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Full text of "Mémoire de Bougainville sur l'état de la Nouvelle-France à l'époque de la guerre de Sept ans, (1757) [microforme]"

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1.0 


1.1 


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m  125 


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^   ta    12.0 


11-25  il  1.4 


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1.6 


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Hiotographic 

Sciences 

Corporation 


23  WiST  fMIN  STREET 

WfUTE*,N.Y.  149E0 

(716)  •72-4503 


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CIHM/ICMH 
Microfiche 


CIHIVI/iCIVlH 
Collection  de 
microfiches. 


^ 


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Canadian  Institute  for  Historical  Microreproductions  /  institut  canadien  de  microreproductions  historiques 


©1984 


Technical  and  Bibliographie  Notes/Notab  techniques  et  bibliographiques 


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D 


D 


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D 


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Cartes  géographiques  en  couleur 


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D 


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qu'il  lui  a  été  possible  de  se  procurer.  Les  détails 
de  cet  exemplaire  qui  sont  peut-être  uniques  du 
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other  original  copies  ère  filmed  beginning  on  the 
f  irst  page  with  e  printed  or  illustrated  imprea- 
sion,  and  ending  on  the  laat  page  with  a  printed 
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plat,  selon  le  ces.  Tous  les  autres  exemplaires 
originaux  sont  filmés  an  commençant  par  la 
première  page  qui  comporte  une  empreinte 
d'impression  ou  d'illustrstion  et  en  terminant  par 
la  dernière  pege  qui  comporte  une  telle 
empreinte. 


The  lest  recorded  frame  on  each  microfiche 
shell  contain  tha  symbol  — ^-  (meaning  "CON- 
TINUED"),  or  the  symbol  y  (meaning  "END"), 
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dernière  image  de  chaque  microfiche,  selon  le 
cas:  le  aymbole  — ►  signifie  "A  SUIVRE",  le 
symbole  V  signifia  "FIN". 


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method: 


Les  cartes,  planches,  tableaux,  etc.,  peuvent  être 
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de  l'angle  supérieur  gauche,  de  gauche  à  droite, 
et  de  haut  en  bas,  en  prenant  la  nombre 
d'images  nécessaire.  Les  diagrammes  suivants 
illustrant  la  méthode. 


1 

2 

3 

1 

2 

3 

4 

5 

6 

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DOCUMENTS  INÉDITS 


SUR  L'HISTOIRE 


DE  LA  MARINE  ET  DES  COLONIES. 


M 


MÉMOIRE  DE  BOUGAÏNVILLE  ^7 

SUR  L'ÉTAT  DE  LA  NOUVELLE  FRANCE 

A  l'Époque  de  la  guerre  de  sept  ans.  ^ 

(1757.) 


Il  n'est  personne  qui  ne  connaisse  Louis-Antoine  de  Bou- 
gainville,  chef  d'escadre  en  1780,  puis  vice-amiral  en  1790. 

Son  voyage  autour  du  monde,  qui  passe  pour  être  la  pre- 
mière entreprise  de  circumnavigation  des  Français,  a  fait  de 
lui  un  de  nos  marins  les  plus  populaires.  Mais,  comme  il  ar- 
rive souvent  dans  les  réputations,  l'acte  le  plus  éclatant  de 
pon  existence  paraît  seul  aux  yeux  des  masses.  —  Aux  nôtres, 
d'autres  faits  recommandent  cette  vie  bien  remplie,  et  si  c'est 
un  spectacle  en  effet  très-remarquable  que  celui  de  ce  jeune 
colonel,  improvisé  capitaine  de  vaisseau  par  assimilation  de 
rang  et  commençant  sa  nouvelle  carrière  par  la  colonisation 
des  îles  Malouines,  puis  presque  aussitôt  par  d'heureuses  dé- 
couvertes sur  le  grand  Océan,  nous  no  croyons  pas  surtout 
qu'on  doive  oublier  les  débuts  si  brillants  et  si  divers  dans 
lesquels  Bougainville  a  semblé  chercher  la  voie  où  il  devait 
s'illustrer. 

Parmi  ses  premiers  titres  à  l'attention,  il  faut  rappeler  sa 
conduite  au  Canada  où,  de  vingt-sept  à  trente-deux  ans,  sous 


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V 


_  562  — 

les  ordres  du  marquis  de  Montcalrp,  il  se  montra,  suivant  les 
occasions,  tour  à  tour  infatigable  dains  le  travail,  intrépide 
dans  le  danger  et  toujours  plein  de  feu. 

La  part  qu'il  prit  au  combat  de  Carillon,  dans  lequel  il  fut 
gravement  blessé  et  mérita  la  croix  de  Saint-Louis,  sans 
avoir  les  dix  ai^i^ées  de  ^^rvice  prescrite^  ;  Ips  pomba^s  k  \<\ 
Pointe-aux-Trembles,  où  avec  350  hommes,  il  parvint  par 
deux  fois  dans  la  même  journée  à  repousser  1500  Anglais; 
ses  efforts  heureux  pendant  deux  mois  pour  défendre, contre 
une  escadre  et  des  forces  bien  supérieures,  la  communica- 
tion de  Québec  avec  Montréal, ainsi  qu'avec  les  vaisseaux  d'où 
l'on  tirait  les  vivres  ;  la  manière  dont  il  év^pHî  l'île  aux  Noix 
en  traversant  l'armée  ennemie  ;  ces  différentes  circonstances 
justifièrent  ce  que  le  marquis  de  Montcalm  écrivait  en  1759 
au  marquis  de  Paultny,  sur  le  jpupe  fils  de  i'apcjen  échevin 
de  Paris  :  —  «  Il  ne  vous  aura  pas  échappé  qu'il  a  de  l'esprit 
«  et  du  talent,  je  puis  vous  assurer  que  sa  tête  est  bien  mili- 
«  taire,  et  qu'enjoignant  à  de  la  théorie  de  l'fxpérience  qu'il 
«  a  déjà,  cela  sera  un  sujet  de  djstinction.  » 

Bougainville  ne  se  distingua  pas  seulement  par  pa  valeur 
et  ses  faits  d'armes  dans  cette  guerre  d'un  genre  'out  nou- 
veau pour  des  Européens.  On  retrouve  en  lui,  à  côté  de  l'an- 
cien aide  de  camp  de  Chevert,  l'ancien  secrétaire  d'ambas- 
sade du  duc  de  Mirepoix,  l'avocat,  le  savant  auteur  du  Traité 
de  calcul  intégral  ;  enfin  le  frère  d'un  académiciieu,  érudit  et 
écrivain  lui-même. 

Il  se  repose  de  ses  travaux  et  de  la  guerre  en  lisant  Mpn- 
taigne,  Montesquieu,  Virgile,  Horace,  Tacite  ;  puis  lorsqu'il 
le  peut,  le  jeune  homme  qui  mûrit  et  qui,  pour  me  servjr  de 
ses  expressions,  «  se  donne  les  airs  de  réfléchir,  »  observe, 
approfondit  ce  qui  se  passe  autour  de  lui.  —  Il  pren4  des 
notes  et  rassemble  tout  ce  qu'il  croit  propre  à  composer  un 
journal,  ne  négligeant  aucune  occasion  de  s'instruire  et  d'être 
utile,  pour  revenir  en  France ,  dit-il,  plus  agréable  à  cep^ji: 
qu'il  aime.  C'est  sans  doute  pour  connaître  plus  h  fond  le? 
mœurs  des  sauvages  et  leur  langue  qu'il  se  t\\.  adopter  par 
les  Iroquois  du  sault  Saint-Louis  dans  l^  b^ndc  de  la  Tqrtms, 
où  il  se  nommait  Garoniatsigoa,  le  Grand  Ciel  en  courrou?. 

Dans  les  mémoires  qu'a  laissés  Bougainvillp,  —  ^u  ipilieu 
de  projets  tels  que  celui  qu'exécuta  Lapérouse,  d'aljer  Cflie- 
ver  les  établissements  apglaig  de  Iq.  baie  d'Hudson,  —  il  ^'en 
trouve  plusieurs  d'un  intérêt  tout  politique.—  Un  sur  la  qpes- 


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—  563  — 

tfon  des  liipiteg,  un  9Utre  sur  I9  possibilité  de  faire  passer  les 
Canadiens  dans  la  Louisiane,  dans  le  cas  où  Le  Canada  ser^ 
perdu;  d'autres  encore  montrent  son  zèle,  son  intelligence 
et  son  activité.  Mnis  le  mémoire  que  j'ai  lu  avec  le  plus  d'in- 
térêt, comme  nous  présentant  le  tableau  du  Canada  et  nous 
indiquant  ce  que  nous  en  avions  fait  au  moment  où  il  allait 
être  |)erdu  pour  nous,  c'est  celui  que  Bouf^ain.ille  annonce 
en  ces  termes  dans  une  lettre  du  30  juin  1757  k  Mme  tiérauU 
de  Séchelles,  sa  protectrice  et  celle  ()e  sa  famille  : 

«  Je  me  suis  instruit  depuis  que  je  suis  dans  celte  colonie, 
de  sa  situation»  de  ce  qui  concerne  son  comuierce,  son  gou- 
vernement. Je  vous  envoie  différentes  réflexions  relatives  à 
ces  objets....  Si  vous  les  jugez  m  propos,  ce  mémoire  pasr 
sera,  par  votre  moyen,  au  minisire,  sinon  vous  le  suppri- 
merez. » 

Les  idées  nJe  ce  mémoire  ayant  paru  au  marquis  de  Monl- 
calm  bien  conçues,  et  les  faits  étant  garantis  cNacIs  par  ce 
général,  il  convient  de  classer  cette  pièce  parmi  les  éléments 
utiles  à  l'histoire.  —  iMalheureusement  on  regrette  d'y  trou- 
ver parfois  des  fautes  de  copie,  que  Bongainyillc  se  |)iaignait 
de  n'avoir  pas  le  temps  de  corriger. 

P..  Ma^lgry        ;  .  . 


M 
1.1 

■    I. 

V 


Lp  Canada  est  un  pays  extrêmement  froid,  Ip^  npifics  y 
sont  abondantes  ;  dans  certains  hivers  il  y  en  a  jusqu'^  neuf 
pieds,  dans  un  hiver  ordinaire  six;  le  froid  nionte  jusqu'à 
trente  degrés,  année  commune  vingt-quatre  pt  yingt-si?. 
L'hiver  dure  ordinairement  six  mois;  la  neige  cpmmencp  à 
rester  swï*  'a  terre  depuis  la  my-novcmbre  jfjsqifes  aux  pre- 
miers jours  de  may.  Celte  longueur  de  mauvais  ternp3  fait 
que  les  habitans  ne  peuvent  élever  d'animau^i^  qu'anl^nt 
qu'ils  aqront  du  fourrage  pour  les  nourrir  pendant  toi^t  pe 
temps  qu'ils  sont  obligés  de  les  tenir  dans  les  fHa)3le§,  De  |à 
vient  que  ce  pays  ne  sçauroil  jamais  être  î^bondant  en  yiandp 
dp  boucherie,  surtout  quand  il  y  a  consommation  eî^'.rfiordi- 
naire.  Cependant  si  le  roy  voulait,  ï\  y  auroil  pii  renjpde  à  cet 
inconvénjpnl,  et  le  peuple  seroil  plus  htiurpux.  If  ffiut  re- 
raarquef  qu'il  n'y  a  ppint  d'habjlans  qui  n'ayeft^  plu!?ieurs 
chevaux,  chaque  garçpn  qui  ^  !a  force  ,dp  pi^nipr  m^  foijet  a 


—  564  — 

le  sien,  c'est  ce  qui  empêche  l'habitant  d'élever  autant  de 
bœufs  qu'il  le  feroit.  Au  lieu  de  trois  ou  quatre  chevaux,  il 
auroit  dix  à  douze  bêtes  à  cornes,  et  outre  cela  il  pourroit 
élever  plus  de  cochons,  parce  qu'il  n'est  point  de  garçon 
d'habituns  qui  ne  vole  son  père  pour  donner  de  l'avoine  ou 
d'autres  grains  à  son  cheval,  afin  qu'il  soil  gras  et  vif.  Ouire 
cela,  les  habitans  ne  labourent  presque  plus  qu'avec  des 
chevaux,  préférant  le  fouet  àl'éguillon,  ce  qui  est  un  mal- 
heur pour  cette  colonie,  auquel  il  n'y  a  point  de  remède,  à 
moins  que  le  roy  ne  rende  une  ordonnance  qui  défende  à 
chaque  habitant  d'avoir  plus  d'un  cheval ,  à  moins  que  ce 
ne  soit  un  habitant  riche  et  qui  ait  beaucoup  de  terre  :  lors- 
que les  chevaux  au  ont  dix  ans,  ils  pourront  avoir  un  poulin 
pour  reno.iveler  leurs  chevaux;  Ijs habitans  qui  auront  des 
juments  pourront  avoir  leur  poui'.i,  et  à  même  qu'ils  trou- 
veront à  le  vendre  ils  le  feront,  atin  d'en  élever  un  autre  pour 
fournir  aux  besoins  des  villes  et  des  campagnes.  Les  sei- 
gneurs pourront  avoir  des  juments  pour  faire  des  petits 
liarats,  afin  d'avoir  des  beaux  poulins  au  moyen  d'étalons 
choisis.  Il  ne  faudroit  cependant  pas  dès  à  présent  faire  tuer 
les  chevaux  pour  en  venir  au  point  dont  j'ay  parlé ,  car  la 
colonie  est  diminuée  de  bœufs,  et  les  habitants,  s'ils  man- 
quoient  de  chevaux,  ne  pourroient  plus  labourer  leurs  teries, 
mais  dans  quatre  ou  six  années  on  pourroit  les  amener  au 
point  dont  il  s'aj^ist,  en  chargeant  des  hommes  sages  et  sans 
partialité  de  tenir  la  main  à  l'exécution  d'un  arrangement 
qui  seroit  le  bien  de  cette  colonie,  contre  lequel  on  pourroit 
d'abord  crier,  mais  dont  on  remercieroit  dans  la  suite. 

Il  paroît  combien  le  roy  a  cette  colonie  à  cœur  par  les 
grandes  dépenses  qu'il  fait  pour  sa  défense.  Il  est  donc  ques- 
tion de  trouver  le  moyen  propre  pour  que  le  Canada  se  sou- 
tienne de  lui-même.  Le  véritable  est  de  permettre  à  tous  les 
soldats  de  se  marier,  et  de  donner  à  chacun  une  terre  sur 
laquelle  il  y  auroit  quatre  arpents  de  déserts  faits  aux  dépens 
du  roy,  et  une  petite  maison  de  quinze  pieds  en  carré;  le 
prix  de  ces  travaux  seroit  estimé  par  les  seigneurs  et  capi- 
taines des  côtes,  et  payé  par  Sa  Majesté  aux  habitans  qui  les 
auroient  faits.  Cette  dépense  pourroit  être  pour  chaque  terre 
d'environ  quatre  cents  francs.  Si  le  roy  ne  veut  pas  donner 
cette  somme,  la  terre  sera  l'hypothèque  de  l'argent  avancé, 
et  l'habitant  le  remboursera  sitost  qu'il  sera  en  état.  Il  faut 
aussi  donner  aux  nouveaux  mariés  une  vache,  une  brebis, 


i^ 


—  565  — 

une  hache,  une  pioche,  son  prêt  et  solde  pendant  deux  ans, 
et  de  quoy  semer  la  première  année'. 

Si  on  ne  fait  pas  d'avance  à  ce  soldat,  comment  veut-on 
qu'il  s'établisse  et  qu'il  fasse  des  déserts;  à  peine  son  travail 
suffiroit-il  pour  les  nourrir,  car  le  défrichement  des  terres  est 
icy  très-difficile  à  cause  des  gros  tirbres  dont  les  forêts  sont 
remplies;  il  convi(;ndroit  aussi  de  ne  point  laisser  des  trou- 
pes dans  les  villes,  ou  du  moins  seulement  ce  qu'il  faut  pour 
monter  une  garde,  et  d'envoyer  le  reste  par  compagnie  avec 
leurs  officiers  dans  les  différentes  paroisses  où  il  y  a  des 
bonnes  terres  à  défricher,  pour  y  faire  travailler  en  payant 
les  soldats,  comme  le  roy  fait  pour  les  travaux.  Ils  forme- 
roient  des  inclinations  avec  des  filles  d'habitans,  se  marie- 
roient,  s'accoutumeroient  à  travailler  à  la  terre,  et  dans  peu 
de  temps  dcviendroient  de  bons  laboureurs,  au  lieu  que  ceux 
qui  se  marient  dans  les  villes  épousent  des  filles  de  moyennes 
vertus,  et  qui  n'aiment  point  la  campagne.  Ces  mêmes  terres 
que  les  soldats  féroient  aux  dépens  du  roy  seroient  estimées 
comme  je  l'ay  déjà  dit,  et  données  aux  mêmes  conditions. 

Il  seroit  aussi  bien  nécessaire  que  le  roy  prist  dans  les  diffé- 
rentes grandes  villes  les  gens  sans  aveu  pour  les  envoyer  icy, 
en  obligeant  par  proportion  les  bâtimens  venant  de  France, 
de  les  amener  à  raison  de  quatre  hommes  par  cent  tonneaux, 
en  donnant  les  vivres  pour  la  traversée;  aussitôt  leur  arrivée 
on  les  établiroit  dans  les  terres,  de  la  môme  façon  que  les 
soldats. 

Si  le  roy  adopte  ce  projet,  il  faudra  toujours  avoir  quarante 
à  cinquante  terres  prêles  à  recevoir  ceux  qui  arriveroient, 
afin  que  d'abord  après  leur  débarquement  ils  fussent  placés 
et  en  état  de  travailleâ*  avec  deffense  de  dessus  leurs  terres; 
il  faut  pour  cela  placer  cet  établissement  dans  l'intérieur  de 
la  colonie,  corame  la  rivière  de  Sainte-Anne  et  celle  de  Batis- 
can,  Machiche,  du  Loup  et  Masquinonge  dans  le  gouverne- 
ment des  Trois  Rivières.  Dans  toutes  ces  rivières,  il  y  a  de 
quoy  placer  trois  mille  habitans;  les  terres  y  sont  bonnes, 
fertiles  et  point  difficiles  à  défricher  ;  les  rivières  montent  du 
côté  du  nord,  ce  qui  est  à  préférer  au  côlé  du  sud,  surtout 
dans  le  lac  Champlain,  où  il  convient  de  laisser  autant  de 
bois  que  l'on  pourra  entre  nos  voisins  et  nous.  Il  ne  faudroit 

1.  Bougainville  rappelle  ici ,  comme  plus  loin,  des  usages  tombés  en  dé- 
suétude et  qui  avaient  contribué  à  l'ace loissemenl  du  pays. 


i 


-  m  - 

seulement  perinotlre  qu'à  un  cf rtain  nombre  d'habittms  de 
s'établir  à  Saint-Frédéric ,  pour  fournir  à  ce  fort  quelques 
rafraichissenjens  et  non  davantage,  ainsi  (^ju'aux  forts  de 
Froptenac  et  de  Niagara. 

Détroit.  —  Le  Détroit*  est  un  poste  digne  d'attention,  c'est 
l'entrepôt  des  forts  du  sud  qui  communique  ai^x  Illinois;  les 
lerrps  y  sont  fertiles  et  aisées  à  déCriclior,  le  ciel  beau  et 
serein,  un  efimat  magnifique,  prescjue  point  d'biver,  très-peu 
de  neige;  les  animaux  bivernent  dans  les  cbamps  et  s'y  nour- 
rissent; il  y  a  desjà  (jeux  cents  babitations,  ou  environ,  qui 
sont  pleines  de  vivres  et  de  bestiaux,  qui  fournissent  des  fa- 
rines à  ,d|ff«'rens  postes  des  pays  d'en  baut.  Ce  fort  est  sur 
le  borfl  du  fleuve  qui  sépare  le  lac  Érié  du  lac  Huron,  où  il 
n'y  a  d'une  pente  douce  qui  forme  un  petit  courant.  A  vingt 
lieues  du  lac  Huron  et  à  six  lieues  du  lac  Érié,  la  rivière  du 
d.étii'oit  a  douze  à  quinze  arpens  <le  large,  touU.'S  les  eaux  des 
lacs  supérieurs,  Miebigan  et  du  lac  Huron,  y  passent  et  vopt 
se  décharger  (|a'is  le  lac  Érié. 

l|  est  donc  question  de  favoriser  cet  établissement,  qui  est 
un  lieu  irpportJ^nt  à  cause  de  toutes  le^  nations  qui  l'environ- 
nent et  dw  chemjij  pour  la  communication  aux  Illinois.  Pour 
y  parvenir,  il  faut  le  mettre  en  gouvernement,  avec  un  état- 
major,  cinq  ou  six  coippagnies  complètes  d'oftlciers  et  sol- 
dats, et  donner  à  chaque  capitaine,  et  môme  aux  officiers 
subalternes,  une  seigneurie  de  quatre-vingt-dix  arpens  de 
profondeur  sur  une  lieue  de  front,  et  obliger  cbaque  soldat 
de  prendre  une  terre  sur  la  seigneurje  de  son  capitaine  ou 
officier  qui  auront  chacun  un  domaine  ou  tuf,  et  atin  d'éta- 
blir et  de  défricher  ces  terres  plus  promptement,  il  faudroit 
diviser  les  compagnies  par  douze  soldats,  et  un  sergent  qui 
les  condiiiroit  et  les  feroit  travailler  ensemble  une  seniaine 
sur  chaque  terre  d'un  arpent  et  demy  sur  trente  de  profon- 
deur, afin  qu'ils  fussent  près  les  uns  des  ai^ties.  Par  ce  moyen 
les  paresseux  sendent  obligés  de  s'occuper  commj;  les  autres, 
puisqu'ils  travail)eroient  en  commun,  et  telle  estoit  autrefois 
la  uiél^iode  de  la  fameuse  République  de  Sparte.  Les  olïiciers 
des  compî^gnie^  sprojent  iptéresses  à  suivre  de  près  leurs 
soldats,  aflp  qu'ils  ne  perdissent  pas  de  lemps  (je  même  que 
pour  leur  faire  faire  de  petits  logefneps,  et  lorsque  cbaqife 


1.  Détroit  PolUchartrain  des  Deux-Lacs,  établi  pîir  Antoine  de  Lapiotte- 
Cadillac,  de  Toulouse. 


—  5^7  — 

sol^i)^  $e  innriera,  |ui  donner  une  vnche  et  m)e  l^rebjs,  ^fle 
paire  c|e  bœufs  à  deux  avec  la  charrue  et  autres  outils  néces- 
saires pour  les  travaux,  et  des  marmites.  Les  bœufs  ne  |eur 
sero}ent  que  prêtés  ;  ils  les  ren^lroient  au  roy  dès  qu'ils  au- 
roient  pu  en  élever  d'autres,  et  ils  ne  seroient  que  plus  pro- 
pres h  la  boucherie?.  Pour  cetefTet,  il  faut  que  ces  compagnies 
soient  stables;  car  si  elles  chanj,^ent,  le."*  soldats  ne  s'attache- 
ront à  rien.  Il  faut  aussi  remplacer  les  soldats  qui  se  marie- 
roient,  afin  que  les  compagnies  soient  oomplôles,  t!t  autant 
que  faire  se  peut,  avoir  d(îs  gens  de  bonne  volonté,  en  les 
choisissant  dans  les  autres  compagnies. 

