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TEST TARGET (MT-3)
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Photographie
Sciences
Corporation
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23 WEST MAIN STREET
WEBSTER, N.y. 14580
(716) 872-4503
A.
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CIHM/ICMH
Microfiche
Séries.
CIHM/ICIVIH
Collection de
microfiches.
Canadian Institute for Historical Microreproducticns / Institut ctinadien de microreprcductions historiques
â
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Pages endommagées
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sion, or the back cover when appropriate. AH
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d'impression ou d'illustration, soin par le second
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TINUED "), or the symbol V (meaning "ENO"),
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Les cartes, planches, tableaux, etc., peuvent être
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Lorsque le document est trop grand pour être
reproduit en un seul cliché, il est filmé à partir
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et de haut en bas, en prer.ant le nombre
d'images nécessaire. Les diagrammes suivants
illustrent la méthode.
1
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LA
GUERRE DE SEPT ANS
■*A^
DU MÊME ArTErn
Louis XV et le Renversement des Alliances. — Préliminaiies
do la Gurrre de Sept Ans (1754-175(5). 1 vol. in-8°. ,
La Guerre de Sept Ans. — Histoire diplomatique et militaire. '^
Vol. I. Les Débuts. — Vol. II. Crofeld et Zorndorf. — Vol. III.
Miiideii, Kunersdorf, C,)iiéliec. — Vol. IV. Torgaii, Pacte de famille.
Droits de reproduction et de traduction réservés
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y compris la Suède et la Norvège.
TÏIHHJIUl'lllE FIUMIN-IIIDIIÏ KT i;"' — MK.S.MI, (KUKE)
(,
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RICHARD WADDINGTON
V
LA
DE SEPT ANS
UISTOIKI-: nil»L(li\IATIQUE \IT MIIJTAIUK
TOMK \
PONDICHÉRY. - VILLINGHAUSEN - GCHWEIDNITZ
;oi:vnA(;i:; coLHo.wi'; l'AU l'i.nstitlt)
LIBRAIRIE DE PARIS
FIiniIX-DIDOT ET C"- ItArrRIMEURS-ÉDITEURS
56, RUE JACOB, PARIS
.#■.
I/V
(iUEURE DE SEPT ANS
CHAPITUE PUI<:MIEa
INDES ORIENTALES
COMBAT I)E VANDAVACJIV. — LKS AXiLAIS s'|;.>||.m,kM
d'aRCOTK et de KAU.KAL. — IMJA »L.)(.)LÉ |,a>S IH)>-
mClIKRY. — SIK«iK IT C.UMTir.ATIOX LE LA VII Ll —
I.XPÉI)1TI()X CONTRE LKS IMIILMMM.XES. - l<EJ).>,TIO> „E
MANILLE.
Aux Indes Orientales, Tannée 1700 fut aussi désastreuse
pour la puissance française (ju'elle 1 avait été au Canada
Hrillamnient inauguré par la prise du fort St-l)avid lé
commandement deLally se heurtait à des difficultés sans
cesse grandissantes et les plus sérieuses jusqu'alors n'é-
taient pas du fait de lennemi. Au commencement de
janvier 1760, quoique fort compromise, la situation n'é-
tait pas désespérée : la révolte des troupes avait été con-
jurée ; CriUon était de retour du Sud avec une partie des
troupes si malencontreusement lancées dans ce mouve-
ment excentrique; Bussy, bien qu'il eût échoué dans la
négociation entamée pour s'assurer le concours de Bassa-
let-Sing-, ramenait à Arcote :{50 Européens, quelques ci-
iai;RllK DK SKI'l ANS. — T. V.
LA CUEUIIK l)K SKI'T ANS.
(MAI'. I.
payos et 2. ()()() cavalirrs nmlirattes; l'rUVîctif français
«Hait supérieur à celui de leurs rivaux, malgré l'arrivéo
en octobre d'un dcuii-réi;inicnt expédié directement d'An-
gleterre ; en dépit de rexemple récent d'indiscipline, Je
moral du soldat était bon. H y avait donc de bonnes
raisons d'espérer le succès, quand Kally rci)rit dans les
derniers jours dr décembre la direction de l'année con-
centrée sous les murs d'Areote.
Quelques jours après, les Français étaient en route
pour Vandavachy dont les Anglais, mettant à prolit l'i-
naction de Lally, s'étaient emparés le 30 novembre et
qu'il était essentiel de ne pas laisser entre louis mains.
Par une marche rapide, le général français trompa son
adversaire le colonel Coote, lui enleva ses mf>gasins à
Conjivarou. s'y ravitailla, et parut devant Vandavachy le
1(1 janvier au matin avec (iOO Européens et quelques in-
digènes, laissant Jîussy pour couvi'ir l'opération avec le
gros des forces à Tripalou. C'était contre son gré que ce-
lui-ci se tr(»uvait à l'armée; sous prétexte de santé, il
avait sollicité la permission de se rendre à Pondichéry.
Lally la lui avait refusée [i] : « Votre départ de l'armée
mettrait la colonie dans le plus grand danger où elle ait
encore été en la privant du secours de 2.000 cipayes
qui ne veulent obéir (ju'à vous. »
La ville de Vandavachy fut assez facilement emportée,
mais le fort, défendu par une garnison de 150 Anglais et
G compagnies de cipayes, devait offrir plus de résistance.
11 eût été possible de brusquer l'attaque, mais le colonel
de l'artillerie Durre voulut procéder méthodiquement. On
mit '* jours à construire les batteries qui ouvrirent le feu
le 20 janvier, 2 jours à les rectilier, si bien qu'on donna
le temps à Coote d'arriver au secours de la place. Ce der-
nier était parvenu le 21 à Tripatou que Bussy avait éva-
(1) Lally à Bussy, 14 janvier 17G0, leUre citée par la Revue des Ques-
tions historiques, V i&avier i907.
I-KS AHMKKS EN l'HKSKNCK. a
eue la veille pour rejoindic son cliel". lue baluille deve-
n.iit iuévitahlo.
F.ally laissa lôO Ktiropéens et MOO cipayes devant Vaii-
davacliy et [nit position dans la plain»' à peu do dislance
de la ville. Les armées eu présence étaient peu considc-
raliles; d'après Malleson (1 qui adopte i\ peu près les
chill'res de Lally, les forces de celui-ci se composaient
de 150 cavaliers et l.MÔO fantassins français dont i'OO ma-
rins, de 1.800 cipayes, qui pour nue bonne partie ne pri-
rent pas part au combat, de -i.OOO cavaliers mahiattes vA
de :iO canons. A en croire l'bistorien Camlniduc (2), les
Français auraient mis en lis ne -2.200 Kur(t[)éens, 000 cafres
et 10.000 indiiiènes auxquels Coote n'aurait pu opposer
que 1.700 Anglais, 3.Ô00 cipayes ou cavabers indigènes et
lô bouches à feu. En tenant compte des exagérations ha-
bituelles en pareille malièi-e, il est permis de supposer
que les forces des deux partis, tout au moins en ce (|ui
concerne les soldats européens, étaient à peu près égales
en nombre.
Coote, dans le but de tourner le camp de sou adver-
saire, fit ellectuiT à ses troupes à l'abri d'un pli de ter-
rain une marche de flanc qu'essaya de tmubler une at-
taque delà cavalerie mahrattc; bien «pie condnite par
Noronha, le fougueux évêcpie d'IIalicarnasse, elle fut faci-
lement repoussée.
Coote forma ses troupes en deux lig'ues : la première
composée des V bataillons anglais et d'un bataillon de ci-
payes, la seconde des grenadiers de l'armée et du reste
des cipayes.
Kntre temps, Lally avait rangé ses troupes entre deux
'1) Malleson, flislonj of ilie l'rcnckin /«(//«. Dans sa dt'|i(>clio, Lally s'al-
Iribue SfUleincnl 1.200 I-raiiraisol 'i.OOO noirs. I.allj à ndleislc, Poiulichéry,
(i février 1"0o. .\rf:liives de la Guerre.
{•>.) Cambridj-e, Wnr in India, p. ?x,(i.
Orme cilé par .Malleson |iarle de l.Ooo Anglais et 1.350 indigènes.
M-
4 LA (.UKHUK l)K SEPT ANS. CHAI'. I.
('tangs, le dos à Vandavacliy, la gauchi' s'ap|>u\ant à nnc
foiitaiin' 011 ré.scrvoir «Mitoiin; d'un rctrancliciiicnf iiatiiifl
armtî «le doux canons et confié h la t;ardt; du dcîlaclu'-
inent do niarin.s; les réf;uliei's IVanoais étaient sur uim^
seule ligne avec un rideau d'iiomiuos simulant la réserve;
le n'îgimcnt de Lally formait la ganclie, Lorraine la
droite, la fraction du régiment do l'Inde le centre, la
cavalerie européenne constituait l'extrôme droite. Des
deux Cl^tés, l'artillerie était placée dans les intervalles sur
le front «1(^ bataille.
L'alfaire comnien(;a par une canonnade ass"»z vive.
Lally, voyant l'ennemi ébranlé par le feu de la batterie
des marins (jui enlilait ses lignes, courut à sa cavalerie
et ord )nna la charge. Ni le commandant en premier, ni
le commandant en second n'exécuteront l'ordre. Lally
cassa le premier et mit l'autre aux arrêts; s'adressant
alors diroctemei.t à la troupe, il réitéra l'ordre. Du des
capitaines, M. «l'Héguerty, enleva ses hommes en criant
(|u'il serait honteux d'abandonner le général. Arrivés à
100 mètres de l'ennemi, les escadrons furent reçus par
un feu de mitraille et de mcnisqueterie ([ui jeta le désor-
dre dans les rangs et leur fit faire demi-tour. D'après la
dépèche de Lally (1) il aurait été « abandonné ù la demi-
portée de pistolet seul dans la plaine où j'ai essuyé
le feu de leur cavalerie et en ai été quitte pour un coup
de pistolet dans mon chapeau et un dans ma selle ». D'a-
près le récit anglais, la charge aurait été résolument
menée et n'aurait échoué que devant le feu de deux ca-
nons que le colonel Draper fit intervenir fort à propos.
Lally regagna son infanterie, la trouva en butte au tir
des canons anglais et désireuse do prendre l'ofiensive, il
forma le régiment de Lorraine en colonne, se mit à sa
tête, fonça sur la ligne ennemie et en creva le centre.
(1) Lally à "k'ileisle, Pondichéry, G février t7C0. Archives de la Guerre.
COMUAT DK VANDAVACHV. 5
Il y ont entre les deux Iroiipes un c »rps à corps des plus
viitlcnts «pie vint intt'ri'ompn- nu incidciif des plus lA-
clienx pour les I r.ineuis.
l'n projectile toml)»' dans la hnttcric des marins, lit
sault'f un caisson rempli de poudi'e; l'explosion causa la
mort du chevalier de Poète et mit hors de comhnf S() ma-
rins, le reste pris de panique s'enfuit, (loote, aussitôt
qu'il s'aperc'ut de l'ahandon du retranchement, d(»nna
ordre <V lîrerelou de s'y étahlir, mais déji"» lUissy qui
commandait la yauche avait rallié une cincpiantaine de
soldats du rét;iment de Lallv et s'i'fait jeté dans la r î-
doute. IJrereton et ses hommes furent accueillis par
une décharjic (jui tua leur chef, sans arrètei' l'attacjuc;
elle fut poussée jus(|u'à la Itatterie dont elle s'empara
déllnitivement. (-e succès rendait les Anglais maîtres de
la clef de la position, et décidait de la bataille. Kii
vain Bussy ossaya-t-il h) ramener la gauche française;
entraîné dans la déroute et obligé de descendre de son
cheval qui avait été blessé, il fut r'touré par les Anglais
et fait prisonnier. A son tour, abordé en flanc et en tôte,
le régiment de Lorraine fut forcé de reculer. .V 2 heures
de l'après-midi, l'atlaire était terminée; les Français, pro-
tégés par leur cavalerie (pii s'était ralliée, se retirèrent
sans être poursuivis; ils furent rejoints par le détache-
ment laissé devant Vandavachy et gagnèrent Chelteput,
(iingee et finalement la banlieue de Pondichéry où ils
arrivèrent le 25 janvier, V jours après la bataille.
D'après le rapport anglais, l'armée d(! Lally, étant
donné son faible effectif, aurait été sérieusement épri>n-
vée : 800 tués ou blessés au total, dont 200 enterrés sui'
le champ de bataille; 200 blessés auraient été ramassés
par le vainqueur, et de toute leur artillerie, forte d'une
vingtaine de canons, 3 pièces légères auraient pu seules
être emmenées. Les Anglais n'accusèrent en Européens ([ue
52 tués et IVl blessés. Peu importante, comme on le voit,
!
LA GUERKE DE SEPT ANS.
CIIAI
au point de vue des odeclifs engagés et des perles subies,
la bataille de Vaiidrivacliy fut cependant grosse de con-
séquences; elle détermin.i la fin de la puissance fran(^aisc
aux Indes, après une agonie qui dura, il est vrai, encore
une année, i.'rAce surtout au peu d'activité que déploya le
général britannique.
l*ou de jours après sa rentrée à l'ondlcliéry, Lally rend
compte de la situation au ministre de la (luerre. Il se
pl;;int de n'avoir eu de renforts ni en hommes ni en
urgent : « Les ennemis ont ret.u depuis mon arrivée ici
deux mille hommes de troupes réglées et huit cents hom-
mes de troupes de compagnie de renfort. M. d'Aché
m'a laissé trois cents mousses ou matelots éclopés pour
opposer à ce nondjre; les ennemis reçoivent continuel-
lement des sommes considérables d'Europe, de Bengale
et de Mombay; je n'ai pas reçu un sol depuis ce temps.
Le défaut d'argent m'a déjà fait manquei' Madras l'année
dernière, et je dois attribuer en partie à la même cause
la perte que je viens de faire d'une bataille où je ne suis
trouvé forcé de marcher à l'ennemi avec douze cents Ku-
ropéens et quatre mille noirs, contre deux mille six
cents Anglais et cinq mille noirs; M. de Verdière m'a vu
abandonné avan*; que le cond)at fût engagé, par deux
mille chevaux de ma droite, et deux mill<; cipayes de ma
gauche, et je me suis vi: dans le moment isolé avec
mille fantassins, en iront de bandière ù. trois cents i)as de
l'ennemi. » Il ne consacre que quelques mots k la bataille
sans oublier toutefois de faire une 'usinuatiim blessante
pour Bussy : « J'y ai perdu deux cents hommes, et l'en-
nemi au moins autant, je n'y ai eu qu'un seul prisonnier
fait sur le champ de bataille, et c'est M. de Bust-y; j'ai
abandonné Vandavachy dont je faisais le siège, et je me
suis retiré en bon ordiC, sans être inquiété et sans perdre
un seul homme, à troi.; lieues de mon chanq) de bataille.
« Cette bataille a entraîné la perte de Gelteput quV
PRISK I) AKCOTE PAR I.ES ANC.LAIS. 7
n'a tenu que vingt heures, et de cinquante bir.ncs que
j'ai eu (le la peine à y faire entrer pour le défendie.
Lfs ennemis ont marché k Ai'cote <jue je jie suis point
en état de secourir, l'officier n'ayant, à la lettre, pas de
quoi y manger, et n'ayant paj, également à la lettre,
deux cents pisto'es pour mettre en mouvement huit ou
dix pièces de campagne. »
A. partir de ce moment, Lally, qui pendant l'expédition
de Vandavacliy s'était montré sinon tacticien haKile, tout
au moins chef énergique et brave, paraît avoir cédé
A l'abaHement et s'être abandonné ; retiré à !*ondi-
chéry, il se désintéresse des opérations militaires et laisse
les Anglais s'emparer l'une après l'autre des villes du
Carnatic qui étaient restées entre les mains des Français.
Il semble que Coote aurait pu profiter de la défaite et
de la retraite prcc'- ''ée de l'armée de Lally pour tenter
un COU}) de main sur Pondichéry ; il préféra une procé-
dure plus méthodique et passa les mois de février et de
mars à enlever les postes avec les garnisoi»sque le général
'Vançais y avait inq)rudemment laissées. Le 29 janvier, les
Anglais prirent possession presque sans résistance de
(-hclteput où ils rimassèrent une soixantaine de soldats
lran(;a!S, 300 cipayes et 7:5 blessés de la bataille; le
2 février ils étaient devant Arcote (jue ZuLipiiee Zuig et
ses mahrattes avaient délaissé ; le 9 la place capitula
après une canonnade de 4 jours; onze of'fîcierc et 230 sol-
dats européens se rendirent prisonniers. L'effet moral
d( la prise d'Arcote !'j* ''onsidérable sur l'esprit des
indigènes qui jugèrent la cause française perdue; le
découragement avait gagné ce ([ui restait de troupes
régulières. Coote signala (1) l'arrivée dans son camp de
27 hussards (2) avec armes et bagages; il put même
(1) Code à liarrington, Valdoor, l"'' juillel 1700. Ne\M..s(l(' Papers.
(?.) Cello (léserlioii eut lieu à la suite d'une émeute causée i)ar les flarUs
apportés au paiement.
LA GLEURK DE SEPT ANS. — CHAI». I.
organiser avec les déserteurs un corps qui porta la
dénomination de volontaires franrais et qui fut active-
ment employé contre leurs compatriotes. De tous les
postes franrais le seul qui opposa une résistance sérieuse
fut le fort de l*ermnola dont la prise coûta à l'assiégeant
127 tués et blessés; parnli ces derniers était Coote lui-
même. Sa blessure ne l'empêcha pas de marcher avi'c
sa cavalerie, en grande partie indigène, sur Pondichéry.
A un mille des limites (1) du territoire de la ville, il prit
le contact avec un détachement français qui se retira
sans comba^^^tre, abandonnant son camp et un canon. Après
une courte reconnaissance de la ville, Coote rejoignit
son armée et reçut la reddition de Alumparva avec les
200 cond^attants ([ui y étaient enfermés. La campagne
continua par la prise de KariUal le 3 avril après « une
pauvre défense » de la garnison de 438 hommes; les
Anglais avaient dû leur succès au concours de 800 sol-
dats marins et d'infanterie de marine débartjués par
l'amiral (lornish et à l'arrivée opportune d'un petit
détachement venu de Trichinopoli. Quelques jours au-
paravant, l'armée principale, sous les ordres de Coote,
s'était emparée de l'importante localité de Valdoor si-
tuée à î) milles de Pondiohéry. Le voisinage de l'armée
française, dont les avant-postes étaient à 300 mètres du
canq) anglais, rendait l'attaque fort scabreuse. Coote,
qui s'attendait ;\ un effort de la part de Lally pour se-
courir Valdoor, chercha à tromper son adversaire par
des démonstrations auxquelles celui-ci répondait en
mettant tout son moufVe sous les aruics. Le général
français n'intervint pas, et le fort, après une courte résis-
tance de 2 jours, se rendit le 10 avril avec sa petite
garnison, « sous le nez » de l'armée française. Coote fit
aussitôt réparer es brèches que son canon avait ou-
(1) Les liiniles élai'
»'|)ineux.
marqiiiMîs iiar une liaio ih; poivriers el d'arl)Msles
BLOCUS DE l'ONDICIlERV. 0
vertes, mit sa conquête en état de défense et y installa
des hôpitaux pour les nombreux malades de son armée.
Sur mer, Cornish avait été rejoint par l'amiral Steevens
avec V vaisseaux et 2 frégates; ce dernier prit le com-
mandement de la flotte. Ainsi renforcés et supérieurs on
forces à celles que d'.Vclié aurait pu leur opposer, s'il
s'était décidé à renouveler sa visite annuelle à la côte
de Coi-omandel. les .Vn^lais étaient devenus maîtres
absolus de la mer et en avaient profité pour établir le
blocus de la rade de Pondichéry; pourtant, ils ne purent
empêcher l'arrivée, pendant qu'ils étaient occupés au
siège de Karikal, de deux frégates françaises qui appor-
tèrent des munitions de guerre, mais aucun renfort de
troupes.
l*endant les trois premiers mois de 17(»0, Lully n'avait
rien fait pour troubler les mouvements de l'adversaire,
sinon de rappeler de Seringham le contingent de 500 hom-
mes qui lui aurait été si utile à Vandavachy ; il com.-
pensait ainsi le déficit que lui avait occasionné la perte
successive de ses garnisons. II ne sortit de son inaction que
pour tenter une surprise de CudaJoie où la flotte anglaise
avait établi un dépùt. L'entreprise confiée le 11 mai à un
détachement de VOO honnnes ne réussit ({a'à moitié; on ne
put s'emparer des embarcations qui servaient îV conunu-
niquer avec les navires et ;\ les ravitailler, parce (pi'elles
avaient été ancrées hors de la portée de la plage, mais
' on fit prisonniers iiï malades appartenant aux équipages,
l'ne seconde attaque plus sérieuse renouvelée le .'U mai
contre Cudalore échoua. Il en fut do même d'une tenta-
tive (l) contre la position des Anglais fort étendue entre
le fort (le Villeuour et les roUinos de IVi'embe (ju'ils
avaient fortifiées dune redoute armée de trois canons.
Weux colonnes devaient assaillir la redoute et le centn.
(1) Malloson. Jlislory ofthe l'rench in Indiii.
10
LA GUKRiifc; m: sept ans. ciiap. i.
de la ligne anglaise, tandis qu'une troisième, sous les
ordres de d'Aranibure, ol'ficler de quelque réputation, de-
vait franchir la rivière Ariancopan et prendre l'ennenii à
revers. Le succès couronna les premiers ellbrts des Fran-
çais; l'ouviage de Peremhe fut emporté et ratta(}ue du cen-
tre était en Ixmnc voie, quand une fausse manœuvre de
d'Arambure lit tout échouer. Cet officier, en dépit d'une
reconnaissance faite la veille avec Lally, se trompa de
route et au lieu de prendre les Anglais à. dos, déhouclia
derrière ses propres compatriotes. Force fut de rentrer
dans les limites.
Ces opérations malheureuses furent les seuls efforts
tentés par les Français pour percer le cercle ([ui peu à
peu les enveloppait; le blocus n'était pas encore si res-
serré, qu'un corps de 2.000 cavaliers du Mysore ne parvint
à se faufiler entre les détachements des assiégeants et à
rallier l'cirmce française, intligcant une perte d'une cin-
quantaine d'hommes à la cavalerie ennemie. Lally, en
proie à la maladie et au découragement, se plaignait (1)
de l'élatdc ses soldats et du manque d'officiers : « Je vois
les troupes du Roi et celles de la Compagnie comman-
dées par dos capitaines de 17 à 18 ans, que j'ai été obligé
de nommer en remplacement de toutes les tètes de régi-
ments qui ont péri dans le cours d'une campagne de
30 mois sans une relAche de 1.") jours. » Il énumère les
renforts anglais et compare .son abandon avec les res-
sources dont jouit son adversaire : c 11 me reste encore
environ 2.000 hommes tant bons que mauvais dont j'en
])eux mettre 1.500 en campagne; les Anglais en ont 3.000
dont ils peuvent mettre 2.000 en campagne; ils sont aux
portes 4e Pondichéry, ils regorgent d'argent; il y a six
mois que je suis aux expédients pour payer les troupes
qui se sont déjà révoltées trois ou quatre fois. Avec tous
(I) Lally à Belloisle, Pondichéiy, 4 mars 1760. Archives de la Guerre.
henfouts anglais.
il
ces malheurs, je tAclierai de donner encore un coup do col-
lier d'ici à ({uelques jours, si je peux le faire sans mettre
Poudichéry en danger, parce qu'il vaut niien\ mourir du
l'er f|ue de la faim; j'ai ici précisément la j)rol)ilé à mou
zénith, car je n'y ai pas encore aperçu l'ombre d'un
r honnête homme, et encore moins d'un citoyen.
« Les grAces ([uej'ai demandées au Itoi poui' le régi-
ment de Lorraine et le mien vont porter, si vous me les
accordez, (comme l'invitation de l'Évangile) sur les bor-
gnes, Ixtiteux et manchots; de tous les officiers de Lor-
raine il n'y en a que trois et de mon régiment cinq qui
n'ont pas été blessés, et qui vraisemblablement vont avoir
incessamment leur tour comme les autres. »
Alors que le gouvernement de la métropole laissait à
l'abandon Lally et les débris de son armée, la cour de
Sl-.Iames ne cessait de renforcer ses troupes servant aux
Indes. Le 31 juillet arrivèrent d'Angleterre à (ludalore
.')î>0 hommes pour les régiments do Draper et de Coote :
" ('ela nous fait 2,000 Européens, écrit Steevens (1), mais
nous ne sommes pas assez forts pour un siège, car nous ne
pouvons pas débarquer nos « marines » aussi h)ngtem|)S
que l'escadre française sera attendue. » L"fe gouverneur de
Madras, Pigott, ne partageait pas cette façon de voir de
l'amiral ; à la date du 27 août, il lui adressait une lettre(2)
dans laquelle il résumait la situation et lui demandait sa
coopération sur terre. « La force totale de l'armée, tant
entro(q)es royales qu'en celles de la (Compagnie, se monte
h environ 2. ôOO Européens avec près de 6.000 indigènes,
sans compter les garnisons. D'après les avis les plus sûrs
que nous pouvons nous procurer, la garnison de Pondi-
chéry peut atteindre environ I.ÔOO Européens, y compris
les habitants qui peuvent porter les armes et quehjues
(I; Sleuvens à Clevland, au hirsc de Ciiilalorc. 6 août ITf.o. Kecoid Oflice.
( 2) Pifiolt à Steevens, 27 août 1700. Ilecoid Oflice.
«
LA GUEilKE DE SEPT ANS.
ClIAP. I.
compagnies de cipaycs. » (IrAce aux opérations déjà ac-
complies ef au blocus établi, <( la détresse de la garnison
doit être déjà grande et doit saccroitre tous les jours ». A
la pénurie de vivres il faut ajouter le manque d'argont
pour la solde qui occasionne du mécontentement et pro-
vo(|ue de fréquentes et nombreuses désertions. " Nous
sommes campés en ce moment à V milles environ des murs
de Poudichéry, et l'ennemi occupe encore autour de ces
murs une circonférence de 3 milles, ce (jui leur permet de
pâturer beaucoup de bétail et comme il est impossible de
les enfermer complètement, tant qu'ils seront maîtres d'un
espace de terrain aussi considérable, il est probable que
malgré notre très grande vigilance, ils trouveront le moyen
d'introduire des provisions. Il est donc très important de
les resserrer le plus tôt possible dans l'enceinte. » D'après
le colonel Coote, la première mesure à prendre dans ce
but serait de chasser l'ennemi d'Ariancopany, petit fort
à peu près à 3 milles au sud des murs de Pondichéry. « La
conquête de ce poste après celle du fort de Villenour, que
nous possédons dcjA, couperait toute communication avec
le Sud. » Maisle colonel Coote estime que le siège d'Arian-
copany ne pourrait être entrepris sans un déplacement de
l'armée qui aurait le grave inconvénient d'ouvrir à un
convoi de vivres préparé à (îingy l'accès de Pondichéry.
En vue du siège de la capitale française, on a réuni ou
on s'occupe de réunir à Madras les canons et les engins
nécessaires, mais ce matériel ne pourra être transporté et
débarqué à Cudalore avant la fin de septembre. Or, la sai-
son des pluies commençant au milieu d'octobre, le temps
fera défaut pour aborder les préparatifs du siège avant les
pluies. Quand même l'escadre française ne feiait pas son
apparition sur la côte, il est plus que probable que l'en-
nemi, comptant sur l'absence habituelle des vaisseaux an-
glais pendant le mois d'octobre, cherchera à faire parvenir
des secours à l*oudichéry et s'il y réussit, toutes les espé-
PHÉI»All\TII\5 DU SIKGE DE PONDirilKRY.
13
raiices de succès s'évanouissent. Le maintien du blocus par
mer empêcherait ce nialhcui'.
Pigott conclut en demandant à l'amiral de débarquer les
« marines » pendant quelques jours pour l'attaque d'Arian-
copany. Ce fortenlevé, les Français seraient eai'ormés dans
l'enceinte fortifiée de Pondichéry et devant l'impossibilitt'î
d'entreprendre les travaux de siè^i;e de la i)lace avant la
saison des pluies, on se bornerait à un blocus rigoureux
par mer et par terre, sauf à remettre l'attaque au retour
du beau temps si l'ennemi n'avtitpas été obligé de se ren-
dre avant cette époque.
Steevens acquiesça (Ij à la requête du gouverneur et
débarqua ses « marines » aussi bien que ceux de 3 vais-
seaux de ligne qui arrivèrent d'Angleterre le 2 seplendire,
soit 614 officiers et soldats. Par la même occasion, Coote
reçut un renfort de 33G fantassins venus également d'Eu-
rope. Lesopérationscommencèrent aussitôt; le 10 septem-
bre, leslignes et redoutesfrançaises furent emportées après
un combat qui coûta une centaine d'hommes à l'assaillant
et un peu moins aux défenseurs qui s'étaient retirés sans
attendre l'assaut final. Le colonel ]VIonson,qui commandait
les troupes anglaises, fut grièvement blessé. Le 13, à l'ap-
proche des Anglais, la garnison du fort d'Ariancopany fit
sauter les bastions de la face nord-est et renti'a sous les
murs de Pondichéry. Le 23, arriva un nouveau renfort de
172 highlanders.
Steevens, toujours préoccupé de l'apparition possible
de l'escadre de d'Aché, comptait bien réembarquer ses
« marines »; il ne fut pas peu surpris de recevoir de
Coote, qui avait repris le commandement des troupes,
la demande de les conserver à ferre ; à l'appui de sa
requête, Coote insistait sur les pertes journalières que
(I) Slcevens à Clevland, au large de Ciidalore, le 12 oclobie ITCO. Record
OKicc.
l'I
L.V GUElUtE DK SEPT ANS. - CIIAP. I.
y
subissait l'arinrc par maladies ou à la suite des roncou-
trcs IVéquentes avec les Kianc^ais, sur l'étendue des lignes
k surveiller autour de l'ondicliéry ; privé du secours des
hommes de la flotte, il se verrait obligé de ramener ses
forces en arrière et de relAcher le blocus. Stecvens se
rendit non sans quelque regret k ces raisons et obtem-
péra à la demande du commandant des troupes de terre
à lacpielle s'étaient associés le gouverneur et le conseil
de Madras.
Vers la fin d'octobre, l'amiral britannique 1 , désireux
de refaire son escadre, se rendit à Trincomalie, port de
File de Ceylan, avec douze vaisseaux de ligne, laissant les
autres devant Pondichéry. Les réparations ell'ectuées,
Steevens, estimant d'après les avis des autorités bjcalcs
de Madras que (( l'époque dangereuse de la mousson sur
la côte de Coromandel était passée », fit voile <le Ceylan
et rallia sa division de blocus le 25 décembre. Le temps
écoulé pendant son absence n'avait pas été perdu; aus-
sitôt la saison des pluies passée, le 8 décembre, Coote
avait commencé les travaux du siège en établissant k bat-
teries qui éiaient prêtes à ouvrir le feu contre la place.
Le blocus avait été sévèrement maintenu, « les Français
étaient réduits par suite du manque de vivres » à une
très grande détresse que la destruction de deux bAti-
ments chargés d'approvisionnements pour Pondichéry
avait encore aggravée. Ces deux petits navires réfugiés au
port danois de Tranquebar avaient été enlevés par les
Anglais à la date du (i novembre, sous le canon de la
place et avec la complicité apparente des fonctionnaires
danois.
Du camp des assiégeants, passons aux assiégés.
Si la saison des pluies avait amûré entre belligérants
une sorte de trêve, la guerre civile n'en sévissait pas
(1) Slecvcus à Clevland, Trincomalie, 7 décembre, au lar};e de Pondichéry,
20 décembre 17(10. _
' /
IMI'dl'UUlUTI': DE LALLY.
15
inoins A l'intérieur de la ville. Kvposé à la liaiuc; du
gouverneur Lcyrit et de l'élément civil (ju'il avait irrités,
moins pur l'arhitraii'C et riiicoliércnce de ses procédés
que par l'intempérance <le son langage et la brutalité
de ses apostrophes, peu aimé de ses officiers supérieurs,
pour les(juels il n'avait guère d'égards, s( [x'onné de
tous, mécontent de sa position, Lally était aussi impuis-
sant à obtenir l'obéissance qu'incapable de réveiller le
patriotisme de ceux ([ui l'entouraient.
Un fonctionnaire anglais traçait du général (1) fran-
çais et des difficultés de sa situation le tableau sui-
vant : (( Combien étrange le revers de fortune que
M. Lally a éprouvé depuis Janvier 17r>9 ! Il a mis tout
Pondicbéry en feu et parait franchement détesté de tous
les partis; en quelques occasions, il s'est montré homme
de grand sens et de ])eaucoup d'adresse, et au contraire
en maintes circonstances il a pris des mesures qui ont
évidemment causé un gros préjudice aux intérêts fran-
çais. Sans doute, il a eu A lutter contre; beaucoup de
difficultés et surtout il a souffert du manque d'argent
pour payer les officiers et les soldats. Même ;V l'heure
présente, il y a des mutineries tous les mois ; nous savons
de source certaine qu'ils n'ont d'autres ressources que
celles de France, laquelle semble dans l'impuissance de
pourvoir à leurs besoins. »
C'était en effet le mancjue d'argent qui paralysait les
efforts de la défense; les contributions forcées que Lally
essayait de lever sur la population tant française (ju'indi-
gène de Poudichéry produisaient peu en recettes, mais
attiraient au malheureux général les accusations les plus
invraisemblables qu'une haine féroce pouvait seule dic-
ter. Dans la nuit du iï au 25 août, c'est-à-dire au com-
mencement de l'investissement de Pondichéiy et alors
(Ij Lettre de John Call, Fort Saint-George, 15 juillet ITCO. Newcastle
Papers.
10
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CliAP. I.
'I ;
«ju'en dehors de cette place les Français ne possédaient
plus que la ville de (iiny y dans l'intérieur du pays, <les
inconnus allichôrent à Tùylise des Capucins le placard
suivant (1).
« tiingy à vendre.
« Anj,''lais, Maures ou Malirattes et autres, fussiez-vous
« du grand diahie, pourvu que vous ayez du comptant,
« on vous fait savoir que demain à :J heures de relevée
« se feront les premières montres des forts et aidées de
« (iing-y en l'IiAtel du sieur Lally, commissaire du Uoi et
u en sa présence, le tout au plus oifrant et dernier en-
« chérisseur, on se relAchcra pourtant pour qui aura
« son argent comptant bien palpable, parce qu'on est
(c pressé, les sûretés en seront données par le moine
(( Morogue le grand ministre ; le sieur Nagrcgor vous
« en fera la livraison.
<( Signé : Gl'ai)Evili.e(2).
Au-dessous était écrit :
« Messieurs et Dames, vous êtes priés d'assister de vos
charités le sieur de Lally qui se prépare à faire un pèle-
rinage à La Mecque, pour obtenir la rémission de ses
crimes; il s'attend à vos générosités, il voudra bien se
charger de vos diamants usés, de votre vieille vaisselle et
autres bagatelles de cette espèce ; Mahomet vous en tiendra
compte en sou paradis.
« Signé : (Juadeville. Amen. »
Quelques jours après, les sentiments hoitiles se mani-
festèrent par une véritable rébellion. l*our en imposer à
(1) Placard al'liché uans la nuit des '.ii-2.") août 1760. Copie conforme,
signé ; Lally. Archives de la Guerre, vol. 35-7.">.
('A) Employé civil possédant la confiance de Lally.
UEIlKI.i.ION DE LI;I.[;MENT civil. 17
renncini, Liilly avait commiindé (li une revue f;cn(''rale
sur la phigo sous les murs de la ville et afin d'enfler le
nombre des présents sous les armes, il avait donné l'ordre
}\ tous les Kiii'opéeiis d'y assister ; au besoin il ferait dis-
tribuer des uniformes et desainics à ceux qui n'en possé-
daient pas. Uans l'état des esprits, il n'est pas surprenant
que l'ordre du gouverneuifùt mal compris; les employés
delà Compagnie s'assembli^rent devant la maison de l.ally
et déclarèrent hautement qu'ils ne se rendraient |)as i\ la
parade. Ils furent soutenus dans leur refus par le fonseil
et notanunent par l'un des conseillers, La Selle, (|ue Lally
avait mis récemment aux arrêts sous accusation de dé-
tournements pendant rcxpédition de Seringliam. Kn vain
le gouverneur Leyrit harangua-t-il les mutins pour les
faire rentrer dans le devoir, il ne fut pas écouté. L'incident
fut terminé par l'entrée en scène d'une com[)a,!;nic de
grenadiers (jui dispersa les rebelles. Soit crainte d'aggra-
ver la situation, soit ed'etde l'indulgence méprisante (jue
Lally affichait parfois à l'égard de ses adversaires, les sui-
tes de l'affaire se bornèrent à l'exil de La Selle et de deux
employés; l'autorité du général, loin de gagner îï cette
modération, en souffrit cruellement.
lue lettre du père Vernet, du commencement de l'au-
tomne {i), passe en revue rapidement les événements de
l'année écoulée, résume la situation actuelle et en fait re-
monter la responsabilité tout autant à la corruption géné-
rale qu'aux fautes individuelles : « Depuis ce moment (la
défaite de Vandavachy) tout a été en décadence. Les An-
glais nous ont pris successivement Arcad (sic), Chetteput,
Alumparvé, Valdaour, Vilnour, Karikalet plusieurs autres
places. .J'étais dans Karikal et j'y ai été témoin oculaire
d'une défense lâche et timide; il ne nous reste plus dans
(1) Hamont, Lally Tollcndal, p. 265 et suivantes.
(2) Lettre du R. P. Verne!, jésuite de Trinquebar, 8 octobre 1760. Archi-
ves de la Guerre.
GUEnRE DE SEPT ANS. — T. V.
tl
LA Gl'KUnK l»l', SKl'T ANS. - CHAP. I.
rindo sur cotte côto (picGin^y et Poiulichéry, les Anglais
sesont attachés àcctte tlcinièrc pl.ic<^ ils la j)l()(juent par
moi' et par terre (l«;pui8 V mois, anjourd'luii A peine y
at-il des vivres pour un mois et demi, et notre escadre
no paraissant point cette année, il est vraisemhlahlecprils
en s^M■<>lltl)ient(^t les maîtres... Monsit'ur, tous nos malheurs
viennent de la jalousie et de h cupidité ; si l'on faisait
l'histoire lidtMc de ccîs dernières g^uerres dans l'Inde, on y
verrHit [)our le compte des Français plus de ventes que de
pertes de places, plus d<* trahisons que de défaites. Le nom
lran<,ais est fléti'i à jamais dans l'Inde. »
La situation militaire avait empiré depuis l'été malgré
(juel(jues tentatives (h; la |)art de Lally pour reprendre
l'oOensive. Le traité [>assé avec le Mysore en dépit du suc-
cès passager relaté plus haut, n'avait pas eu de résultat
délinitif. Après uncourt séjour dans le camp français, Muk-
doiim Ali, chef de la cavalerie mysoriennc, avait regagné
Thiiigar le 28 juin.
Ainsi que nous l'avons dit, a|)rès le comhat du i(> sep-
tembre au cours duquel IMonson fut grièvement blessé,
les Français furent contraints d'abandonner la défense des
limites et de se retirer sous les nmrs de Pondichéry.
A la suitedecetéchec, mécontent de ses officiers géné-
raux, irrité par les accusations qu'on lançait contre lui à
propos d'entrevues qu'il avait euesavec une Madame Jack-
son, qui passait pour la maîtresse de Pigott, gouverneur de
Madras, Lally mit aux arrêts le brigadier Fumcl. Entre
temps, leblocusse resserrait de plus en plus; l'amiral Cor-
nish enleva avec ses embarcations et sous le canon de la
place les deux petites frégates, 1' « Ilcrmione » et la « Ba-
leine »,qui constituaient l'escadrille fraoçaise. Dorénavant,
les communications avec la cùte étaient coupées et le
ravitaillement devenait impossible.
Malgré ces accidents répètes qui annonçaient trop clai-
rement l'approche de la fin, la discorde régnait plus que
.» ■> .„v'-
.ES RATIONS SONT HKOriTKS.
!•
jamais parmi les assiégés. Lally n'avait de ra|)|)orts ni
avec le gouverneur civil, ni avec le conseil; la gravité dos
circonstances lui imposa des tentatives de rapprocliement;
il écrivit (1) à Leyrit poui- lui mettr<î sous les yeux la si-
tuation de la place et pour lui rappeler (jue l»ondicliéry
était à la merci d'un assaut des Anglais. Au Conseil, il
adressa un dernier appel h la conciliation : « Je le prie
et le conjur(! de ne s'occUj)er que des moyens do pro-
longer la reddition de Pondic'iéry dans la certitude de
quehiup événement favorable (pie jo n'ose espérer. Nous
\oili\ tous égaux et tous prisonniers des Anglais. l*ondi-
cliéry n'est [)lus. »
La querelle entre Lally et ses adversaii-es était trop en-
venimée, les passions, les haines étaient tntp surexcitées
pour (jue la coopération, cependanl si indispensable, pi^t
s'eU'ectuer. Contrecarré par ceux ({ui eussent dû l'aider,
<lénonci comme traître, mal soutenu par ses subordonnés
militaires, l-ally eiit.l prendre sous sa seule responsabilité
les résolutions qui permettraient, en faisant durer les vi-
vres, de prolonger la résistance jusqu'au moment où
l'escadre de d'Aché ferait sa réapparition sur la cAte de
Coromandel. Dans ce but, il réduisit les rations des sol-
dats, expulsa les indigènes de la ville et oi'donna des
perquisitions dans les maisons particulières. Ces mesures
produisirent <[uelqne effet, mais elles eurent surtout pour
conséquence d'enflammer les passions et de f'ure surgir
de nouvelles menaces. Le H octobre, au retour d'une vi-
site des ouvrages de la place, Lally trouva sur sa table
un billet ['2) anonyme ainsi conçu :
« Auri Sacra famés. FS perdidit.
« Lally, sauve-toi, j'ai résolu ta mort, tu la mérites,
ton cœur te le dit, ton Roi te désavoue, on rira à ta mort,
(1) Lally à Leyrit, 8 octobre I7e0. Archives de la Guerre, carton XXXV.
(2) Billet jeté sur la table de .M. de Lally, 8 octobre 17«iO Archives de la
Guerre, vol. 3575.
20
I.A GUKRRE DE SEPT ANS. — CHAP. I.
ifl
on pleurera à la mienne, I\egrctte le service <lu fils de
celui qui aida Jésus dans ses peines. Tu es trahi. »
En marge était écrit :
« Je te donne •1\ lieuvcs. >)
Peu après cet avertissement, le général, très éprouvé
par le climat et par les épreuves morales, eut une crise
de maladie qu'il attribua à tort ou à raison à une ten-
tative d'empoisonnement. Aux prises avec la douleur,
surexcité au dernier degré, Lally se livra à des emporte-
ments dont le jésuite Lavaur, devenu le confident intime,
l'ut seul témoin. D'après le journal do cet ecclésiastique,
le général se serait écrié (1) : « Que je suis malheureux!
Ah! Pondichéry! l*ondichéry! Que n'ai~je la force de me
tuer! Oui, je suis un poltron. Eh bien! qu'on me tue,
qu'en m'empoisonne, qu'on m'assassine, sans cola Pon-
dichéry est perdu; qu'on me tue, mal3 qu'on ne me fasse
pas de mal. » Lavaur attribue ce langage incohérent à
l'état d'ébriété dans lequel se serait trouvé le malade.
Que les propos relatés aient été tenus, cela peut à la vérité
se croi'c, mais se baser sur eux pour étayer une accusa-
tion ic trahison, voilà qui passe singulièrement les
bornes. Cependant, le môme esprit, tendancieux au point
d'en être ridicule, se retrouve dans les écrits des ennemis
de l'infortuné Lally. Citons un passage d'un manuscrit (2)
qui
décrit les soull'rances de la srarnison et accuse le gé-
néral de les exagérer, afin de la pousser à réclamer une
capitulation qu'il souhaite, mais dont il veut esquiver la
responsabilité : « H (le soldat) se vit réduit A, une demi-
ration de riz, et une demi-livre de bœuf; bientôt ie cheval
(1) Journal du père Lavaui. Ce journal, trouvé dans les papiers du père
jésuite, mort vers la lin de 1762, est un véritable acte d'accusation contre
Lally dont il dénature les actes et auquel il attribue des desseins aussi
noirs qu'invraisemblables. Or. prétend que Lavaur avait écrit deux journaux
dont l'un favorable à Lally; ce dernier aurai', été détruit.
(2) Manuscrit sans titre rédigé probablement par le père Lavaur. Archives
de la Guerre.
SOUFFRANCES DE LA GARNISON.
2t
prit la place du premier; l'àne, les chiens, les rats, leii
souris, les corbeaux, les chats se succédèrent tour :\ tour
sans qu'il pensAt à se plaindre; sa demi-ration fut réduite
au quart, et enfin au demi-quart de riz, aux quatre onces
d'une poudre qu'on voulait l)ien appeler nourrissante ; il
souffrait pourtant tout avec patience, deux raisons en par-
ticulier l'y déterminèrent au point d'être résolu de plutôt
mourir que de murmurer : la première que les officiers
étaient réduits à la même ration que lui; la deuxième que
l'on n'agissait ainsi que pour le faire révolter ou demander
la capitulation afin de mettre sur lui la perte de Pon-
dichéry. Il s'obstine à ne vouloir ni l'un ni l'autre; au
reste ses soupçons ne laissaient pas d'être fondés, et plus
d'une fois il était échappé au général de dire qu'il était
impossible de conserver au Uoiune ville pleine de traîtres
et de mutins. »
Certes, à Pondichéry, il y avait bon nombre de traîtres
et de mutins, mais ils ne figuraient pas dan^ les rangs de
la garnison. Celle-ci, composée des débris des bataillons
de Lally et de Lorraine et d'une poignée d'artilleurs, de-
meura disciplinée et fidèle à son chef jusqu'à la lin. De
l'aveu de tous, le sort de la place dépendait de l'arrivée
prochaine de l'escadre. Que s'était-il passé k l'île de France?
La métropole avait-elle complètement oublié sa colonie?
Impressionnée par des biuits que la cour de Londres
avait habilement fait circuler sur un projet d'attaque de
l'ile de France, la Compagnie des !ndes françaises avait
adressé (1) à Louis XV une requête tendant à renforcer la
garnison de cette ile et de l'ile Bourbon. En réponse h cette
demande, il fut décidé d'y envoyer un bataillon du régi-
ment deCambrésis et un détachement d'artilleurs. Pendant
wjje ce ren^'ort se préparait, le maintien de Lally à la tête
des troupes de l'Iude et son remplacement par Bussy furent
(1) Requête de la Compagnie des Indes. 5 février 1700. Archives de la
Guerre.
a?
LA GUERRE DE SEPT ANS, — CHAP. I.
*: 1"
il
n
mis sur le tapis. Bclleisle soumit au contrôleur général
Eertiii, duquel la nomination relevait, deux brouillons de
lettr«î : le premier signifiait sans commentaire à Lally son
rappel; le second portait à Bussy sa promotion au grade
de maréchal de camp et au commandement en chef. L'ar-
rivée à Lorient de deux vaisseaux des Indes dont l'un avait
à bord le brigadier Soupire et plusieurs officiers rentrant
en France vint modifier ces dispositions. Le succès de
Geoghegan à Vandavachy, les bons témoignages des mili-
taires qui avaient servi sons Lally produisirent un courant
favorable à ce dernier. Bertin (1 ) après quelques hésitations
se prononça pour lui : « En général, quoique M. de Lally
ait fait des fautes, môme comme militaire, on ne peut dis-
convenir qu'il n'ait plus de connaissances en ce genre que
M. de Bussy qui n'ajamaisfait la guerre en Europe ni contre
des Européens, et qui ne s'ost maintenu dans le Dekaji
qu'en s'occupant continuellement à démêler les intrigues
de cette cour et celles de tous les princes maures qui en
dépendent. » Suit une critique de la politique de Bussy en
matière d'affaires indigènes.
« MaiSjContinue le directeur, ce qui m'a décidé adonner
l'exclusion à M. de Bussy est le tort qu'il a de n'avoir jamais
rendu compte des revenus immenses qu'il a touchés pour
la Compagnie. Je vois qu'il résulte de toutes ces concessions
des provinces du Nord qui ont été faites à la Compagnie et
qui devaient l'enrichir, qu'elles n'ont fait que la constituer
dans des dépenses considérables dont elle n'a jamais été
remboursée, tandis que le commandement dont M. de Bussy
a été chargé lui a procuré une fortune très considérable,
à n'en juger même que par les remises au'il a faites en
France. »
En définitive, Lally fut confirmé dans «ùes fonctions et
Bussy reçut ordre de rentrer en France. Ce dernier avait
(1) Berlin à Belleisle, 27 avril 1760. Archives de la Cnerre.
ENVOI DU BATAILLON DE CAMBRÉSIS A L'ILE DE FRANCE. 23
été fait prisonnier, on se le rappelle, à la défaite de Vanda-
vachy ; revenu sur parole à Pondichéry, il avait cherché à
recouvrer sa liberté en versant une rançon ; les Anglais
l'avaient refusée sous prétexte d'inobservation(l) du cartel
d'échange par les Français; on reprochait à ceux-ci de ne
pas acquitter la dette contractée pour l'entretien de leurs
compatriotes prisonniers et aux officiers renvoyés sur
parole de reprendre leur service sans acquitter la rançon.
11 fît en vain appel à Lally qui refusa d'intervenir, et il
dut isc résigner à se rendre à Madras d'où il fut embarqué
pour l'Angleterre dans les premiers mois de i761. Bussy
ne prit donc aucune part aux tristes dissentiments qui signa-
lèrent la chute de Pondichéry.
Cependant, les navires qui portaient le bataillon de
Cambrésisetson commandant, la Galissonnière vicomte de
Barrin, étaient arrivés sans incident à l'île de France. Ils y
trouvèrent les forces navales et militaires en très mauvais
état: l'escadre de d'Aché h. la suite d'un ouragan violent
du mois de janvier 1760 avait éprouvé de grosses avaries;
sur il vaisseaux, 5 seulement étaient en état de prendre
la mer ; om manquait de vivres et il fallait aller en chercher
à Madai:ascar. Les quelques soldats de la Compagnie en
garnison dans l'Ile étaient dans un dénûmcnt absolu,
comme en témoigne le rapport de Barrin (2) : « Les forces
de terre de cette colonie consistent en une garnison de
mille hommes qu'on peut réduire à six ou sept cents sous
les armes, qui sont sans bas, sans souliers, sans habits,
nourris depuis 7 à 8 mois avec du pain sans autre subsis-
tance, composés d'ailleurs d'hommef. sur l'attachement
d'une partie desquels je ne sais si l'on doit beaucoup
compter, premièrement parce que plusieurs sont envoyés
ici contre leur gré pour les punir ou pour s'en débarrasser;
(1) Lellre de John Call, Fort S'-George, 15 juillet 17'10. Newcaslle Papers.
(2) Barrin à Bellcisle, Ile de France, 25 septembre l'6o. Archives de la
Gurrre.
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24
L\ GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. I.
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M
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secondement parce que n'y aya^it point de casernes et l'u-
sage n'étant point de les log-er par billets, ils s'établissent
où ils veulent et sont par conséquent très peu disciplinés. »
Barrin espère améliorer leur esprit en leur faisant « fournir
la viande salée comme au régiment de Cambrésis depuis le
premier d'août, quoiqu'il y en eût que fort peu dans les
magasins. Outre ces troupes de blancs, il y a encore trois
compagnies de bourgeois et d'ouvriers faisant environ
VOO hommes et plus 2.000 noirs qu'on compte employer
au canon ».
Barrin, dont la destination ultérieure devait être Pon-
dlchéry, conclut à l'impossibilité de s'y rendre, aussi tard
dans la saison. Dans une autre dépèche (l)da 18 novembre,
il renouvelle ses plaintes sur le manque de vivres et sur
le défaut d'argent pour en acheter au Cap de Bonne-
Espérance : « Si l'on perd Pondichéry, ce sera faute d'ar-
gent plus que d'hommes. » Il se montre rassuré sur le
sort de l'île : « Il y a apparence que l'île de France ne
sera pas attaquée cette année, ni la prochaine 1761 ; sans
3 ou 4.000 hommes les Anglais ne peuvent rien. »
Laissons l'ile de France se préparer à repousser un dé-
barquement qui ne se produisit pas, quoique le projet
en ait été repris au cours de 1761, et revenons à Pondi-
chéry étroitement bloqué, dont la lin approchait à grands
pas. •
Lally, qui n'avait pu décider le conseil à le seconder
oans les mesures à pro. Ire dans l'intérêt de la défense,
n'était pas assez maître de lui pour s'empêcher de lui
écrire en termes qui dénotaient une mentalité mal équi-
librée : « Cette colonie serait pire qu'un désert rempli
de bètes féroces, si tous ceux qui m'y souhaitent du mal
étaient capables de m'en faire. » Vers le commencement
de décembre, le général s'alita et ne quitta plus sa
(1) Barrin à Bellcislo, lie de France, 18 novembre 1760. Archives de la
Guerre.
LALLY MALADE.
»
chambre; il ne voyait plus que l'intendant Dubois,
quelques ofûcicrs de son intimité et surtout le père La-
vaur devenu de plus en plus son homme de confiance.
Le 24 décembre, il expédia au brigadier Landevisiau,
commandant en second, une loltre des plus sing-ulières à
lac[uellc était joint un billet po.r Coote, commandant des
troupes anglaises, avec prière de le signer et de le faire
parvenir ;• son adresse. Un extrait de la réponse de Lan-
devisiau nous permettra d'apprécier l'incident soulevé
par Lally : « Je vous prie, écrit le subordonné (i), de me
permettre quelques représentations à propos de la lettre
que vous m'ordonnez d'envoyer à M. Coote après l'avoir
signée.
« 1" Je vous prie de vouloir bien sentir à quel point je
me rendrais criminel si j'avais l'audace de vous juger ex
catedra, de vous déclarer au général ennemi hors d'état
entièrement de donner aucuns ordres dans cette place,
et de l'informer tout uniment que j'ai pris le commande-
ment des troupes. Je vous conjure, Monsieur, de me dé-
fendre de l'envoyer et de ne me pas savoir mauvais gré de
ma prière.
« En second lieu dans la lettre que vous m'adressez,
vous me maniez que vous vous déterminez aujourd'hui à
ne plus vous mêler de la partie militaire, que vous êtes
d'avis qu'en ma qualité de commandant des troupes et de
cette place, je demande à M. de Leyrit un conseil mixte
pour délibérer sur ce qui est plus avantageux de faire,
vous y dites qu'il est temps de travailler à un projet de ca-
pitulation si l'on est dans le dessein d'en demander une,
chose que vous étiez bien résolu de ne point faire, si vous
aviez été en état de mettre un pied devant l'autre ; vous
me parlez de mille autres précautions à prendre dont
vous paraissez vouloir me charg-er. » Landevisiau ne
(1) Landevisiau à Lally, 24 décembre 17()0. Arotiives de la Gitsrre.
i
36
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. I.
veut pas admettre l'abdication de son chef. « Mais, Mou-
sieur, n'êtes-vous plus mon général et mon chef, croyez-
vous que je l'oublie jamais ; suis-je partie bastante pour
me mêler en mon propre et privé nom, je ne dis pas
d'affaires aussi délicates, mais même d'atfaires courantes
et ordinaires du service de la place ? Ai-je quelque titre,
quelque autorité pour cela? Quand même je serais assez
imprudent pour l'entreprendre, qui est-ce qui m'obéirait?
Qui est-ce qui me jugerait bien et dûment autorisé; êtes-
vous rappelé, vous êtes-vous démis de vos pouvoirs,
vivez- vous enfin, n'est-ce pas à vous à qui le Roi nous a
confiés; suis-je autre chose ici que le premier subalterne
pour vous obéir et non pour commander, décider, capi-
tuler à vos yeux? Non, Monsieur, tant que vous vivrez,
tant que je vous verrai revêtu de vos pouvoirs, je ne puis
rien imaginer, rien exécuter, rien prétendre que par vos
ordres exprès et je vous conjure de ne point exiger autre
chose de moi, ce serait contre mon devoir. »
« Ordonnez, Monsieur, commandez les choses les plus
difficiles, j'obéirai avec zèle et ardeur, mais comniandez. »
Le dernier paragraphe vise la capitulation particulière
que Lally entendait faire pour sa personne : « Vous m'en-
voyez le modèle de la capitulation particulière que vous
voulez faire pour vous avec M. Coote quand le temps
viendra; mais nous abandonnerez-vous quand le temps
viendra, s'il vient, n'est-(;e pas à vous à faire notre sort,
ou à nous à suivre le vôtre. »
A cette lettre respectueuse et sensée, Lally répondit (1)
en termes auxquels il s'efforce de donner une tournure
ironique, mais qui ne sont en réalité qu'incohérents :
« J'ai lu. Monsieur, le vocabulaire français que vous
m'avez fait l'honneur de m'envoyer, que vous me permet-
trez de vous dire n'être point une réponse k la lettre que
- (1) Lally à Landevisiau, 27 décembre 1760. Archives de la Guerre.
IL VELT REMETTRE SES POUVOIRS A LANDEVISIAU.
27
je vous ai écrite qui vous marquait précisément que ina
santé ne me permettait point de me môler d'aucuns détails
militaires. Ce n'était qu'une raison de mécontentement
bien ou mal fondée qui m'a empêché d'assister aux déli-
bérations du Conseil. Le Conseil ne s'en est pas moins as-
semblé et n'en a pas moins délibéré, sans que je prési-
dasse ou que je signasse. Aujourd'hui, c'est une raison de
maladie, et il n'est point au pouvoir du Roi même d'exi-
ger de moi des fonctions que ma santé ne me permet
point de remplir. Ce n'est point de vous seul, Monsieur,
tout officier consommé que vous êtes, que je prétends
faire dépendre les conséquences du parti que la colonie
a à prendre dans ce moment critique, c'est de l'assemblée
'' mixte du Conseil et du militaire et plus vous tardez à
remplir cet objet, plus vous rendez impraticables les
' moyens d'empêcher l'ennemi de profiter de la quantité
de munitions de guerre dont cette ville regorge, et je
vous prédis que faute d'y travailler dès à présent, quand
le fatal moment approchera, il n'y aura plus personne au
logis, on voudra tout faire et l'on ne fera rien. » La res-
ponsabilité du désordre incombera à Landevisiau, car il
sera facile d'établir que depuis le 5 décembre lui Lally a
gardé le lit.
« Ceci n'est point une capitulation de garnison simple,
c'est une capitulation de colonie entière, ainsi elle re-
garde le civil aussi bien que le militaire, et je n'ai pré-
tendu exiger de vous que ce que je serais obligé de faire
si ma santé me mettait en état d'y vaquer*.
« En un mot, c'est la dernière sommation que je vous
en fais, de la part du Koi, je ne connais point les enfan-
tillages, et encore moins les motifs de votre perte que
vous m'annoncez en y obéissant. Au reste, vous pouvez à
présent faire tout ce que vous jugerez à propos; si vous
m'eussiez laissé tranquille pendant les 15 premiers jours
. de ma maladie, je serais peut-être en état aujourd'hui de
. >. .^.■■ '":/''■; S ^-' "*.:' ^"^ ^-■.. ^-■■'
^8
LA GUEUHK DE SEPT ANS. - CHAP. 1.
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vous décharger de ce poids iniinense dont vous vous
sentez accablé. »
Dès It lendemain, I^andevisiau, en homme pratique,
répondit (1) qu'avant de consulter le Conseil sur la red-
dition de la place, il serait bon de savoir « jusqu'à quel
jour nous pouvons subsister, car c'est de ce jour prévu
qu'on voudra partir pour songer à se rendre ». Il ne pos-
sède aucun renseignement à cet égard : « Ne trouvez-
vous pas à propos. Monsieur, qu'au préalable je prie
M. Dubois de travailler avec moi sur cet article; je lui
communiquerai vos ordres, nous travaillerons ensemble
cà réformer les abus dans le distribuions, car il y en a.
On n'a pas osé jusques ici voas en informer, mais dans ce
moment-ci il n'y a plus à dissimuler, permettez-moi de
vous en instruire sans ménagement pour personne. Si
une réforme pouvait nous valoir seulement un délai de
huit jours, vous seriez bien content.
« Je verrai, si vous le jugez à propos, le père Lavaur,
la confiance qu'on a en lui, son zèle, ses ressources nous
pourront faire gagner encore du temps. Nous verrons en-
semble plusieurs citoyens que nous engagerons à donner
ce qui leur reste En prenant ces mesures, n'étant
point gêné dans la confiance et mettant -k part toute sus-
picion, je crois qu'on peut encore allonger la courroie,
et du moins se fixer à peu près l'époque d'une reddition
forcée.
« Le second point serait de savoir le point de la négo-
ciation avec les Mahrattes, et ce qu'on peut espérer de
M. Allain (2); je ne suis point en état de rien dire là-
dessus, vous m'avez défendu même la curiosité. » Lande-
visiau demande enfin à ce que Guadeville, l'un des inti-
mes du général, au lieu de la réserve dont il a usé avec
(1) Landevisiau à Lally, 28 décembre 1700. Archives de la Guerre.
(2) Major du ré(;imcnl de Lally, chargé d'une mission de ravitaillement.
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UN OUHAGAN CHASSE L'ESCADRE ANGLAISE.
2»
lui jusqu'ici veuille lji<Mi lui faire part i\ l'avenii' de ce
qui parviendra à sa connaissance.
Celte requête si raisonnable est une nouvelle prouve de
la mentalité soupçonneuse de Lally; susceptible et défiant
à lexcés, il n'accordait sa confiance ([u'aux indignes ou
aux incapables, aspirait il tout faire par lui-même et
quand, écrasé par le poids de la tilcbe, allaibli par la
maladie, il voulait se décharger d'une besogne devenue
trop lourde, il ne trouvait autour de lui que des ennemis
personnels, des mécontents ou des hommes qui systéma-
tiquement écartés ne pouvaient rendre service sans un
apprentissage pour lequel le temps faisait défaut.
Dans le cas actuel, les:} conseils de Landevisiau furent
suivis; un appel au père Lavaur, aux congrégations et j'i
<|uelques particuliers assura pour une période de 3 se-
maines l'approvisionnement de la ville. D'autre part, un
événement imprévu vint relever les courages abattus :
« La nuit du l'" ru 2 janvier 1761 (1), à une saison où, sur
la foi des marins et l'expérience, on ne craint plus d'ou-
ragans sur la côte Coromandel, il s'en éleva un si furieux
et si terrible que nous nous vJmes tout à coup délivrés,
sans escadre et sans Mahrattes- A la pointe du jour un
n'apenjut de tous côtés que des débris de vaisseaux, et de
13 vaisseaux qu'on voyait la veille dans notre rade on
n'en aperçut qu'un au large qui paraissait encore en état
quoique déniàté d'un de ses nu\ts, 3 étaient échoués sur
le sable, presque à portée de canon de la ville (2), 3 en-
foncés dans la mer ne laissaient voir que le haut de leurs
mâts, 6 ras comme ponton paraissaient sur le point d'être
submergés. » Sur terre, l'orage avait sévi avec la même
fureur : « La violence du vent avait renversé toutes ses
tentes (de l'ennemi), la pluie continuelle qui dura toute
la nuit et î\ laquelle le soldat sans abri se trouva exposé,
(1) Manuscrit dèjA cité. Archives de la Guerrt'.
(2) Malleson dit à deux milles de la ville.
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«>
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. I.
/
avait eiif^ourdi le soldat européen au point de ne |)ouvoii'
se remuer, grand nombre de cipayes y périrent, les tor-
rents que formaient la pluie avaient bouleversé leur
camp, les canons pour la plupart étaient enterrés, les
fusils jetés çà et là, ensablés au point qu'on les cherchait
encore à 10 heures du matin, les batteries avaient été
bouleversées, et la mer rompant ses diuues avait presque
enlevé celles que l'ennemi avait })lacées au bord de la
mer, au nord et au sud de la ville; en un mot les choses
étaient au point que les Anglais eux-mêmes ont avoué
que si l'on eût fait sortir seulement M)0 bon. mes, c'en
était fait d'eux, et (ju'ils auraient été entièrement détruits;
tout jusqu'à 10 heures fut en confusion dans leur camp. »
D'après l'auteur du manuscrit, officiers, soldats, bour-
geois attendaient dès la pointe du jour le signal l'une
sortie dont le suct'S ne semblait pas douteux. Knfin, las
d'attendre les ordres qui ne venaient pas, « on se résolut
à aller parler au général; le père Lavaur, qui avait déjà
à plusieurs reprises donné des preuves de son patriotisme,
se présenta au gouvernemeni. Quel fut son étonnement
quand on lui annonça que Lally ne parlait à personne,
qu'il n'avait pas dormi de la nuit et qu'il avait absolument
défendu de laisser entrer qui que ce soit jusqu'à 11 heu-
res )). Le parti pris du document que nous venons de
citer éclate à chaque ligne; aussi serait-il imprudent
d'accepter l'incident tel qu'il est raconté. Mais, de l'aveu
des historiens angltis, il y aurait eu un coup à tenter :
la garnison était aux abois; un insuccès n'aurait pas rap-
proché l'heure d'une reddition dont l'échéance était fixée
par le manque de vivres; tandis qu'une victoire aurait
pu prolonger de plusieurs mois l'existence de la colonie.
Peut-être Lally jugea-t-il ses moyens trop faibles; il
n'aurait pu disposer pour la sortie que de 800 Européens ;
peut-être s'illusionnait-il encore sur la possibilité de l'ar-
rivée de l'escadre de l'Ile de France, peut-être céda-t-il
i ■■ i
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LK BLOCUS KST UKTAHLI.
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' À rnbnttomont maladif qui s'était emparé t'e lui. Quolle
que fût la cause de son inactivité, liUlly ne sut pas
profiter du dernier répit (|ue lui laissait la fortune ; il se
contenta d'envoyer à tous les agents français de la c6te
une circulaire énergique ^1) demandant l'envoi de provi-
sions : « li'escadre anglaise n'existe plus, Monsieur, de
douze vaisseaux qu'ils avaient dans notre rade, il y en a
sept de perdus, é(|uipages et tout, les (juatrc autres sont
démiUés, et il parait qu'il n'y a pas plus d'une frégate
, qui ait échappé; ainsi ne perdez pas un instant pour
nous envoyer chelinges sur clielinges chargés de riz
Ofl'rcz de grandes récompenses. J'attends sous «juatre jours
17.000 Mahrattes Enfin, risquez tout, tentez tout, forcez
tout et envoyez-nous du riz, ne fi\t-ce qu'une demi-garse
i\ la fois. »
Le désastre de la flotte, quoique sérieux, avait été (exa-
géré ainsi qu'il ressort du rapport (2) de l'amiral ; Une
" tempête subite et impré\u(% survenue dans la nuit du 1"
au 2 janvier, l'a obligé à couper les cAbles et h prendre
le large; revenu le k sur la rade de l*ondichéry, il a cons-
taté la perte de 3 vaisseaux avec presque tout leur é([ui-
page, l'échouement de 3 bâtiments, enfin V vaisseaux dé-
mâtés et hors de service. Malgré ces sinistres, le service
de blocus à peine interiompu fut repris avec l'arrivée du
reste de l'escadre sans avaries graves. La lettre circulaire
de Lîilly au sujet du ravitaillement était tombée entre les
mains des Anglais, aussi leur premier soin fut-il d'arrêter
toute tentative de ce genre. Steovens écrivit aux gouver-
neurs des postes danois et hollandais delà côte qu'il avait
à sa disposition et en état 11 vaisseaux de ligne et 2 fré-
gâtes, que Pondichéry était bloqué par mer et par terre
et que si, contrairement au code international, des se-
cours étaient envoyés par des neutres, il était bien dé-
3
(1) Lally à Raymond, Pondichéry, 2janvier l'Kt. Affaires Etrangères.
(2) Stecvcns à Clevland, Pondichéry, 6 février 1761. Record Office.
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LA OUKRIUO l)K SKPT ANS. - CIIAP. I.
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cidé 11 saisir tout iiaviro ou hatoau qui eu serait chargé.
La niruic activité lut drployée en ce qui conceruait les
ouvrages (h'I'allacjuc, non seulement 1(îs doruniagcs delà
tempric furent réparés, mais une dernière batterie do
11 canons de 2V l'ut aclu'véc le 13 janvier à 500 mètres de
l'escarpe, et vint s'ajouter à celles qui tiraient sur l'en-
ceinte.
La situation de Pondicliéry était désespérée, les der-
nières provisions si péniblement trouvées par Laudevi-
siauet Lavaur étaient épuisées. Le 14 janvier, Lally convo-
qua un conseil de guerre auquel fu* invité le gouverneur
Leyrit; celui-ci ne s'y rendit pas ot réunit de son cAté le
conseil civil qui nomma une délégation chargée de trai-
ter avec le colonel Coote du sort des habitants. Les délé-
gués, munis d'un projet don , les clauses n'étaient pas en
rapport avec les circonstances, se rendirent le lendemain
15 au camp anglais, mais quand ils voulurent aborder le
sujet de leur mission, Coote leur opposa une lettre de
Lally datée du matin (1 j. « Les troupes du Koi et celles de
la Compagnie se rendent, faute de provisions, prison-
nières de guerre de Sa Majesté Britannique, aux condi-
tions du cartel que je réclame également pour tous les
habitants de i»ondichéry, aussi bien (jue pour l'exercice
de la religion romaine, les maisons religieuses, les hôpi-
taux, les chapelains, chirurgiens domestiques, etc., me
référant à la décision des deux Cours pour une réparation
proportionnée au violement d'uu -raité si solennel. »
En outre de cette capitulation à discrétion, la lettre ne
contenait que les dispositions nécessaires pour la prise de
possession de la ville par les Anglais et le paragraphe
final. « Comme mon pouvoir est borné par le cartel dans la
déclaration que je fais à M. Coote, je consens que MM. du
Conseil de Pondicliéry lui fassent leurs représentations,
(1) Lally à Coote, Fort Louis devant Pondicliéry, Ij janvier 17G1. Affaires
Etrangères.
a
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CAPITILATION l»E PONDICIIERY.
33
pour ce »|ui peu! rc^'ardcr plus (lir<'ct(Miienl leurs intrn'^fs
particuliers cf ceux <lcs habit.uils de lu colonie. > ('oote ne
vou'ut accepter iiucune des conditions (pic deinaiidait la
délégation, mais déclara qu'il ferait de son mieuv pour
assurer aux habitants leurs maisons, leurs elFets cl leurs
marchandises.
Le lendemain, 1(5 janvier, ('.oote prit possession de la
porte Villenour et eut avec Lally, qui était au lit, une
l<»nf;ue eutrevue, dont l'auteur de notre manuscrit avoui;
ne pouvoir rendre compte, la conversation ayant eu lieu
en anjlais et le père Lavaur, seul présent, ne compre-
nant pas cette lanjiue. L'ecclésListiqui; demanda de mettre
en rapport le f;ouverneur et les membres du conseil avec
Coote, atin de donner à ce dernier l'fjccasion de renouve-
ler ses promesses à l'égard de l'élément civil. Lally y con-
sentit, mais à la condition que l'entretien n'aurait i)as
lieu en sa présence. « Les deux généraux dînèrent en-
semble, continue le manuscrit, dans la chambre de celui
qui passait pour malade; ils eurent le temps de se faire
part mutuellement de tout ce qu'ils avaient sur le cœur,
sans que personne pût les inquiéter.
« La prise de possession eut lieu le 17 janviei" et le len-
demain Lally partit accompagné des (iullermin, des
Pouly, des Gaddeville, Chappoudy, tous ses; favoris, ses
créatures et ceux à qui il avait donné sa confiance, escorté
de quelqu'un de ses gardes et d'un détachement de cava-
lerie anglaise, sans nous laisser d'autre gage i i, d'autres
assurances du traitement que nous avions liei. d'attendre
que la promesse vague du général anglais; la conduite
qu'on a tenue depuis à l'égard de Pondichérj, où il ne
reste pas pierre sur pierre, fera juger du fonds qu'il y
avait à faire. »
Le manuscrit se garde bien d'ajouter que le départ de
Lally fut l'occasion de démonstrations hostiles qui so
terminèrent par des incidents plus graves. L'escorte
GlEimE Iti; SEPT ANS.
T. V.
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li '
!'!
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Si
LA GUEKRK DE SEPT ANS.
CHAP. I.
anglaise que Coote avait mise ô la disposition du général
le sauva des insultes et des menaces de mort d'une foule
composée d'employés et de fonctionnaires civils, parmi
lesquels figuraient deux membres du conseil. Quelques
instants après, Dubois, l'intendant, en cherchant à re-
joindre son chef, fut l'objet des injures les plus violentes;
malgré son grand Age et quoique presque aveugle, il mit
l'épée à la main pour se défendre: il fut aussitôt tué par
l'un des manifestants. L'attentat commis, ceux-ci s"enq)a-
rèrent des |)apiers de Dubois qu'ils avaient lieu de croire
compromettants pour eux, et les firent disparaître.
Steevens attribue ' ') la chute de Pondichéry à la
famine : « Après un blocus des plus diligents par l'escadre
sous mes ordres pendant plus de 8 mois et pour une
période assez longue par le colonel Coote, Pondichéry
s'est rendu aux armes do S. M. le 15 du mois dernier. Le
général Lally, dans l'attente d'être secouru par l'escadre
française, s'est laissé réduire, lui, la garnison et les
habitants au dernier degré de détresse et de misère par
suite du manque de vivres. »
La garnison française qui déposa les armes comptait
55" ofiicieis et soldats des régiments de Lorraine et de
Lally, 295 marins, 177 artilleurs, 232 du bataillon de
l'Inde, 15 cavaliers et 124 invalides, en tout l.VOO hommes,
pour la plupart épuisés de faim et de misère. La popu-
lation civile européenne atteignait un total de 672 per-
sonnes.
Les quelques forts que possédaient encore les Français
aux Indes ne survécurent pas longtemps à la chute de
Pondichéry; Tlùagar succomba le 'V février 1761, Mahé
capitula le 12 du môme mois, enfin la cidatelle de Gingy
ouvrit ses portes le 5 avril.
Aussitôt les Anglais maîtres de Pondichéry, le gou-
(1) steevens à Clevland, Pondichéry, 7 février 1761. Record Office.
M
PROCES DE r.ALLY.
35
verncur l'igott fit subir ;V la place le même traitement
que les Français avaient intligé au fort St-David. ( du
démolit Pondichéry aussi vite qu'on peut, éciit Monsou (1 ) ;
une grande partie du front de l'ouest a été renversée...
Croyez-vous (ju'on approuve en Angleterre la démoli-
tion? »
Les haines et les passions qui avaient discr<'dilé pen-
dant los dernières années la domination française aux
Indes eurent une répercussion d'autant plus éclatante
en France, que presque toui-^ les personnages de la tra-
gédie furent bientôt de retour dans la métropole. Lally,
transporté en Angleterre, ne put se présenter à Paris
que vers la fin de 17G1 ; il y trouva ses ennemis à l'œuvre;
brochures, mémoires et pamphlets réi)andus A profusion
avaient ameuté l'opinion contre lui. Lally chercha h se
justifier par la voie hiérarchique en adressant au Ministre
un rapport sur sa gestion. Choiscul s'efforça d'étoutler
l'alfaire, mais une requête à la date du 3 août 1702
pnisentée au Roi par la partie adverse força le gouver-
nement à entamer la procédure; auv membres du conseil
de Pondichéry en caii. pagne depuis le début se joignirent
Leyrit, Bussy et enfin d'Aché. Lally rép.'iqua par une
lettre à la Compagnie des Indes dans la(iuelle il récla-
mait djs juges. Choiscjl se crut obligé de céder au cou-
rant qui se prononçait de plus en plus contre l'fi'landais,
comme l'appelaient ses ennemis, et iit signer le J" no-
vembre 1762 une lettre de cachet. Lally aurait pu se
dérober par la fuite, il s'y refusa et se constitua pri-
sonnier à la Bastille le 5 novembre.
il nous est impossible de suivre la marche d'un procès
qui dura presquev V ans. Pendant 18 mois, l'alfaire som-
meilla, elle prit brus({uement un tour plus vif par la
connaissance des mémoires du père Lavaur que le pro-
■I f '
n) Monsoii à Draper, 2 mars 1701. Newcastle Papers.
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Vi
3G
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CllAP. 1.
cureur général saisit à la mort du jésuite. Sur ce docu-
ment venimeux ce magistrat édifia son acte d'accusation.
L'affaire traîna jusqu'en 1766, elle donna lieu à la pro-
duction de nombreuses pièces à charge ou à décharge
de l'accusé. Ce dernier, quoique privé de tout conseil,
se défendit avec habileté, signala les absurdités et les
contradictions des accusfitions, invoqua en vain le témoi-
gnage d'officiers qui avaient servi sous ses yeux. Ses
ennemis l'emportèrent; par arrêt du Parlement en date
du 6 mai 1766, il fut privé de ses états, honneurs et
dignités et condamné à avoir la tête tranchée... « pour
avoir trahi les intérêts du Roi, de son État et de la Com-
pagnie des Indes ». Le 9 mai, Lally mourait sur l'écha-
faud avec le courage qu'il avait toujours déployé pendant
sa carrière.
Ce serait sortir de notre cadre de relater les persévé-
rants efforts du comte de Lally-Tollendal pour réhabi-
liter la mémoire de son père. Si, malgré quelques succès,
il ne réussit pas à mener à bonne fin un procès en revi-
sion que vint interrompre la révolution, il contribua à
dissiper la légende populaire, à rétablir la vérité, ;\
démontrer l'injustice de la condamnation flétrissante.
Que Lally, au point de vue militaire, ait commis des
fautes, et que ces fautes aient contribué à la perte de
la colonie, cela est évident. Le rappel de Bussy et son
remplacement par l'incapable Conttans eurent des suites
fâcheuses; le siège de Madias fut tardivement entrepris
et mal dirigé; les opérations de la campagne de 1759,
la dispersion constante des troupes françaises, les hési-
tations qui précédèrent la bataille de Vandavachy, la
longue inaction qui suivit la défaite, l'abandon des
petites garnisons de la province, le recours prématuré
à la défensive furent autant d'erreurs qui sont de nature
à porter atteinte à la réputation du stratégiste. Mais pour
chacune de ces défaillances apparentes, n'cxiste-t-il pas
I
p.
JUGEMENT PORTE SUR LALLV
a?
une excuse ou une circonstance atténuante? Tantôt ce
sont les instructions d'un gouvernement éloigné et
partant mal informé ou incompétent auxquelles il faut
se conformer, tantôt c'est le manque d'argent qui oblige
i\ des expéditions excentriques dans le seul but de faire
recette, ou qui, en provoquant l'émeute dans l'armée,
fait échouer les entreprises les mieux combinées; tantôt
enfin ce sont les intrigues ou la mauvaise volonté du
gouverneur et du conseil civil qui retiennent le général
loin de ses soldats ou le paralysent dans l'exécution de
ses projets. L'Anglais Coote lui rendait justice quand il
disait (l) : « Personne n'a une plus haute opinion que
moi de Lally. Il a lutté contre des obstacles que je
croyais insurmontables et il les a vaincus. Il n'y a pas
un autre homme dans l'Inde qui eût pu maintenir sur
pied pendant aussi longtemps une armée sans solde et
qui ne recevait des secours de nulle part. »
La prise de Pondichéry mit tin aux conceptions bril- •
lantes que Martin, Labourdonnais et surtout Dupleix
avaient espéré réaliser en vue de la suprématie française
aux Indes; la supériorité était définitivement acquise
aux Anglais, ils en usèrent pour développer jusqu'aux
Il miles actuelles le superbe empire sur lequel ils régnent
: 'iourd'hui. Les établissements français furent restitués
<i [:. [H^ix, mais sans défense. Pondichéry resta à la merci
du ? voisins et perdit toute importance politicjue et
même commerciale. Il en eût été autrement si le gouver-
nement de Louis XV eût m(mtré la persévéï'ance et la
ténacité de ses concui-rents. Favorisée par la possession
de l'ile de France, sûre d'un point d'a[)pui, lescadro
frani-aise pouvait lutter dans les mers indiennes; pendant
les ([uatre années que dura la guerre, les bîïtimcnts de
la Compagnie ou les vaisseaux du Koi purent accéder à
M
(tj Lettre tilée par Malleson, |). 470, traduction française.
il
J
.1
i
%:\
38
LA GUEimb; DE SEPT ANS. — CHAP. 1.
la côte de Coromandel et y débarquer des renforts ;
malheureusement, à l'exception de l'escadre d'Aiguilles,
il ne vint pas de secours de la métropole, alors que l'en-
voi en 1759 du bataillon, expédié par changement de
destination en 1760 à l'ile de France, eût probablement
tranché le sort de la campagne en faveur de Lally.
Certes, la présence d'un millier de Français dans le Car-
natic et l'envoi de quelques millions en numéraire eus-
sent produit plus d'effet que l'inutile et coûteuse pro-
menade qu'accomplissaient tous les ans en Allemagne la
maison du Roi ou la brigade des gardes; la dépense,
sans être beaucoup plus forte, eût été autrement pro-
ductive en résultats.
Peu de temps après la prise des possessions françaises
de l'Inde et pendant que l'amiral Steevens et le colonel
Coote, représentants du gouvernement métropolitain, se
disputaient les dépouilles de Pondichéry avec les auto-
rités locales de la Compagnie canglaise des Indes, ces
dernières remirent sur le tapis l'expédition contre les
îles de Bourbon et de France. A la demande du gouver-
neur Pigott, le colonel Monson prépara un projet (1) :
pour venir à bout de la garnison française évaluée à
l.ôOO hommes y compris le bataillon de Cambrésis, il
faudrait 3.200 soldats européens, c'est-à-dire toutes les
troupes blanches que possédait la présidence de Madras.
Cette raison ainsi que celle de la dépense qui incombe-
rait à la Compagnie, fit abandonner l'entreprise ; ce-
pendant l'amiral Cornish, qui avait remplacé Steevens
mort en mai 17(»1, reçut ordre de se porter dans les
parages de Madagascar à l'encontre d'une escadre com-
mandée par Kcppel et dirigée contre les lies. Keppel
reçut une autre destination, comme nous le verrons plus
loin, mais le contre-ordre arriva trop tard. Cornish (2)
(1) Projet du colonel Monsoii, 9 avril i761. Record Oflice.
(2) Rapport de Cornish, 5 avril 1762. Record Oflice.
!;i
EXPEDITION DE DESTAING.
89
attendit inutilement à Diego-Siiarez pendant ï mois, qui
lui coûtèrent cher ; le scorbut éclata î'i bord, 600 matelots
en moururent pendant la croisière et au retour à Madras,
le 23 janvier 1762, HOO malades furent débarqués et
transportés k l'hôpital.
Durant l'année 1762, et jusqu'à la paix, il ne fut plus
question de l'expédition contre l'Ile de France ; com-
plètt^ment rassurés sur toute agression de ce côté, les
Anglais préparèrent contre les iles Philippines une en-
treprise dont nous aurons l'occasion de parler.
Pour ne rien omettre des incidents qui se passèrent
dans l'Extrôme-Orient, il convient de faire allusion à
l'expédition du comte d'Estaing. Cet officier, qui avait
été fait prisonnier pendant le siège de Madras et avait
été reMché sur parole, prit passage pour l'Ile de France
sur l'escadre de d'Aché. Il en partit en octobre 1750,
s'empara du comptoir anglais de Bender Abassi dans
le golfe Persique, s'échangea contre le commandant du
fort. De là, il fit voile pour l'île de Sumatra, se rmdit
maître de Bencoolen et des autres établissements que
les Anglais y possédaient. De retour à l'île de France,
il s'embarqua pour la métropole; au cours du voyage,
il fut pris de nouveau par l'ennemi et, à son arrivée en
Angleterre, jeté en prison sous prétexte d'avoif violé sa
parole. Nous l'en verrons sortir pour jouer un rôle dans
les ouvertures pacifiques que la cour de Saint-James fit
à celle de Versailles au printemps de 1762. Les succès de
d'Estaing n'avaient pas été sans produire une certaine
émotion dans le monde des armateurs et des négociants
de la cité de Londres. Les conquêtes, d'ailleurs peu im-
portantes, furent restituées lors de la conclusion de la
paix.
Quant à la chute de Pondichéry, la nouvelle en arriva
à Londres peu de temps après l'ouverture des pourparlers
entre Pitt et Bussy.
I;
40
i,A gui;rrk de sept ans. — chai», i.
n
\B
I
Aux événements militaires de rExtrème-Orient se rat-
tache l'expédition anglaise contre les Philippines, quoi-
que la date en soit très postérieure à la prise des pos-
sessions françaises dans l'Inde et que la nouvelle de la
reddition de Manille n'ait été connue en Europe qu'a-
près la signature des préliminaires de la paix.
Après son attente inutile dans la baie de Diego-Suarez,
l'amiral Steevens avait regagné Madras avec ses nombreux
malades au mois de décembre 1761. Dans l'intervalle, le
colonel Draper avait fait un voyage en Angleterre et avait
fait substituer à l'entreprise contre les lies françaises,
beaucoup moins intéressante depuis la prise et la démo-
lition de Pondichéry, l'idée d'un raid sur Manille et les
lies Philippines. Aussitôt rentré aux Indes, Draper en
entretint le conseil de la régence de Madras. Le projet, qui
avaitété agréé par Pitt, fut soumis aune commission spéciale.
Le gouverneur Pigott, l'amiral Cornish, Draper et le capi-
taine de vaisseau Tiddyman lui furent favorables; seul,
le gouverneur Lawrence fit de l'opposition. Ce dernier,
d'après Draper (1), paraissait tenir compte plus que jamais
des dangers de l'intervention d'une escadre française, de
l'Ile de France; bien plus sérieuses étaient les objections
tirées du nombre et de la qualité des troupes dont on pou-
vait disposer ; elles se composaient du bataillon de Draper,
d'une compagnie d'artillerie de siège ; « le reste est un
composé de déserteurs de toute nationalité, que je prends
avec moi bien plus pour apaiser les craintes et les appré-
hensions des gens de Madras que pour les services qiio je
puis en attendre... Une telle collection de bandits ne s'est
pas réunie depuis le temps de Spartacus ». Draper recon-
naît qu'il faut renoncer aux 1.500 soldats du Roi et aux
800 de la Compagnie dont il avait parlé en Angleterre ;
mais quelque faibles que soient les moyens, il compte sur
I l:i
(1) Diappr à Egremoiil, b'ori St-Georges. 17 juillet 1762. Rocoid Oflico.
iii
HXPKUITION CONTKE MAMLLK.
41
le succès grâce au concours assuré de l'iuniral ('.oruish et
de ses équipages. Eu définitive, le corps expéditionnaire
se composa d'environ 600 Anglais, 264. Européens, 100 ca-
fres, 2.000 cipayes et quelques centaines do travailleurs
lascars pour les services de l'artillerie et du g'énie. A c»^s
forces quelque peu disparates vinrent s'ajouter un batail-
lon de 550 matelots de l'escadre et 270 excellents
« marines ». Le colonel Monson accompagnait l'armée
en qualité de commandant en second.
L'escadre, après avoir touché à Malacca le 27 août, jeta
l'ancre le 23 septembre dans la baie de Manille; son ap-
parition fut une surprise complète p^ur les Espagnols qui
étaient loin de s'attendre à une attaque.
A la suite d'une reconnaissance ellectuée le 25, les
chefs de l'expédition abandonnèrent le projet primitif
de s'emparer du port et de l'arsenal de Cavité et dé-
cidèrent de s'en prendre d'abord à la ville de Manille. On
éviterait ainsi la perte de 2 jours qu'occasionnerait la
première opération et on priverait l'ennemi d'un répit
dont il aurait profité pour prendre des précautions et
pour appeler à son secours les milices de l'intérieur.
Conformément à cette résolution, l'amiral Cornish si-
gnala (1) à l'escadre de se rapprocher le plus possible de
la ville et de préparer le débarquement. L'ordre fut exé-
cuté sans retard, le 79" régiment et les « marines »
prirent terre à 7 heures du soir, près de l'église de Mo-
ratta, à environ 2 kilomètres de l'enceinte. On n'éprouva
d'autre obstacle que le ressac qui r.ausa quelques avaries
sans coûter cependant la vie à porponne. Le lendemain
matin, on rapprocha les avant-posles jusqu'à 200 Mètres
des glacis et or renforça la petite armée de 700 hommes
empruntés aux équipages. La veille, on avait capturé une
galère espagnole par laquelle on eut avis de l'arrivée sur
(1) Cornishà Clevlaïul, m rade de Manille, 31 octobre 1762. Record Oftice.
!■
:|
41
LA GUERRK DK SEPT ANS.
CHAP. I.
.!
la c(H«! d'un galion venant d'Acapulco et chargé de tré-
sors; Cornish détacha 2 fréfiatcs à l'cU'et de s'emparer du
riche butin que promettait cette capture.
Le 28 septembre, Draper avisa l'amiral que les batteries
étaient commencées et demanda l'appui des vaisseaux
pour confrc-battre le feu de lenneini et protéger les tra-
vaux d'approche. Droit fut fait à cette demande, et deux
vaisseaux, à partir du 30, joignirent leur feu à celui des
assiégeants.
Le 1 " octobre, le « South Sea Castle », qui était arrivé
la veille avec des outils de tranchée dont on avait grand
besoin, s'échoua près de la Pulverista, un pou au sud du
camp anglais. Cet accident, qui aurait pu être fâcheux
poiirl'entreprise de Draper, lui fut au contraire avantageux;
la situation du bâtiment en fît une redoute protectrice pour
les derrières du camp et facilita le prompt débarquement
des approvisionnements qui eût été retardé par le mau-
vais état de la mer.
Le feu des batteries de siège et des bâtiments embossés
fut ouvert le 4 octobre et maintenu avec tant d'effet, que
le 5 au soir la brèche devint praticable. Le 6 au point du
jour, les soldats de ligne et les marins livrèrent l'assaut,
qui eut un plein succès. Cornish se rendit de suite à terre,
se joignit à Draper et eut avec le gouverneur espagnol une
entrevue qui aboutit ù une capitulation.
Cette pièce signée du côté espagnol par Don Arzpo de
Mande, (|ui cumulait les fonctions de capitaine général
avec celles d'archevêque de Manille, stipulait la remise au
roi Georges, jusqu'à la paix, de toutes les îles Philippines
dépendant du gouvernement de Manille, et le paiement
d'une somme de k millions de dollars, comme rançon de
la ville et des effets appartenant aux habitants. Le 10, les
Anglais en vertu de la capitulation prirent possession du
port de Cavité et de toutes ses ressources.
. Cornish, dans sa dépêche, insiste sur les difficultés
HEDDITION DE MANILLE.
♦r
(ju'occasionnèrcut aux opérations les vents contraires
soufflant du large et le ressac qui rendaient le débarque-
ment fort dangereux. Il se plaint également des atta(|ues
incessantes des bandes indiennes, lesquelles, quoique in-
disciplinées et armées seulement de lances, d'arcs et de
(lèches, ont gcné et harassé les troupes. La conquête de
Manille (1) et de ses dépendances coiUa aux Anglais 151
officiers et soldats tués et blessés, sans compter le Commo-
dore Tiddyman et quelques matelots noyés.
La prise du galion d'Acapulco compléta le butin et
augmenta la part des vainqueurs et surtout de leurs
chefs. Ainsi que nous l'avons dit, Manille fut rendu aux
Espagnols.
(1) Consulter Journal of proceeding's of H. M' Troops aiiainsl Manilla. Re-
cord Office. . .
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CHAIMTUK II
BELLEISLE
KCIIKC l>K LA PUEMIKRK TENTATIVK l>K DKBAROUKMKM DES
ANfiLAIS. — SIÈr.lr: IH PALAIS- — CAlMTl LATION DE LA
JIARMSO.X. ,
Les pourparlers paciliques du printemps et de l'été de
1761 n'avaient pas empêché la poursuite active des hosti-
lités sur le continent européen. Parmi les incidents de
guerre qui se produisirent, l'expédition contre l'île deBel-
leisle mérite une mention spéciale que justifie plutôt sa ré-
percussion fâcheuse sur les négociations pendantes que sou
importance militaire. Le 29 mars, deux jours avant la re-
mise à Pittdes pièces relatives aux ouvertures de paix faites
par Choiseul, un corps expéditionnaire anglais mit à la
voile de Spithead. Après de longues hésitations, le cabinet
anglais sous l'inspiration de Pitt avait repris le projet d'une
expédition étudiée au cours de l'automne de 1760 ; 12 ba-
taillons d'infanterie, quelques pelotons de dragons et un
train de siège considérable avaient été embarqués sur do
nombreux transports convoyés par l'escadre du commodore
Keppel; les troupes étaient commandées par le général
Hodgson. Le 7 avril, au point du jour, la flotte anglaise,
forte de 115 bAtiments dont 10 vaisseauxde ligne et 2 fré-
gates, était en vue de Belleisle.
Pour la description des fortifications et pour la relation
des opérations militaires, nous ne pouvons mieux faire
I »
Wjf rvi^!|pwji ^nÀ, .
..i^-i-^
I ORTlFrfATIONS DE L'ILE.
45
que (le puiser dans le mémoire d'un officier français qui
s'est fait l'iiistoiien consciencieux de l'entreprise britanni-
que. Située à 10 lieues de Port-Louis et h \ lieues de Qui-
beron, l'Ile de llelleisle couvre une supeificie de 128 kilo-
mètres carrés ; elle possède deux ports : Sauzon et le I*alais,
tous deux sur la côte qui fait face au Morbihan. Ku 176 1
la seule fortification permanente était la citadelle du
Palais, reconstruite par Vauban et munie (l)dt « quatre
bastions irré^uliers avec enveloppe, cliemin couvert,
demi-lunes et cavaliers, fossés larges et profonds tfiillés
verticalement dans le roc, beaux remparts dont la ligne
imposante pouvait mettre en batterie 80 à 100 bouthes k
feu ». En 17V7, les points les plus exposés du rivage, et
notamment la plage dutirand-Sable, avaient été protégés
par des redoutes et par des ouvrages en terres. Pour la dé-
fense, le gouverneur de Sainte-Croix disposait de 3 batail-
lons réguliers, d'un de milice, d'une centaine d'artilleurs et
de quelques centaines de gardes-côtes moitié canonniers,
moitié fusiliers. Le personnel officier des armes savantes
était représenté par \ artilleurs et par 3 ingénieurs, sur
lesquels deux rejoignirent après le début des opéra-
tions. ■ k
Aussitôt arrivés en vue de l'Ile, le 7 avril, le général
Hodgson et le commodore Keppel (2) reconnurent la côte,
ils se mirent d'accord pour essayer un débarquement à
Andra, près de la pointe de Locmaria ; à l'effet de détour-
ner l'attention des Français, une démonstration serait ef-
fectuée dans les abords de Sauzon. La journée se passa en
manœuvres et en préparatifs pour la mise à terre des
troupes, quelques coups de canon furent échangés avec les
batteries de Sauzon.
(1) Le Cauchois Feraud, lieulenant au 7' dt- ligne. Mémoire manuscrit sur
le siège df Belleisle. I8il. Arcliives delà Guerre
(2) Hodgson à Pill, Vi avril 1761. Keppel à Cleviand, 13 avril 1701. Record
Odice. — Relation de Sainte-Croix. Archives de la Guerre.
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LA GUFJUIK UK SEPT ANS. - CilAP, M.
Le 8 do trùs bonno lioiire, les cJinloiipes et hatoniix plnts
furent assemblés; :) vaisseaux delà Hotte? avec (juehiues
liAtinicnts de tvpe iiiréricnr doublèrent la pointe de Loc-
nuina etgaf^nèrent la baie du Sable où le débaniuement
devait se faire. Le petit fort cjui défendait la plaqc; fui
bientôt réduit au silence et aussit<U, sur unsi^-nal du bord,
les endjarcations (iront force de rames vers la terre. Les
Français étaient prêts à recevoir l'attaque. I>ès le matin,
Sainte-Croix avait acfiuislaconviction que l'objectif anglais
était le port Andra au dehi et à l'est de la pointcî I^ocmaria;
il y porta aussitôt le gros de ses forces. Voici en quels
termes le mémoire déjà cité décrit l'aotion : < Adroite et
<\ gaucbe de l'ouverture du port Andra, lors(|ue la mer est
haute, elle bat aux pieds de rochers très élevés et très es-
carpés, surtout vers la gaucbe, maisau momentde la basse
mer, le rivage otl'rc une plage de sable assez étendue ; c'est
ce point que les Anglais avaient choisi pour débar([uer.
Vcrsdeux heures, 36 bateaux plats portant chacun au moins
100 hommes s'avancèrent en 3 divisions ; les deux premiè-
res de neuf, et la troisième de dix-huit. Aussitôt (le régi-
ment de) Bigorrc se porta du côté de Magouric et s'y mit en
bataillesur la hauteur, la droite appuyée au village de Ker-
nodis, tandis que la gauche était un peu en avant de la cha-
pelle Sainte-Foy; neuf compagnies du régiment de Nice
se rapprochèrent do Port- Andra.
« Les troupes qui montaient la première division de la
flottille ennemie mirent pied à terre, les unes à droite, les
autres à gauche ; le plus grand nombre au centre. Le régi-
ment deBigorre était descendu dans l'anse gauche du port
Andra pour mieux observer leurs mouvements; on s'aper-
çut qu'un des bateaux avait abordé sur la droite de Loc-
niaria, dans un escarpement où Tonne pouvait guère s'at-
tendre àètre attaqué, et que cent grenadiers anglais, après
avoir gravi des rochers jugés inacessibles, s'étaient déjà
foi^més sur la hauteur. Les deux capitaines Dumont et (irau,
ÉClll'X DRS ANGLAIS.
47
quiconuminclaieni Icspifjuctsde IJi^oirc plus rapprochés,
se portf'ieiit spontanément à leur rencontre, essuyèrent
hïurfeu, les chargtTcnt f\ la baïonnette »'t les cnlî)U*«îrcnt
en peu d'instants; tous fui'ent tués ou blessés, à l exception
de cin(j(pie l'on vit fuir et regagner les bateaux, hnniont
fut tuéetdrau blessé. Surla droite, la descente fut aperçue
par un capitaine de Nice quiatta(juabrus(juement l'ennemi
avec trois compagnies de sori régiment, et après l'avoir
repoussé, se porta derrière un retrancbement d'où il dé-
couvrait les Anglais et pouvait faire sur eu\ un feu sou-
tenu.
« Au centre, Bigorre, cinq compagnies de Nice et les
gardes-côtes, secondés par le feu de la droite, chargèrent
les ennemis avec tant de vigueur qu'ils furci dispersés
avantd'étre entièrement formés; pres(|uetous furent tués
ou pris; fort peu purent se rcml)ai'([uer; quelques bitteaux
coulèrent bas; on fit 285 (nisonniers, dont I.') officiers,
parmi lesquels un lieutenant-colonel et le général major
qui commandait cette première division ; on esti.Tie que
les .Vnglais perdirent environ 800 hommes tant tués que
noyés. » Le récit anglais (1) évalue la perte à environ
500 hommes. D'après le rapport de Sainte-Croix (2) les
Franc^'ais ne perdirent que 2 officiers, 10 soldats tués et
7 officiers et 69 soldats blessés.
La démonstration sur Sauzon, entreprise avec une
partie de la flotte el 3 bataillons, fut contrariée par l'état
de la mer et ne sembl'^ pas avoir détourné l'attention des
Français,
Des incidents du 8 avril, le général llodgson et le com-
modore Keppel (3) donnèrent une relation qui ne ditl'ère
guère de celle que nous venons de reproduire. Le Com-
modore, dont la dépèche est postérieure de 5 jours à
(1) Animal Register, 1761, p. 10.
(2) Sainte-Croix. Relation delà descente du 8 avril. Archives de la Guerre.
(8) llodgson à Pitt, 12 avril 1761, au large de Helleisle. Record Oflice.
48
LA GUERRE DE SEPT ANS.
LHAP. II.
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H^!
l'afluire, se montre découragé. « Une tempête, survenue
très vite après notre retraite, a causé tant de dommages en
fait de pertes d'ancres et de bateaux plais que cela prend
beaucoup de ten>ps pour se préparer au parti futur que
l'on estimera praticable. La capture de 22 bateaux plats
diminuera nos moyens d'action et les rendra inférieurs à
ceux qui ont servi pour la première tentative. » D'après
llodgson, « toute l'ile est une fortification et où le peu que
la nature n'a pas contribué à cet état de choses a été lar-
gement suppléé par Tari, l'ennemi y ayant travaillé sans
rel.lche depuis la visite de Sir E. Ilawke au cours de
l'hiver dernier ».
Pendant plus dé 15 jours, l'état de la mer empêcha tout
nouvel essai de prendre pied sur l'ih. Le duc d'Aiguil-
lon 1), qui commandait les troupes de Bretagne, mitce répit
à profit pour faire passer des secours; malgré le blocus,
quelques officiers d'artillerie et du génie et un détache-
ment de 50 cauonniers gardes-côtes originaires de Belleisle
réussirent à regagner leurs postes. Sainte-Croix fit de son
mieux pour tromper l'ennemi sur le nombre et la com-
position des défenseurs de l'ile; il fit promener sur la
cAte 50 volontaires du régiment de Nice en vestes rouges
montés sur les chevaux du pays. Ses efforts furent ad-
mirablement secondés par toute la population, y comjjris
l'élément féminin. « Les femmes de l'Iule demandèrent
en grâce de faire le même simulacre pour n'être point
absolument inutiles et formèrent un escadron toutes vê-
tues avec des casaquins rouges. Celles qui n'avaient point
de chevaux montèrent sur des vaches et tirent nombre du
côté opposé à la mer. D'autres se chargèrent de iaire les
patrouilles dans les lieux les plus escarpés. Tout le monde
veut être emplojé dans l'isle, et on est obligé de mettre
des sentinelles ji la porte des fours pour empêcher les
! M
(1) Aiguillon à Choiseul, Quiberon, 21 avril 1761. Archives de la Guerre.
•M
ESCALADE DES UOCUERS DK KERDONIS.
4;»
houlf
idreh
de!
'la<
igers de prendre les armes et de se portersur 1
Des renforts étaient parvenus aux Anglais. Le 22 avril,
favorisés par le calme plat et par une brume épaisse (1),
plusieurs de leurs vaisseaux s'embossèrent à courte dis-
tance du rivage devant le port Andra et h hauteur d'Arzic
et de Locmaria, de manière à balayer de leur feu les
batteries et les retranchements des Français. Protégé par
le canon de l'escadre, le débarquement se lit à 2 heures
de l'après-midi sur plusieurs points de la plage et de pré-
férence aux endroits les moins accessibles et partant les
moins surveillés. C'est ainsi qu'un détachement anglais,
conduit par le général Lambert, accosta à la pointe même
de Kerdonis, grimpa le rocher par un sentier où deux
hommes avaient de la peine à passer de front, et se forma
en haut derrière un mur de pierres, sans que les dé-
fenseurs eussent eu connaissance de la manœuvre. Il y
eut des rencontres partielles et des succès alternatifs,
mais en fin de compte, les soldats britanniques s'établi-
rent solidement sur le haut des rochers et résistèrent à
tous les efforts pour les débusquer. Keppel (2) attribue ce
succès au choix d'un endroit où l'ascension des rochers
était tout juste praticable et où l'ennemi, rassuré par la
nature des lieux, n'était pas préparé à l'attfique.
Force fut i\ Sainte-Croix, qui avait chargé bravement
trois fois à la tête de ses troupes, de commander la re-
traite sur le Palais. Elle se lit avec beaucoup de préci-
pitation; on encloua quelques canons, on en jeta d'autres
à la mer, on noya les poudres des petits magasins. A neuf
heures du soir la gornison était rassemblée aux environs
de la ville du Palais ; elle avait subi, d'après les documents
officiels, une perte de 1(53 tués et blessés; celle des An-
glais avait été peu importante. Les jours suivants furent
employés à la mise à terre du reste du corps expédition-
Ci) Lettre d'un officier anglais du Ti avril. Hibliothèque de Quiniper.
(2) Kepppl à Clevland, 23 avril 17(U. Record Ol'licc.
,i-^^l
é
il
<;ii;rrk de ski-t ans.
V.
-.1
4
50
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. H.
naire; ropération traina en longueur par suite du gros
temps qui occasionna une nouvelle perte de niatéiiel;
aussi les assiégés curent-ils le loisir de pousser activement
la construction de redoutes destinées jI couvrir les al)oids
de la citadelle du Palais. Trois de ces ouvrages étaient
établis en avant de la ville, séparée de la citadelle par
un bras de mer qui sert de port; les trois autres s'éle-
A'aient de l'autre côté du port, mais un seul de ceux-ci
put être mis en état. Tandis que, sur les indications de l'in-
génieur Dubouchet, les Français travaillaient aux re-
doutes, les assiégeants commençaient les premiers tra-
vaux d'approche. Grâce aux renforts de '.i bataillons
reçus depuis le premier débarquement, le corps anglais
allait compter 15 bataillons présentant un effectif de
10,000 fantassins, 700 artilleurs ou « marines » servant
comme tels et un peu plus de 200 dragons.
Dans la nuit du 2 au 3 mai, les assiégés durent éva-
cuer le hameau de Bordillia à 200 toises des maisons du
Palais; la nuit suivante, ils cherchèrent à le reprendre.
La sortie s'effectua dans la direction de la Garigue; on
bouleversa les retranchements ennemis et on fit environ
60 prisonniers, parmi lesquels le général Crawford et
ses officiers d'ordonnance, mais on ne put se maintenir
à Bordillia et on ne gagna pas un pouce de terrain. Le
8 mai, l'ennemi s'empara du hameau de Hailan voisin de
la nier et de deux redans. A l'eflet d'activer l'armement
des batteries, le commodore Keppel prêta au corps
expéditionnaire 800 « marines » dont le nombre fr.t
bientôt porté à 1.200.
Le 13 mai, l'assiégeant remporta un succès important;
pour ne pas trop exposer les soldats qui formaient la gar-
nison des redoutes, et qui souffraient beaucoup des bom-
bes tirées contre elles pendant le jour, Sainte-Croix (1)
■•*
(1) Mémoire du chevalier de Stc-Croix, 13 juin 1761. Arch. de la Guerre.
;■
SIKGE DE LA CITADELLE.
61
« avait consenti à ne laisser que 50 hommes dans chaque
rccioute et que du second piquet l'on mettrait 20 honimcs
dans le redan ; le reste se retirerait à V 1/2 heures avec le
capitaine auprès de la maison ou muraille du Palais, la
plus voisine, qui n'en était pas à 100 pas, avec ordre de
rentrer dans la redoute au premier mouvement des en-
nemis ou au premier coup de fusil que l'on entendrait
tirer ». Les capitaines ne devaient retirer « ces 30 hom-
mes que par parcelles de 3 h \ hommts pour que les enne-
mis ne s'en aperçussent pas ». Cette manœuvre, mal exé-
cutée par l'un des commandants, attira l'attontion des
assiégeants qui attaquèrent la redoute n° 1 ; « reçus de
façon h. les rebuter par le capitaine de Guienne qui vint
soutenir son camarade à la tête de ses 30 hommes, les
Anglais se portèrent sur la redoute n° 2 dont ils se ren-
dirent maîtres sans tirer un coup de fusil, grAce à la
mauvaise conduite de deux officiers (1), dont l'un aban-
donna l'ouvrage sans résistance, dont l'autre n'essaya
pas de rejoindre son poste ». Cet incident entraîna la perte
de la redoute n" 1 dont l'assiégeant, soutenu par les
troupes de tranchée, s'empara après une vive résistance.
Force fut d'abandonner les autres ouvrages extérieurs et
de s'enfermer dans la citadelle.
> partir de la prise des redoutes, les opérations du
siège furent menées avec activité; la seconde parallèle fut
ouverte le 15 tandis que le feu des batteries de mortiers
et d'obusiers provoquait dans la place de iiombreux in-
cendies dans les magasins non blindés et infligeait des
pertes sérieuses à la garnison. « Le 19 (2) les ennemis con-
tinuèrent leur feu; ils travaillèrent h perfectionner leurs
différentes batteries, débouchèrent en plein jour de leur
coranmnication près du redan placé entre les redoutes
n°" 2 et 3 et gagnèrent par deux zig-zags la croix de mis-
(1) Ces deux ofliciers passèrent au conseil de guerre.
(2) Mémoire Le Caucliois.
.. 1
I \
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
i
à j
li
sion; il y avait au pied do cette croix un petit espace
fermé par un mur circulaire; ils voulurent partir de ce
point, mais l'artillerie de la place leur fit encore abandon-
ner ce travail. Ils dégorgèrent des eml)rasures à la bat-
terie placée en avant de la redoute n° 1, mais le feu des
Français empêcha l'établissement des canons qu'ils au-
raient voulu y amener et fit retirer des obusiers qu'ils
avaient près de la redoute n° 5. Les assiégés durent en-
tasser les bois dans les fossés de la place pour éviter un
incendie général.
<( Le 20, on compta facilement les onze embrasures
que les ennemis avaient dégorgées à la batterie en avant
de la redoute n° 1, L'artillerie du bastion du gouverne-
ment ainsi que celle du cavalier incommoda beaucoup
cette batterie et en interrompit les travaux. Les autres
batteries de la place dirigèrent leur feu sur tous les
points où l'ennemi en établissait de nouvelles ; mais déjà
les lumières des canons des assiégés s'élargissaient sensi-
blement; ils durent changer de place les deux mortiers
du donjon dont la position n'était plus tenable. »
Les Anglais avaient concentré leur attaque sur le bas-
tion du Dauphin et le cavalier intérieur qui Faisaient face
au bourg du Palais; quoique l'artillerie de la place eût
démonté plusieurs de leurs pièces, ils commencèrent à
faire brèche; d'autre part la batterie du cavalier dut
cesser son tir, soit par suite de la démolition des nierions,
soit par l'usure des canons. Le 30, une démarche lut faite
auprès du gouverneur par des officiers supérieurs qui
l'engagèrent à songer à une capitulation qu'il serait im-
prudent de trop retarder. Ste-Groix reçut assez mal ces
représentations qu'il trouvait prématurées; il répondit
que les brèches n'étaient pas encore praticables et qu'il
assemblerait le conseil de guerre quand il en serait temps.
Le lendemain, une explosion accidentelle d'artifices sous
la voûte du donjon fit VO victimes dans la garnison déjà
Lt.
m
» LA BRKCHE EST OUVERTE. 53
fort éprouvée. Du 31 mai au 6 juin, le feu continua sans
interruption, l'assiégeant ouvrant de nouvelles batteries
et élargissant les brèches, tandis que les assiégés profi-
taient de la nuit pour déblayer les terres tombées et pour
remplacer les pièces hors d'usage; le 4 juin, le mineur
fut attaché au bas de l'escarpe; enfin, le 6, Stc-Croix se
décida à réunir le conseil de guerre. Dubouchet fit l'ex-
posé de la situation : « deux brèches de l'enveloppe
étaient praticables; deux autres dans le corps de la place
fort avancées; l'une surtout auprès de l'angle du flanc
avait 15 pieds de profondeur et 60 pieds de largeur; le
parapet était eu quelque sorte suspendu en l'air ». Le
conseil de guerre se prononça à l'unanimité pour la red-
dition. Ste-Croix communiqua aussitôt et fit approuver
les conditions préparées, mais voulant néanmoins atten-
dre au lendemain, il prit ses mesures pour soutenir l'as-
sai^t.
« Pendant la nuit (1), on continua le retranchement
sur le rempart et on en fit un second en arrière; on gar-
nit d'abattis le fond du fossé en avant de la canonnière
qui couvrait la poterne la plus rapprochée de l'attaque.
A une heure du matin, l'ennemi battait le fond du fossé
et l'enveloppe vis-à-vis la face droite du bastion Dauphin
avec une nouvelle batterie de quatre pièces de canon
établie au-dessus du jardin Aubert. Les tranchées et les
maisons crénelées faisaient en même temps un grand feu
de mousqueterie et les Anglais lançaient une immense
quantité de bombes, d'obus et de pots <v feu. A la faveur
de ce leu soutenu, ils vinrent à la brèche de l'enveloppe,
on les découvrit au no. ibre d'environ 60 à 80; mais ils
furent reçus si vivement du haut de la brèche que, voyant
les assiégés en force, ils prirent le parti de se retirer
après avoir attaché le mineur près de la brèche dans un
(1) Mémoire Le Cauchois.
*'
Si
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
I
endroit qui r.8 pouvait être vu de la place. Dans cette
attaque qui dura près d'une heure, les assiégeants eurent
une quinzaine d'hommes tués ou blessés.
« Le 7, au point du jour, les trois pièces du cavalier
qui avaient été remises en état pendant la nuit recom-
mencèrent à tirer et appelèrent l'attention de l'ennemi
qui, malgré cela, faisait de grands progrès au bastion
du gouvernement dans lequel était l'hôpital. M. de Ste-
Croix se détermina alors à faire battre la chamade. A
9 heures du matin, le drapeau parlementaire fut ar-
boré. »
En dépit de quelques défî'illances de détail à l'occasion
de la prise des redoutes, la défense fut énergique et fait
honneur au gouverneur. Les Anglais lui rendirent pleine
justice : « Quand la brèche fut faite, — écrit un officie
du corps expéditionnivire (1), — le gouverneur ne manqua
pas de tâcher de la réparer, mais comme nous étions trop
vifs, nous l'empêchâmes, et le 23, elle était assez grande
pour qu'une voiture ait pu passer. Le gouverneur crai-
gnait un assaut; sa bonne défense était admirée de tous
nos officiers ; il était résolu de ne rendre la place qu'à
la dernière extrémité, ce qui lui a fait une éternelle
gloire, et une peine d'un loyal et digne gentilhomme. »
Il y avait en effet quelque mérite à prolonger une résis-
tance qui ne pouvait aboutir au succès. La présence de
la flotte anglaise, maîtresse absolue de la mer, intercep-
tait toute communication avec la terre ferme et inter-
disait à la garnison tout espoir d'être secourue. Que le
siège durât quelques jours, peut-être quelques semaines
do plus, il ne pouvait pas moins se terminer autrement que
par la prise de la place. Dans des conditions pareilles, il
eût été imprudent de compromettre le sort de la garnison
eu prolongeant une défense qui eût exaspéré l'assiégeant,
(1) Correspondance anglaise. Arcliives de Quimper.
CAPITULATION.
65
Eu vertu de la capitulatiou, les troupes sous les ordres
de Ste-Croix sortirent de la citadelle par la brèche avec
les honneurs de la guerre et furent transportées à la côte
de Bretagne; les prisonniers faits de part et d'autre fu-
rent rendus à la liberté; les Anglais sans restriction, les
Français sous la réserve d'un échange éventuel. Les ga-
ranties habituelles furent accordées pour le traitement
des malades et blessés et pour celui des habitants de
nie.
Les débarquements et le siège coûtèrent (1) au corps
expéditionnaire environ 1.800 officiers et soldats tués ou
blessés. D'après les calculs du mémoire déjà cité, la perte
de la garnison française peut être évaluée à 200 tués et
à V50 blessés de tous grades, dont 5 officiers et 201- sol-
dats pendant la dernière période du siège du 26 mai au
7 juin. Au moment de la capitulation elle comptait
137 officiers et 2.319 soldats y compris les ouvriers et
domestiques.
Aucun effort ne fut tenté de la côte française pour lever
le siège de Belleisle ; la présence de l'escadre de Keppel
mpôchait l'envoi de tout autre secours que ceux dont
nous avons parlé avant le second débarquement.
Déduction faite de l'infanterie de marine qui regagna
son bord, les troupes anglaises furent maintenues à
Belleisle pendant la plus grande partie de l'année. Au
cours de l'automne de 1761 et peu de temps après la rup-
ture des négociations avec la cour de St-Janies, il fut
question de tenter le recouvrement de Belleisle, Choiseul
en parla à Starhemberg (2) qui lui demanda si l'entre-
prise offrait de réelles chances de succès. Choiseul fit à
l'ambassadeur une réponse caractéristique : « Oui, si je
(1) Annual Register, 1761, p. 17. Le rapport de Ilodgson ne donne que
303 tués, 523 blessés et 384 prisonniers, qui recouvrèrent leur liberté après
ia capitulation.
(2) Starhemberg à Kaunitz, 17 octobre 1761. Archives de Vienne.
nr»"»»
56
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. II.
:
m
trouve ua liommc qui ait assez de courage pour s'en
charger... Je suis presque tenté d'aller faire celte besogne
moi-même, mais je n'en ai pas le temps. » Malgré cette
boutade, l'expédition ne laissait pas que d'être difficile,
tant que les Anglais, maîtres de la mer, pouvaiert inter-
cepter les communications entre l'Ile et la terre ferme,
aussi n'est-il pas surprenant que le projet n'eût pas de
suites. Rassuré à ce sujet, le gouvernement britaunique
n'hésita pas à puiser, vers la fin de 1761, dans la gar-
nison des éléments pour l'expédition dirigée contre
la Martinique, et quelques mois après, pour la formation
de l'armée auxiliaire du Portugal. L'ile resta au pouvoir
des Anglais jusqu'à la paix.
Choiseul très piqué d'une attaque en pleine né-
gociation, eût voulu exercer des représailles contre
l'Angleterre; il conçut l'idée de jeter un détachement de
tronpes sur la côte britannique. L'aventure, confiée au
chevalier d'Arcy, aurait consisté à s'emparer du château
de Douvres par un coup de main et à répandre l'alarme
le plus loin possible. La flottille, composée de bateaux plats
dont chacun pourrait prendre 300 hommes à bord, sor-
tirait des ports de Boulogne et de Dunkerque et profite-
rait du premier vent favorable pour traverser la Manche,
llérouville, qui commandait sur le littoral du Nord, con-
sidérait (1) l'entreprise comme 1res faisable, mais esti-
mait que les 6.000 hommes qu'on pouvait y atfecter,
après avoir produit beaucoup d'émotion, verraient leur
retraite coupée et seraient perdus.
Cette considération fit probablement ajourner le pro-
jet qui lut définitivement abandonné à la suite de l'envoi
en Allemagne de 8 régiments prélevés sur l'armée des
côtes.
L'expédition contre Belleisle ne fut pas la seule entre-
,?;!
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(1) Hérouvilleà Choiseul, 2 juin 1761. Archives de la Guerre.
-r^P3rtTr.^.rr:r^
rniSË DE LILE DOMINIQUE PAR LES ANGLAIS.
57
prise maritime que le gouvernement britannique dirigea
contre les possessions françaises pendant le cours des né-
gociations pacifiques engagées en 1761 à Londres et à
Paris. Coniormément aux instructions de Pitt, le commo-
dore Sir James Douglas s'empara d'une des Antilles neu-
tres, l'Ile de St-Dominique, où les Français avaient créé
un établissement et érigé quelques fortifications. Le
brigadier Lord llollo commandait le petit corps com-
posé de troupes empruntées à celles de l'Amérique
auxquelles s'était joint un détachement pris à la Gua-
deloupe, en tout 700 hommes. C'était un grand dé-
ploiement de forces contre une ile qui n'avait pas de gar-
nison régulière (1) et dont la force armée ne consistait
qu'en miliciens fournis par les 200 familles des colons,
llollo, sous la protection des ï vaisseaux et des frégates de
Douglas, débarqua (2) le 6 juin et somma le comman-
dant français de se rendre. Celui-ci refusa sous prétpxte de
la neutralité de l'île ; des coups de fusil furent échangés.
Les Anglais aussitôt se portèrent en avant, chassèrent les
défenseurs de leurs retranchements, firent prisonniers les
officiers français et prirent possession de Roseau, princi-
pal centre habité. Le commandant anglais s'y installa et
s'employa activement à faire prêter aux quelques habi-
tants le serment de soumission aux autorités anglaises,
(1) Dalrymple à Pilt, Bassetcrrc, Guadeloupe, 5 mai 1701. Record Oflice.
(2) Rolloà Pitt, Roseau, 8 juin 17G1. Record Office.
CHAPITIŒ III
Si''
DKSUINATIOX DKS COMMANDKMEINIS POUR LA CAMPAONE IJK
17(51 KN ALLEMACiNK. — OPKKATIONS KN WESTPIIALIE.
Ainsi qu'où l'a vu, les hostilités en liesse ne furent pas
interrompues pendant l'hiver de 17()0-1701 ; l'entreprise
tentée par le prince Ferdinand pour le recouvrement du
landgraviat s'était terminée par la retraite précipitée des
confédérés, et par la levée du siè^^e de Cassel et du blocus
de (lottingen. Très éprouvée par les maladies et par des
combats malheureux, l'armée du prince avait repassé la
Dymel le 31 mars en fort mauvais état et dans l'impossi-
bilité de reprendre les opérations avant d'être reposée et
restaurée. Les Français, quoique victorieux, se ressen-
taient des marches continuelles et des fatigues d'une
campagne qui avait duré 10 mois; obligés par la perte
de leurs magasins locaux à ne compter que sur un ravi-
taillement long et coûteux, ils durent renoncer à réoccu-
per la liesse ; ils se contentèrent de relever les garnisons
des villes fortifiées et s'empressèrent de gagner „urs
quartiers d'hiver. L'épuisement des combattants se tra-
duisit par une trêve virtuelle qui dura jusqu'au mois de
juillet.
La fin de la campagne d'hiver coïncida avec la déclara-
iion des alliés et l'ouverture des pourparlers pour la
paix particulière entre la France et l'Angleterre. Cepen-
soi'iiist: ET i<uu(;i.iK.
