnes disposi-
tions du nouveau souverain, et d'envenimer la blessure
qu'inflig'ent il l'amour-propre royal les mauvais procédés
de la marine britannique et le refus mal déguisé de ses
bons offices pour le rétablissement de la tranquillité mon-
diale.
Selon toute probabilité, les sentiments de suspicion ma-
nifestés par la cour de Vienne au sujet de la médiation
^,
1
\'ïï
KALMTZ PEU FAVORABLE A LA MEDIATION.
ii:!
espagnole et la crainte de voir la politique française de
plus en plus subordonnée îY l'objectif spécial de rAutriclic,
n'avaient pas peu contribué au désir d'une liaison étroite
des deux l>raucbes de la maison de liourbon. Pour se con-
former au devoir d'un associé loyal, Choiseul avait rensei-
gné le cabinet de Marie-Tliérèsc sur les oll'rcs de la cour
de Madrid et sur leur accueil par celle de Versaillci. Le
compte rendu de l'audience où l'Impératrice reçut la com-
munication et des commentaires auxquels elle donna lieu,
montre à quel point la cour de Vienne était jalouse de
toute initiative prise par son allié : « L'Impératrice m'a
écouté, raconte l'ambassadeur français (1), sans rien dire
et avec l'air peu satisfait. Il faut, reprit-elle dans le cou-
rant de l'entrevue, que je compte beaucoup sui les senti-
ments du Roi pour n'avoir point d'inquiétude, car je vous
avoue que je suis fort sensible et fort délicate sur tout ce
qui a rapport à la paix. » Quelques jours après, Kaunitz
se plaint (2) que sa cour n'ait pas été consultée avant l'ac-
ceptation de l'intervention espagnole. Le Français se jus-
tifie en invoquant la distinction entre la guerre maritime
avec l'Angleterre, particulière à la France et étrangère à
l'Autriche, et la guerre contre la Prusse où « le Iloi, par
l'etTet de son amitié pour l'Impératrice, s'était rendu partie
belligérante »; il rappelle « que les traités avaient pour
objet cette même guerre et non celle de mer qui en était
exceptée. » L'entente entre les deux puissances, indispen-
sable dans un cas, ne l'est donc pas dans l'autre. Kaunitz
l'interrompt : < M. l'ambassadeur, je vous donne ma pa
rôle d'honneur, que tant que je vivrai, puis se reprenant,
tant que Leurs Majestés existeront, les plus grands malheurs
arriveraient à cette monarchie, le roi de Prusse serait aux
m
%A
i I
m
<f!
(1 Comte (le Choispiil au Dur, G octobre 17"iO. Affaires Étrangères,
Autriche.
(2) Comte de Clioiseiil au Duc, ti octobre lT"i'.>. AlVaires Ltrantjères,
Autriche.
444
LA Gi :eu»e de sept ans.
( IIAI'. Mil.
fâ'
. :
M;'
ï .
portes de Vienne, qu'on n'écoutera rien sans la parlicipa-
tion (le la France, et que nous péririons plutôt cpie l'avoir
un procédé qui fût tant soit peu louche "t suspect. » Mais
bientôt Kaunitz. en homme pratique qu'il était, abandonne
celte note pour en prendre une autre de meillenr aloi en
insistant sur la nécessité de prouvera la cour d'Espagne
et k toute l'Kurope « ([ue nous sommes unis par des liens
indissolubles et de faire tomber par là les artifices de nos
ennemis, qui ne cherchent qu'à semer entre nous la dé-
fiance et les soup(;ons. »
Pour calmer les susceptibilités et répondre aux insinua-
tions de Marie-Thérèse et de son chancelier, le duc de
Choiseul rédigea une longue dépêche (li destinée à être
mise sous les yeux des hauts personnages. Il débute par
l'historique complet des phases de la négociation avec Don
Carlos avant et depuis son avènement au trône d'Kspagne,
rappelle (jue Slarhemberg avait été religieusement tenu
au courant de ces incidents; puis*, élargissant le débat, il
fait l'apologie à la fois des agissements de la cour de Ver-
sailles et de sa conduite personnelle. Il se défend d'avoii'
fait mention de la paix tout en se demandant « pourquoi il
n'aurait pas été permis au Roi de parler à l'Impératrice de
la paix, si S. M. était dans l'impossibilité de continuer la
guerre M. le comte de Kaunitz ne regarde que ce qui
touche sa maîtresse, mais s'il jette les yeux sur ce qui s'est
passé depuis que je s'iis entré en place, il conviendra que
mon courage mérite quelques éloges. M. do Kaunitz sait
quelle était la situation du royaume à la fin de l'année
1758, et le désir qu'on avait de la paix. Je crois que j'a-
vais changé le t(m à cet égard en arrivant ici, que les
dispositions pour la campagne 1759 étaient telles, que nous
devions nous promettre des succès. Nous avions calculé
que c'était à nous, dans l'alliance, tl agir puissamment;
(t) Duc de Clioiseiil au ("omle, JO octolire 1751). Affaires Étrangères.
Aulriche.
:¥.
CIIOISEI'L DKFENl) SA CONDUITE VIS-A-VIS DE LVL'TRIOIIE. iir.
cette année nous avions t'ormé un plan oflensif dans toutes
les parties. Qu'est-il arrivé? » Ici (Mioiscul passe eu revue
les infortunes récentes : la perte de la (Guadeloupe et des
établissements du Sénégal, la défaite de Minden, la dis-
persion de l'escadre de La Clue, les échecs de l'Inde, la
capitulation de Québec. « Voilà nos malheurs militaires,
je crois qu'il est dilficile, dans toutes les parties, qu'ils
puissent être plus grands. Nous avons des alliés puissants;
en jetant les yeux sur les événements (jui les concernent,
nous ne trouvons pas qu'ils nous aient procuré de dédom-
magements à nos peines, et nous en sommes d'autant plus
aftligés que nous avons pu espérer que leurs succès met-
traient des poids dans la balance. » L'interruption du
commerce, suite de la perte des colonies, a anéanti le
crédit et conduit à « une espèce de bancjueronte. D'après
ce tabl<>au, continue le ministre, vous conviendrez que je
dois être blessé que l'on me soupçonne de faiblesse comme
le cardinal de Bernis. Vous pouvez dire à M. de Kaunitz
que je ne mérite pas celte comparaison et que je crois
en avoir donné des preuves. Malgré cette situation, .M. le
duc de Brogiie tiendra la campagne aussi longtemps que
M. le prince Ferdinand. M. de Contlans va sortir et risquer
une bataille navfile pour aller prendre les 20.000 hommes
que commande M. d'Aiguillon et les conduire en Kcosse. »
Si l'expédition échoue, « sans perte de temps nous assem-
blerons une seconde armée sur le Bas-Rhin et nous ferons
un projet de campagne d'hiver pour cette armée, en ris-
quant la destruction de nos troupes, tandis que M. de
Brogiie s'avancera en liesse et contiendra la partie de l'Al-
lemagne (jue protège son armée; mais en même temps si
les malheurs continuent à persécuter nos opérations, je ne
peu.\ pas me cacher, malgré ma volonté, (jue le royaume
sera dans un état très dangereux. »
Jusqu'à ces dernières lignes, le document devait être lu
au chancelier; la iin, d'un caractère conlidentiel, contient
iil'l .
^^
"l^T
4iG
LA niERRE DE SEPT ANS.
CIIAI>. VIII.
la constatation de la position sans issue dans Ia4|ucllc se
trouve la France : « Nous ne ferons pas la pai\ de terre
sans Elle (rimpératrice), nous nous détruirons d'année en
année en sa faveur, mais il faut prévoir que nous serons
forcés par les circonstances à faire notre pai.v d'Anglel.. rrc,
dès qu'elle sera possible, et que quant à la guerre, 'îi les
ellbrts que nous allons faire manquent, nous la soutien-
drons comme nous pourrons, en défendant nos fronti»''rcs
et en payant nos subsides à nos alliés. Ce n'est pas tout
d'avoir du courage, il faut avoir le moyen de le soutenir,
et ce serait tromper nos alliés que de ne leur pas parler
clairement sur notre situation, »
En guise de réponse à l'exposé du ministre français,
Kaunitz ne trouva d'autre conseil à donner au Uoi (1) que
celui d'abandonner la guerre maritime « en déclarant
à l'Espagne que je ne suis plus en état de soutenir le reste
de mes colonies, et que c'est à elle de les délendre si elle
veut se sauver du péril de perdre les siennes. »> Non sans
raison , le comte de Choiseul formule sur les dires de
Kaunitz l'appréciation suivante : « Soit dissimulation, soit
fermeté, soit paresse ou indifférence, et peut-être par tous
ces motifs réunis, il ne m'a pas paru ell'rayé de nos mal-
heurs. » Peu de temps après cette conversation, la propo-
sition de congrès, dont les rois d'A igleteri'e et de Prusse
prirent l'initiative, vint imprimer un nouveau tour aux
discussions diplomatiques.
Afin de ne pas interrompre le récit des pourparlers rela-
tifs à la médiation espagnole, force nous a été d'extraire
des relations entre les cours de Vienne et de Versailles,
pendant l'année 1759, tout ce qui avait trait à cette ques-
tion. Revenons aux rapports courants dont, pendant les pre-
miers mois, aucun dissentiment sérieux ne vint troubler
l'harmonie apparente. Ni Kaunitz, ni Starhemberg ne
(1) Comle de Choiseul au Duc, 12 novembre 1759. .Vffaiies Klrangéres,
Autriche.
lŒLATIONS I)i:S coins DE VIENNE ET DE VEHSAILLES. 4i:
semblent avoir éprouvé heaiicoup de sympathie pour le
nouveau titulaire du Département des Allaires Etrangères.
H suffit de parcourir la correspondance de l'ambassadeur
pour deviner que, malgré les attentions dont il était lob-
jet de sa part, il regrettait son prédécesseur. Accoutumé à
l'esprit ondoyant, au\ maniî res caressantes, ji la grAce un
peu féminine de Hernis, il eut quelque peine à se faire à
la brusquerie primesautière, au ton hautain et parfois
rogue de son successeur.
Choiseul, dès son avènement au pouvoir, était bien dé-
cidé à prendre le rôle, sinon la position de premier minis-
tre; il possédait les talents de l'emploi. Travailleur infati-
gable autant qu'homme de sahm, il savait concilier le
plaisir avec les all'aires, regardant l'un comme l;i distrac-
tion nécessaire pour permettre l'assiduité aux autres. A la
fois autoritaire et courtisan délié, il était aussi expert à
tlatter l'amour-proprc du souverain, i\ se plier devant les
caprices de la favorite, qu'à assumer l'allure du maitie
vis-à-vis de ses inférieurs. Soutenu par la confiance de
Louis XV, qui venait d'ajouter à son titre de duc la dignité
de pair, en communion étroite avec la l'ompadour, dont
il devint en quelque sorte le directeur de conscience, il
put braver le verdict en général peu favorable de la
cour et de la ville. Si peu nationaliste qu'on fût à cette
époque, on se fiait médiocrement aux sentiments patrio-
tiques d'un homme dont la nationalité était de fraîche
date; on rappelait ses origines lorraines, on invoquait le
souvenir d'un père qui avait été longtemps à Paris repré-
sentant de l'Kmpereur (1) en sa qualité de grand-duc de
Toscane, on citait un frère encore général au service autri-
chien. Cette parenté ne le rendait-elle pas suspect d'at-
tachement à l'Impératrice? n'intluerait-elle pas sur ses
opinions quand il aurait à défendre, contn' l'allié, les
intérêts de la France? Enfin n'était-il pas partisan avéré
(1) Erizzo au Sénat de Venise, 12 novembre 1738. Archives de Vienne.
j-i
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LA CUElUli: DE SEPT ANS.
CIIAI». VIII.
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(l'une guci-re contiiienlale qui jamais n'avait été populaire
et dont la poursuite ruinerait le pays?
Cette lioslililr du dedans, comme la mauvaise volonté du
dehors, Clioiseul les surmonta, urAce i\ de solides appuis,
iii'Ace surtout j\ la vigoureuse imi)ulsion (pi'il sut donner aux
rouages du gouvernement. Que dans sa conduite on pui>se
relever des déraillances fréquentes, des inconséquences
nombreuses, cela est évident, mais on serait mal venu
de lui refuser le mérite d'une suite dans les conceptions,
d'une persévérance dans l'application, dont on ne trouve
guère trace chez ses prédécesseurs. Si les combinaisons
échouèrent, si les tours de force accomplis pour continuer
la guerre ihoulirent au traité dés.istreiM de 1763, il serait
injuste de faire peser sur lui la respon )ilité d'une situa-
tion dont il n'était pas l'auteur et qui était plus que com-
promise quand il fut appelé au ministère.
fermons cette parenthèse, qui nous entraînerait trop
loin, et revenons aux rapports de Choiseul avec le repré-
sentant de Marie-Thérèse; peu à peu, ils .s'établirent sur le
pied de rintimité et [)rirent, tout au moins de la part du
premier, le ton de sincérité et d'abandon qui avait ca-
ractérisé les entretiens de Hernis. I/Autrichien, il est su-
pertlu de le dire, tout en accueillant les confidences, avait
soin de rapporter à Vienne les boutades et les pro[)os ir-
rélléchis qui échappaient parfois à la vivacité de son inter-
locuteur. De là des malentendus : la cour de Vienne aurait
souhaité obtenir du gouvernement français, dans les af-
faires intérieures de rAUemagnc, un concours absolu qui
s'accommodait mal avec la politique traditionnelle de la
maison de Bourbon. Choiseul ne l'entend pas ainsi, et ex-
pose (1), avec un franc jjarler qui n'était pas pour plaire, les
inconvénients ([ue présenterait dans TKmpire une extension
trop grande du [)ouvoir des Habsbourg. Souvent c'est au
(1; SlarheinlK'rg à Kaunitz, 14 sciilembrc 175'J. Arcliivesde Vienne.
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RAl'I'UUTS l)K STArUlKMhKIU; AVKC ( ll(»l l.ll,.
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sujet (les droits et [jrivilèycs de la minorité protestante «le
l'Knipiie, sur lescpicls la maison d'Aulriclie (Hait toujours
prtHeà empi('!ter, (pie surgissent les dissentimt'iits enti-e les
lieux gouvernements. Fidî'le sur ce point s[)(icial aux eiie-
ments d(; Hiclielieu cl de ses successeurs, le cabinet de Ver-
sailles rcven(li(pu' à fout propos sa position comme puis-
sance garante du trait('' de NVeslpIialie. AussihM l'ambas-
sadeur de dt|>lorer cet esprit (piil attribue à la roulin(ules
bui'eaux et aux notions puis(jes dans le comnuMce des di-
plomates prolestants ou dans les c'crivains de droit public
;H)part(Miantà la rc'forme. Pour Starliemberg, on n'est par-
tisan du nouveau syslc'Mne ([u'à la condition (l'(5pouscr sans
r(''serves toutes les visées et tous les préjugés de sa ('(Uir,
à ses veux, l'adhésion à l'alliance est ail'aire de sentiment
plut(M (jue d'intéi'clit : aussi, d'apn'-s lui, son ap[)ui le plus
ferme serait l'aireclion personnelle et l'estime du Koi Très
(Chrétien pour leurs majestés impériales.
Chez Louis XV et surtout chez la l'ompadour, auprc's de
latpielle Starlicnd)erg avait repris so[i intluence un moment
ébranlée pendant le ministère Hernis, il n'y avait pas à
craindre les allusions à la nécessité de mettre iin aux hosti-
lités fjuarrachaicnt A, Clioiseul les endjarras linanciei's uu
les défaites des armées de terre et de mer. Aussi se coni-
plait-il à racontei- ses conversations avec la favorite (1),
■' Elle est si éloignée de penser à la paix, (pie jamais je ne
l'ai trouvée aussi résolue et aussi bien pensante Klle est
toujours ferme dans l'opinion, qu'il n'y a pas de paix sûre
et durable il espérer sans l'amoindrissement du roi de
Prusse; sa haine pour ce prince égale son sincère atta-
chement pour notre cour; elle regarde l'alliance des deux
cours ((Mimie le fondement le plus solide du système po-
liti(|ue, et prélererait la continuation pour toujours de
la guerre à une paix f[ui serait conclue contre notre
(1) Staili('iiil)('r}? à Kaunilz, 26 sfiileinjjrc 1739. Archives de Vienne. ..i,
GlEIlKli l)i; SF.l'T VNS. — T. III. 2\l
i
4:>o
LA (ILEIIHK l)K SKI'T ANS. - CIIAIV Mil.
volonté, et «jui dclriiirait l'cntoiile entre les deux < ours.
Kn un mot, sa manière de voir est si liorincHc, si favo-
i'al)le et si fniiiclu; (|ue nous ne pourrions désir<!r mieux,
et qu'eu vérité Je ne puis faire d'elle un élo^e suffi-
sant. " Kntre Clioiseul et la l*oni|)a(loiu', malgré la dilfë-
rence de langage, il est forcé de reconnaître que l'accord
semble parfait. « Klle débute toujours par me demander
si je suis satisfait de lui, et sur ma réponse aflirmative,
elle a toujours coutu' le de faire de lui le plus grand éloge,
et de célébrer son jugement, son activité et sa droit ire.
11 serait diflicile et dangereux d'essayer de diminuer le
crédit dont il jouit auprès d'elle.... car en dehors de la
base essentielle de notre système })oIiti(jue elle n'y com-
prend rien et il pourrait lui présenter l(!s affaires sous un
aspect (|ui l'éblouirait ou la tromperait complètement. »
Constatons en passant (pic la grande dame se plaint
l)eaucoup de l'injustice du public à son égard, dévoile le
peu de cas qu'iille fait du maréchal d'Kstrécs, plus res-
ponsable à son avis (|ue Contades des malheurs de la tin
de campagne, et ne dissimule pas son aversion pour le
duc de liroglie, tout en avouant « qu'il était le seul qu'on
pût charger du eominandement avec (juelqne confiance »,
Mais l'ami de co'ur était Soubisc, et pour faire sa cour en
haut lieu il fallait « l'élever bien au-dessus de ses mé-
rites », obligiition dont l'Autrichien a .soin de s'acquitter
de son mieux,
Le dévouement absolu et la fidélité à toute épreuve de
la favorite avaient droit à une récompense éclatante ; aussi
le cadeau depuis si longtemps annoncé avait-il été enfin
remis à la destinataire au commencement de l'année. Il
consistait en une table à ouvrage, ornée du portrait de
l'Impératrice, avec garniture de diamants; Starhemberg
nous apprend qu'il avait coûte 77.278 livres, dont 600
seulement furent versées au peintre. Inutile de dire que
M""" de Pompadour se confondit en remerciements, et de-
: cours.
ii favo-
niieux,
e suffi-
la ai 11e-
i'accord
iiuiudcr
•inative,
(l éloge,
li'oil 'irc.
iniu'r lo
r« tic la
l'y com-
sous un
emcnt. »
e plaint
ôvoile le
[)lus res-
cie la lin
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ianec ».
cour eu
SOS mé-
Licquitter
cuve (le
ite ; aussi
té entiu
année. U
trait de
iiiemberg
ont 600
dire que
s, et de-
CADEAU DE LA COUR DK VIENNE A M'"" DK POMPADOm. 4M
mnnda i\ les exprimer par lettrfî A Maric-Tliér«>se. L'ani-
hassftdeur est un peu embairassA : (( Je n'ai (1), mandc-t-il
A Kaunitsc, (pri\ nie cliai-ger de faire pai-venii- la Icltn^
(pii est contenue dans vcnf-oi, jointe <V (•<'1!(' cprelle écrit
i\ Votre Kxcellencc. » Le Uoi. présent iV la n^rnise du cm-
dcau, (( m'a fait connaître combien il était personnellem(»nt
sensi))le à cette mai-rpie d'attention que S. M. avait bien
voulu lui donner. »
Le témoignage de satisfaction octroyé à la maltresse de-
vait-il être accordé nu ministre de Louis W? (lonsulté sur
ce point délicat, Sfarhemherg (2) ne le croit pas indispen-
sable; cependant si on se décide « î\ faire chose particulière
pour ce ministre duquel nous avons en gros encore tou-
jours lieu d'être contents », il suggérerait une belle agrafe
de chapeau de la valeur de 15 k 20.000 tlorins. Ce fut à
l'occasion de la conclusion du nouveau traité entre les deux
cours qu(! fut foi-niulée cette demande de renseignemenls.
Ku ellet les ratilications venaient d'être échangées vers la
iin de mai,ai)rês de longues négociations qui roulèrent sur
des (juestions accessoires.
Pendant les pourparlers, le roi de Sardaigne trouva le
moment op[)ortun pour réclamer l'exécution des promes-
ses d'accroissement territorial qui lui avaient été faites lors
de la paix d'Aix-la-Chapelle, l'n instant, on j)ut craindre
que la guerre no s'allumAt en Italie à propos du règle-
ment qui suivrait la mort du roi d'Espagne prévue de
jour en jour ; le cabinet britannique poussait la cour de
Turin iY s'entendre avec celle de Naples poui' un partage de
la haute Italie, d'après nu arrangement qui aurait mis le
Piémont en possession des duchés de Parme et du Mila-
nais, et alloué la Toscane comme indemnité à l'infant hoii
Philippe. Le roi de Prusse s'était tout naturellement mêlé
fl) Slarhembeig à Kaunilz, 9 février 1759. Archives de Vienne.
(2) Slarhemberg à Kannitz, 13 juin 1759. Arcliives de Vienne.
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L.V (lUEURE DE SF^'T ANS. CIIAP. VIII.
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do l'inli'iguo et avcait envoyé il) j\ Turin un officier de con-
fiance pour soutenir les eflbrts du niinisfi-c anglais. Con-
formément au.v traditions de famille, le roi de Sardaigne
sut profiter des in(|uiétudes soulevées pour obtenir d(î Ver-
sailles la cession du Plaisantin à défaut d'autre accpiisition
et, en attendant l'annexion effective qui vien<lrait lors de
la paix, la bonification des revenus provisoirement tou-
chés par l'infant. I. 'Autriche consentit à sanctionner cette
clause et à l'introduire dans la l'utui-e convention sous la
réserve que la garantie n'entra hierait aucun sacrifice ù ses
dépens.
Un autre point qui souleva de longs débats fut la fixa-
tion du taux de change des monnaies à verser au titre de
subvention par la France. Choiseul ne voulait compter le
florin qu'à 50 sols tandis que le chanc* ^.3r et son repré-
sentant entendaient l'évaluer à 52 sols. Knfin, sur la plu-
part des conditions en suspens, la ténacité de Starhem-
berg prévalut et il eut la satisfaction de faire adopter un
arrangement presque aussi avantageux pour sa cour que
les deux piemiers.
Comme toujours, il y eut traité ostensible et traité secret :
ils ]>ortaient les dates officielles des ;}0 et ;{1 décembre
175S, quoi(|ue les signatures n'eussent été apposées qu'eu
mars et les ratifications échang-ées qu'en mai 1759. Les
articles les plus importants des deux pièces contenaient
les stipulations suivantes (-2 : Uenouvellement et confir-
mation à perpétuité du traité défensif du 1" mai 175(>;
abrogation et anéantissement du traité secret du 1'' mai
1757; conversio'i de la fourniture du corps auxiliaire de
2'i.000 homnu's en subside financier, et fixation de ce sub-
side ;\ la somme mensuelle de 2S8.000 florins , payables
H
! ^
(1) l'ivJéric à Fiiickenstt'in. Rn'.slàU, 13 mars 1751). Coire.spondanrc poli-
tique, XVIII, |i. 3.
(•J) Traité des Z» et .il di'ccinbro 1758, AÛ'aircs Elrarigùrcs. Autriche. Sup-
plémenl 18.
ni
mu
yt"
m
TRAITKS DES 30 ET 31 DKCKMIIUE li:>».
45:<
chaque année à raison de 625.000 livres seulement;, et le
reliquat après la paix; liniitatioc du solde des arréranes,
encore dus en vertu du traité secret, de ITô?, î\ la somme
de 7.500.000 llorins exigible après la guerre; mise à la
charge exclusive de la France des subventions accpiises à la
Suède, au Danemark etde l'entreticMi du contingent saxon;
promesse du Uoi de maintenir une armée de 100.000
hommes en Allemagne; altiibution à l'Init'jratrice du du-
ché de Silésie et du comté de (ilatz; garantie des conquê-
tes réciproques; concert stipulé sur les» avantages que
l'Impératrice accordera au Koi, au cas où la paix lui en
procurerait de considérables aux dépens du roi d(î Prusse;
occupation par les Fran(;ais, pendant la durée dos hostili-
tés, des villes d'Ostendc et de Newport; bons ol'lices de
l'Autriche pour la suppression de l'interdiction de for-
titier Dunkerque; engagement de ne l'aire ni paix ni trêve
sans accord préalable; renonciation par rinqïératrice, en
faveur de l'inlant Philippe et de sa postérité masculine et
féminine, à la réversion des duchés italiens; garantie au
roi de Sardaigne d'une indemnité territoriale (|ui ne sera
pas au préjndicede l'Autriche; succession de Modène assu-
rée cl rarchidnc Pierre Léopold. Kn outre de ces disposi-
tions, nous trouvons reproduites dans la convention les
clauses relatives aux royaumes et principautés d'Italie, à
la communication à faire aux puissances alliées et au
secret à observer.
A la lecture des (piarante articles des deux traités, on se
demande quels bénétlces la France espéiait en tirer. A vrai
dire, ils ne pouvaient être que négatifs, car le seul gain
consistait à s'aîTranchir d'une partie des subsides écra-
sants (jue le négociateur de 1757 avait si légèrement pris
à son compte: mais cet allégement serait-il suffisant? Sans
doute les versements mensuels dusii l'Impératrice étaient
sensiblement diminués, sans doute le cabinet d(î Versailles
renonçai» à son rùle de principal dans la guerre d'Allc-
ji!
)ÎJ '
. ï A
454
LA GUEIUIE DK SEPT ANS. CHAP. VIII.
magne pour reprendre celui dauxiliaire, mais il promet-
tiit d'y participer avec une armée de 100.000 hommes, et
il consentait des sacrifices linanciers dont le montant se-
rait, comme par le passé, trop lourd pour son trésor et
pour son crédit. Des acquisitions territoriales sur la fron-
tière du nord, (îe l'établissement de liiitant dans les Puys-
IJas, il n'était plus question; Clioiseul s'était inspiré de la
dignité de son maître en déclinant les quehpies kilomètres
carrés que lui oll'iait la cour de Vienne, et s'était contenté
do faire insérer une clause des plus vagues destinée bien
plus à cou vrii- la responsabilité des négociateurs, qu'àgrati-
tierla France d'une extension quelconipie des(jn domaine.
En s'engageant i; continuer la lutte sans profit pour
l'avenir et au détriment des forces de la nation, Louis XV
et ses ministres obéirent avant tout aux obligai. «ns qui les
liaient vis-A-vis des alliés et qu'ils ne pouvaient modifier
(pi'avec leur conscntemeut, mais ils se laissèrent aussi en-
l rainer par leurs sentiments personnels à l'égard du rcù
de Prusse. Ce monarque, aust;i médic^re poète que bril-
lant capitaine, avait coutume de s'i reposer des soucis
de la guerre en écrivant des pièces de vers, qu'il aurait
voulu satiii(|ues et tjui n'étaient que grossiers. C'est ainsi
qu'il composa , en l'honneur du prince Ferdinand , une
ode où les Français étaient fort mal traités, et où le mo-
nanpu! et la l'aNorile n'étaient pas plus épargnés que; leurs
généraux et leurs ministres. Kn voici un échantillon :
O iiation (!) toile et vaine,
Quoi!
Je vois leur vil assemblage
Aussi vaillant au pillage
Que làclie dans les combats.
Quoi ! voire faible monarque
.Touet de la Pompadour
(1) Mvinoircs ilc Vollniic. (Lunes complites. t. LXX, j). 3.(8, ôdilion
iU\ 1789.
8, édition.
(1) Voir à ce sujel Calmcltos. Choiseiil et Voltaire. Paris. lOO'?.
^2) Slarliemberg à Kaunitz, V.\ juir. 175'.t. Arrliiviîs de Vienne.
if
promct-
lunies, et
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trésor et
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Ics Pays-
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Ion :
ODE SATIRIQUE DE lUKDKRIC. 155
Flétri par plus d'une miirquc
Des opprobres de Tainour,
LnU qui, détestiint les peines
Au hasard remet les rênes
i)e son empire aux abois,
Cet esclave parle en maître !
Ce Céladon sous un liétre
{'roit dicter le sort des rois.
Ces vers, qui furent suivis d'autres épii^rammes d'un
style similaire, pi^rvinrent par l'entremise de Voltaire (Ij
aux mains de Clioiseul dont elles soulevèrent la colère; le
ministre aurait désiré répondre par une œuvre de môme
acabit, et faire naître une sorte de procès où le ta^'>nt
du royal écrivit in, tout nutant que son bon goût, serait
passé au crible de l'opinion publicpie. I.e procédé était de
bonne guerre, mais Clioiseul ne s'en tint [>as là; dans un
entretien avec Starhemberg (2) qu'il avait mis au courant
de l'incident, il alla jusqu'à s'écrier à prf;pos de Frédéric :
« Nous l'en ferons certainement repentir, et si nous trou-
vons une bonne occasion de faire la paix avec l'Angleterre,
nous ne manquerons pas d'en proiiter et n'aurons ensuite
point de repos que nous ne .soyons parvenus à nous ven-
ger de son insolence. » L'ambassadeur, qui rapporte aus-
sitôt la boutade se garde bien de la commenter, trop beu-
reu.K d'enregistrer l'adhésion à la politique de la maisoi\
d'Autriche, pour critiquer la cause quelque peu triviale
de cette déclaration de principes. Malheureusement pour
les hommes qui dirigeaient les all'aires extérieures de la
France, ni les événements militaires ni la situation inté-
rieure du pays n'autorisaient la menace si légèrement
exprimée.
De tous les soucis du cabinet de Louis XV, le plus grave
était le mauvais état des linances du rovaume; aussi re-
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^l/j^.>i^•■^'■*■''i?•■■'r.^
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456
LA GUERRK DE SEPT ANS.