II  faut  remarquer  que  les  habitans,  danti  cet  endroit,  peu- 
vent élever  autant  d'animaux  qu'ils  veulent,  par  l'abondance 
des  pâturages  et  la  beauté  du  climat.  Ainsi,  on  suivant  l'éta- 
blissement du  Détroit  avec  attention,  l'on  peut  tirer  des  grands 
avantages.  Ce  gouvernement  seroit  dans  peu  en  »Maf  de  fournir 
les  postes  de  Niiigara,  Frontenac,  la  Présentation  et  autres 
du  pOté  de  Ijj  Belle  Rivière,  de  viî^pde  et  famine,  ce  q^i  soula- 
geroit  beauppup  la  capitale,  tf7^t  par  la  consommation  des 
vivres  que  i)oiif  les  hommes  qui  sont  occupés  à  les  trans- 
porter de  Mont-Réal  au  fort  Frontenac,  cp  qui  est  un  trajet 
de  soixante-^jx  lieues,  avec  des  rapides  affreux  à  rnonter,  et 
qui  détruisent  les  meilleurs  honimps,  qu'ils  détournent  de 
1  agriculture  ainsi  que  les  transports,  pour  fournir  les  dilTé- 
rens  postes  du  sud.  Le  poste  du  Détroit  étant  établi,  rien  ne 
seroit  si  aisé  que  de  faire  descendre  tous  les  secours  néces- 
saires en  vjvres  et  en  besljaux  pour  fournir  les  postes  dont 
nous  avons  parlé,  et  cela  par  le  moyen  des  gabarres  à  fond 
plat,  ou  barques  que  l'on  feroit  de  soixante  à  soixante-dix 
tonneaux,  et  qui  porteroiiînt,  en  traversant  le  lac  Érié,  le 
prpdpit  du  gouveiiiement  du  Détroit  à  la  pointe  à  Binot,  où 
l'on  feroit  un  petit  fort  qui  serviroit  d'entrepôt,  tant  pour  les 
effets  venant  de  Mont-Réal  i)Our  les  postes  du  sud,  que  pour 
ceux  venant  du  Détroit  pour  les  postes  que  ce  gonvcrnement 
fourniroit  des  vivres,  et  pour  les  effets  du  commerce  ;  ce  qui 
dimimieroil  beaucoup  le  nombie  des  engagés  pour  les  voya- 
geurs. Et  les  gabares  allant  et  venant  à  la  pointe  à  Binot, 
seroient  cl^argécs  de  différents  effets.  Il  y  auroil  un  va  et  vient 
de  bateaux  dji  petit  fort  de  Niagara  à  la  polpte  à  Binot,  où 
il  y  a  neuf  lieues  ;  les  gabarres  ne  pouvant  y  aller,  elles 
iroient  au  fort  de  la  presqu'île,  qui  est  l'eulrepost  de^ 
effets  que  l'pn  envoyé  aux  différeij^  postes  de  la  Celle  rivièrp. 


w 


—  568  — 

Frontenac ,  Niagara.  —  Les  voyageurs  feroicnl  seulement 
monter  leurs  marchandises  au  fort  Frontenac,  où  elles  em- 
barqueroiont  sur  les  barques  qui  y  sont  pour  venir  à  Niugarn, 
en  traversant  le  lue  Ontario;  trajet  de  soixante-dix  lieues,  et 
là  le  portage  se  feroit  avec  des  chevaux ,  comme  des  autres 
effets,  et  on  rùgleroit  combien  les  voyageurs  pnyeroient  par 
cent  pesant  d'effets  et  marchandises,  du  fort  Frontenac  au 
Détroit,  ce  qui  scroil  nu-dessous  de  ce  qui  leur  en  coùteroit 
avec  des  canots  d'écorce  et  des  engagés  comme  je  vais  le 
démontrer. 

Un  canot  de  matlre  coule 500  fr. 

6  engagés  à  250  fr 1  500 

100  livres  do  bidcuil»  par  homme  à  20  fr 120 

25  Uvreâ  do  lard  par  homme  à  60  c 90 

Pour  ustensiles  du  canot 50 

Total 2  260  fr. 

Il  faut  remarquer  qu'un  canot  d'écorce  porte  environ 
quatre  mille  pesant.  Ainsi,  tous  les  effets  que  les  voyageurs 
montent  dans  les  Pays  d'en  Haut  pour  le  commerce  coûtent 
plus  de  dix  sols  la  livre  de  transport.  Il  est  vray  qu'ils  des- 
ccndenl  une  parlie  de  leur  retour  avec  ces  mêmes  hommes 
et  canot.  Ainsi  que  le  roy  pourroit  prendre  vinjL^t  francs  par 
cent  pesant  pour  rendre  les  marchandises  du  fort  de  Fron- 
tenac au  Détroit,  et  douze  francs  par  paquet  pour  descendre 
du  détroit  au  forl  Frontenac,  les  voyageurs  qui  suivroient 
leurs  paquets  se  chargeroient  de  les  faire  descendre  à  Mont- 
Rt^al  ;  le  roy  leur  prôleroit  seulciricnt  des  canots  ou  bateaux. 

Cos  mômes  gabarres  poui nient  dans  la  suite  communi- 
quer dans  le  lac  Huron,  et  aller  à  Michilimakinnc,  qui  est 
l'onfrepost  des  postes  du  nord,  et  même  aller  dans  le  lac 
Michigan  jusqu'à  la  Baye  qui  est  (-loignée  de  Michilimakinac 
de  cent  lieu(.'s,  et  plus  de  môme  qj'à  Suint-Jose[ih. 

Michilimakinac-  —  Michilimakinac  est  éloigné  de  Mont- 
Réal,  en  passant  par  la  grande  rivière,  de  trois  cents  lieues, 
du  Détroit  de  cent  lieues  et  plus.  Ce  poste  est  situé  entre  lo 
lac  Michigan  et  le  lac  Huron  :  quand  les  navigateurs  auront 
acquis  de  l'expérience  sur  ces  lacs,  en  connoissant  les  diffé- 
rons abris  et  mouillages  et  les  relâches  en  cas  de  mauvais 
temps,  on  pourroit  se  servir  de  ces  voitures  pour  transporter 
tous  les  effets  qu'il  faudroit  pour  tous  les  postes  du  nord.  Le 
Détroit,  devenant  considérable,  seroit  en  état  de  fournir  des 


I 


-  5G9  — 

marchandises  à  tous  ces  dilTérens  endroits.  Pur  c«;  moyen, 
on  cmpôcheruit  ioâ  voyageurs  de  monter  des  cnnots  d'écorce 
par  In  grande  rivière,  qui  est  très-pénible  par  lu  quantité  de 
rapides  ut  de  portages  que  les  engagés  (ont.  Il  monte  ordinai- 
rement chaque  année  quatrovingts  canots  d'écorce,  ou  en- 
viron d(>  »ix  à  sept  hommes  pour  la  partie  dont  je  viens  de 
parler,  et  par  ce  moyen  il  n'en  faudroit  point;  ce  (pii  ccn- 
servcroit  les  hommes  en  Canada  et  augmenteroit  le  nombre 
des  laboureurs,  ce  qui  est  la  base  de  l'htat. 

Dans  lu  suite  du  temps,  lus  particuliers  du  Détroit  feront 
des  bAlimens  propres  pour  ces  transports,  et  le  commerce 
se  fera  ivec  beaucoup  plus  de  tacilité  dans  les  Pays  d'en  Haut, 
car  les  barques  du  lac  Érié  iront  dans  les  lacs  Huron  et  Mi- 
chigan,  et  un  bâtiment  de  (piarunte  toimeaux  portera  vingt 
canotées,  et  il  faudra  pour  cette  voiture  cinq  à  six  hommes, 
au  lieu  que  dans  vingt  canots  il  faut  cent  vingt  à  cent  qua- 
rante hommes. 

Le  gouverneur  général  fait  ordinairement  payer  aux 
voyageurs  cinq  cens  francs  pour  chaque  canotée,  tant  pour 
les  gratifications  aux  ofliciers  que  pour  les  pauvres  familles; 
pour  lors,  il  feroit  payer  cinq  cens  francs  par  quatre  mille 
pesant  que  les  voyageurs  monteroient  dans  les  Pays  d'en  Haut, 
et  l'un  reviendroit  à  l'autre. 

En  suivant  exactement  ce  qui  est  stipulé  en  peu  de  mots, 
on  remédiera  à  une  partie  des  abus  qui  sont  contraires  à 
l'avantage  du  Canada,  et  dans  peu  l'on  verra  les  terres  se 
défricher,  les  habitans  augmenter,  le  commerce  fleurir,  et 
le  peuple  devenir  plus  heureux,  ce  que  je  souhaite,  ne  pou- 
vant faire  davantage  ut  ayant  dit  la  vérité. 

Détroit  enlrepost  des  postes  du  sud.  —  Le  Détroit  entrepost 
des  postes  du  sud,  Grosbourg,  situé  entic  le  lac  Ërié  et  le  lac 
Sainte-Claire,  de  l'entrée  du  lac  Érié  au  Détroit  il  y  a  six  lieues; 
du  Détroit  au  lac  Sainte-Claire  il  y  en  a  deux,  de  la  sortie  de 
ce  lac,  qui  en  a  sept,  au  lac  Huron  on  compte  onze  lieues. 

La  situation  de  cet  établissement  est  des  plus  belles,  le 
climat  en  est  charmant,  l'air  très-sain,  la  terre  excellente  et 
propre  à  toutes  sortes  de  productions,  la  chasse  y  est  abon- 
dante. Un  homme  en  quinze  jours  peut  rapporter  trois  cens 
pièces  de  gibier  différens  excellens  à  manger.  Le  gibier 
passe  depuis  février  jusqu'en  mai  et  depuis  septembre  jusqu'à 
Noël. 

Au  nord  il  y  a  trois  lieues  de  terre  habitées  par  des  firan- 


—  570  — 

çais  à  irois  arpens  par  habitant,  du  sud  il  y  en  a  deux  Ueiies 
et  demye  ;  la  rivière  partant  du  tac  Ërié  pour  aller  ail  Détroit 
court  est  nord-est  ;  à  une  lieue  et  dëmye  au-dessus  du  bourg, 
est  une  isle  qui  sert  de  commune,  elle  a  ciilquante  arpeiis  de 
long  et  vingt  c-e  large;  on  l'appelle  Ylsle  au  Cochon;  â  un 
quart  de  lieue  au-dessus  à  l'énlrée  dit  lac  Sainte-Claire  est 
Itnë  isle  nommée  Ylsh  du  large  de  virlgl  arpens  de  long  sur 
sept  à  huit  de  large. 

Les  habitants  recueillent  année  comntiirle  deux  mille  cinq 
cens  liiiuots  de  bled  froment,  beaucoup  d'avoine  et  de  bled 
d'Inde;  ils  semoient  autrefois  duftled  d'autotnne,  rïiais  sou- 
vent il  ne  pi'oduisôit  que  du  seigle.  Un  habitant  du  lied  m'a 
assuré  àvoii"  semé  douze  minots  de  très-beau  frometlt  et 
ri'âvbir  recueiih  que  du  très-beau  seigle.  Ori  sèlilë  en  février 
et  mars  et  l'on  recueille  en  juillet,  le  tlrbduit  t)our  le  ft-oment 
est  ordinairement  de  vingt  pour  uti. 

A  une  journée  en  deçà  de  la  grande  pointe  du  lac  HUron 
il  y  a  de  là  pierre  propre  à  faire  des  nioulahges,  ce  qui  man- 
que ah  détroit  ;  il  seroit  nécessaire  d'encouraget-  les  habitante 
du  bétroit  à  la  culture  en  leur  assurant  le  débouché  de  leiirs 
denrées,  chose  facile  en  leé  faisaiit  consommer  par  les  gàl^- 
nisdins  des  foHs  de  la  Presqu'isle-Marchant,  de  la  Rivière  au 
Bœuf  et  Duquesne.  Ces  vivres  coûleroient  nloins  bbet  aU  roy 
(|ile  ceb  qU'dh  envoyé  de  Mont-réal  ;  les  frais  de  transport 
feri  sdht  immenses  et  la  dittibullé  de  ces  transports  rend 
incertaine  la  Subsistance  des  garnisons. 

Il  fhucli-oll  aussi  que  les  commerçans  du  Détroit  ou  àlitrëte 
■qhl  vbùdroient  aller  s'y  établir,  en  la  ditte  qualité,  eussent 
la  liberté  de  reporter  ail  Détroit,  sans  payer  dé  cortgés,  les 
retours  dé  partiels,  lettres  de  change,  bu  certiBcatS  Ijli'ils 
apportent  à  Mont-réal  ;  tant  que  cette  franchisé  né  séta  pas 
accbtdéc  l'élubllssleiiibhl  dU  Détrblt  languira. 

Il  y  a  dans  ce  tJbste  un  cbmlhandànt,  un  major  et  SOtis 

leuH  ordres...... officlérfe  subalternes,  la  garnison  est 

de honnhes  fbuhiis  bar  les  cortipagnies  détachées  de 

là  marine.  Le  poste  est  bxplbité  par  congés  dont  le  prix  éSt 
ordinairerneni  de  cinq  cens  francs  payables  botnptànt  et 
dont  lé  nombre  n'est  pâS  fixé  ;  les  chur^s  supportée^  par  les 
bOttgéssont:  au  comnlartdaht,  trbis  îtiille  fVanes;  au  cbtti- 
niàttdànt  en  dbiixièttie,  mille  fraiibs  ;  aux  sûbalterhléte,  cinq 
cens  francs;  au  subdelégué,  six  cens  francs;  à  l'interprlèté, 
cirt(j[  cëhs  ftiahcà;  à  l'aUrtiônier,  cihîj  cens  tïahcs;  au  bhi- 


—  571  — 


rûrgien,  (rois  cens  fra'n'cs;  éha[i|ue  caftoi  de  vôyàgèùr  est 
obligé  de  iVortcr  qiuitfe  cens  livrés  pézari(  de  marchandises 
ptfiir  l'es  offïéiers  et  autres  employés  aiudit  poste,  jiar  consé- 
quent ces  officiers  font  la  traite,  elle  n'est  donc  plus  libre,  abus 
à  cOri^iger. 

Les  sauvaaes  qui  viennent  ordinairement  faire  ïa  traite  àîù 
Détroit  sont  les  Hurons  de  la  même  fîilmille  que  èenx  de  Lo- 
rel!te,  nation  perfide,  fourbe,  contre  laquelle  il  faut  sans  cesse 
ôti^e  sur  ses  gardes.  Les  Outawas,  les  Saultétfx  et  fès  Poù- 
feouatamis,  ces  derniers  sont  de  tous  les  saûvagéè  les  plus 
attachés  a  nos  intérêts,  jamais  ils  h'ont  trempé  leurs  mains 
dai^s  le  sang  (faucun  français,  ils  nous  ont  même  avertis  des 
éômplots  formés  contre  nous  par  ïés  autres  riatïôhs.  Il  sort 
d'é  ce  poste  entre  huit  cens  à  mille  paquets  de  pelleteries. 

Poste  des  Miamis.  —  Les  Mianiis  (Bellestre  lieutenant)  poste 
situé  sur  la  rive  droite  de  la  rivière  de  ce  nom  avec  lin  tort 
de  pieux  de  bout,  c'est  à'  ce  fort  que  commence  le  portage 
pour  aller  gagner  les  eaui  tombant  àù  sud-oùest.  —  Ce 
poslo  est  affermé  au  commandant  pour  trois  ans  e^  le  prix  de 
la  ferme  est  de  douze  cens  francs  par  année.  Il  fait  la  Iraitè 
exclusivement,  le  roy  ne  donne  ny  certificats  ny  préséfi's  aux 
sauvages;  le  fermier  est  chargé  de  ces  dépensés  ainsi  que  aé 
celles  des  gages  de  l'inlerprète;  il  n'a  point  dé  gratifïcaifioh. 
La  solde  de  la  garnison  se  donne  eh  poudre  et  en  ptornb'  que 
îé  fermier  prend  au  Dét'roi'^  ;  lès  sauvages  qui  y  viennèrit  traiter 
le  plus  coinmunémeul  sont  les  Miamis  et  les  Tépïcom'éâiix  *. 

Ils  peuvent  fournir  cent  cinquante  guerriers. 

Année  cominUhé  il  sort  de  ce  posté  deux  cent  Cinquante 
à  trois  ceiis  paquets,  voilà  donc  ûri  poste  enlevé  au  Com- 
merce. 

Ouyatanons.  —  Les  On^ataïions  (Cathèf  Bayoùî,  eh'seigne), 
poste  situé  sur  la  rive  di^oite  de  la  rivière  Ouabaché  où' Saint- 
Jérôme,  fort  de  pieux  de  bout.  Ce  poste  est  sur  le  tùéttié  ^ied 
qUë  celui  dés  Miamis,  le  comuiaridaiit  eh  est  le  fefmiei'',  et  té 
prix  dé  la  ferhic  est  de  douze  cens  francs  par  an. 

Les  sauvât» es  qui  viennent  y  faire  la  traîïté  sont  les  Ouytt- 
tandns,  les  Kikapous,  les  Maskoutins,  les  PeànguicHiùs,  îU  peu- 
vent fournir  trois  cent  soixante  guerriers. 

11  sort  année  coihmùhe,  de  Ce  poste  él  dé  ceuii  ^ùi  en  ^è- 
pehdent,  quatre  cens  à  quatre  cent  cinquante  ^atpièts. 


Kl 


1 .  Je  ne  connais  pas  ce  nom. 


—  572  — 

Yincennes.  —  Poste  de  Vinccnnes,  joli  bourg  dépendant  de 
la  Nouvelle-Orléans  qui  y  envoyé  un  commandant,  trois 
moulins  à  chevaux.  Il  y  .  soixante-quinze  habitans  qui 
labourent  et  recueillen:  aU  bled. 

Les  Peanguichias  y  traitent;  ils  peuvent  s'y  faire  quatre- 
vingts  paquets. 

Poste  des  Illinois.  —  Les  Illinois,  poste  dont  le  principal  en- 
trepost  est  le  fort  de  Chartres,  situé  sur  le  Mississipi;  il  y  a 
pour  tous  ces  postes  six  compagnies  de  garnison  fournies  par 
la  Nouvelle-Q^^léans  ainsi  que  le  commandant.  Ce  poste  est 
exploité  par  congés  dont  le  prix  est  de  six  cens  francs  par 
canot,  1er  voyageurs  trois  cens  francs  pesant  dans  leurs 
canots  pour  les  gratifications  ordinaires  ;  et  comme  on  n'est 
tenu  qu'au  port  des  provisions  des  missionnaires  des  Tamarous, 
le  surplus  du  port  est  pour  Michiliiriakinac  si  l'on  passe  par 
le  nord,  ou  pour  le  détroit  si  l'on  passe  [lur  le  sud;  la  gratifi- 
cation du  commandant  est  payée  par  la  Louisianne  sur  ses 
fonds  ;  ce  commandant  est  envoyé  de  la  Nouvelle-Orléans. 