»9
dant, il n'y eut pas d'armistice entre les liellig-érants ; dt'-s
les premières négoeiations, la proposition de suspension
d'armes l'ut suhordonnée i\ la signiiture d<'s préliminaire^
et dépendit par conséquent du sort réserve à la ({uestion
principale. Ue part et d'autre au contraire, Tonne songea
qu'à se préparer pour de nouvelles luttes et à pousser le
recrutement et la mise en condition des troupes alin
d'être en mesure de recommencer les hostilités le plus
tAt possible.
Au cours de l'hiver, il avait été décidé, A Versailles, de
diviser larmée française servant en Allemagne en deux
commandements. Celui du lias-Rhin serait donné au ma-
réchal de Souhise, dont les maigres succès de 1758 n'a-
vaient pas fait oublier la désastreuse campagne de 1757 ;
celui du llaut-Khin serait conservé au maréchal de Bro-
glie. Ce dernier, quoique naturellement fort opposé à un
arrangement qui, en le mettant aux ordres d'un général
plus ancien, le dépossédait du premiei' rang (|u'il rem-
plissait, non sans quelque renommée, depuis un an, s'in-
clina avec un désintéressement <[u'on n'eût pas attendu d'un
tempérament aussi ardent. Dans une lettre du 8 avril (1)
où il annonce son prochain retour à Francfort pour s'y
rencontrer avec Souhise, il écrità Choiseulque : « S. M. ne
« doit pas être inquiète de la manière dont je me condui-
« rai », et il l'assure de sa loyauté et de son dévouement.
Les deux maréchaux eurent des conférences (2j, à la se-
conde des(juelles assistèrent lîourcet et le comte de Bro-
giie. On constata que les informations sur l'état des
approvisionnements du Bas-Rhin et des pla es de la
Westphalie faisaient défaut; il serait donc imprudent
d'arrêter des dates précises pour le début de la cam-
pagne ; cependant, il fut décidé que Soubise ferait exécu-
.M]
iê
■> ;
(1) Broglie à Choiseul, Cassel, 8 avril 1761. Archives de la Guerre.
{'>) Mémoire sur les opérations, 20 avril 1761. Archives de la Guerre.
Il
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LA GUEnniî DE SEPT ANS. — CHAP. III.
I
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I »
pi"
ter à '.on armée un rnctuvemciit gnulucl nu <lelà du lUiin
à partir du 1 "" mai, de manière à en ('lablir la ;;auclie il
llamtii, la di'oite i\ la Ftocr, avec dos mag'asins i\ Hamm et à
Dortmund. l'our le contingent de Hiogiie, on reconnut la
possibilité de subsister au pays do Paderborn et au delà
de la Werra « que lorsque la terre pourra fournir des
fourrages ». L'oU'ensive générale se trouvait donc fixée
aux environs du 20 juin.
Les forces étaient réparties de la manière suivante : \
l'armée de Soubisc, 112 bataillons, 117 escadrons, un
fort contingent de troupes légères et un parc de 90 ca-
nons. Kn évaluant les bataillons à 000 et les escadrons
à 150 bommes dans le rang avec l'artillerie et les irrégu-
liers : environ 95.000 combattants. L'agent britannique
Cressener(l), qui était à Maestricbt, adressa sur les régi-
ments français d'infanterie en marche pour rejoindre,
un rapport favorable; il fait l'éloge du physique des
bonunes et constate (pie les unités sont presque au com-
plet; par contre il est sévère pour la cavalerie qu'il
trouve mal montée. Comme par le passé, le nombre des
officiers généraux était hors de touf. proportion avec
cet effectif ; 22 lieutenants-généraux, 33 maréchaux de
camp accompagnaient la troupe ; la maison du Roi à elle
seule était dotée de IV maréchaux de camp! Castries
remplissait les fonctions de maréchal des logis de l'armée ;
il était secondé par Cornillon, major-général de l'infan-
terie, et par Sarsfield, maréchal des logis de la cavalerie.
Eu outre de ces officiers qui se sont déjà signalés par
leurs services, nous relevons des noms connus : Chevert,
Dumcsnil, Mailly, Delà Salle, le prince de Condé, Vogué,
Croy, Castella, Saint-Chamoud, Segur et Levis — ce der-
nier, retour du Canada, avait obtenu de Londres l'autori-
sation de prendre part à la guerre en Allemagne. Parmi
II
(1) Cressener à Holdernesse, Maestricht, 28 mars 1761. Record Oflice.
HkPAHTITION OKS I OHCES.
•t
les maréchaux de cnmp li,i,Miraiont (Uusay, Roquepiiie,
(irollier, Bourcct, Wiinnser ot Lugeac.
A l'armée de Hro,v;Iic : 82 bataillons, 79 escadrons,
des troupes légères et 00 canons de y;vos calibr'^, soit à
peu près 05.000 combattants. I*arnii les 20 lioutcnants-
générau.v et les 20 maréchauv de camp ({ui servaient sous
ses ordres, nous remarquons les noms de De Mu y, Uotlie,
(iucrchy, comte de Lusace, Uouyé, de Vault, Maupcou,
Stainville, et Poyanne du premier grade; et ceux de
Cliabo, Blaizel, Cl.uisen, Helsunce et Montchenu du se-
cond. Le comte de llroglie conservait sa fonction de ma-
réchal des logis de l'armée et avait comme aides Gui-
bert pour l'inlanterie et Lameth pour la cavalerie.
Aussitôt qu'il eut [ma le contact avec ses troupes à Dus-
seldorf, Soubisc put se rendre compte (jue ses réserves
formulées à propos des dates fixées pour la mobilisation
n'étaient que trop justifiées. A son parc d'artillerie (1), il
n'y avait que 39 pièces disponibles, le reste était encore
en route; les 32 bataillons (jui venaient de faire le trajet
de la liesse ne pouvaient être prêts pour le mois de
mai; la brigade irlandaise n'avait que des effectifs bien
faibles; seuls, 12 bataillons de l'ancien fonds du Bas Khiu
pourraient campera l'époque fixée; la cavalerie, à '»0 es-
cadrons près, ne serait pas en état avant la fin de mai.
Pour comble de malheur, un incendie violent détruisit
une grosse provision de fourrag'es chargée sur des ba-
teaux près de Wesel.
Enfin, on adopta la date du 15 mai pour la réunion de
l'armée du Bas-Rhin en trois camps à Dusseldorf, Wesel
et vis-à-vis de Rees; elle y ferait un séjour de 15 jours et
se mettrait en mouvement vers le i juin (2), soit pour en-
treprendre l'invcstissenjent de Munster, soit pour donner
la main sur la Lippe à Broi,'lie qui assemblerait ses forces
(1) Soiibise à Choiseiil, î»ii<;seldorr. 2r. avril 17f)t. Archivos do la Guerre.
(2) Projet d'enliée en ciini .igme, '0 avril 1701. Archives de la Cuerre.
i/,
I
I
G2
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. III.
entre la Fulda et la Werra dans les premiers jours de
juin. Ce programme prévoyait une mobilisation relative-
ment rapide, qui ne put être obtenue. Le 12 mai (1) sur
^12 bataillons, 'i-5 étaient, campés, 38 seraient au bivouac
à la date du 25, le reste attendait ses tentes ou arrivait
du llaut-Khin; la cavalerie, l'artillerie, les troupes lé-
gères étaient à peu près au môme point. Soubi >e, qui avait
surveillé le passage du Rhin et la formation des camps,
annonça à. Clioiseul (2) que l'armée ne pourrait se mettre
en marche (|ue le 3 ou 4 juin. Le 19 mai il écrit à Broglie :
« Je me porterai en avant, quand vous me manderez que
(( vous êtes rassemblé à Cassel ou sur la Werra ; nous
<( prendrons des époques déterminées sur les points dont
« nous serons convenus. »
Pendant la dernière quinzaine de juai, un échange de
mémoires eut lieu entre les deux généraux. D'après le
projet de Soubise (3), la marche devait être réglée de
manière à ce que l'époque « à laquelle M. le maréchal
de Broglie pourrait arriver sur quel([ue point du Wcser
au-dessous du continent de la Dymol serait celle àlaquclle
l'armée du Bas-Rhin pourrait arriver à sa position de
Dortmund, si elle débouchai! par la rive gaujhe de la
Lippe ou partir de Wesel, si elle s'avançait par la rive
droite de cette rivière «. A cette disposition Broglie (4) fit
des objections : Que l'armée du Haut-Rhin débouchât de
Cassel ou de Gottingen, « il est certain qu'elle trouvera
soit sur la Dymel, soit entre Eimbeck et Uslar des corps
ennemis destinés à couvrir ces deux parties, et qui y res-
teront avec d'autant plus de tranquillité que, n'étant point
(1) Etat général de l'armée du Bas- Rhin, 12 mai ITfil. Archives de la
Guerre.
(2) Soubise à Choiseul et à Broglie, Dusseldort, 10 mai 1701. Archives de
la Guerre.
(3) Mémoire joint à la lettre de Soubise à Clioise :>A mai 17C1.
(4) Mémoire de Broglie en repense à celui de Soubise, 24 mrd 1761.
CONCENTRATION.
r,;i
pressés par l'armée du Bas-Uhin, le prince Ferdinand ne
sera pas nécessité de rai ;embler ses troupes pour s'op-
poser à SOS progrès ».
Pour ses premières étapes en Westphalie, l'armée du
Bas-Rhin n'a plus à craindre du prince Ferdinand une
attaque probable, il y a un mois, i>lors que celle du Haut-
Rhin était encore dans ses quartiers d'hivev, mais « il n'en
est pas de même à présent, l'armée du Haut-Rhin va
être en état de tout point, et vers le 20 du mois de juin
si la terre ne produit pas des subsistances assez abondan-
tes pour des camps stables et à demeure, elle en donnera
partout assez pour nourrir l'armée une nuit. D'ailleurs il
est impossible de supposer que l'ennemi laissera Pader-
born et le pays de Hanovre complètement dégarnis; si
l'on tient compte des détachements nécessaires des gar-
nisons et M des malades qui sont en grand nombre, il ne
lui sera pas possible de rassjmbler plus de 70 ou 75.000
hommes > . D'autre part, l'armée du Bas-Rhin « devra
s'arrêter au bout de 'i- ou 5 marches et séjourner le temps
nécessaire pour la construction des fours ». Pendant cette
halte forcée, les troupes du Haut-Rhin seraient exposées
aux coups de l'ennemi. D'après Broglie, ce n'était pas le
moment du départ des points de Dusseldorf et de Wesel
qui devrait être combiné avec celui de la marche sur la
Dymel ou le Bas-Weser, mais « celui où l'armée du Bas-
Rhin, ayant fait, soit à Hamni, soit à Dortmund, ses établis-
sements de farines et de fours, s'ébranlera pour opérer
soit sur Munster, soit bur Lippstadt >;.
Conformément à ces prémisses, Rroglie proposait la
date du 10 juin pour le commencement des opérations en
Westphalie et celle lu -20 pour le ra.ssemblemeiit autour
de Cassel de ses propres forces. H craignait que la simul-
tanéité du départ des deux armées uontrainAt des retards
qui reporteraient au 1.5 juillet l'ouverture des hosti-
lités décisives et donnait des appréciations fort sages sur
1^
»
61
LA GUEURE DE SEPT ANS. — CHAP. III.
l'inconvénient de la dualité de commandement : « Mais ce
qui on consommera encore bien davantage, c'est l'envoi
réciproque de mémoires entre les deux généraux, les ré-
ponses, les réponses aux réponses par lesquelles on se
persuade rarement, soit parce qu'étant dans des points
de vue différents on voit difl'éremment les objets, soit
parce que l'intérêt plus grand qu'on prend même sans
s'en apercevoir à la partie dont on est chargé, aveugle. Il
en résulte que la campagne se pa^se sans convenir de
rien, que les moments se perdent et qu'on laisse échapper
les occasions les plus importantes et les plus décisives. Le
seul remède à ce mal, dont les conséquences peuvent être
si funestes, c'est qu'il n'y ait qu'un général qui ne se con-
certe point, mais qui ordonne. M. le maréchal de Soubise
est l'ancien, le Roi l'a choisi pour commander l'armée la
plus considérable, il est tout simple qu'il soit chargé du
total, qu'il forme ses projets et envoie ses ordres à M. le
maréchal do Broglie qui les exécutera avec plus ci'exacti-
tude qu'aucun de ses autres officiers généraux. Dans cet
arrangement, M. le maréchal de Soubise trouvera de bien
grands avantages : unité dans ses projets, secret et célé-
rité dans l'exécution et M. le maréchal de Broglie y ren-
contrera la satisfaction de donner au Roi une preuve non
équivoque de son zèle pour le succès de ses armes. »
Aussitôt le mémoire de Broglie reçu, Soubise lui
écrit (1) qu'il est d'accord sur les dates : « Ainsi, monsieur
le Maréchal, si vous pouvez dès le 20 donnf.r de l'inquié-
tude aux ennemis, je me mettrai en mouv^-ment I 10. Le
prince Ferdinand rassemblera son armée. Le calcul que
vous faites de 70 ii 75.000 hommes me parait juste en
diminuant les garnisons et les détachements qu'il sera
obligé de faire. Je me trouverai en égalité vis-à-vis de
lui, et par conséquent je ne craindrai point de hasarder
(t) Soubise à Bro^^Ue, DusselJorf, 28 mai 1761. Archives de la Guerre.
CHOISEUL DEFINIT LE IIOLE DE CHACUN.
65
les manœuvres qui vous mettront à portée de j)asser la
Dymcl, vt de faire des opérations assez décisives pour
obliger le prince Ferdinand à regagner le Weser et niêmcî
à repasser < '•tte rivière. » Aux observations d'ordre général
de son collègue Soubise répond en excellents termes :
« Notre correspondance sera suivie, et nous la rendrons
le plus prompte qu'il sera possible. Je suis accoutumé k
écouter vos conseils et à profiter de vos lumières et de vos
talents. Nous marcherons d'un pas égal. Notre bonne vo-
lonté et notre zèle pour le succès des armes du Roi nous
serviront de guides, et notre union en imposera aux en-
nemis. » L'accord ainsi scellé fut confirmé par une dépêche
de Choiseul (l! qui s'ell'ortait de définir et de préciser le
rôle de chaque général : « L'objet du Koi pour la campa-
gne prochaine, monsieur le Maréchal, est que ses deux
armées oprèent de façon : 1" que la Wcstphalie soit dé-
livrée et les places de Munster et de Lippstadt occupées par
les troupes du Koi ; 2" que l'une des années de S. M. puisse
faire un établissement solide sur le Weser et qu'en consé-
quence l'on s'empare de la place de llameln. Ces deux
points doivent être les seuls buts des opérations des ar-
mées du Roi; S. M. entend cependant que lesdites armées
soient indépendantes absolument une de l'autre et ne
coopèrent que par diversion (la plus éloignée étant la
meilleure) à leurs oj rations récipro(juos. D'après ce
principe, il est naturel !e compter que l'armée du Bas-
Rhin travaillera à la déli ance de la Westphalie et sera
chargée des sièges de Lippstadt et de Munster; M. 1-^ maié-
chal de Soubise mande au Koi qu'il rassemblera son
armée le iO de ce mois, il y a lieu de présumer que ce
général se portera étant rassemblé juscju'à llamm ; l'on ob-
servera de cette position celle que prendront les ennemis. »
C'est à ce moment, « et d'après le rapport de ses généraux
(l) Choiseul ;i Soiilii.se et a Uroglic, Marly,
Guerre.
(lUERRE DE Si:i'T ANS. — T. V.
juin I'()l. Arehive.s de la
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LA GUERKE DE SE1>T AiNS. — CHAI». 111.
que S. M. leur enverra des ordres pour leui-s opérations
ultérieures, il a paru supertlu au Roi d'entrer dès à présent
djins des détails qui dépendent des événements futurs ».
Soulignons en passant la dillerence entre le système
de Choiseul et celui de son prédécesseur Belleisle. Ce der-
nier, tout en se réservant le droit de critiquer les actes du
général, lui laisse carte blanche pour le détail des opé-
rations et se refuse à lui donner les ordres que celui-ci
sollicite; Choiseul, au contraire, limite le programme et
annonce l'intention de se prononcer à un moment donné
sur les propositions qui lui viendront de l'armée. Cette
intervention de l'autorité royale s'expliquait par la néces-
sité de trancher les conflits que pourrait soulever le dou-
ble commandement, mais en restreignant en présence de
l'ennemi l'initiative des généraux, elle ne pouvait que
nuire au succès de leurs opérations. En attendant, les pre-
miers mouvements des deux armées allaient s'accomplir
dans les lignes du plan concerté; les difficultés n'apparaî-
tront qu'après l'exécution de la partie préliminaire du
programme.
Le 10 juin, Soubisc se rendit à Wesel où s'était concentré
le principal noyau de ses troupes; le 13, commença la
marche en avant par la rive gauche de la Lippe. Le maré-
chal avait adopté cette direction après bien des hésitations :
« J'y suis principalement décidé, mande-t-il(l) à Broglie,
par l'époque que vous indiquez, vers le 20 juin pour as-
sembler votre armée en Hesse. » Le 14-, le quartier général
était à Essen; on n'avait rencontré d'autre obstacle que l'é-
tat des chemins, les plus mauv .is de l'Allemagne, ruinés
par des averses diluviennes. <■ Plusieurs canons de régi-
ment, écrit Soubise(2),sont embourbés, les équipages res-
tés derrière, il me parait impossible de ne pas séjourner
demain Je marcherai après-demain Ki à Bochum, le 17
(1) Soubise à Broglie. Dusseldocf, 7 juin 1761. Arcliives de la Guerre.
(2) Soubise à Broglie, Essen, 14 juin 1761. Archives de la Guerre.
SOUBISE SE PORTE SUR SOEST.
67
■A
3 »;
à Dortmund, et je ne perds pas de temps pour arriver à Soest
le 22 ou 23 ; j'imagine que je ne serai pas trompé dans ce
calcul et je crois que vous pouvez y compter. » Les pluies
continuelles et la fatigue des hommes compromirent la
justesse de ces calculs. Le 18, l'armée n'avait pas dépassé
Malten entre Dortmund et Unna; elle aurait besoin d'un
séjour de 2 ou 3 jours pour se refaire et n'atteindrait Unna
que le 23, Werl le 26, enfin Soest le 28, jour que Broglie
avait indiqué pour le passage de la Dymel. « Au reste,
Monsieur, écrit Soubise(l), vous voyez que je ne me suis
point écarté du plan proposé depuis le commencement de
la campagne et je remplis jusqu'ici les intentions de la
Cour en mavançant jusqu'à Hamm ou Soest ; nous saurons
incessamment à quoi nous en tenir sur le parti que pren-
dront les ennemis. L'armée sera rassemblée ce soir en tota-
lité, elle campe en ordre de bataille. J'ai formé une avant-
garde pour M. le Prince de Condé, composée de 3 brigades
de cavalerie, 3 d'infanterie, les dragons et les troupes lé-
gères, M. de Voyer commandant sous lui. iM. d'Apchon
occupe Dortmund et pousse des détachements en avant
sur Unna et Liinen. M. de Conflans est à Soest avec sa
troupe, on assure que le prince héréditaire est arrivé hier
à Hamm. Les ennemis ont levé les planches du pont de
Liinen et leurs troupes légères paraissent en assez grand
nombre sur la rive droite de la Lippe. La pluie continue
à nous désoler. » De son côté, Broglie avait annoncé son
départ de Francfort pour le 18 et pour le 19 son arrivée
à Cassel où toute l'armée du Ilaut-Rhin serait concentrée
le 25.
Que ferait-on une fois la Dyniol franchie ? Les deux ar-
mées opéreraient-elles leur jonction ou, restant séparées,
s'aideraient-elles au moyen de diversions plus ou moins
excentriques? Broglie posa la question (2) en priant son
(1) Soubise à Brotçlie, Malten, 18 juin 1761. Archives de la (iucrre.
(2) Broglie à Soubise, Francfort, 16 juin 1761. Archives de la Guerre.
1 ,
I
§
68
LA GUERUK DE SEPT ANS.
CH.iP. m.
collègue plus ancien de la résoudre. H y eut échange de
lettres et de mémoires à la suite desquels on se mit d'ac-
cord j)our un mouvement combine contre le prince Fer-
dinand. La principale raison invoquée par Broe:!ie(l)
pour le rapprochement des deux armées était la difficulté
et la lenteur des correspondances, surtout s'il fallait en
référer à Vcr.sailles : « Il faut 7 jours pour qu'une lettre
vous arrive par la poste, autant pour le retour, un jour
au moins pour répondre, cela fait 16 jours et ainsi on
ne peut avoir de réponse que deux fois par mois. »
Le 23 juin eut lieu le premier combat de la campagne;
il fut heureux pour les armes françaises. Soubise lit en-
lever les ponts de Limen et de Kamen et la ville d'Unna;
le principal engagement se passa à Liinen où Turpin,
attaquant à la pointe du jour avec ses troupes légères,
surprit la garnison composée de deux bataillons de la
légion britannique et de chasseurs hessois et la chassa
de la ville avec perte de 2 canons et de 2 à 300 hommes,
la plupart prisonniers. L'entreprise contre Kamen réussit
également, mais celle d'Unna fut repoussée. La ville fut
cependant évacuée et Soubise put s'y installer le 2'i^; il y
reçut un officier de l'état-major de Broglie, M. de Berghe,
qui fut renvoyé à son général et chargé de lui confirmer
l'intention d'occuper Soest le 28.
Cet espoir ne se réalisa pas ; jusqu'alors, Soubise n'avait
eu à surmonter que les difficultés de la voirie westpha-
lienne; il allait se heurter à l'homme de guerre qui tenait
en échec les Français depuis quatre ans. D'Unna, il informe
Choiseul et Broglie de la présence de Ferdinand à Soest :
« Que je marche demain, écrit-il (2) au ministre, sur
Werl, ou que je reste ici, selon toute apparence, le prince
Ferdinand me barrera le passage de Soest et je le trou-
verai dans une position inattaquable ou du moins très
(1) Hroglie à Choiseul, Cassel, 22 juin 1761. Archives de la Guerre.
(2) Soubise A Clioiseul, Unna, 25 juin 17C1. Archives de la Guerre.
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FERDINAND UARRE LA ROUTE,
69
avantas'ense. En ce cas, je me tiendrai à portée de profiter
de l'ellet ([ue produiront les diversions de M. le maréchal
de Broglie. .le vais hii envoyer un courrier, pour lui faire
part (les obstacles que je rencontre. » Soubise donne les
mêmes informationsà Broglie (1) ; il a évidemment devant
lui toutes les forces des confédérés à l'exception de ce qui
est resté sur la Dyniel. Il laisse à son collègue l'initiative
des manœuvres nécessaires pour lui frayer la route. Deux
jours après, l'armée n'a pas bougé (ITnna; nouvelle dé-
pêche à Broglie (2) datée du 28, à k heures du soir : « Les
ennemis se sont portés sur Werle, leur gauche se perd sur
les hauteurs en tirant vers Socst; s'ils ont décidé de nous
attaquer, ce sera selon toute apparence pour demain. Nous
sommes préparés à les recevoir. » Ce môme 28, Broglie,
qui avait commencé son mou'^'ement, expédiait (3) à Choi-
seul deux rapports : le premier, daté de k heures du ma-
tin, annonçait qu'il avait reçu de Soubise une lettre par
laquelle « il semble qu'on ne doit pas beaucoup compter
qu'il marche en avant, .le vais joindre l'armée qui est en
marche et la ferai camper ce soir à Brunne; je recon-
naîtrai par moi-même les camps des ennemis sur la Dy-
mel etmeconduirai ensuite suivant ce que je verrai et croi-
rai possible ». Le second relatait l'étape de la journée,
parlait des cas d'insolation qui s'étaient produits et donnait
([uelques détails : Poyanne s'était emparé des défilés
d'Essenstho et de Stadtbcrg presque sans résistance ; Lusace
était campé k Hoheukirch, Cliabo avait escarmouche près
de Liebenau; Guerchy était à Wolfhagen; demain le gros
de l'armée continuerait son offensive et passerait la Dymel.
Pendant ces premières opérations, quelle avait été l'ac-
tion du prince Ferdinand et de ses lieutenants? Les mois
d'avril et de mai furent consacrés au recrutement et k la
(1) Soubise à Broglie, Unna, 20 Juin 1761.
(2) Soubise à Broglie, Unna, 28 juin 17(11. 4 \\. ]>. m. Aixiiives Ue la Ouerre.
(3) Broglie à Choiseul, Cassel et Brunne, 28 juin 1761. Arcbivesde la Guerre.
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70
LA GUERUK DE SEPT ANS. — CHAP. ill.
II
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mise en état dos rrginients, fort délabrés à la suite de la
retraite désastreuse qui avait remcné l'année confédérée
des bords du Kinzig à ceux de la Uymol. [.es Hrunswickois
allèrent se refaire dans leur pays; le contingent bessois
se reconstitua par la fusion des bataillons de forteresse
avec ceux de l'active; les Hanovriens et les Anglais re<,'u-
rent des recrues en nombre considérable; le service du
commissariat bénéficia de réformes importantes. Bref.
grâce à ses efl'orts énergiques bien secondés, le prince se
trouvait à la tôte de forces imposantes et prêtes à entrer en
campagne. L'état du 1" juin (Ij sur un ensemble de plus
de 91.000 hommes, présents sous les drapeaux, faisait
ressortir un eflectif de 78.823 combattants, dont 18.000
Anglais, 28.000 Hanovriens, 7.000 Brunswickois, 10.200
Hessois et8. 500 hommes de troupes légères de toutes natio-
nalités; l'infanterie et la cavalerie régulières étaient répar-
ties en 94 bataillons et 82 escadrons, soit à peu près 000 fan-
tassins et 1 70 cavaliers par unité. Le nombre des malades,
tant aux ambulances qu'aux hôpitaux, était considérable;
il se montait à 12.457 et, à en juger par les 1.2()6 décès qui
s'étaient produits au cours du mois de mai, l'état sanitaire
laissait beaucoup à désirer.
Quinze jours ne s'étaient pas écoulés depuis la fin de la
campagne du printemps que Ferdinand formulait ses pro-
jets d'opérations. Dans une dépêche à Bute, il définit (2)
avecnetteté l'objectif à atteindre : « Nous n'avons que trois
points fixés qui peuvent arrêter l'ennemi; savoir, Munster,
Lippstadtet llameln. Tous nos efforts doivent être dirigés
pour soutenir ces trois places, dont les deux premières
entretiennent la communication avec la Hollande et l'An-
gleterre, et couvreni; le bas Weser; c'est la source de nos
subsistances; la dernière, savoir Hameln, couvre le haut
Weser, l'électorat d'Hanovre, et le duché de Brunswick.
(1) État de l'armée, Neuliaus, 1" juin 17()1. Westphalen, V, p. 356.
(2) Ferdinand à Bute, Neuhaus, 13 avril 1701. Record Office.
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I :
PROJETS DK FERDINAND.
71
Il s'agit (le savoir s'il faut s'attacher, avec le gros de
l'armée, au soutien de la forteresse de Ilameln, et ne
laisser qu'un corps de troupes en Westphalic pour soute-
nir Lippstadt et Munster ; ou s'il faut s'attacher, avec le
gros, au soutien de ces deux places, et ne couvrir (ju'avec
un corps de troupes le point de Ilameln; et c'est sur cela
que je prie Votre Excellence de me faire savoir les inten-
tions de SaiMajesté. Dans le premier cas, la Westphalie et le
bas Weser ne pourront, probablement, être soutenus que
peu de temps, et toute larmée sera forcée de passer le We-
ser, d'abandonner cette rivière à l'ennemi, et de se retirer
dansl'intérieurdu pays, sur les villes d'Hanovre et de Bruns-
wick, où il faudra établir dès à présent de gros magasins;
ce qui sera très diflicile. Si, au contraire, le gros de l'ar-
mée reste en Westphalie, à portée des forteresses de Muns-
ter et de Lippstadt, le pays de Hanovre et celui de Bruns-
wick seront exposés, et Ilameln même courra risque d'être
assiégé et d'être pris. Quanta moi, je suisd'opinion d'éta-
blir un corps de 20.000 homrïies aux environs de Munster,
et de tenir le reste de l'armée dansl'évêché de Paderborn
surlaDymelet un médiocre détachement dans le SoUingen
sur le haut Weser ; par cette position, je suis en étatd'aller
joindre ou avec le tout, ou avec une partie, le corps de
Munster, atin de combattre le prince de Soubise s'il vou-
lait attaquer Munster ou Lippstadt, et de revenir ensuite sur
nie? pas, pour faire face de nouve9,u au maréchal de Bro-
glie. Une telle opération est sujette à mille inconvénients,
et est souvent impossil)le, mais elle paraît être le seul
parti à prendre, dans cette disproportion de forces où
nous sommes. La position de la Dymel est très forte, et
peut arrêter l'ennemi; si je la quitte, je perds l'avantage
de faire la navette avec l'armée. D'aillenrs, si M. Broglie
voulût, malgré la perte de ses magasins, avancer le long
de la Leine, j'aurais l'avantage démarcher sur ses commu-
nications, aussi longtemps que je suis maître de la Dymel,
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72
LA GUEURK UK SEPT ANS. - CllAP. III.
co qui romprclieriût absolument, comme je pense, de
|)«''nétrer avec le gro.s de ses troupes dans le pays de Ha-
novre, (iuoi((ue à la vérité Je ne pourrais l'empèclier d'y
pousser de f;ros détachcMnents. »
Très naturellement, à la (|uestion j)os6e, llute répon-
dit ([lie le roi Georges s'en rapportait à son général. Le
28 mai, Ferdinand (1 j revient sur les craintes exprimées :
« Il ne faut pas douter que le dessein des Français ne
soit celui de l'aire les sièges de Munster et de iJppstadt ;
s'ils les prennent, ils .sont maîtres des évèchés et des
élections (2). » Conformément k la tacticpie qu'il avait
annoncée, le prince avait confié la garde de la Dymel
à SpOrcken avec 15 bataillons et Ki escadrons et porté
le prince liéreditaire de l'.iunswick à Nol u et Scliop-
detten pour surveiller les abords de Munster; dans une
lettre! h Itute (3) en date du 12 juin, il cherche à percer
le plan des Français : « A juger par les dispositions <|ue
les ennemis ont faites jusqu'à présent de leur plan d'o-
pérations, M. de Soubise va porter ses premiers coups
contre Munster. M. de lirogiie, de son côté, peut se
porter sur la Lippe en me dépostant de la Dymel, ou
te^chera de pénétrer dans le pays d'Hanovre, le long
du Weser; ce qu'il ne pourra, cependant, pas faire non
plus avec toute son armée, aussi longtemps que je puis
rester sur la Dymel, et que je serai par là le maître de
marcher sur les coninmnications. Le mal est que le prince
héréditaire de Brunswick, qui commande dans l'évêché
de Munster, est trop faible pour résister seul au prince
de Soubise. S'il est attaqué trop vivement, il doit céder
du terrain, et alors. Munster sera assiégé. Si je marche
pour le soutenir avec le gros des troupes que j'ai dans
(1) Ferdinand à Buto, Neuliaus, 28 mai 18()1. Record Office.
(21 Allusion à l'éleclion prochaine de l'électeur de Cologne, évêqiie <le
Munster.
(:<) Ferdinand à liule, Neuhau^;, 12 juin l'Gl. Ilecord Office.
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I\i:i AHTITION DE L'ARMKK DES COM ' DÉKKS.
73
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le INulei'liorn, en laissant M. de Sporcken sur la Ihinol,
celui-^'i courra ris<|uc d'rtrc forcé î\ son tour, par M. de
Hi'of,^lie, qui pourra alors s'appr^clicr do Lippsladt, ou de
ilamelii. Il l'aut (cependant en sou tomjis opter enirc
cette alternative, et je m'y suis préparé » ou établissant
un catup retranché près de Munster, ou consolidant par
des redoutes la ligne de la Dyinel, oufin en activant la
mise eu état des trois places menacées, de manière à
leur permettre de résister aux premières attacpios d'un
assiégeant.
Le 20 juin, le quartier i^énéral des conledérés était
encore à Neulians près de Padorborn, alors que l'otlen-
sive des Français avait commencé et l'armée de Soubise
avait dépassé Dorttnuud. « Il semble donc, écrit Ferdi-
nand (1, qu'il en veut à Lippstadt, quoiqu'il puisse
repasser la Lippe et marcher encore h Munster. Mais si
je suppose que les deux maréchaux sont bien unis de
sentiment et disposés à se soutcmir l'un l'autre, je dois
m'atteiulre à voir marcher h' prince de Soubise sur Lipp-
stadt, pendant ([ue le maréchal de Broglie se portera sur
la Dymel, ce qui serait un des cas les plus épineux (jui
pourraient arriver. Je tâcherai de m'y opposer de n)on
mieux et compte marcher demain de grand matin dans
les environs de Lippstadt. »
A la date (2i du 21 juin, ([ui est celle de l'entrée en
campagne des confédérés, leur armée était distribuée de
la manière suivante : sur la rive droite du Weser,
Lûckner avec 3 bataillons, 8 escadrons et des troupes
légères; Sporcken avec 15 bataillons, 8 escadrons
et des corps irréguliers le long de la Dymel, depuis
Warburg jusqu'à Liebcnau ; sous les ordres directs
du prince Ferdinand une force de 28 bataillons et
(1) Ferdinand à Bule, Neuhaus, 20 juin 17(11. Record Oflicc.
{2} Boyd ù Newcaslle, Geselve, 22 juin 1761. Newcaslle,Pii|iei's. Les ( liillres
de Hoyd sont à peu près les mêmes que ceux de l'étal du 1" juin.
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LA (;i)KHaK l)K SEPT ANS. — CHAI». III.
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2'» escadrons; près du j^to.s, ii Kliiidcn, NVanf,ç(mheim
riait ciuii|>('! avec V liataillons t't 8 <'.scadrons; (ioiiwwy
occufuiit Sorsl avec H bataillons cl 7 escadrons de trou-
pes an,t,-lais('S ; près de liamin, le général Howard était
à la tète d'une division d(^ ^ bataillons et de 1) escadrons
et d'un coniplèniont d'infanterie légère; enfin, un corps
de i>8 bataillons, -iV escadrons et de (piebpies irréguliei's
sous les ordres du prince héréditaire était posté i\ llanim.
A ces troupes était attaché un parc de 122 canons.
23 obusiers, 7 mortier et 2 anmsettes. Déduction faite
«les 15.000 hommes de Sporckeu et de LOckner ciiargés
de surveiller l'armée du llaut-Uhin, il restait A Ferdi-
nand (i.l.OOO combattants pour s'opposer aux proférés
des Français de Soubisc. Il concentra son armé»» en ap-
pelant à lui le prince héréditaire et porta successivement
son quartier général à Soest et A \Verl. Ce mouvement
arrêta les velléités olL'ensives de Soubise, lui fit replier .ses
avant-postes sur son camp d'Unna où il attendit une at-
taque (jui ne devait pas se produire. Une dépêche expé-
diée d'Unna (l) à la date du 'M) juin résume bien la situa-
tion : « Je comptais, McJnsieur, suivant les lettres reçues
de M. le maréchal de Broglie, et les arrangements con-
venus, marcher le 28 à Werl, et le 29 suivre les hau-
teurs par ma droite en m'approchant du Roer pour
chercher à dépassar Soest et gagner Rntheii. Le prince
Ferdinand ma pnîvenu et j'appris avant de décamper
qu'il arrivait h Werl avec toutes ses forces réunies. Dès
\i soir même il replia nos troupes légères, qui se reti-
rèienf en très bon ordre des postes qu'elles occupaient
près de Werl, et restèrent à deux lieues d'ici pour obser-
ver les mouvements de l'ennemi. Hier avant la pointe
du jour, le prince Ferdinand s'est remis en marche sur
cinq colonnes. »
(1) Soubise à Choiseul, Unna, 30 juin 1761. Archives de la Guerre.
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|{|(0(;|.IK VAHSV. LA OYMKI
n
(le mouvement, reliirdr parles trou|)osi«''c;i'rcs do heMel-
fort, ne fut pas poussé loin. Une recouiiiiissiinec appro-
fondie de la position occupée par Soul)isc démontra cpie
les ris([u«'S d'une atta(|ue de front seraient trop sérieux et
Ferdinand, avant de la tenter, consulta selon son habi-
tude le dévoué NVestplialen. (le dernier déconseilla (1)
l'idée de rejoindre Wanyenlieini fort iiu|uiet des progrès
de Broglie dans la direction de Paderborn, et proposa de
rechercher une all'aire avec Soubise en manœuvrant sur
le tlanc et le derrière du camp du maréchal : « Je serai
donc d'avis de le tourner par sa gauche en se portant
par Kamen sur Dortmund. »
Heportons-tious maintenant à l'armée du Haut-Rhin qui
venait de faire un brillant début de campagne : Le pas-
sage de la Dymel avait été ell'ectué le 2!) juin sans grande
opposition de la part de Spcirckcn, d'ailleurs fort inférieur
à son adversaire : « .l'ai ordonné, mande Hroglie (-2),
(ju'on battit la générale ce matin à trois heures, et
l'armée s'est mise en marche à cin(|; comme j'allais
monter à cheval, M. de Beisuncc m'a mandé que les en-
nemis étaient partis et qu'il se mettait à leur suite.
« L'armée a passé la Dymel et je l'ai fait camper à
Scherfede; je me suis avancé ensuite jusqu'à Kleinenberg
où j'ai trouvé M. de Beisunce qui venait d'attaquei" l'ar-
rière-garde des ennemis et leur avait fait 200 prisonniers
et pris 11 ou 12 pièces de canon de parc ou obusiers
presque tous de gros calibre. Nous les avons suivis jus-
qu'auprès du village de Villebadessen, où j'ai vu tout le
corps du général Sporcken en bataille et nous avons
estimé ce que nous en avons vu à IV ou 15.000 hommes,
non compris le corps de Liickner qui a repassé le Weser
et est de k ou 5.000... J'irai demain camper près de
Lichtenau, l'avant-garde de iM. de Clozen occupera Wii-
(I) Westphiilen à Ferdinand, 30 juin 1761. Westplialen, IV, p. 4'.)o.
('2) iii'oglieà Soubise, Hardenhausen, 29 juin 1761. Arciiives de la Guerre.
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LA (JL'KUUK DE SEPT ANS.
OIIAP. III.
ncnberg f^t Fiirsteinbcrt; , et telle de M. de Belsunce Attelen
et Ettelen. » Le comte de Lusace et Chabo avaient été
dirigés sur Hrackel à la poursuite des gros équipages des
conemis ([u'oii disait se retirer sur Hameln. « Vous voyez
par là, M. le Maréchal, continue Brog'lie, que les postes et
patrouilles de mes troupes légères seront demain sur
l'Alinei 1 ), ce ((ui doit être fort inquiétant pour M. le prince
Ferdinand, s'il est encore à portée de vous, cc([ue j'ignore
n'ayant pas de vos nouvelles depuis le -Ui.
« .le saurai dans la Journée de demain le parti qu'aura
pris M. de Sporcken pour sa retraite; je crois qu'il était
un peu ellarouché, et ne savait pas trop quel parti pren-
dre; ce qu'il y a de certain, c'est ([ue de plusieurs jours
il ne lui sera pas possible de rejoindre le prince Ferdi-
nand. Je m'occuperai demain de voir s'Ï! ,,e trouve un
bon camp ou sur l'Aime ou près de l'Abne. où il me fût
possible d'attendre M. le prince Ferdinand s'il se détermi-
nait à revenir sur moi; enlin, je ne négligerai rien pour
le rappeler d'auprès de vous. »
Conformém mt à cette promesse, Broglie poursuivit sa
marche dans la direction de Paderborn; le l" juillet, il
avait poussé ravant-garde de Cliuisen jusqu'à Biiren et
Khudeii; le gros était à bie]>cnau et Lusace suivait Spor-
cken qui s'était retii'é h D'.iburg sur la route d'llr»xtcr à
l*aderborn. Waugcnheim, surveillé par Helsunce, s'était
replié sur Erwitte entre Paderborn et Soest, mais plus
près de cette dernière localité. Kniin, le 3 juillet, liroglie
était installé à Neuhaus près de Paderboru au ([uartier
génèi'.d que le prince Ferdinand avait occupé pendant
les mois du printemps. Il croit ([iie celui-ci repassera la
Lippe « étant si dangercuv pour lui d'être battu en deçà
de cette rivière par une des deu\ armées, ayant l'autre
(h'rrière soi ». Dans une lettre delà veiJle adressée àSou-
(1) l.'Altnc se jette dans la Lippe près de Padeiborn.
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lEKIHNAND SE GLISSE DEKKIKRE SOlinSE.
77
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bise (1), et qu'un officier de rét{iit-niaj(n', Lanil)ei't, avait
été chargé de lui porter, lirogiie explique (juau lieu de
suivre SpOrcken et de s'emparer des magasins ennemis
établis sur le bord du Weser, il avait estimé « plus avan-
tageux pour lo service du Koi de ne pas laisser une de
ses armées exposée à combattre seule le prince Ferdinand
et de ne rien négliger pour réunir nos .''o'ccs. J'ai pré-
féré la marche sur l*aderborn quoique j'en sente toute la
délicatesse ».
Loin de songer à se retirer derrière la Lippe, Ferdinand
avait suivi le conseil de son homme de confiance et par
une manœuvre hai'die s'était porté sur les derrières de
Soubisequi était encore à Unua le 2 Juillet. Les confédérés
avaient décampé dans la nuit du 1' au 2 et marcliaient
apparemment dans la direction de llamm. Le II, Soubise
fait une nouvelle étape sur la roule de Soest. C'est de ller-
mei'den qu'il date sa dépèche (2) à Hroglie : « Les mou-
vements de l'ennemi m'ont tenu hier dans la perplexité
et ce matin les mêmes nouvelles se sont soutenues de tout
côté. On assurait que le prince Ferdinand voulait débou-
cher de Limen dans la plaine de Dorlmund : espions,
déserteurs, prisonniers, tous s'accordaient. Cette résolu-
tion m'a paru si singulière que je nui jamais voulu la
croire. Cependant, comme elle demandait des précau-
tions en me déterminant ù me mettre en marche, j'ai en-
voyé à M. le prince de ('roy pour renforcer notre com-
munication et assurer n(js convois. J'ai laissé M. de Vogué
avec une grosse arrière-garde au delà d'IJnna; il n'a eu
all'aire jusqu'à" heures (ju'à des troupes légères, .latteuds
de ses nouvelles. Je marcherai demain vers Soest et je
ferai le plus de chemin (|u'il me sera possible. L'artillerie
nombreuse et les équipages me retardent beauc(»u[>. J'ai
(1) Broglie à Soul)ise, Liclih^nau, :! juillet l'iit. Ar( hive;- de lu Giiiirc.
(2) Soubist ù Hiosli", Heriuerden. 3 juillet. 'J lieuii's du soir. Aichivi'sde
la Guerre.
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78
LA GIEUUE DE SEPT ANS. — CIIAP. III.
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VU anivor M. de Lambert avec la plus arnnde satisfaction.
Il m'a appris votre arrivée à Neuiiaus. J'espère avoir dans
pou de jours le plaisir de vous embrasser et de vous re-
nouveler les assurances de mon attachement. »
Quoi qu'en pensAI le maréchal-prince, les dires des
espions et des déserteurs étaient exacts ; pendant que les
Français s'avantjaient à petits pas sur la route de Soest,
l'armée confédérée s'apprrtait à les prendre à dos. Le co-
lonel anglais lioyd (1) décrit Topération : « Notre gros
bagage a été expédié à Hamni; le départ des troupes
formées en 5 colonnes, fixé à 11 heures du soir le 1''' juil-
let, n'eut lieu qu à 2 tieures du nuilin... il avait plu ferme
pendant la nuit et nous avons trouvé les chemins dans un
état exécrable ; arrivés aux hauteurs de Kamni. . . noû' aous
sommes avancés jusqu'au ruisseau de LTsecke que la pluie
avait fait déborder. Ici, il a faUu attendre deux heures
pour jeter des ponis en remplacement de ceux que l'en-
nemi avait détruits près de Kamm. l'intenlou était de le
tourner par sa gauche et de l'attacjuer en <[ueue, mais le
pays était si impraticable qu'il a été impossible de l'abor-
der et qu'il a fallu continuer le mouvement jusqu'aux
hauteurs de Ranstrop, d'où nous avous aperçu le camp
français qui paraissait tout à fait tran(|uilh', ce qui prouve
qu'ils n'avaient pas la moindre notion de notre marche,
qu'un brouillard survenu un peu après l'aurore aidait à
dissimuler. Comme l'ennemi ii'avait pas de postes à quel-
que distance de leur gauche, faute capitale, et (pae c'est a
peine s'il a envoyé une patrouille pour nous reconnaître,
on peut dire qu'ils ont été sauvés par la pluie de la
veille. » Lî> prince héréditaire accompagné de Boyd fit
une reconnaissance du village de Brackel que les Fran-
çais venaient d'évacuer, ils constatèrent que de nombriMix
marécag'es rendaient la contrée peu accessible à l'infan-
(1) Hoyd à Hiilc, llenuerden, « juillel 1761. Retord Uflice.
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'■''■:
LE TERRAIN EST IMPRATICABLE.
79
teiic et inabordablo pour In cavalerie et l'artillnrio; aussi,
sur leur rapport, Fer<|innpd donna 1 ordrr de reprendre
la marche sur Dorlni/iiïa uji jUifi /)f parvint «pic lard
<lans la matinée du .'|. Les confé(/érés camîjièfej// h t M|o-
mêtre 1/2 de la ville; ils avaient élé en roule et sous les
armes depuis JJU heures.
Entre les avant-gardes d(> ^^t>HUtmtiii nf J^ollMs^?, Il y
avait eu des rencontres les 4 "I î| ,/i;i|)et. tAt yii'iUilh eut
lieu aux aijords de Kaniiii : (lit piU'ij fje v«»Ionî/iJres charge
de suivre les rj>uté4éfi^ti, enlr'ilué par son ardeur, re-
foula les piquels ue 1 e/iOenii aux oraies du général WOt-
ginau, mais fut ramené n son tour par ï batràllons du
corps de Granby 1 1 ; l'action coûta la vie à peu de monde,
mais à plusieurs ofliciers supérieurs, parmi lesquels le
brigadier Pedemont. La seconde eut pour il>eâti'e la ville
de Schwerte et le pont de Westhofen, sur la Koer ; le com-
bat fut très disputé, il y eut des charges de cavalerie avec
succès alternatifs; l'arrivée d'un bataillon de Bouillon, ac-
couru au secours du prhice de Croy qui conmiandait les
Français, obligea les confédérés à se retirer. Dans cette
ailaire le brigadier La Morlière fut grièvement blessé.
La mana'uvre de Ferdinand excita l'admiration du
monde militaire de l'époque : *< Cette marche, Mylord,
écrit Boyd, est à mon avis la plus extiaordinaire qui ait
jninais été faite. J'ai vu plusieurs fois tourner le flanc d'un
ennemi, mais tournei' le flanc d'une armée, à très courte
distance, marcher tout le long de leur arrière et se por-
ter sur l'autre liane, c'est un incident bien rare! » En fait
le mouvement de Keiujinand n'eut pas de résultat ; il n'a-
boutit qu'à infliger à ses troupes utie fatigue inutile.
Malgré son entreprise hardie qui eût pu être fort dan-
gereuse en présence d'un adversaire plus entreprenant que
Bo(i)jJHe,|B général confcfjéré était tort inquiet; de Spur-
(Ij Gianh) ù Hulo, lleinitriioii, Ojiiillel I7(ll. (teconl Of|ir;('.
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I.A GLEKKE DE SEPT ANS.
CHAP. III.
ckcn il ii'avaii pas de nouvelles directes depuis le 28 juin ;
il paraissait opérer une retraite excentrique vers Hiîxter
au lieu de se rapprocher de Paderborn, conune il en avait
rec^u l'ordre à plusieurs reprises. Aussi les confédérés ne
firent pas un long- séjour à Dortmuiid; ils ([uittèrent cette
ville dans la nuit du 3 au ï et se mirent à la poursuite de
Soubise qui profitait de leur absence momentanée pour
essayer de gagner Soest et d'opérer sa jonction avec Bro-
g'iie. Le V juillet, la situation était la suivante : Soubise en
marche dllermei'dcn sur Soest, couvert par une forte arriè-
re-garde sous les ordres de Vogué ; Ferdinand à .ses trousses
entre Dortmund et llernierden, précédé par une avant-
garde sous le prince héréditaire; Brogiieaux environs de
Paderborn avec les détachements de Clausen et BelsuP".-
à Erwitte et sur la route de Soest; Wangenheira A L^^/
stadt avec sa faible division ; enfin Sporcken en route de
Blond)ei'gsurDetmold. Lusace et Cliabo formaient l'extrême
droite de Tarmée du Haut-Bliin. D'I-nna, Soubise avaitécrit
à Choiscul (|u'il ne comprenait rien à la marche de Ferdi-
nnnd : « Il faut convenir que le prince Ferdinand prend un
parti bien extraordinaire »; quant à lui, « il s'avancerait
toujours avec prudence et précaution ». Sa dépèche du
6 juillet (1) à Broglie nous mettra au courant : « Je reçois,
Monsieur le Maréchal, votre lettre du 5 datée d'Erwitte.
En voyant cette date, elle m'a causé la joie la plus vive;
j'avouequelleaététempéréequandjai vu que vous n'aviez
point marché de Neuhaus. Le prince Ferdinand et le prince
héréditaire sont réunis devant nous, ils ne nous ont point
attaqué hier, .l'apprends qu'ils ont envoyé en diligence
des pontons à llumm, et l'on dit que c'est au-devant du
corps de MM. de Wangenheimet Sporcken. je souhaite que
cette nouvelle ne soit pas fondée, cai elle nous laisserait
]>eu de ressou' ces. .le vais essayer de me soutenir ici, ou
(1 Souhisp ù ni'oglie, Sclilenbing, 0 juillet 17C1. Archives de !a Gueiic!.
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SOUBISE MARCHE SUR SOEST. FERDINAND LE SUIT.
81
si je trouve un moment favorable dans la jounire, je
marcherai et m'approcherai de Soest, le plus près (juil me
sera possible. » Une dépèche du même jour adressée à
Choiseul contient ([uelques détails : « Nous sommes depuis
avant-hier toujours à vue des ennemis. Ils avaient eirecti-
venient tourné la gauche de notre position d'Unna, et avec
des fatigues incroyables pour leur armée, et marchant
pendant trente-six heures, ils étaient parvenus à gagner la
plaine de Dortmund. Personne ne pouvait se persuader
que le prince Ferdinand prit cette direction, d'autant qu'il
nous ouvrait le chemin de communication qui nous rap-
proche de M. de Broglie, dont j'avais reçu des nouvelles
de l'abbaye d'IIarhuissin. Je pris le parti défaire marcher
l'armée le 5 après la distribution du pain. Elle se mit en
mouvement vers les V heures et elle vint camper à lier-
merden, oùelle arriva avant la nuit, excepté l'avant-garde
de M. le prince de Condé qui, par sa position, se trouva
un peu trop rejetée et eut beaucoup de peine à s'ouvrir des
chemins. » On devait partir le 4 au petit jour, « le grand
nombre d'équipages et un peu de désordre dans les
colonnes qui se croisèrent nous firent perdre quelques
heures qui pensèrent nous causer beaucoup d'embarras».
Vogué, chargé del'arrière-gardCjfut attaquédetrès bonne
heure parles troupes légères et successivement par lavant-
garde de l'armée ennemie. Soubise le fit appuyer par le
corps du prince de Condé et par deux brigades de renfort
que Gastries lui amena. Le prince héréditaire, qui com-
mancl^it l'avant-garde confédérée, jugea la position des
Français trop avantageuse pour la défense et fit rompre le
combat. Les pertes de part et d'autre ne furent pas consi-
dérables, mais Bauer, principal adjudant du prince Fer-
dinand, tomba aux mains des Français. Soubise informe
Choiseul qu'il est encorrespondance suivie avec Bi'oglieet
qu'il espère faire sa jonction avec lui près de Soest : « Je
ne vous cacherai pas que l'année est un peu fatig-uée. ileu-
OIÉRRK l»E SEPT ANS. — T. V. G
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82
LA OIEIUIE DK SEPT ANS.
CIIAP. III.
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reiisement, le soldat est bien nourri et la bonne humeur
se soutient. Les ollicierset surtout la Maison (du Roi) depuis
le renvoi des équipages sont en soull'r'.nce. Le temps est
beau et les nuits courtes. C'est une consolation pour les
bivouacs. Les ennemis sont dans le même cas depuis huit
jours, et leurs soldats paraissent outrés de fatigue. J'espère
que dans peu de jours nous jouirons d'une plus grande
tranquillité. M. le maréchal deBroglie m'écrit tous les jours
et il est instruit de ma situation. Notre position est encore
unpeucritique. .le profiterai du premier moment favorable
pour marcher du côté de Soest, oîi je trouverai de très bous
postes. Le pays est coupé ^e ra 1ns, et IV i en trouvera
tous les quarts de lieue, qui sont ties difficiles à passer. »
L'espoir que manifestait Soubise de voir Broglie à une
proximité qui permît des secours en cas de besoin, se réa-
lisa dès le soir du (J juillet. A une entrevue des doux ma-
réchaux qui eut lieu au quartier général de Soubise, il
fut convenu (1) que Clausen et Belsunce resteraient à
Soest, que Poyanne viendrait les renforcer et que la
grande armée ferait une marche de nuit dans la direction
de la ville. Au jour, les deux maréchaux firent une recon-
naissance qui leur apprit que les confédérés cherchaient
à les devancer; on continua l'étape et on arriva le 7 au
soir à Soest. Pour remplacer Poyanm» à Ervvetto, Broglie
y appela Du Muy avec une division de 15 bataillons, 12
escadrons et 24 canons. Stainville prit le commandement
des avant-gardes Clausen et Belsunce, « 10.000 hommes
des meilleures troupes » ; Broglie croyait (2^ à la retraite
de Ferdinand : ^ Il y a toute apparence que, sachant notre
jonction faite, ils ne songeront plus qu'à repasser la Lippe
à Hanim » , du reste, il donnera ses appréciations à Sou-
bise qui fera « ce qu'il jugera à propos ».
(1; Soubise à Choiseul, camp de Bremon 7 juillet î'dt. Archives de la
Guerre.
(2) Ilroglie à Choiseul, Soest, 7 juillet 1761 An hires de la Guerre.
I\H'
JONCTION DK8 MARKCHAL'X.
83
La réunion des deux armées et l'arrivée à Soest fut un
soulagement pour tout le monde ; « Nous sommeg tous
harassés de la fatigue la plus outrée, la plus excessive,
écrivait un correspondant au comte de Clermont (1) ; l'ar-
mée ne désire que (Vcn venir promptement aux mains. »
Le 8 juillet, un autre officier écrit (2) à Clermont : « Hier
les ennemis se sont enfin déterminés à décamper, ils es-
péraient être en force à Soest avant nous ; nous les y avons
prévenus. » Suit un éloge de Broglic : « Il a fait plaisir au
général et à tout le monde et nous avons campé et bien
dormi, ce que nous n'avions pas fait depuis 9 jours ; notre
jonction avec M. de Broglie nous met à même de faire le
siège de Lippstadt sans difficultés. »
Malheureusement, Ferdinand ne montrait aucune in-
tention de prendre le parti qu'annonçaient et souhaitaient
ses adversaires. Le 7 juillet, il avait établi son quartier
général àllilbeck, village à 18 kilomètres ouest de Soest,
son extrême gauche appuyée à la Lippe près d'Un trop,
la droite touchant la Uoer ; VVangenheini était à Lippstadt.
Quant k Sporcken avec lequel le contact avait été repris,
il avait gagné la ville de Uheda. Il y reçut ordre de fran-
chir la rivière de la Glenne, et de prendre position sur la
rive nord de la Lippe, en aval de l'embouchure du petit
affluent et en face de Hovestad; il devait être rendu à
destination le 10. Un billet de Ferdinand A Sporcken (3)
indique le rôle qui lui était dévolu : <( L'ennemi fait des
recounaissancos de tous C'Hés, tant vers ma gauche que
vers le centre ; je ne sais encore bien positivement si le
dessein des deux maréchaux est celui de m'attaquer.
Mais il est toujours bon de supposer ce cas comme pos-
.
(1) Lettre sans nom, camp de Scblucken, G juillet 1761. Fonds de Cler-
mont.
('i) St-Legerà Clermont, Soest, 8 juillet 1761. Fonds de Clerniout
(3) Ferdinand à Sporcken, Hilbeck, 10 juillet 1761. Wcstphalen, V.
p. 566.
84
r.A GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. m.
sible. Que Votre Excellence tombe en flanc ou endos l'en-
nenii quand il m'attaquera. »
Parmi les reconnaissances dont parle Ferdinand, celle
du 10, exécutée en avant d'Oestingliaasen, mérite une men-
tion spéciale. Le maréchal et le comte de Broglie (1),
Stainville et l'oyanne qui y prirent part avec les volon-
taires d'Austrasie, furent ramenés très vivement par la ca-
valerie ennemie et « furent obligés de galoper quelque
temps pour ne pas compromettre la généralité ». On ra-
massa même sur le terrain une lorgnette aux armoiries
du maréchal. Il y eut de nouvelles rencontres les 11 et 12 ;
il devenait évident que les Français préparaient un mou-
vement ollensif. « Il me semble, écrit Conway (2), que
nous voyons la main de M. de liroglie dans quelques-
unes de leurs manœuvres récentes; son talent est beau-
coup plus actif que celui de son collègue et beaucoup
plus porté h la petite guerre. »
(t) Bioglieà Choiseul,Soest, 14 juillet 1761. Archives de la Guerre. — Boyd
à Bute, Hohenhover, 11 juillet 1761. Record Office.
(21 Conway à Townshend, llohenhover, 15 juillet 1761. Newcastle Papers.
1
CHAPITRE IV
COMBAT Di: ViLLINGIIAlSKX. — IXSTttUCTIOXS ME LA COIR
J)E VERSAILLES.
De part ot d'autre, .)n se préparait ù une action déci-
sive. Ferdinand avait ronlorcé sa gaucho eu avançant
une brigade de Howard et la division WiU^inau des
environs de llamm h la bruyère d'L'ntrop. Le reste de
l'armée suivit le mouvement en appuyant à gauche, le
prince héréditaire au village de W.imbel, «iianby à portée
du quartier général do Hilbeck. Le 11 juillet, une confé-
rence eut lieu au quartier de Soubiso û laquelle fut lu et
discuté un mémoire de Broglie sur le parti à j)rcudre. Ce
document (1) évaluait le nombre de combatlants ([ue l'ad
versairc [)ouvait mettre en ligne : déduction faite du dé-
tdollOllUiUl du KUblmor, opposé aux Saxons du prince
Xiivler, dnH garnisons de llameln, Minden, Mnnshir,
Lippstadt et des tr(»upos du coilinMilili iillotl, l'tii|hiiiM(|
pouvait disposer du U5.(l0i» louiuncs, auxquiils aplés
défi\|ci»||iiu (joH corps du l-iisace et de Ihi Muj, les (JeUx
nuU'échaux seraient en état d'opposer U2 000 cumbotlalits ;
il y aurait donc en laveur des Krauçais un*! supériorité nu-
mérique de 30.000 soldats, u A cette conslilération cpiiest,
ce semble, importante, s'en Joint une seconde tirée du
. .!■]
(1) Mémoire lu le U juillet cliez le maréchal de Soubise. Archives delà
Guerre.
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LA OUERRK DE SEPT AMS. — CIIAP. IV.
pays dans lequel se passera l'action, et des troupes qu'on
a à y faire combattre, (le ne sont [>oint des plaines où
une charge do cavalerie décide de tout, et où la supério-
rité et la légèreté des manœuvres gagnent en un mo-
ment une bataille, ('/est un pays fourré, où la meilleure
iiilanteric a beaucoup d'avantages, et dans lequel, si on
recevait un écliec, ori peut arrêter les ennemis à chaque
haie. Ainsi, si ou ne réussissait pas entièrement, il sem-
ble qu'on n'aurait i)as à craindre les suites qu'entraîne
une bataille perdue. Mais il n'en est pas de môme du prince
Ferdinand; s'il est battu dans la position où il est, il n'a
de retraite que par les ponts de llamm. Il ne serait pas
possible que son arrière-garde ne soulfrlt extrêmement
en les repassant, et si nous les gagnions devant lui, il
courrait risque de perdre son armée entière. Ce que je
viens de dire est si démontré (ju'il n'y a personne dans
l'arniée qui pense qu'il ose hasarder un combat dans
cette position, et tout le monde est étonné qu'il n'en soit
[>as encore parti. »
Une diversion du cùté de l'Ems, A en juger par la con-
duite tenue jusqu'alors par le prince, ne le détermine-
rait pas à abandonner la rive gauche de la Lippe ; il était
donc nécessaire d'avoir recours à une attaque de vive
force que justifiaient l'avantage numérique, la meilleure
qualité de notre infanterie, la nature des lieux et le
danger que courrait l'ennemi en cas de défaite, alors
qu'un échec pour l'armée française ne pouvait avoir de
conséquences graves, liroglie se prononçait énergique-
ment pour l'oUensive, mais subordonnait son avis à celui
de sou collègue : « Je demande (|ue ceux que M. le ma-
réchal de Soubise jugera à propos de consulter veuillent
me donner les leurs par écrit et avant l'événement, aiin
que, quels qu'ils soient, les avis soient connus d'avance
ainsi que les raisons qui les auront déterminés. Cela
mettra en même temps M. le maréchal de Soubise plus
1
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llHOdLIE SI, PRONONCE POUR L'OFFENSIVE.
87
M
en état de se décider avec conuaissanco de cause, et
commo il est mon ancien, a la plus forfe armée, et, étant
ministre, a une connaissance plus grande de la situation
des affaires du royaume, de l'état des luîgociatious et des
volontés du l{oi, c'est ii lui d'ordonner; ce dont je puis
répondre, c'est que, quel (jue soit le parti qu'il adoptera,
Je n'épargnerai rien pour le faire réussir. »
Avant d'aborder le récit des préparatifs de la bataille
qui s'annonçait, essayons de nous rendre comj)te du
théâtre de l'action :
La contrée comprise entre la Roer et la Lippe est un
plateau vallonné, dont le niveau général s'abaisse à me-
sure qu'on s'approche de la dernière rivière; coupé par
plusieurs ruisseaux, il présente une succession de dépres-
sions et de buttes qui écourte les vues et facilite la dé-
fense ; de nombreux hameaux ceints de bois taillis et en-
tourés de haies sont éparpillés sur toute la région. A
l'époque de la bataille, la rareté des routes et l'éten-iue
des surfaces boisées et mal drainées interdisaient l'em-
ploi de la cavalerie et s'opposaient au déploiemtnt de
l'infanterie.
Pu rectangle dont nous nous occupons, les points
extrêmes sont au nord la ville de Ilamm et le village de
llerzfeld, tous les deux situés sur la Lippe ; au sud les villes
de Soest et d'Hermerden sur la graud'route de Dortmund
à Soest. En dehors des deux rivières, le principal cours
d'eau est le ruisseau de l'Alise qui coule d'abord paral-
lèle à la Lippe, s'en éloigne à Oestiiighausen, reçoit à la
hauteur du chAteau de Nadel, où il peut avoir une lar-
geur de 5 mètres, un premier tributaire, le Soestbach,
laissant :^nr la droite le renflement de DincUerberg ; peu
profond jr.-que-là, il n'est plus partout guéable à partir
de sa jonciion avec le Salzbach; au delà du village de
llohenover, il se dirige de nouveau vers la Lippe dans
laquelle il se jette à Hamm.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
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Dans le rectangle que forment la Lippe et lAlise son
affluent, le terrain, plat sur les bords de La Lippe, se
l'élève en pente très douce du cAté de l'Ahse et trouve son
point culminant vers le hameau de Eilmsen et le village
de Dinker. Entre ces deux localités et la route de llamm
à Lippstadt s'étendent, légèrement en contre-bas, les ver-
gers de Villinghausen et de liilnengbausen coupés de
haies et de bosquets de bois qui arrêtent la vue et entra-
vent Taction d'ensemble des troupes engagées.
Deux châteaux, avec murs et fo.ssés, celui de Villing-
hausen et celui d'Autepoth, plus rapproché de la Lippe,
pouvaient ét^'e utilisés pour la défense.
Si, passant du nord au sud de l'Ahse, nous remontons
la vallée du Salzbach, nous constatons que ce petit affluent
du premier est formé par la réunion de deux ruisseaux à
débit insignifiant qui encerclent la ville de Werl; la
dépression qui constitue le lit du Salzbach n'est si-
gnalée que par la ligne d'arbrisseaux qui dessinent le
cours de l'eau. En étudiant de près la carte, on découvre
des petites dill'érences d'altitude, mais sans être absolu-
ment uni, le terrain n'accuse aucun accident entre les
villages de Ililbeck, \YambeIn, Scheidingen où était for-
mée l'aile gauche des confédérés, et le plateau de Bor-
geln et Klotingen que devait traverser l'attaque de Sou-
biie. Dans son cours inférieur et à cause du relief de ses
berges couvertes de taillis, le Salzbach n'était franchis-
sable à l'artillerie qu'aux ponts de Scheidingen, Korte
iMuhle et Neu Mïihle. Découvert dans les parages en amont
de Scheidingen, le terrain devient plus coupé et boisé
au fur et à mesure que l'on s'approche de la jonction
avec l'Ahse. En somme, le théîUre de la lutte n'offrait pas
d'ob'uacles sérieux, c'était surtout dans la région de
Kirchmelver et de Villinghausen un pays de chicane, par-
semé de haies, de fossés, de boqueteaux qui obstruaient
la vue et devaient entraîner une multitude de petits en-
f
>,
PLAN D'ATTAQUE.
80
>, 1
gagements entre assaillants et défenseurs. Depuis Bude-
rich aux environs de Werl jusqu'à la Lippe aux abords
de Villinghausen, la distance i vol d'oiseau était d'envi-
ron 18 kilomètres. De Scheidingen au château de Nadel, il
faut compter en ligue droite 7 kilomètres, et le château
n'était pas éloigné de Villinghausen de plus de 5 kilo-
mètres.
Avec l'assentiment de Soubisc qui avait accepté le prin-
cipe de l'attaque, Broglie produisit (1) un projet d'exé-
cution : l'armée du Haut-Rhin, à l'exception des corps
laissés devant Lippstadt, s'ébraalerait d'Eiwette le Vl (2),
marcherait entre le ruisseau d'Aest (Ahse) et la Lippe et
camperait la droite à Ilovestadt &ar la rivière, la gauche
à Oestinghausen, son front couvert par les avant -gardes
de Clauscn et de Belsunce. Au corps de Condé était ré-
servé le rôle de relier les armées des deux maréchaux.
(( Le corps de M. le prince de Condé peut venir camper
le 12 dans l'après-midi derrière le village d'Oesting-
hausen, y faire faire deux ponts sur la rivière d'Aest et
ouvrir sa marche jusqu'à ces ]>onts pour en déboucher
le lendemain de grand matin. H faudrait, je crois, qu'il
eût 4 brigades d'infanterie avec lui. Ce corps appuierait,
dans la marche du 13 et dans l'action, sa droite à la
gauche de l'armée du Haut-Rhin.
« Un autre corps de l'armée de Soubise composé de
beaucoup d'infanterie, du canon et ([uelques brigades de
cavalerie viendrait camper le même jour 12 à Rorgeln
pour relever M. de Belsunce dans ses postes. Ce corps
serait destiné à pénétrer par le grand chemin qui va à
Hamm. Il faudrait qu'il eût avec lui tout ce qu'il faut
pour jeter des ponts sur l'Aest et qu'on établit dans la
(1) Projet d'altixiue pour marcher au prince Ferdinand, 13 juillet 1761.
(2) Les inouvenienls prévus pour le 12 ne furent exé';utés que le 15 juillet.
Archives de la Guerre.
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. IV.
nuit beaucoup tic canon sur le bord de cette rivière pour
favoriser à la pointe du jour la construction des ponts
de l'Aest à Hamm ; on dit le chemin beau, et que le
pays s'ouvre, il faut donc une vingtaine d'escadrons.
Cette colonne joindra par sa gauche, lorsqu'elle aura
passé l'Aest, le corps de M. le prince de Condé.
« On dirigeroit une autre colonne sur Scheidingen ;
comme le pays est fourré, il faut de l'infanterie, et comme
cette colonne re communiquera peut-être pas avec celles
de sa droite, il est nécessaire qu'elle ait de la consistance
par elle-même. Il faudra qu'elle ait du canon avec elle,
le plus gros que le pays permettra d'y conduire. Il
faudra aussi y joindre le la cavalerie, M. le maréchal de
Soubise s'est chargé de faire reconnaître le trajet de cette
colonne.
« Pour occuper l'ennemi à son front et sur sa droite,
on pourra former deux colonnes (jui auront quelque infan-
terie à leurs tètes et le reste en cavalerie ; une pourra se
diriger sur Niederbergstrass ou Oberbergstrass, suivant
qu'on y trouvera le plus ou le moins de facilité. Une
autre semble devoir être dirigée sur Werl. Il faudra
mettre à la tète un régiment de troupes légères qui, sui-
vant les circonstances et les mouvements que feront les
ennemis, avancera ainsi que les colonnes plus ou moins
vivement, mais sans se compromettre trop, elle se placera
de façon à occuper l'aile droite des ennemis. Comme il
restera encore beaucoup de cavalerie inutile, il semble
qu'on pourrait envoyer mille ou douze cents chevaux sur
les hauteurs de Rhume qui auraient l'air de se diriger sur
Blumenthal et conséquemment aux mouvements que ferait
la colonne du grand chemin de Werl, ils s'avanceraient
toujours sur sa gauche et à hauteur d'elle, de façon à
déborder toujours les ennemis. »
Enfin, Voyer, avec deux régiments de dragons et les
Fischer, devait se joindre dans la nuit du 12 au 13 aux
Vl.\îi ADOPTÉ AU ( ONSEIL DU 13 JUILLET.
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troupes commandées par Croy, gagner par llermerden et
Hullake la chaussée de Werl à Ilamm, pousser des déta-
chements nombreux sur cette dernière ville et faire le
plus de démonstrations possible sur la ligne de retraite
de l'ennemi, « Cette diversion étant de la plus grande im-
portance et comme llamm est le seul point do retraite des
ennemis, les inquiétudes qu'on pourrait leur donner de
ce côté-là devant être des plus vives, rien n'est plus essen-
tiel que de faire pour cela les derniers efforts.
« En suivant cette disposition, il restera encore de l'in-
fanterie qui ne sera pas employée, je crois qu'il faut en
mettre en réserve auprès de lîorgeln, au pont de l'Aest et
à ceux d'Oestinghausen, afin le soutenir et renforcer au
besoin si on pénètre et qu'on batte les ennemis ou pour
assurer la retraite si on y était forcé ; il faudra laisser du
canon pour la protéger et faire remuer un peu de terre
auprès des ponts pour mettre en sûreté ceux qui seraient
chargés de les rompre en se retirant : il faudra aussi des-
tiner de l'infanterie pour la garde de Soest. »
Le 13 juillet au matin, le maréchal de Soubise réunit
chez lui (Ij les principaux personnages des deux armées;
après lecture et discussion d^ la pièce que nous venons
de reproduire ou d'analyser, Soubise « se déiermina pour
le parti de chercher ù attaquer les ennemis s'ils ne repas-
saient pas la Lippe, et comme son armée, par la première
position qu'il avait prise le jour do son arrivée à Soest,
se trouvait trop éloignée pour pouvoir partir de là pour
l'attaquer, il lui fit faire hier un mouvement par lecjuel
il a porté sa droite vers le village de Paradies et sa gauche
aux hauteurs de Rhume, ce qui la rai)proche beaucoup
de Werl et par conséquent de la droite des ennemis ».
Au cours de la journée du 14, Soubise fit (2) une recon-
(1) Broglie à Choiseul, Soest, 14 juillet 1761. Archives de la Guerre.
(2) Broglie à Choiseul, Soesl, 14 juillet 17G1, p. s. G heures du soir. Archi-
ves de la Guerre.
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LA GUERHE DE SEPT ANS. — CHAP. iV,
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naissance qui le décida à avaucei- son corps d armée vers
le ruisseau de l'Ahse et la ville de Werl. De son côté,
Broglie donna ordre à ses divisions campées à Erwette de
se mettre en marche le 15 au matin : « Toutes les troupes
de l'armée du Haut-Ilhin, écrit-il (1), qui sont destinées
à joindre celle-ci camperont demain entre l'Aest et la
Lippe vers Ulti'op et nous verrons à nous emparer du cliA-
teau de Nadel et à nous y établir. Ce mouvement décidera
sûrement les ennemis à repasser la Lippe s'ils ont dessein
de le faire et en ce cas nous mettra plus à portée de
serrer leur arrière-iiarde. Si, au contraire, ils s'opiniîUrcnt
à rester dans la position où ils sont, *ela nous donnera
des facilités pour la bie:i connaître. »
Évidemment, le prince Ferdinand, en se refusant à
passer la Lippe, se mettait en contradiction avec les prin-
cipes de la guerre, tels que les concevaient les généraux
françaic, mais n'ayant pu le décider à la retraite par leurs
manœuvres, il devenait nécessaire de le contraindre par
la force.
Malgré les projets adoptés et les arrangements si mû-
rement discutés, le mouvement oflensif fut imparfaite-
ment combiné et mal exécuté.
Un officier distingué de l'armée de Soubise, le comte
Lancelot Turpin, donne dans une lettre (2) au prince
Xavier de Saxe un aperc^'U de la situation : « Il faut que
je sois une bête, puisque toutes mes idées relativement à
ce qui pourrait obliger M. le prince Ferdinand à passer
la Lippe, se sont trouvées fausses, car les deux maréchaux
ont agi différemment. » Turpin raconte une reconnais-
sance pendant laquelle le village de Buderick fut occupé,
puis évacué : « Quand les ennemis ont vu que ces troupes
(1) Broglie à Ctioiseul, Oestinghausen, 16 juillet 1761. Archives de la
Guerre.
(2) Turpin aa comte de Lusace, Ober Ense, 14 juillet 17GI. Manuscrits de
M. d'Eschevaux.
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DERNIERS PREPARATIFS.
93
se retiraient, ils ont retendu leur camp dans la même
position où ils étaient hier, et malgré ma bùtise, je suis
sûr qu'ils resteront dans la même position et ne songeront
point à repasser la Lippe tant qu'ils ne craindront point
pour leurs derrières. Le prince Ferdinand est opiniAtre et
(juand on ne lui démontre point les choses très évidem-
ment, il a la manie de ne pas les croire ; il est pyrrho-
nicn en diable. »
Les troupes du camp d'Erw«>tte arrivèrent de bonne
heure le t5 aux environs d'Oestinghausen. Broglie leur
fit manger la soupe et alla conférer (1) avec Soubise. Les
rajjports reclus par ce dernier « disaient tous que le prince
Ferdinand avait marché par sa droite et repris le pre-
mier camp qu'il avait occupé lorsqu'il était arrivé le 7 ».
Voici, d'après Broglie, ce qui fut convenu : « Nous rai-
sonnâmes beaucoup là-dessus avec M. le maréchal de
Soubise, M. de Chevert, M. votre frère, M. de Castries et
M. de Bourcet et il fut convenu que je ferais attaquer le
même jour 15 par M. votre frère avec les grenadiers de
France et Royav: et l'avant-garde de M. de Belsunce le
château de Nadel, que celle aux ordres de M. de Ciozen
s'emparerait du village de Filinckhausen et s'y établirait,
et que l'armée du Haut-Rhin camperait à IJltrop. Pour
favoriser ce mouvement et mena ;er les ennemis par plu-
sieurs points, M. le maréchal de Soubise me parut déter-
miné à faire camper des troupes vis-à-vis Scheidingcn
dans la bruyère et à donner de l'inquiétude aux ennemis
sur Ncumiihl, Kochmuhl (Kortemïdil) et sur leur droite.
Je me suis mis en marche à 5 heures sur trois colonnes. »
Voyons maintenant la version de Soubise : « Le 15(2),
l'armée, par une marche en avant, alla camper la droite
la
(1) Broglie à Choiseul, Oestinghausen, 16 juillet 1701. Archives de la
Guerre.
(>) Bulletin (le l'armée du maréchal de Soubise du 13 au 18 juillet 1701,
Archives de la Guerre.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. IV.
au villaf?e de lleulket, la ijauche en avant de celui d'O-
berher.strass, se liant par la réserve de M. le prince de
Condé à l'armée de M. le maréchal de Broglie qui vint
camper à Oestinghausen. Ce môme jour, on replia encore
des postes qu'ils avaient remis en avant, l'on Ht. quelques
prisonniers qui déposèrent, ainsi que les déserteurs, que
M. le prince Ferdinand n'avait point quitté sa position et
qu'il avait au contraire beaucoup renforcé sa droite en
arrivant sur Scheidingen ; on était si près de l'ennemi qu'il
fut aisé de juger la vérité de ces diflerents rapports et l'on
sut même qu'il n'avait laissé à sa gaucho que 15 régi-
ments anglais et un de Brunswick aux ordres de milord
Granby. » A en juger par le passage suivant, il ne s'a-
gissait que de manœuvres préparatoires : « La journée
du 16 étant destinée à forcer de la droite à la gauche les
postes que les ennemis avaient sur la rive droite du
ruisseau, et à se mettre en état de reconnaître, concerter
et fixer les attaques ultérieures, l'armée prit les armes
à la pointe du jour. »
Citons enfin un billet de Soubise au prince de Condé
écrit aussitôt la séance levée : « L'armée va se mettre en
marche pour s'approcher du ruisseau. Les ennemis pa-
raissent avoir renforcé leur droite... M. de Broglie est
chez moi; il monte à cheval et se porte à Oestinghausen.
Vous ferez bien de vous y rendre au galop et vous aurez
bientôt arrangé vos affaires. Je vous envoie la brigade de
Lyonnais avec M. de Brébant. » La conférence des deux
maréchaux s'était terminée à midi; Broglie alla rejoindre
son armée.
Nous reviendrons sur un malentendu dont les suites
eurent une répercussion des plus fâcheuses sur le combat
qui allait s'engager et sur l'ensemble des opérations de
la campagne ; pour l'heure, contentons-nous de raconter
les faits de la soirée du 15 et de la matinée du 16 juillet.
Ferdinand s'attendait à une attaque de la part des deux
DISPOSITIONS PRISES PAR FERDINAND.
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maréchaux frain.ais, mais ne sachant encore sur «[ucl
point elle s'cU'ectucrait, il avait réparti àon monde d'après
l'importance des fractions de hi masse qu'il avait devant
hii. Le gros de son armée (1) occupait depuis hî village
de Kuderich, près du hourg de Werl à 5 kilomètres de la
Roer, jusqu'à la granu route de Soest à Ilamcn parallèle
à la Lippe, une ligne irréi^ulière de 17 à IH kilomètres.
L'extrême droite, l'infanterie du général Kielmansegge,
qui était aux ordres du prince héréditaire, était postée
entre les hameaux de Ilausberg et de Hudherg derrière
les ruisseaux de Landwehrbach et de Salzbach, face à
Werl et surveillant la direction de Hemmerde. Les autres
divisions du prince commandées par liarthels et Bose s'é-
chelonnaient depuis Sonnern jusqu'aux abords de Wam-
beln; derrière elle en seconde ligne se trouvait la cava-
lerie de Bock.
Au centre, se tenait l'infanterie de Conway et une bri-
gade de Ho^vard derrière le ruisseau de Salzbach ayant
devant elle le village de Scheidingen. Sur la crête on
avait placé dos batteries d'artillerie et une réserve de ca-
valerie. A gauche de Howard, le prince d'Anhalt pro-
longeait la ligne eu passant par lUingen, Cortemiihle sur
le Salzbach et Sud Dtlncker jusqu'au confluent du ruis-
seau avec l'Ahse. Au total, les confédérés chargés de la
défense du pays entre l'Ahse au nord et la Uoer au sud
comptaient kS ou 50 bataillons et i/i. escadrons, soit, avec
l'artillerie, 3G à 37.000 hommes et environ ÛOO pièces y
compris les pièces régimentaires. '
De l'autre côté de l'Ahse était établi Wiitginau aux
abords des villages de Nord et de Kirch Diincker, La
gauche du prince Ferdinand était formée du corps de Lord
(îranby, l'artillerie et l'infanterie en première ligne sur
le Dunkerberg, la cavalerie en réserve, deux bataillons
(1) Westphalen, V, p. 595.
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96
LA GUEUIIK Dli SEPT ANS. - CIIAP. IV.
(rirn-gniicrs dans le village de Viiliughausen et dans les
tranchées environnantes. (Iranby et Wiitginau avaient sous
leurs ordres 19 bataillons, 1!) escadrons et des troupes
légères, soit environ 15.000 combattants et 00 canons,
dont 30 de parc. A portée du champ de bataille, mais sur
la rive droite de la Lippe à Herzfeld, était campé Spor-
ckeu avec une dizaine de mille hommes.
La journée du 15 juillet s'écoula tranquille, ce ne fut
qu'à k ou 5 heures (l) de l'après-midi que Broglie fit com-
mencer le mouvement en avant. Il s'eirectua en trois co-
lonnes sous la direction générale de Stainville; celle de
gauche conduite par Belsunce ne rencontra pasgrande résis-
tance ; elle s'empara presque sans lutte du chAtaau de Nadel
et de sa petite garnison de 100 liomines. Iln'en l'ut pas de
même pour la colonne de droite qui devait s'établir dans
le village de Villinghausen cù les avant-postes anglais,
contrairement à ce qui s'était passé lors des reconnaissances
des jours précédents, refusèrent de céder le terrain. Bro-
glie était aux abords de Nadei : « Comme j'en approchais,
écrit-il (2j, j'entendis un très grand feu du côté de M. de
Closen, ce qui m'engageade m'y porter au galop. Je trouvai
qu'il avait fait attaquer le village par M. de Saint- Victor,
qu'il l'avait soutenu avec les régiments de Nassau et de
Deux-Ponts et les bataillons de grenadiers et chasseurs
d'Auvergne et de Poitou, et l'avait emporté ainsi qu'un
abattis que les ennemis avaient fait. Il me fit demander
de lui envoyer des troupes, les ennemis l'ayant rattaqué
très vivement, et j'y fis marcher la brigade de Dauphin
de la division de M. de Guerchy qui s'y porta lui-même
avec elle. J'y conduisis ensuite moi-même le régiment du
Uoi, et j'y lis entrer une quinzaine de pièces de canon du
parc. Les ennemis rattaquèrent à diil'érentes reprises avec
(1) La première déiiéclie de Broglie du 16 dit 5 lieures, la relation posté-
rieure parle de 4 heures.
(2) Broglie à Choiseul, Oestinghausen, IG juillet 1761. Lettre déjà citée.
*
MLMNfilIAUSUN i:ST KNLEVK PAR LES FRANÇAIS.
97
.«
un f«Hi do canon et de ni<)US(|ii('tcrie des plus vifs auquel il
fut parraiteiiieut répondu de notre part. Il ne cessa qu'a-
près que la unit lut fermée Les ennemis se retirèrent
à quel(]ue distance du villag<; et nous laissèrent '.\ pièces
de canon. » D'après la relation de Westplialon, compulsée
d'après les documents allemands, la lutte fut acharnée
pour la posscs^ion du cliAteau d'Autepoth situé entre la
chaussée dlIJMiim et la rivière de la I..ippe; les Fran<,'ais
cherchèrent à percer de ce côté, mais furent repoussés
grAce à l'intervention de WiUginau (jui, sur l'ordre du
prin"c Ferdinand, après avoir renforcé de deux bataillons
la ligne de (Jranby, s'était porté avec le reste de sa divi-
sion A l'e.vtrènicgauchcdu front d'attaque. A Villinghausen,
tous les efforts de (iranhy pour recon(jué"ir le village et
le chAteau avaient échoué et force avait été au.\ Anglais
de se retirer sur les crêtes qui dondnent de quelcjues
mètres le village. Le prince Ferdinand, dès les premiers
avis, s'était rendu sur le lieu du conjhat; il ne s'était pas
contenté de faire entrer en ligne la division Wiitginau,
mais il avait resserré son armée sur sa gauche, lanienc
le prince d'Auhalt avec une partie de la grosso artillerie
sur Kircli lUinckcr, à la droite de Granhy; il avait de
plus fait passée les divisions Howard et Conway sur la
rive droite de l'Ahsc où elles devaient renqilacer le prince
d'Anhalt à Hligen et lIohenov(n'; lo colonel de (irafendorf
fut détaché avec deux bataillons î Kirch Diinckcr pour
fermer et barricader ce village et pour empêcher l'en-
nemi de [)ercer sur ce point; le gros de l'artillerie dut
soutenu' les corps de (Iranby et Wiitginau. Enfin, Spor-
cken fut invité à détacher (> l>;i taillons et G escadrons
sous le général Wollfau secours do Wiitginau à l'extrême
gaucho, (les oi'dres, oxpédiés \ors7 heures du soir, l'uront
exécutés dans la nuit.
l»ei)ortons-nous aux états-majors français et voyons
quelles mesures avaient été prises pour assurer et déve-
(jiEniii; i)i: ski-ï ans. — t. \. 7
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r-A C.IIKRUE DE SEPT ANS.
CIIAP. IV.
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loppcr lo (Icmi-succôs remporté par |{rogli(î, Colui-ci,
p(ui avant la ccssulioii du feu, avait rcU^v^; les (U'îlonsours
(le Villinghauson pai'leshrigndcs fraîches de Rongé el d'A-
quitaine de la division du due d'ilavré. (](!ttc précaution
indiquait l'intention de se maintenir sur le terrain concpiis :
(( Il était très avantageux, rapporte le commandant de
l'aile droite, de me soutenir dans la possession de ce village
par sa [jroximité de llamm et du p<jint de retraite des en-
nemis. Cela joint il la persuasion où j'étais que M. le
niaréchnl de Soubise avait campé ce jour-là des houpes
devant Sclieidingen et des sujets d'inquiétude (pi'il don-
nerait de grand matin aux ennemis sur plusi(uirs points
de leur front, me détermina a ne point l'abandonner,
ne doutant point que dès (qu'ils auraient lieu de craindre
d'être attaqués, ou le seraient réellement en plusieurs en-
droits, ils ne halai liassent à me rattaquer dans le villaiie. »
L'énergie que Ferdinand mit à la rejn'ise de Villinghausen
prouve la valeur stratégiijue de ce point et justifie le désir
de Hroglic de conserver sa conquête.
Au courant de l'après-midi du 15 juillet, [)lusieurs
lettres avaient été échangées entre les deux maréchaux ;
elles constituent un important élément dans le débat. Un
premierbillet de Soubise (1) écrit à Klatine, à 3 kilomètres
de Scbcidingen, est daté de 3 heures : l'armée confédérée
s'étend au delà de Werle « dont le clocher parait à hau-
teur de la gauche de leur droite. Dans cette position, les
colonnes que je fais avancer ici sur les points d'attaque de
Cornmidil et de Scheidingon vont se trouver déborder les
ennemis ». Le prince se préoccupe de sa gauche : « Selon
ce que vous trouverez devant vous, j'imagine, Monsieur
le Maréchal, que vous irez plus ou moins loin; et comme
l'armée des ennemis parait s'être totalement portée sur sa
droite, M. le prince de Condé ne nous deviendra d'aucune
(1) Soubise ùBio^lie, Klatine, 15 juillet 17(JI, Shcures. Papit-rs de llrogljp
'iXi !
(;(>IUIKS1'0M>\N('K AVKC roNi.E l-K ir..
0»
utilité. Ne jufçernz-voiis pas à propos do le l'ajiproclier do
notre droite? > Dans un post-scripluin, Sonl)is(î conlirnie
SCS impressions : - Par les nouvelles «pie Je roeois à l'ins-
tant de l'abbaye de NVelveren, on m'ussure (jue les enne-
mis se retirent «levant vous; je le (b'sire, Monsieur leMuré-
cbal, ot nïon impatience redouble à eliatpie instant; u;
serni à la petite pointe «In jour et [>lus tôt stdon ce «[ue
j'a|)pren«lrîii [)endant bi nuit à portée de Scbeidingen
et de (lornmiibl poui- ne [loint perdre de vue les ennemis,
([uel(pio paiti (juils prennent. »
Soubisc; «'écrivit dans le même sens à Condô ; de son
eôté, ce dernier informa {f ) llroyliecpi'il campait encore à
Nadel et Krewiidvel. et cpi'ii altencb'ùt des ordres poiu' le
lendemain. A la «b'îpècbe de son colb^'yuc reçue à H inuires
broi;ilio ré()ond (2 ;i 10 ii. 1 2 du soir : il rend com[»to des
incidents de la journée et explique les circonstances <[ui
ont amené l'occupation de Villin,i;h'a.seu : ' La -V (co-
lonne) dont M. de CJozcn avec son avant-yarde avait
la tête, s'est i)ortée au village de Villingbausen, dont il
était absolnujent nécessaire de gai;ner la tète pour pou-
voir connaître la force des ennemis et avoir la vue sur un
pays un peu plus découvert. » Il raconte les pliases du
combat et conclut : « Il est vraisemblable (jue si le parti
des ennemis est pris «le rester dans la position qu'ils oc-
cupent, ils la renforceront beaucoup sur leur gauche et
ils chercheront à mius repousser du village dont nous
nous sommes emparés. Et supposé «pi'ils cuss«;nt eu le
dessein d'attaquer votie gauche, il est certain que cela
aurait dérangé c«' projet. Je croirais, en conséquence,
qu'il est indispensable que M. le prince «le Condé me joi-
gne demain avant le joui' et je pren«lssur moi de le prier
(1) Condi'A Hroglic, Zwn.skaiist'ii, 15 juillet ITCI, C h. 1/2. Papiers du Hro-
glie.
(2) Bro^lie à Soubise, Ullrop, ir>jiiillel, lo h. i 2 du soir. Pa|tiers de Hro-
«lie.
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LA OrERIU-: DK SEPT ANS.
Cil A P. IV.
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de le faire. Il fati'lra le loirc remplacer au oliAtoau tl'Olil
et vis-à-vis celui de iNadel » Un billet adressé au piince (1)
de Condé à la même heure, 10 h. ij'î du soir, contient
les instructions annoncées et le prie de prendre les me-
sures nécessaires pour relever Stainville appelé au se-
cours de Clausen : >< Il s'agit de voir ce qui arrivera de-
main matin. J'aurai l'honneur de voir Votre Altesse de
très bonne heure. Je la supplie, en attendant, de mettre
tout en ordre dans cette partie. Il est nécessaire qu'elle
ait la bonté d'envoyer sur-le-champ un officiel si'ir pour
reconnaître le chemin et d'aller tout de suite renq)lacer
M. Je comte de Stainville, en observant cependant de ne
faire passer à votre cavalerie le ruisseau de l'Aest que
demain, lorsque le jour vous permettra de la voir bien
passer. »
Tard dans la soirée, ou pendant la nuit, Broglie reçut
une lettre de Soubise (2) datée du camp de SchweiflPe :
(( J'attends avec l'impatience que vous pouvez iuiaginer,
Monsieur le Maréchal, les nouvelles de votre journée. La
canonnade a été si vive et a duré si longtemps que vous
devez avoir trouvé de grands obstacles. » Vis-à-vis de lui
la position de l'ennemi n'a pas chang-é : « Nous voyons la
gauche (de son aile droite) finir i)rès de Scheidingen. Les
troupes qui campent ici avec moi ont leur gauche en
avant de Niderstrats (Niederbergstrass) et la droite à
Eiucke. M. de Conflans est dans l'abbaye de Welvercn;
mon rég'iment soutenu des dragon,- dans les haies près de
Scheidingen... Quand j'aurai de vos nouvelles, je me pré-
parerai à exécuter ce dont nous conviendrons et ce que
nous croirons de mieux a faire dans les cireonsiances où
nous nous trouvons. Je compte sur le retour d'un de mes
aides de camp pendant la nuit. Si vous jugez à pioposd>3
glie.
(1) Broglii' à Condt', Ulti «p, 15 juill(!t, 10 li. 1 2 du soir. Papiers de Bio-
(2) Soubise à Broglie, Sciiweifft', ISjuiliot 1761. P&piers de Hioglle.
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souiiisE i;;/r iNDiyjis.
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me donner un ren<lez-\ous, je ne manquerai pas de m'y
trouver exactement. Il ne s'est rien passé à la gauche de
l'armée. M.deViomesnil est venu me parler de la part de
M. de Voyer. Il n'a point trouvC d'ennemis dans les bois
deSchaffausen. M de Voyer est sur les hauteurs d'Ihina,
il occupe la ville et se lieiit prêt à déboucher sui- les
ennemis au moment du coud)at ou de leur retraite. » Un
peu phis taid dans la soirée Soiibise avait miuiU' à
Condé (l) rin([niétude que lui causait le nKuupie de
nouvellet- : « Les enuemis n'ont point bougé devant nous.
Leur droite s'étend beaucoup au delà de Werle, leur
gauche finit A Scheidengen... M. de Neuvic arrive et m'ap-
porte votre lettre de (i heures. Je crois ([ue l'attaque est
très vive et j'espère le succès — le vous ai mis à votre aise,
soumettant toujours "-" que je proposais aux circonstances
qui se passeraient à portée de vous. »
A 3 heures du matin le 1(5, Soubisc accuse réception de
la lettie de Uroglie ('2 expédiée à 10 h. 12 la veille et qui
avait mis 'i h. 1/2 pour lui [);irveiiir. Soubise int'ornu» son
collègue qu'ordre est donné à iJumesnil « de pousser des
détachements, de les soutenir et de l'aire toutes les dé-
monstrations qui peuvent attirer l'attention des ennemis
et les contenir, s'il ne peut faire mieux ». Voyer, (|ui a
été mis au courant dès la veille de la prise de Villing-
hauscn, est invité « à atta(pier les ennemis et à faire au
moins une diversion ». Le maréchal prince ajoute : « .le
vais de ma personne n;;- porter à mes tnmpes avancées
près Scheidingen et Kornmidd ; je feriii tout ce (|ui dé-
pendra de moi; mais si les ennemis tiennent la même po-
sition et si leur camp est toujours aussi proche du village
de Scheidingen. il me s^ra difticile de m'y scuteuir. En-
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lt> IJio-
(1) Soiil)iso à Condé, Schwo'fl'e, l.î juillet 1701. Papiers de Cleiinonl. Ar-
chives (le la C lierre.
(2) Soiibise à IJro^lie, 10 juii!«l 1701, 3 heures du malin, l'apiersde Bro-
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LA GUKIUIE DE SEl'T AMs. — CIIAP. IV.
fin, M. le Maiéclial, je vais tout tenter pour l'aciliter votre
atta(|uc et lAclîer de la faire l'éussir. » La lettre se ter-
mine par l'avis ([ue la l)rigade de Lyonnrtis était partie
« pour se rendre en droiture au cli.^teaud'OliloudcNadel »
pour rejoindre le piince de Coudé.
Pendant que Soumise hésitait à s'en.g'agcr à fond et
semblait attendre de nouveaux avis ou une nouvelle
conférence pour fixer les opérations de la journée, les
confédérés, sous l'énergique impulsion de Ferdinand, re-
commençaient la lutte autour de Villinghausen. Sous le
couvert de l'obscurité, Ferdinand avait conlinué à ren-
forcer sa gauche en y appelant les brigades anglaises
Gavcndish et Pemhroke de la division Howard, ainsi que
le gros du corps Spiircken et en y concentrant son artille-
rie de parc. Il avait à opposer à Broglie 3G bataillons,
33 escadrons et environ 100 canons de fort calibre; ces
troupes s'étendaient depuis la Lippe jusqu'au Dimkerbcrg ;
en tenant compte de la division Wolff ducorpsdeSpoiv^ken
(jui allait bientôt rejoindre, elles constituaient une masse
de 32 à 33.000 combattants. Le reste des troupes confé-
dérées, soit environ 24. 000 honmjcsdestrois armes, jous'e*?
ordres du prince héréditaire, fais;ait face à Soubite. Le
15 juillet, le gros des confédérés était à leur aile droite;
le liiau contraire, grAce aux mouvements delà nuit, l'aile
gauche était devenue de beaucoup la plus forte. Les rôles
étaient renversés.
Le feu, oui n'avait jamais tout à fait cessé pendant la
nuit, recommença le 16 juillet à 3 heures du matin; il y
eut entre l'avant-garde de Clausen appuyée par les divi-
sions Guerchy et llavré et les divisions (Iranby et WQtgi-
rau une lutte très ive sans résultat décisif pour la pos-
session de la rout< de Soest à Hamm et de ses abords.
Après trois heures ("intensité, la canonnade fut suspendue
par l'épuisement des munitions, cependant la fusillade
continua entre les infanteries rivales, que répartissait en
i
LES CONIliDÉlUiS KKPUENNlùNT VILLINGHAUSES.
103
pelotons séparôs la nature du terrain coupé de haies et
(le i'ossés. L'engagement très confus se prolongea, d'a-
près les récits allemands, Jusqu'à 8 heures. Un peu avant
ce moment l'intervention très opportune des troupes dé-
tachées par Sporcken {)rocura aux conicdcrés un avan-
tage marqué, lue division, sous les ordres de WolU", forte
de 7 butaillons et 6 escadrons, avait franchi la Lippe au
pont d'Untrop, s'était déployée à la gauche de Wiitginau
et, avec le secours de 10 pièces de 12 amenées du Diinker-
bcrg, s'était portée sur l'extrême droite des Français. De
son côté, IJroglie, soit pour couvrir la retraite (ju'il envi-
sageait déjà, soit pour tenter un dernier ell'ort otTensif,
cherchait à établir une batterie sur une butte dont
Granby avait été chassé la veille et (jui se trouvait vis-à-
vis de sa position actuelle. Ferdinand, averti de ceite
tentative, lança à l'assaut de la colline (1) des bataillons
anglais, et brunswickois. Deux bataillons de grenadiers
anglais soutenus par les gardes honovriens, exécutèrent
sous le cv uvert du bois un mouvement tournant, tandis
que d'autres unités anglaises appuyées par les Brunswic-
kois abordèrent la hauteur de front. Ce double assaut
coïncida avec un recul de la droite fran(^\Tise, qui venait
de recevoir l'ordre d'évacuer le village de Villinghausen.
Aussi les confédérés parvenus au sommet de la butte
trouvèrent-ils les Français en pleine retraite.
L'opération, fort délicate on elle-même, se trouvait
singulièrement aggravée par la proximité de l'ennemi et
par l'enchevétremeiît dos combattants; il s'ensuivit du
désordre dont profitèrent les assaillants. Tandis que les
bataillons de Wollf se jetaient sur le flanc des Français en
retraite, les Hossois de Wiitginau et de Mansberg, les
Ecossais de Bockwith, les Anglais de Waldegrave, appuyés
par une partie de la division du prince d'Auhalt, les abor-
(1) Granby à Bule, Kirch Dùnckcr, 17 juillet 17G1. Newcaslle Papers.
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104
LA GUERllE DE SEPT ANS.
CIIAP. IV.
dorent de front. Dons la mêlée, le n^gimcnt de Rougé, qui
occupait le village de Villinghauscn, fut séparé par la
poussée ennemie, cerné et fait prisonnier en partie avec
ses canons et ses drapeaux (1). Le reste des troupes se re-
plia en bon ordre, couvert par Stainville avec les grena-
diers de France et Itoyanx. La nature du terrain inacces-
sible pour la cavalerie empêcha toute poursuite.
De l'action du 10, Brogliefait le récit suivant : « Ce ma-
tin, à la pointe du jour, la mousqueterie et le feu de ca-
non ont recommencé avec beaucoup de vivacité, et le
nôtre y ayant répondu de même, il a paru se ralentir et
s'est ralenti en effet jusque vers Jes (5 heures que nous
avons vu les ennemis marcher par leur gauche et se ren-
forcer successivement beaucoup. Ils ont alors porté la plus
grande partie de leur artillerie sur le centre du village où
était le jégiment de Kougé, et sur la droite par rapport à
nous, où la mousqueterie s'était toujours soutenue. Alors
n'entendantpoint tirer du côté de l'armée de Soubise, voyant
toujours fder des troupes de la droite des ennemis sur leur
gauche, c? ayant appris par un aide de camp de M. le
prince de Condé qu'il n'était encore venu aucune troupe
pour le remplacer à Nadel, où il avait été obligé de laisser
une de ses brigades d'infanterie pour garder le pont, je
proposai tout pour la retraite, et je la commençai sur les
sept heures. Les ennemis portaient alors les plus grandes
forces sur le régiment de Rougé qu'ils percèrent, et
comme le village était coupé de ravins très considérables
et très boueux, une partie en a été séparée; le reste des
(1) Broglie donna de ce inalliciir l'explication suivanlc : « Ce régiment
s'est battu avec la plus grande t'cnneté: la difficulté du terrain où 11 était,
qui était si couvert qu'ils ne pouvaient voir leur droite et leur gauche, a
fait qu'au lieu de se retirer lorsque les autres se disposèrent à le faire, ils
ont fait alors une 'harge en avant, (|ui a donné moyen aux ennemis de les
eutourer. Le courage avec lc(|uel ce régiment a combattu mérite toute
sorte d'éloges et je ne puis Iroi» en donner à M. le comte de Rougé. » Bro-
glie à Choiseul, Ervete, 22 juillet 1701. Archives de la Guerre.
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RECIT DE nUOGLlK.
lOô
troupes s'est retiré clans le meilleur oidre. .l'avius ^ardé
le corps des grenadiers de France qui n'avait point com-
battu, pour faire 1 arrière-garde. Les ennemis ne nous ont
suivis en force que jusqu'au bout des baies du village. Du
canon placé sur les liauteiu's les a contenus; nous nous
sommes retirés en bataille sur plusieurs lignes, on s'est ar-
rêté plusieurs lois et on a ré[)ondu à deux ou trois pièces
de cauon qu'ils ont ameuées iV notre suite jusqu'au vil-
lage d'Ultrop. J'ai l'ait cauiper Tarmée sur la rive gau-
che de l'Aest, et comme je finissais d'en manjuer le
cauip, M. le prince de Croy m'a joint et m'a appris
que les troupes de .M. le marécbal de Soubise .."étaient
arrivées qu'à se[)t heures au village de Scheidingen. et
nous n'avons commencé qu'alors A entendre sou ca-
non. »
Pendant la nuit et les premières heures du IG juillet, il
y eut échange de billets entre Hroglie et Soubise; le pre-
mier, de Broglie (1), porte l'heure de 3 heures 12 du ma-
tin : « Je me suis rendu ici à la pointe du jour, Monsieur
le Maréchai; da.is ce moment les coups de fusil el de ca-
non recommencent avec vivacité; ainsi je crois qu'il n'y
a pas de temps à perdre pour nous faire renforcer ])ar
des troupes, toutes celles qui n'ont pas soutenu l'atta-
que d'hier soir ayant été mises dans le village. Je vais
envoyer ordre à la division qui est à Borgelen de filer
pour remplacer M. le prince de Gondé, afin (jue les troupes
de ce prince puissent nous joindre. » L'instiuction expé-
diée à Condé (2) est ainsi conçue : (( Je prie M. le prince
de Condé de voidoir bien faire passer tout de suite l'ordre
ci-joint à la division (jui est à Horgeleu pour (ju'elle se
mette en marche pour venir remplacer M. le prince de
(1) Broglie à Soubise, près Villinghauseii, Ifijuillet 17G1, 3 heures 1 2 du
iiiaUn. Areliives de la Guerre.
(2) Hroglie à Coudé, Villingliauseii, 10 juillet ITOt, :{ h. 1/2 du malin.
Fonds de Clermont. Archives de la Guerre.
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l.\ tlLKRIU': DE SEPT ANS. — CIIAP IV.
Cuiulé (jui avec les trounosji ses ordres se tiendra ili portée
de venir nous joindre ici (Villinghausen) par le chemin
qua tenu hier M. de Stainville ot de nous servir de ré-
serve au besoin, n L'ordre destiné à l'officier général
commandant la division qui se trouvait à Borgelen, offi-
cier dont IJroglie ignorait le nom (1), concordait parfaite-
ment avec les instructions de Coudé.
Au cours de la nuit, Soubise avait écrit (2j à Condé :
« Vous avez bien fait de marcher où M. de Broglie vous
demande. Je vais voir de mon côté ce que je pourrai faire
pour vous procurer une diversion. Je voudrais bien trouver
au jourquelque changement dans la position des ennemis,
car leur camp — comme vous l'avez vu — touche presque au
village de Scheidingeii qui parait le point le moins diffi-
cile où l'on puisse passer le ruisseau. Je fais marcher la
brigade de Lyonnais par le chemin de Klasine (Klotingen)
pour se porter sur le château d'Ols. Vous pourrez lui en-
voyer vos ordres; je vais aussi pousser Fischer par ma
droite. Enfin, je ferai mon possible pour avoir l'œil sur
vous et ne pas négliger le reste de l'armée. Je vous désire
toute la gloire que vous méritez. »
A 7 heures du matin, Broglie fait part (3) à Soubise et
à Condé de ses intentions de retraite : « Les ennemis m'ont
attaqué ce matin assez vivement dès qu'il a fait jour, ainsi
que je vous avais mandé hier qu'ils le feraient. Mais
comme ils ont été repoussés partout, ils se sont contentés
de nous canonner beaucoup à cartouche, et à des fusilla-
des assez vives ; mais ils n'ont pas tenté de s'approcher.
Je ne vois, avec ce (|ue j'ai avec moi, aucune possibilité
d'attaquer les ennemis; et je ne vous ai pas mandé hier,
(1) Il apptii'tcnaità l'armée du Soubise.
f2) Soubise à Comlé, uuit du 15 au 16 juillet ITfîl. Fonds de Clermont,
Arcllives de la Guerre.
(:<) Broglie à Soubise, Villingbausen, 16 juillet 1761, 7 h. du malin. Ar-
chives de la Guerre.
IIKTRAITE DK imOGME. ' , 117
je crois, que je comptasse le tenter. (lomme les démons-
trations que vous allez faire ne peuvent [n\s me mettre en
état de le faire, je vais penseï' à ma retraite. Vous savez
que je ne voulais hier (|ue prendre un cani]. près d'ici; et
si les ennemis ne m'avaient pas attaciué comme ils l'ont
fait, nous n'aurions eu aucune action. J'ai l'honneur de
vous prévenir du parti que je [)rends, afin que vous ne
vous engagiez pas ; et j'en préviendrai M. le prince de
Condé, afin qu'il se retire aussi à temps par ses ponts.
Voilà, Monsieur le Maréchal, tout ce que je puis faire h
[)résent et à quoi je vais travaillei'. » l'n post-scriptum in-
dique une situation plus inquiétante : « Dans l'instant les
ennemis me ratta(|uent de nouveau avec des forces de
beaucoup supérieures. Il est certain que j'ai presque
toute leur infanterie contre moi, ce qui me force de
iaire dans l'instant ma retraite. »
Un mot de Soubise (l) à Condé nous donne l'impres-
sion produite sur le maréchal par la nouvelle de la re-
traite de son collègue : « Dubois arrive et me met au dé-
sespoir. M. de Nort, aide de camp de M. de liroglie, était
venu me dire que tout allait bien et venait de partir
dans le moment pour retourner à M. le Maréchal lui dire
que je voyais les ennemis se retirer devant moi, que
M. Dumesnil voyait les ennemis en bataille devant lui, et
cependant s'il avait besoin de troupes, qu'il n'avait qu'à
dire et que je marcherais avec les bataillons que j'avais
ici. M. d'Oorthorc arrive successivement et me dit que
M. de Broglie se relire sur vous. Dubois prétend qu'il
vous a demandé deux brigades et qu'il vous laisse d'ail-
leurs la liberté de revenir sur moi ou sur le point qui vous
conviendra le mieux. Je voudrais bien savoir à quoi m'en
tenir sur le point de retraite de M. le maréchal de Broglie
et sur le vôtre. En attendant, je porte intermédiairement
(I) Soubise à Condé, hauteurs de Scheidingen, IC. juillet 1701, 9 h. du
matin. Fonds de Clerinonl.
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L.V OUKIUU': l>E SKPT ANS. - CIIAI». IV.
cnti'o vous et moi les brigades des (lardes et de Hpic([ue'
ville, .le li'S |)lacer:ii dei'i-ière le ravin d'Einiker. Il ne
faut point vous yèner pour votre retraite si vous trouvez
plus de facilité [)our la faire par IJorg-elen. Instruisez-moi
seulemeut et sur-le-champ je suis i\ vous. .le vais aban-
donner lu poursuiU^ des ennemis que je venais de cluis-
ser du villa^-^e dc! Scheidini;en pour m'occuper d'objets
plus sérieux et plus tristes. Donnez-moi de vos nouvelles
A chaque instant et faites-moi passer l(>s intentions de
M. d(^ liroylic, surtout le point de retraite, afin (jue je n»e
diri^-e en conséquence. »
Dans le courant de la journée du IG, Soubise, (jui por-
tait au prince de Coudé une afFeclion i)rcst|uc paternelle,
lui demanda (1) à deux reprises des informations : « .le
voudrais vous savoir à lîorgelen en dedans du ruisseau,
.le vais me mettre derrière celui de Paradies. .le désirerai
bien savoir où sera M. de Brojilie. " Le second mot (2)
mor)trc le maréchal plus rassuré : ^ Puisque M. de IJro-
glie ne s'éloigne point, vous me paraissez en sûreté dans
votre camp et je suis tranquille. Si j'avais su positive-
ment où ti'ouver M. de Broglie, j'aurais été prendre avec
lui les arrangements nécessaires poursuivre notre i)lan
de camp.igno, que l'événement d'aujourd'hui ne doit
point déranger puisque le projet de la diversion sub-
siste, mais il est bien tard, et j'ai beaucoup d'affaires, ce
qui me fait remettre à demain la satisfaction de vous
embrasser. »
Au moment où Hroglie avait annoncé sa retraite, il
croyait ([u'il pourrait effectuer son mouvement sans trop
de pertes et n'attachait pas grande valeur à la conserva-
tion d'une position dont la possession n'eût été impor-
'l)Soubise \\ Condé : Kn me retirant de Scheidingeii. Fonds de Cler-
inont.
(2) Soubise à Condé, canp de Taradies, IG juillet 17(>1. Fonds de Clci-
inant.
Li; UOLK DE CONUK.
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tante que dans le cas (111110 iillaiie générale. La capture
(lu r(3;;iment de Koug(';et des canons laissés à Villiniiliaii-
scn Iransl'oi'inait en échec séiieux ce (|ui n'aurait été (ju'un
combat d'avant-,i;arde, et engageait bien autreuioiit le
général commandant. Aussi déjà le lanj^ ge de Broglie
dans rapt('s-midi du 10 est-il dillérent dt^ celui du matin
et se préoccupe-t-il de iaiie porter à son collègue sa
part de responsabilité.
Dès lors, il n'hésite pas à attribuer la défaite qu'il ve-
nait de subir au retard et à la mollesse des opérations
dont Soubise s'était chargé. Entre les deux maréchaux, il
avait été convenu : 1° que le [U'iiice de C.ondé appuierait
la gauche de Hroglie et permettrait à celui-ci d'en tirer
des renforts pour sa droite fortement engagée dans le
village de Villinghausen et ses abords ; 2" (|ue Soubise
avec le gros de ses troupes ferait une diversion en atta-
quant le village de Scheidingen; 3" enfin (jne Dumesnil
et Voyer menaceraient la droite et les derrières de ren-
lu^mi. Le rapport de Soul)ise et do ses subalternes nous
donne leur version sur l'exécution de ces trois opérations.
Conmiençons par les mouvements de Condé. « l*ar la dis-
position qu'on s'était proposé de faire, raconte le bul-
letin de l'armée de Soubise (1), le corps de M. le prince
de Condé était destiné à passer l'Aest et à se joindre à
l'armée do M. le maréchal de liroglie. Il lui en donna
l'ordre à minuit, la nuit du 15 au 16, et il se mit tout
de suite en marche, passa l'Aest k la pointe du jour
aux pouls qu'il avait fait rétablir la veille auprès du
chAteau do Nadel et fut remplacer M. le comte do Stain-
ville qui lui avait envoyé un officier pour lui indiquer
sa position; dès la pointe du jour on avait renforcé la
réserve de M. le prince fie Condé de la brigade de
(1) Bulletin de l'unni'o de Soubise du 13 au 18 juillet ITiîi. Archives de
la Guerre. Ce bulltlin rédif-é a|(rès l'action n'a pas à beaucoup pros lu va-
leur des liillels échanf^és pendant les événements.
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LA GUERIU': DK SEPT ANS. — VIWV. IV.
Lyonnais. » Le 10, lï (» liouros 1 /V du mutin, (lonlé
écrit (li à Hfoylie lo hill(>l suivant : i< M. Iv. nuirùclial de
Souhisc fait attaijuor le \illai;'(! de; .Schoidiugcn ; M. le
prince Kcrd'uand est en bataille sur les hauteurs. Les
brigades do la Reine et d'Orléans suflisent pour la garde
des Ponts. .le porte celles de Boisgelin et do Lyonnais
qui m'ai-rivent, sur le plateau, d'où je serai à portée
de secourir les l*onts, si le cas le reiiuiert. Dans celte
position, jallendrai vos ordres. « Quand cet avis par-
vint à Broglie, celui ci s'était déjà décidé à évacuer Vil-
lingliausen; aussi répondit-il en priant ('onde d'envoyer
deux brigades d'inlanterie pour couvrir la retraite des
défenseurs du village et de se retirer avec le reste.
« M. le princ(î do Condé (2) lui lit passer alors les bri-
gades de Hoisgelin cl de Lyonnais avec 6 pièces de ca-
non du pare et se retira avoc le reste de ses troupes
par les ponts qu'il avait fait construire sur l'Aest auvcjuels
il avait laissé deux bataillons de grenadiers pour l'ar-
rièro-garde et qui furent chargés de les détruire. »
Les détails donnés dans le bulletin officiel de Soubise
sont complétés par la correspondance échangée entre
Condé et lU-oglic à la suite de la publication du rapport
de ce dernier : << Je sais à n'eu pouvoir douter, écrit
Condé 3), que vous avancez qu'il était convenu que
je passerais l'Aest le 15, dès que M. do Stainville se
serait emparé du cbiUeau de Nadel. Cela l'était si peu,
que lorsqu'on consé.pience des ordres de M. de Sou-
bise. j'allai de ma personne prendre les vôtres, le 15
au matin, à la chapelle d'Oostinghauson, il fut convenu
que je viendrais canq)er, le soir môme, ma gaucho dans
la direction d'Ohl, et ma droite dans colle de-Kroewin-
(1) Condé à IJro;;lie, à la lète des Pouls, Id jiiillot 17(il, C h. 1 i a. m.
Papiers de llioglie.
(2) IWiUctin de l'armée, déjà cité.
(3) Condé à Urogiie, Hollhusen, ï) aoiU \7{\{. Pa|iicrs de Hroglie.
«!
COHRKSPONDANCI-; DK CONDK AVKC DROCI.IK.
lit
c\u'\, faisant faco au coiifliKMit de l'Acsl ot du Sooslhacli.
Vous me moiilriVtes mn posiliou sur la carte de M. le
comte de hroglie et j'eiii[)orfai cette môme carie pour
être plus sùv de suivre exactement vos intcufions. Il l'ut
dit aussi (jue je ferais faire des ponts sur l'Aesl A ma
droite, au-dessous d'Osliiif^liausen, pour communicpuir
avec la gauche de votre armée, ce tpii prouve Itien cpie
vous ne comptiez pas que je camperais à la rive «Iroite
de l'Aest et que j'enverrais des grenadiers de ce cùté-ci
du ruisseau, vis-A-vis du cliAtcau de Nadcl, pour favoriser
ratta(pie de M. de Stainville et rétablir le pont dès (jue
le chùteau serait emi)orlé. » Aussitôt le prince de retoui'
h sa division, le mouvement avait commencé et les ponts
furent jetés tant en amont qu'en aval de la jonction des
deux ruisseaux. Le 1(> i\ minuit et demi, Coudé re(;ut de
Hroglie l'ordre (( d(î [>asser l'Acst et d'aller remplacer
M. de Stainville qui y appuyait sa gauche. Il y avait une
lieue et demie de mon camp, et j'y fus cependant arrivé
à deux heures. Il me semble que cet ordre seul prouve
assez ([ue vous me saviez à la rive gauche de l'Aesl, où
j'étais, puisijuc vous me dites de la |>asser. C'est donc bien
sûrement par inadvertance, Monsieur, (pie vous avez
mandé qu'il était convenu (jue je passerais l'Aest le 1.')
au soir, .l'ai exécuté ponctuellement tous les ordres que
j'ai reçus de vous, et j'ose dire avec toute la célérité pos-
sible ». Le dire du prince est confirmé par une note de
Castries (Ij, chef d'état-major de Soubise : < L'infanterie
et l'artillerie de M. le prince de Condé se sont mises en
marche à minuit et se sont rendues au pont de .N'atelen
sur l'Aest où elles appuyaient leur gauche, leur droite se
prolongeant vers la gauche de l'armée de liroglie, l'ar-
tillerie a piissé sur le pont de Natelen et l'infanterie sur
un pont de planche construit à 800 pas au-dessus. La ca-
(1) Réjionses de Casiries aux notes de Do Vaiijl, s. d. Archives de lu
Guerre.
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Valérie de la ivservc se mit en iiiiii-clie au ^rand jour et
vint se plaeer en colonne le long de l'Aesl derrière la
g'uaelic (le rinfantciric.
(( Le prince de Condé était diuis celte iiosition le Ki.
liorsijuf^ M. le niar»^clial de lliojilic' ordonna l.i retraite à
environ î) heures du matin, deux hiitiades de sa réserve
couvrirent la ^%'iuclie de l'année d<' llroglie en se retirant
le lony (le la rive droite de l'Aesl, elles passcM'ent «msuite
celte rivi('re à Ostinyliausen pour rentrer dans le camp
do Zuickaus, où elles rejoif^nirent les autres unités do
la réserve qui y étaient d(''Jà rentrées. La hrigade de
Lyonnais partit 1(; 16 au |K»int du jour pour remplacer
iM. le prince de (londé dans sa position inlernK'diairc entre
les deux arm(''cs et recevoir ses ordi'cs. »
A la lettre de (londé, Itroglie réplicjua (1) eu se défen-
dant d'avoir mis le prince eu cause, mais en maintenant
son assertion : « Il est vrai que dans colle du 28 j\ ce mi-
nistre, en énonçant les articles (]ui avaient été convenus
le malin du 15, dans le cahinet du maréchal de Soubise,
je (lis : art. ^, que M. le prince de Condé devait passer
l'Aest, aussit(U (pic M. de Stainville se serait emparé du
chAteau de Nadel. C'est un l'ail tjue je crois de la plus
exacte vérité, (il (pie ne détruisent point les j)onts ({ue je
convins avec V. A. S. (ju'elle ferait jeter sur l'Aest, vis-
{\-vis du terrain où devait appuyer ma gauche Il en
est de nK'me de la lettre (jue j'eus l'honneur de lui adres-
ser le 15 au soir. Il était bien simph; (juc je m'informasse
de son aide de camp, du lieu où elle était avec sa réserve;
et (pie, sachant (|u'ellc n'avait pas [)assé l'Aest, je lui de-
mandasse de le faire le plus t(j| (|ue cela lui serait pos-
sible. >'
Des extraits que nous venons de citer, il ressort que le
prince de Condé, tiraillé en sens contraires par les com-
(1) Uro^lie à Coiidi', Casscl, G septeinbio ITOI. Papiers de Hro^lie.
HAPPOHT 1)K SOUHI8E.
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le
)m-
inuriicalions qu'il recevait do soh deux chefs, dont l'un
voyait le gros de l'eiineini à gauche tandis ((ue l'autre
avait deviné les mouvements de Ferdinand, se hornu le 15
h camper sur la rive de l'Ahse au lieu i\o franchir le ruis-
seau et de relever Stainville; (ju'il attendit le 10 l'arrivée
de la l)rigad(' de Lyonnais jiour i)asscr l'Alise et d(^s
ordres ultérieurs pour se porter en avant. Kn n'-sumi', la
contradiction dans les instructions, le retard dans l'envoi
des renforts promis, enfin le manque d'initiative du gén<''-
raî eurent pour résultat de laisser inactives à faible dis-
tance du lieu d'action les troupes du prince de Condc.
F^xaminons maintenant l'attaque sur Scheidingen
d'après le rapport ofliciel (1) de l'état-major de Souhise :
« l/armée marcha sur trois colonnf s en se dirigeant sur
le plateau qui domine le vallon et le village de Schei-
dingen. Ce plateau était déjà occupé par des bataillons
de grenadiers, des dragons, des troupes légères et des
divisions d'artillerie aux ordres de M. le comte d'Apchon.
Les ennemis lurent chassés des postes de Neumidil et de
Kortmuhl avant sept heures et le feu de l'artillerie avait
déjà commencé très vivement. Le régiment des volon-
taires de Soubise attaqua un bois qui était à la rive droite
du ruisseau de Salzbach et que les ennemis avaient oc-
cupé pendant la nuit, il l'emporta avec la plus grande
vivacité, malgré la supériorité des ennemis et les batte-
ries dont ils étaient protégés, A mesure que l'artillerie
arrivait, elle se plaçait et s'avan(;ait successivement, la
canonnade devint très violente de part et d'autre
A huit heures, les volontaires de Soubise soutenus des
grenadiers et chasseurs de la brigade des (lardes et de
Briqueville et protégés par les brigades de Piedmont à la
droite. Limousin et les Irlandais à la gauche aux ordres
de MM. de MaiUy, de Levis, de Vogué, lieutenants-géné-
i:
(1) Bulletin de l'armée de Suubise.
liUERRE DE SKI'T ANS. — T. V.
ni
114
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV,
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Ml
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raux, s'approchèrent pour embrasser les haies de Schei-
dingen, attaquèrent la redoute qui défendait le pont et le
village qu'ils emportèrent avec la même rapidité qu'ils
avaient forcé le bois, on ne saurait assez louer la valeur
de ce régiment et de ses chefs.