CIIAl». VIII.
vient-il sans cesse dans les conversations de Choisenl avec
l'envoyé de Marie-Thérèse et dans les déprciies de ce der-
nier. Au cours (lu printemps, La Borde av.iit été remplacé
dans les fonctions de contrôleur géné»'aî par Silhouette ;
il entraîna dans sa refrailc le hanquiei' Paris-Montmartol,
(jui jusqu'alors avait été le bailleur de fonds du gouverne-
ment. La tâche qu'alhiit entreprendre le nouveau ministre
des Finances était des plus lourdes; le trésor était vide, le
crédit épuisé, et malgré les plaisanteries do Choiseul (1)
qui prétendait <( que (juand on n'aurait plus' rien, on ferait
la guerre sans argent », il fallait faire face aux nécessités
des départements intéressés. Silhouette fut d'abord porté
aux nues (2) par l'opinion: il réalisa quehpuîs économies
et émit sans difficulté un emprunt de 72 millions; mais ce
n'était là qu'une goutte dans l'océan. Peu de temp. .!«<'("^
iMinden, Starhemberg fait une revue do la situatioi» i.iidu-
cièrc : les dépenses de la guerre se montaient déjà pour
l'année à KJO millions, celles de la marine et des colonies
iV 100 millions; le budget des affaires étrangères en avait
absorbé 25; le service de la dette et des emprunts cou-
rants en exigeait un peu plus de 140. En ajoutant à ce" soni-
nies le coût de la nuiison du Roi et l'imprévu jusqu i la
fin de l'exercice, Starhemberg évaluait (3) à 5(t0 millions
les sorties de fonds pour 1759; les rentrées ne devant pas
dépasser 300 millions, il en résulterait un déficit de 200
millions. Pour combler le trou il fallait de nouvelles émis-
sions de rentes, et j)our les gager le contrôleur général
proposait un accroissement de contributions de 50 mil-
lions; il se heurta, comme ses prédécesseurs, <\ l'opposition
du parlement. La compagnie reconnaissait bien la néces-
sité d'augmeuîer les revenus, mais crilicpiait les taxes aux-
(1) Slarlioinherg à Kaiinitz, '.>â février ITj'.i. Archivfs de Vienne.
('21 Voir Gléiiienl ei Lrnioine, M. de .silhunetle. Paris, 187;>.
(3) Starlienil erj- à Kaunil/, 10 aoùl, 14 .septciul»re t'iM. Arcliives de
Vienne.
M'
Mi
EMBARIUS FIN'ANCIEIIS l>E LA FlUNCE.
4r.7
"■. (le
M/.
quelles on avait recours. Le pulilic, d'aboid très favora-
ble jI Silhouette, tourna contre lui; on lui lit le reproche
(le suivre les errements connus et de surcharjL;er la matière
imposable. Enfin les pourparlers et les remontrances abou-
tirent à lacccptation des nouveaux impôts les moins im-
portants tels <]ue les droits sur les cuirs, et ceux concernant
les toiles peintes. Il fallut un lit de justice, tenu le -iO sep-
tembre, pour obtenir l'enreg-istrement de taxes d'un ca-
ractère somptuaire sur l'or et l'argent, de 20 livres par
cheval, de 50 livres par valet de chambre ou domcstiqi'.c,
de droits de j)atente pour « boutique ouverte, enseigne
ou bouchon », de l'allectation i^ l'Ktat du produit des och'ois
loraux, et du rachat des offices sur les postes. La contri-
bution dont le rendement était A la fois le plus sûr et le
meilleur était celle des ï sols par livre sur les objets de
consommation soumis il la ferme générale. Silhouette à qui
ses projets de réforme avaient suscité de nombreux en-
nemis dut abandonner ses fonctions veis la fin de l'année.
Ainsi qu'on devait s'y attendre, les ex[)édicnts dont nous
avons rendu compte n'empêchèrent pas la crise financière
d'éclater. Choiscul, dans son cx[)osé du 29 octobre (1), cpii
devait être communiqué à Kaunifz, le reconnaît avec une
loyauté parfaite : « Notre crédit qui faisait la grande bran-
che de notre puissance est anéanti, nous sonunes obligés
de nous soutenir par les revenus seuls, mais comme ils
étaient mangés par anticipation, il a fallu que le Roi fasse
une espèce de banqueroute comme vous le verrez par les
arrêtés que je vous adresse. Les nouveaux impôts n'ont
pas produit un soulagement actuel; il ne s'est pas trouvé
de compagnie qui ait pu faire les avances de ces imposi-
tions; l'on est donc réduit aujourd'hui à agiter dans le
conseil, poui' payer les troupes au mois de novembre,
d'envoyer la vaisselle du Uoi et des particuliers à la Mor.-
(1) Duc do Clioiscul au Coiale, î'J nclobre IT.V.I. di-jà cité.
M
,1 f 'If
i.-.8
LA (HKKRK DE SKPT ANS. - CHAP. VIII.
ittt
I ;
naie, et do donner en échange des billets qui, vous ju-
j^ez bien, ne seront pas fort recherchas I.c Roi ne
paye plus rien aljsolument que ses troupes qui sont au
moment de manquer, ainsi que les subsides convenus
par les traités. » La [)énurie de fonds so faisait sentir à un
tel point, que Choiseul (1), par lettre du même 29 octo-
bre, chargea Ossun de solliciter du roi d'Kspagne un prêt
de 20 millions, que ce monarque, malgré toute sa bonne
volonté, ne se crut pas en état de consentir.
Jusqu'ici pour la revue dos rapports des doux cours, nous
avons puisé dans la correspondance de Starhomberg. Ce
tut en effet presque excl's.îvern'^nt entre 'ui et le duc de
Choiseul que so traitèrent les ;. Taires de lalliance du-
rant les sept premiers mois de 1759. Quoique désigné et
agréé dôs le mois de janvier, le successeur du duc à l'am-
bassade de Vienne, son cousin le comte de Choiseul, ne prit
possession de son poste que le 28 juin ITôO. Pendant l'in-
térim qui avait duré 8 mois, la représentation de la France
avait été confiée au secrétaire Boyer qui, à on juger [)ar la
forrespondanco, s'acquitta très honorablement de la beso-
gne courante, ruais resta étranger aux grosses (piestions
et notamment au renouvellement du traité. Le comte de
Choiseul ne fut pas long à se pénétrer du nMe important
que devait jouer, auprès du gouvernement autrichien,
l'envoyé de la puissance amie; à piùne un mois s'était-il
écoulé depuis son arrivée, ([uo nous le voyous donner son
avis sur les opérations militaires, critiquer le maréchal
Daun, tenir tête à Kaunitz, discuter avec l'Impératrice. Plus
maître de lui que son prédécesseur, plus réservé dans le
dialogue diplomatique, il apporta plus de souplesse et tout
autant de franchise dans ses relations avec le chancelier et
avec les ministres. Tout d'abord, l'accueil gracieux do Kau-
nitz ne laisse pas de surprendre agréablement le nouvel
(1) Choiseul à OsAiin. .!<.) octobre 1759. Affairos Éfrangèrcs. Espagne.
I
COMTK DE CIIOISEUL AMIUSSADELU A VIENNE.
45'.»
nmliassadcui', qui sans doute d'après les renseignements
du duc de Clioiseul, s'attendait à plus de morgue : « Je ne
l'ai pas trouvé (1) froid, haut, dominant, vain ni all'ectant
la supériorité; j'ai bien remarqué dans ses propos qu'il
avait bonne opinion de lui, de ses idées, de son esprit et
de ses talents, mais d'ailleurs il s'est montré vis-à-vis de
moi avec des manières simples, aisées et obligeantes; il a
mis beaucoup de grâce, d'ouverture et de gaieté même
dans les trois conversations que j'ai eues avec lui. »
A l'égard du nouveau venu, Marie-Thérèse déploya la
condescendance amicale, l'amabilité et l'abandon plein de
charme donl elle possédait le secret ; elle lui parla (2) de son
allection pour Louis XV, du plaisir qu'elle [)renait au ma-
riage de leurs petits-enfanis, se déclara (( enthousiasmée
pour le personnel de l'Infante Isabelle », s'encpiil des mem-
bres de la famille royale et de plusieu;'sdes ministres; elle
eut soin de ne pas oublier M"'' de Pompadour " pour qui
elle m'a témoigné une estime et une amitié véritables. »
Elle a ajouté, après avoir fait son éloge : « Ce n'est pas à
cause de l'ohligation que je lui ai d'avoir contribué i'i
votre alliance, c'est une justice que je rends à son mé-
rite. » La série des compliments épuisée, on passa aux af-
faires: L'Impératrice avoue peu de foi dans le succès de l'ex-
pédition quOn préparait dans les ports fran(;ais contre les
Iles britanniques; elle craint (ju'un échec de ce côté nuise
îV l'entivprise contre la Prusse qui lui tient an conir :
»( Vous haïssez bien les Anglais, dit-elk' à Clioiseul, mais
je veux (]ue vous haïssicic encore plus le roi de Prusse. »
bans sa première audience, le Français avait heaucoup
insisté sur le désir de son maître de rendre publique l'u-
nion projetée entre sa petite-fille et l'archiduc .Joseph:
il obtint sur ce point prompte satisfaction; la demande <>f-
^■'
I
i
(1) Comle de Clioiseul au Duc, T' juillet ITM' Afl'aircs Élrangèrcs. Au-
triche.
(2) Conilc de Cliois^jul au Roi, 3 juillet 17.V.). AU'aires Etrangères. Aulrichi'.
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400
LA r.UERUE DE SEPT ANS. - CHAI». Vlll.
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licicUe de la main de la jeune princesse fut expédiée de
Vienne le 29 juillet, et acceptée par le Uoi Très Chrétien <V
la date du 20 août. Ce premier résultat a('([uis, (îhoiseul
s'ingénie à l'aire rapprocher l'époque du mariat^e, que la
cour de Vienne, pour des motifs d'économie, iiurait voulu
remettre jus(ju'après la paix. Une cérémonie à la cour lui
fournit (1) l'occasion de plaider sa cause : <( L'Impéra-
trice étant au milieu de sa famille, j'ai pris la liberté de-
là féliciter d'avoir des enfants si jolis, si aimables et si bien
portants. Klle m'a répondu : « Il est vrai qu'ils se portent
tous à merveille; j'en avais ce matin treize à la chnpelle. »
.le lui ai dit que c'était un vilain noml>re et que je voudrais
(ju'il y en eût quatorze; elle ne m'a pas entendu et s'est
récriée (ju'elle avait accouché seize fois, que c'en était
assez et qu'elle s'était bien promis de ne plus faire den-
l'ants. J'ai repris : « Si Votre Majesté ne veut plus en pren-
dre 1(1 peine elle-même, il y a un autre moyen d'en aug-
menter le nondn'e. » Vonv lors, elle m'a compris; elle
s'est mise à rire et m'a dit : « Vous savez bien que la bonne
volonté ne me man(|ue pas. » Malheureusement, le décès
subit de la duchesse de Parme, mère de riufant<> Isabelle,
survenu vers la fin de l'année, lit ajourner le mariage
pendant quoique temps encore.
Si les cours de Vienne et de Versailles étaient d accord
pour voir dans l'union des familles régnantes un événe-
ment qui devait consolider l'alliance, il s'en fallait de
beaucoup que cette entente s'étendit aux questions multi-
ples que soulevait la conduite des opérations militaires ou
la direction des alFaires d'ordre diplomatique. Nous avons
déjà relaté la correspondance aigre-douce échangée à pro-
pos de la médiation espagnole, les divergences de vues au
sujet de la politi(|ue intérieure de l'Allemagne; plus en-
core les incidents de la guerre, presque quotidiens, don-
(1) Comte de Ciioisniil au Duc, 5 septembre 17.V.». Affaires Étrangères. Au-
triche.
'if;- * 'il
^
LE DANKMAHK OMRE SES BONS OFFICES.
4G1
Aii-
nrront lieu à dos récriminations r(''ciprofjUPs où cliacnne
des parties épanchai! sa l)ilo sur le voisin, et so consolait
doses propres défaillances en soulignant celles de l'allié.
Quand Starliemberg se plaint de la retraite de Contades,
qui découvre les provinces de rErn|)ire, Choiseul riposte (1 )
« que nous aurions les plus mauvais généraux de l'Eu-
rope, si ceux de l'Impératrice n'existaient pas. » Cette bou-
tade, rapportée à Vienne, ne laisse pas d'y produire une
fAclieuse impression. .V l'occasion des fautes d(î la campagne
de Saxo, le comte de Choiseul ne tarit pas en critiques (ii)
sur la lenteur de Daun : « J'ai cru qu'il était à propos de
leur faire .sentir qu'ils se conduisaient encore plus mal que
nous M. le comte de ]\îuuiitz a été doux comme un
mouton dans toute cette conversation. » Il est vrai ((uil sut
prendre sa revanche en conseillant à I-ouis \V, comme
nous l'avons vu, de i)rier l'Espagne de défendre à sa place
00 qui restait des colonies françaises.
Comment mettre tin à une guerre dont la France avait
A supporter les charges et à subir les ell'ets de plus en
plus ruineux pour sa marine et ses colonies, sans manquer
aux engagements qui la liaient vis-à-vis de la maison
d Autriche? ('e pioblème pour ainsi dire insoluble fut la
préoccupation constante du duc de Choiseul. Convaincu
que la seule voie pour sortir d'une situation inextricable
était un traité séparé avec l'Angleterre, il s'ingénia li ti'ou-
ver le moyen de s'aboucher avec cette puissance. A cet
effet, sans négliger la négociation ofticiello entanu-e avec
l'Espagne, il chercha à renouer avec le Danemark les pour-
parlers secrets commencés par son prédécesseur lîernis et
si catégori(piemenl désavoués par lui-mèine après la chute
de ce dernier. La coui- de Co[ienhaguc était très émue du
(1) Dans une (l<'i)t^(lip du :>.'.) octobre 175',», le duc de Choiseul reconnail
avoir tenu le propos » on plaisaiitaiil v.
(a) Comli! do Choiseul au Duc, is novembre 175!». Atlaires Klranaèrcs.
Autriche.
■< r
. ». '115
P 5
■ i
»f.2
LA OUElUli; DE SKPT ANS. - CIIAP. Vill.
désir manifesté par les ministres de la Tzarino d'annexer
définitivement la Prusse royale et se montrait encline i\
faciliter tout arrangement qui serait de nature à entraver
les progrès de la lUissic^; aussi conscntil-elle <\ s'entremet-
tre auprc;; du cahinet de Londres pour un accord entre
l'Angleterre et la France. Le ministre hanovricn Steinberg
conimuniijua (1) par le canal de Munchliauscnune conver-
sation avec Herostorf , dims hupu^ile celui-ci avait oU'et't
ses bons offices et proposé de transmettre à Versailles les
conditions <|ue le roi (ieorge, en sa double capacité royale
et électorale, serait disposé, de concert îivec la Prusse, à
accepter de la part de la France. Quoique Bernstorf pré-
tendit s'inspirer de sa propre initiative, le contenu d'ime
lettre interceptée (2) de Wedelfries, résident danois à Paris,
laissait supposer (|ue Clioiseul n'était pas étranger à celte
(tiiverture. Quand le billet de Steinberg" parvint h Londies,
le cabinet britannique s'était arrêté au ])arti d'une dé-
claration pacifiipie au nom des rois d'Angleterre et de
Prusse, qui serait adressée aux puissances belligérantes;
aussi lit-il mauvais accueil (3) à l'intervention danoise.
Toute négociation, l'épondit-on, serait « prématurée et té-
méraire... avant la tin de la canq)agne. » Quant aux pre-
miers pourparlers, lorsqu'il y aurait lieu de les entamer,
« Sa Majesté croit de sa prudence et de sa dignité de ne pas
se servir de voies secrètes pour faire connaître il la France
et à l'Europe ses équitables intentions. » Pitt et ses col-
lègues étaient d'autant plus opposés à la médiation du
banemark que l'atl'aire avait été conduite par le conseil
de régence du Hanovre et ([u'il avait été question, sans
doute dans le but d'exploiter le faible souvent constaté du
roi (Jeorge, d'agrandissements de son donuiine électoral
(1) SU'iiil)eis à Munclihaiisen, 9 ocloitre l"."i9. Newcasile Papers, 32896.
(2) Wedeinies à nernstoiT, 18 septembre 1759. Ncwcastle raj)ers, 32S95.
(3) Procès-verbal de lo conférence du 29 octobre 1739. Newcasile l'apers,
a2897.
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CIIOISELL SONCK A LA Ul SSIK COMME MEUIVTHICE.
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dont, en leur quiililé de lions Anglais, ils liaient l(!s ad-
viM'saii'cs lésolus.
Au (M)iii's de VrW'. Choisoul avait songé aussi il faire dv
la l\ussi(! U) [noinolciir de la paix générale, car il s'agis-
sait cette fois non plus du conilit paiticulier avec l'Angle-
terre, mais de lout Ir continent. I>ans une dépèche con-
lidentielle (1) A Mi(*>pilal, nous trouvons tracé de main de
maître l'exposé des embarras de la cour de Versailles et
l'indication de la porte de sortie qu'il entrevoit : (( .le crois
(fu'il seiait possible de terminer honorablement et promp-
Icment cette guerre, si nous n'étions engagés, l'Angleterre
et nous, dans la querelle de nos alliés; mais nos engage-
ments sont (lillV'rents de ceux des Anglais, en ce (|ue les
alliés de l'Angleterre seraient satisfaits si l'on voulait les
laisser tels (ju'ils étaient avant la guerre, au lieu que nous,
iKHis sommes engagés avec les nôtres de leur procurer des
dédommagements v,t des conquêtes. Voilà la vraie difli-
culté qui refarde lii paix. )> C.hoiseul rap|)elle les tentatives
faites sous le ministère Bernis pour amener la cour de
Vienne à des vues conciliîitrices. Elles ne pouvaient abou-
tir, parce (]ue l'alliance autrichi(mne était trop récente et
le souvenir des anciennes n-lations de la France et de la
Prusse encore trop vivace pour permettre <\ la cour de Ver-
sailles d'assumer l'office de médiateur. Le dernier traitf'
signé devient u la loi de notre conduite; aussi nous som-
mes hors de mesure pour faire aucune insinuation de paix
àl'lmpératrice-Reine, à moins qu'elle ne soit en possession
tranquille de la Silésie, et comme il est fort à présumer
que ce cas n'arrivera pas, nous sommes dans la nécessité
de continuer la guerr(î de terre, comme nos traites l'exi-
gent, aussi longtemps que la cour de Vienne voudra me-
surer ses forces contre celles du Koi de Prusse. » I_,e mi-
nistre croit néanmoins aux bénélices ultérieurs de l'accord
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(1) Clioisoul à Lhùj)ital, H juillet 1750. Aflaires KlrangÙK», Russie.
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LA GUKIUIE DE SEPT ANS. CHAI». Mil.
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avec la maison dAutrichc : « I/alliauco avec l'Irapératrico.
qui iious a coûté tant (riiommes et tant d'argent, ne peut
devenir utile; à la Franco qu'autant qu'elle sera durable et
solide à la paix ; et elle ne peut ùtre durable à cette époque
qu'autant qu'en évitant de donner aucun soupçon sur
notre bonne foi, nous aurons maintenu nos traités avec
exactitude, il faut que nous son^^ions que le roi de Prusse
mourra et avec lui la puissance prussienne; mais la puis-
sance autricbiennc n'est pas prête à s'éteindre, et si nous ne
la ménagions pas, sans cependant lui laisser prendre trop
d'empire, elle pourrait aisément reprendre ses anciennes
liaisons et devenir notre plus cruelle ennemie. » Comment
travailler A la pacitication de l'Europe sans froisser Ma-
rie-Tbéi'èse? Voici la solution inventée par le ministre de
Louis XV : « La lUissie n'a point ces inconvénients à crain-
dre. Je me suis aperçu , pendant mon ambassade auprès de
l'Impératrice , que la cour de Vienne lui est entièrement su-
bordonnée. La raison en est simple : La maison d'Autricl-e
a beaucoup à espérer de la cour de Pétersbourg-, et la
Russie n'a rien à craindre et peu de chose à espérer de la
cour de Vienne. C'est dans cet état, Monsieur, que l'Impé-
ratrice de Russie peut entreprendre, si réellement elle dé-
sire la paix, de jouer le rôle de médiatrice armée entre
l'Impératrice-Ueine et le roi de Prusse. C'est elle qui peut
sans crainte faire connaiti-e à Vienne ses dispositions pour
la paix, en même temps qu'en mcnac^'ant de ses armes elle
ferait parvenir ses sentiments au roi de Prusse. Elle seule
peut s'acquérii', dans cotte médiation, et en faisant con-
clure la paix sous ses auspices, la gloire la plus convenable
à sa dignité. »
Cette conceplion ingénieuse qui fait lioimour à la fer-
tilité d'imagination de l'homme d'Etat, avait le grave dé-
faut d'être fondée sur deux erreurs capitales. Trompé par
le bruit de prétendus pourparlers engagés entre Péters-
bourg el Londres par l'intermédiaire de Copenhague,
If;
KOI
■1' ■
LA COUR DE PETERSIiOURG.
'i65
Choiseiilj cioyait \1) la llussic encline à metti'o fin à la
yuciTc. Or, il n'en était rien; la Tzarine, encore maîtresse
absolue de sa polilique étrangère , était aussi opposée aux
notions de paix que l'Impératrice Marie -Thérèse, et son
premier ministre, le chancelier Woronzow, malgré des vel-
léités pacifiques, (2) n'avait ni l'autorité ni les qualités
voulues pour jouer le rôle délicat qui lui serait revenu
dans la négociation.
Jetons un coup dœil sur cette cour de llussi(î du milieu
dn dix-huitième siècle, à la description de laquelle nn
écrivain de mérite (3) a consacré des ouvrag-es récents, et
dont Lhopital disait avec raison {'i.) : « Il est difficile, lors-
qu'on n'a pas vu par soi-même ce pays-ci et les gens qui
l'habitent, de se faire une idée juste de leur façon de pen-
ser, depuis la souveraine jus([u'au dernier Uusse. Nos idées,
nos principes, nos maximes sont si différents des leui's,
qu il m'a fallu du temps et beaucoup de patience et d'étude
pour les connaître et m'y accoutumer. » Sans partager les
illusions que l'ambassadeur se faisait sur sa perspicacité et
sur l'inHuence qu'il pensait avoir acquise, nous acceptons
volontiers l'exactitude du croquis qu'il trace des princi-
paux personnages de la cour. A sa tête, l'Impératrice Kli-
sabeth, aussi fantasque que jamais, sous la coupe de ses
favoris des deux sexes, en butte aux intrigues et aux tra-
casseries de son entourage, malade, en proie à la mélan-
colie, indolente au point de laisser en souffrance les af-
faires les plus importantes, sachant néanmoins s'affirmer
à l'occasion et reprendre parfois ses grâces d'autan. « Son
palais, écrit Lhùpital (5), est une espèce de sérail, dont le
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ler-
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(t) Clioiseul i\ Lhôpilal, 8 mai, 8 juillet, 2i iiilllct, n aui'il 175'.». AU'aircs
ÉlranBèics, Russie.
(2) Keitii à Uoldernt'sse, i septembre 175',». Record OfTicc.
(3) Waliszewski : i.a dernière des Uoiuanoir, Paris, lîKi'i.
(i) Lhùpital à Clioiseul, 10 juin 1/59. Afl'aires Étrangères, Russie.
(.">) Lhùpital à Clioiseul, U tlécembre 175'j. Adaires Klrangèrcs. Russie.
CLEiuu: ni: sept ans. — t. m. ;jo
46n
L\ GUERIU': 1)1, SEIT AXS.
CIIAP. VIII.
chelcst luu! l'einnie. Il y vî'gac, au lien de plaisirs, des fac-
tions, dos haines et des vues anihitieuses de ses l'avoris.
Les femmes d(> chambre y jouent leur rùlc. » Llinpéra-
tiice ne sort presque plus, cependant « le dernier jour
(|u'clle a paru, elle était fraîche et belle même à travers
les secours de lart et de la toilette. » Un état de santé dé-
labré, sur lequel le médecin fraoeais Poissonier, att.iché à
sa personne, transmettait î\ Paris un rapport hebdoma-
daire, les accidents déjà survenus, pronostiquaient une fin
prochaine et iaisaieut tremblera la pensée du sucresseiir.
Ce dernier, fou k lier, imitateur ridicule des usages prus-
siens, admirateur servile de la politique de Frédéric,
brouillé avec sa femme et méprisé de tous; la grande-du-
chesse Catherine dévouée à l'Angleterre, dont elle avait
reçu et passait pour recevoii- encore les subsides, sans cré-
dit auprès de laTzarine et plus occupée, à en croire les de-
hors, de ses amours que de la chose publique.
Depuis la chute de Bestuschew, Woronzow, promu au
premier rang, était chargé tantôt seul, tantôt en collabo-
ration avec ditférents personnages, de 'a conduite des re-
lations extérieures. Lhôpital le dépeint (li covnme « plus
htmnôte homme (|u'aucim autre de la nation, de mœurs
douces et d'humeur égale. Il est froid en apparence, mais
il rétléchit beaucoup quoi(pr assez lentement; il mérite le
titre de bon homme , étant réellement hou sans être sot.
L'esprit du chancelier, sans être étendu ni nerveux, est
cependant accompagné de beaucoup de sens; mais il est
peu instruit, il travaille beaucoup et lit exactement tout
ce qui lui est présenté. Use conforme, comme il le doit, au
caractère et aux volontés de sa souveraine, ce qui le fait
passer pour lent, irrésolu et incapable de prendre des partis
promi)ts et nerveux. » De Woronzow, intelligence bornée,
bureaucrate consciencieux, exécuteur fidèle des déciriions
(î) Méinoiio de Lhôpilal, 1.3 dt''cenibr(' ITo'.t. Aflaires Étrangères, Russie.
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1 ^^ ■
AITITUDE gi K CIIOISKUL SLT.r.KKE A L HOPITAL.
'it;
du conseil, il ne fallait pas attendre l'initiative d'un Kaunitz
ou d'un Choi;^eul qui, bien «jue représentants d'uuc monar-
chie despotique, savaient imprimer le cachet de leur pei-
sonnalité à la politique de leurs pays. Depuis quelque
temps et pour les négociations capitales, sur la demande
du chanceliei-, la ïzarine lui avait adjoint son favori, le
chambellan Schuwalow Ce courtisan servait de Irait d'u-
nion entre sa maîtresse et ce qu'où appelait la jeune cour;
sans expérience des all'aircs, il ne comptait que })ar la
conliance (pie lui marquait Klisabeth et riniluence qu'on
lui attribuait siu' la capricieuse souveraine.
Dans le milieu que nous venons de décrire, dans un ca-
binet dont l'orientation dépendait de la santé d'une femme
usée et malade, il n'y avait pas place pour les savantes
combinaisons de Clioiseul. D'autre part, Lhù[;ital. soit (ju'il
se rend t compte plus exactement que son ministre de ce
qui était possible à l'étersboury, soit <ju'il ne partai^cAt pas
ses vuei! aurait été parlisan d'une entent<> plus intime de lii
France» t de la Kussic, ait'ranchie de Faction autrichienne,
et dans .'o but, affectait vis-à-vis de l'ambassadeur Kstei'-
hazy .ne liberté d'allures dont la cour de Vienne et son
port ..-parole Starhemberji' ne tardèrent pas à se plaindre.
* ne attitude pareille ne cadrait pas avec les desseins de
Clioiseul qui lui adressa (1) une semonce amicale et lui
exposa très franchement les ressorts de son système :
<( Permettez-moi de vous dire que vous vous amusez un
peu trop à l'apparence de l'ambassade, et que vous ne vous
occupez pas assez de la solidité. Vous croyez que l'empire
de Russie peut être notre allié, indépendaiiimcnt de la
cour de Vienne; nous ne pensons pas de même, et, je
crois, moi, que la Russie n'est notre alliée (|ue par acci-
dent, et que nous devons nous borner à ne la point mé-
contenter pendant notre alliance, sans faire aucun fonds
(1) Clioiseul ù LUûpitiil (particulière), i octobre 17.")'.i. Allaires Étran-
gères, Russie.
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l.A (iUKUKK DK SKPT ANS. - CII.VP VIII.
1^
sur une union permanente avec cet Empire. Héfléchissez
que le Turc, la Suède et le Danemark sont nos alliés et les
ennemis naturels de la lUissie; que nous n'avons rien A
attendre personnellement d(; cette puissance; (pie nous
avons à craindre (prclle n'étende son despolisme dans le
Nord et qu'elle ne prenne trop d'influence en Allemagne,
et (pie les Anglais au contraire, en possession du com-
merce de Ilnssie, seront par les liaisons nécessaires les al-
liés de cet Kmpire. » Ce principe posé, l'écrivain examine
les conséquences (jui découlent de l'accord avec la cour tle
Vienne : <i Cette alliance est solide, intime et aussi désirable
(pi'utile pour les deuv Couronnes; mais en même temps
nous ne prétendons pas adopter tous les systèmes de
Vienne. Cependant, il est de la dernière importance de
ne pas paraître les entraver, surtout en Kussie. C'est
l'Impératrice-Ueine qui a été le no'ud de notre réunion
avec la Russie. » Dans ces conditions lJu')pital devra ap-
puyer (le bonne grâce les demandes (jue formulera Ester-
liazy, notamment en ce qui concerne les opérations de la
guerre, et réserver son initiative pour les affaires spéciales i'i
la France. Cette façon d'agir ne pourra que faciliter le projet
de médiation. « Plus nous désirons que la Kussie fasse faire
promptement et cet hiver la paix de Prusse et d'Autriche,
plus nous devons montrer à la cour de Vienne que nous
nous portons avec vivacité âi la seconder à Pétersbourg ; et
moins nous lui confions nos vues sur la paix, plus nous
devons avoir l'air de la servir pour la guerre. » La dé-
fiance d'Esterhazy et de son gouvernement ainsi assoupie,
en cas que la Russie se decidîYt à la paix, « vous vous
trouveriez le médiateur entre les deux cours impériales
pour parvenu' à ce but désirable, et vous feriez jouer à
votre maître le rôle vraiment digne et utile qu'il doit
jouer. Voilà, mon cher marquis, mes idées; voilà selon
moi le seul but de votre ambassade. Il est assez beau.
Tout autre est chimère et vent. Uéfléchissez-y mûrement ;
m
L,V IIUSSIE REVENDIQLK LA l'IU SSU HUYALE.
4Gy
je vous parle en ami, je vous drvoile notre système. »
(^hoiseul [U'évoit l'hypothèse d'après laquelle ctitte ligne
de conduite serait incompafihlo avec les opinions person-
nelles de son corrcsi)ondant et ajoute : « Il vaudrait mieu:;
que, sous pr<^tcxte de maladie, vous quittassiez l'ambas-
sade que d'y être employé à une besogne de la l)onté de
laquelle vous ne seriez pas persuadé. »
Le motif des avances que Lhôpital, au gré de son chef,
se montrait trop pressé d'accueillir fut bientôt apparent.
Les gouvernemeuts de Vienne et de Versailles avaient
communiqué à la Tzarine leur dernier traité, ratitié en
mai 1759 quoi(ju'il portât la date du -iO décembre 1758,
et demandé l'adhésion de la Russie à. cet instrument diplo-
niati(pie. Ce qui, pour les deux puissances contractantes,
n'était (pi'une formalité, devint pour la Hussie une occa-
sion défaire valoir ses droits à une indemnité territoriale.
Tout d'abord Woronxow avait parlé d'une rectification de la
frontière polonaise; plus tard, c'est Schuwalow qui met
sur le tapis l'annexion de la Prusse royale; enfin, un mé-
moire signé des deux ministres russes est remis aux repré-
sentants de l'Autriche et de la France. Dans cette pièce (1),
la Tzarine se déclarait prête à accéder au traité du 30 dé-
cembre, mais sollicitait de ses alliés la promesse « de faire
pendant la guerre tous leurs efforts et d'employer aux
conférences pour la paix tous 'es soins possibles pour que
le royaume de Prusse, qui est déjà conquis par les armes
de S. M. Impériale et dont les habitants lui ont volontai-
rement prêté serment de fidélité, soit cédé à S. M. » Une
semblable requôto était trop contraire à la politique tra-
ditionnelle de la Franco et aux principes récemment déve-
loppés au nom du Uoi pour être bien rc(;ue à Versailles.