Voicy  les  divisions  des  Illinois:  les  Cahos*  sur  le  bord  du 
Mississipi,  à  la  gauche  les  Metchi,  à  six  lieues  des  Kas,  petite 
ville  habitée  par  les  Français  ;  les  Cahos  et  les  Metchi  ne  sont 
plus  qu'un  village  d'environ  quatre  cens  guerriers.  Il  y  a 
environ  quatre  cens  guerriers  au  Kas.  Ces  trois  nations  sont 
comprises  sous  iC  nom  d'Illinois  et  fournissent  année  com- 
mune cent  paquets  en  castors,  chevreuils,  chats,  pichoux, 
renards,  loutres,  cerfs  et  daims. 

Il  y  a  un  autre  poste  sur  la  rivière  des  Illinois  où  réside  un 
commandant  dans  un  fort  nommé  Pimiteoui;  les  nations  qui 
y  traitent  sont  les  Peorias;  sept  cens  hommes  fournissent 
deux  cent  cinquante  paquets ,  môme  qualité  de  pelleteries, 
mc'ns  de  castors  et  plus  de  chats  qu'au  poste  précédent. 

Missouri.  —  Dans  le  Missouri  à  quatre-vingts  lieues  de  son 
embouchure  dans  le  Mississipi,  sont  les  Osages  et  les  Missouri j 
nations  voisines  l'une  de  l'autre  ;  la  traite  que  nous  y  avons 
peut,  année  commune,  monter  à  quatre-vingts  paquets  de 
chevreuils  et  ours,  peu  d'autres  pelleteries. 

Kansés  Pi.niteoui.  —  En  remontant  ce  fleuve  encore  qua- 
tre-vingts lieues  on  trouve  le  village  des  Kansés;  nous  y  avons 
une  garnison  avec  un  commandant  fourny,  ainsy  que  ceux  de 
Pimiteoui  et  du  fort  de  Chartres,  par  la  Nouvelle-Orléans.  Il 


1.  Noms  abrégés  pour  Caokias  et  Kaskaskias. 


/ 


^.  ) 


—  573  — 

sort  de  ce  poste  cent  paquets,  beaucoup  de  castors,  mais  mai 
irnvnillés,  les  autres  pelleteries  sont  les  mêmes  qu'au  poste 
précédent;  à  cinquante  lieues  au-rlessuson  trouve  les  Otoks  et 
les  Ayoués^\  deux  cents  hommes  fournissant  quatre-vingts 
paquets,  les  mêmes  pelleteries  que  chez  !es  Knnses. 

Fort  Duquesne.  — IJe  fort  Duquesne  situé  surîa  rive  gauche 
de  la  Belle  Rivière  au  confluent  de  Malancjueulé*.  Ce  fort  est  en 
bois,  petit,  mal  entendu  et  dominé  par  deux  endroits,  à  la 
portée  du  fusil,  insoulenable  en  un  mot  s'il  était  attaqué  dans 
l'état  présent;  il  peut  contenir  an  plus  cent  cinquante  hommes 
de  garnison  qu'il  est  fort  difficild  de  faire  subsister;  les  Illinois 
ont  été  cette  année  leur  ressource. 

Le  commandant  a  trois  mille  francs  de  gratification.  Cet 
établissement  est  nécessaire  pour  empêcher  que  les  Anglais 
ne  s'emparent  de  cette  partie;  mais  il  faudrait  un  fort  plus 
respectable  et  qui  pût,  en  temps  de  guerre,  contenir  cinq  ou 
six  cents  hommes  de  garnison;  le  pays  y  est  bon,  la  terre  fer- 
tile, l'air  sain,  des  habitants  y  seroient  bien. 

Ce  poste  s'exploite  par  congés  qu'on  donne  gratis  pour 
encourager  les  négociants  à  y  envoyer;  on  ne  sçauroit  donner 
trop  de  soin  à  ce  que  les  marchandises  soient  à  bas  prix, 
afin  que  les  sauvages  trouvant  à  y  faire  la  traite  à  bon  compte, 
n'aillent  pas  chez  les  Anglois,  objet  important  pour  le  com- 
merce et  plus  encore  pour  la  politique. 

Les  sauvages  qui  viennent  au  fort  Duquesne  sont  les  Loups, 
les  Chaouanons  elles  Iroquois,  renégats  de  toutes  les  nations 
des  Cinq-Nations. 

Il  en  sort,  année  commune,  de  deux  cents  à  deux  cent 
cinquante  paquets. 

Fort  de  la  rivière  au  Bœuf.  —  Le  îort  de  la  rivière  au  Bœuf, 
fort  quarre  de  pieux  debout,  situé  à  trente  lieues  du  fort 
Machault,  sur  la  rivière  dont  il  porte  le  nom.  Cette  rivière 
est  très-navigable  le  printemps,  l'automne  et  souvent  même 
l'hiver  ;  l'été,  l'eau  y  est  très-basse,  il  faut  y  traîner  dans  beau- 
coup d'endroits. 

Ce  poste  est  un  entrepost  nécessaire  pour  le  fort  Duquesne, 
mais  il  faudroit  le  refaire  et  le  mettre  à  l'abry  d'un  coup  de 
main.  Le  commandant  y  a  mille  francs,  la  garnison  plus  ou 


1 .  Ceux  dont  les  Américains  écrivent  le  nom  lowas. 

2.  Nom  canadien  de  la  Moaongahela. 

REV.  HAR.   —  MAI   1861. 


37 


/^"N 


—  574  — 

moins  fbrte  ;  ce  posté  n'est  pas  utl  ehdt-oit  de  commerce, 
d'atitànt  pltis  que  rétablissement  est  nouveau. 

Fan  MachauU.  —  Le  fort  Machault,  situé  à  la  d<"charge  de 
la  rivière  au  Bœuf,  dans  l'Ohyo;  c'est  le  dernier  entrepost 
pour  le  fort  DuqUesne;  il  faudroil  le  mettre  à  l'abvy  d'un  coup 
de  main  ;  ce  poste  n'est  pas  un  endroit  de  commerce.  Le 
commandant  y  a  mille  fratics  de  gralification. 

Fort  de  la  Presqu'Isle.  —  La  Presqu'Isle,  fort  quarré  de 
pièces  équarries*  à  sept  lieues  du  fort  de  la  rivière  au  Bœuf 
et  du  Niagara,  situé  sur  le  lac  Erié,  à  l'entrée  presque  d'une 
gratlde  baye  d'environ  une  lieue  etdemye  de  profondeur  sur 
une  demi-lieue  de  large;  il  y  a  un  commandant  qui  a  mille 
francs  de  gratification  et  cinquante  ou  soixante  hommes  de 
gartiison. 

Ce  poste  est  pour  la  traite  comme  les  deux  précédents;  son 
litililé  est  d'être  ut»  entrepost  nécessaire,  et  le  premier  de 
Niagara  à  lit  Belle-Bivière.  Le  portage  de  ce  fort  à  celui  de  la 
rivière  au  Bœuf  est  de  sept  lieues.  Pendant  les  hivers  qui  sont 
doux,  pluVièux,  peu  Sujets  à  la  neige,  les  transports  y  sont 
presqu'impt-aticables;  le  printemps  et  l'autoUine  sont  dans  le 
même  cas,  l'été  est  donc  la  seule  saison  sur  laquelle  on  puisse 
compter  pour  faire  passer  les  vivres  et  autres  elTels  néces- 
saires à  la  Belle-Rivière ,  je  parle  pour  les  charrettes  ;  les 
chevaux  de  selle  vont  en  tous  tems  ;  les  sauvages  en  ont 
beaucoup,  et  leur  secours  est  presque  toujours  nécessaire 
par  la  précipitation  avec  laquelle  on  est  forcé  de  faire  le  por- 
tage atin  de  protiter  des  eaux  de  la  rivière  an  Bœuf;  à  la 
véHté,  si  les  chemins  étoieiU  accommodés,  il  seroit  facile  de  se 
passer  des  sauvages. 

Mais  la  politique  exigé  qU'oii  s'en  èerve,  surtout  éh  tértips 
de  guerre.  Quand  ils  sont  charités  du  portage,  ils  empêchent 
les  nations  qui  pOUtToient  être  mal  intentionnées  de  troubler 
nos  transports,  d'ailleurs  ce  qu'ils  j+agncùit  par  cela  et  les 
présens  qil'on  leur  fait  les  met  en  état  de  s'habiller  et  de 
se  fournir  des  choses  qui  leur  sont  nécessaires  ;  sans  cette 
ressource  ils  s'adresseroient  aux  Anglois  qUi  les  traitent 
beaucoup  mieux  que  nous,  et  il  est  essentiel  qu'ils  ne  s'aper- 
çoivent pas  de  cette  différence. 

Il  seroit  facile  d'attirer  auprès  de  ce  fort  des  sauvages  pour 
s'y  établir  et  y  former  des  villages;  le  terrein  y  est  bon,  la 
chasse  et  la  pêche  y  sont  abondantes. 

Les  Mississagués  qui aeai  errants  dans  le  lac  Ërié  s'y  fixe- 


,( 


/ 


-.  575  — 

roient  d'atitaiit  ^lils  volontiers,  qu'ils  sferoiént  assurés  de 
trouver  auprès  du  fort  des  ressources  qui  leur  maiiqtient 
quand  ils  en  sont  éloignés. 

Les  Iroquois  qui  ont  un  village  à  Kanouagon,  distance  de  la 
Presqu'Isle  de  trente  lieues,  s'en  rapprocheroient  aussi;  sou- 
vent, ils  ont  élé  obligés  d'avoir  recours  à  nous  pour  vivre. 
Mais  pour  réussir  à  former  cet  établissement  il  faudroit  : 

1°  Un  magasin  à  la  Presqu'Isle  abondant  en  vivres  et  en 
marchandises  de  traite  à  l'usage  des  sauvages; 

2°  Leur  abandonner  lo  portage.  Ou  paye  six  francs  le  por- 
tage d'un  sac  aux  sauviiges,  trois  francs  aux  François;  mais 
cette  différencie  disparoîtroil  bientôt  par  le  tai  if  des  marchan- 
dises et  des  vivres  et  par  l'avantage  d'un  commerce  qui 
bientôt  devicndroit  considérable. 

Lo  chef  des  Mississagués  se  noujme  Maccouainité  et  celui 
des  Iroquois  Cocité;  l'un  et  l'autre  sont  fort  affectionnés  aux 
Pi"ançois,  et  ils  en  ont  donné  des  preuves. 

Niagara.  —  Niagara  peut  être  regardé  maintenant  comme 
une  place  forte,  elle  est  située  à  la  tète  du  lac  Ontario  au 
sud,  au  confluent  de  la  rivière  de  Niagara.  Ce  poste  est  la  clef 
dès  pays  d'en  haut.  Comme  le  terrein  y  est  excellent,  le  cli- 
mat ten-Déré,  la  chasse  et  la  pèche  abondantes,  il  taudrûit 
tâcher  à']  établir  une  ville  ou  au  moins  des  habitations  en 
village.  Cet  établissement  et  celui  du  Détroit  dirigés,  l'Un  et 
l'autre,  par  de  bonnes  loix,  seroient  le  grenier  des  Pays  d'en 
Haut.  On  épargneroit  par  Ifi  des  sommes  et  des  difficultés 
considérables  pour  les  transports,  et  le  Canada  seroit  en  état 
de  faire  une  exportation  plus  forte. 

Le  roy  fait  le  commerce  de  ce  poste  et  conséquemment 
paye  les  gratiMcalions  aux  comuiandans  et  autres  employés; 
mais  le  commerce  y  est  mal  régi,  la  traite  s'y  fait  d'une  façon 
onéreuse  pour  les  sauvages  et  peu  lucrative  pour  le  roy. 

Il  seroit  bon  de  l'y  rendre  libre,  la  concurrence  entre  les 
nêgocinnts  y  rendroit  lés  iiarchandises  moins  chères;  si  le 
taHf  n'eh  baisse  tôt  ou  tard,  les  sauvages,  qui  n'ont  plus  Choué- 
guen,  iront  à  Orange  porter  leurs  pelleteries,  et  l'on  ne  doit 
jartiltls  perdi-e  de  Vue  celte  réflexion,  qu'en  Cela  l'intérêt  du 
commerce  est  encore  le  moins  essentiel,  la  conservation  de 
la  toionie  h\  dépend,  nous  ne  nous  soutenons  que  par  la 
faveur  des  sauvages  ;  c'est  le  contre-poids  qui  fait  pencher  la 
balance  de  notre  côté,  et  les  sauvages  accepteront  la  hache  de 
ceux  avec  lesquels  ils  feront  uU  commeif-ce  avantageux. 


w 


—  576  — 

Les  nations  qui  viennent  en  traite  à  Niagara  sont  les  Cinq- 
Nations  et  l(>s  Mississagués. 

Il  en  sort,  année  commune,  deux  cent  cinquante  à  trois 
cents  paquets. 

Le  portage  à  Niagara  à est  de lieues;  mêmes  ré- 
flexions pour  ce  portage  que  pour  celui  de  la  Presqu'Isle,  il 
est  essentiel  de  se  servir  de  ces  'siuvages  pour  le  faire. 

Toronto,  situé  au  nord  du  lac  Ontario,  vis-à-vis  de  Niagara, 
établi  pour  empêcher  les  sauvages  du  noi  d  d'aller  commercer 
à  Chouéguen  ;  Chouéguen  n'existant  plus,  ce  poste  devient 
inutile. 

Le  roy  en  fait  le  commerce ,  les  effets  y  montent  des  ba- 
teaux conduits  par  des  miliciens  couimandés  pour  cela;  les 
sauvages  qui  y  traitent,  sont  les  Mississagués  et  les  Saulteux. 
Il  en  peut  sortir  cent  cinquante  paquets  de  pelleteries. 

Frontenac  ou  Katarakoui,  mauvais  fort  à  l'entrée  du  lac 
Ontario  ;  si  Chouéguen  n'eût  pas  été  détruit ,  il  eût  fallu  le 
rendre  respectable  ;  il  y  a  un  commandant,  plusieurs  officiers 
sous  ses  ordres  et hommes  du  garnison. 

Ce  poste  est  exploité  par  le  roy  qui  conséquemment  en 
supporte  les  charges;  il  faudroit  que  le  commerce  y  fût 
libre. 

Les  sauvages  qui  y  viennent  en  traite  sont  les  Cinq-Nations 
et  les  Mississagués. 

Il  en  peut  sortir  année  commune  vingt  à  trente  paquets. 

La  Présentation,  mission  pour  les  sauvages  des  Cinq-Nations 
établie  par  M.  l'abbé  Piquet,  sur  la  rive  droite  du  fleuve 

Siiint- Laurent,  à lieue   de  Mont-Réal.  Il  peut  y  avoir 

maintenant  cent  sauvages  des  Cinq-Nations  rassemblés  par 
ses  soins.  Ils  y  ont  des  teries  qu'ils  cultivent,  des  volailles  et 
bestiaux  en  propriété. 

Il  y  a  un  mauvais  fort  de  pieux  debout,  un  commandant 
et  une  petite  garnison. 

Ce  poste  s'exploite  par  le  roy  ;  on  n'y  donne  point  d'eau- 
de-vie.  Il  en  peut  sortir  année  commune  trente  ou  quarante 
paquets. 

Le  sault  Saint-Louis,  mission  des  jésuites  pour  les  Iroquois. 
Il  peut  y  avoir  trois  cent  cinquante  sauvages  qui  ont  terres, 
bestiaux,  volailles.  Le  commerce  s'y  fait  par  les  jésuites  qui 
afferment  à  Monsieur  de  Muceaux  huit  cents  francs. 

Lac  des  deux  montagnes,  mission  établie  sur  le  lac  de  ce 
nom  qui  est  formé  par  la  rivière  des  Outawais,  à  douze  lieues 


fi 


—  577  — 

de  Mont-Réal,  et  desservie  par  les  Sulpiciens.  II  peut  y  avoir 
deux  cent  cinquante  sauvages  Nepissings,  Algonkins  et  Iro- 
quois  ;  il  n'y  a  ni  commandant  français  ni  garnison  ;  le  com- 
merce est  afTermé  par  les  prêtres  pour  neuf  ans,  deux  mille 
francs;  il  en  sort  année  commune  cent  cinquante  paquets. 

Mkhilimakinac ,  fort  do  pieux  dobout  situé  dans  le  détroit 
de  communication  du  lac  Michigan  avec  le  lac  Huron  ;  c'est 
l'entrepost  des  postes  du  nord;  il  est  sur  le  même  pied  que  le 
Détroit,  entrepost  doj  postes  du  sud  ;  J  s'exploite  par  congés 
qui  sont  de  six  cents  francs  par  canot;  chaque  canot  est 
obligé  de  porter  cinq  cents  livres  pesant  pour  les  officiers  ou 
le  nécessaire  de  la  garnison;  on  la  réduit  à  mille  francs  de 
présents  par  an  pour  les  sauvages  sans  certificats  ;  le  com- 
mandant y  a  trois  mille  francs,  le  commandant  en  second 
mille  francs,  l'interprète  six  cens  francs. 

Les  sauvages  qui  viennent  en  traite  à  ce  poste  sont  les 
Saulteux  et  les  Outawais;  il  en  peut  sortir,  année  commune, 
six  à  sept  cents  paquets.... 

Baye  des  Puants  (Monsieur  de  Rigaud),  poste  établi.  Il  est 
affermé  neuf  mille  francs  ;  on  en  a  supprimé  toute  dépense 
pour  le  compte  du  roy  ;  il  n'y  a  ni  présens,  ni  certificats, 
ni  gages  d'interprètes,  tous  ces  frais  sont  aux  dén&ns  du 
fermier. 

Le  commandant  (Coutrol,  lieutenant),  est  un  officier  inter- 
ressé  dans  la  ferme  et  qui  fait  valoir  pour  son  compte  et  celui 
de  ses  associés;  il  a  deux  mille  francs  de  gratification.  Ce 
poste  comprend  aussi  les  Sioux. 

Les  sauvages  qui  y  viennent  en  traite  sont  les  Folles-Avoines 
Sakis,  Outagamis  ou  Renards,  Puants,  Maskoutens,  Kikapous, 
Sioux-des-Prairies,Sioux-des-Lacs.  lien  sort,  année  commune, 
cinq  à  six  cents  paquets. 

La  Rivière  Saint-Joseph  (Monsieur  le  Verrier),  fort  situé  sur 
la  droite  de  la  rivière  de  ce  nom,  à  vingt  lieues  de  son  embou- 
chure, dans  le  lac  Michigan.  Ce  po.ste  est  sur  le  môme  pied 
que  la  Baye;  le  commandant  en  est  le  fermier  en  tout  ou  en 
partie,  h  la  volonté  du  gouverneur  général,  il  en  supporte  les 
frais,  il  a  deux  mille  francs  de  gratification  et  l'interprète 
cinq  cents  francs;  le  prix  de  la  ferme  est  de 

Les  sauvages  qui  y  vont  en  traite  sont  les  Poutéwatamis, 
quatre  cents  hommes  environ  et  quelques  Myamis.  Il  en  peut 
sortir  quatre  cents  paquets  en  peaux  de  chats,  ours,  pichoux, 
loutres,  chevreuils,  cerfs. 


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w 


—  578  — 

La  Mer  d'Ouest,  poste  qui  comprend  les  forts  3aint<-Pierre, 
Saint-Charles,  Bourbon,  de  la  Reine,  Dau4)hin,  Poskoiij  et 
des  Prairies,  tous,  forts  de  pieux  debout,  respectables  seule- 
ment pour  les  sauvages. 

Le  fort  Saint-Pierrv  est  situé  sur  la  rive  gauche  du  lac  de 
Tekamamiouen  ou  lac  de  la  Pluie,  à  cinq  cents  lieues  de  Micliili- 
makinak  et  trois  cents  de  Kamanistigoyia  ou  les  Trois  Rivières 
au  nord-ouest  du  lac  Supérieur. 

Le  fort  Saint-Charles  est  à  soixante  lieues  de  celui  de  Saint- 
Pier  i.,  situé  sur  une  presqu'isic  fort  avancée  dans  le  lac  des 
Bois. 

Le  fort  Bourbon  est  à  cent  cinquante  lieues  ilu  précédent, 
situé  à  l'entrée  du  lac  Ouimpeg. 

Le  fort  la  Reine  est  sur  la  rive  droite  de  lu  rivière  des  Assini- 
hoels,  à  soixanle-dix  lieues  du  fort  Bourbon.  Ces  contrées 
offrent  partout  dp  vastes  prairies;  c'osl  la  ronte  pour  aller  dans 
le  haut  du  Missouri. 

Le  fort  Dauphin,  à  quatre-vingts  lieues  du  précédent,  est 
situé  sur  la  rivière  Minanghenachequeké  ou  de  VEau  trouble. 