« Les disposition? étaie^^t faites alors pour jeter des
ponts sur le ruisseau, et les brigades d'infanterie prôt'^s
à le passer pour suivra les premiers succès, lorsque M. le
maréchal de Soubise reçut la lettre que M. le maréchal
de Broglie lui écrivait par laquelle il lui mandait qu'il
prenait le parti de se retirer et qu'il l'en prévenait pour
qu'il ne s'engageât pas. » Le retour au camp de Paradies
s'effectua sans être troublé par l'ennemi. L'engagement
a\ rail coûté environ 300 hommes tués et blessés aux
Français et d'après le rapport officiel seulement IIV aux
confédérés. Le prince héréditaire accusa 111 tués, blessés
ou pris. Quelque insignifiante qu'elle fût au point de vue
matériel, l'attaque de Scheidingeu produisit de l'impres-
sion dan' l'armée confédérée. Le prince Ferdinand se
rendit eu personre(l) auprès du prince héréditaire qui
était opposé à l'armée de Soubise et il est permis de croire
que la crainte d'une attaque qui ne faisait que s'esquisser
fût pour quelque chose dans la prudence extrême de la
poursuite de l'armée de Broglie. Commencée de meilleure
heure et menée plus énergiquement, l'ofl'ensive de Sou-
bise eût probablement permis à son collègue de se main-
tenir à Villinghausen et eût donné le temps à Dumesnil
et à Voyer de mener à bonne fin les démonstrations dont
ils avaient été chargés.
En fait, l'action de ces deux généraux fut absolument
nulle. Dumesnil avec 16 bataillons et 30 escadrons avait
été placé sur les hauteurs de Ober Ense et Rhunv3 avec
mission de protéger la gauche de Soubise et « d'attaquer
(1) Westphalen, V, p. 628 et suivantes.
INACTION DES DIVISIONS DUMESNIL ET VOYER.
r>5
le liane droit de l'ennemi lorsque les dispositions géné-
rales auraient été fixées ». Soit retard dans les ordres,
soit indécision, il ne prit aucune part à l'engagement. Il
en fut de même de Voyer qui avec 12 bataillons et H es-
cadrons avait été détaché sur llnna et Kamen pour me-
nacer la ligne de retraite des confédérés sur Hamm. Celte
opération ne put produire son etfet par suite de l'arrêt du
combat : « M. de Voyer n'eut le temps d'arriver que jus-
ques à Unna et de porter un détachement jusqu'à Her-
merden. Il trouva partout des troupes de la seconde ligne
des ennemis et supérieures k lui. » Cette seconde ligne
ne se composait, d'après les rapports allemands, que de
quelques troupes légères du major Scheitei'.
En résumé, les divisions de Condé, Dumesnil et Voyer,
soit presque la moitié de l'infanterie de Soubise, ne
tirèrent pas un coup de fusil; tout l'efFort porta donc
sur les troupes de Broglie. Des 50.000 comijattants que
lui attribuent plusieui's auteurs, lors de son entrée en
campagne, il faut défalquer les 36 bataillons et 42 esca-
drons de De Muy, Lusace etChabo opposés à VVangenheim
et à Liickner, et surveillant la garnison de Lippstadt;
il restait donc au maréchal environ 32.000 hommes. En
face de ces forces, le prince Ferdinand, par suite des hési-
tations de Soubise, put mettre en ligne un chiffre égal
de troupes et supprimer ainsi sur le champ de bataille
la supériorité numérique que possédait sur lui l'en-
semble des armées françaises; le judicieux emploi de
son personnel et de son artillerie, arme dans laquelle
il avait l'avantage, lui assurèrent le succès.
Après avoir consulté les documents produits et surtout
les billets échangés pendant les journées des 15 et 10 juillet,
on est amené aux conclusions suivantes : Le plan général
d'attaque préparé par Broglie et accepté par Soubise
n'avait pas d'objectif précis, manquait de netteté dans
les vues et ne reposait pas sur une connaissance suffisante
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tl6
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
L
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1-1
de la position ennemie; il supposait pour le 12 des mou-
vements qui ne s'exécutèrent que le 15 ; la manœuvre
prescrite à Dumesnil et à Voyer, mal combinée, tardive-
ment entreprise, mollement e.'iécutée, n'eut d'autre ré-
sultat que de laisser en dehors du champ de bataille une
grosse fraction de l'armée de Soubise. Il en fut de même
de la tentative pour prendre pied sur le plateau derriè:?e
Scheidingen. En se quittant le 15 après leur conférence,
il est probable que ni l'un ni l'autre des maréchaux ne
s'attendait à autre chose qu'un mouvement destiné à
préparer une alFaiie qu'ils seraient libres d'engager ou
de refuser le lendemain. Rrogiie se tint de sa personne
avec la colonne de Belsunce et ne se porta à Villinghau-
sen que quand il sut la lutte engagée sérieusement sur
ce point. Une fois le combat commencé pour la posses-
sion du village, il le soutint, mais il ne l'avait pas
prévu.
Soubise, quoique averti par le bruit de la canonnade
et par le billet de Broglie de la gravité de la lutte, fut
hypnotisé pendant la soirée du 15 par la vue des en-
nemis dont il croyait, d'ailleurs avec raison, le gros de-
vant lui; il attendit le jour pour rapprocher ses troupes
et se laissa devancer par Ferdinand qui, habilement, mit
à profit le couvert de la nuit pour renforcer le point
faible de sa ligne. L'exécution de l'attaque de Scheidingen
commença trop tard, et se ressentit des hésitations du
chef.
Condé, tout en obéissant à la lettre des ordres reçus,
ne sut pas en interpréter l'esprit et ne se conforma pas au
principe de marcher au feu. Son manque d'initiative, soxi
inaction sur les bords de l'Ahse le rendit inutile pendant
la matinée du 16.
Quant à Broglie, il est difficile de lui reprocher d'a-
voir défendu Villinghausen au lieu de l'abandonner aux
Anglais de Granby; le point était important pour le dé-
DUALITE DU COMMANDEMENT.
117
bouché du lendemain; racharnemcnt de l'ennemi à
vouloir ie reprendre était une preuve trop évidente de
cette importance pour ne pas chercher à conserver la
position disputée. Peut-être eut-il tort de l'évacuer,
alors qu'il avait résisté victorieusement jusque-là, qu'il
avait à portée les grenadiers de Staînville et le corps
de Condé tout entier et qu'il savait l'action de Soubise
commencée? Les effectifs aux prises autour de Villing-
hausen étaient à peu près égaux et l'arrivée de Condé
eût fait pencher la balance en faveur des Français.
Sans aucun doute, pour trouver la véritable raison de
l'échec subi, il faut s'en prendre à la dualité du com-
mandement. Malgré la subordination apparente de Bro-
glie, celui-ci, en raison de la supériorité de ses moyens,
était l'inspirateur des opérations, mais seul, son supé-
rieur par rang d'ancienneté, Soubise, était investi des
pouvoirs nécessaires pour en assurer l'exécution.
De la position équivoque où il était placé, Broglie se
plaignit amèrement fV Choiseul(l) : « Je vous prie de
faire ationtiou. Monsieur le Duc, et de faire connaître
à S. M la situation dans laquelle je me trouve ici. Je suis
chargé de lui répondre de l'armée du Haut-Rhin que
je ne commande plus que de nom, puisqu'elle doit suivre
les mouvements et les partis que l'autre prend, et je
réponds de fait des échecs qui pourraient arriver à celle
du Bas-Rhin, et des conseils que l'on me demande et
que je suis obligé de donner, quoique je ne puisse en
aucuiie manière ordonner du temps, des moyens et des
personnes employées k l'exécution. S. M. est trop juste
pour exiger que cela dure longtemps, ce serait la perte
de son service, ce qui m'affligerait encore beaucoup plus
que ce qu'il y aurait de personnel pour moi. »
Aussitôt les rapports sur l'événement de Villinghauscn
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(1) Broglie à Choiseul, Erwilte, 19 juillet 1"64. Archives de la Guerre.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. - CIIAP. IV.
parvenus à Versailles, la cour, par l'entremise de Choi-
seul, adressa aux deux généraux quelques mots de cri-
tique qui ne manquent pas de justesse et qui démontrent
un véritable esprit d'impartialité. A Broglie, le ministre
écrivit (1) : « Il a paru au Roi, Monsieur le Maréchal,
qu'étant convenu entre vous et M. le maréchal de Sou-
bise que l'attaque sur les ennemis ne serait faite que
le 16 au matin, il aurait mieux valu que vous eussiez
différé jusques à cette époque l'attaque que vous avez
commencée le 15, ce retard aurait produit l'avantage
qu'en réussissant le 16, comme vous avez réussi le 15,
l'armée de M. de Soubise aurait concouru au combat,
ainsi qu'elle l'a fait le 16 au matin, que le retard qu'il
y a eu dans les mouvements de l'armée de Soubise le 16
n'aurait pas été sensible, puisqu'elle attaquait lorsque
M. de Soubise a reçu votre lettre à 7 heures du matin qui
lui marquait de se retirer et que vous n'auriez pas perdu
le 16 le terrain que vous aviez conquis le 15,
<( Quoi qu'il en soit, Monsieur le Maréchal, il faut par-
tir du point où l'on se trouve, sans examiner les détails
des faits passés, c'est la meilleure méthode de bien ser-
vir le Roi et de remplir les vues de Sa Majesté. » La
lettre (2) destinée à Soubise était conçue dans le même
esprit : « Vous verrez. Monsieur le Maréchal, par la copie
de la lettre que j'écris 'ujourd'hui à M; de Broglie ce
que S. M. a pensé sur l'attaque prématurée du 15,
en môme temps le Roi aurail désiré que dès que vous
avez été instruit de ce qui s'était passé le 15 à l'armée
de Broglie, vous eussiez pressé les dispositions pour atta-
quer l'ennemi de votre côté de façon que vous eussiez
pu commencer votre attaque à la pointe du jour du 16,
ce qui aurait produit nécessairement la conservation de
l'avantage acquis le 15. .
(1) Ghoiseul à Broglie, 22 juillet 1761. Archives de la Guerre.
■ (2) Choiseul à Soubise, 22 juillet 1761. Archives de la Guerre.
CRITIQUES DE LA COUR.
119
« Mais comme je le mande à M. le maréchal de Broglie,
il est inutile de discuter les détails des faits passés, cette
discussion ne peut être que nuisible au service du Roi...
Le sort des armes est incertain, Monsieur le Maréchal,
mais la volonté du Roi es' précise et lorsque les géné-
raux de S. M. feront en l'exécutant tout ce qui dépend
d'eux, 1*^ Roi leur promet de ne leur faire aucun reproche
sur l'événement. »
Ce blâme, si léger qu'il paraisse aujourd'huf, fut vive-
ment ressenti par chacun des états-majors. Les thèses di-
vergentes sur les décisions prises à la conférence du 15
furent affirmées avec une assurance dont l'énergie crois-
sait en raison du temps écoulé depuis les événements :
Broglie dans sa réponse (1) en appelle au témoignage du
comte de Stainville, frère du Ministre, pour certifier l'exac-
titude de son récit que nous reproduisons : « Le 14, Mon-
sieur le maréchal de Soubise monta de grand matin à
cheval pour aller reconnaître la position des ennemis;
il y resta presque tout le jour, et le soir, il me fit l'hon-
neur de passer chez moi sur les dix heures avec M. de
Castries, et il me dit ce qu'il avait vu, et comme il
était très frtigué et très endormi, ainsi que M. de Castries,
il fut remis au lendemain matin à s'assembler chez lui pour
y convenir de ce qui serait fait dans la journée du 15.
« Je m'y rendis de bonne heure avec M. votre frère, et
il fut arrangé (2) : 1° que M. le maréchal de Soubise
porterait ce jour-là 15 un corps sur la bruyère du vil-
lage de Scheidingen, qu'il l'y ferait camper et occu-
perait le village; 2" qu'il ferait paraître des tôtes vis-
à-vis de Neumûhl et Kochmïihl ; 3" qu'il enverrait un
corps camper à Borgoln pour remplacer celui de M. le
(1) Hroglie à Choiseul, Padcrborn, 28 juillet 1761. Archives de la Guerre.
(2) Si l'on compare ce compte rendu de la conférence du 15 avec celui de
la dépêche de Broglie du 16, on constate que le premier esi beaucoup plus
complet et plus précis, il est en désaccord avec la lettre de Condé à Broglie.
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. IV.
prince de Condè ; 4° que celui de M. le prince de Condé
passerait l'Aest aussitôt que M. de Stainville se serait
emparé du cliàteau de Nadel; 5° que M. de Stainville at-
taquerait à 5 heures le château de Nadel; G" que l'armée
du Ilaut-Khin s'avancerait vers IJltrop pour y camper
entre l'Aest et la Lippe ; 7° que je ferais occuper le vil-
lage de Fillinghausen par la réserve de M. do Clozen;
sans la possession de ce village, je ne pouvais pas camper
k Ultrop, puisqu'il me cachait les mouvements des enne-
mis et leur donnaii; la facilité de déboucher jusque dans
mon camp sans être aperçus. Il était également impossible
que M. de Stainville pût demeurer à Nadel qui était plus
avancé que ce villag-e qui tient à des bois par lesquels les
ennemis auraient pu le couper.
« Il fut dit ensuite que comme on se trouverait par
cette position, très près de celle des ennemis, on la recon-
naîtrait et on verrait si on pouvait entreprendre sur eux,
et il ne fut ici jamais dit qu'on attaquerait le 16 au
matin. »
A en croire Broglie, qui est d'accord sur ce point avec le
prince Ferdinand (1), lemouvement sur Scheidingen n'au-
raitcommencé qu'à 7 heures et Soubiselors de sa première
entrevue avec lui, après la bataille, aurait (( témoigné être
très mécontent de ce que ses ordres étaient exécutés très
lentement ou ne l'étaient point du tout ».
La version (2) deSoubise est la suivante : « .l'ose assurer
que l'on ne devait attaquer le 16 ou le 17 qu'après avoir
reconnu les moyens de le tenter avec succès et pris des
points d'appui que l'on devait fortifier par de bonnes
redoutes... ayant apprise 2 heures (du matin) ce qui s'était
passé dans la soirée du 15, j'ai fait attaquer sur les 5 heu-
res un bois que les ennemis occupaient en deçà du ruis-
(1) Lettre écrite de llunscn-Over le 20 juillet, contenant la relation authen-
tique de la bataille du !«. Westphalen. Archives de la Guerre.
(2) Soubise à Choiseul, Ilerdringen, 27 juillet 17C1. Archives de la Guerre.
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VERSION OE SOUniSE.
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seau sur la droite du village. . . L'artillerie a commencé vers
6 heures à tirer sur le village qui successivement a été at-
taqué et emporté avec beaucoup de vigueur. J'ai aban-
donné l'attaque après avoir reçu la lettre de M. le maréchal
de Broglie datée de 7 heures et demie... Je n'ai pu, Mon-
sieur, refuser ce petit éclaircissement au soup(;on de len-
teur ou de négligence dont je ne me consolerais de ma
vie. »
Au cours des deux jours du combat de Villinghausen,
les confédérés éprouvèrent une perte de 1.400 officiers
et soldats tués, blessés et pris ; celle des Franc^ais fut
beaucoup plus forte, elle se monta, d'après le rapport de
Broglie, à 757 officiers et soldats tués, 1.212 blessés et
1.143 prisonniers, soit en tout 3.112, plus que double de
celle des confé Jérés. Les corps les plus éprouvés furent les
régiments de Rougé, du Roi, Provence, Nassau, Deux-
Ponts, Aquitaine, Dauphinéetles volontaires de St- Victor.
Du côté du prince Ferdinand, les bataillons hanovriens
qui faisaient partie de la division Wolff souffrirent le plus.
Dans la soirée du 15, les Français s'étaient emparés de
3 canons régimentaires à Villinghausen, par contre, dans
la matinée du 16, ils perdirent les k pièces du régiment
de Rongé et 5 pièces du parc ainsi que 5 drapeaux.
Plusieurs officiers démarque furent tués ou blessés dans
l'armée de Broglie. Le duc d'Havre eut un bras emporté ;
le marquis de Rougé eut la cuisse brisée; M. de Vérac,
gendre du duc, fut blessé aussi très grièvement; le môme
coup de canon les avait atteints assis sous un arbre ; les
deux premiers moururent de leurs blessures. Villepatour,
brigadier d'artillerie, fut blessé ainsi que le duc de Duras
elle marquis de Maupeou ; le colonel, le lieutenant-colo-
nel et le major du régiment de Rougé figurèrent au nombre
des prisonniers. Du côté des confédérés, aucun person-
nage de distinction ne fut atteint.
Bien que dans les récits officiels la cour de Versailles
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122
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. IV.
chei'chAt JÏ atténuer (1) l'importance de l'échec, le combat
de Villingliausen eutau point de vue moral et politique des
conséquences déplorables. La nouvelle parvenue à Lon-
dres à un moment critique des négociations confirma l'in-
transigeance de Pitt et lui ramena les votes Iiésitants de
ses collègues du Ministère. Sur le théâtre de la guerre, la
bonne entente entre les deux maréchaux qui avait présidé
aux premières opérations, disparut pour ne plus renaître.
La querelle des chefs fut épousée par leurs subordonnés,
dr>nt plusieurs ne pouvaient oublier les griefs passés. « Les
discours vont leur train dai nos deux armées, écrit un
correspondant anonyme (2)... toute l'armée ne respire
qu'après l'occasion de venger le maréchal de Broglie, tan-
dis que bien des gens en second s'en réjouissent. »
Pendant l'après-midi du 16 et la journée du lendemain,
les confédérés prirent leurs précautions contre la reprise
de la lutte. « Nous nous attendions, écrit Granby (3), cons-
tamment à une seconde action. Nous avons été sous les
armes depuis minuit la nuit dernière dans la crainte
d'une visite, car les avis nous prévenaient que les deux
armées françaises étaient en mouvement, mais on vient
de nous annoncer qu'elles sont en pleine marche sur Er-
witte et Aurach près de Lippstadt. » Le soir du 16, les
combattants du matin s'étaient en elfet bornés à réintégrer
leurs cantonnements de la veille, mais ils n'y restèrent
pas longtemps; peut-être la destruction d'un convoi im-
portant aux environs de Warburg et une attaqua du corps
de Chabo par Liickner aux environs de Neuhaus furent-
elles pour quelque chose dans la détermination de Bro-
glie, toujours est-il que ce maréchal ramena son quartier
(1) Note manuscrite de Ciioiseul pour le directeur de la Gazette de France,
23 juillet 1761. Archives de la Guerre : a faire valoir i'ail'aire du 15, adoucir
la retraite du 1(>, ménager les deux généraux, louer beaucoup les troupes ».
(2) Lettre interceptée d'un officier français. Westphalen, V, p. 670.
(3) Granby à Bute, Kirch Dumkern, 17 juillet 1761. Newcastle Papers.
CONFÉRKNCE DES MARÉCHAUX.
198
général <i Ervete le 19 juillet et rappela à lui NValduor
qui avait été détaché à Hoxter. De son crtté, Souhise avnit
abandonné la plaine de Soest pour la région plus acci-
dentée du Haarstrang- et avait installéson quartier général
à Berlinghausen; Condé avec la réserve occupait Lohnc
sur la route de Soest à Ervete; Voyer était cantonné à
Sassendoi'f,
• Quelle suite fallait-il donner à la campagne? Un pre-
mier cH'ort pour forcer le prince Ferdinand à repasser la
Lippe, préliminaire presque indispensable des sièges à
entreprendre, avait échoué ; devait-on on tenter un se-
cond? Profiterait-on de l'nutorisation donnée par les ins-
tructions de la Cour en date du 10 juillet, pour renforcer
l'armée du Haut-Rhin de 30.000 hommes et pour reprendre
l'idée d'une diversion en force sur le bas Weser ou le
Hanovre? Soubise penchait (1) pour la séparation des
commandements : « Les armées du roi ne resteraient point
dans l'inaction. M. de Broglie serait content par tout ce
qui me revient depuis deux jours; je suis convaincu que
le bien du service se trouvera à la séparation des deux ar-
mées. Vous l'avez toujours prisé. Il est bien malheureux
que le moment de la réunion n'ait pas produit un effet
décisif; on devait le croire et il était bien vraisemblable. »
Le lendemain 20, il y eut conférence entre les deux
maréchaux à Ervete. D'après un résumé rédigé (2) par
Broglie, on fut d'accord pour renoncer à une attaque
contre la position actuelle des confédérés, mais de l'avis de
Soubise et de ses conseillers, une diminution de leurs
effectifset une diversion lointaine de l'armée du Ilant-Hhin
surBrelefeld ou le Weser exposerait celle du Bas-Rhin au
danger d'avoir à soutenir dans des conditions d'infériorité
une attaque du prince Ferdinand. A cette objection Broglie
et ses amis opposaient l'impossibilité de faire vivre à Pa-
(1) Soubise à Choiseul, 19 juillet 17G1. Archives de la Guerre.
(2) Mémoire de Broglie à Soubise. Ervcle, 20 juillet 1661. Archiv. Guerre.
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U r.UERUE DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
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(lerborn les deux nrmcVs réunies, les ressources supérieures
(les pays sur la rive droite du Wescr, les facilités d'appro-
visionnenient ((u'on y rencontrerait, enfin l'obligation
(pii incomberait aux conf«^dérés de suivre le mouvement
exceniriquc et la sécurité qui en résulterait pour les opé-
rations de Soubise. Le 21, ce dernier rend compte (1) A
Choiseul du résultat du conciliabule de la veille : « Je suis
revenr c^îte nuit fort tard d Krvete où j'avais été trouver
M. le maréchal de Broglie ; la conférence a été longue;
nous avons commencé par traiter le projei de porter les
armées réunies à Paderborn pour tourner les ennemis aux
sources de la Lippe et de l'Ems et obliger le prince Fer-
dinand iï regagner le Weser; il a été longtemps débattu;
les difficultés se rt nouvelèrent à chaque instant ot se suc-
cédaient dès qu'on /enait k bout d'en détruire quelques-
unes. Voyant qu'il était inutile de chercher {\ persuader,
j'ai pris le parti dont j'ai eu l'honneur de vous prévenir
hier, et j'ai proposé la séparation des deux armées en
renforçant de 30.000 hommes l'armée du Haut Rhin, ce
qui a été accepté avec grande satisfaction ; M. le maréchal
de Broglie avait eu la niéme idée et il avait même pré-
paré un mémoire en conséquence, il me l'a remis et j'y
dois répondre si les circonstances l'exigent, mais l'ayant
prévenu il devient inutile et les opérations ultérieures
dépendront des ordres que les généraux recevront direc-
tement de la Cour. M. le maréchal de Broglie se rendra
ce matin chez iVI. le prince de Condé et nous allons ex-
pédier les détails. » Il fut donné suite sans retard à la
nouvelle répartition des forces; dès le 26 juillet, l'armée
du llaut-Bhin reçut un renfort de 36 bataillons et 50 es-
cadrons; y compris les garnisons et les troupes de
communications, elle compterait un total de plus de
100.000 hommes répartis entre 117 bataillons, 118 esca-
(1) Soubise à Choiseiil,Berlinghausen, 21 juillet 17C1. Archives de la Guerre.
KKM'ORCKMENT OK L'ARM^K DU lUlOGMl!;.
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(Irons et r».000 troupes légùros; par contre l'armée de
Sou bise était rciluite à 7G bataillons, 8.') escadrons et
5. ()()() irréguliei-s donnant un efFectir sur le papier de
68.000 hommes. Déduction faite des détachements et du
continficnt alloué aux places fortes, Hroglic pouvait
disposer de 80.000, Soubiscde 55.000 combattants, l'armi
les unités proposées pour composer le renfort figurait la
maison du Uoi ; Broglie déclina l'addition de ce « corps
aussi respectable et aussi fait pour être ménage ». Il
supportait d'ailleurs assez mal les fatigues de la campa-
gne : « Il me paraît impossible, Monsieur, avait écrit
Soubise, de mettre la maison du Hoi dans lo nombre des
troupes qui joindront M. do Broglie. Ce serait la perdre
totalement; elle a déjà beaucoup de malades et M. de
Broglie m'a assuré qu'il n'en pourrait faire aucun usage
et qu'elle pourrait, dans les marches vives, lui causer
beaucoup d'importunité. »
Le 25 juillet, Soubise annonce (1) son intention de se
retirer derrière la Uoer : « li n'y a point de position à la
rive droite de cette rivière et la proximité des ennenns ne
permet pouit de s'exposer en deçà de la montagne avec
une infériorité aussi décidée. J'attendrai dans les envi-
rons d'Arnsberg pendant deux ou trois jours le parti
qu'aura pris le prince Ferdinand. » Soubise n'a pas grande
confiance dans le résultat de la diversion sur le Weser :
« Le plan de campagne qu'il (Ferdinand) a adopté jusqu'ici
est si extraordinaire que l'armée du Haut-Rhin portée sur
le Weser ne le déterminera peut-être pas à abandonner la
défense de Lippstadt et Munster. Cependant, toutes les
règles de la guerre et les préjugés récents se trouveront
démentis sises communications interceptées avec le bas
Weser ne le iorcent pas à s'en rapprocher. »
Deux jours après parvinrent aux quartiers généraux
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(1) Soubise ù Choiscul, lierlinghausen, 25 juillet l'Ul. Archives de la
Guerre.
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LA GUERRE DR SEPT ANS. - VWKV. IV.
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frnn(;ais les instructions (If la Coui'(l). Dans sa première
(lépôche (lu 9,'l, après les ('i'iti((ues que lui avait su^-gérées
le bulletin (les jouinées (les iô el 16, Choiscul s'était pni-
nonc('! pour une repiise de l'olfensive contre Ferdinand
et avait nu^me indiqué le point d'attaijue; dans jelle du
'Ik il revi(!nt au plan primitif de campagne ; « Si les ar-
mées ne s'étaient pas jointes, la Cour avait un plan pour
diriger successivement et sans obscurité leurs mou vcments,
mais les généraux contre l'arrangement de la Cour ayant
réuni leurs forces, le Koi n'avait pius qu'à attendre les
événements lieureux ou malheureux de cette réunion, et
s'ils étaient heureux mon devoir était de prévenir l(;s
moyens pour les plus grands iuccès, car relativement aux
opérations, le plan de la Cour n'étant pas suivi, nous espé-
rions que les généraux avaient prévu tous les remèdes
aux inconvénients du projet qu'ils exécutèrent de leur
chef, voilà, iMonsieur le Maréchal, ce que je dois vous
mander pour l'honneur du ministère, j'y ajouterai de
plus que vous paraissez sur le point de renforcer l'ai'mée
de Broglie de 30.000 hommes, ce qui est encore contre
l'intention du Roi; S. M. m'a chargé de vous mander que
lorsque vous feriez les sièges de Lippstadt et de Munster,
M. le maréchal de Broglie serait chargé avec .son armée
de couvrir ces sièges et qu'alors, it; is pas avant,vous dé-
tacheriez 30.000 hommes de /oie armée à l'armée de
Broglie qui vous couvrirait; et que M. de Broglie faisant
le siège d'IIamelen, vous rendrait les 30.000 hommes et 20
de son armée pour que vous, couvrissiez son siège de
même qu'il aurait couvert les deux vôtres; mais le Roi
n'approuve point du tout et n'a point entendu qu'hors le
cas des sièges vous affaiblissiez votre armée et à moins
que vous ne concertiez une opération avec M. de Broglie
qui paraisse utile et qui soit approuvée par le Roi, per-
(l)Choiseul à Soubise et Broglie, 2'.l el 24 juillet 17GI. Archives de la
Guerre.
LKTTRE I)K CIIOISEUL.
137
lie
la
mettoz-moi, Monsieur le MaiV^chal, de vous prévenir qu il
n'est pas de voire pouvoir de <lisl()(|uer votre armée. »
Les projets relatifs aux opérations futures devaient »Hre
soumis au Conseil : « Si vous et M. le maréchal de Hro^lie,
par les circonstances, croyez devoir exécuter des opéra-
tions qui n'aient pas pour objet Icssirues, a iparavKnt
que de les entamer h^ Uoi veut que vous lui envoyiez le
mémoire de votre projet, afin qu'il ju^e s'il cmvient à
ses intérêts, et en attendant, les choses doivent rester aux
deux armées dans l'état où elles se trouvent. M. le marc-
chai de Broglie par son courrier du 19 m'annon';e un mé-
moire comme il vous l'aura communiqué sans doute, et
que vous nous enverriez vos observations, le Roi jugera
lorsqu'il aura reçu ces deux pièces ce (ju'il y aum de mieux
à faire. Si S. M. suivait mon conseil, elle ferait revenir son
armée du Haut-Rhin à Paderborn qui y ferait an établis-
sement solide, elle ordonnerait à son armée di Bas-llhin
de reprendre le projet de la droite de la Lippe, > Quel que
soit le plan adopté, Choiseul se déclare partisun de « sé-
parer l«^s armées à jamais ».
A la lecture de la prose ministérielle, Soubist se repen-
tit de l'initiative qu'il avait prise et redemanda (1) à Bro-
glie les 30.000 hommes qu'il lui avait cédés : « Nous nous
sommes trompés sur les intentions du Roi Si vous
êtes encore à Paderborn, M. le Maréchal, vos opérations
ne sont pas encore entamées, et je crois que nous de-
vons de préférence à tout songer k remplir les ordres
que nous recevons ; en prenant quelques précautions
les 30.000 hommes peuvent me rejoindre. » Broglie ne
goûta pas la proposition de son collègue. Il se considé-
rait (2) couvert par l'approbation de tous ceux qui avaient
assisté au conseil d'Ervete. « .le crois devoir être tran-
quille à compter sur l'indulgence de mon maitre, quand
(1) Soubise à Broglie, Herdriiigen, 28 juillet iir,i. archives de la Guerre.
(2) Broglie à Soubise, Driburg, 30 juillet 17(>1. Archives de la Guerre.
1^
1
1 M
I 1
Mû
même je me serais trompé.» Au surplus, il w ne voit rien»
dans la lettre de Choiseul « qui porte ordre, si les armées
sont déjà séparées, de vous renvoyer les 30.000 hommes,
aussi dans l'incertitude et en attendant de nouveaux or-
dres il y aurait de l'imprudence à nous de faire aucun
changement aux premières dispositions fjui ont été faites ».
Broglie écrivit à Choiseul dans dej termes équivalents.
Le jour même du refus de Broglie de lui restituer ses
30.000 hommes, Souhise reçut une nouvelle dépêche (1) de
la Cour en date du 16. Le Roi reconnaissait les difficultés
qu'aurait présentées une nouvelle attaque de l.i position
de Ferdinand : « Après avoir hien constaté que les enne-
mis sont inattaquables, comme il le parait dans le poste
qu'ils occupent », il autorisait les deux généraux à exé-
cuter le plan convenu entre eux et donnait sa sanction au
renforcement de l'armée de Broglie.
Soubisé, ravi de la solution, se déclara (2) bien « sou-
lagé par l'approbation que le Roi veut bien donner au
plan de campagne » que son collègue et lui avaient jugé
le plus convenable. Il eût été d'ailleurs difficile de reve-
nir sur les décisions prises par les deux généraux. Bro-
glie, beaucoup moins déférent pjur les injonctions de la
Cour, s'eiait avancé assez loin sur le chemin du Weser ;
depuis le 30 juillet son quartier général était à Driburg,
presque '• moitié distance de Paderborn et d'Hoxter où il
faisait établir des fours; il venait d'envoyer Stainville à
Kleinenburg sur la route de Paderborn à Cassel avec mis-
sion de protéger la liesse et de veiller sur les entreprises
de l'ennemi, et il avait chargé Rochambeau de masquer le
défilé de Stadtberg. Soubise, toujours à Ilerdringen, con-
tinuait à ne pas comprendre les mouvements de Ferdi-
nand qu'il croyait parti mais qui paraissait être revenu;
l'armée française, faute de vivres, serait obligée de des-
(1) Choiseul à Soubise et Broglie, 20 juillet 1761. Arcliives de la Guerre.
(2) Soubise à Broglie, Ilerdringen, 30 juillet 1761. Archives delà Guerre.
^■i0mM^
KROGLIE PROPOSE LE SIÈGE DE LIPSTADT.
tn
il
à
cendre la rive gauche de la Uoer vers Menden et Surer.
Les derniers jours de juillet avaient été consacrés à un
échange de mémoires sur les opérations à entreprendre
après la séparation. Dans un document en date du
28 juillet (i) qui résumait la discussion déjà entamée
entre son collègue et lui, Broglie insistait sur le siège de
Lippstadt, « que je regarde comme le plus important et
sans lequel la campagne serait absolument perdue. Il y a
trois moyens de faire abandonner au prince Ferdinand
les environs de Lippstadt : l'un, de marcher droit à lui et
de l'attaquer partout où il pourra se placer; raui'-e, de
menacer Ilamelen par la rive gauche du Weser; le der-
nier, de passer cette rivière et de l'obliger pnr là à venir
défendre l'électorat d'Hanovre ». Grâce aux avantages
stratégiques et de ravitaillement que lui donne sa posi-
tion centrale, « M. le Prince Ferdinand, tant qu'il restera
auprès de Lippstadt et llamm, ne peut jamais être forcé
de combattre, à moins qu'il ne croie sa position assez
bonne pour vouloir le risquer. Pour ce qui est du second,
c'est celui que je vais chercher a mettre en usage, en me
portant demain fivec l'armée à Driburg, et poussant de
gros détachements sur Hameln. M. de Chabo y va aujour-
d'hui et a ordre de s'eii approcher jusqu'à la porte s'il lui
est possible ».
Si cette diversion réussit et si le prince Ferdinand se
place entre Bielefeld et llaïueln, BrogLe lui tiendra tête et
Soubise aura toute liberté d'agir contre Hamm ou Lippstadt.
« A l'égard du dernier parti, de faire passer le Weser à
cette armée et la porter dans l'électorat d'Hanovre, il est
très vraisemblable que cela rappellerait M. le prince Fer-
dinand sur la rive droite de cette rivière. Mais comme il
a, ainsi qu'il aété dit plus haut, la facilité de tirer son pain
de Lippstadt, il y aurait à craindre, si l'armée du Haiit-
(t) Hroglie àSoiildse, Paderborn. 28 juillet 1701. Archives de la Guerre.
i;rERHi; iik ski-t ans. — t. v. 0
H
• I -
■ t
130
LA CiUERRb: DE SEPT ANS.
CHAP. IV.
Rhin passait en entier le Weser, que le prince Ferdinand
ne marchât sur la Dymel, avec un très gros corps, ne lit
une irruption en Hesso et, portant des troupes légères sur
noscommunicationsdeGiessenàZiegcnhayn, Alsfeld,etc...
n'interceptât tous nos convois de farines, ne nous mit
dans les plus grands embarras, et ne nous obligeât à
revenir promptement songer à la défense de la Hesse. »
La protection du Landgraviat, les garnisons, les services
d'arrière absorberont au moins 25.000 hommes et affai-
bliront l'armée du Haut-Rhin « au point qu'elle ne sera
plus en état de se commettre vis-à-vis du prince Ferdi-
nand et encore moins d'envoyer de gros détachements
dans le pays d'Hanovre et de Brunswick ».
En conséquence, Broglie ''onouvelle à Soubise sa prière
de veiller sur les défilés de Stadtberg, et le cas échéant,
de s'établir à Rhuden ou à Biiren pour empêcher les con-
fédérés de passer la Dymel. Quant à lui, il se propose de
prendre position à Nieheim, puis à Hoxter, aussitôt que les
fours seront prêts. « D'ici là, nous verrons le parti auquel
les ennemis se détermineront et conséqueniraent, ou je
tâcherai de marcher à eux s'ils restent en deçà du Weser,
ou je passerai cette rivière pour les obliger de me suivre
dans le pays d'Hanovre. Dans l'une ou l'autre supposition,
il est également nécessaire que vous m'assuriez la Dymel
et la Hesse... Vous avez deux moyens de m'assurer la
Hesse : l'un, de vous en charger avec la partie de votre
armée que vous jugerez à propos, et dans ce cas d'en
répondre, et que je n'aie plus à m'en inquiéter; le se-
cond, de m'envoyer deux troupes légères, deux régiments
de dragons et le reste en infanterie, jusqu'à la concur-
rence de 10.000 hommes que je placerai sur la Dymel, et
dont je donnerai le commandement à M. le comte de
Stainville qui connaît cette partie; et alors je répondrai
de la Hesse, et je me chargerai de faire corps à corps la
guerre au prince Ferdinand.
EMPRUNT DE 10.000 HOMMES A SOUBISE.
m'
la
tre
lis
et
Ide
["ai
la
« Dans ce cas, M, le Maréchal, la combinaison d'opé-
rations entre les deux armées ne sera plus nécessaire ; la
mienne devenant, par ce moyen, égale à celle du prince
Ferdinand même réunie. Je serai chargé de le suivre, de
le chercher dans les différentes positions où il pourra se
placer, et de le contenir. Je veillerai seul, en même
temps, à la garde de la Hesse et de la Haute-Werra et de
la ilaute-Fulde, enfin de toutes les communications de-
puis Coblentz, Mayence, Francfort et Wurtzbourg. L'armée
du Bas-Rhin, considérablement diminuée, et dont le fond
ne sera alors que de 55.000 hommes, serait seulement
chargée des places du Bas-Rhin, depuis Cologne, et de
se former des établissements en farine qui puissent égale-
ment lui servir, soit pour faire le siège de Lipstadt, soit
pour celui de Munster. La position qu'elle devrait prendre
serait indifférente, pourvu qu'elle remplit ces objets. »
Celle de Dorlmund lui paraît préférable, <( pouvant y
occuper un très bon camp, et étant même, de là, à portée
d'envoyer de gros détachemenis sur la communication de
Munster » .
En terminant, Broglie s'excusait du nouveau recours
'îu'il faisait au désintéressement de son collègue : « C'est
;^v,-c beaucoup de répugnance, M. le Maréchal, que je
->•; rj ^terminé à vous renouveler la demande du corps
de * .000 hommes dont, pour agir offensivement contre
le prince Ferdinand, en gardant en même temps la Hesse,
j'ai absolument besoin. » Il a été amené à celte décision
(( par un objet aussi majeur que celui de rendre cette cam-
pagne un peu utile. Je sens que les dix jours de retard,
pour attendre la réponse de la Cour, peuvent être de la
plus grande importance, n'y ayant déjà que trop de temps
perdu; et peut-être seriez-vous alors plus éloigné de la
Hesse, ce qui augmenterait les difficultés de l'envoyer sur
la Dymel et en retarderait au moins l'arrivée. Je m'y
suis d'ailleurs déterminé sur une lettre que M. le duc de
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182
LA GUERRE 1)E SEPT ANS. — CHAI», iV.
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Choiseul a écrite à mon frère, où il lui marque que vous
étiez d'accord de faire passer jusqu'à ^i^O.OOO hommes de
votre armée à celle du Haut-Rhin, si cela était juj^é né-
cessaire. Au reste je vous supplie d'être persuadé que ce
n'est pas l'envie d'augmenter l'armée qui m'engag-e m
vous faire cette proposition sur laquelle vous êtes abso-
lument le maître de décider. »
Pour le cas où Soubise agréerait l'arrangement, Broglie
le pria de désigner pour le commandement du détache-
ment le chevalier de Levis, cadet de Stainville et qui
pourrait servir sous les ordiois de ce dernier; quant aux
maréchaux de camp, il soumii A son collègue « un état
de ceux parmi lesquels je vous prierais de choisir les deux
ou trois que vous me destineriez ».
Comme il était à prévoir, Soubise ne voulut pas accep-
ter les propositions de Broglie sans consulter la Cour.
Choiseul n'était pas en faveur des opérations au-delà du
Weser qui lui paraissaient dangereuses ; tout en insistant
sur la séparation des deux armées, il eût désiré que
Broglie essayât de tourner le prince Ferdinand par les
sources de la Lippe. Ce fut donc contre l'opinion du puis-
sant ministre que le conseil, statuant sur les conclusions
du mémoire de Broglie du 28 juillet dont nous venons de
résumer les points essentiels, se prononça à la majorité
pour le nouveau renforcement de l'armée du Haut-Rhin.
« Voilà la première fois, écrit Choiseul à Soubise (1), que
j'éprouve une contradiction marquée dans mon avis, je
ne le cache pas à M. de Broglie. » Il est probable que
ceUe divergence de vues fut la principale cause de la
brouille qui se produisit peu à peu entre le maréchal et
le ministre.
Entre temps, Broglie renonce à l'espoir de chasser le
prince Ferdinand de la position qu'il avait prise à Buren,
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(1) Choiser.l à Soubise, 2 août 1761. Archives de la Guerre.
PROPOSITION DE HKOGLIE ACCEPTÉE MALGRÉ CHOISEUL. 133
et revient (l) à l'alternative de la diversion sur le Weser
et du «icg-e d'Hamelen, pour lequel il tirera de Gottingen
ses vivres et sa grosse artillerie. Pour ses opérations ac-
tives et déduction faite des garnisons de l'arrière, il
compte 105 bataillons d'un effectif moyen de r)00 hommes,
128 escadrons à 140 sabres et un peu plus de 3.000 de
troupes légères, soit un total de 73.500 hommes. Le
prince Ferdinand sur un ensemble de 102.000, compte
fait des malades, garnisons et des non complet, peut lui
en opposer 68.000, dont 18.000 sous les ordres du prince
héréditaire. Ce calcul lui donne une supériorité de 23.000
sur son adversaire A la condition que Soubise se charge
du prince héréditaire : « Il serait fâcheux, conclut Bro-
glie, qu'ayant 50.000 hommes (2) de plus que les enne-
mis en Allemagne, l'armée qu'il (le roi) destine cà l'oifen-
sive se trouvât le jour décisif plus faible que celle du
prince Ferdinand. »
Satisfait des résultats presque inespérés de sa victoire
de Villinghausen, le prince Ferdinand n'avait pas cherché
à inquiéter la retraite des Français ; il était même resté
sous les armes toute la journée du 17. Ce ne fut que le
27 juillet, onze jours après l'affaire, qu'il transféra son
quartier général de Hohenoverà Borgeln ; le 29, il était
au.»: abords d'Erwitte où il fut rejoint par Sporcken et
Wangenheim. Au cours de leur marche, les confédérés
trouvèrent à Soest 2'i- officiers et 100 hommes de l'armée
française que la gravité de leurs blessures n'avait pas
permis d'évacuer. Le 30, le gros gagna Bûren et poussa
des avant-gardes vers Stadtberg etWresen sur la Dyuiel.
Les troupes de Broglie abandonnèrent cette contrée ainsi
que la ville de Paderborn où elles ne prirent pas la peine
de détruire les fours qui y avaient été installés pour la
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(1) Bi'Oglie & Choiseul, Villebadessen, 3 août 1711. Archives de la(iueri-e.
(2) Broslie supposait à Soubise 45.000 contre les 18.000 du prince hérédi-
taire.
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134
LA OUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. IV.
cuisson du pain. De sa nouvelle position, le prince Ferdi-
nand dessina une opépdtion contre Stainville qui gardait
la ligne de lu Dyniel. A cet cfl'et, les divisions Wang'en-
heim et Wiitginau lurent dirigées par une marche de
nuit sur Bredolar pour tourner les Français qui seraient
abordés de front par \Valdegravc; Granby, soutenu par
Sporcken, fut chargé de tenir en respect le corps de Muy
posté à Kleinenburg. L'attaque de front, gênée par un
épais brouillard, n'eut d'autre résultat que de faire rétro-
grader Stainville jusqu'aux hauteurs de la rive droite,
où il recueillit le détachement de Rochambeau qui n'é-
chappa au risque d'être coupé que grâce à la belle atti-
tude de la brigade suédoise de Bocard. Les pertes de part
et d'autre ne furent pas importantes et les combattants
regagnèrent leurs postes de la veille où ils restèrent inac-
tifs jusqu'au 10 août.
En attendant la décision de Versailles, Soubisc avait
levé le 4 août son camp de Herdringen où il était depuis
le 27 juillet, passé le Roer à Sw erte et installé son quartier
général à Raun sur les hauteurs qui avoisinent Dorlmund.
Conformément à l'ordre de la Cour, il prépare pour le 9
le départ de Levis avec les 10.000 hommes destinés à pro-
téger la Hesse. Il a en face de lui le prince héréditaire et
Kielmansegge postés entre Kamcn et Luynen; après le
départ de Levis, il lui restera 62 bataillons, 65 escadrons
et près de 5.000 troupes légères, soit environ 1.5.000 com-
battants; ses projets sont encore indécis, mais il compte
se porter du côté de Munster : « Il eût été en ellet très
difficile et très dangereux de tenter une nouvelle réunion,
écrit-il à Broglie (1). Je souhaite que la diversion à la
rive droite (du Wcser) produise un succès heureux et
prompt. » Le 10, Soubise annonce à Broglie le départ de
Levis qui a eu lieu la veille ; de sa personne Soubise est à
(Ij Soubise à Choiseul, Raun, 7 août 1761. Archives de la Guerre. .
DEMONSTRATION DE SOUBISE CONTRE MUNSTER.
135
Bockum sur la route d'Essen; depuis plusieurs joui's il est
sans nouvelles de l'armée du Haut-Uhin; le 11, il franchit
TErnser, petit affluent du Rhin, puis la Lippe à Haltcrn
qu'il avait fait occuper le jour précédent ; le 13, il installe
son quartier général à Huis Dulmcn sur la route de Wesel
à Munster; la veille, Voyer s'était emparé de Dulmen
après un combat heureux où il avait fait 150 prisonniers
de la légion britannique avec leur commandant ; Cand)e-
fort avait enlevé des voitures et des chevaux dans la ban-
lieue de Munster. Le 15 août, S jbise, toujours campé
à Huis Dulmen, informait Brogiie (1) que le prince héré-
ditaire était parti sans doute pour rejoindre le prince Fer-
dinand; que Kielmansegge se trouvait dans les environs
de Munster, dont la garnison avait été portée j\ 3.000
hommes; il transférera le lendemain son quartier général
à Appelhausen à moitié route de Munster : « Je pousserai
des détachements de tous côtés; c'est tout ce que je peux
faire pour le moment présent. Les grands événements se
passeront de votre côté; puissent-ils être aussi heureux
que je le désire. » A Choiseul, il avait écrit la veille (2) que
la présence de Kielmansegge empêcherait le siège de
Munster, qu'à la vérité il serait libre d'envoyer un déta-
chement en Ost Frise, mais il croyait la Cour opposée à
cette expédition. Décidément, la maison du roi n'était
guère utilisable en campagne ; il avait fallu la renvoyer
aux environs de Wesel se reposer de fatigues auxquelles
elle était peu habituée ; on n'avait conservé à l'armée que
50 mait"c? par escadron.
Laissons f>oubise à ses démonstrations contre Munster,
dont il n'avait aucune intention de tenter le siège, et à ses
projets contre l'Ost Frise et le bas Ems qui lui tenaient h
cœur, et revenons à Brogiie à l'armée duquel étaient ré-
servés les « grands événements », pour employer l'expres-
(1) Soubise à Uroglie, Uuis Dulmen, 15 août 1761. Archives de la Guerre.
(■>) Soubise à Choiseul — 14
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136
LA GUliHUK DE SEPT ANS. — CHAP. IV.
sion de son collègue. Le Uoi avait approuvé le programme
du 28 juillet, uiais non sans ({uelques réserves (1) : « C'est
d'après cette lettre que nous opérerons sans variations
dorénavant, elles mettent en vos mains le sort des armées
du Roi cette année et les intérêts les plus importants de
la politique. Il me reste seulement à vous faire observer
que vous devez prévoir le cas où M. le prince Ferdinand
peu eflrayé de vos démonstrations sur le Weser, même
de votre marche sur Hanovre, no quitterait pas la West-
phalie et ferait le raisonnement qu'il ne doit pas aban-
donner le pays où il a dos places pour chercher à détendre
celui qui est ouvert et où vous ne pouvez pas hivernei'.
Je ne doute pas, Monsieur le Maréchal, que vous n'ayez
prévu cette supposition en réfléchissant que la campagne
commence à s'avancer et que l'arrière-saison rend les
opérations en Westphalie très difficiles. Voilà ce que le
Hoi m'a chargé, Monsieur le Maréchal, de vous mander
en réponse à votre lettre (2) du 30 juillet. »
Avec la séparation définitive des deux armées franc^aises,
nous abordons une phase nouvelle de la campagne. Uro-
glie est investi du rôle principal qu'il a recherché ; désor-
mais, il lui appartiendra de prendre l'initiative des opé-
rations; la supériorité numérique de ses forces sur celles
de l'adversaire l'y autorise. A lui de détacher le prince
Ferdinand loin de la Westphalie, de l'entrainer sur le
bas Weser de façon à laisser à Soubise les mains libres
pour entreprendre les sièges de Lipstadt et de Munster.
Ce dernier aura à profiter des circonstances pour mener
à bonne fin une expédition que le retour du prince ou
d'une fraction importante de son armée rendrait excessi-
vement délicate. La suite des événements indiquera de
quelle façon chacun des deux maréchaux s'est acquitté de
la tâche que la cour de Versailles leur avait esquissée.
(1) Choiseul à Broglie, 7 août 1761. Archives de la Guerre.
(2) Dans cette lettre, Hroglic avait défendu son projet du 28 juillet.
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CIIAPITKE V
MOI VKMEMS DK DROGLIK KT HK SOIRISK. — PASSACK DU
WKSKIl PAU UROGLIK. — DIVKRSIONS Dl' PRINCE KKRDINANU
EN IIESSE,
bepuis le 2 août Broglie, do son quartier général de
Villebadessen, surveillait les préparatifs pour rétablisse-
ment de ses fours à lloxter sur le VVeser et les démons-
trations des confédérés du côté de la Dymel. Comme nous
l'avons vu plus haut, ceux-ci avaient passé la rivière et
avaient refoulé les détachements de Uochanibeau et de
Stainville, mais en fin de compte, ils étaient revenus à
leur ancien camp et les Français avaient fait de môme;
néanmoins, Broglie crut prudent de renforcer ses lieute-
nants. Le 11, toujours de Villebadessen, il informe la cour
que le prince Ferdinand était campé le 10 la gauche
vers la gorge de Detmold, la droite tirant sur Stecken-
berg (Steckenbruich) ; les 10.000 hommes de Levis sont
annoncés à Corbach pour le 18; l'année du Haut-Uhin
entreprendra le 10 son mouvement vers le Weser. Ce ne
fut cependant que le 18 que l'opération débuta. Le
mouvement des confédérés qu'annonçait Broglie avait
commencé le 10 août. Ferdinand, renseigné sur les agis-
sements des Français du côté d'IIoxter et d'ilamelen,
décida de se rapprocher du bas Weser et de rappeler sur
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LA (iUËRHE DK SEPT ANS.
CIIAP. V.
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la Dyiiiel lo princo héréditaire aussi t<M que la tlirectiow
prise par Soiihisc lui permettrait de «juitter la Westpha-
lie sans inconvénient. En conséquence, le prince Ferdi-
nand avec îo gros (juitta Bnren le 10 et, passant par
Delbruck, Steckenberg et Detniold, gagna à la date du 13
les hauteurs de Itelle et la forte position du Moltmer-
l)erg(l] autour de laquelle il concentra presque toute
son armée : 59 bataillons et 58 escadrons. Broglie apprit
tardivement le changement de position do son adversaire
et crut qu'il pourrait le prévenir du côté de Bloml)erg
et Nom ; il donna ordre à iMouy de marcher sur Driburg
avec son corps qui se composait en grande partie des
premiers renlorts venus de l'armée de Soubise et il di-
rigea le comte de Lusace et Glausen sur Steinhcim. Ces
détachements se heurtèrent aux avant-postes des enne-
mis, la résistance qu'ils éprouvèrent démontra que ceux-
ci étaient en force; un coup de main sur la petite ville
de Horn échoua devant l'énergique résistance du lient. -
colonel Dremar à la tête de 300 Hessois, entin une recon-
naissance exécutée an cours des journées des 13 et 14
convainquit le maréchal de Timpossibilité d'attaquer avec
chance de succès un adversaire bien posté, concentré et
vigilant; il prit donc le parti d'asseoir son camp sur les
hauteurs de Nieheind) en face de son adversaire. Était-il
possible de se glisser, comme le suggérait Choiseul, entre
le prince Kerdinand^et la place de Lippstadt?Sans doute,
mais il aurait à dos le prince héréditaire dont on venait
de signaler l'arrivée à Biiren et se verrait clans un pays
épuisé coupé de son point de ravitaillement, Iloxter. Il
n'y avait, selon lui, d'autre parti à prendre que de franchir
le Weser et d'attirer Ferdinand de ce côté; un échec que
venait de subir Beisunce près de Dassel sur la rive dro'te
du fleuve, le confirma dans ses intentions. Cet officier,
(1) Gescliichte des Siehenjohrigen Krieges, vol. V, p. 780. Berlin 1837.
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BROr.F.IE PASSE LE WESEIl.
tn
jusqu'alors presquo toujours heureux, avait eu une ren-
contre nialhoureuse avec les partisans Liickner et Kreytag.
D'après son rapport, il aurait perdu 651 olficiers et
soldats, dont 490 prisonniers appartenant pour les 2/3
au réfiiment suisse de Jenner qui avait été cerné et
entouré dans la retraite par la cavalerie ennemie.
Brog-lie fait part à Choiseul (1) de la résolution qu'il
vient de prendre et énunière les considérations qui l'y
ont amené : s'il essayait de se placer entre Lippstadt et
le Prince Ferdinand, celui-ci « me couperait mon pain
d'Iloxter qui est seul point doù je puisse en avoir... Je
vais passer le Weser et marcher dans le pays d'Hanovre ».
Le lendemain 18, l'armée, qui avait été concentrée au
camp de Nieheimh, en déboucha couverte par une forte
arrière-garde sous les ordres de (iuerchy, Clausen et
Poyanne. La marche sur Hcixter et le NVeser s'effectua sans
voir un ennemi; le passage du fleuve commença à trois
heures sous la protection de Clausen posté sur les hau-
teurs du village d'Oldendorf. Bientôt ce général signala
l'approche de l'ennemi ; il y eut un combat assez vif que
Broglie décrit dans sa dépêche (2) : « Comme il était de la
dernière importance de ne pas laisser les ennemis s'em-
parer des hauteurs qui dominent Hoxter, j'envoyai ordre
sur-le-champ de faire remarcher au camp de M. de Clau-
sen les 9 bataillons de grenadiers et chasseurs, et à
toute l'infanterie d'être prête à marcher. Je remontai à
cheval et m'en allai au galop pour rejoindre M. de Clau-
sen; mais j'appris en chemin qu'il avait été obligé de dé-
tendre son camp et de se replier, ayant afl'aire à des
forces supérieures. Il manœuvra à merveille, se retira ex-
trêmement lentement, et lorsqu'il fut obligé d'abandon-
(1) Mioglie à Clioiseul, Nieheiinb, 17 août 1761, 8 h. a. m. Archives de la
Guerre.
(2) Uroglie A Choiseul, I<"orsteinberg près Hôxler, 21 août 1761. Archives
ide la Guerre.
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LA OUKUHK DE KEPT ANS. — CIIAP. V.
nop le village d'Oldondorf, il se plaça de manière «m il
ne fit paraître que tn\s peu de troupes, et cacha son ca*
non et sa (;avalerio. Les montagnards écossais et tous les
grenadiers anglais d(''l»oucli(''rent très vivement du villaf^e
ot marchèrent au p(;u d'infanterie <{u'ils voyaient. M. de
(^iauscn lit alors démasquer son canon qui, ([uoique tirant
(h? très près, ne les arrêta pas; mais en môme temps, il
h^s lit chaigor par les hussards et dragons attachés aux
volontaires de St-Victor et commandés par M. de (Juin-
trand : il s'en acquitta si vigoureusement (juil culbuta
toute cette infanterie, en tua ou prit près de 300, et la
reconduisit de manière qu'elle ne reparut plus de la jour-
née. Les dragons d'Iléliot ([ui étaient venus pour la sou-
tenir furent aussi très malmenés. Cette charge fait beau-
coup d'honneur et fi M. de Clausen qui l'a ordonnée, et
h M. de Guintrand qui l'a exécutée. C'est un des plus
braves et des meilleurs ofliciers de cavalerie que le Koi
ait à son service. La journée linit là, les ennemis s'arrê-
tèrent. »
Pendant la nuit et le lendemain 19, l'artillerie et les
équipages, malgré la lupture d'un pont et un délai de
V heures pour le répjii-er, furent transportés sur la rive
droite : « Comme je voyais que notre déblai était fini et qu'il
ne me restait [)lus que l'infanterie à passer et les arrière-
gardes, je pensais qu'il valait mieux commencer la re-
traite de bonne heure que de laisser attaquer les postes
avancés; je fis donc retirer les volontaires de St-Victor;
MM. de Beauvau et de Vaux eurent ordre de se replier
sur Hiixter; j'envoyai M. de Cuibeit aux 0 bataillons de
grenadiers et chasseurs pour les ramener à la hauteur où
campait l'infanterie, où je mo portai, et successivement
tout se mit en mouvement pour repasser les ponts. Les
ennemis arrivèrent sur les hauteurs de la droite et de la
gauche vers les 3 heures avec beaucoup de canon, et
commencèrent à canonner vivement nos deux ponts. Je
ABANDON DHÔXTEn.
141
rcstni à un, <'t mon IVrre alla i\ l'autre, tout rej)a8sa en
très l)on ordre et avec peu de perte, n'y ayant eu que 8
on 10 hommes tnés ou blessés Nous levc^mcs ensuite
nos ponts qui riaient trop dominés pour pouvoir croire
qu'ils ne seraient pas rompus le lendemain, et je laissai
dans Hîixter M. (lelb qui y commandait avec 1.600
hommes. Il y est demeuré hier toute la journée assez tran-
quillement, mais la plus grande partie de l'armée des
ennemis et le prince Ferdinand lui-mômc étant vis-ii-vis
de ce poste, pouvant par consé(iuent l'attaquer avec beau-
coup d'artillerie et de troupes, et n'y ayant qu'un bac
pour en retirer les 1.500 hommes, je les ai l'ait rentrer
cette nuit, n'y laissant que :i00 hommes », qi i passèrent à
leur tour aussitcM le premier mouvement des ennemis des-
siné.
D'après les renseignements sur la marche du prince
Ferdinand et de son neveu, Itrogiie craint d'être prévenu
sur Dassel et Eimbeck; d'autre part s'il prend cette po-
sition, il découvre Gottingen et sa ligne de communica-
tion. Il s'arrête A un parti intermédiaire; campant avec
le gros à Dassel, il dirige de Vault, Beisuncc et le comte
de Lusace avec des forces considérables sur Kimbeck,
place Chabo à llegra et laisse à Neuhaus, sur le chemin
d'Httxter à Uslar « vis-à-vis «l'ici M. de Clausen avec 12 ba-
taillons, deux régiments de dragons, Schonberg-, Nassau
cavalerie, les volontaires de St-Victor, ceux d'Austrasie et
300 hommes de piquets commandés par M. de Verteuil. Il
sera chargé d'éclairer les mouvements des ennemis après
notre départ, de couvrir le chemin d'Uslar et la commu-
nication de Gottingen et de tâcher d'en entretenir une par
les l)ois de Salaborg avec M. le comte de Stainville ». A ce
dernier (1) qui avait reçu le commandement d'un cor()s
de 20.000 hommes dans refl'ectif desquels la division Levis
•
(1) Broglic à Stainville, Forstemberg, '20 août 1761. Archives de la Guerre.
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LA GUERRr: DE SEPT ANS.
CHAP. V.
le
entrait pour moitié, Broglie donna des instructions détail-
lées pour la défense de la Dymel, de Cassel, de Munden
et des communicHl'ons.
Ferdinand fut surpris par la rapidité du mouvement
de l'armée f'-ançaise; il n'en fut averti que tard et ne
la suivit qu'avec un retard de quelques (1) heures dont
Broglie, comme ou l'a vu, sut tirer bon parti. Dans
une dépêche en date du 16 août (2) le général confédéré
passe une revue des événements depuis le commence-
ment du mois. Il attribue à Broglie l'intention de l'at-
tirer sur le Weser pendant que Soubise ferait le siège
de Lippstadt. Pour mettre obstacle à ce projet, il a op-
posé à celui-ci le prince héréditaire , sa présence a re-
tardé le passage de la Roer et forcé le maréchal prince
à descendre le cours de la rivière et à se porter du côté
de Bockum « de façon qu'au premier dessein d'assiéger
Lippstadt, il parait succéder celui de passer la Lippe
du côté de Dorstein et marcher sur Munster ». Ferdi-
nand raconte sa manœuvre et celle de Broglie vers la
Dymel, la marche à la suite de laquelle il s'est établi
sur les hauteurs de Belle, avec les Français vis-à-vis de
lui à Nieheimb, l'envoi de Lilckner sur la rive droite du
Weser, la défaite de Belsunce, enfin le rappel de son
neveu de la Westphalie. « M. le prince liéréditaire ayant
laissé aux ordres du comte de Kielmanscgge un déta-
chement pour observer l'armée du prince de Soubise,
s'est mis le 11 d'août avec 20 bataillons et 20 escadrons
en marche sur Biiren, où il arriva le 12 après deux
étapes forcées. Il a fciit occuper le IV et 15 d « courant
les gorges de Ualem et de Kleinenberg et ayant poussé
des détachements sur Warburg et Villebadcssen sur les
derrières de l'armée ennemie, il a fait nombre de pri-
sonniers, il me semble, continue Ferdinand, que M. de
(1) Woslpl:alcn, Vol. V, i>.'72<J. • ■
(2) Ferdinand à Bule, Reilenkurclien, 16 août 17G1. Record Oflice.
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LE PKINCE lIKilÉDiTAlKE EST RAPPELÉ PAR FERDINAND. 143
Broglie n'a dans cette situation d'autre parti à prendre
que de m'attaquer dans ina position, ou de reculer, ou
d'engager le prince de Soubise à revenir promptomont sur
Lippstadt pour marcher à dos au prince héréditaire.
S'il m'attaque, je me défendrai le mieux que je pourrai
et, s'il recule, je le suivrai. Et j'espère que le prince de
Soubise, n'ayant plus d'antres établissements de vivres
qu'il V/esel et Dusseldorf, ne pourra point faire des
mouvements fort rapides et que j'aurai par conséquent
le temps de finir ici avec M. de Broglie. »
Il est intéressant de constater que Ghoiseul, dans sa
correspondance (1), se place au même point de vue que
Ferdinand : de préférence il souhaiterait une bataille :
« Si vous perdez la bataille, je crois que le meilleur
parti est de vous retirer sur HOxter, de préparer d'a-
vance votre passage du Weser et gagner Gottingen alin
de donner de nouvelles inquiétudes pour l'électorat
d'Hanovre et être à portée par votre gauche de conser-
ver la liesse. En cas que le prince Ferdinand ne se
mette pas en mesure de pouvoir être combattu, votre
objet parait être, selon votre projet du 28, de le rejeter
derrière le Weser et ce ne serait que dans ce cas où l'on
pourrait songer au siège de Lippstadt, voilà le second point
de vue. Le troisième est dans la supposition que le prince
Ferdinand, attaché à la Westphalie, ne pût pas être forcé
à l'abandonner et à repasser le Weser; alors vous pro-
jetiez selon votre lettre du 3 de ce mois de faire le
siège d'Hameien, dont la conquête très difficile équi-
vaudrait dans la circonstance où nous nous trouvons à
la prise de Lippstadt, encore plus difficile à espérer. »
Ainsi que nous l'avons vu, Ghoiseul n'avait pas été
partisan du plan de Broglie, il ne s'y était rallié que
contraint et forcé, aussi quand il fut en po.ssession de
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(I) Ghoiseul k Croglie, 21 août 1761. Arcliivrs il" la Guerre.
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
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la dépêche du maréchal annonçant le passage précipité
du Wcser, l'abandon d'Iloxter et les craintes pour la
Hesse, on peut s'imaginer le mécontentement du mi-
nistre; il se traduisit par une lettre (1) des plus dures :
« Le Roi n'a pas vu dans ces dernières lettres, non plus
que dans la V(*>tre du 28 juillet, qui servait de base au
plan de campagne, rien qui vous pût déterminer au
parti que vous avez pris. Je crois que de tous ceux
qu'il y avait à prendre certainement c'est le plus mau-
vais, car sans combattre il nous est bien démontré que
la campagne est manquée; d'après cette opinion, le Roi
a borné ses ordres à vous mander que le point le plus
essentiel à présent était de conserver votre communi-
cation avec Gcittingen, je n'en suis pas inquiet (car je
suis persuadé que nous apprendrons par le premier que
vous vous êtes retiré sur cette place). Votre communi-
cation assurée, il vous reste deux objets à remplir, l'un
de veiller à la conservation de la Hesse par votre gauche,
l'autre par votre droite de faire autant de mal qu'il
vous sera possible à l'Électorat d'Hanovre et d'en
retirer autant de ressources que vous le pourrez
Vraisemblablement le prince Ferdinand reviendra sur
Warburg et détachera le prince héréditaire pour faire
revenir sur le Rhin l'armée de Soubise, en laissant
Liickuer pour protéger le pays d'Hanovre, ce qui sera
suffisant. »
Suit une revue des opérations au cours de laquelle
Choiseul a soin de souligner les échecs successifs et
l'effondrement des prévisions : « Dans cet état de choses
il est d'autant plus difficile au Roi de donner des or-
dres différents de ceux que je vous envoie que S. M.
ne peut pas juger d'ici la possibilité de les exécuter. En
effet, le Roi précédemment vous avait ordonné de faire
(1) Choiseul à Itroglie, 28 aoiU l'fil. Archives de la Guerre. CeUe dépt^ciie
fut inlerceptée par l'enueini.
:::Xt^^:imt^m-
MKCONTENTEMENÏ DE I.A COUR.
143
H*-
Ire
lie
un établissement à l'aderborn et vous l'avez Jugé im-
possible; si cependant, lors de votre séparation avec
M. de Soubise, vous aviez rassemblé votre armée dans
ce point, nous n'en serions pas où nous en sommes.
Vous avez cru au contraire devoir fortifier Hoxter. Nous
avions pensé (|u'employant six semaines à accommoder
ce poste vous jugiez pouvoir le soutenir, et si le prince
Ferdinand ne se mettait pas en position d'être attaqué
par l'armée du Uoy, nous espérions du moins qu'en
conservant Hoxter, vous seriez le maître des deux rives
du Weser et que vous ne seriez point forcé à passer
celte rivière; au lieu de cela, non seulement le prince
Ferdinand a trouvé moyen de prendre une position que
vous avez trouvée inattaquable, mais même il est sorti
de cette position pour vous contraindre à passer le Weser,
et au lieu de le contenir et de l'attaquer lorsqu'il est
sorti.de son camp, où sûrement il n'avait pas VO.OOO
hommes, vous avez été obligé d'abandonner Hoxter, de
replier vos ponts canoniiés et de vous retire r sur votre
communication.
1 Toutes ces variations dans les plans et dans les ma-
nœuvres des généraux, l'impossibilité à l'armée du Uoi
de combattre les ennemis soit postés, soit qu'ils marchent
pour la chasser, l'inutilité dont les ordres de la cour ont
été depuis le commencement de la campagne pour déter-
miner les généraux oni fait prendre au Iloi le parti d'or-
donner à ses armées la défensive puisqu'elles ne veulent
ni peuvent exécuter l'ollensive îivec des forces aussi supé-
rieures. »
Cette dépêche était accompagnée de billets de (>hoi-
seul (1) pour le comte de Broglie et pour son frère le
comte de Stainville. Le ton du premier, pour être conçu
sur le pied de l'intimité amicale, n'en était pas moins
(1) Choiseul au coinlo de Hroglie,
l'ii|i(;rs.
<;i.iiuu;: de sici'T a\s. — T. v.
août ITCl. Intercepté. Newcastle
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LA OUKURK DK SKPT ANS.
CIIAl*. V.
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ailier : <( Oli, [)our cotte fois. Monsieur le Comte, l'on ne
peut sans linjustice la plus ei-iante accuser M. de Soubise
de ce qui arrive à votre armée et de la seconde perte de
la campagne; peu importe que les liénéraux tAchent de
sauver leurs fautes, ou sur les individus, ou sur la cour,
ce qu'il y a de certain, c'est que nous faisons la plus vi-
laine campagne qui ait été faite de la guerre, dans toutes
les armées, même celle des Russes, et que M. le prince
Ferdinand en nous couvrant de ridicule à la face de l'Eu-
rope se couvre de gloire. Il faut convenir qu'il en sait
plus que nos généraux, et réunis et séparément, ce qui est
fort affligeant pour les afl'aires du Hoi, surtout dans l(>s cir-
constances présentes, le pire de tout c'est qu'il n'y a plus
rien de raisonnable, ni même de possible à l'aire, que de
rester sur la défensive. Je vous y souhaite autant de pa-
tience (pi'il m'en faut si vous pouvez vous conso-
ler par les nouvelles, il court un bulletin très bon de votre
armée, qui dit que vous faites les plus belles choses du
monde; si cela était, le public verrait que la montagne
accouchera d'une souris et il vaudrait mieux ne lui pas
faire croire qu'elle est en couche.
1 Adieu, mon cher comte, c'est toujours avec la môme
liberté et le même attachement que je vous mande très
naturellement ce que je pense. »
La lettre de Choiseul à son frère (1) dévoile les senti-
monts intimesdu ministre et contient une insinuation que
rien d'ailleurs nejustitie : « Votre commission m'inquiète,
mon cher frère, je crains que M. de Hrogiie ne s'at-
tache aux opérations de sa droite, pour sauver les imbé-
cillités qu'il a fait cette campagne, et qu'il ne néglige sa
gauche pour jeter sur vous les malheurs qui arriveront,
et revenir en liesse en disant qu'il y a été forcé par vos
I
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(1) Clioiscul à Slainville, Vorsiiilies, 27 août 1701. Interceptée. Newcastle
|iapois.
CHOISEUL PRKVILNT SON IREUE CONTRE imOGLIE.
147
manœuvres. Messieurs de Broglie font de grandes fautes
militaires, mais ou même temps, ils ont une grande adresse
pour les jeter sur les autres, et à la manière dont j'é-
cris comme vous savez, au maréchal, il ne doit pas être
regardé comme notre ami, et il ne l'est pas de vous. »
Pendant que le prince Ferdinand suivait l'armée du Haut-
Khin sur le Weser et faisait mine de passer le fleuve, le
prince héréditaire, revenu àlaDymel, avait eu le 18 août
avec Caraman, entre i*(!ckelslieiiu et Warburg, un enga-
gement à la suite duquel celui-ci s'était replié sur la rive
droite de la rivière, taudis (|ue les confédérés campaient
sur la rive gauche. Stainville n'était (ju'à moitié ras-
suré (1) par l'arrivée des troupes de Levis qui étaient
dans l'état le plus pitoya])le, '» sans souliers <lepuis plu-
.sieurs jours, et presque hors d'état de servir, le régiment
de dragons pres(pie tous éclopés ».
f'cndant ce temps, Broglie, comme son rapport l'avait
fait prévoir, se rapprochait de Gottingen. Clausen qui avait
été laissé avec 8.000 hommes pour surveiller l'ennemi
se retirait sur Uslar ; le quartier général, avec le gros re-
culait de Dassel k Moringeu à portée de Gc'Utingen. C'est
là que le maréchal reçut de Stainville (2) l'avis important
que le prince héréditaire avait « détaché de son corps 3 ré-
giments d'infanterie et un de cavalerie qui sont marchés
sur Ilamm. C'est de (juoi vous pouvez être sûr »,
Le mouvement que signalait Stainville avait été pro-
voqué par une manonivre de Soubise. Nous avons laissé
ce général A lluis Dulmcn plus préoccupé d'une expédi-
tion eu Ost Frise que du si' ge de Munster, opération (|ue
d'après lui la présence de Kielmansegge avec sa faible di-
vision de V.OOO hommes (:5i rendait trop épineuse. Le
17 août, il se rapprochait de Munster et installait son
n
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(1) stainville àlîrojilie, l!l et T>. aortllTOt, Cassel. Archivas de la Guerre.
(2) Stainville à |{roi;lie, Cassel, 2;t août 17^1. Archives de la C.iierre.
(;{) Kielmansegge avait avec lui seulement <> bataillons ei G escadrons.
148
LA GUKIUU': IH; SEPT ANS. - CIIAP. V.
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quartier général à Appclhauscn ; de celte localité, il
écrit (1) k Broglie ({u'il fera des démonstrations contre
Munster mais ne croit pas « que cela ramènera l'enneini »,
un coup de main serait inutile ; il annonce ia prise de la
ville de Uheine sur l'Ems et du chAteau de Wolbeck avec
sa garnison de ItiO hommes et l'enlèvement dun convoi.
D'après un état du 17 août (2) Soubise avait en campagne
57 bataillons, V3 escadrons, 500 cavaliers de la maison du
Koi et pour le moins Y. 000 hommes de troupes légères,
soit un ell'ectif de 38 à 40.000 cond>attants. Le 22, le
quartier général est installé h Albachten à faible distance
de la capitale de la Westphalie, Soubise compte établir
des fours à Uorstein : « J'aurai, mande-t-il à Choiseul (3),
un peu plus de facilité pour me porter en avant, car je
n'ai point d'espérance de pouvoir faire aucune tentative
sur lAIunster. » Sans nouvelles de Broglie, il a appris [ï],
par une lettre interceptée, le passage du Weser dans les
journées des 18 et 19 et les mouvements de Ferdinand qui
était camj)é sur les liauteu''S d'iloxter. Le prince de
{^ondé avec la réserve était depuis le 22 sur la rive droite
de la Lippe eu face de Hamm ; il avait jeté quelques bom-
hesdans la ville et sommé le commandant qui avait re-
fusé de se rendre, alléguant qu'il attendait des secours
du prince héréditaire. Deux jours après, Soubise si-
gnale (5) l'arrivée à Hamm de détachements ennemis qui
avaient repoussé nos troupes légères. Condé a suspendu
le bondjardement, « il m'a paru inutile, ajoute l'écrivain,
de s'approcher davantage de la Lippe, ne voulant pas
faire une entreprise sur Hamm qui exige des préparatifs.
C'est un poste très bien accommodé qui demande un éta-
II I
(1) Soubise à liioglie, 17 cl 19 îioùt l/til. Archives de la Giierri'.
(2) Situation de l'aimée de Soubiso, 17 août 1761. Archives de la Guerre.
(3) Soubise à Clioiseul. Albachten, Tî aoùl 1761. Archives de la Guerre.
('») Soubise à Uroglie, AI)erloh.2i août 1761. Archives de la Guerre.
(.'.) Soubise à Broglie, Abciioh, 26aoiH 1761. Archives de la Guerre.
«KTOIII DU I'1UN( i; NKUKDITAIUK EN AVKSTPIMMi:.
140
Ijlisscniont de hattericscn rè.iile et le passage d'iiu double
fossé ; il me parait que les ennemis veulent le conserver ».
La veille, c'est à Clioiseul qu'il rendait compte (1). L'en-
nemi se renforce, aussi a-t-il envoyé lUisenval pour ap-
puyer Condé ; il ignore si le prince liéréditaiic en per-
sonne est revenu à llamni : <> Je ne néglige, ajoute-t-il,
aucun des moyens qui peuvent attirer l'ennemi et l'enga-
ger à se com[)romettre, innis jusqu'ici il s'y refuse et je
crains qu'il ne se contente d'empêcher toute opération es-
sentielle et qui puisse former un établissement pour l'iii-
ver. » Soubise ne se trompait pas sui' les intentions de son
adversaire, mais il ne paraît pas s'être douté qu'il lui ap-
partenait d'tintraver son action, en profitant de la supé-
riorité numérique qu'il avait sur lui pour prendre l'ini-
tiative d'une attaque.
Néanmoins, (pielque faible qu'eût été la <lémonstration
de Condé contre llamm, elle avait eu pour elTet de ra-
mener en Westphalie le prince héréditaire. De Scherfede
jii était le quartier général de ce dernier, le général
Uieim prit les devants le -21 août avec H bataillons et
8 escadrons, marcha ra[)idement et débloqua dans l'a-
près-midi du *iV la garnison d'Hamni ; le prince suivit avec
le reste de son corps d'armée et rejoignit son division-
naire à Hamm le 27 août. Le retour en Westphalie du
prince héréditaire ent>'aînait une modification sérieuse
des plans de Ferdinand. Ce prince craignant l'invasion du
Hanovre que semblaient indiquer le passage du Weser
et le mouvement des Français dans la direction d'Fimbeck,
mis au courant des projets de Uroglie par une dépêche
interceptée du 17 août, s'était déterminé, [loiir les contra-
rier, à la manœuvre devenue classi<pie de la diversion sur
la Hesse ; à défaut du prince héréditaire, appelé au se-
cours de Hamm et de Munster, il dut se charger de len-
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(t; Soubise à Clioiseul. AlierJoh, :>:> août 17<;i. Aicliives de lu Guerre.
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LA dUElUU': UK SKI'l ANS. - CIIAP. V.
trepi'isc. Confoiinrnienf au procrainmo nn-Até. (ii.mhyi l^i
le 2'i. août, avec 11 ))atailloiis, Ki escadrons et un petit
parc «Icsiùge, fut dirigé sur IJoryliolz avec ordre de s'em-
parer du cliAtcau de Dringelborg- ; Conway (2), à la tète
d'un contingent d'importance pi'es((ue égale, marcha sur
Mof (leismar sur la rive gauche de la Dymel. r>p(»rcken,
avec son corps (rarniée {id hataillons et 17 escadrons), fut
maintenu à Hronckhauscu près de lldxter ; \Viitginau avec
() hataillons et S escadronseut à surveiller de l'olle les envi-
rons d'IIamclen dont lagarnison, ainsi que celle de Hanovre,
avaient été renforcées ; sur la rive droite du Weser, dans
le pays de Sollinge. le général LiicUncr, tlanqué des par-
tisans Fiicdrichset Riedesel, appuyé par la division Wan-
genheim, devait conserver la missi'^n d'observer les Fran-
çais et de harceler leurs communications. Le 25 août,
Gi'anhy et Conway franchirent la Dymel et le lendemain
Baueravcc l'avant-gardc s'empara du château de Dringel-
borg dont la petite garnison se rendit après un bombarde-
ment de :{ heures ; le 27. Ferdinand échangea son quartier
général de Brenckhauscn poui' celui d'immenhausen, sen-
siblement plus rapproché de(^assel, et le 28 il fit tirer le
canon sur Munden et sur des colonnes françaises qu'on
voyait en marche sur la rive opposée du \Veser. F^e con-
seiller habituel du prince, Westphalen (3\ ne croyait pas
au résultat efficac»; de la démonstration, craignait que
Broglie ne proIltAt de l'absence du gros des confédérés
pour pousser une pointe contre le Hanovre dégarni et se
montrait partisan du retour à la Dymel.
Contrairement à ces prévisions, Broglie tondjait dans le
piège ({ui lui avait été tendu. Avisé que l'ennemi avait
(1) Fcrdiiiand à Giaiiby, Hreinkliausen, fi août I7<il. WVsIphalen, V.
p. :«3.
(2) Ferdiiiand à Coinvay, Bienckhaiisen, ii août l'dl. Westphalen, V.
p. 76:^.
(3) Westplialoii à Ferdinand, 28 aoùl 1701, \Vest|ilialen, V, p. 771.
DIVICUSION DES CONFKDKIMIS EN IIESSE.
151
jeté un pont sur le Wescr à Corvc\ , il rivait fait rétrogra-
der Clausen (riltixtcr à Uslar, puis à Fulseu où il devait
être soutenu par le duc de Duras avec V brigades d'in-
fanterie ; le quartier général était établi à Sulbeck. Ke
cette localité, il mandait à Choiseul (1) le 25 que tant
que le prince héréditaire sera sur la Dymel et le prince
Ferdinand à Hoxter, il lui est impossible de donner
suite aux projets contre le Hanovre, car il pourrait être
forcé de i< donner une batailb; le nez à la liesse et le pays
d'Hanovre derrière moi ». Cependant, il ne renoncerait
pas à son plan : « Je ne sais ce qui peut vous l'aire croire
que je veni'Jc rien clîangerau projet du 28 juillet; je ne
m'en suis; jaioiis écarté. » Le 20, Hroglie était encore in-
certain sur les mouvements des confédérés (2) qui avaient
quitté Uslar et semblaient remonter la l'ive gauche du
NVeser; il attirait l'attention de Stainville sur la nécessité
de faire balayer le Salaborg' (région située entre la
Dymel inférieure et le Weser). Entre temps, Grandmaison
avait exécuté (;{) un raid sur Nordhausen et y avait sur-
pris le partisan (iesehrei « avec tout son corps au lit; il
avait enlevé VOO chevaux, ses équipages, masses, maga-
sins de toutes espèces et carrosse ». Les prisonniers étaient
pour la plupart des déserteurs franc^ais. Pendant les jour-
nées des 25, 26, 27 et 28 août, il y eut échange continuel
de dépêches (V) entre le maréchal et Stainville; celui-ci
confirme le 25 l'avis du départ du prince héréditaire, le
lendemain il annonce le passage de la Dymel par un corps
ennemi qu'on croit être celui de (iranby ; en conséquence
il envoie deux régiments renforcer la garnison de Munden;
du côté de la Werra, il ept rassuré par les avis de Grand-
I
(I) Bioslie à Choiseul, Sulberk. 2:. aorti 17C.1. Archives (!<• la Guerre
[2] liroglieà Stainville, Suliiedi, îii août i;01. Archives de la Guerre.
(3) GraudiuaisonàTresnel. Esciiwege, 24 août 1761. Archives de la Guerre.
(4) Stainville à Uroj^lic, 25, 2f., 27 août 1701. Archives di; la Guerre. —
Broglie à Stainville, 27 août 17r.l. Archives de la Guerre.
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15'i
LA GL'KHUK DK SEI'T VNS. CIlAl». V.
maison (|ui se icud à lleili,u('iisl,i(ll : « cotlo nouvelle
m'a li'ôs Ition trarn[uillisé... car je ne crains rien ici,
«juand môme le prince rcidini.ud y viendrait avec toute
son armée ». Au courant de la Journée du 27, S'ainvillc
apprend (jue (Iranhy est à (ieisinar, qu(! Freylay et Stock"
hausen sont entrés dans la i'orèt do Salaborti ; Ferdi-
nand est venu en [)ersonne l'aire une reconnaissance il
une lieue et demie de Cassel. Le 27 au soir, Broglie in-
formé ((ue le prince est encore le 2() àlloxtei', <[ue Granl)y
n'a avcclui (|ue 15.000 homnii^s, dépêche ùStainville dos
renforts qui lui con.-.titueront un total de 32 bataillons,
28 escadrons et 24 canons. Avec ces troupes, son lieute-
nant sera en état de marcher sur Immerhausen dt li-
vrera bataille s'il le peut.
Dans un second ra[)|)ort du 27 à midi, Stainville com-
mence i'i s'émouvoir du i)roche voisinage du prince Fer-
dinand : « Le château de Dringelborg- a été pris hier à
'i- heures après-midi, après avoir été tout à fait brûlé et
abîmé; le commandant vient de m'ètre renvoyé ainsi que
sa garnison, M. le prince Ferdinand a son quartier aux
bains de tleismar, myiord (iranby dans la ville de Geis-
mar, et ou croit ((u'ils se camperont aujourd'hui près <lu
village d'ilolienkirchen. M. de lîauer y a couché celle
nuit. Vous voyez. Monseigneur, qu il ne m'est pas possible
dans ce moment-ci de ([uitter la position que j'occupe.
M. de Durenberg (1) asciipé hier chez le prince Ferdi-
nand qui lui a dit (|u'il n'y avait que 400 hommes
dans Cassel, et que je campais avec une poignco de
monde aux environs, il l'a chargé de me faire ses com-
pliments. Je vous avoue que je ne comprends rien il
toutes ces manœuvres. Puisqu'il est capable de passer
la Dymel pendant que vous êtes dans le pays d'Hanovre,
il le serait aussi de passer la Fulde et d'attaquer le poste
(1) Commandant français de la sarnison de Dringelborg.
I#^'"
ri»
LES COMIDKRKS lUCPASSENT LA l)^.MBL.
151
de Miinden. et se niettio entre vous et moi. Ces! à
vous, nionsei^ueiir, à ju.uor «le la possil»ilité de mes con-
jectures. Je ne puis guère me dégarnir d.ivantfiKe pour
soutenir le poste de Munden. >' lîroglie répond à son lieu-
fonant (ju'il n<^ croit pas (|ue Fei'dinand pousse jtisqu'à
Cassel. Le renvoi de la gfii'iiison do Dringell)org et les
propos du prince n'ont d'iiutre init <|ue do nous tromper
sur ses desseins; cependant il fait marcher Clausen et
Duras avec 20 bataillons sur Munden. Le 28, le maréchal
y rejoint ce détachement, assiste à la canonnade inutile
que les confédérés exécutent de l'autre rive du fleuve,
puis se porte de sa personne a Cassel. Suivant les ordres
r(M;us, Stainville avait fait une pointe dans la direction de
(ieismar et avait eu la satisfaction de voir les confédérés
l)attre en retraite devant lui. Cependant, le 28 (1), l'en-
nemi semblait à Stainville encore manifester des inten-
tions offensives : 2.000 ciievaux devaient escortei' jusqu'en
deçà de Ilohenkirchen le prince Ferdinand « en personne
qui nous a regardés pendant une heure ».
Jusqu'au M août, les armées restèrent inactives; ce jour-
là les ordres do retraite ['li furent donn/s à l'armée confé-
dérée qui repassa la Dymel le T' septend^re. L'excursion
de liesse, e.vécutée par les grosses chaleurs d'été, coûta
beaucoup de malades aux régiments aiiiilais. Granby, qui
commandait en chef le contingent britannitjue, demande
la création d'hôpitaux (3) pour recevoir 800 malades à
renvoyer des andjulanceset se propose d'en évacuer 2.000
sur Brème. La trêve virtuelle <(ui succéda aux n.ouvements
do la fin d'août se prolongea une partie de septendire;
Broglie, après un séjour do quelques jours à Cassel, revint
t'
(1) Stainville à Broglie, 28 août 17G1. Archives de la Guerre.
(2) Weslpliaien, V, p. 790.
(■■i) Granby à Ferdinand, 2 septeml)re 1761. Wesphalen, V. p. 7',t;{. — LK-
tat des troupes anglaises indique à la lin de septembre 3.80'.) malades sur un
effectif de 20.437.
Ht
i.\ (;iiKiu«i'; i»r. s>:i>t ans. - ciiap. v.
A Sulhcck puis ù Kimix'ck; ses (Irlaclicinonts cnn'nt à
cnl'»•^isti•('l• <|m'l(|ii(>s succrs [nirlirls. |{ol>mi((' prit sa rc-
v;mclie en dispersant juvs (rOsttu-cMlc dans le Harlz (1 le
curps de Froytji^^ ol on lui faisant VôO prisonniers; Cliaho
suii>rit les Imssards de Banei- près de Scluii'f Oldendoil",
leur enleva des prisonniers (2), « tous leurs écpiipa^es «pii
ont enrichi nos j^^ens, des carrosses, beaucoup d'aryeut et
de nii)peset une très jolie fenuiie ». l'ne Icîttre de Hroylie
à SiHibise 3. rend compte de la situation; le j^ros de
larniée est avec lui à Eind)eck depuis le H se[)teinbre,
Stainville avec une grande partie de son corps cami)e
entier (irebenstein et Marienilorl"; le prince Ferdinand avec
le uios des confédérés entre Liebenau et llelineruhausen
sur la Dyniel : « Il a un corps considérable au-dessus
d'Iloxter, un autre près de Polie et un troisième aux ordres
de Liickner entre la Lcine et Goslar. Voilà l'état des choses
ici, tant <pie vous occuperez le prince héréditair»;, il res-
tera devant vous; du moment que vous cesserez de lui
donner des inquiétudes, il reviendra sur la haute Uymel
menacer la gauche de M. de Stainville.
iicvenons àSoubisc et voyons comment il s'acquittait de
la tAche qui lui incond)ait. Nous l'avons laissé dans la
banlieue de Munster bien décidé k ne pas tenter le siège
de cette place et très désireux d'obtenir l'appiobation du
Hoi ])our l'incursion d'Ost Frise. Dans une dé[)èche à Choi-
seul (V) il développe les raisons de sa conduite : « On ne
peut pas imaginer un moment d'e.xposer rartillerie devant
une place qui peut être secourue et surtout dans un pays
où (juatre jours de pluie rendent les ehenùns absolument
impraticables. A moins que M. le maréchal do Broglie ne
trouve moyen d'attirer le prince Ferdinand à la rive droite
(l)Belsunce au comtfl do Broglie. 'i scpl. ITfit. Ardiives de la Guerre.
(■-!) Clialio au coiiile de Hroi-lie, Vcrlesheiin, .5 sept. l"r>l.
(3) Broglie A Soubise, Eiiiil»eck, 12 sept. 1761. Arehivesde la Ouerro.
(4) Soubise à Gliuiseul, Ai>|ielliauReu, 27aoiH 1701.
SOI iiisK uKNo.NCE AU 8ii:(;ii m: minstku.
ir>r>
du WcstM', (l«r le coiiiliatti'e ou de ^e placer intciiuédiaiie-
mcnl ontrn l'artuée onnoiiiic et celle destinée à faire le
siège (l(î Kip|>sliiill..le crois (pi'il s<îniil iiiipiudent et nièrne
téuu'iaire d'en l'aire la tentative; celui de Munster, (juni-
(|iic moins difllcile à heaueoupd'é^iards, serait encore sujet
à de très grands risipies, et il laudr.iil rassembler bien des
moyens pour se llatl(U' di' pouvoir réussir, .le vais donc me
borner à suivre les diversions commencées par la droite et
la gauche. Pendant (jue les ennemis portaient toute leur
attention sur Warendorl', et prin(i[talement sni- Ilamm,
M\\. de Conflans et de (^atnbefortont gagné du terrain. Je
crois le premier très [>rès d'OsnabriU-k. .M. de Vogué est à
Aldenberg pour le soutenir et lui envoyer du reid'ort s'il
se trouve en avoir besoin. Vous avez bien raison, Mon-
sieur, ces diversions dans l'Ost Krise sur le bas Kms et
dans le pays d'Osnabriick ne peuvent être solidement
établies, tpiand on n'est ])oint maltie de Munster, aussi
je songe dans ce monient-ei à détruire les magasins des
ennemis, en enlever et faire transporter une partie à
Wcsel, prendre des otages et tirer (|uel([ucs (-ontribu-
tions. » Peu de temps après avoir fourni ces e.\[)lications,
Soubise reçut de la cour un avis(l) qui les approuvait
d'avance. Choiseul reconnaissait (\ue le siège de Munster
était impossible tant que Kielmansegge s'y trouverait
avec ses troupes, il acceptait l'entreprise sur l'Ost Frise.
Kielmansegge, qui avait (juitté momentanément Munster
pour rejoindre à Ilamm le prince héréditaire, y revint
avec un détachen»ent; à la tête de ses forces réunies, il lit
du côté de Koxel une sortie peu heureuse qui fut repoussée
avec la perte de (500 hommes tués, blessés ou pris. Au
dire de Turpin de Crissé (i) « il aurait été très facile de
battre ces G. 000 hommes et en les pressant bien fort d'en-
l'B?
'^'
'i!
Il ,
i' '^ i
t
(1) Choisoul à Soubise. I^AÊÊitHt. Archives de In Guerre.
('2) Tui'pin (le Crisséà Lu»«ÉM.ltor8U'iii. 7 septembre. Documeiils inédits.
150
LA {iUKfUlK DE SKPT ANS. — CHAP. V.
l' 'V.
trer pèlc-mèle avec eux dans Munster ». Pendant que Sou-
bise s'attardait devant cette place, le prince héréditaire,
arrivé à Ilanini le 27 août, ne perdait pas sou temps et ma-
nifestait sa présence par un coup de main hardi sur le
poste de Dorstein où étaient installés les services de la
boulangerie ; le général français, inquiet sur le sort de
Dorstein, avait envoyé Coudé à Dulmen et Voyer à lluis
Dulnien. C«'tte précaution fut ])rise trop tard : le prince
héréditaire avait détaché de Hamm le colonel Huth à
la tétc de 3 bataillons, un régiment de dragons et 'i ca-
nons avec mission d'enlever le bourg de Dorstein et sa
garnison composée d'un bataillon du régiment liégeois
de Vierzet et de quelques piquets d'autres corps. La ville,
attaquée le 30 août à 0 h. du matin, fut bien défendue;
39 maisons furent détruites parle canon, ou se battit dans
les rues, mais en fin de compte la garnison dut se rendre.
Les vainqueurs s'emparèrent '1) « d'un amas considérable
de farines, d'avoines, de bois » et de 600 prisonniers. Le but
de l'expédition, qui était de détruire les fours de l'armée du
lias-Rhin, .fut pleinement atteint. Soubise ne perdit pas de
temps *2 1 pour réoccuper Dorstein, il se porta le 2 septembre
à llaltern sur la Lippe et poussa Voyer sur Dorstein : à l'ap-
proche de ce dernier, les confédérés évacuèrent leur con-
quête ; dans leur retraite ils eurent à livrer un combat d'ar-
rière-garde dans le([uel ils perdirent le partisan Scheiter,
1(50 prisonniers et un canon. Le 5 septembre, le quartier
généraldeSoul)isefut installé à Westerholtz entre la Lippe
et l'Emser ; le prince héréditaire, c[ui s'était avanoé juscpi'à ,
Dolmen, en partit le 7 au matin en route pour Mamm ;
d'api l's les informations françaises, il avait sous ses ordres
22 bataillons, 28 escadrons et des troupes légères. A rai-
son de (iOO par bataillon et l'i-O par escadron, chilfres très
(1) Journal de l'arméo confédérée. Bune, 9 septembre 1701 . Record Oflice.
('2) Soubise à Uroglic, llallern. ;! sepleinlire 17CI. Archives de la Guerre.
INACTION DE SOUIMSK.
157
élevés pour une lin de caivfjagnc, il pouvait donc disposer
au i)lus d'environ 18.000 liouinies contre lesquels Soubise
et Voyer pouvaient réunir 55 bataillons, 35 escadrons et
quelques troupes légères, soit au moins -iô à 2().000coin-
batiants. ('ependunt, le général îrançais n'avait aucune
intention de prendre l'oirensive contre son adversaire. Le
12 septembre, il prévint Broglie (1) que le prince hérédi-
taire retournait à Ilamm après avoir détaché quelques
troupes sur Munster. « Peut-être avec le reste son projet
est-il de rejoindre le prince Ferdinand aussitôt que sa
marcJiesera décidée, je chercherai à vous instruire le plus
promptement ([u'ilscra possible, o A. Clioiseul, il écrivit (^2
dans le même sens, tout en ajoutant qu'il cherchait à occu-
per l'ennemi et à l'empêcher de renforcer le prince Ferdi-
nand; « cependant ils en son» toujours lés maîtres et je ne
puis parer la facilité des chemins de Lippstadt ou de Hamm
à Paderborn ».
En efl'et le prince héréditaire était de nouveau on route
pour hiDymel; le 15 septembre, Stainville 3i confirmait
la nouvelle en envoyant à IJroglie une lettre interceptée
du prince à son oncle : k Je me lii\te de remplir ses in-
tentions, écrivait le premier à la date du iV, en me con-
tenant le mieu.v que possible sur la Dymcl contre
M. de Stainville. J'y réussirais mieu.v si elle pouvait me
renforcer de quelques troupes légères pour empêcher les
courses sur ma droite. » Quant à Soubise, il se bornail
à enregistrer avec philosophie les mouvements de l'ad-
versaire et à ne se préoccuper que des excursions sur l'Kms
et en Ost Frise : « Je crois, mande-t-il à Jiroglie (i), que je
(I) Soubise il llioglie, Weslorliolt/, 12 seiileinbre 17C1. .\n'lii\es dt> la
Guerre.
(•>) Soiibi.se il Choisciil, Heclilingliauson, l'Jsepl. 17fil. Arch. de la Guerre.
(3) Slainville i\ Broglie, Grebenslein, 15 septembre l'fti, i li. |i. m. Arcli.
de la Guerre.
I i] Soubi.se à Bro;^lie. UecklinghaïKcn. 13 septembre 1761. Archives de ia
Guerre.
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158
LA GUEIIUK DE SEPT ANS. — CIIAP. V,
1 I
i;
vais me rapprocher de Munster et porter des détaclic-
incnts par ma gauche le phis avant qu'Usera possihle. »
Le ton de la correspondance qu'il entretenait avec Choi-
seul (!) révèle le sentiment de rimpuissance la plus ab-
solue : " .le ne puis m'opposer au départ du prince hé-
réditaire et je ne sais si les diversions que je me trouve
en état de faire produiront un prompt retour de sa part.
Vn corps de V.OOO hommes, campé pr;"'S de llamm, rend une
entreprise sur cette ville prescjuc impossible. Le succès en
serait au moins très douteux et les ennemis seraient les
maîtres d'y envoyer du secours, .le ne; parle point de la
difficulté d'assurer les subsistances, on pourrait y parer
en faisant un nouvel établissement à llagen, mais cette
communication demanderait beaucoup de troupes pour les
(iscorles, et au moindre mouvement des ennemis, l'armée
serait obligée de revenir sur ses pas. Par la même raison,
on ne peut se déterminer à suivre les pas du priace hé-
réditaire. > 11 exposait ensuite sans grande conviction les
opérations ([u'il pouvait exécuter : (( Il me reste à tenter
une nouvelle diversion sur le bas Ems. En me portant
avec l'année à C.oesfeldt ou aux environs, je puis couvrir
les détachements (jui pénétreront dans l'Ost Frise et d'un
autre côté dans le Diepholt (2) et jus([u'aux portes de
Rréine. Les ennemis ont un gros magasin dans Meppen.
Cette petite ville est fortifiée, mais la garnison en est très
faible et Cambefortqui la connaît bien assure qu'elle ne
tiendrait pas îï heures. .le suis bien éloig.ié de répondre
que cette petite expédition fera revenir le prince hérédi-
taire; elle est sûre et facile; on retirera quehpies contri-
butions, un fera rentrer dos fourrages. L'armée vivra dans
le pays (pie les ennemis doivent occuper pendant l'hiver.
Ce sont des avantages qui ne sont pas à négliger, mais qui
(1) Soul)ise à Choiscul, Rerkliiii^hausen, l."i soplenibrc 17GI. Archives de
la nuene.
(2) Région Piilre le Las Rhin e( le bas Woser.
PROJETS DE DIVEUSION SI H I.K ItAS KMS.
159
n'arrêteront point renncnii... Le prince héréditaire a
paru plus sensil)le aux démonstrations d'attaque faites sur
Itamni. La saison étant plus avancée, il juuera que nous
ne songeons loint à y faire d'établissenient, et selon les
apparences il y portera moins d'attention. " Sans doute il
serait possible de bombarder la ville, mais on courrait
risque d'atteindre les blessés et malades français qui y
sont en nombre considérable et, tout compte fait, l'opéra-
tion même couronnée de succès ne vaudi-ait pas la perte
qu'elle entraînerait. " Cependant, si j'étais sûr de produire
une diversion bien essentielle, je ne balancerais pas... Je
n'ai point parlé d'un autre parti qui S(M'ait de suivr-: le
prince héréditaire s'il se dirige sur la haute Dymel. La
difficulté des subsistances serait une des premières à
surmonter; les convois auraient bien de la peine à arriver,
et de quelque côté que puisse marcher l'armée, elle ne
peut s'éloigner de plus de 18 lieues des points de Dussel-
dorfou de Wosel. » Deux jours après, il revenait à son
sujet favori : Cambefort et Conflans sont en route pour
Meppen, Condé sera le \H à Pulmeu et le lî> à Coesfeldt.
« Vogué le joindra et j»' le suivrai à 2'i heures près ».
(Mievert restait au camp de Recklinghausen avec 8 ba-
taillons. <> escadrons, (juelques dra,:.<»ns et la maison du
Koi pour garder les communications avec les dépôts du
Uhin.
Conformément à ce qu 1 avait annoncé, Soubise installa
son quartier général le 20 >e[)fembre à Coesfeldt : « L'ar-
mée est arrivée ici, avant-hier, écrit-il à Choiscul (1),
comme j'avais eu l'honneur de vous l'annoncer. M. le
prince de Condé est à llorstmar ;ivec la réserve à V lieues
de nous, et à peu près à la même distance de Fiheine sur
l'Kms. Ce sera le point d'appui et de rallienuMit de tous
%
f
I
II
(1) Soubise i\ Choiseul, Coesfeldt, 2:>. septembre ITCi. Aichixes di- la
Oucrie.
■-rrrrr.
ICiO
L.\ GL'ERRE DE SEl'T ANS. — CllAP. V.
M
i r I
nos détachements. M. de Voyer doit y rester avec six ba-
taillons de grenadiers et chasseurs. Il portera au delà de
l'Ems 600 dragons et VOO maîtres de cavalerie, destinés
à protéger la retraite des volontaires qui doivent se ré-
pandre dans le pays d'Osnabriick, de Uecklinboui'ii,
liingen, iJiepholt aussi loin et aussi longtemps que les
ennemis le permettront. MM. de Wurmser, Viomesnil et
Comeyras les conduiront avec vivacité et prudence. M. le
marquis de Contlans et M. de Candiefort ont une destina-
tion particulière. Ils ont hier dépassé Meppen, après une
reconnaissance très exacte ils ont jugé cette petite place
à l'abri d'un coup de main. Ils se sont contentés de la
masquer. Les ennemis ont une garnison de iOO hommes,
une trentaine de pièces de canon de fer, et quelques
mortiers. On m'assure qu'il s'y trouve des magasins a^sez
considérables. Selon les circonstances, et le temps que les
ennemis me donneront, je verrai si l'objet vaut la peine
d'envoyer une brigade d'infanterie et quelques pièces de
gros canon" de campagne, pour s'en rendre maUres. La
distance de 2(^ lieues me retient beaucoup. En attendant,
M. de Contlans poursuit son chemin vers l'Ost Frise, .l'es-
père qu'il y pénétrera et (|u'il en reviendra heureusement,
après avoir établi les contributions. .le serai très occupé
de favoriser sa retraite et j'espère que nous réussirons.
Les ennemis n'ont dans cette partie que deux régiments
de dragons arrivés depuis hier aux environs de Munster.
Nos détachements de dragons et de cavalerie suffisent
pour les contenir. » Il était difficile pour un général de
faire preuve de plus de timidité; il est vrai que Choiseul
avaitécritau prince(l ) : « S. M. approuve votre prévoyance,
la prudence avec laquelle vous vous conduisez. »
Séparons-nous de Soubise k Coesfeldt, où son quartier
général demeurera jusqu'au IV octobre, et revenons à la
(1) Choiseul à Scubisc, 29 août 1701. Archives de la Guerre.
1 1^. i<K<gai?ftWSSSW«"-i T-wï^sîT :',
s ■■^i#**itfâj^L^-..*'*
nKOCLlK EXPOSE SEP PROJETS.
lf',1
liesse où les conledérés vont pénétrer pour la troisième
l'ois. Aussitôt de retour de Cassel à Sulbt-ck, liroglic
cliercho à se justifier (1) des premiers reproches reiais à
propos du passage du Weser; cette opération faisait partie
du plan du -28 juillet; jamais l'armée n'avait été en danucr
et toutes les précautions avaient été prises pour la pro-
tection de la liesse. Sa plaidoirie achevée, il passe à
l'examen de ce qu'il est possible de faire pour l'avenir :
« Nous avons cru ensuite que le seul moyen de rappeler
le prince Ferdinand clans le pays d'Hanovre était de lui
faire craindre de nous y voir marcher avec des forces
considérabl(>s et d'y prendre l'oircusive, et c'est ce que je
connncncerai à faire le 11. Je suis obligé d'attendre jus-
qu'à ce jour pour donner le temps aux troupes qui com-
posent la réserve de iM. de Clansen d'arriver et d'y joindre
celles qui étaient aux ordres de M. de Helsunce (2) alin de
le mettre assez en force pour se mesurer avec le corps de
Liickner. et aller même l'attaquer toutes les fuis qu'il y
aura possibilité, -l'irai demain à Eimbeck reconnaître
j)lus particulièrement la position (]ue je pourrai y faire
prendre à l'armée et y convenir avec M. le comte de Lu-
sace de celle où sa réserve sera placée. »
Broglie envisag^e les trois partis qui s'olfrent au prince
Ferdinand : H peut à son choix entreprendre une nouvelle
diversion contre la Hessc et les communications avec
Francfort, bîirrer le Weser et porter les hostilités du côté
dEimbeck, entln renforcei' les trou[)es qu'il a déjà dans le
pays d'Hanovre afin de mieux empêcher d'y pénétrer.
« Dans la première supposition, s'il se détermine bien
sérieusement à entrer en Messe, et qu'il cherche à y faire
un établissement solide, je serai forcé de m'en rappro-
cher et de tenter de le combattre, ou s'il ne veut pas se
■y^i
(1) Hroglie à Choisciil, Sulbcck, 8 seplonibrn ITOt. Aicliivcs de la Guerre.
(2) llelsiinre avait été ra|»iielé à Paris et ciiargé d'un cDiiuuaiulemeiil aux
Antilles.
(;lki\iii: di. si:i>t ans. — t. \ . 1 1
tG2
LA dUl'IUU': DE SKl'T ANS.
CIIAP. V.
¥'i'..i
'(^ I
lu,.' ; ■!
commettre X une Jiclion, do l'obllyer de rcpassci* cette
liviùrc. S'il passe le Weser A lliixter avec la plus grande
partie de son armée pour marcher sur moi à |yml>eck, Je
liVchcrai d'en être instruit <'t de me trouver en mesure
de regagner les hauteurs de Moringen pour ne pas me
trouver séparé de Gottingen. S'il avait totalement aban-
donné la Dymel, M. de Stainville marchant par sa droite
et passaijt la Fulde pourrait venir se joindre à ma gauche.
Si enfin il se renforçait considérablement dans le pays
d'Hanovre, nous serions parvenus à une partie de notre
but de l'attirer en deçà du Weser. » (iCtte dernière hypo-
thèse serait la plus désirable, mais même dans le cas
d'une afTaire heureuse, étant données la nature du pays
défavorable à la défensive et les diflicultés de ravitaille-
ment, « on ne pourrait se flatter de s'emparer ni d'Ha-
melen, ni d'Hanovre, et par consérpient de prendre d'éta-
blissement pour l'hiver plus avant que Gottingen. Il esf
plus que vraisemblable que les ennemis éviteront une
affaire générale, qu'ils profiteront de leur position pour
nous donner de l'inquiétude pour notre gauche, que
pour cela le prince héréditaire reviendra bientôt sur la
haute Dymel et que la campagne finira comme l'année
dernière eu ayant une partie de l'armée en liesse et une
dans le pays d'Hanovre. Si cela est, les ennemis achève-
ront de faire un désct des bords de la Dymel et ne pour-
ront y tenir l'hiver beaucoup de troupes. Nous mange-
rons entièrement le pays d'Hanovre depuis Eimbeck
Jusiju'à la Werra de sorte ([uils ne pourront s'y établir,
et nos quartiers d'hiver sur la Werra seront tranquilles
d'autant que l'on tâchera de fortifier Mulhausen pour
nous donner la sûreté de tirer nos subsistances de la
Thuriuge, de l'Eichfeld et des pays de Gotha et d'Eise-
nach. Voilà, M. le Duc, tout ce que j'envisage de faisable
pour le reste de cette campagne. (Juoiquc peu brillant,
cela aura sa difficulté, et pour se préserver de quelque
■ ■ H
;^'X^^||Ki^^.
INTENTIONS DE ItRUINAND.
Ifi»
(■•chec, encore faudra-t-il. vu la position des ennemis o\ lu
lacilité (lu'ils ont de se p«»rtei* par une liyne plus courte
<|ue nous de leur droite à. leuruauche, beaucoup de vigi-
lance sur leurs mouvements '.
Hroglic avait bien percé les [)rojets de son adversaire,
tels qu'ils rcssortent d'une dcp<''cho(0 [)ostérieuro de
û jours i\ colle que nous venons do citer : « Le marôohal
de Hroglie semble en ellet occupé d'agir par sa di'oite. Il
continue non seulement à tenir occupé le llarfz, mais il
a avancé aussi le long de la boinc, quoiqu'il ne le fasse
qu'en tâtonnant, et à petits pas. Je tàcberai de faire tout
mon possible pour l'empêcher d'aller plus loin. Il me faut
encore (piolques jours })<>ur mo préparer à une expédi-
tion que jo compte de faire en Ilosso. Si elle réussit, M. le
maréchal de liroglie sera obligé d'y venir avec le gros
de son armée, après quoi je me tlatte que les parties
d'Eimbeck et du Ilartz seront abandonnées d'elles-mêmes.
Comme dans cette crise il importerait infiniment pour
soutenir la gageure contre les armées françaises do gar-
nir fortement les villes d'Hanovre, do Urunswick et do
Wolfenbuttel, j'ai détaché de l'armée (sur Hanovre) trois
bataillons qui, joints aux recrues du dépôt, et à un ba-
taillon (le milice, forment une garnison de presque V.OOO;
il m'aurait été impossible d'en faire autant par rapport
;\ Brunswick et à Wolfenbuttel ; mais le duc, mon frère, y
a suppléé ayant fait, dès le commencement de l'année
courante, de si fortes levées dans son pays ({u'il a actuel-
lement une garnison de V.OOO honmies à Wolfenbuttel,
do fa(;on que j'ose espérer que ces trois villes, extrême-
ment importantes, dans la position actuelle des armées,
se trouvent hors d'insulte. »
Le 12 septembre, l'aile droite cl le centre de l'armée
<lu llaut-Rbin étaient concentrés à Eimbcck; buckncr s'é-
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(1) l'crdinanil à lUilc. lUinc, Kt sciileniluc ITûl. Kerord onici',
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tait retiré à Ilildcsiieim; le inonicnt semhiail [)ropico poiii'
poussor iino pointe offensive dans la direction du IJruns-
wick et du Hanovre; en conséquence, Clausen, appelé d<!
la lleinliardswalde, reçut ordre de réunir le coniniande-
nient de Helsunce au sien et de marcher sur Wolfenhutlel
et Osterwick. Vaul)ecourt fut chargé d'emportei' le clià-
teau de Scharlzfeld et Caranuin fut envoyé reconnaître
les environs de lloxter. Cetle dernière expédition donna
lieu à une renconti'e sur laquelle il convient de fournir
quehfues détails M). Pour conserver le contact avec le.^
Français, le prince Ferdinand avait détaché, sur la rive
droite du Weser, Mausberg avec sa brigade forte de ï ba-
taillons et k escadrons. Ce général, placé sous les ordres
de Sporcken qui coniniandait en chef à Brenckbausen non
loin de lloxter, devait se porter sur le Motsberg près de
Xeuhaus, mais sai: ; trop s'avancer dans le pays du SoUing.
Le 13 au soir, ces instructions furent annulées et Sporcken
fut invité à rappeler de suite son subordonné à Furs-
tenberg. Le contre-ordre remis tardivement ne parvint
pas en temps utile à Mansberg. (let oflicier, éloigné de
tout secours immédiat, était tout à fait en l'air. Caraman,
averti de la situation dangereuse du détachement con-
fédéré, se porta sur lui par une marche de nuit, j)énétra
sans rencontrer (2) « ni gardes, ni patrouilles » dans le
campement du régiment de Mansberg, le mit en déroute,
jeta le désordre dans la brigade, lui enleva des tentes,
des équipenients, 3 canons et un drapeau, et lui infligea
une perte de 207 hommes tués, blessés ou pris. Un mo-
ment, Mansberg tomba entre les mains des cavaliers
français, mais réussit à s'échapper pendant qu'ils se par-
tageaient sa dépouille, remit un peu d'ordre dans sa
troupe et regagna le Weser qu'il mit bientôt derrière
(1) Voir il ce sujet, Westpiiak'ii, V, p. 851 et suivantes.
(2) Broglic à Choiscul, Eimbeck, 15 seiiteinlire 1701. Arcliives de la Guerre.
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DISr.HACI-: DK SPORCKEN.
165
lin. [.p prince Fcnlinand, plus furieux de ce (pfil voanv-
dait couime une désobéissance que de l'incident peu
Huporfant en Ini-tnôme. s'en prit à Sporcken dont il
trouva les explications insuftisantes (1). A la suite d'une
correspondance ai,^re-d..ncc, le général hanovrien de-
manda sous prétexte de santé un congé qui lui fut ac-
coi'dë; û fut remplacé par Wangenheim.
(1) Sur la leUri. de Sporcken, Ferdinand avait écril dn sa main : „ Q„.lle«.
iilalines(s,c) excuses. C'est insoutenable. .. SVeslphalen, vol. V, ,.. S;!.
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HAIIONS AUTOUR l/KIMIthXk. — l'IUSi: l»KS <,)! A» I IKItS
n'illVKK. — lUSdEACK IH. ItROliLli:.
L'invasion du Ilanovn», qne semblaioi présager les
mouvements de Hrof:li(', était redevemie le principal
souci du prince Ferdinand; il en écrit à Lord Bute; il en
confère avec Westphalen : « Faut-il s'attendre A une
marche immédiate des Français sur la ville de Hanovre
qui n'est guère en état de tenir plus de .{ jours? et dans
ce cas marcher à son secours avec 32 bataillons, tout en
laissant 24- sur la Dymel ef jxtur la défense d'Hr».\ter?
Faut-il au contraire avoir reconrs à une nouvelle diversion
en Messe? » — « Le parti de uMirclier sur le corps de M de
Stainville serait, répond Westphalen (l),sans doute le meil-
leur moyen de faire faire halte à M. de Broglie mais
il faudrait exécuter sans [)erte de temps cette attaque;
V. A. S. pourrait rassembler ïï bataillons et 42 escadrons
pour cette besogne. Mais je ne sais si elle trouve ce nom-
bre suffisant. Si l'ennemi ne marche pas rapidement, c'est-
à-dire s'il fait jour de repos aujourd'hui, on peut attendre
l'arrivée du ])rince héréditaii-e et aj?ir alors avec vivacité.
Et ceci me parait ce (jui convient le plus. H me semble
qu'il laut aller au plus pressant et abandonner par con-
séquent pour quelque temps la Westphalie à M. de Sou-
(I) Wostphalon à ri-nlinand, 12 soptembro 1761. Wcslplialen, V, p. 830.
M
■■-m:
LES COM-KDKUKS PASSENT LA DVi/EL.
107
bise. » L ennemi ne marcha pas activement, et Koidinand
eut le loisir (ratlcndre l'entrer en lii^no de son neven.
Conime nous l'avons dit pl'is haut, (Jiabo et Sfainvillo
faisaient bonne garde, et Hroglir l'ut aussitôt renseigné
sur le (langer (|ui le menaçait. Les dépêches di- Slainville
se succèdent rapidement (1) : le prince a passé la nuit du
15 à l'abbaye de halem, il sera le^lO à Warbuif;', aussi
Stainville a-t-il cru prudent de reculer vers ( Classe 1 ; il
campe la droite A. Immenhausen, la gauche au-dessus de
Wilhemsthal.
Knfre temps la menace se précisait; conformément aux
instructions 2^ lancées le 17 du ((uarticr génér.d de Uune,
le gros de l'armée confédérée s'ébranlait k 2 h. du matin lo
18 et franchissait la Dymel; la droite conduite par le
prince héréditaire devait toui'uer la gauche de Stainville
et marcher sur Wilhemsthal ; le centre avec lequel se
trouvait Ferdinand se dirigeait sur (Irebenstein et Immen-
hausen; la gauche sous les ordres de Wiitginau et précé-
dée des avant-gardes de Reidesel et Friedrichs avait pour
objectif Holtzhausen, Wangenheim avec un peu plus do
8.000 hommes surveillait le Weser aux abords d'IIuxter.
Lilckner, laissant à Freytag le soin d'observer la vallée
de la I.eine et le camp français d'Eimbeci\, devait se pos-
ter à Otterstein et garderie bas Weser juscju'à llamelu.
L'offensive du gros de raruu''e de Ferdinand, forte en
tout de 5'i. bataillons et de V7 escadrons, ne rencontre au-
cune opposition; lieidesel ramass*; quelques traînards et
des fourgons sur l'un desquels il trouve deux drapeaux
du régiment d'Auvergne (pii, par négligence ou oubli, y
avaient été déposés. Stainville continue ses rapports : do
Cassel il écrit le 18 Ç.l <|u'il avait été attaqué le matin
lit!
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(1) Slainville à Broglie, Clobeiistcin, Ifisepletnbic ITCl.Aicli. do la ('.iicrn'.
- Stainville à Bioglie, llolieiiliichen, 17 sept. I7(il. Aich. de la (iiierre.
(2) NN.'Mplialen, V, p. 880.
(.S) Stainville A IJroglie, Cassel, 18 septembre 17GI. Ai cliives île la Guerre.
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■ par rcidiiiiind tl piir !<• [uiiicc luTodiluirc, « ils avaient
au moins 'lO. ()()() lionuncîs » ; il scst rclirr sans pciics,
a donné (trdro ii Uoclu'chouart du so porter avec 2 bri-
,t;adcs à Miiiiden et a envoyé dcu\ bataillons de renfort
à Talarn qui est posté lY bulternberg. Mrosilie lui ré-
pond < 1 aussitôt : « .le ne puis me persuader <(u'ils
imaginent de vous attarpioi- dans U\ camp relrancbé do
(-a&.sel, ils doivent être i)i'!n surs (jU(^ vous vttus y délen-
drc/ bien; VO.UOO hommes, dont une t^-rande partie d<.' ca-
valerie, ne peuvent espérer do forcer rinfaiitorio qui vous
reste dans un aussi bon poste ; il serait h souhaiter pour
vous et pour la chose (pi'ils le tentassent. J'ai fait mar-
cher cetio nuit et ce malin 7 brigades d'infanterie, les
carabiniers, .1 briiiades de cavalerie et l)eauc(»up d'artil-
leiie pour se rendre à Asche cl llai'sle. hemain, suivant
les nouvelles que j'aurai de vous aujourd'hui, une grande
partie de ces trouj)es et de l'artillerie passeront la NVerra
et entreront eu liesse. Je m'y rendrai aussi demain. Je no
crains pas (pi'il y arrive du malheur, mais cela nous
l'ait le mal de nous obliger de rapprocher notre droite et
de nous empêcher c'.e nous étendre dans le pays d'IIano-
vro; mais comme :ious l'avons dit .souvent ensend>le, leur
position fait qu'il n'y a pas do remède à ce mal. Il n'y
alliait ([ue celui de les battre quelque part, mais il est
plus que vraisemblable que du moment que nous nous
ronlorccrons en lleisse, ils repasseront la Dymel et ce sera
à recommencer. Je compte recevoir aujourd'hui plusieurs
fois de vos nouvelles. Adressez-les moi à Ibirste où je
coucherai vraisendtlablemeut. »
Stainville se rassure; Userait désirable (2) qu'on puisse
renforcer encore de 10 bataillons français la garnison de
Miinden; il serait alors tranquille et « ils ne vous attireront
(1) Rroglie à Slainvillt-, Eimbeck, 1!) septembre 17(il. Arcliivesde la Guerre.
(2) Slainvillo à IJroslie, Cassel 3 li. a. m. r.» sqtlembre 1"(>1. Aich. tle la
Guerre.
-'tsm^'^r
MUOCr.lK AHRIVfc A r.VSSKf.
16»
pas toute votre nnuée en liesse, ce (|u"ilss(>uliîutcnt('t <l«?si-
rent Iteducouj» ». Le -li) scpleml)i'e. IW'o^lio anive à (las-
sel. Il n'y a (riiit|iii(''t«(Io à avoir (jue du eôt»'* tle Frit/lai'
et Mai'liuri;, sui- l<'s.(ue|s on sut (|iu! le prince liérédi-
taire sVsf dirigé Sl.iinville y a envoyé Tliianiies avi'c
une l)^i^■•a(le nii.xte, le niaréclial y expédie à son tour Uo-
cliarnbeau avec 5. (>()() hommes avec ordre de [)rendre le
commandement sur l'Kder et d'arrêter les progrès du
prince; (pii avait atteint Kril/lar le 'il et détaché des partis
sur /ieiienhayn et Aisl'eld. l'ne lettre interceptée de Fer-
dinand 1 i il son ueven. datée de la matinée du -20, con-
lii'uiaif ces rcnsei.tiiiemenis, tout en atténuant leur i^ravité :
« Le premier but est de s'em[)arcr de Frit/.lar, sans quoi
nous ne donnerons (pie peu de jalousie par nos courses » ;
Ferdinand engageait le prince à l'aire passer l'Kder aux
hussards (de Uicdeseli nutis jjas à rinlanteiie. La concen-
tration des Français à .Miinden, lledeniiinden et à Lut-
ternberj.;' eut pour ellet de mettre lin à re\|)édition du
prince ([ui rejoignit son oncle le 'l'.\.
lue dépèche de Hroglie à Choiseul en date du '2\ (2)
présente clairement la situation. Après avoir raconté les
mesures prises pour venir en aide k Stainville, il ajoute :
« .le mandai en même temps î\ M. le comte de Lusace et
je le priai de revenir avec sa réserve à Kinibcck, et à
M. de (Mausen de se re|)lier fV Osteradc. de ne point se
porter pour ce moment à AVollenbutel, d'autant que i)lu-
sieurs estafettes envoyées par M. de Serbelloni à M. U.