On se tira d'affaire (2) en se déchargeant sur la cour de
(1) Méinoiio de Woroiizow el Schuwalow, 26 octol)r(; 175'.t. Aflaircs Etran-
gères. Russie.
(2) Choiseul à Lhôpital, li décembre 1759. Allaires Élrangéres. Russie.
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LA (llIEimii DK SKPl ANS.
CHAI'. Vlll.
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Vienne dn soin de clcl>alti'e une (]uestion (jui Ifi toucliail
(le plus près, et en muni l'estant le désir de répondre au\
avances de la iUissie (hi négociant " un traité pai'ticulier
auquel nous serons toujours dis^iosés à travailler avec
zèle et avec suite pour la gloiie commune et l'avantage
réciproque des deux monarchies. »
Kn résumé, vers la lin de ITôO et au moment des pro-
positions anglo-prussiennes, malgré 'es dissentiments de
leurs généraux, en dépit des récriminations échangées
entre Pétershourg et Vienne sur la conduite des opérations
militaires, l'entente entre les Impératrices était aussi vivace
que jamais. Les deux souveraines, animées d'un achar-
nement égal contre le roi de Prusse, étaient résolues à
continuer l'œuvre commencée et à ne se laisser détour-
ner de ce qu'elles considéraient comme leur proie par au-
cune intervention étrangère. En cas de succès, l'accord
persisterait-il jusqu'au partage des dépouilles du vaincu?
Certains propos de Kaunitz au comte de Choiseul (1) indi-
quent bien les sentiments autrichiens : « Nous n'avons au-
cun intérêt et aucune envie de procurer une augmentation
de puissance h la Uussie dans le voisinage de l'Allemagne
et de la Pologne, mais nous avons aussi besoin d'elle pour
la guerre et la paix, aussi il faut tenter de la retenir au
meilleur marché que nous pourrons, » Le chancelier n'ad-
mettait pas d'ailleurs que l'acquisition de la Prusse royale
et celle de la Silésie fussent mises sur le môme pied : « Cela
n'est pas juste ; il faut regarder la Silésie comme une es-
pèce de préciput qui doit être prélevé avant tout et qui ne
doit entrer en balance :ivec aucun autre dédommage-
ment. » Le comte de Choiseul, en rapportant cette préten-
tion, d'ijouter non sans ironie : « Je n'ai eu garde de con-
tester ce principe.... je n'ignorais pas que la Silésie était
(1) Comte de Clioiseul au Duc, 25 et 28 décembre 1759. Affaires Étrangères.
Autriche.
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(MON INTIMi: DES DKUX l.MPKUATRICKS CoNTHE FIlÉnUUK;. -iTl
son objet unique exclusivement du reste do l'univers. »
Uuunt i\ la France, désintéressée dans ce débat dont
elle s'était interdit de tirer aucun profit, la vive intelli-
gence de (Ihoiseul s'évertuait i\ clore le bilan des pertes pas-
sées ou futures en obtenant, par l'intervention des tiers, la
pacification générale ou |)ai'tielle dont il ne pouvait pren-
dre l'initiative. Eùt-il eu plus de cbances de l'aire îiboutir
ce (|ui semble avoir été un désir sincère de terminer la
guerre, en acceptant franchement et sans arricre-pensé(î
les ouvertures des rois d'Angleterre et de Prusse? Le récit
des préliminaires de cette négociation et l'examen des
obstacles qu'elle rencontra dès son origine permettront
de répondre à la question.
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CIlAlMlKli IX
PROPOSITION D'UN CONGRÈS DE PAIX
DKCLAUATIOXS l»HS ROIS n'A>(ir.KTKUIlK F.T l>K PIIUSSK. — i\K-
r.OCIATI()>S KNTIIK I.KS COUliS l>K VKUSAII.I.KS, VIKNNK Kl
PKTr.iisi»)UR(i AU siJKT hk la hki'onsi:. — contuk-dk-
r.LAKATION DKS l'IlSSANCKS Al.LIKKS. — «lONVKRSATIONS
DE LA ILVVi:. DKMAUCIIK HK KHOILLAV. — HUI'Tl'UK
DF.S POLKPARLKRS. — POLITKJUK IIK CIIOISKLL.
>
Avant d'aliorder le récit de l'appel pacifique dont les
rois de la (îiandc-Bretagne et de IM'usse prii-ent l'initiative
vers la tin de 17.')î) auprès des cours belligérantes, il
convient de jiasser une revue rapide de la situation inté-
rieure de l'Angleterre et d'examiner les raisons (jui déter-
minèrent l'action commune des deux puissances.
Si nous traversons la Manche, nous trouvons, à un moin-
dre degré d'intensité qu'en France, les mêmes préoccupa-
tions linancières et, au moins dans une fraction du cabinet
britannique, la même envie de mettre fin à la lutte. Pitt
dont l'autorité grandissait chacjue jour, tout à la poursuite
de la guerre, se réservait l'organisation et la sui'veillance
des expéditions qu'il aimait à lancer contre le territoire ou
contre les colonies de la France; il s'en remettait volontiers
!\ ses collègues du soin de lui fournir les fonds nécessaires
pour ses entreprises. Très longtemps adversaire invétéré
de la coopération des troupes anglaises en Allemagne, il
avait fini par se laisser convaincre et était devenu peu à
peu, au sein du gouvernement, l'avocat le plus zélé des
IMTT l'UOTESTE CONTUK LES CRKillTS VinW LE IIAN'OVIU: 471
rc(|U(Hos du prince Kfidinand. !><• Ictiips en temps, à l'oc-
casion de dernîindes qui lui paraissaient excessives, le \ ieil
esprit anti-lianovrien se réveillait et il s'en prenait alors
au malheureux Newcastle.
C'est ainsi qu'à pro[)os de la pré[)ai'ation du hudg-et (!••
175!), nous assistons )\ une vérilahle explosion de la part
de l'irascible liommcMlKlaf. La prévision inscrite en ITôS
pour la solde et l'entretien des troupes hanovriennes et
hrunswickoises avait été très ini'éricure fl la dépense; aussi
le vieux lUn qui, pour combler le délicit, avait été obligé
de p.iiseï' dans sa caisse et même d'emprunter poui son
propre compte, était-il fort mécontent. Il comment.a par
faire une scène (1 > A Newcastle : " Les Fran<;ais avaient
ruiné son pays avant de le (|uitter; à ia fin de la guerre,
lui qui était un grand électeur ne serait plus qu'un petit
prince.... Au sur[)lus, milord, vous ne voulez pas me don-
ner de l'argent; il faudra que vous augmentiez mes pos-
sessions aux dépens de celles de nos ennemis.... " Il s'est
exprimé en très mauvais termes au sujet du prince Ferdi-
nand, « qui pouvait é(re (a-t-il dit) un bon général, mais
il le ruinait, montait les chevaux d'autrui et, ce (jui était
pire, n'était pas son serviteur, mais celui d'un autre
prince. » Entin, au ministre qui le félicite des bonnes ren-
trées du trésor anglais, le Uoi réplique : " Quel bien cela
me fera-t-il? Cela ne remboursera pas mes pertes ni celles
de mes sujets. »
In peu troublé par les jérémiades de sou souverain,
Newcastle s'en ouvre à l*itt (2) et lui représente la nécessité
de relever les crédits allectés aux llanovriens et auv confé-
dérés, dont l'insuftisance était démontrée. Pitt répond que,
si cela était vrai, la moitié de l'argent voté devait entrer
dans la caisse électorale, et, sur l'assurance de son int(M'lo-
cuteur que cela était impossible : ■< VA\ bien, il tant aban-
(1) Nc'.vcaslle à llardwicko, .". oclobrc 17.">8. NewcasUe PajuTs, vol. 3288i.
(2) NewcasUe à IlardwicUc, l'.i octobre 17.")8. Newcastle Papers. vol. ;i'2884.
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\.\ r.UKURE DK SKl'T ANS — rilAIV IX
donuoi" le coiiliruMit, lapin'lcr nus troiipis, nous honior
iV lii mioriT iiiiviilo v\ employer n(»s l'orces n luire des expé-
iiliotis. »
S;ms renoncer ;iux dédoiniiia.^enuMits ('•vciiliiels. (leorfic
leniiil h rentrer d.nis ses avanees; en conséijnence il lit
dresser pur son lidèlo Muncliliaiis(;n nn mémoire (1) pré-
voyant une «lépeiise de V7 millions '»t demandant par con-
sé(pi(Mil au l'arlemcnt de douhler ses sîicrilices. l'ii ac-
croissemenl de •!'.) millions de l'ranes pour la défense de
rKhictoral n'était pas pour plaire au pulilic aii.t;lais; aussi
PitI se l;ive-(-il l(!s mains -2) (\o toute V('S[)onsal)ilit(''. « Je
dois avouer ipif, dans ma carrière, je n'ai [)as v\i d'ailaire
(jui m'ait causé plus de surpris(« et d'émolion le n'exa-
niiie pus l'énormité de la l'ecjuètc, mais je supplie votre
(IrAce de réduire sans lardei" la proposition à des limites
raisonnables, ou tout ira A la déhandade. Quant iï votre
Innuble serviteur, il déses[)èi'e de rendre <(uel<[ue service
sur un pied pareil. »
Sans attendi'f! l'eiret du premier billet, I*itt en lance A
son collègue un second; il a découvert (pie la surélévation
provient surtout de l'augmentaiion des ellcctils : « Dans
l'état, il est (piesliou de plusieurs milliers d'hommes en
plus des .'18. 000 votés l'année derniéie. Au nom de Dieu,
milord, comment a-t-on pu mettre sur le papier une pa-
reille idée? Votre (irAce a-t-elle jamais imcouragé l'espoir
(jue l'Angleterre pourrait voter plus de troupes <[ue les
50.000 hommes, lle.ssois compris, [)révus l'année dernière?
ou est-ce l'avis de Votre (IrAce que l'Klectorat peut être dé-
fendu sans quelques ell'orts pour son propre compte? Je
regrette d'être obligé de réclamer une réponse catégori-
que au sujet des opinions et des intentions de Votre (IrAce,
mais je trouve la question si niodiliée, et cela A la veille
I) Mémoire de Miinchhauseii , 'io novembre 175S. Newcastle Papcrs,
vol. 3'.>885.
(•>.) Pilt à Newcaslle, 22 novembre 1758. Ncwcaslle l'apers, vol. :i288."i.
DII'FICUI/rKS MNANriKUES DE I/ANCLKTKItUK
v:
(le I Ouvrr'ure «le lu session, ([uW moins d rho lixr de suite
et d'une façon complète, je [ne sens dans l'inipossibililé ab-
solue d(; rendre U'. mctindre service. » A la missive de son
impérieux collègue, Newcastle l'épTupii' en ruiirnissanl des
e\|)li<'ations (Muharrassées (pii indiipient surtout l(^ désir
ilécliappei' A lu respoiisaMIité d'un vole impupulaiic. l'ill
ne le tient pas (piilte et lui inllii^e une; vertt; s(MUonce pour
ne l'avoir pas mieux rensei,^n^' : « INu-nuiltez-moi, Milord-
l>uc, d'avouei" ma surprise extrême et mon désappointe-
ment inlini (piaud Je constate (pie des all'aires, aussi imp;"-
lautes (pu; la |)ris»! à notre solde d'un nouveau corps de
troupes, puiss(mt se i;liss(!r dans notre programme sans (pie
Votre (Jrâce, (pii est à la t(He de la TrésortM'ie, (ippuie la
mesure ou la porte A :na connaissance. »
dette hrouille de ménaj^e ne parait pas avoir eu de
vuitcs, car Newcastle ( î), peu de jours ai)r('s, se déclare sa-
tisfait (l«î la liesogne [)arleraentaire; il n'y a (pi'uni; ombre
au tableau : " Nous sommes uni nnnos à v<Miloi" doiuKM'
plus (jue nous avons; eu un mot, nos dépcuscîs cette année
dépasseront 12 millions de livres sterling', ce (pii ne s'est
Jamais vu chez nous ni prcs(|ue dans aucun pays; :{ mil-
lions et |)lus auront ùié all'ectés il l'Allema.yue. » Lt; bud-
f;et adopté par le Parlement anglais [xtur l'exercice ITâî)
s'éleva, en cU'ct, à plus de ;J27 millions de francs (2), sur
lesquels le Département de la (luerre en absorbait (mvi-
ronHO, celui de la Marine 120, l'entretien et la solder des
llessois, llanovriens et autres confédérés plus de V(), le
subside payé au roi de Prusse pres(]ue 17, celui des colo-
nies américaines 5; et encore, à en Juger [lar l'arriéré
de 1758 rpi'il avait fallu ac(]uitter sur les crédits de l'an-
née en cours, il y avait tout lieu de supposer (]uc les pré-
visions seraient insuffisantes.
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(1) Newcastle à Yorlve, 1" tlcceinbre IT.VS. Newc.islle Papcrs, vol. .{2886.
(2) Annual Iteyister, 1759. " Crédil.s votés \)i\\ le Parleinciil, «p. 171.
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I.A l.l KllKK l>». Si;iM ANS CliAP 1\
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V-'UV piul'airc ces s.»imin's. on a»;iit rtc rt-diiil A pir-
IcvtM' MIT la i;(isst' (raïuortisscnuMit 1rs l'oiuls l'oiii- lo .scr-
viiT lie la (lotie o( tîc lairr un tMui>riint de hi(» millions, (|iii
avait l'It' (l'aillfiirs t'acilcnuMit soiisorit. ('.cl état tlo rhoscs
ne laissait [>as (l'intiuiftcf li" «•aliiiict l)ritanni(|U«* ; l'itt,
phis autoritaire avec le sueoès. repn>ehait à NeweHslle
tle Mt> pas lui to'iniir l'aryenl néeessaire iiotu- ilélVayer le
eoùt (le la uuerre; N(n\easfle accusait l'itt, t|u'il jalousait
(le jilus eu plus, d'ai^ir sans cousultci' ses .H)ll^i;iies ; u La
cause r(H'lle de nos einlian-as, écrit il dans un nieuioire [i)
adresst^ j» st>s iutiu\(>s, est (|ue nous avons engagé des (jé-
penses supt'rieurcs de beaucoup à nos moyens et «pi'on
n'en voit pas la tin; e\pedilioii sur (>\peditiou , campagne
;îpics cauïpai;ne. Il n'y a d'aucun ciNté a(ijour(riini nu(>
ouvei'lur(> pour la |>aiv; an contraire, on ne trouve i\\\v do
"a repidsion pour cet o!>jef et du hlAmc pour ceux (pii y
souvent ou «pii parlent d ■ la Mi'>ct>ssit<> d'y ariiver. L état
V('Milal)le de nos tinances (>t de nt)tre crédit, 1 1 détresse du
royanm(> n'ont jamais élc dissimulés a M. l'itt , (>t il a éie
souvent int'i>rmé dr l'impossibilité dt' continiu'r sur cette
écUeIN» pendant un(> autre aunét>; m;iis (picl tpi'ait été son
senlim.nt réel, il n a jamais \oulu avouer cpi'il envisai;'efU
rav(Miii' à ce point d»' vue. »
Pour conjurer les périls de la situation, \('v»castle sui;~
yère les l'cmèdes sui\ auts : obtenir nu peu d'entente dans
le sein du caluuet ; ne pas gaspiller '.es l'ori-es nationales
sur terre et .^ur mer en entreprises inutiles et coi\t«Mises;
réunir tout ce dont on pouvait disposer pour la défense
des Iles |»ritanni(pu's; u oltlii;('r 1(> général en clierde l'ar-
mée et \c secrétaire d«' la uu.erre ;\ nous teaii' uu courant des
opérations, et de même pi»ur la marine... et surtout nous
pénétrer (au nu)ius entre nous' de rim[>ossil»dité de soutenir
(Il Ni'\Ma,slli'. Ml iitoire >i(r itttit itit (idiiirinrinciit. l'.i aviil {'.M.
mu ITS i); NK |)i:siM':m1': i uancmsI':
477
jvMithmt mit* aiilrc ;uinre la t;iuMTO {nvsoiilo sur le \\'hh\
iii'fut>l Il tiiul t'vaiuiiuM" si nous no dovDiis pas avistM'
roiili»lt'uli<'lUM«UMit lt> loi <lf IMiissc d»' l'iinpossilùlilt' pour
*•»> pays (rcntrt'lfiiir les lit>siilitt's uuc auuôo onror(>. - l.c
soiu'i »!i: luiuisti'c s'cxplitpiail d'aiitaul uiitMix ipio t t\uj;(\
le cliaiu'fiior do l'Ki'liiipiicr, ;\ la suilt> di> diriicullcs r.vor
la Uanipu* d".\n,i;l»'t('i'i".', parlait d'ajounuM' les paiements.
Nowi-asllt lui avait dit [V , non sans i-aisou, (prtiuo roso-
liition de et* yciiro serait » uni" soîtt> do déclaration i\c
l'ailli»f '. r»o noinoauK pourparlers et rémission heureuse
de reiii|M'Uiit periuirent d'é'viîer une pareille ealastroplie.
AuK einl>arras liiiaiieii-rs vinrent liieniôt s'ajouter la
erainte t!u del)ar(pieinent l'raneais t't la mauvaise imprt>s-
siou causée par la retraite persistante du |»riiic(> l'erdi
nand. hans liniiM-ieur tlu caltiuet, l'aicoitl que préconi-
sait Neweastle u x tait pas intervenu. - Persouiie ne s(Mill're
plus (pu moi dans le unuvenuMueu*, ét'rit-il > •J'i . i'isnlte
tous les jours par et» i;anrm de miliu'd llolderm>sso. en rap-
ports plus ou îuoins agréables avec M. IMlt tpii ne me
montre nuére d'éuards, et toutefois si liieii traite par le lloi
(pu\ie ne puis pas l'ahamlonner. •• Cependant, les prépa-
ratifs tpii se taisaient dans les poits Iraneais commen-
çaitMit ;^ frappei' les esprits, jusipialtM-s très seepliipi(>s sur
le dan,L;cr ;\ redoutei- de ce ciMé. Admiralilement rensei-
gne par son servit-e despionnaj^t' (H), PitI lui-méint>. «pii
tieit d'aliord avait refusé de croire aux menaces d'inva-
sion, fut l)ien oldii';i'' de se reiulre ;"» l'évidoneo. Kn i;uiso de
mesure dt'fensive, il lit «lecider la convocation des iiiilit'es,
mais l'apitel qui fui adresse en constMpuMice aux autorites
locali's «>ut [>eu de succès; on se detiait de ces trtuipt's iin-
[H'ovisées : » Je suis heureux, écrit llardwicke (V), (pie nous
fil
f
(1) Nt^wcastlc A l.t'fji;»', '.W a\ril IT.v.). NcwcaslU' rainTs. m>1. ;!'>,s'io,
('il Nowr.isllt' à Maii>li(>UI, S juin I7:>'.i. Ncwcasllt' l'apcrs, \o\. W'iS'.H .
i;i> Ua|>|<oi-|s (II- l'iaii'f I7.'>7 ,1 i:(U, l'Iialli.iin l'apcrs M. Ili-cnid Ollicc.
[i) ll.ii\lwirk(> ii Nfwii s|lt>, K! juin i:..;i. N.'wcaslli' l'apcis, m.1 SiH'.r.>..
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478
Ï.A (;UERIIE DK SEPT ANS. — CliAP. I\.
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ayons VO.OOO hommes en (Îrande-Brelagne et en Irlande,
mais je ne peux pas arriver à ce cliitFre Siins y comprendre
la milice, sur laquelle je ne veux pas compter, car A un
pareil moment non lali auxilio non, do/cnsoinhus istis. »
L'agitation du pui)lic gagna le cercle de la princesse de
Oalles; s n (ils, le futur (Icorge III, sollicita de son grand-
père un emploi dans l'armée. Le vieux roi consulta (1)
Newcastle sur une recjuete (|uc, venant de son successeur
désigné, il regarde comme indiscrète et (pfil voudrait
ajourner. L'émotion causée par la perspective d'une des-
cente; des Français et par les dépêches du Hanovre hattait
son plein, quand une lettre du roi de Prusse suggérant la
l'éunion d'un congrès en vue du rétahlissoment de la paix
vint augmenter le trouhle des esprits.
Il est intéressant de suivre dans la correspondance
royale la genèse de cette proposition, dont le concept ne
revient jias A Frédéric, mais à Knyphausen. In rapport
contidentiel (2), signé de ce dernier et de son collègue
Michel, esquisse le tahlcau des dissentiments du cahinet
anglais, de la jalousie de Newcastle et de son désir de
ruiner lintluencc de Pitt en terminant une guci rc dont les
succès g r indissent son rival. La paix à laquelle aspii'c
Newcastle piiverait la Prusse d'un allié précieux; en outre,
il y a danger que ce ministre « ne réussisse î\ la fin k faire
condescendre le Hoi aune négociation séparée et secrète
dont les conséquences seraient bien jilus dangereuses en-
core. " Pour une entente de cette nature la voie est pré-
])arée par les lamentations des ministres hanovrions au
sujet des malheurs de l'Klectorat « pour lequel son attache-
ment extrême est connu », et par les mauo'uvres de la cour
de Copenhai ic. Alin de parer au perd, Knyphausen en-
gage son m trc à prier le roi George de prendre de con-
(1) Ncwcasllt' à llardwirke, 'H) jiiillcl IT.V.t. Ncwcaslle Pa|ier.s. vol. a^S'.tJ,
{•>., Kiiyiiliauseii il Micliol au Uoi seul, 8 juin iT.V.». Coiiisjiondanrc
politique. XVllI. i'. 337.
PROJET Ui: CO.SGHKS.
47'.»
cert avec lui l'initiative criin congirs où seraient posées les
bases d'une pacification généralo. Les raisons ([ue donne
l'écrivain en laveur de son projet sont à citer : « Une
pareille démarche, à la(|uelle nous sommes assurés qu'on
se prêterait ici avec plaisir, empêcherait non seulemeit
des ouvertures de paix précipitées et mal dirigées, mais
elle barrerait aussi le chemin à toute négociation clan-
destine, en établissant un congrès formel ([ui s'ouvrirait
d'un commun accord avec Votre Majesté, ri qui serait,
Sire, une preuve manifeste de la continuation de votre
intimité avec l'Angleterre. Toutes les propositions (pii
seraient faites dans une pareille assemblée seraient pesées
mûrement et résolues dans le conseil du J{oi, et le cheva-
lier Pitt,, dont la droiture et le zèle pour les intérêts de
Votre Majesté se sont manifestés en tant d'occasions, joue-
rait dans une pareille négociation le rôle <|ue la supério-
rité de ses talents et la confiance que la niitiou a placée
eu lui, doivent nécessairement lui assurer Le duc de
iNewca^tle, voyant ses vœux remplis, n'aurait aussi aucun
motif pour renouveler son manège et ses intrigues, et il y
a apparence qu'il y aurait alors dans le ministère la plus
grande unanimité. Un pareil événement disculperait aussi
le chevalier Pitt du reproche <|u"on lui fait d'être le pro-
moteur de la guerre, et, pour peu que les propositions
des cours opposées fussent déraisonnables et contraires au
génie de la nation, elle en deviendrait plus ardente que
jamais pour le soutien de la guerre. »
Frédéric sut apprécier l'opportunité du respectueux
conseil de ses représentants, cl rédigea pour son oncle un
billet (1) où il prenait texte des considérations dictées par
« l'humanité ei le bien du genre humain » (>t du désir de
mettre lin à » une guerre onéreuse et sanglante » pour ap-
(1) Frédt'ric à Gccrfçe, Rcicli-Monnersdorf, 20 juin 1759. (.oncsiiondtnicc
politique. XVIII, p. a'il.
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480
LA G( ERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. IX.
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puycr l'idôe do Knyphaiisen; il s'agirait de « déclarer
conjointcMiient aux puissances ennemies qu'on était dis-
posé à Londres et à licrlin à l'ouverture d'un congrès dans
lequel on pourrait se concerter sur les moyens les plus
propres à établir une [)aix honorable et ulilc à toutes
les parties belligérantes. » Le roi George n'était partisan
([ue d'une solution qui lui procurerait des avantages ter-
ritoriaux; aussi sa réponse (1) fut-elle conçue en ternies
dilatoires : « Je souhaite avec impatience «pie des succès
heureux et assez considérables nous mettent en état d'of-
frir la paix à nos ennemis, mais une paix sûre et hono-
rable qui fasse oublier à nos sujets leuis souffrances. »
Le -10 juillet, un conciliabule eut lieu entre les princi-
paux membres du cabinet de Saint-James et les envoyés
prussiens Knyphausen et Michel. Ces derniers dévelojipè-
rent au nom de leur maître le pi^ojet suivant : des lettres
signées des deux souverains, dans lesquelles ils se procla-
meraient favorables à la réunion d'un congrès, seraient
expédiées au général Yorke et à llellen, résident prussien à
La, Haye, qui seraient chargés de les remettre aux ministres
de France, d'Autriche et de Russie; mais le paquet con-
tenant ces communications ne serait ouvert que sur l'or-
dre des cours d'Angleterre et de Prusse. Après discussion,
et sans se prononcer sur le fond, on convint d'ajourner la
décision. Newcastle, qui rend compte (2) de la conférence
à son ami llardwicke, s'était attendu à des objections de
Pitt et à une opposition sérieuse du roi George. Le pre-
mier avait probablement concerté l'allaire avec Knyphau-
s3n, aussi se borna-t-il à quelques observations sur le texte
de la déclaration. Quant au monarque, (jui n'était pas dans
le secret, Une dissimula passa manière de voir : « Sa Majesté
a traité notre entretien avec les ministres prussiens, à l'ef-
(1) George à Frédéric 3 juillcl 17.V,». Nowca.sUc Paper.s, vol. 3'>89'.!.
;2) NewcasUe à Iluidwicke, :!t juilli'l i::.",». Ne\v.a.slle l'a[iers, vol, 328'J3.
IREDEUIC PAHTISAN DL ('0NG1U;S.
48 1
fet d'élaborer un projet de ce genre, comme la chose la
plus absurde qu'on puisse imaginer.... Sa Majesté m'a dit :
« Il nous faut une autre campag;nc ;> et, voyant de l'hési-
tation de ma part, il ajouta : « car nous ne pouvons pas
faire la paix. » A cela, je réplirpiai : beaucoup de ceux avec
qui j'ai causé estiment que la première question est plutôt :
'.< Pouvons-nous continuer la guerre? »
Quehiucs jours après le conciliabule, Pitt semble (1) se
prononcer en faveur des ouvertures pacifiques; « il parle
de Louisbourg- et la (Guadeloupe comme les meilleurs plé-
nipotentiaires (jue nous puissions avoir à un congrès; il
cite le Sénégal et (Jorée comme pouvant servir à la paix » ;
cependant, il obtient des ministres prussiens « de sus-
pendre la négociation pendant quelque temps et de bien
se garder d'en liAter la discussion. » F^e jour même d(!
cette conversation se livrait la bataille de Minden ; l'avis
de la victoire releva les prétentions du parli belliqueux :
« Le Hoi (2) et Mtt sont au comble de la bonne humeur;
Pitt parle de terminer cette guerre avec honneur et gloire.
Newcastle d'interrompre : « Mais en tout cas terminer. »
A celail répondit avec emphase. « Mais avant, il nous fau-
dra encore une campagne. » La défaite de Kunersdorf fit
remettre sur le tapis la notion du congi'ès. Dans une lettre
du 1"' septenil)re (;J), Frédéric, encore sous le coup du
désastre, l'ait i\ Knyphausen une peinture des plus som-
bres de sa situation et l'invite à reprendre les pourpar-
lers : « Je mets toute ma confiance dans le sieur Pitt, et
je me tlatte que vu les grands avantages que les Anglais
ont cette année, il pourra peut-être y avoir des proposi-
tions ([ui pourront mener à la paix Travaillez en bon
citoyen pour voir s'il n'y aura pas moyen de lier quelque
Il à M
; m
Î:l
^1
; '
(1) Newcaslle à Stone, 1" aoill 175',t. Newtastlc Papors, vol. 29M'i.
(2) Newcaslle à Oevonsliirp, 19 août 1759. Newcaslle Pa|iois, vol. 3.?89i.
(3) Frédéric il Kiiyphau.sen. Waldow, l ""siïpteinbre 1759. Correspoiidancc
poliliiiiic, .\VII1, p. 511.
titKiiiu; i)i; stPT \Ns. — T. III. 31
Î82
LA GL'KURK DK SEPT ANS.
Cil A P. I.\.
^ly
I
négociation entre les Anglais et les Français. Coin me je
me flatte que les Anglais auront sous peu de bonnes nou-
velles de rAméri(jue, ce serait le moment favorable où les
Anglais pourraient donner la loi. »
Ces instructions produisirent l'ellet désiré : le 2(5 sep-
tembre, les envoyés prussiens eurent avec les ministres
britannicjues une seconde séance où l'on se mit d'accord
sur le texte de ia déclaration à faire au\ puissances belli-
gérantes. On convint cependant de retarder la remise du
document jusqu'à l'arrivée d'un courrier de Québec, sur la
conquête duquel on croyait pouvoir compter. Frédéric se
préoccupe aussitôt des conditions à obtenir (1) : pour
l'Angleterre, le Canada et la Cuadeloupe; pour lui, la
basse Lusace ou la garantie de la Prusse polonaise après
la mort du roi de Pologne. Eicbel, moins ambitieuY, se
contenterait (2) du rétablissement du « statu quo » de
l'année 17.')(i.
En attendant les nouvelles d'Américiue, ([ui ne parvin-
rent à bondrcs (pic vers le milieu d'octobre, les tiraille-
ments entre les membres du cabinet britannique reprirent
de plus belle : Xewcastle, tiVtiilou, petit esprit, intrigant,
mais serviable, très apprécié du Koi, suppléant au talent
par une grande expérience des hommes et des choses, ja-
lousait le rôle prépondérant do son collègue Pitt, dont il
supportait mal la morgue souvent brutale, tout en re-
connaissant sa valeur el en avouant l'impossibilité de le
remplacer. Il s'en fallut de peu qu'à pr()[>os d'une nomina-
tion dans l'ordre de la Jarretière le ministère ne se dislo-
quât. Pitt sollicitait cette faveur, très cotée dans le monde
aristocrati(|ue, pour son beau-frère, Lord Temple, qui'
renq)lissait les fonctions honorifiques de gardien du sceau
(1) Fi-i'iléric à Kiiypliaiisen. Sopliienllial, 12 oclohn; i'i)\). Cdnes/nmdnncr
poUllqnc, XVIIL p. .V.l'î.