Le  fort  Poskoia  est  sur  la  rivière  de  ce  nom  à  cent  quatre- 
vii|gts  lieues  du  précédent;  de  ce  fort  on  va  en  dix  joijrs  à  la 
rivière  de  Nelson.  Le  fort  des  Prairies  est  à  quatre-vingts  )ieues 
du  fort  Poskoia  dans  le  haut  de  la  rivière  de  ce  nom.  Ce  poste 
a  été  atfermé  huit  mille  francs;  le  coiiunandaut  en  est  le  fei- 
mier  et  i|  a  le  quart  dans  h;  posle.  Les  sau^'iges  qui  y  vien- 
nent traiter  sont  les  Crislinaux  et  les  Ass^'niboels;  ces  de^x 
nations  forment  chacune  douze  villages  de  deux  cent  cin- 
quante hommes  l'un  ponant  l'autre;  année  commune  il  se 
fait  dans  ce  poste  de  trois  à  quatre  cpnts  |)aquets  en  caslois, 
pékans,  martres,  loutres,  loups-ceryiers,  curcJ^joux,  fouines, 
renards;  il  faut  cÔtûpler  de  plus  cinquante  à  soixante  esclaves 
rouges  ou  panis  de  Jatihilinine,  nation  située  s^r  le]Vlissoi»ri, 
et  qui  joue,  dans  l'Amérique,  le  rôle  des  nègres  en  Europe.  Il 
n'y  a  que  dans  ce  poste  que  l'on  fasse  ce  commerce. 

Le  poste  de  la  mer  d'Ouest  méiile  une  altenlion  particulière 
pour  deux  raisons,  la  première  en  ce  qu'il  est  de  tous  le  plqs 
voisin  des  établissemeiis  des  Aiiglois  à  la  baye  d'Hudson,  et 
que  c'est  de  là  qu'il  faut  veiller  fi  leurs  démarches;  lu  seconde, 
c'est  que  c'est  de  ce  posle  qu'on  puurra  découvrir  la  mer  de 
l'Oi^est;  mais  ppur  faire  cette  découverte  il  faudruil  qqe  les 
voyageqrs  quitlassent  les  vues  d'intérêt. 

Voyage  de  la  Véranderie.  —  Celui  qui  a  le  plus  avancé  cette 


—  579  — 

découverte  ast.  le  sieur  do  la  Vdranderie'  ;  il  alla  du  fort  de  la 
Reine  gagner  le  Missouri,  il  rencontra  d'abord  sur  cette  ri- 
vière les  Mandannes  ou  Blancs  Barbus  au  nombre  de  sept  vil- 
liiges  entourés  de  forts  de  pieux  terrassés  avec  un  fossé, 
ensuite  les  Kinongew iniris  ou  les  Brochets  au  nombre  de  trois 
villages;  dans  le  haut  de  la  rivière,  il  trouva  les  Mahantas 
faisant  aussi  trois  villages,  et  le  long  du  Missouri,  en  le 
descendant  juf^qu'à  la  décharge  de  la  rivière  Wabiek  ou  à  la 
Coquille,  vingt  trois  villages  de  Panis. 

Au  sud-ouest  de  cette  rivière  et  '■ur  les  deux  rives  Ouona- 
radeba  ou  à  la  Graisse  sont  les  Hactunnes  ou  gens  du  serpent. 
Ils  s'étendent  jusqu'au  pied  d'une  chaîne  de  montagnes  fort 
élevées',  qui  courent  nord,  est,  sud,  et  au  sud  de  laquelle  est  la 
rivière  Karoskiou  ou  Cerise  pelée,  que  l'on  suppose  se  pendre 
à  la  Californie. 

Il  continuii  sa  roule  et  trouva  dans  ces  pays  immenses, 
qu'arrose  le  Missouri,  vjs-à-vis  et  à  environ  quarante  lieues 
des  Mahantas,  les  Owilinioek  ou  beaux  hommes,  quatre  vil- 
lages, vis-à-vis  des  ^roc/ie/s,  \es  Macateoualasites  ou  Pieds-Noirs, 
trois  villages  de  cent  cabanes  environ  chacun  vis-à-vis  des 
Mandannes  sont  les  Ospekakoerenausques  ou  gens  du  plat  côté, 
quatre  villages;  vis-à-vis  des  Panis  sont  les  gens  de  l'arc 
Atchapcivinioques  en  Cristinaux  et  Utasibaoutchactas  en  Assinir 
boels,  trois  villages;  on  trouve  ensuite  les  Makesch  ou  Petits- 
Renards,  deux  villages;  \esPiwassa  ou  Grands-Parleurs,  trois 
villages;  les  Kakakoschena  ou  gens  de  la  Pie,  cinq  villages ,  les 
Kiskipisounouinini  ou  gens  de  la  Jarretière,  sept  villages. 

Il  ne  put  aller  plus  loin  à  cause  de  la  guerre  qui  étoit  alors 
entre  les  gens  de  la  Jarretière  et  la  nation  suivante.  Au 
reste  c'est  improprement  que  je  me  suis  servi  du  nom  de 
village  pour  toutes  ces  nations  qui  habitent  les  prairies,  elles 
forment,  comme  des  Tariares,  des  bordes  errantes,  elles 
suivent  les  bêles  dont  la  chasse  les  t'ait  vivre,  leurs  demeures 
sont  des  cabanes  de  peaux. 

Les  Nèpigons,  poste  établi  au  nord  du  lac  Supérieur;  le 
commandant  en  est  le  ferniier  et  le  prix  de  la  ferme  est 
d'environ  quatre  mille  francs  ;  il  comprend  le  lac  à  la  Carpe 
situé 


1 .  Gautier  de  Varennes ,  sieur  de  la  Véranderie ,  second  fils  du  gouver- 
neur des  Trois-Rivières .  J'ai  raconté  son  entreprise. 

2.  Les  Montagpes  Rocheuses. 


—  580  — 

Les  sauvage»  qui  y  traitent  sont  les  Sauitcux;  cette  na* 
lion,  une  des  plus  nombreuses  de  ces  contrées,  est  errante, 
ne  sème  rien,  ne  vit  que  de  chasse  et  de  pùclie.  Il  en  sort  com- 
munément chaque  année  quatre-vingts  à  cent  paquets  en 

Pointe  de  Chagoamigon  (Monsieur  de  Beaubassin)  située 

Ce  poste  est  atTermé  huit  mille  cent  francs  au  sieur  de  Saint- 
Luc  ;  jusqu'en  1758  il  n'y  a  eu  ny  présents,  ny  cerlificnts,  seu- 
lement l'interprète  à  payer.  Le  commandant  y  a  trois  mille 
Trancs  de  gratilication. 

Les  sauvages  qui  y  viennent  traiter  sont  lesSaulteux.  Il  en 
sort  annuellement  environ  deux  cent  cinquante  paquets. 

Kamanistigoya  (Monsieur  de  Repentigny)  ou  les  Trois-Ri- 

vières,  situé Ce  poste  a  été  atlermé,  à  feu  Monsieur  Gu- 

gnet,  quatre  mille  francs;  comme  il  l'a  sous-aifcrmé  au  sieur 
Toussaint  Portier,  la  cour  lui  en  a  accordé  l'excédant  pour  le 
dédommager  de  l'exploitation  des  congés  de  Saint-Maurice. 

Le  roy  n'a  plus  rien  à  payer  que  deux  mille  livres  de  gra- 
tification au  commandant,  il  n'y  a  ny  présents  ny  certiticals; 
la  ferme  de  ce  poste  tinira  en  1758.  Les  sauvages  qui  y 
viennent  en  traite  sont  les  Saulteux.  Il  en  sort  annuellement 
soixante  à  soixante-dix  paquets  en 

Michipicoton ,  poste  situé  au  nord-est  du  lac  Supérieur, 
comme  celuy  de  Kamanistigwia  l'est  au  nord-ouest.  Les 
Saulteux  y  viennent  en  traite.  Il  en  sort  de  cinquante  à 
soixante  paquets. 

Sault  de  Sainte-Marie^  fort  de  pieux,  situé  dans  le  détroit 
de  communication  du  lac  Supérieur  avec  le  lac  Huron  établi 
en  1750. 

La  traite  en  fût  accordée  gratis  au  commandant  pour  faci- 
liter l'établissement.  Le  roy  donne  cinq  cents  francs  de  grati- 
fication pris  sur  Michilimakinac,  dont  ce  poste  dépend.  Les 
sauvages  qui  y  font  la  traite  sont  les  Saulteux.  Il  en  sort 
annuellement  cent  paquets.  Le  sieur  Dcbonne,  le  sieur  de 
Repentigny  l'ont  par  concession,  comme  seigneurie  hérédi- 
taire. 

Temiscanimgiie,  poste  situé  sur  le  bord  d'un  lac  de  ce  nom, 
affermé  sept  mille  francs;  les  sauvages  appellent  l'endroit  où 
est  le  poste  Aubatswenanek.  Les  nations  qui  y  traitent  sont 
les  Têtes  de  Boules  ou  gens  des  terres  et  les  Namcosakio  qui 
viennent  du  côté  de  la  baye  d'Hudson. 

Tabitibi  est  un  poste  dépendant  de  Temiscaming ,  à  cent 
vingt  lieues  de  l'établissement  précédent,  du  côté  de  la  baye 


—  581   — 

d'Hudson  ;  il  peut  y  avoir  cent  hommes  dans  les  deux  postes; 
ils  vivent  de  pèche  et  de  chasse;  ne  sèment  rien  et  n'ont 
aucun  village;  tout  ce  pays  est  montagneux  et  peu  fertile.  Il 
en  sort  environ  cent  vingt  paquets  en  castors,  loups-corviers, 
martres,  loutres,  pékans,  carcajoux,  cariboux. 

Le  long  Sault,  poste  situé  sur  la  rive  du  sud  de  la  grande 
rivière  ou  des  Oulaouns,  comme  Carillon  l'est  sur  la  rive 
nord,  au  pied  du  môme  sault,  à  six  lieues  du  lac  des  deu'^ 
montagnes. 

Ces  deux  petits  postes  ont  été  établis  pour  traiter  au  pas- 
sage des  sauvages ,  qui  sont  les  Népisings  ,  Algonkins  e.^ 
Iroquois.  Il  s'y  fait  environ  cent  cinquante  paquets,  les  mê- 
mes pelleteries  qu'à  Themiscamingue, quelques  ours  et  quel- 
ques chats  de  plus. 

M.  le  marquis  de  Vaudreuil,  commandant  du  Long  Sault, 
en  retire  800  fr.  de  rente,  et  en  temps  de  paix  4000. 

Carillon  à  M.  d'Aillebout  de  Cuisy. 

Les  pelleteries  qui  sortent  du  lac  des  deux  montagnes  sont 
de  la  même  espèce  que  celles  de  Themiscamingue. 

Chambly,  Sainte'Thérèze,  Saint- Jean. 

Les  sauvages  Abenakis  établis  à  Missiskouy,  Saint-Frédé- 
ric, Carillon. 


Villages  des  sauvages  domiciliés. 

Lorette,  Hurons  ; 

fiekancourt,  Abenakis,  5  ou  600  hommes  ; 

Missiskouy,  Abenakis,  100  à  150  hommes; 

Saint-François,  Abenakis; 

Sault  Saint-Louis,  Iroquois  ; 

Lac  des  deux  montagnes  ; 

La  Présentation,  5  nations  ; 

Hurons  du  Détroit  ; 

Miratmitchi  (Micmaks). 

Récapitulation  des  forts  et  des  postes.  —  Cap  Charles,  Baye- 
des-Châleaux,  Saint-Modet,  la  Baye-Houge,  l'Anse-au-Loup, 
la  Forteau,  Baye  Phelipeaux,  Chichateka,  rivière  Saint- 
Augustin,  Méchatina,  Nontagnauiou,  Maingan,  les  Sept-Isles, 
les  Islels  de  Jérémie,  Tadoussac,  Chueretimi,  Québec,  Lo- 
rette, les  Trois-Rivières,  Bekancourt,  Saiit-François,  Cham- 
bly,  Saint-Jean,  Saint-Frédéric,  Carillon,  Mont-Réal,  lac  des 
deux  Montagnes,  Carillon,  le  long  Sault,  Themiscamingue, 


'\ 


—  582  — 

Abiiibis,  MicliipicoUon,  Nepigon,  Kamani.;igouia ,  la  Mer- 
d'Ouest,  Ghagouamigon,  la  Baye-deH-Illinois,  les  Ouyatannns, 
les  Miamis,  la  rivière  Saint-Joseph,  le  Détruit,  )a  Prusqu'Isle, 
la  rivière  au  liœul,  le  l'ort  Machault,  le  tort  Duquesne,  Nia- 
gara, Toronto,  Catarrakoui,  la  Présentation,  Saint-Hegis,  le 
Sault-Saint-Louis. 


OBSERVATIONS. 

Villes.  —  Québec,  grande  ville,  mal  fortillée  ; 

ïi'oiS'RmèreSf  ville  entourée  de  quelques  mauvaises  palis- 
sades ; 

Mont- Real,  mal  t'ortitlée  avec  un  mur  crénelé. 

Forts.  —  !•  Route  de  Mont-Réal  à  Carillon: 

La  Prairie,  tort  de  pieux  abandonné  ;  Saint-Jean,  fort  de 
pieux,  avec  quatre  bastions,  des  entrepôts  et  hangars;  fort 
Saint-Frédéric,  en  pierres;  fort  de  Carillon,  de  pièce  sur 
pièce  ; 

2"  Route  de  Mont-Réal  par  Chambly  : 

Sorel,fortde  pieux,  abandonné;  Chambly,  l'url  en  pierres; 
Sainle-Thèrèze,  ancien  fort  de  pieux,  abandotmé,  des  maga- 
sins et  des  hangards  ; 

3°  Route  de  Mont-Réal  au  fort  Duquesne  : 

La  Chine,  hangnrds  et  magasins  du  loy  où  l'on  conduit  les 
effets  du  roy  destinés  aux  Pays  d'en  Haut;  SuuJt  Saint-Louis, 
fort  en  pieux,  contre  les  Agniers;  les  Cèdres,  fort  en  pieux; 
Saint-Régis,  fort  en  pieux,  nouvelle  mission  des  Jésui|es  pour 
les  Iroquois;  la  Présentation  ou  la  Galetle,  fort  en  |)it'ux, 
nouvelle  mission  des  Sulpiciens  pour  atlircr  ks  Ciuq-Nations; 
Frontenac  ou  Katarakoui,  mauvais  fort  sur  le  lac  Onlario, 
avec  une  rade;  on  y  avoit  commencé  en  1755  ^t  1756  ijne 
espèce  de  camp  retranché,  abandonné  après  la  pfise  ^e 
Chouèguen  ;  Toronto  ou  Saint-Victor,  petit  fort  de  pieux  sur 
le  lac  Ontario,  pour  vendre  de  l'eau-de-vie  aux  sauvages 
atin  de  contrc-balancer  le  commerce  qui  se  faisoit  à  Choue- 
gpen;  Niagara,  fprt  en  terre  qu'il  faut  revêljr  de  pierre, 
coijstiuit  en  1755  et  1756  par  les  troupes  françoises,  sous  la 
direction  de  Monsieur  Pouchot,  capitaine  au  régiment  de 
Béarn;  peli^  fort  de  Ni^gjtra  pour  entrepôt;  fort  de  h 
Presqu'IsIe  pour  entrepôt;  fort  de  la  rivifire  au  Boeuf  ou  fort 
Rpjjil  ppur  entrepôt  ;  fort  Machault  pour  er»trepôl,  ep  pieux  ; 


—  583  — 

fort  Duquegnc  à  portée  de  l'Oyo.  Il  y  n  encore  un  fort  au 
Détr(.ît. 

Traite  et  congés.  —  Uiiiis  presque  tous  les  postes,  la  maison 
oh  loge  roflicier  qui  couniiande,  étant  entourée  de  pirux,  est 
honorée  du  nom  de  fort.  On  appelle  fort,  en  (lauada,  des 
espèces  de  eomptoirs  où  Ton  l'ait  le  eouunerec  des  pelleteries 
avec  les  sauvages,  qui  les  donnent  en  retour  des  manhaii- 
dises  dont  ils  ont  besoin,  autrefois  on  les  melloit  tous  aux 
enchères,  les  coiiuneryanls  pouvoient  y  (irélcndre  ;  on  donnoit 
un  produit  au  roy  et  l'on  payoit  l'ofOcier  qui  y  commandoit. 
Aujourd'huy  le  gouverneur  général  en  dispose  pour  ses  créa- 
turcs,  avec  l'approbation  de  la  cour.  Les  plus  considérables 
sont  :  In  mer  d'Ouest,  le  poste  de  la  Baye,  Saint-Joseph,  les 
Nepigons  tt  Michiliniakinnc,  si  l'on  n'y  donnoit  pas  beaucoup 
de  congés.  Le  poste  du  Détroit  n'est  jamais  donné;  on  donne 
des  congés. 

Il  y  a  des  postes  où  la  traite  se  fait  pour  le  compte  du  roy; 
tels  que,  Toronto,  Frontenac,  Niagara,  le  petit  Portage,  la 
Presqu'Isle,  la  rivière  au  Bœuf,  le  fort  Machault,  le  fort  Du- 
quesne.  Le  commerce  qui  s'y  fait  est  toujours  très-onéreux 
au  roy,  qui  y  perd,  et  ne  le  l'ail  que  pour  conserver  l'aflec- 
lion  des  sauvages;  mais  bîs  gardes  magasins  et  les  comman- 
dans  ont  grand  soin  de  s'y  enrichir. 

Le  poste  de  la  Baye  a  valu  en  trois  ans  à  Messieurs  Rigaud 
cl  Marin,  trois  cent  douze  mille  livres,  et  du  temps  de 
Monsieur  Marin  père,  qui  l'avoil  de  société  avec  Messieurs  de 
la  Jonquière  cl  Bigot,  il  produisoit  plus  de  cent  cinquante 
mille  livres  par  an  quille.  Il  y  a  là  du  sçavoir  faire,  du  bonheur 
et  la  paix  vaut  mieux  que  la  guerre. 

Le  poste  de  la  niei'  d'Ouest  est  aussi  considérable. 

On  appelle  congé,  les  permissions  que  le  gouverneur  géné- 
ral accorde  pour  un  canot  chargé  de  six  mdie  livres  de  mar- 
chandises que  l'on  va  vctuire  dans  un  des  postes  indiqués;  on 
paye  celte  permission  cinquante  pistoles  et  le  gouverneur 
général,  maître  d'en  donner  plus  ou  moins,  affecte  ces  fonds 
pour  entretenir  les  pauvres  familles  d'uliicicrs.  On  ne  rend 
compte  au  roy  que  de  vingt-deux  congés;  le  gouverneur  en 
donne  souvent  jusqu'à  quarante,  la  moitié  des  cinquante 
pistoles  fait  fonds  à  la  recelte  du  roy  et  l'autre  moitié  est  à 
1^  disposition  du  gouverneur  pour  gratifications. 

Michilimakinac  est  l'entrepôt  de  tous  les  postes  de  la  côte 
du  nord  et  le  Détroit  de  ceux  de  la  côte  du  sud. 


Il 


—  584 


Le  Détroit,  beau  pays  à  portée  de  toutes  les  Nations  d'en 
Haut,  climat  tempéré  où  la  vigne  produiroit. 

Le  casior  commerce  exclusif  fait  par  la  compagnie  des 
Indes;  il  lui  coûte  quatre  francs,  dont  trois  francs  seize 
sous  pour  celui  qui  le  vend,  et  quatre  sous  partagés  au 
gouverneur  général,  au  gouverneur  de  Mont-Réal,  à  l'inten- 
dant général,  au  co'.iimissaire  ordonnateur  et  à  l'agent  de  la 
compagnie,  cçavoir  :  deux  pour  cent  au  gouverneur  général, 
un  et  dcmy  à  l'intendant,  un  demy  au  gouverneur  de  Mont- 
Réal,  un  quart  au  commissaire  ordonnateur,  les  trois  quarts 
pour  6ent  pour  les  frais  de  régie  ;  le  gouverneur  et  l'intendant 
ayant  aussi  en  présents  une  balle  de  café  et  quatre  livres  de 
thé;  la  compagnie  achetle  aussi  les  rats  musqués  dont  elle 
n'a  pas  le  commerce  exclusif,  elle  les  payoit  autrefois  quinze 
sous  pièce,  elle  les  achette  actuellement  cinq  sous;  le  rat 
musqué  a  un  poil  court  et  propre  à  entrer  dans  la  composition 
des  chapeaux;  ses  rognons  se  vendent  pour  en  tirer  le 
musc.         • 

Les  appointemens  du  gouverneur  général  consistent  en 
cinq  mille  deux  cents  francs,  mille  écus  pour  la  moitié  de  la 
f.uitine,  environ  deux  mille  francs  pour  son  droit  sur  le 
castor  et  avec  quelques  autres  petits  émolumens,  cela  va  à 
près  de  onze  mille  francs. 

Le  gouverneur  des  Trois  Rivières  a  un  fort  joly  logement; 
celui  de  Mont-Réal  n'en  a  point;  ses  appointemens  sont  de 
cinq  mille  d(nix  cents  francs,  mais  il  n'a  d'autres  émolumens 
que  sa  cantine,  objet  de  cinq  à  six  cents  francs. 

Toutes  les  lieutouances  du  roy  n'ont  que  mille  huit  cents 
francs  d'appointemens  ;  la  lieulenance  de  roy  de  Québec  est 
la  meilleure  à  cause  de  la  cantine. 

Los  majorités  sont  aux  appointemens  de  mille  deux  cents 
francs. 