Flanagen, officier autrichien, qui sert de[)uis plusieurs
campagnes à cette armée, annon<;aient la marche d'un
corps prussien sur Hrunswick aux ordres du général Sed-
lietz le crus donc devoir faire revenir .M. de Clausen
à Osterade pour ne pas compromettre son corps jusqu'il
(1) FerdinariLl au prince liL'ri'dilaiie, Ober Wilineii, 20 seiileinbre 1701. Ar-
chives de la Guerre.
(!() Broglie i\ Choiseul, Ciissel, 21 scpleiiibre 1761. Archives de la Guerre.
1 )
-^.
170
LA r.uKHUK ni; si:pt ans.
CilAP. VI.
<c que tout ceci lïit débrouillé. J'allai le inômc jour à
lliirste et sur les nouvelles (|ue j'ai reçues de M. le comte
de Slainville ([ue les ennemis n'avaient rien tenté et qu'il
n'y avait pas d'apparence ({u'ils le fissent, je pris le parti
de me prêter le moins qu'il serait possible au désir qu(!
M. le prince Ferdinand avait de rappeler l'armée en
liesse. » Suivent les instructions données à Talaru qui gar-
dait les passages de la Fulda, à l*oyanne et (iuerchy qui
campaient sur la rive droite de la Werra : « Je lis mar-
cher M. de Chabo sur Iloltzmiinden et Bevern pour inter-
cepter entièrement la navigation do llameln à lliixter; je
mandai à M. de Caraman de se porter à Nieuhaus et Fors-
lenbcrg pour menacer Iloxter et inquiétet- la communica-
tion par terre et par eau de cette ville î\ l'arn ''>e ennemie,
et j'envoyai la légion Royale vis-à-vis de Heringen et
d'IIerstal pour le même objet; enfin je chargeai M. do
Muipeou d'aller camper près d'Uslar pour servir de point
d'appui à la légion Uoyale et à M, de Caramar;. Je me
rendis ensuite liier à Mtinden et d^ là ici; ou arrivant sui'
les hauteurs de Liiternbcrg, je vis le camp des ennemis
qui était entre Oborvolmar et Immenhausen, détendre et
se mettre en marche vers Hohenkirchen et Wilhemsthal,
et lorsque je fus ici, j'appris de M. de Stainville que Iv
prince héréditaire était parti le matin avec son corps et
avait marché par la gorge d'Ileckerhausen sans qu'on sût
encore la direction (ju'il avait prise ensuite. » Le maré-
chal relate l'envoi successif de Thianges et de Uocham-
bcau pour s'opposer au raid possible de l'ennemi sur
Fritziar, Tordre donné à Muy de se porter d'Asche à Uslar
et de pousser Maupeou avec une avant-garde sur le Weser.
Puis il expose ses projets pour l'avenir : « Sur ce (jue me
manda hier M. de Clauseii qu'^'l avait nouvelles (|u"il y
avait pou de monde dans NVoll'onbutrl, je lui écrivis do
s'y porter d'O.sterade en deux nuirchos vives, et de tâcher
de s'en «emparer. Je venais de recevoir une lettre de M. de
m ■:
CLAUSEN MAUCIliiUA SUit WOLKE.MILTTEL.
171
Marainville qui me rassurait sur la niarciie de M. de Sed-
litz sur Hrunswick, Je prévins eu même temps M. le comte
de Lusace de rcutrepiise de M. de (llauseu sur Wolfen-
butel, alin ()ue le jour qu'il l'exécuterait, il poussât un
gros détachement sur Alfeld pour occuper Liickncr
qu'on savait être revenu à EU/ sur le gi'ond chemin
d'Hanovre tV Alfeld.
« Après avoir raisonné longtemps ce malin avec M. de
Staiûville sur la position présente, nous avons pensé :
1" qu'il était impossible (ju'au moyeu du corps de M. de
Rochamheau et des places de Zieuenhayn, Marburg- et
Gicssen, il pût arriver un inconvénient considérable de ce
côté-là; 2" que ce serait remplir l'objet du prince Ferdi-
nand que de faire revenir en liesse toute l'armée pour
chercher . le combattre, parce que dès qu'il la verrait ar-
river, il se retirerait et repasserait la Dymel et nous pré-
viendrait peut-être dans le pays d'Hanovre. D'api'èscela,
nous sommes convenus que le meilleur parti à prendre
était, après avoir pourvu à la sûreté de la communication
de Cassel à Miinden par un nombre de troupes suffisant,
de s'attacher à interrompre la communicationde llameln à
l'armée ennemie, de tenir le plus de cavalerie et de che-
vaux d'artillerie et des vivres qu'il serait possible dans le
pays d'Hanovre pour y subsister et ménager la Hesse, et de
pousser des corpsle plusavant que la prudence le permet-
trait dans les pays de Hanovre et de lirunswick, et c'est
ce que je vais faire exécuter. »
Pendant les jours de tranquillité relative qui régnèrent
autour de Cassel, il y eut quelques combats heureux pour
les l"'rançais. A WilhemshJilie. Verteuil enleva le poste de
la Cascade avec sa garnison d'une com[)agnie d'Kcossais;
les partisans ba Sarre et Vallières traversèrent le Wesei-
près de Heverungen, bousculèrent les postes ennemis et
revinrent sur la rive droite, ramenant avec eux lôo pri-
sonniers.
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LA (:Ui:UUE DE SEPT ANS.
CIIAP. M.
Uu.uit jï (-liiusen qui avait et»!* envoyé le 15 septembre (1)
à (ioslaravecoi'dre de pousser une pointe surWolfenbiilhîl,
il avait paru devant cette place le -lï avec un corps de
10 bataillons et 20 escadrons, somme inutilement le gou-
verneur Stammcr. j( téquel([ues i)oulcts dans la ville, mais
sms son artillerie «[u'il avait prêtre à Vaubecourt, il ne se
crut pas assez fort pour tenter un assaut et, conformément
aux ordres re(*us de Bi'ogl*e,se rabattitsur Kimbcck. Vau-
becourt, expédié à peu près en même temps que Clansen,
fut plus heureux; après une courte canonnade, il s'empara
le i.") sepltiubre parca[)ituIation du cliAteau de Schartzl'eld
près de llor/berg', et de sa garnison qui se composait de
:n8 officiers et soldats.
Broglie étnit demeuré à Cassel. attendant le dép. t du
prince Ferdinand ({u'il aurait voulu bi"us([uer (2) en fai-
sant mine de passer le Weser en amont de lloxter. I.)e son
côté, Choiseul avait eu le temps de rédiger et d'expédier
de l»aris un plan d'opérations (;r tendit it à forcer les
confédérés à évacuer la liesse : Broglie le trouva inexécu-
table. Il s'agissait de laisser Clausen vis-à-vis Liickner en
Hanovre, de marcher à laDymel on faisant agir Stainville
par Stadtberg et sur l'Alm ; si Ferdinand reculait, on dé-
vasterait le pays, « cai il est trop tard pour songer aux
sièges ». On voulait une rencontre; au cas où elle serait
impossible à amener, il faudrait penser aux quartiers d hi-
ver.
De Cassel où il était ene<»re le 1" octobre, Broglie (V)
opposa ses conceptions à celles de Choiseul : faire de la
liesse le théâtre des principales opérations serait entrer
dans les vues du prince Ferdinand et renoncer aux béné-
lices d'une occupation même tenq)oraire d'une partie du
(1) Broglie à Clioiseul, Eiinbeck, lô st'|iteiiiltre I70!. Aicliives de la Guerre.
(ï< Hroijlie à Choiseul, Cassel, 30 si'|iteinhre 1761. Archives de la Guerre.
('!) Choiseul a llro^lie, 26 seplenibrt^ 17f)t. Archives de la (iurrre.
(1) Broglie à Choiseul, Cassel, 1" octobre I7GI. Archives de lu (iiierre.
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pCIJANfJE DK VUES ENTHK flUOGMR ET CHOISI! I-
Hanovre; porter les lioslililr.s dans rélectoral cf flans le
duché (le IW'iinswjcK j)f(''senl''iait le doiildn avan'aue de
vivre sur les ressources du p/iys ciiueuji pt d eiupOcher
les confédérés d'é(a|)lir leurs f|uarliers d'nJvô/' ij ùnpKtc
des cantonnenienls de l'nrmca française; « d'Ici ù ^.i iln de
la cauipagneon ferasuosisl/./ Inrwèo d.'insle |/(|ys dlfano-
vrnct on fera un irèsyrosmagàsihâ/i((//}//ii(/';/./<,)liS/;////eniis
ne pren<lront pas d'étal)|JKse|//e/// H» dee/i f|e ÏH li^lillij ; ils
De peuvent former aueuf) lUlignÀti jimir leur suljsisfance
de l'hiver p)lH itffs /|(rilaui''leu et Hanovre, ce qui éloi-
gnera sûreuieni de i/ous les (juarliers (ju'ils poiu" .icnt
prendre pendant l'hiver prochain. VoilA. Monsieur lelUic,
dans la vérité ia plus e.\îict<^ la situation des choses ici. Si
vous et le Conseil du Uoi y étiez, je suis bien assuré ipie
vous penseriez de niênie (jU(; je l'ai fait et ■■iw vous auriez
pris le même parti ».
iùihn, le départ des confédérés que le maréchal atten-
dait avec impatience s'elfectua le -2 octobre; ce jour, leur
(quartier général fut transféré à IJune d'où l'armée était à
même de tirer ses approvisionnements du pays de Det-
mold, jusqu'alors ménagé par les belligérants. Elle n'y
séjourna pas longtemps; le 11 octobre, on leva !e camj)
de NVolkmissen: le lendemain le gros était à lU-akel, lais-
sant à Wiityinau et Kielmanseuge le soin d'évacuer la
boulangerie ((u'on venait d'installer à Warburg-. A Ma-
rienmunster où on [)arvint le 13, on apprit de fâcheuses
nouvelles : " .|e ne dois point cacher à V. f]., écrit Ferdi-
nan4 (i-, '|ne l'élat de's a lia ires est très criticpie dans ce
pays-ci. M. Soidiise, (pioitpril a semblé retirer ses déta-
cheipents et abandonner la basse Kms, continue cepen-
()ant de menacer .Munster, dautant plus (|u"il rassemble
acdieljemefij; toutes ses troupes au.v environs de cetUî
|)|ftcO. Ma ntni'che en j|esse a d'abord fait un bon efl'i f ,
(Ij l'ordinand à iJule, S|ii(ief)itil)f)sici , |:}((r|olm' (T'H Itcinri) tlllicf.
«•.-'S '.
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174
LA Gl'ËRHE DE SEPT ANS. — CIIAP. M.
le gros de son armée
M. Hrog-lie étant accoui'u avec
pour la couvrir, mais comme il lui restait encore beau-
coup de troupes, il a hasardé de pousser un gros dé-
tachement sur Wolfenhuttel , il vient de s'emparer
de cette place après un homl)ardemcnt d'un jour et
demi, au même moment que Liickner était arrivé avec
0 bataillons et 1-2 escadrons aux environs de Hrunswick
pour t.k'her d'y l'aire entrer du secours. J'ignore encore
les détails de cet événement, qui est d'antiint plus fâ-
cheux, que l'ennemi est maintenant le maître d'attaquer
la ville de Hrunswick ; je ne lui laisserai pas le temps
de l'assiéger dans les formes mais je crains presrpie, par
bien des raisons, que le commandant ne se précipite
trop j\ rendre la place, pour prévenir le I)ond)ai'derr i\'
.le suis en plein mouvement depuis .'}jou?'s, pour sauver
lirunswick ; si le commandant tient contenance et se dé-
fend jusqu'à mon arrivée, j'y réussirai comme j'espère;
mais s'il capitule aussi vite que celui de Wolfenhuttel,
j'arriverai trop tard. »
Aussitôt assuré du départ des confédérés dont il informa
Souoise '1^ le jour même, lîroglie avnit repris l'exécution
de ses projets sur le duché de Brunswick (jue l'invasion
de la liesse avait momentanément suspendus. Parti de
(^assel le 3, il était à llslar le V octobre; malgré les avis
contradictoires de Stainvillc sur la direction qu'avaient
prise le prince Ferdinand et le pi'ince héréditaire, il ne
se laissa pas détourner de l'objectif (pi'il avait à co>ur. A
la suite d'une conférence 1 2 1 avec l.usace, Vault et (llausen,
il expédia le U au matin Lusace et Clausen sur Wolfen-
butlel avec 15.000 honunes et un petit parc d'artillerie
sous le comniaiidement du chevalier l*el!etier. D'après
ses prévisions, (-lausen serait le 8 aux environs de liruns-
wick, Lusace .••rrive'*ait le î) sous les murs de Wolfen-
(t Hroglie à Sotibisp, Cassel, :> oclobre 1701. Aicliivc! d la Ciierie.
{2j Uroglie à Clioiseul, Eiinbeck, G oclobre 1701. Archives ile la Guerre.
:i'li
POINTK SUR imuNSvsirK.
175
huttcl dont il commeiicorait sans retard l'attaque; aus-
sitôt maître de la place, il rejoindrait (llaiiscn à HrunswicU
quoique la valeur des fortifications et rinq)()rtance de la
yarnison ne laissassent pas espérer le succès. « On r.e doit
j)as cependant compter réussir, mais cela doit causer de
la frayeur à cette ville et au pays de BrunsxN ick et faire
une diversion qui engage le prince Ferdinand à se rap-
[)roelier du Weser et à le repasser. »
Pendant quelques jours, le prince Ferdinand, bien
(ju'ayant pénétré les projets de son adversaire sur Hruns-
wicU, n'eut pas connaissance du départ de l'expédition.
Il y eut entre Li'ickner et les généraux fran(;ais (Miaho et
Caraman, soutenus par Poyanne, une série d'escarmou-
ches à la suite desquelles le partisan allemand se retira à
Hastenbeck. Broglie, qui avait assisté au dernier combat,
accompagna la poursuite et poussa môme jusqu'aux en-
virons de la forteresse d'ilanieln. Le 1) octobre, Liickner
fit passer au prince Ferdinand un billet, daté de la veille,
de son frère le duc de Brunswick qui était réfugié A Celle,
l'avertissant de la marche de Clausen et de Lusace, et b^
suppliant de secourir son duché. Ordre fut aussitôt expé-
dié à LCickner et au prince '*'rédéric de couiir à l'aide de
la ville de Brunswick ; leurs forces réunies se composaient
de 8 bataillons d'infanterie et de la cavalerie de Liickner.
L'avis de la marche d'un corps ennemi au secours de
Brunswick accrut la prudence habituelle de Broglie;
ausF' manda-t-il (1) à Lusace " de ne pas trop s'acharner
î\ Brunswick... notre objet principal était rempli de
retirer l'ennemi de la Hesse, il fallait (ju'il évitAt de se
faire battre au retour ».
Le comte de Lusace et Clausen s'acquittèrent avec intel-
ligence de la mission qui leur avait été confiée. Entre
Brunswick et le NVeser, l'armée confédérée n'était
I
1) Broglie à Liisaco, Eiinbeck, Vi oclobri' ITOI. Archives do lu C.iieirc.
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170
\A (WRIUIK DE SKPT \N'S.
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i'cpréscnt(''C, an conimciiceinenl d'octobre, (|ue par iiii
corps de 7 à S. 000 liommes conimatidé par le [)rince Fré-
déric de Ih'unswick et par iJickner .-jui inano'uvraient
dans la réuioii de lloltzrniinden et de Halle. La voie
était donc ouverte ponr une expédition el le succès dé-
pendrait de la célérité avec laquelle elle serait conduite.
Le () octobre, « la réserve f I ) composée de deux brigades
d'inl'antei'ie trançaise, d'Auvergne et de Lyonnais, de
deux brigades saxonnes, de 1 ï escadrons de cavalerie
avec 12 pièces de i'I livres, (5 obusiers et 2 luorliers,
partit du camp d'Kind)eck pour se diriger sur l'Ocker et
y pousseï' ou arrêter ses op'^ratioiu, à proportion des nou-
velles que M. le niarécbal ferait passer de l'ennemi et
des mouvements ({ue M. le prince Ferdinand ferait pour
s'y opposer; !M. le comte de Vaux et M. le comte de Hro-
g'iie, lieutenants-généraux. M. le cbevalier l'elletier,
commandant l'artillerie, ainsi que M. de Lambert, briga-
dier, commandant le génie, avec une brigade d'ingé-
nieurs, suivirent le même jour M. le comte de Lusace qui
vint camper avec la réserve à (iaudersheim ». Le 7, grîVce
à une étape de 7 lieues, on était à Lutter. De son côté,
Clausen avait gagné Holle au confluent de la Nette et de
l'innerst; le lendemain il investissait Hvunswick sur les
deux rives de l'Ocker et coupait toute communication
avec Wolfenbntlel. Le même jour, Lusace était en vue
de cette dernière ville; les tranchées furent ouvertes au
cours de la nuit; le tir commença le î) et continua le 10.
Quelques boulets rouges lancés sur la place y provoquè-
rent un incendie qui décida la capitulation. La garnison
forte de 2 ofliciers généraux, .'JO ofliciers et environ 800
hommes fut prisonnière; les Français s'emporèrent en
outre de 2 drapeaux, 13 canons, dune quantité considé-
fiilAe de munitions qui furent ramenés k Gottingen, et
(1/ Journal d opi raUon.s de la réserve. Arcliives de la Guerro.
v..^-
HHUNSWICK SECOURUE PAU 1-E PRINCE FRÉDKRLC.
1/7
pirlcvèrent en outre sur les habitants une contribution
de plus de 200.000 écus.
Aussitôt ce succès remporté, busace vint camper le 12
devant la ville do Biunswick qui avait été sommée inuti-
lement la veille; aux propositions des assiégeants le vieux
général Imholf avait répondu par un relus énergique. Le
i;{ octobre, les batteries étaient prêtes à ouvrir le feu,
mais les généraux français, sans nouvelles du gros de l'ar-
mée ennemie, émus de l'approche dcLûckner et du prince
Frédéric de Brunswick qui accouraient nu secours de la
place, avaient décidé d'abandonner Tentreprise; un inci-
dent qui se produisit dans la nuit du 13 nn I4 les con-
lirma dans cette résolution. Un des postes de la ligne de
blocus avait été forcé par le prince Frédéric qui s'était jeté
dans la ville en apportant à la garnison un renfort des
plus utiles de 0 bataillons. Soit (pie les dispositions du
commandement frantais fussent mauvaises, soitque la eei'-
titude du départ du lendemain ei\t fait négliger (juelques-
unes des précautions élément.iires telles (jue ((envoi de
patrouilles et détachements sur les avenues des(|uelles
l'ennemi pouvait aborder », le chef du poste M. <le Vastan
et 300 de ses hommes furent pris ou mis hors de combat,
un canon enlevé et le passage forcé. Clausen, averti
trop tard, ne put arriver (ju apr^s l'entrée du prince Fer-
dinand de Brunswick ; « il ne crut pas devoir s'engager,
ayant déjà ses instructions pour venir camper le lende-
main IV ei. îivant de la gauche du camp de Fimmelsen ».
Le 16, le corps de la réserve était (le retour à (iaudersheim
([u'il avait ([uitté le 7.
Quoique l'attaque de Brunswick n'ait pas été menée à
bonne Iîd, faute d'un peu de hardiesse, l'expédition neii
avait pas moins produit le résultat que visait Broglie de-
puis longtemps ; il avait déterminé le prince Ferdinand à
porter le gros de ses forces sur la rtve gauche du Weser
où il avait été précédé par Liickner et le prince Frédéric.
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LA (JUEURK DK SEPT ANS. - CHAP. VI.
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Conforniéiiieiit aux ordre;; reçus 1), le premier avait ga-
gné la ville de Hanovre le 10 octobre ; de là, il transmit
à son généial en chef les bruits alarmants qui couraient
sur la présence de 30.000 Français aux abords de Bruns-
wick, et sur une pointe (ju'ils auraient lancée sur la route
de Celle; avec le peu de forces dont il pouvait disposer,
il croyait impossible de dégager les places assiégées. Fer-
dinand lui répondit le 11 au soir que quand nu^'me les
Français seraient au nombre de 30.000, ils ne pourraient
faire à la fois le siège de Wolfenbuttel et de Brunswick;
il lui renouvela l'ordre inq)ératif d'avancer à quelque pri-v
que ce fût jusqu'à Brunswick et d'y jeter les 6 bataillons
du prince Frédéric pour renforcer la garnison dlmhofF
qui n'en comptait ({uc k. Toute l'armée était en route pour
l'appuyer. Ain&i stimulés, Liickner et le prince Frédéric
gagnèrent Peina, puis Abbensen sur la route de Hanovre
à Brunswick ; ils débouchèrent d'Abbensen le 13 au soir
et acconq)lirent la mission délicate dont ils avaient été
chargés. Aussitôt le prince Frédéric entré dans la place,
Liickner avec sa cavalerie se retira à Peina. Le coup hardi
des confédérés ne leur coûta qu'environ 80 hommes,
parmi lesquels le général de Botenburg qui, dans l'obscu-
rité, fut blessé mortellement par un de ses soldais, La
levée du siège de Brunswick fait d'autawt plus d'honneur
aux confédérés (pi'à la date d\\ \'.\, le si'cours promis par
Ferdinand à son lieutenant était encore loin ; la ilivision
du général Wangenheim (6 bataillons et 0 escadrons^, qui
constituait le premier échelon de l'armée confédérée,
n'était arrivée à Hanovre que dans la nuit du IdaU lil;
l'infanterie était tellement épuisée par les fatigues d'une
marche à travers un pays accidenté et sans routes, ([ue
certains bataillons étaient réduits à une cinquantaine de
soldats autour do leurs drapeaux.
(Il Vol; (tour la relève de Brunswick, Weslphalen. vol. V, \). lOC el »uiv.
■■mUjAiJ.,
MOLVEMEMS DE I EIUHNAM).
t7a
Pour ne pas interioniprc le récit, nous avons suivi les
Franco-Saxons do Lusace et lo corps de Clausou jusqu'à la
date du 10 octobre : il nous t.iut revenir aux uiouvcineiits
du prince Ferdinand depuis l'évacuation définitive de la
liesse. Les dillérenles divisions de l'armée partirent du
pays de Detniold et des bords du Dyniel le 10 octobre et se
concentrèrent au camp de Brackel, à moitié route de INider-
born et d'iloxter, où elles lurent icjointes par la division
du f^énéral Wiitginau ((ui avait été chargé de surveiller
l'évacuation des dépôts de Warbury; le piinct; hérédi-
taiie avec 11 bataillons et :il escadrons avait été détaché
sur Stadtberg- et Canstein en route pour la Wcstphalio t\
leifet de mettre fin aux desseins que l'on prêtait à Soubisc
contre les villes de Munster et de Uamm. La marche vers
lo bas Weser ne lut troublée par les Français que sur uii
seul point. Maupeou, (pii avait passé sur la rive gauche du
fleuve, tomba sur les chasseurs du colonel Fricdrichs [irès
de Teetelsen, les mit en déroule et^eur enleva VOO prison-
niers et '2 canons. Le 15, le gros parvint A Ottenstein, lais-
sant Waldegrave à Brenckhausen pour veiller à l'évacua-
tion (les établissements d'iloxtor. Le général llardenberg,
([ui avait remplacé fi la tète de son corps le prince hérédi-
\\\\\v im\ojé i\ lllldesheim, m un détachement sur Uheda,
pulH revint à Maspe, non loin de Hlomlierm le III, l'Vi'di
naïul élail arrivé it Ohr mes iriliiMI*t)u i l'J corps (je lij j|l||iy
(t bataillons et U escadrons) i\yi\\[ (|n,jA fl'fUU'Ili lo ilnljve
pI 1b |hiN M'iippnMait A le suivre, ([uand on reçut la nou-
velle de la rehlrée Je Clausen et Lusace île |«M|r cv[»é(|llion
au pays de Brunswick. Ferdinand avait [tensé que les
Français se maintiendraient à Wollenbullel et jiour les en
chasser il avait chargé son neveu de prendre le comman-
dement des troupes (jui s'assemblaient dans lélectorat du
Hanovre au nombre de 16 bataillons et 20 escadrons ; de
Peina où ''serait le 15, il devait se porter A Soldera i< alla
de coupei le prince Xavier du gros de l'armée française.
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LA GUEUUE DK SEI'T ANS. — CIIAl'. M.
.le comptais de mon côté, écrit Ferdinand l ), de passer le
Weser le nu-rae jour (le 16) et d'avancer sur Einibeck.
[.esenncn)is n'ont pas juyé à propos de nous attendre. Le
prince héréditaire s'est sur cela avancé sur Hildesheim...
Il me parait (ju'il n'y aplus rien à craindre cette année-ci
pour nruuswic'k ni pour Hanovre ». La dépêche donne
(;uelqu«'S détails sur les inou' ements de Souhise et con-
clut avec les mots : <> Je crois pres([ue (jue la campa^^ne
tire à sa lin. »
Uroglie ne lit rien pour troubler la niarcho de l'adver-
saire, sur les mouvements duquel il se montre cependant
bien renseigné. Les positions de ses troupes à la ddte du
18 étaient les suivantes : du c»'>té de la liesse Ilochanibeau
s'était avancé jns(|u'ji Uhudeu ; Nicolai avait poussé une
poii.te sur l'aderborn où il s'était emparé de quelques
petits magasins dont il avait distribué le contenu aux
habitants; Stainville était campé à Wolfhagen. Sur la rive
droite du Weser, Lusace et Clausen lorniaient la droite à
(Jaudenheim, Chabo avec Poyanne et deux brigades d'in-
fanterie comme soutiens àScherf Oldendorf ; (îuerchy avec
un nombre égal de fantassins et 2 brigades de cavalerie
était posté à "2 lieues en arrière de Poyanne à Stadt oidcn-
dorf; Maupeou avec une division de même iuiportance et
des troupes légères occupait le poste de lloltzmiinden;
enlin le gros, 5 hrigades d'infanterie et 8 escadrons, était
concentré à Einibeck où le quartier général était ins-
tallé. « Tous ces différents corps, écrivait liroglie (2i,
peuvent me joindre promptemeut ici et se replier sur moi
si le besoin le requiert et, en attendant, ils mangent le
pays plus en avant et subsistent plus commodément. »
La cavalerie très fatiguée com montrait à se retirer vers la
Werra ; « deux régiments qui sont dans l'état de délabre-
ment le plus grand n reprenaient le chemin de la France.
(I) Ferdinand à Bute, Olir, 18 octobre 17(il. Record Ollice.
(2] Broglie à Clioiseui, Eimbeck, 18 octobre l'Ol. Archives de lu Guerre.
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LARMKK l>H HAUT KIIIN SE rONCKNTRE A EIMRECK.
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Uno partie du pair tl'aitillene avait été replié sur la
llosse.
Cette déprche se croisa avec une de Choiseul eu date
du 18 ( l) qui, eu oontiadictioii avec les précédentes,
ue contenait que des éloges. » Le Koi en la lisant (la
lettre de IJroglie du II octobre a mieux senti que
Jamais l'utilité du projet que vous avez suivi avec autant
d'activité que de fermeté pour attirer M. le prince Fer-
dinand dans le pays «l'Hanovre, et l'empêcher de pénétrer
dans la Hcssc et sur vos derrières. » Le Roi invitait son
général h ne pas épargner la ville de lîrunswick : « Si
vous vous êtes rendu maître de cette [)lace, vous la
traiterez sans aucun ménagement comme appartenant à
un ])rince ennemi du Koi et entièrement lié d'intérêt et
de vol(»nté avec les ennemis; c'est une occasion de lui
faire éprouver le ressentiment bien légitime de '•. M.
sur les procédés qu'il a eus avec elle pendant les années
<lerniéreset nommément en 1757. s 11 est superîhi d'ob-
servei* que cette dépêche arriva après lu tentative de
siège.
Pendant les derniers jours d octobre, il y eut interrup-
tion des liostilités due en partie à une forte indisposition
du prince Ferdinand. Stainville, dont la présence n'étuit
plus nécessaire en liesse, reçut l'ordre de se rendre à
Duderstadt, puis à Clausthal, pour s'opposer à un mou-
vement annoncé du général Seydlitz. Ce mouvement n'eut
pas lieu. Stainville s'installa définitivement à Seesen.
Il se plaint (2) d'y manquer de vivres : « M. de Lusace
m'écrit que je dois aller sur ma droite, mais comme
je n'ai que les montagnes et la forêt du Hartz, à moins
qu'on ne lonne aux chevaux des mines et des lapins à
mangei', il n'y a nulle autre ressource. )>
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(1) Choiseul à Rroglie, 18 octobre 1761. Archives de la Guerre.
(2) Stainville à IJroglie, Seeseu, 30 oclobn- 1761. Archives de la Guerre.
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182
LA GUEHIIE DE SEPT ANS.
OIJAP. VI.
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Le prince Ferdinand, rétabli, résume (1 la situation au
1*^^' novembre : « Il n'y a depuis (le 18 octobre aucun
changement remarquable à l'arméo, à l'exception dun
gros détachement aux ordres de MM, de Wiitginau, du
prince d'Anhalt et de M. Hardenberg n'/ec un train de
grosse artillerie, qui en est parti le 27 pour aller joindre
xM*'" le prince héréditaire, dont le gros des troupes est
toujours autour de 'liidesheim. Les ennemis se tiennent
tranquilles depuis le secours porté à Brunswick. Ils for-
ment une chaîne depuis Eimbeck jusqu'à Iloltzmunden,
ayant le prince Xavier sur leur droite à (langersheim.
M. de Rochambeau qui avait passé la Dymel est rotcurné
sur ses pas, et tient les débouchés de cette rivière par des
troupes légères. M. de Stainville est avec un corps k
Scesen, M. de St-Victor à Goslar. Le prince de Soubise
est à Essen, le prince de Condé et de Voyé à Bockum, et
Conflans à Luynen ».
Jusqu'au 5 novembre la trêve tacite qui existait entre
les belligérants se maintint. Proglie prévoyait (2) la
retraite derrière la Werra; « vers le 18 ou le SO de ce
mois tout sera consommé et l'armée en se retirant ensuite
succe.jsivement jusqu'à la Werra achèvera de manger le
peu qui existe encore )i ; Gottingen est largement appro-
visionné ; Mimden possède 60.000 rations et toutes les
mesures sont prises pour repousser une tentative ennemie
si elle se produisait. Cette tentative à peine envisagée
comme possible eut lieu le V. Le .'), à 3 heures du matin,
Broglie annonce (3j à Stainville que « la totalité de
l'armée ennemie marche sur Eimbeck », et qu'il con-
centre ses troupes en conséquence. Stainville devra arriver
à Saltz-der-Helden dans la nuit. Le lendemain, le maré-
(1) Journal de l'arinée du prince Ferdinand. Ohr. !" novembre. Record
Office.
(2) ÎJrogiie à Clioiseul. Eimbeck, 2 novembre 17GI. Archives de la Guerre.
(3) Broglie à Stainville. Eimbeck, ."> novembre 1761. Archives de la Guerre.
t
EXPEDITION DU PRINCE HEREDITAIRE CONTRE EIMUECK. 183
( »
clial fait son rapport (i) à Clioiseui : « Je descends de
cheval très fatigué, Monsieur le Duc, et tombant do
sommeil, .le me presse d'avoir l'honneur do vous en-
voyer ce courrier pour que S. M. soit instruite que les
ennemis réunis ont marché le 3 et le 4 pour se porter
sur Eimbeck. J'en ai été informé le 4 au soir, on consé-
quence j'ai envoyé tous mes ordres aux dillerents corps
pour se rendre ici en diligence. Le prince héréditaire a
paru devant nos postes avancés le 5 à 9 heures du matin.
M. le comte d'Espiés avec 350 hussards ou dragons et le
bataillon de grenadiers d'Aquitaine a fait si bonne
contenance et s'est retiré si doucement qu'il a obligé les
ennemis à marcher avec quelque précaution ef a. par là,
rendu un service très important en gagnant du temps.
Le prince héréditaire a déployé environ 30.000 hommes
devant notre droite, et vers les 3 heures après-midi il
s'en est approché assez près pour que j'aie fait com-
mencer à canonner une de ses colonnes qui n'en était
plus qu'à VOO pas. Cela l'a arrêté, et il s'est mis à nous
canonner assez vivenient; on y a répondu de même, cela
a duré jusqu'à la nuit; pendant ce temps-là, il arriva
deux grosses colonnes rouges par la vallée de Wickensen
devant notre gauche. On comptait ce matin que les
ennemis nous attaqueraient à la pointe du jour, mais ils
n'en ont rien fait, leur droite s'est campée devant notre
gauche, et tout le corps du prince héréditaire est demeuré
en bivac toute la journée et y passera vraisemblablement
cette nuit. »
le mouvement de l'armée confédérée résultait d'un
plan combiné entre le pi'ince Ferdinand et son confident
Westphalen et annoncé à Bute par dépêché du 3 novembre.
Dans cette olTensive (2) le principal rôle revenait au
(1) Hro^lie à Choiseul, Eimbeck, G novembre 17(J1. Archives de la Guern-.
(2) Relation de l'expédition contre Eimbeck. Record Office.
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184
LA GUEHUE DE SEPT ANS. — CIIAP. VI.
l;^' ., :-
prince héréditaire qui devait déî)oucher de Uildcsheiiii,
passer la Leine à Eltzc, « marcher le '* à Limmer, vis-à-vis
d'Ahlfcld, et tAcher de s'emparer le 5 des hauteurs d'Eim-
beck appelées la lluve ». (Iranhy quitta le 3 novembre
son camp de Gro.ss Hillgosl'eld sur la rive droite du Weser
pour entrer dans les gorges et poussa le 4 jusqu'à Dunen ;
il devait gagner par Holtensen et tourner les positions
françaises de Wickensen et Escherhausen ; le eros de
l'armée franchit le Weser à Chr le 4 et campa eiitre
Hastenbeck et Tundern ; Conway et Scheele formant avant-
garde devaient se réunir aux environs de Halle et attaquer
de front le camp de P< yanne à Escherhausen; de son
côté, Hardenberg avait fait route le 3 de Blomberg à
Ottenstein et le 4 à Badenwedor; dans la nuit, il fran-
chirait le Weser et couperait la retraite de Poyanne en
occupant Stadt Oldendorf. Lûckner à gauche, Friedrichs
à droite nettoyeraient la région du Hartz, les rives du
fleuve et la forêt de Sollingen des partisans français qui
y fourmillaient. Voici en quels termes le prince Ferdinand
décrit l'opération : (c Les ennemis (1) voulurent fourrager
le 4 novendjre dans les environs de Hameln et de Cop-
penbrugge. Notre marche fit échouer le fourrage, mais
l'ennemi apprit en revanche que nous étions en mou-
vement. M. de Conway ne s'en mit pas moins en marche
le 5 de novembre à 1 heure du matin sur Halle, où il fut
joint avec l'aube du jour par M. de Scheele. Mylord Granby
lit déloger le 4 de novembre vers le soir le poste ennemi de
Cappelnhagen par les chasseurs du major Fraser, sou-
tenus par les régiments d'hussards, de Bauer et de
Brunswick aux ordres du lieutenant-colonel de Riedesel.
H arriva lui-même le 5 avec le jour sur les hauteurs de
Wickensen non loin de Holtensen, et par conséquent à
dos du camp ennemi d'Eschershausen.
(1) Relation de l'expédilion contre Ëiinbeck. Kecord Oftice.
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GHAMIY
185
(( Ce camp était en lui-même d'un abord très difficile.
M. de Poyanne ne jugea cependant pas à propos de s'y
faire attaquer, ets'aperccvant que la retraite par Wicken-
sen et Wentzen sur Eimbeck lui était coupée par milord
(iranby, se rejeta dans la g"orge de Stadt Oldendorf. Si
M. de Hardenberg" avait pu se trouver à l'heure convenue
à son rendez-vous, iM. de Poyanne aurait eu de la peine
d'échapper; un accident arrivé aux pontons fit qu'il pas-
sait le Weser 8 heures plus tard qu'il ne le devait, ce qui fit
gagner le temps à M. de Poyanne de se sauver. En atten-
dant, les chasseurs de Friediichs avaient délogé les postes
ennemis sur le Weser entre l'oUe et Holtzminden, et ayant
passé ce fleuve à gué, se portèrent en avant vers le SoUing.
M. de Poyanne fut suivi par une partie de nos troupes
légères qui firent sur lui quelques prisonniers avec plu-
sieurs chariots de bagages. Il avait mis le feu aux huttes
de son camp en l'abandonnant, ce qui causa une Hainme si
violente qu'on ne pouvait traverser d'abord ni le camp, ni
la gorge, dans laquelle il se trouvait placé. Mylord (iranby
n'en continua pas moins sa marche par Wentzen vers la
Huve, et fut joint par le corps du lieutenant-général de
Comvay dans la vue de prêter la main au prince hérédi-
taire, qu'il trouva arrivé vis-à-vis des hauteurs de la
Hauve et engagé dans une forte canonnade avec les troupes
ennemies qui s'y étaient formées. Ce prince, voyant que
celles-ci grossissaient de moment en moment, crut devoir
se borner à les canonner, d'autant plus qu'une attaque de
vive force aurait demandé plus de troupes qu'il n'avait
d'abord, et que vers la fin l'ennemi semblait avoir sur
lui l'avantage du terrain et du nombre en même temps...
Le gros de l'armée arriva le 5 à midi à Eschershauscn,
où elle assit son camp. On eut besoin de la journée du
G pour faire arriver l'artillerie, et pour faire respirer les
troupes très fatiguées par toutes ces marches faites consé-
cutivement. >!
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186
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
U^f:
Pour leur mouvement (1) contre les camps d'Eimbeck
et Escherhausen, le prince héréditaire, Granby et llarden-
berg- avaient disposé de V7 batailloDS, 'i^l escadrons et
d'une forte artillerie.
Pendant la journée du 6 novembre, il n'y eut entre les
deux armées que des escarmouches insignifiantes. Ferdi-
nand dont le quartier général était à Wickensen, se mon-
tra très mécontent de l'exécvition du projet et s'en prit à
son neveu pour lequel il prépara une lettre dont Westpha-
Icn obtint la suppression et qui ne fut pas expédiée; il
crut nécessaire de modifier une position qui paraissait
trop risquée ; en conséquence il donna ordre à Granby de
se porter de Wentzen à Forwohl, au prince héréditaire
de s'établir à Ammensen. Cette marche rétrograde exé-
cutée de nuit fut des plus pénibles; « le passage du village
de Wentzen dura près de 3 heures, celui d'Ervié était des
plus mauvais, les soldats étant obligés de défiler un à un,
ce qui, joint avec un temps affreux et l'obscurité, causa
beaucoup de traîneurs » qui furent ramassés par les Fran-
çais qui les poursuivaient.
liroglie donne (2) sur les incidents du 7 novembre les
détails suivants : « Les ennemis décampèrent de devant
nous la nuit du (» au 7 et ils se retirèrent, savoir : leur
droite à l'entrée de la gorge de Wickensen auprès du village
de Maynholtz, et la gauche en avant du village d'Amensen
sur le grand chemin d'Eimbeck à Alfeldt. Dès que le
brouillard permit de distinguer les objets, ce qui ne fut
que vers midi, je fis marcher sur cette partie M. le mar-
quis de Poyanne avec les carabiniers, l'avant-garde de
M. de Clozen, et 7 bataillons de grenadiers. M. le comte de
Lusace déboucha aussi 'a même temps par la droite. »
A la colonne où se trouvait le maréchal, il n'y eut pas
d'engagement. De l'autre côté : « M. le comte d'Espiés et
(1) Royd à Bille, Furwohi, 10 novembre 17tl!. Record Office.
(2) Broglie ùClioiseul, Eiinbeck, 9 novembre 17C1, i h. n. m. Arch. Guerre.
1
.'•
!^^''
BHOGLIE KVACUK EIMBECK.
187
M, de Lestanges marchèrent par la gauche le long de la
gorge dEschershausen avec 0 bataillons de grenadiers, et
les carabiniers de la cavalerie. Ils trouvèrent l'arrièrc-
garde des ennemis et la poussèrent pendant deux lieues
jusqu'à leur camp qui ayant détendu et toutes les troupes
qui le composaient ayant marché en avant, il fallut se re-
tirer, ce que je fis dans le meilleur ordre. Mon frère avait
marché avec M. d'Espiés. Depuis ce temps-là, tout le corps
du prince héréditaire s'est retiré et celui qui était à la
gorge de Wickensen est demeuré clans sa position pendant
la journée du 8 et y était encore ce matin. J'ai fait mar-
cher pour l'attaquer quatre brigades d'infanterie, beau-
coup de g»'enadiers, et tous les carabiniers du corps et
de la cavalerie; mais comme je m'y portais, j'ai en-
tendu assez de coups de canon dins la partie de Dassel,
et j'ai été averti par M. de Chabo et M. de Stainville qu'il
paraissait beaucoup de troupes de ce côté-là. » L'attaque
fut contremandée et Broglie prit la résolution d'évacuer
son camp d'Eimbeck.
Dar.ssa dépêche, le général français expose les raisons
qui le décident à prendre le parti de la retraite sans at-
tendre la date du 18 qu'il avait fixée pour l'abandon
d'Eimbeck; il invoque surtout \r manque de fourrages et
la difficulté de communications menacées par les mouve-
ments tournants de l'ennemi : « Je partirai donc demain.
M. votre frère et iM. de Chabo feront l'arriève-garde du
côté de Dassel, et l'armée ira camper près de Moringen.
Je me conduirai ensuite en conséquence des subsistances
que je trouverai. Nous aurons dorénavant l'avantage sur
les ennemis qu'ils s'éloigneront des leurs, et que nous
nous rapprocherons de& nôtres. En abandonnant Eimbeck
je le ferai sauter afin )|u'il ne puisse servir de retraite
aux troupes légères des ennemis pendant l'hiver. »
Pour couvrir la retraite, Broglie renforça Stainville
de deux brigades d'infanterie et lui donna pour ins-
188
LA OLEHRE DK SEPT ANS. — CIIAP. VI.
J h
tructioli.s de se maintenir le plus longtemps po.ssihlo sur
le plateau de iJassel, en cas de nécessité absolue de se
retirer en faisant passer linfanterie par Hoppensen et sa
cavalerie par la plaine d'Ottonson. L'artillerie avait été
ramenée des hauteurset pnr([iiéesurla route de Moringcn.
Au cours de la journée du 9, il y eut des démonstrations
sans en venir aux mains : « Vers la nuit 1 1 ) on fut instruit
que la plus grande partie de l'armée des ennemis avait
marché par sa droite de vers StadtOldendorf et que même
les troupes du prince héréditaire avaient pris la même
direction. Ce mouvement faisant juger que M. le prince
Ferdinand voulait prendre une position pour achever de
manger les sul)sistances qui restaient dans la partie de
lloltzminden et de Stadt Oldendorf, ce qui pouvait peut-
être lui permettre de garder quelques jours cette posi-
tion. M. le Maréchal ne voyant plus rien d'offensif dans
les mouvements des ennemis se détermina à quitter celle
que l'armée occupait, et à se rapprocher de Moringen et
d'Uslar, ce parti était même devenu nécessaire, les four-
rages qui étaient dans les environs d'Elimbeck étant en-
tièrement consommés. Toute l'armée est venue camper
en conséquence en avant de Moringen sur les hauteurs
dlber et Pomsen. » Suit le détail des emplacements oc-
cupés par les différents corps de l'armée, w Toute cette
marche s'est faite fort tranquillement, les corps qui étaient
vis-à-vis MM. de Stainville et de Chabo n'ont pas même
suivi leur arrière-garde, on n'a vu sur le soir que quel-
ques centaines d'hussards qui se sont approchés au can-
tonnement du régiment de Berchiny, mais ayant été dé-
couverts ils se sont sur-le-champ retirés. Le 11 toutes les
troupes sont restées dans leur môme position et on n'a pas
de nouvelles que les ennemis aient fait aucun mouve-
ment. »
(1) Suite des opi'ialions de l'armée du 9 au 11 uoveinbre \'>\\. Archives
de la Guerre.
^ATIGUES DE LA CAMPAGNE. 189
Le récit que fait Ferdinand de la jounivie du \) novem-
bre (i) conlirme dans ses grandes lignes celui de son
adversaire : « Le gros de l'année se mit le 9 de novembre
<\ ï h. du matin en marclic sur Stadt Oldendorf et gagna
heureusement les iiauieurs de Lindhorst et de Mackensen.
Mylord (iranby joignit la gauche de l'armée vers le soir
à Wangelstadt; le prince héréditaire arriva à Forwohle
et M. de Liickner à Delligen et Anunensen. (lomme par
ce mouvement la position de la lluve était prise h dos,
.M. de Broglie jugea à propos de l'abandonner, et mit la
nuit du 9 au 10 à prolit pour se retirer. » Les hussards
de l'armée coulédérée occupèrent la ville d'Eimbeck au
cours de la journée du 10 novembre.
A en juger par les plaintes de Stainville (2), il était
grand temps de tt.-ainer la campagne, tout au moins en
ce qui concernait la cavalerie. << Les chevaux, rapporte-
t-il le 8, tombent de tous côtés à force de fatigue et de
faim. » Le 11, il demande au maréchal la permission
de renvoyer '.i régiments de cavalerie incapables de faire
le service, « les chevaux n'ayant pas mangé depuis plus
de ï jours, et ne trouvant dans tous ces environs-ci que
de la paille de seigle » .
L'évacuation d'Eimbeck marqua la fin de la campagne :
« Il n'y a rien de nouveau dans cette partie, écrit Bro-
glie (3) à Soubise à la date du -2'», le prince Ferdinand est
toujours à Eimbeck, et son armée partie campée, partie
cantonnée entre cette ville et le Weser, souffrant, à ce
qu'on assure, de la disette des fourrages, et cela doit être,
le pays ayant été totalement mangé, et ne subsistant que
de celui qu'ils tirent par bateaux et chariots d'ilameln.
Le prince héréditaire est à Dandersheim ayant Liickner
( I
t
(1) Relation de l'expédition contre Eirnheck. Record Oflice.
(2) Stainville à llrot;lie, Hoppensen, 8 novembre: Doressen, 11 novem-
bre 1701. Archives de la Guerre.
(3j Broglie à SoiibJNe, Hardenberj^, 24 novembre 17G1. Arch. de la Guerre.
1 1/
100 LA OUERHE DE SEPT ANS. - CHA^ VI.
entre la Ruhr et lui. Toutes nos troupes sont entre la lUilir
et la Leyne, l'infanterie tanii»éo, la cavalerie cantonnée.
Les subsistances sont très al)ontlantes, et le temps aussi
beau qu'on peut le désirer dans celte saison. Le i*.), toute
l'armée cantonnera aux environs de (irtttingen, et le 30
chaque corps prendra la route de ses différents quar-
tiers. »
Quoique les deu.v maréchaux correspondissent réguliè-
rement et se communiquassent leurs mouvements et
leurs projets, ù. partir de l'envoi de Levis avec le dernier
renfort de 10.000 hommes, il n'y eut aucune coopération
entre les deux armées. Ainsi que nous l'avons vu, Soubise
avait installé le 18 septembre son quartier général il
Coesfeldt pour couvrir et au besoin recueillir les colon-
nes volantes qui i)arcouraient la région située entre
l'Ems et le Weser avec mission de détruire les magasins
ennemis et de recueillir des vivres et des fourrages pour
l'armée française. Vers la iin de septembre (li, Conflans
était entré dans l'Ost Frise où ses exactions amenèrent la
révolte des habitants qui fut d'ailleurs facilement répri-
mée; Viomesnil agissait dans le Diepholt; \Vurmser oc-
cupait Osnabriick; Melfort descendait la rive droite
de l'Embs, Voyer était à Rheine. l*our augmenter les
inquiétudes de l'ennemi au sujet d'un siège de Munster
qu'il n'avait d'ailleurs aucune intention de tenter, Sou-
bise avait mis en mouvement les ingénieurs, l'artillerie,
les mineurs; il a commandé les chevaux nécessaires pour
traîner l'attirail d'un siège.
Si le général de Farmée du Bas-Rhin se montrait d'une'
prudence excessive, il faut reconnaître que les instruc-
tions qu'il recevait de la cour étaient conçues de façon
à le confirmer dans son attitude. Le Roi eût préféré une
tentative sur llamm au raid sur l'Ost Frise. Pour cette
(1) Soubise à Choiseul, Coesf'eldt, 26 septembre 1T('>1. Archives de la Guerre.
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•■ï.\
m
CONDÉ S'EMPARE DE MEPPEN.
l'.tl
I
pntrepriso, il compte (1) qu'on n'y einpioiorn (jue des
détachements, et « que vous tiendrez toujours voire
armée à port«'îe de manœuvrer en conséquence des uiou-
vements que le prince héréditaire pourrait faire en NVest-
phalic ».
Au moment où Choiseui manifestait ces inquiétudes,
le prince héréditaire était en liesse avec la jurande armée
et les seules forces opposées aux Fraïuais en Westphalie
étaient les 4.000 hommes du général O'Ileim campés aux
environs de llaiimi. Souhise eut donc le loisir de pour-
suivre ses opérations sur IKmhs. Dans ces conditions,
Condé eut ordre de l'aire le siège de Mepperi <( petite place
fraisée et palissadée » où se trouvaient des magasins
importants. Kn faisant part de cette entreprise à Choi-
seui (2), le maréchal prince a bien soin d'ajouter quelle
serait abandonnée si le prince héréditaire revenait en
Westphalie. Condé commença ses opérations le 30 sep-
tembre, ouvrit le feu de ses batteries le 2 octobre. A la
suite d'un bombardement de quelques heures qui dé-
truisit une partie de la ville, le commandant Duze de-
manda à capituler; la garnison forte de 500 hommes fut
faite prisonnière. A Meppen, les Français s'emparèrent de
5.000 sacs de seigle et d'avoine et de quantités considé-
rables de foin, qui furent évacués sur Wezel. Cet exploit
coûta aux Français une vingtaine de tués ou blessés. Entre
temps, Viomesnil avait détruit l.iOO.OOO rations de loin
et 1.050.000 rations d'avoine dans le pays d'Osnabnick
et dans le Diepholt. In raid sur Biéme n'avait pas abouti.
Wurmser avec 400 fantassins et quelque cavalerie avait
paru le 2 octobre devant la ville dont la garnison avait
été renforcée la veille d'un bataillon envoyé de Mindcn.
Le partisan français ne se crut pas en force pour attaquer
et rejoignit le reste de son détachement qu'il avait laissé
(1) Clioiseul il Soubise, 20 septembre 17G1. Archives de la Guerre.
(2) Soubise à Choiseui, Coesfeldt, J octobre 17C1. Arcliives de la Guerre.
1;
t| I
'tr.
103
LA GUKUIIB I)K SKI'T ANS. - Cil AP. M.
Il
à Wildeslinuscn; en 2V heures il avait ncconipli nue coui'so
d'une soixantîiiuc de kilomètres. L'arrivée à fhnabriicU
d'0'll(Mni qui était accouru avec il hnfaillons, ï esca-
drons et (|nel(|ues tioupes léj^tres, détermina Wurmserà
se replier sur Me[)pen.
Dans sa dépêche du 6 octobre (1) (jui rciul compte de
la tentative sur Hrème, Soubise annonce que \o prince
héréditaire était en pleine marche sur ia Westphalie.
« Quoi qu'il en soit, ajoute-t-il, tous nos détachements
sont ralliés ou à portée de l'ôtre. Il ne nous reste j/us
(|ue <|uelques transports de farines et de grains h tirer de
Meppen. » La nouvelle concernant la marche (hi prince
était prématurée, car ce ne lut que le î) octobre que l'a-
vant-garde de son corps d'armée sous le général Bose
qv'itta les bords de la Dymel. Soubise conserva son quar-
tier général de Coesfe'dt jus(|u'au 14 (2); la veille il avait
annoncé à Choiseul la démolition des fortifications de
Meppen, le fossé était à moitié comblé et les transports
étaient terminés; conformément à l'avis de la cour, il
avait été décidé de ne pas se maintenir à Kmbden. Du IV
au 24 octobre, Soubise demeura à Horcken ; le 2V il trans-
féra son (juartier général à Dorstein, d'où il comptait
gagner successivement Soer et Bockum. Sur ces entre-
faites, Choiseul l'invita (3) à profiter de la diversion pro-
duite par l'entreprise contre Brunswick pour s'avancer
en Westphalie au lieu de reculer : « Le Roi m'ordonne de
vous mander que, si elle (la marche rétrograde) a eu lieu,
vous devez sur-le-champ marcher en avant sur tel point
dont vous jugerez pouvoir retirer le plus d'avantage. »
11 lui suggère une tentative contre Lippstadt ou Munster,
de préférence contre la première place.
A cette invitation, d'ailleurs bien tardive, Soubise ne
l
h
(1) Soubise à Choieul, Coesteltlt, C octobre 1761. Archives de la Guerre.
(2) Soubise à Clioise îi, Coestehll, 10 octobre 17GI. Arcliivesde la Guerre.
(3) Choiseul à Soubise, 18 octobre 1701. Arcliives de la Guerre.
Ifl'
I
SOIIUISK ET CIIOISKL'I,
19;j
montra (1) pas la moiiuliT vell»''ili' »r(»l(l(Mn|»(''r<'r. Pour
«•nli'cpi'cndi'e les Hi«''g«'s proposés, " il élait nécessaire
(lu'un évéïieiuout iioiireiiv loroU le priucc l"\'i(liiiand à
lostcr sur la rive tiroite f\u W'osov c\ (juc M. le maréchal
(Ir |{roi^li(! prit une position à la rivo î-'auclic pour cou-
vrir les riéi^os et assurer la trantpiillité des tj'ou[ies ipii
y seraient employées. Dans toute autre cireonstauce
il était téméraire d'oser commencer un siéj;e et de ris-
(juer l'artillerie qui certainement, au moindre clioc, serait
tombée aux mains de l'ennemi, surtout dans une saison
aussi avancé(^ ». l/écrivain invocpie la disette de vivres,
le raan((ue de fourrages, la diriic.ilté des communications,
[)Our ne pas s'écarter du î\liin do plus de k marches, hu
reste, daprés les derniers avis, le détachement envoyé
contre Brimswick a déjà i<îJoint la grande armée de Uro-
glie et celui-ci annonce son intention de cantonner ses
troupes derrière la NVerra; « tout ', inonce une Im de
campagne p(Ui éloignée, .le n'ai Jamais prétendu, ajoute
Soubise. repasser le Hhin avant le moment on M. le ma-
réchal de Hroglio me mandera qu'il va prendre ses
(juartiers ou du moins s'en approcher, mais je voulais
éviter aux troupes qui doivent liiverner dans le pays de
Clèves une course peu utile, et que les mauvais chemins
peuvent rendre fatigante. Au reste, je compte recevoir
d'un moment à l'autre des nouvelles de M. le maréchal
de liroglie et s'il croit pouvoir encoie exécuter quelque
entreprise, je chercherai à le seconder. Demain, l'armée
marchera entre HocUum et Kssen. Je compte la juettre à
couvert dans des cantonnements entre ces deux villes.
Elle peut se rassembler en moins de six heures ». Deux
jours après, le (juarticr générai I est à Essen. C'est de
cette ville que le commandant de l'armée du Bas-Uhin
annonce à Ghoiseul la fin de sa campagne : « La pluie
(1, Smihise à Choiseul, camp de. Soer, 25 octobre 17(il. Archives de lu
Piuerre.
cuicniii; m; si:n A^s. — r. v. 18
194
LA (ILEUIIE DE SEPT ANS. — ClIAP. VI.
Il
continue, les clieniins deviennent |)ros([iie impraticables.
ii' crois qu*) tout le monde, amis et ennemis, va chercher
à se in'ttre à couvert. Les lettres du .'M octobre de l'ar-
n)ée de M. le mar4chal de IJroglie parlent de la rareté
des subsistances, et annoncent qu'elles seront épuisées
vers le 10. Nous sommes à peu près portes ;\ la nu^me
époque. Les dornièr?s troupes repasseiont le lUiin ic 10:
la gendarmerie et la cavalerie auroni encore plusieurs
jours de marche, pour arriver dans leurs quartiers;
l'inlanterie, se trouvant en première ligne, entrera tout de
suite dans les garnisons destinées A chaque régiment. »
Quoi qu'en ait dit Soubise, une démonstration de sa
part contre Munster ou ilamm n'eût pas été inutile. Pour
le prouver, il suflira de rappeler les mouvements du
prince héréditaire. Envoyé en Westphalie sur l'avis de la
prise de Meppeu et à la suite de craintes pour la sûreté
de Munster, le jeune général, rpi'avait précédé l'avant-
gardc de Pose, se mit en route le 10 octobre; il devait
être rejoin't par O'Heim, ne laisser à Lippstadt que la
garnison indispensable et marcher à l'encontre de Sou-
bise avec 28 bataillons, 29 escadrons et quelques irré-
liuliers. Au reçu des nouvelles alarmantes de Brunswick,
ces instructions furent modifîf'es le 13 ; le prince, qui était
déjà à Lippstadt, fut c'îargé de prendre le commandement
des troupes qui se réunissaient <à llildesheim et dans Té-
Icctorat de Hanovre ; llardenberg, (]ui l'avait remplacé à
Lippstadt, fut appelé A la grande armée qu'il rallia le
K) avec 12 bataillons et 22 escadrons; la garnison de
Lippstadt avait été portée à 0 bataillons.
Si Soubise, au lieu de prolonger son séjour à Coesfeldt
et de rester inactif à Borciven, se fût rapproché de la
Lippe, il eût été difficile de rappeler le prince hérédi-
taire et la plus grande partie de ses troupes sur la Weser
et de les faire participer à l'opération contre Kimbeck.
C'est à b(Ui droit, ce nous semble, que l'ouvrage de l'é-
F ES lUvSI'ONSAHII.lTKS DlC l,.\ (OlIK.
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tat-major prussien 1) se montre sévôre pour le com-
mandant (le l'armée du Bas-Uliin.
De la i)usillanimité des ycnéidux de Louis XV pendiiiit
l'automne de l'^Gl la cour de Versailles a cependant sa
part (1(; responsabilité. Dés le 'H\ septembre, Glioiseul
s'était préoccupé (âi des quartiers d'hiver, et avait fixé le
nombre d'unités (jui devaient rentrer en France. A l'armée
de Drog'lie il retirait 37 batailbms de ligne, 5 de milice,
32 escadrons do grosse cavalerie et 10 de dragons, « il
doit vous rester pour la défense de la liesse et du Main
98 bataillons de ligne, 1 de milice et 88 escadrons ». Sur
l'armée de Soubise, le Ministre prélevait 10 bataillons
d'infanterie y compris (> des gardes, ô bataillons de mi-
lice, la maison du '' i (13 escadronsi et 12 escadrons de
cavalerie et de dragons; il lui laissait V3 bataillons de
ligne, V de milice '^t VO escadrons. A celte imitation, Sou-
bise répondit (3i que les troupes désignées partiraient
■pour la France aussitôt que ses petites expéditions seraient
terminées. liroglie, comme il fallait s'y attendre, fit (V) à
la proposition de la cour des objections multiples : la
qualité d'une bonne partie des troupes laissait à désirer;
les 3 nouveaux régiments des grenadiers royaux étaient
dans un triste état; les ofticiers des cadres étaient de
« mauvaise espèce » ; il signale le défaut d'instruction du
soldat « qui est aussi peu aguerri (|ue le dernier régi-
ment de milices ». Quaiif '^ la cavalerie, obligé de la ré-
parei" au lu»' et A mesure, il ne peut en mettre en ligne
que 52 escadrons; il lui faudrait 3 régiments d(; vieux
dragons. Broyiie se déclare hostile à l'évacuation avant
la nùse en état des postes et le remplissage dos magasins.
(1) <!escliiclitc des Siebciijilln iijcn lirieges, \ol. V, !krJiii. 1837, p. 8(j:i et
suiv.
(2) Choiseul à Bioglie, Choiseul ù Soubise, 2G sept. 17C1. Aiciiives de la
Guerre.
(3) Soubiso à Choiseul, Coesleldt, 3 octobre l"(;i. Archives de la H uerre.
{i) Broglie à Choiseul, Eiinbecii, 13 octobre ITfll. Archives de la Guerre.
^î
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196
LA (iUERUE DE SKl'T ANS.
CIIAP. M.
(/
) i:
Il propose de se maintenir le plus longtemps possible à
Kimbeck, puis, le pays épuisé, de raser les fortifications
de la ville et de se retirer sur la NVerra, de laisser des gar-
nisons à Gotlingen et à Cassel, de répartir l'infanterie en
deux cordons, le premier tiré de Witgenhansen àCassel, le
second entre l'Ecler et l'Ohm, la cavalerie cantonnée entre
llirschfcld etFulde, lestroupeslégères àMulhausenà même
de proliter des ressources de la Tliuringe en grains. Le pro-
gramme de Hroglie pour la distribution des troupes fut.
approuvé par la cour et exécuté dans ses grandes lignes.
La dislocation eut lieu le 28 novembre; l'armée du llaut-
Khin s'installa dans des quartiers il peu près identiques à
ceux qu'elle avait occupés au printemps de 1761. avec le
seul avantage d'avoir sa droite appuyée à Mulliausen. La
répartition était la suivante: It.-iOO fantassins et 1.800 ca-
valiers à Giittingen qui se trouvait en dehors de la ligne
des avant-postes — bien approvisionnée, cette place était
en outre défendue par l'épuisement complet du pays en-
vironnant; 25 bataillons et <> escadrons entre Mulliausen
etlaWerra; une même force entre la rivière et Cottin-
gen; 35 bataillons entre la Werra et la Fulda; 20 ba-
taillons, 6 escadrons de Warburg à l'Lder; une division
entière à Cassel et dans le camp retranché.
Le château de Waldeck et la ville de Fritzlar furent mis
en étatdedéfense ainsi (|ue HersfeldctZicgenhayn,dontles
moyens de résistance avaient été améliorés. La cavalerie se
cantonna en fractions presque égales dans le pays de Fulde
et de Wnrzbourg d'un côté, derrière la Sieg de l'autre
avec qucl(]ue infanterie; le grand parc d'artillerie, 15
bataillons et 'lï escadrons, s'installèrent à Francfort ou
dans la banlieue.
Pour l'armée du V s-Rhin les emplacements et canton-
nements restèrent également à peu près les mêmes que
ceux de l'hiver précédent. Du côté des confédérés, au
prince héréditaire échut la garde de la Westphalie avec
'kl
QîJARTIKRS D'HIVER.
11)7
un corps de 21 bataillons et 18 escadrons soutenus pur
une réserve de 7 bataillons et 10 escadrons. Le continrent
anijiais aux oi'dres de (Jranl)y fut logé dans le pays d'Os-
nabriick. Spoi-cken, qui avait repris du service, occupa la
région de Lippstadt, et îlavenberg. Le grand (|uartiei' gé-
néral lut installé à llildcshcim, les 2'i. bataillons et *2'i- es-
cadrons (jui y étaient attacliés couverts par l'avaat-garde
de Liickner. Le 11 décendjre, les belligérants avaient
pris possession des quartiers désignés et commencé leurs
préparatifs pour la reprise des hostilités an printemps
suivant.
Pour les troupes de Hroglie il était grand temps que la
campagne se terminât, leurs marcnes plus lré([uentes et
plus longues que celles de rarniéc du Bas- liliin avaient
considérablement réduit les clTectifs. L'agent (Iressener (1)
évalue les bataillons au moment de leur retour en Franco
ou dans les quartiers d'hiver à 300 hommes présents sous
les drap:^aux, les escadrons à 80 seulement; quelques
régiments, liriqueville, Lnghien, Lemps atteignaient le
chiin-e de 'iGO A VTO y compris les malades et les traînards.
« Uans les r.mgs on voyait bon nombre de très jeunes
hommes et des recrues non encore habillées. » Les régi-
ments de Soubise (â), moins fatigués, avaient meilleur air
et étaient plus étoiles. L'agent britannitpie estimait l'ef-
fectif de 'i bataillons de gardes françaises lors de leur
enti'éc à Liège à un total moyen de 513 hommes dans le
rang; les carabiniers avaient bonne apparence et leurs
escadrons comptaient 1 10 sabres.
Chez les confédérés, le déchet de la campagne était
fort. Le prince Ferdinand (3) s'en plaint : alors que l'ctat
des présents donne une armée de 0-2. 000 hommes com-
posée de bataillons de 700 fantassins et d'escadrons de
n
(1) Oiesscntir à llute, 23, 28 cl 30 novembit! 1701. UeconI OlTico.
(2) Cicssriier A Hute. 2 et 18 iiovcnibrc. 1701. Uiuordoriii;!'.
(3) Ferdinand à IJule. Wilkcn.sen, '/ .loveinbre 17(11. Ile( onl Udicc.
I'J«
LA r.DERRE DK SEPT ANS. — CIIAP. VI.
fil
\\H) cavaliers, l'eflectif <( combattants » est bion inférieur
à CCS chiil'res. Sans compter les malades très nombieuv,
l'usage établi dans cette armée permet aux régiments
d'employer des soldats pour mener les chevaux de Mt
et les chariots, poui' servir de domestiques aux officiers;
à ces emplois toujours au complet, on all'ecte « les gens
les plus grands et les plus forts en laissant les faibles et
les enfants dans les n'g'iments. Il en lésulte que le nom-
bre des combattants d'un bataillon ne surpasse guère A
l'ouvertuie de la campagne 500 hommes au lieu de 700
qu'il devait avoir, et ({u'à la fin de la campagne les ba-
taillons deviennent de vrais squtdettes ». Il n'a jamais eu
plus de ()0.000 combattants. Il y a lieu de piésumer que
les mêmes abus existaient dans l'armée française et expli-
quaient la faiblesse (''ellectifs signalée pai- Cressener.
Par conli-e, et peut-être pour justifier les demandes de
renforts qu'il adressait au gouvernement britannique,
Ferdinand insiste sur l'amélioration du physique et de la
tenue des Fiançais : « .le sais qu'on croit assez commu-
nément que les troupes fran(;aises ne sont pas complètes,
délabrées, mal entretenues, et composées d'un ramas de
g-ens. Il en était ainsi en quel([ue façon l'année 1758,
mais cela a bien changé depuis et on peut dire avec véi'iié
que d'ar.née en année, elles sont devenues meilleures.
Nous avons pris en plusieurs occasions des bataillons en-
tiers; c'étaient gens robustes, de bonne mine et bien
vêtus. »
l*oui' le maréchal de Bi'oglie et pour son frère le comte,
l'insuccès de la campagne de 1761 eut des suites îk-
cheusos. Le mai'échal, opposé à bon droit au dualisme d u
commandement des deux armées destinées à opérer en
Allemagne, n'avait accepté (1) le rôle secondaire que lui
constituait la direction de l'armée la moins nombreuse
i
1
(1) Comte de IJroglic au Uni, Eimliock, IS sciitcmbri! l"ttl.Cories|)on(l;uico
secrète de liroglie. Affaires Êlranj;ères.
«i
LE COMTE DE PROGLIE ÉCIUT AU ROI.
199
i|ue sur Tordi'e du roi ti.insuiis par le Dauphin. Ce dei-
nicr l'avait assuré que S. iM. connaissait son opinion,
(( mais qu'elle exigeait de son zèle et de son obéissance
de s'y soumettre, lui promettant de ne jamais le rendre
responsable des événements malheureux qui en po'.ivaient
résulter ». Tout alla bien juscju'ù la défaite de Vilhng-
liausen; mais, ainsi que nous l'avons vu, les rapports
entre les deux chefs, leblAmede la cour, ((uehjue niodéi-ée
(ju'en lut l'expression, les sentiments de l'entourage de
Soubise à l'égard de son collègue, soulevèrent une polé-
mique dont l'aigreur s'accrut avec la marche 'les opéra-
tions et qui eut son contre-coup dans les cercles de Ver-
sailles el de Paris. La lettre de Choiseul du -28 août, les
démentis échangés entre le maréchal et le prince de
(]ondé A propos des incidents du Ki juillet, envenimèrent
le débat auquel vint se mêler le comte de liroglie, dont
nous connaissons le tempérament susceptible et agressif.
Celui-ci mit à prolit (I les relations épistolaires qu'il
entretenait comme directeur de la politique secrète du
souverain, poursaisirleroidelaquerelle. llaccusa Choiseul
de vouloir se décharger sur le maiéchal de la responsa-
bilité de la campagne infructueuse : « Comme il (Choi-
seul) est l'auteni' du projet d'avoir deux armées indépen-
dantes, projet filial que mon frère à combattu autant <pi'il
lui a été possible et qui est la seule cause du manque de
succès de nos opérations, il croit devoir en chercher d'au-
ti'es qui ne puissent pas lui être reprochés... C'est sans
doute d'après ces réflexions. Sire, que le duc de Choiseul
depuis les deux journées de Villingliausen a cliangé totale-
ment de Ion et de conduite avec mon frère ; il a affiché une
désapprobation continuelle doses opérations... il en parle
dans les termes les nuuns mesurés et ne les ménage pas
davantage en lui écrivant, ce qui est en vérité insuppoi-
ifi
11) Comte do Rroglie au Roi. IS seplcnibris ITill. LcUkmIi'Jù cili'C.
'200
LA ('.L'EKUli I)K SEPT ANS.
CIIAP. V(.
i!<î,
J
ili
i
r
Ifililc. » l*()ur évitcM- les conilits qu'il avait prévus, 11-
comte, d'accoi-d avec le niinistie, avait entretenu avec lui
lin commerce de lettres i)ai'ticulièies « sur le ton de Ta-
mitié et de la confiance qui permet de tout se dire mu-
tuellement. J'espéi-ais de prévenir des inconvénients
d'une eoirespondante (ju'il est ég-alement impossible de
soutenir sans y répondre et d'y répondre sans trop témoi-
gner de sensibilité ». A l'etlet d'édifier le roi, il lui adresse
copie d'un des derniers ]>illets éeiiang'és, résuuiant les
événements depuis la séparation des armées.
« Mon premier but est de m'assurer que V. M. sera ins-
truite de la vérité et de la supplier de se ressouvenir que
c'est Klle seule qui nous a soutenus contre nos ennemis.
Je crois que M. de (Jioiseul ne l'est ([ue par l'obligatioii
de se décharger des forts qu'il sent bien que le public lui
reproche et pour plaire à d'autres personnes qui nous
persécutent depuis longfem[)s, mais en prenant ce parti,
il le suit avec son caractère qui n'est pas propre au ména-
gement et, se laissant aller à la vivacité, il l'exprime d'une
manière si choquante et si déplacée qu'il n'y a (juc; le
très profond respect (jue mon frère a jiour V. iM. et la
crainte de lui déplaire qui puisse Icmpécher de lui faire
connaître condjien il y est sensible. » Par dévouement au
service de S. iM., le maréchal a voulu conserver son com-
mandement jus(ju'à la fin des hostilités, « mais il espère
qu'alors Klle lui permettra de venir, ne lïit-ce que pour
un mois, à l'aris et d'y mettre à ses pieds le compte de sa
conduite, en attendant. Sire, qu'Elle dfiigne nous honorer
d'une protection particulière, dont nous avons le plus
grand besoin ».
Cet appel produisit-il l'efiét qu'en attendait son auteur?
Faute de pièces, il est difficile de le savoir. Toujours est-
il que Clioiseul dans une lettre gracieuse(l) transmit au
(1) Choiseul au maréchal de Broglie, 24 novembie 1701. Papiers de fa-
mille.
: l
- > s:
imOGIJK AlîTOIUSE A VKiNIU A I.A COUR.
201
maréchal l'autorisation de faire le .oyaye de Paris :
« Le Hoi... m'a paru dcsiier que vous vinssiez à la cour
vers la lin du mois de décembre, temps aïKjuel il ne peut
point y avoir d'opéi'ations essentielles à l'armée, et où
votre présence sera utile ici pour déterminer les opéra-
tions de la campagne prochaine, vA mémo celles du mi-
lieu de l'hiver, s'il y avait possibilité d'entreprendre sui'
les ennemis dans celte saison, hc sorte (jue S. M. vous
laisse la libei té de choisir K; moment que vous jugerez
le plus propre pour vous rendre auprès de sa personne
sans nuire au bien de son service. » Il termine par un
mot amical : « .le crois que vous serez aussi bien aise
d'être reçu chevalier de l'ordre. » Tne autre dépèche du
iriinistre(l), tout en annonçant le refus du Hoi d'accéder
au désir de Broglie en suspendant le renvoi des troupes
en Krance, est conçue en termes aimables : « Lorsque vous
serez ici, .Monsieur le Maréchal, je crois (|ue je vous con-
vaincrai dans un quart d'heure qu'il y avnit de l'impos-
sibilité à faire autrement, .len dis de mémo de l'artille-
rie. Soyez persuadé que je désirerais, plus (pi'un outre,
d'augmenter l'armée du Hoi; mais l'enseirible des pro-
jets de S. M. et de ses moyens ne permettent pas que
l'on augmente les cllbrts; et je vous le répète, Monsieur
le Maréchal, vous en conviendrez vous-même, .le viens
de recevoir votre couriier du '2\). .le n'ai pas [)U en ren-
dre compte au Hoi; il me semble que la distribution
de vos quartiers est très bonne, .le crains toujours pour
Mulhausen et (îolha, malgré les promesses. »
En dépit du ton convenable de ces billets, Choiseiil. fort
mal disposé à l'égard de Hroglie, pensait à son rempla-
cement, sans toutefois l'avoir décidé; la correspondance
de Starheinberg(2), très bien renseignésur les intrigues de
la cour, ne laisse aucun doute à ce sujet. « La tension
(1) Choisciil au maréchal de lîioglio, 4 (Icîconilire l'oi. Papiers de fiunillo.
(2) Slarheinberg ù KauniU, lil novembre ITOI. Archives de Vienne.
i
202
LA nUEUIŒ DK SEPT ANS. - CIIAP. VI.
et raiiireur des rapports entre le niaréclial de lUoglie
et lo duc de Clioiseid sont arrivés à un degré (pii ne
permet pas d'espi'rcr entre eux un accord complet et loyal,
.l'ai eu Toccasiou de voir une partie des dépêches échan-
gées au cours de cette campagne et j'ai constaté qu'elles
étaient toutes remplies de reproches, de plaintes et de
pointes. Le ministre blAme hautement aussi bien la
conduite militaire du maréchal que son humeur insup-
[)ortal)le. H ne me surprendrait pas ({uand le duc de
Broglie abandonnerait son commandement ou quand il
le lui serait enlevé. » Slarlicmberg- fait allusion au désir
qu'on attribue à Choiscul de faire meltre son frère le
comte de Stainville à la tête de l'armée, à la mauvaise
intelligence qui existerait entre ce dernier et son géné-
ral. « Il est décidé, rapporte l'ambassadeur, qu'il n'y au-
rait qu un commandant en chef la campagne prochaine,
mais les voix sont partagées à propos du choix qui sera
fait; on parle de Soubise, dont Choiseul est bien content,
et qu'il aime mi-uix voir éloigné de la cour que présent.
Une circonstance qui ne favorisera pas les alfaii-es de
Broglie c'est la divergence d'opinion entre celui-ci et
son ministre sur la disposition des quartiers d'hiver. Le
mémoire que le maréchal vient d'envoyer contredit de-
puis le commencement jus([u'à la lin le projet que Choi-
seul en personne avait élaboré (1). »
Le conllit devait se dénouer à la cour; Broglie, accom-
pagné de sa femme et de son frère, quitta Cassel le
17 décembre en route pour Paris où ils arrivèrent au
commencement de janvier. A en croire notre informa-
teur Starhemberg, ils ne devaient pas trouver bon ac-
cueil de la part de Choiseul. Ce dernier lui avait moiitré(l )
à l'égard du maréchal beaucoup d'animosité et avait
dénigré sa capacité et son talent militaire, « c'était un
(I) starhemberg .i Kaunitz, 27 décembre 1701. Archives de Vienne.
COM-I.IT ENTUK imOGLIi: ET CIlOlSErL.
203
Ijoii partisan, mais tout à fait improprtî f'i la conduite
d'une grande armée ». A l'ambassadoui' (jui demandait
s'il avait sous la main un gônéral distingué et d'expé-
l'ionce à mettre à sa place, (llioiseul s'é'ut dérobé (mi
disant qu'il ne se mêlait pas de la (lésif;iiiiti<in des com-
niandants d'armée et qu'il appartiendrait au lîoi de d(''-
cider si Hroglie conserverait sa place ou serait remplacé.
Ce fut en vain que l'Autricliieu prit la défense du
général et fît appel au patriotisme du ministre en le
suppliant d'oublier ses préférences personnelles pour ne
penser qu'au talent militaire du géuéi-al et à la contiance
que le public avait mise eu lui.
ridèles à un système dont nous avons vu le maréchal
de lîelleislc se plaindre, les frères de lU'oglie tenaient leur
(mcle, l'abbé de Hroglie, au courant des incidents de
l'armée; le comte lui avait même coumiuiii([ué les lettres
j)articulières cpiil recevait de Clioiseul. Ce dernier, l'ayant
appris, (puililia en termes très vifs le procédé. Le comte
aussitôt de s'adresserili au Roi : « .l'ai l'Iionneui' d'en-
voyer à V. M. la copie de ma lettre d'aujourd'hui à M. le
duc de Cboiseul, Elle y verra que ce ministre ayant
appris que j'avais communi(;ué à mon oncle celles que
je lui écris, il en a été extrêmement fiWlié, je ne suis
pas étonné qu'il ne se soucie pas (ju'on sache la vérité
avec lacpielle je lui parle, j'espère cependant qu'il
comprendra que mon oncle et M. de IJeauvau peuvent
être au fait de cette correspondance sans ([u'il ait aucun
reproche à me faire. V. M. verra les détails dans les-
quels j'entre au sujet de mon frère, je serais enchaulé
de pouvoir mettre l'union et la confiance si nécessaires
entre deux personnes chargées des affaires de V. M., car
je sens qu'il est impossible que les choses restent sur
le pied où elles en sont; je voudrais surtout préparer
(1) Comte de Bro«Iie .au Roi. Paris, '.) janvier 17C2. Conesjiondaiicc seciole
«le UiO}^lie. Affaires Étrangères.
Il*
.1 I
ï '
• l'.l
■■■
1
304
LA (lll'.URE l)K SKPT ANS.
CIIAP. VI.
les voies pour !<; moiiunit où mon IV^rc arrivera lï Paris,
et ohtonir de M. de Clioiseul des proc(''d(''s décents, ne
pouvant [ms l'épondre que mon l'rt^re ne ini mar(|uAt
trop de sensibilité s'il en usait autrement. Mais un point
bien plus important, Sii-e, eest la manient dont V. M.
daignera le traiter à son arrivée, toute la Kranee aura
les yeux ouverts sur eet événenu'ut et mon frère mour-
rait (le douleur, s'il pouvait s'apercevoir (|ue ses sei'-
vices ne lui ont pas été agréables, et (|u'Klle n'est pas per-
suadée de son zèle et de son respectueux attachement,
.le sup|)lie donc V. M. de ne nous pas affliger aussi
sensiblement, et j'ose dir<î (]ue nous ne le méritons [)a8,
par la manière dont nous la servons sans relâche de-
[>uis que nous sommes au monde. »
A leur arrivée à l'aris, les liroglie trouvèrent en armes
toute la troupe de leurs ennemis; Choiseul oublia tous les
ménagements (pi'il avait gardés jusipi'alors et se déclara
l'adversaire résolu du mai'échal. Dans les derniers jours
de janvier, celui-ci éprouva l'affront de n'être pas admis
au souper du Roi. Le comte fait à son maître (1) un appel
désespéré : (( C'est avec la môme confiance ([ueje prends
encore la respectueuse liberté de lui observer que l'Iiu-
miîiation que mon frère a éprouvée samedi en n'étant pas
admis au souper de V. M. a été donnée par la cabale qui
lui est opposée, comme le triomphe le plus complet, et
elle annonce (|ue mon frère se trouvera dorénavant ex-
clu des moyens de faire sa cour à son niaitre toutes les
fois (piil [)laira A son ennemi de se présenter. Il est facile
de concevoir l'eiret que produit une pareille opinion et
combien elle dégrade un des plus fidèles sujets de V. M.
qu'elle a revêtu des dignités et des postes les plus consi-
dérables. » Le comte [j^ie le Uoi de lui « pardonner la
liberté qu'il prend de l'entretenir de ces objets par la
(I) Comte (le Broslio au lUti, 20 janvier 1762. Vol. .539. Correspondance
spcièlc. AlVaires Étrangères.
!
MKMOIUK JUSTIFICATIF UE lUlOCLIK.
'i05
Voie sccnMc qirKIle m'a permiso >. Il se denunide (|uellc
peut être la cause de l'inimitié de Cliois(;uI, i\ moins (|iie
par le canal de lîoyer, (|ui ost ton! à lui, ou « do (piel(|ues-
uns de ceux ((ui ont encore part au secret de V. iM., il
n'ait appris, comme on me l'a assur»'*, (pie j'avais le huu
heur d'être en correspondance directe av<'c Klle et que
cela ne l'ait détermine î'i vouloir nous détruire par «piel-
que moyeu que ce soit ». Attribuer l'iittilude de (Ihoiseul
A la découverte (pi'il aurait l'aile de la politicpie secrète de
Louis XV et à la jalousie ()u'il eu aiiniit conçue, ('"était
intéresser pcrsoiuicllemont le l{oi à la querelle et faire
appel à son caractère susceptible et soupc-onneux. La
manœuvre était habile, mais elle ne réussit p.us.
Deux j(mrs avant l'envoi de la letfie de la(pielle nous
venons de citer des extriiits, le maréchal de Hroglie avait
remis à Louis XV, à Choiseul et à tous les ministres un
mémoire accompagné de pièces justificatives (li sur les
opérations de guerre postérieures à la séparation des deux
commandements. Cette pièce avait pour but de démontrer
que pendant la plus grande partie de la campagne, Sou-
bise n'avait eu all'aire qu'à des détachements peu impor-
tants de l'ennemi, que ses lenteurs et ses hésitations
avaient transformé son corps d'armée en (juantité négli-
geal)le et permis au prince Ferdinand, en gardant avec
lui le prince héréditaire, d'opposer à lïroglie des forces
égales ou supérieures.
Le document contient le résume des mouvements du
prince héréditaire depuis le 10 août jusqu'à la fin de la
campagne; il relate son arrivée à Burcii le l.'l de ce mois,
la part (ju'il avait prise aux opérations en liesse jusqu'aux
25 et 2G, la relève de llamm, la surprise de Dorsicin, le
séjour à Krwete, h? retour vers la Dymel le L"» septembre
et la démonstration sur Frit/lar; enfin la marche sur la
f!. I
(1) Elal de tous les inoiivomrnts du corps du iiriii<<! Iii-icdiluire ou d'une
partie depuis le 10 août jusqu'à la lin de la caiiipaj^ne. Papiers de faniilk'.
L^
'm\
LA tllEHHK l)K SKIM ANS.
CIIAI'. M.
Ilcsso intoiM'om|)Uo le IC» nctolti'*! à Piidoi-hoi'ii par lii no-
mination tlu [iiiiice au coinmantlcMKMit <l<'s forces conl'é-
cl«lré(îs réunies à ilihleslieini et par le retour à la ^rautle
arn'ée de ses troupes passées aux ordres d llardeuberg'.
Les conclusions du mémoire sont iccahiantes pour le
maréchal de Sonhise et par i-épeirussion [)Our son délcn-
seur, le duc de Choiscul : « Il en résulte (pie la plus
grande partie du corps du prince liéirditaire n'a pas été
un seul j( ni-, depuis le 10 aoi'it 17(»l , à purtéiî de l'armée
du Bas-Uliin.
' Que vis-à-vis cette armée, du 10 au 20 août, il n'y a
eu <|ue le coips de Kielmansegge, fort de 6.000 hommes;
H Que d'îpiiis le 20 août jusqu'au 12 septembre, M. de
Kielmansegge a été renforcé pai" le général O'IIeini com-
mandant un corjis de V.OOO hommes;
(( Uue pendant ce temps .M. le prince héréditaire était,
avec la plus grande partie de son corps, depuis Buren
jus(ju'à la Lippe, position intermédiaire entre les deux
armées françaises du Haut et lîus-Uhin, et plus rapprochée
de la première cpii avait alois sa gauche vers Wolfhagen,
(jue de la seconde ([ui était entre Dorstein et llaher;
« Uue depuis le 12 septembre juscpi'à la fin de la cam-
pagne, M. le prince héréditaire a toujours été à la droite
ou à la gauche et très près de iM"-" le prince I^'erdinand, et
opposé seulement aux troupes de l'armée du llaut-Uhin. »
D'après les calculs de Broglie, le fonds de l'armée des
alliés réunis se serait monté à 110.000 hommes, réduits
à !>0.000 i)ar le détachement permanent de Wcstphalie et
par les garnisons; snr ce total, sauf pendant les 15 jours
de la période de la relève de Hamm, l'armée du Bas-
Bhin n'aurait eu en face d'elle que les 10.000 hommes de
Kielmansegge et O'ileim. Au contraire, depuis le 10 août
jusqu'à la lin de la campagne, l'armée du llaut-Bhin
forte de 98.000, déduction faite des garnisons et de la
ligne des communications, aurait été opposée tantôt à
liUOdI.lt: ÀCl'AIII.K SOUIIISE.
207
KMi.OdO, l.'iiitùt à !)0.0(M> (;t aurait oW' inlériciis'c au pi-inci;
Fcrdinatid ou n'auriiit <mi sur lui ({u'uii<> supiTiorité (l<>
8.00U hommes.
(( D'après cela, on |)outju,ij;'or si olle a roinpli ce qu'^^n
eu (levait allcudio. et s'il lui eiU été possible de l'aire
davanlaye.
« On croit d'ailleurs pouvoir eu appeler A la comp;»-
raison des opérations de l'armée du llaul-hliiu, à celle
du Has-lthin.
« Lu premièr(ï, du fonds de 118.000 hommes, a
eu vis-à-vis d'elle celle des alliés, du fonds de IO(».(M)U
(IKi.OOO — 10.000). H La seconde, du fonds de .")"». 000
hommes, a eu devant elle un corps du fonds de 10.000.
Il en résulte «pie, pour ijuo l'ar née du IJaul-Ilhin n'eiH
eu vis-à-vis d'elle, relativement A sa force, qu'un nond)rc
proportionné à. celui qui a été opi)osé à l'armée du llas-
Kliin, il faudrait (pie l'aiinée des princ(>s l'erdinand et
héréditaire réunie n'eût été que de iO.OOO hommes. »
Il y aurait (juelques l'éserves à faire sur les eH'ectifs
attribués au prince Ferdinand ([ui n'atteignirent jamais
les chill'i'es mis eu avant. Hroglie basait ses calculs sur un
nombre de 700 fusils par bataillon et 190 sabres par es-
cadron et ne tenait pas compte des malades et détachés,
fort nombreux dans l'armée confédérée, tandis qu'il n'al-
louait <i ses propres unités que les ellectifs plus restreints
de ôuo et IVO. I*ar contre, il avait exagéré les forces op-
posées à Soubise à partir du lô septembre, car à cette
date Kielmanseg-ge avait rejoint la grande armée et O'Ileim
après le renforceufent des garnisons de .Munster, Lippstadt
et Hamm n'avait conservé que .'J.OOO réguliers et quelqui.'s
centaines de troupes légères.
liroglie avait adressé son mémoire àChoiseul en même
temps qu'au Uoi (1). u Ayant lieu de croire, .Monsieur le
f
(I) Broglie à Choiscul, 2 i juiivierl7()2. Correspondance secrète dcBroalie.
SCS
LA GUEHRE DE SEPT ANS,
CIIAl'. VI.
fj'
II?
tL) ( I
fi
m
Duc, que les événcniejits qui se sont passés, depuis 28
mois, à l'armée dont le Uoi m'a confié le commandement,
ne lui ont point été toujours rendus avec revactitude que
j'aurais pu désirer, et devant craindre particulièrement
que, malgré celle avec laquelle vous l'en avez instruit,
ceux de la dernièie campagne ne lui ayant été présentés,
par des personnes qui ont le bonheur de l'approcher,
d'une manière propre à lui l'aire concevoir den prévenu
lions fâcheuses pour eux, je me trouve, Monsieur le Duc,
dans la nécessité de mettre sous les yeux de S. M. le compte
de la conduite que j'ai tenue pendant tout ce temps. J'ai
l'honneur de vous prier de vouloir bien me donner une
heure or je puisse vous le communiquer. » La réponse du
Ministre, polie dans la forme, est aussi sè'he qu'on pou-
vaits'y attendre : (( .le n'ai nulle connaissance (1), Monsieur
le Maréchal, que le Hoi aye quelque doute sur votre
conduite à la tête de ses années. S. M. m'a paru très bien
instruite (h s faits selon qu'ils lui ont été l'apportés dans
son consi .. Ainsi, j'ai peine à comprendre quels nouveaux
éclaircissements v )us voudriez donner au Hoi, qui ne se-
raient pas contenus dans les lettres cjue vous m'avez
écrites, et que j'ai mises en entier sous les yeux de S. M.
Uuoi qu'il en soit. Monsieur le Maréchal, je suis à vos or-
dres et prêt à écouter tout ce <]ai vous conviendra que je
rende au lioi de votre part, relativement à la guerre. »
L'enquéta ainsi commencée se prctlongea (|uelques jours,
car, le 7 lévrier, nous relevons une lettre (2) du maréchal
à Louis XV accompagnant l'envoi de notes éniaiumt de
(iuerohy, de Beauvau, et de la réponse quil leur a faite.
Le IS février intervint le verdict royal : ^ Mon cousin,
ayant jugé que la forme A le fonds de la démarche que
vous avez laite en me présentant un ni.émoire sur les
événements de la campagne dernière, étaient aussi con-
(l)Choiseul à Broglie. 2."> janvier 1702. PapitM's de fainillc de Hroglie.
(2) Broglie au Uoi, 7 février 1762. Papiers de fainiile deBroglie.
DISGUACE.
209
traires au bien de mon service que d'un mauvais exemple
dansmon royaume, je vous en marque mon mécontentement
en vous citant le commandement de ma province d'Alsace,
et en vous ordonnant de partir pour votre terre de Bro-
glie dans la journée de samedi, où vous resterez jusqu'A
nouvel ordre de ma part. Sur ce, je prie Dieu (|u'il vous
ait et vous conserve en sa sainte et digne garde. A Marly,
ce 18 lévrier 17(52. » Voici en quels ternies (1) Clioiseul
transmit la nouvelle de la disgrâce au marquis d'Ossun,
ambassadeur à Madrid : « Les avis du Conseil du Uoi ont
été unanimes : l'incompatibilité et la présomption de
M""" do Broglie étaient montées au plus haut degré et au
point de les aveugler jusqu'à les engager à présenter au
Roi un mémoire lixe sur les faits et calomnieux contre
M. de Soubise. La justice du Itoi a prévalu sur sa bonté,
et môme sur l'espérance des services que pouvait lui ren-
dre M. de Broglie. Il lui a enlevé le commandement de ses
armées et de la province d'Alsace, et l'a exilé dans sa terre
de Broglie. Il est bien fAcheux que les sujets qui peuvent
être utiles se mettent dans des situations où ceux qui les
soutiennent le plus ne peuvent pas les aider. »
Dès la fin de décembre 17G1 Starhend>erg avait prévu la
disgrâce. H en attribue la cause tout au moins immédiate
à la présentation du mémoire justificatif que Choiseul n'au-
rait rien fait pour arrêter ; ce reproclie, d'après les lettres
échangées que nous avons reproduites, ne semble pas jus-
tifié, mais à partir de ce moment tout le parti du mi-
nistre s'acharna à ruiner le maréchal et son frère. « A
peine la pièce avait elle été déposée, écrit l'ambassadeur (2),
ïue les elforts unis de (ïhoiseul, de la Pompadour, de la
duchesse de Gramont, de Soubise, d'Estrées et du comte
de Choiseul travaillèrent à consonimtr la chute de Broglie
4\
m
u
, :)■
(!) Slarheinbeigà Kauiiitz. 26 février 1762. Archives dp Vienne.
(2) Choiseul àOssun, '23 février 1762. LeUres de Choiseul à Ossuii, vol. 574,
Aflaires Etrangères.
GlEKIli; Uli SEPT ANS. — T. V. 14
fe il
"crsr
210
LA GUERRE DR SEPT ANS. — CHAP. VI.
Il'
i^;
et à lui enlever son commandement. » Tous les renseigne-
ments qu'il avait pu recueillir indiquaient Soubise comme
son successeur avec Armentières comme premier lieute-
nant-général, Montazet comme chef d'état-major. Starhem-
berg tout en rendant justice à la noblesse des sentiments
et au bon esprit de Soubise le considère comme très infé-
rieur à son rival au point de vue des qualités nécessairîs
pour exercer le commandement en chef et ne le croit pas
capable de gagner la confiance des militaires et de la na-
tion. Quelques jours après la publication de l'ordre d'exil,
Starhemberg revient sur l'affaire. Il dépeint la mauvaise
impressionproduiteparla disgrâce sur le pubîic aggravée
par la dureté de la sentence royale, fait allusion à la repré-
sentation de Tancrède à la Comédie française où les spec-
tateurs s'emparèrent d'un vers de la pièce pour acclamer
l'exilé et constate le mécontentement général qu'il fallut
apaiser en confiant au maréchal d'Estrées la direction su-
périeure des opérations, tandis que Soubise ne conserverait
que le détail du commandement. D'après l'ambassadeur
de Marie-Thérèse il y aurait eu lutte entre le ministre et le
maréchal, la victoire serait restée au crédit bien supérieur
du premier.
En matière de disgrâce Louis XV se montrait aussi ran-
cunier que cruel à l'égard de ses meilleurs serviteurs. A en
croire les propos tenus en 1763 par Cboiseul (1) à M. de
Thiers (Crozat) père de la maréchale qui sollicitait pour
son gendre la permission de se rendre à Paris auprès de sa
mère mourante, l'irritation du Roi contre 'e duc de Broglie
avait été poussée à un tel degré qu'elle se manifesta par
des procédés indignes du Monarque. Louis XV se refusait à
accorder la requête; il semblait « croire que la maladie
était feinte » et il voulait « prendre du délai jusqu'au di-
manche pour en être éclairé ». Au ministre qui avait ob-
(1) Extrait des trois dernières conversations de M. de Thiers avec M. le duc
de Cboiseul, 25 et 29 avril, 6 mai 17(>3. Papiers de famille de Broglie.
en
de
lour
le sa
glie
]par
lit à
idie
di-
lob-
iduc
I
PUISSANCE DE CIIOISEUL.
21t
serve a que ce d^^lai donnait le temps à la maréchale de
mourir «, Louis avait répliqué : « Eh bien! si elle est
morte, ils n'auront pas la peine de venir. » Lors d'une
dernière entrevue à propos d'une nouvelle supplique
des exilés, repoussée par le souverain, Choiseul << a rejeté
le relus sur la haine personnelle de S. M. qui, a-t-il dit,
est nourrie par une brigue très forte ». Le comte de Bro-
glie fut enveloppé dans la disgrâce de son frère, quoiqu'il
continuât â être chargé de la direction de la politique se-
crète de Louis XV et qu'en cette qualité il demeurât en cor-
respondance directe avec le monarque.
Très maladroitement, ce serable, les Hroglie avaient
engagé contre le tout-puissant ministre une lutte dans la-
quelle ils ne pouvaient que succomber. Confiant dans l'in-
fluence que lui donnait son rôle singulier et spécial de di-
recteur de la politique personnelle de Louis XV, le comte
de Broglie, qui parait avoir été l'inspirateur de la manœu-
VI e, se crut assez fort pour attaquer Choiseul et pour en
appeler de la condamnation qu'il supposait avoir été pro-
noncée par le ministre au verdict suprême du Roi. C'était
bien mal connaître le caractère timide et félin de son maî-
tre, c'était ignorer la puissance qu'exerçait sur cet esprit
paresseux et indécis l'opinion de Eon entourage intime. De
plus, les talents réels de Choiseul, ses relations avec M'™' de
Pompadour, le prestige récent que lui avait valu la con-
clusion du pacte de famille, l'indépendance qu'il avait ac-
quise vis-à-vis de l'Autriche, tout contribuait à grandir
une position qui n'avait pas encore atteint son apogée.
Entre Ihomme d'état devenu en fait premier ministre,
dont la présence aux affaires semblait indispensable pour
terminer une guerre désastreuse et le général dont on re-
connaissait les qualités militaires, mais dont la dernière
campagne n'avait pas accru la renommée, était-il possible
d'hésiter ? Louis XV, tel que nous avons appris à le connaî-
tre, obéit peut-être à d'autres préoccupations que celles
■/: -it
'I
^
212
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
du ])ien public, mais ne l'aurait-il pas fait que la raison
d'état expliquerait sa décision.
Lors du retour de Broglieà Paris, Choiseul désirait-il son
ren> placement .' Nous en doutons; le ton de ses dernières
lettres, l'approbation donnée à la conduite des opérations
de fin de campagne, à la distribution des quartiers d'hi-
ver, feraient croire k un revirement en faveur du général
dont il ne pouvait nier la valeur, s'il revendiquait le droit
de critiquer ses défaillances. Attaqué par lui et surtout par
le comte son frère, Choiseul se défend et cherche k ruiner
des hommes qui lui ont déclaré la guerre et qui pourraient
être dangereux pour sa fortune. Nous estimons que les
Broglie en s'en prenant à Choiseul, en l'accusant d'avoir
caché la vérité au Roi, firent un ennemi juré de celui qui
aurait pu rester neutre avec une pointe de bienveillance.
La plaidoirie des réclamants était d'ailleurs trop empreinte
du sentiment de leur supériorité, disons, de leur infailli-
bilité pourne pas offusquer unjuge impartial, ce que, dans
l'espèce, est rarement un camarade ou un collègue.
Ceci dit, et laissant de côté les considérations politi-
ques pour n'examiner que les faits militaires, nous n'hé-
siterons pas à nous prononcer avec tous les historiens
sans distinction de nationalité en faveur de Broglie dans
son procès contre Son' i se. Nous n'accuserons certes pas
celui-ci d'avoir sciemment refusé son concours à son ri-
val, mais nous lui décernerons un brevet d'infériorité
militaire bien mérité. Brave de sa personne, atfable à
l'égard de ses inférieurs, soucieux du bien-être de ses
soldats, Soubise ne possédait aucune des qualités du com-
mandement supérieur, du vrai chef; indécis, prudent
jusqu'à la timidité, dépourvu d'initiative, fuyant les res-
ponsabilités, lent à l'exécution, il ne semblait avoir d'au-
tres préoccupations que celle de conserver au Roi ses
troupes intactes et pour cela d'éviter tout engagement
assez sérieux pour compromettre ce résultat. Pendant
res-
'au-
ses
lent
iant
(1
i
1^
VALEUR MILITAIUE DE HROGLIE.
213
toute la seconde moitié de la campagne, il est hypnotisé
par la crainte de voii' reparaître le prince héréditaire,
n'ose rien tenter ni contre lui ni contre les places de la
Westphalie quand il le croit présent ou seulement à por-
tée, ne profite pas de ses absences mènie quand il n'en
peut douter, et réduit le rùle de son armée, eu dépit des
invitations de la cour, à celui d'un corps de réserve des-
tiné à soutenir, au besoin à recueillir les partisans qu'il
envoyait fourrager sur les bords de l'Ems et dans la
région comprise entre ce fleuve et le Weser. Avec une
pareille direction, la guerre o.urait pu durer 10 ans, les
affaires de li France n'en eussent pas été plus avancées.
Broglie, beaucoup plus hardi dans ses conceptions, s'il
ne l'était pas toujours dans l'exécution, commença sa
campagne d'une façon brillante ; le passage de la Dymel,
l'échec infligé à Sporcken, la marche rapide au secours
de Soubise, la jonction avec l'armée du Bas-Rhin lui
firent honneur. N'insistons pas sur les fautes de détail
de Vel'inghausen ; comme causes de la défaite, elles dis-
paraissent en regard de l'indécision et des lenteurs de
Soubise. Mois une fois les armées séparées, la sienne ren-
forcée de 40.00"' hommes, il serait impossible de décla-
rer que Broglie sût tirer parti de sa supériorité sur le
prince Ferdinand. Il n'osa pas risquer la bataille qui
seule lui eût ouvert les portes du Hanovre et du Bruns-
wick; au lieu de .se battre, il chercha à manœuvrer,
et ayant affaire à plus fort que lui, il se mit A la remor-
que de l'adversaire, subissant sa volonté au lieu de lui
imposer la sienne. La fin de l'été et la plus grande partie
de l'automne furent absorbées par des chasses-croisés en
Hesse et autour de Gottingen coupés par des repos pro-
longés. La pointe sur Brunswick eut plutôt le caractère
d'un raid de partisan que celui d'une grande manoeuvre
de guerre ; le retour de Lusace et Closen effectué, il n'en-
treprit rien contre les tronçons isolés de l'armée confédé-.
y.
Ni
•H.
2J'
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI.
rée et attendit passivement dans la position d'Eimbeck
une attaque qu'il laissait à son adversaire tout le loisir
de préparer.
Quant à Ferdinand, s'il eut le mérite de s'attacher à
une position centrale d'où il rayonna pendant presque
toute la campagne, on peut lui reprocher de n'avoir
pas saisi l'avantage que lui offrait l'isolement de Soubise
pendant une semaine entière avant la jonction avec
Broglie. Son inaction après Vellinghausen dura trop
longtemps et s'il devança le maréchal dans la position de
Nieheim, il le dut bien plus à la lenteur de celui-ci qu'à
sa propre diligence. Lors de la marche des Français sur
Hoxter, il fut trompé par Broglie et ne fit rien pour trou-
bler le passage du Weser. Ue môme les mesures pour la
relève de Brunswick furent tardives et ne réussirent que
grâce à la hardiesse de ses lieutenants et nous pouvons
ajouter à la prudence excessive du général français. En-
fin, l'opération contre Eimbeck, quoique couronnée par
un succès stratégique, parait décousue et avoir été mé-
diocrement conduite.
Quoi qu'il en soit, et quelque justifiées que soient ces
critiques de détail, il n'en reste pas moins qu'au prince
Ferdinand revient l'honneur de la campagne. Avec des
forces inférieures et une armée composée d'éléments
peu homogènes, il maintint ses positions de 1760, ne
])erdit ni territoire ni place forte, et dicta la loi à un
ennemi formidable.
I J
CHAPITRE VII
CAMl'AGKE DE h'IlKDKRIC CONTRE LES AUTUICIIIENS ET LES
RUSSES. 1761. — COMBAT DK WAIILSTATT. — CAMPS RE-
TRANCHÉS DE BUNZELWIT/ ET DE SCIIWEIDNMZ. — LAIDON
PREND SCIIWEIDNITZ. — SIÈGE DE COLRERG.
La campagne de 17iBl s'annon<;ait difficile pour le roi
de Prusse ; le recrutement de son armée devenait de plus
en plus laborieux, une grande partie de ses états était
occupée par l'ennemi et ne fournissait plus hommes
ni argent. Sans doute on faisait des recrues en Saxe, en
Mecklembourg et en Thuringe, on encadrait par force des
prisonniers autrichiens, russes, suédois et allemands; on
remplaçait les bataillons de ligne par des formations
irrégulières ; mais ces levéescomposées des éléments les plus
disparates étaient loin de valoir les troupes nationales qui
avaient constitué le principal élément des ai'mées du début
de la guerre.
Frédéric avait passé les mois d'hiver à Leipzig, il avait
entretenu une correspondance active avec le prince Ferdi-
nand (ju'il encourageait à se maintenir en liesse, et à qui
il faisait espérer la prise de Cassel ; il se préoccupait de
l'attitude de l'Angleterre et de la situation qui lui serait
faite au cas d'une paix particulière de cette puissance avec
la France; enfin, il cherchait à ameuter conire l'Autriche
la Porte et le Khan deTartarie . Ces négociations politiques
ne l'empêchaient pas de veiller au rétablissement de son
*
lll
216
LA GUEHHE DE SKPT ANS. - CHAP. VII.
armée. L'oxpcflition des généraux Syburget Schonkendorf
dans la vallée de la Saale et dans le Voigtland avait pour
butprincipal de rassembler des soldats et des contributions.
Syburg, qui avait pris part à la défaite des Saxons à Lan-
gensalza, remportait à Saalfeld un nouveau succès sur une
division des trou[)es des cercles; ce raid combiné avec
Schenkendorf et Lindcn leur rapportait 4.000 prisonniers,
16 canons et un butin important.
Le 20 mars, le Hoi se trouvait en tournée d'inspection à
iMeis;en. « Mes levées vont à merveille, écrit-il à son frère
le prince Henri (1), ma cavale, le sera en état d'opérer le
1'^'^ avril, et je pense que les 8 bataillonsfrancs seront prêts
à entrer en campagne un mois plus tard, .l'ai fait le tour
des régiments en passant par Chemnitz, et je dois vous
dire à mon grand contentement que nous sommes centl'ois
mieux qu'on nesaurait s'imaginer. » De Londres, il recevait
le 11 avril avis de l'ouverture pacifiqne de Clioiseul et com-
munication des pièces qui s'y rapportaient. Disposé à l'ac-
cueillir ainsi qu'un armistice qui s'appliquerait à tous les
théâtres des opérations, il pose cependant (2) dès le début
l'ultimatum que voici : « il ne se prêtera de sa vie à céder
môme jusqu'à un village... il ne signera aucun traité de
paix à moins qu'il n'y fût mis pour base que je garderai
toutes mes possessions en terres et provinces, toutes
comme elles ont été possédées de moi l'an 1756 avant
le commencement de la présente guerre ». Malgré cette
intransigeance, pendant tout son séjour à Meissen, qui
dura jusqu'au k mai, toute la correspondance du Roi avec
Finckenstein et S'^s ministres à Londres exprime le désir
d'une suspension d'hostilités qui, conclue d'abord entre
la France et l'Angleterre, s'étendrait, grâce à la médiation
(1) Frédéric au prince Henri, Meissen, 20 mars iTfil. Corr. Polit., XX,
p. 273.
(2) Frédéric àKnypiiausenetMicliel, Meissen, 11 avril 1761. Corresp. Polil.,
XX, p. 323.
\
FRKDKRIC A GOULITZ.
217
(le ces puissances, Ji la guerre crAllcinagne; toutefois, il se
préparc à la reprise de la campagne que l'entêtement de
l'Autriche rendra inévitable. Le 4' mai il Irancliit l'Elbe
et le 8 il esta (i<»rliti5 en route pour la Silésie où il se ré-
serve la conduite des opérations, laissant X son frère Henri
la défense de la Saxe.
l)u c6té autrichien, i)aun, cédant aux instances de l'impé-
ratrice, était revenu sur la démission qu'il avait donnée
après la haiaillc de Torgau, et avait accepté le comman-
dement des troupes en Saxe. Lés principales rencontres
devant avoir pour théjVtre la Silésie et devant être combi-
nées avec les Husses, Laudon, qui parlait le russe et qui
passait pour être fort goûté par l'état-major de ces alliés,
était tout naturellement désigné comme chef de l'armée
autrichienne dans cette province. Prenant k titre provi-
soire la diref^tion dès le commencement d'avril, il con-
centre ses forces éparpillées dans les cantonnements d'hi-
ver, dénonce (1) le 19 la trêve qui avait été négociée
pour la mauvaise saison, mais il n'engage aucun mouvement
contre Goltz qui lui est cependant inférieur en nombre.
A en croire Montazet, qui connaissait à fond le haut per-
sonnel militaire qu'il fréquentait depuis 4 ans, très au cou-
rant de l'opinion de l'Impératrice et de ses ministres, Lau-
don ne possédait pas la conliance de Marie-Thérèse : « elle
me l'a dit elle-même, écrit-il à Choiseul (2), et M. le maré-
chal Daun me l'a confirmé. L'un et l'autre m'ont confié que
Laudon étaitsans doute un brave homme, mais qu'il chan-
geait d'avis 4 fois par jour, que par conséquent il ne serait
pas prudent de le charger de grandes opérations. M. de
Kaunitz à la vérité ne pense pas de môme, mais malgré son
crédit sur l'esprit de l'impératrice, il ne changera pas, je
(1) Malgré la trêve, il y avait eu une incursion prussienne dans le comté de
Glatz en vue de lever des recrues; Laudon, ne pouvant obtenir leur renvoi, se
vengea en enlevant la garnison prussienne de Frankenstein.
(2) Montazet à Choiseul, Kunlzendorf, 10 sept. 17(>0. Archives de la Guerre.
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218
LA OUËKRK DE SEPT ANS.
CIIAI'. Vil.
crois, une u|)inion(|ui m'a paru aussi bien établie, surtout
quand M"" ia maréchale Dauu la nourrira. M. de Lasci dim-
nerait plutôt de l'ombrage... l'Impératrice en fait grand
cas... mais M. de Kaunitz n'aime que Laudon et pas du tout
M. de Lasci ». Depuis la date de cette appréciation, la perte
de la bataille de Torgau, la démission de Daun et le relus de
Lascy d'assumer le commandement en chef, avaient aug-
menté les ciiances de Laudon. Lors du passage de Montazct
à Vienne vers la lin de mai, le choix était encore indécis,
puisque Kaunitz (1) l'avait prié de parlera l'Impératrièe
en faveur de son candidat. « Elle me dit qu'elle était bien
îY plaindre d'avoir à combattre le goût de son ministre pour
M. de Laudon. » Laquestion ne fut définitivement traui hée
qu'à la fin de juin.
A l'arrivée du Koi de Prusse et des renforts que celui-ci
amenait avec lui, Laudon se retira à Hraunau. Krédéric
installa son (juartier général à Kunzendorf entre Schweid-
nitz et Freiburg, il y resta jusqu'au 7 juillet. Dès le com-
mencement de mai, c'est-à-dire au momeut où le Uoi ac-
complissait sa marche vers la Silésic, un rescrit impérial
mettait Daun au courant des pourparlers engagés par l'am-
bassadeur Ksterhasy à l'ellct de combiner les mouvements
des deux alliés. Dans cette pièce (2) il était question des
menées prussiennes auprès de la Porte en vue de décider
cette puissance à faire la guerre à la Russie ot à l'Autriche,
de l'abandon du projet d'assiéger Stettin et Custrin, de la
proposition des Russes d'envoyer un corps auxiliaire dans
la Haute-Silésie,sauf à opérer avec leur principale armée
d'une façon indépendante, de la nécessité enfin d'aug-
menter les effectifs de Laudon qui conserverait le comman-
dement en Silésie, à moins que Daun ne préférât s'y rendre
et prendre la direction suprême, ce qu'on le laissait libre
de faire. Frédéric, grâce aux relations qu'il entretenait
(1) Montazet à Ghoiseul, Vienne, 23 mai 1761. Ardiives de la Guerre.
(2) Cabinel Sclirciben an Daun, Vienne; 8 mai 17C1. Arcliives de Vienne..
■/•
QUE FERONT LES HUSSES?
219
avec Tottlehen par riiitormcdinire du juif Sab.itky, était
renseigné sur les projets des Russes, qui d'ailleurs n'é-
taient pas encore bien arrêtés; il put donner des instruc-
tions ?> ses 11, utenants pour les hypothèses à prévoir. Une
nouvelle entreprise serait tentée contre Colberg-, mais se-
rait-elle partie essentielle ou secondaire du programme
général? Le grand mouvement russe serait-il dirigé sur la
Poméranie ou sur la Silésie? La jonction avec les Autri-
chiens serait-elle essayée du crtté dcBreslauou vers (ilo-
gau? Autant de questions i\ résoudre selon la suite des
événements. Frédéric pensait que le signal du début delà
campagne serait donné par laraarche de Dauu en Lusace
et en Silésie. Le prince Kugène de Wurtemberg devait
se concerter avec le général Werner pour empêcher les
Russes d'entreprendre le siège de Colberg; Goltz pren-
drait une position d'uttente près de Glogau, le prince
Henri suivrait le mouvement de Daun, laissant à llulsen le
soin de défendre la Saxe; quant au Uoi, il s'attacherait à
rendre impossible l'union de Laudon et de la grande ar-
mée russe.
Vers la fin de mai, (Joltz, avec une division de 10.000
hommes, avait occupé près de Ologau la position qui
lui avait été assignée ; Werner avait été renforcé de ï ba-
taillons envoyés de Glogau. De son côté, Daun, sous la
pression des ordres de sa cour, avait renforcé l'armée de
Silésie d'une quinzaine de mille hommes; O'Donnell et
Sincère avaient été détachés à Zittau et communiquaient
avec Laudon.
Frédéric ne croyait pas au commencement de la cam-
pagne avant la fin de juin; « ni Laudon, ni Daun, écrit-il
à Ferdinand (1), r'entrcprendront rien avant que l'armée
russe ne sera en mouvement, et on m'assure de tous les
côtés que cette armée n'approchera de nos frontières qu'à
(1) Frédéric à Ferdinand, Kunzcndorf, n mai 1761. Corr. Poiil., XX,
p. 423.
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LA (llIEnilE DK SKPT ANS. — CIIAP. VII.
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la fin (lo juin ». Il es|)»\ro que la conclusion de la paix les
aura drlivrcs des dan,^e^s do la triple attaque (|u'il craint ;
Il les Fiançais paraissent drsircr la paix », mais il soup-
çonne <|ue « M. Pilt n'en a pas tant d'envie que les Fran-
çais », et il ref^rette rexpédition de IJelleisU!, « Mais vous
devez savoir «[ue ces gens-lù (les An^^lais) ne sont pas
faciles à ;;ouverner, qu'ils sont amoureux de leurs senti-
ments et opinifVtres ».
Le Hoi ne se trompait pas en assurant que Laudon n'en-
treprendrait rien avant l'entrée en scène des Russes; cette
inaction lui avait été prescrites par un ordre du conseil (l)
qui lui annonçait un détachement, prélevé sur l'armée de
Daun, de li bataillons, IV compagnies de grenadiers et
de ^ régiments de cavalerie dont 2 de hussards ; de ce
corps, la moitié lui était destinée comme appoint immé-
diat, l'autre moitié, mise pourtant sous ses ordres, dcNait
être laissée en Lusace JÏ moins de nécessité absolue.
Malgré ce renfort (2) Laudon, d'après l'état ([u'il avait
envoyé, avait été mis en grande infériorité par l'arrivée
du Roi, aussi avait-il pris le parti de la défensive et s'é-
tait-il replié sur le comté de Glatz et la gorge de Rraunau
où il était demeuré depuis. Dans sa correspemdance avec
Kaunifz, Laudon se plaint à plusieurs reprises du départ
tardif et de l'insuflisance des renf< r. s qui devaient lui arri
verde Saxe. Entre lejeunegénCr.i' d'origine étrangère qui
avait obtenu un avancement si rapide, le maréchal Daun et
la plupart des généraux autrichiens, il y avait peu de sym-
pathie ; le rùle prépondérant qui était attribué à Laudon
entraînait la diminution du leur, puisque ces derniers ne
voulaient pas servir sous les ordres de leur cadet, et ce
n'était pas sans déplaisir ([u'ils voyaient augmenter l'ar-
mée de Silésie aux dépens de celle de Saxe. Quoi qu'il en
(1) Cabinet Schreiben an Laudon, Vienne, 11 mai 1761. Archives de
Vienne.
(2) Montrozard àClioiscul, Dresde, 16 mai 1761. Archives de la Guerre.
IIU;ilKI«IC NKOOCIK AVEC LA P(»»TE.
231
:e
fiU dos soiitinionts intimos de Haun, il faut roconnaiti'o
qu'il exécuta les ordres dt sa cour «»t <|ue les ojx'rations
uutricliicunt s en Silésie no soullVirent pas du inan<{uc de
reiilorcem(Mits. D'ailleurs, la cour de Viennes n'entrevoyait
pas roll'f'nsive en Silésie avant la venncî des Kusses. Pour
être ajournée à la saison d'ét/*, la perspective de l'attaque
russe cond)inéo av<'c celle des Autrichiens n'en était pas
moins alarmante; aussi ji titre de diversion, Frédéric
"herche-t-il h activer et à maj^'nilier ies négociations
avec la Porto et le Khan, il donne au traité de commerce
qu'il vient de signer avec la première, toute l'importunce
qu'il peut, il écrit fi son envoyé l{c\in (I) d'ohtenir de
Constantinople une communication aux deux Impératrices
à l'ellet d'exprimer ((ue (( la Porte ne pouvait voir d'un
œil indifférent mes embarras et que l'amitié (ju'elle entre-
tenait avec moi ne lui permettait pas d'ac(iuiesccr ii ma
défaite et à la spoliation de mes possessions ». Une décla-
ration de la sorte ap[myée d'une démonstration militaire
serait du meilleur efl'et.
La première moitié de juin s'écoula sans incident : le
Roi était toujours dans son camp de Kunzendorf et en
correspondance suivie avec son frère Henri, le prince
Eugène de Wurtemberg et le général von dcr (ioltz, mais
d'autant moins renseigné sur les intentions des Russes que
Tottlehen (2), soit difficulté de moyens de transmission,
soit ignorance, tardait à envoyer des avis. A défaut do
renseignements Frédéric est contraint de traiter par des
hypothèses qu'il se réserve de confirmer le cas échéant.
Il est porté (3) à croire que l'offensive des Russes commen-
cera par une entreprise contre Colherg, tandis que leur
!fl
lie
(1) Frédéric i\ Rexin, Kunzendorr, 3 juin 17GI. Corr. Polit., XX, p. 435.
(2) Dans une lettre au j)rinco de Wurleinbers, le Roi confie à celui-ci les
moyens de communiquer avec Tottleben.
(3) Frédéric à Henri, Wurtemberg et Goltz. Kunzendorf, t9 juin 1761.
Corr. Polit., XX, p. 46i.
'M
L
il
22'i
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VI».
armée principale qui s'assemble î\ ï*oscn, marcherait
sur Crosseu. Enfin le 20 juin, arrivent les inlormations
attendues de Tottleben. Frédéric prend ses dispositions,
conformément à un projet préparé par Goltz, il lui expé-
die un gros détachement de 8 bataillons (1), 18 esca-
drons, un régiment de dragons et un parc d'artillerie qui
le rejoindra le 2V à Glogau. Deux jours après, Goltz ainsi
renforcé marchera sur Butturlin qui n'a avec lui qu'une
vingtaine de bataillons. « Si cette entreprise (2) est se-
condée par la fortui) elle fera perdre par là leur maga-
sin là-bas et dérangera leur plan pour un temps de six se-
maines. . . peut-être par ce moyen nous gagnerons tout le
mois de juillet. »
A ce moment, le Roi avait déjà perdu une bonne partie
de ses illusions sur l'armistice général qui suivrait un ar-
rangement entre l'Angleterre et la France ; il lut exas-
péré par une ([uestion de Pitt sur l'étendue des sacrifices
qu'il pourrait consentir pour la paix. N'en voulant faire
aucun, il n'y avait d'autre parti que de continuer la lutte
et d'avoir raison successivement des nombreux adversaires
qui l'entouraient. Du côté de Colberg, Romanzow avec
12.000 hommes était en marche sur la ville et le camp i-e-
tranché ([u'avait formé le prince de Wurtemberg. Ce
dernier, en correspondance constante avec Tottleben et
averti par lui des mouvements russes, aurait voulu atta-
quer Romanzow, mais n'en put obtenir l'autorisation ;
en attendant, il transmit au Roi un billet du traître (3)
annonçant que le projet de la cour de P?tersbourg était
encore modifié, que Butturlin avait rcyu ordre de marcher
tout droit vers Rreslau, et qu'il avait rappelé au quartier
général sa division, à lui Tottleben, après avoir renforcé
Romanzow de 3 légiments.
(1) Le Roi compte ces bataillons à l'effeclit de 700 homincs.
(2) Frédéric à Henri, Knnzendorf, T.*. juin 17C1. Gflrr. Polil., XX, p. 476.
(3) TolUcben à Frédéric, Schivdbein, 23 juin 1 176. Corr, Polit., XX, p. 492.
RÉPARTITION DE L'ARMEE AUTRICHIENNE.
'223
it
M'
te
En Saxe, Montazet avait rallié le 7 juin le quartier gé-
néral de Daun à Dresde; deux jours après, il faisait son
rapport (1) il Choiseul; tout y est aussi tranquille qu'il
l'avait imaginé ; la cavalerie est encore dans ses canton-
nements; Daun a de VO à V5.000 hommes avec lui; O'Don-
nell est à Zittau avec 15 {\ 20.000; Laudon en a 50.000 (2)
pour le moins A opposer à, l'armée du Roi qui, y compris
le corps de Goltz, en compte à peu près autant; le prince
Henri n'a pas un ciicctif supérieur k .'10 ou 35.000 com-
battants. L'attaché français ne prévoit pas le début des
hostilités avant le 15 ou 20 juillet
Revenons maintenant à la Silésie : A la veille du jour
de son départ pour l'expédition vei*s Posen, (loltz était
tombé gravement malade d'une lièvre qui l'emportait
en 3 jours; de suite Zieten le remplaçait et aussitôt
connu, le changement du plan russe était porté par le
Roi à la connaissance des intéressés.
En parcourant les dépêches échangées entre Frédéric
et ses lieutenant; , on se rend compte que celui-ci avait
été bien renseigné sur les fluctuations des projets de ses
adversaires. Caramelli avait été chargé de proposer k
l'élat-major russe un plan d'après lequel le point de
jonction des Russes avec Laudon serait fixé non plus dans
la Haute-Silésie, mais à Crossen sur l'Oder; le général
O'Donnell avec 20.000 hommes irait à leur rencontre et
se joindrait à eux pour une marche eu commim sur
Francfort et Berlin. Comme variante, il fut question
d'une action indépendante de Butturlin, tandis qu'un
corps de 20 à 25.000 Russes s'unirait aux Autrichiens de
Laudon. Les idées défendues par Caranielli furent repous-
sées le 19 juin dans un conseil de guerre des généraux
m
|G.