(2i Eicliel à ['"iiickeiisti'in, Tornaii, 19 octobre 17.")'.». Corrcspoiultnice poli-
tique, p. 5U5. ]
ï 'A-'
mmm
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COLKUK DK l'ITT A PROPOS DlNi: I.ETTIIE I) \ OUKI..
i8;i
royal. Le vieux Gcoi'S'c, qui irnimait g-uère Pitt et détcs-
tail Temple, s'y refusa (1) nel. Vax vain l.ady Yarraoutli,
Hardwickc, Newcastle lui-môme se mirent-ils de la partie;
à ce dcinier (jui le menace d'une hor.derie du grand
homme, le l{oi léplique avec philosophie : « Eh bien,
tant mieuv si M. Pitt se montre rarement à la (]our, je ne
tiens pas à l'y voir. »
Sur cette première difficulté vint hicnlùt s'en greH'cr
une seconde. Newcastlc entretenait une correspondance
des plus suivies avec le général Yorke, fils de son grand
ami Harchvicke et ministre !\ La Haye. Il prit fantaisie à la
princesse de Zerbst, mère de la (Irande-Duchesse Cathe-
rine, de lui adresser sous un nom de guerre une épitre con-
tenant un appel on faveur de la paix et suggérant une
négociation secrète. Yorke ne prit pas l'invitation au sé-
rieux et répondit dans son français le plus pur par un bil-
let assez bien tourné; fier de sa prose, il s'ompressa de la
communiquer il Newcastle qui, sans penser à mal, la fit
voir au Roi. D'infortune, l'ailaire vint aux oreilles du chef
hiérarcliicpie de Yorke, de Iloldcrnesse, qui, enclianté de
jouer un mauvais tour à Newcastle av(>c lequel il èîait plus
ou moins brouillé, la rapporta (2) aussitôt à Pitt. Ce-
lui-ci prit la chose au tragique et foudroya le malheureux
Newcastle des phrases à grand eflct dont il était coutu-
mier. Le morceau (;J) est typique : « Je crois savoir (pie
voire Grâce a reçu il y a quelques jours une lettre de
M. Yorke racontant certains tripotages en vue de la paix de
la part d'une dame, ainsi (jue les réponses que M. Yorke lui
a faites. Or il ne peut y avoir de doute sni' le droit d'un
secrétaire d'Etat d'être renseigné à l'instant même sur toute
transaction de cette nature, et d'autre p;irt il est niani-
.
>j
1
: '
I.
■1,1
;i) Newcaslle à Ilardwickc, 27 st'pteinbro 1739. NewcasUi; Papers, ;i2S',)G.
VI) NewcasUe à UarJwicke, 22 octobre 17.")9. Newcastle Papers, 32897.
(3) PiU à Newcaslle, 23 oiitobrc 1759. .Ncwcaslle Papcrs, .32S97.
I
ii.l
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LA ilUKIUlE DK SKl'T ANS.
CIIAI'. I\.
.«(
' 'f; I
(i!
.
'^
i'!
leste que lit su[)pressioii d'un document pareil peut causer
au service du Koi et h. la nation un préjudice essentiel et
sans icuïède, surtout dans une époque de crise où toute
fausse manœuvre pourrait entraîner des conséquences fa-
tales. (]ela étant, je me vois obligé d'entretenir voire (Ji'Ace
de cet incident, .le ne sais pas dans (juelle mesure cette pro-
cédui't! clandestine a été sanctionnée par les ordres du Uoi ;
si tel a été le bon plaisir de Sa Majesté, il est de mon de-
voir de m'incliner avec tout le respect que je lui dois. Mais
de ce fait je me trouverai dans l'impossibilité de rendre
service à Sa Majesté; aussi prierai-je votre (IrîYce de me
faire la faveur de me mettre aux pieds du Hoi et d'infor-
mer Sa Majesté (pie ma santé a besoin de l'air de la cam-
pagne pendant deux ou trois jours. »
Newcastle se courba devant l'orage et s'excusa de son
mieux en alléguant (pi'il avait envisagé la cliose comme
une plaisanterie. Il s'attira une seconde (1) pbilippique :
« Je trouve très jolie la lettre de M. Yorke... mais j'estime
qu'une lettre, si agréablement quelle soit tournée et
quand même elle aurait le sexe aimable pour destinataire,
ne doit pas être considérée comme un sujet d'amusement,
alors qu'elle a trait à la grosse question de la paix. Je ne
suis pas du toutsurpris (pie .M. Yorke puisse manier la plume
avec autant d'élégance que Voiture, mais j'avoue que je
le suis beaucoup qu'une lettre sur un objet aussi sérieux
ait été écrite sans notre permission, puis supprimée et dé-
robée ti la connaissance des hommes auxquels leur fonc-
tion confère le droit absolu d'être mis au courant les pre-
miers d'atfaires d'une nature aussi grave et, je le crains,
aussi dangereuse. Je reconnais mon peu d'aptitude pour
le poste élevé auquel il a plu à Sa Majesté de m'appeler,
mais tant ([ue le Koi daignera m'y maintenir, j'espère
qu'il ne trouvera pas outrecuidant de ma part de me
(1) Pill à Newcastle, 23 oclobie I75'J. Newcaslle Papers, 2U\r,
ill
KNVOI DE LA DKCLAIUTIO.N ANCLO-PUUSSIKNM-;.
4sr>
mettre à ses pieds et de solliciter avec toute luimilité sa
gracieuse peruiission de me retirer, chaque fois (|ue Sa
Majesté jugera bon d'em[)loyer pour une négociation de
pai\ le canal de lettres dont le but est d'aiiiuser, et d'or-
donner à ses serviteurs de dissimuler sous un voile aussi
transparent les premières lueurs d'info. .nation sur un
sujet aussi élevé et aussi délicat. »
Des amis communs s'interposèrent (>t tirent ajourner
l'éclat. Il se produisit du fait de Temple (1) qui, deux
jours après la réunion du Parlement, résigna ses fonc-
tions sous prétexte de l'otlense que le lloi lui faisait en
lui refusant la Jarretière. Pitt suivrait-il l'exemple de son
beau-frère? La retraite du grand orateur au début de la
session eût été un désastre <(u'il fallait éviter à tout prix.
La favorite, Novcastle, le duc de Devonshire, le firent
comprendre à (ieorge II, qui céda d'assez mauvaise grAce;
Temple, sur la promesse de la Jarretière convoitée, revint
sur sa démission; l*itt se déclara satisf.iit et se montra
très aimable à l'égard de Newcastle, qui lui en sut le
plus grand gré.
Ces brouilles intestines n'empêchèrent pas le projet de
congrès de suivre son cours. Les ouvertures de la part du
Danemark, auxquelles nous avons fait allusion dans un
chapitre précédent, et la dernière démarche de l'envoyé
na[)olitain ne semblent pas avoir été étrangères à ce
résultat. On se méfiîût de la cour danoise, <|ue llard-
wicke traitait de « fausse, scélérate et vendue A la France ».
Quant à l'Espagne, dont Pitt avait jusqu'alors accueilli
les offres avec amabilité, les propos de San Severino (2)
sur la nécessité de maintenir dans le nouveau monde la
balance entre la France et l'Angleterre, avaient déplu;
depuis les succès remportés en Amérique, surtout depuis
11,
I '
k
n
(1) Ncwcaslle à Hiinlwicke, li noveinlire I7ri9. Ncwcastle Papers, 32S',)S,
(2) Ncwcaslle à llardwicUe, Tî octobre 17.".'.). New.aslle l'ai)er.s, 3';,897.
'•'il '
481'.
LA GIKUnK l)K SKPT ANS.
CHAI'. IX.
la prise «le (juéhcc dont l'avis venait de parvenir à F.on-
drcs, on élait pou enclin à reslifniir les territoires eoncpiis
et on tronvait tn'-s déplacées <lans la IxhicIm^ dn futur
médiateur les allusions faites au traité d'L'trecht.
Dans ces conditions, le cabinet anglais était tout disposé
à se ranger au vœu des ministres prussiens qui deman-
daient une nouvelle réunion. Elle eut lieu le 2!> octobre
avec Newcastie, lloldernesse et Pitl; d'un commun accord
on s'arrêta aux résolutions suivantes : La déclaration des
deux rois, dont le texte avait reçu les dernières retouches,
serait adressée (1) au prince F^onis de Brunswick, frère de
Ferdinand et commandant en chef des troupes hollan-
daises, avec (lenuuide de la remettre aux ambassadeurs iW
Krance et de Uussic et au ministre de rim[>ératrice-lieine.
A Keith, qui avait transmis des observations du chancelier
Woronzow sur l'avantage d'un rapprochenient avec la
Prusse, on expédia une copie du document avec ordre de
la placer entre les mains des ministres russes; on fit éga-
lement une communication directe aux cours de Madrid et
de Turin. Quant aux suggestions de Copenhague, elles
furent repoussées très sèchement. Enfin, le ])rince Ferdi-
nand fut avisé ('2) de la démarche dont on espérait que
son frère voudrait bien se cliarger.
Le prince Louis accepta la mission qui lui élait confiée,
mais l'arrivée de sa réponse en date du (> novembre fut
retardée par l'élat de la mer, et ce fut seulement le 19 que
put se tenir une conférence à laquelle furent convoqués
cette fois plusieurs autres membres du cabinet ainsi que
Lord Ligonier, commandant en chef de l'armée britanni-
que; la déclaration définitivement adoptée fut aussitôt
réexpédiée au prince Louis avec prière d'en faire la remise
(1) Procès-veiL 1 de la conférence du 20 octobre 1759. NcwcasUe Tapers,
328'.»7.
(2) Holdernesse à Ferdinand, Keilh et autress, 30 octobre 1759. Ncwcaslle
Papers, 32897.
la
AIUUMEMS 1)K KNUMIADSKN EN l'AVEIR DU CONÇUES. iH7
lui-inriin', mais d'agir de concert avec le général Yorke
(jue Holdcrnesse, jaloux de ce (|u'il appelait (I) « certaine
lettre femelle » et de sa « correspondance à la soui'dine »
avec Ncwcastle, avait longtemps laissé en dehors du secret.
Kn dernier lieu, l'adaire avait été menée si rondement
qu'il avait été impossible de consulter le roi do Prusse
sur les décisions cpi'on venait de prendre. Il ne fut touché
<jue tardivement [)ar la dépêche de Knypliausenciui le ren-
seignait. Héharrassé des Kusses, ù, la tôte de l'armée vic-
torieuse du prince? Henri, presque assuré du recouvrement
de Dresde, Frédéric n'était plus aussi chaud partisan de
la paix qui lui avait paru si désirable au lendemain de
Kuncrsdorf; aussi lit-il mauvais accueil (2) A yuw initia-
tive» qui ne lui semble plus de circonstance : « dette ligue,
si redoutable .1 la liberté de l'Kurope, est sur le point de
se dissoudre. D'un côté, la France a fait des propositions
de paix, et de l'autre la Cour de Russie commence à par-
lementer. Pour moi, j'ai déji\ fait faii'e des insinuations en
France et lui ai fait (mtrcvoir que la Russie était au point
de s'accorder, et par le général Wylich j'ai fait faire des
insinuations au général russe pour qu'il donne le réveil-
lon !\ sa cour au sujet de la France Il faut dire à Kny-
phausen que je me moque de l'amitié de l'Angleterre, si
elle ne m'est point utile, et que ma situation n'est pas
aussi désespérée (|u'il s'imagine. » Sur ces entrefaites,
survint une nouvelle lettre de Londres où [Kuyphausen
faisait valoir les raisons qui l'avaient décidé à se rallier à
l'envoi immédiat de la proposition de congrès : « Nous sa-
vons de science certaine, écrivait le Prussien (3), que la cour
de France a fait faire depuis peu, par dill'érents canaux,
(1) lIoId(Mnesse à Yorke, 23 octobre 17j'.». Newcastle Papcrs, 3'îii'J'.
(2) Frciléric à Finckeiislein. Elslerwerda, 12 novembre 1759. Corrcsiiim-
dance polilii/uc. XVIll, p. G2'J.
(3) KiiypIiausiMi et Michel au Roi seul, Londres, G novembre 17.V.». Cor-
respondance politique, .WllI, p. 614.
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48a
LA (Il l'IUlK DE SKPT ANS, CHAI' IX.
Mir
h
toutes sortes d'acnccries à S. M. |{iilamu(iu(! pour la déter-
uiiDcr i\ ontamor une néj^ociation de |)ai.\. » Au sujet de
ces ouvertures, dont les intermédiaires auraient été Miincli-
liausen et peut-iMre Newcastle, une vive altcrealion avait
eu lieu entr»; eelui-ei et Pitt; le roi (Je( rf;e !ui-uiême, tout
en aflirniant sa lidélité A son dlié, avait recoiniu (|uc
« des insinuations de pai\ lui avaient élu laites de bien des
côtés. » Dans ces conditions, persuadés k qu'une négocia-
tion secrète de paix serait dangereuse pour ses intérêts
(de S. M.), iï cause de la faiblesse du roi (leorge et de son
envie de s'agrandir en Allemagne, à (pioi le chevalier Pitt
ne veut point se prèler, et (înlin à cause de la mauvaise
foi du duc de Newcastle et du ministre lianovrien, nous
avons avec le chevalier IMtt, pris la résolution d»; pro-
céder sans délai h l'exécution de la déclaralion «jui avait
été convenue, (le dernier, en communiquant cette dé-
mîirchean Parlement, rendra par liV la négociation de paix
nationale et s'en «'mparera de manière que personne n'o-
sera ris([uer d'intervenir eu secret sans sa |)articipation. »
Les accusations que Knyphausen laneait un peu légè-
rement contre Newcastle n'étaient pas justifiées; soit con-
viction personnelle, soit crainte de se séparer de Pilt sur
une question où son collègue était soutenu par l'opinion
publique, le duc lefusa de se prêter aux désirs de son
maître (|ui visaient d'ailleurs beaucoup plus les ac(piisi-
tions territoriales à espérer du congrès que le mode d'en-
gager les pourparlers. Mais (pielque peu fondés (jue fus-
sent certains des motifs invoqués par le diplomate prussien,
son argumentation produisit son ed'et sur Frédéric, qui
n'avait pas oublié la franchise et l'indépendance dont
Knyphausen avait fait preuve pendant les derniers mois
de son séjour A Paris; aussi donna-t-il son entière appro-
bation (1) à la conduite de ses représentants à Londres.
(1) I-rédéric à Knyphausen, Linibacl». 1" novembre 175'.). Correspondance
politique, XVIII, p. 64r>.
IIKMISK IIK LA DKCI.AUMK» AI X MIMSTUKS AI.LIIiS.
480
Aussitôt saisi do la déclaratidii an;;l<»-piiissieiin«' ([ui
arriva à I,a llayo lo 25 novembre, le prince Louis I entra
en rapi>orts avec les envoyés des puissances belligérantes;
le jour nn'^nie, il leur lit une visite individuelle, les con-
vo(jua le soir cbez leur eollèg-ne russe retenu par la ma-
ladie dans sa maison de Kyswick et leur remit la pièee
contre aceusé de lécepliop. Les trois ministr^'s manifestè-
rent leur satisfaction de la démarcln; <'t, tant en réservant
lavis de leurs gonvernenuMits, firent espérer une solution
favorable. De tous, l'ambassadeur français Alfrv se mon-
tra le plus content; il alla même jusijuà informer le
prince « «[ue sa cour avait tirand besoin de la paix; (juil
ne dirait pas que la sortie du marécbal de (lontlans était
leur dernier elfort, mais(|u'il devait avouer (pu* c'était l'un
de leurs derniers, il était conv;ùncu (pic In [>it)posili(»n
plairait et serait considérée c<»mme acceptable. » Peu de
jours après, une lettre de Clioiseul en date du 1"' décem-
bre apprenait au prince Louis (2) <( que S. M. allait se
concerter avec ses alliés sur les termes de la réponse,
que d'avance Klle croit pouxoir assurer (pi'ils ne seront
pas moins sincèrement disi)osés, que S. M. l'est elle-même,
i\ se prêter aux moyens (pii seront convenables pour par-
venir au rétal)lissement dn repos public >\ La dépèche de
Vienne, qui ne parvint à La Maye qu'après un intervalle
de trois semaines, fut beaucou|) plus sèche (3); pas une
phraso polie, pas un mot de Kaunitz, un sim[)l«' reçu sipné
d'un chef de bureau annonçant que le cabinet de Vienne
^i'entendrait avec celui de Pétersbourg.
En fait, la teneur de ces notes retlétait assez exac-
tement les sentiments des gouvernements à l'égard de
(1) Yoikeà Holdernesso, La Uayp, 27 noveiuhre 17.">9. Rrcord OfCicr.
Prince Louis à lloldernesso, '.!r» novembre l'5'J. Record Oflicc.
(2) Note écrite par le prince Louis en présence d'AflVy, 4 décembre 1759.
Record Oflice.
(3) Yorke à NewcasUe, 21 décembre 1759. Nevvcastle Papors, 32900.
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la proposition iiiiittendu*» (|ui huit' était faite. Clioiscul,
malgré les réserves dont il aura soin d'entourer son ad-
hésion, devait accueillir avec plaisir tout moyen de sortir
de l'impasse dans laquelle était cngaii^éc la France; au con-
traire, rimpératrice-Ueine ot son alliée la Tzarine, (ières
de leurs derniers succès, i)lus acharnées que jamais à la
ruine du ï'<»i de IM-usse, voyaient d'un 1res mauvais (pII
toute teufativc j)our interrompre une guerre dont Lt pour-
suite devait leur permettre de récolter le fruit de leurs
elloi'ts passés
Toutefois, il était impossible d'opposer aux ouvertures
de l.a Haye un refus que l'opinion pid)liqu(^ eût jugé ti'ès
sévèrement. Avec une rapidité (pii n'était guère dans ses
hnhiludes, la chancellerie de Vienne prépara un projet de
contre-déclaration (1) (ju'elle communi(pia. aussitôt aux
gouvernements amis en commençant par celui de Péters-
hourg. Dans cette pièce, les puissances alliées exprimaient
leur désir de « terminer les guerres qui subsistent déjà
depuis quehpies années entre l'Angleterre et la France,
un côté, et S. M. Prussienne, la maison d'\utiiche et
S. iM. l'Impératrice de IJussie, d'auti'e part », et s;' décla-
raient prêtes à envoyer des plénipotentiaires au congrès
proposé. A cette acceptation était attachée la seule restric-
tion (jueles hostilités ne seraient pas suspendues « pendant
toute la durée des négociations. » l.e comte de (ilioiscul
fut un des premiers A avoir connaissance du document;
sa correspondance manifeste (juelque surprise d<^ l'adhé-
sion si prompte d'un gouvernement <pii s'est toujours mon-
tré partisan <le la guerre à outrance : « Il ne m'a pas été
possible (2) de démêler au juste si M. de Kaunitz est bien
aise ou fiVché de la proposition de nos ennemis, ou plutôt
(1 ) Projet (le coiilie-déclaialioii de riiiiiiéralric.e-lîeine. Allaires ÉUan^ères,
Aulriclie.
(?) Coiiile (le Clioiseiil au Duc, H d(''ceiiil)re 1759. Affaires Élrang('Tes. Au-
triche.
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MEMoiur. ni: nioisiaiL si.» i.k conc.uks.
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il est l'im <*t rautrc, mais je ne sais quel est le scnliinonl
(|ui domine en Ini. .le crois qu'il l'iynorc Ini-nièine. h'iin
côté, toute ouverture de paix le hiesse, parce (pi'il ne croit
pas les allaires assez avancées pour parvenir à Taccoinplis-
senient entier de ses projets, et j'ai vu clairement dans uia
conversation avec l'Impératrice que cette princesse est
dans les mêmes principes, et (pioiqu'elle ne m'ait pai-lé
cjue de la cami)ai;ne prochaine, il est évident qu'KlIe et
Sun ministre n'ont d'autre épcxpie déteriniv ée pour la paix
([uc celle de rabaissement du roi de Prusse. D'autre part,
M. de Kaunitz rej^ardc cette dénuirclie des cours de Londres
et de Herlin comme la preuve du mauvais état où sont les
a.'l'aires du roi de; Prusse, et l'cU'et de ses sollicitations au-
j)rès des .\ni;lais cpii n'ont pu lui refuse cet acte de com-
plaisance. Sous ce point de vue, la déclaration le llatte et
le touche par son «uidroit sensihle, car ou rapporte tout
ici au roi de Prusse. Je pense cpi'il y a du vrai dans cette
conjecture, mais je suis persuadé (juc i Angleterre a prin-
(•i[>alement eu en vue d'éludei* lu médiation de l'Kspag'ne.
Ouoi qu'il eu soit, M. le couite de Kaunitz pense, ainsi <[ue
vous, Monsieur, ({u'on ne peut refuser une proposition
aussi authentique qne celle-ci, il me l'a dit dans le premier
moment, avant d'avoir vu votre mémoire, en iijoutant :
Après tout, un con^m'ès n'est pas une [)aix, on a hien vu
des congrès se ronqire. »
Contraireuient à ce qu'on aurait pu supposer d'après les
circonslances de la France, soit dépit de voir conti'cearrer
son [)roj( t favori de l'intervention espagnole, soit calcul
de l'eirel qu(^ produirait son attitude sur ladour de Vicîune,
soit désir d'arracher à ses alliés leur consenteiuent à la
paix séparée avec l'Angleterre en aU'ectant l'indillérence
à l'égard de la pacilicalion générale, Choiseul iit à la
déclaration anglo-prussiemie un accueil en apparence
plus froid. A peine l'invitation était- elle parvenue il Ver-
sailles et avait-elle été soumise à I^cuiis XV, que le ministre
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LA Gl KKllE DE SEPT ANS.
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(les allaircs (';trangr;rcs, avant iin'^mc d'en coininuni([iior le
texte à ses collègues du Conseil, appela St.irluîmhery' à en
conférer avec lui. Tous deux tombôr(;nt d'accord (1) pour
considérer l'ouverture comme une comédie et un piège
{f//iissf Verslcllnng mid /winitiilir Finesse); il était impos-
sible de la repousser, mais il ne fallait pas s'y laisser pren-
dre; surtout était-il indispensable de ne pas mêler, à la
discussion (jui allait s'eng-auer, la question bien distincte
de la médiation. Dans un mémoire rédigé de la main du
ministre, daté du 2 décembre et postérieur par conséquent
de deux jours k la conversation dont Starhemberg rend
compte, nous trouvons exposées les raisons qui ont dicté
la conduite du Uoi. L'auteur du docu:nent débute en se
demandant |2) quelles considérations avaient inspiré l'ini-
tiative inattendue pricx par l'ennemi et répond en énu-
mérant quatre motifs probables : crainte d'une interven-
tion armée de l'Espagne; nécessité de délivrer du poids de
la guerre les princes protestants de l'Allemagne; satisfac-
tion à donner à une fraction de l'opinion en Angleterre;
désir sincère de mettre fin aux hostilités. Selon les vrai-
semblances, l'invention d'une conférence dont on offrirait
sans doute la présidence au roi d'Kspagne n'avait d'autre
but (pie de traîner les affaires en longueur. « On sait (ju'un
congrès n'est pas toujours un acheminement à la jiaix,
mais l'on connaît par expérience qu'il est bien difficile
qu'il ne soit pas un sujet de refroidissement entre les alliés
et d'éloignementpour les médiateurs. I.a guerre continue-
rait sui' terre et sur mer pendant le congrès; les Anglais
se flattent que ce sera avec succès contre les possessions
fran(;;uses; le roi de Prusse espère que du moins il la sou-
tiendra avec l'armée d'Hanovre sans perte, et que le Hoi
(1) SlnrhpmJK'ifç i\ Kaiinilz, SO novoinlut! 175'J. Archives tin ^icniie.
(',() Méinoin; icdigRtic la main du Duc poui rinipcratrice, 2 dcceiiilnc l"r)9.
Afl'aires Etraniièrcs.
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L'AI TRICIIK SK UALUE AU PHOJKT l)K ( IlOISKUL.
493
et l'Impératrice l'atiiiiiés, ensemble ou l'im (rcux sépiiré-
ment, plieraient définitivement sons le jon^- cpii leur sera
impos;;, sans tirer des. ressources de l'Kspa.^'ne. » Comme
conclusion , la cour de Versailles se disait disposée à con-
sentir au coni^rAs « pour les seuls diiréieiuis (jui agitent
rMlemai^ne », sous la réserve que, seules, les puissances
en guerre pourront y envoyer leurs représentants. Parmi
ces puissances, il était indispensable de comprendre 1"»
Suède et la Pologne luxcjuelles 'a déclaration n'avait pas
été adressée.
C'est à bon droit (jue Starhemberg se félicite de l'atti-
tude de Clioiseul, qu'il ne s'attendait pns à trouver aussi
ferme : « Si les négociations pour la paix, écrit-il (1) à
Kaunitz, sont soumises h un congrès, il n'en restera plus
maître, et ii serait l'orl à craindre que les autres ministres
(|ui,avec tout le public d'ici, soupii'cnt après la [)aix, ne
lui forcent la main. »
A l'assentiment conditionnel de la cour de Versailles,
Kaunitz et sa souveraine ne lirent aucune difficulté de se
rallier, tout en exprimant leur scepticisme à pro[)os de
l'adhésion des Anglais au principe d'un traité séparé : « .le
ne saurais croire, avait dit Marie-Thérèse {'1), qu'ils aban-
donnent le roi de Prusse et qu'ils acceptent la médiation de
l'Espagne dans leur guerre maritime; cela serait très heu-
reux, mais j'en doute beaucoup. »
Au fond, la cour de Vienne était ojjposéc A, toute pensée
de p'iix continentale; encouraiiée par le succès de ses
armes en Saxe, assurée de l'atl'aiblissement de son adver-
saire, encline à ne voir dans les pr(»posilions do la Haye
que le sy.nptAme précurseur de ré|)uis(Mn(!iit total, elle
était résolue h pousser vigoureusement la campagne pro-
chaine et fl mettre tout eu o'uvre jîour la luine du roi de
^l) StfulionilMTjj à Kaiiiiit/., :î() novcioltre 17.'i9. Di'iirclic dt-jà cilt'c.
(2j Cornle de Choisciil au Duc, li dt'ioiiibro I7."i'.>. AHaires Klrangins,
Aulriclic.
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LA r.UKURE DE SEI'T ANS.
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Prusse. Si elle s'associa à la rédacliou de Clioiseul, si con-
ti'aiiTinent à sa première inspiration, elle accueillit l'idée
de l'intervention espagnole et de la paix avec l' Angleterre,
ce fut parce qu'elle était persuadée du relus de cette puis-
sance de se prêter \ un arrangement partiel et convaincue
que ce relus obligerait la France à continuer la lutte et
entraînerait peut-être l'Espagne il y prendre part. Au pis
allei', dans le cas improbable de la conclusion d'un ac-
cord entre rAiigleterreet la France, le roi de Prusse, privé
du secours des contingents allemands et anglais (|ui com-
posaient l'armée du prince Ferdinand, serait incapable de
résister longtemps aux ellbrts combinés de l'Autricbe et
de la Russie. De ce côté, en ellct, il n'y avait, tout au
moins, tant que vivrait rimpératricc Élisabelb, aucune
défaillance ù craindre.
Entre la (Irande-lîrotagnc et la lUissic, on le sait, il n'y
avait pas eu rupture do relations diplomatiques; aussi la
cour de Saint-James mit-olle à profit la présence à Péters-
bourg de son ambassadeur Keith pour communiquer
directement aux ministres russes la déclaralion qu'on
se proposait de faire à I^a Haye. A cette occasion, l'en-
voyé britannique avait fait part du vo'u non seulement de
son niaitrc, mais aussi du roi de Prusse : « do renouveler
avec S. M. Impériale l'ancienne bonne harmonie ». La ré-
ponse (1) fut nette et catégorique : Après quchpics phrases
banales sur les aspirations hunumitaires de laTzarinc, on
afiirmait « que la paix désirée est encore très éloignée, si
l'espérance qu'on met dans les sentiments pacifiques de
Sa Majesté eu est l'unique fondement. Sa Majesté Impé-
riale étant constamment résolue d'exécuter religieusement
ses déclarations solennelles, de procurer aux parties lésées
une satisl'acfion juste et suflisaute, de ne couclnrc aucune
(1) Noie remise ù M. de Ki'iUi, 1/12 décembi'o 17."i',). Afl'aiios EliaiigiTOs,
Russie.
PIIOJET DE DKCLAKATION PROPOSK PAR LA RUSSIi:.
i95
paix <[u'à des conditions honorables, solides cl avanta-
geuses et de concert avec ses lidèies alliés, et enfin de ne
jamais permettre que pour un prétendu ménai;ement du
san::? innocent pendant un court espace de temps, le repos
de l'Europe reste exposé a.ix dangers précédents ». Comme
le fait remar(|ucr Keitli (1) av^c pliilosophie : « La léponse
russe ne nous laisse aucune illusion sur les sentiments de
leur cour, ni partant sur le concours (jue nous pourrons
en espérer. »
Une note remise le même jour (2' àLhùpiîal était plus
détaillée et, si possible, plus explicite. On y relevait des
propos tenus par l'ambassadeur brilannique visant un
rapprochement avec l'Anulolerre et la Prusse, dos allusions
transparentes du généial prussien Willich à l'occasion
de l'échange des prisonniers, puis on examinait la pièce
ofliciclle que Keith venait de présenter. Rejeter d'une
façon absolue toute ouverture pacificjue serait écarter
« pour ainsi dire à jamais » les offres des cours de Londres
et de Uerlin, môme les plus équitables et les plus accepta-
bles, mais Sa Majesté Inpériale juge : « 1" que la célèbre
alliancD des plus grandes Puissances de l'univers n'aura
pas l'effet désiré, et ne sera pas stable, si elles n'obtiennent
pas le but qu'elles se sont proposé, et que, dans la pacifica-
tion pr(»chaine, leui'S intérêts mutuels se seront pas égale-
ment observés; 2" ([u'on no saurait parvenir à ceci, à moins
que tons les alliés, et chacun à part, conviennent unani-
mement, coûte (jue coûte, de ne faire aucune paix qui ne
soit honoiable, solide et agréable à tous ; 3" ({ue, pour le
moins, une telle paix ne peut s'en suivre bientôt, si les
cours de Londres et de Ilerlin se flattent, quoiqu'eu vain,
de pouvoir semer la méfiance entre les alliés, et persuader
quebiuun d'entre eux à donner les mains a une paix sépa-
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(1) Ki'illi il IloUIornessc, i/l5 décniiibre 175'.». Ni'wcustle Papors, ;{2'.ino.
(2) Nol(! reinisn à Llioiiilai, 1/1'.! di'ci^mbre IT.V.t. AU'aiics laïaiinèrcs,
Russie.
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LA GUEUUE DE SEPT ANS.
CIIAP. IX.