Milice.  —  Tous  lis  habilans  en  état  de  porter  les  armes, 
depuis  quinze  ans  jusqu'à  soixante ,  sont  inscrits  et  obligés 
de  servir  toutes  les  lois  que  le  gouverneur  général  les  com- 
mande. Ils  ont  des  olliciers  dans  chaque  paroisse  ;  les  capi- 
taines y  ont  des  grandes  considérations  ;  un  banc  à  l'église 
avant  celui  des  co-seigneurs;  c'est  à  eux  que  tous  les  ordres 
s'adressent,  quand  ils  servent;  ainsi  que  leurs  miliciens,  ils 
ne  reçoivent  aucune  solde,  mais  la  subsistance  et  un  équi- 
pement; ils  n'ont  aucun  rang  avec  les  troupes  réglées  et 
seroient  même  commandés  par  les  sergens  et  les  cadets  à 


585  - 


l'aiguillette,  cependant  on  a  envie  de  fuire  un  règlement  à 
cette  occasion,  pour  que  les  officiers  de  ces  milices  puissent 
commander  les  sergens  des  troupes  réglées.  Monsieur  le 
marquis  de  Vaudrcuil  pense  proposer  pour  capitaines  ûe 
milices  ceux  qui  se  distingueront  et  de  leur  faire  venir  des 
commissions  du  roy  ;  et  alors  ils  auront  rang  avec  les  officiers 
des  troupes  réglées,  comme  lieutenans  du  jour  de  cette  nou- 
velle commission;  lorsqu'ils  sont  blessés  ou  estropiés  au 
service,  le  gouvern»!ur  général  leur  procure  une  petite  gra- 
tification annuelle. 

Les  distinctions  que  le  gouverneur  général  accorde  aux 
sauvages  qui  se  distinguent  à  la  guerre  ou  qui  ont  de  la  con- 
sidération dans  leur  cabane,  sont  le  bausse  col ,  qu'ils  se 
l'ont  grand  honneur  de  porter ,  et  la  grande  distinction  ce 
sont  des  médailles  oîi  il  y  a  l'elfigie  du  roy. 

On  appelle  cadets  à  l'éguillette,  les  cadets  des  troupes  de  la 
marine  ainsi  nommés ,  parce  qu'ils  portent  une  éguillette  à 
leur  uniforme  ;  ils  n'ont  de  lait  rang  qu'après  les  sergens  et 
caporaux,  et  o-  les  détache  à  la  guerre  comme  officiers  et  on 
leur  fait  faire  le  service  d'officiers  majors. 

Vhiver  en  Canada.  —  L'hivtT  est  toujours  très-rude  en  Ca- 
nada, le  froid  y  est  cependant  toujours  beau  et  fort  sec, 
pourvu  qu'il  n'y  ait  pas  du  vent  nord-est,  qui  produit  toujours 
de  la  neige  l'biver  et  de  la  pluye  le  printems.  Il  est  aisé  de 
juger  de  la  rigueur  de  la  saison  qu.md  on  songe  que  le  fleuve 
Saint-Laurent  prend  tous  les  hivers,  à  pouvoir  le  traverser 
en  voiture,  et  lu  navigation  qui  cesse  d'être  libre  à  la  fin  de 
novembre,  ne  recommence,  pour  l'ordinaire,  que  vers  le 
20  avril;  une  année  même  la  rivière  étoit  encore  prise, 
vis-à-vis  de  Québec,  au  3  mai.  Cet  hiver  a  été  un  des  plus 
rudes.  Le  thermomètre  a  été  jusqu'à  26  degrés  et  demy,  et 
pendant  le  mois  de  décembre,  janvier  et  février  presque 
toujours  de  12  à  20;  on  ne  peut  ensemencer  les  terres 
qu'à  la  fonte  des  neiges,  dans  le  mois  de  may;  ce  pendant 
la  récolte,  qui  pour  l'ordinaire  est  abondante,  se  fait  à  la  fin 
d'aoust. 

Fertilité  du  Canada.  —  Le  Canada  est  très-abondant  ou 
toutes  sortes  de  bestiaux,  de  bœufs,  cochons,  veaux,  comme 
en  France,  le  mouton,  en  général,  moins  bon,  les  perdrix 
admirables  et  en  quantité,  les  lapins,  on  n'en  voit  point,  les 
lièvres  mauvais,  le  poil  leur  blanchit  en  hiver  et  devient  roux 
Tété,  la  volaille  admirable,  beaucoup  de  canards,  de  bécas- 


w 


II  'l' 

III  I 


!lii 


—  386  — 

sinéS,  d'outardes,  fort  au-dessus  de  celles  de  Ffance,  les 
bécasses  médiocres,  petites,  l'ours  bon  à  manger,  la  patte 
d'ours  fait  un  morceau  délicieux  et  recherclié,  l'orignal, 
espèce  d'élan,  et  le  caribou,  espèce  de  cerf,  fort  boiis  surtout 
en  pâté,  le  mufle  est  au-dessus  de  toutce(|u'on  peut  manger; 
on  a  aussi  des  pigeons  et  une  quantité  élotinante  de  toute 
espèce  de  manne  pour  le  pays  et  dans  l'arrière  saison'  des 
petits  oiseaux  appelés  culs  blancs,  aussi  bons  et  aussi  délicats 
que  les  rouges-gorges  de  Verdun.  Presque  tous  les  légumes 
et  herbages,  counne  en  France  y  viennent  bien,  les  pois  verts 
pour  faire  de  la  purée  y  sont  d'une  qualité  admirable,  on  n'y 
connoît  pas  les  petits  pois  de  Paris,  on  fait  datis  l'art-ière 
salsoli  ses  provisions  d'heibages  et  de  légumes  pour  tout 
l'hiver  et  ses  provisions  de  viandes  qui,  étaht  gelées,  se  gar- 
dent trois  ou  quatre  mois,  elles  perdeht  à  la  vérité  un  peu  de 
saveur,  et  lorsqu'il  arrive  des  dégels  inattendus  on  est  exposé 
de  perdre  ses  provisions  pour  beaucoup  d'argeht. 

Le  Canada  ne  produit  presque  aucun  frUit,  que  des  pommes 
admirables  de  toute  espèce,  principalement  renettes,  cp.l- 
villes  et  api  ;  le  plus  beau  fruit  est  à  MoUt-Réal  dans  les  ver- 
gers de  Messieurs  de  Saint-Sulpice  ;  des  poifes,  beaucoup  de 
fraizeè,  framboises  et  cerises,  des  melons,  très-mauvaises 
noix  qui  viennent  du  côlé  du  Niagara,  des  châtaignes  mé- 
diocres, et  un  petit  fruit  siuvagc  appelé  otoka  don!  on  fait  des 
confitures  qui  seroient  trouvées  délicieuses  en  France. 

Le  fleuve  Saint-Laurent,  les  rivières  et  les  lacs  produisent 
abondamment  du  poisson  dont  beaucoup  sont  d'une  grosseur 
éhorme  ;  le  saumon  y  abonde;  les  truites  fort  rares;  presque 
point  d'écrevisses ;  beaucoup  d'anguilles  très-bonnes;  beau- 
coup de  carpes  et  de  brochets,  inférieurs  à  ceux  qu'on  mange 
en  France;  beaucoup  de  poissons  très-vanlés  en  Canada, 
mais  qui  n'approchent  pas,  silivant  moy,  de  notre  marée, 
quoitju'on  vatite  beaucoup  les  achégans,  les  poissons  dorés 
et  les  rtlaskinorjgés  ;  On  n'y  trouve  aUcun  coquillage  :  vers 
Gaspé,  de  hiduvaises  huitres,  et  vel-s  les  Trois-RivièreS  on 
prend  un  petit  poisson  qui  est  très-bon  en  friture,  qUe  l'ori 
appelle  petite  morue;  on  le  dit  de  même  espèce  que  les 
grandes  morues;  je  ne  le  crois  pas.  J'ay  de  môme  ol;  dis- 
puter que  les  saurnonneaux,  que  l'on  mange  à  Basle  et  à 
Strasbout-g,  sont  d'une  espèce  difl'érente  que  les  saumOhs. 
Le  castor,  animal  amphibie,  ayant  été  décidé  maigre  est 
d'ttne  grabde  Utilité,  les  Canadiens  l'aiment  beaucoup;  il 


—  587  — 

ressemble  assez  à  du  moutbn  gras  de  BeauvMs;  un  gotit  un 
peu  fade  ;  *  faut  le  relever  avec  une  sauce  piquante  ;  la  queue 
est  un  def  trois  morceaux  qui  font  les  délices  des  Canadiens, 
et  qu'on  donne  comme  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  rare  arec  le 
mufle  d'orifïual  et  la  patte  d'ours. 

Bois.  —  On  trouve  beaucoup  de  bois  propre  à  la  construc- 
tion et  à  la  charpente  et  à  faire  du  merrain  ;  cependant  les 
bâtiments  conslruils  à  Québec  ne  sont  pas  en  général  de 
durée  ;  l'arbre  le  plus  particulier  du  Canada  est  l'érable  ;  on 
lui  fait  des  incisions  dans  le  mois  de  mars,  on  en  lire  une 
eau  dont  on  fait  Une  espèce  de  sirop  très-rafraîchissant  et 
fort  sain  ;  on  en  fait  un  sucre  ou  cassonnade  dont  se  servent 
quasi  tous  les  habitans  après  l'avoir  rafliné;  on  en  fait  des 
tablettes  qu'on  envoyé  en  France  ;  elles  sont  bonnes  pour  la 
poitrine. 

Plantes.  —  Il  y  a  beaucoup  de  plantes  rares  dont  les  sau- 
vages connoissentfort  bien  les  propriétés,  il  seroit  à  souhaiter 
qu'on  eût  quelques  habiles  botanistes  qui  les  étudiassent  aVec 
eux  ;  le  capillaire  est  fort  au-dessus  de  celui  qu'on  recueille 
en  Europe:  on  atiribue  beaucoup  do  propriété  au  cassis;  \e 
Gin-Seng  est  Une  plante  dont  on  fait  grand  cas  aux  Indes  ;  la 
Compagnie  des  Indes  en  fait  le  commerce  exclusif  et  n'en  lait 
pas  venir  depuis  (juclques  années,  en  ayant  trop  envoyé;  on 
prend  une  infusion  des  feuilles  comme  du  thé;  c'est  un  sto- 
machique.On  croit  que  cette  plante  pourroit  aider  les  faibles 
in  actu  veneris. 

Animaux.  —  On  est  fort  incommodé  en  Canada  d'une 
espèce  de  mouche  plus  grosse  et  plus  venimeuse  que  Celles 
du  Rhin  ;  on  les  appelle  Maringouins. 

On  y  trouve  aussi  le  fameux  serpent  sonnette  dont  la  qlieue 
est  divisée  par  nœuds  qui  marquent  les  années  et  qui  font 
du  bruit  en  marchant;  il  paroît  plutôt  craindre  l'homme  que 
le  chercher  ;  mais  si  on  marche  dessus  sans  s'en  apercevoir, 
il  mord,  et  sa  blessure  seroit  mortelle  si  on  n'y  appOrloit  le 
remède,  qui  est  de  déchirer  la  playe  jusqu'à  ce  qu'elle  saigne 
et  y  mettre  du  sel,  dont  les  sauvages  portent  toujours  un  petit 
paquet  au  col  par  celte  raison. 

On  ne  trouve  en  Canada  aucuns  oiseaux  rares;  ce  n'est 
qu'à  la  Louisiane  et  dans  les  Pays  d'en  Haut  oui  l'on  Voit  le 
pape,  les  cardinaux  et  les  évoques ,  oiseaux  ainsi  nommés  à 
cause  de  leur  plumage  rouge  et  violet,  et  d'une  espèce  de 
thiare  qu'ont  ceux  appelés  papes. 


w^ 


—  588  — 

Com:Mrce.  —  Le  commerce  en  Canada  consiste  en  l'exploi- 
tation des  denrées  du  pays  et  à  faire  venir  de  France  celles 
qui  sont  nécessaires. 

Importation  de  France.  —  Ou  tire  de  France  toutes  les  bois- 
sons (et  il  se  consonuno  exlrêuiement  de  l'eau-de-vie),  les 
huiles,  les  épiceries,  une  partie  des  lards  et  des  jambons, 
toutes  les  étoffes,  les  toiles,  la  bougie,  une  grande  partie  de 
la  chandelle;  on  en  lire  aussi  le  sel  qui  y  est  marchandise 
et  les  cartes  à  jouer  qui  ne  payent  aucun  impôt  en  France; 
on  tire  aussy  les  ouvrages  d'orfèvrerie  et  de  bijouterie,  n'ayant 
point  de  matière  d'argent  dans  le  pays;  il  s'y  trouve  cepen- 
dant trois  ou  quatre  orfèvres  qui  ont  de  la  peine  à  vivre;  ils 
travaillent  les  parfitures  et  quelque^  piastres  que  le  commerce 
illicite  avec  les  Anglois  introduit. 

Depuis  l'arrivée  des  troupes  de  France,  comme  elles  sont 
payées  en  espèces,  cela  en  a  introduit  dans  la  colonie  où  il 
n'y  en  avoit  presque  point  auparavant. 

Les  habitans  se  sont  munis  en  couverts,  écuelles  et  go- 
belets d'argent  en  faisant  fondre  des  écus  ;  on  tire  aussi  de 
France  le  papier. 

Exportation  pour  la  France.  —  Pelleteries,  —  Les  marchan- 
dises que  l'on  porte  du  Canada  en  France  consistent  dans  les 
forrrures  et  pelleteries. 

Le  castor  est  la  plus  abondante  et  celle  dont  on  fait  le  plus 
grand  commerce;  la  Compagnie  des  Indes  l'a  exclusivement. 

Les  martres  sont  fort  inférieures  à  celles  du  nord  ;  et  en 
Canada  on  fait  une  différence  entre  celles  qui  sont  prises  du 
côté  du  nord  et  celles  qui  le  sont  du  côté  du  sud. 

Les  pecans,  espèce  de  renard  d'une  pelleterie  inférieure  et 
que  les  fourreurs  mettent  souvent  avec  les  martres. 

Les  renards,  surtout  les  noirs,  fourrure  très-estimée  et  fort 
rare. 

Les  loups-cerviers  en  assez  grande  quantité. 

Les  chats  sauvages. 

Les  ours,  on  en  envoit  beaucoup  en  France  malgré  la 
quantité  de  peaux  qui  se  consomme  dans  le  pays. 

Il  en  est  de  même  des  peaux  de  chevreuil  qui  s'y  con- 
somment toutes  en  temps  de  guerre;  les  sauvages  et  les 
Canadiens  ne  se  servent  quasi  pas  d'autres  chaussures. 

Rats  musqués. 

Productions. —  Le  Canada  fournit  du  tabac  médiocre;  assez 
pour  la  consommation  du  pays  ;  il  en  est  de  même  du  fer. 


)ii 


—  589  — 

Le  roy  a  fait  ét'iblir  depuis  quelques  années  des  foyers  qui 
sont  administrés  pour  son  compte;  on  lésa  placés  auprès  des 
Trois-Rlvières;  le  pays  ne  produit  presque  aucun  chanvre, 
article  sur  lequel  on  pourroit  encourager  l'industrie  de  l'ha- 
bitant. 

Constructions  navales.  —  Il  faudroit  renoncer  à  construire 
des  jjâlimcnls  de  guerre  en  Canada,  mais  y  construire  des 
bâtiments  marchands  qui  dureroient  moins  et  qui  se  donne- 
roient  à  meilleur  marché. 

Pêcheries.  —  Un  des  commerces  du  Canada  qui  seroit  le 
plus  utile  seroit  celui  des  pêches  que  l'on  pourroit  établir 
au-dessous  de  Québec. 

On  fait  la  pêche  de  la  morue  vers  Gaspé  ;  les  Bayonnais  ont 
quelquefois  fait  la  pêcht  de  la  baleine  vers  Kamouraska. 

La  pêche  des  loups-marins  et  des  marsouins  produit  beau- 
coup d'huile,  et  il  se  fait  un  grand  commerce  de  peaux  de 
loups-marins. 

Farines  et  boissons.  —  Le  Canada  est  obligé,  dans  les  mau- 
vaises années  et  en  temps  de  guerre,  de  tirer  des  farines  de 
France  ;  dans  les  années  abondantes  il  en  fournit  quelquefois 
aux  îles  de  Saint-Domingue  et  de  la  Martinique,  avec  laquelle 
le  Canada  a  un  commerce,  et  lire  de  ces  îles  de  la  cassonnade, 
de  la  mélasse,  des  contilures  sèches  et  des  liqueurs;  car  le 
sucre  royal  se  tire  de  France  :  la  mélasse  dont  il  se  fait  une 
grande  consommation  en  Canada  est  la  casse  du  sucre,  elle 
est  nécessaire  pour  faire  la  boisson  du  pays,  que  l'on  appelle 
sapinette;  elle  se  fait  avec  les  feuilles  d'un  arbre  appelé 
l'épinette  ;  on  y  met  par  barrique  de  cent  dix  pots,  deux  pots 
de  mélasse  ;  la  mélasse  qui  a  une  douceur  fade  est  fort  estimée 
des  sauvages  qui  retendent  sur  leur  pain,  et  c'est  une  espèce 
de  confiture  chez  eux;  le  houblon  viendroit  en  Canada;  les 
Récolects  de  Québec  sont  les  seuls  qui  ont  une  houblonnière, 
dont  ils  font  de  la  bonne  bière  ;  celle  du  pays  appelée  sapi- 
nette est  très-rafraîchissante  et  très-saine,  mais  a  un  goût 
douceâtre  mêlé  d'amertume  auquel  on  s'accoutume  diffici- 
lement. On  pourroit  élever  en  Canada  plus  de  bestiaux  qu'on 
n'y  fait,  et  en  ce  cas  on  pourroit  y  faire  un  commerce  de 
bœuf  salé;  mais  il  faudroit  pour  cela  faire  un  règlement  pour 
diminuer  le  trop  grand  nombre  de  chevaux. 

Chevaux  et  voitures.  —  Tous  les  habilans,  c'est  ainsi  qu'on 
nomme  les  paysans  en  France,  ont  beaucoup  de  chevauxet  vont 
toujours  en  voiture.  L'été  on  se  sert  toujours  de  voitures  appe- 

RET.  M\R.  —  UAI  1861.  38 


II 


M 


i;' 


—  590  — 

lées  calèches,  ressemblant  au^cambiatières  d'Italie,  et  Thiver 
des  voitures  appellées  carioles,  espèces  de  traineaux  pour 
aller  sur  la  glace  et  sur  la  neige  ;  un  seul  cheval  mène  aisé- 
nient  deux  personnes  dans  ces  sortes  de  voitures;  ie  trans- 
port des  marchandises  se  fait  l'été  en  barques  ou  canot  et 
l'hiver  en  traineaux. 

Mœurs  et  caractères  des  Canadiens.  —  Les  simples  habitans 
seroient  scandalisés  d'être  appelés  paysans.  En  et't'et,  ih'  sont 
d'une  meilleure  éloiïe,  ont  plus  d'esprit,  plus  d'éducation  que 
ceux  de  France.  Cela  vient  de  ce  qu'ils  ne  payent  aucun  impôt, 
de  ce  qu'ils  ont  droit  d'aller  à  la  chasse,  à  la  poche,  et  de  ce 
qu'ils  vivent  dans  une  espèce  d'indépendance.  Ils  sont  braves, 
leur  genre  de  courage,  ainsi  que  les  sauvages,  est  de  s'exposer 
peu,  de  faire  des  embuscades  ;  ils  sont  fort  bons  dans  le  bois« 
adroits  à  tirer;  ils  se  battent  en  s'éparpillint  et  se  couvrant 
de  gros  arbres;  c'est  ainsi  qu'à  la  Belle-Kivière  ils  ont  défait 
le  général  Bradock.  Il  faut  convenir  que  les  sauvages  leur 
sont  supérieurs  dans  ce  genre  de  combattre,  cl  c'est  l'affection 
qu'ils  nous  portent  qui  jusqu'à  présent  a  conservé  le  Canada. 
Le  Canadien  est  haut,  glorieux,  menteur,  obligeant,  affable, 
honnête,  infatigable  pour  la  chasse,  les  courses,  les  voyages 
qu'ils  font  dans  les  pays  d'en  haut,  paresseux  pour  la  culture 
des  terres.  Parmi  ces  mêmes  Canadiens,  on  met  une  grande 
différence  pour  la  guerre  et  les  voyages  d'en  Haut  entre  ceux 
du  gouvernement  de  Québec  et  ceux  du  gouvernement  des 
Trois  Rivières  et  de  Mont-Réal,  qui  l'empor'.ent  sur  les  pre- 
miers, et  ceux  de  Québec  valent  mieux  pour  la  navigation; 
parmy  ces  habilans ,  ceux  qui  voyagent  dans  les  Pays  d'en 
Haut  sont  réputés  les  plus  braves. 

Les  manufactures  de  Carcassonne  devroicnt  travailler  à 
faire  des  draps  rouges  et  bleus  pour  s'attirer  cette  branche 
de  commerce  que  l'on  fait  en  Canada,  en  fournissant  des 
couvertes  aux  sauvages. 


GOUVERNEMENT  DU  CANADA. 


Administration  militaire.  —  Un  gouverneur  général  qui  a 
l'autorité  sur  la  Louisiane  et  l'Isle  royale,  où  il  n'y  a  que  des 
gouverneurs  particuliers,  qui  cependant  rendent  compte  à 
la  cour  et  en  reçoivent  des  ordres. 