(1) Monlaztil à ('li()iscul,,Drestle, 9 juin 17(il. Archives de la Guerre.
(2) Au 1 " juin, sou effectif était de 50 bataillons, 7> .ompagnies de gre-
nadiers et 80 escadrons. Janko, London's l.chen, Vienne, 1869.
Il
I (
LA GUERRE DE SEPT ANS. — (IIAP. VU.
russos (1) qui revint au projet primitif de Butturlin de
marcher sur lireslau. Un rescrit impérial (2) mit Laudon
au courant des hésitalions moscovites : « Vous vous ren-
dez compte que tout le souci du commandement russe
consiste à esquiver une bataille sérieuse le général
Caramelli recevra communication confîdenlicUe de leurs
projets. » La cour demandait à Laudon si avec un ren-
fort de 15 à 20.000 hommes, il se trouverait en état de
risquer une bataille avec le Roi, (( étant bien entendu
que 'OUtes entreprises de guerre sont douteuses et que
personne ne peut garantir leur issue »,
Laudon était entré en rapports directs avec Butturlin ;
il avait insisté pour la jonction des deux armées, avait
engagé les Russes à se diriger sur iMilitsch, tandis que
lui se posterait à portée de l'Oder; cette double opéra-
tion amènerait probablement le Roi à quitter son camp
de Kunzendorf, à rappeler Goltz à lui et à se mettre à
cheval sur l'Oder dans les environs de Breslau. La jonc-
tion des deux armées alliées pourrait s'efl'ectuer, selon
les manœuvres du Roi, soit près de Breslau, soit près de
Brieg et Schargast, Butturlin accepta en principe ces pro-
positions, mais ne s'y conforma guère. Dans une lettre
à Kaunitz du 18 juillet, Laudon (3) se plaint amèrement
de l'indécision du général russe qui annonce la marche
de son armée le long' de la frontière polonaise sur War-
temberg, entraînant par son allongement une perte de
() à 8 jours, et ([ui pose à nouveau des questions déjà ré-
solues; il est persuadé que l'état-major russe reçoit des
insrrdctio"« secrètes et qu'il n'y a rien à espérer de leur
coopération. Au dire de l'adjudant du g-énéral Caramelli,
le g-énéral en chef russe a reçu de sa souveraine l'ordre
de se retrancher en toute occasion en même temps que le
(1) Scliaeter, vol. II, :>, p. 2'^9.
(.>) Cabinet Schreiben à Laudon, 10 juin 1761. Arcliives de Vienne.
(3) Lellrt' citée par Janko, p. '237.
INDÉCISION" DE BUTTURLIN.
225
chc
Var-
de
^ rô-
des
leur
lelli,
»rdre
ue le
souhait de voir rentrer ses troupes intactes <lans leur
patrie. Butturlin est aussi irrésolu que son prédécesseur
Soltikoff; il ne fait rien sans consulter ses lieutenants,
Panin et Czernitchew, dont le premier est très opposé
à la cause de l'alliance. La plupart des Russes vou-
draient que le passage de l'Oder fût précédé d'une
bataille entre les Autrichiens et le Roi et en cas de
défaite des premiers, ils se retireraient le plus vite pos-
sible derrière la Vistule.
La marche de Butturlin sur Breslau parait avoir tranché
définitivement le choix du général qui commanderait l'ar-
mée autrichienne de la Silésic. Le décret impérial (1) tout
en exprimant les regrets de l'Impératrice de ne pas profi-
ter de l'expérience de Daun, considérait qu'après la con-
duite extraordinaire de l'état-major russe, elle ne pouvait
infliger au leld-maréchal le fardeau du commandement
en Silésie, d'ailleurs le bien du service imposait son
maintien en Saxe et dans ces conditions rien ne serait
changé à ce qui avait été décidé pour la Silésie.
Cette parenthèse fermée, reprenons notre récit des opé-
rations. Le i""" juillet, Zieten prit la direction effective des
ti».000 hommes dont se composait le corps renforcé de
>)tz ; il prit le contact avec une des divisions de Butturlin
vr 3 de Kosten, où il s'établit après en avoir chassé les
Rusijes. Avisé du voisinage de Zieten, Butturlin avait ras-
semblé ses 'i. divisions et avait poursuivi sa route avec len-
teur; le 1.') juillet, il franchit la frontière silésiennc et
campa à Militsch sur la Bartsch. De son côté, Laudon n'é-
tait pas resté inactif, il avait poussé en avant Brentano
sur sa gauche et anis en mouvement la division Bethlem
dans la Haute-Silésie. Frédéric ainsi averti que les alliés
préparaient leur jonction entre Breslau et Meisse, quitta
la position qu'il avait si longtemps occupée A Kunzontloif
tl
w
(1) Cabinet Schreihei» à Daun, 3 juillel 1701. Archives de Vienne.
GUKiiiii; m; si:i't ans. — r. v. 15
226 LA GUEKllE DE SEPT ANS. — CHAP. Vil.
et se transporta à Pilzcn à l'ouest de Schweidnitz; de là
il. pouvait se porter, selon les événements, soit vers
Franckenstein et Neisse, soit vers Breslau. Il appela sur
cette dernière ville le corps de Zieten.
D'après le rapport de l'attaché militaire français Mon-
trozard, qui venait de rallier le quartier général de Lau-
don à Braunau, les troupes autrichiennes s'étendaient (1)
« depuis la Neisse jusqu'aux Riesen Gehirge, c'est-à-dire
le général Bethlem sur la Neisse avec un corps de cava-
lerie et quelques croates pour tenir en respect la ,yarni-
son de Neisse, le général Dra^kovitz à la gorge de Wartha
avec 14 bataillons, le marquis Boiià à celle de Silberberg
avec quelques bataillons, le général Wolfersdorf à la
trouée du Giersdorfen en Bohême, le gros de l'armée
campé sur les hauteurs de Ditterbach faisant face à la
trouée de Friedland, le camp fortifié de redoutes et ap-
puyé à ses deux ailes par des bois qu'on ne peut tourner
que par le côté de Giersdorf que ferment les IV bataillons
de Wolfersdorf, et enfin les deux régiments de cavalerie et
un bataillon de croates à Trautenau aux ordres du général
Dargenteau dont les postes gardent l'entrée en Bohème
depuis Guldessé Elde jusqu'à Schwartzthal, La masse de
tous ces corps se monte à 62 bataillons et 80 escadrons.
Le Roi est de son côté à Kunzendorf établi dans la mon-
tagne dont il garde tous les passages en Silésie ».
Vers le commencement de juillet, les ordres de la cour
de Vienne de renforcer l'armée de Laudoi avaient été
exécutés. Les ;J0.000 hommes d'O'Donneil et Sincère par-
tirent de Zittau le 9 juillet sous les ordres de Macquire
qui remplaçait ces deux généraux plus anciens de grade
que Laudon. L'arrivée de ce gros renfort porta les effec-
tifs de ce dernier au total de 70.000. Le jeune général
(l) Montrozard à Choiseul, Hrauiiau, 26 juillet 1761. Archives des Affaires
Étrangères.
CIRCOiNSPECTlOJN DES GÉNÉRAUX AUTRICHIEINS.
227
mal vu, comme nous l'avons dit, de ses collègues (l)jalou\
d'un avancement trop rapide à leurs yeux, était très
populaire parmi les soldats qui accueillirent l'ordre de
marche avec des cris de joie.
A son camp de Pilzen, Frédéric apprit l'arrestation de
Tottleben, dont les imprudences avaient enfin ouvert les
yeux de ses chefs sur ses procédés; privé des rensei-
gnements habituels, il fut pendant quelques jours très
incertain sar la direction que prendrait l'armée russe. Il
savait que le corps d'O'Donnell avait quitté Zittau et qu'il
rejoindrait Laudon vers le 14 juillet ; la jonction ellectuée,
il pensait que les Autrichiens se porteraient en Ilaute-Si-
lésie à rencontre de Butturlin, mais il ne pouvait laisser
Breslauà découvert. Pour parer au danger de ce côté, le
général Knobloch fut envoyé avec une partie du corps de
Zieten prendre position près de la capitale de la Silésie.
Le Roi prévoyait le cas où il serait obligé d'alier de sa
personne en Haute-Silésie et où Daun profiterait de son
absence pour faire une pointe sur (iorlitz, Liegnitz et
Breslau. Le prince Henri devrait nécessairement suivre le
feld-maréchal. « Vous ne me trouverez pas probablement,
écrit-il (2), dans ces contrées à voire arrivée, mais toutes ces
circonstances me font voir qu'il faudra que je me hâte de
décider les affaires en Haute-Silésic pour être à portée
de vous renforcer et de secourir la basse. » Le 14, les
nouvelles de Saxe furent plus rassurantes, Daun n'avait
pas bougé, et Laudon n'avait rien entrepris juscju'alors.
« Vous m'avouerez, écrit Frédéric (3), qu'il est surprenant
de leur voir perdre leur temps et agir avec si peu de vi-
vacité. »
Les nouvelles des Russes n'étaient pas de nature à faire
craindre un prompt début de campagne : Le gros de
(i) Schoefer, vol. II, 2, p. 231.
(2) Frédéric à Henri, Pilzen, 12 juillet 1761. Corr. Polit., XX, p. 528.
(3) Frédéric à Henri, Pilzen, 10 juillet 1761. Corr. Polit., XX, p. 534.
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228
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. VII.
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l'armée de Butturlin lonj^eait à marches lentes la fron-
tière de la F*ologne ; son avant-garde était parvenue à
Namslau et ses cosaques se rencontraient avec les pan-
dours du corps de Bethleni dans les environs d'Oppeln où
le général russe se proposait de passer l'Oder et appelait
Laudon à sa rencontre, rencontre pour laquelle l'état-
major russe ne montrait pas grand empressement. « Plus
les armées semblent s'approcher, écrit l'attaché français
Ménager 1), et moins je crois les Russes disposés à la
jonction », les préférences du généralissime seraient pour
une campagne on Poméranie plutôt qu'en Silésie. Aussi-
tôt rejoint par les renforts venus de Zittau, Laudon se mit
en mouvement et sortit des montagnes où il était resté
jusque-là. Le 19 il avait quitté Dittersdorf, le 26 il était à
Skoltz, cherchant à couper au Roi la route de Neisse.
Quant à Daun, il s'était borné à porter Lascy avec 12 à
15.000 hommes à Grosshagen sur la rive droite de lElbe
pour surveiller le prince Henri et pour rempôclier d'en-
voyer des renforts au Roi. « Daun, écrit Montazet (2), a
ordre de sa cour d'observer simplement M. le prince
Henri et de détacher des troupes de son armée à propor-
tion et supposé que ce prince envoie des secours à son
frère... Le roi de Prusse a dû ignorer le plan qu'a fait la
cour de Vienne de mettre de côté tous ses anciens géné-
raux à commencer par iM. le maréchal Daun, pour faire
agir seul M. de Laudon et lui faire prendre la Silésie...
je crains bien qu'il n'en résulte que (|uelques épigrammes
du roi de Prusse et une haine bien conditionnée entre
M. le maréchal Daun et M. de Kaunitz. »
Les mouvements des Autrichiens attirèrent l'attention
de Frédéric, il leva son camp de Pilzen dans la nuit du
21 au 22, trompa Laudon sur ses intentions en profitant
des accidents du terrain et de la plnie, et prit position le
(1) Ménager à Choiseul, Warlcmberg, 21 juillet 1761. Arcli. de la Guerre.
(2) Monlazet à Choiseul, 22 et 23 juillet, camp sous Dresde. Arcli. Guerre.
îf: \\
FRÉDÉRIC SURVEILLE LAUDON.
229
23près du Miinsterberg; il y avait devancé reiinenii qui
venait d'y faire tracer son camp : « Nous sommes, écrit-il
au prince Ferdinand (1) en le félicitant du succès de
Villinghausen, à présent en marche, afin de passer la
Neisse, au cas que Laudon la passe pour entrer en Haute-
vSilésie, dans le dessein de se joindre là aux Uusses. »
Prédéric évaluait (2) les forces respectives en Silésie aux
chiffres suivants : « L'armée de Laudon est forte de
G6.000 hommes, celle des Uuf'îs y compris les troupes
légères font a'i^.OOO, ce qui fait ensemble 120.000 hommes.
Mon armée et le corps de Zieten ne font que 59.000 com-
battants. Le projet de l'ennemi est de se joindre dans la
Haute-Silésie. Les Russes veulent passer l'Oder à Oppeln;
Laudon vent marcher à Neustadt pour se joindre à eux.
Il faut que je m'oppose à cette jonction parce que je ne
suis pas en force de résister à tous deux. Je me prépare
donc de combattre Laudon en chemin avec toutes mes
forces. » Le 20, le gros des Autrichiens s'établit près de
Franckenstein. Brentano restait sur les hauteurs de Stolze
et Bethlem renforcé était à portée de l'Oder et du lieu de
passage présumé des Russes. Frédéric décida de se porter
sur Neustadt où il espérait battre Draskowich et Bethlem
avant que Laudon pût venir à leur secours; toutes les
instructions furent données au gouverneur de Neisse pour
le cas d'une bataille possible dans les environs de cette
place. Cette tentative n'aboutit qu'aune série de marches
et contremarches sans résultats sérieux. Draskowich se
déroba en reculant à Jiigerdorf derrière l'Oppa. Zieten
qui avait rejoint le Roi occupa Neustadt, puis après avoir
suivi Draskowich dans sa retraite, revint à son point de dé-
part; l'armée royale en fit autant. Laudon qui de son côté
i
fre.
Ire.
(1) Frédéric à Ferdinand, Gicsmannsdorr, 2:5 juillet 17(51. Corr. Polit.,
XX, p. 553.
(2) Frédéric ;i Henri, Giesrnannsdorf, 28 juillet 1761. Cvr. Tolit., XX,
p. 570,
.1 J IJMI •
riT^vr^
930
LA (ÎUEURE DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
avait ropris son campdoPatschkan sur la Neissc, reconnut
le !"■ aoiU la position du lloi, la trouva trop forte pour une
attaque et après un court sojour retourna à Frankcnstein.
Une lettre de Frédéiic (1) met son frère au courant :
Il a dirigé Zieten sur .Ifigerndorf pour repousser de nou-
veau Draskowich, « l'armée russe est encore à Namslau
avec une avant-garde h Oppein, mes hussards ont balayé
tous les cùtés de l'Oder depuis Oppein et Krappetz des
Russes ». I^audon est campé entre Patschkan et Keichen-
stein, « lo projet des Autrichiens et des Russes sur la
Haute-Silésie est coniph lement manqué ». Le rapport de
Montrozard (2) daté de Patschkan donne à peu près les
mômes renseignements : « Rrentano à Hertzogwalde de
l'autre cùté de la Neisse, Laudon à Patschkan, Draskowich
replié jusqu'à Jilgernsdorf; le Roi a repassé la Neisse et
repris son ancien camp entre Giesmannsdorf et Voitz, les
Russes sont toujours à Namslau, ils font 5 milles (35 kilo-
mètres) en 3 jours et l'ennemi en un ».
Si le rideau de croates et do uhlans dont se couvraient
les .\utrichiens pour masciuer leurs mouvements rendait
fort difficile le service de renseignements de l'armée
royale, de son cùté Laudon faute de communications avec
Rutturlin était très mal informé sur les intentions de ce
dernier ; il savait seulement que son quartier général était
à Namslau le 27 juillet, mais il ignorait les progrès qu'il
avait pu faire depuis cette date. Ce ne fut que le 8 août
qu'il apprit de source sure que la grande armée russe
s'approchait de Leubus sur l'Oder. Kntre temps, Frédéric
sur la nouvelle reçue le 4 août que les éclaireursde Czerni-
tchew s'étaient montrés devant les faubourgs de Breslau, y
détacha le corps de Knobioch et se porta lui-même avec
la principale fraction de ses troupes à Strehlen sur l'Ohlau
(1) Frédéric à Henri, OppersdorF, 3 août 1761. Corresp. Polit., XX, j). 583.
(2) Montrozard à Choiseul, Patschkan, 2 et 4 août 17C1. Affaires Élran-
ères.
II.Î
LÀUDON SE UAPPROCIIE l)K IJIJTTURLIN.
asi
où il espérait rencontrer Laudon et le combattro. Il n'y
trouva que quelques coureurs ennemis, mais dans l'incer-
titude il y resta jusqu'au 10. A la date du 6 aoiU, de son
quartier général de Strchlcn voici comment il décrit (1)
la situation. « l*our vous donner une idée des positions pré-
sentes, représentez- vous I.audon entre Silberherg" et War-
tlia, les Uussesà Ilundsfeld (au noi'd de lireslau) et mon ar-
mée à Strehlen; j'ai aussi loin de Breslau que de Neisse ;
toutes les forteresses ne sont do moi éloignées que d'une
marche. )> Grâce à des reconnaissances multipliées, Frédé-
ric sut enfin que la grande armée russe, après un séjour à
Namslau, était allée le 5 août à Ilundsfeld dans la banlieue
de Breslau et de là avait gagné les hauteurs de Trebnitz;
son arrière-garde avait été suivie par les forces réunies de
Knobloch et de Tauenzien, le gouverneur de Breslau. De-
puis lors, p'usde nouvelles ; tout le pays à l'est de l'Oder
avait était pillé et ravagé par les cosaques. Le Uoi croyait
déjà à la retraite des Russes sur Posen et se flattait de
contribuer à ce recul en envoyant le général Plateu (2)
avec un corps de 16 bataillons et 25 escadrons détruire
leurs magasins du côté de Posen. Sur ces entrefaites, il
apprit que Laudon avec le gros de son armée s'était éta-
bli dans la position de Kunzendoif, que lui-même avait
tenue si longtemps au printemps. Laudon en efi'et, dans le
but de se rapprocher de Butturlin dont il venait d'appren-
dre l'arrivée sur l'Oder, avait gagné le 8 août les hauteurs
de Bogendorf près de Schweidnitz ; deux de ses divisions
avaient occupé Striegau et llohenfriedberg et un détache-
ment de hussards avait été poussé sur Leubus pour pren-
dre contact avec les Russes. Knfiti, le général Beck qui
était depuis longtemps à Zittau avait re(,'U Tordre d'avancer
jusqu'à Goldberg et Parchwitz pour couvrir l'approche des
(1) Frédéric à Henri, Strelilen, 0 août 1761. Corr. Polit., XX, p. 586.
(2) Frédéric au prince Eugène de Wiirteinlierg, secret. Strelilen, 7 août 17C-.
Corr. Polit., XX, p. 588.
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m
232
l-A GUERRE DE SEPT ANS. - CHAP. VII.
M i
I
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Kusses. Frédéric, de son cAté, averti par le /ïi'ouverneur de
Schweidnitz des mouvements des Autrichiens, se décide à les
suivre (1). « L'ennemi a fait tant de marches et de contre-
marches que nous voici à Wahlstatt avec une partie de
l'armée. Laudon est entre Br»gendorf et Freiburg, ayant des
postes à Striegau ; j'ai marché de Strehien à Langer-Cauth
où j'appris que les Kusses faisaient un pont à Auras. On les
a empêchés de s'en servir. Ils en ont fait un à Leubus, ce
que la situation des lieux m'a obligé de souffrir. Ils ont passé
k Parchwitz. J'ai pris avec l'armée le camp de Loking pour
empêcher la jonction et j'ai observé les Russes d'un autre
cAté, Hier ils ont voulu se joindre. » F^e Roi fait ici un récit
fort à son avantage du combat qui eut lieu le 15 aoiU entre
la cavalerie prussienne et celles des alliés. Il ajoute :
« Le camp russe est à un demi-mille devant mon front,
leurs troupes régulières d'infanterie font à peu près
20.000 hommes, ils campent sur une ligne, mais derrière
un défilé et une palissade de canons, de sorte que je ne
pense pas à les attaquer, mais à les incommoder. »
Pour l'occupation des hauteurs de Wahlstatt, il y avait
eu entre les deux partis lutte de vitesse, Montrozard la
décrit dans les termes suivants (2) : « M. de Laudon ne prit
cependant point le change aux manœuvres de l'enuemi,
il fit marcher sa réserve et les corps détachés sur le che-
min de Hohenfriedberg; mais le tout s'arrêta à Teichau
et hier 15 au matin, l'ennemi ayant développé son vrai
dessein, M. de Laudon prit avec lui tous les carabiniers
et grenadiers à cheval de la réserve avec les k régiments
du corps détaché, et prit la route de Wahlstatt pour
joindre les Russes; on côtoya pendant toute la marche'
l'armée du Roi, et nous arrivâmes à midi sur les hauteurs
de Walhstatt; nous les trouvâmes occupées par des co-
saques et quelques troupes légères ; toute l'armée russe qui
(1) Frédéric à Henri, WahIstaU, leaoïH 1761 Corr. Polit., XX, p. 600.
{2) Montrozard à Choiscul, Striegau, 16 août 1761. Archives de la Guerre.
LAUDON OPi;ilE SA JONCTION AVEC LAIIMÉK UUSSE. 233
venait de Parchwitz était en bataille, la gauche sur les
hauteurs de Kunzendorf appuyée à la Leisbach et la droite
au village de Tenschel. Comme la tùte de l'armée du Koi
arrivait seulement aux hauteurs de Nicolstatt, M. de Lau-
don vit ([u'il était encore temps de prévenir l'ennemi aux
hauteurs de Wahistatt; c'est pourquoi il s'en fut droit
à M. le maréchal Butturlin pour lui représenter l'impor-
tance du poste, et lui demander 3 bataillons pour les oc-
cuper, la cavalerie impériale arrivant à temps pour les
y seconder. Mais ce général ne jugea pas à propos de
rien détacher: il y envoya seulement quelques pièces
de canon sans troupes pour en imposer à l'ennemi qui
n'en fut pas dupe. Car la tête de l'armée du Roi ne voyant
point d'infanterie devant elle, descendit le Spitzberg et
gagna les hauteurs de Wahistatt. La cavalerie impériale
n'étant soutenue d'aucune infanterie se replia et joignit
la droite de l'armée russe à laquelle elle était destinée.
Tout cela ne s'est pas passé sans canonnade, mais d'aucun
effet. Toute l'armée <lu Roi joignit ensuite et s'étendit sur
deux lignes sur lesdites hauteurs. Elle y était encore hier
à 3 heures que nous quittiVmes l'armée russe. Le renfort
de cavalerie laissé à ladite armée monte à GO escadrons
et l'élite, puisque ce sont tous les carabiniers et grena-
diers à cheval de l'armée. C'est le lieutenant-général
comte Martigni qui les commande. Pendant ce temps-là,
les grenadiers de la réserve, les corps de Brentano et
d'Elrichausen avaient repris leur ancien camp près de
Striegau, 20 escadrons de la gauche de l'armée y sont
venus remplacer la cavalerie détachée aux Russes. » Le
même rapport annonce l'arrivée à Goldberg du général
Beck pour servir de liaison entre les armées de Saxe
et de Silésie. Mesnager de son côté rond compte des
opérations (1) : « Les Russes ont certainement plus fait
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(1) Mesnager à Choiseul, Kosnilk, 17 août 1761. Archives de la Guerre.
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LA GUEnilE DE SEPT ANS. — ClIAP. VII.
qu'ils ne voulaient et (ju'ils ne se croyaient capables;
leuv drrnière marche se peut compter dans le nombre
des [)liis hardies »; il fait Vrlnge de la rapiditr des ma-
nœuvres du roi décrusse ; « sacontenance depnisdeux jours
nous doit aiuioucer (piel(|U<' yrand événement. Il serait
bien triste, Monseigneur, (|ue les circonstances empochas-
sent M de l^audon d'attaquer, car certainement M. de
Butturlin ne le fera i)as et s'il se passe encore deux jours
de tranquillité, je ne voudrais pas répondre de la per-
sévéranco des lUisscs qui véritablciienl vont manquei*
de subs-otances et prendront beaucoup d'ombrage de
l'inaction des Autrichiens ».
I>'après le journal de l'armée russe (1), la cavalerie
sous les ordres de M. de Berg se serait fort distinguée
dans la journée du 1"». « Il a forcé plusieurs fois les es-
cadrons ennemis de se replier, et s'il eût été soutenu
par l'infanterie, jamais le Koi n'eût pu faire toutes ses
marches et contremarches. » L'arrivée de 80 escadrons
prussiens allait décider la retraite des Russes, « lors-
qu'il arriva un officier de la part de M. de Laudon qui
nous apprit que ce général était en marche avec toute sa
réserve d'infanterie et soixante escadrons; il était parti de
Striegau pendant la nuit, et afin de faire plus de diligence,
il a mis à pied quelques compagnies de carabiniers et s'est
servi de leurs chevaux en relais pour le canon; les Autri-
chiens ont marché presque à même hauteur que les
Prussiens, et dans lesditcs plaines se sont toujours canon-
nés, mais CCS derniers s'étant emparés d'une hauteur <|ue
les Russes ont négligé près de l'abbaye de Waldstatt,
ils y ont établi des batteries (|ui ont beaucoup incom-
modé iesdits Autrichiens. Lors(ju'il a été (juestion d'ar-
rêter leur tête pour que M. de Laudon pût nous joindre,
à peine eut-il présenté sa cavalerie qu'il dit adieu à M. le
(i) Jiuinal de l'année russe, 15 août 17i>l. Archives de la Guerre.
COMHAT l)K WAIILSTAIT.
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11-
ir-
'V.
le
maréchal Uuttuilin, et avec deux escadrons de hussards,
il força les avant-postes ennemis et doit avoir rejoint
et reconduit dans son camp l'infanterie, j)uis<[u'elle n'a pu
arriver assez iV temps pour passer de notre oAté; il nous
a été impossible de rien connaltie aux mouvements des
ennemis, puis([u'ils ont poussé leur cavalerie en avant
et l'ont tellement farcie de canon dans les intervalhîs
qu'à deux heures nos troupes légères ont plié et que
nous avons fait toutes les dispositions nécessaires pour
bien recevoir l'eimemi ; en attendant, la canonnade a
été vive de part et d'autre et a duré jiis<|u'au soir ».
Les pertes de chacjue c6té no furent p.i-> lourdes. Mes-
nager fait l'éloge de la discipline ohscivée dans l'armée
russe : « Aujourd'hui pendant la marche, M. le maré-
chal ayant trouvé trois ofticiers qui pillaient, il les a
dégradés et sur-le-champ ils ont été faits soldats; hier
il y en eut cin(i ([ui pour la mrme cause eurent les
(|uenouttes, le nez et les oreilles coupés. »
La communication directe entre Laudon et Hutturlin
s'était établie V jours avant le cond)at de Wahlstatt; dès
le 11 aoilt Laudon avait appris de Caramelli attaché au-
trichien au quartier général russe que le corps d'armée
de Czernitchew avait réellement franchi l'Oder à Leubus;
il envoya aussitôt le général Botta pour se concerter sur
les dispositions ultérieures et pour s'assurer si Hutturlin
était bien décidé à suivre son lieutenant. Une explication
franche était d'autant plus indispensable que Laudon
n'osait pas abandonner le district montagneux par lequel
il communiquait avec les magasins de Bohème et de Mo-
ravie et qui lui fournissait ses subsistances et celles des
i Busses. Le IV, le général autrichien eut à Liegnitz une
entrevue avec le général en chef russe; ù son retour
dans la soirée il apprit que les Prussiens avaient ma-
nœuvré toute la nuit et s'étaient rapprochés de Bun-
zehvitz où était campé le margrave Cari avec une partie de
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. VII.
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levv armée; il en avisa aussitôt le maréchal russe et le
pria de marcher sur .latîer; il lui donnait sa parole d'hon-
neur qu'il viendrait à son secours sïl était attaqué par
Frédéric. Les Russes qui entre-temps avaient franchi
l'Oder et rejoint le camp de Czernitchew ne voulurent pas
accepter cette proposition, mais ils levèrent Je camp de
Daun et prirent position le 15 août entre Hunhern et
Kunzendorf. Ce fut à l'occasion de ce mouvement qu'eut
lieu le combat de Wahlstatt. Ce même 15 août Laudou
soumit à son collègue les projets suivants : lui envoyer un
renfort de 20 à 25.000 pour une attaque qu'il dirigerait
contre la position prussienne ou 'jurnir le môme contin-
gent pour une offensive dans le cas où les Russes désire-
raient s'en charger ou combiner avec le corps de Brentano
un mouvement général en avant. Le mémoire qui accom-
pagnait ces projets insistait sur l'avantage d'attaquer
l'armée prussienne sans retard.
Pour entraîner son allié qui décidément se souciait
peu d'une rencontre .ivec Frédéric, I^audon multiplia les
démarches, il renouvela sa visite au camp, chercha à
gagner le Russe à son avis et arracha enfin la promesse
d'un mouvement sur Jaiier.
Nous trouvons dans le rapport de Montrozard (1) la
suite des événements : « Sur la parole que les Russes
avaient donnée de faire la marche de Jaiier, M. de Laudon
s'était proposé de regagner en conséquence le Pitschen-
berg pour couper l'ennemi de Schweidnitj'. Les Russes
partirent en effet de leur camp de Klemervitz !<, 10 h. de la
nuit du 18 au 19, et dirigèrent leur marche sur Hockirk où
ils sont encore. M. de Laudon avait fait plier les tentes à
son armée hier de grand matin et poussé l'avant-garde
du général Rrentano sur les hauteurs en avant de Jaiier
pour les recevoir, l'ennemi ne pouvait pas faire la moin-
(1) Montrozard à Clioiscul. Froyburg 20, août 1761. Archives de la Guerre.
Il
LES RUSSES SE SOUCIENT PEU DUNE RENCONTKE.
237
dre opposition à la jonction; on s'était de plus chargé du
gros bagage des Russes, on l'avait fait venii' de Leubus à
Leignitz et on le mettait en dépôt sous la garde du corps
de Beck et de 5.000 des leurs; on fournissait le pain et le
prêt, mais cela n'a rien décidé. Nous les avons attendus en
vain jusqu'à 2 heures de l'après-dînc que l'ennemi
marcha sur le Pitschenberg et sur Schweidnitz; AI. de
Laudon s'est vu oMigé de regagner ses subsistances et do
se replier sur Freyburg sur les hauteurs duquel l'armée
est campée.
« L'avant-garde de Brentano s'est aussi repliée sur
Ronstock et le corps de Longinski derrière les montagnes
de Striegau. On avait détaché 3 bataillons sur llohen-
friedberg le 18, qui y sont encore. A l'égard du corps de
Janhus fort de 18 bataillons campé ci-devant sur les mon-
tagnes pour couvrir nos vivres, on l'a poussé à notre ar-
rivée sur Hohengiersdorf.
« Pour l'ennemi, il a poussé sa marche jusqu'à
Schweidnitz où il a sa gauche, et sa droite aux hau
teurs de Jauernick; on s'attend que cette position obligera
l'armée à marcher par sa droite pour regagner le camp
de Kunzendorf.
« L'ennemi peut avoir aussi fait cette marche pour re-
gagner le magasin de Schweidnitz, celui de Broslau pou-
vant être fort avancé, et il est à craindre qu'il n'aille
ensuite cherche!' celui de Neisse et que, vu le peu de
concert des alliés, il ne se promène pendant toute la cam-
pagne entre se'j places, et qu'on ne voie ainsi s'évanouir
les grandes espérances ({u'on avait eu droit d'établir sur
les forces de deux armées aussi considérables. Le général
Draskovitz est toujours à Wartha avec \ï bataillons. »
Le 17, le gros des Autrichiens était en position à
.laiier (1); l'abbaye de Wahlstattque les belligérants sem-
I
Il ■
II
ene.
(1) Ce résumé est emprunté a.i Journal de l'armée russe tenu par Mes-
nager. Archives de la Guerre.
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238
LA GUERRE DE SEPT A^S. — CHAP. VII.
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la
blaient vouloir se disputer fut évacuée par les Prussiens,
occupée par les Russes, puis abandonnée par eux le 18.
Ce jour-là de nouvelles conféiences eurent lieu. Plusieurs
généraux autrichiens, et parmi eux Laudon et Beck, dî-
nèrent avec Bntturlin; à lasuite de l'entente qui intervint,
l'armée moscovite se mit en marche le 19 pour Jaiier,
mais malgré les instances de l'attaché militaire Botta,
elle s'arrêta en route tout en laissant filer ses gros ba-
gages sur Liegnitz. Le 20, les Busses s'élendirent de Ku-
haern par Sissen jusqu'à Joevischau, les Autrichiens quit-
tèrent Jaiier pour prendre position entre Hohenlriedberg
et Freyburg où ils se retranchèrent. En faisant ce der-
nier mouvement Laudon avait frustré son royal adver-
saire de son dessein. Celui-ci en vue de couper aux alliés
la communication avec les montagnes avait prescrit
l'occupation du camp de Kunzendorf, mais quand les co-
lonnes prussiennes parurent sur les lieux elles trouvèrent
la place prise et furent obligées de se rabattre sur la
position de Bunzehvitz. Les 22 et 23, les Russes firent
séjour sous prétexte de cuire le pain, le 2'i. ils vinrent
camper sous .laiier; nouveaux conciliabules, nouvelle en-
tente : l'armée de Butturlin remplace le 25 à Hohenfried-
berg les Autrichiens de Brentaiio qui occupent Striegau,
les deux armées se trouvent réellement à portée l'une
de l'autre; la jonction est enlin efl'ectuée. Conformément
à la décision du conseil de guerre, l'attaque de la posi-
tion du roi de Prusse est décidée en principe, mais l'ac-
cord n'existe pas sur la distribution des rùles et sur les
points d'assaut. Butturlin « passe la revue des Autrichiens
en allant d'un bout à l'autre des deux lignes qui sont su-
perbes, la cavalerie autrichienne est rentrée chez elle (a
rejoint son armée) et l'on peut estimer entre 50 et
55.000 hommes le total de cette armée sous les armes ».
Deux corps détachés couvrent les communications. Le 27,
séjour; le 28, Laudon assiste au conseil des généraux
FREDERIC S'ETAULIT A BUNZELWITZ.
y 39
russes, mais le soir du mêuie jour, ces derniers en tien-
nent un nouveau, cette fois particulier, à la suite duquel
le projet d'attaque est abandonné; le 2!), le quartier gé-
néral est à Striegau.
L'appréciation de Mesnager (1) est pessimiste : «Je vois
avec douleur que les Russes réfléchissent présentement sur
la démarche où ils se sont insensi!»lenient laissé conduire.
Quand M. de Laudon parait, un chacun le fête et est de son
avis avant môme qu'il l'ait proposé, mais il se tient tous
les jours des conseils particuliers qui révoquent le soir ce
qui a été promis le matin, enfin je ne crains point de vous
l'annoncer, Monseigneur, la politique des Russes semble
prendre le dessus et s'ils se battent, ce sera malgré eux. »
Quant à Frédéric qui s'était établi à partir du 20 août
dans le camp retranché de Bunzelwitz (2), il est plein de
conliance. <( Les Russes, écrit-il au prince Henri, campent
actuellement entre Striegau, Jaiier, Laudon à Fribourg et
Kunzendorf. S'ils voudro ; m'attaquer ici jspère qu'ils en
saigneront bien du nez, ce qui, selon toute apparence, se
fera entre ici et trois jours. »
La position dans laquelle s'était retiré Frédéric mérite
une description détaillée : elle est connue sous le nom de
camp de Bunzelwitz. Il étaitétabli dans la région formée par
les dernière contreforts des montagnes de laSilésie. C'était
une succession de petites collines, couronnées de bois pour
la plupart et séparées par des ravins arrosés de ruisseaux et
par des terrains marécageux. Une ceinture de tranchées
appuyée sur des redoutes et des ouvrages de campagne
entourait un rectangle irrégulier comprenant les terri-
toires de Jauernick, Zedlitz, Tschenchen, Neudorf, Teiche-
nau et Bunzelwitz. En avant du front Zedlitz-Tschechen
s'étendait un rideau d'arbres; un cours d'eau s'étalant en
étangseten maraisformait un fossé naturel. Au centre, vers
m
{{) Mesnagt>r à Choiseul, Striegau, 30 août l/fil. Archives de la Guerre.
(2) Frédéric à Henri, Bunzelwitz, 2i août 17(it. Corr. Pol. XX, p. 608.
240
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
/
/:'
// 'V I'-.
Jauernick, un bois peu étendu couvrait les pentes et mas-
quaitlcs approches du plateau où se tenaientleparc de mu-
nitions et les réserves de l'armée royale. Du village de Neu-
dorf, situé en dehors et au nord du camp, un ravin remon-
tait vers le plateau ; pour en fermer l'accès on avait armé
ses flancs d'ouvrages qui constituaient un angle rentrant
dans la ligne défensive. Enfin, à Teichenau, à Bunzelwitz
et à Jauernick on avait élevé en avant de la chaîne des
fortifications intérieures des ouvrages avec glacis, armés
de grosse artillerie. De Jauernick à Zedlitz, le terrain assez
accidenté était défendu par une suite ininterrompue de re-
dans protégés par une petite pièce d'eau et par une exca-
vation remontant aux temps des guerres suédoises. Enfin,
en arrière de la ceinture de cette partie du camp , s'élevait une
petite hauteur, le Pfalfenbcrg, du sommet duquel on avait
vue sur tout le plateau . Les diverses localités comprises dans
le camp étaient cotées ; 258 mètres Jauernick, 255 Pfal-
fenberg, 22/1. Bunzelwitz, 263 VViirben en face de Teiche-
nau. De Bunzelwitz à Schwcidnitz la distance n'était que
de 5 kilomètres. Les deux points faibles de la position
étaient les secteurs de la circonférence compris l'un entre
Peterwitz, Neudorf etEbersdorf, et l'autre entre Bunzelwitz
et Jauernick, surtout le dernier. Si l'assaillant réussissait à
percer les lignes et à se rendre maître du Pfalfenberg, il
possédait la clef du camp retranché et il ne resterait au
défenseur d'autre parti que de se retirer par Neudorf, Both-
kirschdorf dans la direction de Zobten ou Schweidnitz.
Aux avantages naturels de son camp, le Boi avait ajouté
ceux d'une fortification de campagne très complète; lestrou-
pes prussiennes avaient construit de nombreuses flèches,
des redoutes palissadées, creusé des tranchées et des bat-
teries, dont le feu se croisait sur les fronts d'attaque. Dans
l'ensemble, 191 canons de gros calibre avaient été tirés
de la forteresse voisine de Schweidnitz, et si l'on comptait
les pièces de régiment, l'armée royale disposait de
lAUDO.N SOUMET A HUTTERLIN UN PLAN D'ATTAQUE.
ail
400 pièces pour résistei'à une attaque des alliés. Les villa-
ges enfermés dans l'enceinte Ibrtitiée avaient été mis on
état de défense et avaient chacun leur garnison perma-
nente.
Examinons maintenant comment Laudon se propo-
sait de s'emparer delà formidable position que nous venons
de décrire. L'attaque serait fixée en principe au 27 août ; les
Autrichiens renforcés dc'iOî'i 25.000 Husses, sous les ordres
de Czernitchew, en seraient chargés. Comme mesure pré-
paratoire, Brentano flanqué à gauche par les troupes légères
russes de Berg, occupa le Brutenberg et le Spitzberg.
L'aile gauche de l'armée russe s'appuya à Rohrstock et
s'étendit par llausdorf, Schwenitz et Schalwitz jusqu'au
corps de Czernitchew qui formait leur aile droite. Los lignes
autrichiennes s'établirent à partir de Mehnersdorf par
Frohiichsdorf, Polsnitz et Kunzendorf jusqu'à Bcigendorf.
Le 26 août Laudon rapprocha ses troupes de l'ennemi et
rappelâtes 40 escadrons qui avaient été prêtés aux Husses.
Les Prussiens, s'attendant à une attaque à tout instant,
passèrent la nuit sous les armes. A la dernièi^e heure But-
turlin demanda 2 jours de répit pour cuire son pain et ter-
miner l'installation de son camp; il posa en outre à son
collègue autrichien sur la force du contingent qu'il aurait
à fournir pour la bataille, sur les soins qui seraient donnés
à ses blessés et sur les approvisionnements, des questions
auxquelles il avait déjà été répondu. Enfin, Laudon à force
de persévérance finit par vaincre les hésitations du maré-
chal russe; celui-ci accepta la date du 15 septembre pour
l'assaut du camp royal ; mais à peine cette décision fut-ello
confiée au courrier devienne qu'il retira son assentiment.
D'après le récit autrichien, la raison donnée par le géné-
ral russe en présence de Fermor et de Galitzin, fut la crainte
de voir échouer l'attaque sur la droite de l'armée royale,
que celle-ci avait employé le temps écoulé depuis le 29 août
à rendre inexpugnable. D'après l'historien Tcmpelhof,
.n,i
(;L'KHUi: iil ski'T AiNs.
T. V.
242
LA GUERHE DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
1 ti' »^i
11!
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Laudon en exigeant clans l'allaire une plus largo partici-
pation de in pai't de l'armée russe, se serait heurté à la ré-
sistance des généraux russes et aurait empêché l'accord de
se faire. Les incidents des derniers jours sont d'ailleurs re-
latés dans une dépêche de l'ambassadeur Chatelct au duc
de Choiseul (1) dont les détails reproduisent évidemment
le rapport officiel de l'état-major de Laudon : « L'attaque
générale des retranchements du roi de Prusse avait été ré-
solue dans un conseil de guerre tenu le 2 au matin, et
fixée au lendemain Ti, et M. de Butturlin qui s'était opiniâ-
trement refusé à y faire coopérer les forces entières de
l'armée russe, était convenu que le corps de M. de Czerni-
tchew composé d'environ 20.000 hommes, auquel on join-
drait le corps tle lirentano, qui serait renforcé jusquesù
10.000 hommes, attaqueraient la droite du Roi de Prusse
qui s'étend jusqu'à Zedlitz, et essayeraient même de le
tourner par ses derrières, tandis que M. de Laudon avec la
totalité de l'armée autrichienne attaquerait le centre de
S. M. Prussienne à Jauernick et sa gauche à Wurbeu En
conséquence de cette résolution signée par les deux géné-
raux, M. de Laudon était retourné à son quartier général
pour y faire toutes les dispositions relatives; mais l'après-
midi du môme jour, il reçut un billet de M. de Butturlin
qui le priait de se rendre de nouveau chez lui pour y con-
férer sur des objets fort importants. Il s'y rendit aussitôt
et trouva ce général environné de M. de (ialitzinetFermor,
et entièrement changé de sentiment. Il dit à M, de Laudon
que plus il avait réfléchi sur la position du roi de Prusse,
plus il avait reconnu le danger de l'attaquer, et qu'il pa-
raissait moralement sûr qu'on ne réussirait pas dans la
partie où M. de Czernitchew et de Brentano devaient faire
leur attaque. Il ajouta que quand le reste de l'armée au-
trichienne parviendrait à déloger le roi de Prusse des re-
(1) Chalelet à Choiseul, Vienne, 7 septembre 1761. A flaires Étrangères.
U: HUSSE REFUSE SA COOPKKATION.
243
tranchcmenis qu'il avait construits i'i Jaucrnick, aprrs une
perte énorme, on n'en serait pas plus avancé si ceux de la
droite de ce prince n'étaient pas emportés, puisque S. M.
prussienne avait une nouvelle position à prendre sur les
hauteurs de Wurbcn en arrirrc de Jauernick, tout aussi
bonne que celle qu'il occupait maintenant, sans reculer
pour cela sa droite, qu'il lui avouait qu'il n'avait pas
assez de confiance dans la manière de manœuvrer des
troupes russes, pour oser prendre sur lui de les charger
d'une attaque aussi difficile ; qu'elles étaient par leur na-
ture beaucoup plus propres à défendre qu'à attaquer, et
qu'enfin il voyait une certitude physique que la moitié des
troupes qui seraient employées aux différents points d'at-
taque projetés y demeureraient et une certitude morale que
cette perte énorme ne serait suivie d'aucun succès.
« Quand M. de Butturlin eut cessé de parler, MM. de
(ialitzin et de Fermer prirent la parole et renchérirent
encore sur les périls de l'entreprise projetée et sur le peu
d'apparence de réussite, en sorte que M. de Laudon ne
put douter qu'ils ne fussent les auteurs du conseil qui
avait fait changer si promptement de résolution le gé-
néral russe; il tâcha inutilement de combattre leurs rai-
sons et épuisa tous les tons possibles pour les persuader,
U employa même les reproches les plus vifs sur leur len-
teur et leur inaction qui avaient donné le temps au roi de
Prusse : 1" de gagner le camp qu'il occupait maintenant,
en refusant d'exécuter la jonction à Jaiier; 2° celui de se
retrancher et par là d'augmenter du double la difficulté
qu'ils trouvaient maintenant à attaquer. Enfin il proposa
à M. de Butturlin, pour dernier parti, de joindre encore
10.000 hommes d'infanterie au corp.i de M. de Czernitchew
et de former ï points d'attaque au lieu de 3, afin de divi-
ser par là les forces et l'attention du roi de Prusse, et de
rendre le succès moins problématique. Cette proposition
fut entièrement rejetée par le général russe, qui demeura
(.- 1
^ . ^
'IV*
LA GUERRE DE SEPT ANS. - (IIAP. Vil.
V. t;
/ I
(; (
■ \\
/iii
inc'îbranlable dans son sentiment. Alors M. de Laiidon
voyant qu'il n'y avait plus aucun espoir de l'amener à
se battre, se borna à lui demander de lui dire d'une
manière catégorique quels étaient donc ses projets ulté-
rieurs, en l'avertissant que la rareté dos l'ourrages ne per-
mettait pas au.v deux armées de l'aire un séjour l'ort long
dans la position qu'elles occupaient, et qu'il était temps
qu'il se décidiU à prendre un parti. M. de Butturlin pro-
posa lu général autrichien de venir prendre sa place h
Striegau, tandis que lui s'approcherait avec l'armée russe
assez près de Schwcidnitz pour bombarder cette place et
mettre le l'eu aux magasins qui y étaient renfermés. M. de
Laudon ne crut pas devoir se rendre à cette ouverture et
représenta au général russe que ce projet qui ne mettait
pas les deux armées plus en état de subsister dans les en-
virons, était d'une exécution difficile, et ne produirait
tout au plus que de brûler, sans fruit, et contre les lois de
la guerre et de l'humanité, la ville de Schweidnitz, où il
n'y avait pas d'apparence que le roi de Prusse eût main-
tenant de gros magasins, puisque son séjour près de
cette place devait les avoir consommés pour la plus
grande partie.
Alors le général russe en vint à la proposition du parti
auquel il était sans doute résolu d'avance, et donna l'al-
ternative à M. de Laudon ou de se retirer avec toute son
armée, et de repasser l'Oder, ou de lui laisser le corps de
M. de Czernitchew fort d'environ 15.000 hommes, infan-
terie, dragons ou cosaques, en exigeant par une clause
expresse de cette dernière proposition, que M. de Laudon
lui prêterait VO escadrons de cavalerie autrichienne pour
convoyer le reste de son armée jusqu'à ce qu'il fût der-
rière la Katzbach et à portée de repasser l'Oder, et s'en-
gageant à descendre ce fleuve avec l'armée russe jus-
que vers Glogau, et à envoyer un corps jusqu'à Berlin,
pour opérer une diversion. Le général autrichien, ne se
nurmaiN veut se uetireh.
•m:,
croyant pas siilTisamnierit autorisé pour prendre sur lui
racceptation ou le rolus de raltcrnative, a demandé le
temps de dépéclicr un courrier à sa Cour pour en rece-
voir des ordres, et c'est avec beaucoup de peine qu'il a
obtenu de M. Butturlin la promesse d'en attendre le re-
tour jusques au 7. »
Au conseil qui examina la proposition russe, il y eut
quelque opposition basée sur la dépense qu'entraînerait
l'entretien du corps de Czernitchew, mais après discus-
sion et sur l'avis de Kaunitz, la coopération l'ut accep-
tée.
De son quartier général de Striegau, Butturlin écri-
vit (1' ur.e lettre à Kaunitz en réponse aux félicita-
tions (2) que celui-ci lui avait adressées sur la réunion des
deux armées. Malgré tous ses elibrts et tous les mouve-
ments combinés avec Laudon, il avait été impossible d'a-
mener l'ennemi à abandonner son camp retranché, et on
ne pouvait rien entreprendre contre lai s;ms exposci* les
armées impériales à un désastre infaillible ou à la perte
d'une bataille. D'autre part, le défaut de subsistances ne
permettait pas de maintenir les deux armées ensemble,
et il avait été décidé d'un commun accord de se sépa-
rer. Le maréchal, malgré ce fAcheux résultat, était
prêt comme il l'avait toujours été à contribuer dans la
mesuie du possible au succès de la campagne; il tenait à
rendre hommage au zèle et à la bonne volonté déployés
par Laudon pour la cause commune. En même temps
qu'au maréchal russe, Kaunitz (:$) avait exprimé ii Laudon
son espoir de voir se réaliser les bons effets de la réunion
depuis si longtemps désirée : « Son Excellence compren-
dra facilement que chacun ici vit entre la crainte et
l'espérance et regarde les circonstances présentes comme
i
il
■Il
(1) Butturlin à Kaunilz, Slriegau, 25 août (V S.) 1761. Archives de Vienne.
(2) Kaunit/. à Butturlin, Vienne, 31 août IT'U. Archives de Vienne.
(3) Kaunitz à Laudon, Vienno, 31 août 1701. Archives de Vienne.
i;;:
24C
LA GUKKRE DE SEPT ANS. - CHAI». VII.
l'époque qui dovi-a décider du résultat de la campagne
et pcut-étio do la guerre. »
Contrai renient il ce qu'un eût pu croire, Kaunitz (1) ne
se montra pas déçu par les nt)uvelles de Silésie. li'en-
treprise était chanceuse, die aurait coiUé foi-tclier; l'en-
nemi avait eu le temps de se retrancher et croyait évidem-
ment pouvoir repoi'sser l'attaque. Peut-être, après tout, le
refus de l'état-major russe élaif-il plus avantageux que ÎX-
cheux, d'autant plus que les Uusses ne cherchaient à incri-
miner ni la cour, ni Laudon. Kaunitz se félicitait du dé-
tachement du corps de Czernitchew à l'armée de Laudon,
il prévoyait la possibilité d'opérations en Basse-Silésie et
contre Berlin et robligati(m pour l'ennemi d'évacuer la Si-
lésie ou la Saxe.
Le Hoi mar(|ue dans les (|uel<jues lettres écrites pendant
sou séjour au camp de Bunzehvit/ la plus grande con-
fiance ; sans doute il n'avait pu empêcher comme il l'au-
rait voulu, la jonction des armées alliées, mais il avait
pris toutes les précautions possibles pour résister à une
attaque qu'il croyait inmiinente; dans ces dispositions (2)
il escomptait l'emploi de sa cavalerie pour achever la
déroute des assaillants : « J'ai ici mon camp entre Wiir-
ben et Striegau, mando-t-il à soufrrre (3) ; les Autrichiens
et Busses m'ont pres(pie entouré, leurs troupes légères in-
festent tous chemins, de sorte que les communications sont
toutes interrompues. L'ennemi m'attaquera dans peu de
jours; j'ai pris tontes les mesures imaginables pour le
bien recevoir; pour peu qu'il s'opiniAtre, il peut perdre
30.000 hommes d'infanterie et se voir battre à plate cou-
ture. Mes ouvrages sont tous achevés, et je n'attends que
le moment oîi l'action commencera. »
^
i!l
(1) Kaiinilz à Laudon, Vienne, 6 se|)leinbre 1761. Archives devienne.
(2) Dii-positions pour le cas où rarinée .serait attaquée. Bunzelwilz, août
1761. Corresp. Polit., XX, p. 606.
(."}) Frédéric à Henri, au camp, 5 septembre 1761. Corr., XX, p. 611.
I
LES ALMÉS HENONCENT A ATTAQIEU.
247
Le projet d'utlaquc élahori' par Latulon avait rtr prôvu
pour une date aux environs du 22 août ; il serait oiseux de
discuter les chances de succès iju'il aurait présentées,
mais il avait pour lui l'immense avantage de ne pas lais'ser
aux Prussiens au moins 10 jours de l'épit, dont ils surent
tirer un excellent parti pour leurs travaux de défense. Il
fut soumis i\ D.uin, et Monlazct qui en eut connaissance (1)
en fait l'éloge : « Il y a 4 jours (jue l'on attend ici la nou-
velle d'une bataille en Silésie, M. de l.audon ayant mandé
à M. le marécliitl <[ue les Ilusse? l'avaient joint en se por-
tant sur Ilolienfriedherg' cl qu'on y avait tenu un conseil
de fzucrre dans lequel il avait été décidé ((u'on irait
attaquer le Hoi dans sa position de Jaiiernick. Il a été
résolu en mèn)e temps que le yros de l'année russe por-
terait son atta(|ue entre Striegau et le hois appelé
Nonenbucli sur l'ail** droite de l'ennemi; que le corps
de M. d<; (^zernitcliexv en ferait une par le déliouclié de
Puschkau derrière sa droite; que M, de Ilrentano gaji^nant
d'avance la montagne de Pitchenherg, l'attafjuerait en
dos, et que M. de Laudon avec toutes ses forces réunies
attaquerait entre Jauernick et Teichenau. Cette disposi-
tion est parfaitement bonne, et n'a pu être laite que par
quelqu'un <[ui connaît Itien le pays ; mais plus elle est
compli(|uée. plus il faut de temps et d'art pour l'exécuter.
Plus elle est dangereuse pour le roi de I*russe, plus je
suis jjersuadé qu'il ne s'exposera pas à être détruit sans
nécessité. Je crois donc fermement qu'il n'y aura pas de
bataille, parce que le mouvement préliminaire à l'action
doit être fait un jour d'avance, et que le roi de Prusse
peut en (juatre heures prendre derrière la Schweidnitz
une bien meilleure position que celle qu'il a aujour-
d'hui. Je suis en même temps persuadé qu'il l'aurait déjà
(0 Moflliizpt à Choiseul, sous Dresde, 30 août 1761. Archives de la Guerre.
Ce que dit Monlazet du plan d'aUaque conCinne la version de la participa-
lion de toute l'armée russe à la bataille.
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prise h'îI n'avait voulu iioii.s faire pcnlro du temps et s'il
n'avait calculé plus a'uno lois celui (|u'on est à l'aire des
dispositions pour l'atlaipiei'. Tout cela me confirme déplus
en plus (pi'il n'y aui-a rien d'intéressant en Silésie. Je vois
môme par la consommation énorme que fait l'armée russe
(pii se croit au caliarel sans devoir payer, cpi'on ne sera
pas longtemps A la conpédi(>r. puiscpie l'Impératrice n'est
pas en état de la faire subsister. »
Tn oflicier de l'armée de Laud<m (1) donne sur la coopé-
ration possiido des deux armées des appréciations (|ui se
rapprochent de celles de Montazet.
« Après ôtie joint avec l'armée entière des Russes vous
serés surpris sans doute, (|u'avec une si grande supério-
rité nous ne tentions rien contre l'ennemi, (pjoi(|uc nous
n'en soyons éloignés qu'une lieue, et (pie nos postes avan-
cés se touchent ; mais cette surprise cesserait bien vite, si
vous connoisiés aussi bien cpie nous, l'état et les arran-
gements des Uusses. On ne sçaurf)it s'imaginer (]uel(|ue
chose de plus mauvais. Nous sommes obligés de leur
fournir tous les jours 180.000 portio»; de nos propres ma-
gazins, et nous payons trois kreut/ers par jour à chacpie
soldat, car ils mancpient de tout, outre cela nous devons
leur soigner encore les rations nécessaires. Kéflechissés je
vous prie sur tout ceci : voler, piller, et sacager, voilà
leurs uni(pies occupalions et toutes les peines de notre
digne chef pour empêcher ces désordres, sont inutiles ;
la généralité répond, (ju'il est impossible de retenir le
soldat, et celui dit ([ue c'est leur façon de faire la guerre
dans un païs ennemi, et (|u'ils ne connoissent point d'autre.
Vous pouvés conclure aisément de tout ceci ([ue nous ne
pouvons nous soutenir longtemps ici sur ce pied, devant
bientôt man<[uer de tout.
« Le roi de Prusse occupe un camp ([ue la nature et l'art
î
(1) Extrait d'une leUre d'un oflîcU'r de l'arinée de Lau'Ion, Sseplenibie 17(il.
Record Odico.
ILS SK SKIVVHENT.
249
ont fortilif' do telle faeon (|iril (^st impossilde de l'attji-
(|iicr avec (|ucl(|ue espérance de succès, lussions-nous une
fois plus loris «|ue nous ne sommes, je doute donc que
nous n'aurons pas une iiataille, surtout lors<|ue ce n'est
pas le grand nomitre qui décide, mais
vous me comprenés lùen, et pour n<Ure malheur ceci
nous nian(pu^ aussi l>ien (|ue l'Iiarmonic. •>
A l'heure i( la(|uelle le roi de Prusse écrivait A son livre,
la séparation des alliés était chose décidée : Elle s'accom-
plit le 9 septembre; ce soir-là. les Uusscs commencèrent
leur marche vers l'Oder escortés par le général Heck avec
5 régiments de cavaleiie. C/ernilchevv campa à la gauche
des Autrichiens |)rès de l'reiburg; Brentano retourna à
llohenl'riedherg. Le lendemain, toute la droite aban-
donna la plaine pour prendri; place sur les hauteurs de
Kunzendorf-ltng«!ndorf. la cavalerie resta en bas près de
Zirlau et Draskowich recula jus((u'à Wartlia et le Silber-
berg pour surveiller les dèlilés. Le 11 septembre, le roi
détacha le général Platen avec 7.000 hommes pour in-
<|uiéterla marche dos Kusses et détruire leurs magasins.
Ce ne fut cependant (|ue le 20 (|ue Frédéric (|uitta les en-
virons de Schweidnitz pour ceux de Noisse où il campa
le *29. Il y fut suivi par Draskowich et Bethlera <|ui de-
vaient s'opposer à une incursion prussienne en Mora-
vie.
Au dire de Mesnager (1), l'attaché fran<;ais à l'armée
russe, l'état-major de lUitturliii cherchait à masquer leur
retraite < de magniti(|ues projets dont l'exécution parait
plus analogue à nos désirs. Breslau, (llogau. Francfort,
Berlin, Custrin, Colber^j , la Poruéranie, les quartiers d'hi-
ver, voilà bien des points de vue; sous deux jours l'on
saura peut-être -i quoi s'en tenir ainsi que la route rétroac-
tive de M. de BuUurJin La postérité aura peine
I
(1) Mesnager à Ch.>#«<ol, SIriegau,
Guerre.
septembre ITiil. Archives de la
w
250
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CH \P. VII.
à croire ce ([ui s'est passé en tout genre j"i l'armée russe
depuis (iuel(iues jours, je laisse aux habiles peintres à
donner les oml)res proportionnées au tableau, la plume
m'écbcippe des mains et je les lève vers le ciel ». Montazet
donne des renseignements (1) plus précis : < Elle (l'armée
russe) doit se porter vers Glogau pour le bombarder; de
là sur Francfort, ensuite sur Berlin, et finalement en
l*omér;uiie pour se rejoindre au corps ([u'y commande
M. de UoumansoiT. Voili'i les vastes projets que les Russes
ont faits en partant de Silésie qui, selon moi, ne seront
exécutés ((u'en partie, bien persuadé qu'ils ne l)om-
barderont ni (Uog-au ni lîerlin. M de Czernitciiew à (jui
l'on a laissé dix régiments d'infanterie, deux de dragons,
un de uhlans et un de hussards, le tout faisant environ
20.000 hommes, doit rester ave M, de Laudon jus(|u'à la
fin de la campagne, où Ion doit alors l'escorter jus((u'à
Posen ; d'ici là, l'on doit par convention expresse lui four-
nir de tout, et lui donner même deux cent mille roubles
d'avance, il est môme stipulé dans l'accord qui unit ce
corps russe aux autrichiens pour le reste de la campagne
({ue dans le cas où les forces de l'Impératrice se porteraient
en Saxe, les Russes repasseraient l'Oder; par conséquent,
voilà qui prouve le peu de désir qu'on a à Vienne de tra-
vailler à la seule besogne raisonnable, et selon moi, l'i-
nutilité des nouveaux soins <(u'on va se donner sans doute
pour prendre la Silésie. »
La cour de Vienne avait en effet concentré tous ses elForts
sur l'armée de Laudon. Celle de Saxe manquerait bientôt
de subsistances. Daun se plaint amèrement ; « il s'étendit
d'ailleurs sur la façon dont il était traité personnellement
et je vis que son amour pour M. le comte de Kaunitz ne
s'était point affaibli ».
(1) Monlazol à Clioiseul, sous Dresden, 12 septembre 17G1. Archives de
la Guerre.
RAin DE PLATEN.
251
En attendant l'exécution des grandes opérations pro-
jetées par l'état-major russe, la retraite s'était efFectiice
sans incident; le départ avait été précédé d'une dernière
visite de Laudon; « l'cxtéfieuf de cette séparation, cons-
tate Mesnager (1), dévoile ni confiance ni regret »; la
niarclie avait été parfaitement tranquille, « pas un hussard
prussien ne nous a fait Thonneur de nous suivre », mais
« les excès en tout genre deviennent très fréquents, la Si-
lésie se souviendra longtemps de l'apparition des Russes ».
Le IGseptembre, on effectua la traversée de l'Oder et on
apprit l'exploit du général l*laten qui avait rempli avec
succès la mission dont le Roi de Prusse l'avait chargé ;
il avait enlevé et détruit un important magasin à Goslin,
battu l'escorte et capturé le brigadier Cherepow, près de
2.000 hommes et 7 canons, délivré des prisonniers prus-
siens et brûlé un grand nombre de voitures; il avait
continué ses dévastations autour de Posen et gagné Lands-
berg où il était arrivé le "22, non sans quelque opposition
des cosaques de Bcrg qui l'avaient devancé et avaient
brûlé le pont sur la Wartha. Platen jeta sur la rivière un
pont de bateaux, séjourna 3 jours dans la ville à l'elfet
de donner quelque repos à ses troupes et en repartit le
25 pour courir à l'aide du prince de Wurtemberg qui
était aux prises avec Komanzow devant Colberg. Ce raid
de 350 kilomètre (2) en 10 jours lui avait coûté, d'après
Mesnager, force chevaux, traîuai'ds et chariots; par con-
tre, il avait porté la perturbation dans les opérations des
Russes et les avait obligés à renoncer faute de sui)sis-
tances à tout r^ouvement sur Rerlin et sur la vieille Po-
méranie.
Kntre temps, les hostilités avaient été suspendues en
I,
:"1
(1) Mesnager, Journal de l'armée Russe. 19 septembre 1761. Arciiives de
la fiuerre.
(2) Frédéric à Flnckenstein, Pilzcn, 26 septembre 1761. Corr. Polit., XX.
p. 628.
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ii.ri.
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252
LA GUEURE DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
Silésie, comme l'écrivait ironiquement Montazet (1). « l^e
corps russe sous M. de Czernitchew se repose de ses fati-
gues avec l'armée de Laudon et jusqu'ici il ne transpire
rien de ce que ses forces réunies doivent faire. » Ainsi
que nous l'avons dit, jusqu'au 2(5 septembre Frédéric ne
bougea pas de Bunzclwitz ; il leva alors son camp et se
porta sur l'Ohlau où il s'établif le 29 à Gross-Nossen. Il
considérait la campagne comme terminée et prenait ses
dispositions pour les quartiers d'hiver et pour son retour
en Saxe au courant du mois d'octobre, quand il fut brus-
quement troublé dans sa quiétude par la nouvelle de la
prise de Scliweidnitz que Laudon avait enlevé par escalade
dans la nuit du 1*' octobre. Laudon avait gardé le silence
le plus absolu sur l'entreprise qu'il projetait contre cette
place, il ne l'avait confiée qu'à l'empereur. Par lettre du
28 septembre, il avait proposé à la cour de Vienne de ren-
voyer en Saxe les 29 bataillons et 78 escadrons qui étaient
venus le renforcer, au début de la campagne; il avait
suggéré, pour le cas où les l*russiens ne laisseraient en
Silésie qu'un corps de 20.000 à 25.000 liommes, de faire
un second envoi de 20 autres bataillons avec un contingent
proportionnel de cavalerie; il s'était offert pour prendre
le commandement de ce dernier détachement. Un ordre
de cabinet du 2 octobre (2) avait accepté la première pro-
position, mais avait ajourné à une date ultérieure la dé-
cision ;\ prendre sur le deuxième renvoi et pur la dési-
gnation du général qui commanderait les troupes.
Ce même jour, 28 septembre, Daun avait demandé à
renforcer ses forces de 45.000 hommes, prélevés sur l'ar-
mée de Silésie, qui seraient employés à occuper la Lusace,
Freyburg, à s'étendre dans la région des Erzgebirge et
(1) Moiilazel à Choisoiil, sous Drosdeii, 19 septembre 1701. Archives de
la Guerre.
(2) Cabinet Schreiben au Laudon, Vienne, 2 octobre 1761. Archives de
Vienne.
t «I
CAMP UETRANCHÉ DE SCIIWEIDNITZ.
253
à resserrer les cantonnements ennemis. Kn réponse (1) la
cour lui avait accordé une satisfaction partielle, mais avait
refusé i^ chiffre de 45.000 comme trop élevé. Un prélè-
vement aussi fort exposerait le comté de Glatz et peut-
être la Moravie au danger des incursions prussiennes. Bref,
Laudoii aurait à lui rendre de suite les -iî) bataillons et 78 es-
cadrons empruntés à l'armée de Saxe et plus tard si le roi
de Pi'US!i\3 réduisait ses forces suffisamment, un second
détachement de 20 bataillons et un contingent correspon-
dant de cavalerie.
La nouvelle de la prise de Schweidnitz ne modifia (2)
ces instructions qu'en subor'^onnantleur exécution à l'in-
térêt supérieur de la conservation de la forteresse con-
quise. En fait, les renforts pour la Saxe ne se mirent en
marche que le 20 octobre et encore furent-ils arrêtés par-
tiellement en Lusace (3) où Beck reçut une augmenta-
tion de 5 régiments d'infanterie et deux de cavalerie.
La ville de Schweidnitz, située sur la rive gauche de la
petite rivière du Weistritz ou Schweidnitz Wasser, était
une place de seco \ ordre. Devenu maître de la Silésie,
Frédéric avait ajouté aux murailles de la ville quelques
ouvrages extérieurs que les Autrichiens pendant leur oc-
cupation en 1757 les Prussiens après leur réocciipation
en 1758, avaient iccessivement agrandis. A l'époque de
l'assaut que nous . 'Ions raconter, la place ou plutôt le
camp retranché di Seh^^eidnitz avait pour principale
défense une ceinture de forts et de redoutas reliés par
une double ligne de retranchements en terre. Un espace
libre s'étendait entre cette enceinte et la ville; cette der-
nière était entourée d'un mur à tours carrées qu'on
t. !l .
1
ta
(1) Cabinet Schniben m Daiin, Vienne, 2 octobre 1761. Archives de Vienne.
(î) Cabinet S(;hreil)en an Laudon, Vienne. l<i oclobre 1761. Archives de
Vienne.
(;{) Monlro/.ard à Clioiseui, Freyburfi, ;îi) octobre 1701. Archives de la
Guerre.
n
w
254
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP Vil,
avait appuyé d'un terrassement. Les forts, bA,tis sur le
même, modèle, étaient ouverts à la gorge, et bien que
pourvus de fossés ne possédaient que des escarpes de
10 à 12 pieds et n'étaient pas par conséquent à l'abri
d'une escalade. Les moyens de comnmnication entre les
ouvrages extérieurs et entre ceux-ci et la ville étaient
très imparfaits et n'assuraient pas la retraite des dé-
fenseurs. Pour compenser ces défauts, pour garnir les
points exposés, pour servir les 240 bouches à feu de la
place, il eût fallu une garnison suffisante et un fort ap-
point de canonniers; or, le gouverneur Zastrow avait à
sa disposition 5 faibles bataillons d'infanterie, une com-
pagnie d'artillerie réduite par les détachements à
83 hommes; y con^j^jris 150 cavaliers, ^'effectif des com-
battants n'atteignait que 2.4-36 hommes. Le général de
Zastrow, qui exerçait la charge de gouverneur depuis
1758, brave militaire, avec de beaux états de service,
'encore très valide, possédait la confiance de son maitre
et semblait la mériter. Depuis le départ de l'armée
royale, il s'attendait à une tentative contre l'un des
ouvrages avancés, tout au moins à l'ouverture d'une
première tranchée. Conformément aux ordres, la gar-
nison prussienne était sous les armes, et aux postes
désignés à 5 h. le 30 septembre; chacun des comman-
dants des quatre forts à la tête d'un détachement de
270 hommes avait reçu ses instructions pour le cas
d'une attaque : les soldats devaient avoir le fusil à la
main et les officiers d'état-major avaient mission de faire
des rondes, de surveiller les patrouilles et de s'assurer
que tout le monde était sur le qui vive. Afin de se rendre
compte des mouvements de l'ennemi, les dragons et
hussards attachés à la garnison avaient ordre d'éclai-
rer les environs, de placer des vedettes, de pousser de
petites reconnaissances; à la première rencontre d'une
troupe ennemie, ils devaient en tirant des coups de cara-
•1,1
n
il
LAUDON ENLEVE SCIIWEIDNITZ.
255
^n^
bine donner le signal de l'alarme. Enfin, tout ce qui n'était
pas alFccté aux forts détacliés, à l'enceinte extérieure, à
la garde des prisonniers autrichiens enfermés dans le
Wasser fort de l'autre côté de la rivière, constituait
une réserve d'un peu plus de 400 hommes et était cou
sacré à la défense du corps de la place. Zastrosv lui-môme
se tenait prés duBugen Thor dans un point central.
De son côté, Laudon avait combiné son attaque avec
beaucoup de soin et de précision. Il organisa quatre co-
lonnes d'assaut, fortes chacune de 5 bataillons, d'un
escadron de dragons et de détachements d'artillerie et
du génie. Sur l'effectif des bataillons, environ 300
hommes étaient affectés au transport des échelles et
aux divers travaux que nécessiteraient l'assaut et la prise
de possession. Le général Amodei en avait la direction
supérieure.
En plus des V attaques dirigées contre les forts Galgen,
.lauernick, Garten et Bôgen, le général .lalmus devait
exécuter une démonstration du côté du Wasser fort et
détourner l'attention de la garnison. Laudon allait entre-
prendre sa tentative audacieuse avec environ lô.OOO hom-
mes, moitié pour la mêlée, moitié en soutien. Le corps
russe de Czernitchew fournissait pour l'assaut un contin-
gent de 800 hommes.
Vers "2 heures du matin le 1 " octobre, les assaillants
étaient massés sur la route de Striegau et devant les vil-
lagesde Subischdorf, Schônbrunn etH<igendorf; Laudon se
tenait de sa personne à Schoubrunn. L'approche de la
place s'effectua sans attirer l'attention de la garnison ; elle
fut favorisée par la nature du terrain. I^rofitant des
ondulations de la plaine cultivée et dissimulés par les
constructions assez nombreuses qui entouraient la ville,
les Autrichiens purent se glisser juscpi'au glacis sans
être aperçus. Un service de patrouilles de cavalerie avait
été organisé par le général Zastro\\ , mais les pelotons
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^56
LA GUEIUIK DE SEPT ANS. — CIIAP. VII.
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peu nonibreu.v chargés de ce service s'acquittèrent mal
(le leur bosoyne et ne donnèrent pas lo signal d'alarme.
Tout était donc tran([uille quand i\ 2 heures et demie
un coup de feu parti du lingen fort donna l'éveil. L'at-
taque des forts qui devait être simultanée d'après les
instructions de I.audon, ne fut que successive, les diffi-
cultés d'accès et l'obscurité de la nuit retardèrent la niar- '
che de (pieUpies-unes des colonnes ; mais elles furent
bientôt en ligne et 3 heures n'avaient pas encore sonné
que le combat s'engageait sur toute la périphérie.
Les Prussiens faisaient bonne garde ; dès les premiers
coups de fusil ils coururent aux remparts, lancèrent des
boites à feu et ouvrirent le feu contre l'ennemi qui avait
envahi le chemin couvert. Le fort de lingen tourné par la
gorge, escaladé du fossé do ut une grande partie n'était
pas défilée, tomba aux mains Je l'assaillant, ce fut l'affaire
d'une demi-heure; l'oxplosir-n d'un magasin de poudre
dont il avait fallu enfoncer la porte coûta la vie t'i bon
nombre de conil)attants, mais n'arrêta pas l'élan des Au-
trichiens. .Vprès s'être emparés des autres défenses exté-
rieures et de l'enceinte qui reliait les forts, ceux-ci se
portèrent à l'escalade des murs de la ville de Schweidnitz,
dont les portes étaient fermées.
Zastrow, avec h commandant du génie, le major de la
place et quelques officiers, s'était posté depuis dix heures
auprès de la Biigen Thor. Il fit de son mieux pour tirer
parti des '* à 500 hommes qui constituaient sa faible ré-
serve ; la première tentative pour poser les échelles fut
repoussée, mais il restait des espaces de 50 à 60 pas où,
faute de monde, la résistance était nulle. Les Autrichiens
pénétrèrent dans la ville de tous les côtés et ouvrirent les
portes à leurs camarades. Zastrow fut pris avec une poi-
gnée de soldats qui faisaient encore le coup de feu.
La prise du (iarten fort avait précédé celle de la ville ;
il n'en lut pas de même des Jarnick et Galgen forts qui
fut
où,
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les
>oi-
lUe;
qui
ZASTROW PASSE EN CONSEIL DE GUERRE.
287
résistèrent énergiquement et où les premiers assauts fu-
rent repoussés avec perte.
Quant au Wasser fort contre lequel Laudon n'avait des-
siné qu'une fausse attaque, il succomba aussi. Les 4 ù 500
prisonniers autrichiens qui y étaient enfermés désarmè-
rent les 48 Prussiens chargés de leur garde et ouvrirent
les portes aux Croates de Jahnus. A 5 h. 1/2 du matin,
le combat avait cessé et Schweidnitz était au pouvoir
de l'armée impériale.
L'aflaire coûta aux Autrichiens 63 officiers et 1.396 sol-
dats tués, blessés ou disparus; aux Russes 97 officiers ou
soldats. La perte delà garnison fut estimée à 800 hommes.
Le vainqueur, en plus des prisonniers (1), s'empara de
25 drapeaux de 222 bouches à feu et d'une quantité con-
sidérable de munitions. *
Frédéric très sévère, comme on le sait, pour ses géné-
raux malheureux, commença par féliciter Zastrow de sa
belle défense, puis il se ravisa et le fit comparaître après
la guerre devant un conseil de guerre avec les deux offi-
ciers de cavalerie et le major de la place. Ce dernier fut
acquitté, mais Zastrow fut condamné à deux ans de forte-
resse, les subalternes à des peines inférieures ; ni l'un ni
les autres ne perdirent leur grade dans l'armée.
Des dépositions des témoins (2) devant le conseil de
guerre, il ressort clairement que si le gouverneur peut
être accusé de quelques fautes d'omission , la cause détermi-
nante de la chute de la place fut la faiblesse des ellectifs de
la garnison et notamment des artilleurs, eu égard au
périmètre de la forteresse et au nombre des canons à
servir.
(1) Daprès Janko, le nombre des prisonniers sVlcva à 3.351 miiitaire.s
odiciers et soldats. Les procès-verbaux du conseil de guerre iw, parlent que
de 2.43G sous les armes. Même en ajoutant les malades, ou indisponibles,
l'écart est considérable.
(•2) l'ranz Wachler, Acten des Kriegsgcrichts von 1703, Breslau, 18'J7.
CUEIIRF. ni; SEIT ANS. — T. V. 17
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Il est à remarquer que les soldats de la garnison quoi-
que compos«'!e en honne partie de déserteurs ou de prison-
niers autrichiens se comportèrent liravemont, à de rares
exceptions près. Cependant, il y avait eu de la désertion au
cours des jours qui précédèrent l'assaut et on affirme que
les colonnes autrichiennes avaient des transfuges (1) pour
guides ; d'ailleurs la localité était bien connue, bon nom-
bre des officiers de Laudon ayant fait partie de la garnison
lors de l'occupation autrichienne en 1757.
Marie-Thérèse se montra reconnaissante à l'égard des
vainqueurs de Scliweidnitz;. Laudon re<;ut la grand'croix
de l'ordre de Thérèse en brillants et peu de temps après le
portrait de l'Impératrice, encadré de diamants avec auto-
risation de le porter; les principaux officiers qui avaient
pris part à l'affaire fuuent avancés en grade et une grati-
fication en argent fut accordée aux soldats qui avaient
obéi aux ordres interdisant le pillage. « La seule chose
que j'apprends avec peine à l'occasion de ce glorieux
exploit, écrit l'Impératrice à Laudon (2), c'est que la plus
grande partie de mes troupes en dépit de votre défense
et de vos efforts, a pris part au pillage. »
La prise de Scluveidnitz vint fort à propos relever le
prestige de Laudon, très compromis par les piètres ré-
sultats de la campagne de Silésic ; « Voilà son héros (de
Kaunitz) M. de Laudon culbuté, voilà au pinacle à Vienne
son ennemi capital le maréchal Daun », avait écrit Monta-
zet (3), huit jours avant la surprise du 1"^ octobre.
La première pensée du roi en apprenant la fâcheuse
nouvelle, fut de reprendre la forteresse perdue avant la
fin de l'année, mais il n'était pas assez fort avec ce qui
lui restait de troupes pour une pareille tâche ; il écrivit
(1) W. Edlm von Janko, Laudon's Lebcn, Wien, l«(i9.
(2) LeUie citée par Arnelh, VI, p. 248.
(3) Moutazet à Choiscul, sous Dresde, 23 septembre 1761. Archives de la
Guerre.
SIÈGE DK COLBERG.
359
re-
(de
;use
itla
qui
Irivit
delà
(lonc(i) à Platcn de venir le rejoindre en Silésie aussitôt
qu'il aura dégagé le prince de Wurtemberg et fait lever le
siège de Colberg, il comptait sur son arrivée pour le 20
du mois. « Le général Platcn ne pourra, écrit le lloi (21 à
(irant, gouverneur de Neisse, guère nous arriver avant le
22 ou le 23 de ce mois... en attendant je marcherai demain
et me tiendrai avec mon armée aux environs de Strehlen,
jusqu'à ce que le général Platen s'approchera de nous. »
Le lendemain 0, son quartier générai était transféré à
Strehlen où il demeura jusqu'au 8 décembre. Nous pou-
vons l'y laisser pour nous «ttcuper des mouvements des
Uussesen Poméranic et du siège de Colberg, qui prenait une
tournure fâcheuse pour la cause royale.
Le prince de Wurtemberg, venu du Mecklembourg où
il avait hiverné, arriva à Colberg au commencement de
juin. En comprenant le détachement de Wcrncr et le ren-
fort que lui avait amené de Glogau le général Thadden il
réunit sous ses ordres i(> bataillons et 20 escadrons, soit
environ 12.000 hommes. Le brave colonel Heyde, qui
avait repoussé victorieusement les tentatives des années
précédentes, était toujours gouverneur de la place avec
une garnison de 4 bataillons. Le 23 juin, Romanzow déjà
parvenu à Coslin, grAce à un prélèvement sur le corps de
Totlleben, comptait sous ses ordres environ il à 12.000
combattants et devait être rejoint par l'escadre de l'amiral
Poliinski qui avait ù bord une artillerie nombreuse et
3.000 hommes de débarquement; mais les vaisseaux
russes retardés par des vents contraires ne firent leur
apparition que dans les premiers jours d'août. Komanzow
prit position à Korlin sur la Persante.
la place de Colberg, ainsi que nous l'a appris le récit des
(1) Frédéric à Platen, Gross-Nossen, 3 octobre 1761. Corr. Polit., .\XI,
p. 7.
('.>) Frédéric à Granl, Gross-Nossen, 5 octobre 17C1. Corr. Polit., XXI,
p. 11.
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2G0
LA GUERRK Dli SKPT ANS. — CHAP. VII.
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deux premiers sirges, est entourée de tous les côtes [)ardes
prairies qui, pendant la mauvaise saison, se transforment
en marnisà peu prns impraticables. A portée de canon de
l'enceinte, s'élève une rangée de collines à faible relief
traversée par la Persante et par la grande route de
Treptow et de Stettin. A l'abri de ces hauteurs, h mi-côte,
le prince de Wurtemberg avait tracé son camp retranché
au sud-ouest de la forteresse, la droite appuyée h la rivière,
la gauche à un marécage qui séparait du littoral le fau-
bourg de Bullenwinkel. Les deux lignes du camp étaient
formées de 11 ouvrages fermés, à portée de fusil l'un
de l'autre, et reliés par des tranchéi lisant fonction de
courtines. Une inondation d'une profondeur de près de
k mètres rendait les approches inabordables du côté de
Bullenwinkel. On s'était servi des ruisseaux qui traversent
les bois de Badenhagen et du Studtwald jusqu'à la mer
pour noyer l'accès du front, la route de la plage qui con-
duit de Badenhagen à Colberg avait été coupée par
deux retrancliements dont l'un, la Sternschangc, était
fermé. Enfin, lors de l'approche des Russes, on éleva .sur
une hauteur en avant de la droite du camp un ouvrage
qui re( ut le nom de la Bedoute verte, mais qui n<> fut pas
achevé. Cet ensemble se complétait par des palissades,
des sauts-de-loup, des fossés, et constituait un obstacle
redoutable. Pour maintenir les communications avec
Stettin, dont les Prussiens tiraient leurs approvision-
nements, le général Werner fut détaché sur la rive
gauche de la Persante avec le gros de la cavalerie qui y
fut cantonné et protégé par quelques fortifications de for-
tune.
Le 22 août, Romanzow fit son apparition devant la
place; le 2V les vaisseaux et convois de Palaiiski mouil-
laient sur la rade, ils furent rejoints le 27 par l'escadre
suédoise de \k bâtintents. Aussitôt son parc d'aitillerie
reçu, Romanzow prit position le V septembre à portée
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LKS RUSSES OUVHENT LE FEU.
161
t la
de canon des lij^nos prussiennes, entre Stropsock et
Wobrodt avec sou quartier gén«''ral à Zermin. Le 6 sep-
tembre, les Husses ouvrirent le feu de leurs batteries,
jetèrent dt;s ponts sur la Persante ot repoussèrent la ca-
valerie de Wernor sur l'autre rive. Déjà la situation dans
le camp prussien devenait pénible; sous la tente qui ne
donnait contre la pluie et les premiers froids qu'un abri
insuffisant, à court de ùois pour se chaulTer et faire l<;ur
cuisine, les soldats étaient léduits à se creuser des loge-
ments où ils soufflaient de la saleté et de la vermine. Les
arrivages en provisions de bouche et surtout les fourrages
répondaient à peine aux besoins.
Désireux de se donner de l'air et d obtenir plus de faci-
lités pour nourrii' sa cavalerie, le prince de Wurtemberg
se décida à détacher le général Werner avec 2.000 dra-
gons et hussards, 300 fantassins et 3 canons dans la di-
rection de (ireifenberg, sur la Rega, où il se rencontrerait
avec un parti de cavalerie envoyé par Bclling et agirait
sur les derrières de Romanzow. Werner arriva à Treptow
dans la nuit du il au 12 septembre, et se croyant sans
danger d'une attaque des Russes, cantonna ses troupes
dans la ville et dans les villages des en-, irons. Ce manque
de précautions lui coûta cher.
Romanzow, prévenu du départ de Werner, expédia à
sa poursuite le général Bibikoff avec ce qu'il put réunir
de cavalerie, k bataillons et 6 pièces. Couverts par un
brouillard épais, les Russes parvinrent à Treptow dans
l'après-midi du 12, sans avoir été signalés. Wernersurpris
commença sa retraite; pendant qu'il cherchait à rallier
son monde, il tomba aux mains de l'ennemi avec s.)n
infanterie. Les escadrons prussiens firent de leur mieux,
mais furent obligés de se retirer jusqu'à Nougard où ils
trouvèrent les kdO hussards de Belling. Bibikoff laissa
une garnison à Treptow et regagna avec le reste de ses
forces le camp de Romanzow.
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LA OUKUUK DE SEPT ANS. - CHAP. Vil.
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Ktitre-temps, ce général avait poussr avec, énc ^ic .ses
opérations contre le camp retranché; le 13 septeml)rc, le
colonel prussien Corbière fut forcé d'évacuer la forôt du
StadtwaUl où les Russes édifiènuit une chaussée sur la-
quelle ils installèrent une hatlerie. Le l(i, il y eut une
canonnade générale au cours tle laquelle les vaisseaux de
guerre et les batteries de terre croisèrent leui' feu contre
les ouvrages prussiens. I/assaut fut commandé pou'* la
nuit du 18, contre la « Verhackscliange » et la Uedoute
verte. Seul, le premier ouvrage fut enlevé avec sa gar-
nison de 200 hommes; une seconde tentative dans la nuit
du lendemain fut plus heureuse, mais la Redoute verte ne
resta pas longtemps entre les mains des assiégeants; elle
fut reprise par les Prussiens. Les Russes revinrent à la
charge et il s'engagea pour la possession de l'ouvrage un
combat sanglar.t qui dura toute la nuit et qui aurait
coûté aux Russes 2.850 honunes (1) et aux Prussiens 539.
Romanzow dut renoncer à l'idée d'emporter de vive force
le camp retranché.
La résistance des soldats du prince de Wurtemberg
était d'autant plus méritoire qu'à en croire des témoins
dignes de foi, leur qualité laissait fort à désirer. En par-
lant de l'affaire deTreptow^ à Paulmy. l'ambassadeur fran-
çais à Varsovie, Caulaincourt, s'exprime ainsi (2) : « Il est
constant que la désertion continue à peu près autant qu'il
est possible et que les prisonniers que l'on a ramenés au-
jourd'hui ne ressemblent guère aux Prussiens du com-
mencement de cette guerre. Je n'ai été que trop malheu-
reusement (3) à portée de savoir positivement que hors
i
(1) Chiffres donnés par Schuffer, Geschichle der Sicbenjûhrigen Krieçis,
vol. 11.
(2) Caulaincourl à Paulmy, Zcrmin, 13 septembre 1701. Archives de la
Guerre.
(3) Caulaincourt, alors attaché à l'armée suédoise, était resté prisonnier
des Prussiens pendant quelque temps.
ASSAUT REPOUSSE.
m
les bataillons de grenadiers (ju'a M. le prince dcWurtcin-
IxM'g, le lestc est au moins composé d'une bonne moitié
de gens forcés, la plupart sous mes yeux, de toutes sortes
de nations. »
La place do Colberg résistait toujours. Gaulaincourt
qui était venu au quartier général de Homanzow pour
concerter une action commune entre Uusses et Suédois,
n'avait guère de succès ; l'amiral Polansky déclarait (1) ne
pouvoir rester plus de 15 jours devant Colberg. Le 2($,
on apprit au quartier général russe 2) que Platen était i\
Landsberg, Dolgorouki et Berg à Driesen, aussi qu'un
détacbement suédois était à Kammin et avancerait
sur Treptow si les Russes vou,laient envoyer à leur
rencontre. Cette dernière proposition écboua par suite
du manque d'entente entre les alliés, mais du c<Mé
de la grande armée russe l'envoi de secours fut plus effi-
cace.
Depuis la défaite de Werner, les communications avec
Stettin étaient interceptées, la disette se faisait de plus
en plus sentir au camp, aussi Wurtemberg attendait-il
avec impatience l'arrivée de iMaten. Celui-ci avait quitté
Landsberg le 25 septembre, il rallia le 27 à Freuer-
walde la cavalerie que Masson avait ramenée de Trep-
tow et après quelques hésitations inspirées par les
mouvements russes, s'empara le 30 septembre de Korlin
sur la Persante où il enleva un poste russe. Presque
cerné par Dolgorouki et par d'autres détachements en
route pour renforcer le corps de Romanzow, Platcn ne
se crut pas en force pour attaquer ce dernier comme il
en avait eu le projet, il dirigea donc sa marche sur le
camp de Wurtemberg, et après un heureux combat
au défilé de Spie, effectua sa jonction avec le prince le
2 octobre. Ce renfort porta les forces prussiennes à
(1) MorcU à Choiseul, Zcrmin, 20 septembre 1761. Archives de la Guerre.
(2) MorcU à Choiseul, Zermin,27 septembre 176t; Archives de la Guerre.
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LA GUERRE DE SEPT ANS - CHAP. Vil.
environ 18.000, chiffre encore inférieur à celui des Uusses
qui grâce à, l'arrivée de b^lgorouki en comptaient 20.000,
mais cet écart fut bientôt compensé par le départ des deux
escadres, au commencement d'octobre. Dans les deux
camps, les privations croissaient chaque jour, les cosaques
venaient mendier du pain aux avant-postes prussiens.
De part et d'autre, l'inaction était complète ; l'attaché
militaire Morett(l) rend compte des intempéries : vent,
neige et pluie; de la disette de grains et fourrages; du
départ de la Hotte russe le 8; Dolgorouki est mort de
blessures, pas un coup de canon n'a été tiré depuis 3 jours.
Platen, pour mettre fin à la démoralisation qui s'empa-
rait des troupes, proposa ù son chef de "en forcer la gar-
nison de Coiberg, puis d'évacuer le camp h l'effet de se
concerter avec le duc de Bevern gouverneur de Slettin
pour la levée du siège. Wurtemberg accepta d'abord,
puis sur le conseil du général Thadden revint sur sa
première décision. Platen parût donc seul, sa sortie eut
pour premier résultat de rouvrir momentanément les
communications avec Stettin et de permettre l'arrivée
d'un convoi de 150 voitures.
Vers cette époque, Frédéric croyait (2) encore au départ
prochain de Romanzow, à la retraite de Butturlin der-
rière la Vistule et à la possil>ilité du retour de Platen à
l'armée de Silésic. Il ne se rendait pas compte de l'effet
produit sur la cour de Russie et sur l'état-major russe par
la prise de Schweidnitz. Cet événement réveilla l'énergie
très assoupie de iiutturlin. Le quartier général fut trans-
féré à Driesen, puis à Dramburg en Poméranie ; Ferraor
avec sa division de 8.000 hommes dut se porter de Arns-
walde à Regenwald'î pour appuyer les troupes légères
de Berg.
(1) Morett à Choiseiil, Zcrmin, 11 octobre 17C1. Archives de la Guerre.
(2) Frédéric à Plalen, Sirelilen, 17 et 20 octobre 1761. Corr. Polit., XXI.
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COMMUNICATIONS AVEC STETTIN.
2G5
A la suite de ces mouvements les Prussiens avaient
subi des échecs partiels; un grand convoi de 500 k
600 voitures destiné à ravitailler Colberg- en vivres et en
munitions, fut attaqué par Berg près de Golinow et
dut rétrograder sur Dam m avec pertes. D'autre part,
un détachement prussien fut cerne et pris le 16 oc-
tobre dans les environs de GreiUenberg. Ému de ces
incidents fâcheux, le prince de Wurtemberg donna
ordre à Platen de refouler Berg et de rouvrir les com-
muoications avec Stettin ; à cet elfet il le renforça de
5.000 hommes et de 19 canons.
Conformément à cette instruction, Plâten gagna Trep-
tow le 17 ; en route il eut connaissance de l'approche
de Fcrmor, il en avertit son chef et lui renouvela sa
proposition d'abandonner le camp et de mettre en cam-
pagne tout le corps prussien, Wurtemberg ne voulut
rien entendre et confirma ses ordres. Eo conséquencc-
Platen continua sa marche tout en renouvelant ses t» >
sur les dangers auxquels il serait exposé. Le 20, il at-
teignait Schwanteshagen sur la route de Giilzow è Goli-
now; il y fit reposer ses hommes fatigués par les pluies
incessantes et par les chemins détrempés, et détacha
le 'colonel Corbière dans la direction de Giilzow. Ce dé-
tachement fut surpris par les Russes qui firent prison-
niers le colonel et 1.000 hommes.
Fermor et Berg qui s'étaient rejoints à Naiigard
avaient gagné de concert Golinow; ils devaient s'y
heurter contre Platon qui y était arrivé le 21 pour pro-
téger le convoi. L'attaque russe eut lieu le 22 de grand
matin; les Prussiens évacuèrent la ville, mais employè-
rent tous leurs efforts à faire franchir aux chariots la
rivière l'Ikna, ils réussirent à en sauver la plus grande
partie et à effectuer leur retraite sur Damm ; quant au
ravitaillement de Colberg, par voie de terre, il fallut
y renoncer pour le moment. Malheureusement pour
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266
LA Gl EURE DK SEPT ANS.
CHAP. VU.
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eux, l'aimée du prince de Wurtemberg subit un autre
échec.
Ému par les avis de Plalen et inquiet pour la sû-
reté de Treptow, Wurtemberg y avait envoyé le gé-
néral Knobloch avec 2 bataillons et un contingent de
cavalerie. Celui-ci y était parvenu le 20 dans l'après-
midi; il tut cernC le lendemain par les Russes que Ro-
maiizovv avait renforcés. Knobloch résista jusqu'au 25,
mais à bout de ressources et sans espoir d'être secouru soit
par Wurtemberg tenu en échec devant Colberg, soit
par Platen trop éloigné, il fut forcé de capituler avec
1.800 hommes et 9 canons. Cet événement qui suivait
l'abandon par les Prussiens, le 23, des villagei:, de Spree
et de Prettmin que Romanzovv fit aussitôt occuper, donna
au général russe l'espoir de s'erap-^rer non seulement
de la forteresse de Colberg, mais aussi du camp retran-
ché avec ses défenseurs.
En effet, la situation devenait de plus en plus critique
pour le roi de Prusse : le premier contingent de l'armée
de Laudon, 5 régiments d'infauterie et 2 de cavalerie, des-
tiné à renlorcer l'armée de Saxe, était parti le 23 (1); le
bruit se répandait qu'il se joignait au corps de Beck pour
tenter un raid sur Berlin; il avait fallu renoncer à voir
Romanzow lever le siège de Colberg, et môme la posi-
tion de Wurtemberg inspirait les plus vives inquiétudes.
« Les affaires de Poméranie, écrit Frédéric à son frère (2),
sont plus mauvaises que vous ne le croyez, tout est à
craindre et presque rien à espérer. Je suis d'autant plus
embarrassé de votre situation que je n'y puis porter aucun
remède, il ne me reste ici que 36 bataillons après les dé-
tachements quf^ j'ai été obligé de faire. Tout ceci est bien
triste. »
Le dernier détachement envoyé de l'armée royale était
(Il MontrozardàChoiseuljFrejbui};, 23 octobre 176t. Archives delà Guerre.
(2) Frédéric à Henri, Slrehlcn, 5 novembre l'/61. Corr. Poli»., XXF, p. 6;(.
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simmuti rRiTiQL'Ë de fubdérk
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celui de SchoiiKonJo/f qui nvec 8 Ijatailhms, «vait été di-
rigé le 31 sur (ilogau fneaacé par les Autrichiens ; or il
fallait parer au danger le plus urgent; Schefi)iOiido/f re«^ut
donc l'ordre, le 2 novemhre, de se joindre à Platon. Celui-
ci après avoir remis sa Irouiie eu nirin, usait fnarclié sur
Stargard d'abord puis rappelé au seroiM'Hij<i Hdljlu, exposé
à une incursion des H'I'^sbh avait gagné l'y/ijl/ où il
avait été rassuré sur U sort (le ta capitale; le 9 à Bern-
stein il opéra}/ SH jonction iivec Schenkendorf. Les forces
réunies des rleux généraux se montaient à * '. batail-
lons, 48 escadrons et 25 canons de parc, dont l'elTectif en
combatfaats ne dépassait pas 9.000 hommes, tant la divi-
sion de Platen avait été éprouvée par son marches et ses
combats. A Arnswalde, on apprit que H manzow avait été
considérablement renforcé et que Berg à Freuen>\alde
s'apprêtait à disputer le passage. D'après le rapport de
Morett (1) les effectifs russes employés au blocus de Col-
berg avaient été portés à 40.000 hommes, sans compter
la diviiiion de Fermer et la cavalerie de Berg opposées à
Platen. Quant à la grande armée russe, elle était en route
pour la Vistule et avait le 5 novembre son quartier général
A Templeburg. Butturliu s'était entendu avec le français
Caulaincourt pour l'hivernage de 8.000 Busses au Mecklem-
bourg (2). Le 14 Platen arriva àNaugard, il trouva la route
barrée par Berg que rejoignait un renfort expédié par
Bomanzow , sous les ordres du i;énéral Jacoblelf. Toul à
coup, la nouvelle se répandit que le prince de Wurtem-
berg avait évacué le camp retranché de Col berg le soir
cju 14 novembre et était parvenu à Treptow dans l'après-
nd(|i du lendemain.
Cette nouvelle n'était que trop vraie; dans le camp
relranclié |es prl\ allons étaient devenues insupportables ;
(1) t^orcll à Giioisnu|, ^pnii|li< 4 iioveinbre |7G|. Archives de la Guerre.
(i) Mesiiager à cliokeùl, fèiii|)je(niig, f. novi-rniire 1761. Archives de la
nuerie.
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268
L.V GUERRK DE SEPT ANS. — CHAP. VII.
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y demeurer plus longtemps eût été s'exposer à une capitu-
lation que Homanzow d'ailleurs avait déjà proposée. Les
vivres manquaient, les convois par terre étaient intercep-
tés, les arrivages par mer se faisaient de plus en plus
rares ; lo gouverneur de Colberg qui n'avait plus que 4 se-
maines de provisions pour sa garnison, refusait d'en dis-
traire pour les troupes du prince de Wurtemberg. Il n'y
avait qu'un parti à prendre, forcer le blocus et échapper
au cercle dont les assiégeants entouraient le camp. Une
attaque des lignes russes offrait peude chances de réussite ;
les Prussiens étaient trop épuisés et trop inférieurs en
nombre pour pouvoir compter sur le succès; un seul c'^'^
min restait encore ouvert : c'était celui delà plr - ; .e
suivait une chaussée étroite, bordée de marécages et cou-
pée par des canaux qui servaient de débouchés aux étangs
de la côte. Le croyant impraticable, Ronianzow qui avait
fait occuper toutes les autres issues, s était contenté de
placer un poste de cosaques au village de Robe où la
chaussée rejoignait la terre ferme.
.lasque dans l'après-midi du \ï novembre, les canons des
batteries prussiennes continuèrent le feu ; ù la chute du
jour, ils furent démontés et remis à la place. On entre-
tint les feux de bivouac et on ne releva pas les postes; les
tranchées de la rive gauche ne furent évacuées qu'à 5 heu-
res du matin. La marche avait commencé avec le jour
baissant, elle continua toute la nuit, à minuit la tête de
colonne arriva à l'embouchure du Camper See ; on la fran-
chit grùcc à des embarcations amenées de Colberg. Les
cosaques se retirèrent de Robe sans opposition. En fin de
compte, Wurcemberg et ses soldats parvinrent à Treptow
sans avoir tiré un coup de fusil. Quant aux Russes de Ro-
manzow, il'i ne se rendirent compte de ^a fîùte des assié-
gés que le 15; ils prirent possession aussi :At des lignes c'.
des retranchements prussiens.
Pendant longtemps, Frédéric avait conservé ses illu'- 'ons
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LE PRINCE DE WURTEMBERG SORT DE COLRERG.
2G9
sur le retour des Russes h la Vistule et sur la levée du siège.
de Colberg. A la date du 21 novembre, il écrivait encore ( 1 )
à Wurtemberg : Aujourd'hui « que Plateu estprcade vous,
je vous crois hors de danger », et il ajoutait eu français :
« J'espère à présent, mon cher neveu, que toutes vos in-
quiétudes seront finies. Je crois que la rodomontade (2) de
Romanzow a été comme une dernière tentative, il a com-
pris que l'approche de Platen l'empèchaitde prolonger son
séjour auprès de Colberg et il aespéré de vous intimider. »
C'est le lendemain du jour où il traçait ces lignes, que le
Roi apprit l'heureuse sortie de Wurtemberg, il l'en fé-
licita (3), tout en s'inquiétant de savoir si Colberg était en
état de résister sans son concours, car il lui renouvela l'or-
dre de rallier Platen et de tout tenter de concert avec lui
pour sauver la place et pour refouler en Pologne Roman-
zow et tous les détachements russes. Mêmes instructions
à Platen et à l'adjudant Anhalt, envoyé quelque^ jours
auparavant en Poméranie, et nouvelle dépêche le 23 en-
joignant la conservation de Colberg avant tout.
Entre les généraux ^irussiens, il y eut de l'indécision
sur la direction à prendre. On fît (quelques étapes vers Bel-
gard avec l'intention d agir sur les derrières de Romanzow ;
il fallut y renoncer. Exposés sans tentes et avec leurs
effets en lambeaux, à toutes les intempéries, pluie, neige
et verglas, les soldats étaient incapables des efforts qu'on
allait leur demander. Sur l'avis de Platen, appuyé par
uu conseil de guerre, le prince décida de gagner la Rega
à Naugard, démarcher ensuite sur Treptow par (iulzow.
A Naugard, les troupes se reposèrent et se ravitaillèrent ;
elles en repartirent le 5 décembre et parvinrent à Trep-
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(1) Frédéric à Wurtemberg, Slrelilen, 21 novembre ITfil. Covr. Polit., X.\[,
p. 87.
['?.) Allusion à l'invitation à Ctipitulor que Wurtemberg avait repousséc.
(3) Frédéric à Wurtemberg, Strehlen, Ti novembre 17G1. Coït. Polit.. XXI,
p. 89.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. - CIIAP. VII.
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tow où elles furent rejointes le 10 par un gros convoi de
1 .000 chariots chargés de vivres et de munitions. Le 1 1 , l'ar-
mée de Wurtemberg se mit en route pour Colberg suivant
la grande chaussée par NeumOhl et Spee. On se heurta au
détachement de Herg; il fut repoussé, mais survint une nuit
glaciale avec chute de neige; les soldats, sans feu, sans
paille, la plupart sans abri, souffrirent terriblement ; on
ne releva pas moius de 100 hommes morts de froid. Le
12, on dirigea le convoi vers l'ouest de la ville que les
avis de Colberg affirmaient n'être surveillé que par des
postes de cosaques, ci le gr. s'apprêta à forcer le dé-
filé de Spee. Les Prussiens eurent un premier succès; ils
emportèrent la hauteur de la Redoute verte, mais ne pu-
rent avancer au delà. l\omanzow envoya des renforts à
Kerg et s'établit fortement sur les hauteurs de Prettmin;
son artillerie très supérieure prit le dessus. Le prince
Eugène, convaincu de l'impossibilité de forcer le passage,
donna l'ordre de la retraite sur Treptow où les Pruss,iens
arrivèrent le lendemain, non sans avoir soufTert des atta-
ques de la cavalerie russe qui harcela leur marche.
Le sort de Colberg était scellé ; les Russes étaient, depuis
le départ de Wurtemberg, maîtres du camp retranché et
des ouvrages à l'embouchure de la Persante, que la fai-
blesse de la garnison n'avait pas permis d'occuper; ils
commencèrent leurs travau.v d'approche et ouvrirent
leurs batteries de brèches le 8 déccml)re. Les assiégés
l'épondirent de leur mieux, mais un renseignement du
i;i décembre leur apprenant l'échec de la tentative de re-
lève, leur enleva tout espoir de délivrance; le 15, ilstirè-
rent leurs deiiiiers coups de canon et le 16, le gouverneur
Heyde arbora hdrapoau blanc: il obtint du vainqueur
los conditions honorables quo méritaient ses trois belles
défenses.
Le prince Kugène se retira avec ses forces réduites d'un
tiers à Stargard, IMaten et Schenkendorf avec ce qui res-
REDDITION DE COLBERG.
271
tait de leurs régiments allèrent, conformément aux ins-
tructions royales, rejoindre le prince Henri en Saxe. Quant
à Wurtemberg-, après avoir détaché Thadden avec sa
brigade sur laLusace, il alla prendre ses quartiers d'hiver
au Mccklembourg. Les Russes .estèrent maîtres de la
Poméranie jusqu'aux murs de Stctiin; Romanzow et Berg
cantonnés entre l'Oder et la Per&ante, Wolkonski avec
un petit détachement sur la Netzc, le gros comme les
hivers précédents sur la rive droite de la Vistulo.
Bien qu'ignorant encore la nouvelle de la reddition de
Colberg, Frédéric ne conservait plus (''illusions sur le
sort de cette place ; d^ Breslau où il s'élau Uti:"=porté après
son long séjour à Strehlen, il fait à Kinckenstein (1) la
revue de la situation : « Les Autrichiens sont ici en Si-
lésie maîtres de Scliweidnitz et des montagnes; les
Russes sont établis derrière la Warthe de (îolberg jus-
qu'à Posen, ce qui rend premièrement ma situation in-
certaine, précaire et dépendante de mes ennemis. Cha-
que botte de paille qui m'arrive, chaque transport de
recrues on d'argent qui m'arrive, est ou devient une
faveur i^u'ils me font de me les laisser parvenir ou une
marque de leur négligence deneme point l'enlever. Du côté
de la Poméranie, il faut regarder Colberg autant que per-
due; s'il n'y arrive du miracle, je ne vois pas comment
nous la pourrons sauver. En Saxe, les Autrichiens sont
mailles dts montagnes, les Cercles de la Thuringe, et les
Fraui^ctis avancés jusqu'il Mulhausen... Ici toutes les for-
teresses exposées aux entreprises de l'ennemi; en Pomé-
ranie, Steltin, Kustrin et Berlin même <\ la merci des Busses
et en Saxe mon frère rejeté au-dehï de l'Elite, pour ainsi
dire dès le premier mouvement du maréchal Daun. » Aux
yeuxdu Boi, il n'existe qu'un remède, c'est l'intervention
des Turcs, « nous sommes perdus sans leur assistance, et
l'^i I
(\] Frédéric à Hiickenstein, Breslau, K» décembre 1761 Corr. Polil., XXJ,
p. lia.
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272
LA GUERHE DE SEPT ANS. — CIIAl». VU.
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avec leurs secours nous nous relèverons ». Agissant d'a-
près cet espoir, Frédéric donna une vive impulsion à
ses négociations avec la Porte et le Khan de Crimée par
l'entremise de son envoyé Rexin à Constantinople et par
son ministre Benoist à Varsovie. Au cours de l'automne et
pendant son séjour au camp de Strehlen, il avait re«;u
la visite de Mustapha Aga, favori du Khan ; celui-ci re-
tourna à Batchi Sarai chargé de cadeaux pour son maître
et accompagné du capitaine Alexandre von der Goltz. Les
pourparlers engagés aboutirent à une promesse iormelle
d'une incursion des Tartares sur le territoire russe. Du
côté de Conslantino[)le, les ail'aires étaient moins avancées;
cependant il était queslion d'une déclaration de guerre
de la Porte contre l'Impératrice Reine et d'une inva&,ion de
la Hongrie par une armée de 120.000 Turcs au printemps
de 1702. Dans sa correspvondance avec Rexin, le Roi
ne cessa d'insister sur l'impérieuse nécessité d'une
prompte intervention en sa faveur. Il expose très fran-
chement la situation presque désespérée dans laquelle il
se trouve ; il est convaincu des bonnes dispositions à son
égard de la Porte, ennemie naturelle des \ulrichi(M\s et
des Russes. « Mais ces dispositions, ajoute-t il (t^, Ue me
servent en aucune fa^on ilans les circonstances embarras-
santes et pressantes où je me trouve, si la Porte ne rompt pas
avec nos deuv ennemis en question et cela au moment
propice, soit au commencement du mois de mai de Tannée
qui vient, autrement il serait trop tard. »
De môme que la prise de Schvveidnitz avait été le der-
nier événement important de la campagne de Silésie,
celle de Colberg fut la conclusion virtuelle des hostilités
générales. Tout en se déclarant prêt à envoyer en Saxe
une partie de ses troupes, Laudon avait fait remarquer
qu'il serait dangereux de laisser Schweidnitz exposé à une
(1) Frédéric à Rexin, I'. S. Bieslau, 28 ijéceiubre 17ÛI. (-orr. Pol., XXl,
I). 141».
U
TENTATIVE D'ENLEVEMENT DU ROI.
273
attaque du Koi avant d'avoir remis la place en état et
d'en avoir constitué la garnison. On lit droit à cette
requête ; en outre, Laudon obtint de Daun l'autorisation
d'ajourner le retour de Beck et de le maintenir encore en
Lusace.
Pendant la période d'inaction qui termina la campagne
et au cours du séjour de Frédéric à Strehlen, se produisit
un curieux incident : une tentative d'enlèvement du roi
de Prusse. F^es principaux conjurés étaient un baron si-
lésien du nom de Warkotsch, qui avait été capitaine au
service autrichien, et un prêtre catholique de la région
nommé Schmidt. Ces personnages s'abouchèrent avec
le général hraskowich, puis avec Laudon lui-même;
ce dernier chargea un de ses officiers de s'entendre avec
eux et mit à leur disposition un peloton de 1)0 hussards
qui surprendraient le quartier où le Roi était logé et
s'assureraient de sa personne. Le complot lut dénoncé
par un domestique du baron et n'eut aucune suite;
les principaux instigateurs prirent la fuite en temps utile.
Les fugitifs furent pensionnés par le gou\eruement au.ii-
chien.
Pendant les mois d oclubre el liovoinlu'u, rien no vint
troubler la tranquillité des armées rivales d'int les cnn-
tonnements respectifs lurent déterminés pal- un a|'|-q|)ge-
ment intervenu en décembre entre les états-mojors. j.a
trêve ainsi assurée, Laudon remit le commandenienl il
d'Argenteau et alla se reposer chez lui en lHuJicnie. Le
Roi, qui avait quitté Strehlen pour Hreslau le 10 décem-
bre, passa l'hiver et une partie ilu printemps dans la
capitale de la Silésie.
En Saxe, pendant l'année 1701, ii ll'y eUl aucun Inci-
dent militaire de quehpie importance; les deux armées
réduites d'un cùté par ic dépait des troupes qui avaient
accom(.ogné le Hoi, d'un autre par l'envoi à Laudon
de renforts successifs ne tentèrent aucune entreprise
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(illKItlIl. nii SICIT ANS. — T. V.
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LA OUERHE DE SKPT ANS. — CIIAI». VII.
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agwssivo. Le prince Henri n'avait conservé que 3(1 l)a-
taillons, 8H escadrons et IV bataillons francs; ces der-
niers, composés de déserteurs et de prisonniers, n'inspi-
laieul que peu de confiance, un J)ataillon en particulier
se mutina près de Leipzig et passa à rcnnemi. L'eilectif
prussien ne dépassait guère 30 à 3.'». 000 hommes, Dauu,
dont les moyeas d'action étaient supérieurs grAce au
concours de l'armée des Cercles, était d'accord avec sa
cour pour attendre le retour du contingent de Silésie
avant de chercher à agrandir son territoire d'approvi-
sionnement. Il se borna ;"i surveiller les deux rives
de l'Elbe avec Lascy dans les lignes de Vordorf, Guasco
k bippoldiswalde et son gros derrière la VVeisserchy au
sud-ouest de Dresde. En l'ace de lui, les Prussiens restaient
en position de Nossen à Meissen derrière la Triebisch.
Pendant la campagne de 1701, le rôle de l'armée des
Cercles at à peu près nul. Au début de juin, Serbelloni
commença la mobilisation des 15.000 hommes dont se
composaient les contingents fédéraux; elle s'etléctua
avec une lenteur qu'expliquait le défai i d'organisation
et la perte des magasins détruits par les raids prussiens.
Le 10 juillet, leurs avant-postes avaient îitteint les
jjortes de Leipzig et dépassé la Saale. Pour arrêter un
mouvement qui menai^ait sou flanc, le prince Henri
détacha contre eux le colonel Kleist qui refoula leurs
avant-gardes. En août, le prince eut à envoyer le géné-
ral Stutterheim contre les Suédois et le colonel Bohlen
au secours du duc de Brunswick; malgré cet allaiblis-
semenl de ses forces, il confia au général Seydlitz, qui
avait repris du service, un corps de 5.000 hommes pour
inquiéter les troupes des Cercles qui faisaient mine d'a-
vancer. Celles-ci reculèrent aussitôt jusqu'à Ronneburg,
Seydlitz jugea leur position trop forte et malgré la prière
de Kleist, ne voulut pas les atta({uer.
L'année se termina sans événement d'importance ;
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KULK DES SUKIJOIS.
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Oaun profita de l'ai'rivée des renforts venus de Silcsie
pouf élargir ses cantonnements; il y réussit en partie.
A la fin de iTGl, ceux dos Anti'ieliiens s'étendaiciil depuis
(Irossenhain sur ia rive droite de l'Elbe jusiju'à l'enihou-
churc de la Zschopau dans la Mulde; l'armée des Cercles
étiiit à cheval sur la Saalc, le (juartier général de Ser-
belloni à Sayalfeld. Los Prussiens étaient établis outre
Neissen, I.ommatsch, Niegelu et iXibeln; Seydlifz aux
abords de Ixipzig et Schuiettau avec un détachement eu
Lusfice. Platen de retour de Pomérauie au mois de jan-
vier 17()2 occupa Zeite et Alteuburg, mais un retour
offensif de l'ennemi le rmieua à Pcgau d'où il alla
prendre ses quartiers d'hivoi' dans la région de LcMpzig.
En résumé, pendant l'année; 17()t, les Impériaux avaient
recouvré la possession d'une partie de la Saxe royale
qu'ils avaient perdue à la suite de la bataille de lorgau.
Du côté des Suédois, les résultats de la campagne
avaient été encore plus insignifiants que les années pré-
cédentes. Il avait suffi des deux bataillons et des 10 es-
cadrons du colonel Belling avec l'aide intermittente de
la garnison de Stettin pour tenir tète aux 15.000 Suédois
du général Ehrenswiird. La campagne débuta vers le
milieu de juillet, le but des Suédois étant de couper les
communications de rennemi avec le Mecklcmbourg et
de lui enlever les magasins qu'il avait formés à Treptow
et à Malchin. (Irûco à un renfort de .{ bataillons venus
de Stettin et à l'arrivée du général Jung Stiitterheim
avec V bataillons et 8 gros cauons tirés de l'a nuée du
pvinc», Henri, les Prussiens purent se maintenir et même
reprendre le terrain qu'ils avaient d'abord cédé. Au
mois de septembre, la brigade de Stutterheim et les
troupes disponibles de la place de Stettin furent portées
au secours du prince de Wurtemberî: elles revinrent
au plus vite, mais Ehrenswiird profitant de leur absence
momentanée refoula Belling et occupa Strasburg et une
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LA GUERRE DE SFPT A^S. — CHAP. VII.
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parUe de l'Ukermark. Le retour de Stutterheim mit fin
à ce petit succès; après quelques mouvements empreints
de l'indécision de son caractère, le général suédois réin-
tégra la Poméranie suédoise et mit son armée en can-
tonnements. Stutterheim retourna au prince Henri et
Belling prit près de Schwerin une position qui lui per-
mit de lever les contributions habituelles dans le duché
de Mecklcmbourg. Les Suédois, inquiets de ce voisinage,
évacuèrent le 0 décembre Demmin, ie seul poste qu'ils
eussent conservé au sud de la Peene. Les hostilités re-
prirent le 22 décem'bre par la prise de Malchin par
Spreng porten ; il y eut lutte pour la possession de cette
ville et de Demmin contre Belling renforcé par le prince
de Wurtemberg; l'avantage resta aux Suédois qui con-
servèrent Demmin jusqu'à la paix. Au cours de l'au-
tomne, des pourparlers avaient été engagés par l'atta-
ché français Caulaincourt pour obtenir la coopération
des Suédois au siège de Colberg et aux opérations qu'il
entraînait; ils n'aboutirent pas. La dernière campagne
de la puissance Scandinave contre le roi de Prusse n'avait
été pas plus fructueuse que celles qui l'avaient précé-
dée.
Il convient maintenant de revenir au récit des événe-
ments politiques et notamment aux révolutions de Russie
qui exercèrent une si grande influence sur la fortune
du roi de Prusse.
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CHAPITRE VIII
MORT D ELISABETH.
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La rupture des négociations entre l'Angleterre et ia
France avait mis fin à la discussion embarrassante qui
s'était engagée entre les cours de Versailles et de Vienne
sur l'interprétation du fameux article 13 du traité de
1758. Dès la fin d'août, Choiseul donnait pour instruc-
tions à Chatelet(l) de ne plus parler de paix au chan-
celier. Depuis la conclusion du pacte de famille, !e cabinet
français personnifié par Choiseul, de plus en plus influent,
était acquis à la continuation des hostilités. « Comme je
n'ai pas pu faire la paix, avait-il dit (2), je m'en vais
donc faire la guerre. » Ministre du département de la
Guerre depuis la mort de Belleisle, Choiseul venait de
prendre c.-lui de la Marine en remplacement de lier-
ryer, appelé aux fonctions de garde des sceaux. En re-
vanche, il avait cédé à son cousin le comte le porte-
feuille des Affaires Étrangères, tout en se réservant la
direction des relations espagnoles. Avec son ardeur ha-
bituelle, il s'adonna corps et Ame à la besogne de son
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(1) Choiseul à Chalelet, 22 août 1761. Affaires Etrangères.
(2) Stariieniberg à Kaunitz, 12 seplembio 1761. Archives de Vienne.
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278
LA CUERRE DE SEPT ANS. - CIIAP. VIII.
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nouveau ministère, reprit les armements des ports que
son prédécesseur faute de ressources avait négligés,
s'employa activement à faire passer des secours à la
Martinique et à Saint-Domingue et chercha à préparer
avec la cour de Madrid une expédition commune contre
la Jamaïque.
A l'opposé de Choiseul de pacifique devenu belliqueux,
Kaunitz se montrait de plus en plus abattu; depuis le
départ des Russes et leur retour derrière l'Oder, il sem-
blait regretter la rupture qu'il avait saluée avec joie
deux mois auparavant, il n'avait aucune foi dans les
résultats de l'alliance avec l'Espagne et attribuait à l'im-
mixtion des affaires de cette puissance l'échec des ten-
tatives pacifiques. Chatelet fait part(l) à son ministre de
cette mentalité nouvelle : « Il craignait il y a un mois
que nos négociations particulières avec l'Angle terre ne
vinssent mettre des bornes aux grandes espérances qu'il
avait conçues de l'exécution d'un projet auquel il avait
tout sacrifié et qu'il croyait immanquable. Depuis que
les Russes ont passé l'Oder, et maintenant que leur retraite
a déchiré en partie le bandeau de l'illusion, je ne sais
en vérité s'il n'y a pas des moments où il serait bien
aise que nous lui eussions fourni les moyens de pou-
voir nous accuser de forcer en quelque sorte l'Impé-
ratrice à la paix. Il cherche du moins. Monsieur, à di-
minuer le prix du sacrifice et il m'a répété plusieurs fois
et avec affectation que nos liaisons et nos engagements
avec l'Espagne étaient les grands obstacles qui s'opposaient
à notre réconciliation avec l'Angleterre. » Le diplomate
français s'évertuait en vain à démontrer que c'était la dé-
fense des intérêts autrichiens et notamment le refus d'éva-
cuer les territoires prussiens du Ras-Rhin qui avaient été
la cause déterminante de la rupture. Peut-être l'ignorance
(1) Chatelet à Choiseul, 20 septembre 17C1. AfTaircs Etrangères.
LIMPKRATUICE JUGE LE PACTE DE FAMILLE.
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dans laquelle la cour <le Vienne avait été laissée sur la
nature des liens qu'elle savait exister entre la France et l'Es-
pagne était-elle pour ([uel({ue chose dans l'opinion peu fa-
vorable que l'Impératrice et son chancelier professaient
au sujet de l'action du roi catholique. Au cours d'une
audience de Chatelet (1) à l'occasion de son élévation au
rang" d'ambassadeur, la souAerainene cacha pas son dé-
faut de confiance : « Quelles ([ue fussent les dispositions
du Roi d'Espagne, elle avait peur que nous n'en tirerions
pas un grand parti et que cette puissance ne fût pour
nous un allié aussi inutile que les Russes l'étaient pour
elle. »
Sous des prétextes de procédure, la communication offi-
cielle du pacte de famille fut ajournée juscju'à la fin de
novembre. L'Autriche devait-elle accéder à la nouvelle
alliance? Choiseul le désirait : « La cour d'Espagne pense
très bien pour la vôtre, avait-il dit à Starhemberg (2);
elle veut réellement s'unir avec vous, elle vise au grand;
il faudra s'entendre. » L'Autrichien, imitant la réserve de
sa cour, n'avait pas répondu à l'invite; le fait que les
nouveaux alliés ne lui avaient pas donné connaissance de
leur convention militaire était d'ailleurs en contradiction
avec le langage de Choiseul. Si le mystère dont furent en-
tourés les traités franco-espagnols s'explique d'abord pur
le désir à Versailles de prolonger le plus possible les négo-
ciations encore pendantes avec l'Angleterre, plus tard à
Madrid par la nécessité de retarder jusqu'au [)i'intemps
l'ouverture d'hostilités pour lesquelles on n'était pas en-
core prêt, toujours est-il ([ue (Chatelet pouvait écrire (3)
le 26 octobre : « Tout le mondj parle du traité franco-
espagnol, seuls le ministre d'Espagne et lui eu igno-
rent. »
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(1) Ciiatelet A Choiseul, 10 octobre 1761. Affaire.s Etrangères.
(2) Slarlicinherg à Kaunitz, 31 novembre 1761. Archives devienne.
(3) Chatelet ii Choiseul, 20 octobre 1701. Affaires Etrangères.