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l'ée. » Pour ces raisons, dans la réponse on devrait se lK>r-
ner h accepter la désignation d'un «< lieu propre pour y
traiter » et à promettre d'y envoyer des plénipotentiaires
« aussitôt qu'on se sera expliqué plus claircmeut de (juelle
mani«*re on entend obtenir une paix solide. »
Cette adhésion éventuelle au principe du conirrès de-
vrait être « indispensablement » suivie d'une <( déclaration
à part, tant à la Diète de l'Empire qu'au Danemark et à la
Hollande, » du contenu suivant : « Que les Hauts Alliés ont
appris avec beaucoup de déplaisir que leurs ennemis leur
attribuent gratuitement, à chacun à part, des mouvements
pour parvenir à une paix séparée; qu'au contraire les
Hauts Alliés cherchent maintenant plus (|ue jamais à
rendre leur alliance indissoluble ot inviolable, et qu'ayant
été tous également forcés de prendre les armes pour se dé-
fendre eux et leurs alliés, et ayant jusqu'ici fait la guerre
de concert, ils persisteront, à la future pacification avec une
unanimité encore plus forte, à n'accepter aucune paix qui
ne soit honorable, solide et avantageuse, et à procurer
îY toutes les parties lésées une satisfaction juste et suffi-
sante. » Pour instant, le parti qui s'impose, « c'est de se
préparer avec vigueur et vivacité pour la campagne pro-
chaine. » Dans la pensée du gouvernement moscovite,
la fermeté de cette attitude provoquerait de nouvelles
ouvertures des puissances ennemies; il serait donc « très
nécessaire... que les Hauts Allies conviennent dès à pré-
sent et le plus tôt possible avec S. M. Impériale d'une
façon délinitive sur leurs avantages réciproques et sur
toutes les conditions de la paix future. » Grûce à cette pré-
caution, on éviterait les lenteurs et les dissentiments que
l'adversaire chercherait à faire naître. Le second motif
invoqué en laveur de l'accord préalable, si ingénieux qu'il
fût, supposait une loyauté et une confiance réciproque sur
laquelle il eût été peut-être dangereux de tabler : « L'en-
gagement que les alliés ont pris entre eux de ne faire
...ij-,...mu>i-».iiiimn
CONTRE-DECLAIWTION DES TROIS COURS.
497
avec rennemi commu i ni paix ni trôve, et de nVcouter
de sa part aucune proposition A linsu et sans le consen-
tement l'un de l'autre, exige lo présent concert préalable
et formel, puisque l'observation exacte et scrupuleuse du-
dit engagement rendrait la paix pour toujours difficile ;
mais si les alliés seront convenus d'avance, entre eux, des
conr'itions de la paix, chacun d'entre eux pourra, du su et
du consentement des autres, écouter les propositions et
les leur communiquer, en cas qu'elles fussent raisonna-
bles, ou les rejeter tout de suite si elles ne sont point com-
patibles avec leurs vues communes. »
Ce désir si ardemment manifesté d'une entente sur les
avantages réciproques, n'était autre chose qu'une allusion
transparente à la prétention récemment émise par la Kussic;
de conserver, à titre permanent, la Prusse royale qu'elle
occupait depuis deux ans.
Malgré l'accord intervenu à Vienne sur les grandes
lignes de la réponse ou contre-déclaration, plus de trois
mois s'écoulèrent avant l'adoption d'un texte définitif. L'as-
sentiment de la cour de Pétersbourg parvint à Vienne (1)
dans la seconde moitié du mois de janvier, mais il s'appli-
quait au projet de la première heure que Kauuitz avait
expédié à la Tzarine sans avoir consulté le cabinet de Ver-
sailles. La rédaction modifiée de Choiseul établissant la dis-
tinction entre la querelle particulière de la Franco avec
l'Angleterre et la guerre générale du continent européen,
par suite de retards divers, n'était arrivée à Pétersbourg
que vers le milieu de janvier. Entre temps, le gouverne-
ment français avait apporté quelques changements de mo-
dique importance, il est vrai, à la seconde édition revue et
corrigée de Vienne. Que l'on ajoute aux lenteurs dues à l'é-
loignement et aux difficultés de communication le dessein
1^1) Comte de Choiseul au Duc, 26 janvier 17G0. A.Taires Ét^ang^l■c5. Au-
triclie.
GUEIIRE DE SEPT \>S. — T. III. 32
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LA GUERIIE DK SFPT ANS. - CIIAP. I.\.
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avéré de Kaunitz (1) de traîner les choses en longueur et
la mort de Bcstuscliew, ambassadeur russe à l'.iris, et l'on
comprendra pourquoi la note collective des alliés ne fut
délivrée au prince Louis de lirunswick (2) que le .{ avril,
c'est-à-dire plus de quatre mois après la remise du ma-
nifeste anglo-prussien.
Le document dont la préparation avait pris si longtemps
et coûté tant d'efforts n'était pas fait {'.)) pour encourager
les partisans sincères de la pacification générale : Après
un préambule rappelant la proposition du congrès, les
trois puissances belligérantes se proclamaient « également
animées du désir d contribuer au rétablissement de la
tranquillité publique sur un pied solide et équitable », et
déclaraient que « S. M. le Koi Catholique ayant bien voulu
offrir sa médiation pour la guerre qui subsiste depuis quel-
ques années entre la France et l'Angleterre, et cette guerre
n'jiyant d'ailleurs rien de commun avec celle que soutien-
nent également depuis quelques années les deux Impératri-
ces avec leurs alliés contre le roi de Prusse, Sa Majesté Très
Chrétienne est prête à traiter de sa paix personnelle avec
l'Angleterre par les bons offices de Sa Majesté Catholique,
dont elle s'est fait un plaisir d'accepter la médiation. »
« Quant à la guerre, qui regarde directement Sa Majesté
Prussienne, Leurs Majestés sont disposées à donner les
mains à l'établissement du congrès proposé ; mais comme
en vertu de leurs traités, elles ne peuvent prendre aucun
engagement relatif à la paix, que conjointement avec leurs
alliés, il sera nécessaire, pour qu'elles puissent s'expliquer
définitivement sur ce sujet, qu'avant tout il plaise à Leurs
Majestés Britannique et Prussienne de faire parvenir leur
invitation à un congrès à toutes celles des puissances qui se
\^\
(1) Comte de Choiseul au Duc, 20 janvier et 7 février 1760. Affaires Étran-
gères. Autriche.
(2) Yorke à Iloldernessc, i avril 1760. Record OflTuc. Hollande.
(3) Annexe à la dépêche d'Yorke du 4 avril 1700. Record Office. Hollande.
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OItJKCTIONS DE PITT A LA PAIX SÉPARÉE AVEC LA FRANCE. i'J'.i
(rouvcnt directement en guerre contre le roi de Prusse,
notamment Sa Majesté le roi de l*oIogne, Kiccteur de Saxe,
ainsi que Sa Majesté le roi de Suède, lesquels spécialement
doivent ôtre invités au futur con,i;rés. »
Avant de relater l'accueil que reçut cette pièce de la
part du cabinet anglais et des représentants du roi de
Prusse, il est indispensable de rendre compte des pourpar-
lers qui se nouèrent k La Haye en attendant la réponse
des belligérants. Pendant les mois de décembre et de jan-
vier, chacun resta sur la réserve et il n'y eut aucun essai <le
rapprochement entre les ministres des cours rivales. Ce-
pendant, malgré ce silence officiel, il était impossible qu'il
ne se produisit pas à Londres, et surtout à La Haye, des
échanges de vues sur les intentions et sur la pensée se-
crète des gouvernements appelés à participer au congrès.
Comment fallait-il comprendre le projet de paix particu-
lière entre la France et l'Angleterre dont parlait Alfry
avec une indiscrétion peut-être voulue? On mettait enelfet
dans la bouche de cet ambassadeur un langage très si-
gnificatif. Il aurait dit il Yorke : <> Il faut pourtant séparer
la négociation en deux et traiter nos aifaires seules et sans
les autres, et ensuite obliger les autres de s'accommoder,
sans quoi nous ne ferons jamais rien. » En causant avec le
prince Louis, il se serait écrié : « Qu'avec un tas d'alliés à
leur suite, ils n'en viendraient jamais à bout. » Quelle
portée devait-on donner à ces paroles? iN'étaient-elles
que des boutades d'un diplomate bavard ou reflétaient-
elles l'opinion autorisée de son chef hiérarchique? Dans
le cercle intime du cabinet de Saint James, la curiosité à
ce sujet fut d'autant plus vive que les bruits de Hollande
se trouvèrent confirmés par les })ropos qu'avait tenus le
duc d'Aiguillon à un parlementaire anglais. Ce dernier,
Lord Howe, avait fait à ce sujet un rapport qui fut com-
muniqué (1) aux principaux ministres. Au cours d'une
(1) Anson à NewcasUe, 27 décembre 1759. Newcastlc Papers, 3'i900.
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LA r.L'KUKE DE SEPT ANS. - CIIAI». IX.
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conférence dont le prétexte avait été un échange de pri-
sonniers. Aiguillon n'avait pas caché son désir de voir
aboutir la pai.\ séparée avec l'Anyleterrc, en dehors de
Madame d'Hongrie, comme il appelait l'Impératrice, et
s'était lait fort d'obtenir dans ce but le renouvellement des
pouvoirs qui lui avaient été donnés pour le cas d'une né-
gociation îiprès le débarqu(Miient en An,i?leterrc. En pré-
sence de ces avis, Newcastle et Pitt eurent un entretien (1)
sur les avantages et les inconvénients d'un arrangement
particulier avec la France. D'après celui-ci, la conclusion
d'une convention de ce genre, rarme si le roi de l'russe y
était compris , laisserait ce prince dans des circonstances
critiques où il aurait besoin de secours que le cabinet an-
glais, une fois son traité signé, serait en peine de lui faire
voter. Newcastle, beaucoup plus partisan Je la pacifica-
tion <(ue son collègue, estimait non sans raison que si on
ne s'abouchait pas d'abord avec la France, on n'arriverait
pas à la pai.v, peut-être pas môme au congrès. Mis au cou-
rant de ce dissentiment, Hardwicke (2) se rallie à l'opi-
nion de Pitt; l'intervention de l'Espagne dans les ditlë-
rends maritimes et coloniaux avec la France, qu'elle
s'intitule médintion ou interlocution (3), ne lui dit rien de
bon; le projet d'un congrès t^énéral est le meilleur moyen
de parer le coup sans oil'enser S. M. Catholique; aussi
faut-il s'y tenir plutôt que d'avoir recours à l'expédient
de l'accord distinct avec Louis XV. Si ou traite avec la
France, on lui demandera de garder la neutralité dans le
contlit allemand, mais elle exigera du Roi « un engage-
ment réciproque que nous observerons de notre côté et
qu'ils n'exécuteront pas du leur. » D'autre part, des objec-
tions sont à prévoira la Chambre des Communes contre
(1) Newcastle à Haidwicke, 2 janvier 1760. Newcastle Papers, 32901.
(2) Hardwicke à Newcastle, 3 janvier 1760. Newcastle Papers, 32901.
(3) En dernier lieu, San Séverine s'était servi de cet(e esprcssion pour
définir l'action du Roi Catholique.
liV' 1,-:-..,
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M
SITUATION CRITIQI E DU HOl DE IMIUSSE. SOI
le maintien des subsides, car « il no s'agira plus que d'une
guerre sur le continent, et pour le déhat vous n'aurez plus
l'argument de la divcu'sion et de l'avantage de pouvoir dé-
tourner de rAméri(|ue les ellorts et l'attention de la
France. » Opposé à un armistice spécial à la lutte navale,
Hardwicke ne verrait aucun inconvénient à une suspen-
sion générale des hostilités pendant la réunion du con-
grès, mais il doute fort que les gouvernemenls de Vienne
et de Versailles et surtout le premier, consentent il une
entente de cette nature.
Peu à peu, les avis des cabinets européens vinrent atté-
nuer l'intransigeance de la cour de Saint-James. Ce fut
d'abord la réponse russe qui détruisit les espérances dont
on s'était leurré sur la possibilité d'un accommodement
avec la puissance du Nord. Puis se succédèrent de tous
côtés des renseignements alarmants sur la situation pré-
caire du roi de Prusse, l'épuisement de ses ressources et
la difficulté qu'il éprouverait à se soutenir pendant la
nouvelle année contre les armées des deux Impératrices.
En particulier, une lettre de Ferdinand à Pitt (1) avait
causé la plus mauvaise impression ; « La confiance que
je mets en vous, Monsieur, m'engage à m'ouvrir à V. E.
sans réserve sur les affaires de ce prince L'armée du
roi de Prusse est fondue jusqu'à la moitié de ce qu'elle
étoit au commencement de la campagne ; je doute avec
raison qu'il puisse parvenir à recruter ses régiments et
à faire toutes les réparations avant la campagne prochaine.
Si r.\utriche ne lui rend ni les officiers ni les soldats pris
à Mexan et k Meissen, comme il y a toute apparence qu'elle
ne le fera pas, cela produira une diminution trop grande
dans son armée pour n'influer pas sur le tout, (^e qui plus
est, les ennemis restant maîtres de Dresde pourront ouvrir
la campagne, quand ils voudront, cette ville leur servant
(1) Ferdinand à Pitt (most secret and privnte), Marburg, 11 janvier 17C0.
Chatham Papeis. Record Ofdce.
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bo:>.
L\ (;i:kriu: m: sept ans. — ciiap. ix.
d^' [diicc <r<iriiM's et d'appui. Si los Itusscs rcp.iroissont
alors cil nn'iiie toinps. je ne suis ce (pii en ai'rivcra, mais il
me paroit évident <jne S. .M. doit perdi-e du t(;rrain. Cela
influera infiniment sui* nous autres ici le sais (|ue
vous ne pouvez regarder, Moiisi(;ur, d'un môme [)oint de
vue l'Angleterre et l'Allemagne. Mais i! y a ce[)endant des
intéri^ts communs Si l'on peuf faire la paix avec la
l*'rance avant l'ouverture de la campagne, je suis persuadé
<|ue l'Aulriclic; plit^ra, si non, l'état des all'aires en Alle-
magne sera le plus critique du monde Mais comme
j'ignore si les inténHsde l Angleterre n'exigent pas de con-
tinuer la guerre avec la Trance, il seroit A souhaiter (ju'on
put l'aire une diversion à la maison d'Autriche, sans(|uoi
il sera d'une impossibilité absolue, je ne dis pas de con-
server les avantages qu'on a eus jusqu'à présent de ces
cofés-ci, mais de se soutenir seulement contre toutes ces
grandes puissances liées ensendile. » l^resqiio à la môme
date Mitchell (1) faisait de la situation de la l*russe un rap-
port qui dépassait en pessimisme tout ce qu'il avait écrit :
« Une campagne de dix mois, deux batailles perdues; les
troupes très fatiguées et éprouvées par la longueur des
marches et par la dureté du service; une saison aux ri-
gueurs de laciuellc l'humanité ne pourra plus résister, la
prise de 21 bataillons et k7i escadrons dans les affaires mal-
heureuses de Direcke et 'io Finck! Quand j'énumère toutes
ces considérations, je U'' peux pas m'empccher de faire re-
marquer à votre Seigneurie le peu de vraisendilancc que
cette armée-ci soit en état pour le printemps, et à plus forte
raison que Sa Majesté Prussienne puisse mettre en campa-
gne deux armées pour cette saison; et cependant elles sont
indispensables. Le roi de Prusse fera tout ce qu'un homme
peut faire, mais son pays est épuisé, les moyens d'action
(1) Mitchell à Iloidcrnesse (prirate and very secret), Freyberg, 16 janvier
1700. Mitchell Papers. nritish Muséum.
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l'UKMIKRK ENTUKVIJE UK YOHKE KT I) AM IIV
503
l'ont défaut, ses incillours ofllciers sont tués ou prison-
iiieis, et, je dois l'avouer avec la plus grande anxiété, un
découragement général rè^-nc dans toute l'armée et Sa
Majesté IM'Ussienne est peut-être le seul à ne pas suhir l'in-
(luence fAckunise qui en résulte. » Du sombre tableau qu'il
vient de tracer, Mitcliell tirs; la conclusion suivante :
« D'après les connaissances imparfaites (pie je possède .sur
l'état actuel de l'Europe, j'ajoute qu') si l'Angleterre ne
trouve pas d'ici i\ peu le moyen de détnclier la Krance de
l'alliance et de restreindre ainsi la puissance des Kusses,
la seule occasion de sauver le roi de Prusse aura été, je le
crains, perdue sans remède. » Un langage aussi catégori-
«[ue était de nature à faire rélléchir, d'autant plus qu'il était
corroboré par celui de Frédéric lui-même; ce monarque
avait exposé ( 1 ) à Knyphausen sa position critique et n'avait
pas caché son espoir de voir un accord entre la France et
l'Angleterre préparer les voies pour la paix générale.
Pour résister à l'eflort considérable que les belligérants
annonçaient en Allemagne, il ei\t été nécessaire, non seu-
lement de recruter et d'augmenter les contingents alle-
mands du prince Ferdinand, mais môme d'accroître les
efFcctifs anglais ([ui servaient sous ses ordres. Par mal-
heur, des propositions de ce genre seraient impopulaires,
aussi les chefs du gouvernement, Newcastle tout autant
que Pitt, y étaient-ils opposés; il ne restait donc d'autre
alternative que d'essayer de s'entendre avec le cabinet
de Versailles. Knyphausen était si presse de mettre l'af-
faire en train qu'il s'otl'rit pour aller k La Haye et pour
aider Yorke à entamer les pourparlers. On préféra confier
la besogne au seul représentant de la Grande-Bretagne, et,
en conséquence, lloldernesse (2) invita Yorke à entrer en
contact avec l'ambassadeur français, à lui demander l'ex-
(1) Frédéric à Knypliatisen, Prelzscliendorf, l" janvier 17C0. Correspon-
dance politique, XIX.
(2) lloldernesse à Yorke, 25 janvier 17(!(i. Record Oflice, Hoiland.
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LA r.UEIlKE I)K SKPT ANS. — CIIAP. IX.
|)lication de ses «lliisiotis î\ uiio paix séparée ot à clu'rchei'
ii savoir si la France serait disposée j\ tniiter isolément
avec l'Angleterre et la l'russe, Ku cas de renseignement
conforme à celte liypolliése, YorUe était autorisé îV trms-
nief trc les ouvertures ou suggestions que la coui' de France
jugerait convenable de faire.
Ine indisposition d'AllVy lit retarder l'entrevue des
deux diplomates jusqu'au milieu de février. Très méliants
l'un et l'autre, dans ce premier entretien ils se bornèrent
à rompre la glace. A en croin» le rapport de YorUe (1), le
Français aurait aflirmé que » le seul moyen d'arriver à la
paix serait |_ur leurs deux souverains de terminer leur
«pierelle, sans pour cela abandonner leurs alliés. (Vest
aussi, aurait-il ajouté, le meilleur moyen d'éviter la média-
tion de rKspagne (pie je su[)[»os«' avoir été proposée par
M. d'Abreu. » D'après Alfry, jatnais Yorke ne s'était montré
« aussi prévenant et aussi poli ». Serait-ce le motif qui fait
panser k l'ambassadeur français « qu'on veut nous tendre
un piège et nons faire nue tracasserie avec l'Kspagne dont
on redoute plus que jamais la médiation? » Il va sans dire
(jue les deux interlocuteurs relatèrent ce qui venait de
se passer iV leurs chefs de service, ba réponse de Choi-
seul [i] fut la première qui parvint A La Haye; !e ministre
des atl'aires étrangères justitiait la distinction qu'il voulait
établir entre la guerre confineutale et le conflit maiitime;
pour mettre tin à ce dernier, la France avait accepté l'arbi-
trage de l'Kspagne; « Sa Majesté s'en est rapportée abso-
lument A Sa Majesté Catholicpie sur les conditions de la
paix de mer ot sur la décision des contestations de l'Amé-
ricjue. » Cependant, elle adopterait tout autre procédé de
négociation i\m pourrait convenir à l'Angleterre, sous la
seule réserve de tenir l'Kspagne au courant des pourpar-
(1) Yorkc i\ noltloni'sse et Aflfiy i\ Clioiseiil, 15 ftWrior 17C0. llotoid Oflice
AtVaircs Éliaii^èros.
(2) Choisoul à AHïy, îi ft'vru'r 1700. AtVaiics Klranj^iMos. Hollande.
w
CONVKUSATIONS 0 Al'I-UY AVKC YOKKK ET IIKU-KN.
5(t:>
liM's. Peu (l<^ Icinps iiprt's la réception de cette dépêche. Al-
iVy eut avec llellcii ^l"),et à la requête de celui-ci, une
entrevue au cours de la(|uelle l'envoyé prussien lui dicta
ces mots : « M. de Mellen comnie particidier a dit (piil
croyait pouvoir assurer M. le comte dAH'ry que, si la France
veut faire des propositions il rAni;letcrre où S. M. I*rus-
sienne soit comprise, ou serait prêt k écouter ces pror)osi-
tions. » Le lendemain eut lieu un long entrelien entre Allry
et Yorkc {2) ilans la voiture de celui-ci, sur la route de
llyswick; le Krnn(;ais commença par lui lire la lettre de
(-hoiseul; puis on causa de la séparation des deux querel-
les, de rinicrvention espagnole, sur les phases de laquelle
Yorke n'était pas renseigné, enlin des liens de rallifuice
autrichienne qui entravaient la liberté d'action ur '•<
Krance, Cette l'ois, les discours de ses collègues anglais et
prussien avaient convaincu All'ry de la sincérité des senti-
ments paciii({ues de leurs gouvernements : « Tout com-
biné me persuade ([ue le roi d'Angleterre désire vivement
la paix et (]ue le roi de Prusse en a le plus grand besoin ».
be diagnostic était parfaitement exact.
Il est pres»|U(> superllu de le rappeler, l'idée d'un traité
de paix distinct entre la Krance et rAiiglelerre était un
souci continuel pour la cour de Vienne, be seul moyeu d'a-
paiser les spupc'ons toujours en éveil de l'bnpératrice-
Ueine et de son chancelier était de leur communi<pu>r
tout ce (pli avait trait jV la (piestion. Pour obéir à c<'lte
règle, le comte de C.hoiseul avait mis sous les yeux de
Kaunity. [W) les conditions préliminaires préparées par la
Friince pour son médiateur, Sa Majesté Catholiipu'. Kaunitz
n'avait pas dissinudé sou |)eu de goût pom* un document de?
cette nature : « Savez-vous, avait-il dit îi landiassadeur,
ce qui m'en déplaît le plus? C'est l'article 1 1 et le t(m (pii
ni 1
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(1) Affry A Clioiscul, i mars iTCiO. Afl'airi's Klrangi'iTs.
(2) Yorke h Nr.vcasUi', i mais 1700. Iti'iord Ot'lict'. llollandc.
1,3) Conilc de Cboiseiil au Duc, 26 janvier 17(10. AlTaiios Kliaiincres.
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50G
LA GUERRE DE SEPT ANS. - ClIAP. I.\.
règne dans tout cet écrit; il semble que vous vouliez faire
entendre aux Anglais qu'après votre réconciliation, vous
vous unirez avec eux pour faire la loi à vos alliés respec-
tifs et les forcer à la paix. » C'était bien en effet la pensée
du ministre de Louis W, mais elle n'était guère avoua-
ble. En vain, le comte de Choiseul chercha-t-il à atté-
nuer l'importance du malencontreux article qu'il regar-
dait « comme un compliment que nous faisons au genre
humain » ; en vain renouvela-t-il ses elforts auprès de
Marie-Thérèse. Il est obligé de reconnaître qu'il a parlé
« sans avoir rien gagné sur son esprit et sans que n^^s
malheurs, dont je la crois véritablement touchée, Iv
fassent abandonner une ligne de ses prétentions. » Et
cependant l'ambassadeur avait bien précisé les positions
de chacun des souverains : « Le Roi, avait-il dit, est en
perte d'une partie de ses colonies et celles qui lui restent
sont en grand danger. Votre Majesté, au contraire, ne
craint rien pour ses possessions; elle joue, comme on
dit, sur le velours, et tout le risque qu'elle court est
de gagner plus ou moins. »
Le résultat de cet échange de vues fut l'envoi à Versail-
les d'un mémoire rédigé par Kaunitz (1), sous le titre de
« Réflexions impartiales sur l'état des circonstances présen-
tes ». Le chancelier y développe sa thèse favorite de la
nécessité de poursuivre l'abaissement de la Prusse et dé-
montre, à sa satisfaction, la menace que constituait pour la
France l'agrandissement du pouvoir de Frédéric ; il ne dis-
simule pas son désir de faire échouer le congrès. Pour Its
négociations auxquelles on ne pouvait se dérober, il envi-
sage deux solutions : <( Ou le refus absolu de traiter sé-
parément et autrement que de la paix générale, ou bien
un contre-projet de préliminaires et le consentement de
l'Angleterre à traiter séparément de sa paix particulière
(1) Mémoire de Kaunitz adressé à Clioiseul, 30 janvier 1760. Archives de
Vienne.
•V-îsi-i_
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MEMOIRE Dli KaUMTZ SUR LA SITUATION.
507
avec la Franco, mais sous la rôserve sine (pin non du main-
tien du roi de Prusse. » bans la première hypothèse, il
conviendrait de traîner les ail'aires en longueur. « Dans la
seconde, le Roy Très Chrétien doit naturellement être en-
gagé pour la considération de son propre intérêt et la na-
ture de ses engagements avec ses alliés à se refuser pure-
ment et simplement à la proposition de l'Angleterre... Et
enfin s'il arrivait, ce qui néanmoins n'est nullement vrai-
semblable, que l'Angleterre se prêtAt à conclure purement
et simplement avec la France sur le pied du projet d'arti-
cles préliminaires actuellement entre les mains du Roy
Catholique », on demanderait au Roi Très Chrétien « qu'il
contribuât par la voie des négociations à leur (à ses alliés)
faire gagner du temps au congrès, et que sous main en
même temps par tous les moyens qui pourront dépendre
de lui, il contribuAt à les mettre en état de pouvoir soute-
nir et pousser la guerre avec la plus grande vigueur. »
Il fallut donner satisfaction aux exigences de la cour
de Vienne en faisant disparaître des conditions prélimi-
naires l'article incriminé, d'après lequel l'Angleterre
resterait libre de continuer ses subsides au roi de Prusse,
concession dont Kaunitz avait signalé la contradiction avec
les dispositions du dernier traité d'alliance entre la France
et l'Autriche. « Le Roi, écrivait Choiseul (1), en voulant évi-
ter tout ce qui pourrait occasionner le plus léger soupçon
contre l'uniformité de ses sentiments et ceux de l'Impéra-
trice-Reine, promet à Sa Majesté Impériale de retrancher
l'article 11. » On ajoutait que « le? engagements de Sa
Majesté avec Sa Majesté Impériale ne seraient point affai-
blis par la cessation des hostilités contre l'Angleterre » ;
on laissait même espérer que l'on entrerait « dans la
voie d'augmentation des subsides » qui seraient portés
à quinze millions (2) de livres par an, dont huit à
(1) Réponse à la noie du 30 janvier, ir» février 1760. Affaires Ktrangùres.
(2) Duc de Choiseul au Comte, 15 février 17Co. Affaires Ktran^ères.
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508
LA GUERRE DE SEPT ANS. - CIIAI». I.\.
Si
titre de subvention annuelle et sept à compte sui* l'améré.
Kvi présence d'un allié aussi chatouilleux, il était bon
de surveiller de près son jeu; Choiseul dut se le dire à
propos de la correspondance d'All'ry. Dans un esprit de
loyauté qui dans la circonstance ne manquait pas d'habi-
leté, le ministre de Louis XV avait lait mettre sous les yeux
du chancelier les lettres dej La Haye et les répliques du
département. En ell'et Kaunitz se montra très content de la
communication, mais il ne put s'empêcher (1) de suspecter
la prose et encore plus les agissements d'AlTry vis-à-vis de
ses collègues anglais et prussien : « La manière dont cette
conversation s'est engagée avait quelque chose de roma-
nesque qui n'avait pas bon air. »
Du côté de l'Espagne, ou ne se heurta pas à des dif-
ficultés du même genre. Quand Choiseul fit soumettre à
Madrid son projet de réponse à la déclaration de La Haye,
le paragraphe relatif à la médiation souleva chez Wall
des objections qu'il fit appuyer par son maitre. H y eut
à ce sujet un entretien (a^i entre Ossun et le ministre : « Ce
dernier demanda, au nom de Sa iMajesté Catholique, la
suppression du paragraphe où il était question de la mé-
diation espagnole et des obstacles qu'elle rencontrait de la
part du cabinet de Saint-James; » il affirma la sincérité
des motifs qui avaient inspiré la démarche de l'Angleterre ;
celle-ci, très inquièle du sort du roi de Prusse, ferait de
grands sacrifices pour le sauver. Comme Ossun exprimait
ses doutes sur le désintéressement britannique et citait le
langage de Yorke rapporté par Alt'ry comme indiquant
« assez clairement que les Anglais abandonneraient le roi
de Prusse », Wall de répliquer : « Oh! dès le moment que
vous pensez ainsi, je n'ai plus rien à vous dire. » Du mi-
nistre, Ossun en appela au roi Carlos, qu'il trouva du
(1) Comte (le Choiseul au Duc, '2i mars 1760. Aflaires Etrangères.
(2) Ossun à Choiseul, 5 mars 1760. Afl^ires Étrangères.
y ^.
ENTRETIEN D'OSSLN AVEC WALL ET AVEC CARLOS.
:>09
même avis, quoique plein de sympathie pour la cause
française. « Nos intérêts sont intimement lies; les Anglais
me croient partial ; ils ont raison dans le fond, mais ils ont
tort dans la forme, puisque je ne leur ai pas encore donné
yujet de le présumer. » Ossun défendit le passage incriminé
du texte de Choiseul et finit par déterminer le Roi à s'en
rapporter à la décision de son cousin Louis XV. Vers la fin
de l'audience, la reine qui était, ne l'oublions pas, prin-
cesse de Saxe et sœur de la dauphine, entra chez le Hoi
et se mêla à la conversation. On parla de presser le départ
de Fuentes, désigné pour remplacer Abreu à Londres, et
de le charger d'obtenir de la cour de Saint-James une ré-
ponse catégorique sur l'article de la médiation. Puis on
en vint aux procédés de la marine anglaise et aux plaintes
de TEspagne; Carlos tint un propos suggestif : « Les an-
ciens griefs qui ont eu lieu sous le règne du roi mon frère
peuvent se tolérer et se dissimuler, mais il n'en est pas de
même de ceux qui se passeront sous mon règne. » Wall,
qui avait déjà écrit à Paris (1) pour demander qu'il ne fi\t
pas fait mention de l'intervention de sa cour, fut obligé
d'ajouter au courrier un second billet contenant les ins-
tructions rectifiées.
Comme on aurait pu le deviner, (Choiseul, dont la tac-
tique consistait à compromettre le plus possible la monar-
chie espagnole, profita de la latitude qu'on lui laissait
pour faire maintenir par le Conseil du Roi {'2) le paragraphe
critiqué, sous prétexte que les cours alliées en avaient déjà
connaissance, et que sa disparition ferait le plus mauvais
elfet. Le gouvernement français avait également consulté
Sa Majesté Catholique sur la suite à donner aux ouver-
tures de Yorke et sur la manière do conduire l'alfaire.
Sur ce point, le Roi et Wall (3) furent d'accord pour en-
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(1) Wall à Massones, 3 et !> mars 17(10 (Copies). Affaires Élranfît-re?