Deux  gouverneurs  particuliers  à  Mont-Réal  et  aux  Trois- 


—  591  — 

Rivières;  le  plus  ancien  commande  dans  le  pays  à  défaut  du 
gouverneur  général.  C'est  pour  l'ordinaire  celui  de  Mont-R^al 
par  l'ordonnance  qui  a  réglé  le  service  à  l'arrivée  des  troupes 
de  France;  on  leur  a  donné  rang  de  colonel.  Il  n'y  a  point  de 
gouverneur  particulier  à  Québec,  les  appointemens  en  sont 
réunis  à  ceux  du  gouverneur  général. 

Trois  lieulenans  de  roy,  sçavoir  à  Mont-Réal,  Québec  H  les 
Trois-RIvières.  Ils  ont  rang  de  lieutenans  colonels  par  la  même 
ordonnance. 

Quatre  majors  à  Québec,  Mont-Réal  et  lesTrois-Rivières,  et 
un  major  commandant  au  Détroit;  trois  aides  majors  à  Qué- 
bec, Mont-Réal  et  les  Trois-Rivières;  un  capitaine  de  port  à 
Mont-Réal. 

Trente  compagnies  de  soixante-cinq  hommes ,  chacune 
composée  d'un  capitaine,  d'un  lieutenant,  d'un  enseigne  en 
premier,  d'un  enseigne  en  second,  un  cadet  à  l'aiguillette,  et 
trois  sergens. 

Une  compagnie  de  soixante  canonniers  ou  bombardiers, 
composée  d'un  capitaine,  d'un  lieutenant  et  d'un  cadet. 

Deux  ingénieurs  de  la  marine. 

Les  milices  du  pays. 

Le  gouverneur  général  a  aussi  une  compagnie  de  gardes 
qui  lui  est  payée;  sa  résidence  et  celle  de  l'intendant  sont 
à  Québec,  leur  séjour  ordinaire.  Us  sont  cependant  logés  l'un 
et  l'autre  à  Mont-Réal. 

Le  gouverneur  général  s'y  tient  quasi  toujours  en  temps 
de  guerre,  et  il  y  monte  toujours  en  temps  de  paix,  ainsi  que 
l'intendant,  pour  y  recevoir  les  députations  des  sauvages,  et 
régler  leurs  atTaires. 

Administraiion  civile.  —  L'intendant ,  chargé  de  la  grande 
police,  de  l'administration  des  finances  et  de  tout  ce  qui  con- 
cerne la  marine;  ses  appointemens  sont.... 

Un  commissaire  ordonnateur,  résidant  à  Mont-Réal  ;  ses 
appointemens  sont 

Un  contrôleur;  ses  appointemens  sont 

Administration  de  la  justice.  —  Il  y  a  un  conseil  souverain 
qui  juge  en  dernier  ressort  les  appels  des  juges  inférieurs. 
Ce  conseil  est  composé  du  gouverneur  général  et  de  l'évêque 
qui  ont  les  premières  places,  de  l'intendant  qui  fait  les  fonc- 
tions de  premier  président,  et  qui  a  la  troisième  place,  treize 
conseillers,  dont  un  clerc,  un  procureur  général,  un  greffier 
et  quelques  huissiers  ;  la  place  de  greffier  est  bonne  ;  c'est 


! 


m 


—  592  — 

le  seul  qui  ait,  outre  six  cents  francs  d'appointemens,  des 
émoluments. 

Les  nppointemens  de  chaque  conseiller  sont  de  quatre 
cent  cinquante  francs,  les  trois  premiers  ont  six  cents  francs, 
le  doyen  cnze  cents  francs. 

Ceux  du  procureur  général  mille  cinq  cents  francs ,  six 
cents  francs  pour  montrer  le  droit;  celui-ci  a  neuf  cents 
francs  de  pension. 

Les  séances  se  tiennent  dans  la  maison  de  l'intendant  ap- 
pelée le  Palais,  tous  les  lundis.  Les  juges  inférieurs  ressortis- 
sant à  ce  tribunal  sont  le  lieutenant  général  de  Québec,  celui 
de  Mont-Réal  et  des  T» ois-Rivières;  le  juge  de  l'amirauté  de 
Québec,  et  le  grand  voyer.  Le  commissaire  ordonnateur  de 
la  marine,  résidant  à  Mont-Réal,  a  aussi  une  séance  hono- 
raire à  ce  conseil,  lorsqu'il  se  trouve  à  Québec. 

La  coutume  de  Paris  est  admise  dans  le  Canada.  Les  loys 
du  royaume  y  sont  suivies,  excepté  sur  le  fait  des  mariages, 
où  les  enfants  des  simples  habifans  sont  autorisés"  à  se 
marier  sans  le  consentement  de  leur  père,  les  garçons  à 
l'âge  de  seize  ans. 

Toutes  les  causes  se  jugent  à  l'audience  ou  sur  rapport. 
Il  n'y  a  ni  avocats,  ni  procureurs,  les  notaires  en  servent  ;  les 
parties  sont  admises  à  plaider  elles-mêmes  leurs  affaires;  les 
audiences  se  tiennent  à  huis  clos.  Il  y  a  des  justices  dans 
toutes  les  paroisses  ;  il  y  a  un  grand  voyer,  un  grand  prévôt, 
mais  qu'on  peut  dire  sans  maréchaussée,  n'ayant  que  quel- 
ques archers  mal  entretenus. 

Gouvernement  ecclésiastique.  —  L'évèque,  suffragant  immé- 
diat du  saint-siége,  gouverne  le  Canada,  la  Louisiane  et  l'Isle 
royale;  ses  revenus  sont 

Le  chapitre  est  composé  de ;  ses  revenus  sont  de  neuf 

mille  francs  sur  les  avènements,  cent  pistoles  sur  l'hôtel  de 
ville  de  Paris.  Souvent  le  clergé  de  France  lui  accorde  une 
pension.  M.  de  Pontbriand  a  deux  mille  francs  de  pen- 
sion. 

Les  cures  sont  au  nombre  d'environ  cent,  depuis  Kamou- 
raska,  qui  est  la  première  en  montant  à  Québec,  jusqu'à 
Château-Gay,  qui  est  au-dessus  de  Mont-Réal  ;  leur  revenu 
consiste  en  casuel  et  en  dîkne,  sur  le  pied  ordinaire  de  vingt- 
six  pour  un.  On  ne  la  prend  que  sur  les  grains  et  les  légumes, 
que  les  habitans  sont  obligés  de  rendre  net,  réglé  par  un  arrêt 
du  conseil.  Le  revenu  des  moindres  cures  est  d'environ  mille 


—  593  — 

à  douze  cents  francs,  et  le  revenu  des  plus  considérables  est 
de  quatre  mille  francs;  mais  comme  il  y  en  a  qui  ne  valent 
rien,  dans  les  nouveaux  établissemens,  par  le  peu  de  défri- 
chement, Tévêque  a  la  disposition  d'un  fonds  de  vingt  mille 
francs,  que  le  roy  fait  pour  supplément  de  ses  cures  et 
bâtisses  des  église^. 

Les  ordres  religieux  qui  sont  en  Canada  sont  les  Jésuites, 
qui  ont  une  belle  maison  à  Québec  et  un  hospice  à  Mont- 
Réaj;  leur  revenu  est  de 

Ils  ont  les  missions  de 

Ils  sont  actuellement et  jésuites,  censés  de  la  province 

de  Paris. 

Los  prêtres  du  séminaire  de  Sainl-Sulpice  sont  seigneurs 
temporels  de  Mont-Réal  et  de  son  Isic  ;  ils  jouissent  en  revenu 
d'environ  quarante  mille  francs  de  rente,  non  compris  les 
revenus  des  cures,  qui  servent  à  nourrir  les  prêtres  qui  les 
desservent.  Ils  desservent  onze  cures;  ils  gouvernent  les  mis- 
sions des  Iroquois,  des  Nepissings  et  des  Algonkins  du  lac, 
ainsi  que  celle  de  la  Présentation.  Ils  sont  acluelleincnt  trenle- 
six  prêtres,  et  dépendent  du  supérieur  de  Paris.  Le  roy  don- 
noit  six  mille  livres  par  an  pour  lever  leurs  missions;  il  les 
leur  a  ôtées  en  1755,  pour  les  donner  à  l'évêque  jusqu'à  ce 
qu'il  eût  une  abbaye. 

Les  prêtres  des  Missions  étrangères  ont  le  séminaire  de 

Québec;  ils  desservent cures  ;  ils  gouvernent  les  missions, 

leur  revenu  est  de ;  ils  sonL  actuellement prêtres 

Les  religieuses  Ursulines  ont  deux  couvents,  l'un  à  Québec 
et  l'autre  aux  Trois-Rivières  ;  leur  église  est  très-belle  à 
Québec,  riche  en  ornemens  ;  on  y  élève  des  demoiselles  ;  on 
y  tient  des  écoles  externes,  et  on  y  travaille  beaucoup  en 
broderie,  ainsi  que  quantité  des  ouvrages  faits  dans  le  goût 
des  sauvages,  et  que  l'on  envoyé  comme  s'ils  les  avoient 
faits.  Celles  des  Trois-Rivières  ont  encore  plus  de  réputation 
pour  ce  genre  d'ouvrages.  Les  Ursulines  sont  au  nombre  de... 
et  ont  de  revenu 

Hôpitaux.  —  Les  hôpitaux  sont  au  nombre  de  cinq  en 
Canada,  tous  bien  administrés  par  des  dames  religieuses;  le 
plus  ancien  est  l'Hôtel-Dieu  de  Québec,  fondé  par  une  du- 
chesse d'Aiguillon;  le  plus  considérable  est  l'hôpital  général 
de  Québec;  on  n'y  a  guère  que  des  filles  de  condition  qui  se 
consacrent  à  servir  les  malades.  Ces  religieuses  suivent  la 
règle  de  saint  Augustin. 


I. 


—  594  — 

L'hôpital  des  Trois-Rivières  est  composé  de et  servi 

par  les  Ursulines,  qui  en  môme  temps  tiennent  les  écoles. 

L'hôpital  pour  les  malades  à  Monl-Réal  est  servi  par  des 
dames  qui  suivent  la  règle  de  saint  Augustin,  mais  qui  sont 
du  môme  ordre  que  les  dames  qui  sont  en  France. 

Il  y  a  aussi  un  cinquième  liô|)ilal  gouverné  pf»»*  des  sécu- 
liers, à  qui  l'évoque  a  permis  de  vivre  en  communauté  sous 
la  direction  de  MM.  do  Saint-Sulpice;  c'est  dans  cette  maison 
que  l'on  enl'orme  les  lllles  de  mauvaise  vie,  et  que  l'on  a 
établi  l'hôpitiil  dos  vénériens,  ot  pour  les  pauvres  hors  d'état 
de  travailler.  Toutes  ces  maisons  sont  mal  rentées  et  auroieiit 
de  la  peine  à  vivre,  si  le  roy  ne  les  soutenoit,  ainsi  que  le«» 
charités  des  tldèles. 

Il  y  a  aussi  à  Québec  et  à  Mont-Réal  deux  congrégations 
appelées,  dans  quelques  provinces  de  France,  Sœu rs  Noires  ; 
elles  tiennent  des  écoles  pour  apprendre  à  lire,  écrire  et 
travailler.  Il  y  en  a  de  répandues  dans  presque  toutes  les 
paroisses.  Mgr  l'évoque,  par  un  zèle  louable,  voudroit  qu'el- 
les apprissent  aussi  la  pharmacie,  pour  ôtre  utiles  aux  habi- 
lans  qui  sont  assez  dénués  de  secours. 

Le  roy  entretient  pour  l'ordinaire  un  médecin  à  Québec, 
avec  deux  chirurgiens,  un  à  Mont-Réal  et  un  autre  aux  Trois- 
Rivières. 

Instruction  publique.  —  On  est  peu  occupé  de  l'éducation 
de  la  jcunessse,  qui  ne  songe  qu'à  s'adonner  de  bonne  heure 
à  la  chasse  et  h  la  guerre;  cependant  outre  des  écoles  parti- 
culières, les  jeunes  gens  vont  apprendre  un  peu  de  latin  aux 
Jésuites  de  Québec.  Messieurs  du  séminaire  de  Québec,  tenu 
par  des  prêtres  des  missions  étrangères,  ont  un  pensionnat 
avec  des  répétiteurs,  et  les  jeunes  gens  vont  au  collège  des 
Jésuites. 

Messieurs  du  séminaire  de  Saint-Sulpice,  qui  sent  à  Mont- 
Réal,  ont  aussi  un  prêtre  occupé  à  montrer  le  latin  à  quel- 
ques jeunes  gens. 

Il  faut  convenir  que,  malgré  ce  défaut  d'éducation,  les  Ca- 
nadiens ont  de  l'esprit  naturellement  ;  ils  parlent  avec  aisance, 
ils  ne  sçavent  pas  écrire,  leur  accent  est  aussi  bon  qu'à  Paris, 
leur  diction  est  remplie  de  phrases  vicieuses  empruntées  de 
la  langue  des  sauvages  oU  des  termes  de  marine,  appliquées 
dans  le  style  ordinaire;  quoiqu'il  n'y  ait  point  de  maîtres  à 
danser  dans  le  Canada,  les  femmes  qui  ont  bonne  grâce  et 
de  l'oreille  dansent  assez  bien. 


—  595  — 

Le  roy  entretient  un  professeur  d'hydrographie  à  Québec; 

c'est  le  père Jésuite,  qui  remplit  cette  pince  aux  nppoin- 

temens  de et  le  sieur  Pellc^rin,  capitaine  en  second 

du  port  est  chargé  de  former  des  pilotes  pratiques  du  fleuve 
Saint-Laurent  en  les  exerçant  pendant  l'été. 

En il  se  forma  une  société  littéraire  par  les  soins  de 

Messieurs  de 

DOMAINE  DU  ROT. 


Impôts  et  revenus.  —  Le  rOy  ne  lève  d'autre  impAt  en  Ca- 
nada que  quelques  droits  d'entrén  éfablis  seulement  depuis 
M.  Hocqunrt,  intendant,  et  une  taxe  sur  les  habitansde  Qué- 
bec pour  l'entretien  des  cazernes. 

Le  revenu  du  roy  en  Canada  peut  être  d'environ  cent  mille 
écus.  Le  revenu  du  roy  varie,  dépendant  du  droit  d'entrée 
et,  par  conséquent,  du  plus  ou  moins  de  marchandises  que 
l'en  fait  venir  de  France,  ce  qui  varie;  beaucoup  en  temps  de 
guerre.  En  1755,  les  droits  d'entrée  ont  été  à  quatre  cent 
mille  francs;  en  1756,  à  cent  vingt  mille  francs. 

Le  roy  a  dépensé,  année  commune,  depuis  l'établissement 
de  la  Belle-Rivière  jusqu'en  1755  :  en  1755 ,  en  1756.... 

Outre  que  le  roy  est  toujours  volé,  et  qu'on  ne  s'occupe 
pour  l'ordinaire  qu'à  enrichir  des  particuliers,  rien  ne  se 
fait  en  Canada  par  corvée,  et  l'habitant  est  payé  de  ses  tra- 
vaux, soit  pour  voitures,  voyages,  transports,  charrois,  exprès 
envoyés  pour  porter  des  ordres  ;  on  iiaye  les  frais  de  voyage 
à  un  homme  qui  a  l'air  de  voyager  pour  le  service  du  roy. 

Le  roy ,  outre  la  consommation  de  la  poudre  pour  son 
service,  est  obligé  d'en  faire  vendre  aux  sauvages  et  aux  ha- 
bitans;  la  compagnie  des  Indes  en  vend  aussi,  les  particuliers 
peuvent  aussi  en  vendre.  En  général,  le  commerce  en  gros 
et  en  détail  est  exercé  par  tout  le  monde  ;  c'est  ce  qui  est 
cause  qu'il  y  a  moins  de  distinction  d'état,  et  on  y  regarde 
comme  nobles  toutes  les  familles  d'officiers. 

Principales  familles.  —  Celles  qui  ont  le  plus  de  relief  dans 
le  pays,  sont  les  plus  anciennes,  ou  celles  qui  viennent  du 

régiment  de  Carignan  qui  passa  dans  la  colonie  en  1665 

La  plus  distinguée,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  la  plus  ancienne, 
est  les  Longueil,  même  famille  que  M.  de  Bienville,  gouver- 
neur de  la  Louisiane,  et  M.  d'Iberville,  capitaine  de  taisseau; 


—  696  — 

leur  nom  est  le  môme,  et  ils  viennent  d'un  marchand  de 
Bouen*. 

Les  Herlel,  Beaubassin,  Rouville,  familles  du  môme  nom, 
braves  gens  sans  être  nobles. 

Les  Rcpentigny,iV/on/e55on,  Courte-Manche,  etc.*,dontlc  nom 
est  Legardeur,  sont  originaires  de  Nunnundie;  les  Noyau*, 
dont  le  nom  cstCharvoix  ;  les  Yillers,  dont  le  nom  est  Goulon; 
les  fiois-Heberl\  sont  tous  originaires  de  Normandie;  les 
Lacornc,  dont  le  nom  est  Chapt,  originaires  d'Auvergne;  les 
Sabrevoix  sont  originaires  du  Maine;  les  Contrecœur  vien- 
nent d'un  officier  du  régiment  de  Carignan,  ainsi  que  les 
Lanaudière,  les  Deschaillons ,  Saint-Ours;  ces  derniers  sont 
des  bons  gentilshommes  du  Dauphiné,  ce  sont  les  meilleures 
familles  du  pays.  Celle  de  Péan  est  la  plus  riche  famille  bour- 
geoise de  Paris*. 

Presque  toutes  ces  familles  sont  liées  de  parenté  ;  les  ma- 
riages se  font  quasi  toujours  entre  parents,  et  l'évêque  rend 
dispenses  volontiers ,  et  cela  sans  avoir  recours  à  Rome,  à 
moins  que  ce  ne  soit  entre  germains  et  de  l'oncle  à  la  nièce. 

Monnaye  de  cartes.  —  La  raonnoye  du  pays  est  de  deux  es- 
pèces. Avant  que  les  dépenses  augmentassent,  on  se  servoit 
de  monnoye  de  cartes;  la  forme  dont  elles  sont  coupées  in- 
dique la  valeur  numéraire  de  cette  monnoye;  il  y  a  des 
pièces  de  sept  sols  six  deniers,  de  quinze  sols,  de  trente  sols, 
de  trois  francs,  de  six  francs,  de-  douze  francs,  de  vingt- 
quatre  francs. 

Elles  ont  une  marque,  et  elles  sont  signées  par  le  gouver- 


1.  Erreur  —  de  Dieppe  :  —  «  Registre  des  mariages  de  Villemarie  28  mai 
16&4.  Charles  Le  Moyne  de  la  paroisse  de  Saint-Jacques  de  Dieppe,  diocèse 
de  Rouen,  épouse  Catherine  Preniot  de  la  paroisse  de  Gonnerville,  diocèse 
de  Rouen.  »  (Communiqué  par  M.  l'abbé  Faillon.  —  Charles  Le  Moyne  fut 
anobli  en  1668. 

2.  Pierre  Legardeur,  écuyer,  sieur  de  Repentigny,  venu  en  1636 
dans  la  colonie ,  descendait  de  Jean  Legardeur ,  sieur  de  Croisilles ,  anobli 
en  1510. 

3.  1694.  Pierre  Payen  de  Noyan,  de  la  ville  d'Avraiiches,  épouse  Jeanne 
Le  Moyne  de  Lonpueil. 

4.  Nobles  de  1534.  Élection  de  Montivilliers.  Généralité  de  Rooen. 

5.  Il  y  avait  en  efTet  un  René  Péan  de  Mesnac  à  Paris  où  il  était  notaire 
comme  le  père  de  Bougainville.  Mais  les  Péans  sont  de  l'Orléanais  et  de  la 
Touraine.  En  1725,  ils  prétendaient  à  la  noblesse  par  actes  faits  depuis  plus 
de  cent  ans ,  dans  lesquels  la  qualification  de  noble-homme  était  donnée  à 

eurs  ancêtres,  soit  à  Orléans,  soit  &  Tours  où  il  y  avait  eu  des  échevins  de 
leur  famille. 


1^1 

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—  697  — 

neur  général,  l'inlendanl  et  le  contrôleur.  Il  y  en  a  dans  le 
pays  pour  un  million. 

Monnaye  de  papier.  —  Les  dépenses  du  roy  ayant  augmenté, 
on  a  imaginé  de  faire  la  monnoyc  de  papier,  qui  est  imprimé 
à  l'imprimerie  royale  à  Paris,  et  signé  par  l'intendant.  Il  y  a 
des  billets  de  vingt  sols,  de  trente  sols,  de  trois  francs,  de  six 
francs,  de  douze  francs,  de  vingt-quatre  francs,  de  quarante- 
huit  francs,  de  cinquante  francs,  de  cent  francs,  et  l'on  a 
fait  cette  année-cy  des  billets  de  quatre-vingt-seize  francs. 