280
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CilAP. VIII.
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En somme, pendant l'été de 1761 les relations de la
France et de l'Autriche ne furent troublées par aucune
de ces discussions orageuses auxquelles nous avaient
habitués les prédécesseurs de Chatelet. Pour remplir sa
correspondance, celui-ci est réduit à nous raconter (1) les
exploits cynégétiques de la jeune princesse Louise de
Parme : « M"" l'archiduchesse se porte parfaitement bien de
sa grossesse malgré l'exercice violent qu'on lui laisse pren-
dre. Elle a tiré plus de 500 coup? de fusil dans une seule
battue de lièvres et cela par la plus grande chaleur de la
journée; nosfemmf^" de France seraient bien étonnées si
on leur proposait d'en faire autant dans la meilleure
santé. »
A défaut du duc de Choiseul qui, tout feu et tout
flamme pour le nouvel allié, laissait passer au second
plan les affaires d'Autriche, son cousin le comte de Choi-
seul, annonçant le 15 octobre sa prise de possession du
département des Affaires Étrangères, commentait (2) à
Chatelet en ces termes le changement d'attitude du gou-
vernement de l'Impératrice : « Il est assez singulier qu'a-
près avoir combattu pendant si longtemps les disposi-
tions guerrières de la cour de Vienne et après avoir tant
négocié pour la ramènera des sentiments pacifiques, nous
en soyons aujourd'hui au point de craindre qu'elle ne
désire plus la paix que nous-mêmes; mais vous sentirez
aisément. Monsieur, que notre négociation avec l'Angle-
terre étant rompue, il n'est pas de notre intérêt que nos
alliés se dégoûtent de la guerre Vous ne devez rien
dire à M. de Kaunitz sur cet objet et vous devez vous
renfermer dans les bornes d'une observation vigilante. »
La découragement du chancelier tenait à deux raisons :
aux résultats plus que médiocres de la campagne, que
le succès inespéré de Schweidnitz n'avait pas relevés au
(1) Chalelel à Choiseul, 5 septembre ITfil. Affaires Etrangères.
(2) Comte de Choiseul à Chatelet, 20 octobre 17G1. Affaires Etrangères.
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CIIOISEUL IlEi.LIQUEUX.
281
point do compenser la déception causée par la retraite
des Russes, et aux embarras financiers de l'Impératrice qui
avaient leur répercussion sur les dépenses courantes
de l'armée et surtout sur les préparatifs pour la conti-
nuation de la lutte. Sous le coup de ces préoccupations,
Kaunîtz se refusait à envisager les éventualités : « Il est
trop tôt, déclarait- il (1) àChatelet, pour arrêter le plan de
campagne prochain ou pour parler de !a paix en août. »
Marie-Thérèse, quoiqu'en apparence plus énergique dans
son langage, paraissait « plus lasse et plus dégoûtée de la
guerre que son ministre ».
Au contraire de la cour de Vienne qui 'Montrait peu
d'entrain pour la poursuite d'une guerre dont elle avait
été le véritable auteur, la France, sous la vigo:ireuse im-
pulsion de Choiseul, était revcuue à des sentiments plus
belliqueux que jamais. Le ministre de Louis XV très
monté contre la puissance maritime, dans ses entretiens
avec Starhemberg (2), se plaisait à .ïposer son projet «de
faire déclarer toute l'Europe contre l'Angleterre et de re-
garder commeennemisde la cause communetous ceux qui
ne voudront pas prendre parti contre elle ».
Malgré son abandon du département des Affaires Étran-
gères, Choiserl devenait chaque jour plus puissant et plus
maitre de diriger à sa guise la politique de son pays. Du
crédit dont il jouissait auprès du Roi, il allait bientôt re-
cevoir un témoignage éclatant sous la forme de sa nomi-
nation à la place de colonel général des Suisses, sinécure qui
lui rapportait un supplément de traitement d'environ
100.000 livres. Quoiqu'il ne possédât pas le titre de pre-
mier ministre, il bénéficiai en fait du prestige et du pouvoir
que drnne cette fonction. Pour s'assurer pleine lil)erté d'ac-
tion, ilsétaitréservélesrapportsavecl'Espagneetentendait
tirer du nouvel allié tout le concours possible pour ses
(l)Chatelel à Choiseul, 25 octobre 1761. Affaires Étransères.
(2) Starhemberg à Kaunilz, 21 novembre ITfil. Archives de Vienne.
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
CflAP. VIII.
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dosseiiis contre rAngleterre. Ses rclalions avec Tambassa-
deur (irimaldi étaient établies sur le pied le plus intime
en déj)it du pou de sympathie qu'il eut pour le person-
nage ; il n'hésitait pas à lui confier toutes ses visi'es pour
l'intérieur aussi bien que pour l'extérieur, alors (ju'il se
plaisait à renvoyer à son cousin les auti'cs chefs de mis-
sions et à jouer vis-à-vis d'eux l'ignorance ou h; désinté-
ressement. Accoutumé aux discussions souvent orageuses,
mais toujours importantes du passé avec le grand ministre,
Starhcmberg (1) se souciait d'autant moins d'ôtr*^ relégué
au second plan qu'il goûtait assez peu le ton et les maniè-
res de son nouvel interlocuteur, lecomte de Choiseul. On
pouvait faire entendre raison au duc; le premier mou-
vement de vivacité ou de colère passé, il écoutait les
arguments de l'adversaire et souvent en reconnaissait
la justesse. Chez le comte le sang-froid et la souplesse
ne faisaient qu'accentuer l'entêtement et la morgue qui
caractérisaient chez lui la discussion. Starhemberg était
outré des démentis que le ministre opposait à ses propres
affirmations, des refus de croire à des promesses appuyées
sur sa parole d'honneur, sous prétexte qu'il n'était pas en
son pouvoir de les tenir, des accusations d'intransigeance
qu'on lui jetait à la figure; il s'en plaignit amicalement au
duc de Choiscul, dont l'intervention eut pour effet de ré-
tablir des rapports plus convenables.
Il s'agissait pour l'envoyé de Marie-Thérèse de pénétrer
le plan d'opérations de l'Espagne et de la France contre
l'ennemi commun. Quoique la guerre ne lût pas encore
déclarée entre les cours de Madrid et de Londres, Star-
hemberg savait qu'en même temps que le pacte de famille
une convention militaire avait été signée entre la France
et l'Espagne ; le premier instrument lui avait été commu-
niqué,mais le texte du second était encore un secretmême
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(1) Starhemberg à Kaunilz, Stléccinbie 1761. Archives de Vienne.
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LE COMTE DE CIIOISEUL.
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pourlo comte de Clioiscul;(lans cet arraiiq'omcnl, était visé
IcF^ortugal, allié intime de l'Angleterre, contre lequel se-
raient portés les premiers coups. I^'Autrichien interro.yca
(irimaldi, mais n'en tira que des défaites; h une question
sur la uestination de 20. 000 hommes rassemblés en (Jalice
sur les frontières du Portu,u;al, l'ambassadeur espagnol ré-
pondit ([u'il s'agissait d'un corps dont la menace de débar-
quement tm Irlande obligerait le gouvernement britanni-
que à augmenter les garnisons de celle lie. Auprès des
Choiseul qu'il vit successivement, Starhembergeut plus de
succès. Les 20.000 Kspagnols devaient envahir iePortugal.
•< Mais si cette puissance consent à prendre des mesures com-
merciales contre l'Angleterre? » observa l'ambassadeur.
« On exigera alors la remise des forteresses du royaume
aux Kspagnols qui les garderont comme gage », répliqua
le duc. « Du reste, Sa Majesté Catholique a des droits sur
le Portugal. » Puis, s'cchaufiaut, il lança cette boutade :
« Il ett temps de faire sauter cette maudite race de bîYtards
de Bragance, qui ne sont que des vassaux de l'Angle-
terre. » Le comte de Choiseul, quoique plus réservé,
confirma les dires de son cousin ; d'après lui l'envoi de
20.000 hommes que la Grande-Bretagne serait obligée
d'expédier au secours de son allié, constituerait une diver-
sion très utile et faciliterait d'autres entreprises.
Vers la fin de janvier 1702 arriva la nouvelle d'un évé-
nement dont les etl'ets bouleversèrent l'équilibre européen :
la mort de l'Impératrice Elisabeth. Il y eut à ce sujet entre
Starhemberget les deux Choiseul une conférence (1 dans
laquelle il fut convenu ({ue les représentants des deux
puissances agiraient d'accord dans l'intérêt de l'alliance
et s'abstiendraient de toute immixtion dans les événe-
ments intérieurs de la Russie. Le duc, comme bien on
pense, se prononça pour la poursuite des hostilités: *< .le
(1) Slarliemborg à Kaunilz. '.l'.) janvier 1762. Archives dt; Vienne.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VIII.
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compte que vous continuerez la guerre, quand môme
la Kussic ferait sa paix. Vous n'avez plus besoin d'elle
et vous pouvez venir ù bout du roi de Crusse sans se-
cours. » Starbemberg' se contenta d'une réserve : « Il
me parait que cela serait bien difficile. >< Quelques jours
après (1) la conversation reprit : Starbemberg objecta que
refuser des ouvertures de paix, « ce serait faire la guerre
sans objet et courir les plus grands risques sans qu'il piU
nous en revenir aucun avantage ». Choiseul de répliquer
non sans à-propos : « Eh bien I vous auriez pour objet de
remplir vos engagements et ce serait l'avantage qu(î vous
retireriez de la guerre. Si cependant vous y manquez, nous
prendrons nos mesures en conséquence et nous ne ferons
pas notre paix pour cela. » L'ambassadeur, après avoir rap-
pelé la loyauté de sa cour pour le passé, lit remarquer qu'il
serait sage d'attendre les décisions du nouvel empereur
avant de discuter le parti le plus favorable à l'intérêt
commun. L'avis était trop raisonnable pour qu'il ne pré-
valût pas.
Quelques mots échappés à Choiseul faisaient croire à
Starbemberg (2) que le ministre français n'était pas aussi
éloigné des idées de paix qu'il aurait voulu le paraître.
Au cours d'un des entretiens presque quotidiens, celui-ci
.s'était écrié : « Vous verrez que cela nous fera faire notre
paix avec l'Angleterre. » D'autre part, il semblait moins
réfractaire à l'idée d'un congrès général, et l'accepterait
même pour le cas où l'empereur de Russie en prendrait
l'initiative sous la réserve « qu'il ne prétende pas nous
dicter la loi et régler les conditions à lui tout seul avec
nos ennemis ».
Ces indices recueillis au passage se transformèrent peu
à peu en informations plus sérieuses. Le bruit s'étant ré-
pandu que des ouvertures pacifiques avaient été faites par
(1) Slarhemberg à Kaiinitz, 8 février 1762. Archives de Vienne.
(2) Starhemi)erg à Kaunitz, 9 février 1762. Archives de Vienne.
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RKTICENCES A VKUSAILLES ET A VIENNE.
285
le ministre anglais et, qu'elles avaient été favorablement
accueillies par le cabinet lran(;ais, l'envoyé (juestionna à
cet égard le ministre des Alfaires Étrangères; ce der-
nier (1) répondit par un démenti formel : aucun rappro-
chement n'avait été tenté, s'il y en avait eu, on n'eu au-
rai* pas fait un secret. Certes, à croire certains rapports
d'outre-Manche, la cour de Londres désirait la paix et
avait donné une preuve de ses intentions aimables en ren-
à.
dant sa liberté au comte d'Kstaing qui, capturé au cours
(le son voyage de retour des Indes, avait été mis en pri-
son comme ayant manqué à sa parole. A cette occasion,
les ministres des deux pays avaient fait échanger, par le
canal du comte Viry et du bailli de Solar, ministres du roi
de Sardaigne à Londres et à Versailles, des compliments et
des remerciements. Le récit de ces incidents qu'il arracha
à Solar, un long entretien de ce diplomate avec Choiseul,
dont il eut connaissance, confirmèrent les soupçons de
Starhemberg. Ne se trouvait-on pas en présence d'un re-
virement de la politique française et ne verrait-on pas la
cour de Versailles mettre à prêcher la paix avec l'Angle-
terre et la Prusse autant d'ardeur qu'elle en avait déployé
en ces derniers temps pour la ccntinuation de la guerre
contre ces puissances? Pourtant une confidence récente était
de nature à dissiper ses doutes en la loyauté du cabinet
français. Le comte de Choiseul venait de lui communiquer
une dépêche d'Aiîry, envoyé de Louis XV en Hollande,
relative à des ouvertures de la Prusse qui lui auraient
été faites par l'entremise des frères Neufville, banquiers
à Amsterdam.
De son côté le cabinet de Vienne n'était pas sans re-
proches à s'adresser à l'égard de son allié. Avant ae cher-
cher à nouer avec le gouvernement français des pour-
parlers discrets qui pourraient ouvrir la voie à une
(1) Starhemberg à Kaunitz, 6 mars 1762. Archives devienne.
IHC.
LA (•.IJKUni, I)K SKI'T ANS.
CHAP. viir.
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négociation paciliquo, !<• niinislère juiglais avait fait au-
près de la cour do Vienne une tentative de iiij)[)roclienienl
dont nous aurons -X reparler, mais dont il convient dès A
[)résent de dire quehjucs mots. Au courant de janvier
I7<i2, la chancellerie autrichienne reçut de son envové
i\ La Haye \o hai-on [{(Msclmeh une communication qui
dut fort la surprendre. L( cahinct de Saint-.îames, très pré-
occupé des consé(|uences de la guerre que venait de lui
déclarer l'Kspagne, coii<,'ul l'idée de fermer contre les
princes de la maison de Bourbon une coalition dans la-
quelle on espérait faire entrer l'Autriche mécontente du
pacte de famille et jalouse de l'influence espagnole en
Italie. Pour accomplir cet objet, il était indis[)etisable de
rétablir la paix en Allemagne à des conditions favorables
pour l'Impératrice Keine. Cette princesse satisfaite, grâce
à l'acquisition d'une portion de la Silésie, renoncerait fa-
cilement î\ l'alliance francjaise de la(|uelle elle n'aurait
plus de bénéfice à attendre. Une note inspirée par ces
arguments fut remise au nom de Newcastle et de Bute par
l'envoyé Yorke au prince Louis de Brunswick et par lui
communiquée à Beischach ({ui en référa A Vienne. La ré-
ponse autrichienne retardée jusqu'au 5 mars fut rédigée
d'ailleurs de façon à détruire tout espoir de faire aboutir
un projet qui ne constituait autre chose que le retour à
l'ancienne orientation de 1755.
Dans le long rescript (1) que Marie-Thérèse adressa le
22 mars à Starhemberg à propos des propositions pacifi-
ques de la Russie, il est fait allusion à l'incident et copie
de la réponse expédiée à La Haye fut envoyée à l'ambas-
sadeur, avec ordre de n'en faire usage auprès du minis-
tère français que dans le cas où celui-ci aurait eu vent
de l'ouverture et aurait reproché au cabinet de Vienne le
silence gardé vis-à-vis de son allié. Comme excuses, il
(1) lleseript de Marie-Thérèse à Starhemberg, 22 mars 17r>2. Archives de
Vienne.
PUOJKTS CONTIIK LE PORTUGAL
387
serait fncilf! d'invoquer la condition du secret absolu
imposé par le prince Louis et la netteté du refus opposé
par l'Autriche.
La fin de mars et la première moitié d'avril s'écoulè-
rent sans qu'une lumière additionnelle éclairât les mys-
térieux poiir[)arlers (jui avaient inquiété l'ambassadeur.
On semblait revenu à l'idée de pouisuivre la guerre avec
vigueur; la convention militaire de la France avec TKs-
pagne avait été (mfin eonnuuni(|uéc k T 'intriclu; et avait
été l'objet des critiques et observations habituelles.
D'autre part, les opérations militaires suivaient leur
cours; on avait appris la prise de la Martini(iue par les
Anglais; l'entreprise contre le Portugal prenait forme;
la sommation d'avoir à se joindre aux alliés contre l'An-
gleterre avait été expédiée à Lisbonne; le marquis de
Beauvau concentrait A Hayonne 12 bataillons destinés à
appuyer le corps d ^!ii)ée espagnol; de leur côté Its An-
glais se préparaient à envoyer au secours du Portugal
une partie des troupes qui formaient la garnison de Hel-
leisle.
De la négociation avec l'Angleterre il n'était plus ques-
tion; le duc de Choiseul avait gardé (1) i\ cet égard le
silence le plus absolu; dans une conversation qui eut lieu
le 11 mai, le comte de Choiseul avait affirmé qu'il n'i-
gnorait pas les tendances conciliantes du cabinet britan-
nique, mais que de la part de celui-ci aucune proposition
soit directe, soit indirecte, ne lui était parvenue jus-
([u'alors. Le lendemain, le comte qui avait demandé à
Starhemborg et o])tenu de lui un rendez-vous chez lui,
révéla à l'ambassadeur une correspondance secrète qui
en réalité se poursuivait avec l'Angleterre depuis les pre-
mierS^ jours de l'année, <[uoique le ministre français ne
la fait remonter qu'au commencement d'avril.
Il
'A
<^ i
(1) Starhcinberg à Kauiiilz, 13 mai 1762. Archives de Vienne.
'h'
288
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CllAP. VIII.
p'i'
Pour la grande alliée, le changement de la politique
française allait paraître aussi brusqur qu'inattendu, car
au moment môme où lo comte de Choiseul mettait
Starhcmberg au courant des pourparlers entamés rvec
l'Angleterre, le représentant de Louis XV à Vienne luttait
presque quotidiennement cont^'e le découragement de
l'impératrice reine et de son ministre et contre le désir
de la paix qui grandissait à vue d'oeil à la cour d'Autri-
che. H (Chatelct) dépeint (1) l'abattement de Kaunitz, ses
craintes d'une alliance de la Russie avec la Prusse, rend
compte du refus de l'Autriche de venir en aide au Jane-
mark qu'il s'agissait de défendre contre l'agression de
Pierre III et conclut comme suit : « Nous aurons donc sous
peu de fortes lances L rompre avec la cour de Vienne et elle
ne tardera pas à nous déclarer d'une manière très pres-
sante la nécessité indispensable où elle s? prétendra et
peut-être même croira être, de songer à uiie paix très
prompte. » Marie-Thérèse semblait plus affectée que son
ministre ; « Cette campagne, avait-elle déclaré au Fran-
çais (2), ne m'offre que des risques à courir et nulle pos-
sibilité d'en retirer aucun fruit et je vous avoue que je
suis peu inquièle et peu occupée de ce qui arrivera
en 17G3... Je sais bien que je dois renoncer à la Silésie
et on ne me l'a jamais bien promise, mais si le Czar la
garantit au roi de Prusse, je ne conserverai pas môme ce
que mes armes m'ont conquis. Quant au comté de Glatz,
c'est un objet peu important en lui-même et que le roi de
Prusse ne fera peut-être pas difficulté de m'abandonner,
mais en tous cas cela ne vaut pas la peine de faire trois
mois de campagne pour le conserver à la paix. » Dans
une dépêche qui se croisa avec l'analyse de la négociation
anglaise qu'on lui envoyait de Paris, Chatelet résumait (3)
(1) Chalelet au comle de Choiseul, 14 mai 1762. Affaires Etrangères.
(2) Chatelet au comte de Choiseul, 15 mai 1702. Affaires Etrangère-.
(3) Chatelet au comte de Choiseul, 17 mai 1762. Affaires Etrangères.
NOUVEfXES INSTRUCTIONS DE HUETEUIL.
289
la situation : « La cour de Vienne désire vivement la
paix et n'ose encore le dire,... je me flatte do «'uivre en-
tièrement vos vues en lui rendant cet accouchement le
^.lus difiicilc qu'il me sera possible. »
Les pourparlei's mystérieux dont il vient d'être question,
aboutirent, on le sait, au triùté qui mit fin à la guerre
entre la France et l'Angleterre; aussi sont- ils d'impor-
tance trop grande pour que nous ne leur consacrions pas
un chapitre spécial.
En attendant, il nous f;iut faire une excursion en Russie
et raconter les événements extraordinaires qui suivirent
la mort de la tzarine Elisabeth et qui signalèrent le
court règne de son successeur Pierre III, événcmonls qui
eu t une répercussion décisive sur la politique et le
groupement des puissances europé-nnes.
A la cour de Pétersbourg, on avait suivi d'un œil bien-
veillant les négociations »^niamées eu 1701 entre la France
et l'Angleterre; l'état de santé de la Tzarine, l'incertitude
surlapolitii|ue extérieure du souverain qui lui succéderait,
le caractère timide et irrésolu du chancelier Woronzow, la
lassitude de la guerre le maniue d'argent pour la pour-
suivre, toutes ces causes laisaienl désirer la tin d'hostilités
qui avaient été inspirées plus par le sentiment personnel
d Elisabeth (|ue par celui de la nadon. Aussi, quand
Choiseul (1) escomptant l'échec de pourparlers qu'il ne
dé-«iraii |>îu« faire aboutir, invita le ministre français Bre-
teuil à changer le langage pacifique qu'il tenait depuis un
an, en plaidoiries sur le thème d'une vigoureuse camp-i-
gne pour l'année prochaine, se heurta-t-il à une résistance
qui, pour être sourde, n'en était pas moins sérieuse. Le Fran-
çais sans se dissimuler les contradictions dans lesquelles
il va tomber, exécutera de son mieux ses nouvelles ins-
tructions. De concert avec le comte de Mercy-Argenteau
I.: 'i
(1) Choiseul à Breleui'. .5 aofti 1701. Affaires Élra. -.ères.
GUEimK I»K Slll-r ANS. — TV.
19
p«^
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290
LA GUERHE UE SEPT ANS. — CIIAP. Mil.
'I X
U ^-
qui venait de remplacer Esterhasy comme ambassadeur
de l'Autriche, il entreprit Worotizow : « La réunion de nos
vues actuelles, mande-t il à .son chef (1), pourra être
de qucl([ue poids; j'y ferai autîint ce qui dépendra de
moi, Monseigneur, que j'ai tAciié de ne rien négliger
pour inspirer depuis un an le goût de la paix. Ce goût
avait fort augmenté et presque généralement depuis le
mauvais état de la santé de l'Impératrice; peut-être que
son rétîtblissement qui est parfait le diminuera. »
Ainsi (ju'on l'a vu, tout autant que son alliée du Nord,
la cour de Vienne, aux prises avec des embarras finan-
ciers, laissait fléchir son ardeur guerrière et reparlait du
congres. Le comte de Choisoul transmettait à Breteuil les
aveux que Stai'hemberg lui faisait à ce sujet : « H m'a
confié de plus, écrit le comte (2), et m'a même répété
qu'il lui manquait 28 millions de florins pour subvenir
aux dépenses de la campagne prochaine ; il désire l'as-
semblée du congrès et il nous a fort pressés à ce sujet
par M. de Czernichew (3) dont il dirige entièrement les
démarches. »
Cependant les difficultés budgétaires de l'Autriche
n'empêchaient pas cette puissance de prêcher à ?éters-
bourg, non sans succès, la poursuite de la guerre, « Il a
été enjoint, rapporte Mercy à l'Empereur (4.), de la façon
la plus précise à M. le nuiréchal comte de Butterlin ue se
maintenir en Poméranie A quelque prix que ce soit. » En
effet les nouvelles du siège de Colberg et des succès rem-
portes par Komanzow indiquaient un réel désir démener
à bonne fin l'entreprise : « Malgré cela, continue Mercy,
! espèce de désordre (jui rë.gi\e maintenant à cette coul"
n rend les résolutions si incci taines et si variables, qu'on
(1) Brelcuil à Choiseul, 7 septembre 1701. Affaires Étrangères.
(2) Comte (le Llioiseul à Hreleuil, 13 novembre 1761. Affaires Étrangères.
(3) Aihliassadetir russe à la cour de France.
(4j Mercv à l'Empereur, 11 novembre 1761. Arcliives de Vienne.
LA TZARINE EI.ISAHETH.
nt
ne sait jamais positivement sur ([uoi on peut compter, et
quand on est parvenu à persuader M. le chancelier Wo-
ronzow, môme avec une partie des minisl^Gs de la Confé-
rence, on n'est point encore dans le cas d'oser espérer
qu'il en résulte les eli'ets qu'on se propose d'obtenir. »
Pour éclairer l'Empereur sur les difficultés qu il ren-
contre, l'ambassadeur trace un crayon intéressant du ca-
ractère et de l'action des principaux peisonnaçes de la
cor., de Pétcrsbourg-. La Tzaiine. quelque fidèle qu'elle
soit à l'alliance et quel jue vive que soit sa haine contre
le roi de Prusse, ne sait pas se faire obéir ; elle se désin-
téresse beaucoup trop de la chose publique ; elle est tel-
lement allectée « par le ravage ([ue causent les années
sur sa physionomie qu'elle ne se montre presque plus
en public; depuis le 30 d août, qu'elle a tenu apparte-
ment, on n'a eu occasion de la voir que deux fois au
théâtre de la cour et de celte façon il se passe des mois,
sans (jue les ministres étrangers se trouvent à même de
l'approcher >. A ce premier souci s'en ajoutait un second
plus grave, celui de sa mort ou de tout incident qui au-
rait pu suggérer la pensée d'une fin prochaine : « Les
précautions à cet égard sont poussées au point de ne pas
permettre que des gens vêtus de noir passent sous les
fenêtres du palais, et quand quelque personne de marque
vient à mourir, ces sortes de nouvelles restent cachées
pendant fort longtemps à la souveraine. A ces deux su-
jets de tourfnents, il s'en joint un troisième, oc( asionné
par lextrème mécontentement que cause à limpétatrice la
conduite du grand duc et celle de la grande-duchesse. »
Enfin, cette souveraine se trouve dans une situation d'au-
tant plus fâcheuse que « parmi le nombre de ceux qui l'en-
tourent, il n'en est pas un qui ait assez de probité, de
courage et de zèle pour chercher de procurer du sou-
lagement à ses peines, et à la fortifier contre ses fai-
blesses ».
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292
LA GUERRE DE SEPT ANS. — (:HAP. vm.
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De la Tzarino, Mercy passe aux personnag-es influents
et aux rouaq-es du gouvernement : « La conférence est un
assemblage de gens auxquels il suffit de parler une demi-
heure pour se convaincre de leur ineptie » ; les discus-
sions se passent en bavardages at sans l'initiative du se-
crétaire Wolkow, « il n'émanerait presque jamais une
résolution ». Le chambellan Schuvalow est un brouillon
qui entreprend beaucoup de questions sans en trancher
une seule. Du chancelier NVoronzow notre correspondant
a meilleure opinion. Quoique ses qualités soient assez
médiocres, « on peut cependant compter sur l'honnêteté
de ses intentions, et sur son attachement au bien de la
cause commune, malheureusement la grande faiblesse
de ce ministre, son découragement et l'état misérable de
sa santé le réduisent dans un état de pusillanimité, qui
Tempèche d'opérer le bien dont il serait capable par ses
sentiments personnels ».
Mcrcy remit à sa prochaine dépêche ce qu'il aurait à
dire sur le grand duc et la grande duchesse, les événe-
ments ne lui en laissèrent pas le temps.
Breteuil depuis plus longtemps en Kussie que son
collègue le remplacera comme portraitiste : « La grande
duchesse se désole; elle ne voit son état futur qu'avec
frayeur et craint tout de la puissance où son mari va
monter; je ne crois pas qu'elle ait tort.... Le grand duc
la hait, ne croit et ne peut pas croire à sa paternité ; il
adore sa maîtresse. M"' de Woronzow qui est bête mais
altière et il pourrait arriver qu'il se délit de Tune pour
s'approprier l'autre. Tout cela est un chaos dans lequel on
se perd, et qui peut cependant n'avoir aucune suite, si
l'impératrice s'en tire heureusement. L'on croit qu'il
pourrait arriver qu'il se formât trois partis dans l'em-
pire, celui du grand duc réunirait d'abordle petit nombre
de gens qui lui sont attachés et le grand nombre de pu-
sillanimes qui peut-ôlre le haïssent, mais craignent de se
m
LE PARTI DU GHAND DVV.
293
hasarder; celui de la grande duchesse et de son fils (|ui
trouverait bien des partisans etpeut-<Hre réunirait le plus
de gens d'esprit et de tète qui sont dans ce pays; enfin
celui du malheureux petit prince Yvan (1) que le clergé
et les vieux Russes chérissent. Je vous rends, Monsei-
gneur, des conjectures et je n'ai garde de vous les donner
autrement. Cependant si l'impératrice languit, les trois
partis pourraient se distinguer, mais si elle meurt brus-
quement et bientôt, celui du grand duc avec un peu de
conduite sera li seul prépondérant. Des deux person-
nages le plus en vue, l'un le rand chancelier est ma-
lade ou feint d'être malade pour éviter de se compro-
mettre, l'autre le chambellan pleure comme un enfant
et intrigue auprès du grand duc comme un sot et un
fripon. »
Au cours du mojS de décembre 1761 , il y eut dans l'état
de santé de l'impératrice des hauts et des bas qui émo-
tionnèrent toute la cour. Le chambellan Schouvalow ne
dissimule pas son inquiétude; il questionne Breteuil
« sur la manière de placer des fonds dans le royaume »
et lui confie son envie « d'y faire passer 300 ou VOO.OOO li-
vres )).Vers la fin du mois, les représentants des puissances
alliées se demandent si la fin n'est pas prochaine ; la nuit
du 23 au 2'i- a été mauvaise, la souveraine a eu plusieurs
évanouissements, on lui appli([ue des sangsues et elle a
perdu beaucoup de sang. D'après les bruits qui courent
dans le palais, elle boirait « au point de s'erùvrer, des
liqueurs dont elle aurait fait mettre une caisse dans
sa chambre ».
La fin de l'année marqua une amélioration sensible,
mais, il y eut rechute; après ï2 heures d'agonie, l'impé-
ratrice expira le k janvier 1762, entre 3 et k heures de
l'après-midi. La veille de sa mort, elle aur.ait (2) appelé
(1) Descendant direct de Pierre le Grand.
(2) Mercy à Kaunilz, 12 janvier 1702. Archives devienne.
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l.\ GUKIIHK DE SKPT ANS. — CHAP. VIII.
le grand duc et sa femme pour leur recommander le
maréchal Uas;nno\\ski qui passait pour son époux, le
chambellan Iwan SchouvalcA et la plupart de ses ser-
viteurs et favoris personnels; le grand duc très ému au-
rait promis de respecter sts volontés. A ce propos Mercy
se plaint que le chancelier n'ait pas profité de ses der-
niers entretiens (l) avec la souveraine pour obtenir
qu'elle cxigeùt de son héritier l'engagement de rester
fidèle à la politique de l'alliance.
A en croire une note rédigée par Breteuil (2), quel-
ques mois il est vrai après les événements, les choses ne
se seraient pas passées aussi nahirellement. Il y eut au-
tour du lit de mort de la pauvre Elisabeth et sur le mode
de proclamation de son successeur des incidents et des
intrigues auxquels prirent part le grand duc et sa femme,
les deux Schouvalow, lloman Woronzow, le père de la
maîtresse de Pierre, Panin le gouverneur du petit prince,
le maréchal Troubetzkoi et d'autres personnages de moin-
dre envergure.
D'après ce récit, Pierre Schouvalow, cousin du cham-
bellan, malade et condamné par lis médecins, aurait
prié le grand duc de venir le voir. « Il lui exposa avec le
désintéressement d'un homme à l'agonie la fermentation
des esprits et la crainte que l'on avait de lui voir réali-
ser ce qu'il avait eu souvent l'imprudence d'annoncer, la
répudiation de sa femme, la déclaration de la Jiâtardise
de son fils et enfin son mariage avec M"'^ Woronzow. Il ne
lui cacha pas que la moindre démarche qui tendrait à l'exé-
cution de ce projet rempècher<»it de monter au trône ou
l'en renverserait incessamment. Cette déclaration en im-
posa au grand duc. Il n'hésita pas à répondre au comte
ir
iir
(i) iii'elKuiî i'U|j|)urtiï (|iié !o i:h(iiiceiier' inâ!âu6 il avait pûo Vu ! iiïipcrûtricë
pendant les quatre dernières années «le sa vie.
(2) Note sur ce qui s'est passé au inomenldc la mort de l'Impératrice Eli-
sabeth. Affaires Élranei'res.
AdOME DK LA T/AUINK.
?95
Pierre qu'il était sensiolo à sa franchise, qu'il en sentait
la vérité, et qu'il lui donnait sa parole d'honneur do trai-
ter la grande duchesse et son fils avec la considération et
les égards qu'il devait, sans jamais penser f\ rompre son
mariage ni à épouser la freijsie Woronzow, Il ajouta : « Je
n'ai promis à cette iillc de l'épouser que quand la
grande duchesse serait morte, et elle ne l'est pas encore » ;
paroles assez remar(|ual)les pour faire croire qu'elle n'au-
rait pas laraé à descendre au tomhcau. » L'engagement
ainsi pris fut aussitôt communiqué à Panin, gouverneur
du prince Paul, par Iwan Schouwalo'.v qui espérait qu'il
lui serait tenu compte de ce' service.
Il fallait encore opérer la réconciliation pnbli([uc du
Grand Duc et de la Grande Duchesse avec leur tante mou-
rante. Panin fit appel aux hons offices du chambellan
qui, « seul maître de l'intérieur du palais, tenait tout
le monde éloigné de l'appartement d'Élisaheth et ne per-
mettait pas même l'entrée de sa chambre au Grand Duc
et à la Grande Duchesse. » Schouvalow se déroba ; il en
fut de mémo de Rasamowski. « Uel>uté par les amants, dit
le mémoire, Panin s'adressa à leur antagoniste, au con-
fesseur; il s'employa à exciter la jalousie du prêtre et
l'engagea à franchir les barrières du favori pour arriver au
nom de Dieu jus ju'au lit de sa pénitente. En eifet, il vint à
bout de le déterminer [)our le lendemain matin. Toute cette
intrigue se passait le soir. » D'après Breteuil, le cham-
bellan tout en ménageant son futur souverain ne voulait
pas trop lui faciliter l'avènement au trône dans la crainte
de diminuer son propre prestige et l'importatjce de l'ap-
pui qu'il pourrait lui apporter.
Quoi qu'il en fût des raisons qui dictèrent la conduite
du favori, la manœuvre de Panhi réussit à souhait : « Le
confesseur se lit jour en effet jusqu'au lit de l'Impéra-
trice comme ill'avait pr.)mis, et parla à cette souveraine
superstitieuse comme tout moine le sait faire en pareil
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- 206
LA OUKURE DE SEPT ANS. — CHAI'. VllI.
lit
cas; rinipérati'icc fit tout ce qu'il exii^eait d'elle quant aux
démarches d'une bonne chrétienne suivant le rite grec,
et elle se soumit également à ce qu'il lui prescrivit à
l'égard de I>curs Altesses Impériales. Klle les fit appeler
et Elles arrivèrent avant (\uc le chambellan eût le. moin-
dre avis de toutes ces mesures contraires à son plan. »
Quand l'Impératrice consentit à voir ses héritiers,
« elle était déjA hors d'état de sentir et n'eut la force que de
leur dire qu'elle les avait toujours aimés, et qu'elle mou-
rait, leur souhaitant toute bénédiction. Elle ne put pro-
férer d'autres paroles... Au reste, peu importait au Grand
Duc et à peu près aussi peu à la Grande Duchesse. Il leur
suffisait d'avoir vu en particulier leur tante, que le public
le sût pour qu'il fût aisé de faire répandre la tendresse et
l'effusion des derniers adieux... Après cette entrevue,
l'Impératrice baissa considérablement. Les intrigues de
la Cour augmentèrent, mais il fut sensible que le parti
du Grand Duc devenait le plus fort ».
Fallait-il faire proclamer le nouveau Tzar par le Sénat
et lier le prince par des déclarations que ce corps aurait
rédigées avec garanties contre les innovations dangereu-
ses qu'une mentalité mal équilibrée pourrait lui inspii .v,
ou se contenter de la transmission automatique du pou-
voir absolu à l'béritier reconnu? Il y eut conciliabule sur
la procédure à adopter entre I anin, Roman Woronzow,
frère du chancelier, quelques intimes de Pierre et Trou-
betskoï. Sur l'avis de ce dernier, on renonça à faire inter-
venir le Sénat.
Ne sacbant à quel parti s'arrêter, le Grand Duc alla
consulter sa femme aveclnquelle il était en meilleurs ter-
mes depuis la maladie d'Elisabeth. Il la trouva à l'église,
occupée des prières publiques; Catherine qui n'avait pu
se concerter avec Panin se rangea au conseil de Troubets-
koï.
Aussitôt la Tzarine décédée, « les courtisans qui atten-
m
LE GRAND DUC l'KOCLAME TZAIl.
2",»7
daicnt le dei'ni«n' quart d'iieurc se jetèrent eu foule aux
pieds du (Jrand Duc. Les Iroupes le plus affidées i\ ce
prince, qu'on avait eu soin de l'aire tenir sous les armes
autour du Palais, venaient e prosterner devant leur nou-
veau despote. Enfin, en un instant, tout fléchit le genou,
et en moins de temps, tout parut oublier la honte de la dé-
funte et la crainte (ju'avait inspirée depuis de longues
années le Grand Duc. Il n'y eut pas le moindre tumulte;
la servitude tenait lieu d'amour ».
Le Grand Duc fut en cllet proclamé Tzar sous le nom
de Pierre III sans aucune difficulté ; dès le soir de la mort
d'Elisabeth, il avait reçu le serment des troupes. Le pre-
mier acte du nouveau souverain (Ij fut d'enlever toutes
ses dignités à Schakaskoy, procureur général du Sénat, et
de le remplacer par Glebow, procureur de la môme
assemblée, « homme de peu de chose, de beaucoup d'es-
prit et d'une plus grande friponnerie », qui lui avait été
très utile pendant les derniers jours du règne précédent.
A la réception diplomatique qui eut lieu le 6 janvier, il
nC' se passa rien d'extraordinaire ; « l'empereur a dit
quelques mots polis au comte de Mercy et au ministre
anglais, puis l'on s'est mis à table, environ 100 personnes,
après avoir tiré généralement les places au sort. Le dîner
a été long et n'a été ni plus ni moins triste qu'à l'ordi-
naire. Après ce diner qui a fini à sept heures, l'Empereur
est monté en carrosse, s'est promené par toute la ville, a
fait une visite d'une heure à son Procureur général
Glebow, et est allé de là en passer deux au moins chez
M. de Woronzow qui était malade et qu'il avait déjà fait
assurer de son amitié et de la conservation de sa place...
Le jeudi l'Empereur a donné à diner à tous les officiers
des gardes, au nombre de 200 ; le vendredi, un autre di-
ner à tous les officiers holstenois. Beaucoup de vin et au-
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(1) Brcteuil ù Choiseul, 11 janvitr 1762. Affaires Élmn^fires.
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208
LA GlIERHK l»E SKPT ANS. CHAP. VIII.
ian( (le mauvais propos ont assaisonnr l'alliibilité du
prince. Uno infinité de grâces assez bien placées ont
signalé jusqu'à ce jour son règne. Il a fort bien et
fort honnrtement Iraité tous les vieux serviteurs. Il
parait môme les consulter de façon à les flatter. Knfin,'
Monseigneur, Je lui dois la justice que sa conduite vis-n-
vis de ses sujets inéiite des éloges. Contre l'usage de cette
Cour, dans tous les changements de règne, aucun des
courtisans attachés A l'Impératrice n'a éprouvé de cruel
traitement ni exil en Sibéiie, je ne sais pas même qu'il y
ait eu personne d'arrêté ». Bien loin de sévir contre les
favoris de sa tante, il avait rappelé à la cour des personnes
qu'elle avait éloignées ou punies. C'est ainsi (pi'on vitbien-
t(M reparaître à Pétersbourg le vieux Hiren, duc de Cour-
lande et le f'eld-maréchal Miinnich.
A l'occasion de la distribution des faveurs, M"" Woron-
zow fut créée maltresse des tilles d'honneur et reçut son
appartement A la cour avec des distinctions sans fin. A
cette nouvelle Breteuil ajoute en guise de commentaire :
« Il faut avouer ([ue c'est un goût bizarre ; pas d'esprit,
et quant à la figure, c'est tout ce qu'on peut voir de pis.
Elle ressemble de tous points à une servante d'auberge de
mauvais aloi. )^
D'après Mercy (1) les personnages influents de l'entou-
rage du trône seraient Glebow, Roman Woronzow, Mil-
gonow et Alexandre NarisUin, dont les deux derniers
s'intéresseraient beaucoup plus aux intrigues du palais
qu'aux affaires extérieures. Quant à l'Empereur, malgré les
apparences rassurantes du début, il craint que sa politi-
que ne soit inspirée par son admiration enthousiaste pour
le roi de Crusse, sa haine contre la France et son pen-
chant pour l'Angleterre dû en partie aux subsides qu'il a
rec.us du ministre de cette puissance, Keith. Ce pronostic
allait se confirmer de jour en jour.
(1) Mercy à Kaunilz, 10 janvier 17G2. Archives de Vienne.
RKVIKEMENT l)K LA l'OMTIQUK HUSSK.
2'.l<.»
Morcy (1) et Hreteuil ont puisé dans lonrs entroticiis
avec In cli.'incelior \V<ti'()nzo\\ riiiii)i'«issii)n (jun (-2) Picrro III
trHvailli'rait ù la paix eiilrc la Prusse ol sostMint'mis, dus à
prcst'iit, sigiK'iail im arniisfice avec ce(tc puissintc et
retirerait ses Iroiipcs de la Silc'sic Le chancelier avait
proniis de laire son possible pour ciiip(>cljer des résultats
aussi désastreux pour l'alliance, niais soit l'aiMcsse de
caractère, soit maladie, ses cU'orts — s'il eu lit — pour
ari'èter le cours des événcuicnt'^, ne produisirent guère
d'ellet. A la vérité, Woronzow avait ohtciiu {'.\i cpie le
brigadier (Judowitz, chargé d'annoncer la niorl d(î l'impé-
ratrice Élisaheth à la f'anille de Calherinc Zerbst, accom-
plirait sa mission directement sans visite préalable au roi
de Prusse, comme l'aurait déliré le Tzar. D'autres faits
étaient siguificatirs. Le génér.il prussien Werner, prison-
nier sur parole, le suédois llordt, entié au service de la
Prusse et également prisonnier, avaient été libérés et
étaient admis dans l'entourage intime du prince. Le traî-
tre Todtieben avait échangé sa prison pour lesarrè's dans
une maison particulière. Le prince Georges de llolstein,
qui avait exercé un commandement dans l'armée prus-
sienne pendant les cinq premières années de la guerre,
venait d'être a[)pelé en Kussie ; enlin la troupe de la co-
médie fr<in<,'aise à Pétersbourg avait été congédiée. Seul le
secrétaire du cabinet Olsoview avait le courage de faire
quelques représentations au monarque, mais il n'était
pas écouté.
D'S le 18 janvier, c'est-à-dire !"> jours après le début
du nouveau règne, iMcrcy ('i-) avait prédit le revirement
il-
4-
à
(1) M<'rcy à Kaunitz, 12 janvier 17fi2. Archives de Vienne.
' {:>.) Ne pas confondre le cliiincelier Woroii/ow avec son Iri'Te Uoinan, père
de la favorite.
^•^) hiPleuil à Choiseul, 18 février Mdl. AflTaires Élran^-ères.
(4) Mercy à l'Empereur et K-iunil/. (en français), 18 janvier 1762. Archi-
ves de Vienne.
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PPR
300
LA riUKUltF DK Shl'T ANS.
CIIAP. Vill.
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compliit (le la |K»lili(jiM' niss(î : " Qii()i(|iie le nouvel Kin-
poreur u ait pas encore drclaii'î loi inclicMuent ses inlon-
tions J'ai lieu de n'oir»! <|uelles n'en sont pas moins iléci-
(lées et (|ue la défection ^t-ra eornplrte et dès cv. moment
nous (lovons nous jiltendre aux proccMlés les plus ultras
de la part du monanpu' russe. » Le n-pirscnlanl de Miirie-
Thérèse se demandait jus(pr « où la dignité de notre
cour [»ouna lui peimetlre d^îN-ndre les ménayetnents
envers celle-ci » et il attendait des ordres, sur ce point
d«3licat, Fn contraste av(îc la politi(|ue ext(-'rieure, la direc-
tion des allaires int»iri(!Uies paraissait s.ige et pondérée.
Mercy le reconnaît : « Quant A ce (|ui rej^ai-de la conduite
du nouveau monar([uo vis-A-vis de ses sujets, elle a été
jus(pi'iV présent assez mesurée et sage, jiar un eflet des
conseils du sénateur Woronzow, du maréclial Troubetskoï
et du procureur général (ilebow; cependant la conduite
modérée de ce prince n'en impose pas génér»lement, et
ceux (jui le connaissent ne prévoient que trop combien il
lui sera impossible de mettre pour longtemps un frein à
ses passions. »
L'Autricbien (I) se plaignait de son isolement : il est
tenu à l'écart; Oizoview lui fait dire (lu'il ne peut le rece-
voir sans courir le risque de la disgriVce, Wolkow n'est
jamais chez lui quand il va le voir; les réunions de la
conférence sont suspendues pendant une nouvelle indis-
position du chancelier; faute de communications direcios,
il se lient au courant par des moyens clandestins.
Alors que l'îuubassadeur d'Autriche ne peut se faire
entendre, que celui de France est surveillé et quelquefois
injurié derrière son dos, le nùnistre britannique Keith
jouit de la plus grande faveur. L'empereur a rem une
dépulation des commerçants anglais et leur a tenu des
propos aussi gracieux pour eux ({u'insultants pour les
(1) Mercy à Kaunilz, 3 février 1732. Archives de Vienne.
IMËKIIK SK Si:i>AI(K DK I, AdTlUCIIK.
301
autres nations : « .le sais, Ifiiir avail-ii dit, <|Uft lo corps
(les inarcliands ati^'^lais (;st utile à mon Ktat «t (|(u> tous
les autres sont des ,i;iieux. » A délaut du chancelier de-
venu invisible pour les diplouiitcs étra'>gers, Mi'rcy a pu
causer (1) avec son secrétaire Uakiinier; il a tin'' de lui des
aveux qu» ont contirint^ ses iul'orrnatious particuli<'»res.
Ordre aurait été e.\p<''(lit5 au t;'i'Mu''i'al C/.eniiicliew, can-
tonn»''! avec le corps auxiliaire dans le comté d<î (ilatz, de
se sena
l'cr des Autrichiens et de se i étirer derrière la Vis-
tule. l/inlluence l)ritanni(|ue n'avait pas été étrani^èrc il
•t
tant incident, hai
ui
(h'p^che du 'M)
(2)
mvier
iï son gouvernement Keitli relate une conversation <|u'il
vient d'avoir avec le nouvel Kmpereur : celui ci lui avait
déclaré qu'il était résolu à se dégager de tout engage-
ment avec la cour de Vienne et (pie, pour commencer, il
avait envoyé cidre au général comte (^zertiichew (qui
n'avait pas encore été rap[)elH) de signilier au général
Loudon (jn'il avait l'ordre de l'Kmpereur de U'' plus coo-
pérer à des opérations militaires et de s'ahsten'"" de toutes
hostilités contre les Prussiens.
K Là-dessiis je pris la liberté de suggérer à S, M.
qu'afin de couper court à toute négociation avec cette
cour (celle (le Vienne) en lui montrant qu'il avait arrêté
son parti, il serait désiratdc de commander au comte
Czarnichew de se séparer des Autrichiens, de passer
l'Oder et de se retirer en Pologne. L'Kmper»;iir m'a
semblé de goûter le ccrnseif, m'a, pour ainsi dire, pro-
mis de lancer ses ordres jjour la séparation avec instruc-
tion de rejoindre le restr de l'aimée russe cantonnée près
de Posen. »
Dans une lettre à 1 Empereur François (3) Mercy s'excuse
1
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(1) Mercy à Kaiinil/., 15 (évrU'r 17(>2. Arcliivcs de Vienne.
(2) Keilli h Bule, :io janvier l^ii'i. Retord Ullice.
(3) Mercy à l'Einiiereiir (annexe à la di'pôclie <lii 1."» février). Archiv. de
Vienne.
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302
LA UUERKE DE SEPT AiNS. — CHAP. VIII.
I
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de l'insuccès de ses cllorls pour enrayci le mal, en faisant
un résume de la situation : ,
« V. M. aura daigné observer que le bouleversement
total des .-itlaires a été l'ouvrage des 8 premiers jours du
gouvernement de ce nouvel Einj)ereur; et que par consé-
quent tout le système s'est trouvé renversé avant qu'il
m'eût éié possible de faire piirvenir la moindre représen-
tation^ soil au Souverain, soit -"^ son Ministère. Le Monar-
que deux jours après son avèneuicnt au tiône avait déjà
expédié vers le roi de Piu^so et en Angleterre; cette
démarche décisive qui sii[>pos<iit une résolution ferme et
préméditée a entraîné toutes les autres. »
L'ambassa<leur traite le souverain de fou : (( Il est à
renianjuer <|ue l'enthousiasme et l'aiiiour de l'Empereur
pour le roi de Prusse formeni un point de folie décidé et
inébranbdile |>arce qu'il tient de trop près à son goût
favori, qui est cette discipline et ce gouvernement mili-
taire dont le roi de Piusse donne à l'Europe un exemple
si outré, et qui lui a valu l'hommage de tant de tètes
échauffées ce prince a été tellement négligé qu'il n'a
absolutjient pas d'idée de son État et ignore ce qui est
politique, système, en un mot tout ce qui regarde l'art de
régner, et rapportant toutes choses au militaire (seul
objet dont il s'occupe) il juge que le souverain bien est
d'avoir beaucoup de troupes, et il adore le roi de Prusse
parce qu'on lui a dit que ce [)rince était un de ceux qui
savait le mieux discip iner et exercer ses soldats. »
S'il faut renoncer à l'espoir d'empêcher Pierre d'aban-
donner l'alliance et de laire la paix, Mercy estime qu'il
sera pessible d'obtenir qu'il ne s'unisse pas aux ennemis
et cju'ù ne leur donne pas des secours dans la guerre
actuelle. Pour arriver A ce résultat négatif, il faut gagner
du temps et profitei' des questions que soulèveraient les
réponses de la Prusse et de la Grande-Bretagne aux ouver-
turei de la Russie. La lettre se termine par quelques dé-
I
I
ADMIUATION POU« l'RKDEHlC.
303
taîls sur les dé' auchos du Tzar, sur ses démôlés avec sa
maîtresse, sur reflacemeiit de rimpératrice Catherine;
mais la description d'un souper chez le chancelier, que
l'ambassadeur ajoute en post-scriptuni, servira mieux
que toutes ses appiéciations à dépeindre le ton et les
mœurs du personnage extraordinaire qui tenait en mains
les destinées de la Kussie : « Suivant l'invitation qui en
avait été faite î\ tous les ministres étrangers, je me rendis
chez M. le chancelier pour assister ji l'assemblée et le
grand souper qu'il donna à son Souverain et où au delà
de trois cents personnes hommes et femmes se trouvèrent.
L'Empereur à son arrivée me parla aussi poliment qu'à
l'ordinaire, mais je vis par le soin qu'il prit de se faire
entourer par ses favoris, qu'il voulait éviter de me pro-
curer une occasion de bii parler d'aiFaires et quelque soin
que je prisse pour saisir m instant il me fut impossible de
le trouver. L'Empereur prit Keith en particulier, s'entre-
tint longtemps avec lui, il appela ensuite Hordt et Wer-
ner, et comme je me tenais toujours aux aguets, j'en-
tendis qu'il leur disait qu'il venait d'avoir la nouvelle que
le prince Eugène et lit en marche, mais c'est tout ce que
je pus saisir de ce discours.
« Enfin, on se mit à table après avoir tiré les places
au sort. Le souper dura 4 heures et ce fut là que le mo-
narque commeneantà è!re échauffé de vin, il tint à haute
voix toute sorte de propos sur son estime, son admiration
et son attachement pour nos ennemis; tout cela était tou-
jours adressé au prince <>orge, à Hordt, à Werner qui
étaient opposés de lui; j'étais placé vers une extrémité de
la table assez éloignée mais comme il criait à gorge dé-
ployée je ne perdais pas une parcelle de ses discours,
« Enfin, on se leva de table, on apporta un nombre
infini de pipes et toute la Cour se mit à fumer. L'Empe-
reur se mit à jouer une espèce de jeu de hasard où il peut
entrer autant de monde qu'on en veut admettre à la
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804
lA GUERRE DE SEPT ANS. — C!IAP. VUI.
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partie; on proposa à tous les ministres étrangers d'eu
être et nous jouions tous. Pendant le jeu, l'ivresse de
l'Empereur augmentait à force de boire et de fumer, il
se mit à agacer fort désagréablement et d'une façon pi-
quante M. de Breteuil, qui la plupart du temps ne répon-
dit rien, parce qu'en elfet ce que lui disait l'Empereur
était souvent inintelligible. » La « façon piquante » dont
il a été traité, notre ambassadeur la raconte lui-même (1) :
« Le Czar perdit un des premiers; je ne tardai pas à en
faire autant, de même que le marquis d'Almodovar
(envoyé d'Espagne), Quand l'Empereur vit perdre le mi-
nistre espagnol, S. M. était débout et moi aussi. Il fit
quelques pas vers moi et s' étant approché de mon oreille,
il me dit avec confiance et galté : « L'Espagne perdra ».
Je fus un peu étonné et je lui répliquai cependant assez
vite : « Sire, je ne crois pas, nous sommes avec elle, et
elle est formidable seule ». L'Empereur, en haussant
les épaules, avec un rire moqueur et de pitié n? me ré-
pondit que par un ah! ah! Je repris fort sérieusement ;
« Enfin, Sire, nous sommes, l'Espagne et nous, fort tran-
quilles à cet égard, et nous le serons également pour la
guerre du continent et d'Allemagne, si V. M. reste ferme
dans les principes de son alliance comme elle l'a pro-
mis et le doit à ses engagements ». Le Souverain russe,
après avoir gardé un moment le silence, m'a répondu
avec colère et d'un ton fort haut : « Je vous l'ai fait dé-
clarer il y a deux jours, je veux la paix ». Je répliquai :
« Et nous aussi. Sire, mr.is nous la voulons sûre, comme
V. M., honorable et d'accord avec nos alliés ». — « Tout
comme il vous plaira, m'a repris le despote; quant à moi,
je veux la paix. Faites après comme vous l'entendrez,
Finis coronat opus. Je suis soldat et point badin ».
« En achevant ces m';ts militaires, il cherchait à me
(1) Breteuil au comte de Choiseul, Pétersbourg, 26 février 1762. Aiïaires
Étrangères.
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EFFACEMENT DE CATUKUINE.
305
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quitter, mais avant qu'il s'éloignât, je lui ai répondu :
« Sire, je rendrai compte au roi de la déclaration (ju'il
plait à V. M. de me l'aire ». Le iMonjirque russe après
avoir dit les paroles sacraraentales, en a marmoté d'au-
tres que je n'ai pu entendre... Le chancelier nous a
fait beaucoup d'excuses de l'ivresse et des extravagan-
ces de son maitre, nous a dit qu'elles le faisaient souffrir
mortellement mais ne nous a pas empochés de croire le
proverbe sur les ivres : in vino veritas. »
Pour compléter ce tableau d'intérieur, il est intéres-
sant de reproduire ce que dit Breteuil (1) de l'attitude de
Catherine et de son entourage : >< L'Impératrice est tou-
jours sans aucun crédit. Mais cependant, depuis dix ou
douze jours, l'Empereur a paru s'en rapprocher. Il a diné
et soupe plusieurs fois avec elle et lui a dit devant plu-
sieurs de ses courtisans, qu'il aviiit beaucoup à se louer de
SCS attentions et de sa complaisance. Celle qu'elle a eue
d'essuyer l'ennui des propos de deux fort longs souj)ers
et le dégoût des pipes de la compagnie a donné lieu à
la satisfaction que le prince son époux lui a marquée. J*?
sais d'une personne qui a sa conliance et qui lui faisait
compliment sur ses succès, qu'elle lui a r'''pondu qu'on ne
pouvait s'imaginer tout ce qu'il en coûtait pour être belle.
Je crois, en effet, qu'elle a besoin de faire sur elle de
furieux efforts pour soutenir la conduite méthodique et
calculée qu'elle a adoptée. Au reste, elle gagne dans
tous les esprits. Se:j attentions pour la vieille Cour sont
infinies et tous les vieux courtisans ne peuvent se lasser
de parler de ses bontés. >> Le Français signale l'exacti-
tude avec laquelle elle suit les cérémonies du rite ortho-
doxe; « il me semble qu'elle ne néglige rien pour plaire
en général et en particulier et qu'elle pousse un peu trop
loin l'attention sur tout ce qui peut remplir cet objet,
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(1) DreleuU 4 Choiseul, 15 février 1762. Affaires Élrangères.
GUEIinE Di: SEPT ANS. — T. V. JQ
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806 LA GUERRE DE SEPT ANS. — CllAP. VIII.
pour que l'amour-propre en soit le motif. Elle n'est pas
plus femme à oublier qu'à pardonner la menace que
l'Empereur lui a souvent faite, étant Grand Duc, de la
faire tondre et enfermer comme Pierre I'"' iit à sa pre-
mière femme. Je ne puis douter qu'elle ne se soit rap-
pelé plus d'une fois cet exemple depuis son avènement
au trône et qu'elle ne croie son époux très capable de
suivre en ce point celui de Pierre I" >>.
Breteuil lui a fait parvenir l'expression des « senliments
du Roi et les ordres que j'aurai sûrement de les lui re-
nouveler avec la plus grand'force ». L'Impératrice lui a
fait transmettre ses remercîments et « elle m'a fait ajou-
ter qu'elle n'entendait rien aux grandes choses, mais
qu'elle espt^rait qu'on ne la soupc^onnerait pas du moins
de s'en mêler, et qu'elle nie priait de rendre compte sans
ménagement de sa nullité parfaite ». Le ministre fran-
çais ne fait aucun commentaire sur cette déclaration
d'impuissance et termine son billet par quelques détails
sur l'héritier de la couronne : « L'Empereur veut que
son iîls soit appelé Prince Impérial au lieu de Grand Duc.
Il ne l'a vu qu'une fois depuis qu'il est sur le trône. S'il
parvenait à avoir queli|ue enfant mâle d'une maitreso,
bien des gens croient qu'il en ferait sa femme, et de l'en-
fant hnn successeur. Mais les cpitliètes que iM"" Woronzow
lui a données publii^uement dans leur dispute sont très
rassurantes à cet égard . »
Les informations de Keith sur la situation de Catherine
sont l)ien conformes à celles de ses collègues Mercy et
Breteuil : « Elle n'a aucun crédit, niando-t-il à Bute (1),
dans les affaires même privées et le meilleur moyen de
réussite au|)rès de l'Empereur n'est pas de se servir du
canal de l'inipératrice. » Mitchell avait déjà avisé (2) le
roi de Prusse de cet étal de choses : « M. Keith souhaite
(1) Keilh à Bule, li» mars 1762. HarJwickc papers.
(2) Milchell à Frédéric, e mars 1762, Milchell papers.
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FAVEUR DE KKITH.
807
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que le ministre de V. M. envoyé à Pétersbourg ne se jette
pas tête baissée entre les mains de l'Impératrice. H croit
que cette princesse n'est pas si bien disposée envers V. M.
que l'est l'Enipereur, ni si ferme dans sa conduite. »
A lire la correspondance des représentants de la France
et de l'Autriche, on constate que la fausse situation dans
laquelle ils se trouvaient vis-à-vis de l'Kmpereur avait
créé une entente parfaite entre eux; on les voit se citer
l'un l'autre, échanger des doléances, se communiquer les
rares nouvelles qu'ils pouvaient surprendre. Ils étaient
bieji d'accord, sur l'inutilité de donner de l'argent aux fri-
pons de la jeune cour; peut-être, ajoute ironiquement Bre-
teuil (1), y aur.ait-il chance avec 7 ou 8 millions d'acheter
l'Empereur, qui est fort avare. Quelques jours après le
ban(|uet, Mercy rapporte (2) une conversation du chan-
celier avec Pierre qui était venu le voir pendant sa mala-
die. Le Tzar avait déclaré qu'il n'avait pris aucun engage-
ment ave^i l'Angleterre, mais que depuis longtemps il était
en correspondance suivie avec Frédéric, qu'il était entré
au service de la Prusse avec le rang de capitaine et que
récemment il avait été pronm général lieutenant. Le roi
l'avait informé que cet avancement rapide était dû uni-
quement aux grands tf lents pour la guerre et aux qua-
lités militaires dont il avait donné des preuves nom-
breuses et convaincantes. « D'après cette confidence, V. E.
sera à mcine de juger ce que nous pouvons attendre du
souverain ru'-se pour le présent et pour laveDir. »
Mercy avait tenu à sa cour le langage d'un homme
aussi clairvoyant que bien renseigné en lui signalant dès
le début du règne, l'intluence anglaise comme toute-puis-
sante à la cour de Russie. La correspondance de Keith
en lait foi. Dès le 8 janvier, c'est-à-dire presque au len-
demain de la mort d'Elisabeth, au premier souper de la
(1) Uretfiuil à Choiseul, 15 février 17G2. Affaires Élrangères.
(2) Mercy à Kaunil/, 26 février 1762. Archives de Vienne.
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308
LA GUERRE DE SEPT Ar.S,
CHAP. Vin,
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cour, Pierre lui chuchota (1) d/ms l'oreille, avec un sou-
rire, que la veille il avait envoyé l'ordre ù ses armées de
ne plus s'avancer sur le territoire prussien et de s'abste-
nir de toutes hostilités. Le 12, sur l'invitation du Tzar,
l'ambassadeur anglais (2) a un entretien avec Gudovvitz
avant son départ pour Atihalt, le 30 Pierre s'invite à sou-
per chez lui ; il lui coufu-me (3) son désir de se réconcilier
avec le roi de Prusse, il souhaiterait à cet efi'ct l'envoi |)ar
ce prince d'un pers(mn;ige militaire, enfin il serait très
flatté si t^rédéric voulait le décorer de ses ordres. I^e Tzar
montrait les dispositions les plus amicales à l'ége-jrd du
roi de la Grande-Bretagne avec lequel il voulait a^ir
dans l'union la plus intime, il aurait voulu que sa flotte
eût une valeur suffisante pour qu'il pût l'offrir à son
allié fidèle contre TK^^pagne. Le 5 février, sur la prière
du roi de Prusse, l'ambas-^adeur présenta les compliments
de ce prince au nouvel empereur. F^a faveur de Keith
brilla de tout son éclat pendant les deux premiers mois
du règne; elle pâlit peu après l'arrivée de Goitz, l'envoyé
prussien, qui eut lieu le 4 mars, et fut peu à peu éclipsée
par l'influence grandissante de ce dernier. Dans les pre-
miers temps de sa mis^iion, Goltz tint son collègue anglais
au courant des négociations avec la Prusse (4) et du désir
du Tzar de signer la paix le plus tôt possible. Ktith fut
également associé aux grandes réjouissances par lesquelles
Pierre célébra son investiture de l'ordre prussien de l'ai-
gle noir. L'Anglais raconte (5) avec satisfaction les inci-
dents du banquet qui eut lieu à cette occasion : L'empe-
reur et son oncle le prince de Holstein étaient parés des
insignes de Tordre. Au cours du piemier service, Pierre III
(1) Kfiitli à Bute, 8 janvier 1762. Hardwirke papers.
(2) Keilh à Bule, 12 janvier 17G2. Hardwicke papers.
(3) Keitb à Bute, 30 janvier 17(i2. Mibhell papers.
(4) Keilh à Bute, 11 mars 1762. Mardwicke papers.
(5) Keilh à Bute, 23 mars 1702. Hardwicke papers.
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UKCONCIUATION AVEC L\ PIILSSE.
809
but à la santé du roi de Prusse dans un ônorme gobelet
qui fit le tour des quarante personnes des deux sexes con-
viées au festin. Plusieurs autres toasts furent portés au
bruit des détonations de 50 cauons. Vers la lin du repas,
le Tzar s'adrcssant à l'anihassadeur lui dit ([u'il allait pro-
poser le toast qui lui serait le plus aj^réable , une paix
générale et heureuse. Inutile d'ajouter que toute la
société souligna cette démonstration par ses applaudis-
sements et que lambassadeur répondit par les banalités
d'usage.
Deux circonstances vinrent ruiner l'inlluenco anglaise
auprès du souverain russe : la première fut l'arrivée de
Wroughton (1) que la cour de Londres peu confiante
dans les talents diplomatiques de KerJli lui expédia
comme auxiliaire. Ce personnag-e qui r.vait été consul
britannique à Pétcrsbourg n'avait pas une bonne presse;
Gudowitz l'avait dépeint à ?»îitcl:en comme « un étourdi
et reconnu p )ur tel par toute la cour ». Pierre ne voulut
pas le recevoir, et comme l'intéressé insistait, fit noti-
fier à Londres son refus. De son C(^^é, Keith en mauvais
termes avec Wroughton et mécontent d'une mission spé-
ciale qui semblait indiquer, de la part de son g'ouverne-
ment, l'intention de le remplacer, prit les devants et
demanda son rappel. La seconde cause de froideur fut
une conversiition privée entre Bute et Galitzin; le rap
port qu'en fit ce dernier à son maître présentait l'attitude
du gouvernement anglais à l'égard de la Prusse sous un
jour qui provoqua l'indignation de Pierre et la lui fit
qualifier de véritable trahison. Nous aurons d'ailleurs
l'occasion de revenir sur cet incident qui a son impor-
tance.
Avant de continuer le récit des événements qui se pas-
sèrent à la cour de Russie, il sera intéressant d'examiner
^:
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(1) Keilh à Bute, 12 et 19 mars 1762. Hardwicke papers.
HW^IiBBF^""ffî"!'»»!'f .- ..„.TO.,.l»uuw ..mrm
!fi .f.tm^.m
310
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. VIII.
l'impression que produisit sur les cours d'Knrope et
notamment sur le roi de Prusse l'étranf^e évolution qui
avait suivi la mort d'Elisabeth. Privé d'une partie de ses
ressources en hoiniiies et en territoires, par la perte de
Schweidnitzet de Colberg, à moitir abandonné par l'An-
gleterre, Frédéric se sentait dans la situation la plus cri-
tique qu'il eut encore traversée; pour en sortir, il ne
voyait guère comme remède qu'une alliance avec la
Porte et avec le Kiian de Tarlarie et un accord avec le
Danemark (1) au(|uel il garantirait le Schleswig en
échange oj son concours pour reprendre Colberg. Le
19 janvier, il apprit par la voie de Varsovie la mort d'Eli-
sabeth; son premier sentiment fut celui d'une extrême
prudence : « Dans la situation où je me trouve, écrit-il
à Finckenstein (2), je dois aller à pas bien mesuré, pour
ne pas empirer mes affaires, au lieu de les rendre meil-
leures. Nous ignorons encore d'un côté la façon de pen-
ser du grand duc de Russie sur notre sujet (3j, après qu'il
vient de monter sur le trône, et si les artifices et les insi-
nuations flatteuses que nos ennemis là-bas lui feront ne
gagneront pas sur son esprit à vouloir continuer la
guerre contre nous. » 11 pria Keith, dans le savoir-faire
duquel il n'avait d'ailleurs que peu de confiance, « de se
charger d'un compliment de sa part au nouvel Empe-
reur, tout comme à la nouvelle impératrice de Russie ».
A son confident et ami le pr-uce Ferdinand Frédéric n'ex-
prima aucun espoir (4) de changement dans la politique
extérieure de la Russie : « Voici une nouvelle scène qui
s'ouvre en Europe ; du train que les choses prennent, je
(1) Frédéric à Finckenstein, Ureslau, 7 janvier 1762. Correspondance
politique, XXI, p. 168.
(2) Frédéric à F.nckenstein, Breslau, 19 janvier 1762. Correspondance
politique, XXI, p. 1.^9.
(3) Le langage de Frédéric ferait croire que les propos de Pierre III sur
ses rapports avec la Prusse étaient empreinl.s d'une grande exagéralion.
(4) Frédéric à Ferdinand, Breslau, 23 janv. 1762.
:
JOIE DE FUEDKRIC.
;ni
crois que nous n'aurons jamais la paix, il faudra se faire
clouer le pot en tôte et coller les bottes pour n'avoir pas
la peine de les rcnieltie. »
L incertitude dura jusqu'au 31 janvier; à celte date,
Frédéric reçut de Finckcnstein (1) les avis les plus encou-
rageants. Le 29 était arrivé à MafideJjurg en route pour
Zerbst le brigadier Oudo-witz qui lui avait remis pour le
Roi la lettre notifiant ravèncment au trône de Pierre III
ainsi qu'un billet de Woronzovv. L'officier russe aurait été
heureux de faire sa cour à Frédéric s'il avait trouvé
celui-ci sur son chemin, mais n'osait pas prendre l'initiative
d'une demande d'audience; il se rendrait cependant aux
ordres que le Roi pourrait lui faire tenir à cet égard. A
ces informations sur la mission du Russe, Finckcnstein
avait ajouté un mot de Keith à Mitchell daté de Pétersbourg
du 3 janvier : « Les alfaires, écrivait le ministre an-
glais (2), prennent la tournure la plus favorable pour nous
à cetle cour, l'Empereur ayant déjà expédié des ordres
aux différents corps de ses armées de ne pas avancer plus
loin dans les territoires de S. M. Prussienne et de cesser
toutes liostilités; et M. Tschernischew a des ordres exprès
de quitter les Autrichiens et de s'en retourner par la Polo-
gne... Jai appris que les ordres sont aussi donnés aux dif-
férents généraux d'accepter un armistice, proposé de la
part des Prussiens... J'ai lieu de croire que l'Eiupereur a
des vues contre le Danemark et il est à craindre que si on
ne trouve pas moyen de l'adoucir, il pourra venir à des
extrémités. » L'on peut se figurer la joie que le contenu
de ce CDurrier causa à Frédéric : « Voici le premier rayon
de lumière qui parait, écrit-il n Finckcnstein (3), le ciel
en soit béni ! » Il fait transmettre à Gudo\vitz l'invitation
(1) Finekenstein à Frédéric, Magdeburg, 27 janv.
(2) Correspondance potilique, XXI, p. 221.
(3) Frédéric à Finekenstein, lîreslau, 31 janvier 1762. Correspondance
politique, XXI, p. 212.
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LA (;irKimE DE SEPT ANS. CHAP. VIII.
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sollicitée de venir le voir à [ireslau, soit ouvertement, .soit
incognito, et engage Milclicll à conseiller à son collAguo
de Pélershourg « de ne pns h'op se raidir contre le nouvel
empei'oiir dans ses vues ((u'il fait remnrijucr contre les
Danois... l'on i'isi|uorait de l'aigrir et de gjUer tout dès le
coraniencement et nos ennemis en profiteraient pour
l'entraîner dans leur parti en lui promettant tout ».
A la suite de c(îs communications rassurantes sur les
dispositions du nouveau son erain, P'rédrric se décida à
lui adresser une lettre de félicitations, avant même d'at-
tendre la visite de; (ludowitz, et de la confier à un envoyé
spécial. I.a lettre en date du (» février (1) était bien tour-
née, mais banale ; pour la présoi. ter, le choix du prince
tétait arrêté sur le sieur de (ioltz qui avait déjà été chargé
de missions send)labl('s et (pii pour l'occasion fut nommé
colonel, adjudant et chambellan. Les instrnctions (2) de
l'envoyé extraordinaire portent la date du 7 février. Sous
prétexte de félicitations, il devait travailler à terminer la
guerre avec la Hussic et à détacher cette puissance doses
alliés. On ne connaissait des dispositions de l'Empereur
que « deux points généraux, savoir ; que les ailaires du
Holstein lui tiennent pour le moins autant à cœur que
celles de la Russie et secundo qu'il est bien disposé pour
mes intérêts. Ces notions, faute de plus détaillées, servent
donc de base à tout mon raisonnement ».
Comme entrée en matière, Coltz se fera l'interprète du
désir de rétablir la bonne harmonie entre les deux cours
et de cultiver l'amitié de l'Empereur; il profitera delà
première occasion pour affirmer que Frédéric avait
« décliné jusqnes ici soigneusement toutes les propositions
d'alliance » du Danemark ; il exprimera l'impression pro-
(1) Frédéric à l'Empereur de Russie, (i lévrier 1762. Correspondance poli-
tique, XXI, p. 233.
(2) Instructions pour le baron de Goltz, 7 lévrier 17f>2. Correspondance
polUique, XXI, p. 234.
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INSTUUCTIONS A (JOLTZ.
313
(luite sur son mnitro pnr le r.ippcl des troupes servant
avec les Autridiit'ns, trait (pie ce dernier ref;nrd»il coninio
« une vf'M'itahle marque d'amitié et dont la reconnaissance
ne s'ell'acera i unais de son cœur ». I.e cliipitre des
compliments épuisé, (iollz iusinurra «pi'il est muni de
pleins pouvoirs pour traitei*.
Ces préliminaires exposés, Frédéric aborde l'examen
des pi'0[)ositions que « ccîs uens nous pourront faire pour
la paix : 1" Ils s'oH'riiont à retirer leurs troupes au delà
de la Vistuie, à nous rendre la Poniérauie et peut-être à
conserver la Prusse tout il lait, ou à ne la ^ai'der <pic jus-
ques à la paix générale. A cela voici ce <{u'il faut (jue vous
répondiez. S'ils ne veulent garder la Prusse ((ue jusqu'à
la paix générale, il faut y consentir, parce que c'est tou-
jours beaucoup gagné pour nous.
« 2° S'ils se proposent de garder la Prusse, il faut leur
proposer (ju'on me dédommage d'un autre eùté, selon que
je leur pi'oposerai, et il faut m'envoyer un courrier.
« 3" S'ils veulent évacuer tous mes États, à condition
d'une garantie du Holstein, je vous autorise à signer tout
de suite, surtout si vous pouvez obtenir d'eux une gaian-
tie réciproque delà Silésie.
« ï" Si, outre ces trois cas, l'Kmpereur désirât que je
lui donnasse un acte de neutralité, au cas qu'il fit la guerre
au Danemark, signez, mais demandez sim[)lenient que
cet acte ou cet article du traité soit tenu secretissime et
dites à l'Empereur et à ses Ministres, supposé ()ue cela se
fasse, que vous le priez de le cacber même au ministre
d'Angleterre, comme vous aviez de \otre côté ordre de ne
vous en ouvrir envers qui que ce soit ».
La suite des instructions vise les démarcbes que la
Russie serait invitée à faire auprès de la Suède pour déter-
miner cette puissance à mettre fin à sa guérie, — la néces-
sité de savoir si l'attitude pacifique de l'Empereur provient
de ses desseine contre le Danemark ou simplement de son
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314
LA GUERRE DE SEPT ANS. ~ CHAP. 'l\\.
(lôsir <le servir <lc iiK^dialenr ontre les belli^éinuls, —
l'avaiitage d'exciter les Russes contre rAulriclie par
tons les moyens possibles.
« Iteste larticlo des Turcs dont il convient de traiter.
Vous n'en parlerez que lors.pie vous serez sur de sij^iier
le traité d(! piii.x, et vous déelareiez A l'Empereur tpie,
pressé comme Jo l'ûtais de tous côtés, les devoirs de ma
conservation m'avaient fait entrer en traité avec les
Turcs; (jue le frrand objet était de les porter à faire une
diversion en Hongrie, el que les Tartares pourraient
peut-être intenter <piel(|ue incursion sur les terres des
Cosaques russes; mais que, pour peu que cela fit pi lisir
à l'Empc 'cur, je t/Vcherais d'accommoder l'aHaire, pourvu
qu'il lit insinuer sous main A la Porte qu'il ne troublerait
pas les entreprises qu'elle pourrait former sur l'Ilou-
grie. »
Le 20 février, (ludowitz eut une audience du Roi dont
celui-ci se montra très satisfait. Il y eut échanj^e de pro-
testations amicales, mais on resta de part et d'antre sur
le terrain des généraliiés. bc 4 mars, (Joitz arriva k
Pétersbourg-. Entre temps Pierre avait reçu de son nouvel
ami les insignes de l'or Ire de l'aigle noir; il fut si sen-
sible à cette distinction qu'il ne voulut plus se séparer
de cette déconiion qu'il portait à l'exclusion de toute
autre. La CDirespondance entre les deux souverains de-
venait plus fréquente et assutnail un ton de plus en plus
intime. A l'Empereur de Russie (|ui avait demanflé que
le général Werner, prisonnier de guerre depuis sep-
tembre 1701, fut autorisé à prendre service dans l'aruiée
russe, Frédéric écrivait (1) dans des termes qui ne lui
étaient guère habituels : « Votre Majesté Impériale n'a
qu'à dire; Elle peut compt»*r sur moi. Elle demande le
général Werner, Elle en peut disposer comme Elle le
(1) Frédéric à Pierre III, Breslau, 20 mars 1762. Correspondance poli-
tique, XX, p. 305.
HFVKLATIONDK LA l'OLITIQUK SECRfcTEDU MIMSTÈRK ANGLAIS. 815
jujîcra A propos... Que ne puis-je Irmoij^ncr par des
ell'ets phis riols les profondes mai'(jnes de reconnais-
sance <|ue ses procédés généreux ont mar<|iiés dans nïon
cœur! Tandis que je suis persécuté de tonte l'Kurope, je
trouve en Klle un anù, je trouve en Klle un prince qui a
le cœur vraiment allrniaii<l, qui ne veut pas contribuer
h rendre l'Allemagne 1 esclave de la maison d'Autriche
et qui me tend une main secourahle, lorsque je nie trou-
vais presque sans ressource. »
Cette épitre, malgré — peut-être à cause de — son
lyrisme exajiéré, était fort habilement conqiosée et pro-
duisit à coup sur un grand etl'et sur l'esprit à la fois naïf
et vaniteux du prince auquel elle était adressée. Trois
jours après l'envoi de sa lettre, Frédéric reçut de l'Em-
pereur Pierre par la voie de son ministre (ioltz (1) une
communiciitioD importante qui constituait à la fois un
sûr garant des sentiments du monarcjue russe et une
révélation complète des vues politiques secrètes du
ministère anglais. Il s'agissait de la dépêche (déjn men-
tionnée dans ce chapitre) de Galitzin datée du M janvier,
dans laquelle l'ambassadeur russe à la cour de Saint-
James rendait compte d'un entretien avec le premier
minisire anglais (2; : « Ce matin le comte Bute, Seciétaii-e
d'État, m'ayant invité chez lui, m'a fait connaître que
cette cour-ci expédie encore dès ce soir le sieur Wrough-
ton pour résider auprès de Votre Majesté Impériale en
qualité de résident du Roi. » Le nouvel envoyé se joindra
à Keith pour insinuer « qu'il ne dépend que de la bonne
volonté de V. M. de donner la paix à l'Kurope », il de-
mandera « quelles sont les intentions de V. M. et sur
quelles conditions il plairait à Elle d'établir la paix et
principalement avec le roi de Prusse ; qu'on sent parfai-
(1) Gollz à Frédéric, 13 mars 1762, répondue, le 23. Correspondance
politique, XXX, p. ill.
(2) Voir plus loin la version que donne Bute de cet entretien.
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L\ OUEHKE DE SEPT ANS. - CHAP, VIII.
tcmont ici que le Prince, vu l'état délabré de ses affaires,
ne peut se flatter d'obtenir la paix sans faire des cessions
considérables de ses États et sans l'acheter, pour ainsi
dire, à ses dépens. Qu'en conséquence de cette vérité
reconnue ici, lui, comte Hute, avait écrit au sieur Mitchell,
ministre britannique auprès du roi de Prusse, par ordre
du roi son maître, il y a six semaines, de déclarer au
ministère prussien qu'il est bien temps de penser sérieu-
sement à la paix, que la cour d'ici ne peut rendre la
g' "îrre éternelle, pour plaire à Sa Majesté Prussienne.
Qu'on n'a i)as roru aucune réponse de Magdeburg- siir
cette déclaration, mais (]u'on ne l'attend non plus aussi
raisonnable qu'on le souhaiterait ici, vu que le roi de
Prusse non seulement se flatte, à ce que les ministres
prussiens lui disent, de trouver à la cour de V. M. plus
de la bonne volonté en sa faveur dans latraire de la paix,
mais qu'il se berce encore par d'autres espérances chi-
mériques. Que lui, comte Hute, estime ces espérances
d'autant plus chimériques ([u'il juge de toutes ces cir-
constances s .ns passion et sans prévention et non pas à
la façon des ministres prussiens, auxquels il est tout
naturel, comme à des gens (|ui (se) < noyent, de s'atta-
cher aux troncs, quoique sans aucune espérance ». Bute
avait continué en manifestant l'espoir que h> Russie
tidèle à sou amitié avec l'Angleterre ne commettrait pas
la faute de retirer ses troupes, car « retirer les troupes
de V. M. ne serait point accélérer la paix, mais traîner la
guerre en longueur, vu que le roi de Prusse, sans la
coopération de V. M. I. en laveur de la cour de Vienne,
resterait longtemps en état de continuer la guerre contre
l'Impératiice Reine, ce que la cour d'ici ne souhaite pas
aucunoment, et ne cherche au contraire que de sauver
le roi de Prusse de la ruine totale, mais de l'obliger
en même temps à faire des sacrifices raisonnables
de ses États. Wnci les propres termes de M. le comte
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REMERCIEMENTS DE FREDERIC.
317
la
Bute dont il m'a recommandé le plus profond secret ».
La reconnaissance ù laquelle Pierre avait acquis les
titres les plus éclatants so manifesta dans la réponse de
Frédéric du 23 mars que le comte Scinverin fut chargé
de porter à Pétersbourg : « Je serais le plus ingrat, le
plus indigne des hommes, si je n'étais pas sensible et
reconnaissant à jamais aux procédés génért^ux de V. M. 1.
V. M. passe mon attente. Elle me découvre la trahison de
mes alliés, Elle m'assiste, quand tout l'univers m'aban-
donne, et j'ai seul à Sa persom^e l'obligatitm de tout ce
qui m'arrivc d'heureux. Elle veut que je Lui envoie un
projet de paix. Je le fais, puisqu'Klle le veuî, mais je me
confie à l'ami; qu'Elle dispose comme Elle voudra, je
signe tout. Ses intérêts sont les miens, je n'en connais
point d'autres Que Votre Majesté lasse les traités
comme Elle voudra, ils seront sûrement conformes à ma
volonté. Vos intérêts sont les miens; oui, je le jure, je ne
m'en départirai jamais! Je ne puis m'empècher de le
ajre à Votre Majesté : Elle donne un exemple de vertu à
tous les souverains, qui doit l^ui attacher les cœurs de
tous les honnêtes gens. J'envoie le comte Schwerin qui
aura l'honneur de présenter cette lettre à S. M. I. — Je
devrais envoyer des personnes de plus grand caractère;
mais — j'ai perdu pendant cette guerre 120 généraux,
il y en a IV de ^prisonniers chez les Autrichiens; enfin,
notre délabrement est afl'reux. Jo pourrais désespérer de
ma situation, mais je trouve un ami fidèle dans un grand
et des plus grands princes de rEuro|)e, qui préfère les
sentiments de l'honneur aux sentiments de politique.
« Ah, que Votre Majesté ne trouve pas étrange que je
mette toute ma confiance en Elh^ et si jeu abuse, Elle
m'en avertira. » A peu près à la m.ême date, Kiédéric
apprit que le corps russe de Czernitchew s'était séparé
des Autrichiens et avait commencé ses étapes de retour.
Par contre, un nouvel embarras surgissait du côté du
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. VIII.
Danemark. Une note de BernstorlT remise à l'envoyé prus-
sien Borcke signalait les allures belliqueuses du nouveau
Tzar, rappelait la garantie consentie par la Prusse en
1715 et demandait conseil au souverain de ce pays sur
l'attitude à prendre. Frédéric fit, comme bien l'on pense,
une réponse évasive et, à titre d'écbauge de bons pro-
cédés, envoya à Pétersbourg la lettre de BeinstorH" avec
une note sur l'armée danoise.
Conformément au désir exprimé par Pierre UL Scl'-'^rin
emporta avec lui un projet de traité de pai ti ^^us
simples, que le Roi compléta par un document plus dé-
taillé. Ce dernier contenait (1) la restitution des provitices
conquises sur la Prusse pour laquelle « l'Empereur s'est
déjà expliqué lui-même de la manière la plus aimable et
la plus positive ». Un article sépare portait l'engagement
« d'entamer, immédiîitement après la paix signée, la né-
gociation d'une alliance telle que l'Empereur la souhai-
tera et dans laquelle on pourra stipuler les garanties
réciproques de la Silésie et du comié de Glatz d'un côté,
et celle du duché de Holsteia de l'autre, et fixer en
même temps selon les désirs de ce prince les secours des
troupes à fournir de part et d'autre ». A ces propositions
dont l'initiative était venue de Pétersbourg, Frédéiic ei:
avait ajouté une autre relative à l'inclusion de la Suède
dans le futui* arrangement. Le terrain ainsi préparé, les
affaires ne traînèrent pas; le traité de paix entre la
Russie et la Prusse fut signé à Pétersbourg le 5 mai, reçu
par Frédéric au camp de Betllern le 21 mai et aussitôt
ratifié par lui : « Si j'étais païen, ëcrit-il (2) à Pierre,
j'aurais érigé un temple et des autels à V. M. I., comme
à un être tout divin, qui donne des exemples de vertu
(1) Frédéric et Finckenstein à Goltz, lireslau, 27 mars 1762. Corres-
pondance politique, XXI, j). 319.
(2) Frédéric à Pierre, GeMcin, 2i mai l~62. Correspondance politique, XXI.
p. 451.
COMMENT CHOISEUL ENVISAGE LE NOUVEAU REGNE.
319
au monde Pour moi; mon corps, mon âme, mon
cœur sont à Klle.... V. M.I. «loit ranger mon cœur au
rang' de ses premières con(iuétcs, et j'ose dire qu'il n'y
a rien de plus beau pour les souverains que de s'acqué-
rir un empire qui n'est du qu'à leur seule vertu. Nous
G -lébrerons tous {«ujourd'hui cet heureux jour qui va
servir de base à cette heuieuse union. Mes officiers di-
sent tous : « Vive notre cher Empereur! » Elle est com-
blée de bénédictions, et je leur dis « : Sans doute c'est
notre cher Kmpereur, mais n'oubliez pas le respect que
vous lui devez, en parlant si l'amiliéreinent. »
A \ersadles, la nouvelle! de la mort d'Elisabeth ne
semble pas avoir produit y-rand eli'et; on considérait la
cour de Hussie comme inIVodée à celle de Vienne; si
cette dernière restait fidèle à la politique belliijueuse
ado|)lée depuis le pacte d' famille, il n'y avait qu'à se-
conder les etibrts qui serait^nt faits pour maintenir les
liens d<' l'al'iance. Mais il se pf)urrait, croyait Choiseul (1),
quf rimi)ératricQ Reine thercliât « à gagner le nouvel
Empereur en entrant dans ses vues et en se conformant
à ses désirs; d'ailleurs l'épuisement où elle l'Autriche)
est <'t le penchant que nous lui soupçonnons depuis
que[(|ue temps pour la p.dx s'accorderait assez avec les
sentiinenls que je suppose à Pierre III. Alors elle ne lui
résisleiait pas et elle se fonderait vis-à-vis de nous sur
la nécj'ssité où elle est de se conformer au désir de la
Russie, et sur rimpos>ibilité de continuer la guerre sans
le concours de cette puissance ». Pour cette éventualité,
Choiseul trouve un malin plaisir à citer le fameux article 13
du traiié de Versailles, au(|uel la Russie avait accéaé.
« La cioiir de Vienne n'a pas manqué de nous l'opposer
quand nous voulions la paix. Nous pouvons à notre tour
rinvo.|uer avec avantage et en demander l'exécution. »
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(1) Comte de Choiseul à Breleuil, ;{1 janvier 17G2. Affaires Élrangères.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAP. VIII.
Il écrit ^lans le mémo sens A Chatclet Lomonl (1), am-
bassadeui' français à Vienne : « Si la Kussie s'allie à la
Prusse, nous n'aurons peut-être rien k cr.iin'lre de l'Aii-
triclu'; si le nouvel Empereur veut pacifier l'Kui'opc,
nous devrons peut-être nous défier de la cour de Vienne
à cause de ses préjugés, de ses complaisances pour la
Russie. » En résumé, la cour de Versailles très bellitjueuse
depu s le pacte de famille donna pour instruction à ses
agent» à Pétershourg et à Vienne de prêcher le langage de
rindt'ptndHnce vis-à-vis de la cour de Pétersbourg et de
la solidarii;'> des intérêts des cours de France et d'Autriche.
Par le cabnut britannique l'accession de Pierre III
ne pouvait qu'être bien accueillie, son influence nulle
pend.int le règne précédent retrouvait sa prépondé-
rance d'autan; malheureusement l'admiration enthou-
siaste que le nouveau souverain professait pour Frédi^ric
ne s harmonisait guère avec les sentiments fort attiédis
du ministère Huie pour leur allié et avec leur intention
de saciilier les intérêts de celui-ci au rétablissement
de la I aix. La malencontreuse déclaration de Bute au
pri ce Galitzin et plus que tout la confidence cpTen fit en-
suite le c/ar au roidePrusse.au mépris du secret demandé,
eurent pour conséquence de brouiller les cartes et de
déti'uire un accord ([ue semblaient présager les évé.ie-
ments passés. Quant à lAutriche, ainsi que nous le ver-
rous par le récit, elle fit de son mieux pour ne pas
rompre avec la Russie et (apporta de la part de Pierre
des [.recédés qu'elle n'eût pas tolérés d'un autre.
Vcis la tin de lévrier, les représentants des puissances
reçurent communication d'une pièce à la(|uelle l'atti-
tude et le langage de Pierre avaient dû les préparer.
C'ét.iit une déclaration (2) pacifique dans laquelle le
(1) Coiiitf (11- Choiscul à Chateict, 14 février I7(i2. Aiïaires Élrangi^res.
(2) liéri.iralion. Sainl-Pélersbourg, 12, 2;{ février 1762. Arcliives de
Vieil lie.
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DÉCLAHATION PACIFIQUE.
321
nouvel Kiuperciir exprimait son regret de voir le fléau
de la g-uerre qui avait tant duré, s'étendre davantage :
« C'est pourquoi Sa Majesté... a jugé nécessaire de dé-
clarer aux Cours alliées de la Russie, que préférant à
toutes autres considérations la première loi que Dieu
prescrit aux souverains, qui est la conservation des peu-
ples qui leur sont confiés, Kllc souhaite de procurer la
paix à Son Empire, à qui Elle est si nécessaire et si
précieuse, et en même temps de contribuer autant qu'il
lui sera possible, à la rétablir dans toute l'Europe. C'est
dans cette vue que Sa Majesté Impériale est prête à faire
le sacrifice de conquêtes faites dans cette guerre par
les armes russiennes, dans l'espérance que de leur côté
toutes les cours alliées préféreront également le retour
du repos et de la tranquillité aux avantages qu'elles
pourraient attendre de la guerre, et qu'elles ne peuvent
obtenir qu'en répandant encore plus longtemps le sang
humain; et pour cet eifet Sa Majesté Impériale leur con-
seille dans la meilleure intention d'employer de leur côté
tout leur pouvoir à l'accomplissement d'un ouvrage si
grand et si salutaire ». Cette démarche avait été pré-
cédée d'un symptôme des plus inquiétants : la cour de
Pétersbourg avait refusé de recevoir le dernier verse-
ment des subsides que l'Autriche s'était engagée à lui
payer. Ce refus équivalait à la dénonciation du traité
conclu entre les deux couronnes.
Le 26 février, Mercy (1) d'abord on compagnie de ses
collègues, ensuite en tête à tète, eut un long entretien
avec le chancelier Woronzow qui à moitié rétabli de
sou indisposition avait repris au moins nominalement la
direction des affaires étrangères. Les explications du
chancelier furent rassurantes. L'Empereur, malgré son
grand désir de la paix, n'avait pas encore arrêté les me-
(1) Mercy à Kaunitz, P. S., 26 février ITfii. Arcliives de Vienne.
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sures propres à l'ôtahlir et n'avait à sa connaissance rien
décidô au sujet <les propositions à soumettre i\ se:; «lliés.
Le chancelier était convaincu que le zèle de son maitre
pour la paix n'irait pas jusqu'à s'unir aux ennemis de
l'alliance, il ne tairait pas ses préoccupations au sujet
des ai^isscmenls de la Prusse, il s'y opposerait de toutes
ses forces, mais il ne pouvait faire plus. Sur deux points
les éclaircissements étaient plus précis : les Prussiens
avaient pris l'initiative des ouvertures pour un armistice
<;t le général VolkonsUy avait été chargé de négocier
avec eux, mais rien n'avait été conclu. Quant à Czernit-
chew, il avait reçu ordre de se tenir prêt A, évacuer la
Silésie, quand le temps et la saison le permettraient.
Vers le 10 mars, la déclaration russe parvint à Vienne.
Kaunitz déclara à Chatelet qu'il la regardait comme
dictée par le roi de Prusse et comme un piège tendu et
qu'il retarderait la réponse le plus possihle. Ce ne fut
en effet que le 29 mars que Starhemberg reçut 1«^ projet
de réplique au document russe et un canevas de contre-
déclaration à concerter avec la France. Les pièces autri-
chiennes étaient appuyées d'un rescript (1) de Marie-
Thérèse. Dans ce document on exposait la situation que
faisaient à l'Autriche la désertion de la Russie, la renon-
ciation de cette puissance aux territoires conquis sur
la Prusse, le danger d'une alliance probable et prochaine
du Tzar avec le roi Frédéric; on discutait longuement
les avantages ou les inconvénients de la paix soit parti-
culière soit générale; on se demandait si elle devait
être précédée d'un armistice, on posait même les condi-
tions auxquelles l'Impératrice Heine devait conclure un
arrangement. Fnfin, par des r.iisonnements de toutes
sortes on concluait à la réunion d'un congrès, dont on
laisserait l'initiative aux couronnes ennemies. Un peu
(1) Rescript de' Marie-Thérèse à Slarliemberg, 22 mars 17C2. Archives
(le Vienne.
HEPONSE DE VIENNE.
323
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embarrassé par ic (lésiiitéressement du Tzar qui avait
promis la restitution [)ure et simple des provinces con-
quises, Kaunitz, le rédacteur ou l'inspirateur du docu-
ment, s'évertuait à démontrer que le cas de la Kussie
était tout dillércnt f o celui de l'Autriche et que ce
j)récédent fâcheux n'engageait aucunement la cour de
Vienne; mais pour ne pas éveiller les susceptibilités de
Pierre III, cette distinction délicate ne devait pas être
développée dans un texte écrit, mais conlié au savoir-
faire <ie Tainbas. adeur Mercy, qui s'en expliquerait ver-
balement. Bref, la note dominante de la réponse autri-
chienne laissait percer le désir, peut-être trop apparent,
de ménager la Kussie et d'éviter à tout prix de se brouiller
avec elle.
i.e comte de Choiseul qualifia (1) la pièce de « faible,
plate et peu digne » et se félicita d'avoir pris les devants
en expédiant directement sa réponse à Pétershourg. Lors
de l'envoi de ,1a copie de ce document à Chatelet, le
ministre français eu avait fait une courte analyse (2) :
« J'ai employé sans atl'ectation, mais avec intention, les
expressions les plus remarquables de celle (la déclara-
tion) que nous avons reçue en les employant dans un
sens contraire. Pour peu qu'on entende le français à
Pétersbourg, il ne sera pas difficile de pénétrer le sens
de nos paroles. )> Le passage ironique ainsi visé parlait
de « la fidélité aux engagements et à l'exactitude de
remplir toute l'étendue des engagements par préférence
;\ toute autre considération )>.
Il devenait tous les jours plus difficile de trouver des
informations précises sur la nouvelle politique de la
Kussie; à défaut de Woronzow qui malade ou muet ne
lui en fournit aucune, Mercy, à, H dispositicm duquel son
gouvernement avait mis une somme de !.")(). 000 ducats,
(1) Comte de Choiseul à Chatelet, :(0 mars 17()>. Affaires Étrangères.
(2) Comte de ( lioiseui à Chatelet, i, mars 176.>. Affaires Étrangères.
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LA (lUEUnt; DE SEPT ANS. — CIIAP. VIII.
aurait voulu s'aboucher avec d'autres personnages moins
discrets; il ne put nouer des relations directes, mais [>ar
l'entremise de son secrétaire Kichenfeld il se procura des
renscij^iiements intéressants émanant d'un haut fonction-
naire au([uel il a bien soin de ne donner d'autre dénomi-
nation que celle de l)on ami. A celui-ci Kichenfeld (1)
avait posé un véritable questionnaire, sans obtenir des
aper(;us bien nouveaux. Les réponses roulaient sur le
renvoi sans ran(;on des prisonniers russes, la probabilité
d'un arrangement avec la Suède, l'échange beaucoup plus
l'ré(|uent de courriers avec Hreslau qu'avec Londres, les
mauvais procédés de l'Kmpereur pour sa femme, les
intrigues du procureur général Glebow pour substituer
sa belle-fille à la maltresse en titre, la colère do Woron-
zow, les scènes entre elle et l'Empereur, enfin les débau-
ches et l'extravagance do ce dernier.
Dans sa dépêche du 15 mars (2) Morcy transmet un
important avis; le bon ami avait lait appeler Kichenfeld
et lui avait donné la teneur du rapport (ialitzin sur son
entretien à Londres avec liutequi avait tant ému Frédéric.
11 avait insisté aussi sur la colère du Tzar qui se serait
écrié <( que si Bute et sa cour avaient de telles pensées à
l'égard de la Prusse, il no voulait rien av(»ir à faire avec
l'Angleterre, qu'il ferait une alliance avec la Prusse,
qu'il abandonnerait lu Hanovre, mais qu'il ne retirerait
pas de suite les troupes russes et que si les Anglais se
comportaient ainsi, il enverrait le maréchal Soltikoff se
joindre au roi de Prusse... Ils (les Anglais) devraient savoir
qu'il s'était préoccupé pendant 5 ans des difficultés du
roi de Prusse, (juo l'empereur de Russie ne l'abandonne-
rait pas, alors que le Roi lui avait tout promis ». A cette
sortie, le bon ami aurait répondu « qu'entre promettre et
tenir il y avait une grande différence ». L'informateur de
(1) Mercy à kaunUz, 5 mars 176!. Archives de Vienne
(2) Mercy à Kaunitz, 13 mars iTdii. Archives de Vienne.
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DKPKCIIES DE MERCV.
825
Mercy était bien renseigné, i)uis(juc ses conlidenccs sui"
la conversation de Bute portent à pen près la même date
que celles de Pierre à l'envoyé prussien (ioltz. C'est avec
raison (jn'il recommanda le secret le plus absolu à Kichen-
feld à qui il dit que; la moindre indiscrétion lui ferait
})erdre sa tetc. Quel(|ues jours après, dans un entretien
avec Rrcteuil (1), le chancelier commenta les propos attri-
bués à Bute et chercha aies explicjuer; il avait eu quehpie
peine à faire admettre à Pierre «{ue l'ambassadeur (lalit-
zin, qui n'avait pas encore reçu de nouvelles instructions
depuis la mort de la Tzarine Klisabeth ne pouvait être
au courant de la politique inaugurée depuis l'avènement
de son successeur.
Il serait oiseux de faire de longs emprunts aux dépêches
des deux ambassadeurs; celles de Mercy, trèsdétailiéps, sont
remplies des bruits qui couraient sur les démarci s des
agents prussiens, sur les prttjets de l'Empereur relalil's au
Schleswig, sur son intention d'occuper le MecUlembourg;
de temps à autre elles relatent des conversations avec
Woronzow, qui tantôt dément les faits rapportés, tantôt
les ignore, plus souvent les atténue, mais qui évidemment
ne possède plus aucun crédit auprès de son maître.
Il aurait fallu s'expliquer avec le souverain lui-même,
mais cela n'était pas chose facile. Sous prétexte d'un inci-
dent protocolaire à propos du prince de Holstein auquel
il avait refusé de rendre la première visite, Breteuil avait
vu ajourner toutes ses demandes d'audience; Mei'cy après
une attente de plus de 3 mois fut plus heureux, mais
comme le prouve son récit (-2) il ne put mettre à profit
l'occasion pour entretenir le Tzar de questions politiques.
Il fut introduit avec le cérémonial habituel un peu sim-
plifié. Pierre était en petite tenue et ce qui était une véri-
table offense pour la maison d'Autriche ne portait sur son
(1) Mcicy à Kaunilz, l*. S., 30 mars ITil'i. Archives de Vienne.
(2) Mercy à Kaunilz, 25 avril 1762. Archives de Vienne.
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LA GUERRE DK SEPT ANS. — CHAP. VIII.
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uniforme qu'une seule décoration, colle de l'aigle noir de
Prusse (ju'il venait de recevoir; il avait à ses o'ités le
|n'inc(î de llolsfein, son oncle, récemment nommé au com-
mandement des gardes iV cheval. (îuiiformément au désir
du prince, Mercy dut abréger son discours et s'en tenir
aux compliments d'usage. La répli(|ue fut à peine intelli-
gible, tant l;i voix de Pierre était basse et ses expressions
embrouillées; il termina en exprimant l'espoir d'entre-
tenir, si cela était ])ossible, l'amitié entre les deux cours.
Mercy prit texte du mot possible pour faire entendre des
j)rotestations auxtpielbvsle Tzar ne fit aucune réponse. Le
soir, Mercy assista a une réception et il un jeu de la cour;
il y rencontra (Joltz qui joua à la même table que lui, et
Scbwerin ([ui se tenait derrière le fauteuil de l'Empereur
et lui ])arlait ccmstamment à l'oreille. Personnellement,
Pierre se montra poli à l'égard de l'ambassadeur, il lui
recommanda les prisonniers prussiens en Autriche et spé-
cialement le général Fouquet qui à la suite de certains
incidents avait été envoyé sur les confins de l'Esclavonie;
il lui fit les honneurs de son cabinet de travail et de sa
chambre à coucher.
Keith, plus heureux que Mercy, eut A l'occasion de
la présentation des lettres qui l'accréditaient auprès du
Tzar, im entretien intéressant dont il rendit compte (1) A
sa cour. Pierre manifesta son désir de travailler avec le
roi de la (Irande-ltretagne à la pacification générale; il
avait donné ordre à son représentant à Vienne d'inviter
l'Impératrice Fteine à suivre son exemple et à sacrifier ses
conquêtes; « le roi de Prusse était maintenant son ami et
serait probablement bientôt son allié; si elle s'obslinait à
refuser à ce prince des conditions raisonnables, il (l'Km-
pereur) pourrait se trouver obligé de venir en aide à la
Prusse; la veille il avait informé le baron (ioltz de sa déci-
(1) Keilh & Bule, 1(> avril 176!^. Uaril\\icke papers.
l'IKRUK EST l'IlKT A S ALLIKR AVEC EA PRUSSE.
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sion ot il faisait préparer pour le prince (Jalitzin (1) à
Vienne des ordres ({tii produiraient, espérait-ii, l'ellet
drsiré. lUi reste, ([uel (jiie fi"it le résultat de la drmarche,
tant que lui et les rois de la (Jrande-Hretagne et de la
Prusse resteraient unis, ils n'avaient rien k craindre d'une
puissance ([uelcon(|ue ».
Le Tzar ayant demandé sur quel secours il pourrait
compter de la part de l'Angleterre en cas de rupture avec
le Danemark, Keith essaya de se tirer d'allaire en alléi-uant
le manque d'instructions et se réfugia dans des considé-
rations générales sur le beau rùle (|ui incomberait au pa-
cilicateur général de l'Kurope. Dans une autre conversa-
tion, {\ Keith, qui continuait î\ prêcher une politlcjne
pacifique, Pierre s'écria (jue l'Angleterre n'avait pjis lieu
d'être inciuiète et que si elle voulait se lier à la Russie par
une alliance oU'ensive et défensive, il serait prêt à envoyer
un corps de troupes en Allemagne.
Quel que fût le mystère dont les négociateurs du traité
de paix «mtre la Unssie et la Prusse avaient cherché à s'en-
tourer, il fut impossible de garder le secret sur une œuvre
que Pierr<^ se plaisait à célébrer avec son exubérance ordi-
naire. Ce fut donc plutiM des consé(iuences de la conven-
tion que du texte lui-même ([ue se préoccupèrent les
représentants de l'Autriche et de la France. L'engouement
du Tzar pour Frédéric, l'abandon des conquêtes faites sur
la Prusse;, l'activité avec laquelle les négociations avaient
été poussées, tout semblait indiquer que la paix n'était que
le prélude d'une alliance étroite des puissances si récem-
ment hostiles. Woronzow qui avait signé l'instrument
diplomatique, et qui allait recevoir du roi de Prusse le
cadeau traditionnel sous forme d'une bague de diamants
et qui certainement était plus au courant qu'il ne voulait
le reconnaître, tout en assurant Mercy et Breteuil qu'il n'y
il) Ainbassadeur russe à Vienne (lu'il ne faut jias confondre avec le vice-
chancelier du même nom qui avait été a Londres.
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LV OUEIUIE l)K SEPT ANS. - CHAI». VIII.
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avait danslc traité « rien (l«Hlés'«Ki"L'al)ln[)(»nr leurs cours»,
avait ajoutiWl) : « Il cslpossiMi! (jiril soilsiiivi (riiii trait»';
(i'alliaiico ri il faudra voii- te (|u'il reufcriiicra. » IN'il de
jours apn^'s cet aveu, le chancelier iiiroruia (2i .Meicy de la
uiisc des •iO.OOO lioninn's du corps de (Izernitcliew à la
disposition du roi de l*russ(! <( pour les em|)l()yer où et com-
ment il lui i)lairait ». Pendant lonf;teui[>s ou s'était de-
mandé même dans l'entourage <le Krédérif (pielle serait
la destination (hi contingent russe encore cantonné en
Poinéranie. Serait-il expédié en Hanovre, l'ormcrait-il le
noyau de l'armée dirigée c<»ntre le UaïK-mark, ou agirait-il
coinnuî auxiliaire des Prussiens? WoronzoxN croyait (3) à
cette dernière solution ; et Breteuil écrivit : '^i le Tzar
donne des troupes aux ennemis de ses alliés t plus à
présumer qu'il unira ses forc<'S au roi de l*ru>.-.c (|u'au roi
d'Angleterre. » Le chancelier alla jusqu'à avouci- (jue si le
roi <le Prusse demandait à son maître la moitié d<ï la Livo-
ni(!, il estimait (ju'il la lui donnerait sans hésiter : « Cette
réflexion ([u'il a fiiile au comte de Mercy et dont ou [)eut
conclure (|ue si 20. 000 hommes de secours ne sul'fisent pas,
le Tzar lui en enverra ïO et .'lO.OOO, m'a paru faire grande
impression sur l'Ambassadeur autrichien et sur sa fer-
meté. »
Le renseignement de Woronzow était exact : escomptant
la signature d'un traité d'alliance qu'il estimait prochaine,
Pierre avait accordé le concours contre les Autrichiens d'un
corps auxiliaire de 18.000 hommes. Frédéric communi-
quait à la date du 'iO mai [ï] la bonne nouvelle à son frère
le prince Henri et annonçait leur arrivée au camp de
Bettlern dans un délai de 15 jours au plus. La paix avec
la Suède suivit de près celle qui avait été conclue avec la
(1) Rrctcuil au comte de Clioiscul, 3 tniii 176.?. Aflaires Étrangères.
(2) Breteuil au comte de Cholseul, 20 mai 1762. Affaires Étrangères.
^3) Breteuil au comte de ( lioiseul, 28 mai 1762. Affaires Étrangères.
(i) Frédéric a Henri, Belliern, 20 mai MlVi.Cornsp. Polit., XXI, p. 448,
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LA l'UUSSE SKlM'l LA l'AL\ AVKC LA SI KDK.
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Uiissic. La lassitude do la nation l'alignée d'une lutte
sans résultat, le retard apporté nu paiement des subsides
de la cour de Versailles, l'impossibilité de couvrir à elle
seule la dépense d'une nouvelle campagne, entiii le revi-
rement de la polilitpu; de son [Uiissant voisin e.\pli(pient
et jusiilient cet événement. Le traité siiiiié l(! 'l'I lUiii ré-
tablissait le sff//ii t/iin (tii/r ht'lliiin. Ainsi rpie l'écrit Krédé-
ric (!) au prince l'erdinand : « L<i chapelet de la grand»;
alliuncc commence à se dévider; il y a a[)parence (pie le
nôtre se remplira, comme vous aurez vu. »
Ainsi engagé dans la lutte contre l'ancicine alliée de la
ftussie, Pierre donnerait-il suite à ses projets contre le Dane-
mark? Les deux puissant s amies de s;i couronne, la Prusse
■et l'.Vngletcrrc; avaient cherché i\ le détourner de la guerre
<pi'ilavaitdécidée. Frédéric, avec beaucoupde sji voii -l'.iire,
ne s'était pas opposé directement à un projet au(piel il
sentait son allié acquis de préférence à tout autre, mais
il avait prolité du crédit ({u'il possédait auprès d(^ lui pour
lui persuader d'ajourner une intervention belliqueuse qui
oll'rirait plus de chances de succès en 170;J que pour l'anué»;
courante; il avait même fait accej>ter sa médiation et en
attendant avait obtenu la réunion à Berlin de diidomates
russes et danois chargés de concilier les partis.
De l'influence at)glaise il n'était plus question. Les pro-
pos de liute à (ialitzin, le désir ouvertement exprimé de se
servir de l'action dii>lomatique de la Uussie en vue de
forcer la Prusse à consentii' des sacrifices poui' la paix,
avaient révolté le souverain moscovite et avaient détruit
le prestige dont la puissance maritime avait joui au début
du règne. La déclu ration de neutralité pour le cas d'une
guerre contre le Danemark et les exi)lications embarras-
sées que la cour de Saint-James avait cru devoir fourni.»', à
propos des ouvertures faites A Vienne au commencement
<1) Frédéric à Kerdiniind, l{elllern,28niai \H\'>. Corresp. PuUl., XXI, p. 'i80.
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LA GUERUE DE SEPT ANS. -- CHAP. VIII.
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de l'annoe, avaient aggravé une situation déjà tendue.
Désormais, Frédéric était devenu le véritable directeur
de la politique extérieure de la Russie.
Depuis quelque temps déjà Keith déplorait (1) l'ascen-
dant qu'avait ])ris sur Pierre une coterie formée de créa-
tures du chambellan Schouvalow, qu'il accuse, un peu
gratuitement ce semble, d'être dévoué aux intérêts fran-
çais. Ces hommes chercheraient à exciter leur souverain
contre le Danemark et à le détourner des idées de paci-
fication généraîe. « Les principaux sont Wolkow, le secré-
taire i)rivé, Milgonow, lieutenant-général, et Nariskin,
maître des équij^ages; ils sont coiistamment aux côtés de
la personne de S. M. et au moyen d'insinuations fausses et
autres manœuvres, inqualifiables, ils font de leur mieux
pour entraver les bonnes mesures et pour noircir ceux
(|u'ils haïssent ou qu'ils craignent. Je regrette de le dire,
ils n'ont que trop bien réussi à inspirer à l'Empereur de la
jalousie contre le chancelier qu'ils représentent comme un
il mi de la France et de contrecarrer les desseins de S. M. I. »
Ktait-ce animosité contre les intrigants qu'il dénonce, ou
mécontentement de la politique maladroite du cabinet an-
glais? Toujours est-il que Keith se montre attristé d'être
tenu à l'écart des grandes affaires. En rendant compte du
traité de paix signé avec la Prusse, il ajoute (2) un peu
mélancoliquement : « Quant à ce que sera la nature du
traité d'alliance qui sera bientôt mis sur le tapis, le temps
se chargera de le faire connaître. »
Si Pierre s'était contenté de manifester ses vues politi-
ques par une modification dans ses relations avec les puis-
sances étrangères, il est probable qu'il n'eut pas rencontré
grande opposition de la part de ses aujets. il commit la
double faute d'exagérer l'engouement qu'il professait pour
la personne et les hauts faits du roi de Prusse au point
(1) Keitli à Hute, 23 avril 1762. Ilardwicke papers.
(2) Keith il Bute, 8 mai 1702. Hardwitke papers.
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MENTALITE DE PIERRE III.
331
de sacrifier les intérêts de son Empire et de se vanter
des services qu'il aurait rendus à la cause prussienne
avant son ascension au trône, services qui ne constituaient
rien moins qu'une trahison envers son [)ropi'e pays et d'ap-
pliquer les méthodes révolutionnaires qui lui étaient
chères j\ l'administration de l'armée et aux revenus du
clergé. Tne anecdote qui fit le tour de la cour illustra le
manque de tact et de simple bon sens dont I*ierre faisait
preuve à l'occasion.
Un jour (1) devant une vingtaine de personnes selon
son habitude, il avait fait l'éloge du roi de Prusse <[ui
avait été assez habile pour déjouer les plans d'opérations
combinés contre lui par les cours de Pétersbonrg- et de
Vienne, il s'était retourné en riant vers Wolkow qui as-
sistait à la conversation et lui avait deniandé si cela
n'était pas vrai. Comme celui-ci rougissait et baissait les
yeux, l'empereur avait éclaté de rire en s'écriant que
Wolkow n'avait plus besoin de cacher la chose, ni d'en
craindre les conséquences, car toutes les fois que le se-
crétaire lui avait communiqué les plans alors (|u'il était
giand duc, il en avait aussitôt donné connaissance au roi
de Prusse.
Ces paroles, si elles sont bien rapportées, dénotaient la
mentalité d'un fou ou d'un traître, mais peut-être produi-
sirent-elles moins d'inqiression que les changements de
tenue et d'exercice qu'il imposa aux troupes. Il entreprit (2)
d'habiller les soldats russes m la prussienne et renchérit
sur les modèles de l'arinée de Frédéric, « les nouveaux
uniformes russes étant sûrement de ï doigts plus courts
et plus étroits et les épées un demi-pied plus longues ([ue
ne sont celles des troupes prussiennes. Un j)areil ajuste-
ment auquel ni les officiers ni les soldats ne sont point ac-
(1) Breteuil au comie de Clioisoul, 3 mai 1702. Affaires I^ltrangores.
(2) Mercy à l'Empereur. '>5 avril 1702. Arcliives de Vienne.
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lA GLERIŒ DE SEPT ANS. — CUAP. VllI.
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coutumes leur tl(tnne un air raide et gêné, comme s'ils
étaient appliqués à la torture ».
bans une lettre à l'empereur François (1), Mercy décrit
une scène de parade dont il a été le spectateur dissimulé :
(( Les sanils échangés, on se promène de long" en large
pai- petits groupes, pendant que les hommes font l'exer-
cice; tout il coup, Pierre se détache do deux officiers qu'il
tenait sous le bras, ss porte « avec précipitation vers un
soldat, lui applique 5 ou 0 grands coups de canne » ; les
officiers accourent et l'empereur de leur expliquer « eu
faisant des contorsions horribles » le méfait du coupable
([ui « était d'avoir tenu le bras droit quelques lignes de
trop en avant ou trop en arrière »... « Cette pétulance
extérieure, ajoute Mercy, est aussi parfaitement conforme
avec celle de ses idées, de même qu'avec la façon de les
exprimer; il les rend toujours d'une manière violente et
de mauvaise grâce ; il aime aussi à plaisanter, mais les
plaisanteries sont communément des injures qu'il pro-
nonce en face aux gens sans le moindre ménagement et
delà facjon la plus dure. »
En n»ême temps qu'il s'aliénait l'armée par des inno-
vations maladroites, le malheureux monarque s'attaquait
aux pratiques confessionnelles du peuple en prenant en
mains la réforme de l'église orthodoxe (-2). Non seulement
il avait porté atteinte aux intérêts matériels du haut
clergé en confisquant au profit de l'État une partie des
revenus ecclésiastiques, mais il avait encore outragé les
sentiments religieux de la masse, en ouvrant dans le
palais uue chapelle protestante et en aftichant ouverte-
ment le mépris qu'il professait pour les cérémonies du
rite grec. « A la dernière grande fête de la Trinité, raconte
Mercy, célébrée par l'église grecque, il donna audience
aux ministres étrangers et à la noblesse dans la chapelle
(1) Mercy à Franrois, 25 avril 17(12. Archives de Vienne.
(2) Mercy à Kuunitz, 12 mai, 18 juin 17ti2. Arcliivcs de Vienne.
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SES EXCENTRICITES.
333
du palais, il s'y promena de long- eu large couimc s'il
avait été dans son bureau et s'entretint avec eux à haute
voix, pendant que l'on chantait la messe et alors que
l'Impératrice suivait le service à sa place et avec beau-
coup de révérence. Le monarque poussa si loin ses excen-
tricités inconvenantes qu'à un moment du culte où tout
le monde était à fienoux... il sortit de la chapelle avec le
méprip peint sur son visage et en riant à pleine voix et
ne rentra que quand tous les assistants se furent remis
debout. » Une pareille attitude était de nature à enveni-
mer l'irritation générale et attiser la haine dont Pierre
devenait l'objet de la part de beaucoup de ses sujets; elle
était d'autant plus dangereuse qu'il annonçait son inten-
tion de quitter sa capitale et d'aller prendre le comman-
dement des troupes qu'il voulait conduire à la conquête
du ilolstein et du Schleswig. Ne devait-il pas craindre
que les mécontents de jour en jour plus nombreux ne
profitassent de son éloignement pour ameuter les préto-
riens de la garde déjà mal disposés et pour effectuer une
de ces révolutions de palais dont l'histoire de la Russie
avait déjà fourni des exemples récents?
Les avertissements ne lui avaient pas manque Dès le
1" mai, Frédéric, dans une lettre personnelle, avait attiré
l'attention de son nouvel allié sur les dangers qu'une ab-
ssnce de ses états lui ferait courir. Il était question de
l'entreprise contre le Danemark dont il eût désiré l'ajour-
nement jusqu'en 17().'l; après avoir exposé les raisons mi-
litaires qui pouvaient être invoquées à l'appui de ce sursis,
le roi de Prusse avait abordé ( 1) avec bcaucou[) de ména-
gements mais avec franchise les considérations d'ordre
intérieur : « .le lui avoue donc que je voudrais fort (ju'Elle
(S. M. I.) se fût déjà fait couronner, parce que cette céré-
monie en impose à un peuple qui est dans la coutume
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(I) Frédéric à Pierre, Breslau, 1" mai 1762. Con: Polit., XXV. p. 'ill.
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334
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VIII.
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de voir couronner ses souverains, .le Lui dirai franclienient
que je nie défie des lîusses. Toute autre nation bénirait le
Ciel d'avoir un prince ([ui a d'aussi excellentes et admi-
rables qualités que Votre Majesté Impériale en a ; mais
ces Russes sentent-ils le bonheur, et la maudite vénalité
de quelques j)articuliers ne pourrait-(elle) point (leur)
faire trouver (leur) intérêt (1) à former une faction ou
une révolte dans le pays en faveur de ces princes de
Brunswick? Que Votre Majesté Impériale Se rappelle ce
qui arriva à la première absence de l'Empereur Pierre F'',
dont la propre soair conspira contre lui. Ne faudrait-
il pas, en ce cas, quitter la guerre contre les Danois,
quand même tout y prospérerait, pour retourner en hAte
(et) éteindre le feu qui brûlerait Sa propre maison? Cette
idée m'a fait trembler... Je crois donc que si Elle
(V. M. I.) veut prendre le commandement de Son armée,
que Sa sûreté demandera qu'Elle se fasse couronner aupa-
ravant, et que, pour n'avoir rien à craindre dans Son
empire. Elle amène dans Sa suite toutes les personnes
suspectes et qui pourraient entreprendre contre Elle, et
môme ceux pour peu qu'on puisse les soupçonner. Pour
agir plus sûrement encore, il faudrait obliger tous les mi-
nistres étrangers, quels qu'ils soient, de ba suivre ; car ce
serait ôter de la Russie toutes les semences de rébellion
et d'intrigues. » Cette lettre était accompagnée d'une dé-
pêche [i) k Goltz dont un passage démontre la perspicacité
du Roi : « Avec tout cela, l'affaire est fort délicate. Car,
comme les affaires de Holstein font actuellement le prin-
cipal objet de l'Empereur et qu'il prend principalement
à cœur, il faut bien se garder, pour ne pas le contrarier
ou de l'en disconseiller directement, car si nous le fe-
rions, nous ferions autant que de rompre tout avec lui. »
!
(1) Schwcrin avait dénoncé l'ancien favori Iwan Sihuvalow et le général
Melguno\^ comme très opposés à la nouvelle politique.
(2) Frédéric à Gollz, Bresluu, 1" mai 17G2. Corr. Polit., XXI, p. 407.
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PRÉPARATII s CONTHI-: LE HOLSTEIN.
335
Aux sages conseils du Roi, Pierre répondit (1) k la date
du 15 mai que les préparatifs de l'expédition étaient trop
avancés « pour se faire couronner auparavant » avec la
magnificence îji laquelle la nation russe était accoutumée.
« Pour ce qu'il est du prince hvan, Je l'ai sous une forte
garde, et si les Russes m'auraient voulu du mal, ils l'au-
raient déjà longtemps pu faire, voyant que je ne prends
garde à moi, nie remettant toujours à la garde du bon
Dieu, allant à pied par la rue, comme (loltz est le témoin.
Je peux vous l'assurer que, quand on sait se prendre avec
eux, on peut aussi être sûr d'eux; et. Votre Majesté, que
penseraient ces mômes Russes de moi, voyant (jue je
resterai au logis dans un temps de guerre dans mon pays
natal, eux qui n'ont jamais souhaité autrement que d'être
sous un maître et pas sous une femme, ce que j'ai m*ti-
môme entendu vingt fois de mes propres soldats de mon
régiment. » Quant aux précautions suggérées, il aurait
soin de les prendre. Frédéric se déclai'a rassuré (2) et
s'excusa de nouveau de sa franchise.