(2) Ciioiseul à Ossun, 19 mars 1760. Affaires Étrangères.
(3) Ossun à Choiseul, 21 mars 17C0. Affaires Étrangères.
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LA GUKURE DE SEPT ANS. — CHAP. IX.
iii,
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I! ' !,
1 .
courapcr Choiscul h continuer des essais de rapprochement
dont ils ne seraient aucunement jaloux. Wall, qui venait
de recevoir communication des conditions préliminaires
de la paix maritime rédigées à Paris et revisées comme on
l'a vu à Vienne, s'oii'rit même à les faire remettre à Pitt
par l'intermédiaire du Napolitain San Severino décidé-
ment mieux en cour que son collègue Abreu , mais le roi
Carlos estima que « les procédés de l'Ang-leterre étaient
trop désobligeants » pour autoriser pareille démarche.
Fermons cette parenthèse nécessaire et revenons à nos
négociateurs de La Haye. Peu de jours après l'entrevue sur
la route de Uyswick, il en parut un nouveau sous la forme
inattendue de l'aventurier Saint-Germain. Ce personnage
avait débarqué à La Haye où il avait reçu le meilleur ac-
cueil; il rendit visite à Yorke et eut avec ce diplomate un
long entretien (1) dont le résultai fut d'embrouiller des
pourparlers déjà fort délicats. Saint-Germain débuta par
des généralités sur le désir de la paix qui se manifestait
en France, sur ses sympathies pour l'Angleterre et la
l^russe et son espoir de contril)uer à l'entente avec ces
puissances, puis il produisit en guise de pouvoirs deux let-
tres de Belleisle du mois de février et un passeport en
blanc que le maréchal lui avait expédié. Interrogé sur le
but do la mission que semblaient indiquer ces pièces,
Saint-Germain décrivit ce qui était, d'après lui, l'état des
esprits : « Le Roi, le dauphin. M™" de Pompadour, toute
la cour et la nation, à l'exception du duc de Choiscul et
de M. lierryer, étaient en faveur de la paix avec l'Angle-
terre. Ils ne peuvent pas faire autrement, car la situation
intérieure l'exige ; ils désirent connaître les sentiments
réels de l'Angleterre avec laquelle ils seraient heureux de
se réconcilier dans des conditions qui sauvegarderaient
l'honneur. M. d'Alfry n'est pas dans le secret et le duc de
Choiscul est si autrichien qu'il ne raconte pas tous les avis
(1) Yorlte à Hoidernesso, 14 mars 17G0. Record Oflice.
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SAINT-GERMAIN SE MI.LE A LA NÉGOCIATION DE LA HAYE. .Ml
qu'il l'cçoit; mais cela n'a pas d'iiuportanco, car il sera
disgracié. M'"" de Pompadour n'est pas autrichienne, mais
n'est pas encore sûre elle le deviendra si la paix est
assurée. C'est elle et le maréchal Belloisie qui avec la con-
naissance du roi de France ont envoyé lui, Saint-(Jer-
main, en enfant perdu. On n'a aucune confiance dans l'Fs-
pagne. » YorUe laissa causer son v'siteur et se contenta de
lui confirmer les intentions pacifiques du roi George et sa
résolution ferme de ne pas se séparer de la Prusse. Dans
le feu de la conversation, Saint-Germain, à une question
de son interlocuteur sur les pertes coloniales qui étaient
les plus sensibles à la France, fit des réponses singu-
lières. i< Était-ce le Canada? Non, ce pays leur avait coûté
36 millions sans rien rapporter. La Guadeloupe? Jamais
on ne renoncerait à la paix pour cette ile; on avait bien
assez de sucre sans elle. Les Indes orientales? Voilà le
point sensible, car cette possession était liée à toute leur
finance. Que dites-vous de Dunkerque? On ne ferait au-
cune difficulté d'en détruire les fortifications; je pouvais
compter là-dessus. » Saint-Germain à son tour voulut in-
terroger sur iMinorque, et Yorke, en diplomate avisé, de
lui répliquer : « Nous l'avons oubliée ou tout au moins
personne n'en parle. » <( Je le lear ai dit bien des fois,
s'écrie Saint-Germain, ils sont embarrassés de la dépense
de l'île. »
Tout en faisant des réserves sur le caractère du mes-
sager, Yorke crut à l'authenticité du message. Lui et le
cabinet anglais, sur son rappon, attachèrent une impor-
tance exagérée aux appréciations de Saint-Germain sur
le compte de Choiseul, qu'on se figura (1) comme inféodé
à la c.oiw de Vienne et hostile à toute idée de paix. In-
fluences par cette conviction, les ministres anglais et Fré-
if
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Il II
(1) Newcastle à Yorke, 25 mars 17G0. Yorke à Ilolderne; je, 28 mars 1700.
Newcaslle Papers, 32904.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAIV IX.
1*
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déric lui-même prirent au sérieux le plénipotentiaire ama-
teur et voulurent lui réserver un rôle dans la suite des
pourparlers. Choiseul, mis au courant des inti'iguesdeSaint-
(iermain par une lettre que ce dernier avait adressée à
M"" de Pompadour, se montra à bon droit furieux de l'in-
cursion faite si mal à propos sur son domaine : « C'est
un aventurier du premier ordre, écrit-il à Affry (1), qui,
de plus, par ce que j'en ai vu, est fort hôte... Vous avez
ordre de le prévenir que si j'apprends que de près ou
de loin, en petit ou en grand, il s'avise de se mô]3r de
politique, jo l'assure que j'obtiendrai l'ordre du Roi
pour qu'à sa rentrée en France il soit mis le reste de ses
jours dans im cul de basse-fosse. » Une demande d'ex-
tradition qui intervint trois semaines plus tard fit dispa-
raître le négociateur improvisé et mit fin à la mission
qu'il s'était attribuée. Saint-Germain fut obligé de quitter
la Hollande et de se réfugier en Angleterre , puis en Al-
lemagne.
Nous avons relaté plus haut les conférences qu'Ati'ry
avait eues au commencement de mars avec Ilellen et Yorke ;
elles furent suivies d'un rendez-vous qu' Affry donna à
celui-ci (2), cette fois dans le bois de La Haye. Il lui fit
part des dernières instructions venues de Paris : Choiseul
avait reconnu qu'il était impossible d'exclure du traité de
paix le roi George en sa capacité d'Électeur, et ses alliés
le duc de Brunswick et le landgrave de Hesse Cassel. Quant
au roi de Prusse, le cabinet de Versailles serait très heu-
reux, une fois l'arrangement avec l'Angleterre conclu, de
travailler à un accord entre ce prince et l'Impératrice, mais
n'étant pas en guerre avec lui, il n'était guère possible de le
comprendre dans le traité spécial avec l'Angleterre. Yorke
répéta au Français ce qu'il lui avait déjà dit , que l'Anglc-
(1) ClioisiHil à All'ry, 19 mars 1760. Affaires Étrangères, Hollande.
(2) Yorke à Holilernesse, 21 mars 1760. Record Office, Hollande.
if m 1 '
^1'
L'AN{;Li:Ti:imE iNsisrii suu la i'auticii'ation dk la puisse, r.is
terre iio tniitcrait [)as .sans ses alliés et spéciulenient sans
le roi (le l*russc; il alfirma à nouveau le désir sincère de
sa cour de l'établir la paix et dé[)lora (jue celle de France
ne voulût pas s'exi)li(]uer d'une façon plus claire sur les
moyens d'obtenir la pacilicalion. générale; il ne voyait
d'ailleurs aucune objection à mettre le roi d'Kspag-ne au
courant des détails de la négociation. Là-dessus, All'ry lut
un extrait d'une lettre de Choiseul, où celui-ci parlait de
l'envoi à Londres d'une personne de confiance «pii serait
accréditée auprès des ministres britanniijues et chargée de
débattre avec eux les affaires d'Amérique en vue dune en-
tente satisfaisante pour les deux parties. Il s'agissait de sa-
voir, par l'intermédiaire de Vorke, si l'idée dn la mission
serait agj'éée en haut lieu; dans l'allirniative, l'agent se-
cret pourrait accompagner Fuenlès, le nouvel ambassa-
deur espagnol, qui allait se rendre incessanunent à Lon-
dres. Pour ces délicates fonctions, Choiseul avait jeté les
yeux su'l un de ses amis nommé O'Dunn, ne il est vrai sujet
britannique, mais qui n'avait été mêlé à aucun complot
contre le roi d'Angleterre. Toute celte communication
n'était pas ministérielle et était supposée émaner de l'ini-
tiative propre d'All'ry. La réponse de Vorke fut sur le
même ton, mais il prit soin d'informer son collègue Inin-
çais que O'Dunn ou Dunn, pour lui restituer son vrai nom.
passait pour être à Paris l'agent du Prétendant et ne sau-
rait être accepté par les ministres du roi George. Yorke
résume son récit en disant qu' «> AH'ry avait avoué assez
franchement que son gouvernement était très endjarrassé
sur la conduite à tenir pour sortir de la situation où il se
trouvait. »
Le rapport de Yorke se croisa avec une dépêche de llol-
derncsse (1) contcûant les instructions précises que le
cabinet de Saint-James se décidait enfin à donner à son
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(1) Iloldeinesso à YoiKp, :>1 mais ITGO. Rccoid Office, Ilollaiid.
iiiEnni: de mcpt ans. — t. m. .33
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LA (lUKHHK l»K SKl'T ANS. CIIAI». I\.
repiTsentunt : « 1/Anylcterre était prête à s'ouvrir sur les
conditions de la paix, si la France voulait désigner un né-
gociateur avec pouvoirs nécessaires, sous la réserve cons-
tante (ju'il serait expliqué et entendu, au cas où les deux
couronnes se mettraient d'accord sur les clauses de leur
paix, que la cour de France accueillerait, d'une l'acon for-
melle et confidentielle, la participation à, raccommode-
ment à l'aire des alliés de Sa Majesté et nommément du
loi de iMusse. Inutile d'ajouter (jue rAngleterre ne vou-
(li'ait même pas écouter des pourparlers pacifiques dans
les(]uels Sa iMajesté ne sernil pas comprise à son titre d'É-
lecteur. » Celte instruction avait été rédigée de concert
avec les ministres prussiens et t\ la suite d'une note (1) oiî
« ils déclaraient au nom de leur maître consentir à une
négociation séparée entre le roi d'Angleterre et la cour
de France îl la condition que le roi leur maître serait com-
j)ris dans la paix distincte à conclure avec la France. Toute
autr<! solution serait considérée comme une contravention
au traité existant entre Sa iMajesté et le roi de Prusse. Ils
sont fermement persuadés, d'après le langage tenu par
M. d'Aiïry à M. de Ilellen, et en particulier d'après l'expres-
sion : « Vous y trouverez votre compte », que la cour de
France l'entend ainsi, et ils proposent que M. Yorkc soit
autorisé à continuer les pourparlers avec M. d'Affry de la
manière qu'on jugera être la plus convenable. Bien en-
tendu que la base de toutes ces démarclu^s sera toujours
fondée sur ce principe, que le roi de Prusse doit être com-
pris dans la négociation dont il est question. »
Dans une lettre subséquente, écrite après réception
des derniers avis de La Haye (2), Iloldernesse prenait acte
de la concession faite au sujet de l'Électorat et des alliés
allemands du roi George, acceptait la mission secrète à
(1) Noie remise par Knyphausen, 13 mars 1760. Newcasile Papers, Jf.iOOS.
(2) Holdernesse à Yorke, 28 mars 1700. Record Oftice. Ilolland.
!i.< . ' r.
HlKDKmc PllKNI) PAKT A LA NKdOCIATIO.M.
51 !l
Lontlrcs, affirmai! A nouveau que le monarque an^l-iis ne
consentirait i\ aucun airan,i;emenl au(|ucl le mi do l'i'usse
ne participerait pas, et répétait, à cet ell'et <'t dans les
uiémes termes, les réserves déjà l'oruuilées. I,c contenu
d'un billet particulier qui accompagna la dépêche offi-
cielle nous apprend (jue la cour de Londres se défiait de
Choiseul, qu'elle le soupçonnait de travailler contre la
paix en désignant pour le voyage de Londres un person-
nage inacceptable et en dillérant son départ sous prétexte
d'attendre celui de Kuentès. Si le ministre de Louis XV
avait autorisé les déclarations conciliantes d'All'ry, c'est
qu'il n'avait dû céder au courant pacilicpie et (pi'il tenait
avant tout à avoir voix au chapitre, soit pour diriger, soit
pour entraver la négociation. Toutefois, malgré la mau-
vaise opinion qu'il avait des sentiments réels de (îlioiscnl,
le Roi ne voulait pas décourager les ouveiturcs faites par
Ail'ry et accueillerait volontiers tout envoyé français,
pourvu que ce ne fût [)iis un de ses sujets et surtout M. Ihuin
« qui serait absolument impropre à une besogne de ce
genre et très mal vu à la cour. »
Dans les conversalions de La Haye, le cabinet anglais et
son représentant Yorke avaient eu et eurent jusqu'A la fin
un rôle prépondérant. Cependant on peut s'imaginer, d'a-
pn'^s ce que l'on sait de l'esprit remuant de Frédéric, que ce
[)rince n'était pas resté étranger A une campagne dipl.)-
mati([ue dont il avait été le promoteur et dont sa situation
presque désespérée avait été la cause initiale. Au début,
très sincèrement désireux de mettre fin à la guerre, nous
le voyons modilierson attitude selon rim[)ression du mo-
ment et donner à ses ministres de Londres des instruc-
tions qui, sans être absolument contradictoires, dill'èrent
sensiblement A quelques jours de distance. Frédéric, tout
d'abord, s'inquiète du silence prolongé des belligérants et
s'émeut des bruits qui circulent sur leurs intentions et qui
lui parviennent de toutes les capitales d'Europe; en atten-
i
6M)
LA (U;EU«E de sept ans. — CIIAP. IX.
I ifi
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daiit niioiix, il enjoint à Kiiypliiuisen (1) de siiuvog-ardoi-
ses intérêts en cas de [jourpaiiers et à Ilellcn de surveiller
|ev entrevues (|ue Yorke doit avoir avec AllVy. Il étudie
les conditions de lu [laix (2), découvre pour l'Autriclie une
compensation en Haviérc en échange de la Silésie, croit
yagiier les houues grAces de la Uussic en ollVant au roi de
Pologne, en guise de dédoniuiageiuent, la ville et le terri-
toire d'Krfurt <[ui appartenaient à IKlecteur de Maycnce,
car de son propres domaine il ne consent pas à céder un
pouce.
In peu plus tard, il lait l'inventaire (3) de ses ressources
et le calcul des cU'ectils ennemis au.\(|uels il aura à tenir
tète. Cet e.xamen l'aniéne à se prononcer pour un arran-
gement avec la France : les cours de Vienne et de Péters-
hourg « se roidissent orgueilleusement contre toute p
lication et déclinent le congrès; elles nous tracent [ti
le chemin que nous devons suivre et nous indiquent que
c'est au.v Français que nous devons nous attacher Lîi
résolution prise par les ministres anglais, d'ordonner au
général Yorke de s'expli(|iicr dune façon certaine avec le
comte d'Ad'ry, est très sensée et bien pensée, pour enten-
dre au moins ce que ces gens diront, » Mais l'aflaire ne
marche pas assez vite au gré de l'impatient monarque :
(( l.es Anglais {k) biaisent avec leur négociation, de sorte
que, quoique la France marque assez d'inclination à l'aire
la paix, elle ne trouvera personne pour l'écouter, » Il se
décide à prendre la direction de l'ailaire; déjà il avait or-
donné à Uellen de se mettre en rapports avec Alfry, mais
(1) l'n'déiic à Knypliauscn, 12 et l'i janvier 17G0. Cdnesjiondancc poli-
t'nimu MX.
(2) rieileric à Knyphau.sen, 20 et 23 janvier 17C0. Correspondance j)oli-
tU/KC, .XIX.
(3) rréiiérie, à Knyitiiausen, i février 17C0. Correspondance politique,
XIX.
(4) Frédéric à Knypiiansen, IG lévrier 17G0. Correspondance politique,
XIX.
''iU
MISSION SEtniTK D i:i»K[,SIIEIM A VKUSAILI.ES.
517
cela ne lui suffit pas et il va s'adresser A Choiseul avec le-
(jucl il ('.Uni <léj)ï en commerce épistolaire.
Malgré les démêlés célèbres rjui suivirent le dé[)art do "^\
Voltaire de l'olsdatn, Frédéric n'avait cessé de corres-
pondre avec celui ([u'il considéi-ait coninie son inalire dans
le royaume des lettres; il le consultait sur ses poésies et
recevait de lui des épUres où des allusions aux événements
contcm[»orains se mêlaient jV la criti(|ue ou à reloue «les
œuvres royales. Kn dernier lieu (1), l'illustre écrivain (pii
avait toujours ambitionné un rAle diplomalicpic, avait servi
d'intermédiaire, de« bureau d'adresse » comme il le disait,
iV un éciian^e <le lettres entre (llioiseul et le roi de Prusse.
De part et d'autre, les billets avaient pour destinataire
Voltaire, mais grAce à une indiscrétion tacitement auto-
risée, leur contenu ou du moins de^ extraits importants
étaient communiqués aux deux intéressés. A en juger par
les spécimens (pii fif.;iirent dans une publication (2) récente,
les élucubrations du ministre et du Koi ont un caractère
trop mar(pié de polémique personnelle pour mériter le
titre d'ouvertures pacifiques. Dans ce duel épistolairc,
c'est à qui décocbera A son adversaire le trait le plus
envenimé. Frédéric affectait de ne pas prendre Cboiseul
au sérieux, et celui-ci, piqué au vif, répliquait (3) par des
vantardises : « Mandez-lui que malgré nos échecs et d'a-
près les siens, le Koi pourra perdre pour un temps .ses
possessions d'Amérique, mais qu'il est encore le nuiltre
d'anéantir, s'il le voulait, la puissance prussienne. » Par-
fois, la réponse ('i.) était injurieuse : « Luc (5) sans géné-
raux, sans vertus, sans conduite, cédera tôt ou tai'd à la
\
(1) Mémoires doVoltaiie, Œuvres complètes dr Vollaiie, vol. LXX. Paris,
1789.
(2) CaliiiftUes, Clinisenl et Voltaire, Paris, 190:>.
(3) Clioiseul à Vollaiie, 20 décembre 1759. Calinntles.
(4) Choiseul à Voltaire, li janvier 17fiO. Oaliiiclti's.
(5) Nom de guerre dont se servait Voltaire i)our désigner le Roi.
i|[i:
r.iH
LA ClIKHIII'; l)K SVA'Ï ANS. ClIAP. IX
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loqui' l)énil<'(l) et quand cola sora fait, (|ui le rol»*vera?....
Il faut <|Uo liUc soit fol i\ uu'llrc auv petites maisons de
Vienne s'il ne l'ail |)as l'inipos^^ihle pour engager l'Angle-
terre à faire la paix cet hiver. •
A côté (ré|>igraiinnies plus ou moins spirituels, les billots
iU\ C.lioiseul coutenai(Mit, il faut, le reconnalli-e, des oltser-
vatious foi't sensées sur le désinléressenieut de la Krance
H sou désir d»* traiter : <( Kntin, mou cher solitaire (2),
nous ne voulons point d'avantages pour nous, ci nous con-
venons (pie h>s battus doivent, payer l'anieude. ,1e doute
(|ue nos ennemis aient des principes aussi modérés; s'ils
etaicnl de bonne foi, ils protiteraient de notre volonté
pacilicpie; la route est in<li(puHi; je suis très convaincu
que le roi do l'russe en connaît huite l'étendue; c'est A lui
i'i la faire siiivre si <dle lui conviiMit. » be Ion b('aucou[)
plus pondéré du ministre IVancais coïiu'idait avec nue
démarche cpie Frédéric s'était décidé A faire auprès du
cabinet de V(>rsailics à peu piès au moment de la lettre
adressée au solitaire de Kerney.
Kn dehors de la correspoiulance (pi'il entretenait avec
Voltaire, le Iloi avait occasion de se renseigner sur l'état
de l'opinion en France par le canal de la duchesse de
Saxe-(iotha, so>ur de la ])rincesse de dalles. Il crut le mo-
ment venu d'euvoyer un émissaire à Paris et demanda
A la duchesse de lui i:uli(pier un i)ersonnage d(> couliauce.
!,e plan fut vite con^bin;' et le messager choisi en la
personne du baron d'Fdj'lsheim, attaché i\ la cour d(Hiotha.
(lonune intermédiaire aupi'ès de Louis XV et de son minis-
tre, Frédé'ric s'adressa au bailli dc^Froullay, représeulant île
l'ordre de Malte à la cour de V(>rsaillcs.a\ec leipu^l il avait
eu des relations amicales; dans l'hypothèse où Froullay m^
voudrait pas se charger de la couimissiou, Kdelshcim de-
(II Allusion à l'envoi (J'inic to(|uo cl (riiiic t';i(''(' liénilcs doiil le l'apo Clé-
lui'iil XIII iivaiL l'ail iloii à Daim après la victoin- tl lloclikircli.
(2) Choiscul il Vollaiifl, 13 mars iTc.o. Culniellt's.
KMIlKVtlK DU HAII.LI I>K IT.OI LLAY AVKC ( lltMSKI't,
.-.Ht
vail so |)iTsonl(M' à C.lioistMil. La Ictli-c <jiic lo Uoi ««crivit (1)
iiii bailli (Hait aussi nrflc dans le fond <ju'liîil»il(> dans la
forme : « .l'on viens au l'ail sansantn^ paralouisino. Ils'at;it
donc de savoir si on a che/, vous le désir sincère «le i-éta-
Idir la paix (|u'on vous su|i|K)se; et en ec cas, je vous pro-
pose U) moyen le plus in\v, \o plus (îrileaee, et le plus avan-
lat;eu\ d'y parvenii". I^a France peut se tirer en lionnenr
de la situation l'Acheuse où elle se trouve, si elle vent une
paix séparée av(H' nous, l'Anyleterre et nos alliés. Si la
Krauc(^ constMit à mainlenir l'écpiililire {\o rAllema^ne (>t
à obliger ses alliés d'y souscrire, en Taisant caus«> commune
avec l'Ani^leterrr, «dh; pourra s'allendi-e d'ohienir des «-on-
ditious heiiucoup plus favorables «prelle n'en pourra a voir
eu tout aulr(> cas. .le vous prie d(> savoir si ces idées pour'-
l'oient li'ouver faveur dans le pays (»ù vous vivez, et ipielle
est la façon de penser du Iloy <'t de sou ministèi-e. l'our
moy, j(ï fais le volontaire; j(> cours faire le <'oii[) de pisto-
let pou:' savoir ce (pii en résullei'a; car vous cl les Auylois,
vous ave/, envie de parler, et pci-sonne ne veut cire le pre-
mier. Kh bien, nuui cber chevalier, soyons les entans per-
dus <1(^ la polilitpie; Iravaillons j\ laconconbi cl voyous s'il
n'y aiu'a |)as moyen par «pu'hpies traits de plume, de ter-
miner inu\ discorde si funeste iV toute rKuro|)(>. Ces propo-
sitions, A la vérité, sont vii^nes, mais ([u'on s'expliipic;
elles pourront servir <Ie canevas des préliminaires. La
premiéi'c <'bosc ost de se parler, la principale de s'accor-
der, cl la paiv eu sera vue suite ualurcdle. « Min de bien
afIirnuM' sa volonté de luainteuir une (Mitcide parfaite avec
l'Angleterre, Frédéric eut soin de mctti'c Mitchell au cou-
rant du voyage d'Kdelslieim cl d'envoyei" A Knypliansen
copie du billet adressé à Kroidlay avec ordre d'en l'aire
part au cabinet de Saiut-.lames,
\n
!
^
(I) l'i'oiU^iii", .1 l'ioiilliiy, l'ii'ilicin, 17 rcviiiT lT(io. Ncwcasllc Pa|M'rs cl
CorrcsfuiiKltincf pulUitiuv. XIX.
! . 1 '
520
LA CIERRE DE SEPT AXS. - CHAP. IX.
Ml
m-
m
Edelsheim arriva à Paris le 9 mars et lit visite sans re-
tard au bailli; celui-ci accepta le rôle d'intermédiaire et
pour s'en acquitter alla le lendemain à Versailles. Louis XV
lut la lettre de Fr<kléric, lit bon accueil î\ IrcjUay et l'as-
sura de son souhait de voir la pai.x rétablie. Voici en quels
termes (1) le bailli rend compte du langage de Choiseul
dont il obtint une entrevue après l'audience royale : « Le
Koy son maître pensoit que le moyen le plus certain pour
faire la paix générale ctoit de traiter et de conclure sépa-
rément la paix de la France avec l'Angleterre, qu'il n'étoit
pas possible que Votre Majesté ne comprit que cette voye
étoit la plus sûre, comme la plus courte; qu'enfin le Koy
son maître pouvoit, sans manquer à ses alliés, ow recevoir
les propositions de l'Angleterre ou lui en faire. Ce ministre
en est resté là, et en s'interrompant lui-même il m'a dit :
Si le roy de Prusse, comme il vous le paroit, désire la
paix, et (pi'il n'ait pas l'intention de communicjuer la ré-
ponse jV sa lettre aux différentes cours de l'Europe, il peut
prendre la voye d'Angleterre pour parvenir au but qu'il
se propose, et nous lui ferons connoltre la bonne opinion
qu'il doit avoir de notre probité et de notre franchise; car
à la première apparence de réussite de paix avec l'Angle-
terre, autant sommes-nous mesurés à présent, autant nous
avancerons-nous pour conclure un ouvrage si salutaire. »
Au rapport deFrouUay était annexée une note résumant
les points sur lesquels Choiseul avait insisté :
« 1° Si Sa Majesté Prussienne souhaite (]ue l'ouverture
do la campagne prochaine ne se fasse point, il faut qu'il
y ait des préliminaires convenus ou à peu près convenus
avec l'Angleterre avant le mois de juin;
« 2° Dès qu'il y aura une apparence de paix avec l'Angle-
terre, la France fera de son mieux pour conclure le reste;
(i) Froullay il Fri'dt'iir, ir. cl 19 mars 17(10. Newcaslle Papers et Corres-
jioïKlancf poliliqiit', XIX.
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IMPRESSION FAVOKABLK DE FIIÉDEIUC.
521
,^:|
« 3° Le mîillieur des circonstances ne pennet point
que l'on s'explique, actuellement, d'une autre façon, et que
l'on se serve d'une autre voye ;
« V" Dès qu'on verra que Ton se fie un peu à nous,
nous serons moins mesurés que nous le paroissoiis à pré-
sent. »
A ces renseignements quasi officiels le bailli ajoutait ses
propres impressions :
« 5° M. de Choiseiil paroit être fort porté pour nos idées ;
il m'a dit en particulier : « Nous savez bien que ce n'est
pas moi qui ai fait le traité de Vienne; »
« 6" L'on craint qu'on ne fasse un mauvais usage des
ouvertures qu'on pourroit faire, c'est pourquoi l'on n'ose
s'avancer d'avantage;
« 7° Les cours de Russie et de Vienne ont fait le lî) de ce
mois de nouvelles protestations à la France, pour l'enga-
ger iV entrer de bonne heure en campagne, et en abandon-
nant tout à fait la marine, à se dédommager amplement en
Allemagne, ou il paroit que le sort et les forces décideront
cette année en faveur des vœux et des désirs des Impéra-
trices ;
« 8" C'est un motif de plus à engager la France de hAter
la paix avec les partis proposés, parce que son intention
n'est nullement de déranger l'équilibre en Allemagne et
en particulier d'épuiser le roy de Prusse (si l'on peut se
servir de ce terme)...
« ... il" Nous imaginons qu'aucun parti ne gagnera
grand'chose dans cette guerre-ci, A nous-mêmes quoi(|U(!
nous ayons Port-Mahon, nous sentons très bien qu'en
faisant la paix, nous perdrons quelque chose tout comme
les autres. »
L'accueil que Choiseul fit au bailli de Froullay semble
dénoter un véritable désir d'arriver à un accommodement.
D'ailleurs, en s'ellbrcant de faire aboutir les négociations
entamées, il ne faisait que se conformer au sentiment gé-
I n
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LA (lUKUIlE DE SEPT ANS. - CHAP. IX.
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néral de son pnys. Starheniberg le constate (1) et fait part
i\ Kaunitz de ses inquiétudes pour l'avenir; à l'en croire, il
ne faudrait pas avoir confiance dans la cour de Versailles,
et surtout « dans le cas d'ouverture d'un congrès, être sur
ses gardes contre elle et spécialement contre la personne
du duc de Choiseul, » Reconnaissons que l'appréciation
du soupçonneu.v Autrichien aurait été plus sévère s'il eût
été au courant de l'entretien que le ministre avait accordé
à Edelsheim. La mission de l'envoyé secret (i2) échappa à
la perspicacité habituelle de Starhemberg; et cependant
il y avait eu rencontre des deu.v personnages dans des
circonstances assez singulières. Edelsheim, à son passage à
Francfort, s'était procuré une lettre du duc de Brogliequi
lui servit d'introduction auprès de Choiseul. En sortant du
cabinet de celui-ci, il se croisa avec Starhemberg, fut
présenté à ce dernier en sa qualité d'Allemand et, après
échange des courtoisies usuelles, reçut une invitation à dî-
ner que, pressé de repartir pour Berlin, il ne put accepter.
Conformément à sa promesse, Frédéric expédia à Kny-
phauscn, pour l'édilication de la cour de Londres, la lettre
et les notes apportées de Versailles; il ne dissimule pas (3)
la bonne impression qu'elles lui ont produite : « Vous ver-
rez par là que la France est déterminée à faire sa paix avec
l'Angleterre, pour avoir l'occasion par là à ne pas faire
cette campagne. Si le ministère britannique saura convenir
avec la France des préliminaires de paix, je crois l'alfaire
faite et bientôt conclue. Pour sauver les apparences de de-
hors, les Français voudront se stipuler la liberté de donner
en auxiliaires 'iV.OOO hommes à l'Impératrice-Reine, et on
m'assure qu'on trouverait moyen de décliner encore ce
secours, quand il en sera (juestion de l'exécution; de sorte
(1) Slarlictnbei^ à Kaiinitz, 11 mars 1760. Aicliive.s de Vienne.
(!) Sliu'lipmberj; à Kaiinit/, 25 juin i75i». Voir à ce sujet Scliaefl'er, vol. 11
1, |). 480.
(3) Frédéric ùKnypiiausen, 28 mars 1760. Correspondance pclitiqiie, XIX.
■;
(!'