Utlres  de  change.  —  Tous  ceux  qui  ont  de  l'argent  à  faire 
passer  en  France  ou  des  payemens,  rapportent  h;ur  papier 
au  Trésor,  dans  tes  pn!micrs  jours  d'octobre,  et  l'on  leur 
donne  des  lettres  de  change  sur  le  Trésor  royal,  payables  en 
trois  termes,  de  sorte  que  dans  quinze  jours  presque  tout  le 
papier  se  rnppoite.  Celle  monnoye  a  la  commodité  d'ôlre 
portative  et  le  désagrément  d'être  périssable  par  beaucoup 
d'nccidens.  Il  y  en  a  toujours  une  partie  qui  n'est  pas  rap- 
portée, qui  est  celle  que  les  particuliers  gardent  pour  leurs 
dépenses  courantes,  et  celle  qu'ils  ne  sçauroient  rapporter, 
les  ayant  perdues  par  accident.  Ce  dernier  objet  fait  un 
profit  au  roy  qu'on  croit  pouvoir  évaluer,  année  commune, 
à 

Depuis  l'établissement  de  te  papier,  on  compte  qu'il  en  a 

été  fait ,  et  on  compte  qu'au  mois  d'octobre  dernier  il  en 

restoit  dans  le  pays  qui  n'a  pas  été  rapporté  la  somme  de 

Toutes  les  dépenses  du  roy  sont  payées  avec  cette  monnoye 
de  papier;  il  n'y  a  que  les  seules  troupes  de  terre  qui  le  soient 
en  espèces  d'or  ou  d'argent,  que  l'on  fait  passer  en  cette 
occasion  en  Canada. 

Il  en  a  été  employé  jusqu'au  1"  janvier  1757...  ;  on  estime 
que  ce  qui  en  est  resté  dans  le  pays  peut  être  environ 

Il  sera  fort  aisé  au  gouvernement  de  faire  rentrer  ces  es- 
pèces au  Trésor  en  donnant  des  lettres  de  change  au  premier 
terme  à  ceux  qui  en  rapporteront. 

Poudrerie.  —  On  appelle  poudrerie  en  Canada  des  terres 
où  il  fait  un  vent  considérable,  pour  élever  des  nuages  de 
neiges,  qui,  quelquefois,  obligent  les  voyageurs  de  s'arrêter. 
Cela  n'approche  pas  dos  temps  qu'il  fait  dans  les  montagnes 
du  Dauphiné  et  de  Savoye,  où  il  y  a  des  avalanches  qui  enter- 
rent les  voyageurs  et  quelquefois  des  hameaux. 

Industrie.  —  Nous  n'avons  encore  établi  en  Canada  aucune 
espèce  de  manufactures ,  et  il  y  a  bien  loin  de  notre  indus- 


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—  598  — 

trie  à  celles  des  colonies  anglaises,  et  leur  attention  pour  la 
population  de  ces  mêmes  colonies. 


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ÉTAT  DES  POSTES  OU    l'ON  FAIT  LA  TRAITE. 

Postes  du  Nord.  —  1.  Thémiskaming  (on  n'y  met  point  dô 
commandant);  2.  Michilimakinac,  3.  à  la  Baye,  4.  la  Mer- 
d'Ouest,  5.  le  Sault-Sainte-Marie  accorde  la  seigneurie  et  le 
commerce  exclusif  au  sieur  Debonne  à  perpétuité,  à  lui  et 
aux  siens,  6.  Ghaouamigon,  7.  Kamanisligouya,  8.  Nepigon, 
9.  Michipicoton  (on  n'y  met  point  de  commandant),  lO.Saint- 
.foseph,  11.  la  rivière  des  Illinois  (on  n'y  a  point  mis  jusqu'à 
présent  de  commandant).  Le  général  vend  des  congés  aux 
commerçans  pour  y  aller  commercer  avec  les  sauvages. 

Postes  du  Sud.  —  La  Présentation,  Frontenac,  Toronto, 
Niagara,  le  petit  fort  de  Niagara;  la  traite  s'y  fait  pour  le 
compte  du  roy;  le  Détroit.  On  y  vend  des  congés  aux  com- 
merçans. Les  Miamis,  à  soixante  lieues  au-dessus  du  Détroit; 
les  Ouyatanons,  à  soixante  lieues  au-dessus  des  Miamis,  sur 
la  rivière  de  Ouabache;  la  Presqu'Isle,  la  rivière  au  Bœuf,  le 
fort  Duquesne,  le  fort  Machaul;  le  loy  y  fait  la  traite.  Au- 
dessous  de  Québec  il  y  a  les  postes  de  Tadoussac  et  de  Sague- 
nay  qui  sont  au  compte  du  roy;  le  Mingan  engagé  au  sieur 
Volant  sa  vie  rluranl;  Labrador  au  sieur  Brouague;  Anti- 
costy,  M.  Hocquart  y  a  une  concession  depuis  l'année  der- 
nière; on  tire  aussy  du  castor,  de  l'Acadie,  et  M.  de  Bois- 
Hebert  en  a  envoyé  quelques  paquets  (on  appelle  paquet  de 
pelleterie  quatre-vingt-cinq  francs),  et  le  commerce  se  fait 
par  paquet  de  castors,  chevreuils,  peaux  d'ours,  en  payant 
à  tant  la  livre  et  en  prenant  bonne,  mauvaise»  médiocre  ;  les 
autres  pelleteries  s'achètent  à  la  pièce. 

Commerce  avec  les  sauvages.  —  La  compagnie  des  Ind^îs 
donne  aux  sauvages  des  couvertes  pour  eux,  pour  leurs  fem- 
mos,  et  des  machicottés  en  draps  rouges  et  bleus  avec  des 
bandes  noires;  elle  est  obligée  de  les  prendre  dans  les  manu- 
factures d'Angleterre  ;  elle  a  voulu  essayer  de  les  prendre 
dans  celios  de  Carcassonne,  mais  les  sauvages  n'en  ont  pas 
voulu.  Ce  n'est  pas  que  les  draps  n'en  fussent  meilleurs  et 
n'en  fussent  aussi  beaux  pour  les  couleurs,  mais  on  n'a  pu 
encore  y  faire  les  bandes  d'un  beau  noir;  en  général  nos 
marchandises  valent  mieux  pour  la  qualité  que  celles  des 


—  599  — 


Anglois,  mais  les  sauvages  préfèrent  les  leurs  :  ils  attrapent 
mieux  leurs  goûts.  Ils  aiment  mieux  nos  fusils  appelés  Tulle*. 

Les  postes  valent  moins  en  temps  de  guerre  qu'en  temps 
de  paix  ;  les  marchandises  de  France  sont  à  un  prix  trop 
excessif,  et  les  sauvages  qui  sont  employés  à  la  guerre  et 
qui  sont  équipés  par  le  gouverneur  général  chassent  moins. 

Moyens  de  communication.  —  Il  y  a  des  postes  établis  de 
Québec  à  Mont-Réal  ;  on  paye  les  voitures  à  une  seule  place 
sur  le  pied  d'un  cheval,  à  deux  sur  le  pied  de  deux  chevaux, 
et  on  les  paye  à  raison  de  vingt  sols  par  lieue  pour  un  cheval, 
et  on  porte  les  bardes  avec  des  petites  charrettes,  on  traîne 
pendant  les  glaces,  qui  vont  avec  un  cheval  en  relais.  Ces 
voitures  portent  de  trois  à  quatre  cents,  presque  tout  le  monde 
voyage  en  poste,  et  personne  ne  la  court  à  franc-étrier. 

Un  canot  de  voyageur  porte pesant;  il  faut  pour  le 

conduire homme.  Un  bateau  porte pesant;  il 

faut  pour  le  conduire hommes,  et  il  peut  avoir 

passagers. 

Toutes  les  seigneuries,  ayant  été  concédées  également, 
sont  de  deux  lieues  de  long,  et  toutes  les  habitations  concé- 
dées dans  ces  seigneuries,  de  trois  arpens  de  large  sur  trente 
de  profondeur. 

Mesures  de  lieues,  habitations  èparses.  —  La  mesure  des 
lieues  en  Canada  est,  comme  la  lieue  commune  de  France, 
de  deux  mille  quatre  cents  toises.  Toutes  les  habitations  sont 
éparses  ;  il  n'y  a  que  deux  ou  trois  villages  où  elles  soient 
rassemblées.  L'habitant  a  plus  songé  à  sa  commoùilé  qu'à 
se  défendre  contre  l'ennemi  en  se  rassemblant.  Il  y  a  eu  sou- 
vent des  ordres  et  des  projets  de  la  cour  pour  rassembler 
des  villages;  cela  a  toujours  souffert  des  contradictions.  M.  de 
la  Galissonnière  est  un  des  gouverneurs  généraux  qui  a  eu 
le  plus  à  cœur  ce  projet,  sur  lequel  il  y  auroit,  je  crois,  un 
party  mitoyen  à  prendre  fort  sage,  qui  seroit  de  ne  l'exiger 
que  dans  de  nouvelles  concessions,  ou  dans  les  villages  abso- 
lument sur  la  frontière. 

Abus  sur  les  bois.  —  Quoique  les  bois  soient  bien  comujuns 
en  Canada,  il  faudroit  faire  des  règlemens  pour  l'exploita- 
tion çt  consommation  de  ceux  qui  sont  à  portée  des  villes, 
autrement  le  bois  y  sera  bientôt  rare,  et  on  aura  de  la  peine 
à  le  tirer;  il  faudra  le  faire  venir  de  loin. 


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1.  De  la  fabrique  d'armes  k  feu  de  Tûllft  (Qorrèie). 


—  600 


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Hospitalité.  —  Il  n'y  a  nul  cabaret  sur  la  route  de  Monl- 
Réal  à  Québec,  la  seule  qui  soit  beaucoup  pratiquée  en  Ca- 
nada; mais  Ton  trouve  des  maisons  de  bons  habitans  qui 
exercent  noblement  rhospilaiité,  et  on  les  paye  encore,  plus 
noblement  et  arbitrairement.  Quand  on  va  dans  les  Pays  d'en 
Haut  ou  du  c<Mé  du  fort  Saint-Frédéric,  on  campe  avec  des 
petites  tentes  de  toiles  ou  des  prélats ,  et  souvent  les  voya- 
geurs ne  se  servent  que  de  leurs  canots. 

Justice.  —  Le  procureur  .général  est  pour  l'ordinaire  un 
avocat  du  parlement  de  Paris  à  qui  on  donne  cette  place. 
Outre  ses  appoinlemens  ordinaires,  il  a  600  fr.  pour  mon- 
trer aux  conseillers  le  droit  par  forme  de  conférence. 

Maisons  de  fous.  —  Il  y  a  un  établissement  à  Québec  pour 
enfermer  les  fols;  il  n'y  a  des  hôpitaux  en  Canada  que  pour 
les  malades.  Il  n'y  en  a  point  pour  les  pauvres.  Il  en  pour- 
roitêtre  de  môme  partout;  les  hôpitaux  des  pauvres  ne  ser- 
vent qu'à  autoriser  la  fainéantise  ;  et  il  n'y  a  en  effet  presque 
point  de  pauvres  et  on  ne  demande  ni  dans  les  rues  ni  dans 
les  églises,  mais  ceux  qui  sont  dans  le  vrai  besoin  demandent 
avec  des  permissions  du  curé. 

Agents  de  la  compagnie  de^  Indes.  —La  compagnie  d(3S  Indes 
entretient  deux  agents,  un  à  Québec  et  Tautre  à  Mont-Réal;  un 
contrôleur  et  un  visiteur,  ce  dernier  a  1000  fr.  d'appointe- 
mens.  On  envoyé  en  France  les  peaux  de  castors  par  ballots, 
chaque  ballot  du  poids  de  120  livres.  Chaque  année  on  envoyé 
1200  ballots  qui,  à  4  fr.  la  livre  font  de  5  à  6  mille  francs,  à 
la  vérité  il  faut  être  en  temps  de  paix,  cette  année  cy  il  n'y  a 
pas  eu  plus  de  cent  mille  livres  en  poids  pesant  de  casior  et 
encore  la  prise  de  Choueguen  y  a  contribué. 

Montant  du  commerce  du  Canada.  —  Le  commerce  du  Ca- 
nada en  marchandises  d'exportation  peut  aller  en  temps  de 
paix  à  environ  deux  millions.  Celui  d'iu)portation  à  environ 
trois  millions.  Il  est  aisé  de  le  déterminer  par  les  droits  d'en- 
trée établis  à  Québec;  droits  qui  valent  100  mille  écus  par  an 
au  roy. 

Richesse  de  la  colonie.  —  La  guerre  enrichit  le  Canada,  avant 
la  guerre  de  1741  le  Canada  devoit  trois  ou  quatre  cent  mille 
francs  à  la  France  et  à  la  fin  de  la  guerre  la  France  lui  de- 
voit plus  d'un  million.  Cette  guerre  cy  peut  affaiblir  le  Canada 
par  la  destruction  des  hommes,  les  soldats  qu'on  y  laissera 
mariés  les  remplaceront  et  il  y  aura  dans  la  colonie  une 
richesse  immense  et  elle  ^eroit  encore  plus  grande  si  les 


—  601   —     ' 

grandes  fortunes  n'étoient  pas  exclusivement  entre  les  mains 
de  trois  ou  quatre  particuliers  qui  se  trouvant  trop  riches 
pour  le  Canada,  les  emporteront  en  France. 

Impositions.  —  Il  n'y  a  d'autres  impositions  en  Canada  qae 
les  droits  d'entrée  et  une  très-modique  taxe  que  l'on  paye  à, 
Québec  pour  l'entretien  des  casernes,  aussi  le  roy  paye  dans 
cette  ville  le  logement  de  ses  officiers.  Monsieur  l'intendant 
l'a  réglée  à  dix  écus  par  mois  par  officier  cette  taxe-là. 

Fortifications.  —  A  Mont-Réal  il  y  a  6500  fr.  affectés  pour 
l'entretien  des  fortifications,  de  cette  taxe  messieurs  du  sémi- 
naire en  payent  2000  francs  ;  quoique  messieurs  du  séminaire 
soient  seigneurs  de  Mont-Réal  ils  n'ont  que  les  droits  utiles. 
Ils  ont  même  les  droits  d'échange  pour  les  lois,  mais  la  jus- 
tice s'y  rend  au  nom  du  roy. 

Bailliages.  —  Dans  les  trois  baillages  il  n'y  a  qu'un  lieute- 
nant général,  et  un  procureur  du  roy  et  on  prend  les  notaires 
pour  assesseurs. 

Concessions.  —  Toutes  les  terres  que  le  roy  possède  sont 
réunies  à  son  domaine  et  peuvent  être  concédées  à  d'autre, 
si  dans  l'an  et  jour  on  n'y  a  placé  des  habitans  faisant  feu. 
Le  roy  se  réserve  toujours  d'y  prendre  les  bois  de  chêne, 
qu'il  juge  à  propos.  Il  paye  les  autres  sur  un  pied  réglé,  mes- 
sieurs du  séminaire  de  Saint-Sulpice  prétendent  avoir  une 
exemption  pour  les  leurs. 

Les  gouverneurs  généraux  ont  paru  jusqu'à  présent  plus 
occupés  d'asservir  cette  colonie  que  de  la  rendre  florissante. 

Pavé. —  Québec  et  Montréal  devroient  avoir  déjà  des  hôtels 
de  ville,  aussi  il  y  a  peu  de  police  et  nulle  occupation  pour 
leur  agrandissement  et  embellissement.  M.  Bigot  a  fait  com- 
mencer à  Québec  à  paver  quelques  endroits. 

Incendies  fréquents.  —  Les  incendies  sont  fréquens  dans 
ces  deux  villes  et  on  n'y  a  fait  encore  aucun  règlement  pour 
y  remédier,  que  celui  de  défendre  de  bâtir  et  de  réparer  dans 
les  villes  les  maisons  en  bois.  Il  est  encore  nécessaire  de  per- 
mettre qu'on  en  construise  des  mêmes  à  la  campagne,  la 
colonie  n'étant  pas  assez  riche  ny  assez  bien  fondée  et  la 
pierre  n'y  étant  pas  également  commune,  on  pourroil  y  éta- 
bUr  des  pompes. 

Postes  de  la  mer  de  l'Ouest.  —  Le  poste  de  la  Mer  d'Ouest  est 
le  plus  avancé  du  côté  du  nord,  nous  y  sommes  au  milieu 
avec  beaucoup  de  nations  sauvages  avec  lesquellc  nous  com- 
merçons, ils  ne  laissent  pas  que  de  commercer  aussi  avec  les 


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Anglois  du  côté  de  la  baye  d'Hudson,  nous  y  avons  sept  forts 
de  pieux,  établissemens  confiés  pour  l'ordinaire  à  la  garde 
d'un  ou  deux  officiers,  sept  à  huit  soldats  et  quatre-vingts  Ca- 
nadiens engagés.  On  peut  pousser  encore  plus  loin  les  décou- 
vertes que  nous  y  avons  faites  et  se  communiquer  jusqu'à  la 
Californie. 

Le  pays  est  très-abondant  en  toutes  sortes  d'animaux  et 
de  gibiers.  On  y  trouve  des  cerfs,  beaucoup  de  cignes  dont  on 
assure  que  la  chair  est  bonne  à  manger.  Le  gros  commerce 
du  pays  est  en  peaux  de  castors  et  martres,  en  peaux  d'ori- 
gnal dont  on  fait  des  buffles  et  le  poil  sert  aux  différens  ou- 
vrages des  sauvages  en  espèce  de  broderie.  L'orignal  passe 
communément  pour  être  le  même  animal  que  l'élan.  On  y 
trouve  aussi  des  peaux  de  caribous,  animal  qui  passe  pour  être 
leméme  que  le  renne  de  Moscovie;  on  en  fait  des  souliers,  il 
en  vient  beaucoup  plus  du  côté  de  Nepigon  que  partout  ailleurs  ; 
on  en  rapporte  aussi  quelques  peaux  de  bœufs  illinois,  animal 
de  même  espèce  et  de  même  goût  que  nos  bœufs,  mais  qui  a 
une  bosse  sur  le  dos  et  une  laine  frisée  comme  les  cheveu:: 
des  nègres.  Ces  peaux  valent  encore  mieux  que  celles  d'ours 
.  '  >r  faire  des  sacs  ;  les  sauvages  d'en  Haut  se  servent  de  ces 
peaux  dont  ils  font  des  robes,  c'est  ce  qu'on  appelle  le  cas- 
tor gras,  plus  estimé  que  l'autre  parce  qu'il  est  plus  facile  à 
travailler  et  employer  pour  les  manufactures  de  chapeaux. 
Un  des  commerces  de  ce  poste  est  en  Pauls  ;  c'est  une  nation 
sauvage  que  l'on  estime  au  nombre  de  12000  hommes;  les 
autres  nations  lui  font  la  guerre  et  nous  vendent  leurs  escla- 
ves, c'est  la  seule  nation  sauvage  que  nous  croyons  pouvoir 
traiter  de  même. 

Sauvages.  —  Aouapou,  terme  sauvage  employé  par  l'usage 
en  Canada  dans  la  langue  françoise  pour  exprimer  l'habille- 
ment complet  que  l'on  est  obligé  de  donner  à  un  sauvage,  il 
consiste  dans  la  couverte,  la  chemise,  les  mitaines,  les  souliers 
et  le  brayet;  quand  on  y  joint  le  capot,  c'est  présent. 

L'équipement  est  coiume  pour  les  femmes  à  l'exception 
qu'au  lieu  d'un  brayet  on  leur  donne  un  jupon  court  appelé 
machiootté,  et  si  un  jeune  homme  manquoit  de  courage  on 
lui  défendroit  d'aller  à  la  guerre,  et  on  lui  imposeroit  par 
ignominie  de  porter  le  machiootté  ;  les  Cinq-Nations  ayant 
jadis  vaincu  les  Loups,  les  adoptèrent,  leur  défendirent  d'al- 
ler à  la  guerre  et  leur  ordonnèrent  de  porter  le  machicolté. 
Ces  mêmes  Loups  attaqués  par  les  Anglois  il  y  a  quelques  an- 


—  603  — 

nées  et  s'étant  bien  battus  on  leur  a  ôté  le  machicotté  et  on 
leur  a  rendu  le  brayet. 

Apichimon,  tonne  sauvage  usité  dans  la  langue  françolse 
l>ui'mi  les  Canadiens  pour  exprimer  l'équipement  d'hiver,  où 
il  y  a  de  plus  une  peau  d'ours;  une  peau  de  loup  marin,  des 
raquettes,  une  traine,  un  collier  de  portage,  des  mitaines,  etc. 

Courses  à  pied.  —  Il  se  fait  au  Détroit  des  courses  à  pied  de 
sauvages  et  de  Canadiens,  aussi  célèbres  que  celles  des  che- 
vaux en  Angleterre,  elles  se  font  dans  le  printemps,  commu- 
nément il  y  a  cinq  cents  sauvages,  quelquefois  jusqu'à  quinze 
cents  ;  la  course  est  d'une  demi-lieue  aller  et  revenir  du  Dé- 
troit au  village  des  Poutéoiiatamis,  le  chemin  est  beau  et 
large.  Il  y  a  des  poteaux  plantés  aux  deux  extrémités,  les 
paris  sont  très-considérables  et  consistent  en  des  paquetâ  de 
pelleteries  contre  des  marchandises  de  France  et  à  l'usage 
des  sauvages. 

Le  plus  célèbre  Canadien  qui  ait  couru  et  qui  gagnoit  les 
sauvages  est  le  nommé  Campo  ;  sa  supériorité  est  si  reconnue 
qu'il  n'est  plus  admis  aux  courses. 