Du prince Iwan de Bruns\vicU, Pierre n'avait rien à
craindre. A la suite d'une excursion à Schlusselberg (3)
où le malheureux était enfermé, l'empereur s'était con-
vaincu que l'état mental du prisonnier interdisait toute
idée d'en faire un prétendant, encore moins un héritier,
comme il en aurait eu la pensée. L'aspect d'Iwan, que
vieillissait malgré ses 22 ans sa longue barbe, ses ma-
nières incultes, l'ignorance absolue de son identité et des
événements contemporains ressortant nettement de ses
répoiises aux ([uestioiis des compagnons de l'Empereur,
donnèrent une impression par trop défavorable. Ce der-
nier déclara qu'il n'y avait rien à en tirer et qu'il fallait
le laisser en prison. A en croire les informations recueil-
(1) Pierre à Frédéric, 15 mai 17i>2. Corr. Polit., XXI, p. 510.
(2) Frédéric A Pierre, Heltlern, 8 juin 17(!2. Cojt. l'olit.. XXI, p. 510.
(3) Mercy à Kaunilz, l'i avril ITii'J. Arcliives de Vienne.
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336
LA GUERUE DE SEPT ANS. — CHAP. VUI.
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lies par Mcrcy. Pierre III qui n'avait jamais voulu re»on-
naUre le petit prince l*aul pour son fils, aurait déclaré à
plusieui's reprises son intention d'interner dans un couvent
l'Impératrice Catherine pour le reste de ses jours et de
substituer à son iils comme héritier Iwan de Hrnnswick.
Oblitié de renoncer à ce projet, il se borna à améliorer
la situation matérielle de son cousin et à le confier à la
surveillance de quelques officiers de la i^arde, sur la
fidélité desqueli. il pouvait compter.
I Cj bons conseils de Frédéric n'avaient pas été les seuls;
dans l'entouratic du Tzar, le projet do l'expédition avait
rencontré de l'opposition, mais l'omnipotence de NVolkoA>
empêchait ces sages avis d'arriv ,r jusqu'aux oreilles du
prince. Au dire de Keith (1), ce Wolkow était le mauvais
génie du règne; il protitait de la paresse et de l'insou-
ciance de son maître pour accaparer le pouvoir. Pierre,
prévenu contre Woronzow dont il ne coûtait pas les
remoiitiances, trouvait en Wolkow un homme prêt à
exécuter toutes ses fantaisies, quelque bizarres qu'elles
fussent. Les vrais amis étaient très opposés à l'absence
projetée du Tzar, ils craignaient des troubles à l'intérieur
qu'occasionneraient les mesures relatives aux biens du
clergé; l'imposition du service militaire aux fils des
popes, dont on parlait, contribuerait à l'agitation. Cepen-
dant le départ semblait d'autant moins indiqué que le con-
flit immédiat avec le Danemark paraissait reculé. Goltz
avait re(;u l'ordre d'écrire à son collègue de Copenha-
gue qu'il pouvait rassurer cette couronne sur les délais
qui avaient été fixés à la conférence de Berlin et qui
seraient certainement dépassés. D'autre part, Keith avait
appris que l'ordre avait été donné à Romanzow de
s'avancer et d'établir un cordon de troupes en Mecklen-
bourg pour le 1'' juillet.
(1) Keith à Bute, Secret, "juin ITC.a. Ilardwiciie papers.
Llv—
P1\0JKT DE TUAITÉ AVEC LA PUISSE.
337
Avant (le se mettre à la tète de son armée le Tzai' au-
rait voulu terminer le traité dalliance avec la Prusse ; le
travail était d'ailleurs fort avancé. Il avait été signé par
\Voronzo\\ et (loltz aux environs du 20 juin et aussitôt
expédié à Mreslau. Aucun des intéressés ne l'avait com-
muni(iué à Iveitli ([ui cependant eu fait l'analyse : Le roi
de Prusse recevait la confirmation de la possession de
la Silésie et (Jlatz avec garantie; en échange il accordait
la même garantie à Pierre pour la partie du llolstein qui
lui appartenait déjà et l'étendaitaux territoires en llolstein
et Sclileswig dont celui-ci pourrait être déclaré souve-
rain au prochain traité de paix. l*our une action contre
le Danemark, la Prusse fournirait un contingent do
lô.OOO fantassins et 5.000 cavaliers, elle vei'serait à la
Russie si cette puissance était attaquée par les Turcs un
subside annuel de 600.000 roubles. La Russie ferait à la
Prusse la môme subvention au cas d'une guerre de celle-ci
avec la France. Quant à l'Angleterre, comme on ne vou-
lait pas prévoir un conflit entre cette couronne et les
deux contractants, il était admis qu'une guerre avec la
puissance maritime ne constituerait pas le « casus f(edt-
ris », A propos de ce traité (|u'on lui avait caché, Keith (1)
eut la malice de félicit(n' le ïzar de l'ouvrage qu'il venait
d'accomplir le samedi précédent (jour de la signature).
Pierre se montra très surpris et un peu embarrassé mais
ne releva pas l'allusion.
La fortune seml)lait sourire de nouveau à Frédéric
quand un événement tout à fait inattendu vint renver-
ser ses calculs, si fondés qu'ils parussent. La querelle
contre le Danemark un moment assoupie fut ravivée par
la nouvelle d'un emprunt que les Danois avaient forcé la
ville de Hambourg à souscrire en leur faveur. Pierre fu-
rieux annonça son départ définitif pour la fin de juillet;
(I) Keilli à Grenville, 'V2 juin 1762. Hardwicke papers.
Gi Kitni; i)i: ski't \.ns. — t. v.
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LA GUERRE DE SEPT ANS. — CUAP. VIII.
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Kcitli et la pluf art tic ses collègues du corps diploma-
tique étaient en train de boucler leurs malles pour le
voyage, quand éclata la révolution (|ui modifia une fois
de plus la politi(iue extérieure de la Uussie. Ainsi que
nous l'avons vu, PYédéric avait conseillé à sou allié de ne
laisser derrière lui en Uussie ni les ministres étrangers,
ni les fonctionnaires dont l'attachement au nouveau régime
pouvait paraître suspect. L'avis était e.xcellcnt, mais pour
l'exécution d'une pareille mesure il aurait fallu s'impo-
ser une discrétion dont Pierre était incapable. 1/attitude
qu'il affichait vis-à-vis de sa femme, l'intention de lui
enlever la liberté avec le trône, avaient été trop pui)li-
quement manifestées pour que l'illusion fi\t permise sur
le danger qui la mena^-ait elle et son fils. Ses partisans
comprirent que si l'on voulait éviter la catastrophe il fal-
lait prendre les devants. D'après le récit de IVIercy (1),
écrit peu de jours après les événements, Panin, le gou-
verneur du prince Paul, très attaché à l'impératrice, au-
rait été le personnage le plus marquant du complot; il
aurait été secondé par la jeune comtesse Dalikow, sœur
de la favorite, mais dévouée à l'épouse légitime, par
Rasamowski, hetman des cosaques, par le brigadier Tep-
low, dont Pierre s'était fait un ennemi en le jetant en pri-
son, sauf à le relAcher ensuite, enfin par les cinq frères
Orlow, lieutenants dans l'artillerie et dans le régiment de
la garde Ismaelowski où ils exerçaient une grande in-
fluence sur leurs camarades. Le véritable chef de la cons-
Rl :
(Ij Mercy à Kaunilz, 12 juillet 1762. Archives de Vienne. Quelques dé-
tails sont empruntés à la dépêche de Bérenger au comte de Clioiseul du
2-13juillet 1762 (Affaires Etrangères), à Saldern, Histoire de Pierre III, à
Kulliier, Histoire ou anecdotes sur la Révolution de Russie en 1762. La
Russie il y a cent ans. Extraits des dépêches des ambo. sadeurs anglais,
français, Berlin, 1858. Lettre de Catherine à Poniatowski. Waliszewski,
Roman d'une Impératrice. Nisbet Bain, Peler emperor of Russia, West-
minster, 1902. Cet auteur consciencieux se sert des ouvrages de Bilbasow,
de Hergen, de Solvernet Bololow.
LA UKVOLUTION ECLATE. 389
piration était Grégoire Orlow, capitaine quartier maître de
l'artilleiic et favori de Catherine.
Un incident imprévu fit précipiter la révolution qui
dans l'intention des conjurés ne devait se produire que
pendant ral)sence de l'empereur. Une sourde si^itatiou
existait dans plusieurs des régiments de la garde; elle
était entretenue par le bruit toujours iirossissant d'un
ordre d'embarquement pour l'Allemagne, l'n propos
imprudent tenu à un soldat par un officier du régiment
Préobrasensky sur la mise au service du roi de Prusse des
corps qu'on allait expédier fut répété, vint aux oreilles
de l'Empereur et entraîna l'arrestation du coupable. Les
consj)irateurs qui avaient pris la précaution de doubler
chacun des leurs d'un surveillant furent aussitôt instruits
et, craignant que le complot ne fût découvert, résolurent
d'agir de suite. Âle.xis Orlow se rendit à Pcterhof où était
Catherine et où devait se célébrer le 10 juillet (nouveau
style) la fête de Pierre III. Il trouva l'Impératrice au lit,
la fît évader à 5 heures du matin le 9, sous les vêtements
d'une femme de la bourgeoisie, la ramona •' Pétersbourg
dans une mauvaise voiture de campagne appelée kibidka
et la conduisit au quartier du régiment Ismaelowski (i)
où trois compagnies étaient déjà sous les anues et où Ka-
samowski, en sa qualité de colonel, réunit le corps tout
entier. Il était environ 8 heures du matin. Catherine, précé-
dée d'un prêtre un crucifix à la main, fit (2) un appel pas-
sionné aux soldats ; elle leur exposa la conduite do l'i^lmpe-
reur (3) à son égard ot à l'égard de son fils, le danger qui
les menuoait, les atteintes portées à la religion, aux intérêts
(1) A t'i. croire d'autres récits, cette séance se serait passée au <|uarlier
des Préobrasensky.
(2) Dans son récit re|>roduit dans La cour de Itussic, il y a cent ans.
E.rlraits des dépêches, Berlin, IS.'iS. Catherine ne fait aucune allusion à
cette allocution.
(3) D'après Saldern, Histoire de la Vie de Pierre III. Metz, 18o2, Ca-
therine aurait annoncé la mort de son époux.
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I.A (lUKRUK DE SKPT ANS, — CIIAP. VIII.
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«le l'armée, de l/i ii.ation,' 1«« pôril {|iie la continuîitioii du
règne entraînerait pour la Uussie. La troui)o outrée des
procédés du souverain, travîiillée par les fauteurs du
mouvement, émue par les paroles {|u'elle venait d'enten-
dre, acclama l'Impératrice et lui jura fidélité et obéis-
sance. L'exemple des Ismaelowki fut suivi par les autres
régiments de la garde et notamment par la garde à che-
val qui se distingua par son zèle à appuyer la révolution.
La nouvelle souveraine après avoir gagné à sa cause le
général Villebois, grand-maltre de l'artillerie, entourée des
soldats, acclamée par la Coule, se transporta au vieuv
Palais où «die re»;ut l'hommage des principaux corps de
l'État.
Entre temps, on avait désarmé et arrêté tous les mi-
litaires holsteinois sur lescjuels on avait pu mettre la
main; le prince Georges de Holstein, rencontré <lans la
rue, l'ut fort maltraité et les habits en lambeaux traîné
au palais et mis aux arrêts. iJe leur cùté, l'archevêque de
Novgorod, les évéques et tout le clergé s'étaient assem-
blés au vieux Palais et avaient conduit la princesse à la
cathédrale de Kasan où elle fut sacrée et [)roclamée Im-
pératrice souveraine de toutes les Hussies sous le nom de
Catherine H. De l'église, elle alla au nou^'eau Palais où
elle reçut le serment des Sénateurs et de là, saluée par
les cris et les vivats d'une foule innombiable, elle re-
tourna au vieux palais. Parmi les fonctionnaires qui se
rallièrent à sa cause, signalons le vieux chancelier
Woronzow (1) qui, venu à la hâte de Peterhof, avait com-
mencé par lui faire des remontrances, mais n'avait pas
tardé à faire sa soumission. D'après Keith (2) il aurait ob-
tenu la permission d'écrire au Tzar le récit de ce qui s'é-
tait passé et cela fait, aurait pris le serment de fidélité à
(1) Récit de Catherine, La cour de Russie il y a cent ans, p. 207, Ber-
lin, 1858.
(2) Kcitii-Bute, 13 juillet l'G2, Hardwicke papcrs.
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CATHKIUNK l'IUXLAMKK SOUVKUAINK.
Ui
la nouvelle soiivcr;iine. 11 fut iniiinteiui dans ses fonc-
tions.
Des [)iécautions avaient été prises pour conserver
la trHncjuillité et pour intercepter tonte comniutii-
cation avec Oranieul»auin ; les diefs du mouvement
avaient fait occu[)er les principtles rues et places de la
capitale par des troupes et de l'artillerie. Vers midi, une
forte colonne ctuuposée d'infanterie et de cavalerie sou-
tenu»! par un parc de gros canons s'était mise vi\ route
pour Oranienbaum sous les ordres du prince Volkonsky
et du général de Villebois; l'amiral Tatiizin, parent du
vieux Hestouchew, avait été envoyé à Ci'onstadt p(mr
obtenir l'adhésion de la Hotte; d'autre part, le nécessaire
avait été mis en «euvre pour faire parvenir la nouvelle du
changement de régime ilans les villes de province; enfin,
une note fut remise le même soir à tous les ministres
étrangers.
A 10 heures du soir, la nouvelle souveraine, i'i cheval
et portant l'ancien uniforme de la garde, partit pour re-
joindre les troupes en marche sur Oranienbaum, elle
était accompagnée de la comtesse Dashkow, égalc.nent
à cheval et en uniforme; elles passèrent la nuit au
couvent de la Sainte-Trinité, à. moitié route des 30 wers-
tes qui séparent la capitale de la résidence d'été et par-
vinrent 4 9 heures dans la matinée du 10 au pavillon de
Strelna-Mysa où Catherine prit connaissance d'une pre-
mière communication du Tzar, proposant le partage du
pouvoir.
Que faisait Pierre pendant la journée qui lui coûta le
trône? Il avait passé la nuit à Oranienbaum et comptait
aller déjeuner au palais de Peterhof, éloigné de 12 vers-
tes, pour y célébrer sa fête qui tombait le 10 juillet. Il se
mit en route vers 1 heure avec un nombreux cortège de
dames de la cour, la femme du chancelier Woronzow,
sa lille , la comtesse Strogonow, les fenuues du trio
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342
I.A flUEnriK l»F, SKPT ANS. — CHAP. VIII.
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Niiriskin, la comtesse Ihucc, sn'ur du générul Koinaiiznw,
enfin lu Woronzow, mnitrossc! en titre. Kn route, on rcn-
contru (iiulowitz (|ui un ivail nu fjrand galop de PelerlioC
ot (jui apportait au Tzar la nouvelle de la fuite de l'Ini-
pératrice; un peu plus loin, ce fut un paysan venu de
l'étershouri; (pii mit la société au courant de ce (|ui se
passait dans la capitale. On envoya aussitôt des ofliciers
aux nouvelles et on continua sur l*eterhof. La conlirma-
tion de la fuite de Catherine et le fait (ju'aucun des mcs-
safj'crs envoyés à Pétersbourg- n'en revenait n'étaient pas
de nature A rassurer le prince. Il y eut un conciliabule
avec (Judo\\itz,Wolkow et ({uelques autres fidèles; Wolkow
et l'envoyé prussien Goltz préconisèrent la fuite sur
Narva, ils ne furent pas écoutés et l'on décida de s»; ré-
fugier à Cronstadt où on avait envoyé le général hewier ( 1 )
pour s'assurer de la garnison et de la flotte. Il était déjà
trop tard, Dcwier ne put remplir sa mission et quand
Pierre se présenta f\ bord d'une galère avec sa maîtresse
et (juclques ami-, il fut accueilli par l'avis que Cronstadt
s'était prononcé pour l'Impératrice et qu'il y serait r(>(^u
à coups de fusil. Force fut au malheureux de reprendre le
chemin d'Oranienbaum où il arriva vers '» heures du matin.
Un instant on songea à s'y défendre avec les 2.000 soldats
holsteinois et allemands qui y étaient réunis, mais eti
dépit du vieux maréchal Munich, et de Cudowitz qui au-
raient conseillé un parti plus énergique, Pierre, complète-
ment démoralisé, se voyant abandonné de tous, se décida
à envoyer à la Tzarine par l'entremise du chancelier
Galitzin une lettre pleine de repentir pour le passé et
de promesses pour l'avenir. H reconnaissait ses torts,
offrait de partager le trône avec elle et implorait une ré-
ponse. KUe ne se fit pas attendre; le moment n'était plus
(1) D'après Nisbet llain, Dewler aurait été précédé par Nentww qui appor-
tait l'ordre d'amener 3.000 liommes à Oranionbauin, ordre (fui fut annulé
(liielques heures plus tard.
LAimitATION.
94S
:i)
aux propositions; ['«ixistciice, la séciiiil»', la prospérilr
(le la llussie étaient on jeu; le Tzar devait se reiulrc s'il
ne voulait |)as s'exposer au parti le plus extrême. Aussi-
tôt le hillct expédié, Catherine continua sa niarclie avec
les troupes sui' i*eterliof. Kn route, elle re<;ut une seconde
lettre de son époux : Il se l'cndait sans conditions, sollici-
tait une entrevu<! et demandait à ronservcM* auprès de lui
la Worouzow et son adjudant (indow itz. Il n'ohtinl d'autre
réjxtnse (juc; l'ordre de se rendre à l'eterliof, ciî (|u'il lit
aussitôt. A son arrivée au Palais, Pierre remit son épée h.
roi'licier commandant le détachement de garde ; il l'ut
dépouillé de ses ordres, fait prisonnier et conduit il Uopska,
petite résidence impériale désignée par Ini-méme à Panin
que la nouvelle souveraine lui avait envoyé.
D'après une autre version empruntée à un second rap-
port de Mercy (1), le Tzar n'aurait reçu aucune réponse
au premier billet adressé à son épouse et sous la [)ression
du maréchal de Munich (2) et du général Ismaeloll' com-
mandant le faible détachement de soldats russes cantonné
à Oranienbauin, aurait expédié la seconde lettre en l'ac-
compagnant de l'envoi de son épée et de ses décorations
en signe de soumission.
Une troisième version (3) attribue à Ismaelolf le rôle
décisif : cet officier expédié à la Tzarine par Pierre serait
revenu à Peterhof muni d'un acte d'abdication qu'il au-
rait persuadé à son maître de signer et l'aurait emmené
prisonnier sous escorte h Ropska. Au dire de speclateurs,
peut-être malveillants, l'attitude du prince aurait été pi-
teuse et il aurait manifesté tous les symptômes de la lA-
cheté.
Catherine se garda bien d'épargner la mémoire de son
II
'► '
(1) Mercy à Kaunitz, P. S., 24 juillet ITca. Archives de Vienne.
(ï) D'après Saldern, Munich serait resté lldèle à l'ierre jusqu'à sa mort.
*) Rérenger au comte de Choiseul, :>, 13 juillet 17C2. Afl'aires Élrangè-
Bïs. Keith à Grcnville, 2 13 juillet 1762. llardwicke papers.
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344
LA GUKRRE DE SEPT ANS.
CHAP. VIII.
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prédécesseur. Quelques Jours après son avènement, elle fit
paraître un manifeste dans lequel étaient exposées et en
général exagérées les fautes de Pierre, elle eut soin d'y in-
sérer la lettre d'abdication envoyée d'OranienJjaum. Dans
ce document, qui avai" été rédigé par les familiei-s do
l'Impératrice et auquel il avait été amené par les con-
seils et les menaces d'Ismaeloff ;'i apposer sa sign'îlure (1),
l'infortuné prince avouait que l'expérience de ses quel-
ques mois de règne lui avait démontré « qu'il était au-
dessus de moi de gouverner cet Empire, non seulement
souverainement, mais de quelque façon que ce fut ; aussi
en ai-je aper<;u l'ébranlement qui aurait été suivi de sa
ruine totale et m'aurait couvert d'une h(jnte éternelle.
Après avoir donc mûrement réfléchi là-dessus, je déclare
sans aucune contrainte et solennellement à l'Empire de
Hussio et à tout l'univers que je renonce, pour toute ma
vie, au gouvernement dudit Empire, ne souhaitant d'y
régner souverainement, ni sous aucune autre forme de
gouvernement ». La lin était digne du reste : « En foi de
quoi, je fais serment, devant Dieu et tout l'univers, ayant
écrit et signé cette renonciation de ma propre main. »
Ainsi finit ce règne de fi mois. Pierre III, esprit des
plus déséquilibrés, impropre à régner, encore moins à
exercer un pouvoir absolu, ne fut ni dépourvu d'intel-
ligence ni cruel; dans les premiers mois qui suivirent
son accession, il se distingua par des mesures libérales
telles que la dissolution de la commission instituée par
Elisabeth pour juger les causes politiques, la sup-
pression de la question, la liberté pour la noblesse de
voyager, la fixation à un taux diminué du prix du sel.
D'autres réformes civiles et militaires, quoique maladroi-
tement introd' ites, étaient en principe très défendables.
(1) L'aiitheulicité de cette pièce est (•énéralement admise. Saldern af-
firme qu'elle n'aurait été signée (|ue le troisième jour de la détention A
Itopcha.
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,^!
LES FAUTES DK PIERKE.
345
Sifînalons surtout la clémenco dont il tit prouve eu rap-
pelant de l'exil bon nombre des disgraciés du règne pié-
cédent. Une action plus décidée ù l'égard de llmpératrice
et de ses paitisans aurait pu lui permettre de conserver
son trône, tout au moins d'ajourner sa chute. Son inac-
tion fut-elle dictée par des scrupules de conscience ou due
à sa mentalité incohérente et hésitante? Le peu de cou-
rage (|u'il déploya pendant la dernière crise, le manque
de l'ermeté et de volonté que dénotent les incidents des
9 et 10 juillet nous feraient pencher pour la seconde
alternative. Pour la plupart des amis du prince, la révo-
lution fut aussi brusque qu'inattendue, elle « s'accomplit,
écrit Keith (1), en moins de 2 heures, sans etl'usion d'une
goutte de sang- et sans un acte de violence ». Il avait
appris la nouvelle par un domestique à î) heures du matin
alors qu'il s'apprêtait à se rendre à la cérémonie d<> Pe-
terhof. F/Anglais comme ses collègues du corps diploma-
tique atti'ibue l'impopularité et la chute de Pierre à des
causes diverses : au premier rang' il met la reprise des
biens d'ég-lise et le traitement peu respectueux du clerg-é;
en seconde ligne ligure la tentative d'imposer une dis-
cipline sévère aux troupes et particulièrement aux gardes
qui avaient joui sous !e règne précédent d'un régime
d'oisiveté et de licence, 2nfîn le mécontentement du mi-
litaire peu disposé à reprendre les armes pour la que-
relle du Ilolstein. « Ce malheureux prince, écrit Keith,
possédait plusieui'S qualités excellentes, il n'a commis
aucune action cruelle ni violente pondant son court
règne, mais son insouciance pour les aifaires et son
mauvais entourage ont amené la confusion et le désordre
et lui-même imbu de l'illusion que les bonnes mesures
prises après son avènement lui avaient valu i'afl'ection
solide de la nation est tombé dans l'état de [»aresse et de
(I) Keilh à Bule, i;t juillet 1762. Hardwickt' papors.
<: 17:
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340
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VIII.
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sécurité (jui lui a été fatal. .le dois ajouter que non
seulement moi, mais que plusieurs autres personnes ont
cru remarquer chez ce prince un grand changement de ce
qu'il avait élé dans les premiers mois, l'agitation perpé-
tuelle dans laquelle il vivait et les flatteries des vilaines
gens de son intimité avaient certainement aflecté ses fa-
cultés intellect loUes. »
Pierre ne survécut que peu de jours à sa disgrâce. Le
24 juillet, on annonça qu'à la suite d'excès de table et de
l)oisson, il était mort de congestion à Schlusselburg.
En réalité, il aurait été, sur son refus de prendre un
breuvage qu'il avait tout lieu de croire empoisonné,
étranglé par une bande composée de deux des frères
Orlow, un de leurs cousins du même nom, d'un prince
Baratinski et d'un certain Toepelhof.
Catherine eut-elle connaissance du crime projeté? A.
cet égard, nous pouvons lui laisser le bénéfice du doute,
mais il est incontestable que l'attentat accompli, la Tza-
rine en sut gré à ses auteurs, qui furent presque tous
nommés à des emplois de cour ou promus dans l'armée.
D'après le récit de Soldern (1), chaud partisan du prince
détrôné, Alexis Orlow aurait annoncé à Catherine la mort
de son mari comme due ù des causes naturelles; celle-ci
aurait aussitôt dépêché à Uopska son médecin qui à son
retour lui aurait rêvé» é la vérité. La ïzarine n'aurait pas
proféré une parole <it se sciait retirée dans son apparte-
ment.
A en croire la narration ollicielle de Mercy, beaucoup
trop avisé pour se compromettre, l'attitude de la veuve
aurait été très correcte : (( Quand S. M. l'Impératrice
reçut cette triste nouvelle, elle n'eut d'autre pensée (jue
de se livrer aux regrets et à la douleur qui troublèrent
son cœur tendre et sensible au point de ne plus se sou-
(1) Saldern, Vie de Pierre III, p. 107. Manuscrit pultlic par Gollignon,
Melz, 1802.
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=rp^::^»aepTOt- rîîfîMV^
SA MORT.
347
venir du passé et elle ne put se retenir de verser des
larmes en al>ondauce. »
Bérenner, qui en l'absence de Breteuil rtait chiU'gé
d'aifaires de France (1) au moment de la révolution, ne
croit pas à la culpabilité directe de Catherine; elle au-
rai! même ignoré la mort pendant 2'i. heures. IJreteuil
écrivant (2) quelques mois après les événements auxquels
il n'avait pas assisté, racoute évidemment d'après les
confidences reçues, que la Tzarinc aurait appris le meur-
tre à midi le jour même ; elle se serait montrée à la cour
avec le visage le plus serein, puis aurait consulté une
réunion d'intimes où la majorité fut d'avis do cacher la
mort pendant ûk heures au Sénat et au public. Le soir,
Catherine tint sa réception habituelle. Le lendemain seu-
lement, jour fixé pour la publication, elle feignit de re-
cevoir la triste nouvelle en même temps (|ue le public,
« pleura, ne sortit pas et afficha la douleur ».
L'historien moderne Nisbet Bain (3) cite un billet d'A-
lexis Orlow à Catherine qui aurait été écrit immédiate-
nu !it après l'assassinat; ce document que rinq)ératrice
avait soigneusement conservé dans un tiroir secret, aurait
été brûlé après sa mort par son fils lompereur Paul, mais
une copie aurait été faite par Kostopchine qui avait été
cl irgé d'inventorier les papiers de la défunte et a été
puidiée en 1881. La lettre écrite sur un chillon de papier
coD lent en quelques phrases heurtées et confuses l'aveu
du crime commis et on met les auteurs à la merci de
l'impératrice pour recevoir le châtiment qu'ils méritent.
De ces différents témoignages on peut conclure que si
Catherine ignora ou voulut ignorer le projet des assassins
de l'infortuné Pierre, elle fut d'accord avec eux pour ajour-
ner la connaissance du meutre, de manière à dissimuler
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m'.
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(1) Hérenger au comte de Choiseiil, 23 juillet 17t>2. Att'aires Kirangères.
(■•) Brelciiil au comte (le Ciioiseul 28 octobre 170*. Aflaires Etrangèies.
(3) Nisbet Haln, Peter empcror of Itii.ssiUy p. 171.
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3i8
LA GUKRRE DE SEPT ANS. — CIIAP. VIII.
I *'
au public la véiitc. Enfin, circonstance la plus aggra-
vante, les récompenses et les promotions accordées aux.
assassins prouvèrent que la ïzarine était prête h profiter
du fait accompli et savait gré à ses auteurs de l'avoir
débarrassée d'un concurrent qui aurait pu redevenir
dangereux.
« Le corps de l'empereur, écrit SaJdern (1), fut porté
dans le monastère de Saint-Alexandre Neufski et y fut
exposé sur un lit de parade en uniforme d'officier hols-
teinois, le 9 (VT) de juillet. Le concours des personnes qui
voulurent voir encore une fois les restes de leur bienfai-
teur, fut prodigieux, et qui que ce soit ne pouvait mécon-
naître les traces de la mort violente qu'il a\ait éprou-
vée-,.. On commença i murnmrer hautement et il était à
craindre qu'il arrivât une révolte ; c'est pourquoi le corps
fut inhumé en silence pendant la nuit du 9 au 10 juillet^
et on donna au peuple plusieurs tonneaux d'eau-de-vie,,
qui firent disparaître l'esprit de rébellion. »
A l'exception de quelques soldats holsteinois et russes,
tués ou blessés pendant les bagarres du 9 juillet, la révo-
lution ne coûta la vie à personne. La nouvelle souveraine
n'appliqua des mesures de rigueur qu'à un petit nombre
de compromis; la Woronzow et le général Gudowitx
furent internés dans l'intérieur du pays, le comte Woron-
zow, père de la favorite, le général Melgonow, le conseil-
ler WolUow (2) furent enqirisonnés.
D'ailleurs Catherin»^ ne se montra pas ingrate à l'égard,
de ceux qui l'avaient aidée à monter sur le trône. Parmi
les favorisés on peut citer la Dashkowa, Panin, l'hetraaii
Rasumousky, qui trois jours avant la révolution recevait
le Tzar A. sa table, le prince Volkowsky, Mcnschikow, le
baron Korlf, le général Ismaïlow, le comte Sievezs, et
(1) Saldein, Vie de Pierre lit, p. UO.
(2) Ils furent tous relâchés quelques luois plus tard; quelques-uns furent
pourvus d'emplois dans les provinces.
T
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k
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PROCLAMATION DE ('ATHERINK.
3t9
bien d'autres d'ordre inférieur. Au premier rany- figurait
(irég'oire Orlow : « Il portait, écrit Keith, le ruban do
Saint-Alexandre et la clef de chambellan, c'est un bel
liomme tY maintien très modeste, je ne me -rappelle pas
l'avoir jamais rencontré. »
i.a nouvelle Impératrice n'avait pas attendu la lin de la
révolution pour prendre la direction de la politique
étrangère; au cours de la journée même du 9 juillet elle
adressa (1) aux représentants des cours étrangères une
communication leur notifiant son avènement au trône et
les assurant de son intention invariable « d'entretenir la
bonne amitié avec les souverains leurs maîtres ». Cette
note fut suivie quel(|ues lieurcs plus tard d'une procla-
mation (2i qni contenait le passage suivant : « En second
lieu, la gloire de la Russie, portée au plus haut degré par
ses armes victorieuses et au prix de son sang, vient d'être
foulée aux pieds par la paix nouvellement conclue avec
son plus cruel ennemi. » C'était une véritable déclaration
de guerre adressée au roi de Prusse. Dans le courant de la
soirée parut une édition revue et corrigée dans laquelle
les mots « son plus cruel ennemi » avaient disparu et
étaient remplacés par une phrase moins agressive : « La
g'ioire de la Russie... vient d'être sacrifiée à ses ennemis
mêmes par la paix nouvellement conclue. » Il était impos-
sible de ne pas comprendre le roi de Prusse parmi (( les
ennemis » , mais il n'était pas désigné pour ainsi dire nomi-
iiativcmenl. La modification apportée et les ell'orts tentés
pour faire disparaître le premier texte semblent indiquer
qu'il y avait eu lutte entre les jjrincipaux conseillers de
Catherine et que cette princesse après avoir cédé à son
premier mouvement de colère, était revenue après
réflexion à des sentiments plus pondérés,
(1) Communication de Catlierine aux ministres étrangers, 9 juillet 17(12.
AtTaires Élransèies.
(2) Proclamation de Calherine, 9 juillet 17G2. Atlaires Étrangères.
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3r.o
LA GUERRE DE SEPT AKS. — CHAP. VIII.
I Jl
Cette modification n'était pas pour plaire n Mercy.
A peine les illuminations en l'iionneur de l'avènement de
Catherine II étaient-eïles éteintes, et la populace remise
de la débauche que lui nvait olferte l'ouverture gratuite
de tous les débits de Pétersbourg", que Mercy se mettait en
campagne pour rétablir sur l'ancien pied les att'aires de
la maison d'Autriche. Bien résolu à ne pas accompagner
Pierre dans la campagne qu'il allait entreprendre contre
le Danemark, l'ambassadeur de Marie-Thérèse était sur le
point de son départ de Pétersbourg, quand il apprit l'heu-
reux événement du 10 juillet; dès le lendemain il fit par-
venir à la nouvelle souveraine une note protestant contre
le traité de paix que venait de conclure le Tzar déposé :
« Toutes les démarches, écrivait-il (1), qui tendraient k
l'accomplissement pur et simple d'une paix avec l'ennemi
commun, paix aussi injuste que désavantageuse à cet
Empire, seraient en quelque façon et contre les propres
intentions de S. M. l'Impératrice de Russie, une confirma-
tion de l'abandon quont éprouvé dans ce dernier temps
de la part de cette Cour ses anciens alliés; d'où il résulte
que si S. M. Impériale croit par une suite des circonstances
présentes devoir faire des sacrifices, il y va du moins de sa
gloire et de l'intérêt de son Empire de les faire retourner
à l'avantage de ses fidèles alliés et par conséquent à
l'utilité de son État,
« Il ne pourrait d'ailleurs exister de trait plus glorieux
pour S, M. l'Impératrice que celui de signaler les premiers
instants de son règne par imposer la loi à l'ennemi com-
mun,
« C'est ce que sera maintenant au pouvoir de Sa Majesté
Impériale, si elle veut bien suspendre toute démarche
authentique et positive relativement à la confirmation
de la paix conclue avec le roi de Prusse, avant qu'il n'y
(1) Note annexée à la dépêche de Mercy à Kaunitz du 13 juillet. Archives
de Vienne.
MERCY AGIT.
351
fût ajouté dos conditions en faveur des puissances alliées,
et que celte Cour ne s'en soit expliquée avec elles ».
Mercy se sentait autorisé à tenir ce langage par la
phrase, même corrigée, du manifeste, et parles ordres don-
nés de suspendre l'évacuation (le la Prusse royale; ces sym-
ptômes paraissaient indiquer un retour à lancienne poli-
tique d'Elisabeth, mais si telle fut la première pensée des
nouveaux gouvernants, elle ne dura guère. Czernitchew
qui, le 18 juillet, avait informé le roi de Prusse des
événements de Pétershourg et de son rappel, lui déclara
le 20 de la part de l'Impératrice (1) « qu'Klle était réso-
lue de s'en tenir à la paix conclue avec l'Empereur,
selon toute sa teneur, mais qu'Elle trouvait à pro-
pos, vu les circonstances, de retirer ses troupes tant
de Silésie que d'ailleurs ». (^ette information fut confir-
mée à Pétershourg par une note remise à Goltz, le mi-
nistre prussien, portant la date du 11 juillet (V. S.) et
qui n'était postérieure à la révolution que de 13 jours (2).
« S. M. l'Impératrice est fermement et invariablement
intentionnée de vivre en paix et bonne intelligence avec
toutes les couronnes ainsi qu'avec S. M, le roi de Prusse. »
La pièce ajoutait quelques explications sur des incidents
qui s'étaient produits dans la Prusse royale et infligeait,
un désaveu implicite au commissaire général Wogekof
et au Maréchal Soltikoff qui, de leur propre initiative
avaient proclamé comme non avenu tout ce qui s'était
passé sous le dernier règne relativement aux pays conquis
et avaient fait prêter aux autorités locales un serment
d'alliance à Catherine.
La tentative de Mercy était condamnée d'avance à
!
t
M
(1) Frédéric à Finckenstein, Hoegendorf, '.'0 juillet 1762. Corr. Polit.,
XXII, p. 51. CeUe déclaration du 20 n'était (|iie la corilirnialion de relie
du 18; ainsi que le prouve la lettre de Frédéric à Catherine datée du 18.
(2) Note pour Gollz,"Péter.sbourg, 11 juillet (V. S.) 1702. Corr. Polit.
XXII, 1), 90.
Il
1
:<52
L.V GUI;HUE DK sept ans. — CIIAIV VIII.
wm
rinsucc("'.s. A son éuei'gi()iie appol, l*aiiiii, (jui avait i)ris
le l'ùlo (le principal conseiller de la nouvelle souveraine,
r6i)ondit {\) en son nom dès le lendemain : le sentiment
de ce ([u'elle devait à ses sujets el le souci de leur bien
et de leur tranquillité lui faisaient un devoir de ne pas
coutiiiuer une guerre « troj^) onéreuse à son Kmpire ».
Kilo ne devait pas cacher à son alliée « le dérèglement
dans le(juel ses linances se trouvent ainsi (juc les allaires
critiques ([ui nous menacent sur les frontières de Tur-
quie », F/ambassadeur reconnaîtrait la vérité de ces
faits, aussi comprendrait- il le parti que proposait la
Russie « de combiner leurs démarches et leurs intérêts
aux circonstances où se trouve notre Empire, qui doit
travailler avec d'autant plus d'efficacité à corriger les
désordres qui le gênent que, par ce moyen-là, il se verra
plus en état de marquer tout le penchant qu'il a de cul-
tiver la bonne intelligence et de contribuer au bien
d'une cour a issi chère que celle de rimpératrice Heine ».
Comme dernier et important motif de prudence, Paniii
invoquait la situation critique du corps de Czernitchew
isolé au milieu des forces prussiennes. Tant que ce corps
ne serait pas « dégagé et hors de toute insulte, ordre
avait été donne de suspendre l'évacuation des pays con-
quis ». Une note oflicielle adressée à l'ambassadeur d'Au-
triche confirma ce langage. En dépit du ton endjarrassé
de cette pièce et des protestations d'amitié dont elle
regorgeait, il était évident que Catherine II se confor-
merait aux conditions du traité de paix que son prédé-
cesseur avait conclu avec le roi de l*russe, mais qu'elle
ne ratifierait pas la convention d'alliance offensive et
défensive ([ui faisait suite au premier instrument.
Mercy s'en explique verbalement (2j avec Galitzin,
l'ancien ambassadeur russe à Londres, qui avait été
(1) Panini\ Mercy, 3 juillet (vieux style ) 1702. Arcliives de Vienne.
(2) Mercy àKaunilz, 24 juillet 17(12. Archives de Vienne.
...^-1, -,-.«*—.'-
(1) Chalelet au comte de Choiseul, 7 septembre 17G2. Aflàires Étran-
gères.
(2) 11 s'agissait d'un projet de traité d'alliance contre l'Autriche doni
le texte avait été approuvé à Constantinople. Le traité ne fut pas signé.
Correspondatice l'olilique, XXII, p. 35.
(Uiaiiii; ni: ski't ans. — r. v. 23
m
h'
ENTRETIKN DE MEBCY AVEC CALITZIN.
3.53
appel(* h la place de vice-chaucolier et qui avec Pauin
était (levemi pour les relations avec les uiuistres étran-
gers le véritable remplaçant de Woronzou. (îalitxin com-
mença l'entretien eu lui annonçant l'abandon du traité
d'alliance: avec la Prusse, qui ne seiait pas ratifié. (Con-
sidérez-vous, réplique l'ambassadeur, cette décision
comme un sacrifice ou une preuve d'amitié pour ma
Cour'.' Le diplomate russe évita de répondre et le renvoya
à Panin.
Il s'en était fallu de peu que le traité d'auiance offensif
et défcnsif entre la Kussie et la Prusse ne fiU conclu défi-
nitivement; signé et ratifié par Frédéric, il avait été
retourné à Pétersbourf^' où il arriva après les événements.
Le Piémontais Odart qui avait été initié à tous les
secrets de Panin et de la Dashkowa, dans une conversa-
tion avec l'ambassadeur Chatelet (1) lors de son |)assage
à Vienne, fournit sur le document des renseignements
curieux et probablement véridi(|ues. D'après son récit,
le texte préparé « était entièrement conforme à ce que
nous en avions su, et il ne contenait point d'articles
secrets, mais à la vérité, le feu Empereur et le Roi de
Prusse étaient convenus verbalement par la voie de leurs
ministres, de faire tout leur possible pour anéantir la
puissance autrichienne, pour placer le prince Henri sur
le trône de Pologne et pour donner au prince George le
Duché de Courlande. Pour remplir avec plus d'assu-
rance le premier objet, le roi de Prusse avait fait part
à Pierre 111 du traité offensif et défensif (ju'il venait de
conclure (2) avec la Porte, et la copie nuthenti([ue avait
été trouvée dans les papiers du ci-devant Empereur »,
I
if
rU
354
LA (iUElUtK l)K SEPT ANS. — CIIAP. VIII.
(VI
■il
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^1,
Dès le.s premiers jours de son règne, (Catherine un
moment entraînée par la réaction contre les actes de son
mari s'était vite ressaisie. Nous avons signalé la modifi-
cation apportée au premier manifeste ; sa conduite à
l'égard de (loltz vint confirmer ce premier symptôme de
revirement, l/envoyé prussien (|ui était resté l'un des
derniers auprès de l*ierre III fut bien traité, Alsnfliew l'ut
envoyé à sa rencontre (1 ) avecroll're d'une escorte et avec
l'assurance du désir de la Tzarine d'entretenir avec son
maître de bonnes relations, (ioltz n'assista pas, il est vrai,
à la première réccp'ion diplomatique, mais son absence
s'explicjue par le n. ique des ellets civils qu'on lui avait
conseillé d'endos-er pour l'occasion.
Une des premières décisions de Catherine avait été
le rappel de liestucliew; on ciut au retour de son pou-
voir; il n'en fut rien. Keitli qui avait couru féliciter son
ancien ami fut presque éconduit : l'ex-cliancelier lui fit
dire « (pi'il était encore et serait toujours un sincère et
bon anglais, mais pour bien servir la cau.se à l'occasion,
il était nécessaire de ne laisser voir entre eux que les
rapports ordinaires de politesse ».
L'Anglais arriva bientôt à la conclusion que le vieil
homme d'état n'aurait pas grande influence. Alercy était
du même avis ; en première ligne immédiatement après
la Tzarine il place (2) Panin; plus apte aux intrigues
qu'aux grandes aft'aires, celui-ci cherchera à maintenir
son crédit eu sacrifiant aux passions de sa souveraine ; son
système se rapprochera de celui du vieux lîestuchevv
dont il est l'élève. L'Autrichien consacre tout un para-
graphe de son rapport à la jeune princesse Dashkowa à
laquelle son rôle dans les incidents de la r< volution, son
intimité avec Catherine semblent réserver une place pré-
pondérante. Cette prévision, assez naturelle dans la coii-
(1) Keilh à Gienville, 13 juillet 1762. llardwicke papers.
(2) Mercy à Kaunilz, 24 juillet I7f)2. Archives de Vienne.
ly
MAIMIKN DKS HUNS UAI'PdUTS AM C VIK.NNK.
355
L'es
iia-
>re-
joncliirn, n«' devait pas se rénliseï*. Selon lui, la nouvelle
|)(>liti(iiie chercherait ;V ménager les C(Hiis rivales, sans
prendre [>arti pour l'une ou l'autre; si on était bien dé-
cidé à ne pas renouveler la guerre contre la Prusse, on
entendait maintenir de bons rapports avec l'Autriclie.
n'est ainsi (pi'unecoinuHiniealiondu rnini><lère russe (1)
vint démontrer rini[)(»rtanee (juattachait la cour de Rus-
sie y l'établir avec l'ancienne alliée »os relations cordiales
d'autrefois. Sur les pi-emiers avis de la révolution, le
maréchal Soltikow avait cru à la reprise des hostilités.
Il avait fait ariôter un courrier prussien et expédié à
Pétersbourg les dépèches qu'on lui avait enlevées; la
principale pièce était une lettre (2) du roi de Prusse au
Grand Vizir, datée du li juillet. Dans cet écrit, le roi
exprimait sa satisfaction d'apprendre par son envoyé
Kexin ([ue « V. K. est disposée k mettre la dernière main
au Iraité d'alliance défensive entre moi et la Sublinn^
Porte je ne mets aucun doute dans les promesses de
V. E. et (ju'en conséquence je compte sûrement qu'immé-
diatement après la conclusion de celle alliance la Sublime
Porte rompra incessamment avec la cour de Vienne et lui
déclarera formellement la guerre ». Panin laissa h l'am-
bassadeur une copie dos documents interceptés et l'in-
forma que l'Impératrice avait tenu à avertir l'Autriche
du danger qui la menaçait et à lui donner ainsi une
preuve de sa confiance et de son amitié. Tout en se féli-
citant des promesses plus favorables pour l'avenir et des
dispositions meilleures de Panin, Mcrcy ajoute : « Quant
au présent, tous mes elïbrts et toutes mes représentations
ont été en vain et n'ont pas produit le moindre effet. »
Pendant que l'actif représentant de l'Autriche s'effor-
çait sans grand succès, d'ailleurs, de regagner pour sa
m
ijij
«
i
(t) Mercy k Kaunitz, :$1 juillet 176^ Archives de Vienne,
(2) Frédéric au Grand Vizir, Seitendori', 13 juillet 1702. Archives de
Vienne, Correspondance Politique, X.XII, ji. •.^2.
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LA GIIEHUK 1)K SEPT ANS
CIIAP. VIII.
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cour le terrain perdu perwlanl les six mois du dernier
règne, Fiédéric faisait face avec son adresse habituelle
aux difficultés (|U<! lui créait la révolution de l*étersl)ourg.
C'est le 1 H Juillet (ju'il l'apprit par une comniuiiicatiou de
Czernifcliew : <« Je vous annonce, écrit-il A Kinckens-
tein (1), la très fAcheuse nouvelle du détn'knement de
l'cipercurde IUissi(î. L'Impératrice a été déclaré»- rég»!nte
et le général comte Tschernisclu w vient de recevoir
l'ordre de se séparer de mou arniee. Il se propose de
rester enc orc juscjuau 22 de ce mois. Il faudra voir (piclles
seront les suites de ce grand événement. » Frédéric,
après la mort de l'impératrice Klisabeth, s'était montré
disposé à entretenir de bonnes relations avec Catherine,
mais il avait été avisé par Keith et Mitchell (ju'il fallait
choisir entre les deux époux et l'attitude de Pierre était
telle que sur la préférence à donner il ne pouvait y avoir
doute; Gollz à en Juger par la demande de remplacement
dont il prit lui-même l'initiative n'avait pas eu de grands
égards pour la {)rincessc; d'autre part, le roi de Prusse
avait envoyé à la favorite Woronzow un cadeau qui fort
heureusement [)our le donateur ne parvint pas à destina-
tion en temps utile. Ces précédents n'étaient guère en-
courageants; cependant Frédéric n'Iiésila pas à écrire à
la nouvelle souveraine à l'occasion de son avènement (2).
Aux souhaits de circonstance, il avait eu soin d'ajouter
ses remerclmcnts pour le message apporté par Czeruit-
cliew « qu'elle confirmerait la paix que l'Empereur a si
généreusement faite av<!C moi. Je la prie d'être assurée
que je tâcherai de mon côté de cultiver, autant qu'il sera
en moi, la bonne harmonie et rinlelligence rétablie entre
les deux nations ».
(t) Frédéric à Finckenstein, Seilendorf, 18 juillet l'O'l. Correspondance
Politique, XXIII, p. 'i2.
(2) Frédéric i\ Callierine, Seiteiidorf, 18 juillet 1762. Correspondance
PolUique, Xlll, p. 42.
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l'ilKDKRIC KCmi A (ATHKIUNK.
a:.7
Une se passa-t-il entre le roi de Prusse et h* yVinéi'iil
russe? Pourquoi ce délai iipporté » l'exécution de l'ordre
de séparation ? Sans données précises sur ces points, nous
pouvons svipposer (|uc sons prétexte des préparatifs néces-
saires, le Uoi cluTcha A relanh'r et à cacher un départ
(|ui i\ la veille de l'importante opération projetée contre
l'année de Daun pouvait [)ro(lnire nneiin|)r('ssiondes pins
fAcheiiscs. De son c(Mé, le lUisse entouré et A la merci des
l'orces prussiennes, désireux de seconder les vues d'un
souverain qui s'était montré et se montrerait sans d«)nte
bienveillant i\ son égard, ne voulut pas refuser ime rctpiéte
qui se conciliait très bien ave<' les instrnclioiis i-eçues du
nouveau gouvernement. D'après une version cpii eut cours
il Vienne (1), le général russe se serait refusé i\ exécuter
les ordres (|ne Frédéric lui aurait envoyés. <( S. M. F*rus-
sienne le lit venir devant beaucoup d'officiers et lui dit
qu'il était étonné de sa résistance et qu'il lui réitérait
l'ordre au nom de l'Empereur son maître. Sur cela,
M. de Czernitcliew lui ayant répondu qu'il ne reconnais-
sait plus que ceux de l'impératrice Catherine, le Koi lui
aurait reparti en riant : «. Ah, vous savez donc la nou-
velle? et moi aussi, mais je m'en moque. » Toujours est-il
que le corps russe sans prendre part à l'opéralion contre
l'armée de Daun, i)ar sa présence à c^té des l*russiens
leur prêta son appui moral. Il est certain d'ailleurs que
le ministère russe éprouva on feignit d'éprouver des
inquiétudes sur le sort du corps auxiliaire et s'en servit
comme prétexte pour justifier son attitude bienveillante
vis-à-vis de la Prusse. Quoi (pi'il en fiU, soit eflel du succès
remporté sur les Autrichiens le 21 juillet, soit résultat
des nouveaux entretiens avec (Izernitchew, le Uoi se
montra beaucoup jjIus confiant dans sa correspondance (2)
ii'
II
i-
(1) Chalelet au comie de Choiseul, 4 aoùl 17C:?. Atl'aires Kirangères.
(2) Frédérir à Finckeiisleiii, 20 juillel, A Henri. M juillet 1762. Corres-
pondance Politique, XXH, p. 51, 52.
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368
LA GUEUKE DE SEPT ANS. — CHAP. VIII.
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»ii!J)
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avec Kinckcnstein et avec le prince Henri. Ce serait à ce
momti.it qu'il faudrait placer, s'il est authentique, un
billet (lu Roi i son ministèi'e, intercepté par les Autri-
chiens et envoyé par eux à Paris ;
« Voilà l'Empereur de Russie (1) détrAné par son
épouse, on s'y attendait. Cette princesse a intiniment d'es-
prit et les mêmes inclinations que la défunte. Elle n'a
aucune religion mais elle contrefait la dévote. C'est le
second tome de Zenon, empereur grec, de son épou.se
Adriana et de Marie de Médicis, le ci-devant chancelier de
Bestuchew était son plus grand favori, et comme il est
entièrement attaché aux giiinées, je me flatte que les
attachements d'à présent seront les mêmes. Le pauvre
empereur a voulu imiter Pierre 1°', mais il n'e'^ avait
pas le mérite. On le dit massacré. »
Le 25 juillet, les impressions devinrent moins favora-
bles; le texte du manifeste du 9 juillet dont on avait pris
connaissau'je, n'était pas rassurant; les généraux russes
avaient suspendu l'évacuation et entravaient le recrute-
ment pour les régiments })russiens que Pierre avait
autorisé. Frédéric se demanda si l<^s déclarations paci-
fiques de CzernitcheM n'avaient pas été inspirée» par la
crainte de voir la Prusse rester fidèle à l'empereur Pierre
et soutenir un mouvement possible de l'armée russe en sa
faveur; peut-être Catherine ne cherchait-elle (|u'à gagner
du temps, jusqu'à ce que Czernitchew fût en sûreté?
Peu à peu, les entretiens de la chancellerie russe, les
notes remises ti Goltz, le langage de Hepnin, son maintien
au poste de Herlin, entin la promesse du prompt abandon
de la Prusse royale confirmèrent le Hoi dans hh [)remière
opinion que la révolution de Pétorsbourg, tout en modi-
(1) Copio d'une Icliro de rrédéric à Finckeiisteiii interceptée. Affaires
Él^•angè^e.^. (La publioalioii en An^^leterro de ce billet donna lieu à un
démenti de Frédéric à Repnin. ministre russe à Berlin. Correspondance
politique, XXII, p. 380).
V
IH'
IL EST'KUE POUVOIR rOMPTEU SUR LA NEUTRALITE.
359
fiant les rapports intimes dn règne précédent, n'amène-
rait pas un retour à l'ancien système. Dans un entretien
avec Mitchell (l), en réponse à une question dt; celui-ci
sur la suite que rinipératricc donnerait aux projets d'al-
liance des deux cours, Frédéric déclara qu'il ne fallait
pas espérer son idhésion, mais qu'il croyait pouvoir
compter sur une neutralité absolue de sa part.
Évidemment, Catherine aurait sa politique à elle, qui
no serait ni celle de Pierre, ni celle d'Elisabeth; elle ne se
désintéresserait pas des afTaires d'Allemagne, mais se
bornerait probablement à offrir sa médiation pour la
paix générale. Un post-scriptum d'une lettre de Frédéric
à Goltz en date du 3 août annonce la démarche que Rep-
nin venait de faire auprès de lui à cet elTet; il lui avait
répondu par des banalités sur son désir du rétablissement
de la tran([uillité.
Pour les conseils pacifiques <|ue la cour t'- IVord cher-
chait à donner au roi do Prusse, ell-: :'.;rait voulu obtenir
l'appui de l'Angleterre. Conforment 3i.t aux ordres de sa
souveraine, Woronzow entreprit Keith (2) îï ce sujet; il
prif texte des paroles que Frédéric aurait dictées «Y Czer-
nitchew, quand ce dernier prit congé de lui. « Il aurait
donné à entendre que sa confiance dans l'amitié de l'Im-
pératrice était telle qu'il n'hésiterait pas à remettre les
intérêts de la Prusse entre ses mains et, comme preuve à
l'appui, il serait heureux d'obtenir ses bons offices en
vue de la paix. » Woronzow déclara en teruiinant ([u'on
serait très reconnaissant à la cour de Saint-James d'entrer
dans ces vues. Il est presi|ue superflu d'observer que
celle-ci, quand elb^ reçut cette invitation, n'était ni dispo-
sée, ni en état de lui donner suite; fort engag"ée avec la
France, d'accord avec cette puissance pour amener la
C
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(1) Mitchell a Gieii ville, Breslau, 1" et '.>. août 1702. (on: l'^'Ul., XXII,
p. 101.
(2) Keith à Grenville, 28 juillet. Hardwickc papers.
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360
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. VIII.
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conciliation de l'Autriche et de la Prusse, elle avait essuyé
de la part de cette dcroièH' un refus .sec de la luédiatiou
offerte et se souciait peu de renouveler la tentative.
Quant à Frédéric, il n'était guère partisan d'une paix
immédiate; il venait de repousser les propositions de
participation aux pourparlers de rAngleterie avec la
France; il se croyait sur d'une diversion des Turcs contre
i'xVutriclie; le siège de Scliweidnitz était commencé; il
était plein d'espoir dans le succès de la campagne. « .l'es-
père donc, écrivait-il A son frère (1), que ceci fera dans
peu de temps une forte impression sur la cour de Vienne,
que vous prendrez alors sûrement Dresde et moi Schweid-
nitz, que selon les circonsia- ces vous pourrez peut-être
encore prendre Prague, si la garnison n'en est pas trop
nombreuse, du moins prendre des quartiers d'hiver en
Bohème et moi en Moravie. Cela fera la paix, mon cher
frère, mais nous ne l'aurons que vers le printemps qui
vient. » L'échec inUigé à une îentative de Daun pour la
relève de Schweidnitz vint confirmer ces prévisions v>pti-
mistes.
Le roi de Prusse avait fixé sa ligne de conduite pour-
suivre la guerre à outrance, tirer des p»'emiers succès )e
plus de parti possible et pour avoir les mains libres du
côté de la Uussie, entretenir avec cette puissativ c de bons
rapports, tout en se dérobant à ses velléilé^ d'interven-
tion. Afin d'atteindre ce dernier but, il y avait deux diffi-
cultés à surmonter, l'une personnelle à l'envoyé Gollz,
qui s'était trop compromis auprès do Pierre III et dont
l'impératrice .souhaitait le rappel, l'autre |)rovo({uée par
l'attitude du Khan de Tartarie qui ne voulait pas se ren-
dre compte que l'attaque contre la Kussie, désirée par
Frédéric à la fin de 1701, n'était rien moins qu'opnoi||ino
en août 1762. Quant à la Porte, son intervention (levenaii
i/t
(l) Frédéric à Henri, Ditlmunsdorf. '» aoi'ii 1762, Corr. l'olil., XXIF, |). IM.
..-juiu'-n
T
n»^
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CATHERINE PROPOSE L EVACUATION DE LA SAXE.
:ir,l
de plus ou pi U8 problémaliquo. u Coiumc on vous a déjà
Cômiiiiini'pK' hifir, <'icrit Fi7id<^l'jc (1), les demières dépê-
ches (Uii me sopt efij,t'éfi8 r/e Consfaritinople, vous y aurez
vu coinhion ces geûs-ià sont variables, inconséquents et
jourualjers dans leurs sentiiuents pour ne pas pouvoir
prend/e (Uie /ésolunou tct'ilin et efficace. »
Toiilefols, Cadie^'J///} fiilllf ///|// de renoncer à l'intention
(pi' ellft ftv«î/ hititiifi'»i(H' (iù picndre une part prépondé-
l'/uiln aux flég-oé/ations pour la paix; non seulement elle
fivait offert, comme nous l'avons vu, à Londres une
médiation combinée mais elle avait fait tenir à (Joltz une
note proposant aux belligérants l'évacuation de la Saxe.
La souveraine russe avait (( chargé ses ministres à Vienne
et à Berlin d'y faire connaître le vif désir (pi'elie a que
ces deux cours prêtent les mains à un arrangement au
moyen du(jucl les Ktats électoraux de la Saxe soient plei-
nement évacués par les troupes de l'une et de l'autre et
rendus en pleine possession et jouissance à leur souverain
le roi de Pologne. En retour de cette évacuation et pour
qu'elle ne tourne pas au préjudice de l'une ou de l'autre
des deux puissances, il leur sera donné des assurances
suffisantes que les frontières des Ktats de l'une et de l'au-
tre ne pouiTont ni ne devront point être inquiétées du
côté de la Saxe et des pays qui en dépendent. Et pour cet
eti'et, les Elats de la Saxe seront occupés par des troupes
saxonnes. Si l'arrangement ci-dessus est convenu entre
les deux paities, l'Impératrice est prête à s'en porter pour
gaiante s'il est nécessaire ». In arrangement de cette
nature aurait privé le roi de i*russe des ressources impor-
tantes qu'il tirait en hommes et en argent de l'électorat,
aussi l'envoyé rernt-il par retour du courrier une réponse
peu satisfaisante :
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;; I
11(1,
I )) Frédéric h Fiinlicnslcin. Pelerswaldaii.gsepleinbre 1701'. (orr. l'oUl.,
Xil, fi. :!05.
3(>2
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. VIII.
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' : (•
« Le Roi mon maître (1) serait bien aise de complaire à
S. M. 1. dans toutes les occasions, autantqu'il sauradépen-
dre de lui; mais que pour parvenir à l'évacuation de la
Saxe, le Roi ne trouve pas un moyen plus convenable <|ue
celui que S, M. I. voudrait faire tant par ses instances en
France, afin de porter S. M. T. C. d'évacuer les ducbés
de Clèves et de Gueldres pour les lui remettre en pos-
session de même que la cour de Russie voudrait contri-
buer par ses instances afin d'engager S. M. l'Impératrice
Reine pour évacuer le comté de (ilatz. » Le successeur
désigné de (loltz, le comte de Solms, devait suivre cette
affaire ainsi que celle de la médiation entre les Tartares
et la Russie, acceptée par ce''.^: ■ ■ i*nière puissance. En
attendant l'arrivée de son successeur, Goltz avait accom-
pagné la cour de F\ussie i\ Moscou où devait s'effectuer le
couronnement de la nouvelle Tzarine. Entre elle et Fré-
déric les rapports, sans être précisément tendus, n'étaient
rien moins que cordiaux ; ce dernier en voulait à Cathe-
rine de son intervention en faveur de la Saxe; fort de ses
récents succès, la reprise de Schweidnitz le 9 octobre et
la victoire de Freiberg remportée par le prince Henri sur
les Autrichiens le 29 octobre, le roi de Prusse n'était
gtière disposé à céder à la pression que la cour du Nord
cJiercbait à exercer sur lui : « Vous ferez vous-même,
écrit-il t\ Goltz (2), la réflexion que dans la situation où,
grAce à Dieu, mes afl'aires se trouvent, l'on ne saurait
raisonnaljlement me parler ni d'évacuation de la Saxe,
ni d'aucun dédommagement à lui faire à mes dépens,
qu'on ne saura pas jamais tirer ni prétendre de moi, quoi-
(jue je ne m'y opposerai pas, si l'oa sache trouver
moyen de faire ([ueîques légères convenances à la cour
i:^
(1) Noie à remettre, annexe ft !a îeltre de Frédéric >'t:'u\ "' '"^lembre
176'-!. Corresprmdance Poliii!,u<\ X.\II, p. 2'10.
(2) Frédéric à Goltz, Loevenl)crg, 2 novembre l,(.2. {■• •rey^<,Kiia)>- Po-
lilii/ui', XXII, p. .305.
mit
fwmiua.imi^»fr< i«Kh%H,iv]tMr*<utawM#M»A a^
N
HESITATIONS DE MARIE-TUKRESE.
30!»
r
de Saxe, pourvu que je n'y contril)ue pas du mien. »
En môme temps qu'à l'envoyr prussien, la proposi-
tion (1) relative à la Saxe avait été remise A Mercy. Cette
pièce aussitôt arrivée à Vienne avait fait l'objet d'un rap-
port (2) A l'Impératrice Reine par Uender qui, pendant une
maladie assez grave de Kaunitz, faisait l'intérim des alfai-
res étrangères : la proposition russe était sans contredit
avantageuse pour l'Autriche et la Save, mais ne fallait-il
pas s'attendre à un refus du roi de Prusse, ou pour le cas
de son acceptation, ne se trouverait-on pas en face d'un
arrangement secret qui lui permettrait de disposer de
ses troupes de Saxe pour occuper ses possessions du Bas-
Rhin ou entreprendre ([uelquo chose contre les Pays-Ras?
En marge de ces observations, l'Impératrice Reine avait
formulé ses craintes : (( Par le canal de la Russie, il me
semble que nous ne pouvons avoir rien d'agréable et que
nous ne pouvons nous y lier. « L'ambassadeur de Marie-
Thérèse n'était pas décidément en cour à Pétersbourg;
dans une note remise au cabinet russe, il avait insisté à
nouveau avec quelque maladresse sur le contraste entre
les deux manifestes du début du règne et s'était attiré une
réponse qui n'était pas de nature à améliore" des rap[)orts
<iv'ec Vienne. « Je ne sais pas comment cela se fait, écrit
Keith (3), mais je crois qu'en général le comte Mercy n'a
pas été heureux dans les démarches qu'il a faites h cette
cour. »
En résumé, la médiation russe n'était bien accueillie
que du roi de Pologne qui eût souhaité la délivrai-ce de
ses possessions électorales; car Frédéric était tout aussi
soupçonneux à l'égard de la Russie que sa rivale Marie-
\\
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(1) Noie de la cour de Russie, 1!) août (V. S.) I7i;2. Archives de
Vienne.
(:>) Rapport de Bender au\ ohservations de llmijéralrice, 15 seplenibre
1702. Archives de Vienne.
(31 Keith à Grenville, 12 septemi)re 17<>2. Ilardvirke papers.
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3G4
LA GUEllKE DE SKl'T ANS. - CIIAP. VIII.
Thcrèsc." Quant aux Russes, écrivait-il à Kinckenstein(l),
je les envisage comme des pacificateurs intrus qui veulent
se mêler d'un arbitrage de paix auquel personne ne veut
se soumettre et je regarde leurs démarches comme abou-
tissantes à une négociation vague dont il ne résultera rien,
ni pour la guerre, ni pour la paix. » Quoique opposé à toute
médiation et bien résolu à ne prendre aucune part aux
négociations franco-anglaises qui semblaient sur le point
d'aboutir, Frédéric se montrait sensible au reproche qu'on
lui adressait d'être l'adversaire de ia pacification; la
campagne s'était terminée a son avantage, il consacre-
rait volontiers les mois d'iiiver à l'œuvre de la paix, mais
pour cet objectif il ne voulait se servir ni de l'Angleterre
ni de la Russie. A la suite d'uiu) correspondance de Choi-
seul à propos d'un échange de prisonniers, il pensa un ins-
tant à la France et donna ordre (2) à sonenvoyé à Copenha-
gue de sonder officieusement la cour de Danemark qu'il
savait en excellents termes avec ctlle de Versailles sur la
possibilité de faire à cette dernière des ouvertures.
Sur ces entrefaites, survint la nouvelle de la signature à
Fontainebleau, le 3 novembre, des préliminaires de la
paix entre l'Angleterre, la France et l'Kspagne. Cet arran-
gement mettait fin à la guerre d'Allemagne en ce qui
concernait ces deux piemières puissances, entraînait la
dissolution de l'armée du prince Ferdinand et ouvrait la
question de l'évacuation par les Franc^ais des territoires
prussiens du Bas-Rhin. Au profit de quels belligérants se
ferait cette évacuation? Longuement discutée, la difficulté,
malgré les protestations de Frédéric, avait été tournée
par une rédaction qui ne trancliait pas la question.
Mais avant d'abordcM- les détails de cotte question qui
(1) Fn'iléric à Finckenstein, Mcisseii, i: novembre 17G2. Correspondance
PolUi<iue,\\i\. V. ;M5.
(2) Irédéric à l'.onkc. Sorau. "> ndvembre IT*»:). Correspondance Politi-
que, XXll, p. 311.
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ROLE UE BRETEUII.
365
se rattache à celle des négociations entamées entre la
France et l'Angleterre, il convient d'expliquer le rôle effacé
que cette première puissance avait joué dans la révolution
du 12.|uillet. Certes, la France n'avait pas occasion d'en-
tretenir avec le gouvernement moscovite les rapports
constants que nécessitait la situation de l'Autriche et de
la Prusse, mais l'interruption presque complète de relations
tint à des raisons exceptionnelles et spéciales. Vers la fin
du règne de Pierre III, la situation de Hre* juil était devenue
intolérable; exclu de la cour par suite a'-m incident pro-
tocolaire soulevé à propos de la première \ 'site <i faire au
prince Georges de Ilolstein, oncle de rEmpereur, tenu à
l'écart par les confidents du souverain, soumis à une sur-
veillance étroite, sans crédit, ne pouvant pics renseigner
sa cour, il avait obtenu l'autorisation de (piitter son poste
sous prétexte de sa nomination à celui de Stockholm ; le
25 juin, il partit pour Varsovie. Avonf son départ, il avait
commis une faute dont les événements (iggravèrent singu-
lièrement les conséquences : un secrét/iire de Panin, Pié-
montais d'origine, nommé Odart, dont nous avons parlé
plus haut à propos de ses révélations sur le projet d'al-
liance négocié entre Pierre et Frédéric, avait fait à l'am-
bassadeur avec lequel il avait des relations suivies, des
confidences sur le complot qui se tramait et lui avait
demandé de la part de l'Impéiafrice (Catherine un prêt de
60.000 roubles dont elle avait un besoin urgent. Bieteuil,
soit manque de foi à la parole d'Odart, soit crainte d'un
désaveu fort possible, n'osa pas prendre sur lui d'avancer
l'argent. Il exigea un billet confirmant la demande et
promit d'en référer à son ministre ; la somme »yant été
avancée par un marchand delà colonie anglaise, l'atlaire
n'eut pas de suite. Breteuil apprit à Varsovie la révolu-
tion qui mettait sur le trône la princesse à laijuelle il avait
refusé son con''ours; après quelques hésit.-ttions, il ne
décida à continuer son voyage de retour; à son passage
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366
LA GUERRE DR SEPT ANS. - CIIAP. VIII.
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î\ Vionnc, il trouva l'ordro formel derculrci'à Pétersbourt;
et d'y l'cpiendi'c ses lonclions. Il y reçut un bliVnie oCliciel
du ministn^ et un blAme officieux approuvé par le Uoi
et portant la signaturr» du comte de Hroglie <jui était resté,
malgré sa disgrAce, directeur de la diploniati<^ secrète de
Louis XV. Dans ce billet (1) qu'accompagnait une lettre
du monarque, on rappelait k Bretcuil les principes des-
quels s'inspirait lapoliliquepersonnelb?; il pouvait" actiué-
rir beaucoup d'bouneur en lUissie, non en ch(!rchant à
en faire un allié — elle ne peut jamais l'être de la France,
vous devez en savoir U\s raisons — mais en employant
toute votre habileté à empêcher (ju'elle ne s'occupe des
ail'aires du dehors, et en préparant les moyens de lui donner
Jjeaucoup de besogne dans son intérieur, quand cela vous
conviendra, .le m'imagine (jue la princesse d'Askoli' est
très importante à ménager et k gagner, l'amant de l'Impé-
ratrice, quel qu'il soit, sera dans le même cas, c'est de
tout cela qu'il faut vous occuper sans en communiquer
surtout avec M. de Mercy qui a des intérêts diamétralement
opposés aux nôtres à suivre à Pétersbourg ». i.a letlie se
termine par un avis an sujet de la t»»rvespoudance entre-
tenue avec Klisabeth et son (nuuU'eliei' : « .l'oubliais de
vous dire qu'il est de la d(U'niére nécc^ssité que vous reti-
riez ou lassiez biùler devant vous tout ce qu'a M. de
Woronzolï sur l'allaire secrète, vous avez eu tort de ne
pas le retirer plus tôt, cela a inquiété le Koi; dans un
pays de révolution comme la Russie il ne iaiit ricin laisser
par écrit <|ui puisse intcresser son secret et compromettre
personnellement Sa Majesté. »
Pendant l'absence de Bretcuil qui n'avait réintégré
son poste que le V septembre, l'intérim lut rempli par
le secrétaire Bérenger qui fournit à sa cour des ren-
seignements fort intéressants, dans lesquels nous avons
(1) Kroglie à Ureteuil, Il iiiii)| \lii2. AU'aires I5lrun}?éres. Russie suppi',
l. 7'>.
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SON ABSENCE.
367
(léjfï puisé pour le récit de la chute et de la mort de
Pierre. Dès les premiers jours du nouveau règne, ou
voit se dessiner la politique extérieure de Calhorine;
« on donne des bonnes paroles » (1) à M. le comte de
Mercy, mais les effets ne suivent pas. IJestucliew rappelé
d'exil est rétabli dans S(>s emplois, mais il ne les rem-
plira pas; Panin sera le vrai ministre des a d'aires étran-
gères; il est « le (2) moteur principal de la machine,
les autres ministres ne doivent être considérés que comme
des ressorts secondaires > ; l'envoyé prussien (îoltz est
bien traité (3) : « Il serait possible qu'il existât des rap-
ports de ménagements respectifs entre ces deux souve-
rahis, moins fondés sur l'amitié que sur les considéra-
tions du mal qu'ils pourraient se faire réciproquement. >.
Bérenger résume son apprécialiou dans le propos sui-
vant : « Jusqu'à présent, la politique russe de (Cathe-
rine II ressemble furieusement à celle de Pierre III. »
Quelques jours après, il corrige les premières impres-
sions en faisant une comparaison (V) beaucoup plus juste
de l'attitude des deux souverains : « le premi<'r (Pierre)
était un enthousiaste extravaganl <]ui, au mépris de
tontes blcj|sé!iiic(!H, dévoilait grossièrement les desseins
qu'il avait de nous nuiro; la Heconde ho livre avec astuce
à nos ennemis ep nous donnflnt les assurances de la fra-
ternité. » Au demeurant, il coiis|(|ér(||f |{('shlcli(!\v, |{oy-
serling et Panin conmKî adversaires de la France.
te II) aoiU (V. Si inlorviul la iirésinilfitiou de la note
russe proposant révaciialioii de vi iSitxn ; elle av/iK clé
accompagnée d'un message verbal od'rant la médiation
pour la paix. Uans le document écrit, l'Aulriclie et la
,(il
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(1) Héreiiger au coinle de Cliui^cul, iW Juillet iHM. KMm |iilHIII||lt|HI.
(2) IJérenger au cointi! de (îliiilseul, li août 17riJ. Affaires Ëlraiisf^ies.
(.'{) Bérenger au coinle de Cholseul, lo et 15 août Hoa. Affaires Étran-
gères.
(41 Bérenger au comte de Clioiseul, 21 aotil 17C'i. Affaires Étrangères.
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368
\.\ GUKKKE DE SKPT ANS.
CHAI'. VIII.
."li)
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Prusse avaient étô traitées sur le môme pied ; les débats
qui avaient [)réoédé la remise de la pièce étaient de na-
ture à taire la lumière sur la mentalité des conseillers
de l'Impératrice : au cours de la discussion (Il llestu-
cliew et le nouveau vice-chancelier (ialit/in avaient de-
mandé quelques éyards pour l'ancienne alliée, l'anin et
le vieux VVoronzow avaient parlé en termes amlji{j;us;
Keyserling- avait défendu la théorie du traitement égal
et avait rallié le conseil à ses vues.
A peine de retoui' de sa fausse sortie, Hroteuil (2) cons-
tate les changements qui se sont ellectués dans le per-
sonnel gouvernant : « M. de Woronzow est tou|Ours en
place, son huste est cru nécessaire tous ces premiers
moments, parce que le public l'estime et l'aime, mais
il ne se mêle de rien et il a encore jnoins de crédit que
sous le dernier règne; l'Impératrice cependant, dit-on,
le caresse. Je commence à croire que cette cérémonie
coûte peu à cette princesse, quand elle y envisage le
moindre avantage pour elle ». Bestiu hew n'est pas trop
changé depuis son exil; il proteste qu'il ne veut aucun
emploi et dit ([u'il ne S(! mêle que des choses sur les-
quelles rinq)ératrice le consulte nommément. Il est
heureux pour S. M. Prussienne fjue M. Pauin ait pressé
la restitution des états conquis, car M. de Bestuchew
aurait voulu se servir de ce nantissement poui" faire jouer
un rôle à cet Empire dans la pacification de l'Autriche
avec le roi de Prusse, il blâme hautement les conseils de
M. Panin à ce sujet et dit qu'il a enqjêché la Czarine
de tirer un parti glorieux de sa position et de sa géné-
rosité. Gela ne saurait se contredire; mais nous pouvons,
je crois, nous en consoler. Aussitôt mon arrivée, M. de
(1) Bérenger au comte de Choiseul, 3 septembre 1762. Aflaires Ëtran-
g'ires.
('i) hreteuil au comte de Choiseul, 12 septembre 1762. All'aires Étran-
gères.
A1MMU:CIATI(»NS DK HHKTEl IL,
30'.l
Mcrcy m'a prié de parler avec chaleiir au Ministère russe
sur les résolutions (le rimpératric(' et l'oubli (|u'clle avait
t'ait (le ses alliés. Je suis entré dans les plaintes de l'am-
bassadeur et j'ai bien partagé avec lui toute l'étendue
de sa colère; mais j'ai été plus discret avec le ministère
russe. »
Au fur et ù mesure t|u'il reprend le contact avec les
personnages de la cour, Brcteuil commence à deviner
la nouvelle orientation de la politi(|ue extérieure de la
cour du Nord et à démêler les intrigues (jui la dirigent
et la j)ensée maltresse (|ui la domine.
Désireuse avant tout de jouer un rùle dans \o, cercle
européen, ('atlierine n'entendait se jeter dans les bras
d'aucune puissance. « Klle a de l'esprit, écrit notre
ambassadeur (1), et l'usage de l'intrigue, mais peu de
connaissances des all'aires d'état .;t il s'est sûrement fait
dans sa tête une culbute générale depuis ses succès (]ui
demande le temps d'y rétablir l'ordre. » D'après lUe-
teuil (2) la cour était divisée en deux partis, Paniu et
Bestucbew, dans les([uels les deux chanceliers Woronzow
et (lalitzinsontii peu pri'-s aussi neutres (jue nuls, n dépen-
dant ils tiennent un peu plus à celui de Panin qu'à celui
de Bestuchevv, ([ui est protégé et soutenu par le favori
Orlow. Celui de Panin cjui a d(''jîl eu bien du haut et
du bas parait aujourd'hui le plus fort, et l'on dit que
le favori Orlow se dégoûte de Hestuchew. Je sais (jue
la Czarine est f.Vchée qu'on la croie gouvernée par Jies-
tuchew, et après les informations les plus exactes qu'il
m'a été possible de me procurer, j'ai, en ellet, lieu de
penser, Monsei^ncui', (jue îiestuchew est plus consulté
qu'écouté. On le ménage, il est cassé, m.iis l'intrigue et
les vues de cet homme mériteront attention jusqu'à sa
fin. La Czarine l'accuse, et avec raison, d'une préven-
(1) nreleuil au coinle de (]boiseul, 0 octobre 17C'!. All'aires KIrangères.
(2) BreJeuil au minle de Chois(!ul, 28 octobre 1702. Allaires Élran^ière^
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LA GUERIUÎ DE SEPT ANS. -- CHAP. VIII.
tion pleine d'animosité contre le roi de Prusse à laquelle
il rapporte tout; elle l'accuse aus.si, et non avec moins
de raison, d'un pencnant très vif pour la maison d'Au-
triche qui ne convient point h son système actuel; de
sorte qu'entre les idées et les goûts de la Czarine et de
Kestuchew, il ne parait guère aujourd'hui de rapport
véritahle que leur estime et leur tendresse pour l'An-
gleterre et, juivant toutes les apparences, lo contraire
de ces sentiments pour nous. > Suivait une appréciation
de Panin : « Il ne nous aime certainement pas plus que
Bestuchew, mais il y aurait peut-être plus de parti à en
tirer parce qu'il paraît assez occupé du bien de son pays
et semble être persuadé que nous y pourrions contri-
buer du côté de commerce. C'est un homme fort désin-
téressé et qui affiche la vertu citoyenne par caractère;
il sera toujours temporiseur et il ne se laissera jamais
aller qu'après une surabondance de réflexions aux grandes
vues ou aux entreprises hasardeuses, c'est ce qu'il a
prouvé dans les derniers moments de la révolution qui
a mis Catherine sur le trône. La tournure de ce carac-
tère ne saurait être par goût d'usage pour Catherine
mais il faudra, quelle que soit son opinion, qu'elle le
ménage longtemps. Au reste, Monseigneur, il parait que
la Czarine cherche A faire connaître quelle veut gou-
verner et à faire ses affaires elle-même. Elle se fait
apporter les dépêches des Ministres du dehcrs, fait volon-
tiers les minutes des réponses et assiste assez régulière-
ment aux assemblées du Sénat et y décide fort despo-
tiquenient des points les plus importants d'administra-
tion générale ou d'intérêts particuliers. Je sais LÎopuis
longteuips, et on me l'a conti"mé depuis mon retour,
que ses maximes sont qu'il faut être ferme dans ses
résolutions, qu'il vaut mieux mal faire que de changer
d'avis, et surtout qu'il n'y a que les sots qui soient in-
décis. »
?
ENTREVUE AVEC PAMN.
871
Quelque temps après, c'est Paniu qui développait son
programme au diplomate français : l'action de la Russie
doit être tr^'s réservée jusiju'A la paix générale; elle a
été exploitée, du reste comme la France, par la maison
d'Autriche ; elle doit se recueillir et s'occuper des réfor-
mes qu'exige l'état intérieur du pays. Après quelques
mots sur les dédommagements auxquels le roi de Pologne
avait droit et qui pourraient éti-e obtenus au moyen de
sécularisations en Allemagne, « Panin m'a insinué, con-
clut Breteuil (1), le plus adroitement qu'il a pu, que l'Im-
pératrice serait toujours disposée à concilier et a ménager
tous ces dill'érents intérêts, si au moment de la paix l'on
jugeait ses bons offices de quelque utilité générale ou
particulière ; des compliments de ma part ont fait la clô-
ture de ce point de vue. lUen n occupe plus sérieusement
la souveraine russe que de parvenir à se mêler de la paix
et rien, selon moi, Monseigneur, n'est plus à désirer que
de l'éloigner de cette grande affaire; outre ses préven-
tions qu'on ne peut se dissimuler, elle y apporterait un
ton (le dictateur qui doit encore moins convenir pour
le moment et dont il est aisé d'apercevoir l'incommodité
pour la suite ».
Quant à s'entretenir avec la souveraine en personne,
Breteuil n'avait pu le faire ; une nouvelle question d'éti-
quette au sUjCt du titre de la Tzarinc l'empêchait d'oljte-
nir son audience et retarda même son voyage i'i Moscou
où il n'assista pas à la cérémonie du couronnement. Las
du rAle quelque peu lidiculc qu'il était obligé de jouer,
il s'évertuait en vain à proposer des solutions que Cathe-
rine repoussait invariablement. Enfin, grâce à l'interven-
tion de Panin, un compromis fut accepté et l'audience eut
lieu au commencement de décembre après une perte de
trois mois, non compris ceux de l'absence.
(1) Breteuil au comte de ("lioiscul, 'i!» novembre I7(i.!. Allaires Élranf^ères.
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372
LA GUEftKE DE SEPT ANS.
CIIAP. VIII.
D'ailleurs, il faut b reoonnaiti'c, pour le cabinet de
Versailles, il y avait pou à faira à Pétersbourg ; le prin-
cipal objectif de cette cour, la médiation de la Russie
pour la pai.v et pour l'évacuation de la Sa.ve, n'intéres-
sant que très médiocrement le ministère fran(;ais. Nous
avons vu les objections que le roi de Prusse avait formu-
lées et l'accueil soupçonneux que l'Impératrice-Reine
avait fait à la proposition russe. Mcrcy, bien qu'adversaire
de l'intervention, était cependant forcé d'avouer à son
collègue français (1) « que si nous ne trouvions pas quelque
moyen de procurer à sa cour une paix supportable, elle
serait nécessilôe de recourir aux bons offices de la Rus-
sie ». Il avait ajouté « que je devais savoir combien cette
ressource lui paraîtrait dure ». La réponse autrichienne,
très polie, avait été rédigée de façon à ménager les sus-
ceptibilités de la cour du Xord, mais si la forme était plus
acceptable que la sécheresse prussienne, le fonds n'était
guère plus favorable aux desseins de la Russie.
Kaunitz avait, en effet, perdu peu à peu ses illusions sur
un revirement possible de la cour de Pétersbourg : « Il
est un peu revenu, écrit Cliatelet (2), à ce qu il me semble,
de la Russie et il m'a parlé pour la première fois très
sensément sur ce que sa Cour en avait à craindre ou à
espérer. Il m'a môme tracé le plan de la conduite qu'il se
propose de tenir à l'avenir avec cette puissance sous des
traits fort éloignés de la dépendance servile qu'il a pra-
tiquée jusqu'à présent. Nous verrons si cela se soutien-
dra. » Pourtant, malgré les dépêches de Mercy qui aurait
souhaité une autre attitude, le chancelier n'avait rien
écrit qui pût donner à son envoyé « la satisfaction de pen-
ser que ses idées sont approuvées et que sa cour va pren-
dre un système de noblesse et de fermeté vis-à-vis de
celle-ci ».
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(1) lircteuil au comte de Clioiseul, 12 seplembre 1702. Affaires Étrangères.
(2) Chalelel au comte deChoiseuI, 20 octobre 1762. Aff.Étrang. Autriche.
!
INSTRUCTIONS A BRETEUIL.
373
Il n'entre pas dans lo cadre de notre travail d'aborder
l'histoire intérieure de la Kussie, aussi n'emprunterons-
nous pas à l'ambassadeur français ses informations sur
Orloff, l'amant en titre de la Tzarine, « qui ne parle (1)
que le Russe, très bel homme, mais, dit-on, une j'rande
bête », sur les complots sévèrenienc réprimés qui éclatè-
rent contre le nouveau règne; il nous suffira de constater
que vers la fin de 17G2, Catherine, débarrassée par suite
d'accidents ou de procédés plus violents, dont elle ne
semble pas avoir été l'instigatrice, d'abord de son mari,
ensuite du prince Yvan qui, en sa qualité de descendant
direct de Pierre le Grand, eût pu devenir un rival sérieux,
avait suffisamment ouusolidé son trône pour pouvoir prê-
ter son attention aux affaires d'Europe et spécialement à
celles de Pologne où la succession nrochoine du roi
Auguste allait éveiller grandement les intérêts des états
voisins. Breteuil était, on le sait, initié k la politique
secrète de Louis XV et chargé à cet effet de surveiller
tout ce qui avait trait à la Pologne. « Il est nécessaire, lui
écrivait le Roi (2), que vous entreteniez une correspon-
dance exacte avec MM. d'IIavrincourt (3), de Paulmy et de
Vergennes; vous ne devez leur rien laisser ignorer de ce
qui regarde la Russie et vous apprendrez par eux mieux
et plus tôt ce qu'il conviendra que vous fassiez à Péters-
bourg que par les ordres de mon ministre qui, vu l'éloi-
gnement, ne peuvent être que tardifs. » La réponse de
Breteuil (4) démontre que les pourparlers au sujet de l'ave-
nir de la Pologne n'avaient pas été encore entamés ou
tout au moins que la France n'y avait pris aucune part :
(1) Breteuil au comte de Choiseul, '.t octobre 17(12. All'aires Klrangères.
(2) Le Roi à Breteuil, 10 se|>teiiibre 1762. Affaires Étrangères, Russie
complément, t. 72.
(3) Ministres de France en Suède, Pologne et auprès de la Porte.
(4) Breteuil au Roi, 16 décembre 1762, Affaires Ktrangères, Russie com-
plément, t. 72.
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374
I A GUERRE OK SEPT ANS.
CHAP. VIII.
« La résolution que la Uussic a prise ot que le ministère
cUiclai'o dans toutes les occasions de n'étaler son système
qu'après la paix, a ralenti tous les soins du comte de .Mercy,
et la conduite que l'on tient avec lui lui a ôté toute
espérance de regagner ici le crédit que sa Cour pourrait
y désirer. L'opinion, d'ailleurs, de l'ambassadeur autri-
chien est fort éloignée d'un système de préférence pour
la Russie, il ne veut avec des désirs réels que la continua-
tion do l'augmentation des iiens de V. M. avec sa souve-
raine. »
Quoi qu'il en soit, la question de la Pologne inquiète
l'ambassadeur et il contîe ses craintes (1) à son chef : Il
faut « empocher, ou si l'on veut, retarder son entière
obéissance (de la Pologne) à la Uussie et ses démembre-
ments qui en seront une suile à l'avantage de cet empire ».
La Russie voudra certainement choisir le successeur du
roi Auguste.
En attendant l'ouverture de cette grave question, les
puissances occidentales de l'Europe s'étaient mises d'ac-
cord à Fontainebleau. La communication oflicielle de la
signature des préliminaires fut froidement accueillie en
Russie; le gouvernement de Catherine éprouvait quelque
dépit de la réussite de la France à négocier une paix pour
la(|uelle elle avait olFert ji. utilement son intervention. Le
20 décembre, Breteuil eut enfin son audience; Catherine
se montra fort gracieuse mais ne retrouva pas pour l'am-
bassadeur la confiance intime quelle lui manifestait avant
son élévation au trône.
Il devenait de plus en plus évident que la Russie enten-
dait avoir sa politique propre, et qu'elle ne se laisserait
influencer pa»* aucun de ses anciens alliés.
Cette appréciation se trouve confirmée par la lecture
de la correspondance échangée entre le cabinet de Saint-
(1) Itreleiiil à Praslin. '>.o décembre 1762. Affaires Etrangères, Russie
coin|)lémenl, t. 72.
p^
«■■1
QUESTION DK POLOGNE.
375
James et le successeur de Keith le comte de Ituckinghaiii-
shirc. Une dépêche très secrète de ce deinier (1) en date
du 25 novembre commence par donner ses impressions
sur les hommes d'état russes : « Plus j'ai de rapports
avec ces personnages ot moins je les croisi capables de
diriger les allairos d'une grande nation. Le chancelier a
l'air, les manières d'un homme de condition, mais s'il a
jamais eu des moyens ils ont été bien diminués; sa vigueur
intellectuelle et corporelle a été trop atteinte pour (|u'il
soit capable du labeur intense que demande sa situa-
tion.
« M. Bestuchclf est vieux et parait encore plus vieux; s'il
est encore aujourd'hui à môme de travailler, cela no peut
pa.i durer longtemps. On dit qu'on le consulte beaucoup
et sa conduite h mon égard indique qu'il désire qu'on le
pense. M. Paiiin, qui sem'ide mieux qualifié que la plupurt
des ministres russes pour tenir la première place, par-
tage probablement avec lui la confiance de l'Impératrice.
Mais l'Impératrice elle-mên e d'après les observations
que j'a' pu faire, et les lumières que je me suis procurées,
est sous le rapport du talent, des connaissances, do la
facilité, bien supérieure à tout le monde dans ce pays.
Gênée par les services qu'on lui a rendus, dans ces temps
derniers, consciente d js difficultés de sa situation dans
l'appréhension des dangers dont elle s'est crue entourée,
elle n'ose pas encore agir d'après son propre sentiment
et se débarrasser de bien des gens de son entourage dont
elle doit mépriser le caractère et la capacité. Pour le
moment, elle saisit tous les moyens de gagner la con-
fiance et ralTectiou de ses sujets. Si elle réussit elle fera
servir l'aiitorité qu'elle aura acquise pour l'honneur et
l'avantage de son empire. »
Pour Catherine, la question prédominante était celle
(1) lUickin^hainshire à Halirax, Moscou, 25 nov. M. S. I7(i2, très secret,
Record oflice.
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376
LA GUERRK DE SEPT ANS.
rilAP. VIII.
de la succession au trAne de Pologne dont la santé com-
promise du roi faisait prévoir la prochaine ouverture.
ElUe fit sonder i\ cet égard le gouvcî-ncment britannique.
Sur la demande expresse de l'Impératrice, l'ambassaileur
fut (1) chargé de faire part au roi d'Angleterre sans re-
tard des préoccupations que donnaient à la Tzarine la
santé du roi de Pologne et l'élection probablement pro-
chaine de son successeur. Il était essentiel pour la tran-
quillité de la Russie, que le roi de Pologne fût un ami; la
Tizarine était inquiète des projets et des intrigues de la
cour de France; comme elle souhaitait dans cette af-
faire agir de concert et en confiance avec le roi de la
Grande-Bretagne, elle serait très heureuse de connaître sa
pensée et ses intentions h ces sujets. « Au cours de l'en-
tretien ils (le chancelier et Galitzin) ont abordé une
question, laquelle à ce que je crois, d'après les fréquen-
tes allusions qu'ils y font, les intéresse beaucoup, la
situation malheureuse de la maison d'Autriche; j'ai saisi
l'cxasion de leur dire que dès mon arrivée ici, je m'étais
rendu compte de leurs dispositions favorables pour cette
cour et que j'en avais fait l'observation dans mes dépè-
ches, ils l'ont reconnu très franchement, mais ont ajouté
de suite qu'ils désiraient vivre en bonne amitié avec le
roi de Prusse. Le nouveau ministre de Prusse quoiqu'il
soit ici depuis trois semaines, n'a pas dit un seul mot au
grand chancelier ou au prince Galitzin qui ait le moindre
rapport ajx affaires. »
D'après l'envoyé anglais, le cabinet russe se gardait
bien d'épouser le parti du roi de Prusse dans ses récri-
minations contre le gouvernement anglais; il cherchait
même à se laver du reproche d'avoir communiqué à
Frédéric la dépèche de Bute, dont la connaissance avait
taBit aigri l'esprit de ce prince, mais, ajoute Buckingham-
■
(1) Buckingliainsbire à Halifax. Moscou, 28 décembre N. S. 1762. Record
ollice.
m
1 n
QUI SUCCÉDERA
377
shire (1), « ce n'est en aucune façon leur ititcntion pré-
sente de rompre avec le roi de Prusse. Ils ont peur qu'un
pareil agissement le forcerait à une entente avec la
France et augmenterait de cette façon l'influence de cette
nation dans les affaires de la Pologne. La mémo crainte
les empêchera pour le moment de proposer la triple
alliance de l'Angleterre, de la Russie et de l'Autriche qui
est, j'en suis persuadé, la combinaison chère à ce gou-
vernement ».
Ce serait dépasser les limites que nous nous sommes
tracées de poursuivre plus loin le développement de la
politique qui devait aboutir au premier partage de la
Pologne; il nous suffit de marquer les débuts du règne de
la grandi: Catherine et de signaler les pronostics que les
diplomates clairvoyants formaient sur sa volonté et sur
son aptitude à prendre en mains la direction du grand
empire dont la destinée l'avait faite souveraine.
t
(I) buckinghamshire à Halifax. Moscou, 19 janvier N. S. 1763. Kecoid
office.
.Il :
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CHAPITRK I\
PLAN I>'()I>KRATI(»NS DE PKKItKRir.. — SKS RESSOURCES. —
ARMÉES l»E SILÉSIE ET ARMÉES DE SAXE. — OPÉRATIONS
SUR LA ERONTIÉRK DE SAXE ET DE ROIIÈME. — OPÉRA-
TIONS EN SILÉSIE. — SIÉKE DE SCHVEIDMTZ.
La correspoiulancii de Fmléric avoc son l'rAre lo prince
Henri et son ministre Kinckensfein pondant les derniers
jours de 17(11 et les premiers de 17G2 marque certaine-
ment la péricule la plus désespérée de la lutte que soute-
nait ce monaripie contre la coalition des grandes puis-
sances continentales. La perte successive de Schweidnitz
et de Coll)erg avait sing^ulièrcment réduit l'étendue des
états encore soumis à son autorité et desquels il pouvait
tirer des ressources en hommes et en argent. Sans diversion
nouvelle en sa faveur, tout faisait prévoir pour la Prusse
un écrasement délinitif que le génie de son souverain ne
pourrait ajourner que de quelques mois. Cette interventi-^n
qui lui procurerait son salut, Frédéric croyait l'obtenir
de deux puissances ottomanes, avec lesquell(>s des pour-
parlers avaient été entamés depuis plusieurs mois dans le
but de les déterminer à agir contre l'Autriche et la Russie.
Tout en faisant ses réserves sur le succès des négociations,
le Roi prépara un plan d'opérations basé sur une double
attaque par ses futui-s alliés, la Porte et le khan de Cri-
mée ; il envoya un de ses officiers de confiance, Anhalt,
en développer (1) les détails au prince Henri : On pensait
(1) Histoire de la Guerre de Sept Ans, publiée parl'Elal-Major. Vol. VI,
p. 18. — Berlin, 1841.
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r«vKi
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PLAN DOPKIUTIONS l)K FUKDKIUC.
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pouvoir compter sur l'cntiétî en H^no tau mois dv mars
de 200.1)00 Turcs, sur los(|uels 120.000 envahiraient la
Horif^rie et 80.000 s(»utiendraient l'agression des Taitarcs
contre la Russi(\ Des 120.000 Autrichiens dont pouvait
disposer l'Impératrice Heine, il faudrait en détacher au
moins TiO.OOO pour la défense de la Hongrie; de leur
côté, les Uiisses auraient besoin de la plupart des
5().000 honunes employés contre la Prusse pour résister à
la poussée des Tartares et des Turcs ; ils ne pourraient
conserver que 12 à 15.000 hommes sur la Vistule. En
comprenant le corps de Czernitchew et c(dui des (lercles,
il ne resterait aux alliés cpie 55.000 combattants en Silésie
et .35.000 en Saxe, efTectifs inférieurs aux 80.000 Prussiens
sur lesquels on pouvait tabler d'une part pour la cam-
pagne de Silésie, et aux 50.000 (pj'on laisserait d'au-
tre part en Saxe; grâce à cette supériorité numérique,
le projet escomptait la prise de Dresde et la reprise de
Schweidnitz, le siège de Prague, la conquête de la Mora-
vie. L'esprit pratique du prince Henri se refusa à accepter
des prévisions aussi optimistes fondées sur des bases aussi
hypothétiques que la coopération de la Porte ottomane,
aussi rcpoudit-il à son frère en lui demandant ses plans de
campagne pour le cas où l'alliance rêvée ne se réaliserait
pas. Frédéric répondit qu'il n'y aurait pas d'autre parti
à prendre que de concentrer les armées prussiennes et
combattre les ennemis avant qu'ils eussent pu se réunir.
Quelles étaient les forces respectives? Un rapport du
ministre anglais Mitchell qui avait suivi de près t(»utes
les péripéties de la guerre de sept ans, nous fournira des
renseignements précieux sur l'état des forces prussiennes
et sur la difliculté de ies recruter, vers cette époque de 'a
guerre. « Mon expérience, écrit-il à Bute (1), m'a appris
qu'on ne peut se fier aux ordres de bataille; ils contien-
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(1) MitcbcU à Bute, Magdeburg, 25 novembre 1761. Mitchell Pajiers.
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880
LA GUEURK DK SEPT ANS. - CIlAl». IX.
nont A la vriifr lennnihro des h.itaillons et «le.s escadrons,
mais non les elIVictifs de cliacim d'eux; ceux-ci sont connus
exactement des ofliciers commandant le régiment, remis
pai- lui au roi de Prusse et ensuite ;\ l'adjudant général,
mais les autres généraux les ignorent. »
Le roi n'encourage pas la correspondance surlesallaires
militaires; les lettres sont souvent arrêtées et examiné»;» et
les officiers [lîiient cher leurs indiscrétions, k Quant au
prince lui-même, il ne communique que fort rarement au
secrétaire d'état ses i)lans d'opérations m'Iitaires; en cas
de succès, il envoie une relation inspirée par lui f\ laquelle
il faut attacher une foi ahsolue; en cas de faillite, il en
parle peu ou pas et chacun reste libre de tirer ses propres
conclusions, car S. M. I*russienne ne s'avise Jamais d'écrire
sur des événements déplaisants et c'est la seule raison que
je pense trouver pour explicpier son silence au sujet de la
surprise de Schweidnilz, dout nous n'avons connu les
détails que par les citations de la cour de Vienne. »
Mitchell en arrive aux ressources pour les campagnes
futures. « Quand le roi de Prusse franchit l'Klbe A Strehla
le 4 mai dernier, il avait avec lui 32 bataillons d'infanterie
et 63 escadnms de cavalerie, dragons et hussards com-
plets et en bon ordre, composés des meilleures troupes de
son armée. F^e corps du général Goltz qui hiverna en
Silésie comptait ïl hataillons d'infanterie et 51 esca-
drons; les deux corps réunis étaient forts d'à peu près
00.000 homni' s. L'armée du prince Henri au mois de mai
se montait sur le papier à 55 bataillons et 83 escadrons,
mais comme plusieurs des bataillons étaient incomplets
et qu'il y avait beaucoup de vides dans la cavalerie, l'ef-
fectif total n'a jamais dépassé 28.000 hommes. En ajoutant
les 14. bataillons et 35 escadrons du prince de Wurtem-
berg et du général Werner opérant en Poméranie, nous
avoi s un grand total de 142 bataillons et 232 escadrons,
soit d'après une évaluation modérée, plus de 100.000 com-
C--^^ 5M^i3Si5Ë*anaaBaaaîg'sBEaMmw
QUELLES SONT 8>,S IlESSOllUESi
S81
ballants. Je no puis pas doiiiuM* dos chillres cxacls poul-
ies garnisons de Silrsi»!, Saxe, Pnnicranio, otc... mais je
crois (|u'ii puitl y avoir do VU h 50 It.i (aillons, ntoitii';
milices ou lovées à peine disciplinées, alIVîcléos à ce ser-
vice.
(( Comme au cours de la cam|)af,''n(% il n'y ;i pas eu de
bataille générale et très peu de niarcbes, j'imagine (pio
l'armée de Silésie a souflcrl très pou et d'après mes r(^n-
seignements est en ce moment en excellent élat à l'excep-
tion des délacliements envoyés sous les généraux Platen
et Schenkendorf (pii »»nt dû subir d(^s perles consi-
dérables; je ne pense pas (jue leur eUeclii" dépasse H ;i
10.000 hommes, .l'ostime aussi que le déchet du prince
Henri ou du prince de Wurtemberg est également sen-
sible.
« En résumé, j'évalue à 25.000 le nondjre des recrues
nécessaires pour rétablir le chiffre des l'orces prussiennes
au moment de l'entrée en campagne. De ([mdles ressour-
ces peut disposer le Koi pour combler ce vide?
« ,1'ai entendu dire que les Autrichiens aussi bien que
les Husses se sont conduits avec beaucoup d'inhuma-
nité et de barbarie à l'égard des habitants de la Silésie,
qu'ils ont dévasté les contrées traversées, cpie beaucoup
de paysans silésiens de la frontière polonaise se sont ré-
fugiés en Pologne, que les Autrichiens (jui occupent
Landshut et les montagnes où l'industrie de la toile a
son siège principal ont par leurs exactions et leur oppres-
sion, réduit les hubilants aux dernières extrémités, (jue
la nouvelle marche de Brandebourg a soull'ert prodigieu-
sement du passage de l'armée russe, que la province de
Poméranie dans un rayon de plusieurs « milles » autour
de Colberg et de sa banlieue est transformée en désert.
De ces informations, si elles sont à peu près véridiques, je
conclus que le Koi aura plus de peine h recruter son ar-
mée qu'il n'a jamais eu jusqu'à présent. D'autre part, il
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\.\ (iUKHIlK Dl'l SKPT \NS. ~ CIIAP. W.
a encore à sji ('isj.'ositidu <lcs cantons di" vci'vwU.nu^nt qui
n'ont, pas <■•(•'; sontnis i\ l'invnsion «^1 qui oopiinu» roni à
l'oiirnii' loui'S couliui^eiils rrt;uliors. ynelcjucs cor[)s ont
souller't ('xco|)tionnoliem«Mit vi auront do la pcini": A nun-
|)lii l«Mirs vi(l<'s, uuiis i! y u oucor-o des iM'ssources, surtout
pou«* la cavalcM'io qui a v.U\ uu)ius «''prouviM* tnn\ l'infan-
lorir vl il sera pnssil>l<i do puis«M' <Io c«> ccMr (iu(d{|urs ro-
t-rues pour les rénimenls à pied. Ou dit <<nliu (juc S. M.
Prussienne songe A levi'r du monde on l'olognc «it vn Snxe,
s'il peut reeouvrer le toirain (|u'il a perdu dans l'élocto-
rat ; resliMil enfin les prisonniers et l(\s déseî'teurs,
« Uuoi (|u'ilen soit, vous pouvez (ilrc assuré, Milord,<pie
le roi de IM'usse n'ôparfii'nera aucun cU'ort lunnain |)our
compléler sou armée; j'if'nore les noyons «pi'il inuj-
giuora ;"» celte (in, aussi u'oserai-j*^ pas dire ce (pi'il |)ourra
l'aire, surtout quaiul j'ai vu d<' mes yeux rexécution luni-
HMise de projets «pii au moment mavaicut semhic d uiu)
rôussile impossil)!*;. «
Connue nous l'avons raconté dans un autre chapitre, la
mort «l'i^'iiisaheîli et le hrus'jue revirement de la politi(puî
rusK(' vim-eut ino(lili(U' la situation et l'étahlir j>res(|Ue mi-
raculeuseuuMit les aU'aires «h; Krédéric. [1 nous suffira
[)our le mouiont de relever les dntes des principaux évé-
nements : la mort <le la Txariue euî lieu le 5 janvier 17()2;
elle fut connue le 1!) à Itreslau où S(^ trouvait alors 1»; l{(»i;
le ;{ févi'ier, (M'drci est donné de sus|)emlre toutes hostilités
C(mtrc rariné(^ russe; le t(i mars un armistice est conclu,
les |>risouniers sont échangés; le cours do l'Oder jusqu'à
l'cnubouchure do la Warthe est adopté co'uiu*^ ligne do
démarcation, le corps do (l/ornitch(!\v est rappelé do l'ar-
mée au(richi<Mine ; le (» mai, la paix est signée et i\no al-
lijuico <lél'eusivo conclue entre la I*russ<' et la Hussie. lîue
période de trois mois i\ p(uno avait suffi pour change;' du
tout au tout la siluati(,n des helligérants. La trêve con-
v<uiue avec les Uusses et bientôt avec les Suédois avait
rl'i
AllMKKS l)K SIT.KSIK KT AHMKRS DK 8AXK.
383
inisi\ In (lisposilion de Fnkléric les reiiforls inclispcns.ihles
pour répai'»!!' I«^s vkl<'S (lo son «l'inér; lu rciitrôc <les pri-
.soiinici's pnissinns et i'aiilorisalion de lever des recruos
dans la Prusse royale fournirent des ressource" précieuses
pour le lauf"- (^t les cndros ultérieurs, tandis <pu^ le retour
de captivit(' desfrénéraux Manteullel, NVcrner et Kuohlocli,
des colonels (iourbiére et lloi'dt permit au lloi de relr-ou-
ver desoflieiers ^'■énéraux capables et expérimentés. D'au-
tre part, la suppression «le btutci incjuiétude du cAlé de la
l*oinéra:.ie et des Urandeboui'f;' laissa disponibb; jiour la
guerni en Saxe et en Silésie ce (pii restait des corps de
iMalen, du prince Kuqène do \Vuiteml>er,i,- ainsi que les
détachement.4 puisés <lans les garnisons de Stetlin et des
pla('(!sd(< l'Oder. (IrAce à l'appel de e ;s conling-enls variés,
rarmi'e rr ,uk(' de Silésie put être portée h un efl'eetif «le
78.000 eoiidialtants et celle de Saxe «\ompta sur le papi«M'
/1.2.OOO liommes, mais ce chill're no. fut léellement atteint
que vers le milieu do l'été; au conuneruM'ment «le juin,
«•'estù p«'ine si le prince Henri |)ouvail réunir :i(>.(»00 Innn-
mes.
('/est ik p«Mi de chose j>rés le cbii'i're «pie l'altiiclié mili-
taire fran«;ais (I) atlrilme au M-inct^; ii c«)mpte les M ba-
taillons «'t 50 escadrons à l'elfectif d«ï 500 fantassins ef
100 cavaliers. <( Il y a, écrit-il, une «pianlité prodigieuse
de mala«les à l'armée «lu prince Henri et très p«Mi à «•ell«>-ci
(raiitiicliienue). Il n'en est pas «le niénu' A c*'Mo des Au-
ti'icbiens de Silesi»;; on vu dit «|u'«'lle est pt'es«|u<' aussi
grande «pui dans etdie des l*iiissi"us; c'est l«' scorbut <pii
Y fait biiaucoup «le ravag«'s. ■> Après avoir fait in«Mition
«les \i à 15.000 Autrichi«'ns «pii ont re«;u l'ordn^ de partir
pour la Silésie, b- français ajoute : <« Il reste enc«)re ici
k'.\ bataillons «lont 7 «le Croates, 'M\ eoinpagnijîs de g-rena-
diers, 85 ««scadrons «l«uit (» tU' ultlans et 8 conq)agni<îS «le
(1) Miiraitiviliii .ii duc de eliitiseul, nrcHilc, Il mai \1>V>.. Archives de
Vieniit*.
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384
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. IX,
carabiniers. M. de Luczinskv est demeuré dans les envi-
rons de Zeitz avec environ 7.000 hommes. D'après les
derniers renseignementsqui me sont parvenus les dernières
tabelles données à M. de Serbeiloni fourniront un état
général de V4.462 hommes efrectifs sous les armes, y
compris les officiers, sans compter l'armée de l'Empire,
dont je ne sais point exactement l'état actuel, mais qui
doit passer 18.000 hommes. »
Dans ces conditions, Serbeiloni était certainement nu-
mériquement supérieur à son adversaire, mais par la
qualité des troupes, il lui était probablement inférieur et
au point de vue de la capacité militaire, sa médiocrité ne
faisait pas doute.
Pour en linir avec la comparaison des effectifs, disons
que l'écart entre les forces rivales quoique encore en faveur
de l'armée impériale s'atténuait beaucoup si l'on tenait
compte de la neutralité du corps de Czernitchew en atten-
dant son retour en Russie, des maladies dont avaient
souffert les Autrichiens pendant l'hiver et du licenciement
d'une vingtaine de mille de soldats que le gouvernement
de Marie-Thérèse avait, par mesure très inopportune
d'économie, renvoyés dans leurs foyers. Ces défalcations
faites, l'armée de Daun en Silésie comptait encore au
commencement de mai un total de 88.000 hommes et
celle de Serbeiloni en Saxe environ 50.000 y compris les
contingents des Cercles. En dépit de sa brillante lin de
campagne, Laudon avait refusé ie commandement su-
prême et avait insisté pour qu'il fût conféré à Daun; le
succès de Schw^eidnitz ne lui avait pas fait pardonner la
faillite de 'a coopération projetée avec les Russes, dont
l'occasion était définitivement perdue depuis les nou-
veaux év» lements de Russie; il avait accepté de servir à
la tète d'un corps d'armée sous les ordres du généralis-
sime.
Peu de temps après la mort d'Elisabeth, on tint à
PREiMIERES HOSTILITÉS.
385
le
a
a
Vienne, le 30 janvier 1762, un conseil des ministres au-
quel assistèrent Daun et Laudon. On examina les consé-
quences du revirement politique de la cour du Nord,
maison se contenta de prendre quelques précautioi s pour
la défense de Glatz et d'attendre les événements. Le i6 fé-
vrier, en transmettant à l'Impératrice Reine les nouvelles
(le Pétersbourg, Kaunitz lui écrivait (1) : « Comme il n'y
a cependant aucune certitude ni sur le genre ni sur le
degré du mal possible, V. M. ne peut jusqu'ici que ce
qu'elle fait, c'est-à-dire se tenir prête à tout ce qui peut
arriver. » Un mois plus tard, le 10 mars, le départ de
Czernifchew avec son corps d'armée était devenu uu fait
accompli et on avait reçu la déclaration russe invitant la
cour de Vienne à suivre l'exemple de Pierre HI et à faire
la paix avec la Prusse en sacrifiant ses conquêtes. A cette
invite, on avait répondu d'une façon évasive. Étant donnée
la mentalité de la cour de Vienne, les projets élaborés
devaient imposer un caractère purement défenjif à la
campagne de 1762 et ne viser que la conservation du
territoire occupé en Saxe et eu Silésie, et notamment des
placf;S fortes de Dresde et de Schweidnitz.
Les premières hostilités avaient éclaté en Saxe dès le
mois de janvier, elles avaient été signalées par des ef-
forts de la part des Prussiens pour étendre leurs quartiers
d'hiver beaucoup trop resserrés. Ces efforts échouèrent
devant la supériorité des Autrichiens ; jusqu'au début du
mois de mai la tranquillité ne fut troublée que par une
petite guerre dans laquelle les troupes du prince Henri,
composées en grande partie de régiments irréguliers
mal recrutés, eurent, en général, le dessous. Le début de
l'année fut marqué par des démêlés entre le Uoi et son
frère le prince Henri. Ce dernier, toujours très suscepti-
ble, se plaignait à la fois des faibles moyens mis à sa
(1) Kaunit/. à l'Impératrice Reine, 16 février i'Gi. Arciiives de Vienne.
GUKUIti: DIC SKl'T A^S. — T. V. 25
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386
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IX.
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disposition et des sévérités exercées sur les malheureux
Saxons pour leur arracher des contributions en hommes
et en argent. Henri ofl'rit sous prétexte de santé une dé-
mission que le Roi se relusa même à envisager. « Vous
ne devez pas vous attendre à aucune autre réponse de
ma part, lui écrit-il (1), sinon que je ne donnerai jamais
mon agrément à ce que vous y dites de la résolution
prise, de laquelle votre honneur, votre réputation et
votre devoir envers l'état vous doivent faire revenir de
vous-même, d'autant que les conjonctures présentes ne
permettent point que vous quittiez l'armée confiée à vos
soins. Ainsi je continuerai encore à vous écrire pour vous
communiquer mes nouvelles, mais non pas pour entrer
au susdit sujet, w Les considérations mises en avant
étaient trop importantes pour ne pas l'emporter et après
échange de nouvelles lettres, rédigées sur un ton des
plus acerbes, la démission fut retirée ; le prince reprit son
commandement et conduisit contre l'armée des alliés une
série d'opérations couronnées d'un plein succès.
Au cours de l'hiver, les Autrichiens s'étaient employés
à fortifier le cours de la .Mulda; les hauteurs de la rive
gauche de cette rivière avaient été hérissées de 7 redoutes
armées de canon et la garde de la ligne avait été confiée
au général Zettewitz avec 3. 000 hommes, force insuffi-
sante pour garnir une aussi grande longueur de ter'^ain.
Le prince Henri résolut de mettre à profit cette circonstance
ainsi que le manque de vigilance de l'ennemi, l'apathie
bien connue de Serbelloni et l'arrivée des premiers ren-
forts pour essayer d'abord de rompre le cordon qui gardait
la Mulda, pour tâcher ensuite de reprendre son ancienne
position de Freyberg et empêcher les communications
entre les Autrichiens à Dresde et l'armée des Cercles. Pour
(1) Frédéric à Henri, Breslau, 15 avril 1762. Cot r. Polit., XXI, p. 371.
Voir aussi les lettres de Frédéric des 21 et 22 avril et celles du prince
Henri dans Sclioening, vol. III. -
LE PUINCK HENRI l-RANCHIT LA MULDA.
387
'
son attaque, le prince Henri, qui venait d'être rejoint
par la brigade Bellerbcck venue du Mecklembourg, mit
€K ligne 21 bataillons, 3 compagnies de chasseurs et
52 escadrons répartis en 4 colonnes commandées par les
généraux Seydlitz, Kanitz, Stutierheim l'ainé et le colonel
Kleist. Vers minuit le 12 mai, les Prussiens se rapprochè-
rent des bords de la rivière et attendirent le signal pour
la franchir, mais quelques minutes avant le moment fixé,
les avant-postes autrichiens découvrirent la tête de la
colonne Kleist et ouvrirent le" feu. Le colonel briis(|ua aus-
sitôt le mouvement, passa le cours d'oau sous la protec-
tion de son artillerie, enleva la redoute qui lui faisait
face et enveloppa avec sa cavalerie le village de Luttdorf
où il captura un bataillon presque entier, deux canons et
le général Zettwitz lui-même. Averti par la fusillade, le
prince Henri fit avancer les autres colonnes qui passèrent
la Mulde à gué ou par des ponts improvisés, Stutterheim
près de Ziegra, Seydiitz aux abords de Dobeln. Les Autri-
chiens furent successivement chassés de leurs retranche-
ments avec perte de canons et de force prisonniers.
L'affaire leur coûta en prisonniers seuls : 1 général, V4 of-
ficiers et 1.436 soldats. La perte des Prussiens en tués,
blessés et manquants ne fut que de 2 officiers et Gl hom-
mes. Le passage de la Mulde avait été secondé par les
démonstrations de Hulsen et de Forcade.
Les débris du corps battu se réfugièrent à Freyberg où
ils rejoignirent le général Maquire, qui se sentant menarc'
par un mouvement de Hulsen et Forcade, ne tarda pas î
évacuer cette ville et à se rabattre sur Dippoldiswalda.
Scrbelloni, qui ne s'attendait pas à cette attaque, fut telle-
ment ému qu'il en perdit la tôte ; non seulement il ne tenta
rien pour réparer l'échec de son lieutenant et laissa le
16 mai presque sans opposition le prince Henri établir
son quartier général à Pretzschendorf entre Freyberg et
Dippoldiswalda, mais il parla d'abandonner Dresde. « Ce
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388
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP, IX.
général, écrit l'ambassadeur Cliatelet (1), mande à l'Im-
pératrice en date du 16 à 3 heures du matin, que le
prii ce Henri marchait à lui de tous côtés à la tète de
/|.0.()()0 hommes, qu'il l'avait même déjà tourné par sa
gauche, ayant poussé ses troupes jusqu'à la hauteur d'Al-
tenberg. M. de Serbelloni prétend en môme temps avoir
des nouvelles que les Prussiens ont construit un pont
près de Meissen, en sorte qu'il parait craindre d'être
tourné en même temps par sa droite et par sa gauche.
Il marque en conséquence que, s'il en a le temps, il
passera l'Elbe dans la journée du 16 ou pendant la nait
suivante, et qu'il se mettra sur la rive droite de ce fleuve
en abandonnant Dresde à ses propres forces. Ce général
ajoute que le commandant de cette place lui demande
12.000 hommes pour la défendre, mais qu'il pense que
8.000 doiventlui suffire, d'autant qu'il y avait peu d'ap-
parence si l'ennemi poussait sa pointe vigoureusement
qu'on pût parvenir à préserver Dresde d'être pris et à en
retirer la garnison. En effet, si M. de Serbelloni exécute
le funeste projet de passer l'Elbe, l'entrée de la Bohême
sera ouverte aux Prussiens, tous les magasins de l'armée
autrichienne seront pris ou détruits et elle se trouvera
bientôt elle-même dans la nécessité absolue de passer les
montagnes pour chercher des subsistances, n'y ayant
qu'un seul magasin de passage à Zittau dont l'armée
pourra au plus vivre six jours, vous sentez à quel point
on doit être affecté ici d'une résolution aussi subite et
aussi funeste. On est effrayé de la facilité avec laquelle
M. de Serbelloni semble disposé à abandonner des posi-
tions qu'on a toujours regardées comme inexpugnables.
On m'assura hier que M. de Serbelloni aurait ordre de se
faire battre plutôt que d'abandonner le camp de Flauen ;
mais il est incertain que cet ordre lui arrive à temps, et
(1) Chalelet à Soubise, Vienne, 20 mai 1712. Archives de la Guerre.
SERHELLOM BLOQUÉ.
389
ti!
s'il sera capable de remettre 'a tète de ce j^énéral, qui
parait avoir été absolument tournée. »
A partir du milieu de mai, l'objectif du prince Henri
fut de bloquer l'armée de Serbeiioni, et de forcer ce
général à restreindre son action à la défense de Dresde
et du camp de Plauen. A cet effet, les Prussiens prirent
position depuis Frauenslein dans les montagnes jusi|u'à
Constappel sur l'Elbe, entre Meissen et Dresde; leurs
avant-postes gardaicit la rive du Wilde-Weistritz, la
forêt de Tharand jusqu'aux environs de Wilsdruf où ils
avaient construit des retranchements. Cette longue ligne
quoique bien munie d'artillerie, arme dans laquelle les
Prussiens avaient la supériorité, aurait pu être forcée par
un adversaire plus entreprenant que Serbeiioni, mais
ceiui-ci, bien déterminé à rester sur la défensive, se con-
tenta de demander un nouvel etfort à l'armée des Cer-
cles. A la suite du combat de Dobeln, Stolberg s'était
retiré à Zwickau où le prince Henri le fit suivre par Bau-
demer avec un détachement mixte. Le général prussien
outrepassa ses ordres et poussa jusqu'à Chemnitz.
Stolberg appela à lui les généraux Kleefeld et Luczinski,
attaqua Baudemer et l'obligea à se retirer en lui infli-
geant une perte d'environ 1.000 prisonniers et de 5 ca-
nons.
A la nouvelle de cet échec, le prince Henri détacha con-
tre les vainqueurs des renforts sous les ordres du général
Kanitz flanqué du major Anhalt à titre de conseiller mili-
taire. Entre les deux partis, il n'y eut d'engagement de
quelque importance (ju'une attaque dans la nuit du 1"' juin
dirigée par les généreux Maquire et Bultlar contre le colo-
nel (promu général) Kleist qui, très inférieur en nombre,
fut forcé de repasser la Wilde-Weistritz. Les Autrichiens
qui s'étaient également portés contre Hulsen à Grumbach,
ne poussèrent pas à fond leurs avantages et chacun rega-
gna ses positions. La petite guerre continua jusqu'à la
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390
LA GUEHHE DE SEPT ANS.
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mi-juin. Uenlorcé vers cette date par la cavalerie de Belling
que la paix conclue avec la Suède rendait disponible, le
prince Henri envoya Seydlitz à la tête d'une division com-
biner avec Kanitz confre les Impériaux une opération qui
eut le résultat «le leur faire abandonner le territoire de la
Saxe. Le 17 juin, Stolberg avait reculé jusqu'en Fran-
conie; Klecfeld étaità llof et Luczinski à Ascii. Ils y furent
suivis par Seydlitz et Belling. La retraite de l'armée des
Cercles décida Serbelloni A sortir de son inaction et à ten-
ter vers la fin de juin, à liraunsdorf, contre l'extrémité
des lignes prussiennes appuyée à l'Elbe, une attaque qu'il
dirigea en personne, mais qui ne fut pas poussée à fond
et A liiquelle le canon du piince Henri le fit renoncer.
Quelques jours après, les Prussiens, beaucoup plus actifs
et entreprenants, firent une incursion en Bohème. Kleist,
qui fut chai'gé de l'opération, déboucha de Freyberg avec
une colonne volante, entra en Bohème le 1" juillet, eut
quelques succès partiels, leva des réquisitions, s'empara
de magisins et jeta l'a larme dans la province. Il fut rap-
pelé en Saxe pour s'opposer à un retour de Stolberg <jui
sur les ordres réitérés de son chef s'efforçait de rentrer
dans l'électorat. L'attitude résolue de Seydlitz et l'appro-
che de Kleist mirent fin aux velléités agressives des Impé-
riaux. L'armée des Cercles reprit le chemin de la Fran-
couic; le 24 juillet, elle était campée aux environs de
Bayreuth attendant l'attaque des Prussiens, qui d'ailleurs
ne se produisit pas. Seydlitz, avisé de la révolution de
Bussie, avait cru prudent de se rapprocher du prince
Henri; aussi après une poursuite qui n'avait pas dépassé
Hof, éfait-il retourné le 27 juillet à Zwick ; Kleist était
rentré à Friedberg.