FRÉDÉRIC CONFIE SES INTÉRÊTS Ai: CABINET ANGLAIS
que la pnix avec la France ne dépendra que do la façon
dont les Anglais sauront convenir avec la France, pour ter-
miner leurs querelles de mer. » Knyphausen est invité à
voir Pitt et il lui dire « que pour peu que cette négociation
fût poussée, on en conviendrait (des préliminaires) en peu
de temps... Quant à mon sort, je le remettrais aux mains
de l'Angleterre... je me flattais cependant qu'en convenant
avec la Franco sur les préliminaires de paix avec l'Angle-
terre, on eu conviendrait aussi avec la premii'ire à mon
sujet pour que j'eusse mes sûretés vis-à-vis de la France,
ne dût cela se faire on tout cas que par des articles secrets
des préliminaires. A ce que vous verrez par la lettre du
bailli de Froullay et les éclaircissements joints, il répugne
un peu à la France de négocier et de conclure directement
la paix avec moi, comme principal ennemi de l'Impératrici;
son alliée, à l'égard de laquelle elle voudrait du moins
quelque dehors pour l'apparence, mais bien par l'Angle-
terre. Pour donc n'obvier pas au grand ouvrage salutaire,
je veux bici. passer sur cette formalité et remettre mes in-
térêts à l'Angleterre, étant persuadé que je ne saurais les
mettre dans de meilleures mains, et qu'elle voudra bien
prendre les précautions requises à ce que la France ne
saurait pas nous duper à mon égard. »
Il est à observer que Choiseul laissa écouler quelque
temps avant de donner connaissance au cabinet de Vienne
de la mission d'Edclsheim et de la démarche de FrouUav;
quoique l'entrevue avec le bailli remontât au 10 mars,
ce fut seulement clans une lettre du 25 avril (1) que le
ministre des Affiiires Etrangères envoya à son cousin le
récit de la conversation et la réponse d'ailleurs très cor-
recte du cabinet de Versailles. Au dire du duc, la fermeté
de son langage aurait irrité le roi de Prusse, « car il a écrit
contre moi une lettre pleine d'invectives; mais, ajoute Choi-
i
i
(1) Duc de Choiseul au Comte, 25 avril 1760. Allaiios Étrangères.
m
52 i
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. I.\.
',/a
seul, vous pouvez assurer M. le comte de Kauuitz que les
hauteurs ou douceurs de ce prince, ses invectives ou ses
louanges n'intlueront eu rien sur le système du Uoi qui est
invariable. » Que Kaunitz ait reçu cette communication
avec satisfaction, cela n'est pas surprenant, mais il est per-
mis de se demander si la lettre ofi'ensante de Frôdéric ne
lut pas pour ([uelque chose dans la confidence un peu tar-
dive de Choiscul.
Depuis le retour d'Edelsheim et jusqu'à la fin do mars,
Frédéric travaille activement à faciliter les négociations.
De temps en temps , il est vrai , sa nature défiante re-
prend le dessus : il doute (1) fort que « les Français char-
rient droit » ; le délai pour obtenir la réponse de Fétors-
bourg n'est (2) « qu'une défaite toute pure pour amuser ».
Tantôt la mobilité d'esprit, dont nous avons eu des preu-
ves si fréquentes, pousse le Roi à fournir de l'argent ^3i
pour une tentative de corruption des ministres russes, ou
à intriguer avec le Grand Vizir pour décider la Porte à
prendre part au conflit en envahissant le territoire autri-
chien. Mais ces diversions ne l'empêchent pas, comme l'in-
diquent les instructions envoyées à Knyphausen [ï) après
la mission d'Kdelshcim, de donner son plein assentiment
aux pourparlers de La Haye, et, ce qui était le point es-
sentiel, de laisser au cabinet de Londres toute liberté sur
le mode et le moment de l'admission de la Prusse aux pré-
liminaires de paix.
Peu à pou cette attitude change. La confiance absolue
dans « le digne M. Pitt » a-t-elle été ébranlée? Frédéric
a-t-il eu peur de se voir arracher quelques lambeaux de
ses territoires du Rhin, comme paraissait le suggérer une
(1) Frédéric à llellen, 18 mars 1760. Correspondance poliliq ne, XIX.
(2) Frédéric à Kiij'pliaiisen,20 mars 1760. Correspondance polilique, XIX.
(:J) Frédéric à Knypiiausen, '2'> février 1760. Correspondance politique,
XIX.
(i) Frédéric à Kiiyphsusen, 30 mars 1760. Correspondance pr)litique,\lX.
!
EXIGENCES DE FIIEDEIUC.
525
lettre de Choisoul à Voltaire (1), antérieure, il osl vrai, à
la démarche de FrouUay, et de [»ayer ainsi la rançon des
ac([uisitions coloniales (jue l'Angleterre se serait assurées
dans sa négociation séparée? Toujours est-il que les dépê-
ches qui suivirent celle du 28 mars montrent plus de souci
de n'être pas compris et plus de désir de poser ses condi-
tions pour les négociations qui s'engageront à Londres avec
le plénipotentiaire lran(;ais : « Il faudra, écrit-il [i], qu'il
soit stipulé une parfaite neutralité de la part de la France,
de ne participer en aucune faron à la guerre que les deux
Impératrices sont lésolues de pousser absolument, et que,
d'un autre C(Mé, la (iraiide-Bretagne garde les mains libres
pour maintenir Sa Majesté Britannique et ses alliés en Al-
lemagne dans leurs possessions respectives et m'aider à
me défendre contre les deux Impératrices. >> Au prince
Ferdinand (3), il annonce la conclusion probable de la
paix entre la France et l'Angleterre et exprime l'espoir de
recevoir de l'armée confédérée un renfort de VO.OOO hom-
mes « du côté vers Leipzig pour couvrir mon flanc contre
l'armée de l'Empire. » Nous voilà loin de Tacceptatiou dos
2'i-.000 auxiliaires que la France devra fournir, tout au
moins sur le papier, à rimpéralrice-Reine et des ména-
gements indispensables pour permettre à la cour de Ver-
sailles de sortir des embarras que lui cause l'alliance
autrichienne.
Le 10 avril, la contre -déclaration des puissances est
remise au roi de Prusse par les soins du prince Louis de
Brunswick. « Ou je suis bien trompé, écrit-il au prince (V .
ou cet écrit a été dicté par Kaunitz. Ces gens sont enflés
de leurs succès et ils ne veulent pas la paix. Tous ces délais
ne sont amenés que pour avoir le temps de m'écraser,
(l)FréJéricà Knypliausen, 27 mars 1760. Correspondance polilique, XIX.
(2) Frédéric à Knypliuusoii, 3 avril 17G0. Corresiioiidonce politique. XIX.
(3) Frédéric à Ferdinand, 2 avril \1(>0. Correspondance politique, Xl\.
(i) Frédî'ric à Louis de Brunswick, tO avril 1760. Correspondance poli-
lique. XIX.
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i26
LA GUKRHL' DE SEPT ANS. - CIIAP. I.\.
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mais j'espère qu'ils en seront les dupes. » Dans sa dépôclic
du lendemain à Knyphausen (1), il parle des prétextes
frivoles que prennent le: cabinets pour éluder le congrès
et revient sur la question délicate de la participation de
la Prusse au traité particulier : « Mon intention... n'a ja-
mais été... que l'Angleterre dût faire sa paix avec la France
ou en constater les points préliminaires à mon exclusion,
ou seulement par une inclusion générale et vague, sans
que les conditions de mon accommodement y fussent ex-
pressément stipulées... de sorte que, comme vous vous en
exprimez très bien, ma paix soit fixée et réglée d'un pas
égal avec l'Angleterre et que celle-ci saurait, d'ailleurs,
convenir avec la France d'une suspension d'armes ou de
neutralité parfaite de la part de la France jusqu'à la pa-
cification générale. )>
Ces explications étaient indispensables pour apprécier
l'attitude du roi de Prusse et l'influence que la teneur de
ses instructions exerçait sur les esprits justju'alors très
hésitants du cabinet anglais. Cela dit, reprenons notre ré-
cit : Le ;J avril, à La Hâve, eut lieu la remise de la note des
trois cours; aussitôt après la cérémonie, Affry eut avec
Vorkc un entretien (2) où il communiqua à ce dernier ce
(]u"il appela le « correctif » du document officiel et qui
n'était autre chose que la réponse de Choiseul (3) aux
questions soulevées par Yorke. « Quoique la séparation des
de IX guerres, écrivait le ministre, s'y trouve [)ositivement
énoncée par l'acceptation que nous avons faite de la mé-
diation et des bons offices de l'Espagne, le Uoi n'entend
pas pour cela n'être pas libre de traiter séparément et di-
rectement sa paix avec l'Angleterre, si les deux couronnes
belligérantes jugent à propos de préférer cette voye de
réconciliation. L'Espagne est convenue avec nous que la
.}i
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(i) Frédt'ricàKnvphaiisen, Il avril 1760. Correspondance politiqiK XIX.
(i) Yoi'kc à Holdernesse, 1 avril 17C0. Mecord OfTlcr.
(3) Choiseul à Affry, 31 mars 1760. Record Ollice.
lŒPONSE FRANÇAISE AlX l'UOPOSrilO.NS ANGLAISES.
5'.! 7
proposition de su médiation ne devoit et ne pouvoit pas
nous lier sur la forme de traiter notre paix particulif-re,
mais le Iloy a jugé à propos trexplicpicr dans sa réponse
la séparation des deux guerres, afin que ses alliés ne puis-
sent mettre aucun doute sur cette séparation, si nécessaire
d'établir pour le bien général. Vous ajouterez ensuite,
Monsieur, à M. le (Jénéral Yorlie, qu'il doit mander î\ sa
cour que le Roi, en séparant sa guerre personnelle de celle
de ses alliés, comprend dans cette séparation la guerre
contre l'Électeur d'Hanovre de môme qu^, celle que Sa
iMajesté soutient contre l'Angleterre, de sorte que la piiix
entre la France et la Grande-Bretagne ne compiendroit
pas moins la conciliation entre les deux couronnes sur \o
continent de l'Europe que sur mer et dans les autres par-
ties (!i monde. »
Peu de jours après cette communication, AfFry demanda
i>. Yorke (t) si le roi de Prusse devait être inclus dans
l'accommodement futur avant l'envoi de la personne cpii
aurait à négocier en Angleterre; dans le cas d'une exi-
gence pareille du gouvernement anglais, il pn'voyail des
difficultés insurmontables. Yorke répondit en son nom
persounel qu'il ne prétait pas une signification aussi res-
trictive à la note de son ministre. « Il ne croyait pas qu'il
s'agit d'un manifeste à faire par la France avant les pour-
parlers, mais qu'on avait voulu inculquer l'inutilité de
négocier si le roi de Prusse ne devait pas être admis et
que nous ne nous mettrons pas d'accord sans sa parti-
cipation. » Affry répondit qu'il l'avait bien interprété
dans ce sens. « Il m'a donné à entendre, continue Yorke,
qu'avant de s'avancer aussi loin, il leur faudrait savoir
quelles conditions nous leur accorderions; il ne m'a pas
dissimulé les obstacles qu'ils rencontraient de la part de
la cour de Vienne et qu'ils ne pouvaient décemment faire
I
(1) Yorke à lloldernesse, 8 avril 1760. Record Oflicf'.
Mi
528
LA (Il KUHIi DK SKl'T ANS. — (IIAIV IX.
l!\^'
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t ' f
une (léclaijilioii [iréalahlo oxclunnl la reine de Hongrie.
La manière dont il est revenu sur ee point et l'insi.stance
qu'il y a mise sont à noter et indi(juent manifestement le
désir de traiter suns la cour de Vienne, sous réserve que
cela pût être fait avec décence. »
Nouvelle entrevue des deux ambassadeui-s le IV avril;
cette fois, le Franeais iipporte il son collèi;ne l;i réponse de
son ministre aux propositions formulées par Holdeiiicsse
à la date du iH mars. Dans sa lettre (1), Clioiscnl expli-
quait, pour l'édilication personnelle d'All'ry, que les propos
échangés t\ La Haye, ainsi (|u'une analyse des dépêches du
cabinet IVançais, avaient été communiqués à Vienne, qu'il
était donc impossible de n^odilier l'attitude prise vis-à-vis
de l'Angleterre, que d'ailleurs celte attitude était approu-
vée par l'Kspagne . « Sa iMajesté Catholique a senti (jue sa
médiation pouvait presser l'accommodement particulier
de la France et lui donnait le temps pour <[ue, si cet ac-
commodement n'avait pas lieu, .sa médiation, soutenue de
forces en état d'agir, fût plus puissante qu'elle ne l'était
lors de l'arrivée de ce prince à Madrid. »
Ainsi stylé sur les sentiments intimes de sa cour, All'ry
dicta à Vorke le passage (2) qui constituait la prose offi-
cielle de Versailles : « Le Uoi Très Chrétien avait pris con-
naissance de l'exposé du ministre anglais ; il avait olfert, dès
le début de la négociation, de comprendre dans l'ar.'angc-
ment à intervenir les États Klecloraux de Sa Majesté et ceux
du landgrave de liesse et du duc de Brunswick. Sa Majesté
espérait ([ue le roi de la (irande-IJretagnc voudra bien ne
pas confondre la guerre allumée eu ^'estphalie et sur la
frontière de la liesse, avec celle que le roi de Prusse sou-
tient contre les deux Impératrices, la Suède, et le roi de
Pologne, Électeur de Saxe. Cette guerre est totalement dis-
(1) Choiseul à AllVy, 11 avril 17(iO. AHaires Kliangcres. Hollande.
(•>) Extrait de la lellrL' de Choiseul à AfTry, H avril ITGO; dicté à Vorke
par All'ry le l'i avril 17G0. Record Ollicc.
niOISKUL PllOPOSK D KNVdVKU DIIKROUMLLK A LONDRKS r. !9
tincte de colle de la Knuice contre rAn^leterre et rontiiî
rKlecteiii' (le llauovrc, et il u'esf pas absolument possible à
Sa Majesté de traiter seule sur un objet, dans l«'(|U(U elb^
n'entre que comme auxiliaire, et sur lequel les parti«'S bel-
lif^érantcs sont sur le point de convenir d'assembler un
congrès. Mais Sa Majesté est jiréte A traiter directe-
ment avec Sa Majesté' |{ritanni(|ue sur les objets qui la
concernr'nt personnellement, et seroit très al'lliyée si le
bien de l'humanité et l'espérance du rétablissement de la
tran(pullité générale ne pouvoit pas vaincre la dil'licullé
que trouveroit le roi d'Angleterre à traiter de sa paiv
particulière avec la France, sans y comprendre le roi de
Prusse; coniition j)réalable (pii au grand regret du l»oi
romproit toute négociation (1) et obligeroit la France ainsi
que l'AngliUcrre à suivre absolument les impulsions de
leurs alliés, au lieu que l'accommodement de denv aussi
grandes Puissances doit produire naturellement un cU'et
général et salutaire à l'humanité. » Après avoir entendu
lecture de la pièce , Yorke ne cacha pas ['2) son désap-
pointement du refus de l'inclusion de la Prusse qui,
pour sa cour, était le prodrome indispensable de tout ac-
cord. A cela, AH'ry répliqua (jue (c c'était le seul moyen
de sauver le roi de Prusse qu'ils étaient aussi désireux
que nous de secourir; je me trompais fort si je leur croyais
l'envie de riscpier une autre campagne à moins d'y être
contraints; peisonnellement, il ne voyait aucun empê-
chement i\ la cessation des hostilités en Allemagne avant
le 1"' juin, quoiqu'il envisageât la campagne entre le roi
de Prusse et les deux Impératrices comme inévitable. » Vers
la fin de l'entretien, AU'ry, comme preuve des bonnes dis-
positions de son gouvernement, annonça qu'on renonçait
au choix de Dunn comme émissaire secret et qu'on avait
(1) Le passage à partir des mots i> et obligetail » itc lui pas coiiirktuni(|ué
à Kaunitz.
('2) Yorke à Ilolilernesse, 15 avril 17G0. Ui'cord OlTice.
CLKlUii; DE Si:i'T ANS. — T. 111, 34
I
àf
l ï
680
LA CL'EIUU: l)i: SEPT ANS. — CIIAP l.\.
m
j«!té If s yeux pour le voyau^e do Londres sur le comte d'IIr-
l'ouville 1). lieutenant ^énéial et insi)ccteui' de 1 infante-
rie, bien au courant dos ad'aires coloniales, leijuei serait
ucconi[)ayn«'' d'un néf^ociant non encore désigné, (Cepen-
dant, M. d'Ht'rouville ne partirait (pi'après réception de la
réponse de la cour de Saint-.lanics; si elle étail favorahl»;,
il viendrait en Hollande, conférerait avec Allry et Yorke,
puis se r(Midrait à i^oiidrcs où, tout en conservant le plus
strict incognito, il se mettrait en rapports avec les minis-
tres anglais, tandis ([ue les pourparlers politiques se pr)ur-
suivraient à la Haye. En cas d'entente sur la mission se-
crète, Allry irait passer (pielrpies jours à la cour, prendre
langue au Ministère et rencontrer (Irinialdi, ministre es-
pagnol d(! La Haye, qui faisait un séjour à Paris avant de
réintégrer son poste. Inutile d'ajouter que cette interven-
tion du diplomate espagnol parut louche à l'ambassadeur
britannicjue. (lelui-ci résume ses impressions en informant
son chef qu'All'ry « et sa cour sont fort embarrassés, car il
a admis tout ce j'ai dit sur le danger que présenterait pour
la France l'augmentation de puissance des cours de Vienne
et de l*ctersl)ourg et a reconnu que la campagne qu'ils
allaient faire, si notre négc( ation n'aboutissait pas, serait
au seul bénéticc de leurs alliés. »
Si l'envoyé fiançais avait pu lire i\ son <'<»|lègue tout le
contenu de la dépêche ministérielle (2), il est probable
que cette lecture eût dissipé les doutes qui existaient en-
core dans l'esprit de Yorke sur la sincérité des intentions
de Choiseul. Voici en quels termes s'exprimait ce dernier :
« Nous ne pouvons être utiles même au salut du roi de
Prusse (pic dans la forme de la séparation des deux guerres
m
(t) UtTouville avait des relations en An;;lel('iTe; il avait <''j)ousé sccn-l»'-
inent la lllalll•<^sio il'Albi'rinaile, anci<'ti amhassadiMir anf;lais à la cour <lo
l'iance, mort vers la fiti de 175i. Starhember;; à Kauiiilz, ?. mai 176:). vr-
cliive.s de Vienne.
(2) Choisenl à Aft'ry, U avril 17G0. Aflaires Étrangères.
ULTIMATUM AN(.L\IS.
sai
fit la conclusion de notre paiv parliculicrc. Tout aulro
nioNCM csl inutile à tenter vis-A-vis d'alliés aussi acharnés
<[ue les nôtres i\ l'ahaisseinent total de la maison de Hran-
deliour'i; (hi le ministère anglais est de honuc loi, et
alors iorscjuil com[)rendra la sûreté et la v<''rité de la
marcluî (|ue nous proposons, il la jireudia; ou il est de
mauvaise foi et veut se servir du désir ipie nous avons de la
paix p(MU' nous désunir de nos alliés; mais dans les deiiv
cas nous ne devons pas nous départir de ne l'aire aucune
mention ilu roi de IM'usse tians les premières ouvertures
de paix vais l'An^'leterre ce (jui ne veut pas dire i\nî\
la suite de la négociation, nous ne nous prétentns conjoin-
tement avec l'Angleterre i\ chercher les moyens de termi-
ner les dill'érends de nos alliés réeipro(|ues. » i*uis (^hoiseul
manil'este sa ciainte de voir rAni^Iclerre <( communi(iuer
nos eonlideuces relativement au roi de IM'usse aux cours de
Pétcrshoury et de Vienne. Ce soupçon subsistera toujours
de notre côté, jus({u'à ce que Sa Majesté l>ritaiini(iuc ait si-
gné les préliminaires relatifs A notre |)aL\ particulière »
Ici vient le passage déjà reproduit et destiné à être mis
sons les. yeux d'Vorke, après quoi (Ihoiseul ajoute : « Vous
conviendrez, Monsieur, (|ue Ton ne peut pas parler plus
clairement et que si l'Angleterre ne nous entend pas, c'est
qu'elle ne voudra pas nous entendre ».
Dans un billet àNewcastlefl;, Yorke prend soin de i)réci-
ser la situation : c A vous de décider si vous voulez courir le
risque (de rompre les pourparlers), ou si vous voulez rece-
voir M. dllérouville en faisant en même temps une décla-
ration foi-mulaut vos réserves. J'ai laissé la ([uestion ou-
verte tout en me tenant sur le terrain de mes premières
instructions que rien ne se traiterait si le roi de Prusse n'é-
tait pas compris dans V< accommodement à faire... » .le
puis « donc exécuter sans la moindre difficulté les ordres
que je recevrai pour l'acceptation ou le refus. »
(i; York» » Ne%^caslk', ir. avril Î7G0. Newcaslle Papers.
^irr.
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533
LA r.lMÎHUli DE SEPT ANS. — CII.VP. IX.
il..
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Au.v imin'ossions du diplomate anglais, il est intéressant
de coniparci" celles de son interlocuteur. All'ry, j'i la suite
de l'entretien du V avril il), avait l'ait part A Versailles de
sa conviction « que les Aiîg"lais, malg'ré leur désir de tirer
Sa Majesté l'russienne de l'état critique dans lequel Klle se
trouve, se serviront de la médiation de l'Espagne et du
danger (pi'il y aurait pour eux à s'y soumettre, pour prou-
ver A ce prince qu'il leur est absolument nécessaire de ter-
miner la guerre Ici plus avantageusement qui! leur sera pos-
.siblc, mais de la terminer. Cela me l'ait croire, <''vait-il
conclu, (pi'ils songeront bienti')t à établir ici .sérieusement
une négociation directe et particulière entre nous et eu.v. »
Après l'entrevue du 15, l'envoyé français est beaucoup
moins afllrmatif : « Vous les avez mis, écrit-il à son chef (2),
dans la nécessité de traiter avec nous au plus tAt parti-
culièrement, ou de souscrire aux conditions que l'Espagne
dictera ou de déterminer cette puissance à faire cause
commune avec nous. ■
Cette l'ois, la réponse du cabinet de Londres ne fut pas
longue A venir (.'i i ; elle était catégorique : La cour de Lon-
dres s'en tenait à son langage du 28 mars; le choix de
M. d'ilérouville n(> pouvait (jue lui être agréable, mais son
voyage était sans objet, du moment que la France refusait
de se conformer A la condition (|ue Sa Majesté avait tou-
jours posée conune « sine (|uA non » d'une négociation jmi-
cifique. En guise de motifs de rupture, lloldernesse allé-
guait les expressions intransigeantes dont se servait la
cour de Versailles dans sa note du 11 avril à propos dti
l'exclusion du roi de Prusse : « Il n'existe, ajoutait-il, au-
cune dilférence essentielle entre les extraits des lettres de
M. de Clioiseul et les déclarations publi(}ues remises au
prince Louis, par lcs([uelles les trois puissances belligé-
(1) .MlVv à Clioispul, 4 avril ITfio. AiVairt's Étianj^èii'.s. nollaiide.
(2) Affiy à Clioiseul, I,") avril ITGO. Aliaircs Éhaiigèros. llollando.
(;J) lloldernesse a Y'okie, 25 avril ITGO, UecorJ Oflice.
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I
PITT HOSTILE ATX PROPOSITIONS I RANÇAISKS.
j3;j
r<antos consentent à la séparation des deux guerres si
bien que le traité distinct, dans la forme que propose le
duc de Choiseui, sera discuté, on ne pout pas le mécon-
naître, avec l'asscntimont des alliés de la France. » (!ela
étant, « le mérite qu'AllVy tire des ordres qu'il aurait reçus
de vous entretenir de ce sujet Sîins ententti avec les minis-
tres de Vienne et Pétersbourg, n'est, aux yeux du Hoi,
que l'utilité et tromperie. Vous avez eu raison de dire h
M. d'Atfry que seul le désir de terminer la guerre dans
son ensemble et de couvrir nos alliés en les mettant sur le
même pied que nous-mêmes avait pu déterminer la cour
d'Angleterre à s'avancer aussi loin qu'elle l'avait lait. Mais
chaque degré de la négociation a été franchi sous la ré-
serve expresse que, dans le cas d'un accord des deux cou-
ronnes sur les conditions de la paix, la cour de France
consentira formellement et confidentiellement à l'inclusion
des alliés de Sa Majesté et nommément du roi de Prusse
dans l'accommodement à faire. »
Le texte anglais avait été examiné et adopté dans un con-
ciliabule dont nous trouvons le compte rendu détaillé
dans une dépêche de Knyphausen (1). Ce fui Pitt (jui fit
tout échouer en refusant de se prêter à réquivo(pie qui
eût permis il la France de poui'suivrc les pourparlers sans
se brouiller avec les Impératrices. Le grand Anglais crai-
gnait (pi'cn cherchant à obtenir de la (irande-Hn^tagne un
traité de paix séparé et indépend;int de la guerre d'Alle-
magne, la cour de Versailles n'eût l'espoir de semer la
division entre la [)uissanco insulaire et le roi de l*russc. « .le
veux dire, avait-il observé, que si nous ne commençons pas
préalablement et avant toute autre chose par nous mettre
d'accord avec la France sur ce qui concerne Sa Mnjcslé Prus-
sienne, il arrivera peut-être ([u'elle nous fera des ollVes très
éblouissantes pour la décision de nos dill'éreuds, sans vou-
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(t) Knyphausen à Krcdi'iic, tl avril 1700. Schacfer, vol. Il, 1" |iarlif.
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53 i
LA r.UERRK DE SEPT ANS.
CHAP. IX.
loir ensuite pourvoir à ce premier olijet avec l'efficacité
néressaire Si nous r>)mpions avec la France pour un
motif de cette espèce, (ju'en arriverait-il? Klle publierait
sans cloute les offres qu'elle nous aurait faites et en ferait
tropli ée, en les représentant dans l'étranger comme des mar-
ques de notre extrême cupidité, et en Angleterre comme
des symptômes évidents d'une prédilection outrée on fa-
veur du roi de Prusse, à l'opinicVtreté duquel on aurait sa-
crilié les intérêts les plus précieu.x delà nation. Je vous laisse
à considérer combien ma situation par rapport à votre cour
et i\ la paix en général deviendrait délicate et épineuse, si
un pareil soupçon venait à se répandre et à s'accréditer.
La confiance de la nation à mon égard commencerait sans
doute à chanceler et je deviendrais peut-être un serviteur
inutile à ma cour et surtout à ses alliés. » Pitt se résuma
en déclarant" qu'il lui paraissait donc indispensable que
l'inclusion de Votre Majesté ne fut point traitée comme un
accessoire des préliminaires à négocier entre l'Angleterre
et la Fra .'e, mais quelle en forraiVl la base et le pre-
mier article. » Le raisonnement était de nature à influen-
cer l'esprit mobile et défiant du prince autjuel il était
adressé, mais on peut se demander si la crainte de com-
promettre l'alliance prussienne fut le seul motif qui dé-
termina Pitt et des collègues à repousser la proposition
française.
Kn effet, avant la conférence dont nous venons de
parler, le cabinet de Londres avait pris connaissance de
la réponse de Choiseul aux o'.ivertures que Frédéric lui
avait faites par le canal de Froullay et les ministres avaient
eu l'occasion d'entendre le rapport verbal d'Edelsheim
que le Uoi avait envoyé en Angleterre. Tandis (jue New-
castle(l) et les diplomates prussiens se montrent favora-
blement impressionnés par le langage du ministre de
(l) Newcasllc à llardwicke, 9 avril 1760. Newcaslic Papers, 32904.
,î i'-'»
DISCUSSION DANS LE CABINET ANGLAIS.
535
Louis XV, le roi George, Lacly Yarmoutli, Pitt et même
llardwicke l'interprètent dans un sens opposé. Le propos
de Choiseul » qu'aucun parti ne gagnera grand'chose
dans cette guerre, » avait offusqué Pitt; il en avait tiré In
coT.clusiou « que la Prusse traiterait pour nous et ferait
novi-e paix; en autres mots que nos conquêtes seraient à
la discrétion du roi de Prusse, comme moyens de mai-
chandage pour ses propres intérêts. » Il y eut entre i\ew-
castle et son irascible collègue une discussion des plus
vives. Au duc, qui insistait sur les embarras financiers
de '/Angleterre, l'autre de répliquer : « que nous pouvions
avoir des difficultés, mais que nous étions cent fois plus
en état que les Français de continuer la guerre. Xons
n'avions pas besoin de paix, mais par égards pour le
roi de Prusse, nous consentions à renoncer aux grands
avantages ([ue nous pouvions nous promettre dans toutes
les parties du monde de la campagne actuelle. En un mot,
conclut Newcastle, il n'y a pas eu moyen de raisonner
avec lui. » llardwicke (1), généralement peu partisan des
idées de Pitt, en l'occurrence appuya son avis en attribuant
au gouvernement français le désir « de se servir de la
Prusse pour obtenir des conditions plus favorables de
l'Angleterre. Il y avait probablement beaucoup le vr.ù
dans son jugement sur Pitt : «Je n'ai jamais dit qu'il ne
souliait.iil pas la paix, mais j'ai dit et je crois qu'il ne sait
comment s'v prendie pour l'obtenir. Il se rend compte
qu'il faudr;i restituer bon nombre de nos conquêtes et
que la popul.. e, dont on a surchauffé l'esprit à un degré
excessif et au[ rès de laquelle il ne veut pas perdre son
prestige, en sera fort désappointée; aussi la perspective
prochaine d'un arrangement n'est pas sans l'émouvoir, i
Quels que furent les motifs de Pitt, son opinion l'emporta
dans les conseils du Uoi. Holdernesse, Newcastle lui-même
(1) Harchvicko à Ncwcaslle, 10 avril 1700. Newcasllo Papcrs, .T!%4.
M
536
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CII.VP. I.\.
Il ':!
i':
so laissèrent convaincre, et Knyphansen écrivit à son
souverain dans le inôme sens. Frédéric, comme il fallait
s'y attendre, ,yoùta fort les arguments du ministre bri-
tannique et chargea (1) son représenlant de lui faire « un
compliment des plus onctueux et des plus polis de ma part
que vous saurez imaginer. » Les restrictions A introduire
dans les préliminaires deviennent plus noudjreuses et plus
précises : « 11 faut qu'il n'y soit seulement compris l'Angle-
terre, mais aussi, d'une façon qui n'admette point de che-
villes, tous les alliés de l'Angleterre, moi, le Hanovre, etc..
Que la France s'engage d'ailleurs de ne prêter plus aucun
secours, ni directement, ni indirectement, aux puissances
et princes «|ui préféreraient la continuation de l.i guerre...
qu'au reste, elle me garantirait, conjointement avec l'An-
gleterre, tous mes Ktats dont j'ai été en possession avant ia
guerre présente et qu'en conséquence l'on ne me de-
manderait ni cessions ni indemnisations, et que la France,
dès la signature des préliminaires, retirerait ses troupes de
mes forteresses et provinces dont elle est actuellement en-
core en posses'iion. » Quel changement de ton depuis les
instructions vieilles à poine de trois semaines données au
même Knyphansen après le retour d'Edelsheim de son
voyage à Paris! Sans doute les craintes formulées par Pitt
sur le danger que présenterait une négociation séparée
pour la stabilité de l'alliance, étaient pour beaucoup dans
la modification de la pensée royale ; mais il est à présumer
que l'espoir de voir la Porte Ottomane (-2) prendre les
armes contre lAntriche et la Russie ne fut pas étranger
à la nouvelle orientation de la politique prussienne. Les
avis de Hexin, é;.".issaire secret de Frédéric A Constanti-
nople, faisaient prévoir la signature prochaine d'un traité
d'alliance entre son maître et le Sultan, et l'entrée encam-
(1) Fmiéric à Knyitliausen, 22 avril ITvO. Correspoud'ince poliliquc, XIX.