On  trouve  dans  les  mœurs  des  sauvages  des  traces  des  an- 
ciens usages  des  Grecs,  principalement  je  crois  toujours  voir 
dans  leurs  mœurs  et  coutumes  guerrières  celles  des  héros  de 
l'Illiade  et  de  l'Odyssée,  quelques-uns  d'eux  ont  la  coutume 
comme  les  Hébreux  de  séparer  les  femmes  dans  dos  caban- 
nes  distinctes  des  leurs  et  de  ne  pas  habiter  avec  elles  lors- 
qu'elles ont  leurs  règles.  La  séparation  de  maison  est  peut- 
être  trop  forte,  mais  de  ne  pas  habiter  est  dans  les  principes 
de  la  saine  physique  et  de  l'amour  de  l'humanité  pour  ne  pas 
procréer  une  malheureuse  postérité  destinée  à  v^vre  avec  des 
infirmités. 

Le  roy  donne  beaucoup  de  présens  aux  sauvages  des  Pays 
d'en  Haut,  cela  coûte  année  commune  150  000  francs;  ou  leur 
fournil  leurs  besoins  en  échange  de  pelleteries,  ce  qui  s'appelle 
faire  la  traite,  coutume  qui  enrichit  les  particuliers  à  qui  il 
est  donné  de  la  faire  dans  les  postes  ;  dans  quelques-uns  le  roy 
s'est  réservé  lui-même  le  commerce,  et  comme  il  la  faitdésa- 
vantageusement  par  la  seule  raison  qu'il  est  roy,  le  com- 
merce lui  revient  par  an  à  100  000  écus  de  perte.  Ces  dé- 
penses sont  encore  fort  au-dessous  de  celles  que  l'on  fait  en 
temps  de  guerre  pour  équiper,  armer,  nourrir,  gratitier, 
donner  des  colliers  tant  à  nos  sauvages  domiciliés,  qu'à  ceux 
du  Pays  d'en  haut  quand  nous  voulons  les  faire  descendre. 


—  604  — 


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il 


!•  Route  de  Montréal  à  Frontenac.  —  Cet  itinéraire  est  fait 
la  marche  de  M.  le  marquis  de  Montcalm. 

Le  ^i,  à  la  Chine  gros  bourg  à  trois  lieues  de  Mont- Real  où 
sont  les  hangards,  magasins  du  roy  pour  y  embarquer  tout 
ce  qui  va  dans  les  pays  d'en  haut,  la  rivière  n'est  pas  naviga- 
ble depuis  Mont-Réal  ;  on  propose  depuis  longtemps  de  faire 
un  canal  qui  épargncroit  beaucoup  d'argent  au  roy  obligé  de 
tout  faire  transporter  par  terre,  de  Montréal  à  la  Chine  et 
ôteroit  aux  plumistes  écrivains  et  commis,  le  moyen  d'avoir 
des  équipages  aux  dépens  du  roy. 

Le  22,  Journée  de  huit  lieues  pour  venir  à  la  pointe  Cou- 
longe  après  avoir  passé  : 

Vis-à-vis  l'isle  d'Orval  à  deux  lieues  de  la  Chine; 

La  traverse  de  Château-Gay; 

L'isle  Perot  qui  a  une  lieue  de  long; 

La  traverse  des  Cascades  ; 

Les  Buissons,  rapides  ;  forte  course  ;  l'on  porte  par-dessus 
le  coteau  les  canots  et  les  bagages. 

Dans  toute  cette  route,  la  navigation  est  fort  difficile,  mais 
on  trouve  les  plus  beaux  points  de  vue  du  monde.  La  rivière 
est  remplie  d'isles  bien  boisées,  mais  le  lit  en  est  embarrassé 
par  des  roches  presque  à  fleur  d'eau,  retrécy  d'ailleurs  par 
ces  isles.  Il  y  a  pendant  près  de  quarante  lieues  des  cascades 
et  rapides  presque  continuels  ;  aux  cascades,  la  rivière  se  par- 
tage en  deux  branches,  celle  du  sud  se  nomme  la  grande  Ri- 
vière ou  rivière  des  Outaouas,  on  va  à  Michilimakinak  en  la 
suivant;  l'autre  branche  conduit  à  Frontenac  et  aux  Ilinois 
par  des  lacs,  la  terre  qui  sépare  ces  deux  rivières  est  une 
presqu'isle  quia  trois  cents  lieues  de  long  et  va  jusqu'au  Dé- 
troit; cette  terre  dans  sa  plus  grande  largeur  peut  avoir 
vingt-cinq  lieues. 

A  commencer  aux  Cascades,  il  y  a  une  paroisse  nommée 
Saint-Joseph, dont  messieurs  de  Longueil  sont  seigneurs.  Elle 
a  douze  lieues  de  long  et  s'étend  jusqu'à  la  Pointe  au  Bau- 
det. Les  terres  en  tont  excellenlesà  la  côte  du  sud,  à  prendre 
aussi  aux  Cascades  est  une  seigneurie  appartenant  à  M.  de 
Vaudreuil,  sans  paroisse;  les  habitans  vont  àcelledu  lac  des 
Deux  Montagnes,  la  traversée  est  d'une  lieue. 

Le  23,  parti  de  la  pointe  Coulonge. 

Le  coteau  des  Cèdres,  rapide  long  de  demy-lieue;  on  y 
traîne  les  voitures  avec  beaucoup  de  dangers  et  de  peine.  Il 
.  a  portage  au-dessus  d'un  petit  fort  de  pieux  presque  aban- 


—  605 


donné  et  qu'il  faudroit  réparer  contre  les  courses  des  Agniers; 
le  Coteau  du  Lac  a  trois  lieues,  rapide  moins  long  que  celui 
des  Cèdres,  portage,  on  entre  dans  le  lac  Saint-François  qui 
est  à  sept  lieues  des  Cascades  et  il  y  a  sept  lieues  de  long  au 
fond  du  lac,  sur  la  gauche  il  y  a  une  rivière  qui  conduit  après 
quinze  lieues  à  une  mine  qu'on  croit  d'argent.  Passé  aux  ar- 
bres Matachés,  à  l'anse  aux  Bateaux. 

La  pointe  aux  Foins  où  les  habitans  des  Cèdres  viennent 
les  faire  et  les  vont  c'  iirher  l'hiver  sur  les  glaces. 

La  rivière  au  Baudet,  l'anse  au  Baudet,  journée  de  huit 
lieues  depuis  le  lac  Saint-François  jusques  à  la  Chine  ;  la  ri- 
vière ne  prend  pas,  tout  au  plus  les  bords,  le  lac  prend  tou- 
jours, et  la  rivière  jusqu'au  pied  du  Long  Sault. 

Le  24,  passé  à  la  pointe  à  Laniorandière;  l'isleaux  Raisins; 
entré  dans  les  chenaux  à  trois  lieues  de  l'extrémité  du  lac. 
On  aperçoit  le  fort  Saint-Régis,  qui  est  sur  la  rivière  à  la 
Mine;  le  fort  est  de  pieux,  établi  en  1751.  Les  jésuites  y  ont 
une  mission  pour  y  établir  quelques  Iroquois;  beau  canton 
de  chasse  ;  on  trouve  dans  les  chenaux  le  rapide,  appelé  le 
Chenail  écarté,  le  moulinet  très-dangereux.  La  pointe  Maline; 

la  pointe  au  May  ;  la  rivièr-i  de ;  l'isle  à  la  Savate; 

les  Mille  Roches,  au-dessus  desquelles  on  campe  :  journée 
de  dix  lieues. 

Le  25,  le  rapide  du  Moulinet  ;  l'isle  aux  Têtes,  ainsi  nom- 
mée d'une  exécution  que  M.  de  Frontenac  y  a  fait  faire  ;  le 
petit  chenail  du  Long  Sault  ;  le  Rigolet  ;  le  rapide  du  Long 
Sault  où  portage  de  demi-lieue;  le  Grand  Campement;  la 
pointe  au  Fer  à  Cheval  ;  le  Grand  Remou  ;  le  Gourant  ;  la 
pointe  Sainte-Marie  ;  l'isle  au  Chat  ;  la  Grosse  Roche  ;  le  Rapide 
plat,  au-dessus  duquel  on  campe  ;  marche  de  neuf  lieues. 

Le  26,  la  pointe  à  Colas  ;  la  pointe  au  Borgne  ;  le  courant 
de  Sainte-Marie;  la  pointe  aux  Iroquois;  la Presqu'isle  ;  la 
pointe  à  Cardinal  ;  les  Calots  où  un  rapide  facile  ;  l'anse  aux 
Perches,  ainsi  nommée  à  cause  que,  n'y  ayant  plus  de  rapide, 
les  Canadiens  jettent  les  perches  pour  se  servir  des  rames;  la 
pointe  à  l'Ivrogne,  l'isle  aux  Galots  ;  la  pointe  à  la  Galette  ;  le 
fort  de  la  Présentation. 

La  cour  avoit  défendu  tout  établissement  françois  au  delà 
du  Long  Sault.  L'abbé  Piquet  a  obtenu  une  concession  de 
12  arpens;  il  y  a  fait  construire  un  fort  de  pieux  carrés  flan- 
qué de  quatre  petits  bastions,  palissade  en  dehors  et  où 
M.  l'abbé  Piquet  avait  commencé  un  retraiLchement  extérieur 


HEV.   UAR.   —  MAI   1861. 


39 


'il  L 


iiiL 


—  606  — 

avçc  un  fossé  pleii)  d'ei^y  ;  ^  côté  (]u  tort  ^st  un  village  sau- 
vage habile  par  cent  feux  ou  cabanes  iroquoises  et  des  Cinq- 
dations  que  Tony  a  attirées  el  baptisées.  Le  marquis  deMont- 
calrn  y  trouva  des  prétendus  ambassadeurs  des  Cinq-Nations 
avec  qui  il  tint  un  conseil  et  qu'il  envoya  à  Monl-Réal  en  écri- 
vant à  M.  le  niarquis  de  Vaudreuil  de  les  considérer  plus 
comme  des  espions  que  comme  des  ambassadeurs  de 
l'Anglois. 

Le  27  les  sauvages  de  la  PréseJitation  chantèrent  la  guerre; 
pn  leur  accorda  iiiie  vache  et  un  baril  de  vin  pour  faire  le 
festin  de  guerre.  Au  dépari  du  marquis  de Montcalm,  ceslro- 
quois  se  mirent  en  baye,  sous  les  armes;  un  d'eux  ballant 
aux  champs,  les  chefs  saluant  {\c  l'esponion,  et  ils  (ircnl  trois 
décharges  de  mousquelerie  après  avoir  passé  la  pointe  au 
Baril,  â  trois  lieues  du  fort.  On  vint  camper  cinq  lieues 
plus  loin. 

Le  28,  après  avoir  passé  la  Presqu'isle,  h  Tonuiata,  le  Petit 
Détroit;  la  pointe  au  Baptême,  ainsi  nommée  parce  qu'on 
y  baptise  ceux  qui  n'y  ont  janiais  passr,  comiiie  sur  le  Grand 
Banc  ;  les  Mille  Iijles;  à  l'anse  aux  Corbeaux;  à  i'isle  avi?^  Ci-' 
Irons;  campés  à  I'isle  au  Cauchois. 

Le  29,  après  avoir  passé  le  Petit  Rocher,  I'isle  au  Cerf;  I'isle 
aux  Cèdres;  la  pointe  de  Mont-Réal,  nous  sommes  eritrép 
dans  la  baye  de  Kalarakoui,  et  arrivés  sur  les  dix  ht-'Ures  du 
matin  au  fort  de  Frontenac. 

Depuis  le  lac  Saint-François  jusques  à  Frontenac  le  pays 
abonde  en  poissons  acl]igans,poi' sons  dorés,  carpes  et  bar- 
bues, l'ours  el  le  chevrtuil  y  sont  liés  comnu'ns.  On  trouve 
beaucoup  de  marais  où  l'on  lue  outardes,  cignes,  grues,  ca- 
nards noirs,  canards  dils  de  France,  canards  gris,  branchus,la 
sarcelle  à  ailes  bleues  el  vertes.  Aux  environs  de  i'isle  de  To- 
niata,  les  sauvages  tout  une  pêche  abondante  d'apguilles. 

Le  lac  Ontario,  a  cinquante  lieues  de  traverse,  trente  dans 
sa  plus  grande  largeur,  et  deux  cents  de  lour. 

DeFrontenac  à  Cliouegucn. — De  Frontenac  à  I'isle  de  la  Foresl, 
pn  traverse  de  I'isle  de  laPoresl  à  I'isle  au  Chevreuil;  del'isieau 
Chevreuil  à  I'isle  aux  Galops;  de  I'isle  aux  Galops  h  laTerredu 
Sud,  ou  à  la  baye  de  Niouré;  de  la  baye  de  Niouré  on  côtoie 
le  sud  pendant  dix-sept  lieues  jusqu'au  Choue^uen  et  l'on 
trouve  plusieurs  rivières  qui  se  jettent  dans  le  lac,  dont  la 
première  s'appelle  la  rivière  à  Monsieur  le  Comte,  ensuite  la 
rivière  au  Sable,  qui  est  si  abondante  ei^  saumons  qu'au  mois 


—  607  — 

de  juin  et  de  septeml^re  on  les  tue  à  coups  de  bâtons.  La 
troisième  rivière  qu'on  trouve  s'appelle  la  rivière  à  la  Plan- 
che. On  trouve  ensuite  la  rivière  à  la  Grosse  Écorce  à  cinq 
lieues  de  Choucguen,  et  à  trois  lieues  de  Choueguen,  l'anse 
aux  Cabanes,  où  l'année  a  campé,  allant  au  siège  de  Choue- 
guen, et  à  une  pelile  demi-lieue  la  petite  anse  où  l'armée  a 
campé  pour  investir  celte  place. 

La  rivière  de  Choueguen  est  appelée  aussi  la  rivière  des  On- 
nonfagués. 

On  voit  plusieurs  qiseaux  de  proie  sur  le  lac  Ontario,  beau- 
coup d'aifiles,  et,  suivant  M.  de  Noyan,  un  oiseau  qui  a  le 
plumage  du  corhr'iu,  la  grosseur  et  la  ligure  du  dinde.  C'est 
l'oiseau  qui  vole  le  plus  haut  et  le  [ilus  vite;  il  se  fait  sentir 
d'un  quart  do  liene  et  il  l'appelle  l'oiseau  picquant. 

Communication  entre  r Europe  et  l'Ainérique  par  terre.  —  La 
cour  do  Suède  envoya,  du  temps  que  M.  de  La  Galissonnière 
était  gouverneur  général,  le  sieur  Kalm,  de  l'académie  des 
curleu)^  d'Upsid,  faire  des  observations  astronomiques  et 
physiques.  Co  savant  était  persuadé  qu'il  devait  y  avoir  une 
compmiiication  entre  l'Europe  et  l'Amérique  et  que  les  sau- 
vages avaient  une  origine  commune  avec  les  Tartarcs.  Il  se 
fondait  sur  ce  qu'il  assurait  que  beaucopp  de  mots  d'un 
usage  con^piun,  tels  qpe  ceux  de  couteau,  fpu,  etc,  étaient 
les  mêmes  on  langue  abenaquise  qu'en  langue  tartare. 


LOUISIANE. 


Cette  colonie  est  encore  plus  dans  l'enfance,  pour  ainsi 
dire,  que  le  Ganadf^,  daps  un  beau  climat,  riche  par  ses  pro- 
ductions. Il  y  ^  deux  villes  sans  fortifications,  la  Nouvelle- 
Orléaijs,,  belle,  des  rues  bien  alignées,  une  grande,  belle 
place,  avec  deux  corps  de  caserne.  On  devrait  y  faire  une  en- 
ceinte, pe  ser|iil-ce  qu'un  fossé  palissade.  La  Mobile,  petite 
ville  co!i:me  les  Trois-Rivières  ûv  Canada,  quatre  bourgs: 
jos  Illinois,  les  Alibamons,  Natcliiloclies,  la  Pointe  Coupée. 
L'indigo,  )es  mourie^'?,  |ficire,les  bois,  sont  les  richesses  dû 
pays,  qui  produit  de  tout  en  aboudanco  ;  le  tabac  meilleur  que 
la  Virginie.  Vn  compierce  avec  le  Mexique,  le  pays  difficile  à 
conquérir  par  l'Anglois;  les  bâtimens  ont  peine  à  y  aborder; 
pays  aquatique.  Des  digues,  comme  en  Hollande,  en  submer- 
gent une  parti(?  en  cas  de  besoin.  Il  peut  y  avoir  trois  à 


—  608  — 

quatre  mille  blancs,  quatre  mille  nègres,  quarante  compa- 
gnies détachées  de  la  marine,  faisant  deux  mille  hommes, 
trois  cents  Suisses  du  régiment  Dalville.  On  Irouve  aux  Illi- 
nois d'abondantes  mines  de  plomb,  la  place  de  gouverneur 
vaut  treize  mille  livres,  celle  de  commissaire  ordonnateur, 
moins.  Mais  le  talent  supplée  et  quelquefois  va  trop  loin.  Il  n'y 
a  d'autres  ecclésiastiques  que  descupucins  et  des  jésuites.  Le 
roi  y  entretient  deux  cents  nègres  ouvriers  pour  les  divers 
ouvrages  ;  l'ordonnateur  les  emploie  communément  à  son 
utilité,  et  il  en  coûte  encore  cher  au  roi  pour  les  nourrir. 
M.  Le  Normant,  aujourd'hui  adjoint  au  ministère  de  la  ma- 
rine, est  le  seul  qui  les  ait  véritablement  employés  au  ser- 
vice du  roi. 


CONVERSATION  AVEC  LE  SIEUR  BLONDEAU. 


Médecine.  —  Les  sauvages  ont  une  médecine  naturelle  et 
des  médecins.  Ils  vivent  aussi  longtemps  que  nous.  Ils  ont 
moins  de  maladies.  Ils  les  guérissent  quasi  toutes  hors  la 
petite  vérole,  qui  fait  toujours  de  funestes  ravages  chez  eux, 
maladie  qui  leur  était  inconnue  avant  notre  commerce. 

La  vérole  et  toutes  les  maladies  vénériennes  leur  sont  con- 
nues. Ils  les  traitent  avec  des  tisannes  composées  de  quel- 
ques simples  qu'il  n'y  a  qu'eux  ou  quelques  voyageurs  des 
pays  d'en  haut  qui  les  connaissent.  Je  croirais  cependant 
leurs  remèdes  plus  palliatifs  que  curatifs. 

Leurs  grands  principes  pour  la  guérison  de  toutes  les  ma- 
ladies sont:  la  diète  rigoureuse,  faire  suer  le  malade,  employer 
les  vomitifs,  des  purgatifs  et  des  lavemens.  Ils  ne  connaissent 
ny  la  casse,  ny  la  manne,  ny  le  séné,  ny  la  rhubarbe  ny  les 
quinquinas,  mais  ils  produisent  les  mêmes  effets  que  ces 
drogues  avec  des  plantes  qu'ils  connoissent,  dont  ils  font  des 
infusions.  Ils  ont  des  remèdes  particuliers  pour  guérir  les 
tumeurs  scrofuleuses  ou  écrouelles.  Ils  font  peu  d'usage  de 
la  saignée.  Ils  ne  connoissent  point  celle  du  pied.  Ils  font 
cette  opération  à  l'aide  d'un  couteau  bien  pointu  ou  d'une 
pierre  à  fusil.  Ils  font  observer  à  leurs  malades  une  diète 
plus  rigoureuse  que  nousi  Ils  leur  font  un  bouillon  fort 
clair  indistinctement  de  toutes  viandes,  mais  de  préfé- 
rence de  poisson,  sentiment  que  M.  Héquet  auroit  bien 
adopté.  Us  n'excluent,  pour  faire  du  bouillon  à  leurs  ma- 


H 


—  600  — 

lades,  parmi  les  aliments  maigres,  que  l'angnille,  la  truite  et 
l'esturgeon,  et  parmi  les  alimens  gras,  le  dinde,  la  biche, 
l'ours,  le  cochon  et  le  castor  ;  à  juger  pur  leurs  succès, 
ils  sont  aussi  bons  médecins,  que  les  nôtres.  Ils  ne  connois- 
sent  point  les  remèdes  chimiques,  ils  ne  sont  que  grands 
botanistes  et  connoissent  parfaitement  les  simples.  Je  ne 
crois  pas  que  les  médecins  des  sauvages  soient  aussi  ha- 
biles sur  le  fait  de  la  chirurgie.  Ils  remettent  les  os  disloqués. 
Ils  rétablissent  les  fractures,  ilsse  servent  de  bandages,  mais, 
moins  adroits  que  nous,  on  reste  quelquefois  estropié.  Ils  ne 
connoissent  point  l'art  terrible  et  malheureusement  néces- 
saire des  amputations.  Ils  guérissent  les  blessures  qui  ne  sont 
pas  considérables,  en  suant.  Ils  donnent  aussi  des  lisannes 
à  leurs  blessés.  Ils  ont  des  tisanues  adoucissantes  pour  les 
maux  de  poitrine;  aucun  usage  du  lait;  leur  sagamité,  qui 
est  une  préparation  du  blé  d'Inde,  fait  une  nourriture  légère 
et  rafraîchissante.  Ils  ont  aussi  une  tisanne  qu'ils  regardent 
comme  un  très-bon  dissolvant  de  la  pierre  et  des  matières 
graveleuses. 

De  Bougainville.