Bevenu le V juillet, Kleist avait été dépêché une seconde
fois en Bohème; il s'y était heurté à, un détachement des
troupes du général Blouquet que Serbelloni avait envoyé
pour la défense de la Bohême. H y eut une renconuc où
^liililiriHill' «■
-~J^ÉM^-
PETITE fiUERHE EN SAXK ET EN HOIIKME.
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les Prussiens firent k leur adversaire plus de 300 prison-
niers et ne perdirent que 100 hommes.
Le séjour de Seydiitz et de Kleist en Saxe ne fut pas de
longue durée; le 1" aoiU, ils étaiont tous les deux de
retour on Bohême et elïectuaient leur jonction k .lohns-
dorf ; le soir mémo ils furent rejoints par Kanitz devant
la ville de Dux. A en croire quelques récits (1), la cava-
lerie autrichienne qui y était campée était des-sellée,
l'infanterie était dans ses tentes quand Tévcil fut donné
par quelques patrouilles poursuivies par l'avant-garde de
Kleist. Ce dernier aurait proposé A Seydiitz de profiter
de la surprise pour tomber sur l'ennemi en désarroi, mais
ce général aurait refusé d'atiaipier avant la v<mue de
l'infanterie. Pendant la nuit, le prince Lowensiciii, qui
commandait les Autrichiens, évacua la position de Dux
pour en prendre une plus avantageuse à Teplilz; grAce
à la capture d'un courrier prussien, il fut mis au courant
de l'attaque projetée, put prendre ses mesures et deman-
der des secours à son collègue Maquirc à Dippoldiswalda.
Un combat très sanglant s'engagea pour la possession
des hauteurs de Kradrob, qui prises et reprises plusieurs
fois, restèrent en définitive «'ntre les mains des > jtrichiens ;
la perte fut à peu près égale de part et d'autre. Les deux
petites armées gardèrent leurs pof^ilions jusqu'au 5, date
à laquelle arriva un ordre de rappel du prince Henri.
Pendant le mois d'août, la petite guerre se poursuivit sur
la frontière de Saxe et de Bohème entre Belliug et des
détachements autrichiens et impériaux. Le général Bclling
cherchait à inquiéter le prince Stolberg et à retarder sa
jonction avec Serbelloni, mais il n'était pas assez fort ])our
atteindre ce but. Le prince sur l'ordre réitéré de son chef
partit de Hof le 18 août, après y avoir laissé un détache-
ment, et poursuivit sa route par la Bohême jusqu'à Dresde
(I) Gesrhichle des siebenjahrigcn Krieges. Olficieren des groszen gene-
ralslats, Vol. VI, p. 97.
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LA C.UEnRE DK SEPT ANS. — CIIAP. I.\.
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OÙ il parvint le 7 septembre; d'autre part un contin-
gent important des forces de l.<)vvenstein était venu re-
joindre le quartier général autrichien et la division Bru-
nian ;'i Altenl)(M•j^^ Ce l'ut ce niônie 7 septeinl>re qu'arriva
à Dresde le général Hadick (jui avait été désigné pour
remplacer Serbelloni à la lèle de l'armée de Saxe. Celui-
ci, en eflet, en butte aux reproches de la cour de Vienne
Tort mécontente des incursions de l'ennemi en Uohéme
et des souHiances qui en résultaient pour la province,
avait envoyé sa démission qu'on s'était empressé d'accep-
ter.
Il faut le reconnaître, Iç rôle du feld-maréchal n'avait
pas été brillant; n(m seulement il n'avait pas su profiter
de sa supériorité numérique pour gagner du terrain en
Saxe, mais il n'avait pas pu conserver la position si forte
de Freyberg, indispensable pour couvrir la IJolième; il
avait suffi de l'échec de Zettwitz sur un point du cordon
de la Mulde pour l'abandon de Freyberg, alors qu'il aurait
été possible à Maquire de s'y maintenir s'il avait été sou-
tenu. Dans l'attaque des lignes prussiennes t\ Baunsdorf,
Serbelloni se montra sans énergie, et il en fut de même
pour les mesures qu'il prit pour repousser les incursions
de Seydlitz et de Kleist. il est tout à l'honneur du prince
Henri d'avoir deviné la faiblesse et l'indécision de son
adversaire et d'avoir su user contre lui de manœuvres
qui avec un général plus actif eussent été risquées.
Il convient de passer maintenant en Silésie, où la cam-
pagne ne s'ouvrit que vers la fin de mai; Frédéric avait
tout intérêt à ne pas précipiter les événements qui se pro-
nonçaient chaque jour en sa faveur. \)cs la tin de janvier,
le commandant de l'armée russe Butturlin avait été rap-
pelé et remplacé par Soltikolf; il était question de l'é-
change des prisonniers; le 18 mars, 3Iesnager (1) annonce
(1) Mesnagcr au duc de Choiseul, .Marienburg, 18 mars 1762. Archives de
la Guerre.
OPKUATIONS EN SILf.SIE.
SOS
le renvoi de .'18(> oi'liciers et Ô.TOO sous-officiei's et soldats
prussiens; le JO avril, Hessncr, l'altaché Iranrais à l'armée
suédoise, rapporte un armistice de -2 mois avec les Prus-
siens et des pourparlers pour la restitution récipnxjue des
prisonniers; enlin, le corps de Gzernitcliew se sépare
des Autrichiens le 2V mars, passe l'Oder à Steinau le .'JO
et continue sur Tliorn. Ce départ l'ut le signal de <elui du
général autrichien Fine cpii Jusqu'alors avait continué ses
fonctions au quartier K^n<^'i'al russe, malgré l'accueil peu
encourageant de Soltikoll'.
Frédéric ne fut lixé définitivement sur les conséquences
du revirement de la politi(pie russe que par l'armistice
du 15 mare avec la puissance du Xord et par une conven-
tion semblable conclue avec la Suède le 7 avrd sui-
vie bientôt par la paix signée à Hand)ourg le '2-2 mai.
Ce ne l'ut (ju'à partit- de ces dates ([u'il put rappeler ses
troupes de la Poméranie, renforcer son armée des pri-
sonniers rendus et des recrues levées dans les territoires
évacués par l'ennemi de la veille; d'autre part, les négo-
ciations entamées avec la Porte et le Khan de Crimée ne
pouvaient se traduire par une intervention active avant
la fin du printemps. Si le temps travaillait pour la Pru«se,
il n'en était pas de même pour l'Autriche qui, abandonnée
par la Uussie, n'avait plus à compter que sur ses seules
forces et que sou intérêt devait pousser à profiter d'une
supériorité numérique qui ne durerait pas longtemps. Il
n'en fut rien et la tactique défensive triompha dans les
conseils de l'Impératrice Heine.
Aussitôt les mains libres du côté des llusses, Frédéric
lança les premiers ordres pour la concentration de
ses troupes. Le prince de Vurtemberg fut prévenu (1)
que son corps réparti entre les armées de Saxe et de
Silésie devrait se mettre en route vers le 15 avril. Werncr
(1) Frédéric à Wurlemltcrg, Dreslau, 4 et 1o avril t762. Corr. Polit.,
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LA GUERRE DE SEPT ANS. - CHAP, IX.
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fui cliai'^t'; (le corulnii'i' «mi Maut«!-Sil«''sio une division
forte (lo 7 bataillons, -2 régiments «le cavalerie, 12 canons
et ohusiers «leslinée à se Joindre i'i une troupe de r».()00 Car-
tares et il envahir de concert la Hongrie; les instructions
de ce général (1) lui enjoignaient de laisser piller ces
auxiliaires vX de liri^ler les villages i\ proximité de Vienne,
de piéférence ceux appartenant aux gens le plus en vue,
de manière à répandre j>artont l<i terreur et le désarroi.
La dépense devait être soldée en monnai(! dépréciée,
mais les contributions à lever sur les habitants seraient
ac([uiltées en bon argent. Kn ce (jui concerne la coopé-
ration avec les puissances musulmanes, celles-ci ((u(! les
agents de Frédéric avaient cherché lï entraîner conf.re
l'Autriche et la Russie, comprenaient mal la nouvelle at-
titude de la Prusse <'t le désir du lloi de les voir renonce,"
à toute hostilité contre la llussie et à concentrer leurs
ell'orts contre l'Autriche. De là des hésitations (jiie Fré-
déric essayait de surmonter en distribuant des largesses
aux conseilleurs de la Porte et du Khan. Dans une dépê-
che (2) A Rexin, son agent à Constantinople, Frédéric fait
valoir l'avantage pour la Porte de la neutralité que le
Tzar s'engage à observer en cas d'invasion de la Hon-
grie : pour la puissance ottomane s'oll're une occasion
unique de recon([uérir les territoires perdus. Il lient le
même langage (3) à Boscanqi son résident en Crimée.
Mais pour la campagne qu'il va entamer, le roi de Prusse
peut compter sur des alliés plus sûrs et plus proches; il
vient de recevoir de Pétersbourg le 20 mai le traité de
paix avec la Russie et la promesse de la coopération d'un
corps auxiliaire de 20.000 hommes qui se joindra <à
l'armée prussienne, sans môme attendre la conclusion de
l'alliance qui est en voie de préparation. Dans ces con-
(1) Frédéric à Werner, Breslaii, 13 avril 17(12. Corr. Polit., XXI, p. .167.
{•>) Fr»5déric à Rexin, Betllerii, 21 mai 1762. Corr. Polit., XXI, p. 459.
(3) Frédéric à Boscamp, Belllern, 21 mai 1762. Corr. Polit., XXI, p. 460.
CONnKNTUATION.
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clitions, il «'tait t<*ni|)s «le commencer les liosliliU^s. Le
qunrti«M' ncnérnl royal vint s'«'îliil)lii' le 10 mai au villaj^e
de lii'lilei'M, dans le voisinaj;;:e de Itnislau; dcji\ Mann avait
pris les devants; avec le gn»s de ses troup<!s, environ
4^0.000 honinioH, il était campé à Knnzendorf sur les
monlaj^ties, avec les 7.000 hommes de Hrentano en avant-
finrde sur le Zohtenherg; l^audon avec une vinj^fainc^ de
mille comhatlunts entre Sill)el■l)erJ^• NVartiia. Helllorn,
avec 10.000 aux environs de .laogerndorf. l-rédéiic éva-
luait l'arniéi^ autrichienne h h20 bataillons et à plus de
îj'2 réf^iments <le cavalerie; « le maréchal haun(l) s'est
mis i\ l'heure qu'il est sous la toile; mais pour moi,
écrit le Uoi, je continue à faire encore cantonner mes
troupes, de façon néanmoins qu'elles se lr<»uvent fort
resserrées et à porlée côlre assemblées en quel([ues
heures de temps. La position de l'armée ennemie est pour
le présent entre le Zobtenherg" et la Schwcidnit/ Was-
ser ».
Dès les premiers Jours de mai, Daun avait entrepris
une tournée d'inspection des troupes et des garnisons u«;
Silésie; il rend compte à l'Impératiice (2) : Qu'il a trouvé
la forteresse de Glatz en très bon état ; gnVce aux tra-
vaux exécutés, sa valeur défensive est doublée; sur l'avis
du gouverneur Geisrug et de l'ingénieur (Jribauval, il
propose quelques améliorations qui ne coiUeront que
28.000 florins. De (îlatz il est allé au col de Wartlia où
on est en train d'achever et de perfectionner les ouvrages
de campagne. Le général Draskowicz est chargé du com-
mandement des troupes cantonnées à NVartha et au Sil-
berberg. A Peterswalde, il a rencontré Laudon à qui il a
remis la surveillance de ce district. Le général prussien
Werner vient d'être détaché dans la llaute-Silésie avec
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(1) Fiéiléric à Ferdinand, ndllein, 19 mai 17G2. Con: Polit., XXI,
p. 4'i7.
(2) Daun à l'Impératrice, Keussendorf, 11 mai 17(>2. Arciiives devienne.
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3<J(i
LA GUEUHK UE SEPT ANS.
CHAI'. IX.
8 à 10.000 hommes; Bock lui sera opposé avec les forces
aux ordres de Bethlem. Le 9 mai, continuant son voyage,
Daun i'econn?'ll le mont Zoltcn et ses abords et va coucher
à Schweidnitz. Dans les régiments inspectes, il reh'jvc
l)eauc()up de malades, plusieurs corps en ont pUis de
1,000 et « }.j nombre s'en accroît de .'10 à 40 pai- Jour, si
bien qu'il y a plus de 10.000 malades daus cette arinée ».
Depuis le mois de novembre jusqu'ù avril dernier, «die a
eu 3.500 décès que les médecins « attribuent uniquiMnent
à ia très mauvaise saison passée ». La forteresse de
Schweidnitz a été fort améliorée ^râce à l'activité du
gouverneur et de l'iugénieur et malgré les mois d'hiver
pendant lesquels il a fallu travailler.
Quatre jours plus taitl son rapport à l'Iiapératrice est
daté(l) de Krat/.kau au pied du mont Zobteu : le gros
de l'armée a quitté les montagnes et s'est établi dans la
plaine de Schweidnitz à 2 heures de marche de la place.
Les généraux Kllrichshausen et Drentano qui étaient pos-
t' il la gauche et -X la droite de la montagne avaient
placé leuis avant- postes de manière à surveille l'ap-
proche d'une attaque de l'ennemi, « que pour mon compte
je désire plus que j'espère ».
Daun revient sur les cU'ectifs et l'état sanitaire desquels
il n'est rien moins que satisfait : plusieurs régiments
qu'il vient d'inspecter ne peuvent former plus d'un ba-
taillon; ils ont au moins 000 à 700 malades en partie
du scorbut, consé(ju(mce de cantonnements trop étroits
dans de mauvais villages. Le pire est que le nombre des
malades augmente tous les jours; « depuis mon arrivée
il croit d'environ 200 par jours. La cavalerie, ou tout au
moins les hommes, ont bon air, mais il n'en est pas de
même des chevaux qui ont soulî'crt du manque de foin
et de paille. Les cuirassiers ne sont pas au complet ».
(t) Paun à rim|iératrice, Kial/kau, 1.") mai 1762. Archives de Vienne.
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RAPPORT DE DAIJN.
;i'.i7
Uion de nouveau du côl6 de l'ennemi qui conserve srs
posilions autour de Hrcslau. Le 18 on apprend au (juar-
tier général de l'armée de Silésie l'intention d(^ Serhei-
loni de passer l'Klbe et d'abandonner ses positions de
Dresde et de iMauen. (Jl^'^nd émoi de Hann qui arrête
Stampa en marche pour lejoindre les troupes de Silésie.
En lait de nouvelles de l'ennemi, il n'a appris qu'un
mouvement du Uoi sur Grunhubel ;t Sclieywick, sans
doute une reconnaissance.
Dans une lettre confidentielle à Marie-Thérèse du
25 mai (1), c'est-à-dire de la môme époque, le feld-ma-
réchal se montra fort abattu. Il a été consulté sur le rem-
placement de Serbelloni. « Le mal étant déjà au point
que pnisqu'il n'en peut devenir pis, je crois qu'il vaudrait
tout autant laisser les choses telles qu'elles sont, n'étant
presque pas possible qu'il puisse être forcé ii Dipol-
disvvalde ni à Dresde, pour peu qu'il reprenne de leur
« triomarolîe » (sic) ce qui doit être à l'heure (ju'il est.
En cas de changement Lascy serait toujours le meilleur,
mais Ma(|uire VVied et Lobenstein, tout déviait partir. La
même chose devrait se faire par rapport de Laudon,
lequel j'ai sondé sans dire d'en être chargé; il m'a parlé
naïvement, qu'il ne se trouverait jamais en état de l'ac-
cepter et qu'il rendait grâce au Seigneur d'être déchargé
du fardeau du commandement, que pour de la sorte il
sera toujours prêt à servir où l'on voudi-a, mais point de
comnandemont à part. Voilà comme Lascy dira de même
et il ne l'accepterait jamais, moyennant quoi je ne saurais
en vérité en nomi?'er d'autres. Nous sommes dans la
triste situation de n'avoir pas un seul homme avec les
qualités rccpiises pour le commandement d'un corps et
encore moins d'une armée. »
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1
II
(1) Daiiii à Mario-Tliérî'sc, 2(1 tnai \'W.. Arcliives de Vienne. — telle
lettre est éciileiiutilié en allemand, inoili»^ en franeais. Nous avons conserve
autant que iiossilile les expressions et la construelion du texte franr.iis.
i r
398
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IX.
De ces points particuliers, Daun passe en revue la
situation que créera à l'Autriche la coopération des Rus-
ses avec l'armée prussienne, dont le bruit court à Bres-
lau. Il vient d'apprendre que la paix entre la Prusse et la
Russie a été proclamée à Breslau et qu'un corps auxi-
liaire de 30.000 Russes va se joindre à l'armée de Fré-
déric. « Je me flatte que ce ne sera que leur ruse ordinaire,
car si cela serait vrai une iiivasion et destruction totale
dans la Moravie serait presque inévitable, et si jamais un
pareil corps irait à l'armée des alliés, les Français seraient
bientôt passé le Rhin; et qui pourrait alors empocher
que la Bohème ne subisse le même sort si un corps d'ar-
mée se porte du côté d'Eger, sans faire mention s'il y
aurait du sujet à craindre par rapport aux infidèles, qui
jusqu'à présent ont été bien plus fidèles que les Chrétiens.
En faisant toutes ces réflexions, il paraîtrait presque
qu'une mauvaise paix serait encore préférable à devoir
l'avoir entièrement à la discrétion de l'ennemi, ce qui
pourrait arriver si nos pays en seraient envahis.... Cela
est parler en noirceur, il faut espérer le meilleur ainsi à
pouvoir éviter l'un et l'autre de si haut mentionnés maux
(sic). Mais quand on pense deux compagnies de moins
par régiment, ainsi le bataillon de garnison formé seule-
ment de 4 compagnies pour la plupart demi invalides et
recrues. Il en est de même pour la cavalerie, pour la-
quelle le fourrage n'est assuré *jue jusqu'à fin juin et
cela dans un pays qui n'est presque pas cultivé. Ajoutez
à ces circonstances la disette d'argent Voilà ce
qui fait quelquefois tomber dans le ;3plcen, ce qui est une
mauvaise maladie qu'il faut chasser avec des prompts et
solides remèdes. Je voudrai bien avec mon sang et ma
vie pouvoir les apporter pour seulement soulager V. M. »
Entre temps, la diversion des Tartares prenait forme;
le Khan avait eu une longue conférence avec Roscamp, il
formulait ses exigences à l'égard de la Russie et laissait
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FIIEDERIC ECIUT A HENRI.
399
prévoir l'entrée en campaj^ne d'une division qui unirait
son action à celle de Werner pour une diversion en Mora-
vie. Frédéric, toujours optimiste quand il écrivait à son
frère, se voyait déjà niaitre (1) avant l'hiver d'Olmutz et
son frère de Dresde et de Prague. Dans son plan d'opé-
rations, une grande part était faite à la coopération des
Tartares. « J'ai ici 82.0Q0 (2) l.ommes contre moi, je n'en
ai que 76.000. Ce ne serait nas ce qui m'embarrasserait,
mais une suite de nos malheurs passés a donné aux enne-
mis la facilité d'occuper tous les postes avantageux. A
moins de vouloir hasarder étourdiment sa fortune, il ne
faut pas songer à les attaquer. Reste les diversions. Voilà
donc sur quoi mon plan se fonde. Werner partira dans
quelques jours pour se joindre à 26.000 Tartares que le
Kan m'envoie et ce corps doit agir en Hongrie pour faire
diversion. Le Kan le suit immédiatement avec 100.000
hommes. Vous conviendrez qu'il faut de nécessité que
Daun détache au moins 30.000 pour s'y opposer; alors
j'envoie le prince de Bevcrn avec 12.000 hommes à Cosel
qui fait mine de pénétrer en Moravie. Il faut donc de
nécessité que Daun détache au moins 10.000 hommes
contre lui; c'est alors que je marche aux montagnes et
qu'avec le secours dep Russes je serai assez fort pour le
chasser de Silésie et reprendre Schweidnitz. Dans tout
ce que je viens de vous dire, je n'articule pas un mot de
la grande armée turque qui agira contre les Autrichiens.
Il leur faudra détacher au moins 50.000 contre les Turcs
seuls, sans compter ce qu'il leur faut nécessairement
opposet' à Werner. » En attendant la réalisation de ces
rêves tant soit peu chimériques, la conclusion de ia paix
avec la Suède permettait de renforcer l'armée du prince
(1) Frédéric à Henri, BeUlern, 27 mai 17C2. Correspondances PolHiques,
XXI, p. 471.
(2) Frédéric à Henri, BeUlern, 31 mai 1762, Correspondances Politiques,
XXI, p. 489.
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LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIAP. IX.
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Henri do la brigade de Beliing; d'autre part, l'adjudant
de confiance Cocccji fut chargé d'une mission auprès du
grand vizir qu'il devait rejoindre près de Belgrade, à
reti'et de concerter avec lui et avec Werner une invasion
de la Hongrie.
Cependant, les difficultés commençaient à surgir; le
Khan, en dépit des promesses et des subsides déjà versés, se
refusait à franchir la frontière avant de recevoir une nou-
velle subvention. A Constanlinople, on hésitait encore;
on voulait connaître les propositions que le nouvel en-
voyé autrichien Ponckler allait apporter; on se montrait
disposé à écouter les conseils des représentants de France
et du Danemark. L'envoyé Delon, qui devait coopérer
avec Rexin et qui s'entendait assez mal avec lui, considé-
rait (1) que l'affaire n'aboutirait pas et que S. M. ne de-
vait plus y compter à moins d'un événement extraordi-
naire. Le mieux, d'après Frédéric, serait de décider le
Khan .'■ prendre les devants ; une fois les hostilités enga-
gées, la Porte se trouverait entraînée à participer au con-
flit ; à cet effet, Boscamp (?-) fut autorisé à offrir au Khan
« une somme de 100.000 éciis au dehï de ces 40 ou
50.000 ducats qu'il vous a déjà demandés quoique
toujours à condition que le Kan commence incessamment
ses ravages en Hongrie \\ s'entend, au surplus, de
soi-même.... qii vous veillez bien à ce que le Kan ne se
laisse point disposer par qui que ce soit d'entreprendre
les moindres hostilités contre les Russes ou la Russie ».
Pendant que Frédéric s'efforçait sans succès à jeter
les Turcs et les Tartares dans la mêlée et à diriger
l'action de ces derniers contre l'Autriche au lieu de la
Russie leur ennemi naturel, fort heureusement pour lui,
(1) Delon il Frédéric, Constantinople, 8 mai 1762. Correspondances Po-
litiques, XXI, p. 520.
(2) Fiédéiic à Boscamp, Bettlern, «juin 1762. Correspondances Politi-
ques, Wl, p. 510.
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Iti-
FUÉDËRIC CHERCHE LE CONCOURS EES TURCS.
401
les relations avec le Tzar devenaient chaque jour plus
intimes. Elles laissaient espérer des résultats certains,
presque immédiats; Czernitchew qui à peine rentré de
l'armée autrichienne, '^t maintenant à la tète du corps
destiné à servir d'auxiliaire au roi de Prusse, s'annonçait
comme devant arriver aux contins de la Silésie le 24 .juin.
A la date du 10 de ce mois, le Koi évaluait les forces de
son frère après la jonction de Jîellins: et Kalkstein à
44.000 hommes à opposer aux 40.000 de Serbelloni; il
en ottribuait 80.000 à Daun. Le duc de Bevern à peine
arrivé de Stettin, fut aussitôt détaché avec 6 bataillons
et un régiment de dragons dans la Haule-Silésie. Cette
diversion à laquelle devait coopérer, le cas échéant, le
général Werner, avait pour but de diviser les forces de
Daun et d'obliger le maréchal à renforcer les troupes
chargées de la défense de la frontière moravienne. Du
côté de la Russie, les affaires prenaient ime excellente
tournure ; un projet d'alliance défensive avait été com-
munique à Goltz par le chancelier Woronzow et transmis
au quartier général du Roi. 11 en accusa réception le
19 juin et le retourna aussitôt avec des suggestions de
détail, sur lesquelles on n'insisterait pas si leur examen
devait entraîner des retards.
Le concours du Khan de Crimée devenait moins intéres-
sant et plus problématique. Celui-ci se souciait fort
peu (1) de s'engager contre l'Autriche avec laquelle il
n'avait aucun sujet de querelle, mais était très monté
contre la Russie et ne voulait agir en Hongrie qu'après
avoir obtenu satisfaction du Tzar. Or, on peut s'imagi-
ner que Frédéric se garderait bien de compromettre son
influence en appuyant des griefs qui lui étaient tout à
fait indifférents. Aussi donna-t-il pour instructions {• son
(1) Boscamp à Frédéric, Ohschukow, 6 juin 1762. Correspondances Po-
litiques, XXI, p. 550.
cur.RRE m; sept ans. — t. v. 26
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402
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CIIAl». IX.
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envoyé Boscamp, s'il no pouvait ohtenii' mieux, de se con-
tenter du concours « de quelque vingtaine de mille Tar-
tares pour les employei' eu Hongrie à faire des ravages
et s'il n'y a pas moyen autrement d'y l'éussir, il ne re-
grettera même pas le sacrifice des 50.000 ducats >».
La l'évolution de Pétershourg, la déclaration mena-
çante que le Tzar venait de faire à la cour de V^ienne et
enfin la marche annoncée du corps auxiliaire de Czer-
nitchew, donnèrent lieu à une correspondance importante
entre l'Impératrice Reine et Daun. Ce dernier, à la date
du 28 mai (1), dit avoir reçu de Varsovie confirmation
des mauvaises nouvelles, dont il avait déjà entendu le
bruit. Le Roi de Prusse n'attend évidemment que l'ar-
rivée de ces auxiliaires pour prendre l'offensive; dans
12 jours il aura à sa disposition 90.000 hommes en
Silésie. Quel usage en fera-t-il? Renforcera-t-il le corps
de Werner en llaute-Silésie pour lui permettre des incur-
sions en Moravie et en Hongrie? ou tentera-t-il une
invasion du comté de Glatz et de la Bohême avec VO à
50.000 hommes? Dès à présent, il conseillerait d'aug-
menter considérablement le corps chargé de la défense
des cols de Wartha et de Silberberg, de faire rétrograder
le gros de l'armée actuellement campé sur les versants
du mont Zobten pour lui faire occuper une position entre
Hohen Giersdorf et Cunzendorf; mais, — et ses lieute-
nants Lascy, Laudon, Hadick et O'Donnell pensent comme
lui, — avant de faire ce mouvement, il faudrait être fixé
sur les intentions ennemies et recevoir les instructions
de la Cour.
Cette lettre se croisa avec une dépêche de l'Impératrice
du 29, dont nous donnons un extrait (2) : « La nouvelle
déjà trop vraisemblable est confirmée par la lettre du
général Fine et je m'attends d'heure en heure à une
(1) Daun à l'impéraliice, Kiat/kau, 28 mai 17G2. Archives de tienne.
(2) L'Impératrice à Daun, 29 mai 17C2. Arcliives de Vienne.
MARIE THÉilESE ECRIT A DAUN.
403
déclaration de la Russie, nie signifiant que si je no nie
décidais pas à suivre l'exemple de la Russie, ù cédei*
toutes les conijuètcs et à faire la paix avec la Prusse sana
plus tarder, le Tzar, en vertu de sa nouvelle alliance,
n'hésitera p'^s à secourir le roi de Prusse avec son année.
Vous jugerez vous-même combien ce langage autoritaire
porte atteinte à ma dignité et au respect dû à mon rang
et combien cela me toucbe péniblement. Ainsi je me
dois, à moi-même et à ma maison, de m'cflorcer au pos-
sible que cette humiliation soit détournée, et que la
paix avec le consentement de mes alliés soit volontaire
et non imposée.
« Il semble que cela dépend de 3 à k mois et si je peux
gagner ce temps il sera à espérer avec beaucoup de pro-
babilité que je réussisse t\ me lirtT encore avec honneur
de la guerre actuelle. D'autant plus que j'ai déjà consenti
à ce que la France demande k l'Angleterre un arm stice.
Selon que le Tzar exécutera sa menace, tout dépendra de
la question si c'est faisable et possible de soutenir une
telle défense et d'empêcher l'ennemi, renloicé par 30 à
'i-O.OOO Russes, de faire l'invasion dans nos propres pays
et dans le comté de Glittz. Et si l'on ne peut empêcher
la prise de la ville de Schweidnitz par l'ennemi, ce sera
d'autant plus facile à supporter que je devrais rendre
cette ville quand même dans une paix imposée. »
Comment gagner l'automne et protéger ses états contre
l'invasion des forces prussiennes augmentées de 30 à
40.000 Russes? Telle est la question que l'Impératrice
pose à Daun en faisant appel à son expérience et à son
dévoirement; elle ne dissimule pas qu'elle sacrihera au
besoin la défense de la Saxe à celle de ses propres états.
« Je ne vous cache pas qu'il est très A désirej' de maintenir
notre position en Saxe et surtout à Dr» sde jusqu'à la
paix, mais je considère que la défense de mes propres
pays et du comté de Glatz mérite la préférence au
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404
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CIIVP. IX.
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besoin, et que je me déciderai plutôt de quitter Dresde
et le catnp près Plauen et de faire prendre un autre camp
au delà ou en deçà des montagnes dans lesquclleii mes
frontières seront suflisamment défendues par peu de
troupes que d'exposer mes pays de tous cOtés à un trop
grand danger. Personne ne peut juger cela mieux que
moi et je me promets de votre empressement au service
que vous me prêterez conseil et aide dans ces moments
critiques, et que vous me direz franchement ce qui est
à faire et le plus approprié à ma cause. 11 n'y a pas de
temps à perdre pou prendre une décision. »
A la question posée, Daun répondit le 2 juin après
avoir pris l'avis des généraux Lascy, Hadick, Laudon et
O'Donnell dans l'opinion desquels il avait le plus de con-
fiance, qu'il était possible de maintenir les positions de
Saxe contre une armée de 60.000 hommes et celles de
Silésie contre 100.000 ennemis. En conséquence, on
invitait à donner ordre à Serbelloni de concentrer ses
troupes dans le camp de Plauen et à Dippoldiswalda, de
conserver cette ligne aussi longtemps que possible, et
de détacher un corps de 5.000 hommes en Lusace dans
les environs de Gabel et de Friedland afin de protéger
les approches de la Bohême.
Pour ce qui était de la Silésie la question se posait :
devait-on soutenir Schweidnitz en campant le gros de
l'armée derrière la forteresse au pied des montagnes,
quitte à y prélever des renforts poui la Haute-Silésic et
la position de Wartha, ou valait-il mieux laisser dans la
place une simple garnison de 10.000 hommes, en placer
15 à 20.000 entre Biesdorf et Kungendorf et s'établir
avec le reste à Wartha (1).
Les généraux, Uaun lui-même, penchaient pour la
seconde solution; ♦'lie fut acceptée après quelque hési-
(1) Cabinet Schreiben an Daun, 5 juin 1762. Archives de Vienne.
PLAN CONCERTE AVEC DAl N.
406
tation par l'impératrice comme ayant l'avantage de
laisser l'ennemi clans le cloute sur ses projets et de g-agner
le temps nécessaire pour arriver A l'armistice désiré.
H fut donc prescrit à Daun de garder sa position appuyéo
sur le Zohtenberg, aussi longtemps qu'il n'y aurait pas
danger imminent, c|ue les Russes n'auraient pas rejoint
l'armée prussienne et que des considérations militaires
n'imposeraient pas une autre solution. Serhelloni reçut
l'ordi'o de se maintenir sur la rive gaucho de l'Klho. Un
post-scriptum du 6 juin (1) ajoutait quelques considéra-
tions sur l'inconvénient d'enfermer dans Schweidnitz
10.000 hommes qui auraient pu être mieux utilisés en
rase campagne. D'ailleurs, à en juger par les sièges pré-
cédents, la forteresse n'était pas capable d'une longue
résistance. Cela étant, n'y aurait-il pas lieu d'envisager
la démolition des fortifications et sa tratisformation en
ville ouverte après évacuation de l'artillerie et des maga-
sins?
Daun repoussa cette suggestion comme peu praticable
et proposa le maintien de l'armée dans sa position actuelle
tant que les mouvements de l'ennemi ne l'obligeraient
pas à se rapprocher des montagnes pour protéger les
frontières de Bohème et du comté de Glatz et pour assurer
ses approvisionnements. Conformément au désir de la
cour, il chargeait Hadick du poste de Wartha qu'il avait
fortifié et maintenait à Beck Je commandement de
16.000 hommes en Haute-Silésie.
La campagne allait commencer en Silésie; déjà le
21 juin, un premier engagement à Heidersdorf près de
Neisse avait été heureux pour les armes prussiennes;
dans un combat de cavalerie où colle-ci avait été sou-
tenue par la garnison de iNoisse, le général Draskowich
avec 200 hommes était tombé aux mains des l*russiens.
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(1) Cabinet Schreiben an Daun, 6 juin 1762. Archives île Vienne.
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LA OlIEHUK DK SEPT ANS. — CIIAP. IX.
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Le .10 Juin, le roi annonce (1) l'arrive^e du corps auxiliaire
russe et le début des liosfilit«'s; il réiicit»'! le prince Fer-
dinand de sa victoire de Willielinsthal et ajoute : « Il
serait à sonliaiter que nous eussions à conihattre.un Sou-
bise. »
Le 1" juillet, l'avant-gardc de l'armée roy.ile sous
les ordres du comte Wied s'ébranla dans la direction de
Striegau et Ilohenfriedberj?.
Le but de Frédéric était de devancer son adversaire à
Hraunau, de détruire le dépAt considérable d'approvi-
sicmnemenls ((u'il y possédait et d'obligei-Daun à ab;indon-
ner sa communication par Burkersdorf, et Polniscb-Weis-
tritz avec la forteresse de Schvveidnitz. L'entreprise ne
réussit j» (S. Il y eut un enj^agement entre Wied et Itren-
tano aux environs d'Adelsbach ; une tentative contre la
position de Brentano fut repoussée après avoir coûté aux
Prussiens 3 drapeaux et plus de 1.300 tués, blessés et
pris, et seulement 300 aux Autricbiens; il en fut de même
des mouvements destinés A couper les communications de
rennemi avec Schweidnitz. Daun se déroba par une
marche de nuit. Pour venger cet échec, le roi envoya les
cosaques de (^zernitchew (jui venaient de rejoindre l'armée
royjtle et ses propres bussards brûler les magasins autri-
chiens et ravager le pays de Bohême jusqu'aux environs
de Prague. Daun ne se laissa pas impressionner par ces
diversions et conserva sa position aux environs de Schweid-
nitz sur les hauteurs qui courent de Ditfmansdorf à Bur-
kersdorf avec son quartier général à ïiannhausen.
« De son côté (2) Frédéric n'avait pas renoncé h son
dessein de se rendre maître des hauteurs de Burkersdorf,
Ludwigsdorf et Leutmansdorf. Il ordonna pour cet effet
au lieutenant général de Wied de laisser le général
(1) Frédéric à Ferdinand, Klein-Tinz, 30 juin 17G2. Correspondance
Politique, XXI, p. 563.
(2) Journal des opérations en Silé.sie. Record office, Londres.
Il
MANiKlIVHE l)K I UKDl^HIC.
107
major <lo (iablonz avec une parlio do son coips h Kricd-
land pour obscrvei" le f^éiirral Hrentano, de passci- avec
la partie la plus considcrnblo du corps derri^n' rarnire
par IloinmfricdhcM'g, dans la plaine, et de se lo^'^er dans
les villages de Jauernick et Bunzclwitz, de façon (pi'il ne
pi\t Mre observé ni du cAté de la ville ni de relui de
l'armée ennemie; le général ujajor de Mollendorf eut
ordre do quitter pareillement avec sa brigade b; camp
de Seitendorf et d'entrer dans la plaine près de Kunt-
zendoif pour y cantonner de la môme l'a(;on que le géné-
ral de Wied. Pour être plus à portée des opérations S. M.
transporta le 19 son quartier général de Seitendorf à
Biigendorf et donna ordre au lieutenant général de Wied
et au général major de Mollendorldc partir dans la nuit
du lî) au 20, de se joindre sur la hauteur de Wiiibeu et
de faire le tour de Scliweidnitz. Le lieutenant g^énér'al de
Wied se logea dans les villages de Creissow et Groedilz,
mais le général major de Mollendorf continua sa marcbo
jusqu'à l»olnisch-V/eistritz et s'y posta, de façon que son
aile droite toucha au village et la g-auche au quartier de
cantonnement du lieutenant g-éiiéral de Wied. Le général
major de Knobloch eut également ordre de mai cher avant
la pointe du jour avec la brig-ade A Polniscb-Weistritz et
de s'y camper de manière que son aile droite était à
Bogeiidorf et la gauche à Polnisch-Weistritz; comme
aussi d'y établir des ponts de communication entre lui
et le général Mollendorf. Par celte mano'uvre, l'enucmi
était entièrement coupé de la forteresse, mais il gardait
encore les montagnes des deux côtés de Burkersdorf, de
même que les hauteurs de Ludwigsdorf, et il s'y était
retranché et ce fut de là qu'il fallait le déloger. »
Ce fut k la veille de la bataille qui allait se livrer pour
la possession des hauteurs occupées par les Autrichiens
que Montazet rejoignit le quartier général. Vers la tin de
mai, il avait fait son apparition à Vienne et avait eu avec
îî
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408
LA (.UKUUK l)K SKPT ANS. - CIIAIV IX.
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rimpôratrico une I«)n;;ne convorsatiou ; la princesse était
furieuse contre Serhelloni (jui parlait h tout moment
d'abandonner les qucl(|U('S ointons de la Saxe encore
occupés par l<'s Autrichiens. Avant de rallier, en Silésie,
le (piai'tiei- général d<> haun, Montazel avait dû passer par
Dresde où il avait été cliarg(î c?e remonter le moral de
Serhelloni (jue la faveur de rEm[)ereur empochait de
déplacer. Son voyage avait été annoncé par un hillet de
l'Empereur (1) : « Je désire d'autant plus que vous discu-
tiez aimahlement vos id-^es, <|u'il me convient que >a
cour puisse être informée par lui-mô»ne du soin assidu
avec lecpiel nous cherchons les moyens de faire choses
utiles à la cause commune. » Il s'était employé de son
mieux à remplir sa tAchc mais sans grand succès, sem-
hlerait-il : « Je viens de dire ici, écrit-il (2), tout ce qu'on
peut dire pour prouver la nécessité absolue ot plus que
possibilité de garder la Saxe. Mais .M. de Serhelloni n'en
fera <[u'j\ sa tôte ; c'est un homme qu'on ne persuade
pas et qui n'est nullement propre à commander une
armée. Dieu veuille seulement que tout ce que j'ai dit
de la part de Leurs Majestés Impériales, ainsi que les
raisonnements que j'ai faits sur le local retardent pour
longtemps l'évacuation de la Saxe ; mais encore une fois,
il ne tient qu'à l'ennemi -!<>- la précipiter, quelques mou-
vements hardis de sa pr-f f suffiront pour cela. Au reste,
j'ai répandu avec soin dans le public qu'on allait tenter
quel(|ue chose contre l'ennemi et que les subsistances
de Bohème allaient arriver en abondance. Peut-être
mon voyage ici fera-t-il quelque elFet chez l'ennemi
qui, étant instruit exactement de ce qui se passe, saura
sans doute (jue je suis venu porter des ordres précis à
M. Serhelloni et arranger avec lui quelque opération. Il
(1) Empereur à Serbelloni, 6 juillet 17(1;!. Archives de Vienne
{'i) Montazetau duc de Choiscul, Dresde, 13 juillet 17U'2. Archives de la
Guerre.
Vi Sir.
MONTA/.KT \ niOISKUl.
«09
(«st à Hoiiliaitei' <|iio cofto i(l»''e susppiulr le projet quiî
jn suppose i\ M. lo pi'inc^ Henri «le se fortilicr tons les jours
do plus en |)lus sur sa droite, aiiu de péuétrcn* en llohftinc
et tAcLer par là de couper les sul)sistances h l'armëe <lo
Serhelloui. Ce dernier a maud'uvré plus pifoyaMenuMit
(|ue tout ('«^ (pie l'on peut dire; d'un autre côté, on a l'ait
les plus faillies disposilious pour !es subsistances dt; Façon
que chacun a concouru à rendre C(;tte besogne di.iboli-
que. Le seul remède serait de rappeler M. de Serbelloni
et d'envoyer ici ou M. Iladdick, ou M. de Lascy ou M. do
Laudon. » Montazet ne cache pas à Choiseul la mauvaise
impression qu'il a recueillie sur l'état des esprits à Vienne :
« J'ai grand'peur d'un autre cAté <pie le chapitre des
subsistances ne nous joue un mauvais tour en Silésie, et
que l'esprit en général du militaire, la disette ties talens,
et le découragement de la (]our et de l'armée ne nous
réduisent avant longtemps à une triste situation. Mes
dernières lettres de Vienne sont remplies des mômes
craintes et je crains fort qu'elles n'augmentent de jour en
jour, car, en vériié, tout ceci va on ne peut pas plus mal,
aussi suis-je efl'rayé de l'avenir (1). »
Deux jours après, Montazet est à Prague d'où il signale
les incursions des Prussiens en Hohéme ; ils ont ravagé le
pays jusqu'à Kolin et brillé des magasins à Knniggrjitz. A
partir du 22 juillet, il date ses lettres de (îiersdorf aux
environs de Schweidnitz. Sur la demande de Marie Thérèse
qu'il lui a transmise, Daun propose Hadick pour rem-
placer Serbelloni, Lascy et Laudon ayant décliné. D'après
le français, il est grand temps de faire ce changement.
« Si le Uoi fait par ses derrières un détachement sur la
Saxe, qu'il y aille même en personne, ce que j'ai toujours
craint et que nous n'ayons que M. de Serbelloni pour lui
disputer le terrain, la dispute ne sera pas longue, je vous
(1) Montazet au duc de Choiseul, Giersdorf, 2(J juillet 1702. Archives de
la Guerre.
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L.\ GUERllE DK SEPT AiNS. — CHAP. IX.
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en l'cpou'ls. » A poinc débarqué, Montazct avait assisté à
Tairtire do Uiirkersdorf; il en fait le récit suivant (l) :
« J'arrivai ici avant-hier (le 20 juillet) après avoir marché
5 jours et 5 nuits pour venir de Prague à l'armée de M. le
maréchal Daun. Ce général me proposa en arrivant de
mouler à cheval le lendemain à la pointe du jour, pour
me faire voir sa position. A peine fûmes-nous à moitié
chemin du (piartier général au camp, que le roi de IM-ussc
fit une attacjue à notre gauche. Une demi-heure nprès, il
fit attîiquer le poste de liurkersdorf qui couvrait notre
flanc droit; une demi-heure ensuite, il fit attaïuer le
poste de Leitmersdorf à une lieue en arrière de notre
droite, lequel était défendu par î) bataiilous, 2 régiments
de cavalerie et un d'hussards aux ordres de M. de liren-
tano ; mais après une défense de 5 heures, M. de lîreutano
a été obligé de se reployer et de céder une gorge à l'en-
nemi, par la(|uelle il peut pénétrer sur nos denières,
(jui a forcé M. le maréchal Daun à reculer sa position,
afin de n'être pas coupé du pays de (llatz et de la hohème,
dont nous tirons nos sul)sislances.
« Pendant ces alta(iues, le gros de l'armée ennemie
était resté en bataille vis-à-vis de la nôtre, environ à
V.OOO pas les uns des autres. Nous nous sommes observés
ainsi jusqu'à la nuit où nous avons fait un mouvement en
arrière poiu* reculer notre position environ d'une lieue,
barrant toujours la vallée de Thonhausenc^t ayant derrière
nous nos débouchés sur (iiatz et sur Hraunau. Le poste de
Uurkersdorf a résisté toute la journée aux diU'érenles atta-
ques de l'ennemi et ne s'est retiré que parce que l'armée
s'est reployée, moyennant quoi il est bien sûr que l'en-
nemi a perdu infiniment plus que nous à cesdeu:^ attaques,
puisque M. df? Urentauo n'a pas été poussé vilainement et
(ju'il n'a perdu que 800 hommes et k pièces de canon; et
(1) Monta/.et au duc de Clioiseui, Giersdorf, 2H juillet 1762. Archives de
la Guerre.
■1-
DAHN EST COUPK DE SCIIWEIDNITZ.
411
> de
(juo d'ailleurs M. tVO Kelly, <[ui cominandait le poste de
llurUersdoi'f, n'a perdu ipie peu de chose et a toujours re-
poussé l'enuemi. Il n'en résulte pas moins cepcndaut que
le roi de Prusse a fait à notre droite ce qu'il avait tenté
inutilement à notre gauche quelques jours auparavant,
lorsqu'il lut repoussé par ce môme général lîtentano. Le
voilà donc maître des premières montagnes, nous ayant
totalement séparés de Schweidnitz. Ce premier pas est de
la plus grande conséquence ot va nous ramener on llohème
bien vite, si le Roi prend le parti de bloquer Schweid-
nitz et (Jlatz, et de nous suivre pas à pas ca nous tournant
dans uu pays de montagnes qu'il connaît bra'jcoup
mieux que nous. Il a d'ailleurs la supériorité du nond)rc;
car l'armée du maréchal Daun a été écrasée par le scor-
but qui y ri^gne encore, de façon (|ue les régiments ne
forment plus qu'un bataillon et même il y en a beaucoup
de très faibles. D'ailleurs, la plus grande partie de la
cavalerie est en mauvais état, .le crains donc, on ne peut
pas davantage, b cours de cette campagne. »
C'est le 17 juillet que Frédéric apprit la révolution qui
venait d'enlever le trl^ne h son allié i*ierre Ml. « Je vous
donne, écrit-il (1) à son frère, la triste nouvelle du détrù-
nementde l'empereur de Russie. Czcrnitchew a déjà reçu
l'ordre de se séparer démon armée. » Krédéric ne changea
cependant rien à ses piojets et pour la bataille (pi'il de-
vait livrer afin de néparer l'aimée de Daun de la forteresse
de Schwcidnitz, il se servit très habilement de la pré-
sence de la division russe; il obtint de Czerr)ilohe\\ qu'il
ajournât son départ de ;{ jours sous prétexte de pré|)ara-
tifs pour la marche, et (pi 'il lui prét.ll le -il l'appui moral
de sa présence dans le camp prussien. ConformémrnI aux
dispositions déjà exposées, l'armée royahî avait fait ses
préparatifs pour l'attaque et s'était portée dès le 20, de
(I) Frédéric il Henri, Seilendorf, is juillet !763. Sclionina. vol. 111,38;!.
K
W'
f
M-:
V
412
LA GUERRE DE SEPT ANS. — CHAP. IX.
m
«!i
très bonne heure, en face de Leutmannsdorf et deLuJwigs-
dorf derrière le Peilan , petit affluent du Weistritz. La
brigade M«»!lendorf s'était formée <\ la droite de Wied en
face de Burkersdorf et à la droite de celle-ci, Knobloch
prolongeait la ligne de Polnisch-Weislritz à Niederliogen-
dorf. Chacune de ces brigades avait été dotée d'une forte
artillerie. Mullendorf avait pour sa seule part 30 pièces de
12 et 50 obusiers. La cavalerie prussienne était derrière
son infanterie et avait pour mission de surveiller la garni-
son de Schweidnilz.
Les pentes assez raides qui dominent la plaine où est
située la forteresse et qui constituaient la position autri-
chienne avaient été fortifiées par des tranchées, des re-
doutes et des palissades garnies de détachements d'in-
fanterie régulière et de croates. On ne s'attendait pas à
une attaque de ce côté ; tout au plus dans l'esprit de Daun
s'agirait-il de démonstrations destinées à troubler les
communications de la ville avec son camp. Cependant, il
ramena vers lui le corps de Brentano, mais pour ménager
la fatigue de la troupe, il l'arrêta à Michelsdorf A ï kilo-
mètres des fortifications de Leutmannsdorf; ce village ne
fut occupé que par 2 bataillons; le général 0 Kelly qui
commandait à Bogendorf sur le Weitsnitz, fut renforcé de
manière à porter son commandement à 14 bataillons et
3 régiments de cavalerie.
Le soir du 20 juillet, Mullendorf enleva le village et le
château de Burkersdorf et plaça son canon de manière à
couvrir de son feu les tranchées ennemies. L'ordre du Roi
était de s'emparer des ouvrages autrichiens k quelque
prix 4ue ce fût. A peine Wied avait-il ébauché son assaut
qu'on aper(;ut les troupes de Brentano qui débouchaient;
elles furent refoulées sur Michelsdorf. Le but de Wied
était complètement atteint ; mais il n'en alla pas de même
pour Mullendorf et de Knobloch. Ce dernier dut renoncer
il un assaut direct qui eût coûté fort cher et eût peut-être
t,t 1
FREDERIC PREPARE LE SIEGE DE LA PLACE.
413
il
le
à
compromis le succès déjà acquis. Mlloendorf avait réussi
à prendre l'ennemi à revers et à s'emparer d'une hauteur
qu'il s'était hAté de garnir d'artillerie en vue du lende-
main.
Dans la nuit du 21 au 22, Dann évacua la position dont
il avait conservé une partie, mais qui était à moitié tour-
née par les hauteurs que les Prussiens avaient enlevées.
Il se retira sur son camp retranché, son aile droite à
Falkenberg-, sa gauche aux hauteurs de Wusle Giersdorf,
la vallée de Tannhausen devant son front.
A partir du 26 juillet le Roi installa son quartier géné-
ral à Ditmannsdorf près des positions conquises, et s'em-
ploya aux préparatifs du siège de Schwcidnitz ; un blocus
confié à la cavalerie n'interrompit qu'imparfaitement les
communications avec l'armée de Daun ; les tranchées ne
furent ouvertes que le 7 août. La garnison forte d'environ
10.000 hommes avait pour gouverneur le général Guaseo
et pour ingénieur le français Gribeauval , une célébrité
de l'époque en matière de génie. Le général Tauenzien
fut chargé des opérations du siège dont la direction tech-
nique fut confiée au major Lefebvre, français également,
tout au moins d'origine. Quant au corps de Czernitcliew,
il effectua sondépartdès le lendemain de la bataille. Pour
récompense de ses services, on pourrait dire de sa com-
plaisance, son commandant reçut de Frédéric une épée
richement ornée de diamants.
A Vienne et dans le camp autrichien, on n'avait pas
renoncé à l'espoir d'ell'ectuer la relève de Schweidnitz.
Montazct entretient (1) Chalelet des moyens à employer;
il considère que le procédé direct, le moins difficile, serait
de forcer le cordon de blocus par la vallée de VVeistritz,
cependant il préférerait une diversion contre Breslau,
mais « cui bono, si nous perdons Schweidnitz, du
1
U'I
(1) Montazet à Clialelel, 2 aoùl 17<12. Archives de la Guerre.
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■nn
mn
411
LA GUERRE DE SEI>T ANS.
CHAI». IX.
hi.:::
moins, nous garderons Scliwoidnitz jusqu'à la fin d'oc
tobrc étant pourvus de vivres jusqu'à cette époque
Les événements de Russie n'ont en rien diminué le désir
qu'a toute l'armée de voir faire la paix. Ses meilleurs of-
ficiers sont dégoûtés de la guerre à en juger par MM. de
Lascy et de Laudon qui ont signifié à M. 1<^ maréchal Daun
qu'ils ne pouvaient ni ne voulaient servir qu'en ligne.
Je suis bien sûr que M. le maréchal Daun lui-même dé-
sire plus que personne la fin de tout ceci. Il m'a dit
plus d'une fois d( puis la révolution de Russie qu'il crai-
gnait fort que M. de Kaunitz ne remordit à la grappe et
que sa souveraine ne lût entraînée par sa complaisance
et sa bonté. Mais j'ai lieu de croire qu'il serait bien difficile
à la cour de Vienne de trouver de l'argent pour la cam-
pagne prochaine ». Montazet en terminant annonce l'ar-
rivée de Vienne de M. d'Ayasas envoyé pour sonder les
vues du maréchal sur la possibilité de la relève de
Schweidnitz.
Malgré son peu de confiance dans l'entreprise, Daun
n'osa pas abandonner la tentative ; il se décida à essayer
la percée du côté de Reihenau; à cet etlet, il constitua ses
magasins dans le pays de Glatz, ramena à lui de la Haute-
Silésie le général Beck, et rassembla le gros de ses troupes
au Silberberg sous le couvert des Eule Gebirge. Du côté
prussien, Werner dut rejoindre le corps du prince de
Wurtemberg à Peterswaldaii ; le duc de Revern prit posi-
tion le 13 août sur des hauteurs derrière le ruisseau du
Peilau en face de Reihenau formant ainsi l'extrême
gauche.
L'attaque autrichienne fut disposée de la manière sui-
vante : Beck avec une partie de ses forces, occuperait
l'attention de Bevern, tandis qu'avec le gros il tour-
nerait la position pour la prendre à revers. Rrentano et
O'Donnell attaqueraient do front et sur sa droite Bevern
qui serait ainsi écrasé avant que le Roi pût venir à sou
TENTATIVE POUR DEULOQUEK LA VILLE.
415
secours; la cavalerie autrichienne avait mission de pro-
téger l'assaut de l'infanterie.
Au cours de la matinée du 10 août, Brentano chassa
les avant-postes prussiens du village de Languebrielau.
Mais voici comment Montazct (1) décrit l'allaire : « Le
gros de l'armée déboucha des montagnes avant-hier au
soir par les vallées de Warta et de Silberberg et hier
matin le reste des troupes est entré dans la plaine par
le débouché de Langcnbielen, en même temps que nous
étions on marche pour nous porter sur la petite mon-
tagne d'Hutterberg, de façon que toute l'armée réunie
à hauteur d'Hutterberg y prit sa position vers 11 heures
du matia.
c. L'ennemi avait deux camps dans la plaine : l'un
appuyant sa droite aux grandes montagnes, ayant le vil-
lage et le ravin de Peterswaldau devant lui; l'autre était
placé au-dessus du village de Peyle sur la rive droite
du ruisseau qui coule vers Keichenbach. Le premier était
commandé par le prince de Wurtemberg qui avait à ses
ordres presque toute la cavalerie du roi de Prusse et
assez d'infanterie pour couvrir son flanc droit.
« Le second était commandé par le prince de Bevern :
il consistait environ à 10 bataillons, 2 régiments de dra-
gons et quelques hussards, mais beaucoup de canons;
sa position d'ailleurs était excellente.
« M. le maréchal, voyant que le seul moyen d'arriver
à Schweidnitz, était de culbuter l'un de ces deux camps,
donna la préférence, avec raison, à celui de M. de Bevern
et se détermina à l'attaquer tout do suite; mais comme
les troupes étaient fatip;uées, i' fallut leur laisser le temps
de manger et de se reposer; on ne commença donc que
vers 5 heures du soir à canonncr le camp de M. de Bevern,
qui se défendait par lui-môme. Bref, notre artillerie et
(1) Montazct au duc Uc Choiseul, W eigelsdorf, 17 août 1762. Archives
de la Guerre.
I
> I
41G
LA GUEUUE Uli SEPT ANS. — CIIAP. IX.
la sienne ont fait les plus grands frais de cette entre-
prise, mais la cavalerie destinée à soutenir notre attaque
ayant été obligée d'en venir aux mains plusieurs fois
avec des renforts considérables de iM. le prince de Wur-
temberg, fut obligée, après plusieurs charges très va-
leureuses, de se retirer sous le feu du canon de notre
infanterie.
« C'est ainsi que finit hier à la nuit notre journée
qui ne justifie que trop malheureusement l'opinion que
j'ai toujours de l'ouvrage que nous venons d'entrepren-
dre. Au reste, notre perte doit être légère; car nous
sommes rentrés avec le plus grand ordre dans notre
camp, dont nous n'étions pas éloignés de trois mille pas,
M. le maréchal et nous tous y avons passé la nuit pour
voir si à la pointe du jour l'ennemi ne ferait pas quelque
mouvement, ou si nous pourrions en faire de notre côté.
« Il est 9 heures du matin; tout est à peu près dans
le même ordre qu'hier, ce qui me prouve que la déli-
vrance de Schweidnitz est bien aventurée. Je conclus
de là que, vraisemblablement, nous ne serons pas long-
temps sans aller reprendre la position que nous venons
de quitter. Je me hâte, Monseigneur, de i vous rendre
ce compte, parce que l'ennemi fera sans doute claquer
son fouet, et qu'il est nécessaire que vous sachiez la
vérité. »
La relation prussienne (1) omet ses propres pertes,
mais parle de 1.500 prisonniers et 5 étendards enlevés
à la cavalerie autrichienne. Montazet (2) donne une éva-
luation très différente : « Nous n'avons pas rendu plus
de 600 hommes et 3 étendards ; en revanche nous avons
fait près de 600 prisonniers et pris 2 pièces de canon. ■>
Frédéric s'attendait évidemment à un renouvellement de
(1) Relation Peterswalilau, 17 août 1762. Corr. Polit., XXII, p. 145.
(2) Montazet au duc de Choiseul, Cherfenick, 20 août. Archives du la
Guerre.
FREDERIC A HENRI.
417
l'attaque pour le lendemain et tout en se félicitant de
sa victoire était loin de la croire complète. Dans sa lettre
au prince Ferdinand, il attribue à Daun 55 bataillons
et 113 escadrons, tandis ([u'il n'en Jivait eu de présents
à l'ailaire que 23 bataillons e* 78 escadrons; ce serait
aux belles charges des 13 escadrons de (^zettritz et de
Werner conduits par le colonel Lossow qu'il faudrait im-
puter le succès. « Cinq bataillons autrichiens et cinq du
prince de lievern ont été dans le feu ; le reste a été spec-
tateur. Voilà le plus singulier combat de cette guerre.
!/airaire a commencé à 5 heures de l'iiprès-midi et à
7 heures tout était fini. »
Le lendemain, Frédéric écrit au prince Henri : « Voici
une nouvelle à laquelle vous ne vous attendiez pas :
La nuit du 17 au 18, Daun s'est retiré avec toute l'armée
à Wartha. Aujourd'hui, s'entend cette nuit, il en est parti
une colonne, prenant le chemin de Braunau, l'autre celui
de la Moravie... Vous jugez bien que ce n'est pas nous
qui l'avons fait fuir; il faut donc que les nouvelles de
Turquie aient donné (lieu) à cet événement qui assuré-
ment n'est point dans l'ordre naturel des choses. »
Montazet reconnaît que l'essai de débloquer Schweid-
nitz n'a pas été tenté sérieusement : « L'armée a campé (1)
le 18 à Warta, le 19 à Mitelchtein, et vient de prendre
sa position dans les environs de Cherfenick. J'ai tort
de dire l'armée puisqu'elle est divisée aujourd'hui on
5 corps, savoir : l'un à Warta, aux ordres de M. de BecU ;
l'autre à Silberberg, aux ordres de M. de Volgesian; le
troi&ième à Thonhausen, aux ordres de M. Haddick; le
quatiicme à Dietersbach, aux ordres de iM. de Brentano,
et le reste dans ce camp-ci avec M. le maréchal Daun, qui
occupe un point central, afin d'être égaleneut H portée
la
(1) Montazet au duc de Choiseul, Cherfenick, "îo août 176:>. Arcliivcs
de la Guerre.
<;ii:«ui; i)i; si;i't ans. — t. v. • 27
n
UH
\A OUKRItt; l)K SKI'T ANS. — CIIAP. I\.
<le sonicnir les V corps qui défondont l'entrée tles gorges
qui pénc^trciit dans le pays d(> (îiatz.
« M. le maréchal m'a dit (|u'il avait fait ce plan avec
ses généraux qui connaissent lo mieux le pays, et que,
moyennant cela, il était décidé à soutenir cette position;
([ue, si l'ennemi allait en Saxe ou en Bohème, il serait
plus à portée que partout ailleurs d'y envoyer du secours.
Il m'a dit aussi que c'était pour avoir plus de temps
à fortifier sa position qu'il avait pris le parti de quitter
aussi proniptemcnt la Siiésie, d'autant qu'il n'espérait
en aucune façon pouvoir délivrer Schweidnilz, puisque
les positions qu'avaient prises MM. de Wurtemberg et de
lievern détruisaient la seule espérance qu'il avait eue de
surprendre l'ennemi et de gagner avant lui le camp do
Kelcht, qui est au pied du Zobfonberg. H est viai qu'il
aurait fallu que le Hoi eût été bien différent de ce qu'il
s'est montré jusqu'ici pour faire une pareille balourdise.
Aus*;! n'ai-je cessé de dire que nous ne ferions que des
pas pour le moins inutiles; et si l'on m'avait cru, nous
aurions tenté un moyen bien plus décent et qui, je
crois, aurait donné de la tablature A l'eimenii. Mais on
a trouvé, comme j'ai eu l'honneur de vous le mander,
mon projet trop difficile à exécuter, et on a préféré la
promenade que nous venons de faire, dont on doit être,
je crois, peu satisfait. Au moins anrais-je resté quelques
jours de plus dans les plaines de Siiésie, n'eût-ce été
que pour manger le pays et pour prévenir les mauvais
propos qu'on tiendra sur notre prompt retour dans la
montagne. Je l'ai représenté à M. le maréchal Daun, (|ui
m'a répondu qu'il croyait inutile de perdre en Siiésie
un temps qu'il comptait employer beaucoup plus utile-
ment à fortifier les positions qu'il voulait tenir; que c'était
l'avis de tous ses généraux, et que, d'ailleurs, les der-
nières nouvelles qu'il avait eues de Schvveidnitz lui fai-
saient craindre que la place ne tint pas longtemps, que
rr»*:
l^£-
I .'
LETTUK DE MONTAZET.
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la
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ais
la
ui
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c'était une raison de plus pour précipiter sou départ. »
Dès le lendcinaiu du combat de Reichenau, le 27 aoiU,
Haun avait écrit au (1) gouverneur (luasco pour l'au-
toriser à traiter : « Vous avez vu hier la tentative (pie
j'ai faite pour me mettre à tnêmo de lever le siège;
mais puisque cela est impossible, je reprendrai domain
la position que j'avais avant de déboucher dans la plaine.
Ainsi n'étant plus moyen de vous délivrer et selon votre
billet du l:J, puiscjue vous êtes déjà si pressé. » Il l'auto-
rise à rendre lu place à la condition d'obtenir la libre
sortie pour sa gai'nison. Cette proposition fut repous*«ée
par Frédéric. Malgré cet accueil peu encourageant, le
gouverneur Guasco qui parait avoir eu peu de confiance
dans la durée de la résistance, adresse à ïanontzien le
colonel Aspe avec mission de continuer les pourparlers;
il oilVe cette fois une reddition sous réserve que la gar-
nison ne servirait pas pendant une année. Nouveau refus
du Roi.
Ne pouvant obtenir des conditions honorables poui* la
garnison, la cour de Vienne revint à l'espoir de relever
Schweidnitz. Quant à Daun, son principal souci était de
couvrir Its approches du comté de Glatz et de la Bohême.
« Nos positions, écrii Montazet (2) sont devenues des
citadelles par la quantité d'ouvrages, palissades et aba-
tis qu'on y a faits, aussi avons-nous abattu pour plus de
2 millions de florins de bois. L'ennemi de son côté en
a fait autant. » Quelques jours après, il donu(î des nou-
velles du siège (3) : « Le siège de Schw(ùdnitz va tou-
jours son train, mais Dieu merci très lentement. Il est
impossible d'avoir une opinion juste sur l'époque de la
•(1) Daun à Guasco, 17 aoilt 17(i2. Arnelli, vol. VI, Annexes, noie 559.
{'!) Monlazet au (lue de Ohoiscul, Cherfeneck, 3 septembre I7(i'>. Archives
de la Guerre.
(3) Montazet au dur de Choiseul, Cherfeneck, 7 septembre 1762. Archives
de la Guerre.
ûli
420
LA OUEIUIK DE SEPT ANS. CIIAP. IX.
prise de cette place, parce que le roi de PruFse ne fait
pas lin si«>ge comme un autre et <[u'il attend tout de
l'eflet du canon. Il chemine d'ailleurs, autant (|u'on en
po'it juger de fort loin avec une lunette, par une scMde
sappe. Jugez par là de la lenteur et du peu de solidité
de son travail. »
Le 17 septembre, Daun lui confie un projet de relève.
Il s'agissait de percer cette fois le blocus par les hauteurs
deKoengerichdoif et Kassendorf, << ce qui entraînerait une;
marche de deux jours dans les montagnes ». Le projet lui
parait inexécutable aussi bien qu'à Daun, mais comme il
émane de Laudon, le maréclu 1 le soumet à la cour et s'y
conformera s'il est approuvé. « L'on peut (1) et l'on doit
s'attendre, selon moi, ajoute le Franc^ais, à une bonne dé-
route de notre part, supposé que le roi de Prusse ne soit pas
apoplexie pendant les deux jours que nous marcherons à
lui. » Le 20 septembre arrive la réponse de Vienne; la
cour accepte le projet Laudon malgré les risques qu'il
comporte; l'exécution qui devait être immédiate a été
« différée à cause du temps épouvantable ». Montazet est
très intjuiet (2) : « .le crois de bonne foi qu'il n'y a per-
sonne ici qui connaissant le fond de l'entreprise, n'a prié
Dieu pour qu'il pleuve longtemps. » En ce qui concerne
le siège : « Le Roi ne parait pas plus près de la place qu'il
y a quinze jours. Reste à savoir ce qu'il fait sous terre. » Le
22, Montazet (3) annonce de nouveaux ajournements :
« Nous sommes prêts à marcher depuis longtemps, mais
tantôt des chemins impraticables, tantôt de nouveaux
abatis de la part de l'ennemi, tantôt des postes que l'on
(1) Montazet au duc de Clioiseul, Ctierfeneck, 17 septembre i:c.2. Aicliive*
de la Guerre.
(2) Montazet au duc de Choiseul, Cherfeneck, 20 septembre 1762. Archives
de la Guerre.
(3) Montazet à Cliatelet, ScUerfeneck, 22 septembre 17G2. Archives de
la Guerre.
'• - ,' '
l'l«0,IET DE LAUDON.
i2t
trouve où il n'y on avait pas. Kn un mot, on rencontre
tons les jours des dii'ficultés (fu'on n'avait point prévues,
et je crois, entre vous et moi, que ceux qui ont proposé
la marche sur CunsentlorirHoenyiersdorH'ct la bataille au
bout, seraient fort aises à présont de n'en avoir jamais
parlé. M. le marécl.al haun ({ni en a miindé son avis à sa
cour par M. de hrecluiinville, et qui no lait (|ue prêter
son nom pour cette entreprise, envoie tous les jours chez
M. de LaudoD pour savoir s'il juue à propos qiio l'armée
se mette en mouvement; et comme je viens de vous le
dire on n'a trouvé jusqu'ici que des diflicnités qu'on cher-
che k lever par de nouvelles reconnaissances. En vérité,
je suis peiné de voir co (jue j'ai sous mes yeux; mais j'ai
des ordres si précis do ma cour de ne chercher à influer
sur rien et de m'en tenir à dire mon avis, supposé qu'on
me le demande; que je suis forcé, malgré moi, de garder
le silence. Je me lève donc depuis quatre jours avec l'es-
pérance et l'incertitude que vous voyez. Ceci a assez l'air
d'un homme qui a promis à son médecin de prendre une
médecine, et la flaire quand on la lui porte. Keslo à savoir
si nous la prendrons ou si nous la renvoyerons, c'est co
que je ne puis vous dire encore, quoique j'aie vu ce ma-
tin M. le maréchal de Daun et ses généraux principaux. »
D'ailleurs, les lettres confidentielles de Daun à l'Impé-
ratrice indiquent à la fois le découragement du général,
son peu de foi dans la possibilité de secourir la place assié-
gée, sa jalousie de Laudon et son désir de lui faire endos-
ser la responsabilité do la faillite. « Les chemins (1) sont
daus un état exécrable; il faudra deux fois -24 heures de
beau temps pour les mettre en état d'être utilisés; plus
VO heures pour les réparations et cela sans compter aucun
accident, ce qui pourtant bonnement n'est pas à, espérer
et si môme nous arrivons à Sudenkorf où il faut déloger
à
(1) Daun à Marie-Tbércse, l'.t septembre. Archives de Vienne.
42'i
LA (iUEIlUE DK SEPT ANS.
CIIAP. I.\.
' ■ ta
J .,''»
li'i;
IVnriomi pour occiipor los hauteurs do Kuiizcndorf oi
Htijioudoif, comment peut-on s'en flatter? Mais je ne m'ar-
rt'terai [)as davantage î\ toutes les autres ohjecfions trop
fondées (jue Montazet nomme folie de seulehient y pen-
ser. . Knfin au premier moment de possibilité l'exécution
suivra... Si cela va mal, Laudon (jui comme le seul <|ui
connaisse au mieux les chemins et la contrée conduira l'a-
vant-garde, n'aura pas été suftisamment soutenu et aura
été sacrifié ex|»r>>s,(ju au contraire, on ne l'ait pas emplo\é.
c'est par envie et jalousie de ma part. » De Laudon, Daun
pas>e sans transition iV la Sax' : « Je dois avouer à V. M.
({ue la déclaration russe au résident saxon ne me send>le
pas si désavantageuse. La Saxe nous donnera toujours
beaucoup à faire et si no{is pouvions nous servir autn
part de notre armée, nous pourrions mieux assurer la pro
tection de nos propres territoires; tuais ça peut en fran-
çais fort bien être jugé comme le tailleur qui parle des
souliers ou le cordonnier de l'habit. »
La seconde lettre écrite en grande partie comme la
première dans un français des plus bizarres, est conçue
dans le même sens :
<( Le mauvais temps (1) a empêché jus(|u'il cette heure
l'exécution du projet que j'ai eu l'honneur de communi-
quer à Vos Majestés par l'envoi du major Prechenville.
nier les rapports de M. le général Laudon ont signaL'i
quelques changements et de nouveaux abatis auprès de
l'ennemi. » Il a envoyé successivement le colonel Fabris,
puis un autre officier, pour se procurer des renseigne-
ments plus précis; d'après la réponse, il paraîtrait que
ro|iération doit être encore ajournée « de sorte que plus
cela traîne, moins il y a d'apparence de pouvoir se flatter
delà moindre heureuse issue, que je n'ai jamais prévue,
comme de même tous les autres généraux hormis M. de
(1) Daun à Marie-Thérèse, 21 septembre 17()2. Aicbivcs de Vienne.
-fi^^U^-
ON RRNONCK A DhlULOQIIK» SCIIWKIDMTZ.
421
Laiullion qui seul a trouvô autant d'espoir (|ue do possibi-
lité ce (|ui uui(|urniei)t m'a déterminé i\ \o poiter fie pro-
jet) A la connaissance de Vos Maji^stés, en leur Taisant
faire mes objections et eu dt-clarant (pu; [>our moi je ne
trouv<; |iour l'exécuter ([ue cidui pour leipid rien n'a été
impossible. Puisipie M. de baudlion avait ajout<'' (piM se
faisait fort de p.irvenir sur les Imuteurs de (Jieisdorf et
BOgendorf eu preniiiitle cbeuiin (ju'il adicté, (jui, en ell'et,
est le plus court et le meilleur, si l'ennemi ne peut le
barrer. Mais voilii ce qui est n;iturellement à supposcu*.
Or, comme lui connaît ces environs le mieux, je dois me
l'égler entièrement sur son avis ».
Daun sait (|u'on lui jettera la p rre, qu'on lui repro-
chera de n'avoir pas exécuté un projet <|ue 1^. M. avaient
approuvé. Les vraies raisons de rajouriiement sont le
mauvais temps, les lettres do Laudon, les rapports de
l'artillerie « qui ne pourrait arriver qm; par pii'-ce et
morceau, et hors de date A pouvoir travailler... (îc géné-
ral (Laudon) est très zélé, mais extrêmement cbanf;eant; sa
première déclaration est bien dilférentiî de l'explication
de cette lettre; personne n'a fait traîner la chose (jue ses
pr()|)res aveu et lavis..., il ne dépend que de lui de dire :
A cette heure, je puis l'entreprendre; tout est prêt à suivre
chaque instant. Voilà, sacrée Majesté, avec quoi j'ai
l'honneur de me mettre ;\ vos pieds ».
Les velléités d'offensive ne furent (|u"un feu de paille;
le2V, l'attaché l'ranç.iis infoi'uie (l)Choiseul qu'on renonce
décidément à la relève et que Schweidnilz sera aban-
donné à son sort; Cliatelet confirme (2) cette nouvelle.
Les troupes chargées du siège de Schweidnilz .'{) sous
I
(1) Montazel au duc de Choiseul, Clieifencck, 24 septembre ITO!. Archiver ,
'le la Guerre.
(2) Cliatelet au duc de Choiseul, Vienne, 28 septembre l/Uî. .Vrchives de
la Guerre.
(3) Les détails du siège sont empruntés à Therbut, Dif llclageriuiy v.
I
-iîi
r,.\ (.1 KKUK DE SEPT ANS. — CHAI' IX.
les ordres de Tanentziien so composaient de 22 butaîllons
il l'aiblcs ellectifs et de 22 escadrons. Le major Lefebvre
avait pour le seconder dans la direction des travaux
d'attaque lîî officiers du g-énie, quelques volontaires et un
détachement de ïi) mineurs ; le parc de sièg-e comprenait
28 canons de 2V, .'îO canons de 12 livres, 20 mortiers de
50, 12 ojjusiers de 7 et ({uelqiies pièces de 6. Api'ès une
reconnaissance à la suite de laquelle il fut décidé de s'en
prendre au front du fort Jaueriiick, la tranchée fut ouverte
dans la nuit du 7 au 8 août; V.500 travailleurs soutenus
par 8 bataillons y turent employés, mais ce travail bien-
tôt découvert par l'assiégé et exposé à un feu dos plus
vifs de la place, ne fut que t: js incomplètement exécuté;
le lendemain 8, la garnison lit une vigoureuse sortie;
elle réussit à combler une cinquantaine dj mètres de
l'ouvrage entrepris la nuit et fit prisonniers le colonel <le
Falkeiiberg' et près de 200 hommes. Les jours suivants
furent consacrés à conslruive les premières batteries, à
déboucher en zigzags de lajiremière parallèle et à réparer
les dommages causés par les assiégés dans leurs sorties:
dans la nuit du 15/16 on amorça la deuxième parallèle.
A partir de ce moment, les travaux d'approche subirent
un certain ralentissement; l'inexpérience des travailleurs,
l'insuffisance du personnel oflicie^'s, les sorties fréquentes
et souvent heureuses de lassiégé, son feu soutenu empê-
chaient des progrès rapides; le 20, il fut impossible de
placer un gabion; deux attaques dirigées dans les nuits
des 18/19 et 21/22 contre la flèche de Striegau échouè-
rent. Cependant, les assiégeants avaient achevé leur troi-
sième parallèle et le 24^, le mineur avait efl'eclué un loge-
ment sur l'angle du chemin couvert de la flèche. A partir
<les derniers jours d'août, on jjrépara le premier globe de
Stinveidiiil: et ixii Journal du Slige par le inujor Lpfcbvro Maoslrichl,
1778.
\
- r'fêtm<mwnms •*••• ••
1^1
ÏRAVAl X UAiMMtOCIIK.
425
conipivssion qu'on fit jouoi' dans la nuit du 1" et au
2 septembre avec beaucoup d'effet.
Pendant tout le mois de septeud)re et les premiers jours
d'octobre, la lutte se poursuivit entre les ingénieurs,
Irançais lous deux, (jui dirigeaient ratta([ue et la (bMense.
(iribeauval semble l'avoir emporté sur son compatriote
en science et on hardiesse; la correspondance de Frédéric
avec Lefebvre est pleine d'allusions aux galeries d'ap-
proche éventrées par les mines de l'ennemi, aux mineurs
chassés ou asphyxiés par les camoutlcts, aux travaux (pi'il
a fallu recommencer ou réparer à la suite des explosions,
aux coutremines de l'assiégé, aux difficultés de combattr(>
l'invasion de l'eau, à l'inexpérience des mineurs prus-
siens.
Tanentzien et Lefebvre étaient décourages : « A peine
faisons-nous quehpies progressons terre (1), que l'ennemi
fait sauter une mine et ruine tout; c'est ainsi que c'est
arrivé hier après-midi à A heuics, nous avons perdu deux
mineurs et un sapeur. »
« Le major Lefebvre ne sait plus quoi faire; il va re-
commencer les travaux des mineurs et cherchera à in-
({uiéter l'ennemi en travaillant sous la llèche. »
Cependant les offres répétées de capitulation faites
par la garnison étaient de nature à encourager les assié-
geants.
Nous avons déjà relaté les tentatives du gouverneur
Guasco pour obtenir une clause permettant aux 10. 000 hom-
mes de \a garnison de rejoindre l'armée de Daun avee
artillerie et bagages; cette proposition repoussée fut re-
nouvelée le 28 août sans succès. Les i',) et 2(i septembre,
nouveaux messages de la place offrant de se rendre
moyennant liberté sous condition de ne [)as servir contre
la Prusse pour une période d'un an, Tanentzien inexo-
(1) Taiienl/.icn A liédéric, 19, 20 se|ileiiiliro 17()2. Schoniiisj;, vol. III,
|). 447.
Il I
VË I
.S
sv
w
426
L\ GUEUUE l)i: SEPT ANS. — CIIAP. IX
rablc lit répondre qu'il n'accepterait (jue la reddition
pure et simple, la g.iriiison devenant prisonnière de
j^uerre et, (ju'il ne recevrait d'autres parlementaires que
ceux qui seraient autorisés à traiter dans ce sens. Le Roi
s'était lait illusion sur la durée du siège; au début, il
avait prédit la lin dans 2 ou 3 semaines; peu à peu les
délais avaient augmenté; le fi octobre, 3 jours avant la
chute de la place, il écrivait (1) à son frère : « Si (Iribeau-
val ou le diable ne s'en mêlent pas, j'espère de vous don-
ner de bonnes nouvelles de notre siège ; mais ce que je
vous dis est conditionnel au cas qu'une maudite mine ne
nous retarde pas de quelques jours ou que l'ennemi ne
nous fasse pas d'autres chicanes. Le siège doit vous en-
nuyer beaucoup, cependant je puis vous assurer que nous
ne négligeons rien. »
Le 24 septembre, impatient de ces lenteurs, Frédéric
transféra son quartier général de Peterswaldau àBoegen-
dorf aGn de pouvoir surveiller les opérations de plusprès.
Il fit en eff<!t faire quelques modifications aux travaux
d'approche, mais il est diflicile de dire si elles firent plus
pour hiVter le dénouement que l'explosion d'une pou
drière qui vint jeter le désarroi parmi les assiégés; le
8 octobre une bombe mit feu au magasin dans la gorge
du fort Jauernick. L'effet fut désastreux : le mur de la
gorge fut renversé, 2 oifîciers et 300 soldats furent ense-
velis sous les décombres. Les Autrichiens barricadèrent
la brèche avec de grands chevaux de fiise, mais elle
n'en était pas moins ouverte. Le lendemain les assié-
geants firent jouer une mine dont l'explosion ouvrit une
nouvelle brèche « qui n'endommagea pas cependant le
revêtement de l'enveloppe du fort Jauernick », mais qui
projeta une masse de terres jusqu'en haut du parapet.
« Deux compagnies prussiennes se glissèrent à droite et
(I) Frédéric à Henri, Bcrgendorf, le 6 oclohre 17(12. Correspondance Po-
litique, XXlll. p. 25C. ,
i
^ffTwp -^a,i«ù»taJi%«» -
CAPITULATION.
427
le
h gauche du chemin couvert, mais l'ennemi ayant fait
des traverses avec des gabions, il en sortit un feu très vit
de mousqueterie pendant le reste de la nuit et nous
perdîmes beaucoup de monde. iNos gens se retirèrent
dans les entonnoirs; ceux-ci étant battus de revers par
la flèche de Striegau, nous ne laiss.Vmes qu'une trentaine
de grenadiers dans les entonnoirs. » A en croire ce récit
emprunté au joiurnal du siège du major Lcfebvre, la
place devait être en état de prolonger encore la résis-
tance. Néanmoins, vers 9 heures du matin le 9 octobre,
on battit la chamade. Gnasco avait réuni un conseil de
guerre; tous les membres à l'exception du général Gian-
nini et d'un major d'artillerie qui croyaient encore à la
possibilité d'une sortie en masse, opinèrent pour la capi-
tulation; elle fut signée le même jour. Marie-Thérèse ré-
compensa largement (1) la conduite des défenseurs de
Schweidnitz. Des 3 généraux, Guasco fut promu « feld-
zeugmeister », Giannini et Gribr uval furent nommés
« Feldmarshall >;. Les officiers reçurent une gratification
de 6 mois ou d'un an de solde, les soldats d'un mois.
La garnison prisonnière de guerre fut dirigée sur l'in-
térieur de la Prusse.
Schweidnitz se rendit aux dures conditions imposées
par le Roi après un siège de GV jours. La garnison se
composait encore de 9.000 hommes; elle avait éprouvé
une perte de 32 officiers et t.iSVS soldats tués ou morts
de leurs blessures, 52 officiers et 2.218 blessés, c» Ile des
assiégeants était A peu près égale : 20 officiers et 1 . 1 10 sol-
dats tués ou morts de leurs blessures; V8 officiers et
2.000 soldats blessés. Dans la forteresse, les vainqueurs
trouvèrent 60 canons de tonte, 30 de fer, 'i^O mortiers,
2 obusiers, 1.002 quintaux de poudre. .\vec la chute de
Schweiduitz, se lermine la campagne de Silésie, sa résis-
'-r
.»
(1) Arnelt), vol. VI. p. 343.
4'i8
LA GUEHRK DE SEPT ANS. — CHAP. IX.
tance inattendue avait retenu le roi beaucoup plus long-
temps (ju'il ne pensait.
Aussitôt la place rendue, le Roi avait détaché sur la
rive droite du Bober, à Ilirschberg où il arriva le 17 oc-
tobre, un corps de 20 bataillons, 55 escadrons et 60 ca-
nons de parc sous les ordres du comte de Neuwied ; l'ci-
vant-garde du général Schmettau fut poussée jusqu'à la
Lusace supérieure. Daun imita aussitôt ce mouvement en
taisant marcher sur Zitlau le prince Albert de Save avec
une partie des troupes postées à Trautenau; en même
temps il resserra ses cantonnements et ne laissa dans ses
ouvrages de campagne que des piquets. Frédéric donna
ordre à Neuwied de continuer sa marche vers Dresde
et envoya le brigadier Stechow avec 6 bataillons et 10 es-
cadrons prendre sa place à Ilirschberg. Les 20, 23, et 20
octobre de nouveaux envois de troupes lurent dirigés vers
la Haute-Silésie, et vers la Saxe. Eiilin, le Uoi de sa per-
sonne partit le 31 pour l'électorat après avoir remis le
commandement au duc de Bevern. Des deux côtés, on
était las de faire campagne ; aussi se mit-on d'accord
pour la trêve habituelle de l'hiver qui fut signée le 2i no-
vembre et qui s'étendit à la Silésie et à la Lusace.
En Saxe, les hostilités s'étaient poursuivies pendant
le mois d'octobre et après quelques vicissitudes de for-
lune s'étaient terminées par une brillante victoire du
prince Henri.
Le changement de commandement de l'armée de Saxe
s'était opéré au commencement de septembre: Marain-
ville (1) en annonçant l'arrivée de liadick déclare que
u Serbelloni est parti peu regretté ».
Le siège de Schweidnitz était loin d'être terminé que
déjà le Boi échangeait avec son frère ses vues sur la suite
à donner aux opérations. Il envisageait la prise de Dresde
(1) Marainvillc au duc de l'hoiseul, Dresde, 13 septembre 1762. Archives
(le la Cluerrc. , ,
V ■
J-»"3L/
w'jgiar^B i.-ï^~7;s^-je
PROJETS Dli FltKDERIC CONTUE DHESDE.
4'!'.»
comme devant être le dernier acte de la campagne. Dans
une lettre de Frédéric du 12 septembre (1) nous trou-
vons un exposé de la situation : Il serait désirai)le de re-
couvrer le comté de Glatz, mais << ce comté est entouré
d'ouvr.iges, toutes les gorges et entrées sont fortifiées
jusqu'aux dents et quand môme nous pourrions y enirer,
le siège de Schweidnitz a consommé la plus grande par-
tie de nos munitions, ce qui nous empêcherait également
de reprendre la forteresse de (ilatz; toutefois en repre-
nant Dresde nous aurions un équivalent et pour ravoir
cet électoral, on serait hier» obligé de nous rendre ef
Glatz et le pays de Clèves et de Gueidre. Voilà donc pour-
quoi je regarde la prise de Dresde comme le coup le plus
important pour nous... Je me propose de marcher avec
30 bataillons et 70 escadrons en Saxe droit à Dresde ; si
je puis y arriver avant Daun, j'espère que nous ferons
décamper Hadick et que vous pourrez assiéger Dresde;
je couvrirai le siège du côté de Weissig et tout ira à
merveille. Daun qui ne s'est pas battu pour Schweidnitz,
ne se battra pas pour Dresde )i.
A cette lettre, le prince Henri répond (2) le 17 septem-
bre : L'armée de Hadick est forte de 87 bataillons (*t de
176 escadrons, sur lesquels 33 bataillons appartiennent
aux forces de l'Empire et encore dans ce total ne sont pas
compris les 3 bataillons de la garnison de Dresde. Étant
donné ces forces et les postes qu'elles occupent, il est im-
possible de songer à les entamer par une attaque de
front; il faut donc avoir recours à des diversions en Ho-
hême. « J'ai tâché d'en faire, mais je n'ai janiais pu le
faire en force, et n'ai par conséquent pu arriver à leur
magasin de Leitmeritz qui est très considérable; en le
vh,
p
1,
(1) Frédéric à Henri, Peterswaldau, 12 se|ilemlire 1762. Schoning, vol. III,
p. 433.
(2) Henri à Frédéric, Prelzscliendorf, 17 seplirnlire 1762. Schoning, vol. III.
p. 443.
1
130
LA GL'EUUK DE SEPT ANS. - CHAP. IX.
leur hrùlant, je pense que ce serait un des moyens qui
pourraient nous conduire vers Dresle. » Une autre solution
serait do faire croire au siège de Glatz ; « cela oblig"erait
peut-être le maréchal Uann à se rencoigner dans le comté
de Glatz », et l'empêcherait de marcher vers Diesde. Le
prince n'est p.-is partisan du mouvement du Roi sur la
capitale de la Saxe; déjà l'ennemi prend ses précautions;
il a fait jeter un [)ont sur l'Elbe entre Lanbegnet et
l'illwitz. '< Or, (|uand même vous arriveriez un jour ou
deux avant le maréchal Daun, ce dernier passerait tou-
jours à Pillnitz et alors la jonction des deux armées ren-
drait l'entreprise sur Dresde entièrement impossible. »
En résumé, il estime qu'il faut « éloigner Dai'n et faire
un détachement qui fût bien conduit sur Leitmeritz ». A
son tour, le Koi réfute le contre-projet de sim i'rère en
démontrant l'impossibilité d'une invasion du comté de
Glatz et d'une opération du coté Leitmeritz.
Aucun incident nouveau ne survint jusqu'à la fin de
septend)re. Le 27, à la suite d'un mouvement oll'ensif de
iladick, Kleist fut obligé de se replier jusqu'à Wcrda; le
lendemain les Prussiens durent repasser la Mulda; le 29
il y eut combat entre Hulsen et le corps autrichien de
Uied à la suite duquel le premier dut reprendre son
camp de Schlettau et Katzenhausen. « En restant, écrit
le prince Henri (1), je risquais une défaite entière, sans
retraite, en cas de malheur. L'ennemi en force de tous
cùtés présentait 5 ou 6 bataillons où à peine j'en avais
un; d'ailleurs '1 pouvait nous venir entièrement à dos. »
Marainville fait (2) de cet engagement le récit suivant :
(i Je dirai seulement à Monseigneur qu'hier il (Hadick)
a fait attaquer M. de llulsen dans la partie de la forêt de
Tharand qui est vis-à-vis de Landsberg, qu'on nomme
(1) Henri à Frédéric, Frevljurg, 30 septembre 1762. Schroning, IV, p. 425.
(2) Marainville au duc de Clioiseul, Salisdorf, 30 septembre 1762. Arcli.
(luerre. - .
Vli'l-L
■fM
RKCIT DE MAIlAINMLLIi.
4.')(
Speechtbuus; on y a forcé 2 ahalis, emporté <Ioux ou trois
redoutes, pris ^i- pièces de canon et fait près de VOO prison-
niers. Cette attaque a été faite par M. le général Ried, sous
les ordres de M. le général d'infanterie de Wicd. Elle a
coûté au moins 500 hommes. Les troupes ont montré une
valeur infinie en forçant les ahatis qui ont été bien
défendus; il y a un bataillon du régiment de Thurbeim
(jui, lui seul, a perdu aussi beaucoup de monde. 11 y a en
une autre attaque au village de Dertlayn, vers la hauteur
de Klingenberg, (jui n'était que fausse et pour faire une
diversion à la première, H y a eu des démonstrations dans
tout le front de la position de M. le prince Henri, pour
tenir ses forces partagées; et on a chassé de plusieurs
bois des chasseurs et des bataillons francs qui les occu-
paient avec des abatis. Et enfin le corps de M. le prince de
Eowenstein et de M. le général Campitelli ont tourné la
droite de l'ennemi du côté de Grosliartniansdorf et de Dil-
lersbach, et ont eu une très vive canonnade avec l'ennemi
et ont fait environ 500 prisonniei's. M. de Thoreck a été
poussé avec environ 2.000 chevauv et des Croates vers
Freiberg. Cette manœuvre a sans doute déterminé M. le
prince Henri à se retirer sur cet endroit, et on assure
qu'il a aujourd'hui son quartier général à Gros-^chirma.
M. de Ilulsen a abandimné également .sa position de
Wilstroff pendant la nuit pour .se retirer au delà du
ravin de Meissen. Nous avons avis que la gi'osse artil-
lerie a été conduite jusqu'à (Irosschirraa, et que celle qui
avait d'abord été conduite à Freiberg a eu le même ordre
avec les bagages qui y étaient. Cela fait croire que M. le
prince Henri ne se proposa point de soutenir Freiberg,
mais seulement le camp de Katzenhausern, et de mettre
un petit corps à Schirma et à Goldberg pour barrerdcpuis
la Mulda jusqu'à la Strigiss, qui est un très bon ruisseau,
et par là couvrir Nossen et Rossvein pour lier cette posi-
tion avec celle de Katzenhausen. M. le général Hadick
l.
iv,
Wî
LA OUKRKK nK SEPT ANS. — CHAI». IX.
H)
espère que M. le prince llcni'i nt soutiendra point Frei-
bei'g avec opiniAtreté, niîiis seulement Jus([u'i\ ce (|u'il it
lait les manœuvres propres à l'engager de l'abandonner,
en supposant qu'il trouve le moyen de le faire. Je me
tlatte qu'on y^parviendr.i, si la prolongation du siège de
Schweidnitz en donne le temps, sans cependant oser l'as-
surer. » ■ --
Quoiqu'il ei\t conservé ses positions principales et que
ses pertes n'eussent pas dépassé celles des Autrichiens, le
prince Henri se détermina à évacuer son camp de Pret-
schendorf et i\ s'établir aux environs de Freybcrg' derrière
la Mulda, pendant que Hulsen retournerait aux retranche-
ments de Schlettau et de Katzeuhausen. Le départ eut
lieu le 30 septembre i\ 2 heures du matin; à 10 heures les
ï colonnes de l'armée fortes de 21 bataillons et 3j esca-
drons avaient franchi la Mulda sans avoir été inquiétées ;
elles étaient établies derrière le bourg de Brand, sur les
hauteurs de Langenrinne à Berthelsdorf, le quartier géné-
ral était à Freyberg. Ilulsen avec ses 17 bataillons et
\ 5 escadrons effectua également dans la matinée sa retraite
sur la position de Katzenhausou.
Jusqu'au 13 octobre, il y eut suspension presque com-
plète des hostilités. Hadick en profita pour préparer l'atta-
i[UQ de Freyberg; à cet effet il fît avancer les troupes des
cercles sous les ordresdu prince Stolberg- qu'il renforça des
Autrichiens de Campitelli promettant de les soutenir avec
toute l'armée. En exécution de ces ordres le ï octobre,
Stolberg- s'établit à Franchenstein; le 5 Campitelli prit posi-
tion sur les hauteurs derrière le village de Cheninitzavec
8 bataillons et 3 régiments de cavalerie ; enfin Luzinski
avec quelques réguliers et des troupes légères s'intalla près
de l'armée des Cercles à Burkersdorf. Le 14, Hadick fit
tâter sans grand succès la ligne prussienne ; le combat
recommença dans l'après-midi du 15 par une canonnade
que Hadick en personne dirigea de l'église de Conrads-
SITUATION CRITIQUE DU PIUNCK HENRI.
438
dorf contre les Prussiens à Tuttendorf. Cette démons-
tration bruyante avait pour but de dissimuler la véritable
attaque orientée sur la position de Freyberg- et qui avait
été confiée à Stolberg et Campitclli. Ce dernier s'empara
du Kathswald, fut repoussé quand il tenta de déboucher
de ce bois, mais parvint à tourner la redoute du Kubberg.
Le général prussien Syburg prit les Autrichiens pour les
soldats de son compatriote Helling; quand il s'apen-utde
son erreur, il était trop tard; le régiment de Sallmuth
cerné par l'infanterie de Campitelli et par les iiussards
de Veczay ne put se frayer un passage sur Erbisdorf et fut
fait prisonnier presque en entier. Le bataillon de grena-
diers Jlalkstcin eut le même sort au village d'Erbisdorf.
Les Prussiens durent reculer jusqu'à la hauteur de Frey-
berg ; la nuit mit fin à la bataille. Le prince Henri se trou-
vait dans une situation fort critique : Les Impériaux
avaient leur avant-garde au Spittelwald et s'étendaient
depuis Erbisdorf jusqu'au Galgenberg de Freyberg; ils
étaient par conséquent parvenus dans le dos de Seydiitz
et des défenseurs de la ligne de la Mulda h Berthelsdorf,
lesquels se trouvaient en l'air et séparés de l'aile droite à
Langenrinne. Le prince se décida à abandonner la posi-
tion de Freyberg qu'il jugeait très compromise. La journée
du 15 seule lui avait coûté 37 officiers et 1.600 soldats
tués, blessés ou pris, 9 canons et les drapeaux du régi-
ment de Sallmuth. Dans la nuit du 29 au 30, les Prussiens
eii'ectuèrent leur retraite; ils installèrent leur droite au
village de Keichenbach le dos au Zellaerwald, leur gauche
à (ir. Voigtsberg, les bagages à Rosswein au delà de la
Mulda, le quartier général à Ober Cruna. Dans sa dépêche
du 16 octobre, le prince Henri reconuait il) sa défaite :
«( L'ennemi... comme la nuit arrivait heureusement, resta
sur les hauteurs en deçà de Brand, car s'il avait fait jour,
i
(1) Henri à Frédéric, Subenbchn, 10 o>'.lol)re 17G2. Sclioning. III, p. 479.
cii-.iiiii: m: skpt \ns. — t. v. ■ 28
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43i
I.A (;UERRK DK SKPT ANS. CHU'. IX.
je n'aurais puni me retirer, ni atta(|uer; en un mot, nous
aurions ét^^ perdus sans ressources, je n'avais plus rien et
toute notre ligne consistant en 15 bataillons le long- de la
Muldc, étaittenueparles attacjuesde lladick;nous sommes
marchés la nuit, nos coloimes ont passé à cent pas devant
les feux du corps qui avait attaqué notre tlanc, nous avions
des chemins horribles où rartillcrie a été embourbée;
enfin j'ai pris mon camp entre Keichenbach et G. Voigts-
berg. »
A la suite de l'action du lô, il n'y eut entre les deux-
années que des escarmouches insignifiantes. Cotte inter-
ruption des hostilités, due en grande partie au mauvais
temps, dura jusqu'au 21. Ce jour-là il y eut des démons-
trations de troupes autrichiennes dans les environs de(ir.
Schirma. On se fortifia des deux côtés, les Prussiens entou-
rcn^nt d'ouvrages de campagne Rossen où leur quartier
général avait été transporté et jetèrent 8 pontsi sur la
Mulda. Le prince Stolberg qui avait été renforcé p(>rta une
partie de son monde derrière le défilé de Kl, VValtersdorf,
le reste derrière le Spittelwald et jus([u'aux hauteurs
derrière Freyberg. Toutes ces positions furent défendues
par des tranchées et des abatis.
Frédéric aurait désiré que son frère se réunit au cot'ps
de Neuwied venant de Silésie, qu'il concentrAt toutes ses
forces vers Meissen et ({u'il entreprit le siège de Dresde.
Ce projet fut modifié sur les observations du prince Henri.
Le 19 octobre, Neuwied quitta les environs de llirsch-
berg; le 22 il était à Lichtenberg d'où il détacha 20 esca-
drons dans la direction de Zittau, afin de faire craindre
aux Autrichiens une course en Bohême; le 27 il était
arrivé à Gr. Hartha ; Krochow avec une avant-garde de
2 bataillons et 15 escadrons occupait Radeberg. De son
côté, le prince Albert de Saxe qui, depuis le 27 septembre,
était campé avec 14 bataillons et 30 escadrons près de
Trautenau, avait reçu le 17 octobre de Daun l'ordre de
<
POSITION DKS AUTHICHIENS.
435
marcher vers Zitt.iu avec la moitié de son corps; on route,
sur l'invitation de lladicU, il se porta rapidement à Stol-
pen; dans cotte localité, il rencontra IlolionzoUern et de
là les deux contingents yagoèrent Dresde où ils arrivèrent
le 29 octobre.
Il semblait naturel que le prince Henri atlcnilît l'arrivée
du corps de Neuwied pour [)rendre sa revaiiclie de l'écliec
du ir»; mais soit crainte de voir lladicU plus rapproché
recevoir ses renforts le premier, soit désir de ne pas
laisser aux Autrichiens le temps de compléter les ouvra-
ges défensifs dont ils «ommeuçaient à couvrir leurs lignes,
soit ambition de remporter un succès dont il aurait toute
la gloire avant l'arrivée du lloi, le prince se décida à
tenter un ellort pour reprendre son camp de Freyberg.
Les renseignements prussiens (1) sur les forces (pie
Stolberg pouvait mettre en ligne, diffèrent; tantôt ils lui
donnent kb bataillons et 7Y escadrons en majorité autri-
chiens, mais avec un appoint considérable de troupes des
Cercles; tantôt ils lui attribuent '*!) bataillons et 08 esca-
drons. La droite de ce princ*; occupait sur les collines en
arrière de Kl. Walteisdorf des tranchées non encore ache-
vées et garnies d'artillerie de position. Le général Brunian
surveillait avec des troupes légères et 2 régiments de
hussards le terrain entre les bois de Nonnenwald et de
Stiuthvvald. Le centre des alliés avait le bois de Spittel-
^vald sur son front; la défense de la lisière de ce bois et
des tranchées tracées entre Kl. Schirniii et Kl. VValtersdorf
lui incombait ainsi (|ue celle d'un abafis non encore ter-
miné qui ne dépassait guère la route de Freyberg à Kl.
Schirma. La gauche bordait le Spittelwald ; elle était
soutenue de près par quelque infanterie et à distance par
la division Mayer postée sur le Kuhberg près d'Krbisdorf
et forte d'environ G. 000 hommes. A Freyberg, un gros
(1) Geschiclite (1er siebenjaihrigcn Kiieges von den groszen Generalslabs
vol. VI, Derlin, 1841, p. 415.
w
I
488
LA GUERIIK DR SEPT ANS.
CIIAP. IX.
ï\
1 I
détachement d'infanterie était en réserve. La position des
trois mamelons on des trois croix entre Freyher^" et le
Spittelwald servait de réduit. l»our son attaque, le prince
Henri avait à sa disposition 31 bataillons et 71 escadrons,
les derniers à ellettifs réduits; à peu près ép-al en cava-
lerie, il était inférieur en infanterie à son adversaire; le
plan élaboré par son état-major et lui consistait à retenir
la droite de ses adversaires i\ Kl. NValtersdorf, alors que
le princi[)al assaut serait livré contre leur centre ; en cas
de progrès suffisant, l'otrensive continuerait dans la direc-
tion de Freyberg. Le général Ilulsen aurait pour mission
de reprendre son ancienne position des Katzenhausen et
d'occuper l'attention de l'ennemi du côté de Naundorf,
Hutte et des Landeberge. Les rôles essentiels étaient ré-
partis entre Klcist, Seydlitz, Durenholfen, les deux Stut-
terheim et Helling. La clef de la position ennemie à en-
lever était le bois de Spittelberg et les redoutes des trois
mamelons près de Freyberg.
Dans la nuit du 28 octobre, et conformément à. des
instructions détaillées qui in '; juaient une connaissance
approfondie du terrain, l'armée prussienne se mit en
mouvement, se forma sur la ligne Braunsdorf, Lang Neu-
nesdorf, (i. Schirma et y attendit le jour, sans feux et
sous les armes. Stolberg avait fait ses préparatifs de dé-
fense, il avait également fait prendre à ses troupes les
armes dès minuit, plier ses tentes, avertir Buller et Hadick
et renvoyé ses bagages de l'autre côté de la Mulda. Aussi-
tôt le jour venu, le prince Henri qui était à la tète des
colonnes de l'aile droite, <lonna le signal de l'ofl'ensive.
Kleistavec une avant-garde composée de troupes de diffé-
rentes armes, traversa Wegefarth, laissa Ôber Schona à
droite et prit la direction de Saint-Michel. Les brigades
Duringshofen etManstein, les grenadiers de Queiss et deux
régiments de dragons suivirent la même route.
En môme temps, Belling avança vers Struth, en chassa
COMItAT DE IREYIIERU.
4,17
quelcfues tiraillcui's ennemis, fit reculer le général Hru-
nian vers Kl. Waltersdorf, occupa le bois de Struth, et
poussa srs hussards en avaiif. Pendant (|ue .liiui;' Stut-
terlieim avec sa brigade rt 2 r'éginieuts de cuirassiei-s
s'engageait entre Struth et Kl. Schirnia et se déployait la
droite à ce dernier village, son canon sur le Iront. Alt
Stutterheim formait ses troupes entre Struth et le hois de
Nonnenwald et ouvrait le leu contre l'aile droite ennemie;
il l'ut bientôt rejoint [)ar l'artillerie prussienne du parc,
(|ui avait été laissée momentanément sur les hauteurs de
Braunsdorf. L'attaque se dessinant ainsi sur la droite des
Autrichiens, le prince Henri avec son aile droite suivit la
rive droite du ruisseau de Strigis jusqu'à Saint-Michel,
Ht chasser quelques hussards et croates postés entre ce
village et le Spittelwald, et refoula trois bataillons hon-
grois qui gardaient la partie sud du bois; un de ces ba-
taillons dont la retraite se trouvait coupée fut capturé.
On en était là de l'attaque quand on aperçut la division
autrichienne du général Meyer qui se profilait sur le Kuh-
bcrg près d'Erbisdorf. — Stolberg venait de la renforcer
de 3 bataillons et de plusieurs régiments de cavalerie. —
L'état-major prussien avait jusqu'alors ignoré sa présence ;
devait-il poursuivre le projet d'attaque tel qu'il avait été
communiqué aux chefs de colonnes ou en présence du
fait nouveau marcher contre Meyer qui pouvait prendre
de flanc les assaillants? Sur l'avis de Kleist qui connaissait
l'adversaire et le déclarait fort peu entreprenant, on se
contenta pour le contenir de lui opposer la brigade I)u-
ringshofen, deux autres bataillons, quelques escadrons de
dragons et ï canons de parc. Ce détachement se porta
entre Saint-Michel et le Spittelwald et engagea avec Meyer
un combat d'artillerie. Le reste des Prussiens auquel s'était
jointe l'avaiit-garde de Kleist continua sa marche à travers
le Spittelwald. Aussitôt le bois franchi, les têtes de colon-
nes furent Urirrées les unes à gauche sur la briqueterie.
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LA r.UKRKK DK SKPT ANS. — ClIAP. IX.
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les autios sur le Uotlio Vorwerk; .hnit; Stutterheiin fut
charf^-é d'enlever les tranchées à rextiéniilé du Spiltel-
wakl. Stoll)erj^ so vit ainsi assailli de tons les côtés.
L'attaque directe des Prussiens ne réussit pas; décimés
par le feu des défenseurs et menacés par la cavalerie
ennemie, ils se replièrent. Le prince Henri lança alors à
leur aide ses réserves appuyées par un fort appoint de ca-
valerie. Celle des alliés n'attendit pas le clioc et alian-
donnason infanterie. Ainsi favorisés, les soldats du prince
Henri continuèrent à gagner du terrain, s'emparèrent
des retranchements qui étaient encore inachevés et de
plusieurs pièces de canon et poussèrent l'adversaire Jus-
qu'au llilger.s- Vorwerk puis au delà do la Mulda; cette
retraite vigoureusement poursuivie par la cavalerie de
Zeidlitz coûta beaucoup de monde aux fugitifs.
Meyer, dont la conduite justifia le pronostic de Kleist,
avait borné son action à une canonnade j\ peu près inof-
fensive en raison de la distance; se voyant sur le point
d'être tourné, il batlit cm retraite sur Herthelsdorf et
Weiezenborn et éventuellement sur Dippodiswalde.
La première attaque des tranchées 'lu SpitteUvaUl avait
échoué; les soldats de Stntterheim Junior pénétrèrent
d'abord dans la tranchée, mais chassés par un retour
offensif de l'ennemi, et en butte au feu de l'artillerie
autrichienne en batterie derrière Kl. Waltcrsdorf, ils ne
parvenaient pas à prendre l'avantage malgré l'arrivée de
quelques renforts. L'entrée en scène de la grosse artillerie
que Stntterheim l'aîné lit avancer de Braunsdorf et de
G. Schirma rétablit les affaires des Prussiens; deux balte-
fies puissantes furent formées, qui écrasèrent par leur
tir les 4 canons que leur opposaient les Autrichiens; ce
résultat obtenu, les pièces furent rapprochées de manière
à appuyer rattacfue du prii 3 Heni'i sur les ouvrages du
Spittelberg; d'autre part ordr^; fut donné au général
Belling de se joindre à Stutterheim pour forcer le défilé
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VICTOIIIE DU PIUNCK IIUMU.
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de Kl. Waltersdoi f. Ce mouvement offensif secoi» î" par
l'arlillerie réussit pleinement; le village fut oo(Mjp('', les
assaillants se divisèrent : les uns conduits par Helling
franchirent le vallon qui sépare Kl. Waltersdorf du Spit-
teUvald et donnèrent leur appui à ratta([ne de Stutter-
heim le jeune; les autres se jjortèrent à l'assaut des hau-
teurs en arrière de Kl. Waltersdorf. La cavalerie impériale
qui y était postée, déjiV fort éprouvée par le canon prus-
sien, n'attejidit pas le choc, et aussitôt (|ue les fantassins
de Stuttorhcim le jeune <'urent dépassé le vilhige, se re-
tira sur Treyberg, ahandonnant îï leur sort ses camarades
de l'inlanterie. Ceux-ci repoussèrent un premier assaut,
mais cédèrent h un mouvement tournant grAce auquel
l'assaillant était entré dans les tranchées. Les défenseurs
s'enfuirent en désordre, laissant au pouvoir des Prus-
siens la plus forte partie de Icui- artillerie. La cavalerie
royale tomba sur les fuyards qui avaient perdu toute orga-
nisation et jetaient leurs fusils. Le général l\oth de l'ar-
mée des Cercles, beaucoup d'ollicicrs et une foule de sol-
dats furent faits prisonniers.
Sur ces entrefaitcj, Stutterheim le jeune avait profité
des succès de son frère pour renouveler son attaque des
ouvrages du Spitteiwald; elle reu-'ontra peu de résis-
tance, car l'ennemi eu présence de la prise par les Prus-
siens des positions qui flanquaient la leur n'avait d'autre
parti à prendre quc^ celui île l.i retraite. Il se retira avec
précipitation par les villages de Freybergsdorf et llil-
bcrsdorf. Le général Baudemer avec ses cuirassiers pour-
suivit les Impériaux jusqu'à la Mulde et l'.'imassa bon
nombre do prisonniers dans la ville de Kreyberg et dans
ses faubourgs. Stutterheim l'ainé avait poussé jus<|u à la
Mulde, à Tuttendorf, où le prince Stolberg s'elforçiiit de
rallier son monde; le général prussien avait prié son
collègue Forcad<', (jui oc<'upait les hauteurs de (i. Schirma
et n'avait plus d'ennemi devant lui, de marcher jus([u'î\
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440
LA GUERRE DE SEPT ANS.
CHAP. IX.
Tuttendorf et Hilheisdorf de manière à couper la retraite
au prince Stolberg. Le généi*al Forcade prétextant ses
instructions n'osa pas prendre sur lui l'exécution du mou-
vement qui lui avait été sug^géré. Les impériaux purent
donc passer la Mulde sar s êlre inquiétés autrement que
par le feu des grosses pièces mises en batterie sur les
escarpements de la rive gauche. Hulsen ne prit aucune
part à la bataille ; il trouva le terrain évacué et ne ren-
contra que quelques escadrons d'arrière-garde. L'armée
ennemie dont les éléments, à l'exception de la division
Meyer qui avait peu combattu, étaient confondus sans
distinction de régiment, gagna Frawenstein sous la pro-
tection de sa cavalerie. Celle-ci, de solidité très médiocre
pendant la bataille, n'aurait pas suffi à sa tâche si ses
adversaires n'avaient été épuisés par la fatigue des marches
de la nuit et par les charges répétées du jour. Les Au-
trichiens de Buttlar qui étaient à Naundovf se retirèrent
à Klingerberg et campèrent à Beerwalde. L'armée du
prince Henri reprit ses positions du lô octobre autour de
Freyberg. La journée coûta cher aux alliés. Le nombre
seul des prisonniers s'éleva à 5i officiers et 3.331 soldats
autrichiens et à un général, 25 officiers et 1.002 soldats
des Cercles, sans compter de nombreux déserteurs qui
profitèrent de l'occasion pour abandonner leurs dra-
peaux ; les Prussiens s'emparèrent en outre de 28 canons,
beaucoup de caissons et de 9 drapeaux. Ils n'accusèrent que
l.VOO tués ou blessés.
Kaunitz fit (1) à Starhemberg sa version de la ba-
taille : « Le combat a duré depuis 7 heures du matin
jusqu'à 2 heures de l'après-midi; l'ennemi a été plusieurs
fois repoussé. Notre perte dépassera 2.000 hommes et
nous avons perdu quelques canons. Ce qui est un sujet de
consolation, c'est que nos troupes et celles des Cercles,
(1) Kaunit/ à Starhemberg. 3 novembre 176'>. Archives de Vienne.
ii
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À
: I
FELICITATIONS DE FREDERIC.
4il
n'ont subi aucune déroute, mais se sont retirées en bon
ordre à Frauenstein où elles ont repris pied. » Le rap-
pot y du prince de Stolberg conforme à celui du prince
Henri pour les grandes lignes de l'action atténue beau-
coup ses pertes et fait un vif éloge de ses généraux et de
ses troupes; il attribue à son infériorité en cavalerie la
perte d'une bataille qui a été vivement contestée depuis
7 heures du matin jusqu'à 1 heure et 7^ fie l'après-midi
et au cours de laquelle le sort aurait penché en sa faveur
à plusieurs reprises. Le général de l'armée des Cercles
explique la prise de la plupart des canons qui lui furent
enlevés aux environs de Freyberg par le désir d'épargner
à cette ville le dommage qu'un combat d'artillerie lui
eût fait subir. De la comparaison des deux récits il parait
résulter que la position de Stolborg autour du Spittelwald
fut vaillamment et victorieusement défendue pendant la
matinée mais, une fois enlevée, la retraite des confédérés
se transforma en véritable déroute et leur occasionna
de lourdes pertes.
La nouvelle de la victoire fut immédiatement trans-
mise au roi d. Prusse; elle valut à Henri les chaudes
félicitations (1) de son fn le : « Votre lettre m'a rajeuni
de 20 ans, hier j'en avais 00, aujourd'hui 18... C'est un
service si ini ortant que vous rendez à l'État, que je ne
saurais assez )us en marquer ma reconnaissance et me
réserve de le fa e en personne. »
Le prince Henri ne laissa pas à l'armée battue le tenq)s
de reprendre haleine; Neuwied passa l'Klbe le 31 octo-
bre au pont de Nierschwitz et partagea ses troupes entre
les corps d'Hulnen et du prince Henri. Ce dernier, ainsi
renforcé, se décida à donner suite au raid en Bohême. A
cette oj)ération prirent part les généraux Platen et Kleist ;
ce dernier parvint h Brux le 3 novembre pendant que
(1) Frédéric à Henri, Lowenbern, 2 novembre 1762. Sclioning, III, p. W5.
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ÉÛ^
)\
.442
LA GUERRE DE SEPT ANS. - CHAP. IX.
■« '•:■,
(les colonnes volantes dôtachccs en Saxe masquaient son
mouvement. Toutes ces démonstrations eurent pour ré-
sultat de faire reculer le prince Stolberg malgré l'appoint
que le duc Albert de Saxe lui avait amené de Frauen-
stein à Altensberg et le général Buttlar de Beerwalde
à Dippoldiswalde. Les Prussiens s'empressèrent d'occuper
les localités évacuées et Kleist poursuivant son entreprise
après avoir brûlé le magasin de Brux, s'empara de Saatz
et de sa petite garnison avec un butin de la valeur de
600.000 florins. Le 7, il fut rappelé par le prince Henri
au camp de Freyberg. ►
Une petite expédition également fructueuse avait eu lieu
aussitôt après l'arrivée du Roi en Saxe. Pour restreindre
le territoire Ipissé aux Autrichiens, Frédéric fit attaquer
les cantonnements de Hadick par Neuwied; l'opération
réussit et coûta encore aux alliés près de 500 hommes et
k canons.
Satisfait de ses succès en Saxe, Frédéric se décida à
lever des contributions sur les princes de l'empire et à
exercer sur eux une pression qui les amènerait à dé^>oser
les armes et à dissoudre l'armée des Cercles. Dans ce
but, Kleist qui avait la spécialité de ce genre d'expédi-
tion fut dirigé de Cbemnitz sur Zwickau, Planen, Hof et
les environs de Culembach. Presque toutes les portes
s'ouvraient devant lui; de petits détachements levaient
au nom de leur troupe des réquisitions, exigeaient des
rançons et emmenaient des otages comme garantie de
paiement. Les villes de liamberg, de Furth, d'Erlangen,
enfin de Nuremberg furent lourdement imposées. Le
8 décembre, Kleist était de retour à Leipsig ramenant à
son maître les sommes encaissées et les notables détenus
en garantie des lettres souscrites par les municipalités;
le 21, il prit ses quartiers d'hiver.
Frédéric n'avait pas attendu cette date pour négocier
l'ar.aistice qui devait comme d'habitude mettre fin aux
i ; . ■. I -
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ARMISTICE,
443
hostilités pendant l'hiver. En vertu d'une convention
signée le 27 novembre, un cordon fut tracé entre les can-
tonnements des armées autrichiennes et prussiennes en
Silésie et en Saxe; les troupes des Cercles n'y étaient pa,^
comprises, sans doute pour ne pas entraver ou compliquer
les négociations de paix que l'Autriche avait en vue.
D'ailleurs, une convention séparée fut conclue peu après
entre les Prussiens et l'armée des Cercles.
iiilnfrifti^ii':^*».»- ~
I
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE PREMIER
Indes orientales.
Pago».
Combat do Vandavachy. — Les Anglais s'emparent d'Arcote et de
Karikal. — Lally bloqui' dans Pondichéry. — Siège et capitula-
lion de la ville. — Expédition contre les Philippines. — Reddi-
tion de Jlanillo 1
CHAPITRE II
Belleisle.
Échec (le la première tentative de débarquement des Anglais. —
Siège du Palais. — Capitulation de la garnison 14
CHAPITRE III
Désignation des commandoments pour la campagne de 17(!1 en
Allemagne. — Opérations en Westphalie 58
CHAPITRE IV
Combat de Villinghausen, — Instructions de la cour de Versailles. 85
CHAPITRE V
Mouvements de Broglie et de Soubise. — Passage du Weser par
Broglie. — Diversions du prince Ferdinand en Hosse 137
1
4&f
''k.
'%mA
l'Il
446
ÏAHLK Di:S MATIERES.
CH/U'ITIiH M
Paget*.
Expédition contre Wolfeabuttoi et Hriinswick. — Opi'rations autoiii'
d'Kiiiibocli. — {'lise des quartiers d'iiiver. — Ois^M'àcc (!<• Brofriit'. i(>»)
rv
et
CHAl'lTRi; VU
LI II
Cami)agno de Frédéric contre les Autrichiens et les Russes, ]7()1.
— (Combat do VV;ililsl;itt. — Camps i-etraiiclios de Runzclwilz et
de Schwcidnitz. — i-au<lon prend Schweidnitz. — Siège de Col-
berg ilTi
CHAPITRE VllI
Mort d'Elisabeth.
M
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H'
i
Us
l'if '' i
il
CHAPITRE IX
Plan d'opérations de Frédéric. — Ses ressources. — Armées de Si-
lésie et armées de Saxe. — Opérations sur la frontière de Saxe
et de Bohême. — Opérations en Silésie. — Siège de Schwcidnitz. 378
Tj-pogr.ii)liio Kirmiii-Didot et C". — Mesnil (Eure).
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NOTES
Les cartes de ce volume ont été dessinées d'après celles des Archives
et celles du dépôt de la Section liisloriquo du ministère de la Guerre :
La région de Scliweidnitz, au , provient d'un plan topogra-
phique dressé par l'Élat-major prussien.
Les plans du siège de Helle-Isle, des combats de Wellingliausen et
de Bunlzelwilz il76l), sont la reproduction de plans manuscrits de
l'époque, conservés aux Archives de la Guerre.
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«y. l'dsiUui oup firù-i'itl /lis lirfiuuiirjsi et \'i>U>tii4unvi a^i, ■'■ iinnii' nnJX-t' /r Ji,
Xi Ilfii.r Hriffddivt i/n Corps tù' J/ //• l'rinvt; i/f (hritiê tfii 'ai-riittirnu/ aul
inintu-iU (/c /et HvtrtiH/' . '
.'/4 Arrirro- Garde lir.s {ircn/n/ûvvi rt litvi Volnniainvi (/ut ii 'rt t'tt' .\iit <}
ptir li\t EiuijUihî.s (iiw jit.'ttiu 'aii, Hiiiiùt D fl d ht finujf^iu; JE M
'lùtn, fias EniwmSji,
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Mi/iisitre di lu duerit
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Mnrrtif ri>/roi//-tit/f.
rr^i Troiifip.-i AUiév.-i.
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AfH-r.s I ' (ivU'nii If.s /niufxvi
f/ir/r/'tvi ///'.v AV)///'////.v /irimil
/nisU^ à l/ltioi), !•/ Uv liuiifHvi
Ihim^tiseii renJ-rèren/ liiins /f
Cimift 1/ 'Ot'sh'iiif/uiii.'ioii fnif livi
nulirif.s fftIitniiiKS (lu l'ilus
iivoùinJ M m vins lu viùlJtr.
COMBAT àvi i5 et 16 juillet 176L entre les
Troupes Franqoifes aux Ordres de M. le M^}
Duc de Broôlie z^ celles des Alliés.
1 l'fMttitni iiii. Iiis Iroiifir.s on/ fait hui/i'i 11} l/i auy nvalirt.
Atari-Jw t/t'.s iL.frnufn:.s a froî.s hrAinvi aprôs miiiu,
il .. ... /lis Avittil -Odrilt'ti pDni-nJlrr prendra poste aii ChiUcau. fio NcuM et FUIui/js-hmisen.
ri //iv tttrpn poiw allpv vainpt'r liiuis la plaiiiB de, FilUiUfS ■ hcuisejt .
,'l Mnifhr ilr.t Hrrniiittrrx <if t'itiiiri' et tliiipiii.r pour fouill/v II' Roi.s , of ,s ompa/yv liii
Chàli'iw de Ntii/fJ iiii ils pa/si-foiiJ lu ni/il.
•^ .5 , [PoAiiinn //es Hriifddivi {lu Hoif. r/uunpiufne . Auyerffne. el Daupliiii, après que l'Avant Oardu
Il .J \ilitM. (ù' l'Iw.rn eût forré les f'nnr/nis <l 'ahhniu/oiuu'r les A lihattis et In redoiilr .
Ubsitiiui dtviliriipifitv ilu h'iiuifé,etAetniiitilne, tiprik m^tie relei-è les Greiia/iiiTS,et CJtafsmirs lU'
</ \l)uuphui , el lesHÀiiments dr Na/siiu. et lleiiJi' l'nnts ifiù nynient ntmhattu Jusifi'- « In 'uiH •
m /'osi/iiin iiii ydistui et Hniftil //eit.r /iiiits on/ pu /se lu mu'/ .
ll.lJ ['osi/JDii i/i's Itro/ions, e/ Hihintuù-es.ofL ihi restAix'ji/ jusifu'fut^ li'nxùuruurv ■
/•? l'fksiJiun i/es lorahmiers l/i nui/ i/e là fiji. lli.
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