(•>) Frédéric à Resin, 30 mars ot 23 avril 1760, Cone.spoinlance poli-
tique, XIX.
À'^
RUPTURE [)ES NKGOCIATIONS DE LA HAYK
537
pagne vers la fin du printemps d'une armée turtjue en
Hongrie. Frédéric avait reçu ces ouvertures avec enthou-
siasme, s'était mis aussit(*)t à escompter les avantages mili-
taires qu'il tirerait de cette diversion et avait relevé en
proportion la cote de ses prétentions vis-à-vis de la France.
Mitchell, qui connaissait bien le roi de Prusse, ne se trom-
j)ait guère quand il écrivait (1) à propos de son héros :
« Quidr/uùl vult. rnldf mit. C'est la clef de tout son sys-
tème. Bien souvent j'ai eu de gros soucis en pensant à la
difllculté que Votre Grâce et d'autres ministres du lloi trou-
veriez k diriger et à endiguer dans des limites raisonna-
bles cette imagination à nature torrentielle. »
Peu de chose à dire sur la fin des pourparlers de La
Haye. Le k mai, Yorke lut à Afl'ry (2) l'ulfimatum de la
cour de Londres ; il chercha à en atténuer la dureté en af-
firmant que « lorsque S. M. B. insiste sur ce que le roi de
Prusse soit compris dans la paix particulière. Elle a tou-
jours entendu (|ue ce serait confidentiellement et sans de-
mander rien à S. M. T. C. qui fût contraire à sa dignité et à
ses engagements. » L'envoyé français se borna à exprimer
ses regrets: il était impossible pour la France de modifier
ses récentes propositions; elle avait fait preuve de son désir
de conclure la paix et se résignait non sans désappointe-
ment A entreprendre une nouvelle campagne. Après le
délai d'une semaine, Aft'ry communiqua (3) à Yorke la der-
nière dépèche de Choiscul(V). H lui dicta un extrait où il
était dit (( (]ue le lloi voit avec peine que les sincères dis-
positions à la paix no sont point entendues on Angleterre
aussi favorablement qu'elles méritent de l'être; (|ueSa Ma-
jesté ne regarde pas cependant la négociation de La Haye
comme rompue et qu'elle espère que le roi de la (irande-
I
!'•(
(1) Milclu'll à Newcaslli', le "M mars ITfiO. Newcaslle Papers, 321)01.
(2' Afl'rv à Clioist'ul, 5 mai 1700, Affaires Etrangères.
(3i Affry à Clioismil, 14 mai 17(10. Ail'aircs Etrant^èrcs. Hollaridp.
(4) Choiseui à Aiïry, 10 mai 1760. Aftaircs Élrangèros. Hollande.
:)iil
^
:.''/.
« -
53«
LA GUEIUIE DE SEPT ANS.
CIIAP. l.V.
n ii
Bretagne, animé des mômes sentiments trouvera con-
jointement avec le Uoi les moyciih- de rendre à l'Europe J!"
tranquillité désirable. » Puis il ajouta '^e vive voix « que le
Uoi ne demanderait pas mieux, en concluant sa paix parti-
culière avec l'Angleterre, que de travailler de concert
avec cette couronne au rétablissement de la paix géné-
rale, et que Sa Majesté ne serait j)as éloignée de consentir
<pu» ce point fût un des articles préliminaires qu'elle si-
gnerait avec Sa Majesté Britannique. • A cet ell'et, Hérou-
ville, dans le cas où son voyage de bondres serait décidé,
serait muni des pouvoirs nécessaires. La lettre de Clioiseul,
conçue en termes très polis, se terminait par l'espoir « (jue
M. Yorke sera content, ainsi que sa cour, du ton modéré
et de la douceur de nos réponses qui n'ont pas la sé-
cheresse de celles du ministère anglais. » Yorke ne put que
s'en référer h ses instructions, et l'on se sépara en déplo-
rant l'insuccès des tentatives de rapprochement. L'entre-
vue du V mai, où Yorke fit connaître l'ultimatum de son
gouvernement, mar((ue la fin des conversations diploma-
tiques. Choiseul ne s'y méprit pas; dans une dépêche en
date du 8 (1) adressée à Vienne, il annonce la rupture
virtuelle et explique que si elle n'est pas encore devenue
officielle, c'est qu'une reconnaissance publicjue du fait
pourrait avoir un contre-coup fâcheux sur le crédit déjà
chancelant de la France.
Conformément à l'autorisation qui lui avait été donnée,
Affry se rendit à Versailles, où pendant un congé de six
semaines, il eut l'occasion de faire un rapport a son chef
sur les détails de la négociation. On peut juger de la ligne
de conduite <[ui lui avait été dictée par le langage tenu à
son retour : « Il n'était revenu, avait-il dit à Grimaldi (2),
que pour jouer, aller aux spectacles, dîner et souper au-
tant que sa santé le permettrait, que j'élais prêt à écouter
(1) Duc (le Clioiseul au Comte, s mai 1760. Affaires Élrangèrcs. AuUiche.
(2) All'r\ il Ciioi.seul, 11 juillet 1760. AUaires Étrangcies. Hollande.
RAISONS DE L'KCHEC DES I'OURPAULEHS.
539
tout co qu'on me dirait, mais que je ne parlerai certaine-
ment pas le premier. » Les pourparlers pacifuiues étaient
définitivement rompus et les hostilités allaient repren-
dre de plus belle.
Pourquoi la bonne volonté que la majorité des belligé-
rants avait manifestée ne s'était-elle pas traduite en résul-
tats pratiques? A vrai dire, elle avait été plutôt successive
que simultanée; sur les cinq puissances engagées dans la
lutte, trois, pour des raisons diverses, étaient enclines à
la paix, mais prêtes à accueillir des offres; elles étaient
beaucoup moins disposées à faire acte d'initiative. C'est
ainsi qu'après la déclaration de l'Angleterre et de la Prusse,
il s'écoula deuv mois et demi avant l'entrevue de Yojke
et d'Affry où, pour la première fois, on aborda sérieuse-
ment la discussion des moyens d'arriver à la pacification.
Une fois amorcée, la négociation prend corps; Clioiseul,
d'abord très défiant, l'entretient de son mieux; il accueille
les ouvertures de Frédéric, propose d'envoyer un repré-
sentant à l^ondres, et malgré quelques maladresses, fait
tous ses efforts, môme au point de se compromettre, pour
lier la partie. Mais au fur et à mesure que (llioiseul avance,
son grand antagonists Pitt recule; il repousse la mission
secrète d'Héi'ouville, entraîne ses collègues hésitants et
rompt sur une question qui aurait pu être considérée
comme un point de procédure. Exiger de la France un ac-
quiescement formel qui eût été une humiliation, la forcer
à déserter ouvertement et brutalement ses alliés, se refu-
ser à faciliter une conversion politi({ue dts plus délicates
à justifier, n'était-ce pas implicitement se prononcer pour
la continuation des hostilités? Il est naturel de croire que
l'intransigeance de Pitt lui fût inspirée par le désir d'a-
chever les entreprises commencées et de consolider, au
prix d'une guerre à outrance, avec sa gloire personnelle,
la suprématie maritime et coloniale de sa patrie. Les vues
du ministre britannique furent secondées par le revire-
.1
M
■■w\ç.-i :;|» I ■ : ^'• ,►'':'■,'
540
LA r.lElUlE DE SEPT ANS.
(MAI'. IX.
il
ment de Frédéric dont le découragement de jadis avait
fait place ;\ la conliîince habituelle dans son génie c( dans
son étoile. Kt cependant, à un moment, le ministre ang-lais
parait avoir été partisan sincère de la [)ai.\. In mé-
moire (1) préparé pour lui vers la fin d'octobre, c'est-à-
dire après l'avis de la prise de Québec, nous donne quel-
que notion des prétentions britanniques A cette date. A
défaut de l'annexion de tout le Canada sur laquelle on
n'osait compter, l'Angleterre se croyait autorisée à récla-
mer tout le territoire au sud du Saint-Laurent jusqu'à
Montréal, la libre navigation de ce fleuve et la démolition
de Louisbourg. De Montréal, la frontière suivrait la rivière
Ottawa jusqu'au V7' degré de latitude, gagnerait le lac
Huron et longerait le lac Michigan et les rivières d" Illi-
nois et Mississipi jusqu'à l'Océan. Kn Afrique, on espérait
conserver le Sénégal et Tile (Jorée ou, si cela ne pouvait se
faire, obtenir le droit de commercer à conditions égales
avec ces contrées. Au.v Antilles, on revendiquerait la pos-
session de la (Guadeloupe et l'attribution à la Grande-Bre-
tagne des îles neutres de Dominique et de Tobago. Quant à
Minorque dont l'occupation entraînait pour le budget mé-
tropolitain des charges très lourdes, il était douteux que
sa restitution constituât un avantage. Au surplus, peut-être
vaudrail-il mieux s'en tenir au principe de l' « uti possi-
detis ». Ln extrait d'une lettre adressée (*2) à Newcastle
indique que ce document reproduisait les idées ministé-
rielles : « Je vois, écrivait le correspondant du duc, d'après
un mémoire confidentiel que j'ai lu avec la plus grande
satisfaction, que M. Pitt a des notions très raisonnables
au sujet des conditions de la paix. »
Le cabinet de Versailles aurait-il pu accepter l'article
préliminaire que celui de Londres voulait lui imposer?
(1) Considérations sur lnp<iix. NewcasUe Papers, 32897.
(2) Kinnoul à Newcastle, 30 octobre 1759. Newcastle Papers, 32897
liq
m
I
CONDUITE UE CIIOISEUL.
:>4i
Kvidcmmcnt non, car une soumission aussi plate aux exi-
gences de l'ennemi aurait |)r(»vo(jué la brouille avec l'Ini-
pératrice-Ucine et renversé du coup l'édifice si pénible-
ment élevé (le rciitente cordiale des maisons d'Habsbourg
et d(! Uourbon. Parjure A ses engagements, déshonoré, le
gouverneuïent de Louis XV serait resté isolé en Europe,
sans alliés, sans amis, et aurait perdu le peu de prestige
(|u"il possédait encore. Pour débarrasser son pays de la
robe de Nessus (pu; représentaient pour la France les liens
de l'accord autrichien, sans blesser les suscej)tibilités de
Marie-Thérèse, (Ihoiseul avait plaidé la distinction des deux
guerres et la paix séparée avec l'Angleterre; inallieureuse-
ment, pour taire aboutir ces conceptions (pii font honneur
à l'imagination de l'homme d'F.lat, il fallait (|ue la puis-
sance insulaire, et surtout son chatouilleux ministre, con-
sentissent à jouer le rùle de compères, ([u'ils se prêtassent
à une procédure permettant de faire partici[)er le roi de
l'russe, sans le nommer pour ainsi dire, aux arrangements
pacitiques. l'ne combinaison d'un caractère aussi épineux
ne pouvait convenir ni à. la morgue haineuse de Pitt, ni
à la mobilité soupçonneuse de Frédéric; elle s'adaptait
encore moins aux obligations d'un gouvernement parle-
mentaire; aussi était-elle condamnée d'avance à l'insuccès.
Malgré l'échec final, dont il ne saurait du reste être
rendu responsable, Choiseul déploya, dans les pourpar-
lers de l^a Haye, beaucoup de tact et d'habileté. On ne
saurait trop louer l'adresse avec laquelle il se comporta
vis-à-vis de la cour de Vienne. Un diplomate; moins clair-
voyant eût été tenté de garder le silence sur les réponses
faites aux dernières ouvertures de Vorke et sur la dé-
marche de FrouUay; (Ihoiseul agit autrement; tout d'a-
bord il fait lire à Kaunitz sa correspondance échangée
avec Ali'ry et quand il apprend les commentaires désobli-
geants qu'entraîne cette lecture, loin de se fAcher et tout
en maintenant la communication, il se contente de près-
i
il
«ï
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5t2
LA C.UEIllVK l>E SKl'T ANS.
CIIAIV IX.
S /. ;
crirf !\ son cotisiii i 1 1 rntnhiissadeiii' la pr('!c;uili()n de ro-
tranclicr •< toiil co cjui [jouirait hlesser la dclicalesso cl la
ni(''liaiic(! aiilrirliicniie. » La drprclie qui contient cette lé-
.serve fait Téloi^c de la perspicacité, et jette un Jour [tvè-
cieux sur la pensée intime du ministre. l'our lui. la jalou-
sie que nïanifeste le chancelier au sujet des conversations
de l.,a Haye n'a rien ([ue de très naturel. « Il pré\oit, non
sans raison. (|ue nos intérêts étant arran.iiés, il pourrait
arriver (jue nous lussions un peu plus froids sur ceu.\ de
la nuiison d'Autriche. Ce point rinijuiètc dautanl plus (pie
contre son attente il commence à craindre que l'Angle-
terre ne veuille de bonne foi la paix, car ne vous y trompez
pas, .Monsieur, M. le comte de kaunitz n'avait jamais ima-
giné (jue le ministèn; am-'Iais, enllé de ses succi'S, voulût
séparer les deux guerres, ce ministre n'appuyait sur la
séparation de notre part que pour que nos pertes ne fus-
sent [las mises en compensation, lors de la paix générale,
avec les avantages que se promettait la maison d Autri-
che. » Ue l'examen de l'état d'Ame du chancelier, Choiseul
passe à l'appréciation de la mesure dans laquelle la France
esl engagée h l'égard de son alliée. 1.,'arlifle l.'l du traité
du 30 décembre 1758 est formel : «i Les deux parties con-
tractantes ne feront ni paix ni trêve avec leurs ennemis
communs et respectifs que d'un parfait accord et com-
mun consentement. » Cette clause qui ue lie que la France,
r.\utriche « n'étant en guerre ni de fiiit, ni de volonté avec
l'Angleterre », est enqiruntée au traité secret; il avait
songé à ne pas la reproduire, mais « n* us ne pouvions pas
honnf'tement le rejeter l'article; dans le moment où nous
voulions absolument anéantir ledit traité. " Du reste , il
n'y a pas lieu de s'arrêter à cette disposition , puis(pie
l'assentiment de l'Autriche aux pourparler.s a été obtenu.
« Par consé(pient, c'est une alfairc linie et une condition
(1) Choiseul au (;omle de Choiseul, 18 avril 170CI. Affaires Élriingt-res.
CIIOISKIL SI I» LtS ENfJACEME.NTS DK L'ALMANCl;.
r>43
remplie, car nous n'nvons ])as ontr>nflu qno cli.iqiio fois
(jiiolchoi voudiMilouvctycr un coiiirici- ;; La ll.iye, il t'alliU
(irmaiidci' une iioiivollc |)('rnii.s?.iuri \ lu cour de VicriMO. »
Clioiseul se rend compt»' de la faiblesse do son argumen-
tation, car il njouto : « Cependant pour reniplii'ce cpril
doit au procéilé et à la couliance, » le Uoi vous autorise* à
informer M. de Kaunitz (jue i< si la ué,i;<»oialinn de La Haye
se suit, il fera iiisti'uire evacteinent l'Impt'i'atriccî de ses dif-
férents détails, » L'ambassadeur i)eut d'ailleurs répéter
les propos que lui, Choiseul, a tenus à Starlieiuberç- et à
(Jalitzin (1). « Si malbeureusement le Koi était dans le eas
de faire sa paix, même la générale, et que l'imitossibilité
le forcAt A ne plus secourir les efforts de ses alliés, Sa
Majesté, sans user d'aucun détour, le leur décian'rait
très franchement. »
Que r.ittitudi; de la cour de Versailles fiU aussi eoriecte
que le laugaiie de Clioiseul vondrnit nous le faire croiro,
nous l'admettrons diflieilement; mais nous ne pouvons
refuser nos sympathies à Thommc d'État qui s'efforçait de
tirer son maître et son pays du mauvais pas où des eng-a-
gemetits si légèrement contractés les avaient conduits.
Continuer la guerre maritime contre l'Angleterre, alors
(ju'ou se savait et (pi'on s'avouait vaincu et incapable de
reprendre une revanche immédiate, c'était se résignera la
perte do ce qui restait des colonies, c'était activer la ruine
commerciale du royaume. Et en compensation de tels
sacrifices, qi'.els résultats devait-on espérer? I/abaissement
du roi de l'russe, c'est-à-dire la rupture au profit de l'Au-
triche de la balance des pouvoirs en Allem.igoe. A un pa-
reil métier de dupes 1(> moment u'était-il pas venu do.
mettre fin? La parole d'un souverain avait-elle assez de
poids pour prévaloir contre l'intérêt de toute la nation?
Ces (juestions durent surgir A maintes reprises dans le cer-
II-
W'
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■■ Ml
Ml^
(1) Successeur de Bestuscliew à l'ambassade russe.
M
LA GtKItmi: DE SEPT ANS.
CHAI'. IX.
I 11 i
\kk
m
veau (le ('lioiseiil et nous ne saurions le hliUner d'avoir
clierclié à les résoudre dans le sens (|ue lui iiidiijuaif sou
patriolisuic.
Mais «juel (jue pùJ ôtre son elia.i^rin d' voir échouer une
né.iiocialion (|u'il avait travaillé de son niieu.v à faire réus-
sir, le ministre de Louis XV n'était pas homme à |)erdre
sou temps en inutih^s rej^rets. Aussitôt persuadé (jue de
rAn,qleteri'e il n'y avait rien à espérer, il se retourna vers
la |)lauclit! de salut (|u'il croyait rencontrer dans la média-
liou ou éventuellement dans l'alliaiicc espagnole. D'infor-
tune, les dllaires ne prenaient i)as de C(^ côté la tournure
décidée qu'il eiU souhaitée. Dans une letue particulière
au c<»mte de Choiseul (1), nous relevons à la fois le rapport
d'un entretien avec Fuentès, le nouvel ambassadeur dé-
signé pour la four de Londres qui était venu prendre
langue A Versailles, ci l'exposé des vues du ministre. Le
diplomate espagnol s'était étendu sur « les dispositions
in<'l)ranlal(lcs du roi d'Kspagnc de nous procurer la paix;
mais quand je lui demande, ajoute Choiseul, par quel
moyen Sa .Majesté Catholique parviendra à ce but, il me
répond des i)hrascs ainsi (pie M. d'Ossun m'en mande, et
nous nou.'^ Irouvous sans succès abandonnés, pour toute
nourriture politique et pour toute ressource, aux compli-
ments sans eil'et de l'Espagne. H ne me soucie point du
tout que cette puissance entre en guerre, mais en même
temps je désire fort que ses préparatifs et ses discours
soient assez imposants pour nous procurer la paix.., de
sorte, mon cher cousin, (jue je vais continuer avec plus
de forces que jamais à me servir de l'Kspagne, »
Kn attendant le développement de ce programme, (]ui
ai)outira au pacte de famille, il fallut se résigner à recom-
mencer les hostilités dont louverture avait été retardée
(1) Duc de Choiseul au Comte. Particulicie, 10 mai 1700. Afl'aires ÉUaii-
aère.s.
.Wll
RKPRISK DES HOSTILITÉS.
B4S
par les bruits pacifiques (jui circulaient dans toutes les
cours (l't^nrope et jusque dans les camps des armées ri-
vales. .( I'ins(|u'ils veulent l'aire la campagne, avait dit
Clioiseul (1), il faut bien lu faire; peut-être seront-ils plus
traitables dans quelques mois. » C'est par ce propos, dont
la philosophie est empreinte d'amertume, que nous ter-
minerons le récit des premières tentatives sérieuses pour
mettre tin à la (luerre de Sept Ans.
1|
(1) Sturlicniberg à Kaunil?,, 10 mai 170(i. Arcliivcs de Vienne.
;
CLKIIIIK DE SEPT AN.S. —
36
TABLE DES MATIÈRES
M
CILUMTH'- -'REMIEH
Bergen.
Incursion dos Ilanovricns ou Francouio. — FcrdiiiarKl marche sur
l'i'aïu'l'oit. — [{ataillo de Hitucii. — I.c pi'iuce Henri de Prusse
à Haïuijoi'ir
Pn^i's,
CIIAl'ITia' II
Minden.
l-'anu(''c do f'outades dobouclio par la liesse. — Retraite de Fer-
dinand. — Sur[)rise d( Minden. —Capitulation de Munster.—
Bataillii lie Minden. — Combat de Coeleld
Cll.Vl'lTIiE 111
Fin de la campagne de 1759 en Allemagne.
llctraile de Contadi's. — .Abandon de Cassel. — Mission à raruii'e
du mar('>chal d'Estréos. — Long séjoiu" des arnii-es ri sales sur la
Laliri. — Xouiination do Hro^lie au coinniaiidiMnont (mi eliol'. —
Capilidation do Munster. — Mouvenionl nironsil de liroglio. —
Quai'liers d'hiver.
CIIAI'ITHE IV
Kiinersdorf.
riau do campagne coml)in('' pai' les liussos ot les Autrichiens. —
(!oni.iioucei;ient tardiC <les hostilités. — F'ermor n-mplaci'' par
SoUikolT. — Hatailh; do l'alt/.ifj:. — Jonction de Laodon avec les
Russes. — liataillo do Kiinersdorf. — Détresse de Frédé'ric. —
Iiiactiviti' et défaut d'ontonto dos f;'('"n('raii.\ alliés. — Sc'paration
des deux aruK'es. — li.iiin (>n Lnsaco et en Saxe. — Russes on
Silésie. — Repris(> dos (juartiers d'hi\or sur la Vistulo 1 lu
,K:: 'Ih^'^'
.:;.. x:
5t8
TABLE DES MATIERES.
fl
Il h 1
CIIAI'ITHE \'
Maxen.
Vaea:
Invasion do la Saxe par l'arniéc dos Cm-clcs. — l'iiso d(^ Diosdc.
— Sui:<"ès do Wunsch ot do Finck. — l'rinco llonri oî Daun on
Saxe. — Hotrailo do Daun sur Drosdo. — Arriv(''o dn roi do
Prusse. — Capitulation do Maxen. — iK'faito de Dioiioke. — Inac-
tion (U' Daun. — Arrivée du prince de Brunswick. — Drosdo
reste aux Autridiions. — Décourafreiaent de Fn-déric. — (,'ain-
pa(.'no inutile dos Sui'dois :^(is
CHAI'ITKF VI
Québec.
.Missio.'i de Hougainville on France. — Expédition dit VVolfo contre
Quc'lioc. — Rombardoinonl de la ville. — Combat du Saut de
Montnioroncy. — Défait.' ?lo î.ipneris et prise (\o Niagara. — Re-
traite de Hourlai.iaquo à l'Ile aux Noix. '".mbarras do Wolfe.
— Ilataillo d'.Vbraliani. — Abandon du can;p de Beauport. —
Tentatives do ravitailloinenl — Cajjitulation de Quôti(>c. — Les
Anglais maîtres du lac Champlain -J.r.'
l -^
:^
(.'IIAITTiE Vil
Marine et colonies
Doscontos anglaises on .Norinaiidi-' et on Bretagne, - Combat de
Saint-Cast. -- Perle d-i Sénégal et de la Giiadolcin{)o. lîalaiilos
navales de Lagos et des Cardinaux. — Suprématie maritime do
l'Angleterre. — Campagnes do Lally aux Indos — Ses premiers
succès. -~ Engagements entre les oscadro>. — Siège do Madras. -
Pviso do Massulipatani par les Anglais. — Coiabal naval de Tran-
i|iiobar. — Dé.nêlés do Lally avec Bussy ot Leyrit. — Ki'volto dos
tioui)es :l|."
CHAPITRE VIII
Les cours d'Europe pendant l'année 1759.
Démêlés de l'Angleterre a\ec la Hollande et le Danemark. - Le
l'oi Don Carlos. — Ofl'rcs do nii'dialion faites par l'Espagne. -
Traité du :!0 décombn; 175S. - - Le comte de Cliois(Mil à Vierme.
— Relations dos cours de Vii-nne et de Vei'sailles. — La cour do
l'étersbourg. — Rapports entrj la llussie ot la France \ti
TABLE DES MATIERES.
649
CHAPITRE IX
Proposition d'un congrès de paix.
r.ifoi
Déclarations des rois d'AngloteiTC ot do Prusse. — Négociations
ontrc los cours do Vcfsailles, Vienne et i'étersbourf,' au sujet do
la réponse. — Conti-e-déclaration des puissances alliées. — Con-
versations de La Haye. — Démarche de Fronilay. — Rupture des
pourparlers. — Politique de Choiseul .j;-^
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LISTE DES CARTES
GONTENUKS DANS LK III" VOLUME
Bataille de Bergen.
Bataille de Minden.
Bataille de Pallzig ou de Kay.
Champ de bataille de Kunersdorf.
Combat de Maxen.
Bataille de Québec.
TTPOaltAPHlE FiynUS-DlDOT Kï C
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23 WEST MAIN STREET
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; Gagnée par M. le Duc de Broôjie Ltea. Grrà des Ai>ni<»Vis^
A. Colonne deU^aucite dléir £nneini5 composée des Grem.djei^ de {'•
/" . l>f'Js Je. Daj'felii. Ces colonnes virirent attaquer de Suit«
Fer
es auPlaii.
iai«t par BichotsKeuT! «e, marcKatrt.
(^uei- ae suiie pjTârfivalrtLle villa|e de Bergen e*i C. Undis aue \
_ 6i'»s Grunaii SavanccajA ijoiir soÛLsnir cette aftAoue.» E. Podtioii «le f Armée Françoise « F. les Saxons * C
L-t Bergen « I.Puinze aulres B>ttajiions er» coHoiries po»J' les loûtenir » K-furaiilerfe enneirae dui s'etan
Ci- i-rpou^lVe avec beawcoup de valeur dans trois dt<Fei*en+.e8 aUaciv.ej »c surtout ala dernière par los iS.l
fuccessrveinent a lAtUauie partie na/îanile village 8cpaiUe par les verôer* delà droife^ ces Iroupt
N. Cavalerie enriemie S'avançeanl pour empêcher îe propres de uds Irouujes aui se retireront ensi
Ber^eu.k Nôtre Infante rie i* étant retire les ennemis avajicernl leur ôaucKe enO. ce qui faisant
f aUaque M.leDuc de BrOOIiefji alors avancer par orecaiiiioii les onr.p BiHlaiHons efi refervi
j^ qu'il portât en avant du cSemin creux C. Les ennemis dans leur flernier** ponUon O. firent 1
~ quelque Infanterie !'ati.a.que de ieurg chasseius JLpar les bois do W^ilhel qui n'eid aucun Si
— des Savons F' « l-'CÇ ennemis :»pre. avoir iJ« la |'»flboiï de Rerôen paj' leur 6aucke ït leur
"V looMneâ Jispofilions an General s'en tuu'cnt aU < .riona<le de leurs baltene S qui dura jusqi
même «Kemin qu'ils eloient vtiin 5
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,^«iurl.oy Se Commandant J Armée du. M.ein,fii
Ferdinand le l3.Avi'»l U^^J-
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choisneur» te mafcKani a-mteme nautfeur aue celles du centre i5.
^en en C. ♦a.ndis aue les coloiines die la fircilc. P. débouchant 1
>e 4 F. les Saxons « G. Balieries* H.huil battaillons dellioee pou.
e enner;jie dui s'etant a^'ancee avec succès prés du cnemm
dernière nar lc;s i5- Battailiohs en colonne derrière le viHa^<
ila droite^ ces troupes poursuivirent les ennemis lusâue&en J^. a
li se retireront ensuite pat' orJre de M. le Du-C deOrOQlie
enO. ce qui faisaiii présumer que leur objet poun-oit elre
.Htilons efi rpfervc y. dans les poinU P ainsi ctuc 10. Es*
ponUon O. firent aueltj,Aes mouvement» aleur droile
|Ui n'eujt aucun Succès parla dépense des voloniaîrea
ir êaucne fe leur droile fcirouvanl une ferme resisfaince
S. qui dura jusdu'a. la nu^ba îafaveuj^ de laaiiene ils se
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Aufifi'iuiniiiicn ooti H njniann Afixfor im Preits.f. (rériémLrUibc i86Ô.
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aufo-enoimiicii ift58 imd luit Eintra(riin<r der
Sitnatioii zm^Zcil der Schlajchl(i2ÂugTista759)aaclidtui
Planen A^onPetii^v.Baj-scAvisch xmdv.Gaudy, sowle nacJi
Orio'iruil Actcn.
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(a) TtncJi Pétri ^^JhvitestvOeffrwnifiierJittssVerjchari zuiiif.rhun
D Xiix'ite huilerie :Aiif3-lelbinQ derJ'rens.fcn ^ fiij'FuTtrmerk
0 I>ritte „ „ „ 1 Siin.rrstÏ4>r^ Miuh ■AhiMf,
(C) nachretri. 'i^Russiche. Balii-rien <je<fi-n dieMeth-r-uuif
*X7Uc},ti,ru,,{J.ati,l,msch:i ('•loall Att(pi/paitf\\^^i/iiclrl%iiJ:JiiriLnl>iU^f.d,^lirt,'n
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1 Gutes Défilé dtirr/i dieSuirififiitiic V^^'^i^rJurKhiàmei-JJfi/rtm
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COMBAT DE I
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ErtriMi 'lu j,l>ii( du imn/itil ilr Ma.rcii dvpotii} aux Archives du Mintstère ilv la Guerre.
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Erklàrung derer in diesen Pla
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BEFINDLICHEN BUCHSTABEN
A. Cnmit iiccuih' imr k corps imjin-iul du l'j nu :V/ .Vorcwi/y/v, à 7 heures
ilu malin.
U« Marche de ce corji.i contre Maxen.
< • Houle suivie par les grenadiers autrichiens sur la colline de llausdorf.
I*» linlieries qui onl hombardc l'ennemi.
!■'• houle suivie par l'infanterie et par les colonnes de cavalerie.
■'• Attaque des r/renadiers ainsi que des autres colonnes.
"• Formation du corps impérial sur la hauteur d'où il a tiélogé l'ennemi.
11. Posilion occupée éi la tombée de In nuit par la Autrichiens, une fois
les Prussiens délogés de toutes les hauteurs.
'• Allant-garde prn.ssicnuc qui s'i'sl retirée n l'upprnche du corjf imjieri'il.
Ii« Position du gros du corps de Fiuck près île Ma.ren,
!•• Formation des Prussiens derrière Ma.ren, après leur premier renerx.
yi' Dernière position ilans laquelle les troupes de Finck ont clé réduites a
passer la nuit, et on elles ont capitulé le 21 au matin.
V. Marche du corps Rrentano eenant de Lockowitz.
O. Position du général Urenlano.
!*• Camp des Prussiens près .Ma.ven.
y. Troupes impériales au moment de la capitulation.
!*• Hauteurs desquelles l'armée des Cercles a bombardé l'ennemi.
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